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JANIN. OUVRAGES LLLUS TRE ET ACCOMPAGNE DE 4° cent dix grands sujets de Rs . GRAVES SUR CUIVRE ET DANS LE TEXTE, 2° CENT DIX CULS-DE-LAMPE représentant des détails de mœurs des animaux et des scènes émpruntées a leur vie domestique ou sauvage, ete., ete.; 3° Cinquante grands sujets imprimés à part à cause de leur dimension, FT OFFRANT LES VUKS LFS PLUS RFMARQUABLES DU JARDIN DRS PLANTES, LES CONSTRUCTIONS, LES FABRIQUES, LES MONUMENTS, KTC., ET PRINCIPALEMENT Une Vue générale du Jardin. — Le Muséum.— La galerie Botanique, de Minéralogie et de Géologie. Les Serres anciennes et nouvelles, — La grande Rotonde. — L'Amphithéatre.— Le palais des Singes. — La grande Ménagerie. La Fosse aux Ours. — Le Cabinet d'Anatomie comparée L'Amplithéätre d'Anatomie. — La Colonne de Daubenton. — Le Cèdre. Les Enclos et Cabanes des Hémiones, du Kangourou, d'une foule de Ruminants, des Pécaris, ete. — La Vallée Suisse, Vues d'intérieur, ete., ete. DES PAYSAGES DES RÉGIONS TROPICALES, DES FORTS VIERGES, Des scènes du pôle, des sujets alpestres ET DES VUES DES LIEUX HABITES PAR LES DIVERSES ESPÈCES ; 4° Planches gravées sur acier et peintes à l’aquarelle, représentant des groupes des plus brillants Oiseaux des deux hémisphères ; B' LES PORTRAITS DE BUFFON ET DE GEORGES CUVIER, EN CAMAIEU et enfin GUN PLAN PERSPECANE DU FARDIN où CARTE CHINOISE. DESSINS D'HISTOIRE NATURELLE par les meilleurs dessinateurs spéciaux, en particulier par MM. WERNER, SUSEMIHL et GUÉMIED ; VUES et sujets divers par MM. J. David, Karl Girardet, Français, Himely, Marville, etc., Gravures sur bois et sur cuivre par MM. Andrew, Best et Leloir. RAANQUNES À dAQUARAANA fessinées par ÉDOUARD TRAVIÈS et gravées par FOURNIER et ANNEDOUCHE ; CARTE CHINOISE dessinée et gravée sur acier par PAUL LEGRAND. Un volume imprimé sur papier vélin glacé de la net du Maras. Paris. Ta SCHNEIDER et LANGRAND, rue d'Erfurth, 1. # \ NZ, ACC NES LE I RPC a LC y TRES = UE <= ANDREW, BEST LÉLOIR ÉNERALE DU JARDIN DES PLANTES, PRISE DU SOMMET DU LABYRINTHE. (Jardin des Plantes.) LE JARDIN DES PLANTES DESCRIPTION ET MOEURS DES MAMMIFÈRES DE LA MENAGERIE ET DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE, PAR M. BOITARD, PRÉCEDÉE D'UNE INTRODUCTION HISTORIQUE, DESCRIPTIVE ET PITTORESQUE PAR M. J. JANIN. PARIS J.-J. DUBOCHET ET C‘, EDITEURS, RUE DE SEINE, 55. 18492 me ee 7 LÉ instituy;: NS SONIAR Ulo 121807 7 JAN13 i04 National ME br da di :; BEST ELCUEN LES GALSRIES D'HISTOIRE NATURELLE ET LA BIBLIOTHÈQUE. + Cardin dés Plantes) on : | « 4 : à isnes ed SL, CL 0, sn nd. SE mit LE JARDIN DES PLANTES. il est un lieu, tout au bout de Paris, qui est à coup sûr le plus bel endroit de rafraîchissement et de repos qui se puisse rencontrer dans ce vaste, obscur ef tumultueux univers parisien. Là se confondent dans un pêle-mêle admirable la fraîcheur, le calme, l'ombrage, les fleurs naissantes, toutes les douces joies de la nature, tous les admirables hasards de la campagne, toutes les latitudes et tous les aspects du monde connu, toutes les productions de la terre habitée et des mers, les oiseaux du ciel, les bêtes féroces du désert, le lion et le bengali, l'éléphant et l'oiseau-mouche, le tigre royal et la chèvre du Thibet. Prêtez l'oreille ! Que de chants d'oiseaux amoureux, que de hurlements épouvantables! Ici les familles des singes, bondissantes, amoureuses, et toutes remplies des plus aimables caprices. Plus loin, dans ce bassin d’eau salée, la famille des tortues, revêtues de riches écailles, qui s'épanouissent au soleil. C'est un bruit à ne pas s'entendre, et c’est en même temps un admirable silence. Levez la tl il LE JARDIN DES PLANTES. tête, le cèdre du Liban vous protége de son ombre gigantesque. Baissez les yeux, la violette des bois jette à vos pieds son humble et chaste parfum. Puis enfin, quand vous êtes fatigué de cette course à travers la création, quand vos yeux se sont repus de la couleur des papillons et des roses, quand vous avez passé en revue ces myriades d'insectes aux ailes d’or, quand vous avez touché de vos mains l'or et l'argent, le charbon et le fer, tous les trésors que la terre enferme, allez vous asseoir auprès de la fontaine murmurante, sur ce vaste banc de roche calcaire, tout au-dessous de ces vastes poutres qui ont appartenu à la baleine. Mais cependant savez-vous sur quels débris solennels vous êtes assis ? Vous êtes assis sur les débris du mastodonte, sur quelque animal antc- diluvien reconnu et nommé par Cuvier ! Quelle histoire à écrire, l'histoire de ce charmant et savant petit coin de terre qui n’a pas son égal dans le monde! Autant vaudrait écrire l'histoire de l'univers tout entier. Non pas l'histoire des hommes armés, des nations qui se précipitent l'une sur l’autre, des multitudes qui s’en vont çà et là dans l'émi- gration, cherchant le pain et la terre de chaque jour. Insipide histoire celle-là, toujours la même, toujours sanglante, où reparaissent à des époques déter- minées les mêmes passions, les mêmes crimes, les mêmes révolutions, les mêmes meurtres, épais nuages à peine sillonnés par quelques grands hommes. Mais l'histoire dont je parle, l’histoire de ce jardin miraculeux, posé sur les rives de la Seine par quelque main bienfaisante et prévoyante, c’est l'histoire éternel lement pittoresque et variée de la fleur qui se cache dans l'herbe, de l'insecte qui bruit sous le gazon, de la ronce veloutée, de la mine enfouie, de la mon- tagne et de la vallée, l'histoire de l'aigle qui regarde le soleil et du moucheron enfant de l'air. Tout ce qui respire, tout ce qui existe, tout ce qui resplendit dans les eaux, sur la terre et dans le ciel, tout ce qui rampe et tout ce qui vole, tout ce qui gronde et tout ce qui se lamente, le premier animal de la créa- tion et le dernier, tel serait le sujet de ce livre : Nostri forago libelli. Mais que faire ? que devenir? comment ne pas se perdre dans un si vaste sujet? Un homme l'avait tenté, le seul homme qui fût digne de l’entreprendre ; cet homme avait le coup d'œil et l'intelligence, l'émotion intérieure et le style, l'orgueil et la fierté ; il était le seul qui füt peut-être à la hauteur d'un pareil sujet. Cet homme, vous l'avez nommé, c’est M. de Buffon, et cependant, Ô grand Dieu ! vous qui êtes le dieu de l'hysope et du cèdre, vous qui avez fait honte à la magnificence de Salomon, rien qu'en déployant la robe blanche du lis de la vallée, vous savez si M. de Buffon lui-même, Buffon votre historien et votre favori, était à la hauteur de ce vaste sujet. Non certes ; pour raconter cette histoire de l'univers que Dieu a créé, il n’y a que Dieu lui-même. C'est à peu près ce qu'on a dit de César : qu'il était le seul digne d'expliquer les batailles qu’il avait gagnées. Non certes, ce n’est pas nous qui passerons en revue, même à propos de ces quinze cents pieds de terre, toutes les merveilles de la création. On veut cependant que je vous raconte à ma manière, à la façon d’un homme qui admire plus qu'il ne comprend, les principaux détails de l'histoire du Jardin des Plantes, ce résumé de l'univers. Il faut que, tout en laissant de côté ce magnifique ensemble des sciences naturelles, nous vous fassions voir, LE JARDIN DES PLANTES. ni pour ainsi dire à vol d'oiseau, ces plantes vivantes et ces plantes mortes, ces bêtes féroces, arrivées hier hurlantes et bondissantes du fond des déserts, et ces cadavres inconnus sur lesquels à passé plus d’un déluge. Chose étrange, cette admirable idée de réunir dans un seul et même lieu tous les chefs- d'œuvre de la création ne date guère que de deux cents années. Avant Louis XI, la France n'avait eu ni assez de repos, ni assez de loisirs, ni assez d'or pour s'abandonner en toute liberté à sa passion pour les merveilles les plus rares. François E , le roi chevalier, nous avait, il est vrai, enseigné à aimer les tableaux, les statues, les monuments de tout genre, les rares chefs-d’œuvre où la forme emporte le fond; mais ce prince brillant et léger n'avait pas été au dela de la forme; la couleur, l'éclat, la beauté extérieure lui plaisaient avant toute chose; pour une agrafe de Cellini, pour un tableau du Primatice, pour une sculpture capricieuse de-Jean Goujon, ileût donné tout ce qui est le mou- vement et la vie. En ce temps-là, nous étions bien plus des Florentins, qui se passionnent pour la forme, que des philosophes qui se passionnent pour l'idée. Parler de toutes ces choses au roi Henri IV, c'eût été perdre, en toute perte, son latin, sa prévoyance et son esprit. Le roi Henri s'occupait, avant tout, de la finance et de la bataille. Ce fut son fils, le roi Louis XII, esprit bienveillant et malade, homme timide, qui à attaché son nom aux choses les plus har- dies de notre histoire; ce fut Louis XII qui, le premier, eut l'honneur d’ache- ter de ses deniers, dans le faubourg Saint-Victor, loin, bien loin de tous les bruits et de tous les mouvements de la ville, vingt-quatre arpents d’une terre inculte et négligée. Tel fut l’humble et modeste commencement du Jardin des Plantes. Le docteur Bouvard, premier médecin du roi, fut le vieil Évandre de cette Rome nouvelle et verdoyante qui s'élevait sur ces hauteurs. Le premier parterre de ce jardin se composait de quarante-cinq toises de longueur sur trente-cinq toises de largeur ; il était encore trop vaste pour les plantes qu'on avait à y mettre, mais peu à peu les plantes ont poussé, le Jardin s’est étendu, une petite serre a été bâtie. Gaston d'Orléans, qui aimait les plantes et les fleurs, envoya au Jardin nouveau-né quelques frais échantillons de son jardin de Blois, jusqu'à ce qu'enfin arriva Colbert, cet homme qui a deviné tant de choses. Colbert, d'un coup d'œil, eut bientôt compris tout l'avenir des vingt- quatre arpents du faubourg Saint-Victor. Fagon, le médecin du roi Louis XIV, présenta Tournefort à Colbert. Tournefort est le premier historien des plantes, il nous à appris à les aimer, à les connaître ; il a deviné leur famille, il à in- diqué les premiers noms qu'elles ont porté ; pour tout dire, il est le loyal et net prédécesseur d'Antoine de Jussieu, le grand naturaliste. À vingt-trois ans, M. de Jussieu était professeur au Jardin du Roi; il avait parcouru l'Espagne et le Portugal, ramassant avec une curiosité pleine de dévotion les moindres brins d'herbes que produit cet air brülant. Antoine de Jussieu est une des plus gran- des créations de Fagon le médecin; c'est au Jardin du Roi que se retira ce sé vère serviteur du roi Louis XIV ; c’est là qu'il voulut mourir. Le Jardin, recon- naissant, à conservé avec respect la mémoire de Fagon. Enfin, en 1759, le roi véritable du Jardin; celui qui l'a agrandi, qui l’a sauvé, celui-là même qui en est l'historien et le démonstrateur tout-puissant, M. de Buffon, devait porter pendant quarante-neuf ans cet illustre et utile fardeau. Certes, sans être un iv LE JARDIN DES PLANTES. ambitieux, sans envier la gloire de ceux qui ont fondé des monarchies, qui ont sauvé des peuples entiers, qui ont agrandi des villes capitales, on ne peut s'empêcher d'admirer et d'envier peut-être, car c’est à une noble envie, la loire et le bonheur de M. de Buffon. Quelle gloire immense en effet, et quelle joie, et quelles batailles pacifiques! M. de Buffon arrivait au milieu de cette œuyre à peine commencée, en se disant à lui-même qu'il l'achèverait un jour. H arrivait au milieu de ce désordre, de ce chaos, du pêle-mêle savant et peu logique de ces plantes naissantes, de ces débris sans nombre, de ces formes brisées, et il se disait tout bas : Je vais tirer du chaos toutes choses, je vais re- mettre à leur place l'arbre et la plante, la mousse et la fleur, je vais prononcer du haut de mon génie le fiat lux pour chaque fruit de l’espalier, pour chaque fleur en son bouton, pour chaque animal venu de toutes les parties du monde ; j'élèverai les vallées, j'abaisserai les montagnes, j'aurai à mon gré un fleuve ou une mer, un frais pâturage ou une caverne, la rosée bienfaisante et le chaud rayon du soleil. Mes vingt-quatre arpents de terre, je les veux agrandir outre mesure, jusqu'à ce qu'enfin j'y aie renfermé une miniature de l'univers. De cette création faite par moi et pour moi je serai le Dieu d’abord, et ensuite j'en serai plus que le Dieu, j'en serai le nomenelateur, j'en serai l'historien. On raconte qu'une fois le premier homme créé, Dieu dit à Adam : Te voilà, c'est à toi à nommer toutes Iles choses de la création. Voilà ce que se dit à lui- même M. de Buffon quand il se vit le maître du Jardin du Roi. Cette fois donc son œuvre était trouvée, sa täche éternelle commençait ; jusqu’à la fin de sa vie, il devait marcher dans ces sentiers de fleurs et d'épines, fleurs dévouées et obéissantes, épines qui ne blessent pas ceux qui les regardent avec respect, avec amour. Voici donc M. de Buffon qui prend possession de son domaine. C'était triste à voir ce domaine de la nature. Deux salles basses suffisaient, et au delà, à contenir des curiosités dignes de la foire : deux ou trois squelettes vermoulus, des herbiers en désordre; le Jardin était planté au hasard: pas une allée, pas un sentier tracé, pas un arbre qui füt à sa place. I fallut bâtir, il fallut planter, il fallut agrandir toutes choses, surtout il fallut trouver des hommes qui vinssent en aide au grand naturaliste ; ear déjà M. de Buffon, comme un digne émule de Pline l'ancien, songeait à écrire l'histoire naturelle, ce livre immense qui n’a d’autres bornes que les bornes de l'univers. | « Le premier qui vint en aide à M. de Buffon, c'était un homme d’une grande science , nommé Daubenton. I fut chargé de l'arrangement du cabinet, il dis- posa les collections, il fit quatre divisions principales des divers règnes de Ja nature; il invoqua, au nom de M. de Buffon son maître, le secours de tous les voyageurs. À l'exemple d'Antoine de Jussieu, qui envoyait à ses frais ses plus zélés disciples pour ramasser des plantes et des graines, Daubenton recueillit des livres, des échantillons de tout genre. A côté de cette famille des Jussieu , les bienfaiteurs du genre humain, il faut placer Jean-André Thouin et son fils An- dré. Ainsi peu à peu tout le Jardin prenait une face nouvelle. M. de Buffon communiquait à toutes choses la persévérance de son esprit; tous ces gens-là s'aimaient et s’entr'aidaient les uns les autres. On eût dit une colonie de culti- vateurs, ou mieux encore une réunion de disciples de Saint-Simon ou de Fou- LE JARDIN DES PLANTES. v rier. Déjà la nomenclature de Linné, plus facile et plus commode que celle de Tournefort, aidait merveilleusement à la science. À chaque saison nouvelle le jardin était en progrès ; on jetait à bas les vicilles maisons, on en bâtissait de nouvelles, on élevait des montagnes, on creusait des vallons; partout le râteau, partout la bêche. Bientôt on fut à bout de toute terre cultivée ; il y avait là tout auprès les jardins de l'abbaye Saint-Victor, puis un vaste enclos traversé par la rivière de Bièvre. A force de sollicitation et de dépenses, l’enclos est acheté, le jarJin de l'abbaye est envahi ; nous voilà maintenant sur les bords de la Seine, qui nous donne son eau fécondante. Regardez, à cette heure quels progrès déjà! Vous avez des arbres de toutes les saisons, vous avez une école d'arbres à fruits, un semis de plantes éconemiques, toute une école de culture. Bientôt le local est nivelé, les bassins sont creusés, le mur d'enceinte est bâti, la belle terrasse s'élève le long du quai; mais ce n’est pas assez. Un terrain situé à l'ex- trémité des marronniers convient à M. de Buffon, et M. de Buffon l’achète. C'é- tait un jardin plus bas que le premier, abrité du nord et de l'ouest. Là furent transportées les couches destinées aux semis; là furent cultivées les plantes les plus délicates. L'année suivante, en 1774, fut élevée la première serre digne de contenir de belles plantes. Fels étaient les progrès rapides de la botanique ; et comme toute fortune tient à une autre fortune, tout progrès à un autre pro- grès, le cabinet grandissait en même temps que le Jardin. Ce cabinet était le centre unique où venaient aboutir de toutes parts les merveilleux et inesti- mables fragments dont se compose l'histoire naturelle, riches échantillons dispersés dans tout l'univers, dans les entrailles de la terre, sur le bord de tous les rivages, au sommet de toutes les montagnes, dans les volcans, dans Îles ruines, dans les déserts, poussière du monde passé, productions du monde présent, échantillons des mondes à venir. Il fallut donc agrandir les bâtiments comme on avait agrandi le jardin; puis bientôt les collectionneurs arrivèrent offrant chacun sa collection, c’est-à-dire la passion de sa vie, pour augmenter ce bel ensemble. La première de toutes, l'Académie des sciences envoya au Cabinet du Roi son cabinet d'anatomie; le comte d’Angivilliers offrit le sien ; les missionnaires de la Chine, ardents propagateurs de la foi chrétienne, en- voyaient à M. de Buffon tous les échantillons qu'ils pouvaient ramasser dans ce fabuleux et céleste empire où nul Européen n'avait pénétré avant eux. Le roi de Pologne s’estima heureux d'offrir au Jardin du Roi les plus beaux miné- raux. On envoya chercher dans l'Inde une collection de zoologie. Bougain- ville rapporta de son voyage autour du monde tout ce qu'il en put rappor- ter pour le Jardin du Roi, donnant ainsi un exemple qui a été suivi par les navigateurs à venir. Dans ce concours unanime de toutes les fortes intelligences de l'Europe pour doter un établissement si nouveau, il n'y eut pas jusqu’à la grande Catherine qui ne tint à honneur d'envoyer au Cabinet d'histoire natu- relle les plus beaux animaux du Nord, les plus rares fragments de zoologie. C'était une femme qui entendait la gloire à la façon des grands rois. Elle savait par cœur toute la France du dix-huitième siècle, elle l'aimait dans ses moin- dres détails. De tout ce qui lui paraissait digne d'envie, ce que la grande Cathe- rine enviait le plus à la France, c’étaient ses hommes de génie, c'était Voltaire, c'était Diderot et d'Alembert, c'était M. de Buffon qu'elle avait appelé dans vI LE JARDIN DES PLANTES. son empire, avec cette coquetterie royale et charmante, à laquelle il était si difficile de résister. Mais M. de Buffon, tout entier à sa double création, à son livre et à son Jardin, envoya son fils à sa place. Cependant le Jardin grandissait toujours. Sur ces entrefaites, furent publiés les premiers volumes de l'Histoire naturelle, ce chef-d'œuvre d'éloquence où M. de Buffon ralliait à lui, d’une fa- con irrésistible, tous les naturalistes de l'Europe. A bien prendre, le Jardin du Roi et l'Histoire naturelle, €’est la même œuvre : l'un tient à l'autre par un lien que rien ne saurait rompre. Sans le Jardin du Roi, jamais M. de Buffon n'aurait écrit son livre; sans le livre de M. de Buffon, le Jardin du Roi n'aurait pas conquis tout d’un coup, comme il à fait, l'admiration de l'Europe savante. Autour de ce Jardin et de ce livre se sont groupés tous les amateurs pas- sionnés de l'histoire naturelle. Quiconque avait étudié avec soin, avec amour, la partie la plus imperceptible de ce vaste univers, une graine, un insecte, un papillon, une plante, était le bienvenu à adresser à M. de Buffon ses pro- pres découvertes. — Voilà, Monsieur, ce que je sais, voilà ce que j'ai appris, voilà ce que j'ai découvert; et M. de Buffon répondait, à coup sûr, à ce con- frère inconnu, une lettre de remerciments, où il appelait son collaborateur. Ainsi l'historien de la nature était représenté dans le monde entier par toute sorte de correspondants et d’ambassadeurs, disciples dévoués de son travail et de son génie. Cet homme voyait de très-haut toutes choses ; il aimait les collec- tions, ilest vrai, mais il les aimait pour s’en servir en grand historien. I n’au- rait guère été satisfait s’il lui eût fallu se maintenir, sans fin et sans cesse, dans la description minutieuse des moindres fragments du grand ensemble ; mais, au contraire, ce qui le rendait heureux et fier, c'était de reconstruire ces formes éparses, c'était de rendre la vie, le mouvement, la pensée et l’orgueil aux ani- maux de la création divine; c'était de nous les montrer, non pas tels que la dissection nous les avait faits, mais tels qu'ils étaient sortis du caprice ou de la main de Dieu. Le lion rugissant, le tigre qui bondit, le cheval indocile au frein, la génisse superbe, le taureau amoureux, le cerf fuyant au son du cor, la chèvre qui broute le eytise en fleurs; le chien, ce compagnon de l'homme; le coq, roi de la basse-cour; il n’y a pas jusqu’à l'âne, l'assidu, l'entêté et l'in fatigable ami du laboureur, l'humble animal que M. Delille n'aurait jamais osé nommer dans ses vers, à qui M.de Buffon n'ait accordé une grande place dans son histoire; même il a écrit au sujet de ce pauvre âne, qui fut plus tard un des héros de Sterne, les pages les plus touchantes de son histoire, pages hono- rables pour tous deux, pour l'âne et pour M. de Buffon, car il a rendu justice au plus patient et au plus sobre des travailleurs. En même temps ce beau cha- pitre, si plein de raison, de justice et de bon sens, doit absoudre à tout jamais M. de Buffon du niais reproche d'enflure et d’emphase avec lequel on l'attaque depuis si longtemps. Mais, tenez, puisque nous en sommes arrivés à cet homme célèbre , le véritable fondateur du Jardin du Roi, pourquoi ne pas vous ra- conter sa vie? Ce sera là, sans contredit, la plus noble introduction qui se puisse faire à ce livre du Jardin des Plantes, dont un plus savant que moi sera l'histo- rien. Georges-Louis Leclere, comte de Buffon, était né à Montbart en Bourgogne, ie 7 septembre 1707. Son père était un homme riche et un savant magistrat , LE JARDIN DES PLANTES. VIT et il laissa son fils s'abandonner en toute liberté aux inspirations naturelles ce son génie. Le jeune Leclerc, obéissant au secret instinct qui le poussait, entre- prit un voyage en Angleterre ; l'Angleterre était dans ce temps-là une espèce de monde à part où nous allions chercher le drame, le roman, la poésie, la Ii- berté, la philosophie, l'économie politique, la pondération des pouvoirs, l'é- mancipation du peuple, toutes sortes de choses dont s'inquiétaient, d’une façon déjà turbulente, l'ambition et l'avenir de la France. Notre jeune homme, plus modeste, ne savait pas encore ce qu'il allait chercher en Angleterre. I y trouva ce qu'on y trouvait alors, une grande nation heureuse et fière de la révolution qu'elle avait accomplie, qui avait payé cette révolution au prix de son sang et de son or, et qui, maintenant, après tant de révolutions et de tem- pêtes, après ce roi égorgé, cette dynastie reprise et chassée de nouveau, regar- dait sans effroi les tempêtes, les batailles et les prospérités de l'avenir. Le spec- tacle d'un peuple ainsi fait était un spectacle d'autant plus grand et solennel, que la France était encore bien loin de pouvoir rêver de semblables destinées. Dans cette grande nation, les débuts de ce jeune homme, qui devait être M. de Buffon plus tard, furent simples et modestes. Il commença par apprendre la langue du peuple qu'il visitait, et pour bien commencer, il se mit à traduire, voyez le hasard quand on à du génie! la Suuique des vegétaux de Hales et le Traité des fluxions de Newton; si bien qu'il apprit en même temps la langue anglaise, et, qui plus est, la grande langue de la science. Ainsi il commença tout à la fois à s'occuper de géométrie et des sciences naturelles. Ses premières années furent consacrées à se préparer aux études qui lui convenaient le plus. il aurait pu devenir un grand géomètre, sa bonne étoile en fit le plus grand naturaliste de son siècle. Vous avez vu tout à l'heure comment cette place de directeur du Jardin du Roi indiqua à M. de Buffon sa vocation véritable : et certes, il se faisait bien temps que l'histoire naturelle eût son historien parmi nous. Avant celui-là toute notre histoire naturelle se composait de méchantes compilations sans talent et sans nom d'auteur, de sèches nomen- clatures auxquelles le publie, c'est-à-dire tout le monde, n’avait rien à com- prendre, et enfin de quelques traités excellents détachés du grand ensemble des choses créées. Dans cette révolution qu'il allait entreprendre et qui fut précédée de bien des doutes cruels, car enfin il ignorait encore cette toute-puissance du style qui était en lui, M. de Buffon avait choisi pour ses modèles ct pour ses maîtres deux grands modèles et deux grands maîtres, Aristote et Pline l'an- cien : Aristote, qui a deviné toutes choses, l'histoire naturelle, la rhétorique, l'éloquence, la constitution ; Pline l'ancien, qui a trouvé le premier l'élévation, le langage, la passion, le style de l'histoire naturelle; celui-ci exact et profond, ne donnant rien au hasard, ne parlant que ce qu'il a vu et entendu, trouvant le premier anneau de cette chaîne des êtres créés qui a servi à Cuvier pour devi- ner à son tour tous les mystères de la création ; celui-là qui a donné à la vie du monde entier cette vie si brillante et ces puissantes couleurs. Certes, il n’a fallu rien moins que le plus rare et le plus passionné génie pour réunir dans le même ensemble tant d'imagination et tant de science ; ilne fallait rien moins que toute cette éloquence pour rendre les peuples de FEurope attentifs à cette histoire qui est réellement l'histoire universelle. Les quinze premiers volumes de VIH LE JARDIN DES PLANTES. listoire naturelle furent publiés de 1749 à 1767; ils traitaient de la théorie de la terre, de la nature des animaux, de l’histoire de l'homme, de l'histoire des quadrupèdes vivipares. Buffon et Daubenton s'étaient partagé cette tâche difficile et compliquée ; chacun d'eux avait pris la part qui lui convenait. M. de Buffon avait gardé pour lui la poésie et la philosophie de cette histoire, il expli- quait, à la façon d’un Bossuet, mais d’un Bossuet exact, les théories générales, les grands aspects et les grands phénomènes de la nature; il disait les mœurs des animaux, il en racontait les passions, les habitudes, les instincts, il agissait, passez-moi la comparaison, tout comme avait agi La Fontaine lui- même; seulement dans ces drames charmants, l'honneur de la poésie frar- caise, La Fontaine avait à cœur de nous montrer comment, par leur sagesse providentielle, par leur ruse ingénieuse, par leur bonhomie native, par la vérité de leur allure, par la profondeur inexplicable de leur génie, les animaux avaient été mis et créés au monde tout exprès pour donner aux hommes les plus utiles leçons de la philosophie et de la morale, pendant que M. de Buffon, au contraire, relevant à la fois l'homme et la brute dont il était équitable historien, s'atta- chait à nous démontrer comment et pourquoi tous les animaux de ce globe sont peut-être égaux devant Dieu et devantles philosophes. Pour un instant il laissait l'âme de côté ; mais l'instinct, cette 4me du second degré, lui suffisait à expli- quer l'homme et le tigre, l'homme et l'âne qui broute, l'homme etle rossignol qui chante sa plainte harmonieuse dans les bois. Tel était le grand vol que prenait M. de Buffon dans cette histoire naturelle, qui n'a d'autres bornes que les limi- tes de la terre et du ciel. IH était grand par la pensée, il était grand par la parole. D'un pas ferme et sûr, il suivait son chemin à travers le monde, s'occu- pant avec un égal bonheur, avec le même enthousiasme, de l'éléphant ct du ciron. Dans cette marche hardie et calme, rien ne l'inquiétait, rien ne lui faisait obstacle, car tout d'abord il avait nivelé le monde pour que son génie s'y püt déployer tout à l'aise. H avait abaissé les montagnes, il avait comblé les vallées, il avait desséché les fleuves et les mers, il avait ouvert le globe pour savoir enfin ce que les mers et les fleuves et le globe contenaient dans leur sein. Ainsi il s'était dégagé tout d'un coup des anciennes théories, des vieux obstacles, des détails pénibles. Avant lui, le naturaliste se servait du microscope, mais lui il voyait toutes choses avec ce coup d'œil qui donnait aux moindres détails de la nature des dimensions énormes. Ainsi s'est accompli ce grand ouvrage de l'Elistoirc naturelle où l'ensemble est tout, où les détails disparaissent emportés dans le tourbillon de l'univers. En même temps, mais dans des sentiers plus calmes, d'un pas lent et mo- deste , arrivait Daubenton , curieux et intelligent nomenclateur des moindres détails de cette histoire qu'ils faisaient à eux deux. Celui-là voyait de très- près, M. de Buffon voyait de très-haut. Il reconnaissait, chemin faisant, tous les fragments dédaignés par son fougueux compagnon de voyage. I restait assis des heures entières à voir, à contempler, à étudier, à admirer, à juger les héros de leur livre. Il disséquait minutieusement l'animal dont M. de Buffon esquissait l'histoire à grands traits. Et cependant, tout en marchant ainsi à petits pas, Daubenton lui-même se trouva fatigué de suivre ce rude jouteur. La lassitude le prit au milieu du chemin; il s'arrêta, n’en pouvant plus; scule- LE JARDIN DES PLANTES. IX ment il se mit à marcher seul ; il s'abandonna librement à sa iente contempla- tion, à son étude partielle du monde; pendant ce temps, M. de Buffon courait toujours. De 17S5 à 178$ furent publiés les cinq volumes de minéraux ; les sept vo- lumes de supplément ont suivi jusqu'en 1789; là s'arrête M. de Buffon. La mort le prit au moment le plus éclatant de notre histoire, à l'instant même où la liberté française paraissait conquise, la mort le prit afin, sans doute, qu’il ne füt pas témoin du meurtre de son fils sur l'échafaud et de l'éclatant dés- honneur de sa bru dans la maison du duc d'Orléans. Ajoutez à cette œuvre ses Époques de la Nature, cette théorie de la terre dans laquelle il a dé- ployé d'une main si ferme toutes les magnificences du style; cinquante ans de la vie la plus laborieuse, la plus calme et la mieux réglée, cinquante ans de zèle, de haute administration, d'un dévouement de tous les jours, d’une cor- respondance infinie sur tous les points du globe, avaient suffi à peine à com- pléter cet immense travail. A voir ce que font les hommes de nos jours au milieu de ces agitations misérables, à voir ce qu'a fait celui-ci au plus fort des conquêtes, des émeutes, des révoltes et des victoires de 1789, on se prend à sourire de pitié. Plus d'un, outre Daubenton, à mis la main à ce travail ; mais ces gloires passagères ont été dévorées par la gloire du maître. On cite de M. Guénaud de Montbéliard quelques beaux chapitres d'un grand style, et de ces chapitreson ne peut dire que ceci : C'est le style de Buffon! Le style de Buffon, pompeux, élégant, plein de grandeur et de majesté, a été plus d’une fois atta- qué par les faiseurs de rhétorique et par les rivaux de sa gloire. Voltaire, que toute sorte de succès inquiétait comme ur vol fait à sa gloire, souriait de pitié quand on lui parlait de l'Histoire naturelle. — Pas si naturelle! disait-il. Mais Voltaire était plus d'une fois tombé sous la main de M. de Buffon; il avait voulu se moquer des bancs de coquillages découverts sur le sommet des Alpes ; il avait prétendu que ces coquilles s'étaient détachées du chapeau des pèlerins qui allaient à Rome. M. de Buffon lui avait répondu avec de bien piquantes railleries et des raisons sans répliques. Mais laissons là tous ces coups d’épingle, n’allons pes chercher les critiques et les nuages qui se placent, de leur vivant, au-devant des grands hommes, reconnaissons tout simplement l’éloquence, la passion, l'entrainement, la majesté de M. de Buffon, plaçons-le au premier rang des paysagistes, disons que jamais la description n'avait atteint ce haut degré de vérité et de magaificence ; faisons comme a fait toute l'Europe du siècle passé, humilions-nous devant ce livre immense où la philosophie et l'histoire naturelle se tendent une main si bienveillante et si ferme. Sans nul doute d’autres obser- vateurs sont venus après celui-là qui ont redressé bien des erreurs, réformé bien des paradoxes, expliqué bien des choses obscures ; mais que nous importe, pour- vu que la voie tracée soit suivie? Et d’ailleurs que d'idées grandes et nouvelles que le temps a confirmées, que de découvertes véritables qui sont restées im- muables comme pour servir de bases éternelles à la science ; avec quel art mer- veilleux M. de Buffon a su classer ses idées, disposer l’ensemble de son livre, nous faire passer en revue tant d'êtres divers ! Aussi ce livre a-t-il répandu dans le monde une passion toute nouvelle, la passion de l'histoire naturelle. Grâce à M. de Buffon, l'histoire naturelle est devenue la préoccupation des rois, des b x LE JARDIN DES PLANTES. grands et des peuples. Les Géorgiques de Virgile n'ont pas eu plus d'influence sur le siècle d'Auguste que l'Histoire naturelle n’en devait avoir sous le règne de Louis XV. Aussi M. de Buffon fut-il grand et puissant entre tous les écri- vains et tous les moralistes de ce siècle. I a protégé de son influence ce Jar- din des Plantes qui était toute sa vie. Le respect, l'admiration, la reconnais sance de l'Europe savante l'ont entouré jusqu'à sa dernière heure; il a joué jusqu'à la fin de ce siècle le beau rôle que M. Cuvier devait jouer dans celui-ci ; il a été le protecteur dévoué des sciences, l'ami des savants, s'intéressant à leurs travaux et à leur fortune, indiquant aux voyageurs leur chemin sur ce globe terrestre qu'il connaissait si bien, appliquant sa raison élevée à oublier les ré- volutions qui grondaient de toutes parts. M. de Buffon a été heureux toute sa vie; ilne l'aurait jamais rêvée si belle. Il avait deux domaines qu'il aimait d'une égale passion : le Jardin du Roi et son château de Montbart que le roi Louis XV avait érigé en comté. Le travail lui était facile, le style lui arrivait comme le chant arrive à l'oiseau ; il aimait la gloire, il méprisait le bruit que la gloire fait autour des hommes; il ne s'occupait ni des agitations de la politique ni des émeutes de la littérature ; la critique lui était humaine et facile ; la considéra- tion et l'estime le suivaient d'un pas égal et sûr. Sa personne donnait tout à fait une idée de son talent ; sa figure était belle et grave, son air imposant, son extérieur magnifique; on disait qu'il mettait des manchettes à son style et qu'il portait un habit brodé lorsqu'il écrivait. Il obtint de son vivant un hon- neur qui, d'ordinaire, ne s'accorde qu'aux morts illustres; on lui éleva une statue dans l'entrée du Cabinet du roi avec cette inscription magnifique que la postérité a confirmée : MAJESTATI NATUÜRÆ PAR INGENIUM. « Son génie est égal à la majesté de son sujet.» Durant la vie de M. de Buffon d’autres améliorations s'étaient introduites dans le Jardin du Roi; l'enseignement avait grandi; les trois Jussieu, M. Le- monnier, M. Desfontaines, s'étaient montrés les dignes continuateurs de Tour- nefort et de Linné. L'anatomie et la physiologie végétales, la classification des familles, des genres et des espèces, leurs rapports entre elles, leurs usages et les diverses modifications dont elles sont susceptibles, tel fut le sujet de ces leçons qui ont donné tant de grands botanistes à l'Europe. La chimie, avec Fourcroi et Lavoisier, eut bientôt envahi ces savantes hauteurs. Antoine Petit, l'illustre anatomiste Vicq d'Azyr et Portal, ont aussi apporté là toutes les puissances de leur enseignement. Ainsi, de son vivant, M. de Buffon à vu s’accomplir son grand rêve; il a donné l'impulsion et la vie à ce jardin que les étrangers nous envient et auxquels se rattachent tant de noms illustres entre tous. Quand M. de Buffon fut mort, le Jardin des Plantes eut à subir plus d'une révolution intestine : la révolution française arrivait à grands pas. Tout ce qui tenait à la royauté, de près ou de loin, fut obligé de courber la tête, et cependant il y eut un jour un administrateur du Jardin des Plantes qui se nomma Bernar- din de Saint-Pierre. Certes, celui-là aussi, après avoir couru à travers le monde, après avoir subi tant de fortunes diverses, passé par tant d'épreuves, se trou- LE JARDIN DES PLANTES. XI vait enfin à la place qui lui convenait le mieux ; il était né avec un grand senti- ment des beautés dela nature qu'il a expliquées à la façon d'un poëte enthousiaste et convaincu. Chez lui, l'émotion intérieure était vive et puissante. II avait ap- pris la botanique en même temps que J.-J. Rousseau, et comme lui, il l'avait étu- diée avec caprice, avec amour, revenant sans fin et sans cesse à cette contempla- tioninfinie du printemps, de l'été, de l'automne, de toutes les saisons, de toutes les beautés, de toutes les parures, de tous les accidents de la campagne. Une histoire bien simple et bien touchante, l'histoire de deux enfants, Paul et Virqi- nie, qui s'aiment dans un des recoins les plus stériles de l'Ile-de-France, avait fait, du nom de Bernardin de Saint-Pierre, un de ces noms que l'on bénit et que l'on aime. Sans nul doute, celui-là n’est pas un homme à la hauteur de M. de Buffon , le grand seigneur, qui administre une grande affaire, qui commande encore même quand il demande, mais c'est un administrateur bienveillant, dévoué , qui sait toutes les difficultés de sa tâche. Peut-être n’aurait-il pas eu le génie de concevoir, le courage de fonder et l’habilité d'agrandir une insti- tution comme le Jardin du Roi, mais au moins a-t-il eu le bon esprit de la dé- fendre, II la défendue avec urbanité, avec bienveillance, en consultant les «n- ciens, comme il le dit dans ses rapports au ministère de l'intérieur. Bien plus, chose étrange, si vous avez au Jardin des Plantes des lions et des tigres, si le Parisien oisif, le provincial désœuvré, peuvent, à toute heure du jour, se donner la joie d'entendre hurler les habitants féroces du désert; si l'ours Martin est devenu, pour cette population d'heureux badauds, une espèce d'Odry pataud et goguenard, qui fait la joie publique avec ses sauts et ses gambades, c'est là un bonheur dont vous êtes redevables à Bernardin de Saint-Pierre. a sauvé d'une mort imminente la ménagerie du palais de Versailles, qui était, avant 89, un des amusements du roi et de la cour. Comme les lions et les tigres de Versailles manquaient d'aliments (déjà la nation se fatiguait de nourrir le roi, la reine et la famille royale), on écrivit au Jardin du Roi pour implorer son hos- pitalité en faveur de ces intéressantes victimes de l’an I‘ de la liberté. Ber- nardin de Saint-Pierre accepta à l'instant même, et sans bénéfice d'inventaire, cette partie de l'héritage de la royauté aux abois. Il prit en pitié ces tigres hur- lants, ces lions affamés, ces panthères bondissantes, ces loups féroces, ces ours furieux, et avec des larmes dans la voix, avec ce style irrésistible tout rempli d'humanité et de chaleur, il demanda un sauf-conduit pour ces malheureux proscrits qui n'avaient plus d'asile où reposer leurs têtes et leurs griffes. C’6- tait à l'instant même où Bernardin de Saint-Pierre, rempli d'inquiétudes sinis- tres, était en train d'écrire toutes sortes de vœux , vœux pour le roi, vœux pour le clergé, vaux pour la noblesse, vœux pour la nation, vœux pour l'éducation nalionale, veux pour les nations, et enfin vœux pour les bêtes féroces. De tous ces vœux-là, ce dernier vœu était le plus facile à exaucer. Dans ce dernier mémoire, Bernardin de Saint-Pierre était tout à fait dans son élément; il défen- dait l'étude de la nature, qui est la base de toutes les connaissances humaines ; il démontrait, à qui de droit, l'incontestable utilité d’un établissement pareil. NH n’est pas une profession de ce monde qui n’y vienne puiser des lumières; le z00- logiste, le botaniste, le minéralogiste , tous les arts qui se rattachent aux trois premiers règnes de la nature, les lapidaires, les chimistes, les apothicaires, les KU LE JARDIN DES PLANTES. distillateurs, les chirurgiens, les anatomistes, Ics médecins, sans compter le des- sinateur, le peintre, le sculpteur, qui trouvent leurs modèles réunis dans le ième espace. De Tà sont sortis les Tournefort, les Rouelle, les Maccaire, les Jussieu, les Vaillant, les Buffon et tous les savants qui illustrent l'Europe wic- derne et tous leurs ouvrages qui se sont répandus dans le monde avec une multitude de végétaux utiles et agréables, empruntés au Jardin des Plantes. M. Bernardin de Saint-Pierre proposait donc de compléter cette vaste collec- tion. Au cabinet, qui renferme les trois règnes de la nature morte des fossiles, des herbiers, des animaux disséqués, empaillés, injectés ; aù jardin, qui ne con- tient que les deux premiers règnes de la nature, il proposait d'ajouter une mé- nagerie. Cette ménagerie était toute trouvée, il n’y avait qu'à adopter la mé- uagerie du jardin de Versailles. Buffon lui-même en avait eu grande envie ; mais quel que grand que fût le crédit de l'illustre écrivain, il n'avait pas osé disputer ces tigres et ces panthères à l’homme de la cour qui en avait le gouvernement. Maintenant, il ne s'agissait plus de disputer ces animaux féroces; au con- traire, les malheureux venaient d'eux-mêmes au Jardin des Plantes; ils implo- raient une visite de Bernardin de Saint-Pierre et de Daubenton. Bernar- din de Saint-Pierre fut le seul qui vint en aide à ces malheureux proserits. Cette ménagerie de Versailles se composait tout simplement de cinq animaux étrangers: 1° le couagga, une espèce de cheval zébré à la tête et aux épaules, “animal fort doux qui tendit sa petite tête mutine à l'auteur de Paul et Virgi- nie, comme s'il eût reconnu son protecteur et son ami; 2° le bubal, un petit bœuf qui tient du cerf et de la gazelle ; il avait étéenvoyé au roi de France par le dey d'Alger, en 1785; 5° le pigeon huppé de l'île de Banga , admirable oiseau d'un beau plumage bleu couronné d’une superbe aigrette qui lui couvre la tête en forme d’auréole ; 4° le rhinocéros de l'inde, 5° Ie lion du Sénégal; il avait sept à huit mois; on lui avait donné pour compagnon un chien braque : le chien et le lion étaient les meilleurs amis du monde. Ils jouaient ensemble, non pas comme deux lions, mais bien comme deux chiens. Tout le reste de la ménagerie avait été pillé par l'émeute. On avait enlevé entre autres animaux un dromaldaire, cinq espèces de singes et une foule d'oiseaux plus eu moins bons à manger. Le gouvernement de ce temps-là eut bien de la peine à ne pas mettre à mort ces restes malheureux d’une ménagerie enviée par Buffon. On voulait les faire disséquer et faire placer leurs squelettes au cabinet : «I suffit d'étu- dier les animaux morts pour connaître suffisamment leur espèce, » disaient les économistes. À quoi répond Bernardin de Saint-Pierre, qui retrouve ainsi son éloquence et son courage : « Ceux qui n'ont étudié la nature que dans les livres ne voient plus que leurs livres dans la nature : ils n'y cherchent plus que les noms et les caractères de leurs systèmes. S'ils sont botanistes, satisfaits d’avoir reconnu la plante dont leur auteur leur a parlé, et de lavoir rapportée à la classe et au genre qu'il leur à désignés, ils la cueillent, et l'étendant entre deux papiers gris, les voilà très-contents de leur savoir et de leurs recherches; ils ne se forment pas un herbier pour étudier la nature, mais ils n'étudient la nature que pour se for- mer un herbier. Hs ne font, de même, des collections d'animaux que pour remplir leur cabinet et connaître leurs noms, leurs genres et leurs espèces. LE JARDIN DES PLANTES. XL « Mais quel est l'amateur de la nature qui étudie ainsi ces ravissants ouvra- ges? Quelle différence d'un végétal mort, sec, flétri, décoloré, dont les tiges, les feuilles et les fleurs s'en vont en poudre, à un végétal vivant, plein de suc, qui bourgeonne, fleurit, parfume, fructifie, se ressème, entretient mille harmonies avec les éléments, les insectes, les oiseaux, les quadrupèdes, et se combinant avec mille autres végétaux, couronne nos collines ou tapisse nos rivages ! « Peut-on reconnaître la verdure et les fleurs d'une prairie dans les bottes de foin, et la majesté des arbres d'une forêt dans les fagots? L'animal perd à la mort encore plus que le végétal, parce qu'il avait reçu une plus forte portion de vie. Ses principaux caractères s'évanouissent, ses yeux sont fermés, ses prunelles ternies, ses membres roidis ; il est sans chaleur, sans mouvement, sans senti- ment, sans voix, sans instinct. Quelle différence avec celui qui jouit de la lu- mière , distingue les objets, se meut vers eux, aime, appelle sa femelle, s'ac- couple, fait son nid, élève ses petits, les défend de ses ennemis, étend ses relations avec ses semblables, et enchante, nos bocages ou anime nos prairies ! Reconnai- triez-vous l'alouette matinale et gaie comme l'aurore , qui s’éleve en chantant jusque dans les nues, lorsqu'elle est attachée par le bec par un cordon, ou la brebis bêlante et le bœuf laboureur dans les quartiers sanglants d'une bouche- rie? L'animal mort, le mieux préparé, ne présente qu'une peau rembourrée, un squelette, une anatomie. La partie principale y manque : la vie qui le classait dans le règne animal. Il a encore les dents d'un loup, mais il n'en a plus l'in- stinct, qui déterminait son caractère féroce et le différenciait seul de celui du chien si sociable. La plante morte n’est plus végétal, parce qu'elle ne végète plus; le cadavre n’est plus animal, parce qu'il n’est plus animé ; l'une n'est qu'une paille, l'autre n’est qu'une peau. ne faut donc étudier les plantes dans les herbiers, et les animaux dans les cabinets, que pour les reconnaître vivants, observer leurs qualités, et peupler de ceux qui sont utiles nos jardins et nos métairies. » . Cette voix éloquente devait être entendue. Et d’ailleurs, en tout ceci, Bernar- nardin de Saint-Pierre ne prenait que la défense des lions et des tigres. Donc il fut décidé qu'une ménagerie serait établie au Jardin des Plantes; que la mé- nagerie de Versailles y serait transportée, et aussi la ménagerie du Rainci. Si bien qu'un jour, par cette même route de Versailles où tout un peuple en fureur était venu chercher le roi, la reine, M. le dauphin, madame Elisabeth, toute cette famille de saint Louis; par ce même chemin sanglant où ces condam- nés à mort élaient traînés lentement dans la poussière, on vit passer, traînés dans une voiture à quatre chevaux, mollement couchés dans leur niche de chaque jour, suivis et précédés de leurs gardiens, qui les entouraient de petits soins, de prévenances et de caresses, le couagga, le bubale,le pigeon huppé, le rhinocéros et le lion. On n'avait même pas séparé le lion de son ami fidèle et dévoué, le chien caniche. Quelle est, je vous prie, l'histoire de ce monde qui n'ait pas ses contrastes? Quelle est la révolution qui n'ait pas ses victimes ? Quelle est la grande route, quelle est la vaste mer qui n’ait pas vu passer, avec un étonnement plein d'épouvante, la royauté dans ses appareils si divers ? Mais quoi donc? à propos des fleurs et des plantes, et des fruits de lau- tomne, et des grands erbres qui nous viennent de Join; à propos des lis et des XIV LE JARDIN DES PLANTES. roses, à propos du beau jardin qui resplendit là-bas sous le soleil, gardons-nous bien d'aller au-devant des passions politiques, Laissons-les courir et se démener tout à l'aise de Versailles à Paris, et de Paris dans le reste du monde; que nous importe? Il ne s’agit pas de sauver une antique monarchie qui se perd, il s'agit d'agrandir et de sauver le jardin que M. de Buffon à planté de ses mains. Vienne la république une etindivisible, elle est la maîtresse souveraine ! mais, au moins, sauvons le Jardin du Roi. -— Jardin du Roi! c'était là, en effet, le nom primitif de ce petit univers en raccourci. Cette fois, la liberté nouvelle, impatiente de tout entraîner, se répand çà et là comme un torrent vainqueur qui apporte avec lui toute sorte de fécondités et de désordres. Mais à l'heure où nous som- mes, 18 mars 1792, toutes les universités sont abolies, toutes les académies sont supprimées, même la faculté de médecine est proscrite. Cependant, au milieu de tout ce renoncement, que va devenir le Jardin, le Jardin du Roi? Un caprice de cette nation de 92, qui allait si vite, a sauvé le Jardin du Roi. Quelques hon- nêtes gens se rencontrèrent, qui persuadèrent au peuple français que le Jardin du Roi était un grand dépôt d'herbes médicinales , où les malades venaient chercher la santé du corps, entrepôt bienveillant où chacun se fournirait de mauves, de camomille et de tilleul. On ajoutait que le laboratoire de chimie servirait à faire de la poudre. Donc, nous aurons des tisanes rafraîchissantes et des cartouches, du bois de réglisse et des bombes ; que pouvons-nous désirer de plus? A ces causes le Jardin du Roi fut sauvé de la proscription générale. Eh! que de grandes institutions ont été sauvées pour des motifs moins sérieux que celui- là. Vous avez peut-être vu à la plus belle place de la ville de Lyon une admi- rable allée de tilleuls, qui est la joie, l'ornement, la fraîcheur, le délassement de cette ville immense. On allait renverser les tilleuls et en faire du bois, lorsque se présenta un jour aux proconsuls de commune affranchie une vieille femme, sexagénaire, pour expliquer à ces terribles niveleurs, comment elle avait l'habi- tude, depuis cinquante ans, de se promener chaque jour d'été, à l'ombre de ces vieux arbres; que ces arbres l'avaient vue naître, et qu'elle ne voulait pas les voir mourir. On écouta favorablement la vieille femme; on prit en considéra- tion son humble prière. Ainsi furent sauvés les beaux tilleuls de la place de Bellecour. Cependant vous comprenez bien que ces titres de Jardin du Roi, inten- dant du roi, et tout ce qui sentait tant soit peu sa monarchie, durent immé- diatement disparaître. Aussi fit-on un décret qui ordonnait qu'à l'avenir le Jardin du Roi s’appellerait Muséum d'histoire naturelle; qu'il n'aurait plus d’of- ficicrs, mais des professeurs ; plus d'auendant à vie, mais un directeur à chan- ger chaque année. Quant aux professeurs à nommer, quant aux chaires àétablir, la chose fut faite avec beaucoup de générosité et d'intelligence. Les cours du Muséum d'histoue naturelle se composaient de douze chaires : minéralogie, chi- mie générale, art chimique, botanique dans le Muséum, botanique dans la cam- pagne, culture, deux cours de zoologie, anatomie humaine, anatomie des ani- maux, géologie, iconographie naturelle. Par le même décret on instituait au Muséum une bibliothèque qui se devait composer de tous les livres des établis- sements publics que la nation avait déjà supprimés, ou qu'elle supprimerait plus tard. Les douze professeurs se nommaient : Daubenton, Fourcroi, Brongniart, LE JARDIN DES PLANTES. XV Desfontaines, de Jussieu, Portal, Mertrud, Lamarck, Faujas de Saint-Fond, Geoffroy, Vanspaendonck, A. Thouin. Ajoutez à ce personnel, déjà considérable, le nom de M. de Lacépède, ancien collaborateur de M. de Buffon, les noms de MM. Maréchal et des deux frères Redouté. — C'est le même Pierre-Jean Redouté qui a été pendant quarante ans le plus charmant et le plus exact des peintres qui aient donné l'éternité aux fleurs, ces astres d’un jour. Le nom de Redouté se rattache au Jardin des Plantes par toutes sortes de chefs-d’œuvre d'un prix inestimable. H est l'historien des liliacées et des roses; il leur a donné autant de durée que les plus grands narrateurs en ont donné aux gagneurs de batailles. Rendons justice à qui de droit. Cette idée d'avoir un peintre pour les plus belles fleurs, pour les plantes les plus curieuses de nos jardins et de nos campagnes. appartient à Gaston d'Orléans, le propriétaire du jardin de Blois, le premier prince du sang qui se soit occupé d'horticulture avec le zèle d'un savant et une dépense toute royale. Gaston d'Orléans aimait ses fleurs autant, pour le moins, que M. le régent devait plus tard aimer ses maïtresses. Le jardin de Blois avait son peintre ordinaire, tout comme il avait son jardinier en chef. Le peintre de fleurs de Gaston d'Orléans s'appelait Robert : c'était un artiste patient, labo- rieux, exact, ne donnant rien au hasard, même quand il peignait une rose. A la mort du duc d'Orléans en 1660, Colbert acheta, pour la bibliothèque du roi, le recueil des plantes peintes par Robert sur vélin. A Robert succéda, plus tard, Vanspaendonck. Celui-là, plein de fougue et de caprices, grand ccloriste, dessi- nateur fantasque, arrangeant et disposant à sa guise les plus fines et les plus délicates créations de la flore française. Redouté s’est montré le digne succes- seur de ses deux maîtres ; il a été exact comme Robert, coloriste comme Vans- paendonck. Il avait été mis au monde tout exprès pour jouer, comme disent les enfants, au jeu de regarder les fleurs. I étudiait ces plantes délicates, ces formes vaporeuses, cette couleur idéale tombée du ciel avec la rosée du printemps, tout comme Dupuytren lui-même étudiait, à la même époque, les nerfs, les tendons, les artères, les viscères que contient le corps de l'homme. Pour les peindre tout à l'aise, ces fleurs bien-aimées qui ont été la couronne de sa jeu- nesse, la fortune de son âge mür et l’apothéose de son tombeau, Redouté, ce peintre charmant, avait inventé et perfectionné l'aquarelle, comme la seule cou- leur qui füt digne de reproduire dans ses nuances les plus fines et les plus dé- licates le tendre émail des prairies, le frais coloris des jardins. Cet homme, qui a peint toutes les fleurs de la création, n'en à pas inventé une seule. Il faut le dire à sa louange, il a prouvé qu'un peintre de fleurs pouvait être et devait être un artiste sérieux. Ainsi parmi toutes les batailles de la révolution et de l'empire, au plus fort de toute cette gloire des armes et de la politique qui nous apparaît aujourd'hui comme un rêve, Redouté s'est tenu renfermé toute sa vie, dans le jardin en été, dans la serre en hiver. II s'est maintenu entre une double haie d'aubépines en fleurs, au bruit de l'Europe en armes, au bruit des trônes qui croulaient. Cet homme heureux n'était occupé qu'à ramasser des bluets dans les champs et des roses à toutes les épines. Il à été un in- stant le roi de la Malmaison et le favori de cette douce impératrice Joséphine, qui aimait tant les hortensias et les lauriers. Modeste et bon Redouté! le Jardin des Plantes gardera son souvenir comme on garde le souvenir de la XVI LE JARDIN DES PLANTES. première violette que nous à donnée notre jeune maitresse. À voir sa main difforme et ses gros doigts, qu'on eùt pris pour les doigts d'un forgeron, nul ne se serait douté des délicatesses infinies que ces gros doigts pouvaient con- tenir; comme aussi à entendre sa parole embarrassée, à le voir chercher les mots les plus vulgaires de la langue, qui aurait cru que c'était là le professeur le plus suivi du jardin des Plantes? pourtant la chose était ainsi. Au cours de Redouté se pressaienten foule les plus charmantes femmes et lesplusaimabies jeunes filles de la grande famille parisienne, qui venaientse mettre au courant de quelques-uns des mystères que renferme la fleur ; et puis, quand il parlait de cette grande famille dont il était le Van-Dick et ie Rubens, Redouté devenait presque un ora- teur. Il expliquait, à la façon d'un peintre éloquent, les moindres détails de celte délicate anatomie des plantes. Pauvre homme! si aimable et si bon, si ingénieux et si modeste, dont l'école à porté tant de fleurs, il est mort il y a deux ans, frappé d'apoplexie par la mauvaise et brutale volonté d'un méchant commis du ministre de Fintérieur, qui avait refusé de lui commander un tableau. Le matin même il avait fait sa dernière leçon au Jardin des Plantes; puis en pas- sant dans le jardin, il avait demandé un beau lis tout chargé de rosée; rentré chez lui, il avait posé la belle fleur dans un vase de porcelaine, et il s'était mis à la dessiner avec cette calme passion qu'il apportait à toutes ses œuvres. Cepen- dant la nuit était venue déjà ; la fleur perdait peu à peu ce nacre transparent qui la rend si brillante , le lis se penchait sur sa tige languissante, la corolle fatiguée s'entr'ouvrait avec peine laissant échapper son pollen maladif. « H faut que je me hâte, dit Redouté, voici déjà que m'échappe mon beau modèle; il ne sera plus temps demain, hâtons-nous ce soir. » En même temps il allumait sa lampe; le lis fut placé sous cette lueur favorable, Redouté continuait son travail. Hélas! qui l'eût cru, qui l'eüt jamais pensé? entre le peintre et son modèle, c'était un duel à mort. À ce moment solennel la noble fleur royale, je- tant autour d'elle toute son odeur suave, toute son âme ; le peintre résistait de toutes ses forces. A Ja fin il fut vaincu, il tomba roide mort sur cette page com- imencée, il dura moins longtemps que cette fleur. Nous avons eu sous les yeux ce dessin inachevé de Redouté ; c'est la dernière, et c'est, sans contredit, la plus belle fleur qui soit sortie de ses mains. Que si vous voulez savoir ce qu'est devenue cette longue suite de dessins, continuée sans interruption depuis Gas- ton d'Orléans jusqu'à nos jours, allez à la bibliothèque du Muséum, parcourez ces immenses in-folio remplis des plus admirables peintures sur peau de vélin, et vous resterez anéanti devant une telle merveille. La partie botanique seule compte plus de six mille dessins originaux et d'après nature; les connaisseurs afrment que cette collection vaut plus de deux millions. H faut dire aussi que la série animale est presque aussi riche; qu'on y travaille sans fin et sans cesse, et que jamais plus grande, plus somptueuse entreprise n’a été exécutée sur une plus vaste échelle et par des artistes plus habiles. Que si vous ajoutez à ces noms d'autres noms qui sont devenus célèbres à plus d'un titre : MM. Dufresne, Valenciennes, Deleuze, vous comprendrez que le Jardin des Plantes n’a pas à se plaindre de la révolution française. C'est la révolution qui a rappelé M. de Lacépède; elle à agrandi le Musée, régularisé et agrandi le jardin ; elle a été animée des meilleures intentions. Mal- LE JARDIN DES PLANTES. XVII heureusement il est arrivé plus d'une fois que, tout d'un coup l'argent venant à manquer, les plantes mouraient faute de feu dans les serres, les animaux faute d'aliments dans leurs cages. La révolution avait encore ceci de bon qu'elle avait dégagé le Jardin de toutes sortes d'entraves; elle s'était emparée des jardins et des maisons qui l'obstruaient. Bien plus, elle avait poussé la précaution jusqu'à emprunter au Stathouder de la Hollande, en 1795, emprunt fait les armes à la main comme nous empruntions toutes choses en ce temps-là, deux éléphants mäle et femelle pour le Jardin des Plantes. Vous pensez si ce fut là une fête pour le Jardin et pour le peuple de Paris : un éléphant, deux éléphants, le mâle et la femelle! I ne fut plus question de la conquête de la Hollande per- dant huit jours. Revenons cependant à Bernardin de Saint-Pierre. Son rom est un de ceux qui font le plus d'honneur au Jardin des Plantes. Le roi Louis X VI ui avait ait en le nommant : « J'ai lu vos ouvrages, ils sont d'un honnête homme, et j'ai cru nommer en vous un digne successeur de Buffon. » Le passage de Bernardin de Saint-Pierre a laissé des traces utiles, sinon savantes. Plusieurs de ses projets ont été adoptés depuis lui. Avec cette imagination poétique qui ne l'a jamais quitté, il voulait établir la ménagerie sur un plan aussi vaste que pittoresque ; elle devait renfermer des volières plantées de toutes sortes de végétaux, des rivières d'eau courante, des étables bien aérées et jusqu'à de sombres cavernes appro- priées aux bêtes féroces.!l demanda, comme nous l'avons dit, le transport de la ménagerie de Versailles à Paris; il eut à soutenir contre les économistes de ce temps-là de violentes disputes en faveur des plantes et des arbres du Jardin pational. 11 défendit lui-même contre la souveraineté du peuple, et cette sou- veraineté était sans réplique, ce jardin que le roi Louis AVI avait confié à sa pro- bité et à son honneur.— « Je suis le maître, disait le peuple, je suis chez moi, dans mon jardin. Eh bien! qui m'arrête? je veux briser mes arbres, cueillir mes fleurs, manger mes fruits, mettre à la broche mes faisans et mes perdrix rouges. » Le raisonnement était spécieux : Bernardin de Saint-Pierre y répondit en invitant les citoyens du faubourg Saint-Marceau à faire dans le jardin une garde frater- nelle , la baïonnette au bout du fusil. Pour le récompenser de son zèle et de son courage, sa place fut supprimée. Alors il se retira à Essone, dans une maison qu'il avait bâtie. La lettre qu'il écrivit au ministre est touchante et presque simple pour un homme comme M. de Saint-Pierre : « Je ne souhaite, disait-il « au sortir de l'intendance, que de pouvoir vivre dans une chaumière, dans « cette humble ct paisible enceinte, préservé des ambitions qui déchirent ma « malheureuse patrie ; je recommencerai ce que je n'aurais jamais dû quit- « ter.» C’est ainsi qu'il sortit du Jardin des Plantes pour n'y plus rentrer. À Essone, il reprit ses longs travaux de chaque jour. Trop heureux encore qu'il ait été oublié dans ces tempêtes qui faisaient tomber la-tête du fils de Buffon, de Roucher et d'André Chenier. Cependant nous voici à l'an de grace 1796 : le Jardin des Plantes, retiré dans son faubourg dont il est l'honneur et la fortune, reçoit une lettre du capitaine Baudin, où il était ait que le capitaine avait réuni dans l'ile de la Trinité une riche collection de matériaux pour l'histoire natureile, qu'il emandait un vaisseau ef C XVI LE JARDIN DES PLANTES. des homines pour rapporter cette riche collection au Muséum. On accorda au capitaine le vaisseau et les hommes qu'il demandait : MM. Mauger et Villain, zoolo- gistes, M. le botaniste Leduc, M. Riedley, jardinier du Muséum. On met à la voile le 50 septembre; on fait naufrage aux îles Canaries; enfin, après bien des traverses et au bout d'une annécentière, ce nouveau et savant vaisseau des Argonautes re- vient tout chargé d'arbres, de végétaux, de riches herbiers. Chemin faisant, quel- ques-unes de ces plantes avaient porté leurs fruits et leurs fleurs comme en pleine terre. Voilà done le Muséum qui prend le goût des voyages; les voyages et la guerre lenrichissent également. On va chercher en Afrique la collection d'oiseaux de M. le Vaillant ; on ramène de la Guyane la collection de M. Bragton. I y eut bien encore de mauvais moments à passer, à ce point qu'en l'an 1$00. (Bonaparte n'était pas encore le maître de la société qu'il devait sauver), on fut obligé de faire dévorer aux plus beaux lions des lions de la moindre espèce ; celui-ci, égorgé le matin, nourrissait celui-là le soir. c'était tout à fait comme en 1795 pour les hommes ; mais bientôt vint le premier consul Bonaparte, mais bientôt vint l'em- pereur Napoléon, et avec lui revinrent au gîte national les lettres, les sciences, les beaux-arts, la civilisation tout entière. A la fin, cette France, fatiguée de tant d'agitations intestines, et se sentant gouvernée par une main intelligente et ferme, revenait à la passion deses beaux jours. Désormais les tigres et les lions, les bourgeois et les grands seigneurs purent dormir en repos, défendus et pro- tégés qu'ils étaient par la même volonté. Le Jardin des Plantes grandit comme grandissaient toutes les choses impériales. On se mit done à arranger et à bâ- tir; on donna droit d'asile aux résultats scientifiques de tant de conquêtes ; on s'occupa en même temps des éléphants et des insectes. IL est vrai que les lions avaient fait des petits dans la ménagerie; mais le lion du roi Louis XVI était mort de chagrin d'avoir perdu son caniche, mais le kangouroo se faisait vieux, ais l'éléphant pris en Hollande s'était dégoûté de sa femelle. L'empereur or- donna une recrue générale ; il envoya acheter des bêtes fauves même en An- gleterre, à savoir : deux tigres, le mäle et la femelle, un couple de lynx, un maodrill, un léopard, une hyène, une belle panthère ; on avait accordé par- dessus le marché quelques beaux oiseaux et quelques plantes rares. Ainsi s'augmentait cette collection rugissante. Déjà nous sommes bien loin de ce pe- tit jardin où le médecin du roi Louis XHT élevait quelques plantes plutôt pour son plaisir que pour l'utilité générale. Vous en pouvez juger par ces parterres qui s'étendent au loin, par cette galerie pourvue de glaces et de stores, par cette belle serre tempérée, garnie de magnifiques arbustes. A l'heure où nous parlons, toutes les parties des sciences naturelles sont également enseignées, l'ordre est partout, partout enfin vous pouvez retrouver dans chaque parcelle de ce petit espace une partie des bivnfaits que la main de la Providence divine a répandus sur le globe, pour être entre tous les hommes de ce monde un perpétuel sujet d'échange, de commerce, de libéralité fraternelle et de recon- naissance envers ce Dieu qui a donné aux créatures faites à son image tant de fruits, tant d'or, d'argent et de fer, tant d'animaux et tant de fleurs. À ce mo- ment-là paraît au Jardin des Plantes un homme d’un rare bon sens, un des créateurs de la chimie. J'ai nommé M. Fourcroi; il avait en lui les qualités du savant et du grand administrateur. Quand il vit que l'institution s'était LE JARDIN DES PLANTES. XIX ainsi agrandie, ainsi fecondée, qu'elle était plus durable peut-être que le trône de l'empereur en personne, Fourcroi comprit que ce n'était pas assez pour le Muséum d'avoir des correspondants dans toutes les parties du monde, d'en- voyer çà et là des savants et des voyageurs, ici des capitaines qui explorent l'univers connu, là-bas des ambassadeurs qui achètent, il voulut que le travail incessant du Muséum devint non-seulement un enseignement parlé, mais en- core un livre écrit. A ces causes, il institua les Annales du Muséum; dans ce livre qui n’a pas son égal dans le monde, chaque professeur éevait consigrer es pre- grès et les découvertes de la science; les plus habiles dessinateurs devaient en faire les dessins ; tous les hommes distingués de l'Europe savante étaient de droit rédacteurs de ce recueil. Ainsi fut fondée cette vaste collection, l'honneur de là science moderne. Adoptés par toute l'Europe, les Mémoires du Muséum d'his- loire naturelle doivent représenter jusqu'à la fin de la civilisation française les travaux, les efforts et les progrès de cette réunion d'hommes qui n'ont jamais manqué ni au passé ni au présent de la France, et qui certes ne manqueront pas à son avenir. On comprend très-bien que dans cette espèce de monument à trois étages, dont chaque étage est représenté par un des règnes de la nature, dans ce pha- lanstère de la science, permettez-moi de me servir de ce mot nouveau, devaient survenir toutes sortes de fortunes heureuses ; c’estainsi que fut acheté le cabinet de minéralogie de M. Warisse : ce cabinet se composait d’une collection de mi- néraux de toutes sortes ; le propriétaire en voulait 150,000 livres. Le Muséum n'avait pas d'argent comptant, mais il avait des pierres précicuses, des mor- ceaux de lapis-lazuli, une pépite d’or; il s'estima trop heureux d'échanger ces inutiles richesses contre cette suite régulière d'échantillons dont le temps de- vait remplir toutes les lacunes. L'expédition d'Égypte avait aussi apporté au Muséum ses momies, ses animaux sacrés, toutes les reliques fabuleuses ces temples et des tombeaux de Thèbes et de Memphis. Dans sa course armée à travers le monde, l'empereur n'oubliait jamais le Muséum : il Jui envoya tour à tour les poissons fossiles de Vérone, les échantillons des roches de l'île de Corse, tout le résultat du voyage aux terres australes ; dans ce voyage se dis- tinguèrent M. Lesueur, peintre d'histoire, et M. Peron ; ils rapportèrent plus de 100,000 échantillons d'animaux grands et petits, et appartenant à toutes les classes; ils rapportèrent le zèbre et la guenon pour l'impératrice Joséphine. leur herbier élaitimmense, leurs plantes vivantesétaient sans nombre : c’étaient des fruits inconnus, des plantes toutes nouvelles, des arbres sans nom. Les mé- trosideros, les mélaleucas, les leptospermes ; c'était l'eucalyptus, un arbre qui arrive à 150 pieds dans son pays natal. I] serait impossible de compter tous les arbres nouveaux qui sont sortis de ce jardin ; la famille des myrtes à elle seule estinnombrable, et notez bien que toutes ces familles allaient s’augmen- tant chacune à leur tour : aujourd'hui les myrtes, demain les singes; chaque homme et chaque animal de la création était placé dans son paysage naturel; dans les parcs et sous l'épais gazon, les cerfs, les daims, les axis, les bouque- tins, les rongeurs, les guenons, les kangouroos, le zèbre; dans les bassins et sur le bord des ruisseaux, les cygnes, les canards, le pélican, les paons étalant leur queue superbe: au centre du jardin, les autruches et les casoars avaient XX LE JARDIN DES PLANTES. leur enclos sablé ; les oiseaux de proie poussaient leurs cris funébres et s’a- bandonnaient à leur féroce joie sans inquiéter les faisans dorés et les oiseaux de la basse-cour. Ainsi peu à peu la science l'emportait sur la curiosité frivole. La ménagerie était fondée sur un plan régulier, (out comme les serres et les plates-bandes; chaque animal était à sa place naturelle, dans cet univers en mi- niature, il avait son peintre pour le dessiner, son gardien pour le nourrir et pour étudier ses mœurs, ses habitudes, ses amours, ses maladies; l'animal mort, on le portait au laboratoire d'anatomie et de zoologie où il retrouvait une vie nouvelle sous la main de l’empailleur; comme aussi chaque partie de ce ca- davre devient utile à son tour, on ulilise même les vers des intestins, même les insectes de la peau, car ce sont autant de sujets d’études. Ainsi se tenaient mer- veilleusement tous ces détails ; ainsi la plante tenait à l'animal vivant, l'animal vivant tenait à l'animal mort, et après la mort il y avait encore le squelette. Peu à peu se fondaient ces vastes galeries où l'anatomie comparée raconte d'une façon moins solennelle, il est vrai, toutes les merveilles de la création. A ce moment-là paraît un homme dont le nom restera comme l'honneur impéris- sable Cu monde savant, j'ai nommé M. Cuvier : il était à lui seul toute une science, j'ai presque dit toute la science; il était tout simplement de la famille des Galilée et des Newton, de ces hommes qui d’un bond atteignent les limites du monde. Ce fut donc dans ces salles d'anatomie comparée, au milieu de cette iongue série de squelettes et de toutes lesparties de ces mêmes squelettes, eten comparant les ossements modernes, avec les vieux ossements vermoulus qui uous venaient Gu déluge, comme autant de vestiges fabuleux de l'univers d'au- trefois, que Georges Cuvier s'arrêta épouvanté le jour même où il découvrit que la plupart des ossements fossiles n'avaient pas leurs analogues parmi les êtres vi- vants. Sans nul doute ces animaux, dont on ne savait pas même le nom, avaient vécu sur laterre ; sans nul éoute ils avaient eu leurs passions, leur instinct, leur utilité, Icurs amours ; à coup sûr voici leurs ossements, voici la tête de celui-ci et le fémur de celui-là ; l'un a laissé dans les limons du globe cette dent brisée, l'autre cette corne recourbée, et maintenant voilà tout ce qu’il en reste ; pas un individu entier n’est resté de cette famille éteinte ; pas un nom, ou tout au moins un de ces noms quise rencontrent dans Hérodote ou dans la Bible. Il s'agit donc de ranimer toutes ces poussières, de retrouver toutes ces formes évanouies, de rendre à ces pétrifications le nom qu'elles portaient quand elles couraient dans les bois, quand elles s’agitaient dans les mers, quand elles regardaient face à face le soleil. Certes c’est là une de ces tâchesimmenses dont l'idée seule faisait reculer d'épouvante. Quoi donc? Vous ne pouvez pas dire le nom des cadavres enterrés sous Les pyramides d'Égypte , bien que le nom de ce mort soit écrit sur la pierre éternelle, et vous osez dire à coup sûr quel est le nom de l'animal qui était déjà devenu une pierre,le premier jour où fut fondée la pyramide de Chéops; ainsi a fait M. Cuvier cependant, ainsi il a ap- pris à nommer, aussi bien que Dieu quiles avait faites, ces créatures disparues du globe, que la terre avait englouties dans ses entrailles. Et, comme en France toute idée est rapidement féconde, de jeunes esprits se sont mis à la recherche des corps organisés des anciens mondes, et ont découvert d'innom-— brables productions méconnues jusque-là. M. Adelphe Brongniart à créé un LE JARDIN DES PLANTES. XXI botanique fossile. La butte Montmartre, la montagne Saint-Pierre de Maës- tricht ont fourni de gigantesques troncs de palmiers, des bruyères arbores- centes, des plantes tout entières : tiges, feuilles, fieurs et fruits. On a reconnu que les terrains houillers n'étaient autre chose que des forêts antédiluviennes, lentement carbonisées, et conservant encore des formes végétales, qu’une pa- tiente analyse rend tout à fait évidentes. Enfin, le croira-t on, ces myriades d'animaux microscopiques, qui peuplent les eaux, ont subi des transforma- lions semblables à celles qui nous ont conservé les plus monstrueux habitants des mondes primitifs. Les formes les plus délicates, les appendices les plus im- perceptibles sont aussi faciles à reconnaître queles vastes ossements du méga- thérium. M. Defrance avait déjà reconnu, dans les sables de Grignon, une mul- titude de coquilles presque imperceptibles; et, dernièrement, M. Ehremberg a trouvé des monades et des infusoires à l'état fossile. Tout ceci est l'infini; et le père Kircher renoncerait à donner une nouvelle édition de son HMundus sub- terranreus. En présence de pareilles intelligences, on s'incline avec respect, on admire et l'on se tait. Toujours est-il, cependant, que ce pelit coin de terre où pareil travail s'est accompli, que ce jardin perdu dans le plus triste faubourg où se sont rencontrés Buffon ct Cuvier, que ce point de départ verdoyant et fleuri, de l'histoire naturelle et de l'histoire des fossiles, est à notre sens un coin de terre admirable entre tous. (est ainsi qu’à Pise on nous montre la tour penchée, du haut de laquelle Galilée pressentit pour la première fois l'im- mobilité du soleil. Les fruits, les herbes, tous les bois en échantillons, toutes les monographies, chapitres séparés de l’histoire naturelle, où se lisent les noms de Humboldt, de Kunth, de Bompland, envahirent bientôt tous les bâtiments du Muséum. Déjà M. de Buffon avait été obligé de céder son propre logement à ces collections qui arrivaient de toutes parts; les roches, les produits volcaniques, les labora- toires de tout genre se pressaient chaque jour dans ces murailles réparées. En même temps, M. Geoffroy arrivait de Lisbonne tout chargé d’animaux nou- veaux. M. Michaux fils rapportait les échantillons de tous les bois d'Amérique, M. Marcel de Serres rapportait d'Italie et d'Allemagne toutes sortes de miné- aux ; M. Martin envoyait de Cayenne les plus riches herbiers ; le progrès allait toujours croissant jusqu’en 1S15, où la France s'arrêta enfin, n’en pouvant plus. Ici commencent d’étranges misères : c'est une histoire d'hier, et pourtant c'est une histoire incroyable. Les alliés, ces mêmes soldats qui avaient leur revanche à prendre de tant de défaites, qui s'étaient emparés de Paris tout entier, qui remplissaicnt nos rues et nos maisons, qui faisaient du bois de Boulogne une dévastation presque égale à celle qu'on y fait aujourd’hui ; les alliés s’arrêtérent pleins de respect à la porte du Jardin des Plantes. C'était en effet un terrain neutre dans lequel chaque partie de l’Europe avait envoyé ses productions les plus belles, les plus rares; là, devait s'arrêter l'invasion dans une sorte de stupeur qui tenait de la reconnaissance. Figurez-vous en effet ces Cosaques, ces Russes, ces Prussiens, ces Allemands, ces bâtards de l'Italie, toute celte famille armée, battue si souvent et si longtemps par les armes de Ja France ; ils arrivent, disent-ils, pour tout ravager, pour tout détruire ; ils veulent savoir enfin quelle est l'immortalité de ce peuple dont le joug et KXII LE JARDIN DES PLANTES. la liberté ont également pesé sur leur tête? Is arrivent donc l'arme au bras, la torche allumée; Paris est pris enfin, et avec lui la France entière. Soudain ils s'arrêtent, ils regardent, ils déposent leurs armes. O prodige ! ils ont reconnu les fleurs, les arbres, les animaux, la culture de la patrie absente. N'est-ce pas uve illusion ? voici des fragments de la terre natale, voici le compagnon de leurs travaux champêtres ; voilà la fleur des champs qu'ils donnaient à leur jeune maitresse ; cet oiseau qui chante, c’est l’alouette de leurs sillons, c’est le rossignol de leurs nuits d'été. Ainsi, ces hommes que n’a pu arrêter la fortune de l'Empereur Napoléon, ces hommes qui ont réduit la grande armée à ne plus occuper que quelques sables de la Loire, ils sont vaincus par le chant d’un oiseau, par la toison d'un bélier, par un coquillage, par un brin d'herbe! Leurs Empereurs, leurs rois, leurs généraux, sont les premiers, même avant d'aller voir le Louvre, à venir saluer les domaines des Buffon et des Jussieu. L'empereur d'Autriche, l'empereur de Russie, le roi de Prusse viennent reconnaître les échantillons de leur royaume ; les vainqueurs pro- mettent d'augmenter les richesses des vaincus. Bien plus : pendant qu'ils re- prennent au milieu du Louvre l'Apollon, le Laocoon, la Vénus, la Communion de saint Jérôme, la Sainte Cécile, le Mariage de la Vierge, tous les chefs-d’œuvre de Titien, de Raphaël; pendant qu'ils remportent, bouillant de joie, les che- vaux de Venise sur leur piédestal chancelant, pas un de ces vainqueurs n'ose reprendre au Muséum d'histoire naturelle, la plus petite parcelle de ses conquêtes, tant ils trouvent que ces fragments sont à leur place; ils veulent bien dépouiller le Musée du Louvre, parce qu'après tout, un chef-d'œuvre est partout un chef-d'œuvre, mais ils auraient honte de briser l'unité de la science ; ce que leur à pris l'histoire naturelle, ils nous l’abandonnent, tant ils com- prennent que ces conquêtes pacifiques sont devenues notre propriété à force de soins, de zèle et de génie. Rien n’est plus beau que cette histoire d’une armée entière qui recule devant une profanation ; il y a cependant une his- toire aussi touchante. Vous vous rappelez ce jeune sauvage à qui on faisait voir toutes les merveilles de Paris; on le menait aux Tuileries, à Notre-Dame, à l'Opéra, dans tous les lieux où se fabriquent la puissance , la religion et le plaisir, le jeune homme restait immobile ; mais au Jardin des Plantes, tout au bout d’une allée solitaire, le voilà qui se trouble, qui éclate en sanglots et qui s’écrie : Arbre de mon pays! et il embrassait l'arbre de son pays. Voilà comment toute cette armée de six cent mille hommes s’est écriée, elle aussi, dans un transport unanime : Arbres de mon pays ! Ce pays de France est le pays le plus merveilleux pour se relever tout d’un coup des commotions les plus terribles; c'est vraiment cette tour dont parle Bossuet, cette tour qui sait réparer ses brèches ; il arriva donc que cette grande patrie de tous les arts fut rendue à elle-même : l'invasion s’écoula comme fait un fleuve immonde après l'orage. De tous les monuments de Paris, le seul qui n'ait pas été insulté, c’est le Jardin des Plantes. Au château des Tuileries on avait ôté son empereur ; à l'armée, son capitaine ; à la colonne, sa statue ; au Musée du Louvre, ses plus rares chefs-d’œuvre; au bois de Boulogne, ses plus beaux arbres; au trésor publie, plus d’un milliard ; à nos frontières, des royaumes entiers... On avait respecté le Jardin des Plantes! c'était le terrain LE JARDIN DES PLANTES. XXII neutre où venaient se reposer tous les partis de leurs agitations sans nombre. Dans ce beau lieu de rêverie et de calme, le vieux gentilhomme de l'émigration cherchait à retrouver le souvenir des vieilles charmilles dont la révolution l'a- vait dépouillé ; le vieux soldat de la Loire, héros mutilé dans vingt batailles, ne trouvant plus nulle partle portrait de l'empereur et roi, venait saluer le chà- meau blanchi qui avait porté le général Bonaparte dans les désert de l'Égypte. Les enfants de toutes les générations se rencontraient dans ces paisibles allées à l'abri de la foudre et de l'orage; l'enfant et le vieillard, la jeune fille au bras de son fiancé, le jeune homme à la poursuite de sa maîtresse. L'ombre, le re- pos, le calme, la fraicheur, les passions heureuses habitent en effet ces paisibles hauteurs. Non, certes, ce n’est pas là que viendrait l'ambitieux pour s’aban- donner à ses rêves boursouflés. Ce n’est pas là que viendrait l’avare tout préoc- cupé d'argent et de fortune. Arrière les passions mauvaises! ceci estle domaine des nobles passions, des beaux rêves poétiques, des éclats de rire enfantins, du bourgeois fatigué de travail, du pauvre soldat qui pleure son village, de l'honnèête provincial qui est venu chercher à Paris les bruyants plaisirs de la vie et qui s’estime heureux de rencontrer cette calme oasis. C’est, en effet, un mer- veilleux endroit pour la méaitation, pour la rêverie, pour la nonchalance, pour la contemplation. La science et l’oisiveté, la douce oisiveté et l'étude acharnée s'y coudoient sans se heurter. Les uns arrivent là au lever du soleil, ils étu- dient dans ses moindres détails le grand mystère de la création : celui-ci le crayon à la main, celui-là armé du scalpel, ce troisième, à l’aide de la loupe, qui est son sixième sens ; ils pénètrent peu à peu dans toute la science de la forme, de la couleur, du mouvement ; l'un regarde la plante parce qu'elle est belle, l'autre l’admire parce qu'elle est utile ; celui-ci en veut aux parfums qui s'en exhalent; cet autre, aux sucs bienfaisants qui guérissent. Il en est qui font leur proie du tigre et du chacal; il en est qui n’en veulent qu’à l’insecte et à l'oiseau-mouche — heureuse passion, heureuse science, passionnés loisirs! Et qui donc, le premier en France, nous a appris à l'aimer cette douce étude du sol que nous foulons ? Qui donc nous a raconté les premières merveilles de la plante et de la fleur? Ce n’est pas M. de Buffon. M. de Buffon n’est pas un maître qui enseigne, c’est un historien qui raconte et qui devine. Il parle des choses naturelles avec tous les entraînements de l’éloquence; il ne se fait pas humble avec les humbles, petit avec les petits; il ne sait pas attendre ceux qui veulent marcher dans sa voie ; il marche à pas de géant, il va tout seul où l'inspiration le pousse : tantôt dans les entrailles de l'homme, tantôt dans le sein de la terre dont il explique la formation par une prescience incroyable que la science moderne à confirmée; tantôt au sein des mers, un autre jour au sommet des montagnes, dans toutes sortes d'endroils périlleux que nos faibles regards ou nos pieds chancelants ne sauraient franchir. Non, ce n’est pas M. de Buffon qui est notre professeur de botanique. Le premier de tous, celui qui a vulgarisé l’étude et la contemplation des douces et frêles beautés de la nature, c'est Jean-Jacques Rousseau en personne; c’est Jui, le brûlant sophiste, lui qui a renversé et brisé tant de choses, lui qui a pesé les sociétés vieillies dans ses deux mains, lui qui a semé dans toutes les âmes honnètes ou perverties les brülantes ardeurs de l'Héloïse et du Saint-Preux, c’est J.-J, Rousseau en per- XXIV LE SARDIN DES PLAINRES! sonne qui a donné à la France sa premiere leçon de botanique On eût dit qu'il tenait à honneur de réparer, par l’enseignement de cette vertueuse passion, tous les paradoxes fanestes qu'il à démontrés dans ses livres comme autant de vérités incontestables. Pauvre homme, malheureux qu’il faut plaindre, car il a succombé le premier sous l'enthousiasme factice qui à fait tant de mal aux jeunes esprits de son temps; le premier il a senti le besoin de se tirer de ces brülantes hauteurs, et de chercher dans la fraîche vallée les douces conso- lations d’une étude qui laissait de côté les hommes, leurs passions et leurs mœurs. C’est ainsi que l'écrivain et les hommes qu'il agitait autour de lui, les hommes, ces jouets dont il était le jouet à son lour, ont éprouvé tout d'un coup la même fatigue. Certes, vous ne lirez pas, sans attendrissement et sans respect, les Lettres sur la botanique de J.-3. Rousseau. Le voilà ce grand maître dans l'art de brûler les âmes ; le voilà ce sauvage qui foule d’un pied éloquent et passionné la civilisation tout entière ; le voilà, ramassant au penchant des coteaux, au pied de l'arbre, sur le bord des chemins, la mousse qui pousse, le lichen qui rampe et la feuille emportée par le vent d'automne. C’en est fait, il oublie tout le bruit qui se fait autour de lui, et dont il est cause, et il revient aux plantes, ces objets agréables et rariés. Ce précepteur des hommies, qui leur a enseigné tant de choses, même l’amour, se met à enseigner aux enfants ie nom des plantes, leur organisation et tous les détails de la structure végétale. L'idée de cette passion lui vint un jour de larrière-saison ; les plantes dont la structure a le plus de simplicité étaient déja passées, mais qu'importe? Le printemps les ramènera tout à l'heure, commençons tout de suite, se dit-il : une plante parfaite est composée de racines, de tiges, de branches, de feuilles, de fleurs et de fruits ; étudions avant tout la fleur qui vient la première; et, pour bien commencer, prenons un lis. Le lis a fait pâlir la magnificence de Sa- iomon, le lis est la fleur du printemps, il est aussi la fleur de l'automne; étu- dions ce bouton verdâtre qui blanchit à mesure qu'il est près de s'épanouir ; admirez comment cette enveloppe blanchâtre prend peu à peu la forme d’un beau vase divisé en plusieurs fragments. Cette enveloppe s'appelle la corolle ; quand la corolle se fane et tombe, elle tombe en six pièces séparées qui s’ap- pellent des pétales. La corolle du lis a six pétales; le liseron, la clochette des champs, n'en n'ont qu'un... mais revenons à notre lis. Dans la corolle vous trouverez précisément une petite colonne attachée tout au fond : c’est le pistil. Le pistil contient le germ, le filet, le stigmate ; entre le pistil et la corolle vous trouverez l’étamine ; chaque étamine se compose du filet et de l’anthère ; chaque anthère est une boîte qui s'ouvre quand elle est müre, et qui répand autour d'elle cette poussière jaune comme l'or, odorante comme la rose ; cette poussière s'appelle le pollen. — Ainsi sont composées les fleurs de la plupart des autres plantes. C’estpar l’analogie de ces parties et par ieurs diverses combinaisons que se déterminent les diverses partics du règne vé- gétal. Notez bien, cependant. que le lis, cette belle fleur royale, n'est pas une fleur complète : elle n’a pas de calice. Le calice manque à la plupart desliliacées : la tulipe, la jacinthe, le narcisse, la tubéreuse n’en ont pas. Donc, vous savez déjà les secrets de la famille des liliacées ; vous pouvez les reconnaître à l’ab- sence du calice. à leurs tiges simples ct peu rameuses, à leurs feuilles cn- LE JARDIN DES PLANTES. XXV tières et jamais découpées. Suivons donc cette route fieurie, le printemps est revenu, il a ramené les jacinthes, les tulipes, les narcisses, les jonquilles et les muguets, dont nous connaissons la famille ; il a ramené aussi les giroflées et les violettes. Le calice de la giroflée est de quatre pièces inégales de deux en deux. Dans ce calice vous trouvez uné corolle composée de quatre pétales. Chacun de ces pétales est attaché au fond du calice, par une partie étroite qu'on appelle l'onglet. Les étamines sont au nombre de six, d’inégale grandeur. — Vous voilà donc entré dans la famille des crucifères, ou fleurs en croix. Cette famille est divisée en deux sections : les crucifères à siliques, la giroflée, la julienne, le cresson de fontaine ; la seconde section comprend les crucifères à silicules : le cresson alénois, le cochléaria, la lunaire, la bourse à pasteur. — Des fleurs nous allons aux plantes légumineuses : les fèves, les ge- nêts, les luzernes, les sainfoins, les lentilles. Ainsi, par une méthode simple et claire, le maître nous apprend la structure bien plus que le nom de la plante ; ce nom viendra plus tard. Sachons d’abord l'éclat, la propriété, la figure de la plus petite fleur, — et celles-là ne sont pas les moins intéressantes. Cueillez une marguerite dans les champs ; que vous serez étonné si l’on vous dit : Cette petite fleur, si petite et si mignonne, est réellement composée de deux ou trois cents autres fleurs toutes parfaites, c'est-à-dire ayant chacune sa corolle, son germe, son pistil, ses étamines, sa graine. Devant Dieu et devant la science des hommes, la marguerite est l’égale du lis superbe ou de la jacinthe odo- rante. J.-J. Rousseau fait aussi l’histoire des fleurons, des fleurs d’immortelle, de bardane, d’absinthe, d’armoise ; celles-là n’ont qu’un fleuron d’une seule couleur ; d’autres n’ont qu’un demi-fleuron : la fleur de laitue, de chicorée, de salsifis ; d’autres, plus heureuses, ont à la fois des fleurons entiers au centre de la fleur, et des demi-fleurons à leur contour. Ces fleurs doubles, que vous admirez dans les parterres, sont des monstres à qui cet honneur a été re- fusé de produire leurs semblables, grand honneur dont la nature a doué tous les êtres organisés. C’est là ce qui arrive aux arbres fruitiers louchés par la grêle. La poire et la pomme de la nature, il ne faut pas les chercher dans les vergers, mais dans les forêts. Le voilà donc qui explique l'arbre comme il a expliqué la plante. Quant aux herbiers, les herbiers nous servent de mé- moratif pour les plantes que l’on à déjà connues ; mais ils font mal connaître celles qu'on n’a pas vues auparavant : ainsi le portrait d’un homme qui n'est plus vous frappe davantage lorsque vous l’avez connu dans sa vie. « Pour composer un herbier, prenez la plante en pleine fleur, dégagez-la de la terre qui entoure la racine, faites-la sécher avec soin, et classez votre plante dans la famille à laquelle elle appartient ; choisissez avant tout un temps sec et chaud, de onze heures du matin à six heures du soir : c'est la belle heure de la botanique. » Heureux quand il parlait ainsi des plantes, son der- nier amour, J.-J. Rousseau redevenait tout à fait l'homme heureux qui s'écriait, avec des larmes dans les yeux et dans le cœur : « La pervenche! la pervenche ! » en souvenir de sa jeunesse heureuse, de son amour brülant et naïf, de ses chastes transports ; en souvenir de la grâce, de la beauté et du charmant sourire de madame de Warens. Mais qu'il y a loin de cette botanique sentimentale à la science de nos mo- d XVI LE JARDIN DES PLANTES. dernes professeurs ! Il ne s’agit plus des äeux mille espèces de Daudin, des cinq ou six mille plantes de Tournefort, de dix mille végétaux décrits par Linné et de Jussieu, des vingt ou trente mille plantes réunies dans le grand ouvrage de M. de Candolle, dont le monde savant pleure la perte récente. Au- jourd'hui ce cercle s'agrandit sans cesse, chaque année voit s'enrichir l’im- mense herbier âu Jardin des Plantes, et les derniers recensements portent à plus de soixante-dix mille le nombre des végétaux connus. Il a fallu fraction- ner ce vaste domaine; la vie d’un homme suffit à peine pour embrasser un des points de cette science, dont les limites reculent sans cesse. Les mousses, les lichens, les champignons ont trouvé de dignes historiens ; el les ouvrages de Dillens, de Bulliard et de Persoon montrent tout ce qu'il faut de talent et de patience pour approfondir les mystères de cette cryptogamie qui dépasse à peine le sol, et se cache sous la feuille dont chaque automne jonche la terre. D'autres botanistes ont mieux choisi : Mertens a décrit l'immense et superbe famille des palmiers, Rublet, les chênes du nouveau monde; d'autres ont étudié l'ensemble des plantes d’un seul pays : Desfontaines a fait la Flore atlan- tique, Aubert du Petit-Thouars, celle de Madagascar, Brown, celle de la Nou- velle-Hollande; et ces travaux isolés, accomplis avec une rare persévérance, ont prouvé qu'il y avait dela gloire à acquérir même en ne s’occupant que d'une partie de cet ensemble. Peu de privilégiés comprennent tout le bonheur réservé à ces amants solitaires d’une science aimable entre toutes ! Peu d’âmes sentent ces joies si pures, causées par la contemplation perpétuelle de ces merveilles odorantes et si richement colorées. On sourit aux transports d’ad- miration de l'illustre Gærtner, à l'occasion de tous les fruits sur la structure desquels il à fait un si savant ouvrage. On s'associe aux regrets de M. Desvaux sur les circonstances qui l’ont empêché d'achever la publication de sa grande monographie des feuilles et des végétaux, et l'on envie avec lui le bonheur de M. Gettard, qui à terminé son grand travail sur les poils et les glandes de toutes les plantes connues. N’allez pas croire qu'arrivée à ces dernières limites de l'analyse, la science puisse se reprocher des futilités indignes d’elle ! Ces glandes, par exemple, ces nectaires, si curieusement observés dans leurs trans- formations successives par Sprengel, par Hall, par Pontedera et par Bohemer, sécrètent des matières utiles, fournissent à l'abeille le suc dont nous vient le miel, et jouent un rôle important dans la physiologie végétale. Tout se tient dans ce vaste ensemble des productions de la nature, et les hommes laborieux qui consacrent leurs veilles à l'étude d’une partie quelconque de ce grand tout, sont assurés d'apporter une pierre au divin édifice qu'élèvent les géné- rations, d'ajouter un anneau à cette chaîne merveilleuse qui unit étroitement l'atome aux animaux les plus parfaits, ceux-ci à l'homme raisonnable, l’homme enfin à Dieu lui-même, par l'intermédiaire des esprits qui peuplent l’espace. C'est ainsi que, dans le Jardin des Plantes, toutes les passions honnêtes se rencontrent. Nous venons de vous dire les ravissements du botaniste ; voulez- vous maintenant que nous vous disions, non pas la curiosité du minéralogiste qui cherche à reconnaître, dans leurs enveloppes terrestres, l'or et l'argent, le cuivre et le fer, le mercure et l'étain, le charbon et le soufre, toutes ces bril- Le Roitelet à triple bandeau,le Chardonneret la Mésange bleue, lu = la Sittelle et le Bouvreuil, Publié par par J'J,DUBOCHET et Comp*° LE JARDIN DES PLANTES. XXVI lantes richesses que la terre renferme, non pas même l'attention des zoolo- gistes, mais tout simplement la joie du chasseur? À Moi qui vous parle et qui suis tout aussi ignorant que vous pouvez l'être de ce grand art de la chasse dont il a été écrit tant de traités à commencer par Dufouilloux et finir par M. Deyeux, moi le plus triste chasseur qui ait jamais porté un bâton d'épines dans une forêt giboyeuse, je vous assure que j'ai fait dans le Jardin des Plantes la plus admirable chasse qui ait jamais été faite. J'avais rencontré dans ces allées si bien sablées un vieux chevalier de Saint- Louis qui avait perdu dans une chasse au courre, chez M. le prince de Bour- bon, sa jambe gauche et son bras droit. Ainsi blessé, notre vieux chevalier avait encore trouvé le moyen de suivre les chasses de son royal ami, mais hélas ! à la perte de son bras et de sa jambe, était venue se joindre la mort affreuse du dernier Condé, cette énigme fatale, et à la mort du prince de Condé, la venue de madame de Feuchères ; si bien que notre enragé chasseur, retiré dans la rue de Buffon, seul, sans amis, sans un pauvre bras pour appuyer le dernier bras qui lui restait, n'avait plus d'autre joie que de venir chaque jour viser de loin, d’un coup d'œil animé et sûr, toutes les bêtes féroces, tous les oiseaux de l'air, tous les gibiers de l’univers.«Oh! se disait-il, si j’a- vais mon bras, comme je prendrais mon fusil à piston! » Un jour, entre autres, comme j'offrais mon bras au digne gentilhomme : « Mon fils, me dit-il, vous avez grandement raison d'aimer et de respecter les vieillards. Je vous ai tou- jours connu pour un homme bon et loyal, mais vous aimez trop les livres, vous lisez trop les longues histoires, les poésies qui endorment, le rabâächage politique ; et quand je pense que vous n'aimez pas la chasse ! la chasse, juste ciel ! quelle vieillesse malheureuse vous vous préparez, mon enfant. Mon en- fant ! voyez, que vous êtes déjà gros, lourd et massif! voyez, moi au contraire, la taille d'un cerf! mais hélas! plus de bras droit, plus de jambe gauche, plus rien que le coup d'œil. Cependant écoutez-moi, croyez-moi, pendant qu'il en est temps encore, devenez un chasseur. Voyez quelle joie, si vous teniez au bout de votre fusil ces tigres qui bondissent, ces faisans qui voltigent, ces perdrix qui brillent au soleil, ces lièvres qui s’enfoncent dans la plaine, les cerfs qui brament dans les bois. Dieu merci, une bienveillance a réuni dans cetle enceinte toutes les merveilles des forêts, sans cela je serais mort. Dieu merci, si je n'ai plus le fer à la main, j'ai sous les yeux le plus bel ensemble qui puisse réjouir les yeux d’un vieux chasseur comme moi. Allons, soyez attentif à ce que je vais vous dire ; prêtez-moi une attention obéissante, laissez- moi vous convaincre par des arguments sans réplique de la beauté de la pas- sion que je pleure; à votre âge, on pense encore à l'amour, à mon âge on ne pense plus qu'à la chasse, vous le verrez : c’est l'exercice le plus salutaire contre l'oubli des maux de la vie, c’est le spécifique le plus puissant contre toutes les douleurs de l'âme et du corps. » Je pris place sur un banc de pierre, vis-à-vis la volière, où s’ébattaient en chantant tous les oiseaux de l’Europe, et, me tenant par le bras, pour me ren- dre attentif, le vieux chasseur me tint à peu près ce langage : ‘ La chasse, tout autant que l'amour, a été honorée par les nations les plus diverses : les Assyriens, les Hébreux, les Perses, les Mèdes, les Circassiens, les XXVH LE JARDIN DES PLANTES. Lapons eux-mêmes, ont été ou sont encore de grands chasseurs. Nemrod ex- cellait à la battue, Alexandre à la chasse au courre, César à l'affüt, Pline le Jeune à la chasse au filet. Les Celtes, les Germains, les Gaulois, employaient avec une ardeur égale, à ce bel art, le javelot, l'épieu, l'arc et l’arbalète; Diane a été de son temps une divinité égale à Apollon. Que de livres enfantés par celte pas- sion des gentilshommes ! les philosophes aussi bien que les poëtes, les histo- riens tout autant que les romanciers, ont exalté comme il convenait ce be- soin de courre le cerf et de forcer le sanglier. Xénophon n'y a pas manqué ; Appius non plus qu'Arien, Gratien non plus que Nemesianus, Frédéric I, Albert le Grand qui était un peu sorcier, Adrien Castelleri, Conrad Heesbach, Jérôme Fracastor qui a chanté tant de choses, ont tous célébré cette vie de forêts et de montagnes. L'Allemagne s’honore à bon droit d’un chasseur nommé Hartig. La France est fière des dissertations savantes de Gaston Phé- bus , comte de Foix, de Jean de Francières, maître piqueur de Louis XI, de Guillaume Tardif, le lecteur de Charles VIT; Charles IX lui-même, le roi de la Saint-Barthélemy, à écrit en vrai flibustier un Traité de la chasse au cerf; et cependant, tout roi qu'il était, Charles IX s’est laissé battre en cette matière par Jacques Dufouilloux, le Nicolas Boileau - Despréaux de ce grand art de tirer des coups de fusil en plein champ. Vous n'oublierez pas d’ailleurs, mon cher enfant, que ce bon Henri IV, le père du peuple, qui voulait que son peuple mît la poule au pot chaque dimanche, envoyait aux galères le ma- nant qui aurait voulu remplacer la poule absente par une malheureuse per- drix. « Puis donc que l’on s’est amusé à écrire tant de romans, et vous-même qui en avez écrit de fort tristes, avec lesquels mon noble maître, le duc de Bour- bon, bourrait son fusil, puisque les peintres ont tant à honneur dereprésenter, dans leurs tableaux les plus fidèles les images adorées de tant de belles amours dont nous savons les noms depuis notre enfance, pourquoi donc, je vous prie, ne pas donner autant d'importance à la vénerie? Pourquoi ne pas s'oc- cuper du gibier-plume et du gibier-poil comme on s’est occupé du gibier- blond: et du gibier-châtain ? Et ne ferez-vous donc, à moi vieillard, sans en- fants, sans amis, qui n'ai pas même un petit bois où je puisse m’asseoir pour tirer un lapin, un grand crime de traiter le faisan, la gélinotte, la bécasse, le pigeon biset, gibier de bois; la perdrix et la caille, gibier de plaine; le ca- nard sauvage et le pluvier, gibier de marais, comme Van-Dyck, comme Ru- bens, comme Murillo ou Vélasquez ont traité tant de beaux oiseaux, au char- mant plumage, gibier de boudoir, gibier de grottes obscures, flamboyant et étincelant gibier des théâtres, des coulisses, des petites maisons et des salles de bal. «Je crois que c’est Ovide qui l’a dit, et il avait raison, il faut au chasseur et à l'amoureux des qualités identiques. Bon pied, bon œil, le nez au vent, l'o- reille au guet, le cœur assez calme ; il faut être actif, adroit, patient ; il faut reconnaître le gibier à la trace la plus légère, à la plus faible senteur, par ici a passé le lapereau, par ici a passé une belle fille de vingt ans! En chasse don’, vous les sages , les heureux et les philosophes, qui vous contentez de tirer votre poudre aux moineaux ! Parcourez à votre choix la montagne ou la LE JARDIN DES PLANTES. XXIX plaine ; levez-vous de bonne heure, quand la rosée est remontée au ciel qui l'envoie. Bonne chasse ! Vous savez d’ailleurs comment se tue le faisan com- mun, Phasianus colchicus, comme dit Linné. Le faisan, cette flamme qui vole, est un gibier plein de caprices. 11 n’y a pas de jolie Parisienne qui soit à la fois plus stupide et plus malicieuse. Tantôt l'animal (je parle du faisan, ajouta-t-il avec un sourire ) se laisse prendre à coups de bâton, tantôt il vous échappe à tire-d’aile, et le meilleur fusil de Lepage ne pourrait l’atteindre. Aujourd’hui il se poserait volontiers sur votre épaule, le lendemain il se perd dans le nuage. Si vous le voulez tirer à coup sûr, tirez le bec, je parle toujours du faisan. Ce qui est plus sûr encore, c’est de le prendre à l’affüt, à la traînée le soir, quand il a bien nettoyé son beau plumage , bien préparé sa petite aigrette, bien lavé ses jolies petites pattes, et qu'il s’est posé coquettement dans une avant-scène de l'Opéra. je ne parle plus du faisan. « Mon jeune ami, vous ne regardez pas avec l'enthousiasme convenable ces belles perdrix qui paraissent nous défier dans leur bocage de métal. « La perdrix me représente ce que nous appelions, dans nos beaux jours de jeunesse et de misère, la chasse à la grisette. Justement il y a la perdrix grise qui vaut mieux que la perdrix rouge, qui vaut mieux que la bartavelle, quoi qu'en disent quelques méchants gourmets blasés, qui jugent du gibier par la couleur de son brodequin. La bartavelle est la sœur aînée de la perdrix grise. Voilà un joli oiseau à tirer ! On le rencontre en troupes dans les champs de blé aussi bien que dans les magasins de la rue Vivienne. Le plumage est lisse et bien tenu. La queue se compose de quatorze plumes de couleur cendrée, l'iris de l’œil est d’un brun gris, la gorge et le devant du cou sont tout à fait bleus, le dos est d’un gris cendré tirant au rouge quand elles sont jeunes. Elle ne fait point de nid {la bartavelle), et se contente de déposer assez négligemment sur la mousse les œufs qu'elle fait chaque printemps. La perdrix grise, modeste et sage, ne se mêle jamais avec la perdrix rouge. Elle est infiniment plus ser- viable et plus facile à apprivoiser. Elle aime à se joindre en nombreuses com- pagnies aux individus de son espèce. Elle marche devant votre chien ; si vous voulez l'avoir, courez vous-même au bout du champ, la pièce partira. File- t-elle en ligne ? tirez en plein corps. Vole-t-elle en montant? tirez sous les pattes; si elle tourne, tirez sous l'aile. Vient-elle sur vous à hauteur d'homme, tirez au bec. (Je cite textuellement, ce n’est pas moi qui fais dire toutes ces choses à notre chasseur.) Je connais quelques jeunes chasseurs qui, en fait de perdrix grises, ne prennent pas tant de souci, et qui tirent tout simplement de patte en bec, et la chasse leur a réussi plus d’une fois. » Ceci dit, notre homme plongeait sa main gauche dans sa tabatière placée entre les deux genoux, et il recommença sa dissertation commencée : « Après la perdrix grise vient la caille. Celle-là est un oiseau de passage qui ne perche jamais, qui vit à terre, qui est polygame, oiseau de plaine et de la rue du Helder. Elles subissent deux mues {les cailles), l’une à la fin de l'hiver, l'autre à la fin de l'été. Elles sont répandues partout, préférant les pays chauds et tempérés, mais ne craignant pas les autres. On a remarqué qu'elles ne voyagent guère qu'au crépuscule, et choisissent les pleines lunes pour se mettre en route. » XXX LE JARDIN DES PLANTES. Je cite toujours mot pour mot. Notre chevalier ajoute encore « que la chair de la caille est appétissante et convenable à tous les âges comme à tous les tem- péraments. En un mot, disait-il, une plaine couverte de cailles est une source de plaisirs toujours nouveaux, sans cesse renaissants. » Quand il eut ainsi parlé, il'se leva, et clopin-clopant il me conduisit à tra- vers les immenses volières du jardin, toutes remplies d’éclatantes couleurs et de joyeuses chansons. Chaque animal dont il me parlait, il me le montrait de sa main absente, et il me disait : « I y à des gens qui aiment la gélinotte au fin plumage, qui tient le milieu entre la perdrix rouge et la perdrix grise. Autant vaudrait tirer sur le janga, oiseau moitié français et moitié espagnol, qui ne se laisse guère approcher que des montagnards. Tel chasseur en veut au coq de bruyère, grand et petit; tel autre en veut au pigeon biset, ainsi nommé sans doute parce qu’il est so- ciable, fidèle à l'amour et à l'hymen jusqu'au point de se montrer fort jaloux ; parce qu'il est propre, rangé, soigneux, tendre pour sa femelle, dont il partage les soins pour ses petits. II y a mème des chasseurs féroces qui osent tirer sur la colombe, la femelle du biset ! Et, les bandits qu'ils sont! pour justifier leur brigandage, ils prétendent que la colombe, en dépit des poëtes et des flatteurs , est vorace ; qu’elle dévore les jeunes plantes, que sa chair est très-bonne à manger. Les colombes se divisent en colombes à collier et colombes rieuses {columba risoria), et elles sont également dangereuses avec ou sans collier. «Æï donc ! ne tirez pas sur le merle, à moins que ce ne soit un merle blanc. Il est si gai, si chanteur, si heureux d’être au monde! si bon garçon! sifin! Il sait si bien siffler lil se nourrit de vermisseaux et d'insectes, comme font les critiques. Gardez votre gros plomb pour l'outarde, mais eroyez-moi, respectez l'outarde barbue. Entendez-vous siffler le râle, cet enfant de l'Italie, venu tout droit de Gênes, la ville de marbre ? II faut le manger à genoux. Quand la bé- casse arrive, demandez-lui d’où elle vient. Elle vient de tous les côtés du monde, de l'Islande, de la Norwége, de la Russie, de la Silésie ; elle est Polo- naise, Allemande, Française tour à tour; elle a visité l'Afrique et l'Égypte, le Sénégal et la Guinée, le Groënland et le Canada. Pauvre oiseau voyageur! Et tant de chemin fait à tire-d'aile pour être nommé membre de la Société de géographie ou pour mourir sous le fusil d’un manant. » Ma foi, cet honnête homme était si heureux de parler de sa passion domi- nante, et d’ailleurs ilen parlait si bien, avec tant de bon goût et d'à-propos, que je me mis à l'écouter, d’abord par respect pour son vieil âge et pour son malheur, ensuite par intérêt et par plaisir. Remarquez que l'aspect de tous ces beaux plumages, le bruit varié de toutes ces douces chansons, ajoutait beau- coup à la clarté et à la démonstretion de ce brave homme. II me conduisit un instant, avec un petit ricanement de dédain, à la loge des animaux féroces, l'ours, le loup, le blaireau ; car c'était un chasseur au poil, à la plume, un chasseur de la plaine et de la montagne, et vous l'avez deviné, un chasseur (autrefois), un habile chasseur au fin gibier, qui se cachait sous les ombrages de Versailles ou du Petit-Trianon. «J'aime la plume, disait-il, je l’aime avec passion, et quant au poil, je suis loin de le dédaigner. Dans le poil il y en a de terribles, il y en à d'innocents. Les uns mangent quelquefois le chasseur, les autres sont LE JARDIN DES PLANTES. XXXI toujours mangés. D'abord vous avez l'ours, un des héros de La Fontaine. Je n'ai jamais compris que cet animal füt si méchant qu'on le dit. Il est sauvage, il n'est pas féroce. On dit qu'il aime la chair fraîche, mais aussi il se nourrit de légumes et de miel. L'animal défend sa peau, où est le crime? Nous le trai- tons à peu près comme on traitait sous l'empire les Autrichiens et les Russes ; il y a des gens pour qui l’on est bien injuste... comptez donc combien vos jour- naux ont fait dévorer de bourgeois à l'ours Martin, ce pauvre animal calomnié qui n’a jamais mangé que des brioches? «A la bonne heure le loup ! c’est un grand misérable. Il dévore tout ce qui lui tombe sous la dent, depuis le mouton jusqu'à la grenouille ; on le tue de toutes les façons, et même on l'empoisonne sans déshonneur. Nous en dirons presque autant du renard. Le renard est un drôle plein de ruses et très-dangereux. On le tue comme on peut, au terrier, au passage, à la traînée, au carnage, et en- core on n’en tue guère. Le blaireau est encore plus calomnié que l'ours. Le Dictionnaire des Chasses, qui doit faire autorité en ces matières, place le blai- reau parmi les animaux nuisibles ; et de quel droit, je vous prie ? Parce qu'il mange parfois des navets, des fèves, des pois, des carottes; le grand crime! Et voilà pourquoi vous faites du blaireau le pendant du renard! Et d’ailleurs il est si gentil, si fin, si paresseux ! Sa tête est mise à ‘prix A fr. 50 €. par blai- reau. « Quant à la fouine, fi donc ! M. le duc de Bourbon avait l'habitude de faire le signe de la croix quand il avait tué une fouine. La fouine est un ignoble animal, moitié loup, moitié renard. Elle tue pour le plaisir de tuer ; elle égorge même avant de se remplir le ventre. Écoutez, mon petit, écoutez ce petit moyen que j'ai inventé pour tuer une fouine. Sans doute le moyen est violent, mais il est sûr. On a beau dire : Mais vous tuez bien des arbres ! Une fouine tuée vaut mieux qu'un arbre vivant. Voilà mon secret; vous en ferez ce que vous voudrez quand vous aurez des fouines : « Quand la fouine se retire dans le creux d'un arbre, le meilleur moyen de se rendre maître de la bête est d’abattre l'arbre lui-même. » Vous pensez bien que nous n'avons rien dit du cerf, du sanglier, de la biche, du daim, du chevreuil, plus brave que le cerf et qui aurait honte de verser des larmes. Vous pensez bien que si mon ami n’a pas parlé du lièvre, c'est pour ne pas tomber dans toutes sortes de descriptions trop connues. Rappelez-vous seulement que «le cul d’un lièvre est un sac à plomb, et de faire uriner la victime quand elle est morte, me dit-il.» Du poil nous sommes revenus à la plume ; et, bonté du Ciel! que vous êtes grande quand vous lancez dans les airs ces vivantes merveilles. Ah ! laissons là le fusil et la chasse et ses grands plaisirs; admirors en toute liberté, en toute conscience, mollement couchés sur le gazon du rivage, les oiseaux de rivage et les oiseaux d’eau. Cette fois nous n'avons pas à redouter le rhumatisme et la goutte, et l'ophthalmie aiguë, et les autres revenants-bons de la chasse ; cette fois nous pouvons les suivre dans leurs caprices divers ces beaux oiseaux qui s'en- volent dans toutes sortes de directions, la cigogne blanche et noire, la grue commune et le flamant, le héron au long bec, qui est lié à tous nos souvenirs béraldiques, le vœu du héron, le roi du héron, nombreuse famille qui se ter— XXXII , LE JARDIN DES PLANTES. mine comme tant d'illustres familles par le héron-butor, sans oublier le courlis, l'hôte assidu et chantant des étangs et des rivières de la France; on sait son nom dans les Vosges, dans la Moselle, dans les deux Charentes, en Vendée, dans la Loire-Inférieure ; il est oiseau de pluie et de tempête, il est le courtisan de l'hiver et il le suit à la piste, comme l'hirondelle suit le printemps. «Et le vanneau? Mangez du vanneau, pour savoir ce que ce gibier vaut, disait notre gentilhomme. Et le pluvier-guignard ? le plus délicat des pluviers dorés et non dorés. Il est la fortune de la ville de Chartres ; il protége de son aile légère cette vaste cathédrale qui se rebâtit peu à peu. Vous avez aussi la race des chevaliers, chacun portant la couleur de sa maîtresse, le chevalier brun, le chevalier aux pieds rouges, le chevalier aux pieds verts et la maubége, et le combattant, et l'avocat, et le petit courlis, et le barbe-rouge à queue rayée, à queue rouge, à queue noire, habitants de la vase et du limon, hôtes bigarrés des marécages, becs noirs, piéds plombés ; autrefois la barge-rousse était Les deslisces des Francoys, dit le vieux Belon ; maintenant c'est la bécassine et la double-bécassine qui sont à cette heure les délices des Français. « Monsieur, monsieur, ajoutait le vieux chevalier, n'oublions pas, s’il vous plaît, n'oublions pas la poule d’eau qui demande beaucoup d'adresse, la mouche qui sent le marais, qui n’est bonne à rien, mais qui est amusante à tuer (Danton n'eût pas mieux dit). Le râle d’eau, qui ne vaut pas, à beaucoup près, le râle de genêt. Puis tout d’un coup notre chasseur s'agrandit encore. Quoi donc! mon maître, vous n'êtes pas content de tant de carnage ? vous voulez encore nous faire égorger ce beau cygne décrit par Buffon. «IE plaît à tous les veux ; il décore, il embellit tous les lieux qu'il fréquente ; on l'aime, on l’ap- plaudit, on l'admire; nulle espèce ne le mérite mieux! et voilà pourquoi vous voulez qu'on le tue ce beau palmipède chanté aussi par Virgile, ai-je répondu au vieux gentilhomme? À ce blasphème cruel, la plume me tombe des mains ; puissent tous les fusils en faire autant ! » C'est ainsi que, grâce à ce beau jardin tout rempli de sa passion favorite, le vieux chasseur prenait sa peine en patience. En présence de ces merveilleux animaux qui sont la vie des forêts, l'honneur de la plaine, le mouvement de la montagne, la décoration variée du fleuve ou de l'étang, il était comme est l'a- mant en présence du portrait de sa maîtresse adorée. Mais quoi! il n’est pas encore satisfait : il y a encore quelque chose à tuer dans cet univers. Le cor re- tentit dans les bois, comme il est dit dans l'opéra de Robin des Bois. Cette fois l'insatiable chasseur, non content de toute la plume et de tout le poil du royaume de France, se met en voyage pour les trois parties du monde, et il arrive tout d’abord en Afrique, le fusil sur l'épaule, suivi de ses chiens et de son carnier. Ne troublons pas, je vous prie, son envie; c'est de tuer une ga- zelle : il yen a de si belles au Jardin des Plantes! La gazelle se chasse à che- val, ilest bien rare qu'elle se laisse prendre, même par les plus fiers chevaux. Mais à quoi bon les gazelles? — Parlez-moi, s'écrie-t-il, de tuer une lionne et un lion! En effet, il s'en va dans la caverne du lion et de la lionne, et d’une main légère il dérobe les plus jolis petits lionceaux du monde, sous le ventre même de la mère, qui veut bien ne pas s'en apercevoir. « On à beaucoup exa- géré la férocité des lions de PAfrique. » Je le crois pardieu fort, quand on voit LE JARDIN DES PLANTES. XXXHI un gentilhomme de l'armée de Condé enlever ainsi ces lionceaux pour en man- ger les pattes et la langue avec des dames du pays. Après quoi nous passons dans l'Afrique occidentale du centre-ouest, et notre chasseur, ce jour-là, tue un gibier qu'il n'a pas encore eu l'occasion de tuer, un gibier que bien peu de chasseurs ont tiré en Europe, excepté les chasseurs d'Afrique : il tue des toua - riks..…. il y a justement des têtes de touariks au Muséum. Le touarik est un gibier qui monte à cheval, qui se défend avec des flèches, qui est circoncis et qui croit en Mahomet. Le touarik se tue, comme l’autruche, à coups @e pistolet. Un autre jour, on fait la chasse aux singes; le singe ressemble beaucoup au touarik. Pour les abaitre, pour les atteindre, ces deux bêtes si différentes, je vous assure qu'il ne faut être ni pied bot, ni manchot. A ce propos, n'oublions pas la chasse aux manchots, qui s’abattent à coups de bâton ; la chasse à l'hippopotame, moitié chasse et moitié pêche, et tant d’autres animaux qui se promènent de l'Égypte à Tunis, de Tunis aux frontières d’AI- ger, de l'empire de Maroc à la Sénégambie, de Tombouctou à Bournou. Vous voyez bien que ce brave gentilhomme avait le délire, et que l’idée seule de la chasse l’emportait bien loin de Paris, oui, certes, bien loin de Paris, au Jar- din des Plantes, lelieu de la terre le plus peuplé et le mieux peuplé de l'univers. Moi, je ne suis guere de cette humeur à tuer toutes choses. A Dieu ne plaise que je me mette au milieu de ces enragés qui ne connaissent qu'un plaisir : faire feu sur tout ce qui est au bout de leur fusil ; j'aime assez les créatures du bon Dieu pour leur laisser la vie, l'ombre, l’espace, la chanson joyeuse, le plumage doré et le soleil. L'oiseau est l'honneur du printemps ; il est la chanson mati- nale du champ de blé, il est la plainte mélancolique de la charmille, ilestle chant de triomphe, il est le cri de douleur, il est l’'hosanna in excelsis de cette belle et grande nature où chaque être tient sa place, depuis l'aigle qui affronte le soleil, jusqu’au ver luisant jetant sa pâle clarté sur la feuille que laisse tomber la rose. Eh bien! consolez-vous. Détournez vos yeux de cet affreux carnage ! Laissez là les sanglants récits de l’intrépide chasseur, vous êtes à l'abri de ces coups, vous les faisans dorés, vous les oiseaux jaseurs aux couleurs changeantes, vous les tigres, les lions et les ours de la nation. Quant à nous autres, les simples curieux, les voyageurs oisifs, ouvrons hardiment nos oreilles, nous n’entendrons pas la détonation du fusil, mais bien le chant de l'oiseau. A la place de ces cadayres sanglants, voici des oiseaux qui volent. Dans la plus charmante volière qui soit au monde, des mains heureuses et savantes ont réuni les plus beaux oiseaux de la terre, et nous les pouvons voir dans leurs plus belles couleurs, dans les attitudes les plus charmantes de leur existence de chaque jour. Hs y sont tous, je dis les plus beaux, les plus charmants, les plus joyeux, dans leur plus transparent attirail. Cette chaîne ailée commence par le merle rose, pieds oranges, bec orange et noir ; la huppe à joue grise, à bec noir, la huppe orange et rouge de feu ; le chevalier quiquette aux pieds verdâtres, le gros-bec et le bec croisé ; l'hirondelle de mer, épouvantal, ainsi nommé parce qu'il est le plus gai des oiseaux ; celui-là, commie tant d’autres oiseaux, possède deux plumages, le plumage d'amour et le plumage d'hiver. Quel homme en ce monde n’a pas son plumage”? les cheveux noirs et bouclés; et son plumage d'hiver? la tête grise et chauve. Viennent ensuite, dans cette ronde aérienne, le coq domestique, qui € XXXIV LE JARDIN DES PLANTES. serait le plus beau des oiseaux s’il n'habitait pas nos basses-cours ; le morillon ct le héron pourpre, et le bouvreuil au bec noir, aux pieds bruns, au ventre blanc, et le paresseux dans son plumage d'amour ; paresse et plumage d'amour, deux mots qui jurent! Vous ne sauriez croire que d’admirables petits êtres pas- sent ainsi sous nos yeux ravis. Savez-vous rien de plus joli que la mésange bleue? rien de plus gai que la fauvette à tête noire? Et la mésange-moustache ? Vous en avez rencontré plus d'une dans nos salons, la lèvre supérieure om- bragée de ce fin duvet qui rend la lèvre plus rose et la dent plus brillante. Et le pinson, et le bruant, et la fauvette-rossignol, comme madame Damoreau, et le geaï, cet admirable ricaneur ; jusqu'à ce qu'enfin arrivent à leur tour les aigles et les cigognes, les faucons et les freux, les outardes et les grues, les corneilles et les engoulevents : tous ces tyrans de l'air ont la beauté en partage, tout aussi bien que Néron l'empereur. Mais cette fois, qui que vous soyez, tyran ou victime, gros-becs à gorge rouge ou mésange huppée, tourne-pierre à collier, avocette à nuque noire, bécasseau- échasse, pluvier à collier interrompu, buse et milan royal, cigogne noire et ca- nard tadorne, aigle criard et gypaète barbu, œdicnème et talève, cresserellette et ganga, ne craignez rien, livrez-vous en paix à vos jeux, à vos amours, à vos passions, à vos adorables caprices des quatre saisons de l’année ; cette fois vous n'êtes pas exposés au fusil Lefaucheux, au fusil Robert, aux filets et à la glu; cette fois vous êtes l’ornement bien-aimé, la gloire bien protégée et bien dé- fendue, la joie honnête et populaire du plus beau jardin de l'univers. La restauration n'a fait que suivre l'impulsion donnée au progrès du Muséum. On ne s’est pas contenté, cette fois, d'agrandir le jardin, de le pousser jusqu'à la rivière, de le dégager de toute ombre malfaisante, de tout voisinage incom- mode, on a voulu encore associer à cette œuvre et à cette joie nationale tous les amis de l'histoire naturelle. Nous avons vu déjà que plus d’un voyageur, plus d’un marin célèbre avaient donné l'exemple d’un dévouement sans bornes à cetteinstitution.Ces exceptions tropraresdevinrent bientôt une habitude. Pasun marin de quelque importance, pas un capitaine de vaisseau, pas même un lieu- tenant de frégate n'aurait cru son voyage complet, s’il n’eût pas pu en consigner quelques souvenirs au Jardin des Plantes. Nous avons déjà nommé le capitaine 3audin ; il faut nommer MM.J.Diart et Duvaucel, MM. Leschenault et Aug. Saint- Hilaire, M. Delalande, M. Dussumier-Fonbrune, M. Steven, M. Dumont-d'Ur- ville, M. Freycinet, M. Philibert, M. le baron Milius, M. la Place, M. du Petit- Thouars, le savant et l'illustre voyageur autour du monde. Lesunsetles autres, de tous les lieux de la terre habitée, de Calcutta et de Sumatra, de Pondichéry et de Chandernagor, du Brésil et de l'Amérique septentrionale, du Cap et des Philippines et du Caucase, des îles de l’Archipel et des bornes du Pont-Euxin, des terres australes et de la Guyane française et de l’île Bourbon, ont envoyé toutes sortes d'échantillons admirables, vivants ou morts, qui ont agrandi, outre mesure, cette précieuse collection. À ce propos, soyons justes. A force de nous occuper des grands meneurs du Jardin des Plantes, à force de parler des Cuvier, des Buffon, n'oublions pas, dans notre reconnaissance et notre estime, les humbles compagnons de leurs travaux et de leur science. Que les directeurs du jardin des Plantes passent les premiers, c'est trop juste; mais LE JARDIN DES PLANTES. XXXV aussi que les plus humbles ambassadeurs de leurs observations et de leur for- tune ne soient pas passés sous silence. Cette vaste science de l’histoire natu- relle, qui embrasse le monde entier, ne peut passe faire entre quatre murailles ; elle doit, avant toute chose, se répandre au dehors. A l'exemple de toutes les grandes puissances de l'Europe, la science naturelle agit surtout par ses députés, par ses ambassadeurs ; donc, au-dessous du grand naturaliste qui reste au jardin pour écrire, pour raconter, pour enseigner toutes les découvertes dont il a le secret, il y a le naturaliste-voyageur, plus dévoué et plus ardent, qui s’en va dans toutes les latitudes, ramassant, recueillant, entassant dans sa lourde valise, dans son immense herbier les minéraux et les plantes, les pois- sons de la mer et les oiseaux du ciel. Un pareil homme doit être infatigable, actif, laborieux, plein d’obstination et de courage. Rien ne le fatigue, rien ne lui fait peur. Pour cet homme, chaque animal de la création, même le plus abject et le plus difforme , est une chose d’une grande valeur. Il ira chercher les plus affreux insectes dans la pourriture, dont ils sont comme une exhalaison vivante ; il ira chercher le lion dans sa tanière ; il dompte l'éléphant; il arrête le chevreuil qui s'enfuit dans les bois ;ilest chasseur, historien, dessinateur, physio- logiste ; il rapportera de l’autre extrémité du globe une plante inconnue dansson chapeau, une bête féroce dans sa cage. Noble, curieuse et sincère passion qui se suffit à elle-même, car pour l'ambassadeur du Jardin des Plantes, on n’a encore inventé ni la gloire, ni les académies, ni les honneurs que donne la science. Une fois que ce digne homme est de retour de ses voyages lointains, une fois qu'il à déposé, à la porte du sanctuaire, cetimmense butin qui représente souvent dix années de sa vie, c’est à peine s'il lui est permis de s’asseoir à l'ombre des arbres que ses prédécesseurs ont plantés. Dans ce Muséum embelli par ses soins, l'intré- pide naturaliste est reçu comme tout le monde. La plante qu’il a ramassée dans le désert, et à laquelle lui-même, mourant de soif, il aura prodigué sa ration d’eau de chaque jour, la plante tant aimée se tient dédaigneusement renfermée dans son palais de cristal. Le digne homme la voit de loin prospérer et grandir ; mais qu'importe? Plus reconnaissant que la plante qui ne reconnaît que le soleil, qui n’obéit qu'au vent tiède et doux, l'animal féroce dont il a été le gardien et le dompteur le reconnaît en bondissant dans sa cage, ille salue d’un hennissement joyeux; ce sont là ses plaisirs, il n’a pas d’autres récompenses. A peine son nom est-il inscrit sur une des pages brillantes de cette grande histoire, à peine si le jardinier en chefle protége. Trop heureux encore s’il peut atteindre à l'honneur inespéré de voir son nom ou bien le nom de son jeune fils, ou bien le nom de sa femme, si souvent délaissée pour la science, se rattacher à quelques-uns des fruits qu'il a ramenés de si loin, à quelques fleurs dont il aura doté la patrie ? Un tel homme est le paria de la science. Mais tel est le charme de la science, qu’elle efface absolument les humiliations et les dégoûts de tout genre; elle porte en elle-même sa consolation et son courage, elle se passe de la reconnaissance des hommes, elle se passe de tout, même de la gloire. Ceci vous donne le secret de bien des dévouements obscurs, ceci vous explique bien des luttes ignorées. Voulez-vous cependant, pour que notre justice soit complète, que nous pre- nions au hasard la biographie de l’un des naturalistes dont nous parlons ? M. Milbert, par exemple, mort l'an passé, sans que pas une voix s'éleyät XXXVI LE JARDIN DES PLANTES. pour lui payer un tribut de reconnaissance ct de respect. Peintre, naturaliste, voyageur, correspondant du Muséum d'histoire naturelle de Paris, au Jardin du Roi, Jacques-Gérard Milbert aurait pu attacher son nom aux plus grands tra- vaux et aux plus admirables découvertes de ce temps-ci; il s’est contenté d’y apporter sa part de zèle et d'utilité. II était né à Paris le 18 novembre 1766, et de fort bonne heure se révéla l'instinct qui le poussait à étudier l’histoire natu- relle dans ses moindres détails. Cette passion naissante pour toutes les belles choses de la création, à commencer par la fleur qui est à la surface, à finir par le minerai caché dans les entrailles de la terre, avait fait tout d’abord du jeune Milbert un dessinateur pratique, comme il en faut pour reproduire, dans toute leur beauté, et sans les embellir, les moindres détails de l’histoire natu- relle. En 1795, il fut nommé professeur de dessin à l’école des Mines; la même année, il fut chargé d’une mission dans les Pyrénées, d’aù il devait rapporter tous les sites relatifs à l’exploitation des mines. Déjà les premiers travaux du jeune naturaliste avaient eu assez de retentissement pour que, deux ans plus tard, il fût admis à l'honneur de suivre, dans sa conquête de l'Egypte, le gé- néral Bonaparte. Malheureusement, tout désigné qu'il était pour cette expédi- tion, Milbert ne put pas partir, et cela a été, depuis, un des grands chagrins de sa vie, quand il se souvenait de tous les beaux échantillons qu'il aurait pu ramasser dans la vieille patrie des Pharaons. Cependant, pour n'avoir pas suivi le général Bonaparte dans cet Orient à moitié conquis, M. Milbert ne restait pas oisif ; il avaitété chargé, en 1799, de visiter les Alpes, et de s'informer en même temps comment ces hautes montagnes pou- vaient être aplanies, et comment, depuis Genève jusqu'à Lyon, le Rhône pou- vait devenir navigable. L'année suivante, il s'embarquait pour les terres aus-- trales, comme dessinateur en chef de l'expédition, sous les ordres du capitaine Baudin. La route fut longue et semée de périls; mais aussi le voyage fut rempli de découvertes. De retour en Europe, M. Milbert fut préposé par le ministre à la publication de cetimportant voyage. On a aussi de lui, mais écrite en entier de sa main, une très-fidèle relation d’un voyage aux îles de France et de Ténériffe, et au cap de Bonne-Espérance. Il écrivait comme il dessinait, d'une main nette et ferme, simple et vraie avant tout. En 1515, nous retrouvons M. Milbert dans les États-Unis d'Amérique. En 1817, M. Hyde de Neuville, ministre de France aux États-Unis, charge M. Milbert d'un grand travail sur l'histoire naturelle. Ce travail a duré sept années ; et pour avoir une juste idée du zèle, de l’activité, de la patience, du dévouement, du courage de ce savant homme, il faudrait lire le rapport adressé par les professeurs du Jardin des Plantes au ministre de l’intérieur. « Monseigneur, disaient-ils, nous avons reçu récemment les douze caisses qui composent le cinquante-huitième et dernier envoi de M. Milbert, et nous pou- vons maintenant vous parler en détail des travaux de ce naturaliste infati- gable. » En mème temps les rapporteurs racontent, non pas sans émotion, avec quel zèle, quelle expérience pleine d’ardeur, M. Milbert a étudié l'immense terri- LE JARDIN DES PLANTES. XXXVII toire des États-Unis, ce vaste empire, aussi curicux à étudier par le naturaliste que par le philosophe et par le politique ; comment M. Milbert a ramassé çà ct là les produits des trois règnes dont il a enrichi le Cabinet du Jardin du Roi; comment enfin il a complété. avec sa fortune personnelle, les rares subsides que lui accordaient, pour l'accomplissement de cetimmense travail, le ministère de l'intérieur et le Muséum. Il avait choisi New-York comme le centre de ses opérations scientifiques, et de là il a visité le Canada, les lacs supérieurs, les bords de l'Ohio et du Missis - sipi. À Boston, il fut surpris par la fièvre jaune, et, à demi mort, il trouva, pour lui tendre une main amie, M. de Cheverus lui-même, le saint évêque exilé là, qui est devenu plus tard un des hommes dont l'Église gallicane sera fière à tout jamais. M. Milbert a raconté lui-même, dans Ja Vie du cardinal de Cheverus, quelle était l’hospitalité de ce grand évêque, et, avec son hospitalité, sa modestie, sa pauvreté, pour ne pas dire sa misère ; et comment, sans lui et sans M. de Val- pais, le consul de France, ct mademoiselle de Valnais, sa digne fille, lui, Mil- bert, il serait mort lourdement chargé qu'il était de son nouveau butin à tra- vers l’Amérique du Nord; et notez bien qu'il serait mort à la peine plutôt que de rien ôter de sa noble charge. L'histoire même en est teuchante, et nous re pouvons pas mieux la raconter que M. Milbert : ‘ « Dans l'été de 1820, je revenais d'explorer les hautes montagnes des Etats de Vermont et de New-Hampshire ; j'étais lourdement chargé ces collections d'objets d'histoire naturelle que j'avais recueillis dans cette excursion. Comme je suivais les bords pittoresques du Merimack, je fus rencontré par M. de Che- verus, qui faisait alors une tournée pastorale dans son diocèse. Surpris de mon état de fatigue, ce bon prélat, tout en louant mon zèle pour la science, m'a- dressa des reproches pleins d'affection; puis il me dit : — Asseyons-nous ici ; montrez-moi vos roches, vos crustacés, vos végétaux, toutes vos richesses. Vi- dons ce sac et vos poches aussi; je veux tout voir. Mais je m’aperçus qu’en pa- raissant examiner avec soin ces productions naturelles qui n'avaient pas même d'intérêt pour lui, il en faisait deux parts, et je lui demandai pourquoi il agis- sait ainsi. Je fais à chacun notre part, me répondit-il; ce second sac est pour moi; gardez seulement votre portefeuille de dessins, je le veux ainsi, mon cher ami! Nous allons marcher doucement jusqu’à Lowell ; de là, par le canal de Middlesex, nous parviendrons, sans fatigue, jusqu'à Boston. Et, malgré tout ce que je pus faire pour m'y opposer, le bon évêque se chargea d’une partie de mes collections. » Mais revenons à notre rapport. Outre les collections zoologiques et les dessins sans nombre envoyés par M. Milbert, on peut citer plusieurs animaux presque inconnus au Jardin du Roi, le minck, la moufette, le pekan, dont à peine les naturalistes avaient entendu parler, un loup américain, et il était encore dou- teux que l'Amérique ait eu des loups semblables à ceux d'Europe, un phoque {Phoca mitrata), dont M. Cuvier lui-même n'avait vu que le crâne, et tant d’autres mammifères de plus de cinquante espèces dont les naturalistes s’in- quiétaient beaucoup en ce temps-là. I y avait aussi, dans ces envois de M. Milbert, un grand nombre de mammi- XXX VII LE JARDIN DES PLANTES. fères conservés dans l’eau-de-vie, plusieurs squelettes les plus curieux, l'elck, le cerf de Virginie. Quant aux animaux vivants, ils étaient au nombre de quarante-neuf, les di- delphes opossum, mâle et femelle, le cougouar de l'Amérique du Nord, l'ours des Apalaches, plusieurs espèces de cerfs de la Louisiane et de Ja Virginie, l'élan d'Amérique, et surtout les deux bœufs sauvages, le bison et sa femelle, et iln'a pas tenu à M. Milbert que cet utile et infatigable travailleur de la Haute-Loui- siane ne füt naturalisé parmi nous. Le nombre des oiseaux s'élevait à quatre cents espèces composées de plus de deux mille individus. Pour la première fois, enfin, nous pénétrons dans les se- crets infinis de l’ornithologie américaine, et parmi les naturalistes les plus dis- tingués de l'Europe, ce fut à qui complimenterait M. Milbert de n'avoir jamais séparé le mâle de la femelle, et en même temps d'avoir suivi ces brillants échantillons de l'air, dans les nuances diverses de leur plumage; en effet, ce n’est que par la variété qu’on peut reconnaître l'espèce. Parmi ces espèces, il y en avait de tout à fait inconnues au Jardin des Plantes; d’autres qui avaient besoin d’être renouvelées : l'aigle à tête blanche, la buse à queue rousse, l’innombrable famille des pies-grièches, des fauvettes et des gobe-mouches, plusieurs troupiales, et entre autres le mangeur-de-riz, les tétras, que Linné à nommés le Tetrao togatus, Tetrao cupido, Fetrao phasiut- nellus, si mal décrits jusqu'alors, qu'on les regardait comme une seule et même espèce, malgré Linné. La mer et les fleuves n'avaient pas été exploités avec moins de bonheur que la terre ferme : les poissons, les coquillages, les tortues. Sur deux mille deux cents poissons envoyés par M. Milbert, plus de la moitié était même inconnue à Cuvier. Dans ces envois, on remarquait surtout deux requins, chacun d'une espèce nouvelle, une raie de sept pieds de large ct d’un genre à part, les estur- geons du Saint-Laurent, du lac Ontario et du lac Champlain, de six pieds de longueur, les limandes, saumons, brochets, et enfin plusieurs poissons vivants qui devaient être jetés dans la rade du Havre et dans la Seine pour y perpétuer l'espèce ; car c'était là un voyageur philosophe qui trouvait plus d'utilité à un être vivant qu'à dix reptiles empaillés. Malheureusement des gelées très-rudes ont fait périr les poissons de M. Milbert. Parmi les oiseaux vivants qu'il avait envoyés et qui sont encore aujourd'hui l’ornement du Jardin des Plantes, n'oublions pas le vautour brun de la Caro-- line du Sud, l'aigle chasseur des monts Alleghanys, l'aigle à tête blanche des bords de FHudson, l'aigle de Terre-Neuve, celui des montagnes de Pensyl- vanie, et nombre de grlinottes, de cailles, de canards sauvages, tout le terrible ou friand plumage dont il est parlé d'une façon si confuse dans les histoires des chasseurs du nouveau monde. Comme aussi l'intrépide naturaliste, pour être complet, et malgré sa répu- gnance à ramasser tant de bêtes inutiles, affreux chaînons de cette grande chaîne où tout se tient, n'avait oublié ni les lézards ni les cent cinquante es- pèces de reptiles, ni surtout la sirène lacertine et les agames et les geckos que contiennent les deux Amériques Dans les coquilles de M. Milbert, on a surtout remarqué des coquilles d’eau douce, peu étudiées avant lui, et dont il LE JARDIN DES PLANTES. XXXIX a rapporté plus de trente espèces nouvelles. Des insectes, il en a rapporté quatre cents espèces dont plusieurs sont nouvelles ; rien de plus beau que ses papillons de toute couleur ; pas un ordre d'insectes n’a été oublié dans cette admirable récolte de tout ce qui bruit, de tout ce qui rampe, de tout ce qui bourdonne, de tout ce qui voltige et resplendit dans les savanes. Le règne végétal n’a pas été plus négligé que les deux autres. M. Milbert aimait les plantes vivantes, comme il aimait les animaux vivants; il avait grand soin de ses herbiers, où il entassait toutes sortes de fleurs desséchées. Mais quand avec la plante il pouvait envoyer la graine; quand, au lieu du cadavre desséché de la fleur, il pouvait envoyer son âme, ilétait bien heureux et bien fier. L’herbier lui faisait l'effet d’un vaste cimetière où reposent toutes sortes de poussières, mais un beau petit arbre bien vigoureux, une fleur dans sa racine, un fruit qui arrive en germe d'Amérique, et qu'avec un peu de bonne volonté le soleil de la France va mürir, c’étaient pour lui autant de conquêtes d’un prix inestimable. Comme il les étudiait sur leur terre natale, ces jeunes plantes, l’es- poir de l'avenir ! il savait à merveille quelle zone leur pourrait convenir, sur quel sol ce chêne pouvait devenir un chêne, sous quel air cette rose pouvait fleurir ; il s’inquiétait avec une sollicitude toute paternelle des érables, des peupliers, des noyers, des châtaigniers, de toutes les épines qui fleurissent au printemps, et il les envoyait à l’Europe avec toutes sortes d'indications qu'il fallait suivre si on voulait voir l’arbuste prospérer et grandir. A défaut de nouveaux fruits, il envoyait des bois nouveaux ; il allait chercher, jusque dans les sols limoneux, dans les sables et même sur les hautes monta- gnes, dans les fentes des rochers, les pins, les cèdres, les genévriers, les mélèzes, les sapins, les cyprès. C’est lui qui nous a envoyé le cyprès chauve, un arbre utile, s’ilen fut. Vous le plantez dans la tourbe au milieu de l'eau, et ses feuilies qui tombent, le détritus de ses racines et de son jeune bois, ont bientôt com- posé autour de l'arbre une véritable terre végétale. Nous lui devons aussi un chanvre nouveau, une paille plus belle que la plus belle paille d'Italie, une espèce de patate qui se rencontre à cette heure dans tous les jardins. Si M. Milbert n'avait enrichi que des herbiers, il r’aurait droit qu'à l'éloge des savants; mais il nous a donné des fleurs qui fleurissent à tous les printemps, des arbres qui portent des fruits et de l'ombre, il à droit à la reconnaissance de tous. Dans le règne minéral, le savant naturaliste n’a pas été moins heureux; il a envoyé par fragments des échantillons de l'Amérique tout entière, des miné- raux inconnus, des espèces nouvelles, des roches merveilleuses, plus de sept cents échantillons de roche : vous pouvez suivre, grâce à lui, dans leurs miné— raux divers, la chaîne des Alleghanys, les plages orientales qui bordent l'Océan, les bords du fleuve Saint-Laurent, de l'Hudson et du Potamack, les lacs Huron, Champlain, Erié, Ontario; il a ramassé un grand nombre de débris organiques fossiles recueillis à la surface de ces vieux terrains calcaires qui constituent l'immense plateau où l'Ohio, le Mississipi et le Saint-Laurent prennent naissance ; ainsi, grâce à lui, les géologues ont pu comparer la constitution du sol des Etats- Unis avec celle des autres parties de l’ancien et du nouveau continent qui nous sont connues. XL LE JARDIN DES PLANTES. Au total, les collections de M. Milbert dépassent huit mille échantillons de tous genres recueillis dans tous les règnes. Ce rapport sur l'excellent et infatigable voyageur est confirmé par une parole authentique de M. Cuvier lui-même : «M. Milbert surtout, dit M. Cuvier, artiste distingué, a mis dans ses recherches une persévérance inouïe, et expédié plus de soixante envois; sans avoir été d’abord un naturaliste de profession, c’est un des hommes à qui l’histoire naturelle devra le plus de reconnaissance. » Quand il eut accompli cette longue et difficile mission, M. Milbert partit pour la France, accompagné de M. de Cheverus qui, lui aussi, rentrait dans sa patrie après avoir accompli de difficiles devoirs. Ils étaient déjà arrivés en vue des côtes, lorsque la tempête menaça de briser le navire qui les portait; on eût dit que la voix du saint prélat imposait silence à l'orage, le navire fut jeté à la côte, mais personne ne périt. De cette communauté de dangers entre le savant et le saint prélat devait naître une amitié qui n’a été interrompue que par la mort du cardinal-archevêque de Bordeaux. Telle a été cette vie si honorable et si remplie, utile entre toutes et si mo- deste, que les savants seuls ont entendu parler de M. Milbert. IL n'est pas juste que de pareils hommes sortent de ce monde sans qu’au moins après eux une voix s'élève pour dire à tous ce qu'ils ont été et quels services ils ont rendus. Au surplus, ces injustices de la reconnaissance publique deviennent de plus en plus rares ; la conscience publique s'inquiète de tout ce qui se fait d’utile de nos jours, et un sentiment de juste reconnaissance est toujours prêt à rémuné- rer ces modestes travaux. Voyez ce qui vient de se passer tout récemment en pleine Académie des sciences, au sujet des collections rapportées par l'expédi- tion de l’Astrolabe et de lu Zélée, commandée par le contre-amiral Dumont- d'Urville? La grande serre du Jardin des Plantes suffisait à peine pour contenir tout ce qui a été recueilli sur tous les points du globe, pendant deux ou trois ans de navigation. Les princes, les ministres, les hommes les plus distingués de la capitale ont afflué pendant plusieurs semaines, dans cette enceinte si mer- veilleusement remplie; chacun a pu admirer ces étranges productions des plus lointaines contrées, et s’enorgueillir, avec ceux qui les avaient rassemblés, de ce surcroît de richesses pour les galeries du Muséum. La collection de têtes hu- maines, rapportée par le docteur Dumoutier, a surtout excité l'attention des savants, des philosophes et des moralistes. Cuvier avait rassemblé, avec des peines infinies, un certain nombre de crânes appartenant aux principales races, et l’on admirait ce complément indispensable des travaux de Camper, de Buf- fon, de Sæmmering, de Pallas, de Blumenbach. C'étaient les premiers échan- tüllons du Muséum humain; car, il faut bien en convenir, le roi du monde créé, ce vase d'élection où fut déposé le germe de la suprême intelligence, l'homme, qui porte sur son front le signe d’une origine céleste, tient par tant de liens à l’ensemble du règne animal, qu'il ne peut en être séparé qu’en vertu d’une abstraction psychologique. Et, pour obéir à la loi commune qui veut des perfectionnements gradués et successifs, l'espèce humaine présente un cer- tain nombre de races qui semblait indiquer le progrès, et marquer de nom- LE JARDIN DES PLANTES. $ XLI breux degrés entre les peuplades grossières de l'Océanie et les plus nobles types de la race caucasique. Une semblable étude, qui se fait en quelque sorte à nos propres dépens, qui nous assimile aux espèces animales si rigoureuse- ment classées, est un acte de haute raison, d'humnilité glorieuse ; c’est une autopsie qui n’est permise qu’à nous, qu'à notre siècle, et qui couronne digne- ment le vaste édifice élevé par les temps modernes à l'éternel honneur des sciences naturelles. Tous les navigateurs avaient signalé l'existence de races distinctes répandues par groupes dans les diverses parties du globe. La conformation générale de la tête ne pouvait être le simple résultat de causes accidentelles, et il fallait admettre une différence radicale, primitive, entre le Cafre et le Français, entre les peaux rouges de l'Amérique du Nord et les habitants du céleste empire, entre les Malais et les peuplades de la Nouvelle-Hollande. La grande question d’une origine unique, soumise aux lumières de l'expérience, a paru se com- pliquer de difficultés sérieuses, et l’orthodoxie de nos anatomistes ne s’est pas contentée d'admettre les races japétiques et sémitiques. Mais si les plus nobles esprits ont établi sur de solides preuves une concordance entière entre la géologie et le premier livre de la Genèse, nul doute qu’on parviendra à trouver le lien qui unit chacune de ces familles humaines éparses sur la surface du globe, et à montrer l’étroite parenté qui existe entre ces enfants perfectionnés ou dégénérés d'un même père. M. Dumoutier a rendu un immense service à la science de l’homme en réunissant plus de cinquante têtes modelées sur l'individu vivant, coloriées de la manière la plus exacte et conservant l'identité des physionomies. Il ne s’agit pas ici de crânes, déjà fort précieux sans doute, mais enfin n'’offrant à l'œil qu’une forme dépourvue de ses enveloppes et de ses caractères les plus saisissants ; ce sont des têtes pleines de vie, reflétant les passions brutales du sauvage hébété, l'astuce du bipède affamé qui cherche sa proie, la ruse cruelle de l’anthropophage qui a soif de votre sang ; c’est l’homme enfin tel qu'il se présente à l'observateur, alors qu'il s’'abandonne sans frein à ses appé- tits grossiers. Et quelle patience, quelle persuasion n’a-t-il pas fallu déployer pour obtenir de ces barbares l'étrange faveur que l’on attendait d'eux! Mo- deler une tête vivante ! Mais savez-vous que les plus civilisés de nos compa- triotes consentiraient à peine à se laisser ensevelir dans une masse de plâtre délayé ; mais savez-vous que cette sorte d’enterrement exige, comme condition préalable, le sacrifice de la chevelure, ou, tout au moins, une préparation presque aussi désagréable ! Et lorsqu'on songe aux obstacles de toute espèce que M. Dumoutier a dü rencontrer dans l’accomplissement de cette singu- lière entreprise, on ne saurait se lasser d'admirer les résultats obtenus, et l'on s'associe pleinement aux éloges et aux récompenses qui lui ont été dé- cernés. Et les coquilles avec les animaux vivants ou conservés dans l'alcool, et les insectes les plus étrangers, et les oiseaux, et les poissons ! C’est un monde toujours nouveau qui vient augmenter notre monde connu ; c’est une popu- lation toujours croissante, et dont on s’applaudit comme pourrait le faire un souverain qui, placé à la tête d’une grande nation, se trouverait chaque année / XL : LE JARDIN DES PLANTES. plus riche, plus puissant d’un million d’âmes. Les derniers travaux de Lacé- pède et de Cuvier sur les poissons constataient l'existence de cinq ou six mille espèces, et aujourd’hui M. Valenciennes en compte plus de douze mille. Fabri- cius, Latreille et les derniers entomologistes ne possédaient pas plus de vingt mille espèces d'insectes, et aujourd'hui M. Audouin, qu’une mort prématurée vient d'enlever à ses travaux, M. Milne Edwards, ont plus que doublé ce nom- bre, et le baron Dejean possède dans son cabinet près de vingt mille coléop- tères. Que dirai-je des oiseaux, ces joyeux habitants de l'air, qui chaque année sont obligés de serrer leurs rangs, déjà si pressés, pour faire place aux nou- veaux venus, et qui se rangent si admirablement dans les familles instituées par Buffon, Vieillot, Duméril, Temminck et Latham? Chaque nouvelle expé- dition rapporte des espèces inconnues, des papillons qu’on prendrait pour des oiseaux, des oiseaux qui ressemblent à des papillons, et ces merveilles d'une création inépuisable, ces conquêtes de la science brillent aux yeux de tout le monde dans ces galeries que l’on doit agrandir sans cesse. Vous voyez donc que cette institution des voyageurs du Jardin des Plantes qui produit avec si peu de bruit de pareils hommes et de pareils dévouements, est une de ces nobles institutions qui annoncent et qui prouvent les grands peu- ples. Elle à fait de ces quelques arpents de terre perdus dans un des faubourgs de Paris comme un vaste et puissant royaume qui envoie ses ambassadeurs dans toutes les parties de l'Europe : ambassadeurs triomphants et glorieux cette fois, que rien ne saurait arrêter, ni les flottes chargées de canons, ni les forteresses armées, ni les guerres de peuple à peuple, ni les déserts, ni les fleuves débordés, ni les vallons, ni les montagnes. Qui que vous soyez, nations armées pour la guerre, laissez-les passer ces ambassadeurs du printemps et de l'automne, ces représentants pacifiques de Pomone et de Flore, ces Talley— rands modestes et passionnés de toutes les beautés naturelles; laissez-les pas- ser, Car on n’en veut ni à vos frontières, ni à vos rivages, ni à vos chartes, nià vos despotes; tout au plus veut-on ramasser quelques poissons dans vos fleuves, deux ou trois coquilles sur les bords de vos mers, quelques graminées incon- nues sur le sommet de vos montagnes, un bouton dans vos jardins, un pepin dans vos vergers, un oiseau qui chante sur la branche de vos arbres en fleurs. Voilà tout ce qu’ils demandent, les envoyés du noble jardin ; et comme échange naturel de cette modeste récolte dans vos plantations, dans vos bruyères, dans vos rochers, dans vos sables, dans les tanières de vos lions et de vos tigres, ils vous apporteront nos plus belles fleurs, nos plus beaux arbres, les fruits les plus savoureux, les graines les plus fertiles, leurs animaux les plus fidèles, leurs oiseaux les plus chanteurs. Aussi telle est la force toute-puissante de la paix et de la bonté parmi les hommes, telle est l'attraction inévitable de cette chose divine, appelée la bienveillance que, seuls dans ce monde, les ambassa- deurs du Muséum sont assurés, même parmi les peuples les plus féroces, de rencontrer les plus tendres sympathies. Le missionnaire lui-même, qui porte l'Évangile dans sa robe noire, comme ce Romain qui portait la paix ou la guerre dans le pli de son manteau, le missionnaire lui-même n'est pas au- tant le bienvenu que ces missionnaires de la science, tous chargés de ces opu- lentes corbeilles. Par une espèce de transaction tacite qui n’est inscrite dans LE JARDIN DES PLANTES. XLHI aucun de nos traités internationaux, il a été convenu qu’en tous temps, en tous lieux, à toute heure de la paix ou de la guerre universelle, passerait le commis voyageur du Jardin des Plantes. 1l est neutre, au, pour mieux dire, il appar- tient à la civilisation tout entière ; il peut crier, lui aussi, à chaque obstacle du chemin, son civis sum romanus ! inviolable et sacré. Non-seulement il a droit d'asile, mais encore il a le droit de cueillir et de ramasser tout ce qui se ren- contre en son chemin ; chaque plante tombée du sein de Dieu, fécondée par la rosée, mürie par le soleil, chaque animal vivant ou mort, appartient de droit à ce conquérant pacifique. On irait, mais en vain, dans les annales de toutes les sociétés humaines pour rencontrer une institution égale à celle-là, et notez bien qu'elle s’est faite par la force des choses, qu'elle existe indépen- damment de tout ce qui est l'autorité et la puissance, comme vivent, en fin de compte, toutes les choses humaines qui reposent sur l'utilité et sur le dé- vouement. Il est bien entendu que cette noble mission, à travers les forêts, les plantes, les océans et les déserts de ce monde, devait avoir ses martyrs. La vie n’a été donnée à l'homme que pour la pouvoir sacrifier, comme on donne une der- nière preuve d’obéissance et de respect, à ses espérances et à ses convictions. Tel s’est fait tuer à Austerlitz, à Wagram, à Waterloo, pour avoir son nom écrit dans le bulletin impérial, qui ne comprendrail pas que, pour compléter son herbier, un jeune savant de trente ans aille chercher la peste et la mortsur les montagnes de l'Himmalaya. Celui-ci veut bien prendre à lui seul toute une batterie de canons qui tonnent, mais il fuirait épouvanté, s’il lui fallait aller dérober dans son antre les petits d’un tigre et de sa femelle. Dieu merci! de quelque genre que soit la gloire que l’on cherche, c’est toujours la gloire. Christophe Colomb n'a pas été plus heureux et plus fier quand il eut découvert un nouveau monde, que le fut Cuvier, lorsqu'il eut retrouvé, dans les débris de la création, quelques-uns des animaux que le premier déluge croyait avoir em- portés avec lui. Le savant Tournefort s’estime tout autant pour avoir donné son nom à des plantes sans baptême, qu'Herschel lui-même pour avoir imposé son nom à une comète errante dans les espaces du ciel. C’est là un des charmes de la science ; il n’y a pas une science si petite qu'elle soit, et si restreinte, qui n'ait son immensité et sa grandeur. Ne vous étonnez donc pas que le Jardin des Plantes ait porté pius d’une fois le deuil de ses missionnaires les plus intrépides : M. de Godefroy, mort à Manille dans une émeute; M. Havet, mort à Madagascar, épuisé de fatigues, et enfin un homme sur lequel nous vous devons quelques détails, un jeune et intrépide naturaliste qui était en même temps un grand écrivain, l'honneur impérissable du Jardin des Plantes, mort au bout du monde, mort à trente ans, mort entouré d'estime, de pitié et de regrets, mort loin de son père, loin de ses amis et de la gloire, j'ai nommé Victor Jacquemont. En 1829, M. Victor Jacquemont était, comme la plupart des jeunes gens de quelque valeur sous la restauration (elle s'est perdue pour ne pas les avoir reconnus ), un jeune homme sans emploi et sans fortune, mais plein de zèle, plein de courage, savant comme un vieillard, ardent comme un jeune homme, intrépide comme un soldat, quelquefois même c'était un poëte, poëte a ses heures, quand il avait le temps. Son oisiveté pesait à ce jeune homme ; il XLIV LE JARDIN DES PLANTES. sentait en lui-même ce quelque chose-là qui poussait André Chénier. Le Jardin des Plantes s’empara de Jacquemont. On lui donna pour commencer l’exploi- tation scientifique de l'Inde anglaise ; les appointements étaient des plus mé- diocres. Le Jardin des Plantes, lui aussi, tout comme saint Paul, ne promet guère à ses apôtres que le vêtement et la nourriture, victum et vestitum. Jac- quemont s’'embarqua à Brest, au mois de septembre 1828 ; il ‘allait si loin, que, tout hardi qu'il était, il avait peine à regarder en face le but de son voyage, Tous les voyages autour du monde se ressemblent ; c’est toujours la mer, ce sont les mêmes îles, toujours l'Espagne, le pic de Ténériffe, la ligne qu'il faut passer avec de folles cérémonies ; toujours le Brésil habité par une centaine de vicomtes et de marquis, par quelques milliers de fripons à peu près blancs, par un nombre effroyable d'esclaves à peu près nus; arri- vent ensuite Bourbon, Pondichéry, Cayenne, toutes sortes d'histoires toutes faites. I faut avoir bien de l'imagination et de l'esprit pour trouver à dire quelque chose de nouveau à propos de ces parages parcourus si souvent, et par des hommes si divers. A la fin donc voici Victor Jacquemont en Asie. le voilà en présence de lord Bentinck, cet homme qui, sur le trône du grand mogol, agit et pense comme un quaker de Pensylvanie. Là commence l’œuvre de notre voyageur ; il apprend la langue persane, il étudie dans son vaste en- semble le jardin botanique de Calcutta, tous les végétaux de l'Inde angjlaise, préparant ainsi à loisir cette expédition dont la fin devait être si funeste. C’est ainsi qu'en six semaines il fit une connaissance honnête, sinon complète, avec le multam sine nomine plebem de la végétation indienne. Tout d’abord la cour de lord William Bentinck, tous ces Anglais efféminés de l'Orient, ces usur- pateurs souverains du royaume du grand mogol ne comprenaient rien à la vocation de ce grand fluet de Parisien, en habit étriqué et brûlé par l'eau de mer, qui venait de si loin pour s’évertuer sur les herbes, les pierres et les bêtes de leur pays. Ces Anglais qui ne marchent que suivis d’une armée de serviteurs, ces colonels à 52,000 fr. d’appointements par année, ne se ren- daient pas bien compte de la profession de Jacquemont, de son titre, de la misérable simplicité de son appareil ambulant. Mais cependant, rien qu’à je voir et à l'entendre, on eût compris bien vite la haute portée de ce jeune homme. Chacun lui tendit une main favorable, lord William Bentinck l’adopta comme son fils; ce fut à qui reconnaitrait par toutes sortes d'empressements et de respects ce noble dévouement à la science. Ainsi toutes les routes lui fu- rent ouvertes, mais quelles routes difficiles! 11 fallait passer sous l'équateur pour vivre parmi les neiges éternelles, dans une hutte enfumée ; il fallait voyager tout seul, presque sans escorte, couché sous une tente brûlante à midi, glaciale le soir, s'arrêter à chaque pas pour ramasser des herbes et des pierres, et ce qui est le plus triste, n'être pas soutenu par l'enthousiasme, ce frêle soutien qui vous porte un instant dans le ciel, pour vous rejeter tout moulu et tout brisé, sur la terre. Bien plus, il fallait commander le silence à la poé- sie, remplacer l'imagination par la science, contempler le monde, non pas en acteur passionné, mais en spectateur critique et désintéressé de ces scènes diverses : telle était la tâche de Jacquemont, tâche stérile, mais utile ; la science devait profiter de toutes les douces joies que le voyageur allait perdre. Le LE JARDIN DES PLANTES. XLV sang-froid de cet homme, déjà épuisé, devait rejaillir sur les observations de cet ingénieux esprit. Il aura beaucoup moins d’admiration pour la chaîne centrale de l'Himmalaya, mais en revanche il poussera beaucoup plus loin ses belles recherches géologiques ; il ira, non pas s'extasier devant la haute vallée: du Sutlege, mais il passera six mois d'étude et de travail dans ces sites élevés de dix mille pieds au-dessus du niveau de la mer, mais il composera à loisir ses collections d'histoire naturelle, mais il laissera des traces éternelles de son pas- sage dans ces déserts où n’est pas arrivé encore un seul homme de son métier. Ce qui fait le charme du voyage de Jacquemont, Dieu nous pardonne si nous blasphémons! c’est l'absence de toute espèce d'enthousiasme ; cela ne ressemble en rien à l'émotion intérieure de M. de Chateaubriand dans Athènes, dans Jéru- salem, non plus qu'à cette admirable description du nouveau monde; c’est en revanche une ironie fine, gracieuse, légère, amicale; le causeur et le savant s’y montrent à la fois dans leur plus aimable négligé. Même dans les montagnes de l'Himmalaya, ce jeune homme se souvient de Paris, de l’atticisme parisien, de la conversation parisienne; l'isolement lui pèse sans l’accabler; perdu siloin de son pays, perdu dans les déserts glacés des plus hautes montagnes du monde, ilne songe même pas à se défendre contre l'ennui; Fennui ne peut rien contre une âme ainsi trempée; il obéit nettement, franchement à la destinée qu'il s’est faite, il est calme parce qu'il est fort ; il ne s'occupe pas si entièrement des ar- brisseaux et des plantes, qu'il n'ait un coup d’œil pour cette France qu'il a lais- sée toute remplie d’agitations et d’inquiétudes. Que fait-on là-bas? que dit-on? comment se gouvernent ces intérêts et ces passions qui menaçaient d’envabir l'Europe et le monde? Où en est la Grèce, où en est Alger, où en est l’Angle- terre? A toutes les questions qu'il s'adresse lui-même au fond de ces déserts, la France répond par la révolution de juillet. I lit dans la Gazette de Calcuita les mêmes mots anglais qui, à cinquante ans de distance, avaient déjà ré- veillé M. de Chateaubriand dans ses déserts : The new french revolution, avec cette différence cependant que M. de Chateaubriand le gentilhomme, appre- nant que son roi va être mis à mort, abandonne tout d’un coup cette sécurité brillante et charmante des déserts américains, pour se rejeter dans les tem- pêtes et dans le sang de la France, pendant que le sceptique Jacquemont, après avoir écouté de loin le grand bruit des trois jours, s'enfonce de plus belle dans les déserts et dans la science. Que lui importe, en effet, la new french revolution ! que lui importe ce vieux roi qui s'en va loin du trône qu'il n’a pas su défendre, pourvu seulement que le Jardin des Plantes ne soit pas ravagé par la multitude, pourvu que sa modeste pension lui soit conservée, pourvu qu'il puisse revenir quelque jour ! En attendant, il cueille des fleurs pour sa cousine, une anémone parmi les neiges de la source du Gumna, une primevère dans les alpes du Thibet, fleurissant le long d’un sentier cou- vert de neige à une hauteur supérieure à celle du Mont-Blanc; et encore plus haut que la primevère, une simple violette ! Ce sont là ses conquêtes, la révo- lution de juillet n’en a pas tant conquis. rien n'est aimable à voir et à suivre comme ce jeune homme, parcourant d'un pas ferme et d’une âme forte les positions les plus difficiles et les plus curieuses de l'Asie. Dans ces tristes royaumes de la force matérielle où le mot XLVI LE JARDIN DES PLANTES. de justice est à peine inconnu, cet homme seul et pauvre se fait respecter par l'unique ascendant de ses lumières et de son bon droit. Les voleurs qu'il rencontre en son chemin, il les tient en arrêt par la toute-puissance de son regard; les plus affreux despotes de l'Orient, il les dompte, et quand ils sont vaincus, il les force à lui apporter même leur respect, que dis-je? même leur argent. C'est ainsi qu’il a passé par le royaume de Lahore, et qu’il a fait de tunjet-Sing, le roi soupçonneux de ces contrées, une espèce d’esclaye obéis- sant et dévoué. C’est une histoire des plus curieuses ; elle est racontée avec beaucoup de verve, d'esprit et de bonne humeur. Notez bien que ceci se passait, pour ainsi dire, au moment où il n’était question que de l'Orient en poésie ; c'était le temps où on lisait encore les Orientales, c'était le temps où M. de Lamartine allait partir pour retrouver dans la Terre-Sainte les traces de M. de Chateaubriand. Victor Jacquemont faisait encore mieux que le grand poëte, il allait dans des pays inconnus, el ces pays inconnus il les étudiait, non-seu- lement dans leurs ruines, mais encore dans le plus petit fragment de leurs montagnes, dans la plus imperceptible fleur de leurs jardins. C'est là, au reste, le beau moment de la vie de Jacquemont ; jamais les vives puissances de son esprit n’ont jeté au loin plus d'éclat et plus de grandeur. Si nous pouvons juger la science de cet homme par sa prévoyance politique, on ne saurait (trop ad- mirer l'une et l'autre. De si loin il juge à merveille les hommes et les choses de la révolution de juillet; il s'étonne de voir ces hommes si vieux se mêler à des choses si nouvelles. Quels regrets! quand on pense que peu à peu la mort arrive, qu'elle va le surprendre au milieu de ses trayaux commencés, que le climat funeste étend peu à peu son horrible influence autour de ce savant et malheureux jeune homme ! Cependant il faut obéir à la nécessité. Tout à coup Jacquemont, si bien portant la veille, se sent pris par de sourdes douleurs. Comme il était tant soit peu un médecin, il voulut résister et se défendre; le mal résista au médecin et au malade réunis. Jacquemont voulait vivre, la vie pour lui était si belle, il avait si grande envie de revoir son père, et son frère, et ses amis, et cette France qu'il aimait. Vains efforts! vaine espérance ! il faut mourir, il faut ne plus revoir personne; il faut mourir seul. Il avait pris son mal dans les forêts empestées de l'île de Salsette, à l'ardeur du soleil, dans la saison la plus malsaine. À peine sut-on qu'il était malade, que l'hospitalité la plus empressée s’'empara de Jacquemont. Sa maladie dura trente jours, la souffrance fut horrible, la raison resta nette et forte jusqu’à la fin. « Ma fin, disait-il à son frère, est douce et tranquille. Si tu étais là assis sur le bord de mon lit, avec notre père et Frédéric, j'aurais l'âme brisée, et je ne verrais pas venir Ja mort avec cette résignation et cette sérénité. Console-toi, console notre père, consolez-vous mutuellement, mes amis. « Mais je suis épuisé par cet effort d'écrire, il faut vous dire adieu ! adieu ! Oh! que vous êtes aimés de votre pauvre Victor! Adieu! pour la dernière fois! | « Étendu sur le dos, je ne puis écrire qu'avec un crayon. De peur que ces caractères ne s’effacent, l'excellent M. Nicol copiera cette lettre à la plume, afin que je sois sûr que tu puisses lire mes dernières pensées. » Tel est l’homme que l'histoire naturelle a perdu à l'instant même où cet LE JARDIN DES PLANTES. XLVH homme allait arriver à toute sa valeur. Jacquemont appartient donc à l'histoire du Jardin des Plantes par toutes sortes de travaux utiles, par toutes sortes de regrets, d'espérances déçues et de souvenirs éternels. Deux hommes nous restent dont il faut parler, et dont à coup sûr nous n’essayerons pas de raconter les travaux et la gloire, tant cette entreprise-là serait au-dessus de nos forces. Ces deux hommes, l'honneur de la science, vous les avez déjà nommés, c’est M. Geoffroy Saint-Hilaire et Cuvier. La lutte mémorable dont Buffon et Linné avaient donné l'exemple au milieu du dix-huitième siècle, Geoffroy Saint-Hi- laire et Cuvier l'ont reproduite de nos jours; l'un et l’autre, ils sont les chefs respectés de deux écoles opposées. L'un se contente de classer et de décrire, l'autre va plus loin, il s'occupe avant tout des rapports et des causes secondes de l'humanité ; celui-ci marche à la tête d’une foule immense de zoologistes, celui-là ne vient qu'à la suite de Buffon; l’un a pris pour sa devise ces trois mots célèbres : Classer, décrire et nommer, l'autre veut être avant tout un inventeur. Le premier a adopté l'œuvre de Linné, en la perfectionnant, le second a perfectionné l’œuvre de Buffon en l’agrandissant ; ils résument à eux deux toute la science : son passé, son présent, son avenir. Ces deux hommes très-grands sans doute, l’un et l’autre, sont deux enfants du Muséum. En 1794, Geoffroy Saint-Hilaire était professeur de zoologie au Muséum d'histoire natu- relle, il travaillait lentement à cette gloire qui est devenue la nôtre. Il reçut un jour une lettre d’un homme inconnu qui devait être un grand naturaliste. Il écrit à cet homme : Venez. Cet homme arrive, Geoffroy Saint-Hilaire partage avec lui ses livres, sa science, sa maison, ses travaux; ce nouveau venu s’appe- lait Georges Cuvier. D’autres que nous raconteront les travaux de Geoffroy Saint-Hilaire, qui a trouvé un digne successeur dans son fils Isidore. Quant à Georges Cuvier, le choléra l'a emporté au milieu de Paris, comme il a em- porté Victor Jacquemont au milieu de l'Inde anglaise. Nous avons suivi le noble cercueil de Cuvier, et nous avons pu juger de ce que pouvait être la douleur d’une grande nation. Génie égal au génie d’Aristote, homme qui savait toutes choses, esprit infatigable, cet homme a retrouvé l'histoire de la création, qui s'était perdue. Il est venu en aide à l'histoire de l'anatomie comparée, et il en a fait la plus belle des grandes sciences ; il a donné un nou- veau caractère à tous les genres qu'il a cultivés. Dans ses leçons éloquentes entre toutes, l'histoire des sciences est devenue l'histoire de l'esprit humain. « J'ai voulu mettre l'esprit humain à l'expérience, » disait-il. C’est lui qui a créé l'enseignement de l'anatomie comparée au Jardin des Plantes, c’est lui qui a fait au Collége de France, d'une simple chaire d'histoire naturelle, une vérita- ble chaire de la philosophie des sciences. Voulez-vous savoir sa biographie, elle est dans toutes les mémoires. Il est né le 25 août 1769 à Montbéliard, une ville devenue française. Son père était pauvre, sa mère était belle et d’un grand esprit,et de bonne heure elle apprit à son fils à aimer l'histoire, la litté— rature, les beaux-arts, la curiosité de toutes choses. Le premier livre qu'il lut avec admiration, ce fut l'Histoire naturelle de Buffon, et, avec l'Histoire natu- relle, le Système de la nature de Linné; mais que lui importent les livres? la mer et la terre, voilà ses grands livres : voilà le livre qu'il lit la nuit et le jour. Ainsi il arriva à Paris tout armé de science et d'observations, ainsi il entra au XLVNI LE JARDIN DES PLANTES. Jardin des Plantes en 1802; ilétait secrétaire de l'Institut en 1805 ; en 4808 il était membre du conseil de l'Université. I suffisait à tous ces travaux si divers : en même temps il créait au Muséum @es collections si belles, « qu’il ne croyait pas, disait-il, avoir été moins utile à la France par ses collections seules que par Lous ses autres ouvrages. » La vie de cet homme est si remplie, qu’elle fait peur. Chaque heure de la journée avait son travail marqué, chaque travail avait son cabinet qui lui était destiné ; il passait sans transition aucune d’un travail à un autre. I eût été impossible de retrouver dans la première minute de l’heure suivante l'homme de l'heure qui venait de s’écouler. Le Muséum d'histoire naturelle de Paris n’est pas seulement le premier, le plus beau, le plus riche de tous les établissements de ce genre, il en est en- core, et cela vaut mieux, le plus noble, le plus libéral. Ouvert au public plu- sieurs fois par semaine, il l’est toujours aux personnes studieuses qui veulent feuilleter le grand livre de la nature. Nulle part au monde on ne trouve un tel concours de richesses, et nulle part ces richesses ne sont plus accessibles à tous. La courtoisie française ne fait acception de personne : les pièces les plus rares, les échantillons les plus précieux, les catalogues les plus laborieusement achevés, sont tenus à la disposition de quiconque en a besoin ; Anglais, Alle- mands, Russes, Italiens, Américains, tous sont accueillis à ce vaste banquet scientifique, et tous en sortent pleins de gratitude pour cette hospitalité royale. C’est que la France est grande et généreuse, c’est qu’elle ne connaît pas cet égoïsme étroit qui entasse des richesses inutiles et qui refuse la lumière à ceux qui viennent s’asseoir à son foyer ; c'est qu'elle comprend la véritable fraternité des nations et qu’elle sent bien que la science ne peut être ni par- quée comme les peuples, ni limitée comme les empires IL s’agit ici du do- maine de la nature, des droits et des besoins de l'humanité tout entière; il y aurait crime à refuser la libre communication de ces trésors qui peuvent être utiles à l'espèce humaine. Allez donc visiter le Jardin du Roi, entrez dans cetle nouvelle galerie de minéralogie qui ressemble pour la dimension aux plus vastes cathédrales, jetez un coup d'œil sur ces armoires qui contiennent des fragments de toutes les montagnes, des échantillons de toutes les terres, des minéraux arrachés aux entrailles brüiantes de notre globe. Examinez la succession merveilleuse des couches qui forment l'enveloppe solide de notre planète et les divers corps organisés qui apparaissent graduellement, depuis l'informe trilobite des ardoisières jusqu'aux mammifères fossiles des terrains d’alluvions modernes. Vous y trouverez la preuve des révolutions antiques de la terre où nous vivons, vous assisterez au développement successif des êtres organisés, vous aper- cevrez la trace des pas de ces grands animaux sur quelques roches qui se sont lentement durcies et ont conservé ces prodigieuses empreintes. Vous com- prendrez enfin que cette nature, rerum magna parens, n’est pas seulement un vain spectacle pour les curieux désœuvrés, mais qu'elle est digne de nos plus ferventes adorations, et vous serez convaincus que l'étude des êtres élève l'âme, agrandit l'intelligence et-rend l'homme plus heureux parce qu'elle le rend meilleur. Mais que faisons-nous”? de quel droit aborder un sujet pareil? d'où nous LE JARDIN DES PLANTES. XTIX vient cette témérité de nous méler aux mystères de la science? Qui sommes- nous? que pouvons-nous? Thouin, Daubenton, Desfontaines, Fourcroy, Lau- gier, Chevreul, Brongniart, Vauquelin, Tournefort, Lamarck, Jussieu, Lacé- pède, Duméril, Latreille, Mertrud, de Blainville, Cordier, Dubois, Becquerel, Haüy, leur maître à tous; Deleuze, Delalande, Valenciennes, Louis Dufresne, Antoine Portal, Jean-Paul Martin, M. Rousseau, M. Laurillard, M. Regley, M. Frédéric Cuvier, M. Isidore Geoffroy ; ce sont là autant d'hommes qui ont le droit de tenir leur place dans cette histoire, si nous faisions en effet l’histoire ; comme aussi il ne faudrait oublier ni M. Leschenault de La Tour, ni M. Lesueur, ni M. Auguste de Saint-Hilaire, ni M. Diard, ni M. Duvaucel, ni M. Sauvigny, ni M. Fontanier, les prédécesseurs heureux de MM. Havez, Godefroy et Victor Jacquemont. En fait de noms propres, nous n’en manquerions pas non plus parmi les correspondants du Muséum. A leur tête il faudrait mettre le baron de Humboldt, cet homme illustre qui a fait pour l'Amérique presque autant que Christophe Colomb. Comme aussi, si nous écrivions l’histoire du Jardin des Plantes, ce serait notre devoir de vous mener par la main à travers ces grandes allées de tilleuls plantés par M. de Buffon en 1740, à travers ces belles serres toutes modernes, dans ces carrés tous remplis de genevriers, de chênes, de mélèzes, de frênes de la Caroline, de noyers noirs de la Virginie, de merisiers à fleurs douces, de pommiers odorants, dans ces parterres consacrés aux plantes médicinales, aux plantes indigènes et aux plantes exotiques. Nous irions de là dans les parterres où les tièdes souffles du vent printanier font éclore chaque année les plus belles plantes vivaces, les fleurs de plates-bandes, et après les fleurs, les arbrisseaux autour du bassin carré, rosiers, boules de neige, lilas, fontanesia, glaïeuls ; des arbrisseaux, vous passez aux arbres élevés dans la pépinière. Parcourons lentement le long de la grille du côté du midi; là vous rencontrez l'innombrable famille des bruyères. Ainsi vous arrivez jusqu’à l'orangerie, dont les murs sont couverts de plantes grimpantes; de l'orangerie au labyrinthe il n’y a qu'un pas. Là s'élève, dans toute sa majesté biblique, le cèdre du Liban, là est placé le tombeau de Daubenton, ce patriarche de l'his- toire naturelle. On peut appeler cette colline, la double colline; elle est cou- verte d'herbe que l’on fauche chaque année. Dans la vallée sont placés les plus beaux arbres de la Nouvelle-Hollande , du cap de Bonne-Espérance, de l'Asie Mineure, des côtes de Barbarie, arbres frileux qui ont passé l'hiver dans la serre chaude. Ainsi donc nous pourrions faire une longue et utile promenade; mais encore une fois, ceci n'est pas une histoire, c’est l'essai d’un homme qui aime les beautés de la nature, sans trop les comprendre ; qui porte en ceci, comme en toutes choses, plus d'imagination que de science, et qui, dans ce vaste do- maine des quatre règnes de la nature, n’est comme vous qu’un simple et curieux voyageur, un badaud du Jardin des Plantes, un flâneur ému et charmé à tra- vers tant de merveilles venues de siloin. — C'est un usage des voyageurs qui enri- chissent le Muséum d’une plarite rare ou d’un animal curieux, d'inscrire leur nom à côté de leur offrande; cette petite gloire les récompense, et au delà, de bien des dangers et de bien des sacrifices; et moi aussi, j'ai voulu, à l'exemple de ces voyageurs, inscrire mon nom quelque part dans ce monument brillant que les arts et la science élèvent à l'histoire naturelle. J'ai dit, comme il est dit dans ÿ) L LE JARDIN DES PLANTES. Virgile : « Ne me refusez pas une petite place dans le récit de ces grandes choses ; » Mene igitur socium summis adjunzere rebus, Nise. fugis? Et cet honneur ne m'a pas cté refusé. Nue Fr $ Peece tes | À Oublié per 1.3. Pnbochet DESCRIPTION DU JARDIN. L'entrée principale du jardin (1) est celle qui donne sur le quai d’Austerlitz ; elle existe depuis 1784. Une belle place, qui la sépare de la Seine et du pont d’Austerlitz, offre aux voitures un lieu de station fort commode. Outre cette porte, placée au centre d’une longue grille circulaire, il yen a cinq autres : celle du quai de la Tour- nelle (2) et celle de la place de la Pitié (3), tou- tes deux nouvellement ouvertes et faisant les deux coins extrêmes de la rue Cuvier; la porte donnant sur la rue du Jardin-du-Roi, ou- verte en 1808 (4), également très-fréquentée par les étudiants et par les visiteurs du Cabinet d'histoire naturelle, elle fait face à la maison (76) qu'habitait Buffon; la porte de la rue Cu- vier (5), presque aussi ancienne que celle d’Aus- terlitz, enfin la porte de la rue de Buffon (6), la moins fréquentée de foutes. Nous allons supposer que le visiteur entre par la porte d’Austerlitz (1), et nous dirigerons sa marche, soit sur les lieux mèmes, soit sur le plan joint à cetouvrage, de manière à ce que rien d'intéressant ne lui échappe dans la promenade que nous allons faire avec lui. En entrant, en face de nous, nous embrassons du premier coup d'œil tout l’ancien jardin, res- ‘ serré entre trois magnifiques avenues de tilleuls et de marronniers d'Inde; la perspective de ce jardin symétrique, planté dans le goût de nos pères, se termine par la façade d’un édifice (7: qui renferme le Cabinet d'histoire naturelle zoolo- gique. Les quatre premiers carrés que nous ren- controns en face de nous (8) sont entièrement consacrés à la culture des plantes médicinales, non-seulement dans un but d'étude pour les élè- ves pharmaciens, mais encore pour en faire aux Les numéros placés entre parenthèses renvoient aux numéros du plan. LIT LE JARDIN DES PLANTES. pauvres des distributions gratuites; plus loin sont quatre autres carrés (9) nommés du Fleu- riste, dans lesquels on eullive les plus belles plantes vivaces propres à l’ornement des par- terres. Par les soins intelligents des jardiniers, ces carrés offrent depuis le printemps jusqu'aux premières gelées une succession non interrom- pue des fleurs les plus belles et les plus rares, Vient ensuite le Carré creux (10: ; c'était au- {refois un vaste bassin creusé en pente douce jusqu'au niveau des eaux de la Seine, qui s’y rendaient par infiltration. Il était destiné par Buffon, qui le fit creuser, à conserver et élever des plantes aquatiques. Sur ses rives en pente on voyait se promener, parmi des bosquets plantés d’arbrisseaux fleuris, une foule d'oiseaux aquatiques au plumage le plus varié, tandis que d'autres nageaient avec grâce sur la surface des ondes ou plongeaient dans leur sein, Ce vaste bassin, le seul qu'il y eût au Jardin des Plantes, a été comblé, je ne sais pourquoi. Aujourd’hui ce n'est plus qu'un carré bizarrement enfoncé, et planté de fleurs et d’arbrisseaux. Voici, après le Carré creux, la Pépiniére (11), dans laquelle on élève les arbres et arbrisseaux destinés à la plantation et à l'entretien du jardin. Plus loin sont les quatre carrés Chaptal (12), des- linés à la naturalisation des plantes étrangères de pleine terre. Au milieu de ces carrés se trouve un petit bassin de pierre (13) d’une construction sin- gulière. Il a Ja forme d'une coupe portée sur un pied, et l'on peut, dit-on, faire le tour de ec pied par un passage souterrain. Parvenus là, nous avons en face de nous le Cabinet de zoolo- gie !7), à gauche la Bibliothèque et les Cabinets de minéralogie, de géologie et de botanique, dans un magnifique bâtiment neuf ‘141, à droite les serres immenses construites il y à peu d’an- nées. Nous reviendrons sur ces constructions. Nous ne nous occuperons pas de la grande avenue de tilleuls à gauche, parce que les mas- sifs et carrés placés entre elle et la rue de Buffon n'offrent un grand intérêt que pour les amateurs d'horticulture. Les deux premiers (15) contien- nent un semis des arbres qui doivent être repi- qués dans la pépinière, le troisième (16) renferme des échantillons des plantes céréales, économi- ques et fourragères. Nous mentionnerons encore le café-restaurant 117), toléré par l'administration pour la commodité des promeneurs, et placé sous un ombrage délicienx de robinia, de mi- mosa, tilleuls et autres arbres. Revenus à notre première station (f}, nous prenons la seconde avenue qui est à droite 119:, c'est-à-dire celle qui est plantée en marron- niers et qui sépare le jardin symétrique du jardin paysager renfermant la ménagerie. Les huit premiers carrés étaient autrefois consacrés à l’école des arbres fruitiers, de leur taille, de la greffe, des haies, etc. On y voit encore aujour- d’hui quelques exemples singuliers de greffes opérées par M. Thouin; mais ces carrés vont être entièrement réunis à l’École de botani- que (20 , se prolongeant à gauche jusqu’au petit Lab;rinthe (21). Cette école est ouverte au pu- blie les lundi, jeudi et samedi de chaque se- maine, de {rois à cinq heures. A droite, le long de notre avenue, nous avons vu d’abord un pare (22) renfermant des brebis d’Abyssinie, données à la ménagerie par le docteur Clot-Bey, et des moutons d'Islande envoyés par M. Gai- mard ; puis un autre parc renfermant ordinai- rement des chèvres étrangères (23) ; la fosse de l'ours blanc (24); celle des ours bruns nés à la ménagerie (251; enfin une troisièine (26) où se trouve cette année une ourse femelle avee ses deux oursons. C'est dans l’une de ces fosses que logeait autrefois l'ours Martin, célèbre dans tout le peu- ple de Paris pour sa beauté, sa grandeur, son agilité à monter sur l'arbre planté au milieu de sa cour, et surtout par la mort d’un malheu- reux vétéran qui, prenant un bouton de métal pour une pièce de cinq franes tombée dans la fosse, eut l’imprudence d’y descendre la nuit, et périt étouffé dans les bras du féroce animal. A la suite des fosses viennent les profonds carrés consacrés à des semis sur couche et en pleine terre de toutes les plantes exotiques que l’on essaye de naturaliser. Le petit Labyrinthe (21) est en face de nous. C'est une butte assez élevée, quoique beaucoup moins que le grand Labyrinthe; elle forme un carré long, en amphithéâtre, coupé d’allées sinueuses dans le goût de nos anciens jardins anglais, et presque entièrement planté en ar- bres verts, la plupart de la famille des conifères. Sur le point le plus élevé on trouve une petite esplanade d'où l’on a une très-belle vue. Le côté de la butte opposé à celui par lequel nous sommes enfrés touche au grand Labyrin- the (27}),beaucoup plus élevé que le premier Nous y montons, et nous trouvons d’abord un arbre d’une énorme grosseur, au pied duquel est un banc en anneau (28). Cet arbre est le fameux cè- dre du Liban, que Bernard de Jussieu, en 1754, rapporla d'Angleterre, dans son chapeau, dit-on, Ce cèdre, quoique très-élevé, le serait beaucoup plus siun imprudent chasseur n'eût cassé son bourgeon terminal d’un coup de fusil. Montons : entre le cèdre et le kiosque, à l’exposition du le- vant, est une petite enceinte (29) renfermant un bien humble monument couvert d'herbe et de mousse ; c’est là que repose Daubenton, cet homme aussi modeste que savant, sans lequel Buffon n’eût probablement été qu’un grand écri- vain. Par un chemin tournant en spirale on monte au kiosque ou belvédère (50) soutenu par de jolies colonnettes de bronze et entouré d’une balustrade en fer. De là on découvre une partie de Paris et de ses environs, et le jardin ÉbAe DURSONS KES À LWMENACGERIE, JOUANT DANS LEUR FOSSE. (Jurdin des Plantes.) et DR À i D j'ec k l ï VA ù | « \ A : d È ; "An s TA LOUER , MNT Le. LE JARDIN DES PLANTES. tout entier ; on à au-dessous de soi, au couchaïrit, la belle terrasse (311 dominant la rue du Jardin- du-Roi, et au moyen de laquelle on commu- nique du Cabinet d'histoire naturelle à la porte ouverte sur la place de la Pitié. Ge labyrinthe est planté d’arbre résineux, et offre de frès- grands échantillons des espèces les plus utiles. En descendant par la pente du nord-ouest, on rencontre un beau réservoir (52) construit de- puis peu de temps par M. Rohaut, et faisant face à la porte d'entrée. Si de là nous nous dirigeons à l’est, nous longeons et laissons à gauche les logements de plusieurs professeurs (55), et nous arrivons dans une vaste cour (54) ayant une porte sur la rue Cuvier. Nous avons en face de nous, enfoncé dans le jardin, le logement (55) autrefois habité par M. Thouin, savant sans pré- tention, ayant rendu de grands et véritables services à l’agriculture, et qui sut se faire uni- versellement regretter. A droite est le bâtiment de l'administration (56), renfermant les ateliers de taxidermie et les bureaux des administra- teurs. Nous avançons à gauche; et après être descendu quelques pas, nous trouvons le grand ampbithéâtre (57) où se font les cours des pro- fesseurs ou de leurs aides. A gauche, derrière l'ampbithéätre, on aperçoitla maison (75! qu’ha- bitait le célèbre G. Cuvier; il y est mort le 15 mai de l’année 1852. A la porte del’amphithéätre les étrangers viennent admirer deux palmiers fort élevés, qui sont cultivés au jardin depuis Louis XIV, et qui offrent aux botanistes un phé- nomène singulier. Vous remarquerez que ce sont des PALMIERS NAINS (Chamarops humilis, Lin.) dont le stipe ou tronc n’acquiert jamais plus de trois à quatre décimètres de hauteur dans le nord de l'Afrique qui est leur pays, tandis qu'ici ils se sont élevés à huit ou neuf mètres. En face de l’amphithéätre est un grand gazon ovale (58), servant à placer, dans la belle saison, les végétaux de la Nouvclle-Hollande, du cap de Bonne-Espérance, de l'Asie Mineure et de la Barbarie, que l’on sort de la serre voisine pour leur faire passer l’été à l'air libre. Nous avons vu les cultures du dehors, il nous reste maintenaut à visiter celles qui se font à l'aide d’une chaleur artificielle. La première serre, Celle où nous nous trouvons, en face de l’ovale, est la serre tempérée (39), renfermant les végélaux des pays que nous venons de nom- mer, et d'autres qui, tout en craignant Ja gelée, n'exigent pas cependant un haut degré de tem- péralure Elle a soixante-trois mètres (200 pieds: de longueur, sur plus de huit mètres (24 pieds) de largeur. En avançant devant nous et rentrant dans le jardin symétrique, nous avons à droite la serre de Buffon (40), ainsi nommée parce que c'est lui qui la fit bäfir en 1788. Son intérieur a cela de particulier qu'il offre plusieurs lignes de couches élevées les unes au-dessus des autres LH en amphithéätre. On y maintient toujours la chaleur au-dessus de douze degrés centigrades, et on y élève les plantes des tropiques. Quand les dimensions de ces végétaux deviennent trop grandes, on les transporte dans la nouvelle serre chaude. Sur les côtés du large chemin qui conduit des carrés du Fleuriste aux labyrinthes, sont deux serres chaudesentièrement vitrées (41),en forme de pavillons carrés, et d’une grande hauteur. Construites nouvellement par M. Rohant, elles sont consacrées à recevoir les végétaux exoti- ques d’une dimension trop élevée pour pouvoir rester dans les autres serres. On espère y voir par la suite les arbres des contrées chaudes de la terre atteindre tout le développement qu'ils ont dans leur patrie, et déjà il y en a d’une assez grande élévation. L’immense serre à toit vitré et voûté (41) a été construite dans le même temps, par le même architecte, et pour un usage à peu près semblable. Nous avons vu tout ce que le jardin renferme d'important sous le rapport de l’horticulture et de l’agriculture; il nous reste maintenant à dire que ces cultures, faites avec autant d'intelligence que de soins, sont confiées à MM. Neumann, Pepin, Dalbret,-etc., etc., sous la direction de MM. les professeurs dont nous indiquerons les noms et les attributions. Voyons maintenant ce qui intéresse le plus le public en général, c’est-à-dire la ménagerice. Pour faire cette promenade, nous reviendrons à la porte d’Austerlitz (1),noustournerons à droite, et nous entrerons dans le jardin paysager par la porte située presque en face de la ménagerie des animaux féroces. Ici nous nous arrêterons un ins{ant pour faire une observation. Les ani- maux qui vivent dans la ménagerie étant tous apportés de climats étrangers fort différents de celui de la France, résistent plus ou moins long- temps aux changements brusques de tempéra- ture, de nourriture et d’habitudes, auxquels ils se trouvent soumis dans leur esclavage. Mal- gré tous les soins qu'on peut leur donner, beaucoup tombent malades et meurent après un temps assez court, et les parcs ou loges dans lesquels on les tenait renfermés restent vides, jusqu’à ce qu'on y ait mis un animal nouvelle- ment arrivé, et souvent d’une espèce tout à fait différente. Il ne faudra donc pas que le prome- neur s’en rapporte absolument à ce que je vais dire ici sur les espèces qui peuplent aujour- d’hui même les parcs que nous allons visiter ensemble, mais bien aux écriteaux placés devant le logement de chaque animal; en recourant ensuite à la table alphabétique terminant le volume, il trouvera aisément la description et l'histoire de l'espèce qu'il aura sous les yeux à la ménagerie. En entrant nous laissons à droite un petit LIV LE JARDIN pare (42) renfermant des moutons d'Algérie, donnés à la ménagerie par M. le général Gal- bois. À gauche nous contournons un autre parc (45) où sont renfermés, dans une première di- vision, des axis, charmante sorte de petit cerf ou cheyreuiloriginaire du Bengale, à robe agréa- blement mouchetée de blanc, et commençant à se naturaliser dans plusieurs pares de la France. Dans une seconde division est un cerf de Java, donné par MM. Eydoux et Souleget, et dans une {roisième, un axis femelle né à la ména- gerie. Nous voici en face des animaux féroces (44), renfermés dans des loges fort propres et munies de solides barreaux de fer. Une balustrade em- péche les curieux imprudents de s'approcher des loges d’une manière dangereuse. Là, vivent des hyènes fort honnes personnes et donnant, par leur douceur, un démenti formel à tout ce qu'on a raconté sur leur férocilé; des lions de diverses parties de l'Afrique, beaucoup moins dangereux que le jaguar du Brésil logé à côté d'eux, malgré l'énorme différence qui existe en- tre leur taille et leur force ; l'un de ces jaguars est de la Guyane et a été donné par le prince de Joinville. Vient ensuite une panthère du Mala- bar, que l’on doit à M. Dussumier, ainsi qu’une quantité d’autres animaux intéressants; puis une panthère de l'Inde donnée par M. Beck. Les trois dernières loges sont habitées par des ours : l'un, l'ours aux grandes lèvres, est dû à M. Dus- sumier ; l’autre, l'ours des Cordilières, au prince de Joinville ; le troisième, l'ours brun du Kam- tschatka, à M. le capitaine de vaisseau Du Petit- Thouars. Comme on le voit, la ménagerie des grands animaux féroces est assez pauvre en ce moment; mais sans doute l'administration y pourvoira avec le zèle qu’ellea toujours montré, d'autant plus que là est le spectacle favori du peuple pauvre, du peuple qui paye sa grosse part de cet établissement national, du peuple ignorant la science, et qui ne juge de l'utilité de la ménagerie que par le plaisir qu'il a d'aller la visiter le dimanche en famille. Dans les deux pavillons de chaque côté, sont, dans des cages plus petites et transportablés, des animaux du méme ordre des carnassiers, mais que leur pe- tite taille rend peu redoutables, tels que des re- nards, jackals, loutres, chats, ete., elc. Derriére la ménagerie des animaux féroces sont des niches où sont enchainés des chiens domestiques de différents pays, vivant en bonne intelligence et multipliant même avec des loups et des louves. Leurs métis ont eux-mêmes la faculté de se reproduire, ce qui démontre jus- qu’à l’évidence, contre l'opinion de Buffon, que le chien et le loup sont deux variétés dans la même espèce. Un peu peu plus loin que la ménagerie, se trouve la singerie (45), rotonde élégante, en- DES PLANTES. tièrement grillée, et renfermant un grand nom- bre d'espèces de singes, vivant fous en assez bons camarades, malgré quelques querelles particulières Un gros papion a usurpé la sou- veraineté de cette république hétérogène, ct maintient le bon ordre. Aussitôt qu'il entend une querelle, il accourt, sépare les combattants, rosse les deux parties pour les mettre d'accord, et tout rentre dans l'ordre. Dans un bâtiment qui entoure la rotonde, en forme de demi-an- neau, se trouvent les loges dans lesquelles cha- que espèce de singe est renfermée et chauffée pendant l'hiver. En face de la rotonde des singes est un petit pare (46) destiné à recevoir des animaux de la classe innocente des ruminants. Nous passons devant les singes, nous longeons le petit parc à notre droite (47), où sont renfermés quelques daims de nos forêts royales ; à notre gauche (4) celui où nous voyons les cerfs de la Virginie ; et, après avoir jeté un regard sur les nouvelles plantations qui s'étendent vers le quai de la Tournelle, nous nous trouvons en face d’un parc (49) renfermant le kob du Sénégal, sorte d’antilope connue dans sa patrie sous le nom de petite vache brune, et derrière ce parc est la ménagerie des oiseaux de proie (50). Le premier oiseau que nous y remarquons est le condor, sur le compte duquel on a dé- bité {ant de fables. Au dire des anciens voya- geurs, le condor enlevait les enfants, aftaquait les hommes, etc., etc. La vérité est que ce vau- tour, n’habitant que les plus hautes Cordilières, est aussi inoffensif que ceux de nos Alpes. Voici le perenoptère tout à côté, sorte de vautour au- quel les anciens Égyptiens rendaient un culte religieux ; puis le vautour royal, qui n’a rien de royal que le nom, et dont toute l'utilité se borne à nettoyer les contrées du Brésil, qu'il ha- bite, des cadavres et immondices dont il se nourrit. Viennent ensuite les vautours bruns, d'Egypte, des Pyrénées, et d'Algérie, tous oi- seaux lâches et ignobles, n'osant attaquer au- cun animal vivant, et ne se nourrissant que de la chair corrompue des cadavres qu'ils sentent de plus d’une lieue. A leur suite nous trouvons le gypaëte, qui devient rare dans les Alpes d'Eu- rope, et dans lequel il faut probablement re- connaitre le condor des anciens. Le premier. celui des Cordilières, n’était accusé que d’en- lever les enfants, celui-ci enlevait des hommes et des éléphants. Ici la ménagerie se trouve coupée par un appartement où vivent des per- roquels, des perruches, des aras, des kakatoës, tous oiseaux d'un fort beau plumage, mais lourds, criards et malfaisants. En suivant, nous trouvons les aigles, les pygargues, milans, bu- ses, se nourrissant de proie vivante et attaquant avec plus ou moins d'intrépidité les oiseaux, les reptiles et les petits mammifères ; le caracara, LE JARDIN DES PLANTES. LV regardé au Brésil comme le plus grand ennemi des poules et des oiseaux de basse-cour ; et en- fin le grand duc , représentant là une famille moins nombreuse, celle des oiscaux de proie uoclurnes. En reprenant à gauche une allée qui revient derrière le parc des cerfs de Virginie, nous voyons que ce parce est séparé par de petites palissades formant deux nouvelles divisions. Dans la première (31) est le cerf muntjac du Malabar ; dans la seconde (52) l'antilope nyl- ghau du même pays, tous deux envoyés par M. Dussumier. Ce dernier animal à multiplié en Angleterre; sa démarche est peu gracieuse, et il court mal, à cause de la brieveté de ses pieds de derrière. Peut-être pourrait-on aisément le soumeltre à la domesticité. Si, au lieu de contourner ce parc, nous re- tournons brusquement à droite, nous arrivons a la faisanderie (55). Cette construction est en- tourée, par derriere, de plusieurs petits parcs où sout élevés plusieurs oiseaux rares de l’ordre des gallinacés et des échassiers. On y voit des hérons, des butors, des aigrettes, des goë- lands, etc., etc. Dans les loges de la faisan- derie, on remarque des foulques, des combat- tants, des courlis, une femelle de paon avec ses pelits, des ramiers et des perdrix rouges, le cariama du Brésil, l'outarde houbara d'Alger, envoyée par M. Barthélemy ; des poules de di- verses variétés ; un hocco donné par M. Decan ; des faisans de plusieurs espèces, puis dans la même cage et vivant en société fort paisib'e, des colins houïs, coucou guira, cantara, mar- tins roses, merles robins du Canada, et autres espèces. Nous suivons l'allée droite qui se trouve en face de la volière. Nous laissons à gauche un pare (54) divisé en deux parties. Dans la pre- miere est le dauw du Cap, sorte de cheval plus petit que l’äne, mais d'une forme plus gra- cieuse, à robe rayée à peu près comme celle du zebre. Il a multiplie à la ménagerie, et, dans le moment où j'écris, on voit une femelle allai- ter son jeune poulain dans la grande rotonde. Dans la seconde partie du parc, est une autre espèce de cheval, l’hémione, de la taille d'un pelit mulet, à crinière brune et pelage isabelle. 11 vit en troupe dans les steppes de l'Asie cen- trale, court avec une tres-grande agilité, et fait, dit-on, jusqu’à soixante lieues sans boire. A no- tre droite est un grand parc (55) offrant plu- sieurs subdivisions : nous en ferons le tour en commençant par la division faisant face d'un côté à la faisanderie, et nous y remarquerons les jolies gazelles de l'Algérie, à la taille lé- gere, aux mouvements gracieux, et aux yeux grands et noirs, si doux, si expressifs, qu'un Arabe ne croit pas pouvoir faire un compliment plus flatteur à sa maitresse que de comparer ses yeux à ceux d’une gazelle. Dans la seconde division (56), faisant pointe vers la grande ro- tonde, est une biche muntjac. Nous doublons cette pointe, et redescendant à droite, nous nous arrétons avec surprise devant le chickara (57), singulière antilope à quatre cornes. Dans la division suivante (58) est l'oiseau le plus extraor- dinaire que l'on puisse trouver : c’est le casoar à casque, envoyé par M. Marceau. Cet oiseau, presque aussi gros que l’autruche, est privé comme elle de la faculté de voler ; ses plumes sans barbules ressemblent à de gros erins plats ; sa tête est recouverte ou plutôt défendue par une sorle de casque osseux ; ses ailes sont rem- placées par cinq tuyaux de plumes, longs, poin- lus et sans barbes ; ses pieds sont gros et mus- clés, d'une telle force, que d'un coup il peut terrasser son ennemi, et d’une telle agilité, qu'aucun cavalier ne peut l’atteindre à la course. On le trouve dans l'archipel Indien. Derrière sa division en est une autre qui renferme aussi des casoars, mais ayant été apportés de la Nou- velle Hollande par le capitaine Du Petit-T houars; ils n’ont pas de casque, et leur plumage est plus fourni, quoique moins brillant. Plus loin, toujours dans une division du même pare (59 , nous voyons, autour d’un petit bassin, des grues de Numidie envoyées par le docteur Clot-Bey, des pintades, des dindons, des sarcelles et des canards étrangers, tous d’un plumage agréable. Viennent encore (60) des casoars de la Nouvelle-Hollande, puis des ma- rabouts, dont les plumes duvetcuses et légères servent de parure de tête à nos dames, et enfin (61) des nandous ou autruches d'Amérique, dif- férant principalement de la véritable autruche par leur taille plus petite et leurs pieds munis de trois doigts au lieu de deux. Puisque, en faisant le tour de ce pare, nous sommes revenus vers la faisanderie, nous remar- querons à notre gauche (62), joignant son en- ceinte, le gazon sur lequel se promenent lour-- dement des tortues, singuliers animaux auxquels il repousse un œil quand on le leur à arraché, et dont on peut vider la cervelle par un trou fait dans le crâne, sans leur ôter la vie. A côté d'elles sont des hérons pourpres, des bernaches armées, et autres oiseaux. Reprenons maintenant l'allée droite que nous avons déjà parcourue, et arrivons à la grande rotonde (65). Là vivent la girafe, l’eléphant et d'autres grands mammifères. Six petits parcs, quirayonnent autour dela rotonde, permettent, quand la température est favorable, de faire prendre l'air à ces animaux pour la plupart fort paisibles; ces parcs correspondent à autant d'écuries dans lesquelles ils sont logés, soignés, et chauffés pendant l'hiver. Le premier parc, à droite en regardant la porte de la rotonde, ren- ferme des hémiones, dont nous avons déjà parlé; LVI le second est celui de la girafe, qui, lorsquelle arriva à Paris, était beaucoup moins grande qu'aujourd'hui. Elle fut envoyée à Charles X par Méhémet-Ali, pacha d'Egypte. Dans le même enclos sont des zébus, variété Lossue du bœuf domestique ; les bramnes leur rendent des honneurs divins; les Africains les mangent et trouvent excellente leur bosse, qui n’est rien an- tre chose qu'une grosse loupe de graisse. A côté de la girafe est un éléphant d'Afrique, amené fort jeune à la ménagerie ; il est très-doux, fort affectionné à son cornac, auquel il obéit avec beaucoup de docilité. Chaque matin, lorsque le temps le permet, on lui fait faire une prome- nade dans les allées du jardin avant qu'il soit ouvert au public. Son cornac lui place sur le dos une couverture, ou un siége de bois main- teuu avec une sangle ; il lui ordonne de se bais- ser, ce que l'animal fait aussitôt ; puis il monte sur son dos, et par la parole seule il le dirige dans sa promenade. Avec l'éléphant sont deux tapirs d'Amérique, donnés par M. Crouan. Ce sont des animaux mélancoliques, stupides, se servant fort habile- ment de leur petite trompe pour arracher, au bord des rivières, les racines des plantes aqua- tiques dont ils se nourrissent. Du reste, ils na- gent fort bien, plongent eucore mieux, et pas- sent une grande partie de leur vie dans l’eau. La femelle d'un bufile d'Asie loge tranquille- ment dans la même enceinte que l'éléphant et les tapirs. C’est probablement cette race de buf- Île qui de l'Asie s’est repandue en Égypte, en- suite en Grèce, et de là en Italie, où elle s’est beaucoup multipliée avec de légères modifica- tions. Dans l'enceinte qui suit est un dromadaire, animal dont tout le monde connaît la précieuse utilité dans les pays chauds, tels que le nord de l'Afrique, l'Arabie, la Syrie et la Perse. 11 se distingue suffisamment du chameau, employé en Turquestan et au Thibet, en ce qu'il n'a qu'une bosse tandis que le chameau en a deux. Avec lui vit un pécari, animal ayant avec le san- glier des analogies de forme, mais exhalant une odeur fétide et pénétrante. 11 a sur le dos une fente glauduleuse, d’où suinte l'humeur qui ex- hale cette odeur insupportable. Enfin, dans la dernière enceinte, on voit une femelle de dauw avec son poulain. Pour la seconde fois, en quittant la rotonde, nous redescendrons vers le casoar à casque, mais nous n’aurons à nous occuper que du pare que nous allons longer à notre gauche. Sa pointe (64, faisant face à la girafe, nous offre une pre- imière division habitée par des boucs et des chè- vres sauvages du Sennaar, envoyés par le doc- teur Clot-Bey ; si tel était le type de nos chè- vres domestiques, il faudrait en conclure qu’une antique servitude n'a pas beaucoup influé sur LE JARDIN DES PLANTES. cerlaines races assez communes dans les mon- tagnes de la France. Vient ensuite une enceinte renfermant des axis (65) ; puis le bassin des oi- seaux aquatiques (66) Là on voit le tadorne, jolie espèce d'oie, qui se loge dans des terriers, comme le lapin, pour faire son nid et élever sa jeune famille. Le mäle, pour écarter le chas- seur de son nid, sait merveilleusement contre- faire le blessé, se trainer devant lui, se faire poursuivre à une demi-lieue de là en lui faisant croire à chaque moment qu'il va se laisser pren- dre, puis tout d’un coup s’élancer dans les airs d’une aile agile, et disparaitre aux yeux de son ennemi désappointé. Des grues, des cigognes, se promènent gravement sur leurs longues jam- bes autour de la mare où nagent péle-mêle des cygnes, des mouettes, des goëlands, et le canard musqué, connu \ulgeirement sous le nom de canard de Barbarie. Cette espèce est si peu sau- vage, que, prise aux filets et transportée dans une basse-cour, elle s’y fixe, s'y multiplie, s'y comporte comme les autres oiseaux domes- tiques, et ne pense plus à reconquérir sa li- berté. A notre droite est une fabrique rustique (67), ayant quatre portes ouvertes sur autant de di- visions d'un petit parc. Dans l’une vivent des gazelles d'Alger ; dans une autre est le chamois, seul animal d'Europe que l’on puisse comparer aux gazelles; sa légèreté est incomparable, et on le voit quelquefois, dans nos Alpes, franchir d’un bond un précipice de dix à douze mètres, et courir, en s’élançant de rochers en rochers, avec autant d'aisance et de rapidité que s’il était dans la plaine la plus unie. Nous voilà parvenus en face du dernier parc (68), renfermant les cerfs du Malabar, et, dans une de ses divisions, l’alpaca du Pérou, animal assez doux, remarquable par l'épaisseur et la finesse de sa toison. Ici nous pourrions sor- tir de la ménagerie par la porte qui donne en face de l'amphithéâtre, mais nous nous bornons à passer devant cette porte, et, tournant à gau- che, nous longeons, à notre droite, un petit parc (69) renfermant des chèvres et des mou- tons étrangers, puis une assez grande encein- te (70) où sont des cerfs el des biches de France et du Malabar. Nous passons devant la grande rotonde. Dans l'enceinte (71) que nous laissons à gauche, sont des rennes de Laponie, sorte de cerfs dont les peuples du Nord se servent pour attelage à leurs traineaux, et des pécaris, ani- maux semblables à des sangliers, et dont nous avons déjà parlé. Enfin, nous arrivons à une porte par laquelle nous rentrons dans le jardin symélrique. La ménagerie, sous la direction de M. Florent Prévost, est ouverte au public tous les jours, depuis onze heures jusqu'à six en été, et depuis onze heures jusqu'à trois en hiver. Nous allons | an ' ù U à | T Ê 4 Li La Û Tr ' L i | | | : ! ' DA "1 1 rj : a x r 2 ' à œ ll ) : F è ; U | 1 Pa , ? Le L L { n L Li , ] à N ac ï vel d on L L | è 1 ; Le * il L d L il ns ". 5 : fr ñ À en - ' “ L L [l 1 \ 1 ; ï mo, — & L | . î CI ï ' à; è fl ON Css LA u | k à ; Ï Ve 1 D Le LE … À à ll | È . | x ' . + 1} L : : È mr: : A VE ï ü ( : F ° 4 M LE . * \ : 2 ï J k Û [l L — Nr | } L 1 1," (l L 4 1h (a F : 1 [l ad n | a (1 L , ' F ï ; t : ï Ce D l A 1 . . | À d - : ï . : ’ L 2 ! : ü Û 1 L » n A | | ; ï 1 . LE * le [ | Û È un | ° ‘ ; à c n, : | : LS: + LORS Ÿ ï ‘ © Û | à Rare Je. touard Travis Pine AMÉIRIQUIE iseau-mouche Rubis-topaze, l'Fuphone à bandeau,le Ramphocele flamboyant, l'Oiseau-mouche Delalande la Perruche tou1-ete, Publié par J.J,DUBOCHET et Compi® LE JARDIN DES PLANTES. maintenant visiter les diverses autres parties de ce vaste établissement, el nous nous {ranspor- terons d'abord dans le Cabinet de zoologie, vul- gairement connu sous le nom de Cabinet d’his- toire naturelle. LE CABINET DE ZOOLOGIE. Les étrangers, sur la présentation de leur passe-port, obtiennent de l'administration des cartes qui leur permettent d'entrer au Cabinet d'histoire naturelle les lundi, jeudi et samedi de chaque semaine, de onze à deux heures; le pu- biic ue peut le visiter que le mardi et le ven- dredi, de deux à ciuq heures en été, et de deux jusqu'à la nuit en hiver. Les naturalistes qui veulent aller y etudier sont obligés de prendre des cartes d'éludiants, et y entrent aux heures consacrées aux études. La conservation des ga- leries est confiée à M. Kiener, Le Cabinet de zoologie :7) est un des plus complets qu'il y ait en Europe, et, si on le con- sidère dans son ensemble, dans le monde en- lier. Les animaux yÿ sont empaillés avec grand soin et placés dans des armoires vitrées herméti- quement fermées, afin de préserver leurs robes délicates el brillantes de l'attaque des insectes destructeurs. Chique espèce est placée avec son genre, les genres avec leur famille, les familles avec les ordres, etc.; c’est-à-dire que tous les objets y sont classés méthodiquement et dans le plus grand ordre. Üne étiquetie apprend aux visiteurs les noms génériques et spécifiques de chaque animal, le nom de l'auteur qui l'a décrit, la partie de la terre où son espèce se trouve, et souvent le nom de la personne qui Fa recueilli et envoyé au Cabinet. Nous passerons rapide- ment en revue les objets qui frappent le plus, uon pas les savants, mais le public, dans cette riche collection. Dans la salle des singes on cherche à retrou- ver l’orang-outang qui a vécu à la ménagerie sous le nom de Jack, et la jeune femelle de kinpézey, Jacqueline. D'autres orangs, des giL= bons aux longs bras, des mandrills au nez rouge et bleu, des sapajous, des ouislitis, etc., sont les plus remarqués du public. Viennent ensuile les ours, les lions, les tigres et autres grands chats tous remarquables par leur robe adinirablement fachée ou mouchetée. Les civeltes, les hyéne:, les loups arrétent un moment les regards ; mais les éléphants, les rhinocéros, les hippoj otames, les girafes et autres grands animaux sont ceux qui fixent le plus l'attention générale. Les galeries d'ornithologie sont extrêmement frequentées par les étudiants et les naturalistes ; mais le public, après y avoir admiré les vives couleurs métalliques des colibris; la grande stature des autruches, des nandous, des casoars ; LVI la singulière attitude des manchots ; le plumage si beau et si varié des perroquets, des paons, des faisans, de l’euphone à bandeau, du ram- phocèle flamhoyant, des Iyres, ete. ; la poche des pélicans ; le bec énorme et singulier des calaos ; la puissance des aigles, des grands ducs et autres oiseaux de proie; le publie, dis-je, passe assez légèrement sur tout le reste. Nous voici dans la galerie consacrée à la conservation des repliles et des poissons. Com- me ces derniers sont presque tous conservés dans l’esprit-de-vin et renfermés dans des bo- caux de verre, on s’y arrête peu. Il n'en est pas de même pour les reptiles : des tortues énor- mes, des crocodiles d’une grandeur prodigieuse, l'énorme boa anacondo, et quelques autres, sont remarqués de tout le monde; on voit méme des personnes chercher et reconnaitre dans son be- cal le terrible serpent à sonneltes. Les collections de crustacés, d’arachnides, de myriapodes et d'insectes ne sont guère visitées que par les n'turalisies; quant au publie, il ne remarque en passant que quelques grosses espi- ces. La collection des coquilles, c'est-à-dire des mollusques, des annélides et des rayonnés, fixe un peu plus son attention à cause des vives et brillantes couleurs qui parent la plus grande partie des espèces, des formes bizarres qu'aflec- tent la plupart d’entre elles, et par quelques produits qu’elles fournissent. Par exemple, on ne veut pas sortir de la galerie sans avoir vu la ma- gnifique coquille nacrée qui donne les perles fines, ni le gant fait avec la soie brune tirée du byssus d’un coquillage assez commun sur nos côtes de la Corse. A la suite du cabinet renfermant !es animaux qui vivent aujourd'hui sur le globe, nous de- vons nécessairement visiter celui des fossiles, renfermant les derniers restes de ces êtres sin- guliers qui peuplaient la terre à des époques antédiluviennes, et que nous ne connaissons plus que par les antiques fragments que l’on trouve de loin en loin ensevelis dans le sol. Là sont des os d’éléphants bien plus gros que ceux qui existent aujourd'hui, et auxquels G. Cuvier a donné les noms de mastodonie et de mam- mouth. Plusieurs espèces monstrueuses de ces animaux foulaieunt le sol qui depuis est devenu la France. Des hippopotames, des rhinocéros, des tapirs ou lophiodons, des chéropotames, des hyènes, des lions, des panthères, et mille autres monstres d’une grandeur énorme et n'ayant rien de commun avec les espèces qui vivent aujourd'hui, erraient aux environs de Paris. D'affreux crocodiles habitaient les marais de Meudon, des baleines d'une grandeur pro- digieuse venaient échouer dans la rue Dauphine ; des ptérodactyles ou dragons volants, de cinq à six metres de longueur, se balançaient dans les airs sur leurs ailes livides; des plésiosaures en- ha LVIN LE JARDIN core beaucoup plus grands, au corps de pois- son, aux pieds de cétacé, au cou de serpent, à la tête de lézard, nageaient là où sont aujour- d'hui de charmantes vallées ; des ichthiosaures, moitié poisson, moitié lézard, plus grands et plus formidables que les précédents, traînaient leur ventre fangeux où coulent les eaux limpides de la Seine; et je n'oserais, dans la crainte de passer pour menteur, vous raconter toutes ces choses étranges, si nous n’étions ensemble dans le cabinet des fossiles, où sont réunis les squelettes de tous ces singuliers et antiques habi- tants de la terre. Vous y verrez les restes de pa- lmothérions, de mégatherions, de mégalonix, de dynothérions. presque tous de la grandeur de nos éléphants d'aujourd'hui ; non-seulement, avec une foule d’autres, ils ont disparu pour toujours, mais ils n’ont pas même laissé après eux, sur le globe, des représentants qui leur soient analogues en quelque point. LE CABINET D'ANATOMIE COMPARÉE (7/4). Il n'est ouvert au public, sur la présentation de billets, que les lundis et samedis, depuis onze heures jusqu'à deux. M. Laurillard en est le con- servateur. Ses galeries n’offrent un véritable intérêt que pour la science ; aussi est-il peu fré- quenté par le public simplement curieux, et ra- rement les dames osent le visiter. On Y voit, outre un grand nombre de pièces naturelles ou artificielles d'anatomie humaine, une foule de squelettes d'animaux, dont un des plus curieux, au moins pour la grandeur, est celui d'un ca- chalot qu'on a laissé dans la cour faute de pou- voir lui trouver une place dans les galeries, car il a près de vingt mètres de longueur. A l’en- trée du cabinet, on voit, aussi en dehors, des mächoires de baleine d’une grandeur mons- trueuse. La seconde salle renferme des squelettes hu- mains, dont l'un, celui d'un Italien, a une ver- tebre lombaire de plus que de coutume. Parmi les aulres on remarque ceux de Solyman-el- Hhaleby, assassin de Kléber ; de Bébé, nain cé- lèbre du roi de Pologne Sfanislas ; de la Vénus Hottentote, morte à Paris, etc. Une autre salle contient une série de têtes entières d'animaux et de toutes les races d'hommes. Parmi les têtes d'animaux il en est une fort curieuse : c’est celle d'un dieu! ni plus ni moins que le crâne d'Apis, vénérable bœuf adoré jadis par les Égyptiens ; on l'a retiré d'une momie. Vous pourrez en- core jeter les yeux, en passant dans la deuxième salle, sur le squelette extrêmement curieux de Ritta-Christina, qui, avec un seul corps, avait deux têtes, deux volontés. Elle est morte à Paris à l’âge de huit mois. Née le 12 mars 1829, à Sassari en Sardaigne, chacune des têtes fut bap- tisée séparément, l’une sous le nom de Rita, DES PLANTES. l'autre sous celui de Chr stina. Chaque tête avait upe poitrine qui lui appartenait, mais tout le reste du corps ne formait qu’un individu. Ritta (la tête droite) était triste, mélancolique et ma- ladive; Christina (la tête gauche) était rieuse, gaie, d’une santé florissante. Ritta tomba gra- vement malade; tant que la maladie dura Chris- tina parut s’en mettre peu en peine, ct elle jouait sur le sein de sa mère pendant la longue agonie de sa sœur. Enfin celle-ci mourut, et au moment où elle rendit le dernier soupir, Chris- tina poussa un grand cri et expira subitement. Une salle est consacrée à la myologie, et l’on y voit des écorchés, en cire ou en plätre co- loré, d'hommes et d'animaux ; des muscles de mammiferes, d'oiseaux, de reptiles et de pois- sons, conservés dans l'esprit-de-vin ; d’autres salles offrent à l'étude tous les autres organes utiles ou indispensables aux phénomènes de la vie; des viscères, des nerfs, des vaisseaux, etc. Mais nous ne passerons pas sous silence celle qui renferme la collection crâniologique du célèbre docteur Gall. On y verra, soit en na- ture, soit moulés, les crânes du général Vurm- ser, de l'abbé Gauthier, du poète allemand Alxinger, et de beaucoup d’autres personnages qui ont êu un nom dans le monde ; parmi ceux des assassins, celui de Papavoine, de Cartou- che, ete. Messieurs les phrénologues ne trou- veront guère une collection plus complète, plus curieuse et mieux choisie. Seulement, il est mal- heureux que l’on détermine si bien les protu- bérances des penchants dans les hommes morts dont on connait l'histoire, les goûts et le carac- tère, tandis qu'il y à tant d’hésitation à les re- connaître chez les hommes vivants. LE CABINET DE BOTANIQUE {1/#). Il est à l'extrémité orientale du magnifique bà- timent neuf construit sur les plans de M. Roh:ut. Le public n’y est admis que les jeudis, de deux à quatre heures, sur la présentation d'un billet. L'on y voit des échantillons polis et classés par ordre, de bois en planchettes fournies par la plus grande partie des espèces d'arbres croissant sur toute la surface du globe; d'autres d'écorces. de tiges, de fruits, de racines, de stipes, etc., parmi ces derniers on remarque celui de la fou- gère nommée par les naturalistes polypodium harometz, ressemblant grossièrement à un petit agnéau couvert de duvet, d’où lui est venu le nom vulgaire d'agneau de Scythie. Le cabinet possède des herbiers parfaitement conservés et très-complets Tels sont, par exem- ple, l’herbier général, et ceux du Levant, d'É- gypte, de l'Inde, desiles de France et de Bour- bon, du Cap, de la Nouvelle-Ilollande, de Cayenne, des Antilles, etc., etc. Par respect pour la mémoire de Fournefort, on a conservé LE JARDIN DES PLANTES. son herbier dans l'ordre où il l'avait disposé lui- même, et l’on y trouve, étiquetées de sa main, presque toutes les plantes qu'il avait recueillies dans son voyage du Levant. On voit aussi au cabinet de botanique le com- mencement d'une collection qui deviendrait extrémement précieuse pour les cryptogamistes, s'il était possible de la compléter, c'est celle des champignons, exécutés en cire colorée avec une exactitude et une vérité approchant tout à fait de la nature. LE CABINET DE GÉOLOGIE (14). Se trouve maintenant placé à côté de celui de botanique. Il ne peut intéresser que les sa- vants qui étudient la formation du globe, ou qui, du moins, cherchent à la deviner, les personnes qui s’occupent de minéralogie, les mineurs, etc. il renferme, parmi d’autres objets, une collec- tion complète de toutes les roches ou terrains qui ont été étudiés jusqu'à ce jour. LE CABINET DE MINÉRALOGIE (14). Il se divise en deux parties fort distinctes, les minéraux et les métaux. On y remarque des échantillons superbes de cristaux de toutes les formes et de toutes les couleurs; de pierres précieuses les plus rares, et les dames ne man- quent guère de s’arréler devant l'armoire qui contient le diamant entre la bouille et l’anthra- cite. Les plus beaux diamants que l'on cunnaisse sont : {° celui du Grand Mogol, pesant deux ce:it soixante dix-ueuf carats et demi: 2° celui de l'empereur de Russie, pesant cent quatre-vingt- quinze carats; 3° celui de l'empereur d’'Autri- che, de cent trente-neuf carats; 4° le régent, appartenant à la France. pesant cent trente-six carats. 11 a été acheté par le duc d'Orléans, re- gent, au commencement du dix-huitieme siècie, et lui a coûté2,500,000 fr. Aujourd'hi il vaut le double de cette somme, et l'on peut juger par là de l'énorme valeur de celui du Grand Mogol. Les curieux ne manquent jamais de s’arréter devant une pierre que les plaisants ont nommée la pierre d'achoppement de la science, ou plu- tôt des savants. C’est, au choix, une aérolithe, une météorile, une astérolithe, etc., ete., ou pierretombée du ciel. Comme elle contient dans Sa composition une forte proportion de fer, on l’a classée, au cabinet, dans la série des mines de ce mélal. Il est bien certain aujourd’hui queces pierres tombent de l'atmosphère ; des observa- tions rigoureuses, faites par les savants les plus distingués, ont constaté ce fait; mais d’où vien- uent-elles? Voilà oùse trouve l'embarras. Les uns ont dit qu’elles se formaient dans l'atmosphère, et on leur a démontré que cela est physique- ment impossible ; d'autres ont dit qu’elles tom- LIX baient de la lune, d’où elles étaient lancées par un volcan; mais on ne sait pas s’il y a des vol- cans dans la lune, et en outre cette pierre n’a aucune analogie de composition avec les matiè- res volcaniques; d’autres raisons encore ont fait rejeter cette hypothèse. Enfin, les derniers ont prétendu que les astérolithes ne sont rien autre chose que des petites planètes qui, tournant comme les autres, &utour du soleil, viennent à rencontrer notre globe, sont attirées par lui en raison de sa plus grande masse, tombent dans son atmosphère dont lefrottementles enflanime, et finissent leur course céleste par leur choc sur la terre. Cette opinion prévaut aujourd’hui, jus- qu'à ce que peut-être une autre hypothèse vienne faire oublier celle-ci et les autres. LA BIBLIOTHÈQUE (14). Elle est ouverte au publie, en été, de onze heures à trois heures, tous les jours, excepté le dimanche; en hiver, les mardis, jeudis et «a- medis, aux mêmes heures. Elle fut fondée en juin 1793, par le décret de réorganisation du Muséum, et entièrement consacrée aux ouvra- ges traitant des sciences physiques et naturelles. Elles se compose actuellement de vingt-huit mille volumes, ainsi classés : 1° Histoire naturelle générale et topogra- phique. 2° Eolanique 5° Physique 4 Chimie. 5° Minéralogic. 6° Géologie 7° Paléontologie. 8° Physiologie humaine et comparée. 9° Anatomie humaine. 10° Anatomie et physiologie comparées. 11° Zoologie. 129 Mémoires des sociétés savantes. 13° Journaux et recueils scientifiques et litté- raires. 14 Voyages. 15° Collection des peintures sur vélin. Cette collection de peintures est probable- ment la plus importante qu'il y ait au monde. Elle fut commencée en 1640, par les ordres de Gaston d'Orléans, pour servir à la description des plantes rares de son jardin de Blois. Après sa mort, Louis XIV l'acheta et la plaça à la Bi- bliothèque royale, d’où, en 179, elle passa dans la bibliothèque du Jardin des Plantes. Elle ren- ferme maintenant plus de cinq mille vélins, distribués dans quatre-vingt-onze portefeuilles. Commencée par le peintre Robert, elle fut con- tinuée par : Aubriet, mademoiselle Basseporte, Bessa, Chazal, Huet, Joubert, Maréchal, Meu nier, Oudinot, Prêtre, Redouté, mademoiselle Riché, Turpin, Van-Spaendouck, Vailly, Wer- ner, et quelques autres. … LX LE JARDIN DES PLANTES. VOYAGEURS DU JARDIN. En terminant l'histoire d’un établissement qui fait l'honneur de notre patrie, je dois ren- dre ici un hommage public aux intrépides voya- geurs qui, par un zèle aussi ardent que désin- téressé, ont parcouru les pays les plus éloignés, les plus barbares, ont exposé cent fois leur vie, sont morts quelquefois sur un sol étranger, à trois mille lieues de leur famille, pour enrichir le Muséum et la science. Je le dis à regret, ces hommages que leur rendent trop rarement les écrivains sont le seul dédommagement, le seul bénéfice, qu'ils retirent le plus ordinairement de leurs pénibles et périlleux travaux. Nous join- drons aussi à leurs noms ceux des personnes qui, sans appartenir à l’élablissement et par pur amour pour les progrès de la science, ont fait des dons importants soit à la ménagerie, soit au cabinet. Malheureusement je n'ai pu me pro- curer à ce sujet que des données incomplètes, et s’il manque des nonis à cette liste, je prie les personnes oubliées de croire que les omissions sont tout à fait involontaires de ma part. Baunin (le capitaine}, commandant Le Géo- graphe ; voyage aux terres Australes BELLANGER à exploré les côtes du Malabar et de Coromandel. Bieron à exploré la Sicile. Boy DE SainT-Vixcenr { ke colonel), Grèce, Algérie. BovE, directeur des jardins de Méhémet-Aly, au Caire, l'Egypte. BRULLE, Grece. Busseuiz, le tour du monde avec le capitaine Bougainville. CaiLLau», le fleuve Blanc et Méroé. Le Mu- séum lui doit deux crocodiles embaumés. CaroiRe, l'Afrique. ; CuEnumntr. tils du célèbre compositeur, V'E- gypte. CLoT-Bey, médecin au Grand-Caire, lE- g\pte, le nord de l'Afrique. Cowsranr Pevosr; on lui doit des reptiles de Sicile, DELALANDE à exploré le cap de Bonne-Espé- rance et une partie du midi de l'Afrique. Désesse, le Brésil. Dianb, le Bengale, Java, Sumatra, les iles de la Sonde, etc. Douuerc (Adolphe), Amérique méridionale. Dussumie, négociant et armateur à Bordeaux. Le Muséum et la ménagerie lui doivent des en- vois fort importants. DuvauceL, le Bengale, Java, Sumatra, les iles de la Sonde, etc. Evooux, voyage sur {a Favorite. GaLor jeune, les environs de Rio- Janeiro, où il est mort. Gannor, le tour du monde sur la corvette /a Coquille. Gaunicuaup, Amérique méridionale, le Bré- sil. Gay, Amérique méridionale. Gaiwarp, port du Roi-George, terre de Nuilz, Port-Jackson, Nouvelle-Irlande, Nouvelle-Gui- née, Amboine, terre de Van-Diémen, Hobarts- Town, Vanikoro, iles Marianes, Amboine, les Célèbes, Batavia, le cap de Bonne-Espérance, Islande, Groënland, Spitzberg, Laponie. GéÉraR», l'Algérie. Gounor, Madagascar. ITAMELIN (le capitaine), commandant le Naln- raliste; voyages aux terres Australes. Hopeson (le major), Inde. HunLau, l'Amérique septentrionale. Joannis, haute Égypte, bords du Nil. Jorës, haute Egypte, bords du Nil. DEszanDin (Julien), l'Afrique. Lavwane- Piquor a permis qu’on choisit, parmi les doubles de sa collection, les espèces man- quant au Musée. LeuLo\b à anciennement exploré Cayenne. Lerèvre, (Alexandre), l'Egypte. Leconre, les Etats-Unis d'Amérique. LEsCuëNauLT, à exploré Cayenne, Sumatra, Java, le Bengale, les iles de la Sonde. Lesson, le tour du monde sur la corvette la Coquille. Lesueur, les terres Australes, la côte occi- dentale de la Nouvelle-Hollande ; Timor, les côtes de Diémen, au détroit de Basse, ete., les États-Unis d'Amérique, l'Afrique. Levaizcanr a anciennement exploré Surinam, puis le midi de l'Afrique. Le Cabinet lui doit sa première girafe. LEviLain, mort dans un voyage aux grandes Indes. L'Henminien, les iles de la Martinique, l'orlo- Ricco, la Guadeloupe. MarLoy, chirurgien de la marine, l'Algérie. Maucé, mort daus un voyage aux Grandes- Indes. MénesrRies, à exploré l'Amérique méridio- nale. Muuserr, les États-Unis d'Amérique. Mauus (le baron), gouverneur de Cayenne. Mocino, le Brésil. OnBi6ny (d'}, l'Amérique méridionale. Péron, les terres Australes, la côte occiden- tale de la Nouvelle-Hollande, Timor, côtes de Diémen, détroit de Bass, etc., l'Afrique. LE JARDIN Perorter, le cap de Bonne-Espérance. PLee, les iles de la Martinique, Porto-Ricco, la Guadeloupe. Poey, la Havane, Cuba. PoiTeau a exploré Cayenne, où il était chef des cultures de naturalisation pour la France. Quor, iles de France, de Bourbon, Marian- nes, Port-Jackson, iles Malouines, Monté-Vidéo, Rio-Janeiro, etc., 1 Afrique. Reyvaup voyage sur /a Chevrette. Ricuarn a anciennement exploré la Guyane. Ricoup a voyagé pendant quatorze ans pour le Jardin; ile de Saint-Domingue, Amérique septentrionale. Rocer, l'Afrique. Rousseau (Alexandre', Russie méridionale, et tout récemment Madagascar, archipel In- dien. RozerT, ingénieur, a exploré l'Algérie. PERSONNEL DU Zoologie. Mammiféresetoiseaux.— M. GEOFFROY Sainr- Hiraime (Isidore), professeur. — M. Prevosr (Florent), aide-naturaliste, et comme tel chargé de l1 surveillance de la ménagerie. Reptiles et poissons. — M. DumÉkiz, profes- seur.— M. Biguow, aide-naturaliste. Mollusques, annélides et rayonnés. — VALEN- CIENNE, professeur. — M. Rousseau (Louis ), aide-naturaliste. Crustacés, arachnides et insectes. — M. AuDoin professeur. — M. BruLLE, aïde-naturaliste, Anatomie et Physiologie. Histoire naturelle et Anatomie de l homme. — M. Seeres, professeur. — M. Doyenr, aide- naturaliste. Anatomie comparée. — M. Ducroray DE BLaix- VILLE, professeur. — M. Rousseau (Emmanuel), aide-naturaliste. Physiologie comparée. — M. FLOURENS, pro- fesseur. — M. Dumeir (Auguste), aide-natura- liste. Botanique. Botanique générale. — M. BaonGniaRT (Ado!- phe), professeur. — M. GuiLLEuIN, aide-natura- liste Bolanique rurale. — M. pe Jussieu ( A.), pro- fesseur. — M, Decaisne, aide-naturaliste. Agriculture. M. DE Miusez, professeur. — M. Sracu {Edouard }), aide-naturaliste. DES PLANTES. LXI Sainr-Finaine (Auguste), a exploré l'Ameé- rique méridionale. Savienv, à exploré l'Italie. Le Cabinet lui doit de beaux reptiles. SGanziN, Capitaine d’Artillerie de la marine, l'Afrique. Srenues, l'Algérie. enTuner, l'Amérique septentrionale. TuépenaT-Duvanr, l'Égypte. Verneaux, neveu de Delalande, le Cap. Nous nous sommes bornés ici à indiquer les contrées explorées par les voyageurs du Muséum et par les voyageurs libres qui ont fait des en- vois; car si nous étions obligés de mentionner espèce par espèce toutes les richesses qu'on leur doit, ce serait nommer sans exception tous les objets rares et précieux que renferment les galeries et les vastes magasins de l’établisse- ment. JARDIN EN 1841. Minéralogie et Géologie. Géologie. — M. Conpier, professeur. — M. D'OrmiGny (Charles \, aide-naturaliste. Minéralogie. — M. BroncnianT (Alexandre), professeur. — M. DeLarosse, aide-naturaliste. Physique et Chimie. Physique. — M. B&cQuerEL, professeur. — M. Becquenez fils, aide-préparateur. Chimie générale. — M. Gay-Lussac, profes- seur. — M. Bourson, aide-préparateur. Chimie appliquée aux arts. — M. Cnevreur, professeur. — M. Cazverr, aide-préparateur. Iconographie. Iconographie des plantes. — M. Lesourn ne BEAUREGARD, professeur. Iconographie des animaux. — M. Cuazar, profes:eur. Peintures et dessins zoologiques. — MM. Re- DOUTE jeune, DEWaILLY, MEUNIER, WERNFR (au- quel la collection des vélins doit surtout de nom- breuses et magnifiques peintures de mammife- res), PRÈTRE et PREVOT. Peintures et dessins de botanique. — M. Besss, mademoiselle Ricur. CONSERVATEURS EN CHEF. Conservateur du Cabinet d'anatomie compa- rée. — M. LauriLLaRD. Conservateur des galeries d'histoire natu- relle — M. KiEknEr. Conservateur de la galerie de botanique — M, GauniGHaun (Charles). LXIT Bibliothécaire. — M. Desnoyers. Chef des travaux anatomiques. — M. Rous- SEAU ( Emmanuel }. Jardiriers en chef. — M. Neumann, pour les serres : M. Pzrin, pour l'Ecole de botanique ; et M. Dazsrer, pour les carrés de culture. Chef des bureaux. — M. Prévost (Hippo- l\te ). Tel est le personnel actuel du Jardin des Plantes. Tous les noms que je viens de citer sont une preuve suffisante que cet établissement est aussi recommandable par les hommes que par les choses. L'administration, afin de ne pas laisser en- vahir les collections par les curieux oisifs qui s’y portent en foule et qui encombreraient les galeries au point de rendre toute étude impos- sible aux étudiants, a ainsi réglé les heures d'entrées : Entrées sans cartes. Ménagerie. Tous les jours, de onze heures à six heures en été, et de onze à trois en hiver. Cabinet d'histoire naturelle. Le mardi et le LE JARDIN DES PLANTES. vendredi, de deux heures à cinq heures en été, et de deux heures à la nuit en hiver. Bibliothèque. En été, tous les jours, sauf le dimanche, de onze heures à trois heures. — En biver, aux mêmes heures, mais seulement les mardis, jeudis et samedis. Entrées avec des carles. Nora. Les étrangers reçoivent des cartes à l'administration sur la simple présentation de leur passe-port. Cabinet d'histoire naturelle. Les lundis, jeu- dis et samedis, de onze à deux heures. Cabinet d'anatomie comparée. Les lundis et samedis, de onze à deux heures. Galeries de botanique. Le jeudi, de deux à quatre heures. École de botanique. Les lundis, jeudis et sa- iwedis, de trois à cinq heures. Les personnes qui veulent se livrer spéciale - ment à l'étude de l'histoire naturelle ou d’une de ses branches obtiennent de l'administration une Carte d'étudiant, qui leur donne le droit d'entrer aux heures consacrées à l'étude. “e ae LIT l IR pl RU d INTERIEUR DE L'AMPHITHEATRE D'ANATOMIE COMPAREE (Jardindes Plantes.) Maison de Buffon. INTRODUCTION A L'HISTOIRE DES MAMMIFÈRES. Avant de commencer l'histoire de la classe la plus importante en zoologie, je dois rendre compte au lecteur des inspirations qui ont dirigé ma plume, et faire un exposé rapide de mes opinions. Avant Bi fon, l'histoire naturelle était si peu avancée, si peu de chose, que, sans trop se hasarder, on peut dire qu’elle n'était presque rien. Tout à coup, et dans le m'me temps, deux hommes de génie la créèrent à la fois, mais avec des vues de l'esprit bien différentes : l’un était Linné, l'autre Buffon. Ce der- nier eut soin de cacher les épines de la science sous le charme d’un style ini- mitable; mais cette magie, qui lui servit à la populariser, mourut avec lui, et les successeurs du grand écrivain, après avoir fait quelques efforts pour marcher sur ses traces, finirent par les abandonner. Cuvier parut alors, portant dans la science le flambeau anatomique éclairé par Daubenton. 11 publia son Règne animal, méthode entièrement fondée sur l'organisation des animaux, et il fit une révolution utile aux progrès. Mais ses admirateurs firent comme font toujoursles enthousiastes d’un système nouveau, ils dépassérent le but que s’était proposé le profond anatomiste, et, malgré les efforts de quelques esprits sensés, ils matérialisérent la science, et sa partie phi- LXIV LE JARDIN DES PLANTES. losophique fut dès lors étouffée par là nomenclature descriptive. La chose en est venue à un tel point aujourd'hui, qu’en lisant les ouvrages de certains sa- vants on croirait plutôt parcourir les œuvres d'un vétérinaire que celles d’un naturaliste. Les auteurs ainsi fourvoyés, ayant noyé l'histoire naturelle dans l'anatomie, ne s’apercurent pas qu'ils l'avaient tuée, mais ils sentirent que, privée de sa partie la plus philosophique et la plus attrayante, le peu qui res- tait de la science devenait sans but et n'offrait plus qu'une synonymie stérile et sans intérêt. C’est alors qu'ils imaginérent de donner à la classification une importance d'emprunt, qu'elle n’a pas et qu'elle ne peut avoir devant la nature, et, grâce à cette marche hasardée, ils ne virent dans l’histoire des animaux que l'étude de l'anatomie comparée, de la classification, et de la synonymie. Puis, avec une naïveté au moins fort singulière, ils proclamérent que tout le reste était du roman, sans se douter probablement qu'ils reléguaient ainsi l’immortel Buffon, leur maître à tous, parmi les romanciers !! Quant à cette émanation de la divinité, à cette part d'intelligence dévolue d’une manière si admirable à chaque espèce pour satisfaire ses besoins, régler ses habitudes et lui créer des mœurs, ils n’en tiennent aucun compte; ce qu'il y à de plus admirable dans l'œuvre de la création, ils ne le croient pas digne de tenir la plus petite place dans leurs systèmes ni dans leurs ouvrages; ce qu'ils ne peuvent saisir avec le scalpel et leurs pinces de dissection, ils le repoussent et le dédaignent. Heureusement que telles ne sont pas les opinions des principaux maîtres dans la science, de ces véritables savants qui sont l'honneur de notre Muséum d'histoire naturelle, et une des gloires de notre patrie. Inspiré des mêmes opi- nions qu'eux, je n'ai pas cru pouvoir m'étendre trop sur l'histoire morale des animaux, sur leurs habitudes si capables de piquer la curiosité des lecteurs, sur leurs relations avec l'homme, etc. J'ai tâche de montrer dans leurs forêts et livrés à tous les instincts pittoresques de leur nature sauvage, ces êtres si tristes et si dégradés dans la servitude de nos ménageries, ces momies décolorées quoi- que si ingénieusement préparées dans nos cabinets d'histoire naturelle. Enfin, cette partie historique, que je regarde comme la plus intéressante et la plus utile de la science, occupe le plus grande partie de mon livre. Comme Buffon, je crois que la nature n'a fait ni ordres, ni familles, ni genres, mais seulement des individus, et je ne crois pas à une classification naturelle possible, au moins comme les naturalistes l'ont entendu jusqu'à ce jour. Mais Buffon n'a connu que deux cent cinquante mammifères, et ce nombre s’est tel- lement accru depuis, qu'il serait impossible, sans tomber dans une confusion inextricable, de les décrire sans ordre, comme il l’a fait. Ensuite, je crois fer- mement qu'une bonne méthode de classification, peu importe qu'on la regarde comme naturelle où comme artificielle, est un fil indispensable pour diriger le lecteur dans le labyrinthe de la nomenclature; il offre l'avantage précieux de le conduire par le chemin le plus court possible à la connaissance de l'espèce qu'il veut soumeltre à son examen. Je dois dire aussi que je n'ai la prétention d’im- poser à personne mes propres opinions, et que, partant de là, J'ai dû, pour les lecteurs qui pensent autrement que moi, classer méthodiquement mes onze cents mammiferes; il était tout aussi simple que je choisisse la méthode la plus répan- due, la plus généralement reconnue bonne, c'est-à-dire celle de G. Cuvier. Je LE JARDIN DES PLANTES. LXV l'ai donc adoptee, avec de legéres modifications devenues nécessaires par les rapides progrès de l'histoire naturelle et les nombreuses découvertes qui ont été faites dans ces dernières années. Mais ces modifications n'ont été adoptées par moi que lorsque je les ai crues rigoureusement indispensables, et j'ai rejeté sans hésiter les nouveaux genres créés par les auteurs, quand je ne les ai pas crus établis sur des bases d'une grande valeur. La mammalogie, si l’on n’y prend pas garde, est menacée des mêmes abus qui ont envahi la botanique et l'entomo- logie, et bientôt nous aurons autant de genres que d'espèces. La synonymie latine, toute stérile qu'elle est, a été travaillée par moi avec une attention minutieuse. Dans la synonymie vulgaire, j'ai introduit, autant que cela m'a été possible avec le peu de renseignements que nous avons, une in- novalion que je crois utile; c'est-à-dire que J'ai rendu à chaque espèce son vé- rilable nom, celui qu'elle porte dans le pays qu'elle habite. Je me suis bien garde surtout de défigurer ce nom, comme l'ont fait Buffon et quelques-uns de ses successeurs, sous le vain prétexte de le rendre plus doux à la prononciation [rancaise,car mon but, le seul, je crois, que l'on doive se proposer en pareil cas, a élé de mettre les voyageurs dans le cas de se faire comprendre des natu- rels des contrées où ils porteront leurs investigations, lorsqu'ils demanderont des renseignements sur un animal. Quant à la partie descriptive, je l'ai faite dans des limites aussi resserrées que possible, mais avec le plus grand soin, et mes descriptions, quoique fort cour- tes, seront toujours suffisantes pour ne laisser aucune ambiguïté sur l'identité de chaque espèce. Une longue expérience m'a appris que trop de détails dans une description y jettent de la confusion plutôt que de la clarté; j'en ai conclu que je devais ne montrer les individus à mes lecteurs que par les côtés qui les tranchent net des espèces voisines, c'est-à-dire n'énoncer que leurs caractères spécifiques. De jolies gravures, d’une exactitude rigoureuse, donneront, mieux que de longues descriptions n'auraient pu le faire, une idée nette et précise des formes générales, du facies de tous Les types d'animaux. Comme je l'ai dit, je me suis beaucoup étendu sur les mœurs et les habitudes des animaux, et j'ai apporte dans cette partie toute la critique dont je suis ca- pable. J'ai tàché d'amuser mes lecteurs en les instruisant, parce que j'ai cru que les grâces ne sont pas ou ne devraient pas être ennemies de la science, quoi qu'en puissent dire quelques graves pédants. J'ai surtout évité avec un soin particulier l'emploi ambitieux de ces expressions techniques, accouplement bi- zarre de mots grecs et latins, trop souvent employé avec prodigalite par l'igno- rance qui croit se cacher en se couvrant ainsi de haillons scientifiques. Je ne crois pas que la science soit mystérieuse el doive avoir des adeptes ; en consé- quence, j'ai tàché, avant tout, d’être clair, simple, et facilement compris de tout le monde. Enfin, j'ai rigoureusement écarté de mon ouvrage ces polémiques, ces longues dissertations, quelquefois savantes et toujours ennuyeuses, dont la principale et souvent la seule utilité est de mettre en relief le mérite de celui qui les écrit. Pour donner à ce livre toute l'utilité qu'il peut avoir, je ne me suis pas borné à faire seulement l’histoire des mammifères qui ont vécu à la ménagerie, mais encore de fous ceux qui existent au Cabinet d'histoire naturelle et, grâce à l'ex- z. LXVI LE JARDIN DES PLANTES. trème obligeance du conservateur, le savant conquiliologiste, M. Kiener, j'ai pu décrire les individus sur la nature même. J'ai cru devoir néanmoins omettre quelques espèces tout à fait nouvelles et encore fort mal connues, qui eussent, par conséquent, offert très-peu d'intérêt à la classe de lecteurs auxquels mon livre est destiné. Ro Ra se Me Fe PORT EE F: Do SA 7 | [AGEORGES CUVIEN | | | Le —."."."."- —ZZ.... QOULLETLUOLTN D re 4 LE) 1 ql ÉD TS “) CSS UT + > as RUE 2 Fill 2 Fais TI UT | IL | — Î | QlIil | | u | | | po QE RCE NA) : TT = Ha Il ns ss ni ( à QI pm Ï | ï (I ju [ j) | ll | ll | | (Il ges cl dl Le = DE = SR ARTE nr ENT 8 EST BC LELOIRe y FONTAINE MONUMENTALE. (fardin des Plantes.) DESCRIPTION ET MOŒEURS DES MAMMIFÈRES QUADRUPÉDES. La premiere grande classe du règne animal se compose des animaux verté- bres, c’est-a-dire de ceux dont le corps et les membres sont soutenus à l’intérieur par une charpente solide, osseuse ou cartilagineuse, dont les pièces liées et mo- biles les unes sur les autres leur donnent plus de précision et de vigueur dans les mouvements. Leur système nerveux, plus concentré, rend leur intelligence supérieure à celle des animaux des autres classes. Constamment on leur trouve une tête formée d’un crâne renfermant un cerveau; un tronc soutenu par une colonne vertébrale et des côtes, et deux paires de membres, quand ils en ont. Les uns font leurs petits vivants, et les femelles ont toujours des mamelles pour les allaiter; c’est pour cette raison qu'on les a nommés mammifères, et c'est de ceux-là seulement que nous avons à nous occuper ici. On les subdivise en divers ordres, dont nous donnerons les caractères à mesure que nous les parcourrons. Il nous suffit, quant à present, d'en donner une idée générale et concise. Les mammifères ont le sang rouge, une circulation double, la respiration simple et aérienne, s'opérant par des poumons. L'organisation du plus grand nombre les force à marcher sur la terre; mais quelques-uns cependant, comme les chauves-souris, peuvent se soutenir dans les airs au moyen des membranes qui soutiennent leurs membres fort allonges ; d’autres, au contraire, ont les mem- bres tellement raccourcis, qu'ils ne peuvent se mouvoir que dans l’eau : tels sont les baleines, les marsouins, les dauphins, que les anciens confondaient avec les poissons, et dont on forme aujourd'hui un ordre à part, celui des cétacés. Ces derniers, dont nous n’aurons pas à nous occuper dans ce volume, sont les seuls qui manquent absolument de poils; tous les autres en ont plus ou moins; ils leur forment une robe très-peu garnie dans les pays chauds, mais très- fourrée, très-soyeuse et trés-chaude dans les contrées froides. Tous ont quatre membres, et c'est pour cela qu'on les désigne vulgairement sous le nom de qua- drupèdes; mais dans quelques-uns, les amphibies, ils sont si courts, si engagés dans la peau, surtout les pattes de derrière, qu'ils paraissent n'avoir que des nageoires. Tels sont les caractères fondamentaux sur lesquels est établie la classe des mammiferes. TU ' GALERIE DES SINGES (Jardin des Plantes.) + sfr… . LES QUADRUMANES, PREMIER ORDRE DES MAMMIFÈRES . L'Orang-Outans. Les quadrumanes, dans leurs formes, ont plus ou moins d’analogie avec l’homme, mais ils en different par leurs extrémités postérieures qui se terminent non par un pied, mais par une vé- ritable main dont le pouce est opposable-aux au- tres doigts. Ce sont des animaux qui marchent difficilement, surtout debout, mais qui grimpent aux arbres avec la plus grande agililé, d’où il résulle que tous sont habitants des forêts. Cet ordre se divise en cinq familles, savoir : les anthropomorptes ; les singes; les sapajous ; les ouistitis, et les makis ou lémuriens. LES ANTHROPOMORPHES. Ce sont les seuls dont l’os hyoïde, le foie et le cæœcum ressemblent à ceux de l’homme. Ils ont le museau très proéminent ; trente-deux denis, dont quatre incisives droites à chaque mä- choire, deux canines longues se logeant dans un vide de la mâchoire opposée, dix molaires à tubercules mousses. Leurs ongles sont plats; ils manquent de queue. Leurs mouvements sont graves et n’ont pas cette pétulance capri- cieuse ou brutale qui caractérise si bien les autres singes. Les femelles sont sujettes aux mêmes incomimodités périodiques que les femmes. 1° Genre. Les ORANGS (Pilhecux, GEOrr.) forment le premier genre. Ils manquent d’aba- joues ; leurs bras sont très-longs ; leurs oreilles arrondies, plus petites que celles de l'homme ; enfin ils n’ont point de callosités aux fesses. 2 LES QUADRUMANES. L'ORANG-OUTANG | Pithecus satyrus, Drsu. Simia satyrus, Lanx. L'Orang- Outang de Vosu. Le Jocko de Burr. ). Dans les forêts les plus sauvages de la partie orientale de l'Inde, à Bornéo, à la Cochinchine et dans la presqu'île de Malaka, les voyageurs rencontrent quel- quefois encore l'être singulier que les habitants de ces contrées nomment, en malais, orang-outang, ce qui, traduit littéralement, signifie être raisonnable, indépendant, ou des forêts, dont nous avons fait homme des bois ; mais il devient rare, et bientôt peut-être il aura disparu de dessus la terre, comme tant d’a- nimaux dont les dépouilles fossiles viennent de temps à autre nous révéler l'antique existence. Jadis il habitait toute la partie occidentale de l’Asie, comme on en peut juger par un passage de Strabon (lib. 15, tom. 2). Selon cet auteur, lorsque Alexandre pénétra dans l'Inde à la tête de son armée victorieuse, il en rencontra une nombreuse troupe, qu'il prit pour une armée ennemie ; aussitôt il fit marcher contre elle son invincible phalange macédonienne. Mais le roi Taxile, qui se trouvait auprès de lui, tira le conquérant de l'Asie de son erreur, en lui apprenant que ces créatures, quoique semblables à nous, n'étaient que des singes fort pacifiques, nullement sanguinaires, et n'ayant pas la plus mince parcelle d'esprit de conquête. Par la forme de sa tête et le volume de son cerveau, l’orang-outang est l’ani- mal qui ressemble le plus à l'homme. Il est haut de trois à quatre pieds (0,957 à 1,299 ); son corps est trapu, couvert d’un poil uniformément roux; son visage est nu, un peu bleuûtre ; ses cuisses et ses jambes sont courtes, ses bras très- longs; son ventre est gros et tendu. Il est fort doux, s'apprivoise très-facilement, et s'attache aux personnes qui en prennent soin. Quoi qu'en aient pu dire les au- teurs et les voyageurs, son intelligence est assez bornée et ne surpasse guère celle d'un chien. Mais comme il à les mouvements posés, réfléchis, et analogues à ceux de l'homme, parce qu'il a presque sa conformation et ses besoins, on à pu faci- lement attribuer ses actions à une intelligence plus perfectionnée qu'elle ne l'est réellement. Le Jardin des Plantes à possede, il y à trois ou quatre ans, un orang-outang vivant, qui à permis de faire de bonnes observations, quoiqu'il fût très-jeune. On est convaincu que ces animaux, comme les singes, sont éminemment grim- peurs, et forcés de vivre continuellement sur les arbres, faute de pouvoir marcher aisément sur la terre. À quatre pattes, 1ls ne posent sur le sol que l'extrémité des doigts du pied, et le devant du corps ne porte que sur les poings fermés ou sur le tranchant des mains ; ils sont en outre obligés, pour voir devant eux, de rele- ver la tête d’une manière fort incommode. Ilne leur est guère possible non plus de marcher debout, au moins pendant un certain temps, parce que leur confor- mation ne le leur permet pas sans leur faire éprouver une grande fatigue. En effet, il leur manque ce puissant développement des muscles du mollet, de la cuisse et des fesses, au moyen duquel l'homme conserve son équilibre et mar- che avec fermeté. A l’état sauvage, l'orang-outang à été peu observé. Il habite les forêts les plus retirées et se nourrit principalement de fruits; mais il est probable qu’il mange aussi les œufs et les petits des oiseaux qu'il est habile à dénicher : du moins ses longues canines doivent le faire supposer. D'anciens voyageurs ont avancé ANTHROPOMORPIHES. 3 qu'en temps de disette, il quitte les montagnes et descend sur le bord de la mer où il se nourrit de coquillages et de crabes. «I y a, dit Gemelli Carreri, une espèce d'huîtres qui pèsent plusieurs livres et qui sont souvent ouvertes sur le rivage ; or, Le singe craignant que, quand il veut les manger, elles lui attrapent la patte en se refermant, jette une pierre dans la coquille, ce qui l'empêche de se fermer, et ensuite il les mange sans crainte. » Il se construit sur les arbres une sorte de hamac, où il se couche chaque soir pour ne se lever qu'avec le soleil. Les Indiens lui font la chasse pour le réduire en esclavage et en tirer quelque service domestique. « On les prend, dit Schoutten, avec des lacs; on les appri- voise, on leur apprend à marcher sur les pieds de derrière, et à se servir de leurs mains pour faire certains ouvrages et mème ceux du ménage, comme de rincer les verres, donner à boire, tourner la broche, etc. » Francois Leguat dit avoir vu à Java «un singe fort extraordinaire ; c'était une femelle ; elle était de grande taille et marchait souvent fort droit sur ses pieds de derrière ; alors elle cachait d’une de ses mains l'endroit de son corps que la pudeur défend de montrer. Elle avait Le visage sans autres poils que les sourcils, et elle ressemblait assez, en général, à ces figures grotesques de hottentotes que j'ai vues au Cap. Elle faisait fort proprement son lit chaque jour, s’y couchait la tête appuyée sur un oreiller, et se couvrait d’une couverture... Quand elle avait mal à la tête, elle se serrait d’un mouchoir, et c'était un plaisir de la voir ainsi coiffée dans son lit. Je pourrais en raconter diverses autres petites choses qui paraissent extrèmement singulières, mais j'avoue que je ne pouvais pas adnurer cela autant que la multitude, parce que je savais qu'on devait conduire cet animal en Europe pour le montrer par curiosité, et je supposais qu'on l'avait dressé en conséquence. » Ïl y a ici une chose qui me paraît plus que douteuse, c’est le fait de la pudeur, fait qui a été également avancé par Bontius, médecin à Batavia. Les voyageurs qui ont vu les femmes de la Nouvelle-Zélande, de quelques îles de la mer du Sud, etc., se montrer sans voile et sans pudeur aux yeux des étrangers, auront de la peine à croire que cette vertu puisse exister naturellement dans un animal, quand elle manque à des nations entières. 2° Gevre. Le TROGLODYTE ou KIMPÉE- peu mobiles à sa volonté; par des crêtes sour- ZEY (Troglodytes, GEorr.) forme à lui seulun cilières qui manquent aux premiers, et enfin par genre qui se distingue des orangs par desoreiïlles ses bras plus courts, n'atteignant que le bas de beaucoup plus grandes que dans l’homme, et un la cuisse. Le xiIMPEÉZEY ( Troglodites niger, Georr. Süunia troglodytes, Lixx. Le Chim- pansé, G. Cuv. Le Quimpesé, Lecar. Le Jocko et le Pongo, Burr. Le Quojas Morou et le Satyre d’ Angola, Ture. Le Pyqmée, Tysox. Le Pongo, Aunes.). J'ai fait l'histoire de l’orang-outang, animal qui ressemble le plus à l'homme par là forme de la tête et. le développement du front et du cerveau, mais dont l'intelligence ne l'emporte guère sur celle du chien: je vais faire maintenant celle de l’être qui s’en rapproche le plus par l'intelligence. Les phrénologues remar- queront, en passant, que l’orang a l'angle facial ouvert à soixante-cinq degrés, tandis que celui-ci ne l'a qu’à soixante. Toutes les personnes qui, pour ja premiére fois, ont observé un kimpézey, ont (l LES QUADRUMANES. été frappées de sa grande ressemblance avec l’homme, non-seulement dans ses formes, mais encore dans ses gestes, ses actions, et quelques-unes de ses habi- tudes. Aussi, les différents noms qu'il arecus sont-ils tous l'expression d’une même pensée. Là c'estle pongo, mot par lequel les nègres désignent un grand fétiche, une sorte de génie des forêts ; ici c’est le cojas morros ou quojas morou, qui, dans la langue d’Angola, signifie homme des forêts ; dans Le Congo c'est l’enjoko, que Buffon a défiguré, et qui, dans la langue du pays, est l'impératif du verbe se taire :« Enjoko, tais-toi.» On concoit l'origine de ce nom quand on sait que les nègres du Congo croient que si le kimpézèy ne parle pas, c'est qu'il ne le veut pas, dans la crainte qu'on le soumette à l'esclavage et qu’on le fasse travailler. Mais tous ces mots ne sont que des épithètes dont on accompagne le véritable nom, kimpézey, sous lequel il est connu par les naturels de toute la côte de Guinée. Le voyageur Lecat en à fait quimpésé, et G. Cuvier chimpanze. I y à peu d'années que tous les habitants de Paris se portaient au Jardin des Plantes pour voir Jacqueline, jeune femelle appartenant à cette espèce. Elle était douce, bonne, caressante même ; elle reconnaissait parfaitement les gens qui allaient la voir et leur faisait plus de caresses qu'aux autres. Si on la contrariait, elle pleurait à sanglots comme un enfant, se retirait dans un coin de l’apparte- ment et boudait quelques minutes. Mais sa colère enfantine cédait à la plus petite avance d'amitié; alors elle essuyait ses larmes et revenait sans rancune auprès de celui qui l'avait chagrinée. Quoique sa jeunesse fût extrème (elle avait deux ans et demi), son intelligence était déjà fort développée, et j'en citerai deux exemples qui sont extrèmement remarquables à mon avis, et dont j'ai été témoin. Un ami qui m'accompagnait quitta ses gants et les posa sur une table ; aussitôt Jacqueline s’en empara et voulut les mettre, mais elle ne put en venir à bout parce qu'elle plaçait à la main droite le gant de la main gauche. On lui montra sa méprise, et on parvint si bien à la lui faire comprendre, que depuis elle ne s’est jamais trompée, quoiqu'on l'ait mise souvent à l'épreuve. M. Werner, notre meilleur peintre d'histoire naturelle, fut chargé de la dessiner. Jacqueline, fort étonnée de voir son image se reproduire sous le crayon de cet habile artiste, voulut aussi dessiner. On lui donna du papier et un crayon; elle s’assit grave- ment à la table du maitre, et traça avec grande joie quelques traits informes. Comme elle appuyait de toutes ses forces, la pointe de son crayon cassa, et elle en fut très-contrariée. Pour Fapaiser on le lui tailla, et, corrigée par l'expérience, elle appuya moins. Elle vit le dessinateur porter le crayon à sa bouche, et elle en fit autant; seu- lement, au lieu de se contenter de mouiller la pointe, elle ne manquait jamais de la casser avec ses dents. IT fut impossible de l’en empêcher, et ce grave inconvé- nient mit fin à ses études artistiques. Elle essayait de coudre, comme la femme qui la gardait, mais il lui arrivait chaque fois de-se piquer les doigts ; alors elle jetait là l'ouvrage, s’élancait sur la corde qu'on lui avait tendue, et se consolait de sa maladresse en faisant quelques cabrioles qui auraient fait pàlir le plus hardi funanbule. Jacqueline avait un chien et un chat, qu’elle aimait beaucoup. Elle les gâtait au point de les faire coucher tous deux à côté d'elle, dans son lit, l’un à gauche et l'autre à droite; mais elle sut néanmoins conserver sur eux la supériorité que ANTHROPOMORPHES. D donne l'intelligence, et, quand elle le jugeait convenable, elle les châtiait séve- rement pour les soumettre à son obéissance ou pour les forcer à vivre entre eux en bons amis. La pauvre Jacqueline avait l'habitude de se laver chaque matin le visage et les mains avec de l’eau fraiche ; ces aspersions, jointes aux rigueurs d’un climat si différent de celui d'Afrique, lui occasionnèrent probablement la maladie de poi- trine dont elle mourut. Jack, l'orang-outang qu'elle avait remplacé à la ménage- rie, ainsi que les kimpézèys qui ont autrefois vécu chez Buffon et chez l'impéra- trice Joséphine, sont morts de la même maladie. Quoi qu'en disent aujourd'hui les naturalistes, qui n’assignent que deux pieds et demi (0,812) de hauteur à cet animal, parce qu'ils n’en ont jamais vu que de très-jeunes, il est certain qu'il atteint quatre à cinq pieds (1,299 à 1,624), et peut-être davantage, car sans cela rien de ce que les voyageurs lui attribuent ne serait possible. Lorsque Jacqueline fut prise et amenée à Paris, elle était fort jeune ; cependant sa taille était de deux pieds et demi (0,812) de hauteur, et sa mére la portait encore dans ses bras. Nous avons vu l’orang-outang figurer dans l'histoire d'Alexandre le Grand : nous verrons le kimpézèy figurer dans celle des Carthaginois, et pour les deux cas nous tirerons une conséquence semblable, c'est-à-dire qu’alors l'espèce était beaucoup plus nombreuse en individus qu'aujourd'hui, et qu'elle s’avancait sur la côte occidentale de l'Afrique jusqu'au pied de l'Atlas. Trois cent trente-six ans avant notre ère, les Carthaginois, sous la conduite d'Hannon, abordèrent une ile de l'Afrique occidentale. Une immense troupe de singes les observaient, et les Carthaginois, les prenant pour des ennemis, les char- gerent aussitôt. On remarqua que ces animaux ne tinrent point en rase campagne contre leurs agresseurs, mais qu'ils se sauvèrent avec beaucoup de précipitation sur des rochers, d'ou ils se défendirent vaillamment à coups de pierres. On ne parvint à se rendre maitre que de trois femelles qui se débattirent avec tant d’acharnement, qu'il fut impossible de les garder vivantes. Hannon, qui les prit pour des femmes sauvages et velues, les fit écorcher et rapporta leurs peaux à Carthage. { Hannonis periplus, pag. T7, édit. 1674.) Elles furent déposées dans le temple de Junon, où, deux siècles après, les Romains les trouvèrent encore, lors de la conquête de cette ville. Il est plus que probable que tout ce que les anciens nous ont transmis sur les satyres, les faunes, les sylvains, et autres divinités des bois, tire son origine de l’histoire mal connue de cet animal. La peau de satyre que saint Augustin dit avoir vue à Rome, était certainement celle d’un de ces anlNaux. Le kimpézey a le visage plat, basané, nu ainsi que les oreilles, les mains, la poitrine, et une partie du ventre. Le reste du corps est couvert de poils rudes, noirs ou bruns, mais clair-semés, excepté sur la tête où ils sont très-longs et lui forment une chevelure pendante par derrière et sur les côtés. 11 marche debout avec beaucoup plus de facilité que l’orang-outang, parce que les muscles de ses mollets et de ses cuisses sont plus développés, et qu’il a le bassin plus large. On lui compte une paire de côtes de plus qu'à l’homme. Cet animal, qui ne se trouve que sur les côtes du Congo etde la Guinée, a le maintien grave et les mouvements me- surés. Par fontesces considérations, Brookes, dans son Système d'histoirenuturelle, 6 LES QUADRUMANES. avait mis l'homme dans la classe des singes ; le prince royal d'Angleterre lui en ayant fait des reproches assez vifs, «Monseigneur, je me rends à la force de vos «objections, répondit le naturaliste ; en votre faveur je changerai mon arrange- «ment, et je placerai Le singe dans la classe des hommes. » En domesticité, le kimpézèy montre la même douceur que l’orang, mais plus d'intelligence. (J'ai vu cet animal, dit Buffon, présenter la main pour reconduire les gens qui venaient le visiter, se promener gravement avec eux et comme de com- pagnie ; je l'ai vu s'asseoir à table, déployer sa serviette, s’en essuyer les lèvres, se servir de la fourchette et de la cuiller pour porter à sa bouche, verser lui-même sa boisson dans un verre, le choquer lorsqu'il y était invité ; aller prendre une tasse et une soucoupe, l'apporter sur la table, y mettre du sucre, y verser du thé, le laisser refroidir pour le boire, et tout cela sans autre instigation queles signes ou la parole de son maître, et souvent de lui-mème. Il aimait prodigieusement les bonbons; il buvait du vin, mais en petite quantité, et Le laissait volontiers pour du lait, du thé, ou d’autres liqueurs douces. » Dans son esclavage, le kimpézèy, si on s’en rapporte à tous les voyageurs, peut rendre autant de services qu'un nègre. On à vu à Loango une femelle aller chercher de l’eau dans une cruche, du bois dans la forêt, balayer, faire les lits, tourner la broche, ete., ete. Elle tomba malade, et un chirurgien la saigna, ce qui lui sauva la vie. Un an après, ayant gagné une fluxion de poitrine, elle fut de nouveau alitée ; lorsqu'elle vit entrer le même chirurgien, elle lui tendit le bras et lui fit signe de la saigner. Un voyageur très-digne de foi, M. de Grandpré, officier dans la marine fran- caise, ayant habité Angola pendant deux ans, raconte ce qui suit : « L'intelligence de cet animal est vraiment extraordinaire ; il marche ordinairement debout ap- puyé sur une branche d'arbre en guise de bâton. Les nègres le redoutent, et ce n'est pas sans raison, car il les maltraite rudement quand ii les rencontre. Ils disent que s'il ne parle pas, c'est par paresse. Ils pensent qu'il craint, en se faisant connaître pour homme, d’être obligé de travailler, mais qu'il pourrait l’un et l’autre s'ille voulait. Ce préjugé est si fort enraciné chez eux, qu'ils lui parlent lorsqu'ils le rencontrent. «Malgré tous mes efforts pour me procurer un individu de cette espèce, Je n'ai pu y parvenir, mais j'en ai vu un sur un vaisseau en traite. C'était une femelle ; je l'ai examinée et mesurée avec attention, et elle s’y prèêta avec beaucoup de com- plaisance. Debout, les talons portant à terre, elle était haute de quatre pieds deux pouces huit lignes. Ses bras pendants atteignaient à un pouce au-dessus du genou ; elle était couverte de poils, le dos fauve, etc... «I serait trop long de citer toutes les preuves que cet animal a données de son intelligence, je n'ai recueilli que les plus frappantes. Il avait appris à chauffer le four ; il veillait attentivement à ce qu’il n’échappât aucun charbon qui pût incen- dier le vaisseau, jugeait parfaitement quand il était suffisamment chaud, et ne manquait jamais d’avertir à propos le boulanger qui de son côté, sûr de la saga- cité de l'animal, s’en reposait sur lui, et se hâtait d'apporter sa pâte aussitôt que le singe venait le chercher, sans que ce dernier l'ait jamais induit en erreur. « Lorsqu'on virait au cabestan, il se mettait lui-même à tenir dessous (tirer sur le càble ), et choquait à propos avec plus d'adresse qu'un matelot. Lorsqu'on en- ANTHROPOMORPHES. % vergua les voiles pour le départ, il monta, sans y être excité, sur les vergues avec les matelots qui le traitaient comme un des leurs; il se serait chargé de l'empoin- ture, partie la plus difficile et la plus périlleuse, si le matelot désigné pour ce ser- vice n'avait insisté pour ne pas lui céder la place. Il amarra les rabans aussi bien qu'un matelot, et, voyant engager l'extrémité de ce cordage pour l'empêcher de pendre, il en fit aussitôt autant à ceux dont il était chargé. Sa main se trouvant prise et serrée fortement entre la ralingue et la vergue, il la détacha sans crier, sans grimaces ni contorsions ; et lorsque le travail fut fini, les matelots se retirant, il déploya la supériorité qu'il avait sur eux en agilité, leur passa sur le corps à tous, et descendit en un clin d'œil. « Cet animal ne parvint pas jusqu'en Amérique ; il mourut dans la traversée, victime de la brutalité du second capitaine qui l'avait injustement et durement maltraité. Cette intéressante créature subit la violence qu’on exercait contre elle avec une douceur et une résignation attendrissantes, tendant les mains d’un air suppliant pour obtenir que l'on cessàt les coups dont on la frappait. Depuis ce moment, elle refusa constamment de manger, et mourut de faim et de douleur le cinquième jour, regrettée comme un homme aurait pu l'être. » Voyons maintenant le kimpezey à l'état sauvage. Presque toutes les fois que les voyageurs en ont rencontré, le mâle et la femelle marchaient ensemble, d’où on peut penser, avec quelques naturalistes anglais, qu'il est monogame et ne change pas de femelle. Quand il est à terre, il se tient debout et marche avec un bâton qui lui sert à la fois d'appui et d'arme offensive et défensive ; il se sert aussi de pierres qu'il lance avec adresse pour repousser l'attaque des nègres, ou pour les attaquer lui-même s'ils osent pénétrer dans les lieux solitaires qu'il habite. Ces animaux vivent en petite troupe dans le fond des forêts; ils savent fort bien se construire des cabanes de feuillage pour s’abriter des ardeurs du soleil et de la pluie. Ils forment ainsi des sortes de petites bourgades, où ils se prêtent un mutuel secours pour éloigner de leur canton les hommes, les éléphants et les animaux féroces. Dans ces attaques, si l’un des leurs est blessé d’un coup de flé- che ou de fusil, ses camarades retirent de la plaie, avec beaucoup d'adresse, le fer de la flèche ou la balle ; puis ils pansent la blessure avec des herbes mâchées, et la bandent avec des lanières d’écorce. Mais ce qu'il y a de plus singulier dans ces animaux, ce qui, à mon avis, dénote chez eux une intelligence très-perfectionnée, c'est qu'ils donnent une sépulture a leurs morts. Ils étendent le cadavre dans une crevasse de la terre, et le recou- vrent d'un épais amas de pierrailles, de feuilles, de branches et d’épines, pour empêcher les hyènes et les panthères d'aller le déterrer pendant la nuit. Certes, il y a dans ce fait quelque chose qui approche bien d'une pensée. Les kimpézèys habitent leurs cabanes pendant les nuits orageuses et quand ils sont malades, car dans toute autre circonstance ils dorment sur un arbre. La fe- melle à beaucoup de tendresse pour son petit; elle le caresse sans cesse et le tient propre avec beaucoup de soin. Elle le porte sur ses bras à la manière des nourrices quand elle n’a qu'une légère distance à parcourir, et s'il s'agit d’un long trajet, elle le place sur son dos, où il se cramponne avec les mains et les pieds, abso- lument à la maniere des négrillons. Elle y est beaucoup attachée et le garde avec elle longtemps encore apres le sevrage ; mais le mâle le chasse quand il est assez Q LES QUADRUMANES. fort pour se défendre et assez intelligent pour savoir chercher et choisir ses ali- ments. Le mâle aime tendrement sa femelle. Si, étant avec elle, il est surpris par la présence inopinée d’un ou plusieurs hommes, il s'arme aussitôt de pierres, ou d’un bâton s'il se trouve une branche morte à sa portée; il se lève debout, s’ar- rête, et, dans cette attitude menaçante, il attend que sa femelle se soit éloignée pour fuir lui-même le danger. Deux de mes amis d'enfance, qui ont habité la Gui- née, m'ont dit avoir ete témoins de ce fait. Cependant, malgré ces apparences d'amour, le kimpézèy n’est pas toujours très-fidèle à sa femelle, et souvent il poursuit dans les bois des négresses qu'il enlève et porte dans sa cabane. « Les kimpeézeys, dit M. de la Brosse ( Voyage à la côte d’Angola), tàächent de surprendre des négresses, les gardent avec eux, et les nourrissent très-bien. J'ai connu, ajoute-t-il, à Loango, une né- gresse qui était restée trois ans avec ces animaux. » Quelquefois c’est moins pour satisfaire la brutalité de leurs passions que pour se faire une société qui leur plaît, que les kimpézèys attaquent les jeunes négresses, qu’ils emportent sur les arbres et que l’on a beaucoup de peine à leur arracher. La preuve de cela est qu'ils enlèvent également les jeunes garcons, les conduisent dans leurs forêts, et les gardent sans autre but que de les avoir avec eux. Battel nous apprend qu'un né- grillon de sa suite, ayant été emmené par des kimpézeys, vécut douze àtreize mois en leur société, et revint trés-content, gros et gras, en se louant beaucoup du trai- tement de ses ravisseurs. En faisant la plus large part à l'exagération des voyageurs, on trouvera encore que le kimpézèy est le plus intelligent des animaux. arr UT Al À Te. ANTHROPOMORPHES. 9 Le Pongo de Wurmb. 3° Genre. Les PONGOS (Pongo, Lacér.). Ce canines sont très-fortes; ses crêtes sourcilière, genre diffère de celui des orangs par l'angle fa- sagittale et occipitale fortement prononcées. Il a cial, qui n’est que de trente degrés, el par les des sacs thyroïdiens au larynx; ses doigts de pied abajoues qu'il a dans la bouche. En outre, ses ne sont pas réunis comme ceux des siamangs. Le PONGO DE WURMB (| Pongo Wurmbii, Desm. Le grand Orang-Outang de quelques voyageurs). Voici un animal dont l’histoire scientifique est fort singulière. Buffon, qui n’en avait aucune connaissance, a donné son nom à un être imaginaire qu'il croyait voisin du kimpézèy. Le savant G. Cuvier, qui probablement ne l'avait connu que par le mémoire de Wurmb, le retira de la famille des orangs pour le classer entre les mandrilles et les sapajous, place qui certainement ne lui con- vient pas. Desmarets en a fait un genre bien tranché, et voilà qu'aujourd'hui on ne veut même pas l’accepter comme espèce; j'ai été moi-même de cette dernière opinion pendant plusieurs années, et encore aujourd'hui je doute si réel- lement le pongo de Wurmb n'est pas un vieux orang-outang. Sa taille est en effet à peu pres celle des plus grands orangs, et atteindrait même celle de l’homme si on s’en rapportait aux voyageurs. Son corps est robuste, couvert de poils noirs; sa face est nue, d’un brun fauve; son museau est très- proéminent, son nez plat, et ses yeux petits et saillants ; ses oreilles, plus petites que celles de l’homme, sont collées contre sa tête; ses bras, d’une longueur dé- mesurée, lui descendent jusqu'aux malléoles ; enfin sa poitrine et son ventre sont nus. [l habite Bornéo et Sumatra. Tous ces caractères peuvent également s’appli- quer à l'orang-outang, mais ce dernier manque d'abajoues et il a le foie comme 2 19 LES QUADRUMANES. l'homme, tandis que le pongo aurait, selon Desmarets et d’autres naturalistes, des abajoues, et, selon G. Cuvier, le foie divisé en plusieurs lobes ; dansle premier cas ce serait le dernier des anthropomorphes, dans le second on devrait le placer à la tête des singes. Si le pongo est un vieil orang-outang, son histoire offre une singularité unique parmi les animaux, et la voici : dans tous les êtres doués d’instinct ou d’intelli- gence, cette intelligence est comparativement très-faible dans le premier âge ; elle se développe progressivement et n’atteint guère à toute son énergie que vers la fin du premier tiers de la vie. Elle se soutient ensuite jusqu’à la décrépitude, . et même, dans les animaux sauvages, jusqu’à la mort. Dansl’orang-outang, il en serait tout autrement, en supposant qu'il devint un pongo dans sa vieillesse. Dans son enfance, il a le front grand, saillant, proéminent, et la tête arrondie comme celle de d'homme. Alors il est doux, posé, réfléchi, si je puis me servir de cette expression, et il semble tout à fait incapable de la pétulance et de la férocité de beaucoup de singes; il s’affectionne aux personnes qui le caressent etle nour- rissent, et, comme le chien, il est susceptible de recevoir une certaine éducation. Devenu adulte, c’est-à-dire lorsqu'il prend le nom de pongo, il s’opère chez lui une métamorphose étrange. Son angle facial, qui était ouvert à soixante-cinq degrés, s’allonge et se trouve réduit à cinquante; son front se rejette en arrière comme celui de ces idiots nommés crétins; sa tête s’allonge vers son sommet et se rétrécit considérablement. Son museau s’ayance; sa face s’élargit prodigieusement par l'effet de deux grosses protubérancesquisedéveloppententre les yeux et lesoreilles, depuis la tempe jusqu’à la base des mâchoires ; enfin c’estune métamorphose com- plète. L'intelligence éprouve la même révolution. Les voyageurs épouvantés, qui le retrouvent dans les bois sous les noms de kukurlaco, de féfé, de golokk, trem- blent à son approche ; car ce n’est plus cet animal rempli de douceur et de gentil- lesse, mais un être farouche, indomptable, plein de courage et de férocité, sans cesse occupé à donner la chasse aux êtres plus faibles que lui, se nourrissant non- seulement de fruits, mais aussi de la chair des oiseaux qu'il surprend la nuit sur les arbres ; c’est ce mystérieux et terrible homme nocturne qui poursuit les femmes, attaque les voyageurs, les assomme à coups de pierres ou de bâton, et les dé- vore ; qui, enfin, porte l'épouvante avec lui. Tout cela est fort exagéré, comme on doit le croire ; mais en adoucissant beau- coup ce portrait de mœurs sauvages, il n’y en aurait pas moins une métamor- phose complète, car il est certain que le pongo de Wurmb est féroce, sauvage, courageux, et qu’il se défend avec un bâton quand il est attaqué par l’homme. D'ailleurs, ce qui peut encore ébranler l'opinion de ceux qui pensent que l'orang et le pongo sont identiques, c'est qu'aujourd'hui on connaît deux “espèces de ce dernier genre. Le Ponco p’A8ez (Pongo Abelii, LESson; nue, mais une grosse moustache déborde sa lè- Pongo Wurmbii, CL. ABe). M. Clarke Abel vre supérieure, et une barbe touffue lui pend pense que cet animal est le véritable orang-ou- au menton; il est couvert de poils d’un roux tang. 1l atteint six pieds cinq pouces; son mu- foncé, passant en quelques -endroits au rouge seau est très-proéminent et son nez fort aplati; vif ou au brun noir ; il a la plante des pieds el uue épaisse crinière couvre sa tête; sa face est la paume des mains brunätres. L'individu qui à fourni cette description a été tué à Sumatra. Comme le pré- ANTHROPOMORPHES. 11 cédent, il marchait debout avec facilité, courait avec vitesse, et grimpait sur les arbres avec une grande agilité. Du reste, il était robuste et se défendit avec beau- coup de courage. Il combattait encore ayant recu cinq balles dans le corps et plu- sieurs coups de lance. Enfin, affaibli par un vomissement de sang, il fit comme César, et, s'abandonnant à sa mauvaise fortune, il se laissa tomber, mit les mains sur les profondes blessures d'où son sang s'échappait à flots, et, en expirant, jeta sur ses assaillants un regard si plein de supplication et de douleur, qu'ils en furent émus jusqu'aux larmes, et se repentirent d’avoir tué sans nécessité une créature si ressemblante à eux-mêmes. Il paraît que cet animal n'habite pas ordinairement la côte de Sumatra où il fut rencontré ; car les habitants, qui ne le reconnurent pas, déclarèrent que, depuis quelque temps, ils entendaient, pendant la nuit, des cris poussés par une voix étrange n'ayant rien d'analogue avec celle des animaux du pays. En outre, il avait les pieds couverts de boue jusqu'aux genoux, comme un homme qui viendrait de faire un long voyage. Sa force était si prodigieuse que, mortellement blessé et ayant déjà perdu une partie de son sang, il brisait comme une paille le bois des lances dont on le frappait. Il fut mesuré après sa mort, et on lui trouva, depuis le sommet de la tête jusqu’au talon, six pieds cinq pouces. 4e Genre. Le SYNDACTYLE |(Syndactylus). callosités aux fesses; dans le mäle et la femelle, Il a le même caractère que les orangs, mais ses l'index et le médium des pieds de derrière sont bras sont un peu plus longs, et il a de légères réunis jusqu'à la dernière phalange. Le SIAMANG (Syndactylus siamang. — Hylobates syndactylus, Fr. Cuv. Pi- thecus syndactylus, Desu. Simia Syndactyla, Rarrr.) Cet animal, qui habite les forèts de Sumatra, a le pelage laineux, épais, d’un noir foncé ; il a sous la gorge un grand espace nu. Il est lent, pesant, manque d'assurance quand il grimpe, et d'adresse quand il saute. Si on le rencontre à terre, un homme un peu agile l’atteint aisément à la course et s’en empare sans qu'il cherche à se défendre. Son impuissance à fuir le danger ou à le repousser par la force, l’a rendu très-défiant ; jamais sa vigilance ne s'endort. Comme il à l'ouie très-fine, il entend à un mille de distance un bruit assez léger , et s’il lui est inconnu, il prend aussitôt la fuite. Les siamangs se réunissent en troupe nombreuse, et sont très-attachés à leurs petits. Si l’un tombe blessé mortellement par une balle, sa mère se laisse tom- ber près de lui en jetant des cris affreux, se roule de désespoir, et fait tout ce qu'elle peut pour rappeler son enfant à la vie ; apercoit-elle l'ennemi qui a porté le coup fatal, elle se relève et se précipite sur lui en étendant les bras, ouvrant la gueule, et poussant des hurlements lamentables. Mais là se bornent ses efforts, car elle ne sait ni mordre, ni frapper, ni parer les coups, et elle meurt victime innocente de l'amour maternelle. Ce qu'il y a de fort singulier, c’est que les femelles ne portent sur leurs bras que les petites femelles, et que les màles ne portent également que les petits de leur sexe. « Les soins que les femelles prennent de leurs enfants, dit M. Duvaucel, sont si tendres, si recherchés, qu'on serait tenté de Les attribuer à un sentiment raisonné. C’est un spectacle curieux, dont, à force de précautions, j'ai pu jouir quelquefois, que de voir ces femelles porter leurs petits à la rivière, les débar- 12 LES QUADRUMANES. bouiller malgré leurs plaintes, les essuyer, les sécher, et donner à leur propreté un temps et des soins que, dans bien des cas, nos propres enfants pourraient envier. » Du reste, le siamang est peu intelligent, apathique, maladroit, mais fort doux. Huit jours après avoir été pris, il est aussi apprivoisé, aussi accoutumeé à l’escla- vage que s'il eût passé toute sa vie en domesticité. Pour cela il n’en est pas plus aimable, car 1l paraît aussi insensible aux bons traitements qu'aux mauvais, et, sans jamais chercher à faire du mal, il ne donne jamais non plus le moindre signe d'affection ; la reconnaissance et la haine sont pour lui des passions tout à fait étrangères. La peur et la stupidité exercent sur lui un tel empire, que, dans les forêts, s’il rencontre un tigre, loin de chercher à se sauver, il reste immobile comme une statue, se borne à jeter sur son ennemi un œil effaré, et cette fasci- nation lui coûte la vie. Quand ces animaux voyagent, ils ont un chef qui marche à leur tête et con- duit la troupe ; comme c’est ordinairement Le plus agile et le moins stupide, si la petile caravane fait une mauvaise rencontre, il vient toujours à bout de se sau- ver; il en résulte que les Malais croient ce chef invulnérable. Chaque matin, au soleil levant, les siamangs font retentir les bois de leur voix assourdissante, et ils en font autant quand le soleil se couche ; aussi servent-ils d'horloge aux paysans en leur annonçant exactement l'heure du travail et celle du repos. De GENRE. Les GIBBONS (Hylobates, IL11G.) callosités aux fesses,et que leurs bras sont d'une ne different des orangs que parce qu'ils ont des longueur encore plus démesurée. Le wouwou (Hylobates leuciscus, Lessox. Simia leuciscus, Scu. Le Gibbon cendré de Cuv. Le Moloch, Auo.). Lors même que le wouwou marche à quatre pattes, ilse tient toujours debout, car ses bras sont si énormément longs que, dans cette dernière position ses mains touchent à la terre. Sa taille atteint quelquefois quatre pieds (1,299) de hauteur ; son corps est couvert de poils laineux d’un gris cendré ; ceux de la face sont très- noirs, et un cercle de poils gris, qui lui entoure le visage, lui donne un air fort original. Cet animal vit dans les îles de la Sonde et dans les Moluques. Il est assez doux, quoique vif et capricieux. A l’état sauvage, il se plait sur le bord des eaux, dans les roseaux qu'il habite. Autant ses longs bras le rendent disgracieux quand il est sur la terre, autant il est leste, agile et gracieux quand, s’élançant sur la cime des plus hauts bambous, il s’y balance, et prend toutes les positions extraor- dinaires que lui permettent la longueur de ses bras. I n’est pas de saltimbanques plus amusants et qui inventent des poses aussi singulières que cet animal. Dans le même genre se placent les trois espèces suivantes : Le Gi880N AGILE ( Hylobates agilis, Fr. Cuv., dans la femelle. Il a sur les yeux un bandeau Simia lar, Rarrz. Le Wouwou de Fr. Guv.. blanc qui descend de chaque côté et va s'unir à Il habite les forêts de Sumatra, où il est assez des favoris blanchâtres; son front est très-bas, rare; il a le pelage brun, et jaune sur le dos; et ses arcades orbitaires fort saillantes. Il a été la face est d'un bleu noirâtre dans le mäle, brune découvert par MM. Diard et Duvaucel. La nature n'a pas doué cette espèce d'une grande intelligence, cependant en ANTHROPOMORPHES. 13 caplüvite elle est susceptible d'acquérir quelque éducation. Ce gibbon est quel- quefois fort gai, et recherche les caresses de son maitre ; il est toujours familier, curieux et gourmand. Dans les bois, il vit par couple plus souvent qu’en famille. Il est d’une agilité surprenante, et, quand il s’élance de branche en branche, 1} semble plutôt voler que sauter. Lorsqu'il est debout, il peut avoir trente et un à trente-deux pouces (0,859 à 0,967) de hauteur, et les doigts de ses bras touchent a terre. L'Ounxo ( Hylobates lar, Less. Simia longi- mana, Scar. Le Gibbon, Burr. Le Gibbon noir, G. Cuv.). Celui-ci a les bras un peu moins longs que le wouwou: sa taille serait de plus de trois pieds (0,975) selon Buffon, qui en a vu un vivant, et ne serait communément que d'un pied trois pouces (0,106) selon M. Lesson, qui me parait ici faire une erreur. Son corps est gréle, allongé, couvert de poils grossiers, longs et noirs, excepté ceux qui entourent la face, qui sont gris ; son nez est brun, plat; ses yeux sont grands, mais enfoncés ; ses oreilles arrondies, et bordées à peu près comme celles de l'homme. La plante des pieds et les ongles sont noirs. Cette espèce est de mœurs douces, d'un caractère tranquille, et ses mouve- ments ne sont ni trop brusques ni trop précipités. Dans la captivité, il prend assez doucement ce qu'on lui présente, et la nourriture qu'il paraît préférer est le pain, les fruits et le lait. Louis Lecomte, cité par Buffon, dit avoir vu aux Moluques, « une espèce de singe, l'ounko, marchant naturellement sur ses deux pieds, se servant de ses bras comme un homme, le visage à peu près comme celui d’un Hottentot, mais couvert d’une sorte de laine grise, se comportant comme un enfant, et exprimant parfaitement ses passions et ses appétits; il ajoute que ces singes sont d’un naturel très-doux; que, pour montrer leur affection aux personnes qu'ils connaissent, ils les embrassent et les baisent avec des trans- ports singuliers ; que l’un de ces singes, qu'il a vu, avait au moins quatre pieds de hauteur, et qu'il était extrêmement adroit, et encore plus agile. » A l’état sauvage, il se nourrit exclusivement de fruits: Il habite les Moluques, la côte de Coromandel, et la presqu'île de Malaka. Le G1B80N varie (Hylobatesvariegatus, Less.) n'est qu'une variété du précédent. Il ne s’en distingue guère que par sa taille d’un tiers plus petite, et par son pelage mêlé de gris brun et de gris foncé. On le trouve également dans Ja pres- qu'ile de Malaka. 11 LES QUADRUMANES. #7 2 LES SINGES. Ils ont le même nombre de dents que les an- thropomorphes, dont quatre incisives à chaque mächoire, deux canines et dix molaires ; mais l'os hyoïde est en forme de bouclier ; le foie est divisé en plusieurs lobes; le cæcum est gros, court et sans appendices. Ils ont une queue, quoiqu’elle soit réduite quelquefois à un simple tubercule rudimentaire ; leurs fesses sont calleu- ses. Tous appartiennent à l'ancien continent. 6° Genre. Les GUENONS (Cercopithecus, Linn.). Elles ont la tête ronde, le front rejeté en arrière, le nez plat et ouvert à la hauteur des fosses nasales ; point de crêtes sourcilières ; l'angle facial ouvert à cinquante degrés ; l’o- reille d’une grandeur moyenne; la queue plus longue que le corps. Toutes sont vives, capri- cieuses, et assez douces dans leur jeunesse ; mais elles deviennent méchantes en vieillissant. La MONE (Cercopithecus mona, Georr. Simia mona et Simia monacha, Scur. La Mone, Burr.) Cette jolie petite guenon a les lèvres et le nez couleur de chair; la face brune, avec un bandeau noir sur le front ; la tête d’un vert doré en dessus, entourée de blanc ; le dos et les flancs d’un brun vif piqueté de noir ; les membres noirs; le dessus de la queue d’un bleu ardoisé, et une tache blanche de chaque côté de la queue. Sa taille est d'environ dix-sept pouces (0,460) depuis le bout du museau jusqu'à l’origine de la queue : celle-ci a deux pieds (0,560) de longueur. La mone est une des guenons les plus communément apportées en France, et celle qui supporte le plus aisément les intempéries de notre climat. L'élégance dans les formes, la grâce dans les mouvements, la douceur dans le caractère, la finesse dans l'intelligence, la pénétration dans le regard, tout ce qui, dans un ani- mal de ce genre, peut le faire rechercher et inspirer pour lui de l'affection, la mone le possède. Quoique vive jusqu’à la pétulance, elle n’a pas de méchanceté et s'attache assez aisément à son maître. Elle est mème susceptible d’une certaine éducation, si toutefois on s’en fait craindre assez pour la forcer à obéir. SINGES. 15 Contre l'habitude des autres singes, elle ne grimace jamais, et elle à dans les traits une certaine gravité pleine de douceur. Elle mange volontiers tout ce qu’on lui présente : de la viande cuite, du pain, des fruits et certains insectes ; elle est particulièrement friande de fourmis et d'araignées. Son adresse et son agilité sont extrêmes, et néanmoins tous ses mouvements sont doux. Elle a de la ténacité dans ses désirs, mais jamais 1ls ne la portent à la violence, et, lorsque, après avoir solli- cité longtemps pour obtenir un objet qui lui plait, on persiste à le lui refuser, tout à coup elle cesse de demander, fait une gambade et paraît n’y plus penser. Sa moralité n’est pas très-exemplaire sous le rapport du droit de propriété : elle a une telle tendance à la filouterie, qu'aucune correction ne peut vaincre ce penchant. Elle est fort habile à glisser doucement la main dans les poches de ceux qui la caressent, et cela avec une adresse qui ferait honneur au plus habile esca- moteur. Pour s'emparer sans bruit des objets qu’elle convoite, pour voler quel- ques fruits ou quelques bonbons, elle sait fort bien tourner la clef d’une ar- moire, dénouer un paquet, ouvrir l’anneau d’une chaîne. Un peu capricieuse et distraite , elle n’est pas toujours disposée à caresser son maître ; cependant, quand rien ne la préoccupe et qu'elle est tranquille, elle ré- pond avec grâce aux avances qu'on lui fait. Dans ce cas elle joue, elle prend les attitudes les plus aimables, mord légèrement, se presse contre la personne qu’elle aime, et fait entendre un petit cri fort doux qui est l'expression ordinaire de sa joie. En général, elle aime peu les personnes qui lui sont étrangères, et rarement elle manque de mordre celles qui sont assez hardies pour la toucher. Elle est sujette aussi à prendre certaines gens en antipathie, et cela sans cause et pure- ment par caprice. Sa patrie est le nord de l'Afrique, et principalement la Barbarie. Il paraît qu'on la trouve aussi en Abyssinie, en Arabie, en Perse et même dans quelques autres parties de l’Asie. Comme elle est assez timide, elle s'approche rarement des lieux habites et ne pénètre jamais dans les plantations. En temps de famine, c'est-à-dire quand les fruits deviennent rares dans les forêts, elle descend en troupes dans les plaines, et là, elle tourne et renverse toutes les pierres, aussi bien que pourrait le faire le plus ardent entomologiste, afin de collectionner les insectes qu’elle trouve dessous. Elle a, pour serrer sa collection, non pas une boîte à épingles, comme celle dont se servent les savants qui courent après les mouches, mais deux sacs très- commodes, dont la nature a fait toute la facon : je veux parler deses abajoues. Ce sont deux poches membraneuses que la plupart des singes ont dans la bouche, une de chaque côté, sous les joues. La mone a ces poches tellement grandes, qu’elle pour- rait y serrer des provisions pour deux jours : mais sa gourmandise est encore plus grande que ses abajoues, d’où il résulte qu’elle ne manque jamais de con- sommer en quelques heures, c’est-à-dire aussi vite que son estomac le lui permet, ce qu'elle aurait pu économiser si elle avait un peu de prévoyance. Rien n’est original comme sa figure lorsque ses poches remplies de provisions se distendent et lui gonflent les joues au point de lui faire paraître la tête deux fois plus grosse que de coutume. En cet état elle ressemble assez bien à ces figures bouffies et joufflues par lesquelles les peintres anciens représentaient les vents. Alors, la mone quitte sa troupe, et cherche un arbre isolé dans le feuil- lage duquel elle puisse se cacher, car elle craint que ses camarades ne viennent 16 LES QUADRUMANES. mettre son magasin au pillage, en la battant pour la forcer à ouvrir la bouche, ce qui arrive quelquefois. Au fond de sa cachette, très-tranquillement assise dans la bifurcation d’une branche, elle tire un à un de son sac les insectes qu’elle y a mis, les regarde avec un air de convoitise, les épluche avec ses petits doigts, leur ar- rache les ailes et les pattes qu'elle jette, puis y porte la dent, mais doucement et à plusieurs reprises, en gastronome qui a des principes ; enfin elle les mange, et recommence la même opération jusqu'à ce que ses provisions solent épuisées. Alors seulement elle pense à rejoindre sa troupe. Tout près de la mone viennent se grouper les espèces dont nous allons parler. Le ParTas Où SINGE ROUGE ( Cercopithecus ruber, GEorr. Simia rubra, GuLz. Le Patas, G. Guv.). Cette guenon, assez commune au Sé- négal, est longue de dix-huit pouces, non com- pris la queue. Son pelage est roux en dessus, cendré en dessous; ses oreilles sont noires; sa face est couleur de chair, avec un bandeau noir sur les yeux, quelquefois surmonté de blanc. Elle est méchante, emportée, capricieuse et sans affection. La GUENON BLANC CENDRÉ (Cercopithecus al- bo-cinereus, Desm.). Cette espèce habite Suma- tra. Elle est grise en dessus, plus foncée sur les lombes ; le dessous est blanc ; sa queue est brune; ses pieds et ses mains sont noirâtres; elle a une ligne de poils roides et noirs en travers dufront. Le Venver ( Cercopithecus pygerithræus , Desn. Cercopithecus pygerithrus, Fr.Cuy.). Ilest d'un gris verdâtre en dessus, blanc en dessous ; il a un cercle de roux autour de l’anus ; son scro- tum est couleur de vert-de-gris, entouré d'un cercle de poils blancs ; l'extrémité de sa queue est noire. Cette guenon est timide, farouche, et vit, au cap de Bonne-Espérance, dans le fond des fo- rêts les plus retirées, On ne la rencontre jamais à proximité des habitations. La GUENON À CROUPION BLANC ( Cercopithecus leucoprimnus, Orro.). On ignore la patrie de cette jolie espèce qui, par son défaut d'analogie dans les formes avec les autres guenons, devrait peut-être former un genre à part. Son corps est grêle, et son estomac est néanmoins d’une grandeur remarquable. Elle est bruoâtre sur la nuque et le sommet de la tête; son dos, ses ex- trémités et sa face sont noirs; elle a la gorge d'un blanc cendré, le croupion et la queue d’un blanc sale. £ La GuENON DE DELALANDE (Cercopithecus pu- sillus, DELcaL.) est d’un gris cendré uniforme, avec le bout de la queue noir ; elle a de longs poils sur la nuque, le dos et les épaules; sa gorge est grisâtre ; le dedans des membres est d'un gris blanchâtre plus foncé; une tache d'un gris brun se prolonge de dessous le men- ton jusqu'à la gorge; ses sourcils sont noirs, surmontés d’un bandeau grisâtre ; sa face et ses mains sont de couleur fauve. Elle a dix pouces (0,271) de longueur, non compris la queue. Elle a été trouvée au cap de Bonne-Espérance, aux environs de Goote-vis River, au Keirkama, par M. Delalande. Le Hocæeur ( Cercopithecus nictitans, Desm. Simia nictitans, Gr. La Guenon à long nez proéminent, Burr. Le Hocheur, G. Cuv.). Cette guenon à trois pieds quatre pouces (5,083) de longueur, la queue comprise ; son pelage est d’un noir intense, pointillé de gris verdâtre, avec les extrémités antérieures et la queue d’un noir foncé; son nez est large, mais proéminent, ren- flé, portant, vers la moitié inférieure, une tache blanche arrondie. Elle habite la Guinée, et pa- rait d’un caractère assez doux. SINGES. 17 Le Roloway, on li Diane. Le ROLOWAY (Cercopüuhecus Diana, Groyr. Simia Diana, Lixx. La Diane, Fr. Cuvrer. Le Roloway, Burr. —G. Cuv. L'Exquima, Marc.). Cette jolie guenon a le dessus du corps d'un marron assez vif; les flancs d’un gris ardoisé, et une ligne de la même couleur lui traverse obliquement les cuis- ses ; le dessus de sa tête est couvert de poils courts et noirs, avec un bandeau de poils roides et blancs; son menton porte une petite barbe blanche. Du reste, son pelage varie en raison de l’âge, et le blanc devient quelquefois jaunûtre. On trouve le roloway dans le Congo et la Guinée, où il habite en grandes troupes les forêts silencieuses. A l’état sauvage, il se nourrit de fruits, d'œufs d'oiseaux, et d'insectes. Comme il s’apprivoise très-aisément, les nègres lui font la chasse et le réduisent en captivité pour le vendre aux Européens qui font la traite sur la côte d'Afrique. Le caractère de cette petite guenon est fort doux ; elle s’affectionne à son mai- tre, au point qu'elle le suit sans chercher à s'enfuir, et qu'elle vient se faire prendre lorsqu'il l'appelle. Un de mes amis en possédait une extrêmement cares- sante, qui l'accompagnait de la ville à une maison de campagne éloignée d’une lieue. Le chemin était bordé d'arbres, et comme elle était très-curieuse, elle grim- pait sur tous sans en excepter un. Quand les arbres étaient assez rapprochés, elle s’élancait de l’un à l’autre avec une rapidité et une légéèreté sans exemple. Mais cette manœuvre l'avait bientôt fatiguée, et alors elle montait sur le dos d’un épa- gneul qu’elle forcait à la porter. La première fois qu'elle s’avisa de faire sa mon- ture de ce pauvre chien, il fut fort effrayé et voulut s’en débarrasser. Mais elle saisit ses longues touffes de poils avec ses quatre mains, et se cramponna de ma- mère qu'il eut beau courir, sauter, tourner, elle ne désempara pas. Quand le chien se roulait sur terre ou dans un fossé, d’un bonb léger elle s’élancait à cinq ) 18 LES QUADRUMANES. ou six pas, s’asseyait et le regardait faire, puis, quand l'animal se relevait, d’un autre bond elle se replacait sur son dos. Enfin, le chien, lassé d’une opposition inutile, prit son parti en brave et depuis devint la monture obligée du roloway. Cette guenon, toute bonne et caressante qu'elle était, ne laissait pas que d’a- voir fréquemment des colères assez violentes, mais qui toujours naissaient de la peur. Par exemple, si elle cassait un verre ou une porcelaine en les laissant tom- ber, aussitôt elle entrait dans une colère furieuse et poussait des cris aigus, dans l'attente d’une correction que le plus souvent elle ne recevait pas. Comme la mone, elle était un peu voleuse, et elle avait l'habitude d'aller ca- cher dans les lits, entre les draps, le fruit de ses larcins. Souvent elle entrait dans la basse-cour, se glissait dans le poulailler, prenait un œuf à chaque main, et se sauvait en marchant debout sur ses pieds de derrière. Dans cette position son attitude était fort grotesque. Elle avait un goût très-prononcé pour les œufs crus ; elle frappait doucement du bout sur le carreau pour casser la coquille, avec son doigt elle agrandissait le trou, puis elle suçait toute la substance conte- nue dans la coquille sans la casser davantage. Elle aimait beaucoup le cafe, et chaque fois qu’elle pouvait entrer furtivement à la cuisine, elle furetait dans toutes les cafetières pour manger le marc qui pouvait y être resté. Elle aimait les li- queurs fortes, non pour les boire, mais pour s'en parfumer tout le corps avec ses petites mains qu'elle trempait dans le vase. Du reste, elle mangeait de tout, de la viande cuite, du pain, des petits oiseaux crus, mais seulement quand on les lui donnait vivants, des fruits, des sucreries, des bonbons, etc. Elle se servait d'une pierre pour casser les noix et les amandes, et pour beaucoup de choses elle paraissait avoir assez d'intelligence. Cependant voici un fait qui prouve combien elle avait peu de mémoire, et que la plupart de ses actions étaient irréfléchies. Lorsqu'on placait un flambeau sur la table, le soir, aussitôt elle s’en approchait, et, prenant la flamme de la bougie pour quelque chose de bon à manger, elle allongeait le museau et y portait la langue. Elle se brülait et poussait des cris affreux en se sauvant, mais cette expé- rience douloureuse était perdue pour elle, et le lendemain, quelquefois même une heure après, elle recommencait. Lorsque son maître l’acheta, cette petite bête était fort douce. Il l’a conservée pendant trois ans, et j'ai cru m'apercevoir qu'à mesure qu'elle vieillissait, son caractère devenait plus méchant. Un pauvre chat de la maison était sa victime ; elle le portait ou le trainait partout avec elle, le caressait et le battait dix fois par heure ; quelquefois elle lui remplissait la gueule de raisins ou de pommes, et, à force de coups, l'obligeait à avaler une nourriture qui ne lui convenait en aucune manière ; enfin elle le fit mourir de misère, et depuis lors on ne lui per- mit plus de s'emparer d'un autre. Du reste, tout ce que j'ai dit de la mone lui convient parfaitement, et ces deux animaux ont dans les mœurs et le caractère, ainsi que dans les formes, une très- grande analogie. La GUENON Dorée ( Cercopithecus œuralus, lui ombragent les joues, le front et les oreilles ; Georr.) se trouve aux Moluques et peut-être sa queue est longue et mince. aux Indes. Son pelage est d'un beau jaune doré, L'ASCAGNE ou BLanc-Nez Cercopilhecus pe- avec une tache noire aux genoux; de longs poils taurisla, Desn. Simia pelaurisla, Gur. L'Asca- SINGES. 19 gne, @. Cuv. Le Blanc-nez, Auves.\, Cette gue- non est rousse en dessus, blanche en dessous, olivätre sur les membres, qui sont gris en de- dans; ses oreilles sont très-grandes ; sa face est couverte de poils courts et noirs ; la moitié de son nez est d’un blanc tranchant. L'ascagne se trouve en Barbarie. Ce singe est remarquable par l'honnêteté de ses penchants ; jamais on ne lui voit de ces accès dégoütants de lubricité si com- muns dans beaucoup d’autres espèces ; on pourrait même regarder cette retenue comme une sorte de décence si l’on accordait cette vertu aux animaux. Ses gestes sont pleins de grâce et de douceur, et cependant il est d’une vivacité si extraordinaire, que lorsqu'il s’élance d’un arbre à un autre il semble plutôt voler que sauter. En repos, son attitude favorite est fort singulière : assis, il s'appuie la tête dans une de ses mains de derrière, laisse errer au hasard son œil pensif, et reste ainsi fort longtemps comme s'il était plongé dans une profonde médita- tion. Qui sait ? peut-être rève-t-il alors à la vallée dans laquelle il est né ! peut- ètre son imagination le reporte-t-elle sous l'ombrage du baobab gigantesque où il aimait tant à jouer alors que, dans son enfance, sa mère dirigeait ses premiers bonds! ou peut-être encore, dans sa mélancolie, pense-t-il à la chaîne qui l'atta- che à une terre étrangère ? Quoi qu'il en soit, quand on a vu cette jolie petite créa- ture dans l'attitude que je viens de décrire, il est difficile de croire que les ani- maux ne pensent pas. Malgré sa douceur et sa gentillesse, l'ascagne a aussi ses défauts. Par exemple, il est très-vaniteux et n'aime pas qu'on le raille lorsque sa pétulance lui fait commettre une maladresse ; dans ce cas il se met en fureur et pousse des cris aigus ; mais sa colère n’est pas de longue durée, et son bon caractère reprend bien vite le dessus ; pour l’apaiser il ne lui faut qu'une caresse ou un bonbon. Il à la singulière habitude de rouler dans ses mains, avant de le manger, tout ce qu'on lui donne, absolument comme font les pâtissiers pour allonger un morceau de pâte cylindrique. La GUENON COURONNÉE ( Cercopithecus pilea- lus, Georr.). On ignore sa patrie et ses mœurs. Des poils allongés lui recouvrent le front ; son pelage est d'un brun fauve en dessus, qui s’é- claircit sur la surface interne des membres. Le Mousrac (Cercopithecus cephus, Grorr. Simia cephus, Lin. Le Moustac, Burr. G. Cuv.), Il est d'Afrique et parait assez com- mun sur la côte de Guinée, du moins si nous en croyons Buffon. Sa face est d’un noir bleuà- tre ; il a sur la lèvre supérieure une ligne blan- che ou d'un bleu päle, en forme de cheyron renversé, ce qui, joint à une touffe de poils jau- nes au-devant de chaque oreille, lui donne une physionomie assez bizarre. Son pelage est d'un brun verdätre, et sa queue, qui a vingt à vingt et un pouces de longueur (0,542 à 0,569), est brunätre, avec l'extrémité d’un roux {rès-vif. L'individu de cette espèce, qui a vécu à la ménagerie, avait de la douceur, de la gentillesse ; il était susceptible d'affection. Le BarBique (Cercomthecus latibarbatus , Tenw. La Guenon à face pourpre, Burr.). Sa patrie et ses mœurs sont inconnues. Dans le jeune âge il est d'un gris-brun päle assez uni- forme, qui passe au noir quand il devient adulte ; sa face est d’un pourpre violet ; de longs poils blancs, qui lui entourent le visage, lui forment comme une coiffure en ailes de pigeon. Sa queue est longue, terminée en pinceau. Le Tararoin où MELARMINE { Cercopithecus talapoin, Grorr.). Buffon décrivit ce singe, et depuis lui on ne l'avait pas revu. 11 en était ré- sulté que les naturalistes crurent que Buffon s'é- tait trompé, et qu'ils regardèrent le talapoin comme un jeune malbrouck, et quelques-uns pensent encore ainsi. Cependant, Frédéric Cu- vier fut assez heureux pour retrouver cette jo- lie espèce vivante, et réparer ainsi l'injure faite 20 LES QUADRUMANES. à Buffon. Le pelage de cet animal est olivâtre ou d’un vert jaunätre en dessus, d’un blanc jaunäâtre en dessous ; sa longueur, du bout du museau à l'origine de la queue, est d'environ un pied (0,225 , et sa queue, qui est cendrée en dessous, est longue de dix-huit pouces (0,487). Les mains, les oreilles et le nez, excepté à sa base, sont noirs; le dessus des paupiéres est blanc, le dessous des yeux couleur d’ocre, le tour de la bouche couleur de chair. On croit aujourd'hui que ce joli animal est d'Afrique, quoiqu'on ne l'y ait pas encore trouvé. Buffon le supposait de Siam et des autres parties de l’Asie orien- tale, parce qu'on le lui avait donné sous le nom de talapoin, que l’on sait être la qualification de certains prêtres banians, et qu'il croyait le reconnaître dans ce passage d’un voyageur : « Les singes du Guzarate sont d’un vert brun; ils ont I barbe et les sourcils longs et blancs : ces animaux, que les Banians laissent mul- plier à l'infini par un principe de religion, sont si familiers, qu'ils entrent dans les maisons, à toute heure et en si grand nombre, que les marchands de fruits et de confitures ont beaucoup de peine à conserver leurs marchandises. » 7° Genre. Les COLOBES ( Colobus, GEOFr.). Ils ont l'angle facial ouvert à quarante degrés; leur museau est court et leur face nue; ils ont des abajoues ; la main antérieure manque de pouce, et leur queue est longue, mince, flocon- neuse au bout ; leur corps est mince, et ils ont les jambes très-grèles. Le CoLcoe a CcAmaIL (Colobus polycomos, Ge£orr. Simia polycomos, PE\N.). Habite la Gui- née et se trouve principalement à Sierra-Léone, où lesnègres lui donnent le nom de roi des singes. C'est une jolte espèce dont les épaules, le cou et la tête sont recouverts d'une sorte de cri- nière en camail, jaune, mélée de noir, et lui re- tombant sur les épaules ; le reste de son pelage est ras, très-court et d'un noir assez brillant ; sa face est brune, et sa queue, plus longue que son Corps, d’un blanc de neige. Ce colobe a trois pieds (0,975) de longueur compris la queue. Le Cocos DE BULLOK ( Colobus bullokii. — sus, ainsi que la face externe des cuisses et les épaules ; son ventre est d’un jaune roussâtre ; sa face, ses mains et sa queue sont d’un roux- pourpre, plus clair sur les membres. Je ne connais ni Son pays ni ses mœurs. 8° Gene. Les LASTOPYGES (Lasiopygn, Izuic.). Leur tête est arrondie ct leur museau médiocrement allongé ; ils ont la queue longue ; des abajoues; les pouces antérieurs très-courts et très grêèles; les mains plus longues que les avant bras et les jambes ; les fesses bordées de longs poils, mais sans callosités. Le Douc (Lasiopyga nemœus, Izr16. Cerco- Pithecus nemœus, DESM. Simia nrmœæus, Liv. Le Douce, Burr. — G. Guy.) se fait remarquer entre tous les singes par la vivacité et la dispo- sition de ses couleurs. Le dos, les bras, le ventre et les flancs sont d'un gris verdätre ; le dessus de la tête est brun, avec un étroit bandeau d’un roux-marron ; les joues sont couvertes d'un poil Colobus temminehii, Buir.) est un peu plus petit etn'atteint que deux pieds sept pouces (0,859), compris la queue. Son pelage est noir en des- {rès-long et blanchätre ; la face est en partierous- sätre; les épaules sont noires ; les jambes d'un marron-roux très-vif, et la queue blanchâtre. Le douc ou dok, mots qui dans la langue de son pays signifient singe, n’a pas moins de trois pieds et demi à quatre pieds (1,137 à 1,299) de hauteur. Il habite la Cochinchine et, si l’on en croit les voyageurs, il marche aussi souvent sur deux pieds que sur quatre. Ils disent aussi que l’on trouve dans son estomac des bé- zoards dont la qualité est supérieure à ceux des chèvres et des gazelles ; mais comme on ne croit plus aujourd'hui aux vertus merveilleuses que les anciens attribuaient au bézoard, il en résulte que ceci est d’une très-minime importance. Le premier et le seul singe de cette espèce qui ait été étudié en Europe, jus- qu'au moment où M. G. Cuvier à publié la dernière édition de son règne animal, consistait en une peau mal bourrée, déposée au Muséum d'histoire naturelle. Ce grand naturaliste pensait que les callosités avaient pu disparaître lors de l’em- paillage, et de là il doutait que ce genre fût bien fondé. D'autre part, M. Fréde- SINGES. 21 rie Cuvier, qui dit avoir vu plusieurs peaux envoyées de la Cochinchine, prétend leur avoir trouvé des callosités aux fesses. Si ce naturaliste ne s’est pas trompe. il faudra supprimer ce genre. ? 9° Genxe. Les NASIQUES (Nasalis, GECFF.). Ils ont tous les caractères des guenons, mais leur nez est saillant et démesurément long. Les oreilles sont petites et rondes; le corps trapu ; nasica, Scur. Le Nasique ou Kahan, G. Cuv. La Guenon à long nez, Burr.) se trouve dans l'ile de Bornéo, et peut-être aussi dans la Co- chinchine. IL est (rès-remarquable par la lon- les mains antérieures ont le pouce court; les pieds sont larges, avec des ongles épais; leur queue est plus longue que le corps, et ils ont des callosités aux fesses. Le Kauau ( Nasalis larvatus, GEorFr. Simia gueur de son nez; sa face est nue, noirâtre; il est couvert de poils courts, d’un fauve rous- sâtre, plus brun sur les parties supérieures qui portent quelques taches jaunâtres. Il est à peu de chose près de la grandeur du douc. Il n'existe pas de pays au monde plus riche en animaux singuliers que celui habité par le kahau, et parmi ces animaux il n’en est point de plus extraordinaire que ce singe. Qu'on se figure un petit vieillard de trois peids et demi (1,157) de hauteur, au dos voûté, à la mine rechignée, joignant à la caducité de l’âge toute la vivacité et la pétulance de la première jeunesse, et l’on aura déjà une légère esquisse de son portrait. Mais ce qu'il a de plus étrange, ce que l’on ne peut regarder sans rire ou sans être effrayé, c'est son nez prodigieux. Si on s’imagine une spatule échancrée, noire comme du charbon, longue de près de six pouces, pla- cée sur son visage de manière à ôter à l'animal toute possibilité de saisir quelque chose avec sa bouche, on aura de sa grotesque figure une idée assez juste. Les nasiques sont capricieux, méchants, et ne s’habituent jamais bien à la servitude. Ils vivent en troupe dans les forêts et se plaisent à venir, chaque soir et chaque matin, faire une excursion de gambades sur les arbres qui ombragent les bords des grandes rivières. Là, ils jouent, ils bondissent de branche en branche, se poursuivent les uns les autres, et se livrent à la joie la plus tu- multueuse. Ils accompagnent constamment leur jeu du cri kahau, kahau, d’où leur est venu leur nom. Mais ce tapage dont ils font retentir les forêts leur est quelquefois funeste, car il attire les chasseurs, et quelques coups de fusil ont bientôt fait cesser les bruyants plaisirs et mis la troupe en fuite. Cependant, s’il y en a quelques-uns de blessés, les autres ne les abandonnent pas, et ils tâchent de les emporter avec eux. Lorsque la présence des chasseurs les empêche d’ac- complir cette œuvre d'amitié, les plus gros et les plus robustes de la bande res- tent en embuscade à quelque distance, et, cachés parmi les branches touffues, ils attendent patiemment que l'ennemi se soit retiré pour aller au secours de leurs frères. Ne les retrouvant plus sur la place, ils les cherchent pendant quel- que temps, puis, si tous leurs soins sont inutiles, ils regagnent le fond de leurs forêts dans le silence de la tristesse. 10° Gexre. Les CERCOCÈBES | Cercorebus, Georr.) ont la tête presque triangulaire et l'angle facial ouvert à quarante cinq degrés. Le front fuit en arrière, et le museau est un peu allongé ; le nez est plat et haut, le bord posté- rieur de l'orbite de l'œil relevé, échancré inté- rieurement ; le pouce des mains est grêle, celui des pieds plus large et écarté; la queue est plus longue que le corps, et ils ont sur les fesses de fortes callosités. Le CarciTRicHe (Cercorcbus sabæ@us, Less. Cercopithecus sabœus, Fr. Cuv. Simia sabæa, 1Ÿ Lan. Le Singe vert, Buiss. Le Callitriche, Burr.- G. Cuv.). Il a le corps svelte, dégagé ; son pelage est d’un vert olivätre en dessus, ct d'un blanc sale en dessous ; sa tête est pyramidale; il a la face noire, aiusi que les oreilles et les mains; ses joues portent de longs poils jaunes ainsi que le 2 LES QUADRUMANES. pinceau qui termine sa queue, ses sourcils, et la couronne qui entoure le scrotum ; celui-ci est verdätre. Ses oreilles sont peu arrondies et s’allongent légèrement en pointe, Sa longueur. non compris la queue, est d'environ treize à quatorze pouces (0,352 à 0,519). On en à eu plusieurs à la ménagerie. Une femelle était assez douce et ai- mait à se faire gratter par les personnes qu'elle connaissait. Lorsqu'elle éprou- vait du contentement, elle faisait entendre un petit grognement particulier assez doux, que l’on pourrait imiter en prolongeant l’r sur la syllabe grou. Un mâle était au contraire fort méchant, entrait en fureur à la moindre contrariété, et poussait alors un cri très-aigu. Cet animal silencieux vit en troupes nombreuses dans la Mauritanie, aux îles du cap Vert, et au Sénégal. On ne sait de lui que ce qu'Adanson en rapporte. « Les environs des bois de Podor, Le long du fleuve Niger, sont, dit-il, remplis de sin- ges verts. Je n’apercus ces singes que par les branches qu'ils cassaient au haut des arbres, d’où ils les jetaient sur moi, car ils étaient d’ailleurs fort silencieux, etsi légers dans leurs gambades qu'il eût été difficile de les entendre. Je n’allai pas plus loin et j'en tuai d’abord un, deux, et même trois, sans que les autres parussent effrayés. Cependant, lorsque la plupart se sentirent blessés, ils com- mencérent à se mettre à l'abri : les uns en se cachant derrière les grosses bran- ches, les autres en descendant à terre; d’autres enfin, et c'était le plus grand nombre, s’élançaient de la pointe d’un arbre sur la cime d’un autre. Pendant ce petit manége, je continuai toujours à tirer dessus, et j'en tuai jusqu’au nombre de vingt-trois en moins d'une heure, et dans un espace de vingt toises, sans qu'aucun d’eux eût jeté un seul cri, quoiqu'ils se fussent plusieurs fois rassem- blés par compagnie, en sourcillant, grinçant des dents, et faisant mine de vouloir m'attaquer. » L'espèce du callitriche est devenue tres-nombreuse à l'île de France, où quel- ques colons l'ont introduite, au grand détriment des récoltes de bananes et de cannes à sucre. à ñ || il | ll [EI SINGES. 23 Le Mangabey sans collier. Le MANGABEY SANS COLLIER (Cercocebus fuliginosus, Grorr. Le Mangabey, Burr.). Buffon croyait que cet animal était de Madagascar, mais on sait aujourd'hui qu'il n’y a pas de singes dans eette île, comme l'avait dejà dit Sonnerat, et que le mangabey est de la partie méridionale de l'Afrique. Il habite le Congo et la Côte-d'Or, et M. Lesson dit l'avoir vu à Cap-Coast. C’est une des espèces que l’on apporte Le plus fréquemment en France, et qui supporte le mieux notre climat. Sa couleur est d’un brun gris ardoisé uniforme et sans tache, mais plus pâle en dessous et passant même quelquefois au gris blanchâtre ; ses mains sont noires, ses oreilles violâtres. Sa face varie beaucoup : quelquefois elle est d’une teinte livide trés-foncée, d’autres fois cuivrée avec le museau noirâtre ; mais le dessus des paupières est constamment blanc. Il est très-remarquable que cette espèce porte presque constamment sa queue entièrement renversée sur le dos. Les singes ont en général un caractère qui est propre à chaque espèce, mais néanmoins ce caractère se modifie dans les individus de la même manière que dans les animaux domestiques, le chien, par exemple ; et quelquefois ces nuances sont tellement prononcées, que l’on a de la peine à en reconnaitre le type. C'est ainsi que la mone, si douce ordinairement, présente assez souvent des individus farouches, méchants et indomptables. Il n’en est pas ainsi du mangabey, ou du moins les exceptions sont beaucoup plus rares dans cette espèce que dans les autres. Tous ceux que j'ai vus en France avaient le plus heureux naturel; ils étaient doux, familiers, caressants, et sujets à prendre de l'attachement pour leur maître quand ils n’en étaient pas maltraités. Il n’est pas de singes plus pétulants que ceux-ci ; toujours en action, ils prennent toutes les attitudes et souvent les plus grotesques. « A la variété et à la vivacité de leurs mouvements, dit Frédéric Cuvier, on les croirait pourvus d’un 24 LES QUADRUMANES. plus grand nombre d'articulations que les autres quadrumanes et de plus de force musculaire. » Ce sont surtout les mâles qui se font remarquer par leur agilité ; les femelles, plus calmes, sont aussi plus caressantes. Les mangabeys sont grimaciers, mais dans deux circonstances seulement, quand ils sautent et quand ils sont en colère. Dans le premier cas, ils relèvent les lévres et font voir leurs incisives, de sorte que l’on croirait qu'ils rient ; dans le second, ils agitent les lèvres avec rapidité, à la manière des magots, comme s'ils parlaient avec vivacité ét en injuriant ; ils font alors entendre un petit son de voix aigu et comme articulé. é On ne peut appeler grimaces les jolies petites mines qu'ils font quelquefois pour exprimer leurs désirs. J'en avais un tellement doux et privé, que je le laissais libre de courir dans toute la maison. Quand sa convoitise était éveillée pour un fruit ou un bonbon, il mettait son doigt index dans sa bouche, en ap- puyait le bout derrière ses incisives supérieures en tournant la paume de sa main en dehors, et restait dans cette gracieuse attitude jusqu'à ce qu'on lui ait donné ce qu'il demandait avec un petit cri suppliant et répété heu! heu! heu ! Il était, du reste, fort caressant et répétait fort doucement ce cri quand on lui passait la main sur le dos. Il était fort peu capricieux, mais très-voleur, et il ne le cédait pas à la mone et au roloway pour l'adresse qu'il mettait à com- mettre ses larcins. J'en citerai un exemple. Une femme de la campagne vint un jour m'apporter.un présent d'œufs frais, qu'elle avait déposés dans un panier à deux couvercles: Comme le panier ren- fermait, outre les œufs, quelques objets assez lourds, elle l’appuya sur une table, sans l’ôter de son bras, et, debout, elle se mit à me parler avec beaucoup d’at- tention. Quand elle eut fini, elle m'annonca ses œufs frais, retira le panier de son bras, l'ouvrit, et... jugez de son étonnement quand elle n'y trouva plus rien! Je m'amusai un moment de sa surprise et de sa confusion, puis je la tirai d’embarras en soulevant l'oreiller d’un vieux sofa, et lui montrant ses œufs des- sous, car j'avais vu la manœuvre de Jacquot, nom que portait mon mangabey. La bonne femme, en entrant, n'avait pas apercu le petit animal : celui-ci avait profité de son incognito pour se glisser derrière elle, monter sur la table, ouvrir le panier sans bruit, y mettre la main avec autant d'adresse que de précaution pour n'être pas surpris en flagrant délit, enlever deux œufs, un dans chaque main, les porter sous le coussin du sofa, et recommencer cette manœuvre jusqu'à ce qu'il les eût tous volés. Jacquot s’apercevait bien que je le suivais des yeux ; aussi, de temps à autre il s'interrompait et me jetait un regard suppliant pour me mettre dans sa complicité. Il crut probablement y avoir réussi, car il entra dans une colère terrible quand je révélai son larcin, et surtout sa cachette. Dans sa fureur, il se jeta, non pas sur moi ni sur la bonne femme qui ne s’était aperçue absolument de rien, mais sur les œufs; il en saisit deux, et se sauva debout à toutes jambes. J'ai conservé ce charmant animal pendant deux ans, sans que jamais le climat ait paru l’incommoder beaucoup. L'hiver il quittait rarement le coin de la che- minée, et il se chauffait les quatre mains à la fois en tournant la paume vers la flamme. J'avais un bon vieux chien auquel j'accordais le privilège de se coucher auprès du feu, à cause de sa fidélité et des anciens services qu'il m'avait rendus à SINGES. 25 la chasse. La place favorite de Jacquot était entre les quatre pattes de ce vieux serviteur, qui, avec beaucoup d’indulgence, le souffrait couché le long de lui. Du reste, ces deux animaux vivaient dans la meilleure intelligence. Mon singe mou- rut empoisonné par accident. Le MANGABEY A COLLIER (Cercocebus æthiops, lui est propre. Il se trouve dans l'Afrique occi- Gore. Cercopithecus æœthiopicus, Fr. Cuv. dentale, au sud du cap Vert. Simia œthiops, Lin. Le Mangabey à collier, G. LeMarsroucx(Cercocebus malbrouck, Gore. Cuy.). 11 a toutes les parties supérieures du Cercopithecus cynosurus, Desm. Simia faunus, corps d’un beau gris d’ardoise, ou d'un roux vi- GEL. Simia cynosuros, Scur. Le Malbrour, neux, changeant en roux ou en brun marron G. Cuv.). Ce singe est remarquable par l’exten- sur le sommet de la tête; ses paupières supé- sibilité de ses lèvres. Il est d'un gris verdâtre rieures sont blanches; un bandeau blanc voile en dessus, blanchätre en dessous, gris sur les le dessus de ses yeux, et descend sur les côtés membres et la queue; son front porte un ban- du cou. Du reste, pour les mœurs et le carac- deau blanc ; sa face est couleur de chair ; les tère, il ne diffère pas du précédent, aux grima- poils de ses joues sont très-longs et rejetés en ces près, qu’il fait par un mouvement de lèvres arrière. Il a un pied (0,525) de longueur du qu'il relève en montrant les dents, manière qui bout du museau à la naissance de la queue. La ménagerie a possédé un grand nombre de malbroucks. «I n’est point d'a- nimaux plus agiles, dit Frédéric Cuvier; ils s'élancent, en faisant plusieurs tours, comme en volant, couchés sur le côté, et ne se soutenant ainsi en l’air que par l'impulsion qu'ils se donnent en frappant de leurs pieds les parois de leur cage. Ces malbroucks faisaient rarement entendre leur voix, qui ne fut jamais qu'un cri aigre et faible, ou bien un grognement sourd. Les mâles, dans leur jeunesse, étaient assez dociles; mais dès que l’âge adulte arrivait, ils devenaient mé- chants, même pour ceux qui les soignaient. Les femelles restaient plus douces, et paraissaient seules susceptibles d’attachement. Cependant les malbroucks sont excessivement irritables ; mais si d’un côté ils sont violemment poussés par leurs penchants, de l’autre ils calculent tous leurs mouvements avec soin ; et lorsqu'ils attaquent, c’est toujours traîtreusement par derrière, et lorsqu'on n'est point occupé d'eux : alors ils se précipitent sur vous, vous blessent de leurs dents ou de leurs ongles, et s’élancent aussitôt pour se mettre hors de votre portée, mais sans cependant vous perdre de vue, et cela autant pour saisir le moment favorable à une nouvelle attaque que pour se soustraire à votre ven- geance. L’extrême irritabilité du malbrouck est cause qu'on ne peut ni l'appri- voiser entièrement, ni lui faire supporter de contrainte ; c’est-à-dire qu'il n’est susceptible d'aucune éducation que celle de la nature. Dès qu’on le violente et qu'on veut qu'il obéisse, sa pétulance cesse, il devient triste, taciturne, et bientôt aprés il meurt. » Cette espèce habite le Bengale, et les Indous ont une grande vénération pour elle, parce qu'ils croient que l’âme de leurs sages, de leurs philosophes, de leurs grands hommes, passe dans le corps d’un de ces animaux aprés la mort. Aussi, dans Amadabad, capitale du Guzarate, ont-ils construit deux ou trois hôpitaux qui leur sont entièrement consacrés. Là on nourrit et soigne, non-seu- lement les singes invalides ou estropiés, mais encore ceux qui, sans être malades, veulent y demeurer, et il paraît que la gourmandise et la paresse y en attirent bon nombre. ES 26 LES QUADRUMANES. « Deux fois par semaine, les singes du voisinage de cette ville, si l’on en croit Buffon, se rendent d'eux-mêmes tous ensemble dans les rues ; ensuite ils mon- tent sur les maisons qui ont chacune une petite terrasse où l’on va coucher pen- dant les grandes chaleurs. On ne manque pas de mettre ces jours-là sur ces ter- rasses du riz, du millet, des cannes à sucre dans la saison, et autres choses semblables ; car si par hasard les singes ne trouvaient pas les provisions aux- quelles on les a accoutumeés, ils rompraient les tuiles dont la maison est couverte, et feraient un grand désordre. Ils ne mangent rien sans l'avoir bien flairé aupa- avant, et lorsqu'ils sont repus, ils remplissent pour le lendemain les poches de leurs joues. » Si ces faits, que je rapporte textuellement, ne prouvent pas grand chose dans l’histoire du malbrouck, ils prouvent au moins, par l'exemple de Buffon, qu'une grande crédulité peut s’allier à un grand génie. Les malbroucks, à l’état sauvage, sont d'habiles pillards, très-dangereux pour les vergers et les champs de cannes à sucre. « L'un d'eux, dit Inigo de Biervillas, fait sentinelle sur un arbre, pendant que les autres se chargent du butin; s’il aperçoit quelqu'un, il crie houp, houp, houp, d'une voix haute et distincte ; au moment de l'avis, tous jettent les cannes qu'ils tenaient de la main gauche, et s’enfuient en courant à trois pieds; s'ils sont vivement poursuivis, ils jettent encore ce qu'ils tenaient dans la main droite, et se sauvent en grimpant sur les arbres qui sont leur demeure ordinaire. Ils sautent d'arbre en arbre ; les femelles mêmes, chargées de leurs petits qui les tiennent étroitement embrassées, sautent aussi comme les autres, mais tombent quelquefois. Lorsque les fruits etles plantes succulentes leur manquent, ils mangent des insectes, et quelquefois ils descen- dent sur les bords des fleuves et de la mer pour attraper des poissons et des crabes. » Jusque-là l’auteur reste dans le vraisemblable, et il est permis de le croire ; mais ce qui suit me paraît tomber un peu dans ce merveilleux dont les anciens voyageurs aimaient tant à broder leurs narrations. « [ls mettent leur queue en- tre les pinces du crabe, ajoute-t-1l, et dès qu’elles serrent, ils l’enlèvent brus- quement et l'emportent pour le manger à leur aise. Ils cueillent des noix de coco et savent fort bien en tirer la liqueur pour la boire et le noyau pour le manger. On les prend par le moyen de noix de coco, où l’on fait une petite ouverture ; ils y fourrent la patte avec peine parce que l'ouverture est étroite, et les gens qui sont à l'affût les prennent avant qu'ils puissent se dégager. » Une des choses de ce récit, qui n'est pas la moins admirable, est la naïveté avec laquelle Buffon le rapporte. Les malbroucks sont grands dénicheurs d'oiseaux, aussi a-t-on remarqué que partout où les premiers abondent, les derniers sont fort rares. Ils ne craignent ni le tigre, ni les autres bêtes féroces, mais ils ont un ennemi bien plus terrible et bien plus dangereux, qui va les saisir sans bruit, pendant la nuit, jusque sur la cime des arbres les plus élevés. Cet ennemi redoutable n’est autre qu'une sorte de très-grand serpent, probablement un boa, qui les avale d’un seul coup et s’oc- cupe jour et nuit à leur faire la chasse. Le Gniver (Cercocebus griseo-viridis, Desm. beaucoup d’analogic avec le callitriche, le vervet Cercopithecus griseus, Fr. Cuv.). Cette espèce a etle malbrouck : il a la tête de moins en longueur " SINGES. 29 excitées par la plus légère contrariète. Plus tard il faut le charger de chaines, ou le renfermer dans une cage de fer, dont sa plus grande occupation est de secouer les barreaux avec rage. Ce portrait vrai n’est pas séduisant, et cependant les Indous ont déifié cet ani- mal, auquel ils assignent une assez bonne place parmi leurs trente millions de divinités. Nous citerons ici ce qu’en a écrit M. Duvaucel. « Quelque zèle que j'aie mis dans mes recherches et mes poursuites, elles sont toujours restées infructueuses, à cause des soins empressés qu'ont mis les Ben- galais à m'empêcher de tuer une bête aussi respectable. Les Indous chassaient le singe aussitôt qu'ils voyaient mon fusil ; et pendant plus d’un mois qu'ont sé- journé à Chandernagor sept ou huit houlmans qui venaient jusque dans les mai- sons saisir les offrandes des fils de Brama, mon jardin s’est trouvé entouré d’une garde de pieux brames, qui jouaient du tam-tam pour écarter le dieu quand il venait manger mes fruits. Ce que je sais de mieux sur cette espèce, c’est son histoire mythologique, maisilserait trop long de la rapporter ici. Je dirai seulement que l'houlman est un héros célèbre par sa force, son esprit et son agilité, dans le re- cueil volumineux des mystères du peuple indou. On lui doit ici un des fruits les plus estimés, la mangue, qu’il vola dans les jardins d’un fameux géant établi à Ceylan. C’est en punition de ce vol qu'il fut condamné au feu, et c'est en étei- gnant ce feu qu'il se brüla le visage et les mains, restés noirs depuis ce temps-là. « Je suis entré à Goutipara (lieu saint habité par des brames), et j'ai vu les arbres couverts de houlmans à longue queue, qui se sont mis à fuir en poussant des cris affreux. Les Indous, en voyant mon fusil, ont deviné, aussi bien que les singes, le sujet de ma visite, et douze d’entre eux sont venus au-devant de moi pour m'apprendre le danger que je courais en tirant sur des animaux qui n'é- taient rien moins que des princes métamorphosés. J'allais passer outre, lorsque je rencontrai sur ma route une de ces princesses, si séduisante que je ne pus ré- sister au désir de la considérer de plus près. Je lui âchaï un coup de fusil, et je fus témoin alors d’un trait vraiment touchant : la pauvre bête, qui portait un jeune singe sur son dos, fut atteinte près du cœur ; elle se sentit mortellement blessée, et, réunissant toutes ses forces, elle saisit son petit, l’accrocha à une branche, et tomba morte à mes pieds. Un trait si touchant d'amour maternel m'a fait plus d'impression que tous les discours des brames, et le plaisir d’avoir un bel animal n’a pu l'emporter cette fois sur le regret d’avoir tué un être qui sem- blait tenir à la vie par ce qu’il y a de plus respectable. » Le Lourou (Semnopithecus maurus et le Tchincou, Fe. Cuv. Cercopithecus maurus, Desu. Simia cristata, Rarrz. Simia maura, Lin.) Ce singe a deux pieds de longueur (0,650) non compris la queue, qui a deux pieds et demi (0,812). Ses formes sont gréles, ses membres allongés ; son pelage est entièrement noir, ex- cepté une tache blanche en dessous, à l’origine de la queue, et quelques poils de la même cou- leur près de la bouche; les mains sont noires ; les oreilles et la face sont nues. Dans le jeune ège, il estfauve on d’un brun rougeätre. Il est de Java, et ses habitudes sont inconnues. Le Tscarncou ou TscuiN-coo (Semnopithecus pruinosus, DEsm.) me paraît si ressemblant au précédent, surtout à la gravure que M. Fr. Cu- vier en a donnée, que je le soupçonne beaucoup n'être qu'une variété de la même espèce. Son pelage est noirâtre, glacé de blanc, sans tache blanche à l’origine de la queue, qui est brune. Ses mains sont noires. On le trouve à Sumatra, mais on ne connaît pas ses mœurs. Le Cimepaye ou Simpaï ( Semnopithecus me- lanophos, Fr. Cuv. Simia melanophos, RAFFL.) a un pied six pouces (0,487) de longueur, non compris la queue Son pelage est d’un fauve 30 LES QUADRUMANES. roux brillant, soyeux en dessus, blanchätre en dessous ; il a une aigrette de poils noirs en forme de bandeau ; la face bleue ; les lèvres et le men- ton couleur de chair. Il habite Sumatra et les iles de la Sonde; on ne sait rien de son histoire Le Croo ou Crou (Semnopithecus comatus, Desm.— Fr. Cuv. Le nom de cet animal lui vient de son cri; le dessus de son corps et la face extérieure de ses membres sont gris; sa tête est couverte en dessus de poils noirs, for- mant une sorte d’aigrette vers l’occiput; le dessous du corps et des membres est d’un blanc sale ; sa queue est blanche en dessous, grise en dessus, et terminée par des poils blancs. Le no- menclateur Temminck pense qu'on doit rap- porter cette espèce au presbytis mitrata d'Es- choltz. 11 est de Sumatra et de Java, où les habitants le nomment quelquefois erro; c’est tout ce qu'on sait de son histoire. Le Souuizr (Semnopithecus fulvo - griseus, Desm.) est d’un gris fauve passant au brun sur les épaules et le bas des quatre membres ; les quatre mains sont noires, le visage tanné ; les fa- voris, la gorge etle menton d’un gris blanchâtre sale ; la queue est d’un quart plus longue que le corps ; les doigts sont très-longs, très-grèles, à phalanges arquées. Les canines supérieures sont très-grandes et creusées d’un profond sillon sur la face antérieure. 11 habite Java. 12e Genre. Les MACAQUES (Macacus, La- cer.). Leur angle facial est ouvert à quarante ou quarante-cinq degrés; ils ont des crètes sour- cilières et occipitales très-prononcées; des aba- joues, des callosités aux fesses, et une queue plus ou moins longue; ils ont trente-deux dents, dont la dernière mâchelière inférieure à talon, ce qui les distingue des guenons, et ils différent des semnopithèques par de très-grandes aba- joues. Le MAcAquE ToquE (Macacus radiatus, DEsn. — Fr. Cuv. Cercocebus radictus, Georr. Le Bonnet chinois, Burr. Voir notre gravure du Chacma, où il est représenté). Ce singe a une grande ressemblance avec le bonnet chinois, dont il n’est peut-être, quoi qu’en disent les na- {uralistes, qu'une simple variété. Son pelage est d'un brun verdâtre en dessus, et d’un cendré clair en dessous; les poils du dessus de la tête sont divergents et lui forment une sorte de ca- lotte, mais bien moins prononcée ; il a le museau plus mince et plus étroit que tous les autres ma- caques, la face et les oreilles d’une couleur de chair livide, et les mains violätres. Sa queue est un peu plus longue que son corps. Le toque habite l'Inde et se trouve principalement sur la côte de Malabar, où il jouit des mêmes privilèges que l'houlman au Bengale. Il est défendu aux natu- rels de le tuer, sous quelque prétexte que ce soit, et sous des peines très-sé- véres. S'il arrive à un Européen de commettre ce crime épouvantable, il n’est pas soumis aux peines prononcées contre les indigènes, et cela parce qu'il serait difficile de les lui faire appliquer ; mais les brames sont parfaitement convaincus qu'un des dix ou douze dieux singes qui figurent dans leur théogonie ne man- quera pas de le faire mourir dans l’année pour venger son représentant sur la terre. Il en résulte que le macaque toque a ses coudées franches dans cette partie de l'Asie, et, comme dit le naïf voyageur Pyrard, ces singes sont « si importuns, si fàâcheux, et en si grand nombre, qu'ils causent beaucoup de dommage, et que les habitants des villes et des campagnes sont obligés de mettre des treillis à leurs fenêtres pour les empêcher d'entrer dans leurs maisons. » Nous n'avons, au moins à ma connaissance, aucun renseignement de date ré- cente sur cette espèce, et ceux que nous trouvons dans les voyageurs anciens sont assez confus. Néanmoins il paraît que le macaque toque est d’un caractère capri- cieux et méchant, au moins quand il à atteint un certain âge, et qu'il se livre habituellement au pillage des vergers et des plantations de cannes à sucre. Ilaime beaucoup la séve du palmier dont on prépare, dans l'Inde, une liqueur fermentée nommée zari. Il se met en embuscade et observe les Indous qui vont percer les palmiers et poser dans la plaie de l'arbre une cannelle de bambou par laquelle la séve qui s'échappe doit être conduite dans un vase. Ce malicieux animal, aussitôt qu'il voit l'Indou parti, sort de sa cachette, grimpe sur le palmier, et boit la sève à mesure qu'elle coule du tronc. Il arrive parfois, dit-on, que cette liqueur SINGES. 27 que ce dernier, et son scrotum, d'un vert cui- jusqu’à l'extrémité, le différencient du callitri- vré et non bleu, est entouré de poils blancs ;sa che. Sa face est d’un noir violâtre, ct le tour couleur est d'un vert grisätre. Le bandeau blanc des yeux d’une couleur de chair livide. 1! est de de ses yeux, ses favoris blanes et sa queue grise la Nubie, et d’autres parties de l'Afrique. Un mâle et une femelle de cette espèce ont vécu à la ménagerie. Le premier, assez doux dans sa jeunesse, était devenu méchant en vieillissant. La femelle était douce , caressante jusqu'à l’importunité, mais excessivement jalouse de toutes les personnes qui approchaient son maitre. Du reste, tous les singes ont plus ou moins ce défaut. « Ces animaux {les singes en général) sont très-susceptibles de jalousie, dit Fr. Cuvier, ou plutôt d’un sentiment qui a l'apparence extérieure de cette pas- sion, car elle ne peut pas exister chez les animaux avec les mêmes caractères que chez l'homme; mais ils l’expriment indépendamment de tout rapport de sexe. Lorsqu'un singe femelle est attaché à sa maîtresse, il témoigne indiffé- remment aux hommes et aux femmes son espèce de jalousie; et s’il en est quel- quefois arrivé autrement, cela a tenu sûrement à des circonstances fortuites qui n'ont point été appréciées. » J'ai la conviction que Fr. Cuvier se trompe, et s’il ne s'était pas réfute lui-même dans plusieurs parties de ses ouvrages, et particulièrement dans son article du mandrill, j'essayerais de le faire ici. L’er- reur de ce naturaliste provient sans doute de ce qu'il n’a trop souvent étudié que les animaux vivant dans les cages de la ménagerie, et dont l'instinct s’est abruti par un dur esclavage. J'ai été à même d'observer plusieurs fois des singes élevés avec douceur et parfaitement apprivoisés, conditions qui sont indispensables si l'on veut juger avec quelque certitude de leur caractère; mais, par un hasard fort singulier, tous étaient des mâles. Je leur ai reconnu, non-seulement une jalousie furieuse contre les hommes, mais encore une prédilection tout aussi remarquable pour les femmes, prédilection souvent poussée jusqu’à l'indécence. Ainsi donc, abs- traction faite de tout esprit de système, j'ai l'intime conviction que les sexes ont, chez les animaux, une influence marquée sur leur manière d’être avec notre espèce. Je ne puis ni ne dois, dans cet ouvrage, donner plus d'extension à cette pensée. | 28 LES QUADRUMANES. 7 “U 4 SA ART ARS NS ( VS \ L'Honlman ou Entelle. 11e Gunre. Les SEMNOPITHÈQUES (Sem- nopithecus, FR. Guv ). Commeles précédents, ils ont trénte-deux dents, mais leurs canines sont beaucoup plus longues que leurs incisives ; leur tête est ronde, à angle facial plus ouvert que celui des orangs. Ils ont la face plane, les membres trés-longsrelativement aux autres dimensions du corps ; leurs pouces antérieurs sont tres-courts ; ils ont des abajoues, des callosités aux fesses, la queue excessivement longue et très-mince. L'HOuLMaAN où ENTELLE (Semnopithecus en- tellus, FR. Guv. Cerropithecus entellus, Desu.— Gasorr. Simia entellus, Durr.L’Entelle, G Cuv.). Cette espèce varie beaucoup de couleur à rai- son de l’âge. Son menton est garni d’une petite barbe jaunâtre, et sa gorge est nue. Son pelage est d’un blond grisätre, mélangé de poils noirs sur le dos et sur les membres, et de poils d’un fauve presque orangé sur les côtés de la poi- trine ; les mains et la face sont noires, et la queue presque noire, terminée par une touffe ; les poils de la tête sont plus roux que les autres et for- ment un cercle en divergeant du point qui leur donne naissance. Dans sa jeunesse, son pelage est presque entièrement blanchätre ou d’un blanc roux, et sa queue est d’un gris roussätre. Il à un pied cinq pouces (0,460) de longueur, non compris la queue. L'houlman habite le Bengale. Il offre un exemple de la singulière métamor- phose dont nous avons parlé à l’article du pongo. Pendant sa première jeunesse, il a le museau très-peu saillant, le front assez large, le cràne élevé et arrondi. Alors cet animal jouit de facultés intellectuelles très-étendues ; il a une étonnante pénétration pour juger de ce qui peut lui être agréable ou nuisible ; il s’appri- voise aisément, est assez doux, s'attache jusqu’à un certain point à son maître, et n'emploie que la ruse ou l'adresse pour se procurer ce qu'il désire. À mesure qu'il devient vieux, c’est tout autre chose; son front s’oblitère, son museau acquiert une proéminence considérable, et son crâne diminue beaucoup de capacité. Ses qualités morales se dégradent dans la même proportion ; l’apa- thie remplace la pénétration ; il cherche la solitude; il emploie la force à la place de la ruse, et une méchanceté féroce, une colère poussée jusqu'à la fureur, sont SINGES. 31 l'enivre ; alors il ne sait plus ce qu'il fait, et on le prend aisément. Toutes ces anciennes observations ont besoin d’être confirmées de nouveau. Le BONneT cHinois Macacus sinicus, Fr. Cuw. Simia sinica, Guz. Le Bonnet chinois, G.Cuy. — Burr. La Guenon couronnée). Son corps est grêle ; son pelage est d’un brun marron ou d’un fauve brillant doré en dessus; sa queue est un peu plus brune; sa poitrine, son ventre, ses fa- voris, le dessous de son cou et la face interne de ses membres sont blanchätres; ses mains, ses pieds et ses oreilles noirâtres ; sa face est couleur de chair. Les poils qui couvrent sa téte sont, comme dans le précédent, disposés en rayons divergents d'un point central, mais plus longs. Ce singe habite le Bengale, et son histoire est abso- lument la même que celle du macaque toque. Le MAGAQUuE À FACE NOIRE ( Mccacüs carbona- rius, F8. Cuv.) a la plus grande analogie avec le macaque ordinaire et n’en diffère essentielle- ment que par sa face, qui est noire au lieu d’être tannée. Son pelage est d’un vert grisätre en des- sus ; les favoris, les joues et tout le dessous sont gris ; il a sur les yeux un bandeau noir, étroit, et les paupières supérieures sont blancbes. On le trouve à Sumatra. Le MAGaQuE À FACE ROUGE (Macacus specio- sus, Fr. Cuv.) a le pelage d’un gris vineux en dessus, d’un blanc grisâtre en dessous; sa face est d’un rouge pourpre et non vermillonné, entourée d’un cercle de poils noirs ; sa queue est {rès-courte, presque cachée par les poils: ses ongles sont noirs. Il est des Indes orientales Peut-étre faudrait-il reporter cette espèce au genre suivant. Le Raësus (Macacus erythrœus, Fr. Cuv. Ma- cacus rhesus, DEsm. Le Rhesus, AuDEB.—G.Cuv. Le Patas à queue courte et le Macuque à queue courte, Burr.). Il ne faut pas confondre cette espèce, comme l’ont fait M. Lesson et quelques autres naturalistes, avec le maimon de Buffon. Son pelage est d’un beau gris verdâtre en des- sus, gris sur les bras et les jambes, plus jaune sur les cuisses; gorge, cou, poitrine, ventre et face interne des membres d’un blanc pur ; queue verdätre en dessus, grise en dessous; face, oreilles et mains d’une teinte cuivrée très-claire ; fesses d’un rouge très-vif, cette couleur s’éten- dant un peu sur les cuisses, sur la croupe et sur la queue. Sa longueur est de onze à douze porices (0,298 à 0,525) de l’occiput à l’origine de la queue, et celte dernière est longue de près de six pouces (0,162). Le mäle est un peu plus grand, et ses favoris sont plus touffus. Cet ani - mal se trouve dans les forêts de l'Inde. Le rhésus habite les bords du Gange, où il est en grande vénération. Encou- ragé par la répugnance invincible que les Indous ont pour tuer les animaux, il quitte souvent les bois et vient jusque dans les villes piller en plein jour une nourriture qui lui paraît d'autant plus agréable qu'il l’a dérobée. Ainsi que tous les singes, il est assez doux dans sa jeunesse; mais en vieillissant il devient méchant jusqu'à la férocité, et alors il est d'autant plus dangereux qu'il a beau- coup d'intelligence et de pénétration pour calculer et exécuter ses méchancetés. 32 LES QUADRUMANES. Le Nil-Bandar. Le Niz-Banpar où OUANDEROU (Macacus si- queue ; celle-ci a dix pouces de longueur (0,271). 11 lenus, Des. Simia silenus et leonina, Lin.— est entièrement noir, excepté le ventre, et la poi- Gui. Le Macaque à crinière, G. Cuv. L’Ouan- trine, qui sont blancs, ainsi qu’une crinière et derou, Burr.). Il a dix-huit pouces de longueur une longue barbe qui lui forment comme une (0,542) depuis le museau jusqu’à l’origine de la sorte de fraise tout autour de la tête. Le nil-bandar habite l’île de Ceylan, et se retire au fond des bois les plus solitaires, où, dit-on, il ne se nourrit que de feuilles et de bourgeons. Ce dernier fait me parait d'autant plus douteux, que ceux qui ont vécu à la ménagerie aimaient beaucoup les fruits et se nourrissaient des mêmes aliments que les autres macaques. L’un d'eux était doux et caressant ( probablement parce que c'était une jeune femelle), mais très-capricieux ; et souvent, au moment même où il paraissait recevoir des caresses avec le plus de plaisir, il poussait un cri de colère, mordait, et s’éloignait d’un bond. Quant aux mâles, ils étaient très- méchants. Les anciens voyageurs prétendent qu’au Malabar «les autres singes ont tant de respect pour cette espèce, qu'ils s’humilient en sa présence, comme s'ils étaient capables de reconnaître en elle quelque supériorité. » Nous remar- querons, en passant, qu'il ne faut jamais se presser de rejeter comme des fables les faits rapportés par les voyageurs, même les plus crédules, et que si on a le talent de dépouiller ces faits des interprétations fausses et merveilleuses qu'ils leur donnent, on y découvre assez souvent une vérité. En effet, ce que le père Vincent-Marie, que je viens de citer, a pris pour du respect, n’est rien autre chose que de la crainte; et si on en concluait que le nil-bandar est féroce, qu'il \\ Ve ar Traniés NN NAS Ne Pinx INDIE Le-peut Paradis éme J,J,DUBOCHET et Comp saude et le Touraco Pauline. FA SINGES. 33 attaque et chasse de ses bois les singes plus faibles que lui, que ces derniers le craignent et le fuient, qu'ils se cachent en tremblant lorsqu'ils l'apercoivent, on serait tombé juste sur la vérité. Les Indous estiment beaucoup ce singe et lui donnent une large part dans la vénération qu'ils ont pour toute cette race, parce qu'il a une longue barbe et une certaine gravité, ce qui, dans tout l'Orient, passe pour le signe infaillible d'une haute intelligence. Je ne sais si l’on doit regarder comme espèce, et F. Cuvier me paraîtrait être de cet avis, ou comme simple variété, un singe cité par Buffon, mais que, à ma connaissance, on n’a jamais vu en Europe, ni vivant ni en peau; c'est Le Lowawvo (Macacus elwandum; — El- wandum zeylanensibus; Simia alba seu inca- nis pilis, barba nigra promissa, Ray.), qui ne diffère du précédent que parce qu'il a la barbe noire et le corps gris. Il habite le même pays. On en trouverait encore un autre, selon Knox, qui serait entièrement blanc, et qui n’est proba- blement qu'un albinos d’une des deux espèces précédentes. 11 habiterait l'Inde et probablement l'ile de Ceylan; mais son existence est douteuse. « Les singes blancs, dit l’auteur de la Description du macaçar, qui sont quel- quefois aussi grands et aussi méchants que les plus grands dogues d'Angleterre, sont plus dangereux que les noirs. Ils en veulent principalement aux fémmes, et souvent, après leur avoir fait cent outrages, ils finissent par les étrangler. Quelquefois ils viennent jusqu'aux habitations ; mais les habitants, qui sont tres- jaloux de leurs femmes, n’ont garde de permettre l'entrée de leurs maisons à de si méchants galants, et ils les chassent à coups de bâton. » Le Macaco (Macacus cynomolgus, Georr.— lage est olivätre ou brun, verdätre en dessus, et Fr. Cuv. Simia cynomolgus, cynocephalus, et aygula, Lix. Le Macaque et l'Aigrette, BUFF. — G. Cuv.). Le mâle a, du bout du museau à l'o- rigine de la queue, dix-huit pouces de longueur (0,542 , et la femelle quatorze (0,579). Leur pe- blanchätre en dessous ; la tête es! grosse, large, aplatie en dessus; une forte créte sourcilière couvre les yeux ; la face est livide et à peu près nue. La femelle a sur le haut de la téte un épi de poils redressés en forme d’aigrette. Le macaco se trouve principalement à Sumatra, et peut-être là seulement, quoique la plupart des auteurs, Buffon, G. Cuvier, ete, le fassent venir de Guinée et de l’intérieur de l'Afrique. La ménagerie en a possédé plusieurs qui y ont fait des petits. Mais les femelles, qui ont porté sept mois, se sont constamment mon- trées mauvaises méêres et n'ont pas toujours voulu élever leurs enfants. Cette espèce, que l’on voit communément en Europe, est turbulente, malicieuse, et surtout fort grimacière. Tant qu'il est jeune, le macaco à une douceur et une intelligence remarquables ; alors il se prête à une certaine éducation, et les bala- dins des rues profitent de cette aptitude pour lui apprendre à voltiger sur la corde lâche et à faire divers tours dont ils amusent le public. Mais lorsqu'il atteint six à sept ans et que toute sa force est développée, il devient méchant, colère, se révolte contre la contrainte, et Le plus obeissant peut devenir le plus farouche et le plus irascible. Dans leur pays, ces singes vont souvent par troupes et se rassemblent surtout pour voler les fruits, les légumes, et mettre les plantations au pillage. Bosman, cité par Buffon, dit : « Qu'ils prennent dans chaque patte un ou deux pieds de milhio, autant sous leurs bras et autant dans leur bouche ; qu'ils s’en retournent ainsi chargés, sautant continuellement sur les pattes de derrière, et que, quand on les poursuit, ils jettent les tiges de milhio qu'ils tenaient dans les mains et h) 31 LES QUADRUMANES. sous lesbras, ne gardant que celles qui sontentre leurs dents, afin de pouvoir fuir plus vite sur les quatre pieds. Au reste, ils examinent avec la dernière exactitude chaque tige de milhio qu'ils arrachent, et, si elle ne leur plait pas, ils la re- jettent à terre et en arrachent d’autres : en sorte que, par leur bizarre déli- catesse, ils causent encore plus de dommages que par leurs vols. » Si Buffon s'est trompé et que, ainsi que le dit M. Boyer, le macaco ne se trouve qu’à Sumatra, ce que Bosman en raconte doit se rapporter à une autre espèce. A la ménagerie, le macaco dort couché sur le côté et reployé sur lui-même, la tête entre les jambes, ou assis, avec le dos courbé et la tête appuyée sur la poitrine. Sa voix est un cri rauque qui peut éclater dans la colère avec beaucoup de force ; mais lorsqu'il n'exprime qu'un sentiment paisible, il fait entendre un petit sif- flement assez doux. brun roussâtre ou d’un blond foucé verdätre, avec une bande noire commençant sur la tête et s’af- Le Baruou ou le Marmon (Macacus nemestri- nus, Fr. Cuv. Simia nemestrina, Lan. Simia platypigos, Scur. Le Maimon, Burr.— Aupes. Le Singe à queue de cochon, Enwarps). Sa longueur, de l’occiput à l’origine de la queue, est de quatorze pouces (9,575); sa queue est lon- faiblissant le long du dos ; les cuis:es et les épau- les sont verdätres avec un mélange de gris. {out le dessous du corps est blond ; la face, les oreil- les, l’intérieur des mains et les callosités des fes- gue de cinq pouces (0,153;. Son pelage est d’un ses, sont basanés. 11 est de Java et de Sumatra. Au moral le maimon ne diffère presque pas du rhésus, cependant il parait que les femelles sont un peu plus douces. Celle que j'ai vue à la ménagerie était quelquefois attachée à un arbre, sur lequel elle montait avec beaucoup d'adresse et de facilité. « Elle se plaisait, dit F. Cuvier, à en arracher les feuilles quoi- qu'elle ne les mangeät pas. Quelquefois elle dénouait avec beaucoup d'adresse la corde qui la retenait, et alors elle courait visiter les maisons du voisinage. Jamais, cependant, elle ne cherchait à nuire, et si elle ne se laissait pas toujours repren- dre volontiers, c'était toujours du moins sans une grande résistance. Les enfants seuls excitaient son humeur, et elle le leur montrait en prenant une posture et en faisant des grimaces très-bizarres : accroupie, les jambes rappro- chées l’une de l’autre, le cou tendu horizontalement, elle avancait ses lèvres en les serrant fortement, et transformait ainsi sa bouche en un bec mince et large.» On doit placer à la suite de cette espèce, comme variété trés-légère, le macacus religiosus, si toutefois il existe. SINGES. 3 AD ti Le Magot 15° Genre. Les MAGOTS (Magus, Less.) ne consiste en un simple tubercule. Du reste, ils en différent des macaques que par leur queue, qui ont à peu près le caractère et les habitudes. Le MAGOT (Magus sylvanus, Less. Macacus inuus, Desm. Macacus sylvanus, Fr. Cuv. Simia inuus, sylvanus et pithecus, Lax. Le Magot, le Pithèque, et le petil cynocéphale, Burr.). Cet animal varie un peu pour la grandeur ; néanmoins il a assez ordinaire- ment de seize à dix-huit pouces de longeur (0,445 à 0,487), depuis la nuque jusqu'aux fesses ; sa tête est fort grosse, son museau large et saillant, son nez aplati, sa face nue et d’une couleur de chair livide, ainsi que les oreilles ; son corps est épais et ramassé ; il a de très-grandes abajoues, et sa bouche est armée de fortes canines. Le dessus de son corps est d’un jaune doré assez vif, mélangé de quelques poils noirs, traversé ca et là par quelques bandes noires ; le des- sous est d'un gris jaunâtre. Les mains sont noirâtres et velues en dessus. Il habite la Barbarie et l'Égypte, De tous les singes que l’on apporte en Europe, celui-ci est à la fois le plus com- mun et le plus robuste; sans doute il doit à l'épaisseur de sa fourrure la faculté qu'il a de trés-bien résister aux intempéries de notre climat, et de vivre chez nous beaucoup plus longtemps que les autres espèces de sa classe. On dit même qu'il s’est naturalisé en Espagne, sur le Mont-au-Singe, près de Gibraltar ; mais un officier anglais, qui a été pendant plusieurs années en garnison dans cette ville, et qui a souvent chassé sur le Mont-au-Singe, m'a assuré que cet animal y était 36 LES QUADRUMANES. tout à fait inconnu aux habitants du pays, et que, pour lui, il n'avait jamais pu l'y rencontrer quoiqu'il l'y eût cherché. ILest peu de montreurs ambulants d'ours et de chameaux, qui n'aient à leur suite un ou plusieurs magots ; et s'ils obtiennent autre chose que des grimaces de cet animal recalcitrant, ce n’est qu'à force de coups. Il est cependant très-intelligent, mais cette précieuse faculté ne se développe chez lui qu'avec sa parfaite inde- pendance. Il ne se soumet à l’homme que dans son extrême jeunesse ; quand il devient adulte, il se refuse à toute soumission, lutte courageusement contre la tyrannie qui l’enchaîne, et se défend avec fureur contre les mauvais traitements. Vaincu par la force, il cesse la lutte, tombe dans la tristesse et le marasme ; il meurt, mais il n’obéit pas. Quelquefois, s’il est traité avec beaucoup de douceur, il consent à vivre dans la servitude : assis sur ses pattes de derrière, les bras appuyés sur ses genoux et les mains pendantes, plongé continuellement dans une languissante apathie, il semble ne plus vivre que de la vie végétative ; il est aussi insensible aux caresses qu'aux corrections, aussi incapable d'amitié que de crainte ; il suit d’un regard hébété ce qui se passe autour de lui, et ne sort mo- mentanément de sa léthargie stupide que pour satisfaire sa faim. Le magot en liberté ne semble plus le même; c’est le plus vif, le plus pétu- lant et le plus intelligent des singes; aussi domine-t-il tous les autres animaux qui peuplent ses forêts ; il étend même les effets de sa supériorité jusque sur les grands mammifères, en les effrayant par les branches qu'il leur jette, et les pour- suivant de ses cris, jusqu'à ce qu'il les ait chassés de ses domaines. Il n’a d’enne- mis dangereux que le serval, le caracal, le Iynx, et autres grands chats, qui grim- pent sur les arbres, le saisissent pendant son sommeil, et le dévorent. Ces singes vivent en troupes nombreuses, et paraissent aimer la société jusque dans l'esclavage. Dans ce cas, ils adoptent volontiers les petits animaux qu'on leur donne ; ils les transportent partout avec eux en les tenant fortement embrassés, etils se mettent en colère lorsqu'on veut les leur ôter. Les femelles ont une grande tendresse pour leurs petits; elles ne les quittent jamais, combattent avec courage pour leur défense, et ne cessent de les protéger qu'en mourant. Elles leur donnent des soins remarquables, et les tiennent très-proprement. Leur plus grande occupation de tous les instants est de les lisser, de les éplucher poil par poil, d’en enlever toutes les petites saletés, et de manger les insectes ou Jes ordures qu'elles y trouvent. Dans l’état de nature, le magot vit principalement de fruits et de feuilles ; mais en domesticité il mange à peu près de tout. Néanmoins, comme il est défiant, il ne porte rien à sa bouche sans l'avoir regardé, tourné dans tous les sens, et flairé. Avant de manger il commence, par précaution, à remplir ses abajoues, et c'est aussi dans ces singulières poches qu'il cache tous les petits objets qu'il a volés. Les aliments qu'il préfère sont les fruits, le pain et les légumes cuits. Le magot a une grande réputation de grimacier, et l’on dirait qu'il se pique de la mériter, tant il s'étudie à varier ses grimaces. Quand il est en colère, ses mächoires se meuvent avec une agilité inconcevable, ses lèvres s’agitent avec vitesse; ses mouvements sont brusques, ses gestes saccadés ; il fait entendre une voix forte et rude, qui s’adoucit quand il se calme. On croit que cette espèce est le pithèque des anciens, le singe dont Galien a donné l'anatomie. SINGES. 37 Le Macot ve L'INne (Magnus maurns, Less, ses oreilles et ses mains brunes; enfin par son Macacus maurus, Fi. Cuv. Peut-être le Hood- pelage, qui est d’un brun foncé uniforme. Ses babnon ou Babouin de Pennant). Il est de l'Inde habitudes sont peu connues à l’état sauvage, et diffère du précédent par sa face noire, par mais on en élève quelquefois dans son pays. Ce magot, si on s'en rapporte aux personnes qui ont habité l'Inde, serait d'un caractère moins indomptable que le précédent, et les jongleurs viendraient assez aisément à bout de l'apprivoiser. Un officier de notre marine m'a dit en avoir vu un que l’on avait amené à Pondichéry, et auquel on avait appris plu- sieurs choses pour amuser le peuple. Il faisait l'exercice avec un petit fusil de bois, mais il mettait dans le maniement de son arme beaucoup plus de brusque- rie que d'adresse ; il tirait de son fourreau un sabre de fer-blanc, et l’y remet- tait assez facilement. Il portait un chapeau à trois cornes, un habit brodé et un pantalon, mais on était obligé de lui ôter souvent celui-ci pour lui en re- mettre un autre; les jongleurs, malgré leur adresse connue pour élever et dres- ser les animaux même les plus sauvages, tels, par exemple, que les ours et les serpents, n'avaient jamais pu l'empêcher d'y faire ses ordures, et il semblait même qu'il y mettait de la malice, car il attendait presque toujours qu'on lui eût mis un vêtement propre. Du reste, cette dégoûtante malpropreté eit le fait de tous les singes apprivoisés, sans exception, et il n’y à ni coups, ni menaces qui puissent les empècher de se satisfaire sur ce point, en tous lieux, et dans l'instant même où la fantaisie les en prend. Le magot dont nous parlons volti- geait sur la corde lâche et y faisait le moulinet avec une telle rapidité, que les veux ne pouvaient le suivre ni distinguer ses formes. Il obéissait au geste, à la parole, mais ce n'était jamais que par l'effet de la crainte, et il ne paraissait avoir aucun attachement pour son maître. Il était très-gourmand, saisissait avec une brusque vivacité ce qu'on lui présentait, le flairait, le getournait dans tous les sens, puis le cachait dans ses abajoues quand l’objet lui plaisait, ou le jetait avec une sorte de colère quand il ne lui convenait pas. Tous ces faits parais- sent avoir peu d'importance, et cependant ils sont jusqu’à un certain point précieux pour le naturaliste, parce qu'ils servent à montrer l’analogie frap- pante qui existe entre le magot de l'Inde et celui d'Afrique. 38 LES QUADRUMANES. Le Macaque nègre. Le NÈGRE (WMagus niger, — Cynocephalus niger, Desm. Macacus niger, de la Zoological Society). Cet animal est éntièrement d’un noir de jais, excepté sur ses callosités, qui sont couleur de chair; ses oreilles sont petites; sa queue est remplacée par un tubercule qui n'a pas un pouce de longueur (0,027); ses abajoues sont grandes, très-extensibles ; son pelage est doux, laineux; il a sur le sommet de la tête une large touffe de longs poils retombant par derrière et lui formant une sorte de huppe. M. Desmarest, le premier qui ait décrit cet animal, ne le connaissait que par une peau fort mal empaillée qui se trouvait au Cabinet; cet habile observateur fut, cette fois, induit en erreur, et il placa ce singe avec les babouins, dans le genre des cynocéphales. Depuis, on en à vu deux ou trois vivants, dans la mé- nagerie de la Société zoologique de Londres, et les Anglais l'ont placé dans le genre des macaques. Mais, en prenant en considération son manque de queue, ce qui le rapproche des magots, et ses narines non terminales, mais placées très-obliquement sur la face supérieure du museau, ce qui le retire du genre des cynocéphales, j'ai cru devoir le placer dans le genre magus. Cependant, son facies, et surtout son museau tronqué au bout, lui donne quelque analogie avec les mandrills. Quoi qu'il en soit, le nègre est un singe qui, pour le caractère comme pour les formes, tient un peu du magot et du mandrill; c’est-à-dire qu'il est vif, pé- tulant, capricieux comme le premier, et méchant comme le second. À la ména- SINGES. 39 gerie de Londres, on l'avait enfermé avec un pauvre gibbon, sur lequel il exer- çait une tyrannie insupportable. Il le poussait, le tiraillait tant que le jour du- rait, et si le malheureux animal témoignait la moindre colère, la plus petite impatience, le nègre ne manquait jamais de le mordre et de le battre. Ce magot habite l'une des iles de l'archipel des Indes orientales, Cuvier dit l'une des Philippines. Celui de Londres a, dit-on, été apporté de la mer du Sud, mais on ne sait de quelle localité. 14° Gexre. Le PRESBYTE ( Presbytis, Escnsc.). Ce singe a l’angle facial ouvert à soixante degrés ; il manque d’abajoues; ses arcades zygomatiques sont très- projetées en avant; son nez est peu apparent ; son front, les os de son nez, sa mâchoire supérieure, et la symphyse du menton, sont presque perpendicu- laires ; la queue est longue ; les mains atteignent les genoux, et les deux doigts du milieu sont plus longs que les autres. Le PRESBYTE à CAPUCHON ( Presbytis mitrata, Escasc.), que Temminck confond avec le Sem- nopithecus comalus, a dix huit pouces de lon- gueur (0,487) de la tête à l'origine de la queue; sa figure est grippée comme celle d’une vieille femme, ce qui lui a valu son nom de presbyle. Son front est couvert de poils jaunäâtres, et ses oreilles sont de la même couleur ; les poils de son dos sont très-longs, ondulés, d’un jaune blanchätre à la base et d'un gris bleuâtre au bout; un bandeau noir lui passe sur le front. Cette espèce, que le voyage de Kofzebue a fait connaitre, habite Sumatra. 15° Genre. Les CYNOCÉPHALES ( Cyno- cephalus, Buiss.). Us ont l'angle facial ouvert de trente à trente cinq degrés; des crêtes sour- cilières et occipitales tres-prononcées; leur mu- seau est allongé, tronqué au bout, où sont per- cées les narines, comme dans les chiens, ce qui leur a valu leur nom; leurs canines sont gro:- ses et longues ; ils ont des abajoues, des callosi- tés aux fesses, et une queue plus ou moins lon- gue. Les cinq premicres espèces, que nous dé- crivons ici, forment la section des babouins, dont la queue est au moins aussi longue que le corps ; la deuxième section, celle des mandrills, se caractérise par sa queue gréle et très-courte. Tous ces animaux sont lascifs et féroces. Le Bagouin (Cynocephalus babouin, Fr. Cu. Desu. Cercopithecus cynocephalus, Briss. Simia cynocephala, Lax. — GuL. Le petit Pa- pion? Burr.). Sa longueur est de vingt-cinq à vingt-six pouces (6,677 à 0,704 du bout du mu- seau aux Callosités des fesses ; son pelage est d’un jaune verdätre; sa face, d’une couleur de chair livide, est ornée de favoris blanchätres. 1 habite l'Afrique septentrionale, où il vit en trou- pes nonibreuses. Les auteurs sont assez d'accord pour reconnaitre dans cette espèce le cyno- céphale (en grec tête de chien) si souvent sculpté parmi les hiéroglyphes des antiques Egyptiens. Il a joué un grand rôle dans la théogonie de ce peuple, et il avait un temple célèbre à Hermopolis, où il était particulièrement adoré. Vaine- ment chercherait-on, dans l’histoire des autres nations, un assemblage aussi he- térogène de connaissances astronomiques et philosophiques, d'idées saines, de politique avancée, et de croyances ridicules et superstitieuses jusqu'à l’absur- dité. Citons-en un exemple. Les Égyptiens étaient astronomes; ils sculptaient des zodiaques et calculaient des éclipses. Ils placaient à la porte des villes la statue d’un cynocéphale ou d’un anubis comme symbole de la vigilance, et ils enseignaient aux adeptes que s’ils avaient partagé le jour en douze heures, c'était pour honorer le dieu à tête de chien, qui pissait (qu'on me passe ce terme) douze fois par jour. Les babouins n’habitent pas les forèts comme la plupart des autres singes, mais ils se plaisent dans les montagnes et les rochers arides, où se trouvent seule- ment quelques buissons, et ils ont cela de commun avec la plupart des cyno- céphales ; ils ont encore de commun avec eux une brutalité furieuse et un cou- rage à toute épreuve. Ils se logent et font leurs petits dans des trous de rochers 10 LES QUADRUMANES. escarpés, où ils ne peuvent parvenir qu'en faisant des bonds prodigieux par dessus des précipices infranchissables aux hommes. Le CYNOCÉPHALE ANUBIS (Cynocephalus anu- bis, Fr. Cuv.) a beaucoup d’analogie avec le précédent, et babite les mêmes contrées. Mais son museau est plus allongé, son cräne plus aplati ; son pelage est d’un vert beaucoup plus foncé; la face est noire, avec les joues et le tour des yeux couleur de chair. Ses callosités sont violâtres. Le Papiox (Cynocephalus papio, Fr. Cuw. — DeEsu. Le Papion, Burr.) a au moins deux pieds de longueur (0,(50) du bout du museau à l'anus, et sa queue pas moins de neuf pouces six lignes (0,258). Son corps est trapu, couvert de poils d’un brun jaunätre, rares en dessous ; la face est noire, avec des favoris fauves dirigés en arrière; les paupières supérieures sont blan- ches et les mains noires. 1l se trouve en Afrique, et ses mœurs sont analogues à celles du précé- dent. Comme lui il n’habile que les buissons au milieu des rochers les plus escarpés. La ménagerie a possédé et possède encore un bon nombre de papions, et, il y a quatre ans, une femelle qui y a fait son petit, a donné un spectacle des plus sin- guliers et dont j'ai été l’un des témoins. Lorsqu'on la vit sur le point de mettre bas, on la fit passer dans une loge à côté de celle où elle vivait avec son mâle et cinq ou six autres singes de son espèce. Elle accoucha et fit un petit fort laid, mais qu'elle aimait avec tendresse et dont elle prenait le plus grand soin. Huit ou dix jours après la naissance de son enfant, on ouvrit la porte à coulisse qui séparait les deux loges, et son mâle entra. Elle tenait le petit sur ses bras, ab- solument comme pourrait faire une nourrice, et elle était assise au milieu de la loge. Le mâle s’approcha, embrassa sa femelle sur les deux joues, puis le petit qu'elle lui présenta, et s’assit en face d’elle, de manière à ce qu’elle avait les genoux entre les siens. Alors ils commencèrent tous deux à remuer les lèvres avec rapidité en se regardant, et de temps en temps caressant le petit qu'elle mettait dans les bras de son père et qu’elle reprenait aussitôt; on aurait dit qu'ils avaient sur son compte une conversation fort animée. On ouvrit de nouveau la coulisse, et on laissa entrer les autres papions les uns après les autres. Chacun à son tour vint embrasser la femelle, mais elle n’accorda à aucun la faveur dont le père jouissait seul, d’embrasser le petit et de le caresser en lui passant la main sur le dos. Ils s’assirent en cercle autour de la relevée de couche, et tous se mirent à jouer des lèvres à qui mieux mieux, peut être pour la féliciter sur son heureuse délivrance, sur le bonheur qu’elle avait de posséder un si joli en- fant, et qui sait même s'ils ne lui trouvèrent pas beaucoup de ressemblance avec son pére! Cette scène était la pantomime parfaite de ce qui se passe dans la loge d’une portière qui relève de couche, lorsque les compères et les commères du voisinage viennent lui faire leurs félicitations bavardes et curieuses. Seulement, dans les compliments des commères il y a toujours un fond de malice et de mé- chanceté qui, certainement, n'existait pas chez les papions. Tous auraient bien voulu caresser le petit; mais aussitôt qu’ils avancçaient la main, un bon coup de patte que la mère leur administrait sur le bras les aver- tissait de leur indiscrétion. Ceux qui étaient placés derrière elle allongeaient tout doucement la main, la glissaient imperceptiblement sous son coude, et par- venaient quelquefois, à leur grande joie, à toucher le petit sans qu’elle s’en aper- cût, surtout quand elle était occupée à faire la conversation. Mais bientôt une nouvelle correction venait leur apprendre qu'ils étaient découverts, et ils reti- SINGES. A raient lestement la main. La papione avait probablement l'usage du monde singe, et savait parfaitement partager son attention entre ce qu’elle devait de politesse à la société, et de soins à sa famille. Jamais sa tendresse ne se montrait mieux pour son enfant que lorsque celui-ci, devenu un peu fort, s’exerçait à grimper contre le treillage de fer de sa loge. Elle le suivait des yeux avec anxiété, se pla- cait dessous en tendant les mains pour le recevoir en cas qu'il se laissât tomber, et cependant l’encourageait visiblement à faire l'essai de ses forces naissantes. Enfin elle n’a pas cessé de lui prodiguer les soins les plus affectueux, tant qu'il n'a pas été assez grand pour se passer de sa mère. Depuis que les singes de la ménagerie ont été transportés dans la vaste et belle rotonde qu'ils occupent aujourd'hui, les papions ont donné une marque d'intelligence et de supériorité remarquable. L'un d'eux, le plus grand et le plus vieux des mâles, s’arrogea aussitôt une autorité souveraine sur cette gente tra- cassière et turbulente, composée de plus d’une vingtaine d'espèces toutes plus malignes les unes que les autres, et toujours prêtes à en venir aux coups. De- puis, il a su établir la paix, maintenir l'ordre parmi eux, et les forcer à vivre ensemble en bons camarades, ce qui n’est pas plus aisé chez le peuple singe que chez les hommes. Aussitôt qu'il entend une dispute, il sort de sa loge et regarde de quoi il s’agit : si ce n’est qu'une petite querelle, il se contente de donner un avertissement par un cri qui fait sur le champ rentrer les individus dans le devoir, et alors il retourne gravement dans sa demeure. Mais si l’on méprise ses ordres et que l’on en vienne à une bataille, c'est alors qu'il déploie le maximum de son autorité comme chef, comme juge, et même comme exécuteur. Il s’élance vers le lieu de la rixe, commence par séparer les combattants, puis il les bat tous les deux pour être sûr de ne pas se tromper. Cependant sa justice distri- butive, quoique prompte, n’est pas rendue sans discernement, et voici les règles générales sur lesquelles il l’a fondée. Quand les deux antagonistes sont à peu près de même force, il les bat tous deux; s'ils sont de grosseur inégale, il rosse le plus gros pendant que le plus petit se sauve; enfin si la dispute vient d’un gateau ou d'un bonbon sur lequel les deux assaillants se disputent leur droit, il s'empare de l’objet en litige, se l’adjuge pour ses émoluments, le mange, et met ainsi les parties d'accord; c'est presque comme chez nous. = Le LES QUADRUMANES. Choak-kama et Toque. Le CHOAK-KAMA | Cynocephalus porcarius, Fr. Cuv.—Desm. Simia porcaria, Bon». Simiaursina, PEN. Simia sphyngiola, Her. Le Chacma, Fr. Cuv. Le Singe noir, Var. La Guenon à face allongée, Buxr.). Ce singe a beaucoup d'analogie avec les précédents, mais il est plus grand, et d'une force terrible. Sur ses quatre pattes, il n’a pas moins de deux pieds de hauteur (0,650), c’est-à-dire qu'il atteint la taille des plus grands mâtins. Son pelage est d'un noir verdâtre ou jaunâtre, plus pâle le long du dos, sur les flancs etles épaules; le cou, du mâle seulement, porte une longue crinière; sa face est d'un noir violàtre, plus pâle autour des yeux; ses paupières supérieures sont blanches ; sa queue, longue de dix-huit pouces (0,487), se termine par une forte mèche noire. I habite l'Afrique méridionale. Tous les cynocéphales sont brutaux et méchants, mais le choak-kama est d’une ferocité dont rien n'approche, et d’une force contre laquelle aucun homme ne peut lutter. J'en citerai un exemple qui s’est passé presque sous mes yeux, à la ménagerie, il y a plusieurs années. Un certain Richard, homme robuste, de cinq pieds sept à huit pouces, était alors gardien des singes, et sa cuisine donnait en face de l'appartement où était la cage d’un choak-kama. Pendant l'absence du gardien, le singe parvint à ouvrir la porte de sa cage; il entra dans la cuisine, sauta sur un rayon où l’on avait déposé une provision de carottes pour la nour- citure des autres singes, et se mit à gaspiller à belles dents le dîner de ses com- pagnons d’esclavage. Richard arriva dans cet instant; il voulut d’abord flatter animal pour l’engager à rentrer dans sa cage, mais le choak-kama se contenta de lui faire quelques grimaces ; il refusa d’obéir et continua tranquillement son gas- pillage. Le gardien éleva la voix et en vint aux menaces sans obtenir autre chose que de nouvelles grimaces, accompagnées de grincements de dents. Richard eut SINGES. 13 alors la malheureuse idée de prendre un bâton, et ce geste devint le signal d’une lutte épouvantable. Le singe se précipite sur lui et lui lance ses deux poings dans la poitrine, avec une telle force que cet homme robuste recula en chancelant. Le choak-kama furieux se jette sur lui, le frappe, le renverse après l'avoir dés- armé, et avec ses fortes canines, lui fait à la cuisse trois profondes blessures qui pénétrèrent jusqu'à l'os et donnèrent pendant quelque temps des craintes sé- rieuses pour la vie de ce malheureux. On ne réussit à faire rentrer l'animal qu'en mettant en jeu sa brutale jalou- sie. Richard avait une fille qui donnait souvent à manger au singe, et qui, par là, se l'était attaché; elle se placa derrière la cage, c’est-à-dire du côté opposé à la porte par laquelle il devait rentrer, et un garcon du jardin fit semblant de vouloir l'embrasser. A cette vue, le choak-kama poussa un cri furieux et s’e- lança dans sa prison croyant pouvoir la traverser pour se jeter sur l’homme qui excitait sa rage; aussitôt on ferma la porte, et il redevint prisonnier pour toujours. Kolbe pretend que ce sont des animaux d'une lasciveté inexprimable, et, en effet, il n'est pas possible d'afficher plus d’impudicité et d’effronterie que le font ceux que l’on tient en captivité. Le même voyageur raconte ainsi les mœurs de cet animal à l'état sauvage. « Les choak-kamas aiment passionnément les raisins et les fruits en général qui croissent dans les jardins. Leurs dents et leurs grif- fes les rendent redoutables aux chiens qui ne les vainquent qu'avec peine, à moins que quelque excès de raisins ne les ait rendus roides et engourdis. Voici la manière dont ils pillent un verger, un Jardin ou une vigne. « Ils font ordinairement ces expéditions en troupe; une partie entre dans l’enclos, tandis qu'une autre partie reste sur la clôture en sentinelle, pour aver- lir de l'approche de quelque danger. Le reste de la troupe est placé au dehors du jardin, à une distance médiocre les uns des autres, et forme ainsi une ligne qui tient depuis l'endroit du pillage jusqu’à celui du rendez-vous. Tout étant ainsi disposé, les choak-kamas commencent le pillage, et jettent à ceux qui sont sur la clôture les melons, les courges, les pommes, les poires, ete., à mesure qu'ils les cueillent; ceux-ci les jettent à ceux qui sont au bas, et ainsi de suite, tout le long de la ligne, qui, pour l'ordinaire, finit sur quelque montagne. Ils sont si adroits et ils ont la vue si prompte et si juste, que rarement ils laissent tomber ces fruits à terre en se les jetant les uns aux autres, et tout cela se fait dans un profond silence et avec beaucoup de promptitude. Lorsque les sentinelles apercoivent quelqu'un, elles poussent un cri, et à ce signal toute la troupe s'enfuit avec une vitesse étonnante. » Les choak-kamas sont sociables et vivent en troupe; mais lorsqu'ils se sont fixes dans une montagne rocheuse qui leur convient, ils ne tolérent pas l'éta- blissement d’une autre troupe dans les environs. Ils défendent mème leur terri- toire contre les autres mammiferes, et particulièrement contre les hommes. S'ils apercoivent un de ces derniers, aussitôt l'alarme sonne; par de grands cris ils appellent leurs camarades, se réunissent, s'encouragent mutuellement, et com- mencent l'attaque. Ils jettent d'abord à l'ennemi des branches d'arbre, des pier- res, et tout ce qui leur tombe sous la main; puis, ils s’approchent, cherchant à le cerner de toute part et à lui couper la retraite. Les armes à feu seules les 4% LES QUADRUMANES. effravent, mais cependant leur courage intrépide les empêche de fuir jusqu'à ce qu'ils aient vu plusieurs des leurs étendus sur la place. Si leur malheureux anta- goniste est sans fusil, ou s'il manque de poudre, il est perdu; les choak-kamas le pressent, l'entourent, l'attaquent corps à corps, le tuent et le mettent en pie- ces. Un imprudent Anglais, entrainé à la poursuite de ces féroces animaux, sur la montagne de la Table, près du Cap, se vit bientôt cerné par eux et repoussé jusque sur la pointe d'un rocher dominant un précipice. Vainement il fit feu plu- sieurs fois sur ces animaux ; ils se jetérent en avant en poussant des cris affreux, et le malheureux chasseur aima mieux se précipiter dans l’abime que d’être déchiré par eux; ilse tua dans sa chute. Les choak-kamas emploient eux-mêmes ce terrible moyen pour se soustraire à la captivité. Je tiens de la bouche de M. De- lalande, naturaliste voyageur que la mort a enlevé trop tôt à la science, un fait qui le prouve. Bien armé, et secondé par des chasseurs hottentots attachés à son service, M. Delalande parvint un jour à bloquer une petite troupe de ces animaux, sur des rampes de précipices d’où la retraite leur était impossible. Ils n’hésite- rent pas à se lancer à trois cents pieds de profondeur (97,462) au risque de se briser dans leur chute plutôt que de se laisser prendre. Je regarde comme une simple variété de celui-ci, le Papio comatus, Grorr., qui à le pelage brun, deux touffes de poils descendant de l'occiput, et les joues noires et striées. Le T'anranix (Cynocephalus hamadryas, Desn. — Fr. Cuv. Simia hamadryas, Liv. Papion à face de chien, PENX. Papion à perruque et Tartarin, BeLow. Singe de Moco, Burr. Le Tar- tarin, G. Guv.). Il a environ quinze pouces de longueur (0,406) de l'occiput à la partie posté- rieure des fesses. Il est d'un gris cendré ou verdâtre, plus pile sur les parties postérieures du corps; les jamhes de devant sont presque noires; le ventre est blanchätre, ainsi que les favoris. Sa face, ses oreilles et ses mains sont d'une couleur tannée; une épaisse crinière , longue de six pouces, couvre son cou et les par- lies antérieures de son corps. Cet animal habite ‘Arabie et l’Abyssinie. 11 parait qu'il était au- trefois commun dans les environs de Mococo sur le golfe Persique, quoique, aujourd'hui, on l'y trouve très-rarement. Il n'a jamais vécu à la ménagerie, au moins à ma connaissance, mais un mar- chand d'animaux l’a montré à Paris, en 4808. Il avait le regard farouche et le naturel très-méchant, et ses gardiens étaient obligés de se défier beaucoup de sa perfidie, car la haine et la colère étaient les seuls sentiments qu'il parût être ca- pable d’éprouver. Mème lorsque la faim le pressait, si on lui jetait ses aliments, il s’en emparait brusquement, avec brutalité, en menacant du regard, du geste et de la voix. Le Dnizz (Cynorephalus leurophœus, Fr. Cuv.—Desn. Simia sylvestris, Scuren. Papion des bois, Penn. Le Papion à queue courte, G. Guv.). Cette espèce a beaucoup d'analogie avec le mandrill. Son pelage est d’un gris jau- pâtre clair ou d’un brun verdätre, blanc en dessous; mais sa face est constamment d’un noir foncé dans les deux sexes et à tous les âges. Il est aussi un peu plus petit, sa longueur, du sommet de la tête aux callosités des fesses, ne dépassant pas vingt-six pouces (0,704); sa queue est très-courte et très-menue. On le croit d'A- frique, et ses mœurs sont inconnues. Le Bocco, BouGoc ou ManpriLz (Cynocepha- lus mormon, Fr. Cuv. — Desm. Simia mormon et Simia maimon, Lin. Le Mandrill, G. Cuv. Le Mandrill et le Choras, Burr.). Son pelage est d’un gris brun, olivâtre en dessus, blanchâtre en dessous ; il a une petite barbe jaunâtre (dans la jeunesse) ou d’un jaune citron (dans l’âge adulte ), qui lui pend au menton; les joues sont bleues et sillonnées ; les mäles adultes prennent un nez rouge, surtout au bout où il devient écarlate; le tour de anus a les mêmes cou- leurs, et les fesses ont une belle teinte violette. Il habite la Côte-d'Or et la Guinée. SINGES. 15 Le boggo atteint presque la taille de l'homme, et l’on ne peut se figurer un animal plus extraordinaire et plus hideux. Il à le caractère féroce et brutal des autres cynocéphales, et quoique assez doux et confiant dans sa jeunesse, il de- vient de la plus atroce méchanceté avec l’âge. Les meilleurs traitements, dit F. Cuvier, ne peuvent l’adoucir, et les actions les plus insignifiantes, un geste, un regard, une parole, suffisent pour exciter sa fureur ; mais aussi la circon- stance la plus légère l'apaise, sans le rendre meilleur. Sa voix est sourde, sem- blable à un grognement, et formée des syllabes aou, aou. A l'état sauvage, toute sa force, toute sa puissance d'organisation ne sont mises en jeu que par les pas- sions les plus grossières et les plus cruelles. Il déteste tous les êtres vivants et ne semble pas avoir de plus grand plaisir que celui de la destruction. Ce pen- chant à déchirer tout ce qu'il peut atteindre se montre jusque sur les végétaux dont il fait sa nourriture : il se complaît à les déchiqueter, à les éparpiller brin à brin après les avoir brisés ou lacérés. Du reste, la conscience de sa force lui donne de l'audace et de l'intrépidité. Le bruit des armes à feu l’irrite sans l’ef- frayer, et la présence de l'homme ne l'intimide pas. Il Géfend avec courage l'entrée des forêts qu'il habite, et lorsqu'on va l'y attaquer, il s'efforce d’inspi- rer par ses cris une terreur à laquelle il est lui-même inaccessible. Il résiste, il dispute le terrain pied à pied, et sait, dit-on, s’armer de pierres et de bâtons pour repousser l'agression. Il à l'esprit de sociabilité assez développé, et il se reunit en troupe pour défendre la circonscription territoriale qu’il s’est adjugée, contre l'invasion de tout ennemi. Aussi, les nègres de la Guinée le craignent beaucoup, et c’est à peu près tout ce que l’on sait de certain sur son histoire, car elle a été tellement embrouillée par les voyageurs, et par Buffon lui-même, avec celle du kimpézéy, et, par suite, de l’orang-outang, qu'il est impossible d’en rien démèler de plus. Le CyxocéPaLe MaLais ( Cynocephalus ma- et les mains noires, la téte plus carrée que dans layanus, DesmouL.) n’excède pas seize pouces les autres espèces, le museau moins allongé, et (0,455) de longuenr, non compris la queue; son la face beaucoup plus large. Ses joues ne se re- pelage est grossier, entièrement noir, lui for- lèvent point en côtes le long de son nez. On le mant une aigrette élargie sur la tête; il a la face (rouve à Solo, dans les iles Philippines. 16 LES QUADRUMANES. Le Gouariba. LES SAPAJOUS. Les quadrumanes de cette famille appartien- nent tous à l'Amérique. Ils ont quatre mäche- lières de plus que les précédents, ce qui leur fait en tout trente-six dents ; ils ont les narines p‘r- cées aux Côlés, et non en dessous ; ils manquent d’abajoues ; leurs fesses sont velues, sans callo- sités, et {ous ont une longue queue. Les uns ont une queue prenante, ayant la fa- culté de saisir les corps environnants en s’en- tortillant autour. Cesont les vrais sapajous ; tels sont les genres atèle, lagotriche, alouate et sa- Jou. Les autres ont la queue non prenante et com- posent la section des sagouins, qui renferme les genres sagouin, nocthore etsaki. 16° Genre. Les ALOUATES ( Mycetes, IL- u16. ). Leur angle facial n'est ouvert qu'à trente degrés ; leur tête est pyramidale ; la mâ- choire supérieure descend beaucoup plus bas que le cräne, et l'inférieure a ses branches très- hautes pour loger un tambour osseux, qui com- munique avec le larynx et donne à leur voix un volume énorme et un son effroyable. Leurs mains antérieures sont pourvues de pouces ; leur queue est très-longue, nue et calleuse en dessous dans sa partie prenante. Les voyageurs les ont souvent nommés singes hurleurs. Le Gouasrima (Mycetes fusrus, Desu. Simia beelzebut. Lin. Stentor fuscus, Georr. L'Oua- rine, G.Guv. — Burr.) est ua peu plus grand que le mono-colorado: sa tete est pelite, sa face nue, d’un brun obscur ainsi que ses mains, ses pieds et sa queue; son pelage est d’un brun marron ou d’un brun foncé ; les poils du vertex, de l'occiput et du dos, sont terminés par une pointe dorée. Le gouariba est triste, farouche, méchant, et se retire dans les forêts les plus SINGE ÉECHAPPE DANS LE JARDIN DERRIÈRE LES ANCIENNES SERRES (Jardin des Plantes.) SAPAJOUS. 47 sauvages du Brésil. «On ne peut ni l’apprivoiser ni même le dompter, dit Buffon ; il mord cruellement, et quoiqu'il ne soif pas du nombre des animaux carnas- siers et féroces, il ne laisse pas d’inspirer de la crainte, tant par sa voix effroyable que par son air d'impudence. Comme il ne vit que de fruits, de légumes, de graines et de quelques insectes, sa chair n’est pas mauvaise à manger. » Aussi les chasseurs du Bresil lui font une rude chasse. Rien ne surprend plus que l'instinct de ces gouaribas, qui savent distinguer, mieux que les autres animaux, les personnes qui leur font la guerre, et qui, lorsqu'ils sont attaqués, se défen- dent avec courage et se secourent mutuellement. Lorsqu'on les approche avec des intentions hostiles, ils se rassemblent, se réunissent en phalange, et cher- chent d’abord à effrayer l'ennemi en poussant des cris horribles et faisant un tapage épouvantable. Ensuite ils jettent à la tête des chasseurs des branches sèches rompues, tout ce qui se trouve sous leurs mains, et jusqu’à leurs ordures. Ce n’est que lorsqu'ils voient l'impuissance de ces moyens, qu'ils pensent à fuir, mais toujours dans le meilleur ordre et sans se disperser, afin de pouvoir se pro- téger les uns les autres. Dans cette circonstance, on les voit s’élancer de branche en branche et d'arbre en arbre, avec une telle agilité que la vue ne peut les suivre. Si, en se jetant à corps perdu d'une branche à une autre, ils viennent à manquer leur coup, ce qui est fort rare, 1ls ne tombent pas pour cela et restent accrochés à quelque rameau par la queue ou par les pattes, avant de parvenir jusqu'à terre. Il en résulte que si on ne les tue pas roide d'un coup de fusil, ils restent suspendus à l'arbre, même après leur mort, jusqu'à ce que la décomposi- tion les fasse tomber en morceaux. Aussi est-on fort heureux quand, sans être obligé de grimper sur les arbres pour les aller chercher, on peut en avoir trois ou quatre par quinze ou seize coups de fusils. Lorsque l’un d'eux est blessé, tous s’assemblent autour de lui, sondent sa plaie avec les doigts, en retirent les grains de plomb, et, s'ils voient couler beaucoup de sang, ils la tiennent fermée pendant que d’autres vont chercher quelques feuilles qu'ils mâchent et poussent adroitement dans l'ouverture de la plaie. Œxmelin, Dampierre, et d’autres voyageurs, affirment ce fait comme té- moins oculaires. « Je puis affirmer, dit Œxmelin, avoir vu cela plusieurs fois, et l'avoir vu avec admiration. » La femelle n’a jamais qu'un petit, auquel elle est tendrement attachée, et qu'elle porte sur son dos de la même manière que les négresses portent leurs enfants. Il lui embrasse le cou avec ses deux pattes de devant, et des deux de derrière il la tient par le milieu du corps. Quand elle veut lui donner à teter, elle le prend dans ses bras, et lui présente la mamelle comme font les femmes. N'abandon- nant jamais sa mere, si on veut le prendre, il n'y a pas d'autre moyen que de tuer cette derniére, et encore est-ce à grand'peine qu'on parvient à l’arracher de dessus son corps où il se cramponne de toute sa force. Ces animaux paraissent s'aimer entre eux, car non-seulement ils se portent secours, comme nous l'avons dit, mais encore ils s’aident mutuellement en se tendant, non la main, mais la queue, pour se soutenir les uns les autres en tra- versant un ruisseau ou en passant d'un arbre à un autre. Le Moxo - Cocorano ( Myreles seniculus. culus, G. Cuv. Le Hurleur roux, Burr. L’A- Desm. Stentor, seniculus, Grorr. Simia seni- louale ordinaire, G. Cuv.). Sa taille est celle 48 LES QUADRUMANES. d'un fort renard; son pelage est d'un roux marron clair, passant au marron foncé et au roux vif sur la tête, la barbe, les membres et la queue ; sa face est noire, nue, et ses ongles sont en gouttière. Sa voix, selon le voyageur Ricord, ressemble à celle d’un cochon que l’on égorge. Le mono-colorado vit en troupes nombreuses dans les forêts de la Guyane, à la Nouvelle-Espagne, et au Brésil où il est plus rare. Il est d’un naturel farou- che, que rien ne peut apprivoiser, et je ne pense pas qu'on en ait élevé en domesticité. Voici ce qu’en dit, dans son langage naïf, un ancien voyageur : «Il y a des guenons à Cayenne, aussi grosses que des grands chiens, de couleur rouge de vache; on les appelle les hurleurs, parce qu'étant en troupe, ils hurlent d’une facon que d’abord on croit que c’est une troupe de pourceaux qui se battent. Ils sont affreux et ont une gueule fort large; je crois qu'ils sont furieux. Si les sau- vages les flèchent, ils retirent la flèche de leur corps avec leurs mains comme une personne. La chair de ces hurleurs est très-bonne à manger; elle ressemble à la chair du mouton; il v a à manger pour dix personnes. Ils ont un cornet intérieur en la gorge qui leur rend le cri effroyable. » D'autres voyageurs comparent la voix de ces animaux au craquement d’une grande quantité de charrettes mal graissées, ou bien encore aux hurlements d’un troupeau de bêtes féroces. Ils la font enten- dre de temps à autre dans le courant de la journée, mais c'est surtout au lever et au coucher du soleil, ou à l'approche d’un orage, qu'ils poussent des cris si épou- vantables qu'on les entend d’une demi-lieue. L'ALOUATE À QUEUE DORÉE (Myceles chrysu- rus. — Stentor chrysurus, DEsmouL.) a de l'a- nalogie avec le mono-colorado pour les couleurs, mais elles sont {out autrement disposées ; dans le chrysurus la tête et les membres sont unico- lores, et la queue, ainsi que le de:sus du corps, sont de deux couleurs, tandis qu'au contraire dans le seniculus, la tête et les membres sont bicolores, le dessus du corps et la queue uni- colores. En outre, le mono-colorado est plus grand. Celui qui fait le sujet de cet article a la dernière moitié de la queue et le dessus du corps d'un fauve doré très-brillant; la base de la queue est d'un marron assez clair ; le reste du corps, la tête tout entiere et les membres, sont d’un marron très-foncé, teinté de violacé sur les membres. II habite la Colombie. L'ARAGUATO OU ALOUATE OURSON (Mycetes ursinus DEsm.) a quelque analogie de forme avec le mono-colorado, mais son pelage est d’un roux doré uniforme, et sa barbe est d’une teinte plus foncée : le tour de sa face est aussi d’un roux beaucoup plus pâle. Du reste, il ha- bite les forêts du même pays. C'est au Brésil, et particulièrement aux environs de Vénézuela, dans la Nou- velle-Espagne, que l’on trouve le plus communément cette espèce. L'araguato n'habite guère que les montagnes et les lieux élevés; il recherche le bord des ruisseaux et des mares, et, là, assis en société sous l’ombrage du palmier mori- che, il fait retentir les rochers, à plus d’un mille à la ronde, de sa voix effrayante. Comme les autres alouates, il mange des fruits, mais il se nourrit principalement de feuilles. L’AragarTa ( Mycetes stramineus. Desm.). Son pelage est d'un jaune de paille, ainsi que la queue qui est seulement d’une teinte plus fon- cée ; sa face, presque entièrement couverte de poils, est couleur de chair. Il a une grande cé- lébrité comme un excellent gibier. Cette espèce, aussi farouche que tous les animaux de ce genre, habite le Para. Gumilla raconte que les sauvages achaguas, de l'Orénoque, sont très-friands de SAJOUS. 19 ces singes jaunes, et leur font journellement la chasse. Il ajoute que, soir et matin, ces animaux font un bruit insupportable, etsi lugubre, qu'ils font horreur. D'après le rapport de quelques voyageurs, il semblerait que la femelle de l'arabata, et de quelques autres espèces d’alouates, est moins attachée à son petit que celle des autres singes, et que pourle lui faire abandonner, il ne s'agirait que de l’effrayer en poussant de grands cris. Cependant Spix, dans son ouvrage sur les singes du Brésil, raconte, comme témoin oculaire, un fait qui dément positive- ment cette assertion. Ayant mortellement blessé une femelle d'un coup de fusil, elle continua de porter son petit sur son dos jusqu'à ce qu'elle fût épuisée par la perte de son sang. Lorsqu'elle se sentit près d'expirer, elle fit un dernier effort pour lancer son enfant sur les branches voisines, et tomba morte. Peut-être cette espèce n'est-elle que le jeune du caraya, et dans ce cas elle ferait double emploi. Le Cuoro (Myceles flavicaudatus, Des. Sten- tor flavicaudutus, Georr.). Son pelage est d’un brun olivätre, avec deux bandes longitudinales jaunes. Cette espèce se trouve dans la Nouvelle- brun noirâtre, plus obseur sur le dos, très- fourni sur le ventre, sa face est courte, nue, ou muuie de quelques poils rares ; sa barbe est nélée de brun et de jaunâtre; sa queue est d’un Grenade, dans la province de Jaën, et, mais plus rarement, sur les bords de la rivière des Amazones. Peut-être ce sapajou n’est encore qu'une variété d’âge du caraya. Comme les autres alouates, il vit en troupe et se retire dans les lieux les plus solitaires. On le chasse surtout pour avoir sa fourrure, que, dans le pays, on emploie à divers usages. Une particularité qu'offrent les alouates, est que, contre l'ordinaire des autres singes, qui tous fuient l’eau, ils se plaisent dans les forêts qui bordent les rives des grands fleuves et des marais; ceci est affirmé par tous les voyageurs. Il parait mème qu’ils se hasardent quelquefois à se mettre à l'eau et à traverser à gué quelques bras assez larges, car on en trouve sur les ilots des rivières et dans ceux des grandes savanes noyées ; et ce fait est très- remarquable dans l’ordre des quadrumanes. Je ne sais si tous les singes ont pour les nappes d’eau la même frayeur que le mangabey que j'ai possédé, mais je le suppose; car cette crainte vient de ce que, bâtis à peu près comme l’homme, ainsi que lui ils ne savent pas nager na- turellement. La première fois que j'ai traversé la Saône, en batelet, avec mon singe, je n'avais pas fait cette réflexion et je faillis le perdre. Malgré les témoi- gnages énergiques de sa frayeur, je le jetai à l’eau, croyant qu'il allait nager et s’en tirer ainsi que font les chiens. Mais je fus extrémement surpris de le voir se débattre dans le perfide élément, de la même manière qu’un enfant qui se noie, et si je n'avais su nager moi-même, je perdais un animal fort aimable, et auquel je tenais beaucoup. Au moment où je le saisis, il coulait à fond, et déjà il était pour ainsi dire sans connaissance. Cette petite scène me fit perdre ses bonnes grâces pendant plus de quinze jours, et ne contribua pas peu à lui don- ner une nouvelle horreur de l’eau. Le Carava (Mycetes caraya, Des. Stentor niger, GEorr.\. Il a, selon d’Azara, le corps gros et ventru et les membres robustes. Sa face est nue, d’un brun rougeätre ; le mâle a le pe- lage d'un noir foncé, passant au roux obscur sur le ventre et la poitrine; la femelle a les poils plus fins, d’un bai obscur. On le {trouve depuis le Brésil jusqu’au Paraguay. { 50 LES QUADRUMANES. L'ALOUATE AUX MAINS ROUSSES (Mycetes ru- fimanus, Kuru. Stentor rufimanus, GEorr.). 11 est entièrement noir, excepté les mains, qui queue. La face et le dessous du corps sont nus. Cette espèce habite principalement les terres de la baie de Campèche; mais on la (rouve aussi sont rousses, ainsi que la dernière moitié de la dans d’autres parties de l'Amérique. Selon Dampierre, ces animaux vivent en troupe de vingt à trente, et rôdent sans cesse dans les bois, et, s'ils trouvent une personne seule, ils font mine de la vouloir dévorer. « Lorsque j'ai été seul, dit ce voyageur, je n’ai pas osé les tirer, surtout la première fois que Je les vis. Il y en avait une grosse troupe qui se lancaient d'arbre en arbre par-dessus ma tête, craquetaient des dents et fai- saient un bruit d’enragé; il y en avait même plusieurs qui faisaient des grimaces de la bouche et des yeux, et mille postures grotesques. Quelques-uns rompaient des branches sèches et me les jetaient ; d’autres répandaient leur urine et leurs ordures sur moi. À la fin il y en eut un plus gros que les autres qui vint sur une petite branche au-dessus de ma tête et fit mine de sauter tout droit sur moi, ce qui me fit reculer en arrière ; mais 1l avait eu la prudente précaution de se prendre à la branche avec le bout de sa queue, de sorte qu'il demeura là suspendu à se brandiller et à me faire la moue. Enfin je me retirai, et ils me suivirent jusqu'à nos huttes, avec les mêmes postures menacantes. » 16° Gevre. Les COAÏTAS (Atcles, GEorr.) ont l'angle facial ouvert à soixante degrés; leurs membres sont grêles, très-longs; leur tete ronde ; leurs mains antérieures dépourvues de pouce. Leur queue est extrêmement longue, très-prenante, ayant une partie de son exlré- mité nue en dessous. Le Muuxr ou Kouro (Ateles hypoxanthus, KuuL.). Son pelage est d’un gris jaunätre; la région anale et l’origine de la queue sont, sur le plus grand nombre d'individus, mais non sur tous, d’un rouge ferrugineux ; sa face est cou- leur de chair et mouchetée de gris; il a un très- petit pouce onguiculé aux mains antérieures, ce qui le distingue de l'ateles arachnoïdes. 11 se trouve dans les foréts du Brésil, où ces animaux vivent en troupes plus ou moins nombreuses dans les forets les plus sauvages. Tous les ateles ayant à peu près les mêmes mœurs, nous généraliserons ici leur histoire. Nous ferons d’abord remarquer, comme chose fort singulière, que ces petits animaux ont avec l'homme quelques ressemblances assez remar- quables dans les muscles, et qu'eux seuls, parmi les mammifères, ont le biceps de Ja cuisse absolument fait comme le nôtre. é Les coaïitas sont fortintelligents, doux, et s’attachent facilement aux personnes qui en prennent soin et les traitent avec douceur. Une fois liés par l'affection, ils ne cherchent plus à changer de situation ni à s'enfuir, aussi n’a-t-on pas besoin de les tenir constamment à la chaîne comme les singes. Cependant ils ne manquent pas de malice, et ils sont un peu voleurs, mais pour des friandises seulement. : Dans leurs forêts ils vivent en grandes troupes et se prêtent un mutuel secours. Dans les pays où ils ne sont pas inquiétes par les hommes, s'ils en rencontrent un, ils sautent de branche en branche pour s'approcher de lui, le considèrent attentivement, et l’agacent en lui jetant des petites branches, et quelquefois leurs excréments, qui, du reste, sont sans odeur. Si l’un d’eux est blessé d’un coup de fusil, tous fuient au plus haut sommet des arbres, en poussant des cris la- mentables. Le blessé porte ses doigts à sa plaie et regarde couler son sang, SAJOUS. oi puis, quand il se sent près de sa fin, 1l entortille sa queue autour d'une branche, et reste suspendu à l'arbre après sa mort. Eminemment bien conformés pour vivre sur les arbres, les coaïtas ne descendent jamais à terre, et s'ils s’y trouvent par accident, ils y marchent avec beaucoup de difficulté et de maladresse. Pour cela, ils posent leurs mains fermées sur le sol, puis ils tirent leur derrière après eux, tout d’une pièce, absolument comme font les culs-de-jatte. Leur voix con- siste en un petit sifflement doux et flûté, qui rappelle le gazouillement des oiseaux. Le Mono (Ateles hemidactylus.—Eriodes he- midactylus, DESMOUL.) a souvent été confondu avec le précédent. Sa longueur, non compris la très-foncé, à poils secs et grossiers. Il est un peu plus grand que l’uteles paniseus, et il s’en dis- tingue parfaitement par un rudiment de pouce queue, est de dix-huit pouces (0,487) ; son pouce ne consiste pas en un simple tubercule, mais bien en un petit doigt très-court et trè.-gréle, muni d’un ongle, atteignant à peine l'origine du qu'il a aux mains supérieures. 11 habite Ja Guyane et, selon Buffon, le Pérou. Le Coaïra {Ateles paniseus, GEorr. Simia paniscus, Lin. est absolument noir comme le second doigt, et tout à fait inutile à l'animal; son pelage est d’un fauve cendré, un peu noi- râtre sur le dos;ses mains et sa queue sont d’un fauve plus vif, et les poils de la base de la queue sont d'un roux ferrugineux ; sa face est couleur de chair tachée de gris. 11 est du Brésil. Le Cuauwecx (Ateles subpendactylus, Des. Ateles pendactylus, Georr.l. Il est d’un noir précédent, mais il manque entièrement de pouce, comme toutes les espèces qui vont sui- vre; sa face est cuivrée 11 habite la Guyane et le Brésil. C’est un animal pleureur, excessive- ment lent, mais très-doux et très-intelligent. 11 vit en grande troupe et ainie se balancer sus- pendu par la queue aux branches d'arbres. En esclavage il s’apprivoise très-facilement. Les coaïtas se nourrissent principalement de fruits, mais, en cas de famine, ils mangent äussi des racines, des insectes, des mollusques et des petits poissons. On dit mème qu'ils vont pêcher des coquillages pendant la marée basse, et qu'ils savent fort bien en briser la coquille entre deux pierres. Dampierre et Dacosta racontent que, lorsque ces animaux veulent traverser une rivière, ou passer d’un arbre à l’autre sans descendre à terre, ils s’attachent les uns aux autres en se prenant tous la queue avec les mains, et forment ainsi une sorte de chaine qui se balance dans les airs en augmentant peu à peu le mouvement d’'osciila- tion, jusqu'à ce que le premier puisse atteindre et saisir avec les mains le but où ils tendent ; alors il s'accroche et tire tous les autres après lui. Le Cavou ( Ateles ater, Fe. Cuv.) ressemble beaucoup au précédent ; comme lui il a le pe- lage entièrement noir, mais sa face est d’un noir mat, ridée, au lieu d’élre cuivrée. 11 est de Cayenne, et a les mêmes mœurs et la même douceur de caractère que le coaïîta. Le cayou à toutes les habitudes du coaïta, dont peut-être n'est-il qu’une sim- ple variété, comme le pensait Geoffroy qui le premier l’a fait connaître. Ainsi que chez tous les animaux de son genre, sa queue ne lui sert pas seulement à assurer sa translation en s’accrochant aux corps environnants et particulière- ment aux branches d'arbres, mais c’est encore une véritable main, dont il se sert pour aller saisir hors de la portée de ses bras, et sans se déranger, les objets dont il veut s'emparer ; c'est un organe de préhension dont le tact est si délicat, qu'en en touchant un corps quelconque, sans le regarder, sans détourner les yeux de dessus un autre objet, il en reconnaît parfaitement la nature. Sa queue lui sert … 52 LES QUADRUMANES. encore à se garantir du froid, auquel il est trés-sensible, en l’enroulant autour de son corps comme nos dames font d’un boa. J'ai vu un mâle et une femelle de cayou, tous deux renfermés dans une cage, se garantir de la fraîcheur des nuits en se tenant dans les bras l’un de l’autre, et roulant autour de leurs deux corps leurs longues queues qui les masquaient en bonne partie. La Maurmonpa (Ateles belsebuth, Grorr.— dessous ; elle a le tour des yeux couleur de chair. Fr. Cuv. Simia belzebut, Briss. Coaîta à ven- Elle vit en troupe sur les bords de l'Orénoque, tre blanc, G. Cuv.). Elle est d’un noir brunâtre où les Indiens la chassent pour la manger, et en dessus, blanche ou d'un blanc jaunätre en quelquefois pour l’apprivoiser et la vendre. « La marimonda, dit M. Humboldt, est un animal lent dans ses mouvements, d'un caractère doux, mélancolique et craintif; c’est dans ses accès de peur qu'il mord mème ceux qui le soignent : 1l annonce cette colère passagère en rappro- chant la commissure des lèvres pour faire la moue, et en poussant un cri guttural ou-0o.…. Lorsque les marimondas sont réunies en grand nombre, elles s’entrela- cent deux à deux et forment les groupes les plus bizarres. Leurs attitudes annoncent une paresse extrême... Nous les avons vues souvent exposées à l'ardeur du soleil, jeter la tête en arrière, diriger les yeux vers le ciel, replier les deux bras sur le dos, et rester immobiles, dans cette position extraordinaire, pendant plusieurs heures. » La Cauva (Aleles marginalus, Gtorr. — FR. Cuv. Le Coaïta à face bordée, G. Cuv.), d'un noir uniforme et lustré, excepté autour de la face, qui est bordée de poils blanes ; la face est noire. Cette espèce est commune sur les rives du Santiago et de la rivière des Amazones. Selon Humboldt, elle est assez commune dans la province de Jaën de Bracamoros. Le Macaco vERNELLO (Ateles arachnoîdes , Gæorr. Le Coaita fauve, G. Cuv.) à le pelage fauve ou roux, court, lisse et moelleux, touffu à l'origine de la queue; sa face est nue, couleur de chair, son ventre est d’un blanc sale ou un peu jaunâtre. On le croit du Brésil. Le Mecanocurim (Ateles melanochir, DEsx. — Fr. Cuv.) a le pelage gris, la face noire, les extrémités des membres d'un brun noirätre, ainsi qu'une tache oblique, placée à la partie externe de chaque genou; le dessus de la tête plus foncé que le reste du corps. 11 habite le Pérou. Le Mowo-Zamuo ( Atcles hybridus, Desmour..) a de longueur un pied dix pouces (0,542) : le dessous de la tête, du corps, de la partie non calleuse de la queue, et de la partie interne des membres, sont d’un blanc sale; le dessus est d’un brun cendré clair, qui, sur la tête, les membres antérieurs, les cuisses et le dessus de la queue, passe au brun pur, et qui, au con- traire, prend une nuance jaune très-prononcée sur la croupe, et les côtés de la queue; il a sur le front une tache blanche semi-lupaire, large d’un pouce (0,027) au milieu, et dont les poin- tes vont se terminer au-dessus de l’angle externe des yeux. 11 habite la Colombie. 17° Genre. Les LAGOTRICHES!| Lagothrix Gæorr.) ont l’angle facial ouvert à cinquante degrés environ ; leur tête est ronde, leur mu- seau saillant, et leurs membres, dans de justes proportions, n’ont pas ce prolongement que nous avons vu dans le genre précédent. Leurs mains antérieures ont un pouce; leur queue, fortement prenante, est nue en dessous à l’ex- trémité. Enfin leur corps est couvert d’un poil moelleux ct frisé. Le Cararro ( Lagothrix humboldtii, GEorr.) est d’un cendré noirâtre ou d’un gris uniforme ; son pelage est plus obscur et plus touffu sur la poitrine que sur le dos ; sa tête est grosse ; sa face noire, entourée de longs poils roides. Il se trouve sur les bords du Rio-Guaviare, et ses mœurs sont à peu près les mêmes que celles des coaïtas, mais il est d’un caractère un peu plus farouche ; il s’apprivoise moins facilement. Cet animal, haut de deux pieds trois pouces (0,731), vit en troupes nombreuses et paraît d'un naturel assez doux. Humboldt, à qui l’on doit la découverte de ce SAJOUS. D3 genre, dit qu'ilse tient le plus souvent sur ses deux pieds de derrière. Le son de sa voix ressemble à un claquement, selon Spix, et il ajoute que cet animal est extrèmement gourmand. Le LAGOTRICHE GRISON ( Lagothrix canus, Le LaGoTRiIGRE ENFUMÉ (Lagothrix infuma- Georr.) qui habite le Brésil, diffère du précé- tus.— Gastrimargus infumatus, Srix.) qui se dent par des poils plus courts, d’un gris olivà- {rouve au Brésil, et qui ne diffère guère des tre sur le corps, et d'un gris roux sur la tête, précédents que par son pelage entièrement en- les mains et la queue. Peut-être faut-il ajouter fumé. Il habite les forêts les plus retirées, et vit, à cette espèce : comme les précédents, de fruits et d'insectes. Les lagotriches, grison et enfume, sont beaucoup moins farouches que le précédent, et s’apprivoisent avec plus de facilité. Ils vivent également en bandes nombreuses, dans les forêts qui ombragent les bords des grandes rivières du Brésil. Ils sont d'un naturel doux et timide, s’habituent aisément à la servitude, mais s'attachent peu à leur maitre, et en changent avec la plus grande indif- férence. Moins agiles, moins pétulants que les autres sajous, ils se montrent plus robustes, moins inquiets, moins remuants et plaisent davantage par une expression de physionomie plus douce et plus aimable. Peu criards, on ne les entend guère troubler le silence des forêts que lorsqu'un air lourd et chargé d'électricité annonce un prochain orage. Alors ils réunissent leur troupe épar- pillée, s'appellent les uns les autres, et cherchent ensemble un abri contre la tempête. Ils se blottissent contre le tronc d’un arbre, à la bifurcation des bran- ches basses les plus grosses, et là, dans la plus grande épouvante, serrés les uns contre les autres en petits groupes de trois à quatre, ils attendent, dans l’immo- bilité la plus complète, que les éclairs aient cessé de sillonner les nues et le tonnerre de gronder. Le jaguar profite souvent de cette circonstance pour les poursuivre, les saisir et les dévorer; dans leur effroi ils pensent à peine à fuir, et il en fait aisément sa proie. Souvent aussi, ils deviennent les victimes du cougouard et d’autres grands chats sauvages. )1 LES QUADRUMANES. Le Sajouasson 19° Genre. Les SAJOUS (Ccbus, ErxLes.) arrondies, l’occiput saillant en arrière, les pou- ont l'angle facial ouvert à soixante degrés. Ils ces distinets, opposables aux autres doigts, et la ont la tete ronde, le museau court, les oreilles queue toute velue, quoique prenante. Le saJouassou ( Cebus apella, Desn. Simia apella, Lin. Le Sujou, Burr.— G. Cuv.). Son pelage est d'un brun plus ou moins foncé en dessus, plus pâle en des- sous; les pieds, la queue, le sommet de la tête et la face sont bruns; cette dernière est entourée de poils d’un brun noirûtre; le dessous du cou et la partie externe des bras tirent sur le jaune. Cette espèce ne se trouverait point au Brésil, selon le prince Maximilien, et serait propre à la Guyane francaise. Comme tous les sajous ont absolument la même intelligence, les mêmes mœurs, et des habitudes semblables, il nous suf- fira de donner l’histoire de celui-ci pour faire connaître tous les autres. Le sajouassou a toute l'intelligence des coaïtas, mais avec moins de circon- spection, parce que la vivacité de ses impressions et la promptitude de son imagi- nation ne lui permettent ni prudence ni réserve. Tous les sajous sont d’un naturel trés-doux, très-affectueux, et s’attachent vivement à leur maître, surtout quand ils sont traités avec douceur. Quoique vifs et turbulents, ils n’ont pas la pétu- lance capricieuse des singes ; mais il est fâcheux qu'ils en aient la malpropreté et un peu l'impudicité, car sans cela ils seraient les animaux les plus aimables que l’on puisse soumettre à l'esclavage. En outre, ils craignent beaucoup le froid, SAJOUS. 99 et, dans nos pays, ils sont sujets à des maladies de poitrine qui les enlèvent promptement. Cependant, en les tenant dans des appartements chauds, ils passent assez bien l'hiver et vivent plusieurs années. J'en ai vu beaucoup qui avaient l'étrange habitude de se manger la queue, malgré tout ce qu'on pouvait faire pour les en empècher et malgré la douleur qu'ils en éprouvaient. A l'état sauvage ils vivent dans les bois, en grandes troupes. Ils se nourrissent principalement de fruits, mais ils mangent aussi des insectes, des œufs, et même des oiseaux quand ils peuvent les attraper. J'ai remarqué que, de même que les petits mammifères carnassiers, quand ils prennent un oiseau ils commencent toujours par lui briser le derrière du crâne et lui manger la cervelle. Le sajouassou est fort doux, mais capricieux et fantasque. Il affectionne sans sujet de certaines personnes, et prend les autres en haine sans cause appré- ciable. Il aime les caresses et fait alors entendre une petite voix douce et flûtée. S'il est effrayé ou en colère, il fait des mouvements brusques d’assis et de levé, en prononcant d’une voix forte et gutturale : heu, heu. Ce petit animal se repro- duit en captivité dans de certaines circonstances. Le père et la mère aiment beaucoup leur enfant, en prennent le plus grand soin, et le portent tour à tour dans leurs bras; ils s'empressent de lui apprendre à marcher, à grimper, à sau- ter; mais lorsqu'il a l’air de faire peu d'attention à leurs leçons, ils le corrigent et le mordent serré pour exciter son application. Le Sasou ROBUSTE (Cebus robustus, KuuL.) est brun ; le sommet de sa téte est couvert de poils noirs qui s’avancent sur le front, et deux lignes de la méme couleur lui entourent la face; les mains, les avant-bras, les jambes, les pieds et la queue sont d’un brun foncé ; les épaules, le dessous du cou et la poitrine sont jaunätres; le cou et le ventre sont d'un marron roux. Cette espèce a été découverte au Brésil par le prince Maximilien de Neuwied. Si ce n’est pas la même que Fr. Cuvier a décrite sous le nom de Saï femelle, elle a du moins une très-grande analogie avec elle. Le Sasou Gris ( Cebus griseus, Desu. Cebus barbalus, Georr. Le Sapajou gris, Burr.). On ne connait pas la patrie de cet animal, mais on le suppose du Brésil ou de la Guyane. Le der- rière de Ja téte, le cou, le dos, les flancs, les cuisses, la partie postérieure des jambes de der- rière et le dessus de la queue sont d’un brun jaunâtre ou d’un brun fauve mélé de grisätre ; le dessous est d’un fauve clair ; une calotte noi- râtre lui couvre le sommet de la tête: il n’a pas de barbe ; sa face est entourée de poils d’un brun noir ; quelquefois le cou, la poitrine et le baut des bras sont blancs. Le Sasou BarBu (Cebus barbatus, Desm. Cebus albus, GEorr. Le Saï varié, Aupes.). Son pe- lage est gris ou d’un gris roux, ou blanc, selon l'âge et le sexe : le ventre est roux; sa barbe se prolonge sur ses joues. Ses poils sont longs et moelleux. Il habite la Guyane. Le Sagou co.rrFé (Cebus frontatus, KuuL. Ce- bus trepidus, Georr. — ErxL. Le Singe à queue touffue, Enwa.). Son pelage est d’un noir pres- que uniforme, mais cependant les extrémités des membres sont plus foncées; il a sur les mains antérieures et autour de la bouche quel- ques poils blancs ; ceux de son front sont rele- vés perpendiculairement et très-droits. On ne sait d’où il est. Le Sagou nèGRe (Cebus niger, Grorr. Sapa- jou nègre, Burr.). Peut-être, comme le pense M. de Humboldt, n'est-ce qu’une variété du sajou brun (Cebus capucinus). Son pelage est d’un brun foncé; son front, et la partie posté - rieure des joues, sont couverts de poils jau- nâtres; sa face, ses mains et sa queue sont noires. Sa patrie est inconnue. Le Sagou vai ( Cebus variegatus, GEOFF.). Sa tête est ronde, et son museau saillant ; l’es- pace de la face compris entre les yeux est d’un brun noirätre; son pelage est noirätre, poin- tillé de jaune doré en dessus, roussätre en des- sous, les poils de son dos sont bruns à leur base, roux au milieu et noirs à la pointe. On ne con- nait pas son pays. Le Sasou FauvE (Cebus fulvus, Desm. Cebus flavus, Georr.). "Tout son pelage est fauve ;i est remarquable par ses poils soyeux, droits, non ondulés. L'Ouavapavi ( Cebus albifrons, GEOrr. — Huusocor) habite autour des cascades de l’O- rénoque, près des Maïpures et des Atures. Son 56 LES QUADRUMANES. pelage est gris, plus clair sur le ventre ; le som- met de sa tête est noir ; ses extrémités sont d’un brun jaunätre ; il a le frent blane, ainsi que les orbites des yeux. Le SaJou LUNULÉ (Cebus lunatus, Kuur. — ir. Cuv.). Il est d’un brun de suie, presque noir sur la tête et les membres ; il a sur chaque joue une tache blanche en croissant se portant depuis le sourcil jusqu’à la bouche; ses parties nues sont violätres. Sa patrie n’est pas connue. Le Saou conau (Cebus fatuellus, DEsm. Si- mia falnellus, Lin. Cebus cristatus, Fr. Cuv. Le Sajou à uigrette, du même. Le Sajou cornu, Burre.). Son pelage est d’un brun marron sur le dos, plus clair sur les flancs, passant au roux vif sur le ventre; la queue et les extrémités sont d'un brun noir ; deux forts pinceaux de poils blancs, séparés en forme de corne, s'élèvent de la racine de son front 11 habite la Guyane fran- çaise. Sagou À TourET (Cebus cirrifer, Georr.). Il a la tête ronde ; son pelage est d’un brun chà- tain: le vertex, les extrémités ct la queue sont d’un marron tirant sur le noir; il a sur le front un toupet de poils noirätres élevé en fer à che- val. On le croit du Brésil. Le Saï (Cebus capucinus, DEsm. Simia ca- pucina, lin. Le Saï, Burr. Le Sajou sai, GE0r ). Son pelage varie beaucoup et passe du gris brun au gris olivâtre ; il a le vertex et les ex- trémités noirs ; le front, les joucs et les épau- les d’un gris blanchätre. Le sai habite les bois de la Guyane, où il se nourrit de fruits, de graines, de sauterelles et autres insectes. Il est très-farouche, et si l’on parvient à le prendre vivant, ce qui est fort difficile, il se défend avec un courage bien au- dessus de sa taille et de sa force. Il mord si opiniätrément qu'il faut l’assommer pour le faire lâcher prise. Les voyageurs ont quelquefois nommé ces sajous singes pleureurs, parce qu'ils ont un cri plaintif, et que, pour peu qu'on les con- trarie, ils ont l'air de se lamenter ; d’autres les ont appelés singes musqués, parce qu'ils ont, comme le macaque, une odeur de musc, dit Buffon. En captivité, le sai est doux, craintif, et assez docile. Son cri ordinaire ressemble à peu près à celui d’un rat, et il le fait volontiers entendre quand il désire quelque chose ou qu'on le caresse; dès qu'on le menace, ce cri devient une sorte de gémissement. En France, il mange des fruits; mais il préfére à toute autre chose les limacons et les hannetons. Le CariBLanco ( Cebuxs hypoleucus, Desu. — du pelage est d’un noir très-foncé. Sa face et Fr. Cuv. Le Saï à gorge blanche, Burr.) a or- dinairement les épaules, les bras, les côtés de la tête et 11 gorge d’un blanc très-pur ; le reste son front sont nus, et de couleur de chair ainsi que ses oreilles. Il vit à la Guyane et a les mêmes mœurs que le précédent. Celui qui a vécu à la Ménagerie était d’une extrème douceur et avait assez d'intelligence. Son regard, qui était très-pénétrant, savait deviner dans vos yeux les sentiments que vous éprouviez pour lui, et au moindre geste, il comprenait parfaitement vos intentions à son égard. Son cri, lorsqu'il désirait quelque chose, consistait en un petit sifflement très-doux, et surtout lorsqu'on le cares- sait; mais, quand il était colère ou effrayé, il se changeait en une sorte d’aboie- ment rude et saccade. Le SaJ;u À POITRINE JAUNE (Cebus xantoster- nos, KuuL. Cebus macrocezhalus, Fr Cuv.,a été découvert au Brésil, près du fleuve Bel- monte, par le prince Maximilien de Neuwied. Il diffère de tous les autres sajous par la forme de sa tête. Son front large, arrondi, rejeté en arrière, est convert de poils blancs et ras qui le font paraitre chauve. Son museau est de couleur tannée ; son pelage est chätain; il a le cou et la poitrine d’un jaune roussitre très- clair ; les mains d’un violâtre presque noir. Le Sajou À PIEDS DORÉS (Cebus chrysopus, Fr. Cuv.). Sa tête est grosse, arrondie, d’un brun grisätre un peu foncé descendant sur la & SAJOUS. 57 partie moyenne du dos, avec la face d'une cou- leur de chair un peu tannée, entourée d’un large cercle de poils blancs ; le pelage est d'un gris jaunätre, blanc jaunâtre en dessous; les quatre membres sont d’un beau fauve doré; les oreilles sont de la couleur de la face, et les mains blanchâtres. Il habite l'Amérique méri- dionale, mais on ne sait pas quelle partie. Le Sasou À TÈTE FAUVE (Cebus æanthocepha- lus, Seix) a la région lombaire, la partie supé- rieure de la poitrine, le cou, la nuque et le dessus de la tête fauves ; le milieu du corps, la croupe et les cuisses bruns. Il habite le Brésil. Le Sasou maire (Cebus gracilis, Seix ), d’un brun fauve en dessus, blanchätre en dessous ; vertex et occiput bruns; corps très-gréle. Cette espèce, qui n’est pas suffisamment déterminée, se trouve dans les forêts voisines de la rivière des Amazones. Le Sasou Lascir ( Cebus libidinosus, Srix). Il a la calotte d’un noir brun ; la barbe entourant en cercle toute la face; le dos, la gorge, la poi- trine, les membres (excepté les cuisses el les bras), le dessous de la queue, d’un roux ferru- gineux ; le devant de la gorge d’un brun roux foncé ; les joues, le menton et les doigts d'un roux plus clair ; le corps d’un roux fauve, et la queue un peu plus courte que le corps. I habite le Brésil. 20° Genre. Les SAGOUINS ( Saguinus, Lac. Callithrix, Grorr.—Fr. Cuv.), ainsique tous les genres qui vont suivre, n'ont pas la queue pre- nante ; leur angle facial est ouvert à soixante degrés ; leurs oreilles sont très-grandes, défor- mées ; leur corps est grêle, et leur queue cou- verte de poils courts. Du reste, ils ressemblent aux sajous. Le Saïmirr ( Saguinus sciureus, Less. Calli- trix sciureus, Georr.—Fr. Guv. Simia sciurea, G.. Guy. Le Sajou jaune, Briss. Le Singe orange, Penx. Le Titi de l'Orénoque, Humsoznr. Le Saimiri, Burr.). Son pelage est d’un gris jau- nâtre ou verdâtre, blanc en dessous ; les avant- bras, les jambes et les quatre mains sont d’un roux vif; le bout de son museau est noir. Le Sagou a capucnon (Cebus cucullatus, Srix) a les poils de la partie antérieure de la tête di- rigés en avant ; le dos et la tête sont brunâtres ; les bras, la gorge et la poitrine sont roussätres ; le ventre est d'un roux ferrugineux ; les mem- bres et la queue sont presque noirs. Il habite la Guyane et le Brésil. - Ce joli petit animal se trouve au Brésil et à Cayenne. Comme nos écureuils, dont il a la taille, l’œil éveillé et la vivacité, il habite constamment sur les arbres, et se nourrit de fruits, de graines, et quelquefois d'insectes. « Par la gentillesse de ses mouvements, dit Buffon, par sa petite taille, par la couleur brillante de sa robe, par la grandeur et le feu de ses yeux, par son petit visage arrondi, le sai- miri à toujours eu la préférence sur tous les autres sapajous, et c’est, en effet, le plus joli, le plus mignon de tous; mais il est aussi le plus délicat, le plus dif- ficile à transporter. Sa queue, sans être absolument inutile et lâche, comme celle des autres sagouins, n’est pas aussi musclée que celle des sajous; elle n’est, pour ainsi dire, qu'à demi prenante, et quoiqu'il s’en serve pour s’aider à monter et à descendre, il ne peut ni s'attacher fortement, ni saisir avec fermeté, ni amener à lui les choses qu'il désire, et l’on ne peut plus comparer cette queue à une main, comme nous l'avons fait pour les autres sapajous. » Le saïmiri est un animal trés-gai et fort doux; sa physionomie ressemble à celle d’un enfant; c'est la mème expression d'innocence, de plaisir, de joie et de tristesse; il éprouve vivement les impressions de chagrin, verse des larmes quand il est contrarié ou effrayé, et toute sa personne respire une grace enfan- tine. Dans sa jeunesse il est extrêmement attaché à sa mère, et ne l’abandonne pas même après sa mort. Lorsqu'il saisit quelque chose avec ses mains antérieu- res, Son pouce est placé à côté des autres doigts, parallèlement avec eux: mais il est opposable aux autres doigts dans les mains de derrière. Quand il dort, son attitude est fort singulière : il est assis, ses pieds de derrière étendus en avant, ses mains appuyées sur eux, le dos courbé en demi-cercle, sa tête placée entre ses jambes et touchant à terre. Soit qu'il veuille témoigner sa colère ou ses dé- sirs, son cri consiste en un petit sifflement plus ou moins doux ou aigu, qu'il 8 58 LES QUADRUMANES. répète trois où quatre fois de suite. Du reste, ce charmant animal me paraît avoir plus de douceur que d'affection pour ses maîtres. Le Sausst où SAGOUIN à MASQUE (Saguinus personalus Less. Callithrir personatus, GEorr. — Desu.). Cet animal a le pelage d'un gris fauve, la queue rousse, la tête et les quatre mains noirâtres. Il se plait dans les bois qui bordent les rivières, au Brésil. Ses mœurs, ainsi que celles des espèces qui vont suivre, ne diffèrent que peu de celles du saïmiri. Cependant ces animaux habitent moins les arbres et se plaisent beaucoup plus dans les broussailles que dans les forêts; ils nichent aussi plus volontiers dans les trous des rochers. Leurs veux, fort bien disposés pour voir la nuit, ont de la peine à soutenir la vive lumière du jour. Il en résulte queles sagouins, en général, passent la journée à dormir dans leur retraite, qu’ils n'en sortent qu'au crépuscule, et que ce n’est qu'alors qu'ils jouissent de toute leur gaieté. Ce sont de petits animaux fort intelligents. La VEUVE (Sagninus lugens, Less. Callithrix lugens, Georr.) se trouve dans les bois qui om- bragent le bord des rivières à San-Fernando de Atapabo. Son pelage est noirâtre ; sa gorge et ses mains antérieures sont blanches, et sa queue est à peine plus grande que son corps. Ses habitudes sont tristes et son caractère mé- lancolique. I vit isolé et ne se réunit jamais en troupe comme les autres que l'on rencontre rarement moins de dix à douze ensemble. À la suite de ces trois espèces, qui appartien- nent au genre callithrix de Desmarest, Geof- froy et F. Cuvier, genre fondé sur ce que la queue est encore un peu prenante et sur d’au- tres légères considérations, viennent les véri- tables sagouins à queue tout à fait lâche. Le SAGouIN À COLLIER (Saguinus torquatus, Desu. Callithrix torquata, HorFM. — GEOrr,). On le trouve au Brésil. Son pelage est d’un brun châtain, jaune en dessous, avec un demi- collicr blanc. Sa queue est un peu plus longue que son Corps. Le SAcouin À FRAISE (Saguinus amictus, DESM. Simia amicta, Hums.) habite, dit-on, le Brésil, mais sa patrie n'est pas bien connue. Son pe- lage est d’un brun noirâtre ; il a un demi-collier blanc; ses mains antérieures sont d’un jaune terne ct päle, et sa queue est d'un quart plus longue que son corps. Le Morocu (Saguinus moloch, Desm. Calli- thrix moloh, G£orr. Cebus moloch, Horru.) se trouve à Para. Il est couvert de poils cen- drés, annelées en dessus, d’un roux vif en des- sous, ainsi que sur les tempes el les joues; ses mains sont d’un gris blanchâtre, ainsi que l'ex- trémité de sa queue. Cette espèce est rare Le SaGOUIN MITRE (Saguinus infulatus, DEesn. Callithrix infulatus, KuaL. ) habite le Brésil. Il est gris en dessous, avec la queue d'un jaune roussätre à son origine, et noire à son extrémité; il a au-dessus des yeux une grande tache blan- che, entourée de noir. Le G160 ou SaGouIN à mains Noires (Saguinus melanochir, Desu. Caillithrix incanescens, Laicusr.Callithrix melanochir, Kaur.). Il habite le Brésil, où il a été découvert par le prince Maximilien de Neuwied. Son pelage est d'un gris cendré, excepté au bas du dos, aux lombes et à l'extrémité de la queue, où il est d'un brun roussâtre. Ses mains antérieures sont fuligineu- ses. Il est très-commun dans les forêts, et, au lever du soleil, il pousse des cris rauques, dés- agréables, qui retentissent au loin. On ne connaît rien de plus de son histoire. SAJOUS. 59 Le Douroucouli, on Cara-Rayada. 21° Genre. Les NOCTHORES (Nocthora, sur les côtés; la bouche est fort grande, ain:i Fe. Cuv.). Leurs dents sont semblables à celles que les oreilles, qui sont arrondies; leur pouce des sajous ; leur tête est arrondie et fort large; antérieur est très séparé et très-peu distinet leur museau court; leurs yeux sont frès-grands des autres doigts, et tous leurs ongles sont et à pupille ronde ; leur nez est saillant et leurs plats; leur queuc est longue, recouverte de poils narines sont ouvertes en dessous autant que Courts. | Le DOUROUCOULI où CARA-RAYADA ( Nocthora tivirgata, Fr. Cuv. Aotus tri- virgatus, Home. Nyctipithecus felinus, Spix. Le Titi-tigre des voyageurs). Cet animal a dix pouces de longueur (0,271) du sommet de la tête à l'ori- gine de la queue. Son pelage est d’un gris cendré en dessus, d’un jaune roux ou orangé en dessous; les mains, les oreilles, le nez, sont couleur de chair; le dessus des yeux est blanc, et trois lignes noires s’élevent sur son front, l'une à partir du nez, les deux autres à partir de l'angle externe des yeux; ces der- mers sont trés-grands, ronds et fauves. Sur les bords de l’Orénoque, dans les forêts de Maypures et de l'Eméralda, on entend quelquefois, pendant l'obscurité des nuits, un eri terrible que l’on prend pour celui du jaguar, et qui effraye le voyageur. Ce cri retentissant se rapproche et semble articuler les syllabes muh-muh; tout à coup il lui succède une sorte de miaulement, é-i-aou, tout aussi sinistre. Déjà l'Européen épouvanté porte la main à ses armes, lorsque l'animal féroce se laisse apercevoir aux rayons brillants de la lune... C’est un tüiti-tigre, un douroucouli nocturne, à peine de Ja grandeur d’un petit lapin, moins dangereux qu'un écureuil, et qui n’a aucune résistance à op- 60 LES QUADRUMANES. poser à l'épagneul qui l'attaque, car sa lenteur et sa maladresse ne lui permet- tent de se servir ni de ses dents, ni de ses ongles pointus. Cependant il ne se rend pas sans avoir au moins essayé de faire peur à son ennemi; pour cela, il se hérisse, élève son dos recourhé en arc comme fait un chat, il enfle sa gorge, et pousse un cri beaucoup moins terrible, mais tout aussi désagréable que le pre- mier, quer-quer. Cet animal, triste et solitaire, vit avec sa femelle dans le fond des forêts les plus désertes, et rarement on en trouve plus d'un couple dans la même partie d’un grand bois. Il ne descend à terre que dans des circonstances rares, et par acci- dent, et 1l passe tout le jour à dormir sur un arbre, auprès de sa femelle qu'il ne quitte jamais que lorsque la mort vient les séparer. I l'aime avec tendresse, l’aide, la protége, et la défend avec courage, au besoin. Il partage avec elle les petits soins de famille et contribue beaucoup à l'éducation de ses enfants. Pendant la nuit le douroucouli se réveille et se met en chasse. Il va furetant d'arbre en arbre, de branche en branche, pour saisir les petits oiseaux qui dor- ment sous le feuillage, ou prendre les mères couveuses sur leur nid. Ceci ne l’em- pêche pas de saisir et de manger en passant des sauterelles, des fulgores, des coléoptères et autres gros insectes. Si aucune de ces chasses ne lui réussit, il se rabat sur les fruits sauvages, et même sur des graines de mimosa et de berthol- letia. Si, par bonne fortune, il rencontre dans ses petites excursions des champs de bananiers, de cannes à sucre, ou des palmiers, il ne manque jamais de les piller, mais le tort qu'il y fait n’est pas grand, car une ou deux bananes peuvent fournir aux repas de lui et de sa famille pour toute une journée. Le douroucouli qui a vécu à la ménagerie se nourrissait de lait, de biscuits et de fruits; il était fort doux, mais c'était une jeune femelle, et il paraît que le mâle, surtout à l’état adulte, reste farouche et ne peut pas s’apprivoiser. Du moins M. Humboldt en à eu un qui, malgré tous les bons traitements, est constamment resté sauvage. Le Nocruore aurceur (Nocthora vociferans, le tiers seulement de la queue noirâtre. Il ha- — Nyctijithecus vociferans, Srix.) a le pelage bite le Brésil, et, comme le précédent, fait re- d'un gris roux partout, même sur la tête; ila tentir les forêts de sa voix cffrayante. Les nocthores sont de véritables animaux de nuit. La sensibilité de leurs veux est extrême et les empêche de supporter la lumière; si on les y expose pendant le jour, leur iris se ferme complétement; au commencement de la nuit, au contraire, elle s’ouvre à un tel point que la pupille à presque la gran- deur de l'œil. Il résulte de cette organisation qu'ils dorment toute la journée reployés sur eux-même, et la tête cachée entre les jambes de devant; mais dès que le crépuscule commence à paraître, ils s’éveillent et agissent. 22e Genre. Les SAKIS (Pithecia, GEorr.). Le Yanke (Pithecia leucocephala, Grorr. Si- Ils ont l'angle facial ouvert à soixante degrés; mia pithecia, Lan. Le Saki et le Yarké, G. Cuv. leur tête est ronde, à museau court; ienrs — Burr.). Il est noirâtre ou noir, avec le tour oreilles sont arrondies, médiocres ; ils ont cinq du visage d’un blanc sale; il manque de barbe; doigts aux mains; leur queue, non prenante, chaque poil est d'une coulenr uniforme; sa est généralement toufiue, ce qui leur a \alule queuc est à peu près de la longueur de son uom de singe à queue de renard. corps. SAJOUS. 6 Le yarke est un animal de la Guyane, où, néanmoins, il est assez rare. Moins grimpeur que les animaux des genres précédents, il s'enfonce moins aussi dans la profondeur des forêts, et habite plus volontiers, en petites troupes de dix à douze, les bois bas et les broussailles. Il se nourrit de baies et de fruits sucrés, et quelquefois d'insectes. La femelle ne fait qu'un seul petit, qu'elle aime beau- coup et qu'elle soigne avec la plus grande tendresse. Il est d’un caractère tran- quille et doux, et cependant il s'apprivoise difficilement. Sa tailleest assez grande, et atteint dix-sept à dix-huit pouces, non compris la queue. Du reste, toutes les espèces ont à peu près les mêmes mœurs ; ce sont des animaux nocturnes, qui ne sortent de leur trou que le soir et le matin, pour aller à la recherche de leur nourriture, et principalement des ruches d’abeilles sauvages. Les habitants du pays prétendent que les sajous suivent les yarkés pour s'emparer du miel qu'ils ont découvert, et qu'ils les battent à outrance pour Les faire détaler s’ils font mine de s'opposer à ce brigandage. Le Cacasao où Cairiu et Saucuzo (Pithecia melcnorephala, Grorr. Le Mono-rabcn de quel- ques provinces de l'Amérique) se trouve par- ticulièrement dans les forêts qui bordent les rives du Cassiquiare et du Rio-Negro. 11 est d'un brun jaunätre, avec la tête noire, sans barbe; sa queue est d’un sixième plus courte que son corps. Il a à peu près les mêmes habi- fudes que le précédent, mais il est moins lent, moins paresseux, et ne vit que de fruits sucrés, lels que goyaves, b: nanes, etc.; du reste, son caractère est doux et paisible Le Morse (Pitheciu monachus, GEorr.) ha- bite le Brésil. Il est varié de brun et de blanc sale jaunâtre ; ses poils sont bruns dars fa plus grande partie de leur longueur, et d’un roux doré vers leur extrémité ; de l’occiput au vertex, "sa tête est parée d’une sorte de chevelure rayon- nante. 11 n’a puint de barbe, et sa queue est à peu près de la longueur de son corps. Le Saxr À MOUSTAcHEs ROUSsES (Pithecia ru- fibarba, KuuL.) est d’un brun noirâtre en des- sus, d'un roux pâle en dessous; le dessus des yeux est de la même couleur, et sa qneue se termine en pointe. On le trouve à Surinam. Le Saki à TÈTE JAUNE (Pithecia ochrocephala, KuuL.)est d'un marrcn clair en dessus, d’un roux cendré jaunätre en dessous; les poils du tour de la face et du front sont d'un jaune d’o- cre ; ses mains et ses pieds d’un brun noir. On le trouve à Cayenne. Le Saki À VENTRE ROUX | Pithecia rufirentris, Gzorr. Le Singe de nuit, Burr. — G. Cuv.), de la Guyane. française, est d’un brun teinté de roussâtre ; les poils sont annelés de brun et de roux, entièrement roux sur le ventre; il n'a point de barbe; sa chevelure rayonne sur le vertex et aboutit au front; sa queue est à peu près de la longueur de son corps. Le MiriQuouina (Pithecus miriquouina, Gcorr.) habite les bois de la provincede Chaco et les bords de la rivière du Paraguay. Il est gris brun en dessus, annelé en dessous ; les poils du dos sont blancs à la base et à l'extrémité, noirs au milieu; il a deux taches blanches au- dessus des yeux ; il manque de barbe, et sa queue est un peu plus longue que son corps. Dans la captivité, il est doux, paisible, et il a même de la docilité jusqu’à un certain point. Le Couxio (Pithecia satanas, GEorr. Simia salanas, Horkmans. Brachyurus israelita, Srix. Le Couxio, Hume. Le Saki noir, G. Guv.) se trouve sur Iles bords de l'Orénoque, dans le Para. Le mâle est d’un brun nvir, la femelle d'un brun roux; sa tête est entièrement cou- verte d'une épaisse chevelure qui lui tombe sur le front ; il a une barbe très- fournie, el sa queue est à peu près de la longueur de son corps. Lorsque cet animal est irrité, il se dresse sur ses pattes de derritre, grince des dents, se frotte la barbe et se lance sur son ennemi. Le Capucin DE L'ORÉNOQUE (Pithecia chiro- potes, GEorr.) est d'un roux marron; il a une barbe longue et touffue ; sa chevelure épaisse est séparée au milieu et se relève en deux tou- pets de chaque côté de la tête. Ce saki est un animal triste, d’un naturel paisible et timide, fuyant la société de ses semblables et surtout celle de l’homme, se retirant dans la profondeur des forêts, où il vit solitaire avec sa femelle. Aussi, depuis que la population de la Guyane s’est augmentée, il est devenu fort rare, et on ne le trouve plus guêre 62 LES QUADRUMANES. que dans l’Alto-Orenoco, au sud et à l’est de l’'Orénoque. Comme les autres es- pèces de son genre, il vit de fruits et d'insectes. Le cynique Diogène eût jeté plus tôt son écuelle de bois s'il eût connu cet animal, car, ainsi que l’orgueilleux phi- losophe d'Athènes, il puise l’eau des ruisseaux et la boit dans sa main avec beau- coup de précaution pour ne pas mouiller sa barbe. C’est ce qui lui a valu son nom scientifique de chiropotes que lui ont donné les savants. Je ne sais si l’on ne doit pas regarder comme une simple variété du couxio ou du capucin, Le Saxr Gizer ( Pithecia sagulata, Less. Si- avec les poils du dos d'une couleur ocracée; mia sagulata, STEw.), remarquable par sa lon- sa barbe est noire. Il est assez commun aux en- gue queue noire, très-touffue, affectant la forme virons de Démérary, dans la Guyane hollan- d’une massue. Son corps est noir en dessus, daise. Les sakis vivent généralement en troupe de sept à huit ensemble, et si le capucin de l'Orénoque fait une exception à la règle générale, ce n’est proba- blement que depuis que l'homme, en troublant la solitude de ses forêts, l'a forcé de s'éparpiller. Du reste, le nom de chiropotes (qui boit avec ses mains), donné au capucin, ne peut nullement servir à caractériser son espèce ; car, ainsi que M. Ricord m'a dit l'avoir observé, plusieurs autres singes, même de genres QE différents, ont la même habitude. Or, j'ai la plus parfaite confiance dans les observations de ce naturaliste, qui, dans ses voyages transatlantiques, à enrichi les sciences naturelles d’un grand nombre d'objets nouveaux, et dont les re- cherches en ichthyologie ont été si utiles aux derniers travaux de notre immor- tel G. Cuvier. Moi-même, j'ai eu l'occasion d'observer une guenon qui ne buvait pas autrement que le saki chiropote, et cela sans qu'elle y eût été incitée n1 par l'exemple, ni par l'éducation. PAL 1 Sn re un ne ni mr ü £ RE EL 5 I | ee : Ë ARE (en) INTERIEUR DU PALAIS DES SINS&S {Jardin des Plantes.) OUISTITIS. 63 LE D Onistiti à pinceaux et Onistiti oreillard. LES .OUISTITIS sont de jolis animaux, qui s’apprivoisent ai- sément. Ils ont la tête ronde, le visage plat, les narines latérales, les fesses velues, point d'aba- joues, etla queue non prenante, caractères qui les rapprocheraient des genres précédents; mais, quoiqu'ils soient de l'Amérique, ils n’ont que vingtmächelières, c'est-à-dire trente deux dents, ainsi que les singes de l'ancien continent. Tous leurs ongles sont comprimés et pointus, ex- cepté ceux des pouces de derrière, et leur pouce de devant s'écarte fort peu des autres doigts. 23° Genre. Les QUISTITIS, proprement dits (Jarchus, Georr ), ont les incisives supé- rieures intermédiaires plus larges que les laté- rales : celles-ci isolées de chaque côté; les in- cisives inférieures sont allongées, étr rites, ver- ticales : les latérales plus longues; les canines sont moyennes et coniques : les inférieures très- petites; en tout trente-deux dents, selon G. Cu- vier. Le Titi ou le sAGOUY (Jacchus vulgaris, Grorr. Simia jacchus, Lin. Cagui minor, Marcc. l’Ouistiti ordinaire, G. Cuv.— Burr. Le Singe à queue annelé, PENN.). Ce charmant petit animal n’atteint pas la taille d’un écureuil, car il à tout au plus six pouces de longueur (0,162), non compris la queue qui est annelée de noir et de gris clair; son pelage est d’un gris foncé jaunâtre, ondé; la tête, les côtés et le dessous du cou sont noirs ou d’un brun roux; la face, la plante des pieds et la paume des mains sont couleur de chair ; il a un tubercule saïllant entre les yeux et une tache blanche au front; l'oreille est entourée d’une touffe de poils blancs ou cendrés ou noirs, roides et longs. Le titi habite la Guyane et le Brésil; partout il est recherché, non à cause de 6# LES QUADRUMANES. sa gentillesse, mais parce qu'il est joli et peu embarrassant. Son caractère est loin de répondre à l'amitié qu'on lui porte; il parait bon parce qu'il est faible, intelligent parce qu'il est défiant, doux parce qu'il est peureux. Dans les bois de l'Amérique, il a une certaine vivacité qu'il perd dans l'esclavage, surtout dans nos climats où je n’en ai jamais vu vivre plus de deux ans. Il aime à poursuivre de branche en branche, en s’élançant de l’une à l’autre, les gros insectes et même les petits oiseaux dont il fait sa proie. Il adjoint à cette nourriture des fruits et des graines, mais seulement quand sa chasse ne réussit pas, car il a des habitudes carnassières. [Il lui arrive souvent de descendre des arbres, et de chasser aux li- maçons et aux petits lézards. Il paraît même qu’il se hasarde au bord des eaux pour saisir à l’improviste quelques petits poissons. Edwards, cité par Buffon, ra- conte que « l’un de ceux qu'il à vus, étant un jour déchaïné, se jeta sur un petit poisson doré de la Chine qui était dans un bassin, qu'il le tua et le dévora avide- ment ; qu'ensuite on lui donna de petites anguilles qui l’effrayérent d’abord en s’entortillant autour de son cou, mais que bientôt il s'en rendit maître et les mangea. » Lorsque, entraîné par l'ardeur de la chasse, le mâle s’est un peu éloigné de sa femelle, il pousse un sifflement aigu longtemps prolongé sur le même ton, pour l'appeler auprès de lui. Ce cri le trahit et le fait découvrir par le chasseur, qui, sans cela, aurait beaucoup de peine à l’apercevoir dans le feuillage. Mais, quand on veut le tirer, il faut s’en approcher bien doucement et sans bruit, car s’il aperçoit quelqu'un, il se blottit à l’enfourchure de deux grosses branches, s'y cache et ne fait plus aucun mouvement, de manière qu'il est presque impossible de ly voir. Le mâle et la femelle ne se quittent jamais, et cependant ils paraissent avoir assez peu d'affection l’un pour l’autre. La femelle surtout montre une sorte de férocité dans des circonstances où presque tous les animaux développent des sentiments de tendresse que leur a dévolus la nature ; ainsi elle met bas trois ou quatre petits, et assez ordinairement elle débute dans les soins maternels par manger la tête d’un ou deux. Ce n’est que lorsqu'ils sont parvenus à saisir la ma- melle, chose qu'ils cherchent à faire aussitôt qu'ils sont nés, qu'ils sont à peu près sûrs de n'être pas dévorés. Dans la suite de leur éducation elle ne montre guère plus de tendresse. Les petits se cramponnent sur son dos, et quand elle consent à les porter, ce n’est pas pour longtemps ; au moindre embarras qu'ils lui causent, à la plus petite fatigue, elle se frotte le dos contre une branche ou un tronc d'arbre, au risque de les écraser, les force ainsi à la lâcher, s’en débarrasse et s’en va sans s'inquiéter davantage de ce qu'ils deviendront. Heureusement pour eux que, s’ils ont une mauvaise mère, leur père se montre beaucoup plus affectueux. En entendant leurs cris de détresse, il vient à leur secours, les place sur son dos et les porte. De temps à autre il rejoint la femelle et les lui présente pour qu’elle leur donne à teter, ce qu’elle fait presque toujours en rechignant. Dans la captivité, le titi, tout chéri qu'il est par nos dames, n’est guère plus aimable. Si on en jugeait par ses grands yeux toujours en mouvement et par la vivacité de ses regards, on croirait à sa pénétration, et l’on se tromperait, car ce n’est que la défiance de la peur. Il ne caresse jamais, et souvent même OUISTITIS. 65 ne se laissent pas caresser. Ils se défient de tout le monde, de Ja main qui les nourrit comme des autres, et les mordent indifféremment. S'ils sont peu sus- ceptibles d'affection, ils le sont beaucoup de colère; la moindre contrariété les irrite, et lorsqu'ils sont effrayés, ils courent se cacher en poussant un petit cri court et pénétrant. Plusieurs fois ces petits quadrumanes ont produit à la ménagerie, mais jamais on n'a pu les déterminer à élever leurs enfants plus de quinze à vingt jours. Passé ce terme, ils les laissaient mourir faute de soins et de nourriture. « Vers les derniers temps de la vie d’un de ces petits, dit Fr. Cuvier, lorsque son père se trouvait fatigué de le porter, n'étant plus recu par sa mére, il montait jus- qu'au haut de sa cage; arrivé là, et ne pouvant plus descendre, il jetait un cri de détresse qui réveillait quelquefois la sollicitude de ses parents : alors ils allaient à son secours; mais le plus souvent ils restaient sourds à ses plaintes, et le jeune animal aurait été forcé de se laisser tomber, si on n'avait pas eu soin de prévenir sa chute en lui tendant une main secourable. » Malgré tous ses défauts, le titi est très à la mode chez les dames brésiliennes. Le Mico (Jacchus argentatus, Georr. Simia argentata, Lin. Le Miro, Burr —G. Cuv.). Sou pelage est d’un gris blanc argenté, quelquefois tout blanc ; ses pieds et ses mains sont rouges, et sa face, aiusi que ses oreilles, d’un rouge vermillonné ; sa queue est d’un noir brunâtre ou blanche, non annelée. Ce petit animal habite le Para. Le MéLavure (Jacchus melanurus, GEOrr ). Il est brun en dessus et fauve en dessous: sa queue est non annelée, d'un noir uniforme. Il semble faire le passage des ouistitis aux tama- rins. M. de Humboldt l'a trouvé au Brésil. Le PortE-camaiz (Jacchus huneralifer, Georr.). Il est d’un brun chätain, avec les épaules, la poitrine et les bras blancs: sa queue est légèrement annelée de cendré. Il est du Brésil. L'Ouistiri à Pinceaux (Jacchus penicillatus, Georr. Hapale penirillatus, FR Cuv.\. Sa taille est celle du ouistiti ordinaire ; son pelage est cendré; la poitrine les côtés du cou, la nuque, le_ dessus des épaules, sont noirs; il a, sur la croupe et les côtés du dos. des bandes trans- versales noires, grises et fauves; sa tête est noire, avec une tache blanche, en demi-lune, sur le front; il a un pinceau de poils noirs, irées-long, devant les oreilles. Sa queue, annelée comme dans les espèces qui suivent, est à an- neaux blancs et noirs. Il est du Brésil. L'OreizzarD (Jarchus auritus, Georr.) est noir, mêlé de brun; il a une lache blanche au front, et de tres-longs poils blancs couvrent l'in- térieur même des orcilles ; sa queue est annelée de noirätre et de cendré. On le croit du Brésil. L'Ouisrirs À TÈTE BLANCHE (Jacchus leuvoce- vhalus, Georr. Simia Geoffroyi, Hums.) a le pelage roux; la tét et le poitrail blancs; un bausse-col noir ; de très-longs poils noirs de- vant et derrière les oreilles, et la queue annelée de brun et de cendré. On le trouve au Brésil. L'Ouisriri À FRONT BLANC (Jacchus albifrons, Desx ). Il a le pelage noir, légèrement varié de blanchätre ; les poils sont blancs, à extrémité noire; le front, les côtés du cou et la gorge sont blancs, à poils très-courts; la face est noire ; le tour des oreilles et l'occiput sont gar- nis de poils très-noirs, longs et droits ; les en- virons de l’anus sont un peu roussätres; la queue est un peu plus longue que le corps, brune, légèrement variée de blanc, un peu plus foncée à son origine qu’à son extrémité. 1] est de l'Amérique méridionale, probablement du Brésil, 24° Genre. Les TAMARINS ( VWidas, GEOFF.) ont quatre incisives supérieures contigués, les intermédiaires plus larges que les latérales ; quatre incisives inférieures proclives, contigués et formées en bec de flûte; leurs canines sont coniques, assez fortes, et se dirigeant de dedans en dehors; leurs oreilles sont grandes, d’où leur est venu leur nom scientifique; la saillie que fait en avant le bord supérieur des orbites rend leur front très-apparent. Le Tamary (Midas rufimanus, Gore. Jac- chus rufimanus, Des. Smia midas, Lin. Ha- pale rufimanus, Fr. Cuv. Le Tamarin. BuF.— G. Cov. Le petit sing noir, Ebwa.) n’a guère que sixpouces de longueur (0,162), non compris la queue qui est deux fois plus longue. Il est noir, avec la croupe variée de brun ou de gris; ses mains et ses pieds sont d’un roux jaunätre ou orangé. Il s'habitue aisément à la captivité, mais il n'y vit pas longtemps. 9 66 LES QUADRUMANES. 4 Ce joli petit animal habite la Guyane et le Maragnon. [est vif, gai, capricieux, irritable, et néanmoins il s’apprivoise aisément. Son intelligence est assez bor- née, et, sous ce rapport, il le cède beaucoup aux sapajous. Il est sujet, quand on le contrarie, à tomber dans des accès de colère, que son impuissance rend plus risibles que dangereux, car ses mâchoires n’ont pas assez de force pour entamer la peau. Sa complexion est fort délicate, d’où il résulte que si on le transporte en Europe, il ne tarde pas à être tué par les influences du climat. Dans son pays il vit d'insectes et de fruits. Mème lorsqu'on est parvenu à le rendre tout à fait familier, il ne faut pas compter sur son affection, car il n’en est pas capable, et il n'est privé que par le seul effet de l'habitude. Il grimpe sur les arbres avec fa- cilité, et ses mœurs, sa manière de vivre, rappellent beaucoup celles de l'écu- reuil. Tout ce que nous en disons pent également s'appliquer aux autres espèces du genre. Le Tama NèGRE ( Midas ursulus, Georr.— Max. pe NEUW.) à le dessus du pied, l'avant- G. Cuv. Hapale wrsulus, Fr. Cuv. Jacchus ursulus. Dis. Saguinus ursula, Horrm.). 11 a beaucoup d’analogie avec le précédent, mais il s'en distingue aisément par ses mains constam- ment noires. Son pelage est noir, ondulé de roux vif sur le dos. On le trouve au Para. Il s’appri- voise difficilement, est très-irritable, et mord serré quand on le touche Le TamaRiN LABIE (Midas labiatus, GEOFF. — Huws.) habite le Brésil. Son pelage est d’un noir roussâtre, ferrugineux en dessous ; sa tête est noire ; le bord des lèvres et le nez sont blancs. Je pense avec Temminck, qu'il faut rapporter à cette espèce les midas nigricollis, fuscicollis, et mystar de Spix. Le T'AMARIN À FRONT JAUNE { Midas chrysome- las Kuu. Jacchus chrysomelas, Desm.) est noir, avec le front et le dessus de la queue d’un jaune doré ; les côtés de la tête, la poitrine, les ge- noux et l’avant-bras sont d’un roux marron. TI vit dans les grandes forêts du Para et du Brésil, mais il y est rare. Le TamariN DE Neuwien ( Midas chrysurus, bras, la main, le dessous de la queue dans la première moitié, d’un beau roux doré; les poils qui ‘entourent la face et ceux de la gorge, très-longs, d’un jaune doré tirant plus ou moins sur le roux; ceux qui avoisinent la conque de l'oreille, ceux du coude et quelques-uns entre- mélés sur la poitrine. d’un roux marron; tout le reste du pelage est noir. Cette espèce, du Bré- sil, fait-elle double emploi avec le chrysomelas ? Le Manrikina (Midas rosalia, GEOFF. Jacchus rosalia. Desm. Hanale rosalia, Fr. Cuv. Si- mia rosalia, Lin. Le Singe soyeux, Penn. Le Singe lion et le Marikina, Burr. —G. Cuwv.). I est d’un roux doré ou d’un jaune clair un peu plus doré à la crinière, à la poitrine et sur la croupe, un peu plus pâle sur le dos, les cuisses, la base de la queue et le ventre : ses poils, longs, soyeux et très-fins, lui forment une belle cri- nière, ce qui lui donne un peu l'apparence d’un lion, mais en miniature, Car il n’a pas plus de six pouces de longueur (0, 62); s1 face est nue et livide, ainsi que la peau de ses mains. Il est du Brésil. Ce que nous avons dit des habitudes du titi et du tamary convient en grande partie au marikina. Il est un peu plus robuste que le premier, et dans nos ch- mats, si l'on à un soin minutieux de le garantir du froid et de l'humidité de l'hiver, on peut le conserver pendant plusieurs années. Il est aussi un peu moins indifférent aux caresses qu'on lui fait, et il paraît s'attacher jusqu’à un certain point à ceux qui le nourrissent. Cette qualité, jointe à sa délicatesse et à sa beauté, le font beaucoup rechercher par les riches créoles du Brésil, qui l'apprivoisent aisément et lui prodiguent les soins les plus attentifs. Le marikina habite les forêts et passe sa vie à sauter d'arbre en arbre. Comme, dans l'esclavage, il est d’une propreté recherchée ; on peut conclure, par induc- tion, qu'il se construit un nid à la manière des écureuils, qu'il y élève ses petits, et s’y retire pour se reposer. Il se nourrit d'insectes et de fruits doux, et il ne OUISTITIS. 67 parait pas qu'il soit carnassier comme le titi. I est défiant, ainsi que tous les êtres faibles qui sont obligés de vivre au milieu des dangers ; mais sa prudence ne le sauve pas toujours de la cruelle serre de l'oiseau de proie. S'il en apercoit un planant dans les airs, aussitôt il pousse un sifflement doux et prolongé, pour avertir sa petite famille ; tous ses petits aussitôt se blottissent en tremblant dans le feuillage et restent là sans mouvement, jusqu'à ce que l'ennemi se soit retiré. La couleur roussâtre de leur pelage se confond assez avec le vert jaunâtre des feuilles pour les dérober à l'œil de l'oiseau de proie. Mais ils n'échappent pas aussi aisément à d'autres ennemis. Le yagouaroundi, le colocolla, le margay, et d’autres espèces de chats, leur font une guerre incessante et vont les saisir la nuit, pendant leur sommeil, jusque sur le plus haut sommet des arbres. Dans la servitude, le marikina se nourrit assez bien avec du lait, du biscuit, des fruits sucrés et des sauterelles; mais s’il est seul de son espèce, il est sujet à prendre de l'ennui, et dans ce cas il tombe malade et meurt dans le marasme. Si on veut assurer sa conservation, il faut donc, quand cela est possible, le réunir à un ou plusieurs individus de son espèce. Le marikina qui a vécu à la ménagerie était excessivement timide et se cachait dès qu'il avait la moindre inquiétude. Il aimait à recevoir des caresses, mais il n’en rendait point. Il fuyait avec dé- fiance les personnes qui lui étaient étrangères, et même il les menacait de ses faibles dents. (0,244), non compris la queue. Il est d’un brun plus ou moins fauve en dessus, et blanc en des- chus œdipus, Desu. Simia œædipus, Lin. Le sous, à poils soyeux ; il a sur la tte une longue petit singe du Mexique. Briss. Le pinche, Burr. chevelure blanche qui lui retombe sur le cou ; sa — G. Cuv.). 11 est un peu plus grand qué les face, et toutes ses parties nues, sont d’un noir précédents, et atteint neuf pouces de longueur de suie Il habite les foréts retirées. Le Pincse où Titi DE CaRTUAGENE ( Midas œdipus, GEorr. Hajale œipus, Fr. Cuv. Jac- Le pinche est un animal méchant, atrabilaire, qui dort tout le jour dans les forêts de Cayenne et des environs de Carthagène. Il se réveille avec le crépuscule du soir, et déploie pendant la nuit toute son activité. Il chasse alors aux insectes, et il cherche les fruits dont il se nourrit. Son caractère farouche, intraitable, ne se plie jamais à la domesticité, et si on veut le garder vivant, il faut le renfermer dans une cage, dont il occupe le coin le plus obscur depuis le matin jusqu'au soir. D'ailleurs, il est fort délicat et ne vit pas longtemps en captivité; ce n'est qu'avec beaucoup de peines et de soins qu'on est parvenu quelquefois à en con- server de vivants pendant la traversée d'Amérique en Europe. «est si glorieux, dit l’ancien voyageur Jean de Lery, que pour peu de fâcherie qu'on lui fasse, il se laisse mourir de dépit. » tre avec la queue noirätre en dessus, brune en des- sous ; il porte sur la tête et le cou une longue cri- nière brune; sa face est noire et sa bouche blanche. Le Leoxcro (Midas leoninus, GEorr. Juc- chus leoninus, Desm. Simia leonina, le Leon- cito ou le petit Lion, Hus.) est d’un brun olivä- C'est dans les plaines à l’est des Cordillières, dans les forèts qui ombragent les rives du Putumayo et du Caqueta, enfin dans les parties les plus tempérées de ces vastes contrées, que l'on trouve cet animal, plus petit que le pinche, et 68 LES QUADRUMANES. dont la longueur, la queue comprise, ne dépasse pas seize pouces (0,435). Il est trés-vif, très-1rascible, et, du reste, a les mêmes habitudes que les autres espèces de son genre. Le TamaRIN AUX FESSES DORÉES (Midas chryso- longue crinière noire qui tombe de la téte jus- pigus. — Jacchus chrysopugus, Miuk. ) est noir, que sur les bras, et sa queue forme plus de la avec les fesses et la partie interne des cuisses moitié de sa longueur totale. Il habite la capi- d’un jaune doré, et le front jaunâtre ; il a une tainerie de Saint-Paul, au Brésil. Ce joli petit animal à une vie tout à fait nocturne, et ne sort de son lit de mousse, qu'il sait se faire dans les troncs d'arbres creusés par le temps, que lorsque le crépuscule est descendu sur les forêts qu'il habite. Il est assez doux, mais sa mélancolie naturelle et son amour pour la vie solitaire le rendent très- difficile à conserver dans l'esclavage. Sa chaîne lui pèse sur le cœur, et bientôt le chagrin le fait mourir, mais lentement, et jamais dans des accès de fureur auxquels la plupart des animaux de son genre sont sujets. Il est plus frugivore que carnivore, et si parfois il se détermine à attaquer quelques petits oiseaux, il faut qu'il y soit poussé par une faim extrème; encore, dans ce cas, donne- t-il la préférence aux papillons de nuit et autres insectes dont il peut facile- ment s'emparer. Quoiqu'il soit assez commun dans certaines forêts du Brésil, les chasseurs, néanmoins, le rencontrent fort rarement; cela vient de ce qu'il dort toute la journée dans son nid, et qu'il n’en sort que la nuit pour se mettre en quête de sa nourriture. Le mâle vit habituellement avec la femelle, et paraît avoir pour elle beaucoup de tendresse; une personne qui a eu plu- sieurs fois l'occasion de l’étudier dans ses bois, m'a dit qu'il partageait avec elle les soins donnés à sa naissante postérité. CHASSE AU SINCE. lAYSAGE DE L'AMÉRIQUE DU SUD. (Jardin des Plantes ): MAKIS. 69 Le Maki rouge. LES MAKIS. Ces animaux font le passage naturel des quadrumanes aux autres mammiféres ; leur mu- seau rappelle plus celui du chien que la figure humaine ; leurs narines sont situées au bout du museau, comme celles des chiens; les extrémi- tés postérieures sont plus longues que les anté- rieures; ils ont tous les ongles plats, excepté celui du premier doigt des pieds de derrière, qui est relevé et très-aigu ; les mamelles placées sur la poitrine ; leur queue (manquant quelque- fois) est toujours lâche et non prenante. 26° Gense. Les MAKIS ( Lemur, Liv.) ont trente-deux dents : quatre incisives supérieures, et six inférieures en avant; les deux canines su- périeures croisent les inférieures en avant; ils ont six molaires. Leur museau est eflilé comme celui d’un renard ; leur queue est très-longue ; leur poil est doux et laineux ; leurs mamelles, au nombre de deux, sont placées sur la poitrine. Tous sont de Madagascar. Ces animaux aiment la chaleur, même dans leur pays. Ils marchent en relevant leur longue queue en panache. Le MAKI ROUGE (Lemur ruber, Perox. — Georr. Le Maki roux, Fr. Cuv.). Ce bel animal est d’une grande taille, relativement à ses congénères. Il n’a pas moins de quatorze pouces de longueur (0,579) depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue. Il est d’un roux marron vif, avec la tête, les quatre mains, la queue et le ventre noirs; il porte une touffe de poils roux à chaque oreille, et une tache blanche sur la nuque. Cette espèce habite les bois des environs de Tamatava, dans l’île de Madagas- car, et probablement dans quelques autres parties de ce singulier pays, où les makis, assez nombreux en espèces, semblent avoir été placés pour remplacer 70 LES QUADRUMANES. les singes qu'on n'y trouve pas. Le maki rouge est doué d’une grande agilité, comme tous ses congénères, mais il est d’un naturel triste et dormeur. Retiré dans le trou d'une vieille souche, sur un lit de feuilles sèches ou de mousse que la nature seule lui a préparé, il passe la plus grande partie de son temps à dormir couché en rond et la tête entre ses jambes. Ce n'est que lorsque la faim le talonne qu'il se réveille et sort de sa retraite. Alors il déploie toute son adresse, toute son agilité, pour parcourir la forêt, tantôt en s’élançant d’un arbre à un autre, tantôt en se glissant à travers les broussailles et marchant d’un pas léger sur la terre, à la manière des renards. Sa nourriture ordinaire consiste en fruits sau- vages; mais il cherche aussi les nids d'oiseaux pour en manger les œufs, et il ne dédaigne pas non plus les insectes quand il ne trouve rien de mieux. Ses mœurs sont douces et indolentes; aussi s’accoutume-t-il assez bien à la captivité, et il s’apprivoise avec facilité. Mais il n’est jamais trés-affectueux, et dans son esclavage ilne paraît avoir que deux passions, à la vérité bien innocentes, celle de manger et celle de dormir. Si on le trouble dans son repos, sa paresse ne lui permet pas de se mettre trop en colère; il se borne à ouvrir les yeux, à pousser un petit grognement, puis il se remet à dormir. Il est assez robuste et supporte bien les rigueurs de notre climat, pourvu qu’on le tienne dans une chambre à feu. Le Van: (Lemur macaco, Lin. Le l'ari, Burr. également, et elles varient de place d’individu à —G. Guy.) est, avec le précédent, une des plus individu; la téteest blanche dansles mâles, noire grandes espèces du genre. Ses couleurs sont le dans les femelles. 11 a vingt pouces (0,"42) de noir et le blanc, mais elles ne sont pas distribuées longueur. Les naturalistes s'accordent assez à dire que cet animal est fort doux. En effet, dans l'esclavage, 1l semble avoir assez de douceur, mais sans cependant montrer beaucoup d'affection à ceux qui le soignent. Si son museau pointu, ses grands yeux assez expressifs quand il à un désir, n’annoncent pas une grande méchan- ceté, ils ne dénotent pas non plus beaucoup d'intelligence. Quelques individus même aiment assez à recevoir et à rendre des caresses : mais tout cela prouve-t-il que ces animaux conservent un caractère pacifique quand ils vivent libres et à l'état de nature? C’est ce que je ne crois pas, et je puis citer un fait à l'appui de mon opinion. A la ménagerie, un vari vivait avec un mongous, dans la même cage. Ces deux animaux ne paraissaient pas se soucier beaucoup l’un de l’autre, mais du moins, s'ils ne vivaient pas en parfaite intelligence, ils ne cherchaient pas à se nuire et ne se battaient pas. On les placa dans une cage plus grande, et on les transporta dans un autre local. Le lendemain matin, on trouva le mongous tué : le vari l’avait mis en lambeaux. D’ailleurs, ce fait se trouve assez en harmonie avec ce que dit le voyageur Duret, que les varis sont d’un naturel farouche et cruel comme celui du tigre. Quoi qu'il en soit, l’impératrice Joséphine a eu pendant plusieurs années des varis qui ont parfaitement vécu dans sa ménagerie de la Malmaison. Ils y ont même fait des petits qui sont nés les yeux ouverts, comme les petits des ouistitis. MAKIS. 71 Le Mococo ( Lemur calta, Lan. Le Mococo, Bure.—G.. et Fr. Cuv.). Son pelage est d’un beau cris en dessus, teinté de roux sur le dos et les épaules : le sommet de la tête, le dessus et les côtés du cou, le tour des yeux et le bout du museau sont noirs ; tout le dessous est blanc, et la queue est annelée de blanc et de noir. De tous les makis, le mococo est celui qui montre le plus d'intelligence et de douceur. 1l s’apprivoise très- bien et prend pour sen maitre une assez vive affection. Parmi les mammifères, il en est peu qui réunissent, à des formes plus élégantes, des habitudes plus douces et un caractère plus con- fiant. Le Mowcous ( Lemur mongos, Lin. Le mon- gous, Burr.—G. Cuv. Non Fr. Cu.).1l est tout brun, avec le visage et les mains noirs, selon G. Cuvier. Selon M. Lesson, il serait d'un gris jaunâtre en dessus, blanc en dessous, et il au- rait le tour des jeux et le chanfrein noirs. Ed- wards dit que le dessus du corps est d’un brun foncé. Tout ceci prouve que cette espèce mal déterminée a été confondue avec d’autres, si réellement elle existe M Fr. Cuvier est encore venu augmenter la confusion en donnant le nom de lemur mongous, au lemur collaris de Geoffroy. Le Maui à FRAISE ( Lemur collaris, GEorr. Lemur mongous, Fr. Cuv.). Il est d’un brun roux en dessus, fauve en dessous; une fraise de poils d’un roux doré entoure la face qui est d’un plombé violâtre. Ces animaux sont timi- des, inoffensifs et fort peu intelligents. Ils s’ap- privoisent quelquefois assez bien pour venir quand on les appelle, mais ils ne s’attachent jamais. Le Mag: D'ANJOUAN (Lemur Houssardii,—non le maki d'anjouan, Georr.) diffère du précédent par son crâne plus élevé, son museau moins long, blanc en devant ; par sa fraise d’un roux sale; enfin par son pelage d'un gris Jaunätre en dessus, d’un jaune sale en dessous, et d’un gris blanc sur la poitrine. II habite Anjuan, à Madagascar. Le Mai Noir (Lemur niger, Georr. Le Mar- coco noir, Enwa.), Il est entièrement noir, et de la grandeur d’un chat domestique; il est remar- quable par les longs poils qui revêtent son cou. On le trouve à Madagascar. Le Maxi BRUN (Lemur fulvus, Grorr. Le grand Mongous, Burr.). Son pelage est gris en dessus, brun en dessous ; il a le chanfrein bus- qué et trèes-élevé, Le Maui ROUX (Lemur rufus, DESM.- GEorr.) est d’un roux doré en dessus : d’un blanc jau- nâtre en dessous ; à l'exception du front, il a le tour de la tête blanc, une bande noire s'étend de la face à l’occiput. Le Maxi aux PrEDS BLANCS (Lemur albimanus, Gæorr.) est d'un gris brun en dessus, roussâtre en dessous, avec la poitrine et les mains blan- ches , les poils des côtés du cou sont d’un roux cannelle. Le Gniser (Lemur cinereus, Less. Lemur gri- seus, Georr. Le petit Maki, Burr. Le griset, Au- p£8.) est d’un blanc sale en dessous ; le dos, le dessus de la tête et des membres sont d’un gris un peu glacé de fauve ; les joues sont d’un gris uniforme, moins foncé que le gris du front. Le Maxi à FRONT BLANC. ( Lemur albifrons, Georr. La femelle est le Maki d’Anjouan de Georr. et le Maki aux pieds fauves de Briss. ). Iest d’un gris roux ou d’un brun marron doré, en dessus; d’un brun gris olivätre en dessous ; les deux derniers tiers de la queue sont noirs ; la face etles quatre mains sont d’un noir violâtre ; la partie antérieure de la tête, le côté des joues et le dessous de la mâchoire infé- rieure sont blancs dans le mâle, d’un gris foncé dans la femelle. Des animaux de cette espèce ont fait des petits à la ménagerie. La femelle à porté environ quatre mois, et fit un petit de son sexe, qui naquit les yeux ou- verts. « Dès le moment où ce jeune maki fut au monde, dit Fr. Cuvier, il s’at- tacha à sa mère avec ses quatre pattes, en travers du ventre, au-dessus des cuisses, qu'elle reployait contre elle-même comme pour le cacher; et lorsqu'il voulait teter, il allongeait son cou pour aller chercher la mamelle qui est sous l’aisselle. Outre qu’il s’enfoncait dans le pelage de sa mère, celle-ci présentait toujours le dos aux personnes qui la regardaient, quelque familiarisée qu'elle fût avec elles, et ce n’a été qu'après plusieurs semaines qu'on à pu l’observer exactement. À sa naissance, il était de la grosseur d’un petit rat. Cette femelle, avant la naissance de son petit, était extrêmement douce et familière : on ne s’approchait point d'elle qu’elle ne vint aussitôt chercher des caresses et lécher les mains. Mais dès que son petit fut né, elle devint défiante, s’éloigna de tout le monde, et même elle menacait dés qu'on l’approchait. Cette défiance s’est 72 LES QUADRUMANES. affaiblie par degrés, et sa première familiarité à reparu lorsque ses soins sont devenus moins nécessaires à son petit, c'est-à-dire vers le troisième mois. Jus- que-là ces animaux ne s'étaient point séparés, ou si le petit se hasardait à se détacher de sa mère, au moindre bruit il retournait se cacher entre son ventre et ses cuisses. » La mère l’a allaité pendant six mois. Des observations faites à la ménagerie sur ces animaux, il est résulté la con- naissance d’un fait extrêémement important pour l'histoire du genre : c’est que le mâle et la femelle peuvent différer de couleur au point de ne pas se ressem- bler du tout, ce qui doit nécessairement avoir induit les naturalistes en erreur. En effet, dans cette espèce, toutes les parties qui sont d’un brun marron doré dans le mâle sont d’un fauve plus ou moins jaunâtre dans la femelle, et tout ce qui chez celle-ci est d'un gris foncé est blanc dans le premier. Comme il n’y a pas de raison pour croire que ce maki fasse une exception, on doit présumer que les naturalistes ont souvent fait confusion ou double emploi, et qu'ils ont donné des noms différents à des mâles et à des femelles de la même espèce. Si cette observation est juste, il faudra probablement réduire à sept ou huit le nombre de makis qu'ont décritsles auteurs, et ce sera encore beaucoup si l’on considère que ces animaux ne se trouvent que sur un seul point du globe, et même dans un espace comparativement assez borné, l'île de Madagascar. « Les makis vivent en troupe, dit Geoffroy Saint-Hilaire ; ils prennent leur nourriture indifféremment avec la bouche ou avec la main : ils lapent en bu- vant, à la manière des chiens. Revenant dans les mêmes lieux, ils se plaisent à répéter les mêmes allures et les mêmes mouvements. L'un de ces mouvements, qu'ils reproduisent comme divertissement, consiste à s'élever perpendiculaire- ment le long d’un mur ou d’un arbre : ils mettent une sorte d'amour-propre à s'élever; et si quelques accidents les en ont empêchés, ils en montrent une sorte de dépit, et ils s’y prennent avec tant de calcul, qu'ils se satisfont le mo- ment d’après par un saut de la plus grande hauteur. Abandonnés en liberté dans les maisons, ils choisissent un certain emplacement pour sy livrer au repos, et c'est toujours l'encoignure du meuble le plus élevé et le plus retiré de l'appartement. » MAKIS. 73 Le Maki à front noir. Le MAKI A FRONT NOIR ( Lemur nigrifrons, Grorr.— Fr. Cuv. Simia sciurus, Periver. Lemur sinua sciurus, ScHREs.). Cet animal a le pelage cendrée en dessus vers les parties antérieures du corps, et d'un gris roux sur les parties postérieures; le dessous est roux; il a un ban- deau noir sur le front. Il diffère principalement du maki à fraise par ses favoris qui sont gris au lieu d’être roux. En faisant l'histoire de ce maki nous completons celle de tous les autres ani- maux de son genre, car, sauf un peu plus ou un peu moins de méchanceté ou de douceur, ils ont à peu de chose près les mêmes instincts et les mêmes habitudes. Le maki à front noir vit solitaire, par exception, en compagnie de sa femelle seule ; il habite les parties les plus retirées des forêts de Madagascar. C’est un animal crépusculaire qui passe la journée à dormir couché en boule, sa grosse queue passée entre ses jambes de derrière et ramenée de manière à s’enrouler autour de son cou. Il attend dans cette attitude que le soleil soit couché pour se mettre en quête de ses aliments. Il marche très-difficilement sur la terre; mais des qu'il approche d’un arbre dont les branches ne sont qu'à douze ou quinze pieds d’élévation (4 à 5 mêtres), d’un bond prodigieux, et cependant sans effort, il s’élance dessus. Rarement il se donne la peine de monter autrement, à moins que les branches de l'arbre ne se trouvent à une hauteur extraordinaire, à la- quelle il ne peut atteindre. Dans ce cas, il s’élance au tronc, et ce premier bond le porte tout d’un coup à douze ou quinze pieds de hauteur (4 à 5 mètres). On ne reconnaît plus alors l'animal paresseux et somnolent, car il déploie une telle vivacité, que les yeux ont peine à le suivre, tant est grande la rapidité avec laquelle il sante de branche en branche en jouant avec sa femelle, qui ne le quitte guére. 10 74 LES QUADRUMANES. Ces deux animaux ont de la tendresse l’un pour l’autre, et se la témoignent d'une manière assez singulière : pendant le jour, ils dorment en se tenant pressés dans les bras l’un de l’autre. Lorsqu'ils sont éveillés, ils se grattent mutuellement les*oreilles en enfoncant dans la conque cet ongle unique qu'ils ont à l'index de la main de derrière; ils se nettoient et se lissent le poil en se léchant, et en se servant de leurs incisives inférieures qui sont longues, cou- chées en avant, et simulent une sorte de peigne. Elles ne sont propres qu’à cet usage, et leur forme, comme leur position, les rend tout àfait inutiles pour la mastication; ils ne peuvent pas même s’en servir pour mordre ou retenir une proie. Cette habitude, qu'ils ne doivent qu'au désir d'entretenir sur ceux une extrême propreté, est cause que, lorsqu'ils vivent en esclavage et qu’ils léchent la main de leur maître, ils ne manquent jamais de lui frotter doucement la peau avec ces petites dents, et c'est la plus grande marque de contentement et d’amitie qu'ils puissent lui donner. De là, de mauvais observateurs ont conclu qu'ils avaient la langue rude et épineuse comme les chats, et cette erreur s’est géné- ralement répandue, parce que Buffon l’a consacrée. , Lorsque deux makis se caressent comme nous venons de le dire, si un autre couple rôdeur vient les déranger, la guerre est aussitôt déclarée et commencée. Ce qu'il y a de particulier, c'est que les deux femelles y prennent une part active, et montrent même plus d’acharnement et de fureur que leurs mâles. Tous à la fois poussent des cris sur un ton assez grave, mais très-fort, ce qui produit un bruit étourdissant ; ils se saisissent corps à corps, se mordent, et s’arra- chent des poignées de poils avec les mains. Le combat ne finit que par lassitude ; alors ils se séparent, et chaque couple se retire dans un lieu écarté pour remettre de l’ordre dans sa toilette, en se lissant mutuellement leurs poils ébouriffés. Si tous les makis sont d'habiles grimpeurs, s'ils surpassent même les singes les plus lestes dans l’agilité qu'ils mettent à parcourir en un clin d’œil toutes les branches d'un arbre, c’est qu'ils le doivent à une organisation particulière. Chez eux, la paume de la main se continue par une ligne droite cachée sous les poils, jusqu'au milieu du bras, de sorte que lorsque ce dernier est étendu, les doigts se ferment nécessairement , et l'animal ne peut plus les ouvrir sans faire un grand effort ou recourber son bras. Ceci fait comprendre la facilité avec laquelle il se suspend aux branches et peut rester pendu par une seule main pendant fort longtemps. Il lui arrive quelquefois de faire son repas tout entier en restant dans cette position singulière, tandis qu'avec l’autre main il cueille et porte à sa bouche les fruits dont 1l se nourrit. Dans la captivité, le maki à front noir ne differe en rien des autres. Il n’est pas méchant, cependant il se met assez facilement en colère si on le con- trarie, et alors il jette un cri aigre interrompu, mais se succédant avec rapidité. Lorsqu'on le caresse, il fait entendre un petit son roulant et sourd, absolument comme celui d’un chat lorsqu'on lui passe la main sur le dos. On le nourrit comme les autres espèces, c’est-a-dire avec du lait, du pain, des fruits et des racines cuites. Si on le tient dans un lieu chauffé pendant l'hiver, il vit fort longtemps dans nos climats. mn MAKIS. 75 25° Genre. Les INDRIS (/ndris, Lace.) ont trente-deux dents : quatre incisives à cha- que mâchoire, les inférieures couchées en avant ; cinq molaires de chaque côté aux deux mâchoires ; la tête triangulaire et longue; le poil laineux ; la queue ou très-courte, ou très- longue. L'iNDRI À QUEUE COURTE ( /ndris brecicauda- lus, Gcorr. Lemur indri, Sonv. Indris ater, Lacer.) est noirâtre, avec la face grise et le derrière blanc; sa queue est très-Courte, à peine longue de deux pouces (0,054). Comme ses congénères, il a la facullé de marcher debout. Cet animal, qui habite sur les arbres à Madagascar, à jusqu'à trois pieds de haut (0,975). Il se plait dans les solitudes boisées, où il se nourrit de fruits et de racines. Sa voix ressemble à celle d’un enfant qui pleure; il a de l’intelli- gence; son caractère est très-doux; aussi les Malgaches l’apprivoisent-ils aisé- ment, et alors il prend un peu les habitudes d’un chien, sans jamais pouvoir ac- quérir son intelligence. [l reconnait et aime son maître ; il Le suit, le caresse en lui léchant les mains, et lui témoigne sa joie lorsqu'il le retrouve après une courte absence. On le dresse à la chasse, et il poursuit le gibier sur les arbres, l'attaque, le prend et le donne d'autant plus volontiers au chasseur, que jamais il n'y touche pour son propre compte. L'Invri À LONGUE QUEUE (/ndris longicauda- tus, GeEorr. Lemur lanigr, Gr. Le Maki fauve, Burr. Le Maki à bourre, SONNERAT |. Il habite Madagascar. Son pelage est fauve, très-laineux ; il a une queue fort longue. Ses habitudes sont inconnues. 11 est beaucoup plus petit que le précédent. 26° Genre. Les LORIS (Loris, GEOFF.) ont trente-six dents : quatre incisives à la mâchoire supérieure, et six à l’inférieure : celles-ci sont couchées en avant ; leur tête est ronde, et leurs yeux très-grands. Ils manquent de queue et ont les membrestrès-gréles, ayec le tibia ou os de la jambe plus long que l'os de la cuisse ou fémur ; ils ont quatre mainelons, mais provenant de deux glandes mammaires seulement; leurs oreilles sont courtes et velues. Le Lonis ( Loris gracilis, Georr. Lemur gra- cilis, G. Cuv. T'ardigradus, Sesa. Le Loris Burr. Le Loris grêle, G. Cuv. — Variété : Lo- ris ceylonicus Fiscu.) a le pelage roussätre ou d'un gris fauve, sans raie brune sur le dos; son poil est très-fin et très-doux. Son nez est un peu relevé par une saillie des intermaxillaires, etil a une tache blanche sur le front. On le trouve à l'ile de Ceylan. Cet animal, d'une lenteur excessive, a les habitudes nocturnes et ne voit bien les objets que la nuit. Il dort tout le jour, et ne sort de sa retraite que le soir, pour faire la chasse aux insectes, aux oiseaux et aux souris, dont il se nourrit. Il aime beaucoup les œufs, et quelquefois il mange des fruits quand il ne trouve rien autre chose. Son caractère est silencieux et mélancolique. 76 LES QUADRUMANES. Le Poucan. 27° Genre. Les NYCTICÈBES (Nycticebus, Grorr — Desu.) n’a que deux incisives supé- Gtorr.) n’ont quelquefois que trente-quatre rieures ; il est roux, avec une ligne sur le dos dents, parce qu’il leur manque assez souvent plus foncée; son museau est étroit et sa queue deux incisives à la mâchoire supérieure. Leur courte. Il habite Java. tête est ronde et leur museau court ; ils ont les Le NYGTICÈBE DE GEYLAN (Nycticebns ceyloni- yeux très-grands, les oreilles courtes et velues, cus, GEorr. Cercopithecus zeilonicus seu tardi- les membres forts et robustes, et la queue plus gradus major, Sesa.) n’est connu que par une ou moins courte. Tous sont des Indes orien- figure que nous a laissée Sesa. 11 est d’un brun tales et ont les mêmes mœurs. noirätre avec le dos entièrement noir. Son Le Nycricine DE Java (Nuycticebus jaranicus, nom indique son pays. Le POUCAN ( Nycticebus bengalensis, Grorr. Stenops tardigradus, Fr. Cuvrer. Lemur tardigradus, Linx. Le paresseux pentadactyle du Bengale, Vosw. Le Loris du Bengale, Burr. Le Loris paresseux, G. Cuv. Le Poucan, Fr. Cuv. Le poucan à environ un pied de longueur (0,525) et cinq pouces de hauteur (0,155), mesurés depuis la terre jusque sur les épaules. Il marche les jambes ecartées et le ventre trainant presque à terre, comme s’il n’avait pas la force de se soutenir. Il est roux ou d’un gris fauve en dessus, blanchâtre en dessous. Une ligne d’un brun doré s'étend sur le dos, sur le sommet de la tête et autour des yeux ; une tache blanche naït sur le front, se prolonge entre les yeux, et vient embrasser les deux côtés du museau. Cet animal extraordinaire est revêtu d’un poil laineux très-épais et très-doux, comme celui des makis. Sa queue est très-courte ; il a quatre incisives supé- rieures, et ses yeux, grands et nocturnes, ont la pupille allongée horizontalement et très-dilatable, ce qui lui permet de voir la nuit. Il est d’une extrême len- teur; sa démarche à quelque chose de contraint comme celle des vrais pares- MAKIS. 77 seux. Ainsi que ces derniers, il marche très-lentement, et lorsqu'il paraît se hâter, il parcourt à peine quatre toises dans une minute. Ce qu'il y a de plus singulier encore, c'est qu'il ressemble aux paresseux, non-seulement par cette excessive lenteur, mais encore par la ramification de la base des artères des membres. C'est dans les forêts du Bengale que l’on trouve le poucan. Le jour, enfoncé dans sa retraite, 1l dort d'un sommeil très-léger, assis sur le derrière, le corps affaissé et la tête reposant sur sa poitrine. Quand les derniers rayons du soleil ont fait place au crépuscule, il se réveille, remplit les fonctions de l’animalité, infectant les lieux d’alentour par sa puanteur. Il se met ensuite à chasser, en se glissant furtivement le long des branches d'arbres pour surprendre les oiseaux dormant sous le feuillage. Malgré l'obscurité de la nuit, ses larges pupilles lui permettent de les apercevoir de fort loin. Alors il s'arrête, consi- dère un instant sa proie et prend toutes ses mesures pour ne la pas manquer ; puis, d’un pas allonge, il avance silencieusement, avec circonspection, sans faire le moindre bruit; il s'en approche ainsi doucement, jusqu'à ce qu'il en soit assez près. Ensuite il change d’allure, se dresse sur les pieds de derrière, continue à marcher, et tend les bras devant lui pour n'avoir qu'à se précipiter en avant et saisir l'animal si quelque bruit le réveille. Quand il en est à portée, il s’en empare avec une promptitude, une rapidité, qui n’est point du tout en rapport avec sa lenteur ordinaire. Il étrangle l'oiseau avec tant de prestesse, qu'il ne lui laisse pas même le temps de crier, et le mange ensuite avec beaucoup de tranquillité. S'il découvre un nid, c’est la circonstance la plus heureuse qui puisse lui arri- ver à la chasse, car les œufs d'oiseaux sont la nourriture qu'il préfère à tout autre. Néanmoins, s’il peut surprendre la mère, les choses n’en vont que mieux pour lui ; il la mange d’abord, et les œufs ou les petits passent après. Mais sa chasse n’est pas toujours heureuse ; car, ayant une vie sédentaire, il à bientôt détruit les oiseaux d’alentour; alors, il se contente d'insectes, ou même de fruits sauvages; puis il finit par quitter le canton et par se mettre pénible- ment en voyage pour chercher une autre localité. Les ivrognes devraient prendre cet animal pour leur symbole, car il a une véritable horreur de l’eau. Non-seulement il n’en boit jamais, mais il suffit d'y tremper l'aliment qu'il aime le mieux, pour le lui faire rejeter avec la plus grande répugnance. Dans la servitude il est assez doux, s’apprivoise aisément, et semble même susceptible d’une certaine éducation, car il suffit de quelques légères cor- rections pour l'empêcher de mordre, et il s'attache vivement à son maître. Si on lirrite, il crie d’une maniere plaintive en trainant fort longtemps sur les sons a, a, ai, et c'est encore une ressemblance de plus qu'il a avec les vrais paresseux. « Cet animal, dit d’Obsonville (qui le nomme thévangues ou thongre), fait quelquefois entendre une sorte de modulation de voix ou de sifflement assez doux. Je pouvais facilement distinguer les cris du besoin, du plaisir, de la dou- leur et même celui du chagrin ou de l’impatience. Si, par exemple, j'essayais de lui retirer sa proie, ses regards paraissaient altérés; il poussait une sorte d'inspiration de voix tremblante et dont le son était plus aigre. Aux approches de la nuit il se réveillait, se frottait les yeux; ensuite, en portant attentivement ses regards de tous côtés, il se promenait sur les meubles ou plutôt sur des cordes 78 LES QUADRUMANES. °, que j'avais disposées à cet effet. Un peu de laitage et quelques fruits bien fon- dants ne lui déplaisaient pas, mais c'était un pis aller : petits oiseaux el d'insectes. » 28: Genre. Les MYSPITHEQUES ( Myspi- thecus, Fr. Guy.) ont trente-six dents : quatre incisives placées à côté l’une de l’autre à la mä- choire supérieure, dont les intermédiaires lon- gues et les latérales fort courtes; six à la mâ- choire inférieure, couchées en avant. Ils ont tous les ongles plats, excepté le second doigt des pieds de derrière qui porte ua ongle long et crochu ; la tête est plus allongée que celle des galagos, moins que celle des makis ; le museau est court, un peu pointu ; les yeux grands et saillants ; les il n'était friand que de Le MYsPiTuÈQUE Type (Myspithecus typus, Fu. Cuv. Le Makinain, du même. Est-ce le Cheiro- galeus major, GEorr.? — Cheirogaleus Mili, Gæ&orr.). Il a neuf pouces (0,255) à partir del’oc ciput à l’origine de la queue : tout son corps, ex- cepté l'extrémité de ses membres, est couvert d’un poil épais et soyeux, d’un gris fauve uni- forme en dessus, blanc en dessous ; les mains et ja face sont couleur de chair ; il a entre les yeux une tache blanche, bordée sur les côtés d’un peu de noir qui s'étend autour des yeux et passe oreilles sont un peu arrondies ; la queue est lon- gue, cylindrique, grosse, mais moins touffue que dans les makis. au gris sur le museau et les joues. Il est de Ma- dagascar, d’où il a été envoyé à la ménagerie par le baron Milius. Cet animal à vecu à la ménagerie. Il y en avait deux, un mâle et une femelle ; ils dormaient tous les jours roulés en boule dans un nid qu'ils s'étaient fait avec du foin. Aussitôt que la nuit était venue, ils sortaient de leur retraite, se pro- menaient, jouaient ensemble, mangeaient, et enfin agissaient jusqu’au jour. Ils étaient fort agiles et sautaient avec légèreté à une assez grande hauteur. On les nourrissait de fruits, de pains et de biscuits. La lumière paraissait affecter dou- loureusement leurs yeux, mais ils voyaient très-bien dans l'obscurité. « Une nuit, dit Fr. Cuvier, s’étant échappés de leur cage, ils parcoururent la pièce où ils étaient enfermés, à travers la foule d’autres cages et d'autres animaux dont elle était remplie ; ils rentrèrent dans leur gîte par le petit trou qui leur avait servi à en sortir, sans qu'il leur fût arrivé le moindre accident, et quoique l'obs- curité la plus profonde régnàt dans cette pièce dont tous les volets étaient fermés. » M. Geoffroy a établi son genre cheirogaleus sur trois descriptions manuscerites trouvées dans les notes de Commerson, après sa mort. Mais ses descriptions donnaient à ces animaux les ongles des pouces plats et tous les autres ongles subulés. Comme on n’a jamais vu les trois animaux qui composent ce genre, on pourrait croire que Commerson s’est trompé dans le caractère que nous venons de citer; alors ses cheirogales seraient nécessairement des myspithèques, et son cheirogaleus major, que, depuis, M. Geoffroy a nommé cheirogaleus Milii, serait sans aucun doute le myspithecus typus dont nous venons de faire l’histoire. Mais une erreur aussi grande, de la part d’un naturaliste comme Commerson, est dif- ficile à supposer, et, dans le doute, nous allons donner ici les caractères assignés par Geoffroy à ce genre que peut-être l’on sera obligé de supprimer, en repor- tant les deux dernières espèces à la suite du myspithèque type. 29e Gexre. CHÉIROGALE ( Cheirogaleus, Gæsorr.). Ils ont la tête ronde, le nez et le museau courts, et des moustaches longues ; leurs oreilles sont courtes et ovales; leurs yeux grands et sail- lants ; ils ont fous les ongles subulés, excepté ceux des pouces, qui sont plats ; leur queue est longue, c\lindrique, touffue, enroulée ; le poil de leur corps est court. Tous sont de Mada- gascar. Le GRavn CnÉiRoGALE (Cheirogaleus major, MAKIS. ù 79 Gsorr., peut-être le Myspithecus, Fr. Cuv.). Il est long de onze pouces (0,298) d'un gris brun el plus foncé sur le museau. Le CREÉIROGALE MOYEN (Cheirogaleus medius, Georr.) est long de huit pouces, (0,217), d’une couleur moins foncée que le précédent et plus clair sur le museau; il a un cercle noir autour des yeux. Le PETIT CHEIROGALE ( Cheirogaleus minor, Gæeorr.). 11 n’a que sept pouces de longueur (0,186), et sa couleur est encore plus claire ; il a également le chanfrein d’une teinte plus claire, et un cercle noir autour des yeux Cette espèce pourrait bien n’etre rien autre chose que le galago de Madagascar, mal observé par le voyageur Commerson. « Pour comprendre les caractères des chéirogales, dit Geoffroy Saint-Hilaire, supposez que ce sont les formes sveltes, gracieuses et allongées des makis, qui se sont concentrées et raccourcies. Ce sont, à prendre en détail, les mêmes traits, mais grossis et ramassés ; les pattes sont plus courtes, celles de derrière restant dans une même proportion plus longues que les antérieures; le corps est trapu, la tête fort grosse, surtout fort large; les yeux sont fort grands, et le museau, déjà très-remarquable par sa brièveté, l’est en outre par des lèvres supérieures fort épaisses, qui recouvrent le bord des inférieures; les oreilles sont rondes et courtes; enfin la, queue est longue, touffue et régulièrement cylindrique. Les chéirogales sont des lémuriens sous des traits en quelque sorte empruntés à la famille des chats. Ces animaux sont entièrement nocturnes. Leurs formes trapues ne nuisent pas, et, au contraire, ajouteraient plutôt à leur moyen d’a- gilite. Dans le saut, 1l n’est point de quadrumanes plus vifs et plus rapides. L'in- dividu que M. Milius a donné à la ménagerie parcourait sa cage comme en volant, et se plaisait principalement à s'élever verticalement de toute sa hau- teur, sautant de cinq à six pieds. » 80 LES QUADRUMANES. Le Galago. 50° Genre. Les GALAGOS (Galago, Georr. et rapprochés; leurs oreilles sont très-déve- Ototichnus, IuuG.) ont trente-quatre à trente- loppées et leur queue fort longue ; mais ce qui six dents. deux à quatre incisives à la mâchoire les fait distinguer au premier coup d'œil, c'est supérieure, six à l'inférieure, moins couchées la longueur disproportionnée de leurs tarses que dans les genres précédents; leur tête est postérieurs, et l'allongement filiforme du se- ronde, leur museau court, leurs yeux très-grands Cond doigt des pieds de derrière. Le GALAGO DU SÉNÉGAL (Galago senegalensis, Gsorr. Otolichnus senegalensis, Fr. Cuv. Galago Geoffroyii, Fiscu. Le moyen Galago, G. Cuv.). Il à la taille d’un rat ordinaire, c’est-à-dire six pouces de longueur (0,162) depuis le bout du museau jusqu’à l’origine de la queue. Il est d’un gris fauve en dessus, et d’un blanc jaunâtre en dessous; ses oreilles sont aussi grandes que sa tête; sa queue, plus longue que son corps, est d’un brun roux et finit en pinceau. IÎl n’a que deux incisives supérieures. Ce joli petit animal offre plusieurs singularités, et l’extensibilité de son oreille n'est pas la moins remarquable. La conque est grande, membraneuse, nue, et renferme deux petits oreillons. Lorsqu'il dort, ces deux oreillons, s'appliquent sur le canal auditif, puis la conque se fronce à sa base, se racourcit, s’affaisse sur elle-même, s'enfonce dans les poils de la tête, et se reploie au point de devenir invisible, ainsi que dans quelques chauves-souris. Comme ses habitudes nécessitent une grande délicatesse dans l’ouie, la nature a pourvu à maintenir MAKIS. 81 la sensibilité de l'organe en lui permettant de refuser les sons aigus ou qui rap- pelleraient inutilement l'attention de l'animal. Mais cependant il en percoit assez pour être averti quand il y va de sa conservation, ou même de ses petits intérêts de gourmandise. Il se réveille alors, et aussitôt ses oreilles se déploient et s’allongent par un mouvement brusque fort original. Le galago est extrèmement commun dans les forêts de Sahel, Lebiar et Alfa- lak, à cent lieues au nord-est de nos établissements du Sénégal, sur les lisières du Sahara ou Grand-Désert. C’est là que les Maures vont principalement recueil- lir la gomme qu'ils vendent aux Européens sous le nom de gomme arabique, et, si l’on s’en rapporte à ce qu'ils disent, le galago s’en nourrit quelquefois, faute d’autres aliments. La longueur des pieds de derrière donne à cet animal une grande facilite pour sauter d'arbre en arbre ; aussi n’en est-il pas de plus vif et de plus leste à s’élancer et à parcourir une forêt. Sous ce rapport, il à beaucoup d’analogie avec les singes et les écureuils. Mais ses grands yeux nocturnes ne peuvent sup- porter les rayons du soleil, et comme ses pupilles ne paraissent pas extrèmement dilatables, il est possible qu'il n’y voie bien clair ni le jour ni la nuit; la finesse de son oreille vient au secours de ses yeux, et c'est principalement par l'ouie qu'il est averti de la présence des insectes qui viennent bourdonner dans le feuillage. Pendant le jour, il habite un trou creusé par le temps, dans le tronc d'un arbre ; il tient son petit logis dans une propreté constante, et tant que le soleil est sur l'horizon, il reste mollement couché sur un lit, ou plutôt dans un nid, qu'il a su se faire avec du foin et des herbes fines et sèches. C’est là que la femelle élève sa petite famille. Mais cette retraite leur est quelquefois funeste, parce qu’elle fait perdre à ces animaux la faculté de déployer leur extrème agilité pour fuir le danger. Lorsque les Maures ont découvert le trou qui sert de porte à l'habitation, ils commencent par le boucher, et ne craignent plus que le galago leur échappe; puis à l’aide d’un bâton à crochet ils l’arrachent de son asile pour le manger. Les nègres de Galam lui font une guerre active et continuelle, parce que sa chair est pour eux un mets fort estime. Lorsque le galago cherche sa nourriture et qu'il entend, même de fort loin, le bourdonnement d’un insecte, en quatre ou cinq bonds prodigieux il s'approche guidé par le bruit, et se trouve assez près pour l’apercevoir. Il s’élance, l'atteint au vol, le saisit habilement avec ses mains, et calcule si bien ses mesures, qu'il retombe toujours sur une branche et jamais par terre; tout cela se fait avec la rapidite de la flèche, et c'est avec la même prestesse qu'il dévore sa proie. D’autres fois, s’il juge par la direction d'un papillon qu'il va passer près de lui, il se baisse, se fait petit, puis tout à coup il se relève, se dresse sur ses longs pieds de der- riére, étend les bras et le happe. Si le papillon vole trop haut, le galago saute ver- ticalement et retombe à la même place en tenant son butin. Tous les insectes sont de son goût, mais les coléoptères sont ceux qu'il préfère. Néanmoins, en esclavage, on le nourrit assez aisément avec de la viande cuite, des œufs et du laitage. Il est fort doux et s'apprivoise facilement ; mais sa viva- cité, sa pétulance et surtout sa force pour le saut ne lui permettent pas de rester un instant en place, et si l'on ne veut pas qu'il se perde, il faut le tenir en cage comme un oiseau. Toutes les espèces ont à peu près les mêmes habitudes. 82 LES QUADRUMANES. Le GaALAGO À GROSSE QUEUE ( Ga'ago crassi- candatus, Georr. Le grand Galagn, G. Cuv.) a quatre incisives supérieures ; il est à peu près de la taille d’un lapin ;ses oreilles, moins grandes que dans le précédent, ne sont que des deux tiers de la longueur de la tête ; sa couleur domi- nante est le gris roux. On le croit de la côte orientale d'Afrique, sans en être bien certain. Le GaLAGO DE MADAGasCaR ( Galugo madas- cariensis, Georr Le Rat de Madagascar, Burr. le Maki nai, Auves.) est plus petit que le précé- dent. 11 a les oreilles moitié plus courtes que la tête; son pelage est roussitre, el sa queue, moins longue que son corps, est couverte de poils courts. On le trouve à Madagascar. Peut- étre devrait-on le réunir aux makis. Le Gao DE Drminorr (Galag” Demidoffii, Fiscu. Lemur mäinutus, G. Cuv.\ est plus petit qu'un rat ordinaire, et ses oreilles sont moins longues que sa tête ; il est d'un brun roux, et sa queue, plus longue que son corps, se termine en pinceau; il n’a que deux dents incisives à la mächoire supérieure, tous caractères qui le rapprochent beaucoup du Galago senegalensis, si ce n'est le même. On le trouve également au Sénégal. Le GaLAGo DE Guixée ou Porro (Galayo guineensis, DEsu. Lemur polto, Lis. — Gui. Nycticebus potto, Géorr. Le Putto de Boswan) ne doit pas étre confondu avec le kinkajou pstto. Son pelage est d’un roux cendré, et sa queue de longueur moyenne. II à la lenteur et les habitudes paresseuses du loris et des pares- seux. C’est tout ce que l’on sait de cet animal d'une existence douteuse, et que Bosman seul a décrit. 11 habiterait la Guinée. 51e Genre. Les 'FARSIERS ( T'arsins, G. Cuv.) ont la tête arrondie, le museau court, les yeux très-grands ; leurs dents sont au nombre de trente-quatre, dont quatre incisives à la mä- choire supérieure, et deux à l'inférieure; l’in- tervalle entre leurs molaires et leurs incisives est rempli par plusieurs canines courtes ; leurs membres postérieurs sont très-allongés, à tar- ses trois fois plus longs que le métatarse: ils ont uue longue queue. Le Pone (Tarsius spectrum, Grorr. Lemur spectrum, Paz Le Woolly gerboa, Penn. Le Tarsier, Burr.) ne dépasse pas la taille d’un mulot. La longueur de ses jambes et la gran- deur énorme de ses yeux lui donnent un aspect fort étrange. 11 est roux ; ses oreilles, moitié moins longues que sa tête, sont membraneuses, nues et transparentes : il a une queue fort lon- guc et en partie dénuée de poils. Son apparition étrange et nocturne lui a valu le nom de spectre. Le podje habite les îles Moluques. C’est un animal nocturne, d’un caractère triste. La nuit, il sort de son obscure retraite, et chasse aux insectes qui font sa nourriture, en sautant sur ses jambes de derrière à la manière des gerboises, ce qui lui a valu de Pennant le nom de woolly gerboa. Le Tansier DE Banca ( Tarsius Bancanus, ITorsr, — Dess.) habite les mêmes contrées que lc précédent; il manque d'incisives intermé- diaires à la mâchoire supérieure ; ses oreilles, beaucoup plus courtes que sa tête, sont hori- zontales et arrondies; son pelage est brun, et il a la queue très-grêèle. Le 'TARsIER AUX MAINS BRUNES (T'arsius fusco- manus, Fiscu.—(@Eorr.) est un peu plus grand qu'un mulot, et ressemble assez au podje, mais il est d'un brun clair sur le corps et d'un gris blanchâtre en dessous; ses oreilles sont d’un tiers moins longues que la tête. C’est un animal nocturne, comme ses congénères, et on le trouve à Madagascar. 52° Genre. Les KINKAJOUS ou POTOS (Potos, Grorr. Cercoleptes Ir.) ont trente- six dents dont six incisives, deux canines et dix molaires à chaque mächoire. Leur museau est court, sans follicules nasales ; leur tête est ar- rondie; leur langue est étroite ct d’une lon- gueur démesurée, extensible ; ils ont cinq doigts à tous les pieds, sans pouce distinct, tous armés d'ongles crochus ; leur queue est longue et pre- nante, mais garnie de poils. Le Maxavinr ou CucuumBt ( Potos cœudivol- vulus, GEOrr.—Desx. Cerroleptes caudivolvu- lus, Fr. Cuv. Vivera caudivolrula, Scures. Le polo Burr.) est de la grandeur d’une fouine ; son pelage est laineux, entièrement d’un gris ou d’un brun jaunâtre ; la partie antérieure du museau, la conque externe de l'oreille, la plante des picds et la paume des mains sont nues. Le manaviri est un animal solitaire, qui vit dans les forèts les plus désertes de l'Amérique équatoriale. Le jour, il dort profondément, roulé en boule, la tête posée sur sa poitrine et recouverte par ses bras. La lumière du jour lui fatigue les yeux, aussi recherche-t-il l'obscurité. Dès que vient le crépuscule du soir, il se réveille petit à petit, se frotte les yeux, bâille en tirant sa longue MAKIS. 83 langue, fait quelques pas en chancelant et d’une manière irrésolue. Puis, enfin, complétement réveille, il se met en quête de ses aliments, qui consistent en petits mammifères, en oiseaux, en insectes et en fruits. Il n’est pas très-habile sauteur, mais néanmoins il grimpe habilement sur les arbres, en parcourt les branches pour chercher les nids d'oiseaux, et en des- cend avec prudence, en empoignant la tige avec ses pieds de derrière, et s’ar- dant de sa queue qu'il entortille aux rameaux pour prévenir des chutes. Ce ne sont pas seulement des oiseaux qu'il va chercher en furetant sur les arbres : il visite minutieusement les trous qui peuvent se trouver à leur tronc, afin de découvrir s'ils recèlent une ruche d’abeilles sauvages. Favorisé par un poil lai- neux et très-épais qui le défend de leurs aiguillons, et par la fraicheur de la nuit qui tient ces insectes dans une sorte d’engourdissement, il enfonce une de ses pattes dans la ruche, mais avec précaution, et il brise les gâteaux pour mettre le miel à découvert. Alors, il colle sa face contre le trou, et à l’aide de sa longue langue, il va recueillir le miel jusqu'à un pied de profondeur dans la ruche. Cette habitude lui a valu des missionnaires le nom d'ours à miel. Selon quelques voyageurs, quand il en trouve l’occasion, il pénètre dans les basses- cours, saisit les volailles sous l'aile, et leur boit le sang avec une grande avidité. Il parait, d'après ce que dit M. Humboldt, que les anciens indigènes de la Nouvelle-Grenade avaient réduit cet animal à l’état de domesticité. Je ne sais trop quel avantage ils pouvaient y trouver, à moins qu'ils ne l’aient employé à détruire les souris de leurs cabanes, ou à aller à la découverte des abeilles. Ce qu'il y a de certain, c’est que le manaviri, en captivité, est d’une douceur extrême, et qu'il se familiarise avec la plus grande facilité. Dans ce cas, on le nourrit fort bien avec des fruits, du pain, des biscuits, du miel, du lait, du sang, etc. Mais quel plaisir peut-on avoir avec un animal qui dort toujours ? Quand on le tire de son sommeil léthargique, il se plaint d’abord par un petit sifflement fort doux, il fuit la lumière et cherche à se cacher dans un coin obscur, ou du moins à mettre ses yeux à l'abri du jour. Cependant, avec quelques caresses, on parvient à le faire jouer ; mais dès qu’elles cessent, il retombe dans son état de stupeur somnolente. Quelquefois il mange sans le secours de ses mains, mais le plus souvent il s’en sert à cet effet. Quand il est en colère, sa voix devient assez forte et imite un peu les aboiements d’un jeune chien. Le Tsirsini (Cheiromys madascariensis, 95° (enre. Les AYE-AYE(Chciromys, LLriG. Desm. Sciurus madascariensis, Ge. L’Aye- — Guy.) ont dix-huit dents : deux incisives à chaque mâchoire, dont les inférieures très- comprimées ressemblent à des socs de charrue. Les extrémités ont toutes cinq doigts, dont celui du milieu des mains cst très-long et três- grèle ; le pouce des pieds de derrière est op- posable aux autres doigts ; ils ont deux mamelles ventrales et la queue touffue et très-longue. aye, Burr. — G. Cuv.) est de la grandeur d'un chat ; son pelage est grossier, d'un gris brun mélé de jaunätre ; sa queue est longue, épaisse, garnie de gros crins noirs ; sa tête est arron- die et porte de grandes oreïlles nues; ses yeux sont tristes, faibles, ct peuvent à peine suppor- ter la lumière, On voit à Madagascar des forêts vierges, aussi anciennes que la terre qu'elles couvrent de leur ombre, et dont les arbres n’ont jamais été renversés que par la faux du temps. C’est là que vit dans la solitude du désert le (sitsihi, le plus farou- 81 LES QUADRUMANES. che et pourtant le plus innocent des habitants des bois. Il à des habitudes paist- bles, et de la gravité dans ses actions, si l’on peut se servir de ce mot. Ses mou- vements sont lents, mesurés, peut-être pénibles. Aussi, pour se soustraire aux ennemis qui l'atteindraient aisément, vu la lenteur de sa marche, il ne sort de sa retraite que la nuit. Pendant le jour, il se tient blotti dans un terrier qu'il sait se creuser, dit-on, dans les ravins, à proximité des forêts où il va chercher sa nourriture. Cependant, la conformation de ses pieds me paraît peu propre à lui permettre de creuser une habitation souterraine ; probablement il s'empare de celle d'un autre animal plus faible que lui, comme font les fouines, les martres, les renards et beaucoup d’autres, qui ne manquent Jamais d’exproprier le premier propriétaire d’un terrier, quand ils en trou- vent l’occasion : et cependant, on sait que la martre et le renard creusent la terre avec assez de facilité. L'écureuil peut nous fournir l'exemple d’un pareil brigandage, car il s'empare assez volontiers des nids de pies pour y établir son domicile après l'avoir maçconné à sa fantaisie. Quoi qu'il en soit, le tsitsihi se nourrit d'insectes, de vers, et de fruits, et il préfère ceux qui sont secs et durs aux baies et aux autres fruits mous. Pen- dant toute Fa belle saison, il ne s'occupe guère qu'à parcourir les forêts, en grimpant lentement sur les arbres pour y trouver sa nourriture. Quoique peu carnassier, s’il peut saisir un oiseau sur son nid, il manque rarement de le faire et de Le dévorer ; mais c’est aux œufs qu'il donne la préférence. Rien n'est curieux comme de voir manger cet animal: il se pose sur le der- rière, ayant le corps dans une position verticale, et avec ses mains il porte les aliments à sa bouche; mais pour saisir un fruit, il n'a pas besoin, comme l’écu- reuil, de ses deux mains : grâce à son long doigt, il enveloppe le fruit et le tient solidement, pendant que son autre main est libre. Jamais il ne prend un objet en l'empoignant avec ses cinq doigts, mais il le saisit avec le doigt du milieu, et avec les autres il continue à s’accrocher aux branches pour grimper. Lorsque vient la saison des pluies, il ne quitte guère son terrier que s'il y est poussé par la faim. Dans son réduit, il sait fort bien s'arranger une vie séden- taire, et il ne manque jamais de s’entourer de toutes les commodités que lui per- mettent les circonstances. Sans faire positivement des provisions, il est rare qu'il n'ait pas dans son terrier assez de fruits pour vivre trois ou quatre jours au moins sans sortir. Ainsi, quand des chasseurs rôdent dans les solitudes qu'il habite, ou qu'un orage inonde la campagne, il reste tranquillement chez lui, à l'abri de tout danger, jusqu'à ce que sa petite provision soit épuisée, et l’on assure même qu'il la ménage avec économie, pour la faire durer autant de temps qu'il présume devoir passer en réclusion. Il aime beaucoup ses aises, et sa voluptueuse mollesse ne lui permettrait pas d'habiter une demeure humide, fraiche, ou seulement de dormir sur la terre. Mais il n’est pas paresseux, quoi- que lent, et s’il aime à être bien, il ne compte sur personne que sur lui-même pour se procurer ce bien-être. Il travaille avec ardeur et pendant longtemps à se faire un appartement sec et commode au fond de son terrier. Après l'avoir suffisamment élargi, il y transporte une quantité de petites bûchettes de bois sec qu'il entrelace avec du foin, et dont il forme une sorte de tenture exacte- ment appliquée contre toutes les parois de sa chambre à coucher. EH la remplit MAKIS. 85 ensuite de foin sec et tres-doux, au milieu duquel il établit son lit. Ce lit lui- même exige encore un travail, car il est tapissé, ou plutôt matelassé avec une mousse fine, sèche et chaude. C'est là qu'il fait ses petits, rarement en nombre de plus de trois ou quatre. Pendant tout le temps de l’allaitement, la femelle en a le plus grand soin et ne les quitte que lorsqu'elle y est forcée par une imperieuse nécessité; elle les tient surtout dans une propreté recherchée. Lorsque les petits commencent à marcher, elle choisit les moments où la lune jette ses rayons brillants sur les arbres des forêts pour les faire sortir du terrier et jouer sur la mousse humide de rosée. En sentinelle à côté d'eux, elle veille à la sûreté générale, et au moindre bruit, à la plus mince apparence de danger, elle fait rentrer les plus forts et emporte les plus petits au fond de son trou. Les naturels de Madagascar font une guerre soutenue au tsitsihi, parce qu'ils estiment beaucoup sa chair, qui pour un Européen est un mets détestable. Ils lui tendent des pièges au pied des arbres, ils le déterrent de son trou, et le tuent à coups de flèche ou de fusil. Il n’est ni féroce ni méchant, mais il aime la liberté plus que la vie. Aussi, quand on le prend, jeune ou vieux, s’il ne se laisse pas mourir de faim dans les premiers jours de son esclavage, il vit quelque temps dans la tristesse, il tombe dans la consomption, et il périt après avoir trainé pendant quelques mois une vie languissante, qu'il paraît quitter sans regrets. Ici finit l'ordre des quadrumanes, dont, nous devons le dire, les limites sont tracées d’une manière assez incertaine. Par exemple, ce dernier genre à été placé par G. Cuvier parmi les rongeurs, après les polatouches ; M. de Blainville l’a reporté à la suite des quadrumanes, et nous l'y maintenons sur la considé- ration de son pouce des pieds de derrière, qui est opposable aux autres doigts. Le genre tarsius est évidemment plus voisin des galéopithèques et des chauves- souris que des quadrumanes, aux ailes près. Les kinkajous ou potos ne se prêtent encore nettement à aucune de nos clas- sifications, et pourraient peut-être se reporter avec les carnassiers plantigrades, entre les coatis et les blaireaux, où G. Cuvier les avait mis, et d’où son frère les a retirés pour les rejeter à la fin des quadrumanes. LES CARNASSIERS C “HÉIROPTÈRES, DEUXIÈME ORDRE DES MAMMIFÈRES. mu a L'Oleek, Ils ont des incisives, des canines et des mc- laires, comme tous les carnassiers, mais de formes très-variées. Un caractère qui les tran- che net d'avec tous les autres mammifères, c’est un repli membraneux de la peau des flancs, qui s’unit aux quatre membres et aux doigts des mains, de manière à former, dans le plus grand nombre, de véritables ailes propres au vol comme celles des oiseaux. Ils ont deux mamelles qui sont placées sur la poitrine. Cet ordre se divise en six familles, savoir : les galéopithèques ou chats-volants, les phyllosto- mes, les rhinolophes, les vespertilions, les noc- tilions et les meganyctères. LES CHATS-VOLANTS, OU GALÉOPITHÈQUES, Se distinguent des chauves-souris parce que les doigts de leurs mains, tous garnis d'ongles tranchants, ne sont pas plus allongés que ceux des pieds; il en résulte que la membrane qui occupe les intervalles des membres et s'étend Jusqu'à la queue ne leur sert pas d'ailes, mais simplement de parachute. Ils ont, à la mâchoire inférieure, six incisives fendues en lanières étroites comme les dents d'un peigne. Genre. Les CHATS - VOLANTS, ou PLEUROPTÈRES (Galeopithecus, PALL ), ont trente-quatre dents; les incisives supérieures dentelées et les inférieures pectinées ; leurs mo- laires sont mousses, avec une dentelure; leurs membranes interfémorales et latérales sont ve- lues. Ces animaux sautent fort loin, au moyen de la membrane qui leur sert d’ailes, mais ils ne volent pas. fer — Ui E] = = = DU UN (NAN NA 2 = — 2 | \ Se NT l —— Ti HU £ Dj de l \| nm — ann tt S ar nes Eh _ on El il né 4 !l Æ RS AE j 4 £ HN | F Si ë : AN = “M : Ù = ie ‘a 2 à Ù I (G ï cv NS. = ui ï PA 2 — NE ÿ = = | F a = NE CEA) ) nn So | à - Hi EN | S 2 UE VU | ; 20m LES || Tous pa + É mu | pr 2 Rire gg LUE LULU ) Ë 1. 1 NE \ L LS | | L'AMPHITHBATRE DES COURS. (Jardin des Plantes) CHATS-VOLANTS. 87 L'OLEERK (Galeopithecus rufus, Georr. Lemur volans, LiN.—Auvrs.). Il habite les îles Pelew ou Palaos, dans les Moluques, et aux îles de la Sonde. Il a environ un pied de longueur (0,525) ; sa couleur est roussâtre en dessous, d'un joli gris roux en dessus, avec des ondes blanches, irréguliérement bordées de gris noirâtre, et s'étendant de chaque côté du corps depuis le derrière des oreilles jusqu’à la naissance des cuisses. Il à le museau un peu long, fin comme celui d’une belette, les oreilles courtes et les yeux vifs. L'oleek ne peut pas voler comme les chauves-souris, car sa membrane n'est pas assez longue pour cela; mais il sait tellement bien manœuvrer, qu'il par- court d'assez grandes distances dans les airs, et passe aisément d’un arbre à un autre arbre éloigné de cinquante à soixante pas. Pour cela, il monte à l’extré- mité de la plus haute branche, s'élance d’un bond vers l'arbre voisin, puis il étend sa membrane, penche un peu son corps, la tête vers la terre, et glisse ainsi dans l'air en décrivant une parabole oblique à l'horizon. Il en résulte qu’e- tant parti de la branche la plus haute d'un arbre, il arrive juste à la branche la plus basse d’un autre arbre. Quand la forêt est épaisse et les arbres très-rap- prochés, on croirait qu'il doit diriger son parachute de manière à sauter sur une branche élevée ; il n’en est rien, et il tombe toujours sur la plus basse. Mais il a une raison pour cela : toute la journée il est occupé à donner la chasse aux insectes et aux petits oiseaux qui, ainsi que lui, habitent les forêts. Pour n'avoir pas à remonter à la cime d’un arbre quand il veut aller sur un autre, il commence toujours sa chasse en explorant les branches basses, puis celles au-dessus, et ainsi de suite de bas en haut, jusqu'à ce qu'il soit arrivé au sommet. L'oleek est la terreur des colibris et autres petits oiseaux qu'il saisit sur leur nid pendant la nuit, ou dont il brise et mange les œufs pendant le jour. Quel- quefois il se met en embuscade sur une grosse branche, tantôt couché sur l'écorce, tantôt suspendu par la queue et les pieds de derrière. Si un colibri ou une grosse phalène passent en volant à quelques pieds de lui, il s’élance tout à coup, les saisit au vol, et tombe sur une branche voisine, où il les dévore à son aise. Quand il se tient suspendu dans son embuscade, il attend que le colibri passe dessous lui, fût-ce à quinze ou vingt pieds de distance; il prend son mo- ment, se laisse tomber perpendiculairement dessus, le saisit, déploie sa mem- brane pour adoucir sa chute et glisse dans l'air jusque Sur la branche la plus rapprochée. Il à le coup d'œil si juste et si prompt, qu'il rencontre toujours sa proie dans sa chute et ne la manque presque jamais. Son odorat est aussi très-fin. Cet animal ne met bas ordinairement qu'un petit pour lequel il a beaucoup de tendresse. Il lui fait avec soin un nid d'herbe fine et seche, dans le trou d’un tronc d'arbre, mais il ne l'y laisse que quatre à cinq jours, après quoi celui-ci est assez fort pour se cramponner sur son ventre et y rester constamment jusqu'a ce qu'il puisse se hasarder à quitter sa mère pendant quelques instants, ou au moins à se placer sur son dos pour se reposer de son attitude ordinaire. Du reste, sa posture est moins fatigante qu'on pourrait le croire, car sa mére le soutient presque constamment avec sa main qu'elle lui place sur le dos. Quand la chasse est finie, ou mème en la faisant, l’oleek ne marche pas, comme les autres animaux, sur les branches, mais dessous, de manière à avoir le corps pendu à la renverse. Il en résulte que son enfant se trouve placé comme dans 88 LES CARNASSIERS CHÉIROPTÈRES. un hamac et retenu par la membrane des ailes, de la même manière que dans un berceau qui serait placé au milieu d’un filet. S'il a envie de dormir, la mère cesse de marcher et donne à son corps un mouvement doux de balancement, absolument comme une nourrice qui berce avec précaution un enfant chéri. Du reste, cette attitude est familière au galéopithèque, et s’il en prend quelquefois une autre pour dormir, quand il n’a pas de petit, c'est pour se suspendre par les pieds de derrière, la tête en bas, comme les chauves-souris. Les Indiens aiment assez la chair du chat-volant, surtout dans une saison de l’année où ces animaux cessent de faire la chasse aux insectes pour se nourrir d'une petite baie semblable à une groseille, et très-abondante dans les forêts en de certains temps ; ils aiment ces petits fruits qui les engraissent beaucoup. Le GALÉOPITHÈQUE VARIE ( Galeopithecus va- ricgatus, Georr.) n'a que cinq pouces de lon- gueur (0,135) ; il est d’un brun gris, varié en dessus de plus foncé, avec les membres tachés de blanc. Il a la tête plus grosse et le museau plus allongé que le précédent, et, comme lui, il habite les Moluques. Le GALÉOPITHÈQUE DE T'EUKATE ( Galeopithe- cus ternatensis, Georr. Felis volans Ternatea, Sera) est encore plus pelit que le précédent. Il est d'un gris roux plus pâle en dessous qu'en dessus, avec des taches blanches sur la queue. I habite également les Moluques. Seba avait cru lui trouver de l’analogie avec les chats. LES PIHYLLOSTOMES. C'est avec cette famille que commence la série des véritables chauves-souris, qui toutes ont les doigts des mains allongés et pris dans une mem- brane pue formant une aile complète ; leur pouce est séparé, libre, court, armé d’un ongle ro- buste et crochu; leurs pieds de derrière sont faibles, et leurs doigts égaux en longueur. La famille des phyllostomes a sur le nez une membrane en forme de feuille relevée en tra- vers, simple, solitaire ou impaire. L’index des mains est composé de deux phalanges. 2° Gevue. Les PHYLLOSTOMES (Phyllo- soma, G£orr.) ont trente-deux dents : quatre incisives, deux canines très-forles, et dix mo- laires à chaque mächoire; leurs oreilles sont grandes, séparées, à oreillon interne denté:; ils ont sur le nez deux crêtes, l’une en forme de feuille et l'autre en forme de fer à cheval ; leur langue est hérissée de papilles. Les trois pre- mières espèces ont une queue plus courte que les membranes interfémorales; les quatre der- nières n'en ont pas du tout. Le Fer De LANCE | Phyllostoma hastatum , Gore. Vespertilio hastatus, Lin. Le Fer de lance. Burr.— G.-Cuv.) a la feuille du nez en forme de fer de lance, entière sur ses bords, c’est-à-dire ni crénelée ni dentée ; sa queue est entièrement engagée dans la membrane inter fémorale. Cette espèce se trouve à la Guyane, où elle ne quitte guère les forèts. Le fer de lance est, comme toutes les chauves-souris, un animal fort extraor- dinaire pour l'observateur. La première chose qui frappe le vulgaire, en consi- dérant une chauve-souris, c'est l'analogie que son vol rapide et élevé lui donne avec les oiseaux. On est étonné de voir cet animal, couvert de poils, ayant une bouche armee de dents, s’élancer dans les airs, s’y soutenir, s'y promener avec plus de facilité mème qu'une hirondelle. Pour l'observateur, l’analogie peut se pousser plus loin; ainsi que les oiseaux, les chauves-souris ont les muscles pec- toraux très-épais et très-développés afin de fournir aux bras toute la force nécessaire pour soutenir le corps en volant; leur sternum a de même une arête saillante pour servir de point d'appui et d'attache à ces muscles ; « enfin, dit Buf- fon, elles paraissent s’en approcher encore par ces membranes ou crêtes qu'elles ont sur la face; ces parties excédantes, qui ne se présentent d’abord que comme ‘ie LE LES GRANDES SERRES. (tardin des Plantes.) PHYLLOSTOMES. 89 des difformites superflues, sont des caractères réels et les nuances visibles de l'ambiguité de la nature entre ces quadrupèdes volants et les oiseaux, car la plupart de ceux-ci ont aussi des membranes et des crêtes autour du bec et de la tête, qui paraissent tout aussi superflues que celles des chauves-souris. » Une analogie plus singulière encore est celle que ces hideux animaux ont avec l’homme, par certains organes, notamment par les mamelles des femelles, qui sont placées sur la poitrine. Leurs autres caractères les rapprochent tantôt des quadrumanes, tantôt des petits carnassiers carnivores; leur figure et leur pelage les font souvent ressembler à des rats ou à des souris, mais leurs grandes ailes livides les séparent de tous les autres mammiféres. Ce sont des animaux nocturnes, dont les yeux, excessivement petits, ne peu- vent supporter la Iumière du jour. Aussi se cachent-ils dans les lieux les plus obseurs, pour n’en sortir que la nuit et aller à la chasse aux insectes et parti- culièrement aux papillons nocturnes, qu'ils saisissent au vol avec beaucoup d’a- dresse. Dans les trous et les rochers qu'ils habitent, ils se suspendent par les pieds de derrière, la tète en bas, et passent tonte la journée à dormir dans cette attitude singulière. Les espèces de nos climats s'engourdissent et passent l'hiver en léthargie, comme les loirs et les marmottes. Les femelles font ordinairement deux petits, qu'elles tiennent cramponnés à leurs mamelles, et dont la grosseur est considérable comparativement à celle de leur mere. e Tout ce que nous venons de dire s'applique non-seulement au fer de lance, mais à toutes les chauves-souris. A la suite de cette espèce on placera celles-ci : Le PuÿLLOSTOME A FEUILLE ALLONGÉE ( Phyllo- stoma elongatum , Georr.). Bords de la feuille entiers ; extrémité de la queue libre. Patrie in- connue. Le PuyÿLLOSTOME CRÉNELE (Phyllostoma cre- nulatum, Georr. Le Fer crénelé, G.Cuv.). Bords Le PAYLLOSTOME 4 FEUILLES ARRONDIES (Phyl- lostoma rotundum , GEorr.). D'un brun rou geàtre ; feuille entière, seulement arrondie au sommet. Du Paraguay. Le PHYLLOSTOME FLEUR DE Lis ( Phyllostoma lilium, Georr.). Mächoires allongées; feuille de la feuille dentelés ; extrémité de la queue libre. Patrie inconnue. Ceux qui suivent n’ont pas de queue. Le PayLLOSTOME RAYE ( Phyllostoma linea- tum, Georr.). Long de deux pouces neuf lignes (0,074 ; une raie blanche sur la face et quatre sur le dos ; feuille entière. Du Paraguay. Le PayLLOSTOME LUNETTE ( Phyllostoma per- spicillatum, Georr. Vespertilio perspicillatus, Lin). D'un noir brunâtre, avec deux raies blanches ; feuille courte, échancrée près de sa pointe. De l'Amérique méridionale. M. Ricord a observé que cette espèce vit de fruit du sapo- tillier, dont elle fait un grand dégât. entière, aussi haute que large, à base très- étroite. Du Paraguay. 3 Gevre. Les VAMPIRES (Vampirus, Georr.) ont trente-quatre dents, dont deux in- cisives et deux canines à chaque mâchoire, dix molaires à la mâchoire supérieure et douze à l'inférieure. Leur feuille est ovale, creusée en entonnoir. L’AnDira-Guaçu {Vampirus sanguisuga,Less. Phyllostoma spectrum, GrEorre. Vespertilio spectrum, Lixs. Le Vampire, Burr.—G. Cuv.) est de la grandeur d’une pie ; son pelage est d’un brun roux, et sa feuille nasale est entière, moins large que haute, quoique élargie à sa base L’andira-guaçu a servi de texte à beaucoup de contes que nous ont débités les anciens voyageurs. La Condamine, Pierre Martyre, Jumilla, don George Juan, don Antonio de Ulloa, semblent s'être donné le mot pour enchérir les uns sur les autres dans les relations qu’ils nous font de ce terrible animal : « Les chauves- souris, qui sucent le sang des mulets, des chevaux, et même des hommes, dit 42 90 LES CARNASSIERS CHÉIROPTÈRES. La Condamine, quand ils ne s’en garantissent pas en dormant à l'abri d’un pa- villon, sont un fléau commun à la plupart des pays chauds de l'Amérique. I y en à de monstrueuses pour la grosseur. Elles ont entièrement détruit à Borja, et en divers autres endroits, le gros bétail que les missionnaires y avaient intro- duit, et qui commençait à s’y multiplier. » Buffon cite ce passage avec une grande confiance, et il me semble que ce celebre écrivain aurait dû le rejeter, comme impliquant contradiction; en effet, comment le bétail a-t-il pu commencer à se multiplier malgré les vampires, et comment les vampires, qui n'avaient pas empêché cette multiplication, ont- ils pu ensuite détruire tous les animaux qui en résultaient ? Jumilla va plus loin que La Condamine. « Ces chauves-souris sont d’adroites sangsues, S'il en fut jamais, qui rôdent toute la nuit pour boire le sang des hommes et des bêtes. Si ceux que leur état oblige de dormir par terre n’ont pas la précaution de se couvrir des pieds à la tête, ils doivent s'attendre à être piqués des chauves-souris. Si, par malheur, ces oiseaux leur piquent une veine, ils passent des bras du sommeil dans ceux de la mort, à cause de la quantité de sang qu'ils perdent sans s'en apercevoir, tant leur piqüre est subtile; outre que battant l'air avec leurs ailes, elles rafraichissent le dormeur auquel elles ont dessein d'ôter la vie. » Ulloa est moins exagéré : « Les chauves-souris sont communes à Carthagène, dit-il; elles saignent fort adroitement les habitants en leur tirant assez de sang, sans les éveiller, pour les affaiblir extrêmement. » La vérité est que l’andira-guaça, tout vampire qu'il est par le nom, ne suce personne, ni homme ni animaux, et c'est ce dont les voyageurs modernes et les naturalistes américains se sont assurés. Sa langue papilleuse et extensible ne lui sert qu'à sonder sous les vieilles écorces des arbres, pour en retirer les insectes et les phalènes qui s'y cachent, et 1l a cela de commun avec les phyllostomes et beaucoup d’autres chauves-souris. Il se nourrit habituellement d'insectes, de petits animaux, et même, dit-on, de fruits. C’est, de tous les chéiroptères, celui qui marche sur la terre avec le plus d’aisance. 11 est commun dans la Nouvelle- Espagne. 4e Gevne. Les MADATÉES (Madateus 5e Genre. Les GLOSSOPHAGES ( Glosso- Leacn. ont quatre incisives à chaque mâchoire, phaga, Georr.) ont vingt-quatre dents : quatre les deux intermédiaires supérieures bifides ct incisives, deux canines médiocrement fortes, et plus longues que les latérales : les inférieures six molaires à chaque mâchoire ; la langue est égales, simples et aiguës; huit molaires supé- très - extensible, terminée par des papilles ; rieures et dix inférieures ; leur langue est bifide feuille en forme de fer de lance; membrane à la pointe; leurs levres garnies de papilles interfémorale très-petite et nulle; queue va- molles, comprimées et frangées ; ils ont deux riable ou nulle. Toutes les espèces sont d’Amé- feuilles nasales et pas de queue. rique. La ManparTée DE Lewis (Mandateus Lewis, La GLossopaaGe DE PaLras (Glossophaga Leacs.). D'un brun noirlre; seize pouces d'en- soricina, Georr. Vesperlilio soricinus, Linn. vergure (0,455), et membrane interfémorale — Pac. La Feuille, Vico-p’Azyr) se reconnait à échancrée ; oreilles médiocres et arrondies; son manque de queue et à sa membrane inter- feuille brusquement pointue vers le haut. De fémorale qui est fort large. la Jamaïque. Cette espece habite Cayenne et Surinam. La longueur de sa langue, les papilles PHYLLOSTOMES. 91 qui la terminent, et que l'on à prises pour un sucçoir, l'ont fait accuser, ainsi que ses congénères, de sucer, comme le vampire, le sang des hommes et des ani- maux endormis. Le fait est qu'elle est fort innocente de cette accusation, et que cet organe lui sert uniquement à sonder les petits trous et les fissures des troncs d'arbres, quand elle pense y trouver les larves et les insectes dont elle se nourrit. La GLOSSOPHAGE CAUDATAIRE ( Glossophaga caudifer, GEorr.) a la membrane interfémorale très-courte, un peu débordée par la queue. Du Brésil. La GLOSSOPHAGE À QUEUE ENVELOPPÉE (Gl0Ss0 - vhaga amplexicaudata, GEeorr.) est d’un brun noirâtre; sa membrane interfémorale est large ; sa queue, courte, est terminée par une nodo- sité. Du Brésil, aux environs de Rio-Janeiro. La GLOSSOPHAGE SANS QUEUE ( Glossophaga ecaudata, GEOFF.) manque de queue. Sa mem- brane interfémorale est courte. Du Brésil. 6° Gexre. Les RHINOPOMES (| Rhinopoma, Georre ) ont viogt-huit dents : deux incisives supérieures et quatre inférieures ; deux canines à chaque mächoire ; huit molaires à la mâchoire supérieure et dix a l’inférieure. Leur nez est conique, long, tronqué au bout, portant une petite feuille ; les narines sont terminales, trans- versales, operculées ; les oreilles sont grandes et réunies, avec un oreillon extérieur ; leur queue est longue, prise à sa base dans la mem- brane interfémorale, qui est coupée carrément, libre à l'extrémité. La Rai\oPOME MiCROPuYLLE, de GEOFF. ( Ves- pertilio microphyllus, Scu. La Chauve-souris d'Égypte, BELON) est d’un gris cendré et a Ja queue très-longue. Elle se trouve en Égypte, et se plait surtout à habiter les galeries obscures des Pyramides. La RuiNOPONE DE LA CAROLINE ( Rhinopoma Carotiniensis, GEorr.) est brune; sa queue épaisse -est assez longue. On la croit de la Caro- line du Sud. 7e Genre. Les ARTIBÉES (Artibeus, LEACH.) ont trente dents : quatre incisives à chaque mä- choire, les supérieures bifides el les inférieures tronquées ; deux canines à chaque mächoire, les supérieures avec un rebord interne à leur base ; quatre molaires supérieures et cinq infé- rieures de chaque côté ; deux feuilles nasales, une horizontale et l'autre verticale; point de queue. L'ARTIBÉE DE LA JAMAÏQUE ( Arlibeus jamai- censis, Leacu.) est brune en dessus, d'un gris de souris en dessous, avec les oreilles brunä- tres, ainsi que les oreillons. Des Antilles. 8° GENRE. Les MONOPHYLLES (Monophyi- lus, LeAce.) ont trente dents : quatre incisives supérieures dont les mitoyenses plus longues ct bifides : point à la mächoire inférieure ; deux canines en haut et deux en bas: dix molaires supérieures et douze inférieures; leur feuille est unique, droite sur le nez, et leur queue courte. Le MonoPayLe DE ReDmaANN (Monophyllus Redmannii, Leacu.) est brun en dessus, gris en dessous, à membranes brunes ; ses oreilles sont arrondies ; sa feuille est aiguë, couverte de pe- tits poils blancs. Il habite la Jamaïque. 92 LES CARNASSIERS CHÉIROPTÈRES. Le grand Fer à cheval. LES RHINOLOPHES aux caractères généraux des chauves-souris en joignent de parliculiers qui les tranchent fort bien. Leur nez est garni de membranes et de crêtes fort compliquées ; ils ont une seule pha- lange à l'index ; leurs ailes sont grandes ; les fe- melles ont les mamelles sur la poitrine, mais on leur voit souvent des verrues au ventre, simu- lant assez bien des mamelles. 9° Genre. Les RHINOLOPHES ( Rhinolo- vhus, GEeorr.) ont trente-deux dents : deux in- cisives à la mâchoire supérieure, quatre à l’in- férieure ; deux canines en haut et en bas: dix molaires supérieures et douze inférieures. Le nez est placé au fond d'une cavité bordée d'une large erète en forme de fer à cheval, et sur- montée d'une feuille. Leurs oreilles, qui man- quent d’oreillon, sont latérales, moyennes ; leur queue est longue. Le GRAND FER A CHEVAL ( Rhinolophus uni-hastatus, Grorr. Vespertilio fer- run equinum, Lan. Le Grand fer à cheval, Burr.). il à la feuille nasale double, l'antérieure sinueuse aux bords et au sommet, la postérieure en fer de lance. Cette chauve-souris est une des plus communes que nous ayons en France; elle habite les cavernes, les carrières et les souterrains des vieux monuments abandonnés dans toute l'Europe. Elle n’en sort qu'à la nuit close pour aller chasser les papillons de nuit et les insectes crépusculaires. Ses yeux sont petits, obscurs et couverts, à pupille nocturne; aussi fuit-elle la lumiere, et les lieux les plus ténébreux sont ceux qui lui plaisent le plus; elle y fixe son domicile et y vit suspendue à la vouüte par les pieds de derrière, en compagnie d’un grand nombre d'individus de son espèce. Ce qu'il y a de particulier, c'est que, quelle « 1 , ASPECT DES RUINES DERRIÉRE LA CABANE DES AXIS. {Jardin des Plantes.) ca ps S c- ) Ne É LEE Eu É A RHINOLOPHES. 93 que soit la grandeur du souterrain ou de la caverne où elles habitent, elles ne se dispersent pas dans ses différentes parties; elles se fixent toutes les unes à côté des autres et se touchant presque, à la même place, et il faut qu'il y en ait une grande quantité pour occuper plus de quatre ou cinq mètres carrés de la voûte. L'hiver, au moment de s’engourdir, elles se rapprochent au point de se toucher et de former pour ainsi dire une masse compacte. Il est probable qu'elles cherchent ainsi à se réchauffer les unes les autres et à se soustraire autant que possible aux cruelles rigueurs du froid. Le grand fer à cheval, comme la plupart des chauves-souris, se traine tres- péniblement sur la terre, et sur une surface un peu unie il ne peut s’élancer pour prendre son vol, par la raison fort simple que ses pattes ne peuvent pas exécuter en même temps tous les mouvements nécessaires au saut et au vol. Ceci montre que l'attitude singulière qu’il prend dans le repos, en se suspen- dant la tête en bas, est pour lui une position naturelle et fort commode. En effet, il n'a qu'à lâcher la roche où il est attaché, étendre les ailes en tombant, et le voilà au vol. Par la même raison, la femelle ne cherche pas à faire un lit ou un nid, comme les rats, par exemple, pour déposer ses petits, car il lui faudrait mar- cher pour y entrer et en sortir. Elle met bas sur le bord d’une roche perpen- diculaire ; et aussitôt que ses petits sont nés, elle se les attache sur la poitrine, se précipite de la roche la tête en bas, et va reprendre sa résidence ordinaire sous une voûte. Les petits, au nombre de deux au plus, se trouvent, pour ainsi dire, emmaillottés dans les membranes des ailes de leur mére, qui les porte avec elle en volant jusqu'à ce qu'ils soient assez forts pour se lancer et se soutenir dans les airs. J'ai été moi-même temoin de ces faits. Le PemiT FER À CHEVAL (Rhinolophus bi-has- tatus, Georr. Vesperlilio ferrum cquinum, var. Lis. Vespeitilio hipposideros, Becusr. Le Petit fer à cheval, Burr.) a la feuille nasale double, mais l’une et l’autre en fer à cheval ; ses oreil- bourse comme dans le cruménifère, et sa queue est de la longueur de ses jambes. De Timor. 10° Genre. Les MÉGADERMES (Megader- ma, Georr.) ont vingt-six dents; quatre inci- sives inférieures, point à la mâchoire supérieure; les sont profondément échancrées. 11 habite l'Europe, et plus particulierement l'Angleterre. Le RHINOLOPBE TRIDENT ( Rhinolophus tri- dens, Georr.) a la feuille nasale simple, et ter- minée par trois pointes. Il habite l'Égypte, et se retire dans les cavernes et les tombeaux. Le RHiNoLoPHE CRUMENIFÈRE ( Rhinolophus speoris, Scaxein. Rhinolophus marsupialis, GeEorr.) a la feuille nasale simple, arrondie à son sommet ; une bourse, formée de trois replis de la peau, s'élève sur son front. De l'ile de Timor. Le Raixocopse DE CommersoN (Rhinolophus Commersonii, Georr.). Sa feuille nasale est sim- ple, arrondie à la pointe; sa queue est de moi- tié moins longue que les jambes. De Madagas- Car, aux environs du fort Dauphin. Le Ruinocopse DiaDÈme ( Rhinolophus dia- dema, GEorr.) à la feuille nasale simple, arron- die au sommet ; son front ne présente point de deux canines en haut et deux en bas; huit mo- laires supérieures et dix inférieures ; leurs oreil- les sont très-grandes, soudées à leur base au sommet de la tête, à oreillon intérieur large ; leur nez porte trois crèles, une verticale, une horizontale et une en fer à cheval ou inférieure ; elles n’ont pas de queue, et leur membrane in- terfémorale est coupée carrément. La MÉGADEuME FEUILLE (Megaderma frons, Georr. LaFeuille, G. Cuv.—Daus.), à feuille du nez ovale, presque aussi grande que la tête ; pelage d’un gris cendré teinté de jaunâtre. Du Sénégal, et peut-être de l’archipel des Indes. La MéGanenue LyRE (Megaderma lyra,GEorr.), à feuille rectangulaire, avec une follicule de moitié plus petite. On la croit de l'archipel In- dien. La MéGaDeRME spasue ( Megaderma spasma, Georr. Vespertilio spasma, Lan. Glis volans ternateus, Ses. Le Spasme de Ternate, G. Guy.) 91 LES CARNASSIERS CHÉIROPTEÈRES. a feuille en forme de cœur ; l’oreillon est en demi-cœur, et la follicule est de même forme et de même dimension que la feuille. De l'ile de Ternate. Le Lovo ( WMegaderma trifolium, Grorr. Le Trèfle de Java, G. Cuv.}, à feuille ovale; à oreil- lon en forme de trèfle, avec une follicule assez grande et égale au cinquième de la longueur des oreilles. De l’ile de Java. 1e Genre. Les NYCTÈRES(Nycteris,GEOFF.) ont trente-six dents : quatre incisives à la mä- choire supérieure et six à l’inférieure; deux canines en haut et en bas; huit molaires su- périeures et dix inférieures; le chanfrein est creusé d’une fossette marquée même sur le crâne; les narines sont recouvertes par un oper- cule cartilagineux, mobile, ou entourées d’un cercle de lames saillantes ; les oreilles sont grandes, réunies par leur base; l'oreilton est extérieur ; la membrane interfémorale est très- grande, et comprend la queue, dont la der- nière vertèbre se termine par un cartilage bi- furqué. Le NYyCTÈRE DE DAUBENTON ( Nycteris Dau- bentonii, GEorr. Vespertilio hispidus, Li. Le Campagnol volant, Davs.) est d’un brun rous- sâtre en dessus, blanchätre en dessous, avec quelques teintes fauves; les oreilles sont assez grandes ; les opercules des narines sont très-pe- tits; la lèvre inférieure est simple. Du midi de l'Europe et de l'Afrique. Le NYCTÈRE DE GEOFFROY (Nycteris Geoffroyi, Desu. Le Nyctère de la Thébaïde, Grorr.) est gris brun en dessus, plus clair en dessous; une grosse verrue est sur sa lèvre, entre deux bour- relets affectant la forme d’un V: Du Sénégal et de la Thébaïde. Le NycTÈRE DE Java ( Nycteris javanicus, Gæorr.), d’un roux vif en dessus et d’un cendré roussätre en dessous. De l'ile de Java. 12° Genre. Les TAPHIENS ( Zaphozous, Gsorr.) ont vingt-huit dents; quatre incisives en bas et deux en haut, selon G. Cuvier, ou point, selon M. Geoffroy ; vingt molaires : leur chanfrein est sillonné comme dans le genre pré- cédent ; la lèvre supérieure est épaisse; les oreil- les sont moyennes et écarlées; l'oreillon est in- térieur ; la queue est libre à l'extrémité, au-des- sus de la membrane, qui est grande, à angle saillant au bord extérieur. Le Taruren ROUX ( T'aphozous rufus, Waiss. Vespertilio rufus, Wano.) se distingue des au- tres espèces par la couleur rouge de son pelage; il est aussi le seul des taphiens connus jusqu'à ce jour qui habite l'Amérique. On le trouve aux Etats-Unis. Le Tapuien DE Maurice ( T'aphozous mauri- tianus, Gzorr.). D'un brun marron en dessus, roussätre en dessous; il a un oreillon terminé par un bord sinueux. L’ile de France. Le Taburen Du SÉNÉGAL (T'aphozous senrga- lensis, Georr. Le Lerot volant, Daus.i. Il est brun en dessus, d’un brun cendré en dessous ; ses oreilles sont moyennes, à oreillon arrondi. Du Sénégal. Le TAPHIEN LONGIMANE ( T'aphozous longima- nus, Harow.), d’un brun de suie ; à pelage épais; ailes noires, ayant quinze pouces (06,406) d’en- vergure; oreilles ovales, plissées en travers. De Calcuita. Le TAPBIEN PERFORE (T'aphozous perforatus, Georr.) d’un gris roux en dessus, cendré en dessous ; un oreillon en forme de fer de hache. De l'Égypte, où il habite les tombeaux. Le TaAPHIEN LEPTURE ( T'aphozoius lepturus, Georr.), gris; plus pâle en dessous ; dix-huit li- gnes de longueur (0,041); un repli au coude formé par l'aile ; oreillon obtus et fort court. On le croit de Surinam. Tous ces animaux vivent d'insectes et ne volent que la nuit. Une espece, le taphien longimane, est un objet de terreur pour les femmes superstitieuses. Comme il est très-commun et qu'il voltige continuellement autour des maisons, si une croisée reste ouverte et qu'il y ait un flambeau allumé, cet animal, attiré par la lumière de la même manière que les papillons de nuit, entre dans l’ap- partement, et va s'attacher aux rideaux des lits ou aux corniches, où on le trouve le lendemain, si avec ses ailes il n’a pas réveillé la dormeuse qui, dans ce cas, est fort effrayée. Mais c’est moins la crainte qu’occasionne sa présence que les conjectures sinistres qu’on en tire, qui font redouter cet animal, du reste fort innocent. On croit que sa visite annonce la mort, et que dans la maison où il est entré il ne se passera pas un an avant que l’on ait à déplorer la perte d’un des membres de la famille. Le peuple, en France, a un préjuge semblable à l'égard de la chouette. RIHINOLOPHES. 95 15- GxEnre. Les MORMOPS | Mormoyps, Leica.) ont trente-quatre dents; quatre incisives supérieures inégales, les mitoyennes très-échan- crées ; quatre inférieures trifides et égales, deux canines à chaque mächoire, les supérieures deux fois aussi longues que les inférieures, un peu comprimées et canaliculées en devant ; dix molaires en haut et douze en bas; la feuille na- sale est unique, droite, et réunie aux oreilles : celles-ci sont très-compliquées. Le Moruops be BLaINviLee (Mormops Blain- rillii, Leacu.). Front élevé; chanfrein excavé; lèvre supérieure lobée, crénelée; l’inférieure à trois lobes membraneux ; feuille nasale plissée ; oreilles divisées en deux lobes au bord supérieur; langue à papilles bifides et {rifides. De la Ja- maïique. 14° Genre. Les NYCTOPHILES (Nyctophi- lus, Leacu.), ont vingt-huit dents ; deux incisives supérieures coniques, aiguës et allongées ; six inférieures trifides, égales, à lobes arrondis ; deux canines à chaque mâchoire, les inférieures avec une petite pointe à leur base, en arrière; seize molaires à couronne garnies de tubercules aigus; ils ont deux feuilles sous le nez, la posté- rieure la plus grande; la queue, formée de cinq vertèbres dans sa partie visible, dépasse un peu la membrane. Le NycropuiLe De GEOFFROY ( Nyctophilus Geoffroyi, Leacu.) est d’un brun jaunätre en dessus, et d’un blanc sale en dessous ; ses ailes sont d’un noir brunâtre ; ses oreilles sont larges. On ne connait pas sa patrie, mais il est proba- ble qu’il ne se rencontre pas en Europe. En donnant les caractères de la famille des rhinolophes, nous avons dit qu’on leur voit souvent au ventre des verrues simulant assez bien des mamelles. Voici, à ce sujet, ce que pensait Geoffroy Saint-Hilaire : « Les rhinolophes, dit-il, sont les seules chauves-souris que je connaisse qui soient signalées par l'existence de deux paires de mamelles; la paire surnuméraire est située aux aines; elle est plus souvent employée. Étant, en 1827, à Marseille, on m'y a fait connaître une femme qui avait également nourri ses enfants par une mamelle surnuméraire inguinale : la même dérogation à la règle en des êtres pourvus de mamelles or- dinairement restreintes à deux, et pectorales quant à leur situation, forme une considération de semblable anomalie que je crois devoir faire remarquer. » Le même savant pense que cette étrange faculté, que les chauves-souris ont de se diriger sans hésitation au milieu des ténébreux labyrinthes qu'elles habitent, est due à une extrème sensibilité de tact qui leur fait apprécier les plus petites différences atmosphériques. Cet organe du tact résiderait dans les membranes des ailes, et serait alors d’une étendue comparative très-considérable. Telle était aussi l'opinion de G. Cuvier, ainsi que nous le dirons dans l’article suivant. 96 LES CARNASSIERS CHÉIROPTÈRES. a Ue pl . MANU | h | nu il | Le Murin. LES VESPERTILIONS, ainsi que les familles qui vont suivre, n’ont au- cisives supérieures (quelquefois deux) dont les cun appendice au nez; leurs ailes sont grandes, deux moyennes ordinairement écartées ; six in- etils n'ont à l'index qu'une seule phalange; férieures à tranchant un peu dentelé; oreilles leurs lèvres sont simples ; leur langue est courte, séparées, rarement unies par leur base; un leur queue longue, et leur téte est de forme al- oreillon interne; des abajoues; queue totale- longée et poilue. Cette famille se compose des ment prise dans la inembrane interfémorale. chauves-souris proprement dites. On en trouve des espèces dans toutes les parties 15° Genre. Les VESPERTILIONS ( Vesper- du monde, et nous les classerons sur cette consi- tilio, Georr.) ont trente-deux dents : quatre in- dération. 1° VESPERTILIONS D'EUROPE. Le MURIN | Vesperüilio murimus, Lin. La Chauve-souris, Burr.). Il a les oreilles ovales, de la longueur de la tête, et les oreillons en forme de faux; ilest d’un brun roussâtre ou d’un gris cendrée en dessus, d’un gris blan- châtre en dessous. Il est assez commun en France et dans toute l'Europe, dans les clochers et les vieux châteaux. « Toutes les chauves-souris, dit Buffon, cherchent à se cacher, fuient la lu- mière, n'habitent que les lieux ténébreux, n’en sortent que la nuit, et y rentrent au point du jour pour demeurer collées contre les murs. Leur mouvement dans l'air est moins un vol qu'une espèce de voltigement incertain qu'elles semblent n’exécuter que par effort et d’une manière gauche; elles s'élèvent de terre avec peine, elles ne volent jamais à une grande hauteur, elles ne peuvent qu’impar- faitement précipiter, ralentir, ou même diriger leur vol; il n’est ni trés-rapide, COLCNNE DE DAUBENTON. Jardin des Plantes.) VESPERTILIONS. OI ni bien direct; il se fait par des vibrations brusques dans une direction oblique et tortueuse. Elles ne laissent pas de saisir en passant les moucherons, les cou- sins et surtout les papillons phalènes qui ne volent que la nuit, qu'elles avalent, pour ainsi dire, tout entiers. » Tout ce que Buffon dit là du vol de ces animaux est parfaitement juste pour les petites espèces, mais pas du tout pour les grandes. Ces dernières ont le vol très-élevé, fort rapide, et elles se dirigent dans les airs avec autant et plus de facilité que les oiseaux. Quant aux petites, si leur maniere de parcourir les airs lui a paru oblique et tortueuse, c’est qu'il a pris ces crochets nombreux et rapides pour des résultats du caprice ou de l'imperfection de l'animal, tandis que réellement ils résultent de la poursuite incessante qu'ils font aux petits insectes dont le vol est irrégulier. Mais il est, dans les chauves-souris, une chose bien autrement étrange, que le grand écrivain n’a pas signalée. Dans les cavernes les plus obscures, dans les ténèbres les plus profondes, elles parcourent en volant les nombreuses issues de leur demeure, sans hésitation, sans jamais se heurter contre les angles avancés des roches ou les parois des sombres voûtes, et avec la même sûreté qu'un autre animal en plein jour pourrait le faire. Cela vient, a-t-on dit, de ce que les chauves-souris voient dans les ténebres, et l’on s’est trompé. Tous les animaux nocturnes ont la faculté de concentrer dans leur pupille, très-dilatable, les plus faibles rayons de lumière, et c’est pour cette raison que pendant la nuit ils distinguent assez les objets pour reconnaître leur route, leur proie, et accom- plir toutes les fonctions nécessaires à leur existence. Mais dans une obscurité totale, absolue, dans le manque complet de lumière, leur pupille à beau se di- later, elle ne peut percevoir des rayons qui n'existent pas, et, dans ce cas, une chauve-souris est tout aussi bien frappée d’aveuglement que tout autre animal. Cependant, ainsi que nous l'avons dit, loin de se heurter contre les corps étran- gers, elle parcourt toutes les sinuosités de sa caverne avec la plus grande aisance et sans diminuer la rapidité de son vol. Faudrait-il en conclure qu'au fond des souterrains les plus noirs il pénètre encore quelques rayons de lumière bien faibles, mais suffisants? Non, et en voici la preuve. On a pris des chauves-souris, on leur a crevé les yeux, et on les à lâchées à proximité de leur demeure; elles s’y sont aussitôt précipitées et se sont dirigées dans tous les recoins de leur labyrinthe avec la même facilité, la même sûreté que si elles avaient vu clair! Ces animaux auraient-ils donc été doués par la nature d’un sens exprès, que nous ne pouvons ni connaître ni comprendre, parce qu'il nous manque, et qui leur donnerait l’étonnante faculté de juger la forme, la position ou au moins la proximité des objets, sans les voir? G. Cuvier à cherché à ce mystère une explication qui ne me paraît pas pouvoir être adoptée sans discussion. « Leurs oreilles, dit-il, sont souvent très-grandes et forment avec leurs ailes une énorme surface membraneuse, presque nue, et tellement sensible, que les chauves-souris se dirigent dans leurs cavernes probablement par la seule diver- sité des impressions de l'air. » Le murin, comme toutes les espèces de son genre, se nourrit uniquement d'insectes. Buffon dit qu'il est carnassier, qu'il mange, outre les insectes, de la 15 98 LES CARNASSIERS CHÉIROPTÈRES. viande crue ou cuite, fraiche ou corrompue, et que, lorsqu'il peut entrer dans une office, il s'attache aux quartiers de lard ; mais tout ceci est au moins fort douteux. La NocTuLe (Vespertilio noctula, Lan. Ves- pertilio proterus, Kuu. La Sérotine, GEorr. La Noctule, Burr.) est d’un fauve uniforme, à poils courts et lisses; ses membranes et ses oreilles sont obscures : ces dernières ovales- triangulaires, à oreillon arqué; sa tête est large et arrondie. Elle se trouve dans toute l'Europe et exhale une légère odeur de muse. La SÉROTINE ( Vespertilio serotinus, Lin. La Noctule, Georr. La Sérotine, Burr.) diffère de la précédente par les poils du dos, qui sont longs, luisants, d'un brun marron vif, plus courts sur les femelles; par ses membranes noires, et enfin par ses oreillons en forme de cœur. On la trouve dans les creux des vieux arbres, dans toute l'Europe. La PipisTReLLE ( Vespertilio pipistrellus, Lin. et GmL. La Pipistrelle, Burr. et G. Cuv.), la plus petite des chauves-souris de la France ; les poils du dos sont longs, d’un brun noirätre ; ceux du ventre sont fauves; ses oreilles sont triangulaires, et ses oreillons sont presque droits, terminés par une tête arrondie. D'Europe et d'Égypte. Le PyGuée(Vesperlilio pygmæus, LEacu.Ves- pertilio minutus? MonraGu)est la plus petite des chauves-souris connues ; d’un brun foncé en dessus, gris en dessous; oreilles plus courtes que la tête, à oreillon linéaire et simple ; queue nue au sommet, longue, dépassant un peu la membrane. Dans les (roncs d'arbre, en Angle- terre. Le VESPERTILION ÉCHANCRÉ ( Vespertilio emar- ginatus, GEOrr.), d’un gris roussâtre en dessus, cendré en dessous ; oreilles oblongues, de la lon- gueur de la tête, à bord extérieur échancré; oreillon subulé. Dans les souterrains, en Angle- terre, et rare en France. Le VEsPERTILION DE KuuL (Vespertilio Kuhlii, NarrT.), d'un brun rouge en dessus, fauve en dessous ; moilié supérieure de la face interne de la membrane interfémorale très-velue; les oreilles tres-simples, presque (riangulaires, à oreillons larges et arqués en dedans. De Trieste, Le VESPERTILION À MOUSTACUES ({Vespertilio Mmystacinus, LEis1.\, d’un brun marron en des- sus, plus clair dans la femelle ; deux moustaches de poils fins sur le rebord de la lèvre supérieure ; oreilles assez grandes, échancrées et repliées au bord extérieur, arrondies au sommet ; oreillons lancéolés. D’Allemagne. Le VESPERTILION DE DAUBENTON ( l’espertilio Daubentonii. Leisc.), d'un gris roux en dessus, blanchätre en dessous ; oreilles presque ovales, petites, presque nues, à bord externe un peu échancré, le bord interne largement replié; oreillons lancéolés, minces, (rès-pelits. De la Wéléravie. Le VesPeRTILION DE LEISLER (Vespertilio Leisleri, KuuL.Vespertilio dasycarpos, LEisL.), à poils longs, de couleur marron à la pointe et d’un brun foncé à la base ; membrane {rès-ve- lue le long des bras; oreilles courtes, à oreillon terminé par une partie arrondie; queue dépas- sant à peine la membrane. D’Allemagne. Le VESPERTILION DE SCREIBERS ( Vespertilio Sereibersii, NaTT.), d’un gris cendré, plus pâle en dessous, quelquefois mêlé de blanc jaunâtre ; oreilles plus courtes que la tête, larges, droites et triangulaires, avec les angles arrondis et un rebord interne velu ; oreillon lancéolé, recourhé en dedans vers la pointe. Des montagnes de Bannat, dans les cavernes. Le VESPERTILION DE NATTERER | V’espertilio Naitereri, KuuL.) d'un gris fauve en dessus ; blanc en dessous ; ailes d’un gris enfumé; mem- brane interfémorale festonnée ; oreilles un peu plus longues que la tête, ovales, assez larges; orcillon lancéolé, placé sur une protubérance de la conque. D’Allemagne. ” Le VESPERTILION DE BECBSTEIN ( Vespertilio Bechsleinii, Leisu.), d'un gris roux en dessus blanc en dessous; oreilles plus longues que la tête, arrondies au bout ; un oreillon en forme de faux, un peu courbé en dehors vers sa pointe. De l'Allemagne; dans les troncs d'arbres. 2° VESPERTILIONS D'AFRIQUE. Le VESPERTILION DE NIGRINIE ( Vespertilio ni- gra, Guz. — Grorr. La Marmotte volante, Daus.), d’un brun fauve en dessus ; d’un fauve cendré en dessous ; oreilles du tiers de la lon- gueur de la tête, ovales-triangulaires, à oreillon long el terminé en pointe. Du Sénégal. Le VESPERTILION DE BourBON ( Vespertiüio borbonicus, GEorr ), roux en dessus, blanchâtre en dessous ; oreilles de moitié plus courtes que la tête, ovales-triangulaires; oreilion long, en demi-cœur. De l’île Bourbon. VESPERTILIONS. 99 5° VESPERTILIONS D'ASIE. Le KainivouLa ( Vespertilio pictus, Lin. Le Muscardin volant, Daus.), d'un roux jaunâtre vif en dessus ; d’un jaune sale en dessous ; ailes d'un brun marron, rayées de jaune citron le long des doigts ; oreilles plus courtes que la tête, plus larges que hautes, à oreillon subulé. De Ceylan Séba avait mentionné cette espèce comme étant de Ternate; peut-être l'y voit-on. 4 VESPERTILIONS D'AMÉRIQUE. La GRaNbE SÉROTINE ( Vesperlilio maximus, Desm. Vesperlilio nasutus, Saw.) d'un brun marron en dessus, passant au jaune clair sur les flancs ; d’un blanc sale en dessous; oreilles plus courtes que la tête, ovales; oreillons subulés ; museau long et pointu. De la Guyane. Le VESPERTILION AU LONG NEZ ( Vespertilio naso, Max. DE Neuw.), d’un gris brun ou jaune foncé en dessus ; gris jaunätre en dessous ; oreil- les petites, très-pointues ; nez fort long, s’al- longeant d’une ligne au-dessus de la mächoire supérieure, comme une trompe. Du Brésil; sur les arbres. Le VESPERTILION POLYTBRIX ( Vespertilio po- lythrix, Isin. Georr.), d’un brun marron uni- forme, tirant sur le grisätre; membrane inter- fémorale un peu poilue; face velue; oreilles plus longues que larges, petites, échancrées à leur bord extérieur. Du Brésil. Le VESPERTILION DU BRÉSIL (Vesperlilio bra- siliensis, Desm.), pelage doux et soyeux, d’un brun obscur lavé de marron; ailes étroites et noires ; oreilles allongées, médiocres. Du Bré- sil. Le VESPERTILION DE SaiNT-HiLaiE (Vesperti- lio Hilarii, Isi. Georr.), comme le précé- dent, mais pelage variant du brun noirâtre au brun marron en dessus, et du grisätre au brun roux en dessous ; membrane interfémorale nue ; oreilles petites, presque aussi larges que lon- gues. Du Brésil. Le VespegTiLion Lisse (Fespertilio lœvis, Isin. Georr.), d’un brun obscur teinté de mar- ron; la face nue en partie; la membrane inter- fémorale un peu poilue ; les oreilles longues; la queue aussi longue que le corps. Du Brésil. Le VESPERTILION DE BUENOS-AYRES ( Vesperli- lio bonariensis, Less.), d'un jaune pruineux en dessus ; d’un jaune brun en dessous; fauve au museau ; les oreilles courtes, ovalaires ; les ailes d'un rouge noirâtre; la membrane interfémo- rale fres-velue en dessus, nue en dessous. De Ja Plata. Le VEesPERTILION POUDRE ( F'espertilio albes- cens, GEOrr.), presque noir ; piqueté de blanc en dessus, et à teinte sombre en dessous. Du Paraguay. Le VEsPERTILION ROUGE ( l'esperlilio ruber. Georr.), d'un jaune cannelle en dessus, fauve en dessous, à poils courts ; oreilles {rès-pointues ; oreillons étroits, linéaires. Du Paraguay. Le VESPERTILION TRÈS-VELU (Vespertilio villo- sissimus, Georr.), d'un brun pâle ; oreilles assez aigués au bout , ressemblant à celles d'un rat ; oreillon pointu ; membrane interfémorale velue dans son milieu. Du Paraguay. Le VESPERTILION A DOS Noir ( Vespertilio me- lanotus, RArIN,), noirâtre en dessus ; blanchâtre en dessous ; ailes d’un gris foncé, avec les doigts noirs ; oreilles arrondies et à oreillon. Des Etats- Unis. Le VESPERTILION AUX AILES BLEUES ( Vesperli- lio cyanopterus, Rarin.), d'un gris foncé en dessus ; gris bleuâtre en dessous ; ailes d'un gris bleuâtre, avec les doigts noirs; oreilles plus longues que la tête; un oreillon. Des États- Unis. Le VESPERTILION MOINE ( Vespertilio mona- chus, Rarin.), d’un fauve rougeätre et foncé en dessus, fauve en dessous; ailes d’un gris foncé ; nez et doigts roses; pattes de derrière noires; oreilles petites, cachées dans les poils. Des États- Unis. Le VESPERTILION À FACE NOIRE ( Vesperlilio phaïops, Rarin.) d'un brun bai obscur en des- sus, plus päle en dessous ; les ailes, la face et les oreilles noirâtres. Des États-Unis. Le VESPERTILION ÉPERONNE ( Vespertilio cal- caratus, RArIN.), d’un brun noirâtre en dessus ; fauve foncé en dessous; ailes et pieds de der- riere noirs; doigts roses; un éperon à la partie interne de la première pbalange. Des Etats- Unis. Le VESPERTILION A QUEUE VELUE ( Vesperlilio lasiurus, Lin.), varié de gris jaunâtre et de roux vif; oreilles plus courtes que la téte, ovales; oreillon droit en demi-cœur. Des États-Unis. Le VESPERTILION DE LA CAROLINE ( Vesperti- lio carolinensis, Grorr.), d'un brun marron en dessus, jaune en dessous ; oreilles de la longueur de la tête, oblongues, en partie velues; oreil- lon en demi-cœur. Des environs de Charles- town. Le VESPERTILION ARQUE (P’esperlilio arquatus, 100 LES CARNASSIERS CHÉIROPTÈRES. Say.) oreilles un peu plus courtes que la tête, à bord postérieur portant deux pelites échan- crures obtuses; oreillon arqué, obtus au bout; membrane interfémorale nue. Du nord-ouest des États-Unis. Le VESPERTILION SUBULE ( Vespertilio subula- tus, Sax.), pelage à poils brunâtres à la base, cendré au sommet; ceux du ventre noirs à la base et d’un blanc jaunâtre à l'extrémité; mem- brane interfémorale unicolore, velue à la naïs- sance, un peu dépassée par la queue ; oreilles de la longueur de la tête, plus longues que lar- ges. Des montagnes rocheuses du nord de l’A- mérique. Le VESPERTILION PRUINEUX ( Vespertilio prui- nosus, SAy.), d'un brun noirâtre, piqueté de blanc sur les parties antérieures ; d’un ferrugi- neux foncé sur la croupe; d’un blanc jaunâtre terne sous la gorge; oreilles plus courtes que la tête; oreillons arqués, à pointes très-obtuses. De Pensylvanie. 16e Genre. Les OREILLARDS ( Plecotus, Georr.) ont trente-six dents : quatre incisives supérieures et six inférieures; deux canines en haut et en bas; dix molaires à la mâchoire su- périeure et douze en bas; leurs oreilles sont très développées, plus grandes que la tête, et unies l’une à l'autre sur le crâne. RS PE PE EN PE VESPERTILIONS. 101 L'Oreillard. L'OREILLARD | Plecotus communis, Grorr. Vespertilio auritus, Lin. L'Oreil- lard, Burr.). Cet animal est une des plus petites chauves-souris de notre pays. Il est entie- rement gris, mais plus foncé en dessus qu'en dessous; on le distingue de tous les animaux de sa classe par l’énorme grandeur de ses oreilles, qui sont presque aussi longues que son corps. On en connaît deux variétés : l’une, qui habite l'Autriche, est un peu plus grande que la nôtre ; l’autre, qui se trouve en Egypte, est au contraire un peu plus petite. L’oreillard est sans contredit l’animal le plus étrange que nous ayons en France, sous le rapport de la physionomie. Quand il est en repos, ses oreilles se plissent en travers, se raccourcissent, et finissent par recouvrir le canal auditif en disparaissant presque, ou du moins ne montrant que des proportions ordinaires. Cette faculté lui est d'autant plus nécessaire, qu’il habite nos mai- sons, nos cuisines même, et se loge le plus souvent dans des trous de murs où ses oreilles le géneraient beaucoup et seraient continuellement froissées s’il n'avait le pouvoir de les replier à peu près comme les membranes de ses ailes. Beaucoup plus commun chez nous que la chauve-souris ordinaire, s’il échappe à l'observation, c’est parce qu'il sort plus tard de sa retraite, qu'il vole avec une rapidité telle, qu'a peine peut-on l’apercevoir dans l'obscurité, outre que ses petites dimensions favorisent son incognito. Il marche sur la terre avec plus de facilité que les autres animaux de sa famille, et je l'ai vu quelquefois grimper 102 LES CARNASSIERS CHÉIROPTÈRES. contre de vieux murs avec autant d'agilité que pourrait en mettre une souris. Son vol est très-irrégulier, très-capricieux, et l’on dirait qu'il prend à tâche de ne pas parcourir trois toises en ligne droite: il monte, il descend ; il tourne à droite, à gauche; il va, 1l revient ; et tout cela par des mouvements brusques et anguleux qu'il est presque impossible de suivre avec les yeux. Comme la chauve- souris, il esttrès-curieux, et si on veut l’attirer en quelque endroit, il ne s’agit que d’agiter un linge blanc autour d'un bâton : il viendra aussitôt voltiger au- tour jusqu'à ce qu'il ait reconnu cet objet étrange pour lui. Alors, il se remet en chasse et saisit dans les airs les plus petits insectes. Ses oreilles monstrueuses ne lui ont pas été données inutilement par la na- ture. Je ne pense pas, comme G. Cuvier, qu'elles lui servent beaucoup pour recevoir les impressions de l'air et reconnaître la présence des corps contre les- quels 11 pourrait se heurter ; mais je crois que le sens de l’ouïe est prodigieuse- ment développé chez lui, parce qu'il remplace jusqu'à un certain point celui de la vue, où que du moins il lui est un puissant auxiliaire. En effet, comment l’oreil- lard, avec des yeux très-petits, presque cachés dans les poils de son front, pour- rait-il, surtout lorsque la nuit est noire, apercevoir à une certaine distance les insectes dont il se nourrit? Il ne les voit pas, j'en suis persuadé, mais il les en- tend bourdonner, et alors il se précipite vers l'endroit où son oreille l'appelle, il le parcourt dans tous les sens, y fait mille tours et détours, toujours en obéissant à son guide, jusqu'à ce que sa faible vue ait découvert l’objet de ses recherches, et qu'il ait pu le saisir. Ensuite, il me semble que ceci expliquerait assez bien l’irrégularité de son vol, et les mille crochets brusques qu'on lui voit décrire dans un espace quelquefois très-resserré. L'OrtiLLarD connu ( Plecolnus cornutus, Fa- ailes grises ; oreilles très-larges, à pointe arron- GER.) est encore plus remarquable que le pré- die et échancrée extérieurement. De lile de cédent pour la longueur de ses oreilles, quin'ont Porto-Rica. pas moins de dix-neuf lignes de longueur, et La BaARBASTELLE ( Plecotus barbastellus, Less. sont par conséquent aussi longues que son corps. Vespertilio barbastellus, LiN.—GmLc.—(Grorr.), Les oreillons sont aussi longs que les oreilles, d’un brun foncé, glacé de fauve; ailes d’un brun et figurent assez bien une paire de cornes. Son noir; oreilles larges, triangulaires, à bord ex- pelage est d’un noir lavé de brun en dessus, et térieur échancré; oreillons très-larges à la base, d’un noir bleuâtre varié de blanc grisätre, sur étroits à la pointe, recourbés en arc vers l’inté- le ventre et sur la gorge. On le trouve dans le rieur. De France et d'Allemagne. Jutland. L'OreiLLarD DE Timok (Plecot rs l'imorien- sis, Less. Vespertilio timoriensis, Grorr.) est d'un brun noirâtre en dessus, et d'un brun cen- dré en dessous; ses oreilles sont grandes, et ses oreillons en demi-cœur. Des Moluques. L'Or&itLaRD DE RAmNESQUE ( Plecotus Ra/fi- nesquii, Less. Vespertilio megalotis, Rarin.) est d'un gris foncé en dessus, päle en dessous ; ses oreilles sont doubles, très-grandes, avec des oreillons aussi longs qu’elles, caractère qui le distingue de l'espèce de notre pays. On le trouve aux Éta{s-Unis. ; L'Orsicrinn pe MaucE ( Plecotus Maugei, Less. Vespertilio Maugrei, Des.) est d’un brun noirâtre en dessus, d’un brun clair en dessous, avec les parties postérieures du corps blanches ; L'OrwiLLaARD VOILÉ (Plecotus velatus, Isis. G£orr., d'un brun marron en dessus, brun gri- sâtre en dessous; queue aussi longue que le corps, entièrement prise dans la membrane ; oreilles larges, de la longueur de la tête. Du Brésil. 17e Gevne. Les ATALAPHES (Atalapha, Rari.). Point de dents incisives; queue plus longue que sa membrane, ou entierement prise dans elle ; oreilles médiocrement écartées, mu- nies d’oreillon. L’ATALAPHE D'AMÉRIQUE ( Atalaph« ameri- cana, RaArIN. Vespertilio noreboracensis, PENX.) brun en dessus, plus pâle en dessous ; poils doux et soyeux ; une tache blanche aux épaules ; queue entierement prise dans sa membrane: oreilles arrondies, larges et courtes. De New-York | NOCTILIONS. L'ATALAPHE DE SICILE ( Atalapha sicula, Ra- riN.), d'un roux brunätre en dessus et cendré en dessous ; extrémité de la queue obluse, saillante de sa membrane ; oreilles aussi longues que la tête. De Sicile. 18° Genre. Les MYOPTÈRES (Myopteris, Georr.) ont vingt-six dents; deux incisives et deux canines supérieures et inférieures ; huit molaires supérieures et dix inférieures ; chan- frein simple et uni; oreilles séparées, latérales, larges, à oreillon interne; queue longue, prise à demi dans la membrane; museau court el gros. Le MyopTÈèRre D+ DAUBENTO\ ( Myopteris Dau- bentonii, Georr. Le Rat volant, Daus.), brun en dessus ; le dessous d'un blanc sale, légère- ment teinté de fauve. Sa patrie est inconnue 19° Genre. Les NYCTICÉES (Nycticeus, Ra- FIN.) ont deux incisives supérieures, séparées par un grand intervalle, appliquées contre les canines, et à crénelures aigués ; six incisives in- férieures tronquées ; les canines s::ns verrues à leur base. Peut-être, quand on les connaïitra mieux, faudra-t-il reporter les espèces de ce genre et du suivant dans d’autres genres. La NycTicéE HUMÉRALE (Nycticeus humeralis, Rarin.), d'un brun foncé en dessus, grise en dessous, avec les épaules noires ; queue presque aussi longue que le corps, très-mucronée ; oreil- les plus longues que la tête, ovales, noirâtres. Du Kentucky, aux Etats-Unis. La NyCTicéÉE MARQUETÉE ( !Vycticeus tessella- 103 tus, Rarin.), bai en dessus, fauve en dessous, à collier étroit et jaunâtre ; queue de la longueur du corps, terminée par une verrue saillante ; ailes réticulées et pointillées de roux ; nez bilobé. Du Kentuck\. 20° Genre Les HYPEXODONS ( Hypexo- don, RAFIN.) manquent d’incisives supérieures, et en ont six inférieures, échancrées ; les canines inférieures ont une verrue à la base; leur mu- seau est nu; leurs narines rondes, saillantes : leur queue est entièrement prise dans sa mem- brane. L'HYPEXODON À MOUSTACHES ( Hypexodon mys- tax, Ramin.) est brun sur le sommet de la tête, fauve sur le reste du corps; ses ailes sont noires; sa queue est mucronée; ses moustaches sont longues ; ses oreilles sont brunes et plus longues que la tête. Il habite le Kentucky. Les mœurs des chauves-souris d'Amérique sont fort mal connues, non pas qu’il serait fort difficile de les étudier, mais parce que les natu- ralistes américains se sont laissés aller aux mé- mes préjugés que les nôtres, et qu’ils regardent comme chose d’une importance très-minime l’histoire morale des animaux. Et, cependant, de quelle utilité serait pour la philosophie de la science la connaissance des faits intéressants et nombreux qui nous sont restés inconnus, sim- plement parce qu'on n’a pas voulu se donner la peine de les observer, ne fût-ce que pour cal- culer le degré d'influence de l’organisation sur les habitudes ? LES NOCTILIONS ont les ailes longues et étroites, et deux pha- langes à l'index. Leurs molaires sont réelle- ment tuberculeuses ; leurs lèvres sont très-gros- ses; leur-tête est courte, obluse; leur queu® recourbée. Quelques femelles de cette famille ont de chaque côté une poche memhraneuse dans laquelle elles renferment leurs petits pour les porter avec elles. 21° Genre. Les DYSOPES (| Dysopes, Fr. Cuv. ont vingt-huit dents : deux incisive;s en haut et quatre en bas; deux canines à chaque mächoire ; buit molaires supérieures, et dix in- férieures. Le Moops ( Dysopes moops, FR. Guy.) est la seule espèce de ce genre, et se trouve dans l'Inde. 22e Genre. Les NOCTILIONS (Noctilio, Gore.) ont vingt-huit dents : quatre incisives en haut et deux en bas; deux canines tres-fortes à chaque mâchoire; huit molaires supérieures et dix inférieures. Leur museau est court, ren- flé, fendu, garni de verrues; leurs oreilles sont latérales et petites; leur nez est simple, con- fondu avec les levres; leur queue est envelop- pée à sa base dans la membrane, qui est très- grande. Le NocTiL10N unicoLore (Noctilio unicolor, Georr. Vespertilio leporinus, Lan.) est de la grandeur d’un rat, d'un fauve pâle uniforme. On le trouve dans toutes les parties chaudes de l'Amérique méridionale. On en connait deux variétés : 1° Le Dorsatus, GEorr., qui n’en diffère que par une bande blanchätre qu'il a sur le dos: 20 L'Albiventer, GEorr., roussâtre en dessus, blanc en de:sous. 25° GENRE. Les MOLOSSES (Molossus Georr.\. Ils ont vingt-huit dents: deux inci- sives, deux canines, et dix molaires à chaque mâchoire; leur tête est courte ct leur museau renflé; leurs grandes oreilles sont réunies ou couchées sur la face, à oreillon extérieur ; la membrane interfémorale est étroite, coupée carrément, et enveloppe a sa base ou en tota- lité une longue queue. Le MoLosse PÉDIMANE ( Molossus cheiropus, 101 Less. Cheiromeles torquatus, Honsr. Deisopes cheiropus, Ten.) a vingt et un pouces (0,569); son dos est nu ; quelques poils épars et rudes lui forment une espèce de fraise sur le cou; son ventre est recouvert d'un duvet court et peu sensible ; ses ailes ont vingt et un pouces (0,569) d'envergure ; sa queue est ridée dans sa partie libre; les orei les sont écartées, longues, à dou- ble oreillon. De Siam. Le Mouosse DILATÉ (Molossus dilatalus, Less. Nyctinomus dilatatus, Horsr.}, d’un fauve noirâtre, plus pâle en dessous; les ailes très- grandes, la queue grêéle ; la membrane interfé- morale formée de fibres musculaires rares. De Java. Le Moosse DE RuPpez (Molossus Ruppelii, Less. Dysopes Ruppelii, Teux.), d'un gris de souris uniforme, un peu plus clair en dessous. Il est long de cinq pouces et demi (0,149), et il a quatorze pouces six lignes (0,595) d’enver- gure. Son poil est lisse, serré, fin, long sur les doigts, rare sur le museau ; ses lèvres sont lar- ges, pendantes et plissées. On le trouve dans les souterrains, en Égypte. Le MoLosse À POILS RAS ( Molossus abrasus, Less. Dysopes abrasus, Teux.), long de quatre pouces trois lignes (0,115); d'un marron vif et lustré en dessus, plus clair et terne en dessous ; ailes noires, de neuf pouces et demi (0,258) d'envergure; poils très-ras, mais serrés. Du Brésil. Le Mozosse GRÈLe (Molossus lenuis, Less. Nyctinomus tenuis, Honsr. Dysopes tenuis, T'emm.), long de trois pouces neufligues 0,101); d'un brun noirâtre en dessus, cendré en des- sous, à poils courts, lisses, doux; ailes de dix pouces et demi (0,285) d'envergure; des soies blanches au bout des doigts de pieds; levre su- périeure large, bordée d'un rang de verrues. De Java et de Banda. Le Mocosse aLecrO (Molossus alecto, Less. Dysopes alecto, Temm.\, long de cinq pouces et demi (0,149); pelage d’un noir très-brillant, imitant le velours le plus fin ; de longues soies au croupion; ailes d'un pied (0,525) d’enver- gure. Du Brésil. Le MoLosse ENFUME (Molossus fumarius, Spix. Dysopes obscurus, TEmm.), long de trois pouces trois lignes (0,088) ; poils de deux couleurs, d'un brun noirâtre en dessus et d’un brun cendré en dessous ; lèvres bordées de soies; ailes de neuf pouces (0 244) d'envergure. De la Guyane et du Brésil. Le Moiosse AGILE ( Molossus velox, Less. Dy- sopes velox, TEmm.), de trois pouces et quart (0,088) de longueur ; d’un brun marron très- foncé et brillant en dessus, plus clair et mat en dessous; un siphon glanduleux au-devant du cou; pelage lisse et très-court; ailes de dix pouces (0,271) d'envergure. Du Brésil. LES CARNASSIERS CHÉIROPTÈRES. Le MoLossE MARRON (Molossus rufus, GEOFR.), d'un marron foncé en dessus, clair en dessous ; museau court et très-gros. Sa patrie est inconnue. Le Mozosse ogsscur ( Molossus obscurus , Geore.), d’un brun noirâtre en dessus, plus terne en dessous, à poils blancs à leur base. Du Paraguay. Le Mozosse noir (Molossus ater, Georr.), d'un noir brillant en dessus. Sa patrie est in- connue. Le MOoLossE À LONGUE QUEUE (Molossus lon- gicaudatus, Gore. Vesperlilio molossus, Lin. Le Mulot volant? Burr.), d'un ceudré fauve; queue presque aussi longue que le corps; une lanière de peau s'étendant du front au museau. On le croit de la Martinique. Le MoLossE À LARGE QEUUE (Molossus lati- caudatus, GEore.), d'un brun obscur en des- sus, plus clair en dessous; queue bordée de cha- que côté par un prolongement de la membrane. Du Paraguay. Le Moosse À GROSSE QUEUE (Molossus cras- sicaudalus, G£orr.), d'un brun cannelle, plus päle en dessous ; queue bordée de chaque côté par un prolongement de la membrane. Du Pa- raguay. Le MOLossE À QUEUE ENVELOPPÉE ( Molossus amplexicaudatus, Grorr. La Chauve-souris de la Guyane, Burr.), noirâtre, moins foncé en dessous; queue entièrement enveloppée dans la membrane. Il vole en troupe nombreuse. De Cayenne. Le MOoLOSssE A QUEUE POINTUE ( Molossus acu- ticaudatus, Desn.), d’un brua noir, teinté de couleur de suie ; queue longue, presque entiè- rement prise dans la membrane, qui forme un angle assez aigu. Du Brésil. Le MoLosse cuaTaAIN (Molossus castaneus, Georr.), chatain en dessus, blanchälre en des- sous ; un ruban étendu depuis le museau Jjus- qu’au front. Du Paraguay. s Le MoLossE À VENTRE BRUN (Molossus fusci- venter,GEorr.Le second Mulot volant de Burr.), d’un cendré brun en dessus, cendré en des- sous, avec le milieu du ventre brun. On ignore sa patrie. 24° GENRE. Les DINOPS ( Dinops, Say.) ont treute-deux dents : deux incisives en baut et six en bas; deux canines supérieures et deux infé- rieures ; dix molaires à chaque mâchoire; leurs oreilles sont réunies et étendues sur le front; leurs lèvres sont pendantes et plissées; leur queue est libre dans la seconde moitié de sa grandeur. Le Dinops DE CEsTONI ( Dinops Ceslonii, Sav.), d’un gris brun en dessus, passant légè- rement au jaunâtre en dessous ; oreilles grandes, arrondies, à bord externe un peu échancré; ailes et queue d’un brun noir; lèvres, oreilles et museau noirs. Des environs de Pise. NOCTILIONS. 25° Genre. Les STÉNODERMES | S{en0- derma, -Georr.) ont vingt-huit dents : quatre incisives en haut et en bas ; deux canines supé- rieures et inferieures; huit molaires à chaque mâchoire. Georges Cuvier dit qu'ils n'ont que deux incisives supérieures. Leur nez est sim- ple; leurs oreilles petites, latérales et isolées, avec un oreillon intérieur; ils manquent de queue, et leur membrane est échancrée jusqu'au coceyx. Le STÉNODERME ROUX (| Stenoderma rufa, Gæorr.), d'un roux châtain uniforme; oreilles moyennes, ovales, à bord externe un peu échan- cré. On ne connaît pas sa patrie. 26° Gexne. Les CÉLÈNES Celæno, Leacn.) ont vingt-six dents : deux incisives en haut et quatre en bas; deux canines à chaque mâchoire; huit molaires supérieures et inférieures; troi- sième et quatrième doigt à {rois phalanges, l’externe à deux; oreilles écartées; oreillons petits; queue nulle ; membrane se prolongeant peu au delà des doigts de derrière. Le CELÈ\E DE Brooks (Celæno Brooksiana, Leacs.); dos ferrugineux; épaules et ventre d'un ferrugineux jaunätre; oreilles pointues, à bord postérieur droit et l’antérieur arrondi; toutes les membranes noires. Patrie inconnue. 27 Genre. Les ÆLLO ( Ællo, Leacu ) ont vingt-quatre dents : deux incisives supérieures et inférieures; deux canines en haut et en bas, et huit molaires à chaque mâchoire; leurs oreilles sont rapprochées, courtes, très-larges, et manquent d’oreillon; leur troisième doigt a quatre phalanges, le quatrième et le cinquieme chacun trois ; la queue, formée de cinq vertè- bres dans sa partie visible, ne dépasse pas la membrane, qui est droite. L'Æzzo pe Cuvier (Ællo Cuvieri, LeAcH.), d'un fauve ferrugineux ; oreilles un peu tron- quées au bout; ailes d’un brun obscur. Sa pa- trie est inconnue. 28 Gevre. Les SCOTOPHILES (Scotophi- 105 lus, Leacu.) ont trente dents : quatre incisives supérieures et six inférieures; deux canines en haut et en bas; huit molaires à chaque mäà- choire; le troisième, le quatrième et le cin- quième doigt des ailes ont trois phalanges cha- cun. Le Scoropuice pe KuuL (Srot philus Kuhlii, Leacu.) ; pelage ferrugineux; ailes, orcilles ct nez bruns. Sa patrie est inconnue. 29° Genre. Les NYCTINOMES ( Nyctino- mus, GEorr.) ont trente dents : deux incisives supérieures et quatre inférieures; deux canines en haut et en-bas; dix molaires à chaque mä- choire. Leur nez est plat, confoñdu avec les lèvres; celles-ci sont ridées et profondément fendues ; les oreilles sont couchées sur la face, grandes, à orcillon extérieur ; la queue est lon- gue, à demi enveloppée à sa base par la mem- brane, qui est moyenne et saillante. Le Nycrixome D'ÉGypTE ( Nyctinomus ægup- tiacus, Georr. Dysopes Geoffroyii, Temm.) est roux en dessus, brun en dessous ; queue grêle, à moitié enveloppée dans la membrane, qui n'a point de bride membrancuse. En Égypte, dans les souterrains. Le Nycrinome pu Port-Louis (Nyctinomus acetabulosus, Grorr.), d’un brun.noirâtre ; queue enveloppée aux deux tiers par la mem- brane interfémorale. De l'Ile-de-France. Le NycTiNoME DU BENGALE ( Nyclinomus ben- galensis, G£orr. Vexpertilio plicatus, Bucu.) ; remarquable par sa queue assez grosse, à moi- tié enveloppée par la membrane, qui a des bri- des membraneuses. Du Bengale. Le Nvcriome pu BRésiz (Nyclinomus bra- siliensis, Isin. Georr ) est long de trois pouces onze lignes 0,106) ; d'un cendré teinté de brun noir ou de brun fauve en dessus, plus gris et moins foncé sur le ventre; un peu plus foncé vers la poitrine; quelques poils rares sur Ja première moitié de la queue prise dans la mem- brane. 106 LES CARNASSIERS CHÉIROPTÈRES. La Roussette, LES ROUSSETTES ont les molaires brusquement tuberculeuses, d'où il résulte que ces animaux sont frugivores ; les ailes sont arrondies, avec le doigt index à trois phalanges ; leur tête est longue et velue ; ordivairement elles n’ont ni queue, ni mem- brane interfémorale. La plupart des femelles ont des poches dans lesquelles elles portent leurs petits. 50° GENRE. Les ROUSSETTES ( Pteropus, Buiss.) ont trente-quatre dents : quatre inci- sives en haut et en bas; deux canines supé- rieures et inférieures; dix molaires à la mä- choire supérieure et douze à l’inférieurc; leur téte est conique; leurs oreilles courtes; elles ont un petit ongle au doigt index de l’aïle; leur queue est nulle ou rudimentaire, et leur mem- brane interfémorale très-peu apparente. Ge sont des animaux d’une taille assez grande. 1° ROUSSETTES SANS QUEUE. Le KaLonG (Pteropus javanicus, DEsm.) a les ailes de cinq pieds (1,624) d'envergure; il est noir, excepté sur le dessus du cou, qui est d'un roux enfumé ; il a quelques poils blancs mélés aux autres sur le dos. On le trouve dans l'ile de Java, et il a les mêmes mœurs que l’es- pèce suivante, dont peut-être il n’est qu’une va- riété. La ROUSSETTE (Piteropus vulgaris, Grorr. La Roussette, Burr. Le Chien volant, Daus.). Quoique moins singulier dans ses formes que la plupart des chauves-souris, LES CHAUVES SOURIS VUE DES BORDS DU NIL. (Jardin des Plantes.) ROUSSETTES. 107 cet animal n'en est pas moins un des plus extraordinaires que l’on connaisse ; il est brun ou d’un brun marron en dessus, d’un fauve roussâtre à la face et aux côtes du dos, d'un noir foncé, ou quelquefois marron, en dessous. Son corps a environ un pied (0,525) de longueur, et ses ailes ont une très-grande enver- gure. Une des premières bizarreries de la roussette est que la femelle, qui a ses deux mamelles sur la poitrine, est sujette à certaines incommodités périodiques des femmes et de quelques femelles de quadrumanes. En outre, plusieurs espèces de cette famille ont, de chaque côté du corps, des sortes de poches membraneuses dans lesquelles elles placent leurs petits pour les transporter aisément pendant qu'elles volent, car elles ne s'en séparent que lorsqu'ils sont assez grands pour pouvoir remplir eux seuls et sans secours toutes les fonctions de l’animalite. Longtemps même après cette époque, elles les guident ou les suivent, les aidant de leur vieille expérience. Il résulte de cette habitude que ces ani- maux vivent en société, et qu'on les rencontre le plus ordinairement en grande troupe. « Les anciens, dit Buffon, connaissaient imparfaitement ces quadrupèdes ailes, qui sont des espèces de monstres, et il est vraisemblable que c'est d’après ces modeles bizarres de la nature que leur imagination a dessiné les harpies. Les ailes, les dents, les griffes, la cruauté, la voracité, la saleté ; tous les attri- buts difformes, toutes les facultés nuisibles des harpies, conviennent assez à nos roussettes. Hérodote parait les avoir indiquées lorsqu'il a dit qu'il y avait de grandes chauves-souris qui incommodaient beaucoup les hommes qui allaient recueillir la casse autour des marais de l'Asie ; qu'ils étaient obligés de se cou- vrir de cuir le corps et le visage pour se garantir de leurs morsures dange- reuses. « Ces animaux sont plus grands, plus forts, et peut-être plus méchants que le vampire; mais c'est à force ouverte, en plein jour aussi bien que la nuit, qu'ils font leurs dégâts; ils tuent les volailles et les petits animaux, ils se jettent même sur les hommes, les insultent et Les blessent au visage par des morsures cruelles ; et aucun voyageur ne dit qu'ils sucent le sang des hommes et des animaux en- dormis. » Ceci, comme on le pense bien, est fort exagéré, et je ne crois pas qu'aucun voyageur moderne ait vu attaquer l’homme par des rousseltes. Ces animaux vivent principalement de fruits; néanmoins ils dévorent aussi de petits mam- miféres et des oiseaux. [ls peuvent très-bien poursuivre ceux-ci dans les airs pendant le jour, car ils supportent sans peine la lumière, quoique le plus sou- vent ils ne sortent de leur retraite qu’au crépuscule. Les roussettes sont généralement farouches; elles n’établissent leur domi- elle que dans les lieux les plus sauvages des forêts, où elles se suspendent aux branches des arbres par leurs pieds de derrière, à la manière des chauves- souris. Le Mecaxou-Bourou (Pteropus edulis, PÉRON) ras et luisants. 1l se trouve dans les Moluques, a quatre pieds (1,299) d'envergure; il est en- et n’habite que les cavernes les plus ténébreuses, tiérement noirätre, avec le dos couvert de poils contre l'habitude des autres roussettes. Les ha- 108 bitants du pays lui font activement la chasse pour le manger, et trouvent sa chair délicieuse. Les Européens qui en ont goûté la comparent à celle du meilleur lapin de garenne, La Rousserre D'Enwarps ( Pteropus Edwar- sii, Desu. La grande Chauve-Souris de Mada- gascar, Ebw. Vespertilio vampirus, Lin.) n’est peut-être, comme le pense Temminck, qu’une variété de la précédente. Son pelage est d’un brun marron sur le dos, d’un roux vif sur les côtés, et d’un brun clair sur le ventre, De Ma- dagascar. La RoucerTE (Pteropus rubricollis, Georr. Vespertilio vampirus, Lin. La Rougette, Burr. La Roussetle à collier, G. Guv.) à deux pieds (0,650) d'envergure ; elle est d’un gris brun, avec le cou rouge. Cette espèce habite l’île de Bourbon, où elle vit dans les arbres creux. Le Fan (Pteropus Keraudren, Quoyx et Ga. C’est le Poë des iles Carolines). Il est singulier que dans l'ile d'Oualan cet animal était nommé par les habitants Quoy, c'est-à- dire qu’il portait le même nom que le naturaliste qui l’a décrit le premier. Il est noirâtre, avec le con, les épaules et le derrière de la tête jaunes. I] a les oreilles courtes et noirâtres. On trouve le fanibi depuis les îles Pelew jus- LES CARNASSIERS CHÉIROPTÈRES. qu'aux Carolines orientales. 11 vit en grande troupe dans les forêts, où il passe le jour sus- pendu aux branches mortes des arbres. - La ROUSSETTE DE Dussumier ( Pleropus Dus- sumiert, [s. G£orr.) est voisine de la précé- dente, mais elle en diffère par la couleur brune de la gorge et du devant du cou ; le ventre et le dos sont bruns mélangés de poils blancs ; la partie supérieure de Ja poitrine est d'un brun roussätre ; les côtés du cou, depuis le bas des oreilles jusqu'aux épaules, sont d’un fauve un peu roussätre. Sa longueur totale est de sept pouces (0,189), et ses ailes ont deux pieds trois pouces (0,751) d'envergure. Elle est du conti- nent indien. La ROUSSETTE GKISE (Pteropus griseus, GEOrr.) a un pied six pouces (0,487) d'envergure; elle est grise, avec la tête et le cou d’un roux vif. Elle est de Timor. Le Bapur ( Pleropus medius, Temm.) a quatre pieds et demi (1,461) d'envergure; la tête, l’oc- ciput, la gorge sont d’un marron noirâtre ; le dos est noirâtre légèrement teinté de brun; la nuque est d'un roux jaunâtre ; les côtés du cou et les parties inférieures sont d’un roux brun feuille-morte ; les aïles sont brunes. Les Indiens lui font une chasse active. Le badur habite Calcutta, Pondichéry et d’autres parties de l'Inde. Les voya- geurs l'ont généralement confondu avec le melanou-bourou, quoiqu'il n’ait pas les mêmes habitudes. Je crois que c’est à cet animal qu'il faut appliquer ce passage de l'Histoire générale des Voyages : « On voit sur les arbres une infinité de grandes chauves-souris qui pendent attachées les unes aux autres sur les arbres, et qui prennent leur vol à l'entrée de la nuit pour aller chercher leur nourriture dans les bois fort éloignés; elles volent quelquefois en si grand nombre et si serrées, qu'elles obscurcissent l'air de leurs grandes ailes, qui ont quelquefois six palmes d'étendue. Elles savent discerner, dans l’épaisseur des bois, les arbres dont les fruits sont mûrs; elles les dévorent pendant toute la nuit avec un bruit qui se fait entendre de deux milles, et, vers le jour, elles retournent vers leurs retraites. Les Indiens, qui voient manger leurs meilleurs fruits par ces animaux, leur font la guerre non-seulement pour se venger, mais pour se nourrir de leur chair, à laquelle ils prétendent trouver le goût du lapin. » Si le badur n'est pas cette chauve-souris, du moins il est certain que comme elle il vit en troupe, dévaste les vergers, et a une chair que les habitants esti- ment beaucoup. La Rousserre pe LescnenAuLT (Pteropus Les- chenaullii, Desm.) a un pied et demi (0,487) d'envergure; elle est d’un fauve cendré uni- forme en dessus, un peu blanchätre en dessous ; on lui voit quelques points blanchâtres à la base des membranes des ailes. Elle habite les envi- rons de Pondichéry. La ROUSSETTE À FACE NOIRE (Pteropus phaiops, Teuv.) a le corps de dix pouces (0,271) de lon- gueur, et trois pieds cinq pouces (1,110) d’en- vergure. Elle est très-grosse, trapue, à museau long; son pelage, grossier, mais très- fourni, est un peu frisé. Sa face est noire; le haut du corps d’un jaune paille; la poitrine d’un roux ROUSSETTES. doré très-vif; le dos d'un noir marron un peu mélé de jaunätre ; les ailes noires. Elle habite Madagascar. « Aux iles de Mascareigne et de Madagascar, dit un voyageur, les chauves-souris sont grosses comme des poules, et si communes, que j'en ai vu l’air obscurei. Leur cri est épouvantable. » Le Sapaosigi (Pteropus dasymalus, T'en. Pteropus rubricollis, Siesoco) est un peu plus grand que le fanihi; il a le pelage long et très- laineux, d'un brun foncé; avec le cou et les épaules d’un brun sale tirant un peu sur le jau- nâtre ; ses oreilles sont petites et pointues ; les membranes sont d’un brun foncé, celles des flancs velues en dessus et en dessous. Il hahite ‘les environs de Nangasaki et de Jedo, au Japon. La ROUSSETTE À TÈTE CENDRÉE ( Pteropus po- liocephalns, Teuu. a un pied (0,525) de lon- gueur, et trois pieds trois pouces (1,051) d’en- vergure. Son corps est gros ettrapu; son pelage un peu frisé, long, épais, d’un gris cendré foncé en dessus, varié de quelques poils noirs; la nu- que et le cou sont d’un marron roussâtre; on 109 Ini voit une petite tache à la naissance de cha- que oreille. Elle habite les parties les plus chau- des de la Nouvelle-Hollande. La ROUSSETTE FEUILLE-MORTE ( Pteropus pal- lidus, TEmm.) a sept pouces six lignes (0,205) de longueur, et deux pieds cinq pouces 0,661) d'envergure ; son pelage est court, mélangé de poils bruns, gris ou blanchätres ; le dos est d’un brun pâle; la nuque, les épaules et le collier qui entoure la poitrine, d’un roux ocracé vif; la tête, la gorge, le ventre et les membres sont d’un brun feuille-morte. Elle habite l'ile de Banda. La ROUSSETTE MASQUÉE ( Pteropus personatus, Tex.) est longue de six pouces et demi (0,176); ses ailes ont vingt pouces (0,542) d'envergure. Sa tête est mélée de blanc et de brun, avec du blanc pur sur le menton, les joues et le chan- frein ; une large bande brune couvre la gorge ; le dos est grisâtre, le haut du corps d’un jaune paille, le ventre brunätre, glacé de jaune roux. Cette espèce vit en troupes peu nombreuses ; “elle fait beaucoup de ravage dans les vergers. Cette roussette est une des plus jolies, ou, si l’on veut, une des moins laides que l’on connaisse. Elle habite les Moluques, et l’on dit qu'elle aime beaucoup la séve de palmier, dont les habitants font une liqueur fermentée très-spiri- tueuse et très-enivrante. Si l’on s’en rapporte aux voyageurs, lorsque les Indiens ont percé un palmier pour en tirer la séve, et placé dans la plaie le chalumeau qui doit diriger la liqueur dans le vase destiné à la recevoir, les roussettes ont l'intelligence d'aller mettre leur bouche au bout du chalumeau, et de boire cette séve sucrée à mesure qu'elle coule. Mais leur gourmandise est bientôt punie, car elles s’enivrent, tombent au pied de l'arbre, et sont prises par les habitants, qui les mangent et leur trouvent un excellent goût de perdrix. « Aussi, dit Buffon, il est aisé de les enivrer et de les prendre en mettant à portée de leur retraite des vases remplis d’eau de palmier ou de quelque autre liqueur fer- mentée.» Un voyageur suédois dit en avoir pris une qui s’était enivrée et laissée tomber au pied d’un arbre; l’ayant attachée avec des clous à une muraille, elle rongea les clous et les arrondit avec ses dents comme si on les eût limés. Tout cela sent un peu le conte de voyageur! La ROUSSETTE PALE (Pteropus pallidus, T eux.) a de longueur totale sept pouces et demi (0,205); son pelage est mélangé de poils gris, bruns et blanchâtres ; le derrière de la tête, les épaules et le collier de la poitrine sont roux ; le dos est d'un brun pâle; la tête, la gorge, le ventre et les flancs d’un brun feuille-morte ; les ailes d’un brun pâle. Elle habite Banda. 2° ROUSSETTES A QUEUE. La Rousserte D'ÉcypTe ( Pleropus ægyptia- cus, GEOrr. Pteropus Geoffroyii, Tex.) a d’un pied à dix-huit pouces (0,525 à 0,542) d'enver- gure ; sa tête est plus large et plus courte que celle des autres animaux de son genre; son pelage est laineux, d'un gris brunätre. On la trouve en Egypte, suspendue aux voûtes des monuments en ruine. 1 110 La ROUSSETTE PAILLÉE ( Pteropus stramineus, Grorr.Le Chien volant? SésA) a environ deux pieds (0,650) d'envergure; elle est d’un jaune roussâtre, etsa queue est très-courte. Elle ha- bite Timor. La ROUSSETTE AMPLEXICAUDE ( Pteropus am- plexicaudatus, Gore.) a un pied quatre pou- ces (0,433) d'envergure; elle est d’un gris roux, et la moitié de sa queue est prise dans la mem- brane interfémorale; la queue est de la lon- gueur de la cuisse. Elle se trouve à Timor. La ROUSSETTE MANTELÉE (Pteropus palliatus, G&orr.) est peut-être, comme le pense Tem- minck, un individu jeune de l’hypoderma Pero- pii. Sa tête, son cou, ses épaules et son ventre sont couverts de poils rares, longs soyeux, d’un Jaune de paille ; au milieu du dos est une saillie longitudinale, haute d’une ligne (0,002 , qui donne naissance aux membranes des ailes. Sa patrie est inconnue. 51°" Genre. Les HYPODERMES ( Hypoder- ma, GEorr. Cephalotes, Less.) ont trente-deux dents : quatre incisives en haut et six en bas ; deux canines à chaque mâchoire; dix molaires supérieures et trois inférieures. Une seule es- péce (cephalotes Peronii) a un petit ongle à l'index ; leur tête est conique; leurs oreilles courtes; la queue très-peu apparente, et, comme dans la roussette ci-dessus, la membrane de leurs ailes naît de la partie moyenne du dos; la membrane interfémorale est échancrée. L'HYPODERME DE PERON (Hypoderma Peronii et Cephalotes Peronii, GEorr.) a deux pieds (0,650) d'envergure ; elle est brune ou rousse, à pelage court, et elle manque d'ongle à l'in- dex. De Timor. 32° Genre. Les MACROGLOSSES (Macro- glossa, Fr. Cuv.) onttrente-quatre dents : qua- tre incisives et deux canines en haut et en bas; dix molaires à la mâchoire supérieure, et douze à l’inféricure ; leur tête est extrémement lon- gue ; leur langue extensible. Le Lowo-Assu (Macroglossa kiodotes et Horsfieldii, Fr. Cuv. Pteropus minimus et ros- tratus, Georr.); tête fort allongée; ailes de dix pouces (0,271) d'envergure; pelage laineux, d’un roux vif en dessus et terne en dessous, ou d'un brun pâle uniforme passant au gris isa- belle; point de queue; langue très-extensible, pouvant s’allonger de deux pouces. Elle habite Java, où, dit-on, elle se nourrit de fruits ; mais sa longue langue annonce aussi qu'elle attaque les petits insectes. 55° Genre. Les CYNOPTÈRES (Cynopterus, FR. Cuv.) ont quatre incisives et deux fausses molaires rudimentaires à chaque mächoire, comme les roussettes, mais ils manquent entiè- rement de dernières molaires ; leur tête a de la ressemblance avec celle des céphalotes, et leurs mâchoires sont raccourcies. LES CARNASSIERS CHÉIROPTÈRES. Le CYNOPTÈRE À OREILLES BORDÉES ( Cynop- terus marginatus, Fr. Cuv. Pteropus margina- tus, GEOFF.) a onze pouces (0,298) d'envergure; il est d’un brun olivätre, à poils courts et ras; il a un liséré blanc autour de l'oreille. Du Ben- gale. 54° Gexe. Les CÉPHALOTES (Cephalotes, Georr. Harpya, ILuiG.—Less.). Elles ont vingt- quatre dents : deux incisives en haut et point en bas; deux canines à chaque mâchoire; huit molaires supérieures et dix inférieures. Cegenre ne diffère des hypodermes que par le manque des incisives inférieures et des dernières petites molaires en haut et en bas. Si, comme le pense M. Geoffroy, ceci n’est que le résultat du jeune âge, il faudra reporter l'espèce sur laquelle ce genre est fondé à côté de l’hypoderme de Péron. La CÉPHALOTE À OREILLES ÉTROITES ( Cephalo- tes teniotis, RarrL.) est d’un gris brunâtre; la moitié de sa queue est libre; elle a une ver- rue entre les deux incisives. Elle habite la Si- cile. La CéPHALOTE DE PaLras (Cephalotes Pallasii, Georr. Harpya Pallasii, ILuic. Vespertilio ce- phalotes, Paz. — Lin. Cephalotes Pallasii, Georr. La Cephalote, Burr.). Elle est d’un gris cendré en dessus et d'un blanc pâle en dessous, à poils rares et doux; ses ailes ont quatorze pouces (0,579) d'envergure, et l'index est muni d'un ongle. Elle habite les Moluques. 59° GENRE. Les PACHYSOMES (Pachyso- ma, G£orr.) n’ont que trente dents ; quatre in- cisives et deux canines en haut et en bas ; huit molaires à la mâchoire supérieure et dix à l'inférieure; corps lourd et trapu; muscau gros ; mamelles placées sur la poitrine et non sur les côtés au-dessous de l’aisselle. Le BATOEAUWEL ( Pachysoma melanocepha- lus, Isin. GEorr. Pleropus melanocephalus, Ten.) a deux pouces dix lignes (0,077) de lon- gueur, et ses ailes ont onze pouces (0,298) d’en- vergure ; ses poils sont d’un blanc jaunätre à la base et d’un cendré noirâtre à la pointe ; sa tête est noire, et le dessous de son corps est d’un blanc jaunätre et terne ; une hunieur odo- rante suinte de chaque côté de son cou. Dans les montagnes de Bantam, à l'ile de Java. Le PAcuysomE mammiLèvre ( Pachysoma lit- thæcheilus, Is. Georr. Pleropus litthæcheilus, Ten.) est long de cinq pouces (0,135), et ses ailes ont environ dix-huit pouces (0,477) d'en- vergure ; ses poils, lisses et fins, divergent sur les côtés du cou; le mâle a le dos d’un brun roussâtre ; la tête et les côtés de la poitrine sont roux, devenant orangés quand l'animal vieillit ; un liséré blanchâtre borde les oreilles; son ventre est gris ; la femelle, qui est un peu plus grande est olivâtre, teintée de roux sur les cô- tés du cou ; la queue a sept lignes de longueur. ROUSSETTES. On le trouve à Siam, dans la Cochinchine et dans les iles de Java et de Sumatra. Le Pacaysoue DE DuvauceL ( Pachysoma Du- vaucelii, GEOFF ) est long de trois pouces un quart (0,088) ; son pelage est d’un fauve bru- nälre uniforme; pouce de l'aile fort allongé, pris en grande partie dans la membrane ; queue courte, ne dépassant la membrane que de trois lignes (0,007). De Sumatra. Le Pacaysome DE Diarp (Pachysoma Diar- dii., Georr.) est brun sur la tête, le dos et les bras, gris autour du cou-et sur le milieu du ventre; d'un brun grisâtre sur les flancs; sa longueur totale est de quatre pouces et demi 111 (0,122), et ses ailes ont dix-huit pouces (0,487: d'envergure ; la queue dépasse de huit lignes (0,018) sa membrane. Sumatra. Le PACHYSOME À COURTE QUEUE (Pachysoma brevicaudatum, Is. GEorr.), d’un roux olivätre en dessus, gris en dessous sur le milieu du ven- tre ; flancs, gorge et côtés du cou d’un gris plus ou moins roussäâtre, ou d'un roux vif ; oreilles entourées d’un liséré blanc ; queue dé- passant à peine la membrane, ce qui le distin- gue du mammilèvre ; longueur totale, quatre pouces (0,108); les ailes ont treize pouces (0,552) d'envergure. On le trouve à Suma- tra. LES CARNASSIERS INSECTIVORES, TROISIÈME ORDRE DES MAMMIFÈRES. Le Hérisson. Comme les chéiroptères, ils ont les mäche- lières hérissées de pointes coniques, et une vie nocturne ou souterraine; dans les climats froids, beaucoup d’entre eux tombent en léthargie et passent l'hiver dans un état plus ou moins com- plet d'engourdissement. Leurs pieds sont courts, armés d'ongles robustes, et ceux de derrière ont toujours cinq doigts; tous appuient la plante entiere du pied sur la terre en marchant. Leurs mamelles sont placées sur le ventre, comme chez tous les carnassiers qui vont suivre. Tous ont une clavicule. Je partagerai cet ordre en trois pelites fa- milles, celle des diodontes, celle des triodontes à courtes canines, et celle des triodontes à lon- gues canines. LES DIODONTES n’ont que deux sortes de dents : deux longues incisives en avant, suivies d’autres incisives plus courtes que les molaires; ils manquent de ca- nines, caractère les rapprochant un peu des rongeurs. der Genre. Les HÉRISSONS (Erinaceus, Lin.) ont trente-six dents: six incisives supé- rieures, dont les mitoyennes écartées et cylin- driques ; point de canines; quatorze molaires à chaque mâchoire ; leur corps, couvert de pi- quants très-durs, a la faculté de se rouler en boule, au moyen de muscles puissants dont la peau du dos est munie; tous leurs pieds ont cinq doigts, et leur queue est très-courte, n qe ii {Le Lee, QCELULE ES CCOES Er ANCIENNES SERRES TEMPERÉES Jardin des Plantes.) ! s AS ' 4 > : ; ? a » ' 2 , ‘ DIODONTES. 113 Le HERISSON | Erinaceus europœus, Laxx. Le Hérisson ordinaire, Burr. — G- Cuv.). Ce petit animal se distingue de ses congénères par ses oreilles courtes, n'ayant jamais une longueur égale aux deux tiers de sa tête; son corps est cou- vert d’aiguillons cornés, robustes, entre-croisés irrégulièrement, d'une longueur médiocre et très-piquants. Il se trouve dans toute l'Europe tempérée, et il est commun en France dans la.plupart de nos départements. Les naturalistes ont avancé qu'il y en a deux variétés, l’une à museau de cochon, nommée cochon ou pourceau de terre, l'autre à museau de chien, que l'on appelle hérisson-chien. Ceci est certainement une erreur. Ce qu'il y a de bien certain, c'est que le mu- seau du hérisson n'a de ressemblance ni avec celui d’un chien, ni avec celui d’un cochon. Tous les hérissons que j'ai observés, soit vivants, soit dans les nombreuses collections que j'ai visitées, se ressemblaient identiquement, et nul naturaliste n'a vu autrement que moi, même ceux qui ont admis l'existence des deux variétés sur la foi des chasseurs. - On à dit aussi que le hérisson monte sur les arbres fruitiers, qu'il en fait tom- ber les fruits, puis qu'il se roule ensuite sur sa récolte pour emporter dans son terrier les pommes qui restent attachées à ses piquants. Il y a là presque autant d'erreurs que de mots : le hérisson ne grimpe pas et ne peut pas grimper sur les arbres, car il n’a pour cela ni agilité ni griffes; il n'emporte pas les fruits à la pointe de ses aiguillons, mais avec sa gueule ; enfin il n'habite ni ne creuse de terrier, quoi qu'en aient dit Buffon et les naturalistes qui l'ont suivi. C'est dans les trous que le temps a creusés au pied des arbres, sous les racines des vieilles souches, dans des amas de pierres etles fentes de rocher, et même sur la terre plate à l'abri d'un épais buisson, que ce petit animal établit son do- micile, au milieu d'un tas de mousse et de feuilles sèches qu’il amoncelle. C’est là qu'il se retire l'hiver pour s’engourdir; c’est là que la femelle dépose ses petits, ordinairement au nombre de quatre à sept; une seule fois j'en ai trouvé . neuf, mais j'ai lieu de croire que c'était la réunion de deux familles. En naissant, les petits sont d’un blanc rosé, et déjà l’on aperçoit sur leur peau des points saillants et plus foncés qui sont Les rudiments de leurs aiguillons. Dès qu'ils ont atteint la grosseur d'un œuf de poule, ils sont déja aussi bien armés que leur mére. Elle les soigne et les conduit avec elle pendant l'allaitement; mais dés qu'il est fini, elle les abandonne et ne s’en occupe plus. Peut-être est-ce par manque d'affection, et ce que dit Buffon pourrait le faire croire : « J'ai voulu en élever quelques-uns, dit-il; on a mis plus d’une fois la mére et les petits dans un tonneau avec une abondante provision; mais au lieu de les allaiter, elle les a dévorés les uns aprés les autres; ce n’était pas le manque de nourriture, car elle mangeait de la viande, du pain, du son, des fruits, etc. » Peut-être que si le hérisson abandonne ses petits aussitôt après l’allaite- ment, c'est parce qu'il sent son impuissance à les défendre, et l’inutilité ab- solue dont il serait pour eux. Cet animal ne peut opposer à l'ennemi qui l'at- laque ni griffes aiguës, ni dents formidables; il ne peut s'échapper par la fuite, car il ne sait pas courir, quoiqu'il marche assez vite; mais dans les aiguillons acérés qui lui recouvrent tout le dessus du corps, la nature lui a donné une arme défensive qui lui suffit. S'il apercoit une fouine, un oiseau de proie, ou tout 15 117 LES CARNASSIERS INSECTIVORES. autre ennemi, il ne tente pas de s'échapper par la fuite, mais il se roule aussitôt en boule. Au moyen des muscles puissants dont la peau de son dos est munie, après avoir rassemblé sa tête et ses pattes sous son ventre, il se renferme entièrement dans sa cuirasse épineuse comme dans une bourse à coulisse, et présente de toutes parts ses piquants à son antagoniste. Celui-ci est forcé de l’abandonner après avoir vainement essayé de le saisir en se déchirant la gueule. Cependant j'ai vu des chiens assez adroiïts pour s’en emparer ; voici comment : après avoir placé le hérisson sur la partie qui correspond au ventre, ils lui appuyaient une patte sur le dos, mais pas assez fortement pour se piquer; puis ils lui donnaient un mouvement assez lent de balancement qui, soit que cela lui fatiguât le nez, qui frottait alors sur la terre, soit qu’il en füt étourdi, le forçait bientôt à s’é- tendre, à se développer, et à montrer sa tête, que le chien écrasait d’un seul coup de dents et en calculant le moment favorable. Il est à croire que les renards emploient la même méthode ou un procédé analogue pour s'emparer de ces animaux, car on en voit souvent des débris autour de leurs terriers. Les chasseurs qui trouvent un hérisson emploient un moyen beaucoup plus court et plus facile pour le contraindre à se développer. Ils le jettent tout sim- plement dans l’eau, et le pauvre animal, pour ne pas se noyer, est bien forcé de s'étendre et de nager; du reste, il est habile à cet exercice, et de lui-même il se met à l’eau pour traverser des ruisseaux et des rivières assez larges. Quelquefois les paysans, qui mangent sa chair, toute fade et détestable qu'elle est, ont la cruauté de le plonger vivant dans de l’eau bouillante, -afin d’avoir la facilité de le dépouiller. La peau servait autrefois de peigne pour sérancer le chanvre. Le hérisson met bas du commencement à la fin de juin, et les petits prennent à peu près tout leur développement dans le cours d’une année. Ils se nourrissent de fruits quand ils en trouvent, mais plus ordinairement d'insectes, comme hannetons, géotrupes, sauterelles, grillons, etc., et même de cantharides par centaines, sans en éprouver aucun inconvénient; ce qui est d'autant plus sin- gulier qu’une seule cause des tourments horribles aux chiens et aux chats, et que trois où quatre tueraient certainement un homme. Ils mangent aussi la chair des cadavres d'animaux, et principalement la cervelle. Avec leur nez ils fouillent la terre pour en arracher les vers, dont ils sont très-friands, ou pour y trouver quelques racines, qu'ils mangent faute de mieux. D’un caractère timide, le hérisson aime la vie solitaire et tranquille; aussi, s’approche-t-il rarement de nos habitations. S'il y est apporté, il y vit et paraît s’accoutumer assez bien aux habitudes domestiques; mais il ne s’attache à personne, et, tout en cessant d’être farouche, il ne s’apprivoise jamais, et ne manque aucune occa- sion de reconquérir sa liberté. On doit regarder comme de simples variétés de cette espèce: Le Hérisson D'ÉcypTe (Eri- naceus ægypliacus, GEorr.), qui ne s'en dis- tingue que par les poils de dessous son corps, qui sont bruns quand il est adulte, au lieu d’être d’un blanc roussâtre ; — le HERISSON DE SIBÉRIE (Erinaceus Ssibiricus, EnxLz.), animal dont l'existence est douteuse, et qui différerait du nôtre par ses oreilles plates et courtes, par ses piquants roux à la base et jaunes au sommet; enfin par la teinte d’un cendré jaunâtre des poils de dessous. à Le HÉRISSON À LONGUES OREILLES (Erinaceus auritus, PALL.—Scares.—G. Cuv.), plus petit” que le nôtre; ses piquants sont cannelés longi- {udinalement et tuberculeux sur les cannelures; DIODONTES. et nou plantés en quinconce comme dans le hérisson d'Europe ; à museau court, et oreilles grandes comme les deux tiers de la tête. On le trouve depuis le nord de la mer Caspienne jus- qu’en Égypte, et il est commun sur les bords du lac Aral, aux environs d’Astracan. Dans cette dernière ville, on s'en sert comme de chat pour détruire les souris dans les maisons. Le HÉRISSOY 4 OREILLES PENDANTES (Erina- ceus malaccensis, Desm. — Bnriss: Porcus acu- 115 leatus, Sesa) ne nous est connu que par une figure de Seba (tab. 51, fig. 1), et pourrait bien n'être pas suffisamment authentique. Il a built pouces (0,217) de longueur ; son museau est court, ainsi que ses oreilles, qui sont pendantes ; ses piquants sont {rès-longs, parallèles, ce qui lui donne un peu de ressemblance avec un porc- épic. I] serait de la presqu'ile de Malaca, et on le trouverait aussi à Java et à Sumatra. Ses mœurs ne différeraient pas de celles du nôtre. 116 LES CARNASSIERS INSECTIVORES. La Musaraigne d’eau et la Musaraisne de terre. 2° Genre. Les MUSARAIGNES (Sorex, Lan.) est poilu, sans piquants; leur museau long, ont trente dents : deux incisives à chaque mä- très-effilé; leurs oreilles sont arrondies et cour- choire, dont les supérieures moyennes, cro- tes; leurs doigts, au nombre de cinq à chaque chues et dentées à leur base ; point de canines; pied, sont munis d'ongles médiocrement forts. seize molaires en haut et dix en bas. Leur corps Ces petits animaux sont très-voraces. 1° MUSARAIGNES D'EUROPE. La MUSETTE Où MUSARAIGNE COMMUNE ({ Sorex araneus, Lan. La Musaräigne, Burr.—G. Cuv. Voir la figure du fond, dans notre gravure). Elle atteint rarement la grosseur d’une souris; ses oreilles sont grandes et nues, ayant en dedans deux lobes ou replis placés l’un au-dessus de l’autre; elle est d'un gris de souris plus pâle en dessous, quelquefois tirant un peu sur le fauve ou le brun; sa queue, un peu moins longue que son corps, est carrée. Toutes les musaraignes offrent une singularité très-bizarre, et dont la science n'a pas encore pu se rendre compte. On leur trouve sur chaque flanc, sous le poil ordinaire, une petite bande de soies roides et serrées, entre lesquelles suinte une humeur odorante, produite par des glandes particulières. On ignore abso- lument de quelle utilité cet organe peut être à l'animal. La musette est, dans nos campagnes, la victime innocente d’un préjugé; on croit que par sa morsure elle cause aux chevaux une maladie souvent mortelle, et on lui fait la chasse en conséquence; cette imputation est d'autant plus fausse DIODONTES. 117 que non-seulement elle n'est pas venimeuse, mais encore que sa bouche est si petite, qu'elle ne pourrait en aucune manière mordre un cheval, faute de pou- voir saisir Sa peau. Pendant la belle saison, ce petit animal habite la campagne, et se retire dans les bois, où il se loge sous la mousse, les feuilles sèches, dans les vieilles souches d'arbre, dans les trous abandonnés de taupes ou de mulots, et mème dans des terriers qu'il sait se creuser lui-même. Autour de son habitation, dont il ne s'éloigne guère, et où il rentre précipitamment à la moindre apparence de dan- ger, il fait la chasse aux insectes, dont il se nourrit le plus ordinairement ; mais il ne dédaigne pas le grain, et même quelquefois il mange la chair corrompue des cadavres d'animaux. C'est à l'heure du crépuscule que la musette sort le plus ordinairement de son asile pour faire ses courtes promenades. Si elle se hasarde pendant le jour, elle devient aisément la victime de ses ennemis, car elle court mal et y voit à peine. Les petits carnassiers la tuent, mais ne la mangent pas; du moins les chats montrent pour elle une grande répugnance, qu'il faut sans doute attribuer à la forte odeur qu'exhalent ses glandes. Lorsque les approches du froid commencent à dépouiller les bois de leur ver- dure, la musaraigne, ne trouvant plus d'insectes, gagne ses logements d'hiver, et se retire dans les granges, les greniers à foin, les écuries et autres parties de nos habitations, où elle trouve pour se nourrir quelques grains égarés, et parfois des débris de cuisine. Je ne crois pas qu'elle s’engourdisse pendant la mauvaise saison, au moins quand les gelées ne sont pas très-rigoureuses, car jen ai vu plusieurs fois se promener sur la neige. La musaraigne, lorsqu'on l'irrite, fuit en poussant un petit cri assez analogue a celui de la souris, mais beaucoup plus aigu. Elle met bas vers la fin du prin- temps, dans un nid de foin qu'elle s’est construit au fond de sa retraite, et ne fait pas moins de six à huit petits. On prétend qu'elle fait trois ou quatre por- tées par an. On la trouve partout, mais je ne l'ai vue très-commune nulle part. Les espèces qui vont suivre ont toutes à peu près les mêmes mœurs. La MuüsaraiGNe CARRELET (Sorex telragonurus, Heu.) a de longueur, la queue comprise, trois pouces neuf lignes (0,101) ; elle est noirâtre en dessus, d’un cendré brunätre en dessous; ses oreilles sont courtes, sa queue est longue et tout à fait carrée. On la trouve en France, dans les granges. La MusaBalGNE RAYÉE (Sorer lineatus, Grorr.) a trois pouces six lignes (0,095) de longueur lotale ; elle est d’un brun noirätre en dessus, plus päle en dessous, avec la gorge cendrée; elle a une petite ligne blanche sur le chanfrein, et une tache sur chaque oreille; sa queue est ronde, fortement carénée en dessous. On la trouve aux environs de Paris. La MUSARAIGNE PLARON (Sorex coastriclus, Her. Sorezx cunicularius, Becusr.) atteint qua- tre pouces (0,108) de longueur totale; elle est d'un noir cendré; ses oreilles sont velues, très- peliles, cachées dans les poils de la tête; sa queue est ronde au milieu, aplatie à la pointe et à la base. Elle se trouve en France, dans les prairies. La MUSARAIGNE LEUCODE (Sorex leucodon, Henx.) est longue de quatre pouces quatre li- gnes (0,117) la queue comprise; elle est brune sur le dos, avec les flancs et le dessous blancs ; sa queue est un peu carrée. On la trouve aux environs de Strasbourg. La MUSARAIGNE NAINE (Sorex minimus, PAL.) n'a pas plus d’un pouce huit lignes (0,045) de longueur totale; elle est brune; sa queue est ronde, étranglée à sa base. Elle se trouve en Sibérie et en Silésie. La MUSARAIGNE DE ‘TOSCANE (Sorex etruscus, Savi) est un peu plus grande que la précédente et atteint trois pouces (0,081) de longueur {o- tale; elle est d’un gris cendré, blanchätre en dessous; ses oreilles sont arrondies ; elle a la queue médiocrement longue, gréle, et un peu 118 LES CARNASSIERS INSECTIVORES. carrée, On la trouve dans les racines et les sou- Sorex Daubentonii, Grorr.—EuxLeg, Sorex ca- ches des vieux arbres, en Toscane. En hiver, rinatus, Hern. Le Greber, Vico-v’Azyr. La Mu- elle se rapproche des habitations, et se retire - saraigne d'eau, Burr.—G. Cuv. Voir la figure en dans les tas de fumier, où elle trouve à la fois avant dans notre gravure.) est noirâtre en des- de la chaleur et des insectes pour sa nourri- sus, blanche en dessous; ses doigts sont bordés fure. de poils roides qui lui aident à nager ; sa queue La MusaraiG\E D'EAU (Sorex fodins, GuL. est carrée, un peu moins longue que le corps. Daubenton est le premier naturaliste qui ait fait connaître la musaraigne d'eau, et cependant elle est beaucoup plus commune aujourd’hui que la mu- sette, qui est connue depuis la plus haute antiquité. Quoique vivant habituel- lement sur le bord des eaux, presque dans leur sein, elle n’a pas les pieds palmés, mais ils sont garnis de cils roides, en éventail, qui remplacent les mem- branes interdigitales, et lui donnent beaucoup de facilité à nager. Aussi passe- t-elle une grande partie de sa vie dans l’eau, où elle poursuit avec beaucoup d’agilité les insectes aquatiques, dont elle fait sa principale nourriture. Elle plonge avec autant d’aisance qu'elle nage, et, comme elle à l'oreille large et courte, la nature lui a donné la faculté de la fermer hermétiquement quand elle s'enfonce sous les ondes; elle ouvre et ferme à volonté trois valvules qui ré- pondent à l'hélix, au tragus et à l’antitragus, de manière qu'il ne peut s’intro- duire la plus petite goutte d’eau dans son oreille. Du reste, toutes les espèces de ce genre jouissent de la même faculté. Ce petit animal habite des trous qu'il sait se creuser dans la terre, sur le bord des ruisseaux, au moyen de ses ongles et de son nez, mobile comme celui d’une taupe, mais beaucoup plus mince et plus allongé, et ressemblant à une petite trompe. Quelquefois, pour éviter la peine de se faire une demeure, il s'em- pare du terrier abandonné d’un rat d’eau, ou même il se contente d’une fente de rocher ou d’un trou entre deux pierres. 1] à peu d’ennemis, et les carnassiers ne l'attaquent jamais, parce que l'odeur de ses glandes leur répugne et les écarte. Il n’a guère à craindre que la voracité des brochets et des truites, qui habitent comme lui les eaux limpides et le happent quelquefois au passage. La musaraigne d’eau n’est pas un animal nocturne; cependant elle rentre dans son trou aussitôt que le soleil se lève sur l'horizon, et elle n’en sort qu'au crépuscule pour aller à la chasse. Quelques naturalistes pensent que, lorsqu'elle manque d'insectes, elle se nourrit de graines, mais ce fait me parait très-dou- teux. Je suis certain, par mes propres observations, qu’elle attaque les jeunes ecrevisses, les crevettes, les petits poissons, et même d'assez gros reptiles, et en voici la preuve : Un jour, sur le bord d’une fontaine, dans les bois de Meudon, mon attention fut captivée par le singulier combat d’une musaraigne d’eau et d’une grenouille aussi grosse qu'elle. Le petit mammifère s'était glissé doucement parmi les herbes pour suprendre sa proie, et il était parvenu à la saisir par une patte. La grenouille, se sentant prise, voulut se jeter à l’eau, croyant par là se débarrasser de son antagoniste; mais celui-ci se cramponnait de toutes ses forces avec ses quatre pattes à tous les corps auxquels il pouvait s’accrocher, et la pauvre gre- nouille, malgré la violence de ses mouvements convulsifs, avait bien de la peine à l’entraîner vers l'élément perfide, où elle espérait le noyer. Elle y parvint DIODONTES. 119 néanmoins peu à peu, et bientôt ils roulérent tous deux dans les ondes, dont la transparence me permettait de voir parfaitement la suite de cette bizarre lutte. La grenouille entraîna d'abord son ennemie au fond de l’eau, mais la musaraigne ne lâcha pas prise, et parvint à la ramener à la surface. Dix fois de suite ils s'enfoncèrent et revinrent au grand jour, sans que le reptile se lassât de re- commencer la même manœuvre, et sans que le mammifère lächât la patte dont il s'était saisi. Cependant, par un mouvement brusque et heureux, la grenouille parvint tout à coup à se débarrasser; elle plongea subitement dans la vase, troubla le fond de l’eau, et se déroba ainsi aux yeux de son ennemie, qui l'avait suivie avec rapidité. Je les perdis un instant de vue tous les deux; mais la mu- saraigne ne tarda pas à reparaître sur l’eau pour respirer, et J'observai ses petites manœuvres avec le plus grand intérêt. Soit pour se reposer, soit pour donner à l'eau le temps de s’éclaircir en dé- posant le limon que la grenouille avait soulevé, elle resta dans une parfaite im- mobilité pendant cinq minutes; puis, lorsqu'on put voir le fond de la fontaine, elle se mit à nager en regardant en bas et en décrivant des cercles, absolument comme un faucon qui guette sa proie en tournoyant dans les airs. Plusieurs fois elle plongea, et je la vis parcourir le fond en cherchant avec beaucoup de soin ; mais probablement que la grenouille s’était cachée profondément dans la vase, car elle ne put la découvrir. Ce fait prouve suffisamment, ce me semble, que la musaraigne d’eau est car- nassière, et que son courage est proportionné à ses forces. En détruisant le frai du poisson, elle peut faire quelque dégât dans les étangs dont elle peuple les bords en grand nombre. Elle met bas au printemps, et peut-être encore dans d’autres saisons de l'année, et elle ne fait pas moins de douze à quinze petits par portée, ce qui explique fort bien pourquoi elle est si nombreuse le long des ruisseaux et des rivières dont les eaux lui plaisent. Elle s’engourdit pendant la mauvaise saison, car, même dans les lieux où elle est extrèmement com- mune, je n'en ai jamais rencontré en hiver. On la trouve dans toute la France, La MUSARAIGNE PORTE-RAMNE (Sorex remifer, Gzorr.) est d’un brun noirâtre foncé en des- sus, d’un brun cendré en dessous, avec la gorge d’un cendré clair ; sa queue est carrée à sa base, et comprimée vers son extrémité. On la trouve en France, particulièrement dans les environs d’Abbeville, sur le bord des eaux. Elle a, ainsi que la suivante, les mêmes habitudes que la Musaraigne d'eau. La MUSARAIGNE AUX DENTS ROUGES (SOC ru- bridens) a de l’affinité avec la précédente, mais elle est plus petite ; ses dents sont d’un rouge vif à leur extrémité ; la mâchoire inférieure est un peu plus longue ; les quatre pieds et la queue sont noirs, et la tache de l’orcille est, non pas roussètre, mais d’un blanc pur. J’ai eu sous les yeux plusieurs individus d'âge et de sexe différents qui m'ont confirmé les conjectures de M. Is. Geoffroy. Elle habite la France. La MUSARAIGNE À COLLIER BLANC ( Sorex col- laris, G£orr.) est noire, avec un collier blanc autour du cou. Elle habite les petites îles de l'embouchure de la Meuse et de l’Escaut, où elle parait assez commune. 2 MUSARAIGNES EXOTIQUES. La MusaRAIGNE À COURTE QUEUE ( Sorex brevi- caudatus, Say.), d'un noir plombé en dessus, . plus pâle en dessous; oreilles tres-larges, blan- ches, cachées par les poils de la téte, et ayant deux demi-cloisons ; sa queue est presque nue, déprimée ; ses pieds sont armés d'ongles aussi i20 longs que les doigts. Cette espèce est aquatique, et elle habite des terriers sur les bords du Mis- souri. La PETITE MUSARAIGNE ( Sorex parvus, SAY.) est d'un brun cendré en dessus et seulement cendrée en dessous ; sa queue est courte, un peu renflée vers son milieu, presque cylindrique, et blanchâtre en dessous ; ses dents sont noirätres et ses ongles blanes. Comme la précédente, elle habite le. Missouri. La MusanalGxE DE L'INDE (Sorex indicus, Gcorr.) a le pelage court, ras, d’un gris brun en dessus, teinté de roussâtre en dessous; sa queue est ronde, de la longueur de la moitié du corps. Elle habite les maisons à Pondichéry et à Tranquebar. Elle exhale une odeur de musc forte et assez désagréable. La MusaraiGne pu Cap (Sorex capensis, Gesorr.) a beaucoup d’analogie avec celle de J'Inde, mais elle en diffère en ce qu’elle est plus grande, en ce qu’elle a la queue rousse, beau- coup plus longue, n'étant que moitié moins lon- LES CARNASSIERS INSECTIVORES. gue que le corps, enfin en ce qu'elle a le mu- seau plus long et plus effilé. Elle a trois pouces huit lignes (0,099; de longueur, non compris la queue, qui a un pouce neuf lignes (0,047). Du Cap ou de l'Ile de-France. Peut-être n'est-ce qu'une variélé. La MUSARAIGNE GRÈLE (Sorex exilis, Par.) est de très-petite taille; on la reconnait aisé- ment à sa queue ronde et très-épaisse. On la trouve en Sibérie. La MUSARAIGNE À QUEUE DE RAT ( Sorex Mny0- surus, PAL.) est du même pays; la femelle est blanche et le mâle brun; tous deux ont le mu- seau renflé, la queue presque nue, épaisse et ronde. L La MUSARAIGNE GRACIEUSE (Sorec pulchellus, Panper) est très-petite, d'un gris clair sur le haut de la tête, gris foncé sur le dos, et d’un blanc pur sur les flancs ; elle a une tache blan- che sur la nuque, avec les oreilles d’un gris ar - doisé. Elle est une des plus peliles de son genre, et elle multiplie prodigieusement. Cette jolie musaraigne habite les déserts sablonneux qui sont placés entre Bukkara et Orenbourg. Elle se plaît à proximité des marais, où chaque soir elle va faire la chasse aux insectes et aux frais üe grenouilles et d’autres reptiles. Elle nage et plonge fort bien, mais cependant elle a les habitudes moins aqua- tiques que notre musaraigne d’eau. Au printemps, elle se fait un nid d'herbes sèches qu’elle place au milieu d'une touffe de roseaux, et c’est là qu'elle élève sa nombreuse famille. La MusaRaiGNe p'OLivier ( Sorex Olirieri, Desn ), un peu plus grande que la musaraigne commune ; rousse; queue presque aussi grande que le corps. Cette espèce n’a pas été vue vi- vante, et peut-être n’existe-t-elle plus. Elle à été frouvée à l’état de momie, par Olivier, dans les catacombes de Sakkara, en Égypte. C’est peut-être le sorex religiosus d’Is. Geoffroy. La MUSARAIGNE MASQUÉE (Sorex personatus, 1s. Georr.) ressemble à la musette par son pe- lage et ses proportions, mais elle est un peu plus brune sur la partie inférieure du dos, sur la croupe et sur la queue ; ses oreilles sont beau- coup plus petites, et toute la partie antérieure du museau, à l'exception de la lèvre, est d'un brun noirätre. Des États-Unis. La MUSARAIGNE RELIGIBUSE ( Sorex religiosus, Is. Grorr ) n’a été trouvée qu’à l’état de mo- mie, dans des antiquités égyptiennes, et assez bien conservée pour pouvoir être décrite par M. Is. Geoffroy. Elle est de la taille du sorex personatus; sa queue longue, qui atteindrait lPocciput, est parfaitement carrée. à angles très- saillants ; ses oreilles sont grandes et son pouce assez court. On ne l'a pas encore retrouvée vivante en Égyple, où peut-être clle n'existe plus. La MUSARAIGNE BLONDE (Sorex flavescens, Is. Gzorr.) a la tête allongée, le dessus du corps et de Ja tête d’un blond roussätie, passant au cen- dré roussätretrès-clair sur le dessus de la queuc; tout le dessous, et le tour de la bouche, d’un blanc un peu cendré ; une ligne longitudinale brunätre sur le chanfrein. Elle a quatre pou- ces et demi (0,122), non compris la queue, qui est courte. Elle habite l'Afrique méridionale. Le Monnsourou (Sorex giganteus, Is. Grorr. Sorex indicus, Grorr. — Er. Cuv. — Des. Le Monjourou, Fr. Cuv.) a été confondu par tous les naluralistes avec la musaraigne de l'Inde, excepté par M. Is. Geoffroy. Elle en diffère par sa faille, qui est de près de six pouces (0,112), non compris la queue, qui a trois pouces et demi (0,095) de longueur, tandis que dans l'in- dicus le corps n’a que {rois pouces dix lignes (0,104), et la queue un pouce et demi (0,041) de longueur. Cette espèce habite dans les mai- sons, à Pondichéry, où elle se rend incommode par l’odeur musquée qu’elle exhale, odeur qui, dit-on, fait fuir les serpents. Ses habitudes sont DIODONTES. nocturnes, et elle fait souvent entendre le petit cri kouik. Après ces espèces on placera la suivante quand elle sera mieux connue : Sorex Pealei, de LEs- son, Sorex araneus, de HarLaN, que l’on trouve en Amérique. 3° Genre. Les CLADOBATES ( Cladobates, Fr. Cuv.) ont trente-huit dents : quatre incisi- xes en haut et six en bas; point de canines; quatorze molaires à chaque mâchoire. Leur cerps est cylindrique, allongé; leur museau pointu, portant une courte moustache; leurs oreilles sont grandes; leurs yeux saillants ; leurs ongles sont comprimés, arqués, propres à fouir la terre ; leur queue est très-longue, couverte de longs poils ; enfin, ils ont quatre mamelles. Le Tupara-Taxa ( Cladobates tana, Fr. Cu. Tupaia tana, RarrL.) a dix-huit pouces (0,487) de longueur, la queue comprise; il est d’un 121 brun roussätre piqueté de noir en dessus, avec une petite ligne oblique et rousse sur chaque épaule ; le dessous de son corps est roux; sa tête est allongée, et son museau très-pointu. I] habite Sumatra. Le SisrinG ou BanGsiNG ( Cladobales jara- nicus, FR. Cuv. Tupaia javanica, RAFFL.) a un pied dix lignes (0,548) de longueur totale ; il est brun, piqueté de gris en dessus, avec une ligne oblique, d’un blane grisâtre, sur chaque épaule; il est gris eu dessous; son museau est moins pointu que dans le précédent, et sa queue est fort longue. 11 habite Java. Le Press ( Cladobates ferrugineus, Fu. Cuv. T'upaia ferruginea, Honsr.) a quatorze à quinze pouces (0,579 à 0,406) de longueur ; il est d’un ferrugineux uniforme, et son museau est meé- diocrement pointu. Il habite Java. Ce genre se compose des hylogales de Temminck. 16 122 LES CARNASSIERS INSECTIVORES. Te saw || P / Tee 4, 1 lL Les Desniins. 4° Genre, Les DESMANS (Myqale, G. Cu.) quatorze en bas; museau terminé par une petite ont quarante quatre dents : deux incisives supé- trompe très-mobile; oreilles courtes; cinq rieures en triangle et aplaties, huit ou quatre doigts onguiculés à chaque pied, réunis par une inférieures, dont deux très-petites placées en- membrane; queue écailleuse, longue, compri- tre les deux grandes; vingt molaires en haut et mée latéralement, formant une sorte de rame. Le DESMAN Où RAT MUSQUÉ DE RUSSIE (Mygale moscovitica, Grorr. Sorex moschatus, Lix. Le Desman, Burr. — G. Cuv.). Cet animal à de longueur totale quinze pouces (0,406), c'est-à-dire que sa taille dépasse un peu celle d’un hérisson; son pelage est d’un gris cendré ou bru- nâtre sur le dos, d'un blanc argenté sous le ventre; il n’a point d'oreilles ex- ternes, et son œil est extrêmement petit; son museau s’allonge en une petite trompe très-flexible, et qu'il agite continuellement; ses pieds, outre leurs mem- branes, sont bordés d’une sorte de frange de poils roides qui lui aident à nager ; sa queue est d’un quart plus courte que son corps, étranglée à sa base, compri- mée latéralement, large, plate, ressemblant à la queue d’une anguille, et entie- rement recouverte de petites écailles. : Le desman à sous la base de la queue sept ou huit follicules vésiculeux, for- més par les replis de la peau, couchés transversalement l'un à côté de l’autre comme les écailles abdominales d’une couleuvre, et d’une couleur jaune très- prononcée. Si l’on presse avec le doigt un de ces follicules, une épaisse liqueur qu'ils contiennent, se trouvant comprimée, s’insinue dans des canaux très-déliés qui la conduisent sous les écailles de la queue, où elle trouve une issue au de- DIODONTES. 123 hors. Cette liqueur est grasse, analogue à celle que les canards et autres oiseaux ont dans des follicules ou des glandes placées sur le coccyx, et elle sert aux mèmes usages. L'animal s’en imprègne tout le corps, et rend ainsi sa fourrure impénétrable à l’eau; mais cette matière a une odeur de muse si forte et si penétrante, qu'elle infecte tout ce qu'il touche, et l’on dit même jusqu’à la chair des brochets et autres gros poissons voraces qui mangent quelquefois des des- mans. Ce petit animal est très-remarquable par ses formes et ses habitudes. Il habite la Moscovie et tout le midi de la Russie, où il est très-commun dans les étangs, les lacs, les rivières, et cependant Buffon ne le connaissait pour ainsi dire que de nom. Il est bien rare qu’il sorte de l’eau volontairement pour aller à terre, et s'il va d’un étang à un autre, c’est par des canaux souterrains ou par les ri- goles remplies d’eau qui communiquent de l’un à l’autre; aussi n'a-t-il pour ennemis que les poissons voraces et quelques aigles pêcheurs. Mais souvent il donne dans les filets tendus dans les rivières et les lacs; et comme il ne sait pas les couper pour s’en débarrasser, on l'y trouve noyé. Pour appeler sa femelle ou rassembler sa jeune famille autour de lui, il a un cri fort singulier, ayant beau- coup d'analogie avec celui d’un canard; pour se faire entendre, il est obligé, selon Pallas, de courber son nez de manière à en mettre le bout dans sa bou- che, et il s’en sert comme d’une sorte de trompette. Il vit toujours par couple avec sa femelle, et se construit assez artistement un terrier. Pour cela, il choisit une berge presque perpendiculaire, et assez élevée pour n'être jamais submergée pendant les inondations. Quand il a trouvé une place convenable, il plonge au pied de la berge, et commence à creuser sous l’eau, assez profondément pour que l'entrée de son terrier ne soit jamais à découvert, même pendant les eaux basses des plus grandes sécheresses. Son trou est à peu pres aussi large que celui d’un lapin, et s'élève obliquement à mesure qu'il s'avance dans la berge, en sorte qu'il n'y a jamais de submerge qu'un ou deux mètres de longueur dans la partie qui aboutit à l'entrée. Parvenu au-dessus du niveau de l’eau du lac ou de la rivière, le terrier se divise en deux branches, en forme d', placées, non l'une à côté de l’autre, mais plus ordinai- rement l'une sur l’autre. La branche supérieure s'étend quelquefois sous les racines des plantes qui croissent à la surface du sol, mais jamais elle n’a d’ou- verture en plein air. Les racines des graminées que rencontre le desman sont soigneusement recueillies par lui, et transportées dans la branche inférieure du terrier, pour former à sa femelle un nid plus doux que les fragments de joncs et de roseaux qu'il cueille dans les marais. Ce nid est placé au fonà du trou dans une petite chambre ovale, ayant au moins un pied (0,525) de lar- geur, sur dix-huit pouces (0,487) de longueur. Au printemps, la femelle met bas quatre ou cinq petits, qu’elle aime avec tendresse, et qu'elle allaite avec beaucoup de soin. Elle ne les conduit à l’eau avec elle que lorsqu'ils sont très- forts, et jusque-là elle se borne à les promener dans la branche supérieure de son habitation. Les desmans se nourrissent de larves, de vers, et plus particulièrement de sangsues, auxquelles ils font sans cesse la chasse. Avec leur petite trompe mo- bile, qu'ils enfoncent dans la vase, ils saisissent fort adroitement leur proie, et, 121 LES CARNASSIERS INSECTIVORES. ce qui leur est, je crois, particulier, ils la dévorent sous l’eau, ce que ne fait pas la loutre, ni aucun des carnassiers aquatiques que je connaisse. Très-rarement ces animaux nagent à la surface des ondes, et s'ils y paraissent de temps en temps, c'est uniquement pour respirer. Ils ont la singulière faculté de marcher sur le sol au fond de l’eau avec autant d’aisance que les autres animaux sur la terre, et rien n'est plus curieux que de les y voir se promener. Lorsqu'un hiver rigoureux vient charger la surface des étangs d’une épaisse glace, ils sont, dit M. Desmoulins, exposés à périr d’asphyxie par l’épuisement de l’air de leur terrier; mais ce fait me paraît d'autant plus douteux qu'il ne s'explique pas du tout par la formation de la glace sur les étangs. Ensuite, s’il était vrai, l'espèce serait menacée de destruction, puisqu'elle n’habite que le nord. Le Desman Des PYRÉNÉES (Mygale pyrenaica, Gvorr.) est beaucoup plus petit que le précé- dent, et n’a pas plus de huit pouces et demi (0,251) de longueur, y compris sa queue, qui est plus longue que son corps, cylindrique dans les trois quarts de sa longueur, diminuant in- sensiblement depuis sa base, et se terminant par une partie comprimée sur les côtés; il est brun en dessus, gris en dessous. On le trouve le long des ruisseaux, aux environs de Tarbes, au pied des Pyrénées. Il a des habitudes à peu près semblables à celles du précédent, mais il ne fait pas sou terrier avec autant d'art. >" Genre. Les SCALOPES (Scalops, G.Guv.) ont trente-six dents : deux incisives eu haut et quatre en bas; point de canines ; dix-huit mo- laires à la mâchoire supérieure, et douze à l'in- férieure ; ils manquent d’oreilles externes ; leur museau est pointu, cartilagineux. robuste; ils ont trois doigts aux pieds antérieurs, cinq à ceux de derrière, et une queue courte. Le ScaoPe pu Canapa ( Scalops canadensis, Desu. Sorex aquaticus, Lin. L’ American white imole des Américains) a le nez très-long et ter- miné en une sorte de boutoir propre à fouiller la terre; ses pieds antérieurs sont en forme de mains larges, armées d'ongles forts, semblables aux mains d'une taupe, et comme elles très-aptes à creuser le sol; sa queue est courte et son pe- lage très-brun. Cet animal a les mêmes habitudes que la taupe; comme elle, il se creuse de longs boyaux souterrains diversement ramifiés, auxquels il travaille chaque jour à des heures déterminées, et il ne procède pas autrement qu'elle pour chercher les vers de terre, les larves et les petites racines bulbeuses dont il fait sa nour- riture; comme elle encore, il ne quitte pas ses galeries souterraines, ou, s’il le fait, ce qui est très-rare, c'est pour changer de domicile ou aller à la recherche de sa compagne. Il y à cependant cette différence entre la taupe et le scalope, que celle-là choisit, pour établir son domicile, les terres fraiches, mais non humides; tandis que l’autre ne se plaît que sur les bords froids et marécageux des rivières et des fleuves. On le trouve aux États-Unis, depuis la Virginie jus- qu'au Canada. 6° Genre. Les TALPASORES ( T'alpasorex, les supérieures ont la couronne légèrement Less.) ont quarante dents : deux incisives supé- ricures et quatre inféricures ; pas de canines ; vingt-deux molaires à la mâchoire supérieure, et douze à la mâchoire inférieure. Du reste, ils ne diffèrent pas du genre précédent. Le TALPASORE DE PENSYLVANIE ( T'alpasorex pensylranica, Less. Scalops pensylvanica, Har- LAN.) a six pouces et demi (0,176) de longueur totale ; son pelage est brun et sa queue courte; ses molaires sont extrêmement rapprochées ; dentelée, avec un sillon qui se continue tout le long du côté intérieur, et sur le côté externe pour les molaires inférieures. On le trouve aux États-Unis; ses mœurs sont les mêmes que celles des scalopes. 7° GEvre. Les CHRYSOCHLORES ( Chry- sochloris, Lacgp.) ont quarante dents : deux incisives en haut et quatre en bas; pas de ca- nines; dix-huit molaires supérieures, et seize inférieures; leur museau est court, large, re- TRIODONTES. levé ; leur corps trapu; point d'oreilles exter- nes; pieds de devant courts, robustes, propres à fouiller la terre, à trois ongles seulement, dont l'extérieur très-gros, et les autres allant en diminuant; pieds postérieurs à cinq doigts; pas de queue. Le CarysocaLore pu Car ( Chrysochloris ca- 125 pensis, Desu. T'alpa asialica, Gmec. La Taupe dorée, G. Guy.) a de longueur totale quatre pou- ces et demi (0,122) ; il est d’un brun changeant ; a cinq doigts aux pieds de derrière, et manque de queue. Il habite les environs du cap de Bonne-Espérance, où il se creuse des galeries souterraines à la manière des taupes. La nature se plaît souvent à déjouer les suppositions systématiques des sa- vants, et cet animal en est une preuve nouvelle. Les naturalistes avaient cru que les brillantes couleurs, le vert doré, le pourpre, le violet, les reflets métal- liques qui étincellent sur la livrée des oiseaux, des poissons, des insectes, etc., leur étaient dévolus par la nature, à l'exclusion des mammifères, qui devaient toujours porter une robe terne; et voici le chrysochlore qui vient donner un dementi à cette loi conclue par les analogies. En effet, son poil est d’un vert changeant, passant au cuivré et au bronzé, et offrant les plus brillants reflets métalliques d'or, de pourpre et de violet. Cet animal est aveugle, et on ne lui voit aucune apparence d’yeux; dans le fait, à quoi lui servirait-il d’en avoir, puisqu'il ne quitte jamais la galerie téné- breuse et souterraine dans laquelle il vit à la manière des taupes? Mais si la nature l’a privé d’un sens qui lui serait inutile, elle l’en a indemnisé en lui don- nant une ouie très-fine, quoique son oreille n’ait pas de conque extérieure, el en dotant d’une force prodigieuse les bras dont il se sert pour fouiller jour- nellement la terre. Son avant-bras est soutenu, pour creuser, par un troisième os placé sous le cubitus, et nul autre animal n'offre cette singularité. 8° Gexre. Les DOUCANS-TAUPES ( Ducan- talpa) ont les mêmes caractères généraux que le genre précédent, mais leur formule dentaire n'est pas encore connue, au moins je le crois; ils ont une queue, et leurs pieds de derrière n'ont que quatre doigts. LES TRIODONTES A ont les trois sortes de dents : deux grandes in- cisives supérieures en avant, accompagnées de deux autres de chaque côté, dont la postérieure en forme de canine; les vraies canines petites, non distinctes des fausses molaires ; quatre in- cisives inférieures, penchées en avant, en forme de cuiller. 9° Gexre, Les CONDYLURES ( Condylura, Izu1G.) ont quarante dents : deux incisives su- périeures et quatre inférieures ; deux canines en baut et en bas; seize molaires à la mâchoire su- péricure, et quatorze à l’inférieure. Ils ont le nez tres-allongé, garni de crêtes membraneuses disposées en étoile autour des narines; leurs yeux sont frés-petits; ils manquent d'oreilles extérieures ; comme chez les taupes, leurs mains Le Doucax ( Ducantalpa rubra. — Chryso- chloris rufa, Desu. T'alpa rubra, GMez.) est un peu plus grand que notre taupe, dont il a les mœurs ; son pelage est d’un roux tirant sur le cendré clair; sa queue est courte. On le trouve à la Guyane. COURTES CANINES sont larges, à cinq doigts munis d'ongles puis- sants, propres à fouir la terre; leur queue est de médiocre longueur, et ils ont cinq doigts aux pieds de derrière. Le ConDYLURE ÉTOILE (Condylura cristata, Desm. Sorex cristatus, Liv. Talpa cristata, G. Cuv. La Taupe à museau étoilé du Canada, G. Cuv.) est d'un brun noirâtre, et a quatre pouces (0,108) de longueur totale; ses narines sont entourées d’un cercle de lanières mem- braneuses, et sa queue est longue comme le tiers à peu près de son corps. Il est assez com- mun dans le nord des États-Unis et au Canada. Ses mœurs sont semblables à celles de ia taupe, ainsi que dans les espèces suivantes. Le Co\DyiLunE À GROSSE QUEUE ( Condylura 126 LES CARNASSIERS INSECTIVORES. macroura, HauLan.) est d'un gris noirètre en dessus, avec le iuseau fauve ; la crête étoilée de son nez est à vingt pointes; sa queue, presque aussi longue que son corps, est légèrement com- primée. Il est commun dans le Nouveau-Jersey, et se trouve dans tous les Etats-Unis. Le ConpyLiure veRT (Condylura prasinata, Hans.) à quatre pouces et demi (0,122) de lon- gueur lotale ; son pelage est long, fin, à reflet d'un vert brillant ; la crête de son nez est à vingt- deux lanières ; sa queue, mince, sans rides ni LES TRIODONTES A ont quatre grandes canines écartées, entre les- quelles sont de petites incisives. 10° Genre. Les TAUPES ( T'alpa, Lan.) ont quarante-quatre dents : six incisives en haut et huit en bas ; deux canines à la mächoire supé- rieure et point à l’inférieure ; quatorze molaires en haut et en bas. Leur tête est allongée, poin- tue, prolongée en avant par un museau cartila- gineux, renforcé par un os du boutoir ; elles manquent d'oreilles externes, et leurs yeux sont excessivement petits; ses pieds antérieurs sont larges, en forme de mains, à cinq ongles tran- chants et propres à fouir ; leurs pieds de der- sillons, à poils non verticillés, est longue comme les trois quarts de son corps Il habite le Maine, aux États-Unis. Le Condylura longicaudata, Desu. Talpa longicaudata. GueL., me paraît étre un animal imaginaire. S'il existe, ce n’est certainement pas un condylure. Selon les catalogues descrip- tifs, il serait long de six pouces (0,162) ; sa queue serait longue comme la moitié de son corps, et il n'aurait point de crête nasale. On le trouve- rait en Amérique septentrionale. GRANDES CANINES rière sont faibles et à cinq doigts; leur queue est courte. Ces animaux vivent dans un terrier dont ils ne sortent qu’accidentellement. La Taupe AVEUGLE (T'alpa cœca, Savi). Cette espèce, presque aussi commune dans certaines parties de la France que la taupe ordivaire, n'avait pas été observée avant Savi. Cependant elle en diffère par sa taille plus petile, ne dé- passant pas quatre pouces (0,108), et par la forme plus aplatie de son boutoir ; son œil est presque entièrement caché par la peau, qui ne laisse passer la lumière que par un trou grand comme une piqûre d’aiguille. TRIODONTES. 127 La Tanp: La TAUPE COMMUNE | Talpa europæa, Lis. La Taupe, Burr.). Elle à communément six pouces (0,162) de longueur totale. Son pelage est ordinairement d’un noir luisant, toujours fin, doux, et plus ou moins veloute. Sa queue est courte. On connaît plusieurs variétés de taupe, savoir : la taupe pie, à pelage taché de blanc et de noir; la taupe albinos, entièrement blanche ; la taupe jaune, à poils d’un fauve plus ou moins jaunâtre; enfin la taupe grise, dont le pelage est uniformément cendré. | « Les taupes, dit G. Cuvier, sont connues de tout le monde par leur vie sou- ierraine, et par leur forme éminemment appropriée à ce genre de vie. Un bras trés-court, attaché par une longue omoplate, soutenu par une clavicule vigou- reuse, muni de muscles énormes, porte une main extrêmement large, dont la paume est toujours tournée en avant ou en arrière; cette main est tranchante à son bord inférieur ; on y distingue à peine les doigts, mais les ongles qui les ter- minent sont longs, forts, plats et tranchants. Tel est l'instrument que la taupe emploie pour déchirer la terre, et pour la pousser en arrière. Son sternum a, comme celui des oiseaux et des chauves-souris, une arête qui donne aux muscles pectoraux la grandeur nécessaire à leurs fonctions. Pour percer la terre et la sou- lever, la taupe se sert de sa tête allongée, pointue, dont le museau est armé au bout d’un osselet particulier, et dont les muscles cervicaux sont extrêmement vigoureux. Le ligament cervical s’ossifie même entièrement. Le train de der- rière est faible, et l'animal, sur la terre, se meut aussi péniblement qu'il le fait avec vitesse dessous. Il a l'ouie tres-fine et le tympan très-large, quoique l'oreille 128 LES CARNASSIERS INSECTIVORES. externe lui manque; mais son œil est si petit et tellement cache par le poil, qu'on en a nié longtemps l'existence. Ses mâchoires sont faibles ; et sa nour- riture consiste en insectes, en vers, et, ce qui n’est pas bien certain, en quel- ques racines tendres. » Cet animal est assez commun dans toute l'Europe tempérée, cependant on dit qu'on ne le trouve que très-rarement en Grèce et jamais en Irlande. 11 habite de préférence les terres douces, faciles à percer, non pierreuses, un peu fraiches en été, sèches et élevées en hiver. Les taupes fuient les déserts arides, et surtout les climats froids, où la terre reste gelée pendant la plus grande partie de l’année. « Un attachement vif et réciproque du mâle et de la femelle, de la crainte ou du dégoût pour toute autre société, les douces habitudes du repos et de la solitude, l’art de se mettre en sûreté, de se faire en un instant un asile, un domicile; la facilité de l’étendre et d’y trouver, sans en sortir, une abondante subsistance, voilà, dit Buffon, sa nature, ses mœurs et ses talents, sans doute préférables à des qualités plus brillantes et plus incompatibles avec le bonheur que l’obscu- rité la plus profonde. » La taupe se prépare un gîte au pied d’une muraille, d'un arbre ou d'une haie, et ce gite est fait avec beaucoup d'art. Il consiste en un trou de dix- huit pouces (0,487) de profondeur, assez large, recouvert d'une ou même plu- sieurs voûtes les unes sur les autres, en terre battue et gachée avec des frag- ments de racines d'herbes, et assez solidement pétrie pour résister aux eaux de pluie. Cette demeure est à plusieurs compartiments séparés par des cloisons, et soutenus de distance en distance par des piliers. Quelquefois, dans les terres humides ou menacées d’inondations, la voûte de terre dure s'élève au-dessus du terrain, et le lit d'herbes sèches et de feuilles où elle repose avec sa famille, se trouve lui-même un peu au-dessus de la surface du sol, de manière à ne pouvoir être inondé dans le cas d’une submersion inopinée. La manière dont elle se procure des herbes pour faire son lit est assez singulière. Par la racine elle juge si l'herbe lui convient; dans ce cas, elle coupe les racines latérales jus- que vers le collet de la plante, puis, saisissant le pivot qu’elle a ménage, elle tire à elle et parvient à faire entrer dans son trou la tige munie de toutes ses feuilles. C'est là que, de mars en mai, elle fait et allaite ses petits, ordinairement au nombre de quatre ou de cinq. De ce nid part un boyau, quelquefois long de soixante à quatre-vingts pas, et se prolongeant dans une direction à peu près droite. À gauche et à droite, elle jette çà et là d’autres boyaux qui s’en écartent plus ou moins perpendiculairement ; tous sont parallèles à la surface de la terre, à moins qu'elle ne rencontre un obstacle dans son chemin; en ce cas elle s’en- fonce et passe par-dessous, à plusieurs mêtres de profondeur si cela est néces- saire. Il n’est pas rare d’en trouver qui passent sous des fondations de hautes murailles, et même sous le lit d’un ruisseau ou d’une petite rivière. Dans les circonstances ordinaires, le boyau n’est jamais à plus de six pouces (0,162) au- dessous de la surface du sol. Quand elle fouille, la taupe perce avec le nez, comprime la terre sur les côtés avec ses robustes mains, et en pousse une partie en avant avec son front et ses épaules ; aussi est-elle obligée de temps à autre de s’en débarrasser en la reje- TRIODONTES. 129 tant à la surface, et formant ce que l’on appelle une taupinière. Tous les boyaux qui vont d'une taupinière à une autre sont en ligne à peu près droite, et ce n’est que dans ces espèces de points d'arrêt que la taupe se détourne d'un côté ou d’un autre pour chercher sa nourriture et former de nouvelles galeries. La taupe, vivant principalement de vers de terre et d'insectes, est obligée de fouiller chaque jour pour trouver sa nourriture et celle de sa jeune famille ; aussi s’en occupe-t-elle régulièrement, et, ce qu'il y a de fort singulier, à des moments déterminés de la journée. Elle commence ses premiers travaux au lever du soleil, et les continue pendant environ une heure ; elle les reprend à neuf heures, à midi, à trois heures et au coucher du soleil, et c’est dans ce dernier instant qu'elle travaille avec le plus d’ardeur. Elle passe les autres heures du jour et la nuit à dormir dans son gite. Comme elle ne sort que très-rarement de son souterrain, elle n’a que peu d’ennemis à craindre, et ne peut devenir la proie des animaux carnassiers. Son plus grand fléau est le débordement de rivières; dans ces inondations subites, on voit les taupes fuir à la nage, et faire tous leurs efforts pour gagner les terres plus élevées; mais la plupart périssent aussi bien que leurs petits qui restent dans les trous. Si on surprend une taupe hors de son trou, elle ne cherche à fuir que lorsque la terre est trop dure pour lui permettre de s’y enfoncer avec rapidité; dans ce cas, elle court avec assez de vitesse, quoi qu’en ait dit Cuvier dans la citation que nous avons faite plus haut, et elle pousse un petit cri trés- aigu, comme le bruit d'une lime qui glisse sur l'acier sans le mordre. Elle est si délicate, que le plus petit coup la tue, surtout si on la frappe sur le nez. Mais quand elle est sur un sol meuble ou très-léger, au lieu de fuir elle s’en- terre, et avec tant de promptitude, que, si l’on est à dix pas, on n’a pas le temps d'arriver à elle avant qu'elle ait disparu. Si au moyen d’une bêche on la cerne dans son terrier, au premier bruit qu'elle entend, à la plus petite commotion que la bêche fait éprouver à la terre, elle se sauve dans son gîte. Si elle en trouve les issues fermées, elle se met aussitôt à creuser un trou vertical dans lequel elle s'enfonce quelquefois à plus d’un mètre, et il n’y a plus d’autre moyen pour l'en faire sortir que d'y introduire de l’eau. Malgre les habitudes douces que Buffon attribue à la taupe, il n’en est pas moins vrai que c'est un animal très-cruel et très-vorace. « Elle n’a pas faim, comme tous les autres animaux, dit Geoffroy Saint-Hilaire : ce besoin est chez elle exalté; c’est un épuisement ressenti jusqu’à la frénésie. Elle se montre vio- lemment agitée ; elle est animée de rage quand elle s’élance sur sa proie; sa glou- tonnerie désordonne toutes ses facultés; rien ne lui coûte pour assouvir sa faim ; elle s'abandonne à sa voracité, quoi qu'il arrive ; ni la présence d’un homme, ni obstacle, ni menaces ne lui imposent, ne l’arrêtent. La taupe attaque ses enne- mis par le ventre ; elle entre la tête entière dans le ventre de sa victime; elle s’y plonge ; elle y délecte tous ses organes des sens. » M. Isidore Geoffroy va nous compléter ce portrait : « Qu'un animal se trouve à sa portée, elle s’élance sur Jui à l'improviste, lui ouvre le ventre, et le dévore presque tout entier en peu de temps. Les crapauds sont les seuls animaux qui lui répugnent; elle dévore avec avidité les grenouilles et les oiseaux. Si même on place dans un lieu fermé deux taupes du même sexe, la plus faible est bientôt dévorée, et l'on ne retrouve 17 130 LES CARNASSIERS INSECTIVORES. plus d'elle que sa peau et quelques os. Après avoir assouvi sa faim, la taupe est tourmentée d'une soif ardente, tellement que si on la saisit par la peau du cou, et qu'on l'approche d’un vase plein d’eau, on la voit boire avec avidité, malgré la gène d’une telle position. C’est au docteur Flourens qu’on doit la connais- sance de la plupart de ces faits intéressants, auxquels il importe d’ajouter que les taupes mangent, au moins lorsqu'elles manquent d’une meilleure nourri- ture, les courtilières et les vers blancs ou larves de hannetons. » Ici je ferai une remarque qui me paraît fort essentielle : c’est qu'il ne faut pas juger des habitudes d’un animal à l'état de nature, d’après les mœurs qu'il montre dans l'esclavage; autrement l'exemple de la taupe entrainerait à de grandes erreurs. En effet, si cet animal, dans sa taupinière, avait des appétits si furieux, il ne pourrait les satisfaire et périrait bientôt de faim. Comment se procurerait-il des oiseaux, des grenouilles, de l’eau à boire? Concluons done de tout cela que les mœurs de la taupe valent mieux que son caractère. Elle ne s’engourdit pas l'hiver, comme la plupart des carnassiers insectivores; elle cherche une exposition chaude, tournée au midi, y établit son domicile, et pro- fite de tous les jours de soleil et de dégel pour travailler. Je suis fort tenté de croire qu'elle fait, pour les consommer quand la terre est fortement gelée, une provision de bulbes de colchique d'automne, car j'en ai constamment trouvé des débris autour de son nid, en février et mars, c’est-à-dire avant qu’elle ait mis bas. Cet animal est un fléau pour l’agriculture, partout où on le trouve en grand nombre. Il fait un grand tort aux terres et aux jardins, en les fouillant dans tous les sens, et en coupant les racines des plantes; ses taupinières, en encom- brant les prés, ôtent la possibilité de les faucher rez terre, et font par consé- quent perdre une bonne partie des récoltes de fourrage. En outre, ses galeries nuisent beaucoup à la régularité des irrigations, en perçant les chaussées, les digues, et livrant des passages aux eaux. 11" Gunee. Les TENRECS ({Seliger, Cu.) ont quarante dents; six incisives, deux canines et douze molaires à chaque mâchoire; comme les hérissons, ils ont le corps couvert d’aiguil- lons, mais il leur manque la faculté de se rouler aussi complétement en boule ; leur museau est pointu ; ils n’ont pas de queue ; leurs pieds ont cinq doigts libres et munis d’ongles crochus. Le Tewrec (Seliger ecaudalis, Georr. Érina- ceus ecaudatus, Lin. Centenes spinosus, Des. Le T'enrec, Burr.) est un peu plus grand que notre hérisson, et peut avoir dix pouces (0,271) de longueur environ. Il est couvert de piquants roides sur le corps, et de poils ou de soiïes sur le ventre et la poitrine; ses incisives sont échan- crées, au nombre de quatre seulement en bas. Ce singulier animal, ainsi que ses congénères, est indigène de Madagascar, mais on le trouve à l'Ile-de-France, où il a été transporté et où il s’est très-faci- lement naturalisé. Comme il a les pattes fort courtes, il ne peut pas courir, ni même marcher avec facilité; aussi, malgré ses aiguillons, devient-il assez sou- vent la proie des animaux carnassiers et des oiseaux de proie. Son cri est une sorte de petit grognement ayant, selon Buffon, un peu d’analogie avec celui du cochon. Le tenrec est un animal nocturne, qui aime à se vautrer dans la vase. Il habite le bord des eaux, et se plaît particulièrement sur le rivage des canaux salés et FRIODONTES. 131 des lagunes de la mer. Il passe la plus grande partie des nuits à poursuivre, dans le sein des ondes, les insectes dont il fait sa principale nourriture; au jour naissant, il se retire pour dormir dans un terrier qu'il se creuse sous les racines de quelque arbre croissant au bord de l’eau, ou tout simplement dans le sol d’une falaise, au milieu des buissons ou des roseaux. Il n’en sort que le soir, au crépuscule, pour recommencer sa pêche; aussi nage-t-il avec une grande facilité. Dans quelques-unes de ses habitudes, il à de l’analogie avec notre rat d'eau. Le mâle et la femelle sont fort attachés l’un à l'autre, et paraissent s'aimer avec tendresse. Cette dernière fait plusieurs petits, qu'elle allaite dans son ter- rier, et auxquels elle apprend à nager, à plonger et à chasser aux insectes aqua- tiques, aussitôt qu'ils sont assez forts pour la suivre. Ordinairement les mammifères insectivores, et quelques autres de differentes classes, s’engourdissent pendant l'hiver; ici c'est tout le contraire. Pendant la saison pluvieuse, qui dans leur pays répond à notre hiver, les tenrecs sont vifs, agiles, sans cesse occupés de leurs amours, de la chasse et de l'éducation de leur famille. Mais aussitôt que les chaleurs de l'été commencent à se faire sentir, père, mére et enfants, tous se retirent dans le terrier, s’enfoncent dans le foin de roseau qu'ils y ont amassé, s’endorment, tombent en léthar- gie, et restent plongés dans l’engourdissement et la torpeur pendant trois ou quatre mois, c'est-à-dire autant de temps que dure la chaleur. Dans cet état leur poil tombe, et il ne repousse que quand ils se sont réveillés. Flaccourt dit qu'ils sont ordinairement fort gras, et que les Indiens trouvent leur chair excellente, quoiqu'elle soit fade et mollasse. Le Tenprac (Setiger inauris, GEorr. Erina- ceus selosus, Lin. Centenes setosus, Desu. Le Tendrac, Burr. — G. Cuv.) est beaucoup plus petit que le précédent, dont il diffère par ses piquants plus flexibles, plus semblables à des soies, et par six incisives échancrées à chaque mâchoire. 11 habite Madagascar. Le TERec RAÿÉ ( Seliger variegatus, GEOrr. Centenes semispinosus, Desu. Erinaceus semi- spinosus, G. Cuv. Le jeune T'enrec, BUrk.) à - six incisives à chaque mâchoire, el les canines gréles et crochues ; il est couvert &e soies et de piquants mélés ; son corps est rayé de jaune el de noir, et atteint à peine les dimensions de celui d'une taupe. On le trouve à Madagascar, où cependant il est assez rare. e LES E CARNIVORES PLANTIGRADES 9 QUATRIÈME ORDRE DES MAMMIFÈRES. L'Ours brun d'Europe. Ces animaux ont six incisives à chaque mà- choire; de très-fortes canines ; les molaires non hérissées de pointes à leur couronne, mais tran- chantes et quelquefois luberculeuses ; aussi vi- vent-ils tous de proie et ont une férocité san- guinaire. LES PLANTIGRADES marchent sur la plante entière des pieds, qu'ils ont toujours dépourvus de poils en dessous ; aussi peuvent-ils assez facilement se tenir debout sur leurs pieds de derrière. Ils ont cinq doigts à tous les pieds, et mauquent de cæcum. La plu- part passent l'hiver en léthargie, dans les pays froids. 1 Genre. Les OURS ( Ursus, Lin.) ont qua- rante-deux dents : six incisives et deux canines à chaque mâchoire; douze molaires supérieures et quatorze inférieures; les trois molaires pos- térieures, sont très-grosses, à couronue carrée et tubercules mousses, ce qui les rend moins car- uassiers que les autres genres de leur ordre; leurs pieds sont armés d'ongles très-forts ; leur corps est irapu, leurs membres épais, et leur queue très-courte; les femelles portent deux mamelles pectorales et quatre ventrales. L'OURS BRUN (Ursus arctos, Lin. Var. Ürsus pyrænaïcus, Fr. Cuv. L'Ours brun d'Europe, Burr. — G. Cuv. Var. L'Ours des Pyrénées, Fr. Cuv.). Cet animal habite les hautes montagnes et les grandes forêts de toute l'Eu- rope et d'une partie de l'Asie et de l'Afrique. Sa longueur est de quatre à cinq pieds (1,299 à 1,624) environ. La hauteur relative des jambes varie beaucoup LA FOSSE AUX OURS (Jardin des PJantes.) ’ = : ' N e LUN { Led ’ \ “4 \ pe e e Le È « L) * Pal L o ) à L D: ei da È u » : . : PLANTIGRADES. 133 ainsi que la couleur du pelage, ét cela sans rapport constant avec âge ou le sexe. Son front est convexe au-dessus des yeux, et son museau diminue de gros- seur d'une manière brusque ; il à la plante des pieds de derrière moyenne; son pelage, quelquefois un peu laineux, est ordinairement brun, mais on en voit d'un brun lisse à reflets presque argentés; de fauves; d'autres d'une couleur blonde jaunâtre très-clair ; enfin il y en à de tout à fait blancs. L'ours brun est très-connu en France, gràce aux montagnards qui deseendent quelquefois des Alpes pour venir promener, dans les petites villes et les villages, de jeunes ours qu'ils ont apprivoisés, et auxquels ils ont enseigné à marcher debout, à faire la culbute, et à danser d'un pas lourd au sen de la flûte à bec et du tambourin. Quoiqu'il obéisse à son maitre, ce n’est jamais qu'à contre- cœur et en murmurant. Chaque fois qu'on l'oblige à montrer son savoir, il s’ir- rite, et fait entendre un grondement sourd qu'il accompagne d'un frémissement de dents trés-significatif. Aussi le tient-on constamment muselé, et se défie- t-on beaucoup de sa colère, qui procède souvent du caprice et tourne toujours en fureur. Dans ses forêts, qu'il ne quitte guère que lorsqu'il y est poussé par la faim, l'ours mêne une vie solitaire et sauvage. Il se loge dans les cavernes, les trous de rochers, et plus souvent encore dans les trous caverneux des vieux arbres. C'est là qu'il passe ses journées à dormir en attendant la nuit pour se mettre en campagne et chercher sa nourriture. On prétend que, faute d'arbre creux ou d’antre de rochers, il se construit une sorte de cabane avec des branches de bois mort et du feuillage, mais ceci me semble fort douteux. Tout lourd qu'il paraît, cet animal n’en est pas moins doué d'une certaine agilité, qu'il ne de- ploie, à la vérité, qu'avec beaucoup de circonspection et de prudence. Quand il grimpe sur un arbre, soit pour aller chercher les fruits dont il se nourrit, soit pour rentrer dans son trou, il s'accroche aux branches avec ses mains, et au tronc avec les griffes de ses pieds de derrière ; quelquefois aussi il embrasse la tige avec ses bras et ses cuisses, comme ferait un homme; mais, dans tous les cas, il y met beaucoup de précaution, et jamais il ne lèche son appui d’une patte qu'il ne se soit assuré, à plusieurs reprises, que les trois autres ne lui manque- ront pas. Bien que ses màächoires soient armées de dents redoutables, son caractere n'est pas carnassier, et il n’attaque jamais un être vivant que pour défendre sa vie, ou quand il y est poussé par une faim dévorante. Ordinairement ilse nourrit de faine ou fruit du hêtre, de baies sauvages, de graines de différentes plantes, et même de racines; il aime beaucoup les fruits du sorbier, de l'épine-vinette, et en genéral tous ceux qui sont un peu acides. Si cette nourriture manque dans ses forèts, il les quitte, se jette dans la plaine, et fait d'assez grands ravages dans les champs d'avoine et de maïs. Ce n’est guère qu'en hiver, après un long jeune, que, sortant affamé de sa retraite et trouvant la terre couverte de neige, il se jette sur les troupeaux et attaque les animaux qu'il rencontre. Encore ce fait aurait-il besoin d’être confirmé. Ce dont je me crois certain, c’est que jamais il n'est dangereux pour l’homme, à moins qu'il n’en soit attaqué; mais dans ce cas, il est d’une intrépidité effrayante. 1 a le sentiment de sa force ; aussi n'é- prouve-f4l jamais la crainte, mais seulement la colère. S'il rencontre un chas- 131 LES CARNIVORES PLANTIGRADES. seur, il ne fuit pas à la vue de ses armes; il ne se détourne même pas; il passe outre en jetant sur lui un regard farouche de mécontentement, car il n'aime pas que l’on pénètre dans ses forêts silencieuses pour troubler sa solitude. Mais malheur à l'imprudent audacieux qui ose l’attaquer sans être sûr de lui donner la mort du premier coup! Blessé ou simplement offensé, sa colère est terrible, et toujours il en résulte une lutte mortelle pour l’un ou pour l’autre, quelquefois pour tous deux. Sans hésiter, il court sur son agresseur ; mugissant de fureur, l'œil en feu, la gueule béante, dressé sur ses pieds de derrière, il s’élance, l’é- crase de son poids, le saisit dans ses bras puissants, l’étouffe, ou lui brise le crâne avec ses formidables màchoires. S'il est harcelé par une meute de chiens courageux et appuyés par de nombreux piqueurs, il se retire, mais il ne fuit pas. Il gagne lentement sa retraite, en se retournant de temps à autre pour faire face à ses nombreux ennemis, qui reculent aussitôt épouvantés. Enfin, harassé de fatigue, mortellement blessé par les balles des chasseurs, près de mourir, il s'apprête à faire payer chèrement la victoire à ses ennemis. Debout, le dos appuyé contre un tronc d'arbre ou un rocher, il les attend, et tout ce qui est assez téméraire pour l’approcher, tombe écrasé sous sa terrible patte ou brisé par ses dents. En Europe, on fait la chasse à l’ours avec le fusil et des chiens. Quelquefois aussi, quand on connaît le lieu qu’il habite, on le traque comme le loup; c’est- a-dire que tous les paysans d’un ou plusieurs villages se réunissent, entourent la forêt d’une ceinture de tireurs et de traqueurs qui marchent en resserrant de plus en plus le cercle qui le circonscrit, et finissent par l’approcher et l’acca- bler sous leur nombre. « On prend les ours, dit Buffon, de plusieurs facons, en Norwége, en Suède et en Pologne, etc. La manière la moins dangereuse de les prendre est de les enivrer en jetant de l’eau-de-vie sur le miel qu'ils aiment beaucoup, et qu'ils cherchent dans les troncs d'arbre. » Ce fait, rapporté par le grand écrivain, sur la foi de Regnard, me parait tout aussi peu probable que les contes que ce voyageur nous avait débités sur les Lapons. L'ours aime la vie solitaire, et fuit par instinct toute société, mème celle de ses semblables. Il ne cherche même sa femelle qu'au temps des amours, c’est- à-dire en juin, et, ce moment passé, il la quitte, et va fixer sa demeure à plu- sieurs lieues de la forêt qu'elle habite. Aussi est-il tout à fait indifférent aux plaisirs de la paternité, et, il y a plus, c'est qu'il ne manque jamais de manger ses enfants, si le hasard lui fait découvrir l'asile sauvage où sa femelle les a cachés, dans un lit de feuilles sèches et de mousse. Au contraire, celle-ci aime ses petits avec la plus ardente affection, et les garde avec elle jusqu'à ce qu'ils aient deux ans et qu'ils aient acquis la force de repousser toute agression étran- gère. Elle les soigne, leur apporte des fruits et du giber, les lèche, les nettoie, et les porte avec elle dans ses bras lorsqu'ils sont fatigués. Si un danger les menace, elle les défend avec un courage furieux, et se fait tuer sur la place plu- tôt que de les abandonner. Aussi n'est-ce qu'avec beaucoup de danger et de prudence que les montagnards viennent à bout de s'emparer de ses oursons, ordinairement au nombre de un à trois, très-rarement quatre ou cinq. Le temps de la gestation est de sept mois. , Pendant l'hiver, l'ours ne s’engourdit pas, ainsi que l'ont cru quelques na- en | PLANTIGRADES. 135 turalistes, mais il reste dans son trou des mois entiers à dormir. Comme les fruits ne lui ont pas manqué en automne, il est ordinairement fort gras au moment où il commence sa retraite, et il paraît que cette graisse suffit à l’en- tretien de sa vie pendant fort longtemps. Cependant son jeûne ne dure jamais plus de trente à quarante jours, et il ne reste pas plus longtemps caché sans sortir et aller chercher dans la forêt quelques graines ou des racines qui le sou- tiennent. Si la terre est couverte de neige, et qu'il ne trouve rien à manger, c'est alors qu'il se rapproche des habitations de l’homme, et qu'il se hasarde, dit-on, à attaquer les animaux domestiques. Malgre ses formes grossières, sa tournure pesante et ses gestes grotesques, il ne faut pas croire que l'ours soit un animal stupide ; il est, au contraire, plein d'intelligence et de finesse, etla preuve, c'est qu'ilne donne jamais dans les pièges qu'on lui tend. Tout objet nouveau éveille chez lui la défiance; il l'obsérve pru- demment avant de l’approcher, passe sous le vent pour s’en rendre compte par l'odorat, qu'il a d'une délicatesse extrème ; il s’avance doucement, le flaire, le tourne et le retourne, puis s'en éloigne s’il ne lui convient pas de s’en emparer. C'est ainsi qu'il agit toutes les fois qu'il trouve un cadavre d'homme ou d’ani- mal, auquel il ne touche jamais. Sous cette enveloppe d’un aspect si rude existe une perfection de sensation peu commune dans les animaux; sa vue, son ouie et son toucher sont excellents, quoiqu'il ait l'œil petit, l'oreille courte, la peau épaisse et le poil fort touffu. Le courage de l'ours a passé chez quelques auteurs pour de la brutalité, et il y à là une grande erreur. L’ours est intrépide, mais prudent, et il ne combat que lorsqu'il y est forcé par la faim, la défense de ses petits ou la vengeance. Jamais on ne le voit fuir, parce qu’il a la conscience de sa supériorité ; il oppose la menace à la menace, la violence à la violence, et sa fureur devient terrible, parce qu'il porte dans le combat un courage insouciant de la vie. Autrefois l'ours etait bien plus commun en Europe qu'aujourd'hui, et alors sa chasse pouvait être avantageuse, à cause de sa fourrure assez estimée quoi- que grossière, et surtout à cause de la graisse dont il est toujours abondamment pourvu, et à laquelle la credulité de nos pères accordait des vertus merveilleuses pour guérir les rhumatismes et une foule d’autres maladies. Ce qu'il y a de cer- tain, c'est que cette graisse, dépouillée par des procédés fort simples d’une odeur particulière dont elle est imprégnée, est fort douce, excellente, et ne le cède pas au meilleur beurre pour la cuisine. Il ne s’agit, quand on veut lui ôter son odeur, que de la faire fondre et d'y jeter, lorsqu'elle est très-chaude, du sel en quantité suffisante, et de l’eau par aspersion. Il se fait une sorte de détonation, et 1l s'élève une épaisse fumée qui emporte avec elle la mauvaise odeur. Plusieurs fois les ours de la ménagerie ont fait des petits, et on a pu s'assurer que par la taille et la couleur ils ne se ressemblent nullement. La mere à tou- Jours marqué un sentiment de préférence pour l’un d'eux, et jamais elle n’a perdu son autorité maternelle, lorsqu'ils étaient devenus beaucoup plus grands qu'elle. L'Ouus noi D'Europe ( Ursus ater.— L'Ours même concave, surtout en travers ; son pelage noir d'Europe, G. Civ.) à le front aplali et est laineux, non pas lisse comme celui de l'ours 136 LES CARNIVORES PLANTIGRADES. d'Amérique, d'un brun noirätre; il a le dessus du nez d'un fauve clair, et le reste du tour du museau d'un brun roux. J'élablis cette espèce sur le témoignige de G. Cuvier. Ilest rare, et parait ne se trouver que dans le nord de l'Eu- rope. Buffon dit qu'il est moins carnassier que notre ours brun. L'Ouns pis PYRÉNÉES (Ursus pyrenaicus, Fr. Cuv.) est plus petit que l’eurs des Alpes ; il est d'un blond jaunètre sur le corps, ct noir sur les pieds. Il habite les montagnes des Asturics. Beaucoup de naturalistes le regardent comme une variété de l'ours brun, et je penche aussi vers celte opinion. L'Ours DE SBÉRIE ( Ursus collaris, Fr. Cuv.) a beaucoup d'analogie avec le précédent sous le rapport des formes ct des couleurs; mais sa {aille parait étre un peu plus petite, et il a ur large collier blanc qui passe sur le haut du dos, sur les épaules, et se termine sur la poitrine. On le trouve dans le nord de l'Asie, et il pareit qu'il a les mêmes mœurs que notre ours d'Eu- rope, Cependant, ceux qui ont vécu à la ména- gerie paraissaient un peu plus carnassiers, L'Ouns ou Tser (Ursus thibrtanus, Fr. Cuv.) diffère des précédents par la grosseur de son cou, et par son chanfrein, qui forme une ligne droite; il est noir, à poils lisses; son mu- seau si un peu roux, sa lèvre supérieure cou- leur de chair, et l'inférieure blanche; il à, sur la poitrine, une tache blanche en forme d’Y. On ne l’a encore trouvé que daus les montagnes du Sylhet, au Nepaul, et l’on ne sait rien de po- sitif sur ses habitudes. L'Ouns GuvE (Ursus ornatus, Fr. Cuv.) n'est probablement qu’une variété de l’ours noir. Sa taille dépasse rarement trois pieds et demi (1,157); son museau est un peu plus court, d'un fauve sale; son pelage est également d’un noir lisse et luisant, mais il a un demi-cercle fauve sur chaque œil, et du blanc ou du fauve à la gorge ou à la poitrine. Il est assez commun dans les Cordilières du Chili, et peut être dans toute l'Amérique australe. L'Ouns AUX GRANDES LÈvRES (Ursus labiatus, de Bzainv. Bradypus ursinus, Shaw. Ursus lon- girostris, Trepu. C’est le t\pe du genre Helarc- tos d'Horsrigzp). Il est un peu plus petit que l'ours brun; d’un noir foncé; et on lui trouve quelquefois des taches éparses un peu brunätres ; il a sur la poitrine une tache blanche en forme de V; mais ce qui le rend reconnaissable au premier coup d'œil, ce sont ses lèvres qui sont läches, très-extensibles, et sa langue d’une lon- gueur extraordinaire Il se trouve dans les montagnes de l'Inde. On réunira à cette es- pèce, et même comme variété assez légère, le BRuawG, Ou l’'Ours malais (Ursus malayauus, Rarrz. Prochilus malayanus, Gray. Helarctos malayanus, Horse. —Fr.Cuv.) qui n’en diffère que par une large tache en demi-lune, d’un blanc pur, qu'il a sur la poitrine. Il habite la presqu'ile de Malaca. Il est nommé ours üatc- leur par quelques naturalistes. L'ours aux grandes lèvres n’est pas du tout carnassier, et ne se nourrit que de fruits, de miel et d'insectes. Peut-être en serait-il de même de la plupart des autres espèces, si, ainsi que lui, ils habitaient des climats où la nature pût leur fournir toute l'année une nourriture végétale. D'un naturel farouche et mélan- colique, cet animal aime la solitude, et se retire dans les montagnes les plus désertes. Cependant, quand il est pris jeune et traité avec bonté, son caractère s’'adoucit, son intelligence se développe, et il se laisse facilement dresser à plu- sieurs exercices par les jongleurs indiens. Dans ses montagnes, il se plait beau- coup à la recherche des termés ou fourmis blanches, et lorsqu'il a trouvé une de leurs habitations, il fait, avec ses griffes, au dôme de terre durcie qui en forme le toit, un trou dans lequel il enfonce sa longue langue; les termès se jettent dessus pour défendre leur république, et quand ils y sont réunis en grand nombre, l'ours retire brusquement sa langue et les avale. L'Ouns ve Bon\éo (Ursus euryspilus, Less. Helarctos euryspilus, Honsr.) n'est peut-être aussi qu’une variété locale de l'ours aux grandes lèvres, dont il a les formes, la taille, les cou- leurs et les habitudes; il en diffère cependant par une large plaque échancrée en son bord supérieur, d’une couleur orangée, ct par une bandelette transversale grise sur chaque pied. On le trouve dans l’ile de Bornéo. L'Ours NOIR D'AMÉRIQUE ( Ursus americanus, Pazc. Ursus gularis, Grorr.) a le front plat, presque sur la même ligne que le museau ; la plante de ses pieds et de ses mains est très- courte; son pelage est noir, lisse, long et brillant. PLANTIGRADES. 157 La taille de cet animal ne dépasse guère quatre pieds huit pouces (1,516); cependant j'en ai vu un plus grand que cela. On en trouve des variétés fauves, plus ou moins jaunes ou couleur de chocolat. Tous habitent les États- Unis, et se répandent dans le nord de l’ Amérique jusque dans le Kamtschatka. « L’ours noir, dit M. Dupratz, paraît l'hiver dans la Louisiane, parce que les neiges, qui couvrent les terres du Nord, l’'empêchant de trouver sa nourriture, le chassent des pays septentrionaux. Il vit de fruits, et entre autres de glands et de ra- cines, et ses mets les plus délicieux sont le miel et le lait; lorsqu'il en ren- contre, il se laisserait plutôt tuer que de lâcher prise. Malgré la prévention où l'on est que l'ours est carnassier, je prétends, avec tous ceux de cette pro- vince et des pays circonvoisins, qu'il ne l’est nullement. Il n’est jamais arrivé que ces animaux aient dévoré des hommes, malgré leur multitude et la faim extrème qu'ils souffrent quelquefois, puisque, même dans ce cas, ils ne man- gent pas la viande de boucherie qu'ils rencontrent. Dans le temps que je de- meurais aux Natchés, il y eut un hiver si rude dans les terres du Nord, que ces animaux descendirent en grand nombre; ils étaient si communs, qu'ils s’af- famaient les uns les autres, et étaient très-maigres ; la grande faim les faisait sortir des bois qui bordent le fleuve; on les voyait courir la nuit dans les habi- tations, et entrer dans les cours qui n'étaient pas bien fermées; ils y trouvaient des viandes exposées au frais; ils n’y touchaient pas, et mangeaient seulement les grains qu'ils pouvaient rencontrer.» D'après cette citation faite par Buffon, il semblerait que l'ours noir n’est jamais carnassier; et cependant les naturalistes, entre autres G. Cuvier, pré- tendent que, lorsqu'il ést poussé par la faim, il attaque les mammifères. Ce fait a besoin d’être confirmé; mais ce qu'il y a de sûr, c'est qu’il mange le poisson. En hiver, il descend des bois, et vient pêcher sur le bord des lacs et des rivières. Il nage et plonge fort bien, et s'empare de sa proie avec beaucoup d'adresse et d’agilité. Il se plaît particulièrement dans les forêts d'arbres résineux, et il se loge dans les cavités formées par le temps dans leur tronc. La plus haute est celle qu'il choisit de préférence, et 1l n’est pas rare de le trouver niché à plus de quarante pieds (12,892) de hauteur. Pour le prendre, les Américains mettent le feu au pied de l'arbre, et le forcent ainsi à sortir de sa retraite pour se sauver des flammes. Si c’est une femelle, elle descend la première, à reculons comme font tous les ours, et, lorsqu'elle est près de terre, ils l’abattent d'un coup de fusil tiré à bout portant dans le cœur ou dans l'oreille. Les oursons descendent ensuite, et on les prend vivants et sans danger s'ils sont encore petits; dans le cas contraire, on les tue. On chasse encore l'ours noir avec des chiens courants, qui le harcelent jusqu’à ce que le chasseur ait trouvé le moment favorable pour le tirer. Toutes les manières de le chasser sont sans danger, parce qu’il ne court jamais sur le chasseur, et que, blessé ou non, il ne cherche jamais qu’à fuir. Seulement, il ne faut pas s'approcher imprudemment de lui lorsqu'il est abattu et mourant; car alors, sentant qu'il ne peut plus échapper au danger, il cherche a se défendre et à se venger. Son cri est trés-différent de celui de l’ours brun; il consiste dans des hurlements aigus qui ressemblent à des pleurs. Les Américains lui font une chasse continuelle, non pas seulement parce qu'il dévaste leurs champs de maïs, d'avoine et autres grains, mais encore parce 48 138 LES CARNIVORES PLANTIGRADES. qu'ils estiment beaucoup sa chair, et que sa fourrure, dont on fait chez nous les bonnets de grenadiers, ne laisse pas que d’avoir de la valeur. Sa graisse rem- place avantageusement le beurre; ses pieds offrent un mets très-délicat, et ses jambons, salés et fumés comme ceux de cochon, ont une grande réputation en Amérique, et dans toute l'Europe, où on les envoie pour la table des riches. PLANTIGRADES. 139 L'Ours blanc. L'ours BLANC | Ursus mariimus, Lix. Ursus albus, Briss. L'Ours de la mer Glaciale, Burr. L'Ours polaire des voyageurs. Il est le type du genre Thalarctos de Gray). Cet animal est connu de tout le monde par les exagérations des voyageurs et par les contes qu'ils nous ont débités sur sa grandeur, sa voracité et son cou- rage intrépide. Quand nous aurons réduit toutes ces histoires à leur juste va- leur, on sera fort étonné de ne trouver dans l'ours blanc que les mœurs ordi- naires des animaux de son genre, mais accompagnées d’une stupidité que l’on a prise pour du courage. Les plus grands individus de cette espèce ne dépassent jamais six pieds et demi (2,111), et les voyageurs qui affirment en avoir vu de treize pieds (4,225) mentent juste du double. Sa tête est fort allongée, son crâne aplati, sur la même ligne que le chanfrein ; son œil est petit et noir, ainsi que le museau et l’intérieur de la gueule; son cou est très-long, et sa plante des pieds est d'une largeur remarquable ; tout son corps est couvert de poils blancs, longs et soyeux. Habitant les glaces éternelles du pourtour du pôle boréal, les côtes du Groën- land, du Spitzherg, en un mot les parties les plus froides de la terre, il a dû contracter des habitudes en harmonie avec ces climats rigoureux. L'été, retiré dans les terres, il erre dans les forêts et mange les graines, les fruits et même les racines qu'il y rencontre, ce qui ne l’empèche pas, cependant, de dévorer les cadavres des animaux, quand il en trouve. C’est là qu'il fait ses petits, qu'il les allaite sur un lit de mousse et de lichens, et qu'il les habitue peu à peu à manger des substances animales. Mais, dans ces malheureux climats, la saison 140 LES CARNIVORES PLANTIGRADES. des beaux jours est trop courte, et bientôt la neige, qui couvre le pays, force l'ours blanc à quitter les forêts où il ne trouve plus de nourriture, et à venir sur le bord de la mer, suivi non-seulement de sa famille, mais encore d’une troupe nombreuse que la famine à également exilée des bois. Cette sorte de sociabilité qui les réunit est un caractère qui distingue cette espèce, car toutes les autres ont une vie solitaire, et restent dans un isolement sauvage Pendant ce petit voyage, ils se préparent à combattre les grands animaux marins, en attaquant les rennes et autres êtres timides qu’ils rencontrent sur leur route. Bientôt, de chasseurs maladroits, ils deviennent excellents pêcheurs, et ils pour- suivent jusqu’au fond des ondes les poissons et les mammifères amphibies, qui deviennent leur proie. [ls s’habituent à plonger et à rester longtemps sous l’eau ; ils nagent avec aisance et rapidité, et peuvent faire ainsi plusieurs lieues sans se reposer. Mais si une course trop longue les fatigue, ils cherchent un glaçon entraîné par le courant ou poussé par le vent; ils montent dessus, et cette sin- gulière barque les porte souvent à une très-grande distance. C'est ainsi qu’en Islande et en Norwége on voit quelquefois arriver sur des glacons flottants des bandes d'ours affamés au point de se jeter sur tout ce qu'ils rencontrent. C’est alors qu'ils sont terribles pour les hommes et les ani- maux, et cette circonstance tout à fait accidentelle, mais qui se renouvelle chaque année, n’a pas peu contribué à leur réputation de courage et de féro- citée. Quelquefois, entrainés dans la haute mer par les glaces, ils ne peuvent plus regagner la terre ni quitter leur île flottante ; alors ils meurent de faim ou se dévorent les uns les autres. Sans cesse furetant sur les glaces au bord de la mer, leur proie ordinaire consiste en phoques, en jeunes morses, et même en baleineaux qu'ils osent aller attaquer à la nage à plus d’une demi-lieue de la côte. Ils se réunissent cinq à six pour cela; mais, malgré leur nombre, ils ne réussissent pas toujours, parce que la baleine accourt à la défense de son petit, et, avec sa terrible queue, étourdit, assomme ou noie les agresseurs. Le phoque, malgré ses puissantes mächoires, ne leur offre guère de résistance parce qu'ils s’approchent de lui doucement et sans bruit, pendant son sommeil, le saisissent derrière la tête et lui brisent le crâne avant qu'il ait pu opposer la moindre résistance. Il n’en est pas de même du morse; plus défiant que le phoque, il est rare qu'ils par- viennent à tromper sa vigilance. Le corps porté sur les pattes ou plutôt sur les nageoires de devant, la tête droite et élevée, il leur présente ses formidables défenses, les frappe, leur perce le corps et les renverse mortellement blessés ; puis, forcé par le nombre de battre en retraite, il se lance à la mer et disparaît aux yeux de ses ennemis, qui le poursuivent avec autant d’acharnement que d'inutilité. L'ours blanc, dans les contrées qu'il habite, n’a jamais rencontré un être assez fort pour le vaincre, ce qui fait que la crainte est pour lui un sentiment étranger, mais dont il est cependant très-susceptible. N'ayant jamais éprouvé de lutte sérieuse, il ignore le danger, et sa stupidité l'empêche de le reconnaître lorsqu'il l’apercoit pour la première fois. Aussi l’a-t-on vu venir d’un pas déli- béré attaquer seul une troupe de matelots bien armés, et l’on a pris cela pour du courage. D’autres fois, il s’élance à la nage, va sans hésitation tenter l'abor- PLANTIGRADES. 141 dage d'une chaloupe montée de plusieurs hommes, d’un vaisseau mème, et il périt victime, non de son intrépidité, mais de sa stupide imprudence. S'il sent de la résistance, s’il est blessé, il cesse honteusement le combat et fuit lache- ment, ce que ne font jamais l'ours brun, le tigre, et quelques autres animaux doués d’un veritable courage. Les marins qui ont hiverné dans le Nord ont tou- jours été inquiétés par ces animaux, qui venaient flairer leur proie jusqu’à la porte de leur cabane, et qui grimpaientanème sur le toit pour essayer de péne- trer par la cheminée. Mais toutes les fois qu'on les recevait à coups de fusil ou même à coups de lance, les ours se hâtaient de prendre la fuite, ou du moins n'essayaient pas de soutenir une lutte. On a dit que l'ours blanc se retire en hiver dans des trous creusés sous la neige, et qu'il y reste en etat complet de léthargie jusqu'au retour de la belle saison. Je ne soutiendrai pas que ce fait est faux, mais je dois dire qu’il me pa- rait trés-douteux. La ménagerie a possédé plusieurs ours blancs, et jamais on ne les a vus plus vifs, plus éveillés, si je puis le dire, que pendant les froids les plus rigoureux de l'hiver. S'ils paraissent languissants et faibles, c'est lorsque la température de l'été se trouve à un degré assez élevé. J'ai vu le froid des- cendre, à Paris, à vingt degrés du thermomètre de Réaumur, c’est-à-dire pres- que aussi bas que dans la Nouvelle-Zemble; et cependant l'ours blanc, qui habitait un des fossés du jardin, ne paraissait pas plus engourdi que de coutume. En- suite, si on lit attentivement les voyageurs, on verra que c'est précisément dans la saison où le froid est le plus rigoureux que les ours se rencontrent le plus fréquemment sur le bord de la mer. La femelle met bas au mois de mars, et l'on prétend qu'elle ne fait qu'un ou deux petits, très-rarement trois; du reste, on n’a guère pu s'assurer de ce fait, et l'on en juge par le nombre d’oursons dont elle est ordinairement suivie. Le cri de ces animaux ressemble plutôt, dit-on, à l'aboiement d'un chien enroué qu'au murmure grave des autres es- pèces d'ours. Dans la servitude, il ne se montre susceptible d’aucune éducation, d'aucun attachement, et il reste constamment d'une sauvagerie brutale et stupide. 112 LES CARNIVORES PLANTIGRADES. L'Ours féroce. L'OURS FÉROCE (Ursus ferox, Lewis. Danis ferox, Gray. Ursus cinereus, Desm. Ursus horribilis, Oro. L'Ours gris des voyageurs. Il est le type du genre Danis de Gray). L'ours gris joint à la stupidité de l'ours blanc la férocité du jaguar, le cou- rage du tigre et la force du lion; aussi est-il la terreur des habitants nomades des pays qu'il habite. Sa taille énorme atteint assez communément huit pieds et demi (2,760) de longueur, et souvent davantage; son corps est couvert de poils longs, très-fournis, principalement sur le cou, d’un gris tirant quelquefois sur le brun ou le blanc. C’est le plus farouche et peut-être le plus terrible des animaux, et la nature lui a donné en excès toutes les affreuses qualités qui jettent l'épouvante. Sa physionomie est horrible; son agilité égale sa force pro- digieuse ; sa cruauté surpasse celle de tous les autres animaux, et son indomp- table courage est d'autant plus à craindre qu'il tient toujours de la fureur, et qu'il prend sa source dans une brutale conscience de sa force et de sa supério- rite. Solitaire comme l'ours brun, dont il a les formes générales, il ne se plaît que dans les immenses forêts vierges qui couvrent de leur ombre les montagnes rocheuses du grand Chippewyan, les bords du Missouri, du Nebraska et de l'Arkansas, enfin la partie nord-ouest de l'Amérique septentrionale, connue aux Etats-Unis sous le nom de pays indien. Cette immense contrée, qui commence au pays des Osages que nous avons vus à Paris, qui renferme les nations er- rantes des Pieds-Noirs, des Nez-Percés, des Kansas, des Corbeaux, des Camarches, des Koways, des Gros-Ventres, des Tètes-Plates, et quelques autres, est encore très-peu connue des hommes civilisés; quelques marchands de pelleteries et des trappeurs ou chasseurs de castors, ont seuls osé, jusqu’à ce jour, pénétrer dans ces profondes solitudes. C’est là que l'ours gris domine en maître sur les 0 PLANTIGRADES. 143 animaux du desert, et qu'il exerce sur eux son impitoyable tyrannie. Endormi pendant le jour dans les profondes cavernes des montagnes, il se réveille au crépuscule, sort de sa retraite; et malheur à tous les êtres vivants qu'il ren- contre ! Les daims de montagne, les argalis et autres animaux légers, sont atten- dus par lui; de son embuscade il s’élance sur sa proie, la terrasse et la dévore ; l'ours à collier et l'ours blanc lui-même le craignent et fuient sa présence. Il descend parfois dans les vallées où paissent d'immenses troupeaux de bisons, et ces monstrueux animaux, malgre leur nombre et leurs cornes redoutables, sont impuissants à se défendre contre sa rage. Vainement ils se pressent les uns contre les autres et lui présentent un rang compacte de fronts menaçants, l'ours se précipite au milieu d'eux, les disperse, les poursuit avec agilité ; d’un bond il s’élance sur leur dos, les presse dans ses bras de fer, leur brise le crane avec ses dents, et souvent il en tue plusieurs avant d’en dévorer un. Et cependant, parmi ces hommes sauvages, demi-nus, enfants du désert comme lui, l'ours féroce trouve des ennemis qui lui résistent, qui l’attaquent même, et qui osent soutenir contre lui une lutte horrible corps à corps. Le chasseur indien de l’Arkansas possède un talent merveilleux pour découvrir, pendant l'hiver, la caverne dans laquelle l'ours à établi sa demeure; il sait, dans les autres saisons, l’attendre à l'affût, le surprendre dans son fourré au moment où lui-même épie une proie, le suivre à la piste, et le percer de ses flèches ou de ses balles. Lorsqu'il a découvert la trace de ses pas, il le suit, armé d’un arc, d’une carabine et d’un couteau indien long et affilé, couteau dont il se sert plus ordinairement pour scalper la chevelure de ses ennemis vaincus. Il s'approche du farouche animal en se cachant et rampant dans les bruyères, et il a soin de prendre le dessous du vent, non pas qu'il craigne que l'ours, averti de sa pré- sence par la finesse de son odorat, prenne la fuite, mais pour n’en être pas atta- qué le premier et conserver l’ascendant qu'a toujours le premier attaquant. Quand le chasseur se croit à distance convenable du monstre, il se redresse, se fait voir tout à coup, et lui lance une flèche ; puis il se laisse tomber de toute sa longueur sur la terre, se met à plat ventre, et, soutenu sur son coude, il saisit sa carabine, ajuste le monstre et attend. L'ours, furieux et blessé, hésite un instant entre la fuite et l'attaque ; mais, voyant son ennemi par terre, il s’élance sur lui pour le déchirer. Le sauvage chasseur a le courage d'attendre qu'il soit à cinq pas de lui, et alors seulement il fait feu et lui envoie dans la poitrine une balle qui le renverse roide mort. Si la carabine vient à manquer, l’intrépide chasseur se relève lestement, et, le couteau à la main, il attend une lutte corps a corps. Le plus ordinairement ce changement de posture suffit pour arrêter l'animal, qui, apres une nouvelle hésitation, se retire à pas lents, et en tournant souvent la tête vers le témeraire Indien. Mais quelquefois aussi l’ours, dans la fureur que lui cause une douloureuse blessure, se dresse sur ses pieds de der- riere, étend ses bras et se jette sur son agresseur. Celui-ci lui plonge son cou- teau dans le cœur et le renverse mourant. S'il manque son coup, il meurt dé- chirée en mille pièces, victime d'une puérile vanité qui l’a fait s’exposer par bravade à un danger sans utilité, ou seulement dans l'espoir de conquérir une misérable fourrure. Je pense bien qu'il y a de l’exagération dans ce que les voyageurs nous ont 141 LES CARNIVORES PLANTIGRADES. raconté de la férocité de l'ours gris; mais ce que je viens de dire sur la manière dont les sauvages attaquent cet animal est vrai jusque dans ses moindres dé- tails. Du reste, tout ce que nous avons dit de l'ours brun lui est applicable, à cette seule différence qu'il ne se nourrit de graines, de fruits et de racines que lorsque le carnage lui manque. Un fait singulier, c’est que M. Clinton a cru re- connaître dans le squelette de cet ours une parfaite identité avec les ossements fossiles dont M. Jefferson et, après lui, G. Cuvier ont rebâti l'être extraordinaire auquel ils ont donné le nom paléontologique de mégalonyx. 2 GENRE. Les ARCTONYX (Arclonyx, Fr. Cuv.) semblent faire le passage naturel des car- nassiers avec les pachydermes-cochons; ils ont six incisives égales et petites, et deux longues canines à chaque mächoire. Leurs yeux, leur groin et leur queue sont semblables à ceux du cochon, mais ils ont le port, les formes géné- rales et les griffes d’un ours. Le Bau-Saur (Arctonyx collaris, Fr. Cuv.) habite les environs de Barackpour, dans l'Inde. Il est d’un blanc jaunâtre ondé de noir, jaune sous la gorge, avec une bande d’un jaune mat qui commence au museau, traverse l'œil et va contourner l'épaule; son poil est ras sous le ventre, rude et grossier ; il a les oreilles courtes et le groin couleur de chair. En indou son nom signifie cochon de sable, et il le doit non- seulement à sa physionomie, mais encore à son cri, qui est un véritable grognement. Du reste, ses habitudes sont lentes et paresseuses. 3e Genre. Les PANDA ( Ailurus, FR. Cuv.). Si le genre arctonyx est intermédiaire entre les ours et les cochons, celui-ci l’est entre les ours et les civettes, en passant par les ratons. Il diffère de ces derniers en ce qu’il n’a qu’une fausse molaire au lieu de trois à chaque mâchoire; ses incisives, au nombre de six, sont lobées ; ses ca- nines supérieures sont droites. Quoique ces ani- maux soient décidément plantigrades, leur plante des pieds est entièrement couverte de poils, et leurs ongles sont à demi rétractiles. Le Cuirwa ou Oua (Aiturus fulgens, Fr. Cuy.) est d'un roux brillant en dessus ; d’un noir foncé en dessous et à l'extrémité des membres; sa fourrure est très-épaisse ; sa têle est blan- che, son museau noir et son. front fauve; sa queue, longue et touffue, est annelée de roux clair et de roux päle. La grosseur de cet animal est à peu près celle d’un chat. Il habite les Indes orientales ; il se plait sur le bord des torrents et des rivières qui descendent des montagnes, et se nourrit de petits mammifères et d'oiseaux, qu’il poursuit ou surprend jusqu’au sommet des ar- bres. Son cri, ouu, oua, qu’il répète souvent, le fait découvrir par les chasseurs. 4 Genre. Les RATONS (Procyon, STORR.) ont quarante dents : six incisives, deux canines et douze molaires à chaque mâchoire. Les trois dernières molaires ont leur couronne munie de tubercules mousses ; ils ont à chaque pied cinq doigts pourvus d'ongles acérés ; leur queue est non prenante, poilue, fort longue; ils manquent de follicules anales, et ont six mamelles ven- trales ; leurs membres sont courts et leur tête triangulaire, large, terminée par un museau fin. PLANTIGRADES. 145 Le Raccoon. Le RACCOON ou MAPACH ( Procyon lotor, Is. Grorr. Ursus lotor, Lax. Le Raton, Burr. Le Ralon laveur) Est d'un gris brun ; il a le museau blanc, avec un trait brun qui lui traverse les yeux et descend sur les joues en se portant en arrière; sa queue est annelée de brun et de blanc. Il est à peu près de la grandeur d’un Ten et a de lon- gueur totale deux pieds cinq pouces (0,785). Le poil de cet animal est long, doux, touffu ; ses yeux sont grands, d’un vert Jaunâtre, pleins de finesse et de vivacité, ce qui n’est pas commun dans les ani- maux de sa classe; son corps est court et épais, mais néanmoins plein d’agilité : aussi saute-t-il plutôt qu'il ne marche, et ses mouvements, quoique obliques, sont prompts, légers et gracieux; ses ongles, pointus comme des épingles, lui donnent une grande facilité pour monter sur les arbres; on le voit quelquefois grimper le long de leur tronc avec une légéreté surprenante, et courir sur les branches les plus minces et les plus flexibles avec la même assurance que s’il était à terre. Il n'est pas d'un caractère farouche, mais il est défiant; aussi ne quitte-t-il guère les forêts pour s'avancer dans la plaine prés des habitations, comme font les renards et autres petits carnassiers redoutés dans les basses-cours. Il se plait particulièrement le long des vallées boisées et solitaires arrosées par des ruisseaux et des petites rivières, dont il suit les bords pour surprendre les rats d’eau, les rep- tiles, et même les poissons et les écrevisses ; à leur défaut, il se contente de chas- ser aux insectes, et même il se nourrit de fruits, de graines et de racines tuber- culeuses. Mais la nourriture qui lui plaît le plus, celle à la recherche de laquelle il s'occupe constamment, consiste en œufs et en oiseaux, dont il s'empare avec beaucoup d'adresse. Le soir, lorsque la nuit commence à envelopper les forêts de son ombre, le raton quitte le bord du ruisseau sur lequel il s'était tenu en 119 146 LES CARNIVORES PLANTIGRADES. embuscade pendant le jour, et se met en quête. I visite les jones des marais pour chercher les nids de canards et autres oiseaux d’eau, que l'excellence de son odorat lui fait aisément reconnaître. S'il est assez heureux pour surprendre une troupe de jeunes halbrans ne pouvant pas encore voler, 1l en mange un ou deux sans inquiéter les autres; mais chaque nuit il revient prélever le même impôt sur la couvée, jusqu’à ce qu'il l'ait entièrement détruite. Si les oiseaux d’eau manquent au raton, il s'enfonce dans les forêts et grimpe sur tous les arbres qui lui paraissent cacher, dans l'épaisseur de leur feuillage, quelques faibles habitants des bois, soit des oiseaux, soit des écureuils ou autres rongeurs. Ce qu'il y a de singulier, c’est qu’il se trompe rarement. Est-ce son intelligence qui lui fait reconnaître l'arbre qui recèle sa proie, ou bien est-ce la finesse de son nez qui la lui fait découvrir de fort loin? C’est ce que les chas- seurs n'ont pas encore pu décider. Tous les naturalistes qui ont vu des ratons en captivité ont observé les mêmes faits. Je vais donc laisser parler notre grand écrivain : « Cet animal trempait dans l’eau, ou plutôt il détrempait tout ce qu’il voulait manger; il jetait son pain dans sa terrine d’eau, et ne l’en retirait que quand il le voyait bien imbibé, à moins qu'il ne fût pressé par la faim, car alors il prenait la nourriture sèche et telle qu'on la lui présentait. Il furetait partout, mangeait aussi de tout; de la chair crue ou cuite, du poisson, des œufs, des volailles vivantes, des graines, des racines, etc. Il mangeait aussi de toutes sortes d'insectes; il se plaisait à chercher des araignées, et lorsqu'il était en liberté dans un jardin, il prenait les limacons, les hannetons, les vers. Il aimait le sucre, le lait et les autres nour- ritures douces par-dessus toutes choses, à l'exception des fruits, auxquels il préférait la chair, et surtout le poisson. Il se retirait au loin pour faire ses besoins ; au reste, il était familier et même caressant, sautant sur les gens qu'il aimait, jouant volontiers et d'assez bonne grâce, leste, agile, toujours en mou- vement. [m'a paru tenir beaucoup de la nature du maki et un peu des qualités du chien. » La ménagerie à autrefois possédé un raton qui avait absolument les mêmes habitudes. Quand je voulais m'amuser à ses dépens, je lui donnais un morceau de sucre. Aussitôt il le portait dans sa terrine d’eau pour le délayer, et rien n'était plus comique que ses démonstrations d’étonnement lorsque, le sucre étant fondu, 1l ne retrouvait plus rien dans le vase. Le raton laveur habite l'Amérique septentrionale. PLANTIGRADES. 417 L'Agouarapope. L'AGOUARAPOPÉ OU RATON CRABIER | Procyon cancrivorus, Grorr. Le Chien crabier de La Borne. Le Raton crabier, Burr. A vingt-cinq pouces (0,677) de longueur totale; son poil est plus court, fauve, mêle de gris et de noir, et assez uniforme en dessus; d'un blanc jaunâtre en dessous; ses pattes sont brunâtres, et sa queue, plus longue, est marquée de huit ou neuf anneaux noirâtres, quelquefois peu apparents. Commun à la Guyane, il cherche sur les rivages les crabes, dont il fait sa principale nour- riture, et d'où lui est venu son nom. Ses habitudes different peu de celles du précédent, mais il est d’un caractère plus timide. Du reste, les ratons, étant tous fort mal armés, ont le sentiment de leur fai- blesse, et sont doués d'une intelligence tres-développée. Si, à la ménagerie, une personne étrangère se présente devant la loge de ces animaux, aussitôt le raton s’enfuit et se cache dans le coin le plus obscur en donnant les signes les plus énergiques de son effroi. Les deux espèces dont nous donnons ici les figures sont les seules qui aient été reconnues par les naturalistes, et bien décrites par eux; l'une, comme on l’a vu, appartient à l'Amérique du nord, l’autre à l'Amé- rique du sud. On rapporte à la première, comme variétés, le raton blanc, de Brisson, le raton farve et le raton du Brésil; mais ce dernier, s'il était bien étudié, formerait probablement une espèce suffisamment tranchée, comme le pense M. Isidore Geoffroy, ainsi que le raton à gorge brune, du pays des Hurons. Un individu de cette dernière espèce ou variété, qui existe au cabinet du Jardin, ne différe en rien d’un autre individu du même pays, que M. Isidore Geoffroy a vu au cabinet d'histoire naturelle de Genève. I résulterait 118 LES CARNIVORES PLANTIGRADES. de tout ceci qu'il existe réellement quatre espèces de ratons, dont deux n’au- raient pas été suffisamment décrites. Nous remarquerons que ces animaux, quoi- que placés parmi les plantigrades, relèvent le talon en marchant, et n’appuient que les doigts sur le sol; ils ne posent la plante des pieds sur la terre que dans le repos. C’est un des mille exemples qui prouvent que la nature se tient presque constamment en dehors des lois absolues que nous voulons lui imposer, et que nos méthodes prétendues naturelles lui sont tout à fait étrangères. D° GENRE. Les BENTOURONGS (| /ctides, VaALeNc. 4relictis, Ten.) ont trente-six dents: six incisives, deux canines et dix molaires à cha- que mâchoire ; les canines longues et compri- mées, tranchantes; corps trapu; tête grosse ; veux petits ; oreilles velues, arrondies et petites ; cinq ongles crochus, comprimés, non contrac- tiles, à chaque pied ; queue prenante, mais en- tièrement velue. Le BENTOURONG Noir ( Jctides ater, Fr. Cu.) est un peu plus grand que le Bentourong à front blanc, dont il serait possible qu'il ne fût qu’une variété. Son pelage est entièrement d’un gris noirâtre. Il habite Java. Le BexrouroNG borE (/etides aureus, VA- LENC. Paradozurus aureus, FR. Cuv.) est cou- vert de poils très-longs, soyeux, d’un brun fauve doré et uniforme. On le croit de l'Inde. Le BENTOURONG À FRONT BLANC ( /ctides ulbi- frons, VaLenc. Paradoxurus albifrons, Fr. Cuy. Le Bentwu'ong, RArrL.) a deux pieds (0,650) de longueur, non compris la queue, qui a deux pieds six pouces (0,812). Son pelage est com- posé de longues soics noires et blanches, excepté sur la tête et sur les membres, où le poil est court ; son museau et son front sont presque blancs, avec une tache noire sur l’œil s’éten- dant jusqu’à l'oreille; sa queue et ses pattes sont noirâtres ; ses moustaches très-longues et très-épaisses'; ses oreilles bordées de blanc. Cette espèce se trouve dans l’intérieur de l'Inde; elle est nocturne et dort pendant le jour. Le soir elle se réveille pour se mettre à la recherche des in- sectes, des fruits et des petits animaux dont elle se nourrit. Les bentourongs se rapprochent beaucoup des ratons par la forme de leurs dents et par leur marche plantigrade. Ils lient aussi ce genre aux civettes, et principalement aux paradoxures, dont ils sont très-voisins, par l’ensemble de leur organisation. C’est à M. Duvaucel, mort dans l'Inde, que l’on doit la con- naissance de ces animaux, qui ont été plusieurs fois observés depuis, mais sans qu'on nous ait rien transmis d’intéressant sur leurs mœurs et leurs habitudes. PLANTIGRADES. 149 Le Pougounié. 6° Genre. Les PARADOXURES (Paradoxu- rus, Fr. Cuy.) ont quarante dents : six incisives, deux canines et douze molaires à chaque mä- choire ; leur queue n’est pas prenante, mais elle tracliles ; leur plante des pieds est tuberculeuse, et ils l'appuient entièrement sur le sol en mar- chant, ce qui les sépare des civettes et des ge- nettes, avec lesquelles ils ont d'ailleurs beaucoup a la faculté de s’enrouler de dessus en dessous Jusqu'à sa base ; les doigts, presque palmés, sont au nombre de cinq, armés d’ongles à demi ré- d’affinité; leurs yeux ont une pupille longitu- dinale ; ils manquent de poche près de l'anus. Ces animaux sont très-carnassiers. Le POUGOUNIÉ ( Paradoxurus typus, Fr. Cuv. Viverra nigra, Dxsm. Viverra genetla, RarrL. La Genelte de France, Burr. Le Musang-sapulut et la Marte des palmiers des voyageurs À trois pieds (0,975) de longueur totale; il est d’un noir jaunâtre, avec trois rangées de taches noirâtres, peu prononcées, sur les côtés, et d’autres éparses sur les cuisses et les épaules ; il a une tache blanche au-dessus de l'œil, et une autre au-dessous ; sa queue est noire. Le pougounié est un animal nocturne qui se trouve dans les Indes orientales. Si dans le jour il paraît endormi et paresseux, c’est tout différent aussitôt que le crépuscule descend sur les forêts qu’il habite; il déploie alors une grande vivacité, et c’est un vrai mouvement perpétuel. Toujours furetant comme un chat, grimpant, sautant comme un écureuil, il est occupé à faire la chasse aux oiseaux, à dénicher leurs œufs et leurs petits, dont il est très-friand. Il grimpe sur les palmiers avec la plus grande agilité, s'y maintient aisément au moyen de sa queue, et y poursuit les petits mammifères. Il est très-carnassier ; c’est à peu pres tout ce qu'on sait de son histoire. Un de ces animaux s’échappa un Jour du Jardin des Plantes, et, loin de se jeter dans les champs, il remonta de maison en maison le long du boulevard intérieur jusqu'à la barrière d'Enfer, 150 LES CARNIVORES PLANTIGRADES. où je l'aperçus, un mois après sa fuite, jouant avec un jeune chat sur le tuyau d’une cheminée. Aussitôt on le reprit sans qu'il ait fait grande résistance, et il fut reporté à la ménagerie. La liberté dont il avait joui avait rendu son pe- lage brillant et magnifique, mais l'animal ne paraissait pas en être devenu plus farouche. J'ai toujours pensé depuis qu'on pourrait aisément le soumettre à la domesticité. Le Musanc-BuLax ou Luwacu ( Paradoxurus musang. — Viverra musanga, Rarrz. Le Mu- sang, Marsb.) est plus petit, sa grosseur attei- gnant au plus celle d’un chat; son pelage est d’un fauve foncé, mélangé de noir ; sa queue est noire, excepté deux pouces (0,054) de son extré- mité qui sont d’un blanc pur, et ce caractère le différencie fort bien du précédent. Il habite Java et Sumatra. Je crois que c’est à cette espèce qu'il faut rapporter la Genetle du cap de Bonne- Espcrance, de Buffon. Le DeLuwpunG ou LansanG ( Paradoxurus prehensilis. — Viverra prehensilis, Desm., DE BLaINv. Viverra gracilis, Hors. Viverra linsang, Hanow.), plus pelite encore que la précédente, ne dépasse guère la taille d’une fouine. Son pe- lage est d’un jaune verdätre ; la ligne dorsale, les pattes et la queue sont noires; elle à deux lignes de taches allongées noires près du dos, et beaucoup de petites taches orbiculaires sur les flancs. Il habite le Bengale. 1° Gene. Les COATIS (Nasua, G. Cuv.) ont quarante dents : six incisives, deux canines prismatiques aplaties et douze molaires à chaque mächoire. Ils ont à chaque pied cinq doigts ar- més d'ongles longs, acérés; leur nez est extré- mement allongé et mobile ; leur queue est poi- lue, non prenante et très-longue ; ils manquent de follicules anales et ont six mamelles ven- trales. Le Quacui (Nasua rufa, Fr. Cuv. Viverra nasua, Lin. Le Coali roux, G. Guy.) a deux pieds cinq pouces (0,785) de longueur ; il est d’un roux vif et brillant, un peu plus sombre sur le dos; son museau est d’un noir grisätre, avec trois taches blanches autour de chaque œil, mais sans ligne longitudinale blanche sur le nez. Il habite le Brésil et la Guyane, et ses mœurs sont absolument celles du coati-mondi. Il est assez singulier que l’on ait trouvé en Europe des ossements fossiles de ces animaux, analogues à ceux qui vivent aujourd’hui en Amérique. PLANTIGRADES. 151 Le Coati Mondi. Le coATI-MONDI ( Nasua fusca, Fr. Cuv. Viverra nasica, Lax. Le Coati brun, G. Cuv. Le Coati noirätre, Burr. Le Blaireau de Surinam, Bniss.) Est brun ou fauve en dessus, d’un gris jaunâtre ou orangé en dessous; il a trois taches blanches autour de chaque œil, et, ce qui le distingue plus parti- culiérement du précédent, une ligne longitudinale blanche le long du nez. Du reste, son pelage varie beaucoup de couleur. Quoique les coatis aient une pupille trées-dilatable, on ne peut pas dire qu'ils soient des animaux nocturnes, et, si l'on en croit Linné, ils sont très-singu- liers sous ce rapport. Ce grand naturaliste en avait un qui dormait depuis mi- nuit jusqu'a midi, veillait le reste du jour, et se promenait régulièrement depuis six heures du soir jusqu'à minuit, quelque temps qu'il fit. Il paraît cependant que dans les forêts du Brésil, du Paraguay et de la Guyane, où cet animal est assez commun, il chasse depuis le matin jusqu'au soir, et dort toute la nuit. De tous les carnassiers, les coatis et les ours devraient être les plus omnivores, si on en juge par leur système dentaire, et néanmoins les premiers se nour- rissent entièrement de substances animales : aussi sont-ils cruels, et ont-ils toutes les habitudes féroces des martes, des fouines, des renards et autres car- nivores. S'ils peuvent pénétrer dans une basse-cour, ils n’en sortent pas qu'ils n'aient tué toutes les volailles, qu'ils ne leur aient mange la tête et sucé le sang. En esclavage, ils deviennent assez familiers, et recoivent les caresses qu'on leur fait avec un certain plaisir, et en faisant entendre un petit sifflement doux ; mais ils ne les rendent jamais et ne paraissent capables d'aucun attachement. Ils ont dans le caractere une opiniâtreté invincible, et rien n’est capable de leur faire faire une chose contre leur volonté. Un coati est-il en repos, il y reste malgré tous les moyens que l’on peut mettre en usage pour l’en faire sortir; 152 LES CARNIVORES PLANTIGRADES. si l'on emploie la force pour l’exciter à changer de place, 1l se cramponne, s’ac- croche comme 1l peut aux corps environnants, résiste de toute la puissance de ses forces, et finit, dans sa colère furieuse, par se jeter dans les jambes de ses provocateurs, en aboyant d’une voix trés-aiguë. Si l’on veut l'arrêter dans sa mar- che, le détourner de l'endroit où il veut aller, le faire sortir d’un appartement, en un mot, le contrarier dans sa volonté de fer, il faut constamment employer la violence; contraint par la force, vaincu dans ses efforts, il se laisse traîner, mais il n'obéit pas, et recommence la résistance dès qu'il le peut. Sa curiosité ne le cède guëre à son opiniâtreté, et ces deux défauts, poussés à l’extrême, le rendent fort incommode dans un appartement. Aussitôt entré dans une cham- bre, il commence par en visiter tous les coins; il va furetant, fouillant par- tout, tournant et retournant chaque chose pour la considérer, déplaçant tous les objets qu'il peut atteindre, sautant sur les meubles avec plus de légereté qu'un chat, grimpant aux rideaux des lits, enfin mettant tout sens dessus des- sous. [Il résulte de ces habitudes désagréables que l’on est oblige de le tenir constamment à la chaîne, quelque apprivoisé qu'il soit. En outre, son carac- tère est tellement mobile, que chez lui les caprices se succèdent presque toute la journée, et il passera dix fois par heure de la joie à la tristesse, de la tran- quillité à la colère, sans aucune cause apparente. Ajoutez à cela qu'il est d’une méfiance extrème, qu'il a la singulière habitude d'aller flairer les excréments qu'il vient de faire, qu'il exhale une odeur forte et désagréable, qu'il est voleur comme un chat, et s'empare délibérément de tout ce qui est à sa convenance, sans qu'aucune correction puisse l’en empêcher ni le corriger de ses défauts, et vous aurez le portrait peu flatteur, mais vrai, d’un commensal nullement aimable. A l'état sauvage, le coati-mondi ne quitte pas les forêts les plus sauvages. Il grimpe sur les arbres avec toute l’agilité d’un singe, et, ce qu'il y a d’extraor- dinaire, c’est qu'il est le seul animal de son ordre qui en descende dans une position renversée, c'est-à-dire la tête en bas. 11 doit cette étonnante faculté à la conformation particulière de ses pieds de derrière, qui lui permet de les re- tourner de manière à pouvoir se suspendre par ses griffes. Tout son temps est occupé à la chasse aux oiseaux et à la recherche de leur nid, ou à poursuivre les petits mammiféres. Il ne laisse pas pour cela de se nourrir d'insectes, et, pour les trouver, il fouille très-aisément la terre avec son boutoir, ou plutôt sa trompe, qu'il metft dans tous les sens et continuellement, même quand il n’a pas besoin de s’en servir. Lorsqu'il boit, il a bien soin de la relever afin de ne pas la mouiller, et alors 1l lape comme un chien. Cet animal turbulent ne se creuse pas de terrier, ainsi que l'ont avancé la plupart des naturalistes, mais il se loge dans des trous d'arbre. Il vit en troupe assez nombreuse, et, selon Azzara, quand on les surprend sur un arbre isolé que l’on fait semblant d’a- battre, tous se laissent aussitôt tomber comme des masses. Pour porter les ali- ments à la bouche, les coatis se servent de leurs pattes de devant, mais non pas a la manière des écureuils et autres rongeurs ; ils commencent à diviser en lam- beaux la chair de leur proie, au moyen de leurs griffes, puis ils enfilent un morceau avec leurs ongles et le portent à leur bouche comme ferait un homme avec une fourchette. PLANTIGRADES. 153 La femelle fait de trois à cinq petits, qu’elle élève avec tendresse, et parmi lesquels se trouvent constamment plus de mâles que de femelles. Aussi, quand leur éducation est terminée, la troupe s'empresse-t-elle de chasser ses mâles surabondants ; ils vont rôder solitairement dans les forêts jusqu’à ce que le ha- sard leur ait fait rencontrer une compagne, avec laquelle ils viennent vivre en société dans la première troupe qu'ils rencontrent. Les coatis marchent toujours la queue élevée, mais non pas inclinée sur le dos. Se Genre. Les BLAIREAUX ( Meles, Briss.) ont trente-six dents : six incisives et deux €cani- nes en haut et en bas; huit molaires à la mà- choire supérieure et douze à l’inférieure ; leur corps est trapu, bas sur jambes, ce qui leur donne une marche rampante ; ils ont cinq doigts fecte ; on leur trouve six mamelles, deux pecto- rales et quatre ventrales. Le BLameau commun ( Meles vulgaris, DES. Ursus meles, Lan. Le Blaireau, Burr. Le Tais- son de quelques chasseurs est d’un gris brun en dessus, noir en dessous ; il a, de chaque côté à chaque pied, ceux de devant armés d'ongles longs et robustes, propres à fouir la terre; la queue est courte, velue ; ils ont près de l'anus une poche remplie d’une humeur grasse et in de la tête, une bande longitudinale noire, pas- sant sur les yeux et les oreilles, et une autre bande blanche sous celles-ci, s'étendant depuis l'épaule jusqu’à la moustache. « Le blaireau, dit Buffon, est un animal paresseux, défiant, solitaire, qui se retire dans les lieux les plus écartés, dans les bois les plus sombres, et s’y creuse les trois quarts de sa vie dans ce séjour ténébreux, dont il ne sort que pour chercher sa subsistance. Comme il à le corps allongé, les jambes courtes, les ongles, surtout ceux des pieds de devant, très-longs et tres-fermes, il a plus de facilite qu'un autre pour ouvrir la terre, y fouiller, y pénétrer, et jeter derrière lui les déblais de son excavation, qu'il rend tortueuse, oblique, et qu’il pousse quelquefois fort loin. Le renard, qui n’a pas la même facilité pour creuser la terre, profite de ses travaux : ne pouvant le contraindre par la force, il l’oblige par adresse à quitter son domicile, en l’inquiétant, en faisant sentinelle à l’en- trée, en F'infectant même de ses ordures; ensuite, il s’en empare, l’élargit, l'approprie, et en fait son terrier. Le blaireau, forcé à changer de manoir, ne change pas de pays; il ne va qu'à quelque distance travailler sur nouveaux frais a se pratiquer un autre gîte, dont il ne sort que la nuit, dont il ne s’écarte guére, et où il revient des qu'il sent quelque danger. Il n’a que ce moyen de se mettre en sûreté, car il ne peut échapper par la fuite : il à les jambes trop courtes pour pouvoir bien courir. Les chiens l’atteignent promptement lors- qu'ils le surprennent à quelque distance de son trou; cependant il est rare qu'ils l’arrêtent tout à fait, et qu'ils en viennent à bout, à moins qu’on ne les aide. Le blaireau a les poils très-épais, les jambes, les mâchoires et les dents tres-fortes, aussi bien que les ongles; il se sert de toute sa force, de toute sa résistance et de toutes ses armes, en se couchant sur le dos, et il fait aux chiens de profondes blessures. I a d’ailleurs la vie trés-dure ; il combat longtemps, se défend courageusement et jusqu’à la dernière extrémité. » Le blaireau est carnassier, mais cependant, et quoi qu’en aient dit les natu- ralistes, il ne vit guëre de proie que lorsqu'il ne trouve plus de graines, de baies et autres fruits. Dans ce cas, il déterre les nids de guêpes et d’abeilles-bourdons 20 151 LES CARNIVORES PLANTIGRADES. pour en manger le miel et les couvains ; il fait la chasse aux souris, aux mulots, aux serpents et autres reptiles ; il mange aussi des sauterelles, des hannetons et toutes sortes d'insectes; mais ce qu'il préfère à tout, ce sont les raisins et les épis de maïs avant leur parfaite maturité. S'il rencontre un nid de perdrix ou d’autres oiseaux, Ii] ne manque pas d'en briser les œufs, et l’on dit même que parfois il creuse et perce les rabouillères de lapins pour dévorer les lapereaux. Lorsqu'il est pris Jeune et apprivoisé, il devient très-familter, joue avec les chiens, et, comme eux, suit son maitre et répond à sa voix. Il est extrémement facile à nourrir, et mange tout ce qu'on lui offre, de la chair, des œufs, du fromage, du beurre, du pain, du poisson, des fruits, des noix, des graines et même des ra- cines. Dans la maison, il a une vie tranquille, il n’est pas malfaisant ni incom- mode, car 1l n’est ni voleur ni gourmand. Sans être tres-commun nulle part, le blaireau se trouve dans toute l'Europe et dans toute l'Asie tempérée. C'est un animal très-rusé et très-défiant, qui ne donne que bien rarement dans les piéges qu'on lui tend. Un vieux blaireau qui s'aperçoit du lacet tendu à l'entrée de son terrier, reste quelquefois cinq ou six jours ou davantage sans sortir, s’il ne peut se creuser une autre issue à cause des rochers ; mais enfin, lorsqu'il est pressé par la faim, 1l faut bien qu'il déloge. Aprés avoir sonde longtemps le terrain, après avoir cent fois hésité, il finit par rouler son corps en boule aussi ronde que possible, s’élance, fait trois ou quatre culbutes en roulant, et passe ainsi à travers le lacet sans en être accroché, à cause de la forme sphérique qu'il à prise. Ce fait, tout extraordinaire qu'il est, n'en est pas moins certain pour les chasseurs allemands. On prend aisément le blaireau dans son trou en le fumant, comme on fait pour les renards, ou en ouvrant des tranchées et en le déterrant. Mais pour ope- rer de cette dernière manière, il faut avoir un chien basset parfaitement dresse à reconnaitre le terrier, à y pénétrer et à y contenir le blaireau pendant que les chasseurs travaillent avec la pelle et la pioche. Si le chien est imprudent et si, ne connaissant pas bien son métier, il joint le blaireau, celui-ci se défend avec une telle fureur, que l’assaillant, souvent estropié, est obligé de battre en retraite. Il arrive encore quelquefois que le malicieux animal, dès qu'il en- tend le chien, fait ébouler la terre de manière à couper la communication qui conduit jusqu'à lui. Un faitsingulier c’est qu'en France, et en France seulement, presque tous les blaireaux ont la gale, sans que cette maladie paraisse les in- commoder; les chiens qui entrent dans leurs terriers manquent rarement de la prendre, si on n'a la précaution de les laver avec une forte dissolution de savon aussitôt qu'on est de retour de la chasse. Quelquefois, lorsque le blaireau entend creuser au-dessus de lui, il prend une détermination désespérée, et sort de son trou malgré le chien. Alors commence un combat furieux dans lequel ce dernier recoit toujours quelques blessures graves. Le blaireau a les mâchoires tellement fortes, qu'il n’est pas rare de lui voir enlever, d’un seul coup de dents, un lam- beau de peau et de chair, laissant une plaie de trois ou quatre pouces de dia- metre. Les Allemands ont une manière amusante de chasser ces animaux. En au- tomne, trois où quatre chasseurs partent ensemble, à nuit close, armés de bâ- tons et munis de lanternes ; l’un d'eux porte une fourche ; ils conduisent à la PLANTIGRADES. 155 laisse deux bassets et un chien courant bon quêteur. Ils se rendent dans les lieux qu'ils savent habités par les blaireaux, et à proximité de leurs terriers ; là, ils lâchent leur chien courant, qui se met en quête et a bientôt rencontré un de ces animaux. On découple les bassets, on rappelle le courant, et l’on se met à la poursuite de l'animal, qui ne tarde pas à être atteint par les chiens, et qui se défend vigoureusement des dents et des griffes. Le chasseur qui porte la fourche la lui passe au cou, le couche à terre, et les autres chasseurs l’assomment à coups de bäton. Si on veut le prendre vivant, on lui enfonce au-dessous de la machoire inférieure un crochet de fer emmanché d'un bâton, on le soulève et on le jette dans un sac que l’on noue en dessus, après avoir bâillonné l'animal. Sa peau sert à couvrir des colliers de chevaux, des malles, etc., et nos pères accordaient à sa graisse des propriétés médicales qu'elle n’a pas. Le mâle et la femelle de blaireau vivent solitairement, chacun de son côte ; celle-ci met bas en été, et fait trois ou quatre petits, dont elle a le plus grand soin. Elle leur prépare un lit avec de l'herbe douce qu'elle a l'industrie de reunir en une sorte de fagot qu’elle traîne entre ses jambes jusqu’à son terrier. Lorsque ses petits sont un peu forts, elle va chasser dans les environs de son habitation, et leur apporte le produit de ses recherches pour les habituer peu à peu à une nourriture solide; mais alors, elle les fait sortir sur le bord du ter- rier, afin de n’en pas salir l'intérieur par les débris des repas, car ces animaux tiennent leur logis avec la plus grande propreté. Le Carcagou (Meles labradorica, SaBine. Ur- sus labradoricus, Guc. Le Glouton du Labra- dor, Soxx.) n’est probablement qu’une variété du précédent ; il a deux pieds deux pouces (0,704) de longueur, non compris la queue ; il est brun en dessus, avec une ligne longitudinale blan- châtre, bifurquée sur la tête, et simple tout le long du dos; les côtés du museau sont d’un brun foncé, et ses pieds de devant sont noirs. 11 ha- bite le pays des Esquimaux, le Labrador. Peut- ctre faut-il encore regarder comme simple va- riété celui qui suit : Le BLaiBeau TAISsON ( Weles taxo. — Ursus taxus, Sca.). 11 diffère du premier par son ventre d'un gris plus clair que ses flancs; par son oreille, qui est de la couleur générale du corps et seulement bordée de noir ; par la bande noire de la face, qui est supérieure à l'œil sans y toucher. Il habite l'Europe. Quant aux diffé- rences du blaireau- chien et blaireau-cochon, elles n'existent que dans les préjugés des chas- seurs. 9° Genre. Les GLOUTONS ( Gulo, Srorr.) ont trente-quatre ou trente-huit dents : six in- cisives et deux canines en baut et en bas; huit ou dix molaires supérieures et dix ou douze mo- laires inférieures. Ils ont le corps plus ou moins effilé, plus ou moins élevé sur jambes; la queue assez courte, et, près de l’anus, deux replis de la peau, mais point de poche. 156 LES CARNIVORES PLANTIGRADES. Le Glouton. Le ROSSOMAK {Gulo arcticus, Drsu. Ursus quio, Lux. Le Glouton, Burr. La Volverenne, PENN.). Sa taille est celle d’un gros chien braque, mais il a les jambes beaucoup plus courtes; sa fourrure est très-belle et fort estimée des Russes, qui la préfèrent à toutes les autres, si on en excepte l'hermine, pour garnir les bonnets et faire des manchons. Elle est d'un brun marron foncé, avec une grande tache discoi- dale plus foncée sur le dos, et quelquefois des teintes plus pâles. Il à la queue assez courte, le corps trapu, et en général les formes lourdes. Il habite les con- trées les plus froides et les plus désertes du nord de l'Europe et de l'Asie. I est commun en Laponie et dans les déserts de la Sibérie. Olaüs Magnus est, je crois, le premier naturaliste qui ait parlé du glouton, mais pour exagérer beaucoup sa voracité, qui a passé en proverbe. Cet auteur raconte que, quand il dévore un cadavre, il se remplit au point d’avoir le ventre gros comme un tambour ; puis il se presse le corps entre deux arbres pour se vider, retourne ensuite au cadavre, revient se presser entre les deux troncs d'arbres, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de sa proie, quelque grosse qu'elle soit. De pareils contes se réfutent d'eux-mêmes. D’autres naturalistes, ct particulièrement Gmelin, ont avancé que cet animal, par une exception qui PLANTIGRADES. 157 serait unique parmi les êtres vivants, n'avait pas Pinstinet de la conservation ; ils basent leur opinion sur ce que le glouton, quand il voit un homme, ne donne aucun signe de crainte, et s’en approche avec indifférence, comme s’il ne cou- rait aucun danger. À supposer que ce fait fût vrai, il ne prouverait qu'une chose, c'est que, vivant dans le désert, où jamais il ne trouve un être plus fort que lui, ilignore ce qu'il a à craindre de la présence de l’homme. D'ailleurs, tout ani- mal qui n'aurait pas la conscience de sa conservation ne vivrait pas vingt-quatre heures. Le rossomak vit solitaire, ou, mais rarement, avec sa femelle, dans un ter- rier qu'il se creuse en terrain sec, sur le penchant d'une colline ombragée par une forêt de sapins ou de bouleaux. Il n’en sort que le soir pour aller à la quête de sa proie, consistant en rennes, élans et autres animaux plus petits. S'il habite une contrée où les chasseurs d’hermines-tendent des piéges pour prendre des animaux à fourrure, il commence par visiter toutes leurs trappes, qu'il connaît fort bien et dans lesquelles il ne se prend jamais, et il s'empare des animaux qui y sont arrêtés, ce dont se plaignent beaucoup les chasseurs de renards bleus et blancs qui se tiennent dans le voisinage de la mer Glaciale. Si cette ressource lui manque, il cherche la trace d’un renne, le suit avec constance, et finit par le surprendre endormi; mais pour peu que celui-ci l’entende approcher, il se dérobe aisément par la fuite, car le glouton marche très-lentement et ne peut pas courir. Aussi, le plus ordinairement, sa proie lui échapperait s'il n'em- ployait mille ruses pour s'en emparer par surprise. Souvent il se cache dans un buisson épais, sous des feuilles sèches, dans un tronc d'arbre creux, partout où 1l peut échapper à la vue, et il reste patiemment en embuscade, sans faire-le moindre mouvement, jusqu'à ce que le hasard, ou plutôt ses prévisions, amenent une victime à sa portée. Il reconnaît fort bien les sentiers frayés par les rennes sauvages, lorsqu'ils sortent de la forêt pour aller paître dans la plaine. Dans ce cas, 1] grimpe sur un arbre, se poste sur une branche, et, dès que l'animal passe à sa portée, il s'elance, et d’un bond lui tombe sur la croupe ou sur le cou ; il s’y cramponne avec tant de force avec ses griffes et ses dents, qu'il est impossible au malheureux renne de s’en débarrasser. Il court, il bondit, il se frotte contre les arbres, se roule sur la terre, et fait vainement tous les efforts imaginables pour se délivrer de son terrible ennemi; celui-ci ne lâche jamais prise et ne continue pas moins à le dévorer vivant, jusqu'à ce que l'horrible blessure qu'il lui a faite sur le dos l'épuise et le fasse tomber mourant sur le gazon. Le rossomak, alors, le mange à son aise, et lorsqu'il est rassasié, si le cadavre n’est pas trop lourd, il l'emporte dans l'épaisseur de la forêt, et le cache dans un buisson touffu pour le retrouver au besoin ; ou bien, s’il ne peut le transporter, il le couvre de brous- sailles et de feuilles. Plusieurs carnassiers, par exemple le renard et Le loup, ont également l'habitude de cacher les restes de la proie qu'ils ne peuvent entiè- rement dévorer; mais, soit par oubli ou par défiance, ils ne reviennent jamais la chercher. Il n'en est pas de mème de celui-ci, qui sait très-bien la retrouver lorsqu'il est pressé par la faim, et qu’il n'a pu s'emparer d’une proie vivante. Cet animal se trouve dans les mêmes forêts que le renard bleu ou isatis, et à la finesse de se servir de ce dernier comme de pourvoyeur. Lorsqu'il l'entend chasser, il le suit à la voix, et se donne bien de garde de se montrer pour ne pas 158 LES CARNIVORES PLANTIGRADES. l'effrayer. Cependant il se tient toujours à portée d'arriver à lui au moment où le renard prend le lièvre. Alors le glouton se montre, et l'isatis, pour ne pas être dévoré lui-même, est obligé de détaler au plus vite, et de lui abandonner sa cap- ture. Aussi courageux que vorace, le glouton se défend avec intrépidité contre les chiens et mème les chasseurs ; mais comme ses jambes courtes l’'empêchent de fuir, il est fort aisé de s’en emparer et même de l’assommer à coups de bâton. Il faut au moins trois ou quatre chiens très-vigoureux pour en venir à bout, et encore est-il rare qu'il n’y en ait pas un ou deux d’estropiés ; car il se défend des griffes et des dents, et les blessures qu'il fait sont profondes et cruelles. Un vayvode, qui, pour son plaisir, gardait chez lui un glouton, le fit un jour jeter dans l’eau, et làcha sur lui un couple de chiens; l'animal se lança aussitôt sur l'un des chiens, lui saisit la tête et la tint enfoncée sous l’eau jusqu'à ce qu'il l'eût suffoqué. Schæffer prétend que le rossomak, pressé par la faim, se jette dans les rivières, nage, plonge, prend le poisson et le mange, comme fait la loutre. Sans nier positivement ce fait, il me paraît si peu en harmonie avec l’organi- sation de cet animal, que je le crois fort douteux. Mais ce dont on ne peut douter, c'est que, dans les moments de disette, il cherche les cadavres humains, les dé- terre, les dépèce et les dévore jusqu'aux os, s’il peut pénétrer dans un cimetière. Quelquefois il rôde autour des lacs et des rivières peuplés de castors, et il en : surprend un bon nombre, surtout des jeunes. L'hiver, il va sur la glace jusqu'à leurs cabanes qu'il démolit pour en dévorer les habitants. Cet animal ne s’en- gourdit pas en hiver. Buffon, qui en a eu un très-apprivoisé, dit qu’en buvant il lape à la manière des chiens, qu'il ne fait jamais entendre aucun cri, qu'il est trés-remuant, et qu'après avoir satisfait sa faim, il met en réserve en la cachant le reste de sa nourriture. La VOLVERENNE DE PENNanr ( Ursus luscus, Gaur.— Lin.) est une variété qui ne diffère de son t\pe que par un pelage un peu plus pâle. Du reste, elle a les mœurs absolument sem- blables, et n’est ni moins féroce ni moins vo- race. Le Grisox (Gulo viltatus, Desm. Viverra vit- tata, Lux. Le pelit Furet, Azzan. La Fouine de la Guyane et le Grison, Burr. L'Ours du Bré- su, Tuuns.) n’a de longueur totale que vingt- deux pouces (0,596), et la queue fait environ un quart de cette dimension; le corps est mince, fort allongé; le pelage noir, piqueté de très- petits points blancs, ce qui lui donne un ton grisätre; le dessous du cou et de la tête est gris ; une bande blanche s'étend depuis les côtés du front jusqu'aux épaules; les oreilles sont de la même couleur et très-petites. Du reste, il varie assez dans son pelage, sans considération d'âge ou de sexe. Le grison se trouve répandu dans presque toute l'Amérique méridionale; ce- pendant il est plus commun à la Guyane, surtout au Paraguay, que partout ail- leurs. Il est aussi carnassier et plus féroce que le précédent ; mais sa petite taille ne lui permet pas d'attaquer de gros animaux. Il s’en venge sur les volailles, les oiseaux, les lièvres, lapins, ou espèces analogues, etc., auxquels il fait jour- nellement une guerre d’extermination ; aussi est-il un véritable fléau pour les basses-cours. Il se retire le jour dans un profond terrier, d'où il ne sort que la nuit pour commettre ses brigandages. S'il est surpris dans ses méfaits par des chiens ou des chasseurs, sa colère lui fait exhaler aussitôt une odeur de muse tellement désagréable, qu'elle réussit quelquefois à écarter ses ennemis. Quand ce moven ne réussit pas, il combat avec fureur, et ne quitte la lutte qu'avec la PLANTIGRADES. 159 vie. Il est cruel par plaisir plus peut-être que par besoin, et même, lorsqu'il est apprivoisé, il n'a pas de plus grande jouissance que celle d'égorger sans néces- site tous les petits animaux domestiques qui se trouvent à sa portée. Le T'aïea (Gulo barbatus, Desu. Mustela bar- bata, Lin. Virerra vulpecula, GuL. Le Taira ou Galera, Burr. Le Carigucibeiu, Marcor. Le grand Furet, Azzar.) à de vingt-deux à vingt- quatre pouces (0,595 à 0,650 de longueur, non compris la queue, qui en a quinze (0,406) ; son corps est mince, allongé ; son pelage d’un brun noir ou enfièrement noir, avec la tête et quel- quefois le cou; une large tache blanchätre ou jaunâtre, triangulaire, lui couvre le devant du cou et de la gorge; les pieds de derrière ont les doigts réunis par une membrane. Cet animal a les mêmes habitudes que le précédent, comme lui exhale une forte odeur de muse, et se trouve dans les mêmes contrées. Le NiraTeck ( Gulo orientalis, Horse.) a la tête un peu plus allongée que dans les espèces précédentes ; il a deux pieds un pouce :0,677) de longueur {otale : sa queue est médiocre ; son pelage brun avec la gorge, la poitrine et les joues jaunâtres; une lache de la même couleur part du verlex, s'étend sur le dos, et se termine en pointe; ses pieds de devant sont armés d’on- gles très-crochus. 11 se trouve à Java, et doit avoir des mœurs analogues à celles des espèces précédentes, du moins si l’on en juge par l'ana- logie. On ne sait rien de son histoire. 10° Genre. Le RATEL (Mellivora, Srorr.\ a trente-deux dents: six incisives, deux canines et huit molaires à chaque mâchoire. Quant aux autres caractères, il ne differe pas du genre Gulo. 160 LES CARNIVORES PLANTIGRADES. Le Ratel. Le RATEL (Mellivora capensis, Less. Viverra capensis et Viverra mellivora, Lx. Gulo capensis, Desm. Le Ratel, Sparu. Le Blaireau puant, Lacaiur.). Il a le corps épais et trapu, long de trois pieds quatre pouces (1,085), compris la queue ; il est gris en dessus, noir en dessous, avec une ligne longitudinale blanche de chaque côté, depuis les oreilles jusqu’à l’origine de la queue. Cet animal exhale une odeur désagréable, mais moins forte que celle des moufettes. Il habite l'Afrique depuis le Sénégal jusqu'au cap de Bonne-Espé- rance, et la facilité avec laquelle il creuse la terre fait croire qu’il se retire dans un terrier. Il vit de proie comme le glouton; mais il est tellement friand de miel, qu'il déploie toute son industrie pour s'en procurer. Trois espèces d'êtres s’oc- cupent journellement à découvrir des ruches d’abeilles, et se prêtent mutuel- lement secours pour s’en emparer ; ce sont : le Hottentot sauvage ou Boschis- man, le ratel, et le coucou indicateur ({ndicator major, LEVAILL.). On sait que les Boschismans, que la nature et les siècles avaient fait proprié- taires de leurs brûlantes montagnes, en furent chassés par les colons hollandais, qui allaient les chercher et les tuer dans les bois à coups de fusil, par partie de plaisir ; des femmes même étaient très-adroites à les poursuivre à cheval, et à les exterminer. Ces misérables, forcés de se retirer dans les plus épaisses forêts, traqués comme des loups, fusillés aussitôt qu'ils paraissaient, ne trouvaient pour se nourrir, dans ces affreux déserts, que quelques racines amères, des termes ou fourmis blanches, et du miel sauvage. Mais, n’osant sortir que la nuit des antres de rochers où ils se cachaïent pendant le jour, il leur eût été difficile de découvrir les ruches d’abeilles, s'ils n’eussent su mettre à profit la connais- sance qu'ils ont d’une habitude du ratel. Celui-ci, chaque matin, se promène silencieusement dans les forêts en écoutant. Bientôt le cri d'un oiseau vient frapper son oreille, et il le reconnait pour celui de l'indicateur, ou du guide au PLANTIGRADES. 161 miel, comme disent les Hollandais du cap. Le ratel suit l'oiseau, mais douce- ment pour ne pas l'effrayer, et celui-c1, volant d'arbre en arbre, de roche en roche, toujours en faisant entendre son cri, conduit bientôt le mammifère au pied d'un arbre dans le tronc duquel est une ruche d’abeilles sauvages. Lei se rencontre une difficulté : le ratel ne sait ni ne peut grimper ; il lève le nez, il flaire le miel, il bondit contre l'écorce, il murmure, il se met en colère : rien n'y fait, et l'indicateur a beau redoubler ses cris, les abeilles sont parfai- tement en sûreté dans leur ruche. Le ratel, enragé de colère, se met alors à attaquer le pied de l'arbre avec les dents, en enlève l'écorce, le mord avec fureur, probablement dans l'espérance de le renverser; mais la fatigue ne tarde pas à l’avertir de l'impuissance de ses efforts, et il abandonne son entre- prise pour aller à une autre découverte. Les Boschismans, qui pendant le cré- puscule errent en tremblant dans les bois, trouvent l'arbre, le reconnaissent aux morsures qui en ont enlevé l'écorce, montent dessus et prennent le miel. Lorsque le mammifère est conduit par le guide au miel à des abeilles qui établissent leurs ruches dans la terre, les choses se passent différemment. Aus- sitôt avec ses ongles robustes 1l se met à creuser. Les abeilles se jettent sur lui par légions ; il se contente de passer de temps à autre ses pattes sur son nez et de fermer les yeux, car ces deux parties seules sont accessibles à leur aiguillon. Un poil long et touffu et une peau excessivement dure, épaisse, impénétrable, lui défendent suffisamment le reste du corps. Lorsqu'il a mis les gâteaux à dé- couvert, il mange autant de miel qu'il le peut sans crever, puis il s’en va tran- quillement sans s'inquiéter de son guide. L'indicateur descend de son arbre, et tire parti des bribes que l’autre lui à laissées, faute de pouvoir tout avaler. Les Boschismans ont plus de reconnaissance, car ils ne manquent jamais de laisser à l’oiseau, sur une pierre ou une large feuille, une quantité de miel suf- fisante pour lui faire faire un bon repas. LES CARNASSIERS CINQUIÈME ORDRE DIGITIGRADES, DES MAMMIFÈRES. La Marie à gorge dorée. Cet ordre renferme tous les animaux carni- vores qui marchent sur les doigts, c’est-à-dire qui ne s'appuient pas sur la plante entière des pieds, comme les animaux précédents, Elles ont une seule dent tuberculeuse en ar- rière de la dent carnassière de la mâchoire su- périeure ; on leur compte detrente-deux à trente- huit dents ; leur corps très-allongé et leurs pieds très-courts leur permettent de passer dans les plus petits trous. Elles manquent de cœcum, et ne tombent pas l'hiver en léthargie. On peut le diviser en cinq familles, qui sont celles des martes, des chiens, des civettes, des hyènes et des chats, toutes très-inféressantes et nombreuses en espèces. ARTES. ler GENRE. Les MARTES (Mustela, Lin.) ont de chaque côté trois fausses molaires en haut, quatre en bas, et un petit tubercule intc- rieur à leur carnassière d’en bas; leur museau est un peu allongé et leurs ongles pointus. Tous ces animaux exbalent une odeur désagréable plus ou moins forte et analogue au musc. La MARTE À GORGE DORÉE (Mustela flavigula, Bonn. Mustela Hardwickü, Honsr.) est noire, avec la gorge, le ventre, le dos Jaunes, et les joues blanches ; elle à environ vingt-deux pouces (0,595) de longueur, non compris la queue, qui est presque d’égale dimension. Elle habite le Nepaul. De tous les animaux carnassiers, les martes sont les plus cruels et les plus sanguinaires. Elles ne se nourrissent que de proies vivantes, et il faut qu’elles AT T { JMAUX FEROCES. (Jardin des Plantes.) 7 l ; D " Le L Enr L . . | à ” [A L2 * , &4 f + Li *. LE) r ‘ r2 à Le ; e Le î vé ds 27 4 : ? - MARTES. 163 soient poussées par une faim extrème pour manger quelques baies sucrées, telles que les raisins etles fruits de la ronce. Celles qui vivent dans les bois sont constam- ment occupées à la chasse des oiseaux, des souris, des rats. Les plus petites espèces mèmes, telles que l'hermine et la belette, attaquent sans hésitation des animaux dix fois plus gros qu'elles, les lapins, les lièvres et les plus grands oiseaux. La ruse dans l'attaque, l'effronterie dans le danger, un courage furieux dans le combat, une cruauté inouie dans la victoire, un goût désordonné pour le carnage et le sang, sont des caractères qui appartiennent à toutes les espèces de cette famille, sans exception. Leur corps long, grêle, vermiforme, comme «isent les naturalistes, leurs jambes courtes, leur souplesse et leur agilité, permettent à ces animaux de se glisser partout et de passer par les plus petits trous, pourvu que leur tète puisse y entrer. Aussi parviennent-elles à pénétrer aisément dans les basses-cours, et leur apparition est toujours le signal de la mort pour tous les petits animaux domestiques qu'on y élève. Rien n’est épargné, et, avant d’assouvir leur faim, il faut qu'elles aient tué tout ce qui les entoure, tout ce qu'elles peuvent atteindre. Elles ont un art merveilleux pour s'approcher doucement de leur victime sans en être apercues et sans la réveiller, pour s’élancer sur elle, la saisir et lui couper la gorge avant qu'elle ait eu le temps de pousser un cri qui eût donne l'alarme aux autres. Les martes sont tellement cruelles, qu’elles n'épargnent pas même les ani- maux de leur genre ; les espèces les plus fortes font une guerre à mort à celles qui sont plus faibles. Et cependant les mâles ne mangent pas leurs petits, comme font la plupart des chats et mème les lapins; ils en prennent, au con- traire, le plus grand soin, et, dès qu'ils peuvent marcher, ils partagent avec la femelle les soins de leur éducation. J'ai pu m'assurer de ce fait par mes propres yeux, dans l'espèce de la marte commune et celle de la fouine. Ces animaux sont d'un caractère sauvage et farouche ; ils se plaisent dans les bois les moins fréquentés, et ne s’approchent pas volontiers des habitations de l’homme, si l'on en excepte la fouine et la belette. On ne peut nier qu'ils aient de l'intelligence, si on en juge par les ruses qu'ils emploient pour surprendre leurs ennemis ; mais c’est purement une intelligence de meurtre et de cruauté, qui ne les empêche pas de donner dans tous les piéges qu’on leur tend. Réduits en captivité, ils s’apprivoisent assez bien ; cependant jamais assez pour avoir une véritable affection pour leur maître, et ne pas s’effaroucher de la présence d’un étranger. Sans cesse agités par un mouvement de defiance et d'inquiétude, ils ne peuvent rester un moment en place, et s'ils cessent par intervalle de chercher à briser leurs chaînes, c’est pour dormir. La Mate commune | Mustela martes, Lin. La sous la gorge ; le bout du museau, la dernière Morte, Burr.) a environ un pied et demi (0,487, partie de la queue et les membres sont d’un de longueur, non compris la queue, qui a un brun plus foncé, et la partie postérieure du peu moins de dix pouces (6,271). Elle est d’un ventre d’un brun plus roussätre que le reste du brun lustré, avec une tache d’un jaune clair corps. Lorsque la France possédait encore de vastes forêts, la marte y était assez commune ; mais aujourd'hui elle est devenue trés-rare. J'en ai cependant tue plusieurs dans les montagnes qui séparent la Saône de la Loire, et j'observerai 161 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. que l'une d'elles était suivie de six petits, quoique Buffon prétende que cet animal n'en fait que deux ou trois par portée. La marte fuit les habitations et les lieux découverts; elle ne se plaît qu’au plus profond des forêts silencieuses, et là, grimpant sur les arbres avec beaucoup d’agilité, comme toutes les espèces de son genre, elle s'occupe uniquement à la chasse. Ce n’est pas un animal nocturne; mais, ainsi que tous les animaux sauvages qui habitent des contrées où l’homme peut les inquiéter, elle se cache pendant le jour, et ne sort guère qu'aux cré- puscules du soir et du matin pour commettre ses déprédations. Elle détruit une grande quantité de menu gibier ; elle cherche les nids d'oiseaux dont elle brise et mange les œufs ; elle tâche de surprendre la perdrix couvant dans les bruyères, le lièvre dans son gîte, les écureuils dans leur nid; et si ces espèces lui manquent, elle se jette sur les mulots, les loirs, les lérots, et même sur les lezards et les serpents. Elle cherche aussi les ruches des abeilles sauvages pour en manger le miel. Comptant sur son agilité, elle s’effraye fort peu quand elle est chassée par des chiens courants, et se plait à se faire battre et rebattre, à les dépister, à les fa- tiguer, avant de monter sur un arbre pour échapper à leur poursuite. Encore, lorsqu'elle emploie ce dernier moyen, ne se donne-t-elle pas la peine de grimper jusqu’au sommet. Assise à la bifurcation de la première branche, elle les re- garde effrontément passer sans s’en inquiéter davantage. La marte ne se creuse pas de terrier et n'habite même pas ceux qu’elle trouve tout faits; mais, quand elle veut mettre bas, elle cherche un nid d’écureuil, en mange ou en chasse le propriétaire, en élargit l'ouverture, l'arrange à sa fan- taisie, et y fait ses petits sur un lit de mousse. Tant qu'elle les allaite, le mâle rode dans les environs, mais n’en approche pas. Quand les petits sont assez forts pour sortir, elle les mène chaque jour à la promenade, et leur apprend à grim- per, à chasser et à reconnaître la proie dont ils doivent se nourrir. C’est alors que le mâle se réunit à la femelle, apporte à ses enfants des oiseaux, des mulots et des œufs. Dès lors ils ne rentrent plus dans le nid, et couchent tous ensemble sur les arbres, ou dans les feuilles sèches sous un buisson touffu. Dans les forêts très-solitaires, la famille se hasarde quelquefois à sortir de sa retraite pendant le jour, mais en se glissant furtivement sous le feuillage, et se donnant bien de garde d’être apercue par les oiseaux. Si un roitelet, une gorge rouge, une mé- sange, ou toute autre espèce d'oiseau grand ou petit, vient à apercevoir une marte, il pousse aussitôt un eri particulier qui donne une alarme générale à un quart de lieue de rayon. Les pies, geais, merles, pinsons, fauvettes, en un mot presque toute la nation ailée se réunit aussitôt en criaillant, entoure l'animal, le pour- suit, le harcéle, s’en approche en redoublant ses cris, et, à force de l’étourdir par des clameurs, le contraint à une prompte retraite. Du reste, tous les ani- maux carnassiers, chouettes, ducs, chats, renards, loups, ne sont pas reçus d’une manière plus amicale par le peuple chantant des forêts ; tandis qu'il vit en très- bonne intelligence avec les animaux paisibles, comme daims, chevreuils, lièvres, etc. La fourrure de la marte commune a quelque valeur ; mais il s'en faut de beaucoup qu'elle soit comparable à celle de la marte zibeline dont nous aurons à nous occuper plus loin. Elle est moins rare dans le nord de l'Europe qu'en France, et plus commune encore dans le Canada. MARTES. 165 La Fouine (Mustela foina. Lin. La Fouine, cou et la gorge, qui sont blancs et non pas jau- Bure. — G. Cuv.) a beaucoup de ressemblance nes. Sa taille est la même ; son pelage est brun, avec la marte, mais cependant elle s'en distin- avec les jambes et la queue noirâtres. Elle exbale gue au premier coup d'œil par le dessous du une forte odeur de muse. Cet animal habite toute l'Europe et l'Asie occidentale ; il est assez commun partout. « La fouine, dit Buffon, a la physionomie trés-fine, l'œil vif, le saut léger, les membres souples, le corps flexible, tous les mouvements très-prestes ; elle saute et bondit plutôt qu'elle ne marche; elle grimpe aisément contre les murailles qui ne sont pas bien enduites, entre dans les colombiers, les pou- laillers, etc., mange les œufs, les pigeons, les poules, etc., en tue quelquefois un grand nombre et les porte à ses petits ; elle prend aussi les souris, les rats, les taupes, les oiseaux dans leur nid. Les fouines, dit-on, portent autant de temps que les chats. On trouve des petits depuis le printemps jusqu’en automne, ce qui doit faire présumer qu'elles produisent plus d’une fois par an; les plus jeunes ne font que trois ou quatre petits, les plus âgées en font jusqu'à sept. Elles s’établissent, pour mettre bas, dans un magasin à foin, dans un trou de muraille, où elles poussent de la paille et des herbes ; quelquefois dans une fente de ro- cher ou dans un trou d'arbre, où elles portent de la mousse ; et lorsqu'on les inquiète, elles déménagent et transportent ailleurs leurs petits, qui grandissent assez vite ; car celle que nous avons élevée avait, au bout d’un an, presque atteint sa grandeur naturelle, et de là on peut inférer que ces animaux ne vivent que huit ou dix ans. Ils ont une odeur de faux musc qui n’est pas absolument des- agréable. » La fouine se rencontre dans toutes les localités, dans les forêts, les bois, les vergers, les granges, les fermes, et mème dans les magasins à fourrage des villes ; il n’est pas rare d’en trouver jusque dansles faubourgs de Paris. En cela seulement elle diffère de la marte. Dans les nuits d'été, aux approches del’orage, on l'entend assez souvent crier en courant et jouant sur les toits et les vieux murs des habi- tations rurales. M. de Buffon, qui en a élevé une, dit qu’elle faisait la guerre aux chats, qu'elle se jetait sur les poules, etc. « Elle demandait à manger comme le chat et le chien, et mangeait de tout ce qu’on lui donnait, à l'exception de la salade et des herbes ; elle aimait beaucoup le miel, et préférait le chènevis à toutes les autres graines; il a remarqué qu’elle buvait fréquemment, qu’elle dor- mait quelquefois deux jours de suite, et qu’elle était aussi quelquefois deux ou trois jours sans dormir ; qu'avant le sommeil elle se mettait en rond, cachait sa tête et l'enveloppait de sa queue ; que tant qu’elle ne dormait pas, elle était dans un mouvement continuel si violent et si incommode, que quand même elle ne se serait pas jetée sur les volailles, on aurait été obligé de l’attacher pour l’em- pêcher de tout briser. » J'ai été à même de vérifier une partie de ce que dit Buffon. Dans un village des bords de la Saône, à Saint-Albin, près de Mâcon, un ancien garde-chasse un peu fripon était si bien parvenu à apprivoiser une fouine, qu'il appelait Robin, que jamais il ne l’a tenue à l’attache; elle courait librement dans toute la maison, sans rien briser et avec toute l'adresse d’un chat. Elle était turbulente, il est vrai, mais elle prenait ses précautions pour ne rien renverser ; elle répondait à la voix de son maître, accourait quand il l'appelait, ne le caressait pas, mais 166 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. semblait prendre plaisir à ses caresses. Elle vivait en très-bonne intelligence avec Bibi, petit chien noir anglais qui avait été élevé avec elle. Ceci est déjà fort singulier ; mais voici qui l'est davantage : Robin et Bibi n'étaient pour leur maitre que des instruments de vol et des complices. Chaque matin le vieux garde sortait de chez lui portant à son bras un vaste panier à deux couvercles dans lequel'était caché Robin ; Bibi suivait par derrière lui marchant presque sur les talons. Ce trio se rendait ainsi autour des fermes écartées, où on est dans l’u- sage de laisser la volaille errer assez loin de l'habitation. Dès que le vieux garde apercevait une poule à proximité d'une haie, dans un lieu où on ne pouvait le voir, il prenait Robin, lui montrait la poule, le posait à terre, et continuait son chemin. Robin se glissait dans la haie, se faisait petit, rampait comme un ser- pent, et s'approchait ainsi de l'oiseau; puis tout à coup il se lançait sur lui et l'étranglait sans lui donner le temps de pousser un cri. Alors le vieux fripon de garde revenait sur ses pas; Bibi courait chercher la poule, et l'apportait suivi de Robin ; l'oiseau était aussitôt mis dans le panier avec la fouine qui avait sa petite loge séparée, et l'on se remettait en marche pour chercher une nou- velle occasion de recommencer cette manœuvre. A la fin les fermiers des envi- rons s'aperçurent de la diminution du nombre de leurs poules et de leurs cha- pons; on se mit à guetter, et l’on ne larda pas à saisir les voleurs sur le fait. Le juge de paix, qui n’était nullement soucieux des progrès de l’histoire naturelle, fit donner un coup de fusil à la fouine, et crut faire grâce au vieux garde en ne le condamnant qu’à payer les poules qui, grâce à Bibi et à Robin, avaient passé par son pot-au-feu. La Ziseuine (Mustela zibellina, Lan. —PaLc. La Marle zibeline, Burr. — G. Cuv. Le Sabbel des Suédois; le Sobol des Polonais et des Rus- ses ) ressemble beaucoup à la marte commune ; poils jusque sous les doigts; son pelage est d'un brun lustré, noirätre en hiver. plus pâle en été; elle à le dessous dé la gorge grisâtre, le devant de la tête et les oreilles blanchâtres. Sa fourrure elle s'en distingue cependant en ce qu’elle a des est l’objet d'un commerce considérable. Cet animal vit dans les régions les plus septentrionales de l'Europe et de l'Asie, et se trouve jusqu’au Kamtschatka ; c'est aux chasseurs qui le poursuivent dans ces régions glacées que l’on doit la découverte de la Sibérie orientale. Sa fourrure est extrèmement précieuse, et il s’en fait un commerce immense en Russie. Les plus estimées viennent de Sibérie, surtout celles de Witinski et de Nerskinsk. Les bords de la Witima, rivière qui sort d'un lac situé à l'est du Baikal et va se jeter dans la Léna, sont célébres par les zibelines qu'on y trouve ; elles abondent également dans la partie glacée et inhabitable des monts Altaï; ainsi que dans les montagnes de Saïan, au delà du Jenisseï, dans les environs de l'Oby et le long des ruisseaux qui tombent dans la Touba. La fourrure d'hiver est noire, et c’est la plus précieuse ; celle d'été, plus ou moins brunâtre et mal fournie, à beaucoup moins de valeur; mais les marchands russes, par des pré: parations particuliéres, savent la faire passer dans le commerce pour de la marte d'hiver, et les plus fins connaisseurs s'y laissent quelquefois prendre. Carnassière comme tous les animaux de sa famille, la marte zibeline rôde sans cesse dans les buissons pour s'emparer des nids d'oiseaux. Elle se plaît partie MARTES. 167 culièrement dans les halliers fourrés, sur le bord des lacs, des rivieres et des ruisseaux, dans les bois et surtout dans ceux qui offrent quelques arbres élevées sur lesquels elle grimpe avec beaucoup d'agilité. Quelquelois elle s'établit dans un terrier qu'elle se creuse en terrain sec, sur une pente rapide, et dont l'en- trée se trouve toujours masquée par des ronces et d’épais buissons. Quelquefois aussi elle se loge dans des trous d'arbre, où elle s'empare du nid d'une chouette ou d'un petit-gris. Aussi cruelle, aussi rusée que la fouine, elle est beaucoup plus farouche, et jamais ne s'approche, comme cette dernière, des lieux habités. Son courage n'est nullement comparable à son peu de force; quel que soit l'ennemi qui l'attaque, elle se défend avec fureur jusqu'à son dernier moment, et par- vient quelquefois à échapper à la dent meurtrière du chien le mieux dressé à la chasse. Son corsage délié lui permet de se glisser dans les plus petits trous ; sa force musculaire et ses ongles pointus lui donnent une extrême facilité à grim- per, à s’élancer de branche en branche pour poursuivre, jusqu'au sommet des plus minces rameaux, les oiseaux, les écureuils et autres petits animaux, aux- quels elle fait une guerre d'extermination. Quelquefois elle suit le bord des ruisseaux pour s'emparer, faute de mieux, des reptiles aquatiques et mème des poissons, si on en croit quelques voyageurs et Buffon ; mais ce fait me paraît très-contestable. Elle mange des insectes quand elle manque de gibier, et quel- quefois elle se contente de quelques baies sucrées, telles que celles de l’ai- relle, etc. Sur quatre-vingt mille exilés, plus ou moins, qui peuplent habituellement la Sibérie, environ quinze mille sont employés à la chasse de l’hermine et de la zibeline. Ils se réunissent en petites troupes de quinze ou vingt, rarement plus ou moins, afin de pouvoir se prêter un mutuel secours, sans cependant se nuire en chassant. Sur deux ou trois traîneaux attelés de chiens, ils emportent leurs pro- visions de voyage, consistant en poudre, plomb, eau-de-vie, fourrure pour se cou- vrir, quelques vivres d'assez mauvaise qualité et une bonne quantité de piéges. Aussitôt que les gelées ont suffisamment durci la surface de la neige, ces petites caravanes se mettent en routeets’enfoncent dans le désert, chacune d’un côté dif- férent. Quand le ciel de la nuit n’est pas voilé par des brouillards, elles dirigent leur voyage au moyen de quelque constellation ; pendant le jour elles consultent le soleil ou une petite boussole de poche. Quelques chasseurs se servent, pour marcher, de patins en bois à la manière de ceux des Samoïèdes ; d'autres n’ont pour chaussure que de gros souliers ferrées et des guèêtres de cuir ou de feutre. Chaque traineau a ordinairement un attelage de huit chiens ; mais pendant que quatre le tirent, les quatre autres se reposent, soit en suivant leurs maîtres, soit en se couchant à une place qui leur est réservée sur le traineau même. Ils se relayent de deux heures en deux heures. Pendant les premiers jours on fait de grandes marches, afin de gagner le plus tôt possible l'endroit où l’on doit chasser, et cet endroit est quelquefois à deux ou trois cents lieues de distance du point d'où l’on est parti. Mais plus on avance dans le désert, plus les obstacles se mul- tiplient. Tantôt c'est un torrent non encore glacé qu'il faut traverser; alors on est obligé d'entrer dans l’eau jusqu'à l'estomac et de porter les traineaux sur l’autre bord, en se frayant un passage à travers les glaçons charriés par les eaux. Une autre fois c’est un bois à traverser en se faisant jour à coups de hache dans 168 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. les broussailles ; puis un pic de glace à monter, et alors les chasseurs, apres s'être attachés des crampons aux pieds, s’attellent avec leurs chiens pour faire grimper les traîneaux à force de bras. Là, un hiver de neuf mois couvre la terre d’épais frimas ; jamais le sol ne degèle à plus de trois ou quatre pieds de profondeur, et la nature, éternellement morte, jette dans l'âme l’épouvante et la désolation ; à peine si une végétation languissante couvre les plaines de quelque verdure pendant le court intervalle de l'été, et des bruyères stériles, de maigres bouleaux, quelques arbres résineux rachitiques, font l’ornement le plus pittoresque de ces climats glacés. Là, tous les êtres vivants ont subi la triste influence du désert ; les rares habitants qui traînent dans les neiges leur existence engourdie sont presque des sauvages difformes et abrutis ; les animaux y sont farouches et féroces, et tous, si j'en excepte le renne, ne sont utiles à l'homme que par leur fourrure : tels sont les ours blancs, les loups gris, les renards bleus, les blanches hermines et la marte zibeline. Venons à nos chasseurs. L'hiver augmente d'intensité ; les longues nuits deviennent plus sombres parce que l'air est surchargé d'une fine poussière de glace qui l'obscurcit ; vers le nord, le ciel se colore d’une lumière rouge et ensanglantée, annoncant les aurores boréales. Les gloutons, les ours, les loups et autres animaux féroces, ne trouvant plus sur la terre couverte de neige leur nourriture accoutumée, errent dans les ténèbres, s’'approchent audacieusement de la petite caravane, et font retentir les roches de glace de leurs sinistres hurlements. Chaque soir, lors- qu'on arrive au pied d'une montagne qui peut servir d’abri contre le vent du nord, il faut camper. On se fait une sorte de rempart avec les traîneaux ; on tend au-dessus une toile soutenue par quelques perches de sapin coupées dans un bois voisin. On place au milieu de cette facon de tente un fagot de brous- sailles auquel on met le feu. Chacun étend une peau d'ours sur la glace, se couche dessus, se couvre de son manteau fourré, et attend le lendemain pour se remettre en route. Pendant que les chasseurs dorment, l’un d'eux fait sentinelle, et souvent son coup de fusil annonce l'approche d’un ours féroce ou d’une troupe de loups affa- més. Il faut se lever à la hâte, et quelquefois soutenir une affreuse lutte avec ces terribles animaux. Mais il arrive aussi que la nuit n’est troublée par aucun bruit, si ce n’est par le sifflement du vent du nord qui glisse sur la neige, et par une sorte de petit bruissement particulier sur la toile de la tente. Les chasseurs ont dormi profondément, et il est grand jour quand ils se réveillent ; ils appellent la sentinelle, mais personne ne répond ; leur cœur se serre ; ils se hâtent de sortir, car ils savent ce que signifie ce silence. Leur camarade est là, assis sur un tronc de sapin renversé ; il a bien fait son devoir de surveillant, car son fusil est sur ses genoux, son doigt sur la gâchette, et ses yeux sont tournés vers la mon- tagne où, la nuit, les hurlements des loups se sont fait entendre ; mais ce n’est plus un homme qui est en sentinelle, c’est un bloc de glace. Ses compagnons, après avoir versé une larme sur sa destinée, le laissent là, assis dans le désert, et se réservent de lui donner la sépulture six mois plus tard, en repassant, lorsqu'un froid moins intense permettra d'ouvrir un trou dans la glace. Ils le retrouveront à la même place, dans la même attitude et dans le même état, si MARTES. 169 un ours n'a pas essayé d'entamer avec ses dents des chairs blanches et roses comme de la cire colorée, mais dures comme le granit. Enfin, après mille fatigues et mille dangers épouvantables, la petite caravane arrive dans une contrée coupée de collines et de ruisseaux. Les chasseurs les plus expérimentés tracent le plan d’une misérable cabane construite avec des perches et de vieux troncs de bouleaux à moitié pourris. Ils la couvrent d'herbe sèche et de mousse, et laissent au haut du toit un trou pour donner passage à la fumée. Un autre trou, par lequel on ne peut se glisser qu'en rampant, sert de porte, et il n'y à pas d'autre ouverture pour introduire l'air et la lumiere. C'est là que quinze malheureux passeront les cinq ou six mois les plus rudes de l'hiver; c'est là qu'ils braveront l'inclémence d'une température descendant presque chaque jour à vingt-deux ou vingt-cinq degrés du thermomètre de Réaumur. Lorsque les travaux de la cabane sont terminés, lorsque le chaudron est placé au milieu de l'habitation sur le foyer pour faire fondre la glace qui doit leur fournir de l'eau, lorsque la mousse et les lichens sont disposés pour faire les lits, alors les chasseurs partent ensemble pour aller visiter leur nou- veau domaine, et pour diviser le pays en autant de cantons de chasse qu'il y à d'hommes. Quand les limites en sont définitivement tracées, on tire ces cantons au sort, et chacun a le sien en toute propriété pendant la saison de la chasse, et aucun d'eux ne se permettrait d'empiéter sur celui de ses voisins. Ils passent toute la journée à tendre des piéges partout où ils voient sur la neige des im- pressions de pieds annonçant le passage ordinaire des martes, hermines et renards bleus ; ils poursuivent aussi ces anhnaux dans les bois, à coups de fusil, ce qui exige une grande adresse; car, pour ne pas gâter la peau, ils sont obligés de tirer à balle franche. Le soir, tous se rendent à la cabane, et la premiere chose qu'ils font est de se regarder mutuellement le bout du nez; si Fun d'eux l’a blanc comme de la cire vierge et un peu transparent, c'est qu'il l’a gelé, ce dont il ne s'aperçoit pas lui-même. Alors on ne laisse pas le chasseur s'appro- cher du feu, et on lui applique sur le nez une compresse de neige que l'on re- nouvelle à mesure qu'elle se fond, jusqu’à ce que la partie malade ait repris sa couleur naturelle. Ils traitent de même les mains et les pieds gelés ; mais, malgre ces soins, il est rare que la petite caravane se remette en route au printemps sans ramener avec elle quelques estropiés. Dans les hivers extrèmement rigou- reux, il est arrivé maintes fois que des caravanes entières de chasseurs sont restées gelées dans leurs huttes, ou ont été englouties dans les neiges. Les dou- leurs morales des exilés, venant ajouter aux rigueurs de cet affreux climat, ont aussi poussé trés-souvent les chasseurs au découragement ; et, dans ces solitudes épouvantables, il n'y a qu'un pas du découragement à la mort. Qu'un exilé harasse s’asseye un quart d'heure au pied d’un arbre, qu'il se laisse aller aux pleurs, puis au sommeil, il est certain qu'il ne se réveillera plus. La MATE PÉCHEUSE { Mustela piscatoria, Less. Mustela melanorhyncha, Bono.) n’est peut-être qu'une variélé de la précédente, mais apparle- nant à l'Amérique septentrionale. Elle est noire, avec la face et les côtés du cou d'un cendré mélc de noir ; ses oreilles sont arrondies, larges, bor- dées de noir ; elle a des moustaches longues el soyeuses ; sa queue est très-touffue, et ses larges pieds sont velus. Elle a les mêmes mœurs que la zibeline, Le PExan (Mustela canadensis, Lin. Le Pe- kan, Burr.) est un peu plus grand que les es- 22 170 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES pèces précédentes. Ses pattes, sa queue, le des- sous de son corps et son museau sont d’un brun marron très-foncé; ses oreilles sont blanchà- tres ; le reste du corps est d’un brun gris varié de noirâtre, très-changeant, et passant quelquefois au noir ; quelquefois une tache se dessine sur sa gorge. Celte espèce vit sur le bord des lacs et des rivières, dans des terriers qu'elle sait se creuser ; elle habite le Canada et le nord des Etats-Unis. La Marre Des Hurows { Mustela huwro, Fe. Cuy.) est ordinairement d’un blond clair, avec les pattes et l'extrémité de la queue plus foncés, et quelquefois brunes. Cette espèce varie beau- coup pour les couleurs, car on en voit an Mu- séum dont les parties inférieures du corps sont plus foncées que les supérieures, et d’autres où les couleurs sont dans une disposition inverse ; la tête est quelquefois blanchâtre ou même en- tièrement blanche. Elle habite l’ Amérique sep- tentrionale. La ManrTe Grise ( Mustela poliocephala, Less. Viverra poliocephala, Traizz.). Cette espèce est plus haute sur jambes que les autres; elle est noire sur le corps, grise sur la tête et sur le cou, et porte sur la gorge une tache jaune en- tourée d'un bord noir de jais ; ses poils sont fort longs sur la nuque, et lui forment une sorte de collerette. On la trouve dans les forêts de De- mérary, à la Guyane Le Zorra (Mustela sinuensis, Hume.) a le corps moins vermiforme que les autres martes ; elle est d’un gris noirâtre uniforme, avec l'in- térieur des oreilles et le ventre blancs. Elle ha- bite la Nouvelle-Grenade, et chasse aux petits oiseaux. Le Cusa (Mustela cuja, Mouina) est de la faille du furet ; son pelage est très-doux, épais, entièrement noir; sa queue est aussi longue que son corps, touffue ; son museau se termine en sorte de groin. 11 habite le Chili, et se nour- rit d'oiseaux et de petits mammifères. Le Quiqui (Mustela quiqui, Mouina) se rap- proche de la belette ; sa couleur est brune; sa tête aplatie ; son museau en forme de groin, avec une lache blanche au milieu du nez; ses oreilles sont courtes et rondes. Elle se trouve au Chili, habite des terriers, et se nourrit de petits animaux. Du reste, il me paraît fort dou- teux que celte espèce et la précédente appa - liennent au genre des marles. Quand on les connaitra mieux, il faudra certainement les re- porter ailleurs, ou, probablement, leur créer un genre nouveau. Le Wesack (Mustela Pennanti, Erx.) a le mu- seau pointu, le nez brun; les oreilles larges, courtes et arrondies; la poitrine brune avec quelques poils blancs ; le ventre et les cuisses d'un brun noir; les pieds larges, revêtus de poils, et les ongles blancs; son pelage est jau- nâtre, passant au brun marron sur la tête ; la queue est noire et lustrée, très-grêle à son ex- trémité. 11 habite la Pensylvanie et les bords du grand lac des Esclaves. 2° Genre. Les PU'TOIS (Putorius, Cuv.) ressemblent beaucoup aux martes, mais ils n’ont que quatre fausses molaires à la mâchoire su- périeure, six à l’inféricure, et point de tu- bercule intérieur à la carnassière inférieure. Leur tête est un peu moins allongée que dans le genre précédent, et tous exhalent une odeur désagréable. Le Purois commun (Putorius vulgaris.—Mus- tela putorius, Lin. Le Putois, Burr. Le Putois commun, G. Cuv.). 1l a un peu plus d’un pied (0,525) de longueur, non compris la queue, qui a environ six pouces (0,162). Il est d’un brun noirâtre, assez foncé sur les membres, mais plus clair et prenant une teinte plus fauve sur les flancs ; il a le bout du museau, les oreilles, et une tache derrière l’œil blancs ; ses poils in- térieurs laineux sont blanchätres. En Lorraine, on en trouve quelquefois une variété blanchä- tre ou jaunâtre. Le putois ou puant habite les climats tempérés de l'Europe, et il est assez commun partout. Son nom vient de l’odeur infecte qu'il exhale, surtout lorsqu'on l'irrite ; cette odeur devient alors tellement forte, qu'elle dégoûte et écarte les chiens. Ses mœurs ont beaucoup d’analogie avec celles de la fouine ; aussi nos cultivateurs les confondent-ils souvent, au moins dans leurs méfaits. Il habite la campagne pendant la belle saison ; mais aussitôt que les premiers froids se font sentir, et que les bois commencent à se dépouiller de leurs feuilles, il se rap- proche des habitations et se loge dans les vieux bâtiments, les granges et les greniers à foin. 1 dort pendant le jour, et ne sort de sa retraite que la nuit pour aller à la chasse des souris, des mulots, des insectes, et de tous les petits ani- maux qu’il ose attaquer impunément. Il à toute la cruauté, toute l'audace des martes; mais il est plus rusé, plus défiant, et donne moins souvent dans les MARTES. 171 pièges qui lui sont tendus. «Il se glisse dans les basses-cours, dit Buffon, monte aux volières, aux colombiers, où, sans faire autant de bruit que la fouine, il fait plus de dégats. Il coupe ou écrase la tête à toutes les volailles, et ensuite il les emporte une à une et en fait un magasin. Si, comme il arrive souvent, il ne peut les emporter entières, parce que le trou par où il est entré se trouve trop étroit, il leur mange la cervelle et emporte les tètes. Il est aussi fort avide de miel; il attaque les ruches en hiver, et force les abeilles à les abandonner. Il ne s'éloigne guère des lieux habités. Il entre en amour au printemps; les mâles se battent sur les toits, et se disputent la femelle ; ensuite ils l'abandonnent et vont passer l’ete à la campagne ou dans les bois. La femelle, au contraire, reste dans son grenier jusqu'à ce qu'elle ait mis bas, et n’emmène ses petits que vers le milieu ou la fin de l'été. Elle en fait trois ou quatre et quelquefois cinq, ne les allaite pas longtemps, et les accoutume de bonne heure à sucer du sang et des œufs. » Pendant qu'il habite la campagne, le putois fixe son domicile dans un creux de rocher ou un tronc d'arbre, s'il n'y à pas de trou de lapin dans les environs. Mais s’il rencontre une garenne, il choisit un terrier qui lui convient, en chasse ou en tue les habitants, et s’y établit commodément. Dans ces heureuses cir- constances, 1l trouve chaque jour la facilité de satisfaire son goût pour le car- nage et sa soif de sang, car, grâce à sa taille fluette, il se glisse aisément dans les terriers et massacre tout ce qu'il y trouve; aussi, suffit-il d’une famille de putois pour dépeupler dans une seule saison la plus riche garenne. S'il n'y a pas de lapins dans les environs, il bat la campagne toute la nuit, cherche les nids de perdrix, d'alouettes, de cailles, etc., et manque rarement de surprendre la mére sur ses œufs. Il en résulte que les chasseurs, dont il détruit les espe- rances, lui font une guerre d’extermination. Quoique très-sauvage, le putois ne manque pas d'intelligence, ce qui ferait croire qu'on viendrait facilement à bout de l'apprivoiser et de s'en servir à la chasse du lapin, si Fon n'avait pas le furet. 172 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. )} / )) jh i ut i) f) 4 Le Furet Le NIMSE où FURET | Putorius furo. — Mustela furo, Lin. Le Furet, Burr. Probablement Fctis d'Anisrore) N'est qu'une variété du putois, dontil ne diffère que par son pelage d’un blanc jaunâtre et ses yeux roses, et, dans ce cas, je le crois un albinos dont on aura perpétué la race et la maladie par la domesticité. Ceci me parait d'autant plus vrai, qu'on en élève souvent dont le pelage est mêlé de blane, de fauve et de noir, ainsi que celui du putois ; ceux-là n'ont pas les yeux noirs. Quoi qu'il en soit, le furet, qui n'existe chez nous qu'à l'état de domesticite, nous à été apporté d'Espagne, et les Espagnols l'ont eux-mêmes tiré de la Bar- barie, dès la plus haute antiquité, si l’on s’en rapporte à Strabon. Cet animal craint le froid de nos climats, et, lorsqu'il à conquis sa liberté, ce qui arrive assez souvent, il périt pendant l'hiver. I faut bien qu'il en soit ainsi, puis- qu'on n'a jamais revu dans letat. sauvage aucun des nombreux individus qui s'échappent des mains des chasseurs. Il n'en est pas de même en Espagne, où il s’est parfaitement naturalisé, et où ses mœurs ne différent en rien de celles du putois. I apporte en naissant une telle haine pour les lapins, « qu'aussitôt qu'on en présente un, même mort, à un jeune furet qui n’en a jamais vu, il se jette dessus et le mord avec fureur, dit Buffon. S'il est vivant, il le prend par le cou, par le nez, et lui suce le sang. » Les chasseurs ont profité avec empressement de cette antipathie pour dresser le furet à la chasse, autant que le caractère sauvage et indisciplinable de cet animal le permettait; ils sont MARTES. 173 parvenus à en faire, non un domestique, mais un esclave toujours en révolte, et qu'on ne peut conduire qu'à la chaine. On élève les furets dans des tonneaux ou des cages, on leur donne de la filasse dans laquelle ils aiment à s’enfoncer pour dormir, et on les nourrit avec du lait, du pain, du son, etc.; mais on s’abs- üent de leur donner de la chair, afin de leur faire oublier, autant que possible, ce goût pour le sang qui les fait rester le plus souvent dans les terriers. Ils dorment continuellement, et ne se reveillent guère que pour manger, ce qu’ils font avec voracite. La femelle est sensiblement plus petite que le mâle; elle le recherche avec ardeur dans le temps des amours, et il serait dangereux de les séparer à cette époque, parce que le plus ordinairement elle mourrait de chagrin. Elle porte six semaines, et fait des petits deux fois par an. Il arrive assez fréquemment à cette bonne mère de manger ses enfants, non par gour- mandise, mais simplement pour avoir le plaisir de faire de nouvelles avances à son mâle; dans ce cas, elle fait trois portées au lieu de deux. Chaque portée est ordinairement de cinq à six petits, rarement de huit à neuf. Ces animaux exhalent, surtout quand ils sont en colère, une odeur fétide, tout à fait ana- logue à celle du putois. Lorsqu'on se sert du furet pour la chasse aux lapins, on à soin de le muse- ler avant de le presenter à l'entrée du terrier, car sans cela il les tuerait, leur mangerait la cervelle, se gorgerait de sang, puis il s'endormirait sur ses vic- times, et rien ne serait capable de le réveiller, ou au moins de le déterminer à sortir du trou. Quand il est muselé, il les attaque seulement avec les ongles: les pauvres lapins épouvantés se hâtent de sortir pour échapper à leur cruel ennemi, et, dans leur frayeur, ils vont donner tête baissée dans la bourse de filet que le chasseur à tendue à l'entrée du terrier. Quelquefois, malgré sa mu- selière, le furet vient à bout de tuer les jeunes lapins avec ses ongles, de leur ouvrir les veines, et de sucer leur sang, pour s'endormir ensuite; dans ce cas, on parvient assez souvent à le réveiller et à le faire sortir en tirant un ou deux coups de fusil à l'entrée du trou, ou en le fumant comme un renard. Mais on risque de l'irriter, et alors il s'enfonce davantage dans les différents canaux du terrier, et il est perdu pour le chasseur. On voit que le furet n’est réellement jamais bien apprivoisé, et que dans sa prétendue éducation, tout se borne à tirer parti de l'instinct que lui à donné la nature. Il ne reconnait pas son maitre, n'obéit à la voix de personne, et ne manque guére l’occasion de mordre la main qui le nourrit. Le Purois D'Evensuann ( Pultorius Evers- le tour du mufle est blane, et la partie du mu- mannii. — Mustela Eversmannii, Less.) ne me parail encore qu'une variété du putois commun. Son pelage est d’un jaune clair, à pointe de poils brune seulement sur les lombes; la poitrine et les pieds sont bruns ; la queue est partout d’une égale teinte. Il a été {rouvé par M. Eversmann entre Orembourg et Bukkara. Le Cuorocx (Putorius sibiricus. — Mustela si- birica, Par.) est à peu près de la taille du fu- ret, dont il a les formes générales; mais son pelage est à poils plus longs, d'un fauve dore en dessus, et d'un jaune fauve pâle en dessous ; seau comprise entre les yeux et celte partie blanche est brune. Quelques individus ont le dessous de la mâchoire inférieure blanc, d’au- tres de la couleur du corps, mais un peu plus clair. Le chorock habite les forêts de la Sibérie, et, ainsi que le putois, dont il a les mœurs, il se rapproche des habitations pendant l'hiver, et dévaste les basses-cours. Le Purois pes ALPEs { Pulorius alpinus.— Mustela alpina, Gescen) est plus petit, plus allongé que le putois commun, auquel il res- semble ; il est Jaunâtre où brunäâtre en dessus, 174 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. d'un jaune pale en dessous, avec le menton blanc, ainsi qu'une partie de la bouche. 1 se loge dans les trous de rochers ou dans des ter- riers dont il s'empare, el se nourrit d'oiseaux et de pelits mammifères. Le Vison { Pulorins vison. — Mustela vison, Lin. Le Vison, Burr.—G.Cuv.), que l'on a sou- vent placé mal à propos avec les martes, est d'un brun plus ou moins foncé, tirant plus ou moins sur le fauve, avec une tache blanche à l'extrémité de la mâchoire inférieure ; sa queue est noirâtre. Il n'a pas les pieds palmés, comme l'ont dit les naturalistes. Cette espèce vit dans des terriers qu'elle se creuse au bord des eaux, dans le Canada et dans tout le nord de l'Amérique. Sa fourrure brillante est fort estimée Le Mink DES AMÉRICAINS (Pulorius lutreoce- phalus. — Mustela lutreocephala, HarLan. La Marte à lête de loutre de quelques naturalistes ) ne doit être confondu, ni avec le Vison, niavec la Mustela lutreola de Pallas ou tuhcuri Il est d’un blanc jaunätre, plus clair en dessous, avec la queue d’un brun ferrugineux, ce qui le dis- tingue du vison; sa taille est double de celle du tuhcuri, et il ressemble à la loutre par la forme de sa tête et de ses oreilles; ses doigts sont à demi palmés. 11 habite le Maryland Le Purois marron ( Putorius rufus. — Mus- tela rufa, Desm.) est encore une espèce dou- teuse, qui peut appartenir au vison ou au tuh- curi. Il à un pied sept pouces (6,514) de lon- gueur totale. Son pelage est d’un roux marron, plus foncé en dessous qu’en dessus, et composé de poils annelés de brun marron et de jaunâtre; sa queue est brune à sa pointe, ainsi que ses quatre extrémités. Il habite probablement l'A- mérique. Le Toucurt, ou Moencx, ou Noërs (Putorins lutreolus. — Mustela lutreola, Par. Lutra mi- nor, EnxL. Le Mink des naturalistes. Le Tuh- curi des Finlandais. Le Mæœnck des Russes, et le Nœrs ou Norek des Prussiens) est un peu plus petit que le vison; son pelage est d'un brun noi- râtre, avec le dernier tiers de la queue fout à fait noir ; la lèvre supérieure, le menton et le dessous du cou sont blancs ; il a les pieds à demi palmés. Cet animal babite le nord de l’Europe, et surtout la Finlande. I] se tient sur le bord des eaux, et se nourrit de grenouilles, d’écrevisses et de poissons, qu'il poursuit dans les ondes. Ses habitudes tiennent à la fois de celles des putois et de celles des loutres, II n’exhale qu'une légère odeur de muse, peu désagréable, d'où il résulte que sa fourrure, d'ailleurs fort belle, est plus recherchée que celle de la plupart des autres animaux de son genre. Le Füoner DE Java (Putcrius nudipes. - Mustela nudipes, Fr. Cuv.) est un peu plus pe- tit que le putois commun ; son pelage est d'un beau roux doré tres brillant ; la tête et l’extré- mité de la queue sont blanches ou d’un blanc Jaunäâtre ; le dessous de ses pieds est entière- ment nu. ]l a été trouvé à Java, et l'on pense que ses mœurs sont les mêmes que celles de notre putois commun. Le PÉROUASCA Où PUTOIS DE POLOGNE ( Pulo- rius Sarmaticus. — Mustela Sarmatica, Paz.) est un peu plus petit que notre furet, et a le poil très-court, d’un beau fauve clair, parsemé de nombreuses taches brunes en dessus; le des- sous, les membres et le bout de la queue sont d'un brun foncé; l'oreille, le bout du museau et le dessous de la mächoire inférieure sont blancs ; il a sur le front une bande blanche en fer à cheval, naissant sous les oreilles et passant sur les yeux. Du reste, son pelage varie. Le pé- rouasca est un animal vorace, cruel, ayant tou- tes les habitudes de notre putois. 11 fait une guerre acharnée el continuelle aux mulots, sou- ris, loirs et autres petits mammifères rongeurs. Quand ilest irrité, il exhale de même une odeur très-fétide. La Bezerré ( Putorius mustela. — Mustela vulgaris, Lin.) à six pouces 0,162) de longueur, non compris la queue, qui a environ deux pou- ces (0,054). Son corps est extrèmement effilé, d'un brun roux en dessus, blanc en dessous; l'extrémité de sa queue n’est jamais noire; ce qui sert à la distinguer de l'hermine. La belette et l'hermine se trouvent dans les mêmes parties de l'Europe, mais avec cette différence que la première est très-commune dans les pays tempérés, tandis que l’autre y est fort rare, et que l'hermine, très-commune dans les con- trées froides, est trés-rare dans les pays tempérés. La belette ne s’écarte guère des habitations, si ce n’est pendant la belle saison ; alors elle part pour la cam- pagne, suit le bord des ruisseaux et des petites rivières, se plaît dans les haies des prairies sèches et des petites vallées, se loge dans un trou de rocher ou dans un tas de pierre, plus souvent dans un terrier creusé par les taupes ou les mu- lots, quelquefois dans un tronc d'arbre, ou même dans la carcasse d'un animal mort et à demi putréfié, comme l'a observé Buffon. Son œil vif et sa marche MARTES. 175 dégagée lui donnent un air d'effronterie remarquable quand, se croyant hors de danger sur les branches d'un arbre, elle regarde le chasseur. Elle est d’une agilité surprenante, et ses mouvements sont si aisés, si gracieux, qu'on croirait que les sauts les plus prodigieux ne lui coûtent aucun effort. Sa vivacité ne lui permet pas de marcher, elle bondit; si elle grimpe à un arbre, d'un premier élan elle parvient à cinq ou six pieds de hauteur, et elle s’élance ensuite de branche en branche avec la mème agilité qu'un écureuil. Dans la campagne, elle fait la chasse aux taupes, aux mulots, aux oiseaux, aux rats d'eau, aux lé- zards et aux serpents. On a raconté à ce sujet que lorsqu'en se battant contre une vipère elle en était mordue, elle allait aussitôt se rouler sur une certaine herbe, en mâchait quelques feuilles, et revenait guérie au combat. Aujourd'hui, ces erreurs n’ont pas besoin de réfutation. Le courage de ce petit animal est extraordinaire ; il combat le surmulot deux fois plus gros que lui, l'enlace de son corps flexible, l’étreint de ses griffes et finit par le tuer. Elle ose même attaquer un lièvre de sept à huit livres, et j'ai été témoin de ce fait. Dans une plaine découverte, je vis un jour un lièvre s’élancer de son gîte, courir de toute sa force, en décrivant de grands cercles ou plutôt des spirales se rétrécissant peu à peu. Cette manœuvre, que je ne pouvais m'expliquer, car je n'en soupconnais pas la cause, dura sept à huit minutes, et enfin le lièvre tomba se roulant sur la terre et criant comme lorsqu'il est pris par des chiens. Je m'approchai à la hâte, et quand j'en fus à quelques pas, il était expirant. Une belette s'était cramponnée sur son cou et lui faisait tranquillement un trou dans le crâne, pendant que le mal- heureux animal faisait des efforts inimaginables pour s’en délivrer. J'ai entendu dire qu'une belette, cramponnée au cou d’un faisan, d’un tétras où autre oiseau vigoureux, se laisse plutôt emporter par lui dans les airs que de lâcher prise, et je le crois depuis que j'ai vu ce que je viens de raconter. Buffon dit que la belette ne chasse que la nuit, et en ceci il se trompe : il n’est pas de chasseurs qui n’en aient rencontré fréquemment le jour, et moi-même j'ai pu observer maintes fois, et en plein soleil, son adresse à surprendre les petits oiseaux qui se posent sur la haie où elle se met en embuscade. Si un moineau l'apercoit, il appelle aussitôt ses compagnons qui l'entourent et la harcelent de leurs cris; mais, loin de s’en laisser étourdir et de fuir comme la marte ou la fouine, elle profite de la circonstance pour saisir et emporter le plus hardi ou le plus imprudent. C’est au printemps qu'elle met bat, dans un nid qu’elle s’est préparé à l'avance avec de la paille, du foin, des feuilles sèches et de la mousse, dans un tronc de saule ou un terrier. Elle fait ordinairement de trois à cinq petits qui grandissent fort vite, et qui ne tardent guère à suivre leur mére à la chasse. Lorsque vient la mauvaise saison, toute la famille gagne la plus prochaine habitation et va se loger dans un grenier à fourrage ou une grange. C’est alors qu'elle est dangereuse pour les cultivateurs, car sa taille lui permet de se glisser dans les plus petits trous, et si elle peut pénétrer dans un colombier ou un poulailler, elle y fait les mêmes dégâts que la fouine et le putois. Cependant elle attaque rarement les coqs et les vieilles poules, non pas, comme l'ont dit quelques naturalistes, qu'elle puisse être repoussée par eux à coups de bec, mais bien parce qu'elle donne la préférence aux jeunes volailles et particulièrement aux poussins. Si le hasard Ja fait tomber sur une couvée de ces 176 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. derniers, elle les tue tous et les emporte les uns apres les autres. Comme tous les animaux de son genre, c’est toujours par la tête qu'elle attaque ses victimes ; elle leur perce le crâne un peu au-dessus du cou, et leur suce la cervelle par cette ouverture fort petite. Le plus souvent elle abandonne le cadavre sans y toucher autrement. M. de Buffon dit que la belette ne s’apprivoise jamais, et qu'il faut constam- ment la tenir en cage si on veut la garder en captivité. Pourtant, il est certain qu'elle s'apprivoise mieux qu'aucun autre animal de sa famille, pourvu qu'elle soit prise fort jeune et traitée avec beaucoup de douceur. J'en ai vu une qui venait à la voix de son maître chercher sa nourriture dans la main. On la tenait dans une boîte d'eau de Cologne où l’on avait placé des étoupes. Elle aimait beaucoup à s'y enfoncer pour dormir une grande partie de son temps; elle s'occupait le reste du jour à fureter dans tous les coins de l'appartement, à courir après les mouches et les araignées, faute de rats et de souris ; mais elle ne tentait pas de s'échapper, quoique la porte fût souvent ouverte. L'approche des etrangers l'effrayait, et aussitôt elle se sauvait dans sa boîte et se cachait dans ses étoupes. On la nourrissait de pain trempé dans du lait, et de viande. L'odeur qu'elle exhalait n'était pas assez forte pour se faire sentir dans l'appartement. On trouve en France une variété de belette entièrement jaunâtre, et une autre, plus rare, parfaitement blanche, surtout en hiver. On les distingue de l'her- mine et de l'herminette en ce qu'elles n’ont jamais de noir au bout de la queue. L'HERMINETTE Où BELETTE DES NEIGES (Pulo- rius nivalis. — Mustela nicalis, Lin. Mustela vulgaris, var. GMEL. Mustela herminca, var. Bono.) a été regardée par les uns comme va- riété de l'hermine, par les autres conme va- riété de la belette. Quant à moi, je penche vers la première opinion, par la raison qu'elle a constamment du noir à l'extrémité de la queue. Du reste, elle est entièrement blanche sur toutes L'Hermine ( Putorius hermellanus.—Mustela herminea, Lin. Mustela alba, Gesn. L'Hermine ou le Rosclel; Burr.), en pelage d'été, porte le nom de roselet: alors elle est généralement d’un brun marron plus ou moins pâle en des- sus, et d’un blanc quelquefois un peu jaunâtre en dessous, avec la mâchoire inféricure blan- che; sa queue est brune, avec l'extrémité noire en tous temps. En hiver, on la nomme hermine, les autres parties. Elle habite le nord de l'Eu- rope, et se trouve quelquefois en France. et elle est entièrement blanche, si ce n’est le bout de la queue qui reste noir. L'hermine atteint ordinairement une taille un peu plus grande que la belette, à laquelle, du reste, elle ressemble beaucoup. Elle à jusqu'à neuf pouces six lignes (0,258) du bout du museau à l’origine de la queue, et celle-ci à un peu plus de trois pouces et demi (0,095). Cet animal ne se trouve pas dans les pays chauds, et il est d'autant plus rare dans ceux qui sont tempérés que leur zone se rapproche plus du midi. Cependant il est assez commun en France, dans les grandes forêts, surtout en Normandie et en Bretagne. Les pays où il abonde sont la Russie, la Norwége, la Laponie et la Sibérie ; on le retrouve aussi dans l'Amérique septentrionale. Nous avons dit, à propos de la zibeline, comment on lui faisait la chasse, et nous renvoyons à cet article les lecteurs qui veulent savoir combien le luxe le plus futile des riches coûte de larmes et de misères aux pauvres. L'hermine à les mêmes mœurs que la belette, à cela près qu'elle est d’un caractère plus farouche, qu’elle ne se plait que dans les forêts les plus sauvages, et que jamais elle ne s'approche de l'habitation des hommes. Elle se MARTES. 177 nourrit d'ecureuils, de petits-gris, de rats et autres petits mammiferes ; elle se hasarde quelquefois dans les prairies et les roseaux pour chercher les œufs de cailles, de perdrix, de canards et autres oiseaux, dont elle est très-friande. Comme la belette, elle s'élève très-bien en captivité et elle s'apprivoise même beaucoup mieux; mais au lieu de blanchir l'hiver comme en liberté, son pelage reste d’un brun sale et terne. Sa fourrure, en possession depuis longtemps d’orner la robe de nos docteurs, et, ce qui est beaucoup moins ridicule, les robes de nos dames, est, comme tout le monde le sait, l’objet d’un commerce considérable. Elle est extrêmement estimée parmi les plus précieuses, surtout quand elle à ce blanc éclatant qu'elle perd toujours plus ou moins en vieillissant, pour prendre une teinte un peu jaunâtre. Les hermines que l’on trouve en France ont de la valeur, mais moins que celles du Nord, parce qu'elles ne sont jamais aussi blanches, et que, même pendant les plus grands froids, elles ont toujours cette légère teinte jaunâtre qui les déprécie. La BELETTE ALPINE ( Putorius altaicus, —Mus- lela-altaïica, Paz.) doit peut-être se placer à côté de l’hermine ; mais il est fort difficile d’a- voir là-dessus quelque certitude, car on ne la connaît, je crois, que par cette phrase de Pal- las : « Queue deux fois plus longue que la tête, et d’une seule couleur.» Elle est du nord de l'Asie et de l'Europe. La BELETTE D'AFRIQUE (Putorius africanus. — Mustela africana, Des.) a dix pouces (0,271) de longueur depuis le bout du museau jusqu’à l'origine de la queue, et celle-ci a envi- ron six pouces (0,162). Elle est d'un brun rous- sètre en dessus, d'un jaune blanchätre en des- sous , avec une bande brune longitudinale et étroite sur le ventre. On la croit d'Afrique, et l'on ne sait rien de ses mœurs. La BELETTE RAYÉE ( Putorius striatus,—Mus- tela striata, Gore.) est à peu près de la taille d’une belette ; le dessous du corps est d'un blanc grisätre ; la queue est blanche; le dos et tout le dessus du corps sont d’un brun foncé, avec cinq raies longitudinales blanches. Elle habite Ma- dagascar, et doit avoir les mêmes mœurs que notre belette, si les analogies de forme entrai- nent, comme on le croit, les analogies de mœurs, 1 Ot 178 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. == ms 24" La Moufette. 3 GENRE. Les MOUFETTES ( Mephitis, leur a valu leurs noms de bétes puantes, mou- Cuv.) ont trente-deux dents : six incisives et feltes, enfants du diable, etc. Cette liqueur est deux canines à chaque mächoire; six molaires versée par les glandes dans l'anus. Les doigts à celle d'en baut et dix à celle d'en bas. Leur de pieds sont séparés et armés d'ongles forts, corps est allongé, arqué; elles ont des glandes surtout ceux des pieds antérieurs, qui sont très- anales qui sécrètent, surtout quand l'animal est propres à fouir la terre. Elles ont une queue irrité, une liqueur extrêmement fétite, ce qui longue et touffue. La MOUFETTE D'AMÉRIQUE (Wephitis americana, DEsu.) Est de la taille d'un chat ordinaire; son pelage est doux, lustré, ordinai- rement d’un brun noirâtre, avec des raies et des bandes blanches longitudinales ; sa queue est couverte de poils longs et très-touffus. Elle habite l'Amérique. Les moufettes sont généralement plus grandes, plus trapues que les putois; ce sont des animaux nocturnes qui habitent des terriers qu'ils savent se creuser sur la lisière des bois, ou des trous d'arbres et des fentes de rochers ; ils n’en sortent qu'après le soleil couché pour aller faire la chasse aux mulots et autres petits mammifères, aux oiseaux, dont ils aiment beaucoup les œufs, et à une foule d'autres petits habitants des bois, dont ils font un grand carnage. Faute de mieux, ils se nourrissent d'insectes, et l’on dit même de fruits. La moufette est privée de la faculté de grimper sur les arbres, si l’on en croit nos natu- ralistes, quoique beaucoup de voyageurs disent le contraire ; aussi est-elle moms dangereuse que les martes et les putois pour les basses-cours, où elle ne peut pénétrer que difficilement; mais quand par bonne fortune elle peut s'y glisser, elle fait les mêmes dégâts parmi la volaille, qu'elle attaque par la tète pour lui MARTES. : 179 manger la cervelle, instinct que l'on trouve, d’ailleurs, dans tous les petits car- nassiers. Moins sauvage que la marte, plus effrontée que le putois, elle ose pé- nétrer dans les habitations, et jusque dans les caves et les celliers. Elle doit cette audace, non à sa force ni à son courage, mais à une arme singulière qui ne manque jamais de mettre en fuite ses ennemis même les plus acharnés ; et cette arme n'est rien autre chose que l'odeur infecte, insupportable, qu'elle exhale à volonté. La liqueur qui la produit est épaisse, jaunâtre, semblable à du pus, renfermée dans deux grosses glandes entourées de muscles puissants, de ma- nière que, lorsque l'animal est irrité, il comprime violemment ses glandes, et la liqueur empoisonnée peut être lancée assez loin par l'anus. Comme la moufette porte constamment la queue retroussée sur son dos, cette partie est, ainsi que le reste du pelage, à l'abri de son atteinte, d’où il résulte que l'animal lui-même n'a pas d'odeur, ou du moins en a une supportable. C'est ce qu'on à pu voir à la ménagerie, où l'on a conservé vivant, pendant quelque temps, un de ces ani- maux. « Dans les terres voisines du détroit de Magellan, dit le capitaine Wood, nous vimes un animal auquel nous donnàmes le nom de grondeur ou de sou/- fleur, parce qu'il ne voit pas plutôt quelqu'un, qu'il gronde, souffle et gratte la terre avec ses pieds de devant, quoiqu'il n'ait pour toute défense que son derrière, qu'il tourne d'abord vers celui qui l'approche, et d’où il fait sortir des excréments d’une odeur la plus détestable qu’il y ait au monde. » On lit dans Garcillasso de la Vega : «Il y a au Pérou beaucoup de petits renards parmi lesquels il faut remarquer ceux qui rendent une odeur insupportable ; ils entrent la nuit dans les villes, et quelque fermées que soient les fenêtres, on les sent de plus de cent pas; heureusement que le nombre en est petit, car sans cela ils empuantiraient le monde entier. » D'autres voyageurs disent que cette insupportable odeur est si forte, qu'elle se fait sentir à un quart de lieue à la ronde, et qu'elle suffoque tellement les chiens par lesquels on fait attaquer une moufette, qu'ils en sont malades pendant six heures. Si une goutte de la liqueur odorante tombe sur les habits de quelqu'un, ils en sont empestés pour plus de six mois, malgré toutes Les précautions que l'on peut prendre pour les désinfecter. « Quand cet animal, dit Kalm en parlant du fiskatte ou polecat, est chassé soit par les chiens, soit par l’homme, il court tant qu'il peut, et lors- qu'il se trouve trop pressé, il lance son urine contre ceux qui le poursuivent. L'odeur en est si forte, qu'elle suffoque ; s’il tombait une goutte de cette liqueur empestée dans les yeux, on courrait risque de perdre la vue... La plupart des chiens se rebutent et s’enfuient dès qu'ils en sont frappés... En 1749, il vint un de ces animaux prés de la ferme où je logeais ; c'était en hiver et pendant la nuit, les chiens étaient éveillés et le poursuivaient. Dans le moment il se répandit une odeur si fétide, qu'étant dans mon lit je pensai être suffoqué ; les vaches beuglaient de toute leur force. Sur la fin de la même année, il s’en glissa un autre dans notre cave ; mais il ne répandit pas la plus légère odeur, parce qu'il ne la répand que quand il est chassé ou pressé. Une femme, qui l'aperçut la nuit à ses yeux étincelants, le tua, et dans le moment il remplit la cave d’une telle odeur, que non-seulement cette femme fut malade pendant quelques jours, mais que le pain, la viande et les autres provisions qu'on conservait dans cette cave furent tellement infectés, qu'on ne put rien en garder, et qu'il fallut tout jeter 180 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. dehors. » J'ajouterai que, au Jardin des Plantes, les peaux seules de moufettes infectent pour plusieurs mois les armoires du cabinet où on les place; les glandes qui contiennent cette liqueur empestée, bien que plongées dans l’esprit- de-vin dans un bocal bien luté, et que le corps d’où on les a tirées soit venu lui- mème d'Amérique dans l’esprit-de-vin, se font sentir pendant plus d’un an dans le cabinet d'anatomie comparée. Cette odeur ressemble à celle du putois ren- forcée par un mélange d’odeur d'ail très-exaltée. On ne peut rien imaginer de plus désagréable. Et cependant, non-seulement les Américains mangent la chair de cet animal, après lui avoir enlevé ses glandes fétides aussitôt après sa mort, mais encore ils en élévent dans leur maison ou leur jardin pour en tirer les mêmes services que des chats, c’est-à-dire leur faire détruire les souris et les insectes. Ils parviennent même à les apprivoiser au point de s’en faire suivre comme des chiens. Avec la précaution de ne jamais les contrarier ni les battre, on n'est jamais incom- modé par la mauvaise odeur que cet animal n’exhale qu'à sa volonté, ainsi que nous l'avons observé. «On m'a envoyé de Surinam cet animal vivant, dit Séba, je l'ai conservé en vie tout un été dans mon jardin, où je le tenais attaché avec une petite chaîne. Il ne mordait personne, et lorsqu'on lui donnait à manger, on pouvait le manier comme un petit chien; il creusait la terre avec son museau en s’aidant des deux pattes de devant, dont les doigts sont armés d'ongles longs et recourbés ; il se cachait pendant le jour dans une espèce de tanière qu'il avait faite lui-même ; il en sortait le soir, et, après s'être nettoyé, il commençait à courir, et courait ainsi toute la nuit à droite et à gauche, aussi loin que sa chaîne lui permettait d'aller ; il furetait partout, portant le nez en terre. On lui donnait chaque soir à manger, et il ne prenait de nourriture que ce qu'il lui en fallait, sans toucher au reste; il n’aimait ni la chair, ni le pain, ni quantité d’autre nourriture ; ses délices étaient les panais jaunes, les chevrettes crues, les chenilles et les araignées. » Sous ce nom de moufette d'Amérique, on comprend un grand nombre d’ani- maux fort différents par leur pelage, et qui ont été si mal décrits par les voya- geurs, qu'il est impossible de décider si ce sont des espèces distinctes ou de simples variétés. Nous allons donner ici un extrait des recherches faites à ce sujet par Desmarest et G. Cuvier, afin d'engager les voyageurs à les compléter ou à les rectifier quand ils en trouveront l’occasion. 1° L'Isquiepatl d'Hernandès est marquée de plusieurs raies blanches, et se trouve au Mexi- que. 2° Le Polerat, ou Putois de Catesby,est mar- qué de neuf raies blanches; il est digitigrade. 5° Le Conepale de Buffon a six raies blan- ches. La figure le représente plantigrade. 4 Le Conepatl ou Vulpecula puerilis d’'Her- nandès n'a que deux raies blanches, se prolon- geant sur la queue. 5° Le Mapurilo de Mutis n’a qu'une raie et le bout de la queue blancs. 6° Le Chinche de Buffon est blanc en dessus, avec une ligne noire sur la croupe, et une queue touffue et longue. 1° La Mouette, prétendue de Bengale, de Catton, a des taches blanches à la tête, quatre raies blanches sur le dos, et une queue très- touffue, blanche et nuageuse. 8° Le Chinche de Feuillée a deux raies blan- ches qui s’écartent et finissent sur les côtés; sa queue est comme celle d’un renard. 9° Le Chinga de Molina est noir, avec une bande de taches blanches et rondes le long du dos, et la queue comme un écureuil. 10 Le Yagouare de d'Azzara est marqué de MARTES. deux raies blanches qui vont jusqu'à la queue. 41° Le Polecat, ou Skunk, ou Fiskalte, de Kalm, a cinq raies blanches. 12 Le Zorille de Gmelli Carreri est noir et blanc. 15° Le Mapurita ou Mafutitiqui de Gumilla est tout tacheté de noir et de blanc, avec une belle queue. 14° La Bête puante de Lepage Duprats, dont 181 le mâle est noir, et la femelle bardelée de blane. La figure la représente rayée en travers de blanc et de noir. 152 L'Ortohula de Fernandès est noir et blane, avec quelques parties fauves. 16° Le Tamazxtlla du même n'a pas de fauve, et il a quelques anneaux noirs et blancs à la queue. Tous sont de l'Amérique. On concoit qu'avec des renseignements aussi vagues, il était impossible aux naturalistes de reconnaître des espèces et de les déterminer. Cependant, on est parvenu à en décrire assez complétement cinq espèces, qui sont : Le Caixcue (Mephitis chincha, Less. Viverra mephitis, Guz. Le Chinche, Busr.) est d’un brun plus ou moins foncé, avec deux pelites taches blanches sur les épaules et sur le ventre; son front est marqué d’une bande longitudinale blanche; il a deux raies blanches excessivement larges sur le corps, et sa queue est fournie de très-longs poils blancs mélés d’un peu de noir. 11 habite le Chili. L’Arox ou ZorRa DE Quiro ( Mephitis quiten- sis, Less.) est noir, marqué de deux bandes blanches longitudinales ; ses oreilles sont petites, noires et tres-pointues; sa queue, d'un tiers moins longue que son corps, est blanche et noire, très-touffue. Il se trouve dans la province de Quito. La MourerTe pu Cuici (Mephitis chiliensis, Georr.) est d'un brun marron, avec deux raies blanches sur les côtés du corps, qui se réunis- sent derrière la tête pour former un croissant; sa queue est très-touffue, mélangée de blanc et de brun. Elle est du Chili. La MOourETTE INTERROMPUE ( Mephitis inter- rupla, RarivesQ.) est brune, avec deux raies courtes, blanches, occupant parallèlement la tête; huit raies de la même couleur se dessinent sur son dos, les quatre antérieures également et parallelement, les quatre postérieures dans un sens inverse. Elle habite la Louisiane. La MOurEeTTE MARUBITO ( Mephilis mapurito, Less. Virerra mapurito, Gui.) a le pelage touf- fu, d’un noir foncé, n'ayant sur le dos qu’une bande blanche; ses oreilles sont peu apparentes, ct sa queue est terminée par du blanc. Elle se creuse des terriers, vit de larves et d'insectes, et habite la Nouvelle-Grenade. Peut étre pourrait-on encore regarder les cinq suivantes comme des espèces distinctes : Le Cnixcs (Mephilis chinga) est noir, avec une bande de taches rondes et blanches le long du dos ; sa queue est longue, touffue et plate, comme celle d'un écureuil. Il habite les États- Unis. La Mourerre DE GumiLLA ( Mephilis Gumil- lœi ) est entièrement tachetée de noir et de blanc, avec une queue longue et touffue. Elle habite les États-Unis. La MourerrTe TRÈs-PUANTE (Mephitis fetidissi- ma) est à demi plantigrade comme les deux sui- vantes ; le fond de son pelage est noir ; elle a une ligne blanche sur le museau; tout le dessus du cou et du garrot est couvert d'une plaque blan- che au milieu de laquelle est un point noir ; cette bande se bifurque et forme de chaque côté une bande blanche qui va en s'écartant se terminer sur la cuisse; derrière chaque cuisse est une touffe blanche ; la queue est très-touffue, noire, avec un pinceau blanc à l'extrémité. Elle habite les États-Unis. La Mouwrerre pes Érars-Unis ( Mephilis oli- da) a, comme la moufette du Chili, une simple bande blanche sur l'occiput, d'où partent deux bandes longitudinales restant pleines jusqu’à l’é- paule ; depuis l'épaule une ligne blanche étroite et interrompue règne jusqu’au milieu du flanc, et se prolonge même un peu sur la croupe. Le fond de son pelage est noir, ainsi que sa queue, qui est longue, et se termine par un pinceau blanc. Elle se trouve aux États-Unis. La MourerTe DE New-Jensey (Mephitis pu- tida) diffère de la précédente en ce que la bande de l'occiput et ses prolongements longitudinaux atteignent à peine l'épaule. Les lignes des cô- tés manquent entièrement. Elle est des États- Unis. G. Cuvier penche à croire qu'il n'existe réel- lement que deux espèces de moufettes : l’une, à queue blanche, qui jusqu'à présent paraitrait plus commune dans l'Amérique méridionale ; l'autre, à queue noire, qui ne viendrait guère que de l'Amérique du Nord. Néanmoins, pour pouvoir décider quelque chose de positif sur ce sujet, il faudrait savoir, 1° si tous les individus de la même famille ont les couleurs ordonnées de la même maniere, c’est-à-dire si les individus transmettent identiquement à leurs enfants la méme robe; 2° si toutes les moufettes habitant une méme contrée portent la même livrée, ete. 182 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. 4e GEvre. Les ZORILLES (| Zorilla, Lsin. G£orr.) ont à peu près le même système den- taire que les putois; leur molaire tuberculeuse d'en haut est assez large; ils ont, comme eux, deux fausses molaires supérieures, trois infé- rieures. Leur museau est court; les ongles de leurs pieds de devant sont longs, épais, mais non pointus ; ils ne peuvent leur servir à grim- per, mais seulement à fouir la terre. Le ZoniLee ( Zorilla mustela. — Mustela 30- rilla, DEsu. Viverra zorilla, Gaec. Le Blai- reau du Cap, Kous. Le Zorille, Burr.i à plus d’un pied (0,525) du bout du museau à l’extré- mité de la queue, qui a huit pouces (0,217) à peu près de longueur; il est noir, avec plu- sieurs taches blanches sur la téte et des lignes blanches longitudinales sur le corps. en dessus, ou blanc avec des taches et des lignes noires. La première variété se trouve au cap de Bonne- Espérance, la seconde au Sénégal et sur les bords de la Gambie. Du reste, cet animal a le même genre de vie que les martes, à cela près que, ne pouvant grimper sur les arbres, il se creuse un terrier qu’il habite pendant le jour, et dans lequel il se retire à la moindre appa- rence de danger. 5° GENRE. Les MYDAS (Mydlaüs, Fr. Cuv.) ont le même système dentaire que les moufettes, mais ils en différent par leur queue presque nulle ou à l'état rudimentaire, par leur oreille externe, qui est nulle; par leur tête conique et allongée, terminée par un museau en forme de groin de cochon; leurs pieds antérieurs soût armés d'ongles très-grands, propres à fouir la terre. Le SrinckirD ou TÉLAGON (Mydaüs meliceps, FR. Cuv. Mephitis jaranensis, Lescuen. Le Stinchard des habitants de Sumatra. Le l'éla- gon des Javanais. La Mouette de Java) répand, dans les mêmes circonstances que les moufettes. une odeur tout aussi fétide. Son pelage, assez peu fourni, est brun, avec une tache blanche longitudinale sur J’occiput, se prolongeant sur le milieu du dos jusqu’à la queue, ou quelque- fois moins loin, d’autres fois en ligne inter- rompue, etc. Sa queue a au plus deux pouces (0,054 de longueur ; elle-est blanche à son ex- trémité. Cet animal habite Java et Sumatra. On ne connait pas ses habitudes ; mais, à en ju- ger par son organisation, elles doivent être les mêmes que celles des moufettes. 6° Genre. Les LOUTRES ( Lutra, Storr.) ont trente-six dents : six incisives, deux canines et dix molaires à chaque mâchoire ; leur têle est comprimée ; leur corps est très-long ; leurs jambes sont courtes ; leurs pieds palmés, et leur queue aplatie horizontalement ; leur oreille ex- terne est très-courte ; elles ont les yeux grands et de grandes moustaches. Ce sont des animaux qui tous vivent sur le bord des caux. MARTES. 183 La Lontre. La LOUTRE D'EUROPE |Lutra vulgaris, Erxz. Mustela lutra, Lix. La Loutre, Burr. L'Enhydris des anciens auteurs grecs) À deux pieds (0,650) de longueur ; elle est d’un brun foncé en dessus, d'un gris brunäâtre en dessous, avec la gorge et l'extrémité du museau d’un gris clair. On en trouve des variétés accidentelles tachetées de blanc; mais ces individus sont fort rares. Cet animal nage et plonge avec une extrème facilité, et développe, dans les eaux, une agilité surprenante qu'il est bien loin d’avoir sur la terre, où il ne marche pour ainsi dire qu'en rampant, à cause de la brièveté de ses pattes. Le jour, il se tient à proximité de sa retraite ou caché dans quelque buisson épais peu éloigné de l’eau, dont jamais il ne quitte les bords. Il à l’ouie, l'odorat et l'œil excellent, et au moindre bruit il s'élance dans les ondes, plonge à une pro- fondeur suffisante pour dérober sa trace, nage entre deux eaux, et regagne ainsi sa retraite, quelquefois à une assez grande distance, sans reparaître à la surface. Si par hasard on l’a surprise loin du trou qu'elle habite ordinairement, la loutre se cache sous des racines ou des herbes épaisses, reste le corps entièrement plongé dans l’eau, et n’éléve à la surface, pour respirer, que le bout de son nez qu'elle a soin de cacher sous une large feuille de nymphéa ou d'autre plante. Elle demeure immobile, dans cette attitude, jusqu'à ce qu’elle soit assurée de l'éloignement de l'individu qui l'inquiétait. Elle se plaît de préférence dans les pays solitaires et un peu montagneux, le long des petites rivières qui nourrissent des écrevisses, des truites et d’autres poissons, mais toujours à proximité des etangs, où elle va de temps à autre faire des excursions désastreuses. Elle s’y 181 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. rend la nuit, cherche d'abord un trou ou fourré dans lequel elle pourra se ca- cher pendant le jour; puis, si elle trouve une retraite qui lui convienne, elle y établit son domicile pour plus ou moins longtemps, selon qu'elle y est plus ou moins inquiétée. Chaque nuit elle pêche, et l'on peut calculer qu’un seul de ces animaux peut détruire de cent à cent cinquante carpes par an dans un grand étang. Si elle rencontre un simple vivier, auprès duquel elle ne peut établir son domicile à cause de la proximité d’un village ou d’une ferme, elle agit alors comme le putois; c'est-à-dire qu'elle commence d’abord par tuer tout le pois- son qu'elle y trouve, puis ensuite elle en emporte autant qu’elle peut. Lors- qu'elle s’est établie sur le bord d'une grande rivière, ce qui arrive souvent, elle devient redoutable pour les pêcheurs, non-seulement parce qu’elle ruine leur pêche en détruisant le poisson, mais encore parce qu’elle manque rarement de couper leurs lignes et de trouer leurs nasses et leurs filets quand ils sont obli- gés de les laisser tendus pendant la nuit. Elle reste fort longtemps sous l’eau sans avoir besoin de venir respirer, mais cela n'empêche pas qu’elle se noie quelquefois lorsqu'elle à pénétré dans une nasse d'osier, et que le temps lui manque pour en couper les barreaux avec les dents. Comme on le voit, la loutre se nourrit le plus ordinairement d’écrevisses et de poissons; mais elle attaque aussi les rats d'eau, les mulots, les petits oi- seaux, ete. Elle cherche dans les roseaux les nids de canards, de sarcelles, de bécassines, et en mange les œufs; elle se jette sur les grenouilles, les couleuvres et autres reptiles; mais pour tout cela elle ne s'en contente pas moins d'herbe tendre, d’écorce et de jeunes bourgeons, quand les proies vivantes viennent à lui manquer. Elle devient en chaleur en hiver, et met bas, en avril, trois ou quatre petits, qu'elle allaite pendant deux mois, et qu'elle abandonne ensuite. Elle ne se creuse pas de terrier, comme on l'a dit; mais si elle en trouve un tout fait, elle s'en empare volontiers, et y loge ses petits sur un nid de büchettes et de foin. Le plus ordinairement elle se loge dans une vieille souche d’aune, de saule ou de peuplier, quelquefois dans un trou de rocher, une pile de fagots, ou le premier trou venu. C’est là qu'elle porte sa pêche ou sa chasse pour la manger avec tranquillité et à l'abri de tout danger ; mais elle ne tient pas tant à son domicile qu'elle ne le quitte pour toujours et aille en chercher un autre à une grande distance, pour peu qu'on l'y ait inquiétée. La loutre à une singulière habitude, celle d'aller chaque nuit sur la grève, au même endroit, faire ses ordures auprès d’une pierre blanche que le hasard aura placée sur le sable. On reconnait ses fumées aux débris d'arêtes de pois- sons et de test d'écrevisses qu'elles contiennent. Les chasseurs, qui connaissent cette habitude, vont s'embusquer à vingt pas de cette pierre, l’attendent au clair de la lune, et manquent rarement de Fy voir venir et de la tirer. S'ils ne la tuent pas roide, elle est perdue pour eux, car elle se jette dans la rivière, et se sauve entre deux eaux. Si elle se sent mortellement blessée, elle plonge, s’ac- croche au fond à quelque racine, se laisse noyer et ne revient plus sur l’eau. La loutre donne rarement dans les piéges qu'on lui tend ; aussi le meilleur moyen de la détruire est de lui faire une chasse active au fusil. Lorsque, dans les prés qui bordent les rivières, le foin est assez haut pour cacher ces animaux, ils aiment à s'y promener le matin pour poursuivre les rats, les mulots, les gre- MARTES. 185 nouilles, ete. Si le ciel est serein et que le soleil soit chaud, ils s’y couchent vo- lontiers, et s'y endorment pendant quelques heures de la matinée. Le chasseur arrive en silence dans le pré où il les soupconne, et suit le long de la rivière pendant que son chien bat le pré à côté de lui, à trente pas de distance. La loutre, qui l'entend, part aussitôt pour regagner l’eau, et passe nécessairement à portée de fusil. Buffon a dit que la loutre ne s’apprivoise jamais, et en cela il se trompe com- plétement. J'en ai vu une qui a vécu pendant deux ou trois ans au château de Pramenoux ; elle suivait et caressait la domestique qui lui donnait habituellement sa nourriture ; elle sortait et se promenait seule, rentrait de même, allait tous les jours se laver dans le bassin d'une fontaine qui jaillissait au fond d’une grande cour, dormait au coin du feu de la cuisine pendant tout l'hiver, et s’en était tellement emparée, qu’elle en chassait les chiens et les chats. Quelquefois, elle s’échappait la nuit pour aller pêcher dans un petit étang très-voisin du chà- teau; elle rentrait par les chatières, trous qu'on est dans l'usage, dans ce pays, de faire aux portes pour livrer passage aux chats; le lendemain matin des débris de poissons trouvés dans la cuisine dénonçaient son vol et prouvaient qu'elle venait dévorer sa proie à la place où on lui donnait ordinairement sa nourri- ture. Elle s’était fort bien accoutumée à manger les restes de table, le pain trempé dans du lait, et même la soupe des chiens. M. Isidore Geoffroy cite également l'exemple d’une loutre qui avait été apprivoisée par un paysan, et qui le suivait comme un chien. La loutre n’est très-commune nulle part, au moins à présent; mais on la trouve dans presque toute l’Europe. Sa fourrure, surtout celle d'hiver, sans ètre d’un très-grand prix, a cependant de la valeur, surtout depuis quelques années qu'on l'emploie beaucoup dans la chapellerie. Sa chair, que l’on mange les jours maigres, est assez bonne, mais elle à une forte odeur de poisson qui ne plait pas à beaucoup de personnes. La LouTre pu KauTscuaTsA (Lutra lulris, lion des poils; sa tête, sa gorge, le dessous de Georr. Mustela Llutris, Lin. Lutra marina, son corps et le bas des membres antérieurs sont Eaxz. Mustela hudsonica? Lacér. Lutra cana- d’un gris brunätre argenté; elle a Ja queue densis? Fr. Cuv.) a presque trois pieds et demi courte et grosse, et ses pieds de derrière sont (1,157) de longueur ; elle est d’un brun mar- très-courts, On en trouve une variété à tête ron lustré, changeant de nuance selon la posi- blanche. Cette espèce est aussi quelquefois appelée saricovienne, quoique ce nom ne convienne qu'à la loutre d'Amérique (Lutra brasiliensis). On la trouve non- seulement au Kamtschatka, mais encore dans tout le nord de l'Asie et de l'Ameé- rique, surtout à la côte sud-ouest, et sur les bords des petites îles qui bordent les côtes. Elle n'habite pas les eaux douces, comme notre loutre d'Europe, mais seulement les rivages de l'Océan, et ceux des grands lacs salés qui communi- quent avec la mer. Sa fourrure est une des plus précieuses que l’on connaisse, et elle est tellement estimée par les Chinois, qu'ils la payent un prix considé- rable, surtout dans de certaines années. Cette magnifique fourrure est garnie de trés-peu de poils soyeux; elle est principalement composée de poils épais, laineux, particulièrement à la partie supérieure du corps, où ils sont veloutés. 2, 186 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. Par son éclat, sa douceur, son moelleux, cette pelleterie l'emporte sur toutes les autres. Chaque année, les Américains, les Russes et les Anglais se rendent sur les côtes où cette loutre abonde ; ils achètent aux naturels du pays toutes les peaux qu'ils peuvent en tirer, et les portent ensuite vendre, avec d'énormes bénéfices, en Chine ou au Japon. Ces voyageurs racontent que cette loutre vit par couple, et que la femelle, après une gestation de huit à neuf mois, ne met bas qu'un seul petit. Ce peu que l’on sait de l'histoire de cet animal a besoin d'être confirmé par de nouvelles observations. La LOUTRE DE LA GUYANE ( Lutr'a enudris, FR. Cu.) a trois picdset demi (1,157: de longueur, la queue comprise, et celle-ci forme à peu près le tiers de la longueur totale; elle est d’un brun clair en dessus, plus pâle en desious, avec la gorge et les côté: de la face jusqu'aux oreilles presque blanes. On la trouve sur les bords des grands fleuves de la Guyane. La LOUTRE DE LA CAROLINE ( Lutra lataxina. Fr. Cuv.) est un peu plus grande que la loutre de la Guyane; son pelage est d’un brun noirà- tre en dessus, moins foncé en dessous ; la gorge, l'extrémité du museau et les côtés de la têle sont grisätres. Dans cette espèce, des poils longs et soyeux recouvrent le laineux. On la trouve dans la Caroline du Sud. La LouTRE DE LA TRINITÉ ( Lutra insularis, Fr. Cuv.) a deux pieds trois pouces de longueur (0,751), ct sa queue a dix-huit pouces 10,487); son, pelage est court et (rès-lisse, d'un brun clair en dessus; d’un blanc jaunâtre en dessous, sur la gorge, la poitrine et les côtés de la tête. Elle habite l'ile de la- Trinité. La SARICOVIENNE Où CARIGUEBEYU ( Lutra bra- Siliensis, GEorr. Mustela lutris brasiliensis, Lin. La Saricovienne de La Guyane, Burr. est plus grande que la loutre d'Europe ; son pelage est d'un brun fauve, un peu clair sur la tête et le cou, plus foncé à l'extrémité des membres et de la queue, avec la gorge et Fextrémité de la queue d’un blane jaunâtre ; ses narines sont nues sur leur contour, mais elle manque de mufle. Elie habite la rivière de la Plata, et Thevet dit que sa chair est très-délicate, fort bonne à man- ger. : Le BanANG-BananG (Lutra barang, Fr. Cuv.) a un pied huit pouces (0,542 de longueur, et sa queue à huit pouces (0,217). Son pelage est rude, d'un brun sale en dessus, un peu plus pâle en dessous; sa gorge est d'un gris brunâtre ; ses poils laineux sont d’un gris brun sale. I] habite Java et Sumatra. Le Simunc ( Lutra simung, Rarr. Lutra per- spicillata, Is. Georr.) est un peu plus grand que le barang-barang ; son pelage est moins long, plus lisse et plus doux ; il est d'un brun foncé, plus clair et un peu roussâtre en dessous : il a la gorge, les côtés de la tête et le tour des yeux blanchätres, avec le menton blanc. 11 habite Sumatra. Le NiR-Navi ( Lutra nair, Fr. Cuv.) a deux pieds quatre pouces (0,758). de longueur, non compris la queue, qui a dix-sept pouces (0,460). Son pelage est assez court, d'un châtain foncé en dessus, plus clair sur les côtés du corps; d'un blanc roussâtre en dessous, ainsi que sur la gorge, les côtés de la tête et du cou, et le tour des lèvres; le bout de son museau est roussâtre, et il a deux taches de la même cou- leur, l’une en dessus, l’autre en dessous de l'œil. Il habite les Indes, dans les rivières autour de Pondichéry. 1° Genre. Les LATAXES (Latax, ARISTOTE?) ont une formule dentaire qui n'est inconnue. Ils ont les formes générales des loutres; mais leurs pieds de devant, non aplatis ni élargis, ont les doigts velus, épais, armés d'ongles ai- gus, ayec la paume nue, tandis que ceux de derrière sont en forme de rames plates, absolu- mont semblables à ceux des phoques si ce n’est qu'ils sont libres. Le Laraxe DE SreLcer (Latax Stelleri.— Lu- tra Stelleri, Less. Lutra marina, Srez.) est de la taille d’un chien médiocre; son pelage est épais, d’un noir brunâtre ou marron; sa queue est courte, large, pointue. Elle habite les terres voisines du pôle boréal, et vit sur les bords de la mer; elle se nourrit de crustacés et de pois- sons, et passe la plus grande partie de son temps dans l'eau. Il paraît que ses habitudes sont mixtes entre celles des loutres et des phoques. Il faudra probablement, quand on connaïitra mieux ce genre, le reporter à la tête de la fa- mille de ces derniers. 8° Genre. Les AONYX (Aonyx, Less.) ont les mêmes caractères génériques que les loutres, mais ils en différent par la forme des pieds et par les doigts à peine réunis par une mem- brane; le second doigt paraît soudé au troisième sur toute la première articulation; ils sont tous les deux plus allongés que les suivants, et tous les doigts sont privés d'ongles, ou un vestige d'ongle rudimentaire est seulement observé au second et troisième doigts des pieds postérieurs. MARTES. 187 L'Aowyx DELALANDE ( Aonyx Delalandi, Less. tête est d’un gris brunätre, et le dessous du Lutra inung'as, G. Cuv. La Loutre du Cap) a corps d'uu blanc assez pur. Il habite le pays deux pieds dix pouces (0,921) de longueur, non des Hottentots, au cap de Bonne-Espérance, et compris la queue, qui a vingt pouces (0,542); vit de poissons et de crustacés qu'il pêche dans son pelage est épais, doux, d’un brun châtain, les étangs salés du bord de la mer. Du reste, plus foncé sur la croupe, les membres et la ses habitudes sont semblables à celles de notre queue, plus clair sur les flancs; le dessus de la loutre. ISS LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. Le Chien de Poméranie, LES CHIENS. Ils ont deux dents tuberculeuses plates der- rière la carnassière supérieure; celle-ci a un lalon assez large. Ils ont tous un petit cœcum. ir Genre. Les CHIENS (Canis. Lin.) ont quarante-deux dents : six incisives et deux ca- uines en haut et en bas; douze molaires à la mâchoire supérieure, et quatorze à la mâchoire inférieure; les deux molaires tuberculeuses sont placées derrière chaque molaire carnassière, et la première tuberculeuse supérieure est fort grande; leur langue est douce; ils ont cinq doigts aux pieds de devant, et quatre aux pieds de derrière, munis d'ongles non rétractiles ; enfin la pupille de leurs yeux est ronde. 1° LES CHIENS DOMESTIQUES. Le CHIEN DOMESTIQUE ( Canis fanuliaris, Lin.) Ne se distingue du loup, du chacal et autres variétés sauvages, que par sa queue toujours plus ou moins recourbée, tandis que dans les autres elle est constamment droite. Du reste, il varie de mille manières pour la taille, les cou- leurs et même les formes. La question de savoir si le chien domestique vient du loup et du chacal a beaucoup occupé les anciens naturalistes. Aujourd’hui que l’on sait que le chien, le loup et le chacal sont trois variétés dans la même espèce, puisque par le croisement ils produisent des individus capables de se reproduire eux-mêmes, cette discussion serait tout à fait oisive, et sa solution de nulle importance. Elle se bornerait à nous apprendre quelle est la variété qui est venue la pre- miere. Mais, d’ailleurs, il n’est pas possible d'obtenir cette solution, puisque l’on trouve, mème en France, parmi les animaux perdus, dont il ne reste que les squelettes fossiles, une douzaine d'espèces de chiens qui ont plus ou moins d'analogie avec plusieurs des races qui existent aujourd’hui, et qui ont peuplé la terre avant l'homme, dans les époques antédiluviennes. LL. nm 2 si HOMO ne. de D L LES CHENILS. (fardin des Plantes.) CHIENS. 189 Le chien !... A ce nom il n'est pas un homme qui n'ait un souvenir agréable ou touchant, celui d'un gai compagnon des jeux de son enfance, d'un gardien sûr et vigilant à la maison, d'un aide indispensable à la chasse, d’un guide ou d'un éclaireur dans un voyage, d'un défenseur intrépide dans le danger, d’un sauveur quelquefois, mais toujours d'un ami désintéressé, aussi dévoué que fidèle, prêt à partager avec le même empressement les misères ou les joies de son maitre. Le chien n'a qu'une pensée, qu'un besoin, qu’une passion, c’est. l'affection ; il faut qu'il aime ou qu'il meure. Pour témoigner son amour à celui qui l'a eleve et dont il a reçu les premières caresses, il est capable de tous les dévouements les plus sublimes : les dangers, la fatigue, la faim, les intempéries de l'air, les privations de tous genres, ne sont rien, s’il les supporte avec lui ou pour lui. Par ses caresses, il console le malheureux qui, sans son chien, n'aurait pas un ami sur la terre ; il peuple, il embellit la solitude de son obscur réduit ; il occupe son cœur, et l’aide à traverser une misérable vie oubliée par les hommes ; il l’encourage, et semble l'aimer d'autant plus qu'il est plus opprimé par l’adversité. Dans ses durs travaux, il l’aide mème au delà de ses forces; il s'excède à tirer une voiture, à tourner la roue d’un soufflet de forge, à main- tenir l'ordre dans un troupeau; il fait ses commissions à la ville, et lui évite mème la honte de la mendicite, en tendant pour lui une écuelle de bois aux passants. Il n’est jamais plus heureux que lorsqu'il croit se rendre utile, qu'il recoit un sourire pour l’encourager, et une caresse pour son salaire. C’est alors surtout qu'il déphie cette admirable intelligence qui le met tant au-dessus des animaux, et qui ne le cède qu’à l’homme, à l'homme qui serait un être parfait s'il avait les qualités morales du chien. Pour défendre son maître, le chien ne connaît ni crainte ni danger, et fût-il sûr de périr dans la lutte, il s’élance avec intrépidité, attaque avec fureur, et ne cesse de combattre de toutes ses forces, de tout son courage, qu’en cessant de vivre. II le défend contre les animaux féroces dix fois plus forts que lui; contre les brigands qui menacent ses jours, et il vit pour le venger, s’il n’a pu le dérober aux meurtriers; il veille sur lui s’il est blessé, et ne le quitte que pour aller chercher du secours; il le sauve des flots qui allaient l’engloutir; il le réchauffe de son haleine, de son corps, après s'être volontairement enfoncé avec lui dans les abimes de neige; enfin il oublie l'instinct de sa propre con- servation pour ne penser qu'à la conservation de celui qu'il aime. Quand il s'agit de son maître, de celui auquel il a voué son existence entière, rien ne lui est indifférent; il ne sent que par lui et pour lui, et partage tout sans hésiter : haines et affections, joies et chagrins, fortune et pauvreté. For- lune! non, car il n'exige rien en retour de son dévouement; et ordinaire- ment le chien de l'homme dont la richesse a rétréci le cœur est plus mal nourri, plus maltraité que celui du pauvre, abandonné qu'il est à des valets. Le chien se plaît où son maître se plaît, quitte sans regret les lieux qu'il aban- donne, et, avec lui, passe gaiement de la cuisine du prince au baquet de la gargote. Il caresse les vieux parents, et vient dormir à leurs pieds ; il aime la femme ; il protége les enfants, et joue bien doucement avec eux; en un mot, il ne vit que de la vie de son maitre; et si la cruelle mort vient le lui arracher, il se traine sur son tombeau, S'y couche et v meurt de tristesse et de douleur. 190 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. Aussi généreux qu'aimant, il supporte avec patience l’ingratitude et les mau- vais traitements dont trop souvent on paye ses services et son affection. Si on le gronde, il s’humilie ; si on le frappe, il se plaint, il gémit; son œil suppliant, si doux, si expressif, demande grâce pour une faute que parfois il n’a pas com- mise. Il se traîne aux pieds de son brutal tyran, lui lèche les mains, tente de l'attendrir, de désarmer sa colère, mais jamais il ne cherche à repousser l’agres- sion par l'agression, la force par la force, quelles que soient l'injustice et la bar- barie de son supplice; et s'il se sent blessé mortellement, en mourant, son dernier regard est encore un regard de pardon et de tendresse. Bernardin de Saint-Pierre à dit que c’est être à moitié anthropophage que de manger le chien, et je partage tout à fait cette opinion. Je crois aussi que l’homme qui n'aime pas les animaux, qui reste insensible à tant d'affection ou de services rendus avec désintéressement, qui n’a pas pitié de leurs douleurs, de leurs souffrances physiques, est plus brute qu'eux, et ne fera jamais ni un bon citoyen, ni un bon père de famille ; je crois que les hommes n'ont rien à attendre de lui que le plus froid égoisme. Qu'on n'aille pas croire que dans ce que je viens de dire de ce noble et bon animal, il y ait de l’exagération; je n'ai pas écrit une seule phrase que je ne puisse justifier par des faits nombreux, et je terminerai par une citation de Buffon qui complétera le portrait : « Le chien, indépendamment de la beauté de sa forme, de la vivacité, de la force, de la légèreté, a par excellence toutes les qualités intérieures qui peuvent lui attirer les regards de l’homme : un naturel ardent, colère, même féroce et sanguinaire, rend le chien sauvage redoutable à tous les animaux, et cède dans le chien do- mestique aux sentiments les plus doux, au plaisir de s'attacher et au désir de plaire... Plus docile que l’homme, plus souple qu'aucun des animaux, non- seulement le chien s’instruit en peu de temps, mais même il se conforme aux mouvements, aux manières, à toutes les habitudes de ceux qui lui commandent; il prend le ton de la maison qu'il habite ; comme les autres domestiques, il est dédaigneux chez les grands et rustre à la campagne; toujours empressé pour son maître, et prévenant pour ses seuls amis, il ne fait aucune attention aux gens indifférents, et se déclare contre ceux qui par état sont faits pour impor- tuner : il les connaît aux vêtements, à la voix, à leurs gestes, et les empêche d'approcher. Lorsqu'on lui à confié, pendant la nuit, la garde de la maison, il devient plus fier et quelquefois féroce; il veille, il fait sa ronde; il sent de loin les étrangers, et pour peu qu'ils s'arrêtent ou tentent de franchir les barrières, il s'élance, s'oppose, et, par des aboiements réitérés, des efforts et des cris de colère, il donne l’alarme, avertit et combat. Aussi furieux contre les hommes de proie que contre les animaux carnassiers, il se précipite sur eux, les blesse, les déchire, leur ôte ce qu’ils s’efforçaient d'enlever; mais content d’avoir vaincu, il se repose sur les dépouilles, n’y touche pas, même pour satisfaire son appétit, et donne en même temps des exemples de courage, de tempérance et de fidélité. » Quelques-uns de nos jeunes écrivains, probablement pour dire du nouveau, ce qui n'est pas aisé, viennent d'élever la voix contre l'opinion de Buffon, et d'imprimer que le chien n’est que le modèle parfait de l’esclave abject dont le cœur avili se plaît dans la servitude ; ceux-là ne comprendront jamais l'amour CHIENS. 191 ni le dévouement. Mais ce qu'il y a de plus singulier, c’est que le chien, déclaré propriété par nos lois, est mis, sans réclamation, hors la loi par un préfet de police de Paris ou par un maire de village. Sans respect pour la propriété, s'appuyant sur un vieux préjugé qui a été cent fois renversé par la science, et faisant même tout ce qu'il faut pour amener l'hydrophobie qu'ils prétendent éviter, ils font semer de l’arsenic et de la noix vomique sur la voie publique, au risque d'empoisonner, non pas toujours des chiens, mais des enfants, ce qui, prétend-on, est arrivé plus d'une fois. En effet, le chien est sujet à une ma- ladie terrible, la rage; mais les plus habiles vétérinaires de l’Institut et de l'école d’Alfort ont fait, pendant plusieurs années, de nombreuses et cruelles experiences pour connaître les causes du développement de cette maladie; et ils ont positivement reconnu que cette cause n'est ni dans la chaleur atmosphé- rique, ni dans la soif par manque d’eau, mais uniquement dans une privation longue et totale de la réunion des sexes. La chienne porte soixante-trois jours, et fait de quatre à huit petits, quelquefois jusqu’à douze. La durée ordinaire de la vie, dans ces animaux, est de douze à quinze ans. Cependant il n’est pas rare d'en trouver qui atteignent vingt ans, et j'en ai vu un qui en à vécu vingt-cinq. Le chien à suivi l’homme sur tous les points de la terre, et a dû, comme lui, éprouver les influences des divers climats; outre cela, soumis à la plus antique des domesticités, il en a subi les conséquences. Aussi n'est-il pas d'animal connu qui fournisse des races plus variées et mieux caractérisées, et peut-être plus constantes quand on veut les conserver pures. Nous ne citerons ici que les principales, reconnues par les naturalistes. LES MATINS 4° Le Marin oRniNaIRE ( Canis laniarius, Lin. Le Mätin, Burr.) est de grande taille; il a la queue relevée; son pelage est assez court, d'un fauve jaunâtre, quelquefois blanc et noir ; le nez un peu allongé et constamment noir. Quoique de taille assez légère, il est robuste et coura- geux. On s’en sert à la garde des fermes. 2 Le Graxp Danois { Canis danicus major. Le grand Danois, Burr.) est le plus grand de tous les chiens ; il tient un peu du mätin, mais il a les formes plus épaisses, le museau plus gros et plus carré, et les lèvres un peu pendantes. Son pelage est constamment d’un fauve noiräâ- ire, rayé transversalement de bandes à peu près disposées comme celles du tigre. Quoique bon de garde, c’est peut-étre de tous les chiens le plus inoffensif. 3° Le Danois (Canis danicus, Desx. Non le grand Danois de Burron ) est un peu plus mince et plus léger que le mälin, dont il atteint sou- vent la faille; son pelage est ordinairement blanc, marqué de taches arrondies, pelites et nombreuses; sa queue est gréle, relevée, re- courbée ; ses yeux ont souvent une partie de l'iris d’un blanc de porcelaine. Purement de luxe, il était de mode autrefois de le faire cou- rir devant les chevaux des carrosses. Le PeriT Danois ( Canis variegatus, Lan.) en est une sous-variété, plus petite, plus trapue, à front plus bombé et à museau plus pointu. 4 Le Levrier ( Canis grajus, Lin. est le plus svelte, le plus léger de tous; son museau est pointu, fort allongé; son abdomen très-rétréci ; ses jambes tres-longues et très menues; son pe- lage est ordinairement lisse. On en compte plu- sieurs sous-variétés, savoir : Le grand Lévrier, à pelage d’un gris ardoisé ou d’un gris de souris, ordinairement court et lisse, quelquefois assez long et hérissé. On l’em- ploie à la chasse du lièvre, qu'il atteint à ln course; mais il n’a pas d’odorat et fort peu d'intelligence ; Le Lévrier d'Irlande ; Le Lévrier de la haute Écosse ; Le Lévrier de Russie ; Le Lévron ou Lévrier d'Italie ( Le Canis italicus, Lan.) ; Le Lévrier chien-turc. 5° Le CBIEN DE BERGER (Canis domesticus, Lin.), semblable au mâtin, mais à oreilles cour- 192 tes et droites, queue horizontale ou pendante, pelage long, hérissé, noir ou noirätre. Il est plein d'intelligence, surtout pour la garde des froupeaux. Après ces variélés indigènes, on peut placer les chiens exotiques suivants : 6° Le Dinco où Gien DE LA NOuvELLE-Hot- LANDE ( Canis Australasiæ, Fr. Cuv.— Desm.), à pelage très-épais, fauve en dessus, plus pâle en dessous; le poil extérieur soyeux, celui de dessous plus fin et duveteux ; sa queue est touf- fue. Cet animal misérable a peu d'intelligence, parce que les habitants ne l’élèvent guère que pour le manger, et l’élèvent en conséquence. 7° Le Wau (Canis himalayensis) a le mu- seau pointu et la tête allongée; ses oreilles sont droites et pointues; ses poils extérieurs sont bruns et soyeux, les intérieurs cendrés et lai- veux; il est d’un gris cendré sous la gorge, avec deux taches noirâtres sur les oreilles ; sa queue est touffue On le trouve dans les mon- tagnes de l'Himalaya. LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. 8" Le Pourz, ou CHien DE LA Nouvezcr-Tn- LANDE (Canis Novæ-Hiberniæ , Less.) est de moilié plus petit que celui de la Nouvelle- Hollande; son museau est pointu; ses oreilles courtes, droites et pointues ; ses jambes grèles ; son pelage ras. brun ou fauve. Il est hardi, courageux et vorace. Les habitants, qui l'clè- vent pour le manger, le nourrissent avec la plus grande facilité, car il mange de tout. 9° Le Quao ( Canis quuo, Harnw.) a beau- coup d’analogie avec le chien de Sumatra, mais ses orcilles sont moins arrondies, et sa queue est plus noire. On le trouve dans les montagnes de Ramghur, dans l'Inde, où il paraît vivre à l'état sauvage. 10° Le Cuwien DE SumarTRa ( Canis sumatren- sis, Harpw.) a le nez pointu, les yeux obliques, les oreilles droites, les jambes hautes, la queue pendante et très-touffue, plus grosse au milieu qu’à sa base; il est d’un roux ferrugineux, plus clair sur le ventre. I vit à l’état sauvage dans les forêts de Sumatra. LES ÉPAGNEULS. 119 L'ÉPaGNEUL FRANÇAIS (Canis extrarius, Lin.) a les oreilles larges, longues, tombantes, terminées par de longs poils soyeux ; ses jambes sont assez courtes; son pelage est long et soyeux, ordinairement mêlé de blanc et de brun mar- ron. Il est excellent pour la chasse de plaine et pour le marais, mais il craint beaucoup la cha- leur, et ne jouit de toute la finesse de son nez que le matin et le soir. 11 s'attache beaucoup à son maitre. Il a pour sous-variétés : Le petit Épagneul : Le Gredin (Canis breripilis, Lin.); Le Pyrame ; F Le Bichon ( Canis militæus, Lan.) ; Le Chien-lion ( Canis leoninus, Lax.); Le Chien de Calabre. Toutes ces variétés sont très-petites, ont peu d'intelligence, mais beaucoup d'affection pour leurs maitres. Ce sont des chiens d'apparte- ment. 122 L'ÉPAGNEUL ANGLAIS ( Canis extrarius bri- tannus), comme l’épagneul français, mais à pe- lage plus soyeux, plus long, entièrement noir, avec une tache de fauve rouge sur chaque œil. Il a pour la chasse les mêmes qualités, mais moins d’ardeur. 15° L'ÉPacneuz Écossais ( Canis extrarius scoticus). 11 diffère de l’épagneul français par ses formes plus légères, plus élancées ; par ses oreilles pendantes, mais plus petites et plus haut placées ; par sa queue en panacbe, plus relevée et plus courbée; enfin par ses jeux jaunes et son nez rose. Son pelage est constamment blanc, avec de larges taches blondes. 11 est excellent pour la chasse en plaine, mais il est tres-déli- cat. 14° Le Banger ou CaNICuE ( Canis aquaticus, Lan.) a les oreilles larges et pendantes, les jam- bes courtes, le corps trapu; le museau épais, peu allongé; le pelage très-long, frisé et un peu laineux, noir ou blanc, ou mêlé de ces deux couleurs. C’est le plus fidèle et le plus intelli- gent des chiens. II a deux sous-variétés, qui sont : Le petit Barbet; Le Barbet griffon ou Chien anglais. 15° Le Cnien De TERuE- NEUVE ( Canis aqua- tilis) n’est probablement qu’un ancien croise- ment du mâtin et du barbet. 11 est au moins de la taille du premier, mais plus épais; il a le museau nu, gros et assez allongé ; les oreilles pas très grandes, maïs pendantes et soyeuses comme celles de l’épagneul ; le pelage soyeux, très-long, ondulé, blanc et noir ; la queue re- courbée, relevée en beau panache. Il se plait à aller dans l’eau pour en retirer les objets qui flottent à sa surface, mais on a beaucoup exa- géré cette qualité. Il est aimant, fidèle, et sus- ceptible d’une certaine éducation. 10° Le Gnirron ( Canis arectus), de la taille du plus grand barbet, mais à forme moins lourde. Son pelage est rude, hérissé, peu épais, ordinairement d’un fauve roux ou noirâtre, quelquefois grisâtre, rarement blanc. C’est un métis du courant et du barhet. 11 est bon à la chasse du lièvre. Rarement il s'attache beau- coup à son maître, et ses manières sont rudes et grossières. 17° Le Cie couranT (Canis gallicus, Lin): CHIENS. Il a le museau gros et long ; les oreilles {rès- larges, très-longues et très-pendantes ; les jam- bes robustes, assez longues ; le corps gros et al- longé ; la queue mince et relevée; le pelage ras, court, blanc mélé de noir, ou, mais très-rare- ment, entièrement noir, ou mêlé de blanc et de fauve. Il est excellent pour la chasse du lièvre, du cerf, du sanglier, etc. ; mais il est brutal, égoïste, et n’a aucun attachement pour son maitre. 18° Le Cuien BRAQUE (Canis avicularius, Lix.) a les oreilles plus courtes et moins larges que le précédent ; le museau plus épais et plus court; le corps moins allongé; la poitrine plus large, les jambes quelquefois plus longues, le pelage ras, blanc, avec des taches toujours d’un brun marron plus ou moins foncé, et jamais noires. 11 a de l'intelligence, de l'attachement pour son maitre, et les passions très-vives. 11 est excellent pour la chasse de plaine, et craint peu la chaleur; mais dans les marais, il est sujet à prendre des douleurs. Le Braque à nez fendu en est une variélé qui ne le vaut pas à la chasse. 19° Le BRAQUE DE BENGALE ( Canis avirula- rius bengalensis) a le nez un peu moins épais, les jambes plus hautes, le corps un peu plus svelle; son pelage est constamment blanc, avec de grandes taches de brun marron, et de nom- breuses mouchetures d'un brun grisätre; il a sur les yeux, et souvent sur les pattes de devant, des petites {aches d’un fauve rouge vif. Il a les mêmes qualités que le braque. 20° Le BASSET À JAMBES DROITES ( Canis ver- tagus, Lix.) a les oreilles et la tête comme le chien courant, mais le museau plus fin et plus allongé ; son corps est très-long, ainsi que sa queue ; ses jambes sont grosses et fort courtes ; son pelage est ras, ordinairement brun ou noir, 193 ct, dans ce dernicr cas, il est marqué de feu sur les yeux et les quatre pattes. Il n’est ni at- taché ni fidèle. On s’en sert pour la chasse du blaireau, du lapin et du levreau. Le Basset à jambes torses ne diffère du pré- cédent que par ses proportions moins grandes, et ses jambes contrefaites et tordues. Le Basset de Burgos en est une sous-variété plus petite. 21° Le Cuiew-Lour (Cunis pomeranus, Lin.) est un peu moins grand que le braque, à mu- seau long et effilé, oreilles droites et pointues, queue horizontale ou relevée, enroulée en des- sus ; son pelage court sur la tête, long, soyeux, mais non frisé sur le corps, est d’un blanc jau- nâtre, rarement gris, noir ou fauve. Il est assez attaché à son maitre, et son courage surpasse ses forces. A ces variétés indigènes on réunit les variétés exotiques qui suivent : 22° Le Cuten ves Esquimaux ( Canis borealis, Fr. Cuy.) a beaucoup d’analogie avec le chien- loup. Sa queue est relevée en cercle; son pelage est peu fourni, très-fin, ondulé, de couleur va- riable, avec de grandes taches noires ou grises. On s'en sert pour tirer les traineaux, et, par son mojen, on fait sur la neige, avec la plus grande rapidité, des voyages fort longs. 25° Le CuieN DE SIBÉRIE ( Canis sibiricus, Lin.) se distingue des précédents par son pelage très-long sur tout le corps, d'un gris ardoisé et cendré. On l'emploie au même usage que le précédent. 24° L’ALco ou Tecmcui ( Canis americanus, Lin.) est de la taille du bichon, et remarquable par la petitesse de sa tête; son dos est arqué et son corps très-trapu; sa queue est courte et pendante; son pelage long et jaunâlre, blanc à la queue. Il habite l Amérique, 25 191 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. Le Dogue du Thibet. LES DOGUES. 25° Le Granp DoGuE (Canis molossus, Li.) à museau noir, gros, court, et lèvres noires, épais- ses et pendantes ; orcilles courtes, redressées à la base; corps allongé, gros, robuste; queue re- levée et recourbée en dessus à l'extrémité; pe- lage ras, d’un fauve ordinairement pâle, plus ou moins ondulé de noirätre. Ce chien est cou- rageux, extrêmement fort et propre au combat ; il s'attache à son maitre, mais ses habitudes sont grossières et brutales. Le Dogue du Thibet en est une sous-variélé. Le Doguin en est une autre variété plus pe- lile, à pelage tirant un peu sur le noirätre, à oreilles plus longues et à lèvres plus pendantes. Il à quelque intelligence pour conduire les trou- peaux ; aussi ne le voit-on guère que chez les bouchers. 26° Le BouLz-DoGue ( Canis fricator, Lin. Le Bull-dog des Anglais ) est plus petit que le grand dogue ; il a le corps beaucoup moins long, les pattes moins fortes, et la queue tout à fait re- courbée en cercle ; son museau estextrémement court, entièrement noir, son nez relevé, et sa tète presque ronde. Son pelage est ras, con- stamment d'un fauve pâle et jaunätre. 11 a peu d'attachement et encore moins d'intelligence. Le Doglau ne diffère du précédent que par son nez fendu. 21° Le Carun ou Morse ( Canis mopsus) est extrèmement petit, à nez encore plus court que le boull-dogue, dont il semble être la minia- ture ; sa tête est absolument ronde; sa face, sans museau, est noire jusqu'aux yeux ; Sa queue re- courbée en trompette ; ses jambes courtes; son corpstrès-trapu, et son pelage d’un jaune fauve plus foncé. Il est criard, sans intelligence ni at- tachement. 1l a, en outre, le défaut d’avoir l’ha- leine forte et d’une odeur désagréable. 28° Le Cuien D'IscanDe (Canis islandicus, Lin.) a beaucoup d’analogie avec le précédent, mais il est plus grand. Sa tête est ronde; ses yeux sont saillants et gros; ses oreilles à demi droites, et son pelage est lisse et long. 29 Le DoGue anGLais ( Canis anglicus, Less.) est un métis du mätin et du dogue. Il a les oreilles très-pendantes; son pelage est long, tantôt fauve, tantôt blanc tacheté de plaques brunes. Je ne connais pas cette variété, men- tionnée par M. Lesson. 50° Le Roquer ( Canis hybridus, Lin.) a les yeux gros, la tête ronde, le front bombé, les oreilles petites, à demi pendantes; la queue re- dressée, les jamlies petites, le pelage ras, noir et blanc. Ilest petit, mais courageux, hargneux, altaché à son maître et très-fidèle. 51° Le Cuiën RENARDIER OU CHIEN ANGLAIS (Canis vulpinarius); petit; museau fort et un peu court; oreilles petites et à demi pendantes; corps robuste, musculeux ; jambes assez cour- tes ; pelage ras, brillant, noir, avec le derrière nes CHIENS. des pates, les joues, deux taches sur les yeux, d'un fauve vif. 1l est courageux, hardi, entrepre- nant, mais peu attaché à son maitre. On l’em- ploie à la chasse pour acculer le renard dans son terrier, où il pénètre assez aisément. 529 Le Cuiex anxGLais ( Canis brilannicus, Desm.) est, selon Desmarest, le résultat du croi- sement du petit danois et du pyrame. Je ne connais pas celte variété. 35° Le Cuiex D'Aurois { Canis fricator, Lin.) a la plus grande ressemblance avec le boull- dogue ; il a le museau très-court et très-aplati. On le trouve dans la Flandre et l’Artois. 51° Le Cuiex D'ALicanTE (Canis Andalou- siæ, Desu. Le Chien de Cayenne) a le museau court du boull-dogue, le long poil de l'épagneul, et parait provenir du croisement de ces deux variélés. 35° Le Cuien Turc ( Canis caraibæus.—Ca- nis ægyplius, Lix. Le Chien de Barbarie) a le crâne développé, le muscau pointu; les oreilles assez larges, horizontales ; les membres grêéles ; la peau presque entièrement nue, noire, ou cou- 195 leur de chair, ou à taches brunes; sa queue est relevée et recourbée; sa taille ne dépasse pas celle d'un grand roquet. 11 est originaire d’A- mérique, où le trouvèrent Christophe Colomb et les Français qui abordèrent les premiers à la Martinique et à la Guadeloupe, en 1655; il est encore trés-commun à Payta, dans le Pérou. On l’a dit d’abord de Turquie, puis ensuite de la Barbarie et de Afrique. Le Chien turc à crinière, de Buffon, n’en diffère que per sa taille plus grande, et par une sorte de crinière étroite de poils longs et rudes, qui commencent sur le sommet de la têle et s'étend en bande étroite jusqu'à la naissance de la queue. 11 est métis du chien turc et d’un épa- gneul, ou d'une autre variété à longue soie. 56° Le Cnien ve Rüe (Canis domesticus hy- bridus) est le mélange du croisement non prévu de deux où même de plusieurs des races et va- riétés que je viens de décrire. il varie de mille manières en grandeur, en forme, en couleur ef en intelligence. Très souvent la femelle met bas à la fois des petits de races différentes de la sienne. 2° LES CHIENS SAUVAGES. Le Loup (Canis lupus, Lix.) a le pelage d’un fauve grisâtre, avec une raie noire sur les jam- bes de devant, quand il est adulte ; sa queue est droite ; ses yeux sont obliques, à iris d'un fauve jaue. Dans le nord, on en trouve quelquefois une variété entièrement blanche. Il habite toute l'Europe, excepté les îles Britanniques, où l'on est parvenu à le détruire. On le trouve aussi dans le nord de l'Amérique. Partout il est un dangereux ennemi des troupeaux. Le loup, quoi qu'on en ait dit, n'est qu'une simple variété ou race dans l’es- pèce de notre chien domestique. On en à aujourd'hui les preuves les plus com- plètes, puisque ceux que l'on conserve à la ménagerie s’accouplent très-bien avec des chiens, et les individus qui en résultent sont féconds et se multiplient, soit entre eux, soit accouplés avec des chiens ou des loups. Tout ce que Buffon a écrit sur ces animaux, sur leur férocité indomptable, sur leur antipathie pour le chien, sur les caractères qui tranchent ces deux espèces, etc., est absolument faux et le résultat des préjugés de son temps, comme je le démontrerai. De tous les temps, le loup a été le fléau des bergeries et la terreur des ber- gers; il est d’une constitution très-vigoureuse ; il peut faire quarante lieues dans une seule nuit, et rester plusieurs jours sans manger. Sa force est supérieure à celle de nos chiens de plus grande race. Heureusement que la férocité de son caractère ne répond pas à cette extrème vigueur, et que, par ses qualités mo- rales, il ne mérite pas la réputation qu'on lui a injustement faite. Le loup n'est ni lâche ni féroce, et c'est ce que son histoire prouvera quand on la débarrassera des absurdes contes dont on a coutume de la falsifier. Si le loup n'est pas tourmenté par la faim, il se retire dans les bois, y passe le jour à dormir, et n'en sort que la nuit pour aller fureter dans la campagne. Alors il marche avec circonspection, évitant toute lutte inutile, fût-ce mème avec des animaux plus faibles que lui. I fuit les lieux voisins de l'habitation des hommes; sa marche est furtive, légère, au point qu'à peine l'entend-on fouler 196 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. des feuilles sèches. Il visite les collets tendus par les chasseurs, pour s'emparer du gibier qui peut s'y trouver pris; il parcourt le bord des ruisseaux et des ri- vières pour se nourrir des immondices que les eaux rejettent sur le sable. Son odorat est d'une telle finesse, qu'il lui fait découvrir un cadavre à plus d’une lieue de distance. Aussitôt que le crépuscule du matin commence à rougir l’ho- rizon, il regagne l'épaisseur des bois. S'il est dérangé de sa retraite, ou si le jour le surprend avant qu'il y soit rendu, sa marche devient plus insidieuse : 3] se coule derrière les haies, dans les fossés, et, grâce à la finesse de sa vue, de son ouie et de son odorat, il parvient souvent à gagner un buisson solitaire sans être aperçu. Si les bergers le découvrent et lui coupent le passage, il cherche à fuir à toutes jambes ; s’il est cerné et atteint, il se laisse dévorer par les chiens ou assommer sous le bâton sans pousser un cri, mais non pas sans se dé- lendre. Quand cet animal est poussé par la faim, il oublie sa défiance naturelle et de- vient aussi audacieux qu'intrépide, sans renoncer à la ruse quand elle peut lui être utile. Il se détermine alors à sortir de son fort en plein jour; mais avant de quitter les bois, il ne manque jamais de prendre le vent; il s'arrête sur la lisière, eévente de tous côtés, et reçoit ainsi les émanations qui doivent le diriger dans sa dangereuse excursion. Il parcourt la campagne, s'approche des troupeaux avec précaution pour n’en être pas aperçu avant d’avoir marqué sa victime, s'é- lance sans hésiter au milieu des chiens et des bergers, saisit un mouton, l'en- lève, l'emporte avec une légèreté telle, qu’il ne peut être atteint ni parles chiens ni par les bergers, et sans montrer la moindre crainte de la poursuite qu'on lui fait, ni des clameurs dont on l'accompagne. D’autres fois, s'il a découvert un jeune chien ineXpérimenté dans la cour d’une grange écartée, il s'en approche avec effronterie et souvent jusqu'à portée de fusil : il prend alors différentes attitudes, fait des courbettes, des gambades, se roule sur le dos comme si son intention était de jouer avec le jeune novice. Quand celui-ci se laisse surprendre à ces trompeuses amorces et s'approche, il est aussitôt saisi, étranglé et entraîné dans le bois voisin pour être dévoré. J'ai été témoin de ce fait, qui prouve dans le loup autant d'intelligence que d'audace. Mais quand un chien de basse-cour est de force à disputer sa vie, le loup s’y prend différemment : il s'approche jusqu'à ce que le chien l’apercoive et s'élance pour lui livrer combat; alors, l'animal sauvage prend la fuite, mais de manière à exciter son ennemi à le suivre, ne s'en eéloignant que suffisamment pour n'être pas atteint. Le mätin, animé par ce commencement de victoire, poursuit le loup jusqu’auprès d'un fourré où un second loup les attendait : cc dernier sort tout à coup de son embuscade, se jette sur le malheureux chien, qui commence le combat avec fureur ; mais le fuyard revient sur ses pas, Joint ses efforts à ceux de l’autre assassin, etle mâtin tombe victime de son courage, et de la per- fidie de ses deux ennemis. On a vu très-souvent un loup affamé entrer en plein jour dans un hameau, saisir un chien à la porte d’une maison, une oie au milieu de la rue ou un mouton près de la bergerie, l’entrainer dans les bois malgré les hourras d'une population entière, et même malgré les coups de fusil qui déjà ne peuvent plus l'atteindre. C'est surtout pendant la nuit que le loup affamé oublie sa prudence ordinaire CHIENS. 197 pour montrer un courage qui va jusqu'a la témérité. Rencontre-t-1l un voyageur accompagné d'un chien, ille suit d'abord d'assez loin, puis s’en approche peu à peu, et quand il à pu calculer les chances de dangers et de succès, d'un bond il se jette sur l'animal effraye, le saisit jusqu'entre les jambes de son maitre, l'emporte et disparait. On en à vu trés-souvent suivre des cavaliers pendant plu- sieurs heures, dans l'espérance de trouver le moment propice pour étrangler le cheval et le dévorer. Dans le Nord, il paraît que, lorsque des neiges abondantes couvrent la terre, les loups, ne trouvant plus de nourriture dans les bois, se réunissent en grandes troupes, descendent des montagnes, sortent de leurs fo- rèts, et viennent dans la plaine faire des excursions jusqu'à l'entrée des villages et des villes. On prétend que dans ce cas leur rencontre a été plusieurs fois fatale à des voyageurs. Dans l'espace d'une nuit un loup vient quelquefois à bout de creuser un trou sous la porte d'une bergerie et de s’y introduire. Dans ce cas, il commence par étrangler tous les moutons les uns après les autres, puis il en emporte un et le mange; il revient en chercher un second, qu'il cache dans un hallier voisin, avec la précaution de recouvrir son corps de feuilles sèches ou d'un peu de terre ; il retourne en chercher un troisième, un quatrième, et ainsi de suite, jusqu'à ce que le jour le force à battre en retraite. Il les cache dans des lieux différents ct à une assez grande distance les uns des autres; mais, soit oubli, soit défiance, il ne revient jamais les chercher. Le loup préfère une proie vivante à toute autre nourriture; cependant, il dévore les voiries les plus in- fectes, et, faute de substance animale, il se contente de fruits mürs ou pourris, de racines, et même, dit-on, de bois tombant en décomposition et d'une cer- taine terre glaise. « Il aime la chair humaine, dit Buffon, et peut-être, s’il était le plus fort, n'en mangerait-il pas d'autre. On a vu des loups suivre des armées, arriver en nombre à des champs de bataille, où l’on n'avait enterré que négli- gemment les corps, les découvrir, les dévorer avec une insatiable avidité, et ces mêmes loups, accoutumés à la chair humaine, se jeter ensuite sur les hommes, attaquer le berger plutôt que le troupeau, dévorer les femmes, emporter les enfants. » La critique fait aujourd'hui justice de toutes ces exagéralions; mais il n'en est pas moins vrai que quelquefois des louves affamées, à l'époque où elles allaitent leurs petits, se sont jetées sur des enfants, des femmes et même des hommes. Les annales de plusieurs de nos départements en font foi. Tout ce qu'a dit Buffon de l'indomptable férocité du loup est faux ou très- exagéré. J'ai eu pendant quatre ans une louve parfaitement privée, aussi douce, aussi caressante et aussi attachée qu'un chien, vivant en liberté, sans que jamais elle ait cherché à se sauver. Frédéric Cuvier à donné l'histoire de deux loups qui vivaient il y a peu de temps encore à la ménagerie, et qui ont montré l'exemple d’un attachement pour leur maître, aussi grand, aussi passionné qu'aucun chien ait pu l’éprouver. L'un d'eux, ayant été pris fort jeune, fut élevé de la même manière qu’un chien, et devint familier avec toutes les per- sonnes de Ja maison, mais il ne s'attacha d'une affection très-vive qu'à son maitre ; il lui montrait la soumission la plus entière, le caressait avec tendresse, obéissait à sa voix et le suivait en tous lieux. Celui-ci, obligé de s’absenter, en lit présent à la ménagerie, ct l'animal souffrit de cette absence, au point que l'on craignit de le voir mourir de chagrin. Pourtant, après plusieurs semaines 198 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. passées dans la tristesse et presque sans aliments, il reprit son appetit ordi- paire, et l'on crut qu'il avait oublié son ancienne affection. Au bout de dix-huit mois, son maitre revint au Jardin des Plantes, et, perdu dans la foule des spec- tateurs, il s'avisa d'appeler l'animal. Le loup ne pouvait le voir, mais il le re- connut à la voix, et aussitôt ses cris et ses mouvements désordonnés annoncérent sa Joie. On ouvrit sa loge : il se jeta sur son ancien ami et le couvrit de caresses, comme aurait pu le faire le chien le plus fidèle et le plus attaché. Malheureu- sement il fallut encore se séparer, et il en résulta pour le pauvre animal une maladie de Tangueur plus longue que la premiere. Trois ans s'écoulérent; le loup, redevenu gai, vivait en tres-bonne intelligence avec un chien, son com- pagnon, et caressait ses gardiens. Son maitre revint encore; c'était le soir, et la ménagerie était fermée. I l'entend, le reconnait, lui répond par ses hur- lements, et fait un tel tapage, qu'on est obligé d'ouvrir. Aussitôt l'animal re- double ses cris, se précipite vers son ami, lui pose les pattes sur les épaules, le caresse, lui lèche la figure, et menace de ses formidables dents ses propres gardiens, qui veulent s'interposer, ses gardiens qu'il caressait une demi-heure auparavant. Enfin, il fallut bien se quitter. Le loup, triste, immobile, refusa toute nourriture ; une profonde mélancolie le fit tomber malade; il maigrit, ses poils se hérissérent ; au bout de huit jours il était méconnaissable, et l'on ne douta pas qu'il ne mourût. Cependant, à force de bons traitements et de soins, on parvint à lui conserver la vie; mais il n’a jamais voulu depuis ni caresser ni souffrir les caresses de personne. Je le demande, un chien ferait-il davantage? Une jeune louve, prise au piége, étant déjà adulte, vivait familièrement avec des chiens qui lui avaient appris à aboyer contre les étrangers, fait extrèmement remarquable ; elle était devenue si douce et si docile, que, sans son goût irrésis- tible pour la volaille, on l'eut laissée en liberté. Nous pourrions citer une foule d'autres exemples, mais nous nous bornerons à ceux-ci, montrant que le loup, ainsi que le chien, est dominé par le besoin d'aimer l'homme et d'être aime par lui. Tout en reconnaissant que dans les animaux le caractère varie d'individu à individu, dans la même espèce, on ne peut voir dans ces exemples autant d’ex- ceptions à la règle de l'espéce. Si le loup de nos contrées est toujours farouche et quelquefois féroce, cela ne tient qu’à l'instinct de conservation, et à ce qu'on lui fait une guerre à mort. Il paraît que cet animal est, ainsi que le chien, susceptible de recevoir une sorte d'éducation. « En Orient, et surtout en Perse, dit Chardin, on fait servir les loups à des spectacles pour le peuple : on les exerce de jeunesse à la danse, ou plutôt à une espèce de lutte contre un grand nombre d'hommes. On achète jusqu'à cinq cents écus un loup bien dressé à la danse. » Buffon s'est encore trompé sur un fait plus positif; intéressé par système à séparer l'espèce du chien de celle du loup, il a dit que la louve porte trois mois et demi. Or, dans la ménagerie, où ces animaux font des petits tous les ans, la ges- tation n'a jamais été que de deux mois et quelques jours. Le loup, qui est deux ou trois ans à croître, vit quinze à vingt ans. La femelle met bas du mois de décembre au mois de mars. A la veille de mettre bas, la louve se prépare, au fond d’une forêt, dans un fourré impénétrable, une sorte de nid où elle dispose, avec de la mousse et des feuilles, un lit commode pour ses petits. Le nombre CHIENS. 199 ordinaire en est de six à neuf, jamais moins de trois, et ils naissent les veux fermés. Pendant les premiers jours, elle ne les quitte pas, et le mâle lui apporte à manger. Elle allaite deux mois; mais dès la cinquième ou sixième semaine, elle leur dégorge de la viande à demi digérée, et bientôt leur apprend à tuer de petits animaux qu'elle leur apporte. Jamais ses petits ne restent seuls, car le père et la mère se relèvent chacun à leur tour pour aller chercher la nourriture de la famille. Au bout de deux mois, la louve commence à les mener en course et à leur apprendre à chasser. En novembre et décembre, ils sont déjà assez forts pour se séparer et battre la campagne chacun de son côté pendant la nuit; mais ils se réunissent chaque matin et passent la journée en famille. Ilexiste entre le chien et le loup une antipathie, une haine que Buffon croyait constitutionnelle et inhérente à deux natures très-distinctes; et, cependant, à la ménagerie, les deux prétendues espèces vivent pêle-mêle en fort bonne in- telligence. Cette haine n'a été ni expliquée ni niée par nos naturalistes d’au- jourd'hui, mais elle les a embarrassés pour établir, sur tous les points, que le chien et le loup ne font qu'une seule et même espèce, ce qui, du reste, est suf- fisamment prouvé par la fecondite des métis. Avec un peu plus de connaissance des mœurs des animaux sauvages, ceci n'eût pas été une difficulté pour eux. On peut admettre comme règle générale que tout animal des forèts, réduit à la do- mesticité et vivant en bonne intelligence avec l'homme, est, par ce seul fait, répudié par les animaux sauvages de sa race. S'il veut reconquérir son indé- pendance et retourner dans les bois, il y trouve dans ses semblables des enne- mis implacables qui, loin de le recevoir, l’attaquent, le poursuivent, le chassent ou le tuent. Ceci est démontré par l'expérience, dans le daim, le cerf, le che- vreuil et beaucoup d’autres espèces que l’on a pu observer; pourquoi n’en serait- il pas de même dans les chiens? D'ailleurs, le chien domestique, à l'instigation de l’homme, a déclaré une guerre implacable au loup; il le harcèle, le combat dans toutes les occasions, et cette lutte incessante a dû nécessairement amener une haine atroce entre les deux races, haine qui est devenue héréditaire et in- stinctive. Le Lour opoRanr (Canis nubilus, Sax.) est sa partie supérieure, et le gris domine sur ses plus grand que notre loup commun, auquel il flancs; mais ce qui le distingue de ses congé- ressemble ; son pelage est obscur et pommelé à nères, c’est l'odeur forte et fétide qu'il exhale. Cet animal robuste, d’un aspect redoutable, habite les plaines du Missouri, dans l'Amérique septentrionale. II à les mêmes mœurs que notre loup, mais avec les modifications qu'amène nécessairement la vie du désert. Dans ces immenses solitudes, il ne se trouve que rarement en présence de l’homme ; aussi a-t-1l peu appris à le craindre. On en a conclu, assez légèrement, à mon avis, qu'il avait plus de courage ou de férocité. Comme tous les chiens sauvages que les nombreuses populations des pays très-habités n’ont pas forces à s’éparpiller, le loup odorant vit en troupes nombreuses, associées pour la chasse, l'attaque et la defense, aguerries, soumises à une sorte de tactique régulière. Ils pour- suivent les daims et autres animaux ruminants, les forcent ou les surprennent et les dévorent en commun. Ils osent même assaillir le bison quand ils le trou- vent écarté de son troupeau, et ils viennent assez ordinairement à bout de Île 200 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. terrasser. Les sauvages qui peuplent le pied des montagnes Rocheuses et les bords de l’Arkansas redoutent cet animal; et, quand ils sont parvenus à en tuer un, ils se font un trophée de sa dépouille, qu'ils portent en forme de manteau, avec la peau de la tête pendante sur leur poitrine. Le Loup pes PRAIRIES (Canis lalrans, HaRL.) se trouve dans les mêmes contrées que le loup odorant, et a les mêmes habitudes; cependant il parait qu'il est un peu moins carnassier, car il se nourrit souvent de baies et autres fruits. Son pelage est d’un gris cendré, varié de noir et de fauve cannelle terne; il a sur le dos une ligne de poils un peu plus longs que les au- tres, lui formant comme une sorte de courte cri- nière; ses parlies inférieures sont plus päles que les supérieures, et sa queue est droite. Cette espèce n'est pas rare dans les les marécages qui bordent les rivières femelle, qui ressemble tout à fait au L'AGouara-Guazou ou Lour ROUGE (Canis jubatus, Desm.) est de la taille de nos plus grands loups. Sa couleur générale est d’un roux can- nelle foncé sur les parties supérieures, plus pâle en dessous, presque blanc à la queue et dans l'intérieur des oreilles ; il a le pied, le museau, et le bout de la queue noirs; une courte cri- nière noire part de la nuque et s'étend jusque derrière l'épaule, quelquefois tout le long du dos. C’est un animal dont la force ne répond pas à la férocité. pampas de la Plata. Elle se plaît dans et les fleuves, et y vit solitairement. La mâle, à six mamelles, et fait, à chaque portée, trois ou quatre petits qu'elle met bas vers le mois d'août. Dans le cou- rant de mai, époque de ses amours, l’agouara fait retentir les pampas de ses hurlements qui s'entendent de très-loin, et qui ont un son lugubre et effrayant; il répète plusieurs fois de suite, et en les traïnant, les sons goun-a-a, d'où pro- bablement lui vient son nom. Cet animal ne quitte sa retraite que la nuit pour rôder sur le bord des eaux et saisir les animaux aquatiques qu’il poursuit à la nage avec une grande facilité; rarement il attaque le bétail, à moins qu'il n’y soit poussé par la faim, et alors son courage ne le cède pas à sa force. Le Lour pu MExiQue ( Canis mexicanns, Lin.) est un peu moins grand que notre loup ordinaire. Son pelage est d'un gris roussâtre, mélangé de taches fauves, marqué de plusieurs bandes noi- râtres qui s'étendent de chaque côté du corps, depuis la ligne dorsale jusqu'aux flancs; le tour du museau, le dessous du corps et les pieds sont blanchätres. Celte espèce habite les parties chaudes de la Nouvelle Espagne. Elle est beau- coup moins féroce que le loup rouge. Le Loup DE JAvA (Canis javanensis) ressem- ble beaucoup au loup ordinaire pour la taille et pour les formes, mais ses oreilles sont plus petites, et son pelage est d’un brun fauve, noi- râtre sur le dos, à la queue et aux pattes. Il a été trouvé à Java par Leschenault. CHIENS. 201 Le Loup noir. Le TSCHERNO-BUROÏ OU LOUP NOIR | Canis lycaon, Lan. Vulpes nigra, GEsx. Le Loup noir, Burr. — G. Cuv.) Habite principalement la Russie et le nord de l’Europe, et il se trouve quel- quefois accidentellement dans nos montagnes. Georges Cuvier dit en avoir vu quatre pris ou tués en France, et, depuis, la ménagerie en a possédé deux qui avaient éte amenés des Pyrénées. Il est de la grandeur du loup ordinaire, mais ses formes sont plus légères, et son pelage est entièrement noir. On le trouve aussi dans le Canada. On dit cet animal beaucoup plus féroce que notre espèce ordinaire, cependant je ne connais point de faits que l’on puisse apporter à l'appui de cette opinion. Les deux individus qui ont vécu à la ménagerie étaient mâle et femelle. Chaque année, ils y faisaient des petits presque aussi défiants et aussi sauvages que leurs parents; mais, ce qu'il y a d’extrêémement singulier, et ce qui prouve que les loups ont beaucoup plus d’analogie avec le chien domestique qu'on ne le croit généralement, c'est que ces petits n'avaient ni les mêmes traits ni le même pelage, et qu'ils différaient autant entre eux qu'avec leurs parents; on les eût crus d'une autre espèce, ou quelque variété de chien domestique. De là, on a pensé que le père et la mère n'étaient pas de race pure, et qu'ils étaient métis de quelque chien abandonné dans les Pyrénées et devenu sauvage. Cela est pos- sible; mais il me paraît plus probable que cette variation était le résultat de la captivité des parents, de leur changement de vie, de climat, de nourriture, d'habitude, en un mot d’un premier degré de domesticité; d'autant plus qu'il n'y avait de modifications bien prononcées que dans la physionomie et la cou- leur, tandis que le caractère de défiance et de férocité était resté absolument le même. 20 202 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. Le Cuocreu (Canis culpœus, MoLiN. Canis antarclicus, Saw.) est un peu plus grand que le jackal; son pelage est d'un gris roussâtre; ses jambes sont fauves; sa queue, rousse à son origine, est noire au milieu et terminée de blanc. 11 habite le Cbili et l'ile Falkland, l'une des Malouines, où il a été trouvé par le capitaine Freycinet, et précédemment par le commodore Byron. Cet animal à une vie soli- taire et misérable, qu’il passe en grande partie dans un terrier qu'il se creuse dans les dunes, sur les bords de la mer ou des fleuves. Toujours maigre, sans cesse affamé. il se nourrit des la- pins et du gibier qu’il peut saisir à force de ruse et de patience. Comme on n'a pas observé sa pupille, il n’est pas certain si cette espèce ap- partient au chien ou au renard. Le terrier qu'il se creuse ferait croire que peut-être il appar- tient au genre de ce dernier; mais comme Bou- gainville dit l’avoir entendu aboyer ainsi que les chiens ordinaires, j'ai cru devoir le laisser avec eux jusqu'à ce qu'on ait de plus amples renseignements. Le Koupara ou Cuien cRABIER ( Canis thous, Lin. Canis cancrivorus, Less. Le Chien des bois de Cayenne, Burr.) n’est probablement qu’une simple variété du chien domestique. Son pelage est cendré et varié de noir en dessus, d’un blanc jaunâtre en dessous; ses oreilles sont brunes, droites, courtes, garnies de poils jaunâtres en dedans; les côtés du cou et le derrière des oreilles sont fauves ; les tarses el le bout de la queue noirâtres. Par ses qualités morales, il le dispute à nos chiens les plus intelligents. Le koupara vit en famille dans la Guyane francaise, où on le rencontre en troupes composées de sept ou huit individus, rarement plus ou moins. Il se plait dans les bois où coulent des rivières peuplées d’ecrevisses et de crabes, qu'il sait fort bien pêcher, et dont il fait sa nourriture de prédilection. Quand cette ressource vient à lui manquer, il chasse les agoutis, les pacas et autres petits mammifères. Enfin, faute de mieux, il se contente de fruits. Il est peu farouche, et s’apprivoise avec la plus grande facilité. Une fois qu'il a reconnu son mai- tre, il s’y attache, ne le quitte plus, ne cherche jamais à retourner à la vie sau- vage, et devient pour toujours le commensal de la maison. Il s’accouple sans aucune sorte de répugnance avec les chiens, et les métis qu'il produit sont très-estimés pour la chasse des agoutis et des akouchis. Ces métis, croisés de nouveau avec des chiens d'Europe, produisent une race encore plus recherchée pour la chasse. Le Perir Koupara (Canis caviærorus) est d’une taille moindre que le précédent ; sa tête est plus grosse, son museau plus allongé ; son pelage est noir et fort long. 11 habite le même pays, a les mêmes habitudes, maïs son instinct le porte à faire aux cabiais une guerre beaucoup plus active. Aussi les sauvages l’élèvent-ils de préférence pour la chasse de ces animaux. Le Consac où Abive (Canis corsar, Lan. Le Chien du Bengale, Pen. Buffon s’est trompé en le décrivant sous le nom d’/satis). La taille de ce chien est très-petite et ne dépasse pas celle d’un chat. Son pelage est d'un gris fauve uni- forme en dessus, d’un blanc jaunâtre en des- sous ; les membres sont fauves; la queue est très-longue, touchant à terre, et noire au bout. Il a, de chaque côté de la tête, une raie brune qui va de l’œil au museau. Il habite les déserts de la Tartarie et se retrouve dans l'Inde. Il a souvent élé confondu avec le jackal. Les corsacs vivent en troupes dans le désert, non dans les bois, mais dans les steppes couvertes de bruyères, où sans cesse ils sont occupés à chasser les oï- seaux, les rats, les lièvres et autres petits animaux. Pendant la nuit, ils font entendre leur voix, moins glapissante que celle des jackals, mais tout aussi désagréable. Ils s'accouplent au mois de mars; la femelle porte autant de jours que la chienne, et met bas, en mai ou en juin, de six ou huit petits, qu’elle allaite pendant cinq à six semaines. Elle les fait sortir ensuite de sa retraite, leur ap- porte à manger, et leur apprend peu à peu à choisir leur nourriture et à chasser. CHIENS. 203 Ces animaux n'ont pas moins de finesse que le renard pour s'emparer de leur proie, consistantquelquefois en nids de canards et autres oiseaux dont ils mangent les œufs et les petits. On dit que le corsac ne boit jamais, mais il est permis d'en douter, nonobstant l'affirmation de Georges Cuvier. Cet animal, si peu connu en France, qu'on va le voir à la ménagerie comme une curiosité, a néan- moins été commun à Paris sous le règne de Charles IX, parce qu'il était de mode chez les dames de la cour d’en avoir au lieu de petits chiens; elles le dési- gnaient sous le nom d'adive, et le faisaient venir à grands frais de l'Asie. Le KaraGan (Canis caragan, PALL.—GmL.) ne diffère guère du précédent que par sa taille un peu plus grande et son pelage d'un gris cen- dré en dessus, d'un fauve pâle en dessous. Il habite le même pays. À Orembourg on fait un commerce considérable de sa fourrure, et c’est à peu près tout ce qu’on sait de cet animal. Le Kewuie ou TEenuiEe (Canis mesomelas, EaxL.) porte sur le dos une plaque triangulaire d'un gris noirâtre ondé de blane, large sur les épaules, et finissant en pointe vers la base de la queue; ses flancs sont roux ; sa poitrine et son ventre blancs; sa tête est d’un cendré jaunâtre; son museau roux ainsi que ses pattes ; sa queue, qui descend presque jusqu'à terre, a sur son tiers postérieur deux ou trois anneaux noirs ainsi que son extrémité. Cet animal se trouve au cap de Bonne-Espérance. Le Jackaz anrTaus (Canis anthus, FR. Cuv.) a beaucoup d’analogie avec le jackal de l'Inde, mais son odeur est beaucoup moins forte, et il ne se trouve qu’en Afrique, particulièrement au Sénégal. Son pelage est gris, parsemé de quelques taches jaunâtres en dessus, blanchäâtres en dessous; sa queue est fauve, avec une ligne longitudinale noire à sa base, et quelques poils noirs à sa pointe. Ses mœurs sont absolument les mêmes. Une femelle de cette espèce était en- fermée, à la ménagerie, dans une cage, avec un mäle de jackal de l'Inde. Ils s’accouplèrent avec les mêmes circonstances que les chiens ou les loups, et deux mois après (du 26 décembre au 1% mars), la femelle mit bas cinq petits qui eu- rent pendant dix jours les yeux fermés. Deux seulement ont vécu, et lorsqu'ils furent adultes, l'un était farouche, méchant indomptable, l’au- tre fort doux ct caressant. Cette différence de caractere est un fait très-remarquable. 201 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. Le Jackal. Le JACKAL Ou SCHAKAL Où TSCHAKKAL (| Canis aureus, Lin. Le Chacal ou Loup doré, G. Cuv. Le Thos de Pine. Le Thoës d'Arisrore. Le Gôlà des Indous. Le Nari des habitants de Coromandel. Le Tura des Georgiens. Le Mebbia de l'Abyssinie. L'Adive ou Adibe des Portugais de l'Inde. Le Deeb ou Dib des Barbaresques. Le Waui des Arabes) A le pelage d’un gris jaunâtre en dessus, blanchâtre en dessous, en général d'une couleur plus foncée que celui de l’anthus. Sa queue, assez grèle et noire à l'extrémité, ne lui descend qu’au talon; il exhale une odeur forte et désagréable. Sa taille est à peu près celle du renard, mais il est un peu plus haut sur jambes, et sa tête ressemble à celle du loup. Il est très-commun en Asie et en Afrique, si, ainsi que je le crois, il n’est qu'une légère variété de l’anthus. Guldænstæd, Tilesius, et d’autres naturalistes, pensent que le jackal est le type du chien domestique. Le premier de ces auteurs, qui, du reste, nous a donné une histoire très-bonne et très-complète de cet animal, apporte, à l’ap- pui de son opinion, des raisons qui paraissent concluantes. Après avoir établi d'une manière positive que, sous les rapports anatomiques, le jackal ne dif- fère en rien du chien, après avoir prouvé qu'il n'offre pas même ces légères différences qui se trouvent dans le loup, il cherche les analogies dans les ha- bitudes, les mœurs de ces animaux, et, il faut le dire, ces rapprochements me paraissent très-séduisants. Les jackals, dit-il, n’ont rien du caractère sauvage et farouche du loup et du renard ; ils s’'approchent avec sécurité soit des cara- vanes en marche, soit des tentes dressées pour la nuit ; leur taille est moyenne entre les plus grands et les plus petits chiens; leurs poils sont plus durs que chez aucun chien, et d’une moyenne longueur entre les chiens qui les ont le plus longs et ceux qui les ont le plus courts. Leurs mœurs sont encore plus conformes CHIENS. 205 que leur organisation, et, en domesticité, leurs manières sont absolument les mêmes que celles du chien; ils pissent de côté en levant la cuisse, dorment couchés en rond, et vont amicalement, ajoute l’auteur, flairer au derrière des chiens qu'ils rencontrent. Selon lui, l'odeur du jackal, beaucoup moindre qu'on ne l’a dit, est à peine plus forte que celle du chien à l'approche de l'orage, etc. Il conclut de toutes ces observations vraies, que le chacal est le véritable chien sauvage et la souche de toutes les variétés de chiens domestiques. En cela il se trompe, selon moi. Le jackal est incontestablement une va- rièté, et mème très-légère, du chien domestique, puisqu'il produit avec lui des individus feconds, comme on l’a vu à Constantinople il y a peu d'années, et comme cela se voit tous les jours chez les Kalmoucks ; il en est de même du loup, quoique les analogies accessoires soient moins frappantes. Mais pour dé- cider péremptoirement quel est le type de l'espèce, c’est-à-dire quelle est la race venue la première, la chose est impossible, car, ainsi que je l’ai dit, l'étude des ossements fossiles nous a dévoilé de nombreuses races de canis antérieures à ceux qui existent aujourd'hui, d’où peuvent venir à la fois nos chiens domes- tiques, nos kouparas, nos jackals, nos loups, et en géneral tous nos chiens sau- vages. Dans ce cas, ils descendraient tous d’un ou plusieurs types primitifs et perdus; ils seraient parents en ligne collatérale, mais non en ligne descendante de l’un d'eux. Les anciens racontaient que le lion, lorsqu'il allait à la chasse, était accom- pagné, ou plutôt conduit, par un petit animal qui lui découvrait sa proie. Le roi des forêts, après l'avoir atteinte et terrassée, ne manquait jamais d’en laisser une portion pour son guide, qui l’attendait à l'écart, et qui n’osait en appro- cher que quand le lion s'était retiré. On appelait cet animal le pourvoyeur du lion ; mais son véritable nom était resté inconnu, et nul auteur ancien n’a avancé que ce pouvait être le thos d’Aristote. Cependant, quelques auteurs du dernier siècle ont cru reconnaître le thos, le jackal, dans ce prudent pourvoyeur, et il s'est même élevé à ce sujet une polémique aussi ridicule qu'inutile, puisqu'elle tombait sur un conte, sur un apologue ayant autant d'importance en histoire naturelle qu'une fable de La Fontaine. Ce conte indien de Pilpai, le voici : «On « demandait un jour à ce petit animal qui marche toujours devant le lion pour « faire partir le gibier : Pourquoi t’es-tu consacré ainsi au service du lion? — « C’est, répondit l'animal, parce que je me nourris des restes de sa table. — « Mais par quel motif ne l'approches-tu jamais ? tu jouirais de son amitié et de « sa reconnaissance. — Oui, mais c'est un grand; s’il allait se mettre en co- « lére! » La vérité est que le lion n’a jamais eu de pourvoyeur que lui-même, et que si les jackals se nourrissent quelquefois de ses restes, ainsi que les hyènes et autres animaux voraces, ils le doivent au hasard. Les jackals vivent en troupes composées d’une trentaine d'individus au moins, et souvent de plus de cent, particulièrement dans les vastes solitudes de l'Inde et de l'Afrique. Quoique ces animaux n'aient pas la pupille nocturne, ils dor- ment le jour dans l'épaisseur des forêts, ou, selon les anciens voyageurs et nos naturalistes, dans des terriers. Ce dernier fait a si souvent été avancé, que j'ose à peine le révoquer en doute; cependant, je ne conçois pas trop comment des animaux carnassiers, vivant en troupes, pourraient rester sédentaires dans une 206 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. localité extrêmement bornée, ce que nécessite absolument la vie des terriers. Comme ils se retirent volontiers dans des grottes et des trous de rochers, quand ils en trouvent l'occasion, ceci, mal observé, aura donné lieu de croire qu'ils se creusent des habitations souterraines; ou bien encore, le renard de Bengale et le corsac, du même pays, ayant été souvent confondus avec le jackal, on aura attribué à celui-ci des habitudes qui n’appartiennent qu'aux deux premiers. Quoi qu'il en soit, la nuit, ces animaux parcourent la campagne pour chercher leur proie tous ensemble, et, pour ne pas trop se disperser, ils font continuel- lement retentir les forêts d’un cri lugubre ayant quelque analogie avec les hur- lements d’un loup et les aboiements d’un chien. On pourrait en donner une idée en prononçant lentement, et sur un ton très-aigu, les syllabes oua.… oua… ou«. As sont alors tellement audacieux, qu'ils s’approchent des habitations, et entrent dans les maisons qui se trouvent ouvertes. Dans ce cas, ils font main- basse sur tous les aliments qu'ils rencontrent, et ne manquent jamais d’empor- ter ceux qu'ils ne peuvent dévorer à l'instant. Toutes les matières animales conviennent également à leur voracité, et ils attaquent, faute de mieux, les vieux cuirs, les souliers, les harnais des chevaux et jusqu'aux couvertures de peau des malles et des coffres. Comme les hyènes, ils vont rendre visite aux cime- tières, déterrent les cadavres et les dévorent. Aussi, pour mettre les morts à l'abri de ces animaux, est-on parfois obligé de mêler à la terre dont on les re- couvre de grosses pierres et des épines qui, en déchirant les pattes des jackals, les arrêtent dans leurs funèbres entreprises. Si une caravane ou un corps d’ar- mée se mettent en route, ils sont aussitôt suivis par une légion de jackals qui, chaque nuit, viennent rôder autour des campements et des tentes, en poussant des hurlements si nombreux et si retentissants, qu’il serait impossible à un voyageur européen de s'y accoutumer au point de pouvoir dormir. Après le départ de la caravane, ils envahissent aussitôt le terrain du campement et dé- vorent avec avidité tout ce qu'ils trouvent de débris des repas, les immondices et jusqu'aux excréments des hommes et des animaux. Les voyageurs sont tous d'accord sur ces choses, qui ne peuvent appartenir à des espèces sédentaires comme sont nécessairement celles qui habitent des terriers. Lorsqu'une troupe de jackals se trouve inopinément en présence d’un homme, ces animaux s'arrêtent brusquement, le regardent quelques instants avec une sorte d’effronterie qui dénote peu de crainte, puis ils continuent leur route sans trop se presser, à moins que quelques coups de fusil ne leur fassent hâter le pas. Quoiqu'ils se nourrissent de charognes et de toute espèce de voiries, quand ils en rencontrent, ils ne s'occupent pas moins de chasser chaque nuit, et quel- quefois en plein jour. Ils poursuivent et attaquent indistinctement tous les ani- maux dont ils croient pouvoir s'emparer ; mais néanmoins c’est aux gazelles et aux antilopes qu'ils font la guerre la plus soutenue. Ils les. chassent avec autant d'ordre que la meute la mieux dressée, et joignent à la finesse du nez et au courage du chien, la ruse du renard et la perfidie du loup. On a dit que les jackals se jettent quelquefois sur les enfants et sur les femmes : ceci me paraît une exagération que l’on n’appuie sur aucune observation positive. Il est plus certain qu’ils poussent quelquefois la hardiesse, malgré leur petite taille, jusqu’à attaquer des bœufs, des chevaux et autre gros bétail; mais pour CHIENS. 207 cela ils se réunissent en grand nombre et emploient, avec beaucoup d'adresse, leur force collective. Ils entrent hardiment alors dans les bergeries, les basses- cours et autres lieux habités, et enlèvent, à la vue des hommes, tout ce qui est à leur convenance. On a encore dit du jackal, comme du loup, qu’une fois ac- coutume à la chair humaine, il néglige pour elle toutes les autres proies. Si l'on voulait réfuter sérieusement ce conte de nourrice, il serait aisé de prouver qu'aucun animal ne peut contracter l'habitude de se nourrir de cadavres hu- mains, parce que chez tous les peuples, même les plus barbares, l’homme vivant respecte l'homme mort, et a soin de le dérober à la voracité des animaux ; plus encore chez les mahométans, qui habitent les mêmes contrées que les jackals, les hyènes et autres bêtes féroces. L'étude de l’histoire naturelle offre assez d'aliments à la curiosité sans que, pour en augmenter les attraits, on soit obligé d'y coudre grossièrement, comme faisaient beaucoup d'anciens écrivains, des contes autant absurdes que merveilleux. Le voyageur Delon rapporte que dans le Levant on élève des jackals dans les maisons, mais il ne dit rien sur leurs habitudes domestiques. Si l’on s’en rap- porte à ceux qui vivent à la ménagerie, ils seraient doux, aimants, très-cares- sants, mais capricieux, et passant quelquefois, sans motif apparent, du plaisir à la colère. Du reste, l’accouplement, la gestation, et toutes les circonstances de l’allaitement et du developpement des petits, ne diffèrent en rien de ceux du chien. 2° Gevne. Les RENARDS | Vulpes) diffèrent essentiellement du genre précédent par leur sys- teme dentaire; leurs incisives supérieures sont moins échancrées ou même rectilignes sur leur bord horizontal; leurs rangées dentaires, au lieu d'être continues comme dans les chiens, ont les trois premières molaires séparées, ne se touchant pas, et il reste surtout un large inter- valle entre la canine et la première molaire; leur pupille estnocturne, allongée verticalement ; leur queue est plus longue, plus touffue ; leur museau est plus pointu, et ils exhalent en géné- ral une odeur fétide. Quant aux autres carac- tères, ils sont les mêmes que ceux des chiens. 208 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. Le Renard fauve. Le RENARD ORDINAIRE | Canis vulgaris, Kirin. (anis vulpes, Lax. Le Renard, Burr. Le Fox des Anglais. Le fiaf des Suédois. Le Zorra des Espagnols. Le Liszka des Polonais. Le Lisitza des Russes. Le Tulki des Turcs et des Persans. Le Taaleb ou Doren des Arabes, et le Nori des Indous). Je regarde comme simples variétés de cette espèce, 1° le Renard fauve de la Virginie (Canis fulvus, Desm.) ; 2° le Renard charbonnier (Canis alopex, Lx.) ; 5° le Renard musqué de la Suisse ; 4° le Renard noble du même pays, et le Renard croisé d'Europe (Canis crucigera, Briss.). Le renard ordinaire est d’un fauve plus ou moins roux en dessus, blanc en dessous ; le derrière de ses oreilles est noir; sa queue est touffue, terminée par un bouquet de poils blancs. Le renard charbonnier n’en diffère que par le bout de sa queue, qui est noir, ainsi que quelques poils de son dos et de son poitrail. Le devant de ses pattes antérieures est également noir. M. Steinmuller pense que le charbonnier n’est que le jeune âge du renard ordinaire, et je ne suis pas de son avis. Pendant plus de dix années consécutives, j'ai chassé le renard dans un pays qui en était très-peuplé; j'en ai élevé plusieurs, et je crois être certain que le charbonnier n’est rien autre chose qu'un vieux mâle. Cependant il m'est arrivé, mais rarement, de tuer de trés-vieilles femelles qui portaient la même livrée. Je suppose, par analogie, qu'elles ne revêtent cette livrée que lorsqu'elles deviennent stériles. Quant au renard fauve des Etats-Unis, il ne differe en rien du renard ordinaire ni pour les habitudes, ni pour les formes, ni même pour les couleurs. Son pelage est nuancé de roux et de fauve; le dessous du cou et du ventre sont blancs; sa poitrine est grise; le devant des jambes antérieures et les pieds sont noirs avec du fauve sur les doigts; le bout de la queue est blanc; sa taille est exactement la même que celle du nôtre. Le renard musqué CHIENS. 209 de la Suisse à cela de particulier qu'il répand une odeur, non pas agreable, comme on l’a dit, mais un peu analogue à celle de la fouine; enfin, le renard noble, ou kohlfuschs des Suisses, n’est rien autre chose qu'un très-vieux mâle charbonnier. Le renard croisé d'Europe { Canis crucigera de Gesner et de Bris- son), qu'il ne faut pas confondre avec le renard croisé d'Amérique (Canis de- cussatus de Geoffroy), est également une sous-variété du charbonnier, qui à quelques poils noirs lui formant une croix sur le dos. Les renards ont toute la légèreté du loup et sont presque aussi infatigables, mais ils sont plus rusés à la chasse et plus ingénieux pour se dérober au dan- ger. Ils habitent des terriers qu'ils savent se creuser au bord des bois ou dans les taillis, sous des troncs d'arbre, dans les pierres, les rochers, ou enfin dans la terre, mais alors sur un sol en pente, afin d'éviter l'humidité ou les inonda- tions. Quelquefois ils s'emparent des terriers des blaireaux, ou même de ceux de lapins, qu'ils élargissent. Les chasseurs ont observé la forme du terrier, et l'ont ainsi décrit : « Il se divise en trois parties ; la maire est celle qui est le plus rapprochée de l'entrée; c'est là que la femelle se tient quelques moments en embuscade pour observer les environs avant d'amener ses petits jouir de l'influence de l'air et des rayons du soleil; c’est aussi là que le renard que l’on enfume s’arrète quelques minutes pour attendre l'instant favorable d'échapper au chasseur. Après la maire vient la fosse, où le gibier, la volaille, et autres produits de la rapine sont déposés, partagés par la famille et dévorés; presque toujours la fosse a deux issues, et quelquefois davantage. L'accul est tout à fait au fond du terrier ; c’est l'habitation de l'animal, l'endroit où il met bas et allaite ses petits. » Ce terrier n'est guère habite par le renard qu'à l'époque où il élève sa jeune famille ; dans tout autre temps, il ne s’y retire que pour échapper à un danger pressant. Il passe la journée à dormir dans un fourré à proximité de sa retraite, et il chasse pendant la nuit. Il ne se nourrit guëre que de proie vivante, à moins qu'il ne soit extrémement poussé par la faim; dans ce cas, il mange des fruits, particulièrement des baies de ronces, et se tient à proximité des vignes pour se nourrir de raisins. Il faut qu'il éprouve une grande disette pour attaquer les charognes et autres voiries. Vers la tombée de la nuit, il quitte sa retraite et se met en quête. Il parcourt les lieux un peu couverts, les buissons, les haies, pour tàcher de surprendre des oiseaux endormis, ou la perdrix sur ses œufs; il se place à l’affût dans un buisson épais pour s’élancer et saisir au passage le lièvre ou le lapin. Quelquefois il parcourt le bord des étangs, et se hasarde même dans les Joncs et les marécages pour saisir les jeunes poules d’eau, les canards qui ne peuvent pas encore voler, et autres oiseaux aquatiques A leur défaut, il mange des mulots, des rats d’eau, des grenouilles et des lézards. Mais si, pendant ses recherches, le chant d’un coq vient frapper son oreille, il s’a- chemine avec précaution vers le hameau d'où viennent ces sons None il en fait cent fois le tour, et malheur à la volaille qui ne serait paS rentrée le soir dans la basse-cour : elle serait saisie et étranglée avant même d’avoir eu le temps de crier. Lorsque le jour commence à paraitre, il rentre dans le bois, et toujours dans le même hallier qu'il a choisi pour sa retraite habituelle. Cependant, quand la 27 210 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. ferme où il a commis ses rapines pendant la nuit se trouve tres-éloignée de sa retraite, il cherche une autre cachette plus rapprochée et y passe la journée en observation. Si la volaille s’écarte dans les champs pour aller chercher sa pâture, il la guette avec soin, choisissant des yeux sa victime en attendant patiemment l'occasion de s'en emparer. Tant que le chien de cour rôde ou veille dans les environs, il reste immobile et tapi dans sa cachette; mais celui-ci rentre-t-il un moment dans la ferme, le renard se coule le long d'une haie, en rampant sur le ventre. Pour approcher sans être apercu, il se glisse derrière tout ce qui peut le masquer, un buisson, un tronc d'arbre, une touffe d'herbe; parvenu à proximite, d’un bond il se jette sur sa proie, fuit au fond des bois avec autant de vitesse que de précautions pour n'être pas découvert, et là 11 la mange avec sécurité. Quand son coup lui à réussi, on peut être sûr qu'il reviendra à la charge tous les trois ou quatre jours, et qu'au bout de l’année il ne restera pas une seule pièce de volaille dans la basse-cour, si l’on ne parvient à saisir le voleur. Dans les pays giboyeux, les renards s’adonnent plus particulièrement à la chasse. Deux sortent ensemble de leur retraite et s'associent pour la chasse du lièvre. L'un s’embusque au bord d'un chemin, dans les bois, et reste immobile ; l’autre quête, lance le gibier, et le poursuit vivement en donnant huit ou dix coups de voix par minute pour avertir son camarade, d'un ton aigu, glapissant, mais non en aboyant comme le chien. C’est ordinairement pendant la belle saison, entre dix heures du soir et minuit, que l’on entend chasser ces animaux dans les pays boisés. Le lièvre fuit et ruse devant son ennemi comme devant les chiens de chasse ; mais tout est inutile, et le renard, collé sur la piste, le déjoue sans cesse et se trouve toujours sur ses talons. Il combine sa poursuite de manière a le faire passer sur le chemin aupres duquel son camarade est à l'affût pour l’at- tendre. Lorsque le lièvre est à portée, le renard embusqué s’élance, le saisit : l'autre chasseur arrive, et ils dévorent en commun une proie qu'ils ont chassée ensemble. Mais cette association n'a pas toujours une fin aussi heureuse. Il ar- rive parfois que celui qui attend, trahi par son impatience ou par son adresse, s'elance et manque sa proie. Au lieu de courir après, il reste un moment saisi de sa maladresse, puis, comme se ravisant et voulant se rendre compte de ce qui lui a fait manquer son coup, il retourne à son poste et s’élance de nouveau dans le chemin ; 11 y retourne et s’élance encore, recommencant plusieurs fois ce ma- nége. Sur cette entrefaite, son associé paraît et devine sur-le-champ ce qui est arrive. Dans sa mauvaise humeur, il se jette sur le maladroit, et un combat de cinq minutes est livré; ils se séparent ensuite, l'association est rompue, et chacun se met en quête pour son propre compte. « Le renard, dit Buffon, est fameux par ses ruses, et mérite sa réputation ; ce que le loup fait par la force, il le fait par adresse, et réussit plus souvent. Il emploie plus d'esprit que de mouvement, ses ressources semblent être en lui- même : ce sont, comme l'on sait, celles qui manquent le moins. Fin autant que circonspect, ingénieux et prudent, même jusqu’à la patience, il varie sa con- duite, il a des moyens de réserve qu'il sait n’employer qu’à propos. » Ce que dit Buffon est le portrait le plus exact qu'on puisse faire de cet animal, et il ne cesse d'employer la ruse pour se sauver d’un danger qu'en rendant le der- CHIENS. 211 uier soupir. Je pourrais en citer plusieurs exemples dont j'ai moi-même ele te- mom, mais j'aime mieux en choisir un, absolument identique à ce que j'ai vu, dans un ouvrage estimé sur la chasse : « J'ai vu un renard, vieux charbonnier, dit l’auteur, qui, après avoir mis plus d’une fois les chiens en défaut, s'étant fourvoye dans un trou peu profond et fort large, où il fut pris par les chiens, se laissa fouler par eux, tourner et retourner par les chasseurs, pendant plus d'un quart d'heure en faisant le mort, et qui, lorsque les chiens furent soûls de jouir, se releva tout d'un coup sur ses pieds et décampa lestement au moment où on y pensait le moins. » Chassé par les chiens, le renard ruse une ou deux fois devant eux pour les mettre en defaut, puis gagne son terrier; mais, effrayé par Îles morceaux de papier que les chasseurs ont eu soin de placer devant les trous, auprès desquels ils se sont postés, il regagne l'épaisseur du bois s'il n’est atteint et tué par leurs coups de fusil. Après avoir fait un grand tour 1l revient encore une se- conde fois à son terrier, et s’il est encore manqué par les tireurs, il file de long pour ne plus revenir. Devant les chiens il se fait toujours battre dans les four- res les plus épais et dans les lieux bas. S'il a un chemin à traverser, il s'arrête un moment au bord du bois, examine s’il découvrira le chasseur, auquel cas il rebrousse subitement; si rien ne l'inquiète, il n’en franchit pas moins le che- min d'un seul bond, ce qui le rend très-difficile à tirer. Quand il est terré, on le prend dans son trou au moyen d’un basset qui l'inquiète pendant qu'on creuse en dessus avec des pioches; si le terrier est dans des roches, on le fume. Quelques naturalistes ont prétendu que le chien de Laconie, dont parle Aris- tote, n’était rien autre chose que le renard plié à la domesticité, et ceci me paraît plus que douteux. J'ai essayé plusieurs fois de priver des renards pris fort jeunes, et je n'ai jamais pu y parvenir. Buffon n'avait pas obtenu plus de succès que moi, et tous ceux qui ont vécu à la ménagerie se sont toujours mon- trés farouches et sauvages. Je ne crois pas non plus qu'il y ait un seul exemple de l’accouplement de ces animaux avec des chiens. De ces raisons, et de beau- coup d’autres, tirées des différences anatomiques qui existent entre eux, je con- clus que non-seulement ils n’appartiennent pas à l'espèce du chien, mais pas même à son genre. Les renards entrent en chaleur en hiver, et la femelle, qui ne fait qu'une portée par an, en avril et en mai, ne met Jamais bas moins de trois petits et rarement plus de quatre ou cinq. Elle en a le plus grand soin, et si elle s’apercoit qu'on ait rôdé autour de son terrier, elle les en sort pendant la nuit, et Les transporte un à un dans un autre. Le renard met dix-huit mois à croître et vit treize ou quatorze ans. L'Isaris ( Vulpes lagopus. — Canis Lagopus, Scues. Le Renard bleu, Burr. — G. Cuv. Le Pesez des Russes. Le Fiallracka des Suédois. Le Reft et le Toa des Islandais. Le Swid et le Graa-raev des Danois. Le Nauli des Finnois. Le Mclrak des Nor wégiens. Le Njal des Lapons). Son petage est tres-long, tres-fourré, tres-moel- leux, presque semblable à de la laine, mais non crépu, tantôt d'un cendré foncé, tantôt blanc ; le dessous de ses doigts est garni de poils, et le cinquieme doigt des pieds de devant est presque aussi fort que les autres, un peu plus court seu- lement, et son ongle plus recourbé. Le bout du museau est noir. L'isatis se trouve sur tout le littoral de la mer Glaciale et des fleuves qui s’y 212 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. jettent, et partout au nord du soixante-neuvième degré de latitude. Il se plaît dans les pays déboisés et découverts, sur les montagnes nues, et c’est sur le pen- chant de ces dernières, où au moins sur les collines élevées, qu'il aime à creu- ser son terrier. Îl entre en chaleur vers la fin de mars, et la femelle porte en- viron neuf semaines. En mai et juin elle met bas sept à huit petits, et mème beaucoup plus si on s’en rapporte à Gmelin. Les mères blanches font leurs pe- Uits d’un gris roux en naissant, et ceux d’une mère cendrée sont presque noirs. Pendant les cinq à six premières semaines, la mère reste le plus longtemps pos- sible dans son terrier, et n’en sort que pour aller chercher sa nourriture; elle y allaite ses enfants avec grand soin, et les tient très-propres sur le lit de mousse qu'elle leur à préparé à l'avance. Vers le milieu d'août, elle les fait sortir et les méne promener avec elle pour leur apprendre à chasser. Leur poil alors à un peu plus d’un demi-pouce (0,014) de longueur. Les individus blanes com- mencent déjà à avoir une raie d'un brun cendré sur le dos ; les individus cendrés ont déjà leur couleur foncée et ne subissent plus aucune variation que dans la longueur et le reflet du pelage. Dés le milieu de septembre, les blancs sont d'un blanc pur, excepté la raie du dos et une barre sur les épaules qui noir- cissent, el les font alors nommer krestowiki ou croisés. Puis le noir des épaules disparaît entièrement et bientôt après celui du dos, de manière qu’en novem- bre l’isatis blane est dans sa perfection de couleur et se nomme alors nedopesez. Néanmoins les poils des blancs et des cendrés n'ont acquis toute leur longueur qu'en décembre, et c'est depuis ce moment jusqu'en mars que leur fourrure est le plus estimée. Celle des blancs étant la plus commune est aussi celle qui a le moins de valeur ; celle des gris en a beaucoup plus, et cette valeur augmente d'autant plus que la couleur en est plus foncée et reflète le cendré bleuâtre, d'où est venu à ces animaux le nom de renards bleus. La mue commence en mai et finit en juillet. À cette époque les adultes ont la mème livrée que les nouveau-nés de leur couleur, et ils parcourent des phases de coloration abso- liment semblables. Les fourrures d'isatis ont un tel prix, que, s'il arrive à un chasseur de s'em- parer d'un ou de deux petits, il les apporte chez lui et les fait allaiter par sa femme, qui se donne beaucoup de peine pour les élever jusqu’au moment de les tuer et de vendre leur peau. Les voyageurs prétendent qu'il n’est pas rare de voir de pauvres femmes partager leur lait et leurs soins entre leur enfant et trois où quatre renards bleus. Ces animaux ont une singulière habitude, c’est d’émigrer en grand nombre du pays qui les à vus naître, dès que le gibier dont ils se nourrissent ordinai- rement, par exemple les lemmings et les lièvres tolai, vient à diminuer en nombre. En général, ces émigrations se font vers le solstice d'hiver, et les émi- erants descendent quelquefois au sud du soixante-neuvième degré, mais jamais ils n'y fixent leur demeure et n'y creusent de terriers. Après trois ou quatre ans au plus, ils retournent dans leur patrie, où le gibier à eu le temps de peu- pler pendant leur longue absence. Comme tous les renards, l’isatis est rempli de ruses, de hardiesse, et enclin à la rapine. Sans cesse il est occupé, pendant la nuit, à fureter dans la cam- pagne, ct quelquefois on l'entend chasser avec une voix qui tient à la fois de CHIENS. 213 l’aboiement du chien et du glapissement du renard. Il à sur ce dernier l’avan- tage de ne pas craindre l’eau et de nager avec la plus grande facilité. Aussi se hasarde-t-il souvent à travers des bras de rivière ou des lacs, pour aller chèr- cher, parmi les jones des îlots, les nids des oiseaux aquatiques, dont il dévore d'abord la mère, s’il peut la surprendre, puis les petits ou les œufs. Le ReNaRD DE LALANDE ( Vulpes Lalandii.— Canis megalotis, Desm. Canis Lalandii, Des- mou.) est plus haut sur jambes que notre re- nard ; sa tête est plus petite et sa queue plus fournie ; ses oreilles très-grandes, égalant pres- que la tête, sont remarquables par un double rebord à leur bord inférieur externe ; son pelage est d'un gris brun en dessus, d’un fauve pâle et plus laineux en dessous; il a une bande de poils plus grands que les autres et noirâtres le loug du dos; le devant des quatre pieds est d’un brun noirâtre; le dessus et le bout de sa queue sont noirs. Tout le pelage de cet animal est plus laineux que celui des autres renards. 11 habite le cap de Bonne-Espérance, et principalement la Cafrerie. Le Zeroo ou FEnwec ( Vulpes fennecus. — Canis fennerus, Less. Canis zerdo, Gue. Fen- necus Brurii, Desu. Canis zerda, Pygmaœus ou Saharensis de LeuckarT. Probablement le Ca- nis famelicus de KREerscumar) est de très-petite taille; ses jambes sont grèles, son museau effilé, ses oreilles très-crandes; son pelage est d'un joli roux isabelle en dessus, blanc en dessous; il a une tache fauve placée devant chaque œil; la base et le bout de sa queue sont noirs ; à l’inté- rieur ses oreilles sont bordées de longs poils blancs. Cet animal est fort peu connu, et tout ce qu'on sait de certain sur son compte c’est qu'il se trouve à Dongola, en Afrique, qu’il ha- bite un terrier, et qu'il se nourrit de petits mammifères, d'oiseaux et d'insectes. On a dit, à tort, qu'il grimpe sur les arbres et mange des dattes. Le Fenvec DE DEnuam (Vulpes Denhamii) diffère du précédent par son pelage d’un roux blanchâtre uniforme, seulement plus pâle en dessous ; son dos, brup, est rayé de lignes noires très-déliées; son menton, sa gorge, son ventre, et les parties internes de ses cuisses el de ses jambes sont blancs; son museau est noir. Du reste il ressemble au précédent. Il habite l’inté- rieur de l'Afrique. Le RenarD DE BENGALE ( Vulpes bengalensis. — Canis bengalensis, Suaw.) est brun en des- sus, avec une bande longitudinale noire ; il a le tour des yeux blancs, et sa queue est noire au bout. Il habite l'Inde, et diffère peu de notre renard, quant aux mœurs. Le Renarp D'ÉcyrrTe ( Vulpes niloticus.— Canis niloticus, Georr.) ressemble beaucoup au renard ordinaire quant aux mœurs, à la grandeur et aux formes; son pelage est rous- sâtre en dessus, d’un gris cendré en dessous ; ses oreilles sont noires et ses pieds fauves. Il se trouve en Égypte. LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. Le ) LE Le Renard argenté. Le RENARD ARGENTÉ | Vulpes argentatus. — Canis argentatus, Fr. Cuv. Le Renard argenté où Renard noir G. Cuv., confondu par Gmelin avec le Loup noir, Cams lycaon). Sa longueur, non compris la queue, est de vingt-trois pouces (0,623) ; il est d'un noir de suie, piqueté ou glacé de blanc partout, excepte aux oreilles, aux épaules et à la queue, où il est d’un noir plus pur; il a le bout de la queue, le dedans de l'oreille et le dessus du sourcil blancs ; son museau et le tour de son œil sont gris; son iris est jaune. Cet animal habite principalement le nord de l'Amérique; mais, selon Lesseps el Krakenninikof, on le trouve aussi au Kamtschatka, quoique assez rarement. Il a les mêmes habitudes que notre renard ordinaire; et comme il est plus grand et plus fort, il est aussi plus courageux, et ne craint pas d'attaquer des animaux d’une certaine grosseur. On dit que lorsqu'il peut approcher d’un troupeau, il à la hardiesse d’enlever, malgré les cris des bergers, les agneaux ou chevreaux qui sont à sa convenance, et c’est probablement pour avoir en- tendu raconter de pareilles choses, que Gmelin l’a confondu avec le loup noir. Sa fourrure a du prix, quoiqu'elle soit moins estimée que celle du renard bleu. La ménagerie du Jardin des Plantes en a possédé un qui y a vécu assez long- temps, et l’on à pu reconnaître en lui toutes les allures de notre renard; ainsi que lui, il marchait la tête et la queue basses, et, quoique très-bien apprivoisé et fort doux, il gardait un amour de la liberté qui a fini par le faire mourir dans la tristesse et le marasme. Lorsqu'on le contrariait, il grognait comme un chien en montrant ses dents, et il eût été dangereux de le toucher dans ces moments CHIENS. 215 de mauvaise humeur. Il exhalait une odeur désagréable, mais qui n'avait pas beaucoup d'analogie avec celle du renard commun, et, pendant l'été, il parais- sait beaucoup souffrir de la chaleur. Le RENARD AGILE ( Vulpes velox. — Canis ve- lox, Sax.) habite l'Amérique, ainsi que les es- pèces qui vont suivre. Son pelage est doux, fin, soyeux, fauve et d’un brun ferrugineux ; le des- sous de sa tête est d'un blanc pur, et les poils de son cou, étant plus longs que les autres, lui forment une sorte de fraise. 1] a la taille svelte, le corps mince, ce qui, dit-on, le rend très-lé- ger à la course. Il se plait dans les pays décou- verts, sur les bords du Missouri, se loge dans ua terrier, et parait avoir les mêmes habitudes que nos renards. Le RENARD GRIS (Vulpes virginianus.— Canis virginianus, EnxL. Le Renard gris de CATEsBv) se distingue de ses congénères à son pelage en- tièrement d'un gris argenté; du reste, il a les mêmes mœurs et les mêmes habitudes. On le trouve en Virginie. Le RENARD CROISE {Vulpes decussatus.— Canis decussatus, GEorr. Canis cruciger, Scur.) est de la taille de notre renard; tout son corps, et surtout le dos, la queue, les pattes et les épau- les sont d’un gris noirâtre, plus foncé vers les épaules, à poils annelés de gris et de blanc; il a une grande plaque fauve de l’épaule jusqu’à la tête, et une autre de même couleur sur le côté de la poitrine. Son museau, les parties inférieures de son corps el ses pattes sont noirs ; sa queue est terminée de blanc. On le trouve dans l'Amérique septentrionale et probablement jusqu’au Kamtschatka. L'AGOUARACHAY Où RENARD TRICOLOLE ( Vulpes cinereo-argenteus. — Canis cinereo-argenteus, Scares. — FR. Cuv.) est noir, glacé de gris en dessus; la tête est d'un gris fauve; le museau blane et noir; les orcilles et les côtés du cou sont d’un roux vif; l'intérieur de l'oreille est blanc, ainsi que la gorge et les joues ; le menton est noir ; la face interne des membres est d’un fauve plus vif vers les flancs, plus päle sous le ventre et la poitrine ; la queue est fauve, nuan- cée de brun, et terminée par du noir foncé. Il babite les États-Unis et le Paraguay. Un jeune, apporté de New-Yorck, a vécu quelque temps à la ménagerie. Saus étre méchant, il était assez farouche, et il exhalait une odeur désagréable. 5° Genne. Les HYÉNOÏDES (Hyenoides) ont le méme système dentaire que les deux gen- res précédents, seulement le petit lobe en avant moins prononcé; ils n’ont que quatre doigts à tous les pieds. Ces caractères les placent entre les chiens et les hyènes, avec lesquels elles ont de uombreuses affinités. La Hyenoïve PeINTE (Hyenoides picta.—Hyu- na picta, Temm. Hyæna venatica, Broocxs. Canis pictus, Desm.). Sa taille est celle du grand mätin, et, de tous les animaux, c'est elle qui a le pelage le plus agréablement varié. Sur un fond grisätre se dessine d’une manière plus ou moins {tranchée des taches blanches, noires, d'un jaune d'ocre foncé, très-irrégulièrement parsemées et mélangées, quelquefois assez lar- ges, d’autres fois très-petites, toujours placées sans ordre et sans nulle symétrie. Non seule- ment ces taches varient beaucoup sur les parties correspondantes du même animal, mais encore d'individu à individu, car je n’en ai pas trouvé deux achetés identiquement dans les collections que j'ai visitées, quoiqu'’elles y soient en assez grand nombre. Du reste, la hyénoiïde à quelque analogie de forme avec la hyène tachetée {Hycæna crocata), à laquelle elle ressemble par le manque de crinière, et par son train de derrière, qui est même plus relevé, quoiqu'il le soit moins que dans les chiens. Comme cette derniere, elle a la tête grosse, le museau court, et les veux gros et saillants; ses oreilles sont larges et velues; sa queue est touffue, blanche au bout, et descend jusqu'aux talons. La hyenoide habite le midi de l'Afrique; elle a toute la voracite des hyènes, mais moins de lâcheté, et elle est beaucoup plus dangereuse pour le bétail. Elle se réunit en troupe plus ou moins nombreuse, et ose alors se defendre contre la panthère et même contre le lion. Elle aime à se nourrir de cadavres corrom- pus et de voiries, et, pour satisfaire ce goût, elle a la hardiesse d'entrer, pen- dant la nuit, dans les cours des fermes, et même dans les villages, où elle vient ramasser les immondices jusqu'aux portes des maisons. Malgré cela elle ne s'en 216 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. livre pas moins avec ardeur à la chasse des gazelles et des antilopes. Dans ce cas, les hyénoïdes se reunissent en meute, et poursuivent le gibier avec autant d'ordre et de persévérance que nos meilleurs chiens courants; seulement elles se divisent quelquefois en deux ou trois bandes, et pendant que l’une suit la piste de l’an- tilope, les autres cherchent à prendre les devants, à la couper et à la saisir au passage ; lorsque l'animal est pris ou forcé, elles le dévorent toutes ensemble sans se quereller; mais elles ne souffrent pas qu'un animal carnassier d’une autre espéce vienne leur disputer leur proie, et c’est alors que, comptant sur leur nombre et leur courage, elles osent résister à la panthère et au lion. Si les voiries manquent et que la chasse n'ait pas donné de produits, les hye- noides se répandent autour des habitations et poussent la hardiesse jusqu'à atta- quer les troupeaux, les moutons principalement, et même les bœufs et les chevaux lorsqu'elles les trouvent isolés. Mais aucun fait ne constate qu’elles se soient jamais jetées sur les hommes. Ce que nous venons de dire de cet animal est tout ce qu'il y à de positif sur son histoire, et si l’on n’en sait pas davantage, c'est parce qu'il a toujours été confondu avec les hyènes par tous les voyageurs. 4° Genre. Les GYMNURES (Gynnura, Less.) devraient peut-être se rapprocher des para- doxures, qui sont plantigrades, car ils n’ont pas une analogie parfaite avec les civettes et moins encore avec les chiens. A la mâchoire supé- rieure leurs deux incisives moyennes sont les plus larges, et écartées l’une de l’autre ; les deux latérales sont fort petites et les canines médio- cres; la première molaire a deux pointes, la se- conde une seule, la quatrième et la cinquième quatre tubercules et la sixième trois; les cani- nes de la mâchoire inférieure sont longues. Ils ont en tout quarante dents, dont douze incisi- ves, quatre canines, et douze molaires à chaque mâchoire. Du reste, leur museau est pointu, leur langue douce ; lcurs oreïlles arrondies, droites et pues ; leurs ongles comprimés, arqués el aigus ; leur queue nue. On n'en connaît qu’une espèce : Le GYMNURE DE RaArrLes ( Gymnura Kafflesii, Less. Viverra gymnura, RAFFL.) a un pied de longueur (0,525) non compris la queue, qui est nue et a dix pouces (0,271). Son pelage, long et assez dur en dehors, laineux, doux et très- épais en dedans, est noir et blanc; le corps, les jambes et la première moitié de la queue sont noirs, et une bande de la même couleur passe sur les yeux ; la tête, les épaules et le cou sont blanes; le museau est pointu, dépassant d'un pouce (0,027) la mâchoire inférieure; les mous- taches sont longues, et les yeux petits. Cet ani- mal habite les Indes orientales, et l'on ne sait rien de ses habitudes. (l == = = HI IT = — = — | — = | M 5 = qr. = = a l | | Qu D > - À LA BOUCHERIE, DÉS ANIMAUX FEROCES. DERRIÈRE LES LOGES CIVETTES. 10 t La Civette. LES CIVEDPES Ont quarante dents, à une seule espèce près, la marche, et près de leur anus est une poche qui n’en a que trente-six : douze incisives, qua- plus où moins profonde, où des glandes parti- {re canines et douze molaires, dont trois faus- ses molaires en haut, quatre en bas : les anté- rieures tombant quelquefois; deux tubercu- leuses assez grandes en haut, une seule en bas; deux tubercules saillants au côté interne de leur carnassière inférieure en avant, le reste de cette dent étant plus ou moins tuberculeux. Leur langue est hérissée de papilles rudes et aiguës ; leurs ongles se redressent à demi dans culières font suinter une matière onctueuse et souvent odorante. 1 Genre. Les CIVETTES | liverra, Cuv.) ont les pieds à cinq doigts, ainsi que les genettes et les mangoustes. On les reconnait à la poche profonde qu'elles ont entre l'anus et l'organe de la génération, poche divisée en deux sacs qui se remplissent d'une pommade abondante exha- lant une forte odeur musquée. Le NZFUSI ou NZIME ( Viverra civetta, Lax. La Civette ordinaire, G. Cuv. — Burr. Le Kankan des Éthiopiens. Le Kastor des Guinéens) A environ deux pieds trois pouces (0,751) de longueur, non compris la queue ; son museau est un peu moins pointu que celui du renard; ses oreilles sont courtes et arrondies ; son pelage est long et grossier, gris, tacheté et couvert de bandes brunes et noirâtres, avec une crinière tout le long de l’échine; sa queue est brune, moins longue que son corps; la tête est blanchâtre, excepté le tour des yeux, les joues et le menton, qui sont bruns ainsi que les quatre pattes. La civette ou nzime habite l'Afrique et surtout l'Abyssinie ; on la trouve aussi en Asie. Elle a, outre les poches singulières dont nous avons parlé, un petit trou de chaque côté de l'anus, d’où suinte une humeur noirûtre tres-fêtide. C’est un animal qui fuit les terres humides et basses, et qui se plaît particulièrement dans les plaines élevées et les montagnes arides. Agile à la course comme un chien, leste à sauter comme un chat, souple comme tous les animaux de son genre, ayant des yeux trés-brillants et qui lui permettent de distinguer les objets 28 218 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. pendant la nuit; étant, outre cela, d'un caractère courageux et cruel, la civette est le fléau des oiseaux et des petits mammiferes, qu'elle surprend dans les té- nébres, qu'elle poursuit à la course pendant le jour, et qu'elle atteint d’un bond à une assez grande distance. Son occupation constante est de chasser ; mais, quand elle ne trouve pas de gibier, elle vient en maraude autour des lieux ha- bités, saisit avec toute la ruse du renard les volailles qui se sont écartées de la ferme, pénètre même quelquefois dans la basse-cour, et met tout à mort avant de se retirer. Enfin, si toutes ces ressources lui manquent, elle se rabat sur les fruits et les racines, qu'il lui est facile de broyer avec ses larges molaires tu- berculeuses. Quoique naturellement farouche, la civette s’apprivoise assez faci- lement, mais Jamais assez pour s'attacher à son maitre et caresser la main qui la nourrit. Née dans les pays chauds, elle s’habitue cependant très-bien dans les climats tempérés, et même froids, pourvu que, pendant l'hiver, on la tienne dans un lieu chauffé. Il n'y a que quelques années qu’on en nourrissait encore beau- coup en Hollande, alors que le parfum qu'elle produit était à la mode, et celui qu'on en tirait était plus estimé que celui qui venait de son pays même, probablement parce qu'il n'était pas frelaté. Il paraît aussi que son odeur est d'autant plus forte et plus suave, et sa qualité d'autant plus grande, que l'animal est mieux nourri; de la chair crue et hachée, des œufs, du riz, des petits ani- maux, des oiseaux, de la jeune volaille, et surtout du poisson, tels sont les ali- ments qui lui conviennent le mieux; il ne lui faut que peu d'eau, parce qu'il boit très-rarement. Pour recueillir ce parfum, on met l'animal dans une cage étroite où il ne peut se tourner; on ouvre la cage par un bout, et on tire la ci- velte par la queue; on la contraint à rester dans cette position en passant à tra- vers les barreaux un bâton qui lui entrave les jambes de derrière; alors, on introduit une petite cuiller dans le sac qui contient le parfum, on racle avec soin toutes les parties intérieures des deux poches, et l’on met la matière odo- rante qu'on en tire dans un vase que l’on ferme ensuite hermétiquement. Si l'animal se porte bien et qu'il soit convenablement nourri, on peut répéter cette opération deux ou trois fois par semaine. Cette matière exhale une odeur si forte, qu'elle se communique à toutes les parties du corps de la civette; le poil en est imbu, et la peau pénétrée au point qu'elle se conserve encore longtemps après sa mort. Quand on irrite et tourmente l'animal, il hérisse sa criniére, se secoue en grondant, et il répand une odeur qui devient violente, au point qu'on ne peut la supporter dans un appartement où l’on se trouve enfermé avec lui. Cette humeur onctueuse et parfumée, que nous appelons civette, est connue dans le Levant et en Arabie sous les noms de sibet ou algallia, et elle est encore en orande estime dans ces contrées et dans l'Inde. Autrefois, en Europe, la mé- decine s’en était emparée, et lui attribuait des propriétés merveilleuses, comme aphrodisiaque et stimulante ; mais aujourd'hui ses prétendues vertus sont ou- bliées, et il n’y a plus guère que les parfumeurs et les confiseurs qui en emploient encore quelquefois. On sait parfaitement aujourd'hui que la civette, quoique très-commune, ne produit cependant que deux ou trois petits à la fois, et les anciens naturalistes auraient dû déduire ce fait du nombre de ses mamelles, qui est de quatre ; mais comme elle refuse constamment de s’accoupler en domesticité, on ne sait pas RE CIVETTES. 219 le temps que dure sa gestation, ni mème les circonstances qui accompagnent l'éducation de ses petits. La Civerre D'Harowicu (Viverra Hardwichii, Less.) a environ quinze pouces (0,406) de lon- gueur, non compris la queue, qui en a onze (0,298) ; elle est d’un blanc jaunâtre, marquée de larges lignes longitudinales et de taches noires allongées et confluentes; la queue porle six anneaux noirs ; le nez cst noir, et une ligne de cette couleur va de l'œil au cou, de chaque côté. Elle est de Java, et ses mœurs, n’é- tant pas connues, ne peuvent se déduire que par analogie. Le Ziser ou Sawapu-Puxée (Fiverra zibetla, Lun. Le Zibeth, G. Cuv. Le Muse de LA PEYRO- NE. Le Quott et Baardes des Arabes) est plus pelit que la civette, sa longueur ne dépassant pas douze ou quinze pouces (0,525 à 0,406), non compris la queue. Il a celle-ci beaucoup plus longue, couverte de poils courts, et anne- lée de noir; le fond de son pelage est d'un gris jaunâtre, avec de nombreuses taches noires, pleines ct quelquefois assez rapprochées pour former des lignes continues, surtout au frain de derrière; le ventre est gris; une bande noire, naissant derrière la partie supérieure de l'oreille, s'étend en are de cercle jusqu'au-de- vant du bras, et sépare la robe, {achetée de blanc pur, des côtés et du dessous du cou ; une autre bande un peu plus large, également noire, en est séparée par un cercle blanc; une (roi- sième descend verticalement au-dessous de l’o- reille, enfin une quatrième correspond à la branche montante de la mâchoire. Le zibet habite les Indes, et se trouve principalement aux Philippines. Ses habitudes sont plus nocturnes que celles de la civette, parce qu'il voit mal pen- dant le jour, qu'il passe entièrement à dormir dans les fourrés où il fait sa de- meure. La nuit, il se met en chasse, et parcourt la campagne avec une grande activité, et dans un profond silence que rien ne peut lui faire rompre. A toutes les sortes d'aliments il préfère les oiseaux et surtout leurs œufs; il attaque aussi les petits mammifères, mais il mange aussi les fruits, et il se contente de ra- cines quand il ne trouve pas mieux; en un mot, il est presque omnivore. Du reste, il a toutes les autres habitudes de la civette, et produit un parfum qui ne lui est pas inférieur. Celui qui a vécu à la ménagerie était triste, silencieux, facile à se mettre en colère, et alors il se hérissait le dos comme s’il eût eu une crinière. 2 Genre. Les GENETTES ( Genelta, Cuv.) n'ont qu'une poche très-peu profonde, réduite à uu enfoncement léger formé sur la saillie des glandes, et presque sans excrélion sensible quoi- qu'il y ait une odeur très-manifeste. La GExeTTE ORDINAIRE (Genella vulgaris, FR. Cu. Virerra genetta, Lin. Virerru malaccensis, GuL. Virerra tigrina, Scu. La Gexelle et la Genetle du Cap, de Burre. La Cirette de Malacea, SoxneraT. Le Chol bizaam de Vosx. Le Chat du Cap de Forsrer) est à peu près de la gros- seur, de la longueur et de la figure d’une fouine, mais sa {ête est plus étroite, son museau plus effilé, ses oreilles plus grandes, plus minces et plus nues; ses paltes moins grosses et sa queue plus longue. Son pelage est d’un gris mélé de roux, tacheté de petites macules noires, tantôt rondes et tantôt oblongues ; la queue a quinze anneaux alternativement noirs et blanchâtres, avec des teintes rousses. Cet animal, si l’on n'a pas confondu plusieurs espèces en uné seule, se trou- verait en Afrique, au Cap, dans le midi de l'Asie, en Espagne, et même en France, dans le Poitou, selon Buffon; mais ce dernier fait me parait d'autant plus douteux que la figure qu'il a jointe à sa description est celle d'une genette étrangère. J'ai fait moi-même prendre dans le Rouergue et le Poitou des ren- seignements qui ne m'ont rien appris, si ce n’est que cet animal est tout à fait inconnu aux chasseurs dans ces anciennes provinces. Quoi qu'il en soit, la ge- nette n'habite ni les montagnes, ni les grandes forêts, ni les terres arides; elle 220 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. ne se plaît que dans les vallées fraîches, ombragées par de simples bocages, et le long des ruisseaux, sur le bord desquels on prétend qu'elle se creuse un ter- rier. Elle à de la finesse dans la figure, de la grace dans les mouvements, et beaucoup d’agilité pour poursuivre les oiseaux et les petits mammifères, dont elle se nourrit habituellement. Prise jeune, elle s’apprivoise parfaitement et de- vient un fidèle commensal de la maison, ayant à peu près les mêmes habitudes que le chat, et rendant les mêmes services en faisant une guerre active aux sou- ris, aux mulots et aux rats. Bellon dit en avoir vu dans les maisons à Constan- tinople ; elles étaient aussi privées que des chats, et on les laissait aller et courir partout, sans qu'elles fissent ni mal ni dégàt. Deux genettes, un mâle et une femelle, qu’on avait envoyées de Tunis, ont vécu à la ménagerie, s’y sont accou- plées à la manière des chats, et y ont fait un seul petit qui, en naissant, portait déjà la jolie livrée de ses parents. Comme on les tenait dans une cage assez étroite, elles étaient tristes, ennuyées, et dormaient toute la journée enroulées l'une sur l’autre. Elles se réveillaient le soir et s’agitaient toute la nuit. La fourrure de cet animal était autrefois très à la mode pour faire, à nos dames, des manchons légers, chauds et fort jolis, qui se vendaient un prix exorbitant ; mais les industriels de ce temps-là parvinrent à peindre des taches noires sur des peaux de lapins gris, qu'ils vendirent pour de la genette; cette fraude en fit tomber la valeur, et la mode en passa. La genette du Cap n’est, selon G. Cuvier et d’autres naturalistes, qu'une très- légère variété. Cependant ses bandes longitudinales sont au nombre de six au moins, tandis que celle que nous venons de décrire n’en à que quatre. Le BERBÉ Où GENETTE DE BARBARIE ( Genetla afra, Fr. Guv.) a le pelage gris, plus ou moins mélé de jaunätre ; le chanfrein blanc; le men- ton et la ligne dorsale noirs; ses bandes longi- tudinales sont plus régulières et au nombre de cinq. Elle habite le nord de l'Afrique. Le LisaxG ou DecuxpunxG (Genelta lisang, Less. Viverra gracilis, Des.) a, de longueur totale, deux pieds six pouces (0,812). Il a la tête allongée, le museau pointu ; son pelage est d’un fauve très-clair, avec quatre très-larges bandes brunes transverses; sa queue a le bout noir, avec neuf anneaux dont les deux premiers plus étroits que les autres; il a des taches sur les épaules et les cuisses, et des bandes étroites sur le cou. Il habite Java. Le Fossa (Genetta fossa, Less. Viverra fossa, Lin. La Fossane, Burr. La Genetle de Mada- gascar des voyageurs. Le Fossa des habitants de Madagascar) est d’un gris roux, marqué de taches brunes disposées sur le dos en quatre li- gnes longitudinales, et éparses sur les flancs; sa queue est roussâtre, faiblement marquée d'anneaux d’un roux brun. Elle habite Mada- gascar, et se plait dans les bois qui sont à proxi- mité des habitations rurales. On ne sait de cet animal que ce que Poivre en a écrit à Buffon : « La fossane que j'ai apportée de Madagascar, disait-il, est un animal qui a les mœurs de notre fouine; les habitants de l’île m'ont assuré que la fossane mâle, étant en chaleur, ses parties avaient une forte odeur de muse. Lorsque j'ai fait empailler celle qui est au Jardin du Roi, je l’examinai attentivement, je n’y découvris au- cune poche, et je ne lui trouvai aucune odeur de parfum. J'ai élevé un animal semblable à la Cochinchine et un autre aux îles Philippines, l’un et l’autre étaient des mâles; ils étaient devenus un peu familiers; je les avais eus très-petits, et je ne les ai guère gardés que deux ou trois mois; je ne leur ai jamais trouvé de poche entre les parties que vous m'indiquez; je me suis seulement apercu que CIVETTES. 221 leurs excrements avaient l'odeur de ceux de notre fouine. Ils mangeaient de la viande et des fruits, mais ils préféraient ces derniers, et montraient surtout un goût plus decide pour les bananes, sur lesquelles ils se jetaient avec voracité. Cet animal est très-sauvage, fort difficile à apprivoiser; et, quoique élevé bien jeune, il conserve toujours un air et un caractère de férocité, ce qui m'a paru extraordinaire dans un animal qui vit volontiers de fruits. L’œil de la fossane ne présente qu'un globe noir fort grand, comparé à la grosseur de sa tête, ce qui donne à cet animal un air méchant. » La GENETTE À QUEUE NOIRE (Genetla caudà ni- gricante.—La Genelte de France, Burr.) a vingt pouces (0,342) de longueur totale; son pelage, surtout sur le cou, est plus long que celui de la genette ordinaire, gris mélé de grands poils noirs à reflets ondoyants, avec le dessus du dos rayé et moucheté de noir ; le dessous du corps est blanc; les jambes et les cuisses sont noires ; les deux tiers de la queue sont noirs, et il n'y a d’anneaux distincts qu'au premier tiers; les oreilles sont rondes; l'œil grand, à pupille étroite. Cette genette a vécu à la ménagerie; elle avait été achetée à Londres, mais on ignc- rait sa patrie. Elle était toujours en mouve- ment, et ne se reposait que pour dormir. La GENETTE À BAxDEAU (Genctlta fasciata, Less. Viterra fasciatu, GEorr.) est de la gran- deur d'une fouine. Son pelage est d’un jaune clair marqué de taches d'un brun marron, dis- posées par séries longitudinales; le bout du museau, la mâchoire inférieure et le front sont d’un blanc jaunätre ; tout le dessous du corps est d'un gris uniforme. Sa patrie est inconnue, mais on la soupçonne de Java. La GENETTE DE L'INDE ( Genetla indica, LEss. Virerra indica, Georr. Viverra rasse, Horse.) estun peu plus grande que la genette ordinaire, avec la queue plus courte; son pelage est d’un blanc jaunâtre, avec huit bandes longitudinales étroites et brunes, et trois ou quatre lignes de points bruns parallèles sur les flancs; elle a le tour des yeux brun, la lèvre et le menton blancs, la queue annelée de brun et de blanc jaunitre. Elle habite l'Inde. Le cabinet en possède, sous le nom de Genetle de Jara, une variété qui n’en diffère que par sa taille plus petite. La GENETTE RAYÉE ( Genetta striata, Less. Viverra fasciata, Lis. Viverra striata, DeEsn. Le Pulois rayé de l'Inde, Burr. Le Chat sau- vage à bandes noires de l'Inde, SONNERAT ) res- semble à notre putois par la taille, la forme du corps et des oreilles; sa queue et sa tête sont d'un brun fauve, plus pâle autour des yeux, aux joues et sous la mâchoire ; elle a six larges bandes noires et cinq plus étroites d’un blanc jaunûtre, le long du dos et des flancs. Elle ha- bite la côte de Coromandel. Le Boxpar (Genelta bondar, be BraINv. Vi- verra bondar, DEsx.) a le fond du pelage fauve, avec la pointe des grands poils noire; il a sur le dos une bande noire, avec deux bandelettes parallèles de la même couleur sur chaque flanc; ses quatre pieds et le bout de sa queue sont également noirs. Il habite le Bengale. La GENETTE HERMAPHRODITE (Genetta herma- phrodita.— Viverra hermaphrodita, Pau.) a le museau, la gorge, les moustaches et les pieds noirs; une tache blanche sous les yeux ; le poil cendré à la base, noir à la pointe ; trois bandes noires le long du dos; la queue un peu plus longue que le corps et noire à l'extrémité. Elle habite la Barbarie. 999 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. Le Nems. 5° Genre. Les MANGOUSTES (Herpesies, ILLiG.) ont le même système dentaire que les deux genres précédents; elles ont une poche volumineuse, simple, ayant l'anus percé dans sa profondeur ; leurs poils sont courts sur la tête et sur les paltes; leur queue est longue, très-grosse à sa base, et leurs doigts sont à demi palmés. Le NEMS | Herpestes griseus. — Viverra cafra, Lis. Ichneumon griseus. Less. Le Nems, Burr.) Est d'un cinquième plus grand que le sunsa; il a vingt-deux pouces (0,596) de longueur, non compris la queue, qui en a vingt (0,542). Son pelage est dur, redressé, plus clair que dans le sunsa, en général d'un jaune paille, d’un gris brunâtre uniforme au dos et aux pattes; les ongles sont noirs; l'iris est d’un fauve foncé. Buffon le dit d'Afrique, et Geoffroy de l'Inde. Le Sunsa où GaGananGan ( Herpestes murgo. — Virerra mungo, Lan. Ichneumon mungoz, Less. La Mangouste de l'Inde, Burr. Le Chiré ou Kirpclé du Malabar) est à peu près de la taille d'une fouine; le fond de son pelage est bru- natre; il a sur le dos vingt-quatre à trente bandes transversales alternativement rousses et noirâtres; le dessous de sa mâchoire est fauve :; ses pieds sont noirs; sa queue, un peu moins longue que son corps, est d’un brun noirâtre uniforme. Cet animal a de la célébrité dans l'Inde, comme l'ichneumon en Égypte. Le sunsa habite l'Inde, et n'est pas rare au Malabar et à Java. C’est un joli petit animal qui se plaît le long des ruisseaux et des rivières, qui nage fort bien, et qui aime surtout à clapoter au bord de l’eau. Il fait une chasse continuelle aux reptiles, aux œufs des oiseaux aquatiques, aux petits mammifères et aux insectes. [Il mange même des fruits quand sa chasse n’a pas été heureuse; il CIVETTES. 293 boit beaucoup, est d'une propreté recherchée, et se roule en boule pour dormir, à peu près comme fait le hérisson. C'est surtout par ses combats avec les serpents que le sunsa s’est acquis une grande célébrité. Sans cesse on le voit fureter sur le bord des marais, et partout où il pense pouvoir rencontrer de ces reptiles. Dès qu'il en aperçoit un, il s’é- lance dessus d’un seul bond s'il est à portée, et lui écrase la tête avant que le serpent ait eu le temps de se mettre en défense. S'il est à une certaine distance lorsque le sunsa l'apercoit, rien n'est curieux comme les mines qu'il fait pour l'approcher sans en être vu, ou au moins sans l'effrayer : tantôt il se lève debout sur ses pattes de derrière pour l'examiner ; puis, cette vue le mettant en fureur, il marche à lui en haussant et courbant le dos comme un chameau, et se roidissant sur ses quatre pattes tendues comme des bâtons ; tantôt, apercevant le reptile qui fait un mouvement pour fuir, il se laisse tomber sur le ventre, s'étend, se colle à la terre, et se glisse doucement à travers les herbes en rampant. Par- venu à sa portée, il se jette sur son dangereux ennemi, et alors commence une lutte terrible qui ne finit jamais que par la mort de l’un d'eux, et quelquefois par celle de tous deux. La mangouste cherche à saisir le serpent sur le cou ou sur le crane, et le combat est fini dés qu'elle y parvient. Mais, comme si l’animal ve- nimeux connaissait les intentions de son adversaire, il roule continuellement son corps pour abriter ces parties sous ses anneaux écailleux, et de temps à autre, par un mouvement rapide comme l'éclair, il lance sa tête sur son antagoniste, et, avec ses crochets venimeux, lui fait une blessure mortelle. Tous les efforts du sunsa changent alors d'objet, et il ne cherche plus qu’à se débarrasser des replis dont il est enlace; il y parvient, s'éloigne en se trainant avec douleur, et cherche dans les environs une plante merveilleuse dont il mange quelques feuilles et sur laquelle il se roule à plusieurs reprises. Aussitôt, et comme par enchan- tement, plein d'une nouvelle vigueur et d'un nouveau courage, il retourne au combat et finit par tuer le serpent. Les Indiens, témoins de ce fait extraordi- naire, ont observé la plante que cherchait la mangouste, et l’ont nommée chiri, du nom qu'ils donnent à l’animal qui la leur a fait découvrir ; les botanistes l’ont appelée ophiorhiza mungos. Depuis ce temps on emploie, dans l'Inde, la racine de cette plante contre la morsure des serpents venimeux. Voila l'histoire telle que la racontent les anciens voyageurs, et, d'après eux, quelques naturalistes ; mais est-elle vraie? peut-elle se soutenir devant une cri- tique éclairée? C’est ce que je ne pense pas. Un voyageur allemand s’est trouve deux fois dans le cas de voir le combat d’une mangouste avec un serpent veni- meux, et il prétend que ce petit mammifère, lorsqu'il est mordu, va en effet se rouler sur le gazon, qu'il y ait ou qu'il n°y ait pas d’ophiorhiza, mais que cela ne l'empêche pas de mourir de sa blessure. La MancousTE 1ND1IENNE { Herpestes Edwarsii, Le Voünanc6-Suira (Herpestes galera. —Mus- Georr. — Desm. Jchneumon Edwarsii, Less.) a tela galera, Lin. Ichneumon galera, Lxss. Le le museau d’un brun rougeätre;le dos et la Vansire, Burr.) est plus petit que le sunsa; son queue annelés de brun sur un fond olivâtre; pelage est d'un gris brun, pointillé de jaunà- cette espèce et le nems sont les seuls qui aient (re; ses pattes sont brunes; sa queue est éga- les ongles noirs. Elle se trouve dans les Indes lement grosse et également touffue dans toute orientales. , sa longueur. 22% LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. Ce petit animal habite Madagascar, se plait sur le bord des rivières, et aime à s’y baigner tous les jours. Les Madécasses le prennent jeune, l'apprivoisent et l’élèvent dans leur maison, qu'il délivre des souris et autres petits animaux nuisibles. Les services qu’il rend, joints à sa familiarité et à sa douceur, l'ont fait rechercher par les habitants de l'Ile-de-France; ils l'ont transporté chez eux, et quelques années après il était naturalisé dans leur île. Du reste, il à les mêmes habitudes que les autres mangoustes, et il fait une guerre à mort aux lézards, serpents et autres reptiles. La ménagerie en à possédé deux qui y ont vécu assez longtemps. La ManGousre DE Java (Ierpestes jaranicus. — Ichneumon javanicus, Less.) a le pelage mar- ron ou presque roux, pointillé de blanc jau- nâtre ; la tête et les jambes sont d’un marron foncé uniforme; la queue est d’égale grosseur dans toute sa longueur. Elle habite Java. La ManGousrEe ROUGE ( Herpestes ruber.—Ich- neumon ruber, Grorr.). Sa taille dépasse d'un cinquième celle du sunsa ; elle a le pelage d’un rouge ferrugineux très-éclatant, plus particu- lièrement sur la tête et les épaules ; ses poils sont annelés de roux et de fauve; sa queue est très-épaisse et fort longue. On ignore son pays. La GRANDE ManGousTe (Herpestes major. — Ichneumon major, Gxorr.) a trois pieds six pou- ces (1,137) de longueur totale; ses poils sont annelés de fauve et de marron, mais les anneaux fauves sont si étroits, que le marron domine partout ; la queue, plus hérissée et plus longue que le corps, se lermine en pointe d’une cou- leur plus foncée; ses doigts sont couverts de poils ras et serrés, comme chez les animaux aquatiques, ce qui fait supposer que ses habi- tudes doivent se rapprocher beaucoup de celles de la loutre. Sa palrie est inconnue. Le TÉzerDéA ou IcaNEUMON ( Herpestes ich- neunon. — Jchneumon Pharaonis, GEorr. Vi- verra ichneumon, Lin. Le Nems des Arabes. L'Ichneumon d’Arisrore. Le lat de Pharaon de BsLon) est plus petit d'un sixième que la grande mangouste; son pelage entier paraît être mélangé également de brun marron et fauve, chaque poil étant annelé de ces deux cou- leurs ; les pieds et le museau sont noirs ou d’un marron foncé; les poils sont plus gros, plus secs et plus cassants que dans les autres espèces ; la queue est aussi longue que le corps, terminée par une touffe de très-longs poils noirs étalés en éventail. Il habite l'Egypte. L'ichneumon est un joli petit animal qui se plait sur le bord des ruisseaux et des rivières; il est commun sur les rives du Nil. Sa marche est légère et sa prudence extrême; il se glisse toujours à l'abri d’une haie ou d’un sillon, et il ne lui suffit pas de ne rien voir de suspect, il n’est tranquille et ne continue sa route qu'après avoir flairé tout ce qui est à sa portée. L’odorat est son guide le plus sûr; même quand il est apprivoisé, il va sans cesse flairant, remuant con- tinuellement ses narines avec un petit bruit imitant le souffle haletant d’un ani- mal qui vient de faire une longue course. Il se nourrit de petits mammifères, d'oiseaux, d'œufs, de serpents, de lézards et de reptiles en général, et même d'insectes, quand il ne trouve pas mieux. En domesticité, il est d'une très-grande douceur, caressant, répondant à la voix de son maître, et se laissant volontiers prendre par lui. Dans ce cas, on le saisit, non par le corps, mais par la base de sa grosse queue conique, on le soulève et on le porte ainsi sans qu'il perde sa position horizontale. Sa prudence ne tient ni de la timidité ni de la poltronnerie ; il est au contraire très-courageux, et non-seulement il se défend contre des ani- maux beaucoup plus gros que lui, mais encore il n'a pas l'air de les craindre. Le tézerdéa étrangle fort souvent le chat assez maladroit pour lui chercher querelle, etil se fait respecter par les plus gros chiens, auxquels il saute audacieusement à la face, pour peu qu'ils aient l'air de le menacer. Dans la maison où il est CIVETTES. 225 eleve, il s'est bientôt rendu maître de la cuisine et des appartements, où nul autre animal ne peut s'introduire sans son bon plaisir. Il est vrai qu'il n’est pas querelleur, et qu'ordinairement il vit bien avec les autres domestiques de sa classe, pourvu qu'ils ne lui disputent rien, pas même la place du coussin sur lequel il a l'habitude de dormir. Cet animal, quoi qu'en dise Buffon, n'a jamais été véritablement domestique ni en Égypte ni ailleurs, car il ne produit pas en captivité, et les petits que les fellahs ou paysans apportent quelquefois aux marchés du Caire ont toujours été trouvés sauvages dans les champs. On les élève dans les maisons pour rem- placer les chats et faire la guerre aux souris. Ils ont pour cette chasse une ar- deur et une adresse qui surpasse celle des chats, et l'avantage qu'ils ont sur ces derniers est que, outre les rats, ils détruisent les mulots, les belettes, les cra- pauds si incommodes dans tout le nord de l'Afrique, les insectes, et en général tous les animaux nuisibles moins forts qu'eux. Les anciens auteurs ont débité des fables absurdes sur l’ichneumon. Pour expliquer la raison qui lui avait fait rendre les honneurs divins par les prêtres des antiques Thèbes et Memphis, ils ont dit qu'il entrait dans le corps des cro- codiles lorsqu'il le surprenait dormant la gueule ouverte, et qu'il lui donnait la mort en lui rongeant les entrailles. Le vrai est qu'il se contente d'attaquer les petits crocodiles presque sortant de l'œuf, lorsqu'ils sont encore trop faibles pour se défendre, et qu'il sait très-bien les saisir par le cou pour les étrangler. Il sait aussi reconnaître sur le sable des rivages la place où ces animaux ont enterré leurs œufs, et il ne manque jamais de les déterrer pour en manger une partie et briser le reste. Quant à moi, je pense que si les anciens Égyptiens ont divinisé l’ichneumon, comme l'ibis et tant d’autres animaux, c'est qu'ils lui pardonnaient la destruction des œufs de leur dieu crocodile, en faveur du service qu'il rendait au pays en le nettoyant, après les inondations du Nil, des serpents et autres reptiles venimeux, des insectes, et en général de tous les autres petits animaux nuisibles à l’agriculture. Lors des inondations, les ichneumons se retirent sur les hauteurs, autour des villages, et alors leurs habitudes ont une grande analogie avec celles de nos fouines. Ils cherchent à pénétrer pendant la nuit dans les basses-cours, et s'ils y parviennent, ils tuent toutes les volailles qu'ils y trouvent, leur sucent le sang ou leur mangent la cervelle. Mais à cette époque, se trouvant resserrés sur des îlots avec les renards et les jackals, ils deviennent eux-mêmes la proie de ces animaux. Dans le Saïd, ils ont pour ennemi perpétuel l’ouaran el bahr (tupinambis niloticus, ou monitor du Nil), sorte de grand lézard très-car- nassier, qui, ayant les mêmes habitudes et se tenant dans les mêmes sites, les surprend au passage et les dévore. Du reste, toutes les mangoustes, celles d'Égypte comme celles de l'Inde, s’apprivoisent trés-bien et se familiarisent aisément; mais, ainsi que le chat, la plupart paraissent s'attacher plus aux maisons qu'aux personnes. Toutes craignent excessivement le froid, et ne vivent que fort peu de temps en Europe. Lorsqu'on les caresse, elles font entendre une sorte de petit murmure très-doux; mais leur cri devient aigu et percant lorsqu'on les irrite. 20 226 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. 4" GENRE. Les MANGUES ( Crossarchus, Fn. Cuv.) ont les dents comme les mangoustes, mais seulement au nombre de trente-six ; ils diffèrent de ces animaux par la tête plus ar- rondie, le museau plus grand et mobile, et leurs pieds non palmés. Ils ont la pupille ronde; les oreilles petites, arrondies, bilobées; la langue douce sur les bords, papilleuse et cornée au centre ; la queue est aplatie, el leur poche anale sécrète une matière onctueuse puante. Ces ani- maux, élant plantigrades, n’ont été placés en- tre les mangoustes et les surikates qu'à cause de la grande analogie de forme et d’habiltudes qu'ils ont avec eux. On n’en connaîl qu’une es- pèce, qui est Le Mavçue onscur (Crossarchus obscurus, Fr. Cuv.\, qui a un peu moins d’un pied (0,525) de longueur, non compris la queue, qui a sept pouces (0,189) ; son pelage est d’un brun uni- forme sur tout le corps, un peu plus pâle sur la tête. I est assez rare partout, si ce n’est dans les forêts de l’Abyssinie. Le mangue habite la côte occidentale de l'Asie, et c'est à peu près tout ce qu'on sait de lui à l'état sauvage. Mais comme un individu a vécu à la ménage- rie, on a pu faire sur lui quelques observations intéressantes. I était parfaite- ment apprivoisé, très-doux, et aimait beaucoup à être caressé. Aussitôt qu'on s'’approchait de sa cage, il venait présenter sa gorge ou son dos pour qu'on le caressât ; lorsqu'on le faisait, il restait immobile et témoignait le plaisir qu'il en éprouvait en ouvrant et fermant continuellement la gueule, comme s'il mächait quelque chose. Quand on s’éloignait, il poussait un petit cri plaintif, semblable au sifflement d'un oiseau. Il était extrèmement propre, faisait ses ordures dans un coin de sa cage, toujours à la même place, et il avait le plus grand soin de ne pas salir la partie où il se promenait et surtout celle où il se couchait. I buvait en lapant, et, quoiqu'il se nourrit habituellement de viande, il mangeait volontiers du pain, des carottes et des fruits secs. Probablement que dans ses bois cet animal est chasseur comme les fouines et les mangoustes, et qu'il se contente quelquefois de baies et autres fruits doux, ainsi que de racines, car son museau mobile doit lui donner, jusqu'à un certain point, la faculté de fouiller la terre. D° Genre. Les SURIKATES (Ryzæna, ILLIG.) ont douze incisives, quatre canines et vingt mo- laires, en Lout trente-six dents; les canines sont coniques et très-aigués, et la deuxième incisive Le SunikaTe ou Zenick ( Ryzœæna capensis, Less. Suricata capensis, Desu. Jchneumon te- tradactylus, Gsorr. Viverra tetradactyla, Lin. Viverra zenick, Gui.) a environ trois pieds dix externe de la mâchoire inférieure est plus épaisse à sa base; leurs pieds n’ont que quatre doigts; leurs ongles sont robustes, non rétractiles et propres à fouir la terre; leur langue est garnie pouces (1,246) de longueur totale; son museau est allongé en forme de boutoir mobile; son pelage est mélé de brus, de blanc, de jaunätre et de noir ; le dessous du corps et les membres sont jaupätres ; sa queue, moins longue que son corps, est noire à l'extrémité; le nez, le chan- frein, le tour des yeux et les oreilles sont bruns. Il habile l'Afrique. de papilles cornées ; leurs oreilles sont petites ; leur corps est allongé ; leur queue est longue, grèle et pointue ; enfin leur poche donne dans l'anus même. Buffon, en indiquant cet animal comme étant de l'Amérique méridionale, a commis une erreur; ilest certain qu'il habite le cap de Bonne-Espérance. Il est fort joli, très-vifettres-adroit, ne vivant que dans les bois, sur la lisière desquels il se creuse un terrier. Il en sort pendant le jour, et quelquefois aussi pendant le clair de lune, pour se mettre en chasse et poursuivre les petits mammifères et les oiseaux dont il se nourrit. Comme il aime beaucoup les œufs, il se ha- sarde quelquefois dans la plaine pour chercher des nids de perdrix, gangas, CIVETTES. 227 cailles, ete., mais alors 11 avance avec beaucoup @e précaution, tantôt marchant debout en levant la tête au-dessus des herbes pour découvrir le danger, tantôt se glissant dans les broussailles, puis s’arrêtant tout à coup pour écouter, assis sur son derrière et les deux bras pendants à ses côtés. Au moindre bruit, à la moindre apparence d'un objet suspect, il fuit avec agilité et va s’enfoncer dans son terrier. Lorsqu'il est effrayé ou en colère, il läche son urine, qui ordinai- rement sent mauvais, mais qui, dans ce cas, exhale une odeur fétide. Pris jeune et élevé avec douceur, il s’apprivoise très-bien. Buffon en a pos- sédé un assez longtemps, vivant. Voici ce qu'il en dit: « Nous avions nourri ce surikate d’abord avec du lait, parce qu'il était fort jeune; mais son goût pour la chair se déclara bientôt ; il mangeait avec avidité la viande crue, et surtout la chair de poulet; il cherchait aussi à surprendre les jeunes animaux : un petit lapin qu'on élevait dans la même maison serait devenu sa proie si on l’eût laissé faire. Il aimait aussi beaucoup le poisson, et encore plus les œufs : on l’a vu ürer avec ses deux pattes réunies des œufs qu'on venait de mettre dans l'eau pour cuire ; il refusait les fruits, mème le pain, à moins qu'on ne l’eût mâché; ses pattes de devant lui servaient, comme à l’écureuil, pour porter à sa gueule. Il lapait en buvant comme un chien, et ne buvait point d’eau, à moins qu’elle ne füt tiède. Sa boisson ordinaire était son urine, quoiqu’elle eût une odeur irés-forte. Il jouait avec les chats, et toujours innocemment; il ne faisait au- cun mal aux enfants, et ne mordait qui que ce soit que le maître de la maison, parce qu'il l'avait pris en aversion. 1l était si bien apprivoisé, qu'il répondait à son nom; il allait seul par toute la maison, et revenait seul quand on l’appelait. Il avait deux sortes de voix, l’aboiement d’un jeune chien, lorsqu'il s'ennuyait d’être seul, ou qu'il entendait des bruits extraordinaires; el, au contraire, lors- qu'il était excité par des caresses, ou qu'il ressentait quelque mouvement de plaisir, il faisait un bruit aussi vif et aussi frappé que celui d'une petite cré- celle tournée rapidement. » LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. L'Hyène rayée. LES HYEÈNES N'ont point de petites dents du tout derrière la grosse molaire d'en bas ; leurs ongles ne sont nines, dix molaires à la mâchoire supérieure et huit à l'inférieure. Leurs mâchelières inférieu- pas rétractiles, et elles on! une poche profonde et glanduleuse sous l'anus. 1e Genre. Les HYÈNES (Hyœna, Briss.) ont tous les pieds à quatre doigts ; elles ont trente- quatre dents, dont douze incisives, quatre ca- res présentent deux fortes pointes tranchantes; la flexion de leurs jambes de derrière Jeur fait tenir Ja croupe fort bas ; elles ont la langue rude, les yeux très-saillants, et les oreilles grandes ; leur museau est arrondi, gros, comme (ronqué. L'HYÈNE RAYÉE (Hyæna vulyaris, Georr. — Desu. Canis hyœæna, Lix. Le Zabo des Arabes. Le Kaftaar de la Perse, et le Dubbach de Barbarie. L'Hyène d'Orient des naturalistes) À ordinairement trois pieds quatre pouces (1,085) de longueur, non compris la queue. Son pelage est d’un gris jaunätre, rayé transversalement de brun sur les flancs et sur les pattes; son museau et sa gorge sont noirs, ainsi qu'une longue crinière qu'elle a sur le dos; ses oreilles sont longues et coniques, pres- que nues. Elle habite Ja Barbarie, l'Égypte, la Nubie, la Syrie et la Perse. Les hyènes sont des animaux qui ont singulièrement prêté à la superstition, et qui ont été le sujet de mille contes tous plus merveilleux ou plus absurdes les uns que les autres. Les anciens ont écrit que l'hyène était alternativement mâle pendant six mois et femelle pendant les six autres mois, excepté quand elle portait, allaitait et élevait ses petits, car alors elle restait femelle toute l'année. Mais, l'année suivante, elle prenait sa revanche en conservant les fonc- tions de mâle et faisant subir à son compagnon le sort de la femelle. Selon les ÊNE AFRIQUE MERIDIONALE.) ( S DE CAFRE CAMPEMENT (Jardin des Plantes.) HYÈNES. 229 mèmes auteurs, les hyènes savent imiter parfaitement la voix humaine, et voilà comment elles utilisent ce talent : elles rôdent autour des troupeaux et surtout autour des bergers, sans se laisser apercevoir, jusqu'à ce qu'elles aient entendu prononcer le nom d’un des pâtres; elles le retiennent, puis vont s'embusquer la nuit dans un buisson, et là, d’une voix plaintive, elles appellent le berger par son nom comme pour l’amener au secours d’une femme ou d’un enfant ex- pirant. Le malheureux, trompé par ces gémissements douloureux, vole auprès du buisson pour secourir un être souffrant qui l'appelle, mais il ne trouve qu'une affreuse hyène qui le dévore. S'il devine le piége qui lui est tendu, il fuit; mais l'animal dirige sur lui, à travers les ténèbres, l'éclat sombre et rou- geàtre de ses yeux, et cette funèbre lueur le charme, l’arrête dans sa course, et le force, par une fascination magique, à attendre, dans l'immobilité complète d’une statue, l’hyène, qui vient pour en faire sa proie. Il paraît que les jeunes filles étaient plus difficiles à fasciner que les bergers, car l'hyène, pour s’en emparer, était obligée d'employer d’autres moyens beaucoup plus mystérieux et compliqués. Elle prenait la forme d'un beau garcon, et, toujours au moyen de ses yeux, elle faisait naître dans le cœur d’une jeune fille un amour désor- donné qui la rendait folle ; alors la pauvrette abandonnait son troupeau pour courir les champs, et le monstre profitait de cette circonstance pour croquer d’abord la bergère, puis ensuite les moutons... « Tout cela peut arriver sans l'hyène, » dit Buffon. Dans le siècle dernier, les écrivains, un peu plus critiques que leurs péres, abandonnérent ces contes absurdes, mais pour les remplacer par d’autres contes, ou au moins par des exagérations outrées. Buffon lui-même n’est pas à l'abri de ce dernier reproche; écoutons-le : « Cet animal sauvage et solitaire demeure dans les cavernes des montagnes, dans les fentes des rochers ou dans des ta- nières qu'il se creuse lui-même sous terre. Il est d’un naturel féroce, et, quoi- que pris tout petit, il ne s’apprivoise pas. Il vit de proie comme le loup, mais il est plus fort et paraît plus hardi; il attaque quelquefois les hommes, il se jette sur le bétail, suit de près les troupeaux, et souvent rompt dans la nuit les portes des étables et les clôtures des bergeries. Ses yeux brillent dans l'obscu- rité, et l’on prétend qu'il voit mieux la nuit que le jour. Si l’on en croit tous les naturalistes, son cri ressemble aux sanglots d’un homme qui vomirait avec effort, ou plutôt au mugissement d’un veau. L'’hyène se défend du lion, ne craint pas la panthère, attaque l’once, laquelle ne peut lui résister. Lorsque la proie lui manque, elle creuse la terre avec les pieds et en tire par lambeaux les cadavres des animaux et des hommes. » À présent venons-en à la vérité. Les hyènes rayées sont en effet des animaux trés-farouches et d’une voracité dégoûtante, mais d’une làcheté, d’une poltron- nerie incomparablement plus grande que celle du loup. Elles ne vivent que de cadavres, de voiries, et c’est à ce goût prononcé pour la chair corrompue, beau- coup plus qu'à leur prétendue férocité, qu'il faut attribuer cette habitude qu’elles ont de déterrer les cadavres quand elles parviennent à entrer dans les cime- tiéres mal clos des Musulmans; et encore, Bruce, qui a vécu longtemps en Abys- sinie, pays de la terre qui est le plus peuplé d'hyènes, nie positivement ce fait. « Aprés beaucoup de recherches, dit-il, je n'ai encore pu avoir une seule preuve 230 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. que les hyeènes eussent déterré un cadavre. » (Voyage aux sources du Nil, tome XIIT, page 184.) Non-seulement elles ne peuvent en aucune manière lut- ter contre le lion et la panthère, mais leur timidité ne leur permet pas même d'attaquer des jackals et autres animaux de la taille du renard et au-dessus. Elles rôdent sans cesse pendant la nuit, et quelquefois elles s’approchent des habitations, non pour inquiéter les hommes, dont elles redoutent beaucoup la présence, mais pour se nourrir des immondices qu'elles y cherchent. Si elles se hasardent à attaquer une pièce de bétail, c’est un faible agneau ou un ani- mal mourant qui ne peut leur faire aucune résistance, et si elles sont surprises dans ce méfait, elles se laissent assommer à coups de bâton par des enfants de huit à dix ans, sans chercher à se défendre. Les marabouts, dont toute l’ambi- tion est de se faire passer pour saints aux yeux du peuple, connaissent parfaite- ment la làcheté de cette espèce ; aussi ne manquent-ils pas, quand ils en trouvent l'occasion, de saisir une hyène vivante à bras Le corps, et de l'apporter ainsi dans la ville. Comme elle ne leur fait jamais la moindre blessure, les Arabes attribuent à la sainteté du personnage et à une faveur spéciale du prophète ce qui n’est que le résultat de la timidité de l'animal. « En Barbarie, dit Bruce, j'ai vu des Maures saisir, en plein jour, des hyènes par les oreilles, et les tirer vers eux sans qu'elles fissent d'autre résistance que de chercher à se dégager. » La ménagerie a possédé fort souvent des hyènes rayées, et jamais elles ne se sont parfaitement apprivoisées, quoique ces animaux y aient toujours paru inoffensifs. L'une d'elles s'était rongé jusqu'à complète destruction tous les doigts de ses pattes de derrière, et se trouvait réduite à marcher sur de véritables moi- gnons, ce qui ne l’a pas empèchée de vivre plusieurs années. Cependant il est cer- tain que cette espèce, élevée avec douceur, s'apprivoise parfaitement. Il y a trois ans que toute notre armée d'Algérie a vu à Bone un officier français qui en avait élevé une. Elle lui était attachée, le suivait librement dans les rues comme à la campagne, obéissait à son commandement, accourait à sa voix, et le caressait absolument comme aurait fait un chien. L'HyÈNE D'AByssiNiE ( Hyæna Brucii. — Ca- nis hyanomelas, Bruce ) atteint jusqu'à cinq pieds neuf pouces (1,868) de longueur totale, et sa queue a vingt et un pouces (0,569) ; ses formes générales se rapprochent davantage de celles du chien, et elle n’a pas le train de der- rière aussi incliné que l’hyène rayée, dont elle diffère encore par sa couleur d’un roux brun, plus pâle aux oreilles et à la tête; par son mu- seau plus long et non étranglé, ressemblant à celui d’un chien; par sa crinière d’un rouge brun et non pas noire, et par sa queue égale- ment d’un rouge bruu, dont les poils, ainsi que ceux de la crinière, ne sont pas annelés de noir à la pointe; elle n’a pas la gorge noire, mais seulement une tache remontant jusqu’à l’extré- mité de la mächoire inférieure; ses oreilles, longues de plus de neuf pouces (0,244), ne sont pas nues, mais couvertes de poils très-fins et très-courts. Du reste, elle est rayée de noir à peu près de la même manière, à celte différence néanmoins que les bandes des jambes de derrière ne sont pas transversales, mais longitudinales, ce qui est un caractere spécifique très-tranché. Malgré ces différences énormes, malgré des mœurs tout à fait différentes, l'hyène de Bruce, quatre fois plus grosse que l'hyène rayée, a été confondue avec elle par tous les naturalistes, et cela parce qu’ils ont plus consulté la mau- vaise figure qu'on en a donnée dansla traduction française du Voyage aux sour- ces du Nil, que la description écrite du voyageur. HYENES. 231 Les hyenes d'Abyssinie vivent solitairement comme l'hyène rayée, et pa- raissent n'avoir guère plus d'intelligence. Bruce dit : « Elles sont au contraire excessivement brutes, paresseuses, sales, dépourvues de toute espèce de pudeur, et ayant enfin des mœurs très-ressemblantes à celles du loup. Le courage qu'elles montrent ne leur vient que de leur extrême voracité ; aussi meurent-elles plus souvent en fuyant qu'en combattant. C'est une vraie peste en Abyssinie; il y en a partout, dans les campagnes et dans les villes, et je suis sûr qu'il y en a plus que de moutons, quoique les moutons y soient pourtant en grand nombre. De- puis le moment du crépuscule du soir jusqu'au point du jour, Gondar est rem- pli d’hyènes, qui viennent dévorer les cadavres des infortunés que les cruels Abyssiniens laissent sans sépulture dans les places publiques et dans les rues. Il croit en même temps, ce peuple sanguinaire et superstitieux, que ces ani- maux ne sont autre chose que les falashas (sorciers), qui changent de figure par le pouvoir de la magie, et qui descendent la nuit de leurs montagnes pour venir se nourrir de chair humaine. » Il raconte qu'en sortant chaque soir du palais du roi pour rentrer chez lui, il courait risque d'être mordu par les hyènes. « Les hommes armés qui m'accompagnaient, dit-il, ne les épouvantaient point. Elles grondaient en rôdant autour de nous, et 1] ne se passait guère de nuit sans qu'elles tuassent où blessassent quelqu'un. » En Abyssinie et dans l'Atbara, on n'enterre pas toujours les cadavres hu- mains, et on se borne à les porter dans la campagne ou même à les laisser dans la rue, quand ce sont les corps de pauvres gens ; les hyènes se chargent de leur donner la sépulture. Aussi, cet animal marche insolemment en plein jour, fait face à l'homme ; cependant il attaque toujours le mulet ou l'âne plutôt que le cava- lier. En route, les fusils l'empêchent de venir très-près des voyageurs; mais la nuit, le soir et le matin, il est toujours sur leurs talons. Comme on ne le chasse jamais, et que l’on se contente de repousser ses agressions, l'impunité lui donne de l'audace, et sa voracité le pousse quelquefois jusqu’à entrer dans les maisons. « Une nuit, dit encore le voyageur cité plus haut, j'étais dans la province de Maïtsha, trés-occupé d'une observation astronomique, lorsque j'entendis passer quelque chose derrière moi ; soudain je me retournai et ne pus rien voir. Ayant achevé ce que je faisais en ce moment, je sortis de ma tente dans l'intention d'y retourner bientôt, et, en eflet, jy rentrai presque tout de suite. Mais, en mettant le pied sur le seuil, j'apercus deux gros yeux bleus étincelants dans les ténébres. Je criai soudain à mon domestique de porter de la lumière ; et nous vimes une hyéne à côté du chevet de mon lit, tenant dans sa bouche trois ou quatre paquets de chandelles. Je ne pouvais lui tirer un coup de fusil sans cou- rir risque de briser mon quart de cercle, ou quelque autre de mes instruments. Comme elle avait la gueule pleine de chandelles, elle semblait à ce moment ne pas songer à une autre proie, et je voyais qu'elle était trop embarrassée pour me mordre. Je pris donc une lance, et je la frappai aussi près du cœur qu'il me fut possible. Jusqu'alors elle n’avait pas montré la moindre colère ; mais, dès qu’elle se sentit blessée, elle laissa tomber ce qu'elle avait dans la gueule, et fit des efforts incroyables pour remonter le long du füt de la lance et venir jusqu'à moi. La crainte de la voir réussir me fit tirer un pistolet de ma ceinture, et Je lui lchai mon coup. Presque aussitôt mon domestique lui fendit le crâne d'un 232 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. coup de hache. Enfin, les hyènes faisaient les tourments de ma vie; elles trou- blaient nos promenades du soir; elles dévoraient sans cesse quelqu'un de nos mulets et de nos ânes, animaux qu'elles cherchent toujours de préférence. » On voit par ces citations que l'hyène d'Abyssinie diffère de l'hyène rayée, non-seulement par la taille et la couleur, mais encore par son audace et sa fé- rocité. Comme le loup, cette espèce préfère le chien à toute autre proie, et il paraît qu'en cela elle satisfait à la fois et son goût et sa haine. Il y a entre ces animaux une antipathie invincible, et les chiens les plus hardis pour la chasse au sanglier n'osent jamais la poursuivre dans les bois, ni la combattre en plein champ. Il n’en est pas de même pour l'hyène de Barbarie ; les chiens de berger, aussitôt qu'ils l’aperçoivent, s'élancent sur elle et l’étranglent sans facon. L'HyÈne TACUETÉE ( Hyæna capensis, DES. Canis crocalus, Lin. Hyæna rufa, G. Cuv. Le Loup-tigre de Kolbe, si ce loup-tigre n’est la hyénoïde peinte) a le pelage d’un gris roux pro- noncé ; la tête est rousse, avec du noirâtre sur le front et entre les yeux ; le dessous du front est d’un brun roussätre ; le dessous du cou et du front seulement est blanchâtre; des taches noirâtres, peu distinctes, occupent les flancs, la croupe el les cuisses ; elle a une bande noirâtre de chaque côté du cou, les jambes et les pieds noirâtres, avec la face interne des jambes de de- vant d'un blanc roussätre ; la queue rousse dans sa premitre moitié, et noirâtre dans la seconde. Dans sa première édition des Ossements fos- siles, Cuvier avait donné le nom d’hyène rousse à cette espèce, et cette méprise a beaucoup em- barrassé les naturalistes; il en est résulté que plusieurs d’entre eux ont appliqué à sa synony- mie la description de l’espèce suivante, qui est restée sans nom, ou avec un nom qui ne lui con- vient pas puisqu'il appartient à celle-ci. L'hyène tachetée habite le midi de l'Afrique, et principalement le cap de Bonne-Espérance ; il paraît cependant qu'on la trouve quelquefois aussi en Bar- barie. Pour la grandeur elle tient le milieu entre l'hyène rayée et l’hyène d’A- byssinie, car celles de la ménagerie avaient deux pieds et demi (0,812) de hauteur sur le garrot, et trois pieds et demi (1,157) de longueur, non compris la queue. Moins sauvage et plus courageuse que les autres espèces, celle-ci a aussi plus d'intelligence, et sous ce rapport elle ne le cède guère au chien. Elle se défend hardiment contre les animaux féroces avec lesquels sa force lui per- met de lutter, et elle ne se nourrit de cadavres que lorsque la chasse aux ga- zelles et aux antilopes ne lui réussit pas. Si l’on s’en rapporte à Barrow, il est des pays où on l'apprivoise et on la dresse pour la chasse. Il paraîtrait qu’alors elle s'attache à son maitre avec beaucoup d'affection, et qu’elle lui est aussi dé- vouée, aussi fidèle qu’un chien. Toutes celles qui ont vécu à la ménagerie portent à croire ce qu’en à dit ce voyageur, car elles étaient fort douces, caressantes mème, et elles aimaient beaucoup qu'on les grattât autour des oreilles et sur le cou. Ce n'était pas seulement à leurs gardiens qu’elles donnaient ces marques d'amitié, mais encore à toutes les personnes étrangères qui s’approchaiïent de leur loge. L'une d'elles, lors de son arrivée en France, s’échappa de sa cage, à Lorient. Elle courut quelque temps la campagne sans faire de mal à personne, et se laissa bientôt reprendre sans résistance. Elle a vécu seize ans à la ménage- rie, et ce n’est que vers la fin de sa vie, lorsqu'elle fut tourmentée par les infir- mités de la vieillesse, que son caractère s’aigrit un peu. Elle cessa d’être cares- sante, mais pour cela elle n'en devint pas plus méchante. HYÈNES. L'Hyève De Cuvien (Hyæna Cuvieri) est d'un gris blanchätre tirant un peu sur le fauve ; elle a des taches brunes, rondes, nettes, sur les flancs et sur les cuisses ; celles de l'épaule for- ment une bande qui se continue avec une ligne longitudinale brune de chaque côté du cou; les pieds sont blanchâtres, un peu teints de roux vers le bas; la queue est annelée de blanchätre, et de brun à la base, noirâtre dans ses deux tiers inférieurs; la tête, du même fond que le dos, a un peu de brun vers les joues et du roux vers le sommet. Cette espèce, à laquelle les auteurs ont appliqué à tort la synonymie de la précé- dente, se trouve également au Cap, mais elle y est beaucoup 'plus rare. Du reste, elle a les mêmes mœurs. L'Hyëèxe BRUNE (Hyœna fusca, Georr. Non la Hyène brune, Fr. Cuv.) est un peu moins grande que l'hyène rayée; son corps est cou- vert en entier de poils longs, rudes, d’un brun uoirâtre, qui pendent sur les côtés; la tête est couverte de poils courts d’un brun grisâtre ; elle a sur les jambes de devant et les pieds de der- rire quelques bandes transverses brunes et 233 blanchâtres ; le dedans des jambes, le dessous du ventre et de la queue sont d’un gris blanchä- tre. Sa patrie et ses mœurs sont inconnues. 2° Genus. Les PROTÈLES ( Proteles, Is. Gcorr.) ont cinq doigts aux pieds de devant et quatre aux pieds de derrière; ils different en- core des hyènes par leur tête allongée, leur mu- seau fin et presque conique et leur poche ne consistant qu'en un sillon profond. Leur sys- tème dentaire est encore inconnu, mais tout fait présumer qu'il doit étre à peu près celui des hyènes. Le PRoTÈLe DELALANDE Ou AArn-VWV or (Pro- teles Lalandii, Is. Georr. La Cirette hyénoîde, Fr. Cuv.) a beaucoup de ressemblance avec l'hyène d'Orient, tant par ses formes que par son pelage ; comme elle, par la flexion de ses jambes de derrière, il porte l’arrière-train beau- coup plus bas que celui de devant ; son pelage est gris ; il a sur le dos une crinière peu four- nie ; les pieds sont noirs ; il a sur les côtés des bandes noires peu nombreuses, et de plus pe- tites sur les jambes ; sa queue est touffue, noire, grise à sa base. L'’aard-wolf, ou loup de terre, atteint la taille de nos chiens de bergers, et habite la Cafrerie et le pays des Hottentots, où néanmoins il est assez rare. Il à les habitudes nocturnes, et ne quitte sa retraite que la nuit pour aller, en petite troupe, à la chasse des gazelles et des antilopes. Probablement il se nourrit aussi de voiries et de charognes, et c’est peut-être pour s'emparer des cadavres entraînés par les eaux, qu'il habite de préférence les bords de la rivière des Poissons, en Cafrerie, où le docteur Knox l’a rencontré plusieurs fois. Pendant le jour, il se tient en famille dans un terrier profond et à plusieurs issues, qu'il se creuse dans les bois. Lorsqu'on l'irrite, il redresse sa criniere et hérisse ses longs poils depuis la nuque jusque sur la queue. Le voyageur Delalande, le premier qui ait découvert et fait connaître cet animal, en a tué et rapporté en Europe trois individus qui habitaient le même terrier ; il en a vu fuir avec vi- tesse, la crinière hérissée, le corps très-penché en arrière, les oreilles et la queue baissees. LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. 10 _ Le Guépard. LES CHATS N'ont point de petites dents du tout derrière ferent des chats proprement dits par leurs on- la grosse molaire d’en bas; leur museau est court et rond; leurs ongles sont rétractiles, excepté dans le premier genre. Ils ont cinq doigts” aux pieds de devant, et quatre à ceux de der- rière. ; 1er GEvre. Les GUEPARDS ( Guepar) dif- gles non rétractiles, mais semblables à ceux des chiens; par leur tête plus petite et plus courte, par leurs jambes plus longues, leur corps plus élancé, et enfin par leurs dents mäâchelières, qui sont moins tranchantes. On n’en connaît qu'une espèce, qui est : Le GUÉPARD ou FADH (Guepar jubatus. — Felis jubata, Scar.— Lan. Felis qututata, Germ. Le Tigre chasseur, des Indes; le Léopard à crinière ; le Fadh et le Vouse des Persans, le Jaz des Turcs ). Ce joli animal habite l'Asie méridionale et plusieurs contrées de l'Afrique; il a trois pieds et demi (1,157) de longueur, non compris la queue, et deux pieds 0,650) de hauteur. Son pelage est d’un beau fauve clair en dessus, et d’un blanc pur en dessous; des petites taches noires, rondes et pleines, également semées, garnissent toute la partie fauve; celles de la partie blanche sont plus larges et plus lavées ; la dernière moitié de sa queue est annelée de douze anneaux alternativement blanes et noirs; enfin, les poils de ses joues, du derrière de la tête et du cou sont plus longs, plus laineux que les autres, ce qui lui forme comme une sorte de petite crinière. A cette jolie robe le guépard joint la lége- reté des formes et la grâce des mouvements. Ayant les doigts longs, munis d'ongles peu pointus et nullement rétractiles, il ne peut grimper sur les arbres comme la plupart des chats; mais il bondit comme eux, court avec beaucoup LLC A2 CHASSE AU TIGRE. SCÈNE ET PAYSAGE DE L'INDE. ANDREVABEST-LEL (Jardin des Plantes.) CHATS. 235 plus d’agilité et peut atteindre aisément le gibier en le poursuivant, quand il n'a pas réussi à s’en saisir par surprise. . Il s'en faut de beaucoup que le guépard ait le caractère perfide et féroce des grands chats avec lesquels les naturalistes l'ont classé. Quoique habitant des forêts et vivant de la chasse, il est peu farouche et s’apprivoise fort aisément. Alors il s'attache à son maître, répond à sa voix, le suit, le caresse, se laisse dresser à chasser pour lui, et montre autant d'intelligence que de douceur. Celui qui vivait, il y à peu d'années, à la ménagerie, venait du Sénégal; il était si familier, qu'on l'avait place äans un pare, où il vivait librement, et dont jamais il n’a cherché à sortir. Il obéissait au commandement du gardien de la ménagerie, et il aimait surtout les chiens, avec lesquels il jouait toute la journée sans leur faire jamais aucun mal. Un jour, un petit domestique nègre, àgé de dix à douze ans, vint se promener au Jardin des Plantes ; il apercoit le guépard dans son parc, et se met aussitôt à l'appeler : Fadh! Fadh! Le guépard le regarde, s'approche ; aussitôt le négrillon de jeter là le chapeau à galon, la veste de livrée, d'escalader la palissade, de se jeter sur Fadh qui l’attendait avec impatience, et les voilà se baisant, se léchant, se caressant de mille manières, se serrant, l'un dans les bras, l’autre dans les pattes, et se roulant tous deux sur le gazon en jouant à qui mieux mieux. Cette scène, aussi surprenante qu'inattendue, effraya ceux qui en furent témoins autant qu'elle les étonna; on courut chercher le gardien des animaux. On apprit alors que le guépard et l'enfant avaient fait ensemble la traversée du Sénégal en France, qu'ils s'étaient épris d'amitié sur le pont du bâtiment, et que tous les deux venaient de se rencontrer par hasard, et de se re- connaître après une séparation de trois mois. Si l’on en croit Eldemiri, ce serait Chaleb, fils de Walid, qui, le premier, se serait servi du guépard pour la chasse, ce qui, du reste, est assez peu important à savoir. Ce qu'il y à de certain, c’est qu'à Surate, au Malabar, dans la Perse et dans quelques autres parties de l'Asie, on élève ces animaux pour s’en servir à cet exercice. Les chasseurs sont ordinairement à cheval, et portent le guépard en croupe derrière eux ; quelquefois ils en ont plusieurs, et alors ils les placent sur une petite charrette fort légère et faite exprès. Dans les deux cas l'animal est enchaîné, et a sur les yeux un bandeau qui l'empêche de voir. Ils partent ainsi pour parcourir la campagne, et tàcher de découvrir des gazelles dans les vallées sauvages où elles aiment à venir paître. Aussitôt qu'ils en aperçoivent une, ils s'arrêtent, déchainent le guépard, et, lui tournant la tête du côté du timide ruminant, ils le lui montrent avec le doigt. Le guépard descend, se glisse doucement derrière les buissons, rampe dans les hautes herbes, s'approche en louvoyant et sans bruit, toujours se masquant derrière les inégalités du terrain, les rochers et autres objets, s’arrêtant subitement, et se couchant à plat ventre quand il craint d’être apercu, puis reprenant sa marche lente et insidieuse. Enfin, quand il se croit assez près de sa victime, il calcule sa distance, s'élance tout à coup, et en cinq ou six bonds prodigieux et d’une vitesse incroyable, il l’atteint, la saisit, l’étrangle, et se met aussitôt à lui sucer le sang. Le chasseur arrive alors, lui parle avec amitié, lui jette un morceau de viande, le flatte, le caresse, lui remet le bandeau, et le replace en croupe ou sur la charrette, tandis que les domestiques enlevent la gazelle. Néanmoins, il arrive quelquefois que le 236 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. guépard manque son coup, malgré ses ruses et son adresse. Alors il reste tout saisi et comme honteux de sa mésaventure, et ne cherche jamais à poursuivre le gibier ; son maître le console, l'encourage par des caresses, et les chasseurs se remet- tent en quête avec l'espoir qu'il sera plus heureux une autre fois. Dans le Mo- gol, cette chasse est pour les riches un plaisir si vif, qu'un guépard bien dressé, et qui à la réputation de manquer rarement sa proie, se vend quelquefois une somme exorbitante. En Perse, cette chasse se fait à peu près de la mème maniere, à cette difre- rence près que le chasseur qui porte le guépard en croupe se place au passage du gibier que des hommes et des chiens vont relancer dans le bois. Quand une gazelle passe à sa portée, «il débande les yeux de l'animal, dit Chardin, et lui tourne la tête du côté de la bête relancée ; le guépard l’apercoit, fait un cri, s'elance à grands sauts, se jette dessus et la terrasse. S'il la manque apres quelques bonds, il se rebute d'ordinaire, et pour le consoler on le caresse. IL v a en Hyreanie des bêtes dressées qui font la chasse finement, se traînant sur le ventre le long des haies et des buissons jusqu’à ce qu'elles soient proches de la proie, et alors elles s’élancent dessus. » L'empereur Léopold 1‘ avait deux guépards aussi privés que des chiens. Quand il allait à la chasse, un de ces ani- maux sautait sur la croupe de son cheval, et l’autre derrière un de ses courtisans. Aussitôt qu'une pièce de gibier était levée, les deux guépards s’élançaient, la surprenaient, l’étranglaient, et revenaient tranquillement, sans être rappelés, reprendre leurs places sur le cheval de l'empereur et sur celui de son cour- tisan. 2e GENRE. Les CHATS ( lehs, Lix.) ont trente dents, savoir : douze incisives, quatre canines, huit molaires supérieures et six inférieures ; leur carnassière supérieure a trois lobes et un talon mousse en dedans; l'inférieure a deux lobes pointus et tranchants, sans aucun talon ; enfin ils n’ont qu’une très-petite tuberculeuse tiles qui s'étendent et se redressent, puis se cachent entre les doigts, à la volonté de l’ani- mal; leur langue est hérissée de papilles épi- neuses et cornées ; leurs oreilles sont pointues; ils n’ont point de follicules anales. Il résulte de l'organisation des chats qu’ils sont essentielle- ment carnivores et propres à se nourrir de supérieure, sans rien qui lui corresponde en bas. Leurs doigts sont armés d'ongles rétrac- proie vivante, et qu'ils seraient les animaux les plus destructeurs s'ils pouvaient courir. CHATS. 231 = geutes MAQU \ KR Le Lion. 4 17. CHATS DE L'ANCIEN CONTINENT. Le Lion (Felis leo, Lin. L’4sad des Arabes, et le Gehad des Persans) varie, pour la taille et pour la couleur, en raison des pays qu’il habite. Son pelage est communément d’un fauve assez uniforme ; le dessus de la tête et le cou du mâle adulte portent une épaisse crinière, tandis que 1° Le Lion jaune du Cap, peu dangereux ; 2° Le Lion brun du Cap, le plus feroce et le plus redouté de tous; 5° Le Lion de Perse ou d'Arabie, à pelage isabelle pâle et crinière épaisse ; le reste du corps est couvert de poils ras ; sa 4 Le Lion du Sénégal, à cripière peu épaisse queue est terminée par un gros flocon de poils. €t pelage un peu jaunaire; a La femelle ressemble au mäle à cela près qu'elle 5° Le Lion de Barbarie, à pelage brunätre, a la tête plus petite et qu’elle manque decrinière. avec une grande crinière dans le mâle; ce der- Les variétés qui ont été signalées par les natura- nier est poltron, mais il s’apprivoise facile- listes, sont : ment. Avant de commencer l'histoire du lion, il est indispensable que je donne quel- ques généralités sur les chats, car j'aurai probablement sur cette famille bien des préjugés à combattre, bien des erreurs à relever. Ces animaux, si on les étudie en anatomiste, sont incontestablement organisés pour être les plus fé- roces et Les plus forts de tous les carnassiers, et leur structure est admirablement en harmonie avec leurs mœurs. « Continuellement en action la nuit et le jour, dit Desmoulins, la ruse et la patience sont toujours les moyens qu'ils préférent ; leur attaque est toujours une surprise : aussi leur oreille est-elle plus dévelop- pée que dans les autres mammifères pour entendre clair et de loin. L’æil des espêces nocturnes est aussi bien approprié aux habitudes de l'animal ; outre que son volume et celui des lobes optiques sont très-grands, la dilatation de l'iris, de plus un miroir réflecteur auquel les moindres rayons de lumiere diffuse ne 238 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. peuvent échapper, les recueille pour les renvoyer sur la rétine. L'odorat, moins actif que dans les chiens, est pourtant supérieur à celui de beaucoup de car- nassiers. Le goût paraît le plus obtus de tous leurs sens. En effet, leur langue est plutôt un organe de mouvement; ses pointes cornées, inclinées en arrière et redressables, servent aux chats à ràper les parties molles et juteuses de leur proie. Un toucher trés-délicat réside dans leurs moustaches, ou plutôt dans leurs bulbes, car les barbes ne font que transmettre l'impression du choc et de la resistance des objets. L’intestin est plus court que dans les autres carnassiers. La force musculaire est immense. Heureusement la force irrésistible, dont pour- rait disposer leur férocité naturelle, est laissée inactive par leur timide pru- dence portée jusqu'à la lächeté. Les chats ne courent pas; cette impuissance tient moins au défaut d’une force d'impulsion suffisante qu'à l’extrème flexibi- lité de leur colonne vertébrale et de leurs membres, incapables de conserver la rigidité nécessaire dans la course. En revanche leurs bonds sont énormes. Ils se glissent, rampent, grimpent, s’accrochent, se fourrent avec une adresse et une agilité incroyable. Rien de plus sûr que leur coup d'œil; mais aussi, quand ils manquent leur coup, soit méfiance, soit dépit, ils se retirent ordinairement sans revenir à la charge. Les femelles ont pour leurs petits une tendresse toujours prête à se dévouer, et qui multiplie leur courage et leurs forces. Cette tendresse des mères contraste avec la jalousie qui fait quelquefois des mâles les plus dan- sereux ennemis de leur propre postérité. Aussi les femelles se cachent pour mettre bas; et pour mieux préserver leur famille, elles la changent souvent de retraite : cet instinct ne se perd pas même en domesticité. » L'intelligence des chats est généralement moins développée que celle des ani- maux des familles précédentes, et c'est encore une nécessité de leur organisa- tion. Aucune éducation ne peut exciter en eux des facultés dont ils n'ont pas les organes, et c’est à cela que l’on doit attribuer les habitudes farouches, le caractère indépendant et sauvage que le chat domestique à conservés, malgré l'antiquité de sa servitude. Aucune espèce connue ne vit en société, et l'amour même ne parvient à réunir le mâle et la femelle que pendant le court instant des désirs et de l’accouplement. Du reste, cette vie solitaire, cette antipathie pour la société, s'expliquent assez bien par les besoins individuels. La plupart des chats ne se nourrissant que de proies vivantes, il faut à chacun un espace de pays assez grand pour le nourrir, et tout ce qui vient lui disputer son gibier, partager ses moyens d'existence, est nécessairement un ennemi. L'instinct de la solitude, naissant de cette cause, paraît indélébile chez ces animaux ; aussi tiennent-ils au pays, à la localité où, dès leur enfance, ils ont trouvé une suffi- sante nourriture. Ils s’y affectionnent, et même le chat domestique le plus doux, le plus caressant, s'attache plus à la maison qu’à son maître ; il ne la quitte jamais pour lui, et y revient si on l’a transféré dans une nouvelle demeure. Tous les chats ont, à bien peu de chose près, les mêmes formes, le même en- semble d’attitude, de gestes, de mouvements et de manières. Tous, pour expri- mer leur satisfaction, même dans les plus grandes espèces, font entendre ce rourou qu'à Paris on appelle filer dans les chats domestiques. Tous feulent en soufflant et montrant leurs dents de la même manière et dans les mêmes occa- sions, et cependant leur voix varie beaucoup d'une espèce à une autre : par mms CHATS. 239 exemple, le lion rugit d’une voix creuse et presque semblable à celle d'un tau- reau ; le jaguar aboie comme un chien; le chat miaule; le cri de la panthère ressemble au bruit d'une scie, etc. De tous temps les chats, et les grandes espèces surtout, ont été célèbres par leur cruauté et leur férocité prétendues indomptables. Le vrai est qu'ils sont beaucoup moins cruels que beaucoup de petits carnassiers auxquels nous ne fai- sons pas ces reproches. La belette, la fouine, le renard, le loup, par exemple, semblent donner la mort pour le plaisir de tuer. S'ils pénètrent dans un pou- lailler, une basse-cour, une bergerie, ils n’en sortent pas tant qu'il y reste un être vivant. Les chats, au contraire, n'attaquent que quand ils ont faim, et se con- tentent pour l'ordinaire d'une seule victime. Au milieu d’un troupeau nombreux et sans défense, ils saisissent leur proie, la dévorent, et se retirent sans mème faire attention aux autres, jusqu'à ce qu'une nouvelle faim les ramène ; ils ne tuent jamais sans nécessité. Quant à leur prétendue férocité, elle n'existe pas plus chez eux que chez tous les autres carnassiers. Quoi qu'on en ait dit, toutes les espèces s’apprivoisent fort bien et sont susceptibles d'affection pour leur maitre. Ce qu'il y a de singulier, c'est que de toutes les espèces, peut-être, le chat domestique est celle qui est le moins susceptible de sentiments affectueux ; non pas que cela tienne à son caractère, mais à sa timidité et à l'habitüde que nous avons de le faire vivre avec le chien, son ennemi le plus redouté et le plus dangereux, et dont la présence tient constamment le chat dans un état d'irrita- tion et de frayeur qui absorbe ses autres sentiments. Le lion se trouvait autrefois dans une grande partie de l'Europe méridionale. Il habitait en très- grand nombre la Macédoine, la Thessalie, la Thrace, proba- blement la Grèce entière et toute la partie méridionale de l'Asie, depuis la Syrie jusqu'au Gange et à l'Oxus. Aujourd'hui il n'existe plus en Europe, et n’est com- mun nulle part; l’on n’en voit plus que quelques-uns en Asie, dans la presqu'île de l'Inde. L'espèce se soutient encore en Barbarie, particuliérement aux envi- rons de Constantine et de Bone, au Sahara, au Sénégal et au cap de Bonne-Es- pérance; mais on la refoule continuellement dans le désert, et il est à croire que bientôt les armes à feu l’auront entièrement détruite. Les Grecs, qui ne con- naissaient pas le tigre du Bengale, ont naturellement fait du lion le roi des ani- maux, parce que c'était pour eux le plus grand et le plus fort des carnassiers. L’ayant fait roi, il était naturel aussi qu'ils luiattribuassent les vertus que les rois devraient avoir, c'est-à-dire la noblesse de caractère, la supériorité du courage, la fierté, la générosité, etc. Buffon, en sa qualite d'écrivain plus qu'en celle de naturaliste, s’est emparé de ces idées, et nous les a transmises dans son style aussi brillant qu'inimitable. Il est fâcheux que toutes ces belles qualités dispa- raissent devant l'étude des faits. Comme tous ses congénères, le lion n'attaque que par surprise, soit qu'il attende en embuscade, soit qu'il se glisse dans l’om- bre ou rampe à la clarté du jour, caché par quelque abri, pour tomber à l’im- proviste sur une victime longtemps épiée, et cette victime est toujours un ani- mal faible et innocent, qui ne peut lui opposer aucune résistance. Ce n'est que poussé par une faim extrème qu'il ose assaillir un bœuf ou un cheval; mais Jamais il ne commence volontairement une lutte avec un animal capable de lui résister. Tout ce qu'ont dit les voyageurs du combat du lion contre l'éléphant, 210 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. le rhinocéros, l'hippopotame et le tigre est autant de suppositions hasardées qui ne méritent aucune foi. Sa nourriture ordinaire consiste en gazelles, et en singes quand il peut les rencontrer et les saisir à terre. Il se place ordinaire- ment en embuscade dans les roseaux, autour des mares où ces animaux ont l'ha- bitude d'aller boire le soir et le matin. Là, il reste à guetter un temps infini, avec cette admirable patience qu'ont tous les chats. Si un animal passe à sa portée, d'un bond prodigieux il s'élance sur lui, lui enfonce ses formidables griffes dans les flancs, et lui brise le crâne avec les dents. S'il manque son coup, il ne cherche pas à poursuivre l'animal, et l'on a mis sur le compte de sa géné- rosité ce qui n’est que le résultat de sa conformation. En effet, il bondit, saute, mais ilne peut courir, et il marche avec une lenteur que l’on a prise pour de la gravité. Le lion n’est pas aussi cruel que le tigre, a-t-on dit; mais, si, en se glis- sant dans l'ombre, il s’est approché d'un krahal sans être découvert, et qu'il ait pu pénétrer dans un pare de moutons, 1l égorge tout avant de choisir la proie qu'il veut emporter ou dévorer. Il n'attaque pas les animaux quand il n’a pas faim, cela est vrai; mais c’est simplement parce que, dans ses forêts, sûr de sa supériorité de force, n'ayant jamais attaqué un être qui ait pu lui résister, comp- tant sur une agilité qui n’est comparable qu'à sa force, il ne craint jamais de manquer de proie; après s'être repu avec voracité, il s'endort pour deux ou trois jours, et ne sort de sa retraite ou de son apathie que poussé par une nou- velle faim. Tel il est dans le désert; il n’a jamais peur parce qu’il n’a jamais rien à craindre. Dans les pays habités par l'homme, il n'a plus ni courage ni fierté. La nuit il rôde dans la campagne; s’il ose alors s'approcher des habita- tions, c'est pour chercher à s'emparer des pièces de menu bétail échappées de la bergerie; il ne dédaigne pas même de prendre des oies et autres volailles quand il en trouve l’occasion. Enfin, faute de mieux, il se jette sur les cha- rognes et les voiries, malgré cette délicatesse de goût qu'on lui suppose. II est arrivé assez souvent à nos sentinelles, à Constantine, de tirer et tuer des lions qui venaient pendant la nuit rôder autour de la ville, afin de manger les immon- dices jetées hors des murs. Si ce noble animal, comme disent les naturalistes, a la hardiesse de s'approcher en tapinois d'un troupeau pour s'emparer d’un mouton, les bergers crient aussitôt haro sur le voleur, le poursuivent à coups de bâton, lui arrachent sa proie de vive force, mettent leurs chiens à ses trousses, et le forcent ainsi à détaler au plus vite. Il en arrive très-souvent au- tant au cap de Bonne-Espérance, quand les fermiers hollandais le surprennent. rôdant autour de leurs écuries; ils en ont même quelquefois tué à coups de fourche jusque dans des cours où ils étaient parvenus à se glisser furtivement, à la manière des loups. Néanmoins ce n’est pas sans danger que l'on attaque cet animal, tout poltron qu'il est, car, lorsqu'il se sent blessé et qu'on lui ôte la faculté de fuir, il entre en fureur; et malheur à l'individu sur lequel il déploie sa force prodigieuse ! Le lion fuit la présence de l’homme; il ne l’attaque jamais pendant le jour, à moins qu'il n’y soit poussé par une faim atroce; nous citerons comme preuve un fait qui s’est passé au Cap. Deux Hollandais d'Afrique vont un jour à la chasse ; l’un d’eux s'approche d'une mare, et un lion, à l’affüt dans les hautes herbes, croyant entendre le bruit d’une gazelle, s’élance et le saisit par le bras avant | ; | | | CHATS. 241 : d'avoir pu le distinguer ; il reconnait un homme, et, surpris de sa propre au- dace, effrayé de ce qu'il vient de faire, il reste immobile sans néanmoins lâcher sa victime ; il a vu sa face imposante, et il tremble; 1l ferme les yeux pour se dérober à l'influence d'un regard qui l'épouvante. Le malheureux Hollandais, voyant que son ami ne peut tirer sur le monstre sans risquer de le percer lui- même d'une balle, prend une courageuse résolution; il profite de la stupeur du lion pour glisser dans sa poche la main qu'il avait hibre; il en sort doucement son couteau, l’ouvre, mesure son coup, et le plonge dans le cœur de l’animal. Mais celui-ci en mourant déchire sa victime, et tous deux roulent morts sur le gazon ensanglanté. Le lion atteint jusqu'à huit à neuf pieds (2,599 à 2,924) de longueur, depuis le bout du nez jusqu’à la naissance de la queue, mais seulement dans les déserts où iln’est pas inquiété et où il trouve une nourriture abondante. Le plus ordinai- rement sa taille ne dépasse pas cinq pieds et demi (1,786) de longueur, sur trois et demi (1,157) de hauteur. Sa femelle est d'environ un quart plus petite que lui. Sa figure est imposante et mobile comme celle de l'homme, et ses passions se peignent non-seulement dans ses yeux, mais encore dans les rides de son front; sa démarche est légère, quoique lente et toujours oblique. Sa voix est terrible, et tous les animaux tremblent à une demi-lieue à la ronde quand son rugissement fait retentir les forêts pendant la nuit; c'est un cri prolongé, d'un ton grave, mêlé d'un frémissement plus aigu. Lorsque le lion menace, il se ride le front, se plisse et relève les lèvres, montre ses énormes dents, et souffle de la même manière que le chat domestique; enfin, lorsqu'il attaque, il pousse un cri court et réitéré subitement. Dans la colère, ses yeux deviennent flamboyants, et brillent sous deux épais sourcils qui se relèvent et s’abaissent comme par un mouvement convulsif; sa crinière se redresse et s’agite ; de la queue il se bat les flancs; il ouvre la gueule et laisse voir une langue hérissée d’épines pointues et tellement dures, qu'elles suffisent seules pour écorcher la peau et entamer la chair. Tout à coup il se baisse sur ses pattes de devant, ses yeux se ferment à demi, sa moustache se hérisse, son agitation cesse, 1l reste immobile, et le bout de sa queue roide et tendue fait seul un très-petit mouvement de droite à gauche. Malbeur à l'être vivant qu'il regarde dans cette attitude, car il va s’élancer et déchirer une victime! Quelque terrible que soit le lion, on ne laisse pas que de le chasser avec des chiens appuyés par des hommes à cheval; mais il faut que les uns et les autres aient été dressés à cet exercice pour le faire sans danger. On le relance dans son fourré, on l'en déloge, on le poursuit, et on parvient à le tuer. Le courage de ce roi des animaux ne tient pas contre l'adresse d'un Hottentot ou d’un Nègre, qui souvent osent l'attaquer tête à tête avec des armes assez légères. Ils le prennent quelquefois en le faisant tomber dans une fosse profonde qu'ils re- couvrent avec des matières fragiles au-dessus desquelles ils attachent un animal vivant. Dés qu'il est prisonnier, il devient d'une telle lâcheté, qu'on peut l’attacher, le museler et le conduire où l'on veut, selon ce que dit Buffon. Cet animal, pris jeune, s’apprivoise fort bien, et il est même susceptible d’attachement pour son maitre et d'une certaine docilité. « Élevé parmi les animaux domestiques, dit l'écrivain que je viens de citer, il s’accoutume aisément à vivre et à jouer 51 912 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. innocemment avec eux ; il est doux pour ses maîtres et même caressant, surtout dans le premier âge, et si sa férocité reparaît quelquefois, il latourne rarement contre ceux qui lui ont fait du bien. Comme ses mouvements sont très-impé- tueux et ses appétits fort véhéments, on ne doit pas présumer que les impressions de l'éducation puissent toujours les balancer ; aussi y aurait-il quelque danger à Jui laisser souffrir trop longtemps la faim, ou à le contrarier en le tourmentant hors de propos. Non-seulement 1l s'irrite des mauvais traitements, mais il en garde le souvenir, et parait méditer la vengeance, comme il conserve aussi la mémoire et la reconnaissance des bienfaits. » Je ne suivrai pas plus loin notre grand écrivain, surtout quand il dit « que sa colère est noble, son courage ma- gnanime et son naturel sensible; » toutes choses qui sont là pour le style et pour faire allusion aux contes d’Androclès, du lion de Florence, et à cent autres inventés à plaisir et devenus célèbres par le manque de critique des anciens écrivains. Dans ces animaux, la passion de l'amour est très-ardente. « Lorsque la fe- melle est en chaleur, elle est quelquefois suivie de huit à dix mâles, dit Gesner dans son Histoire des animaux, et ils ne cessent de rugir autour d'elle et de se livrer des combats furieux. » Je doute beaucoup de ce fait, et voici pourquoi : Le lion est armé d'une manière si terrible, que tout combat livré à un animal de son espèce serait terminé en moins d’une minute par la mort de l’un des assail- lants et peut-être de tous deux. J'ai eu dans mon cabinet les ongles d’une lionne ; ils étaient longs de cinq pouces (0,155), très-gros à la base, tranchants en des- sous comme un rasoir, et aigus comme la pointe d'un canif. Les dents de ces animaux sont d’une grosseur énorme, et les canines dépassent les gencives de trois pouces. Avec de pareilles armes, le résultat d’une lutte doit être prompt et mortel. En second lieu, chaque lion habite un canton assez grand, où il ne souffre aucun rival, et ce ne serait guère que dans un rayon de quarante à cin- quante lieues que l'on pourrait trouver huit à dix mâles, même dans les contrées où ces animaux sont le plus abondants. Il est donc croyable que la femelle n’est suivie que par le mâle qui habite son canton, et il est certain qu'aussitôt après l'accouplement, tous deux se quittent pour reprendre leur vie solitaire. CHATS. 243 La Lionne La LIONNE a, comme tous les chats, quatre mamelles; elle porte cent huit jours, fait de deux à cinq petits qu'elle allaite ordinairement six mois. Elle aime ses enfants avec une tendresse excessive. Quoique moins forte que le lion, elle oublie le danger, et, pour les défendre, combat jusqu'à la dernière extrémité. Elle cherche toujours, pour mettre bas, un lieu très-écarté et d’un difficile accès. Lorsqu'elle craint la découverte de l'endroit où elle a caché ses petits, elle embrouille sa trace en retournant plusieurs fois sur ses pas, et finit par les cacher dans une autre retraite, quelquefois très-eéloignée, où elle les croit plus en sûreté. Quand ils commencent à prendre de la force, elle va à la chasse, se Jette indifféremment sur tous les animaux qu'elle rencontre, les met à mort, se charge de sa proie, la partage à ses lionceaux, et leur apprend à déchirer la chair palpitante. En naissant, les petits se ressemblent tous, quel que soit leur sexe; leur pelage est plus laineux, plus foncé que celui de leur mère, et ils portent une livrée de petites raies brunes, transversales, sur les flancs et l'ori- gine de la queue; ce n'est qu'à l’âge de cinq ou six ans, c'est-à-dire lorsqu'ils deviennent complétement adultes, qu'il ne reste plus aucune trace de cette livrée. La crinière qui pare les màles ne commence à pousser qu'a l'âge de trois ans. Plusieurs fois des lionnes se sont accouplées à la ménagerie, et y ont élevé leurs lionceaux. On a dit que, dans sa générosité, le lion donne quelquefois la vie aux animaux qu'on avait dévoués à la mort en les lui jetant, et le fait est vrai si on le met, non sur le compte d’un sentiment généreux, mais sur celui du caprice, et sur le besoin d’avoir un compagnon qui lui fasse supporter les ennuis d'une étroite captivité. Parmi les lionnes qui ont vécu à la ménagerie, plusieurs ont souffert des chiens dans leur loge; mais une seule a montre de l'affection pour son 241 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. camarade de prison. Elle se nommait Constantine, et avait été prise fort jeune dans le Sahara. On jeta dans sa loge un petit roquet noir et blane, qui, tout effrayé, fut se cacher dans un coin en tremblant de tous ses membres. La lionne se leva lentement, et, râlant d'une voix sourde, s'approcha du pauvre animal, qui poussa un cri plaintif en la regardant d’un air suppliant. Il paraît que ce regard plein de désespoir la toucha, car elle se recoucha tranquillement sans faire de mal au roquet. L'heure de la distribution venue, on jeta dans la loge le diner de Con- stantine ; elle le mangea et en laissa une part pour son nouveau compagnon d'esclavage, qui n’osa pas y toucher, car la faim la plus dévorante n'aurait pu le déterminer à quitter le eoin noir où la frayeur le tenait blotti. Le lendemain il avait un peu moins peur, et il se détermina à manger la portion que la lionne lui laissa comme la veille; le second jour il se hasarda à sortir de son coin et à manger après elle ; huit jours après il mangeait avec elle, et huit autres jours après il se jetait sur le diner, et ne permettait à la lionne d'en avoir sa part que lorsqu'il avait pris la sienne. Si Constantine s’approchait, le roquet entrait en fureur, et, purement par caprice, lui sautait à la figure et la mordait de toute sa force. Il n’est rien de plus hargneux, de plus méchant qu'un être faible qui à conquis sur un être fort l'empire que la bonté et l'affection lui ont laissé pren- dre, et l’on pourrait en citer de trop nombreuses preuves prises ailleurs que chez les chiens et les lions. Quand l'automne fut venu avec ses journées froides et humides, le roquet, pour être plus chaudement, jugea à propos de passer les nuits entre les cuisses de la lionne, et elle s’y prêta de fort bonne grâce. Pour récompense, dans ses accès de fureur, il se jeta un jour sur elle et lui mordit la queue avec tant de rage et de méchanceté, qu'il parvint à la lui couper à moitié et à l'estropier pour toute sa vie. Au bout de quelques années, le chien mourut, moitié de vieillesse, moitié d’un accès de colère, et la pauvre Constantine ne put jamais s’en consoler. On lui donna plusieurs autres chiens, qu'elle étrangla ; enfin elle laissa la vie à l’un d'eux, mais jamais elle ne lui montra ni affection ni complaisance, et elle mourut bientôt après, consumée d’ennui, de tristesse et peut-être de regrets. Du reste, si je me suis un peu étendu sur l'histoire de Constantine, c’est moins pour donner une idée du caractère des lions, que pour montrer par un exemple très-remarquable que, dans les animaux comme dans l'homme, on trouve des individus excentriques qui sortent presque tout à fait du caractère général de l'espèce. LE, F Us KR, CHATS. 2/5 Le TIGRE (Felis tigris, Lix. Le Tigre royal de Burr. — G. Cuv. Le Radja- ulang où Ariman-bessar des Malais. Le Madjan-gédé des Javanais. Le Lau-hu des Chinois). Cet animal est la plus grande et la plus terrible des espèces de son genre: il égale et surpasse même le lion en grandeur, mais il est plus grèle, plus svelte, et sa tête est plus arrondie; ses jambes sont proportionnellement plus longues ; son museau Court, ainsi que ses mâchoires armées de dents énormes et tran- chantes, donnent à sa gueule une force prodigieuse. Sa langue est couverte d'épines recourbées du côté de la gorge, de manière à lui donner la faculté d'enlever des lambeaux de peau d’un seul coup; ses pattes sont munies d'ongles puissants, qui se redressent vers le ciel et se cachent entre les doigts dans l'état de repos, par l'effet de ligaments élastiques, et ne perdent jamais leur pointe ni leur tranchant. Son pelage est d'un jaune vif en dessus, d’un blanc pur en dessous, partout irréguliérement rayé de noir en travers, ce qui le dis- üngue trés-bien de toutes les grandes espèces de chats; sa queue, noire au bout, est alternativement annelée de cette couleur et de blanc; enfin, c'est un des plus beaux et des plus élégants animaux que l’on connaisse. Il habite les Indes orientales et leur archipel, les déserts qui séparent la Chine de la Sibérie orientale, jusque entre les rivières d'Irtisch et d'Ischim, et même jusqu'à l'Obi, quoique rarement ; il est commun dans le Bengale, mais jamais on ne l’a trouvé en decà de l'Indus, de l’Oxus et de la mer Caspienne. Ces limites bien tracées n'empêchent pas que presque tous les anciens voyageurs qui ont parcouru des contrées chaudes, non pas seulement en Asie, mais encore en Afrique et en Amérique, disent en avoir rencontré, et racontent à son sujet les choses les plus exagerées et les plus merveilleuses. [ci c’est le combat d’un tigre et d’un rhino- 216 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. céros où d'un crocodile ; là 1l terrasse un monstrueux éléphant; ailleurs 11 lutte contre un lion, etc. Si on à pare le lion d'un courage, d'une générosité, d’une noblesse qu'il n’a pas, en compensation on s’est plu à nous peindre le tigre avec Les couleurs les plus noires; on le représente comme ayant une cruauté inouie, une férocité in- domptable, une soif de sang qui le dévore constamment; et il n’y a pas plus de vérité dans ce portrait que dans l’autre. Le tigre n’est pas plus cruel que le lion, mais seulement pour approcher sa proie il met plus de ruse, pour l’attaquer beaucoup plus d’audace, et pour la vaincre un courage qui ne cède qu’à la mort. Le lion annonce son approche par des rugissements qui paralysent ses victimes : le tigre se glisse à petit bruit et les surprend; le lion se retire s’il trouve une résistance : le tigre combat et se fait tuer. Telles sont les uniques différences qui constituent la générosité de l’un et la cruauté de l’autre. Le cou- rage du tigre est sans mesure, comme sa force et son agilité. Il combat indis- tinctement tous les animaux, et attaque l'homme avec intrépidité. Sa course a la rapidité de l'éclair; on en a vu sortir de la forêt, saisir un cavalier au mi- lieu d'un bataillon, d’une armée, l'emporter dans les bois et disparaître avant même qu'on ait eu le temps de le poursuivre. Ce qui, sans doute, n’a pas peu contribué à la réputation de cruauté que l'on à faite au tigre, c'est ce courage indomptable qui lui fait braver les armes de l'homme, et le rend, pour notre espece, le plus terrible des animaux et le fléau des Indes orientales. Cependant, quand il s’agit de surprendre une proie timide qui lui échapperait par la vélocité d’une course que le tigre ne peut soutenir longtemps, il se blottit et se cache dans les hautes herbes et les bambous, comme fait le lion. Le lieu de son embuscade est ordinairement le bord d’une mare ou d’une rivière où les gazelles, les antilopes et autres animaux viennent se désaltérer pendant la chaleur du jour; d’un bond prodigieux il se jette sur un de ces animaux, le terrasse du premier choc, lui brise le crâne, et l’entraine ensuite dans les bois, füt-ce un buffle ou un cheval, en courant avec autant de légéreté qu'un loup emportant un faible agneau. Quand il à satisfait sa faim, il ne cherche pas d'autre victime, jusqu'à ce qu'un nouveau besoin vienne le forcer à recommen- cer sa chasse. Plus hardi que le lion, il n'attend pas que la nuit vienne couvrir ses manœuvres de son ombre; c’est aussi bien le jour que la nuit qu'il sort de sa retraite pour se mettre en quête. Il habite de préference les roseaux qui croissent sur le bord des fleuves et des grandes rivières, et, comme il nage fort bien, il aime à gagner les ilots pour y établir son domicile temporaire. De là, il observe ce qui se passe sur le fleuve, et va chercher, pour s’en nourrir, les cadavres d'hommes et d'animaux qui flottent sur les ondes. Sur les bords du Gange, il est rare que la superstition indienne ne lui fournisse pas suffisam- ment de cadavres pour qu'il ait besoin d'aller à la chasse. On sait que les Hin- dous sont persuadés que les eaux du Gange descendent du ciel et ont la mira- culeuse vertu de purifier quiconque s’y baigne; mourir sur ses bords ou dans ses flots est ce qui peut arriver de plus heureux à un dévot qui veut arriver avec certitude aux délices du paradis. Aussi, plus d’un fanatique y cherche une mort volontaire, des mères y noient leurs enfants par excès de tendresse, et tout cela au profit des alligators et des Ligres. CHATS. 247 Quelques rois de l'Inde mettent la chasse du tigre au nombre des plaisirs royaux, et la font avec un grand appareil d'hommes, d’éléphants, de chevaux et de chiens. Malgré toutes les précautions prises pour la sûreté des chasseurs, il arrive presque toujours quelques malheurs, et il n'est pas rare de voir un tigre bondir et enlever un homme jusque sur le dos d’un éléphant, ou terrasser ce dernier s'il est jeune et qu'il parvienne à saisir sa redoutable trompe, à la- quelle il se cramponne opiniàtrément. Lorsqu'il est harassé de fatigue ou gra- vement blessé d'un coup de feu, il se retire un moment dans un fourré pour reprendre haleine ; mais il revient bientôt au combat plus furieux qu'avant de l'avoir quitté, se faire tuer accablé par le nombre, et trop souvent expirer sur le corps sanglant de ses ennemis. Grâce à son intrépidité inconcevable, rien ne l'effraye, rien ne l'intimide : ni le nombre de ses ennemis, ni la détonation des armes à feu, ni les cris, ni le bruit, le feu et la fumée, qui ne font qu'augmenter sa fureur. Le tigre est-il donc le plus féroce des animaux, et le portrait qu'en fait Buffon serait-il vrai? Non; je le répète, il n’est ni plus féroce ni plus cruel que le lion, seulement il est plus courageux. Pris jeune et élevé dans la domesticité, il s’ap- privoise parfaitement, reconnaît son maître, le caresse et s’y attache autant qu'aucun autre animal, hors le chien. On sait que l'empereur Héliogabale, dans une représentation du triomphe de Bacchus, se montra dans Rome sur un char trainé par des tigres, et la description que Pline nous a laissée de ces animaux ne laisse aucun doute sur leur identité. Voilà donc ce tigre indomptable qui oublie sa férocité pour s'accoutumer à la domesticité; il l'oublie au point de se laisser atteler à un char, et de traîner sans danger pour personne, au milieu d'une population nombreuse et turbulente, un empereur bien plus féroce que lui! Ce fut Auguste qui montra le premier un tigre aux Romains, et il était ap- privoisé. Mais sans aller chercher des exemples dans l'antiquité, quelques per- sonnes se souviennent encore d'avoir vu un promeneur de ménagerie ambulante qui montrait, à Francfort, un tigre d'une rare beauté. À son commandement, l'animal, attaché à une chaîne de cinq ou six pieds pour la tranquillité des spec- tateurs, sortait de sa cage et faisait plusieurs exercices. Son maitre, le compa- rant à un cheval qu'on bride, lui ouvrait les mâchoires et lui mettait le bras dans la gueule en guise de mors; puis il s'asseyait sur son dos et se faisait por- ter sans que l'animal témoignàt la moindre impatience. Tout Paris à vu le sieur Martin entrer sans crainte dans la cage d'un tigre qu'il montrait aux curieux, s'asseoir sur lui, le caresser, jouer, le contrarier même, sans qu'il en ait résulte le moindre accident. Les mousses du bâtiment sur lequel on amenait à Paris le ügre qui existait à la ménagerie en 1855, ne trouvaient rien de mieux pour dormir que de s'étendre entre les cuisses de cet animal et de se faire un traversin de son ventre. Il se promenait librement sur le vaisseau, et on ne l'attachait au pied du mât que pendant les manœuvres. Je pourrais multiplier beaucoup ces exemples s’il était nécessaire. Quant aux autres habitudes du tigre, elles sont exactement les mêmes que celles du lion et autres grands chats. Fort heureusement pour les habitants de l'Inde, ce terrible animal multiplie fort peu son espèce. La femelle met bas de trois à cinq petits; mais si elle n'a pas le soin extrême de les cacher dans une 248 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. retraite sûre, le mâle ne manque jamais de les manger et de détruire ainsi sa formidable postérité. Elle les aime avec tendresse, et sa fureur devient extrême quand on les lui ravit. « Elle brave tous les périls, dit Buffon; elle suit les ra- visseurs, qui, se trouvant pressés, sont obligés de lui relâcher un de ses petits; elle s'arrête, le saisit, l'emporte pour le mettre à l'abri, revient quelques in- stants après et les poursuit jusqu'aux portes des villes ou jusqu’à leur vaisseau ; et lorsqu'elle à perdu tout espoir de recouvrer sa perte, des cris forcenés et lugubres, des hurlements affreux expriment sa douleur cruelle et font encore frémir ceux qui les entendent de loin. » Transportés en Europe, dans nos mé- nageries, ces animaux meurent presque tous de phthisie pulmonaire. Ils ne s’v sont jamais accouplés, au moins jusqu'à ce jour. La Panruëre (Felis pardus, Lin. Le Nemr des Arabes. La Panthère et l'Once de Burr.) est longue de près de quatre pieds (1,299), non compris la queue, qui a deux pieds six pouces (0,812); son pelage est d'un fauve jaunâtre en dessus, blanc en dessous, avec six ou sept ran- gées de taches noires en forme de roses, c’est- à-dire formée de l'assemblage de cinq ou six pe- tites taches simples, sur chaque flanc; la queue n’a de noir, et seulement en dessus, que son dernier huitième, avec trois ou quatre anneaux blancs. Tel est l'animal que notre célèbre natu- raliste G. Cuvier a cru reconnaitre pour la pan- thère, et, dans ce cas, il se trouverait en Arabie et en Afrique, aussi bien que dans l'Inde. Selon M. Temminck, cette panthère de Cu- vier ne serait qu'un léopard ; nous n'aurions jamais été figurée. Voici, selon lui, en quoi elle diffère du léopard: sa queue serait aussi longue que le corps et la tête pris ensemble, et com- posée de dix-huit vertèbres, tandis que celle du léopard serait de la longueur du corps seule- ment, et composée de vingt-deux vertèbres ; la tête de la panthère aurait le crâne plus allongé; son pelage serait d’un fauve jaunâtre foncé ; ses taches en roses seraient très-nombreuses ef rapprochées, ayant au plus douze à quatorze lignes (0,027 à 0,052) de diamètre, avec le cen- tre de la même couleur que le fond du pelage, tandis que dans le léopard les taches seraient assez distantes, de dix-huit lignes (0,041) de dia- mètre, et auraient le fond rose. Dans le cas où l'opinion de M. Temminck prévaudrait sur celle de Cuvieï et de tous nos naturalistes français, la panthère, assez commune au Bengale, ne se jamais possédé, ni au cabinet ni à la ménagerie, trouverait probablement pas en Afrique. de véritable pantbère, et elle n'aurait même Toutes les panthères que nous avons eues à la ménagerie de Paris, ou du moins les animaux auxquels on donne ce nom, étaient farouches, indomptables, et d’une férocité stupide. Quelques-unes se sont conservées assez longtemps, mais la plupart meurent phthisiques après un an ou deux. Dans les pays où elle se trouve, la panthère n'habite que les forêts, et, si on en croit les voya- geurs, elle monte avec beaucoup d'agilité sur les arbres, pour poursuivre les singes et les autres animaux grimpeurs dont elle se nourrit. Ses yeux sont vifs, dans un mouvement continuel ; son regard est cruel, effrayant, et ses mœurs sont d’une atroce férocité. Elle n’attaque pas l'homme quand elle n’est pas in- sultée; mais à la moindre provocation elle entre en fureur, se précipite sur lui avec la vitesse de la foudre, et le déchire avant qu'il ait eu le temps de penser à la possibilité d'une lutte. La nuit, elle sort des halliers et des buissons touffus où elle se cache pendant le jour pour épier ses victimes; elle vient rôder autour des habitations isolées pour surprendre les animaux domestiques, les chiens surtout, et, faute de proie vivante, elle se nourrit de cadavres. Quoique Buffon ait mal connu cette espèce, qu'il l'ait séparée de l’once, qui n’en est qu'une va- riété, et que, pour les mœurs, il l'ait confondue avec d’autres grands chats, je crois que c’est à elle qu'il faut rapporter ce passage : « La panthère paraît être CHATS. 249 d'une nature fière et peu flexible : on la dompte plutôt qu'on ne l'apprivoise ; jamais elle ne perd en entier son caractère féroce, et lorsqu'on veut s'en servir pour la chasse, 1l faut beaucoup de soin pour la dresser, et encore plus de pré- cautions pour la conduire et l'exercer. On la mène sur une charrette, enfermée dans une cage, dont on lui ouvre la porte quand le gibier paraît; elle s’élance vers la bête, l’atteint ordinairement en trois ou quatre sauts, la terrasse et l’é- trangle; mais si elle manque son coup, elle devient furieuse et se jette quel- quefois même sur son maître, qui, d'ordinaire, prévient ce danger en portant avec lui des morceaux de viande ou des animaux vivants, comme des agneaux, des chevreaux, dont il lui en jette un pour calmer sa fureur. » Si ce que dit Buffon est vrai, cela ne peut s'appliquer qu’à la panthère ou au léopard, car le guépard s'attache à son maître comme un chien, et n’est jamais dangereux pour lui. Tout ce que nous pourrions dire de plus sur l’histoire de cet animal appar- tient à celle des chats en général. ©t ©] 250 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. Le Léopard. Le LEOPARD (| Felis pardus, Cuv. Felis leopardus, Teuu. Felis varia, Scnr. L'Engoi du Congo ). Selon G. Cuvier, le léopard ne se distinguerait de la panthère que par dix rangées de taches plus petites, plus annelées; par son pelage d’un plus beau fauve, et par le dernier tiers de sa queue, qui serait noir en dessus et aux côtés, avec ‘cinq où six anneaux blancs; 1l aurait exactement les mêmes dimensions. Selon Temminck, le léopard serait beaucoup plus grand que la panthère, et approcherait de la taille de la lionne ; sa queue, composée de vingt-deux ver- tébres, serait de la longueur de son corps; il aurait le pelage d’un jaune clair, parsemé de taches assez distantes, ayant au plus dix-huit lignes (0,041) de dia- mètre, et dont le fond serait rose; le dessous du corps blanc. J'avoue que j'ai trouvé à la ménagerie tant de difficultés à reconnaitre dans la panthère et le léopard des caractères spécifiques tranchés, que je serais bien tenté de me ran- ger à l'opinion de Temminck, et de regarder nos prétendues panthères comme de simples variétés de taille du léopard. Assez généralement les voyageurs ont gratifié du nom de tigre toutes les grandes espèces de chats qui ont la peau mouchetée de taches noires et arron- dies, sans s'inquiéter si le vrai tigre lui-même portait cette robe, ce qui n'est pas. Cette habitude n'a pas peu contribué à jeter la confusion dans l’histoire des espèces de chats, et Buffon, malgré sa critique et son talent, n’a pu se tirer de ce chaos. En outre, tous ces animaux tachetés ont entre eux une telle ressem- blance, que Cuvier lui-même en est venu à douter s’il existait vraiment un léo- pard distinet spécifiquement de Ja panthère. « Si cela est, dit-il, je pense que ce CHATS. 251 doit ètre un animal dont nous avons recu des peaux de l'île de la Sonde. » Il en résulte que le premier que nous avons décrit ne se trouverait que dans l'Asie, et que le second, celui de Temminck, habiterait non-seulement l'Asie, mais encore l'Afrique, et pourrait bien n'être, comme :l le dit, qu'une simple variété de pelage de l'animal auquel on donne, à la ménagerie, le nom de panthère. Quoi qu'il en soit, en Afrique le léopard est celebre pour son courage et sa cruauté. Il à l'air féroce, l'œil inquiet, le regard cruel, les mouvements brus- ques, et, ajoute Buffon, les cris semblables à celui d'un dogue en colère; il à même la voix plus forte et plus rauque que le chien irrité. Il se plaît dans les forêts touffues, où il épie et surprend tous les animaux plus faibles que lui, pour s’en nourrir. Comme la panthère, il est d'une force et d'une agilité incon- cevables, et il grimpe sur les arbres pour y poursuivre les chats sauvages. Quelquefois, ainsi que le lynx, il se place sur une grosse branche, et là, im- mobile, le cou tendu et l'oreille au vent, il attend qu'une antilope passe à sa portée pour s’élancer sur elle, la terrasser, la déchirer avec ses griffes et la dévorer. Il lui arrive aussi de rôder autour des habitations pour saisir les ani- maux domestiques. Il ose mème s'approcher en plein jour des troupeaux, et alors il emploie une patience et une ruse admirable pour s'approcher sans bruit et sans être aperçu de la victime que son œil a désignée. Il se coule lentement le long d'un ravin; il se glisse à travers les buissons; il rampe dans l'herbe comme un serpent, en se trainant sur le ventre. Si l'animal fait un mouvement d'inquiétude et lève la tête, Le léopard se colle à la terre et reste immobile, en retenant même sa respiration ; puis, quand l'animal rassuré s’est remis à paître, la même manœuvre recommence, mais avec encore plus de lenteur et de cir- conspection ; il avance avec l'extrême soin de se masquer constamment derrière les objets placés entre sa proie et lui, et sa persévérance est telle, qu'il mettra deux heures, s’il le faut, pour arriver. Mais lorsqu'il se croit à une distance convenable, prompt comme l'éclair, il se jette sur sa victime, la saisit et l'em- porte dans le bois voisin en bondissant et en courant d’une telle vitesse, que mi chien ni berger ne peuvent l’atteindre. Quand il manque sa proie, sa méliance ne lui permet pas d’en choisir une autre, fût-il au milieu du troupeau ; il s’ar- rête, se retire ensuite lentement, en reculant, sans ôter ses yeux de dessus les chiens et le berger, et en bravant leurs cris et leurs clameurs. Parvenu à une certaine distance, il se retourne et se retire un peu plus vite, mais sans cou- rir, en tournant souvent la tête et leur lançant des regards étincelants. Si, dans toute circonstance, on lui tire un coup de fusil et qu'on ne fasse que le blesser, loin de fuir, il se précipite sur l’imprudent chasseur, et c'en est fait de lui s'il n’a pas d'armes pour se défendre, de camarades pour tirer sur le monstre, ou au moins des chiens forts et courageux pour le harceler et lui tenir tête. Si le coup de fusil l'a renversé, il est dangereux de s’approcher de lui avant qu'il soit tout à fait expiré, car dans ses derniers moments il concentre tout ce qui lui reste de force pour les employer à la vengeance. Les Nègres lui tendent le même piége qu'à la panthère et au lion. Dans un endroit qu'ils reconnaissent pour être fréquenté par lui, ils creusent une fosse profonde, recouverte de roseaux et d'un peu de terre, sur laquelle ils déposent pour appât quelque bête morte, où un agneau dont les bêlements attirent le léo- 252 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. pard de fort loin. D’autres fois, quand les Nègres sont en nombre, ils osent l’atta- quer corps à corps, afin d’avoir sa peau qui est une fourrure superbe et de beau- coup de valeur. Ils parviennent à le tuer à coups de flèches et de sagaies, pendant que leurs chiens l’occupent et le harcèlent; mais, quelque percé qu'il soit de leurs coups, il se défend avec rage tant qu'il lui reste une étincelle de vie, et fort souvent il ne meurt pas sans s'être vengé sur les chiens ou sur les hommes. Les Négresses du Congo recherchent beaucoup ses dents pour s’en faire des colliers. Le Ticen-BoscukaT où Seava ( Felis serval, Guz. Le Chat du Cap de Fonsrer. Le Chat- tigre des fourreurs. Les Felis galeopardus et capensis de Desu. Le Chat-pard de PERRAULT. Le Serval de Burr.) atteint jusqu’à vingt-huit pouces (0,758) de longueur, non compris la queue, qui en à huit ou neuf (0,217 ou 0,244) ; ses oreilles sont grandes, rayées de noir et de blanc ; son pelage est d’un fauve clair, tirant quelquefois sur le gris ou sur le jaune; il a le tour des lèvres, la gorge, le dessous du cou et le haut de l'intérieur des cuisses blanchätres ; des mouchetures noires sur le front et les joues ; une double ligne de ces mouchetures au pli de la gorge; quatre raies noires le long du cou, dont les extrêmes, interrompues sur l’épaule, reprennent pour finir plus loin ; au même point les intermédiaires s’écartent pour en laisser naitre deux autres, terminées au tiers anté- rieur du dos ; des taches isolées sur le reste du corps ; deux bandes noires à la face interne du bras, et la queue annelée de noir ; toutes les taches sont pleines. Cet animal habite les forêts du cap de Bonne- Espérance et de toute la partie méridionale de l'Afrique. 11 grimpe sur les arbres avec beau- coup d'agilité et s'occupe sans cesse à donner la chasse aux singes, aux rats et aux autres pe- tits animaux. On en a eu plusieurs à la ména- gerie, mais jamais où n’a pu les apprivoiser. Dans la captivité, il parait indifférent aux bons traitements; les mauvais le font entrer dans une fureur que rien ne peut calmer, et il parait impossible d'adoucir ou de dompter sa férocité, Au Cap on recherche sa fourrure pour en faire le commerce, parce que, étant fort belle, douce et chaude, elle à une assez grande valeur. Le Cnar Doré (Felis chrysothrix et Felis au- rala, TEmm.) a environ deux pieds et demi 10,812) de longueur, non compris la queue, qui est moitié de la longueur du corps seulement, avec une bande brune tout le long de sa ligne médiane, et le bout noir ; les oreilles sont cour- tes, arrondies, sans pinceaux de poils ; le pelage est très-court, luisant, d'un rouge bai très-vif, sans taches sur les parties supérieures, avec quelques petites taches brunes sur les flancs et le ventre; ce dernier d’ur blanc roussâtre; la gorge est blanche; les oreilles sont noires en dehors, roussätres en dedans, et les quatre pat- tes d’un roux doré. Sa patrie est inconnue. Le Srepnasa-Koscuxka où ManouL (Felis ma- nul, Paz.) est de la taille d'un renard ; sa queue, touffue, touchant à terre, est marquée de six à veuf anneaux noirs; son pelage est d’un fauve roussâtre uniforme, très-touffu et très-long ; il a deux points noirs sur le sommet de la tête, et deux bandes noires parallèles sur les joues. Son museau est tres-court, et il lui manque la dent mâchelière antérieure qu'ont les autres chats. Temminck n’a point admis cette espèce ; mais la figure bien caractérisée qu’en a donnée Pal- las ne laisse aucun doute sur son existence. Ce chat, toujours selon Pallas, serait la souche de notre chat d’Angora, probablement à cause de sa fourrure dont les poils ont de vingt à vingt- huit lignes (0,046 à 0,064) de longueur. Le ma- noul habite surtout les solitudes les plus nues des vastes steppes rocheuses qui s'étendent en- tre la Chine et la Sibérie; il parait qu’il ne se plait pas dans les bois, où il n’entre jamais, et qu'il préfère les pays stériles et hérissés de ro- chers ; aussi n'est-il pas rare dans la Daourie et dans toutes ces contrées comprises entre la mer Caspienne et l'Océan, au sud du cinquante- deuxième degré de longitude. C’est un animal nocturne, qui ne sort que la nuit du trou de rocher où il dort pendant le jour, pour aller faire la chasse aux oiseaux et aux petits mam- mifères dont il se nourrit. C'est surtout à la ti- mide famille des lièvres qu’il fait une guerre aussi acharnée que cruelle. Le Cuar osscur (Felis obscura, Desu. Le Chat noir du Cap, Fr. Cuv.) a le pelage d’un noir un peu roussâtre, avec des bandes trans- versales d’un noir foncé et très-nombreuses ; il a sept anneaux à la queue. Cette espèce dou- teuse se trouverait au cap de Bonne-Espérance. Le CHAT DE LA CAFRERIE (Felis cafra, Des.) est d’un tiers plus grand que notre chat sau- vage. Il est d'un gris fauve en dessus et fauve en dessous ; les paupières supérieures sont blan- châtres; sa gorge est entourée de trois colliers ; il a vingt bandes brunes transversales sur les flancs; huit bandes noires lui traversent les CHATS. paltes de devant, et douze celles de derrière ; sa queue est longue, à quatre anneaux bien mar- qués, et terminée de noir. M. Lalande l’a trou- vée dans la Cafrerie. Le CuaT GATE ( Felis maniculata, Rupr. — Tex.) est à peu près de la taille du chat do- mestique. Il est d’un gris fauve, avec la plante des pieds noire; il a sur la tête sept ou huit bandes noires, étroites et arquées; sa queue est longue, noire au bout, avec deux anneaux rapprochés de cette couleur; la ligne de son dos est noire ; les parties inférieures sont blan- ches, nuancées de fauve sur la poitrine ; la face externe des pieds de devant a quatre ou cinq pe- titles bandes transversales brunes, et la face in- terne deux grandes taches noires; il porte cinq ou six petites bandes sur les cuisses. 11 habite l'Égypte, et probablement toute la partie sep- lentrionale de l'Afrique. Le Cuar pu BENGALE (Felis bengalensis, DEsn.) est de la taille du chat ordinaire; son pelage est d'un gris fauve en dessus, blanc en dessous ; son front est marqué de quatres lignes longitu- dinales brunes, et les joues de deux; il a un collier sous le cou et un autre sous la gorge ; des taches brunes et allongées s'étendent sur 253 son dos; ses pieds et son ventre sont mouche- tés de brun ; et sa queue est brunätre, avec des anneaux peu apparents. Il habite le Bengale. Le Cnar pomesrTiQue (Felis catus, Lin.) est trop généralement connu de nos lecteurs pour que nous perdions notre temps à le décrire , description qui, d’ailleurs, serait fort difficile, au moins pour les couleurs, puisque, ainsi que tous les animaux soumis à une antique domesti- cité, son pelage varie de mille manières. Quant à son type, le chat sauvage, il ne varie pas, et nous allons donner sa description : Son pelage est d’un gris brun un peu jaunätre en dessus, d’un gris jaune pâle en dessous ; il a sur la tête quatre bandes noirâtres qui s'unissent en une seule plus large régnant sur le dos ; des bandes trausverses très-lavées sur les flancs et les cuis- ses ; du blanc autour des lèvres et sur la mà- choire inférieure ; le museau d’un fauve clair ; deux anneaux noirs près du bout de la queue, qui est également noir, ainsi que la plante des pieds. Il a vingt-deux pouces (0,596) de lon- gueur, non Compris la queue, c’est-à-dire qu'il est de très-peu plus grand que le chat domes- tique. Malgré sa petite taille, on retrouve dans le chat sauvageles habitudes des grandes espèces. Le chat sauvage était autrefois assez commun dans toutes les grandes forêts de la France, et, dans ma jeunesse, j'en ai assez souvent tué dans les montagnes qui séparent le cours de la Loire de celui du Rhône et de la Saône; mais aujour- d’hui il est devenu extrèmement rare, et probablement dans quelques années on ne l'y trouvera plus. Il vit isolé, dans les bois, d’une chasse active qu'il fait aux perdrix, aux lièvres, et à tous les autres animaux faibles. Il grimpe sur les ar- bres avec la plus grande agilité, et fait ses petits dans les trous que les ans et les pluies ont creusés dans leur tronc. Devant les chiens courants, il se fait battre et rebattre dans les fourrés, absolument comme le renard ; mais, lorsqu'il est fati- gué, au lieu de filer de long comme lui, il s’élance sur un arbre, se couche sur une grosse branche basse, et, de là, regarde fort tranquillement passer la meute, sans s’en mettre autrement en peine. De cette espèce, et peut-être aussi du chat ganté, comme le pensent les na- turalistes allemands Rupel et Ehrenberg, sont sorties les nombreuses variétés de chats domestiques, que l’on peut, comme l'a fait Linné, grouper en quatre races principales, savoir : Le CnaT DOMESTIQUE TIGRE (Felis catus do- Le CHaT D'EspaGne ( Felis catus hispanicus, mesticus, Lin.) ; Lin.) ; Le Cuat nes CnanTReux (Felis catus cœru- Le Car D'ANGoRa (Felis ratus angorensis, leus, Lin.) ; Lain.). La nature a des mystères qui, probablement, resteront toujours impénétrables, et les effets physiologiques que produisent sur les animaux les différentes cou- leurs de leur pelage sont au nombre de ces secrets inexplicables. Le chat en 254 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. offre un des exemples les plus singuliers. Si un de ces animaux porte sur sa robe du blanc, du jaune et du noir, c'est infailliblement une femelle. J'avais fait, ou l'on m'avait fait faire cette remarque dans mon enfance; pendant tout le cours de ma vie je n'ai pas perdu une seule occasion de la vérifier, et jamais je n'ai pu trouver un mâle marqué de ces trois couleurs. Buffon était un grand peintre et savait habilement placer dans ses tableaux des ombres noires pour faire ressortir davantage les brillantes couleurs dont il embellissait les scènes principales ; mais ces ombres, ces parties sacrifiées, tom- baient-elles toujours juste? Non, et nous en citerons comme preuve l'histoire du chat, qu'il a chargée de sombres couleurs évidemment pour faire valoir celles du chien. Ces oppositions sont fort habiles, très-piquantes, mais elles ne sont pas vraies. Il a calomnié le chat, comme nous allons le montrer en rapportant le portrait qu'il en fait. « Le chat, dit-il, est un domestique infidèle, qu'on ne garde que par nécessité, pour l'opposer à un autre ennemi domestique encore plus incommode, et qu'on ne peut chasser : car nous ne comptons pas les gens qui, ayant du goût pour toutes les bêtes, n’élèvent des chats que pour s'amuser ; l'un est l'usage, l’autre l'abus. Et quoique ces animaux, surtout quand ils sont jeunes, aient de la gentillesse, ils ont en même temps une malice innée, un ca- ractèere faux, un naturel pervers, que l’âge augmente encore, et que l'éducation ne fait que masquer. De voleurs déterminés, ils deviennent seulement, quand ils sont bien élevés, souples et flatteurs comme les fripons; ils ont la même adresse, la même subtilité, le même goût pour faire le mal, le même penchant à la petite rapine ; comme eux ils savent couvrir leur marche, dissimuler leur dessein, épier les occasions, attendre, choisir, saisir l'instant de faire leur coup, se dérober ensuite au châtiment, fuir et demeurer éloignés jusqu’à ce qu'on les rappelle. Ils prennent aisément des habitudes de société, mais jamais de mœurs : ils n’ont que l'apparence de l'attachement; on le voit à leurs mouvements obliques, à leurs yeux équivoques ; 1ls ne regardent jamais en face la personne aimée ; soit défiance, soit fausseté, 1ls prennent des détours pour en approcher, pour cher- cher des caresses auxquelles ils ne sont sensibles que pour le plaisir qu'elles leur font. Bien différent de cet animal fidèle, dont tous les sentiments se rapportent à la personne de son maitre, le chat ne paraît sentir que pour soi, n’aimer que sous condition, ne se prêter au commerce que pour en abuser; et, par cette convenance de naturel, il est moins incompatible avec l'homme qu'avec le chien, dans lequel tout est sincère. » Voyons maintenant ce que ce portrait a d'exagéré et de faux. Si le chat est voleur, et tous ne le sont pas, c’est toujours la faute de ses maîtres. Les uns, par parcimonie, lui refusent une quantité suffisante de nourriture; d’autres, par un cruel préjugé, ne lui en donnent pas du tout, sous prétexte qu'il cesse de chasser aux souris dès qu’il trouve à manger à la maison; ce préjugé du moins contredit la prétendue férocité du chat qui, ainsi que la plupart des autres ani- maux, ne donne la mort que poussé par la faim. Dans la maison, il habite avec un rival préféré, un ennemi mortel, le chien, toujours prêt à le poursuivre et à l'étrangler quand il peut l’atteindre. Cette société n’est pas faite pour lui donner de l'assurance, pour vaincre la timidité naturelle de son caractere. Toujours exposé aux attaques d’un être pour lequel il à une profonde antipathie, il a dû CHATS. 255 devenir méfiant, et couvrir sa faiblesse d’une extrême prudence; sa marche de- vient oblique, il prend des détours pour approcher, il jette dans l'appartement un œil scrutateur, et n'entre que lorsqu'il est certain de pouvoir le faire sans danger : est-ce là de la fausseté? Il n’est sensible aux caresses que per le plaisir qu'elles lui font, dit le grand écrivain ; mais il a cela de commun avec le chien, avec l'homme même, et si Buffon a entendu parler du plaisir physique seule- ment, je répondrais que rien ne prouve cette assertion, puisque le chat, ainsi que le chien, rend caresses pour caresses et lèche avec affection la main qui le nourrit. Un chat affamé, maltraité, harcelé, profite des ombres de la nuit pour se glisser furtivement dans la cuisine, y saisir avec subtilité un misérable mor- ceau de viande pour apaiser une faim dévorante, et voilà de la perversité ! Mais il n'est pas un chien de chasse qui n’en fasse autant dans l'occasion, avec plus d'audace à la vérité, et on ne l’accuse pas de manquer de mœurs, d’être pervers, de ne se prêter au commerce que pour en abuser. Le chat n’est farouche et sau- vage qu’autant qu'il est dédaigné et maltraité; quand il est élevé avec douceur, il s'attache à son maitre, lui montre de l'affection, et obéit même à son com- mandement. Il est susceptible d'éducation autant que son intelligence bornée le lui permet; j'en ai vu qui donnaient la patte, qui contrefaisaient le mort, et même qui rapportaient comme un chien. Buffon lui-même dit que des moines grecs de l’île de Chypre en avaient dressé à chasser, et à prendre et tuer les ser- pents. Il est vrai qu'après une antique servitude, le chat n’est devenu qu'à moi- tie domestique, et qu'il a su conserver son entière indépendance ; mais ceci resulte purement de son organisation physique, et non de son moral. Animal exclusivement de proie, il a les habitudes, les gestes de ces animaux, quoiqu'il en ait perdu le caractère, au moins dans les grandes villes, où l’on a soin de lui, où ses besoins, ses appetits sont constamment satisfaits. On dit qu'il s'attache plus au logis qu'à ses maîtres; et cela est vrai, mais seulement dans les mai- sons où l'on s'inquiète peu de lui, où il n'a pas pu placer son affection sur quel- qu'un. S'il a été adopté par une personne, qu'il en ait reçu des soins, des ami- tiés, qu'il s'y soit attache, il la suit dans un autre logis, s’y établit, y reste, et ne pense pas à retourner dans celui qu'on lui a fait quitter. En résume, le chat est d’un caractère timide ; il devient sauvage par poltron- nerie, défiant par faiblesse, rusé par nécessite. Il n’est jamais méchant que lors- qu'il est en colere, et jamais en colère que lorsqu'il croit sa vie menacée; mais alors il devient dangereux, parce que sa fureur est celle du désespoir, et qu'alors il combat avec tout le courage des lâches poussés à bout. Il a conservé de son indépendance autant qu'il lui en fallait pour assurer son existence dans la posi- tion que nous lui avons faite, et si on rend cette position meilleure, comme à Paris, par exemple, où le peuple aime les animaux, il abandonnera aussi une partie de son indépendance en proportion de ce qu'on lui donne en affection. La chatte est plus ardente en amour que le mâle, ce qui est une exception dans la nature ; elle entre communément en chaleur deux fois par an, en automne et au printemps; elle porte cinquante-cinq à cinquante-six jours, et ses portées ordinaires sont de quatre à six petits. Comme les mâles à demi sauvages sont sujets à dévorer leur progéniture, la femelle cache ses petits dans des trous ou d'autres lieux retirés, et elle les transporte ailleurs et les change de place à la 256 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. moindre apparence de danger. Après les avoir allaités quelques semaines, elle leur apporte des souris, des petits oiseaux, et les accoutume peu à peu à vivre de proie. Il arrive quelquefois aux jeunes mères, qui mettent bas pour la première fois, de manger leurs petits au lieu du placenta que mangent toutes les espèces d'animaux. Cette erreur del’intelligence animale est une des bases fondamentales sur laquelle on établit la férocité de l'espèce. Mais ceci arrive encore plus sou- vent aux lapines, et je ne vois pas que pour cela Buffon ait avancé que le lapin est un animal féroce. Le chat est joli, léger, adroit, plein de grâce, et sa robe est toujours d’une propreté recherchée ; ses poils soyeux, sécs et lustrés, s’élec- trisent aisément, et, si on les frotte dans l’obscurité, on en voit sortir des étin- celles. Lorsque la femelle est en chaleur, elle s'échappe de la maison, et va quelquefois s’accoupler avec les chats sauvages. Les petits qui en résultent sont fort beaux, mais on les dit plus farouches que leur mère. La longueur ordinaire de la vie d’un chat est de dix à quinze ans. CHATS. 257 Le Jaguar. 2 2. CHATS D'AMÉRIQUE. Le JAGUAR (Felis onça, Lan. L'Onxa des Portugais. Le Tlatlanqui-Oceloit, d'Hernandès. La Grande Panthère des fourreurs. Tigris americanus, Borrv.). Après le tigre et Le lion, cet animal est le plus grand de son genre. Azzara dit en avoir mesuré un qui avait six pieds (1,949) de longueur non compris la queue, qui elle-même était longue de vingt-deux pouces (0,596). Son pelage est d’un fauve vif en dessus, semé de taches plus ou moins noires, ocellées, c’est-à-dire formant un anneau plus ou moins complet, avec un point noir au milieu; ces taches sont au nombre de quatre ou cinq, par lignes transversales, sur chaque flanc; quelquefois ce sont de simples roses ; elles n’ont jamais une régularité parfaite, mais elles sont constamment pleines sur la tête, les jambes, les cuisses et le dos, où elles sont allongées, sur deux rangs en quelque partie, sur un seul dans une autre. Tout le dessous du corps est d’un beau blanc, semé de grandes taches noires, pleines et irrégulières. Le dernier tiers de la queue est noir en dessus, annelé de blanc et de noir en dessous; l'extrémité effleure la terre sans trainer. Le jaguar est répandu depuis le Mexique exclusivement, jusque dans le sud des Pampas de Buenos-Ayres, et nulle part il n’est plus commun et plus dange- eux que dans ce pays, malgré le climat presque tempéré, et la nourriture abon- dante que lui fournit la grande quantité de bétail qui pait en liberté dans les plaines. 11 y attaque constamment l’homme, tandis que ceux du Brésil, de la Guyane et des parties les plus chaudes de l'Amérique fuient devant lui, à moins qu'ils ne soient pressés par la faim ou qu'ils aient été attaqués les pre- miers. Les bois marécageux du Parana, du Paraguay et des pays voisins, sont peut-être les endroits où cette espèce s’est le plus multipliée, et où les acci- 25 258 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. dents sont le plus fréquents. Elle était encore si nombreuse au Paraguay, après l'expulsion des jésuites, qu’on y en tuait deux mille par an, selon d’Azzara; mais au commencement de ce siècle leur destruction annuelle n'allait pas à mille. Cet animal est également très-cormun dans la Guyane et le Brésil, et l'on entend ses cris presque régulièrement le matin au lever du soleil, et le soir à l'entrée de la nuit. Ces cris sont flûtes, avec une très-forte aspiration pec- torale, et se font entendre à une trés-grande distance. Il en à un autre qu'il pousse quand il est irrité ou qu'il va fond'e sur sa proie. Ce dernier ressemble à un ràlement profond qui se termine par ur éclat de voix terrible et propre à épouvanter l’homme le plus intrépide. Cet animal se plaît particulièrement dans les esters et les grandes forêts traversées par des fleuves, dont il ne s’éloigne pas plus que le tigre, parce qu'il s’y occupe sans cesse de la chasse des loutres et des pacas. Comme lui, il nage avec beaucoup de facilité, et va dormir, pen- dant le Jour, sur les îlots, au milieu des touffes de joncs et de roseaux. Souvent il fait sa proie d’un bœuf ou d'un cheval, et il est d'une force si prodigieuse, qu'il le traîne aisément dans les bois pour le dévorer. En plaine, le jaguar fuit presque toujours, et ne fait volte-face que lorsqu'il rencontre un buisson ou des herbes hautes dans lesquelles il puisse se cacher. Dans ces retraites, il attend sa proie, se lance sur son dos en poussant un grand cri, lui pose une patte sur la tête, de l’autre lui relève le menton, et lui brise le derrière du crâne. Pendant la nuit, sa hardiesse est extrème; de six hommes dévorés par les jaguars, à la connaissance d’Azzara, deux furent enlevés devant un grand feu de bivouac. Heureusement qu'il ne tue que lors- qu'il a faim, et qu'une seule victime Jui suffit à la fois. Il vit cantonné avec sa femelle ; et, dans les anses peu profondes des fleuves, il pèche le poisson qu'il enlève très-adroitement de l’eau avec sa patte. Il mange aussi les jeunes caï- mans, et attaque même les plus grands, tels que le caïman à lunettes ( Alligator sclerops, CUv.), très-commun à la Guyane, au Brésil et à la Colombie. Mais il arrive quelquefois que le crocodile le saisit par un membre, avec ses puissantes mâchoires, et l'entraine dans le fleuve pour le noyer. L'instinct du jaguar lui révèle alors le seul moyen qu'il y ait pour faire lâcher prise à son ennemi; 1l lui enfonce les griffes dans les yeux, et la douleur fait aussitôt ouvrir la gueule au caiman, qui dégage ainsi le jaguar et devient sa proie. Le jaguar ne rôde guère que la nuit; il dort pendant le jour, couché au pied d'un arbre ou dans le milieu d’un épais taillis. Si le hasard fait qu'on le ren- contre en cet état, il faut se garder de prendre la fuite, de pousser des cris ou faire quelque mouvement extraordinaire, si l’on ne veut se vouer à une mort inévitable. Le parti le plus sûr est de se retirer lentement, en reculant et te- nant les yeux fixés sur ceux de l'animal, et de s’arrêter s’il marche sur vous. Alors il s'arrête lui-même et ne recommence à vous suivre que lorsque vous cherchez à vous éloigner. De halte en halte on parvient ainsi à gagner un lieu habité. Si l’on est armé, et qu’on veuille le tirer, il faut le tuer d’un seul coup, car il se précipite sur le chasseur au feu de l’amorce ou s’il n’est que blessé. Malgré tout ce que cet animal à de terrible, des gahuchos (Espagnols nés au Bresil) osent l’attaquer corps à corps et sans armes à feu. Un homme s'arme d'une lance longue de cinq pieds; sur son bras gauche il porte une peau de CHATS. 259 mouton garnie de son épaisse toison, et il s’avance hardiment dans le buisson où il sait que le jaguar s'est retiré. A l'instant où le monstre se dresse sur ses pieds de derrière pour s'élancer, l'intrépide chasseur le perce de sa lance. S'il manque son coup, il abandonne à l'animal sa peau de mouton, et pendant que celui-ci s'acharne dessus, il recoit un second coup de lance qui l'étend mort sur la place. Quand le jaguar est chassé par une meute de chiens appuyée d’un bon nombre de piqueurs, il fuit en frémissant de colère et en se retournant souvent pour faire tête à ses ennemis. Dans ce cas, on emploie souvent le lasso pour s’en emparer. Le lasso est une corde de cuir, tressée dans sa fraicheur, d'un pouce et demi au moins (0,041) de circonférence, longue de vingt à trente pieds (6,497 à 9,745), trés-flexible, avec un nœud coulant à son extrémité. Un gahucho, monte sur un excellent cheval, poursuit le jaguar au triple galop; iltient d'une main son lasso, qu'il fait tourner sur sa tête, le lance autour du cou de l'animal féroce avec une adresse qui ne manque jamais son coup, et continue à galoper en le trainant après lui jusqu'à ce que le jaguar expire étranglé. Malgré sa grande taille, cet animal grimpe sur les arbres avec autant d’agi- lité qu'un chat sauvage, et fait aux singes une guerre cruelle. À Buenos-Ayres, les grands animaux savent se défendre contre lui sans l'assistance de l'homme. Les bœufs se mettent en cercle, croupe contre croupe, lui présentent leurs cornes, et parviennent assez souvent à le tuer s'il se précipite sur eux avec trop d'impétuosité. Les chevaux sé défendent en lui lançant des ruades, et ceux qui sont entiers, loin de fuir devant lui, le poursuivent quelquefois, lorsqu'ils l'apercoivent, et le mettent en fuite. Les chiens dressés à la chasse du jaguar sont de moyenne taille, mais pleins de force et de courage. Leurs aboiïements ie mettent hors de lui; il s'arrête au pied d’un arbre et joue des pattes de de- vant, et tous ceux qui sont atteints sont ordinairement éventrés d’un seul coup. On profite de ce moment pour le tirer, en ayant soin de ne pas se montrer, car aussitôt qu'il aperçoit le chasseur, il laisse là les chiens et se lance sur lui. Le plus souvent il grimpe sur un arbre, et on l’abat à coups de fusil. Le J'aguérété de Marcgrave, ou Jaguar noir ( Felis nigra, ErxL.), n’est qu'une simple variété accidentelle de cet animal, de même que le Jaguar blanc où albinos, dont parle d'Azzara. 260 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. Le Cougnar où Puma, Le GOUAZOUARA où COUGUAR ( Felis puma, Trac. Felis concolor, Lan. Le Lion puma des colonies espagnoles. Le Tigre rouge de Cayenne). Le gouazouara atteint ordinairement quatre pieds (1,299) de longueur, et quelquefois davantage, non compris la queue qui à vingt-six pouces (0,704). Son pelage est d'un fauve agréable et uniforme, sans aucune tache ; sa queue est noire à l'extrémité, et ses oreilles sont aussi de cette couleur. Il ressemble un peu au lion, mais il n’a ni crinière ni flocon de poils au bout de la queue; son corps est plus allongé, plus bas sur jambes, et sa tête, proportionnellement plus petite, est ronde comme dans les chats ordinaires. Dans son premier âge, il porte une livrée comme le lionceau. Il se trouve dans le Paraguay, le Brésil, la Guyane et les États-Unis. Le couguar de Pensylvanie, de Buffon, en est une très-légère variété. De tous les chats, le gouazouara doit être le plus féroce, car il est le seul de cette famille qui tue les animaux pour le plaisir de tuer, sans qu’il y soit pousse par la nécessité. S'il trouve le moyen de pénétrer dans un parc de cinquante moutons, il les met tous à mort avant d'en manger ou d'en emporter un. Sous | cerapport, il a quelque ressemblance avecle loup, et, sion étudie son histoire, onlui | trouve encore quelques analogies de mœurs avec cetanimal. Par exemple, après | avoir satisfait sa voracité, il cache le reste de sa proie et la couvre de feuillage, d'herbe ou de sable, pour la retrouver au besoin; et, soit qu'il ait plus de mémoire ou moins de méfiance que le loup, il revient, ce que ne fait jamais ce : dernier. Il se tient plutôt dans les pampas, ou plaines herbeuses, que dans les forêts, et il n'affectionne pas les bords des rivières, comme le tigre et le jaguar.  Il à une vie solitaire et des habitudes vagabondes; la nuit il vient rôder autour | des habitations, et il tâche de se glisser dans les basses-cours pour les dévaster. IL s'empare des chiens, des moutons, des cochons, et autres animaux incapa- CHATS. 261 bles de lui résister ; mais jamais il n'ose attaquer le gros bétail, à moins qu'il n'y soit poussé par une faim excessive. Ce qu'il y a de singulier, c'est que, à Cayenne, on le regarde comme plus dangereux que le jaguar, tandis que l'opi- nion contraire règne à Buenos-Avres, où il est trés-commun. Quant à moi, je pense que s'il attaqué l'homme, c'est par une exception extrèmement rare, et hors de ses habitudes ordinaires; je suppose que, lorsque cela lui est arrivé, c'était pour sa défense et à la suite d'une agression. Il monte aussi sur les ar- bres, mais en s'élancant d’un bond, soit pour monter, soit pour descendre, et non comme le jaguar, en grimpant à la manière des chats. Cet animal est lâche; aussi, à Buenos-Ayres, rarement se donne-t-on la peine de le chasser dans les règles. On le poursuit avec des chiens, et on le tue à coups de fusil, ou on le prend au lasso, sans courir le moindre danger. Cependant, malgré sa férocité, le gouazouara est facile à apprivoiser, et même il s'attache assez à son maître pour rechercher ses caresses et les lui rendre. Azzara en à possédé un qui était fort doux, qui le suivait, qui faisait entendre le ronron de nos chats quand on le grattait, et qui se laissait même battre sans chercher à se défendre, absolument comme ferait un chien. Le Car unicozore { Felis unicolor, Traitz, comparéau couguar, est de moitié plus petit ; son pelage est en entier d’un fauve brun rouge sans tache, et sa queue est longue ; ses oreilles n’ont point de noir, sa tête est beaucoup plus poin- tue, et ses petits ne portent point delivrée. On le trouve dans les profondes forêts de Démérary et de la Guyane hollandaise. Le Coucuar noir (Felis discolor, Scures.) serait noir, avec des poils longs, ainsi que les moustaches. Mais Buffon, qui lui donne pour synonymie le jagucrété de Pison, s’est proba- blement trompé, et son couguar noir, qu'il dit se trouver à Cayenne, ne serait, selon Cuvier, qu'un couguar ordinaire à fond du pelage un peu plus brun. Le YacouarouxDi (Felis yrgonaroundi, DES». — Lacée.) est de la taille d’un chat domestique. En petit, il ressemble assez au couguar par ses formes allongées ; mais son pelage est d'un brun noirâtre, piquelé de blanc sale; les poils de la queue sont plus longs que ceux du corps, et ceux de sa moustache sont à longs anneaux al- ternativement noirs et gris. Cette espèce s'ap- privoise assez aisément. Elle vit solitaire, ou le mâle et la femelle ensenible, dans les lieux fourrés el les taillis épais, sans jamais s'exposer en plaine. Elle se nourrit d'oiseaux auxquels elle ne fait la chasse que pendant Ja nuit, et elle habite le Chili. Le Cuar À VENTRE TACHÉ ( Felis celidogaster, Teux.) est de la grandeur de notre renard; son pelage est doux, lisse, court, d’un gris de sou- ris, marqué de taches pleines d’un brun fauve; les taches du dos sont oblongues et les autres rondes ; il a cinq ou six bandes brunes demi- circulaires sur la poitrine ; le ventre est blanc, marqué de taches brunes; il a deux bandes brunes sur la face interne des pieds de devant, et quatre sur les pieds de derrière; sa queue est un peu plus courte que la moitié totale de son corps, brune, tachée de brun foncé; ses oreilles sont médiocres, noires à l'extérieur ; ses mous- taches sont noires, terminées de blanc. I habite le Chili ou le Pérou. Ses mœurs sont les riêmes que celles de l’ocelat. 262 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. = res ee L'Ocelor. LC MBACARAGA, OÙ MARACAYA, Où OCELOT ( Felis pardalis, Tax. Le Chibi- JOuaxou, D'Azzana. L'Ocelot, Burr.). Ce joli animal à environ trois pieds (0,975) de longueur, non compris la queue, qui à quinze pouces (0,406); sa hauteur ne dépasse pas un pied trois pouces (0,406); on prétend qu'il y en a d’un peu plus grands, mais ils sont rares. Le fond de son pelage est d'un gris fauve; il a, sur les flancs et la croupe, cinq bandes obliques d’un fauve plus foncé que celui du fond, bordées de noir ou de brun; une ligne noire s'étend du sourcil au vertex ; deux autres vont obli- quement de l'œil sous l'oreille, d’où part une bande transverse noire, interrom- pue sous le milieu du cou, et suivie de deux autres parallèles ; on lui voit quatre lignes noires sur la nuque, deux sur le côté du cou, trois, plus ou moins inter- rompues, le long de l’épine du dos; le dessous de son corps et l'intérieur de ses cuisses sont blanchätres, semés de taches noires isolées. Sous le nom d’o- celot, Buffon a fait l'histoire du jaguar. Le mbaracaga est un animal absolument nocturne, qui ne sort que la nuit des fourrés impénétrables qu'il habite. Tant qu'il fait jour il dort, et il conserve même cette habitude dans la captivité. Cette espèce offre cela de particulier que d'une timidité excessive pendant le jour, elle devient, dans les ténébres, d'une audace dont rien n'approche. Sa taille ne lui permettant pas d'attaquer de grands animaux, l’ocelot se glisse furtivement autour des habitations, pé- nètre dans les basses-cours, enlève le premier animal domestique qui lui tombe sous la griffe, et l'emporte dans les buissons voisins pour le dévorer. Les murs d'enceinte les plus hauts, les palissades les plus serrées ne peuvent l'empêcher CHATS. 263 d'entrer dans les habitations, s'il se trouve un arbre de dessus lequel il puisse s'élancer. Pour faire ces hardies invasions avec plus de sûreté, il a soin de choi- sir une nuit sombre, orageuse, de se glisser au bruit des vents et à la clarté des éclairs, et d’égorger sa victime quand ses derniers gémissements se perdent dans les bruits de la foudre. Rarement, pendant les nuits calmes, il ose s’ap- procher des lieux habités ; ilerre alors dans la campagne, et chasse aux oiseaux et aux petits mammifères, dont il fait sa nourriture ordinaire ; il grimpe sur les arbres pour y surprendre les singes endormis, et il s'embusque dans les buissons et les hautes herbes pour attendre sa proie et la saisir au passage, ainsi que font les autres chats. Ses habitudes ne sont pas vagabondes comme celles du puma ; il vit cantonné avec sa femelle, et ne quitte guère la forêt qui l'a vu naître que lorsqu'il en est chassé par l'homme. Il habite l'Amérique méridio- nale, et particulièrement le Paraguay, où il est assez commun. Le ‘Tzarco-Oceror (Felis pseudopardalis. — Ocelot du Mexiqur, figuré par Buffon, {. 9, pl. 18, et par Schreber, pl. C, 2, sous le nom de Jaguar ) est un peu plus petit que le précé- dent. Il en diffère par ses taches qui, bien que bordées, ne forment pas de même des bandes continues, mais sont isolées les unes des autres ; par sa queue plus courte et ses jambes plus bau- tes. Il miaule comme un chat, préfere le pois- son à la viande, et c’est à peu près là tout ce qu'on sait de son histoire. 11 habite le Mexique et la baie de Campèche? Le Cuar oceLoïne (Felis macroura, Wirv. — TEux.) ressemble également au maracaya, à ces différences près : sou pelage est plus clair ; sa queue notablement plus longue et moins mince vers l'extrémité ; sa taille est plus petite, son corps plus allongé, ses jambes plus basses, el les taches de ses flancs moins étendues. 11 ha- bite le Brésil. Le Cuari (Felis mitis, Fr. Cuv. Felis Wiedii, Scunz) a vingt-deux pouces el demi (0,610) de longueur, non compris la queue, qui en à dix (0,271). Son pelage est fauve, ou d'un gris bru- nâtre pälissant sur les flancs; blanc aux joues et sur le corps; moucheté à la téte comme l'o- celot, avec trois séries de taches noires le long du dos; celles des flancs, des épaules et de la croupe sont d’un fauve foncé, bordées de noir {out autour, excepté en avant, et elles forment cinq rangs: il a dix ou onze anneaux noirs à la queue. Son museau est couleur de chair. Cette Jolie espèce se trouve au Brésil et au Paraguay, où elle est fort commune. C’est un animal très- doux, extrémement aisé à apprivoiser, et s’at- {achant anx personnes qui en prennent soin. Son miaulement est plus grave, moins étendu que celui de notre chat, avec lequel, du reste, il a de grandes analogies d'habitude. Le Guicxa (Felis quigna, Mouina) pourrait bien n'être qu'une variélé du margay. II est de la grandeur de nos chats sauvages, dont il a les formes générales; son pelage est fauve, marqué de taches noires, rondes, larges d’en- viron cinq lignes (0,011) et s'étendant sur le dos jusqu'à la queue Il habite l'Amérique mé- ridionale, et particulièrement le Chili. Le Cozocozza ou CALo-Cara (Felis colocolla, Fr. Cuv.)est de la grandeur de l'ocelot; son pelage est blanc, avec des bandes transversales flexueuses, noires et fauves. Sa queue est an- nelée jusqu'à sa pointe de cercles noirs. Il se trouve au Chili. Le Mauçay (Felis tigrina, Lan. Le Margay de Burr. Le Chat de La Caroline, de GoLrINson) a un peu plus de vingt et un pouces (0,569) de longueur, non compris la queue, qui en a onze (0,298) ; son pelage est d'un fauve grisâtre en dessus, blanc en dessous ; il a quatre lignes noi- rlres entre le vertex et les épaules, se prolon- geant sur le dos en série de taches; les taches des flancs sont longues, obliques, plus pâles à leur centre qu'à leur bord; il y en à une ver- ticale sur l'épaule, et d’autres ovales sur la croupe, les bras et les jambes ; les pieds sont gris, sans taches, el la queue porte douze ou quinze anneaux irréguliers. Cet animal à les inœurs de notre chat sauvage, et vit de petit gibier, de volaille, ete.; mais il est très-difficile à apprivoiser, et ne perd jamais son caractère farouche. 11 habite le Brésil et la Guyane. Le CuaT DE MONTAGNE ( Felis montana, DESN. est une espèce peu connue, douteuse; son pe- lage est grisâtre et sans taches en dessus, blan- chäâtre avec des taches brunes en dessous ; ses oreilles sont dépourvues de pinceaux, garnies de poils noirs en dehors, avec des taches blan- châtres et fauves en dedans; sa queue est courte, grisätre. 11 habite les monts Alléganys, les mon- tagnes du Pérou et les États de New-York. L'Evra (Felis eyra, Desu. L'Eyra d'Azzaki) a vingt pouces (0,52) de longueur, non com- 261 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. pris la queue, qui en a onze (0,298) ; son pelage est d’un roux clair ; il à une tache blanche de chaque côté du nez, et une autre de la méme couleur à la mächoire inférieure; ses moustà- ches sont également blanches ; sa queue est plus touffue que celle du chat domestique. Le prince de Neuvwied l'a retrouvé en Amérique. II ha- bite le Paraguay. Le Pasenos ou Cuar DES Papas (Felis pa- geros, Desn. Le Chat pampa, v'Azzara) est long de vingt-neuf pouces (0,758), non compris la queue, qui en a dix (0,271); son pelage est long, doux, d’un brun clair en dessus, montrant, sous une certaine incidence de lumière, une raie sur l'échine et d’autres parallèles sur les flancs ; la gorge et tout le dessous du corps sont blan- châtres, avec de larges bandes fauves en tra- vers ; les membres sont fauves à l'extérieur, an- nelés de zones obscures ; les moustaches sont annelées de noir et de blanc, et se terminent par cette dernière couleur. Ce chat habite les pampas des environs de Buenos Ayres et tout le Paraguay. Le Cuat De LA FLonbe (Felis floridana, Disu.) est une espèce douteuse qui aurait, se- lon Rafinesque, le port d'un lynx, et la taille un peu moindre que celle du chat-cervier. Son pelage est grisâtre; il n'a pas de pinceaux aux oreilles ; ses flancs sont variés de taches d'un brun jaunätre et de raies onduleuses noires. Il babite non-seulement la Floride, mais encore la Géorgie et la Louisiane. Le Cuar De La NOUVELLE-ESPaG\E (Felis meæicana, Desm. Le Chat sauvage de la Nou- velle-Espagne, Burr.\ est une espèce douteuse admise par Desmarets. Son pelage est d'un gris bleuâtre uniforme, moucheté de noir. Il habite les forêts de la Nouvelle-Espagne. Le Cuar NÈGRE (Felis nig’r) serait, selon Azzara, un peu plus grand que notre chat or- dinaire. Il a vingt trois pouces (0,625) de lon- gueur, non compris la queue, qui en a treize (0,552) ; son pelage est entièrement noir. 11 ha- bite le Brésil, et n’est peut-être qu'une variété nègre d’une des espèces précédentes. Le CuaT bLoRé (Felis aurea, Desm.) est encore une espèce douteuse dont Rafinesque a fait un lynx, quoique ses oreilles soient dépourvues de pinceaux. Il est de moitié plus grand que notre chat sauvage; sa queue est frès courte ; son pe- lage est d’un jaune clair brillant, parsemé de taches noires et blanches ; son ventre est d’un jaune pâle sans taches. On ne l’a trouvé en Amérique que sur les bords de la rivière Yel- low-Stone, vers le quarante-quatrième paral- lèle, # 5. CHATS DES ILES ASIATIQUES DE L'ARCHIPEL DES INDES. L'ArImaou ou MELas (Felis melas, PEerox.) est de la taille d'une panthère; son pelage est d’un noir très-vif, sur lequel se dessinent des zones de même couleur, mais qui semblent plus lustrées. 11 n’habite queles districtsles plus iso- lés de l'ile de Java, et ses habitudes sont les mêmes que celles du léopard, dont, selon Tem- ininck, il ne serait qu’une variété. Le Kuwuc (Felis minuta, TEemm. Felis javu- nensis et Felis undala, Desn. Felis sumatrana et Felis jacanensis, Honsr. Le Chat de Jara, Cuv. Le Chat onde. le Servalin et le Chat de Sumatra, des auteurs). Il a la taille et un peu les formes de notre chat domestique, mais sa queue est plus courte et plus grèle, et ses oreilles sont plus petites ; son pelage est d’un fauve brun clair en dessus, moins foncé sur les flancs ; le dessous est blanc; des bandes et des taches noires s'étendent parallèlement du front aux épaules, et d’autres occupent les parties supé- rieures du corps. Sous celte robe c’est le Ser- valin ou l'elis minuta de Temminck. Avec le pelage d'un gris brun clair en des- sus et blanchätre en dessous; quatre lignes de taches brunes allongées sur le dos; des taches rondes, épaisses, sur les flancs; une bande transversale sous la gorge et deux ou trois au- tres sous le cou, c’est le Chat de Java ou Felis javanensis d'Horsfield et de Desmarets. Eafin, avec le pelage d’un gris sale, parsemé de petites taches noirâtres un peu allongées, c'est le Chat ondé ou Felis undata de Desma- rets. Toutes ces variétés se trouvent également à Java et à Sumatra. Elles ont absolument les mêmes habitudes que notre chat sauvage. Le Cuar DE Dianp (f'elis Diardii, G. Cu.) a trois pieds de longueur (0,975), non compris la queue, qui a deux pieds quatre pouces (0,158) ; le fond du pelage est d’un gris jaunätre ; le dos et le cou sont semés de taches noires formant des bandes longitudinales ; d’autres taches des- cendent de l'épaule en lignes perpendiculaires aux précédentes, sur les cuisses et une parlic des flancs, et les anneaux sont noirs, à centre gris; il a des taches noires et pleines sur les jambes ; les anneaux de sa queue sont nuageux. il habite Java. L'Animau-Dauan (Felis macrocelis, Ten. Felis nebulosa, Grire.) a trois pieds (0,975) de longueur, non compris la queue, qui a deux pieds huit pouces (0,867); il est gris, avec des taches noires, transversales et {rès-grandes sur les épaules, obliques et plus étroites sur les flancs, CHATS. où elles sont séparées par des {aches anguleu- ses, rarement ocellées; ses pieds sont forts et munis de doigts robustes; sa queue est grosse 265 et laineuse. Ce chat habite Sumatra et Bornéo :; il fait la chasse aux oiseaux, et sa grande faille lui permet d'attaquer les bêtes fauves. $ 4. LES LYNX, dont la fourrure est généralement plus longue que eclle des autres chats, dont la queue est courte, et dont le caractère est d'avoir Les oreilles terminées par un pinceau de poils. Le Lour-cervier (Felis lynx, Lin. Le H'ar- gelue ou Lo des Suédois. Le Les des Danois. Le Goupe des Norwégiens. Le Rys ostrowidz des Polonais. Le Rys des Russes. Le Sylatüsin des Tatares. Le Potzchori des Géorgiens. Le Lyn.r ordinaire des auteurs) est d’une grosseur à peu près double de celle du chat sauvage. Son corps est long de deux pieds quatre pouces à deux pieds dix pouces (0,758 à 0,921), et sa queue ne dépasse pas quatre pouces (0,108) ; le dos et les membres sont d'un roux clair, avec des moucbelures d’un brun noirâtre; le tour de l'œil, la gorge, le dessous du corps et le de- dans des jambes sont blanchätres ; trois lignes oblique, large et noire, placée sous l'oreille de chaque côté du cou, eù les poils, plus longs qu'ailleurs, forment une sorte de collerette ; il a quatre lignes noires prolongées de la nuque au garrot, et au milieu d'elles une cinquième interrompue; des bandes mouchetées obliques sur l'épaule, transversales sur les jambes; les pieds d’un fauve pur, excepté le tarse qui est rayé de fauve brun en arrière; enfin la queue est fauve, avec du blanc en dessous et des mou- chetures noires. D'autres variétés ont les taches et bandes moins foncées, la queue rousse avec le bout noir; tout le dessous du corps blan- châtre, et la taille plus petite. Fischer en cite de taches noires sur la joue joignent une bande une variété blanchätre. Le nom de loup-cervier, que porte ce Iynx, peut lui avoir été donné par les chasseurs, parce que, ainsi que le loup, il pousse un hurlement que l'on peut prendre pour celui d'un de ces animaux, et qu'il attaque les faons et Les jeunes cerfs de préférence à toute autre proie. Quoi qu'il en soit, le loup-cervier existait autrefois en France et en Allemagne ; mais à présent on ne l'y trouve plus, si ce n'estpeut-être dans quelques grandes forêts des Alpeset des Pyrénées. I parait qu'il se trouve encore assez fréquemment en Espagne, et qu'il est très-commun dans les forèts du nord de l'Asie et dans le Caucase. Dans ma jeunesse, les vieillards des Pyrénées se souvenaient encore d'avoir vu quelques lynx, et ils en racon- taient des choses effroyables, moins classiques que les contes des Grecs sur le caracal, mais beaucoup plus dans le goût du jour. Cet animal féroce suivait les voyageurs égarés, et ne manquait jamais de les dévorer s'ils avaient le malheur de tomber ; il les fascinait avec ses yeux, et les rendait muets. Pendant l'obscu- rité de la nuit, il pénétrait dans les cimetières pour déterrer les cadavres. Il eût été bien plus dangereux encore, s'il n’eût pas manqué totalement de mémoire, au point que, lorsqu'il suivait une personne à la piste, la moindre diversion lui faisait oublier et sa poursuite et sa victime, qui parvenait ainsi à lui échapper. Mais laissons là ces contes de nos aïeux, et revenons à la vérité. Le loup-cervier, étant d’une assez grande taille, attaque parfois les faons des chevreuils et des cerfs, même lorsqu'ils sont parvenus à plus de la moitié de leur grosseur. Aussi agile que fort, il grimpe sur les arbres avec facilité, non-seule- ment pour surprendre les oiseaux sur leur nid, mais encore afin de poursuivre les écureuils, les martes, et même les chats sauvages, qui ne peuvent lui échap- per. Quelquefois il se place en embuscade sur une des basses branches, pour attendre, avec une patience admirable, que le hasard amène à sa portée un renne, D 4 266 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. un cerf, un daim ou un chevreuil. Alors, ainsi que le glouton, il s’elance d’un seul bond sur leur cou, s’y cramponne avec ses ongles, et ne lâche prise que lorsqu'il les à abattus, en leur brisant la première vertèbre du cou ; il leur fait ensuite un trou derrière le crâne, et leur suce la cervelle par cette ouverture, au moyen de sa langue hérissée de petites épines. Rarement il attaque une autre partie du cadavre des grands animaux, à moins qu'il ne soit très-pressé par la faim. Ce qu'il y a de singulier, c'est qu'il emporte le corps pour le cacher dans un fourré, si c'est un petit animal ; et, si c'est un grand, il le couvre de feuilles sèches et de bois mort, quoiqu'il ne revienne jamais le chercher. Est-ce, commeon le dit, manque de mémoire, ou est-ce défiance ? Pris jeune et élevéen captivité, il s’apprivoise assez bien, et devient même caressant ; mais pour le conserver, il faut le tenir à l’attache, car, dès qu'il en trouve l’occasion, il fuit dans les bois pour ne plus revenir. Quoique ses formes soient un peu épaisses, il est plein de grâce et de légèreté ; son œil est brillant, mais cependant plein d'expression et même de douceur. Comme le chat, il est d'une propreté recherchée, et passe beaucoup de temps à se nettoyer et à lisser sa jolie robe. C’est un grand destructeur d'her- mines, de lièvres, de lapins, de perdrix et d'autre gibier; aussi les chasseurs russes Jui font-ils une guerre cruelle, qui en diminue journellement le nombre. Sa fourrure est assez recherchée. Le Panoe ( Felis pardina, OKex.—Tenm. Le Chat-pard des voyageurs. Le Loup-cercier des académiciens de Paris) est de la taille de notre blaireau ; sa queue est plus longue que celle du loup-cervier ; il a de grands favoris aux joues ; son pelage est court, d'un roux vif et lustré, parsemé de mèches ou taches longitudinales d’un noir profond, avec de semblables taches sur la queue. Il habite les contrées les plus chaudes de l'Europe, telles que le Portugal, l'Espagne, la Sicile, la Turquie et la Sardaigne. C'est probablement lui que Bory de Saint-Vin- cent dit avoir frouvé fréquemment dans la Sierra-de-Gredos, en Espagne. Le CuELason ou CuuLon (Felis cervaria, Teux. Le Katllo des Suédois). Sa taille est à peu près celle d'un loup; sa queue est conique, plus longue que la tête, à extrémité noire; secs moustaches sont blanches ; les pinceaux de ses oreilles sont toujours courts, et manquent quel- quefois; son pelage est d’un cendré grisätre, brunissant sur le dos ; sa fourrure, fine, douce, longue, est touffue, surtout aux pattes, avec des taches noires dans l’adulte, brunes dans le jeune âge. Il habite le nord de l'Asie. 11 a les mêmes mœurs que les précédents, mais sa grande taille et sa force le rendent plus redoutable pour les faons et autres animaux innocents. CHATS. 267 Le Caracal. Le LYNX DES ANCIENS, OÙ CARACAL | Felis caracal, Lix. Le Lynx de Barbu- rie et du Levant des voyageurs. Le Siagoush des Persans. L'Anak-el-Ared des Arabes. Le Lynx africain, D'Arorovaxpe. Le Kara-Kalach des Turcs). Le caracal a deux pieds cinq pouces (0,785) de longueur, non compris la queue, qui a dix pouces (0,271), c'est-à-dire qu'il est de la taille d’un de nos plus grands barbets. Son pelage est d’un roux uniforme et vineux en dessus, blanc en dessous ; ses oreilles sont noires en dehors, blanches en dedans; sa queue lui atteint les talons ; il a du blanc au-dessus et au-dessous de l'œil, autour des lèvres, tout le long du corps et en dedans des cuisses ; sa poitrine est fauve, avec des taches brunes ; une ligne noire part de l'œil et se rend aux narines; il a une tache de la mème couleur à la naissance des moustaches. Cette espèce à fourni plusieurs variétés, qui sont : Le Caracal d'Alger, qui est roussâtre, avec des raies longitudinales ; il a une bande de poils rudes aux quatre jambes, et ses oreilles manquent quelquefois de pinceaux ; à Le Caracal de Nubie, dont la tête est plus ronde; qui n'a point de croix sur le pelage, mais qui porte des taches fauves sur les parties internes et sur le ventre ; Le Caracal du Bengale, dont la queue et les jambes sont plus longues que dans les précédents. Le lynx habite l'Afrique, l'Arabie et la Perse. Il y a peu d'animaux qui, dans l'antiquité, aient autant prêté à la fable que celui-ci. Les Grecs l'avaient con- sacré à Bacchus, et trés-souvent ils le représentaient attelé au char de ce dieu. Pline en raconte les choses les plus merveilleuses ; selon lui, il avait la vue si percante qu'il voyait trés-bien à travers une muraille ; son urine se pétrifiait et 268 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES. devenait une pierre précieuse nommée lapis Iyncurius, qui, outre son éclat, avait la propriété de guérir une foule de maladies. Les Grecs racontaient cette his- toire : Cérès envoya un jour Triptolème en Scythie, chez le roi Lyneus, pour civiliser ses sauvages sujets, en leur apprenant l'agriculture. Mais ce roi bar- bare, qui préférait la guerre et la chasse à la civilisation, recut fort mal ce cul- tivateur, et le jeta dans une prison pour le faire mourir de faim. Cérès vint fort heureusement au secours de son favori; elle l’enleva de son cachot, et, pour se venger, elle changea le roi en Iynx. Depuis ce temps-là, Lyncus et ses descen- dants n'ont cessé de chasser et de faire la guerre aux animaux paisibles. Le lynx à les mœurs du chat sauvage, rien de moins, rien de plus; mais, comme il est plus fort et plus gros, au lieu de se contenter de menu gibier, il attaque de grands animaux, tels que gazelles, antilopes, etc. On dit qu'il suit le lion pour recueillir les débris de sa proie, mais ce fait me paraît sin- guliérement hasardé. Lorsqu'il attaque une gazelle, il la saisit à la gorge, l'étrangle, lui suce le sang et lui ouvre la tête pour lui manger la cervelle, après quoi souvent il l'abandonne pour en chercher une autre. Du reste, il parait qu'il-a les mêmes habitudes que notre loup-cervier, et que, pris jeune, il s'apprivoise assez bien sans cependant perdre son goût pour la liberté. Le Lynx pu Canapa (Felis canadensis, Georr. Felis borealis, TEuu. Le Lynx du Canado, Burr. Le Chat du Canada, Grorr.). I est plus petit que le précédent, et sa queue est obtuse, {ronquée, avec très-peu de noir au bout, plus courte que la têle; ses moustaches sont noires et blanches ; il a de frès-longs pinceaux de poils aux oreilles; sa fourrure est fauve, à pointes des poils blanches, ce qui rend le fond général d'un cendré grisätre, ou ondée de gris et de brun ; elle est extrèmement longue, surtout aux pattes, et, pendant l'été seulement, après la mue, on lui distingue des lignes plus foncées aux joues, quelques mouchetures aux jambes, et même quelques taches sur le corps. Il habite le nord de l'Amérique et de l'Asie. Le Cuaus ou Lynx DES marais {Felis chaus, Guzpenstr. Le Dikaja koschka des Russes. Le Kir myschak des Tatares. Le Moes-gedu des Tcherkasses) est long de deux pieds (0,650), non compris la queue, qui a huit à neuf pou- ces (0,217 à 0,244) de longueur ; ses jambes sont longues, son museau obtus, ses oreilles pour- vues de pinceaux très-courts; il a une bande noire depuis le bord antérieur des yeux jus- qu'au museau; son pelage est d’un gris clair jaunätre; le bout de sa queue est noir, avec deux anneaux de la même couleur qui en sont rapprochés. Il habite l'Égypte, la Nubie et le Caucase ; il est surtout commun sur les bords du Kur et du Terek. 1] offre une particularité rare parmi les chats, c'est d’être un excellent nageur, et de se plaire dans l’eau, où sans cesse il est occupé à faire la chasse aux canards et autres oiseaux aquatiques, et aux reptiles. II vient aussi à bout de s'emparer des poissons en plongeant. Le Lyxx roTTE ( Felis caligata, Bruce. — Ten. Felis libycus, Ouiv.) a vingt-deux pouces de longueur (0,625), non compris la queue, qui en a près de quatorze (0,579), et qui est gréle; ses oreilles sont grandes, rousses en dehors, à pinceaux bruns très-courts ; la plante des pieds etle derrière des pattes sont d’un noir profond ; le milieu du ventre et la ligne moyenne de la poitrine et du cou sont d’un roussâtre clair; les parties supérieures du pelage d’un fauve nuancé de gris et parsemées de poils noirs ; les cuisses sont marquées de bandes peu distinctes, d'un brun clair; il a deux bandes d'un roux clair sur les joues; la queue est de la couleur du dos à sa base, terminée de noir, avec trois ou quatre demi-anneaux vers le bout, séparés par des intervalles d'un blanc plus ou moins pur. 11 habite l'Afrique, depuis l'Egypte jusqu’au cap de Bonne-Espérance, et le midi de l'Asie. « Cet animal, dit le voyageur Bruce, habite le Ras-el-Féel, et, tout petit qu'il est, vit fièrement parmi ces énormes dévastateurs des forêts, le rhinocéros et l'éléphant, et dévore les débris de leur carcasse, quand les chasseurs ont pris une partie de la viande. Mais sa principale nourriture consiste en pintades, CHATS. 269 dont ce pays-là est rempli. [lse met en embuscade dans les endroits où elles vont boire, et c'est là que Je le tuai. L'on dit que cet animal est assez hardi pour se jeter sur l'homme, s'il se trouve pressé par lui. Quelquefois il monte sur les gros arbres, quelquefois il se cache sous les buissons; mais à l’époque où les mouches deviennent très-incommodes par leurs piqüres, il s'enfonce dans les cavernes, ou bien il se terre. » Le CuarT-cenvien où Lynx par (Felis rufa, GuLDENST. — Ten. Pinuum dasypus, NiERE&. Le Lynx du Mississipi et le Lynx d'Amérique des voyageurs. Le Bay-cat des Anglo-Améri- cains. Le Chat-cervier des fourreurs) est de la taille de notre renard; les pinceaux de ses oreilles sont petits; sa queue est courte et frès- grèle, avec quatre anneaux gris et quatre noirs; ses favoris sont courts; son pelage, roussätre en élé et d’un brun cendré en hiver, est toujours ondé et rayé. Il habite les États-Unis. Du reste, il a les formes générales de notre lynx d'Europe. Le Lynx FAsCIÉ ( Felis fasriata, DEsn.), dé- crit par Rafinesque, est peu connu; il pourrait bien n’être qu'une variété du Iynx du Canada, auquel il ressemble beaucoup. Sa taille est courte ; les pinceaux de ses oreilles sont noirs au dehors; sa queue est courte, blanche, avec l'extrémité noire; son pelage est très-épais, d’un brun roussätre, avec des bandes et des points noirâtres en dessus. 11 a été trouvé par Clarke et Lewis à la côte nord ouest de l'A- mérique septentrionale. Le Lynx DE LA CAROLINE ( Felis carolinensis, Desu. Le Chat tigre de Cozzinson?) est encore une espèce douteuse, sur laquelle on n’a que des renseignements incomplets. Son pelage est d'un brun clair, rayé de noir depuis la tête jus- qu'à la queue; sou ventre est pâle, avec des ta- ches noires; ses moustaches sont roides et noi- res ; il a deux taches de la même couleur sous les yeux, et ses oreilles sont garnies de poils fins ; ses jambes sont minces, tachées de noir. La femelle a les formes plus légères que le mâle; elle est d’un gris roussâtre, sans aucune tache sur le dos; son ventre est d’un blanc sale, avec une seule tache noire. Si l’on ne considérait pas les pinceaux des oreilles comme le seul caractère qui tranche les lynx des autres chats, il faudrait probablement rapporter à celte section le chat de montagne, celui de la Floride et le doré. Cuvier pensait que ce ne sont que de simples variétés du chat- cervier. Tous les animaux du genre chat four- nissent au commerce des fourrures plus ou moins précieuses. se LES CARNIVORES AMPHIBIES. SIXIÈME ORDRE DES MAMMIFÈRES. Le Phoque commun. Ils se distinguent de tous les autres mammi- fères carnassiers par leurs pieds extrêmement courts, plats, enveloppés par la peau, palmés, en forme de nageoires, ne pouvant leur servir qu'à ramper péniblement sur la terre, mais très-propres à nager. Par le mot amphibie il ne faut pas entendre que l’animal peut vivre sous l’eau et sur la terre, mais seulement qu'il habite l'un et l’autre, et qu’il respire l’air atmosphé- rique seulement, ce qui le force à se maintenir à la surface des ondes, ou à y venir respirer quand il à plongé. LES PHOQUES Ont des canines et des incisives, et leurs ca- nines supérieures sont de grandeur ordinaire, non en forme de défense. L'histoire de ces ani- maux est encore très-embrouillée. Comme tous les phoques ont à peu près les mêmes mœurs, les mêmes habi- tudes, à de très-petites nuances près qui seront signalées en décrivant les es- pèces, je pense qu'il est nécessaire de faire ici leur histoire, afin d'éviter des redites ennuyeuses et sans but. Jusqu'à présent nous avons trouvé les animaux, objet de nos études, dans le ei, ee à . LES PHOQUES, VUE DE LA MER GLACIALE. (Jardin des Plantes.) ak PHOQUES. 271 sein des forêts, dans les steppes de l'Asie, les savanes et les pampas de l'Amé- rique, les déserts brûlants de l'Afrique, et les riantes campagnes de l'Europe ; maintenant nous allons les suivre à travers les écueils et les récifs qui bordent toutes les mers, et jusque sur les glaces éternelles des pôles. Nousles verrons se jouer à travers les tempêtes, sur les vagues irritées, passer la plus grande partie de leur vie dans les eaux, s'y nourrir de poissons, de crustacés et de coquillages qu'ils pèchent avec beaucoup d'adresse, et ne venir à terre, où ils ne peuvent se trainer qu’en rampant, que pour allaiter leurs petits où dormir au soleil. Leur corps allonge, cylindrique, diminuant progressivement de grosseur depuis la poitrine jusqu'à la queue, leur colonne vertébrale très-mobile, leurs muscles puissants, leur bassin étroit, leurs poils ras et serrés contre la peau, en un mot toute leur organisation en fait les meilleurs nageurs qu'il y ait parmi les mam- mifères, si l'on en excepte les cétacés. La nature leur à donné une conforma- tion particulière qui leur permet de respirer à d'assez longs intervalles, et par conséquent de rester longtemps sous l’eau, quoiqu'ils n'aient pas le trou botal bouche, comme l'ont prétendu quelques naturalistes, et particulièrement Buffon. Leurs narines offrent aussi une particularité remarquable ; elles sont munies d'une sorte de petite valvule que l'animal ouvre et ferme à volonté, et qui empêche l’eau de leur entrer dans le nez lorsqu'ils plongent. Un fait extrème- ment singulier, mais notoire, est que ces animaux ont l'habitude constante, lorsqu'ils vont à l'eau, de se Lester comme on fait d'un vaisseau, en avalant des cailloux, qu'ils vomissent en revenant au rivage. Certaines espèces recherchent les plages sablonneuses et abritées, d’autres les rocs battus par la mer, d’autres enfin, les touffes d'herbes épaisses des rivages. [ls ne se nourrissent pas exclu- sivement de poissons, car, lorsqu'ils peuvent saisir quelque oiseau aquatique, un albatros, une mouette, ils n'en manquent guère l’occasion. Pendant leur sé- jour à terre ils ne mangent pas, aussi maigrissent-ils beaucoup. Mème en cap- tivité, pour dévorer la nourriture qu'on leur jette, ils la plongent dans l’eau; ils ne se déterminent à manger à sec que lorsqu'ils y ont été habitués des leur premiére jeunesse, ou qu'ils y sont poussés par une faim extrême. Quand les phoques veulent sortir de la mer, ils choisissent une roche plate, qui s'avance dans l’eau en une pente douce par laquelle ils grimpent, et qui se termine de l'autre par un bord à pie, d'où ils se précipitent dans les ondes, à la moindre apparence de danger. Pour ramper, ils s’accrochent avec les mains ou les dents à toutes les aspérités qu'ils peuvent saisir, puis ils tirent leur corps en avant en le courbant en voûte; alors ils s’en servent comme d'un ressort pour rejeter la tête et la poitrine en avant, et ils recommencent à s’accrocher pour répéter la même opération à chaque pas. Néanmoins, malgré ce pénible exercice, ils ne laissent pas que de ramper assez vite, même en montant des pentes fort roides. Le rocher sur lequel un phoque à l'habitude de se reposer avec sa famille est sa propriété, relativement aux autres animaux de son espèce. Quoiqu'ils vivent en grands troupeaux dans la mer, qu'ils se protégent, se dé- fendent, s'aiment les uns les autres, une fois sur terre ils se regardent comme dans un domicile sacré, où nul camarade n'a le droit de venir troubler la tran- quillité domestique. Si l'un d'eux s'approche pour visiter les pénates de ses voisins, il s'ensuit toujours un combat terrible, qui ne finit qu'à la mort du 272 LES GARNIVORES AMPHIBIES. propriétaire du rocher, ou à la retraite forcée de l'indiscret. Ordinairement c’est la jalousie qui occasionne ces combats; mais il semble qu'il y ait aussi une sorte d'instinct de la propriété. Hs ne s'emparent jamais d'un espace plus grand qu'il n'est rigoureusement nécessaire pour leur famille, et ils souffrent volon- tiers des voisins, pourvu qu'ils s'établissent au moins à cinquante pas de dis- tance ; il y à plus : quand la nécessité l'ordonne, trois ou quatre familles se par- tagent une caverne, une roche, où même un glaçcon, mais chacun vit à la place qui lui est échue en partage, sans Jamais se mêler aux individus d'une autre famille. Les phoques sont polygames, et il est rare qu'un mâle n'ait pas trois ou quatre femelles. Il a pour elles beaucoup d'affection, et les défend avec courage contre toute attaque. I s’accouple au mois d'avril, sur la glace, sur la terre, ou même dans l’eau quand la mer est calme. C’est surtout pendant que ses fe- melles sont pleines, et quand elles mettent bas, qu'il redouble de soins et de tendresse pour elles. Il les conduit sur terre, leur choisit, à cinquante pas du rivage, une place commode et tapissée de mousses aquatiques, pour y allaiter leurs petits. Dès que la femelle a mis bas, elle cesse d'aller à la mer pour ne pas abandonner son enfant un seul instant; mais cette privation n’est pas de longue durée, car, après douze à quinze jours, il est en état de se trainer tant bien que mal, et elle le conduit à l'eau. De quoi vit-elle pendant qu'elle est à terre ? Voilà une question que n'ont pu résoudre les naturalistes, faute d'observations suf- fisantes. Peut-être que le mâle va pêcher pour elle et lui apporte sa nourriture. Ce qui me le ferait croire, c'est que beaucoup d'animaux moins intelligents agissent ainsi. Quand le petit est arrivé à la mer, la femelle lui apprend à nager, après quoi elle le laisse se mêler, pour jouer, au troupeau des autres phoques, mais sans, pour cela, cesser de le surveiller. Lorqu'elle prend fantaisie de ga- gner la terre pour l'allaiter, elle pousse un cri ayant, dans le phoque ordi- naire, un peu d'analogie avec l'aboiement d'un chien, et aussitôt le petit s’em- presse d’accourir à sa voix qu'il reconnait fort bien. Elle l’allaite pendant cinq ou six mois, le soigne pendant fort longtemps ; mais aussitôt qu'il est assez fort pour subvenir lui-même à ses besoins, le mâle le chasse et le force d'aller s’éta- blir ailleurs. C'est pendant la tempête, lorsque les éclairs sillonnent un ciel ténébreux, que le tonnerre’gronde, et que la pluie tombe à flots, que les phoques aiment à sortir de la mer pour aller prendre leurs ébats. Au contraire, quand le ciel est beau et que les rayons du soleil échauffent la terre, ils semblent ne vivre que pour dormir, et d’un sommeil si profond, qu'il est fort aisé, quand on les sur- prend en cet état, de les approcher pour les assommer avec des perches ou les tuer à coups de lance. À chaque blessure qu'ils recoivent, le sang jaillit avec une grande abondance, les mailles du tissu cellulaire graisseux étant très-fournies de veines; cependant ces blessures, qui paraissent si dangereuses, compromettent rarement la vie de l'animal, à moins qu’elles ne soient très-pro- fondes ; pour le tuer, il faut atteindre un viscère principal ou le frapper sur la face avec un pesant bâton. Mais on ne l'approche pas toujours facilement, parce que, lorsque la famille dort, il y en à toujours un qui veille et qui fait sentinelle pour réveiller les autres s'il voit ou entend quelque chose d'inquié- PHOQUES. 273 tant. On est oblige de lutter, pour ainsi dire, corps à corps avec eux, et de les assommer, car un coup de fusil, quelle que soit la partie où la balle les aurait frappés, ne les empêcherait pas de regagner la mer, tellement ils ont la vie dure. Quand ils se voient assaillis, ils se défendent avec courage ; mais, malgré leur gueule terrible, cette lutte est sans danger, parce qu'ils ne peuvent se mou- voir assez lestement pour ôterle temps au chasseur de se dérober à leur atteinte. Faute de pouvoir faire autrement, 1ls se jettent sur les armes dont on les frappe, et les brisent entre leurs redoutables dents. Entre les muscles et la peau les phoques ont une épaisse couche de graisse, dont on tire une grande quantité d'huile qui s'emploie aux mêmes usages que celle de baleine, et qui à sur elle l'avantage de n'avoir pas d'odeur. Quelques espèces de cette famille ont une fourrure plus ou moins grossière, dont néanmoins on fait des habits chez les peuples du Nord. Les Américains emploient les peaux les plus gros- sières à un usage singulier : ils en ferment hermétiquement toutes les ouver- tures et les gonflent d'air comme des vessies ; ils en réunissent une demi-dou- zaine, plus ou moins, les fixent au moyen de cordes, placent dessus des joncs ou de la paille, et forment ainsi de très-légères embarcations, sur lesquelles ils osent entreprendre de longs voyages sur leurs grands fleuves et leurs immenses lacs. Avec ces peaux, les Kamtschadales font des baïdars, sorte de pirogue; ils font aussi de la chandelle avec la graisse, qui en même temps est une friandise pour eux. La chair fraiche de ces animaux est leur nourriture ordinaire, quoi- qu'elle soit très-coriace et qu'elle ait une odeur forte et désagréable; ils en font sécher au soleil, ou ils la fument, pour leur provision d'hiver. Les Anglais et les Américains de l'Union sont les seuls peuples, je crois, qui fassent en grand, et sous le rapport commercial, la chasse des phoques. Ils entretiennent chaque année plus de soixante navires de deux cent cinquante à trois cents tonneaux au moins, uniquement équipés pour cet objet. Pris jeune, le phoque se prive parfaitement et s'attache à son maitre, pour lequel il éprouve une affection aussi vive que celle du chien. De même que ce dernier, il reconnaît sa voix, lui obeit, le caresse, et acquiert facilement la mème éducation, en tout ce que son organisation informe lui permet. On en à vu auxquels des matelots avaient appris à faire différents tours, et qui les execu- taient au commandement avec assez d'adresse et beaucoup de bonne volonté. À une grande douceur de caractère le phoque joint une intelligence égale à celle du chien. Aussi est-il remarquable que de tous les animaux 1l est celui qui a le cerveau le plus développé, proportionnellement à la masse de son corps. Il est affectueux, bon, patient; mais il ne faut pas que l’on abuse de ces qualités en le maltraitant mal à propos, car alors il tombe dans le désespoir, et il devient dangereux. Pour le conserver longtemps et en bonne sante, il est indispensable de le tenir, pendant la plus grande partie du jour, et surtout lors de ses repas, dans une sorte de cuvier ou de grand vase à demi rempli d'eau ; la nuit on le fait coucher sur Ja paille. Ainsi traité, et nourri avec du poisson, on peut le garder vivant pendant plusieurs années. Mais s'il a déjà quitté sa mere depuis quelque temps quand on le prend, le chagrin de l'esclavage s'empare de lui, 1l est triste, boudeur, refuse de manger, et ne tarde pas à mourir. Les phoques manquent généralement d'oreille externe: leur corps est entié- 59 271 LES CARNIVORES AMPHIBIES. rement couvert d'un poil doux, soyeux et lustre chez les uns, grossier, rude et herissé dans d’autres. Leurs pieds, larges et membraneux, ont cinq doigts ; et les pattes postérieures sont soudées longitudinalement à la queue, ce qui leur donne absolument la forme échancrée d’une queue de poisson. En nageant, ils lèvent au-dessus de l’eau leur tête arrondie, portant de grands yeux vifs et pleins de douceur ; leurs épaules arrondies paraissent aussi à la surface, de ma- nière que, vus à une certaine distance, on a fort bien pu les prendre pour des figures humaines, et de là, sans aucun doute, les anciens ont tiré leur fable des sirènes. Ce qui donne de la vraisemblance à cette conjecture, c'est que, même dans des temps peu reculés, au seizième siécle, par exemple, Rondelet, le meilleur naturaliste de l’époque, voyait encore, dans le phoca cristata, un moine ou un évêque marin, parce que, probablement, le christianisme ne permet- tait plus d'y voir un triton ou une sirène. « De notre temps, dit-il, en Nortuége {Norwége}), on a pris un monstre de mer, après une grande tourmente, lequel tous ceux qui le virent incontinent lui donnèrent le nom de moine, car il avait la face d'homme, mais rustique et mi-gratieux, la teste rase et lize; sur les es- paules, comme un capuchon de moine, deux longs ailerons au lieu de bras; le bout du corps finissant en une queue large. Entre les bestes marines, Pline fait men- tion de l’homme marin et du triton comme choses non feintes. Pausanias aussi fait mention du triton. J'ai veu un pourtrait d'un autre monstre marin à Rome, où il avait esté envoyé avec lettres par lesquelles on assurait pour certain que, l'an 1551, on avait veu ce monstre en habit d’évesque, comme il’est pourtrait, pris en Pologne et porté au roi dudit pays, faisant certains signes pour mons- trer qu'il avait grand désir de retourner en la mer, où estant amené se jeta in- continent dedans. » 1°" Gene. Les CALOCÉPHALES (Culore- phalus, Fr. Cuv.) ont trente-quatre dents, dont six incisives supérieures et quatre inférieures ; quatre canines et vingt molaires. Leurs mâche- lières sont formées principalement d’une grande pointe placée au milieu, d'une plus petite si- tuée antérieurement, et de deux également plus petites, placées postérieurement. Leur crâne est bombé sur les côtés, aplati au sommet ; leurs crêtes occipilales consistent en de légères rugo- sités. Le Veau mani ( Calocephalus vitulinus, Fr. Cuv. Phoca vitulina, Lin. Phoca littorea, THiEn. Le Phoque commun, Burr.) a environ trois pieds (0,975) de longueur ; il est d’un gris jaunätre, couvert de taches irrégulières noirâtres. Ses couleurs varient, selon qu'il est sec ou mouillé. Sortant de l’eau, tout le corps en dessus est d’un gris d'ardoise, et couvert, sur les côtés, de nombreuses petites taches rondes sur un fond un peu plus pâle ou jaunâtre ; les parties infé- rieures sont de cette dernière couleur. See, le gris ne parait que sur la ligne moyenne, et tout le reste parait jaunäâtre. Il blanchit en vieillis- sant. Il habite les côtes du Nord et de l’Europe, s’accouple en septembre, et met bas un seul petit en juin. Il est très-{imide et très-défiant. Le KassiGiack ( Calocephalus maculatus. — Phocaritulina, Fasr. Phoca maculata, Bon».) n’est probablement qu'une variété du précédent, dont le pelage est gris en dessus, blanc en des- sous chez les jeunes, puis d'un gris livide par- semé de taches, et enfin, dans l’ädulle, tigré ou varié de noir et de blanc. 11 habite les mêmes pays. Le CALOCEPHALE MARBRE ( Calocephalus disco- Lor, Fr. Cuv. Le Phoque commun, du même) ne me parait également qu'une variété du veau marin, ne différant guère de la précédente. Sa taille est la même; son pelage est d'un gris foncé, veiné de lignes blanchätres irréguliéres, -formant sur le dos ct sur les flancs une sorte de marbrure. On le trouve sur les côtes de France. Il a des mœurs douces ct une intelligence très- développée, ainsi que les deux précédents. L’ATak Où CALOCÉPHALE GROENLANDAIS ( Calo- cephalus groënlandicus, Fr. Cuv. Phoca groën- landica, Favr. Phoca Mulleri, Less.) a les mâ- chelières petites et écartées, n'ayant, à la mä- choire supérieure, qu’un seul tubercule en avant PHOQUES. ou en arrière du tubercule moyen. 11 à (rente- huit dents, six incisives en bas et quatre en haut, selon M. Lesson. Sa taille moyenne est de six pieds (1,949); le pelage des mâles adultes est blanchätre, avec le front et une lache en crois- sant noire sur Chaque flanc ; la têle du mâle est entierement noire. Les jeunes sont tout blancs en naissant, puis ils prennent une teinte cen- drée, avec de nombreuses taches sur les parties inférieures du corps. Il babite la Nouvelle-Zem- ble, les côtes du Groënland, et, mais seulement pendant l'hiver, les bords de la mer Blanche. Il s’accouple en juin, et les petits, rarement au nombre de deux, naissent en mars et avril. Le KENALIT Où CALOCEPHALE OCEANIQUE (C«lo- cephalus oceanicus, Less. Phoca oceanica, Desn.—Lerecu. ) a six ou sept pieds (1,949 ou 2,274) de longueur ; il n’a que quatre incisives à chaque inâchoire ; le pelage du mäle est d'un gris blanc, marqué d’une grande tache brune sur les épaules, d'où part une bande oblique qui s'étend sur les flancs jusqu’à la région du pé- nis ; sa fête est d’un brun marron tirant sur le noir ; les ongles de ses pieds de devant sont ro- bustes. 11 habite les mèmes côtes que le précé- dent. Le CALOCÉPHALE QUEUE BLANCuE (Calocephalus albicauda, Less. Phoca albicauda, Desx.) res- semble, par ses formes, au phoque commun ; il a environ trois pieds et demi (1,157) de lon- gueur ; son pelage est d’un gris de fer, plus clair sur les côtés, passant au blanchätre sous le ven- tre. 11 porte, sur le dos et sur les flancs, quel- ques pelites taches noirätres, irrégulières; son museau est blanc en dessus ; sa queue mince, longue, d'un beau blanc ; les ongles des mains sont robustes. Sa patrie est inconnue. Est-ce le Phoca lagurus de G. Cuvier ? Le CazocEpuare be La Picaye (Calocephalus lagurus, F8. Cuv. Phoca lagurus, G.Cuv. Phoca Pilayi, Less.) a trois pieds trois pouces (1,056) de longueur ; il est d'un gris cendré et argenté en dessus, avec des taches éparses et d’un brun uoirätre; les flancs et le dessous sont d'un cen- dré presque blanc ; les ongles sont noirs, robus- ies; les moustaches médiocres, en parlie blan- ches et en partie noirätres, et gaufrées comme dans le phoque commun. Il habite les côtes de Terre-Neuve, Le CaLocépnALe LiÈvRE ( Calocephalus Lepori- nus, Fe. Cuv. Phoca leporina, Lerecu.) a quatre incisives à chaque mâchoire ; sa longueur est d'environ six pieds et demi (2,111); les poils de ses moustaches sont épais et forts, placés sur quinze rangs; les bras sont faibles, les mains petites, la queue courte et épaisse ; son pelage est long , peu serré, hérissé, d’un jaune pâle, excepté sur le cou, qui porte une bande trans- versale noire. Dans sa jeunesse il est d’un gris noirätre, avec de petites taches plus foncées sur 275 le dos. I habite les mers boréales, la Baltique et les côtes d'Europe. Dans la servitude, il mange sous l’eau, souffle comme les chats quand on l'inquiète, et ne cherche pas à mordre, mais à égratigner. Le Nerrsek ( Calocephalus hispidus, Fr. Cuv. Phoca hispida, Scur. Phoca fœlida, Mu. Le phoque ncitsoak, Burr. Phoca Schreberi, Less.) a quatre ou cinq pieds (1,299 à 1,624) de lon- gueur ; sa tête est courte, arrondie; ses yeux sont très-petits, à pupille blanchâtre ; son pelage est très-épais, mou, très-long, hérissé, fauve, à flammettes blanches sur le corps ; le dessous est blanc, parsemé de taches rares et fauves sur le ventre ; les jeunes ont le dos d’un cendré livide, et le ventre blanc et sans taches. Les vieux mâles exhalent une odeur insupportable. I habite les mers du Groënland. L'Unxsux (Calocephalus barbatus, Fr. Cuv. Phoca barbata, Desm.— Fasr. Phoca mujor, Pars. Phoca Parsonsii, Less. Le Grand phoque, Bure. Le Gramselur, OLars. L'Urksuk takka- mugak et le Terkigluk des Groënlandais) a com- munément dix pieds de longueur (2.248) ; sa tête est longue, son museau très-élargi, et ses lèvres lâäches; la femelle a quatre mamelles ; ses yeux sont grands, à pupille noire; ses mains anté- rieures ont le doigt du milieu très-long. Son pe- lage varie beaucoup : il est assez épais et d’un gris enfumé chez les jeunes ; clair-semé et brun dans les adultes, et d'un noir foncé dans l’âge avancé. Chez les vieux mâles la peau est presque entièrement nue. 11 habite la haute mer près du pôle boréal, et se rend à terre au printemps. La femelle ne fait qu’un petit, qu’elle met ordi- nairement bas sur les glaces flottantes, vers le mois de mars. Les Groënlandais estiment beau- coup cette espèce pour sa chair, sa graisse et ses intestins, qu’ils regardent comme un excel- lent mets, et pour sa peau, dont ils s’habillent. Le CaLocepnALE DE T'HieNEmaNN ( Calocepha- lus scopulicolus et Phoca Thienemannii, Less. Phoca scopulicota, Tuien.) a six pieds de lon- gueur (1,949) ; son pelage est noir sur le dos, vert sous le ventre et sur les flancs, ces derniers marbrés de noir près du dos et de gris près du ventre. 11 se trouve sur les côtes d'Islande. Le CaLocéPuaLe LEUCOPLA ( Calocephalus leu- copla, Less. Phoca leucopla, Tuiex.) est entiè- rement verdâtre, avec une leinte grisätre sur le dos. 11 habite les côtes de l'Islande. Le CALOGÉPHALE DES RIVAGES ( Calocephalus littoreus. — Phoca liütorea, Tue.) a quatre pieds (1,299) de longueur ; il a les formes du veau marin ; ses moustaches sont disposées sur six rangs ; son pelage est très-épais, tres-court, brun en dessus, plus ou moins jaunâtre en des- sous ; il a sur le dos des lignes jaunes, flexueuses, qui s’effacent sur les côtés ; sa queue est bordée de chaque côté d'une ligne jaune; et deux larges 276 LES CARNIVORES AMPIHIBIES. taches d'un fauve roux occupent tout le dedans des membres antérieurs. 2° Gexue. Les STÉNORHYNQUES ( Steno- rhynchus, Fr. Cuv.) ont trente-deux dents, sa- voir : quatre incisives à chaque mächoire; qua- tre canines et vingt molaires; les dents sont composées, à leur partie moyenne, d’un long tubercule cylindrique, recourbé en arrière, et séparé des deux autres tubercules un peu plus petits, l’un antérieur, l'autre postérieur, par une profonde échancrure ; leur museau est très- proéminent et ils ont de très-petits ongles aux pieds. Le SrÉvonuynque de HouE ( Stenorhkynchus leptonyr, Fr. Cuv. Phoca Homei, Less. Phoca leptonyr, BLainv.) a sept pieds (2,274) de lon- gueur, rarement neuf (2,924); son pelage est d’un gris noirâtre en dessus, passant au jaunâtre sur les côtés, à cause des petites taches qui s’y trouvent; les flancs, le dessous du corps, les pieds et le dessus des yeux sont d’un jaune gris pâle ; ses moustaches sont simples et courtes Il habite, dit-on, les côtes de la Nouvelle-Géorgie et des iles Malouines. Le SrévoruyyQue DE WEbDeLL (Stenorhynchus Weddelli, Less. Sea leopard, Wen». Phoca lon- gicollis, Suaw.) a beaucoup de ressemblance avec le précédent. Son cou est allongé ; sa tête très-petite; son pelage court, lustré, ras, d’un gris pâle ou ardoisé, parsemé en dessus d’un grand nombre de taches arrondies et blanchä- res, en dessous de taches semblables, mais jau- nâtres. Il vit sur les glaces et n’habite que les hautes latitudes des Orcades australes. 3° Genre. Les STEMMATOPES (Sftemmalo- pus, FR. Cuv.) ont trente dents, savoir : quatre incisives supérieures et deux inférieures ; quatre canines et vingt molaires. Leur tête est surmon- tée d’un organe bizarre, en forme de sac dila- table, dont on ignore l'usage; leurs mächelières sont à racines simples, courtes et larges, striées seulement à leur couronne; leur museau est étroit et obtus; leur crâne développé. Le NésaunsaziK où CapuciN ( Stemmatopus cristatus, Fr. Cuv. Phoca cristala, GuL. Phoca leonina, Fasr. Phoca mitrata, Dekai; Le Phoc à capuchon, de G. Guv. Le Nesaursalik et le Kakortak des Groënlandais) a environ sept à buit pieds (2,274 à 2,599) ; il a sur la tête, lors- qu'il est adulte, une sorte de sac caréné en des- sus, mobile, et dont il peut se couvrir les yeux et le museau quand il le veut; ses narines sont dilatables au point qu’elles ressemblent à des vessies quand elles sont gonflées ; les femelles n'ont pas ces singuliers organes. Son pelage est long, laineux près de la peau, entièrement blanc dans le jeune âge, d’un gris brun en dessus et d'un blanc d'argent en dessous ; à l'âge adulte, il est quelquefois parsemé de taches grises. 1] habite les côtes septentrionales de l'Amérique et le Groënland. En mars la femelle met bas un seul petit, sur les glaçons, et d'avril en juin ils se rendent à terre. 4° Genre. Les PÉLAGES (Pelagius, Fr. Cu.) onttrente-deux dents, dont huit incisives, quatre ‘anines, ct vingt molaires ; les incisives supérieu- res sont échancrées fransversalement à leur extrémité, les inférieures sont simples. Les mä- chelicres sont épaisses et coniques, n’ayant, en avant et en arrière, que des petites pointes ru- dimentaires. Ils ont le museau élargi et allongé à son extrémité, et le chanfrein très-arqué. Le Moine ({Pelagius monachus, FR. Cuv. Phoca monachus, Desu. Phoca bicolor, Suaw ; Phora albiventer, Bono. Phoca leucogaster, PÉRON ) a de sept à dix pieds (2,27 4 à 5,248) de longueur ; son pelage est ras, court, et très- serré, entièrement noir en dessus, avec Île ventre blanc; ses moustaches sont lisses. Cet animal est fort intelligent, et s’apprivoise très- bien ; il est même docile et obéit au comman- dement de son maître, qu'il affectionne beau- coup; il est commun dans la mer Adriatique, et se trouve aussi, dit-on, sur les côtes de Sardaigne. 5° Genre. Les MACRORHINS (Macrorhinus, Fr. Cuv.) ont trente dents, savoir : quatre in- cisives supérieures et deux inférieures, crochues comme les canines, mais plus petites ; quatre canines fortes ; vingt molaires, dont les racines sont simples, plus larges que les couronnes qui imitent un mamelon pédiculé. Le MiourouwG où PaOQuE À TRowPE (Macrorhi- nus proboscideus, Fr. Cuv. Phoca proboscidea et Phoca Ansonii, DEsu. Phoca leonina, Lin. Phoca elephantina, Mouxa. Le Loup marin, Pennerry. Le Phoque à musean ridé, Forsr. Le Lion marin, Damp.—Anxson. L’'Éléphant marin, PEroN, et les voyageurs anglais. Le Lame, Mo- LiNA'. Cet animal atteint de vingt-cinq à trente pieds (8 à 10 mètres) de longueur, sur quinze à dix-huit (4,872 à 5,847) de circonférence ; son pelage est ras, grisätre ou d’un gris bleuâtre, quelquefois d’un brun noirâtre, rude et gros- sier ; ses yeux sont tres-grands, proéminents; les poils de ses moustaches sont rudes et con- tournés en spirale; ses canines inférieures, for- tes et arquées, sont saillantes hors des lèvres ; les ongles des mains sont très-petits, et sa queué, courte, est peu apparente. La nature à paré beaucoup d'animaux, pour le temps des amours seulement, d'une sorte de robe de noce plus ou moins brillante, plus ou moins singulière ; dans les oiseaux ce sont des couleurs vives et tranchantes, des crêtes, des PHOQUES. 977 aigrettes ; dans les salamandres, ce sont des membranes dorsales agréablement découpées et nuancées de mille couleurs variées, ete.; elle n’a pas oublié le phoque dont nous parlons ici, mais la parure qu'elle lui a dévolue est au moins fort bizarre. Elle consiste en un prolongement du nez, en forme de trompe membraneuse et érectile, molle, élastique, ridée, longue quelquefois d’un pied (0,525), et ayant beaucoup d’analogie avec cette longue crète qui pend sur le bec d’un coq d'Inde. Celte trompe manque à la femelle, et aux jeunes avant l'âge adulte, et il parait qu'elle s’efface peu à peu dans le mäle lorsque le temps du rut est passé. Le miouroung habite les plages de toutes les îles désertes de l'hémisphère austral, et vit en troupes de cent cinquante à deux cents individus ; comme il craint également la chaleur et l'excès du froid, il émigre régulièrement pour aller passer l'été dans le nord de la zone qu'il habite, et l'hiver dans le sud. Pendant les quatre premiers mois de l’année il quitte peu la mer, où ilse nourrit de poissons, de mollusques et de crustacés; alors il devient tellement gras qu'il n'est pas rare de lui trouver entre la peau et les muscles une couche de graisse huileuse ayant jusqu'à neuf pouces (0,244) d'épaisseur ; les Américains retirent souvent une énorme quantité d'huile d’un seul individu, dont le poids de la chair seulement est communément de mille kilogrammes. Cet animal est d’un caractère doux, paisible, et surtout d'une grande indolence. Lorsqu'il dort sur la terre, mollement étendu sur un lit de varecs, il est extrêmement facile de l'approcher, car, même lorsqu'il se réveille, et voit le chasseur armé de sa lon- gue lance, sa paresse ne lui permet ni de fuir, ni de se mettre en défense, ce qui rend facile de le tucr d'un seul coup en lui perçant le cœur. Mais dans le temps des amoursil n’en est pas de même; il déploie une activité extraordinaire, etil serait dangereux de l'approcher. Le rut a lieu dansle moisd'octobre, et les mâles se livrent alors des combats furieux pour s'approprier chacun le plus de femelles qu'ils peuvent. Le plus fort fait son choix, compose à son gré son harem, et se retire ; le combat recommence, et enfin les mâles les plus faibles restent sans femelles. Mais bientôt les vainqueurs se lassent de leurs conquêtes, et les abandonnent aux vaincus. Chaque femelle fait un ou deux petits qu'elle allaite deux ou trois mois. Le phoque d’Anson (Phoca Ansonii, Desu.) en serait une variété moins grande, à pelage d’un fauve clair, et à ongles des mains plus robustes. 11 habi- terait plus particulièrement l'ile Juan-Fernandez et les îles antarctiques. Le MacroruiN DE L'ILE SaiNT-PauL ( Macro- rhinus Corii. — Phoca Coxii, Desm. Le Lion marin, de Coxe) est de la taille du miouroung, mais il manque de trompe; son pelage est de la couleur de celui d’un buffle, ou brun, ou quel- quefois blanc. [lest très-commun aux iles d’Ams- terdam et de Saint-Paul. Serait-ce le précédent hors du temps des amours, c’est-à-dire lorsque sa trompe est effacée? Le Macrorgix URIGNE ( Macrorhinus lupinus. —Phoca lupina, MorixA), me parait aussi n’étre qu'une variété du miouroung, mais plus petite, si réellement sa longueur ne dépasse pas huit pieds (2,599). Sa lèvre supérieure est un peu cannelée; son pelage est d'un gris brun et quel- quefois blanchâtre ; ses pieds de devant n'au- raient que quatre doigts, selon Molina. On le trouve sur les côtes du Chili. Le Mackoruin DE Byron ( Macrorhinus Byro- ni, Less. Phoca Byronri, BLaiv.). Cette espèce ne repose que sur le squelette d'une téte obser- vée par M. de Blainville, dans le cabinet d'Hun- ter, à Londres. Elle a six incisives supérieures, dont la seconde extérieure est plus forte que les autres et ressemble à une canine ; les crêtes oc- cipitales et sagitales sont très-saillantes, ainsi que 278 LES CARNIVORES AMPHIBIES. l'apophyse mastoide. L'animal avait été trouvé sur les côtes des iles Marianes. Ge Gunue. Les ARCFOCEPHALES (_trcto- cephailus, Fr. Cüv.jont trente-six dents, savoir : six incisives supérieures dont les quatre moyen- nes sont profondement échancrées dans leur milieu, et quatre inférieures échancrées d'avant en arrière; quatre canines ; douze molaires su- périeures et dix inférieures. Les mâchelières n'ont qu'une racine, moins épaisse que la cou- ronne, consistant en un tubercule moyen garni à sa base, en avant el en arrière, d'un tubercule beaucoup plus petit. Les mains de ces animaux sont placées très en arrière, ce qui leur fait pa- raire le cou forl allongé; les pieds ont leur membrane à cinq lobes dépassant les doigts ; ieur fete est surbaissée et leur museau rétrécei. L'Ouus matin ( 4rctorephalus ursinus, Fr. Cuv. Phoca ursina, Lin. Olaria wrsina, DES. Otaria Forsteri, Less. Ursus marinus, Fonsr. L'Ours marim, de Burr.) est long de quatre à six pieds (1,299 a 1,949 , mince, à tête ronde et gueule peu fendue, avec des Yeux proéminents, et de longues moustaches; ses oreilles sont poin- tues et coniques ; son pelage est composé de deux sortes de poils: celui de dessous, court, ras, doux et satiné, d’un brun roux; celui de dessus plus long, brunätre, tacheté degris foncé. Il habite les côtes du Kamschatka et des iles Alcontiennes. On le recherche beaucoup à cause de sa fourrure très-estimée en Chine, mais ses mœurs sauvages, la finesse de son odorat qui lui fait reconnaitre de fort loin l'approche du chasseur, rendent sa chasse fort difficile. I n’habite qu'au milieu des rochers et des récifs, sur les côtes les plus battues par la tempête. T° GENRE. Les PLATYRHYNQUES ( Platy- rhynchus, Fr. Guv.) ont le mème systèine den- taire que dans le genre précédent, mais les in- cisives sont pointues, et les mächelières n’ont de pointe secondaire qu'à leur partie antérieure ; leur cräne est très-élevé, et leur museau élargi. Le Lion maux (Plathyrhyneus leoninus, Fr. Cuv. Olaria jubata, Desn. non LinvE. Otariu Pernetlyi, Less. Otaria leonina, PERON.) est long de douze pieds (5,898), et, si l'on en croyait Pernetty, il en atleindrait jusqu'a vingt-cinq (8,121); son pelage est fauve; ses moustaches noires ; le mäle porte sur le cou une crinière cpaisse qui lui descend jusque sur les épaules ; sa tête est assez pelite, semblable à celle d'un dogue, avec le nez un peu relevé etcomme tron- qué à son extrémité. Cette espèce habite les îles antarctiques ; son caractère est doux et timide. Elle vit de poissons, d'oiseaux d’eau qu’elle sur- prend avec adresse, et quelquefois d'herbe. La femelle, pour faire ses petits, se cache dans les roseaux où elle les allaite. Chaque jour elle va à la mer, et gagne sa retraite le soir. La chair de ces animaux est mangeable; son buile est utile, el sa peau est excellente pour les ouvrages de sellerie. Le PLATYRUYNQUE MOLOSSE ( Platyrhynchus mo- lossinus, Less. Oltaria molossina, Less. et Gar- vor. Le Phoque à crin des baleiniers anglais. Le Petil lion marin, de Peungrry). Cette espèce a de quatre à huit pieds (1,299 à 2,599) de lou- gueur ; son pelage est d’un roux uniforme, ras sur toutes les parties du corps; les poils de ses moustaches sont aplatis, d’un brun rouge, à extrémité noire ; les mains manquent d’ongles, et les pieds en ont trois assez gros. La tête est petite, arrondie; les oreilles sont pelites, poin- lues, roulees sur elles-mêmes. Elle habile les iles Malouines. Le PLATYRIYNQUE DE GUERIN ( Platyrhynchus Gucrinii.—Platyrhynvus Uraniæ, Less. L'Ota- rie Guérin, Quoy et GaimaRD) a la plus grande analogie avec le précédent ; mais les deux natu- ralistes du voyage de l'Uranie lui donnent six incisives en haut et quatre en bas, quatorze mo- laires supérieures et douze inférieures. Son pelage est brun, ras ; son museau aplati, portant cinq rangs de moustaches ; sa taille est de quatre pieds dix pouces (1,570). Il habite les iles Ma- louines conime le précédent, auquel il faudrait sans doute le rapporter, s’il se trouvait que ses dents eussent été mal observées. 8° GENRE. Les HALYCHORES (Halychœrus, Hounscu.) ont trente-quatre dents, toutes coni- ques, recourbées : les inférieures égales, courtes, séparces également par un intervalle vide; les deux incisives externes d’en haut simulant des ‘anines et marquées d’un canal étroit à leur partie postérieure, les quatre intermédiaires plus longues et égales entre elles ; les canines infé- rieures rapprochees, sillonnées en arrière el en dedans, s’engageant dans un intervalle des cani- nes supérieures qui sont semblables ; molaires triangulaires, les supérieures convexes sur leur face externe, recourbées, les troisième et qua- trième les plus grandes, les inférieures pyrami- dales, les deuxième et troisième plus grandes. Du reste, les ongles sont plus longs et plus re- courbés que dans les autres phoques. Ce genre fait le passage des phoques aux morses. L'HaLycuoRe Gris (Halychærus griseus, Horns. Phoca annellata, Nisss. Phoca cucul- lata,Bovb.) a le pelage composé de deux sortes de poils : celui de dessous est blanc, laineux et court ; celui de dessus est long de deux pouces (0,054), soyeux, d’un gris plombé sur le dos, blanc sur le reste du corps. On le trouve sur les côtes de la Poméranie et des mers du nord de l'Europe. Espèces non encore classées. 9° GENRE provisoire. Les PHOQUES (Phoca, Lin.) n’ont pas d'oreilles extérieures. Le PuoQuE À TÈTE DE TORTUE ( Phoca testudi- nea, SHAW.) ressemble par ses pieds au phoque PHOÔQUES. commun, mais son cou est allongé, et sa tête ressemble à celle d’une tortue. Espèce douteuse, qui habiterait les mers d'Europe. Le Laxurax (Phoca lakhtak, Desu.) n’est connu que par une description de Kraschenni- nikow ; il serait de la grosseur d’un bœuf, et ha- biterait le Kamschatka. Le Pnoque TIGE (Phoca tigrina, KRASCHENN. Phoca Chorisii, Less. Le Chien de mer du dé- troil de Behring, Cuonis. Var. Phoca punctata maculata, et nigra, de l'Encyel. ang.) est de la laille d’un veau ; son corps est couvert de taches rondes et égales; son ventre est blanchätre. Les jeunes sont entièrement blancs. Du Kamschatka. La variété punctata a la tête, le dos et les mem- bres tachetés. Elle habite les Kouriles. — La variété maculata est mouchetée de brun et habite les mêmes côtes. — La variété nigra est noire, quelquefois tachée de blanc, et se trouve sur les mêmes rivages. Le Puoque Frascié ( Phoca fasciata, Scuaw.) est noirâtre; une bande jaune lui dessine une selle sur le dos. Patrie inconnue, 10° Gene provisoire. Les OTARIES (Olfaria, Pérox) ont des oreilles exterues apparentes. L'OraRiE DE DELALANDE ( Otaria Delalandii, G. Cüuv.) a trois pieds et demi de longueur (1,137) ; son pelage, doux, fourré, laineux à la base, a la pointe de ses poils annelé de gris et de noirâtre, ce qui lui donne une teinte d'un gris brun roussâtre; le ventre est d'une couleur plus pâle. Il a été apporté du cap de Bonne- Espérance par M. Delalande. : L'OrTariE DE PERON (Otaria Percnii ctnigra. Desu. Phoca pusilla, Lix. Phoca j'arra, Bonn. L'Otarie de l’île de Rottnest, Penow. L’Olarie de Delalande, Fr. Cuy. Le Loup marin, PAGës ; Le Petit phoque, Burr.) a de deux à quatre pieds de longueur (0,650 à 1,299). Ses oreilles sont pointues; ses pieds de derrière n’ont d'ongles 279 apparents qu'aux trois doigts du milieu, ef sont terminés par une membrane à cinq festons ; sa couleur est généralement noirâtre ; son pelage doux, et ses moustaches rondes et lisses. Il ha- bite la Nouvelle-Hollande, OTARIE CENDRE (Otaria rinerea, PÉRON) à neuf à dix pieds (2,925 à 5,248) de longueur ; son pelage est dur, grossier, d’un gris cendré. Il habile la Nouvelle-Follande, sur les côtes de l'ile Decrès. L'Oranie ALBICOLLE (Otaria albicollis. P£RON) a huit à nenf pieds (2,274 à 2,925) de longueur ; ses membres antérieurs sont silués fort en ar- rière, et il a une grande tache blanche sur la parlie moyenne et supérieure du cou. I habite la Nouvelle-Hollande. L'OTARIE COURONNE (Otaria coronala, BLAINY.) a le pelage noir, taché de jaune, avec une bande de cette couleur sur la tête el une tache sur le museau. 11 a cinq ongles aux pieds de derrière. Sa patrie est inconnue. L'OTaRIE JAUNATRE (Olaria flaresrens, SuAw.) est long d’un à deux pieds (0,525 à 0,650). Son pelage est d'un jaune pâle uniforme; ses oreilles sont longues ; ses mains manquent d'ongles, et il en a trois seulement aux doigts moyens des pieds. Sa patrie est inconnue. Le Cocuon 5e MER (Olaria porcine, Mouina) ressemble par la forme et le pelage au macro- rhin urigne, mais son museau est plus allongé ; ses oreilles sont relevées, el il a cinq doigts aux pieds de devant. Il habite les côtes du Chili. L'Oranie D'HauviLLE (Otaria Hauvillii, G. Cuv.) à quatre pieds deux pouces (1,555) de longueur ; il est d’un gris foncé et cendré en dessus, blanchätre sur les flancs et la poitrine ; il a sur le ventre une bande longitudinale d’un brun roux, avec une autre transversale et noi- râtre allant d'une nageoire à l'autre. On le trouve aux iles Malouines. 280 LES CARNIVORES AMPHIBIES. Le Morse. LES MORSES Ont la forme générale des phoques; maïs leur mächoire inférieure manque de canines et d'in- cisives, et les canines supérieures forment d'é- normes défenses dirigées inférieurement. Ile GEvre. Les MORSES ( Trichechus, Lin.) ont vingt-deux dents à l'état adulte, savoir : quatre incisives à la mâchoire supérieure, et point à l'inférieure ; deux canines ou défenses à la mâchoire supérieure ct point à l'inférieure ; huit molaires en haut et huit en bas; leurs mo- laires sont cylindriques, courtes, tronquées obli- quement, et semblent, par leur structure et leurs rapports, agir les unes sur les autres comme le pilon agit sur son mortier. Le MORSE, où CHEVAL MARIN | Trichechus rosmarus, Lin. Le Morse, Burr. La Vache marine et la Bête à la grande dent des voyageurs) Atteint onze à douze pieds (5,575 à 5 ,898) de longueur, et même beaucoup plus, si on s’en rapportait à certains voyageurs ; son pelage est très-court, très- peu fourni, et d’une couleur roussâtre ; son muffle est très-gros, sa lèvre supé- rieure renflée; ses narines se trouvent presque regarder le ciel et non terminer le museau; ses défenses ont quelquefois deux pieds de longueur (0,650) et davantage ; leur grosseur est proportionnée à leur longueur. Pour les membres et le reste du corps, il ressemble beaucoup aux phoques. Si le morse à beaucoup d’analogie dans les formes avec les animaux de là ] =) > de +} O = (En À @) MPAREE (Jardin des Plantes.) té &. à £ É MORSES. 281 famille precedente, il n’en à pas moins dans les mœurs et dans toutes les habi- tudes de la vie. Cependant il à moins d'intelligence et, par suite, moins de dou- ceur dans le caractère, Eward Worst, dit avoir vu en Angleterre un de ces ani- maux âgé de trois mois, que l’on ne pouvait toucher sans le mettre en colère, et même le rendre furieux. La seule chose que l'éducation ait pu obtenir de lui était de le faire suivre son maître en grondant, quand il lui présentait à manger. Cet animal habite toutes les parties dela mer Glaciale, mais il est bien moins commun qu'autrefois. « J’ai-vu à Jakutzk, dit Gmelin, quelques dents de morse qui avaient cinq quarts d’aune de Russie, et d’autres une aune ct demie de longueur; communement elles ont jusqu'à quatre pouces de largeur à la base. Je n’ai pas entendu dire qu'auprès d'Anadirskoiï l'on ait jamais chassé ou pêché de morse pour en avoir les dents, qui néanmoins en viennent en si grande quantité; on n'a assuré, au contraire, que les habitants trouvent ces dents, de- tachées de l'animal, sur la basse côte de la mer, et que, par conséquent, on n’a pas besoin de tuer auparavant les morses. Plusieurs personnes m'ont demandé si les morses d'Anadirskoi étaient une espèce différente de ceux qui se trouvent dans la mer du Nord et à l'entrée occidentale de la mer Glaciale, parce que les dents qui viennent de ce côté oriental sont beaucoup plus grosses que celles qui viennent de l'Occident, etc. » Gmelin ne résout pas cette question, et Buffon en donne une solution qui me parait être une erreur. « On n'apporte d'Anadirskoi, dit-il, que des dents de ces animaux morts de mort naturelle ; ainsi, il n’est pas surprenant que ces dents, qui ont pris tout leur accroissement, soient plus grandes que celles du morse de Groënland, que l’on tue souvent en bas âge. » Pour admettre cette hypothèse, il faudrait admettre aussi que jamais, dans le Groënland, les morses n’atteignent toute leur grandeur, et que tous ceux que l’on tue, sans exception, sont jeunes, puisque leurs dents sont, aussi sans excep- tion, beaucoup plus petites que celles apportées d'Anadirskoi. Cette propo- sition n’est pas soutenable. Voici une autre difficulté : il est certain qu'on ne trouve presque plus de morses aux environs d'Anadirskoiï, et que ceux qui s’y montrent de loin en loin ne dépassent pas douze pieds de longueur; or, un morse qui aurait des dents longues d'une aune et demie russe devrait avoir le corps au moins de trente-cinq pieds de longueur, ce qui ne s’est jamais vu, puisque les plus grands que l’on ait observés ne dépassent pas douze à quatorze pieds. Je pense que l’ivoire trouvé sur les bords de Ja mer, aux environs d'Ana- dirskoiï, n’est rien autre chose que les dents fossiles d'un grand morse dont l’es- pêce ne se trouve plus vivante. Ce qui me fait ajouter foi à cette hypothèse, c'est que dansle même pays on rencontre des collines entières composées, presque en totalité, d'ossements de mammouths, de rhinocéros et autres animaux perdus, et que l’on possede au cabinet de Saint-Pétersbourg des défenses de mammouths, dont l'ivoire est aussi parfaitement conservé que s’il avait été pris sur des ani- maux vivants. Les morses, ne peuvent pas toujours se trouver près des côtes, à cause des glaces qui en défendent l'approche. Aussi, ils élisent leur domicile sur des gla- cons, et il arrive parfois que c'est sur cette habitation flottante que la femelle fait un ou deux petits, en hiver. Le petit, en naissant, est, dit-on, de la gros- seur d’un cochon d’un an. Elle l’allaite et le soigne avec tendresse, et le défend 36 D2RD LES CARNIVORES AMPHIBIES. avec fureur. Lorsque ces animaux vont à terre ou montent sur un glacon, ils se servent de leurs défenses pour s’accrocher et de leurs mains pour faire avancer la lourde masse de leur corps. Il paraît qu'ils se nourrissent de varecs et autres herbes marines, aussi bien que de substances animales. Malgré les dangers d’une navigation dans des mers couvertes de glaces, les vaisseaux baleiniers de plusieurs peuples du Nord vont y pêcher les morses, non- seulement pour avoir les dents, qui fournissent un ivoire plus dur, plus compacte et plus blane que celui de l'éléphant, mais encore pour extraire de leur graisse une huile abondante, meilleure que celle de baleine, et pour s'emparer de leur peau, dont on fait un cuir trés-fort et d'excellentes soupentes de carrosse. Autrefois, on trouvait sur certains rivages d'immenses troupeaux de morses, et il n’était pas rare d'en tuer jusqu'à douze ou quinze cents dans une seule chasse; mais au- jourd'hui, on ne les rencontre guère qu'en petites troupes ou en familles. Dans la mer on les harponne de la même manière que les baleines; si on les trouve sur le rivage, on les tue à coups de lance. Quand un morse se sent blessé, il entre dans une fureur effrayante; dans l'impuissance de pouvoir poursuivre et atteindre son ennemi, il frappe la terre de côté et d'autre avee ses défenses ; il brise les armes du chasseur imprudent, et les lui arrache des mains; enfin, enragé de colère, il met sa tête entre ses pattes ou nageoires, et, profitant de la pente du rivage, il se laisse ainsi rouler dans la mer. Si on les attaque dans l'eau, et qu'ils soient en grand nombre, la protection qu'ils s'accordent mutuel- lement les rend très-audacieux. Dans ce cas ils ne fuient pas : ils entourent les chaloupes, et cherchent à les submerger en les percant avec leurs dents, ou à les renverser en frappant contre les bordages, dont ils enlèvent de grandes por- tions. Dans ces occasions, et dans les combats qu'ils livrent quelquefois aux ours blanes, et dont ils sortent toujours vainqueurs, il leur arrive quelquefois de perdre une de leurs armes, et celle qui leur reste n’en est pas moins terrible ; si on est parvenu à en harponner un, presque toujours on en prend plusieurs, car ils font tous leurs efforts pour défendre leur camarade et le délivrer. Si, effrayés par le nombre de ces animaux, par leurs efforts et surtout par les mu- gissements furieux dont ils frappent les airs dans ces occasions, les pêcheurs croient prudent de prendre la fuite, les morses poursuivent fort loin la chaloupe qui les emporte, et n'abandonnent leur projet de vengeance que lorsqu'ils ont perdue l'embarcation de vue. l é | | | | 2 j ï l À Un. A SC ll | W 7 AN hi ([ qi A PEU 14 Ve | | 0), ANbrew a BREST L6Lo! 5 L'AMERIQUE DU SUD A (Jardin des Plantes.) LES MARSUPIAUX, SEPTIÈME ORDRE DES MAVMIFÈRES. Le Sarigue. Les marsupiaux se distinguent de tous les au- tres mammifères par deux os particuliers atta- chés au pubis, interposés dans les muscles du ventre, et donnant appui, dans les femelles seulement, à une poche ou repli de la peau re- couvrant les mamelles. Par une autre bizarrerie toutaussiextraordinaire, la femelle, peu detemps après l’accouplement, met bas, non pas des pe- lits tout formés, comme les autres animaux vi- vipares, mais des petites masses de chair tout à fait informes, et qu'elle place dans la poche de son abdomen à mesure qu’elle les fait. Là, ces pelites masses s’attachent aux mamelles, et prennent le reste de leur développement. Nous les diviserons en trois sections : 1° les carnas- siers, qui vivent de chair ou d'insectes; 2° les frugivores qui se nourrissent de fruits; 5° les feliivores, qui mangent de l'herbe et des feuilles. LES MARSUPIAUX CARNASSIERS Ont deux canines et plusieurs petites incisives à chaque mâchoire ; leur pouce des pieds de der- rière est opposable aux autres doigts. 1" Genre. Les DIDELPHES (| Dilelphis, Lix.) ont cinquante dents, savoir : dix incisives en haut, dont les intermédiaires sont un peu plus longues, et huit en bas; quatre canines; quatorze molaires à chaque mâchoire, les trois molaires antérieures comprimés, et les quatre autres hérissées. Leur tête est très-pointue; leur gueule est fendue jusqu’au delà des yeux ; leurs oreilles sont pointues; leurs doigts sont non palmés ; leur queue est nue, ccailleuse et pre- nante; leur poche marsupiale consiste quelque- fois en un simple repli de la peau de l’abdomen, d’autres fois en un véritable sac. 1° Didelphes à poche courrant les mamelles. Le SARIGUE où MANICOU ( Didelphis virginiana, Desu.— Penn. Opossum woa- pinck, Banroa. Le Virginian opossum, Suaw. L'Opossum et le Sarique des Illi- + 281 LES MARSUPIAUX. nois, Burr. L'Opossum des Anglais. L'Ossa des habitants du Mississipi. Le Tlaquatzin des Mexicains. Le Micouré du Paraguay. Le Didelphe à orcilles bicolores des naturalistes ). Le manicou atteint dix-sept pouces (0,460) de longueur, non compris la queue qui en à onze (0,298), et sept à huit pouces de hauteur (0,189 à 0,217); c’est dire qu'il est à peu près de la taille d’un chat. Il est d’un gris blanc jaunâtre, à poils d'un blanc sale, noirs ou bruns à la pointe; il n’a de soies entièrement noires que le long de l'échine, et sur une bande descendant du cou aux jambes de devant; sa tête est presque entièrement blanche ; les quatre jambes sont noires ; sa queue, couverte d’écailles, est noire à Ja base, blanche dans tout le reste de sa longueur. Les oreilles sont nues, et se ferment à la volonté de l'animal; elles se reploient d'avant en arrière par trois plis longitudinaux, et s’abaissent à l’aide de plis transverses plus nombreux, coupant les autres à angle droit. Leur conque est noire, excepté à la base et au bord où elle est blanchâtre ou d’un rose li- vide; les mains et le museau sont nus, ce dernier un peu glanduleux ; son œil est noir, petit, très-saillant. , Cet animal jouit d’une grande célébrité, et cependant il en est peu d'aussi re- poussant. Son corps paraît toujours sale, parce que son poil, ni lisse, ni frise, est d’une couleur terne, et ressemble à celui d'un animal malade. Il exhale, d’un organe particulier placé dans l'anus, une odeur fétide et urineuse, qui est en- core renforcée par l'habitude qu'il a de se mouiller de son urine, qu'il lâche lorsqu'il est effrayé ou en colère. Ceci n'empêche pas les sauvages de manger sa chair, et de la trouver délicieuse, probablement parce qu’elle ne participe pas à la puanteur du poil et de la peau. Du reste, cette fétidité, dont il s’entoure quand on le poursuit ou qu’on l'irrite, est la seule défense qu'il ait à opposer à ses ennemis, car il ne sait ni mordre, quoique bien armé de dents, ni fuir, puis- qu'ilne court guère plus vite qu'un hérisson. Ia la pupille nocturne, d'ou il résulte qu'il y voit beaucoup mieux la nuit que le jour ; sa démarche est lente, et sa stu- pidité extrème. Cependant il est fort doux, et s’accoutume très-bien à l’escla- vage; mais il ne s'attache à personne, et n’est capable d'aucune éducation. Dans les maisons on le nourrit avec du pain, du lait et de la chair crue. On à observé qu'il boit en lapant, et qu'il aime qu’on lui verse de l’eau d’un peu haut dans la bouche, qu'il tient ouverte pour la recevoir. Sa queue prenante est très-forte, mais elle ne se replie qu’en dessous, et il en fait un usage maladroit. Dans l’état sauvage, le manicou habite toute l'Amérique septentrionale. Le jour il se retire dans un terrier qu'il se creuse au milieu d’un buisson épais, à certaine distance des habitations; il y passe la journée à dormir, le corps plié en cercle à la manière d’un chien. La nuit il se réveille, sort de sa demeure, et se met en chasse pour trouver sa nourriture. Il grimpe assez facilement sur les arbres pour aller surprendre les oiseaux dans leur nid, et c’est à ce genre de chasse qu'il passe une grande partie de son temps, car il a un goût de prédilec- tion pour la chair des oiseaux, et surtout pour leurs œufs. Cependant il est sou- vent forcé par la nécessité de se rabattre sur les reptiles, sur les insectes, et même sur les fruits. Il rôde souvent autour des habitations, et, comme il grimpe également contre les vieilles murailles mal unies, il lui arrive quelquefois de pénétrer dans les basses-cours ; dans ce eas il tue la volaille qui s'y trouve, MARSUPIAUX CARNASSIERS. 285 et se borne à lui sucer le sang, après quoi il abandonne les cadavres sur la place. Buffon dit « qu'il se cache dans le feuillage d’un arbre en se suspendant par la queue, et qu'il reste quelquefois longtemps dans cette situation, sans mouve- ment, le corps suspendu la tête en bas, pour épier et attendre le petit gibier au passage. » Ceci peut être vrai, quoique douteux pour moi; mais il n’est pas possible, en bonne critique, d'admettre la citation dont il fait suivre ce passage. La voici : « L'instinct avec lequel il fait la chasse est très-singulier. Après avoir pris un petit oiseau et l'avoir tué, il se garde bien de le manger. Il le pose pro- prement dans une belle place découverte proche de quelque gros arbre : ensuite montant sur cet arbre et se suspendant par la queue à celle de ces branches qui est la plus voisine de l'oiseau , il attend patiemment, en cet état, que quelque autre oiseau carnassier vienne pour l'enlever : alors il se jette dessus et fait sa proie de tous les deux. » Il est singulier que Buffon rapporte ce conte absurde, surtout en l’appliquant à un des animaux les plus stupides de toute la classe des mammifères. ; D'ailleurs, l'histoire du sarigue est assez merveilleuse en elle-même, sans que l'on soit obligé de la broder maladroitement. Vingt-six jours après l’accouple- ment, la femelle met bas de dix à douze petits, n'ayant encore nulle forme d’a- nimal, gros comme un trés-petit pois, et ne pesant chacun qu'un grain d'orge. Quoique aveugles et informes comme de très-petits fragments de chair gélati- neuse, ils s’attachent aux mamelles, y adhèrent bientôt au moyen d'une mem- brane commune au mamelon et au petit trou qui leur sert de bouche, en aspi- rent le lait, et y restent adhérents pendant cinquante jours, absolument cachés dans la poche, ce qui, avec les vingt-six jours qu'ils ont passés dans le sein de leur mère, complète le temps de la gestation. Alors leurs membres sont dévelop- pés, ils ouvrent les yeux, ils ont à peu près la grosseur d’une souris, et la mem- brane qui les unissait au mamelon se déchire. Quoique libres, ils ne commencent à sortir de la poche que quelques jours après, pour jouer sur l'herbe, au clair de lune, pendant que la mère fait sentinelle et veille à leur sûreté. Au moindre bruit, à la moindre apparence de danger, elle les fait rentrer dans leur sac, et elle les emporte dans son terrier. Ce genre de vie dure jusqu'à ce qu'ils soient trop gros pour rentrer tous dans la poche ; alors la mère s'éloigne un peu plus de sa demeure, parce que ses petits commencent à la suivre, et qu'il faut qu'elle chasse pour eux. Si, dans ce cas, elle croit sa jeune famille menacée d’un accident, elle jette un petit cri. Aussitôt ses enfants se rapprochent d'elle en tremblant : les uns se précipitent dans la poche, les autres lui montent sur le dos et s’y maintiennent solidement au moven de leur queue qu'ils enroulent autour de la sienne, ou autour de ses jambes. Quelquefois la pauvre mère en est tant chargée et surtout embarrassée, qu'à peine peut-elle marcher. Ce que nous venons de dire du manicou, pouvant s'appliquer à tous les di- delphes, sauf quelques légères modifications que nous enseignerons plus loir, nous n'avons plus à nous occuper que de Ja description des espèces. Le Gamea ( Didelphis Azaræ, Teux. Le Mi- seau est long; le tour des yeux est noir. ainsi coure, n° 1% »’Azzsua. Didelphis aurita, NEU- que les oreilles et les extrémités des jambes; la WiEep ) est un peu plus petit que le précédent, face et la nuque sont presque noires ; son pelage avec lequel il a souvent été confondu. Son mu- est composé d’une sorte de feutre cotonneux et 286 court en dessous, et, en dessus, d'un poil soyeux d'un blanc pur dans toute sa longueur. Il ha- bite l'Amérique méridionale. Le Quica ( Didelphis quica, Temm.) ne dé- passe pas la taille d’un jeune putois; sa queue est plus longue que son corps; son pelage est d'un gris de souris en dessus et d’un blanc pur en dessous ; la femelle est d’un fauve noirûtre, plus clair sur les flancs et comme argentée. Il a un cercle noir autour des yeux, et le museau noir. Cette espèce a les mêmes habitudes que les précédentes, mais elle vit presque constam- ment sur les arbres. Elle habite le Brésil. Le SariGouËya (Didelphis opossum, Lin. — Desn. Le Sarigue cpossum et le Qualre-œil des naturalistes). Cette espèce, plus petite que les précédentes, ne dépasse guère la taille d'un écu- reuil. Son corps a un pied (0.325: tout au plus de longueur totale, et sa queue onze pouces (0,298). C’est à celui-ci que Buffon rapporte les récits qu'ont faits les voyageurs sur toutes les espèces de didelphes. Son pelage est d’un gris brun en dessus et un peu plus foncé sur Ja tête ; la poitrine, le devant du ventre et le dedans des membres sont d’un blanc jaunätre, ainsi que les doigts ; le dessus de chaque œil est marqué d'une tache ovale, d’un jaune päle; les oreilles sout bordées de blanc en arrière; le mufile, les lè- vres et le menton sont blanchätres. Le mâle est d’une couleur généralement plus foncée. Il ha- bite l'Amérique méridionale, et n'est pas rare à la Guyane. Le DiDELPHE QUEUE-DE-RAT (Dideiphis myo- suros, Tes.) est de la taille d’un jeune putois; son pelage est serré, doux, très-court, brun et d’un fauve roussâtre, plus foncé sur l’échine, d'un blanc roussätre en dessous; ses oreilles sont très-grandes, un peu arrondies ; sa queue, LES MARSUPIAUX. semblable à celle d'un rat, est bicolore, gréle, beaucoup plus longue que le corps et la tèle. Celte espèce se trouve à la Guyane, à Surinam et au Brésil. Le Fanas ( Didelphis philander, Teum. Di- delphis cayopollin, Lan.—Desx.) est de la taille d'un écureuil, à pelage d'un fauve roussâtre, teinté de jaunâtre sur les flancs, blanc en des- sous et sur les joues ; il a une bande d'un roux foncé sur le milieu de la fête, et une tache cen- drée qui lui enveloppe les yeux; ses narines sont séparées par un sillon très-marqué; sa queue, beaucoup plus longue que le corps et la tête, est tachetée de brun sur un fond blanc. Il se trouve à la Guyane. Je ne sais trop si cette espèce à une poche. Le Puanr ou Cramier (Didelphis cancrivora et marsupialis, Lin. Didelphis marsupialis, Scuneren. Le Grand Sarigue de Cayenne, du Brésil, etc., Burr. Le Grand Philandre orien- tal de Sesa). I ne faut pas confondre ce didel- phe avec le chien-crabier, comme l'ont fait plu- sieurs naturalistes. 11 a quelque analogie avec le manicou, dont il a la taille, mais son museau est plus effilé, son chanfrein plus droit, le front non déprimé. Ses moustaches sont noires, ainsi que ses oreilles et ses yeux; sa tête est d'un blanc jaunätre ; le cou, le dos et les flancs sont jaunâtres, parsemés de noir, ce qui vient de ce que les longs poils du dessus, noirs dans leur moi- lié supérieure, sont couchés sur les autres, qui sont d'un blanc sale ; les poils de l'échine sont noirs, longs, et lui forment une sorte de cri- nière lorsqu'il est en colère. Les membres sont noirs, les ongles blancs, ainsi que leur pha- lange ; la queue est blanche, avec son premier tiers noir ; le museau et les lèvres sont couleur de chair. Pris jeune, le crabier s'apprivoise assez facilement ; mais l'odeur infecte qu'il exhale, beaucoup plus forte que celle du renard avec laquelle elle a de l’analogie, ne permet guère qu'on l'élève dans les maisons. Cet animal est assez commun à Cayenne et à Surinam, où il habite le bord des ruisseaux ombragés par des pa- létuviers, sur lesquels il aime à grimper pour chasser aux oiseaux. La nuit, il se promène sur les rivages limoneux, pour chercher des crustacés et principalement des crabes, pour lesquels il a un goût de prédilection. Il sait fort bien fouiller dans le sable pour les retirer des trous où ils se cachent, et, si l’on en croit La- borde, il les retirerait des trous de rochers et de dessous les racines d’arbres d'une manière fort ingénieuse. 11 enfonce sa queue, dit le voyageur, dans le trou où il soupconne un crabe, et celui-ci, en sa qualité d’animal très-carnassier, ne manque pas de saisir cette queue avec ses pinces pour la dévorer. Le puant la retire alors par un mouvement brusque, elle entraîne le crabe hors de sa retraite, et le puant s’en empare et le mange. Si cela n’est pas vrai, c’est au moins bien inventé, el c'est probablement pour cela que les voyageurs ont attribué cette MARSUPIAUX CARNASSIERS. 287 petite manœuvre à plusieurs animaux, et particulièrement à un singe. Du reste, le crabier a les mêmes habitudes que les autres didelphes à poche. 2° Didelphes sans poche et à mamelles découvertes. Le Taïpi ( Didelphis murina, Lin. La Mar- mose, BurF.) a cinq pouces (0,155) de longueur, du bout du museau à la naissance de la queue ; celle-ci est de la même longueur, jaunâtre, uni- colore et entièrement nue; le pelage est d'un gris fauve en dessus, et d’un jaunâtre päle ou presque blanchâtre en dessous; l'œil est placé au milieu d’un ovale brun. La femelle a qua- lorze mamelles, auxquelles s’attachent les petits, comme dans les espèces précédentes, à cela près qu'ils ne sont pas cachés dans une poche, mais seulement soutenus par des plis inguinaux de la peau ; il en est de même pour les autres didelphes dont il nous reste à parler. Le taibi vit dans les trous d'arbres et les buissons, en Amé- rique méridionale, et surtout à la Guyane. Le DipeLpue à QUEUE NUE ( Didelphis nudi- caudata, GEorr.) est d’un gris brun en dessus, blanchâtre en dessous ; sa queue est nue, uni- colore, plus longue d’un quart que tout le corps; il a une tache jaune sur chaque æil. Sa longueur, du bout du museau à la naissance de la queue, est de neuf pouces (0,244). On en voit, au Muséum, un individu femelle dont les petits sont encore attachés aux mamelles. Il ha- bite Cayenne. Le Touax (Didelphis tricolor, GEorr. Di- delphis brachyura, Par. Le Micouré n° 5, p'Azzasa. Le Tuan de Burron) est de la taille d'un rat; il a, du bout du museau à la naissance de la queue, cinq pouces et demi (0,149), et sa queue a deux pouces quatre lignes (0,065), elle est forte, et velue seulement à sa base ; son pelage est d'un brun noirätre sur le dos, d’un roux vif et tranché sur les flancs, et blanc en dessous; les doigts sont à la fois velus et écailleux. 11 habite les foréts de Ja Guyane, et Buffon le confondait avec les belettes. Le Dipecpue reacayure ( Didclphis brarhyu- ra, Gui.) n’en est probablement qu'une variété. 11 n’en diffère que par son pelage d’un roux foncé en dessus et sur les flancs, blanchätre en dessous ; la queue est de la longueur de la moitié du corps. 11 se trouve dans les mêmes contrées. Le Guison ( Didelphis cinerea, Ten.) est de la faille d’uu rat ordinaire; son pelage est épais, court, d'un gris cendré clair en dessus, blan- châtre en dessous, roussätre sur la poitrine; la femelle est de cette derniere couleur. Sa tête est petite; son museau très-court ; ses oreilles sont nues, un peu étranglées à la base; sa queue, beaucoup plus grande que le corps, est très- gréle, tres-poilue à sa base, nue dans le reste de sa longueur, blanche à l'extrémité. 11 a été dé- couvert au Brésil par le prince de Neuwied. Le Divezrne ponsaz (Didelphis dorsigera, Lin. — Teum.) est de la faille d’un rat; son pe- lage est court, fin, peu fourni, d’un gris brun, avec le front et les joues d’un blanc jaunâtre. Sa queue est gréle, poilue dans une assez grande portion de sa longueur, brune et unicolore à l'extrémité. Il habite Surinam. Le Micoure LAaineux ( Didelphis Lanigera, Desx.) a le pelage de couleur de tabac d'Espa- gne en dessus, blanchâtre en dessous ; sa queue n'est ni conique ni cylindrique, mais prismati- que, à angles très-émoussés, avec une rainure sur la face inférieure ; elle est beaucoup plus longue que le corps, et nue en dessus dans son dernier tiers seulement. Cet animal a sept pou- ces (0,189) de longueur, non compris la queue. Il habite le Paraguay. Le MICOURE À GROSSE QUEUE ( Didelphis ma- croura, b'Azzara. Dideiphis crassicaudata, DEsx.) a onze à douze pouces de longueur (9,298 à 0,525) du bout du museau à la naissance de la queue ; celle-ci, à peu près de même longueur, est ronde, et n’a pas moins de trois pouces et demi 10,095) de circonférence à sa base ; elle est velue à son premier tiers, nue, écailleuse et noire dans le reste de sa longueur, avec un pouce et demi (0,041) de son extrémité blanc. Son pelage est fauve ou couleur de cannelle en dessus, plus clair sur l’œil, plus foncé à la face et au pied. 1] habite le Paraguay. Le Micoure nain (Didelphis pusilla, D'Azzara. —Desx.) n’a que trois pouces quatre lignes de longueur (0,090), depuis le bout du museau jus- qu’à la naissance de la queue ; celle-ci est entiè- rement nue, longue de trois pouces huit lignes (0,099). Son pelage est d’un gris de souris, avec le tour de l'œil noir, les sourcils blanchätres, séparés par une fache triangulaire obscure. Ce petit animal, stupide comme toutes les espèces de son genre, vit dans les jardins et les brous- sailles, au Paraguay. 2* Genre. Les CHIRONECTES ( Chiro- nectes, ILLIG.) ont dix incisives en haut, huit en bas ; deux canines à chaque mächoire; les mo- laires en nombre indéterminé ; leur museau est pointu, leurs oreilles arrondies, nues; leurs eux sont tournés de côté; tous les pieds ont cinq doigts, les postérieurs palmés, avec le pouce sans ongle; leur marche est plantigrade ; la femelle a une poche abdominale qui manque aux mâles. Le Yapock (Chironectes yapock, Desx. Di- delphis palmata, Geore. Lulra minima, Zinn. Lutra memina, Bonn. La Petite Loutre de La Guyane, Burre.) a tout au plus un pied (0,525) de longueur, du bout du museau à la naissance de la 288 queue ; celle-ci a six ou sept pouces (0,162 à 0,189) de longueur ; elle est prenante, nue, ridée, plate en dessous ; le pouce postérieur est libre; le pelage est brun en dessus, avec trois bandes transverses grises, claires, interrompues dans leur milieu ; le dessous du corps est blanc. Tout ce qu'on sait de cet animal, qui habite la rivière de Yapock, à la Guyane, c’est qu’il a des mœurs aquatiques analogues à celles de notre rat d’eau, qu'il nage et plonge fort bien, et qu’il se nourrit de poissons et d’insectes. à Le CnironecTE DE Lancsporrr (Chironectes Langsdorfjii) n’a pas plus de deux pouces de longueur (0,054 ; son pelage est très-doux, d’un gris uniforme, marqué de deux bandes en tra- vers des lombes ; sa queue est velue, non pre- het None LIBERTE _ ==: EN Em RE ER T + LES MARSUPIAUNX. nante ; enfin le pouce des pieds de derrière est pris dans une membrane des doigts. Il a été trouvé par Langsdorff au bord des ruisseaux, dans les forêts, près de Rio-Janeiro. 5° Genre. Les DASYURES (Dasyurus, Gæorr.) ont quarante-deux dents, savoir : huit incisives supérieures et six inférieures, en ran- gées régulières; quatre canines et douze mo- laires à chaque mâchoire. Leur tête est très- pointue, conique, leur gueule très-fendue ; leurs oreilles médiocres et velues; ils ont cinq doigts à tous les pieds, mais le pouce des pieds de der- rière est rudimentaire; leur queue, non pre- nante, est couverte de poils ; enfin, ils n’ont point de poche abdominale. Ces animaux ne se trou- vent que dans la Nouvelle-Hollande. MARSUPIAUX CARNASSIERS. 289 Le Dasyure à longue queue. Le DASYURE A LONGUE QUEUE ( Dasyurus macrourus, Grorr. Viverra maculatu, Saaw. Le Spotted-Martin des Anglais. Le Dasyure tachelé de PÉrox) Est long d'un pied et demi (0,487), et sa queue est presque aussi longue que son corps; son pelage est d'un beau marron, tacheté de blanc, ainsi que la queue. Cet animal se trouve dans la Nouvelle-Hollande, aux environs du Port-Jack- son. Il a un peu de la physionomie des genettes et des fossanes, et beaucoup des habitudes des martes. La structure de ses pieds ne lui permet pas de grimper aux arbres comme les didelphes, mais la nuit, il sort des trous de rochers où il se tient cache et où il dort pendant le jour, et il se met en quête des oiseaux, des petits mammifères et des insectes dont il se nourrit, Comme les petits animaux dont il pourrait faire sa proie sont trés-rares en Australasie, et se bornent à quelques ornithorhynques, échidnés ou kangourous, il lui arrive fréquemment de faire une mauvaise chasse. Alors il descend sur le rivage de la mer, attaque avec voracite les cadavres de poissons et de phoques à demi putréfiés que les flots de la mer ont rejetés de leur sein. Quelquefois aussi il se glisse en silence dans les basses-cours des colons, et massacre toute la volaille, absolument comme fait la fouine. Tous les dasyures sont très-voraces ct ont les mêmes habitudes que celui-ci. Le Dasyore Maucé(Dasurus Maugei, Geor.) chetures blanches, uniformes, également répar- est plus petit que le précédent, et n’a que qua- lies; la queue est un peu plus rousse que le dos. torze pouces de longueur (0,579). Son pelage On le trouve dans le même pays, et il se fait est olivätre en dessus, cendré en dessous, à mou- remarquer par son exfréme propreté, 97 290 LES MARSUPIAUX. On doit à Gaimard les observations suivantes sur cet animal : « Nous en avons conservé un vivant, dit-il, à bord de l'Uranie, pendant l'espace de cinq mois. Cet élégant petit animal ne cherchait point à mordre, quelques tracasseries qu'on lui fit. Fuyant la lumière un peu trop vive, il se plaisait beaucoup dans la niche étroite qu'on lui avait préparée. Il n'était pas méchant, mais on ne remarquait point qu'il fût susceptible d'attachement pour la personne qui le nourrissait et le caressait. L'instant de ses repas était une scène toujours curieuse pour nous; ne vivant que de viande crue ou cuite, il en saisissait les lambeaux avec vora- cité, et lorsqu'il en tenait un dans sa gueule, il le faisait quelquefois sauter en l'air et l'attrapait adroitement, apparemment pour lui donner une direction plus convenable, IT s'aidait aussi avec ses pattes de devant, et quand il avait achevé son repas, il s’asseyait sur le train de derrière et frottait longuement, et avec prestesse, ses deux pattes l’une contre l'autre (absolument comme lors- que nous nous frottons les mains), les passant sans cesse sur l'extrémité de son museau toujours très-lisse, très - humecté et couleur de laque, quelquefois sur les oreilles et le sommet de la tête, comme pour enlever les parcelles d'aliments qui auraient pu s'y attacher. Ces soins, d’une excessive propreté, ne man- quaient jamais d’avoir lieu après qu'il avait fini de manger. » LE Tapoi-TarA (Dasyurus viverrinns, GEOFr. Le Dasyure viverrin desnaturalistes. Le Spotted- opossum de Paivipr.) a un pied (0,525) de lon- gueur ; son pelage est noir, parsemé de taches blanches: le ventre est gris: les oreilles sont plus courtes et plus ovales que chez les précé- dents ; la queue est plus étranglée à la base et plus touffue à la pointe. Je réunis à cette espèce, comme simple variété d'âge, le dasyure taffa € Dasyurus taffa, Grorr. Virverrint opossum, de Suaw.) qui n'en diffère que par sa taille un peu plus petite, et son pelage uniformément brun. Tous deux habitent les environs du Port- Jackson. 4° Genre. Les URSINS (Ursinus ) ont les mêmes caractères génériques que les dasyures, mais on leur trouve dix incisives en bas, au lieu de six, ce qui porte le nombre total de leurs dents à quarante-six ; en outre, leur queue est un peu prenante, el nue en dessus. L'Ursin ne Harnis ( Ursinus Harrisii.— Da- syurus ursinus, Georr.) est de la taille d’un petit blaireau. Soa pelage est long, grossier, noir, irrégulièrement marqué d'une ou deux taches blanches éparses sur la gorge, les épau- les et la croupe. Son corps est long de dix-huit pouces (0,488) et sa queue de huit (0,217). Cet anima! vit sur les bords de la mer, à la terre de Van-Diemen, et parait se nourrir plus de pêche que de chasse Ses mœurs sont absolument les mêmes que celles des dasyures. 5° Genre. Les PHASCOG ALES (Phascogale, Teuvw.) ont les mêmes caractères que les da- syures, mais on leur trouve quarante-six dents, savoir : huit incisives en haut et six en bas; quatre canines, et quatorze molaires à chaque mächoire, c’est-à-dire qu'ils ont une fausse mo- laire de plus ; leurs incisives ne sont point égales, les deux moyennes étant beaucoup plus longues que les latérales. Le PuascoGaLe A PINCEAU ( Phascogale peni- cillata, Temm. Didelphis penicillatus, Suaw. Dasyurus peuicillalus, Grorr. — DeEsu.) est long de huit pouces (0,217), non compris la queue, qui est très-touffue à sa pointe ; son pe- lage est court, laineux, très-touffu, d’un cendré uniforme, blanchâtre inférieurement. Cette es- pèce habite la Nouvelle-Hollande, où, selon M. Lesson, elle vivrait sur les arbres. Ses habi- tudes sont les mêmes que celles des dasyures. Le PuascOGALE Na ( Phascogale minima , Teum. Dasyurus minimus, Gxorr.) a tout au plus quatre pouces de longueur (0,108), et sa queue, couverte de poils ras, atteint le tiers de cette dimension Son museau est conique ; son pouce de derrière est plus long que dans les dasyures; son pelage est fort épais, cotonneux, doux, d'un roux uniforme. Il habite le nord de la terre de Van-Diemen. 6° Genre. Les THYLACINS (T'hylacinus, Teum.) ont quarante-six dents, savoir : huit in- cisives supérieures et six inférieures : elles sont rangées en demi-cercle, égales, et séparées, dans le milieu et aux deux mâchoires, par un espace vide : l’incisive extérieure, de chaque côté, est la plus forte; quatre canines grandes, fortes, larges, courbées et pointues ; quatorze molaires à chaque mâchoire, dont les dernières hérissées de {rois tubercules obtus. Ils ont cinq doigts aux pieds de devant, et cinq à ceux de derrière. Le Tuxzacin De Hanmis(Thylacinus Harrisii, Temu. Dasyurus cynccephalus, Georr. — DEsn.) est long de trois pieds dix pouces (1,246), et sa queue, comprimée sur les côtés, a deux pieds (0,650) de longueur. Il résulte, de ses autres pro- portions, qu'il atteint à peu près la taille d'un jeune loup; aussi est-ce le plus grand des car- nassiers du Continent austral. Son pelage est doux, court, tirant sur le brun jaunätre obscur, plus pâle en dessous et d’un gris foncé sur le dos ; il porte sur la croupe seize bandes trans- versales d’un noir brillant. Cet animal stupide habile des cavernes et des fentes de rocher très- profondes. 11 chasse la nuit, et se nourrit d’oi- seaux, de petits mammifères, et probablement de cadavres de poissons et autres animaux ma- rins. Dans la colère, il pousse avec peine un cri court et guttural. 11 se trouve sur les bords de la mer de la terre de Van-Diemen. 71° Gevre. Les PÉRAMÈLES { Perameles, Georr.) ont quarante-huit dents, savoir : dix incisives supérieures et six inférieures; quatre canines et quatorze molaires à chaque mâchoire. Leur tête est pointue, allongée; leurs oreilles velues et médiocres ; les pouces des pieds pos- ‘érieurs rudimentaires ; les deux premiers doigts petits et réunis par la peau jusqu’à la racine des ongles ; leur train de derrière est plus fort que celui de devant, et les femelles ont une poche abdominale. Le BANDiCOUT NEZ-POINTU ( Perameles nasula, Georr.} a de Jongueur un pied quatre pouces (0,435) ; la queue a environ six pouces (0,162). Sa tête est très-longue, son museau effilé; son nez prolongé au delà de la mâchoire; ses oreilles sont courtes et oblongues ; ses yeux très-petits ; son pelage est d’un gris brun en dessus, blanc en dessous. Il habite la Nouvelle-Hollande. Les péramèles habitent, dit-on, des terriers dans les dunes. Ils courent en sautillant sur leurs pieds de derrière, qui sont fort longs, à la manière des kangourous. MARSUPIAUX CARNASSIERS. 294 Le Banoicour DE BOUGAINVILLE | Perameles Bougainvilhi, Quox et Gam.) a été regardé par Temminck, comme un jeune de l'espèce précé- dente ; mais ils'en distingue spécifiquement par ses oreilles proportionnellement beaucoup plus longues, par ses formes plus élancées, par sa taille beaucoup plus petite, et par le peu de lon- gueur de ses canines qui ne dépassent pas les molaires. Son corps est roux en dessus et cendré en dessous ; la tête est allongée et aiguë; les oreilles oblongues, longues d'un pouce ; sa lon- gueur totale est de huit pouces et demi (0,251). 11 habite le littoral de la Nouvelle-Hollande. Le GranD Banpicour ( Perameles Lawsonii, Quoy et Gain.) se distingue des précédents par sa grandeur ; il n’a pas moins de deux pieds (0,650) de longueur. Son pelage est d’un roux brua en dessus, et presque fauve en dessous. Il habite les montagnes Bleues de la Nouvelle- Galle. 8e Genre. Les ISOODONS ( /soodon, GEOFr.) ont à peu près les mêmes caractères que les pé- ramèles, mais ils ont huit incisives à la mächoire inférieure ; ils ont aussi la tête plus courte et le chanfrein arqué. L'ISOoDON OBEsuLE (/soodon obesula, Fr. Cuv. Perameles obesula, Grorr. Didelphis obe- sula, Suaw. | est de la taille d’un rat ; ses oreilles sont assez larges, arrondies ; son pelage est d'un jaune roussätre en dessus, blanc en dessous. 11 habite la Nouvelle-Hollande, et ses mœurs sont tout à fait inconnues. L'Isoobon ou Musrum (/soodon Musci) ne m'est connu que par un individu incomplet qui existe au Cabinet d'histoire naturelle. Ainsi que l'a fait M. Geoffroy, ce n’est qu'avec doute que je le place ici. Sa taille est double de celle du précédent, et approche de celle d’un putois ; son pelage est d’un brun plus foncé. Il est probable qu'il a été apporté de la Nouvelle-Hollande. Quand on connaïitra mieux cet animal, il faudra probablement lui créer un nouveau genre. 292 LES MARSUPIAUX. Le Koala LES MARSUPIAUX FRUGIVORES. Ils ont six incisives à la mächoire supérieure, el souvent à toutes deux ; la mâchoire inférieure manque de canines. {le Genre. Les KOALAS ( Phascolarclos, BLaïnv.) ont trente dents, savoir : six incisives supérieures dont les deux intermédiaires beau- coup plus longues, et deux inferieures ; quatre canines en baut, peut-être deux seulement, mais point en bas; huit molaires à la mächoire su- périeure et dix à l’inférieure. Ils ont aux pieds de devant cinq doigts séparés en deux faisceaux opposables, le faisccau intérieur de deux; les pieds postérieurs sont munis de cinq doigts, dont le pouce très-gros, opposable, sans ongle, les deux suivants plus petits et réunis jusqu’à l’ongle. La queue est extrémement courte. Le KOALA ou COLAK (Phascolarctos fuscus, Desm. Phascolarctos Flindersü, Less. Lipurus cinereus, Goznr. Le Womrat, Fiinpers) Habite le voisinage de la rivière de Wapaum, dans la Nouvelle-Hollande. 1] a la taille d'un chien médiocre, le corps trapu, la tête courte, les oreilles me- diocres, les jambes robustes, à peu près de même longueur, ce qui lui donne le port et la démarche d'un petit ours. Son poil est long, touffu, grossier, brun de chocolat clair ; le dessous du corps est blanc. Cet animal, assez peu connu, passe une partie de sa vie sur les arbres, sans doute pour chasser aux insectes, car il me paraît douteux qu'il se nourrisse seu- lement de fruits dans une contrée où, comme nous l’avons dit, ils sont extrème- ment rares; il est possible cependant qu'il vive de feuilles, ainsi que les poto- rous, kangourous, ete. Le reste du temps il le passe à dormir dans un terrier qu'il se creuse dans les forêts. La femelle ne fait qu'un petit, qu’elle aime avec beaucoup de tendresse. Après l'avoir élevé jusqu'à une certaine grosseur dans ENTRÉE DE LA VALLEE SUISSE, { Jardin des Plantes.) MARSUPIAUX FRUGIVORES. 293 sa poche abdominale, elle continue encore longtemps à le porter sur son dos et à en prendre le plus grand soin. Je ne sais si l'on doit regarder comme identi- que avec cette espèce le koala de G. Cuvier. Si ce grand naturaliste ne s'est pas trompé, son koala différerait de celui-ci par le manque de pouce aux pieds de derrière, par sa couleur, non pas brune, mais cendrée, et enfin par ses oreilles plus pointues. 9e Gexre. Les PHALANGERS (Phalangisla, Georr.) ont trente-huit dents, savoir : six in- cisives supérieures et deux inférieures; point de canines ; seize molaires supérieures et quatorze inférieures. Leur tèle est assez courte; leurs oreilles sont longues et droites ; leur queue, pre- nante, est couverte de poils. Le Voua-rapoua-rou ( Phalangista vulpina, Ten. Didelphis vulpina et lemurina, Saw. Le Bruno, de Vic. d’Az. Le Vulpuin opossum, de Wire. Le Phalanger renard de G. Cuvier et des naturalistes) a vingt-six pouces (0,704) de longueur, depuis le bout du museau jusqu’à la uaissance de la queue; celle-ci est longue de quinze pouces (0,406). Sa forme générale est à peu près celle d’un raton ; ses oreilles sont droi- tes, pointues, triangulaires, nues seulement en dedans ; son pelage est d'un fauve roussätre, ou brunätre, ou d’un fauve argenté, suivant l'inci- dence de la lumière ; une sorte de collier d’un fauve vif lui entoure le cou ; la dernière moitié de la queue, ainsi que le tour des yeux et les lèvres sont noirs ; le dessous est d'un roux jau- nâtre. Cet animal habite les environs du Port-Jack- son, autour des colonies anglaises, et cependant on ne sait presque rien de ses mœurs. Quoique classé parmi les frugivores, il est certain qu'il ne peut se nourrir de fruits, car la Nouvelle- Hollande n'en produit point de mangeables, méme pour les oiseaux, si Ce n’est une petite baie assez rare (celle du Leplomeria Billardieri;. Il est donc obligé, ainsi que le dit le chirurgien Rollin, de se nourrir de gibier, et particulière- ment d'oiseaux, qu’il poursuit ou surprend sur les arbres, où Cook a cru qu'il montait pour chercher des fruits. Il parait qu’en captivité il mange à peu près de tout, qu’il s'assied sur son derriere et porte les aliments à sa bouche avec les deux pattes de devant. 11 habite un terrier qu'il se creuse dans le sable. Le PuacanGer DE Cook ( Phalangista Cookii, Cuy. — Desu. L'Opossum de la terre de Van- Diemen, Cook.\ est de la faille d’une fouine ; son pelage est doux, court et brun, ou d'un gris roussitre en dessus, blanc en dessous ; la queue, de la couleur du dos, est terminée en blane. La longueur de l'animal est de quinze à seize pou- ces (0,406 à 0,433), non compris la queue qui en a douze ou treize (0,525 ou 0,552). Il habite la terre de Van-Diemen. Le PuaLanGen Nain (Phalangistanana, GEOrr. — Desx.) est de la grandeur d'une souris; il a, du bout du museau à l’origine de la queue, deux pouces et demi (0,068), et sa queue est de la même longueur. Son pelage est gris en dessus, blanc en dessous ; la queue est grise. Tout ce que l’on sait de son histoire est qu’il se trouve dans l’ilot Maria, de la terre de Van-Diemen, et que les naturels du pays le mangent. 10° Genre. Les COUSCOUS ou COUSSOUS ( Cuscus, Lacép.) ont quarante dents, savoir : six incisives à chaque mächoire; point de cani- nes ; douze molaires supérieures, et seize infé- rieures. Leur queueest prenante, mais en grande partie nue et couverte de rugosités ; leurs oreil- les sonttrès-courtes, quelquefois peu apparentes. Du reste, ils ressemblent aux phalangers. Les uns ont les oreilles peu apparentes, et ve- lues en dedans et en dehors ; tels sont : Le Scuam-Scuam (Cuscus amboinensis, LacÉPr. Phalangista maculata, Georr. — Desm. Didel- phis orientalis, Lin. Cuscus maculatus, LESSON. Le Phalanger mûle, Burr. Le Couscous tacheté des naturalistes. Le Coès-Coës des habitants des Moluques). Cet animal est d’une forme allongée, et de la taille d'un gros chat; sa tête est arron- die, à chanfrein légèrement concave, à museau court et conique ; ses paupières sont renflées et rougeätres ; la queue est nue dans plus de la moitié de sa longueur, chargée de verrues d’un rouge assez vif. Son pelage, très-épais et laineux, varie en raison du sexe et de l’âge ; il est gévé- ralement blanchätre, couvert de plaques brunes isolées, distinctes on confondues. Il habite quel- ques iles de l'Inde. Le scham-scham est un animal nocturne, lent, paresseux et stupide, ainsi que ses congénères, auxquels s'applique également tout ce que nous allons en dire. Ses grands yeux trés-saillants, à fleur de tête, à pupille longitudinale, sont l'expression de son imbécillité. Ses mouvements annoncent plus de paresse que de difficulté d'agir, et la colère même ne peut qu'à peine l'animer. Dans ce 291 =u LES MARSUPIAUX. cas, cependant, il grogne en soufflant à la manière des chats, et 1l cherche à mordre, mais non à combattre. En captivité il montre un caractère triste, mais fort doux ; il se cache dans le coin le plus obscur de l'appartement pendant le jour, parce que l'éclat de la lumière lui blesse les yeux. La nuit il en sort pour manger le pain, et même Ja viande dont on le nourrit. I boit en lapant ; il se frotte sans cesse la face et les mains pour se nettoyer, et 1l aime à enrouler sa queue, et à se tenir assis sur son derrière. Lorsque l’on voyage dans les im- menses forêts de la Nouvelle-Guinée ou des Moluques, l’odorat est quelquefois frappé d’une odeur forte, excessivement désagréable, annonçant d'assez loin la présence d’un de ces animaux caché dans le feuillage ; elle résulte d’un appareil glanduleux que les couscous ont autour de l'anus. Malgré cette détestable odeur, les naturels du pays mangent leur chair avec le plus grand plaisir, et leur font une chasse incessante. « Les Nègres du port Praslin, à la Nouvelle-Irlande, disent les naturalistes voyageurs de la Coquille, aiment singuliérement la chair grasse (les couscous ; ils la font rôtir sur des charbons avec les poils, et ne re- jettent que les intestins. Avec les dents ils forment des ceintures et autres orne- ments, et leur abondance est telle, que nous avons vu beaucoup d'habitants avoir des cordons de plusieurs brasses de longueur qui attestent la destruction que l’on fait de ces mammifères. » Il semblerait singulier, au premier coup d'œil, que des Nègres sans armes pussent si aisément s'emparer de ces animaux grimpeurs ; mais, si l’on s’en rapporte à ce qu'ont dit et cru G. Cuvier et Buffon, la chose devient facile à expliquer. Selon ces auteurs, les couscous, qui vivent presque continuellement sur les arbres pour y chercher les insectes et les fruits dont ils se nourrissent, sont tellement surpris quand ils viennent à apercevoir un homme, qu'ils se suspendent par la queue à une branche, et, au lieu de fuir, restent là, immobiles, à le regarder. Dans ce cas il ne s’agit plus, pour le chas- seur, que de s'arrêter et de les regarder aussi : soit lassitude, soit par une sorte de fascination résultant de la peur, ils finissent par lâcher la queue; ils tombent et deviennent la proie du chasseur. Malgré les deux grandes autorités que Je viens de citer, je crois que ce fait a besoin d’être confirmé. Le scham-scham vit dans les forêts équatoriales des grandes iles Moluques et Papoues. Le Couscous unsiN ( Cuscus ursinus, Less. Phalangista ursina, Feu.) est de la taille d’un chat sauvage; il a de longueur totale trois brun, avec une ligne dorsale plus foncée; le dessus de Ja tête est jaunätre, le dessous d'un blanc sale ; les extrémités des membres sont d’un pieds six pouces (1,110), compris la queue, qui a vingt pouces (0,542). Son pelage est frisé, crépu, rude, d'un noir parfait daus l’âge adulte, plus clair dans le jeune âge ; les poils soyeux sont entièrement noirs ; le dessous du corps est rous- sâtre; les parties nues de la queue et du mu- seau sont noirâtres. Il habite la partie septen- trionale des Célèbes, où les habitants estiment beaucoup sa chair. Le Do ou RamBavE (Cuscus Quoyii, Less. Pha- langista papuensis, Desm. Phalangista Quoy. Gaim.) ne serait, selon M. Temminck, que le jeune âge du scham-scham, et je suis porté à partager cette opinion. Il a le pelage d’un gris brun noir assez foncé. 11 habite le même pays que le scbam-scham. Le Couscous A CROUPION DORE ( Phalangista chrysorrhos, TEeum.) est de la taille d’un chat sauvage, et alteint à peu près trois pieds (0,975), compris la queue, qui a treize pouces (0,352) ; ses oreilles sont très-courtes, couvertes d’une touffe de poils blanchäâtres ; son pelage est co- fonneux, serré, un peu frisé, garni de poils soyeux, d’un cendré gris clair sur la tête, d’un gris de cendre un peu brunâtre sur les flancs, d’un jaune doré vif sur le croupion et la partie supérieure de la queue; la poitrine, la moitié du ventre, et le dedans des membres, sont MARSUPIAUX FRUGIVORES. blancs ; il a une bande noire sur les flancs, les pattes d’un roux doré, et la partie nue de la queue, jaune. Il habite les Moluques. Le Couscous À GROSSE QUEUE (Cuscus macrou- rus, LESS. et Garx.) a douze pouces huit lignes (0,52 de longueur, non compris la queue, qui est {rès-grosse à sa base et qui est longue de dix-sept pouces (0,%60), il a le pelage gris, d'où sortent des poils noirs plus longs, et parsemé de taches éparses, brunes ; la tête est fauve; la gorge ct les oreilles sont blanches ; la queue est robuste, cendrée ; le ventre est blanchätre, les extrémités brunâtres. 11 habite l'ile de Waigiou, aux Moluques. L'espèce qui suit a les oreilles distincles, nues à l'intérieur. Le KaPOuNE ( Cuscus albus, Less. Didelphis orientalis, Lin. Phalangista rufa, Desm. Pha- langista cavifrons. Teux. Phalangista alba et rufa, Georr. Le Phalanger femelle, Burr.i est long de vingt pouces six lignes (0,536), et sa queue en a treize (0,552 ; son pelage, épais et cotonneux, est blanchâtre dans le mäle, d’un roux assez vif dans la femelle, avec une ligne très-foncée sur le dos, et une plaque jaunâtre sur les côtés du cou; la partie nue de sa queue est d'un rouge carmin. Cet animal est très-com- mun au port Praslin, dans la Nouvelle-Trlande; les naturels estiment beaucoup sa chair. 12° Gexre. Les POTOROUS ( Hypsiprym- nus, ILLIG.) ont trente dents, savoir : six inci- sives supérieures et deux inférieures ; deux ca- nines en baut et point en bas; dix molaires à chaque mâchoire. Les jambes de derrière sont beaucoup plus longues que celles de devant ; elles manquent de pouce et ont lesdeux premiers doigts réunis jusqu’à l’ongle; le troisième doigt est armé d’un ongle très-fort; les pieds anté- rieurs ont cinq doigts munis d'ongles obtus pro- pres à fouir la terre ; leur queue, médiocrement longue, est écailleuse et couverte de quelques poils ; leurs oreilles sont grandes, leur tête al- longée et leur lèvre supérieure fendue. Le Pororou ( Hypsiprymnus whilir, Quos et Ga. Polorous minimus et Kangurus Gaimar- dii, DEsu. Macropus minor, Suaw. Le Potoroo, VVuire. Le Kanguroo-Rat, G. Cuv.) a un pied EAP | î 295 six lignes (0,539) de longueur, non compris la queue, qui a un pied (0,525); il est de la gros- seur d'un petit lapin. Sa tête est triangulaire, large et un peu aplalie par derrière, pointue en avant; ses oreilles sont larges ; ses tarses très- longs ; sa queue est grele, flexible, terminée par un pinceau brun; son pelage est d’un gris rou- geâtre en dessus, blanchätre en dessous. Cet animal, d'un caractère fort doux, quoi- que moins timide que celui des kangourous, ne vit que de feuilles et d'herbe, qu'il pait avec ses longues incisives coupantes, et de fruits, quand il en rencontre. 11 paraïtrait même, selon Quoy et Gaimard, qu’il s’accommode fort bien de substances alimentaires propres à l’homme, quand il en trouve l’occasion. Un de ces ani- maux, disent ces voyageurs, vint enlever fami- lièrement des restes d'aliments au milieu d’une cabane bätie pour les abriter, pendant une ex- cursion dans les montagnes Bleues, et il s'enfuit par un trou, à la manière des rats. IT habite les broussailles, et fuit avec beaucoup de rapidité, en faisant des bonds prodigieux avec ses jambes de derrière, quand on le poursuit. Il est d'une telle agilité, que M. Lesson dit en avoir vu au milieu des rocailles de la Werra-Gambia, cou- rir sur les petits buissons qui couvrent cette partie de la Nouvelle-Hollande. C’est à peu près tout ce qu'on sait de son histoire. Le Pororou DE LeEsoeur ( Hypsiprymnus Lesueur, Quox et Gaiw.) n’est connu que par le squelette d’une tête trouvée dans l'ile Dirck- Hatichs. II serait à peu près de la grandeur du précédent, mais ses oreilles seraient beaucoup plus larges, ses joues plus saillantes, son museau moins Jong, et sa tête généralement plus arron- die. Le Pororou be PÉRON (Hypsiprymnus Peron, Quoy et Ga.) n’est également connu que par un squelette apporté de la Nouvelle-Hollande. Il serait de la même grandeur que les précé- dents, mais ses oreilles seraient beaucoup plus étroites, ses yeux plus saillants à cause de l’abais- sement de ses joues ; son nez plus saillant, sa tête en général plus mince, plus pointue, en cône plus allongé ; ses incisives supérieures mitoyen- nes, et ses canines sont plus longues. 296 LES MARSUPIAUX. Le Kangourou enfumé, MARSUPIAUX FOLIIVORES. (Ils manquent de canines aux denx mâchoires.) fie Genre. Les KANGOUROUS (Kangrrus, Grorr.Macropus, Suaw.)ont vingt-quatre dents, savoir : six incisives supérieures et deux infé- ricures; pas de canines; huit molaires en haut et huit en bas. Leurs jambes de derrière sont encore plus longues et plus robustes que celles des potorous, et le gros ongle du pied est pres- que en forme de sabot ; leurs oreilles sont très- grandes; leur tête est allongée, avec la lèvre supérieure fendue, et des moustaches très-cour- tes et très-peu fournies; leur queue est longue, triangulaire, très-musculeuse et très-grosse à son origine; les femelles ont une poche abdo- minale cachant deux mamelles. Le KANGOUROU ENFUMÉ ( Kangurus fuliginosus, Grorr. Macropus fuligino- sus, Less.) Atteint, dit-on, jusqu'à six pieds (1,949) de hauteur, mais sa taille ordinaire est de quatre pieds et demi (1,461); il est d'un brun fuligineux en dessus, roux sur les flancs, et d'un gris clair en dessous; les quatre pattes, une portion de l'extrémité du museau, et le derrière du coude, sont d’un brun noirûtre ; les oreilles sont brunes en dehors ; la queue est rousse en dessous, d’un brun pas- sant au noir en se rapprochant de l'extrémité en dessus. C'est dans les pays boisés, dans les vastes forêts de la Nouvelle-Hollande, que vivent toutes les espèces de kangourous, mais ils s’acclimatent fort bien chez \ KE AN ji HA | ft | We | KE S = à) JNE CABANE DES KANGUROOS PRÈS DE LA GRANDE VOLIÈRE. {Jardin des Plantes.) MARSUPIAUX FOLIIVORES. 297 nous, et mème ils s’y multiplient, pour peu qu'on en prenne quelques soins. Ces singuliers animaux ont éte observés, pour la première fois, par Cook, en 1779. Leurs pattes anterieures, fort petites, et munies de cinq doigts armés d'ongles assez forts, ne paraissent guère leur être utiles pour la marche, mais ils s’en servent comme de mains pour porter leurs aliments à la bouche, à la manière des rongeurs. Leurs pattes de derrière sont allongées hors de toute proportion, munies de quatre doigts fort longs, dont le second externe, dépassant beaucoup les autres dans ses dimensions, à pour ongle un véritable sabot. Il résulte de cette conformation, que la station verticale est leur position habituelle, et qu'ils s'appuient non-seulement sur leurs longues jambes, mais encore sur leur grosse et puissante queue, qui leur sert comme de ressort quand ils sautent ; le bond est donc leur marche naturelle. Le sabot de leurs pieds de derrière est pour eux une arme défensive et offensive, car, en se tenant sur une jambe et sur la queue, ils peuvent, avec le pied qui leur reste libre, donner des coups assez vio- lents; dans les combats qu'ils se livrent entre eux ils se servent aussi des pieds de devant et se font de profondes blessures avec leurs ongles. On a vu quelque- fois les kangourous qui vivaient à la ménagerie attaquer leurs gardiens de cette manière, quand ils en étaient maltraités. Ils font des bonds prodigieux, et peu- vent, dit-on, franchir d’un seul saut un espace de trente pieds (9,745); mais cependant, lorsqu'ils sont chassés dans des bois fourrés, ils savent fort bien courir à quatre pattes. Quoy et Gaimard, qui ont assisté à plusieurs chasses aux kangourous, disent « que lorsqu'ils sont vivement poussés par les chiens, ils courent toujours sur leurs quatre pieds, et qu'ils n'exécutent de grands sauts que quand ils rencontrent des obstacles à franchir. » Les kangourous vivent en petite troupe, ou peut-être en famille, conduite par un vieux mâle qui marche en avant, observe la campagne, cherche à décou- vrir le danger, et donne le signal du repos, des joyeux ébats ou de la fuite, selon les circonstances. Les petits, en naissant, n'ont pas plus d'un pouce (0,027) de longueur ; la mère les place dans sa poche, où ils achèvent de se développer, et ils n'en sortent définitivement que lorsque leur grosseur ne leur permet plus d'y rentrer. Aussi ils s’y retirent encore lorsque déjà ils sont en état de pai- tre, ce qu'ils font en sortant le museau de la poche, pendant que la mère pait elle-même. Ces animaux vivent d'herbe, mais cependant ils ne dédaignent pas les autres aliments, et l'on en à vu manger avec plaisir non-seulement de la chair, mais du vieux cuir. Quoy et Gaimard en ont possedé un qui buvait même du vin et de l'eau-de-vie. Il est très-remarquable que tous les animaux de la Nou- velle-Hollande, habitant un pays fort pauvre en substances alimentaires, sont à peu prés omnivores, malgré les formes qu'affecte leur système dentaire. Toutes les espèces de ce genre sont extrèémement douces et timides, et les plus grandes ne pensent à se défendre contre les chiens mis à leur poursuite que lorsque la fuite leur est tout à fait interdite. Dans ce cas, l'animal tâche de s'elancer sur une pierre ou une roche de trois ou quatre pieds de hauteur, et là, assis sur sa queue et sur une de ses pattes, il tâche d'écarter ses ennemis à coups de pied, et sait trés-bien profiter de sa position. Mais cet éclair de cou- rage ne lui sert pas à grand’chose, et deux ou trois chiens viennent aisément à bout de le terrasser. En domesticité il s'apprivoise fort bien, et il devient même 298 LES MARSUPIAUX. familier. La chair des kangourous est assez bonne à manger, et a, dit-on, le goût de celle du cerf; aussi les habitants leur font-ils une guerre active. L’es- pêce dont nous parlons ii est le plus grand animal que l'on ait trouvé dans la Nouvelle-Hollande. Le KANGOUROU À MOUSTACUES ( Kangurus la- biatus, Georr. Macropus labiatus, Less. Di- delphus gigantea, Ge. Macropus major, Suaw, Le Kanguroo, Cook) est la première espèce connue ; quoiqu'un peu moins grand que le pré- cédent, sa taille égale celle d’un mouton. 11 est gris cendré en dessus et blanchätre en dessous ; le menton est traversé par une ligne d’un gris cendré ; le museau est blanc ; les pieds et le des- sus de la queue sont noirâtres. Cette espèce est {rès-douce , très-timide, et se familiarise aisé- ment, mais sa chair est coriace. Il est commun dans la Nouvelle-Galle du Sud. Le KANGOUROU À COU ROUX (Kangurus rufi- collis, Grorr.-Desn. Macropus ruficollis, Less.) est beaucoup plus petit que le précédent; son pelage est d’un gris roussätre en dessus et sur les flancs ; la nuque et le haut des épaules sont d’un roux mélé de gris ; la face interne des men- bres est blanche, ainsi qu'une ligne médiane étroite sous le corps; le dessus de la queue est d'un gris roussätre, et le dessous blanchätre. Ji habite l'ile de King, dans le détroit de Bass. Le KANGOUROU VINEUX ( Kangurus vinosus, Fn. Cuv.) a beaucoup d’analogie avec le préec- dent, dont il n’est peut-être qu’une variété ; mais son pelage est plus gris, et la tache blanche qui entoure la bouche est plus prononcée. II habite le même pays. Le Kancourou GRis-Roux (Kangurus rufo- griseus, Georr. — Des.) est un peu plus petit que le kangourou à moustaches, et n’a que {rois pieds et demi (1,137) de longueur ; son pelage est d'un gris roux tirant sur le blond, plus foncé sur le dos, plus päle en dessous et passant au blanc sur la ligne médiane; d’un gris brunätre sur les quatre jambes, et au bout de la queue. Les oreilles sont plus arrondies que dans les deux premières espèces. De la Nouvelle-Iollande. Le KanGourou DE Banus ( Kangurus bank- sianus, GAIM. Mocropus banksianus, Less.) est une espèce fort douteuse, qui serait d’un rouge foncé, avec des taches brunes sur la tête. Sa taille serait plus petite que celle du kangourou à moustaches, et il habiterait les montagnes Bleues de la Nouvelle-Hollande. Le KanGourOU LAINEUX ( Kangurus laniger, Quoy et Gain. Kangurus rufus, Des. Macro- pus laniger, Less.) est presque de la même taille que le Kangourou enfumé, et n’a pas moins de quatre pieds (1,299) de longueur; son pelage est tres-long, doux, soyeux, frisé et laineux, d'un rouge ferrugineux en dessus ; hlanchâtre sur la poitrine et le ventre; les oreilles sont ovales, grisätres en dehors; les doigts d'un brun roussätre. Ses membres postérieurs sont encore plus allongés que ceux des autres espèces. 11 habite les environs du port Macquarie. Le KanGourou DE L'ILE EuGëne ( Kangurus Eugenii, Desu. Macropus Engenii, Less.) a dix- neuf pouces de longueur (0,514) ; son pelage est épais, moelleux, d’un gris brun en dessus, mêlé d'un peu de roux sur les parties antérieures et sur les pattes de devant, et blanchäâtre en des- sous ; la queue, en dessous, est d’un blanc rous- sätre. Il vit en troupes nombreuses sur l’île Eu- gène, à la côte Sud de la Nouvelle-Hoïlande, et parait ne pas se {rouver sur ce continent. L'OuALABAT Où KANGOUROU DE BUISSON (Kun- gurus ualabatns, Less. et Garx. Macropus uala- batus, Less. Kangurus bicolor, velins du Mu- séum; Kangurus Brunii, Desx.)est brun en dessus, fauve pâle en dessous ; sa queue est très- longue, très-noire en dessus ainsi que la bouche ; les pattes et les joues sont grises, et les poils de la base des oreilles sont d’un jaune rougeûtre. Il est commun dans la Nouvelle-Galle du Sud. Le KanGourOu DE LABiILLARDIÈRE (Kangurus Pillardierii, Desu. Macropus Billardierii, Less.) est à peu près de la taille d'un lièvre ; ses oreilles sont courtes et ovales-arrondies ; sa lèvre supé- rieure est rousse; ses mains sont d’un brun roux, et ses ongles très-comprimés au lieu d’être dé- primés ; sa queue est de la longueur de son corps ; son pelage est d’un gris brun en dessus, roussälre en dessous. Il habite la terre de Die- men. Le Popinx ou PéLcawpoc D'AROËE (Kangurus velerum, Less. et Garn. Macropus veterum, Less. Le Filander, VaLenriN et LeBnuyn. Le Lapin d'Aroé) est de la taille du précédent. 11 est beaucoup plus ramas:é dans ses formes que les précédents ; sa queue est moins longue ; ses membres antérieurs plus forts; son pelage est entièrement brun. 11 habite exclusivement la Nouvelle-Guinée et les iles équatoriales. Le Kancourou FILANDRE Kangurus philander, Gsorr. Didelphis asiatica, PaLz.) a presque toujours été confondu avec l’oualabat, quoiqu'il ne soit pas de la Nouvelle-Hollande, ou avec le podin, quoiqu'il ne lui ressemble pas. Il a envi- ron deux pieds et demi (0,812) de longueur; il est brun en dessus, mais le dessous du corps et la partie interne des membres sont roux; le museau et les doigts sont noirâtres ; la queue est noire, avec un peu de blanc à l'extrémité ; les MARSUPIAUX oreilles sont brunätres, avee du roux à leur base. IL habite les iles de la Sonde. 15° Gexne. Les PÉTAURISTES { Petaurns, Saaw.) ont trente-huit dents, savoir : six inci- sives supérieures et deux inférieures ; pas de ca- niues; seize molaires en haut et quatorze en bas ; ils ont la peau des flancs plus ou moins étendue entre les jambes, et couverte de poils, de manière à leur servir, non pas d’ailes, mais de parachute ; leur tête est assez courte; leurs oreilles sont pe- lites, et leur queue est non prenante. Tous sont de la Nouvelle-Hollande. L'HEpouxa-Rou (Pctaurus taguanoïides, Desn. — Suaw. Petaurista taguanoïides, DEsm. Didel- phis petaurus, Suaw. Le Grand Phalanger vo- FOLIIVORES. 299 lant, G. Cuv.) est à peu près de la taille d'un ga- léopithèque ; il a communément dix-huit pou- ces de longueur (0,487), non compris la queue, qui en a près de vingt (0,540) ; sa téte est petite, son museau frès-aigu ; sa queue est arrondie, {rès-touffue, brune, un peu fauve à la base. Son pelage varie ; il peut être : 1° d’un brun choco- lat foncé en dessus, et d’un blane sale en des- sous ; 2° mélangé de fauve clair et de brun, avec une raie plus foncée sur le dos : les flancs d’un gris cendré avec deux taches oblongues fauves : le dessous blanchätre ; 5° entiérement d’un blanc jaunâtre sur le dos, et d’un blanc pur en des- sous. Les membranes qui sont entre ses mem- bres l'aident à sauter en le soutenant dans l'air. Cette espèce est commune dans les environs de Sydney et dans les montagnes Bleues, où elle habite les grandes forêts, et se plait particulièrement à pour- suivre les insectes, peut-être mème les petits oiseaux, sur les plus hautes bran- ches des eucalyptus ; probablement ils mangent aussi des feuilles. Grâce à l'ex- tension de la peau de leurs flancs, ils peuvent sauter à une distance prodigieuse d'un arbre à un autre, en étendant les quatre membres et glissant obliquement dans l'air au moyen de leur parachute. Tout ce qu'on sait de leur histoire, c'est que les habitants du pays leur font une guerre à outrance, non-seulement pour s'emparer de leur chair, qu'ils trouvent délicieuse, mais encore pour faire avec leur fourrure de fort jolis petits manteaux que leurs femmes portent sur leurs épaules. En effet, le pelage de ces animaux est très-épais, très-long, d’une douceuret d'une finesse extrême, qui sans aucun doute lui donnerait une grande valeur si jamais on le mettait dans le commerce de la pelleterie. Le PETAURISTE a GRANDE QUEUE ( Petaurus inacrourus, Desu. Pelaurista macroura, DESN. Didelphis macroura, Suaw. Le Phalanger vo- lant à longue queue, G. Guy.) est de la taille du surmulot. 11 est d’un brun foncé en dessus, blan- chätre en dessous; sa queue est grêle, une fois et demie longue comme son corps; les pattes de devant sont blanches à leur extrémité. 11 habite la Nouvelle-Hollande. Probablement on devra réunir à cette espèce, comme simple variété, Le PÉTAURISTE À VENTRE JAUNE ( Petaurus fia- riventer, Desu. Pctaurista flarirenter, G£orr.). 1] diffère du précédent par son pelage d’un brun marron en dessus, d'un fauve blanchätre en des- sous ; la queue est d’un brun marron, ronde, un peu plus longue que le corps. 11 habite le même pays. Le PEÉTAURISTE DE PÉRON (Pelaurus Pcronii, Des.) est de la taille de nos écureuils, et se dis- tiugue des autres par sa membrane des flancs, qui ne lui vient que jusqu'aux coudes ; son pelage est brun en dessus, blanc en dessous, et mélangé de brun et de gris sur le dessus des membranes ; ses pieds sont blancs, ainsi que l'extrémité de sa queue, Il est de la Nouvelle-Follande. Le PÉTAURISTE SCIURIEN ( Petaurus sciureus, Desu. Didelphis sciurea, SuawW.) a près de neuf pouces de longueur (0,244), sans y comprendre la queue, qui en a près de dix (0,271), c’est-à- dire qu'il est à peu près de la taille de notre écu- reuil commun. Son pelage est d’un gris cendré en dessus, blanc en dessous ; le bord des mem- branes est blanc; la tête a deux traits noirs par- fant des narines et s'étendant jusque sur les yeux; une autre ligne noire s'étend depuis le nez jus- qu'au bout de la queue ; celle-ci est cendrée, rous- sâtre à la base et brune au bout. 11 babite l’île de Norfolk et les montagnes Bleues. On sait qu'il s'établit dans des trous d'arbre, et qu'il fait huit petits à chaque portée. Le PÉTAURISTE PYGMÉE (Pelaurus pygmaeus, Disu. Didelphis jugmaæa, Suaw. Petaurista pygmeæa, Grorr. Le Phalanger volant nain, G. Cuv.) se distingue de tous ses congénères par sa queue d’un gris roussâtre, dont les poils sont parfaitement distiques et affectent la position des barbes d’une plume; son pelage est d'un gris de souris uniforme, légèrement lavé de rous- sitre en dessus, et d’un blanc pur en dessous. IL est de la grosseur d’une souris, et sa queue 300 est moins longue que son corps; la membrane de ses flancs se termine aux coudes. 11 habite la Nouvelle-[ollande. 15° Genres. Les HALMATURES | {Halnatu- rus, Fr. Cuv.) ont vingt-huit dents, savoir : six incisives supérieures et deux inférieures ; pas de canines ; dix molairesen haut et dix en bas, c'est- à-dire deux de plus à chaque mächoire que les kangourous. Du reste, ils leur ressemblent beau- coup et n’en diflèrent guère que par leurs oreil- les plus courtes et leur queue presque nue ou n'ayant que quelques poils rares. L'HALMATURE À BANDES (Halinaturus fasciatus. — Kangurus fascialus, Pénon et Lesueux. Hal- malurus elegans, Less. Le Kangourou élégant, des naturalistes) a la tête arrondie; son pelage est d'un gris de souris, rayé transversalement en dessus de gris, de roux et de noir, formant douze à quinze bandes d’un effet agréable ; le dessous est gris, ainsi que la queue dont l'extré- mité est noire. Cette espèce a les mêmes mœurs et les mêmes habitudes que les kangourous ; elle habite les buissons épais et s’y forme des gale- ries de verdure. Sa chair passe pour fort bonne. On la trouve dans les iles Bernier et autres voi- sines. L'Hacmarure Tuéris (Halmalturus thelis, Bus- sEUIL.— Less. Kangurus thetis, Fr. Cuv ) à deux pieds un pouce (0,677; de longueur, non com- pris la queue qui à vingt pouces (0,542). Son pelage est d’un roux cendré en dessus, d’un gris jaunâtre sur les flancs, rougeätre sur le cou et les épaules ; la queue est peu fournie de poils et recouverte de pelites écailles comme ceile des rats : elle est, ainsi que les pieds, d’un noir foncé. La gorge, la poitrine et le ventre sont blanchà- tres. Il habite les environs du Port-Jackson. 16° Genre. Les PHASCOLOMES | Phascolo- mys, GEOrr.) Ont vingt-quatre dents, savoir : deux incisives en haut et deux en bas, toutes quatre fort longues ; point de canines ; dix mo- laires supérieureset dix inférieures; la têtelarge, LES MARSUPIAUX. plate; les jambes courtes; le corps comme écrasé, sans queue ; ils ont cinq ongles aux pieds de de- vant, el quatre, avec un petit tubercule au lieu de pouce, à ceux de derrière ; la femelle a une poche abdominale. Le WousarT (Phascolomis wombat, PÉnon et LEsuEur. — Desm. Wombatus fossor, Georr. Didelphis ursina, Suaw. Phascolomis Basii, Less.) est de la taille d’un blaireau ; son pelage est épais, grossier, d’un brun gris plus ou moins foncé, avec des teintes plus foncées sur la poi- trine. La femelle tire un peu sur le fauve. 11 ha- bite l'ile de Ring, au sud de la Nouvelle-Hol- lande. Ce phascolome est un animal lourd, massif, raccourci, ce qui, avec des yeux {rès écartés, médiocrement ouverts, des oreilles courtes, une marche plantigrade et d’une excessive lenteur, lui donne une figure peu gracieuse. Son carac- tère est doux, mais excessivement timide ; si on l'attaque, loin de chercher à se défendre, il se ramasse en boule et se laisse assommer sans même chercher à fuir ; aussi Péron dit-il que les chasseurs de phoques vivent exclusivement de sa chair, qui est excellente, et qu'ils ont considé- rablement diminué le nombre de ces animaux. G. Cuvier pense que, ainsi que les kangourous, il s'acclimaterait fort aisément en France, qu'il multiplierait dans nos basses-cours, et qu’il y de- viendrait fort avautageux à cause de la qualité de sa chair. En effet, il n’est point d'animal plus facile à nourrir ; à l’état sauvage, il vit ex- clusivement d'herbe; en domesticité, il mancse tout ce qu'on lui présente : le pain, les fruits, les racines, les herbages, et même le lait. Le wombat est nocturne; le jour, il se retire dans un terrier qu’il sait se creuser avec ses on- gles robustes; et il n’en sort que la nuit pour chercher sa nourriture, et vaquer aux autres be- soins de l'animalité. La femelle met bas quatre petits, qu’elle élève dans sa poche abdominale, et dont, selon Péron, elle prend le plus grand soin. ÉDRE DU LIBAN (Jurdin des Plantes.) LES RONGEURS, HUITIÈME ORDRE DES MAMMIFÈRES. Le Tanuüa-Palmiste, Les animaux de cet ordre ont deux grandes incisives à chaque mâchoire, séparées des mo- laires par un espace vide ; ils manquent de ca- nines ; lcurs jambes de derrière sont plus lon- SECTION LES RONGEURS Renferment sept familles, qui sont: les écu- reuils, les marmolles, les ulacodes, les rats-tar- gues que celles de devant. Les uns sont omnito- res et ont des clavicules bien distinctes ; les au- tres sont herbivores et n’ont qu'un rudiment de clavicule. PREMIÈRE. OMNIVORES pes, les gerboises, les rals, et les nageurs. Is vivent de graines, d'herbes et même de chair. LES ÉCUREUILS Se font reconnaitre par leurs incisives infé- rieures très-comprimées ; ils ont cinq molaires en baut, ou plutôt quatre, avec une très-pelite en avant qui tombe de bonne heure, quatre en bas, de chaque côté des mächoires, en tout vingt- deux dents. Leur queue est longue, garnie de longs poils souvent distiques, c'est-à-dire diri- gés sur les côtés comme les barbes d'une plume ; ils ont quatre doigts devant et cinq derriere, munis d'ongles très-acérés; quelquefois le pouce de devant est indiqué par un tubercule Que]- ques-uns ont des abajoues ou poches buccales; chez d’autres, la peau des flancs s'étend de cha- que côté d'une patte à l’autre. 1° Genre. Les TAMIAS (T'amia, ILL1G.) ont la tête osseuse, présentant une ligne courbe uni- 302 LES RONGEURS. forme à sa partie supérieure vue de profil; et, vue en dessus, toutes ses parties antérieures très-effilées ; leur boite cérébrale, peu étendue, ne s'avance pas jusqu'à la moitié de Ja tête; ils ont des abajoues et la queue distique. Tous sont fort lestes, fort vifs et pleins de grâce. Le PALMISTE (Tamia palmarum, Lxss. Sciurus palmarum, Lin. — Des. Mustela africäna, Crus. Le Palmiste, Burr. Le Rat palmiste, Brisson) appar- tient peut-être au genre écureuil, car nous ne savons pas s’il a des abajoues ; mais, pour tous les autres caractères, il se rapproche davantage des tamias. Ce joli animal est un peu plus petit que notre écureuil ; son corps a cinq pouces (0,155) de longueur, et sa queue six pouces (0,162) ; il la porte droite et rele- vée verticalement, mais sans la renverser sur son corps comme l’écureuil : il ne l'a pas non plus aussi touffue, et elle est rougeâtre en dessus, et blanchâtre bor- dée de noir en dessous. Son pelage est brun ou d’un roux mêlé de gris, avec trois bandes longitudinales d’un blanc sale; le dessous de son corps est blanc ; ses oreilles n'ont pas de pinceau terminal. On en connait une variété albinos, figu- rée ICI. Le palmiste vit de fruits et se sert de ses deux pattes de devant pour les sai- sir et les porter à sa bouche; il passe une grande partie de sa vie sur les palmiers, d'où lui est venu son nom, etil fait un grand dégât de dattes, ainsi que d’autres fruits qu'il va chercher dans les vergers et dans les jardins, et qu'il emporte avec lui soit pour les manger plus à son aise, soit pour en faire une provision. Quand il ne les emporte pas, il en gâte néanmoins un grand nombre, car, avant d'en manger un, il faut qu'il en entame au moins une douzaine pour les goûter. Vif, léger, éveillé, d'une agilité surprenante, il aime à bondir de branche en bran- che et d'arbre en arbre , le plus souvent pour le seul plaisir de se donner du mouvement. Les auteurs que j'ai consultés ne disent pas s’il niche sur les arbres, comme les écureuils, ou dans des terriers ; mais, comme par ses formes il se rap- proche moins de ces derniers que des rats, il est à croire qu'il se retire dans des trous de rochers ou dans des troncs d'arbres. Du reste, il est fort doux et très-familier ; il s'apprivoise aisément et s'attache à la demeure qu'on lui a faite au point de n’en sortir que pour se promener et d'y revenir ensuite de lui-même, sans y être ni appelé ni contraint. Il a un grand plaisir à grimper sur tous les objets élevés, comme les toits des maisons, les murailles; aussi habite-t-il sou- vent dans les villages, et, dans ce cas, la femelle dépose ses petits dans les trous de murs. Il est tellement familier, qu'il entre parfois dans les maisons pour ra- masser les miettes de pain qui tombent de la table. Quant à ses autres habitudes, elles sont les mêmes que celles des écureuils. Il est certain que cette espèce ha- bite l'Inde, et peut-être se trouve-t-elle aussi au Sénégal et au cap Vert. Le Buruwourk ou Suisse ( T'amia striala, Less. Seins striatus. Lin. — Des. Le Ruge- riik des Tartares. L'Ulbuki des Tungouses. Le Schepek des Ostiaks. Le Dsjulala des Baskirs. Le Dschyræli des Mongols. Le Æartha des Mc- gols. Le Suisse, Burr.—G. Cuv.\. Il a environ cinq pouces (0,135) de longueur, non compris la queue, qui n’en a que trois (0,081). Son pe- lage est d'un brun fauve, avec cinq raies longi- tudinales brunes et deux blanches; le dessous est blanc ; la région lombaire est rousse, ainsi que la queue, qui est bordée de noir en dessous, et noirâtre en dessus. I] habite les psrties sep- tentrionales de l'Europe et de l’Asie. Le burunduk est moins doux, moins familier que le précédent, el il mord sans ÉCUREUILS. 303 ménagement, à moins qu'il ne soit parfaitement apprivoise. Beaucoup moins agile que les écureuils, quoique très-vif, il se détermine rarement à monter sur les arbres, à moins que ce ne soit pour éviter la poursuite de son ennemi, et pour y cueillir quelques fruits qu'il aime avec prédilection. Il se contente le plus ordinairement de ramasser les amandes de pin, les noisettes, ete., qui tombent sur la terre, pour en faire sa provision d'hiver. Il se creuse, entre les racines des arbres, un terrier à double sortie, et, au milieu, il construit une sorte de cave assez grande qui lui sert de magasin, et qui est placée à côté d’une petite chambre très-propre, bien matelassée de foin doux et sec, où il couche. Il va ensuite à la provision, el entasse dans sa cave autant de fruit see qu'il en peut trouver. Si la saison est favorable, son magasin est bientôt plein; alors il en creuse un autre à côté qu'il remplit, puis un troisième, un quatrième, elc., el il est remarquable que sa prévoyance dépasse de beaucoup ses besoins. Pour transporter toutes ces graines, il n'a pas d'autres moyens que ses abajoues, dans lesquelles 11 les place à mesure qu'il les ramasse. Je crois qu'il faut regarder comme une espèce distincte de celle-ci L'Oniomx (T'amia caroliniensis. — Sciurus caroliniensis, Buiss. Sciurus Listeri, Ray. L’E- cureuil de terre, CATessy. Ohiohin des Hurons\, qui est moitié plus petit que l'écureuil ordinaire, et un peu plus petit que le précédent. Il est roux. au lieu d’étre brun ; ses raies blanches sont plus jaunätres ; les autres sont noires; l'intervalle en- tre la raie du dos et celle des flancs est roux au lieu d’etre d'un gris brun. Il est de la Caroline, et a les mêmes habitudes que le précédent. Le Suisix (Tamia hudsonir, Less. Sciurus hudsonius, Lix. —- Des.) est un peu plus petit que l’écureuil d'Europe; son pelage est d’un brun roussätre en dessus et sur la tête ; une raie noire occupe les flancs ; son corps est blanchà- ire en dessous; sa queue, plus courte que le corps, st d'un brun roussätre, bordée de noir; ses moustaches sont très-longues et noires. On ne le trouve que dans les forêts les plus froides de l'Amérique septentrionale. Le Tania À QUATRE BANDES ( L'amia quadri- vitlala, Liss. Sciurus quadrivittatus, Say.) a environ sept pouces (0,189 de longueur ; son pelage est brunätre, mélangé de fauve sur Ja téle, fauve sur les côtés, avec quatre lignes blanches ; le dessous du corps est blanchätre. 11 habite les États-Unis, vit dans des trous de ro- chers, et ne grimpe jamais sur les arbres. 301 LES RONGEURS. L'Échreuil noir d'Amérique, 2e Genre. Les ÉCUREUILS (Sciurus, Lin.) de leur crâne est de la longueur des deux liers ont la dépression du front légère, et la saillie de la face. Leur queue est distique, comme postérieure des frontaux peu sensible; leur dans les tamias, mais ils n’ont pas d’abajoues. profil est à peu près droit pour la face ; la cavité Même système dentaire que les précédents Les écureuils ont en général les mœurs tellement semblables, que pour éviter des redites toujours ennuyeuses, nous allons donner ici une esquisse de leur his- toire générale. On peut appliquer à tous ce que Buffon dit de l'espèce d'Europe. « L'écureuil est un joli petit animal qui n'est qu'à demi sauvage, et qui, par sa gentillesse, par sa docilité, par l'innocence mème de ses mœurs, mériterait d’être épargné ; il n'est ni carnassier, ni nuisible, quoiqu'il saisisse quelquefois des oiseaux. Sa nourriture ordinaire sont des fruits, des amandes, des noisettes, de la faine et du gland. Il est propre, vif, très-alerte, trés-éveillé, très-industrieux ; il a les yeux pleins de feu, la physionomie fine, le corps nerveux, les membres trés-dispos ; sa jolie figure est encore rehaussée, parée par une belle queue en forme de panache, qu'il relève jusque sur sa tête, et sous laquelle il se met à l'ombre. On ne le trouve point dans les champs, dans les lieux découverts, dans les pays de plaine; il n'approche jamais des habitations; il ne reste point dans les taillis, mais dans les bois de hauteur, sur les vieux arbres des plus belles futaies. Il ne s’engourdit pas comme le loir pendant l'hiver; il est en tout temps très-éveillé, et, pour peu que l'on touche auprès de l'arbre sur lequel il repose, il sort de sa petite bauge, fuit sur un autre arbre, ou se cache à l'abri d'une branche. Il à la voix éclatante, et plus perçante encore que celle d’une fouine; il a de plus un murmure à bouche fermée, un petit gro- gnement de mécontentement qu’il fait entendre toutes les fois qu’on l'irrite. II est trop léger pour marcher, il va ordinairement par petits sauts, et quelquefois ÉCUREUILS. 305 par bonds ; il a les ongles si pointus et les mouvements si prompts, qu'il grimpe en un instant sur un hêtre dont l'écorce est lisse. Les écureuils semblent craindre l'ardeur du soleil ; 1ls demeurent, pendant le jour, à l'abri dans leur domicile, dont ils sortent le soir pour s'exercer, jouer, faire l'amour et manger. Ce do- micile est propre, chaud, impénétrable à la pluie. C’est ordinairement sur l'en- fourchure d'un arbre qu'ils l'établissent : ils commencent par transporter des büchettes qu'ils mêlent, qu'ils entrelacent avec de la mousse; ils la serrent en- suite, ils la foulent, et donnent assez de capacité et de solidité à leur ouvrage pour y être à l'aise et en sûreté avee leurs petits; il n’y à qu'une ouverture vers le haut, juste, étroite, et qui suffit à peine pour passer ; au-dessus de l'ouverture est une sorte de couverture en cône qui met le tout à l'abri, et fait que la pluie s'écoule et ne pénètre pas. Ils produisent ordinairement trois où quatre petits ; ils entrent en amour au printemps, et mettent bas au mois de mai, ou au com- mencement de juin ; ils muent au sortir de l'hiver. Hs se peignent, ils se polis- sent avec les mains et les dents; ils sont propres ; ils n'ont aucune mauvaise odeur. Leur chair est assez bonne à manger, et le poil de leur queue sert à faire des pinceaux. » Nous compléterons l’article de Buffon par quelques observations qui s’apyli- queront également à toutes les espèces. Quelques écureuils ont une vie isolée, solitaire, mais par couple, car le mâle n'abandonne jamais la femelle ; d’autres, au contraire, vivent par troupes de plus d’une centaine. Tous sont sédentaires, et s'écartent fort peu de la forêt qui les à vus naiître. Linné, Klein, Shæffer, le poële voyageur Regnard, qui nous à tant débité de contes sur les Lapons, et Buffon lui-même, nous ont cependant raconté que des troupes de petits-gris voyagent, etque, pour passer les rivières, ils s'embarquent sur des morceaux d'écorce qui leur servent de bateaux, qu'ils gouvernent en traversant le courant en étalant leur queue au vent et en s'en servant comme d'une voile. De telles histoires n'ont pas besoin de réfutation. La queue de l’écureuil ne lui sert jamais de gouvernail, quoi qu'en aient dit des auteurs, et cela par une raison fort simple, c'est que cet animal craint beaucoup l'eau et n°v entre Jamais. Si elle lui sert à se gouverner, c'est dans les airs, lorsqu'il fait de ces bonds pro- digieux qui le transportent d’un arbre à un autre, à douze où quinze pas de dis- tance, comme j'en ai été souvent témoin. Mais elle ne peut pas non plus lui servir de parachute, comme l'a dit Desmoulins, car, placée à l'extremité de son corps, dans une chute elle lui ferait faire la culbute, et il tomberait sur la tête. Les ecureuils sont très-prévoyants : aussi ne font-ils jamais un seul magasin, mais plusieurs, et dans différents troncs d'arbres, afin que, s'ils viennent à en perdre un par accident, il leur en reste toujours d'autres pour les alimenter pendant l'hiver. Ils savent fort bien retrouver ces cachettes quand ils en ont besoin, et mème sous la neige qu'ils grattent pour les découvrir. Aussi rusés que méfiants, ils construisent toujours plusieurs nids, à d'assez grandes distances les uns des autres ; et la mére, sans même être inquiétée, change souvent ses enfants de do- micile, en les transportant avec sa gueule. Le matin, quand le soleil brille à l'horizon, et que la forét est parfaitement silencieuse, elle les descend lun après l'antre sur la mousse, et les fait jouer. Si elle est surprise dans cette occupa- Lion, elle en saisit un qu'elle transporte, non dans le nid, ce qui lui ferait perdre 59 306 LES RONGEURS. du temps, mais jusqu'à l'enfourchure d'une grosse branche, où elle le cache ; puis elle revient chercher les autres pour les emporter de même. Ces animaux ont toujours le soin, quand ils apercoivent le chasseur, de se tenir derrière le tronc de l'arbre, et de tourner autour, pour rester masqués, à mesure que le chasseur tourne lui-même autour de l'arbre. Is n’en continuent pas moins à monter, et, parvenus à l'enfourchure d’une branche, ils s’y blottissent et restent invisibles. Aussi est-il fort difficile de les tirer si l'on est seul. Les écureuils ne sont pas tellement frugivores, qu'ils ne veuillent manger aucune matière animale. S'ils trouvent un nid d'oiseaux, ils sucent fort bien les œufs qu'ils y trouvent, ou dévorent les petits, et même Ja mére s'ils peuvent lasur- prendre. Gmelin dit qu'en Sibérie on les prend avec des espèces de trappes dans lesquelles on met pour appät un morceau de poisson fumé, et qu’on tend ces trappes sur les arbres. Dans quelques contrées, ils vivent aussi de la sève sucrée des graminées, et de graines de maïs. Depuis qu’on a transporté la culture de cette dernière plante en Pensylvanie et en Virginie, les écureuils s’y sont beau- coup multipliés, et font de grands dégâts aux récoltes. L'Écuneuit. Gris (Seiurus cinereus, SCuREB. — Desm. Scuuus rarolinensis, Lin. Le Petil-Gris, Burre.) est trèes-peu plus grand que l’écureuil d'Europe; son pelage est fort variable, et la ménagerie en a possédé plusieurs, dont les uns étaient tout entiers d'un gris blanchâtre, et les autres d'un gris fauve, surtout sur les flancs. Son pelage est ordinairement de cette dernière cou- leur, piqueté de noir en dessus, avec une ligne fauve sur les flancs ; le dessous est blanc; il man- que de pinceau aux orcilles Cette espèce est de la Pensylvanie et de la Caroline, où, ainsi que nous lavons dit, elle s’est beaucoup multipliée depuis qu'on y cultive le maïs. Cet animal vit en troupes nombreuses ; ilest brusque, pétulant, mais cependant assez doux, et il s’apprivoise très-bien, quoique sans s'attacher à son maitre ni même préférer per- sonne. 11 construit, au fond de la cage où on le renferme, un nid de paille ou de foin, en forme de boule, et il y dort toute la nuit. A l'état sau- vage, il paraît qu'il ne fait pas son nid sur des branches d'arbres, mais dans les creux de leur tronc. Le Guavp Éceneuis Gus (Sciurus cinereus, Lin. Sciurus rirginiunus cinerenus major, RAY.), confondu avec le précédent, est certainement une espèce distincte. Sa taille, trois fois plus grande que celle de notre écureuil, égale celle d’un jeune lapin. Son pelage est à peu près de même que celui de l’écureuil gris, mais son corps est plus épais, plus trapu ; sa tête et ses oreilles sont plus courtes, et sa queue lui ecuvre tout le corps. Il est du même pays. L'Écureuis D'EUROPE Où commun (Sciurus vul- garis, Lun. Le Bjelka des Russes. L’'Uluk des Tungouses. L'Orawass des Finoïs. L'Orre des Lapons. Le Krrma des Kalmouks. Le T'ijin des Tartares. Enfin, le véritable Petit-Gris des four- reurs). Il a sept à huit pouces (0,189 à 0,217) de longucur, non compris la queue, qu'il relève toujours en panache jusque par-dessus sa tcte ; son pelage est généralement roux, tirant plus ou moins sur le brun, avec le ventre d’un beau blanc; chique oreille se termine par un pinceau de longs poils; sa queue est en dessus de la cou- leur du dos, mais en dessous les poils sont an- nelés de blanc ct de brun, et seulement terminés de roux. 11 habite les forêts de lout le nord de l'Europe et de l'Asie. est peu d'animal qui varie plus que l'écureuil, en raison des climats ; ceux de France et d'Allemagne sont ordinairement d'un roux plus ou moins vif, pen- dant toute l'année ; mais dans le Nord on en trouve de roux piqueté de gris, de gris cendre, de gris ardoisé foncé, de gris blanc, de blancs et de noirs. Le pe- lit-gris, si connu par le commerce que l’on fait de sa fourrure, est, en hiver seu- lement, d'un gris d’ardoise piqueté de blanchâtre, chaque poil étant marqué d’an- neaux alternativement gris de souris et gris blanchâtre. Comme le loup et le renard, dans le Nord il prend une taille plus grande, à compter des bords de ÉCUREUILS. 307 l'Oby jusqu'au Jenisei, el son pelage y devient d'un gris plus argenté. Depuis le Jéniséi jusqu'à l'Augara, sa fourrure redevient moins épaisse, et prend une teinte plus obscure. C'est de cet écureuil que l'on à raconté les voyages en ba- teaux d’écorce. Dans ce cas, il arrive quelquefois « que le vent se faisant un peu fort, dit Regnard, et la vague élevée, elle renverse en mème temps et le vaisseau et le pilote. Ce naufrage, qui est bien souvent de trois à quatre mille voiles, enrichit ordinairement quelques Lapons qui trouvent ses débris sur le rivage. Il y en à une quantité qui font une navigation heureuse, et arrivent à bon port, pourvu que le vent ait été favorable, et qu'il n'ait point causé de tempête sur l'eau, qui ne doit pas être bien violente pour engloutir tous ces petits bâti- ments.» Et remarquons encore que c'est sur l'espèce de nos pays, dont les mœurs nous sont parfaitement connues, que Regnard nous fait de pareils contes. L'ÉcureuiL voir (Sciurus niger, Lax.— Des. Le Quauhtecalloll-Thiltlie des Mexicains). Ce joli animal est à peu près de la grandeur de notre écureuil d'Europe; ses oreilles sont dépourvues de pinceau; son pe'age, formé d’un feutre brun et serré, traversé par des poils soyeux seuls apparents au dehors, parait entiè- rement d'un noir foncé en dessus, et d'un noir brunätreen dessous. Selon Desmarets, les oreil- les et le bout du nez seraient constamment noirs, comme le reste de la tête, et c'est à ces carac- tères que l’on distinguerait celte espèce des va- riétés noires du capistrate; selon Catesby, au contraire, quelques individus ayant le bout du nez, ou les pieds, ou le bout de la queue, ou un collier sur le cou, blancs, appartiendraient à -cetle dernière espèce; l'inspection de plusieurs ‘de ces variétés me fait ranger de cet avis. Quoi qu'il en soit, l’écureuil noir habite l’A- mérique seplentrionale,et probablement le Mexi- que. Il vit en troupes nombreuses dans les an- tiques forêts éloignées des habitations, et fournit à la table des riches un gibier fort estimé. Il parait qu'il s'apprivoise fort aisément, mais que, ainsi que tous les autres écureuils, il ne multiplie p*s en captivité. Lorsqu'il aperçoit le chasseur, il se place au milieu d’une grosse branche, s'y aplatit au point qu'il est impossible de l'y aper- cevoir d’en bas, et il reste immuablement dans celte atlilude, malgré les coups de fusil, jusqu'à ce que le danger soit passé. Le CapisTkaTe (Sciurus capistratus, DEsn. — Bosc) est beaucoup plus grand que l’écureuil d'Europe ; son pelage est ordinairement gris de fer, avec la féle noire, quelquefois gris avec le ventre noir, enfin d’autres fois entièrement noir. Les oreilles et le bout du museau sont constam- ment blancs. Sa longueur, du museau à l'extré- mité de la queue, est de deux pieds (0,659), Il habite les forêts de pins et d’érables de la Caro- line du sud. Il entre en chaleur en janvier et ses petits quittent leur nid en mars. Comme il est tres-commun, il “evien! la proie habituelle des renards, des ser,.ents à sonnettes et des oiseaux de proie. Le Coquazuin (Sciurus variegatus, Lin. — Desu. Le Coztiocotequallin des Mexicains, dont Buffon a fait Coquallin) n'est peut-être, conme le pensait Fr. Cuvier, qu'une variété du capis- lrate. Comme sa grandeur est à peu près le double de celle de notre espèce d'Europe, Buf- fon en coneluait que ce n’était pas un écureuil. Son pelage est varié de noir et de roux vif en dessus ; le dessous du corps est d’un roux cran- gé; l’occiput est noir et le museau est blane, ainsi que le bout des oreilles, qui manquent de pinceau. Cette espèce ne monte pas sur les ar- bres, et habite dans des trous, sous leurs racines. Il remplit son doniicile de fruits et de grains pour se nourrir pendant l'hiver; il est défiant, rusé, assez farouche pour ne jamais s'apprivoi- ser. On ne l'a encore trouvé qu'au Mexique. L'ECUREUIL À VENTRE ROUX (Sciurus rufiventer, Grorr.— Des.) est de la grandeur de l'écureuil d'Europe; son pelage est gris brun en dessus, d'un roux vif en dessous ; la queue, moins lon- gue que le corps, est brune à la base, fauve à l'extrémité ; les pieds sont bruns; les oreilles manquent de pinceau. Il est désigné, ai Mu- séum, comme venant de l'Amérique du ncrd, L'ÉcureuiL Des Pyrénées ( Sciürus alpinus, Fr. Cuv.) est de la taille de l'écureuil comrun, mais sa tête est plus petite; son pelage est d'un brun foncé, piqueté de blanc jaunâtre sur le dos ; d’un blanc très-pur à toutes les parties inférieu- res ; la face interne des membres est grise; le bord des lèvres blanc; les quatre pieds sout d'un fauve assez pur ; une bande fauve sépare les cou- leurs du dos et du ventre; la queue cst noire; les picds sont fauves, et les oreilles ont un pin- ceau. Il habite les Pyrénées, mais on le {rouve aussi dans les Alpes du Dauphiné, car, étant à Lyon, un chasseur m'en à apporté un récem- ment tué L'ÉCUREUIL À BANDE not GE ( Scürus rubro- lineatus, DES.) ne serait, selon Efarlan, qu'une 305 variété du sixsik, ou T'amnia hudsonia. Il esi plus petit que l'écureuil gris; son pelage est grisètre sur les flancs, blanc sur le ventre, avec une ligne longitudinale rouge sur le dos. Il ni- che dans les rochers ou les trous d'arbres, et se nourrit de graines de pins. 11 habite l'Amérique septentrionale. L'Écureuirs RenauD (Sciurus vulpinus.—Sciu- rus ruber, Rarin.) a, du bout du museau à l'ex- trémité de la queue, deux pieds de longueur (0,650); son pelage est entièrement d’un rouge de brique en dessus, et blanc sous le ventre; il manque de pinceau aux oreilles. On le trouve dans le haut Missouri. L'EcurEuIL px LA LOUISIANE (Sciurus ludoe- cicianus, Convis.) est de la grandeur du précé- dent. Son pelage est d’un gris foncé en dessus, d'un brun roussätre en dessous ; la partie interne des membres est de cette dernière couleur La queue est très-large et plus longue que le corps. 11 habite les bords de la rivière Rouge, en Armé- rique. L'EcureuiL p& MabaGascan (Sciurus mada- gascariensis, SuaW.) est d’une taille au moins double de celle de l'écureuil d'Europe. Son pe- lage est d'un noir foncé en dessus ; le dessous du cou et les joues sont d’un blanc jaunitre ; le ven- tre d’un brun mélé d'un peu de jaune; la queue plus longue quele corps, grêle, noire 11 se trouve à Madagascar. Le DanpoLeana où Rakes (Scinrus ceylanen- sis, Bobp.— Desm.) à beaucoup d’analovie avec le précédent. Il est trois fois plus grand que otre écureuil d'Europe; son pelage est noir en dessus, jaune en dessous ; le bout du nez est couleur de chair ; il a deux petites bandes noires sur chaque joue, avec une tache fauve entre les deux oreilles ; saqueue est grise. Il habite Ceylan. LES RONGEURS. L'EcunEuIL arrinis (Sriurus affinis, RAFFL.) est d’un.gris cendré ou d’un gris brun sur le dos et sur la queue, blanchâtre sur les parties inférieures du corps ; il a sur chaque flanc une ligne d'un brun roussitre. On le trouve à Su- matra. L'Écuneuiz micoLon (Srinrus bicolor, DES. Srinurus jaranensis, Scunes.) a le pelage roux, ou d'un brun foncé noirätre en dessus, d'un fauve vif en dessous ; il manque de pinceau aux oreiltes ; il a le tour des yeux noir ; sa queue est fauve. El habite Java. L'ÉCUREUIL DU BANANIER (Sciurus plalani , Honsr. Sciurus notatus, Bonn. Sciurus bilinea- lus. DEsm. — Grorr.) a environ sept pouces (0.189) de longueur, non compris la queue, qui est un peu plus courte. IT est gris en dessus, jaunâtre en dessous ; il a une ligne blanche lon- gitudinale sur chaque flanc; sa queue est un peu plus courte que le corps. 11 habite Java. L'Écuneuiz pe LESeneNAULT (Sciurus Lesche- naultii, Des. Sciurus albiceps, G£orr.) à un pied (0,525) de longueur, non compris la queue, qui en a autant; son pelage est brun clair en dessus, foncé dans une variété; la tête, la gorge, le ventre, et la partie interne et anterieure des jambes de devant, sont d’un blanc jaunâtre; la queue est très-brune en dessus, jaunätre en des- sous. 11 habite Java, L'Écuneuiz pe Paevosr (Sciurus Prevostii, Des.) est à peu pres de la taille de l'ecureuil d'Europe ; son pelage est noir en dessus, jatime sur les flancs, marron en dessous, le jaune {ran- chant nettement avec le poir et le marron ; les oreilles manquent de pinceau; la queue est brune, presque ronde, méciocrement touffue. Il se trouve dans l'Inde, mais il parait y étre rare, et ses mœurs sont peu connues. ÉCUREUILS. 309 L'Ecurcuil du Milibar, L'ÉCUREUIL DU MALABAR | Sciurus marunus, Gmr. — Drsm. ). Cet animal est le plus grand des écureuils, et sa taille ne le cède pas à celle d'un chat. Le dessus de la tête, une bande derrière la joue, les oreilles, la nu- que, les flancs et le milieu du dos sont d’un roux brun très-vif ; les épaules, la croupe, les cuisses et la queue sont d’un beau noir ; le ventre, la partie anté- rieure des jambes de derrière, les jambes de devant presque entières, la poi- trine, le dessus du cou et le bout du museau sont d'un beau jaune. Ce bel animal n'habite guère que les forêts de palmiers qui enrichissent la côte de Malabar, et, dans ces contrées, partout où le cocotier abonde, on est à peu près sûr de le trouver. A la beauté de sa fourrure, il joint la grâce, la vivacité de notre écureuil, avec la même douceur de caractère et autant de facilité à s’ap- privoiser. Le cocotier lui fournit presque tout ce qui lui est nécessaire; il etanche sa soif avec le lait des jeunes cocos, qu'il aime beaucoup; il se nourrit de l'amande de ceux qui sont arrives en maturité, et avec la bourre qui recouvre leur coquille il fait le nid de ses enfants. L'ECUREUIL À GRANDE QUEUE (Sciurus magni- côtés de la tète et les orhites sont d'un gris fer- caudatus, Say.) a un pied sept pouces (0,514) de rugineux pile; les orcilles et les joues sont d’un longueur totale ; le dessus du corps ainsi que brun obscur. If habite les foréts qui ombragent les flancs sont mélés de gris et de noir;les les bors du Missouri. 310 L'ÉCUR£UIL À QUEUE LINBOLÉE ( Serurus gram- murus, Say.) doit peut-être se reporter au genre tamia. Il a onze pouces (0,298) de longueur ; son pelage, composé de poils durs et grossiers, est entièrement d'un gris cendré ; trois lignes noires, parallèles, se dessinent sur sa queue. Il babite les montagnes Rocheuses, sur les bords de l'Arkansas, se retire dans des trous, mange des boutons de feuilles, et ne grimpe pas sur les arbres. L'ÉCUREUIL À BANDE LATÉRALE (Sriurus latera- lis, Say.) est d’un brun cendré en dessus, et se reconnait à une ligne peu déterminée qu'il a de chaque côté du dos, plus large antérieurement que postérieurement, d'un blanc jaunätre terne. T1 babite les montagnes Rocheuses, au nord de l'Amérique. Le BanRBakESQuE ( Sciurus getulus, Lix. Le Barbaresque, Burr.) est d’un tiers plus petit que l'écureuil d'Europe ; sa longueur est d'environ dix pouces (0,271). 11 est brun, avec quatre li- £gnes longitudinales blanches, qui se prolongent Jusque sur sa queue. Il habite l'Afrique, et vit sur les palmiers. Les espèces qui vont suivre sont encore trop mal déterminées pour qu'on soit sûr qu'elles resteront toutes dans le genre sciurus ; celles qui resteront avec les écureuils appar iennent peut- ètre, comme variétés, à des espèces précédem- ment décrites. L'ÉcuREuüIL JAUNE (Sciurus flavus, Lin.) est de moitié plus petit que notre écureuil ; son pe- lage est d’un jaune plus ou moins fauve avec la pointe des poils blanche; il mauque de pin- ceau aux oreilles. Il serait de la Colombie selon Lioné, et de l'Inde selon Pennant. Peut-être n'est-ce qu'une variété du Macroæus annu- lalus. L'Écureurz pu Mexique (Sciurus mexicanus, Seva) cest long de cinq pouces (0,135) , non com- pris la queue, qui a un peu plus de longueur ; son pelage est d’un brun cendré, avec sept bau- des blanches le long du dos du mäle, et cinq sur celui des femelles. La figure que Séba donne de celte espèce la rend très-douteuse. L'EcuReUIL D'ABYSSINIE (Sciurus abyssinicus, GaL.) est un peu plus grand que l’écureuil or- diuaire, et ne serait, d’après Shaw, qu'une va- riété du dandoléana de Ceylan. Il est d'un noir ferrugineux en dessus, cendré en dessous ; ses oreilles sont noires, triples de celles de l’écu- reuil d'Europe ; sa queue est grise, longue d’un pied et demi (0,487). 11 est de l'Afrique orien- tale. L'ÉcuneuiL be L'INDE (Sriurus indicus, GuL. Sciurus bo rbayus, Penn.) a seize pouces (0,4 :5) de longueur, non compris la queue, qui en à dis-sept (0,460) ; il est d'un pourpre obscur en dessus, jaune en dessous ; la queue est orangée à son extrémité ; il a des pinceaux aux oreilles. LES RONGEURS. Est-ce une variété du Sciurus maæimus? I habite Bombay. L'ÉcureuIL ANOMAL (Sciurus anomalus, GmL.) est un peu plus grand que notre écureuil; son pelage est d’un ferrugineux foncé en dessus, un peu plus pâle en dessous ; ses joues sont fauves ; ses orbites brunes, et il a le tour de la bouche blanc ; ses oreilles sont petites, effilées à la pointe. 11 se trouve dans les montagnes de la Géorgie. L'Écureuiz be Perse (Seiurus persicus, GML.) est d’un gris obscur en dessus et jaunätre en dessous ; il a le {our des yeux noir ; les cuisses et les pieds de derrière roux ; les oreilles noirä- tres, manquant de pinceau. 1l se trouve dans les montagnes du Ghilan, en Perse. L'ÉcuretiL ROUGE (Sciurus erythrœus, Gui.) est un peu plus grand que l’écureuil ordinaire ; son pelage est d’un jaune mêlé de brun en des- sus, d’un fauve sanguin en dessous; sa queue, ronde et très-velue, est du même fauve, avec une ligne noire. 1l habite les Indes orientales. 3° Gexué. Les GUERLINGUETS (Macroxus, FR Cuv.) ont le front {rès-déprimé ; les naseaux peu allongés ; une profonde dépression entre le crâne et la face ; ils manquent d’abajoues, et leur queue est entièrement ronde, ou distique seule- ment à l'extrémité. Du reste, ils ressemblent aux écureuils , et cn ont absolument les habitudes. Le Guano GUERLINGULT ( Macrozus œstuans, Less. Sciurus œstuans, Desm. Myoxns gucrlin- geus, SuAw.) est à peu près de la mème couleur que l'écureuil commun, dont il a les formes; son pelage est d’un gris olivätre lavé de rous- sâtre en dessus, d’un roux pâle en dessous; la queue est plus longue que le corps, nuancée de noir, de brun et de fauve ; ses moust:ches sont noires ét ses oreilles manquent de pinceau. Il se trouve aussi souvent à terre que sur les arbres, vit de fruits de palmiers, et habite la Guyane et le Brésil. Le Perir GuEniNGuer (Macroæus pusillus, Less. Sciurus pusillus, Georr. — Desu. Le Rat des bois, de Cayenne) n'a guère plus de trois pouces (0,081) de longueur, non compris Ja queue, qui en à un peu moins. Son pelage est d'uu gris brun olivâtre, plus clair sur les par- ties inférieures ; le museau est fauve ; la queue est couverte de poils melang's de brun et de fauve; ses oreilles manquent de pinceau, et ses moustaches sont noires. Il est assez commun à Cayenne. Le Toupaye (MWacroæus toupai, Less. Sciu- rus Livittatus, Desx. ) est un peu plus gros que notre écureuil ; son pelage est d’un brun noir, piquelé de jaunätre sur le dos ; le dessous est d'un roux brillant ; il a, sur les flancs, une ligne blanche, et au-dessous, la touchant, une ligne noire ; sa queue est rousse à l'extrémité. Il vit sur les cocotiers, à Sumatra. Le Ginci ( Macroæus albovittatus, Less. ÉCUREULLS. : Sciurus dschinschicus, SONNERAT. Scirus gin- ginianus, Saaw. Sciurus erylhropus GEorr. sciurus Levaillantii, Kunr. Sciurus setosus, Forsr.) est roussätre en dessus, blanc en des- sous, avec une ligne blanche de chaque côté du corps ; sa queue est variée de noir et de blanc; ses oreilles mançuent de pinceau ; ses ongles sont très-longs, comprimés et arqués. Il habite le cap de Bonne-Espérance, et il a dans l'Inde trois variétés : [° à queue bruae ou roussätre à sa hase, noire à l'extrémité ; 2° à pelage d’un gris terreux en dessus, beaucoup plus clair en dessous, et queue entièremeni noire ; 5° à des- sus du corps et queue mélangés de jaunätre et de brun; ventre d’un blanc sale ; oreilles très- courtes et bandes blanches sur les flancs. Il est à peu près de la laille de notre écureuil. Le Lary (Macroxus insignis, Less. Sciurus insignis, Fr. Cuv.) a le pelage d'un gris brun en dessus, avec trois lignes longitudinales noi- res ; le menfon, le cou et le ventre sont blancs; la tête est grise; les flancs et l'extérieur des membres sont roux ; la queue est brune. Il ha- bite Sumatra. Le GUERLINGUET À QUEUE ANNELÉE ( Macrorus annulatus, Less. Sciurus annulalus, DES.) à cinq pouces environ (0,155) de longueur, non compris la queue qui en à six (9,1(2) ; son pe- lage est d’un gris verdätre clair en dessus, et Blanc en dessous ; la queue est annelce en tra- vers de noir et de blanc. Sa patrie n'est pas connue. 4e GExgE. Les ANISGNYX (Anisonyr, RAFIN.) ont les dents comme les ccureuils, et manquent d'abajoues; tous les pieds ont cinq doigts, les deux internes des picds de devant frès-courts ; les pieds sont tres-longs et la queue distique. L'ANISONYX BRACHYURE ( 4sO: yT brachy ra, Rarix. Arclomys brachyura, HarL. L'Écureuil ce terre de Lewis ct Crarcx) a le pelage d'un 311 brun tirent sur le gris, un peu piqueté de blanc roussätre ; le dessous est d'une légère couleur de brique ; la queue est ovale, très-courte, d’un brun rougeâtre en dessus, d'un gris de fer en dessous, bordée de blanc. Cet animal vit de fruits, de racines, et habite un terrier. On le trouve à la Colombie. Le Sewewez (Anisonyr rufa RAr. Arcto- mys rufa, HanLan) n’est connu que par une peau dont le pelage est long, soyeux, d’un brun rougeâtre; les oreilles sont courtes, pointues, avec des poils courts. 11 habite la Colombie. Harlan pense que ces deux espèces ne sont rien autre chose que des marmottes, et je penche assez vers cette opinion. Si elle se justifie par de nouvelles observations, il faudra retrancher les anisonyx du ca.alosue des mammifères, 5 Gent. Les POLATOUCHES (Sciurop- terus Eu. Cu.) ont l’occiput saïilanc, les fron- {aux allongés, et la capacité du crâne compre- nent les trois cinquièmes de la longueur de la tête ; la pertlie antérieure du profil de la tête est droite jusqu'au milieu des frontaux, où elle prend une direction courbe irès-arquée, sans dépression intermédiaire. Leur système den- taire est le méme que celui des écureuils; leur queue est aplatie, distique, et leur taille petite. Ils ont la peau des flancs (rès-dilatée, étendue entre les jambes de devant et de derrière, en manière de parachute. L’AssaranicK (Sciuropterus rolucella, Less. Pteromus rolucella, DEsu. Sciurus volucella, Parc. L'Assapan, Fr. Cuv. Le Polatouche, Burr.) n’a que quatre pouces et demi (0,122 environ de longueur, non compris la queue, qui est presque aussi longue que le corps. Son pe- . lage est d’un gris roussätre en dessus, blanc en dessous ; la membrane des flancs est simple- ment lobée derrière les poignets. Cet animal est triste et fort timide. Bulfon, ayant confondu cette espèce avec la suivante, lui a donné le nom que cette derniere porte en Russie, tandis que l’assapanick n'habite que le Canada et les Etats-Unis, jusqu'en Virginie. C'est un animal nocturne, comme tous ceux de son genre, dormant le jour dans un nid de foin ou de feuilles sèches qu'il s'est fait au fond d'un trou d'arbre, et n'en sortant que la nuit pour se mettre en quête de sa nourriture. Alors seulement il devient très-vif et d'une agilité surprenante. Grâce à la membrane qui s'étend entre ses pattes, il peut franchir, d'un arbre à l’autre, une distance prodigieuse, de plus de quarante à cinquante pas, si l'on s’en rapporte aux voyageurs. Il se nourrit de graines et de bourgeons de pins et de bouleaux ; il vit par petites troupes, et ne descend jamais de dessus les arbres. Son naturel est doux, tranquille ; il s’apprivoise assez facilement, mais il ne s'attache jamais, et perd rarement l'occasion de reprendre sa liberté; aussi est-on obligé de le conserver dans une cage. On le nourrit de pain, de fruits et de graines, mais il refuse les amandes et les 312 LES RONGEURS. noix, si recherchées par les écureuils. À la ménagerie, ceux qu'on a conservés se tenaient constamment, pendant le jour, cachés dans un lit qu'ils se faisaient avec le foin de leur litière. En 1809, cette espèce s’est reproduite à la Malmai- son, chez l'impératrice Joséphine, et la femelle a mis bas trois petits. Le Porarouka (Scinropterus sibirices, LESs. Scüuus volans, Lin. Pleromys sibiricus, Desm.) est plus grand que le précédent et le suivant; son pelage est d’un gris cendré en dessus, blanc en dessous ; ses membranes des flancs n'offrent qu'un seul lobe arrondi derrière le poignet ; sa queue est moitié moins longue que son corps. On en connait une variété entièrement blanche. On le {trouve dans les forêts de pins et de box- leaux de tout le nord de l'Europe. Il a les mêmes habitudes cue le précédent, mais sa vie est solaire. Le SciuroPTÈRE FLÈGUE (Sciwroplerus sagilta, Less. Scinrus sagilla, G. Guv. Pteromys sa- giita, Des.) a cinq pouces et demi (0,149) de longueur, non compris la queue, qui en à cinq 10,155). Son pelage est d'un brun foncé en dessus, blanc en cessous ; il a up angle saillant à la membrane des flancs, près des poignets ; sa queue est d'un brun essez clair. 1 babite Java. L'espèce unique décrite par Horsfield, sous les noms de Pleromys lepidus et genibarbis, est très voisine de celle-ci, si ce n'est une simple variété, Elle est Cgalement de Java. 6 Genre, Les BTERGMYS :Pteromys, G. Cuv.) ont les membres engagés dans la peau des flancs, comme les précédents, dont ils ont aussi la formule dentaire ; mais leur queue est rond’, non distique; la partie postérieure dec os du nez est un peu bombée; les frontaux sont fortement déprimés dans leur milieu et se relevent ensuite légèrement; les parties posté- rieures de la tête ne commencent à se courber en bas, d’une manière sensible, qu’à partir du milieu des pariétaux; la boîte du crâne est pe- tite, et ne prend que la moitié de la longueur de la tête. Le TaGuan (Pteromys petaurista, DESn. Scin- rus pelaurista, Pass. Le Grand Écureuil vo- lant, Burr.) a environ un pied et demi (0,484; de longueur, non compris la queue, qui a de vingt à vingt et un pouces (0,542 à 0,569). Son pelage est brun, pointillé de blanc en dessus, gris en dessous, excepté au cou, qui est brun ; les cuisses sont un peu roussäfres, CL la queue est presque noire; Ja membrane des flancs forme un angle derrière le poignet. Cet au:- mal nocturne habite les Moluques et les Phi- lippines. Il a les mêmes habitudes que les polatouches. Le Prenomvs écrarantr ( Picromys nilidus, G£orr. — Desm.) ressemble au precédent, au pelage près, qui est d’un brun marron foncé en dessus, et d’un roux brillant en dessous ; sa queue est presque noire, et le dessous de sa gorge est brun. Il habite Java. A la suite de cette espèce on placera le pteromys leucogenys, de Temmink. Il se trouve au Japon. 11 D) WW, WL 00) “ L LA MARMOTMTE PAYSAGE SUISSE. (Jardin des Plantes.) | MARMOTTES. 313 ni LA 27 — Les Marmoites, LES MARMOTTES Ont dix mächelières supérieures et huitinfé- cisives ; pas de canines; dix molaires supérieures rieures, toutes tuberculées; les incisives sont et huit inférieures; leur corps est trapu ; leur pointues; leur tête est grosse, et leur queue tète large et aplatie; leurs jambes sont courtes, courte ou moyenne. ainsi que la queue, qui est velue; elles man- 1° Gexre. Les MARMOTTES (Arctomys, quent d'abajoues, et leurs ongles sont robustes Guc.) ont vingt-deux dents, savoir : quatre in- et comprimés. La MARMOTTE DES ALPES ( Arctomys marmotla, Gr. ). Cet animal, célèbre par son sommeil léthargique, à plus d’un pied (0,525) de longueur, sans comprendre la queue, qui est assez courte et noirâtre à l’ex- trémité; son pelage est d'un gris jaunâtre, teinté de cendré vers la tête, dont le dessus est noirâtre; les pieds sont blanchâtres, et le tour du museau d’un blanc grisâtre. , La marmotte vit en petites sociétés sur le sommet des montagnes alpines de toute l'Europe, près des glaciers ; elle est assez commune dans les Alpes et dans les Pyrénées. Elle est fort douce de caractère, s’apprivoise aisément, et même s'attache à son maître jusqu'à un certain point. Lorsqu'elle est devenue fami- lière dans une maison, et surtout quand elle se croit appuyée par son maître, elle montre un courage qui ne le cède en rien à celui de tous les autres animaux 10 31% LES RONGEURS. domestiques, et elle n'hésite pas à attaquer les chats et les plus gros chiens pour les chasser de la place qu'elle s'est adjugée au coin du feu. Buffon dit « qu'elle apprend aisément à saisir un bâton, à gesticuler, à danser, et à obéir à la voix de son maitre; » en un mot, qu'elle est susceptible d'éducation, et c’est ce que je ne crois pas. Îl est vrai que les jeunes Savoyards qui montrent des marmottes au peuple leur font faire quelques exercices; mais, si on se donne la peine de les examiner sans prévention, on verra que ces tours ne sont jamais que le résultat des tiraillements de la chaîne par laquelle on les tient, et de la manœuvre du bâton qu'on leur passe entre les jambes. L'éducation n’est pour rien dans tout cela, du moins, je ne l'ai jamais vu autrement. En captivité on la nourrit avec tout ce que l’on veut, de la viande, du pain, des fruits, des racines, des herbes pota- geres, des choux, des hannetons, des sauterelles, etc., mais ce qu'elle aime par- dessus tout, c’est le lait et le beurre. Quoique moins prédisposée au vol que le chat, si elle peut se glisser furtivement dans une laiterie, elle manque rarement de le faire, et en se gorgeant de lait à n’en pouvoir plus, elle exprime le plaisir qu'elle éprouve par un petit murmure particulier fort expressif. Ce murmure, quand on la caresse ou qu'elle joue, devient plus fort, et alors il a de l’analogie avec la voix d’un petit chien. Quand, au contraire, elle est effrayée, son cri de- vient un sifflement si aigu et si perçant qu'il est impossible à l'oreille de le sup- porter. D'une propreté recherchée, elle se met à l'écart, comme les chats, pour faire ses ordures ; mais, ainsi que le rat, elle exhale une odeur qui la rend très- désagréable pour certaines personnes. Ce qu'il y à de plus étonnant dans la marmotte soumise à la domesticité, c’est qu'elle ne s’engourdit pas l'hiver, et qu'elle est tout aussi éveillée au mois de janvier qu'en été, pourvu qu’elle habite les appartements. À l’état sauvage, la marmotte montre assez d'industrie, sans pour cela avoir une intelligence très-remarquable. Sur les montagnes, elle établit toujours son domicile le long des pentes un peu roides regardant le midi ou le levant; elles se réunissent plusieurs ensemble pour se creuser une habitation commune, et elles donnent à leur terrier la forme invariable d’un # grec couché. La branche d’en haut a une ouverture par laquelle elles entrent et sortent : celle d'en bas, dont la pente va en dehors, ne leur sert qu’à faire leurs ordures, qui, au moyen de cette pente, sont facilement entrainées hors de l'habitation. Ces deux branches, assez étroites, aboutissent toutes deux à un cul-de-sac profond et spacieux, qui est le lieu du séjour, et cette partie seule est creusée horizon- talement. Elle est tapissée de mousse et de foin, dont ces animaux font une ample provision en été. « On assure même, dit Buffon, que cela se fait à frais ou tra- vaux communs : que les unes coupent les herbes les plus fines; que d’autres les ramassent, et que tour à tour elles servent de voitures pour les transporter au gite ; l’une, dit-on, se couche sur le dos, se laisse charger de foin, étend ses pattes en haut pour servir de ridelles, et ensuite se laisse traîner par les autres qui la tirent par la queue, et prennent garde en mème temps que la voiture ne verse. » Ce qui a donné lieu à ce conte de chasseur, c’est que l’on trouve beau- coup de marmottes qui ont le poil rongé sur le dos, et, selon l'usage, on a mieux aimé inventer un conte merveilleux, pour expliquer ce fait, que de n'y voir que l'effet fort simple du frottement souvent répété du dos contre la MARMOTTES. 315 paroi superieure d’un terrier fort étroit. Les marmottes passent la plus grande partie de leur vie dans leur habitation ; elles s’y retirent pendant la nuit, la pluie, l'orage, le brouillard, n’en sortent que pendant les plus beaux jours, et ne s’en eloignent guère. Pendant qu'elles sont dehors à paître ou à jouer sur l'herbe, l'une d'elles, postée sur une roche voisine, fait sentinelle et observe la cam- pagne ; si elle aperçoit quelque danger, un chasseur, un chien ou un oiseau de proie, elle fait aussitôt entendre un long sifflement, et, à ce signal, toutes se précipitent dans leur trou. Dès que la saison du froid commence à se faire sentir, les marmottes, reti- rées dans leur terrier, en bouchent les deux ouvertures avec de la terre gà- chée, et si bien maconnée qu'il est plus facile d'ouvrir le sol partout ailleurs que dans l'endroit qu'elles ont mure. Elles se blottissent dans le foin et la mousse qu'elles y ont entassés à cet effet, et tombent dans un état de léthargie d'autant plus profond que le froid a plus d'intensité. Elles restent dans cet état de mort apparente jusqu’au printemps prochain, c'est-à-dire depuis le commen- cement de décembre jusqu'à la fin d'avril, et quelquefois depuis octobre jus- qu'en mai, selon que l'hiver a été plus ou moins lorg. Lorsque les chasseurs vont les déterrer, ils les trouvent resserrées en boule et enveloppées dans le foin. Ils les emportent tout engourdies, ou même ils les tuent sans qu’elles paraissent le sentir. Ils mangent les plus grasses, et souvent ils conservent les jeunes pour les donner à de pauvres enfants qui viennent les montrer en France et déguisent ainsi leur mendicité. Pour faire sortir ces animaux de leur engour- dissement, les rendre à la vie et rappeler toute leur vivacité, il ne s’agit que de les placer devant un feu doux, et de les y laisser jusqu’à ce qu'ils se soient ré- chauffés. Leur chair serait fort bonne si elle était sans odeur ; mais il n’en est pas ainsi, et ce n’est qu'à force d'assaisonnements épicés que l’on parvient à la déguiser. Cependant, j'ai mangé des marmottes fumées qui avaient entièrement perdu cette odeur, et qui étaient d’un goût excellent. La marmotte ne produit qu’une fois par an, et sa portée ordinaire n’est que de quatre ou cinq petits, dont l'accroissement est rapide ; elle ne vit guère que “neuf à dix ans. Nous terminerons cet artiele par une observation qui se rapporte à tous les animaux sujets à l’engourdissement hibernal. La léthargie, chez eux, n'est rien autre chose qu'un sommeil profond, mais naturel, qui ralentit toutes les fonctions, mais n’en suspend aucune. Quel que soit le froid qu'aient à sup- porter ces animaux sortis de leur état normal, soit par l'effet de la maladie, soit par toute autre cause, ils pourront mourir gelés, mais ils ne s’engourdi- ront pas. Il en résulte que, lorsque l'hiver est tres-rigoureux et le froid exces- sif, les animaux engourdis se réveillent, souffrent beaucoup, et finissent par mourir gelés si la température ne change pas après un certain temps. Il en résulte encore qu'une excessive chaleur de l'été, comme celle des tropiques, peut amener l’engourdissement tout aussi bien que le froid. Beaucoup d’ani- maux, les reptiles, par exemple, s’engourdissent l'hiver dans les pays tempérés, et l’été dans les pays chauds. Le Bogsx ( Arctomys bobar, Guz. — Desn. G. Cuv.) est de la même grandeur que la pré- La Marmotte de Pologne ou Bobar, Burr.— cédente; son pelage est d’un gris jaunätre, en- 316 {remélé de poils bruns en dessus, et roux en dessous ; il a quelques teintes rousses vers la tête; la queue et la gorge sont roussâtres; le tour des yeux est brun, et le bout du museau d'un gris argenté. Le bobak habite la Pologne et l'Asie septentrionale jusqu’au Kamtschatka. Il a les mêmes habitudes que notre marmotte, mais, Vivant dans des pays plus froids, il ne creuse son habitation que sur des collines peu elevées, à l'exposition du midi, Le Monax (A4rctomys monax, GML.Cuniculus bahamensis, CATESB. La Marmotte du Canada, ou le Monax, Burr. Le Siffleur de quelques voyageurs) a quatorze ou quinze pouces (0,579 à 0,406) de longueur, non compris la queue ; il est brun en dessus, plus pâle en dessous et sur les côtés; le museau est d’un gris bleuâtre et noiräâtre ; les oreilles sont arrondies ; les on- gles longs et aigus ; la queue, longue comme la moitié du corps, est couverte de poils noirâtres. Cet animal, de la taille d’un lapin, habite toute l'Amérique septentrionale, et particulièrement l'intérieur des États-Unis. Il se plait dans les rochers, et a les mêmes mœurs que la mar- motte des Alpes. La MaRMOTTE DE QUÉBEC (Arctomys empetra, Gil. Mus empetra, Paz. La Marmotte du Ca- nada, de l'Encycl. méthod. L'Arctomys mela- nopus, de KuuL?) est d’un brun noirätre, pi- queté de brun en dessus ; d'un roux ferrugineux en dessous ; le sommet de la tête est d’un brun uniforme, passant au brun rougeätre sur l’oc- ciput; les joues et le menton sont d’un blanc grisätre sale ; la poitrine et les pattes de devant d'un roux vif; la queue est courte, noirâtre au bout. Elle habite particulièrement le Canada et les environs de la baie d'Hudson. La MaRMOTTE FAUVE ( Arclomys fulra, EvEeRS.) a beaucoup d’analogie avec le bobak; elle a treize pouces (0,552) de longueur, non compris la queue, qui en a trois (0,081); son pelage est d’un Jaune brun luisant, avec un duvet in- terne d’un gris cendré ; ses doigts, et surtout le pouce, sont très-minces et très-allongés. Elle habite les montagnes entre Orembourg et Buk- kara. La MARMOTTE POUDRÉE ( Arctomys pruinosa, GuL.— SaBine) est de la grosseur d’un lapin ; son pelage, long et dur, est formé de poils cen- drés à leur racine, noirs au milieu, blanchä- tres à leur extrémité, ce qui lui donne une couleur générale de gris blanchätre ; le bout du nez, les pattes et la queue sont noirs, cette der- nière mélangée de roux; les oreilles sont cour- tes, ovales ; les joues hlanchätres ; le dessus de la tête est brun. Elle habite le nord de l’'Amé- rique. La MARMOTTE MUGOSARIQUE (Arctomys mugo- saricus, EVERSN.) à huit pouces (0,217) de lon- gueur, non compris la queue, qui n’en a qu'un LES RONGEURS. (0,027). Son pelage ressemble à celui du sous- lik, mais l'animal en diffère principalement par sa plante des pieds large et courte, égalant la dixième partie de la longueur du corps. Elle ha- bite dans les montagnes de Monghodjar, près Boukkara. La MARMOTTE AUX DOIGTS LISSES ( Arclomys leptodactylus, Eversm.) est longue de huit pou- ces (0,217), non compris la queue, qui a deux pouces et demi (0,068). Son pelage est serré, d’un jaune luisant en dessus, blanc en dessous, d'un gris brun sur le sommet de la tête; elle a une tache blanche entre l'œil et le nez, et un trait noir sur la face. La queue est d’un noir luisant en dessous, bordée de blanc. Elle habite Caraghata, près de Boukkara. Le Gunpi ( Arctomys gundi, GmLz. Mus gundi, Rorum.) est de la taille d’un lapin; ses oreilles sont très-courtes, mais larges; son pelage est roussâtre; il n’a, dit-on, que quatre doigts à chaque pied. Il habite l'Afrique. Le Mauun (Arctomys maulina, SPAw. Mus maulinus, MoLina) serait, selon Molina, deux fois plus grand que notre marmotte; son mu- seau est plus long, plus effilé ; sa queue moins courte; ses oreilles sont pointues, et il a cinq doigts à chaque patte. 11 habite le Chili. La ManmoTTE DE CIRCASSIE ( Arctomys cir- cassiæ, PENN. Mus tscherkessicus, ErxL.) est de la taille du hamster; ses yeux sont rouges et brillants ; son pelage est châtain ; sa queue est assez longue et pointue; sesjambes de devant sont plus courtes que celles de derrière. Peut-être est-ce un gerbille? Elle habite des terriers le long du fleuve Térek. Ces trois dernières es- pèces ont été si mal décrites par les auteurs qui les ont observées, qu’on doit les regarder comm fort douteuses. É 8° GEnre. Les SPERMOPHILES ( Spermo- philus, Fr. Cuv.) ont la même formule den- taire que les écureuils, avec lesquels ils ont au- tant d’analogie qu'avec les marmottes; leurs molaires sont étroites; un hélix borde leur oreille; leur pupille est ovale; leurs abajoues sont grands; leurs doigts de pied sont étroits et libres; ils ont le {alon couvert de poils, et les doigts des pieds de derrière sont nus. Le JEvrAscaka ou Sousuik (Spermophilus ci- tillus, Less. Arctomys citillus, Desm. Mus citil- lus, Lin. Le Zizel etle Souslick, Burr. La Mar- molte de Sibérie, Burr.) a environ un pied (0,525) de longueur, non compris la queue qui n’a guère que trois pouces (0,081); son pelage est d’un gris brun en dessus, ondé ou tacheté de blanc par goultelettes, blanc en dessous. On en con- ait plusieurs variétés, dont Buffon a fait au- tant d’espèces : 1° le souslik, à pelage tacheté; 2° le zisel, à pelage ondulé ; 5° la marmotte de Sibérie, à pelage d’un brun jaunätre uni- forme. MARMOTTES. 317 Le jevraschka vit solitaire dans le nord de l'Europe et de l'Asie, ainsi que dans la Perse, l'Inde et la Tartarie. Il se creuse un terrier comme lamarmotte, et y passe l'hiver dans un engourdissement complet. Lorsqu'on l’irrite, ou qu’on veut le prendre, il pousse un cri comme la marmotte, et mord violemment. En mangeant il se tient assis, et porte les aliments à sa bouche avec les pieds de devant. Il entre en amour au printemps, et, en été, la femelle met bas cinq ou six petits, qu'elle allaite dans son terrier. Ces animaux se nourrissent de graines, et, si l’on en croit Buffon, ils dévastent les récoltes de blés et s’amassent des provisions pour l'hiver. Leur fourrure est assez estimée. Le SPERMOPHILE DE RICHARDSON (Spermophilus Richardsonii, Less. Arctomys Richardsonii, SaBixe. La Marmotte tannée d'Amérique, des voyageurs) a le sommet de la tête couvert de poils courts, noirâtres à la base, plus clairs à la pointe ; le museau est aigu, couvert de poils brunâtres ; les oreilles sont courtes, ovales ; la queue médiocre, à poils longs, annelés de brun et de noir, fauves à la pointe; le pelage est uni- formément fauve, à poils bruns à la base ; la gorge est d’un blane sale; le ventre est plus clair que le dos, et des taches ferrugineuses sont éparses çà et là. Elle habite Ie nord de l'Amérique, et a été trouvée aux environs de Carlston-louse. Le SreRuOPuice pe Hoop (Spermophilus Hoo- dii, Less. Arctomys Hoodii, Samiss. Sciurus tridecemlineatus, DEsu.) a environ cinq pouces (0,135) de longueur, non compris la queue, qui n'en a que {rois (0,081) ; son corps est mince, et son museau pointu ; son pelage est d’un chà- tain foncé en dessus, avec une ligne médiane blanchätre, moitié continue et moitié formée de petites taches; de chaque côté de cette ligne en sont trois autres non interrompues, alter- nant avec trois séries de taches blanchätres ; le dessous du corps est d’un blanc jaunâtre. Il ha- bite les forêts des sources du Meschasabé; on ignore ses habitudes. Le SPERMOPHILE DE FRAN&LIN ( Spermophilus Franklinii, Less. Arctomys Franklinii, Sagine. La Marmotte grise d'Amérique) a dix pouces (0,271) de longueur totale ; elle a la gorge d’un blanc sale; son pelage est d’un gris jaunâtre varié, ou brunâtre piqueté de blanc jaunätre, couleur produite par ses poils bruns à la base, d'un blanc sale au milieu, aunelés de noir, et terminés de blanc jaunâtre : ceux du ventre sont noirätres à leur origine, d’un blanc sale à leur extrémité; la queue est annelée de blanc et de noir; le museau est très-obtus, et les oreilles sont assez longues. Il habite le nord de l'Amérique. Le SPERMOPHILE DE PARRY (Spermophilus Par- ryüi, Less. Arctomys Paryii, Ricuarps. L'Ecu- reuil de terre, HEARN.) a cinq doigts aux pieds de devant, et des abajoues ; son museau est co- nique ; ses oreilles sont très-courtes; sa queue est noire au bout, longue; il a le corps tacheté en dessus de plaques blanches et noires con- fluentes, et le ventre d'un roux ferrugineux. Il habite le nord de l'Amérique. Le WisrouwisCca (Spermophilus ludovicanus, Less. Arctomys ludoviciana, Sax. Arclomys missouriensis, WarD. Cynomis socialis, RAFIN. Le Chien des prairies, Lewis et CLark.) a seize pouces (0,453) de longueur : son pelage est d'un rouge brun ou d’un brun roussâtre sale et pâle, entremélé de poils gris et de poils noirs; sa tête est large, déprimée en dessus ; il a les yeux grands; les oreilles courtes et comme tron- quées ; tous les pieds ont cinq doigts ; sa queue, assez courte, a une bande brune vers son ex- trémité. Cet animal a reçu des Américains le nom singulier de chien des prairies, non pas qu'il ait quelque analogie de mœurs ou de formes avec les chiens, mais parce qu'on à cru trouver de l’analogie avec l’aboiement de ces derniers animaux et son cri. Selon Harlan, ce cri s’imite assez bien, en prononçant avec une sorte de sifflement la syllabe tcheh. Cette espèce est très-commune dans la province du Missouri, où elle vit en troupes plus ou moins nombreuses, chaque famille occupant un terrier qui lui est exclusif; il en résulte que ces terriers sont très- rapprochés et forment comme des sortes de garennes auxquelles les habitants du pays donnent le nom de villages. Quelques-uns de ces villages ont une petite étendue, mais il en est d’autres qui ont jusqu'a plusieurs milles de cireuit. Du 318 LES RONGEURS. reste, les habitudes de ce spermophile sont à peu près Les mèmes que celles de la marmotte des Alpes. Le SekRNOPHILE GRis {Spermophilus griseus. Less. Cynomys griseus, RariN.) a environ dix pouces et demi (0,285) de longueur ; son pelage est fin, entièrement gris ; ses ongles sont longs. Cette espèce douteuse habiterait les bords du Missouri. A la suite des spermophiles nous placerons un genre assez hétéroclite, composé d’ane seule espèce, dont on a fait une famille sous le nom d'ulacodées. L'animal qui la compose ressem- ble aux marmottes par la forme des dents, mais il se rapproche des pores-épics par plusieurs au- tres caractères, et particulièrement par les soies dures et longues de son pelage. 9e GENRE. Les ULACODES (.{fulacodus , Ten.) ont douze dents pendant leur jeunesse et seize dans l'âge adulte, savoir : deux incisi- ves supérieures fortement cannelées, ayant cha- cune deux sillons; deux inférieures lisses et tranchantes ; point de canines; quatre ou six molaires ayant deux sillons profonds et trois éminences à la mächoire supérieure ; quatre NL 1 Ke np ’ 1" DE ou six molaires à la mâchoire inférieure, la première de chaque côté ayant trois sillons et quatre éminences; le museau est court, large, obtus, sans abajoues; ils ont quatre doigts à tous les pieds, et un cinquième, rudimentaire, caché sous la peau ; leur queue est entièrement poi- lue ; leurs oreilles sont grandes, à conque gar- nie de replis internes. L'ULACODE SWINDERIEN (Aulacodus swindera- nus, ‘TEnM.) a huit pouces et quart (0,224) de longueur, c’est-à-dire qu'il est un peu plus grand que le campagnol aquatique ( Hypudœus amphibius). Ses oreilles sont nues, très-grandes, en demi-cercle ; la queue, à peu près grande comme la moitié du corps, est garnie de poils courts; le pelage est grossier, formé de soies dures et longues , annelées de jaunätre et de brun foncé ; le dessous du corps est d’un blanc jaunätre uniforme ; la queue se termine par un flocon de poils La patrie et les mœurs de cet animal sont inconnues ; mais il est probable qu'il vit dans un terrier, comme les marmottes. NN A 7 A \ AE one LD S RO 2 à — AUCRCNCEST LE MAISON DE CUVIER. (Jardin des Plantes.) RATS-TAUPES. 319 Le Rat-Taupe. LES RATS-TAUPES Ont au plus seize molaires; leurs incisives en forme de coin; six molaires en haut et six inférieures sont tronquées, en coin, c’est-à-dire en bas, simples, à tubercules mousses ; leur à tranchant transverse rectiligne et non en corps est cylindrique ; leurs pieds courts, les pointe ; les ongles, des pieds de derrière au antérieurs propres à fouir la terre, tous munis moins, sont plats. de cinq doigts; leurs yeux sont excessivement 10° Genre. Les RATS-TAUPES (| Georichus, pelits, cachés sous la peau ; enfin leur queue est Ii.) ont seize dents, savoir : quatre incisives, nulle ou (rès-courte. Le ZEMNI (Georichus typhlus, Less. Aspalax typhlus, Drsu. Spalax major, Erxzes. Spalax microphthalmus, Guinexsr. Mus typhlus, Lax. Le Zemmi, le Slepes, le Rat-Taupe, et la Taupe aveugle des voyageurs) A jusqu'à huit pouces (0,217) de longueur, c’est-à-dire qu'il est à peu près de la taille du rat commun; son pelage est fin, serré, d’un gris cendré lavé de roussâtre, ou ferrugineux, quelquefois ayant des taches blanches irrégulières ; sa tête est grosse, anguleuse sur les côtés; il manque de queue. Le zemni était connu des Grecs, qui lui donnèrent le nom d'aspalax et re- marquérent fort bien qu'il est aveugle. Les auteurs latins qui vinrent après tra- duisirent ce mot aspalax par celui de talpa, taupe, parce qu'ils ne connaissaient pas le zemni, et de là est venue cette erreur populaire que la taupe est aveugle. Quoi qu'il en soit, ainsi qu’elle, le zemni habite de longues galeries souterraines, d'ou il ne sort que très-rarement. En creusant son habitation, il trouve sa nourriture, consistant en racines bulbeuses, et principalement en celles du cer- feuil bulbeux (Chærophyllum bulbosum) qu'il aime beaucoup. C’est particulié- 320 LES RONGEURS. rement dans les terres humides, où cette plante croit abondamment, que cet animal aime à fixer sa résidence. Dans le temps des amours, c’est-à-dire depuis le printemps jusqu'au milieu de l'été, il se hasarde quelquefois à sortir de son trou pour aller chercher sa femelle, mais il le fait avec beaucoup de prudence. Il marche avec inquiétude, s'arrête de temps en temps, la tête haute, non pour voir le danger, puisqu'il n’a pas d’yeux, mais pour écouter, car, en compensa- tion de la vue, qui lui serait à peu près inutile dans son habitation souterraine, la nature lui a donné une ouie d’une finesse extrême. Au moindre bruit il fuit avec vitesse, tantôt en avant, si le danger lui paraît venir derrière lui, tantôt à reculons, et il est aussi agile dans cette singulière démarche que s’il courait devant lui. Est-il attaqué, il se défend de la griffe et des dents, avec un cou- rage extraordinaire, et 1l ne cesse de combattre qu'en mourant. La femelle fait de deux à quatre petits, qu'elle élève avec soin et qu’elle allaite avec ses deux mamelles. Cet animal habite l'Asie Mineure, la Perse, la Russie méridionale jusqu'au nord de la mer Caspienne. Il est fort gras en automne, et pèse jusqu’à un kilo et demi. Le Sukerkan (Georychus talpinus, Less. Lemnus talpinus, Desu. Mus talpinus, GuL. Spalax minor, EnxLes.) n’a guère que trois pouces (0,081) de longueur ; son pelage est d’un gris brun en dessus, blanchâtre en dessous. 11 a une petite queue. On en connait une variété à pelage noir. Il se creuse des galeries comme le précédent, et n’en sort que la nuit. Il se nour- rit principalement de bulbes de gesse tubéreuse ( Lathyrus tuberosus ), de phlomis tubéreux (Phlomis tuberosus), et d’ognons de tulipes. Dansletemps de ses amours, il répand une odeur musquée assez forte. 11 habite la Russie méri- dionale, la Tatarie ct la Bukkarie. Le RarT-TaupE À BANDES ( Georychus vittatus, Less. Spalaxtrivittata, Rarin.) est long de sept pouces (0,089), et a la forme d’un cochon d'Inde; ses oreilles sont petites, ovales, un peu poin- tues ; il manque absolument de queue ; son pe- lage est fauve en dessus, avec trois bandes lon- gitudinales larges et brunes ; le dessous du corps est blanc. Il habite le Kentucky, aux États-Unis d'Amérique. Le Zocor (Georychus zokor, Less. Lemnus zokor, DEesm. Mus aspalax, Li. —PaLL.), plus petit que le zemni, a le pelage d’un gris roussä- tre, mélangé de gris clair et de brun à la racine, passant au blanchâtre en dessous ; sa queue est très-courte, pointue, couverte de poils de même couleur que le dos; le corps est raccourci, ven- tru. Il a les mêmes habitudes que les précédents, et se nourrit principalement des bulbes du lis pompon (Lilium pomponium) et de l’érythrone dent-de-chien (Erythronium dens-canis). 11 ha- bite la Daourie et les monts Altaïs. 11° Genre. Les BATHYERGUES ( Bathyer- güs, 1LL1G.) ont seize dents, savoir : quatre in- cisives en coin, et douze molaires; leurs pieds de devant sont munis d'ongles robustes propres à fouiller la terre; leurs yeux sont extrêmement petits, mais découverts; leur queue est très- courte. Le CRicer ( Balhyergus capensis, Desm. Mus capensis, GmL.— Pac. Le Petit rat-taupe du Cap, Burr.) est de la grandeur d’une taupe; son pelage est brun ; il a le bout du museau blanc, avec une tache blanchätre autour de l'oreille, une autre autour de l’&il, et une troisième sur le vertex. Il habite les environs du cap de Bonne- Espérance, et il y fouille la terre à la manière des taupes. Le BATUYERGUE HOTTENTOT | Baihyergus hot- tentotus, Less. et Gann.) est moitié plus petit que le précédent, et a quatre pouces six lignes (0,122) de longueur ; son pelage est d’un brun gris, passant au cendré en dessous; sa queue, excessivement courte, est bordée de poils disti- ques. 11 habite les environs du cap de Bonne- Espérance, près la Péarl. 19° Genre. Les ORYCTÈRES ( Oryclerus , Fr. Cuv.) ont vingt dents, savoir : quatre inci- sives, ayant un sillon longitudinal très-profond ; point de canines; huit molaires en haut et huit en bas. Leur museau, plus allongé que dans le genre précédent, est terminé par un boutoir ; leur queue est plate. L'ORYCTÈRE DES DUNES (Orycterus maritimus, Less. Bathyergus maritimus, Des. Mus mari- timus, Gur. La Grande taupe du Cap, Burr. Le Rat-taupe des dunes, G. Guy.) est presque aussi grand qu’un lapin. Son pelage est d’un gris blan- chätre ; sa queue est grise, à poils roides. Cet animal, qui vit à la manière des taupes, fouille tellement la terre dans les environs du Cap de RATS-TAUPES. 321 Bonne-Espérance, où il habite, qu'il est souvent dangereux de se promener à cheval dans les can- tons où il est commun. 11 se nourrit de racines et d'ognons de plantes bulbeuses. 12% Genre. Les CTENOMES ( Clenomys, Bcainv.) ont vingt dents, savoir : quatre incisi- ves fortes, à coupe carrée, à bord large, sans sillon sur leur surface ; huit molaires en haut et huit en bas; leur tête est ovale, peu déprimée ; leurs yeux sont petits; leur corps est assez al- longé, un peu déprimé ; leurs jambes sont cour- tes ; leurs pieds ont cinq doigts pourvus d'ongles longs, très-arqués, pointus, propres à fouir la terre; ceux des pieds de derrière plus courts. plus larges, creusés en cuiller en arrière, garnis à leur racine de poils roides en râteau. Le Crévone ou Bnésiz (Ctenomys brasilien- sis, Brainv.) est de la taille de notre rat d’eau. Son pelage est doux, fin, court, d’un gris ardoisé à sa base, et d’un brun roussâtre luisant dans tout le reste de son étendue ; le dessous est d'un blanc roussätre ; sa queue est médiocre, à poils rares et d’un brun noirâtre. Il habite le Brésil. 15° Genre. Les HÉLAMYS (Helamys, Fu. Cuv.) ont vingt dents, savoir : quatre incisives en forme de coin ; huit incisives à chaque mä- choire, simples, à deux lames ; ils ont le museau épais ; les oreilles longues; les jambes de devant courtes, à cinq doigts armés d'ongles fort longs ; les jambes de derrière très-longues, à quatre doigts; la queue longue et très-touffue; quatre mamelles pectorales. 322 LES RONGEURS. L’Hélamys Mannet. Le MANNET Où LIÈVRE SAUTEUR DU CAP ( elamys cafer, Fr. Cuv. Pedetes capensis, Desm. Dipus cafer, Gur. Le Grand Gerbo, Burr.) Est à peu près de la grandeur et de la couleur d’un lièvre; il est d’un fauve jaunâtre clair, varié de noirâtre en dessus, blanc en dessous, avec une ligne de la mème couleur dans le pli des aines ; ses jambes sont brunes; sa queue, assez mince, est roussâtre à l'origine en dessus, grise en dessous, noire à l’ex- trémité. Le mannet habite les montagnes autour du cap de Bonne-Espérance. Avec ses ongles puissants il se creuse un terrier ayant quelque analogie avec celui d'un lapin, mais un peu plus large. C’est là que cet animal se retire pendant le jour, car ses grands yeux nocturnes ne lui permettent pas de soutenir l'éclat des rayons du soleil. Il dort profondément toute la journée, et il semble qu'il y mette une sorte de volupté paresseuse. Assis sur le derrière, le dos appuyé contre la paroi de sa chambre à coucher, il ploie le dos, courbe la tête et la place entre ses deux genoux écartés et mollement pliés; avec ses mains, il prend ses deux longues oreilles, les rabat sur ses yeux en manière de rideaux, et par ce moyen aucune distraction ne lui arrive, ni par la vue, ni par l’ouie. S'il se réveille de temps à autre, c’est pour goûter à ses provisions, et se rendor- mir bientôt après dans une douce quiétude. Mais quand les premiers voiles de la nuit ont assombri l'horizon, il quitte son attitude somnolente, et pense à faire RATS-TAUPES. 323 ses provisions pour le lendemain. Il sort de son terrier, et du bord de son trou evente les environs pour s'assurer qu'aucun danger ne le menace. Alors il se hasarde dans la campagne, mais avec précaution, et il ne s'éloigne jamais beau- coup de sa retraite, afin de pouvoir y rentrer promptement s’il aperçoit quelque objet inquiétant. Lorsqu'il est tranquille, il marche sur ses quatre pattes, et ra- masse l'herbe et les graines dont il se nourrit. Il goûte à ses provisions avant de les transporter, et pour cela, debout sur son derrière, il les: porte à sa bouche avec ses pattes de devant, qui font office de bras et de mains. Apercoit-il un animal carnassier ou un chasseur, il fuit en sautant sur ses jambes de derrière, en conservant sa position verticale et faisant des bonds prodigieux. Dans ce cas, ses jambes de devant sont si exactement appliquées contre son corps, qu'elles disparaissent presque entièrement dans les poils de la poitrine. Du reste, cet animal, si timide à l’état sauvage, s’apprivoise très-facilement, et, en domesticité, il porte quelquefois la familiarité jusqu’à l'insolence. Comme sa chair est assez bonne à manger, les Hottentots et les colons lui font une guerre active. Ils cherchent son terrier, le découvrent avec la pelle et la pioche, et s'emparent de l'animal, qui fait fort peu de résistance, et qui se borne le plus souvent à pousser un petit grognement sourd de colère, si on ne le blesse pas. Quand son terrier est creusé dans des fissures de rochers, on le force à en sortir en le fumant, comme nous faisons ici pour les renards. 32% LES RONGEURS. KEN La Gerboise Alactaga. LES GERBOISES Sont remarquables par leurs membres posté- canines; huit molaires en haut et six en bas, rieurs beaucoup plus longs que les antérieurs, simples, à couronne tuberculeuse, la première d’où il résulte qu'au lieu de marcher à quatre supérieure n'étant que rudimentaire et tombant pieds elles sautent sur deux ; ellesont les incisives avec l’âge; les jambes postérieures sont plus ou inférieures pointues, et non cunéiformes ; ja- moins allongées, et les doigts en nombre varia- mais plus de douze ou quatorze molaires, etious ble, mais n’ayant, comme ceux des oiseaux, les doigts libres. qu'un seul métatarsien pour tous; lespommettes 44° Genre. Les GERBOISES ( Dipus, Scres. sont {rès-saillantes; la queue est très-longue , — Gi.) ont dix-huit dents, savoir : quatre in- touffue au bout; et ils ont huit mamelles. Tous cisives, dont les inférieures pointues; pas de ees animaux ne marchent qu'en sautant. L'ALACTAGA ( Dipus jaculus, Gur. Musjaculus, Par. Le Mongul, Vice-n'Azvr. Le Morin jalna des Kalmoucks) À environ sept pouces (0,189) de longueur, non compris la queue qui est beau- coup plus longue que le corps, et n’a pas moins de onze pouces (0,298). Il à beaucoup d'analogie avec le gerboa, mais il en diffère par un pelage moins fauve, par sa tête plus longue, par ses oreilles presque nues, assez étroites, mais plus longues que la tête, et surtout par l'existence des deux petits doigts latéraux aux pieds postérieurs. Sous le nom de Dipus jaculus pygmæus, Eversmann en indique une variété plus petite habitant le désert entre Orembourg et Bukkara. L'alactaga se trouve dans les déserts de la Tartarie, de la Crimée et de la Tauride. Il s'engourdit deux fois par an : en hiver, et alors il a le soin de bou- cher hermétiquement son terrier avec de la terre délayée, et en été pendant les vo pr LES HELAMYS, CAP DE BONNE-EXPERANCE. (Jardin des Plantes.) RATS-TAUPES. 325 grandes chaleurs. Il n'amasse aucune provision, et se borne à transporter dans son trou un peu de foin et de mousse pour se coucher dessus pendant son hiver- nage. Nocturne, comme les autres animaux de son genre, il ne quitte sa retraite que la nuit pour aller chercher sa nourriture, qui consiste en herbes, en feuilles et en racines, quelquefois en insectes, et même en petits oiseaux quand il peut les saisir. D'un caractère farouche et féroce, il lui arrive parfois de se jeter sur des individus de son espèce, sur ses propres enfants même, et de les dévorer s’ilest le plus fort. D'un seul bond il franchit une distance considérable, et ses sauts se répètent avec une si grande rapidité, que, selon Pallas, le meilleur cheval de course ne peut le dépasser. La femelle produit plusieurs fois l’année, et chaque fois elle fait un nombre de petits assez considérable. Le Gerso Ou GER8OA ( Dipus gerboa, GuL.— Desu. Mus jaculus, Lin. Mus sagilta, Paz. Le Gerbo ou Gerboise de Burr. La Gerboise à trois doigts de quelques auteurs) a le corps long de six pouces (0,162), non compris la queue qui est plus longue que le corps; son pelage est d'un fauve clair en dessus, la pointe des poils étant noire ; le dessous du corps est blanc ; un crois- sant de la même couleur se dessine sur chaque fesse ; les oreilles sont de moitié aussi longues que la tête; celle-ci est courte, élargie; les pattes de derrière ont trois doigts, dont celui du mi- lieu le plus long ; les pattes antérieures ont un petit pouce onguiculé. Les jamhes sont nues, aussi bien que les oreilles et le museau. Il a eté souvent confondu avec le précédent. Le gerbo, que les Arabes nomment jerbuah, habite les lieux sablonneux et déserts de la Barbarie, de l'Arabie et de la Syrie. C’est un animal timide, in- quiet, fort défiant, assez doux, et qui néanmoins ne s’apprivoise que jusqu'à un certain point. Ses jambes de devant sont trop courtes pour pouvoir lui servir à marcher, aussi ne les emploie-t-il à cet usage que lorsqu'il s’agit de grimper contre des pentes trés-roides ; dans toute autre circonstance, son allure est le saut ; il peut, dit-on, franchir d'un seul bond un espace de dix pieds (5,248), et, dans sa marche ordinaire, il ne saute pas moins de trois à quatre pieds (0,975 à 1,299) chaque fois. Rien n'est curieux comme de voir ce petit animal, lors- qu'on le surprend dans un blé déjà haut, s’élancer à chaque pas qu'il fait au- dessus des épis, paraitre et disparaître comme une marionnette, mais avec unesi grande vivacité qu'il est impossible au chasseur le plus habile de pouvoir le tirer. Dans cette circonstance, il a les pieds antérieurs exactement appliqués contre la poitrine, le corps très-penché en avant, ses longues jambes étendues en arrière, ce qui lui donne une physionomie fort singulière. Les gerboas vivent en troupes quelquefois assez nombreuses, et se creusent des terriers à la manière des lapins; ils y entassent, pendant la belle saison, une assez bonne quantité de provisions, mais pour leur consommation journa- lière, et pour le temps où des orages ne leur permettent pas de sortir, car ils s’engourdissent pendant l'hiver, comme les marmottes. Ils mangent des graines et même de l'herbe ; mais leur nourriture favorite, et la plus ordinaire, con- siste principalement en petites racines tubéreuses et en bulbes de plantes lilia- cées, qu'ils deterrent avec une grande facilité. Pour manger, ils sont assis sur leurs talons, et ils portent leurs aliments à la bouche avec leurs pattes de de- vant; dans le repos, celles-ci sont tellement bien cachées dans les poils de la poitrine qu'on dirait qu'ils n’en ont pas. Ce sont des animaux nocturnes, qui 326 LES RONGEURS. : dorment tout le jour dans leur retraite, et qui n’en sortent que la nuit pour aller à la provision. Pendant les premiers jours de l'automne, ils s'occupent à couper et lransporter des herbes fines et sèches, pour composer le lit mollet dans le- quel ils doivent passer un court hiver. Dès que les vents froids commencent à se faire sentir, ils s’y retirent, et n’en sortent que lorsqu'une nécessité absolue les y pousse. S'il survient des gelées, ils s’y blottissent et s’y engourdissent. La GERBOIS8GÉANTE(Dipusmaximus, BLAINV.) est de la grosseur d’un lapin de moyenne taille ; son pelage est d’un gris clair en dessus, blanc en dessous; elle a, sur chaque œil, une ligne noire, et ces deux lignes se réunissent sur le chanfrcin ; elle a quatre doigts aux pieds de de- vant et trois à ceux de derrière. On ne connait ni ses mœurs pi sa patrie. La GenBoisE Buacuyure ( Dipus brarhyurus, BLainv. Mus jaculus, Var. PALL.) a quatre pouces et demi (0,122) de longueur, sansla queue, qui est seulement un peu plus longue ; son pelage est d’un fauve pâle varié de brun en dessus, blanc ea dessous ; elle a un croissant hlanc sur chaque fesse ; son museau est blanc à l’extré- mité et brun en dessus ; la queue et les mem- bres sont assez épais, les oreilles assez courtes ; les pieds postérieurs ont cinq doigts, dont les trois internes sont d'égale longueur entre eux. Elle habite la Tartarie et la Sibérie. La GEnpoise vase ( Dipus minulus, Des. Dipus jaculus, Var. minor, PALL.) atteint à peine la taille d'un mulot. Son pelage est d’un gris jaunätre pâle, varié de brun en dessus, blanc en dessous; ses extrémités sont blanches, ainsi qu’un croissant sur chaque fesse ; le museau est d’un gris jaunätre, et non pas blanc ; elle à cinq doigts aux pieds de derrière, à ongles des trois in- ternes d'égale longueur entre eux. Elle habite les bords de la mer Caspienne et du Volga. La GEnRBoise TRAIT | Dipus telum, EVERS.) est longue de cinq pouces (0,135) sans la queue, qui en a six (0,162), est bordée de noir, et n’a pas de blane à son extrémilé ; elle a trois doigts aux pieds de derriere; les tarses garnis en dessous de poils noirâtres, durs, médiocrement longs, ont de forts tubercules à la naissance de l’ongle. Elle se trouve aux environs du lac Aral. La GERDOISE À PIEDS DE LIÈVRE (Dipus lagopus, lvEers.) à quatre pouces trois lignes (0,115) de longueur, sans la queue, qui en a autant ; celle- ci est terminée par une touffe de poils blancs, et bordée de poils noirs à un pouce de son ex- trémité; les tarses sont garnis en dessous de poils serrés, longs, roides et blanes, formant la brosse ; le pelage est isabelle claire en dessus, blanc en dessous. On la trouve entre Bukkara et Orembourg, près du lac Camexbli. La GERBOISE À QUEUE PLATE ( Dipus platurus, Evens. } a {rois pouces six lignes (0,095: de lon- gucur, sans la queue, qui en a trois (0,081). Ses formes sont les mêmes que celles de la pré- cédente, mais ses oreilles sont longues, sagittées, terminées par une petite touffe de poils noirs et très-courts; les pieds ont cinq doigts. Elle habite le méme pays, près de Kouvan-Deria. 15 Genre. Les GERBILLES (Gerbillus, Disx.) ont seize dents, savoir : quatre incisives ; point de canines ; six molaires en haut et en bas, simples, à couronne tuberculeuse. La pommette des joues n’est pas saillante ; les jambes posté- rieures sont très -longues, à cinq doigts ayant chacun son métatarsien propre; leur queue est longue, plus ou moins touffue, sans pinceau de poils plus longs à l'extrémité. Is ne marchent qu'en sautant. Le Jino ( Gerbillus meridianus, Desu. Mus longipes et Mus meridianus, PaLL.) a quatre pouces deux lignes (0,115) de longueur, sans la queue, qui en a trois (0,081); son pelage est d'un fauve grisätre en dessus, et d’un blanc pur en dessous, avec une ligne dorsale d’un roux brun ; les membres sont blancs ; la queue est d'un fauve grisätre uniforme. Les pieds de devant ont un pouce à la vérité fort court, mais ongui- culé. Le jird habite les déserts sablonneux et arides qui séparent le Volga de la chaine des monts Ourals ; il est assez commun sur les bords brûlants de la mer Caspicnne. 11 se nourrit de graines sèches et de fruits à coque dure, tels que noiseltes, noix, etc., et vit dans un terrier. Toutes les espèces ont les mêmes habitudes. Le GERBILLE DU TaMARISC (Gerbillus tamarici- nus, Desu. Mus tamaricinus, PALL.) est long de six pouces (0,162), sans la queue, qui en a cinq (0,155) ; son pelage est épais, d’un gris jaunâtre en dessus, blanc en dessous ; le tour des yeux et du nez est d’un blanc sale, la queue est annelée de gris el de brun; les pieds de derrière ont le pouce plus court que le doigt externe. 11 habite les bords de laÿmer Caspienne, dans un terrier creusé à proximilé des marais salins, n’en sort que la nuit, et se nourrit de feuilles de soudes et de tamarises. L'Heune (Gerbillus indicus, Desn. Dipus in- dicus ou Yerbua, Harpwicu) est de la taille d’un rat commun; son pelage est marron en dessus et tacheté de lignes brunes longitudinales; le corps est blanc en dessous; la queue, un peu plus longue que le corps, est brune, terminée RATS-TAUPES. par un flocon de poils blanes. Il habite l’Indos- tan, vit de graines, et amasse des provisions. Le Genie DU Lagnapon ( Gerbillus labra- doricus, SABINE ) a quatre pouces de longueur (0,108), sans la queue, qui en a deux et demi (0,068) et qui est noire en dessus, blanche infé- rieurement ; le pelage est brun en dessus, blanc en dessous, ces couleurs se fondant insensible- ment l’une dans l’autre ; les moustaches sont très-fournies, longues et noires. Le GERBILLE DES PYRAMIDES ( Gerbillus pyra- midum, Isin. GEor. Dipus pyramidum, GEor.) a cinq pouces (0,155) de longueur, non compris la queue, qui en a autant ; celle-ci est presque nue, terminée par un petit pinceau de poils jau- nâtres; le pelage est d’un jaune roussâtre en dessus, d’un blanc sale en dessous; les pieds antérieurs n’ont que quatre doigts, sans rudi- ment de pouce. Ce n’est peut-être qu’une va- riété du gerbille du tamarise, mais distincte de la suivante, aveclaquelle Desmarets, Lesson,etc., l’ont confondue. Il habite les environs des gran- des pyramides, en Egypte. Les espèces qui vont suivre ont les jambes pos- térieures d’une longueur excessive. Le Gergilze D'Écyere (Gerbillus œgyptius, Desu. Dipus Gerbillus, Oui.) n’est que de la taille d’une souris: comme le précédent, mais de moitié plus petit ; ses patles antérieures ont cinq doigts, sa queue est brune, et ses membres postérieurs sont au moins aussi longs que le corps. Il se trouve dans le même pays. Le GERBILLE AUX YEUx RONDS ( Gerbillus me- galops, Rarin.) est long de deux pouces (0,054), sans la queue, qui est plus longue et terminée de blanchätre; ses jambes postérieures sont lon- gues de trois pouces (0,081) ; son pelage est gris ; ses oreilles ct ses yeux très-grands, et son museau noir.ll habite le Kentucky ,en Amérique. Le GERBILLE QUEUE DE LION (Gerbillus Lleonu- rus, Rarix.) a trois pouces (0,081) de longueur, non compris la queue, et ses jambes de derrière 327 sont de la même longueur; son pelage est fauve ; ses oreilles sont très-longues ; sa queue est noire, terminée par une touffe fauve. Il habitele Ken- tucky et l’Indiana, en Amérique. Le GERBILLE DE LA BAIE D'HUDSON (Gerbillus hudsonius, Rarin.) ressemble beaucoup au pré- cédent, mais son corps est brun, bordé d’une ligne jaune de chaque côté. Il habite les rives de la baie d'Hudson. Le GERBILLE SORICIN (Gerbillus soricinus, Rare.) est d’un gris brun en dessus, avec une ligne rousse longitudinale sur les flancs; les oreilles sont presque nues, ovales-arrondies ; la queue, plus courte que le corps, est soyeuse, d’un gris brun en dessous. 11 habite l'Amérique du nord. 16° Genre. Les MÉRIONES (Weriones, ILLG.) ont dix-huit dents, savoir : quatre incisives, huit molaires en haut et six en bas; les molaires sont composées, et non simples comme dans les gen- res précédents; la couronne représente une sorte d'S renversé, avec des cercles de plus eu plus marqués sur les dernières dents. La M£ÉRIONE pu Canaba (Meriones nemoralis, Is. Grorr. Meriones canadensis, Less. Gerbillus canadensis, Desm. Gerbillus Daviesii, RAFIN. Dipus canadensis, Davies. Dipus americanus, BarTow) est de la grandeur d'une souris ; son pelage est jaunâtre en dessus, blanc en dessous; ses oreilles sont très-courtes ; sa queue, écail- leuse et presque nue, une fois et demie aussi lon- gue que le corps, se termine par un flocon de poils allongés ; elle a quatre doigts aux pieds de devant, et cinq à ceux de derrière. Elle habite le Canada et passe l'hiver engourdie au fond de son terrier. La MÉRIONE EPaIssE (Meriones opimus, EVERS }) a cinq pouces de longueur (0,135), non compris la queue, qui en a quatre (0,108) ct qui se ter- mine par une houppe brune ; ses formes sont lourdes, épaisses, et ses oreilles courtes. Elle ha- bite entre Orembourg et Bukkara. 1 328 LES RONGEURS. Le Chinchilla, LES RATS Ont les incisives inféricures pointues, ct ja- mais au delà de seize molaires. Leurs membres pestérieurs ne sont pas allongés comme ceux des gerboises, d'où il résulte qu'ils marchent sur leurs quacre pattes. Les uns ont.des aba- joucs extérieures, ce sônt les saccomys, géomys, diplostomes, hamster et héteromys; tous les autres n’en ont pas. Presque tous sont des ani- maux niisibles à l’agriculture. 17" GENRE. Les HAMSTERS (Cricelus, LAcÉP.) ont seize dents, savoir : quatre incisives, point de canines ; six molaires en haut et six en bas; les molaires sont simples, à couronne garnie de tubercules mousses. Leurs abajoues sont {rès- grandes ; ils ont quatre doigts et un rudiment de pouce aux pattes de devant, et cinq doigts aux pattes de derrière; leurs ongles sont r'obus- tes, et leur queue courte et velue. Le CHINCHILIA (Cricetus laniger, Grorr. Mus laniger, Moxina. Le Chincille de n'Acosra. Chinchilla lanigera, Harvey). Ce charmant animal a onze pouces (0,298) de longueur ; ilse fait remarquer par la beauté de sa fourrure, si recherchée par nos dames. Elle est composée de poils longs, soyeux, trés-doux, d’un gris noiratre ondulé de blane, ce qui donne au pelage une nuance veloutée de gris, de blanc et de noir; le ventre et les pattes sont d'un blanc pur et brillant; les oreilles sont grandes, arron- dies, membraneuses; sa queue est courte, couverte de longs poils roides, gris et blancs. Le chinchilla se trouve vers le sommet des plus hautes montagnes du Chili et du Pérou; son caractère est très-doux sans être extrêmement timide; aussi s'apprivoise-t-il avec la plus grande facilité, et je ne doute pas qu'avec un peu de persévérance on ne puisse en faire un animal domestique, comme le lapin. I deviendrait alors d'autant plus précieux que l’on pourrait non-seulement tirer parti de sa fourrure, comme on le fait aujourd'hui, mais encore en fabriquer EST & L-LUIF-- 3 m m2 o 1 ET DANATOMIR COMPARER. DU CABIN INTERIEUR (Jardin des Plantes.) Te TTL Se Len à FAT " RATS. 329 des étoffes, à l'imitation des anciens Péruviens. Ce petit animal s'attache à son maître, le reconnait, lui obéit, le caresse et aime à en être caressé ; à l'état sau- vage, il vit en société et habite des terriers, où il amasse des provisions de grai- nes et de fruits secs pour se nourrir pendant lamauvaise saison. La femelle met bas deux fois par an, et chaque portée est de cinq ou six petits, qu'elle élève avec soin dans un lit de mousse au fond de son terrier. La Viscacue ( Cricetus viscaccia.— Lepus vis- caccia, Mouina. La Viscache, v’AzarA), ainsi que le chinchilla, n’ont pas grande analogie avec les Le HausTErR ORDINAIRE (Cricetus vulgaris, Desu. Mus cricetns, Par. Le Hamster, Burr. Le Skrsecsiech des Slaves Illyriens. Le Chomik- Cricetus; aussi les Anglais en ont-ils fait un genre sous le nom de chinchilla. Cette espèce a la tête semblable à celle d’un lièvre ; sa queue est lon- gue ; elle a quatre doigts aux pieds antérieurs et {rois seulement à ceux de derrière; le pelage est long, doux, mélangé de brun et de blanchâtre; une bande blanche traverse l'œil ; les joues sont noires et garnies d'épaisses moustaches roides et longues. Elle habite le Chili. Skrzerzk des Slaves Polonais) est de la gran- deur d’un rat; son pelage est d'un gris roussà- tre en dessus, noir en dessous, avec trois grandes taches sur les flancs ; les pieds sont blancs, et Ja gorge et la poitrine présentent chacune une ta- che blanche. On en connaît une variété noire de l'Ural, décrite par Fr. Cuvier. Cette espèce a une grande réputation de prévoyance dans les pays qu’elle habite; elle y fait de grands dégâts. De tous les animaux de son genre, celui-ci est le mieux connu; nous allons donner son histoire dans les plus grands détails pour servir à celle du genre, car, à quelques modifications près, que nous enseignerons, toutes les espèces ont les habitudes à peu près semblables. Le hamster habite tout le nord de l'Europe et de l’Asie ; il ne s’engourdit pas l'hiver, quoi qu'en aient dit quelques naturalistes, et Pallas l'a démontré par des expériences positives. Il vit isolé dans les champs cultivés et dans les steppes de la Russie méridionale et de la Sibérie; mais, comme il multiplie considérablement, surtout dans de certaines années qui lui sont fa- vorables, il fait beaucoup de dégâts aux récoltes, et ses dévastations ont été quel- quefois si grandes, que plusieurs gouvernements d'Allemagne ont été obligés de mettre sa tête à prix. Il évite les champs humides et ceux qui sont sablonneux, à cause de la difficulté qu'il trouverait à y établir convenablement son terrier; mais il ne manque jamais de donner la préférence à ceux où la réglisse croît en abondance, parce qu'il aime beaucoup la graine de cette plante, et qu'il en fait de grands approvisionnements, surtout lorsqu'il manque de blé. Pour faire son habitation, il commence par creuser un conduit oblique, plus ou moins profond ; il en rejette la terre en dehors, et c’est par là que doivent sortir tous les maté- riaux superflus de son édifice. Aussi en résulte-t-il une petite butte de terre qui, malgré toutes les précautions qu'il prend ensuite pour masquer l'entrée de son terrier, le fait reconnaître par les chasseurs. Ce conduit aboutit à un pre- mier magasin, de forme sphérique, plus ou moins grand, mais n'ayant jamais moins de huit à dix pouces (0,217 à 0,271) de diamètre. Les parois en sont par- faitement unies, et la voûte en est solide. Tout à côté de ce magasin est un con- duit vertical, montant à la surface du sol, et c'est le passage ordinaire du hams- ter pour entrer et sortir de sa demeure. La femelle, ne logeant jamais avec le male, creuse ordinairement plusieurs de ces trous perpendiculaires, afin de donner plusieurs entrées libres à ses petits lorsqu'ils sont menacés d'un danger. À côte de ces trous, à un ou deux pieds (0,525 ou 0,975) de distance, les hamsters 42 330 LES RONGEURS. creusent un, deux ou trois caveaux particuliers, en forme de voûte, plus ou moins spacieux, Suivant la quantité de leurs provisions; c'est-à-dire que, lors- qu'ils ont rempli un magasin, ils s'occupent aussitôt à en faire un autre. Le caveau où la femelle fait ses petits ne renferme jamais de provisions; elle se borne à y transporter des brins de paille et du foin pour en faire un nid. Deux ou trois fois par an elle y met bas cinq ou six petits, quelquefois davantage, et elle en prend soin pendant six semaines ou deux mois. Quand ils ont atteint cet âge, elle les chasse, et chacun va de son côté se creuser un autre terrier, auquel, dans le premier âge, il ne donne qu'un pied de profondeur. Chaque année il l’agrandit, de manière que celui d’un vieux hamster s'enfonce en terre jusqu'à cinq pieds (1,624), et le domicile entier, y compris toutes les commu- uications et tous les caveaux, à quelquefois huit ou dix pieds (2,599 à 5,248) de diamètre. Pendant toute la belle saison les hamsters s'occupent exclusivement de rem- plir leurs magasins, et pour y apporter leurs provisions, consistant en grains secs et nettoyés, en épis de blé, en fèves et en pois en cosse, etc., ils se servent de leurs abajoues, qui peuvent contenir plus d’un décilitre (un demi-verre) de grains nettoyés. C'est ordinairement à la fin d'août qu'ils terminent cette opé- ration, après quoi ils s'occupent de nettoyer leur récolte, de jeter au dehors, par le conduit oblique, les pailles, cosses, balles, et grains avariés. Ils bouchent en- suite toutes les ouvertures de leur terrier avec de la terre gâchée, etavec tant d'in- telligence qu'il serait fort difficile de reconnaitre leur habitation, si, comme je l'ai dit, la butte de terre entassée devant le trou oblique ne la dénoncait pas. Ils passent la mauvaise saison dans leur domicile, où ils emploient tout leur temps à manger et à dormir. Il en résulte qu'au printemps ils en sortent beaucoup plus gras qu'ils y étaient entrés en automne. C’est dans cette dernière saison que les paysans se meltent en quête pour découvrir l'habitation des hamsters. Ils l’ou- vrent avec Ja pelle et la pioche, tuent l'animal pour en vendre la fourrure, et s'emparentdeses provisions, quisouvent contiennent deux boisseaux (2 décal. 602) de très-bons grains. Le hamster, malgré l'intelligence qu'il déploie pour faire ses approvisionne- ments, n'en est pas moins un animal brute, incapable de s’apprivoiser assez pour reconnaitre la main qui le nourrit, et d’une férocité d'autant plus étrange qu'elle ne résulte pas de ses besoins, mais d'une méchanceté innée. Si l’un d’eux, pressé par le danger, se fourvote dans le terrier d’un autre, il est aussitôt saisi, étranglé et dévoré. La femelle même n'épargne pas son mâle s'il n’a le soin de se sauver promptement aprés l'accouplement. Lorsque deux hamsters se ren- contrent dans un champ, ils commencent l'un et l'autre par vider leurs aba- joues avec leurs pattes de devant, ce qu'ils font toujours quand un danger les menace, puis ils s’élancent l'un sur l’autre, se battent à outrance, et le vainqueur dévore le vaincu. Ils se défendent avec la mème fureur contre tous les animaux, même contre les chiens et contre l’homme. Quand la saison a été mauvaise, et qu'il y a disette de grains, ces animaux se déclarent entre eux une guerre atroce, et finissent par s'entre-détruire mutuellement. Du reste, ils ont cela de commun avec les rats et les mulots auxquels ils ressemblent beaucoup. RATS. Le Sagrë ( Cricetus arenarius, Disn. Bus arenarius, PaLr.), légèrement plus grand que le campagnol commun, a trois pouces huit lignes (8,099) de longueur, et sa queue à dix lignes 19,025). Il a le corps frès-raccourci; son pelage est d'un cendré blanchitre en dessus, très-blanc en dessous, ainsi que les poils de sa queue, qui est plus longue que dans les autres espèces ; ses oreilles sont arrondies, pubescentes, grandes et Jaunâtres; sa tête est oblongue, à museau pointu; son nez rougeätre et pubescent ; le pouce des pieds de devant est onguiculé. 11 habite les cam- pagnes sabionneuses de la Sibérie, près de l'Ir- tisch. Le mäle vit dans un terrier de plusieurs mètres de longueur, au fond duquel il se fait un nid avec des racines de l'élyme des sables. 11 se nourrit principalement des graines de l'as- iragale adragant (As!ragalus tragacanthoides), et ne sort que la nuit de son terrier. Il est très- inéchant, se renverse sur le dos pour se défendre des dents et de la griffe contre ses ennemis, et ue s'apprivoise jamais. La femelle fait cinq pe- üts chaque fois, et probablement deux portées par an. Le Pas ( Cricetus phæœus, Desu. Mus phœus, Paz.) est de la grandeur du Campagnol com- mun. 1l a trois pouces cinq lignes (0,092) de longueur, sans la queue, qui est blanchätre et longue de neuf ligries (0,020). Son pelage est d’un cendré bleuätre sur le dos et entièrement blanc sur toutes les perlies inférieures ; le nez est nu; ses oreilles sont brunes, ovales el {rès- larges, velues à ia pointe; le tour de Ja bouche et des quatre pieds est blanc. 11 habite les dé- serts d'Asiracan et la Perse. Pendant l'hiver il pénètre dans les babitalions, s’y élablil, et pille le grain dans les greniers. Il ne s’engourdit pas pendant la saison froide, et je crois qu’il a cela de commun avec tous les hamsters. Le [acer ( Cricetus migratorius, Desn. Mus migratorius, PaLL.) a trois pouces de longueur 19,081", non compris la queue, qui a huit lignes (0,018. Son nez est arrondi et un peu velu, fendu en deux par un sillon ; ses abajoues sont irès-2randes ; son pelage est d'un gris cendré en dessus, blanc en dessous, ainsi que le museau, le pourtour des narines et les picds ; les orcilles sont nues et échancrées. Il habite la Sibérie, a l'est du Jaïk. Les Cosaques de cette contrée prétendent qu'il émigre la nuit, en troupes con- sidérables que les renards suivent pour s'en uOurrir ; mais Ce fait, si contradictoire avec les habitudes des autres hamsters, mérite d'étre confirmé, et doit peut-être s'appliquer au cam- pagnol social ( 4rricola socialis), S'il est vrai. Le Hausrer DE SonGanie (Cricetus songarus, Desx. Mus songarux, PAL.) a trois pouces (0,081) de longueur, non compris la queue; sa tête est ramassée, son museau oblus ; ses oreilles sont ovales, susceptibles de se plisser ; son pelage est 331 cendré sur le dos avee une ligne dorsale noire; les ilanes sont variés de blanc et de brun; le ventre est d'un blanc pur; le corps est trapu, et la queue très-courte. I habite les déserts de la Sibérie et les steppes de Barabensk, près de l'Ir- tisch. Le site qu'ils préférent, dit Pallas, est un terrain aride, sabionneux et salin. Au milieu de juin, il découvrit le terrier d’une femelle qui avait sept petits encore aveugles. La chambre dans laquelle on les trouva élait tapissée d'her- bes sèches et de racines fines, et contenait en outre un petit approvisionnement de siliques d'alysse de montagne et d’élyine des sables, Les _petits vécurent {rois mois de pain et de toute sorle de graines; ils étaient si familiers, qu'ils mangeaient dans la main; ils jouaient le jour et ne dormaient que la nuit. Leur voix était rare, et, quand on les tourmentait, ils ne faisaient que piper comme une chauve-souris. Leur urine était très-fétide. Ils moururent de gras-fondu,en août. L'Onozo ( Cricetus furanculus, Desu. Vus fir- runculus, PALL. Furunculus myoides, Messiaen). Il ressemble au sablé, mais il est plus petit; son corps est allongé ; son museau poiutu ; ses oreilles sont larges etnues ; son pelage est d’un gris jau- uâtre en dessus avec une ligne dorsale noire; le ventre et les pieds sont blanchätres. Il habite la Daourie, et l'on en trouve une variété dans les piaines de l'Irtisch et de FOby. Le Hamsren à BANDES ( Cricelus fasciatus, Ra- FIN. ) est roux, avec environ dix bandes trans. verses noires sur le dos; les jambes sont mer- quées de quelques rayures noires ; la queue, un peu plus courte que le corps, est mince, anne- lée de noir; les abajoues sont pendantes ; les oreilles sont courtes, ovales et un peu aiguës ; les yeux sont tres-petits et le corps trapu. Il ha- bite les prairies du Kentucky. Le Guanque (Cricetus cyaneus. — Mus cya- neus, Moc.— Less.( est de la grandeur du mu- lot et lui ressemble ; ses oreilles sont plus arron- dies ; sa queue courte est à demi velue; il a qua- {re doigts aux pieds de devant et cinq à ceux de derrière ; son pelage est d'un gris bleuâtre en dessus, blanc où blanchäfre en dessous. Ce pelit animal, {rès-timide, habite le Chili. Il se creuse un ferrier formaut une galerie de dix pieds de profondeur, le Jong de laquelle rè- gneut, de chaque côté, sept magasins qu'il remplit d’ognons de plantes bulbeuses. Dans la saison des pluies, il ne quitte pas son habita- tion, et se nourrit de ses provisions avec la pré- caution de commencer par les premières ramas- sces, et ainsi de suite. Chaque terrier contient une famille avec les six petits de la dernière por- iée nés en automne ; ceux de la première, nés au printemps, quittent le lerricr à l’âge de cinq à six mois. 18° GEvne. Les SACCOMYS (Saccomuys, En. Cuy.) ont vingt dents, savoir : quatre incisives, 332 pas de canines ; huit molaires en haut el huit en bas, la première molaire ayant une large échancrure anguleuse au côté interne, et au milieu de cette échancrure une portion cireulaire qui tient par l'émail ; tous les pieds sont armés d'ongles analogues à ceux des taupes. Le Sacconys ANTHOPuILE(Saccomys anthophi- lus, Fr. Guv. Pseudostoma bursarius, Say. Mus bursarius,SnawW, Saccophorus bursarius, KuuL. Diplostoma fusca, Rarix. Ascomys canadensis, LicuTei.) est de la grandeur d’un loir ; sa queue est longue, nue; la longueur totale de l'animal est de onze pouces (0,298); il a cinq doigts à chaque pied ; son pelage est d’un fauve uni- forme, tirant plus ou moins sur le gris ou le brun. 11 habite les bords du lac Supérieur, en Amérique, vit dans un terrier, et se nourrit de fruits et de racines. 19° Genre. Les GEOMYS | Geomys, Rarin. ) ont probablement le même système dentaire que le genre précédent; ils ont cinq doigts ongui- culés à chaque pied, les ongles de ceux de de- vant très-longs ; leur queue est ronde, nue, ce qui les distingue des hamsters. Le GÉOMYS DES pins ( Geomys pinetis, Rarix.) est de la taille d’un rat ordinaire; sa queue, en- tièrement nue, est plus courte que son corps. Il habite les forêts de pins de la Géorgie, en Amérique. 20° GExue. Les DIPLOSTOMES (Diplostoma, RariN.) ont le même système dentaire que les saccomys ; leurs dents incisives sont sillonnées ; leurs abajoues sont très-grandes, atteignant en arrière jusqu'aux épaules ; leur corps est cylin- drique, sans queue et sans oreilles ; les Yeux sont couverts do poils, et ils n’ont que quatre doigts à chaque pied. Le DirLosTomEe 8LaNc (Diplostoma alba, Rar.) a cinq pouces et demi de longueur (0,149) ; son pelage est blanc. 11 habite le Missouri. Si réel- lement le genre diplostome de Rafinesque n’a que quatre doigts aux pieds et manque de queue, il faudra y rapporter son Diplostoma fusca, que j'ai provisoirement placé comme simple variété à pelage brun avec le saccomys anthophile. Dans le cas où Rafinesque se serait trompé, il faudra, au contraire, reporter le diplostome blanc à la suite du saccomys, sous le nom de Satcomys albus. 21° Genus. Les HÉTÉROMYS (Heleromys, Desx.) ont probablement le même système den- taire que les hamslers, mais on n’en est pas certain. Comme les précédents, ils ont des aba- joues, mais ils ont les formes générales des rats, et, comme chez ces derniers, leur queue est écailleuse et presque nue; ils ressemblent aux échimys par des piquants aplatis qu’ils ont sur le dos ; leurs pieds ont six callosités en dessous, et cinq doigts, dont l’interne est très-petit. L'HEërenomYs ANOmAL ( Heteromys Thompso- LES RONGEURS. nii. Less. Cricelus anomalus, Desw. Mus ano- malus, Tuomes.) est de la taille du rat ordi- naire; son pelage est d'un brun marron en dessus, blanc en dessous; son dos est armé d’aiguillons lancéolés, fins, entremélés de poils fins ; la queue est écailleuse avec quelques poils épars, noirâtre en dessus ; sa tête est pointue et sa bouche très-petite. 11 habite l'ile de la Tri- nité, aux Caraïbes, et l’on suppose que ses mœurs doivent être les mêmes que celles des hamsters. Tous les genres qui vont suivre manquent d’abajoues. 22° Genre. Les OTOMYS (Otomys, Fr. Cu.) ont seize dents, savoir : quatre incisives ; point de canines ; six molaires en baut et six en bas : les molaires supérieures ont leur couronne for- mée de lames transversales un peu arquées, bor- dées d’émail, et dont le nombre est de trois pour la première, de deux pour la seconde, et de quatre pour la troisième ; les inférieures ont moins de largeur, et leurs lames, moins arquées, sont au nombre de quatre pour la première, et de deux pour chacune des deux dernières. L'Orouys PE Buanrz (Otomys Brantzii, Laicusr.) a cinq pouces neuf lignes (0,155) de longueur, non compris la queue, qui a deux pou- ces et demi (0,068) ; celle-ci est annelée de poils roides, rares et durs. Son pelage est d’un gris jaunätre en dessus et d’un blanc sale en des- sous. Cet animal habite l'Afrique méridionale, et, à la queue près, il a beaucoup d’analogie de forme avec notre surmulot. L'Oromvs pu Car (Otomys unisulcatus, Licusr.) ne diffère guère du précédent, dont je le regarde comme une simple variété, que par sa aille un peu plus grande; il a six pouces et demi de longueur (0,176), non compris la queue, qui est longue de trois pouces et quart (0,088). Son pelage est d’un gris fauve en dessus et d’un gris blanchätre en dessous. 11 habite le cap de Bonne-Espérance. 25° Genre. Les RATS (Mus, Lin.) ont seize dents, savoir : quatre incisives ; point de cani- nes ; six molaires en haut et six en bas, à cou- ronne tuberculeuse ; les pieds de devant sont munis de quatre doigts avec un rudiment de pouce ; les pieds de derrière ont cinq doigts non palmés; les poils du dos sont quelquefois roides et plats, ou épineux ; la queue est plus ou moins longue, presque nue, présentant des rangées {ransversales très-nombreuses de petites écailles, de dessous lesquelles sortent des poils; quelque- fois elle se termine par un flocon de poils. Nous diviserons les rats en deux sections; la première comprendra les espèces sans épines. Le RaT orDiNaIRE (Mus raltus, Lan.) est trop généralement connu pour qu’il soit besoin d’en donner une description détaillée. Sa taille tient le milieu entre le mulot et le surmulot ; il est uoirâtre en dessus, et d’un cendré foncé en des- RATS. 333 sous ; des petits poils blanchätres lui couvrent {ale réputation par les incommodités qu'il cause le dessus des p‘eds. Cet animal s'est fait une fa- dans uos maisons, et par les dégâts qu’il y fait. Buffon croyait que le rat etait originaire d'Europe, et qu'il avait été trans- porté par nos vaisseaux en Amérique ; et cependant, le seul fait que cet animal était tout à fait inconnu aux anciens écrivains aurait dù l’éclairer sur cette erreur. Le rat, au contraire, est indigène du nouveau continent, et n’a été intro- duit sur le nôtre qu'à la fin du moyen âge, c'est-à-dire à l’époque des premières navigations d'Europe en Amérique. Cet animal est omnivore, et mange également des fruits, des graines, de la chair, des insectes, etc. Il habite nos maisons, où il fait un dégât qui le rend fort incommode ; non-seulement il attaque et gas- pille toutes les substances alimentaires, mais encore il ronge la laine, les étoffes, les meubles ; il perce les bois de charpente, fait des trous dans les murs, se loge dans l'épaisseur des planchers, dans les vides de la charpente ou de la boi- serie, y établit ses magasins, et y transporte tout ce qu'il peut trainer. L'hiver il cherche la chaleur et établit volontiers son domicile derrière les cheminées, sur les planchers d’écurie, dans la paille, le foin, ete. La nuit, et même en plein jour, s’il n'entend aucun bruit suspect, il sort effrontément de son trou, se glisse partout et partout fait autant de dégât qu'il en peut faire. La femelle met bas plusieurs fois par an, et chaque portée est ordinairement de quatre à cinq petits. Il en résulte que ces animaux sont toujours fort nombreux, et que mal- gré les chats, les pièges et le poison, ilest fort difficile de s’en débarrasser. S'il est poussé par la faim, le rat pénètre dans les poulaillers et les pigeonniers, perce ou brise les œufs pour se nourrir des petits qu'ils contiennent, et même quelquefois il tue les jeunes lapins, les poussins et les pigeonneaux. Lorsque ces derniers ont la gorge pleine d'aliments, il leur perce le jabot pour manger les graines à moitié digérées qui en sortent. Ce ne sont pas là cependant les plus grands ravages qu'on lui reproche: il parait qu’en creusant les vieux plâtres et les mortiers, il vient à bout, à la longue, d'ébranler les constructions les plus solides. « C’est surtout, dit Buffon, dans les vieilles maisons, à la campagne, où l'on garde du blé dans les greniers, et où le voisinage des granges et des magasins à foin facilite leur retraite et leur multiplication, que les rats sont en si grand nombre, qu'on serait obligé de démeubler, de déserter, s'ils ne se détruisaient eux-mêmes; mais nous avons vu par expérience qu'ils se tuent, qu'ils se man- gent entre eux pour peu que la faim les presse, en sorte que, quand il y a di- sette à cause du trop grand nombre, les plus forts se jettent sur les plus faibles, leur ouvrent la tète et mangent d’abord la cervelle, et ensuite le reste du ca- davre ; le lendemain la guerre recommence, et dure ainsi jusqu'à la destruction du plus grand nombre. » Le rat est aussi courageux que féroce; il se défend hardiment contre les chats, les belettes et les surmulots, et si sa force répondait à son courage, il sortirait toujours vainqueur de la lutte. De tous ses ennemis, le plus terrible pour lui est le surmulot, parce qu'ayant tous deux les mêmes goûts et les mé- mes habitudes, ils se rencontrent fréquemment et jamais impunément. Aussi, depuis 1750, époque où le surmulot nous a été apporté de l'Inde, le nombre des rats à diminué dans la même progression que celui des surmulots à augmente. = 33% LES RONGEURS. Aujourd'hui ces derniers sont beaucoup plus communs que le rat ordinaire. Quelques naturalistes ont attribué aux rats une singulière prévision : ils disent que ces animaux connaissent parfaitement quand une maison menace ruine, et qu'ils en décampent toujours quelques jours avant qu’elle s'écroule. Ce qu'il y à de certain, et je le sais par ma propre observation, c’est que ces ani- inaux voyagent par troupes assez nombreuses, pour quitter une localité et se rendre dans une autre plus ou meins éloignée. « Les rats, dit Buffon, sont aussi laseifs que voraces ; ils glapissent dans leurs amours et crient quand ils se bat- tent. Ils préparent un lit à leurs petts, et leur apportent bientôt à manger ; lorsqu'ils commencent à sortir de leur trou, la mère les veille, les défend, et se bat même contre les chats pour les sauver. Cette espèce, qui se trouve dans toute l'Europe et en Amérique, offre quelquefois des individus albinos, c’est-à-dire tout blancs, mais plus rarement que dans les souris. » Il y à quelques années que M. Thénard a lu à l'Académie des Sciences une note sur le moyen de détruire les rats et les autres animaux malfaisants qui habitent les murs des maisons, à l’aide de fumigations d'hydrogène sulfuré. On commence par boucher tous les trous, puis on ouvre ensuite ceux qui sont le plus fréquentés par ces animaux. Alors on applique l'appareil, qui consiste en une cornue de verre dont on lute exactement le goulot à l'entrée de ces nou- velles ouvertures. On y introduit ensuite, par une tubulure, du sulfure noir de fer, puis on y verse avec précaution, pour éviter l'explosion, une certaine quan- lité d'acide sulfurique étendu d'eau. El se fait aussitôt un dégagement d'hydro- gène sulfuré, qui pénètre par le trou dans tous les recoins où les rats se cachent, et les fait périr en peu de temps. La Soumis (Mus musculus, Lin.) est d'un gris mune. La souris est originaire d'Europe, mais uniforme en dessus, passant au cendré en des- nos vaisseaux 1’ont transportée dans les autres sous, assez Velue; sa queue est aussi longue que parties du monde : aujourd’hui on la trouve à son corps Elle a une variété albinos assez com- peu près partout. Elle multiplie beaucoup; la femelle fait plusieurs portées par an, chacune de six à huit petits, et chaque petit se reproduit à l'âge de trois mois. Quinze jours après sa naissance il est assez grand pour quitter sa mère et chercher lui-même sa nourriture. La souris est un petit animal assez joli, ayant la physionomie iine, l'œil vif, la tournure dégagée, et les mouvements alertes. La ténuité de sa taille lui permet de se glisser par les moindres trous; aussi la rencontre-t-on dans des lieux où l'on serait embarrassé de s'expliquer comment elle est entrée. Elle dégrade les murs les plus solides en s’y frayant des passages ; elle perce les meubles du bois le plus dur pour y pénétrer, et ce sont là ses moindres dégâts. Animal rongeur par excellence, elle coupe, réduit en poussière tout ce qui tombe sous sa dent. Elle attaque le linge dans les armoires, les livres dans les bibliothèques, les marchandises de tous genres dans les magasins. Toutes les substances alimentaires sont à sa convenance, et elle parvient toujours à péné- trer dans les lieux où on les a renfermées. Le pain, le lard, le beurre, le fromage, le sucre, les confitures, les fruits, les farines, les graines, et même la chandelle, sont les objets ordinairement les plus recherchés par elle; non-seulement elle RATS. 333 les entame et les consomme, mais encore elle Les salit et leur communique une odeur désagréable. On en à vu pousser la hardiesse jusqu’à entamer le lard de cochons vivants, pendant leur sommeil. Lorsqu'une ou plusieurs souris atta- quent un objet d'une certaine grosseur, par exemple un pain, une pièce de lard, un fromage, elles commencent par y faire un trou assez petit, pour gagner le dedans. Alors elles s’y établissent et rongent toute la substance inté- rieure de l'objet, en ne laissant qu'une légère croûte extérieure, qui suffit pour masquer les dégâts dont on ne s'aperçoit souvent qu'au moment où l'on veut faire usage de ces objets. « La souris, dit Buffon, à le même instinct que le rat, le même tempérament, le mème naturel, et n’en diffère guère que par la fai- blesse et par les habitudes qui l'accompagnent; timide par nature, familière par nécessité, la peur ou le besoin font tous ses mouvements; elle ne sort de son trou que pour chercher à vivre; elle ne s'en écarte guère, y rentre à la première alerte, ne va pas, comme le rat, de maisons en maisons, à moins qu'elle n’y soit forcée, fait aussi moins de dégâts, a les mœurs plus douces, et s'apprivoise jusqu’à un certain point, mais sans s'attacher. Les chouettes, tous les oiseaux de nuit, les chats, les fouines, les belettes, les rats même lui font la guerre; on l’attire, on la leurre aisément par des appâts, on la détruit à mil- liers ; elle ne subsiste enfin que par son immense fécondité. » C’est sans doute pour délivrer nos habitations des souris que les premiers chats ont été apportés des bois pour être élevés en domesticité. On a voulu se délivrer d’une incommo- dité grave par une autre qui l’est un peu moins, et on y a réussi jusqu'à un certain point, car non-seulement les chats prennent et mangent les souris, mais encore ils les écartent de la maison par leur seule odeur. Le SurnuLor (Mus decumanus, Pauc. Le Sur- corps. Il est originaire de l'Inde, et, comme mulot et le Pouc, Burr.) est d'un quart plus nous l'avons dit, il n’a été observé en France, grand que le rat ordinaire ; son pelage est d'un pour la première fois, qu’en 1750. Aujourd'hui gris brun roussätre en dessus, blanc en dessous; il y est beaucoup plus commun que le rat, au- sa queue est nue, presque de la longueur de son quel il fait une guerre d'extermiuation. Le surmulot, plus fort et plus féroce que Le rat, est aussi plus incommode par les dégâts qu'il peut faire. Comme lui, il habite les maisons, mais il en sort assez souvent pour aller faire des excursions à la campagne, et, s'il y trouve aisément à vivre, il s'y fixe pour toute la belle saison; dans ce cas, il se creuse un terrier où il porte quelques provisions pour se nourrir pendant les jours de pluie et d’orage, Toute son occupation est de chasser au menu gibier, et son voisinage devient funeste aux jeunes faisans, aux perdreaux, aux cailles et au- tres oiseaux ; il attaque même les jeunes levrauts et les jeunes lapins, et souvent il s'établit dans leurs trous après en avoir chassé le père et la mère. Il s’est tellement multiplié dans les voiries de Montfaucon, qu'il menace, si on détrui- sait celles-ci, d'envahir tout un quartier de Paris, où il porterait le ravage. Ri- goureusement omnivore, ilse nourrit indifféremment de chair vive ou corrom- pue, de fruits, de graines, et de toutes les substances alimentaires. En automne, il regagne les habitations et y commet les mêmes dégâts que les rats, mais, de plus, il se glisse dans la basse-cour dont il dévore les jeunes oiseaux après leur avoir préalablement sucé la cervelle, et il y attaque les jeunes lapins et les co- 336 LES RONGEURS. chons d'Inde. Aussi courageux que méchant, il se défend avec fureur contre les chats, et lorsque ceux-ci sont encore jeunes, il parvient assez souvent à leur échap- per. Quelle que soit la puissance de son ennemi, il ne se rend jamais sans com- battre, même contre les chiens. Lorsqu'un homme le poursuit trop vivement et lui fait perdre l'espérance d'échapper par la fuite, il se retourne, s’élance sur la main qui le frappe, et lui fait de cruelles morsures. Les chats ont pour lui de la répugnance, et ne l'attaquent que très-rarement; si l’on veut s’en débar- rasser, on ne peut donc employer que les pièges et le poison. Du reste, il donne assez facilement dans les embüches qu'on lui tend. Cet animal aime assez s'éta- blir sur le bord des eaux, et il nage avec la plus grande facilité, quoiqu'il n'ait pas les pieds palmés. La femelle produit trois fois par an, et fait chaque fois douze à quinze petits, quelquefois jusqu'à dix-neuf. Le Mucor (Mus sylraticus, Lin.) est de taille courte que son corps. On le trouve dans toute moyenne entre celle du rat et de la souris. Son l’Europe, et, par sa prodigieuse multiplication, pelage est d’un gris roussâtre sur le dos, blan- il devient quelquefois le fléau de l’agriculture, châtre sous le ventre; sa queue est un peu plus en détruisant les semences ou les récoltes. Ce petit animal habite de préférence les terres sèches et élevées, à cause de la facilité qu'il trouve à y établir son habitation. Rarement il se donne la peine de creuser lui-même son terrier, s’iltrouve un trou de taupe ou de musaraigne à sa portée; quelquefois même il s'empare d’un trou tout fait sous une souche d'arbre. Dans tous les cas, il arrange sa demeure pour l’approprier à ses habi- tudes. Pour cela, à un pied (0,525), plus ou moins, de l'entrée, il établit une première chambre, qui doit lui servir d'habitation ainsi qu'à sa famille. Il creuse tout à côté une autre chambre, qui devient son magasin. S'il se trouve une grande cavité dans un trou dont il se sera emparé, elle deviendra la chambre aux provisions, et il se creusera son appartement à côté ; d'où il résulte que le magasin se trouve souvent beaucoup plus grand qu'il serait nécessaire pour son usage, ce qui ne l'empêche pas de travailler à récolter des grains jusqu’à ce qu’il soit plein. Ces grains ne peuvent pas être entièrement consommés par lui dans l'espace d'un hiver ; ils pourrissent, et c'est autant de perdu pour lui et pour les cultivateurs. Heureusement que le mulot ne ramasse des graines de céréales que lorsque les fruits secs lui manquent dans les bois, et que le plus souvent il ne remplit ses greniers que de glands, de noisettes et de faines, dont il entasse plus d’un décalitre dans les années favorables. Il fait surtout un tort considé- rable au semis forestiers, car il s’y rend par milliers pendant la nuit, suit exac- tement les sillons de la charrue, et déterre les glands ou autres graines un à un. Dès que les froids se font sentir, il se retire dans son trou, où il vit grassement de ses provisions, mais il n’en bouche pas l’entrée, et de temps à autre, quand il fait une belle journée, il en sort pour aller faire un tour à la campagne. Si l'hiver est très-long, que les mulots aient vidé leurs greniers, et que la famine se fasse sentir, les gros commencent par manger les petits qui habitent avec eux dans le terrier, puis, quand ils ont dévoré leur famille, ils sortent de leurs trous et vont attaquer leurs voisins. La guerre devient bientôt générale, et ils finis- sent par si bien s'entre-détruire les uns les autres, que l’on est quelquefois trois RATS. 337 ou quatre ans sans en voir dans des localités qui en étaient précédemment infestées. Buffon à fait une singulière expérience sur la férocité vorace de ces petits animaux. « Nous avons mis dans un vase, dit-il, douze mulots vivants; on leur donnait à manger à huit heures du matin ; un jour, qu'on les oublia d’un quart d'heure, il y en eut un qui servit de pâture aux autres, le lendemain ils en mangérent un autre, et enfin, au bout de quelques jours, il n’en resta qu'un seul; tous les autres avaient été tués et dévorés en partie, et celui qui resta le dernier avait lui-même les pattes et la queue mutilées. » Le mulot pullule beaucoup, car la femelle fait plusieurs fois par an neuf à dix petits; mais il est des années tellement favorables à leur multiplication, qu'ils deviennent un véritable fléau pour des provinces entière- T- ont pour ennemis les loups, les renards, les martres, les belettes, et les oiseaux de proie. Le RaT nai ( Mus soricinus, Her. Le Rat longueur, non compris la queue, qui est légère- à museau prolongé, de quelques naturalistes) ment plus courte que le corps; son pelage est a de l’analogie avec le rat des moissons, maisil d’un gris de souris mélé de jaunâtre en dessus, en différe par son museau allongé; son pelage le dessous du corps et les pieds sont blancs. Il est d’un gris jaunätre en dessus, blanchâtre en habite les champs cultivés et rocailleux, en An- dessous ; ses oreilles sont orbiculaires et velues; gleterre. sa queue est aussi lungue que son corps. Le Srruic où RarT À BauBe (Mus agrarius, Le RarT p'IsLanne ( Mus islandicus, Fniëx. ) Paz. — GuL.) a deux pouces dix lignes (0,077) a le pelage noirâtre sur le dos, gris sur tout le de longueur, non compris la queue, qui a un peu resle du corps, avec des taches jaunes sur les plus de la moitié de la longueur totale du corps ; flancs ; la queue est presque nue, à écailles ver- son pelage est d’un gris ferrugineux général, ticillées, et à peine plus longue que le corps. Il avec une ligne noire et étroite sur le dos. 1] ba- a été observé en Islande, par Thienemann. lite la Sibérie, la Russie, et le nord de l’Allema- Le RAT DES moissoNs (Mus messorius, SHAW. gne, où, dans de certaines années, il commet — Desx.) a deux pouces trois lignes (0,061) de beaucoup de dégäts dans les moissons. ES vt 338 LES RONGEURS. Le Mulot nain Le MULOT NAIN ( Mus campestris, Fr. Cuv. Le Mulot nain où Maulot des bois, Daus.) Est un peu plus petit que ie précédent; sa queue, plus longue que son corps, le dépasse de quatre lignes (0,009) ; les poils qui le couvrent sont d'un gris ardoisé à leur naissance, et fauves à leur extrémité ; le dessous de son corps et ses quatre pieds sont blancs ; ses moustaches sont noires. On le trouve dans toute l'Europe tempérée, comme en France, dans les champs, à proximité des villages. Ce petit animal habite un terrier, mais, néanmoins, il fait son nid dans les hautes herbes des prairies ou dans les blés, quelquefois dans les buis- sons touffus. Dans tous les cas, ce nid est suspendu aux tiges des graminées ou des arbustes, à une hauteur suffisante pour n'être pas atteint par l'humidité de la terre, lors des pluies. Il à la forme d’une boule de la grosseur des deux poings, et il est tissu en herbes sèches, fines et solidement entrelacées. La fe- melle y pénètre par un très-petit trou ménagé sur le côté; elle y met bas de cinq à sept petits. Le Sixisran (Mus subtilis, Mus vagvx, et Mus betulinus , Paz. Le Rat subtil, et le Rat vagabond des naturalistes) a de l’analogie avec le rat fauve de Sibérie, Mus minutus, mais ses oreilles et sa queue sont plus longues ; son pe- lage est fauve ou cendré en dessus, avec une ligne noire sur le dos ; ses oreilles sont plissées , et sa queue est plus longue que son corps. Il a plusieurs variétés de pelage. Cette espèce, frès- commune en Tartarie et en Sibérie, aime à se tenir sur les arbres, où elle grimpe avec faci- lité. Le RAT FAUVE (Mus minutus, Paz. Le Rat lerrugincux de quelques naturalistes) est de moitié moins grand qu’une souris ; son pelage est ferrugineux en dessus, blanchäâtre en dessous ; = son museau est peu-"llongé, et sa queue est plus courte que son corps: Cette espèce habite les champs. cultivés, en Pussie et en Sibérie, et s'assemble en grand nombre sous les gerbes de blé. Le RAT 4 QUEUE BICOLORE (Mus dichrurus, Rarin. Le Rat de Sicile des naturalistes) a huit pouces (0,217) de longueur ; son pelage est fauve, mélangé de brunätre en dessus et sur les côtés ; la téte est marquée d’une bande brunätre; le ventre est blanchâtre ; sa queue, de la longueur de son corps, est annelée, ciliée, brune en des- sus, blanche en dessous et un peu tétragone. On le trouve dans les champs cultivés, en Sicile. Le RaT GÉANT (Mus giganteus, Hanbw. — Desu. Mus setifer, Honsr. Mus malabaricus, RATS. Pexx.) a treize pouces (0,552) de longueur, non compris la queue, qui est de même longueur ; son pelage est d’uu brun obscur en dessus, gris en dexsous, avec les pattes noires : la queue est légèrement couverte de poils. Il habite les champs cultivés, près des habitations, au Ben- gale, au Malabar et à Java. Il vit dans des ter- riers et se nourrit autant de fruits que de graines. Le RAT DE Java (Mus javannus, DEsx.) est de la taille d’un surmulot ; son pelage est d’un brun roux en dessus, avec les pieds blancs ; sa queue, plus courte que le corps, est assez velue. I] ha- bite l'ile de Java. Le Rat DE Sumatra (Wus sumatrensis, Rar- FLES) a dix-sept pouces de longueur (0,460), non compris la queue, qui en a six (0,162), et qui est écailleuse, nue, terminée en pointe mousse ; son pelage est roide, d'un gris brun sur le dos; sa tête est courte, d’une {einte plus claire. Cette espèce habite Sumatra; elle vit dans les haies de bambous, dont elle mange les racines. Le Caraco (Mus rararo, Paz. — DEsx.) est à peu près de la taille du surmulot; son pe- lage est d'un gris foncé mélangé de roussätre sur le dos, plus clair sur les flancs, d’un cendré blanchätre en dessous; ses pieds sont à demi palinés, d’un blanc sale Il habite la Sibérie et la Mongolie. Pendant la belle saison il se plait sur le bord des eaux, mais en hiver il se retire dans les habitations. Le Rar à BANDES ( Mus linealus, Evers.) est d’un brun gris en dessus, d’un gris clair en des- 339 sous ; ses oreilles sont d’un gris jaune, avec une grande tache noire près de chacune ; il a sur le dos une ligne étroite, noire, depuis la nuque jus- qu'à la queue, et deux autres lignes latérales moins foncées et un peu obliques ; sa queue est aussi longue que son corps. 11 habite entre Orem- bourg et Bukkara, sur le bord des ruisseaux. Le RarT pe L'Inve (Mus indicus, GEOFrr. — Desx.) a les oreilles grandes, presque nues; sa taille est à peu près celle d’un surmulot ; son pelage est d’un gris roussätre en dessus, et gri- sâtre en dessous ; sa queue est un peu moins lon- gue que son corps. Cette espèce se trouve à Pon- dichéry. Le RAT D'ALEXANDRIE (Mus alerandrinus, Georr. —Desn.) est d’un gris roussâtre en des- sus, cendré en dessous ; les poils les plus longs de son dos sont aplatis, fusiformes, striés sur une de leurs faces ; sa queue est d’un quart plus lon- gue que le corps. Il habite l'Égypte. Le RarT DE Dovavaw ( Mus Donarani, Less.) a le pelage d'un fauve noir, varié de cendré, avec trois raies plus claires sur le dos ; sa queue est d’une longueur médiocre, légèrement poin- tue. Il se trouve au cap de Bonne-Espérance. Le RAT sTRIÉ ( Mus striatus, Lin. Mus orien- lalis, Sera) est un peu plus petit qu'une souris ; son pelage est d’un gris roux en dessus et mar- qué d'une douzaine de lignes longitudinales blanches, avec quelques petites taches de la même couleur ; sa queue est de la longueur de son corps. On le trouve aux Indes orientales. 310 LES RONGEURS. Le Rat de Barbarie. Le RAT DE BARBARIE (Mus barbarus, Lin. ). Cette jolie espèce se distingue aisément des précédentes en ce qu'elle n'a que trois doigts aux pieds de devant, ce qui à fait douter quelques naturalistes qu'elle appartint au genre rat. Elle est d'une taille un peu plus petite qu'une souris ; son pelage est brun en dessus, marqué de dix lignes longitudinales blan- châtres. On la trouve dans toute l'Afrique septentrionale. L'AnGouya (Mus angouya, d'Azars. Mus brasi- liensis, Georr., non Desx.) à les oreilles moyen- nes, arrondies ; son pelage est d'un brun fauve en dessus, blanchâtre en dessous, mais plus clair sous la tète et plus foncé sous la poitrine ; sa queue estun peu plus longue que son corps. On le trouve au Paraguay. Le Rar 4 Grosse TÈTE (Mus cephalotes, Des.) a le museau court et la tête extrémément grosse ; son pelage est brun en dessus, plus clair sur les côtés, et d'un blanc un peu fauve en dessous ; sa queue est de même longueur:que son corps. 11 habite le Paraguay et se creuse des terriers dans les champs cultivés. Le Rar Du BRésiz (Mus brasiliensis, DEsx.) ressemble au rat commun dont il a la taille, mais ses oreilles sont moins longues et sa tête est plus courte ; son pelage est ras et doux, d’un brun fauve sur le dos, fauve sur les flancs, et gris en dessous ; ses moustaches sont noires ; sa queue est un peu plus longue que son corps. On le trouve au Brésil. Le RaT roux (Mus rufus, Asara) est d'un fauve roussätre, plus foncé et plus terne sur le dos et sur la tête; le ventre est jaunäâtre; la queue a plus de moitié de la longueur du corps. Cette espèce vit sur le bord des eaux, au Para- guay. Le PiLoris (Mus pilorides, Desu. ) est un peu moins grand que le surmulot; son pelage est d’un beau noir brillant ; son menton, sa gorge et la base de sa queue sont d’un blanc pur. Il habite les Antilles. Le Rar ves CarixGAs (Mus pyrrorhinos, Wien ve Neuwieo) est de la grosseur d’un lérot ; ses oreilles sont grandes et presque nues ; son pe- lage est d'un gris brunätre sale ; le nez, les cuis- ses et la base de la queue sont d’un rouge brun; sa queue est très-longue. 11 se trouve au Brésil, et loge souvent dans la partie inférieure du nid de la fauvette à front roux, tandis que cet oiseau en habite tranquillement la partie supérieure. Tous deux vivent en fort bonne intelligence. Le Rar oRëILLARD (Mus aurilus, Des.) est RATS. 341 remarquable par la longueur de ses oreilles et la grosseur de salête; son pelage est d’un gris de souris en dessus, blanchâtre en dessous; la queue est plus courte que le corps. Il se trouve dans les pampas de Buenos-Ayres. Le RAT aux TAUSES noiRs (Musnigripes, Disu ) a la tête grosse, mais les oreilles courtes et ar- rondies ; il a cinq pouces onze lignes (0,160) de longueur, en y comprenant la queue, qui est plus courte que le corps; son pelage est d'un brun fauve en dessus, blanchätre en dessous ; les pa!tes sont d’un noir très-foncé à leur extré- mité. On le trouve dans les champs cultivés, au Paraguay. Le Laucua (Mus laucha, Desm.) est d'une cou- leur plombée en dessus, blanchätre en dessous ; sa tête est peu large, son museau pointu, et ses moustaches sont fines et noires; sa queue est un peu plus courte que son corps, et ses tarses sont blancs en dessous. Le RAT NOIRATRE (Mus nigricans, RariN. — Desn.) n’est probablement rien autre chose que notre Mus raltus. 11 a six pouces (0,162) de lon- gueur ; son pelage est noirätre en dessus, gris eu dessous ; sa queue est noire, plus longue que son corps. 11 habite l'Amérique septentrio- nale. Le Rar aux PiEbs BLANCS (Mus leuropus, Rain.) a cinq pouces (0,155) de longueur, non compris la queue; son pelage est d’un fauve brunätre en dessus, blanc en dessous; ses oreilles sont larges; sa tête est jaune; sa queue, aussi longue que son corps, est d'un brun päle en des- sus et grise en dessous. Il se frouve aux États- Unis. Les espèces qui suivent ont des poils épineux. Le PercuaL (Mus perchal, GnL. Echymis per- cha!, Georr. Le Rat perchal, Burr.) a quinze pouces (0,406) de longueur,+ non compris la queue, qui en a neuf (0,244); ses oreilles sont nues ; son pelage est, en dessus, d’un brun rous- sâtre, un peu plus pâle à la tête, parsemé de poils roides ; le dessous est gris, et les mousta- ches sont noires. Cette espèce habite les maisons, à Pondichéry, où on lui fait la chasse moins pour le détruire que pour le manger, car sa chair est fort estimée. La Souris pu Caire (Mus cahirinus, GEOFF.) a quatre pouces de longueur (0,108), non com- pris la queue, qui en à autant ; son pelage est d'un gris cendré uniforme, composé de poils roides et un peu épineux sur le dos, plus clairs et plus doux sur les côtés. On la trouve en Égypte. 24 Genre. Les LOIRS (Myoxus. Gn.) ont vingt dents, savoir : quatre incisives ; point de canines; huit molaires en haut et huit en bas, simples, à lignes transversales saillantes et creu- ses ; ils ont cinq doigts aux pieds de derrière, quatre doigts et un rudiment de pouce aux pieds de devant ; leurs poils sont très doux et très-fins ; leur queue est très longue, tantôt fort touffue et ronde, quelquefois aplatie et à poils distiques, enfin d’autres fois floconneuse à l'extrémité seu- lement. Ce sont les seuls rongeurs qui manquent de creum. 312 LES RONGEURS. Le Loir commun Le LOIR COMMUN ( Wyoxus qglis, Gr.) À un peu plus de six pouces (0,162) de longueur, non compris la queue, qui est touffue et très-fournie; son pelage est d'un gris brun cendrée en dessus, blanchâtre en dessous, avec du brun autour de l'œil. Il habite les pays mon- tueux et boisés de l'Europe, jusqu'en Laponie, et cependant on ne le trouve ni en Angleterre, ni, je crois, dans le nord de la France. Ce joli petit animal est extrêmement farouche, et ne s’apprivoise jamais. Il a les mêmes habitudes que l'écureuil; comme lui, 11 n'habite que les forêts, grimpe sur les arbres, saute de branche en branche, quoique moins légèrement, se nourrit de châtaignes, de faînes, de noisettes et autres fruits sauvages. Il se loge dans les troncs d'arbres ou les trous de rochers, où il se fait, avec peu d'art, un lit de mousse et de feuilles sèches. IT amasse aussi, dans son trou, une provision de fruits pour se nourrir l'hiver, mais seulement quand la saison est douce, car lorsqu'il fait froid il est plongé dans un sommeil léthargique, comme la marmotte. Il sort de son engourdissement de temps à autre, lorsque le soleil a suffisamment réchauffe l'atmosphère, et alors il lui arrive quelquefois de sortir de sa retraite pour aller faire un tour à la campagne. Dés que le froid reprend, il rentre, s'enfonce dans son nid de mousse, se roule le corps en boule, et retombe dans un état presque complet d'insensibilité. Ordinairement, pen- dant l'hiver, les loirs se réunissent plusieurs ensemble dans le même trou, et dorment pressés les uns contre les autres pour se communiquer réciproque- ment un peu de chaleur. Rarement cet animal descend à terre; il ne se borne RATS. 33 pas à une nourriture purement végétale, et, quand il en trouve loccasion, il mange fort bien les petits oiseaux qu'il peut surprendre sur leur nid, et leurs œufs. Les loirs s'accouplent au mois de mai et de juin, ils font leurs petits en été, et les portées sont ordinairement de cinq. Ce sont des animaux très-coura- geux, qui ne craignent ni la belette, ni les petils oiseaux de proie; leurs enne- mis les plus dangereux sont les martes et les chats sauvages. Les Romains mettaient les loirs au nombre des aliments de luxe, que les gastronomes riches pouvaient seuls se permettre Ils avaient établi des sortes de garennes où ils élevaient et engraissaient ces animaux, comme nous faisons aujourd'hui des lapins, et ils y mettaient une telle importance, que Varron à donné une méthode très-détaillée sur l'éducation des loirs et sur l’art de les engraisser. Apicius nous à aussi laissé d'excellents documents sur l’art d'en faire des ragoûts; mais, malgré la haute vénération que nos pères avaient pour les auteurs anciens, ces préceptes sont restés pour eux et pour nous de simples théories, que personne n'est tenté de mettre en pratique. Cette répugnance que l'on a pour manger des loirs vient, sans aucun doute, de la grande ressem- blance qu'ils ont avec lesrats, car leur chair, sans être excellente, n’est réellement pas mauvaise et a une grande analogie avec celle des cochons d'Inde et des rats d’eau. Les Italiens, probablement moins difficiles que nous, mangent en- core ces animaux avec grand plaisir, et voici comment ils se les procurent. Au commencement de l'automne, on creuse, en terrain sec, dans les bois, des pe- tites fosses que l’on tapisse de mousse, et que l’on recouvre de paille ; on y jette préalablement une bonne quantité de faine. Les loirs, alléchés par ces fruits, s’y rendent en grand nombre, s’y établissent, et s’y engourdissent; vers la fin de l’automne on va les y chercher, et c'est alors qu'ils sont le plus gras et que leur chair est excellente. Le Leror (Myozus nitela, Gaz. Mus querci- nus, Lix. Le Lérot, Burr.) est un peu moins grand que le loir, et n'a guère que cinq pouces (0,155) de longueur, non compris la queue; son pelage est d'un gris fauve en dessus, blanchätre en dessous ; son œil est entouré par une tache noire, qui s'étend, en s’élargissant, jusque der- rière l'oreille; sa queue est longue, garnie de poiis ras, puis terminée par une épaisse touffe blanche. 11 habite dans tous les climats tempérés de l'Europe, et il n’est que trop commun en France, où il fait le désespoir des jardiniers. Le lérot, que les cultivateurs appellent quelquefois loirot ou loir, est le fléau de nos vergers, de nos jardins, et surtout de nos espaliers de pêchers. Il ne se contente pas de manger la quantité de fruits nécessaire à sa nourriture, il en entame un grand nombre avant de se déterminer à en manger un, d'où il résulte qu'il fait de grands dégâts sans bénéfice pour lui. I n'habite pas les bois, comme le loir, mais nos plantations d'arbres fruitiers, et quelquefois même nos habita- tions. Il établit son domicile dans un terrier, dans un trou d'arbre, et plus sou- vent dans les crevasses d’une vieille muraille. Il y porte de la mousse, du foin et des feuilles sèches pour y construire son nid, dans lequel la femelle fait, en été, cinq ou six petits qui croissent promptement, mais qui ne produisent que l’année suivante. Lorsque l'hiver approche, ils se réunissent sept à huit dans le même nid, se roulent le corps en boule, et s'engourdissent les uns contre les autres. Comme les loirs, ils font des provisions qu'ils consomment pendant les temps doux, pour se rendormir des que le froid revient. Ces provisions consistent en 311 LES RONGEURS. amandes, noisettes, noix et graines de légumineuses, quand ils ne trouvent pas mieux ; du reste, leurs habitudes sont absolument celles des loirs. Le lérot ne sort guère de sa retraite qu'à la nuit tombante ; extrèmement agile pour grimper contre les murs les plus unis, et descendant rarement à terre, il est peu exposé à être surpris par les chats, qui, d’ailleurs, ne se soucient pas de l'at- iaquer, parce qu'ils ne le mangent pas et l'abandonnent après l'avoir étrangle, peut-être aussi parce qu'il se défend avec un courage furieux. ; Le Loir pu SÉNÉGAL ( Myotus Coupeii, Fr. Cuv. Myocus africanus, Suaw.) est plus pelit que notre lérot ; les pattes sont blanchätres, les oreilles un peu ovales; son pelage est d’un gris clair, légèrement jaunätre en dessus et sur la queue ; les joues et les mächoires sont d'un blanc pur; le dessous du corps est blanchätre. 11 ba- bite le Sénégal et se trouve assez souvent dans les maisons. Doit-on regarder comme de simples variétés ou comme des espèces, les deux individus sui- Vants : Le Munix (Myoxus murinus, DEesm.). Il ne dif- ‘ère du précédent que par son pelage d’un cen- dré noirâtre, nullement roussâätre. 11 habite le cap de Ronne-Espérance. Le Perir Loin (Myoxus minor) est un peu plus petit que le précédent ; son pelage est d’un cendré noirâtre en dessus, ct d’un blanc beau- coup plus pur en dessous. Du reste, il ressemble au précédent, mais il habite le Sénégal. Le Loin payane (Myovus dryas, Scurkr. — Desx.) est d’un gris fauve ea dessus et d’un blanc sale en dessous ; son œil est entouré d’une tache obscure qui se prolonge vers l'oreille ; la queue est entourée de grands poils distiques à sa base Peut-être, comme le pensait G. Cuvier, n'est-ce Cette jolie miniature de l'ecureuil qu'une variété du loir commun, mais je ne crois pas que ce soit un lérot à queue écourtée, comme l'a dit Fr. Cuvier. Il babite les forêts dela Géor- gie et de la Russie. Le Decu (Mynæus degu, Less. Seiurus degus, GML.) pourrait bien ne pas appartenir à ce genre. Sa taille est petite ; son pelage d'un blond obseur, avec unc ligne uoirätre sur l'épaule. 11 ue s’engourdit pas l'hiver et se loge dans des terriers. Il habite le Chili. Est-ce un loir, uu tamia, ou un campagnol ? Le Loin ve Sice (Myoxus sirule, Less. Musculus frugivorus, Rar.) a les oreilles nues et arrondies; la queue cylindrique, ciliée et brune ; son pelage est d’un roux bruvâtre, par- semé de longs poils bruns en dessus ; le dessous est blanc. 11 habite la Sicile, où les habitants estiment beaucoup sa chair, et il niche sur les arbres. Le MuscanbiN (Myoxus muscardinus, Ge. Mus avellanarius, Lin. Le Croque-noix, Bniss.) est à peu près de la grosseur d'un mulot ou d’une souris. Son pelage est d’un fauve clair en dessus. presque blanchätre en dessous ; sa queue, presque de la longueur du corps, est aplatie ho- rizontalement et formée de poils distiques. Il babite toute l'Europe. n'habite guëre que les forèts, surtout celles où les noisetiers sont abondants, parce qu'il fait sa principale nourriture de leurs fruits. Il loge et s’engourdit dans les vieux troncs d'arbres et les trous de murailles, mais il fait son nid sur les buissons de noisetiers, entre les bran- ches basses, avec des herbes entrelacées ; il lui donne environ six pouces de diamètre (0,162), et ne laisse, pour y entrer, qu'une ouverture dans le haut. C'est là que la femelle met bas et allaite trois ou quatre petits, qui abandonnent le nid pour toujours aussitôt qu'ils sont assez forts pour pourvoir eux-mêmes à leurs besoins. Aussitôt que le froid se fait sentir, ils se retirent dans un trou d'arbre où ils ont amassé une provision de noisettes, et ils s'y engourdissent à la manière des loirs. On prétend qu'en Italie se trouve une espèce ou variété de muscardin à odeur de musc; celui de France ne sent rien, et se trouve quelque- fois dans nos jardins quand il y à une plantation de noisetiers. 25° Gene. Les ÉCHIMYS (Echimys, Georr.) ont vingt dents, savoir : quatre incisives, pas de cauines, huit molaires en haut et en bas, sim- ples, à couronne présentant des lames transver- ses, réunies deux à deux par un bout, ou isolées ; ils out cinq doigts aux pieds de derrière, quatre RATS. doigts aux pieds de devant avec un moignon de pouce; leur queue est très-longue, écailleuse, presque nue; leurs poils, surtout ceux des par- ties supérieures, sont en forme de piquants aplatis, carénés sur une de leurs faces, creusés en gouttière de l’autre, et terminée par une soie très-fine. L'AnGouya-v-BiGoin (Echimys spinosus, Des. L’'Echimysroux, G.Guvy. Le Ratépineux, AzARA) a sept pouces (0,189) de longueur, non compris la queue, qui en a trois (0,081), et qui est cou- verte de poils courts, assez fournis pour cacher les écailles ; son pelage est d’un brun obscur, mélangé de rougeätre en dessus, et d’un blanc sale en dessous ; les poils du dos sont entremélés de piquants très-forts. Cet animal habite le Pa- raguay, et vit solitairement dans des {erriers qu'il se creuse dans les savanes, sur le bord des rivières, mais dans des situations assez élevées pour que les inondations ne puissent pas le sur- prendre. L'entrée de son terrier s'enfonce à peu près verticalement à huit pouces (0,217) de pro- fondeur, puis ensuite une galerie s'étend paral- lèlement à la surface du sol à quatre pieds (1,299) de distance. Ces trous sont quelquefois si rap- prochés, qu'il est dangereux de parcourir les savanes sans précaution. Du reste, il parait que les habitudes de cet animal ont beaucoup d’ana- logie avec celles de nos rats. L'Écuinys HUPPÉ (Echimys cristalus, Geore. — Desx. Hystrix chrysuros, Scur. Le Lérot à queue dorée, Burr.) a neuf pouces et demi (0,258) de longueur, non comprisla queue, qui a un pied (0,525). Son pelage est marron en dessus; sa tête est d’un brun foncé, avec une ligne étroite, blanche, sur le front ; la queue est noire, blan- che ou jaune à son extrémité ; il a sur le dos des poils roides et plats, longs d'un pouce (0,027). I] habite Surinam, et ses mœurs sont inconnues. L'Écuimys pacryuin ( Echimys dactylinus , GEorr.— DEsx.) a un peu plus de dix pouces (0,271) de longueur, non compris la queue, qui en à quatorze et demi (0,593). Son pelage est brun, mélé de gris et de jaunätre en dessus ; ses flancs sont roussâtres ; les poils sont secs et ru- des, mais non pas précisément épineux ; les deux 315 doigts du milieu des pieds de devant sont plus longs que les autres, et ont des ongles plats; les cinq doigts des pieds de derrière sont armés d'ongles longs et crochus; toute la queue est écailleuse et nue. 11 habite l'Amérique méridio- nale. L'Ecuimys À AIGUILLONS ( Echimys hispidus , Georr. — DEsm.) a sept pouces (0,189) de lon- gueur, non compris la queue, qui en a autant, et qui est annelée et entièrement écailleuse ; son pelage est d’un brun roux, plus clair en dessous, avec beaucoup de poils épineux très-roides sur le dos; sa tête est roussätre. Il habite l'Améri- que méridionale. L'Écnmys soveux (Echimys setosus, GEOFr. — Dés.) a environ six pouces (0,162) de lon- gueur, non compris la queue, qui en a sept (0,189); son poil est soyeux, très-peu mélangé d’épines, roux sur le corps, blanc en dessous ; ses pieds ‘ sont blancs; ses farses postérieurs sont fort longs, avec les trois du milieu presque égaux entre eux. Il habite l'Amérique, mais j'ignore quelle partie. L'Écumys De Cayenne (Echimys cayennensis, G&orr. — DEsx.) a environ six pouces (0,162) de longueur, non compris la queue. Son pelage est d'un roux passant au brun sur le milieu du dos ; tout le dessous du corps est d’un beau blanc; les piquants manquent sur la tête, et sont entre- mêlés, sur le dos, de poils annelés de roux, de fauve, et de brun à la pointe; ses tarses et ses doigts postérieurs sont comme dans le précé- dent. 11 résulte de cette conformation que ces deux espèces doivent avoir sur les autres une grande supériorité à la course et au saut. II ha- bite l'Amérique méridionale. * L'Écumys ninezpuoïne (Echimys didelphoi- des, GEorr. — Des.) a environ cinq pouces (0,155) de longueur, non compris la queue, qui en a autant : celle-ci est couverte de poils à sa base et nue sur le reste de sa longueur ; le pe- lage est brun sur le dos, plus clair sur les flancs, jaunätre en dessous; les piquants, qui n'existent qu’au dos et à la croupe, sont annelés de brun foncé et de roux. II habite l'Amérique méridio- nale. 316 LES RONGEURS. Le Lemimine, 25 Grnne. Les LEMMINGS ( Georychus, très-courtes, ainsi que la queue, qui est velue ; ELu1G ) ont seize dents, savoir : quatre incisives; les pieds de devant ont tantôt cinq doigts, tantôt pas de canines ; six molaires en haut et en bas, quatre, toujours munis d'ongles propres à fouir composées, à couronne plane, présentant des la terre. Tous ces animaux ont des mœurs inté- lames émailleuses, anguleuses ; les oreilles sont ressantes, dont les voyageurs se sont préoccupés. Le LEMMING (Georychus norvegicus. — Hipudœus norvegicus, Disu. Mus lem- nus, Lin. Le Lemming, Burr.—G. Cuv. Le Lapin de Norwége, Briss. ) Est de la grandeur d’un rat; il a cinq doigts aux pattes de devant; son pelage est agréablement varié de noir et de jaune sur le dos; le ventre et les flancs sont blancs. I habite les montagnes de la Norwége. Ce joli petit animal vit dans un terrier au fond duquel il se creuse une chambre dans laquelle il élève sa famille ; mais il n’y fait pas de magasin et n’y amasse point de provisions. Sa nourriture consiste en lichens pendant l'hiver, en herbes dans la belle saison, et probablement en racines lorsqu'il fouille la terre. Par un instinct inexplicable, ces animaux connaissent à l'avance quand il doit y avoir un hiver rigoureux, qui ne leur permettrait plus de remuer le sol glacé ni de trou- ver leur nourriture dans leur contrée natale, et alors ils se préparent à émigrer pour aller dans des pays plus favorisés. On a observé plusieurs fois chez eux cet étonnant pressentiment, et surtout en 1742. Cette année-là l'hiver fut très-rigou- reux dans le cerele d'Uméa, et beaucoup plus doux dans celui de Lula, quoique plus au nord : ils émigrérent à l'avance du premier et non de l’autre. Il résulte de cette prévision, que leurs émigrations ne sont ni annuelles ni périodiques, et que souvent il n'y en a qu'une dans l'espace de dix ans, tandis que d’autres fois il y en à deux ou trois dans le même espace de temps. Quand ils se préparent à partir, la population d’une contrée entière se rassemble par un merveilleux 347 RATS. accord, etleur troupe innombrable se forme en colonnes parallèles et se met en marche en ligne droite, sans qu'aueun obstacle puisse la détourner ni à droite ui à gauche. Rencontrent-ils une montagne, ils la franchissent en la gravissant ; une rivière où un bras de mer, ils le passent à la nage, et si le vent vient à s'é- lever pendant cette traversée, des milliers de ces animaux sont submergés ; leurs cadavres, rejetés en monceaux sur le rivage, empoisonnent l'air au point d'occa- sionner des maladies epidémiques dans les villages voisins. [ls marchent la nuit, font halte pendant le jour, et malheur à l'endroit où ils s'arrêtent, car, en quel- ques heures, jardins, moissons, récoltes de toute espèce, verdure, tout est détruit, et le sol reste nu et rasé comme si le feu y avait passé. Heureusement qu'ils respectent les habitations et ne pénètrent ni dans les maisons, ni mème dans les cabanes. Aussi courageux que dévastateurs, ils se défendent avec fureur contre toutes les agressions, soit de la part des animaux, soit de la part de l'homme ; ils cherchent à s’elancer à la figure de celui qui les attaque, ils mor- dent le bâton qui les frappe, la main qui les menace, et une fois qu'ils ont saisi avec les dents, ils ne làchent plus qu'en mourant. Dans leur colère, selon Scheffer, «ils vont au-devant de ceux qui les attaquent, crient et jappent presque tout de mème que des petits chiens. » Les lemmings ne s'expatrient pas pour aller établir ailleurs des colonies, mais simplement pour trouver à vivre pendant l'hiver, et retourner ensuite dans ieur pays. Ces bandes prodigieuses , qui, au départ, couvraient la terre d'in- dividus serrés en phalanges, sont tellement diminuées au retour, qu'à peine s’aperçoit-on de leur passage. Les renards, et une foule d’autres petits mammi- fères carnassiers, les suivent dans leurs migrations et s'en nourrissent exclusi- vement; les oiseaux de proie en détruisent aussi un grand nombre, et la fatigue, les intempéries, les naufrages et la faim, font périr une grande partie de ceux qui restent; c'est à peine si la centième partie de la troupe peut regagner sa terre natale. Du reste, leur passage est regardé par Les habitants du pays qu'ils parcourent comme un fléau terrible, et dont il est impossible de se délivrer. Comme leur apparition est subite, et que le peuple ne sait d’où ils viennent, il s'imagine qu'ils tombent du ciel avec la pluie. Le LeumiNG DE LA Baie D'Hupson (Georychus hudsonins. — Hipudæus hudsonius, Less. Mus hudsonius, Paiz. Le Rat du Labrador) est de la grosseur d'un rat; il a cinq pouces (0,135) de Le LemminG be Laponie (Georychus laponicus) est un fiers plus petit que le précédent ; son pe- lage est d’un fauve brun sur le dos, jaunissant sur les flancs, et blanchätre sous le ventre. Quel- ques naluralistes ne le regardent que comme une variété du précédent, quoiqu'il n’en ait ni la taille, niles formes, ni la couleur, niles mœurs, et qu'il ne se frouve pas dans les mémes contrées. 11 babite la Laponie russe, où l’autre ne se trouve Jamais, et il est commun dans les régions voisi- nes de la mer Blanche et de la mer Glaciale, jusqu'à l'Obi. Il émigre aussi, tantôt vers le Petzora, tantôt vers l'Obhi, et de la même ma- nière que le précédent. Son terrier, au lieu de n'avoir qu'une chambre, en à plusieurs qui lui servent de magasins, et il y amasse des provi- sions consistant en lichen des rennes ( Lichen rangiferinus). longueur, et le mäle est un peu plus grand que la femelle ; il manque de queue et d'oreilles ap- parentes, et ses pieds de devant n’ont que qua- tre doigis avec un rudiment de pouce ; son pe- lage est uniformément d’un gris perle. Il habite l'Amérique septentrionale. Le LEmminG À cOLHIER ( Georychus torquatus. — Hipudeus torquatus, Less. Mus torquatus, PaLc.) a le pelage ferrugineux, avec une ligne noire sur le dos et un collier blanc autour du cou, interrompu en dessous ; ses oreilles sont très-courtes ; ses pieds de devant ont cinq doigts armés d'ongles médiocrement forts, excepté 1e pouce, qu'il a court, arrondi, où nul. IL habite 348 la Sibérie et émigre aux mêmes époques que les lemmings. Le LaGurE ( Georychus lagurus.— Hipudaus lugurus, Less. Mus lagurus, Paie. Le Lagure, Vico-D'Azyr) est plus petit que notre campagnol ordinaire ; sa longueur est de trois pouces huit lignes (0,099) ; il n’a que quatre ongles aux pieds de devant, et sept vertèbres à la queue ; son pe- lage est d'un gris cendré, avec une ligne noire sur le dos, mais il manque de collier. 11 vit en grandes troupes dans les steppes de la Tartarie et de la Sibérie, et il est surtout nombreux dans le désert d’Irtisch, où croit en abondance l'iris naine (/ris pumilu) dont il mange les racines. Quoique le plus petit des lemmings, il est cou- rageux et fort, et ne craint pas d'attaquer les plus grandes espèces de son genre, pour les Ianger ; aussi aucunes d'elles n’ose habiter les cantons où il à établi sa demeure. Les mâles se font entre eux une guerre à outrance, et le plus fort, après avoir dévoré ses rivaux, s’empare des femelles pour peupler son harem. Le Taupix ( Georychus talpinus.—Mus lalpi- nus, Pazz. Le Petit Syalax, ENcycL.) a cinq doigts à tous les pieds ; sa première molaire est la plus longue; son pelage varie du gris jaune au brun noir, avec l’âge ; la femelle a six ma- melles. 11 habite les bassins méridionaux de l'Oural, et ne se trouve pas à l’est de l'Obi. Cet animal se creuse un terrier comme la taupe, près de la surface du gazon, et, comme elle, il LES RONGEURS. élève de petites buttes de terre le long de ses longues galeries et de distance en distance. 11 ne sort jamais de sa retraite que pour aller cher- cher sa femelle, ou changer de canton; il se nourrit de racines, et principalement des petits tubercules du pblomis tubéreux. 26e Genre. Les CAPROMYS ( Capromys , Des. Isodon, Georr.) ont vingt dents, savoir : quatre incisives, dont les inférieures peu com- primées sur les côtés; point de canines; huit molaires en haut et en bas, prismatiques, ayant leur couronne traversée par des replis d’émail qui pénètrent assez profondément, et qui sont semblables à ceux qu’on voit sur la couronne des molaires des castors ; les pieds de devant ont quatre doigts avec un rudiment de pouce; la queue est ronde, conique, écailleuse ; les mem- bres sont forts, robustes et assez courts. Ce genre semble être intermédiaire entre les rats et les marmottes. Le Cuëm (Capromys Furnieri, Des. 1sodon pilorides, Sax. L’Agutia congo des Créoles de Cuba ; peut-être le Racoon de BRoW\E) est de la grosseur d’un moyen lapin ; il a un peu plus d’un pied (0,525) de longueur, non compris la queue, qui a six pouces (0,162) ; sa marche est plantigrade, et les cinq doigts des pieds de der- rière sont fortement onguiculés ; son pelage est grossier, d’un brun noirâtre, lavé de fauve oh- sur dans les parties supérieures ; la croupe est rousse ; les pattes et le museau sont noirâtres. Le chémi habite l'ile de Cuba, vit dans les bois, et grimpe aux arbres avec la plus grande facilité. Il a peu d'intelligence, mais il est curieux, joueur, et d'un caractère fort gai. Sans être positivement un animal nocturne, il est plus éveillé pendant le crépuscule que le jour; il a l’odorat excellent, et, lorsqu'il se croit menacé d'un danger, il se dresse sur ses pieds de derrière, comme un kan- gourou, et fait mouvoir ses narines pour flairer le vent et prendre connaissance de l’objet qui l’inquiète. Alors il fait entendre un petit cri aigu analogue à celui des rats, pour appeler ses camarades et les avertir de prendre la fuite. Quand, au contraire, il éprouve un sentiment de satisfaction, soit en mangeant quelque chose qui flatte son goût, soit en s'étendant mollement au soleil dans une vo- luptueuse quiétude, il fait entendre un petit grognementtrès-doux et fort bas. Sa nourriture consiste uniquement en substances végétales, et il aime surtout les bourgeons d'arbres et les jeunes écorces. Comme la plupart des autres ron- geurs, les chémis prennent et portent à leur bouche leur nourriture avec les deux pattes de devant, mais souvent aussi ils ne se servent pour cela que d'une seule main, ce qui leur donne une physionomie fort originale. Du reste, cet ani- mal est d’un caractère fort doux. L'AGUTIA GARAVALLI, Où Uri ( Capromys pre- hensilis, Pourixc) à vingt-trois pouces de lon- gueur (0,625); sa tête, la plante de ses pieds, et les ongles, sont blancs ; son pelage est mou, épais, ferrugineux mélé de gris; sa queue est gréle, de la longueur du corps, nue à son extré- RATS. mité. 11 habite Cuba, où il est assez rare. Cet animal, lourd et paresseux, grimpe cependant aux arbres avec la plus grande facilité ; il aime à se pendre à leurs branches et à se cacher dans leur feuillage. 27e Genre. Les CAMPAGNOLS (| Arvicola, Lacer.\ ont seize dents, savoir : quatre incisives ; point de canines; six molaires en haut et six en bas, composées, à couronne plane, offrant des lames émailleuses, anguleuses; oreilles assez grandes ; pieds de devant pourvus d'ongles mé- 349 diocres ; queue à peu près de la longueur du corps, velue, ronde; huit à douze mamelles. Le Rar p’Eau (Arvicola amphibius, Des. Mus amphibius, Lin. Mus aquaticus, Rar et Briss. Mus marinus, AÆLian.) est un peu plus grand que le rat ordinaire, d'un gris brun foncé ; sa queue est d’un tiers plus courte que son corps, et il n’a que l’ongle de visible aux pieds de devant; ses oreilles sont nues, presque cachées dans le poil de sa tête ; les quatre pieds sont nus et écailleux. Le rat d’eau se trouve dans toute l'Europe, le nord de l'Asie et de l'Amérique, mais avec quelques modifications qui tiennent au climat. Par exemple, en Si- bérie il est plus grand qu’en Europe, et d'autant plus qu'on s’avance davantage vers le nord; ceux que l’on trouve à l'embouchure de l'Obi et du Jenisey sont assez grands pour que l’on puisse employer utilement leur fourrure, qui, d’ail- leurs, n’a pas une grande valeur. Partout les mâles sont plus grands que les femelles et d’une couleur plus foncée. Le rat d’eau ne quitte jamais le bord des eaux douces, et s’il s'en éloigne quelquefois, c’est d’une cinquantaine de pas au plus. Au moindre danger qui le menace, il y revient, se jette dans les ondes, plonge, et gagne son trou en nageant entre deux eaux. Ce trou consiste en un boyau parallele au sol, peu profond, et ayant plusieurs issues. La femelle y met bas, au mois d'avril, six ou sept petits qu'elle soigne avec tendresse, et elle ne les laisse sortir de sa retraite que lorsqu'ils ont atteint au moins la moitié de leur grosseur. Buffon accuse ces animaux de ne se nourrir que de poissons et de reptiles, et de faire du tort aux étangs et aux rivières en détruisant le frai des carpes, brochets, barbeaux, ete. Le vrai est que les rats d’eau ne mangent que des matières végétales, et entre autres les racines et les graines des plantes de la famille de typhacées ; si quelquefois ils se permettent une nourriture ani- male, elle consiste purement en quelques insectes et leurs larves ; quant aux pois- sons, grenouilles et autres animaux aquatiques, ils n’y touchent jamais. Dans certains pays on mange sa chair, qui n’est pas mauvaise, et peut être comparée à celle du cochon d'Inde. Entre l'Obi et le Jenisey, on trouve une variété, ou peut-être une espèce de cet animal, qui diffère de notre rat d’eau par une grande tache blanche qu’elle a entre les épaules, et une raie de la même couleur sur la poitrine. Le Scnenwauss (Arricola paludosus. — Mus Daludosus, Lin. Arvicola argentoralensis, Des. Le Scherman, Burr.) est plus petit que le pré- cédent, à tête remarquablement plus ramassée, à queue plus courte, et à pelage noir. Il habite les environs de Strasbourg et s'éloigne davan- cendré en dessous. 11 habite le bord des eaux, aux États-Unis, et se nourrit des semences de la Zizannie aquatique. Le Rar o’eau Du Ni (Arvicola niloticus, Des. Lemnus nilolicus, GEorr.) a la queue presque aussi longue que le corps ; son pelage tage de l’eau. Le CamPaGNOL DES BIVAGES ( Arvicola ripa- rius, OR. Arricola palustris, HaRLAN) a cinq pouces de longueur (0,155), non compris la queue, qui est moins longue; ses oreilles sont médiocres ; son museau est gros; il a le pelage d'un brun rougeätre mélé de noir en dessus, et est d’un brun mélé de fauve sur le dos, d’un gris jaunâtre en dessous; ses oreilles sont bru- pâtres, presque nues; sa queue est brune. 11 habite l'Égypte, et a les mêmes mœurs que les précédents. Les espèces qui vont suivre sont entièrement terrestres, et toutes habitent l’ancien continent. 350 Le CAMPAGNOL ORDINAIRE (Arvicola vulgaris, Desu. Mus œrvalis, Lin. Le Campagnol ou Petit rat des champs, Burr. —G. Cuv.) est de la grandeur d'une souris ; son corps a trois pou- LES RONGEURS. qui à un pouce (0,027), et qui est velue; ses oreilles sont moyennes et arrondies ; son pelage est d’un jaune brun en dessus, d’un blane sale en dessous. Cette espèce a souvent été le fléau ces (0,081) de longueur, non compris la queue, de l’agriculture, surtout dans l'antiquité. Le campagnol est commun dans toute l'Europe, et se trouve dans le nord de la Russie jusqu'à l'Obi. Il habite les champs et les jardins, mais il ne pénètre jamais dans les maisons ni dans les bâtiments d'exploitation rurale. Il se creuse un terrier consistant en une petite chambre de trois ou quatre pouces (0,081 à 0,108) de diamètre en tous sens, à laquelle aboutissent plusieurs boyaux en zigzag lui servant d'entrée et de sortie. C’est là que la femelle établit son nid d'herbe sèche, et met bas, au moins deux fois par an, dix à douze petits à chaque portée. Aussi, lorsqu'un été favorise la multiplication de ces petits animaux, ils deviennent un véritable fléau pour l'agriculture. Ils font des provisions de grain, de noisette et de gland, mais il parait qu'ils préferent le blé à toute autre nourriture. « Dans le mois de juillet, dit Buffon, lorsque les blés sont mûrs , les campagnols arrivent de tous côtés , et font souvent de grands dom- mages en coupant les tiges du blé pour en manger l'épi; ils semblent suivre les moissonneurs, ils profitent de tous les grains tombés et des épis oubliés; lorsqu'ils ont tout glané, ils vont dans les terres nouvellement semées et détrui- sent d'avance la récolte de l’année suivante. En automne et en hiver, la plupart. se retirent dans les bois; où ils trouvent de la faiîne, des noisettes et des glands. Dans certaines années ils paraissent en si grand nombre, qu'ils détruiraient tout s'ils subsistaient longtemps; mais ils se détruisent eux-mêmes, et se man- gent dans les temps de disette ; ils servent d’ailleurs de pâture aux mulots, et de gibier ordinaire aux renards, aux chats sauvages, à la marte et à la belette. » Mais ce qui contribue plus encore à leur destruction, ce sont les pluies d’au- tomne et les fontes de neige qui inondent leurs terriers. 11 paraît qu'autrefois cette espèce était plus multipliée qu'aujourd'hui, et que souvent elle à ravagé des provinces entières ; l'histoire nous en offre de fréquents exemples, et, dans des temps reculés, on regardait les armées de rats apparaissant tout à coup, comme un effet de la vengeance céleste ; aussi n’opposait-on guère à leur inva- sion que des prières et des exorcismes. La FÉGOULE, Où CAMPAGNOL ÉCONOME ( {rvi- cola aconomus, DEsM. Mus æconomus, PALLAS. Le Campagnol des prés, G. Cuv.) ne diffère extérieurement du précédent que par sa cou- leur plus foncée, mais à l’intérieur il a une paire de côtes de plus; son pelage est brun en dessus, jaunätre sur les flancs, blanc sous la gorge et sous le ventre; sa queue n’a que le quart de la longueur du corps, et elle est brune ; ses oreilles sont très-courtes. Cette espèce ha- bite la Sibérie et le Kamtschatka. Ses habitudes la rendent précieuse aux Kamtschadales. Le campagnol économe est l'espèce la plus singulière et la plus célèbre de son genre. Il habite les vallées profondes et humides, et creuse son terrier avec beaucoup d'art; il consiste en vingt ou trente boyaux de huit à neuf lignes (0,018 à 0,020) de diamètre, serpentant presque à la surface du sol, ou au moins à peu de profondeur, et s’ouvrant en dehors de distance en distance. Ces boyaux com- muniquent à d'autres galeries plus profondes, se rendant toutes à son habitation RATS. 301 ou à ses magasins. Son habitation, ou chambre principale, à trois ou quatre pouces (0,081 ou 0,108) de hauteur et environ un pied (0,525) de largeur; elle est plafonnée avec des racines de gazon, ou, mais seulement dans les lieux humides, voûtée dans une motte de terre qui domine le sol environnant; sur le plancher est étendu un lit de mousse. A côté de cet appartement, où loge la famille, sont deux ou trois magasins plus grands, construits avec beaucoup de soin et main- tenus constamment très-propres. Tel est l'établissement d'un couple solitaire ; mais s’il a une famille un peu nombreuse, il se fait aider par ses enfants; alors la chambre est beaucoup plus spacieuse, et l’on creuse jusqu’à huit ou dix ma- gasins, afin d'y serrer assez de provisions pour tout le monde. Quelquefois deux ou trois familles se réunissent pour travailler et vivre en commun. Des le com- mencement de l'automne, chacun se hâte de récolter des racines et des iles de phlomis tubéreux, renouées bistorte et vivipare, de pimprenelle sangui- sorbe, de lis de Kamtschatka, des graines de pin cembro, etc., ete. ; et ces pro- visions se déposent dans un premier magasin pour y être épluchées et triées. Chaque espece végétale occupe seule un magasin, ou du moins est réunie en une pile sans mélange avec d’autres. Tous les Jours on visite les approvisionne- ments pour voir si tout est en ordre et si rien ne se gâte; une racine paraîil- elle attaquée par l'humidité, elle est aussitôt enlevée, transportée dehors, au grand air et au soleil, puis on la reporte au magasin quand sa déssiccation est parfaite. Lorsque les Kamtschadales rencontrent une habitation de campagnol éco- nome, c'est pour eux une bonne fortune, car ils se servent de la racine de san- guisorbe pour préparer une sorte de thé qu’ils aiment beaucoup, et les autres racines du magasin leur servent à assaisonner leurs mets. [ls s'en emparent donc, mais avec l'extrème précaution de ne maltraiter ni blesser aucun des membres de la famille, de laisser à l’'économe une partie de ses provisions, et de remplacer celles qu'ils enlévent avec du caviar sec. Ils croient que sans cela ces petits animaux se tueraient de désespoir, et les priveraient ainsi, pour l’an- née suivante, de la part qu'ils s’adjugent des fruits de leurs économies. Il n’est pas rare de trouver dans les greniers du campagnol jusqu'à quinze ou vingt kilogrammes de racines. Comme les lemmings, les campagnols économes ont la prévision, non pas des hivers rigoureux, mais des étés pluvieux, des orages et des tempêtes, des inon- dations qui doivent submerger leurs terriers, et ils émigrent pour aller cher- cher un climat plus favorable. C’est au printemps qu'ils se réunissent en gran- des troupes et se mettent en voyage, en dirigeant leur marche sur le couchant d'hiver, en ligne droite, sans que ni lacs, ni rivières, ni bras de mer puissent les déterminer à faire le moindre détour. En les traversant à la nage ils sont ex- posés au bec des oiseaux de proie et à la dent vorace des brochets et des saumons, qui en détruisent beaucoup; le moindre vent en fait aussi noyer un grand nombre; mais enfin le gros de la troupe finit ordinairement par gagner la rive opposée. Il arrive quelquefois qu'ils sont tellement fatigués, qu'ils se couchent sur le sable du rivage, sans pouvoir aller plus loin, et qu'ils périraient de froid si les Kamtschadales ne leur portaient secours en les séchant et les réchauffant, soit dans leur sein, soit devant un feu. Quand ces petits animaux sont un peu LES RONGEURS. remis, ils leur rendent la Hberté pour qu'ils puissent continuer leur voyage, ce que les campagnols font incontinent. Lorsqu'ils ont passé le Penshina, qui se jette à l'extrémité nord du golfe d’Ochotsk, ils côtoient la mer vers le sud, etau moisde juilletarrivent surles bords del'Ochotsk et du Joudoma, après une route de plus de six cent vingt-cinq lieues. Au moment de leur départ, ils formaient des colonnes si nombreuses, qu'il leur fallait plus de deux heures pour défiler; mais au retour, qui a lieu la même année, au mois d'octobre, il n’en est plus de même; les renards, les martes, les hermines, les oiseaux de proie, la fatigue, et les mille accidents d’un long voyage, les ont plus que décimés, et souvent il n’en revient pas la moitié. Leur arrivée n’en est pas moins un jour de fête pour les Kamtschadales, parce que c’est un signe certain de la fin des tempêtes qui ont ravagé le pays pendant leur absence, parce qu’elle présage une année heureuse pour la pêche et les récoltes, et aussi parce qu'ils amènent à leur suite une foule d'animaux carnassiers à fourrures, qui promettent une chasse abondante et lucrative. On sait, au contraire, que lorsqu'ils retardent leur arrivée, c’est un pronostic infaillible de pluies et d’orages. Du reste, les émigrations des campa- gnols ne sont pas plus périodiques que celles des lemmings. Ordinairement, chez la plupart des autres animaux qui vivent en famille ou en petite société, c’est le mâle qui se charge des plus rudes travaux; ici c’est le contraire ; les femelles sont un tiers au moins plus grandes que les mâles, fortes à proportion, et beaucoup plus laborieuses. Vers le milieu de mai, et peut-être plusieurs fois dans l’année, elles mettent bas deux ou trois petits, qui naissent aveugles, et dont elles prennent le plus grand soin. Le campagnol économe du Kamtschatka n'est qu'une variété très-légère de celui de Sibérie, et il n’en dif- fère que par sa taille un peu plus grande, et son pelage d’une teinte légèrement plus brune. Le CamPaGNoOL FAUVE ( Arvicola fulvus, DES.) a la queue un peu plus courte que la moitié du corps; ses oreilles sont à peine visibles; son pelage est d’un fauve roussätre, avec le ventre et les pâtes jaunâtres. I] habite la France. Le CamPpaGnoL ALLIAIRE ( drricola alliarius, Desu. Mus alliarius, PALz. — Guc.) est de la grandeur du campagnol ordinaire ; ses mousta- ches sont fort longues ; ses oreilles grandes, presque nues ; sa queue est de la longueur du tiers de son corps ; son pelage est d'un gris cendré en dessus, blanc en dessous. Il habite la Sibérie, à l’est de l'Obi, se creuse un terrier, et se nourrit d'ail, dont il fait des provisions. Le CamPAGNOL DES RoCHERS (-Arvicola saxa- tilis, DEesm. Le Mus saxatilis, de PaLz. et Gu.) a la queue longue comme la moitié du corps; ses oreilles sont grandes, ovales : son pelage est brun, mêlé de gris en dessus, gris foncé sur les flancs, et d'un cendré blanchätre en dessous. 11 habite la Sibérie et la Mongolie. Le CampaGwoz roux (Arcicola rutilus, Desu. Mas rutilus, Pare. — GuL.) a la queue longue comme le tiers du corps ;.son pelage est roux en dessus, blanchâtre en dessous, teinté de gris et de jaunâtre; ses oreilles sont nues, bordées de poils à l’extrémité seulement. On le trouve en Sibérie et au Kamtschatka. Le CampacwoLsocraL (Arvicola socialis, Des. Mus socialis, PALL. Mus gregarius, Lan.) est remarquable par la finesse cet la mollesse de son pelage d’un gris pâle sur le dos, d’un blanc pur sur le ventre et sur les extrémités; ses oreilles sont courtes, larges et nues; sa queue, blan- châtre, est longue comme le quart de son corps. 11 vit d'oignons de la tulipe de Gesnère, dans les déserts du Volga et du Taïk, et quelquefois en si grand nombre qu’on ne peut faire un pas sans enfoncer ses terriers. Le CamPpAGNOL D'ASTRAKAN ( Arvicola astra- chanensis, DEsm.) à la queue de la longueur du quart de son corps; il est jaune en dessus, cen- dré en dessous ; sa grandeur est celle d’une sou- ris. On le trouve dans les environs d’Astrakan. Le CAmPAGNOL DES COLLINES ( Arvicola gregu- lis, Des. -- Mus gregalis, PALL. — Gmx.) res- semble beaucoup au campagnol ordinaire, mais son pelage est d'un gris pâle sur le dos, et d'un RATS. blanc sale sous le ventre; les oreilles sont {rès- minces et assez grandes ; la queue porte environ quarante anneaux écailleux. Celle espèce a les mêmes mœurs que le Campagnol économe, mais comme elle habite des montagnes qui ne sont pas sujettes aux inondations, elle n'a pas besoin d'émigrer. Ce campagnol est commun dans les montagnes de la Daourie, et depuis l’Irtisch jusqu'aux sources du Jenisey. Son terrier res- semblé à celui de l'économe, à celte différence que les ouvertures des galeries sont couvertes d'un petit dôme de terre. Il se nourrit des bul- bes de l'ail tenuissimum et du lis de pompone. Le CamPpaGNoL RAYE (A4rvicole pumilio, Des. Mus pumilio, Spar.) se distingue de tous ses congénères à son pelage brun clair en dessus, marqué de quatre bandes longitudinales noires. On le trouve au cap de Bonne-Espérance. Le CaAmPAGNOL AUX JOUES FAUVES (Arvirola æanthognatus, Desw.) a le pelage fauve varié de noir en dessus, d'un gris cendré clair en dessous; ses joues sont fauves ; sa queueest noire en dessus, blanche en dessous. Il habite les bords de la baie d'Hudson. Le CamPAGNOL À QUEUE BLANCHE ( Arvicola al- bicaudatus, DEsx.} a la queue à peine aussi lon- gue que la moitié de son corps, blanche en des- sus ; son pelage est brun el ses pattes blanches. Sa patrie m'est inconnue. 28° Gexre. Les MYNOMES (Mynomes, Rarix.) ne different du genre précédent que par le nom- bre de leurs doigts, qui est de quatre à chaque pied, avec un doigt interne fort court, et par leur queue qui est aplatie, velue, écailleuse comme dans les ondatras. Le MyYNOME DES PRAIRIES (Mynomes pratensis, Rarix. Arvicola pensylvanica, On. et FTarLan) a quatre pouces (0,108) de longueur, et sa queue n’a que neuf lignes (0,020) ; son pelage est d’un fauve brunâtre en dessus, et d'un blanc grisätre 353 en dessous. 11 habite les États-Unis, se creuse un terrier sur le bord des rivières, et se nourrit des bulbes d'ail et autres plantes de la famille des liliicées. 29 Genre. Les SIGMO@BONS ( Sigmodon. Say et Ono.) ont seize dents, savoir : quatre incisives ; point de canines ; six molaires en haut et six en bas, égales, avec des racines, et à cou- ronne marquée par des sillons alternes {rès-pro- fonds, disposés en sigina : ils ont cinq doigts aux pieds de derrière, et quatre à ceux de devant avec le rudiment d’un cinquième doigt ongui- culé ; leur queue est veltre. Le SiGmopon veLu (Sigmodon hispidum, Sav et On. Arvicola hortensis, Hans.) est long de six pouces (0,162), avec une grosse tête, de grands jeux, et Je museau allongé ; son pelage est d’un jaune d’ocre pâle, mélangé de noir sur la tête et en dessous ; les parties inférieures du corps sont cendrées. Cet animal habite la Flo- ride orientale, dans les champs qui avoisinent la rivière de Saint-Jean. 50° Genre Les NÉOTOMES ( Ncotoma, Sax et Oup.) ont seize dents, savoir : quatre incisi- ves ; pas de canines; six molaires en haut et six en bas, ayant de longues racines qui manquent à celles des campagnols ; ils ont aux pieds de devant quatre doigts avec le rudiment d'un cin- quième, et cinq doigts aux pieds de derrière ; leur queue est velue. Le NÉOTOME DE La FLORIDE ( Neotoma flori- dana, Sax et Oup. Mus floridanus, Des.) a la queue plus longue que le corps, brune en dessus et blanche en dessous ; les oreilles fort grandes ; le pelage doux et court, d’un gris plombé mé- langé de poils noirs et jaunätres, en dessus ; plus brun sur le dos et plus jaune sur les flancs; le dessous du corps est d’un blanc pur. 11 habite les bords du Missouri et les montagnes Ro- cheuses. 351 LES RONGEURS. Le Castor, LES RATS NAGEURS Ont tous les caractères de la famille précé- vingt dents, savoir : quatre incisives; pas de dente, mais leurs pieds postérieurs sont palmés canines; huit molaires en haut et huit en bas, où à demi-palmés, c’est-à-dire que leurs doigts composées, à couronne plane, avec des replis sont plus ou moins réunis pur une membrane, émailleux, sinueux et compliqués ; ils ont cinq comme ceux des canards ou autres oiseaux aqua- doigts à tous les pieds; leur queue est large, tiques. aplatie horizontalement, ovale, sans poils et cou- 51° Genre. Les CASTORS (Castor, Lin.) ont verte d’écailles imbriquées. Le CASTOR ou BIÈVRE (Castor fiber, Lin. ). Cet animal est à peu près de la grosseur d'un blaireau et atteint trois ou quatre pieds (0,975 à 1,299) de longueur, en y comprenant la queue; son pe- lage se compose de deux sortes de poils, l'un fort long, grossier, d’un brun roussâtre, recouvrant un duvet trés-fin, plus ou moins gris. Du reste, il varie de couleur en raison des pays ; par exemple, les castors du Nord sont d’un beau noir, et quelquefois tout blanes ; ceux du Canada sont d’un brun roux uniforme; vers l'Ohio et dans le pays des Illinois, 1ls sont d'un fauve pâle, passant même au jaune paille; en France ils sont de la couleur de ceux du Canada; et enfin, on en trouve quelquefois de variés de jaunâtre et de brun. Ils ont les pieds de derrière palmés, ce qui leur donne une grande facilité pour nager, et leur queue plate et large leur sert de gouvernail. Ces animaux sont encore communs dans l'Amérique septentrionale, mais ils sont devenus assez rares en Europe, et par- üculiérement en France, où l’on n'en trouve plus que quelques individus iso- lés sur les bords du Gardon, en Dauphiné, sur ceux du Rhône, de quelques PAYSAIGE DE L'AMÉRIQUE DU NORD. (fardin des Plantes.) àATS NAGEURS. 399 pelites rivières qui se jettent dans ce fleuve, et dans quelques tourbieres des val- lées de la Somme. La ménagerie du Jardin des Plantes a nourri plusieurs castors, et il en est re- sulté des observations que je dois faire connaitre avant d'entrer dans des détails de mœurs, qui se trouveront tout à fait en contradiction avec ce que les auteurs ont écrit jusqu’à ce jour sur cet animal. Deux individus de cette espèce avaient été réunis dans la mème cage, l’un venait des bords du Gardon, l'autre de ceux du Danube. Es étaient d'une propreté extrème, vivaient paisiblement entre eux, mangeaient assis dans l'eau, dormaient presque tout le jour, ou ne veillaient que pour se lisser Le poil avec les pattes et nettoyer leur loge de la plus petite ordure. On leur donnait divers matériaux pour voir si leur instinct de con- struction se décelerait par quelque chose ; mais 1ls se contentaient deles entasser pèle-mêle dans un coin de leur loge, en les repoussant avec leurs pieds ou les transportant avec leur bouche ou leurs mains, sans que jamais ils se soient servis de leur queue en façon de truelle, ni aient montré la moindre intelligence ar- chitecturale. D'autres fois, on réunit äans la même loge plusieurs castors pris jeunes et élevés séparément; loin de montrer un caractère de sociabilité, ils se battaient avec une fureur toujours renaissante. Buffon, qui à si bien vu, quand il a vu par ses propres yeux, va nous aider à se réfuter lui-même : « Si l'on considère le castor dans l’état de nature, dit-il, il ne paraîtra pas, pour les qualités intérieures (je suppose que Buffon entendait parler de l'intelligence), au-dessus des autres animaux ; il n’a pas plus d'esprit que le chien, de sens que l'éléphant, de finesse que le renard. Il est plutôt remarquable par les singula- rilés de conformation extérieure que par la supériorité apparente de ses qua- lités intérieures. » Buffon a fixé son opinion sur les observations qu'il a faites chez lui, ayant conservé un castor vivant pendant plus d’un an; mais on pour-- rait lui répondre, ainsi qu'à ma citation des castors nourris à la ménagerie, qu'il n'appartient pas de juger de l'intelligence des animaux libres et à l'état de nature, par celle que montrent ces malheureux lorsqu'ils ont été abrutis par les fers de l'esclavage. Cette objection est parfaitement juste, aussi est-ce ail- leurs que dans la domesticité que nous allons maintenant étudier le castor. Tous ceux que l'on trouve en Europe vivent solitairement, ne construisent rien, et n'habitent que des terriers. Il en est ainsi maintenant, et il en était ainsi dans l'antiquité, car les anciens, en nous parlant de leur cauis ponticus, qui n’était rien autre chose que notre castor, ne font nulle mention de son habitude de bâtir, et lui attribuent les mêmes habitudes que celles de la loutre, à la nourriture prés. Il et vrai qu'on prétend avoir trouvé en Norwège des ruines annonçant des villages de castors; mais ce fait, aventureusement avancé, n'a pas été suffisamment prouvé. Dans certaines solitudes de l'Amérique, et surtout dans la haute Louisiane, les castors sont nombreux et n'ont jamais été inquiétés par l'homme, et cependant ils vivent épars, tout au plus en famille, dans l'ignorance et la paresse de construire. Tous vivent dans des terriers qui ont quelquefois jusqu'à trois cents mètres et plus de longueur. Pallas dit que les castors de la Lena et ceux du Jenisei sont également terriers, même lorsqu'ils sont rassemblés en communaute, mais que pour l'ordinaire ils restent solitaires. L'instinct de bâtir n'est donc pas chez eux développé autant qu'on à voulu le 396 LES RONGEURS. dire, el voyons à quoi cet instinct se réduit, quand on met de côté les contes des voyageurs non instruits, toujours prêts à gâter le merveilleux de la nature en mettant à sa place le merveilleux de leur invention. Les castors ne vivent pas ordinairement en sociélé, comme on l'a dit; depuis les premiers beaux jours du printemps jusqu'à l'automne, ils restent solitaires ou par couples, dans les bois, et élévent leur famille, non dans des cabanes, comme le dit Buffon, mais dans des terriers qu'ils se creusent le long des ruis- seaux. Lorsque les premieres gelées blanches se font sentir, c’est alors qu'ils se réunissent et s'occupent, dans de certains pays déserts seulement, à élever ces lameuses digues sur lesquelles on à fait tant de contes absurdes. Elles consistent tout simplement eu un amas de branches, de pierres, de boue, qu’ils accumulent sans ordre dans le lit d’un ruisseau, de manière à barrer le cours de l’eau et à la forcer à refluer en forme de petit étang. Comme les matériaux qu'ils em- ploient consistent en branches d'arbres aquatiques croissant sur le bord des rivières, saules, aunes, peupliers, ete. , il arrive naturellement qu’elles prennent racine à la manière des boutures, et que la digue, qui augmente d'épaisseur chaque jour à mesure que le courant y amène des rameaux flottants et des vases qui s'y amoncellent, se fortifie, et finit par former un épais buisson devant sa solidité à la nature plus qu'à ses prétendus architectes. Quant aux cabanes, elles sont construites à peu près dans le mème principe. Hs commencent à amonceler, dans un endroit qui peut avoir dix-huit pouces à deux pieds de profondeur (0,477 à 0,650) une grande quantité de petites branches, de pierres et de limon, eLils donnent à cet amas la forme d'un monticule conique, dont la moitié seu- lement est sabmergée ; alors ils creusent dans cette butte, raz le fond de l'étang, un trou rond qu'ils élargissent au milieu du tas de matériaux de manière à lui donner une forme analogue à celle d’un four. C’est là qu'ils déposent la provi- sion d’écorce destinée à les nourrir pendant l'hiver. Ils percent un autre trou dans le dôme de ce magasin, puis ils élargissent également ce trou en forme de four, et font ainsi deux pièces l’une sur l’autre, et n'ayant qu'une même et seule issue, Cette dernière pièce n’est pas submergée comme la précédente, elle est au-dessus des eaux les plus hautes, et la famille peut y dormir à sec. Es savent fort bien profiter du courant du ruisseau pour amener par le flot- tage leurs matériaux sur l'emplacement où ils doivent s'en servir: mais ces pilotis, ces arbres apointis par le pied, transportés avec une sorte d'art, cette combinaison de travail, ces prétendus chefs qui forcent les paresseux à prendre part à l'ouvrage, cette queue qui leur sert de truelle, cette maçonnerie, et ces murs solides et crépis avec du mortier de terre, celte sorte de police qui règne dans chaque bourgade ou même dans chaque famille, sont autant de contes dont les voyageurs ont enjolivé leurs relations. Loin que le castor soit comparable au chien et à l'éléphant pour l'intelli- vence, on peut affirmer que c’est un aniinal presque stupide. « Tous conviennent que le castor, dit Buffon lui-même, loin d'avoir une supériorité marquée sur les autres animaux, paraît, au contraire, être au-dessous de quelques-uns d'entre eux pour les qualités purement individuelles. C’est un animal assez doux, assez tranquille, assez familier, un peu triste, même un peu plaintif, sans passions violentes, sans appélits véhéments, ne se donnant que peu de mouvement, ne RATS NAGEURS. 357 faisant d'effort pour quoi que ce soit, cependant occupe sérieusement du désir de sa liberté, rongeant de temps en temps la porte de sa prison, mais sans fu- reur, sans précipitation, et dans la seule vue d'y faire une ouverture pour en sortir; au reste, assez indillerent, ne s'attachant pas volontiers, ne cherchant point à nuire et assez peu à plaire; il ne semble fait ni pour servir, ni pour commander, nimème pour commercer avec une autre espèce que la sienne : seul, il a peu d'industrie personnelle, encore moins de ruses, pas même assez de de- fiance pour éviter des pièges grossiers. Loin d'attaquer les autres animaux, il ne sait pas même se bien défendre. » Ces animaux font, pour l'hiver, une pro- vision d'écorce, de bourgeons et de bois tendres, formant leur nourriture ordi- naire. Les femelles, dit-on, portent quatre mois, mettent bas vers la fin de l'hiver, et produisent ordinairement deux à trois petits. Comme la plupart des autres rongeurs, ils se servent de leurs pieds de devant avec beaucoup d’a- dresse, principalement pour porter leurs aliments à leur bouche. Ils nagent et plongent parfaitement, mais sur terre ils ont la démarche lourde, et ils cou- rent fort mal. Autrefois l'on recherchait beaucoup, dans la vieille médecine, une matière onctueuse, odorante, contenue dans deux grosses vésicules que les castors ont pres de l'anus, et connue dans le commerce sous le nom de castoréum. On lui attribuait plusieurs propriétés merveilleuses; mais aujourd'hui cette drogue est tombée dans le discrédit. On ne chasse plus le castor que pour s'emparer de sa fourrure, très-recherchée dans la fabrique de chapellerie, et pour manger sa chair d’un goût assez amer et fort peu agréable. Dans les siècles derniers, il s’en faisait une chasse assez abondante dans tout le Canada, mais le nombre de ces animaux a été tellement diminué, qu'aujourd'hui les expéditions de chas- seurs sont obligées d'aller les chercher jusqu'aux sources de l’Arkansas, dans les montagnes Rocheuses. Le piége ou la trappe dont on se sert pour les pren- dre ne diffère en rien de nos pièges à renards et à putois. Les trappeurs, qui ne voyagent qu'en caravanes pour se défendre contre les peuplades de sauvages, ont l'œil tellement exercé à cette chasse, qu'ils découvrent, au signe le plus léger, la piste du castor, sa hutte ou son terrier fussent-ils placés dans le taillis de saule le plus épais; ce même coup d'œil leur fait deviner exactement le nombre des habi- tants qui s'y trouvent. Alors le chasseur pose sa trappe à deux ou trois pouces au-dessous de la surface de l’eau, et, par une chaîne, l’attache à un tronc d'arbre ou à un piquet fortement enfoncé sur la rive. L'appât consiste en une jeune tige de saule dépouillée de son écorce, fixée dans un trou de la bascule du piège, et la sommité dépassant la surface de l'eau de cinq à six pouces. Ce som- met à été préalablement trempé dans la médecine (pour me servir du mot tech- nique des trappeurs) qui doit attirer l'animal par son odeur alléchante. Or, la composition de la médecine est le secret du trappeur, secret qui néanmoins n'a pas été si bien tenu que nous ne puissions le révéler ici. Au printemps, Île chasseur ramasse une grande quantité de bourgeons de peuplier, au moment où ils sont le plus couverts de cette sorte de glu visqueuse et odorante destinée probablement par la nature à protéger le développement des jeunes feuilles. Il jette ces bourgeons dans une chaudière avec de l’eau, quelques feuilles de menthe des ruisseaux, un peu de camphre, et une suffisante quantité de sucre 358 LES RONGEURS. d'érable. Quand tout à bouilli assez longtemps pour réduire l’eau à l'état de sirop sans emporter l'odeur du bourgeon de peuplier, il passe au filtre, et la médecine est faite ; on la conserve dans des fioles bien bouchées, et on y trempe l'appat quand on tend le piége. Le castor, doué d'un odorat très-fin, ne tarde pas à être attiré par l'odeur ; mais dés qu'il à touché à l'appât qui tient la détente, le piége part et le prend par les pattes. L'animal se débat; il entraine la trappe de toute la longueur de la chaîne; bientôt épuisé de fatigue, il coule à fond avec le piège et se noie. Quelquefois, quand le piquet vient à manquer, le castor gagne la rive et emporte le piége dans les bois, où l'on a beaucoup de peine à le retrouver. Il arrive aussi que lorsque ces animaux ont été trop inquiétés, ils deviennent méfiants et dé- jouent toutes les ruses du trappeur. Dans ce cas le chasseur abandonne la partie, met ses pièges sur son dos, et s'éloigne en se disant vaincu. 52° Gente. Les ONDATRAS (Ondatra, Lacer. Fiber, G. Cuv.) ont seize dents, savoir : quatre incisives et douze molaires, ces dernières com- posées et à racines distinctes, leur couronne plane, avec des lames émailleuses et anguleuses. Ils ont cinq doigts à tous les pieds ; ceux des pieds de derrière à demi palmés et munis sur leurs bords d'une rangée de soies roides, les aidant à nager en remplissant l'office de mem- brane ; leur longue queue est cylindrique à la base, puis comprimée latéralement, écailleuse, linéaire, recouverte de peu de poils roides. L'Onparra où RAT MUSQUÉ pu Cavapa (On- datra sibethicus, Lrss. Castor zibetecus, Lin. Mus Ssibetecus, Guz. L'Ondatra, Bürr. — G. Cuv. Le Rat puant des sauvages du Canada) a treize pouces (0,352) de longueur, non com- pris la queue, qui en a neuf (0,24), c'est-à-dire qu'il est à peu près de la grandeur d’un la- pin. Son pelage est d'un brun gris teint de roux en dessus, et d’un cendré clair en dessous ; il exhale une odeur de muse qui devieut très- forte et très-désagréable dans le temps des amours. Ainsi que le castor, l’ondatra habite le nord de l'Amérique septentrionale, fréquente le bord des eaux, se construit une cabane, et vit en société; mais, et ceci surprendra probablement quelques-uns de mes lecteurs, il est bien meilleur architecte. Au printemps, lorsqu'il a trouvé une femelle qui lui convient, et il lui est permis d’être difficile, car il doit passer sa vie entière avec la même com- pagne, il se retire avec elle au fond d’un bois, à proximité d’une rivière, d’un étang ou d'un lac, où se trouvent abondamment les jones et autres plantes aqua- tiques dont il se nourrit. Là il creuse un terrier et fait, avec de la mousse, un nid très-commode où la femelle dépose ses petits, au nombre de cinq à six, dont elle prend grand soin pendant toute la belle saison. Si, par hasard, lorsque la femelle est pleine, le couple se trouve à portée d’une vieille cabane d’ondatras, elle s'en empare, et c’est là qu’elle met bas et élève ses enfants. Dans tous les cas, le mâle ne se mêle jamais de cette éducation, et il s'éloigne même de sa famille pour aller errer seul dans les bois. Au mois d'octobre les petits sont aussi grands que leurs parents, et le père vient les rejoindre pour passer l'hiver avec eux. Alors toute la famille abandonne son habitation d’été et se rend sur le bord d'un lac ou d’une rivière ; elle choisit un emplacement commode, c’est-à-dire un endroit couvert de jones, de souchets, et autres plantes croissant dans les ondes et étendant de longues racines dans la vase ; il faut que l’eau soit limpide, calme, et que, dans les plus grandes inondations, elle ne monte pas à un pied RATS NAGEURS. 359 ou deux au-dessus de son niveau ordinaire. Le lieu convenable étant trouvé, tout le monde se met à l'ouvrage, sous la direction du père, pour bâtir la cabane qui doit les abriter pendant l'hiver. Les matériaux consistent en fiente de bison et en terre glaise, qu'ils pétrissent avec les pieds, et qu'ils mélangent avec de la paille de jonc et des feuilles sèches. Chaque cabane à ordinairement deux pieds et demi (0,812) de diamètre à l’intérieur, et quelquefois beaucoup plus quand plusieurs familles se réunissent. La forme en est ronde, et elle est re- couverte d’un dôme de terre battue, épais de quatre pouces (0,108), avec une couverture de jones nattés fort régulièrement à l'extérieur, et n'ayant pas moins de huit pouces (0,217) d'épaisseur. Cette ingénieuse toiture est impénétrable à la pluie, à la neige et aux autres intempéries de l'air. Ils savent très-bien pré- voir le cas où un accident extraordinaire ferait monter l’inondation plus haut que de coutume ; en conséquence, ils construisent à l'intérieur plusieurs étages de gradins sur lesquels ils se logent à sec, lors même que l’eau s'empare du bas ile l'édifice. Comme les ondatras ne font pas de provisions, ils creusent des puits et des boyaux au-dessous et à l’entour de leur demeure, pour aller chercher de l'eau et des racines de nénufar et d’acore aromatique, formant la base de leur nourriture d'hiver ; dans ce cas, ces galeries leur servant de sortie, ils ont le soin de murer la porte de leur cabane. Mais quand celle-ci est construite au milieu de jones fort épais, capables de les dérober à la vue de leurs ennemis, ils ne creusent point de galeries souterraines, laissent leur porte ouverte, et se fraient des sentiers couverts parmi les jones, sous la neige, que ces plantes sou- tiennent élevée par leurs tiges rapprochées. Ces habitations sont construites avec tant de solidité que les chasseurs ont beaucoup de peine à les ouvrir à coups de pioches et de pics. Lorsque l'hiver est rigoureux, la cabane est quelquefois couverte de plu- sieurs pieds de glace et de neige, sans que ses habitants, couchés bien chaude- ment sur de la mousse, les uns auprès des autres, en soient le moins du monde incommodés. Lorsque les douces influences du printemps commencent à fondre les neiges, à dégeler les lacs et à faire naître la verdure, les ondatras quittent leur cabane pour n'y revenir jamais. Ils se séparent par couples, et vont, comme je l'ai dit, passer la belle saison dans les bois, où ils vivent de toute sorte d'her- bes. Dans les pays où l'hiver est moins rude, comme par exemple dans la Loui- siane, ces animaux se terrent et ne construisent pas. Leur fourrure, malgré l’odeur de muse qu'elle exhale, est fort recherchée à cause du duvet soyeux qui se trouve sous le poil, et qui sert à confectionner les plus beaux chapeaux. C’est en hiver que les chasseurs vont à la recherche de ces animaux, quelque temps avant le moment où ils quittent leur retraite. Ils ou- vrent, avec des pioches, le dôme de leur cabane, les offusquent brusquement de la lumiére du jour, assomment ou prennent tous ceux qui n’ont pas eu le temps de gagner les galeries souterraines qu'ils se sont pratiquées, et qui leur servent de derniers retranchements où on les suit encore. Pris jeune, l'ondatra s’apprivoise fort aisément et caresse même la main de son maitre ; en tout il montre beaucoup plus d'intelligence que le castor, dont les sauvages le disent cousin. Mais, surtout au printemps, il exhale une odeur musquée si pénétrante, qu'on la sent de fort loin, et qu'elle imprègne d’une 360 LES RONGEURS. maniere désagréable jusqu'aux meubles de la maison où on l'élève. Cette odeur déplait tellement aux naturels du Canada, qu'ils ont donné à l'ondatra le nom de rat puant. Il paraît que la chair de ces animaux ne s’en imprègne que peu, puisque les Canadiens la mangent et la trouvent fort bonne. L'ondatra a les dents incisives si fortes, que lorsqu'on le renferme dans une caisse de bois dur, en quelques instants il y fait un trou assez grand pour en sortir. Il à une singulière faculté qu'il doit à la force de ses muscles peaussiers et à la mobilité de ses côtes : quand il le veut, il se contracte et se rapetisse tellement le corps, qu'il peut aisément en diminuer le volume de moitié, et alors il passe par un trou où ne passerait pas un animal beaucoup plus petit que lui. 55° Graue. Les HYDROMYS (/ydromys, Gécrr.) ont douze dents, savoir : quatre inci- sives et huit molaires, ces dernières simples, à couronne creusée en Cuiller dans son milieu; les incisives supérieures unies et plates anté- rieurement, les inférieures arrondies en devant. Tous les pieds ont cinq doigts, libres aux pieds antérieurs, palmés aux postérieurs ; les pouces de devant sont très-petits, onguiculés ; les oreil- les sont petites et arrondies ; la queue est longue, cylindrique, couverte de poils ras. L'Hypromys 4 VENTRE BLANC (Hydromys leu- cogaster. GEorr.— Des.) a un pied (0,525) de longueur, non compris la queue, qui a onze pouces (0,298). Sa fourrure est très-fine, très- douce au toucher, brune en dessus, blanche en dessous ; la queue est blanche dans sa moitié ter- minale; les pieds de derrière ne sont guère qu'à demi palmés. Il habite l'île Maria, sur le bord des rivières, en Australasie. L'HybROMYS À VENTRE JAUNE ( Hydromys chry- sogaster, G£orr. — Des.) est une espèce bien distincte de la précédente, quoi qu’en aient dit quelques naturalistes. Elle en diffère par ses pieds de derrière dont les doigts sont réunis par une membrane plus étendue, par sa fourrure plus douce, plus fine, et d'un orangé très-vif en dessous ; enfin par sa queue blanche seule- ment à l’extrémilé. 11 habite l'ile Bruni, dans la même partie du monde. 54e GENRE. Les POTAMYS ( Myopotamus, Commens. ) ont vingt dents, savoir : quatre inci- sives , huit molaires analogues à celles des cas- {ors, a\ant une échancrure sur une face, et trois du côté opposé; la tête est large, les oreilles petites et rondes, le museau obtus; les pieds sont à cinq doigts, avec les pouces de devant fort courts, et les doigts des pieds postérieurs pal- més ; la queue est forte, conique, longue, écail - leuse, parsemée de gros poils. Le Quouiya ou Coypou (Myopotamns bona- riensis, Couv. Hydromys coypus, GEOFF. — Desu. Mus coypus, Mouin.) est presque de la grandeur d’un castor, dont il a les formes gé- nérales; son poil, très-fin et très-soyeux, est d’un brun marron sur le dos, roux sur les flancs et brun clair sous le ventre; il a une variété entièrement rousse. 1lest commun au Paraguay, au Chili et au Tucuman Depuis fort longtemps nos fourreurs reçoivent par milliers des peaux de cet animal, dont le poil, connu dans le com- merce sous le nom de raconda, remplace très- bien celui du castor dans la fabrication des cha- peaux. Le coypou habite des terriers creusés sur le bord des fleuves, des grandes rivières et des lacs ; il vit de bourgeons, d'herbes, et de racines de plantes aquatiques. Ses mœurs sont fort douces; il s’apprivoise très-aisément, et s’at- tache même aux personnes qui prennent soin delui. Du reste son intelligence est très-bornée, et il donne aisément dans tous les piéges qu’on lui tend. DURE MAS de LUS k fs 78 We ie UN h RE LÉ a << ENCLOS DU PORC-EPIC, PRES DÉS LOGES DES ANIMAUX FÉROCES. {Jardin des Plantes.) PORCS-EÉPICS. 361 — Ze as Le Pore-Epic ordinaire. SECTION DEUXIÈME. LES N'ont que des rudiments de clavicules. Cette section renferme {rois familles, savoir : les porcs- RONGEURS HERBIVORES épics, les lièvres, et les dasypoïdes. Tous sont des animaux inoffensifs et {imides. LES PORCS-ÉPICS Se reconnaissent aux piquants roides et aigus dont leur corps est armé; ils ont quatre mo- laires partout, cylindriques, marquées sur leur couronne de quatre à cinq empreintes enfon- cées. Leur langue est hérissée d’écailles épi- neuses : ils ont quatre doigts aux pieds de de- vaut, et le plus ordinairement cinq à ceux de derrière, tous armés d'ongles robustes. 55° (Gene. Les Porcs-Epics ( Hystrixr, Lin.) Le PORC-ÉPIC ORDINAIRE ( Hystrix à crinière, G. Cuv. Le Porc-Epic, Burr ont vingt dents, savoir : quatre incisives, unies et arrondies au-devant, huit molaires en haut et en bas, à peu près d’égale longueur ; leur chan- frein est fortement arqué; leurs pieds sont plantigrades ; ceux de devant ayant quatre doigts avec un rudimert de pouce onguiculé, ceux de derrière à cinq doigts ; la queue est rudimen- taire, non prenante; l'œil très-petit, à pupille ronde ; l'oreille arrondie, courte. cristala, Lix. Le Porc-Epic commun ou )- Cet animal à plus de deux pieds (0,650) de longueur, non compris la queue, qui est tres-courte. Son corps est couvert de piquants fort longs, surtout sur le dos, où ils atteignent souvent plus d'un pied (0,525) : ils sont régulierement annelés de noir brun et de blanc; sur sa nuque et sur son cou s’élévent de lon- gues soies roides, lui formant une sorte de crinière qu'il hérisse, ainsi que les 46 362 LES RONGEURS. dards de son dos, quand 1l'est en colère; mais cet appareil effrayant, qu'il pré- sente à ses ennemis en le secouant et lui faisant produire un bruit formidable, n’est, dans la réalité, qu'une parure aussi singulière qu'innocente. Ces dards, si dangereux, quand on s’en rapporte aux anciens écrivains, ne sont rien autre chose que de véritables plumes à tuyaux creux, et auxquelles il ne manque que des barbes pour être tout à fait analogues à celles des oiseaux. Leur pointe peu aigué et leur flexibilité en font des armes si peu offensives, qu'on peut prendre l'animal sans en éprouver ni blessure, ni même de piqüre ; et même ceux de la queue, qui, en se choquant les uns les autres, produisent ce bruit redoutable, sont creux dans toute leur longueur et ouverts à leur extrémité. Dans le temps de la mue, ces longs piquants, qui ne tiennent à la peau que par un pédicule fort menu, se détachent d'eux-mêmes, et l'animal s’en débarrasse en se secouant. Ce fait, mal observé, a fait dire aux anciens auteurs que le porc-épie lance à ses ennemis ses dards avec tant de roideur, qu'ils peuvent percer une planche de part en part à quelques pas de distance; pour rendre la chose plus merveilleuse encore, d'autres ont ajouté que ces aiguillons avaient la funeste propriété de s'enfoncer dans les chairs d'eux-mêmes, sans aucune force étrangère. On con- coit que toutes ces niaiseries n'ont plus besoin de réfutation, l'observation etla critique en ayant fait justice depuis longtemps. Le porc-épic est assez commun en Italie, en Espagne, en Grèce, en Barbarie, et se trouve généralement dans toutes les parties chaudes de l'Europe et de l'Asie. Ise plaît sur le penchant des coteaux exposés au levant ou au midi, loin des lieux habités par les hommes. Dans cette solitude, il se creuse un terrier profond, à plusieurs issues, dans lequel il passe la journée à dormir. Il en sort la nuit pour aller à la recherche de sa nourriture, qui consiste en bourgeons, en racines, fruits et graines sauvages. Quelquefois, dans ses courses nocturnes, il se rapproche des habitations, et s'il pénètre dans un jardin, il y commet de grands dégâts en coupant et gâtant beaucoup plus de légumes qu'il ne peut en manger. Quoique n'étant pas compté pour un animal hibernant, le porc-épic reste l'hiver solitairement dans son trou, non pas dans un état complet d’engourdissement comme la marmotte, mais plongé dans un profond sommeil. Il en sort au prin- temps pour aller chercher sa femelle avec laquelle il s’accouple, au mois de mai, à la manière des autres mammifères. Quoi qu'on en ait dit, celle-ci met bas ses petits en août; ils naissent les yeux ouverts, et ayant déjà le corps couvert de piquants longs de cinq à six pouces (0,155 à 0,162). En état de domesticité, le porc-épic, quoique peu intelligent, n’est ni mé- chant ni farouche, mais il ne perd jamais une occasion de reconquérir sa liberte, si elle s'offre à lui, et pour cela il cherche constamment à couper les barreaux de sa cage ou à en ronger la porte avec ses dents. Ceux que l’on a eus à laména- gerie se nourrissaient aisément avec du pain, des fruits et des légumes. Quand on les contrariait ils faisaient entendre une sorte de grognement ayant de l’a- nalogie avec celui d'un porc, d'où leur est sans doute venu leur nom, car c’est là toute la ressemblance qu'ils ont avec un cochon. A l'état sauvage, ils sont fort gras en automne, ct c'est à cette époque qu'on leur fait la chasse pour les manger, quoique leur chair soit assez fade. PORCS-ÉPICS. 363 Il n’est pas d'animal qui ait autant prête que celui-ci au merveilleux dont les anciens écrivains aimaient tant à allonger leurs pages; le poëte Claudien admire le porc-épic, parce que «il est lui-même le carquois, la flèche et l'arc dont il se sert pour repousser victorieusement ses ennemis. » Bosman, dans son Voyage en Guinée, dit que « lorsque le porc-épic est en furie, il s’élance avec une extrème vitesse, ayant ses piquants dressés, qui sont quelquefois de la longueur de deux empans, sur les hommes et sur les bêtes, et il les darde avec tant de force qu'ils pourraient percer une planche. » Mais ce qu’il y à de plus curieux, c’est que l’ancienne Académie des sciences de Paris ait répété ce conte, ayant sous les yeux plusieurs porcs-épics vivants, et en ayant disséqué une demi-douzaine. Voici le fragment d'un rapport fait par les anatomistes de cette célèbre so- ciété : « Ceux des piquants qui étaient les plus forts et les plus courts étaient aisés à arracher de la peau, n’y étant pas attachés fortement comme les autres; aussi sont-ce ceux que ces animaux ont accoutumé de lancer contre les chas- seurs, en secouant leur peau comme font les chiens quand ils sortent de l’eau.» On trouve souvent dans l'estomac des porcs-épics une sorte d’égagropile qui, avec le temps, se durcit et devient un véritable bézoard auquel l’ancienne médecine accordait plusieurs propriétés surprenantes. 364 LES RONGEURS Le lorc- Épie de Malacea. Le PORC-ÉPIC DE MALACCA ( Hystrix fasciculata, Suaw. Mus fasciculatus, DEsw. Atherura fasciculata, Fr. Cuv.) A un pied quatre pouces (0,455) de longueur, non compris la queue, qui à cinq pouces et demi (0,449). Le dessus de son corps est couvert de longs pi- quants un peu aplatis et marqués d'un sillon dans toute leur longueur : la plu- part sont blancs à la pointe et noirs dans leur milieu, ou noirs en dessus et blancs en dessous; sa queue est écailleuse, nue, terminée par un boquet de poils longs et plats, ressemblant à des rognures de parchemin. Il habite l'Inde, et a les mêmes habitudes que le précédent. Fr. Cuvier a fondé sur cet animal son nou- veau genre athérure, que nous ne croyons pas devoir adopter pour ne pas trop multiplier des coupes absolument insignifiantes. Si véritablement les porcs-eépies devaient se diviser, il me semble que l’on ne devrait en former que deux genres : l’un renfermerait les espèces à queue non prenante, et ayant cinq doigts aux pieds de derrière, l'autre se composerait de celles qui ont la queue prenante et quatre doigts aux pattes postérieures. Le premier comprendrait par consé- quent les hystrix, acanthion, erethizon et atherura; le second les coendu et sphigeurus. Si nous n'avons pas opéré ici celte fusion, e’est parce que nous avons l'intention de présenter la science telle que l'ont faite les naturalistes de nos Jours. 56e Genre. Les ACANTIHIGNS (A{canthion, les crêtes occipilales ne sont que médiocrement Fr. Cuv.) ont le même système dentaire que les allongées. précédents ; mais leur chanfrein, au lieu d’être L'AcanTmon DE Java (Acanthion javanicum, fortement arqué, est presque droit; les os du Fr. Cuv.) n’était connu de Fr. Cuvier que par nez forment un parallélogramme allongé, et une tête apportée de Java par M. Leschenault. PORCS- L'AcanTuiox DE DauBexToN ( Acanthion Dau- bentonii, Fr. Cuv.) n’est, comme le précédent, connu que par une téte osseuse beaucoup moins eflilée à cause des os du nez qui sont moins lar- ges; le front est plus aplati, et le crâne plus étendu d’avant en arrière. 57e Genre. Les ÉRéTuizons (Erethizon, Fu. Cux.), avec le même système dentaire que les pores-épies, ont cependant les dents plus simples et à contour moins anguleux ; les os du nez sont courts, les arcades zygomaliques très-saillantes ; les pieds antérieurs ont quatre doigts, les posté- rieurs cinq; la paume et la plante des pieds sont entièrement nues, garnies de pupilles très- petites; la queue est non prenante. La fête, vue de profil, offre à son sommet une ligne presque droite, interrompue par l'élévation des crêtes orbitaires du front. L'ÉRéTuz0N DE Burro ( Erethizon Buffonii, Fr. Cuv. Le Coëndou de Burr.) n’est probable- ment qu'une variété du Coendu prehensilis. Il est couvert d’aiguillons courts, nombreux, en- lisrement blancs, excepté à la pointe, entremé- lés de poils bruns; les jambes, les pieds et le bout du museau sont couverts d’une sorte de crins bruns. Sa patrie et ses mœurs me sont in- connues. L'Ursox ( Erethizon dorsatum, Fu. Cuv. Huys- trix dorsata, Gur. Le Porc-épic velu, G. Cuv. L'Urson de Burr.) a environ deux pieds (0,650) de longueur, non compris la queue, qui à buit pouces (0,217); son corps est couvert de piquants beaucoup plus courts que ceux du porce-épic ordinaire, en partie blancs ou jaunätres, et en partie bruns ou noirätres; ces piquants, au plus, longs de trois pouces (0,081), sont en partie ca- chés dans de longs poils d'un brun roussätre et assez rudes ; le dessous de la queue est garni de poils roides et bruns ; le ventre, les pattes ct le museau sont couverts de soïes d’un brun ÉPICS. 365 noirâtre. 11 babite les États-Unis d'Amérique, et il est assez rare. Il grimpe sur les arbres, ct se loge dans leurs troncs creux ou sous leurs racines ; il se nourrit d’écorces, de fruits et de racines, et il parait que l'écorce résincuse du pin du Canada, ainsi que celle du tilleul glabre, sont les aliments qu'il préfère à tout autre. Sa chair est estimée par les Américains. L'ERÉTUIZON MACROURE (Érethizon macrou- rus, Less. Mus macrourus, Desu. Hystrit ma- croura, Guz.) a le corps couvert de piquants arrondis, gros, très - serrés et médiocrement longs ; sa queue, longue de huit pouces (0,217), se termine par un bouquet de poils dont cha- cun est composé de plusieurs renflements res- semblant à autant de grains de riz. Séba le dit des Indes orientales. 58e Les COENDOUS ( Coendu, Lacer. Syne- there, Fr. Guy.) diffèrent des genres précédents par leur queue prenante, et par leurs pieds de derrière, qui n’ont que quatre doigts. Les parties antérieures de la téte sont très-proéminentes ; leur pelage est presque entièrement formé d’6- pines, et ils n’ont de poils que sur la queue et sous le corps. Le CoENpou À LONGUE QUEUE ( Cocndu prehen- silis, Less. Synelhere prehensilis, Fr. Cuv. Hys- trix prehensilis, Ge. Var. B. Hystrix cuandu, Des. Le Coëndou à longue queue, de Burre. Le Porc-Épie à queue prenante, G. Cuv.) a deux pieds (0,650) de longueur, non compris la queue, qui n’a pas moins de dix-huit pouces (0,487). Son corps est couvert de piquants d'une lon- gueur moyenne, jaunes à leur base, noirs dans leur milieu, et blancs à leur extrémilé ; ils sont trés-courts et très-minces sur les côtés de la tête, les membres et la première moitié de la queue. Le dessous du corps et l'extrémité de la queue sont couverts de poils rudes et d’un brun noirâtre. Cet animal habite l'Amérique méridionale, et principalement le Mexique, le Brésil, la Guyane et l'île de la Trinité. Il se retire dans les forêts les plus solitaires, et passe une grande partie de sa vie sur les arbres, où il grimpe avec beaucoup de facilité. Quoiqu'il ait la queue prenante, on a cependant remarque que jamais il ne s’en sert en s’accrochant aux branches que lorsqu'il s’agit de descendre. Sa nourriture ordinaire consiste en fruits, feuilles, racines et bour- geons; on dit qu'il mange aussi les bois tendres. La ménagerie en a conservé un vivant pendant plusieurs années, et de ses habitudes on à pu conclure que cet animal à les mœurs nocturnes. La lumière paraissait l’incommoder beau- coup, et pour la fuir, 11 se tenait pendant toute la journée caché dans un tas de foin. Quand on le touchait ou qu'on l’exposait au jour, il faisait entendre un pelit grognement plamtf; du reste, il était fort doux. Sa queue était toujours enroulée sur elle-même à son extrémité, comme celle d’un sajou, mais on n'a Jamais remarqué qu'il s'en soit servi pour saisir quelque chose. Je pense 366 LES 'HONGEURS. que l'on ne doit regarder que comme une simple varièté de cette espèce le hoitztlacuatzin ou sarigue épineux de Hernandez, qui n’en diffère guère que par l'extrémité noire de ses épines. 59° GENRE. Les SPHIGGURES (Sphiggurus, Fr. Cuv.) ne diffèrent des animaux du genre précédent que par les parties antérieures de la téte, qui sont très-déprimées au lieu d’être éle- vés. Quant à tous les autres caractères, ils sont absolument les mêmes. Le Couiy (Sphiggurus spinosa, Fr. Cuv. Hys- trix insidiosa, Licusr. Hystrix prehensilis, Fr. Cuv.) est d’un tiers plus petit que le coëéndou à longue queue, et sa queue est proportionnelle- ment beaucoup plus courte. 1l est couvert de piquants acérés, nombreux, serrés, entremélés de très-peu de poils, à pédicules très-menus ; ceux de la tête sont blancs à leur base, noirs au milieu, et d’un brun marron à l'extrémité; les autres sont généralement jaunâtres à la base et noirs au bout. Le ventre est revêtu d’un poil laineux et grisâtre; la queue est couverte de poils durs et noirs, avec son extrémité nue. 1] habite le Paraguay. L'Orico ( Sphiggurus vil- losa, Fr. Cuv.) n’est, selon les observations po- sitives faites par M. d’Orbigny dans le Brésil, que le précédent en pelage d'hiver. En effet, il n’en diffère que par le poil blanchitre, abondant et très-long, qui cache en entier ses épines. 11 habite les plus épaisses forêts du Brésil, et se plait particulièrement sur le sommet des montagnes. Ses mœurs sont dou- ces et semblables à celles des espèces précé- dentes. & Q PAC LANCE U AL PURE AN ET HU. LE LIEVRE. PAYSAGE DE FRANCE. (Jardin des Plantes) LIÈVRES. 367 LES LIÈVRES Ont, dans l’âge adulte, quatre incisives à la vingt-huit dents, savoir : quatre incisives supé- mächoire supérieure, deux à l'inférieure, et de vingt à vingt-deux molaires. Dans leur jeu- uesse, il leur pousse à la mächoire supérieure deux incisives destinées à en remplacer deux qui doivent tomber, de manière que, pendant un cerlain temps, ils ont six incisives en haut. Leurs pieds de devant ont cinq doigts, et ceux de derrière quatre. 40e Gene. Les LIÈVRES (Lepus, Lis.) ont rieures et deux inférieures; douze molaires supérieures dont deux petites et simples, et dix inférieures ; foutes, excepté les deux pelites, sont composées et formées de deux lames verti- cales soudées ensemble. Les pattes de derrière sont très-longues, ainsi que les oreilles ; la queuc est courte et relevée ; la femelle à de six à dix mamelles. Ces animaux timides sont recherchés et poursuivis par le, chasseurs et leurs meutes. Les LIÈVRES et les LAPINS se ressemblant tous, non-seulement par les formes, mais encore par les mœurs, nous allons généraliser leur histoire afin de ne pas tomber dans des redites ennuyeuses. Peu d'espèces sont aussi fécondes et se mulliplient autant que celles des animaux de ce genre. Les femelles mettent bas plusieurs fois par an, ne portent que trente jours environ, et font plusieurs petits, qu'elles allaitent pendant quinze à vingt jours. Ces petits naissent cou- verts de poils et les yeux ouverts; ils grandissent très-vite, et sont capables de se reproduire dés l’âge de six à huit mois. Ceci explique comment les lièvres et les lapins n’ont pu être détruits en France même dans les cantons les plus exploités par les chasseurs et les braconniers. Ces animaux sont d’une timidité qui est devenue proverbiale, et il ne pouvait en être autrement, puisqu'ils n'ont aucune arme à opposer à leurs nombreux ennemis; une belette, un surmulot 368 LES RONGEURS. sont assez forts el assez hardis pour attaquer et étrangler un de ces animaux. Aussi les lièvres ne trouvent-ils leur salut que dans la fuite et la rapidité prodi- gieuse de leur course, et les lapins dans le profond terrier qui leur sert de re- traite. Sans cesse aux aguets pour découvrir le danger qui peut les menacer, ils sont doués d'une ouïe excellente qui leur révele de fort loin l'approche de l'ennemi; le moindre bruit suspect les met sur leur garde, et la peur est pour eux une sentinelle toujours éveillée qui les avertit à temps de détaler au plus vile. Les lièvres, quoi qu'on en ait dit, sont des animaux intelligents, qui savent parfaitement employer la ruse, non-seulement pour fuir le danger, mais encore pour le prévenir. Si la terre est couverte de neige, ils savent que l'empreinte de leurs pas peut mettre l'ennemi sur leur trace, et il n’est pas un chasseur qui n'ait admiré avec quel art ils savent l’effacer, ou plutôt l’embrouiller, en passant et repassant vingt fois sur la même ligne, en décrivant mille tours et détours avant de se giter ; puis, s'élançant tout à coup de ces traces inextricables, par un bond prodigieux ils vont tomber dans un buisson ou un sillon profond, où ils restent cachés sans faire le moindre mouvement. Dix fois le chasseur, en cherchant à déméler les traces de leurs pas, s’est avancé tout près d’eux, a passé à quelques pieds de leur gîte sans que le moindre mouvement de frayeur ait dénonce leur retraite. L'expérience leur à aussi appris que les chiens, sans qu'il soit besoin de neige, ont l'odorat assez fin pour les suivre à la piste; aussi font-ils la même manœuvre, quoiqu’avec un peu moins de précautions, toutes les fois qu'ils veulent se giter; j'ai été plusieurs fois témoin oculaire de ce fait. Quand les lièvres sont poursuivis par les chiens, ils rusent devant eux pour tacher de leur faire prendre le change, et quelques-uns y parviennent en employant des moyens qui annoncent de l'intelligence. On en a vu se cacher au milieu d’un troupeau de moutons, d'autres s’enfoncer dans des trous de rocher; j'en ai vu un qui s'élançait sur le tronc d’un vieux saule penché sur une rivière, et qui restait là, caché dans le feuillage, pendant que la meute le cherchait vainement au pied de l'arbre et finissait par perdre sa voie. Du Fouilloux, dans son naïf langage, raconte plusieurs faits très-remarquables à ce sujet : « J'ai vu, dit-il, un lièvre si malicieux, que, depuis qu'il oyait la trompe, il se levait du gîte, et eût-il été à un quart de lieue de là, il s'en allait nager en un étang, se relaissant au mi- lieu d’icelui sur des jones sans être aucunement chassé des chiens. J’ai vu cou- rir un lièvre bien deux heures devant les chiens, qui, après avoir couru, venait pousser un autre et se mettait en son gite. J'en ai vu d’autres qui, quand ils avaient couru une demi-heure, s’en allaient monter sur une vieille muraille de six pieds de haut, et s’allaient relaisser en un pertuis de chauffaut couvert de lierre, etc., etc. » Certaines espèces de ce genre habitent les bois et les montagnes, d'autres la plaine et les pays sablonneux. Quelques-uns ne se font aucune habitation, changent de gîte tous les jours, et font leurs petits sur la terre.nue, comme notre lièvre commun; il en est qui se creusent des terriers et préparent à leurs enfants un lit de foin et de duvet, par exemple le lapin. Un fait assez extraor- dinaire, c'est que les espèces qui semblent avoir le plus d’analogie entre elles sont animées les unes contre les autres d’une haine mortelle, chose rare parmi 4 L | LIÈVRES. 369 les animaux purement herbivores. Jamais les liévres ne vivront dans le même canton que les lapins; si l’on renferme dans la même cage deux de ces animaux, un de chaque espèce, on peut être sûr que le plus fort aura tué le plus faible après quelques heures, et le lapin, quoique le plus petit, reste ordinairement le vain- queur dans cette lutte acharnée. La plupart des lièvres vivent solitairement, et les femelles abandonnent leurs petits après les avoir allaités une vingtaine de jours ; les espèces qui se creusent des terriers vivent au contraire en famille, et souvent même en sorte de société, dans des garennes composées quelquefois d’un très-grand nombre de terriers. Tous vivent d'herbes, de feuilles, d’écorces, et ne sortent guère que la nuit de leur retraite pour aller paître. Ils dorment le jour, mais d’un sommeil léger, les yeux ouverts et l'oreille au guet. Ce sont des animaux silencieux, qui ne font entendre leur voix que lorsqu'ils y sont forcés par la douleur ou un danger inévitable; alors ils poussent des cris aigus qui ont quelque ressemblance avec ceux d’un petit enfant. On trouve des lièvres dans presque tous les pays de la terre, et partout leur chair est estimée comme un mets excellent. Mais cependant on à remarqué que sa saveur est d'autant meilleure que l'animal habitait un pays de montagnes et se nourrissait de plantes odorantes, telles que le thym, le serpolet, etc. Les lièvres de plaine sont moins estimés des gastronomes, et ceux des marais passent pour ne rien valoir du tout. Néanmoins les Musulmans et les Juifs, par un préjugé de religion, ne mangent pas le lièvre. Les Grecs, et surtout les Romains, en faisaient grand cas, et nous savons par Martial qu'ils estimaient sa chair au-dessus de celle de tous les autres quadrupèdes. Ces animaux ne vivent guère que sept à huit ans. Le Lièvre ORDINAIRE ( Lepus timidus, Lin.) a le pelage d’un gris fauve ou d’un fauve roussä- tre, nuancé de brun en dessus, blanc en dessous ; ses oreilles sont plus longues que sa tête, d'un roux cendré sur la conque, noires à leur extré- mité; sa queue, longue au plus de trois pouces (0,081), est blanche, avec une ligne noire en dessus. Cet animal offre une singularité très- remarquable, et que je crois unique parmi les mammiferes, c’est d’avoir du poil dans la bou- che. Il vit soliftairement ; il est très-commun dans toute l'Europe. On en trouve une variété blanche. Le Lièvre À QUELE ROUSSE (Lepus ruficauda- tus, Is. Georr.) ressemble beaucoup au lièvre commun ; il en diffère néanmoins par sa queue plus longue, et rousse en dessnis au lieu d’être noire, par sa {ache oculaire moins prononcée et sont variées de blanc, de roux gris et de brun pile, avec la pointe noire ; le dessus du cou est d’un beau noir; le reste du corps, en dessus, est d'un gris de perle ; les quatre pattes sont rous- ses ; la queue est blanche en dessus et brune en dessous. 11 habite le Malabar et Java. Le Lièvre D'Écyrre(Lepus ægyptiacus,GE0r.) est plus petit quele lièvre ordinaire ; son pelage est d’un roux grisätre, avec le menton et la gorge d'un blanc légèrement lavé de fauve ; une bande blanche lui passe sur l'œil; le devant du cou est d’un roussâtre pâle ; le dessous du corps d'un blanc roussätre, avec la queue d’un brun noir en dessus et blanchälre en dessous; ses oreilles sont très-longues. Il habite l Égypte. Le Lièvre pu Cap où Mourain are ( Lepus capensis, Lin.) est plus grand que notre lièvre ordinaire. Son pelage est d'un gris roux en des- sa joue tres-mélangée de noir; par son poil beaucoup plus rude, et sa faille un peu moins grande. Il habite le Bengale. è Le Moussec ( Lepus nigricollis, Fr. Cuv.) est de la taille d'un gros lapin ; son pelage est d'un roux tiqueté en dessous, d’un gris également ti- queté sur les flancs et les cuisses ; d’un blauc pur en dessous ; une bande grisätre s'étend du mu- seau à l'oreille en passant sur l'œil; les oreilles sus et blanc en dessous ; sa poitrine et ses jam- bes sont d’un fauve uniforme et vif; sa queue est noire en dessus, blanche en dessous ; un trait roussätre, bordé d’une bande brunätre en dessous, occupe la région de l'oreille, dont l'ex- trémité est noire ; ses oreilles et ses jambes sont extrémement allongées. 11 habite les dunes du cap de Bonne-Espérance, mais il n’est pas Com- mun. à { 370 Le Lièvre DES ROcuERS (Lepus saxatilis, Fr. Cu.) ressemble beaucoup par son pelage au lapin des sables, avec lequel M. Lesson l’a cou- fondu, mais il en diffère totalement par ses for- mes. 11 est un peu moins grand que le précé- dent ; son pelage est roussâtre en dessus, d'un gris roussitre sur les membres, gris sur les flanes et la gorge; le dessus du cou est d’un roux vif, ainsi qu'une partie des oreilles dont l'extrémité est noire, avec la partie interne d’un gris piqueté de noir et de fauve, comme la tête ; la tache oculaire est d’un gris cendré; le des- sous du corps et de la tête’ est blanc; le des- sus de la queue est noir, et le dessous blanc. Il habite les montagnes du cap de Bonne-Espé- rance. Le Liëvre varaBze (Lepus variabilis, PALL.) est plus grand que notre lièvre ordinaire; ses oreilles sont plus courtes que sa tête, et noires au bout en tout temps ; il est d’un gris fauve en été, blanc en hiver; sa queue est blanche ou fauve, selon la saison, Ce lièvre est voyageur, change souvent de canton, et vit solitairement. Sa nourriture principale consiste en graine de pin cembro et en quelques espèces d'agarics. 11 habite les Alpes de Savoie et tout le nord de l'Europe. Le Lièvre uvrnipe (Lepus hybridus PaLL.) n'est probablement qu'une variété du précédent, que Pallas regardait comme un métis du lièvre ordinaire et du lièvre variable. Il ne diffère de ce dernier que par sa queue, qui reste constam- ment noire, et par son pelage, qui ne blanchit qu'incomplétement el conserve du gris pendant l'hiver. 11 habite la Russie et la Sibérie. Le Rekazek (Lepus glacialis, Samine ) est plus grand que le lièvre variable ; son pelage est entièrement blanc en été et en automne, d’un brun grisätre en hiver, et ses lèvres sont noires ; ses oreilles sont plus longues que sa tête; sa queue est fres-courte; ses ongles sont déprimés, larges et forts. Son pelage est grisätre avant l’âge adulte. 11 habite les falaises du bord de la mer, dans le Groënland, et l'ile Melville où il est très- commun. La femelle met ordinairement bas huit petits. Le VVanynG nare Où LiÈvRE DE VinGiNie (Lc- pus virginianus, HarL ) est d’un gris brun ou d'un gris plombé en été, blanc en hiver, avec, en tout lemps, un cercle d'un fauve roussätre autour des yeux ; sa queue est très-courte, et ses oreilles sont à peu près de la longueur de sa tête. Il vit dans les prairies qui bordent le Missouri, et ne se creuse pas de terrier. Le Tapéri (Lepus brasiliensis, Lin.) est plus petit que le lapin ; son pelage est varié de brun noir et de jaunâtre en dessus ; il a un demi col- lier blanc sous le cou; ses oreilles sont beaucoup plus courtes que sa tête, et sa queue est telle- ment courte, qu’elle reste cachée dans les poils LES RONGEURS. des cuisses. Il habite le Brésil elle Paraguay, et vit dans les bois. II ne se creuse pas de terrier, mais il se relire sous les vieilles souches d'ar- bres. Le Toraï (Lepus tolaï, GuL.) est un peu moins grand que le lièvre ordinaire et un peu plus que le lapin. Sa tête et son dos sont mélés de gris pâle et de brun; la gorge et le dessous du corps sont blancs, la nuque, le dessous du cou et les oreilles sont jaunâtres, celles-ci bor- dées de noir en dessus ; il a du blanc au museau et autour de l'œil ; la queue est blanche en des- sous, noire en dessus. Il habite la Sibérie, la Mongolie, la Tartarie, et se trouve jusqu’au Thi- bet. Quand il est chassé par les chiens, il file de long droit devant lui, sans ruser, et se réfu- gie daus le premier trou de rocher, ou autre, qu'il peut trouver. Le Lapin DES SABLES ( Lepus arenarius, Is. Georr.) est d’un quart plus petit que notre la- pin ordinaire ; son pelage est d’un gris cendré tiqueté en dessus; les membres, la gorge, les flancs, le tour de l'œil et le bout du museau sont roux ; la tache du derrière du cou est grise et fort petite; le dessous de la tête est d’un blanc roussâtre, et le dessous du corps est blanc ; la queue, pareillement blanche en dessous, est noire en dessus ; les oreilles sont de même couleur que chez les lapins, seulement elles ont une tache noire plus étendue à l’extrémité. IL habite le pays des Hottentots. Le Lapin DE MAGELLANIE ( Lepus magellani- cus, Less. et Garn.) est entièrement d'un noir violacé, offrant çà et là des taches blanches ; les oreilles sont d’un brun roux, et plus courtes que la tête; il a plusieurs taches blanches régulières, l’une sur le nez, l’autre entre les deux narines, une troisième sur la gorge, et une quatrième sur le front. Il vit en grandes troupes aux îles Malouines, et se creuse un terrier sous les rares buissons du pays. Le Lapin D'AMÉRIQUE (Lepus hudsonius, PAL. Lepus americanus, DEsm.) est de la grandeur d'un moyen lapin. Son pelage est d’un roux brun tiqueté de gris sur quelques parties ; son ventre et le dessous du cou sont blancs ; les oreilles sont plus courtes que la tête, noires à leur extrémité; la queue est blanche en dessous, grisätre en dessus, et longue de deux pouces (0,054), ce qui le distingue très-bien du tapéti avec lequel G. Cuvier l’a confondu. Il devient blanchätre pendant l'hiver. Il habite l’Améri- que septentrionale et ne se creuse pas de ter- rier. Le Lapin onpiNaiRE ( Lepus cuniculus, Lan. ) a le pelage gris, mélé de fauve, et une plaque rousse sur la nuque; son ventre et sa gorge sont blanchätres ; ses oreilles sont à peu près de la‘longueur de la tête, grisâtres en dehors, d'un roux tiqueté en dedans, avec un liséré noir à LIÈVRES. la parlie supérieure ; la queue est blanche en dessous, brune en dessus. Originaire d'Afrique, le lapin a d'abord été naturalisé en Espagne, d'où il s’est répandu en France et dans tout le reste de l'Europe. 11 vit en troupe nombreuse, dans des garennes où chaque famille se creuse un terrier ; la femelle y met bas deux ou trois fois par an, jusqu'à huit à dix petits, qui n’en sortent que lorsqu'ils sont assez forts pour se suffire à eux-mêmes et se creuser de nouveaux terriers dans les environs, car jamais ils ne s’é- loignent beaucoup de l'endroit qui les a vus nai- tre, et ils ont cela de commun avec tous les lièvres. Jusque-là elle défend au mäle l'entrée de sa retraite, parce qu’il ne manquerait pas de tuer ses enfants s’il pouvait y pénétrer ; elle a soin, toutes les fois qu’elle en sort, d'en bou- cher l'entrée avec de la terre délayée. Soumis à la domesticité, le lapin, qui prend dans ce cas l’épithète de clapier, a fourni plusieurs variétés, toutes plus grosses que leur type, et ayant les oreilles plus longues. Les plus remarquables sont : 1° Le Clapier à longues oreilles, qui atteint la taille des plus grands lièvres ; son pelage est le même que celui du lapin de garenne, mais ses orcilles sont, proportionnellement, beau- coup plus longues et plus larges ; 2° Le Clapier blanc, à poils ras et pelage entièrement blanc. Il a les yeux rouges comme tous les Albinos ; 3° Le Clapier varié, mélangé de gris et de blanc ; 4° Le Clapier roux, d’une couleur rousse plus ou moins jaunätre ; 5° Le Clapier noir, à poils ras comme les pré- 371 cédents, et pelage entièrement d’un noir foncé; 6° Le Clapier pie, varié de noir et de blanc; 7° Le Riche, à poils soyeux, et pelage d’un gris d’ardoise plus ou moins foncé ; 8° Le Lapin d'Angora, à poils très-longs, très-soyeux, qu’on lui arrache chaque année pour l’employer à la fabrication de feutres, de tricots et autres étoffes. Celui-ci a fourni plu- sieurs sous-variétés de couleur, parmi lesquelles on remarque : 9° L’Argenté, à poils très-longs et d'une blan- cheur parfaite. La chair des lapins de garenne est assez esti- mée, mais il n'en est pas de même de celle des lapins domestiques, qui est toujours plus ou moins fade, à moins qu'ils n’aient été nourris avec des végétaux choisis, et non avec des plantes potagères, telles que le chou, etc. 41e Genre. Les LAGOMYS ( Lagomys, G. Cuv.) ont vingt-six dents, savoir : quatre inci- sives supérieures el deux inférieures ; dix mo- laires en haut et dix en bas ; toutes les dents à peu près conformées comme celles des lièvres. Leurs jambes sont à peu près de la même lon- gueur entre elles ; leurs oreilles sont courtes, arrondies ; ils manquent de queue, et leurs cla- vicules sont presques complètes ; la femelle a de quatre à six mamelles. Le Pixa (Lagomys pika, Georr. Lagomys alpinus, Desn. Lepus alpinus, PALLAS) a neuf pouces et demi (0,406) de longueur ; il est géné- ralement d’un roux jaunâtre avec quelques longs poils noirs ; le dessus du corps est d’un fauve pâle, le tour de la bouche cendré, le des- sous des pieds bruns; les oreilles sont arron- dies et brunes. Cet animal est tres-commun en Sibérie, où il habite dans les montagnes les plus hautes et les plus escarpées, les bois, les vallées, et les prairies fraiches et herbeuses. Quelquefois il se creuse un terrier, mais le plus souvent il fixe son habitation dans un trou de rocher ou dans un arbre creux, et il s’y retire solitai- rement, ou, plus ordinairement, avec un ou deux de ses camarades. Il se nourrit de feuilles et d'herbes, et il a la prévoyance de faire une bonne provision pour passer l'hiver dans l'abondance. Dès le mois d'août il commence ses approvi- sionnements, consistant en herbes, qu'il choisit, coupe et fait sécher avec beau- coup de soin. Ensuite, pour mettre ce foin à l'abri des intempéries de l'air, il cherche un tronc d'arbre creusé par le temps, une grotte, ou un trou dans une roche. Là plusieurs se réunissent pour établir un magasin commun, et ils y entassent une quantité de foin calculée sur le nombre d'individus qui auront a s’en nourrir pendant la mauvaise saison. Aussi n'est-il pas rare de trouver de ces tas qui ont jusqu'à cinq et six pieds (1,624 et 1,949) de hauteur et huit de diamètre (2,599). Cette habitude des pikas fournit aux voyageurs, qui osent pé- nétrer dans les vastes solitudes de la Sibérie, une précieuse ressource pour nourrir leurs chevaux. 372 Le SuLcan ( Lagomys pusillus, Desu. Lepus pusillus, Pass. Le Lagomys nain, G. Cuv.) est plus petit que le précédent, et n’a que sept pou- ces (9,189) de longueur ; son pelage est épais, fin, trés-doux, d’un fauve grisätre, mélangé de brun et de gris; le dessous du corps est d’un blanc sale, avec la gorge, les lèvres et le nez toul à fait blancs; les oreilles sont un peu trian- gulaires, bordées de blanc. IT habite les parties méridionales des monts Ourals, et vit solitaire- ment dans un terrier qu’il se creuse sur la li- sière des bois, dans les cantons fertiles et décou- verts. 11 n’en sort que la nuit pour aller cher- cher sa nourriture, consistant en feuilles, fleurs, bourgeons, et écorces d'arbres tels que le pom- mier sauvage, le cerisier nain, le robinier fru- tescent, et le cytise rampant. Chaque jour, au soleil couchant et au soleil levant, il pousse des cris aigus, sans doute pour appeler une femelle, et ces cris le déncncent aux chasseurs. LES RONGEURS. L'Ocoron (Lagomys ogotona, Desu. Lepus ogotona, Parc. Le Lagomys gris, G. Cuv.) a six pouces et demi (0,176) de longueur ; il est d’un gris pâle en dessus, blanc en dessous, avec les pieds jaunâtres; ses oreilles sont ovales, un peu pointues, de la couleur du corps; son pe- lage est fin, lisse, et assez long. Il habite la Tar- tarie mongole et les montagnes au delà du lac Baikal. Comme le précédent, il se creuse un terrier, dont il ne sort que la nuit, et son cri est un sifflement aigu qui se distingue très-bien de celui du sulgan. Il se nourrit d’écorce d’au- bépine et de bouleau, d'herbes, et surtout d’une sorte de véronique qui croit sous la neige. Ainsi que le pika, il fait une provision de foin, qu’il amasse en tas hémisphériques, d'environ un pied (0,525) de hauteur. L’hermine et le chat manul sont les ennemis les plus dangereux de ce petit animal ; car sa petite taille le fait dédai- gner de l’homme, quoique sa chair soit bonne. LE COCHON D'INDE, PAVSAGE AMERICAIN. {Juidin des Plantes ) DASYPOIDES. 573 Le Paca brun. LES DASYPOIDES Ont seize molaires en tout, deux incisives seulement à la mächoire supérieure, et deux à l'inférieure; leurs pieds postérieurs ont trois ou cinq doigts, mais dont un de chaque côté est très-petit. 42° Genre. Les PACAS (Cœlogenus, FR. Cuv.) ont vingt dents, savoir : deux incisives à chaque mächoire ; huit molaires en haut et huit en bas, composées, à couronne plate, irrégulièrement sillonnées ; ils ont cinq doigts à tous les pieds ; ils ont sur les joues une sorte de cavité dont l'ouverture est extérieure ; leur queue est très- courte ; la femelle a quatre mamelles. Ces ani- maux sont de l’Amérique méridionale. Le PACA BRUN (Cœlogenus subniger, Fr. Cuv. Cavia Paca, Gur. Le Paca, Burr. Le Pag, n'Azzara. Le Pak ou L'Ourana, DE Barère. Le Pag et le Cottie de quelques parties de l'Amérique méridionale ). Cet animal, très-commun au Brésil et à la Guyane malgré la chasse conti- nuelle qu'on lui fait, se trouve aussi, mais plus rarement, aux Antilles et au Paraguay. Sa longueur totale est d’un pied neuf pouces (0,569), c’est-à-dire qu'il est plus grand qu'un lièvre ; son pelage est d’un brun noirâtre, marqué de chaque côté du corps de quatre ou cinq rangs de taches arrondies, disposées en bande, et blanches; le ventre, la poitrine, la gorge et la face interne des jambes sont d’un blanc sale; ses moustaches sont très-longues, noires et blan- ches; sa queue est extrèmement courte, presque rudimentaire. Comme le la- pin, il se creuse un terrier à plusieurs issues, et n’en sort que la nuit pour aller paître. Sa nourriture ordinaire consiste principalement en fruits et en racines qu'il déterre en fouillant, mais il ne se sert jamais de ses pattes de devant pour porter les aliments à sa bouche, à la manière des autres rongeurs. Il se plait 37 LES RONGEURS. sur le bord des rivières et dans les lieux humides, probablement parce qu'il v louve une végétation plus riche, mais il n’établit son terrier que dans les ter- rain secs et chauds. I produit souvent eten grand nombre, etil fallait qu'il en fût ainsi, car les chasseurs sont toujours à sa poursuite, et quand ils ne peuvent le tuer à coups de fusil, ils vont le déterrer dans son trou: Quoique d’un caractère paisible et fort doux, il défend courageusement sa vie et fait quelquefois des morsures cruelles. La chair de cet animal est délicieuse, au dire des voyageurs, qui la comparent à celle du cochon de lait, et n’en parlent jamais sans en faire le plus grand éloge. Il paraît qu'on le fait cuire avec sa peau, et que celle-ci est excellente. En domesticité, le paca, ainsi qu'on a pu le voir à la ménagerie, mange tout ce qu'on lui présente, comme du pain, des légumes, du sucre, des écorces et même de la viande. Il se prive aisément, et a beaucoup de douceur dans ses habitudes ; de là, Buffon, et plus tard Fr. Cuvier, ont pensé qu'il serait possible, et même trés-utile, de le naturaliser en France et d’en faire un animal de basse-cour ; mais ils ne disent pas s’il se reproduit en captivité, ce qui me paraît fort douteux, et ce qui est cependant la condition indispensable de la domesticité. Les pacas ont été tellement chassés dans les Antilles, qu'aujourd'hui il n'en reste plus guère; mais l'espèce s’est parfaitement soutenue dans les autres parties de l'Amérique. Et cependant, ils sont non-seulement la proie des hom- mes, mais encore de tous les grands oiseaux de proie, qui leur font une guerre cruelle et continuelle. Ces animaux ont des abajoues fort grandes, dans lesquelles ils cachent leurs aliments quand ils sont poursuivis, ou simplement pour les transporter dans leurs terriers ; mais ils ont, outre cela, sur les joues, deux poches dont l'usage est encore inconnu. Leur peau, quoique couverte d’un poil court et assez rude, fait cependant une assez belle fourrure, parce qu'elle est régulièrement tachetée sur les côtés. Le Paca FAUVE ( Cœlogenus fulvus, Fn. Cuv. Caria paca, Georr.—G. CuY. Osteopera pla- tycephala, Harz. Le Paca femelle de Burr.) n'a été regardé par presque tous les natura- listes, jusqu'à Fr. Cuvier, que comme une va- riété du précédent. Cependant il en diffère par ses arcades zygomatiques, qui sont extrémement n'ayant chacune qu’une lame simple etune four- chue ; ils manquent de queue; leurs pieds de devant sont munis de quatre doigts séparés, et ceux de derrière de trois; leurs ongles sont courts, robustes, en forme de petits sabots; ils ont deux mamelles ventrales. L’APERÉA Où COCuON D'INDE ( Cavia cobaya, écartées, et par d’autres caractères anatomi- ques. Le fond de son pelage est fauve, et non pas brun. Du reste, il lui ressemble en tout le reste, tant pour les couleurs que pour les mœurs. 1! habite la Guyane. 45e GENRE. Les COBAYES (Cavia, ErxL. Anœæma, Fr. Cuv.) ont vingt dents, savoir : deux incisives à chaque mâchoire ; huit molaires en baut et huit en bas, toutes composées et Desm. Mus porcellus, Lin. Anœma cobaya, Fr. Cuv Le Cochon d'Inde, Burr. Le Cori des In- diens) a environ dix pouces de longueur (0,271); son corps, gros et trapu, est d’un gris rous- sâtre en dessus, et blanchâtre en dessous. Dans la domesticité on en a obtenu de blancs, de jaunes plus ou moins fauves ou orangés, de va- riés de ces couleurs ou de noir, et qui diffèrent considérablement de leur type. L'apéréa est commun au Brésil et au Paraguay, où il habite les pajonals {sortes de buissons) qui couvrent les rives des fleuves, mais il ne pénètre jamais dans les bois. Cet animal a fort peu d'intelligence, 11 ne sait pas se creuser un terrier, et cependant il aime à en habiter un quand il le trouve tout fait; DASYPOIDES. 375 dans le cas contraire il se recèle dans des trous de rochers, sous des tas de pier- res, ou tout simplement dans un buisson fourré. Il ne sort de sa retraite que le soir et le matin, au crépuscule, pour aller paître les herbes dont il se nourrit, et qu'il transporte dans son gite. Il paraît que, dans cet état sauvage, sa chair est excellente, et comparable au meilleur lapin de garenne ; aussi lui fait-on une chasse active. Sans aucune défense, n'ayant pas même la ressource de fuir avec rapidité, 1l devient facilement la proie des petits mammifères carnassiers et des oiseaux de proie. La femelle ne met bas qu'une ou deux fois par an, et seule- ment deux ou trois petits à la fois. Il paraît certain, d’après l'opinion de plu- sieurs anciens voyageurs, et particulièrement d'après ce que dit Garcilasso de la Vega, dans son Histoire des Incas, que l’apéréa était un animal domestique au Pérou, avant la découverte de l'Amérique, qu’on l’élevait comme nous faisons du lapin domestique, et qu'on en avait obtenu de blancs, de roux, ete. Depuis bien longtemps cette espèce est répandue en Europe sous le nom de cochon d'Inde, et sa nature s’est tellement modifiée par l'esclavage et Le climat, que Buffon a décrit l'apéréa et le cochon d'Inde comme deux espèces différentes, sans soupconner le moins du monde leur identité. En état de liberté, l'apéréa, comme nous l'avons dit, montre peu d'intelligence ; mais chez nous il est de- venu tout à fait stupide, au point de se laisser tuer par les chats et les autres animaux, sans montrer ni frayeur ni envie de se défendre. C’est un animal quine vit absolument que pour dormir, manger et se multiplier, comme une véritable machine organisée, et il est impossible de saisir chez lui un geste, un signe, qui se rapporte à un autre sentiment, une autre passion, que ces trois cho- ses. IT en résulte que la femelle tient très-peu à ses enfants, qu'elle les mange quelquefois, et que toujours elle les chasse après les avoir allaités quinze jours. Ceux-ci croissent très-vite, et à l’âge de deux ou trois mois ils sont capables de faire des petits, quoiqu'ils n’atteignent toute leur grosseur qu'à six mois. Or, comme la femelle ne porte que trois semaines, elle peut faire six à huit portées par an, ct les portées, qui ne sont que de cinq à six petits dans le com- mencement, augmentent avec l’âge et finissent par être de dix à douze; l’on à calculé qu'avec un seul couple de ces animaux, on pourrait en avoir un millier aprés l’espace d’un an. Les cochons d'Inde mangent à peu près toutes les sub- stances végétales qu’on leur présente, mais ils paraissent préférer le pain, le son et particuliérement le persil, les pommes de terre et les fruits, à toute autre chose. Ce qu'il y a de singulier, c’est que, même nourris avec des aliments secs, comme le foin, ils ne boivent jamais et urinent beaucoup. Ils supportent assez bien les rigueurs de nos climats, pourvu qu'ils soient renfermés dans un lieu où le thermomètre centigrade ne descende pas au-dessous de quatre à cinq degrés au-dessous de zéro. Leur chair est assez bonne, quoique un peu fade. Age Gevre. Les CABIAIS ( Hydrochærus, Buiss.) ont vingt dents, savoir : deux canines à chaque mächoire ; huit molaires en haut et huit en bas, toutes composées, les postérieures étant les plus longues, et formées de lames nombreu- ses, simples et parallèles, les antérieures offrant des lames fourchues; les pieds de devant ont quatre doigts larges et armés d'ongles, réunis par des membranes ; les pieds de derrière n'ont que trois doigts ; ils manquent de queue, et la femelle a douze mamelles. Le Cariyaoua où Casrar (Hydrochærus capy- 376 bara, DEsx. Cavia capybara, Gm£. — Lin. Le Cabiai, Burr. Le Capybara, G. Cuv. Le Chi- guère des habitants de Caracas. Le Cabionara de la Guyane. Le Capivard et le Cochon d'eau de quelques voyageurs) est de la grandeur d'un cochon de Siam ; il a trois pieds (0,975) de longueur, sur un pied et demi (0,487) de hau- LES RONGEURS. teur, ce qui en fait le plus grand des rongeurs. Son pelage est d’un brun roussätre en dessus, fauve en dessous, à poils rares, comme ceux d'un cochon, mais plus fin. 11 habite l'Amérique méridionale, depuis la Plata jusqu'aux affluents septentrionaux de l’Orénoque, et il ne s'éloigne jamais du bord des eaux. Cet animal à le corps gros et ramassé, la lèvre supérieure fendue, les yeux noirs et grands, les oreilles et les jambes presque nues ; en marchant il appuie par terre toute la plante des pieds de derrière, ce qui lui donne l’air de ramper. Il ne quitte jamais le bord des rivières et des lacs, et se cache dans les pajonals ou buissons d'arbrisseaux aquatiques qui croissent sur les sables des rivages. II est timide et vit en famille ou en petites troupes de dix à quinze individus. Quand un objet suspect les effraye, ils poussent un cri que l'on peut rendre par le mot a-pé, prononcé avec force et avec les aspirations que l’âne met dans son braire. À ce signal de l’un d'eux, tous se jettent à l’eau, plongent, et ne vont reparaitre à la surface qu'à une très-grande distance de l'endroit où ils se sont enfoncés ; ils nagent ensuite avec une si grande facilité et une telle vitesse, qu'il est impossible à un canot de les atteindre. Selon d'Azzara, ils ne vivraient que d'herbe, mais M. de Humboldt s’est assuré qu'ils mangent aussi du poisson, et qu'ils savent le pêcher avec beaucoup d'adresse. Ce voyageur en a vu des troupes rester tranquillement assises sur leur derrière, ce qui est leur position favorite, tandis qu'un grand crocodile sorti des ondes passait au milieu d’eux. Cette sécurité, dit-il, leur venait sans doute de l'expérience qu'ils ont que le crocodile n’attaque pas hors de l'eau. Le cabiai ne se creuse pas de terrier; 1l se gite sur la terre comme le lièvre, et ne quitte guère sa retraite que la nuit. La femelle seule à un domicile fixe, dans lequel elle revient toujours ; elle y met bas de quatre à huit petits qu’elle allaite quelque temps, et qu'elle abandonne aussitôt qu'ils sont assez grands pour se rendre sans elle à la rivière. Pris jeune, cet animal s'apprivoise parfaitement, vient à la voix de son maitre, et le suit presque comme un chien; il est d’un caractère doux, tranquille et tout à fait inoffensif. En captivité on le nourrit fort bien avec de la salade, des carottes, de l'orge et des fruits. Sa chair est grasse, tendre, et passe pour excellente, quoique, selon Buffon, elle ait un peu le gout de poisson. Les missionnaires de l'Orénoque la permettent pendant le carème, comme un aliment maigre. Les chasseurs américains lui font la chasse et le regardent comme une importante pièce de gibier; mais comme il ne s’é- loigne jamais à plus de cent pas des eaux, il faut, pour l'avoir, le tuer roide d’un coup de fusil, car, s’il n’est que blessé mortellement, il se jette dans la rivière, et, ainsi que la loutre, il ne reparaît plus. dent, et séparées du côté interne. Ces triangles sont entourés chacun de leur émail et remplis 45e Genre. Les KERODONS ( Kerodon, FR. Cuv.) ont vingt dents, savoir : deux incisives à chaque mâchoire ; huit molaires en haut et huit en bas, toutes composées de deux parties éga- les, semblables l'une et l'autre à un triangle ou plutôt à un cœur, réunies du côté externe de la de matière osseuse, et leur séparalion produit une échancrure anguleuse en parlie remplie de matière corticale. Ils ont quatre doigts aux pieds de devant et trois à ceux de derrière, comme DASYPOIDES. chez les Cobajes, mais les jambes sont plus hautes, les doigts plus gros et plus séparés, el les ongles larges, courts, assez aplatis. Le Moco ( Kerodon moro, Fr. Cuv. Kerodon sciureus, Is. GEorr. Cavia rupestris, Max. DE Neuw.) est un peu plus grand que Île cochon d'Inde ; son pelage est d'un gris cendré méle de noirâtre et de jaune rougeätre en dessus, blanchâtre en dessous; ses moustaches soui entierement noires. 11 habite le Brésil et se plat dans les lieux rocailleux ; ses mœurs sont à peu près les mêmes que celles de l'apéréa. 46e Gexre. Les AGOUTIS ( Chloromys, Fr. Ccv.) ont vingt dents, savoir : deux incisives à chaque mächoire ; huit molaires en haut et huit en bas, toutes composées, presque égales, à couronne plate, irrégulièrement sillonnée et à contours arrondis ; les pieds de devant ont qua- tre doigts, et ceux de derrière trois, tous libres; les jambes sont fines ; ils ont une petite queue, ou un tubercule qui la remplace. L’Axoucar ou Axkouxi (Chloromys ucuschy, Desmouz. Cuvia acuschy, GuL. Dasyprocta acuschy, Des. L’Arouchy, Burr.) est à peu près de la taille du précédent ; son pelage, un peu plus doux et plus soyeux, est brun, avec des mouchetures fauves ; la croupe est noirâtre, et le ventre roux; il n’a point de créte derrière la tète ; sa queue est mince, un peu allongée; en- fin il n’a que six mamelles. 11 a les mêmes mœurs que le précédent, et vit dans les bois à la Guyane, aux iles de la Grenade et de Sainte- Lucie. 317 L'AGours auppé (Chloromys cristatus, FR. Cuv. Dasyprocta cristata, Desn. Caria cris- tuta, Grore.) a la même taille que notre lapin ; son pelage est noirâtre, piqueté de roux; il a su l'occiput une sorte de crête composée de poils ires-allongés ; les poils de sa croupe sont également trèes-Jongs ; son ventre est brun ; ses creilles et sa queue sont courtes. 11 habite Suri- am, est moins farouche que le premier, et s'apprivoise beaucoup plus facilement. L'AGOUTI PATAGONIEN ( Chloromys patagoni- cus, PENN. Dasyprocta patagonica, Desm. Le Lièvre des Pampas, D'Azara. Cavia palaqo- nica, Saw.) est d'un gris fauve piqué de blanc sur le dos, passant au noir sur la croupe; les fesses et le ventre sont blancs ; les flancs fauves ; les oreilles longues ; la queue est très-courte, et les mamelles sont au nombre de quatre. On le trouve depuis les pampas du Paraguay, jus- qu'au détroit de Magellan. Il ne vit pas en troupe, mais par couple, et le mâle ne quitte pas sa femelle, même quand ils sont poursuivis par des chiens. Pendant la nuit, s’ils se sont sé- parés pour chercher leur nourriture, ils ne tardent pas à s'appeler par un cri aigu, fort, que l’on pourrait écrire ainsi, 0-0-0-Y, cri qu'ils font aussi entendre lorsqu'on les tourmente. Ils s’apprivoisent aisément, et ne font aussi que deux petits. Les Indiens les chassent et les man- gent, quoique leur chair, blanche, soit assez fade. Les chasseurs cherchent toujours à tuer la femelle la premiere, bien sûrs qu'ils sont que le mâle ne la quittera pas. 48 378 LES RONGEURS L'Agouti. L'AGOUTI où COTIA (Chloromys acuti, Fr. Cuv. Dasyprocta acuti, Drsm. Cavia aculi, ErxL. L'Agouti, Burr.) A vingt pouces (0,542) de longueur ; il est à peu près de la grosseur d’un grand lièvre; sa tête a un peu d'analogie avec celle d’un lapin, mais ses yeux sont saillants, et ses oreilles, longues seulement d'un pouce et demi (0,041), sont demi-cireulaires et nues; son pelage est rude, brun, piqueté de jaune ou de roussâtre, teinté de verdàätre sur certaines parties, roux sur la croupe; les poils sont trés-longs sur cette dernière partie, et beaucoup plus courts sur le reste du corps ; la queue est courte, les mamelles sont au nombre de douze. L'agouti est très-commun à la Guyane, au Bresil et à Sainte-Lucie; là il fait le plaisir habituel des chasseurs, comme le lièvre chez nous. Il ne se gîte pas sur la terre nue comme ce dernier, il ne se creuse pas non plus de terrier comme le lapin, mais il se cache dans les ‘troncs d'arbres et sous les vieilles souches. I n'habite que les bois, où 1l vit en troupes, et il ne sort ordinaire- ment de sa retraite que la nuit. La lumière du jour l’offusque au point que, s'il est surpris par des chiens pendant la journée, ce n’est que difficilement qu'il leur échappe par la fuite, quoique ce soit un habile coureur, surtout en mon- tant; comme il a les pattes de devant beaucoup plus courtes que celles de der- ricre, il est obligé de ralentir sa course en descendant une montagne ou toute autre pente un peu roide, sous peine de faire la culbute. A l’état sauvage, il est d’un caractère farouche et timide, mais cependant il se défend courageusement lorsque la fuite ne lui est plus possible, et avant de succomber il fait de pro- fondes morsures à ses ennemis. Lorsque les chiens le chassent, il ne ruse pas devant eux, ainsi que le lièvre ou le lapin, mais il-s’enfuit très-vite et gagne au ‘plus tôt sa retraite, où il s'enfonce et reste avec obstination. Il n’est qu'un seul DASYPOIDES. 379 moyen de l'en faire sortir, c'est de l'y enfumer ; à demi suffoqué, il jette des cris aigus et plaintifs, et ce n’est qu’à la dernière extrémité qu'il s'élance tout à coup dehors pour commencer une lutte qu'il sait devoir lui être mortelle. Son cri, lorsqu'on l'inquiète ou qu'on l'irrite, est, dit Buffon, semblable à celui d’un petit cochon. L Lorsque l’agouti est en colère, il frappe la terre de ses pieds de derrière, absolument comme le lapin, et les longs poils de sa croupe se hérissent verti- calement. Quand il mange, il saisit ses aliments avec ses pattes de devant, mais elles ne lui servent pas à les porter à sa bouche. Comme tous les animaux de son genre, il est omnivore : il n’a donc pas besoin de s’amasser des provisions, et c'est par erreur que Buffon lui attribue cette habitude; mais sa nourriture la plus ordinaire consiste en fruits et en racines. La femelle prépare un nid fait avec du foin et des feuilles sèches ; en octobre elle y met bas deux petits, qu’elle n'y allaite que pendant trois ou quatre jours, après quoi elle les transporte dans une autre cachette, ainsi que fait la chatte domestique, et cela probablement par défiance. Si elle éprouve la moindre inquiétude, elle les change de nouveau de domicile, et cette manœuvre recommence souvent. Cependant elle ne les al- laite que pendant une vingtaine de jours, après quoi ils commencent à la suivre pour apprendre à chercher leur nourriture, et bientôt aprés ils la quittent pour se réunir à la première troupe de jeunes agoutis qu'il rencontrent. Tout farouche qu'il est, si on prend un jeune agouti, et qu'on le traite avec douceur, il s’apprivoise aisément, s'attache, sinon au maitre, du moins au logis, sort et entre seul à la maison, et ne pense même à la quitter tout à fait que lors- que vient le temps des amours. Sa chair se mange, et passe même pour assez bonne. LES ÉDENTÉS, NEUVIÈME ORDRE DES MAMMIFÈRES. Mans»... Wa Ils forment le dernier ordre des mammifères onguiculés. Si on en excepte les T'atous, ils manquent tous d'incisives aux deux mâchoires; quelquefois ils ont des canines et des molaires, d'autres fois des molaires seulement, et enfin souvent ils n’ont point de dents du tout; ils ont de gros ongles, embrassant l'extrémité des doigts, et se rapprochant plus ou moins de la nature des sabots. Cet ordre renferme trois familles, celle des tardigrades , celle des longirostres, et celle des monotrèmes. LES TARDIGRADES N'ont point d'incisives, mais dix-huit molai- res ou moins; leur museau est court; et tous leurs mouvements sont extrèmement lents. 19 Genre. Les ACHÉES (Acheus, Fr. Cuv.) manquent d'incisives et de canines, et ont dix- huit molaires toutes en forme de cylindre, dont l'extrémité est creusée, tandis que le rebord est:formé d’une substance plus dure; ils ont trois doigts complets à chaque pied, et leurs bras sont deux fois plus longs que leurs jambes. L’Aï ( Acheus ai, Fr. Cuv. Bradypus tridactylus, Lin. — Drisu. L’Ai de Burr. Le Paresseux des voyageurs). Cet animal extraordinaire est de la grandeur d’un chat ; son front est saillant, comme tronqué en avant; son pelage, grossier et ressemblant à du foin sec, est d’un gris brunâtre, souvent tacheté de blanc sur le dos, où règne le plus ordinairement une large tache jaune ou orangée, traversée par une ligne noire Z NN f D. = N PS ù \N NE à NUE \ SR S À N\ Ü \f \) GN à D SK LE LOIR VUE INTÉRIBURE DE LA GRANDE SERRE (Jardin des Piantes.) : DRE ; 4 ç CSN) PRES TARDIGRADES. 381 longitudinale. Il a plusieurs variétés assez remarquables, dont l’une, l'Ai à col- lier, est regardée par Temminck comme espèce; les autres sont : l’Aï dos brûlé, l'Ai à face jaune, V'Ai à collier noir et l'Aï gris cendre. Cet animal a été pour presque tous les naturalistes, sans en excepter Buffon et Georges Cuvier, un sujet d'erreur la plus complète, parce que, malgré leur excellente critique, ils se sont laissé influencer par les contes absurdes des anciens voyageurs, et peut-être aussi par des opinions préconçues. Ecoutons d'abord Buffon : « Nous disons, pour revenir à nos deux animaux (lai et l'unau), qu'autant la nature nous à paru vive, agissante, exaltée dans les sin- ges, autant elle est lente, contrainte et resserrée dans ces paresseux ; et c’est moins paresse que misère, c'est défaut, c'est dénüment, c'est vice dans la conformation; point de dents incisives ni canines ; les yeux obscurs et couverts, la mâchoire aussi lourde qu’épaisse, le poil plat et semblable à de l'herbe séchée, les cuisses mal emboîtées et presque hors des hanches, les jambes trop courtes, mal tournées et encore plus mal terminées; point d’assiette de pieds, point de pouces, point de doigts séparément mobiles ; mais deux ou trois ongles excessi- vement longs, recourbés en dessous, qui ne peuvent se mouvoir qu'ensemble, et nuisent plus à marcher qu'ils ne servent à grimper ; la lenteur, la stupidité, l'abandon de son être, et même la douleur habituelle résultant de cette confor- mation bizarre et négligée ; point d'armes pour attaquer ou se défendre ; nul moyen de sécurité, pas même en grattant la terre; nulle ressource de salut dans la fuite : confines, je ne dis pas au pays, mais à la motte de terre, à l'arbre sous lequel ils sont nés, prisonniers au milieu de l’espace ; ne pouvant parcourir qu'une toise en une heure, grimpant avec peine, se trainant avec douleur, une voix plaintive et par accents entrecoupés, qu'ils n’osent élever que la nuit : tout annonce leur misère, tout nous rappelle ces monstres par défaut, ces ébauches imparfaites mille fois projetées, exécutées par la nature, qui, ayant à peine la faculté d'exister, n'ont dû subsister qu'un temps, et ont été ensuite effacés de la liste des êtres. » Pour achever ce triste portrait, Buffon ne manque pas de ré- péter que ces animaux, après avoir mangé toutes les feuilles d’un arbre, se laissent tomber au risque de se briser les os, etc., etc. Enfin il ajoute que « ce sont peut-être les seuls que la nature ait maltraités, les seuls qui nous offrent l'image de la misère innée. » Cuvier, imbu de toutes ces idées, mais plus anatomiste que Buffon, après nous avoir dit que la nature, en créant ces animaux, semble avoir voulu s’amu- ser à produire quelque chose d’imparfait et de grotesque, cherche à trouver la cause de ces misères prétendues dans leur organisation. « Leurs doigts sont réunis ensemble par la peau, dit-il, et ne se marquent au dehors que par d'énormes ongles comprimés et crochus, toujours fléchis vers le dedans de la main ou la plante du pied. Leurs pieds de derrière sont articulés obliquement sur la jambe, et n'appuient que par le bord externe ; les phalanges de leurs doigts sont articulées par des gynglymes serrés, et les premières se soudent, à un certain âge, aux os du métacarpe ou du métatarse ; ceux-ci finissent à se souder ensemble faute d'usage. À cette incommodité, dans l’organisation des extrémités, s'en joint une non moins grande dans leur proportion. Leurs bras et leursavant-bras sontheaucoup plus longsque leurs cuissesetleursjambhes, en sorte 382; LES ÉDENTÉS. que, quand ils marchent, ils sont obligés dese trainer sur leurs coudes ; leur bassin est si large et leurs cuisses tellement dirigées sur le côté, qu'ils ne peuvent rapprocher les genoux. Leur démarche est l'effet naturel d’une structure aussi disproportionnée. Ils se tiennent sur les arbres et n’en quittent un qu'après l'avoir dépouille de ses feuilles, tant il leur est pénible d’en gagner un autre: on assure même qu'ils se laissent tomber de leur branche pour s’éviter le travail d'en descendre. » Nous allons maintenant faire l'histoire vraie de l’aï, et ce sera une réfutation complète de tout ce qu'ont avancé les célèbres naturalistes que je viens de citer. L’aï est très-commun au Bresil, à Cayenne, à la Nouvelle- Espagne, et géné- ralement dans toute l'Amérique intertropicale. Il habite exclusivement sur les arbres, dans les forêts composées d’ambaïba ( Cecropia peltata) dont les feuilles font sa principale, et peut-être son uniqüe nourriture. Il parcourt les forêts en passant d'un arbre à l’autre par les branches ; il sait parfaitement profiter, pour cela, du vent qui, en les agitant, met leurs rameaux en contact, et il saisit avec beaucoup d’agilité ce moment. Jamais, si ce n'est par force ou par accident, cet animal ne descend à terre, où il n’a rien à faire ; il lui serait donc tout à fait inutile de pouvoir y marcher; aussi la nature lui a-t-elle refusé cette faculté, comme elle l'a refusée aux orangs et à quelques autres singes éminemment grimpeurs, et devant passer, ainsi que lui, toute leur vie sur les arbres. Et pourtant, c'est sur des individus arrachés à leurs forêts, à leurs habitudes, pla- cés sur la terre plate, que les naturalistes ont décidé que l’aï était d’une lenteur excessive, et qu'il lui fallait une heure pour parcourir la distance de deux mé- tres, ce qui est d’ailleurs une grande exagération. L’aiï, sur la terre, est en effet obligé de se traîner avec peine sur ses coudes, à cause de la longueur de ses jambes antérieures, mais cela n'empêche pas qu'il ne grimpe sur les arbres, si- non avec une grande agilité, du moins avec une extrême facilité. MM. Quoy et Gaimard ont eu vivants pendant quelques jours, sur le vaisseau l’Uranie, deux de ces animaux, et ils ont observé qu'il faut beaucoup rabattre de la lenteur qu'on leur attribue. « Tout l'équipage à vu l’aï monter en vingt-cinq minutes du gaillard d’arrière au haut du grand mât; il parvint successivement, en moins de deux heures, au sommet de tous les mâts, en allant de l’un à l’autre par les étais. Une autre fois, étant descendu par l'échelle du gaillard d’arrière et tou- chant l'eau par une de ses pattes, il s’y laissa volontairement tomber, et nagea aisément, la tête élevée. » Nous remarquerons en outre que cet animal est tout à fait nocturne, qu'il ne jouit de tout le développement de ses facultés que la nuit, et que ces observations ont été faites le jour. Sur la terre, pendant l’obscu- rité, il marche de la même manière qne les chauves-souris, et d’un mouvement assez vif. Cherchons si son organisation est aussi malheureuse qu'on le dit, quand on la considère dans ses rapports avec les habitudes de l'animal; nous verrons qu'au contraire, loin d’être un mal pour lui, cette organisation, qui paraît si informe et si bizarre, est un bienfait de la nature. L'aï ne se tient pas sur les branches ainsi que le font les singes et les écureuils, mais par-dessous, et le corps sus- pendu par Jes quatre pattes ; qu'il marche, qu'il mange, qu'il dorme, il ne quitte TARDIGRADES. 383 Jamais celte attitude, qui pour ces animaux est celle du repos, à cause de l'ex- trème prédominance que leurs muscles fléchisseurs ont sur les extenseurs. Leurs gros ongles arqués, embrassant toute l'extrémité des doigts et naturelle- ment recourbés vers la paume de la main, les phalanges de leurs doigts soudées au métacarpe et au métatarse, ceux-ci qui s'ossifient de maniere à ne former, a un certain âge, qu'une seule pièce, tout cela leur donne une puissance d’ac- crochement, si je puis me servir de cette expression, qui rend pour eux fort commode une position intolérable pour tout autre animal. Leurs jambes, ecartees par l'énorme largeur de leur bassin ou quelquefois par de longues cela- vicules, leur permet d'embrasser les grosses branches sans la moindre fatigue ; la paume des mains et des pieds, articulés obliquement, leur permet de poser les pattes à plat sur les côtés des branches qu'ils embrassent ; leur cou, com- posé de neuf vertebres (ce qui est unique parmi les mammifères), leur per- met d’allonger la tête, de la tourner dans tous les sens pour saisir les feuilles sur les rameaux à distance; l'axe de la tête étant le même que celui de la co- lonne vertébrale, la bouche regarde en haut quand l’animal est debout, ce qui dispense les aïs, lorsqu'ils sont suspendus, de relever la tête par un effort musculaire soutenu ; ils broient les feuilles avec des dents parfaitement adaptées à cet usage; leurs poils, plats et grossiers, ressemblant, par la forme et la cou- leur, à de l'herbe desséchée ou de la mousse, les dérobent à la vue des animaux carnassiers et des oiseaux de proie qui pourraient les attaquer. En cas de chute, ils ont une force de vitalité cent fois plus considérable qu'un chat ; et tout cela ils le doivent à une organisation que G. Cuvier appelle imparfaite et grotesque, et Buffon, misérable, faute, par ces naturalistes, d’avoir connu les habitudes et les besoins de ces singuliers animaux. S'il m'était permis, dans un ouvrage du genre de celui-ci, d'entrer dans de plus grands détails anatomiques, on ver- rait qu'il n’est pas une de leurs prétendues imperfections qui ne soit une preuve irrécusable de la haute sagesse qui a présidé à la création. L'aï, qui jusqu'à ce jour n'a été étudié que dans des lieux et des circonstan- ces pour lesquels la nature ne l’a point créé, vit au fond des plus sombres fo- rêts, où la hache de l'homme n’a pas encore établi de clairière; il est doux, tout à fait inoffensif, et paraît peu intelligent par la raison qu'il a peu de besoins ; solitaire sur l'arbre qui le nourrit, il y passe une partie de sa vie, et ne pense à le quitter que lorsqu'il en a dévoré toutes les feuilles. « Il marche d'un bon pas, dit le voyageur anglais Watterton, et si, comme moi, vous l'aviez vu passer d'un arbre à l’autre, vous ne seriez plus tenté de lui donner injustement la qualification de paresseux. » S'il ne peut passer sur un autre arbre au moyen de l’entre-croisement des branches, il ne se laisse pas tomber, comme on la dit, mais il en descend fort bien, en quelques minutes, et se traine sur la terre aussi vite qu'il le peut pour en regagner un autre. Si on le surprend dans ce moment, il s'arrête, et cherche à se défendre comme il le peut; pour cela, il s'assied sur son derrière et joue des bras de devant, l'un après l’autre, absolu- ment comme un aveugle qui chercherait à enlacer de son bras un objet qu'il ne verrait pas, ou plutôt comme une mécanique. S'il parvient à saisir le bâton dont on le frappe, ou tout autre objet, il le serre contre sa poitrine avec une telle force, qu'il est fort difficile de le lui arracher, et il ne le lâche qu'en mou- 384 LES ÉDENTÉS. rant; dans la joie comme dans la douleur, il fait entendre le cri a-i qui lui a valu son nom, mais il reste silencieux tant qu'il n’est pas agité par une passion. La femelle ne fait qu'un petit qu'elle soigne avec la plus grande tendresse. Elle met bas non pas sur terre, mais sur un lit de mousse qu'elle établit à la bi- furcation de deux ou trois grosses branches. Au bout de quelques jours les ongles du petit se sont assez raffermis pour qu'il puisse s’accrocher au dos de sa mère, où 1l est suspendu, comme elle l’est elle-même aux branches qu'elle parcourt. Ces animaux ont la vie extraordinairement dure, et on ne parvient à les faire tomber de l'arbre où ils s’accrochent qu'après leur avoir tiré plusieurs coups de fusil. Ils remuent encore pendant plus d'une heure après qu’on leur a arrache le cœur et les entrailles. « Le voyageur de Lalande, dit Desmoulins, aidé de son domestique, a inutilement essayé pendant une demi-heure d’étran- gler un aï avec une corde grosse comme le doigt; l'animal ne cessait d’étendre et de ramener ses bras en crochets sur la poitrine par intervalles, ce qu'il fit encore plusieurs heures au fond d’un tonneau d'alcool, où on le tint ensuite submergé. » Ces animaux, pris jeunes, s’apprivoisent aisément, mais sans jamais s’atta- cher. On les nourrit de pain et de lait, et de quelques espèces de feuilles que l'expérience apprend à connaître. Ils ne boivent jamais, et se reculent même de l'eau qu'on leur présente avec un dégoût très-marqué. Transportés dans nos climats, ils ne vivent pas longtemps, parce qu'ils craignent excessivement le froid et l'humidité. 2e GENRE. Les BRADYPES ( Rradypus, Lin.) different des aïs par une foule de caractères anatomiques, dont voici les plus saillants; ils ont dix-huit dents, savoir : deux canines en haut et en bas, aiguës et plus longues que les molai- res ; huit molaires supérieures et six inférieures, toutes cylindriques. Leurs jambes antérieures sont très-grêles, d'un cinquième plus longues que les postérieures ; leur tête est petite, arron- die ; leurs pieds n’ont que deux doigts, réunis et terminés par deux griffes fortes et crochucs L'Unau (Bradypus didactylus, Lin. — Des. L'Unau de Burr. et G. Cuv.) est de moitié plus grand que l'aï, auquel, du reste, il ressemble beaucoup ; sa face est oblique ; son pelage est d'un gris brun uniforme, qui prend quelquefois une teinte roussâtre. Il habite les mêmes con- trées que l’aï, et lui ressemble tellement en tout, que faire l’histoire de l’un, c’est faire l’his- toire de l’autre. TT 1 ] 11 {HN LE nl A] \ $ AMPHITHEATRE D'ANATOMIE COMPARHE. (Jardin des Plantes.) LONGIROSTRES. Le Tatou-Poyou LES LONGIROSTRES Ont le museau allongé, les membres à peu près égaux; les uns n’ont pas de dents du tout; d’autres ont des molaires seules ; d’autres en- core ont des incisives et des molaires; ces der- nières sont au nombre de vingt-six à quatre- vingt-seize. 5e GENRE, Les TATOUS ( Dasypus, Lin.) ont trente-huit dents, savoir : deux incisives en haut et quatre en bas; point de canines; seize mo- laires supérieures et seize inférieures; toutes les dents sont sans racines ; la langue est peu extensible ; la tête, le corps el la queue sont recouverts d'un test dur et écailleux, à petits compartiments semblables à des pavés ; ce test, ou carapace, est composé de plusieurs parties : un bouclier sur le front, un second bouclier arrondi sur les épaules, un autre semblable sur _la croupe, et des bandes mobiles transversales, plus où moinsnombreuses, entreles deux. Quel- quefois tous leurs pieds ont cinq doigts, tous armés d'ongles robustes. Tous les animaux de ce genre sont doux et inoffensifs. Le TATOU-POYOU ou ENCOUBERT ( Dasypus encoubert, Desu. Dasypus sexcinctus et Dasypus octodecimcinctus, Lix. Le Tatou à six bandes, G. Cuv. L’Encoubert et le Cirquincon de Burr. Ce singulier animal a la tête large, aplatie et triangulaire, recouverte d'un bouclier osseux, comme tout le dessus du corps; la cuirasse qui lui couvre le dos est composée de six à sept bandes mobiles, formées de pièces grandes, rectangulaires, lisses, plus longues que larges; sa queue est longue comme la moitié de son corps, ronde, portant des anneaux osseux seulement à sa base ; ses oreilles sont assez longues ; son bouclier postérieur est dentelé en scie ; les parties non écailleuses de son corps sont garnies de poils blanchâtres, assez longs et assez fournis; tous ses pieds ont cinq doigts munis d'ongles médiocres; il a deux mamelles pectorales. 19 386 LES ÉDENTÉS. Le tatou- poyou habite l'Amérique méridionale et est assez commun au Para- guay. Nous nous étendrons peu sur son histoire, parce qu’elle est exactement la même que celle des animaux composant les genres priodonte et tatusie, qui ont été séparés des tatous par Fr. Cuvier. Tous ces animaux sont exclusivement des parties chaudes de l'Amérique. Leur chair est assez bonne à manger, mais il paraît que celle des petites espèces est plus délicate que celle des grandes, et que celle de lencoubert est la moins estimée de toutes. Quoi qu'il en soit, on leur fait une chasse assez active. Ces animaux ont tous plus ou moins la faculté de se rouler en boule, à peu prés comme notre hérisson, et dans cet état ils présentent à leurs ennemis la cuirasse dure qui les recouvre; mais comme tous ne sont pas également bien armés, et qu'il existe des vides, surtout dans cette attitude, entre les boucliers et les bandes du dos, la dent des animaux carnassiers trouve aisément un passage, et leurs armes défensives ne leur servent pas à grand’chose. Le tatou-poyou ne jouit pas, à un aussi haut point que les autres, de la faculté de se mettre en boule, mais il peut, quand il est menacé d'un danger, s’aplatir contre la terre, dont il a un peu la couleur, au point de disparaître aux yeux de ses ennemis, parce qu'alors il ne ressemble plus qu'à une légère inégalité du sol. Celui qui a vécu à la ménagerie était craintif, nocturne, cherchait toujours à se cacher, et, dans ce but, il aplatissait son corps de façon à présenter trois fois plus de lar- geur que de hauteur. Sa voix était une sorte degrognement, qu'il faisait surtout entendre lorsqu'on le contrariait, et 11 courait avec beaucoup de vitesse. Ces animaux sont très-inoffensifs, n'attaquent jamais les êtres plus faibles qu'eux, et cependant ils ne répugnent pas à se nourrir de lambeaux de cadavre quand ils en trouvent; leur nourriture habituelle consiste en fruits, en légumes et en racines, qu'ils savent fort bien déterrer en fouillant la terre avec leur nez, à la manière des cochons. Ils habitent des terriers qu'ils se creusent, les uns dans les savanes humides, et les grandes espèces sur le penchant des collines sèches et arides. Ils creusent la terre avec une telle vitesse, que, sous ce rapport, ils ne peuvent être comparés qu'à la taupe. Ne pouvant ni courir bien vite (si l'on en excepte l’encoubert), à cause de la brièveté de leurs jambes, ni sauter, ni orimper sur les arbres, ils n'ont de ressource, pour échapper au danger, que de se jeter dans leur terrier ; s'ils sont poursuivis de trop près, et qu'ils n'aient pas le temps de gagner leur retraite, ils se mettent à creuser, et pour peu que le chasseur soit à cinquante ou soixante pas d'eux, ils ont déjà disparu sous la terre lorsqu'il arrive. Si leur queue paraît encore en dehors et qu'on la saisisse, ils se cramponnent avec tant de force dans leur trou, qu'on la leur casse plutôt que de les en arracher ; dans ce cas, on est obligé, sans les lâcher, d'ouvrir le terrier en avant, et on les a ainsi sans les mutiler. Lorsqu'ils sont tout à fait enfoncés dans un terrier profond, on ne peut les en faire sortir qu'en les inondant d’eau, ou en les enfumant. Aussitôt qu'ils sont pris, ils se roulent en boule, et pour les faire étendre on les jette dans l’eau ou on les place devant un feu un peu vif. On dit que pendant une grande partie de l'année ces animaux restent dans leur terrier sans en sortir. Ce qu'il y a de plus certain, c’est qu'ils s’y tiennent pendant tout le jour, et qu'ils n'en sortent que la nuit pour aller chercher leur LONGIROSTRES. 387 nourriture. Gumilla prétend que la femelle met bas tous les mois, et que chaque fois elle fait quatre petits; il faut que cela soit, car on chasse continuellement ces animaux, soit au fusil, avec des chiens, soit aux piéges, et le nombre ne parait pas en être beaucoup diminué. Pour cette chasse on emploie une race de petits chiens qui les poursuivent avec acharnement, et rarement le tatou leur échappe, à moins qu'il ne se trouve à proximité d’une roche escarpée ou d'un ravin ; dans ce cas, il s'approche du bord, se contracte en boule, et se laisse rouler au fond du précipice sans le moindre danger, grâce aux écailles qui le défendent. On à dit que les tatous vivaient en société amicale avec les serpents à sonnet- tes, et qu'ils n'en craignent pas la morsure ; que leur graisse, leurs écailles calei- nées, avaient des proprietes admirables en médecine : mais tous ces vieux con- tes, avancés par Ménard, Ximénès et d'autres, sont complétement tombés en désuetude. 4e Genre. Les PRIODONTES (| Priodontes. FR. Cuv.) ont quatre-vingt-@ix-huit dents, sa- voir : point d’incisives ; point de canines; cin- quante molaires à la mâchoire supérieure, et quarante-buit à l'inférieure, pour l'ordinaire, car ce nombre varie un peu d’individu à individu, Toutes ont à peu près les mêmes proportions et sont plus ou moins comprimées latéralement ; elles sont divisées longitudinalement davs leur milieu par une partie plus claire et demi-trans- parente ; ils ont deux mamelles pectorales, cinq doigts aux pieds de devant, et tous les autres caractères des genres précédents et suivants. Le TaTOU NOIR DES BOIS, Ou TATOU GÉANT (Priodontes giganteus, Fr. Cuv. Dasypus qi- gas, Fr. Cuv. Dasypus gigas, G. Cuv. Dasypus giganleus, Desu. Le Deuxième Kabassou de Bure. Le Grand Tatou d'Azara) a quelquefois plus de trois pieds de longueur (0,975), non compris la queue, qui est ronde, longue d'un pied et demi (0,487), et recouverte d'écailles imbriquées comme des tuiles ; la tête, propor- tionnellement plus petite que dans les arma- dilles, est blanchätre, avec le museau long et les oreilles assez pelites; la cuirasse se compose de douze ou treize bandes mobiles, à comparti- ments plus longs que larges; le flanc et la queue sont blanchätres comme la tète, le reste du corps est noirâtre. Il habite le Paraguay et vit dans les bois. de GENRE. Les ARMADILLES ( T'atusia, FR. Cuv.) ne différent des deux genres précédents que par leur système dentaire; elles ont trente- quatre dents, savoir : point d’incisives; point de canines; dix-huit molaires en haut et seize en bas. Les unes ont quatre doigts aux pieds de devant, les autres cinq. Le Maraco (T'atusia apar, Less. Dasypus apar, Desm. Dasypus tricinclus, Lis. Le Talou apar, de Burr: Le Talou à trois bandes, de G.Cuvy. Le T'alou apara, de MarGn.) est d’une médiocre grandeur ; sa tête est oblongue, son museau pointu, ses oreilles médiocres, sa queue trèes-courle et aplatie; sa cuirasse se compose de trois bandes mobiles; ses compartiments sont régulièrement tuberculeux ; il a treize ran- gées de plaques polygones, d'une couleur plom- bée, sur le bouclier de la croupe; ses pieds sont assez faibles, et il a deux mamelles pecto- rales ; ses poils sont bruns. 11 jouit de la faculté de se rouler en boule complète en renfermant sa tête et ses pieds entre ses boucliers. I] fouille la terre difficilement, On le trouve au Tucuman, dans la république Argentine, et surtout aux environs de Buénos-Ajres. L'ARMADILLE À QUATRE BANDES (Talusia qua- dricinctu, Less. Dasypus quadricinctus, Lin.) n'est connue que par la courte phrase de Lin- né, que voici : quatre rangées d'écailles osseu- ses. Comme le pensait le naturaliste suédois lui-même, ce n’est sans doute qu'une variété de l'espèce précédente. Sa patrie est inconnne. Le Pesa ou AraTocurii (T'alusiu peba, Less. Dasypus peba, DEsm. Dasuypus noremcinctus, octocinctus, et septemcinctus, Lin. Le Talou à neuf bandes de G. Guy. Le Cachichame de Bur. Le Tatou noir, bd’AzarA) a souvent quinze pou- ces de longueur (0,406), non compris la queue, qui est de la même longueur, ronde, et annelée dans toute son étendue; la cuirasse est ordinai- rement composée de neuf bandes, quelquefois de huit ou sept, rarement de six, à comparti- ments rectangulaires; les compartiments des boucliers sont petits et arrondis ; tous sont noi- rätres. Il n'a que quatre doigts aux pieds de de- vant ; ses oreilles sont très-longues, et il a qua- tre mamelles. Il est très-commun à la Guyane, au Paraguay et au Brésil. 11 creuse très-habile- ment son terrier, d'où les chasseurs le retirent à grande peine pour le manger. 388 Le MsouniQua ( T'atusia hybridus, Less. Da- sypus hybridus, Desu. Le T'atouimulct, D'Azana) ne me parait être qu’une variété du précédent ; il en diffère par sa queue arrondie, longue comme la moitié de son corps, et par les bandes de sa cuirasse, au nombre de cinq à sept. Son museau est allongé ; ses oreilles sont grandes, et ses jambes courtes, il a quatre doigts aux pieds de devant. 11 habite les lieux découverts des pampas de Buénos-Ayres, et il est commun au Paraguay. Le Tarouay (Tatusia tatuay, Less. Dasyprs taluay, Desm. Armadilla africanus, SEeva. D«- sypus unicinclus, Lin. Le Kabasson, Burr. Le T'atou à douze bandes, G. Cuv.) devient fort grand ; il a cinq doigts à tous les pieds, et quatre des doigts des pieds de. devant ont des ongles énormes, tranchants à leur bord externe. Sa cuirasse se compose de douze à treize bandes, à écailles rectangulaires, plus longues que lar- ges; la queue est ronde, moins longue que la moitié du corps, à tubercules assez distants ; la tète est un peu bombée, le museau long, et les oreilles grandes. 11 habite Cayenne, le Brésil et le Paraguay. Le Picuiy (T'atusia mânuta, Less. Dasypus minutus, Desn. L'Encoubert, de Fr. Cuv.) a dix pouces (0,271) de longueur, et cinq doigts à tous les pieds; sa cuirasse se compose de six à sept bandes à plaques rectangulaires ; les écailles de sa tête sont lisses, échancrées sur les côtés au- dessus de l'œil ; le bouclier de la croupe est for- tement denté sur son rebord; sa queue est ronde, longue de presque la moitié du corps, couverte de fortes écailles disposées en an- neaux; ses oreilles sont {rès-pelites; ses poils sont bruns. 11 habite les pampas de tout le sud de l'Amérique, depuis Buénos-Ayres jusqu’au détroit de Magellan. L'ARMADILLE VELUE ( T'atusia villosa, Less. Dasyprs villosus, Desx. Le T'atou velir, d'Azara. ressemble beaucoup au tatouay, mais elle est plus petite et plus velue. Sa longueur totale ne dépasse pas dix-sept pouces (0,460). Sa cuirasse se compose de six à sept bandes, à plaques rec- tangulaires ; le bouclier de la croupe à posté- rieurement des écailles aiguës et dentelées ; la queue est un peu plus longue que le tiers du corps, annelée à sa base ; la tête est recouverte d’écailles rudes ; tous les pieds ont cinq doigts; son ventre et ses pattes sont très-velns, à poils bruns et très-longs. Cette armadille habite les pampas de la Plata, et se nourrit souvent de charognes. LES ÉDENTES. 6° Genre. Les CHLAMYPHORES (Chlamu- phorus, HaARLAN\) ont trente-deux dents, savoir: point d’incisives ; point de canines; seize molai- res en haut et scize en bas. Leur corps est cou- vert d’un test osseux formé de nombreuses ban- des mobiles, transverses, depuis la tête jusqu'à la queue, et, par conséquent, ils n’ont pas de bouclier sur les épaules ni sur la croupe, comme les animaux des genres précédents ; leur test est tronqué postérieurement ; leur queue est mince ; ils ont cinq doigts à tous les pieds, ct ceux de devant sont armés d’ongles plus forts que ceux de derrière. Le CnLAmMyPHORE TRONQUE ( Chlamuyg horus truncatus, Harc.) a cinq pouces et quart (0,142) de longueur totale ; les écailles de son test sont rhomboïdales, et s'avancent sur sa tête; sa queue est ferme, appliquée sur son abdomen, et parait avoir peu ou point de mouvement ; le dessous de son corps est garni de poils blancs, soyeux, épais et doux comme chez la taupe. Cet animal se trouve dans les Cordilières du Chili, aux environs de Mendoce. Il se creuse avec beau- coup d’agilité un terrier composé de longues galeries, à la mauière de la taupe, dont il a tou- tes les habitudes. Pendant qu'il allaite ses petits, illes porte sous les rebords de son test écail- leux. ; 7° GexRe. Les ORYCTÉROPES (| Oryctero- pus, Georr.) ont vingt-six dents, savoir : point d’incisives; point de canines ; quatorze molai- res en haut et douze en bas, toutes composées d'une grande quantité de petits cylindres creux. Leur peau est épaisse, niais non écailleuse, et leur corps est couvert de poils ras; ils ont qua- tre doigts aux pieds de devant, cinq à ceux de derrière, munis d'ongles plats etnon tranchants, propres seulement à fouir ; leur langue est un peu extensible ; ils ont la queue et les oreilles longues. L'OnvcTÉRoOPE pu Cap, Où COCHON DE TERRE (Orycteropus capensis, Desu. Myrmecophaga afra, PALL. Myrmecophaga capensis, Gu. Le Cochon de terre, Burr.) a trois pieds et demi (1,157) de longueur, non compris la queue, qui a un pied neuf pouces (0,569). Son corps est épais; ses jambes sont courtes ; ses oreilles ont un peu plus d’un demi-pied (0,162). Son pelage, composé de poils roides comme des soies, est d'un gris roussätre, avec la jambe, l’avant-bras et les pieds noirätres; sa queue est presque blanche. Cet animal a été tellement chassé par les Hollandais du Cap, qu'il est devenu extré- mement rare dans la colonie. Le cochon de terre habite les environs du cap de Bonne-Espérance et vit dans un terrier. Le voyageur hollandais Kolbe, quoiqu'il ait dit beaucoup de choses hasardées, a cependant très-bien connu cet animal. « Il.se creuse un LONGIROSTRES. 389 terrier avec beaucoup de vivacité et de promptitude, dit-il, et s'il a seulement la tête et les pieds de devant dans la terre, il s'y cramponne si bien que l'homme le plus robuste ne saurait l'en arracher. Lorsqu'il à faim, il va chercher une fourmilière. Des qu'il a fait cette bonne trouvaille, il regarde autour de lui pour voir si tout est tranquille et s’il n’y à point de danger : il ne mange jamais sans avoir pris cette précaution. Alors il se couche, et, plaçant son long museau tout près de la fourmilière, il tire la langue tant qu'il peut : les fourmis montent dessus en foule, et dès qu'elle en est bien couverte, il la retire et les gobe toutes. Ce jeu recommence plusieurs fois, et jusqu'à ce qu'il soit rassasié. Afin de lui procurer plus aisément cette nourriture, la nature, toute sage, a fait en sorte que la partie supérieure de cette langue qui doit recevoir les fourmis est toujours couverte et comme enduite d'une matière visqueuse et gluante, qui empèche ces faibles animaux de s’en retourner lorsqu'une fois les pattes y sont empêtrees : c'est là sa manière de manger. Il à la chair de fort bon goût et très-saine (quoique exhalant une forte odeur d'acide formique ). Les Européens et les Hottentots vont souvent à la chasse de ces animaux ; rien n'est plus facile que de les tuer : il ne faut que leur donner un petit coup de bâton sur la tête. » 8e Gewre. Les FOURMILIERS (Mryrmecc- leurs ongles de devant sont forts et tranchants, phaga, Lis.) manquent absolument de dents; et varient en nombre selon les espèces; leurs ils n’ont pas de cuirasse écailleuse; leur museau oreilles sont courtes ; leur langue est très-exten- est long, terminé par une petite bouche; leur sible; leur queue est longue, velue, lâche, quel- mächoire inférieure est presque rudimentaire; quefois nue et prenante. 390 LES ÉDENTÉS. Le Tawanoir. L'OUATERI-OUASSA où TAMANOIR | Myrmecophaga jubata, Lin. —Drsm. Le T'a- mandua-Guacu du Brésil. Le Gnouroumi et le Yoquoin où Fogoui du Paraguay. Le Tamanoir de Burr. et de G. Cuv.). Cet animal, de la grosseur d’un mâtin, a quatre pieds (4,299) de longueur, non compris la queue, qui en atrois (0,975). Son corps est bas sur jambe proportion- nellement à sa longueur; sa tête est fort mince, allongée, et se termine par un long museau presque cylindrique, et par une bouche extrêmement petite, fendue d'environ un pouce. Ses pieds de devant sont munis de quatre doigts, et ceux de derrière de cinq ;ses oreilles et ses yeux sont trés-petits; sa queue est garnie de très-longs poils. Son pelage est brun, avec une ligne oblique, noire, bordée de blanc sur chaque épaule. Ses pieds de devant sont blanchâtres, ceux de derrière noirâtres. En marchant, le tamanoir s'appuie sur une grosse callosité contre laquelle il tient replié le plus grand de ses ongles, et qui sert aussi de point d’appui à cet ongle quand l'animal saisit quelque objet. Cette attitude le force à ne poser le pied que sur le côté, ce qui rend sa marche lente, difficile et fort peu gracieuse. [Il ne se promène guère que la nuit, et il dort tout le jour dans un fourré, couché sur le côté, la tête entre les jambes de devant, rapprochées et croisées avec celles de derrière, et la queue étalée sur lui. Comme il craint beaucoup la lumière, si un accident le contraint à sortir de sa retraite pendant le jour, en marchant il à | LONGIROSTRES. 391 grand soin de relever sa queue sur son dos, et avec son panache il se fait une sorte de parasol qui le garantit des rayons du soleil. Sa vie est solitaire et triste, et jamais il n'habite que les lieux bas et humides, ou même inondés ; quelquefois aussi il pénètre dans les bois pour chercher sa nourriture, mais, malgré la puissance de ses ongles, il ne grimpe jamais sur les arbres. Sa prin- cipale nourriture consiste en fourmis et en termites, mais 1] mange aussi d’au- tres insectes. On sait que les termites sont une sorte de fourmis qui se logent dans des cônes de terre, hauts quelquefois de plusieurs pieds et larges à pro- portion. Ces habitations sont construites avec tant de solidité, qu’on a souvent beaucoup de peine à les entamer avec une pioche ou un pie. Quand le tamanoir a trouvé un de ces cônes, il en fait deux ou trois fois le tour en l’observant mi- nutieusement; puis, lorsqu'il a reconnu l'endroit faible de l'édifice, il y fait un petit trou avec les ongles de ses pieds de devant. Il applique le bout du museau contre cette ouverture, où même quelquefois il l'y'enfonce plus ou moins pro- fondément, jusqu'à ce qu'il ait rencontré la population pressée des termites. Alors il allonge une langue de la grosseur d’un tuyau de plume à écrire, longue de dix-huit pouces (0,487), et enduite dans toute sa longueur d’une salive ex- trèmement visqueuse et gluante ; il la promène dans tous les sens, en la tortil- lant comme un ver de terre, puis, quand elle est couverte de termites qui y restent englués, il la retire tout à coup dans sa bouche et avale tous les in- sectes qui s’y sont pris. Il répète cette manœuvre avec beaucoup de prompti- tude, jusqu'à ce qu'il ait entièrement satisfait sa faim. Il exécute la même manœuvre pour manger les fourmis, après avoir gratté la terre pour ouvrir la fourmilière. Tout dormeur qu'il est, le tamanoir ne laisse pas que d’être plein de courage, et de se défendre avec opiniâtreté quand on l'attaque. Dans ce cas, il se dresse sur ses pieds de derrière, et cherche à s'appuyer le dos contre un rocher ou un tronc d'arbre; il se couvre le corps avec la queue, et abrite son faible museau en l'appliquant contre sa poitrine. Dans cette attitude, il présente constamment à son ennemi ses ongles puissants, avec lesquels il lui fait de profondes bles- sures. On dit qu’il se défend même contre le jaguar, et que si ce dernier a l’im- prudence de l’aborder sans précaution, le tamanoir l’étreint entre ses bras et ne le lâche qu'après l'avoir étouffé ; ceci me paraît au moins douteux. Quoi qu'il en soit, cet animal, le plus grand des fourmiliers, est extrèmement robuste et fort difficile à tuer. S'il n'est pas attaqué, il n’en est point de plus paisible et de moins dangereux. Quand on le rencontre, si on ne l'irrite pas, on peut le chasser devant soi et le conduire ainsi partout où l’on veut ; mais il faut avoir la précaution de ne pas trop le presser pour ne pas le fatiguer, ce qui pourrait l'impatienter. Pris jeune, il s’habitue assez bien à l'esclavage, et vit de pain et de petits morceaux de viande ; il s'attache à son maître jusqu’à un certain point ; mais sa tristesse habituelle s'accroît avec l’âge, et ordinairement il périt d’ennui peu de temps après avoir atteint l’âge adulte. La femelle ne fait qu'un petit, et a pour lui le plus grand attachement; jamais elle ne le quitte, et lorsqu'elle sort de sa retraite pour aller chasser aux termites, elle le porte constamment sur son dos, et passe même des rivières à la nage avec sa précieuse charge. Le tama- noir habite le Brésil, la Guyane, le Paraguay et le Pérou. 392 Le Caïcouaré ou Tamanbua (Myrmecophaga tamandua, G. Cuv.—Desx. Les Myrmecophaga tridactyla et ttradactyla, Lin. Le Tanumdua de Burr.et Cuv. Le Petit Ours fourmilier des Es- pagnols ) est de moitié moins grand que le pré- cédent, dont il a la forme des pieds ; sa queue est presque ronde, velue à sa base et nue à son extrémité ; sa tête est cylindrique et allongée ; son pelage est ordinairement d'un gris sale, ayant souvent une bande oblique d'une autre couleur sur chaque épaule. Il en existe plusieurs variétés, l’une ayant un cercle noir autour des yeux, d’autres à pelage fauve et bande noire, à pelage fauve ayant la bande, la croupe et le ven- tre noirs, enfin d’entièrementnoirâtres qui sont, je crois, le Myrmecophaga nigra de Geoffroy. Il habite la Guyane et le Bresil, et a les mêmes mœurs que le précédent, à cela près qu’il monte sur Jes arbres, dans le tronc desquels il niche Il exhale une forte odeur de muse, qui devient très-désagréable et se sent de fort loin quand il est irrité. Il a la queue prenante et s’en sert souvent pour se suspendre aux branches d'’ar- bres. 11 parait qu’il attaque, outre les fourmis, les abeilles sauvages, et qu’elles ne le piquent pas. Le FOURMILIER ANNELE (Myrmecophaga annu- lata, Desx.) ressemble au précédent, mais son museau est plus gros, en forme de groin ; son pelage est d'un brun uniforme; sa queue est ronde , velue, annelée de fauve et de brun. II habite le Brésil. Le FOURMILIER À DEUX DOIGTS (Myrmecophaga didactyla, Lin. Myrmecophaga unicolor, var. Les pangolins se creusent un terrier LES ÉDENTÉS. Georre. Le Pelit Fourmilier, Burr. L'Oualiri ouassou, à la Guyane ) est de la taille d’un sur- mulot ; son pelage est laineux, fauve, avec une ligne rousse le long du dos, manquant dans la variété unicolore; sa queue est prenante, nue au bout; il a aux pieds de devant deux ongles seulement, dont un fort long, et quatre à ceux de derrière. 11 habite la Guyane et le Brésil, sur les arbres où il se suspend par la queue. à la manière des sapajous. FF a les mêmes mœurs que les précédents, mais il niche dans les troncs d'arbres, où la femelle met bas un seul petit, sur un lit de feuilles sèches. 9° Genre. Les PANGOLINS (Manis, Lin.) n’ont point de dents ; leur langue est très-exten- sible ; leur corps et leur queue sont couverts d’écailles triangulaires, tranchantes , se recou- vrant les unes les autres comme les tuiles d’un toit, ce qui les distingue suffisamment des four- miliers ; ils ont cinq doigts à tous les pieds, et ils peuvent se rouler plus ou moins en boule. L’ALunGu ou PANGOLIN DE L'INDE (Manis pen- tadactyla, Lin. Manis macroura, Des. Manis brachyura, Eexz. Manis crassicaudala, GEOFr. T'atu mustelinus, KLEIN. Le Pangolin, de Bure. Le Pangolin à queue courte, de G. Cuv.) est long de trois ou quatre pieds (0,975 à 1,299); sa tête est pelite; son museau allongé et étroit; son corps assez gros ; la queue est plus courte que le corps ; les écailles de son dos sont blondes et forment onze ou treize rangées longitudinales ; le dedans des membres et le ventre sont nus ; quelques soies très-longues sortent d’entre les écailles. Il habite les Indes orientales. au moyen de leurs ongles robustes, et ils n'en sortent que la nuit pour aller chercher leur nourriture, consistant, comme celle des animaux précédents, en termites, en fourmis et autres insectes. On prétend aussi qu'ils mangent des mollusques et même des petits lézards, mais ce fait me paraît mériter confirmation. Munie d’une langue très-longue, extensible, enduite d'une humeur visqueuse, ils s’en servent absolument comme les fourmiliers, pour ramasser les fourmis et les termites dans leurs habitations. Les pangolins sont des animaux paresseux, lents, et se bornant à pousser un petit cri très-faible lorsqu'ils sont effrayés. Mais la nature leur a donné, dans les écailles qui les couvrent, une arme défensive, qui les sauve des animaux de proie, si ce n'est de l'homme, le plus cruel de tous. A la première apparence de danger, ils se roulent en boule ; « leurs écailles, dit Buffon, sont mobiles comme les piquants du pore-épic, et elles se relèvent ou se rabaissent à la vo- lonté de l'animal ; elles se hérissent lorsqu'il est irrité, elles se hérissent encore plus lorsqu'il se met en boule comme le hérisson ; ces écailles sont grosses, si dures et si poignantes, qu'elles rebutent tous les animaux de proie; c’est une cuirasse offensive qui blesse autant qu'elle résiste ; les plus cruels et les plus alfamés, tels que le tigre, la panthère, etc., ne font que de vains efforts pour LONGIROSTRES. 393 dévorer ces animaux armes; ils les foulent, ils les roulent, mais en mème temps ils se font des blessures douloureuses dès qu'ils veulent les saisir ; ils ne peuvent ni les violenter, ni les écraser, ni les étouffer en les surchargeant de leur poids. » Ceci n’empèche pas les Indiens et les Nègres de les assommer à coups de bâton pour les manger, et ils trouvent excellente leur chair blanche et deli- cate. Ces animaux, du reste, sont fort doux, tout à fait inoffensifs, mais sans intelligence. « Ce sont, dit Buffon, des espèces dont la forme bizarre ne parait exister que pour faire la première nuance de la figure des quadrupèdes à celle des reptiles. » En effet, au premier coup d'œil, on les prendrait plutôt pour des lézards que pour des mammiféres. Le Quococo (Manis africana, Des. Manis letradactyla, Lin. Manis longicaudata, GEOFr. ® Manis macroura, Erxe. Le Pangolin à longue queue, G. Cuv. Le Phatagin, Burr.) a un pied (0,325) de longueur, non compris la queue qui est plus longue que le corps, et qui a dix-neuf pouces (0,514); elle est aplatie. La tète est petite ; ses écailles dorsales forment onze ran- gées longitudinales, et celles des côtes sont ca- rénées ; le dedans des membres et le ventre sont revêtus de soies brunes. Il se trouve en Afrique, principalement en Guinée et au Sé- négal. Tout ce que nous avons dit du précé- dent s'applique à celui-ci. Le PaxGuLLING où Touix CHiAN-K1apP (Manis javanica, Desu.) a un pied quatre pouces (0,545) de longueur, non compris la queue, qui est dé- primée, el qui a treize pouces (0,552) ; ses écail- lessont brunes, plus claires sur lesbords, minces, striées, et forment dix-sept rangées sur son dos; le dessous de la tête, le ventre et les pattes man- quent de poils. Cette espèce habite Java et la Chine. On ne connait pas bien ses mœurs ; il est à croire qu'elles sont comme dans les précédents. »0 394 LES EDENTÉS. SERRE D. L'Ornithorynque. LES MONOTRÈMES. Placés par Temminek, el avent lui par La- treille, à la fiu de la classe des mammiféres , y eussent aussi été placés par moi, si, comme je l'ai dit dans l'introduction, je ne m'étais fait une loi de suivre strictement la classification de Cuvier. Ils manquent de dents; ils ont, comme les oiseaux, un os de la fourchette, el un c'oaque commun ; comme chez les marsu- piaux on leur trouve sur le pubis des os surnu- moeraires, mais ils n'ont pas de poche. Tous leurs pieds ont cinq doigts. 10e Genre. Les ORNIFHORHYNQUES (Or- nithorhnchus,BLUMENS.) manquent de dents vé- ritables, mais ils ont à chaque maxillaires deux tubercules fibreux, aplatis, quadrilatère à leur couronne, n'ayant ni ém'il, ni substance 0s- seuse, et qui ont été comparés à des dents ; leur museau consiste en un véritable bec ana- logue à celui des canards, corné, élargi, dé- primé, dentelé sur les bords, portant les narines à sa base supérieure; les pieds sont palmés, ceux de derrière portent un ergot analogue à celui des oiseaux. On a débité beaucoup de contes sur ces singuliers animaux. Le MOUFLENGONG OÙ ORNITHORHYNQUE PARADOXAL (Ornithorhynchus para- doxus, Bruuexs. Les Ornithorhynchus fuscus et rufus. de Perron. et Lrsurur. Planypus anatinus, Saaw. Le Water-mole des habitants de Sydney ). Cet animal est certainement l'être le plus singulier qui existe dans la nature, el il semble avoir été créé exprès pour embarrasser les naturalistes. Sa tête est ce qu'il a de plus extraordinaire, au premier coup d'œil; elle est postérieure- ment recouverte d'un poil court et lisse; la petitesse des yeux et le manque d'oreilles, ainsi que la forme générale du crâne, lui donnent un peu l'apparence de celle d'une taupe : mais ce crâne se prolonge antérieurement en un véritable bec, muni de membranes cornées, courtes et presque flottantes à sa base. Dans INTERIEUR DES GALERIES D HISTOIRE NATURELLE. (dardin des Plantes.) RTE NES me” MONOTRÈMES. 395 ce bec se trouve deux langues soudées : une longue, extensible, hérissée de poils courts et serrés ; une courte, épaisse, portant en avant deux petites pointes charnues. L'animal est à peu près de la grosseur d'un lapin de garenne; son corps est allongé, presque cylindrique ainsi que celui d’un phoque, couvert de poils roussâtres, menus et lisses, terminé par une queue courte, mais aplatie comme celle d'un castor, et lui servant également de gouvernail quand il nage ; ses jambes sont très-courtes ; les pieds de celles de devant sont munis d'une membrane qui, non-seulement réunit les doigts, mais dépasse de beaucoup les ongles, et il résulte de cette bizarrerie sans exemple que les doigts semblent comme perdus dans une sorte de nageoire. Dans les pieds de derrière la mem- brane se termine à la racine des ongles ; mais ils ont une autre singularité non moins remarquable : ils sont armés, comme les pattes d'un coq, d'un ergot particulier, long, pointu, posé sur une glande et non porté par un os, ce qui le rend légèrement mobile quand il appuie sur un corps étranger. Cet erget est percé, dans sa longueur, d'un canal par où s'échappe une liqueur onctueuse, que les naturalistes ont dit venimeuse, quoiqu'il n’en soit rien. La femelle manque d’ergot, mais elle à à la place un petit trou, ou plutôt une fente longue au plus d’une ligne (2 millim.), épanchant la même liqueur quand la glande est comprimée. Enfin, l'anatomie de l'animal offre des faits si étranges, qu'on y retrouve des caractères appartenant aux oiseaux, aux reptiles et aux mamuni- fères de plusieurs ordres. L'ornithorhynque a soulevé plusieurs polémiques toutes plus curieuses les unes que les autres, et c'est le scalpel à la main que les naturalistes ont fait et sou- tenu les romans les plus bizarres, faute de connaître les mœurs de l'animal, ses habitudes, dont ils traitent si dédaigneusement l'étude de roman. Citons quel- ques-unes de leurs opinions vraiment fantastiques. En 1827, les Annales des sciences naturelles inséraient un article anonyme, traduit de Anthologie de Florence, dont voici quelques échantillons : « L'ornithorhynque habite les ma- rais de la Nouvelle-Hollande : il fait, parmi des touffes de roseaux, sur le bord des eaux, un nid qu'il compose de bourre et de racines entrelacées, et y dépose deux œufs blancs, plus petits que ceux des poules ordinaires ; 11 les couve long- temps, les fait éclore comme les oiseaux, et ne les abandonne que s'il est menacé par quelque ennemi redoutable. Il paraît que pendant tout ce temps il ne mange ni semence ni herbe, et qu'il se contente de vase prise à sa portée, ce qui suffit pour le nourrir. Il plonge, etc., et n'emploie ordinairement qu'une marine pour respirer l'air. Le mäle, le seul qui soit armé d’un éperon à la jambe de derrière, emploie cette arme contre ses agresseurs. La blessure qu'il fait produit une in- flammation et une trés-vive douleur, mais il n'y à pas d'exemple qu'elle aït oc- casionné la mort. » Et qu'on ne croie pas que ceci est un conte, un puff de journaliste, comme disent les Américains. Des hommes du premier mérite, des naturalistes les plus distingués ont voulu prouver, le scalpel à la main, que l'ornithorhynque fait des œufs, et ils se sont tellement complu dans cette opi- nion, que plusieurs ont nié à Meckel que la femelle ait deux mamelles, lors même qu'ils les voyaient. Examinons donc maintenant si tout ce merveilleux se soutiendra devant les observations des voyageurs, et racontons l'histoire de cet animal tel que la racontent ceux qui l'ont étudié dans la Nouvelle-Hollande. 396 LES ÉDENTES. Le mouflengong est un animal nocturne, qui fuit la clarté du soleil parce qu'elle l’incommode, et qui ne sort que le soir et le matin, pendant le crépus- cule, pour aller nager sur le bord des marais et des rivières. Il habite des ter- riers qu'il creuse sur les dunes, le plus près de l’eau possible, et qui ont la pro- fondeur et la largeur d’un terrier de lapin. Il ne fait pas de nid au milieu des roseaux, mais au fond de son trou; il n'y pond pas deux œufs gros comme ceux d'une poule, car son bassin très-étroit ne permettrait pas le passage à un œuf même beaucoup plus petit, mais il y met bas trois ou, rarement, quatre petits, qui sont presque nus en naissant, et qui n'ont pas alors plus d’un pouce et demi 0,041) de longueur, quoique, à l'âge adulte, ils atteignent vingt pouces (0,542); c'est-à-dire qu'au moment de leur naissance, leur taille, comparée à celle de leurs parents, est à peu près la même proportionnellement que dans les autres animaux. La femelle allaite ses petits, et voilà ce qui à embarrassé les natura- listes, car, comment avec un bec cornée, disent-ils, les petits peuvent-ils teter ? Mais la nature v a pourvu. La femelle à bien réellement des mamelles sur le ventre, mais elles manquent de mamelon, et les canaux excréteurs du lait vien- nent au contraire aboutir à une petite fossette enfoncée. Le jeune ornithorhynque saisit avec un côté de son bec une grande partie de la mamelle, la presse, et le lait est ramassé avec sa langue double à mesure qu'il sort, sans qu'il y ait même besoin de succion. Les ornithorhynques ne vivent ni de semences, ni d'herbe, et encore moins de vase, mais de vers et d'insectes aquatiques. Sans cesse ils na- gent sur les bords vaseux des marais, et ils barbotent dans la boue et dans les herbes, absolument à la manière des canards. [ls nagent parfaitement bien, avec beaucoup de vitesse, et plongent à une assez grande profondeur pour ra- masser les insectes du fond de l'eau; puis ils viennent respirer à la surface non pas avec une seule narine, mais avec les deux, qui sont placées fort près l'une de l’autre, et au premier quart de longueur de la mandibule supérieure du bec, près de sa base. Quant à l’ergot du mâle, ce n’est point une arme, comme l'ont dit quelques personnes, encore moins un organe pour maintenir sa femelle pen- dant l’accouplement, qui se fait de la même manière que chez les autres mam- miferes ; c'est tout simplement un organe sécréteur analogue aux glandes que les oiseaux, et surtout les oiseaux aquatiques, ont sur le croupion. L'animal, avant d'entrer dans l’eau et après en être sorti, se passe à plusieurs reprises les pattes de derrière sur le corps, se lisse le poil, et répand dessus la liqueur onc- tueuse qui, chez le mâle, est sécrété par l’ergot, et chez la femelle par la petite ouverture qui le remplace. Cette liqueur a la propriété, toujours comme chez les oiseaux, de rendre le pelage imperméable à l'eau. Du reste, ces animaux sont tout à fait inoffensifs, et ne cherchent pas plus à piquer qu'à mordre, quoi qu'on en ait dit. Sur la terre, la brièveté de leurs membres les force à ramper, et cependant leur marehe est assez vive; aussitôt qu'ils se croient en danger, ils se jettent à l’eau, dont ils ne s’éloignent guère, ou s’enfoncent dans leur terrier s'ils en sont à proximité. Leurs habitudes ont beaucoup d’analogie avec celles de nos rats d’eau. M. Bennet, qui habitait Sydney en 1852 et 1855, conserva pendant assez longtemps un ornithorhynque dans un tonneau où il avait mis de l'herbe et de la vase. I le nourrissait avec du pain trempé dans l'eau, mélangé avec des œufs MONOTRÈMES. 397 cuits à dur et de la viande hachée. Il était fort doux et montrait quelque intelli- gence ; par exemple, comme on le conduisait quelquefois à l’eau en le tenant en laisse au moyen d'un ruban qu'on lui attachait à la jambe, il apprit trés-vite à connaître le chemin qui menait à la rivière, et marchait devant ceux qui l'y con- duisaient. On remarqua qu'il plongeait souvent, qu'il nageait toujours en re- montant le courant, qu'il cherchait de préférence les endroits herbeux pour barboter, ete. De temps à autre il sortait de l’eau, venait se coucher sur l'herbe du rivage, et s'occupait avec beaucoup d'action à se lisser les poils avec les pieds de derrière, jusqu'à ce qu'ils devinssent lustrés et brillants. M. Bennet fit beau- coup de recherches pour savoir si ces animaux faisaient des œufs ou des petits ; il fit ouvrir un grand nombre de leurs terriers, et enfin, dans l'un d'eux, il trouva une femelle avec trois petits qui venaient de naître, mais jamais le moin- dre fragment d'œuf ni de coquille. Les petits étaient fort bien portants, et la mère fort maigre ; il lui pressa les mamelles et 1] en sortit du lait, mais en fort petite quantité. En captivité, la mère dormait tout le jour à côté de ses petits, et la nuit elle s’occupait constamment à chercher les moyens de se sauver; elle : graltait contre les murailles et parvenait à y faire des trous. Elle mourut de chagrin après une quinzaine de jours. Les petits, que l’on nourrissait comme je l'ai dit plus haut, vécurent. Ils étaient fort gais, fort lestes, et jouaient comme de petits chiens avec assez de grâce. L'un d'eux, au moyen de ses ongles, grimpa en assez peu de temps jusqu'au haut d'une bibliothèque. [ls étaient fort capri- cieux, et changeaient souvent de place sans aucune raison appréciable; ils dor- maient la plus grande partie de leur temps, et pour cela ils se retiraient dans les endroits les plus obscurs de l'appartement. Autrefois l'ornithorhynque était très-commun dans la rivière Népéan et au pied des montagnes Bleues; aujourd'hui on ne le trouve plus guère qu'à New- Castle, à Fish-River près Bathurst, et dans le Macquarie et le Campbell. On à cru qu'il y en avait plusieurs espèces, parce qu'il varie beaucoup de taille et de couleur ; mais il paraît, au moins jusqu'à ce Jour, que ces prétendues espèces ne sont que des variétés de l'ornithorhynque paradoxal. Les auteurs qui se sont le plus occupés de l'anatomie de ces animaux si extraordinaires sont : Meckel, Blumenbach, Everard-Home, Vander-Hoeven, Rudolphi, Knox, Patrick-Hill, de Blainville, George et Frédéric Cuvier, Geoffroy Saint-Hilaire, Isidore Geof- froy Saint-Hilaire, etc. lle Genre. Les ÉCHIDNÉS (Echidna, G. Cuv.) n'ont pas de dents, mais leur palais est garni de plusieurs rangées de petites épines di- rigées en arriere; leur museau est {rès-mince, très-allongé, et se termine par une fort petite bouche; leur langue est très-extensible; leur corps est ramassé, recouvert de piquants très- forts ; leurs pieds sont courts et ont chacun cinq ongles très-longs et tres-robustes ; le mäle à aux pieds de derriere un ergot comme celui de l’or- nithorhynque ; leur queue est très-courte. L'HroGe-Hoc où ECHipne epiveux ( Echidna hisbric, Cuv, Echidna australiensis, Less. Ornithorhynchus histrix, Home. T'achyglossus histrix, IL. Myrmecophaga aculeata, Suaw,) est à peu pres de la grosseur d’un hérisson, ef a la faculté de se rouler en boule comme lui ; tout son corps est couvert en dessus de fortes épines coniques, d'un pouce à un pouce et demi (0,027 à 0,041) de longueur, noires à la pointe et blanchäâtres sur leur longueur, entourées à leur base de petits poils roux ; des poils courts et roides couvrent aussi la tête et le dessous du corps.Cet animal, dont l'organisation est aussi ex- traordinaire que celle de l'ornithorhynque, avec lequel il a beaucoup d'analogie, habite les envi- rons du port Jakson, dans la Nouvelle-Hollande. 11 vit dans des terriers, et se nourrit d'insectes 398 LES ÉDENTÉS. et de fourmis qu'il saisit avec sa langue extensi- ble à la manière des pangulins. Il paraît qu'il craint beaucoup la sécheresse, et qu'il ne sort de son trou que pendant les pluies; peut-être y reste-t-il dans un état de léthargie, car on l’a vu, dans l'esclavage, avoir de fréquents engour- dissements qui duraient jusqu’à quatre jours de suite. Du reste, il supporte longtemps une absti- nence forcée, ce qui rendrait probable son som- meil léthargique pendant toute la saison sèche. L'Écuipné soveux (Echidna setosa, G. Cuv. Alter ornithorhynchus hisbrix, Hone) ne serait, selon M. Lesson, qu'une variété du précédent, et je serais assez porté à partager cette opinion. Cependant, il est un peu plus grand, ses ongles sont un peu moins longs, plus arqués et plus pointus ; tout le corps est couvert de poils longs, doux et soyeux, d'un brun marron, enveloppant les épines dans leur presque totalité ; la tête est couverte de poils jusqu'aux yeux; le museau est noir et nu. 1] habite la terre de Van-Diemen et le détroit de Bass. "4 QI ST ut OX ET TT] QUEUE £ [ (Il MAT EEE ROTONDE DE L'ELÉEPHANT { Jardin des Plantes = AN gREN BESTLELOIR ) VA LES PACHYDERMES, DIXIÈME ORDRE > DES MAMMIFÈRES. L'Eléphant femelle de l'Inde. A l'exception du daman, tous les animaux de cet ordre n’ont pas d’ongle, mais une sorte de sabot de corne qui leur enveloppe toute l’extré- mité des doigts ; ils ont quelquefois les trois sor- tes de dents, d’autres fois deux seulement; leur estomac est simple, divisé en plusieurs poches, et ils ne ruminent pas; le nombre de leurs doigts varie de un à cinq. ["* Division. Pieds à cinq doigts que l’on ne distingue que par les ongles : une trompe ct des defenses. 1" Gexee. Les ÉLÉPHANTS | Elcphas, Lan.) sont assez reconnaissables par leur faille gigantes- que, leur nez prolongé en une énorme trompe, à leurs défenses longues et arquées, naissant à la mächoire inférieure. Is-ont six ou dix dents, savoir : deux défenses ; pas de canines, deux ou quatre molaires en haut et autant en bas selon l’époque où on les examine. L'Ecépnanr Des INpes (Elephas maximus, Lan. Elephas indicus, G. Cuv. L'Elephant, Burre.) C'est le plus grand des mammifères ter- restres qui vivent aujourd’hui sur le globe ; sa hauteur est communément de-huit à neuf pieds (2,599 à 2 924), et quelquefois davantage ; il dif- fere de l'éléphant d’Afrique par ses oreilles et ses défenses plus petites, par son front concave, et par ses pieds de derrière qui ont quatre sabots au lieu de {rois; sa peau est aussi un peu moins brune. Quelquefois on en trouve des individus albinos, entièrement blancs, et pour lesquels les Indiens ont beaucoup de vénération. L'histoire de l'éléphant est tellement connue de tout le monde, on en a telle- ment berce notre enfance, qu'il serait fastidieux ici de répéter ce que chacun en a entendu dire mille fois dans sa vie. Cependant nous rapporterons les faits généraux, avec quelques observations moins connues du publie. On a dit que l'éléphant était le plus intelligent des animaux, et en ceci on s’est trompé. Il s’en faut de beaucoup que son intelligence approche de celle du chien, et même de celle de plusieurs autres carnassiers, et telle était aussi l'opinion de G. Cu- 100 LES PACHYDERMES. vier, Cet animal, d'un aspect imposant et même effrayant par son énorme taille, est néanmoins d'un caractère assez doux et d'une grande docilité ; ce sont ces qualités que l'on à prises pour de l'intelligence, et cependant elles ne résultent peut-être que de sa poltronnerie. Il est certain que le courage de l'éléphant n'est nullement en rapport avec sa force prodigieuse, et ne peut se comparer à celui du cheval. Je n’en citerai qu'une preuve, c'est que jamais on n’a pu l'ac- coutumer à entendre la détonation d’une arme à feu sans prendre la fuite, et que depuis qu'on se sert de ces armes dans les batailles, on à été obligé de re- noncer à l'employer, si ce n’est pour porter les bagages. Celui de l'Inde n'atta- que jamais les hommes ni les animaux, mais s’il en est attaqué il se défend avec la fureur du désespoir, et alors il devient terrible, tant que durent sa peur et sa colère. Une fois pris et apaisé par quelques bons traitements, il devient doux et soumis, et il ne faut que quelques jours pour l'habituer à la servitude et à une obéissance passive. On à dit aussi que l'éléphant était plein de décence, qu'il ne s’accouplait pas en esclavage par pudeur, et que, pour cela, il n'avait jamais produit en captivité. Il y a là dedans autant d'erreurs que de mots. Cet animal ne connaît pas plus la pudeur que les autres animaux, et on en à vu la preuve à la ménagerie de Paris; il s'accouple et produit à l'état de domesticite, et cela est prouvé depuis l'antiquité, quoique Buffon ait assuré le contraire. Elien et Columelle affirment que les éléphants se reproduisaient à Rome de leur temps, et que ceux qui parurent dans les jeux de Germanicus, sous Tibère, étaient nés dans cette ancienne capitale du monde. Ce qui confirme parfaitement ce fait, c'est que M. Corse, qui dirigea longtemps dans l'Inde les éléphants de la Com- pagnie anglaise, à reussi récemment à les faire produire. Enfin, une erreur populaire est que ces animaux ne peuvent pas se coucher, qu'ils dorment con- stamment debout, et que s'ils sont tombés ils ne peuvent plus se relever. Le vrai est qu'ils s'agenouillent, se couchent et se relèvent quand ils le veulent, mais que l'on trouve chez eux, comme chez les chevaux, des individus qui dor- ment debout, et par conséquent ne se couchent que très-rarement où même Jamais. On sait avec quelle adresse ils se servent de leur trompe, qui chez eux rem- place la main des singes. Elle leur est indispensable en ce que, ne pouvant baisser leur énorme tête jusqu'à terre, c'est avec elle qu'ils cueillent et por- tent à leur bouche les herbes et le feuillage dont ils se nourrissent. Dès la plus haute antiquité on les a soumis à la domesticité; on les a dressés à faire le service des bêtes de somme et de trait, et on les employait très-utilement à la guerre. On leur plaçait sur le dos une sorte de petite tour en bois, dans laquelle se postaient des archers et des arbalétriers, qui, hors d'atteinte, incommodaient beaucoup l'ennemi. Depuis l'invention des armes à feu, on ne s’en sert plus que comme bêtes de luxe ou de transport, et au lieu de porter de farouches soldats, ils ne sont plus montés aujourd’hui que par des rajas efféminés et leurs femmes. C'est un très-grand sujet de gloire pour un prince asiatique que d’avoir un grand nombre d'éléphants dans ses écuries, et il se croit au faîte de la grandeur quand il peut en posséder un ou deux blancs. Chaque eléphant est confié aux soins d'un homme que les Indiens nomment mahoud, et que nous appelons cor- nac. Pour le conduire, il se met assis ou à cheval sur son cou, et il dirige sa PACHYDERMES. 401 marche en lui tirant légerement l'oreille du côté où il veut le conduire, au moyen d'un bâton dont le bout est armé d’un petit crochet de fer. Les princes indiens se servent souvent de ces animaux pour faire la chasse au tigre sans beaucoup de danger, car si la bête féroce fait mine de se lancer sur les chasseurs, l’élé- phant la saisit aussitôt avec sa puissante trompe, la jette loin de là, ou la perce de ses défenses et la foule avec ses pieds : du moins on le dit. A l’état sauvage, les éléphants vivent en grandes troupes et n’habitent que les forêts les plus solitaires des contrées chaudes de l'Asie et des grandes îles de l'archipel indien. Lorsqu'ils se croient menacés de quelque danger, on dit que les vieux mâles marchent à la tête du troupeau, et les femelles à la suite avec leurs petits. Du reste, lorsqu'ils sont attaqués, ils se défendent avec leur trompe, etavec leurs défenses, quand ils en ont, car, dans l’espèce de l'Inde, les femelles en ont rarement de saillantes hors des lèvres, et celles dés mâles sont toujours trés-courtes. Ces animaux ont une vie très-longue, mais dont la durée a été beau- coup exagérée. Ce sont leurs défenses, particulièrement celles de l'espèce d’A- frique, qui fournissent l’ivoire du commerce. L'Écépuant D'ArRiQue (Elephas africanus. Cuv. Le Naghe des Abyssins; Le Manzao ou Munzo du Congo) est un peu moins grand que le précédent. Il a la tête ronde, le front con- vexe, les oreilles très-grandes, ainsi que les dé- fenses dont la femelle est aussi bien armée que le mäle ; il n'a que trois doigts aux pieds de der- rière, au lieu de quatre. Il habite toute l’Afrique méridionale, depuis le Sénégal jusqu'au Cap. Quoique plus farouche et plus courageux que l'éléphant de l'Inde, il n’en avait pas moins été soumis à la domesticité par les Carthaginois. Aujourd'hui on ne le trouve plus en servitude que dans les ménageries. On connait, sous les noms de mammouth et de mastodontes, plusieurs espèces d'éléphants antédiluviens dont nous ne nous occuperons pas ici, parce que leur histoire appartient à celle des animaux fossiles, et ne doit pas entrer dans le cadre de cet ouvrage. IL° Division. Trois sortes de dents dans le plus grand nombre, deux au moins dans les an- tres; pieds terminés par quatre doigts au plus, et par deux au moins. 2e Genre. Les TAPIRS ( T'apirus, Buiss.) ont quarante-deux dents, savoir : six incisives en haut et six en bas; deux canines supérieures et deux inférieures; quatorze molaires à la mà- choire supérieure, et douze à l’inférieure, pré- sentant à leur couronne avant d’être usées, deux collines transverses et rectilignes ; leur nez con- siste en une petite trompe mobile, sans doigts au bout; leur cou est assez long, arqué; ils ont deux mamelles inguinales ; leurs pieds de devant ont quatre doigts et ceux de derriere trois. D 102 LES PACHYDERMES. WU ot U Le Tapir d'Amérique, Le MAÏPOURI OU TAPIR D'AMÉRIQUE (Tapir americanus, Lin. L’Anta ou Tapir de Burr. Le T'apürète de Marcc. Le Mbourica ou le Mborcbi n’Azara. Le Tapi- hire-élé, le Tapiroussou, et le Manipouri des Indiens. L’Anta, le Danta et le Vagra des Espagnols ). Cet animal surpasse quelquefois la taille d’un âne ordinaire, mais il est moins haut sur jambes, plus trapu, et son corps est arqué comme celui d’un cochon ; son cou est gros, charnu, formant comme une sorte de crête sur la nuque, et portant une courte crinière dans le mâle ; son corps est épais, presque nu, et le peu de poil qui le couvre est, comme sa peau, d’un brun foncé ; sa tête est grosse, longue, et, ce qui lui donne une figure très-bizarre, il a une trompe charnue, mobile dans tous les sens, dont il se sert avec beaucoup de dextérité pour ar- racher de la vase les racines des plantes aquatiques. Sa queue est courte, en forme de troncon. Le maïpouri est un animal triste, extrêmement timide, qui n'ose sortir de sa retraite que la nuit, pour aller se plonger dans les eaux des lacs, des marais et des rivières dont il habite les bords. Il n’est aucunement carnassier, vit de plan- tes et de racines, et ne se sert de ses dents, ni contre les hommes ni contre les animaux. Sa douceur, ou si l’on aime mieux, sa poltronnerie lui fait éviter tout combat, et lorsqu'il est attaqué, il ne sait que fuir ou mourir. Cependant, quand il est dans l’eau, il semble que son habileté en natation lui donne quelque vel- léité de courage, car on en a vu, dit-on, avant de succomber, se lancer contre les canots d'où partaient les coups dont on les frappait; mais ce n’est jamais que péduits à la dernière extrémité, que le désespoir de la peur les détermine LE TAPIR PAYSAGE DU BRESIL. (Jardin des Plantes ) PACIYDERMES. 103 à un semblant de defense. Le tapir a quelque analogie avec le sanglier dans ses habitudes. Comme lui il aime à se vautrer dans la fange des marais, mais avec cette différence qu'avant de rentrer dans son fort, il a le soin de se laver dans l'eau claire, jusqu’à ce qu'il ne lui reste aucune ordure sur le corps; comme lui il se nourrit de racines, de fruits, d'herbe et de graines, mais jamais de chair ; comme lui, il ne se détourne pas de son chemin quand il fuit, et renverse bru- talement tout ce qui se trouve sur son passage, hommes et animaux ; mais il ne cherche jamais à les blesser avec les dents. Pris jeune, on l'élève et l'apprivoise avec la plus grande facilité ; il s'impatronise dans la maison, va furetant par- tout, brise, par maladresse, toutes les choses fragiles qui sont à sa portée, et se rend fort incommode à force de familiarité. Autrefois ces animaux étaient très-communs dans les forêts solitaires et les savanes de toute l'Amérique méridionale, et ils y vivaient en troupe plus ou moins nombreuse. Mais depuis qu'on s’est servi d'armes à feu pour les chasser, le nombre en est beaucoup diminué, quoiqu'ils ne soient pas encore très-rares, et le plus ordinairement ils vivent solitaires et isolés. Chaque soir ils quittent leur forêt pour gagner la rivière où ils ont coutume de se baigner, et ils ren- trent au bois chaque matin, en passant exactement par le même endroit, de manière qu'ils finissent par se tracer, dans les broussailles, des sentiers aussi battus qu’une grande route. Cette singularité les trahit, et les Indiens vont se poster sur ce passage pour les tuer à coups de fusil, ou bien ils creusent des fosses qu'ils recouvrent de gazon, et ces animaux manquent rarement d'y tom- ber. On chasse aussi le tapir avec des chiens, et aussitôt qu'il est relancé dans son fourré, il se prend à courir de toutes ses forces, en baissant la tête et la mettant presque entre ses jambes de devant, ce qui lui donne fort mauvaise grâce. Il tâche de gagner l’eau le plus promptement possible, s’y jette, plonge et disparaît aussitôt, et nage sous les ondes avec une telle rapidité, que ce n’est quelquefois qu'à deux ou trois cents pas qu'il reparaît pour respirer et plonger de nouveau. La femelle ne fait qu'un petit, qui, en naissant et pendant les pre- miers mois de sa vie, porte une jolie livrée semblable à celle des faons. La mère lui est fort attachée tant qu'il porte cette livrée ; mais aussitôt qu’elle commence à s’effacer, c’est-à-dire quand il est assez fort pour pouvoir se passer de ses soins, elle l'abandonne et ne le reconnaît plus. La chair du maïpouri est dure, coriace, peu agréable, cependant les sauvages la mangent. Mais ce qu'ils esti- ment le plus dans cet animal, c'est sa peau qui est épaisse et si dure quand elle est sèche, qu'ils en font des boucliers que les flèches ne peuvent pas percer. Le Maïsa (T'apirus indicus, Fr. Cuv. T'api- nuque ronde; son pelage épais, d’un brun noi- rus malaganus, Rarrc. Le Tennu des Malais. rätre, une place nue sur les fesses, et une raie Le Gindol ou Babi-alu des habitants de Suma- {ra) diffère du précédent par son pelage court et ras, d’un blanc sale, avec la tête, le cou, les épaules, les jambes et la queue d’un noir foncé ; le mâle n’a pas de crinière sur le cou. Il est commun à Sumatra et dans la presqu'île de Ma- laka. Le Pixcaique (Tapirus pinchaque, RouLIN) différe du maïpouri par son occiput aplati, sa blanche à l’angle de la bouche. On le trouve dans l'Amérique méridionale, mais il n’habite que le sommet des montagnes, et jamais la plaine. 5e Genre. Les RHINOCÉROS ( Rhinoceros, Lin.) ont trente-deux dents : deux incisives en haut et en bas, ou nulles ; point de canines ; quatorze molaires à la mâchoire supérieure et autant à l'inféricure ; ils ont trois doigts à cha- 404 que pied; leur peau est très-épaisse, nue et rugueuse ; ils ont une ou deux cornes fibreuses sur le nez, et deux mamelles inguinales. Le Ruinocéros pes INDEs ( Rhinoceros indi- cus, G. Guy. Rhinoceros unicornis, Lis. Rhino- ceros unicornu, Bonb. Le Rhinocéros, Burr. L’Abada des Indiens) a neuf ou dix pieds (2,924 ou 5,249) de longueur, et cinq à six de hauteur (1,624 à 1,949), et quelquefois davantage. Après l'éléphant, c’est le plus puissant des mammi- fères terrestres. Ses formes sont massives ; sa tète est raccourcie et triangulaire, portant une LES PACHYDERMES. seule corne sur le nez ; il a deux fortes inci- sives à chaque mâchoire; ses yeux sont fort petits. Ses oreilles et sa queue seules sont gar- nies de quelques poils grossiers et roïdes, et le reste de sa peau est nu, d’un gris foncé violàä- tre : elle est marquée de deux sillons profonds, l’un en arrière des épaules, l’autre en avant des cuisses, et sans cela il ne pourrait guère se mouvoir, car sa peau est si épaisse, si dure et si sèche, qu'il est impossible de la percer avec une balle. La ménagerie, lorsqu'elle était à Ver- sailles, en a possédé un individu vivant. La corne que le rhinocéros porte sur le nez est composée de poils agglutinés, el ne paraît être qu'un prolongement de l’épiderme; elle ne tient qu’à la peau et n’a aucune adhérence avec les os sur lesquels elle est placée. Les anciens lui attribuaient la propriété de détruire l'effet des poisons les plus dangereux, et les tyrans soupçonneux de l'Asie s’en faisaient faire des coupes qui avaient une valeur exorbitante. La corne du rhinocéros lui sert rarement d’arme défen- sive , car cet animal, paisible quoique très-farouche , n’attaque jamais , et sa force redoutable fait que les animaux le craignent et ne lui font pas la guerre. Il ne l’emploie donc le plus souvent que pour détourner les branches et se frayer un passage dans les épaisses forêts qu'il habite. Son caractère est triste, brusque, sauvage et indomptable; ses jambes courtes, son ventre presque trainant, ses formes grossières, la petitesse de ses yeux, dénonçant sa stupidité, en font un être assez mal gracieux. Il vit solitairement dans les bois, à proximité des ri- vières, où il aime à aller se vautrer dans la vase. Il se nourrit de feuilles et de racines, et l’on prétend que pour avoir celles-ci il ouvre la terre avec sa corne; mais ce fait me parait douteux, car elle est recourbée du côte des yeux et placée de manière qu'il doit lui être extrèmement difficile, si ce n’est impossible, d’en présenter la pointe au sol. Sa lèvre supérieure, la seule partie de son corps où il puisse avoir le sens parfait du tact, est allongée et mobile; il s’en sert avec assez d'adresse pour säisir et arracher les végétaux dont il se nourrit. Lorsqu'il est paisible, sa voix est faible, sourde, et a quelque analogie avec le grognement d’un cochon ; mais lorsqu'il est irrité, il jette des cris aigus qui retentissent au loin. La femelle ne fait qu'un petit, qu’elle porte neuf mois, et pour lequel elle a beaucoup de sollicitude ; quand elle en est suivie, sa rencontre peut devenir dangereuse, surtout si elle le croit menacé. Alors elle se précipite avec fureur sur les animaux qu'elle rencontre, et le tigre lui-même est obligé de fuir à toutes jambes pour éviter sa terrible rencontre. Aussi capricieux que stupide, le rhinocéros passe subitement, sans cause et sans transitions, du plus grand calme à la plus grande fureur. Alors cette pesan- teur, cette sorte de lourde paresse font place à une légèreté effrayante ; il bondit à droite et à gauche par des mouvements brusques et désordonnés, puis il s’é- lance devant lui avec la rapidité du meilleur cheval, brise, renverse et foule aux pieds tout ce qui se trouve sur son passage, et pousse des cris à faire trem- bler le plus intrépide chasseur. Aussi n’ose-t-on l’attaquer que monté sur les chevaux les plus vifs et les plus légers. Les chasseurs, dès qu'ils l'ont aperçu, PACHYDERMES. le suivent de loin et sans bruit, jusqu’à ce qu'il se soit couché paur dormir; alors ils s’approchent sous le vent, car si le rhinocéros à la vue mauvaise, il a l'odorat très-fin, et flaire de fort loin l'approche de son ennemi quand le vent lui apporte ses émanations. Parvenus à la portée du fusil, les chasseurs descen- dent de cheval, visent l’animal à la tête, font feu, et s’élancent sur leurs chevaux pour fuir avec vitesse s’il n’est que blessé, car alors il se jette avec rage sur ses agresseurs ; et malheur à eux s’il parvenait à les atteindre ! Mais comme sa course est toujours en ligne droite, au moyen de quelques écarts prompts qu'ils font faire de côté à leurs chevaux, ils parviennent à éviter sa rencontre, et d'autant plus aisément que le rhinocéros, ainsi que le sanglier, ne se détourne jamais dans sa course et ne revient point sur ses pas. Les habitants des pays où l'on trouve ces énormes animaux les chassent pour avoir leur corne, à laquelle, ainsi que nous l'avons dit, ils accordent des propriétés merveilleuses, pour man- ger sa chair, qu'ils trouvent fort bonne, et enfin pour avoir sa peau, dont on fait d'excellentes soupentes de voiture. Pris très-jeune, le rhinocéros de l'Inde se familiarise jusqu’à un certain point _et devient assez doux; cependant il faut toujours se défier de ses caprices. Si on l’arrache à ses déserts lorsqu'il approche de l’âge adulte, il conserve pour toujours sa farouche brutalité. En esclavage, il se nourrit très-bien de riz, de 405 pain et de sucre. Cet animal a deux fortes incisives à chaque mâchoire. Le RuiNocÉROS DE Java ( Rhinoceros jarani- cus, et Bhinoceros sondaicus, G. Cuv. Le Rhi- nocéros unicorne de Java, Camp.) n’a pas plus de huit pieds (2,599) de longueur, non com- pris la queue, qui a un pied (0,525); sa hauteur moyenne est d'un peu plus de quatre pieds (1,299) : les jeunes ont quatre incisives, mais il leur en tombe deux quand ils deviennent adul- tes; la peau est couverte de tubercules penta- gones, et forme de grands plis derrière les épaules et aux cuisses. 11 n’a qu’une corne, placée près des yeux; des poils courts, roides et bruns, sont épars sur son Corps, lui bordent les oreilles, et garnissent l'extrémité de sa queue; sa tête est courte, à chanfrein concave ; ses yeux sont petits ; enfin il lui manque ce pli dans le sens de l’épine du dos, comme on en voit sur l'épaule du pré- cédent. Il habite Java et a les mêmes mœurs que les autres espèces. Le RHINOCEROS DE SUMATRA (Rhinoceros su- matranus, Rarrc. Rhinoceros sumatrensis, G. Cuv. Le Buddah de Marso. Le Badaï: des habi- tants de Sumatra) a quatre incisives à chaque mâchoire, mais il lui en tombe deux à la mä- choire supérieure quand il afteint un certain âge. Il n'a guère que cinq à six pieds de lon- gueur (1,624 à 1,949), sur trois ou quatre de hauteur (0,975 ou 1,299). Son nez porte deux cornes, dont celle placée près des yeux est plus courte que l’autre; sa peau est rugueuse, cou- verte de poils assez rares, roides et bruns; les plis de ses épaules et de sa croupe sont peu mar- qués ; sa peau a peu d'épaisseur , presque sans plis ; sa tête est un peu allongée; ses yeux sont bruns et petits ; sa lèvre supérieure est petite, pointue, recourbée en dessous ; ses oreilles, bor- dées de poils noirs et courts, sont petites et poin- tues. 11 habite Sumatra. Le RuiNocéRos D'AFRIQUE (Rhinoceros afri- canus, G. Cuv. Rhinoccros bicornis, CAmPERr. Le Nabal des Hottentots. Le Khinoréros d’A- frique, Burr.) a de onze à douze pieds de lon- gueur (5,575 à 5,898). Son nez porte deux cor- pes ; il manque d’incisives et n’a point de plis à la peau, qui est presque entièrement nue; ses yeux sont petits, enfoncés ; ses oreilles sont bor- dées de quelques poils noirs, et sa queue en porte un bouquet à l'extrémité. Cette espèce ha- bite le pays des Hottentots, la Cafrerie, et pro- bablement tout l'intérieur de l'Afrique méridio- nale. Elle fréquente le bord des grandes rivières, se retire dans les bois qui ombragent leurs bords, et parait encore plus farouche que le rhinocé- ros des Indes. Le Runocéros DE Burcuezz (Rhinoceros Burchelii, Less. Rhinoceros simus, BURCHELL) pourrait bien être une simple variété du précé- dent, quoique sa taille soit beaucoup plus grande. Il en différerait par ses levres et son nez qui se- raient très-élargis et comme tronqués. Bruce, Gordon et d'autres voyageurs ont signalé quel- ques autres espèces où variétés de rhinocéros d'Afrique, mais que je ne connais pas assez pour les mentionner ici. 106 IIIe pivision. Dents comme dans la division précédente ; quatre doigts aux pieds de de- vant, et trois aux pieds de derrière. 4e Genre. Les DAMANS ( Hyrax, Hern.) ont trente-quatre dents : deux incisives fortes, re- courbées, sans racines, à la mâchoiresupérieure, ctquatre à l’inférieure; point de canines ou deux très-petites, mais seulement dans la jeunesse ; quatorze molaires en haut et autant en bas, con- formées comme celles des rhinocéros ; corps couvert de poils ; queue ne consistant qu’en un LES PACHYDERMES. L’As«nkoko ou Daman pu Car (Hyrax ca- pensis, Desu. Cavia capensis, Pazr. Le Da- man et la Marmotte du Cap, Burr. L’Askhkoko et le Gihe des Abyssiniens. L’Agnean d'Israël et le Nabr des Arabes. Le Klip-dass des ITollan- dais. Le Daman des Syriens). Cet animal ne dépasse pas la taille d’un lapin. Ses formes sont lourdes ; son corps est allongé et bas sur jambe ; sa tête est épaisse et son museau obtus; son pelage est doux, soyeux, très-fourni, d’un gris brun en dessus et blanchätre en dessous; il a une petite tache plus foncée sur l’œil, et quel- tubercule; museau et oreilles courts ; tous les doigts munis d'un petit sabot arrondi, excepté le doigt interne de derrière, qui est armé d'un ongle crochu et oblique. quefois une ligne dorsale plus foncée que le fond du pelage. 11 habite le cap de Bonne-Espérance, l’Abyssinie et le Liban, et ne se trouve que dans les montagnes hérissées de rochers. Cuvier dit (Ossem. fossil. ) : « Il n'est point de quadrupède qui prouve mieux que le daman la nécessité de l'anatomie pour déterminer les véritables rapports des animaux. » En effet, personne n’eût deviné, avant ce grand naturaliste, que le daman, grand comme un lapin, se creusant un terrier, ayant une jolie et douce fourrure, les formes d’un cochon d'Inde ou d’une marmotte, les mœurs douces, le caractère aimant, susceptible de s'attacher à son maître ; que le daman placé par tous les naturalistes avec les rongeurs à cause de ses formes générales, de sa physionomie, de ses habitudes douces et intelligentes, de son goût recherché pour la propreté; on n'aurait jamais deviné, dis-je, que le da- man était un rhinocéros, c’est-à-dire le portrait en miniature du plus farouche, du plus stupide et du plus brutal des quadrupèdes, dont le plus grand plaisir est de se vautrer dans la fange. Grâce soit donc rendue à l'anatomie, car sans elle j'aurais certainement pris le daman, non pour un rhinocéros, mais pour un rat! Cependant, ne serait-il pas possible que ce que le grand naturaliste prend ici pour une preuve de l'utilité de l'anatomie püt être pris aussi pour une preuve de l'abus qu’on en peut faire quand on s’en sert avec des idées préconçues ? Les véritables rapports naturels du daman sont-ils bien ceux qui, brisant tous les liens de formes, d'aspect, de grandeur, de mœurs, d’habitudes et d’intelli- gence, le retirent d’auprès de la marmotte, auprès de laquelle un grand homme aussi, Buffon, l'avait placé, pour en faire un rhinocéros? Je ne sais. Quoi qu'il en soit, ce petit animal habite de préférence les montagnes boisées, au milieu des roches les plus escarpées et les plus roides. Quelquefois il se creuse un terrier analogue à celui d’un lapin, mais très-souvent il se contente d’un trou d'arbre ou d’une fente de rocher. Il est très-vif, très-alerte, et se retire préci- pitamment dans son fort à la moindre apparence de danger, au plus petit bruit qui vient frapper son oreille trés-fine. Aussi est-il très-difficile de s’en emparer, car, une fois dans son trou, il se laisse étouffer par la fumée ou noyer par l’eau qu’on y introduit, plutôt que d'en sortir. Tous les petits mammifères carnassiers lui font une guerre active, mais les oiseaux de proie sont les plus dangereux de ses ennemis, parce qu'ils l’épient d'une roche ou d’un arbre voisin, et dès qu'il est éloigné de quelques pas de sa retraite, ils se précipitent sur lui à l'impro- viste, le saisissent et le déchirent. I se nourrit d'herbe comme le lièvre, s'ap- privoise très-facilement, et il est très-susceptible d'attachement. PACHYDERMES. 107 5e GENRE. Les PÉCARIS ( Dicotyles, G. Cuv.) ont trente-huit dents, savoir : quatre incisives à la mâchoire supérieure et six à l'inferieure ; deux canines en haut et deux en bas, ne sortant pas de la bouche; douze molaires à chaque mà- choire ; les doigts intermédiaires sont plus longs que les autres, et appuient sur la terre ; ils ont sur le dos, près des lombes, une ouverture glan- duleuse d’où suinte une humeur très-pénétrante et très-félide ; enfin leur queue est excessive- ment courte, large et plate. Du reste, ils ressem- blent beaucoup au cochon. 108 LES PACHYDERMES. Le Pécari à collier, Le TAYTETOU OU PÉCARI A COLLIER (Dicotyles torquatus, Fr. Cuv.— Des. Sus tajassu, Lan. Le Pécari où Tajassou, Burr. Le Patira de quelques provinces de l'Amérique) Est de la taille d’un moyen cochon; il a deux pieds et demi (0,812) de lon- gueur. Son corps est couvert de soies roides, analogues à celles des sangliers, annelées de blanc sale et de noir dans leur longueur, d’où résulte un pelage d'un gris foncé uniforme ou tiqueté; une large bande blanchâtre lui descend obli- quement de chaque épaule, en écharpe; les jeunes sont d’un brun fauve clair, avec une ligne noirâtre sur le dos. Le taytetou habite les forêts de toute l'Amérique méridionale, vit en famille, mais non pas en troupe, comme le croyait Buffon, se loge dans les antres des rochers, et plus communément dans les trous que la vieillesse a creuses au pied des troncs d'arbres. Buffon dit qu'on ne le trouve que dans les montagnes, d’autres assurent qu'il ne fréquente que les plaines. Le vrai est qu’on le ren- contre dans toutes les forêts où il peut trouver sa nourriture, consistant en racines et en fruits. Les glandes qu'il a sur le dos exhalent en tout temps, mais surtout quand il est irrité, une odeur empestée ayant un peu d’analogie avec celle de l'ail, mais beaucoup plus désagréable. Il paraît néanmoins qu'elle n’in- fecte pas la chair si on a le soin d'enlever les glandes aussitôt que l'animal vient d’être tué, car les Américains le mangent et le regardent comme un fort bon mets. Ils le chassent avec des chiens ; mais comme il a l’odorat tres-fin, souvent il découvre les chasseurs et la meute longtemps avant d’avoir êté découvert par eux ; alors il fuit avec rapidité et se jette dans quelque trou profond, entre les rochers, d'ou il est fort difficile de le retirer. Dans sa colère il hérisse sur son dos son poil beaucoup plus dur et plus roide que celui du sanglier, il pousse des PACHYDERMES. 109 cris aigus, se defend avec courage, et mord cruellement. Le mâle ne quitte ja- mais sa femelle, et l'on ne rencontre ces animaux que par couple, à moins qu'ils ne soient suivis de leurs petits, que les parents protégent jusqu'à ce qu'ils soient capables de pourvoir eux-mêmes à leurs besoins. Alors la famille se se- pare par couple pour ne plus se réunir. Le taytetou est sauvage, grossier, peu intelligent, et comparable, aussi bien sous le rapport de ses habitudes que de ses formes, à notre sanglier. Cependant, malgré son humeur farouche, il s’apprivoise fort bien, et multiplie même en captivité. Devenu domestique, 1l à les mœurs de notre cochon. « Les pécaris, dit Buffon, perdent leur férocité naturelle, mais sans se dépouiller de leur gros- sièreté, car ils ne connaissent personne, ne s’attachent point à ceux qui les soi- gnent ; seulement ils ne font point de mal, et l'on peut, sans inconvénient, les laisser aller et venir en liberté; ils ne s’éloignent pas beaucoup, reviennent d'eux-mêmes au gite, et n'ont de querelle qu'auprès de l’auge et de la gamelle, lorsqu'on la leur présente en commun. » Avant la révolution de Saint-Domin- gue, le gouverneur La Luzerne avait commencé à les naturaliser dans cette île, et ils s'étaient déja multipliés à la Gonave. M. le docteur Ricord, ce naturaliste si zélé, si estimé de G. Cuvier, avait fait à Saint-Domingue plusieurs notes intéressantes sur cet animal considéré sous le rapport de la domesticité; mais elles ont été anéanties dans le fatal incendie qui dévora sa maison et les im- menses collections qu'il y avait amassées avec tant de peines et de périls pen- dant plusieurs années. Ce voyageur m'a dit que les tentatives faites par M. de La Luzerne n'avaient pas été renouvelées depuis le départ des colons français. 710 LES PACHYDERMES. Le Pécari tagnicati. Le TAGNICATE ( Dicotyles labiatus, Fr. Cuv. Sus tajassu, Lin. Le Pecari ta- jassou des naturalistes ) Est plus grand que le précédent, et à été confondu avec lui par Linné, Buffon, et d'autres naturalistes. I en différe par sa couleur entièrement d’un brun noi- ratre, par ses lèvres blanches, et par la concavité de son chanfrein. Il habite particulièrement le Paraguay, et vit en troupes composées quelquefois de plus de cent individus. Il se nourrit de graines, de racines, de fruits sauvages ; 11 mange aussi des serpents, des crapauds et des lézards, et, si l’on en croit Buffon, il les écorche avec les pieds avant de les manger. Ce qu'il y a de plus certain, c'est qu'il est omnivore comme notre cochon, dont il a les mœurs et toutes les habitudes. Ainsi que ces derniers, les tagnicatis se secourent mutuellement lors- qu'ils sont attaqués ; ils entourent les chiens et les chasseurs, les harcèlent par leurs grognements et leurs menaces, et les blessent quelquefois. Azara fait ob- server, à cet égard, qu'en frappant avec leurs canines, ce n'est pas de bas en haut, comme les sangliers, mais de haut en bas. Ils savent se défendre avec cou- rage contre les animaux carnassiers, et même contre le jaguar, le plus terrible de leurs ennemis, et quoique plus petits que le sanglier, ils sont plus dangereux que lui, parce qu'ils se précipitent en grand nombre sur leur assaillant, et le déchirent de mille morsures à la fois. Du reste les tagnicatis sont extrêmement faciles à apprivoiser et deviennent même très-familiers. En domesticité ils con- tractent les mêmes habitudes que nos cochons ; ils en ont la démarche, les goûts, la manière de manger, de boire, de fouir la terre, mais ils sont plus propres et ne se vautrent pas dans la fange. Jamais ils ne se mêlent avec les tay- tetous, n1 n'habitent les mêmes bois. Leurs glandes dorsales n’exhalent pas non — PACHYDERMES. fi plus une odeur aussi désagréable. Autrefois ils étaient beaucoup plus communs qu'aujourd'hui, mais comme ils font un dégât énorme dans les champs de cannes à sucre, de maïs, de maniocs et de patates, où ils se jettent, on leur fait une guerre d'extermination qui en à beaucoup diminué le nombre. IVe mivisiox. Les trois sortes de dents ; quatre doigts à tous les pieds. 6° Gexre. Les BABIROUSSAS (Babirussa, Fr. Cuy.) ont trente-quatre dents, savoir : qua- ire incisives en haut et six en bas; deux canines supérieures sortant, non de la bouche, mais du museau, et se recourbant en demi-cercle vers les yeux ; deux inférieures arquées et aiguës, comme chez les sangliers. Du reste ils ressem- blent assez au cochon, quoiqu'ils aient les for- mes plus lourdes. L'Arrourous ou Basec-Rosoo ( Babirussa alfurus, Less. Sus babyrussa, Lan. Le Babi- roussa où Cochon-cerf, Burr. — G. Cuv. Le Sanglier des Indes orientales, Briss.) est de la grandeur de notre sanglier, mais à corps proportionnellement plus gros, à formes plus arrondies; sa peau est noire, presque nue, ri- dée ou plissée ; les défenses, très-longues et très- grèles dans le mäle, manquent dans la femelle. Cet animal, dont la ménagerie à possédé deux individus, habite les foréts marécageuses, dans l'intérieur de l'ile Bourou, l’une des Moluques, et, dit-on, les iles Philippines, les Célèbes, Bor- néo, et l'archipel des Papous. 11 aime l’eau, nage ct plonge fort bien, et se jette dans les ondes aussitôt qu'il est poursuivi. Il se nourrit de racines, d'herbes et de fruits, et il aime par- ticulièrement le maïs; si l'on s’en rapportait à Buffon, qui, du reste, parait avoir fort peu connu cet animal, il vivrait en troupes; mais les habitudes qu'il avait à la ménagerie me font croire ce fait très-douteux. I se retire par couple dans des troncs d'arbres creux, ou dans d'aatres trous, où ilse couvre entièrement, avec sa femelle, de feuilles sèches ou de débris de foin ou de paille ; du moins ceux de la ménage- rie se sont fait un tel lit aussitôt leur arrivée, et ces animaux ont trop peu d'intelligence pour que ceci leur ait été inspiré par le froid, s'ils n’en eussent eu l’ancienne habitude. ls ne s’apprivoi- sent pas aussi facilement que le disent Buffon et Valentya, et, dans l'esclavage, leur caractere reste {oujours inquiet et farouche. T° Genre. Les COCHONS (Sus, Li.) ont qua- rante-quatre dents, savoir : six incisives en haut et autant en bas; deux canines à chaque mä- choire, recourbées dans le haut et latéralement ; quatorze supérieures et quatorze inférieures. à couronne tuberculeuse; leur museau est {tron- qué, terminé par un boutoir; leur corps est cou- vert de poils roides, de la nature du crin; les deux doigts du milieu sont grands, ayant de forts sabots : les deux doigts extérieurs sont courts et ne touchent pas la terre. Le SanGzier commun ($Sus sero/a, Lax.) atteint la taille de nos plus grands cochons domestiques, dont il est la souche ; ses canines ou défenses sont recourbées en dehors et un peu vers le haut; son corps est frapu, couvert de poils hérissés, d’un brun noir; ses oreilles sont droites. La fe- melle ou laie est un peu plus petite que le mâle. Les jeunes, nommés marcassins, sont rayés de blanc et de brun, pendant leur premiére jeu- nesse, e{ sont alors recherchés pour la table. Le sanglier habite les forêts les plus grandes et les plus solitaires de toutes les contrées tempérées de l'Europe et de l'Asie. Il ne se trouve pas en Angle- terre, probablement parce qu'il y à été détruit dans des temps reculés. Malgre ce que l’on en a dit, ce n’est pas un animal stupide, mais grossier, brutal, et d'un courage intrépide. Lorsqu'il fuit devant les chiens de chasse, 1l est rare que la rencontre d’un homme le détourne de son droit chemin; 11 le renverse et le blesse cruellement d’un coup de boutoir, lui passe sur le corps, et continue sa course; mais il ne se détourne pas non plus pour courir sur le chasseur, si celui-ci a la précaution d'éviter sa rencontre. Quand il recoit un coup de feu qui le blesse, il n’en est plus de même; quelque éloigné que soit son ennemi, il perce droit à lui au travers de la meute qui le harcèle, et fond sur lui pour se venger. Si lon évite son premier choc, il est rare qu'il revienne sur ses pas. Du reste il n°y à guere que les vieux mâles qui agissent ainsi; les femelles et les jeunes se bornent à fuir, ou à faire fort contre les chiens, qu'ils estropient fort souvent. Le sanglier 412 LES PACHYDERMES. croît pendant cinq ou six ans, mais dès sa seconde année il est capable de re- produire son espèce. La femelle entre en rut en janvier et février, elle porte quatre mois, et elle met bas de quatre à dix marcassins. Elle les cache dans les fourrés les plus épais pour les soustraire à la voracité des mâles qui ne manque- raient guère de les manger s'ils les rencontraient pendant les premiers jours après leur naissance. Elle les allaite pendant trois ou quatre mois, mais elle ne les quitte que longtemps après, et elle ne cesse pas de les instruire, de les pro- téger et de les défendre. Dans les pays peu peuplés, il arrive par fois que plu- sieurs familles se réunissent, et forment ainsi des troupes plus ou moins consi- rables, toutes composées de femelles, et de leurs enfants âgés quelquefois de deux ou trois ans. Ils vivent entre eux en fort bonne intelligence, et se défen- dent mutuellement. Lorsqu'un danger les menace, ils se rangent en cercle, pla- cent au milieu d'eux les marcassins portant encore la livrée, et présentent à l'ennemi leurs boutoirs menacants. Quant aux vieux mâles, ils vivent solitaire- ment. Ces animaux aiment à se vautrer dans la vase des marais; ils nagent trés- bien, et traversent aisément les rivières les plus larges. Pour peu qu'ils soient trop inquiétés dans une contrée, ils la quittent et vont s'établir quelquefois à plus de vingt ou trente lieues de là. Leur nourriture ordinaire consiste en ra- cines, en grains et en fruits, mais ils dévorent aussi les reptiles, les œufs d’oi- seaux, et tous les jeunes animaux qu'ils peuvent surprendre. Malgré leur air lourd, ils courent avec une grande rapidité. Ils ne sortent guère de leur bauge que la nuit, et ils dévastent les champs de maïs et de pommes de terre ou ils peuvent pénétrer. Le sanglier s’apprivoise très-bien et devient très-familier ; il est tout à fait inoffensif tant qu'il est jeune ; il s'attache même à la personne qui en prend soin, et Frédéric Cuvier en a vu auxquels on avait appris à faire des gesticulations grotesques pour obtenir quelque friandise ; mais il serait impru- dent de s’y trop fier quand il devient vieux. Le COcuoN DOMESTIQUE n’est rien autre que le sanglier dont une antique servitude a modifié le physique et le moral. On en possède plusieurs de même forme que les incisives ; poils courts, épais, d’un fauve brunätre en dessous, blancs et annelés de noir en dessus ; queue très-courte. 11 races très-distinctes, dont les principales sont : Le Cochon de Chine. Il a le corps épais, le mu- seau court et concave supérieurement, le front bombé, les poils très-frisés sur les joues et à la mâchoire inférieure ; Le Cochon du cap de Bonne-Espéranre, de la grandeur d’un cochon commun d’un an. Il a le poil rare, dur, noir ou brun foncé ; les oreilles droites ; la queue pendante terminée par un flo- con de soie ; Le Cochon de Siam, de la grandeur du pré- cédent et lui ressemblant; Le Cochon commun ou à grandes oreilles; Le Cochon ture ou Mongolitz ; Les Porcs de Pologne, de Russie, de Guinée, etc. Toutes ces races ont elles-mêmes un assez grand nombre de variétés. Le BÈNE Où SANGLIER DES Papous ( Sus pa- puensis, Less. et Garn.) est petit, long de trois pieds (0,975); canines supérieures très-petites , est commun dans les forêts de la Nouvelle-Gui- née. Le SANGLIER À MASQUE (Sus larvalus, FR. Cuv.) est de la grandeur de notre sanglier et n’en dif- fère que par une protubérance fort grosse, pla- cée de chaque côté de son museau. Il habite Madagascar et l'Afrique orientale. 8° GENRE. Les PHACOCHŒRES (Phacochæ- rus, Fr. Cuv.) ont seize ou vingt-quatre dents, savoir : deux incisives ou point à la mâchoire su- périeure, et six ou point à la mâchoire infé- rieure; deux canines en haut et deux en bas ; six molaires à chaque mächoire, composées de cy- lindres émailleux ; leurs défenses sont très-fortes, latérales, dirigées en haut; leurs pieds sont comme ceux des cochons ; leur queue est courte; ils ont sur les joues de très-grosses loupes char- nues. L’ENGaLo (/'hacochærus edentatus, Is. GEorr. Sus ethiopicus, Lin. —PaLz. Le Phacochère du PACHYDERMES. Cap, le Porc à large groin des voyageurs) a plus de quatre pieds de longueur (1,299), non com- pris la queue; il manque de dents incisives; son pelage est d’un gris roux, et sa tête noirâtre; son cou porte une longue cerinière ; sous les yeux s'élèvent, de deux pouces trois lignes (0,061), deux protubérances rondes, plates et assez épais- ses, simulant à peu près deux oreilles, d’où les chasseurs ont quelquefois donné à cet animal le nom de Porc à quatre oreilles. Au-dessous de ces protubérances et sur la ligne du museau en existent deux autres qui sont dures, rondes et pointues, saillantes en dehors. Du reste, l’engalo ressemble au sanglier. Il habite le cap de Bonne- Espérance et se nourrit de fruits, et de racines qu'il arrache de la terre en fouillant avec ses pattes et son large groin. Il a les yeux très-petits, rapprochés et placés haut, ce qui lui donne une mauvaise vue, mais son ouie et son odorat sont d'une extrême finesse. Son caractère est capri- cieux et féroce; cependant, étant pris jeune, il s’apprivoise bien, et reste assez doux pendant ses premieres années. Sa force est redoutable, et son n13 courage le rend dangereux pour les chasseurs. Le PuACOGHoERE À INGISIVES {Phacocharus in- cisivus, Is. GEorr. Phacochærus africanus, Fr. Cuv. Sus africanus, Gr. Le Sanglier du cap Vert, Burr.\ diffère du précédent en ce qu'il à des dents incisives ; son pelage est noirâtre ; sa queue, terminée par un flocon de poils, lui des- cend jusqu'aux jarrets ; il lui manque ces sortes de fausses oreilles qu'a le précédent; enfin sa tête est plus longue et plus étroite. IL habite le cap Vert. 9e Gene. Les HIPPOPOTAMES (Hippopo- lamus, Lin.) ont trente-huit dents, savoir : qua- tre incisives en haut et en bas ; deux canines supérieures et deux inférieures, ces dernières courbes, et toutes quatre fort grosses ; quatorze molaires en haut et douze en bas, dont l'émail figure des trèfles opposés base à base, quand elles sont usées; le corps est très-gros, les jambes sont courtes, la peau est presque entièrement dépour- vue de poils; la queue est courte, le museau renflé; les pieds sont terminés par des petits sabots. 111 LES PACIYDERMES. sh ae Lu te L'Hippopotime L'HIPPOPOTAME AMPHIBIE ( Hipjopotamus amphibius, Lix. Hippopotamus capensis, DEsmour. ) Est d'une grosseur énorme, et atteint quelquefois jusqu'à onze pieds (5,575) de longueur sur dix (5,248) de circonférence ; ses formes sont massives ; ses jambes courtes, et son ventre traîne presque à terre. Sa tête est énorme, termi- née par un large muffle renflé; sa bouche est démesurément grande, armée de canines énormes, longues quelquefois de plus d’un pied, fournissant de l’ivoire plus estimé que celui de l'éléphant. Ses yeux sont petits, ainsi que ses oreilles; sa péau est nue et d’une grande épaisseur, d’un noir d’ardoise ou d’un roux tanné. I habite toutes les grandes rivières du midi de l'Afrique, et il paraît qu'autrefois il était assez commun dans le Nil, mais aujourd’hui il n'existe plus en Égypte. : Après l'éléphant et le rhinoceros, l'hippopotame est le plus grand des mam- mifères quadrupèdes ; comme tous les animaux aquatiques de cette classe, 1l à beaucoup de graisse sous la peau, et il paraît que sa chair est fort bonne à manger. Cet animal est très-lourd, 11 marche fort mal sur la terre, mais 1l nage ct plonge avec une extrême facilité, et a, dit-on, la singulière faculté de marcher sous l’eau, sur le fond des rivières, avec plus d’agilité que lorsqu'il est sur la terre. I peut rester assez longtemps sous l’eau sans venir respirer à la surface, mais non pas une demi-heure, comme on l’a dit. Il résulte de tout cela que lorsqu'il est poursuivi il gagne aussitôt la rive d'un lac ou d'un fleuve, se jette A il INTÉRIEUR DES GALERIES D HISTOIRE NATURELLE {Jardin des Plantes.) à PACHYDERMES. 415 dans les ondes, plonge, et ne reparait à la surface, pour respirer, qu'à une très- grande distance. Son cri est une sorte de hennissement ayant beaucoup d’ana- logie avec celui d’un cheval, ce qui lui a valu son nom d'hippopotame (en grec cheval de rivière). Son caractère est farouche, et quoiqu'il n’attaque jamais l'homme, si on le poursuit trop vivement il se retourne pour se défendre; mais sa stupidité ne lui permet pas de distinguer son agresseur du canot ou de la chaloupe qui le porte, et lorsqu'il a renversé ceux-ci, ou brisé leur bordage, il ne pousse pas plus loin sa vengeance. « Une fois que notre chaloupe était près du rivage, dit le capitaine Covent, je vis un hippopotame se mettre dessous, la lever avec son dos au-dessus de l'eau, et la renverser avec six hommes qui étaient dedans : mais par bonheur il ne leur fit aucun mal. » Buffon dit que si on le blesse, il s'irrite, se retourne avec fureur, s’élance contre les barques, les saisit avec les dents, en enlève quelquefois des pièces ou les submerge. L'hippopotame passe tous les jours dans l’eau, et n'en sort que la nuit pour aller paître sur le rivage dont il ne s'éloigne jamais beaucoup, car il ne compte guère sur la rapidité de sa course pour regagner, en cas de danger, son élément favori. Il se nourrit de joncs, de roseaux, et lorsqu'il trouve à sa portée des plan- tations de cannes à sucre, de riz et de millet, il fait alors de grands dégâts, car sa consommation est énorme. On a prétendu qu’il mangeait aussi du pois- son, mais ce fait est entièrement controuvé. Sans quitter les lieux marécageux et les bords des lacs et des rivières, il n’est cependant pas sédentaire, car sou- vent on le voit apparaître dans des pays où il ne s'était pas montré depuis longtemps. Sa manière de voyager est très-commode et peu fatigante : Le corps entre deux eaux, ne montrant à la surface que les oreilles, les yeux et les na- rines, 1l se laisse tranquillement emporter par le courant, en veillant néanmoins aux dangers qui pourraient le menacer. Il dort aussi dans cette attitude, molle- ment bercé par les ondes. Presque toujours ces animaux vivent par couple, et le mäe et la femelle soignent l'éducation de leur petit, qu'ils aiment avec ten- dresse et protègent avec courage. On chasse l'hippopotame de différentes ma- nières : quelquefois on se cache, le soir, dans un épais buisson, sur le bord d'une rivière, fort près de l'endroit où il à l'habitude de sortir de l'eau, ce qui se reconnait à la trace de ses pas. On à le soin de se placer sous le vent et de ne pas faire le moindre bruit, et il arrive parfois qu'il passe sans défiance au- près du chasseur qui, d’un coup de fusil, lui envoie une balle dans la tête et le tue roide. Si l'on manque la tête il se sauve, car sa peau est tellement dure et épaisse qu'elle ne peut être percée à nulle autre partie de son corps. S'il n’est que blessé il est également perdu pour le chasseur, parce qu'il se jette dans l'eau et ne reparait plus. Les Nègres, et particulièrement les Hottentots, quand ils ont reconnu le sentier où il passe habituellement en sortant de l’eau et en y entrant, creusent une fosse large el profonde sur son chemin, et ils la recou- vrent avec des baguettes légères, sur lesquelles ils étendent des feuilles sèches et du gazon; l'animal manque rarement d'y tomber, et on le tue sans danger à coup de fusil ou de lance. L'hippopotame, quoi qu'en aient dit beaucoup de voyageurs, fuit l'eau salée et ne se trouve jamais dans la mer. Mais comme il se laisse souvent entrainer par le courant jusqu'à l'embouchure des fleuves, et aussi loin que l'eau reste #16 LES PACHYDERMES. douce, on à pu l'y rencontrer, et faire confusion en prenant son séjour acci- dentel et momentané pour sa demeure ordinaire. L'Hippoporame DU SÉNÉGAL ( Hippopotamus sencgalensis, DESmMOUL.) est ordinairement plus petit que le précédent, dont il ne diffère guère que par des caractères anatomiques. Ses canines sont constamment plus grosses, et le plan sur le- quel elles s’usent est beaucoup plus incliné; l’é- chancrure de l'angle costal de l’omoplate est à peine sensible, etc., ete. 11 habite principale- ment la Guinée, et fournit le meilleur ivoire. V° pivision. Un seul doigt apparent, renfermé dans un unique sabot. 16° Genre. Les CHEVAUX (Equus, Lin.) ont quarante-deux dents, savoir : six incisives en baut et six en bas; deux canines à chaque mà- choire, séparées des molaires par une barre ou espace intermédiaire ; quatorze molaires en haut et douze en bas, à couronne carrée, marquées de nombreux replis d’émail. Ils ont deux ma- melles inguinales. Le CuEevaL ORDINAIRE ( Equus caballus, Lin.) varie considérablement pour la taille et la cou- leur : on en trouve de noirs, de bruns, de bais, de marron, d’isabelle, de blancs, de pie, etc.,ete. Il en est qui ont les poils très-longs et un peu fri- sés sur tout le corps, mais le plus ordinairement leurs poils sont ras et lisses ; on en voit qui ont la peau entièrement nue, comme les chiens turcs. Leurs oreilles sont moyennes; ils n’ont point de croix où bande noire sur le dos et les épaules ; leur queue est garnie de crins depuis son origine. Tels sont les caractères spécifiques les moins va- riables du cheval. « La plus noble conquête que l'homme ait jamais faite, lit Buffon, est celle de ce fier et fougueux animal qui partage avec lui les fatigues de la guerre et la gloire des combats. Aussi intrépide que son maitre, le cheval voit le péril et l’affronte ; il se fait au bruit des armes, il l’aime, il le cherche et s’anime de la même ardeur ; il partage aussi ses plaisirs à la chasse, aux tournois, à la course, il brille, il étincelle; mais docile autant que courageux, il ne se laisse point emporter à son feu, 1l sait réprimer ses mouvements : non-seulement il fléchit sous la main de celui qui le guide, mais il semble consulter ses désirs, et, obéis- sant toujours aux impressions qu'il en reçoit, il se précipite, se modère ou s’ar- rêle, et n’agit que pour y satisfaire. C'est une créature qui renonce à son être pour n'exister que par la volonté d'un autre, qui sait même la prévenir ; qui, par la promptitude et la précision de ses mouvements, l'exprime et l’exécute ; qui sent autant qu’on le désire, et ne rend qu'autant qu'on veut; qui, se livrant sans réserve, ne se refuse à rien, sert de toutes ses forces, s’excède et meurt pour mieux obéir.» Dans ce peu de lignes, et dans son histoire du chien, Buffon a conquis la réputation d’un grand écrivain et, par contre-coup, celle d’un ex- cellent naturaliste; ce qui est hors de doute, c’est qu'il mérite la première de ces réputations. Quelques naturalistes nous ont présenté le cheval comme l'animal le plus intelligent et le plus affectueux pour l'homme, aprés le chien et l'éléphant, et ceci est une grande exagération. L'intelligence de cet animal consiste presque Loute dans son obéissance passive, automatique, si je puis me servir de cette expression, et cette docilité qui le ferait s’élancer sans hésitation du bord d’un précipice si son maitre l'y poussait, me paraît prouver chez lui plus de machine que d'intelligence. Il est vrai qu'il reconnait son maitre, qu'il hennit de plaisir à son approche; mais l'indifférence avec laquelle il en change prouve au moins que, s'il y a affection, il n’y a pas d’attachement. Le chien fait cent lieues d'une traite pour retrouver son ami; il languit, hurle, se désespère s'il en est séparé, et souvent il vient mourir de chagrin sur sa tombe; le cheval a un maitre el PACHYDERMES. 417 non un ami, il l'oublie quand il ne le voit plus. Redevenu sauvage, dans les im- menses savanes de l'Amérique, il a plus d'intelligence et de fierté que le cheval domestique, parce qu'il a reconquis son indépendance. Au rapport d'Azzara, ces animaux se réunissent en troupes nombreuses, composées quelquefois de plus de dix mille individus, et non-seulement ils vivent tous en bonne intelligence, mais encore ils savent se protéger mutuellement. Précédés par les vieux mâles, qui font l'office d'éclaireurs, ils marchent en colonne serrée que rien ne peut rompre. Si quelque caravane de voyageurs estsignalée, « les chefs, dit Desmou- lins, vont en reconnaissance, et, selon l'ordre de ces chefs, la colonne, au galop, passe à travers ou à côté de la caravane, invitant, par des hennissements graves et prolongés, les chevaux domestiques à la désertion. Ils y réussissent souvent. Les chevaux transfuges s'incorporent à la troupe et ne la quittent plus (Pallas dit que les troupes de Dziggetais embauchent de la même manière les chevaux domestiques). Si les chevaux sauvages ne chargent pas, ils tournent longtemps autour de la caravane avant de faire retraite. D'autres fois ils ne font qu’un seul tour et ne reparaissent plus. Chaque troupe est composée d’un grand nombre de pelotons formés d'autant de juments qu'un seul étalon peut en réunir. Il se bat pour leur possession contre les premiers qui la lui disputent. Les juments recon- naissantes suivent néanmoins le vaincu autant qu'elles le peuvent. Descendus de la race andalouse, ils lui sont inférieurs pour la taille, l'élégance, la force et la vitesse. » Pris au lasso et domptés, ces chevaux deviennent dociles, mais ils ne manquent jamais l'occasion de retourner à la liberté. La patrie du cheval sau- vage parait être le désert des environs des mers Caspienne et Aral, jusqu'au cin- quante-sixième degré boréal, et dans ces immenses plaines, il porte le nom de Tarpan. Quelques naturalistes, sans doute pour se conformer à une opinion reçue, ont dit que ces tarpans sont des chevaux autrefois domestiques et rede- venus sauvages, et je ne sais trop sur quels faits ils pourraient établir la preuve d’une telle supposition. A travers plusieurs observations, qui me semblent ap- puyer une opinion toul à fait contraire, j'en choisirai une. Il est reconnu que tous les chevaux devenus sauvages se domptent avec la plus grande facilité, et en peu de jours prennent toutes les habitudes de docilité qui caractérisaient leurs ancêtres; il n’en est nullement de même des tarpans; pris à tout âge, soumis à tous les modes de traitement, ils ne s’apprivoisent jamais parfaitement et restent toujours farouches et indomptables, comme le zèbre et l'hémione ; cette sauvage inflexibilité prouverait en outre, si cela était nécessaire, qu'il n’a rien moins fallu qu'un laps de temps très-considérable, des siècles peut-être, pour les amener à changer de caractère au point d'être les plus obéissants de tous les animaux. Aussi la conquête de l'homme sur îe cheval date-t-elle de la plus haute antiquité. Nous n’entrerons pas dans de plus grands détails sur l'histoire du cheval, parce qu’elle est connue de tout le monde, et nous nous bornerons ici à énoncer sommairement les principales races qu'on en a obtenues. Les Arubes passent pour les plus beaux et les que les précédents, et presque aussi estimés. meilleurs de tous. Parmi ceux-ci les Marocains passent pour les Les Barbes sont moins grands et moins étoffés meilleurs, et ceux de Montagnes viennent après. D5 118 Les Tures ne sont pas aussi bien proportion- nés, et leurs jambes sont trop menues, ainsi que leur encoliure ; Les Persans ont le poil plus ras que les au- tres ; Les Arméniens sont un peu mieux faits. Ces trois dernières races sont très-vigoureuses. Les Espagnols tiennent le second rang après les barbes; ils ne sont pas communément de grande taille. Les Andalous passent pour les meilleurs de la race précédente ; Les Anglais sont fort beaux, légers à la course. Is sont croisés de barbe ou d'arabe et de nor- mand ; Les ftaliens sont moins beaux qu’'autrefois. Les Napolilains font encore de bons chevaux d’attelage, malgré la grosseur de leur tête et l'é- paisseur de leur encolure ; Les Danois, à cause de leur belle taille, sont {rès-estimés pour les aftelages ; Les Allemands sont beaux, mais en généraf, pesants et manquant d’haleine. Les Hongrois et les Transylvains sont bons coureurs, et fort propres à la remonte de la ca- valerie. Les Croales et les Polonais sont sujets à être béguts : Les Hollandais, et surtout les Frisons, sont de beaux chevaux de carrosse ; Les Normands sont les plus beaux chevaux de la France, pour le carrosse et le cabriolet ; Les Limosins sont les meilleurs chevaux de selle ; Les chevaux du Cotentin sont très-beaux au carrosse. Les Francs-Comtois et les Boulonnais sont excellents pour les traits ; Les Bourguignons, Auvergnats, Poitecins LES PACHYDERMES. et Morrandiaux sont assez laids, mais très- robustes et fournissent de bons bidets ; Les Corses sont remarquables par leur petite taille. Ceux de la Camargue fournissent de bonnes remontes à la cavalerie. Beaucoup sont blaucs. Ici nous finirons une nomenclature qu'il se- rait inutile de pousser plus loin, en mentionnant pourtant la singulière race Calmouque, à poils longs et laineux, et dont le muséum possède un bel individu. Le DziGcgrai {Equus hemionus, Par. Le Dshikketey de Penv. Le Dziggtai, le Czigilhai de quelques naturalistes. Le Mulet sauvage des voyageurs ) tient le milieu entre l’âne et le che- val pour les proportions, et pour les formes il ressemble au mulet, quoiqu'il ait les jambes plus minces et l'attitude plus légère. Son pelage est isabelle, avec la crinière et une ligne dorsale noires ; sa queue est terminée par une houppe noire. il vit en troupes souvent composées de plus de cent individus, dans les déserts sablon- neux de l'Asie, particulièrement dans la Mongo- lie, l'Indostan et l'Himmalaya. Il est frès-vigou- reux, et peut soutenir, dit-on, une marche de soixante lieues sans se reposer ; habitant des plai_ nes, jamais il ne pénètre dans les montagnes éle- vées, ni ne pénètre dansles forêts ; son ouïe et son odorat sont d’une finesse extrême; sa course est d’une telle rapidité, qu’elle surpasse de beaucoup celle d’un cheval, d’où il résulte que, lorsque les Mongols et surtout les Tanguts veulent s’en em- parer pour son cuir, et sa chair, qu’ils trouvent excellente, ils sont obligés de lui tendre des pié- ges, ou de l’attendre à l'affût, et de le tuer à coups de fusil. Le caractère de cet animal est indomp- table, et jamais on n’a pu le soumettre à la do- mesticité. Le Jardin des Plantes en possède plu- sieurs individus assez doux, mais très-capricieux. CABANE ET ENCLOS DES HEMIONES PRÈS DE LA GRANDE ROTONDE { Jardin des Plantes. PACHYDERNMES. 419 Le Zèbce. Le ZÈBRE | Équus zebra, Lan. Equus montanus, Bureu. L'Hippotigre ou Che- val-Tigre des anciens. L’Ane rayé du Cap de quelques voyageurs ) Est plus grand que le dziggetai et approche de la taille du cheval ; il est ex- irèmement remarquable par la beauté de son pelage blanc, rayé sur la tête, sur ie cou, le corps et les fesses, de bandes noires très-régulières ; 1l n’a pas de raie noire longitudinale sur le dos; son ventre est blanc, marqué d’une ligne noire au milieu. Cet élégant animal habite le cap de Bonne-Espérance, et probablement toute l'Afrique méridionale. On dit l'avoir rencontré au Congo, en Guinée, et en Abyssinie. Si on veut interpréter d'une certaine manière assez vraisemblable plusieurs passages obscurs de Dion Cassius ( Abrégé de Xipphillin) il paraît que les Romains, sous le règne des Césars, connaissaient déjà le zèbre, et Divdore de Sicile semble le désigner, quoique confusément, dans sa description du pays des Troglodytes. On peut en tirer cette conséquence que, dans des temps antérieurs, celte espèce occupait une zone beaucoup plus étendue qu'aujourd'hui. Quoiqu'il en soit, le zebre se rencontre rarement dans les plaines, et semble ne se plaire que dans les pays montagneux ; quoique moins agile que le dziggetai, sa course esL très-légère, et les meilleurs chevaux ne peuvent l’atteindre. Il vit en troupes qui aiment à paiître l'herbe sèche des lieux les plus escarpés ; son caractère est “farouche, et comme il a l'organe des sens excellent, il reconnait de très-loin l'approche des chasseurs, et fuit même avant qu'on ait pu l’apercevoir. Aussi n'est-ce guére que par surprise qu'on peut l'avoir à la portée du fusil, et il est presque impossible de s'en emparer vivant, si ce n’est lorsqu'il est fort jeune et qu'on a tué sa mére. Vainement les Hollandais du Cap ont-ils fait tout ce qu'ils ont pu pour l’ap- privoiser et le soumettre à la domesticité. Quel que soit l’âge auquel il a été pris, 420 LES PACHYDERMES. il reste toujours indomptable, capricieux, rétif, et plus têtu qu’un mulet. Il y a quelques années que la ménagerie en possédait une femelle qui paraissait assez douce. Plusieurs fois elle se laissa atteler à une voiture de travail sans de trop grandes difficultés, mais tout à coup elle se mettait à ruer, entrait en fureur, et brisait harnais et voiture. Deux fois on la fit couvrir, une fois par un cheval, et l'autre fois par un àne d'Espagne, et j'ai vu le produit de ce dernier. Il ressem- blait beaucoup à sa mère; il teta pendant un an et jusque-là fut très-doux ; mais à cet âge il changea de ressemblance et de caractère : il devint d’un gris foncé, et il ne lui resta de sa belle livrée que des bandes transversales sur le garrot, les jambes et la queue. Son caractère devint encore plus méchant que celui de sa mère, et il lui est arrivé plus d’une fois d'attaquer ses gardiens à coups de pieds et de dents. Il ne hennissait pas, et paraissait éprouver un grand plaisir à se rouler dans la boue ou sur la terre humide. Quoi qu’il ait vécu très-longtemps et qu'il fût trés-robuste, on ne s’est jamais aperçu qu'il ait été en rut ; il était certainement mulet. Le Dauw (Equus Burchellii — Equus zebroi- des, Less. Equus zebra, Burcu. Asinus Burchel- lii, Gray ) est plus petit que l'âne, mais ses for- mes sont beaucoup plus légères et plus gracieu- ses ; ses oreilles sont plus courtes ; le fond de son pelage est couleur isabelle, blanchissant sous le ventre ; ses jambes et sa queue sont blanches ; le dessus est rayé de bandes noires, transversa- les, alternativement plus larges et plus étroites sur la tête, le cou et le corps: celles des fesses et des cuisses se portent obliquement en avant. Cette charmante espèce habite l'Afrique. Elle vit en troupes et peuple les karoos les plus secs et les plus solitaires, où elle se nourrit d'herbes sè- ches, de plantes grasses, et du feuillage de quel- ques mimosas. Le dauw est peut-être le plus farouche de tous les chevaux, et il est absolu- ment impossible de le soumettre à la domesti- cité. Rétif, têtu, capricieux et colère, il se dé- fend avec fureur non-seulement contre les mau- vais traitements, mais quelquefois encore contre les caresses, On en a fait la triste expérience à la ménagerie qui en possède plusieurs depuis 1824. L'un d'eux, sans aucun motif apparent, se jeta sur un de ses gardiens, le renversa, lui fit avec les dents plusieurs épouvantables blessures, et s’acharna tellement sur lui, qu’il lui broya une cuisse. On parvint à arracher le malheureux gar- dien de dessous ses pieds, mais il était tellement maltraité, qu'on fut obligé de lui faire l'amputa- tion. Les dauws produisent à la ménagerie, et plusieurs ÿ sont nés; dans l'instant où j'écris ceci, une femelle y allaite encore son poulain. Le CouacGa (Equus quaccha, Gur. Le Couagga, Bcrr. Le Quacha de Penx. Le Cheval du Cap des voyageurs) est un peu moins grand que le zèbre et se rapproche plus du cheval par ses formes générales. Sa tête, son cou et ses épaules sont d’un brun foncé tirant sur le noi- râtre ; le dos et les flancs sont d’un brun clair, et cette couleur passe au gris roussâtre sur la croupe ; le dessus est rayé en travers de blan- châtre ; le dessous, les jambes et la queue sont blancs : celle-ci se termine par un bouquet de poils allongés. 11 habite les karoos ou plateaux de l'Afrique méridionale, et vit en troupes, pêle- mêle avec les zèbres. Moins farouche que les au- tres chevaux, il s’apprivoise vite et assez bien, se méle avec le bétail ordinaire, et le protége con- tre les hyènes. S'il en aperçoit une, il s’élance sur elle, la frappe des pieds de devant, la ren- verse, lui brise les reins avec ses dents, la foule aux pieds et ne l’abandonne qu'après l'avoir tuée. Comme il a l'odorat excellent, il la flaire de très- loin, et ne la laisse jamais approcher du trou- peau. Les colons du Cap en élèvent souvent pour s’en servir de gardien. Dansles circonstances or- dinaires, il a une sorte de hennissement ayant de l'analogie avec celui du cheval, mais d’autres fois il pousse un cri aigu que l’on peut rendre assez exactement ainsi, coua-ayÿ. La ménagerie en a possédé un qui y à vécu jusqu’à l’âge de dix-huit ou vingt ans, et on lui fit couvrir une änesse en chaleur sans obtenir de résultat. Malgré sa faci- lité à s’apprivoiser, je ne crois pas qu’on soit encore parvenu à le dompter. L'Ane ( Equus asinus, Lin. L’Ane et le Mulet Burr. L'Onagre des anciens. Le Koulan des Ta- tares. Le Chulan des Kalmouks) varie beaucoup moins que le cheval dans sa couleur, mais beau- coup dans ses formes et dans sa taille. L’âne do- mestique est ordinairement gris de souris ou gris argenté, luisant ou mélé de taches obscu- res; il a le plus ordinairement sur le dos une bande noire longitudinale, croisée sur les épau- les par une bande transversale; ses oreilles sont très-longues, et sa queue est floconneuse à l’ex- trémité. L'Ane sauvage ou Onagre à la taille PACHYDERMES. plus grande, le poitrail étroit, le corps com- primé: les oreilles beaucoup plus courtes ; il a les jambes très-longues, et il se gratte aisément l'oreille avec un pied de derrière : son chanfrein est arqué, sa tête légère, et il la porte relevée comme le cheval en marchant. 11 a le dessus de 421 la tête, les côtés du cou, les flancs et la croupe de couleur isabelle, avec des bandes de blanc sale ; sa crinière est noire; il porte le long du dos une bande couleur de café, qui s’élargit sur la croupe, mais qui n’esttraversée par une autre bande sur les épaules que chez les mâles. L'onagre est connu depuis la plus haute antiquité, et Moïse défendit de l’ac- coupler avec l’âne parce qu'il le croyait d’une espèce différente ; les empereurs romains en nourrissaient dans leurs écuries comme objet de curiosité. Aujour- d'hui on ne le trouve plus vivant en liberté que dans la Tatarie, et particulière- ment dans le pays des Kalmouks, qui le regardent comme un excellent gibier et le chassent pour le manger et vendre son cuir dont on prépare le chagrin. Aucun animal de son genre n’a le pied aussi sûr que lui pour marcher sur le bord des précipices, au milieu des rochers; aussi aime-t-il de préférence les sentiers escarpés et étroits, et cet instinct primitif s’est transmis de génération en génération jusqu'à notre àne domestique. Il court avec une vitesse extrème, et soutient cette allure plus longtemps que les meilleurs chevaux arabes et per- sans ; enfin sa sobriété en ferait un animal parfait, si l’on pouvait le dompter assez bien pour le monter sans danger ; malheureusement il n’en est pas ainsi. Les Persans, qui tiennent à honneur d’avoir de beaux ànes pour monture, éle- vent de jeunes onagres qu'ils apprivoisent et croisent avec des ânesses. Les individus qui en résultent sont très-estimés pour leur force, leur légèreté, et ont une grande valeur, mais ils sont un peu plus vicieux que les autres, et eomme on à encore l'antique habitude de leur peindre la tête et le corps en rouge pour les distinguer des ânes ordinaires, ils ont donné naissance à ce proverbe vul- gaire qui à passé Jusqu'à nous, « méchant comme un âne rouge. » Cette habitude de les peindre à aussi fait croire à quelques voyageurs peu observateurs, qu’en Perse il existait des ânes rouges. Du reste, les onagres vivent en troupes innom- brables, et se défendent avec courage contre les bêtes féroces. Ils emploient pour cela, comme pour leurs marches dans le désert, la même tactique que les che- vaux sauvages. Lorsque les éclaireurs qui vont en avant de la troupe apercoivent un homme, ils jettent un cri, font un ruade, s'arrêtent, et ne fuient que lors- qu'on en approche; alors toute la bande détale au plus vite. Pour les prendre on emploie des piéges et des lacs de corde, que l’on tend dans les lieux où ils ont l'habitude d'aller boire. L'’âne domestique, si chétif et si dégénéré chez nous, n’en est pas moins un animal extrèmement utile, et que l’on ne sait pas assez apprécier parce que l’on est trop porté à le comparer au cheval. « IL est de son naturel, dit Buffon, aussi humble, aussi patient, aussi tranquille, que le cheval est fier, ardent, impétueux ; il souffre avec constance, et peut-être avec courage, les châtiments et les coups; il est sobre et sur la quantité et sur la qualité de la nourriture ; il se contente des herbes les plus dures et les plus désagréables, que les autres animaux lui laissent et dédaignent ; il est fort délicat sur l'eau, il ne veut boire que la plus claire et aux ruisseaux qui lui sont connus. Comme on ne prend pas la peine de l'étriller, il se roule souvent sur le gazon, sur les chardons, sur la fougère, et sans se soucier beaucoup de ce qu'on lui fait porter, il se couche pour se rouler 422 LES PACHYDERMES. toutes les fois qu'il le peut, et semble par là reprocher à son maitre le peu de soin qu'on prend de lui; car il ne se vautre pas dans la fange et dans l’eau, il craint même de se mouiller les pieds, et se détourne pour éviter la boue; aussi a-t-il la jambe plus sèche et plus nette que le cheval ; il est susceptible d’é- ducation, et l’on en a vu d'assez bien dressés pour faire curiosité de spectacle. L'âne est peut-être de tous les animaux celui qui, relativement à son petit volume, peut porter les plus grands poids ; et comme il ne coûte presque rien à nourrir, et qu'il ne demande pour ainsi dire aucun soin, il est d'une grande utilité à la campagne, au moulin, etc. Il peut aussi servir de monture, toutes ses allures sont douces et il bronche moins que le cheval; on le met souvent à la charrue dans les pays où le terrain est léger, etc. » Si l'âne à de bonnes qualités, il a aussi ses défauts. Son cri ou braire est aussi désagréable que retentissant ; quoique son caractère soit généralement doux et inoffensif, cet animal est capricieux et si têtu, qu'on le tuerait plutôt que de lui faire faire ce qu'il s’est mis dans la tête de ne pas faire. Du reste c’est à grand tort qu'on l’a accusé de stupidité, car son intelligence surpasse celle du cheval. Il est très-courageux, se défend avec autant d'adresse que de fureur contre les chiens et autres animaux, et si un loup est seul pour l’attaquer, l'âne vient aisé- ment à bout de le mettre en fuite, et même de le tuer. Par le croisement du cheval et de l’ânesse, on obtient les bardeaux ou petits mulets ; par celui de l’âne avec la jument, on a le mulet proprement dit. Tout le monde sait que ces précieux animaux sont stériles, qu'ils ont une force prodi- gieuse, la sobriété de l'âne, mais aussi son entêtement. Le Kuur (Equus khur, Less. L'Ane sauvage, Son cri ne parait être qu’un fort grognement. I] Isis de 1823) a les formes assez semblables à celles habite l'Asie et vit en grandes troupes, avec les de l’âne ; cependant sa téte est plus longue, et ses mêmes habitudes que l’onagre ; mais il descend membres sont plus forts. Son pelage est d’un gris dans les plaines pendant l'hiver et ne se retire eendré en dessus, et d’un gris sale en dessous; dans les montagnes que pendant la belle saison. PUITS ET MANEÈGE DERRIÈRE LA GRANDE SERRE TEMPÈREÉE. (Jardin des Plantes.) LES RUMINANTS, ONZIÈME ORDRE DES MAMMIFÈRES. Le Lama blanc. Jls n’ont d'incisives qu’à la mâchoire inférieure (si on en exceptele chameau et le paco) et ordinai- rement au nombre de huit; elles sont rempla- cées en haut par un bourrelet calleux. Entre les incisives et les molaires est un espace vide, où se trouvent, seulement dans quelques genres, une ou deux canines. Les molaires, presque toujours au nombre de six partout, ont leur couronne marquée de deux doubles croissants. Tous les pieds sont terminés par deux doigts et deux sa- bots qui se touchent par une face aplatie; les rudiments des deux doigts latéraux sont placés derrière les sabots. Ces animaux ont la faculté de ramener dans leur bouche pour les mächer de nouveau les aliments qu'ils avaient avalés, et celte opération se nomme ruminer. LES CHAMEAUX Ont des canines et point de cornes. Quel- ques-uns ont sur le dos une ou deux loupes graisseuses ou bosses. 1e7 GENRE. Les LAMAS ( Lama, Cuv.) ont trente dents, savoir : deux incisives supérieures et six inférieures ; deux canines en haut et deux en bas; dix molaires à la mâchoire supérieure et huit à l'inférieure ; les deux doigts séparés ; ils manquent de bosse ; leur cou est très-loug ; leur lèvre supérieure fendue. Le LAMA ou GUANACO ( Lama peruviana, Less. Auchenia glama, Desm. Came- lus Lama, Lis. Le Lama, Burr. Le Guanaco ou Huanaca n'Urroa. Le Llama des Péruviens |. Cet animal est de la grandeur d'un cerf; il ressemble assez, en petit, à un chameau qui n'aurait pas de bosse, mais ses proportions sont plus légères, son 124 LES RUMINANTS. oreille est plus longue et sa queue plus courte. Sa tête est plus pelite, plus gra- cieuse; son œil est rond, saillant, vif, mais son regard est adouci par des cils longs et serrés; ses jambes sont longues et minces; il a une plaque calleuse sur le poitrail, et ces derniers caractères conviennent également à tous les animaux de ce genre; mais il se distingue des autres par son pelage d’un brun fonce ti- rant sur le noir, avec un reflet roussâtre, à poils longs, laineux et grossiers, et par sa grande taille. En domesticité, son pelage varie beaucoup de couleur d'un individu à l’autre, et même d’une place à l’autre sur le même individu ; cepen- dant il est généralement brun, varié de taches blanches, et quelquefois tout blanc. Le lama parait originaire des chaines équatoriales de la Cordilière des Andes. Lorsque les Espagnols firent la conquête du Pérou, c'était la seule bête de somme que connussent les Américains, et Grégoire de Bolivar dit que de son temps les lamas étaient si nombreux qu'on en mangeait quatre millions par an, et qu'il y en avait trois cent mille employés journellement à l'exploitation des mines du Potosi. Mais depuis que les mulets sont employés à ce travail, et avec beaucoup d'avantage, le nombre en est considérablement diminué, et on n’en élève plus guère que pour la boucherie. Le lama ne peut pas porter plus de cent à cent cinquante livres ; si on le charge davantage il refuse de se lever, ainsi que le chameau, jusqu'à ce qu'on lui ait enlevé une partie de son fardeau. Il ne peut pas faire de longues marches, et quatre ou cinq lieues par jour est tout ce qu'on peut attendre de lui, encore faut-il qu'il se repose au moins un ou deux jours sur cinq ou six. Son pas est assez lent, mais il a le pied tellement sûr, qu'il passe dans des défilés, le long des rochers, sur le bord des précipices où les mulets se- raient exposés à se précipiter. Cette raison engage les habitants des hautes mon- tagnes à s'en servir encore quelquefois. Pour se faire charger, 1l se couche sur la callosité de son poitrail, sur lequel il s'appuie ayant les jambes repliées sous le corps ; il rumine et dort aussi dans cette attitude. Si on le surmène et qu'on le fatigue en le forçant à hâter le pas, il fait quelques efforts, puis se chagrine, tombe dans le désespoir, se couche par terre, refuse de se lever, et on le tuerait plutôt que de le déterminer à se remettre en marche ; d’ailleurs, si on le bat pour le déterminer à se lever, il se frappe la tête contre les rochers et se tue. C'est du reste un animal extrèémement doux, tout à fait inoffensif, se bornant, pour toute défense contre l'agression et les mauvais traitements, à cracher sur ceux qui le frappent. Il est trés-docile, et surtout extrêmement sobre ; il se con- tente de foin et d'herbe pour toute nourriture, et il peut passer plusieurs jours sans boire, parce que, ainsi que le chameau, il a une poche à eau dans l'estomac. M. de Buffon dit en avoir vu un à l’école d’Alfort qui resta dix-huit mois sans boire, et ce fait est au moins fort singulier. En Amérique on nomme Guanaco le lama sauvage, vivant à l’état de liberté dans les montagnes. M. de Humboldt pense que ces guanacos ne sont rien autre chose que le lama domestique qui a reconquis son indépendance, et il apporte à l'appui de son opinion des observations assez concluantes. Quoi qu'il en soit, on ne trouve ces animaux que sur le sommet des plus hautes montagnes, et près de la région des neiges éternelles. Ils y vivent en troupes fort nombreuses et sont extrêmement farouches. Si on veut les poursuivre avec des chiens, ils se jettent CHAMEAUNX. 425 aussitôt dans des rochers inaccessibles à tout autre animal qu'eux, et franchis- sent les précipices avec la même légèreté que les chamois. Ils ont l'habitude sin- gulière de déposer leurs excréments toujours au même endroit, comme font quel- ques antilopes et les chevaux sauvages, et ceci dénonce aux chasseurs leur pré- sence dans les cantons où ils se trouvent. On leur tend des pièges et des lacets, etils y donnent assez aisément. Le temps de la gestation est de cinq mois et quel- ques jours ; la femelle ne met ordinairement bas qu'un petit, rarement deux, et elle allaite pendant cinq ou six mois. Ces animaux croissent très-vite et ne vi- vent pas plus de douze à quinze ans. Leur chair est bonne, et celle des jeunes est particulièrement estimée. 54 LES 126 RUMINANTS. Le Lama brun. Les naturalistes reconnaissent aujourd'hui trois espèces de lama ; celui dont je viens de parler, l’alpaca et la vigogne; mais ces trois prétendues espèces pro- duisent ensemble des hybrides, comme le chien et le loup, et ces hybrides se reproduisent entre eux : ceci a été parfaitement observe sur le troupeau de lamas envoyé à Cadix en 1808. Or, jusqu'à ce que les naturalistes qui rejettent l’im- portance de ce fait, et qui prétendent que cela ne fait rien à l'espèce que le métis soit fertile ou mulet, jusqu’à ce que, dis-je, ils aient défini clairement ce qu'ils entendent par espèce en zoologie et en botanique, je m'en tiendrai à la définition des Buffon, Cuvier, de Candolle, etc., ete., je regarderai ces trois lamas comme de simples types de races, et j'y en ajouterai même deux autres sans empêcher que l'espèce ne reste unique à mon avis. L'ArPaca( Lama paco, Less. Auchenia pa- co, DeEsm. Camelus pacos, Enxz. Le Paco, Bure.) est plus bas sur jambes que le précédent et beaucoup plus large de corps ; un bandeau de poils roides et soyeux s'étend du front sur la face ; son poil est de longueur uniforme depuis la nuque jusqu’à la queue, aux poignets et aux talons ; il est d’un brun marron, reflété de noir ; le dessous de la gorge et du ventre ainsi que le dedans des cuisses sont presque blanes ; sa toison, presque entièrement composée d’un poil doux et laineux, lui tombe sur les flancs en mèches lon- gues de plus d’un pied (0,325), n'ayant guère Æmoins de finesse et d’élasticité que celui d’une chèvre de Cachemire. L'individu qui a vécu à la ménagerie était doux, limide, sensible aux ca- resses, et se laissait aisément conduire à la laisse ; il donnait des ruades comme les autres rumi- nants, et galopait pour courir, ce que ne fait pas le chameau. Cet animal a les mœurs sauya- ges, et vit en troupes dans les Andes du Pérou. Le Luan Où GUANAQUE DE Mozina (Lama Molinœi) diffère des précédents par sa taille beaucoup plus grande, égalant presque, selon Molina, celle d’un cheval; son dos est voüté ; sa tête est ronde, son museau pointu et noir, ses oreilles droites, sa queue courte et droite comme aux cerfs. Son pelage est fauve sur le dos, blan- châtre sous le ventre. Cet animal habite l'Amé- rique australe jusqu’au détroit de Magellan. L'été il se tient dansles hautes montagnes, mais l'hiver il descend dans les vallées et les plaines. On le CHAMEAU NX. rencontre toujours en .(roupes composées quel- quefois de plus de sept à huit cents. Le Huëque (Lama chili-hueque) ressemble au mouton par la tête, les oreilles ovales et flasques, et son chanfrein bossu ; ses yeux sont grands et noirs, ses lèvres grosses et pendantes. Les anciens Chiliens l'employaient comme bête de somme et le conduisaient en lui passant une corde daas l'oreille. La VicoGxe (Lama vicugna, Less. Aurhenia 127 vicugna, DEsm. Camelus vicugna, Lan. La Vigogne, Burr.) est de la grandeur d’une che- vre ; ses jambes sont longues et menues ; sa tête est d’une grosseur moyenne, et son museau s’u- uit au front par une légère courbure ; son pe- lage est d'un brun fauve päle, tirant sur la cou- leur isabelle en dessus, et blanc en dessous ; son poil est laineux, très - doux, extrèémement fin, long d’un pouce (0,027) sur le corps et de troisp. (0,081) sur la poitrine. La vigogne est d’un caractère timide, mais sauvage et farouche ; elle est inca- pable de s'attacher, et s’apprivoise très-difficilement. C’est un individu de cette race qui à vécu à Alfort, et qui a permis à Buffon de faire des observations. Elle cherchait à mordre ses gardiens, et crachait sur tous ceux qui l’approchaient. Malgré les soins que l’on a eu d'en prendre de très-jeunes et de les faire allaiter par des alpacas, on n’a jamais pu parvenir à les réduire à l’état de domesticité. Cetanimal vit en troupes considérables près des cimestoujoursglacées des Andes, où on va le chasser pour s'emparer de sa toison, après l'avoir tué. On en fabri- que des ponchos, étoffes excessivement fines dont ne se vêtissaient autrefois que les caciques, et que portent aujourd'hui les riches Espagnols américains. On à vainement essayé d'élever des vigognes dans Les plaines du Pérou et du Chili ; elles y vivaient quelque temps dans le regret de leurs montagnes glacées, se couvraient de gale et mouraient. Quand les chasseurs ont reconnu l'endroit où se trouve un troupeau de vigognes, ils tendent, du côté des défilés par lesquels elles pour- raient s'échapper, des cordes auxquelles sont suspendus des chiffons de toutes couleurs, puis ils se mettent à la poursuite du troupeau qui souvent se compose de deux à trois cents individus. Ces animaux sont si extraordinairement timides qu'arrivés en face des cordes ils en sont effrayés au point de s'arrêter et de res- ter dans une immobilité complète, le cou et les yeux tendus vers les chiffons rou- ges, blancs et jaunes agités par le vent. Les chasseurs arrivent, les saisissent par les pieds de derrière sans qu’elles osent se retourner, et ils en tuent une grande quantité. Si un guanaco ou un alpaca se trouvent dans le troupeau, la chasse ne reussit pas, car il franchit la corde et toutes les vigognes en font autant après lui. Encore aujourd'hui, au Chili et au Pérou, on tue annuellement jusqu'à quatre- vingt mille vigognes, et cependant l'espèce ne paraît pas diminuer. Le Cuameau ( Camelus buctrianus, Lin. Ca- melus Bactriæ de Pline. Le Chameau, Burr.) à > Gene. Les CHAMEAUX (Camelus, Lin.) sont de grands animaux qui se reconnaissent de suite à une ou deux bosses énormes qu'ils por- tent sur le dos. Ils ont trente-quatre dents, sa- voir : deux incisives supérieures et six inférieu- res ; deux canines à chaque mâchoire; douze molaires en haut et dix en bas. Leurs doigts sont réunis en dessous par une semelle commune qui s'étend jusqu'à la pointe. ordinairement sept pieds (2,27#) de la terre au garrot ; il porte deux bosses, l’une sur le garrot l'autre sur la croupe. Son pelage est d'un brun roussätre, laineux, très-touffu, composé d'un duvet fort long entremélé de poils rares, plus longs et grossiers. Il est précieux dans les Con- trées chaudes et sablonneuses. Le chameau, nommé par les Arabes le vaisseau du désert, parce que sans lui il serait impossible de traverser les vastes solitudes de l'Asie, parait être origi- naire du pays de Shamo, vers les frontières de la Chine ; du moins aujourd'hui on ne le trouve plus que la à F'état sauvage. I est plus grand, plus fort que le 428 LES RUMINANTS. dromadaire, mais moins léger à la course ; il craint moins les terrains humides et la boue, mais tous deux deviennent inutiles dans les pays rocailleux, faute de pouvoir marcher sans se blesser. Leur chair et leur lait servent à la nourriture, et leur poil à faire des vêtements grossiers, principalement d'excellents man- teaux que les Arabes nomment baracans. Le chameau est célèbre par sa sobriété, et en effet, sous un ciel brülant, à travers les déserts les plus secs et les plus arides, il peut soutenir la fatigue pendant trois ou quatre jours sans boire, et ayant pour tout aliment quelques noyaux de dattes mêlés à un peu de riz ou de mais. [la dans l'estomac une sorte de poche dans laquelle il n’amasse pas une provision d’eau en buvant, comme on l'avait dit, mais dans laquelle il s’en amasse continuellement qui se forme dans son corps et se rend dans cette poche en suintant de ses parois. En contractant ce singulier organe il force l’eau à en sor- tir, à se mêler à ses aliments, ou à refluer jusque dans sa bouche. Hors le temps du rut, cet animal est docile et fort doux; il obéit à la voix des chameliers, me- sure son pas à la cadence de leurs chants, s’agenouille pour se faire charger et décharger, et porte aisément une pesante charge de marchandises. Mais quand il est en amour, pour peu qu'on le contrarie, il entre en fureur et devient alors très- dangereux. Il apporte en naissant ces callosités qu'il a au poitrail et aux genoux, et que Buffon regardait comme un stigmate imposé par une antique servitude. On à vainement cherché à acclimater ces précieux animaux dans d’autres pays que Les leurs, par exemple en Espagne et en Amérique; ils y vivent et multiplient même, ce qui leur arrive également à la ménagerie à Paris, et cela en raison des soins que l’on en prend; mais ils y sont impuissants au travail, deviennent fai- bles, languissants, et finissent par périr avec leur chétive postérité. On a voulu, au Jardin des Plantes, en utiliser deux en leur faisant tourner une manivelle pour tirer l'eau d’un puits; ce faible travail les fatiguait beaucoup, et ils faisaient dans leur journée moins de travail que n’en aurait pu faire la plus misérable rosse. Comme le chameau et le dromadaire produisent ensemble des petits fé- conds, on ne doit les regarder que comme types d’une simple race. Le DromaDaiRe (Camelus dromedarius, Lin. Camelus Arabiæ, Pine. Le Camelus arabicus, D'ARISTOTE. Le Dromas des Grecs, et le Djemal des Arabes). Cet animal diffère du précédent eu ce qu’il n’a qu’une bosse arrondie sur le mi- lieu du dos; son pelage est assez doux, laineux, de médiocre longueur, d’un gris blanchätre ou roussätre. Sesmœæurs sont absolument les mêmes que celles du précédent, mais il est beaucoup plus léger à la course et sert plus souvent de monture. Les Maures en possèdent une variété plus petite, nommée herry, si vigoureuse et si légère, qu’elle peut faire aisément trente lieues d’un seul trait. Le dromadaire est très-répandu en Perse, en Égypte, en Arabie, en Abyssinie, en Barbarie, etc. Ten) h AU! AR] ( fo "46, U/. CABANE DES AXIS ET DES CHEVRES DU SENNAAR. Jardin des Plantes.) MOSCHINEÉES. 429 NY AU, é ARS PNG SENS 7 LA DEL KSC — Le Muse ou Chevrotain. LES MOSCHINÉES N'ont pas de cornes; ils ont de chaque côté cisives en bas, point en haut; deux canines en de la mächoire supérieure une longue canine haut, point en bas; douze molaires à chaque qui sort de la bouche dans les mâles. mâchoire ; leur taille est élégante, leurs pieds 3° Genre. Les CHEVROTAINS (Moschus, fins, à sabots conformés comme chez les autres Lin.) ont trente-quatre dents, savoir : huit in- ruminants ; ils manquent de larmiers. Le musc (Moschus moschiferus, Lix. Le Xé des Chinois. Le Gifar des Ta- tares. Le Kudari, le Dsaanja et le Dsehija des Kalmoucks. Le Glon, Glao et Alath du Thibet. Le Kaborga, le Saïga et le Bjos des Russes et des Ostiaks) Est un charmant animal, de la taille d’un chevreuil de six mois ; son pelage est grossier, teint de brun, de fauve et de blanchâtre ; ses canines sont très- apparentes hors de la bouche; un simple renflement remplace la queue. Les jeunes portent une livrée et varient selon l’âge; mais, vieux ou jeunes, tous ont sous le cou, depuis la gorge jusqu’au poitrail, deux bandes blanches bordées de noir, enfermant entre elles une bande noire. On trouve cet animal dans presque toute l'Asie, et principalement en Chine, au Thibet, au Pégu et en Tartarie ; il a une espèce de bourse de deux à trois pouces de largeur, en dessous du nombril, des parois de laquelle sécrète une humeur odorante, formant une masse de consistance sèche, même pendant la vie de l’animal, et connue dans le commerce de la parfumerie sous le nom de musc. C’est entièrement à ce parfum très-recherché que l'animal doit l'antique célébrité dont il jouit, mais aussi la guerre incessante qu’on lui fait. Le musc n'habite que le sommet rocailleux des plus hautes montagnes, au milieu des rochers et des précipices, où il déploie dans sa course toute la légèreté du chamois. Ses ongles postérieurs, fort longs et pouvant s’écarter 430 LES RUMINANTS. beaucoup, lui donnent une sûreté de marche extraordinaire ; il gravit aisément les pentes les plus rapides, s’eélance d’un bond au-dessus des abimes, se préci- pite avec hardiesse du sommet des rocs, saute d’une pointe à l’autre avec une précision admirable, qui annonce autant de justesse dans son coup d'œil que de force dans son jarret, et tout cela avec tant de rapidité, que l'œil du chasseur peut à peine le suivre dans sa fuite ; si le hasard le jette dans la plaine, il n’est pas plus embarrassé dans sa course, et il passe mème de grandes rivières à la nage sans montrer la moindre hésitation. Comme le renne, il se nourrit en hiver des lichens qui tapissent le flanc des rochers et les troncs d'arbres ; l'été il cherche des racines qu'il sait très-bien déterrer avec les pieds et arracher avec ses longues canines, et il mange aussi les bourgeons et les feuilles de quel- ques arbrisseaux, et entre autres ceux du Rhododendrum danricum. Son carac- tère est extrêmement timide, et, comme Île lièvre, il paraît passer une partie de sa vie dans des transes continuelles; caché le jour dans un fourré inacces- sible, il n'ose en sortir que la nuit pour vaquer aux fonctions de l’animalité, et c'est à cause de ses habitudes nocturnes que les voyageurs l'ont si rarement ren- contré, même dans les contrées où il est le plus commun. Ces animaux vivent ordinairement isolés ; mais en novembre, moment où ils sont le plus gras, ils entrent en rut et se rassemblent en troupes pour aller à la recherche des fe- imelles. Dans cette circonstance ils oublient leur poltronnerie naturelle, et se livrent des combats furieux, dont plusieurs ne se retirent qu'après avoir reçu des blessures graves ou perdu leurs longues canines. Quoi qu'on en ait dit, leur poche de parfum ne contient pas plus de muse à cette époque qu'à une autre, mais c’est en ce moment qu'on leur fait la chasse, parce qu'ils sont plus aisés à surprendre, qu'ils donnent aisément dans les pièges qu'on leur tend, et que leur chair, fort estimée par les chasseurs, est alors grasse et délicate. On à vainement essayé de les soumettre à la domesticité ; ils refusent de multiplier, s'ennuient, et finissent par mourir de débilite. Aussitôt qu'un chasseur a tué un de ces animaux, 1l enlève le plus prompte- ment possible la poche au muse, en ferme l'ouverture avec un bout de ficelle, la fait sécher à l'ombre, et en cet état elle est bonne à livrer au commerce. Mais quelquefois son avarice le détermine à la fraude, et il fait de fausses poches avec des morceaux de peau qu’il enlève au ventre de l'animal ; il y met plus ou moins de muse de la véritable poche, et achève de les remplir avec du sang de l'animal. Souvent, pour donner plus de poids, il y ajoute une certaine quantité de plomb, et tout cela est fait avec tant d'adresse, qu'il est fort difficile aux marchands de s'en apercevoir. Les femelles n’en produisent pas, et n’ont même pas de bourse musquée. Ce parfum, extrêmement pénétrant, n’a pas la mème force et la même qualité partout; le meilleur vient du Tunkin, et le moins estimé des Alpes si- bériennes ; ce dernier n’a pas plus d’odeur que le castoréum. Le Meminva (Moschus meminna, Eaxz. Le cédent et n’a pas de poche à muse. I se trouve Cherrotain à tache blanche, Burr. ) est remar- à Ceylan. quable par son pelage d'un gris olivâtre en des- Le CuEVROTAIN DE Java ( Moschus jaranicus, sus, blanc en dessous, avec des taches rondes et Pau.) est de la taille d’un lapin; son pelage blanches sur les flancs ; ses oreilles sont longues est d’un brun ferrugineux en dessus, ondé de ct sa queue courte. Il est plus petit que le pré- noir et sans taches sur les flancs, avec trois ban- MOSCHINÉES. des blanches en long sur la poitrine; le bout de son museau est noir. Il habite Java. Le Naru ( Moschus napu, En. Cuv. Moschus jaranicus, Rarrc.) n'est guère plus grand que le précédent, et sa taille ne dépasse pas celle d'un lièvre; son pelage est brun, irrégulière- ment mélangé de reflets d'un gris noirätre ou fauve : le poitrail est d’un brun foncé, avec cinq taches blanches, linéaires et convergentes ; sa mâchoire inférieure est blanche. Il habite Su- matra. 131 Le Kancuiz (Moschus kanchil, RarrL.)a quatorze pouces (0,579) de longueur, sur neuf (0,244) de hauteur ; son pelage est d’un brun rouge foncé, presque noir sur le dos, et d'urt bai brillant sur les flancs, avec le dessous blanc ; il a trois raies sur la poitrine et une bandelette, qui va de la mâchoire à l'épaule, blanches; sa queue est touffue, blanche au bout ; ses canines sont fort longues et courbées en arrière. On le trouve à Java, dans les forèts, où il vit de feuil- les, de bourgeons et de graines d'arbres. Ce singulier animal est extrèmement rusé et plein d'intelligence; aussi les Malais, quand ils veulent désigner un adroit voleur, disent qu'il est rusé comme un kanchil. I n'habite que les forêts les plus profondes, où il se nourrit prinei- palement des fruits du gmelinia villosa. Malgré son agilité extraordinaire, il courrait risque quelquefois d’être atteint et déchiré par les bêtes féroces ou les chiens des chasseurs, s’il n'avait l'adresse de s’en tirer d'une manière fort ex- traordinaire pour un animal ruminant. Après avoir fui devant ses ennemis et avoir rusé devant eux pour leur dérober sa piste, s'il se sent trop pressé par eux, il s'élance d’un bond prodigieux à la haute branche d'un arbre, s'y accroche par ses dents, y reste suspendu, et de là regarde tranquillement passer la meute. Quand les chiens sont éloignés, il se laisse tomber à terre et retourne sur ses pas sans plus s’en inquiéter. Les naturalistes ont encore signalé parmi les chevrotains des espèces qui n’appartiennent pas à ce genre. Tels sont les moschus pygmæus, jeune âge de l’antilope spinigera ; les moschus americanus et delicatulus, qui ne sont que des faons du cervus rufus. LES RUMINANTS. LES PLENICORNES N'ont point de canines; les mâles seulement ont des cornes ou bois osseux et caducs, c’est- à-dire tombant chaque année, ou à des inter- valles plus longs. 4e Gene. Les CERES (Cervus, Briss.) ont trente-deux dents, savoir : point d’incisives en haut et huit en bas; point de canines; douze molaires à chaque mâchoire. La plupart ont un mufle ; tous ont des larmiers sous les yeux. Leur taille est svelle, leurs jambes minces, leurs oreilles médiocres; ils ont la queue très-eourte. Nous ne décrirons que les espèces vivantes, et nous adopterons la classification de M. de Blainville. Ire SECTION. Bois sessiles, plus ou moins subdi- cisés, sans andouillers basilaires ni médians, terminés par une très-grande empaumure di- gilée à son bord externe seulement. L'ÉLAN (Cervus alces, Lin. Le Moos-deer des Anglo-Américains. L’Elan de Burr. L'Orignal des Canadiens. L’E{k ou Elend du nord de l'Europe. Le Loss des Slaves ) Est le plus grand de tous les cerfs, et surpasse quelquefois la taille d’un che- val, avec lequel son museau renflé a quelque analogie ;: sa tête est longue et étroite en avant; son bois consiste en une très-large empaumure garnie d’an- douillers ou de digitations nombreuses à son‘hbord extérieur; sa queue est trés-courte; son pelage est d’un brun fauve sur le dos et sur la croupe, et d'un brun plus ou moins foncé en dessous. Il noircit en vieillissant. Le cou de cet animal est tellement court, que pour paître il est obligé d'é- F ENCLOS DES CERFS D'EUROPE PRES DE LA FOSSE AUX OURS. {Jardin de: Plantes.) PLÉNICORNES. 433 earter et fléchir les jambes de devant; aussi se nourrit-1l plus volontiers de feuil- lage, de bourgeons et d'écorce d'arbre que d'herbe. I se plait particulièrement dans les grandes forèts, surtout dans celles qui renferment des marais, où1il se plonge et reste tout le jour, pendant l’éte, pour éviter la piqüre des taons ; dans cette attitude, il se plaît à brouter l'herbe qui croît sous l'eau, en soufflant avec grand bruit par les narines. Quoique timide comme tous les cerfs, comme eux aussi il se défend avec courage quand la fuite ne lui est plus possible; dans ce cas il frappe avec ses bois, avec ses pieds de derrière, et plus dangereusement avec ceux de devant. Dans sa fuite il ne galope jamais, mais il court d'un trot accéléré très-vif, et peut faire trente milles tout d'une traite. I est fort singu- lier que sa marche soit toujours accompagnée d'un eraquement d'os qui n’a pas encore été bien expliqué. Cet animal vit en grandes hardes, ou troupes; sa femelle est plus petite que lui. Il est bien certain que depuis nombre d'années on ne le trouve plus en France, mais il est encore assez commun dans les gran- des forêts du nord des deux continents Son caractère est fort doux, il s'appri- voise aisément, et dans le nord-ouest de l'Amérique les sauvages l’attellent à leurs traineaux, comine on le faisait autrefois en Suède. Il est en rut de sep- tembre en octobre, et la femelle met bas deux ou trois petits, en avril et mai. Ses ennemis les plus redoutables sont l'ours et le glouton. La chair de cet ani- mal est assez mauvaise, mais sa peau est précieuse en chamoiserie. IIe secrion. Bois sessiles plus ou moins divisés ; pourvus d'andouillers basilaires et médian, les andouillers supérieurs seuls comprimés. Le Dai (Cercns dama, Lan. Cervus plati;- ceros, Ray. Le Daim, Burr. Le Platogni des Grecs actuels), moins grand que notre cerf; son pelage est d’un brun noirâtre en hiver, en été il est fauve facheté de blanc; les fesses sont blanches en tout temps, bordées de chaque côté d'une raie noire; la queue est plus longue que celle du cerf, noire en dessus, blanche en des- sous ; le bois du mâle est rond à sa base avec un andouiller pointu ; aplati et dentelé en dehors dans le reste de sa longueur ; passé un certain âge, il rapetisse et se divise irrégulièrement en plusieurs lanières. On trouve des daims noirs sans taches, et d’autres entièrement blancs. Ces animaux vivent en petites hardes dans presque toute l'Europe, et leur chair est assez estimée. Ils ont les mêmes habitudes que notre cerf, mais ils se plaisent moins dans les grandes forêts et préferent les bois coupés de champs cultivés. Ile secriox. Bois comine dans le précédent, mais andouillers aplatis. Le Rene ( Cervus larandus, Lin. — Des. Cervusrangifer, Buss. Cervus coronatus, Desn. Le Caribou de Briss. Le fieen des Lapons) est de la grandeur d’un cerf, mais à jambes plus courtes et plus grosses ; les deux sexes ont des bois divisés en plusieurs branches, d'abord gré- les et pointues, et qui finissent avec l’âge par se terminer en palmes élargies et dentelées; son poil, bran en été, devient presque blanc en hiver. 1] habite les contrées glacixles des deux continents. Le renne est le cadeau le plus précieux que la nature ait fait à ces contrées du Nord perdues la moitié de l'année sous de tristes frimas. Il sert à la fois de bète de trait et de somme. Les Lapons, qui en ont de nombreux troupeaux, l'attellent à de légers traîneaux sur lesquels ils voyagent avec une extrème rapidité, et à de trés-grandes distances. La femelle donne par jour à peu près un litre de lait ex- cellent, remplacant pour tous les usages celui de vache; la chair de cet animal est fort bonne et se conserve fort bien au sel ; avec la peau on fait des vêtements, des harnais, des sacs, des voiles de canots, etc. ; avec les tendons on fait des cor- des et du fil, des outres avec la vessie, des ustensiles divers avec ses cornes et ses os; enfin il n’est pas une de ses parties qui ne soit utile. Aussi la richesse d’un 431 LES RUMINANTS Lapon se calcule-t-elle sur le nombre de rennes qu'il possède. Il les envoie paitre l'été sur les montagnes ; l'hiver il les ramène dans la plaine, où ils savent trouver leur nourriture en grattant et creusant la neige qui la couvre quelquefois de plusieurs pieds. Cette nourriture consiste en lichens et en mousse, et même, quand elle leur manque, ils se contentent d’écorces d'arbres, de bourgeons de bouleau et de sapin, et même, faute de mieux, on les accoutume à manger des débris de baleine et des os de poisson. Cet utile animal est doux, fort docile, mais sujet, quand on le maltraite, à tomber dans des accès de fureur qui devien- nent funestes à son conducteur s'il n’a pas la précaution de renverser le traineau sur lui et de rester caché dessous jusqu’à ce que la colère du renne soit passée. À l’état sauvage, il a les mœurs de l’élan, à de très-petites différences près. Ces mammifères vivent en hardes extrêémement nombreuses, et l'été, pour évi- ter la piqûre des æstres, ils se retirent dans les plus sombres forêts de sapins dans les montagnes. Ils ont une si grande frayeur de ces insectes, que le bour- donnement d’un seul suffit pour mettre le désordre dans un troupeau de deux ou trois cents individus. Le rut à lieu en novembre et décembre, après quoi le mâle jette son bois; la femelle ne perd le sien, qui est plus petit, qu'après avoir mis bas, au mois de mai; elle fait deux petits dont elle a grand soin. Ces ani- maux s’apprivoisent facilement ; ils sont fort doux, mais non pas très-timides, et ils savent fort bien se défendre contre le glouton et les autres animaux car- nassiers. Ceux qui ont vécu à la ménagerie étaient fort paisibles ; on les nourris- sait avec du lichen et du pain. On à vainement tenté d’acclimater les rennes dans les hautes montagnes d'Écosse, et, à plusieurs reprises, on y en a lâché des troupeaux assez considérables, mais tous y sont morts en assez peu de temps. IVe secrion. Bois sessiles, à andouillers, basilaires et médians, tous coniques Le Cenr ORDINAIRE (Cervus elaphus, Lin.) est le plus grand des animaux sauvages de la France. Il a la tête longue, terminée par un mufle tres-court ; ses bois sont ronds, branchus, ver d’un gris brun ; il a une grande tache d’un fauve pâle sur les fesses et la queue. Le mâle a des canines qui manquent à la femelle, et celle- ci est aussi dépourvue de bois. On doit regarder comme de simples variétés : le cerf blane, qui n'est qu'un albinos; le cerf de Corse ( Cervus corsicanus, Gur.), qui est plus petit et plus trapu ; le cerf -des Ardennes ( Cervus germa- nicus, Briss.), plus grand et à pelage plus foncé. ayant une empaumure terminale formée de deux à cinq dagues ; sa queue est moyenne ; son pelage d'été est d’un brun fauve, celui d'hi- Le cerf entre en rut au mois de septembre, et pendant les quinze jours que dure cet état, il est furieux, oublie sa timidité naturelle, se jette quelquefois sur les hommes, et crie ou brame de manière à faire retentir les forêts. A cette épo- que seulement les mâles se réunissent en hardes avec les femelles, et ils restent en troupes nombreuses pour passer l'hiver ensemble; mais tant que dure le rut, ils se livrent entre eux des combats à outrance, et forcent les jeunes mâles à se tenir à l'écart; au printemps ils se séparent. La biche porte huit mois et quel- ques jours, et ne met ordinairement bas qu'un petit qu'elle soigne avec tendresse et qu’elle garde auprès d'elle quelquefois pendant deux ans. La chasse au cerf, à cause des énormes frais qu’elle entraine en chevaux, chiens, piqueurs, équipages, a été de tous temps un plaisir de prince, ou au moins de personnages fort riches. Elle a ses lois, ses règles et son langage particulier. Son vocabulaire, aussi stu- pide que barbare, aussi impropre dans ses acceptions qu'ignoble dans son ensem- PLÉNICORNES. 135 ble, porte le cachet des valets de chiens et des palefreniers qui l'ont invente; et néanmoins, on l'entend quelquefois parler dans les salons de Paris. Quoique fort timide et peu intelligent, le cerf ruse devant les chiens, et emploie quelque- fois des moyens surprenants pour leur échapper. Entre plusieurs exemples je n'en citerai qu'un, dont j'ai été témoin sous l'empire. Un vieux cerf, habitant un canton des bois de Meudon, vingt fois fut mis sur pied par la meute impé- riale. Il se faisait battre dans la forêt pendant un quart d'heure, puis tout à coup il disparaissait, et ni hommes ni chiens n’en avaient plus de nouvelles, ce qui mettait les piqueurs au désespoir régulièrement tous les quinze jours. Enfin, un paysan que le hasard avait rendu plusieurs fois témoin de la ruse de l'animal le trahit, et le pauvre cerf fut pris. Voici comment il agissait : après avoir fait deux ou trois tours dans le bois pour gagner du temps, il filait droit vers la route de Fontainebleau, se placait en avant d’une diligence ou d’une voiture de poste, trottait devant les chevaux qui effaçaient sa piste, et sans se presser davan- tage, sans s’effrayer des voyageurs à cheval, à pied ou en voiture, qu'il rencon- trait, il faisait ses six lieues et arrivait gaillardement dans la forêt de Fontaine- bleau, d'ou il ne revenait que le lendemain, quand le danger était passé. Le Wapiri ( Cervus wapiti, Mircu. Cercus major, Desx. Le W'apili de WauDen. L’Elh des Américains) est à peu près de Ja taille du cerf, et a la queue tres-courte; son pelage est d'un fauve brunâtre : ses fesses et sa queue sont d'un jaune tres-ciair ; ses bois sont rameux, tres-grands el sans empaumure; le mufñle est tres-large, et le mâle seul à des canines; ses poils sont fort longs sous le cou et la tête; l'in- térieur de l'oreille est blanc, et les larmiers sont tres-grands. Cet animal habite Je nord de l'Ainérique : il n'a qu’une femelle qu’il ne quitte jamais, et vit en famille, mais non en troupe. Son caractere est fort doux, et il s’apprivoise facilement, jusqu’à une demi-domesticité; aussi les Indiens s’en servent-ils pour l’atteler à leurs {raineaux. Un individu a vécu à la ménagerie, et l’on a vainement tenté de lui faire couvrir des biches. Le CERF Du Canapa (Cerrus cunadensis, Gauc.— Desu. Le {{ed-deer de VV ARDEN) n'est peut-élre qu’une variété du précédent. Son pe- lage est d’un fauve obscur, sans {aches jaunä- tres sur les fesses ; sa queue est assez longue ; ses bois sont branchus, sans empaumure termi- nale, et ont six andouillers isolés, recourbés à leur extrémité. Cel animal habite l'ouest et le sud des Étals-Unis, et se trouve aussi dans les montagnes Rocheuses, où Clark et Lewis disent en avoir vu dont la queue avait dix-sept pouces de longueur. C’est un animal stupide, dont le cri approche du braiment de l’äne. Le CERF À GRANDES OREILLES ( Cervus macro- lis, Say.) est d’un brun pâle et rougeâtre sur le corps; les flancs sont d’un cendré brunäâtre ; il a le dos parsemé de poils à pointe noirâtre, lui formant une pointe distincte sur le cou ; ses oreilles sont longues de sept pouces et demi (0,205) ; sa queue, longue de quatre pouces (0,108), est d'un cendré roussâtre, terminée et dépassée par des poils noirs aussi longs qu'elle. 11 habite dans le nord des États-Unis. Le Cerr DE WaLuca (Cervus Wallichii, Fr. Cuv.) est d'un gris brun jaunâtre, plus pâle sur les joues, le museau, autour des yeux et au ventre ; il a à la croupe une grande tache blan- che ainsi que la queue, qui est très-courte; ses bois s’écartent de côté et se renversent en ar- rière, après les premiers andouillers, pour re- monter verticalement ; sur chaque bois naissent deux andouillers qui se dirigent en avant : l’un descend sur le chanfrein, et l’autre se relève un peu ; un troisième naît du merrain et se dirige en dehors. Cette belle espèce habite le Népaul. Ve secTiov, Bois sessiles, ramifiés, atec un seul andouiller basilaire , sans médians, et Le su- périeur ordinairement simple. Pelage tachete. L’Axis (Cervus axis, Lin. Le Cerf du Gange, Burr.) a les formes générales du daim; son pelage est d'un fauve assez vif et moucheté de blanc, avec une ligne presque noire le long du dos ; le dessous du corps est d’un blanc pur; le mâle manque de canines supérieures; ses bois ont deux andouillers et une seule pointe lermi- nale; la femelle a une ligne longitudinale blan- che sur les flancs. Ce charmant animal est ori- ginaire de l'Indostan, et a été introduit en An- gleterre au commencement du dix-septième siecle. Son cri ressemble un peu à l'aboiement d'un chien, et peut s’écrire ainsi houi, houi, houi. L'Axis est fort doux, fort timide, mais nullement farouche Il s’est très-bien acclimaté en France, et ceux de la ménagerie produisent 436 chaque année. Il n'a pas de temps marqué pour le rut, et le mâle ne maltraite pas ses biches. Le Cerr-Cocnon (Cerrus porcinus, Lin. Le Cerf Cochon, Burr.) a le corps plus trapu et les jambes plus courtes que le précédent ; il est fauve, facheté de blanc en dessus, avec une ligie un peu brune sur le dos; d’un gris fauve en dessous ; ses fesses sont blanchätres ; sa queue est fauve en dessus, blanchätre en dessous ; ses yeux et son museau sont noirs; ses bois sont grêles, n'ayant que trois petits andouillers. T1 habite l'Inde, où il vit en grandes troupes. II est timide, mais néanmoins il s'apprivoise faci- lement et devient très-familier. 11 est à demi domestique au Bengale, où on l'engraisse pour le manger, comme le précédent VL® section. Bois comme les précédents, mais pelage sans taches. Le Roussa-Iran (Cervus hippelaphus, G. Cuv. Non l’Hippelaphe d’Aristote. Le Mejan- gan-banjoë ou Cerf d'eau des Javanais. Le Rusa ou Roussa-itan de Sumatra ) est de Ja taille de notre cerf; son poil est plus dur et plus rude, plus long et plus hérissé en sorte de barbe sur le cou, les joues et la gorge. Son pe- lage d'hiver est d'un gris brun plus ou moins foncé : celui d'été est d’un brun plus clair et plus doré. Sa croupe est d'un fauve pâle; sa queue brune, terminée par des poils assez longs et noirs. Il habite les deux presqu'iles de l'Inde et son archipel. Plusieurs ont vécu à la ména- geric. Le CERF DES MARIANNES ( Cervus mariannus, G. Cuv.) ne dépasse pas la faille d’un che- vreuil; il est entièrement d’un gris brun ; sa queue estcourte ; il a, commeles précédents, un mule et des larmiers; son bois a deux andouil- lers à une seule pointe terminale, dirigés l’un en avant et l’autre en dedans. Il manque d’in- cisives. On le croit criginaire des Philippines, d'où il aurait été apporté aux Mariannes par les Espagnols. Dans tous les cas, il s’y est pro- digieusement multiplié. La femelle met bas en mars, et son faon ne porte aucune livrée. I] nage avec une prodigieuse vitesse, et lorsqu'il est trop pressé par les chiens, il se jette à la mer et leur échappe au milieu des brisants qui déferlent avec le plus de fureur. Le Cenr bE LEscuexAuLT (Cervus Lesche- naultii, G. GUY.) n'est connu que par son bois, envoyé de la côte de Coromandel par Lesche- nault. Ce bois est aussi grand que celui du cerf d'Aristote, mais, il est moins grand, quoique aussi {uberculeux, que celui du cerf d'Europe ; il donne de sa base un andouiller médiocre,'et sa pointe se partage en deux corps presque égaux, faisant chacun le quart de la longueur totale. Le Caz-Onrin ou le CErr D'ARISTOTE ( Cer- vus Aristoteli, G. Cuv. L'Hippelayhe dtris- LES RUMINANTS. tole, selon G. Guy.) ressemble beaucoup au roussa-ilan, mais il est plus grand et ses lar- miers sont aussi plus grands et plus profonds : le bois a de l’aualogie avec celui du marianus ; l'andouiller de fa base s'élève à plus de moitié de la hauteur du merrain, tandis que l’andouil- ler supérieur, tres-petit, est {out près de la pointe à laquelle il est postérieur ; son pelage est le même, à cette différence que la queue est brune au lieu d’être noire. Il est commun dans le Népaul, et vers l'Indus. Le Cerr noir (Cervus niger, BLAINV.— Des.) a la taille et les formes générales de notre cerf; son pelage est d’un brun presque noir en dessus, plus clair en dessous, tandis que les parties su- périeures du dedans des membres sont blan- ches. Les bois n’ont qu'un andouiller conique à la base d'un merrain allongé. 11 habite l’Inde, et n’est peut-étre qu'une variété du roussa-itan. Le Cerr pe Duvaucez (Crrvus Duraucellii, G. Cuv.) a été établi par G. Cuvier sur un bois envoyé de l'Inde par Duvaucel. Le merrain est dirigé d’abord un peu en arrière et de côté, et recourbé en avant par sa parlie supérieure, de sorte qu'il est concave en avant ; un seul an- douiller sort de la base, dirigé en avant; des deux ou trois andouillers terminant le merrain, l'iuférieur, qui est ordinairement le plus grand, se bifurque ou {rifurque, suivant l’âge, en sorte qu'on peut compter de cinq à sept cors à chaque perche, les quatre ou six cors supérieurs for- mant une sorte d'empaumure. Quelquefois il y a un petit {ubercule dans l'aisselle du maitre andouiller. Le C£ur DE PERON ( Cervus Pcronii, G. Guy.) u été élabli sur une téte envoyé de Timor par Péron. Il à des canines ; la tête a une saillie as- sez marquée entre les bois, mais point de con- vexité à la base du nez ; l’angle postérieur de l'orbite est relevé d'une manière particulière ; l'andouiller postérieur est presque égal à la pointe du merrain, qui est d’un brun pâle. Le Cerr-CuevaL ( Cerrus equinus, G@. Guy.) est presque aussi grand qu'un cheval; son mu- seau est noir, son menton blane; son pelage est d'un brun grisätre, plus obscur sur le ventre, tirant sur le ferruginenx aux parties posté- rieures et à la queue; l’intérieur des membres est blanchâtre ; les deux sexes ont des canines ; l’andouiller supérieur est plus petit et dirigé en arrière. Il habite Sumatra. VIle sEcTION. Bois sessiles, ramifiés, avec un andouiller médian, sans andouiller basilaire. Une ligne blanche, bordée de noir, coupant obliquement le museau, chez la plupart. Le CuevreuiL ( Cervus capreolus, Lin. Le Che- “retil d'Europe, G. Guv. Le Zarchodia des Grecs modernes. Le Dorcas des anciens. Le Caprea, de Pun.) est plus petit que le daim, PLENICORNES 437 ni larmicrs; ses bois sont rugueux, rameux, assez pelits, à deux andouillers, dont l'un dirige en avant, l'autre en arrière. dont il a à peu près les formes générales ; il esl fauve, ou d'un gris brun, avec les fesses blan- ches et la queue très-courte; il n’a ni canines Les chevreuils vivent par couples, dans les forèts élevées de l'Europe tempérée, etils ne sont pas rares en France. Ils entrent en rut en novembre; la chevrette porte cinq mois et demi, et met bas en août deux faons qui restent en tout huit ou neuf mois avec leurs parents. Pendant cet espace de temps le père et la mère les soignent avec tendresse, et s'ils sont rencontrés par des chiens, le mâle se présente, attire leur attention, puis fuit avec rapidité en entrainant la meute après lui, tandis que la mère emmène les enfants d’un autre côté; mais ni l'un ni l’autre n'ont le courage de les défendre. Si le courage manque à la chevrette, l'amour maternel sait quelquefois y suppléer, et voici un fait dont j'ai été té- moin oculaire dans la forêt de Fontainebleau, et qui le prouvera. Je vis une che- vrette, surprise par un loup, saisir son faon par la peau du dos, avec sa bouche, l'enlever de terre et fuir en l'emportant avec une rapidité qui dérouta bientôt son ennemi. Cette action me parut d'autant plus extraordinaire que le chevreuil n'a pas la bouche faite de manière à pouvoir saisir et porter un objet d'une certaine grosseur, et le faon était au moins de la grandeur d'un lièvre. Le père et la mêre ne se quittent jamais et passent toute leur vie ensemble, à moins que la mort ne les sépare ; ils ne s’enfoncent guère dans la profondeur des forêts, et ils préfèrent habiter les pointes de bois taillis environnées de champs cultivés, sur les collines et le revers des montagnes. Quoique indigènes dans nos pays, ils craignent ce- pendant l'intensité du froid, et tous ceux de la Bourgogne périrent pendant les grands hivers de 1709 et de 1789. Lorsqu'on surprend ces animaux, le mâle, en partant, fait entendre un cri assez aigu, auquel je trouve de l'analogie avec la voix d’un chien. Leurs mœurs sont douces et timides, et, réduits en esclavage, 1ls se familiarisent assez aisément, mais je ne crois pas qu'ils s'y DUREE Le bois du mâle tombe en automne et se refait en hiver. L’Auc ( Cervus pygargus, Par, — Desn. Le Chevreuil de Tarlarie, G. Cuy.) n'est certaine- ment qu'une variété du précédent. I] approche de la taille du daim, et sa queue consiste en un simple tubercule ; son pelage est long et serré, d'un gris brun; les fesses sont blanches et le ventre jaunâtre ; il manque de canines ; ses bois sont médiocres, très-rugueux, à deux andouil- lers dont le postérieur forme une fourche avec la pointe du merrain. 11 habite la Tartarie et n'est pas rare dans les montagnes élevées, au delà du Volga. 138 LES RUMINANTS. La Biche de Virginie. Le CERF DE VIRGINIE ( Cervus virginianus, Guru. —Desv. Le Daim des Anglo- Américains. Le Cerf de la Louisiane ou de Virginie, G. Cuv. La femelle est le Cariacou de Daus. ). Il a la tête fine, le museau pointu, et la taille moins grande, mais plus svelte que notre cerf. Son pelage est d’un fauve clair en été, et d'un gris roussâtre en hiver ; le dessous du corps est d’un blanc pur; le bout de son museau est d’un brun foncé; son bois est médiocre, très-recourbé ‘en avant, et à trois ou quatre andouillers ; il a des larmiers, mais point de canines. Il habite l'Amérique sep- tentrionale, jusqu'à la Guyane. Le Gouazou-T1(Cervus campeslris, FR. Cuv. Cervus leucogaster, Scues.) est plus petit que uotre cerf; son pelage est ras ou serré, d’un bai rougeâtre en dessus, d'un beau blanc en dessous et sur les fesses; les poils du ventre sont plus longs que ceux du dos; sa queue est moyenne ; ses bois sont médiocres, assez min- ces, rugueux; les merrains sont à peu près droits, à andouillers antérieurs horizontaux, puis courbes et verticaux, avec deux andouil- lers postérieurs obliques. Il habite les pampas du Paraguay, et on le trouve dans les grandes plaines jusque dans la Patagonie. C’est le plus agile de tous les cerfs, et il exhale, dit-on, une odeur infecte. Le Gouazou-Poucou (Cervus palustris, Fr. Cuv. Cervus paludosus, Desu. Le Quantla-ma- zane, de LERNANDÈS) n’est pas aussi grand que notre cerf ; il a le museau noir, très-gros, for- mant un mufle comparable à celui d’un bœuf; son pelage est d’un rouge bai en dessus ct sur les flancs ; le dessous de la tête, la poitrine, et un cercle autour des paupières, sont blancs ; les paupières sont noires, ainsi qu’une tache velou- tée qui occupe la lèvre inférieure; il a deux taches triangulaires de la même couleur, l'une sur le chanfrein, l’autre à la hauteur des yeux ; ses bois sont assez grands, terminés par une fourche ayant quelquefois cinq dagues. 11 habite les bords marécageux des grandes rivières et de la mer dans le Paraguay et de quelques autres parties de l'Amérique australe. PLÉNICORNES. 139 Le Cerr pu Mexique ( Cerrus mexicanus, Pexx.— Desu. Le Cherreuil d'Amérique, Burr.) ne serait, selon l'opinion de G. Cuvier, qu'une variété d'âge du cerf de Virginie très-vieux. D'une autre part. Fr. Cuvier le regarde comme une variété du précédent. Ses bois sont médio- crement longs, gros et lrès-rugueux, écartés, ayant plusieurs andouillers, dont l'antérieur est fort, conique et non arqué: il manque de canines. Il habite l'Amérique méridionale, et il est commun dans les Ilanos de l'Apure, où le voyageur Humboïldt en a vu beaucoup de tout blancs. VILi‘ secrion. Bois sessiles, simples eLen forme de dagre. Le Govuazou-BiRa ( Cerrus nemoriragus, Fr. Cuv.—Desv. Le Cariacou des habitants de Cayenne. Le Tememazame, d'HERNAND.?) à vingt-six pouces (0,70) de hauteur sur le gar- rot, et trente et un (0,859) à la croupe; son pelage est d’un brun grisâtre en dessus, et d’un brun teint de fauveen dessous; les fesses et le dessus de la queue sont fauves; ses larmiers sont tres-pelits, et le mäle n’a pas de canines. Ceite espèce passe tout l'été dans les bois, pour éviter la piqûre des ftaons, et ne vient dans la plaine que dans les mois de septembre et d’oc- tobre, pour y passer l'hiver. Ainsi que tous les gouazous, elle est très-douce, s’apprivoise fort bien, et se familiarise même au point d’en deve- nir importune ; mais elle ne s'attache jamais à personne. Elle vit solitaire dans le Paraguay et à la Guyanne. Le Gouazou-Prra ( Cervus rufus, FR. Cuv. Moschus delicatulus, Scaaw. Le Coassou et la Biche rousse d’'AzarA) a la tête tres-effilce et les dagues longues au plus de trois pouces (0,081) ; son pelage est rude et see, d’un roux vif doré ; le dessus de la tête et des jarrets est d'un brun obscur tirant sur le roux, avec une jarretiere noire aux genoux; le dessous du corps est blane, ct le mâle a des canines. Celte espèce vit en petites froupes ordinairement composées d'un mâle et de neuf à dix femelles. Ces animaux ont les babitudes nocturnes, et ne sortent des bois qu'à la nuit pour aller paîlre dans les champs cuHivés. Ils habitent l'Amérique néridionale. IX° section. Bois porlés sur un long pédicule osseux, dépendant des os du front. Le Munr-Jak (Cervus mumtjak, GuLz.—Desu. Cervus vaginalis, Boop. Cervus muntjac, BLai. — G. Cuv. Le Chevreuil des Indes, Burr. —G. Cuv. Le Kijang de Sumatra) est remarquable par la longueur de ses canines, qui manquent à la femelle; sa tête est pointue ; ses yeux grands, ayant des larmiers ; ses oreilles sont assez lar- ges, et sa queue est courte et aplatie; son pe- lage est ras et luisant, d’un marron roux, bril- lant en dessus ; le devant des cuisses et le ventre sont d’un blanc pur. 1] habite l'Inde et Suma- tra; ses mœurs sont très-douces, et il vit en famille. ; Le Ceur MUSQUE {Cerrus moschatus, BLAINV. Cercus moschus, DEsu.) n’est rien autre chose qu'un jeune muntjak, dont le bois très-court n’est pas encore développé. Ce bois a quatre ou cinq pouces de hauteur, est triangulaire à sa base, sans andouillers et sans meule. Le Cerr À PETITS Bots (Cervus subcornutus, BLaixv. — Desm.), établi par Blainville sur un crâne seulement, paraîtrait différer du munt- jak par l'absence des canines. Le bois est très- petit, à meule assez bien formée ; les pédicules sont médiocrement allongés; il ÿ a à la base un petit andouiller dont la pointe est brusquement recourbée en arrière. Sa patrie est inconnue, 410 LES RUMINANTS. La Carafe. LES CAMÉLOPARDINÉES Ont les cornes persistantes, poilues, et com- et douze inférieures. L'extrémilé des cornes est munes aux deux sexes. plane, avec une couronne de longs poils; les 5° Genre. Les GIRAFES ( Camelopardalis, oreilles sont longues, pointues ; la queue courte, Lin. Giraffa, Buiss.) ont trente-deux dents, terminée par un flocon de grands poils ; elles savoir : point d’incisives en haut, et huiten bas; ont quatre mamelles inguinales. Leur cou est point de canines; douze molaires supérieures extrêmement comprimé latéralement. La GIRAFE D'AFRIQUE ( Camelopardalis giraffa, Gmz. Giraffa camelopardalis, Less. Le Camelopardalis où Chameau-Léopard de Print) Est le plus grand ou plutôt le plus long et le plus élevé de tous les animaux, car sa tête atteint aisément à dix-huit ou vingt pieds (5,847 à 6,497) de hauteur. Elle est remarquable par la longueur disproportionnée de son cou large et très- plat, n'ayant pas moins de cinq pieds (1,624) de longueur ; par la hauteur dis- proportionnée de son garrot de dix-huit pouces au moins (0,487) plus élevé que PLUS ET :. à ll ll ill 1 | ÉTABLE DE LA GIRAFE. (Jardin des Plantes.) . t ï CAMÉLOPARDINÉES. 441 sa croupe, ce qui fait paraître son corps dans une position oblique tout à fait extraordinaire et presque parallèle à son cou; sa tête porte deux cornes courtes, un peu arquées, recouvertes d’une peau velue, et ces sortes de cornes, égatement portées par le mâle et par la femelle, ne tombent jamais. Elle a sur le chanfrein un tubercule osseux, à partir duquel le museau s’élargit et se déprime au point d’être considérablement plus large qu’épais. Ses jambes sont fort longues et celles de devant le sont un peu plus que celles de derrière; tout son corps est un peu aplati sur les côtés, surtout vers la poitrine, comme s'il avait été mis en presse ; sa queue, assez longue, se termine en queue de vache ; enfin le fond de son pe- lage est d’un blanc grisàtre ou roussâtre, plus ou moins irrégulièrement taché de fauve foncé ou de brun; une petite crinière grise et fauve règne depuis les oreilles jusqu'à la queue. Il résulte de cette singulière organisation que la girafe est obligée de marcher l’amble, c’est-à-dire de porter à la fois en avant les deux pieds du même côté, ce qui ne contribue pas à donner de la grâce à ses mouvements ; quand elle trotte, c'est encore pire. « Cet animal vient-il à trotter, dit Levaillant, on croi- rait qu'il boite, en voyant sa tête perchée à l'extrémité d’un long cou qui ne plie jamais, se balancer de l'avant en arrière et jouer d’une seule pièce entre les deux épaules qui lui servent de charnières. » Quoique la girafe fût connue des anciens et qu'on en vit paraître dans les cirques de Rome dés la dictature de J. César, ses mœurs sont restées presque inconnues jusqu'à ce jour, et l’on ne peut guère les déduire que de ses formes, des habitudes très-douces des individus en cap- tivité, et de quelques informations prises chez les Hottentots. La girafe se trouve dans toute l'Afrique australe, et en Abyssinie ; elle vit en petites troupes de six à sept, peut-être en famille. Pour boire elle est obligée de s’agenouiller ou d’en- irer dans l’eau, et pour atteindre la terre avec sa bouche, d’écarter beaucoup les jambes de devant afin de baisser son corps. Il en résulte qu'elle se nourrit principalement de feuilles d'arbres et de bourgeons, surtout de ceux d'une es- pêce de mimosa, qu'elle peut cueillir à une grande hauteur et avec beaucoup de facilité, grâce à sa levre supérieure très-mobile, et à sa langue fort longue, grèle, noire, pointue, qu’elle a la faculté de faire saillir de sa bouche de plus d’un pied, (0,525) et d’enrouler autour des rameaux feuilles. Ses yeux sont grands, noirs, tres-doux, et son caractère ne contredit pas son regard, car, en esclavage, elle est docile jusqu'à la timidité, et un enfant peut la conduire partout au moyen d’un simple ruban. Confinée dans les forêts où elle entend chaque jour les ru- gissements du lion et de la panthère, elle n'a aucune arme à opposer à ces ter- ribles ennemis, que la fuite; mais elle est d’une grande agilité, et le meilleur cheval de course est incapable de l’atteindre ; aussi échappe-t-elle assez aisé- ment à ces animaux qui bondissent pour saisir leur proie, mais ne la poursui- vent jamais. Cependant elle ne manque pas absolument de courage, et si on s’en rapporte aux voyageurs, quand la fuite lui devient impossible, elle se défend en lançant à ses ennemis des ruades, qui se succèdent en si grand nombre et avec tant de rapidité qu'elle triomphe même des efforts du lion. La femelle, au dire des Hottentots, porte un an et ne fait qu’un petit. Tout Paris connaît la girafe que le pacha d'Égypte, Méhémet-Ali, a envoyée au roi de France, et qui vit depuis une quinzaine d'années à la ménagerie ; lorsqu'elle d6 442 LES RUMINANTS. est arrivée, accompagnée de deux vaches qui étaient ses nourrices et pour les- quelles elle a montré beaucoup d’attachement tant qu'elles ont vécu, elle avait onze pieds (5,564) de hauteur, et aujourd'hui elle en a environ dix-huit (5,847). C’est à M. Levaillant, mort il y a quelques années dans un état bien près de la misère, après avoir sacrifié sa fortune à de longs et périlleux voyages en Afrique, que l’on doit la première girafe empaillée qu’ait possédée le Cabinet d'histoire naturelle. Les premières girafes que l’on ait vues en Europe furent offertes par le prince de Damas à l’empereur Frédéric I, et décrites par Albert le Grand, sous leurs noms arabes d’Anabulla et de Seraph, dernier nom dont nous avons fait girafe. Les Hottentots estiment beaucoup la chair de ces animaux, et, avec leur peau, ils font, entre autres ustensiles, des vases et des outres pour conserver l'eau. Hs l’attendent au passage, lui lancent des flèches empoisonnées, et la sui- vent à la piste pour s’en emparer lorsqu'elle meurt de sa blessure. & W == jt CABANE ET ENCLOS DES GAZELLES D'ALGERIE ( Jardin des Plantes.) ANTILOPES. 1 L’Antilope. LES ANTILOPES Manquent de canines et ont des larmiers; leurs cornes sont composées d’un noyau com- plétement solide, et d’un étui creux et élastique, dans les deux sexes. Ces animaux ont trente- deux dents, savoir : point d’incisives en haut et huit en bas; douze molaires supérieures et douze inférieures. Leur taille est légère; leur nez est fantôt terminé par un mufle, tantôt en- fièrement couvert de poils ; la plupart ont des larmiers, et tous manquent de barbe; leurs oreilles sont grandes, pointues. Comme ces ani- maux sont tres-nombreux en espèces et d’une détermination fort difficile, nous suivrons ici la classification de M. de Blainville, en établissant les sous-genres en genres, mais sans aftacher la moindre importance à ce changement. 6° Gevne. Les ANTILOPES ( Antilope, Lin.) ont des cornes à doubles ou à triples cour- bures, annelées, un peu en spirale, sans arête ; elles manquent ordinairement de larmiers, et leur museau ne se termine pas en mufle; elles ont souvent des brosses de poils sur les poi- gnets, et des pores inguinaux ; la femelle n’a que deux mamelles, et manque de cornes. L’ANTILOPE DESINDES | Antilope cervicapra, Paz. — Drsu. L’Antilope, Burr.) À le corps svelte comme la gazelle ; son pelage est d’un brun fauve en dessus et blanc en dessous, plus pâle chez la femelle. Ses cornes sont noires, assez longues, à triple courbure, tordues en spirale, annelées dans une grande éten- due. La femelle porte neuf mois et ne fait qu'un petit. Cet animal habite l'Inde ; avec ses cornes, posées base contre base, les Indiens se font une arme offensive à deux pointes opposées et fort dangereuse. LES RUMINANTS. Le Saïca ( Antilope saïga, Pare. Capra tata- rica, Lin. Le Saïga, Burr. Le Colus, de Srua- on) est de la grandeur d’un daim; son pelage est lisse, d'un gris jaunâtre en été, blanc en dessous, et devient long et d'un gris blanchà- tre en hiver ; les cornes, de la longueur de la 44% tête, sont transparentes, jaunes, disposées en lyre, et annelées jusqu'à leur extrémité; son museau cCartilagineux, gros, bombé, à narines très-ouvertes, le force, dit G. Cuvier, de paître en rétrogradant. Cet animal habite la Hongrie etle midi de la Pologne et de la Russie. Le saïga vit en grandes troupes et se plaît particulièrement dans les lieux dé- couverts, arides, sablonneux, à proximité du bord des eaux. Pour boire, il plonge entièrement son nez dans l’eau, et en aspire une bonne partie avec le néz. Sans avoir la pupille tout à fait nocturne, la lumière du soleil incommode beaucoup ces animaux, et, vers le milieu du jour, ils voient si mal, que les chasseurs les ap- procheraient aisément, si l'extrème finesse de leur ouïe et de leur odorat ne les avertissait. Ils éventent l'ennemi de plus d’une lieue, et pour ne pas être surpris pendant qu'ils mangent ou qu'ils dorment, ils ont toujours le soin de placer des sentinelles avancées qu'ils relèvent chacun à leur tour. Le rut a lieu au mois de novembre, etles mâles, qui alors exhalent une forte odeur de muse, et se livrent de rudes combats pour se disputer la propriété des femelles. Celles-ci mettent bas au mois de mai, un, ou très-rarement, deux petits, qui croissent très- vite, et qui deviennent souvent la proie des renards et des loups, malgré les vieux mäles qui, à la tête du troupeau, les défendent avec beaucoup plus de courage que de force. Les saïgas sont agiles, mais d’un tempérament si délicat, que la moindre blessure les tue. Leur troupe se compose quelquefois de plus de dix mille, surtout quand ils voyagent en automne, pour chercher un climat plus doux, des sources d’eau salée, et des plaines où croissent des arroches, des ar- moises, et autres plantes âcres et salées qu'ils aiment beaucoup. Leur chair est mangeable, quoique exhalant une odeur assez désagréable, surtout lors- qu’elle vient d'être cuite et qu’elle est encore chaude. Le Cninu (Antilope chiru, Less.) a, de lon- gueur totale, cinq pieds quatre pouces (1,651) ; son pelage est d’un bleu grisâtre, passant au fauve roux sur le dos, très-fourni, long d’un pouce ; le ventre est blanc, et les jambes sont noires ; son cou est très-long, et ses cornes très- rapprochées. Il habite le Népaul, et les voya- geurs anglais ont cru retrouver dans cet animal l'antique et fabuleuse licorne. Le Dserex ( Antilope gullturosa, PaLz. — Desm. Le Houng-yang ou Chèvre jaune des Chinois) approche de la taille du daim; il est d’un gris fauve en dessus et blanc en dessous, en été; d'un grisâtre presque blanc en hiver ; la femelle est plus petite que le mâle, et, par une singulière anomalie, elle n’a que deux ma- melles, tandis que celui-ci en à quatre. Ses cornes sont noires, courtes, annelées dans toute leur étendue, disposées en lyre. Le mâle a le larynx prodigieusement gros, et, sous le ven- tre, une poche contenant une matière fétide. Il habite les déserts de la Mongolie, et vit en troupes très-nombreuses, surtout en automne. Il est peu farouche, s’apprivoise très-bien, re- connait son maitre et le suit. Des troupes entiè- res se mêlent quelquefois aux troupeaux domes- tiques. Ces animaux habitent les plaines, et jamais les forêts ; ils ont une si grande crainte de l’eau, que lorsqu'ils ont été acculés sur les bords d'une rivière, ils aiment mieux se lais- ser tuer que de la passer à la nage, et cependant ceux qui sont. apprivoisés nagent fort bien. 7° Genre. Les GAZELLES (Gazella, Buiss.) ont les cornes enlyre ou à double courbure, toujours annelées, sans arêtes, et la femelle en est pourvue aussi bien que le mâle; elles n'ont point de mufle, et quelques-unes ont des lar- miers; leur queue est courte ; on leur trouve des pores inguinaux, et deux mamelles. La GAZELLE DorCAS (Gazella dorcas. — Anti- lope dorcas, Lin. La Gazelle, Burr.) a la taille du chevreuil, mais les formes beaucoup plus légères et plus gracieuses ; son pelage est d'un fauve plus ou moins foncé en dessus, blanc en dessous, avec une large bande noire en trayers des flancs; elle a une ligne noire sur le nez: ses cornes sont rondes à leur base, et portent treize à quatorze anneaux saillants. ANTILOPES. 445 Les gazelles vivent en troupes nombreuses en Barbarie, en Syrie et en Arabie, où elles semblent avoir été formées tout exprès par la nature pour fournir une pâture certaine aux lions, aux panthères, aux hyènes, aux chacals, aux loups, et mème aux aigles et aux vautours. Douces, timides, tout à fait inoffensives, elles n'ont à opposer à leurs nombreux ennemis qu'une fuite, à la vérité assez rapide, pour se dérober en un clin d’æilà leurs regards, quand elles n’ont pas été surpri- ses; dans ce dernier cas, le désespoir leur donne une sorte de courage, car alors elles se pressent les unes contre les autres, forment un cercle, et présentent de toutes parts des cornes impuissantes. Cette manœuvre ne sert qu'à donner à la panthère le choix de la victime sur laquelle elle bondit, et à l'instant toute la troupe épouvantée fuit à la débandade. Cet animal innocent à de si beaux veux et un regard si doux, que les Arabes n’ont rien imaginé de plus galant que de comparer les yeux de leur maitresse à ceux d’une gazelle. Prise jeune et élevée en domesticité, elle se prive très-bien et se montre sensible aux caresses; mais elle paraît incapable de s’affectionner à son maître, et elle ne lui obéit que par la crainte que fait naître chez elle le sentiment de sa faiblesse. Elle ne cherche pas à reconquérir sa liberté par la fuite, mais elle regrette son désert, languit, et re- fuse de multiplier son espèce; si elle n’a pas le courage de secouer ses chaînes, elle a du moins celui de refuser à son maître une postérité d'esclaves. On chasse les gazelles avec les chiens, l’once et le faucon, à cause de leur chair, qui est assez bonne, et comparable à celle du chevreuil. Ce sont des animaux d’une ex- trème propreté, et dont on n'entend presque jamais la voix; du reste, elles ont _cela de commun avec tous les animaux de la famille des antilopes. Le Kevez (Gazella kevella.— Antilope ke- vella, Paz. Antilope dorcas, DEesx.) n’est pro- bablement, comme le pensent quelques natura- listes, qu'une variété de la précédente; il n'en diffère que par ses cornes plus longues, com- primées à leur base, ayant de quinze à vingt anneaux ; par ses yeux plus grands. Il a la queue noire. Il habite le Sénégal. La Core (Gasella corinna. — Antilope corinnu, Paz. Antilope dorcas, Desx.), qui n’est encore qu'une variété de la gazelle dorcas, en différe par son poil plus long, ses cornes plus menues, moins contournées, et à anneaux plus petits; ses yeux sont entourés d’une bande blanchätre qui descend jusqu'aux narines; sa tête est fauve, et d’un gris clair sur l’occiput. Elle est du Sénégal. Le Tscueyran (Guzella subgutturosa. — An- tilope subgutturosa, GuLo.— Des. L’Ahu, de Kozupr. L'Antilope de Perse des naturalistes) ne serait encore qu’une variété de la gazelle dorcas, selon G. Cuvier. Elle est cependant un peu plus grande; son pelage est d'un brun cen- dré en dessus, blanc en dessous, avec une bande brune sur chaque flanc; les poils de son dos ont plus de deux pouces (0,054) de longueur ; ses pores inguinaux sécrétent une matière odo- rante; les cornes, dans les deux sexes, sont grandes, d'un gris noir, annelées et en forme de lyre. Elle habite la Perse et les confins de la Sibérie et de la Chine. Le SPunesok ( Gazella euchore. — Antilope euchore, Fonsr.—Desm. Antilope dorsata, La- cp. Antilope marsupialis, Zimu. L’Antilope à bourse des naturalistes) est d’un tiers plus grand que Ja gazelle dorcas, et un peu plus trapu ; il est fauve en dessus, blanc en dessous, avec une ligne brune longiludinale sur chaque flanc; il a, sur la partie postérieure du dos, une raie de poils blancs et longs de dix pouces (0,271) sur un repli longitudinal de la peau ; sa tête est presque blanche, avec une ligne noire de l'œil au coin de la bouche; les cornes sont assez longues, annelées, en lyre. Il habite, en troupe, les environs du cap de Bonne-Espé- rance, et ne fait que voyager d’une localité à une autre. La GazELre POURPRE ( Gazella pygarga. — Antilope pygarga, Pazz. — Des.) est de la grandeur d’un cerf; son pelage est d’un bai brun très-vif, et d'un rouge sanguin sur le cou et sur la tête; le chanfrein porte une large bande blanche ; et elle a une raie brune sur chaque flanc ; les fesses et le dessous du corps sont blancs ; elle manque de brosses et de lar- miers; les cornes sont rondes, noires, en lyre, 146 LES à onze ou douze anneaux très-saillants. Elle ha- bite le cap de Bonne-Espérance. La GAZELLE NEZ-TACHÉ ( Gazella nasomacu- lata. — Antilope nasomaculata, BLAINv. — Des.) est de la grandeur d’une chèvre; elle est brune en dessus, blanche en dessous; son front est d'un roux vif, et une bande blanche traverse son chanfrein ; ses cornes sont noires, assez longues, annelées, courbées en avant et en dehors, puis en dedans ; elle a des brosses aux poignets. Sa patrie m’est inconnue Le Ko ( Gasella kob. — Antilone kob, ErxL. — Desu. Antilope leucophæœa, Pazu. La Petite Vache marine du Sénégal, Burr. est de la taille d'un daim. Ses cornes sont noires, grosses, rapprochées l’une de l'autre au*sommet, à sept ou huit anneaux. Il habite l'Afrique équatoriale. Le Kona ( Gazella sencgalensis. — Antilope senegalensis, Desn. Le Koba, de Burr.) est de la grandeur d’un cerf; ses cornes sont assez minces, noires, très-longues, un peu compri- mées, en lyre, de douze à dix-sept anneaux, lisses au sommet. Il babile le Sénngal. Le GaAZELLE AUX PIEDS NOIRS ( Gasella melam- pus. — Antilope melampus, Lireusr. — Desx.) est ferrugineuse en dessus, avec une ligne dor- sale noire, coupée obliquement sur les fesses par une ligne de même couleur ; les fesses, le dessous du corps et le dedans des membres sont blancs ; elle a une tache noire à chaque pied, et manque de brosses; ses cornes sont très-longues, noires et très-fortes, en lyre, an- nelées, à pointe mince et lisse. Elle habite le cap de Bonne-Espérance et vit en troupe. 8e Gexne. Les CERVICHÈVRES ( Cervica- pra, BLainv.) ont les cornes simples, tantôt droites, tantôt courbées en avant ou en arrière, peu ou point annelées, sans arêtes ; souvent des larmiers, mais jamais de brosses ; le mufle man- que ordinairement ; elles ont la queue courte et des pores inguinaux. Les unes ont les cornes courbées en avant; telles sont : Le Nawouer (Cervicapra dama.— Antilope dama. Le Dama, Pune. Le Nanguer, Burr.), de Ja taille d’un chevreuil; fauve en dessus ; blanc sur les fesses et sous le ventre, avec une tache de la même couleur sous le cou ; ses cor- nes sont noires, courtes, rondes, brüisquement courbées en avant, lisses à leur sommet, ru- gueuses à la base, avec cinq ou six anneaux mal dessinés. 11 habite le Sénégal. Le Nacor ( Cervicapra redunca. — Antilope redunca, Pazc. — Desm. Le Nagor, Burr.) est un peu plus grand que le précédent, dont il a les formes : il est d’un roux päle ou d’un fauve uniforme ; les cornes sont noires, presque droi- tes, courbées à leur pointe, presque lisses, avec un ou deux anneaux à la base. Il habite les en- virons du cap Vert, au Sénégal. RUMINANTS. Le Sresxnok ( Cervicapra ibex. — Anlilope ibex, Arze. Anlilope pediotragus, var. ArzeL. Anlilope tragulus, Lacusr. — DEsm.) est de la grandeur d'une chèvre, roux en dessus, blanc en dessous, noir aux aines ; les oreilles sont bru- unes ; les cornes noires, arrondies, annelées à leur base, minces, droites, à pointe recourbée ; sa queue est courte. Il habite le cap de Bonne- Espérance. Le Rirnox (Cervicapra eleotragus. — Anti- lope eleotragus, Scren. — Desn. — Antilope arundinacea, SuAw. Antilope isabelina, Tauxs. Antilope Fulxo-rufula, var. AFzeL.) a les oreil- les très-longues, ainsi que la queue qui est plate et recouverte de longs poils blancs ; son pelage est laineux, d’un gris cendré en dessus, à ven- tre, gorge, et fesses blanches ; les cornes sont assez petites, noires, à dix anneaux peu mar- qués, arrondies et un peu courbées en avant. Il habite le cap de Bonne-Espérance, et vit en petites troupes, dans les buissons sur le Lord des rivières. Le Grissox (Cervicapra grisea. — Antilope grisea, Fr. Cuv. Antilope melanotis, Des. La Chèvre grise ou Grisbok, Fonsr.) est un peu plus grand qu’une chèvre, d’un fauve roussätre entremélé de poils blancs ou gris sur le dos; d’un brun clair sur la tête, et blanchâtre sous le ventre; un cercle noir entoure les yeux; les cornes sont noires, arrondies, annelées à la base, un peu courbées en avant. 11 vit en cou- ples solitaires, dans les rochers des montagnes, au cap de Bonne-Espérance. La CERVICHÈVRE A CORNES AIGUES ( Cervicapra acuticornis. — Antilope acuticornis. BLAINV. — Desx.) a les cornes simples, coniques, lisses, très-pointues, verticales , et à courbure anté- rieure à peine sensible. Elle habite probable- ment l'Afrique. Les espèces qui vont suivre ont les cornes droites. Le KuimpsprinGer ( Cervicapra saltatrix. — Antilope saltatrix, Boon. Antilope oreotragus, Gur.— DeEsm. Le Sauteur de rochers, Vosx.) a le pelage grossier, rude, à poils aplatis et cassants ; il est d’un gris verdätre ; ses oreilles sont bordées de noir ; il a des larmiers ; ses cor- nes sont minces, courtes, dressées et très-légè- rement arquées en dedans. Il habite les mon- tagnes du cap de Boune-Espérance, et se fait remarquer par l’agilité avec laquelle il bondit de rocher en rocher. Le Reusok (Cervicapra capreolus. — Anti- lope capreolus, Licusr. — Des. Antilope la- nata, Desm. L’Antilope-Chevreuil des natura- listes) a le pelage laineux, frisé, d’un gris roux en dessus, blanc en dessous ; son museau est très-effilé ; il a une tache noire au menton, et manque de larmiers et de brosses. La femelle n'a pas de cornes ; le mäle les a tout à fait-droi- ANTILOPES. tes, arrondies, très-minces, annelées, pointues. 11 habite le cap de Bonne-Espérance et vit en petites troupes. Le Deukersok ou Duiken ( Cervicapra mer- gens.— Antilope mergens, BLainv. La Chèrre plongeante du Cap) est de la grandeur d’une chèvre, d’un fauve roux, avec le bas-ventre et l'intérieur des cuisses grisätres; les quatre pieds sont bruns ; il a des lignes noires sur la face antérieure des jambes de devant et sur le canon de celles de derrière ; il manque de brosses ; ses cornes sont annelées à la base, assez gros- ses, droites, de moitié plus courtes que la tête. il habite le cap de Bonne-Espérance où il a reçu le nom de chèvre plongeante parce qu'il baisse la tête et le cou en sautant, et a l'air de plonger dans les buissons. Le Busu-Goar ( Cervicapra sylvicullrix. — Anlilope sylricultrix, Screr. — Des.) est un peu plus grand qu'un daim, à pelage luisant, assez doux, d'un brun foncé sur le dos, plus pale sur les flancs, mêlé de gris sur les cuisses, avec une ligne dorsale d'un jaune isabelle s’é- largissant sur les lombes où les poils plus longs ont environ deux pouces (9,054); les cornes sont droites, parallèles au front, courtes, gros- ses, noires, rondes, finement ridées à leur base, rugueuses au milieu, lisses à l'extrémité. 11 ha- bite Sierra Leone et l'ouest de l'Afrique, dans les buissons des plaines élevées La CenvicuèvRe DE DE LALANDE (Cervicapra Lalandia.— Antilope Lalandiana, Desu. Anti- lope Lalandia, Desnour.) est de la grandeur de l’antilope des Indes, mais plus épaisse ; son pelage est dur, long, non frisé, d’un brun clair uniforme sur le dos et les flancs, passant par une ligne brusque au blanc sous le ventre; le cou et la tête sont d'un gris fauve ; les cornes du mäle sont minces, droites, plus courtes que la tête, et parallèles. Elle habite les montagnes du cap de Bonne-Espérance. Le Guever (Cerricapra pygmeæa.— Antilope pygmæa, Par. — Desu. Le Roi des Checro- Lains ) n’a que dix pouces 0,271) de hauteur au garrot ; ses cornes, longues au plus de deux pouces (0,054), sout coniques, noires, presque paralleles, dirigées en arrière; son pelage est d’un brun clair uniforme en dessus, blanchâtre en dessous ; sa queue est assez mince, blanche en dessous et brune en dessus. Il habite le cap de Bonne-Esperance et vit solitairement. Le Grime ( Cervicapra grimmia.— Antilope grimmia, Pazz.— Desu. Le Grimme, Burr. Le Petit Bouc dumoiseau, Vosm.) a les formes plus arrondies et plus légères que la gazelle ; son pelage est d’un fauve jaunätre, gris le long du dos et sur le chanfrein, avec le museau noir et les membres gris; les cornes dans le mâle sont Courtes, assez épaisses, noires, parallèles et tres-droiles, Il habite la côte de Guinée. 447 La CERVICHÈVRE SPINIGÈRE ( Cervicapra spini- gera, Less.) est d’un tiers moins grande que le guevei, et a les formes extrêmement sveltes et gracieuses ; son pelage est d'un brun roux en dessus, blanc en dessous. Temminck pense que le Moschus pygmaœus de Linné, le chevrotain des Indes de Buffon, n’est que le jeune âge de cette espèce. L'Ounési (Cervècapra sroparia. — Antilope scoparia, Scres. — Desn.) a les formes du grimme, mais il est plus svelte et un plus haut sur jambes ; il est d’un fauve uniforme en des- sus, blanc en dessous, avec la queue brune; il a des brosses fauves et jaunâtres, et des lar- miers ; les cornes, chez les mâles, sont droites, petites, avec cinq anneaux. 11 habite, en petites troupes, le cap de Bonne-Espérance. Les espèces qui suivent ont les cornes cour- bées en arrière. Le CamBinG-Ouranc on CampTan (Cervicapra sumalrensis. — Antilope sumatrensis, Dusn. La Chèvre sauvage de Marso.) à un mufle assez développé et les formes trapues ; son pe- lage est tres-fourni, long, d’un brun noirûtre, blanc en dedans des oreilles, au haut du cou et aux épaules; les cornes sont rondes, noires, courtes, annelées, un peu arquées en arrière et pointues à l'extrémité. Il habite Sumatra. Le GonaL ( Cervicapra gor@l. — Antilope gc- ral, Harow.) est d’un gris cendré, plus pâle en dessous, avec la bouche bordée de blanc; sa queue est courte, terminée par uu flocon ; les cornes sont courtes, pointues et recourbées à leur extrémité, qui est lisse. Elles sont rempla- cées par de simples tubercules dans la femelle. La chair de cet animal est très-estimée ; il ha- bite le Népaul et l'Himalaya. Temminck pense que ce serait le bouquetain du Népaul de Fr. Cuvier. La Cenvicnëvre DE SALT ( Cervicapra sal- liana. — Antilope saltiana. BLar\v. — Des». ) n’est connue que par une têle préparée. Les cor- nes sont coniques, très-petites, pointues, anne- lées à leur base, à courbure postérieure pres- que insensible. J’ignore sa patrie. Les espèces suivantes ont qualre cornes. Le TecuicarA (Cervicapra chichara. — An- tilope chickara, Hanpw.) est d’un brun uni- forme en dessus, d’un blanc plus ou moins mé- langé de roux en dessous; il a quatre cornes : les antérieures droites, courtes, cylindriques, rapprochces à leur base et brusquement poin- tues : les postérieures droites, lisses, allongées, pointues, peu divergentes. Il habite l’Inde et n'est pas rare dans les forêts du Bengale et d'Orissa. La CERvICUÈVRE À QUATRE CORNES (Cervica- Dr'a quadricornis.— Antilope quadricornis, DE BLain. — Desx.) a été établie par de Blainville sur une tête venue de l'Inde. Elle à quatre cor- 418 LES RUMINANTS. nes : celles de devant sont assez grosses, lisses, un peu courbées en arrière; les postérieures sont plus grêles, plus élevées, coniques, presque droites et un peu recourbées en avant. 9° Genre. Les ALCÉLAPHES ( Alcelaphus, BLainviLze) ont des cornes à double courbure, annelées et sans arêtes, dans les deux sexes; ils ont des larmiers et point de pores inguinaux ; leur queue est médiocre, terminée par un flocon de poils longs ; ils ont un demi-mufle et deux imamelles. Le Buraze (Alcelaphus bubalis. — Antilope bubalis, Pauz. — Lis. Le Bubalus, de PLINE. La Vache-biche, le Taureau-cerf, des voya- geurs,)est de la taille d’un grand cerf; d’un roussâtre uniforme, avec un flocon de longs poils noirs au bout de la queue ; il a la tête très- longue et très-étroite; ses cornes sont grosses, se touchant presque à leur base, fortement an- nelées, el garnies de petites cannelures longitu- dinales, arquées d'abord en arrière, puis en avant et enfin en arrière. 1 habite le nord de l'Afrique, vit en petites troupes, et s’apprivoise fort bien quand on le prend jeune. Le Kaama ( Alcelaphus kaama. — Antilope caama, Scres. — Desm. Antilope bubalis, Pair. Le Licama des Cafres, et le Kaamu des Hot- tentots) a été confondu avec le précédent, dont il differe par la tête plus longue encore, et par la courbure plus prononcée des cornes en avant et surtout en arrière ; il est d’un roux brun assez foncé sur le dos et plus clair sur les flanc ; il a le ventre, l'intérieur des membres et les fesses blanches, une tache noire à la base des cornes, el plusieurs lignes noires sur les jambes. Les cornes sont grosses forlement an- nelées, 11 habite en grandes troupes le cap de Bonne Espérance. L’ALCÉLAPBE A COLLETS ( Alcelaphus sulu- rosus. — Antilope suturosa, Orro) a les for- mes très-lourdes et la taille moyenne; son pe- lage est très-sec, à poils inégaux, très-longs sur sur le dos et sur le cou où ils forment trois ban- des imitant de larges collets ; il est d'un brun cendré, blanc au ventre, aux pieds et à la queue, avec une tache brune au front et trois taches blanches sur les côtés de la tête; sa queue est longue, floconneuse ; les cornes allongées, an- nelées, grandes, recourbées au sommet. Je ne connais pas le mâle, ni sa patrie. 10° Genre. Les TRAGÉLAPHES (Tragela- phus, DE BLainv.) ont les cornes plus ou moins comprimées, contournées en spirale, à arêtes existant tantôt chez le mâle, tantôt chez les deux sexes. Ils marquent quelquefois de larmiers, et ils ont des pores inguinaux, et un demi-mufle ; leur queue est médiocre, et ils portent quatre mamelles. Le Conpoma ou Cowvous (Tragelaphus strep- siceros. — Antilope strepsiceros, PaLr. — Desn. Le Coës-does des Hollandais du Cap) a le corps robuste ; son pelage, assez long et couché, est d'un gris plus ou moins roussätre, avec une ligne dorsale blanche d'où partent d’autres lignes blanches qui descendent sur les fianes ; il a une barbe au menton, une crinière sur le cou et une autre dessous ; ses cornes sont grosses, lisses, d’un jaune varié de noirâtre, divergentes, à trois courbures en spirale. Il habite les forêts de l'Afrique méridionale. Cet animal partage avec toutes les antilopes la légérete des formes, la grâce des mouvements, la beauté de l’œil et la douceur du regard ; mais, plus coura- geux sans être plus méchant, il ne craint pas d'habiter solitairement le désert ; il lutte contre le chacal et parvient même à s’en défaire. On ne le trouve guère que dans les forêts les plus silencieuses du cap de Bonne-Espérance, où il se nourrit d'herbe et de jeunes bourgeons de bruyères. Sa course est tellement rapide et ses bonds si prodigieux qu'il échappe aisément au lion et à la panthère s'ils ne le saisissent à l’improviste et du premier élan; s’il n’a pas le caractère assez sociable pour vivre en troupe avec d’autres animaux de son espèce, en récompense il s'attache beaucoup à sa femelle et passe sa vie entière avec elle. En domesticité il reconnaît la main qui le nourrit, suit son maître, montre de l'affection pour lui, et conserve toute la gaieté de son caractère ; mais à la plus légère occasion de fuir, il ne manque jamais de regagner les forêts, et il ne re- parait plus. Les Hottentots, qui aiment beaucoup sa chair, lui font une cruelle guerre et emploient, pour le surprendre et le tuer, mille ruses, mille pièges, dans lesquels néanmoins il donne rarement, car il a autant de finesse que la gazelle à de défiance. ANTILOPES. Le BosBok ( Tragelaphus sylraticus. — Anti- lope sylratica, Gmz. — Desm.) est d’un noir brun en dessus, blanc en dessous, avec plu- sieurs petites taches blanches sur le museau, le milieu du cou, les flancs et les cuisses ; la queue est blanche en dessous, noire en dessus; la fe- melle n’a pas de cornes ; le mäle les a noires, tordues en spirale presque sur elles-mêmes, et lisses au bout. Il habite le cap de Bonne-Es- pérance, et vit par couples solitaires dans les bois. Le Guis ( Tragelaphus scriptus. — Antilope scripta, Par. — Desx.) est de la grandeur d’un daim, d’un fauve marron, à bandes blanches transversales, et beaucoup de taches rondes, blan. ches, éparses sur les flancs et les cuisses. Il a sur le dosune ligne de poils blancs et noirs plus longs que les autres; son ventre et le bout de sa queue sont noirs ; ses cornes, assez Courtes, ont deux arêtes saillantes, décrivent un tour et demi de spirale, et sont pointues. 11 habite k Sénégal et vit en grandes troupes sur le bord des fleuves. 11° Genre. Les ORÉAS (Orcas, DEsw. ) ont 319 les cornes droites, avec une très-forte aréte en spirale, dans les deux sexes; ils manquent de larmiers et dé brosses ; leur queue est longue, touffue au bout ; ils ont un mufle et quatre ma- melles. Le Gann ou Canwa (Oreas canna. — Anti- lope oreas, PaLz. — Desm. Le Coudou de Burr. L'Élan du Cap, de Sparx.) atteint la taille d'un cheval; il est d’un fauve roussâtre en dessus, blanc en dessous, avec la téte et le dessus du cou d'un gris cendré; sa têle est longue ; ses cornes sont frès-grosses, noires, divergentes, lisses à leur extrémité. Il habite les montagnes du cap de Bonne-Espérance, et vit en troupes. 12° Genre. Les BOSELAPHES ( Boselaphus, BLainv.) ont les cornes simples, non rugueuses, diversement contournées, sans arêles spirales 5 les femelles manquent quelquefois de cornes. La queue est terminée par un flocon de poils ; ils ont un mufle, quatre mamelles, et manquent de brosses. Ce sont des animaux dont les formes, un peu lourdes, sont moins gracieuses que dans les gazelles. À 150 LES RUMINANTS. Le Nyl-Glau. Le NYL-GHAU ( Boselaphus pictus. — Antilope picta, Parc. — Disu. Antilope albipes, Exx. Le Taureau-cerf des Indes. Le Nyl-qaut de Burr.). Ce bel animal est à peu près de la taille d’un cerf et en a les formes générales, mais il parait plus lourd, ce qui vient de la grosseur de ses jambes ; aussi les voyageurs l'ont-ils souvent comparé à un bœuf, et son nom de nyl-ghau, en indou, signifie bœuf bleu. Sa tête est mince, assez longue; son pelage est d'un gris ardoise dans le mâle, et d'un gris fauve dans la femelle ; celle-ci est plus petite et ne porte pas de cornes ; l'extrémité des pieds a des anneaux alternati- vement blancs et noirs; une crinière noirâtre règne sur le cou et vient lui for- mer une espèce de houppe sur le garrol: au milieu du cou il a une sorte de barbe, médiocre et terminée par des flocons noirs; ses cornes, moitié moins longues que la tête, sont coniques, lisses, trés-écartées l’une de l’autre et lége- rement courbées en avant. Le nyl-ghau habite le bassin de l'Inde, les montagnes de Kashmir et de Guza- rate, probablement aussi la chaine de l'Himmalaya. A Bombay, à Madras et au Bengale on le regarde comme un animal curieux et rare, digne d’être offert en présent aux nababs et aux personnages considérables. Dans les montagnes de Kashmir, on le chasse pour sa chair qui est fort bonne et fort estimée. Il court de très-mauvaise grâce, à cause de la brièveté de ses jambes de derrière, mais néanmoins avec assez de vitesse. Quoique timide, ainsi que toutes les antilopes, 151 ANTILOPES. s'ilest atteint par le chasseur, ilne se rend pas sans avoir vigoureusement de- fendu sa vie. Pour-cela il s'agenouille des pieds de devant afin de couvrir son poitrail; et menace de ses cornes tandis qu'avec ses pieds de derrière il lâche des ruades et des coups en avant à la manière des vaches. Dans cette attitude, il est impossible de l'approcher sans danger, et il faut le tuer à coups de fusil ou avec une longue lance. Lorsque deux mâles se battent entre eux, ils s’age- nouillent également l'un devant l’autre, à une grande distance, et ils s’avan- cent, en marchant sur leurs genoux, avec assez de rapidité, mais en faisant plusieurs petits détours. Arrivés à proximité, ils se relèvent,et d’un bond s’élan- cent l’un sur l’autre. Si l’un est blessé, ils’enfuit, et l’autre reste vainqueur sur le champ de bataille ; s'ils se sont manqués, ils s’éloignent, s’agenouillent, et recommencent la même manœuvre. Nous avons eu plusieurs nyl-ghau à la mé- nagerie; tous semblaient d'un caractère fort doux, et paraissaient aimer qu'on se familiarisät avec eux ; ils léchaient les mains de ceux qui les caressaient et leur présentaient du pain, et jamais ils n’ont tenté de se servir de leurs armes pour blesser quelqu'un. Hs ont l'odorat trés-fin, et flairent, en faisant un cer- tain bruit, les aliments qu'on leur donne. On les nourrit d'avoine, d'herbe et de foin ; mais ce qu'ils paraissent préférer à tout, c’est le pain de froment. Ces ani- maux ont multiplié en Angleterre, ce qui a fait croire à quelques naturalistes qu'on pourrait les soumettre à la domesticité et les utiliser en France. Le Gxou (Boselaphris gnu. — Antilope quu, Gaz. — Desx. Bos gnou, Zimm. Le Gnou ou Niou, Burr.) est de la grandeur d'un äne, à corps trapu et museuleux ; il a le mufle d'un bœuf, les jambes d'un cerf, l'encolure et la croupe d'un pelit cheval; sa tête est comprimée; son pelage est ras, d'un gris fauve ; il porte sur le cou une crinière fournie de poils gris, noirs et blancs; il a une barbe épaisse et brune sous le menton ; ses cornes sont très-aplaties à leur base, striées longitudinalement, arrondies et lisses à leur sommet. Il habite le cap de Bonne-Espérance, vit en troupes nombreuses, et a le caractère farouche. Il a véeu à la ménagerie. 15e Genre. Les ORYX ( Oryx, BLainv.) ont, dans les deux sexes, des cornes très-grandes, pointues, annelées, sans arétes, droites ou un peu courbées en arrière ; ils manquent de mufle et de brosses, et ont des larmiers ; leur queue est assez longue, et se termine par un flocon de longs poils. Le Pazan (Oryx pazan.— Antilope oryx, Paiz.— Desm. Le Chanmois du Cap, Forsr. Le Pazan, Berre.) est d'un gris cendré bleuâtre, teinté irrégulièrement de roux, en dessus, avec une ligne brune sur chaque flanc, et une tache d'un brun marron au-dessus des sabots; son ventre est blane, ainsi que la tête, qui a une ta- che noire entre les cornes ; ces dernières sont presques droites, noires, environnées d'anneaux obliques dans leur premiere moitié, lisses et pointues à l'extrémité. I habite par couples s0- litaires les environs du cap de Bonne-Espc- rance. L'ALGAZELLE (Oryx alqazella.—Antilope qu- zella, Paie. — Disu. L’Algazel, Burr.) a le pe- lage d’un fauve clair sur le dos et les flancs, d’un fauve foncé sur le cou et au poitrail, blanc en dessous ; la tête est blanche, tachée de gris au milieu du front, et une autre tache de la même couleur au bas des cornes; la queue est blanche, terminée par un flocon de poils noirätres ; les cornes sont arrondies, noires, minces, annelées dans leur première moitié. Elle habite le centre de l'Afrique. L'Onvx Leuconyx (Oryx leucoryx.—Antilope leucoryx, Paur.—Desm.), qui pourrait bien n’é- tre qu’une variété du pazan, a le pelage blanc, avec une {ache d’un fauve vif à la base et en avant des cornes, et une autre de la même cou- leur sur le chanfrein ; ses cornes sont très-lon- gues, minces, noires, arrondies, annelées, un peu courbces en arrière. 1 habite l'Arabie. 14 Genre. Les ÉGOCERES (Egorerus, Desn.) ont les cornes très-grandes, fortes et pointues, annelées, à forte courbure postérieure ; ils man- queut de brosses et de larmicrs, ils ont un demi- mufle, et leur queue est assez longue. L'Ecoctre Leu (Egocerns leurophæus.— An- tilope leucophæa,PaLz.—Desn.Anltilope glauca, Fonsr. La Chèrre bleue des voyageurs) a le pe- lage assez long, d’un gris ardoisé en dessus, blanc en dessous, avec le chanfrein d'un gris foncé ; au-devant de chaque œil est une meche 452 de poils blancs ; il a une sorte de petite crinière sur le dos; ses cornes sont grosses, annelées, courbées postérieurement. 11 habite le cap de Bonne-Espéranee. L'ÉGOCÈRE CUEVALIN (Egocerus equinus. — Antilope equina. Gsorr.—Desm.) atteint la gran- deur d’un petit cheval : son pelage est d'un gris roussätre ; il a une sorte de crinière sur le dos et au-dessous du cou, avec une mèche de longs poils blancs au-devant de chaque œil ; ses cor- nes sont grandes, courbées en arrière, marquées d'un grand nombre de gros anneaux. On le croit du Cap. 15e GEN&E. Les CHAMOIS(Rupicapra, BLanv.) ont les cornes simples, lisses, courbées postérieu- rement, dans les deux sexes; ils ont des pores LES RUMINANTS. inguinaux, mais ils manquent de larmiers et de brosses, ainsi que de mule ; leur queue est très- courte. : Le Cnamois. (Rupicapra ysard. — Antilope rupicapra, Pazz.—Desu. Caprarupicapra. Lin. Le Chamois , Burr. L’'Ysard des Pyrénées) est de la taille d’une petite chèvre. Ilest couvert de deux sortes de poils, l’un laineux et brunâtre, très-abondant, l’autre soyeux, sec et cassant. Cet animal est d’un brun foncé en hiver, d’un brun fauve en été ; sa tète est d’un jaune pâle, avec une bande brune sur le museau et autour de l’æil; une ligne blanche lui borde les fesses ; ses cornes sont noires, petites, très-courtes, lisses et un peu arrondies, verticales et droites, puis cour- bées brusquement en arrière à la pointe. Le chamois est le seul animal de la famille des antilopes que nous ayons en France ; encore y est-il fort rare, et on ne le trouve plus guère que sur les plus hauts sommets de nos Alpes et des Pyrénées. IL vit en troupes et ne se plait qu'au milieu des rochers escarpés des montagnes les plus élevées de l'Europe. Il est d’une agilité incomparable, franchit les précipices, grimpe les pentes les plus rapides, suit les sentiers les plus étroits sur le bord des abimes, saute de roc en roc, s'arrête net sur la pointe la plus aiguë d’un rocher où à peine a-t-il de la place pour poser les quatre pieds, et tout cela avec un aplomb, une facilité de mouvement, qui prouvent autant la justesse de son coup d'œil que sa force mus- culaire. N'ayant d'armes à opposer à ses ennemis que la fuite, il a perfectionne ses organes de la vue, de l’odorat et de l’ouie, de manière à être surpris très- difficilement ; outre cela, quand le troupeau paît, il y a toujours, sur les roches élevées environnantes, deux ou trois vieux mâles en sentinelle, qui observent la campagne ; pour peu qu'ils découvrent quelque chose de suspect, 1ls avertis- sent par un sifflement aigu, et tout le troupeau détale avec une vitesse incroya- ble. En un clin d'œil tout à disparu au milieu de roches inaccessibles et de pre- cipices infranchissables où l’on ne peut les suivre. Aussi ne les chasse-t-on pas avec des chiens, et l'on est obligé, au risque de se précipiter malgré les crochets de fer que l’on porte aux talons, d’aller les épier au milieu de leurs rocs, de se glisser en rampant sur le ventre pour essayer de les approcher, et de les tirer de fort loin avec des carabines à longue portée. Cette chasse est très-dangereuse, et beaucoup de personnes y périssent en tombant dans des précipices, où quel- quefois les chamois les poussent eux-mêmes pour s'ouvrir un passage quand ils se trouvent cernés. Aux approches de l'hiver, ces animaux quittent le versant nord des montagnes pour aller habiter celui du midi, mais jamais ils ne descen- dent dans la plaine. Le rut vient en automne; les femelles portent quatre ou cinq mois, et mettent bas un petit, rarement deux, en mars et avril; elles en prennent soin jusqu'en octobre, époque à laquelle les jeunes se confondent avec le reste de la troupe, qui est rarement de plus de quinze à vingt. Le Cnamois LAINEUX ( Rupicapra americana, BLainv. Antilope lanala, Smira. Antilope ame- ricana, DEsn. Mazama dorsata et Mazama sericea Rarin. Capra columbiana, DEsn. Ovis montana, Oro. Le Mountain sheep des Anglo- Américains) ressemble un peu au bélier par la ANTILOPES. tête; ses oreilles sont pointues, moyennes; ses Jambes sont fortes, à sabots noirs et gros; son pelage est d’un blanc jaunätre, très-épais; ses cornes , longues de cinq pouces (0,155), sont rondes, lisses, un peu courbées en arrière. II habite l'Amérique du Nord, depuis l'océan Pa- cifique jusque près du lac Supérieur. Peut-être devrait-on reporter cette espèce avec les chè- vres. 16° Genre. Les ANTILOCHÈVRES ( Antilo- capra BLaixy.) ont, dans les deux sexes, des cor- nes un peu longues, comprimées, recourbées en crochets postérieurement vers la pointe, et mu- nis d’un andouiller antérieur. Elles manquent de mufle, de larmiers et de brosses. Le KisTu-HE (Antilocapra americana, Onv. Antilope furcifer, Suirn.—Desu. Le Pronghor- ned «ntelope de TEwis et CLarck) ressemble assez au chamois, mais il est plus grand; son pelage est ras, d’un gris roussätre en dessus, blanc en dessous comme à la queue et sur les fesses ; ses cornes sont longues de onze pouces (0,298), comprimées, un peu ridées à leur base, un peu divergentes sur les côtés, recourbées vers le bout, avec un petit andouiller dirigé en avant. Ilhabite les montagnes escarpées des États-Unis, et vit en troupes. L’ANTILOCUÈVRE PALMÉE (Antilocaprapalmata. — Anlilope palmata , Suira.— Desn. Cervus 453 palmatus, BLaixv.)est de la grandeur d’un cerf d’un fauve clair sur le dos, blanche sur le ven- tre et sur les flancs ; la pointe supérieure de ses cornes est recourbée en arrière comme dans le chamois ; l'empaumure est antérieure, aplatie d'avant en arrière, et saillante de la base de la corne. Elle habite le Missouri. Le MazanEe (Antilocapramazama.—Antilope mazama, Smiru) est moins grand qu'une chè- vre et a les formes plus lourdes et plus massives. Il est d’un brun päle roussätre en dessus, d'un blanc jaunätre en dessous, sur la poitrine et le menton : sa queue est courte, épaisse ; ses cor- nes, de près de six pouces (0,162) de longueur, sont de couleur foncée, un peu annelées, cour- bées en arrière et pointues. 11 habite le Mexi- que. Le Téueuazame (Antilorapratememazama— Antilope tememazama, Suira. Ovis pudn, Gus. Capra pudu, Mona) a les formes svelles, les oreilles étroites et longues, arrondies au bout; la queue est assez longue ; son pelage est fauve en dessus, bJanc en dessous, avec une tache blan- che autour dela bouche et une autre sur la poi- trine. Les cornes sont longues de cinq pouces et demi (0,149), minces, noires, ridées à la base, un peu courbées en arrière à leur extrémité. Il habite le nord de l'Amérique, près des sources de la rivière Rouge. où LES RUMINANTS. Le Bouqnetin, LES CHÈVRES N'ont point de larmiers ; le noyau de leurs cornes est composé en grande partie de cellules qui communiquent avec les sinus frontaux ; leurs cornes sont dirigées en haut et en arrière, ou dirigées en arrière et revenant en avant, en spi- rale ; leur nienton est quelquefois garni d’une longue barbe, et leur chanfrein est concave ou convexe. : 17e GENRE. Les CHÈVRES (Capra, Lin.) ont trente-deux dents, savoir : point d'incisives su- périeures et huit inférieures; douze molaires en haut et autant en bas ; elles n’ont pas de mufle ; leur chanfrein est un peu concave ; deux onglons derrière les grands sabots: deux mamelles in- guinales, et la queue courte. Les unes n’ont pas de sinus à la base des doigts du pied, et leurs cornes sont dirigées en haut et en arrière; leur menton est souvent garni de barbe. Ce sont les chèvres proprement dites. Tels sont : Le BOUQUETIN (Capra ibex, Lax. L'Agrinua des Grecs modernes. Le Stein- Bock des Allemands } Est de la grandeur d'un boue; son pelage d'hiver est composé de poils longs eCrudes, recouvrant un poil doux, fin, touflu, persistant seul pendant l'été; 11 a li 112 ZABANE ET ENCLOS DE CHEVRES ET DE MOUTONS D'EUROPE, DERRIERE LES ANCIENNES SERRES. (Jardin des Plantes CHÈVRES. 155 est d’un gris fauve en dessus, blanc en dessous, avec une bande dorsale noire, et une ligne brune qui traverse les flancs; ses fesses sont blanches; une barbe noire et rude lui pend au menton; ses cornes sont noirâtres, avec deux arêtes longitudinales et des côtes saillantes transversales. La femelle à les cornes plus petites. Ces animaux vivent en petites troupes, dirigées par un seul vieux mâle qui marche à la tête, les conduit, les avertit du danger, fuit le dernier, où même combat s’il ne peut faire autrement. Ils habitent presque toutes les hautes mon- tagnes de l'Europe, et se tiennent à une zone encore plus élevée que celle du chamois, pour n’en jamais descendre; ils ne viennent pas même paitre dans les hautes vallées alpines. La physionomie du bouquetin, sans être fine et gracieuse comme celle des gazelles, ne manque cependant pas d'élégance ; il à l'œil vif et brillant, l'oreille mobile, la- démarche fière et assurée, et un air d'indépendance plutôt que de sauvagerie. Suspendu aux pics voisins des glaciers éternels, il semblerait ne devoir point avoir d’ennemis, et cependant il a perfectionné sa vue et son odorat comme s’il était sans cesse environné de dangers. Placé en sen- tinelle sur la pointe d'une roche, il veille pendant que son troupeau se nourrit de rares graminées, et des bourgeons du saule alpestre, du bouleau nain et des rhododendrons. Faut-il fuir, il donne le signal et ne part que le dernier. « En fuyant à travers les précipices, dit Desmoulins, un coup d'œil aussi prompt que juste dirige des mouvements rapides comme l'éclair, mais d'une vigueur si sou- ple, qu'ils peuvent rompre par un repos soudain les élans dont ils effleurent les crêtes les plus aiguës du granit et même des glaciers. Bondissant d'un pic à l'au- tre, il leur suffit d'une pointe où se puissent ramasser leurs quatre pieds, pour y tomber d'aplomb d'une hauteur de vingt à trente pieds, y rester en équilibre ou s'en élancer au même instant sur d'autres pointes, soit inférieures, soit plus culminantes. Ils eventent le chasseur bien avant de lui être en vue. Une fois lan- ces, leur résolution est aussi rapide que le coup d'œil. Si une tactique calculée d'apres l'expérience de leur poursuite et la connaissance des lieux les à cernés sur quelque rampe de précipice d'où il n’y ait à leur portée ni une pointe de glace, ni une crête de roc, ils se jettent dans l’abime, la tête entre les jambes pour amortir la chute avec leurs cornes. D'autres fois, jugeant l'audace plus pro- fitable à se défendre qu'à fuir, le bouquetin fait volte-face, s'élance, et, en pas- sant comme la flèche, précipite le chasseur. » Pris jeune, le bouquetin s’appri- voise aisément, et vit fort bien au milieu des chèvres domestiques. Il s’unit avec elle, et les enfants qui en naissent sont fertiles et très-estimés des montagnards de l'Asie pour régénérer leurs troupeaux. La femelle, plus petite que le mâle, mel bas un ou deux petits à la-fin de mars ou d'avril. Le Zerunon ou Haca (Capra caucasira, GuL- DEN. — Des.) est de la faille du précédent; son pelage est d’un brun fauve foncé en dessus, et blanchâtre en dessous, avec une ligne dorsale brune et une blanche sur les canons; le nez, la poitrine et les pieds sont noirs ; la tête est grise; les cornes sont friangulaires et longues de plus de deux picds (0,650). Il habite le Caucase. Les Tatares et les Gécrgiens trouvent sa chair déli- cieuse et font des vases à boire avec ses cornes. La Cuëvag ve Nuitée (Capra nubiana, Fn. Cuv. Capra arabica du Musée de Vienne. Le Bouc saurage de la haute Egypte, Fr. Cuv.), qui n'est peut-étre rien autre chose qu'un nouton, est un peu plus svelte que le bouquetin ; scscornes sont plus gréles et plus longues, et ont environ deux pieds et demi (0,812); elles sont compri- mées du côté interne, noires, avec une douzaine 456 LES RUMINANTS. de renflements saillants. Cet animal est d’un fauvegrisätre, mêlé de brun, avec une ligne dor- sale noirätre. Les épaules, les flancs et le devant des jambes sont bruns; il a des taches blanches aux talons et aux poignets. Elle habite lAfri- que. La Cnëvre SAUVAGE (Capra ægagrus, VALL. — Desu. Le Paseng des Persans) est plus grande que la chèvre domestique ; elle a la tête noire en avant, rousse sur les côtés, avec une longue barbe brune; son corps est d’un gris roussâtre, avec une ligne dorsale noire ainsi que la queue; ses cornes ont la face antérieure comprimée et la postérieure arrondie; elles sont recourbées inférieurement en arrière. Elle habite toutes les chaines de montagnes de l'Asie. Le paseng a absolument les mœurs et les habitudes du bou- quetin, et ce serait nous répéter mot pour mot que de donner ici son histoire. Selon G. Guvier, ce serait la scuche de toutes nos chèvres domes- tiques ; mais si cela est vrai, il est certain aussi que ses descendants ont été croisés fort souvent avec les espèces précédentes. Quoi qu’il en soit, la chèvre domestique a conservé une bonne par- tie du caractère indépendant de son type, de son goût pour grimper, et de son humeur vaga- bonde. Sen affection est intelligente ; elle suit la vieille femme qui en prend soin, l'aime, soulage sa misère de son lait, allaite même ses petits en- fants au berceau et accourt à leurs cris pour sa- tisfaire leurs besoins en leur tendant sa mamelle gonflée d’un excellent breuvage ; mais elle n’est docile que par amitié, n’obéit qu'aux caresses, et se révolte contre les mauvais traitements; le bouc devient même quelquefois méchant s’il est habituellement maltraité, et dans tous les cas il se défend quand on l’attaque. La chèvre a fourni de nombreuses variétés, dont nous citerons ici les principales, savoir : La Chèvre sans cornes, qui habite l'Espagne ; — la Chèvre de Cachemire, à poils fins, laineux, servant à la fabrication des châles ; — la Chèvre de Juida où Juda, d'Afrique ; — la Chérre du Thibet, introduite en France depuis assez long- temps ; — la Chèvre d'Angora, à poils longs et soyeux ; — la Mambrine ou Chèvre du Levant. de la Palestine et de la basse Égypte ; — la Chè- tre du Népaul ; — la Chèvre naine, originaire d'Afrique; — enfin notre Chèvre commune. Les espèces qui vont suivre ont les cornes di- rigées en arrière et revenant plus ou moins en avant, en spirale ; leur chanfrein est ordinaire- ment convexe; elles manquent de barbe ; elles ont un sinus à la base interne des doigts, dans les quatre pieds. Elles ont reçu le nom généri- que de Mouron (Ovis, Lix.), quoiqu’elles pro- duisent avec les chèvres des métis féconds, et que G. Cuvier les regarde comme congénères, ainsi que les regardaient Pallas, Leske, llliger, Blumenbach, etc. CHÈVRES. 157 Le Mouflon à quatre cornes. Le MOUTON ORDINAIRE ( Capra ammon, Lin. Ovis aries, Desu. Le Mouflon, F. Cuv. — Burr. Le Musione de Sardaigne. Le Muffoli de Corse ). Le mouton sanvage, où mouflon, que l'on regarde, avec l'argali, comme la souche des moutons domestiques, a le pelage ras, composé de poils courts et roides, nullement laineux, d'un fauve terne, plus ou moins foncé en dessus, blanchâtre en dessous; sous ces poils on en trouve d’autres très-fins, très- doux, laineux, assez courts et en tire-bouchon; ses cornes sont très-grosses, arquées en arriére et recourbées en avant ; la femelle a les cornes moins fortes, et la taille plus petite que le mâle : tous deux se revètent d'un pelage plus noir et plus fourni en hiver. Le mouflon se trouve en Corse, en Sardaigne, dans la Turquie d'Europe et les îles de la Grèce, enfin sur presque toutes les montagnes élevées du midi de l'Europe. C’est près de leur sommet, dans les lieux les plus arides et les plus inaccessibles qu'il se plaît davantage. Le mouflon était connu de Pline sous le nom d'ombre, et de son temps l'on savait déjà que les métis sortant de lui et de la brebis étaient féconds, d'ou l'on concluait, comme aujourd'hui, que ce n'est rien autre chose que le mouton sau- vage. Ses habitudes sont en tout pareilles à celles du bouquetin, mais à cela prés qu'il manque totalement d'intelligence. «On le voit sauter de rochers en rochers avec une vitesse incroyable, dit Geoffroy; sa souplesse est extrême, sa force musculaire prodigieuse, ses bonds très-étendus, et sa course très-rapide ; il serait impossible de l'atteindre, s’il ne lui arrivait pas fréquemment de s’ar- rèter au milieu de sa fuite, de regarder le chasseur d’un air stupide, et d’at- tendre que celui-ci soit à sa portée pour recommencer à fuir. » Telle est aussi 5S 158 LES RUMINANTS. l'habitude de nos moutons. Les mouflons vivent en troupes assez nombreuses, et la société de leurs semblables est si nécessaire pour eux, qu’un individu isolé ve tarde pas à tomber dans le marasme et à périr. Fr. Cuvier a consigné dans les premières livraisons de son Histoire naturelle un fait observé à la ména- gerie, prouvant que le mouflon à tout l'idiotisme du mouton domestique. « Si le mouflon est la souche de nos moutons, on pourra, dit-il, trouver dans la fai- blesse de ce jugement qui caractérise le premier, la cause de l'extrême stupidité des autres, et les moyens d'apprécier avec exactitude la nature des sentiments qui portent ceux-ci à la douceur et à la docilité : car c’est, sans contredit, à cette faiblesse qu'on doit attribuer l'impossibilité où sont les mouflons de s’appri- voiser ; ils nous ont donné souvent les plus fortes preuves des bornes de leur intelligence. Ces animaux aimaient le pain, et lorsqu'on s’approchait de leurs barrières, ils venaient pour le prendre : on se servait de ce moyen pour les atta- cher avec nn collier, afin de pouvoir, sans accident, entrer dans leur parc. Eh bien, quoiqu'ils fussent tourmentés au dernier point quand ils étaient ainsi retenus, quoiqu'ils vissent le collier qui les attendait, jamais ils ne se sont défiés du piége dans lequel on les attirait, en leur offrant ainsi à manger; ils sont constamment venus se faire prendre sans montrer aucune hésitation, sans ma- nifester qu'il se soit formé la moindre liaison dans leur esprit entre l'appât qui leur était présenté et l'esclavage qui en était la suite, sans qu'en un mot l'un ait pu devenir pour eux le signe de l’autre. Le besoin de manger était seul re- veillé en eux à la vue du pain. » Le mouton domestique est, après le cochon d'Inde, le plus idiot de tous les animaux soumis à la servitude ; et la domesticité, en achevant de le dépouiller de la faible part d'instinet qui lui avait été dévolue par la nature, en a fait une sorte de machine vivante, dont toutes les conditions d'existence gisent dans les soins intéressés que l’homme lui accorde. Abandonné à sa propre conduite, dans le climat le plus favorable, un troupeau n'existerait pas deux mois, et tous seraient morts de misère ou par la dent des animaux carnassiers, avant ce terme. Non-seulement les moutons n'offrent aucune résistance à l'ennemi qui les atta- que, mais ils ne cherchent pas même à prendre la fuite, et ils se bornent à un vain simulacre de courage en frappant la terre avec leurs pieds de devant. Qu'un loup se présente, aussitôt le troupeau entier s'arrête, le regarde avec une stu- pide curiosité, et, si l'animal féroce cesse d'approcher, eux-mêmes iront à sa rencontre en frappant du pied. Lorsque le loup s’élance pour en prendre un, tous fuient avec désordre et en se pressant les uns contre les autres; mais en cessant de voir leur ennemi ils oublient leur crainte, et à cent pas de là ils s'ar- rêlent et se retournent pour le regarder de nouveau; d’où il résulte, que si le ravisseur à manqué son coup une première fois il ne le manquera pas une se- conde ou une dixième fois. Lorsqu'il gagneles bois en emportantune victime, tous le poursuivent au pas de course, et le berger a beaucoup de peine a les retenir. Lorsque des moutons sont en marche, si l’un de ceux qui va en tête s'arrête devant la plus légère barrière, tous les autres en font autant, et on les tuerait plutôt que de les faire avancer ; le berger, dans ce cas, n’a qu'une ressource, c'est d'en porter un de l’autre côté de l'obstacle, et alors les autres passent. Mais si, au contraire, poussé par quelque imbécile frénésie, le premier mouton CHEVRES. 159 se Jelle dans un precipice où dans une rivière, les autres s’y lancent après Iui sans la moindre hésitation. Cette stupidité automatique se retrouve dans toutes les habitudes de leur vie. Je ne m'étendrai pas sur l'utilité que l'homme retire de ces animaux, soit par leur laine, soit par leur chair. Personne n'ignore les divers services qu'ils rendent aux arts industriels, à la consommation ali- mentaire et à l'agriculture. Aussi le mouton est peut-être de tous les animaux celui qui à été le plus travaillé par l'homme, e£ celui dont il a obtenu les ré- sultats les plus variés. Nous nous bornerons ici à mentionner les races les plus remarquables, en faisant observer que toutes ne paraissent pas descendre uniquement du mouflon, mais bien de son croisement avec les ovis et avec les capra. Ceci est si vrai qu'il serait impossible aux naturalistes de décider si cer- jaines variétés doivent être classées avec les chèvres ou avec les mouflons. 160 LES RUMINANTS. "+ Le Bélier de Barbarie. 10 Le MOUTON OnbiNaIRE ( Cris europaa),que l'on trouve dans presque toute l'Europe, et dont les moulons d'Espagne ou mérinos, d'Angleterre, ne sont que des variétés fort nombreuses en sous- variétés. 2% Le MOUTON AUX LONGUES JAMBES (Oris gui- neensis), remarquable par sa grande faille. Ses principales sous-variétés sont le Morvan; — le Mouton d'Afrique (Ovis africana), dont nous re- présentons ici le bélier ; — le Mouton d'Ethiopie ( Ovis æthiopica). 5° Le MouTon 4 LARGE Queue (Ocis lalicau- dala), si remarquable par la loupe graisseuse qui entoure la queue et la fait peser quelquefois jusqu'à cinq ou six kilogrammes. Ses principales variétés sont ; — le Steatopyga(Oris steatopyga) de la Perse, de la Russie méridionale et de la Chine ; — le Mouton à grosse queue, qui habite la haute Égypte ; — Je Mouton sans queue (Ovis ecaudata) du même pays, mais dont la loupe graisseuse est aux fesses et dont la queue, très- grêle, n’a pas plus de deux pouces (0,054) de lon- gueur; — le Mouton d'Astracan, dont l'agneau fournit une tres-belle fourrure ; —le Mouton du Cap, etc. Quelques-uns de ces animaux ont la queue silourde, que dans certaine partie de l’A- frique on est obligé de la faire porter par un petit chariot que l’animal {raine après lui 4° Le Mourox D'IsLAïdE (Ovis policerata, Lin. Ovis gothlandica, PALL.), que nous avons représenté avec quatre cornes, et qui quelque- fois en a cinq, six, jusqu'à huit, et d’autres fois seulement trois. Sa queue est courte, et son pe- lage, ordinairement d’un brun roussätre, a trois sortes de poils. 5° Le MOUTON DE VALACHIE (Ovis strepsiceros), à laine très-longue et abondante; à cornes lon- gues et en spirale comme celles d’une antilope condonma. L'AnGau (Capra argali.— Ovis argali, Bon». Otis «œmmon, Desx. Ægoceros argali, Pare. Capra anmon, Lis.) est de la taille d’un daim ; en été son pelage est d'un gris fauve en dessus, passant au rougeàtre clair en dessous ; il a sur le dos une ligne jaunätre et une large tache de la méme couleur sur les fesses ; en hiver son pe- lage devient plus roussätre. Le mäle a les cornes fort grandes, triangulaires, très-fortes, aplalies en devant, striées en travers ; la femelle les à presque lisses et (rès-minces. L'argali habite les régions froides ou tempérées de l'Asie, les step- pes de la Sibérie méridionale, le pied du plateau de la Tatarie, etc. Partout il est recherché pour sa chair et sa graisse. Ses mœurs sont les mêmes que celles du mouflon. Le Mi-Arric ( Capra montana. — Ovis mon- tana G£orr. — DEsn. non Ok». ) est presque de la faille d’un cerf; ses jambes sont longues, son corps svelte, el son chanfrein presque droit ; son pelage est roide, court, grossier, d'un brun niarron ferne; ses fesses sont d’un blanc pur; ses cornes sont régulièrement courbées en spi- CHEVRES. rale et très-grosses. La femelle a des propor- lions plus petites. Il habite les montagnes du Canada, par troupes de quinze à vingt. C'est probablement une variété, et même bien légère, de l’argali. Le MOUFLON D'AFRIQUE (Capra ornala. —Ovis ornala Georr. Ovis tragelaphus, Cuv. — Des. Le Mouflon barbu et le Mouflon à manchettes 161 des naturalistes) est de la grandeur d’un mou- ton ordinaire ; son chanfrein est peu arqué ; son pelage, doux, roussätre, lui forme une sorte de crinière sur le cou, et de longs poils lui dessi- nent des mancheltes aux poignets. Ses cornes sont médiocres, plus larges sur leur face anté- rieure, et non contournées en spirale. 11 habite la haute Égypte et la Barbarie. LES RUMINANTS. Le Zébu. LES BOEUFS N'ont point de larmiers, et le noyau de leurs haut et huit en bas; point de canines; douze cornes est en partie celluleux ; leurs cornes, plus ou moins arrondies, sont dirigées de côté et re- viennent en avant vers le haut en formant le croissant. 18e Genre. Les BŒUFS (Bos, Lin.) ont trente-deux dents, savoir : point d’incisives en molaires à chaque mâchoire. Ils ont un large mufle, le corps épais, les jambes fortes et assez courtes; des onglons derrière les sabots ; la queue assez longue, terminée par un flocon de poils, et quatre mamelles inguiuales. Tous ces animaux sont lourds et de grande taille. Le BOEUF ORDINAIRE ( Bos taurus, Lix. — Desu. Bos indicus, variéte le Zébu. Le Zébu et le Bœuf, Burr.) Est originaire de l’ancien continent, et particulièrement de l'Europe, comme on à pu s’en assurer par ses nombreux débris fossiles, qui ne sont pas rares en France, surtout dans la vallée de la Somme. Sa taille est plus ou moins grande, selon les climats et les variétés. Son pelage varie beaucoup, mais généralement il est blanc, brun, noir, ou plus souvent encore d’un rouge fauve, toujours lisse etras ; un large fanon lui pend sous le cou jusqu'entre les jambes de de- vant ; son front, concave, est paré d’un épi de poils frisés ou crépus; ses cornes sont arrondies, latérales, arquées, et le plus ordinairement déjetées en dehors. Le zébu de Buffon ( Bos indicus, ExR1.) en est une variété extrèmement re- marquable, et qui s'en distingue particulièrement par sa taille généralement plus petite, et surtout par une ou deux bosses graisseuses qu’elle porte sur le garrot. Celte race, comme celle du bœuf ordinaire, présente aussi un assez bon nombre de variétés, parmi lesquelles nous distinguerons celle de Mada- gascar, la plus grande de toutes, n'ayant qu'une seule loupe graisseuse, et dont Ed IL ALES LA D to & RNonew 865 ENCLOS DES GHÉVRES ET MOUTONS D'ISLANDEF. PRES LA FOSSE AUX OURS. (fardin des Plantes.) BOEUFS. 163 la chair exhale une désagréable odeur de muse; celle de l'inde, dont la taille quelquefois ne dépasse guère celle d'un cochon, etc. Ordinairement le pe- lage de ces animaux est gris en dessus, blanc en dessous, mais il est très-sujet à varier. Cette race se trouve dans les parties chaudes de l'Inde et de l'Asie. C'est à elle qu'il faut rapporter le Taureau brahmine, privilégié dans les Indes et consacré au dieu Siva, parce qu'un individu de cette race, le bœuf Nandi, à seul le privilège de porter la statue de ce terrible dieu. Ces bœufs vivent dans des temples où on leur prodigue mille soins respectueux, et toutes leurs fonctions se bornent à servir de monture au brahmes. Comme le peuple les respecte beaucoup, ils peuvent impunément, quand tel est leur bon plaisir, dévaster les champs cultivés, pénétrer dans les clos, même dans les maisons, pour aller prendre et gaspiller la nourriture des habitants jusque sur leur table. A cela près, ce sont de tous les bœufs les plus inoffensifs. Notre bœuf ordinaire offre aussi de nombreuses variétés, en raison des loca- lités, et l’on pourrait en compter jusqu'à seize assez bien tranchées, sans sortir de la France. Cela seul suffirait pour constater la haute antiquité de sa servitude, si l’on n'avait pas des documents sur ce sujet dans Ja plupart des écrits qui nous sont restés des plus anciens peuples de la terre. I serait plus difficile de de- terminer à quelle époque le type sauvage de cette espèce à disparu ; cependant, il paraïîtrait qu'au quinzième et même au seizième siècle on trouvait encore des bœufs sauvages dans les forêts de la Pologne et de l'Angleterre, si toute- fois les auteurs n'ont pas confondu l'espèce du bœuf avec celle de l’aurochs. Quoi qu'il en soit, le bœuf est un des animaux indispensables à l’agriculture, et de premiere utilité pour l'homme. Au joug et à la voiture, il rend les mêmes services que le cheval, et s'il est plus lent, il est aussi plus vigoureux et plus sobre. Dés qu'il vieillit, on l’engraisse, et sa chair excellente est notre principal aliment ; sa peau, sa graisse, ses cornes, jusqu'à ses os, tout est utilisé et d’une haute importance dans les arts industriels. Le lait de sa femelle à des emplois aussi nombreux que variés, el souvent il devient l'unique ressource des pauvres familles de cultivateurs. Enfin, je le répète, il n'est pas d'animal que l'on puisse mettre en comparaison avec celui-ci, sous le rapport de son importance éco- nomique, et avec la vache et la brebis on pourrait se passer de tous les autres. Faire ici l'histoire des mœurs de cet être paisible par tempérament, bon servi- teur plus par stupidité que par affection, d'une obeissance passive, sobre, in- fatigable, nullement capricieux, ne se rebutant jamais, serait tout à fait hors d'œuvre, car il n’est personne qui n'ait été à même de l’observer. Seulement nous ferons remarquer que cette pesanteur de corps, cette lenteur d'allure qu'on lui reproche, tient plus aux habitudes qu'on lui donne qu'à son organisation. Dans quelques pays on dresse des bœufs pour monture, et on les forme à mar- cher, à trotter, à galoper même, avec presque autant de vitesse qu'un cheval. En Allemagne, les bœufs de chariots ont une allure deux fois plus vive que les nôtres, parce qu'on les y a habitués dès leur jeunesse. La vache porte neuf mois, et ne fait qu'un petit par portée. Le Burece ( Bos bubalus, Guc.— Desm. Le peu moins; il a le front élevé, arrondi, ce qui Buffle, Burr.) est de la faille du bœuf, outrès- fait paraitre son chanfrein concave ; son pelage 464 est noir, à poils durs et assez clair-semés ; son fanon est peu développé; ses cornes sont noires, très-écartées l’une de l'autre, avec une arête saillante en avant; sa queue est longue et pen- dante; ses mamelles sont sur une même ligne transverse. Il vit en troupes nombreuses dans les prairies basses et marécageuses où il aime à se vautrer dans la fange. Son caractère est fa- rouche, indomptable ; et pour tirer quelque ser- vice de ceux qui sont le mieux apprivoisés, il faut leur passer dans les narines un anneau de fer au moyen duquel on les dirige. 11 est origi- naire de l'Asie méridionale, d’où on l’a amené en Afrique et en Europe. I s’est parfaitement naturalisé en Grèce et en Halie dans les Marais Pontins. On doit regarder comme simple variété de cette espèce. L'ARni (Bos arni. Saw), qui n’en diffère que par ses cornes plus grandes, longues de quatre à cinq pieds (0,108 à 0,1 5), ridées sur leur concavité, et un peu aplaties en avant. On le trouve principalement dans les hautes mon- tagnes de l’Indostan et dans les îles de l'archipel indien. Le Gour où Gaotr (Bos qour, TRraizz. Le Purorah et 1e Gourin des Indous ) a de l’ana- logie avec l'arni, mais son pelage est d'un noir assez foncé, tirant sur le bleuâtre ; ses cornes sont courtes, épaisses, très-recourbées vers le bout et un peu rugueuses ; son pelage est ras, sa queue épaisse, et le mâle n’a pas de fanon pendant sous le cou ; une singulière rangée d'os épineux et accessoires lui voütent régulière- ment le dos. Cet animal est stupide jusqu'à la LES RUMINANTS. férocité, et son courage brutal ne recule devant aucun danger. Il vit en troupes de quinze à ving{ dans la profondeur des forêts de l'Inde, où il se nourrit de feuilles et de bourgeons d’ar- bres. Le Juncui-Gau ( Bos froutalis, G. Cuv. Bos sylhetanus, Fr. Cuv. Le Gyall, Lans. Le Bœu/ des jongles de Duvauc.) à de l’analogie avec notre taureau domestique, et comme lui il porte un fanon pendant sur la poitrine. Son pelage est constamment noirâtre, avec les quatre jJam- bes blanches; il a le front gris, ainsi qu’une bande longitudinale sur le garrot; le tour de son ‘mil est cendré, et celui des lèvres blanchà- tre ; il a une loupe graisseuse peu saillante sur les épaules ; sa queue est cotonneuse. Il habite l'Inde, principalement au pied des montagnes du Sylhet. L’Aunocus ( Bos urus, Boon. — Des. Bos ferus, Lan. L'Aurochs et le Bonasus de BurFF. Le Bonasus d'Arisrore. Le Zubr des Polonais) est le plus grand des bcæufs vivants, et sa {aille approche beaucoup de celle d'un rhinocéros. Son pelage est composé de deux sortes de poils, celui de dessous laineux et doux. Le devant du corps, jusqu'aux épaules, est couvert de poils bruns, durs et grossiers, surtout à la pointe, long de près d'un pied (0,525) ; le dessous de sa gorge, jusqu’au poitrail, est garni d’une longue barbe pendante ; out le reste du corps est cou- vert de poils ras, courts, d’un blanc noirâtre; son front est bombé; ses cornes sont grosses, rondes, latérales ; sa queue est très-longue. En- fin il a quatorze paires de côtes, tandis que les bœufs n’en ont que douze. Il paraît que cet animal habitait autrefois toute l'Europe, et qu'il était assez commun, même en France, dans les forêts marécageuses; aujourd'hui on ne le trouve plus que dans un canton de la Lithuanie, et encore grâce au seigneur dont il peuple les forêts, et qui les fait garder avec soin. Le lendemain du jour où un noble palatin laura ordonné, un des plus puissants animaux de la terre aura complétement disparu de dessus le globe, et ses ossements fossiles témoi- gneront seuls de son existence passée. Si on s'en rapporte à Gilibert, l’au- rochs, étant pris jeune, s'apprivoise assez aisément, devient docile, et caresse même la main de son gardien en la léchant. Cet auteur dit en avoir observé quatre jeunes, pris dans la forêt de Bialoviezenski. « Is refusèrent de teter des vaches, dit-il; on leur fit teter des chèvres posées à leur hauteur sur une table : quand ils étaient rassasiés, d’un coup de tête ils Jetaient leur nourrice à six ou huit pieds de distance. Quand ils furent grands, la vue d'un étranger et la cou- leur rouge les mettaient en colère Dans la forêt de Bialoviezenski, les aurochs ne s’écartent pas des rivages; ils en broutent l'herbe en été, et en hiver ils se nourrissent de pousses des arbustes et des lichens. Dans le temps du rut, les mâles combattent entre eux, et la chasse en est alors très-périlleuse. D'un coup de tête ils brisent des arbres gros comme la cuisse. » La femelle porte onze BOLUFS. 465 mois et met bas un seul petit. On croit, mais ceci me paraît douteux, qu'il existe encore quelques rares aurochs dispersés dans les montagnes du Caucase et les monts Krapachs. Le Burrce pu Cap (Bos caffer, Sraru.) est plus grand et plus massif que le buffle ordinaire; son pelage est dur, fort serré, d'un brun foncé, composé de poils d'un pouce (0,027) de lon- gueur ; ses oreilles sont un peu pendantes et couvertes par les cornes; son fanon est grand et pendant ; ses cornes sont noires, très-larges et apiaties à leur base, qui couvre le front : elles sont dirigées de dedans en dehors et en bas, puis relevées à leur pointe. 1] habite en troupes nombreuses les forêts les plus épaisses de l’A- frique méridionale, depuis le Cap jusqu’en Gui- née. Dans ses bois il est très-redoutable et ne manque jamais de se lancer avec furie contre tous les êtres vivants qu'il rencontre; dans la de quelques voyageurs. Le Si-nijou des Chinois. Le Bœuf à queue de cheval), a quatorze paires de côtes comme l’aurochs, et constitue par con- séquent une espèce tout à fait distincte du buffle et du bœuf domestique, quoi qu’en aient pensé Pallas et Cuvier. Cet animal a quelque ressem. blance de forme avec le buffle, mais il en dif- fère sous de nombreux rapports. 1] a sur la tête une grosse touffe de poils crépus, et une sorte de crinière sur le cou; son pelage est noir, assez lisse, presque ras en été, plus fourni et hérissé en hiver ; le dessous du corps et la nais- sance des quatre jambes sont couverts de crins très-touffus, très-longs et tombants: sa queue, très-souvent blanche et entièrement garnie de plaine, il est plus circonspect sans être moins farouche, et il n’altaque pas l'homme à moins qu'il en soit lui-même attaqué. Le Yack (Bos grunniens, Lin. — Desu. La Vache de Tatarie, de Burr. La Vache gro- gnanle de Tatarie, Scures. Le Bœuf du Thibet longs crins, ressemble à celle d'un cheval: les cornes sont unies, rondes, latérales, à poin- tes un peu recourbées en arrière; l'animal porte une loupe graisseuse sur le garrot, et les quatre mamelles du mâle sont placées sur une ligne transversale. Le yack, à l'état sauvage, ne se trouve guère que dans les étages les plus froids des montagnes qui séparent le Thibet du Boutan. C’est alors un animal farouche, irascible, dangereux, qui se plaît sous l'ombrage des forêts bordant les rivières où il aime à se baigner et à nager pendant les ardeurs du jour, et à se vautrer dans la fange. Plié à la domesticité par les Mongols, il a un peu perdu de sa brutalité naturelle, et 1l est devenu un animal très-utile. Son lait s'emploie comme celui de nos vaches ; de plus, après lui avoir fait subir certaine prépa- ration pour le réduire en beurre, les Tatares nomades le renferment dans des sacs de cuir, et en font un commerce assez considérable dans l'Asie centrale. On emploie cet animal à porter des fardeaux, à tirer des chariots et même la charrue; mais malgré cela son caractère n’en est pas moins resté inquiet et peu sociable. Peu accessible au sentiment de la reconnaissance, il tolère tout au plus la familiarité de son maître, ne lui obéit que de mauvaise grâce, et ne sup- porte rien des étrangers. Un rien l’inquiète, le met en colère ou du moins lui donne de l'humeur, et c’est alors qu'il fait entendre continuellement cette sorte de grognement que l’on a comparé à celui d’un cochon. Sa chair est estimée, son poil sert à faire des étoffes grossières ; mais sa queue surtout à une grande valeur commerciale. Chez les Musulmans, attachée au bout d’une lance, elle est l'insigne de la dignité de pacha, et cette dignité est d'autant plus élevée que celui qui en est revêtu a le droit de faire porter devant lui plusieurs de ces queues; aussi dit-on un pacha à deux, à trois queues, etc. Les Chinois les recherchent beaucoup aussi, mais c'est simplement pour les porter sur leurs bonnets, après les avoir fait teindre en rouge. On en fait aussi des chasse-mouches, etc. D9 466 LES Le Bison (Bos bison, ErxL. Bos americanus, Gus. — DEsu. Le Bison, Fa. Cuv. Le Buffalo des Anglo-Américains). Cet animal a les for- mes trapues, la croupe et la fête basses et le garrot très-haut. Sa téle est courte, grosse; toutes les parties de son corps sont recouvertes d'un poil court et serré; son chanfrein, son RUMINANTS. cou, le dessous de son menton et ses épaules portent, au contraire, une sorte de crinière de poils laineux, {rès-longs et très-serrés ; sa queue est assez courte, terminée par un flocon de longs crins ; Sa Couleur générale est d'un brun fuligi- neux plus ou moins foncé; enfin, ses cornes sont petites, latérales, séparées, noires et arrondies. Le bison habite dans toutes les parties tempérées de l'Amérique septentrio- nale, et notamment le Missouri et les montagnes Rocheuses. L'été il vit dans les forêts, mais 1l en sortau printemps pour parcourir toutes ces vastes contrées du midiau nord, et en automne pour les parcourir du nord au midi. Dans ces sortes d'émigrations, assez irrégulières, du reste, ces animaux marchent en troupes nombreuses, souvent de vingt mille et plus, si l'on s'en rapporte à quelques voya- geurs, et ils sont tellement serrés les uns contre les autres, que, ceux de derrière poussant ceux de devant, ils brisent et dévastent tout ce qui se rencontre sur leur passage. Lorsque le front d’une de ces formidables colonnes rencontre un obstacle invincible, il s'arrête ; mais ceux de derrière continuant de marcher en avant, il en résulte une foule, une cohue tellement épaisse, que beaucoup des plus faibles périssent écrasés et foules aux pieds par les autres. En été, ils se sé- parent par couples ou par petites troupes conduites par deux ou trois vieux mâles, et ils se retirent dans le fond des forêts marécageuses. Comme leur cuir et leur chair sont fort estimés, les Indiens se réunissent pour leur tendre des pièges et leur faire la chasse. Il n’est pas rare qu'ils réussissent à les faire entrer dans des enceintes de pieux d'une immense étendue, et alors ils en tuent douze à quinze cents dans une seule chasse, du moins si l'on s’en rapporte au capitaine Franklin, qui dit l'avoir vu. Le bison est farouche, mais non féroce. Il fuit devant l'homme et ne l'attaque jamais, à moins cependant qu'il en ait été grièvement blessé. Dans ce cas il se retourne, se précipite sur le chasseur, et malheur à ce dernier s’il n’est monte sur un excellent cheval ; non-seulement le bison l'attaque avec ses cornes, mais encore avec ses pieds de devant, qui sont pour lui une arme favorite et terrible. La ménagerie en a possédé plusieurs individus, entre autres une femelle qui y a mis bas. D'après Raffinesque, le bison ne serait pas indomptable comme on l'a dit, et il serait domestique dans les fermes du Kentuckey et de l'Ohio. Il se plait et s'accouple avec les vaches ordinaires, et produit des métis qui ont la couleur, la tête et la demi-toison du bison, son dos incliné, mais pas de bosse sur le garrot. Ces métis s’acconplent indifféremment entre eux ou avec leurs pères et méeres, et produisent de nouvelles races fécondes, ce qui prouve, selon l'opi- nion de Buffon, que le bœuf et le bison formaient originairement une espèce unique. . 17e Genre. Les OVIBOS (Ovibos, BLAINV.) ont la même formule dentaire que les bœufs ; ils manquent de mufñle, et leur chanfrein est assez fortement busqué, comme dans les mou- tons ; leurs cornes sont très-larges, se touchant à leur base, s'appliquant ensuite sur les côtés de la tête, puis se relevant brusquement de côté et en arrière ; ils n’ont pas de barbe ; leur queue est très-courte et leurs membres sont robustes. L'Ovisos musqué (Ovibos moschalus, BLAINY. —- Desu. Bos moschatus, Li. Le Bœuf musque, Burr.) est beaucoup moins grand que le bœuf BOEUFS. 167 et offre un peu l'aspect d'un tres-gros mouton; Je brun foncé ; son chanfrein est arqué, el sa son pelage se compose de deux sortes de poils, bouche fort petite; ses cornes sont blanches, l'un doux et laineux en dessous , l'autre grossier lisses, fort larges à la base et se touchant pres et fort long en dessus. Sa couleur générale est que, surtout dans le mäle. Il habite l'Amérique, sous le cercle polaire, par troupesde quatre-vingts à cent, parmi lesquels on ne trouve que deux ou trois mâles. A l’époque du rut, c'est- à-dire en août, ces derniers sont excessivement jaloux, etse jettent avec fureur sur tout ce qui approche leurs femelles ; ils se battent entre eux jusqu’à la mort, et le mâle vainqueur fuit dans les bois avec ses conquêtes, dont quelques-unes restent pour consoler les vaincus. Les femelles mettent bas un seul petit, à la lin de mai ou au commencement de juin. Rarement ces animaux s’écartent beaucoup des bois, et ils aiment à errer dans les parties rocailleuses et stériles des montagnes. Malgré leur lourdeur apparente, ils gravissent avec beaucoup d’agilité les rochers, où ils aiment à aller paître les bourgeons des plantes al- pines. Leur chair a quelque analogie de goût avec celle de l'élan, mais elle exhale une forte odeur de muse qui la rend détestable pour les personnes qui n'y sont pas accoutumées. TABLE DES NOMS DE ALPHABÉTIQUE GENRES. Nora. Les noms d'ordres sont en GRANDES CAPITALES, les noms de familles en PETITES CAPITALES, les noms de genres en caractères ordinaires, et les noms latins en ifalique. Le nom des espèces figurées est précédé d'un astérisque (‘). Acanthions, Acanthion. MÆllo, Æilo. * Agouarapopé. . * Agouli. Agoulis . * Ai. Ailurus. . Alactaga. SR TN Alcelaphes, Alcelaphus. Alouates. : Anisonyx, Anisonyx. ANTEROPOMORPHES. Antilocapra. Antilochèvres. . : * Antilope des Indes. . Antilopes, Anlilope. . ANTILOPES. AOnYx, Aonyz. Arciocephales, Arctocaphalns. Arclomys. Arctonyx, Armardilles. Artibées, Artibeus. Arvicola. Atalaphes , Atalapha: Ateles. à Aye-Aye. Ar one Babiroussas , Babirussa. Bathyergues, Bathyergus. . Benturongs. : *Bélier de Burbarie. Blaireaux BoEurs. . Bos. Bosélaphes, Bo dans * Bouquetin. . a Bradipes, Bradipus. . Cabiaïis. : Calocéphales, Caloc hate Camelopardalis. CaAMELOPARDINÉES. Camelus. Campagnols. Canis. Capra. Capromys, Capo * Cara-Rayada. . * CARNASSIERS CHÉIROPTÈRES, deuxième ordre. AUS 14. DIGITIGRADES, cinquième Ordre Id. INSECTIVORES, troisième ordre. CARNIVORES PLANTIGRADES, qua- trième ordre. AR "e CARNIVORES AMPBIBIES, sixième ordre. * Castor ou Bièvre. . Castors, Castor. Caria. Cebus. : Célènes, Celæno. Céphalotes, Cephalotes.. Cercocèbes, Cercocebus. Cercopithecus. . * Cerf de Virginie. . Cerfs. M Cervicapra . nt és tte TABLE ALPHABÉTIQUE. Cervichevres. . Cervus. . CHAMEAUx. . Chameaux. Chamois, Chat domestiques. CuaTs. : Chats. CHATS-VOLANTS . ; Cheirogales, Cheiroguieus. Cheiromys. . Chevaux. CuèvRes. Chevrotains. * Chinchilla. . : *Chien de Poméranie. Cuiexs. Id. domestiques Id. sauvages Chironectes, Oironectes o Chlamyphores, Camper us Chloromys . * Choak-Kama. Cbrysochlores, Chrysochlaris . CiVETTES. : * Civette Cladobates, Gladobates Coaïtas Coati-mondi Coatis. Cobayes. Cochons. Cœlogenus . Coendous, Coendu Colobes, Colobus. Condylures, Condylura . * Cougar . Couscous. Cricetus . Cténomes, Ctenomys . Cuscus Cynocéphales, Cunceenha Le : Cynoptères, Cynopterus. Damans. DasyPoïpEs . Dasypus . : * Dasyure à longue dede Dasyures, Dasyurus . * Desman de Russie Desmans. * Diane. Didelphes, Didelphis. Dinops, Dinops DioDoONTES . : Diplostomes, Diplostona : Dipus. * Dogue du Thibet. FE à Pages. 416 452 425 427 452 255 254 256 86 18 85 416 454 429 528 158 ib. 188 195 287 3588 577 42 124 217 ibe 121 50 151 150 574 411 515 565 20 125 260 293 328 521 293 39 110 406 515 585 289 288 122 17 283 104 112 332 324 194 Doucans-Taupes * Douroucouli Ducan-T'alpa.. Dycotyles. Dysopes, Dysopes. Echidnés, Echidna. Echimys, Echimys. *Ecureuil noir d'Amérique. *Écureuil du Malabar. ÉcurEuILs. Écureuils. ÉDENTES, neuvieme Te Égocèr es, Ha0eer us. *Élan. . *Éléphant. D Éléphants, Elephas. . *Encoubert. . *Entelle. . Equus. Erinaceus. . Felis. Fel. Fourmiliers. *Furet. *Galago. Galagos, Galago. GALÉOPITHÈQUES, G aleopithecus us. Gazelles, Gazella. Genettes, Genetta. Géomys, Geomys. Georychus. Georichus. . Gerbilles, Gerbilis. GERBOISES. Gibbons. : *Girafe d'Afrique. . Girafes. . Glossophages, Glossaphage *Glouton. : : Gloutons. : *Grand Fer-à- chevall. Grossarchus. *Guanaco. Guénons. *Guépard. Guépards, Crcpar. Guerlinguets. Gulo. Gymnures, G ymnur a. Halmatures, Halmalurus. Halychores, Halychærus 170 TABLE ALPHABÉTIQUE. Pages. Pages. Hamsters. .:. 0. . 200.028 MÉTOU) NO. er CC TR CR *Hélamys mannef:": 1.4" "TNT 522 AL OUIrE OR Hélamys, Helanuys. MOT NS 21 Louires. "2 : : . SR IPANEZ *Hérisson. D 1... 112 ŒUTO- ER EN ONE Hérissons. «FR 320 ONU. Lynx SR 0. à Ait) P Lynx caracal. RE Ti 0 AU Herpetes. Re 222 Hétéromys, Drop US: RE CT 0002 *Hippopotame amphibie. 41 41 D Hippopotames, Hippopotamus. 3 *Macaque nègre. . . . . . . . . 58 Houlman. . . . 00% 100-128 MNMaCaques, MaCuCus. 00. 0 UNIT 0 Hydrochærus. . . . + « « «+ . 515 Macroglosses, Maeroglossa. . . . . 110 Hydromys, Hydro Fe 4... . + 560 Macrorhins, Macrorginus. . . . . 276 *Hyène rayée. . . de se TM 228 MM TATOTUS Ve LC TT RC CE 0 HYÈNES, Hyena. + M0 0 Nb. OU Madatées, Madalens NN CR ER D) Hyénoïdes, Hyenoitles, - "UN NNDI M ÉMALO RS Hylobates. . . . Bee nr os ct 497 Magots, Magus. "COUP ENCORE UT Hypexodons, neo ons 060405 "*Maki à front OI. CE TE 0 Hypodermes, f{ypoderma. . . . . 1410 *Maki rouge. . . . . . . . . . 69 Hypsiprymnus. à," + LOU 0995 MARS, Mafis RO ER TE LD: Hyrax. 0101406 “Mangabey sans collier A0 Pr 20 Mangoustes.. M0 "NP 0222 Mangues =". 0." Ci -mr220 Ictides. . . RE it) Mans: A. ;. LL REAIC EM? Indris , Ras, os en à à 75 XMapache ot... FN NT ED Isoodons, fsoodon. , . , . . . . 9291 Marmotte des Alpes. . . . . . . . 615 MARMOTTES. . . ANA: MARSUPIAUX, septième Pine 0285 *Jackal. 4,1, 0,0 =, 0907 "Marte à gorgeldonée. NA MI6Z ÉTAQUa 00257 RDIONTES. . . DOPNOTL Mégadermes, ts Pas se 00e te RO OCR RE EP RE SE QU 0: 2.0 à UD *Kangourou enfumé. . . M0, CON 506 MERS TS Kangourous, Kangnrus. . . . . . àb. Mériones, Meriones. . . . . . . . 321 Kérodons, Kerodon. . . . 1, 1 316 Midas. . . s 0. 06 RE ECG 5 Kinkajous. . . ... . . . . . . 82 Molosses, Molossns. RAS 0. 10H) KAMPEZEY.2 20 cle Re 2 PURE AIR 5 *Mone. …. eh Dar; “Koala. . . . . . . . . . . . 292 Monophylles, Monophyllus. . . . . 91 KOAlAS 40 01.6 ce ee Ph: MONOTREMES ER RO 0597 Mormops, Mormops. . . . . . . 95 AMOrSE.. .: . . . ONU tr 280) Lagomys, Lagomys.…. .. .. .. 3: 1/574MAMOrEES.,. OS re Lagothriches,. Lagothrix. 21. 0 1 wN152 MMOSCHINÉES. Ce NE 0 29 “Lama blanc. ,: : … -.:1. 0... CN 425 M UMOSCHUS MI . CORONNIO IC N SIRET amas: Lama. 1e di DR Moufette EE LI Lasyopyges, Lasiopyga... 4.0 MOULE D Lataxes, Latar. . . Le, L. ©. | *HPMASGMOUtOn TE EIRE: 5 *Lemming. … . .... 100, "576 "IMUIOINaIn.. NN RU S Lemmings. . ....,.....:,.1,0%9%p, SMorin, CORRE CC ROG ÉeMUr.,. 4. du 0 206 VS SANS O0 NN TS Re Do RL LEE ; “Léopard. . . . ,. . . , . . . 250 *Musaraigne de eau. 4 : JUTUUEINS ENSNTSMNG Lépus. .. .. , . .. , «, -. -, 67 Musaraigne de terre. . 21) men LIÈVRES, 4e se 0 04 de NOR COAMMUSCA NL. € OS RE 2 Lievres. 10 ee PS RES CRMENNR Mustela. 2: 1e PM 62 FLion... 4 400 00000 0 UN 957 OTIMUGELES UN TINTIN ONE ER 76) *Lionne.. . ..., .:... @) UN0YS DMYGUs. 050 0 NOM LONGIROSTRES, . . . . M. . . 585 °Mydas. . ON OC ALOCOMQUN.. 5 NT Tale; tn Manu bcomon 00 CA TA ÉOIrS:, 070. CR PRIS 11 Mynomes, Mynomes. Je du Le 15 SO 09 Loris, Loris. 75 CMYODOLAMUS. 2. NN SEC) TABLE ALPHABÉTIQUE. Myoptères, Myopleris. Myoxus. Myrmec ophaga- Myspithèques, Muyspithec us. Nasalis. . Nasiques. Nasua. *Nems. CE o Néotomes, Neotomu. *Nimse. *Nil-Bandar. 5 Nocthores, Nocthora. NocriLions, Nortilio. Nyctères, Nycteris. Nycticèbes, Nycticebus. . Nycticées, Nyrticeus. Nyctinomes, Nyclinomus Nyctophiles, Nyctophilus. *Nyl-Ghau. 1 *Ocelot ou Maracaya. . Ondatras, Ondatra. *Oleek. *Orang-Outang. Orangs. . Oréas, Oreas. . *Oreillard. Oreillards. *Ornithorhynque, Or nilhor De h He © Oryctéres, Orycterus. Orxcteropes, Orycteropus. Oryx, Oryx. Otomys, Olomys. . *Ouanderou. *Ouistiti à pinceau. OuisTiTis. 3 *Ouistiti oreillard. . Ours. *Ours blanc. , “Ours brun d'Europe. “Ours féroce. Ovibos, Ovibos. *Paca brun. . Pacas. P ACHYDERMES, dre or re e? Pachysomes, Pachysoma. *Palmistce. Panda. Pangolins. Panthère. . . Paradoxures, Po rdo 11e *Pécari à collier. Pécari à longues lèvres. . Pécaris. . Pages. 105 511 589 78 S ©t Si S Gus) FR D — = > O1 Or Or D NN D © E Qt à D a 513 1b. 399 110 301 144 592 248 149 408 410 407 Pelages, Pelagius. Péramèles, Perameles. . Pétauristes, Petaurus. Phacochcæres. Phalangers, Dhalangtstis Phascogales, Phascogale. Phascolarctos. ; Phascolomes, Phase GÈNE PnoQuEes. : *Phoque commun. . Phoques, Phoca. Puy LLOSTOMES. : Phyllostomes, Prllstoe: Pithecia. , : Pithecus. PLANTIGRADES. 5 Platyrhynques, Paire DS Plecotus. 6 SAS PLENICORNESe Pleuroptères. Polatouches. Pongos, Pongo. *Pongo de Wurmb. Porcs-Épics. *Porc-Épic de Malacca. *Porc-Epic ordinaire . Polamys. Potorous. Potos. *Poucan. . *Pougounié. . ë Presbyte, Presbylis. . Priodontes . Prociyon. Protèies, Froid Ptéromys, Pteromys. Pteropus. : Putois, Pulorius. . QUADRUMANES, premier ordre. . *Raccoon. *Rat de Barbarie. Rars. Rats. . ë RaATS-NAGEURS. *Rat-Taupe. RaTs TAUPES. . *Ratel. Ratels. *Raton crabier. Ratons. . *Renard argenté. *Renard fauve. . Renards. gere Rhinocéros, Rhinoceros. Ruinozopues, rhinolophus . 472 TABLE ALPHABÉTIQUE. Rhinopomes, rkinopoma * Roloway. RONGEURS, Hoitième ii RONGEURS BERBIVORES RONGEURS OMNIVORES Rossomak Roussette . ROUSSETTES. RUMINANTS, onzième Te Rupicapra . Se Ryzœna . $ Saccomys, sarcomys- Sagouins, saguinus * Sajouassou . Sajous Sakis . SAPAJOUS. * Sarigue. . . Scalopes, scalops. Sciuropterus Seiuruts. Ë Scotophiless CE Semnopithèques, Semnopithecus. Setiger. at SIAMADE. eee De A Me Sigmodons, Sigmodon. SINGES. : Sorex. Spermophiles, Sper RU GE Sphiggures, Sphigqurus. Stemmatopes, Stemmatopus. Sténodermes, Stenodermas Sténorhynques, Stenorhynchus. . Surikates. Sus. : Syndactyles, Haute Talpa. ot" 100 Talpasores, Talpasorex. *Tamanoir. . Tamarins. Pages. 91 17 501 561 501 156 106 ib. 425 452 226 551 57 54 ib. 60 46 283 424 511 504 105 28 . 150 CL 555 14 116 516 566 276 105 176 226 ai 11 126 124 590 65 *Tamia palmiste. Tamia. . Tamias. . Tapirs. *Tapir d'Amérique. . . . . Tapirus. Taphiens. Taphozous. T'ARDIGRADES. Tarsiers, Tarsius. *Tatou-Poyou. Tatous. . T'atusia. *Taupe, Taupes. . Tenrecs. Thylacins. Thylacinus. *Tigre. *Toque. : Tragélaphes, T r ph. TRIODONTES À COURTES CANINES. TRIODONTES À GRANDES CANINES. Troglodytes, T'roglodytes. *Tschermo-Buroi. . Ulacodes , Ulacodus. Ursins, Ursinus. Ursus. Vampires, Vampirus. Vespertilio. VESPERTILIONS. Vespertilions. . Viverra. . Vulpes. *Zèbre. *Zebu. Zorilles, Zor illa. FIN DE LA TABLE. 217 207 419 462 182 tn : 1 : D n | LOT . Don mu 1 1e 1 . “0 D à nr | 10 Den = = [e] ES O œ — « W — [us] —£ [ne 5 A 274 + + 7 7: % = DAT = : D 4 P ss = L27/ e æ e m 2 1 m . m = E a se [ep] _ [#p] , _ STITUTION NOILNLIISNI NVINOSHIINS S31YV49171 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITL L a Z (2) rs RE a F2 Ée NS = ü Æ =: / Fes K se = ÉS RE O AT 4 LL NS RE IN Y Lo L : © y E NS O RS 4} 44 NN 2 D Fe 7 = = 4 3IYVH9I11 LIBRARIES SMITHSONIAN _ INSTITUTION NOIINLILSNI NVINOSHLINES SES PA Lu = ui Pi NN 4 Lu a nos “ “ 4 (2 — [#9] KR pi — a, LA Jy À a z S NS œ 7 = SPA à | 1 = = EH = es 3 INR € . à - ; Vs 2 ” Z & Z APS ISTITUTION NOIINLIISNI NVINOSHILINS S31Y4VY9171 LIBRARIES SMITHSONIAN_INSTINER e MO x 5 SE é L [se à | O . = D. = ow = y, © 4 ne) Ns = re AD De) — =. NN _ 7 4: > ee m Ÿ LK = 5 = PE D m1 NV D D #07 0 pie = RS Fo Z D E 31yvVyg17 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINIILSNI NVINOSHIINS S 314 De Z SO £ É : 2 Z À = Z NX = 42, Z = 4 2 NN = NES 77 > Z É N = =. NS 2, VAT E Z = NN. > Sn = = > 02 Z a Pa = a) Zz [STITUTION NOILNLILSNI_ NYINOSHLIWS S31 UV#4171 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITU LA = [2] = “ G : G : y, à = si. se eu “S. VU œ _ a Œ 4 = es ns. = = es = _ O PS — O es © œ a = ui re + Z D! 31 YVH#ga171 LIBRARIES SMITHSONIAN-.INSTITUTION NOIRE MIONVINOSNSSS S312Ve œ = cs = E Er pe) 3 72 => | 7 ŸY Es) > ÿ > F LS E 2 ni o F 7 = NOIINLIISNI NVINOSHLINS S31YVYS9I1 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTIM a = (2) pa ES a Z g L£ < = £ < =. p + 6 : = 6 on @) cn", (2) [22] an SN © As O'* 2 O E N Z ss = ÉÆ = = 5 = > Z > = E [ep] PA a L 72 a 4 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION" NOIINLILSNI NYINOSHLINS SES = u pue = : 2 e = > Se — ST à = ä NX = = ZA à £ KW - Œ œ VC = œ SU K œ = SW 5 F D - _ 1) A =] : pa à H. NVINOSHLINS LIBRARIES SMITHSONIAN _INSTR z HU É Le É NT RL 2 m à = _ V,, (ee) = 2 Ÿ N 5 m 5 22 No TK TEE? + = N N a Re ya THON NES pa BRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOILNLILSNI NVINOSHLINS S3 ! * * RS, S ê INOSHLIWS THSONIAN NOSHILINS THSONIAN Æ ITHSONIAN OSH SJ3IHVAE INSTITUT NK N SERR- ARE INSTITUT. S3I4vaes INSTITUM IBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOILNLILSNI NVINOSHLINS S314vVa#g11_LIBRAR = = à 2 z 2 D = ° = = NN = D = = Z 3 NY à 7 > AN: = TE à k DS le) D A TL © < MN \ = [as N NS Z, 1 LE Z = NN > SNL dt = 5 = 2 = À = E = 2 OILNLILSNI NVINOSHLINS S3IHVY#IT LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINLI 2 “ z * z “ — Te = Le e = = œ = œ , — œ = (s< = œ € œ Oo m = em. ps m © Ÿ Fe O = (© _ FA ou) PA — IBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINLILSNI. S314V4911 LIBRAR = æ Z Z Fe 7 Lo pe) Es > a = > = 2 pes = = (2) a on me ee Æ u 2 Z m _ a = = (9 JOILNLILSNI NYVINOSHLINS S314VH411 LIBRARIES + SMITHSONIAN INSTITUTION LIBRAR s 1BRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOILNLILSNI NVINOSHILINS S3IYVUYIT NVINOSHLINS S314Va411 NYVINOSHLIWS NS K K SMITHSONIAN SMITHSONIAN Je NVINOSHIIWS NE K SMITHSONIAN à # K = ! L + CES, SÈ NON NS = œ NK = 7 AZ s < NX = CRE : K L. o E \ 5 | Z er) PA JOILNLILSNI _NYINOSHIINS S31Y4VY911 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINLII. S314vV4411 LIBRARIES INSTITUTION NOIINLILSNI SIIUVHAIT LIBRARIES S = ( : = NN = ee) y = N ù 5 2 2 5! NŸ : : 144 = N 2 = | 2 = (ep) = IBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINIILSNI NVINOSHLIWS S31yvyg11_LIBRAR - (Ce = : (22) = un = à Z < N = 42, < Z < = Z NN — . Z = Z à Ÿ K TL © N SN 2 127 © _ © x Ÿ n - NS Ê 7 46 K K 5 NS an NN an A LA a an NO N'ES 9 x AS (e} GC ae (e) TL NS KE 7 ENUN T7 E 2 E NN an a = à RL) JOILNLILSNI NVINOSHLINS S31YVY4I1 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINLI. NOILNILILSNI 4 p ES S3INVUSIT LIBRARI NOIINLILSNI LIBRARIES NOIINILILSNI LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINLILSNI NVINOSHLINS S31YV#g11 LIBRAR INSTITUTION INSTITUTION INSTITUTION SMITHSONIAN INSTITUTION, NOIINII NOILNLILSNI NVINOSHILINS S3I14VH4411 LIBRARIES NVINOSHLINS S314V44117 LIBRARIES NYINOSHLINS S314V4417 SMITHSONIAN NYINOSHLIWS SMITHSONIAN 4 SA SMITHSONIAN F4 RNA BUS #4 of EE DIN REINE HN if, Es RENE