224 TABLE DES MATIÈRES. CHAPITRE V. —" POISSONS. +. sens dites eee ea Dee MC TER I. IT. IL. IE VE VI. VII. [. IL. LIL. IV. \fe MC ALESIS este ces eee cet ETCCRETRES = LeNtNOn ereesenlaameeesrede tee ele ce CCC CRT EEE Ne CYPLIRAAOTÉ Se rec cecrere-erierCoCe CCC CEE PRE —1[e poisson arc-en-CcielNde l'Inde "Crete. COOP CP TER CPEE LC SAUMON ee serrée le die bu are oil ec CO CRE Le HART — Lethartence rec rer eee Er CT CCC EE CREER —\Lerequins:s$r sed ete CET RERERREE NO NMNNNORIE SE Soonoanncbhocoot oo sont ne 2e Er MO Ha ToUrMINMOIre- eee ML CE CCC Pc ——HLesttermi tes ere rue a ou uacaunosc ——1PÉEVEL AASOIC. a ee me een aie Le - à CHAPITRE [l: =" ARACHNIDES. 5. 30 2x 322500 SN MN NRA Les araignées mineuses ............ nc 6e o - CHAPITRE MID ICRUSTACESE ER EEE cr ou MPÉCREVISS OR NS ARR TNA RUE EUR PS 6 ve + CHAPITRE IV. — ANNÉLIDES......... BRL Se NT COTES Les tSaAngsues. trees eeaeteeeer tee COTE RT ETES Les mollusques GHAPIDRE PREMIER —"CÉPHALOPODES .-.-L 0... ee ne 5 Les seiches...... EN OI LR IAA EN TENGEE RE oc CHAPITRE =ENLES A CHPHALES Aer ee mr re ENT RTE RER Huitrestetipintadiness 2e: REP ER CET CARRE EEE Les polypes EenCOrAI IL AA EGP RE ee ee MAD d 2 NTI Les protozoaires CHAPITREMPREMIER = ISPONGIAIRES AL Ce ce CE LÉO ou cos deoboecootor done CHAPIDRE TT. —"INEUSOIRES ET) FORAMINIRÈRES re RE Hesiorsanismestélémentaires CRÉÉ CE eee CCE RE FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. DARIS. — IMPRIMERIE ÉMILE MARTINET, RUE MIGNON, ©. 207 213 213 216 216 LE MONDE VÉGÉTAL FORÊT DE FOUGÈRES ARBORESCENTES. BIBLIOTHÈQUE DES ÉCOLES ET DES FAMILLES LE MONDE VÉGÉTAL M" STANISLAS MEUNIER ei MR — PARIS LIBRAIRIE HACHETTE ET C' 19, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79 1881 Dronts de propriété et de traduction réservés J LE si MONDE VÉGÉTAL QUELQUES DÉFINITIONS Bien que ce petit volume ne soit pas le moins du monde un traité de botanique, il est indispensable, pour qu’on puisse le lire avec profit, de donner ici l'explication de différents termes qui reviendront constamment à propos de chaque sujet. Nous la ferons aussi courte et aussi simple que possible. On pourra en commençant ne pas s’y arrêter; mais il faudra y recourir, comme à un renvoi, à chaque mot incompris que l’on rencon- trera au cours de la lecture. Il ya à considérer dans une plante : la racine, la tige, les feuilles, la fleur, le fruit, la graine. La racine est la partie que le végétal enfonce ordinairement dans la terre et qui sert à l’y fixer et à lui procurer les sucs nécessaires à son accroissement. Tout dans cette définition ne s’applique pas toujours, comme on le verra plus loin. 6 LE MONDE VÉGÉTAL.: Tantôt la racine reste simple, tantôt elle se ramifie. Son axe ou ses branches sont terminés par le chevelu, filets très menus, périssant et repoussant chaque année, comme les feuilles. Les racines dites pivolantes ont une base unique s’enfon- cant verticalement dans le sol, — sans se ramifier, comme RACINE PIVOTANTE DU NAVET. RACINE FASCICULÉE DU LIS. dans le Navet, — en se ramifiant, comme dans la Giroflée. Les racines fasciculées, ou à base multiple, naissent du collet, — jonction de la racine avec la tige, — en axes plus ou moins nombreux, à peu près de même calibre. Elles sont fibreuses : en filets minces et allongés (Lis); noueuses : avec des fibres renflées de distance en distance (Filipendule); tubéreuses : tif = 8 LE MONDE VÉGÉTAL. (Dahlia), lorsque les fibres, très renflées à leur milieu, sont de véritables dépôts de fécule ; tubéreuses-fibreuses : comme dans l’Orchis, où l’on trouve à la fois des masses ovoides et des fibres cylindriques. Quelques plantes manquent de racine. Exemple : le Gui, qui RACINES FLOTTANTES DE LA LENTILLE D'EAU. tient par satige à l’écorce des arbres aux dépens desquels il vit. D’autres, au contraire, ont des ra- cines supplémentaires qui naissent sur la tige et qui portent le nom de racines adventives. Ces racines, comme les crampons du lierre, servent à accrocher la plante aux corps environnants, ou bien concourent puissamment à sa nutrition. La Vanille a des racines adventives qui, flottant dans l'air lourd et humide des forêts tropicales, y prennent tout ce qui peut la déve- lopper. Les racines de certaines plantes, telles que la Lentille d’eau, flottent dans l’eau sans toucher au sol. Il en est enfin qui ne servent qu’à fixer le végétal à la terre, sans con- tribuer à sa nutrition. Dans les con- trées brülantes et sèches, on peut voir, par exemple, des Cactus chargés de fleurs, et parfois de dimensions énormes, vivre attachés à des rochers dans les fentes desquels ils ne trouvent que quelques parcelles d’humus des= séché. 2 MÈRE Pendant que la racine s’enfonce dans la terre, la fige, crois- sant en sens inverse, se dresse vers le ciel. C’est du moins ce que l’on peut dire des tiges aériennes. Car il en est de souterraines, qu’on appelle des rhizomes et qui rampent obliquement ou horizontalement au-dessous ou au niveau de la superficie du sol. La partie antérieure du rhi- zome émet des racines fibreuses, des feuilles et des bourgeons. Ce qui permet surtout de distinguer la racine de la tige, c’est que celle-ci présente par intervalles des nœuds vitaux ou yeux d'où s’échappent des feuilles et des bourgeons dans un ordre déterminé. Les tiges sont herbacées où ligneuses : herbacées, quand elles sont molles et faciles à briser; ligneuses, quand elles for- ment un,bois solide. La tige ligneuse des arbres s'appelle fronc. La tige vivace est celle qui vit plusieurs années : Giroflée. La tige annuelle ne vit qu'un an : Froment. La tige bisannuelle vit deux ans : Carotte. Tous les végétaux phanérogames, c'est-à-dire pourvus d’éta- mines et d’ovules, ont une tige; seulement, elle a quelquefois si peu de développement, que les feuilles et les fleurs semblent sortir de la racine. Les plantes qui, comme la Primevère, pré- sentent cetie disposition sont dites acaules. Les tubercules sont des extrémités de rameaux rampant sous le sol et gonflés de fécule. Ces renflements portent des feuilles rudimentaires à l’aisselle desquelles naisssent des bourgeons qui fournissent, en se développant, une tige droite. La Pomme de terre est un tubercule et par conséquent une tige. 10 LE MONDE VÉGÉTAL. On attribue des noms particuliers à certaines tiges : sièpe pour les Palmiers; chaume pour les graminées. RHIZOMES DE L'IRIS. La tige est dite dressée, quand sa direction est verticale : Chêne; couchée, quand, trop faible pour se soutenir, elle ra ES M (UN ne ï { - = y ms Lg a I TE en gl % ( ul, æ|| à Il û RD MN nn l ke P fé Ens e res DNA di an e .. SF ee, Le PA À LR NES RS + Er) LAS il in INT M il sn A (ue Eu cn ci M LL un | ! ‘ “ un ” A = Nr gen eme er QU a in à Him — He GRAMINÉES, CHAUNMLS 12 LE MONDE VÉGÉTAL. s’élend horizontalement sur le sol : Véronique officinale; ram- panle, lorsqu'elle est fixée au sol par des ra:ines adventives : Fraisier ; grimpante, lorsqu'elle s'attache aux corps environ- nants, soit par des crampons (Lierre), soit par des suçoirs VRILLES DE LA VIGNE. (Cuscute), soit par des wrilles (Vigne); volubile, lorsqu'elle s’enroule en spirale autour des corps qui la retiennent : Houblon. A l’impression qu’elle produit sur le toucher, on a remarqué que la tige est, ou glabre, ou lisse, ou raboteuse, ou poilue, QUELQUES DÉFINITIONS. 13 ou laineuse, ou cotonneuse, ou hérissée, où aiguillonnée. Les rameaux peuvent être, ou allernes : Rosier ; ou opposés : Valériane ; ou verticillés : Pin. La tige à rameaux opposés est dicholome où tricholome quand elle va toujours se bifurquant ou se trifurquant jusqu’à sa dernière ramification. Le Laurier-rose a une tige trichotome ; la Mâche, une tige dichotome. MARCOTTAGE PAR INCLINAISON. On peut considérer une branche comme une tige secon- daire, lui faire prendre des racines et la séparer de sa tige prin- cipale. C’est ainsi que l’horticulture opère par le marcottage et le bouturage, deux procédés de multiplication des plantes. Le marcottage se fait ou par änclinaison ou par élévation. Dans le marcottage par inclinaison, on courbe une branche flexible, de manière à la maintenir dans la terre humide jus- qu’à ce qu’elle produise des racines. Une fois ces racines déve- 44 LE MONDE VÉGÉTAL. loppées, on la sépare de la tige-mère; elle est devenue un individu distinct parfaitement viable. Si la branche ne peut être courbée jusqu’à terre, on la fait passer, à la hauteur voulue, dans un vase percé rempli de terre; puis on la coupe lorsque ses racines sont en nombre suffisant. C’est alors le marcottage par élévation. Les tiges ainsi obtenues s’appellent des mar- colles. Dans le bouturage, la partie qu’on veut en- raciner est d’abord détachée de la tige, puis mise en terre. On fait des boutures avec des racines, des feuilles et même des fragments de feuille. La greffe consiste à souder uñ végétal à un autre. Il y a plusieurs sortes de greffes : la grefle par approche, la greffe en fente, la greffe en écusson, etc. Pour faire la première, on enlève sur les deux plantes des lambeaux d’écorce et de bois de mêmes dimensions et l’on applique exacte- ment les plaies lune contre l’autre, en les maintenant en place par des ligatures. La seconde méthode consiste à pratiquer une fente dans le sujet que l’on a tronqué horizontalement. La branche à greffer, chargée de bourgeons, est introduite dans cette fente. On a eu soin de la tailler en biseau à son extré- mité inférieure, et le contact des parties mises à nu est établi au moyen de ligatures. GREFFE EN FENTE Les feuilles sont, avec les racines, les organes principaux de la nutrition. Ces expansions ordinairement planes, vertes QUELQUES DÉFINITIONS. - 15 et horizontales naissent des nœuds vitaux de la tige. On y distingue le plus souvent deux parties : un support fibreux ou péliole, et une partie élargie ou limbe. Quand le pétiole manque, on dit que la feuille est sessile. Quelquefois, comme dans la Clématite, il se contourne pour s’accrocher aux corps environnants. Quand il est élargi depuis sa base jusqu’au limbe et qu’il enveloppe la tige, la feuille est dite engainante. Exemple : le Froment. On appelle stipules des appendices souvent semblables à de FEUILLES STIPULÉES DU ROSIER, petites feuilles qui naissent à la base du pétiole ou du limbe. Il y a des stipules foliacées, des stipules écailleuses, des stipules épineuses, des stipules membraneuses, des stipules en vrille. Tout le monde a remarqué les nervures des feuilles, qui ne sont autre chose que les ramifications du pétiole : parallèles, comme dans l’Iris, ou rameuses, comme dans le Châtaignier. Dans le Châtaignier elles se montrent pennées, c’est-à-dire disposées de chaque côté de la nervure médiane comme les barbes d’une plume. Les feuilles qui ont ces sortes de nervures sont des feuilles penninerviées. 16 LE MONDE VÉGÉTAL, Quand du sommet du pétiole partent cinq nervures princi- pales, divergentes et disposées comme des doigts, ces nervures sont palmées, et les feuilles (Mauve) qui les présentent palmi- nerviées. Au point de vue des découpures, nous avons : il FEUILLE DENTÉE DU TILLEUL. Les feuilles entières, dont le limbe est continu dans tout son pourtour (fris); les feuilles dentées (Tilleul), découpées en dents aiguës avec des sinusarrondis ; crénelées (Saxifrage), avec des dentelures arrondies et des sinus aigus ; serretées (Laurier blanc), avec des dents et des sinus aigus; incisées, avec des dents très inégales et des sinus aigus et profonds (Aubépine); NT QUELQUES DÉFINITIONS. 17 sinuées, quand les découpures et les sinus sont larges et obtus (Chêne). La feuille est simple, si le limbe est unique (Tilleul). Elle est composée, lorsque plusieurs petits limbes s’attachent chacun par un pétiole particulier au pétiole commun (Robinia). Le limbe peut manquer dans la feuille. Selon la position qu’elles occupent sur la branche, les feuilles sont alternes (0Orme), ou opposées (0rtie), ou verticillées (Laurier-rose). « La fleur est cet appareil passager, plus ou moins com- pliqué, au moyen duquel la fécondation s'opère. » Elle se compose ordinairement de quatre verticilles ou séries ‘concentriques d’or- ganes différents, dont deux sont des enveloppes, et deux autres les organes essentiels de la reproduction. Ces différents verticilles peuvent être considérés comme des feuilles plus ou moins transformées. Ils portent les noms de cu- lice, corolle, étamine, pistil. Ils sont insérés sur le ré- ceptacle. Le calice est l'enveloppe la plus extérieure de la fleur; les feuilles qui le composent s'appellent sépales. Quelquefois les sépales sont soudés entre eux de manière à MONDE VÉGÉTAL. 2 FEUILLES SINUÉES DU CHÊNE. 18 LE MONDE VÉGÉTAL. former une enveloppe d’une seule pièce; le calice est dit alors monosépale. Il est polysépale, lorsque ses parties sont libres de cohé- rence entre elles. Le nombre des sépales est très variable. Ainsi l’on en compte deux dans la chélidoine, six dans l’épine-vinelte. FEUILLES COMPOSÉES DE L'’OXALIS. La corolle, située en dedans ou au-dessus du calice, est l’en- veloppe immédiate des organes essentiels de la fleur. C’en est ordinairement la partie la plus brillante. Ses feuilles portent le nom de pélales. La corolle est monopétale ou polypélale. Elle est régulière quand ses pétales, libres ou soudés, sont a! ER PL OR PT QUELQUES DÉFINITIONS. 19 égaux et forment un verticille symétrique; irrégulière dans le cas contraire. Les pétales présentent les formes et les grandeurs les plus variées. Le troisième verticille, formé d’étamines, porte le nom d’an- drocée. Il est placé en dedans ou au-dessus de la corolle. Une étamine complète se compose de deux parties : le filet, PÉTALE DE G!ROFLÉE. ÉTAMINES DU LIS. assimilable au pétiole d’une feuille; l’'anthère, correspondant au limbe. L’anthère présente deux loges séparées par une nervure mé- diane appelée connectif. C’est du moins le cas le plus fré- quent. - Quelquefois l’anthère n’a qu’une loge, quelquefois elle en a quatre. Les loges de l’anthère contiennent le pollen. Le pollen est la poussière fécondante des végétaux. La forme de ses grains, invariable dans une même espèce, est le plus souvent celle d’un ellipsoïde ou celle d’un sphéroïde. Le grain de pollen mûr est fait de deux membranes conte- nant un liquide épais nommé fovilla. 20 LE MONDE VÉGÉTAL. Pour donner passage au pollen, les loges de l’anthère s’ou- vrent le plussouvent longitudinalement. La séparation des feuillets de chaque loge s'appelle déhis- cence. L'insertion des pétales est toujours la même que celle des étamines. Les étamines, ainsi que la corolle, sont dites : kypogynes, quand elles sont libres d’adhérence avec le pistil et avec le GRAINS DE POLLEN TRÈS FORTEMENT GROSSIS. calice et qu’elles naissent du réceptacle au-dessous de la base du pistil (Primevère); périgynes, lorsqu'elles s’insèrent sur le calice et se trouvent élevées à une certaine hauteur au- dessus de la base du pistil, de sorte que, relativement au pistil, elles sont latérales, au lieu d’être inférieures (Abri- cotier) ; épigynes, lorsqu'elles s’insèrent sur le pistil même (Garance). Les étamines ne sont pas toujours égales entre elles. Le pistil ou gynécée est l'organe femelle ; c’est le verticille qui occupe le centre de la fleur. Il est posé, dans la plupart des cas,'immédiatement sur le réceptacle. Les feuilles dont est formé le pistil s'appellent carpelles. QUELQUES DÉFINITIONS. 21 Leur nombre varie. Les carpelles forment tantôt un verticille simple, tantôt un verticille multiple. On trouve trois parties dans un pistil : l'ovaire, le style, le sligmate. L'ovaire contient les ovules, qui, mis en contact avec le pol- len et développés, deviennent les graines. La partie épaissie qui supporte les ovules s'appelle placenta. Le funicule est le cordon qui unit l’ovule au placenta. Le hile est le point par lequel les ovules tiennent au funi- cule. Les ovules sont composés d’un double sac contenant un noyau central ou nucelle. Le nucelle tient à ses téguments par un point nommé chalaze. Le micropyle est l'ouverture de la double enveloppe. Les ovaires ont une ou plusieurs loges. Les loges de l'ovaire pluriloculaire, généralement au nombre de trois, quelquefois au nombre de deux ou de cinq, le plus rarement au nombre de quatre, sont séparées par des lames verticales appelées cloisons complètes. Quand les cloisons sont incomplètes, c’est- à-dire quand elles ne s’avancent pas jusqu’au centre de la fleur de manière à se joindre toutes ensemble, l’ovaire est uniloculaire. Le style, ou prolongement du sommet de l'ovaire, est un filet de longueur très variable, qui n’est que la partie supé- rieure de la feuille carpellaire, rétrécie et enroulée de manière à faire une sorte de canal longitudinal occupé par un paren- chyme humide et peu serré, nommé issu conducteur. Ge parenchyme forme la substance spongieuse qui, sous le nom de stigmate, occupe l’autre extrémité du style. Le stigmate retient les grains de pollen tombés des étamines, mais laisse passer la fovilla qui sort alors des grains de pollen, descend entre les cellules du style et parvient jusqu’à l’ovule qu’elle doit féconder. Le réceptacle est l'extrémité du pédoncule floral; c’est 22 LE MONDE VÉGÉTAL. sur lui que s’insèrent le calice, la corolle, les étamines, les pistils. On appelle {orus la partie du réceptacle, située entre le ca- lice et le pistil, qui sert de base commune à la corolle et à l’an- drocée. Il produit, outre les étamines et les pétales, les glandes nec- larifères. Les formes du réceptacle sont des plus variables. Dans le Pêcher et l’Abricotier il ressemble à une coupe; dans la Rose, à une bouteille. La fleur est incomplète quand elle ne possède pas à la fois calice, corolle, androcée et pistil. On appelle périanthe l'enveloppe, simple ou double, des organes essentiels de la fleur. La fleur dipérianthée présente un calice et une corolle (Gi- voflée). La fleur monopérianthée a un périanthe simple, c’est-à-dire formé d’un verticille unique. Ce verticille est ordinairement le calice, et alors la fleur est dite apétale (Anémone). La fleur apérianthée n’a ni calice ni corolle; elle est tantôt nue (Frène), tantôt protégée par les braclées (Carex). Quand la fleur possède étamine et pistil, elle est dite sta- mino-pistillée (Giroflée); quand elle a seuiement l’étamine, elle est staminée (Carex); pistillée, quand elle est pourvue du pistil sans androcée ; neutre ou stérile, comme dans les fleurs extérieures du Bleuet, lorsqu'elle n’a ni élamines ni pisuil. Parfois la même plante porte des fleurs pistillées et des fleurs staminées : on dit alors que les fleurs sont monoïques (Chêne) ; parfois les fleurs staminées naissent sur une plante, les fleurs pistillées sur une autre : dans ce cas elles sont dioiques (Saule), et ce sont les vents, ou les insectes, ou la main de l’homme qui se chargent du transport des grains de pollen. Enfin, les fleurs sont polygames si parmi les fleurs monoïques ou QUELQUES DEFINITIONS. 23 dioiques se trouvent mèlées des fleurs s{amino-pistillées (Pa- riétaire). L’inflorescence est l’arrangement des fleurs sur la plante. Les fleurs sessiles sont implantées directement sur la tige. Les autres y sont attachées par un rameau qui prend le nom de pédoncule. L’axe primaire de l’inflorescence est le pédoncule commun d’où naissent tous les autres axes, secondaires et terliaires. L'inflorescence est indéfinie, lorsque l’axe primaire, au lieu de se terminer par une fleur, s’allonge indéfiniment, et ne fleurit que par l'intermédiaire des axes secondaires nés à l’aisselle de ses feuilles. Dans l’inflorescence définie, l'axe primaire est terminé par une fleur. Les différentes formes des inflorescences indéfinies sont : La grappe : l'axe floral principal porte des axes secondaires, à peu près égaux, terminés par une fleur (Groseillier rouge). La panicule : une grappe composée dans laquelle les axes secondaires, au lieu de se terminer par une fleur, se ramifient en axes tertiaires, dont souvent quelques-uns se ramifient eux-mêmes (Yucca gloriosa, Avoine). Le thyrse est une moui- fication de la panicule (Lilas). Le corymbe : les pédicules inférieurs, beaucoup plus longs que les supérieurs, fleurissent à peu près à la même hauteur les uns que les autres, de manière à former une sorte de pa- rasol à rayons inégaux (Cerisier de Sainte-Lucie). L’ombelle : les axes secondaires, égaux entre eux, ramassés sur un même plan, fleurissent à la même hauteur (Astrantia, Cerisier). L’ombelle composée a des axes tertiaires. Il y a au- tant d’ombelles partielles ou ombellules que d’axes secondaires (Cerfeuil, Carotte). L’épi : les pédicules sont nuls ou presque nuls, de sorte que les fleurs sont sessiles sur l’axe primaire (Verveine). Le chaton est un épi à fleurs incomplètes (Mürier). Le cône est un chaton 2 LE MONDE VÉGÉTAL. à écailles grandes et épaisses, observé principalement dans les conifères. Le spadice est un épi de fleurs incomplètes enveloppé EPINDUCNBLE OMBELLE DE LA CAROTTE. dans sa jeunesse par une grande bractée appelée spathe. Le spadice rameux des Palmiers a reçu le nom de régime. Capitule : inflorescence dans laquelle les fleurs sont agglo- mérées en tête sur un réceptacle commun (Marguerite). Les inflorescences définies portent le nom général de cymes. QUELQUES DÉFINITIONS. 95 Le fruit est l’ovaire développé et müri. D’après leur consistance, on peut faire deux grandes divisions dans les fruits : les fruits secs et les fruits charnus. Parmi les fruits secs, il y a les déhiscents, qui s'ouvrent à la CAPITULE DE LA MARGUERITE. FRUITS DU CHÊNE (GLAND). maturité et laissent échapper les graines, et les indéhiscents, qui restent clos. Les principales sortes de fruits indéhiscents sont l’akène (Rosier), fruit à graine unique n’adhérant pas au péricarpe, et le caryopse, dont la graine adhère au péricarpe (Blé). Les formes de fruits déhiscents sont beaucoup plus nom- breuses, à cause des différentes manières dont s'opère la dé- hiscence. Les gousses s'ouvrent en deux valves pourvues chacune de graines sur l’un de leurs bords (Pois). Elles ont deux sutures, l’une dorsale, l’autre ventrale. 26 LE MONDE VÉGÉTAL. Le follicule s'ouvre par sa suture ventrale et prend en s’éta- lant la forme d’une feuille avec des graines sur deux de ses bords (Aconit). | La capsule (Pavot) se compose d’une ou plusieurs loges. L'ouverture de ce fruit se fait par un certain nombre de petites valvules réfléchies, disposées en cercle au-dessous du sommet aplati du fruit. Les graines y sont très nom- breuses; mais elles ne tombent que quand le vent incline la capsule. Dans la silique, le péricarde se détache en deux valves qui mettent à nu les graines fixées à leurs placentas. Les fruits charnus, qui ne laissent échapper leur graine qu’en se décomposant, sont indé- hiscents. Le péricarpe, dont nous venons de parler plusieurs fois, est formé de l’épaississement des parois de l'ovaire. Il se compose de trois parties : l’épicarpe, qui est un épiderme plus ou moins épais ; le imnésocarpe, qui constitue ordinairement la chair des fruits, et l’endo- carpe, la partie la plus interne, qui est la chambre solide et protectrice des graines. Les fruits charnus comprennent les drupes et les baies. Les drupes ont un ou plusieurs noyaux durcis : d’où les drupes simples et les drupes composées. La cerise est une drupe simple; la nèfle, une drupe composée. Le fruit du Cornouiller est une drupe composée, mais ses noyaux sont soudés entre eux. La baie n’a pas de noyau ; elle ne diffère de la capsule que par sa consistance charnue, qui provoque fréquemment, comme dans la vigne, la suppression des cloisons et l'avortement d’une partie des graines. GOUSSE DU POIS. QUELQUES DÉFINITIONS. 27 L'hespéridie est une baie pluriloculaire, à épicarpe glandu- leux, aromatique, à mésocarpe sec et spongieux, à endocarpe tapissé par des cellules pulpeuses qui naissent de la paroi des loges et s'étendent jusqu'aux graines (Orange). La pomme est une baie composée de plusieurs carpelles, ordinairement au nombre de cinq, cartilagineux, formant cinq loges (Pommier, Poirier, Cognassier). L’endocarpe constitue ces sortes d’écailles si désagréables dans la bouche. On pourrait, au premier abord, prendre, dans la fraise, la partie charnue et succulente pour le fruit : ce serait une erreur; BAIE COMPOSÉE DU POMMIER. cette chair savoureuse est le réceptacle considérablement grossi qui enveloppe les fruits, de véritables akènes, brunâtres et secs. On nomme fruit agrégé celui qui est formé par la réunion de plusieurs fleurs : les fruits partiels qui le constituent rentrent dans les espèces susnommées. La figue est un corps pyri- forme, charnu, creux, servant de réceptacle à des fruits pro- duits par plusieurs fleurs. 28 LE MONDE VÉGÉTAL. La graine, partie essentielle du fruit, est l’ovute fécondé, mûr, apte à la germination, elle renferme une plante en miniature, nommée plantule ou embryon et destinée à re- produire la plante mère. On distingue dans l’embryon, celui du Pois, par exemple : FRUIT ABRÉGÉ DU FIGUIER. une {igelle ou petite Lige, une radicule ou pelite racine, deux cotylédons ou petites feuilles, une gemmule ou petit bourgeon. Cet embryon est contenu dans une cavité, close de toutes parts, que circonscrit un double tégument, nommé {esta à l'extérieur, et endoplèvre à l’intérieur. Outre l'embryon, dans +. QUELQUES DÉFINITIONS. 29 un grand nombre de végétaux, la graine possède un paren- chyme accessoire nommé albumen et destiné à alimenter l'embryon. L’albumen est dit farineux lorsque ses cellules sont remplies de fécule (Froment), oléagineux quand on peut en extraire une huile fixe (Pavot), corné quand son pa- renchyme s’épaissit et acquiert une grande dureté (Caféier). Les graines présentent des formes très diverses : elles sont GRAINE LISSE GRAINE CHEVELUE DU MARRONNIER D'INDE DU COTONNIER globuleuses, ovoides, turbinées, aplatres, lenticulaires, angu- leuses. Quelques-unes sont fines. comme de la sciure de bois, d'autres semblent avoir des ailes (Pins). Leur surface peut être lisse, ridée, striée, réticulée, tuber- culeuse, aiquillonnée, chevelue, etc. Nous n’essayerons pas dans ce volume la moindre classifica- tion scientifique. Disons seulement qu’il est, en botanique comme en zoologie, une division en embranchements, classes familles, genres et espèces. 30 LE MONDE VÉGÉTAL. Les botanistes répartissent maintenant les végétaux en deux grands groupes naturels : les phanérogames et les cryptogames. Les phanérogames ont des organes reproducteurs formés d’étamines et d’ovules. Ils comprennent deux classes : les mo- nocotylédones, dont l'embryon n’a qu’un seul cotylédon, et les dicotylédones, dont l'embryon a deux cotylédons verticillés. Les cryptogames, dépourvus d’étamines, de pistil et même d’ovules, n’ont qu’une classe : les acotylédones. _ PLANTES ALIMENTAIRES CHAPITRE PREMIER LES GRAMINÉES Caractères des graminées. — Les céréales : Froment, Seigle, Orge, Avoine, Riz, Maïs. — La Canne à sucre. — Fabrication du sucre à 14 Réumon. Les graminées forment une des familles les mieux carac- térisées du règne végétal et l’un de ses groupes les plus na- turels. Ce sont des plantes annuelles ou vivaces, qui fournissent à nos pays la plus grande partie de leurs herbes, tandis que dans l’Asie tropicale elles deviennent quelquefois de véri- tables arbres. Leurs racines sont fibreuses; la tige, qu’on appelle chaume, est cylindrique, à nœuds annulaires. Les feuilles, alternes, naissent des nœuds; le pétiole est dilaté et enroulé en une gaine qui entoure la tige et dont les bords sont libres. Les fleurs, pourvues chacune de deux bractées, sont disposées le long d’un axe (rachis) en petits épis (épil- lets), tantôt sessiles sur le rachis (épis), comme dans le Froment, tantôt portés sur des pédoncules rameux (panicule), comme dans l’Avoine. Les étamines, hypogynes, sont ordinai- rement au nombre de trois. Le fruit est un caryopse. Nous choisirons, pour en parler, dans cette grande famille : les céréales et la Canne à sucre. Les céréales précieuses par leur graine riche en fécule, en matière azotée et en phosphate sont : le Froment, le Seigle, l’'Orge, V'Avoine, le Riz, le Maïs, ete. Leur nom leur vient de Cérès, la déesse de l’agriculture pour les Grecs, et qui enseigna MONDE VÉGÉTAL, ÿ 34 PLANTES ALIMENTAIRES. à Triptolème, l'inventeur de la charrue, l’art de cultiver le Blé. Selon une autre version, l’agriculture fut importée d'Égypte par Cécrops. Le Blé, en effet, était connu dans la vallée du Nil dès une bien haute antiquité, car les prêtres prétendaient rapporter son introduction à [sis et à Osiris. Il y eut longtemps à Nipsa, dans la vallée du Jourdain, une inscription en caractères sa- crés, que Diodore explique ainsi : « Je suis la reine de toute cette contrée; je suis la femme et la sœur d’Osiris; je suis celle qui a fait la première connaître le grain aux mortels. Je suis celle qui se lève dans la constellation du Chien. Réjouis-toi, Égypte, ma nourrice! » Les Chinois ont aussi conservé dans leurs annales l’histoire de la découverte des céréales : « Dans lantiquité, le peuple mangeait crus les fruits des plantes et des arbres; il se nour- rissait de la chair des animaux; il ne savait pas encore la- bourer ni semer. Chin-Nong se conforma aux saisons du ciel, il observa les propriétés des terrains, il tailla du bois et fit une herse, il le courba et fit une charrue. Cet empereur commença à enseigner au peuple la manière de cultiver les cinq grains‘ et l’agriculture devint florissante *. » C’est en souvenir de cet empereur bienfaisant que tous les ans le Fils du Ciel, à une certaine fête, ensemence lui-même un champ. Le Froment (Trilicum sativum) se place parmi la tribu des triticées, ainsi que l’Orge et le Seigle. On ne le rencontre nulle part à l’état sauvage. Buffon pense que l’homme a agisur lui et l’a fait ce qu’il est maintenant; mais il est probable que le Blé n’a jamais changé. Les graines trouvées dans les tom- beaux avec les momies égyptiennes n’offrent pas avec celles d’où nous tirons notre pain la plus petite différence. Il existe plus de neuf cents variétés de Blé, On distingue : le 1. Le Blé, le Riz, les Fèves et deux sortes de Millet. 9, Traduction de M. Stanislas Julien. LES GRAMINÉES. 35 Blé dur et le Blé tendre, d’après leurs proportions de fécule et de gluten; le Blé d'hiver et le Blé de printemps, selon l’époque des semailles ; les Blés blancs, rouges, saumons, d’après les nuances des grains. Citons le Blé de miracle, ainsi nommé à cause de sa prodigieuse fertilité, qui réunit et agglomère sur une seule tige quatre ou cinq épis. L'Épeautre est une espèce de Blé dans laquelle la glume adhère au grain. En France, le Froment occupe plus de cinq millions d’hec- tares. Il rend, en moyenne, onze hectolitres à l’hectare, ou à peu près cinq ou six au grain. C’est le grain par excellence des peuples de l’Europe et de Asie occidentale. On a dit, avec beaucoup de raison, qu'il est comme l’attribut de la race caucasique : il l’a suivie partout où elle s’est établie. Au Mexique, il est arrivé avec Fer- nand Cortez. Ce fut un des nègres du brutal conquérant qui en sema {rois grains trouvés par lui au milieu de son Riz. Le Riz est aux races mongolique et nègre, le Maïs à la race américaine, comme le Froment à la race caucasique. Le Riz (Oryza) est originaire de l’Inde; mais, transporté en Amérique, ils’y est si bien acclimaté, qu'aujourd'hui l’on con- somme en Europe autant de Riz de la Caroline que de Riz de l'Inde. Le Riz demande un climat plus chaud que les autres céréales; il ne vient pas bien en France. D'ailleurs il coûte moins, im- porté d'Amérique, qu'il ne coûterait cultivé chez nous, où nous n’avons pas les marais nécessaires à sa production. En Chine, dans l’Inde, il fait l’assaisonnement de tous les mets, sur toutes les tables; et bien souvent, cuit à l’eau, il forme l’unique nourriture du pauvre. Il donne son nom à sa tribu : celle des Oryzées. Tout porte à croire que le Maïs (Zea) vient d'Amérique, où les Européens le virent pour la première fois. C’était pour eux un Blé gigantesque, aux feuilles longues et lisses, à la tige élégante, aux grains énormes et dorés. Les Mexicains en fai- 36 PLANTES ALIMENTAIRES. saient une plante sacrée ; on célébrait sa récolte par des fêtes religieuses, et la loi punissait de mort quiconque en dérobait sept grains. [l servait de monnaie. On cultive beaucoup de Maïs dans le nord de l'Italie, dans le midi de la France et dans la Bresse. L’épi donne une grande quantité de grains : il y a communément huit rangées de grains sur un épi, et au moins trente grains dans une rangée. La farine se mange en bouillie, sous le nom de polenta en ftalie, de cassole ou millause dans le midi de la France, et de gaude dans l’ancienne Bourgogne. On en fait aussi des gâ- teaux. La plus grande partie des tiges et des panicules que l’on coupe avant la maturité de l’épi donne un excellent four- rage pour les vaches; les balles peuvent aussi recevoir cette destination, lorsqu'on n’en fait pas des paillasses, ainsi que les rafles qui ne servent pas à chauffer les fours. Au Pérou, on extrait du Maïs une espèce de bière très ap- préciée des indigènes, mais qui a dû régaler peu d'Européens. La fabrication est, en effet, des plus étranges. Plusieurs vieillards, hommes ou femmes (qui ne sont plus bons à d'autre emploi) s’asseyent en rond autour d’un tas de Maïs. Ils s’emplissent la bouche d’une poignée de graines prises dans le tas, mâchent plus ou moins longtemps, selon le plus ou moins de dents qui leur restent, recrachent le maïs suffisam- ment broyé dans le creux de leurs mains et le déposentsur des morceaux de cuir placés devant eux, et où la cabaretière vient le prendre pour le jeter dans la chaudière. Les qualités parti- culières de cette bière ou chicha viennent de la quantité no- table de sues salivaires et de sécrétions pituitaires ajoutés par les vieillards au Maïs. Le Maïs se place dans la tribu des Phaluridées. L'Orge (Hordeum) estoriginaire de la haute Asie. Elle com- porte plusieurs espèces qui se distinguent par le nombre des rangs de grains placéssurles épis. Onen fait du pain, de la bière; en Espagne et en Italie elle tient lieu d’Avoine aux chevaux. RIZ, À GOCONG. MOULIN A 38 PLANTES ALIMENTAIRES. Le Seigle (Secale) a la même patrie que l’Orge. On le cultive beaucoup dansles pays septentrionaux de l'Europe : en Suède, en Prusse, dans le nord de la Russie, dans les parties de l’Alle- magne voisines de l’Elbeet du Weser, dans quelques provinces de la France, notamment en Champagne. Il pousse très bien jusque dans le cercle polaire. Le Seigle est sujet à une maladie qu’on appelle l’ergot et qui le rend très dangereux pour les personnes qui le con- somment dans cet état, L’Avoine (Avena), de la tribu des Avenées, était, suivant Pline, la principale nourriture des Germains; maintenant elle sert surtout à celle des chevaux. En Pologne, en Allemagne, en Hollande, en Angleterre on en fait une bière que l’on dit préférable à celle de l’'Orge. En France, l’Avoine mondée et ré- duite en bouillie est employée dans le régime des personnes délicates. La Canne à sucre appartient à la tribu des A ndropogonées, dont les épillets sont fertiles et polygames. Elle est originaire de l’Asie tropicale, et on la cultivait dans l’Inde et dans les îles adjacentes dès la plus haute antiquité. Elle fut connue en Europe à la suite des conquêtes d'Alexandre. C’est vers la fin du xmr° siècle qu’elle passa de l'Inde en Arabie. Deux cents ans plus tard, les Portugais l’introduisirent à Madère, où elle prospéra. Plantée à Saint-Domingue en 1506, elle se répandit de là dans toute l'Amérique tropicale. C’est surtout la partie inférieure de son chaume qui fournit la sève dont on extrait le sucre. Rien ne vous donnera une meilleure idée de la récolte de ce précieux roseau et de la fa- brication du sucre que les passages suivants extraits, dans le Tour du Monde, du voyage de M. Simonin à l’île de la Réunion : « Je profitai de mon séjour à Saint-Louis pour étudier plus en détail que je ne l'avais fait jusque-là la culture de la Canne et le travail des sucreries. Le mois de juin était venu, et avec lui le précieux roseau arrivait à maturité. Certaines variétés *SIVN A4 AUAIXH NO VHOIHO V'T AU NOILVOINAVA ù 40 PLANTES ALIMENTAIRES. commençaient même à se couronner d’une aigrette violette qui indique au planteur que le moment de la coupe est proche. Alors les sucreries, jusque-là inactives, entrent en mouvement; on visite, on répare toutes les machines, et bientôt la coupe commence. La Canne est taillée à son pied, débarrassée de ses feuilles et jetée sur des charrettestraînées par des mules ou par des bœufs. Elles prennent le chemin de l’usine, où bientôt une nouvelle charrette arrive, remplaçant celle qui s’en va. Il n’y a dans le travail ni trêve ni repos, hormis aux heures de repas. La coupe est la vendange des tropiques, et du temps des noirs c'était l'époque des fêtes champêtres et des danses échevelées. € Aujourd’hui qu? les immigrants de l’Inde ont presque partout remplacé le noir, les cris et les jeux ont disparu, car l’Hindou, sombre et mélancolique, est loin d’êtreaussi expansif que le joyeux enfant de Afrique. € À mesure que la coupe se poursuit dans les plantations, la roulaison commence dans les sucreries. Le roseau, jeté entre des cylindres de fonte (le moulin), donne un jus aqueux et sucré qu’on nomme vesou. La partie ligneuse de la canne, ap- pelée bagasse, est mise à part et desséchée; elle forme le com- bustible qui sert à dessécher les chaudières. Le vesou tombe dans de vastes bassines en cuivre ou défécateurs. On le purifie au moyen de la chaux, qui précipite les sels terreux renfermés dans la liqueur sucrée et coagule l’albumine. Le liquide, écumé et décanté, prend alors le nom de sirop, et descend dans des chaudières étagées, en tôle de fer, que l’on appelle les batteries. Elles sont chauffées par le feu ou par la vapeur. Le sirop s’y concentre au degré voulu, et passe enfin dans d'énormes chaudières en cuivre rouge et de forme sphérique, où l’on produit le vide. C’est là qu’ont lieu la cuite et la cristal- lisation. Une dernière opération, celle du turbinage, consiste à décolorer et à dessécher les cristaux par le moyen de toupies métailiques mues par la vapeur et faisant plusieurs milliers de tours par minute. | SUCRE A CARTHAGO. MARCHAND DE CANNES A 42 PLANTES ALIMENTAIRES. € Le travail d’une sucrerie est l’un des plus curieux que l’on puisse voir. Les chauffeurs à moitié nus, dégouttants de sueur, sont devant leurs chaudières, qu’ils nourrissent avec usure et qui dévorent la bagasse avec une insatiable ardeur. Ceux-ci écument les sirops, ceux-là les décantent. Les uns veillent aux turbines, les autres au moulin et à la machine à vapeur. Le bruit métallique des cylindres, la ronde étourdissante des tou- pies se mêlent aux cris et aux chants des ouvriers. Au dehors, les cheminées de l’usine vomissent une fuméenoire et épaisse, et devant l'établissement les mules du Poitou, attelées à leurs charrettes qu’on décharge, ouvrent bruyamment leurs naseaux pour respirer à pleins poumons l’odeur agréable qui se dégage de la sucrerie. » C’est de la mélasse, liquide sirupeux resté après la cristalli- sation du sucre, que l’on obtient le rhum par distillation. L'Europe cultive pour son sucre une plante appartenant à une famille bien éloignée de celle des graminées : une Chénopodée, la Betterave, dont les racines charnues, jaunes, blanches ou rouges, contiennent une grande quantité de sucre cristalli- sable identique au sucre de Canne. La fabrication du sucre de Betterave est pour notre pays l’objet d’une immense industrie. On cullive en outre la Betterave comme plante fourragère pour la nourriture des bestiaux. CHAPITRE II LES PALMIERS Caractères. — Dattier, dattes et vin. — Cocotier : récolte du {oddy. — Le Coco- tier des Séchelles. — Cocos australis. — Arec cachou. — Palmiers à cire. — Avoira. — Ivoire végétal. — Carludovica palmata. — Les chapeaux de panama, Ainsi que les graminées, les Palmiers appartiennent à la classe des Monocotylédones. Ce sont des végétaux vivaces, li- oneux, à port élégant, dont la racine primaire se détruit de bonne heure pour être remplacée par de nombreuses racines adventives. Ges racines se développent à la base du stipe en formant une masse compacte conique, souvent très volumi- neuse. Le tronc ou stipe est extrêmement élancé dans certains genres (où il va jusqu’à 80 mètres), raccourci en bulbe chez d’autres, Les feuilles émanent du bourgeon terminal et sont alternes, à pétale engainant et à limbe profondément divisé par déchirure. Les fleurs sont petites, généralement dioïques et souvent prodigieusement nombreuses : on en a compté jusqu’à 12 000 dans une spathe de Dattier. Le calice a trois sépales et la corolle trois pétales. Les étamines se présentent ordinaire- ment au nombre de six, les carpelles au nombre de trois. Il y a des espèces dont le fruit est une baie; il est drupe chez les autres Les Palmiers sont les plus riches productions des pays chauds. Ils ne dépassent pas le 44° degré de latitude septen- trionale, ni le 39° de latitude australe, et ceux qui vont jusqu’à 44 PLANTES ALIMENTAIRES. ces limites sont en très petit nombre. Les espèces se montrent d'autant plus abondantes, qu’à un climat plus chaud se joint une plus grande humidité; aussi fourmillent-elles dans l'Amérique équatoriale ; on en voit beaucoup dans l'Inde et dans son archi- pel. Le Dattier est propre à l'Arabie et au nord de l'Afrique. Certains Palmiers vivent en société et occupent seuls d’im- menses espaces de terrain; les uns croissent dans les savanes inondées, les autres au milieu des sables arides. « La famille des Palmiers, disent MM. Decaisne et Le Maout, dont on connaît aujourd'hui près d’un millier d'espèces, va immédiatement après celle des Graminées, relativement à l'utilité générale. Il n’y a peut-être pas une seule de ses espèces qui ne puisse trouver un emploi dans l’économie domestique ou dans l’industrie. Toutes peuvent fournir des fibres textiles, propres surtout à laconfection du papier ; leurs erandes feuilles servent à couvrir les habitations, et, découpées en lanières, elles entrent dans la fabrication de cordes, de natles, de paniers, de chapeaux et de divers ustensiles. Le bois de beaucoup de Palmiers arborescents fournit des solives employées à de nombreux usages. Quelques-uns contiennent dans leur stipe une fécule alibile, d’autres ont une sève sucrée et fermentescible; certaines espèces sont surtout utiles par leur fruit; certaines autres par l’huile contenue dans leur graine ou dans leur péricarpe. Chez beaucoup de Palmiers, le bourgeon central est, dans le jeune âge, un légume fort re- cherché. » C’est ce que nous allons développer par quelques exemples. Le Dattier, dont les fruits nourrissentles nègres et les Arabes qui vivent en Arabie et dans le Belad-el-Djerid, ou pays des dattes, situé au sud de l’Atlas et s'étendant du Maroc à la ré- gence de Tunis, le Dattier fait le charme et la ressource des oasis. Son stipe droit s'élève jusqu’à vingt-cinq ou trente mètres; et il est couronné par une splendide touffe de quarante à cin- quante feuilles qui atteignent trois et quatre mètres. | | | Il Il QU NAT | ll NUS \ S | nt (UN ( 17 j (ll jl UN URSS | V 4 DE L OASIS DE GAFSA, DATTIERS 46 PLANTES ALIMENTAIRES. Il est l’objet de l’amour et des soins de l’Africain, ne don- nant ses fruits qu’à la condition d’être fécondé artificielle- ment, car ses fleurs sont dioïques. Selon une expression du pays, il veut avoir les pieds dans l’eau et la tête au feu, et un horticulteur le prétend très friand d'engrais. Dans les oasis, en effet, près de chaque Palmier est placée une fosse qui recoit l’eau des irrigations et toutes les déjections de l’étable et de la maison. Les Dattiers précoces donnent leurs fruits vers la mi-sep- tembre, les tardifs ne mürissent que dans les localités les plus chaudes, et seulement vers la fin d'octobre. Les dattes précoces ont le défaut de ne pouvoir être conservées. Parmi les espèces tardives, on compte le Deglat Nour, qui fournit de délicieuses dattes translucides, à la robe dorée, onclueuses au toucher, et comme confites par les ardeurs du soleil. Ces fruits se gardent d’une année à l’autre, et font l’ornement et les délices de nos desserts d'hiver. Les Arabes n’en mangent pas souvent d’aussi bons. Certains Dattiers d’une merveil- leuse fertilité donnent des fruits secs et sans parfum qui entrent, pour la plus grande part, dans lalimentation des habitants du Sahara. Le Dattier fournit aussi le lait ou vin de Palmier. Ce vin est la sève de l'arbre, qui doit avoir, Quand on la re- cueille, au moins quarante ans, c’est-à-dire son maximum de vigueur. Si le Palmier est très vieux et sur le point d’être sacrifié, on coupe le bouquet terminal, en ménageant les palmes implantées au-dessous; mais si l’arbre doit être con- servé, comme c’est le cas général, on creuse une incision cir- culaire au-dessous du bouquet terminal, qu’on respecte soi- gneusement. Le liquide est amené, à l’aide d’un roseau, dans un pot en terre fixé au sommet du Palmier. On recueille ainsi, au début, de sept à huit litres’ de vin par jour; au bout d’un mois, et l’on dépasse rarement ce terme, pour ne pas trop al- faiblir le palmier, on n'obtient guère que trois à quatre litres. LES PALMIERS. 41 La récolte terminée, l’incision est recouverte avec de la terre. Le Palmier ainsi traité, et suffisamment arrosé, peut donner des dattes deux ans après, souvent l’année suivante, quelquefois même pendant l’année courante. Les Arabes du sud font grand cas du vin de Palmier. Ils le recueillent chaque jour pour le consommer tout de suite, Le stipe du Dattier procure aux indigènes leur combustible et leur bois de construction. Ses feuilles couvrent les maisons, et les nègres fabriquent avec ses folioles des chapeaux, des nattes, des paniers. Le Dattier a été introduit par les Maures dans le midi de l'Europe, où il sert surtout de plante d'ornement. Cependant on récolte des dattes assez bonnes aux alentours de la ville d’Elche, en Espagne, entre le 38° et le 39° degré de latitude; mais c’est l'extrême limite où le Dattier puisse produire des fruits. Le Cocotier est un arbre monoïque qui habite le voisinage des mers dans toute la région intertropicale. C’est lui qui dans les Indes fournit le {oddy, le fameux vin des Anglais. Voici quelques détails sur la récolte de ce liquide. Dès qu’un arbre montre ses premières fleurs, on s'assure, en coupant un pédoncule jeune, s’il est apte ou non à donner du vin. Quand la plaie laisse échapper un liquide, l'arbre est vinifère. Les pieds vinifères sont loués à des industriels qui en extraient le suc, le concentrent par l’ébullition de manière à en retirer une espèce de sucre, ou le distillent pour en fabriquer de l’arack, sorte d’eau-de-vie de sucre. Dans une bonne terre, les arbres fournissent du vin toute l’année, mais dans un sol maigre ils sont épuisés après six mois. Un travailleur habile peut en exploiter de trente à quarante à la fois. Dès que le spa- dice ou pédoncule floral est à moitié développé, tandis que le spathe reste encore fermé, l’ouvrier coupe la pointe de ce 48 PLANTES ALIMENTAIRES. dernier organe, serre le bout amputé au moyen d’une ligature faite avec la feuille du Palmier, et frappe avec un petit bâton la surface de la portion restante du spadice. L'opération se répète quinze jours durant, et chaque Jour on enlève une tranche mince du moignon. Alors la blessure commence à sai- gner, et l’on en reçoit le suc dans un petit vase fixé au-dessous d’elle : ce suc, ou callu des indigènes, est le vin de palme. Chacun des jours suivants on rafraichit la coupure, mais, une fois l'écoulement établi, on cesse de battre le spadice. Le Cocotier, durant sa période de fertilité, développe un spadice par mois, et comme chaque spadice pleure abondam- ment pendant trente jours, au bout de ce temps il s'en trouve juste un nouveau qui le remplace; cependant il continue à lar- moyer un mois encore avant de se dessécher; en sorte qu’on voit d'ordinaire sur le même arbre deux vases collecteurs, et Jamais plus. Le toddy, dans son état de fraicheur parfaite, possède une saveur douce et agréable, même pour un Européen; mais il ne tarde pas à devenir aigre et enivrant, et afin d’exalter plus en- core cette dernière propriété, les gens qui débitent le toddy jettent dans les vases qui le contiennent des feuilles et des fruits broyés de Datura stramonium ; c’est dans cet état que l’aiment avec fureur les indigènes. Des voyageurs ont appelé le Cocotier le roi des végétaux. Aucune de ses parties qui ne puisse servir à l’homme; et rien ne le prouvera mieux que quelques détails sur un arbre qui a sa place dans les légendes des Asiatiques et des navigateurs. Nous voulons parler du Lodoicea Sechel- larum. Le stipe du Lodoicea Sechellarum ou Gocotier des Séchelles a une hauteur moyenne d'environ quinze à dix-huit mètres et atteint parfois vingt-cinq ou trente mètres. Son diamètre, de 0",30 ou à peu près, reste sensiblement le mème de sa base à son sommet, que couronne une touffe de douze à vingt feuilles. LES PALMIERS. 49 Ces feuilles peuvent avoir six mètres de longueur sur trois mè- tres de largeur. Leur texture est mince et sèche; leur couleur, d’un vert jaunâtre brillant. Les fleurs mâles et les fleurs femelles sont portées sur des pieds différents. Les fruits, égaux en vo- lume à nos melons les plus gros, présentent une longueur de 0,45 et un poids moyen de douze kilogrammes !. Ils sont de forme ovale, arrondie ou comprimée sur un côté, et plus ou moins acuminée. Avant le terme de leur maturité parfaite, ils contiennent une espèce de gelée ferme, transparente et d’une saveur douce. Une seule noix fournit environ un litre et demi de cette substance, qui malheureusement ne saurait être conservée quelques jours sans passer à l’aigre. Chaque fruit renferme une ou deux noix. Ces noix sont lesgraines enveloppées par l’endocarpe osseux ou noyau du fruit. L'histoire du Cocotier des Séchelles emprunte un intérêt particulier aux erreurs traditionnelles qui l'ont précédée. Bien longtemps, en effet, les fruits de ce beau Palmier, portés par les flots sur les rivages des îles de la mer des Indes, firent tra- vailler l'imagination des habitants. Les colons européens les nommaient cocos de mer, d’après l'élément qui les apportait, doubles cocos, à cause de leur forme souvent biloculaire, cocos de Salomon, sans doute par quelque allusion mystique à de pré- tendues vertus médicales, enfin cocos des Maldives, du nom des îles où on les recueillait. On prétendait que le double coco était un fruit tombé par hasard dans la mer et qui s’y était pétrifié, ou, mieux encore, que c’était le produit d’un animal sous-marin caché à l’œil de l’homme. Les navigateurs chinois et malais disaient que l'arbre, assez semblable au Cocotier ordinaire, croissait sous l’onde à de grandes profondeurs, et qu’on l’apercevait parfois dans les baies tranquilles, le long des côtes de Sumatra. Renchérissant sur cette donnée, les prêtres 1. Ce qui prouve que dans la fable de la Fontaine : le Gland et la Citrouille la moralité est joliment bien trouvée. MONDE VÉGÉTAL. 4 50 PLANTES ALIMENTAIRES. de la population noire des Moluques parlaient d’un arbre de Java dont les branches, en partie émergées, servaient de repaire à un griffon monstrueux qui portait dans son nid la chair des éléphants, des ligres, des rhinocéros, produit de ses rapines nocturnes. D'ailleurs, les vagues à l’entour de l'arbre attiraient puissamment les vaisseaux et livraient à la voracité du monstre les infortunés mariniers; aussi les habitants de l'archipel évitaient-ils d'approcher une localité si dangereuse, partant, d'aller vérifier l’histoire. Les fruits de cet arbre merveilleux se vendaient cher, on le pense bien: jusqu’à un prix équivalant à 450 francs de notre monnaie. Aujourd'hui le Cocotier des Séchelles, dépouillé de ses légendes, rend des services réels : la sommité du stipe, qui fait l'axe d'insertion aux feuilles, se mange confite dans du vinaigre; le stipe sert à fabriquer des conduits pour l’eau et des palissades; avec le feuillage, on construit la toiture et même les murs des maisons. Cent feuilles suffisent pour une habitation commode, y compris les cloisons, les portes et les fenêtres. Du duvet qui recouvre les jeunes feuilles, on garnit des matelas et des coussins. Les côtes des feuilles adultes et les fibres de leurs pétioles sont travaillées en balais. Avec les jeunes feuilles découpées en longues bandelettes on tresse des chapeaux. Les noix font des assiettes, des plats, des coupes, des vases (d’une capacité de trois à quatre litres) où l’on con- serve l’eau, etc. L'ile heureuse de Taïti possède des Cocotiers, et ces beaux arbres ont fait dire au docteur Karl Müller dans son remar- quable livre les Merveilles du monde végélal : « Un sentiment bien profond se trouve dans cette croyance de l’ancien Taïtien que son dieu suprème, Oro, habitait le Cocotier, dans le bois duquel fut aussi ciselée sa statue. Cet arbre est, en effet, le véritable arbre de vie de la Polynésie. L'insulaire se repose sous son ombrage, il tire de ses fruits des LES PALMIERS. 51 mets et des boissons, couvre sa hutte de ses feuilles, dont il tresse également des corbeilles, et se sert des jeunes feuilles en guise d’éventail et de chapeau contre l'ardeur du soleil; sou- vent il se tisse des vêtements au moyen de la masse feutrée qui se trouve à la base du pétiole, ou bien il s’en fabrique des torches à la lueur desquelles 1l va nuitamment harponner les poissons de la mer, quand l'Océan pousse ses vagues écumantes par-dessus les récifs de corail. Quand elles sont travaillées, les plus grosses noix fournissent de charmants récipients, et Les plus petites des têtes de pipe. Les écales sèches entretiennent son feu, leurs fibres lui servent de cordes à hamecçon et de câbles. Du suc de ses noix suinte un baume pour ses plaies ; avec l’huile de coco ilembaume ses morts. Sous forme de pieu, le tronc consolide ses habitations, cuit ses mets, enclôt ses terres, lui fournit des avirons, des tomahawks et des lances. Aussi est-ce pour cela qu’autrelois le rameau de Cocotier étiat le symbole de la majesté royale, et pourquoi le sacrifice du temple était tabou (consacré) quand on le posait par-dessus. Et vers tout cela la main de la nature seule le dirige; l’homme n’a autre chose à faire qu’à planter en terre la noix mûre, pour en voir surgir, au bout de quelques jours, une allègre jeune tigelle qui, à quatre ou cinq ans, produira déjà ses premiers fruits, ét qui à un âge double élèvera, en véritable arbre d’im- portance, sa tête vers le haut, pour s’y développer en beauté et en utilité pendant tout un siècle. » Le Cocos australis est une espèce qu’on cherche à acclimater en France et qui promet d’y réussir, car il a fructifié dans l'ile d'Hyères. La chair de ses fruits est jaunâtre, succulente, parfois un peu fibreuse, d’une saveur fraîche très agréable, qui rap- pelle celle de l’ananas unie à l'odeur de la pomme de reinette. € La rusticité du Cocos australis, dit M. Carrière, la facilité avec laquelle il fructifie sur tout le littoral, aux environs d'Hyères, fait supposer que cette espèce est appelée à jouer un rôle important dans toute celle partie de la France et à 52 PLANTES ALIMENTAIRES. constituer un arbre fruitier d’un nouveau genre, remplaçant ainsi le Phœnix daclylifera, ou Dattier, qui, bien que croissant à merveille dans cette région, n’y donne pas de fruits comes- tibles. » Au point de vue de l’ornementation, l'arbre a un mérite incontestable. Celui qui est planté au Muséum, en pleine terre, dans le pavillon tempéré, mesure cinq mètres de hauteur; sa base près du sol n’a pas moins de 0",40 de diamètre. L’Arec cachou, grand Palmier de l’Inde, de Cevlan et des Moluques, produit un fruit nommé noix d'arec, dont la graine sert à préparer un suc astringent très estimé, c’est avec cette amande, mêlée à la chaux vive et aux feuilles du poivre bétel, que les habitants de PAsie tropicale fabriquent la pâte masti- catoire dont ils ne peuvent plus se passer et qui donne à leurs dents la couleur de ébène. Les Palmiers à cire du Pérou (Ceroxylon andicola) forment des forêts de colonnes qui paraissent de loin blanches comme de l’ivoire, et sont couronnés par une gerbe d’admirables feuilles longues de cinq à six mètres et plus. On trouve ces beaux arbres, qui atteignent de soixante à quatre-vingts mêtres de hauteur, à une altitude variant entre 1900 et 3000 mètres. La cire, exsudée à l'extérieur du tronc et des feuilles, est srattée, recueillie, mise en sacs et envoyée à Bogota pour la fabrication des allumettes-bougies. Le Brésil possède aussi des Palmiers à cire : tels sont les Copernicea cerifera ou Corypha cerifera. L’exsudation cireuse s’opère à la surface des feuilles. Pour obtenir le produit, on les secoue, et l’on fait ainsi tomber une poudre écailleuse, d’un gris jaunâtre, qu’on fond à une assez forte chaleur. L'Avoira est un grand Palmier monoïque de l’Afrique ocei- dentale transporté en Amérique. Le fruit contient une huile jaune, odorante, nommée huile de palme, que l’on emploie en Afrique et à la Guyane à tous les usages de l’huile d'olive ; Pamande fournit en outre une huile LES PALMIERS, 53 blanche, solide, servant aux mêmes usages que le beurre, et qui est consommée sur place; mais l'huile jaune est importée en France et en Angleterre, où on l’utilise surtout dans la fabri- cation des savons. On appelle ivoire végétal une substance rivale, pour la blancheur et pour la dureté, de l’ivoire fourni par l'éléphant et par l’hippopotame, et qui, beaucoup moins chère, peut néanmoins être employée à peu près aux mêmes usages, c’est-à-dire à la fabrication des bijoux et de la tabletterie. Le Phytelephas,ou Palmieràivoire, estoriginaire des chaudes et profondes vallées du Pérou. Ses belles frondes servent à couvrir les cabanes des indigènes. Son fruit contient d’abord un liquide clair et sans saveur, qui est une ressource précieuse pour le voyageur altéré ; plus tard, cette liqueur devient lai- teuse et sucrée, et, sa consistance se modifiant avec son goût, elle se. solidifie progressivement jusqu’au point d'atteindre presque la dureté de l'ivoire. La liqueur des jeunes fruits tourne à l’aigre dès qu'ils sont restés quelques jours séparés de l'arbre. L'amande des graines est façonnée par les Indiens en têtes de canne et autres objets de fantaisie, tous parfaitement blancs. Les ours sont très friands des jeunes fruits, qui font du reste la pâture favorite de la plupart des animaux sauvages, surtout des sangliers et des coqs d’Inde. Les Palmiers à ivoire forment des forêts épaisses et, à l’époque de la floraison, embaument le pays. Le tronc de la plante, si tronc il y a, est réduit à un court caudex presque horizontal et en partie souterrain ; du sommet de ce caudex s'élève avec grâce une touffe de feuilles longues de six mètres dans leur plus grand développement, d’un vert clair délicat, et pennées ou divisées à la manière des barbes de plume. Dans une famille voisine de celle des Palmiers, les Cyclan- thées, se trouve le Carludovica palmata, dont les feuilles four- nissent la matière des fameux chapeaux de Panama. Cette 91 PLANTES ALIMENTAIRES. plante croît dans les forêts humides de l’'Équateur, du Pérou, de la Bolivie et de la Nouvelle-Grenade. On en récolte les LE PHYTÉLÉPHAS OU PALMIER A IVOIRE. feuilles lorsqu'elles sont très jeunes. Après avoir enlevé toutes les côteset les gros filaments sans détacher le pétiole, on coupe . LES PALMIERS' 59 le reste en languettes très fines, auxquelles on laisse une lar- geur variable selon la finesse du tissu auquel elles sont desti- nées. Ces languettes sont successivement trempées dans de FEUILLE DE PALMIER. l’eau bouillante, dans de l’eau acidulée et dans de l’eau très froide; puis on les expose quelques jours à l’air, mais à l’om- bre. Sèches, elles se trouvent complètement décolorées. Ainsi préparée, la paille est envoyée, en partie au Pérou, 56 PLANTES ALIMENTAIRES. où les Indiens en font des étuis à cigares qui se vendent jusqu’à 30 et 35 francs la pièce, en partie dans l’île de Salango (Amérique centrale), où sont fabriqués les chapeaux. Ces cha- peaux, tout d’une pièce, sont tellement légers etflexibles, qu'on peut les plier et les mettre dans la poche sans le moindre inconvénient. Lorsqu'ils sont sales, on les lave avec de l’eau et du savon, puis avec de l’eau de chaux, et on les sèche au soleil. Après cette opération, ils ont repris toute leur blancheur. Dans les premiers temps de leur vogue, les panamas se payaient de 700 à 1000 francs; maintenant les prix varient entre 200 et 500 francs. Le Carludovica palmata a l'aspect du Palmier. CHAPITRE III LA YIGNE Caractères. — Régions vinicoles de la France : vins de Bordeaux, de Bourgogne, de Champagne, de l’'Hermitage, de Côte-Rôtie, de Jurançon, de Banyuls, Col- lioure, Port-Vendres, Grenache. — Les Muscats. — Le Chasselas. — Les vins du Rhin. — Le phylloxéra. — Comment se fait le vin. La Vigne forme le genre le plus important de la famille des Ampélidées ou Vitacées. Les différentes espèces sont des arbris- seaux sarmenteux à feuilles alternes, simples, en cœur, ‘en- tières ou lobées plus ou moins profondément. Les fleurs des Vignes de l’ancien continent sont monoïques, dans le Nouveau elles sont dioïques-polygames.Elles se présentent en panicules, opposées aux feuilles. Leur calice est libre, très court, à cinq angles et à cinq dents rudimentaires ; leur corolle a cinq pé- tales, concaves et se soudant entre eux par leur sommet - infléchi, de manière à former une seule pièce, qui se détache tout entière, au moment de l’épanouissement, en une sorte d'étoile à cinq rayons tronqués. Les cinq étamines sont op- posées aux pétales; l'ovaire est libre. Le fruit — raisin — universellement connu, est une baie; le test des graines est dur et osseux; leur embryon très petit. Le nombre des espèces de Vignes monte à quarante-cinq au moins. La seule qui nous intéresse, la Vigne cultivée (Vitis wi- nifera), est vraisemblablement originaire de la Géorgie et de la Mingrélie, et elle fait maintenant la fortune des pays dont la 58 PLANTES ALIMENTAIRES. température eslivale moyenne ne s’abaisse pas au-dessous de 19 degrés. Il paraîtrait que ce sont les Phocéens qui, en venant fonder Marseille, en ont doté la Gaule. Si la Vigne ne peut vivre dans le nord, elle ne prospère pas sous les tropiques : là, en effet, le raisin noircit avant de müûrir. Sous le rapport de la production des vins, la France peut être divisée en quatre régions : la région occidentale, la région centrale, la région orientale, la région méridionale. La région occidentale comprend ceux de nos départements qui avoisinent l'Océan, sur une largeur de 50 à 60 lieues, au nord, jusqu'aux coteaux de la Loire-Inférieure ; au sud, jusqu’à la limite septentrionale des départements des Landes et du Gers. Elle présente d’abord les vignobles célèbres qui four- nissent les vins de Bordeaux. Ces vins sont rouges ou blancs. Parmi les plus estimés des vins rouges se placent ceux de Château-Margaux, à Margaux; de Château-Laffite, à Pauillac ; de Château-Latour, à Saint-Lambert; de Château-Haut-Brion, à Preissac, elec. Les premiers rangs dans les vins blancs sont tenus par les Barsac, Preignac, Sauternes, Bommes, Blanque- fort, Langon, etc. ; Le département de la Charente et ses voisins cultivent cer- taines variétés donnant les unes des vins rouges médiocres, les autres des vins blancs d’où l’on tire les eaux-de-vie dites de Cognac, qui sont les plus recherchées du monde. La région centrale renferme à elle seule les vignobles de la Bourgogne et de la Champagne: l’Hermitage (Drôme) et la Côte-Rôtie (Rhône). La plupart des vins les plus renommés de la Bourgogne sont rouges : tels sont la Romanée, le Chambertin, le Richebourg, le Clos-Vougeot, le Corton, le Musigny, tous de la Côte-d'Or. Les vins de Montrachet, de la Perrière, de la Goutte d’Or, égale- ment de la Côte-d'Or, sont blancs. Pour les vins de Champagne, tout le monde sait qu'ils sont blancs, sucrés, mousseux. On les fabrique, les uns avec des LA VIGNE. 59 raisins blanes, la plupart avec des raisins noirs, à l’aide de procédés qui exigent beaucoup de soins et de précautions. Le haut prix de ces vins tient non seulement à leur grand mérite, mais encore aux pertes considérables qu’on en fait par suite de la rupture des bouteilles, pertes qui sont d'ordinaire d'environ un cinquième et qui dans certaines années s’élèvent jusqu'aux quatre cinquièmes. Les plus célèbres des vins de Champagne viennent de Sillery et Versenay, d’Ay, de Mareuil, de Digy, d’Autvillers, de Purry, d'Epernay, etc. La région orientale et septentrionale comprend la Lorraine, l'Alsace, la Franche-Comté et les parties qui longent les Alpes jusqu’à la région méridionale. Les vignobles de cette région, composés en moyenne partie de variétés à raisins blancs, produisent des vins assez bons, mais n’ont pas la haute répu- tation de ceux que nous venons de citer. La région méridionale est limitée par une ligne qui, partant du bassin d'Arcachon, suit les limites nord du département de la Haute-Garonne, remonte le Tarn, laisse au nord les mon- tagnes du Vivarais, passe par le confluent de la Drôme et du Rhône, et remonte ensuite le long de l’Isère. Cette portion de la France produit une très grande abondance de vins de natures très diverses. La maturité. parfaite qu'y atteignent les raisins sous l'influence d’un été plus long et plus chaud, y développe en plus forte proportion la matière sucrée et rend, par suite, les vins plus spiritueux. Le département des Basses-Pyrénées possède les deux vi- gnobles renommés de Jurançon et de Gan, près de Pau, qui fournissent des vins rouges et blancs fort estimés. Le départe- ment des Pyrénées-Orientales est le plus remarquable de nos départements méridionaux pour le mérite et la variété de ses vins, qui sont rouges, très colorés, corsés, spiritueux, ve- loutés et de très bon goût. Ils gagnent de nouvelles qualités à mesure que les années leur donnent cette teinte dorée et cette saveur que désigne l’épithète de rancio, empruntée à l’Espagne. 60 PLANTES ALIMENTAIRES. Les plus renommés sont ceux de Banyuls, Collioure et de Port- Vendres. Ces mêmes crus produisent également des vins de liqueur appelés vins de Grenache, connus aussi sous le nom de vins d’Alicante, et qui rappellent les vins de Chypre par le goût. Le Grenache est au moins aussi répandu dans les dé- partements de l'Hérault et du Gard que dans le Roussillon. Le Maccabéo donne son nom au vin blanc de Salsen, auquel on trouve quelque ressemblance avec le célèbre vin de Tokay; c'est un cépage à peu près propre aux Pyrénées-Orientales. Les Muscats se trouvent suffisamment caractérisés par leurs raisins de saveur musquée, à grains serrés, généralement ronds, plus rarement ovoïdes. On en connaît un assez grand nombre de variétés : les unes à raisin noir, comme le Muscat noir propre- ment dit, dont on oblient un bon vin muscat rouge dans les départements de Vaucluse et de l'Hérault; d’autres à raisins rouge brun, tels que le Muscat rouge de Madère; la plupart enfin à raisin blanc, parmi lesquelles la plus répandue est le Muscat blanc oucommun.Ce dernier produit les meilleurs vins de liqueur de France : le Rivesaltes dans les Pyrénées-Orien- . tales, et dans l'Hérault le Frontignan et le Lunel. On cultive souvent les muscats dans les jardins et en treille. Les plus excellents raisins de table sont sans contredit les Chasselas,dont la variété principale est exploitée en si grande quantité et avec tant de succès à Fontainebleau et dans les environs, qu’elle est connue sous le nom de Chasselas de Fon- tainebleau. À La France est le pays le plus avantageusement situé pour la culture de la Vigne. Il n’en est pas d’autre qui produise une si grande diversité de vins, ni qui en produise davantage. Mal- heureusement cette phrase devrait s’écrire au passé, à cause du hideux phylloxéra, qui ruine nos cépages naguère si floris- sants. Ilnous vient d'Amérique, dont il infecte toutes les vignes. Ces Vignes, inférieures mais robustes, ne souffrent pas de sa présence. Devant l’inefficacité de tous les remèdes tentés jus- VILLA MENTONAISE,. TREILLE DANS UNE ED VIGNE 62 PLANTES ALIMENTAIRES. qu’à ce jour chez nous, on arrive à se demander si nos i- gnobles ne finiront pas par faire comme ceux d'Amérique : s'ils ne s’accoutumeront pas à leur vorace parasite; mais alors que deviendront les qualités des vins que nous venons de citer? Mystère inquiétant ! La culture de la Vigne a beaucoup d'importance dans les parties de l'Allemagne qui longent le Rhin. Elle s’élève très haut vers le nord, puisqu'on trouve des vignobles remarquables sous la latitude de 52. Généralement ce sont les cépages à raisin blanc qui dominent et qui produisent les vins les plus renommés, comme ceux de Johannisberg, de Rudesheim, de Steinberg, de Hochheim, elc., désignés sous le nom général de vins du Rhin, que tout le monde n’apprécie pas, puisque Victor Hugo leur consacre cette phrase : « Les divers vinaigres qu’on appelle vins du Rhin. » Voici quelques détails sur la manière dont se fait le vin : Le raisin, cueilli à sa maturité la plus complète, subit d’abord le foulage, soit sous les pieds des hommes dans la cuve ou dans des appareils nommés fouloirs, soit entre deux cy- lindres recouverts d’un treillis en fer et auxquels on imprime un mouvement de rotation rapide et en sens contraire. Le jus du raisin obtenu à l’aide du foulage porte le nom de moût. Il est recu, en même temps que le marc, composé des rafles et des pellicules, dans de grandes cuves presque toujours de bois, quelquefois de pierre dans les grandes exploitations du midi de la France. C’est dans ces cuves que s’opère la fermen- tation qui change le moût en vin. Elle est d’abord tumultueuse, dégageant beaucoup d’acide carbonique et soulevant à la sur- face la plus grande partie des rafles et des pellicules, dont la masse, convexe en dessus, forme le chapeau. Celte première fermentation dure généralement de trois à huit jours. Si elle s'opère librement en vase ouvert, de telle sorte que l’acide car- bonique se dégage, on a les vins ordinaires; lorsqu’au con- traire la production d'acide carbonique se continue après que LA VIGNE. 63 le vin a été mis en bouteilles soigneusement bouchées, cet acide reste en dissolution forcée dans le vin, et se dégage en- suite avec force lorsqu'on débouche la bouteille. C’est ce qui constitue les vins mousseux. Lorsque la fermentation dans les cuves est terminée, le vin est fait, et l’on procède au décuvage pour séparer le marc. Ordinairement celui-ci est mis alors dans le pressoir, et l’on arrive encore à en extraire du vin en exerçant sur lui une forte action. C’est par la distillation du vin qu’on prépare l’eau-de-vie et l'alcool. Le vin qui a subi la fermentation acide devient du vinaigre. Quant au marc, après avoir donné sous le pressoir et par la distillation tout ce qu’il contenait de vin et d’alcool, il est utilisé comme engrais et pour la nourriture des besliaux. Le bois de Vigne forme un excellent combustible, et fournit des cendres riches en potasse employées par les cultivateurs à l'amendement du sol. | CHAPITRE IV LES SOLANÉES COMESTIBLES Pomme de terre : variétés, usages. — Aubergine. — Morelle. Piment. — Tomate. La Pomme de terre est, comme nous l’avons déjà dit, la tige souterraine et tuberculeuse du Solanum tuberosum. Elle fait partie de l’importante famille des Solanées, qui contiennent toutes un principe narcotique, vénéneux quand ilest pris à forte dose, et le Solanum tuberosum ne fait pas exception. Ses feuilles, ses fruits, et jusqu’aux bourgeons qui naissent des yeux de la Pomme de terre présentent de la solanine. De là, sans doute, la répugnance que l’on eut si longtemps pour l’honnète tubercule. En 1790, un Anglais voyageant en France pouvait encore écrire : « Quant aux Pommes de terre, il serait ridicule de les regarder comme un article de nourrilure pour les hommes, puisque les quatre-vingt-dix-neuf centièmes de l'espèce humaine ne veulent pas y toucher. » Les choses ont bien changé depuis cette époque. Trente ans plus tard on se plaiènait du succès de l'aliment dédaigné, et quelqu'un (un moraliste) disait que les hommes ne sont pas au monde uniquement pour se remplir le ventre de Pommes de terre. IL y a maintenant, dans certaines contrées, des gens qui en mangent vingt et une fois par semaine, c’est-à-dire trois fois par Jour! La Pomme de terre est originaire de l’Amérique. Elle croît LES SOLANÉES COMESTIBLES, 65 naturellement dans les Cordillières, et on la cultivait au Pérou bien longtemps avant son introduction en Europe. Elle nous fut apportée par les Espagnols ou par un marin anglais, on ne sait pas au Juste. Elle apparut en Allemagne sous le règne de LA POMME DE TERRE. Charles-Quint; en France, ce ne fut qu’en 1788, et grâce à la persévérante énergie, aux ingénieux stratagèmes de Parmen- tier, que les hommes commencèrent à y goûter. Jusque-là ils l’abandonnaient aux bestiaux, qui s’en trouvaient fort bien. MONDE VÉGÉTAL. E] GG « PLANTES ALIMENTAIRES. Parmentier futaidé par Louis XVI, qui en mangea des premiers. On nommait alors la Pomme de terre parmentière. Malheu- reusement cette appellation si juste ne lui est pas restée. Le calice des Solanum est monosépale, à cinq divisions. La corolle, monopétale, présente cinq lobes alternant avec les divi- sions du calice. Elle porte cinq étamines. Le pistil est com- posé d’un ovaire supère, à deux loges. Le fruit est une baie. Les tiges du Solanum tuberosum sont herbacées et portent le nom de fanes. Grâce à la culture, la Pomme de terre présente aujour- d'hui plus de cent variétés. Il v en a de blanches, de jaunes, de roses, de rouges, de violettes, de marbrées, de jaunes à yeux bleus. [l y en a de toutes les formes : de rondes, de longues, d’aplaties. Elles ne sont pas toutes égales devant les lois de la cuisine. Elles différent par la quantité de fécule qu’elles contiennent, par le port de leurs tiges, la couleur des feuilles et celle des fleurs, par leur mode de végétation :les unes s’enfoncent en terre, les autres poussent leur tubercule à la surface du sol. La Pomme de terre n’est pas un aliment complet; ceux qui en font la base de leur nourriture sont obligés d'en manger des quantités énormes : il n’y a pas bien longtemps que des paysans arrivaient à en absorber par jour de huit à dix livres; et ils estimaient que deux livres de pommes de terre rempla- caient une livre de pain. On distille les Pommes de terre : 50 kilogrammes avec 5 pour 100 d'orge maltée doivent rendre 10 litres d’eau-de-vie. Les résidus sont donnés en nourriture aux vaches et aux bœufs en- graissés. I faut que les Pommes de terre soienttoujours cuites, et bien cuites, car la solanine s’y trouve avec l’eau de végétation. On les conserve dans des caves et dans des silos. Il est néces- saire de ne pas les emmagasiner mouillées, et Pair doit, autant que possible, circuler dans les caves, dont on laisse ouverts LES SOLANÉES COMESTIBLES. 67 soupiraux et portes, jusqu’au moment du froid toutefois, car tout le monde sait quelle horrible chose c’est qu’une Pomme de terre gelée. Quand les caves ne suffisent pas, on met les Pommes de terre dans des silos, fossés que l’on recouvre, à l'approche du froid, de feuilles sèches prises dans les bois, ou bien encore de fu- mier. Les Pommes de terre se conservent mieux dans les silos que dans les caves. Parmi les solanées comestibles, citons encore la Melongène ou Aubergine (Solanum melongena), originaire de l'Asie tro- picale et répandue par la culture dans la région méditerra- néenne de l'Europe; son fruit gras, lisse, ovoide, ordinaire- ment violet, devient mangeable par la cuisson. La WMorelle ovifère (Solanum oviferum) a des baies qu’on mange frites. Les Piments portent des baïes luisantes, rouges quand elles sont mûres, qui servent de condiment. Enfin tout le monde connaît le fruit dela Tomate ou Pomme d'amour, qui est une solanée aussi. CHAPITRE V LES PAPILIONACÉES Description de la corolle, par J.-J.Rousseau.— Autrescaractères des Papilionacées. Haricots, Pois, Lentilles, Fèves, Arachides. — Fourrages. — Indigo. 2 3 2 ? © À Les Papilionacées tirent leur nom de la forme de la corolle de certains de leurs genres, du Pois par exemple. Cette corolle, qui est polypétale irrégulière, a été admirablement déerite par Jean-Jacques Rousseau, et nous allons mettre ce qu'il en dit sous les veux de nos lecteurs : « La première pièce de la corolle est un grand et large pé- tale qui couvre les autres et occupe la partie supérieure de la corolle, à cause de quoi ce grand pétale a prisle nom de pawil- lon. On l'appelle aussi l’étendard. I faudrait se boucher les yeux et l'esprit pour ne pas voir que ce pétale est là comme un parapluie pour garantir ceux qu’il couvre des principales in- jures de Pair. « En enlevant ce pavillon, vous remarquerez qu'il est em- boîté de chaque côté par une petite oreillette dans les pièces latérales, de manière que sa situation ne puisse être dérangée par le vent. « Le pavillon ôté laisse à découvert ces deux pièces latérales auxquelles il était adhérent par ses oreillettes. Vous trouverez, en les détachant, qu’emboîtées encore plus fortement avec celle qui reste, elles n’en peuvent être séparées sans quelque LES PAPILIONACÉES. 69 effort. Aussi les ailes ne sont pas moins utiles pour garantir les côtés de la fleur que le pavillon pour la couvrir. « Les ailes dtées nous laissent voir la dernière pièce de la corolle, pièce qui couvre et défend le centre de la fleur et L'INDIGOTIER. l'enveloppe surtout par-dessous, aussi soigneusement que les trois autres pétales enveloppaient le dessus et les côtés. Cette pièce, qu’à cause de sa forme on appelle la nacelle, est comme le coffre-fort dans lequel la nature a mis son trésor à l'abri des atteintes de l’air et de l’eau. » 70 PLANTES ALIMENTAIRES, Ce trésor de la nature, ce sont les étamines, au nombre de dix, et l'ovaire unique. Le fruit est un légume. Beaucoup de Papilionacées ont la tige herbacée, quelques- unes l’ont ligneuse. Leurs feuilles, stipulées, sont souvent ter- minées en vrilles. Les Papilionacées forment une sous-famille de la grande famille des Légumineuses. Leurs graines donnent à l’homme un des meilleurs aliments végétaux. Chacun connaît les mérites des Haricots, des Len- tilles, des Pois, des Fèves, si riches en fécule et se conservant si bien pour l'hiver; et les Arachides, ces plantes curieuses, originaires du Brésil, qui enterrent leurs fruits pour en mürir les graines. Ces graines, huileuses et féculentes, appelées quelquefois Pistaches de terre, peuvent être mangées et donnent à l’industrie leur huile, analogue à l'huile d'olives; elles font en France l’objet d’un commerce de 89 millions de kilogrammes. Les Papilionacées entrent pour une part considérable dans les fourrages. Nos prairies sont pleines de Sainfoin, de Vesce, de Trèfle, de Cytise, de Lupin. Toutes ces plantes sont des herbes, mais de fort beaux arbres se trouvent parmi les genres voisins : tels sont les Sophora, Virgilia, Robinia, etc. L’Indigotier, un sous-arbrisseau indigène de l’Asie tropicale, qui contient dans ses feuilles le principe colorant qu’on ap- pelle indigo, est une Papilionacée. CHAPITRE VI L'OLIVIER Caractères. — La région de l'Olivier, — Les olives. — La récolte. La fabrication de l'huile. L'Olivier appartient à la famille des Oléinées. C’est un arbre à feuilles opposées, très entières, coriaces ; à fleurs souvent odorantes, blanches, en grappes ou en panicules. L'Olivier d'Europe, qui seul nous occupe ici, présente deux variétés : la sauvage et la cultivée. On les rencontre sur les ri- vages de la Méditerranée. Comme le Blé, au dire destraditions, il serait venu d’Égvpte en Grèce, apporté par Cécrops. Les Athéniens ont fait de ses rameaux le symbole 'de la paix. C’est la colonie grecque établie à Marseille qui très proba- blement l’a planté sur nos rivages. Riche présent qui a digne- ment payé la bienvenue des Phocéens. En France, la région de l'Olivier comprend, outre la Corse, onze départements : Pyrénées-Orientales, Aude, Hé- rault, Gard, Ardèche, Drôme, Vaucluse, Basses-Alpes, Bouches- du-Rhône, Alpes-Maritimes. L'Afrique française est une des stations privilégiées de l’Olivier, et la culture de cet arbre une garantie de sa prospérité future. L'Olivier est cultivé pour ses fruits,et les olives sont surtout appréciées à cause de l'huile qu’elles fournissent. Les différentes phases de la floraison se produisent en des 72 PLANTES ALIMENTAIRES. temps différents, suivant les climats. Dès le mois de février, l’Olivier commence à parfumer les côtes méridionales de lEs- pagne; en mars, celles d'Italie. La Provence a son tour vers la fin d'avril et le commencement de mai. La floraison principale est rapide et dure huit ou dix jours. La petite olive se montre d’abord d’un vert foncé, et de forme ovoide plus large que longue. Pendant son développement, elle va de la couleur vert foncé à la couleur noir foncé, en passant par les teintes vert clair, blanchâtre, roussâtre, violacé. L’olivej est la drupe par excellence ; sa pulpe charnue ne prend son dévelcppement que lorsque le noyau a presque achevé le sien. Pour les régions oléifères, la récolte des olivés est un travail considérable, surtout pendant les années fructueuses. Dans nos départements du Midi les bras manquent pour la faire conve- nablement ; aussi est-elle en partie abandonnée aux femmes et aux enfants, et se prolonge-t-elle tout lhiver. Pendant les années très abondantes, des bandes d'ouvriers, souvent accom- pagnés de leurs femmes et de leurs enfants, descendent des départements montagneux avoisinant les rivages oléifères et viennent travailler à la récolte. La récolte se fait de trois manières : les olives sont cueillies à la main, gaulées, ou simplement ramassées quand elles sont tombées. Le premier mode, qui est le meilleur, exige beaucoup de temps et de travail et coûte cher. Il est employé surtout quand on veut obtenir de l’huile avec des olives qui n’ont pas atteint leur maturité et quitiennent encore solidement à l’arbre. Les récolteurs laissent tomber les olives sur de grands draps étendus sous les branches, ou mieux encore 1ls se servent de paniers. Le mode de récolte qui consiste à gauler les olives est le seul qui soit praticable dans les pays où les Oliviers ont atteint de grandes proportions; mais il présente pour les arbres de sérieux inconvénients. LE. ES A LA GAL OLIV S ECOLTE DE 4 R 74 PLANTES ALIMENTAIRES. Les fruits récoltés doivent être ensuite triés avec soin. La bonne qualité de l'huile dépend beaucoup de ce’‘triage. Si l’on pouvait ne la fabriquer qu’avec des fruits d’égale maturité, on aurait d'excellents produits. Les gros Oliviers occupant 100 mètres de terre donnent en moyenne 130 à 150 litres d'olives. Ce produit peut s'élever exceptionnellement à 500 et 600 litres. Les Oliviers à basses tiges, n’occupant que 25 mètres carrés de terrain, fournissent une moyenne de 30 à 40 litres d'olives ; quelques-uns rendent jusqu’à 100 litres. Cent litres d'olives donnent environ 7 kilogrammes d'huile dans le Languedoc et 12 en Provence. On extrait l’huile des olives : 1° en les écrasant dans des moulins, 2° en les pressant pour en faire écouler l'huile. Après un premier pressage, les tourteaux ne sont pas épui- sés; mais l'huile qu'ils donnent dans une seconde opération est très inférieure, et est désignée sous les noms pittoresques d'huile d'enfer, d'huile lavée. La pâte qui a fourni 20 quintaux de bonne huile produit en moyenne 160 kilogrammes d’huile lavée. Quand elle vient d’être obtenue, l'huile d'olive a besoin d’être laissée dans un repos absolu pour que les matières étrangères se déposent. Il devient ensuite nécessaire de la transvaser un certain nombre de fois pour l’avoir tout à fait pure. Le repos n’est pas suffisant pour toutes les qualités d'huile, et plusieurs d’entre elles exigent un mode spécial de elarifica- tion ou de dépuration. Cette clarification est utile non seule- ment pour donner à l'huile une limpidité recherchée, mais encore pour en assurer la conservation. CHAPITRE VII LES ARBRES FRUITIERS DE LA FAMILLE DES ROSACEÉES Les Pomacées : Caractères. — Pommes et poires, cidre et poiré. — Cognassier, Sorbier, Néflier. — Amygdalées : Caractères. — Amandier, Pêcher, Abricotier, Prunier, Cerisier. — Le kirschwasser. Les arbres à fruits de cette famille appartiennent à deux tribus : les Pomacées et les Amygdalées. Les Pomacées ont pour type le Pommier, qui leur donne son nom et dont voici les caractères : C’est un arbre à feuilles alternes, pédonculées, simples, ovales, dentelées en forme de scie sur les bords. La fleur, à pédoncules courts, a un calice à cinq divisions, une corolle à cinq pétales étalés et divergents, d’un blanc purpurin, rose ou incarnat. Les étamines sont vingt ou plus; les ovaires, cinq ou moins. Le fruit est bien connu : c’est la pomme. Dans la même tribu que le Pommier se rangent : le Poirier, le Cognassier, le Néflier, l’'Alisier et le Sorbier. Le Pommier à l’état sauvage se trouve dans les bois des ré- gions montagneuses de la France, et son fruit est très recher- ché par les cochons et par les vaches. Les pommes sont grandement modifiées par la culture ; 1l y en a maintenant beaucoup de variétés, dont les plus estimées sont : les reinettes, les calvilles, les pigeonnets, les apis, etc. Dans plusieurs départements de la France où la Vigne ne pousse pas, en Bretagne, en Normandie, en Picardie, on fa- 76 PLANTES ALIMENTAIRES. brique avecune certaine variété, vulgairement nommée pomme à cidre, laboisson dorée, légèrement sucrée et acidulée connue sous le nom de cidre. Le bois du Pommier donne un feu vif et pourtant ne brûle pas trop promptement ; il fournit, en outre, un charbon d’ex- cellente qualité. La facilité avec laquelle ilse laisse travailler le THIE BAULT LE POMMIER. fait rechercher pour la confection des cylindres à imprimer les indiennes et pour les vis de pressoir. Le Poirier (Pyrus) croît sauvage, comme le Pommier, dans les forêts d’une grande partie de l’Europe. C’est unarbre à rameaux épineux qui peut atteindre dix à douze mètres de hauteur. Ses feuilles sont alternes, coriaces et glabres ; ses fleurs, dispo- sées en corymbe. Son bois, plus compact que celui du Pommier, est en outre plus fin dans les variétés sauvages que dans les cultivées. Il est très recherché des menuisiers, des ébé- nistes et surtout des graveurs sur bois. Il prend si bien la cou- LES ARBRES FRUITIERS. 17 leur noire, qu’on a de la peine, lorsqu'il est teint, à le distinguer de l’ébène. Il offre à l’économie domestique un excellent chauf- fage et une cendre de première qualité. Mais le Poirier est surtout utile par ses poires, qui, lors- qu'elles sont bonnes, peuvent bien être comptées parmi les meilleurs fruits du monde : telles sont les poires dites beurrés, doyennés, bergamolte, saint-germain , bon-chrétien, messire- jean et bien d’autres, car les variétés en sont nombreuses. De certaines poires, fort mauvaises au goût, on retire le poiré ou piquetle, liquide plus riche en alcool que le cidre, mais plus àpre. Mis en bouteille, il donne l'illusion du vin de Champagne : il fait sauter le bouchon et mousse en pétillant. Les poires à cidre font le régal des vaches et des cochons, qui en profitent lorsque la récolte est trop abondante pour être toute envoyée au pressoir. Le Cognassier commun a pour fruit le coing, qui fait d’excel- lentes confitures. Le Sorbier domestique ou Cormier donne un fruit d’abord acerbe, mais qui devient pulpeux et sucré après la cueillette. Les nèfles, produites par le Néflier, ne sont également bonnes à manger que quelque temps après la cueillette. Les Amygdalées sont caractérisées par une tige ligneuse, sécrétant de la gomme et à rameaux quelquefois épineux, par des feuilles simples, entières ou dentées, munies de glandes. Le type de la tribu est lAmandier, arbre indigène de la région méditerranéenne, dont les fleurs paraissent avant les feuilles. Ces fleurs portent, sur un réceptacle en forme de coupe, cinq sé- pales, cinq pétales, quinze à trente étamines, et un ovaire ses- sile uniloculaire contenant deux ovules. Le fruit est une drupe qui, contrairement à celle des autres Amygdalées, est fibreuse, coriace et sèche. La graine de l’Amandier commun donne par expression une huile fine, douce, alimentaire et employée en médecine. L’Amandier à graine amère a dans sa graine et même dans ses feuillesles éléments de l'acide cyanhydrique. 78 PLANTES ALIMENTAIRES. Le Pécher diffère de l’'Amandier par son fruit à chair épaisse et succulente et par son noyau très dur, creusé de sillons très profonds. Il est originaire de la Perse ou de la Chine. Les pé- ches proprement dites ont une peau duveteuse. Ce sont celles RAMEAU DE PÊCHER. que le jardinier entoure de soins tout particuliers, car elles peuvent acquérir de grandes qualités. Le brugnon donne un fruit à peau lisse, dont la chair se détache facilement du noyau. L’Abricotier (Armeniaca), un arbre de moyenne grandeur, a des fleurs blanches disposées par petits faisceaux. Les botanistes en distinguent quatre ou cinq espèces, dont LES ARBRES FRUITIERS. 19 une seule, cultivée (A. vulgaris), offre des fruits réellement comestibles et recherchés sur nos tables. Elle est indigène de la Perse et de l’Asie Mineure, et a été naturalisée de temps immé- morial en Europe. Son bois, d’un jaune rougeâtre, veiné, est cassant, peu ferme; cependant les tourneurs et les tabletiers l'emploient quelquefois. Tout le monde connaît l'excellence de ses fruits, soit réduits à l’état de conserves ou de confitures, soit mis dans l'alcool. De ses amandes on fabrique une sorte de ratafia estimé, et de ses noyaux une liqueur. La gomme que produit l’Abricotier peut être employée aux mêmes usages que la gomme arabique. Le Prunier (Prunus) se reconnait à ses rameaux nombreux, très élalés, à ses feuilles aiguës et crénelées et à ses fleurs d’un blanc verdätre. On emploie à de nombreux usages ses fruits et son bois. On n’apprendra rien à personne en rappelant l'excellente saveur et le parfum agréable des prunes et les nombreux usages culinaires auxquelles on les soumet. On en fait des compotes, des tourtes; on les confit au sucre ; on les met #l’eau-de-vie. Séchées au four ou au soleil, elles deviennent les pruneaux, qui font des desserts pour l'hiver. Elles contiennent une grande quantité de sucre aussi blanc et aussi cristallisable que celui de canne. 12 kilogrammes de prunes ont donné au chimiste Bonnberg 1 kilogramme de sucre, 3 kilogrammes de sirop et deux litres d’eau-de-vie. On a tâché aussi de tirer du vin des prunes, en raison de l’abondance du jus qu’elles contiennent; mais On n’y à pas réussi, même en y ajoutant d’autres fruits. D’un mélange de ce genre, les Hongrois obtiennent une boisson spiritueuse qu’ils nomment raki. Les amandes des prunes contiennent une certaine quantité d'acide cyanhydrique, l’un des plus prompts et des plus ter- ribles poisons que l’on connaisse. Le bois du Prunier, dur, serré, pesant, bien veiné, est fort recherché des ébénistes et des tourneurs, qui le font bouillir 80 . PLANTES ALIMENTAIRES. dans une eau de lessive ou de chaux pour en conserver et en foncer lesteintes brunes. De son écorce suinte une gomme qui peut remplacer, en cas de besoin, la gomme arabique. Le Prunier à été connu dès la plus haute antiquité. Pline en parle comme d’un arbre très répandu et généralement cultivé de son temps. Les botanistes modernes distinguent à peu près une ving- LE MERISIER, taine de Pruniers proprement dits, dont les fruits sont en g6- néral comestibles. L'espèce la plus commune et une de celles qui s’avancent le plus dans le nord estle Prunus spinosa, dont on fait d'excellentes haies. Au printemps cette espèce, pour la beauté et le nombre de ses fleurs, rivalise avec l’Aubépine; et dès que les gelées blanches ont passé sur ses fruits, bien con- nus des enfants sous le nom de prunelles, ils acquièrent une BANIANS, DES À MONDE VEGETAL. 82 PLANTES ALIMENTAIRES. saveur aigrelette assez agréable. En Russie, on en extrait de l'alcool; en France, dans le Dauphiné, on en colore les vins médiocres. L'écorce a été préconisée comme fébrifuge; traitée par la potasse, elle donne une*couleur rouge; mêlée à du sulfate de fer, elle fournit une assez bonne encre; enfin, ainsi que le bois, elle peut être employée par les tanneurs. Ajoutons que les feuilles du P. spinosa sont souvent mêlées au thé pour le falsifier ; ce qui est peut-être la faute de Linné, qui s’est permis d'établir une analogie entre ces feuilles si diffé- rentes. Enfin, cette liste des Amygdalées sera close dignement par le nom du Cerisier (Cerasus). Le Gerisier est un arbre assez élevé dont le tronc droit est couvert d’une écorce luisante. Ses feuilles sont ovales et dentées, et ses fleurs forment des pani- cules. [comprend plusieurs espèces : Le Cerisier merisier produit la drupe d’où l’on tire par la fermentation et la distillation le kirschwasser et le vin de ce- rise. Son bois d’un jaune rougeâtre est estimé par les ébc- nistes. Le C. bigarreautier donne des fruits en cœur assez gros, de couleur variable, et dont la chair se sépare difficilement du noyau. Le Guignier et le Griottier ont des cerises d’excel- lent: qualité. Le Griottier, originaire d'Asie, fat apporté, dit- on, de Cérasonte par Lucullus, après ses victoires sur Mithri- date. Le C. mahaleb fournit un bois précieux connu sous le nom de bois de Sainte-Lucie. Le C. laurier-cerise est un arbre de l'Asie Mineure dont les feuilles sont employées en médecine. CHAPITRE VII LES MORÉES Caractères, — Mûrier noir et Mûrier blane. — Le Figuier. — L'Aïbre à la vache : Observations de M. Boussingault et de M. Marcoy. Le type de cette famille est le Müûrier (Horus), qui lui a donné son nom. Les Morées sont des arbres ou arbrisseaux, quelquefois grimpants, qui contiennent un suc laiteux, peu abondant et presque incolore chez les uns, très copieux chez les autres, âcre et corrosif chez la plupart. Les feuilles sont alternes. La fleur, d’abord pénétrée d’un suc âcre, acquiert à la maturité des pro- priétés tout opposées. Le mucilage et le sucre s’y développent dans les proportions telles, que le fruit devient un aliment très nourrissant ou un médicament rafraichissant. On compte plusieurs espèces de Müriers, dont il faut citer ici les plus intéressantes. Le Mürier noir, originaire de la Perse, est cultivé en Europe depuis les temps les plus reculés. Son fruit drupacé est formé par des fleurs resserrées en épi, et doit en grande partie sa saveur acidulo-sucrée aux calices devenus succulents. Ses feuilles peuvent nourrir le ver à soie; mais cette précieuse propriété appartient surtout au Würier blanc, qui vient de la Chine, ainsi que le Bombyx. La culture du Mürier blanc a passé de Chine en Perse, de Perse à Constan- tinople, sous le règne de Justinien; puis en Espagne, plus tard en Sicile et dans la Calabre; enfin, à la suite des guerres 84 PLANTES ALIMENTAIRES. que les Français soutinrent en [italie pour la conquête du royaume de Naples, l'arbre et l’insecte qui s’en nourrit furent introduits dans le midi de la France, où ils sont aujourd’hui naturalisés. Les Figuiers sont des arbres ou des arbrisseaux grimpants, dont la principale espèce est pour nous le Ficus carica, propre à la région méditerranéenne, où il croît presque spontanément. Les feuilles varient de forme sur le même individu; elles pré- sentent ordinairement de trois à sept lobes inégaux et obtus. Les fleurs sont placées sur les parois internes d’un réceptacle commun, percé à son sommet d’une petite ouverture que pro- tésent un grand nombre de bractées imbriquées. Nous avons dit dans nos Définitions ce qu'est la figue. L’écorce du Ficus carica laisse découler par incision un suc laiteux contenant une notable quantité de caoutchouc. Les figues sont l’objet d'un commerce considérable. Sous le nom de Figuiers-Sycomores, Gameron parle de trois arbres qui étaient si gros, que son camp fut établi sous la puissante ramée d’un de ces colosses et que plus de cinq cents hommes s’y trouvèrent abrilés. Les Fiquiers des banians (F. indica), le Fiquier des pagodes (F. religiosa) sont des arbres des régions tropicales et que lon peut considérer comme de véritables curiosités. Très grands et toujours verts, ils sont pourvus de racines adventives qui descendent verticalement des rameaux vers le sol, s’y implan- tent et forment des arcades qui se propagent de tous côtés à de grandes distances du sol. Ces racines en grossissant forment aulant de troncs; et dans les intervalles de ces colonnes natu- relles les Indiens élévent de petites pagodes. Le fameux Fi- guier de Narbuddah occupe une surface de pius de deux mille pieds de circonférence, sur laquelle on compte trois cent vingt colonnes provenant de racines adventives. Appartenant à la mème famille que le Mürier et le Figuier, le Galactodendron ulile, ou Arbre à la Vache, ou Sandi, a fait ‘AUMORKRONXS-UAINDIA A1 86 PLANTES ALIMENTAIRES. beaucoup parler de lui depuis quelque temps, à cause du li- quide blanc qu'il fournit, et qui rappelle le lait, exactement selon les uns, de très loin suivant M. Paul Marco. Répétons d’abord le bien qu’on en a dit, et qui vient surtout de M. Boussingault. | L’Arbre à la vache croît dans les régions chaudesde l’Amé- rique. Il atteint une hauteur de quinze à vingt mètres. Les feuilles sont oblongues, alternes, terminées par des pointes coriaces. Lorsqu'on pratique une incision sur le tronc, il en sort un liquide blanc, visqueux, d’une saveur agréable. Lors de son voyage en Amérique, en 1828, M. Boussingault fit l’analyse de cette substance et y trouva les mêmes éléments que dans le lait de vache, et en même temps une quantité de cire qui formait la moitié du poids de la sève. C’est dans le versant de la chaîne entière du Vénézuéla que l'illustre voyageur vit pour la première fois l’Arbre à la vache. Pendant son séjour dans la petite ville de Maracay, près du lac de Tacarigua, dont il voulait fixer la position géographique, les Indiens lui apportaient chaque jour du lait végétal, et pendant plus d’un an il en consomma, le mélangeant à du café ou du chocolat. Dans une autre circonstance, vers la fin de la guerre de lin- dépendance américaine, à laquelle M. Boussingault prenait une si glorieuse part, il rencontra des soldats qui portaient des bidons. Comme il se trouvait dans le voisinage du torrent de Naguanagua, il supposa que ces hommes allaient chercher de l’eau ; mais, les ayant vu passer le torrent sans s’arrêter, il leur demanda où ils se rendaient. Un des soldats répondit qu'ils allaient {raire l'arbre; M. Boussingault les suivit. Après s'être élevés de cinq à six cents mètres, on arriva au milieu d’une forêt où abondaient de magnifiques Galactoden- drons, dont les racines rampantes couvraient la surface du sol. Les soldats pratiquèrent, à coups de sabre, de nombreuses inci- sions à plusieurs de ces arbres pour en faire jaïllir du lait. En FRITES 2/4 NN \ LENS Or L'ARBRE A LA VACHE. 88 PLANTES ALIMENTAIRES. moins de deux heures, les bidons étaient remplis. On reprit donc le chemin du campement. Le lieu de ce campement n’était pas éloigné de la ferme de Barbuta, où Alexandre de Humboldt avait vu les nègres de la plantation recueillir du lait végétal pour y tremper leur galette de maïs, et le majordome affirmait que les esclaves engrais- saient par ce régime. M. Boussingault rappela ces faits à l’Aca- démie des sciences en 1878, parce que dans les objets inté- ressan(s envoyés par le Vénézuéla à l'Exposition universeile il trouva plusieurs flacons de lait végétal qu'on s’empressa de mettre à sa disposition, et dont il fit l'analyse. Voici maintenant ce qu’en dit M. Paul Marcoy, qui eut plu- sieurs fois l’occasion de le rencontrer dans son merveilleux voyage à travers l'Amérique du Sud : « Un désir subit me vint d’entailler le tronc d’un Sandi et de faire couler sa sève. J’allai prendre dans la pirogue une hache et une calebasse, et, choi- sissant le plus robuste des lactifères, je brandis mon arme et lui en assenai un coup terrible. L'arbre, frappé au cœur, gémit comme celui de la forêt du Tasse; la sève apparut aux lèvres de sa blessure, en tomba d’abord goutte à goutte, puis, coulant sans interruplion, s’épancha jusqu’à terre, où sa blancheur contrasta vivement avec le rouge brun du sol et le vert velouté des mousses. Un instant je m’amusai de cette opposition de teintes; puis j’appliquai ma calebasse au bord de la plaie du Sandi, et, recueillant sa sève lactée, j'en bus quelques gorgées. « Ce lait gras, épais et d’une blancheur de céruse au sortir de l'arbre, jaunit promptement à l’air et se coagule au bout de quelques heures. D’abord très sucré au goût, il ne tarde pas à laisser dans la bouche une saveur amère et désagréable. Les prétendus effets d'ivresse et de sommeil qu’on lui attribue n’ont jamais existé que dans l'imagination des gens épris du merveilleux. Plusieurs fois il nous est arrivé d’en boire, mais sans remarquer que notre cerveau fût surexcilé, notre raison troublée, et que le besoin de dormir se fit sentir chez nous. Re: £ LES MORÉES. 89 Tout ce que nous pouvons dire de ce liquide, qui nous répugne toujours un peu et dont nous ne bûmes jamais que pour expérimenter sur nous-même les différents effets qu'on lui attribue, c’est que sa viscosité singulière, comparable à une forte dissolution de gomme arabique, nous obligeait, chaque fois que nous en goûtions, à nous laver immédiatement à erande eau pour débarrasser nos lèvres d’une glu qui mena- çait de les clore à jamais. » Dans un autre endroit de son ouvrage, M. Paul Marcoy assure que l'usage journalier de la sève du Sandi comme ali- ment amènerait bientôt de grands désordres dans l’économie animale, et il paraîtrait que les Indiens du Pérou s’en servent surtout comme d’une espèce de colle pour le raccommodage de leurs pirogues. CHAPITRE IX LE CAFÉIER Originé. — Description. — Graines. — Sortes de café. Un mot sur la Garance. Le Caféier (Coffea), originaire d’Abyssinie, a été transporté, il y a trois siècles, dans l’Arabie, qui est devenue pour lui une seconde patrie; puis, vers la fin du xvu° siècle, à Batavia, et enfin, en 1720, dans les Antilles. C’est un arbrisseau toujours vert, à feuilles opposées, lancéolées, ondulées et glabres, res- semblant à celles du laurier. Les fleurs, blanches, odoriférantes, agolomérées à l’aisselle des feuilles, ont un calice à cinq dents, une corolle en entonnoir à cinq lobes, cinq étamines et un ovaire biloculaire infère. Les graines sont contenues dans un fruit de la grosseur et de la forme d’une petite cerise, formé de deux carpelles renfer- mant chacun une seule graine. Quand le café nous arrive con- tenu encore dans le péricarpe — ce qui est rare, —on l'appelle café en cerises. Dans ce cas, le brou charnu du fruit est devenu mince et sec, et s’est appliqué sur le noyau comme une sorte de membrane. D’ordinaire, le café décortiqué, c’est-à-dire complèé- tement débarrassé des enveloppes du fruit, est le seul qui vienne dans le commerce. Le café vert a une odeur spéciale que l’on a comparée à celle du foin, et une saveur à la fois douce et un peu äpre. L'arome se développe surtout par la torréfaction. a cn TL | | | CN nur nl (LL | h | | j \ || | ( | | i hi DE CULTURES 92 PLANTES ALIMENTAIRE Les nombreuses sortes de café se rapportent à trois princi- pales : 1° Le Café Moka, qui est en grains petits, arrondis, dans lesquels la face ventrale est devenue presque aussi convexe que l’autre. La couleur de ces grains est jaunâtre, leur sillon étroit. C’est la sorte la plus estimée. 2 Le Café Bourbon, qui est plus gros que le moka, à face ventrale sensiblement plane, sans pellicule. 3 Le Café Martinique, à grains généralement pelliculés, gros et larges, à face ventrale marquée d’un sillon largement ouvert. Le Café appartient à la famille des Rubiacées, et 1lest le type de la sous-famille des Cofféacées. La seconde subdivision, celle des Cinchonacées, est consacrée aux Quinquinas, dont nous parlons plus loin. | Le Café, qui termine d’une façon si agréable nos repas, pour- rait figurer parmi les médicaments. Il réussit dans le traite- ment des fièvres intermittentes et soulage les asthmatiques ; il peut dans certains cas être employé comme contrepoison. Les personnes qui n’en font pas usage habituellement s’en servent avee succès contre les névralgies. Enfin, tout le monde connaît la stimulation très agréable qu’il exerce sur le cer- veau. La Garance (Rubia tinclorium) se classe parmi les Cofféa- cées. Elle croit spontanément dans la région méditerranéenne, on la cultive à Avignon, en Alsace, en Zélande, à cause du prin- cipe colorant rouge contenu dans laracine, et dont on a fait un orand usage pour teindre lestissus, jusqu’à l’époque, très voi- sine de nous, où les chimistes, en fabriquant de toutes pièces l'alizarine artificielle, ont rendu la Garance à peu près inutile. CHAPITRE X LE THÉ Caractères. — Qualités stimulantes et nutritives du Thé. — Procédés qui font le Thé vert et le Thé noir : différentes sortes. Le Thé fait partie de la célèbre famille des Camelliacées, que nous reverrons, à cause des Camellias qu’elle fournit à l’ornement. C’est un joli arbuste, à feuilles toujours vertes, al- ternes, coriaces, un peu épaisses, ovales, lancéolées. Les fleurs, blanches, abondantes, ont leurs pétales imbriqués, et une odeur qui rappelle un peu celle de certains arbres à fruits, des pru- niers par exemple. Les feuilles du Thé, infusées dans l’eau bouillante, fout une boisson en usage dans le monde entier. Il n’y a pas encore deux siècles que le Thé a pénétré en Europe, et aujourd’hui l'importation annuelle de cette substance dépasse dix millions de kilogrammes. Les Anglais en boivent pour ainsi dire à tous les moments de la journée. La Chine leur donne le Thé : ils lui donnent l’opium, qui l’empoisonne. Les propriétés stimu- lantes du Thé sont dues à une substance azotée que les chi- mistes ont isolée et nommé /héine, et surtout à une huile un peu narcotique qui y existe en pelile proportion; les feuilles contiennent en outre une quantité considérable de caséine, matière éminemment nutritive, qui ne se dissout pas dans l’eau; aussi les habitants du Thibet, après avoir bu l’in- fusion, mangent-ils les feuilles bouillies, qu’ils assaisonnent avec de la graisse. 94 PLANTES ALIMENTAIRES. Voici lés principales circonstances des procédés de fabri- cation des thés noirs et des thés verts. Les deux méthodes, on va le voir, diffèrent l’une de l’autre par des points assez importants pour expliquer la diversité de coloration des produits. Thé vert. — Dès que les feuilles sont apportées des planta- tions, on les étend par couches minces sur des claies plates de bambou, afin de faire évaporer lhumidité surabondante. Elles restent ainsi exposées de une à deux heures. Pendant ee temps on a fait chauffer les bassines sur un feu de bois assez vif. On projette dans chaque bassine une cer- taine quantité de feuilles, qu'on agite rapidement en les r'e- muant avec les deux mains à la fois. Affectées instantanément par la chaleur, ces feuilles commencent à faire entendre un crépitement et deviennent humides; en même temps 1l s’é- chappe de leur masse une abondante vapeur. Gela dure quatre ou cinq minutes; après quoi les feuilles, brusquement retirées du feu, sont placées sur la table à rouler. Alors commence l'opération du roulage. Plusieurs hommes se divisent la masse des feuilles; chacun en prend pour sa part autant qu'il peut en presser avec ses mains eten fait une boule. Cette boule est roulée ensuite sur la table, qui est en. tiges de rotang; on la comprime avec force, dans le double but d'en exprimer le suce et de tordre les feuilles. Les boules sont souvent défaites et passées de main en main Jus- qu'à ce qu’elles arrivent à louvrier chef, qui les examine avec soin, afin de constater si elles ont acquis le degré voulu d’enroulement. Dans ce cas on les enlève de la table à rouler pour les jeter sur des claies plates, jusqu'au moment où l'opération est finie pour tout le restant des feuilles. On ne laisse jamais longtemps les feuilles dans cet état, et on les transporte le plus vite possible dans la bassine à rôlir, SOUS laquelle on maintient un feu de bois lent et soutenu. Elles 4 LE THÉ. 95 sont constamment et rapidement agilées avec les mains. Parfois on les reporte sur la table de rotang pour les rouler une seconde fois. Après une heure ou une heure et demie de À DE AN TEL SRB LD COMM LEUR RENE So Per Le AE no LEA AAA \ HI ke EN s TAMISAGE DU THÉ, rôtissage, les feuilles sont suffisamment desséchées ; leur couleur est bien fixée, elles ne risquent plus de devenir noires, et leur teinte, d’un vert un peu terne, s’avive avec le temps. 96 PLANTES ALIMENTAIRES. La seconde partie de l'opération consiste à vanner le thé, à le passer à des cribles de divers calibres, afin d’en chasser la poussière et les autres impuretés; puis à le diviser en sortes commerciales, telle que lHyson-skin, l'Hyson, l'Hyson jeune, le thé poudre-à-canon, formé de petites feuilles roulées en boule, le thé impérial roulé en boules plus grosses. Thé noir. — Les feuilles apportées des plantations sont étendues sur des nattes ou claies de bambou et laissées assez longtemps dans cet état : douze heures environ. Alors seulement les ouvriers prennent les feuilles à deux mains, les projettent en l'air et les laissent retomber sur la claie. On les agite longtemps de la sorte, en les battant ou les pressant légèrement. Enfin, lorsqu'elles sont devenues molles et flasques, on les rassemble par tas, qu’on abandonne à eux- mêmes environ une heure ou un peu plus; après quoi elles ont subi un léger changement dans leur couleur et sont devenues humides. On les jette ensuite dans une bassine de fer, on les y fait rôtir cinq minutes environ, puis on les roule sur la table de rotang. Ainsi roulées, les feuilles sont répandues en couches minces sur des tamis et mises à sécher en plein air. Un échafaudage en bambou, destiné spécialement à cet usage, se voit d’ordi- naire devant chaque maison rurale des collines théifères. On les laisse -exposées à peu près trois heures durant, pen- dant lesquelles les ouvriers vont successivement d’un tamis à l’autre, agitant les feuilles et les empêchant de s’agglutiner en- semble. Le thé, dépouillé de la sorte de son plus grand excès d'humidité et grandement réduit de volume, est rentré en manufacture, projeté de nouveau pendant trois ou quatre minutes dans la bassine à rôtir et roulé comme la première fois. Cela fait on allume les feux de charbon de terre. Une corbeille LE THÉ. . 97 tubulaire, large aux deux bouts et retrécie dans le milieu, étant placée sur le feu, on y fait tomber en couches d’un pouce envi- ron les feuilles que renferme un (amis. Après cinq ou six mi- nutes, durant lesquelles on a soigneusement veillé sur ces feuilles, on les retire du feu pour les rouler une troisième fois. A mesure que les boules sortent des mains des rouleurs, on les rassemble en tas jusqu'à la fin de l’opération. Alors elles sont de rechef épandues sur les tamis et tenues encore un peu de temps sur le feu. Parfois la dernière opération, savoir le grillage et le roulage, se répète à quatre reprises ; le thé a pris dès lors une couleur sombre. La masse entière des feuilles ayant subi ces préparations, on en remplit des corbeilles que l’on place encore au-dessus d’un feu de charbon bien couvert. Le thé yreste jusqu’à dessiccation parfaite et achève d’y prendre sa couleur noire. Les manipu- lations ultérieures, telles que le tamisage, le triage, le raffi- nage, se succèdent suivant la commodité du fabricant. Lorsque les feuilles sont encore jeunes, leur face inférieure est couverte d’un duvet blanc argenté qui tranche sur la cou- leur noire de la face supérieure. Si elles appartiennent à la première récolte, si elles sont bien roulées en spirale dans le sens de la longueur et présentent des filets blanchâtres ou des parties blanches aux deux extrémités, elles donnent les thes pékoé ou thés pékao, qu’on désigne sous les noms de pékoë à pointes blanches, orange péhoé. Les feuilles larges, minces, concassées, roulées dans le sens de la largeur, mais sans duvet blanchâtre, forment le {hé sou- chong. Les feuilles minces, courtes, d’un noir grisâtre, qui parais- sent être les premières feuilles ou les plusjeunes de la troisième récolte, forment le {hé congo. Le thé chulan est un thé vert très recherché pour son odeur suave, qui lui a été communiquée par la fleur de l’Olea fragrans. Les Chinois aromatisent d’autres thés avec diverses MONDE VÉGÉTAL. 7 98 PLANTES ALIMENTAIRES. fleurs odoriférantes, telles que celles du Jasmin Sambac et du Camellia sesangua. On a fait de nombreux essais pour cultiver le thé au Brésil et en Europe, mais les produits obtenus ne peuvent être comparés à ceux de la Chine. ali CHAPITRE X LE CACAOYER Caractères. — La graine de Cacao. — Cacaos terrés et Cacaos non terrés. Localités qui produisent le Cacao, Le Theobroma Cacao ou Cacaoyer estun arbre de la famille des Sterculariées et de la tribu des Buttnériées, dont il forme l'espèce la plus importante. Ses feuilles sont alternes, ses fleurs monoïques, à pélales sessiles. Le tube staminal est divisé à son sommet en plusieurs lanières, les unes anthérifères, opposées aux pétales, les autres stériles, opposées aux sépales. L’ovaire est à cinq loges. Le fruit, charnu, contient les graines, qui sont surtout intéressantes pour nous. Dans leur aspect général les graines de Cacao, desséchées et telles que nous les avons en Europe, sont ovoides ou plus ou moins aplaties, ayant jusqu'à 29 millimètres de long sur environ 15 millimètres de large. Une membrane extérieure, assez fragile, de couleur brune, revêt une couche interne blanchâtre, qui se moule exactement sur l’amande et s’insinue dans toutes ses fentes. Cette amande elle-même est formée uniquement d’un embryon dont les deux gros cotylédons enferment la radicule. La couleur de l’a- mande,un peu différente suivant les sortes, varie du brun rougeâtre au violacé ou au noir bleuâtre. On fait parmi les différents Cacaos deux groupes, qu’on dé- signe sous les noms de Cacuos terrés et de Cacaos non lerrés. 100 PLANTES ALIMENTAIRES. Ceux-ci ont été simplement séchés soit au soleil, soit plus rare- ment au moyen d’une chaleur artificielle; les autres ont été avant la dessiccation enfermés dans des caisses et destonneaux et mis dans la terre pendant quatre ou cinq jours; ils ont subi dans ces conditions une sorte de fermentation qui a influé à la fois sur leur couleur et sur leur saveur. Les semences de Cacao contiennent : 40 à 50 pour 100 de beurre de cacao, corps gras, solide à la température ordinaire, & NX — HE =) LE CACAOYER. de saveur douce et agréable, rancissant difficilement ; 10 à 18 pour 100 de matière amylacée (amidon); 1,9 à 2 pour 100 de théobromine, matière azotée analogue à la caféine et à la théine, etc., etc. On sait que les amandes de Cacao, mêlées à une certaine proportion de sucre, donnent les divers chocolats. Le Theobroma Cacao est originaire des côtes et des îles du golfe du Mexique. La plante sauvage donne des produits infi- niment moins estimés que ceux des variétés, qu'on cultive LE CACAOYER. 101 dans la plupart des contrées de l'Amérique tropicale. Les localités les plus connues comme production sont : Soconusco dans le Mexique et Esmeralda dans l’Équateur, dont les pro- duits, estimés comme supérieurs à tous les autres, n’arrivent plus chez nous; divers points du Guatémala, dans l'Amérique centrale; la Trinité et les Antilles; Guayaquil dans le Pérou, Surinam, dans les Guyanes; le Para, le Rio-Negro, Bahia dans le Brésil, etc. CHAPITRE XII k LE MELON ET LE CONCOMBRE Caractères. — Culture singulière des Melons et des Concombres dans l'Inde. La famille des Cucurbitacées, que nous représentons ici par le Melon et le Concombre, se compose d’herbes annuelles ou vivaces, ou de sous-arbrisseaux. Les tiges, cylindriques ou anguleuses, sont grimpantes; les feuilles, alternes, pétio- lées, palminerviées. Des vrilles naissent isolément au niveau des feuilles. Le calice est ordinairement campanulé et la co- rolle rotacée ou campanulée, de couleur blanche ou jaune. Le fruit est une baie charnue renfermant des graines nom- breuses. Voici quelques détails sur une manière de cultiver le Melon et le Concombre qui ne nous est pas familière : Les lacs de la vallée de Cachmire sont en général peu pro- fonds et remplis d’une végétation aquatique vigoureuse, con- sistant en Nymphéas, en Iris, en Roseaux de toute espèce. Comme les bateaux se trouvent obligés de les traverser fré- quemment, ils suivent certains passages qui sont comme des chemins frayés, où la navigation n’est pas interrompue par toutes ces herbes. Les intervalles sont mis à profit par les paysans du voisinage, qui ont imaginé d’y cultiver des melons et des concombres. Dans ce but, armés d’une faux, ils coupent les plantes aquatiques à 0",65 de profondeur, de manière _—_— LE MELON ET LE CONCOMBRE, 103 à leur enlever toute communication aävec le sol, et les re- foulent les unes sur les autres pour en former une sorte d’épais radeau flottant d'environ deux mètres de largeur sur une longueur indéterminée. Quand ces radeaux sont construits, ils coupent les sommités des plantes qui s’élèvent trop au-dessus LE MELON. de leur niveau, et répandent sur toute leur surface de la boue qu'ils puisent au fond du marais et qui, en s’insinuant entre les tiges et les feuilles entrelacées de toutes ces plantes, sert à les lier entre elles et à en former une nappe homogène qu’on solidifie encore en la couvrant d’un lit de conferves. Il s’agit ensuite de fixer ces îles artificielles ; les cultivateurs y réussis- ! 104 . PLANTES ALIMENTAIRES. sent en y enfonçant de distance en distance des pieux de saule, qui pénètrent assez profondément dans la terre pour que les vents ne puissent rien déranger : disposition qui permet cepen- dant à cette masse flottante de s'élever et de s’abaisser avec les eaux du lac. Avec de nouvelles herbes, ils forment sur toute la longueur des radeaux deux rangs de tas conoïdes hauts de 0",60, larges d’autant à la base, et creusés au sommet en une sorte de nid de poule qu’ils remplissent avec de la boue prise au fond du lac et à laquelle ils mêlent ordinairement des cen- dres de bois. C’est alors que commence la plantation. Le culti- vateur tient tout prêls de jeunes plants de Melons et de Concombres; il en met trois sur chaque tas et les abandonne ensuite à eux-mêmes. Les voyageurs anglais qui ont examiné ces radeaux, assurent n'avoir jamais vu en Europe de plantations de Melons et de Concombres aussi productives et aussi vigoureuses. La récolte se fait, comme la plantation, au moyen de barques avec les- quelles on circule autour des couches. Ces dernières sont en général assez fortes pour supporter le poids de l’homme chargé de cueillir les fruits. Du reste,ce mode de culture n’est point limité au Cachmire; on le retrouve en Chine. Dans ce pays, chaque cultivateur possède son radeau numéroté, qu’il amarre au rivage et qu’il lance au milieu des lacs ou des étangs après y avoir déposé ses jeunes plants de Melons ou de Pastèques, qu’il soigne et qu’il recueille en retirant sur le rivage les petits îlots flottants qui les portent. TU CHAPITRE XIII LES CHAMPIGNONS Innombrables formes de Champignons. — Leur structure. — Leur saveur. — Leur odeur. — Champignons phosphorescents. — Champignons vénéneux. — Le muguet des malades. — Champignons comestibles. — La Truffe, sa cullure et sa récolte. — Goût des anciens pour les Champignons. — L’amadou. « On peut dire que le nombre des champignons est égal, s’il n’est supérieur, à celui de toutesles plantes phanérogames, puisqu'il est constant que la plupart de celles-ci nourrissent plusieurs espèces. « En France seulement, on compte plus de six cents espèces d’Agarics, plus de deux cents espèces de Pezizes et au moins trois cents espèces de Sphéries ; et cependant il est certain que toutes les espèces appartenant à ces divers genres ne sont pas connues ; beaucoup d’entre elles n’ont été jusqu’à présent ni figurées ni décrites par les auteurs‘. » Tout le monde a vu des Champignons : ce sont des plantes terrestres ou parasites, d’une consistance charnue, gélatineuse, coriace ou tubéreuse, qui portent, sur l’une de leurs faces ou à l’intérieur, des corpuscules infiniment petits auxquels les botanistes ont donné le nom de spores ou sémi- nules, les regardant avec raison comme les organes reproduc- teurs. 1. M. Cordier. 106 PLANTES ALIMENTAIRES. Ils n’ont jamais ni feuilles ni fleurs. Les différentes parties qu’on y rencontre sont le mycélium, le volra, le collet, le pédi- cule, le chapeau, V'hyménium et les spores déjà nommées. Le mycélium ou blanc de champignon se compose de fibres ou filaments presque toujours entrelacés, qui donnent naissance aux jeunes Champignons, et au moyen desquels ils adhèrent à la terre ou aux corps sur lesquels ils végètent. Le volva est une membrane de couleur blanche qui, dans plusieurs Agarics, enveloppe entièrement le jeune Champignon. Celui-ci la déchire en se développant. Le pédicule est la partie du Champignon qui soutient le chapeau. Le plus souvent cylindrique dans toute sa longueur, il s’insère tantôt à la partie centrale du chapeau, ce qui est le cas le plus fréquent, tantôt sur un point excentrique ou tout à fait latéral. Le collet est formé par une membrane particulière qui, dans le jeune âge de beaucoup d’Agarics et d’un petit nombre de Bolets, part de la base du pédicule, enveloppe celai-ci jus- qu'à une certaine hauteur, d’où elle s'étend à toute la cir- conférence du chapeau, duquel elle se sépare ensuite pour rester attachée, comme un bourrelet annulaire, à la partie supérieure du pédicule. Le chapeau ou réceptacle porte l’hyménium, membrane sur laquelle naissent les spores. Il est la partie la plus élevée et la plus apparente du Champignon. Les plus riches couleurs se rencontrent sur les Champi- gnons : le jaune, l'orangé, le rouge, le pourpre, le lilas, le brun, le fauve, le châtain, le bistre, le blanc. Le vert et le bleu sont les couleurs qu’on y voit le moins souvent. La saveur des Champignons est, on le pense bien, chose très variable. Quelques-uns sont insipides; beaucoup sont délicieux; d’antres sont âcres, caustiques, amers, astringents, nauséeux. LES CHAMPIGNONS. 107 Plusieurs exhalent un parfum des plus agréables ; ilen est qui repoussent par leur fétidité. L’Agaric odorant sent à la fois le musc et l’œillet; l’Agaric imbriqué, la gentiane; l'A. marasmius alliacus, l'ail ; l'Agaric soufré, les cadavres en décomposition; l’Agaric aqueux, la punaise, etc., etc. Certains Champignons sont phosphorescents. Les feux follets RS Xe RÉ Re D D UN RC L'AGARIC COMESTIBLE. aperçus, la nuit, dans les marécages et les vieux bois humides ne sont peut-être que cette phosphorescence de Champignons à l’état de décomposition. Il est fort difficile de distinguer les Champignons vénéneux de ceux qui ne le sont pas. Les gens prudents ne mangent que ceux qui se vendent sur les marchés, et font bien. On n’a pas, en effet, trouvé jusqu'ici de caractères généraux permettant à 108 PLANTES ALIMENTAIRES. un amateur de récolter en toute sûreté pour sa table ces plantes si abondamment répandues dans toutes les régions du olobe. On rencontre à la fois, très souvent, dans les mêmes sous-genres, des espèces comestibles et des espèces empoi- sonnées, tellement ressemblantes entre elles, qu’on ne peut bien les distinguer à moins d’être un véritable botaniste, et un botaniste ayant spécialement étudié les cryptogames. Parmi les espèces les plus toxiques, citons : L’Agaricus mappa, dont un seul pied suffit pour tuer; L'Agaricus ruber, l'Agaricus emelicus, l'Agaricus sangui- neus, dont la saveur est extrêmement âcre, et qui impriment à la langue, lorsqu'on les mâche, une sensation brûlante. Les spores mêmes de quelques espèces sont malfaisantes. Telles sont celles de l’Agaricus vellereus. Le Bolet Satan est des plus dangereux; de même le Bolet pernicieur. Le Clathre treillagé est tellement hideux, tellement fétide, il donne si bien la sensation de chair crue lorsqu’on le touche, que les paysans des Landes le recouvrent de feuilles ou de mousse lorsqu'ils le rencontrent dans les bois, et lui attribuent la propriété de donner le cancer et la gale. Les Lycoperdons, alimentaires dans leur premier âge, deviennent nuisibles en vieillissant. Les Moisissures sont des Champignons, très souvent véné- neux. Le pain moisi ne peut être mangé sans danger. Le muguet, une triste maladie qui couvre de plaques blanches la bouche, la langue, le pharynx des enfants en bas âge, et qui s'attaque aussi, mais plus rarement, aux vieillards très affaiblis, le muguet est causé par un Champignon : l'Oidium albicans. Les différentes teignes sont produites par des Champignons. Les Champignons comestibles mal netioyés ou cueillis depuis plusieurs jours peuvent causer de graves inconvénients. Mais les Champignons vraiment bons nous dédommagent LES CHAMPIGNONS. 109 amplement de leur hideuse parenté, et quelques-uns jouissent d’une admirable réputation culinaire, bien méritée. A tout seigneur, tout honneur : le roi ou la reine des cryp- togames est certainement la Truffe; c’est elle qui doit commen- cer l’énumération des Champignons comestibles. La meilleure espèce est la Truffe noire (Tuber cibarium) ou Truffe d'hiver, Elle se trouve à la profondeur de 8 à 10 centimètres et plus, dans les terrains légers et sablonneux, surtout dans les bois de” Chènes et de Châtaigniers des départements du sud et de l’est de la France. Inutile de la décrire; si tout le monde ne l’a pas mangée, tout le monde du moins l’a vue. Elle n’a contre elle que son prix, qui est très élevé. Peut-être aussi ce prix en fait-il le plus grand mérite. Elle conserve fort bien (l'hiver aidant) pendant plusieurs jours la volaille qu’elle bourre. Mais on la remplace générale- ment, dans les demi-fortunes, par des marrons : les {truffes du pauvre, comme a dit un dédaigneux. Bien au-dessous de la Truffe noire (culinairement parlant) viennent : la Truffe d'élé ou Truffe de la Saint-Jean, qui viten été et en automne dansles forêts de la France centrale et méri- dionale ; la Truffe mmagnate ou Truffe grise (très chère), qui croît à l’ombre des saules, des peupliers et surtout des chênes; la Truffe à spores noires, ou Trulfe violette du Périgord, et enfin la Truffe mésentérique (nom peu agréable), qu’on trouve dans les environs de Paris en automne et en hiver et qui est moins recherchée. Les Trulffes noires ne végètent qu'au milieu du chevelu des racines des arbres, et en particulier du chevelu de trois espèces de Chènes : le Chène rouvre, Quercus robur (Lin.), le Chène veuse (. ileæ. (Lin.), et le Chêne kermès, Q. coccifera, (Lin.). Elles acquièrent sous ces arbres un parfum qui leur manque lorsqu'elles viennent entre les racines du Charme, du Hêtre, du Châtaignier, etc., au pied desquels on les rencontre quelquefois. 110 PLANTES ALIMENTAIRES, Le meilleur moment de l’année pour la plantation des Truffes est le printemps et le commencement de l’automne. Les Truffes destinées àensemencer la truffière doivent être extraites par un jour pluvieux ou humide, enveloppées de la terre qui les entoure et les garantit du contact de l'air. On les place dans des caisses isolées les unes des autres par de la terre humide, et ainsi emballées elles sont expédiées sur le lieu de la truffière, où il est bon qu’elles arrivent le soir. On humecte le sol, si cela est nécessaire, et l’on plante les truffes le plus promptement possible, à cinq, dix ét quelquefois vingt centi- mètres de profondeur; puis on les recouvre de la terre envi- ronnante. Ainsi enterrées, il n’est pas facile de suivre la façon dont elles se reproduisent; aussi botanistes et cultivateurs sont-ils réduits là-dessus à des hypothèses. Une explication qui paraît très vraisemblable est celle-ci : Lorsque lessporesde ce cryptogame, appelées truffinelles par Turpin, entrent en germination après la destruction de la truffe mère, leur mycélilum ayant besoin, pour s’accroitre et nourrir la jeune plante, de puiser dans l’organisation d'un être vivantce qu’il faut à sa nutrilion, leur mycélium s’attache au chevelu des racines du Chêne et d’autres arbres qui lui fournissent les premiers éléments de l'assimilation. Plus tard, le tubercule se détache des racines aux dépens desquelles il a vécu quelque temps,et trouvant dans le sol les principes né- cessaires à la continuation de son existence, il croît, se déve- loppe, le plus souvent isolé, et ne gardant aucune trace de son adhérence aux spongioles de la racine de l'arbre. Tout le monde a entendu parler de la manière dont se récol- tent les Truffes. Le terrain qui les recèle présente des gerçures et quelquefois de petites éminences à sa surface. Lorsqu'on le frappe, 1l rend un bruit sourd ; cet indice trompe rarement. Un indice plus certain encore, c’est l’odeur particulière qu’exhalent les Truffes et qui se fait sentir à quelque distance : odeur qui n’est pas 64 LES CHAMPIGNONS. 111 toujours appréciable pour l’homme, mais qui l’est extrème- ment pour les cochons, grands amateurs de cet assaisonnement de leur galantine. On emploie donc les pauvres cochons à la récolte des Trulïes. On les conduit dans les terrains où l’on sait en trouver, et aussitôt qu'on les voit se mettre à fouir, on accourt, on les éloigne, et avec une petite bèche on soustrait la Truffe à leur convoitise. Pour ne pas les décourager, on leur donne un gland, une chätaigne ou une pomme de terre. Ils sentent la Truffe à une distance de trente à cinquante centimètres ; ils la devinent même à un mètre de profondeur. Mais les cochons sont des animaux rusés, courageux et pas serviles du tout. Il leur arrive souvent de dévorer prestement les précieux tubercules, et même de lutter pour les conserver, quand ils n’ont pas eu le temps de les achever. Aussi dresse- t-on quelquefois des chiens à la récolte, et les chiens se montrent dociles serviteurs. Les Truffes ne venant pas toutes à la même époque, on en fait plusieurs récoltes. La première a lieu en août, la seconde en octobre, la dernière en décembre et janvier. Quelques Champignons peuvent se manger crus et sans au- cun apprêt : tels sont le Champignon de couche et ses variétés, lAgaric élevé, l’Agaric vellereus, l’Agaric virginal, le-Bolet comestible, etc. « En Lorraine, dit M. Cordier, les enfants ne mangent jamais lAgaric vellereus, qu’ils appellent Vian, autrement que cru. Pour moi, je l’ai toujours mangé ainsi au milieu des bois, au moment où je venais de le cueillir, et constamment je lui ai trouvé un goût excellent. Je suis persuadé que ce Champignon ne peut que perdre par la préparation culinaire. « Le véritable moven de prévenir tout méprise des Champi- gnons, el par conséquent tout accident fâcheux, serait sans aucun doute de les manger tels que la nature nous les pré- sente. En effet, les espèces insalubres ayant presque toujours 112 PLANTES ALIMENTAIRES. dans leur état naturel un goût désagréable et souvent une odeur repoussante qui nous avertissent de nous en défier, ces espèces rebuteraient bientôt, si l’on voulait les manger crues. Cest l’art seul des cuisiniers qui cause les empoisonnements; cependant, comme cet art sert à multiplier et à varier nos jouissances, on y aura touJours recours. » C’est probable. Les plus recherchés des Champignons sont : l’Oronge vraie, l’'Agaric rougeûtre, l’Agaric: ovoide, le Mousseron de prin- temps, le Mousseron d'automne, l’Oreille de chardon, le Cham- pignon de couche, l’Agaric virescent, l’Agaric cyanoxanthe, les Bolets comestibles, scabre, orangé et bronzé. Certaines espèces manquent de parfum ou sont d’une nature trop ferme pour être jamais un aliment délicat; mais on les emploie à la campagne : telles sont les Clavaires, les Pezizes, l’Agaric piedfu, la Chanterelle. L'emploi des Champignons dans la cuisine est fort ancien. Les Romains raflolaient de ces cryptogames, principalement de la Truffe et de notre Oronge vraie. Les grands (gourmands) les apprêtalent eux-mêmes dans des vases d'argent, comme chose précieuse, les coupaient et les servaient avec des instru- ments faits d’un alliage d’or et d'argent qu’ils appelaient élec- trum. Le pape Clément VIT avait, dit Bruyerin, le médecin de François l°*, une telle passion pour les Champignons qui vien- nent au printemps, les Mousserons et les Morilles sans doute, que tous les jours 1l s’en faisait servir des plats entiers. Il avait rendu un édit qui défendait à tous les sujets de l’État romain d'en cueillir, dans la crainte d'en voir manquer l’espèce. Il mangeait aussi des Melons immodérément. Ces nobles passions lui coûtèrent la vie, paraît-il. Les Champignons ont été beaucoup employés dans l’ancienne médecine. Aujourd’hui on ne se sert guère que dela substance qu’on relire de plusieurs Polypores et qui, sous le nom d’ama- LES CHAMPIGNONS. 113 dou, est usitée surtout dans le pansement des plaies pour arrè- ter les hémorrhagies des petits vaisseaux. On l’emploie aussi, comme la flanelle et mieux que la flanelle, pour conserver sur le corps une chaleur permanente. On fait même des vêtements d’amadou. MONDE VÉGÉTAL. 8 PLANTES INDUSTRIELLES Ya era 10 à Pari Ass T ï 7 dE Ja a À L . P *t L AUS NT 114 NeNTTF. SOURpT ES he + É , it j ! DDC Cu EU" 17 Er COURS TPE UNS 001) UD noi) CHAPITRE PREMIER LES ARBRES DES FORÊTS Utilité des forêts. — Taillis et futaies. — Forêt sauvage du Thuringerwald. — Les forêts tropicales. — Intérêt du boisement des montagnes et des dunes. — Le Chène; âge qu’il peut atteindre; emploi de son bois; la noix de galle. — Le Hêtre et la faine. — Le Chätaignier; dimensions qu'il peut acquérir. — Le Charme. — Le Noisetier. — Le Bouleau et l’Aulne.— Le Frêne, le Tilleul et le Peuplier. — Les conifères, Pin, Sapin, Mélèze, Cèdre; la térébenthine, le succin. — Le Séquoïa. — Les Cycadées. — L'Eucalyptus. Ce chapitre est fort compliqué, car nous aurons à y passer en revue bien des espèces de différentes familles. Il est très important : nos forêts nous donnent à peu près tous nos bois de chauffage et de construction. Enfin il prêterait beaucoup aux développements pittoresques, les grandes agglomérations d'arbres produisant dans la nature de merveilleux effets. Néanmoins ce dernier point de vue sera sacrifié, et nous nous occuperons surtout de l’utilité des forêts et des princi- pales essences employées par l’industrie. Les arbres sont répandus à peu près sur toute la surface du globe, sauf dans les régions polaires, marquées par une limite qui se trouve en Scandinavie entre le 70°et le 71° degré de la- titude, en Amérique entre le 68° et le 69° degré. Certaines surfaces boisées des paysinhabités n’ont pas moins de plusieurs centaines de mille kilomètres carrés. Autrefois, quand l’homme n’avait encore conquis qu’une minime portion du sol, les forêts étendaient dans tous les climats favorables 118 PLANTES INDUSTRIELLES. leurs sombres profondeurs. La Gaule était couverte d’arbres, de l'Océan à la Méditerranée, et les campagnes cultivées n'y fai- saient que de simples clairières. En Germanie, la grande forêt Hercynienne avait, d’après le témoignage des auteurs romains, une longueur de soixante jours de marche. Maintenant il n’en reste que des fragments épars sur les flancs des montagnes. La Scandinavie, la Transylvanie, la Pologne, la Russie, offrent en- core de très vastes étendues boisées, évaluées dans quelques districts aux neuf dixièmes de la surface. ' Les forêts que l’homme exploite offrent des taillis, des hauts- taillis et des futaies. Le taillis ne comprend jamais de grands arbres; il est homogène ou bien mélangé, et il sert, suivant les espèces dont il est composé, à la production de fagots ou de perches ; il donneen outre, lorsqu'il consiste en chênaie (tail- lis de Chêne), de l'écorce pour la tannerie. On lexploite après une période qui varie entre dix et vingt ans. Le haut-taillis consiste généralement en essences de diverses espèces. On abat successivement les troncs les plus forts à me- sure qu’ils donnent trop d'ombre, et on laisse croître les pieds les plus jeunes. Le haut-taillis produit ordinairement des bois légers. On y cultive à peu près les mêmes espèces que celles qui grandissent dans Îles taillis. L’herboriste est presque tou- jours assuré de faire une riche récolte dans les hauts-taillis : des fraises, des mûres, des myrtilles, ainsi que des fleurs de toute espèce, croissent entre les arbres, et le sol est, en outre, couvert d’un épais tapis d'herbes et de mousses. La futaie, qui est la forêt proprement dite, se compose d’ar- bres à haute tige. Une futaie claire tient d’assez près au haut- taillis. Les grands arbres y sont à une certaine distance les uns des autres, de sorte que quelques sous-bois parviennent ordinai- rement à pousser dans lesintervalles; mais, lorsque la forêt est serrée, tous les arbres ont à peu près les mêmes dimensions : les tiges plus faibles périssent, étiolées par le manque de lu- mière. Dans les futaies les plus compactes, il n’y a même pas FORÈT VIERGE. 120 PLANTES INDUSTRIELLES. de broussailles ni de végétaux herbacés.Chose singulière : les arbres s’entraînent pour ainsi dire les uns les autres pendant leur allongement dans les plantations serrées. Le Charme, qui dans les emplacements libres se laisse dépasser par le Hêtre, s'élève à la même hauteur que lui s'ils sont serrés l’un contre l’autre. L'époque de l'exploitation des futaies varie entre quatre-vingts et cent cinquante ans. En Europe, les forêts qui ne reçoivent pas les soins de l’homme n’existent pour ainsi dire pas, et il n’y a que des coins perdus qui puissent encore donner au touriste une idée de la végétation sauvage des arbres. Telle est la partie de la forêt qui se trouve, en Allemagne, au sommet du Wurzelberg, dans le Thuringerwald. Il subsiste encore là une centaine de vieux Sa- pins primiufs, qui dominent toute la forêt et qui s'élèvent iso- lément en quelques groupes épars. « Leur tronc est dégarni de branches jusqu’à une hauteur de dix-huit à trente mètres ; trois hommes peuvent à peine les embrasser à la base; leur cime s'étale en forme de dôme comme les ailes d’un oiseau gi- gantesque ; leur écorce blanche et lacérée est presque partout respectée par les mousses et les lichens, alors qu’aux branches des Épicéas voisins, qui semblent être des nains au milieu de ces géants, se suspendent de longs festons de lichens qui des- cendent à plus d’un pied. Deux vieux Sapins, situés à l’ouest de la montagne, sont un exemple manifeste du préjudice que l'ombre exerce sur la ramification; en effet, du côté où les branches de ces deux arbres se touchent, les troncs sont dé- garnis jusqu'à une hauteur considérable, tandis que sur les faces libres l’un et l’autre sont ramifiés beaucoup plus bas et aussi fortement. L'un de ces arbres a formé de nouveaux ra- meaux, au moyen de bourgeons adventfs, à une hauteur de treize mètres environ. « Sur le sol, qui est recouvert d’une excellente couche de terreau de bois, le Fraisier sauvage croit avec une vigueur extraordinaire et donne d’excellents fruits; les mûres et les LES ARBRES DES FORÊTS. 121 myrtilles garnissent aussi le terrain; çà et là on aperçoit des monticules de mousses qui recouvrent les vieilles souches des arbres abattus pendant les siècles passés: de longues colonnes d’une épaisseur de deux à trois mètres el couvertes de mousses proviennent de vieux troncs morts, qui tombent de décrépitude et qui souvent sont tellement friables, que d’un coup de pied on en fait un monceau de ruines. Ces débris d'anciens arbres gi- gantesques nous ont été légués par une époque où le bois était à peu près sans valeur et où l’administration des forêts n’exis- tait pas. Souvent ils sont couverts de jeunes plants d'Épicéas, essence qui germe très volontiers sur les vieilles souches de Sapin et sur les branches tombées. Dans ces circonstances, il se produit parfois un singulier phénomène : la souche qui sert de support à un Épicéa et qui le nourrit en se décomposant, s’abime après quelques années sous son épiphyte, dont les racines se trouvent dèslors à nu, et qui semble reposer sur une fondation de racines columnaires qui le fait ressembler aux Pandanus des rivages équatoriaux. | FEREZ Ces vieux Sapins augmentent encore en épaisseur et ils cicatrisent les blessures que leur écorce peut subir; la plu- part sont en parfaite santé, et 1l n’en est qu’un petit nombre dont le sommet soit desséché... On ménage aujourd’hui la vie de ces vieux arbres avec une grande piété, et l’on a compris de quel intérêt ils sont pour l'Allemagne, où nulle part on n’en pourrait trouver de semblables pour l’âge, la hauteur et l'étendue‘. » L'âge des Sapins du Wurzelberg varie de trois cent cin- quante à sept cents ans. C’est dans les forêts tropicales que la nature sauvage laisse déborder son étonnante fécondité. En dépit des grands arbres dont les cimes forment une voûte serrée, les taillis et les lianes se pressent et s’enchevêtrent. C’est à l’extrême puissance de la 4. Les Arbres, par le Dr H. Schacht, traduction d'Édouard Marren. 122 PLANTES INDUSTRIELLES. lumière tropicale, dont les rayons tombent verticalement et par- viennent malgré les hauts feuillages à répandre dans le sous- bois leur lumière diffuse, qu’il faut sans doute attribuer cette exubérance de végétation. Alexandre de Humboldt, dans ses Tableaux de la nature, nous a donné une admirable description de lPinextricable confusion qui s'établit entre les branches des arbres les plus élevés, près des sources de l’Orénoque, où la végétation est tellement impénétrable, que le jaguar lui-même, ne sachant où poser ses grifles sur le sol, vit dans les arbres, au grand effroi des singes. M. Paul Marcoy a dépeint de main de maître les impressions de l’homme intrépide qui a osé pénétrer dans une forêt vierge. Q Un crépuscule verdâtre lui montrera tous les objets éclai- rés d’une teinte uniforme. Au lieu des profondeurs ombreuses qu'il s'attendait à voir et des larges sentiers qu’il parcourait en idée, un inextricable fouillis de feuilles et de branchages, féroce- ment armés de dards, d’épines et de griffes, arrêtera sa marche à chaque pas. Alourdi par les exhalaisons du sol et le suinte- ment perpétuel de tout ce qui végète, l'air, dense, humide, chaud, énervant, saturé d’odeurs fétides et de parfums violents, réagira sur sa fibre et sur son cerveau. Les êtres et les choses, grossis par une optique singulière, lui apparaîtront avec je ne sais quoi de mystérieux et d’effrayant dans la ligne et dans le contour. Le tronc gisant, à demi recouvert par la végétation, lui fera l'effet d’un jaguar énorme accroupi dans l'ombre; dans a liane du Strychnos il croira voir un python guettant une proie, et dans les sarmenteuses autant de couleuvres suspen- dues aux branches des arbres. Qu’un souffle de vent vienne à balancer ces formes végétales et à leur donner une apparence de vie, et l'arbre, la liane, la sarmenteuse lui sembleront prêts à rugir, à mordre, à s’élancer sur lui. Au milieu d’un silence profond, son oreille percevra tout à coup des rumeurs étranges dont il ne pourra s’expliquer la cause : des grondements sourds, ESS — OR À ga 124 PLANTES INDUSTRIELLES. des frappements bizarres, des grincements, des crépitations retentiront dans les fourrés; des soupirs faibles, de vagues plaintes, des gémissements étouffés, qu'il sera tenté d’attribuer à des voix humaines, le rempliront d’une vague terreur. Par moments, le détritus amoncelé sous ses pas lui semblera se mouvoir et les buissons s’écarter pour livrer passage à des êtres difformes; ou bien il croira entendre marcher dans les taillis et se retournera effaré au bruit que font les branchages fatigués en se déplaçant d'eux-mêmes. » Dans nos pays, les forêts n’ont rien d’effrayant et leur exis- tence ne peut qu'être salutaire. Elles modèrent latempérature, conservent l'humidité de Pair, attirent les pluies, écartent la grêle, maintiennent les terres, font infiltrer les eaux de pluie dans le sol, alimentent les sources et les rivières et préservent des inondations. Leurs racines, feuilles, branches mortes et débris divers améliorent le terrain. L'intérêt public commande surtout la conservation des forêts des montagnes. Les déboisements inconsidérés qui ont été faits depuis le commencement du siècle sur les versants de beaucoup de montagnes, principalement sur les Alpes, ont privé les terres de la protection qui les avait garanties Jusqu’alors et ont amené leur éboulement progressif dans les vallées. Il arrive fréquemment, dans les pays accidentés, que des ter- rains et même des mamelons entiers, reposant sur des couches d'argile inclinées, glissent dessus lorsque des pluies abon- dantes les délayent : il en résulte alors des éboulements très dangereux. Les plantations effectuées sur les dunes du littoral ont arrêté l’envahissement des sables de l'Océan, qui s’avançaient dans l'intérieur desterres avec la vitesse de 25 mètres par année, du temps de Brémontier, en recouvrant des villages entiers. Le Chêne est peut-être l’arbre de nos contrées qui sert le plus aux arts et à l’industrie. Il fait partie, ainsi que le Châtaignier LES ARBRES DES FORÊTS. 125 et le Hètre, de la famille des Cupulifères. Ce sont des arbres à feuilles alternes, simples, penninerviées. Le Chêne des parties septentrionales et moyennes de l’Eu- rope est le Quercus robur. L'arbre fleurit aussitôt que les feuilles paraissent : c’est à l’aisselle des feuilles nouvelles que se montrent les fleurs; elles sont mâles ou femelles; les pre- mières, très nombreuses, sont réunies par petits paquets le long d’un axe allongé et filiforme que le vent balance. A la même époque les fleurs femelles naissent au-dessus des fleurs mâles, et sont fertilisées par la poussière staminale qui s'attache aux surfaces glutineuses de leurs stigmates en massue. Le gland est le fruit du Chêne. Il tombe avant les feuilles. Le Chêne vit très longtemps ; on prétend qu’il peut avoir une durée de huit à neuf siècles, et même davantage. Aux en- virons d’Yvetot, on voit encore l'arbre à l'ombre duquel Guil- laume le Conquérant et ses compagnons s’arrêtèrent, lorsqu'ils se dirigeaient vers l'Angleterre. La grande excavation de son tronc vénérable a reçu un autel où l’on dit la messe ; au-dessus est une chambre contenant un lit. La forêt de Fontainebleau a également des Chênes célë- bres : tels sont le Pharamond, dans la Tillaie; le Charle- magne, le Bouquet du roi, le Briarée, dans le Bas-Bréau ; le Superbe, dans le Gros-Fouteau; le Jupiter de la Vente des Charmes. Pour donner une idée frappante dela masse des vieuxChênes, nous ne pouvons mieux faire que de citer ce qu'un auteur an- glais dit de deux Chênes qui croissaient dans une partie du comté de Monmouth, où les arbres de cette essence étaient si abondants, que pendant longtemps on les avait désignés sous le nom de mauvaises herbes du sol. Le premier de ces géants, nommé Bryngwyn-Oak, ou Chêne de la Colline blanche, abattu en 1791, fut payé 1060 francs, ce qui représente de nos jours plus du double de la somme. Il 126 PLANTES INDUSTRIELLES, donna environ 4000 kilogrammes de tan et 146 stères de bois de chauffage; on en retira 628 pièces de bois de tonnellerie ; enfin il fournit 34 stères de bois de construction navale. Cette quantité, déjà considérable, est bien inférieure en ren- dement au Chêne de Golynos, près de Newport. Cet arbre fut acheté en 1810 par l’Amirauté et payé 2650 francs. Il donna 70 stères de bois de construction, en pièces de grandes dimen- sions pour navires de cinquante à cent canons. L’ébranchage et l’abatage durèrent vingt jours et employèrent cinq hommes; le sciage occupa deux hommes pendant cent trente-huit jours. Les seules dépenses d'exploitation s’élevèrent à 2070 francs. Le diamètre de l’arbre était de 22,85, et il couvrait une su- perficie de 4 ares. On a calculé que ce chêne devait peser 294000 kilogrammes; et en admettant qu’il ait crû pendant quatre cents ans, c'était une masse de 735 kilogrammes qu'il gagnait par année. Le bois de Chêne est surtout précieux pour les constructions navales. Pour un grand vaisseau, on peut sans exagération porter à12000 stêres de chêne sur pied la masse de bois qui entrera dans cet édifice flottant : ce qui représente à peu près la pro- duction d’une futaie de 2400 hectares. Disons tout de suite que les autres bois admis concurremment avec le Chêne, mais dans une faible proportion, sont le Hêtre, le Frêne, le Sapin, pour avirons ; l’Orme pour pompes, poulies, etc. ; le Peuplier pour sculptures ; le Pin et le Sapin pour mâtures ; le Noyer et l’Acajou pour meubles, étagères, etc. On sait quels beaux meubies et quels magnifiques lambris le Chêne fournit à nos demeures. L’écorce des espèces euro- péennes, séchée et réduite en poudre sous le nom de {an, sert à la préparation des peaux. Le Quercus coccifera est un arbrisseau de la région mé- diterranéenne ; c’est sur lui que vit le kermès, insecte hémi- ptère du genre des cocheniiles, que l’on récolte pour tein- dre la soie et la laine en rouge cramoisi. Le Q. suber croit LES ARBRES DES FORÊTS. 127 dans les parties méridionales de la France et de l’Europe. La partie extérieure et spongieuse de son écorce fournit le liège. Le Quercitron (Q. tincloria) est une grande espèce qui croit dans les forêts de la Pensylvanie, et dont l'écorce est l’objet d’un commerce important, à cause de la richesse du principe colorant jaune qu’elle possède. Diverses espèces de Chênes, et principalement le Vélani (Q. ægilops), donnent le produit connu sous le nom de noix de galle ; un insecte hyménoptère pique le pétiole de leurs feuilles pour y déposer ses œufs; les sucs végétaux s’extravasent à l’endroit piqué et y forment une excroissance contenant de l’acide gallique et du tannin. Notre encre à écrire s’obtient au moyen d’une infusion aqueuse de noix de galle dans laquelle on fait dissoudre un sel de fer. Le Hètre (Fagus sylvalica) atteint de grandes dimensions; il peut s'élever jusqu’à quarante mètres. C’est un des plus beaux arbres de nos forêts. Ses feuilles sont alternes, pétiolées, ovales, dentées ou sinuées et d’un beau vert. Ainsi que dans le Chêne, les fleurs paraissent en même temps que les feuilles. Les fleurs mâles sont disposées en chatons globuleux; les fleurs femelles enveloppées, à deux ou trois, dans un involucre commun à deux lobes, recouvert à l'extérieur d’une foule de filaments. Les fruits du Hêtre, de forme anguleuse, portent le nom de faines. On retire de l'huile des graines. Le Châtaignier (Castanea vesca), estimé pour son bois très solide, doit surtout sa renommée à ses graines farineuses, qui l'hiver forment une grande part de l’alimentation de plusieurs de nos départements du centre. La châtaigne, améliorée par la culture, a donné le marron. Les feuilles du Châtaignier sont grandes, pétiolées, oblongues, lancéolées, fortement dentées, coriaces, glabres, luisantes et accompagnées de deux stipules caduques. Les fleurs sont unisexuées et ne paraissent qu'après les feuilles. 128 PLANTES INDUSTRIELLES. Le Châtaignier, doué d’une grande longévité, peut devenir d’une énorme circonférence. Au mont Etna, le célèbre Châtaignier des Cent-Chevaux a 92 mètres de circonférence. Voici ce qu’en dit un voyageur : « Nous partimes d’Aci-Reale pour aller voir le Châtaignier qu'on appelle des Cent-Chevaux... Nous passämes par Sant- Alfo et Piraino, où les arbres sont communs et où l’on trouve de superbes futaies de Châtaigniers. Ils viennent très bien dans celte partie de l’Etna, et on les y cultive avec soin; on en fa- brique des cercles de tonneaux, dont on fait un service assez considérable. La nuit n’étant pas encore venue, nous allâmes voir d’abord le fameux Châtaignier objet de notre voyage. Sa grosseur est si fort au-dessus de celle des autres arbres, qu’on ne peut exprimer la sensation qu’on éprouve en le voyant. Après l'avoir bien examiné, je commençai à le dessiner... Je conti- nuai le lendemain à la même heure, et je le finis totalement d’après nature, selon ma coutume. La représentation que j'en donne est un portrait fidèle. J’en ai fait le plan, afin de démon- trer la possibilité qu’un arbre ait 160 pieds de circonférence. Je me fis raconter l’histoire de cet arbre par les savants du hameau. « Cet arbre s'appelle Châtaignier des Gent-Chevaux à cause de la vaste étendue de son ombrage. Ils me dirent que Jeanne d’A- ragon, allant d'Espagne à Naples, s'arrêta en Sicile et vint vi- siter l’Etna, accompagnée de toute la noblesse de Catane; elle était à cheval, ainsi que toute sa suite. Un orage survint; elle se mit sous cet arbre, dont le vaste feuillage suflit pour mettre à couvert de la pluie cette reine et tous ses cavaliers. C’est de cette mémorable aventure, ajoutent-ils, que larbre a pris le nom de Châtaignier des Cent-Chevaux ; mais les savants, qui ne sont point de ce hameau, prétendent que Jamais aucune Jeanne d'Aragon n’a visité l’Etna, et ils sont persuadés que cette his- toire n’est qu’une fable populaire. MONDE VÉGÉTAL. = SRE ETES SE Ep 111} -CHEVAUX. GENT CHATAIÏIGNIER DES LE ( 130 PLANTES INDUSTRIELLES. « Cet arbre sivanté et d’un diamètre si considérable est en- titrement creux, car le Châtaignier est comme le saule : il sub- siste par son écorce; 1l perd en vieillissant ses parlies inté- rieures, et ne s’en couronne pas moins de verdure. La cavité de celui-c1 étant immense, des gens du pays y ont construit une maison où est un four pour sécher des châtaignes, des noisettes, des amandes et autres fruits que l’on veut conserver. Souvent, quand ils ont besoin de bois, ils prennent une hache et ils en coupent à l'arbre même qui entoure leur maison ; aussi ce Chà- taignier est dans un grand état de destruction. » Le Charme (Carpinus betulus) appartient à la famille des Corylacées, voisine des Cupulifères, et qui ne s’en distingue que par la structure de ses fleurs mâles, Le Charme est remarquable par son feuillage élégant. On en fait des palissades qu’on appelle des charmilles. Son bois, blane, très fin, très serré, acquiertune grande dureté par la dessicca- tion. On l’emploie pour les ouvrages de charronnage, pour des roues de moulin, des vis de pressoir, des manches d'outils. C’est de plus un très bon bois de chauffage. Le Coudrier ou Noisetier (Corylus avellana) est un arbris- seau dont la graine bien connue — c’est la noisette — est agréable au goût et fournit une huile douce. Ces deux essences habitent l’Europe et le nord de l’Asie. Une autre famille qui a de grandes affinilés avec les précé- dentes, c’est celle des Bétulinées, qui nous donne le Bouleau (Betula) et l'Aulne (A !nus). Elle est répandue dans les parties froides et dans les parties tempérées de l'hémisphère nord. Les Bouleaux forment des bois ou de vastes forêts dans l’Europe, Asie et l'Amérique méridionale. On en voit, même à l’état d’arbustes, des espèces rabougries dans les régions polaires et à la limite des neiges éternelles. Le Bouleau blanc est l'arbre qui s’avance le plus près du pôle. C'est une espèce fort utile, bien qu’on ne l'emploie pas pour les constructions ; 1! fait un excellent combustible, et son charbon est recherché pour les F | + Tv. LES ARBRES DES FORÊTS. 131 forges. De ses rameaux on fabrique des balais ; et son écorce imperméable à l’eau est utilisée dans le Nord à la fabrication de divers ustensiles, de chaussures, de cordes et même de canots. La partie cellulaire de cette écorce renferme une fécule que mangent les Samoyèdes. Les charrons et les menuisiers estiment le bois à cause de sa ténacité. L’Aulne est un arbre presque aquatique, dont les troncs font d'excellents pilotis. C’est le charbon d’Aulne qui est le plus em- ployé dans la fabrication de la poudre à canon. Nous ne pouvons, parmi ces beaux arbres, que nommer le Frêne (Fraxinus excelsior), qui est de la mème famille que Olivier et qui peut atteindre 90 mètres de hauteur et 8 mè- tres de circonférence; les Tilleuls (Tilia platyphylla et T. syl- vestris), qu'on trouve dans les bois des environs de Paris et dans les bois de plaine ; lePeuplier-tremble (Populus tremula), de la famille des Salicinées ; l'Orme commun ou Orme champêtre (Ulmus campestris), qui donne son nom aux Ulmacées, croit dans les bois de montagne et donne le meilleur bois de chauffage. Il nous faut en passer bien d’autres sous-silence, mais nous ne pouvons faire autrement que d'accorder une mention toute spéciale à la pittoresque et vaste famille des Conifères. « Les Conifères, disent MM. Decaisne et Le Maout, qui ont joué un rôle si considérable à toutes les époques géologiques de notre planète, sont encore aujourd’hui une des familles les plus nombreuses et les plus répandues à la surface de la terre. Elles forment une classe plutôt qu’une famille, et leurs tribus peuvent être considérées comme autant de familles distinctes, susceptibles elles-mêmes de subdivisions. » Ces tribus sont : 1° Les À biétinées, ayant pour principaux genres le Sapin (Abies), l'Épicéa (Picea), le Pin (Pinus), le Mélèze (Larix), le Cèdre (Cedrus), le Sequoïa, lAuracaria, etc. 2° Les Cupressinées, avec le Cyprès (Cupressus). 132 PLANTES INDUSTRIELLES. 3° Les Taxinées, que nous représenterons par l’If (Taæus). 4° Les Cycadées, qui tirent leur nom des Gycas. Pour caractériser les Abiétinées, nous prendrons quelques- uns des traits du Pin. C'est un arbre à feuilles persistantes, alternes, simples, raides, allongées et réunies en fascicules ceints à leur base d’une gaine scarieuse. Le même individu porte des fleurs mâles et des fleurs fe- melles. Dans les fleurs mâles, les étamines, en nombre consi- dérable, sont insérées sur un axe floral. Les fleurs femelles, disposées en chaton, se composent d’un ovaire élalé en façon d’écaille. Le fruit, fait des écailles devenues dures, ligneuses et épaissies à leur sommet, porte le nom de cône. Les Sapins, très voisins des Pins, n’en diffèrent que par les feuilles, qui ne sont pas réunies par faisceaux dans les gaines, et par les cônes, dont les écailles sont amincies, etarrondies au somme . Les Mélèzes, par leurs feuilles, tiennent le milieu entre les pins el les sapins; ces feuilles, en effet, naissent fasciculées, puis se séparent, par suite de l’allongement du bourgeon; elles persistent pendant un hiver. Celles du Cèdre demeurent plusieurs années après l’allonge- ment du bourgeon. Ces quatre essences couvrent de vastes contrées dans l’hémi- sphère Nord; elles vivent en société sur les montagnes des régions tempérées, et descendent vers les plaines à mesure qu’elles s’approchent du pôle. Les Pins et les Mélèzes qui habi- tent les Alpes y marquent la limite de la végétation arbores- cente. Parmi les nombreuses espèces da Pin, nous citerons : Le Pin sylvestre, un très bel arbre que l’on trouve abon- damment en Suisse, en Savoie, dans les Pyrénées, les Vosges et en Auvergne. Son bois est fort blanc et sert à fabriquer des seaux, des baquets, et beaucoup d'ouvrages de menuiserie et de charpente. Les Lapons et les Esquimaux, qui ne possèdent dl [1] RAVENNE PINETA DE L POET DANS VIALE D DE PARASOLS LES PINS 134 PLANTES INDUSTRIELLES. pas de céréales, font, paraît-il, du pain avec la couche inté- rieure de l'écorce, qu'ils torréfient et qu’ils réduisent en farine. Le Pin à pignon. C’est un arbre très pittoresque de la région méditerranéenne, dont les graines, nommées pignons ! doux, sont d’une saveur huileuse, douce et agréable. Il en est de même des graines du Pin cembro. Le bois de cet arbre est mou, odorant et facile à travailler, et les bergers du Tyrol et de la Suisse en fabriquent de petits objets qu’ils vendent aux voyageurs comme souvenirs du pays. Le Pin maritime est le salut des rivages de dunes. Ses ra- cines fixent les sables mobiles et les empêchent d'avancer vers les terres cultivées et habitées, pendant que ses rameaux bri- sent l’unpétuosité des vents. On le cultive surtout dans les Landes et aux environs de Bordeaux, et il rend Pair si salubre, que les poitrinaires recherchent les régions où 1l est planté, presque autant que les rivages de la Méditerranée. L'écorce de tous les Pinsest employée pour le tannage des CUITS. Ce sont surtout les Pins, les Sapins et les Mélèzes dont le tronc fournit la {érébenthine, substance demi-liquide, âcre, amère, d’odeur pénétrante et fort employée dans les arts. La térébenthine du Mélèze est la plus estimée de toutes : on la connaît sous le nom de {érebenthine de Venise. Le Sapin argenté est une des espèces les plus utiles pour la construction des navires, des charpentes, des planchers et des meubles grossiers; ses bourgeons, d’odeur et de saveur rési- neuses, sont employés en médecine. Les Jeunes pousses de plu- sieurs espèces de Sapin peuvent servir à préparer une bière anliscorbutique. Le succin ou ambre jaune est une résine fossile provenant d’arbres fossiles analogues au Pin. On le trouve dans les li- gnites du littoral de la Baltique. 1. Pignon est le nom de toutes les graines de cônes. LE. PÈRE DE LA FORÊT, TÜMBÉ DE VIEILLESSE UN DES PLUS GROS ARBRES GÉANTS DU CGALAVÉRAS (GALIFORNIE) 156 PLANTES INDUSTRIELLES. L'Asie possède les plus beaux Cèdres : ceux du Liban et ceux de l'Himalaya. Leur bois, que les Hébreux regardaient comme incorruptible, est encore très estimé. Les Araucaria étalent leurs vastes sommets sur les mon- tagnes du Brésil et du Chili. Quant aux Sequoia, ce sont les plus grands des végétaux, et ils méritent à ce titre quelques détails. Le Sequoia gigantea est une des merveilles de la végétation. C’est à G. Douglas qu'est due sa découverte. Il le,vit en Cali- fornie, dans la Sierra Nevada, et en parla avec enthousiasme. « I donne à ces montagnes, écrivait-il, un aspect extraordinaire, je dirai presque formidable. J’ai à plusieurs reprises mesuré des individus de cet arbre ayant 270 pieds (82°,26) de hauteur et 32 pieds (9°75) de circonférence à un mètre du sol. Quel- ques-uns atteignent 300 pieds (91,40), mais sans dépasser la erosseur que je viens d'indiquer. » I ya peu d'années, on signala la découverte d’une immense forêt de Sequoia gigantea dans les comtés californiens de Tulare et de Fresuo. Le Sequoia sempervirens, proche allié du S. gigantea, S'y voit aussi sur un rivage d’une longueur de plu- sieurs centaines de milles et d’une largeur variable, et que re- couvre la brume maritime. Dans le lieu où le Séquoïa fut découvert, on comptait il y à vingt ans une centaine de ces arbres gigantesques dans un espace de vingt-cinq ou trente hectares. Leur tronc était orné de nombreux parasites, mousses, lichens, etc. Les anfractuosités que laissent entre elles les amarres des racines au collet de larbre, sont souvent d’une telle dimen- sion, que des familles d’Indiens s'y abritent pendant la mau- vaise saison. Ces majestueux Conifères appartenaient à un Américain qui s’en faisait le cicerone et qui guidait les voyageurs dans leur visite aux grands arbres. Chacun d’eux avait un nom particu- lier, en rapport avec sa forme ou sa taille. Aïnsi il y avait les LES ARBRES DES FORÊTS. 187 Trois sœurs : trois Sequoias semblant sortir d’une même souche; le Family group se composait de vingt-six arbres rapprochés, parmi lesquels se distinguaient le père, la mère et les vingt- quatre enfants. Le père, renversé déjà depuis plusieurs années, mesurait à sa base 110 pieds de circonférence, et comme il s’é- tait brisé dans sa chute, on estimait qu’il avait dù dépasser de beaucoup 400 pieds, puisqu'il avait à l'endroit de sa brisure, qui était à 300 pieds de haut, encore 40 pieds de circonférence. Un autre Séquoïas’appelait le Big tree (gros arbre). On lPabattit, et pour cette besogne il fallut cinq hommes pendant vingt-cinq jours. La chute fut épouvantable. La décortication du tronc de- manda trois semaines. Le Muséum de Paris possède des fragments de cette écorce ayant de 30 à 40 centimètres d'épaisseur, d’une grande légèreté, brune et composée d'éléments qui se tiennent comme ceux d’un feutre; les couches nouvelles qui se déposent annuellement s'ajoutent aux anciennes, sans qu’il y ait jamais d’exfoliation des couches anciennement formées. De sorte que, théorique- ment, l'écorce pourrait être aussi vieille que l’arbre, si des agents extérieurs ne venaient pas l’endommager. A l'exposition deSan-Francisco,un cylindre d’écorce de vingt- quatre pieds, tout d’une pièce, figura comme une des curiosités les plus étonnantes du pays. Placé debout, ce cylindre faisait une chambre circulaire meublée à la manière d’un salon, avec des sièges pour quarante personnes ; et un jour on y fit entrer, sans qu’ils y fussent gênés, jusqu’à cent quarante enfants à la fois. Il y a quelques années, le journal la Nature reproduisit une curieuse gravure américaine représentant un bal donné en californie sur le vaste plancher massif formé par la section du tronc abattu d’un Sequoia. L'arbre avait été scié à l’aide d’un mécanisme spécial, et quand il fut tombé, quelques excursion- nistes organisèrent un orchestre et dansèrent sur la coupe du vaste tronc. Le bois de Sequoïa est d’excellente qualité. ILest homogène, 138 PLANTES INDUSTRIELLES. A quels que soient la taille et l’âge de larbre, léger, élastique, rougeâtre et susceptible d’un beau poli. Les dimensions des Sequoïas leur ont fait attribuer un nom- bre considérable de siècles. On a été jusqu’à leur donner trois mille ans d’existence, et un botaniste transporté s’écria un Jour : « Quelle fabuleuse antiquité ! Voilà un arbre dont l’enfance remonte à l’époque où Sanson assommait les Philistins, où Pâris courait les mers avec la belle Hélène, où le pieux Enée emportait le père Anchise sur ses filiales épaules, etc. » Depuis, on a reconnu qu'il fallait quelque peu rabattre de ces durées. L’If commun se trouve dans l'Europe centrale et méditerra- néenne. C’est un arbre à feuilles rapprochées, linéaires, aiguës. Sa longévité dépasse celle de tous les autres végétaux. II formait autrefois des forêts dans quelques contrées de l’Eu- rope. Le Cyprès, originaire du Levant, est répandu dans le midi de l’Europe, où il fait des haies très serrées et très hautes qui servent d’abri aux jardins. Son bois est dur, rougeâtre et pres- que incorruptüble. C’est un bel arbre, de haute taille; la va- riété pyramidale est consacrée aux tombeaux. Les Cycadées sont des arbres ou arbustes élégants, d’une orande longévité, et que les anciens botanistes avaient rappro- chés, d’après leur aspect, soit des Palmiers, soit des Fougères arborescentes. La tige, en effet, ordinairement simple, est cou- verte, par les bases persistantes des pétioles ou marquée de cica- trices annulaires ; les feuilles sont de deux sortes : les unes courtes, dures, squamiformes, appliquées sur le bourgeon ter- minal ; les autres normales, couronnant le sommet du cône, comme dans les Palmiers. | Les Cycas habitent surtout l'Inde, Madagascar et les parties équatoriales de l'Australie. Nous ajouterons à cette énumération quelques mots sur un tte LES ARBRES DES FORÊTS. 139 arbre connu depuis assez peu de temps en Europe : l’'Euca- lyptus. C'est une essence gigantesque de l’Australie, et que les botanistes placent dans la nombreuse famille des Myrtucées, tribu des Leptospermées. L’Eucalyptus est pour les sauvages de son pays comme le Cyprès pour les peuples d'Europe; ils vont enterrer leurs morts sous son ombrage, au milieu des bois. On l’acclimate dans les régions malsaines, car il parait bien démontré qu'il est un excellent purificateur des localités insa- lubres; bien plus, sans doute, en asséchant les sols maréca- geux par la puissante succion de ses racines que par les émanations aromatiques de ses feuilles, qui cependant pour- raient bien ne pas être sans efficacité. Sa croissance merveil- leusement rapide et les qualités de son bois, justement appré- ciées dans un temps où les bois de construction tendent à devenir de plus en plus rares et chers, ont été également dans les raisons qui l'ont fait accueillir avec tant d’empressement. On le trouve maintenant presque partout dans la basse Provence, où déjà quelques échantillons arrivent à la taille d'arbres de haute futaie, et c’est par centaines de mille, peut-être par millions, qu'on l’a planté, dans ces dernières années, en Algérie, en Jtalie, en Espagne et en Corse. Dans ce dernier pays, tout fait espérer que les plages basses, alternativement noyées et dessé- chées, et impossibles à cultiver à cause de leurs miasmes, se- ront bientôt couvertes de forèls d’Eucalyptus. CHAPITRE II LE CHANVRE Pays producteurs du Chanvre. — Récolte. — Le rouissage; ses inconvénients. Le feillage et le broyage. — Le Chanvre d’Asic. Le Chanvre, ainsi que le Houblon, fait partie de la famille des Cannabinées. C’est une herbe annuelle, dont les feuilles infé- rieures sont opposées ; les supérieures, alternes. Indigène de l'Asie du milieu, elle est cultivée depuis un temps immémo- rial en Europe, comme une plante textile des plus importantes. Le Chanvre est dioïque, et le pied femelle est beaucoup plus long et persistant que l'individu mâle. « Cette différence dans la nature et la grosseur des tiges est telle, dit le Dictionnaire d'Histoire Naturelle de Charles d’Orbigny, que les habitants des campagnes donnent le nom de Chanvre mâle à l’individu femelle, en raison du préjugé qui attribue au sexe masculin la supériorité et la force. » Les fleurs mâles se présentent en grappes; les pistillées, en épi. Le périanthe, herbacé dans les premières, a cinq sépales, opposés aux cinq étamines. Dans les secondes, le périanthe est monosépale, urcéolé, bractériforme, membraneux et enveloppant étroitement l'ovaire. Cet ovaire est libre, sub-globuleux ; le style, court; les stigmates sont al- longés et pubescents. Le fruit est un caryopse. En France, la culture du Chanvre est fort étendue, dans la Champagne, la Picardie, la Touraine, l’Alsace, la Bretagne. Pourtant nous sommes encore obligés de faire venir de la be” LE CHANVRE 141 filasse de la Russie, de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Amé- rique. La recolte du Chanvre mâle, dont la végétation est de trois ou de quatre mois, se fait en juillet et en août. On l’arrache brin à brin ; puis on le met sécher au soleil en petites bottes verti- cales. Un ou deux mois après, on arrache le Chanvre femelle LE CHANVRE. et on en retire la graine, qu’on essuie et qu’on met en tonneaux ou en sacs. Lorsque le Chanvre est sec, on lui fait subir l'opération du rouissage, qui est une vraie fermentation et qui a pour but la séparation des fibres ligneuses. A cause du principe narcotique contenu dans toutes ses parties, et quitue infailliblement tous les poissons, le chanvre 142 PLANTES INDUSTRIELLES. doit être roui, c’est-à-dire immergé, dans les eaux stagnantes : ce qui occasionne de graves inconvénients pour les hommes et pour les animaux, par les exhalaisons méphitiques quis’exhalent de ces marais. Le rouissage sur le pré dans la rosée, qui a le défaut d’être plus long, puisqu'il dure un mois au lieu d’une semaine ou deux, ne jiseuie aucun danger, et devrait être adopté dans tous les pays à Chanvre. Dès que le rouissage est terminé, on ramasse le Chanvre, on le fait rapidement sécher, el l’on en sépare la filasse au moyen du feillage ou travail à la main, et du broyage, ou travail par les machines. En Champagne et en Bourgogne, le teillage, qui donne une filasse plus longue et plus belle, occupe les ou- vriers de ferme pendant l'hiver. En Picardie, dans l’Anjou, on emploie de préférence les machines. La préparation de la filasse est très malsaine, à cause de la poussière qui s’en dégage. La graine ou chènevis est très aimée des oiseaux, et les fer- mières prétendent qu’elle fait pondre les poules en hiver. Elle donne une excellente huile à brüler, bonne aussi pour la pein- ture et la fabrication du savon noir. Le marc qui reste après l'extraction de l’huile sert à engraisser les porcs. Le Chanvre prend dans les Indes orientales des dimensions considérables et des propriétés particulières, dues au dévelop- pement des glandes oléo-résinifères existant sur les inflores- cences femelles de la plante et donnant une exsudation extrème- ment abondante. On forme, de la résine recueillie, des masses globuleuses qui n'arrivent pas dans notre commerce, mais qui sont consommées sur place. Cest qu’en effet elles font la base d’un certain nombre de préparations narcotiques ou enivrantes, dont la plus connue est le haschich et que les Orientaux recherchent avec avidité, pour se donner un avant-goûtdes joies du paradis de Mahomet. CHAPITRE III LES ROSIERS aractères. — Rosa canina. — Rose de Provins. — Rose à cent feuilles et rose des Quatre Saisons. — Les roses de la vallée de Kasanlik : l’essence de rose. — La cullure des Rosiers. Les roses, qui ont donné leur nom à la famille des Rosacées, à laquelle elles appartiennent, le donnent encore à la tribu des Rosées, qui est la subdivision où elles se trouvent. Voici quelques-uns des caractères des Rosiers : tige ligneuse et ordinairement aiguillonnée : d’où le proverbe : « Pas de roses sans épines »; feuilles alternes, imparipennées, quel- quefois nulles et remplacées par des stipules ; fleurs terminales formant des corymbes et dont les pétales présentent toutes les nuances du blanc, du rouge, du jaune; sépales foliacés. Pri- mitivement les pétales ne sont qu'au nombre de cinq, mais la culture les multiplie prodigieusement. Comme dans toutes les fleurs doubles, ce sont les étaminés qui, se trouvant très nom- breuses, se transforment en ces magnifiques pétales si larges, si parfumés et si richement colorés. Les roses sont employées en médecine et en parfumerie. Ainsi, le fruit pulpeux du rosier sauvage donne une conserve astringente, antiputride. Les akènes composent un médica- ment vermifuge. La racine avait autrefois la réputation de guérir la rage canine, de là le nom de l’espèce : Rosa canina; car bien souvent ces nc:ns scientifiques et imposants ont pour 444 PLANTES INDUSTRIELLES. étymologie une erreur. La tige de ce même Rosier offre sou- vent une excroissance moussue, résultant de la piqüre d’un insecte et employée égal ement par les anciens médecins. La rose de Provins a des pétales astringents qui servent à la préparation de la conserve de roses et du miel rosal. On assure que c’est en 1238 que Thibaut IV, dit le chansonnier, la rapporta de la Terre Sainte. On la trouvait dans la vallée de Damas. Les roses à cent feuilles et celles des quatre-saisons four- nissent par la distillation l’eau de rose, et par macération dans l’huile de sésame l'essence de rose, parfum célèbre. À propos de cette es- sence de rose, disons quel- ques mots de la ravissante vallée du Kasanlik, située au sud desmonts Balkans, dans la Roumélie, et qui estparticulièrement consa- crée à la culture des roses, pour la préparation du parfum. Aussi loin que s'étend la vue, on ne dé- couvre que des Rosiers et des roses. La terre en est jonchée; les rochers disparaissent sous les bouquets. Les roses roses et les roses blanches poussent naturellement sur le versant des monts Balkans. Il est facile de se procurer à Kasanlik 300 touffes, bonnes à planter, pour 11 francs. Trois ans après leur mise en terre, les Rosiers commencent à pro- duire, et pendant dix ans il n’est plus nécessaire de les renou- veler. Les arbustes poussent à leur guise. On se borne à enlever les branches mortes, mais on ne les taille jamais. C’est au milieu du mois de mai que les fleurs paraissent et que la vallée devient admirable à voir. LA récolte des roses dure FRUCTIFICATION DU ROSIER. LES ROSIERS. 115 trois semaines. Il faut qu’elles soient cueillies le matin et dis- tillées le Jour même, pour ne rien perdre de leur parfum. On les distille pendant deux heures dans l’eau, puis on les retire, et l’on soumet à une nouvelle distillation l’eau recueillie et déjà très parfumée. Bientôt l'essence, plus légère, se sépare et apparaît à la surface du liquide. On la recueille avec une cuiller. I faut 26 kilogrammes de roses, c’est-à-dire 130 000 fleurs, pour produire 50 grammes d’essence. Quand on sait que la vallée de Kasanlik produit environ 2000 kilogrammes d'essence par an, on peut se faire une idée du nombre prodigieux de rosiers qui y croissent. Un kilogramme d’essence de roses vaut, en moyenne, 1000 francs. Pour le travail de la cueillette et de la distillation, on emploie surtout des femmes et des enfants, dont le salaire est de 50 cen- times par Jour. C’est vers le 15 juin que les essences nouvelles arrivent sur le marché et sont expédiées dans les ports voisins. [faut ajouter que les négociants chargés de vendre ce parfum précieux le falsifient par le mélange d’essences beaucoup plus communes. Une des fraudes les plus fréquentes consiste à ajouter à l’es- sence de rose un tiers ou un cinquième d'essence de Géranium d’Anatolie. Cette faisification, maintenant passée en usage, est acceptée par le commerce. Mais, revenant de ces pays lointains, nous allons donner sur la culture des Rosiers des renseignements pratiques, puisés dans la Flore des serres et des jardins de l'Europe. En général,les Rosiers exigent un bon sol, une terre franche, un peu d'humidité, et peuvent braver les intempéries de nos elimats à l’air libre. Un peu d’engrais (le terreau de couches) donné chaque année les fait végéter avec vigueur et produire des fleurs et plus belles et plus abondantes. On se contente d’enterrer ce terreau à l’entour de la souche, en ayant soin de MONDE VÉGÉTAL. 10 146 PLANTES INDUSTRIELLES ne point endommager les racines. Un arrose abondamment pendant les chaleurs. Les amateurs soigneux visitent chaque jour leurs Rosiers pour en extirper les chenilles et les autres larves d'insectes qui en attaquent les feuilles ou en dévorent les jeunes boutons. Un bouton attaqué est une fleur mort-née. Aussi une chasse attentive est-elle de la plus grande importance. Toute feuille roulée doit être ouverte avec précaution ; tout bouton penché et autour duquel les jeunes feuilles paraissent appliquées, a besoin d’être exploré. Tenu en buisson, longtemps avant que les bourgeons se développent, le Rosier sera rabattu chaque année, afin de prendre une belle apparence et donner plus de fleurs. On supprime toutes les branches mortes, inutiles ou disgracieuses, on rabat les gourmandes, c’est-à-dire les plus longues, jusque près de la base. On ne peut guère prescrire de règles pour la taille du Rosier en buisson, pour laquelle il ne faut que du goût et de l'expérience. L'opération de la taille doit avoir lieu en février ou en mars, par un temps doux ou pluvieux, mais elle doit être différée un peu pour les espèces qui craignent la gelée. Certains Rosiers, les Banks, les Multiflores, les Sempervirens et quelques autres, gagnent une grande quantité de fleurs à être abandonnés à eux-mêmes. Les soins à leur donner se bornent à les débarrasser des insectes et du bois mort. Pour le greffage, on se sert d’Églantiers qu’on va chercher dans les bois et qu’on a soin de choisir droits et vigoureux. Les Rosiers se multiplient facilement de boutures qui se font sur couche et sous cloche. Deux sortes de greffages sont usités: le grelfage en fente et le greffage en écusson. CHAPITRE IV LES IRIDÉES . Caractères. —- L'Iris de Florence, —L’Jris germanica. — L'Iris des Marais succédané du café. — Le Crocus salivus et le safran. Les Jridées composent une belle famille monocotylédone, dans laquelle il faut remarquer surtout le Crocus, l’Irisetle Glaïeul. Ce sont des herbes vivaces, à rhizome tubéreux ou bulbeux con- tenant, en petite proportion, noyée dans une grande quantité d’amidon,une matière grasse et àâcre employée en médecine. Le rhizome de l’fris de Florence donne un parfum analogue à celui de la violette. Les feuilles sont radicales, linéaires, anguleuses. La tige centrale entre les feuilles porte de belles fleurs terminales, pistillées. Les étamines sont au nombre de trois. L’ovaire, infêre, porte trois loges multiovulées. Les [ris habitent les régions tempérées de l'hémisphère boréal. Les Glaïeuls s’avancent jusque dans la région méditer- ranéenne et l’Europe centrale. Le périanthe bleu de l’Jris germanica, écrasé et mêlé avec de la chaux, fournit le vert d'iris des peintres. Les graines de l’Zris des marais, sous Napoléon, ont été proposées (horreur!) comme succédanées du café. Originaire de l'Orient et de la Grèce, le Crocus sativus est cultivé dans un grand nombre de localités françaises : dans le Gâtinais, du côté d'Avignon, en Normandie. Ge qu'il produit, c’est le safran, substance formée par une masse de gros filets aplatis d’un rouge orangé foncé, parsemée de fils plus 148 PLANTES INDUSTRIELLES. minces de couleur jaune. L’odeur en est agréable, très forte et tout à fait spéciale. Les Provençaux s’en servent pour parlfu- L’IRIS DE FLORENCE. mer leur bouillabaisse, ce qui est un tort au goût de beaucoup de Parisiens, la soupe au poisson faisant de la sorte penser LES IRIDÉES. 149 mal à propos au laudanum, où l’on en met aussi. Le safranest l'extrémité du style et les stigmates du Crocus salivus. Il à un pouvoir colorant très considérable : une partie de la substance donne une teinte Jaune encore appréciable dans 200000 parties d’eau. Cette coloration est produite par une matière de couleur rouge lorsqu'elle est sèche. On distingue un grand nombre de sortes de safran. En géné- ral la substance est d’autant plus estimée, qu’elle contient moins de filaments jaunes et qu’elle a plus de couleur et d’odeur. Le safran de Perse, formé uniquement de stigmates débar- rassés des styles et d’un rouge pourpre, est le plus estimé. Après le safran de Perse viennent, comme valeur, le safran de Russie et le safran d'Autriche. Les safrans français contiennent les filaments jaunes qui appartiennent au style. Celui du Gâtinais est une très bonne sorte, de beaucoup supérieure à celle des environs d'Avignon et surtout au safran d’Angoulème. IN FR ALTR2 CHAPITRE V LES SPHAIGNES ET LES AUTRES PLANTES QUI FOURNISSENT LA TOURBE Caractères des Sphaignes. — Leur mode de croissance. — Leur habitat. Les tourbières du Mexique. — Les mines de Cèdres. Les Sphaignes sont le genre unique de la famille de même nom. C’est à elles qu’est due pour la plus grande partie la for- mation des tourbières. Acotylédones, muscoïdes, molles, flas- ques, spongieuses, elles ont des tiges dressées dans les tour- bières émergées, flottantes dans les marais. Le corps de ces ges se compose de cellules fibreuses formant un cylindre ligneux qui entoure le faisceau médullare. Les rameaux, régu- lièrement fasciculés, naissent de latige latéralement àl’insertion des feuilles. « L’enveloppe corticale est formée de une à quatre couches de cellules quelquefois fibreuses et presque toujours percées de trous annulaires. Cette organisation, augmentant l’action capillaire de la tige et des rameaux, permet à la plante de végéter sans racines et de s’élever aune hauteur considérable, souvent de plusieurs pieds au-dessus du sol, sans diminution de ja force végétative. Ce résultat est dû principalement aux ra- meaux infléchis, quirestent toujours stériles et qui, fonctionnant comme des racines adventives, contribuent, avec les tissus spongieux de l'écorce de la tige, à faire monter l’eau depuis la base de la plante jusqu’à son sommet. » 1. Trailé général de botanique analytique et descriptive, par MM. Le Maout et Decaisne. LES SPHAIGNES 151 Les racines ou radicelles existent dans le premier âge de la Sphaigne, puis disparaissent complètement. La croissance des Sphaignes est très rapide, et comme elles se ramifient beaucoup, elles finissent, en se pressant les unes contre les autres, par former un feutrage épais qui recouvre le sol ou constitue, au-dessus des eaux marécageuses, une es- pèce de plancher flottant; sur ce plancher d’autres plantes, puis des végétaux arborescents finissent par se développer. Quant à la rapidité du dévelop- pement des Sphaignes et à la faculté qu’elles ont d’envahir de vastes espaces en très peu de temps, il suffira pour les mettre en évidence de dire que, d’après M. Lesquéreux, une seule cap- sule de Sphagnum peut conte- nir jusqu’à 2 690 000 spores ou graines. Les Sphaignes habitent de pré- férence les pays tempérés et les régions froides. Dansle nord des deux continents elles occupent d'immenses étendues maréca- geuses, et pour donner une PEAR af Var LÉPS idée de ces étranges paysages, nous ne pouvons mieux faire que d'emprunter à M. Élisée Reclus ‘ le remarquable passage suivant : 4. La Terre, description des phénomènes de la vie du globe 152 PLANTES INDUSTRIELLES. « Les côtes qui entourent la mer des Antilles et le golfe du Mexique, de même que es rives atlantiques de l'Amérique du Nord, de la pointe de la Floride à l’entrée de la Chesapeake, sont bordées d’un très grand nombre de marécages marins formant une série continue sur des centaines et des milliers de kilomètres de longueur. Dans cette immense série de marais côtiers, on peut observer tous les genres de végétation qui marchent à la conquête de la vase et de l’eau pour les trans- former en terre ferme. Au sud, sur les rivages de la Colombie et de l'Amérique centrale, ce sont les Mangliers, les Palétu- viers et autres arbres d'espèces analogues qui plongent dans la boue les pointes terminales de leurs racines aériennes entre- croisées en arcades et qui retiennent tous les débris de plantes et d'animaux sous l’inextricable lacis de leurs échafaudages naturels. Sur le littoral du golfe du Mexique, en Louisiane, dans la Géorgie, dans la Floride, s'étendent les € cyprières » (cypress-swamps) ou forêts de Cyprès (Cupressus disticha), ces arbres étranges dont les racines, enfouies en entier, pro- jettent au-dessus de la couche d’eau qui recouvre le sol des multitudes de petits cônes chargés d’absorber l'air. Sur des millions d'hectares, presque toute la zone marécageuse n’est qu'une immense cyprière aux arbres presque dégarnis de feuilles et laissant flotter au vent leurs longues chevelures de mousse; çà et là les arbres et le sol boueux font place à des baies, à des lacs, ou bien à des prairies tremblantes formées d'un tapis d’herbages reposant sur un sol toujours fangeux ou même sur des eaux cachées. Au Brésil, où ces couches élas- tiques de plantes se rencontrent fréquemment, on leur donne le nom significatif de tremendal; en Irlande, ce sont les sha- king-bogs. Le moindre mouvement du voyageur qui s’y risque fait trembler le sol à plusieurs mètres de distance. « Au nord de la Floride, dans les Carolines et la Virginie, la zone des cyprières se continue; mais, par suite du chan- gement de climat et de végétation, Îes prairies tremblantes se LES SPHAIGNES. 153 transforment graduellement en tourbières. L'évaporation étant beaucoup moins active dans ces contrées que dans les pays situés plus au sud, et les sécheresses y étant beaucoup moins prolongées, l’eau de pluie et l’inondation séjournent, comme dans les pores d’une immense éponge, dans tous les interstices de la masse enchevêtrée des Mousses, des Sphaignes, des Con- erves et autres plantes aquatiques. Le marais tout entier se gonfle vers le centre, parce que les gouttelettes, divisées par les innombrables tiges, ne peuvent s’épancher latéralement et sont attirées par la capillarité dans les nouvelles couches de plantes qui se forment au-dessus des plus anciennes. La sur- face du marécage est incessamment rajeunie par un tapis d'herbes verdoyantes, tandis que dans les profondeurs les plantes mortes et privées d'air se carbonisent lentement dans l'humidité qui les entoure : ce sont des lits de tourbe qui se forment sur le sol comme se sont formées les couches de . houille dans les époques géologiques antérieures. » On désigne sous le nomde Wines de Cèdresdes marais voisins du cap May, dans le New-Jersey (Amérique du Nord), pleins d’une vase tourbeuse et noire où sont enfouis des troncs im- menses de Cèdres blancs à des profondeurs variant de trois à dix pieds. Ces troncs, entassés les uns sur les autres, proviennent évidemment de forêts qui se sont succédé en ces lieux, où, encore aujourd’hui, croissent des arbres semblables à ceux qui sont embourbés dans la vase. Il y a là des trésors que les Américains ne laissent point sommeiller et dont ils tirent au contraire grand profit. Des hommes fouillent, avec une longue barre de fer, dans la tourbe et dans l’eau, et quand ils ont mis la gaffe sur un tronc, ils sa- vent bien vite, après quelques sondages préliminaires, où est la souche et quelle est son épaisseur; puis, à la simple odeur d’un morceau de bois, ils décident s’il faut enlever l’arbre ou le laisser en place; ils reconnaissent si le cèdre est tombé de vieillesse sous le souffle d’un faible vent, ou en pleine jeunesse, 154 PLANTES INDUSTRIELLES, et conservé alors parfaitement sain par les qualités antisep- tiques du marais où il plonge. Dans ce dernier cas, les ouvriers éloignent la vase qui l’en- toure; à cette vase succède de l’eau, et l'arbre se met à flotter; alors on le scie en segments réguliers. Tel cèdre ainsi tiré du marais a donné jusqu’à 10 000 bardeaux valant 20 dollars ou : 100 francs le mille. CHAPITRE VI LES VARECHS Les champs de Sargasses. — Caractères généraux des Algues. — Les Algues et l’agriculture. — Les.Algues comestibles. « L'Océan comme la terre a ses étendues monotones de plantes : ce sont les champs de Sargasses (Fucus nalans) qui se trouvent au milieu de plusieursbassinsmaritimes, etnotamment dans l'immense espace triangulaire compris entre les Antilles, le Gulf-Stream, le groupe des Açores et l'archipel duCa p-Vert. Christophe Colomb traversa ces parages remplis d'herbes ma- rines, et ce ne fut point pour ses compagnons le moindre sujet de terreur, que l'aspect de ces longues traînées de plantes qui retardaient la marche du navire et faisaient ressembler la mer insondable à un immense marécage. Enchevêtrées en îles et en îlots flottants qui se suivent en interminables proces- sions, ces herbes changent en certains endroits la surface de l'Océan en une espèce de pré d’un vert jaunâtre ou couleur de rouille; les vagues soulèvent ces nappes en larges ondulations et les entourent de lisérés d’écume; des poissons se jouent par centaines au-dessous des frondes qui les garantissent du soleil; des myriades de petits animaux, crabes, chevrettes, serpules et coquillages, courent, rampent ou s’incrustent sur les tiges entrelacées de ces forêts voyageuses et traversent avec elles l'étendue des mers. «.… Les Fucus de l'Océan naissent et se développent à la 156 k: PLANTES INDUSTRIELLES surface des eaux. Jamais on n’a pu y découvrir de racines ni le moindre indice de bulbes qui se seraient cramponnés à la terre et que les flots en auraient arrachés. Chaque tige se termine brusquement à son extrémité inférieure par une es- pèce de cicatrice, et n’est évidemment qu’un rameau détaché UN FUCUS. d’une autre plante; des vésicules pleines d’air, qui ont valu à ce Fucus son nom de raisin des tropiques, lui servent de flotteurs pour la soutenir sur l’eau, tandis que des centaines de membranes foliacées se redressent verticalement au-dessus de chaque îlot de varech, afin d’absorber la quantité d'air dont cesorganismes ont besoin pour croître et se propager ‘. » 1. Élisée Reclus. LES VARECHS. 157 La mer de Varechs proprement dite de l'Atlantique boréal, comprise entre le 16° et le 38° degré de latitude nord, s’éten- dant de l’est à l’ouest du 50° au 80° degré de longitude, peut hardiment être évaluée à plus de six millions de kilomètres carrés. Il n’y arien à ajouter à la description que fait de ces Fucus l’éminent écrivain que nous venons de citer. Disons seule- ment qu'ils appartiennent à la famille des Algues, — la dernière — ou la première — parmi les végétaux, et qu'ils y occupent un rang assez impo rtant. C'est de la cendre des Varechs qu’on retire l’iode, si employé par la médecine et par l’industrie. Certaines espèces sont ré- coltées par les cultivateurs pour l'amendement des terres; enfin tout le monde connait les paillasses faites de leurs frondes desséchées. L’Urvillea utilis sert d’aliment aux habitants du Chili austral, et les Chinois confectionnent des galettes avec le Porphyra vulgaris. j L'homme ne laisse pas perdre grand’chose : bientôt il ne laissera rien perdre du tout. PLANTES MÉDICINALES CHAPITRE PREMIER LES PAVOTS Caractères. — Les Pavots somniferes. — La morphine. — Ce que vit Mu: Ida Pfeiffer à Bornéo. — L'’opiurr. dans l'Asie Mineure et dans l'Inde anglaise. Ces plantes composent le genre principal de la famille des Papavéracées, herbes annuelles ou vivaces, à suc laiteux, dont les feuilles sont alternes, simples, dentées, les fleurs stamino- pistillées, régulières, jaunes ou rouges. Le fruit des Pavots a été décrit dans les notions préliminaires. | L'espèce la plus importante des Pavots est le Pavot somnifère (Papaver somniferum), herbe annuelle qui produit l'opium. Une variété est cultivée en grand dans le nord de la France. Ses graines, noirâtres à la maturité, fournissent par expression une huile douce, comestible, connue sous les noms d’huile blanche, huile d'œiliette. La morphine que renferme l’opium en fait un des poisons les plus violents, mais aussi l’un des remèdes les plus puissants contre la douleur. Sydenham, l'inventeur d’un laudanum pré- cieux, disait que sans l'opium la médecine serait boiteuse. Les Européens ne retirent que du bien de cette drogue, et les Anglais de l'argent. Il n’en est pas de mème des Orientaux, et surtout des Chinois, qui le boivent, le mâchent, le fument pour en prendre une ivresse qui, journellement répétée, les conduit à un abrutissement dont rien n’est capable de les tirer. MONDE VÉGÉTAL. {l 162 PLANTES MÉDICINALES. Madame Ida Pfeiffer, dans un voyage à Bornéo, se donna le spectacle des fumeurs d’opium. LE PAVOT SOMNIFÈRE. € Un soir, dit-elle, je visitai dans le campong chinois les six petites salles publiques où l’on fume de l’opium. Les fumeurs / FUMEURS D'OPIUM 16% PLANTES MÉDICINALES. étaient assis ou couchés sur des nattes et avaient à leurs côtés de petites lampes pour allumer la pipe dans laquelle ils fument. C’est une chose curieuse que l’habileté avec laquelle le fumeur, déjà à moitié privé de ses sens, sait enlever de la feuille à la- quelle l’opium est attaché le brin le plus imperceptble. « On conçoit sans peine que dans ces lieux d’empoisonne- ment public on a devant soi le spectacle le plus hideux! Ici un malheureux se lève tout étourdi en balbutiant, et cherche à se traîner chez lui; mais, trahi par ses forces, 1l tombe devant le seuil de sa porte; là, un autre est étendu sans vie sur une natte : il n’est plus même en état de penser à sa maison; ail- leurs on voit un inforluné aux joues pâles et creuses, les yeux fixes, le corps tremblant, trop pauvre pour fumer jusqu’à per- dre connaissance ! Chez quelques fumeurs lopium produit une gaieté extraordinaire : ils parlent et rient jusqu’à ce que, épui- sés, ils retombent sur leur couche, où ils jouissent, à les en- tendre, de rêves célestes. Ce qu'il y a de plus triste dans tout cela, c’est que celui qui a goûté une fois de ce poison ne peut plus s’en passer. Il a le corps brisé, énervé, il ne peut ni tra- vailler ni penser; il est incapable de tout effort, tant qu’il n’a pas puisé dans l’opium un nouveau stimulant, une nouvelle vie. «A ma grande surprise, je rencontrai dans les maisons con- sacrées à l’opium jusqu’à des femmes qui fumaient aussi pas- sionnément que les hommes. » La Perse est probablement la patrie du Pavot somnifère; l'Asie Mineure le cultive aussi depuis fort longtemps. Là, chaque petit propriétaire récolte l’opium sur son domaine. Quelques jours avant la chute des pétales, les capsules sont endues horizontalement à l’aide d’un couteau qui, pour que la cloison ne soit pas entamée, est dans toute la longueur de la lame entortillé d’un fil. Le suc blanc qui découle de la fente se fige rapidement à l'air et prend une teinte brunâtre. Le lendemain on l’enlève, on l’étend sur une feuille de pavot, et quand ilen à élé extrait une quantité suffisante (une tète de LES PAVOTS. 165 pavot fournit à peine un tiers de grain, et le grain égale 0:,0582), on en confectionne de petits pains ou gâteaux, ronds ou plats, qu’on enveloppe dans une feuille de pavot et qu’on expédie ainsi vers les marchés de vente. L’exportation annuelle est de 400 O00livres, dont les trois quarts environ passent en Europe, le reste en Amérique et dans PAsie orientale. Mais pour l'Asie orientale, et surtout pour la Chine, l’Inde britannique est la grande fournisseuse. L’opium est recueilli en quantités considérables dans les régions de Malwa, Pana et Bénarès, où son extraction et sa préparation diffèrent de celles de PAsie Mineure. On y entaille verticalementles cap- sules de pavot avec un couteau particulier à plusieurs lames; le suc est recueilli avec un instrument en forme de cuiller et mis dans des vases en terre, où il se divise en une partie solide (l’opium proprement dit) et une partie liquide d’un brun foncé. Dans les factoreries, on compose avec la partie solide des balles pesant deux kilogrammes, qui après dessiccation sont enfermées dans des caisses qu’on expédie en Chine. Avant cette infernale exportation, les Chinois ne connaissaient l’'opium que comme agent thérapeutique; ils n’en consom- maient pas plus de 15000 kilogrammes par an. En 1807 il leur en fallait 5 millions de kilogrammes. Aujourd’hui cet article oc- cupe le premier rang dans le commerce avec la Chine, et le monopole de l’opium rapporte au gouvernement indien une somme nette de 200 millions. CHAPITRE II LES QUINQUINAS Les écorces de Cinchona. — La quinine et la cinchonine. Récolte des Quinquinas du Pérou, — Acclimatation des Quinquinas dans l'Inde. Nous avons à propos du café donné les caractères de la fa- mille des Rubiacées ; il est donc inutile d’y revenir ici en par- lant des Cinchonées, qui y forment une sous-famille, et dont le genre Cinchona nous fournit les précieuses écorces désignées sous le nom de quinquinas. Ces écorces sont amères et con- tiennent deux alcalis organiques (quinine et cinchonine), plus des principes colorants, une matière grasse, de la fécule, de la somme. Le quinquina est un des médicaments les plus puis- sants dont dispose maintenant la médecine. Les Cinchonas sont des arbres ou des arbrisseaux toujours verts. Nous empruntons à M. Weddel, qui a longtemps voyagé dans le Pérou, les détails suivants sur la récolte du quinquina : «On donnele nom de cascarilleros aux hommes qui coupent le quinquina dans le bois; ce sont des hommes élevés à ce dur métier depuis ‘leur enfance et accoutumés par instinct, pour ainsi dire, à se guider au milieu des forêts. Sans autre compas que cette intelligence particulière à l’homme de la nature, ils se dirigent aussi sûrement dans ces inextricables labyrinthes que si l'horizon était ouvert devant eux; mais combien de fois est-il arrivé à des gens moins expérimentés dans cet art de se perdre et de n’être plus revus! | réussite : si ellessont favorables, on se LES QUINQUINAS. 167 « Les coupeurs ne cherchent pas le quinquina pour leur propre compte ; le plus souvent ils sont enrôlés au service de quelque commerçant ou d’une petite compagnie, et un homme de confiance est envoyé aver eux à la forêt avec le titre de ma- jordome. « Le premier soin de celui qui entreprend une spéculation de cette nature dans une région encore inexplorée, est de la faire reconnaître pas des cascarilleros exercés; le devoir de ceux-ci est de pénétrer dans les forêts dans diverses directions et de reconnaître jusqu’à quel point il est profitable de les exploiter. Cette connaissance première est la par- tie la plus délicate de l'opération, et elle exige dans les hommes qui y sont employés une loyauté et une patience à loute épreuve; c’est sur leur rap- port que se calculent les chances de met en devoir d'ouvrir un sentier jus- qu’au point qui doit servir de centre d'opérations ; dès ce moment, toute la partie de la forêt que commande le nouveau chemin devient provisoire- ment la propriété de son auteur, et aucun autre cascarillero ne peut y travailler. « À peine le majordome est-il arrivé avec ses coupeurs dans le voisinage du point à exploiter, qu’il choisit un site favora- ble pour y établir son camp, autant que possible dans la proxi- mité d’une source ou d’une rivière. Il y fait construire un han- gar ou une maison légère pour abriter les provisions et les pro- duits de la coupe ; et s’il prévoit qu’il doive rester longtemps dans le même lieu, il n’hésite pas à faire des semis de maïs et de quelques légumes. L'expérience, en effet, a démontré qu'une des plus grandes chances de succès de cegenre de travaux est l’abondance des vivres. Les cascarilleros pendant ce temps FLEUR DE QUINQUINA. 163 PLANTES MÉDICINALES. sont répandus dans la forêt, un à un ou par petites bandes, chacun portant, enveloppées dans’son poncho (espèce de man- teau) et suspendues au dos, des provisions pour plusieurs jours et les couvertures qui constituent sa couche. C’est ici que ces pauvres gens ont besoin de mettre en pratique tout ce qu'ils ont de courage et de patience pour que leur travail soit fructueux. Obligé d’avoir constamment à la main sa hache ou son couteau pour se débarrasser des innombrables obstacles qui arrêtent son progrès, le cascarillero est exposé, par la na- ture du terrain, à une infinité d'accidents qui trop souvent compromettent son existence même. « Les quinquinas constituent rarement des bois à eux seuls mais ils peuvent former des groupes plus ou moins serrés, épars çà et là au milieu de la forêt. D’autres fois, et c’est ce qui a lieu le plus ordinairement, ils vivent complétement solés. Quoi qu’il en soit, c’est à les découvrir que le cascari- Ilero déploie toute son adresse. Si la position est favorable, c’est sur la cime des arbres qu’il promène les yeux; alors aux plus légers indices il peut reconnaître la présence de ce qu'il recherche; un léger chatoiement propre aux feuilles de cer- taines espèces, une coloration particulière de ces mêmes or- ganes, l'aspect produit par une grande masse d’inflorescences lui feront reconnaître la cime d’un quinquina à une distance prodigieuse. Dans d’autres circonstances il doit se borner à l'inspection des troncs dont la couche externe de Pécorce pré- sente des caractères remarquables; souvent aussi les feuilles sèches qu’il rencontre en regardant à terre suflisent pour lui signaler le voisinage de l’objet de ses recherches, et si c’est le vent qui les a amenées, il saura de quel côté elles sont venues. Un Indien est intéressant à considérer dans un mouvement semblable, allant et venant dans les étroites percées de la forêt, dardant la vue au travers du feuillage, en semblant flairer le ter- rain sur lequel il marche comme un animal qui poursuit une proie; se précipitant enfin tout à coup lorsqu'il a cru recon- LES QUINQUINAS. 169 naître la forme qu'il guettait, pour ne s'arrêter qu’au pied du tronc dont il avait deviné pour ainsi dire la présence. « Pour dépouiller larbre de son écorce, on l’abat à coups de hache un peu au-dessus de sa racine, en ayant soin, pour ne rien perdre, de dénuder d’abord le point que l’on doit atta- quer ; el comme la partie la plus épaisse, la plus profitable par conséquent, se trouve tout à fait à sa base, on a l'habitude de creuser un peu la terre à son pourtour, afin que la décortica- tion soit plus complète. Il est rare, même lorsque la section du tronc est terminée, que l'arbre Lombe immédiatement, étant soutenu, soit par les lianes qui l’entourent, soit par les arbres voisins; ce sont autant d'obstacles nouveaux que doit vaincre le cascarillero. Je me souviens d’avoir une fois coupé un gros tronc de quinquina dans l'espérance ‘de mettre ses fleurs à ma portée, et après avoir abattu trois arbres voisins, de l'avoir vu rester encore debout, maintenu dans cette position par des lianes qui s'étaient attachées à sa cime et quile sontenaient à la manière de haubans. » Après quelques détails sur la décortication de larbre et sur le dessèchement des écorces, M. Weddel ajoute : € Mais le travail du cascarillero n’est pas à beaucoup près fini, même lorsque la préparation de son écorce est terminée .II faut encore qu’il rapporte sa dépouille au camp; 1l faut enfin qu'avec un lourd fardeau sur les épaules 1l repasse par ces mêmes sentiers que, libre, il ne parcourait qu'avec difficulté. Cette phase de l'extraction coûte parfois un travail tellement pé- nible, qu’on ne peut vraiment pas s’en faire une idée. J'ai vu plus d’un district où il faut que le quinquina soit porté de la sorte quinze à vingt jours avant de sortir des bois qui l’ont pro- duit, et en voyant à quel prix on l’y payait, javais peine à com- prendre comment il pouvait se trouver des hommes assez mal- heureux pour consentir à un travail aussi faiblement rétribué. « Pour terminer, il me reste un mot à dire sur l'emballage du quinquina; c’est le majordome, que nous avons laissé dans . 170 PLANTES MÉDICINALES. son camp, quis’occupe encore de ce soin. À mesure que les coupeurs lui rapportent des écorces, il leur fait subir des triages, et en forme des bottes qui sont cousues dans de gros canevas de laine conditionnés; ainsi les ballois sont trans- portés, à dos d'homme, d'âne ou de mule, jusqu'aux dépôts dans les villes, où on les enveloppe de cuir frais qui prend en séchant une grande solidité. C’est ainsi qu’ils nous arrivent en Europe. » Les quinquinas se trouvent disséminés dans les forêts de la Cordillière des Andes, entre 10° de latitude N. et 19° de lati- tude S., c’est-à-dire depuis le Vénézuéla et le nord de la Nou- velle-Grenade jusque dans la Bolivie, à travers la république de l’'Équateur et le Pérou. Ils ne descendent pas au-dessous de 1200 mètres sur les flancs des Andes, et arrivent à un niveau de 3200 mètres. Les divers pays qui se trouvent dans cette zone exploitent chacune des espèces spéciales de quinquinas. Les Hollandais et les Anglais ont eu l’idée de transporter ces plantes si importantes dans leurs colonies de lInde. Java d’une part, et de l’autre Ceylan, la côte de Malabar et le Bengale, où les Cinchonas se sont parfaitement établis, commencent à nous envoyer des écorces au moins aussi riches et même plus actives que celles qui nous viennent des pays d’origine. CHAPITRE III LE CARICA PAPAYA Un nouveau médicament. — Caractères du Papayer. — Récolte du suc du Carica. Propriétés digestives de ce suc; expériences de MM. Wurtz et Bouchut. Un nouveau médicament que l’on voit maintenant annoncé à la quatrième page des journaux de médecine est fourni par le Carica papaya, un arbre de la famille des Artocarpées, voi- sine de celle des Morées, et dont les arbres donnent également un suc laiteux. Le Carica papaya vit aux iles Moluques, dans l'Inde et dans l'Amérique méridionale. Il atteint rapidement la hauteur de huit à dix mètres, sans ramification du tronc. Les feuilles, mu- nies de longs pétioles, sont palmées; les fleurs, dioïques. Le fruit a la forme d’un petit melon, et il est bon à manger quand il a été confit dans du vinaigre ou traité par l’eau bouillante. Le suc de arbre s'obtient en faisant des incisions au tronc; il est laiteux lorsqu'il s'écoule, amer, et exhale Fodeur d’un chou pourri. Il se décompose facilement et n’est pas facile à recueillir. Lorsqu'on le sèche au soleil, il devient dur et d’une couleur blanc-jaunâtre. Mélé à l’eau, ce résidu constitue le suc naturel. Récemment MM. Wurtz et Bouchut ontreçu d'Amérique du suc de Carica papaya pour l’expérimenter à l'hôpital des Enfants-Malades. Voici le résultat de leurs observations : Mis en contact avec de la viande crue, de la fibrine, du blanc 172 PLANTES MÉDICINALES. d'œuf ou du gluten, le suc de Carica papaya les a ramollis en quelques instants et les a dissous au bout de quelques heures, à la température de 40°. LE PAPAYER. Quand on ajoute ce suc au lait, le lait commence par se coaguler, mais la caséine (le fromage) précipitée se dissout ensuite. bles LE CARICA PAPAYA. 173 Des fausses membranes du croup, retirées par la trachéo- tomie, des parasites, tels que des ascarides et des tænias, ont été attaqués et digérés en quelques heures par ce suc végétal. Son action sur la peau dénudée est âcre et irritante; il peut perforer la muqueuse de l'estomac. C’est, comme on le voit, un mé dicament des plus dangereux. Le suc des feuilles a des effets moins violents, et une infusion concentrée de celles-c1 accé- lère la digestion sans produire aucune irritation. CHAPITRE IV L’ÉRYTHROXYLON COCA Les Erythroxylées. — Les feuilles de Coca. — Usage qu'en faisaient les Incas. Culture de la Coca. — Ses propriétés stimulantes. Cette plante donne son nom à la famille des Érythroxylées, qui se compose d'arbres ou d’arbrisseaux à rameaux aplatis ou comprimés au sommet dans le jeune âge, à feuilles alternes, à fleurs régulières dont le calice est persistant et les pétales au nombre de cinq. Dix élamines sont inséréessur leréceptacle. L'ovaire est libre, à deux ou trois loges. Le fruit est une drupe ovoide anguleuse. Les Érythroxylées habitent la région intertropicale de l’ancien et du nouveau continent. Ce sont les feuilles de la Coca qui sont intéressantes, et nous allons dire un mot de l’usage qu’on en fait au Pérou. L'emploi de la feuille de Coca comme masticatoire parait remonter au temps des premiers Incas, et on la réservait alors aux solennités du culte et à l'usage du monarque; aucun autre mortel n’en devait porter à sa bouche, à moins que par ses ser- vices il ne se fût rendu digne de partager cet honneur avec son souverain. Les points de l'empire péruvien où la plante pouvait se multiplier étaient alors en petit nombre; mais à mesure que le territoire s’étendit par de nouvelles conquêtes, les plantations se répandirent, et, les Incas renonçant à leur privilège, l'usage: L'ÉRYTHROXYLON COCA. 175 de la Coca finit par devenir général, tellement, qu'au moment de l’invasion espagnole les Péruviens se servaient habituelle- ment de cette denrée comme de moyen d'échange, en guise de monnaie. La culture de l'Erythroæylon coca, telle qu’on la pratique aujourd’hui en Bolivie, ne paraît pas diflérer de celle qu’on lui _appliquait avant la conquête. La province des Yungas de la Paz en nourrit des plantations considérables. Tous les versants des montagnes, au-dessous d’une hauteur de 2200 mètres, en sont littéralement couverts, et le voyageur y rencontre à tout mo- ment des haciendas où se prépare la feuille pour être livrée au commerce. L’arbrisseau de la Coca se propage par semis. A cet effet, les graines, dès leur récolte, sont répandues à la surface du sol meuble et fréquemment arrosé d’une petite pépinière, où elles lèvent ordinairement au bout de dix à quinze jours. Les ar- rosements sont continués, et si le soleil frappe trop violem- ment les jeunes plantes, on les abrite sous des nattes. L'année suivante, les arbrisseaux, hauts déjà de 40 à 50 cen- timètres, sont mis en place dans un terrain spécialement pré- paré à cet effet, auquel on donne le nom de cocal (cocalier). Au bout d’un an et demile plant donne sa première récolte, et continue de produire jusqu'à l’âge de quarante ans et plus; on cite mème des cocaliers dont les plants ont près de cent ans d'existence. L'âge auquel la plante donne le plus de feuilles paraît être de trois à six ans. Quand les arbrisseaux s’élèvent trop, leur produit est moindre que lorsqu'ils s’étalent ; aussi les taille-t-on quelquefois. La hauteur moyenne de la plante sauvage paraît être d’environ deux mètres, mais celle qu’on lui laisse atteindre dans les cultures n’est en général que de un mètre. | La récolte des feuilles de l’'Érythroxylon se fait, à peu de chose près, de la même façon que celle du thé. Ce sont des femmes et des enfants que l’on charge de ce travail, rendu facile 176 PLANTES MÉDICINALES. d’ailleurs par la présence de petits murs qui séparent les sillons des cocaliers. Les cueilleurs s’y accroupissent, et après avoir assujetti d’une main le rameau qu’ils veulent dépouiller, ils en enlévent de l’autre toutes les feuilles, et souvent une à une, de manière à ménager le plus possible le reste de l’ar- brisseau. Elles sont déposées, au fur et à mesure, dans une pièce d’étoffe que chaque Indienne porte avec elle, et on les réunit ensuite dans des sacs pour les enlever de la plantation. On porte les feuilles directement du cocalier à l’usine, où on les étend au grand soleil dans de petites cours destinées -à cette opération et dont le sol est formé de dalles de schiste noir. Si le temps est beau, on les y laisse jusqu’à leur complète dessiccation, qui a lieu sans que leur forme en soit altérée. Elles sont ensuite emballées, fortement pressées, dans des sacs formés de gaines de feuilles de bananier et fortifiés par une en- veloppe extérieure de gros canevas de laine. Les feuilles de l’'Erythroxylon se rapprochent, par la forme et par la grandeur, de celles du thé; mais elles n’ont jamais de dentelures et, vues en dessous, elles présentent, de chaque côté de leur nervure moyenne, une ligue saillante et arquée qui permet de les distinguer. Lorsqu’elles ont été bien dessé- chées, elles sont d’un vert très pâle : leur odeur est alors assez agréable et analogue à celle du thé. Quand, au contraire, la Coca a été séchée moins parfaitement, cel arome agréable se perçoit à peine, ou bien il se trouve dominé par une odeur piquante qui rappelle l’haleine abominable des mâcheurs de Coca. On attribue à la Coca la propriété bienfaisante de soutenir les forces de gens qui, comme les Indiens, n’ont pas toujours leurs aliments aux moments voulus. Elle produit certainement une excitation semblable à celle occasionnée par le thé ou par le café. La droguisterie chez nous commence à s’en emparer. VAT 44 ALLA4TTIANNO VAI se ÉTAIT MONDE VEG CUAPITRE PREMIER LES ORCHIDÉES Caractères. — Orchidées françaises et exotiques. — La Vanille et la vanilline artificielle. — Les serres à Orchidées. — Les ennemis des Orchidées. Vivaces, herbacées, quelquefois sarmenteuses et pourvues de racines adventives, les Orchidées sont surtout intéressantes comme plantes d'ornement, bien qu’une de leurs espèces soit employée utilement à parfumer certains mets délicats. Leur périanthe, de formes et de couleurs très variées, représente les objets les plus divers, tels qu’un casque, un sabot, une mouche, un petit singe, etc. Les Orchidées habitent pour la plupart les forêts de la zone tropicale, et elles abondent dans le nouveau continent. Leur fécondation présente ce fait intéressant que l’interven- tion des insectes y est nécessaire. Le pollen se dispose en orappes serrées dont l’ensemble simule de petits grains de cire collés ensemble. Au moment de la fécondation, 1l faut que ces masses polliniques soient sollicitées par un mouvement méca- nique qui les fasse sortir des bursicules ou sacs s’ouvrant en avant de l’anthère par deux fentes longitudinales. Or le nec- taire de la plante joue le rèle d’appât pour les insectes qui doi- vent intervenir. Ceux-ci, en effet, viennent butiner, insinuent leur trompe ou leurs mächoires vers le nectaire, et leur léger altouchement suffit à déterminer la chute des masses pollini- ques, qui restent attachées à l’organe introduit dans la fleur et . 182 PLANTES D’ORNEMENT. qui servent à féconder, non pas cette même fleur, mais une autre que l’insecte va ensuite visiter. Cette observation a été faite par Darwin, et avant lui par deux botanistes du xvimr siècle. Dans nos serres, où les insectes ne sont pas tolérés, c’est la main de l’homme qui les remplace. La flore des environs de Paris, relativement riche en Orchidées, fournit aux botanistes et aux amateurs une ample moisson d'espèces, qui se tiennent de préférence dans les en- droits herbeux et humides, mais quelquefois aussi sur les pelouses sèches. Parmi les espèces les plus répandues, citons : l'Orchis tacheté, l’Orchis à larges feuilles, l’Orchis singe, l’'Orchis bouffon. Ce dernier a la tige terminée par une grappe de fleurs roses ou lilas. | Les Orchidées exotiques sont très recherchées aujourd’hui : on en compile 2500 espèces dans les catalogues des horticul- teurs anglais. Les Vanda, Dendrobium, Epidendrum, Saccalabium ont comme fleurs de jolies grappes odorantes sur lesquelles des différences de coloration se font quelquefois remarquer. Cest ainsi qu’on voyait en 1877, à une exposition de la Société d’hor- ticulture, un superbe pied de Vanda lowi qui à la même grappe portait des fleurs brunes et d’autres de couleur claire. La Vanille, un genre qui mérite une mention toute spéciale, se compose de plantes herbacées qui croissent en Amérique et dans l’Asie tropicale, soit dans les fissures des rochers, soit surtout en grimpant très haut sur les arbres; leurs feuilles sont oblongues ; leurs fleurs, grandes, disposées en épis, pré- sentent un périanthe à folioles semblables entre elles. Le fruit, capsule très allongée et en forme de silique, est chez certaines espèces délicieusement parfumé. Dans le commerce, la vanille de bonne qualité est en gousses longues de trente centi- mètres, sur un centimètre environ de diamètre. Elle est irré- gulièrement triangulaire, fortement sillonnée dans le sens de la longueur. Sa surface, d’un brun noir, est souvent recouverte ” ORCHIDÉE. UNE 184 PLANTES D'ORNEMENT. de cristaux blanchâtres qui y forment ce qu’on appelle le givre. Le parfum de la Vanille est dû à la substance qui produit ce oivre, et qu'on a nommée vanilline. La vanilline a été extraite aussi du bois de sapin et de quelques autres conifères voisines. Les capsules sont cueillies un peu avant leur maturité. Afin de les empêcher de s'ouvrir, on les frotte d'huile et onles réunit en paquets de cinquante à soixante, soigneusement envelop- pées. Le commerce tire sa Vanille surtout du Mexique. La plus connue des espèces de cette région, la Vanille à feuilles planes, acquiert une grande longueur en grimpant sur les arbres, et ses fleurs sont d’un blanc verdûtre. Les Orchidées tropicales exigent toutes la serre chaude, quelle que soit la hauteur absolue de leur lieu natal et la rigueur de son climat. Elles réclament constamment les plus grands soins, que leur donnent sans regret les amateurs, bien récompensés par les magnificences qu’elles leur offrent. Dans les pays inondés de soleil, qui sont les leurs, elles sen- tent la chaleur sans recevoir l’action directe de la lumière, car elles ont bien soin de pousser sous l'abri verdoyant des grands arbres. L'action directe des rayons solaires est d’ailleurs mau- vaise pour beaucoup de plantes, dont elle fait jaunir le feuillage, rabougrir la végétation. Il faudra donc avoir grand soin d'y soustraire les Orchidées en serre, par exemple au moyen de rideaux blancs du côté où le soleil darde, — sans pour cela les priver de toute la lumière dont nous pouvons disposer dans nos chmats. Les serres à Orchidées se construisent généralement au- dessous du niveau du sol. Les Orchidées craignent la terre trop humide. Un peu de moiteur au pied, de légers arrosages sur les feuilles suffisent à provoquer la végétation. La sécheresse complète n’est mortelle que pour un petit nombre d'espèces très menues, et seule- ment quand elle se prolonge ; l'humidité intempestive et stag- Lil LA VANTLLE. 186 PLANTES D’ORNEMENT. nante entraine au contraire très souvent la perte du végétal. Une grande importance doit être donnée au choix des pots, qu'il faut prendre assez larges, proportionnellement au volume de la plante, à cause de ses racines raides, horizontales, char- nues, fragiles, peu nombreuses, et pour qui sont fatals les ob- stacles à leur croissance. Les matières à employer pour remplir les pots sont surtout de la terre de bruyère ou du terreau de bois, de bois pourri en fragments, de la mousse, du sable blanc, des fragments de poterie, du coke ou du charbon de bois. Les Orchidées présentent de nombreux exemples de végéta- tion épiphyte”, et bien qu’en serre toutes puissent vivre dans des pots, il est intéressant d’en placer quelques-unes dans les con- ditions où elles se trouvent naturellement. On garnit de Spha- gnum les morceaux de bois employés pour lesrecevoir, afin que les racines ne soient pas exposées à des dessèchements trop fréquents et trop complets. Les bois à écorce spongieuse et adhérente ou à surface pourrie, ceux aussi que l’on carbonise extérieurement en les passant au feu, suffisent cependant pour entretenir, moyennant des soins fort réguliers, la végétation des plus fortes espèces. Les bois employés ne doivent pas être sujets à produire des moisissures et des champignons. Les grands ennemis des Orchidées sont les cloportes et les limaces. Les premiers trouvent des retraites à l’infini dans les pots mêmes des plantes, dont 1ls rongent les racines. On ne les atteint pas facilement, et pour les rendre inoffensifs 1l n°y a guère qu’à couvrir entièrement de sable et de Sphagnum les racines qu’ils trouvent à leur goût. Les limaces sont plus faciles à détruire. 1. De deux mots grecs, dont l’un veut dire sur et l’autre plante. Les épiphytes sont des plantes qui croissent sur des corps végétaux, principalement sur des troncs d’arbre. CHAPITRE I] LA VICTORIA REGIA ET LE NELUMBO Caractères des Nymphéacées. — Beauté de la Victoria regia. — Dimensions de ses feuilles. — La fiiasse de Nelumbo. La famille des Nymphéacées, quine renferme que des herbes aquatiques, sera représentée ici par la Victoria regia et par le Nelumbo. Les Nymphéacées pourraient figurer avec les plantes utiles, car leur rhizome, dans sa jeunesse, contient abondamment des malières féculentes, mucilagineuses et sucrées, qui le rendent propre à l'alimentation: Les fleurs jouissent de propriétés narcotiques. Les Égyptiens modernes se nourrissent des graines et du rhizome du Nymphéa Lotus. Le Nénufur à fleurs jaunes qui croît dans nos contrées est employé en médecine contre les hémorragies. Mais ces mérites sont ellacës lorsqu'il s’agit de la beauté de la Vicloria regia, ainsinommée en l’honneur de la reine d’An- gleterre. On la trouve dans les eaux tranquilles de l'Amérique du Sud. C’est là que Pa vue M. Paul Marcoy, et nous ne pouvons donner une meilleure description de la célèbre plante que celle qu’il en a tracée : | « Ce lac!, dont l’eau noire comme de l’encre ne vreflétait ni la couleur du ciel, ni la lumière du soleil, décrivait un cercle 1. Le lac Nuña, au Pérou. 188 PLANTES D'ORNEMENT. de quelque deux lieues bordé par d’épaisses verdures. Sa surface, en certains endroits, était couverte de Nymphéas aux gigantesques feuilles d’une nuance vert-pralin qui contrastait avec le ton rose vineux d’un retroussis qui bordait leurs marges. Entre ces feuilles s’épanouissaient de magnifiques fleurs dont les pétales, d’un blanc laiteux à l'extérieur, étaient flammés à intérieur de rose sale, et revôtaient au centre une teinte uni- forme d’un violet vineux sombre. Ces fleurs, par leur dévelop- pement prodigieux et la grosseur de leurs boutons, qu’on eût pris pour des œufs d’autruche, semblaient appartenir à la guirlande d’une flore antédiluvienne. Sur ce tapis splendide trottaient menu toute une légion d’échassiers : tontales, jacanas, kamichis, savacus, jabirus, spatules, qui ajoutaient à son aspect phénoménal, en même temps qu'ils servaient à l'observateur d'échelle de proportion pour mesurer de l'œil les feuilles et les fleurs que ces oiseaux ébranlaient en marchant, mais sans que le poids de leur corps les submergeàt. « Après avoir joui par la vue de ce radieux échantillon de la végétation intertropicale, je fus pris du désir d'en posséder un spécimen. Mes gens poussèrent la pirogue dans ce réseau de feuilles et de fleurs, et, m’aidant d’un sabre d’abatis, je par- vins à détacher une fleur et un bouton de leurs robustes pédon- cules, hérissés d’aiguillons longs de huit à dix centimètres. Les feuilles de la plante, retenues au fond de l’eau par des pétioles épineux de la grosseur d’un câble de navire, résistèrent aux efforts combinés de mes hommes, et je me vis contraint d’opé- rer la section de l’une d’elles à quelques pouces de sa face infé- rieure. Cette feuille, parfaitement lisse en dessus, était divisée en dessous par une foule de compartiments aux casiers très réguliers, dont les cloisons latérales, hérissées de piquants, avaient un pouce de relief. Posée à plat sur le pamacari de notre pirogue, cette merveilleuse hydrophyte le recouvrait. entièrement. | € Je passai près d’une heure dans lembarcation à exa- VIGTORIA REGIA. LA 190 PLANTES D’ORNEMENT. miner dans leur ensemble et leurs détails ce lac d’eau noire et ces fleurs blanches, dont mes regards ne pouvaient plus se dé- tacher ; puis, quand j'en eus fait un croquis, je donnai l’ordre de retourner à Schetica Playa, où j’arrivai avec la feuille, la fleur et le bouton que je venais de conquérir, et plus fier de ce beau trophée que feu Démétrius, le preneur de villes, d’une nouvelle cité ajoutée à sa liste. « En touchant au rivage, je fis disposer deux bâtons en TRANSPORT D’UNE FEUILLE DE VICTORIA REGIA, croix, sur lesquels je plaçai la feuille du Nymphéa. Deux hommes la portèrent ainsi jusqu’au campement. Julio précé- dait la civière et lui frayait à coups de sabre un chemin à tra- vers les roseaux. Mon butin végétal arrivé sans encombre à des- tination, je m’empressai, avant que la chaleur l’eût détérioré, d’en examiner et d'en décrire les diverses parties. La feuille encore humide, que nous pesâmes avec une romaine dont se servait Eustache pour mesurer le sel à ses pêcheurs, cette feuille pesait treize livres et demie. Sa circonférence était de vingt-quatre pieds neuf pouces trois lignes; la fleur, qui me- surait quatre pieds deux pouces de tour et dont les pétales LA VICTORIA REGIA ET LE NELUMBO. 191 extérieurs avaient neuf pouces de longueur, pesait trois livres et demie. Le poids du bouton était de deux livres un quart. Je déposai fleur et bouton dans uné corbeille, puis je coupai l'immense feuille en huit quartiers que j’entourai d’un lin- ceul de papier buvard pour les conserver à la science. » Ajoutons que les fleurs, d’abord d’un blanc pur, passent en vingt-quatre heures par des nuances successives d’un rose tendre à un rouge vif, ce qui explique bien naturellement le désaccord où les voyageurs se sont trouvés relativement à leur couleur. Pendant la première journée de leur épanouissement, elles exhalent une odeur agréable ; à la fin du troisième jour, elles se fanent et se reploient sous les eaux pour y mürir leurs graines. Ces graines, riches en fécule, servent rôties à l'alimentation. Ajoutons que dans les Nymphéacées la tige est un rhizome vivace, submergé, tubériforme, épais, à suc quelquefois lai- teux, émettant des feuilles et des hampes uniflores. Outre les Nymphéinées, il y a encore dans cette famille une autre tribu intéressante, celle des Nélumbonées. Elles tirent leur nom de leur genre unique, le Nélumbo. Le Nelumbium speciosum croît en Asie et jusqu'aux embouchures du Volga; une autre espèce, le Nelumbium luleum, habite les grands fleuves de la Louisiane et de la Caroline. Les Nélumbos sont des piantes d’un port pittoresque, .aux immenses feuilles en bouclier, dressées au-dessus des eaux et d’un vert de mer à reflets chatoyants, aux très grandes fleurs de huit à dix pouces de diamètre. Les pétales, jaunâtres en naissant, passent ensuite à un blanc de crème et sont bordés et ornés de rose au sommet. Les étamines, d’un beau jaune orangé, sont en partie étalées, en partie recourbées sur le réceptable, qui est jaune d’or. Le fruit, comparé par les Grecs à un guêpier, donne des graines que dans l’Inde on sert au des- sert crues, rôties et bouillies, et dont le goût ressemble à celui des noisettes. 192 PLANTES D'ORNEMENT. Les Hindous savent relirer aussi de leurs pétioles et de leurs pédoncules une sorte de filasse dont ils préparent des mèches pour les lampes de leurs pagodes, lors des grandes cérémonies religieuses, si fréquentes chez ces peuples. Le Nelumbiuim speciosum était en grande vénération chez les anciens. Les Égyptiens, qui l'appelaient lotos, en sculptaient ou en peignaient la fleur sur les parois des temples et la met- taientaux mains des grands personnages. Hérodote le mentionne sous le nom de lis ou de rose du Nil; Théophraste, sous celui de fève d'Égypte, parce que sans doule on en mangeait dès lors les semences, qui sont maintenant un aliment pour les Hindous et pour les Chinois. Chose étrange! cette plante sacrée de l'Égypte semble en avoir disparu comme sa religion : on ne la trouve plus en Afrique. CHAPITRE TI LES BRUYÈRES ET LES RHODODENDRONS Caractères des Éricinées. — La Bruyère cendrée. — Vertus attribuées à la Bruyère par les anciens. — Culture des Bruyères. — Les Rhododendrons. — Nombre immense de leurs variétés. Les Bruyères et les Rhododendrons font partie de la famille des Éricinées, laquelle a pour les botanistes des affinités avec celle des Gamelliacées. Les Éricinées sont dispersées sur toute la surface du globe ; mais les Bruyères sont bannies de l’Amé- rique, de l'Asie et de l'Australie, où les Épacridées les rem- placent. Les Rhododendrons appartiennent à la tribu des Rhodoracées, où se trouvent aussi les splendides Azalées ; les Bruyères se placent dans celle des Éricées. Les Ericinées sont des arbrisseaux ou des sous-arbrisseaux, à feuilles généralement alternes. Chezles Bruyères la corolle est persistante. « Parler des Bruyères, dit un botaniste, c’est par- ler de ce que le règne végétal nous offre de plus mignard, de plus élégant, de plus délicat. A l’exception de l'odeur, qu’elle semble leur avoir entièrement refusée, la nature s’est montrée bien prodigue à leur égard : feuillage persistant, tellement ténu qu’il ressemble à certaines plumes; fleurs extrêmement nombreuses, de toutes dimensions, de toutes formes, de tous coloris, sauf le bleu; forme d'arbres et en mème temps taille naine, quoique élancée ou touffue: tels sont à pre- mière vue les avantages dont les Bruyères sont douées. » Elles font un des plus charmants ornements des forêts des MONDE VÉGÉTAL. 13 194 PLANTES D’'ORNEMENT. environs de Paris, de la Normandie et de la Bretagne. En automne, d'immenses nappes pourprées, composées des mil- liers de clochettes de l'espèce appelée Caluna vulgaris, ou encore Bruyère cendrée, égavent l'œil par le contraste heu- reux qu’elles font avec la verdure. La culture s’est emparée de ce genre Erica, el grâce à ses efforts on en compte aujourd'hui plus de six cents espèces ou variétés, la plupart fort distinctes entre elles. Une des plus jolies porte le nom d'Erica neillii. C’est une plante de serre froide ou d'appartement. Les anciens attribuaient aux Bruyères une action contre la morsure des ser- pents, et, sans doule à cause de son étymologie, qui fait venir erica d’un mot grec qui veut dire 7e broie, les physiciens du moyen âge lui attribuaient des vertus contre la pierre. Aujourd’hui la Bruyère doit se contenter de figurer parmi les plantes d'ornement. Voici quelques con- seils sur sa culture : | Dans les journées chaudes, il faut l’ar- roser abondamment et de manière que le feuillage soit saturé d'humidité. Dans les temps humides, on se contente de mouiller les pots dont la terre a un peu séché, en veillant avec soin à ce qu’elle n'arrive jamais à un état de sécheresse complet, qui serait mortel à la plante. Les rempotages en terre de bruyère pure, sablonneuse, non passée au crible, doivent être fréquents, les racines souffrant beaucoup de se tortiller au fond des pots. En hiver, la chaleur n’est aucunement nécessaire aux Bruyères. Le seul soin consiste à les protéger contre l’humi- dité, au moyen d’une aération abondante. BRUYÈRE. LES BRUYÈRES ET LES RHODODENDRONS. 195 Rien de plus simple que leur multiplication : elle a lieu en toute saison par le bouturage. Les Rhododendrons ont une corolle tombante et irré- oulière, des feuilles plates et des bourgeons floraux écail- leux. Les Rhodoracées, comme les autres Ericinées du reste, possèdent des propriétés amères et astringentes et même très narcotiques. Le miel retiré de leurs fleurs par les abeilles peut être très vénéneux. Celui qui causa un délire furieux aux soldats de Xénophon dans la retraite des Dix-mille, provenait d’un Azalea et d’un Rhododendron croissant en abondance sur le littoral du Pont-Euxin. Les bourgeons du Rhododen- dron ferrugineux servent dans le Piémont à préparer un lini- ment antirhumatismal; mais le plus ordinairement ces belles plantes n’ont d'autre utilité que le plaisir des yeux. Il y en a beaucoup d'espèces, et la culture en a fait un grand nombre de variétés. Voici quelques noms : Le Rhododendron rosalba, remarquable par ses fleurs d’un rose satiné au milieu du limbe et ceintes d’un ruban blanc. Il réclame la protection d’une petite orangerie pendant l'hiver. Moins délicat, le Rhododendron dona Maria n’exige aucun abri, aucune couverture, quelque froid qu’il fasse. Ses fleurs, teintées de rose vers le bord des pétales, ont une moitié de la corolle semée de points rouges et orangés. Il est d’une grande ressource pour varier les couleurs dans les massifs, Le Rhododendron retusum, une plante de serre tempérée, forme un arbuste de 30 à 60 centimètres, dont les fleurs, groupées en gracieuses ombelles aux sommités des rameaux, ont une corolle en tube allongé qui s’évase en entonnoir à sa partie supérieure. La couleur de ces fleurs estune belle teinte orangée. Les étamines, au nombre de dix, font saillie hors de la corolle. Un fort joli Rhododendron est celui qui porte le nom de 196 PLANTES D'ORNEMENT. Rhododendron citrinum et qui est originaire des montagnes de Java, où il fut découvert à 5000 pieds d’altitude dans des terrains marécageux. Il fut introduit en Europe vers 1854, et l’on peut le cultiver en pot, l'hiver, dans des serres basses, humides, l’été, en le sortant à l’exposition du levant dans un lieu bas et humide. Le Rhododendron cilrinum n’a que cinq étamines, dont la couleur purpurine tranche nettement sur le fond citrin de la corolle. Dans sa patrie il pousse souvent sur le tronc des vieux arbres. Le Rhododendron nilagiricum, une des plus superbes es- pèces, est arborescent ; la couleur de ses fleurs varie du cra- moisi foncé au rose tendre, et ses feuilles ont pour caractère d’être recouvertes à leur surface inférieure par un duvet lâche et couleur de rouille. Il faut le rentrer en serre froide lorsque le thermomètre menace de descendre au-dessous de (0° et le sortir vers la fin de mars par un temps de pluie. Le Rhododendron robustissimum fastuosum est une admi- rable variété double, dont les dix étamines sont presque entiè- rement converties en une seconde corolle monopétale. Ses fleurs énormes, du plus riche coloris lilas-violacé, reflété d’amarante, forment un corymbe «gros comme une tête humaine ». Ilest impossible de voir rien de plus beau. CHAPECTRE TV LES CAMELLIAS Caractères. — Innombrables variétés du Camellia Japorcu. Culture des Camellias. Les Camellias, ainsi nommés de Camelli, jésuite italien qui les introduisit en Europe, sont des arbres ou arbustes à suc aqueux, à rameaux cylindriques, à feuilles alternes. Leur ori- gine se place dans Amérique tropicale et VAsie orientale. C'est le Camellia japonica, ou rose du Japon, qui, cultivé en Europe, nous a donné d'innombrables variétés. Citons la Grande-duchesse d'Élrurie, qui est particulièrement belle. Élancée, robuste, bien ramifiée, elle donne des fleurs grandes, pleines, d’un beau rose tendre avec des reflets blancs, striées et pointillées de rouge. Le Camellia Alexina est également fort remarquable. Le C. perfection de Chalmer, né aux États- Unis, mérite l’épithète qui lui est accolée. Le rouge domine sur ses pétales. Le Camellia étendard de Flore a des fleurs de plus de douze centimètres de diamètre. Le Camellia japonica est en Asie une plante industrielle, à cause de ses graines, qui contiennent une huile fixe très recherchée. Ses feuilles ont un léger arome qui rappelle celui du thé. Il forme à l’état sauvage un grand arbrisseau, plutôt buissonnant qu'élevé. Dans son pays natal, comme dans nos serres, 1l a fourni de nombreuses variétés, qu’on ne distingue guère que par la diversité du coloris. Tenu en vase ou planté 198 PLANTES D'ORNEMENT. en pleine terre, il peut atteindre cinq à sept mètres d’élévation. Parvenu à cette taille, il se couvre de fleurs innombrables. Les Camellias aiment l'humidité, et par un contraste dont beaucoup d’autres plantes au reste présentent des exemples, ilsexigent beaucoup d’air et une lumière un peu diffuse. Etre logés étroitement ne leur nuit pas, et un rempotage annuel leur suffit ordinairement. La serre où l’on rentre les Camellias doit rester ouverte, excepté en cas de gelée; le moindre souffle du dehors ne doit pas alors y pénétrer. On les met en serre avant le commencement des pluies d’au- tomne, et au printemps on les expose à toutes les influences atmosphériques de nos climats. CHAPITRE V Caractères des Liliacées. — Légendes des anciens à l'endroit du Lis. Son rôle dans l’histoire de France. — Sa culture. — Ses principales variétés, La famille des Liliacées, qui fournit des plantes alimentaires, — et détestables pour la plupart, — l’Ail, le Poireau, la Ci- boule, est surtout remarquable pour la beauté des fleurs de certains de ses genres. Les plantes qui la composent, le plus souvent herbacées et vivaces, ont une racine bulbeuse ou tubéreuse ; des feuilles simples, entières; des fleurs termi- nales. Dans les Tulipiacées, auxquelles appartient le Lis, le périanthe est à folioles distinctes ou cohérentes seulement à la base. Le fruit est capsulaire. Les Liliacées se trouvent répandues à peu près partout, excepté dans la zone glaciale. Le Lis, dont on connaît aujourd’hui une cinquantaine d’es- pèces, a été, de tout temps et par tous les poètes, proclamé l'emblème de l'innocence et aussi celui de la majesté. Les an- ciens lui attribuaient une origine divine, la même, — quel honneur! — que celle de la Voie lactée. Les gouttes de lait ‘ que Junon laissa tomber dans le ciel y formérent cette nuée blanchâtre qui est une nébuleuse, mais celles qui arrivèrent à laterre y firent naître les Lis. Aussi leur donnait-on sou- vent, chez les Latins, le nom de roses de Junon. Le Lis a joué un rôle dans notre histoire, puisqu'il format les armoiries royales, et les fables n’ont pas manqué pour expliquer cet honneur fait à la noble fleur. Clovis l'aurait reçu d’un ange, lors de sa conversion. D’autres expliquent son 200 PLANTES D’'ORNEMENT. choix par ce fait que Francus, fils d'Hector, l'aurait apporté di à à VW TT in ALMAUMAAUUE Il LE LIS BLANC. dans le pays où il venait se réfugier. Mais comme le lis héral- LE LIS. 201 dique ne rappelle que bien grossièrement la forme du Lilium, des auteurs forts en étymologie prétendent qu'il représente l'fris des marais, dont les soldats de Clovis se seraient couronnés sur les boards de la Lys. Les nombreuses espèces du genre Lis rivalisent entre elles de beauté et d'élégance dans le port, de grandeur et de coloris éclatant dans leurs fleurs, lesquelles assez souvent exhalent urte odeur suave, mais quelquefois trop prononcée. La généralité des Lis supporte parfaitement noshivers à l'air libre. Il faut planter ces belles fleurs un peu profondé- ment (30 à 40 cent.), et dès le mois d’avril elles commencent à développer leurs tiges et leurs feuilles. Parmi les plus belles espèces, citons : le Lis à fleurs nankin, qui, bien cultivé, peut s’élever à deux mètres de hauteur. Ses fleurs sont nombreuses et forment un thyrse plus ou moins allongé, selon la force des individus. Ainsi que l'indique le nom de l'espèce, leur couleur estun nankin clair,mais à reflets carnés. Le Lilium japonicum, introduit en Angleterre, c’est-à-dire pour la première fois en Europe, en 1804, par les directeurs de la Compagnie des Indes, conquit tousles suffrages dès son ap- parition par l'ampleur de ses fleurs et leur odeur agréable. Les pétales sont d’un blanc terne à l’intérieur et un peu rougeâtre extérieurement. Le Lilium callosum, ou Lis à bractées calleuses, se trouve à de grandes hauteurs dans les montagnes volcaniques du Japon. C'est une singulière et délicate espèce, dont les fleurs à corolle orangée, au nombre de six à dix, forment une grappe terminale, simple. Le Japon est également la patrie du Lilium speciosum ou Lis élégant à fleurs rouges, pour quila nature a été prodigue de ses dons : port et feuillage superbes, fleurs amples à riche coloris, odeur pénétrante et suave. Un individu bien cultivé s'élève à six pieds au moins de hauteur et donne jusqu’à quarante fleurs à la fois. CHAPITRE VI LES PLANTES CARNIVORES La Dionée attrape-mouches. — Les expériences de Darwin. La Drosera rotundifolia. — Les Pinguicules. La Dionée attrape-mouches, originaire de la Caroline du Nord, est une petite plante à feuilles disposées en ro- sette; l'extrémité est formée d’un limbe découpé en deux lobes ou valvules garnies et bordées de longs cils; ces deux lobes, réunis par leur milieu comme par une charnière, sont doués d’une irritabilité telle, qu'ils se referment brusque - ment sur l’insecte ou le corps étranger qui les a touchés. La Dionée offre des fleurs blanches en corymbe sur une tige de quelques centimètres; elle se reproduit de graines et de boutures de feuilles, est bisannuelle, et doit être placée dans le Sphagnum maintenu frais, à l'abri d’une serre tem- pérée et sous cloche. Elle rentre dans l’intéressante catégorie des plantes carni- vores, qui à donné et qui donne encore lieu à tant de dis- CUSSIONs. Du temps même de Linné, on croyait que non seulement la plante prenait des insectes, mais encore qu'elle s’en nour- rissait. Ge sentiment fut corroboré, soixante ans plus tard, par le clergyman américain Curtis, qui put observer la Dionée dans les prairies marécageuses de la Caroline. Il remarqua que, LES PLANTES CARNIVORES. 203 sous l'influence de Pirritation causée par les pattes d’un in- secte à la face supérieure du limbe d’une de ses feuilles, les deux portions latérales à la nervure médiane se rapprochaient brusquement, en entrecroisant les poils rigides dont les bords de cette feuille sont garnis; que, indépendamment du fait de capture, la feuille exsudait un liquide mucilagineux qui enveloppait linsecte de toutes parts, et que celui-ci se fondait et disparaissait sous l’action corrosive de ce liquide. On ne crut pas l'Américain et l’on n’eut pas tort, puisque l’on ne pouvait vérifier le fait. Il était exact cependant. Darwin le mit en lumière, et la Dionée devint l’objet d’un engouement qui inspira de véritables absurdités. Le célèbre naturaliste ayant soumis l’étonnant végétal à un régime de viande crue, ses disciples se crurent obligés de trouver quelque chose de mieux, et MM. Balforer et Couby constatèrent : l’un, que la sécrétion de la feuille est plus abondante quand on lui pré- sente un morceau de choix, et il ne doute pas, dit-il, « que la sécrétion ne soit en rapport avec la qualité du festin » ; l’autre, que le « régime forcé du fromage » est préjudiciable au tempérament de la Dionée, et que cette alimentation « cause de véritables nausées à la plante et des envies de vomir ». Et voilà comment ces disciples du transformisme ont le talent de faire d’un végétal un canard. Quoi qu’il en soit, les expériences suivantes, parfaitement contrôlées, présentent un grand intérêt et ne peuvent être passées sous silence dans ce chapitre. - Le 12 juin 1877, M. Francis Darwin transplanta et cultiva, dans des assiettes remplies de mousse, deux cents pieds de Drosera rotundifolia. Une cloison en bois, très basse, séparait chaque assiette en deux moitiés : dans l’une de ces moitiés étaient placés les pieds destinés à recevoir la nourriture ani- male; dans l’autre, les pieds mis à la diète. On recouvrit le petit parterre d'un châssis en toile métailique, pour empêcher la visite des insectes. 204 PLANTES D'ORNEMENT. Depuis le commencement de juillet jusqu’au commencement. de septembre, une ou deux parcelles de viande rôtie furent distribuées, à quelques jours d'intervalle, à chaque feuille des plantes alimentées; ces parcelles de viande pesaient un quin- zième de grain. LA DIONÉE ATTRAPE-MOUCHES Avant le commencement de septembre, époque de la com- paraison définitive des deux parties de la plante mise en expé- rience, on constatait que les plantes nourries avec la viande profitaient fort bien du traitement auquel elles étaient sou- LES PLANTES. CARNIVORES. 205 mises. Leur couleur verte brillante témoignait que l’azote ap- porté par la viande avait augmenté les grains de chlorophylle. Au contraire, dans les compartiments laissés à la diète, les plantes présentaient un état visible de dépérissement. Le 7 août, le rapport des plantes en fleurs soumises à la diète était à celui des plantes nourries de viande comme 100 est à 149. Les plantes non alimentées ne pouvaient plus don- ner de nouvelles fleurs comme les autres Au milieu du mois d'août, le rapport des feuilles (calculé sur trois assiettes) était comme 100 est à 137. La proportion, bien entendu, en faveur des pieds nourris de viande. La Dionée appartient à la famille des Droséracées. Les mèmes phénomènes peuvent être observés sur les Pin- euicules de nos prairies tourbeuses. Les feuilles de ces plantes sont charnues à la face supérieure, couvertes de poils, et leur sommet est couronné par une glande formée de cellules rayonnantes, le tout assez semblable à un petit champignon. Or, « voici comment les choses se passent, dit M. Ed. Marren : Un moucheron, alléché peut-être par l'apparence glutineuse d’une feuille de Pinguicula, vient étourdiment se poser des- sus; dès lors, c’en est fait de lui : il se trouve empêtré par ses pattes sur une surface gluante et duveteuse; vainement cher- che-t-il à reprendre son vol; si une patte se dégage, les autres sont retenues. Il s’épuise en vains efforts, et bientôt, à bout de force, ses tarses fléchissent; il s’affaisse, tombe sur le flanc, dans cette ce salivale qui petit à petit l’envahit et l’imprègne. La pauvre moucherolle éprouve une bien longue agonie, qui se prolonge pendant plusieurs heures. Quand elle vient à périr, elle est assez rondelette sur la surface de la. feuille; mais dès le lendemain elle s’aplatit, elle semble être appliquée plus intimement contre l’épiderme, elle s’atténue au point qu’on croirait la voir incorporée dans la feuille. En deux ou trois jours, parfois davantage, ces débris disparais- sent et ne laissent que des vestiges insignifiants. » CHAPITRE VII LE NÉPENTHÈS Caractères. — Singularité des feuilles de Népenthès. — D'où vient l’eau des Népenthès? — Composition de cette eau.— Superstition des sauvages à l'égard . des Népenthès. — Culture des Népenthès. 5 Les Népenthès forment le genre unique de la famille des Népenthées, très voisine de celle des Droséracées. Ce sont des plantes indigènes de l’Asie tropicale et de Madagascar, dont elles habitent les lieux marécageux. Elles présentent une tige couchée sous-frutescente, des feuilles alternes sur lesquelles nous allons revenir; des fleurs dioïques nombreuses, dis- posées en grappes ou en panicules; une capsule coriace, oblongue, tronquée ; des graines allongées, qui flottent d’a- bord sur l’eau, s’imbibent peu à peu et descendent au fond du marécage pour y germer. Le mot Népenthès veut dire qui est sans chagrin. Homère donnait ce nom à une substance, venant d'Égypte, qui avait, dit-il, la propriété de dissiper la tristesse, et c’est Linné qui l’a imposé au genre dont nous allons dire quelques mots. Les singulières feuilles des Népenthès imitent un vase sur- monté de son couvercle et dans lequel se trouve de l’eau. Les ascidies (petites urnes), — c’est le nom que donnent les botanistes à ces sortes de vases foliaires, — sont de véritables transformations du pétiole ou du limbe de la feuille, dont les bords se sont amplifiés, puis soudés. On n’est pas bien d'accord sur l’origine de l’eau des Népen- thès. On à dit que c’est le produit d’une exhalaison aqueuse LES NÉPENTHÈS. 207 déterminée par la chaleur de l'atmosphère, puis qu’elle est due à une excrétion propre à la plante elle-même; enfin qu’elle peut être attribuée aux pluies. Ce sont probablement ces trois circonstances qui agissent à la fois. Le goût et l’odeur du liquide contenu dans les ascidies ont été jugés fort différemment par les voyageurs qui en ont goûté : les uns l’ont comparé à l’eau pure fraiche; d’autres lui ont trouvé une saveur sucrée ou plus ou moins acide; beaucoup ont déclaré qu’il avait une odeur nauséabonde. FEUILLE DE NÉPENTHÈS. Le docteur Turner, ayant eu l’occasion d'analyser l’eau contenue dans l’urne d’un Népenthès du jardin botanique d’Édimbourg, urne non encore ouverte, remarqua qu’en bouillant elle émettait une odeur de pommes cuites prove- nant d’une petite quantité de matière végétale, et qu’en re- froidissant, par la simple évaporation, elle déposait de petits cristaux de sel d’oseille. Les savants ne sont pas d'accord non plus sur le mouve- ment de l’opercule des ascidies, mouvement qui est également affirmé et nié, Il serait causé par le phénomène ordinaire du 208 PLANTES D’ORNEMENT. jour et de la nuit. Ainsi, dit-on, l’ascidie, pendant la nuit, est fermée par son couvercle : c’est alors qu’elle Semplit de liquide; pendant le Jour, le couvercle s'ouvre, et l’ascidie se vide en tout ou en partie. Des insectes nombreux trouvés dans ce liquide ont fait penser que le Népenthés est une plante carnivore. Des plantes aussi extraordinaires devaient attirer même l'attention des sauvages indigènes des lieux où elles crois- sent. Aussi les connaïssent-ils fort bien, en y attachant natu- rellement des idées superstitieuses. Lorsque, par exemple, ils désirent de la pluie, ils coupent les urnes des Népenthès et en renversent l’eau sur le’sol, persuadés ‘qu'ils sont que leurs champs seront arrosés dans la journée. Dans l'Inde (et nous ne disons pas qu’ils ont tort), les médecins regardent la racine de ces plantes comme astringente, et en distillent une liqueur qu'ils emploient par absorption contre certaines fièvres'et en liniments contre les inflammations de la peau. Rien ne fait mieux dans une serre qu'un Népenthès. Mal- heureusement, il est rare d’yv voir cette plante végéter avec vigueur. Elle est presque toujours chétive, rachitique; Pex- trémité de ses feuilles périssant sans avoir développéVascidie: Ce n’est pourtant pas à la difficulté de la culture ‘que doit être attribué ce fâcheux inconvénient, mais bién aw défaut de soins appropriés et de précautions convenables.! Voici, d’après M: Louis Van Houtte les règles à suivre pour obtenir de plus heureux résultats : « Tout d’abord l’essentiel est de combiner, dans des pro- portions convenables, les trois agents de toute végétation fac- tice : la chaleur, l'humidité et l’aérification, sans le concours immédiat desquelles le succès est impossible. Sans aéra- tion (ou ventilation, si l’on veut), une plante suffisamment chauffée et humidifiée s’allonge, s’étiole et n’émet que des organes avortés. L’aération sans chaleur et sans humidité suffisantes s’oppose à toute végétation. Il est inutile de conti- LES NÉPENTHES, 209 nuer ce parallèle, mais cherchons à le mettre en pratique, « Une serre basse, chaude et humide, une serre à orchidées, par exemple, convient parfaitement à la culture des Népenthès. « On les plante assez largement dans une terre franche mêlée de mousse et de fragments de briques finement con- cassés; le vase doit plonger dans une terrine assez profonde remplie de mousse toujours mouillée, afin que le fond con- tienne sans cesse ‘une petite quantité d’eau à l’état libre. Il est mieux encore de se servir de doubles vases dont l’exté- rieur, beaucoup plus grand, dépasse un peu l’intérieur ; l’in- tervalle est rempli également de mousse sans cesse humidi- fiée. Au fur et à mesure que la plante grandit, comme elle ne se soutient qu’à l’aide de ses cirrhes, on attache au vase des cercles en fil de fer, ou mieux en baguettes très fines, peintes en vert, que l’on soutient par trois ou quatre autres baguettes longitudinalement placées. « La plante ainsi préparée doit être placée dans l'endroit le plus chaud, le-mieux ombragé (artificieliement) de la serre, et là où puissent lui arriver la lumière solaire tamisée par des ombrages de verdure de préférence et, autant que possible, un courant d’air pur et chaud. Dans cette situation, en été, une fois par jour, deux fois et trois fois au besoin (c’est-à-dire enproportionnantles arrosages à la rapidité de l’évaporation), l’on arrosera abondamment les feuilles et la mousse. On diminuera peu à peu les arrosages, on cessera d’humidifier la surface des vases et la mousse contenue soit entre eux, soit dans le terrain, en même temps que la belle saison décroi- tra, pour, en hiver, laisser l'appareil sinon entièrement see, du moins beaucoup moins humide comparativement. » A la suite de ces conseils si précieux et si bien exposés, Van Houtte ajoute qu’en les mettant en pratique il a cultivé des Nepenthes distillatoria qui n'avaient pas moins de vingt pieds de hauteur, « et s’enorgueillissaient de tout l'éclat d’une végétation tropicale ». MONDE VÉGÉTAL. 14 CHAPITRE VIII LA SENSITIVE Traits distinctifs des Mimosées. — Irritabilité de la Sensitive. — Longue durée de la vie de fragments séparés de la plante mère. Cette plante si intéressante se place parmi les Légumi- neuses, dans la tribu des Mimosées. Les Mimosées ont une tige ligneuse, des feuilles de forme très variable, irritables dans la Sensitive; des fleurs stamino- pistillées, souvent polygames ; un calice et une corolle à quatre où à cinq divisions ; des étamines en nombre double de celui des pétales, et insérées avec la corolle; un carpelle unique. Le fruit est un légume, pluriloculaire dans la Sensitive. C’est du nom latin de la Sensitive. Mimosa, qu'est fait celui de la tribu. Les Mimosées habitent de préférence les pays chauds. La Sensitive éprouve toutes les influences que subissent les animaux à sang-froid. La chaleur augmente en elle l’activité des fonctions et porte l’irritabilité au plus haut point d’inten- sité. | Exposée pendant longtemps à l'obscurité ou au froid, elle devient à peu près insensible au contact, et il faut que la lumière et la chaleur la raniment ; l’eau tiède dont on l’ar- rose lui rend très vite son activité suspendue. On la narcotise comme on narcotise les animaux, et si l'effet se continue, la plante meurt. Tout ce qu’on voit en elle témoigne d’une vita- lité servie par des tissus excitables. LA SENSITIVE. 211 L'irritabilité de la feuille n’est pas localisée, elle est univer- selle; et quoiqu’elle donne lieu à des effets en apparence plus prompts les uns que les autres, la puissance est égale partout, Si l’on touche, même légèrement, le pulvinule des folioles, il y a aussitôt redressement, en raison de la proximité de l’ar- ticulation; si lon irrite par une piqûre le pulvinule du pé- tiole général, il s’abaisse, toutefois sans transmettre la cause qui le fait mouvoir, tandis que si lon agit au-dessus du pul- vinule, sur le trajet du pétiole, ily a transmission lente, mais certaine. L'effet du sommeil naturel redresse le pétiole; l'effet du sommeil artificiel, produit par les chocs, les piqûres, elc., au contraire, l’abaisse. Rien n’est plus digne de remarque que la longue durée de la vie des fragments de végétaux détachés de la plante mère et plongés dans l’eau. Cette conservation, évidemment plus longue que dans la plupart des autres plantes mises dans ces mêmes conditions, s'accompagne de la continuation des pro- priétés physiologiques de la partie soumise à l’expérience. Des feuilles de Sensitive, amputées et mises dans l’eau aérée ou non aérée, ont fonctionné normalement pendant plus de deux mois, malgré la couche d’eau qui aurait dû faire obsta- cle à leurs mouvements, et elles se sont montrées sensibles au {act et aux piqûres Jusqu'à la putréfaction complète, fort lente d’ailleurs à se manifester. ua 2, © un | (ee) A HAUOINT AATISANI BOAHIYATE BAS k 7. F Ê * SR 2 ob enmiuot sad -- Jngisgè:q sl: otoibiti bel neo Nes amimmaisb up fon 59:91180 — aies vb vobue ee duoo no Srsmtono), — -bismog nu) NE EP ve HG : NL Sa s 2 NAT ENTOTIO + LI 244 4 1 1N00-1 à ii cisrsbucD Al ai SENST STQUES 8 (DO | daiènrohters a MAT ONT LR UD EEE FO 8: nié SE dis qu} AE FOR EU sand h ÉA at Lit o eh 19 CHAPITRE UNIQUE LES STRYCHNOS Le curare. — Comment les Indiens le préparent. — Les fourmis de feu. — Mode d'action du curare. — Genre de mort qu'il détermine. — Les expé- riences de C1. Bernard. — Comment on peut se guérir du curare. Les Strychnos sont des plantes grimpantes de la famille des Loganiacées, qui est étroitement liée à celle des Rubiacées. Leur écorce est la base du curare, poison violent utilisé par les Indiens de l'Amérique du Sud pour empoisonner leurs flèches, dont la plus légère blessure suffit alors à déterminer la mort. Ce fut La Condamine qui donna les premiers renseigne- ments exacts sur le curare, dont il avait pu observer les terribles effets pendant son voyage aux régions équinoxiales de l'Amérique. Voici ce que rapporte un voyageur, Charles Waterson, sur la préparation du curare par les Indiens dans leurs forêts. Le sauvage chargé de le préparer commence par recueillir une certaine quantité d’une liane très toxique, le Strychnos toxifera, d’où la chimie retire la strychnine et qui joue un rôle important dans le mélange vénéneux. Ensuite il arrache une certaine racine très amère, qu'il y réunit, et il cherche deux sortes de plantes buibeuses qui contiennent un jus vert et gluant. Il remplit de tiges de ces plantes un petit vase qu’il porte sur son dos, et il se met enfin à rechercher deux espèces de fourmis. L'une est très grosse, noire, et tellement 216 POISONS. venimeuse, que sa piqüre donne la fièvre; on la trouve le plus souvent sur la terre. L'autre est une petite fourmi rouge qui pique comme une ortie et qui place ordinaire- ment son nid sur la feuille d’un arbrisseau. L'Indien ra- masse encore une certaine quantité de poivre de Cayenne; il ajoute enfin les crochets broyés du serpent labarri et du cou- nacouchi, qu’il tient ordinairement en réserve; car, lorsqu'il tue un serpent, il a soin d’en arracher les crochets et de les conserver. Quand il a recueilli les ingrédients nécessaires à la prépara- tion du curare, Indien réduit en petits morceaux la liane du Strychnos loxifera et la racine amère, et il les fait bouilliravec de l’eau. Il ajoute ensuite les crochets du serpent, les fourmis et le poivre. La liqueur est placée sur un feu modéré. Lors= qu’elle est en ébullition, on enlève l'écume avec une feuille, et la liqueur reste sur le feu jusqu'à ce qu’elle soit réduite en sirop épais, d’un brun foncé. Dans cet état, on la versel/dans une calebasse, petit pot de la facon des Indiens, et.on la Li serve dans l'endroit le plus sec de la cabane, Ne M. Paul Marcoy, danslesforéts del Amértee:E A vit préparer sinon le curare, du moins un poison bien änalogue. Les détails de fabrication sont exactement ceux que nous ve- nons d'indiquer : feuilles et bois de deux sortes de lianes, glandes et crochets de serpents venimeux, milliers decadavres de fourmis de feu. À propos de ces dernières, le voyageur dit ceci : « Durant mon séjour à Nauta, j'avais fait connais- sance avec ce charmant petit monstre, et je gardais un souve= nir très net des crampes et des douleurs folles qui étarent ré- sultées de mes rapports indirects avec lui; pour cela, il m'avait suffi de marcher nu-pieds sur des troncs d’arbres renversés à l'endroit où des tasnapira! étaient passées, laissant après elles une glu caustique dont l’action sur la peau peut être 1. C’est le nom que les Indiens donnent à ces fourmis. CURARE, DU Le © 4 Ex <« Oo 4 à TT LA FABF me: ‘ DE 218 POISONS. comparée à celle de cantharides préalablement marinées dans de l’acide sulfurique. » Les Indiens sont très jaloux du secret de ce poison. M. Paul Marcoy eut toutes les peines du monde à obtenir qu'ils en fabriquassent devant lui. Il fallut que le missionnaire qui gou- vernait la peuplade au milieu de laquelle il se trouvait alors, employät toute son influence, et l’appât de trois couteaux, ri- chesse énorme aux yeux de ces hommes primitifs, pour qu'ils préparassent le poison devant l'étranger. Le curare agit, comme les venins, d’une manière beaucoup plus active lorsqu'il pénètre directement dans le sang, que lorsqu'il est introduit, même à une dose assez considérable, par les voies digestives. Les symptômes de la mort par le curare présentent un aspect caractéristique sur lequel s'accordent tous les observateurs : l'animal empoisonné ne semble pas ressentir la moindre dou- leur, il paraît seulement accablé par le sommeil; il est inca- pable de mouvement : il conserve toute son intelligence, mais tous les organes qui le devaient servir cessent d’obéir à sa vo- lonté : il est paralysé. Ce poison a été tout particulièrement étudié par Claude Bernard, et ses expériences lui ont permis de rendre mani- feste l’existence de ces trois systèmes différents : système ner- veux sensitif, système nerveux moteur, système musculaire. Nous ne pouvons entrer là-dessus dans aucun développement ; mais ce qu’il importe de savoir, c’est que, les nerfs du mouve- ment élant paralysés, non seulement l’animal ne pourra plus se mouvoir, mais encore cessera de respirer; les muscles extenseurs de la poitrine ne fonctionneront plus... « En ré- sumé, c’est doncle manque d'oxygène ou l’asphyxie qui amène la mort dans l’empoisonnement par le curare. S'il en est ainsi, c’est l’oxygène qu’il faut rendre pour rappeler à la vie, et le contrepoison sera simplement la respiration artificielle, c’est-à-dire un soufflet qui, remplaçant les mouvements respi- LES STRYCHNOS. 219 ratoires éteints, introduira, graduellement et avec les précau- tions convenables, de l'air pur dans les poumons... « … En 1815, Watterton et Brodie inoculèrent du curare à une ânesse, qui mourut en dix minutes. On lui fit alors une incision à la trachée artère et on lui gonfla régulièrement les poumons pendant deux heures avec un soufflet. La vie suspen- due revint; l’ânesse leva la tête et regarda autour d'elle; mais l'introduction de lair ayant été. interrompue, elle retomba dans la mort apparente. On recommença aussitôt la respira- SAUVAGE LANCANT DES /FLÈCHEÉS /EMPOISONNÉES PAR 1LE, GURARE: tion artificielle et on continua sans interruption pendant deux heures encore. Ce moyen sauva l’ânesse. » Voici un autre moyen plus facile de guérir ducurare. Malgré ses propriétés actives, ilne tue pas à dose infiniment petites, et si on ne le laisse pénétrer dans l’organisme qu’en très faible quantité, il ne pourra pas sans doute amener la mort. Qu'on fasse donc au-dessus de la partie blessée une forte ligature, on n’empêchera pas absolument le mouvement du sang aans les veines, mais on pourra le retarder considérablement; 4l s'échappe si peu de poison à-la fois que la matière toxique introduite dans l’organisme est éliminée à mesure. Claude 220 POISONS. Bernard a démontré le fait par l’expérience : des animaux piqués avec des flèches enduites de curare ont été sauvés en laissant des ligatures serrées sur les membres pendant vingt-quatre et quarante-huit heures : « Après ce temps, on peut délier le membre sans danger, parce que le poison et la mort ont pu s'enfuir par la même porte. » FIN TABLE DES MATIÈRES Pages QUELQUES DÉFINITIONS. . . +. « o .e + o «ee o'e 5086 000 SOA EE AA AL ONE Ie 6 Plantes alimentaires CHAPITRE PREMIER. — LES GRAMINÉES. — Caractères des Graminées. — Les céréales : Froment, Seigle, Orge, Avoine, Riz, Maïs. — La Canne à HOTEL MAbLiCAtION AU Sucre VIAMRÉUNION Eee. eee es ee 39 CHAPITRE IT. — LES PALMIERS. — Caractères. — Le Dattier, dattes et vin de palme. — Cocotier : récolte du toddy. — Le Cocotier des Séchelles. — Coco australis. — Arec-cachou. — Palmiers à cire. — Ivoire végétal. Carludovica palmata; les chapeaux de Panama... .................... 43 CHAPITRE III. — LA VIGNE. — Caractères. — Régions vinicoles de la France : vins de Bordeaux, de Bourgogne, de Champagne, de l’Hermi- tage, de Côte-Rôtie, de Jurançon, de Banyuls, de Collioure, de Port- Vendres, Grenache; les muscats, — Le Chasselas. — Les vins du Rhin. — Lephylloxéra. — Comment se faît le vin.......,.................... 57 CHAPITRE IV. — LES SOLANÉES COMESTIBLES. — Pomme de terre; variétés, usages. — L'Aubergine. — La Morelle. — Le Piment. — La Tomate..... 64 CHAPITRE V.— LES PAPILIONACÉES. — Description de la corolle des Papi- lionacées, par J.-J. Rousseau, — Autres caractères des Papilionacées. — Haricots. — Pois. — Lentilles. — Fèves. — Arachide. — Fourrages, — LIT TOERNRS LE San pee nee lee so enr PES 68 CHAPITRE VI. — L'OLIVIER. — Caractères. — La région de l’Olivier. — Les olives. — La récolte. — La fabrication de l’huile................. 71 CHAPITRE YII. — LES ARBRES FRUITIERS DE LA FAMILLE DRS ROSACÉES. — Les Pomacées. — Pommes et poires. — Cidre et poiré. — Cognassier. — Sorbier. — Néflier. — Les Amygdalées. — Amandier. — Pêcher. — Abricotier. — Prunier. — Cerisier. — Le kirschwasser................ 75 CHAPITRE VIII. — LES MORÉES. — Caractères. — Müûrier noir et Mürier blanc. — Le Figuier. — L’Arbre à la vache; observations de M. Bous- singault et de M. Marcoy..... sÉvanee tre dde ce ones et ce COM EECR 82 229 TABLE DES MATIÈRES. Pages. CHAPITRE IX. — LE CAFÉIER. — Origine. — Description. — Graines. — Sortes de Cafés. — Un mot sur la Garance................. “2 20 9 De CHAPITRE X. — LE THÉ. — Caractères. — Qualités stimulantes et nutritives du Thé. — Procédés qui font le Thé vert et le Thé noir. — Différentes An ONE obdaeisdondnnse CRT rte sie sise et CHAPITRE XI. — LE CACAOYER. — Caractères, — La graine de Cacao. — Cacaos terrés et Cacaos non terrés. — Localités qui produisent le Cacao. CHAPITRE XII. — LE MELON ET LE CONCOMBRE. — Caractères. — Culture singulière des Melons et des Concombres dans l’Inde.... ........ sent CHAPITRE XIII. — LES CHAMPIGNONS. — Innombrables formes de Cham- pignons. — Leur structure; leur saveur et leur odeur, — Champignons phosphorescents. — Champignons vénéneux. — Le Muguet des malades, — Champignons comestibles. — La Truffe, sa culture et sa récolte. — Goût des anciens pour les Champignons. — L’amadou................. Plantes industrielles CHAPITRE PREMIER. — LES ARBRES DES FORÈTS. — Utilité des forêts. — Taillis et futaies. — Forêt sauvage du Thuringerwald. — Les forêts tropi- cales. — Intérêt du boisement des montagnes et des dunes. — Le Chêne, âge qu'il peut atteindre ; emploi de son bois; la noix de galle. — Le Hètre et la faine. — Le Chàtaiguier, dimension qu'il peut acquérir. — Le Charme. — Le Noisetier. — Le Bouleau et l’Aulne: — Le Frêne, le Tilleul et le Peuplier. — Les Conifères : Pin, Sapin, Mélèze, Cèdre, Séquoïa; la térébenthine, le succin. — Les Cycadées. — L’Eucalyptus.......... . CHAPITRE If. — LE CHANVRE. — Pays producteurs du Chanvre! — Récolte. — Le rouissage et ses inconvénients. — Le teillage et le broyage. — Le Chanvre tdrASIen et rene See A RENE LR ue shoes ee CHAPITRE IIT. — LES ROSIERS. — Caractères. — Rosa canina. — Rose de - Provins. — Rose à cent feuilles et Rose des quatre-saisons. — Les Roses de la vallée de Késanlik : l'essence de Roses. — La culture des Rosiers. CHAPITRE IV. — LES IRIDÉES. — Caractères. — L'Iris de Florence. — L'Iris germanica. — L'Iris des marais succédané du café. — Le Crocus SHVASIEDAIeN SATA Er PAPE ET EEE Soveoe Sete Tee CHAPITRE V. — LES SPHAIGNES ET LES AUTRES PLANTES QUI DONNENT LA TOURBE. — Caractères des Sphaignes ; leur mode de croissance. — Leur habitation. — Les tourbières du Mexique. — Les mines de Cèdres...... CHAPITRE VI. — LES VARECHS. -— Les champs de Sargasses. — Caractères généraux des Algues. — L’iode. — Les Algues et l’agriculture. —- Les AlouesFEDMES MERE ER ere en de st Ce 90 93 99 105 117 140 143 147 TABLE DES MATIÈRES. Plantes médicinales 223 Pages. CHAPITRE PREMIER. — LES PAYOTS. — Caractères. — Les Pavots somni- fères. — La morphine — Ce que vit à Bornéo madame Ida Pfeiffer, — L'opium en Asie Mineure et dans l'Inde anglaise........... nee oc CHAPITRE IT. — LES QUINQUINAS. — Les écorces de Cinchona. — La qui- nine et la cinchonine. — Récolte des Quinquinas du Pérou. — Acclima- LRO RS ONE ENG En ON AG CRE PE SEE PRO RE RP EE CHAPLTRE III. — LE CARICA PAPAYA. — Un nouveau médicament. — Ca- ractères des Papayers. — Récolte du suc de Carica. — Ses propriétés digestives. -— Expériences de MM. Wurtzet Bouchut.......:.......:.,.. CHAPITRE IV. — L'ERYTHROXYLON COCA. — Les Erythroxylées. — Les feuilles de Coca. — Usage qu’en faisaient les Incas. — Culture de la Coca. — Ses propriétés stimulantes......,.......... D Daues à ose SAS TR SE Plantes d'ornement CHAPITRE PREMIER. — LES ORCHIDÉES. — Caractères. — Orchidées fran- çaises et orchidées exotiques. — La Vanille et la vanilline artificielle. — Les serres à Orchidées. — Les ennemis des Orchidées... ..,.......... AE CHAPITRE II. — LA VICTORIA REGIA ET LE NÉLUMBO. — Caractères des Nymphéacées. — Beauté de la Victoria regia, dimension de ses feuilles. — Larlassame, Nélumhp:, us montent 2.4 enr tar Here Et ES INTER CHAPITRE III. — LES BRUYÈRES ET LES RHODODENDRONS. — Caractères des Erycinées. — La Bruyère cendrée. — Vertus attribuées à la Bruyère par les anciens. — Culture des Bruyères. — Nombre immense des variétés de Bhadodendnons, sn d-2E so -sadottint de. ee butin .cer. bras CHAPITRE IV. — LES CAMELLIAS. — Caractères. — Innombrables variétés du Camellia japonica. — Culture des Camellias........................ CHAPITRE V. — LE 11S. — Caractères des Liliacées. — Superstition des anciens à l’endroit du Lis. — Son rôle dans l’histoire de France. — Culture du Lis. — Ses principales variétés............,........... PSE CHAPITRE VI. — LES PLANTES CARNIVORES. — La Dionée attrape-mouches. — Les expériences de Darwin. — Le Drosera rotundifolia. — Les Pin- QUICULES saga ajaois cineioie à à à SAT die UE PE RASE AE sat s100 db CHAPITRE VIT. — LES NÉPENTHÈS. — Caractères. — Singularité des feuilles des Népenthès. — D'où vient l’eau qu’on y trouve. — Composition de cette cau.— Superstition des sauvages. — Culture de Népenthès............. CHAPITRE VIII. — LA SENSITIVE. — Traits distinctifs des Mimosées. — Irri- 166 175 181 187 199 201 206 ‘ 294 TABLE DES MATIÊRES. . Tages, tabilité de la Sensitive. — Longue durée de la vie de fragments séparés LE 53 0210 de la plante mère...... : Poisons CHAPITRE UNIQUE. — LES STRYCHNOS. — Le curare. — Comment les In- diens le préparent. — Les fourmis de feu. — Mode d'action du curare. Genre de mort qu'il détermine. — Les expériences de CI. Bernard, — 215 rennes ces. Comment on peut se guérir du curare. FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES PARIS, — IMPRIMERIE ÉMILE MARTINET, RUE MIGNON, © t? mi Etre ÿ9SQ OLLOO SB8LS 1212084 2puOUW 97/SE/SIUE]JS ‘1alunaw bW° 0SHO MON pe | 108 104 _ —