%xhxïtxvi /'Sound L W4 HB2B}m LE NATURALISTE REVUE ILLUSTREE DES SCIENCES NATURELLES AYFX LA COLLABORATION DE MM. ALLARD, membre de la Société eotomologique de France. AiVCEY, membre de la Société malacologiquo de France. AUSTAUT, membre de la Société entomologiqne de France. BATAILLON, préparateur à la Faculté des sciences de Lyon. BOCOUUT, cx-conservateur des galeries de zoologie du Muséum do Pans. BOIS, assistaut do Culture au Muséum d'histoire naturelle de Paris. BONNET (D'), attaché au hiboratoirc de Botanique du Muséum de Paris. BONNIER (Gaston), professeur à la Sorbonno. BOULE, assistaut do Géologie au Muséum do Paris. BOUVIER, professeur au Muséuui do Paris. BRONGNIART ^Ch.), assistant .au Muséum d'histoiro naturelle de Paris. CIIAUVEAUD, agrégé de l'Université. CHRÉTIEN, membre de la Société entnuinlogique do Franco. COLOMB, préparateur de Botanique à la Sorbonno. COSMOVICI (D'), de Jassy. COSTANTIN, maitre de conféreucos à l'Ecole normale supérieure. COUPIN, préparateur à la Sorbonno. CUÉNOT, docteur es sciences, charge de cours à la Faculté des sciences de Nancy D.AGUILLON, maître do conférences à la faculté dos sciences do Paris DANGEARD, maitro de Conférences à la Faculté de Poitiers. DECAUX, membre de la .Société entomologique de France. DENIKER, bibliothécaire du Muséum de Paris. DUFOUR, docteur es sciences. FABRE-DOMERGUE, directeur du laboratoire de Conoarneau. FOLIN (Marquis de), membre de la mission scientifique du Traimillmy et du Talimiftn. GADEAU DE KERVILLE, membre do la Société zoologiquo de France. GAUBERT, préparateur au Muséum. GIARD, chargé de cours à la Sorbonno. GIROD (D' Paul), professeur à la Faculté des sciences de Clermont-Ferrand. GLANGEACD, attaché au Collège de France. GOUX, du Muséum d'histoire naturelle de Paris. GRANGER (A.), membre de la Société linnéenne do Bordeaux. GRUVEL, chef de travaus à la Faculté dos sciences de Buideaux. HARIOT, attaché au Muséum d'histoiro naturelle de Paris. HECKEL (D' Ed.), professeur à la Faculté des scieuees de Marseille. UOULBERT, Docteur es sciences. JACOB, membre de la Société de photographie. JOUSSEAUME (D^), ex-président do la Société zoologique do Franco. KtEIILER (D'), professeur à la Faculté dos sciences do Lyon. LAIIILLE, docteur es sciences. Iv.VT.VSTE (F.), s. -directeur du musée do Santiago (Chili). LECO.MTE (IL), agrégé de l'Université. LÉVEILLÉ (H.), ox-professeur au collège colonial de Pondichéry. M.VGAUI) IV.VITBUSSON, membre de la Société zoologique de France. IVL'VL.ART, directeur du laboratoire maritime de .Sc-Vaast. MALINVAUD, secrétaire général de la Société botanique do France. M.M-LOIZEL, secrétaire bibliothécaire au Muséum de Paris. MASSAL, attaché au Muséum. MÉNÉGAUX, agrégé de l'Université. MEUNIER (Stanislas), professeur de Géologie au Muséum de Paris. MOCOUARD (F.), assistant do Zoologie au Muséum de Paris. NOËL (Paul). D' du laboratoire d'ontomulogie do Rouen. OUSTALET, assistant de Zoologie au Muséum de Paris. PATOUILLARD, membre do la Société botanique de France. PIZON (A.), professeur au lycée Janson, Paris. PLANET, membre de la Société entomologique de France. PLATEAU, professeur à l'Université do Gand. POU.IADE, du Muséum d'histoire uaturello de Paris. POUSSARGUES (E. de), préparateur au Muséum d'histoire naturelle do Paris. PRIEAL agrégé de rUnivorsité. RABAUD (Et.), licencié es sciences naturelles. RAILLIET, professeur à l'Ecole vétérinaire d'Alfort. REGNAULT, docteur en médecine. RENAULT, du Muséum. ROUY , ancien vice-président de la Société botanique de France. SANTINI (Em.), professeur do sciences. SAUVINET, assistant de Zoologie au Muséum de Paris. SAINT-LOUP (Remy), maitre de conférences à l'Ecole des Hautes Etudes. SCIIAECK (F. de), attaché au Muséum d'histoire naturelle de Paris. SP.VLIKOWSKI, de Rouen. TROUESSART (D'), ex-dirocteur du Muséum d'histoire naturelle d'Angers. VAILLANT, iirofesseur au Muséum do Paris. XAMBEU (Cap".), membre de la Société entomologique de France. ETC., BiTC. a PARAISSANT LE r ET LE 15 DE CHAQUE MOIS PAUL GROULT, Secrétaire de la Rédaction 19' Année 11* Année de la S" Série ABONNEMENT ANNUEL France 1 0 ir. " Algérie 10 ,> Pays compris dans l'Union postale 11 » Tous les autres pays 12 » PARIS LES FILS D'EMILE DEYROLLE, ÉDITEURS 46, itiE DU lîAc, 46 1897 19" ANNÉE 2» SÉRIE — M* «3e 1" JANVIER 1897 LE NATURALISTE HKVUB ILLIISTHÉE DES SCIENCES NATURELLES LES RACES DE L'INDE LES BEDES Ce peuple est connu depuis une li.uitc antiquité. Pto- léniee fait mention do cette rare, et les auteurs sanscrits eux-mt^mes en parlent dans leurs ouvrages. Ils les dé- signent sous le nom de Védas. Assez répandus dans l'Inde, h'.ti Bédés habitent le sud de la chaîne des Gliattes, les montagnes boisées de Ceylan et les monts de Mysore et aussi le Bengale où ils portent tantôtle nom de Bédés, tanKHcelui de Bêdars, tan- tôt, enfin, relui ilr Vc'Irn-'! nu chasseurs. Entièrement sauvages, possédant un dialecte intelligible à eux seuls, ilss'eni])loient, pour vivre, à châtrer les animaux et à t'alirii|uer des tambours. Fort habiles à prendre des ser- pents et à exécuter des tours d'adresse, ils passent en Slnvaio liills : Vue tlYercaud. outre leur temps à mendier, et au besoin à voler. Cou- l veux et leur barbe pendant en tresse, sans jamais les verts d'un simple lambeau de toile, ils portentleurs che- | couper ni les nettoyer. Ils habitent dans le creux des Le Naturaliste, 46, rue du Bue, Paris. LE NATURALISTE arbres et dans les cavernes, ol se nourrissent de Iriiils, de racines, de la viande de toutes espèces d'animaux et d'aliments que les oiseaux les ]ilus voraces sont seuls à leur disputer. Les Bédés no possèdent ipi'une épouse et le divorce leur est interdit. Ceux du Bengale honorent une divinité qu'ils appellent Masstt. Celle-ci se complaît au.\ sacrifices humains. Ceux de l'Inde méi'idionale et de Cpylan n'ont Shivai'O Hills ni temples ni idoles; ils rendent un culle, particulier aux astres, aux esprits de leurs ancêtres (;t aux démntis, qu'ils s'elTorcent d'apaiser ])ar_des sacrifices. Ils exjjosent leurs morts dans les forêts et les livrent en pàtun; aux ani- Cliuti's dr K(;iiiieily. maux féroces. Très adroits chasseurs, ils excellent à ]ireudro les éléphants. Les Védars de Ceylan constituent la race aborigène de cettiî ih', où ils portaient jadis le nom de Yakkos. Après .Sliivarn Hills : Rochers ilo Kennedy. la conquête de l'île, il y a environ deux mille ans, ils se l des forêts, imitant ainsi la retraite des autres peuplades retirèrent sur les montagnes escarpées et au plus profond aborigènes de l'Inde, devant l'invasion aryenne. LE NATURALISTE l'iio fraction iIps Biklùs, les Curiimbars de l'inile eonli- uontalp, ciinnurcMit jadis les jours il(? ploiro, et consti- tuèrent, dans l'Inde antiiine un puissant royaume. Celui-ci s'étendait deiiuis la ])rovince d'Orissa et la Ni-rliudda au nonl iusi|u';i la rivière Velhir au sud. Canjiverani élail, li'ur capitale. Les temples souterrains et les senl[]tufes des sept pagodes de Sadras paraissent être l'œuvre de leurs princes. Les Bédés semblent avoir été un des pre- miers peuples (pii aient occupé l'Inde dés l'origine. Quand ils y apparurent, le pays entier était une immense forêt, habitée par les animaux sauvages. Si l'on en croit la tradition, les Bédés se livrèrent tout d'abord à la chasse des bétes féroces; ils n'eurent k l'origine ni forts, ni huttes, ni rois, ni livres, ni civilisation. Totalement nus, ils ne connaissaient pas même l'iustitutinn du mariage. Ils possédaient seulement quelques idées religieuses. Leur cruauté leur fit donner le nom de Cnrumbars. (J'est sous ce nom ijn'ils se répandirent de plus en plus, con- vinrent d'élire un chef et bâtirent les premiers forts. Aux Bédés, mais sans pourtant avoir de relations avec eux, se rattaclient les Irulas, dont nous avons parlé au- trefois, et les Maley-Arasars ou rois des montagnes, peu- ldades([ue nous avons vues tant sur les Nilgiris que sur les Shivaroliills, lors de notre séjour dans l'Inde. Ces Ijenples, tombés au dernier degré de la dégradation in- tellectu(dle et morale, vont presque nus, vivent de rep- tiles, d'animaux qu'ils prennent à la course et au piège, de miel sauvage, de graines et de racines, errent en va- gabonds, habitant les cavernes, les troncs des vieux- arbres, les anfractuosités des rochers et offrent en secret di's sacrifices sanglants au démon, qu'ils adorent sous le nnni lie liulam. Nous donnons ici c(uebiues vues des pays huliid's par les Bédés ou les races qui s'y rattachent. Hector Léveilli'j. LE r" JANVIER 1896 EN AMÉRIQUE ANNIVERSAIRE D'UNE PLUIE ÉTRANGE Le jour où ce numéro jjaraitra, il y aura juste un an i|u'un phénomène aussi étrange que rare, frappait de stupéfaction les habitants de l'Etat de l'Utah, et ceux du Wyoming. Depuis Oyden jusqu'à Evanston (plus de 180 kilomètres), une i)luie salée s'abattit subitement. L'eau était si salée que les étoffes mouillées étaient cou- vertes, une fois séchées, d'une épaisse couche de cristaux de chlorure de sodium. A Evanston, il y en avait telle- ment sur les vitres, qu'on ne voyait plus au travers. A Almy (Wyoming), ville de 23 kilomètres carrés, au ilire du r»"' C.-T. Gamble, qui en a fait le calcul, l'averse a déposé plus de 28 tonnes de sel ! La pluie est tombée pendant deux heures environ. Puis le soleil a réapparu, séchant les surfaces mouillées qui apparurent alors recouvertes d'une couche blanchâtre de sid cristallisé : tout avait pris cette teinte uniforme, don- nant l'illusion lie la neige. Mais quand, avec la nuit, vint le refroidissement /le la température, on si^ trouva en présence d'une conséquence fâcheuse et imprôviie de ce qui s'était passé, dans la journée : les communications télégraphiques étaient interrompues sur un parcours de idus de 60 kilomètres. L'exjjlication en est fort simple; l'eau salée se congela dans les isolateurs et autour d(!S tiges qui les supportent, et la glace salée étant bonne conductrice di! l'électricité, le courant se perdit dans le sol. On dut avoir recours aux pompiers pour laver abon- damment poteaux et isolateurs avec une pompe à in- cendie. Il était, paiiiit-il, cependant quelquefois arrivé dans le Wyoming que la jiluie ou la neige fussent quelque peu salées, lorsque le vent souflle de l'ouest, car il rase alors la surface du tirand Lac salé, situé à plus de 100 kilo- mètres de Ôyden! Mais il ne faut pas oublier qu'il a une superficie de plus do !j.300 kilomètres carrés. Des phénomènes do ce genre ont souvent été remar- qués à Sait Lake Cily. Le Raiiroad Gazelle fait remarquer que ces faits sont sans doute la cause pour laquelle on trouve toujours de l'eau plus ou moins salée lorsqu'on creuse, dans celte région, des puits au pied des vastes plateaux. Espérons que cotte année, les habitants d'Oyden et ceux d'Evanston [lourront s'envoyer librement leurs télégrammes de souhaits de nouvel an. Voilà encore un curieux exemple des pluies étranges. Ils sont assez nombreux, et nous y reviendrons avec quelques détails. Paul .Iacoiî. UN DERNIER MOT LA MÉTÉORITE DE MADRID (;)n se rap]ielle la sensation profonde, portée en Espagne jusqu'à l'épouvante, que provoqua, le 10 février 1800, l'explosion d'un bolide dans les environs de Madrid. Les météorites recueillies, fort peu abondantes, sont for- mées d'une roclie presque blanche à grains, cristallins très fins et que traversent en tous sens des veinules d'un noir profond. Grâce à la bonne obligeance de M. J. Mac- l'herson, je me suis trouvé tout de suite en possession d'un petit échantillon de cette substance précieuse, que j'ai déposé dans la riche collection du Muséum, mais dont j'ai prélevé des parcelles pour un examen prélimi- naire qui fut communiqué à l'Académie des sciences dès le 9 mars. Je n'y reviendrais ]ias s'il ne se trouvait que des chi- mistes espagnols, ayant repris le sujet avec des maté- riaux plus abondants, n'avaient cru devoir accompagner la publication de leurs analyses d'une critique de ma note. Je suis heureux de pouvoir profiter de la grande jjublicité du Naluralhte pour rétablir les choses à leur juste point de vue. Tout d'abord, voici dans quels termes très concis j'ai résumé mes déterminations dans le Compte rendu de l'Académie : « La substance de la météorite contraste, par sa teinte d'un gris très clair, avec la nuance foncée de la croûte qui recouvre le fragment de plusieurs côtés. Cette croûte varie nettement suivant les régions, et ses caractères dans les différents points permettent de dis- tinguer la face du fragment qui se trouvait en avant pen- dant le trajet atmosphérique et celle qui se trouvait en arrière : daus la première, la croûte est d'un noir rous- sàtre avec des reflets un peu mordorés très remarqualdes; elle est relativement mince. Dans la seconde, la croule, qui est plus épaisse, est d'un noir profond. Au travers de la roche météoritique se luontrent des veines tout à fait noires et parfois épaisses de, plus de deux millimètres; 8 LE NATURALISTE ces veines s'anastomosent entre elles, se bifurquent et, çà et là, se perdent insensiblement dans la masse. La densité du fragment, prise à la température de 16°, a été trouvée égale à 3,o98. Différents essais, faits sur une très petite quantité dépoussière, soit à l'aide du chalumeau et de quelipies réactifs, soit au moyen de la liqueur lourde de M. Thoulet, soit enfin au microscope, ont per- mis de reconnaître la coexistence de granules métal- liques très magnétiques, formés de fer nickelé, avec du sulfure de fer (troïlite), de péridot facilement attaquable aux acides, des minéraux feldspathiques tricliniques très maclés et des pyroxènes magnésiens (1). La réaction du chrome a été nettement obtenue avec de tous petits grains noirs faciles à isoler. C'est postérieurement à ma publication que "SI. Bouilla publia une analyse chimique quantitative, et M. Gre- dilla un examen microscopique. Leur résultat fut que la pierre de Madrid appartient à un type lithologique nou- veau, qu'il faudrait appeler la Madridtte. Je proteste contre cette conclusion, qui me semble tout à fait illégi- time, et je persiste, comme au début, à ranger la nouvelle météorite dans mon ancien type chantonnite où se ren- contrent déjà un très grand nombre de chutes distinctes. Dans une lettre qu'il a bien voulu m'écrire récemment, M. Gredilla affirme que ses échantillons sont trècho'ides et formés de fragments juxtaposés consistant les uns en chantonnite et les autres en montréjite. Je ne puis con- trôler cette assertion et le spécimen du Muséum est en- tièrement fait de chantonnite. Tout d'abord il me sera facile de montrer que, malgré la forme donnée à leur publication, les chimistes de Madrid ne modifient pas sensiblement mes propres résultats. Voici, en deux colonnes, la composition miné- ralogique de la pierre : D'après M. Gredilla : Troïlite. Chromile. Schreibersite. Oligolilase. Augite. ) Eustatile. i Péridot. D'après tues essais : Fer nickelé. Troïlite. Cliromite. Schreibersite. Feldspath Iriclinique. Pyro.Nèues magnésiens. Péridot. Les différences se bornent à ce qui concerne d'une part les minéraux feldspathiques et, d'autre part, les minéraux pyroxéniques. En ce qui concerne la matière feldspathique, j'en ai très nettement reconnu la présence et j'avais vu qu'il s'agit de cristaux tricliniques ; mais je doute fort d'une reconnaissance sérieuse de l'oligolvlaso. Dans les coupes minces des pierres comparaldes à celles de Madrid, les feldspaths ne se montrent guère grains déterminables cristallographiquement, et on conclut d'ordinaire la pré- sence de tel ou tel d'entre eux des résultats de l'analyse chimique ; c'estun procédé extrêmement peu suret si je suis convaincu qu'il y a des jilagioklases dans la météo- rite espagnole, je ne voudrais pas garantir que c'est plutôt de l'oligolclase (|u'un antre ou que le mélange de plusieurs. Pour ce qui est des minrraux jiyrûxéniques, il faut avant tout prévenir un malentendu. Il s'agit, dans ma détermination, des 3)i/roa;ènes rhombiques de la famille de (1) Une faute typographique a mis ces trois mots au sin- gulier dans le Compte rendu, ce qui donuail à ma détermi- uatiou une pn'cision qu'elle n'avait pas et ijui serait inexacte. l'hypersthène et non des pyroxènes monocliniques, comme sont l'augite et le diopside. Ces pyroxènes rhombiques appartiennent à plusieurs espèces; la plus abondante est la bronzite,et, à ce titre, la météorite de Madrid reproduit les caractères de toutes les météorites blanches d'aspect analogue. On peut voir par exemple que M. Brezina, que je cite justement parce que j'ai été souvent en désaccord avec lui, les définit, sous le nom déjà pi'oposé par Gus- tave Rose de Chondrite, comme étant « im Wesentlichen aus Bronzit, Olivin, Nickeleisen, bestehend (i) ». Quoi qu'en dise M. Gredilla, la météorite de Madrid n'a rien d'exceptionnel, et en particulier elle coïncide exactement avec les pierres tombées le 3 février 1882, à Mocs, eu Transylvanie. J'avais "antérieurement compris cette der- nière chute dans le type lucéite, mais je l'en ai retirée à la suite de l'étude des veinules noires de certains spéci- mens qui en font de la chantonnite. J'ajouterai, en terminant, que je ne conteste''ni la présence de l'augite ni celle de l'eustatite signalées par i\I. Gredilla. Mais ces minéraux ne sont certainement pas essentiels. J'ai rencontré bien souvent, on peut dire ordinairement, de l'eustatite dans des pierres analogues à celles de SLadrid, soit en géodes (et j'ai même décrit dans le temps la plus lielle géode de ce genre qu'on ait jamais signalée), soit en groupements radiés constituant le siiueletto d'un grand nombre de ces globules que Rose a désignés sous le nom de chondres. Mais les chondres sont aussi nomlireux dans les montréjites qu'ils sont rares dans les lucèitcs et dans les chantannites. Je crois devoir ajouter, à cette occasion, qu'il résulte d'expériences que je n'ai pas encore terminées, mais qui promettent quelque perfectionnement dans l'analyse immédiate des météorites, qu'on peut distinguer la bron- zite même très peu' ferrifère, de l'eustatite à l'attaque ([u'elle éprouve d'un courant de chlore au rouge, après lequel elle est devenue partiellement solulile dans les acides. Si, dans l'avenir, quelque circonstance favorable met le Muséum en mesure d'augmenter sa quantité de météo- rite de Madrid, je ne manquerai pas d'ailleurs de com- jiléter avec elle la série de nos lames minces et je sou- mettrai sa composition à uu contrôle no\iveau. Stanislas Meunier. La i^ixestion des Sources La question des sources, si importante au point de vue de l'hygiène, intéresse encore bien plus le géologue, car c'est lui qui permet à l'ingénieur de diriger ses travaux avec méthode. Une première erreur très répandue dans le monde, c'est de voir dans la recherch'e des sources quelque chose do mysté- rieux : il faudrait avoir un don spécial, un génie à part! Sans doute, il faut pour cela des connaissances spéciales; mais on ne naît pas plus découvreur de sources t[u'on ne naît géologue. C'est l'étude qui permet do savoir ce que l'on doit faire en pareil cas. Il faut certainement avoir un jugement droit et ré- Héchi; mais c'est en cela comme en toute autre chose, quand on est ingénieur. N',a-l-on ))as vu des municipalités faire ap- peler des bergers munis d'une baguette magique pour tout diplôme? Cela me rappelle une de mes arrière-grand' tantes, abbesse mitrée dans un couvent cloîtré au sommet d'une colline qui tenta d'un coup de crosse faire jaillir l'eau du rocher. Sa foi naivo excusait son ignorance : mieux vaut imiter Moïse que de s'en rapporter aux devins du village. Et puis cette (I) l>ie Meleorischersammlung der KK. llofmuseum, am i" mai 1803 (Vienne). LE NATURALISTE sainte femme agissait par elle-m, 63 — (sans la tête) 0 ,45 Queue (sans la touffe terminale) 0 , C4 Paume de la main 0 ,09 Avant-bras 0 ,20 Plante du pied 0 ,16 Jambe (longuoui- du tibia) 0 ,21 L'ospèce doni, 1(î Cercocebus agilis se rapprorlip In plus pst évidpmmi'nt lo Cercocehux yaltritus [Petors (1)] de rAfriqun oriciilalc (Mitola) dont le pelage est également tiqueté, et (jui présente des formes grêles. Mais la dispo- sition des poils de la tête est différente dans les deux espèces. Si la figure que Peters a donnée de son Cercocèbe est exacte, <;e singe présente une coiffure aplatie très carac- téristique, i-ap|]eiant celle du Macaiiue lionnet-chiuois (Macacua sinicus, L.). Comme rindi(iue le nom de » gale- ritus », c'est une sorte de iicrruque ilout les poils rayonnent d'un point central et se divisent en trois touffes rabattues etdivergentes, séparées par dos raies très nettes, une touffe antérieure et deux latérales. Tout autre est la disposition des poils chez le C. agilis, dont la chevelure se dresse en houppe, imitant la coiffure dite « enracinea droites «. Il est donc inqiossihle de confondre l'espèce de l'Al'riciue occidentale (Congo français) avec celle de l'Afrique orientale précédemment connue. II. — Macaci;s Harmandi, M. Edw. (Musée de Paris). Macacus fiixco-nigcr, infrù pallidior, pilis haitd annclath ; orbitis, geiiis, genubun, prymnisque badio tinclis ; cauda brevissima. — l'utlits fulvo-griseus. — Monte Chantidioun (Siam), a Doctore llarmand. Ce Macaque est remarquable par sa couleur sombre, presque noire, teinte qui ne se retrouve au même degré dans aucune autre espèce du genre et qui rappelle le Cijnopitheciis niger (Desm.) des îles Célèbes. Le Macacus muunis (F. Cuv.) qui habite également Célèbes est beaucoup moins foncé et présente d'ailleurs des formes moins robustes. Le Macacus Harmandi est d'un brun très foncé parais- saut complètementnuirlorsqupl'animal est dans l'ombre. Le jielage est formé de poils très longs sur le dos et les flancs (H à 12 centimètres), remarquablement lisses et brHlanU,cc qui contribue à les faire paraître plus foncés. Ces poils sont un peu plus clairs à l'intérieur des jambes et sous le ventre où ils passent au brun roux. Cette même couleur se retrouve aux genoux et au pourtour des callo- sités fessières; mais cette teinte pourrait bien être artifi- cielle, comme on l'observe sur d'autres singes. Le pour- tour des orbites, les pommettes des joues et les callosités sont d'un rouge bai ou carminé ; le museau, le centré des callosités et les quatre extrémités sont noires. La queue, très courte, n'a pas plus de A centimètres sans la toulfe terminale de poils. Les poils du front sont courts, divi- sés sur la ligne médiane et appliqués de chaque côté en forme de bandeaux ; sous le cou il existe une petite barbe qui ne s'étend pas jusqu'au menton. Les formes trapues et la taille sont celles du Macacus arctoides (Geoff.). Un très jeune individu provenant de la même localité est d'un gris fauve assez clair. (1) M. B. Akad. Berlin. 1819, p. 830, pi. 1 B. DIMENSIONS : Corp.s avec la tête 0™, 63 Queue 0 , 03 — avec la touffe terminale 0 , 05 Paume de la main 0 , Il Avant-bras 0 , 17 Plante du pied 0 , 14 Jambe (tibia) 0 , 23 Cette nouvelle espèce est voisine du Macacus arctoides par ses propoi'lioiis robustes et la coloration de sa face; mais aucune des nombreuses variétés décrites et figu- rées jiar les auteurs, notamment par M. Anderson (1) — M. melanotus (Gray) et M. brunneus (Andcrs.), par exemple, . — ne ])résente des teintes aussi foncées ni lo pelage lisse et iirillant qui la caractérise. Chez M. arctoides le pelage est toujours plus ou moins tiqueté; chezM.ffar"- mandi au contraire, tous les poils sont d'une teinte uni- l'orme, même sous le ventre oit la couleur plus claire du I)elage permettrait de distinguer les anneaux s'il s'agissait simplement d'une variéti' nègre de M. arctoides ou d'un mé/ani'sjne accidentel. Dans l'état actuel de la science, on doit donc consi- dérer cette forme intéressante comme constituant une espèce distincte propre aux montagnes qui séparent le Cambodge du royaume de Siam, à peu de distance de la mer, dans la parlio orientab' du golfe de Siam. D"- E. TnOUESSART. OFFRES ET DEMANDES M. de Keihervé, à Lacres par Samer (Pas-de-Calais), offre et demande des Gyrinides du globe. . — A vendre : fîoUection de Coléoptères européens et exotiques, comprenant 23 espèces (jxotiquea, 61 exem- plaires; 52b espèces européennes, 1028 exemplaires, ren- fermés dans 17 cartons, plus 4 cartons renfermant divers ColéO)itères. Celte collection est formée des familles suivantes : Cicindélides, Carabides, Ilydrocanthares, Pectinicornes, Lamellicornes, Curculionides, quelques genresdela famille des Longicornes, Chrysomélides et Coccinellides. Pi'ix : O'a francs. Histoire du dévi'l(i|jprmiMit du ( 'l'iquet pèbM'in, depuis l'œuf jusqu'à l'âge adulte, 20 âges, le tout renfermi/ dans un carton vitré. Prix : 25 francs. 1 lot de Coléoptères de Madagascar, 50 espèces;. 102 exemplaires. Prix : 15 francs. S'adresser pour les lots et colleclions ci-dossus à (I Les Fils D'Emile Deyrolle, 46, rue du Bac, Paris. » (t) Anatom. pi. I et II. and Zool. Researches of Yunnan, 1878, p. 45, LE NATURALISTE U PC H W P o <; <; w w 0 0 P ■5 H 0 ■H 0 > o ■5 a o ai 3 3 -a o O. os pu a o 0) % 2 O n c 5 m c . (a 3 OS O) tn S s :: en (U a ta I S o •— ' "3 P. r#v ^^ r-4 0- 22 -5 c '6 ~ "^^ c — a. B e in o C .2 % •eu sa t/3 e o 3 ci Çu c o o c c ri -a es eu 3 M • •-4 a C0 ■•-4 m u 3 O T3 o te C/3 C/3 ■ai 3 es s l' 3 3 .S O t^ U a> Te o "câ s CS a> a -a ,- ts -cS -a) aT 'S o -^ * ri 3 ri C 3 '3 c- '5 c« O m ^ 11 c ri -a 3 ri ■tu w ai t!H c 3 aj 3 3 O ^ o ■^ &( 1 2 O rt t-l ' — I tf) *J t< OJ C/J 3 -2 J ri a> ^ 3 '^ en . — I c fi ai .„ ^-* en O) eu 3 a C 3 S a a t- I CO aJ 'T^ "* 1 &2 3 Q^ m P. M 2 3 O. en cS •çu t-c O) I ri ri en Ci -3 ai • su 0) ai ri ''^ :3 -Q 3 a •73 en ai ^ ri 7, "3 oi ai 3 .E3 ty ri en ? ri o S rt O. eu â S ;i :2 ■§ g 3 P 1 ^ i ■Ol 3 s -a ri en ai ■a ■3 Ol OS ai ri ri çu 3 O) C o 3 cr' e o > S a. w "(3 ai u Q « o PS P3 O a o Q (23 « o 2 a ^ Ol ■ai -3 - a en ."^ eu ^ 3 cr' O CO s ^ 2 W o p s en ïï^ en S^ .,, ri t; i^ en -3 -o .^ ri -— en --en v; œ ai ai y su ■O = /t- -^ eu .a^ ^ « — S t" (U ai en &lj C ai es en ai r;; ^ B q; •a> ë i2 "" en en C Ci si ai O ,. S -S Ë Q. t. 3 3 W O ■ai '-' en Oh a> P- 3 ^ eu en •3 3 ri bD X c ri ^ 'ês âî en t- "3 3 -j 3 -ai =" S '- ii ri 'ri .. B ■a -ij r- -3 ri 3- -C o "5 -g c .-^ t- o S e 3 O ai ri en ~" ai t-t en ri ^ 3 C es o a ^ 6D 12 LE NATURALISTE UI s o tn O a. a. S < K5 •UJ O o I- a. > ce o u O. _l O S ' Ui O a. _j < o o I- ^^-^L-^'^' 2 . == ent sé- rieures nflées; "■; - 5 .2 3 p, rî •« uo oj ft & m -O (M ^ « C/2 I-:! S O ai Œ o 2 O Q «2 n3 n M c a 3 es S~t C/3 a a S C &, rn ï ca rt ^ •« o tr a p- 3 o Cu XI *^ tn ^ t~ -^ ITi 1^ n m T3 C TS 3 O) O) O Cl. S 'd r/l o S O o ai tf) a> "Z ai C m a O es P. O) >5 , T U J= 13 O N «0 tn u o: I I— >■ _i o " 3 .2 •a S 9 " 60 5 q S bc t. S — • o c o c: •a 3 j: UI S O w >- ce I O S -D te ^ ■" C S c '= S LE NATURALISTE 13 s o a o .E3 w « •a o «d -2 o 5 o -o u " s c s ° 5 3 « 2 S o o -1, tn 13 a ■!> t. M îS S > 3 er c o -t3 a> -O ^ <1> ô -5 < X O a -o a g tH — w 13 s cr i o- C9 I— H 00 CJ '^ c S B 3 «u c 3 J3 O B • -. m a) " ^ 3 c o Pi ^ 3 ■« ? 3 • " en ^ a> o "" 6C 3 D, 13 ai 5^ =d S <=^ XI S o e 53 c £ S .S- § es -73 ZJ —' (V a s 13 c o u o. E o u S «i eu r; -oj ^ o 3 ^ rt 3 a cs .■S " o 3 O bo O &^ 6 C — 0) -i Kl m ^ ^ = <= 's. ù ~ a a en « o. cfl 13 «) 0) o fc: ï; w O 3 eu sa -S es ^ 0/ ~"' 3 %) 3 2 3 cr 3 O Stf] ^. a o o c« ta Q m 1 <1> o; 13 1 O S ce o es B. 3 o 13 a 13 c3 « — m i-J es ^ ji è: B Cl b. ■< O " :;: .-^ ai -Q 13 O • ^ m m '^ ^ 3 es a es ai tfi ai 13 es a 3 3 - a £ 'a ° B a S c S 03 B es 03 a a o 13 ■ai a es 13 Oi 3 __ 13 a <" « ^ S o o a " e 13 ai 3 o o ai - S2 13 tfi eO — " a 3 C B. -j S, = aï S s Ai J3 U ai CL, Ji '^ O B. §- "S tfi o; :2^ — ' — ^ tn es -J ai 3 cr ce •— « ia o. o a P< en P*ï -ai W bo es ai ja ^§ ai '■^ o -.-» -ai O) B, O) M OJ <" -3 ^^ S 3 eo ^ B< . - O O U u, ai 13 B, g tn O) 03 '^ fci «1 3 a 03 es bc -3 S rt -2 S c ;:i en ji, o 3 =— U a -- Si es a "« 03 O) cS t: «-^ •a o u . ffi « J3 t- en ■ai 03 en a B. bc en en 03 03 Kl _J fc. >-- es 03 ^ en ■n '^ ,— 03 r. 3 03 t-, a (13 en ■a % es 3 U a ' cr bc 03 03 m en en 03 03 O a B. er Tl a Si en 03 03 O en 0) en .03 •—[ 03 3 3 es B, >, rv r 1 3 O en 03 fr< aj X en 0) O en 0) e/î 3 03 03 cr 3 es a 3 es a 03 bo 03 n3 ey3 — XI 3 .3 o ai S J a en — j o u 3 O C3 B u, a 03 03 a 03 ■y, 3 es a ^ s t. es S 14 LE NATURALISTE a> et. o 0} a. a< o a o, >. W o B O O fc- CD S" «J 3 S î=^ - 3 a o t: a OT en a; c a -î LE NATURALISTE 13 L'ERODIUM BÂTTAÎfDIERIANÏÏM linuy ESPÈCE ALGÉRIENNE NOUVELLE En compulsant récemment les Erodium de mon herbier, afin de préparer li'S diagnoaes des Erodium .lacriiiiiiianinn P. cl iM., teniiisecluiii G. et G. liltoreiiin l,ém.. pour le l'asciculc VI des llliisha/iones pluntanim Europ.v rafioriiin, et relies des espèces de ce goure pour le louielVde \a.Eloi'edc France, je me suis apen-u que je n'avais pas encore donné la descrip- tion d'un Erodium iurdittrouvé, eu mai 1S92, eu compagnie de Mme Uouy et de JIM. Charpentier, de Naiiteuil et Pellercau, dans les gorges du Chabet-el-Akhra (chaîne des Babors), entre Sétif et Bougie, plante qu'avait également vue M. Poisson, assistant au Muséum, qui avait aussi appelé sur elle mon at- tention. Depuis lors, cet Erodium existe dans mes collections sous le nom de E. Ballandic.rianum, car je t'avais dédié aussitôt à mon ami M. Battandicr en souvenir des excellentes excursions qu'il nous lit faire, ainsi que SI. le D'' 'l'rahut, eu Algérie eu 189-2. Voici sa description: K.Battaudierianum. — Radiée perenni fusiformi satis gracili stipulis coronata. Caule millo. Foliis radicatibtis nunierosis longe petiolatis limbo ptibesceiite amhilu orbiciilnri irreijii- lariler crenalo rariiis Irilobo lobis fere œr/iiatibus dentatis. Peliolix leuuibu? s;epissime limljo 2-i-plo Innr/ioribiis. Scapis gracilibus rniillifloris, umbelliirtnn radiis eloiigrilis pariiin iii:pi/ualibiis ; hracleoWs ovato-acutis ruiescentihus. Sepnlis apice late seariosis hreuissbne inucroniilitlis loiii/e elliplicis striatis pubescentibus ; /je/n/i's magnis rosels ;f.\.iim'mum Hla- mentis hirsutis sterilibus late oblongis apice rotundalis. Car- pidiis oblongis longe pilosis a'me plica coiicenlrica, rostro eloiif/uto glabro, robusto. Hab Algérie : rochers herbeux et bords des fossés à l'entrée et jusqu'au milieu des gorges du Cliabet-el-Akhra, entre Kerrala et Bougie (3 mai 1S92). Plante appartenant au groupe des Acaidia Batt. et Trab. {FI. .ilg., p. 125) et comprenant, en outre, pour la région composée du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie, les E. as- plenioides'WMd.j Atlanticum CoBS. et C/wuletlianuin Coss. Ce dernier que je possède des récoltes de Choulotte, de Cossou et du D' Julien, s'en écarte k première vue parles feuilles bi- pinnatiséqués (1). LE. Atlanticum, d'après mes exemplaires du Djebcl-Aziwel, Ait-Adouyous {Marocj, en diffère par les .feuilles i limbe ovale presquetriséqué, à lobes profondément dentés, le médian subtrilobé ou triparti!, les scapes pauci- Oores (1-3-flores au lieu de 3-n-Uores), les Meurs une fois plus petites et le bec des carpelles très grêle. Enfin \'E. asplenioides Villd. [Geranimn asplenioides Desf. FI. AUa>U.,2,\t. lOO.t. 16S) en est distinct, d'après la planche de Dcsfoutaines et mes exemplaires algériens du Djebel Bou-Chenak {Icr/. i. Reboud), et du Djebel-Maruuf près El-.Miliah [leg. Cossoul, par les feuilles velues, à limbe ovale S-ii-lobé, le lobe terminal sensi- blement plus grand et sublobé, les rayons de l'ombelle très iuégaux, les sépales mutiques, larges, elliptiques ou ovales, les pétales violets, le bec du double plus long et plus gros. Il me parait inutile d'insister sur les caractères dillérentiels qui séparent l'E. Ilallandierianum des autres espèces vivaces acaules européennes ou orientales qui toutes, même 1'^. liois- sieri Coss. [E. asplenioides Boiss., non Villd.), présentent des feuilles pinuatiséquées ou bipinnatiséquées. G. RouY. (I) Les sépales sont indiqués par erreur mutiques dans la Elorede l'.llge'rie : ils sont brièvement mais nettement mucro- nés, surtout sur les exemplaires, cultivés à l'école de Méde- cine d'Alger, que m'a remis en 1892 M. le D'- Trabut. ANIMAUX Mythologiques, légendaires, historiques, illustres, célèbres, curieux par leurs traits d'intelligence, d'adresse, de courage, de bonté, d'attachement, de reconnaissance, etc. Corbeau. — Au sujet de cet oiseau fameux, Pline dit (Hisloriarum mundi lib. X, cap. X\) : « Tous les autres oiseaux du rnèuie peure chasseat leurs petits du nid et les contraignent à voler; les corbeaux, quoiqu'ils ne vivent pas uniquement de chair, font la même chose ; ils ne souffrent pas même que leurs petits, devenus adultes, demeurent dans leur voisinage. Aussi n'en voit-on pas plus de deux couples dans les cantons peu étendus; il n'y eu a jamais qu'im dans les environs deCranon.en Tlies- salie ; le père et la mère cèdent la place à leurs enfants. Les corbeaux produisent avant le solstice; ils sont ma- lades soixante jours, et souffrent surtout de la soif avant la maturité des figues d'automne. La corneille, à cette époque, commence à être allaijuée de cette maladie. Les corbeaux pondent ordinairement cinq (cufs. Le vulgaire croit qu'ils pondent ou s'accouplent par le liée ; que, ]iour cette raison, une l'emmc enceinte, si elle mange un œuf de corbeau, rendra son enfant par la bouche, et qu'en général elle accouchera dillicilemeiit si ou porte un œuf de corbeau dans la maison. Aristote nie expressément que le corbeau, pas plus (jm^ l'ibis euEgypte, s'accouplent de la sorte: les baisers qu'ils se donnent si souvent ne sont jias différents de ceux des colombes. arut. » — En Suède et en Norwège, les oiseaux de cette couleur ne sont pas rares. Dans sa satire VII, Juvénal dit (v. 203) : Félix ille taiiien, corvo quocpie rarior albo. « Mais cet homme heureux est plus rare qu'un cor- beau blanc. » Déjà, dans sa satire VI, Sur les femmes, il avait dit (v. 16;j) : Rara avis in terris, nigroque simillima cycno... « Cet oiseau {une femme chaste) n'est pas moins rare sur terre qu'un cygne noir. Dans VAnthologic Palatine, t. II, liv. XI, épig. 436, Lucien dit : ©ÔTTov ÏTiv ).e'jxo-J; «ôpaxaç, itTÉpa; t; -/eXuivaç Eupeîv, ri Sôxi[jiov priTopa KannaLÔnr^y ■ « Il serait plus facile de rencontrerdes corbeaux blancs et des tortues ailées, qu'un honnête rhéteur en Cappa- docc )). Le corijeau a parfois été employé à la chasse : « On a parlé dernièrement, dit Pline (Historiarum mundi, lib. X, cap. lx), d'un certain Craterus, surnommé Monoceros, qui chassait avec des corbeaux dans l'Eri- zène, contrée d'Asie. Illes portait dans les forêts, perchés sur des baguettes et sur ses épaules; les corbeaux cher- chaient le gibier; et ils avaient poussé l'art si loin que, lorsqu'il sortait pour la chasse, les corbeaux sauvages eux-mêmes l'accompagnaient. » Et Pline ajoute ici le récit des corbeaux (jui jettent des cailloux dans une cavité à moitié pleine d'eau, pour en élever le niveau. Je me rappelle avoir jadis lu quelque chose de semblable d'un rat, qui plongeait sa queue dans une fiole d'huile et la suçait ensuite. Cela vaut le chien de Plutarque. Fulgence, dans son livre De nalurà rerum, dit avoir vu un corbeau si bien apprivoisé, qu'il chassait et prenait les perdrix, et même, avec l'aide des hommes, des cor- beaux sauvages. Dans la Vie des animaux, à l'article Corbeau, le D' Jo- nathan Franklin dit que le propriétaire d'une auljerge, dans le Cambridgeshire, possédait un corbeau (jui allait à la chasse avec un chien, dans la compagnie duquel il avait été élevé. « Un jour qu'ils s'en allaient comme Oreste et Pylade, le chien fit lever des lièvres et des la- pins qui se trouvaient dans un hallier, tandis que le cor- beau, posté en dehors du fourré, saisit chacun de ces animaux (jui se trouvaient à portée de son bec. Le chien vint au secours de l'oiseau, et rien n'écliappa à leurs elforts réunis. » Quelle est la durée de la vie du corbeau? Si l'on en croit ce qui a été dit sur lui, on pourrait le classer dans la tribu des Mathusalem. Pline (livre VII, ch. .XLix) nous dit : « Hésiode a attribué neuf de nos âges à la corneille, le quadruple de la corneille au cerf, le triple du cerf au corbeau, et fait des calculs encore plus fabuleux pour le phénix et les nymphes. » Or, Hésiode attribue à la durée de la vie humaine en- viron 96 ans. En faisant le calcul nous aurons : Corneille : 90 X 9 = 804 ans; Cerf : 864 X 4 =: 3,456 ans; Corbeau : 3,4o0 X 3 = 10.368 ans Si donc il y a sit" mille ans que Dieu a créé le monde, il y avait à cetle époque-là des cerfs âgés de ijuatre mille ans et plus qui couraient dans les forêts. Faut-il parler de l'intelligence du corbeau ? On vient d'en voir des preuves : Mais voici qui est assez curieux : Nous lisons dans Macrol>e iSaturnaliorum liber IL cap. IV) : « Auguste revenait triomphant k Rome, après la ba- taille d'Actium. Parmi les complimenteurs, il aperçut un homme tenant dans sa main un corbeau qu'il avait ins- truit à dire : Salut, César vainqueur, empereur! » César, émerveillé, achetal'oiseau 20. 000 petits sesterces (4.000 fr.). LE NATURALISTE 21 Un camarade de cet artisan, qui n'avait eu aucune part dans la libéralité, dit au prince que son compagnon avait encore un autre corbeau pareil, et demanda qu'on l'olilitreâl à le montrer. On apporta l'oiseau, qui aussitôt, répétant une leçon depuis longtemps apprise, se mil à croasser : « Salut, Antoine vainqueur, empereur! Le compliment se trompait | mallieureusement d'a- dresse). « Auguste ne se montra pas fâché le moins du monde, et, jiour toute punition, il enjoignit au coupable de par- tager la somme avec son camarade. « Salué de même par un perroquet;, il l'acheta. « Le phénomène se reproduisit chez une pie, et il l'acheta encore. » Ces exemples donnèrent l'idée à un pauvre cordonnier d'entreprendre, à son tour, l'éducation d'un corbeau. Mais souvent, mal payé de ses soins, il lui échajipait de dire à l'oiseau muet : « Allons, j'ai ]ierdu mon temps et mon argent!... » « A la fin cependant, l'oiseau sut jiar cœur son com- pliment, et il le récita à Auguste comme il passaitdans la rue; à quoi l'empereur répondit : « Oh! assez! j'ai déjà pas mal de complimenteurs de ce genre, chez moi ! » « Aussitôt le corbeau, en veine de mémoire, se mit à brailler la plainte habituelle de son maître : « Allons, j'ai PERDt; MON" TE.MPs ET MON argfnt! » — César partit d'un éclat do rire, et il acheta l'oiseau plus cher (ju'il n'avait payé tous les autres. » .'Vpulée, dans ses Floi-ides (livre II, ch. xii), nous dit : Le D' J. Franklin jjarle, dans sa Vie des animaux, d'un sien corbeau, élevé chez lui, et dénommé Jacob: «...Dans les rues, il trouve toujoursdes sujets d'amusement et des compagnons. Il joue avec les enfants qui se rassemblent autour de lui. déchire leurs vêtements, mange leur pain, attaque ceux qui cherchent à le battre et leur enlève le bâton des mains; si un grand garçon se présente, l'oiseau s'esquive prudemment. Il permet aux petits enfants de lé toucher, mais non aux adultes, u — En outre, ce corbeau était un fiefl'é ivrogne : « Comme beaucoup de vauriens qui ont passé par les écoles, il entend un peu de latin. Jacob prononce aqua, mais il préfère très décidément le vinàl'eau. Un jour, ma ménagère posa un verre de vin rouge sur la table; en un instant, l'oiseau se le. versa tranquillement dans l'estomac ; — je veux dire qu'il plongea son bec dans la précieuse liqueur et qu'il la huma goutte par goutte. Lorsque ma ménagère, craignant qu'il ne brisât le verre, le retira, 1 oiseau lui vola à la ligure {loii/ours les yeu.v\) dansun véritable accès de fureur. Si vous placez trois verres sur la table, l'un plein d'eau, l'autre de bière, et le troisième de vin, il laisse les deux premiers et ne s'adresse qu'au verre de vin. (Dn peut en conclure que les oiseaux ne sont pas tellement liés au régime diététique ofîert par la nature qu'ils se montrent insensibles aux perfectionnements de la cuisine et aux trésors de la cave. » (A nuiire.) E. SANTtNI DE RiOLS. ABERRATION DE ZYCŒN& TRIFOLII Nous trouvons dans notre confrère anglais The ento- mologist, deux aberrations curieuses de Zygfrna trifolii, que nous signalons ci-après. Ces deux variétés ont été prises par M. Christy dans le Sussex. La ligure 1 a seule- ment quatre taches sur chaque aile. La figure 2 rappelle la Zt/gcena lilosellse. LA PELLOTINE NOUVEL HYPNOTIQUE Cette substance extraite de la pellote, espèce de cactus qui croit au Mexique, se présente sous la forme d'un corps cristallin, amer, peu soluble dans l'eau. Après des expériences préalables sur des animaux, IIefter s'est assuré sur lui-même et sur ses amis de l'action narcotique incontestable de la pellotine. JOLLY a, dans 40 cas environ, essaye la pellotine (et surtout son chlorhydrate que l'on peut facilement pres- crire en injections sous-culanées) : lui aussi se ]irononce en faveur de l'action hypnotique du chlorhydrate de pel- lotine. Donné à la dose de 0 gr. 02, le chlorhydrate de pello- tine n'exerce presque aucune action et le sommeil ne survient qu'après des doses de 0 gr. 04, 0 gr. 05, 0 gr. 06 (par la bouche ou en injections sous-cutanées) ; le som- meil ainsi provoqué diffère d'intensité et de durée sui- vant les cas. On n'a échoué que dans quelques cas. Mais, en revanche, le sommeil est survenu même chez des sujets atteints de douleurs intenses. En même temps que le sommeil, la pellotine (quoique non d'une manière constante) provoque aussi le ralentissement appréciable du pouls. Des recherches comparatives ont démontré à l'auteur que 0 gr. fifi ])ris par la bouche (en injections sous-cuta- nées la dose maxima semble avoir été de 0 gr. 04), de ]iar leur action hypnotique, sont équivalents à i gramme de trional et à I gr. o-2 gr. de chloral hydraté. Comme phénomènes secondaires fâcheux, on a noté, chez quelques malades, une sensation de chaleur, du vertige et un bruit désagréable dans la tète; parfois on était même obligé pour cela de suspendre le médica- ment, les malades s'étant refusés à continuer son admi- nistration. Tout en ne se croyant pas en droit, de par le petit nombre d'observations personnelles, d'alfirnicr l'inno- cuité constante et absolue de la pellotine, l'auteur, s'appuyant sur l'absence, dans ses observations, de tout phénomène secondaire grave, recommande vivement d'essayer la pellotine (jui peut être utile comme rem|da- Oanl, de temps en temps, les autres narcotiques dont nous disposons. (Journal de médecine de Paris.) NATURALISTE' 0 < te W a Q a: w w Si « o £ ^ a CD s ■a o o. X CL, - w •H 0 O o .- o .-. C :r Ci " ""^ : rt ss C ^ c c c c o tn 3 — ' OT o *- -- to X §-■£ •^ ^ aj T* o > ^ o o -. '^ ai nj 3 c O « u o ; a> iw m t3 P, o : '-:> •^ t, o » © t3 ; M I o • •œ C . ^ ! sy . 3 ; o u • cî ; ^ • fl * o . X <= -2 -:i S S ^ o — .' -- r^ = '5 i' c rt. S rt ij S "3 !* a. a ^ .3 c c .2 2-4 LE NATURALISTE s o m o o sa o m S kl 09 P< J3 S \ ê ù c iH ^ m •j s o X a ai a o — - Cl. c a> n o C flj o s < •QJ q o .-î:; £ e C J= J3 =^ C3 « O 03 o u s ;-■ ^1 m C3 ce -•^ a o S •a > o LE NATURALISTE DESCRIPTION DE COLÉOPTÈRES EXDTIOUES Euriijeniomorpliu.i, n. RPare. Dernier article des tar?es large avec uue sorte d'appendice corné sous les ougles. l'alpes ssécnriforuies. Antennes fj;rèles, i dernier article à l)eine plus louf; que le précédent, insérées eu dessous d'une saillie cornée. Prothorax étranglé prés de la base. Yeux n peine bordés, à peine siuués. Mésosternuui caréné, granuleux, étroit en arrière, eu arc de cercle, légèrement anguleux sur son milieu, eu avant. Parait devoir reutrer dans je groupe des Semalaplini par les ongles des tarses munis d'un appendice corné: par sa forme il rappelle plutôt le groupe des Eiirl- geniiiii. F., niffosiis. .Vllongé brunfttre V. ou noir un peu métal- lique ' ', avec les antennes et les pattes plus ou moins d'un rouge foncé : pom-tuatiou générale ruguleuse, très forte aux éljlrfs: pubesceni^e couchée, grisâtre, fine et écartée avec ipieli^ues longs poils fins dressés. Tête tronquée en arriére, a front |ilan orné d'ui:e partie cornée, relevée au-dessus de l'insertion des antennes : yeux peu saillants, à peine sinués. Antennes rougeàtres, minces, à articles allongés; premier plus gros, parfois obscurci, 2""' court, dernier à peine plus long que le précédent. Palpes obscurcies. Prothorax assez transversal et bien arrondi au milieu, prolongé en cou long en avaut, diminué en arrière, marqué de gris sur les cotés posiérieurs avec la base sillonnée transversalement et un peu relevée en arrière. Ecusson en carré long, grand, bien garni de poils jaunes à l'état frais. Elytres allongés, droits sur les épaules qui sont arrondies, bien atténués et anguleusement arrondis ,à l'extrémité c". presque cylindriques 2, rt>bordés, très nettement et fortement ruguleux avec des points torts. Pattes moyennes avec les cuisses épaisses; tibias denticulés, légèrement échanerés eu dehors à 1 extrémité; tarses remar- quables. Dessous du corps foncé o*, rougeûlre 'i ; poitrine très pubesceute de grisfttre. Long 10 à 13 mill. N.-S. Wales (Australie). Diffère de tous les Pseudoanlliicides américains, au moins par son aspect rugueux. Foitnicomus iititberculaliis. Noir de poix à pubescence fine et couchée avec les élytres un peu verdâtree, les premiers articles des antennes duu testacé rembruni. Tèle assez courte, à peine conifère, à ponctuation assez rapprochée. Une. An- tenues modérémimt longues, minces, obscurcies à partir du 4™« article. Prothorax peu allongé, bien dilaté, arrondi en avant, de la largeur de lu tête, nettemeut étranglé prés de la base et ayant sur celle-ci deux petits tubercules nets; ponctuation écartée sur la portion antérieure, dense et rugu- leuse sur la base. Elytres eu ovale assez court, avec les épaules [leu saillantes, l'extrémité largemeut tronquée, la ponctuation marquée, espacée. Pattes vaguement brunâtres, fortes, pubesceutes avec les cuisses bien épaissies. Tibias antérieurs courts, assez minces, intermédiaires et postérieurs légèrement sinués 4". Long, 3 mill. 1/2. Benul. A placer prés de F. rjua^stor Laf. et facilement séparable de la plupart des espèces du genre, soit par sa coloration géné- rale foncée, soit par son prothorax â base tuberculée. Mauiuce Pic. La Photosplière La photosphère est l'enveloppe brillante du soleil, que nous voyons tous eu regardant cet astre. Elle recouvre la sphère centrale, où les corps sout dans un état de dissociation particulier, dû à leur énorme température qui s'oppose à la liquétication que devrait enlrainer la pression incalculable à laquelle ils sont soumis. En arrivaut à la surface, ces corps dissocies sont soumis à une pression beaucoup moins considérable, et à une température diminuée par le rayonne- ment qui commence à s'y taire sentir . On les voit alors s'associer pour former des gaz métalliques lumineux, analogues à ceux que nous connaissons sur la terre, qui prennent l'aspect de ballons incandescents, en dégageant alors une chaleur et surtout uue lumière excessive. Aussi, quand on examine les photographies du soleil, obte- nues par E. Janssen i l'observatoire national de Meudou, on voit des traînées de pi;lils grains blancs disséminés à sa sur- face, comme du riz étalé sur une feuille de papier gris. La photosphère est donc une couche de ballon incandescente, d'un indescriptible éclat, llottaul à la périphérie de la sphère centrale, que notre œil ne peut regarder sans en être immé- diatement aveuglé. Ces grains riziformes sont des sphéroïdes allongés, qui mesurent environ .'iOO lieues de diamètre, et qui son', entraînés dans tous les sens à la surface du soleil par des courants extrêmement puissants, en restaut toujours à peu près an même niveau. Quelquefois ils se fondent ensem- ble en disparaissant pinson moins et c[i perdant de leur écla'. D'autres fois, au contraire, ils acquièrent, eu se fusionnant ainsi, une luminosité beaucoup plus intense et forment alors ce qu'on appelle des facules. Tout est relatif en ce monde, et je les comparerai à des vers blancs sur uue peau blaui-he d'orange. Voilà comment se comporte la matière, en quittant la spnère centrale du soleil pour arriver à sa surface, où la pression est de moins en moins grande, et où peuvent exis- ter des vapeurs métalliques extrêmement chaudes et lumineu- ses, identiques a celles que nous connaissons sur la terre i une moindre température. C'est alors que ces I gaz déjà si chauds par eux-mêmes au moment de leur formation, acquiè- rent sous nos yeux une lumiuosité si éclatante, qu'elle éclipse complètement la lueur de la sphère ceutralc, qui parait noire par ellet de contraste; au point de ressemblera des taches n'encre, quand on la voit à travers les éclaircies de la photo- sphère: telle est l'origine du noyau noir des taches du soleil. Les grains de riz de la photosphère sont donc l'état particu- lier qu'affecte la matière dans le soleil, quand elle est soumise à uue énorme température et a une diminution de pression. Ces ballons lumineux sont des giiz métalliques incandes- cents. Ils ne renferment de particules liquides incandescentes à l'état vésiculaire que dans la photosphère, qui fait suite ;i cette couche et est moins chaude encore ; puisqu'elle est plus superficielle, et partant, plus relVi'idie qu'elle par l'effet du rayouuemeut. Oh! alors là, c'est tout autre chose : les gaz se trauslorincut eu vapeurs métalliques, en vrais nua- ges lumineux, qui douneutde la vraie pluie iucandesceule ou qui disparaît à l'état de gaz dans les couches chaudes de l'at- mosphère du soleil. Ces nuages sout agités de tourbillons comme les nôtres ici-bas, et sont sujets à des orages avec cyclones et tourbillons à cône descendant, qui confirment la théorie ds il. Paye sur les tourbillons atmosphériques. Ce sont précisément ces phénomènes qui produisent les protubérances de la chromosphère, qui est rougeâtre. Mais la photosphère peut être aussi le siège de tourbillons tout particuliers bien différents de ceux qui se passent dans lachro- mospnère, en ce qu'ils constituent les taches du soleil. Lr photosphère n'est guère beaucoup plus épaisse que le diamè- tre de la terre, soit 3 ou 4 mille lieues d'épaisseur. Comme elle est d'une aveuglante blancheur et que la sphère ceutrale sous-jacente nous semble obscure en comparaison, on con>- prend qu'il sullit d'un tourbillon, qui agite les ballous lumi- neux ae la photosphère, pour produire des vides, des éclair- cies, par lesquelles on voit la surface noire de la sphère cen- trale du soleil, c'est ce qui constitue le noyau des lâches. Tout autour de cette ouverture, les grains riziformes se fondent les uns aux autres en longues traînées parallèles, qui bordent le noyau d'une pénombre beaucoup plus lumineuse que celui-ci. Ces traînées s'irradient autour du noyau ; tout en étant bien délimilées extérieurement à leur périphérie, là où elles se séparent du reste de la photosphère, qui reste calme autour du tourbillon, tant que celui-ci ne s'èteudpas plus loin. Ces taches durent plusieurs jours, mais elles changent lentement de forme, comme les touibillons qui se traduisent dans notre atmosphère ou dans un fluide quelconque, gazeux, nuageux ou liqaide. Ici le fluide est le gaz incandescent de la photo- sphère. On voit donc les taches grandir, se diviser et dispa- raître en se rétrécissant de plus eu plus; comme on voit un tourbillon s'étendre, se diviser en d'autres tourbillons plus petits, qui se modifient et disparaissent à leur tour. Ce qui est remarquable, c'est de voir la tache rester creuse pendant tout ce temps, comme si elle était maintenue dans cette forme par une force invisible. Elle est remplie eu eii'et par l'atmosphère incolore du soleil, qui pèse sur elle; et sui>- tout par la force tourhillonnaire qui la creuse dans toute sa surface, en entraînant ses bords en l'air. Il y a là une sorte d'aspiration sur les bords, qui les relève pendant que Je cen- tre est déprimé. 26 LE NATURALISTE C'est identiqiicmeut ce que nous voyons sur l'eau d'une rivière, dans les remous qui se forment à sa surface. Ou voit Bellement les concavités de la tache, quandcelle-ci se présente de profil sur le bor.l du soleil. Une tempête tumultueuse agite autour d'elle la chromosplière et l'atmosphère solaire, les facuh'S et les protubérances sont loujour.* plus nombreuses aux environs des taches que partout ailleurs. Ces violents orages sont uccompafrnés d'un dégagement d'électricité telle, que la boussole enregistre sur la terre des perturbations con- sidérables du magnétisme terrestre. Les années où il y a beau- coup de taches sont précisément celles où ces perturbation^ magnétiques sont les plus accentuées. On sait depuis long- temps que ce n'est pas une simple coïncidence, et qu'il y a là des relations identiques avec celles qui unissent l'effet à sa cause directe. Les aurores boréales suivent fidèlement les oscillations qu'éprouvent les taches du soleil dans leur nom- bre et dans leur importance. Les phénomènes électriques qui se passent dans le soleil rctenlissent jusque sur la terre. D. Bougon. NOTE SUR CANTHARIS VESICATORIA CANTH.A.niS VESIC.4.T0HI.\ (L.) La Cantharide est un coléoptère de la famille des vésicants, ces insectes apparaissent en nombre considé- rable dans les lieux qu'ils fréquentent. Leur usage thé- rapeutique remonte à la plus luiule antiquité et fait l'objet d'un commerce important. La Cantharide, d'après les analyses de Béguin (1), con- tient de 3 gr. 10 cà 6 gr. 31) de cantharidine par kilo- gramme d'insectes. Le prix du kilo d'insectes (suivant les renseignements de M. le D' Fumouze), vaut environ 14 à i^ francs, quel- quefois 20 francs, selon les années; il faut en moyenne 10,000 insectes secs pour peser un kilogramme. Insecte 2wrfail . ■ — Longueurs à 18 millimètres, d'un vert cuivreux avec des reflets dorés, tète triangulaire, forte- ment sillonnée au milieu, antennes plus longues que la moitié du corps, corselet transversal, angulé sur les côtés, élytres finement ruguleux, plus larges que le corselet, parallèles et recouvrant généralement l'abdomen, pattes longues à jambes armées de deux éperons. Les carac- tères sexuels s'observent principalement dans les an- tennes, plus robustes et plus longues chez les mâles. C'est à M. J. Lichtenstein (de Montpellier) (2) que revient l'honneur d'avoir réussi le premier à élever (en captivité) la Cantharide depuis l'œuf jusqu'à l'insecte parfait, et d'avoir prouvé d'une manière indiscutable les diverses phases de l'hypermélamorphose, et à M. le D' Beauregard (3) d'avoir découvert ses mœurs en liberté. Mœurs. ■ — Les Cantharides apparaissent ordinairement vers la fin de mai jusqu'au lo juillet, on les trouve sur les frênes, les lilas, les troènes et quelquefois l'olivier dont elles dévorent les feuilles, elles répandent une odeur caractéristique très désagréable (odeur de souris'^) qui permet de reconnaître leur présence. Aussitôt après l'accouplement la femelle creuse un puits dans le sol d'environ 2 à 3 centimètres de pro- fondeur, elle dépose au fond ses œufs, en deux masses (1) Béguin. Histoire des insectes qui peuvent itre employés comme vésicunts. Paris, 1874. (2) Lichtenstein. Coni;j/fsrfrif/vs(/e/'j^cod.f/e«t<'c., 19 mai, 1879 p. 10S9. (3) Dr Beauregard. Les vésicanls. Paris, 1890. d'environ 130 à 200 œufs chacune, cela fait elle comble le puits en tassant la terre en dessus. Les œufs éclosent au bout de quinze à vingt jours; les triongulins s'en- foncent dans la terre et restent inactifs pendant (juelques jours durant lesquels leurs téguments prennent plus de résistance et une couleur plus foncée. Alors poussés par le besoin de nourriture, ils se mettent à la recherche des cellules de certains hyménoptères souterrains : Colletés et 3/fegachiles, qu'ils savent très bien découvrir ; leur extraordinaire activité et leur résistance vitale, qui leur permet de vivre de trente à quarante jours sans aliments, leur donnent des chances multiples de réussite. Une fois le triongulin dans la cellule de son hôte, il se nourrit avec voracité du miel qu'elle contient ; dès lors, les diverses phases de son évolution se succèdent régu- lièrement : le triongulin, qui mesurait à peine ï milli- mètres de longueur, devient en trois semaines un-e larve de 18 à 20 millimètres de long sur 5 à 6 millimètres de large. Après une première et une deuxième mue à cinq ou six jours d'intervalle, le triongulin se change en deuxième larve qui arrive à son complet développement au bout de neuf à dix jours, s'enfonce en terre, se cons- truit une petite loge 'et se métamorphose en pseudo- chrysalide dont la longueur varie entre 12 et 16 milli- mètres ; c'est sous cette forme qu'elle passe l'hiver. La pseudo-chrysalide est de couleur jaune très pâle, d'apparence cireuse et comme légèrement nuancée de rose. Elle est un peu courbée en arc, les pattes sont figurées par de courts moignons. Les neuf paires de stigmates se reconnaissent facilement à la couleur brun fonce de leur périlrème. En avril la jiseudo-chrysalide se fond sur la ligne mé- diane du dos et se transforme en une troisième larve d'un blanc jaunâtre, à mandibules brunâtres et très sem- blable à la seconde. Au bout de douze à quinze jours cette troisième larve se transforme en nymphe avec tous les membres bien visibles, quoique encore emmaillotés, qui accentue son évolution et devient un insecte parfait après une nouvelle période de quinze jours. L'évolution complète dure un peu moins d'un an. Il arrive quelque- fois que la pseudo-nymphe passe l'année complète sans changement et ne se transforme que la seconde année. Récoltes. — On peut s'étonner qu'en France, où les Cantharides sont dans certaines régions très abondantes et très belles, la récolte soit devenue à peu près nulle, au point que les pharmaciens des localités hantées par ces insectes ne trouvent pas à se les procurer. On sait que les Cantharides apparaissent en juin et vivent sur les frênes, lilas, etc. Il suflit le matin, alors que les insectes encore engourdis couvrent les feuilles et les branches, d'éteridre des draps sur le sol au-dessous des arbres, qu'on secoue énergiquement, pour obtenir rapi- dement une abondante récolte. Il ne reste plus qu'à les faire jiérir, soit en les trempant dans du vinaigre ou en les enfermant dans un vase suscejitible d'une fermeture hermétique et en versant une petite quantité de sulfure de carbone pour les asphyxier. On fait ensuite sécher les insectes, puis on les conserve dans des boites bien fermées. Sans cetteprécaution, les Cantharidosdeviennent la proie d'une quantité de parasites coléoptères qui les dévorent jusque dans les carions de collection, savoir : Anthremis varius (Fab.), Ptinus fur (L.), Derwetes tar- darius (L.), AUagejius Pcllio (L.), Anobimn . paniceum (L.); etc. LE NATURALISTE 27 M. le D' Fumouzc cite ooiiinifi ennemis des Cantha- rides dans les pharmacies les espèces d'acariens sui- vantes : Tyrof^lyphus lonf;ioi- (Gervais). Tyrofilyplms Sieulus (Robin et Fumouze). Glycipliai;us cursor (Gervais). Glyciiiliagus spinipes (Koch). Chelytus eruditus. Decaux, Membre de ta Soc. Ent. de France. Sarcoptides. Répertoire étimologiqye des noms français ET DES DÉNOMINATIONS VULOAIRES DES OISEAUX {Suile] PInvian. — Nom donné par les ornithologistes à un petit Echassier d'Egypte {Hyas /Eçj>ipliaciis), parce qu'il est inter- médiaire entre les Coiirvitos et les Pluviers. Les Arabes lui ont donne le surnom A'AcerLissetir du Crocodile. Pline, qui emprunte son récit à Hérodote, dit du Pluvian : « Quand le Crocodile est couché sur le sable, la gueule ouverte, un Oi- seau, le Trocliilns, arrive, entre dans sa gueule et la nettoie. Cela est agréable au Crocodile ; aussi ménage-t-il cet Oiseau et ouvre-t-il sa gueule plus grandement encore pour qu'il ne s'y blesse pas. Cet Oiseau est petit, de la taille d'une Grive; il se lient prés de l'eau ; il avertit le Crocodile de l'approche de l'Ichneumon ; il vole à lui, l'éveille en criant, en lui bec- quetant le n^useau. » « On serait tenté do ne voir là qu'une fable, et cependant ce récit est basé sur un fait. Ce que les anciens avaient vu, on peut le constater encore, et c'est à juste titre que l'on a donné à cet Oiseau le nom à'Averlis- seur; il avertit bien réellement le Crocodile et tous les autres animaux, n (Brehm.) Pluvier. — Ce nom, donné à des Echassiers [Charadrins], dériverait, d'après Belon, du mot Pluie. « Le Pluvier a été ainsi appelé, parce qu'on le prend plus aisénrent dans un temps pluvieux qu'en tout autre temps. » (Belon.) « Je crois plutôt, ajoute Ménage, que c'est à cause qu'il aime la pluie. » Longolires {Dtcttogtis de at'ibu.s et eorum nominibifs) donne à cet Oiseau le nom allemand l'idvier, Puloer, que Turner fait dériver du latin l'tilvis (poussière), parce que ces Oiseaux sont pulvéri.sateurs. Podarge. — Nom donné par Cuvier à une famille d'Oi- seaux d'Australie et de la Nouvelle-Guinée, intermédiaires entre les Chouettes et les Engoulevents. Ce nom est formé des mots grecs poiis (pied) et arr/os (blanc). Porphyrion. — Nom donné par les anciens à des Poules d'eau {Porpliyrio), plus connues sous le nom de Poule-i-Sul- lanes « Les modernes ont appelé Poule-Sullane un Oiseau fameux chez les anciens sous le nom de l'oiphyrioii. Nous avons déjà plusieurs fois remarqué combien les dénomina- tions données par les Grecs, et la plupart fondées sur des caractères dislinctifs, étaient supérieures aux noms formés comme au hasard dans nos langues récentes, sur des rajipKrts fictifs ou bizarres et souvent démentis par l'inspection de la Dature. Le nom de Poule-Sultane nous en fournit un exemple : c'est apparemment en trouvant quelque ressem- blance avec la Poule et cet Oiseau de rivage, bien éloigné pourtant du genre Gallinacé, et en imaginant un degré de supériorité sur la Poule vulgaire par sa beauté et par son port, qu'on l'a nommée Poule-Sullane; mais le nom de Por- phyrion, en rappelant à l'esprit le rouge ou le pourpre du bec et des pieds, était plus caractéristique et bien plus juste, u (Buffon.) Porte-Iaiubcanx. — Le Vaillant a donné ce nom à un Etourneau de l'Afrique orientale \Dilophus carunculalu.s), à cause des espèces de lambeaux ou crêtes noires qui ornent sa gorge et sa tête sans les surcharger, caractère qui paraîtrait rapprocher cet Oiseau du genre Mainate. Porzane. — Surnom du Ràle-Marouette [Porzana-Ma- ruelln) et tiré de son nom italien Porzann, qui ne serait qu'un diminutif de Porcelluna. Poaillot. — Nom donné, à cause do sa petitesse, à un Pa.ssereau du genre Ficedida (Ficedula fitis), que Belon avait surnommé le Chanire, à cause de son ramage. « Le nom de l'ouillof, comme celui de Poui donné au Roitelet, parait venir de Pullus, Pu.iiUus, et désigne également un Oiseau très petit, n (Buffon.) Poule. — Mot tiré da bas-latin Pulla, féminin de l'nllus (petit), et employé pour désigner la femelle du Coq, proba- blement parce que sa taille est plus petite que celle du mâle. Ponle-.4ntarc(lqne. — Surnom donné par les navigateurs au Bec-en-Fùurreau {Cliionia), parce qu'il a une certaine res- semblance avec une Poule et vit ilans les îles de la rc"ion antarctique. ° Poule- d'Kau. — Nom donné aux Gallinules, à cause de leur ressemblance avec la Poule et de leurs habitudes aqua- tiques. Ponle-de-iVumidie. — Nom donné autrefois à la Pintade, parce qu'elle est originaire de Numidie. Poule-des-C»udricr.«i. — Surnom donné à la Gelinotte des bois \Iionaaiu sylvestris), parce qu'elle recherche surtout les taillis de noisetiers sauvages ou Coudriers. Ponle-des-Steppes. — Nom vulgaire du Syrrhapte para- doxal [Syrrhaptes paradoxus), parce qu'il n'habite que les steppes à l'est de la mer Caspienne. Ponle-d'Iudc. — (Voyez le mot Dindon.) Poule-Snlt:ino. — (Voyez le mot Porphyrion.) Poulet. — Diminutif du mot Poule, servant à désigner les petits de la Poule. Poussin. — Mot tiré du latin Pullicenus, diminutif de Pullus (petit), employé en ornithologie pour désigner les jeunes Oiseaux lorsqu'ils sont encore couverts de duvet. Proyep. — Nom vulgaire d'un Bruant (Emberiza miliaria) et dérivé du mot Pré, car Belon dit que Proyer se prononçait Preyer, qui signifiait Oiseau de pré; ce qui confirme cette opinion, c'est que Salerne nous apprend que le Proyer se nomme en certains endroits Pré ou Verdat des prés. Ptarnii^^an. — Nom écossais conservé pour désigner le Lagopède des Alpes. Puffin. — Nom donné à des Laridés {Puffinus) et qui, d'.après Klein, serait une onomatopée formée d'après le cri de ces Oiseaux. Pygargue. — Ce nom, donné à un Rapace {Haliœtus al- bicillai, dérive du grec Pyyaryos. Aldrovande, à la science duquel on peut avoir confiance pour ce qui regarde les an- ciennes étymologies, a dit que cet Aigle a reçu des Grecs cette dénomination, parce qu'il a la queue blanche. Cette opi- nion a été confirmée par Gaza, qui a traduit le mot grec par le terme latin Albicilla. Qnadrieolor. — Nom donné par Buffon à un Passereau d'Australie [Erylltrura piasiiia), connu des oiseliers sous le nom de Pape de prairie. « Nous lui donnons le nom de Qua- dricolor, qui suffira pour le distinguer de tous les autres et qui lui convient très bien, parce que c'est un bel Oiseau peint de quatre couleurs vives, également éclatantes : ayant la tête et le cou bleus, le dos, les ailes et le bout de la queue vcrta, une large bande rouge en forme de sangle sous le ventre et sur le milieu de la queue, et, enfin, le reste de la poitrine et du ventre d'un brun clair ou couleur de noisette, n (Buffon.) Quetzal. — Nom donné par les indigènes du Guatemala au Couroucou resplendissant [Pharornacrus resplendens) . Queue-de-Vinaigre. — Surnom donné par les oiseliers à l'Astrild gris bleu ou Bengali cendré (Estrilda cœrules- cen.artit le guide, inventez-vous des déluges et des cours d'eau pour les charger de rochers évidemment trop lourds pour eux'^ N'est-il pas plus simple de penser que ces pierres ont été transportées par des glaciers, qui tous les jours en transportent sous nos yeux. » C'était l'idée féconde de la découverte des aticiens glaciers. Tous les glaciers ont ])Our origine les blancs ncvés qui s'accumulent et se compriment sur les sommets, ]>our se transformer en glace transparente ; ils descendent dans les vallées qui sillonnent les flancs de la montagne, avan- çant lentement, rabotant les falaises, qui les encaissent. Les roches de fond, sous cette action puissante, se po- lissent, perdent leurs angles; les parois sont de même transformées, portant les rayures des cailloux tombés entre elles et les glaciers : elles sontpoHes et sériée.';. Sur le glacier, de longues files de blocs de pierre mar- ([uent l'emplacement des morames; ce sont les débris détachés des falaises encaissantes qui roulent sur le glacier et sont transportés avec lui. Souvent d'énormes quartiers de rocher s'éboulent et constituent des blocs erratiques. Si la glace vient à fondre, ces pierres tombent sur le sol sous-jacent, en lignes correspondantes à celles occu- pées à la surface du glacier, et jalonnent ainsi la direc- tion des moraines; les blocs erratiques sont déposés par cette fusion au point où ils se sont arrêtés. L'emplacement d'un ancien glacier est donc facile à reoonuaitre par les caractères énumérés : Va/pect poli et jîd-iédes roches encaissantes, la présence de cailloux striés, la position des moraines et des blocs erratiques. Seule, la glace man([ue, mais ces témoins persistent et permettent au géologue de reconstituer en pensée la direction, l'ex- tension, l'épaisseur, les étapes de la marche du glacier disparu. Cette comparaison si simple à faire aujourd'hui entre nos glaciers muderues et les formations glaciaires an- ciennes, a cependant demandé de longues et patientes recherches, et il a fallu les travaux ininterrompus do toute une phalange de savants : Charpentier, Venetz, Schimper, Agassiz, Delor, Co- lomb. Julien, Boule, etc., pour établir l'histoire des an- ciens glaciers et tracer les limites de l'ancienne exten- sion glaciaire. Grâce à leurs travaux, il nous est possible de prendre une idée exacte de ce phénomène, et, si l'on ne peut en- core en déterminer les causes, il est démontré que, à plusieurs reprises, les glaces ont envahi nos continents. II L'étude de la montagne do Perrier, près d'Issoirc (Puy- de-Dôme) permet de reporter à l'époque tertiaire l'appa- rition de glaciers fort importants dans le. Plateau Ceu- Le Naturaliste, 46, rue du Bac, Paris. tral. Sur ce point un conglomérat, formé de blocs des- cendus des Monts Dores et enchâssés dans une boue épaisse, présente tous les caractères d'une formation glaciaire. Des dépôts analogues so retrouvent sur divers ]ioints, au pied dos Monts d'Auvergne. A Perrier, cette formation est datée ; elle rejiose sur les couches kMasto- don arver7iensis, elle, alterne avec des dépôts à Elephas meridionalis et Rhinocéros leptorhinus, elle est superposée au Pliocène inférieur et appartient au Pliocène supérieur. Au moment où parait Elephas meridionalis, \a faune de la France avait les plus grandes allinités avec celle de l'Afrique actuelle : des éléphants, des rhinocéros, des hip- popotames, des cerfs, des antilopes, des bisons se multi- pliaient dans de vastes pâturages, sur les bords des grands lacs et des fleuves de cette époque lointaine. C'est à ce niveau que les géologues jilacent la (in des temps ter- tiaires. Le début de l'époque quaternaire est marqué par un refroidissement, et par des précipitations atmosphériques abondantes qui déterminent la première extension gla- ciaire quaternaire. La calotte glaciaire des pôles s'avança, par-dessus la Suède et la Norwège, jusqu'à une ligne jalonnée par Londres, Dresde, Cracovie, Lemberg, Kiev et Saratov, recouvrant presque toute la Russie, l'An- gleterre, l'Allemagne et la Hollande. En Amérique, ces dépôts s'arrêtent aux Montagnes Rocheuses, suivant le cours du Missouri et de l'Ohio. En même temps, tous les massifs montagneux de l'Europe se hérissaient de glaciers: le Caucase, les Alpes de Transylvanie, le Rhodojie, étaient des centres de formation ; en France, les glaciers des Alpes et du Jura se confondaient; les Vosges, la Forêt Noire, le Plateau Central, les Pyrénées, envoyaient leurs fleuves de glace dans toutes les directions. Les manifestations glaciaires de cette époque se pré- sentent avec une puissance extraordinaire. Si l'on prend comme exemple le massif des Alpes, on peut considérer que l'épaisseur des glaciers qui comblaient les anciennes vallées atteignait plus de 1.000 mètres. Leur extension était telle qu'ils touchaient la chaîne du Jura et déjio- suient sur ses fleuves des blocs erratiques de gneiss et de granit d'origine alpine. Le glacier du Rhône, réduit maintenant à une coulée do 10 kilomètres, a formé alors une nappe glaciaire de 400 kilomètres de longueur. Des- cendu du massif du Saint-Gothard, il recevait de nom- breux affluents sur son parcoui-s, se butait contre Chas- seron, et se divisait en deux branches divergentes. L'une se dirigeait vers le bassin de l'Aar, l'autre s'engageait dans la vallée du Rhône, couvrait d'une immense nappe de glace la région du Léman, pour se diriger vers Lyon où la colline de Fourvièro et de nombreux blocs erra- tiques marquent la limite de son extension. Par comparaison, il est possible de concevoir le dé- veloppement excessif do tous les glaciers actuels à l'époque quaternaire, et de comprendre l'apparition de semblal)les formations sur nos chaînes de montagnes actuellement dépourvues de glaciers. Puis, les glaciers s'arrêtent dans leur marche ; ils reculent, abandonnant leurs moraines et leurs blocs erra- tiiiues. Des forêts de pins, de sapins, de mélèzes, d'ifs, de bouleaux, de chênes, de noisetiers et d'érables se dé- veloppent sur les boues mises à nu. La température redevient plus douce et bientôt un éléphant voisin du meridionalis : Elephas antiquus prend possession du sol, avec des rhinocéros {Rhinocéros Merckii), des aarocûb, des cerfs, des élans, des carnassiers divers. C'est une 30 LE NATURALISTE période interglaciairù très nette, très évidente sur tous les continents observés. Mais l'extension glaciaire — deuxième extension qua- ternaire — se produit de nouveau, les vallées déblayées sont envahies par les fleuves glacés qui entraînent de nouvelles moraines et des blocs erratiques. Le mam- moutli fait son apparition. Cet éléphant, dont Pallas a découvert des cadavres entiers dans les glaces de Sibérie, était organisé pour vivre dans un climat froid, sa toison frisée et laineuse le caractérise à ce point de vue. Il est accompagné d'animaux nombreux dont les uns ont dis- paru, comme Rhinocéros tichorinus et l'ours des cavernes, dont les autres sont relégués sur les hautes montagnes, citons : la marmotte, le chamois, le bouquetin, le lagomys, — ou dans les régions boréales : le renne, le renard bleu, le glouton, le lemming, le bœuf musqué. Les chevaux, les bisons, les aurochs formaient la popula- tion la plus abondante des vallées, avec des cerfs et des antilopes saïga. L'hyène des cavernes et le lion des cavernes, relégués plus tard vers le Sud, vivaient à coté de ces espèces, dont l'ensemble constitue une faune d'animaux adajités à des températures moyennes. Cette seconde formation glaciaire n'a point atteint les limites extrêmes de la première, elle s'est arrêtée, et le recul s'est produit par suite de conditions climatériques nouvelles. Les précipitations atmosphériques, si abon- dantes au début du quaternaire, deviennent de moins en moins importantes. Le climat d'humide devient sec et froid. Donc les glaciers reculent faute d'aliment; plus tard, la température s'élève et le climat actuel s'établit, après quelques alternatives. Nous assistons aujourd'hui aux dernières manifestations glaciaires de cette dernière extension. Les glaciers de nos Alpes et de nos Pyrénées qui s'accrochent aux sommets les plus élevés, sont les derniers restes de ces gigantesques fleuves de glace qui ont couvert presque la moitié du continent européen. Cette modification dans le climat n'a pas amené la disparition des êtres animés sur notre sol : le mammouth, le rhinocéros à narines cloisonnées et l'ours des cavernes sont les seuls qui no soient point arrivés jusqu'à nous. D'autres, comme le renne, ont émigré vers le Nord, ayant besoin d'une température plus froide, le plus grand nombre est demeuré sur notre sol et constitue la faune sauvage actuelle de l'Europe. Par ses travaux sur l't'jjogMc houUUre, M. Julien pense qu'on est en droit d'assigner une origine glaciaire à cer- tains conglomérats des formations carbonifères. Il s'agis- sait de glaciers descendant de la grande chaîne de mon- tagne — la chaîne hercynienne — qui, ]iartant de la Bretagne, passait par le Plateau Central et se poursui- vait, à travers le Forez, les Vosges, l'Ardenne, la Forêt Noire, vers le Hartz et la Bohème. Si ses conclusions sont adoptées, les formations glaciaires apparaîtraient dès les temps géologiques les plus reculés. L'extension glaciaire tertiaire correspond à la fin des manifestations volcaniques du massif des Monts Dores. Pendant le quaternaire, s'ouvrent les volcans à cratères. Ces volcans sont nombreux en Auvergne ; ils ont con- servé leurs cônes de scories, leurs cratères en coupes étalées, et de leurs flancs partent de longues coulées de lave qu'on croirait à peine refroidies. L'homme a-t-il contemplé les puissantes manifesta- tions glaciaires que nous avons décrites? L'homme a-t-il assisté aux éruiitions volcaniques de l'Auvergne? Les découvertes faites depuis un demi-siècle ont permis de répondre alOrmativement à ces questions. Nous nous jiroposons de résumer en quelques chapitres les con- naissances préhistoriques qui sont désormais acquises, en faisant connaître l'histoire des races humaines qui ont habité les grottes au pied des grandes Alpes et des grandes Pyrénées quaternaires et qui ont tressailli au grondement des éruptions volcaniques du Plateau Cen- tral. D' Paul GiROD, Professeur à l'Université de Clermont-Ferrand. ANIMAUX Mythologiques, légendaires, historiques, illustres, célèbres, curieux par leurs traits d'intelligence, d'adresse, de courage, de bonté, d'attachement, de reconnaissance, etc. Cyfftie. — L'irascible reine des dieux et des hommes, sœur et épouse de Jupiter; celle qui, iclernum servons siib pectore vulnus, parce qu'elle voyait le pieux Enée échap- per à sa vengeance, s'écriait classi(juement : Mené incepto desistere victam, Nec posse Italià Teucrorum avortera regem ? Astego, qure divùm incedo regina, Jovisque Et soror et conjux, una cuni gente tôt annos Bella gero '? Et quisquam nomen Junonis adoret Prœterea, aut supplex aris imponat honorem?.. Cette reine, cette déesse, cette divine mère, avait pour époux un singulier personnage, — roi, dieu, divin père lui-même. Et malgré ses colères, malgré sa suprême beauté, elle ne pouvait empêcher que Jupiter ne conser- vât la fâcheuse habitude, dès qu'une mortelle était à son gré, dès qu'il pouvait lui appliquer cet autre beau vers de 'Virgile : Jam matura viro, jam plenis nuhilis annis, de se déguiser en quoi que ce fût, et de lui faire une cour aussi assidue qu'irrésistible. Quatre de ses métamorphoses ont été mises ]iar un vieux grammairien dans ce distitiue mnémotechnique en vers rapportés : Taiirus, olor, satyrus fit et aurum Jupiter, ai'dcns l'^uropen, Lccden, Antiopen, Danacn. Il se lit donc : 1° taureau, 2° ci/jne, 3° satyre, 4° louis d'or, pour séduire : i" Europe, 2" Léda, 3° Antiope, 4" Danaé. Ne retenons ici que le cygne. On sait que la princesse Léda, lille de Tyndare, roi de Sparte, se baignant dans l'Eurotas, fut soudain aperçue par l'incorrigible père des dieux et des hommes. Il pria aussitôt Vénus, la céleste meretrix, de se transformer en aigle et de le poursuivre, lui métamor])hosé en cygne. Ce fut l'aU'aire d'un clin d'œil. Le dieu galant se réfugia incontinent dans les bras de la charmante mortelle, dont les compagnes chas- sèrent facilement l'oiseau persécuteur. Résultat, neuf mois après ; lUmx œufs dont sortirent deux paires de jumeaux: Castor et Clylemnestre, Pollux et la belle Hélène, chère à Oft'enbach. Cette aventure a été célébrée à l'envi par tous les my- thologues de l'antiquité. Un de nos vieux auteurs reli- gieux latins du xii« siècle. Honoré d'Autun, s'exprime à LE NATURALISTE 31 ce sujet en ces termes (De imagine mundi libritres, lib. I, cap. r.xiii) : « Jupiter s'étant transformé on cy^ne pour l'animir de la reine Léda, cet oiseau fut mis au noml)i-e des astres. » ElTectivenient, nous avons, dans le ciel de nos astro- nomes, une constellation boréale de 81 étoiles située au- dessous de la lA-re, et qui s'étend le long de la voie lactée eu formant luii' grande croix; elle est opposée aux Génu-aux relativement au polo, qui est au milieu des deux constellations. C'est dans cette constellation que se trouve la fameuse étoile Gl-^ duCyjne, la première dont on ait pu mesurer la parallaxe, et qui est la plus rappro- chée, pour nous, de toutes celles (|ui sont visibles sur l'hémisphère boréal; elle est située à quinze trillions de lieues de la terre, et sa lumière nous arrive au bout d'en- viron six ans... Aruiiult, né caustique, a écrit sur ravoiUuri' de Léda un cou]det assez mordant et que je crois de circonstance aujourd'hui que les journaux racontent à qui mieux mieuxles scandaleuses amours d'une autre princesse avec un simple 'mortel grêlé, dont le violon chante, parait-il, comme le cygne sur le point de mourir: On nous raconte que Léda. l*ar le diable autrefois tentée, D'un amant à l'aile argentée Un beau matin s'accommoda. Ilélas! ces caprices insignes Sont encor les jeux des amours, Si ce n'est qu'on voit de nos jours Les Dindons remplacer les Cygnes. Quoi (ju'il eu soit, la constellation dont il s'agit aurait encore d'autres origines: Cycnus, fils d'Apollon et de Thyrie, s'étant noyé dans le marais de Canope, fut mé- tamorphosé en cygne par son père; un autre Cycnus, (|ui mourut de la main d'Achille sous les murs de Troie, eut le même sort : un troisième, ami intime de Phaé- ton, autre fils d'Apollon foudroyé par Jupiter comme compromettant la sûreté du monde, serait (jlntôt le titu- laire de ladite constellation. Voici ce qu'en dit Virgile au X'' chant de l'Enéide, vers 185 à 193 : « Tu ne seras point oublié dans mes vers, intrépule Cyniro, le plus brave des Liguriens ; et toi, Cupavon, qu'accompagne un petit nombre de guerriers, et dont le casi[ue est ombragé de plumes de cygne, triste monu- ment de la métamorphose de ton père, dont l'amour fut tout le crime. On raconte, en effet, qu'accablé jiar la perte de son cher Phaéton, Cycnus se retira à l'ombre des peupliers, autrefois les sœurs de son ami; tout en- tier à sa douleur qu''il s'efforçait vainement de calmer jiar la douceur de ses accents, il vit sa vieillesse se revê- tir insensiblement d'un blanc et léger duvet, et prenant son essor loin de la terre, il porta dans les plaines du ciel la plaintive mélodie de ses chants. » Ovide, au livre II de ses Métamorphoses (v. 327-380), nous fait un récit à peu ])rès semblable, mats il ne place pas au ciel le métamorphosé: « Le fils de Sténélée, dit-il, Cycnus, fut témoin de ce prodige (les sœurs de Phaéton transformées en peupliers) ; bien qu'il te fût uni par le sang, ô Phaéton, il l'était encore davantage par les nœuds de l'amitié. Abandon- nant son royaume, il faisait retentir des cris de sa dou- leur les vertes campagnes qu'arrose l'Eridan, les eaux du lleuve lui-même, et les arbres dont les sœurs venaient d'augmenter le nombre. Soudain sa voix, de virile ([u'elle était, devient grêle ; des plumes blanches rem- placent les cheveux ; son cou se prolonge loin de son sein ; une memlirane de pourpre unit les doigts, le duvet ('ouvre les flancs; sa bouche devient uu bec arrondi; Cycnus est transformé en un oiseau jusqu'alors inconnu; il ne se confie ni aux plaines célestes, ni à Jupiter, car il garde le souvenir des feux injustement lancés sur Phaé- ton; il habite les étangs et les vastes lacs, car sa haine ])0ur le feu lui fait choisir une demeure au sein de l'élé- ment contraire. » Platon veut que ce soit Orphée ([niait été transformé en cygne, à cause di; sa beauté, et transporté au ciel auprès de sa lyre. Autres traditions encore: Athénée, Deipnosophistes (livre IX, chap. xi), nous dit : « Les cygnes ])arurent souvent à notre table. Cet oi- seau, dit Aristote, prolifîe beaucoup (1). Il est coura- geux, se bat avec son semblable jusqu'à la mort, et même contre l'aigle, qu'il n'attaque pourtant pas le pre- mier. Les cygnes 'chantent mélodieusement", surtout aux approches de la mort. Ils traversent la mer en chantant, sont palmipèdes, et paissent l'herbe. Cependant, Alexandre de Mynte dit en avoir vu plusieurs expirants et ne pas les avoir entendus chanter. » {C'est absolument comme moi, diraient les pages de la comtesse de Panada, dans la Mascotte.) « Ilégésianax d'Alexandrie, continue Athénée, qui composa l'ouvrage intitulé Les Troiques de Céphalion, rap- liorte que Cycnus, qui combattit seul contre Achille, fut nourri par un cygne à Leucophrys, Boios dit, dans son Ornithogénie, selon Philocore, que Cycnus fut changé en cygne par le dieu Mars. » L'antiquité admettait absolument que le cygne avait un chant harmonieux, qu'il faisait surtout entendre au moment de mourir. Ovide {Héiûidcs, ép. VIII, v. i), dit : Sic, ubi fatavocant, udis ahjectus in lierbis. Ad vada Jltcandn concinit albus olor. .. « Tel, étendu sur des herbes marécageuses, le blanc cygne (olor ou cycnus), quand les destins l'appellent, chante aux bords du Méandre. » En outre, les cygnes possédaient l'art de la divination, ils connaissaient d'avance le moment de leur mort; Pla- ton, qui faisait dire à Socrate bien des choses auxquelles l'illustre Sage n'avait jamais songé, le fait parler ainsi dans son Phédon : « Vous me croyez, Simmias, bien inférieur aux cygnes pour ce qui concerne le pressentiment et la divination'^ Les cygnes, quand ils sentent qu'ils voutiuotirir, chantent encore mieux ce jour-là qu'ils ne l'ont jamais fait, dans leur joie d'aller trouver le dieu qu'ils servent. Mais la crainte que les hommes ont eux-mêmes de la mort leur fait calomnier les cygnes, en disant qu'ils pleurent leur mort et que la tristesse seule les fait chanter. Et ils ne font point cette réflexion qu'il n'y a jias d'oiseau qui chante quand il a faim ou froid, ou (juand il souffre de quelque autre manière, pas même le rossignol, l'hiron- delle ou la huppe, dont on dit que le chant est une com- plainte. Mais je ne crois pas que ces oiseaux chantent de tristesse, ni les cygnes non plus ; je crois plutôt (ju'étant consacrés à Apollon, ils sont devins, et que, prévoyant le bonheur dont on jouitau sortir de la vie, ils chantent et se réjouissent ce jour-là plus qu'ils n'ont jamais fait. » Pline s'inscrit en faux contre cette croyance (Histoire (1) Aristote, Histoire des animaux, livre IV, chap. ii. 32 LE NATURALISTE naturelle, liv. X, ch. xxxil): « On dit qu'au momout du mourir les cygnes font entendre un cliant funèbre; c'est, je pense, une erreur ; du moins, cela résulte pour moi de quelques expériences. Cesmèmesoiseaux se mangent entre eux (lidcm mvtua carne vescimtur inter se). » Mais GicéTon (Tusculanes, livre I, ch. xxx) se range à l'avis de Socrate, qu'il cite à peu près d'après Platon : « On con.sacré les cygnes à Apollon, disait Socrate, parce qu'ils semblent tenir de lui l'art de connaître l'ave- nir; et c'est par un effet de cet art que, prévoyant de quels avantages la mort est suivie, ils meurent avec vo- lupté et tout en chantant. Ainsi doivent faire, ajoutait Socrate, les hommes savants et vertueux. « Notre La Fontaine ne pouvait mieux faire que de s'em- parer de cette fiction, et sa fable xiidu livre III, le Cygne et le Cuisinier, nous parle encore du chant du cygne : Dans une ménagerie De volatiles remplie Vivaient le cygne et l'oison. Un jour, le cuisinier, ayant trop bu d'un coup. Prit pour oison le cygne, et, le tenant au cou, Il allait l'égorger, puis le mettre en potage; L'oiseau, prêt à mourir, se plaint en son ramage. Le cuisinier lut fort surpris. Et vit bien qu'il s'était mépris : Quoi ! je mettrais, dit-il, un tel chanteur en soupe ? Non, non, ne plaise aux dieux que jamais ma main coupe La gorge à qui s'en sert si bien ! Ai7tsi dans les dangers qui nous suivent en croupe. Le doux parler ne nuit de rien. Du reste, La Fontaine ne croyait pas un traître mot de cette universelle légende: « Ce n'est pas, dit-il dans le Songe de Vaux, que tous les cygnes chantent en mourant. Bien que cette tradition soit fort ancienne, on peut en douter sans impiété, aussi bien que de plusieurs autres articles de la croyance des poètes. » Les poètes comparaient volontiers un écrivain de mé- diocre talent à quelque oiseau vulgaire, oie, corbeau, etc., voulant entrer dans la compagnie des cygnes. "Virgile, dans son Eglogue IX, vers 36, dit : Nam neque adhuc 'Varo videor, nec dicere Cinna Digna, sed argutos inter strepere anser olores. « Car je n'ai encore rien fait qui me semble digne de "Varus et de Cinna ; faible oison, je mélo au chant mélo- dieux du cygne mes chants discordants. « Dans son Eglogue YIU, v. 55, il dit aussi: « Que l'on voie désormais le loup fuir devant la brebis etc., etc., et le hibou égaler le chant du cygne. » certent et cycnis ululaî. Dans son De naturâ î-ei-wm, chant III, v. G, le plus beau chant de son poème, Lucrèce a pu dire aussi, après avoir exalté Epicure aplanissant aux mortels le chemin de la vie et faisant jaillir la lumière des ténèbres, par son en- seignement philosophique : « Je te suis, non pas en rival audacieux, mais, disci])le zélé, je cherche à t'imiter; l'hirondelle pourrait- elle défier le cygne '^ quid enim contendet hirundo Cycnis?... » Martial {Épigrammes, livre I, épigr. liv, v. 7) dit éga- lement : Sic niger, in ripis errât quum forte Caystri, Inter Ledseos ridetur corvus olores. « Ainsi, lorsque parfois il erre sur les bords du Caïstre, mêlé aux cygni's chers à Léda, le noir corbeau devient un objet de risée. » Plus loin, livre 'VIII, épigr. xxvill, v. 13 (sur une robe blanche que lui avait clonnôe Parihenius), comparant la lilan- cheur de ce vêtement à celui du cygne, il dit encore (mais c'est tout le contraire) : Spartanus tibi cedet olor, etc. <• Devant toi doit s'humilier le cygne de l'Eurotas », etc. Et, pour en revenir à cette extraordinaire croyance au chant harmonieux du cygne, d'où peut venir cette lé- gende, démentie chaque jour par tous les cygnes passés et présents '(" Dans sa Chasse au fusil (chap. 'VII, p. 539) Magné de Marolles dit : « Les cygnes peuvent entre]irendre de longs voyages. Le mouvement de leurs ailes produit un bruit sonore et harmonieux que l'on entend de fort loin, et que Sonnini est tenté de regarder comme la source de la fable relative à leur chant... » Serait-ce là l'explication de ce chant aussi harmonieux que funéraire, que personne n'a jamais entendu, et qui a été tant célébré 'i ■Voyons encore ce que dit Isidore, évéque d'Hispaiis (Etymologiarum, liber XII) : « Olor est l'oiseau que les Grecs appellent xOxvov ; on l'appelle olor jiarce que son plumage est entièrement blanc ; personne, en effet, n'a vu de cygne noir : le mot grec "oXov signifie tout entier (l'Australie et les cygnes noirs étaient inconnus au savant prélat). « Le nom de cycnus lui vient de son chant {canei'e), parce qu'il module harmonieusement les sons de sa voix. On dit qu'il chante si mélodieusement parce que son cou est long et flexible, ce qui oblige précisément sa voix à prendre diverses modulations en parcourant ce chemin long et tortueux. « On raconte que, dans les régions hyperboréennes, des cythares ayant été jouées, des cygnes accoururent au vol et mêlèrent leur chant à celui des instruments. « On dit que les navigateurs tirent d'heureux présages de la vue de ces oiseaux, ainsi que l'explique Emile (1) dans ces vers : C}'cnus in auspiciis lastissimus aies. Hune optant nautse, quia se non mergit in undas. « Le cygne est un oiseau très favorable dans les aus- pices. Il est en grande faveur chez les marins, parce qu'il ne disparaît pas sous les eaux. » Il résulte de ceci qu'une ancienne croyance faisait accourir les cygnes vers des joueurs d'instruments de musique, et que, dans leur vol, ils accompagnaient l'harmonie de ces instruments. Ne s'agissait-il pas ici du bruit sonore et harmonieiuv de leurs rémiges, dont parle Magne de Marolles'? Evidemment. Et si, par une association d'idées facile à comprendre, les anciens ont cru que les cygnes allaient mourir en pleine mer, incapables de franchir d'aussi grandes étendues d'eau, leur prétendu chant ne célé- brait-il pas d'avance leurs funérailles? D'un autre côté, voici ce que dit A. de Chesnel dans son Dictionnaire des superstitions populaires, page 270 (Migne) : « Néanmoins, si le cygne ne chante pas avant de mourir, nous trouvons un fait particulièrement curieux dans le Voyage au Brésil, de Luccok. En parlant d'un oiseau de couleur pourpre, nommé sabiar, qui fut blessé (1) iEmilius Macer, Orlhogonia. LE NATURALISTE 33 mortellement près de San-Gonzalès, il ajoute que cet oiseau se mit aussitôt à chanter d'une voix pleine et mélodieuse, pour ne se taire qu'au moment où il rendit le dernier soupir. » Cet oiseau, ce sabiar, est-il réellement connu au Brésil ? C'est facile à vérifier. Du reste, la particularité de ce cliant mélodieux au moment de mourir doit être parfai- tement connue des indigènes, et si Luccok ne s'est pas trompé (a beau mentir qui vient de loin.'), l'oiseau doit ftre un des plus célèbres de la faune brésilienne... Un de mes lecteurs le connaît-il'? Nous avons vu plus haut que le cygne était consacré à Apollon; il l'était aussi à Vénus, cette bonne à tout faire du Ciel et de la Terre, déesse de la volupté, en raison de son tempérament assez semblable à celui de la mère de Cupidon: voilà pourquoi les poètes attelaient souvent des cygnes à son char. Ovide dit, dans son Art d'aimer (livre III, v. 808| : Lusus habet finem : c^cnis descendere tempus Uuxerunt coUo qui juga nostra suo. n Mon badinage touche à sa fin : il est temps mainte- nant de dételer les cygnes qui ont traîné mon char. » Horace dit aussi (C>de I'° du livre IV, à Vénus, vers 9-12) : ïempestivius in domum Pauli, purpureis aies oloribus Commessabere Maxirai, Si torrere jecur quœris idoneum. (I Si tu cherches un C(eur fait pour tes feux, transporte- toi, sur l'aile de tes cygnes pourprés, dans la demeure de l'aulus Maximus. » Horace fait sans doute ici allusion à une espèce parti- culière de cygne qui a toutes les plumes de la tête et quelques-unes de la poitrine marquées à l'extrémité d'un jaune d'or rougeàtre, et dont parle le dictionnaire de Trévoux au mot Cygne (tome III, p. 175) : « M. Redi, médecin de Florence et académicien de la Crusca, sur ce qu'Horace appelle purpurei les cygnes qui traînent le char de Vénus, observe qu'il y a véritablement une race de cygnes dont personne n'a encore parlé, et qu'il a sou- vent vue dans les chasses de M. le Grand-duc, lesquels ont toutes les plumes de la tète, et du cou et de la poi- trine, marquées à l'extrémité d'une pointe jaune comme de For, tirant sur le rouge. » Stace, dans les Syhes (livre I, Epithalame de Stella cl Violantilla. v. 142), dit également : thalamique egi'essa supcrbum Limen, Amyclasos ad frena citavit olores « Franchissant le seuil brillant qui conduit à sa couche, elle (Vénus) appelle sous le joug les cygnes d'Amyclée. » L'abbé Delille, — qui, quoique abbé, possédait une femme légitime aussi aimable que la fameuse épouse de Socrate, Xantippe, — a résumé dans de fort beaux vers quelques anciennes croyances relatives au cygne (Les trois règnes de la nature, chant VIII, vers 84 et sui- vants) : Mais quel heureux amaiit égale en volupté Le cygne au cou flexible, au plumage argenté ; Le cygne toujours beau, soit qu'il vienne au rivage, Certain de ses attraits, s'offrir à notre hommage. Soit que, de nos vaisseaux le modèle ac'uevé ...Fier, il vole au milieu de son escadre ailée Il prouve aux flots émus par son ardeur féconde, Que la mère d'ami)ur est la fdle de l'onde; Et de .son coi^is choisi pour plaire à deux beaux yeux, Justifie, en aimant, le monarque des dieux. La fable de sa voix a vanté la merveille ; L'œil enchanté, sans doute, avait séduit l'oreille. Et qu'avait-il besoin de ce titre emprunté? Lui seul réunit tout, force, grâces, fierté; Il habite à son choix les airs, l'onde et la terre; Modéré dans la paix, valeureux dans la guerre, Terrible, impétueux, il fond sur ses rivaux : Leur choc trouble les airs, il agite les eaux. Tel Antoine jadis, sur le.s plaines de l'onde. Disputait Cléopàtre et l'empire du monde. Le cygne a souvent servi à qualifier un poète, un ora- teur, un musicien, etc. En parlant de Piudaro, Horace a dit (livre IV, ode il, v. 2b) : Mnlta Dircaeum levât aura cycnum, Tendit, Antoni, quoties in altos Nubium tractus... « Antoine, un souffle vigoureux soutient le cygne de Dircé, quand il s'élance dans le séjour des nuages... » Dircé était le nom d'une fontaine de la Béotie, et Pindare était de Thèbes, Guinguené a dit aussi : Quand sur les vainqueurs d'Olympie Planait le cygne de Dircé, Peut-être à quelipie oreille impie Son chant parut-il insensé. Virgile, dans son Eglogue IX, vers 27, dit eu jiarlant des poètes : Vare, tuum nomeii superet modo Mantua aobis, Mantua vîe miserae nimium viciua Crenionœ! Cantantes sublimé ferent ad sidéra cycni. « Varus, que Mantoue nous soit conservée, Mantoue, trop voisine, hélas ! de Crémone ! Et nos cygnes, dans leurs chants, porteront ton nom jusipi'aux astres. » Nous disons aussi : le cygne de Matitoue, pour Virgile lui- même; le cygne de Cambrai, pour Fénelon, et le cygne de Pesaro, pour Rossini. Le dictionnaire de Trévoux parle d'un cygne tout particulier : <■ Il y a, dit-il, une espèce de cygne ([ui a le pied droit comme les serres d'un oiseau de proie. Il en prend et arrête sa proie en plongeant. Son pied gauche est comme celui des autres cygnes, et il ne lui sert qu'à nager. Il y en a beaucoup de cette espèce en Amérique; on en tua un en 16o4 dans l'étang de l'alibaye de Sully, près de Dammartin; cette espèce ne se plaît que dans l'eau et ne peut être apprivoisée. » Ce cygne, tué dans l'étang de l'abbaye de Sully, venait-il d'Amérique'? qui en a vu do semblable'?... La Chesnaie des Bois fait mention de cette espèce dans son Dictionnaire universel des animaux, ainsi que Thillaie dans le tome I dn Journal d'histoire naturelle (1792), alors dirigé par Lamarck, Bruguières, etc. — Ce cygne ne serait-il qu'un monstrueux canard"? Cela ne sortirait pas de la famille. A propos des vertus de la chair du cygne, l'abbesse Sainte-Hildegarde {Physica, lib. VI, de avibus, cap. v) s'exprime ainsi : « Cet oiseau est froid et humide, et il tient de la nature de l'oie et du canard. Il se plaît volontiers dans l'eau, et il préfère d'ailleurs au vol la natation et la promenade à terre. Dans l'eau, il sonde et recherche les ordures; sa chair est saine et bonne à manger, mais elle ne convient pas aux malades... 34 LE NATURALISTE (Ici, rextati(iae allemande dévoile de singulières pro- jtriotés de cette viande : ) (1 L'homme malade de la poitrine qui mange souvent du foie de cygne cuit, voit ses poumons se reformer, et sa guérison est promptement assurée; celui qui souffre de la rate doit souvent manger du poumon do cygne... etc. » Nous avons vu plus haut que, dans les Deipnosophisles, Athénée parle des plats de cygne servis sur les tahles grecques; du temps de notre abbesse allemande (1098- 1180), on mangeait encore de cet oiseau; et aujourd'hui encore, dans le nord de la Hollande, on fait des pâtés fort estimés avec de jeunes cygnes sauvages. Les Hébreux ont-ils connu le cygne ? Dans sa traduction de la bible, saint Jérôme a exjjliqué Imschcmeth ]]ar cycnits, dans les deux passages {Lévitique et Deulcronome) où il se trouve; la version grecque des Septante, com- mandée parPtoIémée, traduit par têi;, Tiopcpupîwv; Bochart (Hierozoccon) veut le traduire parnocfîfd (hibou, chouette) ; Gesenius, par pélican; Ostcrvald, par cygne... Voilà bien des interprétations. Quel que soit d'ailleurs l'oiseau dont le* législateur Moïse a voulu parler, en le désignant comme impur, les conjectures ci-dessus sont loin de satisfaire la critique; en outre, le hibou et le pélican ont leur nom spécial dans la Bible; il ne s'agit donc pas d'eux dans les passages du Lévitique et du Deutéronome. Mais, d'un autre coté, est-il bien certain que Moïse et les Israélites aient connu le cygne ':" Cet oiseau était-il assez connu en Egypte, en Palestine, etc., pour que Moïse ait pu en interdire la chair comme malfaisante dans ces climats';'... La question est encore pendante, malgré les efforts des érudits pour l'élucider, et voici les deux passages des livres saints où il est question du tinscheneth ; LÉVITIQUE, XI, i'i. — Et entre les oiseaux vous tiendrez ceux-ci pour abominables, et n'en mangerez point... il. — Lachouette, le plongeon, le hibou; 18. — Le CYGNE, le cormoran, le pélican... Deutéronome, XIV, 12. — Voici les oiseaux dont vous ne mangerez point;... 16. — La chouette, le hibou, le cygne; I'i'. — Le cormoran, \e pélican, le plongeon... Et je terminerai par ce projet de devise, offert par le dictionnaire de Trévoux, faisant allusion au plumage du cygne et au ton foncé de sa peau, pour tout être géné- ralement réputé comme Ironipeui- (le fourbe, l'hypocrite, le menteur, la femme) : Cutis nigerbima subter ; tra- duction libre et intervertie : âme noire sous peau blanche. E. Santini (de Riols). VENTE PUBLIQUE DES Collections et de la BilDliotlièpe DE FEU AUGUSTE SALLE Du 18 au 27 février prochain, aura lieu la vente aux enchères publiques des Collections de Coléoptères, Co- quilles, etc., et des livres de feu Auguste Salle. La vente est faite par le Ministère do M° Bailly et de son collègue I M^ Citerne, Commissaires-priseurs, assistés de M. Heu- 1 l'i Deyrolle, expert. Cette vente otïre certainement un grand intérêt eu égard à la i)ersonnalité du défunt. Nous ne saurions mieux faire qu'en reproduisant une partie de l'introduction que M. Henri Deyrollo consacre, dans le Catalogue de cette vente, à feu Auguste Salle. La réputation de Salle comme voyageur naturaliste est universelle parmi les savants; celle de sa bibliothèque et de ses collections ne l'est pas moins. L'inspection du Catalogue de sa Bibliothèque où sont mentionnées environ 10,000 brochures et volumes, ces derniers sou- vent soigneusement reliés, parfois avec luxe, dira son amour des livres. Ceux traitant l'Entomologie y sont en grand nombre ; ceux sur l'Ornithologie et la Conchyliologie y font bonne ligure, ainsi de même pour les Scienees Naturelles en général; ceux de Géographie et d'Histoire des décou- vertes et voyages y représentent dignement le membre de la Société de Géographie et l'énergique voyageur; enfin ceux d'Histoire dos pays qu'il a [larcourus diront combien il s'intéressait aux régions qu'il visitait. Aussi l'Amérique du Nord et toutes ses provinces; le Mexique et les différentes républiques voisines, l'Amé- rique centrale en un mot, où il a fait de si remarquables découvertes ; les Antilles où il s'est rendu plusieurs-fois ; Saint-Domingue, Haïti, Cuba, la Guadeloupe, etc.. y ont de nombreuses histoires et récits de voyages. Le Mexique surtout, si intéressant à tous les points de vue, par les événements anciens et modernes, contrée où du reste il a voyagé à diflérentes époques, l'a captivé plus que toute autre; on le reconnaîtra au nombre d'ouvrages sur ce pays, la plupart en français, mais de nombreux aussi en esjiagnol. La Colombie, le Venezuela ont de même été explorés par lui et figure dignement; pourtant le Brésil, Cayenne, le Chili, le Pérou, la Bolivie, etc., ainsi que la Chine, l'Inde, le Japon, l'Australie, l'Océanie et l'Afrique, quoique n'ayant jamais été visités par lui, s'y trouvent représentés par de nombreux ouvrages, voyages, his- toires, vues pittoresques, atlas, etc. A l'examen des Collections de Salle, on est surpris des immenses matériaux qu'il a pu réunir, de leur magni- fique préparation, ne laissant rien à désirer, et surtout de voir qu'ayant réparti son amour des collections sur cinq sujets si divers : les Livres, les Insectes, les Oiseaux et les Coquilles, il ait encore trouvé le temps de s'occuper de timbres-poste. Pourtant, qui trop embrasse mal étreint! Salle l'a prouvé une fois de plus : tout entier à la préoc- cupation d'amasser, de préparer et d'entretenir- de si nombreux et si riches matériaux, il a fini par négliger leur classification intégrale oubliant que viendrait un temps où il ne pourrait plus le faire. A force d'ajouter continuellement des matériaux nou- veaux sans les mettre en ]]lace au fur et à mesure à force de combler les vides qu'il avait réservés, il a fallu à la fin mettre ailleurs, hors de leur vraie place, les matériaux arrivant toujours. La collection des Mexicains, à cause sans doute des classifications nécessitées par la Bioloijia Centralis Ame- ricana (à laquelle Salle a fourni un assez large contin- gent) est classée méthodiquement; la plupart des espèces y sont typiques. Les Colombiens sont très peu mélangés; quelques autres pays sont aussi assez homogènes, sans éléments étr^angers.- Somme toute, quels que soient les cartons, boites ou LE NATURALISTE 35 lots, les niasses de raretés que possédait Salle font que partout il s'en trouve plus ou moins; tous, boites de collections, chasses ou lots, offrent nu beau coup d'oeil par la belle prp|]aration iiu'apportaii le chasseur dans tout ce (|u'il récoltait. Voici i[ucl est l'ordre des vacations : Salle Sylvestre , 8 heures du soir. l" vacation 18 février, vente du n° 1 à 201 bis. 2 — l'.l — — 202 à 385 3 — 20 — — 386 à 5;i'.) 4 — 22 — — 560 à 746 5 — 23 — — 747 à 9liO 6 — 9,-il à 1104 Hôtel Drouot, 2 heures de l'apirs-nùdi. 7" vacation 2i) février, vente du n" 1 à 134 8 — 26 — — 135 à 190 9 — 27 — — 191 à la lin. L'expert, M. Henri Deyrolle, fait savoir aux iiersonnes qui ne i]0urraient assister à la vente, que leurs commis- sions seront exécutées par M>L Les Fils d'Kmile Dey- rolle, naturalistes, 46, rue du Bac, à Paris, qui se char- geront, au mieux des intérêts de leurs commettants, des ordres d'achats qui leur seront confiés, moyennant une commission de 5 0/0 sur le prix de la vente. Ou peut se procurer le catalogue de cette vente à l'a- dresse ci-dessus. L'EUMENES POMIFORMIS F. ET SES VICTIMES Les hyménoptéristes ne sont pas d'accord sur l'unité de celte espèce A'Eiimencs. Certains la dédoublent, nom- mant pomilormis les individus dont le deuxième sef^anent abdominal est glabre ou couvert d'une puljescence rare et couchée, etcoarctata ceux qui ont le deuxième segment abdominal velu et dont les poils sont droits. Je comprendrais à la rigueur que ceux dont le deuxième segment abdominal est glabre, fussent sépa- rés de ceux qui l'ont velu, avec poils couchés ou relevés Mais non, ces poils, qui dans un cas n'ont aucune im- portance puisque la même espèce peut en posséder ou en manquer, sont tout d'un coup, parce qu'ils ne sont plus couchés, mais redressés, élevés à la hauteur d'un carac- tère spécifu[ue. Alors, je ne comprends plus. Je préfère me ranger à l'avis de Lepelleticr de Saint- Fargeau, aux yeux de qui pomiformis et coarclala ne constituent qu'une môme espèce. D'ailleurs, si laissant de côté les différences « essen- tiellement fugitives » que je pourrais trouver entre pomit'onrds et coarctata (insectes parfaits), je tenais compte de l'aspect des nids, attribuant, comme le soup- çonnait Ed. André, les plus lisses à coarctata et les plus rugueux et chargés d'aspérités à pomiformis, je serais encore amené à n'admettre qu'une espèce, car les nids les plus lisses à l'extérieur donnent des sujets dont l'abdomen est aussi velu que celui des Eumenes prove- nant des nids les plus granuleux. h'Eumenes pomiformis est un chasseur de chenilles. Je le suis également, et à ce titre, je devais tut ou tard m'occuper de lui. Longtemps nous nous sommes ren- contrés sans nous prêter mutuellement la moindre atten- tion, rivaux sans le savoir et chassant chacun de notre ciité; lorsqu'un beau jour, furetant parmi des fleurs A'Eupatorium cannabinum où il espérait sans doute ravir des chenilles d'Eupithecia coronata », il se laissa étour- diment capturer par un coup de iilet qui ne lui était pas destiné. Sa livrée noire et jaune, sa large tête et son thorax bariolés, l'étrange étranglement des premiers segments de son abdomen, la « pomme » figurée par les autres segments qui se « télescopent >>, éveillèrent mon attention et immédiatement des questions se posè- rent à ma curiosité sur les mœurs de ce chasseur, ses armes, son gibier préféré. h'Eumenes pomiformis ne vit pas en société, c'est un solitaire, et s'il chasse la chenille, ce n'est pas pour son usage personnel, car il est probable qu'à l'état parfait, il vit seulement de produits végétaux, pollen et sucs des fleurs que lui offrent surtout les Composées et les Om- bellifères — c'est pour sa progéniture à laquelle il faut une chair fraîche et approiniée. Mais avant d'être ardent chasseur, il est habile maçon, avant de piquer de l'aiguillon, il travaille des mandibules et des tarses. Sans hésitation, sans tâtonnements, sans coup d'essai, il édifie, il façonne, et son travail est sur- prenant. Amassant un peu de terre, n'importe laquelle, n'im- porte sa couleur, il l'humecte avec un liquide ([u'il dé- gorge, en fait une petite pelote et l'emporte au point qu'il a choisi préalablement pour y construire son nid. C'est tantôt la surface d'un mur, le dessous d'un chape- ron, le côté d'une pierre, tantôt et le plus souvent sur- tout en pleine campagne, une tige sèche d'herbe, une racine descendant le long d'un talus ou même simple- ment la surface d'une feuille ou sa côte principale. La première pelotte de terre est étalée, une seconde lui est adjointe, étirée, superposée, une troisième... une vingtième et plus peut-être si besoin est, sont apportées et mises en œuvre. Si le nid doit reposer sur une surface plane, il afl'ecte une forme hémisphérique; s'il est comme aérien, suspendu ou accroché à une tige, il est globulaire, plus ou moins régulier. Dans tous les cas, il est toujours surmonté d'un col à ouverture évasée pour faciliter l'entrée du nid à son propriétaire. L'intérieur de ce nid est toujours à peu près lisse, sans saillie sen- sible ; l'extérieur, au contraire, est le plus souvent comme rocailleux, couvert d'aspérités, portions des pelotes de terre non ouvrées et laissées brutes. La bâtisse terminée, notre insecte éprouve une modi- fication soudaine dans ses instincts : son activité, em- ployée jusqu'ici à des travaux pacifiques, va se dépenser bientôt eu fatigues d'un autre genre. Ce nid, construit si industrieusement dont l'enveloppe, quoique mince, est cependant imperméable à l'eau et dont la capacité n'excède pas celle d'une petite noisette, doit recevoir un (L'uf et être rempli de vivres pour la larve qui sortira de cet œuf. Et il faut se bâter : l'œuf éclôt promptemcnt, la larve mange gloutonnement. Aussi notre Eumènes re- double-t-il d'activité. Les antennes redressées et conti- nuellement agitées en quête d'émanations chenillennes, il s'élance sur les arbustes, les plantes en fleur et cherche avec animosité. Pauvres bestioles de chenilles, elles ont beau se « mi- metiser », se confondre en forme, en couleur, avec la 36 LE NATURALISTE tige ou les feuilles de leur plante nourricière, elles n'é- chapperont pas au sort qui les attend. Ce n'est pas avec ses yeux aux multiples facettes que l'hyménoptère découvre ses victimes; c'est avec ses an- tennes, siège de l'odorat. Et ce sens est si subtil, si dé- veloppé chez les hyménoptères tant ravisseurs que para- sites, qu'il semble tout dominer chez eux et commander en maître. Ses ordres ne se discutent pas et tout absurdes qu'ils soient parfois — j'en ai vu des exemples — ils sont exécutés ponctuellement. A cette précieuse qualité de l'antenne décelant de loin le gibier, il faut joindre toutes celles d'un autre sens très délicat, le toucher. Chez cet être complexe qu'est VEu7nenes, les sens sont harmonieusement partagés : si le chasseur a du nez, l'artisan a de la main; si le premier est remarijuable par son flair, le second ne l'est pas moins par sa métrique. Un tour d'antennes sur sa victime et l'insecte de proie sait si le poids n'est pas trop considérable pour ses forces et si le volume n'est pas trop gros pour l'ouverture de son nid. Seules sont retenues les chenilles que VEiunenex juge pouvoir transporter et introduire aisément dans son nid. Saisies sur le dos des premiers segments, elles sont percées de l'aiguillon généralement entre les pattes tho- raciques ; mais le coup n'est pas mortel, il détermine seulement une paralysie partielle. La chenille peut vivre, digérer, agiter ses mandil)ules, ses pattes, faire ondu- ler son corps : elle ne sait plus se tenir debout, elle ne peut plus marcher. C'est dans cet état qu'elle est portée au niil de VEumenes où d'autres ne tardent pas à la rejoindre apprêtées de même façon jusqu'à ce que le nid soit complètement garni. Puis, l'ouverture est obturée par une petite pelote de terre. Entre temps, VEumenes avait fixé à la paroi interne du nid, généralement sur le côté, un œuf de forme cylindrique un peu aminci aux extrémités et dont la surface est très finement chagrinée. En outre, cet œuf est muni d'un court pédicelle de nature soyeuse ou gommeuse et flexible à son point d'attache. Il est difficile de préciser ia durée de l'état d'œuf : il faudrait être témoin de la ponte, ce qui n'est guère aisé puisqu'elle a lieu dans l'intérieur du nid. Tout ce que je puis dire à ce sujet, c'est que le 17 septembre 1895 je trouvai un nid d'Eitmenes dont le col était encore ou- vert et par conséquent dont rappro\isionnement n'était pas encore terminé; je le laissai en place. Huit jours après je trouvai la jeune larve ayant dévoré déjà la moitié de ses vivres. On peut donc s'approcher beaucoup de la réalité en assignant une durée de six jours à l'état d'œuf : mais ce délai peut varier et être plus ou moins long suivant la température. h'Eumenes approvisionne un même nid avec des che- nilles de grosseur presque constamment uniforme : on en voit rarement de grosses mêlées aux petites et natu- rellement cet insecte proportionne le nombre de ses prises à leur grosseur. Jusqu'à présent, j'ai constaté un minimum de trois et un maximum de trente-huit che- nilles dans le même nid. Cependant, j'ai également re- marqué que plus les chenilles sont petites, plus le nid est plein, il est quelquefois bondé à en éclater. On dirait que l'insecte prévoit que parmi ces nombreuses pièces de gibier, plusieurs pourront se gâter et n'être d'aucun profit pour la larve. Cette dernière emploie quatre à cinq jours à dévorer ses provisions, quelquefois moins, rarement plus. Une fois son repas terminé, la larve se met immédia- tement à tapisser de soie l'intérieur du nid, et cela dans un double but : pour consolider sa fragile maison de boue et lui permettre de résister efficacement à toutes les intempéries — l'humidité en effet pourrait en avoir raison à la longue et le mince tissu soyeux dont elle est ainsi revêtue suffit à rendre plus intime la cohésion de toutes ces boulettes terreuses employées à sa construc- tion; en second lieu, pour s'isoler complètement de tout corps étranger, surtout des reliefs de son festin, tête et morceaux de peau de chenilles et même chenilles entières gâtées auxquelles la larve de YEumenes n'a pas touché et qu'elle relègue au fond du nid entre la paroi terreuse et une solide cloison soyeuse. Ainsi séparée de ces détritus, elle ne peut être incommodée par leurs émanations putrides. Si l'état larvaire de VEumenes est toujours très court, par contre, l'état de nymphe a une durée plus longue et très variable. Les nids que l'on trouve en juin et juillet donnent l'insecte parfait au bout de deux à trois semaines, tandis que ceux de septembre ne donnent le leur que fin mai ou juin suivants, la larve ayant passé l'hiver jusqu'enmai. On a voulu faire un mérite aux Eumenes de se borner sinon à une seule et même espèce, du moins à un même genre de chenilles dans l'approvisionnement de leur nid. C'est sans doute faute d'avoir songé que les Eumenes sont répandues un peu partout et peuvent avoir plusieurs générations par an, qu'une même esjièce de chenille n'est pas toujours facile à rencontrer au nord et au midi, au printemps, en été ou en automne, que telle espèce com- mune une année, peut être très rare l'année d'après. Dans de telles circonstances, la diversité des vivres s'impose, et c'est ce qui a lieu. Ce fut en juillet 1890 que je vis pour la jiremière fois des chenilles paralysées par des Eumenes. Elles me furent adressées de la Ferté-sur-Amance, où elles avaient été trouvées par M. Renaut, au nombre de six, dans deux coques terreuses appliquées contre la partie intérieure d'un volet. C'étaient des chenilles de Cidaria fulvatâ Forst., récoltées fpar l'hyménoptère sur les rosiers du voisinage. A la fin de 1893, on me présenta le dessin de la tête d'un géomètre dont trois sujets avaient été trouvés par M. Bonnel'oi dans un nid d'Eumenes pomiformis. Je re- connus la Lythoria pui'purarial. En juillet 1894 j'eus enfin le plaisir de rencontrer moi-- même des nids d'Eumenes fraîchement approvisionnés. C'était dans l'étroit curtil de l'abbaye en ruines de Saint- Martin du Canigou : trois petites coques terreuses étaient fixées à une haute tige d'herbe. Les ayant ouvertes délica- tement, j'en fis sortir les chenilles qui y étaient empri- sonnées. Je reconnus Leucania albipuncta F. jeune, Helio- this armigera Hb. jeune également, Depressaria applana F. , Oxyptilus tristis Z. et Amblyptilia acanthodactyla Hb. Eu septembre de la même année, j'ai trouvé encore plusieurs nids d^Eumenes fixés aux rochers qui se dressent à l'entrée du Val d'Esquiorry près de Luchon. Ces nids contenaient chacun quatre ou cinq chenilles de Thej-a Juniper at a L. 'Vers le 20 juin 1893, je trouvai dans les environs im- médiats de Chatou cinq nids d'Eumenes dont trois étaient attachés à la nervure principale d'une feuille de Verhas- LE NATURALISTE 37 rum Ihapstis, Ips deux autres suus le chaperon d'un mur exposé ail midi. Les trois premiers contenaieut unique- ment des elieiiilles de Depressaria applana F ., \c& deux antres des l'heniiies de Lygdiii aduUata Schiff , avec une Eiipilherin pumilata Hb., dans l'un des deux. Vm septcmlire I89"i. M. Chevalier qui depuis idnsieurs années avait déjà remarqué que les nids iVEumenc^ à Chatou étaient garnis principalement de chenilles iXEupithecia linariata, récolta une centaine de nids iV Ewnenes pomiformis et me fit voir toutes les espèces de chenilles que ces nids renfermaient. Outre VEupithc- cia linariata déjà nommée, je reconnus : lleliothis dipsa- l'eus L., Pinnca extimalia Se, Honurosoma nimbella Z., Cochylis crucntunn VrnA., Cochylis hijbridt'llallh., PhUelta cruciferarum Z., Amblyptitia acanthodactyla Uh., el Ptcro- phonts monodaitylus L. Enlin, en 1896, j'ai trouvé dans l'Ardéche, deux nids de pomiformis ayant encore quelques-unes de leurs pro- visions : elles consistaient en chenilles de Pyrausta aicrata Se, Eupithecia sextiala Mill., Hom. nimbella et /'/. cruciferarum. En résumé, comme gibier do ÏEumenes pomiformis. nous connaissons : 3 noctuelles; 7 géomètres ; 3 pyralites ; 2 tordeuses ; 2 tinéites; 3 ptérophorides. Soit vingt espèces : dix chenilles de macrolépido- ptères, dix de microlépidoptères. J'avoue sincèrement, en faisant le dénombrement des eepèces de chenilles « collectionnées » \ia.rVEumencs po- miformis, avoir éprouvé un réel étonnement, non pas tant à cause de la quantité d'espèces qui certainement doit être plus considérable encore, mais à cause de la présence de certaines chenilles, telles que Homœosoma nimbella et les Cochylis cruentana et hybridella dans les nids d'Eumenes. Que cet hyménoptère s'empare des chenilles qui vivent sur une tige, sur une feuille à découvert, cela s'explique aisément quand on connaît l'activité déployée jiar ce chasseur infatigable. Alais qu'il aille dénicher dans les anthodes, dans les cajiitules des fleurs, les chenilles qui y sont cachées, c'est tout à fait surprenant. Nous, chasseurs de microlépidoptères, nous recon- naissons aisément à certains signes caractéristiques, la prés-ence ou du moins le passage d'une larve dans les calathides des Composées, mais nous ne pouvons dire sans regarder l'intérieur de ces fleurs si nous avons affaire à une larve de diptère ou de coléoptère ou à une chenille de micro. Qui donc a fait savoir à VEumenes pomiformis qu'il pouvait y avoir dans certaines tètes de Composées, en tout semhlahles aux autres pour le vulgaire, des chenilles qu'il serait sans doute agréable à sa larve de manger? Qui lui a appris à les extraire de leur cachette'? A ces questions VEumenes ne répond que par le fait brutal ; il emmagasine des chenilles de Cochylis dans son nid — et on en a compté plus de trente dans le même nid! \u Homœosoma nimbella vit principalement dans les an- thodes de Seneciojacobxa et de Solidago virgaurea; la. Co- chylis hybridella vit surloul dans celles de Centaureaniyra et de Picris hicracioides. Pour s'en emparer, il est donc nécessaire que VEu- menes, averti par ses antennes de la présence d'une chenille dans les anthodes défleuries de ces plantes, pé- nètre par le haut, écarte brusquement les aigrettes des graines, fouille à travers les jeunes graines, saisisse la chenille et l'extirpe violemment; ou bien, changeant de tactique et préférant une voie plus directe, il lui faut s'attaquer de front à l'involucre lui-même, y pratiquer une lirèche, une ouverture avec ses mandiliules, atteindre la chenille et l'arracher des graines dans lesquelles elle est engagée. Ainsi pourquoi s'explique l'enveloppe florale des anthodes de Senecio jacobxa est si souvent percée d'un trou rond à la base. De toute façon, c'est un travail qui dénote, chez VEu- menes pomiformis, un odorat étonnant de subtilité et des organes merveilleusement conditionnés, au service d'une rare intelligence d'insecte. P. Chrétien. HEEBIER ET BIBLIOTHÈQÏÏE DE JAMES LLOYD NOMINATION D'UN CONSERVATEUR L'auteur bien connu de la Flore de l'Ouest de la France, James Lloyd, décédé à Nantes, le lOmai 1896, a légué àla ville d'Angers sa fortune et ses collections scieDlifiques, eu stipu- lant pour celles-ci des clauses particuhères rédigées daus les termes suivants : « L'herbier. sera conservé dans sa disposition actuelle et déposé dans une salle spéciale et, si l'ony met d'aiitresherbiers, j'exige queceux-ci soient enfermés dans des boites(noa dans des car- tons) ci empoisonnés au sublimé, comme le mien. 11 formera une collection spéciale qui ne pourra en aucun cas être alié- née en faveur d'autres collections. « Labibliothèqueformeraégalementune bibliothèque spéciale placée dans le bâtiment de l'herbier et ne pourra pas être con- fondue avec une autre bibliothèque. « Le Maire de la ville d'Angers, sur la présentation de trois candidats proposés par la Société botanique de France, nom- mera un conservateur chargé de l'entretien de l'herbier, de la bibliothèque, et qui recevra un traitement d'au moins 3.0ÛU fr. sur les revenus que je laisse. K Je désire que ce poste soit confié, en dehors de toute consi- dération dégrades universitaires, à un botaniste humble, ami de la nature, voué au progrès de la science que j'ai aimée et cultivée. Si ce legs est fait à la ville d'Angers, c'est fu souve- nir et honneur de Bastard, Desvaux, et surtout de Boreau,qui oni illustré la botanique dans l'ouest de la France. Les reve- nus que je laisse seront intégralement consacrés, après le pré- lèvement du traitement du conservateur, àl'eutretien et àl'aug- meutation de l'herbier et de la bibliothèque ci-dessus désignés au perfectionnement de la Flore de l'Ouest de la France, que j'ai commencée. Une somme de 2.000 francs servira annuelle- ment à cet entretien et aux différents achatsqui pourraient être faits, et le surplus, s'il y en a, sera ajouté au traitement du con- servateur. » Nous avons reproduit, dans leur teneur exacte, les clauses ci-dessus, afin de faire connaître d'une façon précise, les volon- tés du testateur. •M. le Maire d'Angers, par lettre adressée au Président de la Société botanique de France, en date du 27 décembre dernier, et à laquelle était jointe une copie du testament de J. Lloyd, 38 LE NATURALISTE deuiaiiiie qu'où lui euToie la liste des trois candidats, paruii lesquels il devra choisir le conservateur à uomœer. La Société botanique de France a décidé, daus la séance du 8 janvier deruier, qu'elle acceptait la mission qu'on la sollicite de remplir : mais, avant de l'aire la présentation demandée, et afin de permettre à un plus grand uombre de candidatures de se manifester, elle uous prie de l'aider a répandre le plus possible la nouvelle de l'emploi créé parle testameut du bota- niste nantais, en la répandant par la voie du «Naturaliste », ce que nous faisons avec le plus grand plaisir. Les candidats devront adresser leurdcmande, accompagnée d'une indication succincte de leurs titres, avant le 15 mars prochain, h M. le Président delà Société botanique de France, rue de Grenelle, 84, à Paris. ACADÉMIE DES SCIENCES Plus qu'aucune autre sorte de questions, celles qui touchent à la Théorie de l'évolution ont toujours le don d'attirer Tat- teution générale. Nous signalerons donc, en commençant cet article, la note de M. H. Quinton, présentée par M. Marey sur le refroidissement du globe considéré comme cause primor- diale d'évolution. Toujours les théories évolutionnistes sont restées muettes sur les causes d'apparition des grandes classes. Suivant l'auteur, les différents modes de reproduction qu'on observe dans l'échelle animale, particulièrement dans l'embranchement des Vertébrés (modes ovipare, marsupial, vivipare, ovipare avec couvaison) sont la conséquence immé- diate du refroidissement du globe, et toujours suivant lui,« si l'on considère à quel point sont liées au mode de reproduc- tion l'anatomie et la physiologie des êtres, et à quel point ce mode de reproduction peut seul les déterminer, il ressortira que, seul, le fait de l'incubation marsupiale et vivipare était capable de causer l'apparition de la classe mammifère dans tous ses caractères généraux : si le globe ne s'était point re- froidi, quelles que soient les causes d'évolution qu'on imagine, le type animal ne fCit point sorti du stade reptilien. L'Oiseau, qui n'a modifié que superficiellement sou mode de reproduc- tion, y est, comme on sait, demeuré ». Le prince Alberl !■"■ de Monaco, en exposant k l'Académie les résultats scientifiques de la troisième campagne entreprise sur son yacht « La Princesse Alice » de mai à août 1806, si- gnale la découverte, au voisinage des Açores, d'un banc con- sidérable de roche et sable volcanique à faune très abondante comme espèces et comme individus. 82 sondages, 19 prises de températures, 9 prélèvements d'é- chantillons d'eau, 2 extractions des gaz dissous dans l'eau à 1000 et 2700 mètres de profondeur, 23 dragages, 11 descentes de nasses, 12 descentes de tremail, enfin plusieurs descentes d'hameçons, jusqu'à 1600 mètres, une descente d'essai à 1000 mètres du filet bathypélagique Giesbrecht modifié repré- sentent le bilan des opérations effectuées durant cette cam- pagne. Les récoltes ont été abondantes, et seront étudiées par la suite. On peut cependant citer la capture de grands cétacés, dans la Méditerranée: Orca Gladiator, Grampus Griseus, Del- phinus Delphis. C'est un fait connu depuis longtemps que la plupart des Annélides, soit terrestres, soit marines, peuvent, lorsqu'on vient à les couper et à sectionner leur corps en plusieurs tronçons, cicatriser rapidement les plaies ainsi produites et régénérer rapidement un nouveau bourgeon caudal. Beaucoup d'annélides marines retranchent même successivement et d'elles-mêmes par autotomie une partie de leur corps eu souffrance pour la régénérer ensuite quand les conditions devienuent meilleures. C'est le bourgeon ainsi formé dont M. Michel a recherché l'origine et la différenciation. D'origine ectodermique nait un tissu indifférent qui se différencie ulté- rieurement ensuite en ectoderme et endoderme nouveau. MM. Maurice Caullenj et Félix Mesnil. en poursuivant l'étude analomique des spirorbis, petites annélides marines sédentaires à tube calcaire enroulé eu spirale qu'on trouve fréquemment sur les Fucus et les coquilles et cailloux sub- mergés, ont observé que la constitution de ces annélides est elle-même devenue entièrement asymétrique, fait présentant, suivant M. le professeur Edmond Perrier qui en fait la re- marque à l'Académie, un certain intérêt en ce qu'il précise la parenté déjà entrevue des Mollusques et des Vers. -M. A. Malaqiiin pense pouvoir affirmer que deux monstril- lides (Thaumaleus filigranarum (u. sp.) et monstrilla (Hémo- cera (u. g.) Daua- (Claparède) qu'il a observés vivent à l'inté- rieur du système vasculaire des annélides Tubicoles Filograna et Salmaeyna. Fait qui semble en désaccord non seulement avec les récentes observations de M. Giard, mais avec tout ce que l'on connaît jusqu'à ce jour sur ce sujet? M. i. Ranvier, dans une série de communications à l'Aca- démie, décrit les lymphatiques de la villosité intestinale chez le rat et le lapin et le système lymphatique de la grenouille. Il étudie la théorie de la confluence des lymphatiques et le dé- veloppement des ganglions lymphatiques, et enfin présente une théorie nouvelle sur la cicatrisation et le rôle de l'épithé- lium antérieur de la cornée dans la guérison des plaies de cette membrane. L'étude physiologique du venin des vipères et des serpents et l'immunité contre ses effets due à l'inoculation préventive du sérum de certains animaux ont déjà, à plusieurs reprises, fait l'objet de communications à l'Académie. Comme le sérum du sang de Hérisson, du sang de Vipère, l'inoculation du sérum du sang d'Anguille peut, suivant les expériences concluantes de M. Physalix, produire cette im- munité. Dans le même ordre de recherches, il convient de citer les procédés employés par M. Paul Gibier pour recueillir le venin des serpents, sa cage particulière et l'emploi d'un courant alternatif faible agissant sur les muscles de la mâchoire per- mettent de faire, sans aucun danger, la cueillette du venin. Dans un grand uombre de localités de la mi-juillet à la mi- septembre, on voit chez l'homme apparaître sur diverses par- ties du corps, les jambes uotammeut, des boutons accompa- gnés d'une vive inflammation et d'une démangeaison insup- portable. Ces boutons, on le sait depuis longtemps, sont produits par la piqi'ire d'un Acarien, sous sa forme larvaire hexapode, désigné vulgairement sous les noms de Kouget, bête ronge, bête d'août, veudangeron. Les zoologistes, con- sidérant d'abord cet hexapode comme une forme définitive, en firent une espèce d'un genre artificiel « Leptus », sous le nom spécifique d'Autumnalis. Plus tard, lorsqu'on eut reconnu que les Acariens hexapodes sont des larves conduisant inva- riablement à un type octopode, ou dut rechercher à laquelle de ces dernières le rouget doit être rattaché. L'opinion la plus acréditée, grâce à l'autorité de M. Méguin, est que le Rouget représente la forme hexapode du ïrombidiou holosericum. Suivant les observations que M. Sylvain Jourdain a pu faire dans sa propriété del'orbail (Manche), il semble que le Rouget n'est certainement pas la larve de Trombidion holosericum. Fait intéressant en paléontologie, M. A. Thévenin uous si- gnale la découverte de nouveaux Mosasauriens trouvés en France. Depuis que l'Académie des sciences a justement dé- cerné un prix à M. A. Pomel pour la publication des mono- graphies paléontologiques des Vertébrés quaternaires de l'Al- gérie dont il a entrepris la publication, ce distingué paléon- tologiste a continué ses recherches, et il décrit actuellement six espèces d'éléphants quaternaires dont un mastodonte peu connu. Elephas lolensis (sp. n.), Elephas voisin de E. Melitensis, E. Atlanticus (Pomel), Elephas africanus (Cuv.), Elephas meri- dioualis ; enfin un Mastodou très voisin du M. Borstoni. Les espèces de Rhinocéros, que ce savant a pu jusqu'ici spécifier, sont au nombre de quatre ; il en publie la monographie ainsi que celle des Hippopotames. Nous voyons chaque jour le monde cryptogamique, si important déjà de nos jours par ses manifestations, étendre son domaine, et l'esprit demeure sou- vent confondu devant les manifestations, infiniment grandes comme effet de ces causes infiniment petites. Sans citer les épidémies animales et végétales (1) dont ces infiniment petits sont la cause et dont nous trouvons de nouveaux exemples presque à chaque compte rendu, n'est-il pas absolument étourdissant de songer que, suivant les découvertes de M. B. Renault, nous serons bientôt amenés peut-être à considérer les amas immenses de combustibles végétaux que renferme notre globe^comme dus à celte activité bactérienne? Cela semble, en effet, probable, eu égard au nombre prodi- (1) M. Hoze. Rhizoctone de la pomme de terre (séance du 7 décembre). Microcoque de la pomme de terre (séance du 28 décembre). LE NATURALISTE 39 gieux et à la natui'i' iiarticulière tles microorganismes dùcou- verts par ce savant dans les charbons minéraux de diverses provenances. Nous devons à M. Pli. Glaiigeauil une rtude sur le juras- sique supérieur des environs d'Angoulême. Kinmiériiigien et Portlandien s'y trouvent représentés. [,es différents niveaux à espèces saum'ilres, l'existence du sel etilu gypse témoignent de l'état laguuaire de la région à l'époque du Portlandien supérieur, mais c'est principalement vers le milieu du l'Aquilonieu que l'évaporatiou des eaux des lacunes acquiert son maximum, amenant le dépôt du sel et du gypse préludant ainsi au retrait définitif de la mer à la fia des teaii>s jurassiques. M. J. Blayac a étudié le crétacé inférieur de la vallée de l'Oued-Cherf (province de Constantine). Le crétacé de celte région présente au nord le faciès vaseux i faunes pyriteuses semblables à celles de la région delphino-proveuçalc, et au sud le faciès Recifal qui est surtout très accusé dans l'aptiea. M. Couuillon, attaché A l.i mission Pavie, communique à l'Académie le résultat de ses études sur la constitution géolo- gique des environs de Luang-Prabang (Cochinchine). Signalons enfin, pour terminer, quelques observations, faites par M. St. .Meunier sur les roches asphaltiques et sur l'ori- gine de l'asphalte, et enfin une note de .M. Mercey sur les ca- ractères identiques du phosphate riche dans les bassins de Paris et de Londres et sur l'âge tertiaire de ce dépôt. Eug. Malard. Répertoire ét|iiio!ogi(jU8 des noms français ET DES DÉNOfflNATIONS VULGAIRES DES OISEAUX [Sicile) Ramier. — Nom donné au Pigeon sauvage (Columba pa- lumbus). « A été ainsi nommé à raniex arhornm ou de rama- riiis, selon Ménage, à cause que cette sorte de Pigeon perche sur les branches des arbres. » (Salerne.) Kainiret. — Diminutif de Ramier, créé par Lesson pour désigner un genre de Pigeons d'Amérique, très voisins des R.Tmiers et connus sous le nom de Picaziiro. (Voyez ce mot.) Kapace. — Synonyme de ravisseur, employé pour dési- gner un ordre d'Oiseaux connus aussi sous les noms d'Oi- seaux de proie ou Accipilres, qui ont la faculté de saisir et d'enlever leur proie à l'aide de leurs serres. Reniiz. — Nom polonais d'une Mésange (Œf/;/llialiis pendulinus), conservé par les ornithologistes modernes à cet Oiseau, connu aussi sous le nom do PenduVuie. Croyez ce mot.) Républicain. — Nom donné par Le Vaillant à des Tisse- rins d'.Vfrique {l'hilelœnis), parce qu'ils se réunissent pour construire des nids volumineux composés de cellules. « Chaque couple a son nid dans cette liabitation commune; c'est une vraie République. » (Le Vaillant.) Révcillenr. — Surnom donné à des Oiseaux d'Australie [Slrepera], voisins des Corvidés, à cause do leurs cris extrê- mement perçants qu'ils font entendre dés l'aube et qui leur ont fait donncj par les colons le surnom de Pies bruyantes, Rocar. — Nom donné par Le Vaillant à un Pétrocinclc d'Afrique {Petrocincla rupeslris), parce qu'il recherche les rochers. Roi-des-Cailles. — Surnom donné au Râle de genêts {Crex pralensis). u On commence à l'entendre vers le 10 ou le 12 de mai, dans le même temps que les Cailles, qu'il semble accompagner en tout temps, car il arrive et repart avec elles; cette circonstance, jointe à ce que le Râle et les Cailles ha- bitent également les prairies, qu'il y vit seul et qu'il est beau- coup moins commun et un peu plus gros que la Caille, a fait imaginer qu'il se mettait à la tête de leurs bandes, comme chef ou conducteur de leur voyage, et c'est ce qui lui a fait donner le nom de Roi-de-Cailles. » (Buffon.) Roitelet. — Diminutif do Roi, donné â ce petit Passereau {Rei/idds), parce qu'il a la tétc couronnée d'une huppe jaune. « .Son titre est évident ; il est roi, puisque la nature lui a donné une couronne, et le diminutif ne convient à aucun autre de nos Oiseaux d'Europe autant qu'à celui-ci, jinisqu'il est le plus petit de tous. » (BulTon.) Rolle. — Nom formé par Le Vaillant, par corruption du mot Rallier, pour désigner des Coraciadés {Etcryslomus). « Ces Oiseaux diB'érant essentiellement, par les caractères du bec, de ceux que nous avons précédemment décrits (les vrais Piolliers), nous avons cru qu'il était aussi nécessaire de tirer entre eux et ces derniers une petite ligne do démarcation, en nommant Rolles ceux dont il va être question. » (Le Vail- lant.) Rollicr. — Il n'existe aucune explication satisfaisante do ce nom, employé pour désigner des Oiseaux de la famille des Coraciadés. Gesner affirme que ce mot Roliier vient do l'alle- mand Roller, exprimant le cri de ces Oiseaux, n Les noms de Geai de Slrasbniir;/, do Pie de mer ou des bouleaux, de Per- roquet d'Allemagne, sous lesquels cet Oiseau (le RoUier d'Eu- rope) est connu en différents jiays, lui ont été appliqués sans beaucoup d'examen et par une analogie purement populaire, c'est-à-dire très superficielle. » (Bufl'on.) Rosalbin. — La belle couleur rose tendre de son plu- mage a valu ce nom à un Cacatoès d'Australie [Eolopkus roseicapillus). Rose-Gorge. — Nom donné par Bufîon au Guiraca (Ile- dymeles Ludovicianus). u Nous lui donnons le nom de Rose- Gorge, parce qu'il est très remarquable par ce caractère, ayant la gorge d'un beau rouge-roso, et parce qu'il difl'ère assez de toutes les autres espèces du même genre, pour qu'il doive être distingué par un nom particulier. » (Buffon.) Roselin. — (Voyez le mot Martin.) Rossignol. — Ce mot serait un diminutif de son nom latin Luscinia, dont on a fait Lusciniola et le mot français Rossignol. « Au reste. Rossignol paraît venir de Lusciniola par un léger changement, ainsi que l'italien Rossignuolo, quoique Oliva dise, comme Belon, qu'il vient de sa couleur rousse. On trouve dans Cotgrave Roussignol ou Roussirjneau; c'est de cette dernière façon qu'il se trouve écrit dans le Roman de la Rose, n (Salerne.) Quant à son nom latin de Luscinia, les explications en sont peu satisfaisantes. « Nos étymologistcs font venir Luscinia de Luscus (louche), mais malheureusement le Rossignol n'est pas louche; d'autres le tirent .4 luce, parce qu'il annonce, dit-on, le retour de la lu- mière, et il l'annonce, en effet, tant que la nuit dure. » (G. de Montbcillard.) Rossignol -d'.Viuériqne. — (Voyez le mot Rouge-Gorge bleu.) RossîguoI-dn-Japoii. — Les oiseliers donnent ce nom k un Passereau de la famille des (Egithinidés, le I^eiolJuix lu- teus. parce qu'il a une certaine ressemblance avec le Rossi- gnol et habite le Japon. Ronge-Gorge. — Nom donné à cet Oiseau {Erythacus ?■«. becula), à cause de la coloration orangée de sa gorge, d'où, par une extension un peu forcée, le Rouge-Gorge a pris son nom. « C'est mal fait do le nommer Gorge-Rouge, car ce que nous lui pensons rouge en la poitrine est orangé, d (Belon.) Ronge-Gorge bien. — Nom vulgaire d'un Passereau de la famille des Sylvidés, la Sialia Wilsoni, surnommée égale- ment Rossignol d'Amérique; ces deux dénominations sont im- propres, car cet Oiseau diffère sensibloment du Rossignol et n'a pas la gorge rouge. U est connu aux États-Unis sous le nom de Rlue-Bird (Oiseau-Bleu), qui lui convient beaucoup mieux. Ronge-Qncne. — Nom donné au Rossignol de murailles {Pliœnicurus rulicilla), à causo de la coloration rouge de sa queue. Ronpenne. — Nom formé par Le Vaillant par contraction des mots roux et penne (plumes rousses), et donné, à causo de leur plumage, à des Merles d'Afrique [Amydrus), Rousseline. — Nom donné par Buffon à un Pipit {An- Ihus campestris). « Je l'appelle Rousseline, parce que la cou- leur dominante de son tilumage est un roux plus ou moins clair. I) (Buffon.) 40 LE NATURALISTE Ronsserolle. — Nom vulgaire d'une Fauvette de roseaux [Calamodyta artmdinacea). « Belon appelle cet Oiseau Roiis- strolle, à cause de sa couleur rousse, ou Roucherolle, parce qu'il se plaît dans les rouches ou roseaus. » (Salerne.) Rnblette. — Diminutif tiré du mot latin ruber (rouge) et employé comme synonyme de Roiiffe-Queue. Rnbin. — Nom donné par BuÉfon à un Oiseau de la famille des Tyrannidés {P;/roceplialns). « M. de Commerson l'avait nommé Mésanfje-Cardi)ial ; mais ce petit Oiseau étant encore moins Cardinal, nous lui avons donné un nom immédiatement relatif à la vivacité de sa couleur. » (Butfon.) Rubis. — Nom donné par Buft'on à un Oiseau-Mouche, parce que sa gorge a le brillant et le feu d'un rubis. Rubis-Topaze. — Nom donné par Marcgrave à un Oiseau- Mouche. « De tous les Oiseaux de ce genre, celui-ci est le plus beau et le plus élégant; il a les couleurs et jette le feu des deux pierres précieuses dont nous lui donnons les noms : il a le dessus de la tête et du cou aussi éclatant qu'un rubis; la gorge et tout le devant du cou, jusque sur la poitrine, vus de face, brillent comme une topaze aurore du Brésil. « (Marcgrave.) Sacre. — Buffon a décrit sous le nom de Sacre ou Vaiilour d'Ef/'jpte le Néopliron percnoptére non adulte, et a donné ce mémo nom de Sacre à une variété du Lanier. Le mot Sacre est tiré du bas latin Sacer, qui dérive de l'arabe Sakr, em- ployé pour désigner tout Oiseau dressé pour la chasse. Sagittaire. — (Voyez le mot Messager.) Salangane. — Nom indigène conservé à un genre d'Hi- rondelles (Collocalia), dont les nids sont comestibles en Chine. B Salangane est le nom que les habitants des Philippines don- nent à une petite Hirondelle de rivage fort célèbre et dont la célébrité est due aux nids singuliers qu'elle sait construire. Ces nids se mangent et sont fort recherchés soit à la Chine, soit dans plusieurs autres pays voisins situés à cette extrémité de l'Asie. » (Guéneau de MontbeiUard.) Sanderling. — Ce nom, donné à un petit Échassier (Ca- lidris asenaria), est tiré de l'islandais sand (sable) et erla (bergeronnette), parce que cet Oiseau recherche les plages sablonneuses. Albert Ghanger. {A suivre). OFFRES ET DEMANDES — A. R. n" 3.043,' à Bergame (Italie). 1° Gmelinite au lieu de Cmelinite est une zéolithe, voisine du mésotype dont la composition est .SiOH6,40 — AP 0^21,08. Ca0 3,67.— Na07,29. — Kol,60. —Ho 20,41, fusibleen émail blanc et faisant gelée avec HCI; se Itrouve surtout en Irlande. 2° Xanthile au lieu de Xanthrite est une variété d'ido- crase. 3° Noumcite de Nouméa, silicate hydraté de magnésie et de nickel contenant jusqu'à 32 0/0 d'un oxyde de ce métal. 4° Sa/t/('ièce mai-gmate et une pièce laténtle fortement calci- fiée, tantôt se soudent aussi dans l'aire médiane et forment alors une pièce médiane très solide en dehors de laquelle on trouve d'abord les iiièces latérales, puis les pièces marginales. 11 en est de même chez les DermalurusCàg.'i), mais les pièces tergales eupaguriennes des trois segments suivants se sont atrophiées sans laisser de traces, et la surface dorsale tout entière de ces trois segments se recouvre complètement de nodules calcifiés semblables à ceux du 2= segment. lien est encore de même chez les Xéulithode.f (fig. 4) ; seulement, la calcification des no- dules devient |ilus intense, les nodules s'élargissent, et cer- tains se soudent entre eux pour former à gauche une série linéaire de trois petites pièces, qu'on hotnologuerait à tort avec celles des Eupaguriens et des Hapalogaster, bien qu'elles occupent la même place ; d'ailleurs le 2» seg- ment abdominal comprend déjà, comme chez certains Dcnnatarus et Hapalogaster, une pièce médiane, une paire de pièces latérales et une paire de pièces marginales. Le 20 segment des Paralithodes(Citi. b) ressemble à celui des Néolithodes ; mais les nodules des trois segments sui- vants se soudent sur une grande étendue et forment de LE NATURALISTE /i3 chaque côté une série longitudinale de Irois pièces latérales contij^uës; entre ces deux séries de pièces, les nodules médians se groupent en séries [transver- sales plus ou moins régulières ; en dehors, ils se fusion- nent entre eux et donnent naissance à une série de petites pièces marginales. Chez les Lithodes on voit la pièce médiane du 2'' segment se souder aux pièces latérales (fîg. (,){L.antarclicn, L. ferox,e\.c.], et celles-ci se souder à leur touraux pièces marginales, le 2'= segment ne comprenant plus alors qu'une seule pièce (flg. 7)(L. maia, L.iropicalis, elc.).CliPzles (fi g. 8) Acanlholitesei iesEc/u.i- nocerus, les nodules médians des trois segments suivants se soudent et forment trois pièces qui correspondent exactement aux pièces ialérales de ces segments, mais qui restent séparées par une rangée transversale de nodules libres ou incomplètement soudés. Il en est à peu près de même chez les Paralomifi avec cette exception, toutefois, que les pièces marginales du 3' segment sont déjà soudées aux latérales (fig. 9). Chez les lihinolUhodes, (flg. 10) les pièces marginales se soudent toutes aux laté- rales, et les nodules qui séparent les pièces médianes se fusionnent complètement pourformerd'étroites baguettes intercalaires ; chez les Cryptnlilliodes (fig. 11), enfin, ces baguettes se confondent avec la plus postérieure des deux pièces qu'elles séparent, et l'abdomen se trouve constitué dans sa partie moyenne par trois séries longitudinales de trois pièces contiguës. Si les trois pièces transversales d'un même segment se soudaient alors comme celles du deuxième, l'abdomen deviendrait extérieurement identique à celui d'un crabe, d'autant plus qu'il est devenu alors presque complètement symétrique ; cet état n'est réalisé chez aucune espèce actuellement con- nue; mais c'est évidemment la forme vers laquelle évolue la sous-famille des l.ilhodiens. En résumé, les pièces nbdorninales des LiUiodicns (seij- menti 2 à 5) bien qu'analogues par leur posilion aux pièces correspondantes des Eupaguricns, ne présentent avec elles aucune homologie réelle. Pour se transformer en Lithodinés typiques, les Eupaguriens ont d'abord peri/ti toutes les piè- ces abdominales des segments 2 à o, puis des nodules calci- fiés ont emahi la vaste surface membraneuse de Vabdomen, et c'est par la fusion progressive de ces nodules que se sont formées les pièces tergales solides qu'on observe chez ces animaux. Nous venons de suivre, dans ses détails les plus essen- tiels, le mécanisme delà transformation en crabe d'un crustacéanomouredes mieux caractérisés: ce mécanisme est intéressant, mais ce serait une erreur de croire qu'il n'en existe pas d'autres. Nous aurons l'occasion, eu effet, de montrer que les crustacés cancériformes du genre Lomis se laitachent aussi à des Pagures, mais que leur transformation en crabe ne ressemble en rien à celle que nous venons de décrire chez les Lilhodiens. E.-L. Bouvier LES PLUIES ÉTRANGES L'explication, toujours simple, des pluies étranges, étant déjcà fort \-ulgarisee de nos jours, elles n'excitent ])lus guère que la curiosité ]iubliquo, et les villages per- dus où elles remplissent encore de terreur les paysans, sont maintenant plus que rares. Les vents violents et les trombes sont la cause principale de ces phénomènes. Pluies de cendres. — Los plui(;s de cendres sont uni- quement dues à des éruptions volcaniques. Une des plus remarquables est celle qui fut observée à la Barhade, le 30 avril 181-2. Le phénomène se jn-oduisit dans la soirée. On entendit d'abord, pendant quelques minutes, de vio- lentes explosions, tellement analogues à des salves d'ar- tillerie, que la garnison du château Sainte-Anne passa la tmit sous les armes. Le jour suivant, dès l'aurore, la ligne d'horizon du colé de l'Orient, était d'une pureté i-emarquabl(\ Mais, immédiatement au-dessus, on voyait nu nuage noir qui couvrait le reste du ciel, et qui, presque aussitôt, s'étala dans le ciel. L'obscurité se fît peu à peu, et finit par devenir si intense, que, dans les appartements, on ne devinait pas même la place des fe- nêtres, et qu'en plein air il était impossible de percevoir un mouchoir blanc placé à 13 centimètres des yeux. La cause de ce phénomène était une éruption d'un volcan, situé dans' File de Saint- Vincent, distante de plus de 80kilomètres,d'oùleventapportait une pluie abondante de fines cendres volcaniques. Ce n'est qu'entre midi et une heure que cette pluie cessaet qu'on put se rendre un compte exact de ce qui s'était passé. On avait toutefois remarqué à plusieurs reprises, dans la matinée, en s'aidant de lan- ternes, comme des espèces d'averses pendant lesquelles la poussière tombait en plus grande abondance. Les ar- brisseaux étaient courbés sous leur charge de poussière charbonneuse. Les branches des gros arbres cédaient avec des craquements secs, qui contrastaient d'une façon étrange avec le calme parfait de l'atmosphère. Les cannes à sucre furent toutes renversées. L'ile entière était cou- verte d'une couche de cendres verdâtres qui n'avait pas moins de 3 centimètres d'épaisseur! Aussi les phéno- mènes précédents s'expliquent-ils facilement, si l'on se rappelle d'une part, la très grande densité du carijone amorphe, et, d'autre part, avec quelle puissance les rayons solaires sont interceptés par une couche infinitésimale de charbon pulvérisé. Un phénomène du même genre, mais l)eaucuu]i moins intense, s'est produit en France. Au commencement du mois do novembre dernier, dans le canton de Trevières, puis à Bayeux et à Longues, s'abattit une pluie noire, à la suite de la grande dépression qui passa sur le Calva- dos le 21 octobre. Or, le même jour, avait éclaté à Caen un grand incendie qui avait ravagé des constructions légères, se communiquant à des fourrages et a dos fu- miers. Le brasier couvrait plus de 2,000 mètres carrés. On avait jeté des torrents d'eau, et la vapeur, s'élevant à plusieurs centaines de mètres de hauteur, s'était con- densée en épais nuages sombres, que le vent chassa vers l'ouest. Or, le surlendemain, la pluie tomba noire dans la région de Bayeux, à l'ouest de Caen. Si un fait ana- logue ne s'était aussi produit dans la région de Saint- Servan, on pourrait affirmer que l'incendie fut la seule cause du phénomène (1). Paul Jacob. (1) Voy. Le Naturaliste, n" 236, 2» série du 1" janvier 1897. « Le l"'' janvier en Amérique. » 44 LE NATURALISTE UNE LARVE DE PSEUDO-NÉVROPTÈRE DU CHILI AYANT L'APPARENCE D'UN CRÏÏSTACÉ En chassant la bécassine dans les marais de Penaflor, j'ai recueilli, dans un fossé, quelques exemplaires d'une larve aquatique qui n'a, sans doute, pas encore été signalée, et dont les formes bizarres me semblent mériter quelques mots de description. Elle partage l'apparence crustacéenne avec la larve du Pro- sopisloma punctifrons Joly ; mais elle en difl'ère considéra- blement sous d'autres aspects, comme il sera facile de s'en convaincre en comparant les figures ou descriptions de l'une et de l'autre. La couleur de la larve de PenaHor est brun roux sale. Sa forme générale est celle d'un bouclier très régulièrement ovale et fortement déprimé, dont le plus grand diamètre, antéro-postérieur, varie chez mes sujets de quatre et demi à huit millimètres. Ce bouclier est divisé en douze segments imbriqués, dont les trois antérieurs, occupant un peu plus do la moitié de la surface totale, correspondent aux trois anneaux du thorax, taudis que les neuf autres correspondent à l'abdomen. L'articulation pro-mésothoracique est concave en avant ; l'articulation méso-métathoracique est à peu près exactement rectiligne ; les suivantes sont concaves en arrière. La dernière plaque abdominale est pentagon.ale à angles arrondis, presque circulaire. Tout le pourtour de la carapace est garni d'une rangée de poils juxtaposés, épais et rigides, articulés à la base et terminés à la pointe par un fouet laté- ralement recourbé, leur ensemble formant une élégante palis- sade, large d'un demi-millimètre environ, évidemment des- tinée à faciliter l'adhérence de l'animal aux surfaces contre lesquelles il s'applique. D'ailleurs, cette bordure de poils ne se limite pas au bord latéral de chaque segment ; elle se poursuit, de chaque côté, en diminuant progressivement de hauteur, sur ses bords antérieur et postérieur, jusqu'au fond de l'échancrure assez profonde qui sépare latéralement ce segment de ses deux voisins : les poils du bord postérieur demeurant presque aussi serrés que ceux du bord externe, tandis que ceux du bord antérieur sont beaucoup plus espacés. Pour terminer cette sommaire description de la carapace, j'ajouterai que sa surface se montre assez régulièrement criblée par des ponctuations de deux sortes ; les unes, plus fines et assez serrées, en relief, semblent correspondre aux cellules épithéliales sous-jacentes : les autres, plus grosses et très lâches, sont perforées et paraissent en relation chacune avec une glande tégumentaire. L'Insecte avec tous ses appendices est complètement caché sous cette carapace, qui le déborde largement dans tous les sens ; mais celle-ci présente, au-dessus do la tcte, un espace semi-circulaire parfaitement transparent, comme une cornée, par laquelle il peut voir ce qui se passe au dehors, comme à travers les vitres d'une fenèire. La tète est comme appendue au segment prothoracique de la carapace. Vers son bord antérieur, en arrière des yeux, des antennes et du labre, elle porte, en dessus, un certain nombre de poils, articulés au centre de fossettes, disposés d'une façon symétrique, et dont quelques paires atteignent une longueur relativement considérable. Les yeux, au nombre d'une paire, ont l'apparence d'une grosse tache pigmentaire et sont situés latéralement, en arrière des antennes. Celles-ci n'ont que trois articles, dont le terminal est ovoïde allongé et juxtaposé à un gros poil un pou plus long que lui, tandis que le basai est un peu plus long et beaucoup plus gros que le médian et présente quelques poils raidcs épars. Recouvert sur toute sa surface de poils longs, grêles et symétriquement couchés autour de deux centres, le labre est énorme : prolongé jusqu'au niveau de la pointe des mandi- bules, transversalement tronqué et légèrement échancré en cœur à son extrémité libre, les côtés rabattus, il recouvre en dessus, comme un voile, les pièces de la bouche. Les man- dibules sont longues et très robustes, et portent chacune un pinceau de poils fixé à la base de leur partie tranchante et dirigé vers l'intérieur de la bouche. Les mâchoires, fortes et terminées par un faisceau de crochets ou poils épais, lisses, en forme de boudin, composés de quatre articles, et une galea fortement dilatée et aplatie et armée sur son bord de crochets un peu moins robustes que ceux des mâchoires. La lèvre inférieure ressemble à la supérieure ; elle est seulement un peu plus courte et plus étroite, et elle est munie, de chaque côté, d'un palpe, semblable au palpe maxillaire sauf sa plus petite taille. Les pattes, relativement courtes et robustes, sont à cinq articles, dont le dernier est constitue exclusivement par un crochet solide, aigu et fortement recourbé, muni d'un éperon à la base. Elles vont en croissant de la première à la der- nière paire. La dernière plaque de la carapace est doublée inférieure- ment par une plaque plus courte et plus étroite, dont le bord latéro-postérieur est arrondi et muni de poils plus longs, plus souples et moins serrés que ceux des bords de la cara- pace. Cette plaque constitue, sans doute, un dixième et dernier segment abdominal. Pendant la vie de l'Insecte, elle était constamment animée de mouvements rythmiques, évidemment liés à la fonction respiratoire. Elle découvre, en effet, deux grosses houppes branchiales, qui naissent au niveau de ses angles latéro» antérieurs et garnissent toute sa face supérieure, la débor- dant même en arrière. De chacune de ses houppes tire son origine un gros tronc trachéen, qui parcourt d'avant en ar- rière le côté correspondant de la larve. Je m'abstiens de créer, pour colle-ci, un nom qui pourrait devenir inutile quand on l'aura suivie jusqu'à l'état parfait. Fernand Lataste. NOTICE SUR QUELQUES COSSIDES NOUVEAUX DE i^A. perse: 1" Cossus Iranicus, Austaut (Species nova). La tribu des Cossides est l'une des plus intéressantes de la famille des Bonibycides, tant au point de vue des caractères organiques des insectes parfaits, des mœurs de leurs che- nilles, qu'à celui de l'histoire de l'évolution des Lépidoptères. Les Cossides, dans Total actuel de la science, sont, en effet, les premiers papillons qui aieut paru à la surface du globe. Le genre Cossus, le plus remarquable de la tribu, est formé d'iusectes de grande taille, mais 1res peu nombreux en es- pèces. A part notre Cossus Cossus (Ligniperda) qui habite presque toute l'Europe, ou ne connaît encore que les suivants : Terebra de la Saxe, Balcauicus de la Bulgarie, Campicola du pays des Kirghises, Mongoliens du district de Kouldja et Are- nicola du Turkestan. L'espèce nouvelle que je décris aujourd'hui est donc la hui- tième du genre; elle uj'a été envoyée récemment par M. Arthur Speyer, de l'Institut entomologique d'Altoua, comme venant de Sefti-Kech (Perse), où elle n'a été découverte qu'en quel- ques exemplaires. Le Cossus Iraniens (c'est le nom que je propose pour cette nouveauté) possède la taille du mâle de Terebra, mais il est plus voisin d'Arenicola, quoique ses ailes soient proportion- nellement plus larges, plus arrondies, que celles de cette es- pèce, et que sa taille soit plus robuste. Les ailes antérieures sont en dessus d'un gris cendré clair, finement réticulées de brun, laissant apercevoir : 1" une ligue noire prémarginale, flexueuse, reliant les deux bords opposés ; 2° une deuxième ligne noire submédiane de forme arquée, s'épanouissant en réseau vers le bord interne et de laquelle rayonnent quatre litures noires qui aboutissent au bord externe, après avoir croisé la ligne préniargiuale dont il vient d'être question. L'aile inlérieure d'irauicus est d'un gris uniforme, sans ré- ticules bien apparentes. La frange qui la termine, de même que celle de l'autre aile, est largement eulrecoupée de brun. La face inférieure est blanchâtre, avec de nombreuses petites macules brunes et quelques dessins plus saillants, que ma figure reproduit très exactement et qui ne se retrouvent chez aucun autre Cossus. J'ajoute que le collier, les ptérygodes sont bordés de gris clair, qu'une tache blanche limite la partie in- férieure du thorax et que l'abdomen de cette nouvelle espèce LE NATURALISTE 4o présente, sur un fond cendré, des incisions plus sombres qui correspondent aux segments abdominaux. Ce rare et remiirquabie Cossus, dont je ne possède qu'un seul exemplaire du sexe femelle, est donc très distinct par la taille et par l'aspect de tous ses Congénères. 2" Zel'zeba Speyeri, Austaut (Species nova). Les Zeuzera sont encore moins nombreux que les Cossus, puisque la science entomologique n'est encore parvenue à classer que notre Pyriua (Aesculi) d'Europe et Paradoxus de l'Asie .Mineure. L'espèce nouvelle, dont je donne ici la des- cription offre un très grand iutérèt à cause de ses caractères qui sont absulument trauchés de ceux des deux autres Zeuzera. Elle [est plus petite que Pyrinaj ses ailes sont plus élancées, plus aiguës à l'apex; l'angle anal est précédé d'un sinus assez profood qui trausforuie cet aogle en un lobe saillant. Les ailes antérieures sont blanchâtres, fortement zé- brées de noir le long de la côte et du bord interne, au-dessus duquel s'étend une ligue noire horizontale depuis la base jus- qu'à une tache blanche située un peu en avant de l'angle ex- terue. Le disque tout entier est sablé de noir, laissant pour- tant apparaître, ainsi que le montre la figure, trois éclaircies dont l'une est basilaire, l'autre médiane et la troisième api- cale. Le bord externe offre des espaces blancs internervu- raui , et la frange est distinctement entrecoupée de noir. L'aile postérieure de Spejeri est blanchâtre, un peu transpa- rente, avec des zébrures noires à l'angle anal ; la frange de cet angle est noire et entrecoupée de blanc dans le reste de son étendue. Le dessous est semblable au dessus, sauf que les teintes y sont plus pâles. Le corps est d'un gris uniforme, sans incisions abdominales apparentes; mais le thorax est orué de trois points noirs médians et de deux raies concolore.s la- térales. Les antennes ressembleut à celles de Pyrina. J'ai dédié cette rare nouveauté à M. Arthur Speyer d'Allona, qui a bien voulu me céder les Jeux seuls exemplaires mâles qui ont été recueillis dans la Perse à Dhisato. 3° HoLCOCERus Persicls, Austaut {Specits nova) ? J'ai obtenu de mon correspondant, avec les deux espèces précédentes, différents exemplaires du genre Holcocerus, groupe nouvellemeut établi en faveur de Cossides de petite taille propres à l'Asie Centrale et qui rappellent d'assez prés nos Hypœta d'Europe. Parmi ces papillons se trouvaient deux mâles du rare et superbe Holcocerus Gloriosus, Erschoff, espèce remaïquable par son éclat d'un blanc pur nacré, que viennent adoucir les macules fauves qui ornent la cote et le disque des ailes supérieures, puis plusieurs mâles d'une forme réputée nouvelle, mais qui, au premier abord, paraît identique à Holco- cerus Holosericea du furkestan. Cependant, après un examen plus attentif, on reconnaît que ces Cossides sont plus ro- bustes, plus grands que leur congénère, et que leurs ailes pos- térieures sont d'un gris sale unilorine, et non de ce beau blanc pur qui est caractéristique chez l'espèce typique. Le revers de l'aile antérieure des papillons doot il s'agit est, du reste, lavée au milieu du même gris; et la côte est marquée en dessus vers l'apex de trois petites taches brunes, qui pourtant ne paraissent pas constantes. J'ai désigné cette forme sous le nom de Persicus, et j'hésite à me prononcer sur la question de sa- voir s'il s'agit d'une nouvelle espèce ou seulement d'une forme géographique d'Holoserica. 4° Holcocerus Monticola, 5° HoLCOCEiius Marmoratus, Austaut {Species nova), 6° Holcocerus Slrigatus, Austaut {Species nova). Parmi les Holcocerus que m'a envoyés M. Speyer, trois spé- cimens attirent tout pjfrticulièremeut l'attention en raison de leurs caractères exceptionnels. L'un deux m'a été envoyé par mon correspondant sous le nom do Monticola sans désigna- tion, d'auteur ; et les deux autresporteut la même détermina- tion maisavec doute. En effet, ces trois papillons sontloiu d'être semblables; et il me parait impossible de les réunir sous une même forme. Le .Momicola auquel je garde le nom sous lequel il m'a été cédé est d'un blanc pur mais mat, c'est-à-dire sans reflet nacré, la côte des ailes supérieures est uniformément blanche et le disque laisse apercevoir en brun pâle les taches qu'in- dique le dessin Les ailes postérieures sont blanches avec un lavis d'un gris sale à l'angle anal. Le dessous tout entier de l'insecte est d'un blanc uuiforme, sauf le disque des premières ailes qui est marqué d'un lavis grisâtre. Le second représente une forme bien distincte de la précé- dente. Le spécimen auquel elle s'applique offre des ailes pos- térieures brunes, avec la frange seulement blanchâtre, et les dessins de l'aile antérieure présentent des caractères fort dis- semblables par leur forme et par leur ampleur de ceux de Monticola. Ces dessins, du reste, apparaissent intégralement en dessous dans des tons plus pâles. ,ie désigne ce type sous le nom de Marmoratus, et je pense qu'il est spécifiquement dis- tinct de celui que je viens d'analyser, car les deux exemplaires dout il s'agit sont du sexe femelle, ce qui exclut toute idée de différences sexuelles, et d'autre part leur cohabitation dans un même lieu empêche d'attribuer les dissemblances obser- vées à l'influence de causes de variations géographiques. Quant à l'insecte donné sous le nom de Strigatus que j'ai cru devoir lui imposer, d est d'un aspect également bien spécial. Toute la face inférieure et le dessus des secondes ailes sont d'un blanc mat jaunâtre, et le milieu de 1 aile antérieure est marqué d'une série de cinq lignes brunes horizontales parallèles, offrant un aspect bien différent des dessins analogues qu'on observe chez Monticola et chez Marmoratus. Le sujet représenté est un mâle; il ne sau- rait être rattaché à l'un des types précédents comme forme sexuelle à cause de ses caractères tranchés, ni comme variété locale pour la raison déji indiquée. Je dois ajouter que tous ces rares et curieux Holcocerus ont été recueillis à Baira- male (Perse), daus une région encore peu explorée, qui sera sans doute par la suite très fertile en découvertes intéres- santes. J.-L. Austaut. L'ÉLEYiaE DE L'AÏÏTEÏÏCHE EN RUSSIE D'EUROPE La récente communication de M. Yermoloff, ministre de l'Agriculture de Russie, le 21 octobre 1890, à la Société nationale d'Agriculture de France, est uu événement zoo- logique dont l'importance est assez suggestive, étant donné que la France qui possède les territoires les plus favorables à cet élevage, n'en fait pas, et qu'elle est tribu- taire des Anglais et des Tripolitains pour alimenter l'in- dustrie plumassière parisienne, qui serait sans rivale par le monopolo de la plume barbaresque produite dans nos colonies africaines. Pour l'éclaircissement de ce qui pré- cède, je dois mentionner uu fait récent et fort curieux; c'est l'essai parfaitement réussi de l'élevage de l'Autruche par un grand propriétaire du midi de la Russie et notam- ment du gouvernement de la Tauride. Ces oiseaux si inté- ressants semblent s'adapter très bien au climat de ces régions, supportent des froids assez rigoureux, se com- plaisent dans l'immensité des steppes, se reproduisent dans leur nouvelle patrie, et je sais, de source certaine, que le premier stock de plumes d'autruche provenant de la ferme en question a déji été expédié à Paris, où il s'est vendu très avantageusement. La récente et magni- fique exposition de Nijni-Novgorod nous a montré les produits de ces oiseaux, tant en œufs qu'en plumes, ce qui n'a pas manqué d'attirer l'attention des agricul'eurs russes sur cette nouvelle branche d'élevage, dont nous étions loin de soupçonner la possibilité en Russie. 11 sera intéressant de rappeler ce fait rétrospectif. En 1884, le gouvernement général de l'Algérie livrait, pour dix-huit ans, 1.000 hectares de terre sablonneuse au Kreider (Dèpt d'Oran) et concédait 100 hectares de même terre à M. Creput pour la création de parcs à Autruches. Les tentatives d'élevage sur le littoral n'ont pas très bien réussi, le climat y étant trop humide et l'es- pace consacré à ces volatiles du désert n'étant pas sulE- 46 LE NATURALISTE sant pour leur permettre d'atteindre leur plein développe- ment. La création des parcs au Kreider aurait pu remédier à ces inconvénients et assurer la pleine réussite de l'élevage en grand de l'Autruche. Malheureusement, cette concession, qui dès 1884 pou- vait devenir le salut de l'élevage en Algérie, n'a pas été exploitée. J'avais, dans ce but, assuré la fusion des divers groupes d'éleveurs algériens. Des considérations clima- tériques, basées sur l'altitude des hauts plateaux oranais et du climat hivernal rigoureux, ont produit cet échec re- grettable pour tous les intéressés. La réussite de l'élevage dans le sud de la Russie, dont le climat est certainement aussi rigoureux que celui des steppes oranaises des hauts plateaux, établit le bien fondé des observations publiées sur la rusticité de l'Autruche supportant toutes les in- tempéries, l'humidité exceptée. Dans un récent rapport sur les colonies allemandes, M. Gosselin, de l'ambassade britannique à Berlin, men- tionne que la question de la protection du gros gibier dans l'Afrique allemande orientale a été prise en consi- dération par les autorités locales depuis quelque temps et qu'un réglementa été notihé à Dar-es-Salam; dans le Zanguebar, la chasse des autruches et des grues est inter- dite. Plus loin, dansleMoschi,distinctdeKilima-Ndjaro, personne, qu'on soit muni d'un permis ou non, n'est au- torisé sans permission spéciale du gouvernement à tirer sur des autruches ou des grues. Le major Wissniann préconise aussi les essais de domestication des au- truches, etc. Ainsi, nous voyons d'une part l'élevage de l'Autruche réussir dans le Sud de la Russie et par ailleurs le gou- verneur allemand de l'Afrique orientale interdire la chasse de l'Autruche, dans toute l'étendue de la colonie. Pourquoi le gouvernement français n'aide-t-il pas à la reconstitution de l'Autruche de Barbarie et comment se fait-il que. dans le Soudan français, aucun des nombreux gouverneurs qui y ont passé en si peu de temps, n'ait eu la pensée de prendre des mesures analogues devant au moins assurer la perpétuité de l'espèce et empêcher son extinction comme dans le Sahara algérien. Ce sera l'étonnement des générations suivantes que sous le régime républicain, notre fin de siècle n'aura pas à son honneur les mesures de prévoyance générale mises en pratique par les Conventionnels à la fin du siècle précédent. Y aura-t-il, en 1900, un Daubenton pour l'Autruche comme, en 1800, il y en eut un pour le Mouton? L'Algérie, la Tunisie, le Soudan français exceptés, on peut dire que la domestication de l'Autruche est aujour- d'hui généralisée dans presque toute l'Afrique dans les régions favorables à son existence. Dans le Soudan central comme dans l'Afrique aus- trale, il n'existe presque plus d'oiseaux sauvages ; je me suis informé auprès de M. le lieutenant-colonel Monteil qui n'en a pas vu dans sa remarquable traversée de Saint-Louis à Tripoli; de môme M. le commandant Toutée a constaté leur absence dans sa périlleuse montée du Niger. En ce qui concerne l'Autruche domestique dans l'Afrique australe, M. Ilugot, juge au tribunal de com- merce et membre de la Chambre de commerce de Paris, de retour d'une mission au Transvaal, m'a confirmé la transformation qui s'est produite dans l'Afrique du Sud. Les petits établissements d'élevage, ou plutôt les ex- ploitations agricoles ayant un minime groupe d'oi- seaux accessoires à leur ferme, sont plus ou moins ruinés par l'abus du crédit trouvé auprès des mar- chands du pays leur fournissant en échange des plumes achetées d'avance, à forfait, tous les produits de l'indus- trie européenne. C'est le phénomène de l'usure connu en Algérie, mais il n'y suscite pas ces haines ni ce parti pris que j'ai constatés en Algérie. Les difQcultés qui empêchent la création de l'élevage en Algérie sont toujours les mêmes, le conflit d'attribu- tions administratives, ou plutôt la confusion des pouvoirs civils et militaires ne se sont pas modifiés. El-Outaya, l'unique emplacement réalisant nos projets, est toujours l'apanage du 3' régiment de spahis et le sénatus-con- sulte de 1863 n'est pas abrogé, donc rien à faire en terri- toire militaire. Il est vrai que l'administration algérienne ne réprime pas le vol, la fraude, l'usure à l'aide desquels l'Européen arrive à s'emparer des biens immobiliers des Arahes ; elle ne le garantit donc pas contre les forces destructives qui l'assiègent de toutes parts. D'un autre côté, les -assassi- nats se multiplient d'une façon inquiétante dans les trois départements, on n'arrive pas à cette sécurité sans la- quelle toute colonisation devient impossible. Ces réflexions feront comprendre l'impossibilité de recons- tituer l'Autruche d'Algérie sans l'action efficace du Par- lement auprès des pouvoirs publics; mais là encore, il y a empêchement, la crainte d'être suspect de patronner a une affaire » arrête les bonnes volontés, rebute l'homme politique soucieux de sa tranquillité personnelle ou même indifférent à une question trop spéciale n'ayant pas le don de passionner l'opinion publique et de créer une vaine popularité. Pour la clarté de mon récit quelques faits seront bons à rappeler : Entre Tcniet el Hàad et Boghar, à la limite des ré- gions telliennes, se trouve une propriété d'environ 20,000 hectares, connue sous le nom de Bled-Boudjema. Dans cette région, les tribus, à demi nomades, habitent sous la tente ; aussi les terrains n'ont-ils que peu de valeur. Lorsqu'il fut question d'appliquer le sénatus-consulte, plusieurs tribus élevèrent des prétentions à la propriété de Blid-Boudjema. Un procès s'engagea à cette occasion, devant le tribu- nal de Blidah, et il se termina par un arrêt de la Cour d'Alger, reconnaissant à l'une des tribus en cause la propriété de ce « bled ». Le procès avait duré une douzaine d'années. 11 fallut en payer les frais, dont l'avance avait été faite par un riche juif d'Alger : ces frais s'élevaient à la somme de 67.000 francs. Ne pouvant ni payer ni trouver à emprunter pareille somme, les représentants autorisés de la tribu ont cédé le Bled-Boudjema, par acte notarié du mois de mai ou de juin 1880, à leur créancier juif, moyennant un prix de 80.000 francs, sur lequel ce dernier a retenu les 67.000 de frais avancés par lui. Les membres de la tribu ont eu à se partager 13.000 francs. Treize mille francs pour vingt mille hectares ! Et qu'on n'allègue pas que ce fait est isolé. Non, nous le prenons, comme le suivant, dans le seul arrondisse- mentjudiciaire de Blidah, parmi d'autres faits semblables. 11 s'en est produit certainement d'analogues dans les autres arrondissements judiciaires des trois dêiiarte- ments. LE NATURALISTE 47 Il existo, non loin d'AflVeville et île Miliana, une pro- priélé d'environ 800 hectares, sur laquelle vivait autrefois une population indigène de 400 à 500 personnes. A la suite de l'application de la loi du 26 juillet 1873 sur ce territoire, un honorable Européen, intelligent, instruit et actif, déjà iiropriétaire d'autres terrains situés dans la même région, conçut l'idée; de se créer un vaste do- maine. Il acquit, dans ce but, des parts indivises de ladite propriété indigène, et, conformément aux dispositions de la loi française, il jioursuivit ensuite la licitation judi- ciaire des 800 hectares en question. Il y avait [dus de quatre cents ayants droit, auxquels il fallut faire des significations et des sommations. Aussi, les frais « exposés » pour arriver à la licitation furent-ils considérables. Ils s'élevèrent à 22.000 francs. On comprendra sans peine que, devant l'énormité de ces frais, aucun Européen, autre que le colicitant, n'eut l'idée de concourir à l'adjudication. De leur cùté, les indigènes, divisés entre eux, n'ayant au surplus ni les ressources, ni le crédit nécessaires pour faire face au paiement immédiat des frais, ne pou- vaient songer à enchérir. Le résultat fut tel qne le défaut de toute concurrence permettait de le prévoir : suivant jugementdu trilnuial de Blidah, au mois d'octobre ou de novembre 1882, notre Eu- ropéen colicitant resta adjudicataire des 800 hectares, moyennant un prix de 8a0 francs, et à la charge de payer les frais. Ces frais, nous l'avons dit, s'élevaient à 22.000 francs. La procédure suivie a été absolument correcte et régu- lière, et, au point de vue légal, l'affaire a été parfaitement conduite. Le premier résultat remarquable de cette opération, c'est qu'un domaine de 800 hectares a été constitué au profit d'un colon avisé par son initiative hardie et avec ses seules ressources — et c'est le revers de la médaille — une population de cinq cents personnes qui a été obligée de s'éparpiller et de se resserrer dans les douars voisins, et ([ui s'est trouvée dépossédée de 800 hectares pour une somme de 850 francs. Nous le répétons, tout s'est passé légalement et régu- lièrement dans cette affaire, et il n'entre pas dans notre pensée de blâmer le colon qui eijt préféré, sans doute, donner son argent aux Arabes qu'aux officiers ministé- riels, ([uitte à payer plus cher. Mais, en toute sincérité, devons-nous être fiers, nous Français, de l'application qui a été faite, dans ce cas par- ticulier, de nos lois, et plus spécialement de notre procé- dure ruineuse"? Est-ce bien une œuvre de civilisation, d'humanité surtout, que cette dépossession légale d'une population do près de 500 habitants, à laquelle on distri- buera (Allah sait quand!) une somme de 830 francs pour les 800 hectares sur lesquels elle vivait autrefois ? Pour tout esprit impartial, un pareil résultat est ré- voltant, navrant, et la législation qui l'a permis est con- damnée par toutes les consciences. Nous ne retiendrons de ces faits que deux points, sa- voir : 1° L'énormité des frais ([u'entraîne l'application de nos lois, et spécialement de notre procédure, à des popu- lations et à des situations pour lesquelles elles n'ont pas été faites ; 2° Les conséquences parfois désastreuses que la stricte exécution de ces mêmes lois impose à ces mêmes popu- lations. Nous pourrions également en tirer argument pour répondre aux aveugles et maladroits défenseurs des indi- gènes qui s'opposent à l'expropriation administrative pour la colonisation, parce qu'ils veulent éviter ce qu'ils appellent « la spoliation des Arabes ». Il est bien évident que l'expropriation faite par l'intermédiaire de l'adminis- tration pour remettre ces terrains à des colons, eiit donné pour les indigènes des résultats plus satisfaisants en leur permettant au moins de toucher de leurs terres un prix sérieux (1). Nos lecteurs savent par divers mémoires et études pu- bliés dans le Naliirnlisle, l'importance au point de vue français de la reconstitution de l'Autruche dans le Sa- hara, des steppes des hauts plateaux algériens jusque dans le Soudan français. Cet élevage rationnel assure, en effet, la pacification de cet immense parcours, il serait le facteur le plus essen- tiel dans la revivifaction des routes île caravanes traver- sant le Sahara, abandonnées aujourd'hui. C'est en cela qu'apparaît l'incurie de notre administration publique tenant en échec la reconstitution de l'élevage, dont le succès serait assuré par l'exploitation de l'unique em- placeiuent favorable pour créer un haras de repeuple- mcHit, j'ai nommé le domaine de la smala d'El Outaya (département de Constantine) (2). Les Français, qui mettent au-dessus de tout la gran- deur et l'honneur de leur pays, applaudiront sans réserve à ceux qui, à force d'énergie, d'abnégation, au prix des plus grands sacrifices, malgré toutes les difficultés qu'ils ont rencontrées, continuent avec courage la lutte pour la création d'une œuvre de progrès, de civilisation dont la réussite possible dépend du ministère de la Guerre et de son administration, et du bon vouloir du Gouverneur général de l'Algérie, investi de pouvoirs suffisants pour enfin donner satisfaction à l'opinion publique. Le département de la Guerre, par un sentiment com- mun à toutes les administrations, ne veut pas abandon- ner une de ses prérogatives; elle lui assure, en effet, quelques ressources affectées au 3° régiment de spahis et le moyen de faire camper dix-neuf cavaliers indigènes avec leur smala, plus deux sous-officiers européens logés dans le Bordj. Il paraît cependant impossible que l'on sacrifie plus longtemps les intérêts généraux du pays à ce que nous pourrions appeler des intérêts administra- tifs. La Patrie a publié, en novembre 1896, un article con- cernant la suppression des Smalas. Voici, à ce sujet, l'in- terview de M. Forcioli, député de Constantine. « 11 y a déjà deux ans, nous dit M. Forcioli, j'étais in- tervenu à la Chambre au sujet des Smalas; il en est quatre que je vise particulièrement : El-Outaya, vers le Sud, entre Batna et Biskra; El-Méridj, El-IIadjar, le Tarf, le long de la frontière tunisienne. « Je laisse décote les smalas qui bordent le département d'Alger et la frontière du Maroc. « Il serait peut-être imprudent de dégarnir des postes qui peuvent rendre des services en face d'un pays où l'insurrection est perpétuelle, et, pour le moins, à l'état latent. (1) Revue géographique internationale, 1885. (2) El-Outaia (commune mixte d'Ain-Touta) entre Biskra et Balna, desservi par la voie ferrée, est le centre d'une immense plaine arrosable en partie. La végétation arborescente a été dé- ti-uite à vingt kilomètres à la ronde pour les besoins de la smala. 48 LE NATURALISTE « Mais je ne vois vraiment plus la nécessité d'en con- server d'autres. « A l'époque où la Tunisie n'était pas encore sous notre protectorat, il y avait lieu de se tenir sur ses gardes de ce coté, mais aujourd'hui ces précautions me paraissent superflues. 0 Après mon intervention à la Chambre, le général Zurlinden, alors ministre de la Guerre, me mit en rap- ports avec un officier connaissant bien l'Algérie. « Celui-ci, en ce qui concerne El-Meridj,El-IIadjar et Le Tarf, me fit valoir que ces smalas pouvaient nous rendre encore de grands services, si, dans une guerre européenne, un corps d'armée venait à débarquer en Tunisie. « Plus tard, M. Cavaignac, devenu ministre de la guerre, m'écouta avec beaucoup d'intérêt; il suivit avec moi sur la carte d'Afrique les lignes que je lui indiquai, en marquant au crayon rouge les postes que je vous ai nommés, il me promit d'étudier très sérieusement ma proposition. 0 Mais M. Cavaignac est tombé, et je no sais encore l'accueil que lui réserve le général Billot. n Quoi qu'il en soit, j'estime que si, dans le principe, les spahis ont été destinés à devenir en même temps que des gardiens vigilants, des agriculteurs actifs, ils ne sont plus aujourd'hui que des pachas indolents, des proprié taires faciles, autour desquels évoluent à leur aise des légions de serviteurs et de pillards qui trouvent un re- fuge naturel auprès do leurs chefs. « Mieux vaudrait donc cent fois vendre ces terres de colonisation plutôt que de les laisser progressivement péricliter. » La Patrie termine : « Telles sont les déclarations qu'a bien voulu nous faire M. Forcioli. 0 Elles sont, en quelque sorte, le résumé de la thèse que l'honorable député se propose de soutenir très pro- cnainement en faveur de la suppression des smalas. » Je ne crois pas que les escadrons de spahis utilisés comme troupe régulière nous seront iudispensablospour l'attaque d'un corps d'armée débarqué en Tunisie ou en Tripolitaine. Un goum de laOOchevaux, organisé à temps et au moyen d'exemption d'impôt des tribus nomades qui le fourniront, sera bien plus pratique et plus écono- mique. Les terres de Méridj, El-IIadjar et le Tarf, pour- raient être vendues sans inconvénient, à condition que les bâtiments qui y existent resteraient propriété de T'Etat pour être utilisés en cas de ce débarquement comme magasin de vivres et d'orge pour les goums mis en campagne. Voilà pour les smalas de frontière. Quant à celle d'El-Outaya, sa parfaite inutililé,])our la défense du pays, n'a plus besoin d'être démontrée. Mais là, le bâti- ment pourrait être utilisé d'une manière autre que celle uela vente aux enchères, et pourrait servir à une opéra- tion industrielle qui lutterait avantageusement, par suite de sa position, avec des établissements étrangers plus éloignés des centres d'affaires. Et en joignant à ce bâti- ment un lot do terre correspondantpar sa production aux besoin des premières années, on ne nuirait pas énormé- ment à la colonisation et aux intérêts de l'Etat. Celui-ci, au contraire, y trouverait des avantages au point de vue politique et au point de vue économique ou fiscal. L'espoir de voir adoptées les considérations d'ordre supérieur, justifiant la reconstitution de l'autruche en territoire français, n'est pas une illusion et ne doit pas être une déception. La marche en avant vers l'Extrême- Sud, la jonction de l'Algérie et du Soudan français, si désirable, sera laconséquence naturelle des déplacements de nos forces militaires qui se porteront dans des postes nouveaux d'une importance stratégique incontestable et rendront libres pour le service de la colonisation les emplacements nécessaires à l'autruche. Les conséquences de cet événement heureux permettent d'assigner un terme prochain à une faute économique ruineuse pour la France et son industrie, et justifieraient notre prise de possession de Tombouctou ainsi que la création récente de postes militaires dans le Sud-Algérien exigeant leur point terminus : les oasis du Touat, dont la possession nous assure la soumission des Touareg Ahaggar et la jonction de l'Algérie et du Soudan. Quand aurons-nous la satisfaction patriotique de cons- tater l'existence d'une industrie rivale de celle de l'étran- ger au Cap et même en Russie, dans les régions favora- bles de l'Algérie et du Soudan français? En Algérie incontestablement, la reconstitution de l'autruche en territoire militaire, grâce aux autorités militaires, aurait la valeur d'une victoire économique — sans efl'usion de sang, sans nouvelles charges budgé- taires. L'ensemble des considérations précédentes nous fait croire avec confiance que l'appui et le concours bienveil- lant de tous Jcs Frar^çais éclairi'S font acquis à la cause de la KECONSTITUTION DE L'aUTRUCHE B.\RB.\nESQCE et de son élevage dans notre empire africain de I'Algérie au Soudan. J. FoREST aîné. Les Taches du Soleil Il y a longtemps que j'examine le Soleil, à peu près tous les jours, à 3 h. 1/2, après ma consultation. Jamais il ne m'est arrivé une seule fois de regarder le Soleil sans y trouver au moins une tache. J'en ai vu parfois une cinquantaine, et peut- être plus encore. Quand il y en a beaucoup, elles sont dispo- sées en quatre ou cinq groupes, pas plus. 11 peut y en avoir une seule, ou bien une ou ijeus, dans un groupe, comme il peut y en avoir plus de vingt dans un autre groupe. Il y a de grandes taches et de petites taches. Toutes les taches sont d'un noir d'encre. Il est rare d'en rencontrer de grises. Les grandes taches forment un noyau noir, entouré d'une pénombre plus ou moins visible; mais les petites taches sont quelquefois aussi entourées d'une petite pénombre. C'est aujourd'hui le cas (2 août). Pour un débutant, la pénombre est souvent invisible. Il voit très bien le noyau de la tache; c'est seulement au bout d'un certain temps qu'il se rend compte que ce noyau est en- touré d'une pénombre. Les dimensions de la pénombre, par 2 3 rapport au noyau, varient constamment entre - et -. C'est 5 5 exactement une moitié d'abricot avec son noyau. Avec des verres bleu foncé, le Soleil a une teinte orangée, ou mieux abricot. La pénombre se détache d'autant mieux du Soleil, qu'elle est plus gi'ise à l'extérieur et plus blanche à l'intérieur, à la périphérie du noyau. Elle se détache aussi nettement du reste t^u Soleil qu'un timbre-poste sur une enveloppe de lettres. Son pourtour est nettement délimité. Il peut être plus ou moins sinueux; mais la forme générale est circulaire ou elliptique, à petit axe transversal. Le grand axe est toujours longitudinal, c'est-à-dire de haut en bas. tandis que le petit axe est en travers, de l'est à l'ouest, un peu oblique par- fois. Le pourtour intérieur de la pénombre, en contact avec le noyau, est ordinairement plus déchiqueté que son pourtour extérieur, en contact avec le reste du Soleil. On voit même LE NATURALISTE 49 comme (les gouttelettes isolées, cparses, au pourtour du noyau, dans son intérieur. La pénombre est toujours bien plus claire on dedans ((u'en dehors, et bien plus l'oncéo en dehors (pi'cn dedans. Les taches du Soleil sont concaves et déprimées en leur partie centrale, qui correspond au noyau. Cela se voit très bien, qu.md la tache est au voisinage du bord du disque du Soleil. Quant i la pénombre, elle est formée de stries rayon- nantes, aux dépens des grains riziformes de la photosphère, qui se fusionnent entre eux en languettes juxtaposées. Par- fois, ces languettes forment des ponts, qui se croisent au- dessus du nojau, et le partagent en deux ou en plusieurs autres petits noyaux partiels. J'en ai mémo vu qui formaient ainsi des taches grillagées, tant le nombre des petits carreaux noirs était distinct, grâce aux languettes de séparation, qui jouaient le rôle d'un grillage plus pâle que lo reste de la tache. La pénombre est formée de languettes de la photosphère, qui s'élèvent de dehors en dedans et de bas en haut. Ces lan- guettes se volatilisent dans l'almosphère solaire, où elles dis- paraissent; ou bien elles retombent en énormes gouttelettes de feu, à la périphérie du noyau, et plus ou moins dans le voisinage do sa partie exiérieure. Les taches partent du bord oriental du disque solaire, pour atteindre en treize jours son bord occidental. Klles tournent donc autour du Soleil, avec les éléments de la photosphère qui les composent. Elles changent de forme tous les jours, et parfois considérablement d'un jour à l'autre. On en voit de- puis une seule petite tache jusqu'à une cinquantaine et plus. Dans ce dernier cas, elles se réunissent, de manière à former trois ou quatre groupes, cinq au plus, rarement davantage. Souvent il n'y a qu'une seule tache volumineuse, avec une ou deux aulres très petites, dans un des groupes. Les taches du Soleil sont simplement des tourbillons do la photosphère, tourbillons qui laissent voir la sphère centrale du Soleil, qui parait noire par contraste. Elles sont très sou- vent accompagnées de facules, sortes de traînées blanches très courtes, qui rayonnent autour des principales taches. Le spectroscopo montre presque toujours des protubérances de la chromosphère, au voisinage des taches, quand ces taches sont accumulées en grand nombre près des bords du disque solaire. 11 est évident que les taches indiquent que la surface du Soleil est dans un état tout particulier d'effervescence. Aussi les aurores boréales et les variations du magnétisme terrestre oscillent avec le nombre des taches du Soleil. Tous les onze ans, il y a un maximum de taches dans le Soleil, au- quel correspond sur la terre un maximum dans les oscilla- tions de l'aiguille aimantée. Or, on sait que les réactions chi- miques développent de l'électricité. Il est d'autant plus lo- gique d'admettre que les taches du Soleil répondent à une activité toute spéciale de cet astre, que les nombreux facules que l'on voit alors semblent être dus à la chaleur et à la lumière dégagées, par des réactions chimiques, à la surface du Soleil. Les taches solaires sont connues des Chinois depuis la plus haute antiquité. Certaines d'entre elles sont parfois assez étendues pour produire une diminution de la clarté du Soleil, comparable i une éclipse partielle. Dr Bougon. DESCRIPTION DE COLÉOPTÈRES NOUVEAUX Formicomiis lianiji, Pic, v. latior. Grand, d'un noir brillant, un peu verdâlre aux élytres, hérissé de longs poils clairs. Tête bien atténuée eu arrière, à poncluatioii irrégulière. An- tennes grêles, longues, entièrement l'oucées. Prothorax étroit, allongé, étrauglé très près de la base. Elytres bien plus larges que le prothorax, courts et larges avec les épaules bien sail- lantes, l'extrémité assez arrondie. Pattes noires, longues ; o" cuisses antérieures ayant une èiiine ; les tibias antérieurs munis d'une dent saillante. Long. 4 uiill. Sumatra. l'oruic élylrale plus courte, plus élargie que F. liungi Pic, pattes plus foncées. Anlhicus anienitiiliis. Petit, brillant, hérissé de longs poils, large aux élytres; tête, prothorax, antennes moins les trois derniers articles noirs; élytres fauves avec les épaules, la suture extérieurement et une bande médiane transversale rembrunis; pattes, palpes, partie de la bouche et trois derniers arlicles * H o tn H M i5 O O en QJ ' O ^ 'O e c .05 -eu cS " c t3 O tn >- Œ. I O fr4 en < 1 cp s e/: QJ en o ' a> tfi î< o. tu bC c i. O) -S pT 3 " s w « ;.- — = O) œ aj -S ^ c iK r .i: o 5) !- £ Ç 5 " Ë 3 ."S bc-i;- ^ ë ? ^ 2"£ "" œc S — • - _r '•" § > ^ -j ^ a> ^ o y - en ^ "^ S. C tn 5 2 rt Q "5 ' e ;= — c ._ O 2 S X > o *-- en 'Q^ Ct" 3 C O -^3 en - CD C 1- '•/— \ *° z: n^ -r ■— 1 o O -a) Cl. en c O .cS C ~ rt .ci S s; . en P"a 3-5 eu_£ g_c6 S O •T3 c C -eu £ S o eu c - 3 C3 3c.a S .^Oj'^'S SQj N „, -^ Ci- en ^ ;:= S aJ "= '^ 3 c .- en Ç en t, o eu en „ _ s g^cD £ &cW « Ë fcC '^ — W -eu qT^ o •- -^ -^ 3 -■? ° -a en g g „ ai 4: ^«3 0) en ^ o .. enfcc^li.-., ci a o en >ï " ? "en =j 2 o J£ S.ÎS 'se =* • -oj Ë «5 "^ .s en O t., o m nj ^ (^ ï = S ^ elj 2 c3 -a '^ '^ en — en en 3 o o a en r^ i'S — 3 2" 3 O 3 J2 en c; Qj — ' ■CD X> ca p. eu aj a.'C Ë ^ o en 3 o &"« '•« ci '- o en î;^ d,"^ p 'O e*' ^ 3 - - O ; s-a' iSl '05 t. S ? o 60 O c -j o e ~~' o en C-. £ S en 3 _ Qj en 3 ? i; 3 .-a es ci "^ en o ' Q i c 5 =-• -;; X ;'3'~' o o i— 3 c>î l-'H " ci ^o ^ rj: ^ ^ Cj a Ci i 3 S p- o S -o ■ en ni en > ^ — . a> . 'V — 3" S 3 eu 2 ^ -S c en Cl. Ci o C/2 ?-1^ 3 a> en ' — ' en 3 « 3 eu ~ 3 g c -e o .-SS-Ëgo^ïï^SlsS^ i^ i £ - s g e g^-i '- ° " ^ I:en5.3~i'3c3^ o«3g33 X 'Oi en Ë-2 ? o ^ eu t- ^ t- ^ 3 "W en eu 3 0)-; en '^ *j O 55 S2^ en ^ ^ ft a) s a 3 S O erre "^ a. . en a 2 a^ 2 SrS 2 ^ ?^ g en aj -; — ' en ^ ^ 3 ce o fri 3 en 3 ci .2 ^ci-^ a „ '^ 3||g o fl) ^ ai N Ph Cl..-] LE NATURALISTE 31 LIVRES NOUVEAUX MI.VÉRALOUlEDEL.l FU.VXCE ETDKSES COLOi\IES par M. A. Lacroix, professeur de Mioéralogie au Muséum d'histoire naturelle. M. Lacroix, In s\uipatluque et savant professeur du Muséum a comuioucé de faire paraître, il y a trois ans, un ouvrage appelé A rendre de grauds services à ceux qui s'occupent de minéralogie. Ce travail, dont le deuxième volume vient de paraître, a pour objet l'étude détaillée des minéraux de la France et de ses colonies. Il est conçu dans un esprit beau- coup phis large que tous les traités de minéralogie actuels : car non seulement il comprend, comme ces derniers, l'étude des propriétés pliysico-chimiques des minéraux, mais aussi les coudilions de gisement et même de geuèse des minéraux. C'est un onvrage de haute étude. Au lieu d'abstraire un minéral en le cousidér^mt eu lui- même sans s'occuper de ses rapports avec ses congénères, M. Lacroix nous fait connaître dans quelles conditions et sons quelles formes variées il se présente dans la nature et de quelle façon il a pu prendre naissance. On ne peut qu'ap- plaudir le savant professeur du .Muséum de donner de la vie k la science minéralogique en .ijoutaut à son étude physico- chimique une étude biologique. Eu ce faisant, il rattache plus étroitement la minéralogie à la géologie, qui a aussi pour but la geuèse des roches consti- tuant l'écorce terrestre. Dans la a .Minéralogie de la France » les éléments des roches sont envisagés sous toutes leurs formes, qu'ils se présentent isolément ou associés : soit dans des filous, soit dans des roches éruptives, soit dans des roches sédimentaires. Ce simple exposé montre l'importance de l'ouvrage dont le titre est justîHé par l'étude, à propos de chaque espèce, de tous les gisements où l'on peut la rencontrer. La plupart d'entre eux ont d'ailleurs été visités par l\L Lacroix, ce qui achève de donner une plus grande valeur à son travail. La première partie du tome II sera d'un grand secours pour ceux qui s'occupent de l'étude microscopique des roches : car il traite des wernérites, des zéolithes et surtout des feUlspalhs. Les feldspaths sont sans contredit les miné- raux les plus importants, puisque c'est sur leur préseuce on leur absence et sur les différences spécifiques qu'ils présentent qu'est basée la classilicution des roches éruptives. Aussi est-ce dans ce groupe que depuis jirès de viugt ans se sont conceutrées les recherches de la plupart des minéra- logistes et des pélrographes. Il sulUt de citer les noms de Des Cloizeaux, Tschcrmak, Rosembuch, Fouqué, .Michel Lévy ponr rappeler les étapes successives par lesquelles a passé l'étude des feldspaths, laquelle, bien que poussée très loin, n'est pas encore défini- tive. M. Lacroix expose excellemment les différentes méthodes employées pour reconnaître et déterminer les feldspaths dans les roches. Les 200 pages consacrées à la famille des feldspaths montrent toute l'impurlauce que l'ou attache à la détermina- tion de ces minéraux, qu'ils se présentent en grands cristaux, ou en microlithes, comme éléments principaux ou accessoires, dans les roches éruptives, métamorphiques ou sédimentaires. Je ue peux insister davantage ici sur la valeur scientifique et pratique de l'ouvrage de M. Lacroix ; je dirai seulemeut qu'il comble une grande lacune dans la littérature minéralo- gique. Nous souhaitons que l'apparition du troisième et der- nier volume ne se fasse pas trop attendre. Les minéralo- gistes auront alors un instrument de travail précieux pour i'étuile, et ils ne pourront que remercier .M.Lacroix de le leur avoir procuré. Théorie nouvelle de la vie, par Félix Le Da.ntec, ancien élève de l'École normale supérieure, docteur es sciences. 1 voL cartonné à l'anglaise, 6 francs; franco, 6 fr. iJO. Nul n'est indifférent aux questions que soulève l'étude de la vie; aussi celte théorie nouvelle otfre-t-elle un intérêt tout particulier, présentée par un zoologiste qui a commencé par l'étudier dans les éléments constituant les tissus des êtres vi- vants. Nous savons eu effet que tous les êtres se composent d'un nombre extrêmement grand de petites masses gélati- neuses appelées plastides (autrefois cellules), munies d'un noyau et quelquefois d'une membrane d'enveloppe. La vie d'un homme est la résultante des activités synergi- ques de milliards de plastides, comme l'activité d'une plaslîde est la résultante des réactions de milliards d'atomes. Puisque l'homme est constitué au moyen de plastides, M. Le Dantec examine d'iibord la vie des êtres monoplastidaires qu'il appelle vie élémentaire, pour de là passer à celle des êtres polyplastidaires ou vie proprement dite. Enfin, il recherche les relations entre la psychologie de l'homme, son histologie et sa physiologie. Il arrive ainsi aux phénomènes de conscience qu'à tort beaucoup de philosophes ont pris comme point de départ pour expliquer les phénomènes vitaux, mais dont ou ne peut trouver l'explicatiou rationnelle qu'on s'appnyant sur des faits scientifiques. Les parasites aiiininiiv de la peaii Imniaîne, petit in-8" [Encyclopédie s^ienli/iqiie des Aide-Mémoire), par Du- BREDiLH (W.) et Beu-le (L.), profcsscurs agrégés à la Faculté de médecine de Bordeau.\. Broché, 2 fr. 50; franco, 2 fr. 65. Cartonné, 3 francs ; franco, 3 fr. 20. Cet onvrage est consacré à l'étude des Acariens et des In- sectes parasites de la peau chez l'homme, et il ne saurait faire double emploi avec le volume de M. Mégnin sur les Acariens parasites, publié dans la même collection. Les auteurs ont, en effet, fait une beaucoup plus large part à la clinique, com- prenant la description symptomatologique des éruptions, le diagnostic et le traitement, .le sorte que leur livre s'adresse plutôt aux médecins qu'aux zoologistes purs. La partie zoo- logique n'est cependant pas négligée, car les descriptions et les figures, presque toutes originales, sont calculées de façon à rendre aussi facile que possible l'étude toujours très com- pliquée des pièces buccales de ces petits animanx. Il ne suffit plus de connaître les parasites communs en Europe, il faut aussi avoir des notions sur les parasites rares ou particuliers aux pays tropicaux, et les auteurs se sont préoccupés de cette partie encore incomplètement connue de la pathologie exotique. L'utilité de cet ouvrage ressort de la façon par trop suc- cincte dont sont décrits la plupart des parasites animaux dans les traités généraux de dermatologie. Avec des descriptions zoologiques et cliniques plus complètes, il permet de mieux reconnaître l'origine d'éruptions dont on est souvent exposé a méconnaître la nature, au grand dommage du malade et de son entourage. Traité de zoologie, par Edmond Pebriek, membre de l'Institut, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Fascicule IV : Vers (suite). Mollusques, 792 pages, avec 566 figures. Prix : 16 francs. Ce fascicule commence la deuxième partie de l'ouvrage qui sera complété par un cinquième fascicule yTuniciers-Verlé- brés). Il contient une table p'ovisoire; le titre et la table com- plète de la deuxième partie seront donnés avec le fasci- cule V. Ont déjà paru : Fasc. I : Zoolor/ie f/énérale, 412 pages, 458 figures. Prix : 12 francs. Fasc. n : Protozoaires et l'ivjlozoaires, 432 pages, 243 fi- gures. Prix : 10 francs. Fasc. III : Arthropodes et Vers, 480 pages, 278 figures. Prix : S francs. Ces trois fascicules réunis forment la première partie. 1 volume in-S" de 1344 pages, avec 9S0 figures. Prix : 30 fr. Tous ces ouvrages sont en vente aux bureaux du journal, 46, rue du Bac, Paris. 32 LE NATURALISTE Répertoire étpoîogique des noms français ET DES DÉNOMINATIONS YULGAIEES DES OISEAUX [Suile] SanNOiinet. — Surnom donné en France à l'Étourneau [Sturnus viilqaris). n On le nomme vulgairement Sansonnet, comme qui dirait Petit Sainson. » (Salerne.) Saphir. — Nom donné à un Oiseau-Mouche {Ihjlocharis), parce que son plumage a les reflets de cette pierre pré- cieuse. Sapho. — Nom mythologique donné à un Oiseau-Mouche {Spaiyanura Sapho). Sarcelle. — Mot formé par altération du nom latin de ce Palmipède (Querquedula). Sarcoraniphe. — Nom créé par Duméril pour désigner le Condor et formé des mots grecs sarcos (chair) et ramp/ios (bec), par allusion au bec charnu de ces Rapaces. Savana. — Nom donné par Buffon à un Oiseau de la fa- mille des Tyrannidés {Milvuliis). « On l'appelle Veuve de Cayenne; mais ce nom, ayant été donné à un autre genre d'Oiseaux, ne doit pas être adopté pour celui-ci, qui ne res- semble aux Veuves que par sa longue queue; comme il se tient toujours dans les savanes noyées, le nom de Savatia nous a paru lui convenir. » (Buffon.) Savacon. — Nom donné à un Echassier {Cancroma co- chlearia), surnommé le Bec-en-Cuiller (voyez ce mot). Le mot Saoacou a été formé par contraction des mots savane et cou, par allusion à l'habitat de cet Oiseau et à la dimension consi- dérable de son cou. Scarlatte. — Nom tiré du mot anglais Scaiiet (écarlate) et donné par Buffon à un Tangara (Itamphocclus Brasiliensis). « Nous avons adopté le nom Scarlatte que les Anglais ont donné à cet Oiseau, parce que son plumage est d'un rouge écarlate. » (Buffon.) Scliel. — Nom donné par les indigènes de Madagascar à des MouchoroUes et conservé pour désigner une espèce [Mus- cicapa mutala^. Scops. — Nom grec du Petit-Duc {Scops Europseus] con- servé à ce Rapace nocturne par les ornithologistes modernes et qui dériverait de scopto (railler, plaisanter), parce que les anciens trouvaient que ces Oiseaux ressemblaient aux bouf- fons. Secpétairc. — (Voyez le mol Messager.) Sënëgali. — Nom donné par les anciens naturalistes à un groupe de petits Passereaux, parce qu'ils les croyaient origi- naires du Sénégal. « On so tromperait fort, dit Buffon, si, d'après les noms de Sénégalis et do Bengalis, on se persuadait que ces Oiseaux ne se trouvent qu'au Sénégal et au Bengale. » Les Sénégalis sont confondus aujourd'hui parmi les Astrilds et placés généralement dans le genre Lagonosticta. Septîcolor. — Nom donné par Bufl'on à un Tangara (Cal- liste tatao). « Nous appelons Septicolor cette espèce de Tan- gara, parce que son plumage est varié de sept couleurs bien distinctes dont voici l'énumération : un beau vert sur la tête et sur les petites couvertures des ailes ; du noir velouté sur les parties supérieures du cou et du dos, sur les pennes moyennes des ailes et sur la face supérieure des pennes de la queue; de la couleur de feu très éclatante sur le dos; du jaune orangé sur le croupion; du bleu violet sur la gorge, la partie supé- rieure du cou et les grandes couvertures supérieures des ailes; du gris foncé sur la face inférieure de la queue; et, enfin, du beau vert d'eau ou couleur d'aigue-marine sur tout le dessous du corps depuis la poitrine. C'est le plus beau non seulement de tous les Tangaras, mais de presque tous les Oi- seaux connus. » (Buffon.) Sérîcale. — Diminutif du mot latin sericus (de soie) donné à un genre d'Oiseaux (Sericulus), à cause de la nature soyeuse de leurs plumes. L'espèce la plus connue {Sericulus chrysocephalus) a reçu le nom de Séricule Prince-Rcgent, parce cjue les Anglais l'avaient dédiée à Williams IV, alors prince-régent de la Grande-Bretagne. Serin. — Belon affirmait que ce mot dérivait de Syrène, à cause de la douceur du chant de cet Oiseau; mais la véritable étymologie paraît être celle donnée par M. Rolland, qui fait dériver le mot Serin du latin cilritius (qui a la couleur du ci- tron). « M. Littré commet une erreur on rattachant la forme Serin à la forme Serena. 11 s'appuie sur ce texte du xiv» siècle: Serena avis vi7'idis coloris, apes edens. Cet Oiseau, qui est vert et qui mange les Abeilles, n'est pas le Serin, mais le .1/e- rops apiaster i Guêpier), connu dans le midi de la France sous les noms de Serena ou Sereno. » (Rolland, Faune populaire de la France.) Serln-des-Bois. — Nom vulgaire du Cini {Serinus meri- dionalis), parce qu'à l'époque de son passage il recherche les vallons boisés. Le mot Cini est le nom espagnol qui a été con- servé à cet Oiseau. Serin-de-Mozanibique. — Surnom donné par les oisc liers à un Passereau de Mozambique {Crilhagra butyracea), à cause de sa ressemblance avec notre Serin vert. Serpentaire. — (Voyez le mot Messager.) Siiilet. — Nom donné à un Manucode {Parotia sexsetacea), l^arce que sa tète est ornée de six filets ou brins grêles, fili- formes, terminés en palettes et naissant en arrière des oreilles. Sirli. — Nom donné à un genre d'Alouettes (Certhilauda) par onomatopée du cri de ces Oiseaux, n Perché sur le haut d'une dune, cet Oiseau crie d'une vois qui retentit au loin : sir-li, en traînant beaucoup sur la première syllabe sir, qu'il prolonge autant que le permet son haleine et qu'il termine ensuite par la dernière li, poussée avec force et du ton le plus aigu. » (Le Vaillant.) SitteUe. — Nom donné par Buft'on à un Grimpeur {Sitla cœsia) et tiré de son nom grec. « La plupart des noms que les modernes ont imposés à cet Oiseau ne présentent que des idées fausses ou incomplètes et tendent à le confondre avec des Oiseaux d'une toute autre esjièce. Pour éviter toute confu- sion et conserver autant que possible les noms anciens, j'ai donné à notre Oiseau celui de Sitlelle, d'après les noms grec et latin siltè, sitta. » (Bufl'on.) On admet que les anciens lui avaient donné ce nom par onomatopée de son cri. La SitteUe est connue dans certaines parties de la France sous le nom vulgaire de Torcliepot. « Son nid est composé avecques de la terre grasse, de si grand artifice qu'il ne scaurait estre mieux, encore qu'il eust été dressé de la main d'un potier. C'est de là qu'il est nommé Torchepot. « (Belon.) Sizain. — Surnom donné par les oiseleurs à une variété de Chardonneret, caractérisée par les six taches blanches de la queue. M. Bailly {Ornithologie de la Savoie) fait observer que cette distinction n'est point fondée, le même sujet qui a, en été, six rectrices tachées de blanc n'en ayant souvent plus que quatre après la mue. Sizerin. — Nom donné à des Passereaux {Acanthis) très voisins des Linottes. Le mot Sizerin est une onomatopée du chant (le ces Oiseaux. Une espèce (Acantfiis rufescens) est connue en France sous le nom vulgaire de Cabaret. (Voyez ce mot.) Sonbuse. — Nom donné par Bufl'on, à cause de ses rap- ports avec la Buse, à la femelle du Busard-Saint-Martin {Cir- cus cyaneus), que ce naturaliste avait prise pour une espèce distincte. Soucliet. — Nom vulgaire d'un Canard {Spatula clypeata). Il Souchel. nom botanique appliqué i des Canards que l'on suppose aimer à séjourner parmi les plantes de ce nom; telle est l'explication, due à l'abbé Vincelot, d'un terme qui parait avoir été employé pour la première fois par Brisson, et cette explication est la plus vraisemblable de toutes celles que l'on peut donner de ce mot. » (Olphe-Galliard.) On donne à ce Ca- nard le surnom de Rouge dans quelques parties de la France, (c Sa chair est tendre et succulente; on dit qu'elle est toujours rouge, quoique bien cuite, et que c'est pour cette raison que le Canard Souchet porte le nom de Rouge, notamment en Pi- cardie, où l'on tue beaucoup de ces Oiseaux. » (Bâillon.) {A suivre). Albert Gkanoer. Le Gérant: Paul GROULT. Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, il. 19' ANNÉE 2" Sérik — I^« «^' La Plante DANS L'ANTIQUITÉ : LÉGENDES. POÉSIE. HISTOIRE, ETC , ETC Acantlic. — Au livre IV do son traité De architec- tura, chapitre l, Vitruve (l" siècle de notre ère) nous raconte une légende touchante dans son antique simjjli- cité; il énunière les divers genres de colonnes : « La troisième, dit-il. qu'on nomme corinthienne, représente toute la grâce d'une jeune fille, à laquelle un âge plus tendre donne des Termes plus déliées, et dont la parure vient encore augmenter la heauté. n Voici l'anecdote que l'on raconte au sujet de l'inven- tion du chapiteau de cette colonne. « Une jeune fille de Corinthe, arrivée à l'âge nubile, fnt atteinte d'une maladie qui l'emporta; après sa mort, de petits vases qu'elle avait aimés pendant sa vie furent recueillis par sa nourrice, arrangés dans une corbeille et déposés sur sa tombe ; et, pour qu'ils se conservassent plus longtemps au grand air, elle les recouvrit d'une tuile. Cette corbeille avait été par hasard placée sur une racine d'acanthe. Pressée par le poids qui pesait en plein sur elle, cette racine d'acanthe poussa vers le printemps des tiges et des feuilles. Ces tiges grandirent autour de la corbeille, puis, rencontrant aux angles de la tuile une résistance qui les comprimait, elles furent forcées à leur extrémité de se recourber en forme de volute. « Le sculpteur Callimaque, que l'élégance et la délica- tesse de son ciseau firent nommer chez les Grecs KoTâTe-/vo; {premier ouvrier), passant auprès du tombeau, aperçut ce panier et les feuilles qui l'entouraient d'une manière si gracieuse. Charmé de cette forme nouvelle, il l'adopta pour les colonnes qu'il éleva à Corinthe. Ce fut d'après ce modèle qu'il établit et régla les proportions de l'ordre corinthien. » L'acanthe, comme on sait, est une plante herbacée, vivace, une espèce de chardon. On en connaît au moins une douzaine d'espèces, dont la plupart sont particulières aux pays chauds ; mais deux espèces surtout sont géné- ralement connues : l'acanthe sauvage, épineuse (Acanlhiis spinosus), et l'acanthe lisse, molle {acanthus mollis); cette dernière porte aussi, en Italie, le nom de branca ursina, à cause d'une prétendue ressemblance de ses feuilles avec le pied de l'ours. Les Romains employaient volon- tiers cette plante pour la décoration des jardins, ils en formaient la bordure des parterres et des bassins. Pline nous décrit l'acanthe et ses usages de la manière sui- vante, au chapitre xxxiv du livre XXII de son Histoire naturelle : « L'acanthe est une herbe do ville et est employée dans la topiaire. Ses feuilles sont longues et dressées ; elle revêt tes rebords des bassins et les curreaux des par- terres. II y en a deux espèces ; l'une épineuse et frisée, est la plus courte ; l'autre est lisse, et on l'appelle aussi pxderos et melamphyllos. La racine de cette dernière est excellente pour les brûlures et les luxations. Mangée cuite, surtout avec la décoction d'orge, elle est très bonne pour les ruptures, pour les spasmes, et pour les personnes que menace la phtisie. Pilée et chaude, on en fait un topique pour les gouttes avec sentiment de cha- leur. » Le Naturaliste, 46, rue du Bac, Paris. '-7 1" MARS 1897 Dioscoride, darft^n 'Irai Le sur la Matière médicale, livre III, chap. xvi, s'exprime ainsi: '< L'acanthe est semblable à l'épine blanche et produit des feuilles piquantes par leurs bords ; ces feuilles sont revêtues d'un léger coton, semblable à la toile de l'arai- gnée ; on peut d'ailleurs le filer et le tisser pour en faire des étofl'es (?). On prend les feuilles ou les racines en breuvage contre cette sorte de spasme qui retire le corps en arrière, et que les Grecs appellent 'OTttirôotovoi;. « (Chap. xvii) Los Romains appellent l'acantlu^ P.rde- rota. Elle croit dans les jardins et les endroits pierreux, près des eaux courantes, etc. Ses feuilles sont plus larges et plus longues que celles de la laitue ; sa tige est de deux coudées de haut, lisse et de la grosseur du doigt, ayant par intervalles auprès de la cime de petites feuilles longues et piquantes. Sa graine est longue et jaune ; ses racines sont longues, baveuses, rouges et gluantes, elles sont fort bonnes pour les brûlures et les dislocations des jointures. Prises en breuvage, elles font uriner, mais resserrent le ventre. Elles sont excellentes pour les spasmes et conviennent fort aux phtisiques. On trouve aussi une espèce de brunca ursina sauvage, semblable à l'artichaut. Sa racine a les mêmes propriétés que l'autre. » Lorsque Callimaque eut adopté l'acanthe — ou un feuillage quelconque ressemblant à cette plante — pour en faire son chapiteau corinthien, tous les sculpteurs du monde civilisé s'empressèrent d'imiter l'illustre Grec; mais la feuille d'acanthe se modifia considérablement en chemin, et il faut réellement la foi qui soulève les montagnes pour reconnaître la plante dans les mille re- productions fantaisistes que nous possédons encore sur quelques monuments que le temps n'a pas complètement détruits. Parmi ces vénérables témoins d'époques dispa- rues, je citerai, comme offrant de beaux modèles d'a- canthe : Le temple d'Apollon, à Bassie (dans la Messénie) : Le temple d'Apollon, à Phigalie; Le temple de Diane Laphria, à Messène ; Le_ théâtre de Bacchus et la Tour des Vents, à Athènes; Les Temples de Mars Vengeur, et d'Antonin et Faus- tine, à Rome ; Le temple de Castor et Pollux, à Cori ; Le Forum de Trajan, l'Arc de Titus ; Le temple de Vesta, à Tivoli, etc., etc. Dans la description minutieuse qu'il fait du char fu- nèbre d'Alexandre, Diodore de Sicile. (Bibliûlhcriiie histo- rique, livre XVIII, chap. xxvil) nous parle d'acanthes d'orii quiétaient étaldies dans les intervallesdescolonnes, s'élevant presque jusqu'à la hauteur des chapiteaux ». L'acanthe se brodait au bas des vêtements, en laine de diverses couleurs ou en or, et Virgile nous en parle deux fois dans l'Enéide : Et circumtextum croceo velamen acantho Ornatus Aigivîe Helcnîe... {.En., I, v. 650). .< ... Un voile où l'acanthe serpentait en flexibles rameaux, parure de l'Argienne Hélène. » Pallamque et pictum croceo velamen acantho. {.En., I,v. ni). « {Il admirait) le manteau de pourpre et le voile oti l'acanthe enlace ses feuilles d'or. » Isidore, archevêque d'IIispalis {Séville), qui vivait aux vi'etviP siècles, rappelle ce détail dans son traité des étymologies (Etymologiarum liberXVII, cap, ix) :] 54 LE NATURALISTE n In cujus iniitatiorie {acanthi) arte vestis ornatur, quas acanthina dicitur. » Les poètes, ))ien entendu, se sont souvent inspirés de l'acautlie pour leurs comparaisons. Théocrite, dans son idylle VI, vers 15, nous dit : « Galathée se dessèche (se consume d'amour) pour Poly- phème, comme les feuilles arides tombées de l'acanthe sont desséchées en été par les feux ardents du soleil. » On l'employait souvent pour l'ornementation des coupes, des vases, etc. Hactenus antique signis exstantibus ;ere Summus inaurato crater crat aspcr acantho (Ovide, Mélamoi-phoses, 1. XIII, v. 701) « Tous ces sujets étaient tracés en relief sur l'airain antique : l'acanthe ornait de festons dorés les bords du vase. » Et nobis idem Alcimedon duo pocula fecit Et molli circum est ansas amplexus acantho. (Virgile, Eglor/ue III, v. 46.) (1 J'ai du même Alcimedon deux coupes où il a fait entrelacer aux deux anses la molle acanthe. » Virgile parle encore quatre fois de l'acanthe dans ce que nous possédons de lui : Narcissum, aut flexi tacuisscm vimen acanthi. (Ge'orgiqiies, IV, 123.) {Je n'oublierais) ni le narcisse, ni les tiges ployantes de l'acanthe. nie comam mollis jam tondobat acanthi. [Géort/iques, IV, 137.) « Il (le vieillard) commeuçait à tondre la molle chevelure de l'acanthe. » Balsamaque, et baccas semper frondentis acanthi ? {Géorgiques II, 1 19.) 0 (Que te dirai-je de ce bois odorant qui distille le) baume, et de la baie de l'acanthe toujours verte? Mixtaque ridenti colocasia fundet acantho. (Eglogue IV, 20.) u Le colocase mêlé aux riantes touffes de l'acanthe. » Toutes les variétés de chardons, d'acanthes, d'arbustes épineux, fourmillent en Orient, en Judée surtout, et les écrivains sacrés ne manquent pas d'établir un rappro- chement entre cette encombrante végétation et cette menace de Dieu à Adam {Genèse, ch. m, v. 17 et 18) : « Puis il dit à Adam : Parce que tu as obéi à la jiarole de ta femme et que tu as mangé du fruit de l'arbre auquel je t'avais défendu de toucher, la terre sera maudite à cause de toi; et elle te produira des épines et des char- dons, et lu mangeras l'herbe des champs. » On suppose que le mot hébreu que l'on traduit par chardon pourrait également signifier acanthe; le révérend Tristram est de cet avis, et il traduit toujours charoid par acanthe, ou bien il se sert du mot hébreu : Job, XXX, 7 : Ils poussent des hurlements, parmi les buissons (mes eîHiemis); ils se rassemblent sous \e charoul. Proverbes, xxiv, 31 : Les charoullim en couvraient la surface {du champ du paresseux). Sophonie, u, 9 : Moab sera comme Sodome, et les enfants d'Ammon comme Gomorrhe, un lieu couvert de charoul. D'autres traducteurs veulent que charoul soit l'ortie. Quoi qu'il en soit, saint Jérôme parle deux autres fois du chardon (Carduus) dans sa traduction de la Bible faite sur le texte hébreu ; au IV' livre des Rois (xiv, 9) et au II' livre des Paralipomènes (xxv, 18). Quant au mot Spina, terme générique de tout arbuste épineux, il se trouve quarante-sept fois dans la Bible, et l'adjectif Spinea deux fois seulement, et dans le Nouveau Testa- ment (Marc, XIV, 17 ; Jean, xix, 5). Enfin divers érudits veulent que l'acanthe ait été sculptée çà et là dans le temple de Salomon; mais cette opinion me paraît un peu hasardée, étant donné sur- tout que nous sommes loin de connaître exactement le nom hébreu de la plante dont il s'agit. E.-N. Santini. VARIÉTÉS DE L'ABRAXAS GROSSULARIATA Les deux spécimens lYAhraxas grossulariala figurés ci-dessous, d'après The Entomologist, offrent une variété intéressante; ce sont les exemplaires les plus recouverts de taches parmi ceux obtenus par M. H. Mac-Arthur sur un élevage d'environ 300 chenilles recueillies, au prin- temps dernier, dans le voisinage de Fulham (Angleterre) sur VEvonymus Japonicus et nourries avec la même plante. La majorité de ces papillons étaient pour la plupart d'une taille au-dessous de la moyenne et de forme nor- male, à l'exception d'une trentaine de spécimens environ. La variation qui était la plus fréquente était le nombre assez considérable de taches noires, plus particulièrement sur les angles des ailes antérieures, et parmi deux exemplaires, quoique bien marqués, présentaient l'im- pression de gouttes d'eau, sur la totalité des ailes, don- nant à ces insectes une apparence très curieuse. {The Entomologist.) LE MONDE MICROSCOPIQUE DES EAUX Il y a trois ans, en septembre, j'enlevai, du bout d'une canne plongée dans l'eau, un petit fétu de paille à demi pourrie, flottant dans l'onde tranquille d'une petite rivière, dont on avait détourné le cours, et qui présentait un petit golfe en cet endroit. Ce fragment de graminée avait à peine 2 millimètres de large sur 1 centimètre de long, tout au plus. Je le conservai dans un petit flacon à demi plein d'eau, afin de lui conserver sa fraîcheur, et je l'exposai sur le rebord de ma fenêtre à Paris, pour lui donner à la fois de l'air et do la lumière. Au bout de six semaines, j'avais déjà découvert 235 espèces différentes d'animaux et surtout de végétaux. Ce qu'il y avait de plus curieux, c'est que ce petit jardin aquatique en mi- niature changeait d'aspect toutes les semaines. Les animaux surtout variaient avec une étonnante rapidité : tantôt on n'y voyait que des Cyclidium, tantôt les Coleps étaient en très grande majorité. Une semaine, c'étaient des Kolpodes, un autre semaine les Paramécies y occu- LE NATURALISTE 55 paient toute la place. On aurait cru à une génération spontanée. Je suis bien sur (lue si les gelées de l'hiver n'avaient pas mis fin âmes cultures, le nombre des espèces aurait atteint plusieurs autres centaines. Quand on sait que les êtres inférieurs se reproduisent de deux, trois ou quatre façons dillérentes, n'est-on pas en droit de se demander s'ils n'auraient pas encore d'autres modes de reproduction que nous ne connaissons pas, et si la géné- ration, sinon spontanée, du moins par transformation des formes spécifuiues, est absolument impossible? On sait (|ue non seulement la science n'a pas encore dit son dernier mot, mais qu'il y a encore à découvrir beaucoup plus de choses que nos prédécesseurs n'en ont décou- vertes. Il serait d'autant plus naturel de croire au trans- formisme, qu'au début de la création les choses ont pro- bablement du se passer de cette manière. Quand on examine de près la petite algue unicellulaire verte (jue l'on appelle Euglena viridis et qu'on la compare à certains infusoires voisins, lesAstasia; quand on songe qu'à coté de l'Euglène verte il y a l'Euglène rouge, E. sanguinea, et l'Euglène transparente comme du cristal, E. byalina; (|uand on voit qu'il y a si peu de diiVérence entre certaines Astasia et l'Euglena byalina, il est tout naturel de se demander si par hasard l'infusoire que nous appelons Astasia ne s'est pas transformé en Eu- plène hyaline, et si cette Euglène hyaline ([ue la majorité des naluralistes considère également comme un infusoire, ne s'est ])as métamorphosée en Euglène verte tout sim- plement en se chargeant de chlorophylle. C'est ainsi qu'une petite cellule animale aurait donné naissance à la première algue verte, et à la première algue rouge en devenant l'Euglène rouge. D'autant plus que, je le répète, jiour la plus grande majorité des naturalistes, l'Euglène hyaline, verte ou rouge est^un infusoire! Or, nous croyons avoir démontré de la façon la plus absolue que l'Euglène est une algue, dans notre mémoire intitulé : « La Nature végétale des Euglènes ». Il serait donc presque absolu- ment prouvé par là que la première algue est due, non pas à la transformation de la matière brute plus ou moins visqueuse qui se forme spontanément dans l'eau crou- pissante, mais à la transformation d'un infusoire déjà assez avancé en organisation, malgré son état rudimen- taire. On conçoit, en efl'et, que les premiers infusoires, qui ont i)ullulé dans les mares d'eau primitives, ont fini par modifier leur milieu, en le chargeant outre mesure d'acid(> carbonique, impropre à leur respiration. Dès lors, certains de ces infusoires, plus résistants que d'autres, ont commencé à avoir de la cellulose en petite quantité dans leur paroi azotée; ensuite quelques-uns de ceux-ci se sont chargés de chlorophylle, susceptible d'absorber cet acide carbonique en excès, et de rendre resiiirable pour d'autres animaux un milieu qui allait finir par ne plus l'être pour les premiers infusoires qui l'avaient modifié. C'est ainsi que les Euglènes hyalines et vertes auront très bien pu faire leur première ap|)arition, en provenant de certaines Astasia plus résistantes que d'autres. Cette manière de voir est bien jdus naturelle que celle qui consiste à supposer à chaque instant l'in- tervention du Créateur, toutes les fois que de nouvelles espèces ont apparu. Le souverain Auteur de la création universelle a très bien pu, en créant la matière, lui donner du même coup le pouvoir de se transformer, non seule- ment en sels et en acides, mais encore en matière vivante, animale ou végétale. Une horloge qui donne à la fois l'heure, les minutes, les secondes, le quantième du mois et les phases de la lune, est plus parfaite que celle qui ne donne que les heures et les minutes. De même une matière susceptible de jouir de [iropriétés pliysiques, chimiques, vitales, organiques, nerveuses, musculaires, etc., etc., est plus parfaite qu'une matière absolument inerte. Il est donc tout naturel de supposer que notre divin Créateur, en créant la matière, lui a donné toutes les propriétés que nous nous plaisons à reconnaître dans les corps les mieux organisés. Nous croyons l'honorer davantage en raisonnant ainsi, bien loin d'avoir la moindre idée subversive. Le transformisme est une doctrine qui répond admirablement à l'explica- tion d'une foule de choses, qui nous sembleraient incom- préhensibles sans cela. Aussi croyons-nous que c'est une théorie qui finira jiar triompher un jour, si ce n'est déjà un fait acconi[)li depuis longtemps. 1)'' Bougon. OISEAUX ACRIDOPHAGES Les corvinés. — Corvidx. La famille des Corbeaux, très nombreuse, possède des espèces plus ou moins régionales; la plupart sont cosmopolites; la recherche de leur nourriture suivant les saisons les fait émigrer du nord au sud. Dans cette famille, l'éminent naturaliste Schlegel classe la tribu des vrais Paradisiers et les Manucodias. Aujourd'hui, comme dans le passé, il y a divergence sur les fonctions des Corbeaux dans l'équilibre que la nature établit par la destruction et la conservation d'une foule d'êtres inférieurs dont nous n'apprécions que les méfaits : certains auteurs les déclarent sans restriction NUISIBLES ; d'autres les reconnaissent utiles. L'impartialité commande de tenir la balance égale entre les services rendus et les méfaits, qui pourront être la conséquence de la rareté de la nourriture ani- male; au moment des semailles d'automne, les Corbeaux recherchent les grains germes, certainement fau'e de trouver les vers blancs, etc. qu'ils recherchent avide- ment en temps normal. J'ai pu apprécier, au Maroc, les services que rendent ces oiseaux ; les Corbeaux {Corms corax) remplissaient les fonctions de purificateurs de la voie publique, en concurrence avec les chiens, autres fonctionnaires de même ordre (les poubelles» sont incon- nues dans ce pays réfractaire aux bienfaits du j/rogrès et de la civilisation...). Ils étaient très peu farouches, juste autant que les pigeons domestiques, en liberté dans nos contrées. On sait que les Corbeaux sont piscivores et qu'ils savent pécher les poissons en imitant les pro- cédés des Pélicans. D'après Land and Water, deux cent cinquante house crows (Corvus ou Anomalocorax nplendens Temm.) fu- rent importés de Bombay (Inde Anglaise) pour être làcliés à Zanzibar, afin de remédier à l'état insalubre de la ville. Ce Corvidé se rend très utile aux Indes, où il purge des immondices les abords des habitations. Cette espèce, d'habitudes sociables et cosmopolites, a dû s'acclimater très facilement; elle est de la taille du Chouca ordinaire (Corvus monedula h.) et se rapproche des Corbeaux de la Nouvelle-Guinée {Corvus oiru) par ses belles couleurs et ses reflets niétalli(|ues. Les diverses espèces européennes sont bien connues, 56 LE NATURALISTE quelques-unfis fréquentent ou sont sédentaires dans l'Afrique septentrionale. Nous citerons les trois espèces africaines du Sud, les plus intéressantes du groupe. i. — Le corbeau a scjVpulaihe (I). Le Corbeau de Madagascar. — Corvus scapulatus, Daudin.) Le Corbeau à scapulaire est tout noir, à l'exception d'un manteau blanc sur les épaules et d'une large cein- ture de même couleur sous la poitrine. Cette espèce, répandue dans toutes les régions de l'Afrique, septen- trionale exceptée, est très commune à Madagascar; on la rencontre partout, aussi bien dans les montagnes nues et arides du centre que dans les plaines boisées des côtes, dans les endroits déserts qu'auprès des villages. C'est l'espèce la plus commune dans le centre sud- africain, elle est beaucoup plus nombreuse que le Corvus capensis. II est aussi nombreux dans les régions litto- rales que le Corvus albkoltis, qu'il remplace dans les pays du haut plateau de l'intérieur. On le trouve dans les contrées les plus variées, dans les bois, dans les brous- sailles, dans les plaines, sur les coteaux, principalement dans les steppes immenses, richement peuplées de gibier, des plaines du nord de la colonie du Cap, de l'Etat libre d'Orange, du ^^'est Griqualand, duBushveld, du Kalahari méridional, des deux régions méridionales du pays Bechuana, du pays Barolong, du pays Batla- pine et du Transvaal. L'été, il se nourrit des innom- brables insectes, des nuées de sauterelles ; après la pluie des myriades de Juins, qui atteignent jusqu'à 2b centi- mètres de longueur. Pendant l'hiver, il trouve sa nourri- ture en se repaissant, en compagnie des vautours, des innombrables animaux domestiques (principalement des boeufs) morts à la suite des intempéries hivernales, ou par la sécheresse ; une quantité considérable de gibier blessé par les chasseurs et mort de cette -cause ou d'autres leur sert également de proie. C'est le compa- gnon ami du chasseur dans la steppe et à son campe- ment. D'habitude, il se nourrit de charogne, d'insectes, de graines, de petits oiseaux, d'œufs, de lézards, de pois- sons, etc. (Holub). 2. — Le corbeau a collier. — Corvus albicoUis. Se trouve habituellement dans les régions chaudes du voisinage des côtes maritimes, rarement dans l'inté- rieur. 3. — Le corbeau du Cap. — Corvxis capeims. Réijandu dans la plus grande partie de l'Afrique du Sud, il n'est pas aussi nombreux que le Corvus albicolUs et le Corvus scapulatus. On le trouve généralement par troupe de trois à cinq individus réunis. D'habitude, cet oiseau se trouve près des localités indigènes pratiquant l'agriculture. Par ses habitudes, il rappelle notre Corvus segetum. (Ilolub). Les paradisiers. Dans la variété des nombreuses espèces d'oiseaux éliminateurs d'insectes nuisibles, répartis par la Nature bienfaisante dans l'Univers entier, figurent une des merveilles de la Création : les Oiseaux de Paradis de la Nouvelle-Guinée, classés par d'éminents naturalistes dans la famille des Corvidés, dont ils ont les mœurs et (1) Fig. PI. CLXXVII, A Grandidier, Les Oiseaux de Ma- darjascar. Corvus scapularis, var. yEthiops, C. curvirostris, C. leiiconoliis, C. p/wocep/ialus. les allures. Une monographie complète de ce groupe in- téressant est le sujet d'une étude : « Contributions orni- thologiques de la Nouvelle-Guinée ou Papouasie au point de vue industriel », publiée dans la Revue des Sciences naturelles appliquées. Nous plaçant au point de vue particulier] plus spécial d'ami des oiseaux utiles, nous serions heureux de voir les Anglais, les Allemands, possesseurs d'une impor- tante partie territoriale de l'Afrique, dans un but de prévoyance et d'enrichissement des possessions afri- caines sous leur dépendance, dont le climat tropical et la flore rappellent celui de la, Papouasie, entrer résolument dans la voie du progrès 'zoologique en introduisant et en assurant la paisible reproduction des trésors ornitholo- giques qui se trouvent en quantité dans la Nouvelle- Guinée allemande et anglaise. Ce moyen pacifique du développement de puissance coloniale de nos rivaux, ne suscitera aucune dilOculté politique et devrait servir d'exemple dans tout l'univers. Sans doute, l'analogie zoologique de la faune de Madagascar (la rareté, des ra- paces, des carnassiers et des serpents) permettrait l'in- troduction et assurerait l'acclimatation des Paradisiers dans notre grande ile africaine. Honneur et succès, voilà nos souhaits pour les promoteurs de cette entreprise! gallinacés Cette famille, très nombreuse, a des représentants particuliers à toutes les contrées du monde ; suivant les latitudes et les régions diverses de leur habitat, le mode de nourriture varie ; mais ces oiseaux sont géné- ralement omnivores. Nous rechercherons les espèces suscejjtibles d'être introduites avec succès en Algérie, comme oiseaux de chasse et destructeurs d'insectes. I. — Les pintades. — Nunuda. — Meleagris. L'Afrique est la véritable patrie de la Pintade, dont diverses variétés nous sont connues. La Pintade était possédée par les Grecs, c'est par les Romains que la Pintade est devenue un oiseau européen : on avait à Rome Numida ptilorhynchus, la Pintade à caroncules bleues, et Numida cristata — Meleagris, la Pintade à ca- roncules rouges. Il est remarquable que la répartition géographique de chaque espèce est parfaitement déli- mitée. M. Dybowski a rencontré dans la région [du Bangui, qui semble être la limite de la grande forêt équatoriale, des Pintades appartenant à trois espèces différentes. Une d'elles est la forme commune à toute la région du Gabon, du Congo, et qu'il avait trouvée très abondante dans la région du Bas-Oubangui. On lui a donné le nom de Pintade do Marche [Numida Marchei); mais elle se dis- tingue à peine de l'espèce commnne (Numida meleagris) dont elle semble être plutôt une race distincte qu'une espèce véritable. Elle est rare dans la région du Bangui et ne semble pas s'étendre au delà de ce point vers le Nord. Elle est alors remplacée par des représen- tants des deux autres espèces, dont une, qui porte sur la tête un plumet droit, est assez rare (Numida plu- mifera) et dont l'autre, au cou dénudé, d'un bleu foncé, à la huppe abondante (Numida cristata) se rencontre beaucoup plus communément. Cette dernière est propre au Sénégal, et sa présence, ainsi que celle d'une foule d'autres espèces zoologiques et botaniques, montre bien que c'est là, vers ce seuil de Bangui, que prend fin la ré- LE NATURALISTE 37 gion du climat t-quatorial (I). La Pintade est très abon- dante dans rAfri(iue orientale. •c Près d'une localité dite Mantai,à8 kilomètres plus au sud-sud-est, le large lit du Chégolgol renfermait par en- droits de l'eau courante. La richesse des oiseaux, dans ce lieu rempli d'eau, fréquenté tous les jours par les magnifiques troupeaux des bœufs des Salandoa, qui s'en servaient comme d'abreuvoir, dépasse toute imagination. Des tourterelles à colliers, des penlrix, des pintades, s'y pressaient en troupes innombrables. Il ne m'est jamais rien arrivé de semblable. Je dirai seulement, pour citer un exemple, que mes compagnons, le matin de notre départ, pendant qu'on chargeait les chameaux et qu'il s'agissait de nous procurer à la hâte des vivres pour nos gens, tuèrent dans un clin d'œil tant de Pintades que le butin, une soixantaine de pièces, forma la charge entière d'un chameau (2). » La Pintade est la grande ressource alimentaire des ex- plorateurs africains, nous souhaitons qu'elle devienne l'oiseau de sport favori des Nemrods, afin d'épargner divers insectivores dont la destruction constitue un véri- table abus. Le régime des Pintades varie suivant les localités et les saisons. Au printemps, saison des pluies, elles se nourrissent principalement d'insectes, surtout de criquets. Plus tard, elles mangent des baies, des feuilles, des bourgeons, des pousses d'herbe, des graines de toute espèce. Elles peuvent faire des dégâts dans les champs culti- vés en mangeant les jeunes pousses des plantes et en fouillant le sol à la recherche des vers. En un instant, elles creusent un trou, mettent à nu les graines en ger- mination et les mangent; pourtant elles ne touchent pas aux pommes de terre. Cette famille serait désirable comme oiseaux de chasse, et sa diffusion, en Algérie, me semble facile. I. — L.4 PINTADE COM.MUNE INumtda cristata). Fig. Elliot, Monogr. Phasia Part. III. La Pintade commune est l'espèce souche de notre Pintade domestique et parait être propre à l'ouest de l'Afrique; on la trouve dans la Sénégambie, jusque dans le Soudan Central à la Cote d'Or et dans les îles du Cap Vert. 2. — L.-v PiNT.ADE A CASQUE [Numida mitrata). Fig. Elliot, Mo}iogr. Phasia Part. III. Particulière à l'Afrique Australe, se trouve en bandes nombreuses autour du Zambèze et dans la région des grands lacs de l'Afrique Orientale ; une variété très voi- sine, iV. Coronala, se répand de l'Afrique orientale sur le plateau central jusque vers l'Atlantique. 3. — La pintade vulti;iune (yumida vulturimun. — AcryUium Gray). Se trouve dans l'Afrique orientale, dans l'Abyssinie et principalement dans les pays Somalis. Elle est répandue dans toute la contrée, dans les steppes, dans les bois, sur les montagnes. Cette Pintade, très remarquable, ar- rive assez fréquemment en Europe. Le port de Lamou en exporte d'assez grandes (juantités. Comparij. Xwnida ptiloryncha. — coronala. (1) M. G. ScHWEiNFURTH, MoH dernier voyuye en Eryllirée. (2) La Routedu Tchad, p. 318. Fig.des trois variétés, p. 321. IL — LeS'CUPIDONs. — Cupidonia. Ces oiseaux sont de la famille des Tétras, décrits par Wilson, AikIuIhih, etc., qui nous en ont fait connaître les mo'urs. Le Cupidon ou gelinotte des prairies est particulier aux plaines de l'Amérique septentrionale, il a les mêmes habitudes que la Pintade. C'est un destructeur de saute- relles de premier ordre, et les naturalistes américains, à ce titre, lui ont obtenu la protection oilicielle. Depuis une cinquantaine d'années, une loi frap|ie d'une amende de dix dollars quiconque tue un de ces oiseaux, hors la saison de la chasse qui est ouverte en octobre et en novembre. Il est probable que cette loi a eu pour conséquence une multiplication considérable des Cupidons dans certaiiu-s localités; car tous les hivers, il en arrive des quantités considérables sur les marchés, et on peut parfois acheter des centaines d'individus vivants. Je ne doute pas que l'acclimatation de ces oiseaux ne soit possible dans la région des Hauts Plateaux et de l'Atlas, il compléterait utilement la Pintade comme oiseau de chasse et destructeur de sauterelles. III. — Les gaxgas. — Pteroclœ. Les Gangas ne se trouvent que dans l'ancien conti- nent; ce sont des oiseaux particuliers aux steppes et aux immensités sahariennes. Nous reconnaissons en eux les véritables habitants du désert; on les rencontre par- tout 011 ils trouvent de quoi vivre, toutefois sans troubler leur sécurité. Leur puissant vol i[ui leur permet d'é- normes déplacements pour la recherche de leur nourri- ture est l'explication de ce que souvent on les rencontre dans des endroits absolument sans aucune ressource. C'est surtout au moment où ils descendent vers les sources pour s'abreuver, le soir surtout, qu'on les ren- contre le plus souvent en bandes innombrables. Cer- taines espèces émigrent régulièrement, d'autres espèces, regardées comme sédentaires, font de grands déplace- ments, ])0ur des raisons encore inconnues. L'Afrique septentrionale possède deux espèces qui se répandent jusque dans l'Asie centrale, l'Afrique aus- trale a ses espèces particulières ainsi que l'Afrique cen- trale. Ces oiseaux sont granivores, mais exclusivement destructeurs de sauterelles, au moment de leur éclosion surtout. Les Gangas sont très sensibles à l'humidité qui leur est funeste. 1_ Le ganga des sables. — (Pterocles arenarius.) Répandu dans le bassin de la Méditerranée. Dans le sud de l'Espagne, il habite le Campo semblable à nos hauts plateaux algériens et il s'y nourrit de graine d'alfa et des insectes qu'il y trouve. 2. — Le ganga cata. — [Pterocles alchala}. Cette espèce se trouve toujours en compagnie du pré- cédent. Les Arabes l'appellent « Khata ». Le mâle d'ha- bitude a deux plumes caudales longues, alors que les autres espèces ne les ont que rarement. 3. — Le g.inga brûlé. — {Pterocles exustus). Se trouve dans la Sénégambie, l'Afrique orientale,'d'où il se répand jusqu'aux Indes. 4. _ Le G.\nga de Lichtenstein. — Pterocles Lichtcns- leinii. Ce Ganga semble confiné en Afrique et, d'après les observations deBrehm, on ne le trouverait qu'au sud du 58 LE NATURALISTE 18° de latitude nord et non dans le désert iiropremeiit dit. 5. — Pterodes bicinctus. (Fig. Reichenbacli, Ilûhner- vog, tal). CCIX, fig. 182S-26). Celte espèce, particulière à l'Afrique australe, est très commune dans les pays des Daniaras et des Grands Na- maquas, d'où il se répand jusque dans la colonie d'An- gola. 6. — Pterodes namaqua. (Fig. Reichenbach, HCih- nervôgel, tab. CCX, fig. 182S-26). Se trouve dans l'Afrique australe. Synop. de Heugtin. Pterodes akhala. — exustiis. — gultalus. — coronatus, — Lichtensteinii. — Iriemetus. — decoratus. IV. Les SYRRH.4PTES. Outre les Gangas, l'Asie est encore la patrie d'un autre genre de ptéroclidés : celui des Syrrhaptes, dift'érant légèrement comme plumage et asjiect physique des Gangas. C'est à la fin du siècle dernier que, dans son voyage en Sibérie, Pallas découvrit le Syrrhapte para- doxal. Ces oiseaux ont été étudiés par Radde et Swinboé assez complètement. Ce qui est très remarquable, c'est leur arrivée dans l'Asie centrale, encore couverte de neige, et leur reproduction immédiate. Radde nous dit : « Au milieu de mars, lorsque la neige recouvre encore les coteaux des hautes steppes, cet oiseau arrive du sud, il est déjà accouplé et vit par petites bandes. « Dans les hivers jjeu rigoureux, on le rencontre déjà aux limites nord-est du haut Gobi; mais, après les hivers mêmes les plus rudes, il y arrive, il s'y reproduit de si bonne heure, que, sous ce rapport encore, il est singu- lier. Dans les premiers jours d'avril, on trouve déjà ses œufs; à la fin de mai, il a une seconde couvée. Après avoir élevé celle-ci, il change de demeure, et, en hiver, il émigré jusqu'aux limites sud de Gobi, vers les con- treforts septentrionaux de l'Himalaya. Le 10 mars 1856, alors que pendant la nuit régnait un froid de — 13° Réaumur, que la température de midi ne dépassait pas + 2° R., les premiers Syrrhaptes se montraient au Tarai-Nor. Ils volent en rangs serrés, comme les plu- viers ; au printemps, ils se réunissent en petites bandes, formées chacune de quatre à six couples, et en automne, ils constituent des bandes de plusieurs centaines d'indi- vidus. En volant, ils font entendre un cri particulier. Dans cette grande bande, chaque couple reste uni. » L'aire de dispersion des Serrhaptes est très vaste. On les rencontre à peu près dans toute l'étendue des steppes de l'Asie Centrale depuis la côte orientale de la mer Cas- pienne jusqu'à la Dzoungarie et le sud de l'Altaï, mais on en trouve également au sud-ouest de la Caspienne, en Mésopotamie et dans certaines parties de la Syrie. Suivant le voyageur russe Prjevalski, ils remonteraient en été jusqu'au delà du lac Baikal, où ils nicheraient. Dans leurs steppes natales, les Syrrhaptes se nourris- sent des grains des « plantes salines ». M. G. Radde, dans les jabots de ceux qu'il a autopsiés à Tiflis, a trouvé des semences de blé et de trèfle et de mauvaises herbes. A plusieurs reprises on a compté 700 à 850 grains de de seigle dans l'estomac d'un oiseau. « On peut alors se demander si les poules des steppes en troupes nom- breuses ne porteront pas un grand dommage à nos champs ensemencés à l'automne et au printemps. » Cette réflexion de M. Radde n'aurait pas de raison d'être en Algérie ; les Syrrhaptes n'y sont que migrateurs, leurs passages se produisent aux époques où les récoltes sont faites, leurs dégâts sont nuls. Ces oiseaux apparais- sent de loin en loin en Europe en bandes erratiques. D'après Swinhoé, elles arrivent dans le nord de la Chine en bande énorme. Les Chinois chassent avec ardeur ces oiseaux qu'ils appellent « Poules des sables », ils savent que ces oiseaux sont originaires des plaines de la Tarta- rie, au delà de la Grande Muraille, 1. — Le SvnriHAPTE PAiiADOX.-iL {Syrrhapte) paradoxiis). On connaît deux variétés de Syrrhaptes, le plumage et la conformation physique les distinguent des gargas. Dans la famille des Ptéroclidés les femelles sont plus petites que les mâles et n'ont pas les mêmes disposi- tions de plumage. Toute cette famille doit être classée dans les oiseaux acridophages. V. — Les perdrix {Perdices). Les Perdrix habitent l'Europe, l'ouest et le centre de l'Asie, le nord et l'ouest de l'Afrique septentrionale, Madère et les îles Canaries. Ces oiseaux vivent dans les montagnes, dans les plaines désertes et évitent les forêts, quelques rares espèces peuvent percher, en géné- ral ce sont des oiseaux vivant sur le sol. 1. — La , perdrix grecque [Perdue Grxca). La Perdrix grecque, aussi dénommée Bartavelle, Per- drix saxatile, se trouve dans les Alpes, dans la Haute- Autriche, la Haute-Bavière, le Tyrol, la Suisse, la France, l'Italie. Elle est plus nombreuse en Grèce, en Turquie, en Asie-Mineure, en Palestine et en Arabie. Dans les Indes, dans l'Indo-Chine, dans le sud de la Chine, elle est remplacée par une espèce très voisine, dont certains auteurs ne font qu'une variété. En Afrique, elle parait ne se trouver que dans les montagnes com- prises entre le Nil et la Mer Rouge. La Perdrix grecque se nourrit de substances végétales et de petits animaux. Dans les hautes montagnes, elle mange les bourgeons des rhododendrons et des autres plantes alpines, des baies, des feuilles, des graines, des araignées, des insectes, des larves; dans la plaine, elle parcourt les champs et dévore les jeunes pousses de cé- réales dont elle fait en certaines saisons sa nourriture ex- clusive; en hiver, elle mange des baies de genévrier, et quelquefois même des aiguilles de sapin. 2. — 'La perdrix rouge (Perdix rubra) . Cette Perdrix habite le sud-ouest de l'Europe et l'Afrique septentrionale jusqu'en Tunisie. Celte Perdrix perche volontiers . Les jeunes perdreaux se nourrissent exclusivement d'insectes, de sauterelles, de larves, de vers, de petites graines ; adultes, ils mangent des grains, des feuilles et des fruits. 3. — La perdrix des roches (Perdix petrosa). La Perdrix des roches est plus connue sous le nom de Perdrix Gamlira; elle habite la Sardaigne, la Corse et la Grèce, elle est commune dans le nord-ouest de l'Afrique. Par ses mœurs et ses habitudes la Gambra a beaucoup LE NATURALISTE S9 de rapports avec ses congénères. Malgré son nom spéci- fique, cette Perdrix préfère la plaine et les coteaux aux montagnes, au Maroc et en Algérie; on la trouve très ra- rement dans les montagnes, alors qu'elle est; assez com- mune dans toute la région du littoral. 4. La Perdrix grise (Pcrdix starna cinerea). La Perdrix grise est particulière à l'Europe centrale et à une partie de l'Asie centrale. Elle habite la Grande- Rretagne, le nord et l'est de la France, la Belgique, la Ilollaiule, le Danemark, l'Allemagne, la Hongrie, la Turquie : elle est commune dans le sud et le centre de la Russie et en Asie-Mineure. C'est le gibier le plus commun en hiver aux Halles à Paris. Elle habite les champs cultivés, les prairies, mais elle a besoin de buis- sons pour se cacher. Elle évite les grandes forêts, mais elle en habite les lisières. Une variété de plus petite taille habite la Sibérie et émigré l'hiver dans l'Europe centrale. Cette perdrix détruit considérablement de sau- terelles dans les champs et dans les prés et recherche les larves de fourmis dans les taillis. La Starne grise ne nous cause aucun mal. Elle mérite donc protection. Syyxopsis dus perdrix. — Hetiglin. Ammoperdix llayi. Caccabis Sinaîca. — Yemensis. — Melanocephala. VI. — Les fr.\ncolins. — IFrancolinus). Les Francolins vivent en compagnies nombreuses dans les forêts et sur les collines sablonneuses couvertes d'ar- bustes. C'est dans les buissons qu'ils trouvent un re- fuge et des aliments. Là où l'homme les poursuit peu, ils sont très communs. Les Francolius sont très nombreux dans l'Afrique méridionale, cette grande multiplication s'expliiiue par ce fait que les Francolins ne sont nulle- ment difficiles sous le rapport de la nourriture. Ils sont omnivores, dans toute l'acception du mot; ils mangent de tout, des bourgeons, des feuilles, des pousses d'herbe, des baies, des grains, des insectes, des limaces, de petits vertébrés, tous aliments tellement répandus dans la forêt qu'ils les trouvent à profusion, réunis] dans un petit espace, Ils courent rapidement et savent admira- blement se glisser au milieu des fourrés les plus serrés, des rocailles les plus bouleversées, ils volent bien mais rarement loin. Ces oiseaux dont une espèce habitait l'Europejusque dans le milieu de notre siècle se trouve encore dans l'Asie-Mineure, en Syrie, sur la côte sud de la mer Noire et dans le nord des Indes, depuis l'Hima- laya jusqu'à la vallée du Gange. L'Afrique méridionale dans toutes ses parties boisées contient les variétés de Francolins les plus nombreuses. Les Francolins sont le sujet d'une très complète et fort intéressante monographie par notre excellent col- lègue M. F. de Schœck, publiée dans les Mémoires de la Sociétd zoologique de France {t. IV, p. 272, année 1891). C'est un travail d'érudition qui intéressera le grand pu- blic et qui donne des renseignements utiles pour l'accli- matation de ce beau volatile, complément nécessaire des oiseaux de chasse de France. Cette monographie décrit 55 variétés aujourd'hui connues de la grande famille des Francolins. Le savant anglais M. Sclater (1) comprend les oiseaux de ce groupe, comme les Perdrix, les Faisans, sous le norn de Familix Paleogenx sive Orbis veteris par (i) On the gênerai distiibution of Aves [Journal of Ihe Linn. Soc. 1858, p. 152). opposition aux Neogenx sive novi Orbis. En consultant le tableau de répartition générale des espèces, on remar- que que pour l'Afrique d'une part, 1.3 sont particulières à la région occidentale (4 au nord de l'Equateur et 9 dans le sud). Huit espèces sont répandues dans l'Afrique mé- ridionale, enfin trois espèces se rencontrent au centre, plutôt vers le nord. Une seule est répartie au nord-est de l'Afrique et également dans l'Asie occidentale. Enfin, cinq espèces vivent dans l'Asie méridionale, dont une habite l'archipel malais. Il faut encore rattacher à ces dernières formes un Francolin qui est propre à Mada- gascar et à deux des îles Mascareignes. M. de Schaeck observe qu'il est curieux au premier abord de constater l'absence presque complète du Francolin dans l'Afrique septentrionale. En effet, la vaste région qui s'étend du Maroc à la Tripolitaine n'en abrite actuellement aucun. Leur répartition est liée aux conditions d'existence que leur offrent la végétation et le régime des eaux. Or, la Mauritanie peu boisée manque aussi de grands fleuves, et c'est une des raisons qui nous expliquent l'absence des Francolins. Sur le tableau qu'il a dressé, on peut suivre les grandes aires de dispersion par rapport aux bassins des principaux fleuves, le Niger, le Congo, les rivières Orange et Vaal, le Zambèze et le Nil. Au nord du conti- nent, le Sahara forme une barrière infranchissable, dont les abords seuls offrent quelques ressources à des oiseaux qui sont sédentaires. » 1.— Le francolix vulgaire {Francolinus vulgaris). Le Francolin vulgaire est un peu plus grand que notre Perdrix bartavelle; c'est un très beloiseau dont la dis- parition en Europe est fort regrettable. La chair de cet oiseau est supérieure en qualité à celle du Faisan. Nous possédons plusieurs dépouilles de Francolins vulgaires de diverses provenances ; il n'y a pas de diflerence spé- cifique pour celles originaires de la Syrie et colles prove- nant des Indes. 2. — francolinus gariepensis (Fig. Smith, lll. S. Afr. Zool., pi. 83 et 84). Cet oiseau est répandu sur les hauts plateaux de l'Afrique australe. 3. — francolinus pileatus (Fig. Smith S. Af. Zool. Avcs, pi. 14). Cette espèce a été rencontrée par Andersson sur des coteaux pierreux et boisés du pays des Damaras. FRANCOLINUS SCHLEGELi' (Fig. Ileuglin, Om. N. 0., Afr. tab. XXX). Se trouve dans l'Afrique équatoriale. FRANCOLINUS IIaRTLAUBI. A été trouvé dans la colonie d'Angola. FRANCOLINUS SQUAMATUS. A été recueilli pour la première fois par du Chaillu au caji Lopez, se trouve répandu sur la côte de Loango. FRANCOLINUS ADSPERSUS. Cette espèce parait se trouver exclusivement vers les confins méridionaux des possessions portugaises d'An- gola. Au sud du Cunène, dans le pays des Damaras et des Grands Namaquas; il serait, d'après Andersson, le plus commun et abondant de tous les Francolins indi- gènes. FRANCOLINUS Lathami (Fig. Temminck Bydr. tôt. de Dicrk I, pi. 15 60 LE NATURALISTE A été trouvé sur lu, cùte de Loango. Heuglin. — Synopsis des Francolins de V Afrique orientale. Franco tenus pilatus (Fig. Heuglin XXXIV, 2. — Vogel. Nord-Ost Afrikas). Francolinus icterorynchus (Fig. Heuglin. XXXIV, I.) — Schlegdii (Fig. Heuglin. XXXV). — Erketii fr. Crachi. — icteropus fr. Numida. — Ctappertonii fr. Ptetoryncha. — Riippelii fr. Coronata. — P. Leatun. — Grantii. — Iclerorynchus. — Giitliiraiis. — lUitolaenus. — Schlegilii. — Leucoscepus. Les ptehnistes {Plemistes. Francolinus afer). Les Pternistes sont des Francolins d'Afrique, carac- térisés par la présence à la gorge d'un espace nu vive- ment coloré. L'aire de dispersion du Pterniste s'étend du nord de l'Abyssinie au pays des Somalis, dans l'Afri- que occidentale, on l'a trouvé en Angola; il parait ([u'il ne se répand pas au sud du Cunène. FOREST. PLANTES ÉTRANGÈRES Les SARR.\cENrA. Parmi les végétaux qui s'éloignent du type commun par la singularité de leurs parties constituantes, les uns le font par leur feuillage, d'autres par leurs fleurs. Aux premiers appartiennent les Nepenthes que tout le monde connaît et qui ont été' de'crits partout avec de nom- breux détails, les Sarracenia bien moins connus. Ici nous ne trouvons pas en effet la complexité si remar- quable du feuillage des Nepenthes, mais pour être plus simple leur structure n'en mérite pas moins de fixer l'attention. C'est Tournefort qui, le premier, fit connaître aux bota- nistes de son temps le genre Sarracenia, qu'il dédia à Jean Sarrasin. Ce dernier, médecin français résidant à Québec et correspondant de l'Académie des Sciences, envoya en Europe les premiers échantillons complets de Sarracenia. Mais auparavant les feuilles singulières des plantes de ce genre n'avaient pas échappé à des observateurs intel- ligents qui les avaient signalées dès la (in du xvi" siècle. Lobel, Clusius, G. Bauhin, Morison en parlent déjà. Le premier de ces illustres botanistes avait figuré dès 1576 le Sarracenia flava que lui avait envoyé un médecin de La Rochelle, qui lui-même le tenait de quelque marin reve- nant du Canada. Il le décrivit sous le nom de « feuille de baume ou d'encens liquide » parce qu'il l'avait reçu rempli de baume du Canada. Morison fit connaître lés fleurs de cette même plante d'après les notes et les des- sins de lîanister qui parcourut la Virginie vers l'an- née 1680. . En quoi donc consiste la particularité qui caractérise les Sarracenia? Les feuilles sont creuses, en forme de cornet, pourvues en avant d'une arête longitudinale plus ou moins développée suivant les espèces; les bords du cornet présentent deux lèvres, l'une antérieure peu marquée et saillante, tandis que la postérieure atteint des dimensions plus ou moins considérables. Quelle est la signification de ces différentes parties? On considère généralement le cornet ou ascidie de ces plantes comme provenant du pétiole modifié, taudis que la lèvre posté- rieure ou opercule représenterait le limbe. D'autres bo- tanistes admettent, au contraire, que l'ascidie est un limbe fortement creusé, tandis que l'opercule serait constitué avec les saillies latérales qu'il porte fréquem- ment, par les lobes inégaux d'un limbe qui existait auparavant. Nous avouons ne pas bien nous rendre compte de celte explication, tandis que la première nous paraît parfaitement fondée et acceptable. L'intérieur du cornet est garni, dans la plupart des espèces, de poils qui sécrètent un liquide sucré, qui finit par s'amasser dans le fond de la cavité. Il arrive alors fréquemment que les insectes viennent pour recueillir cette liqueur, chancellent et se trouvent précipités, sans chance de pouvoir en ressortir, dans le gouffre au bord duquel ils se sont imprudemment aventurés. Aussi les Sarracenia sont-ils placés au premier rang des plantes dites, sans aucune nuance de vérité, insectivores. Les feuilles des Sarracenia contiennent assez souvent une certaine quantité d'eau dont l'origine est restée quelque peu obscure. Est-elle produite par les feuilles elles-mêmes, ou bien n'estelle que le résultat de la con- densation de riiumidilé atmosphérique? On ne saurait encore se prononcer avec cerlitude. Chez [certaines espèces en effet, les jeunes feuilles sont vides et celles seulement dont l'ouverture est béante renferment de l'eau; dans d'autres l'opercule recouvre complètement l'orifice du cornet, ce qui ne permet pas d'admettre que l'eau y soit d'origine pluviale. Les botanistes, qui ont étudié sur le terrain ces singu- liers végétaux, ont pu être témoins de phénomène des plus intéressants : dans les plaines de la Caroline, pen- dant les grandes chaleurs de l'été, si l'on détache quel- ques feuilles arrivées à leur période complète de déve- loppement et qu'on les dispose dans l'intérieur d'une chambre, de façon qu'elles soient maintenues dans une position verticale, voici ce qu'on peut observer. Les mouches sont attirées en grand nombre, elles s'appro- chent de l'ouverture du cornet et s'aventurent peu à peu dans l'intérieur; elles glissent et se noient. Il arrive que dans une maison infectée de mouches, les ascidies sont bientôt complètement remplies : c'est donc un véritable piège à mouches. La matière sucrée, exsudée par les pa- rois intérieures, est appréciable à l'œil et au toucher. Quant à leur Heur, les Sarracenia ne manquent pas non plus d'intérêt. Cet organe présente des caractères ambigus qui le rapprochent des Papavéracées, des Dro- séracées, des Pyrolacées, sans pouvoir cadrer exacte- ment cependant avec aucune de ces trois familles. Les Sarracenia sont des végétaux des régions fraîches de l'Amérique du Nord, où ils recherchent les marécages boisés, à l'ombre des forêts de pins, dans les parties bourbeuses et humides des États du Sud. Ils sont tous vivaces, à racines fibreuses, à feuilles plus ou moins pétiolées presque toujours veinées de pourpre et diver- sement tachetées. Les macules dans le S. variolaris sont arrondies, conlluentes, blanches et presque transpa- rentes. On les a comparées aux marques produites par la variole, d'où le nom spécifique que cette plante a reçu. Est-ce à cause de cela qu'on l'a préconisée comme remède souverain contre les maladies êrupliv«s? Dans le S', psittacena les ascidies sont veinées de vio- LE NATURALISTE 61 let sur un fond blanchâtre et l'opercule est assez de've- loppé pour rappeler le lobule de certains Cyp'ipedium. Dans le S. Dntmiiwndi, qui est, sans contredit, la plus belle espèce du genre, le tube est blanc jaunâtre, veiné de pourpre violet ainsi que l'opercule ; dans le S. undu- tata on trouve des veines purpurines éle'gamraent distri- buées sur un fond vert lavé de rose. Ces plantes ne sont donc pas seulement curieuses, elles sont avant tout éminemment ornementales. Mal- heureusement elles paraissent assez difficiles à cultiver et réclament des soins tout spéciaux. 11 faut leur donner une terre chaude et humide pendant la belle saison et la serre tempérée pendant les mois d'hiver. Le compost doit être parfaitement perméable à l'eau ce qu'on obtient en le composant de tourbe mêlée de sable et de tessons me- nus. Pendant l'hiver on donnera juste assez d'eau pour que le sol ne se dessèche pas; pendant la période de végétation, il ne faudra ménager ni les arrosages abon- dants, ni le seringage des feuilles. P. Hariot. THÈSE DE DOCTORAT Auguste Peïtit. — Recherc/tes sur les capsules surrénales. Thèse de la Faculté des Sciences de Paris, 110 p. et -4 pi. doubles, publiée dans le Journal de l'anatumie et de la phy- siologie, 1896. Les capsules surrénales appartiennent, avec le corps thy- roïde et la rate, à ce groupe d'organes dont la fonction et l'origine sont restées longtemps problématiques et n'ont guère été entrevues que dans ces dernières années. C'est à peine si on les signalait dans les ouvrages classiques d'anatomie et de physiologie; on se contentait de mettre en relief leur forme variable et leur connexion très fréquente avec les reins; mais leur structure et leurs relations anatomiques exactes étaient à peu prés inconnues, et les auteurs les plus érudits daignaient seuls aventurer quelques hypothèses sur le rôle qu'elles doi- vent jouer dans l'organisme. En 1855 l'importance fonctionnelle de ces organes fut entrevue par Addison, et l'année suivante mise hors de doute par Brown- Séquard, qui montra que l'extirpation des capsules surrénales est invariablement suivie de la mort. Plus récemment, StiUing a rendu évident le rôle des capsules dans l'économie en éta- blissant expérimentalement que, à la suite de l'extirpation de l'une d'elles, celle qui est laissée en place est le siège d'une hypertrophie compensatrice des plus appréciables; dans ces dernières années enlin, Abelous, Langlois, Charrin et Dubois ont été amenés à conclure que les capsules surrénales sont des glandes vasculaires sanguines, qu'elles ont avant tout des propriétés antitoxiques, en ce sens que leur sécrétion a pour objet de détruire et d'annihiler les toxines produites chez l'animal par le fonctionnement des éléments musculaires et peut-être aussi des éléments nerveux. Les expériences de Gley semblent justifier cette manière de voir, car, lorsqu'on injecte dans le sang d'un animal des toxines microbiennes, on voit bientôt s'hypertrophier les capsules surrénales. Dans ces recherches on peut dire que les expériences et les inductions physiologiques ont précédé l'étude anatomique rigoureuse des organes; il serait absolument oiseux de se demander si une méthode contraire eut été préférable, et je me contenterai de dire que la physiologie ayant ouvert la voie à l'anatomie, celle-ci vient de rendre à sa devancière un signalé service en jetant une lumière toute nouvelle sur la structure des capsules surrénales et en faisant disparaître les idées peu préciseset grossières qu'on se faisaitdeces organes. C'est là le mérite principal du remarquable' travail que M. Pcttit vient de présenter comme thèse à la Faculté des .Sciences de Paris ; mais ce n'est pas le seul, car le mémoire dont je vais donner une brève analyse renferme une partie expérimentale des plus intéressantes, qui n'est pas sans apporter un appui sérieux aux idées jusqu'alors émises par les physiologistes. La première partie de la thèse de M. Pettit sera lue avec intérêt et profit par tous ceux qui trouvent quelque attrait aux grands problèmes biologiques. Kllc est justement et simple- ment consacrée à l'exposé et à la discussion des vues qu'on avait jusqu'ici émises sur la nature des capsules surrénales; c'est un exposé fort complet et très clair qui pourra servir de vade-mecum aux chercheurs, et do guide sérieux aux étudiants. La deuxième partie est consacrée à l'anatomie comparée des capsules surrénales et renferme une très riche moisson d'ob- servations nouvelles. Les auteurs précédents (Meckel 1806, EcUer 1846) s'étaient contentés de décrire la forme, la posi- tion, le poids et la valeur de ces organes, mais n'avaient pas envisagé leur structure. M. Pettit montre qu'au milieu dos variations infinies qu'otfrent les capsules surrénales dans leur position et dans leur forme, elles présentent néanmoins dïs rapports constants avec les gros troncs vasculaires de l'abdomen, qu'elles sont le siège d'une vraie pléthore sanguine et qu'elles sont mêmes traversées, dans certains groupes (amphibiens, reptiles et oiseaux), par un système porte-sur- rénal qui affecte une disposition segmentaire chez les Ophi-t diens. Les descriptions de M. Pettit ont toutes été faites d'après des pièces injectées ; elles s'étendent à quatre-vingts espèces et trois cents individus, qui lui ont été fournis par la ménagerie et le laboratoire d'anatomie comparée du Muséumi. Parmi ces esiièces, il s'en trouve un bon nombre où les cap- sides étaient restées inconnues ou n'avaient pas été signalées; je citerai notamment l'ornithorhynque, l'aptéryx et les pois-» sons dipnoiques. Ces recherches d'anatomie, en mettant en évidence la riche vascularisation des capsules, étaient de nature à convaincra M. Pettit du rôle important que doivent jouer ces organes^ Une fois fixé dans cette opinion, il s'est efforcé de saisir la structure intime des capsules et de constater, pour ainsi dire de visu, la manière dont elles fonctionnent. Parmi les nom* breux animaux dont il avait fait l'étude anatomique, il acherché le type qui se prétait le mieux à des travaux de cette sorte, celui dont la structureest, en quelque sorte, la plus primitive; Son choix s'est arrêté sur r.\nguille et c'est à l'étude histolo- gique et physiologique des capsules surrénales de ce poisson qu il a consacré la troisième partie de son travail. A l'état normal, la glande surrénale de l'Anguille est entière- ment constituée par une série de cylindres irréguliers et clos, limités par du tissu conjonctif; dans l'intervalle de ces derniers circulent de nombreux vaisseaux; l'ensemble est enveloppé dans une capsule conjonctive résistante : n Chaque cylindre est tapissé ^surface interne) par un épithélium columnaire, limitant une cavité centrale ; ses cellules, à l'état normal, sont réparties à peu près uniformément sur une seule rangée; elles ont en moyenne une hauteur de 15-20 [jl et possèdent un noyau bien développé renfermant un nucléole volumineux. Sur les coupes, on constate que certains de ces éléments subissent une évolution particulière; leur protoplasma s'accroît, devient plus clair et vient faire saillie dans la lumière du cylindre; finalement la cellule tout entière (noyau et protoplasma) tombe dans la cavité centrale. Certains de ces cylindres peuvent ainsi être remplis d'un magma amorphe parsemé de noyaux à divers états de régression. En un mot, la cellule du cylindre surrénal subit une évolution qui aboutit à la formation de pro- duits s'accumulant dans la cavité centrale de chaque cylindre.» Après avoir établi que les capsules surrénales sont do véri- tables glandes vasculaires sanguinaires et mis en évidence le processus histologique de la sécrétion, M. Pettit a demandé à la méthode expérimentale la démonstration de la réalité des phénomènes sécréteurs. Ayant extirpé l'une des glandes surrénales à plusieurs anguilles et sacrifié quelques semaines après ces animaux, il a observé les modifications suivantes sur les capsules laissées en place : les vaisseaux qui entourent les cylindres ont subi une augmentation de volume remarquable, les cylindres pré- sentent deux ou trois assises de cellules épithéliales très allongées, qui font saillie dans la lumière interne du cylindre, enfin la régression des produits élaborés est plus rapide qu'à l'état normal. Ces faits avaient échappé à Stilling, qui s'était borné à constater l'hypertrophie compensative, sans chercher les modifications internes correspondantes que subit l'organe. Au reste, certains agents chimiques permettent, comme pour la plupart des glandes ouvertes et closes, de faire varier la sécrétion surrénale. En intoxiquant lentement l'animal par la pUocarpine ou le curare, M. Pettit a constaté dans les cap- sules une prolifération anormale des éléments sécrétants, %% LE NATURALISTE prolifération qui rappelle, i beaucoup d'égards, celle qu'on observe dans la capsule laissée en place, chez les sujets soumis à une extirpation partielle. En opérant avec la toxine diphtéritique M. Pettit a observé, comme Gley, Cliarrin et Langlois, que les capsules surrénales prennent un accroissement considérable; mais il a constaté, en outre, que les cellules des cylindres sont profondément aliérées, que leur protoplasma devient granuleuï, que les noyaux sont en dégénérescence, bref que la sécrétion delà glandes'est accrue dans des proportions énormes. L'organe, en d'autres termes, semble activer considérablement ses fonctions normales pour détruire l'excès de matières toxiques artificiellement intro- duites dans le sujet; comme l'observo à juste titre M. Pettit, ces expériences paraissent déposer en faveur du rôle anti- toxique des capsules : elles ne constituent pas, si l'on veut, des preuves de la réalité de cette fonction, mais elles sont bien certainement des arguments de grand poids en sa faveur. Telle est la conclusion de ce travail, où tout est ordonné avec un soin minutieux et une méthode parfaite. M. Peltit a établi que les capsules surrénales sont des glandes au sens propre du mot, qu'elles sont le siège de phénomènes sécrétoires se traduisant normalement par des processus histologiqucs, enfin qu'elles doivent prendre place dans la série des glandes closes à coté des corps thyroïdes. Nous voilà bien loin des notions vagues qu'on possédait jusqu'ici sur les capsules surrénales. Aux physiologistes de tirer partie maintenant des notions nouvelles dont M. Pettit vient d'enrichir la science. Quant aux anatomistes, il leur reste à observer de très près le développement des capsules, à étudier l'histologie comparée de ces organes dans toute la série des vertébrés, enfin et surtout à étudier plus complètement les formations, en apparence spéciales, qui paraissent occuper la place des capsules chez tous les poissons les plus primitifs : les Ganoidos, les Elasmobranches et les Cyclostomes. E.-L. Bouvier. Répertoire ét|mo!ogi(]ue des noms français ET DES DÉNOMINATIONS VULGAIRES DES OISEAUX (Suile) Sonïnianga. — Buft'on avait donné ce nom à des Sucriers (Nectarinia). u Le nom de Souïmanga, que Buffon prétend être, à Madagascar, le nom d'une espèce particulière de ces Oiseaux et qu'il donne pour cotte raison à toutes les espèces du même genre qui se trouvent dans l'ancien continent, est aussi, suivant toute apparence, le nom général de tous ces Oiseaux dans cette ile, et non celui d'une espèce, puisqu'il signifie mangeur de sucre {manga, mangeur, et soui, sucre) dans le langage mêlé de français et de mauvais portugais que parlent les colons et les nègres de Madagascar. » (Le Vail. lant.) Sonicie. — Vieux mot français employé pour désigner un Moineau [Velroiiia rupeslris). « Nous avons raison de le nommer à la Soulcie, car il a les yeux ombrez d'une soulcie blanche sur les sourcils en chaque côté de la teste. « (Belon.) Spalulc. — Nom donné par Buffon à un Échassier {l'ia- lalea leticorodia), à cause de la forme de son bec. « Le nom de pale ou palette conviendrait mieux, en ce qu'il se rap- proche de celui de Spatule que nous avons adopté, parce qu'il a été reçu ou son équivalent dans la plupart des langues et qu'il caractérise la forme extraordinaire du bec de cet Oiseau; ce bec, aplati dans toute sa longueur, s'élargit, en effet, vers l'extrémité en m.-inière de spatule et se termine en deux plaques arrondies, trois l'ois aussi larges que le corps du bec même. » (Bufl'on.) Spipolelle. — Bufl'on a donné ce nom à un Pipit {Antlnis campestris), qu'il a décrit également sous les noms de Rous- seline, d'Alouette de marais, de Fiste de Provence et de l'i- vole ortolane. k J'adopte le nom de Spipolette, que l'on donne à Florence à l'Oiseau dont il s'agit. » (Bufl'on.) Sppeo. — Nom donné par Le 'Vaillant à un Oiseau de l'A- frique méridionale (Spi-eo bicolor) et tiré du nom Spreuw que lui donnent les colons du Cap et qui signifie Étourneau. Stapazin. — Nom donné à un Traquet {Saxicola trapa- zina) et que l'on devrait écrire Strapazin, ce mot dérivant du nom italien Strapazino donné à cet Oiseau dans les environs de Bologne. Stariqnc. — Nom russe conservé à des Plongeurs {Pha- leris) qui habitent depuis le détroit de Behring jusque dans les mers du Japon et sur les côtes de l'Amérique. Stereoraipe. — (Voyez le mot Labbe.) Sterne. — Ce nom, employé pour désigner les Hiron- delles de mer, est la traduction de leur nom latin Sterna, qui dérive du danois Tiirna (jeune fille). Stonriie. — Nom formé par Temminck du mot latin Sturnus (Étourneau), pour désigner un genre de Sturnidés [Lainprotoryjis). Sainte-Hélène. — Surnom donné par les oiseliers à l'As- trild ondulé (Estrilda undulata), parce ([ue c'est de cette île qu'est importée en Europe la plus grande partie de ces Oi- seaux, connus aussi sous le nom de Sénégali rayé. Sucrier. — Nom donné à une famille d'Oiseaux voisins des Colibris, parce qu'ils vivent du suc des fleurs. Bufl'on a décrit sous ce nom une espèce (Cerlhiola). « Le nom de cet Oiseau annonce l'espèce de nourriture qui lui plaît le 'plus; c'est le suc doux et visqueux qui abonde dans les cannes à sucre, et, selon toute apparence, cette plante n'est pas la seule où il trouve un suc qui lui convienne; il enfonce son bec dans les gerçures de la tige et il suce la liqueur sucrée. » Le mot Sucrier est synonyme de Souimanga. (Voyez ce mot.) (.i suivre). Albert Gkanger. OFFRES ET DEMANDES — A vendre : Bulletin des séances de la Société ento- mologique de France, de 1873 à 1893 inclus, 12 francs. (S'adresser aux bureaux du journal.) — M. A. S... n° 6002. — A la vente de la Inbliolbèque et des collections Salle, voici les prix atteints pour les lots que vous avez désignés. La collection coniplète de la « Biologia centrali-Americana u a atteint 2.4S0 francs; les Proceedings de la Société zoologique de Londres sont montés à i .OSO francs, et l'exemplaire vendu ne comportait de planches qu'à partir de 1865. La collection des Coquilles du Mexique a été acquise à 1.400 francs, par M. Dautzemberg. Le 57* fascicule du Species des Hyménoptères d'Europe et d'Algérie vient de paraître. A vendre : — t lot de Coquilles de Cuba contenant 53 espèces, 7b exemplaires, spécialement les coquilles terrestres hélix, cboanopoma, chondropoma, helicina. Prix: 50 francs. 1 Herbier de 30 fougères de Nouvelle-Calédonie, par- faitement déterminées 'et bien conservées dans un car- ton. Prix : 25 francs. 1 Collection de 275 minéraux classés comme les collections du Muséum de Paris, avec cuvettes et étiquettes. Prix : 150 francs. (S'adresser pour ces lots et collections chez « Les Fils D'Emile Deyrolle, 46, rue du Bac, Paris. — M. Alb. Mùhlenbruch, à Morat (Suisse), désire rece- voir des rapaces diurnes et nocturnes en peaux fraîches, ou montés en très bon état. Offre en échange oiseaux d'Europe en peaux sèches, bien préparés. Liste sur de- mande. Le Gérant: Paul GHOULT. Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17. LE NATURALISTE 63 00 h W a h < Z < < a: w z w 0 0 H H ■H 0 •H 0 0 ^ ,ù > 8 ^ ■•^ A t« U ,3 O ^^ <-^ 'o p. -^ 5 '^ g s. Si PL4 CI a J3 ^ / / "S. o --H ■- 1 tD 3 :2 t"» -S 5 o ^ "S si p. o, o S ^J5 3— t^ S S o <*^ >, u ao a 64 LE NATURALISTE 03 es en ■0) o _ g «J tn S 3 ce ■?;.=* Ci. Ol H >> cd si H o M 2 >> J3 W o C8 PU J5 -0 H '/j !» Z >, o y c5 02 an ?* (U C 1^ n ij b tf rt es 09 u a SB O) >> Si eu a •a u o o A o 13 u 2 CD ta 5 "o EU eu Oh O U X s m "S .a s o •-> en J3 U r- ce tn " tn ._ C cO » ta : O) î'cs ■ rt.t- 3 3 it- .2" s nj . ^^g rt oo ^ » ■ ■= U 5 s hn m J- 3 "ri ^ o ::3 •« . C 3 o o g» : -u s *^ c d fi ■S »i » cî •^ ri tn.i: 3 = nJ •- t( .— en ^— ' 22 3 « .ri 3 (2, o -, — a s^^ ^ £ 3 C CD « — c ^ CD rfi ?^ ^ . CD [/} ^ tfi ^ C „ 3 <1> G O «5 -^H '1> oCi ^ '^■^ ,«" -- -« S £ „ (U 3 «a c ï; en en - — - ^'-- ■■''■■■ '■/ ■■ r V'\ rS-\-M-r-: ' ■■ ;-„.,■•.-•;. >■■■ b c Fig. 1. Coupe d'une purtion du novau d'une graine du terrain liouil- 1er de Grand'Croix montrant les états successils d'altération du tissu, déterminés par l'action des Bactériacées. toutes les couches d'épaississenient ont disparu, la forme, la nature des tissus soQt méconnaissables ; mais, avant d'arriver à cet état presque complet d'altération, les parois passent par divers stades. Nous allons citer quel- ques exemples intéressants qui nous ont été conservés par la pétriiication. Sur la figure 1, qui repré- sente une portion de l'endo- testa d'une graine silicifiée de Grand'Croi.v, on peut suivre facilement les progrès du tra- vail microbien: en a les cel- lules, munies de leurs cou- ches d'épaississenient de couleur foncée sont i peu près intactes, en 6 ces couches ont à peu près disparu, on ue voit plus guère que les mem- branes moyennes, et en c ces membranes, fortement attaquées par les cocci, ont cependant conservé leurs po- sitions relatives en formant réseau; dans un grand nombre de mailles, les microcoques se sont rassemblés en Zooglées, que le moindre choc aurait pu disperser. Ces altérations jilus ou moins profondes de tissus qui cependant ont conservé une organisation reconnaissable au microscope, peuvent être la source d'erreurs assez graves ; nous citerons les deux faits suivants : 1" Le genre Aporoxi/lon, _décrit et figuré par Unger, (1) Le Nalui-atisie. 15 juillet 1893. Le Satutciliste, 46, rue du Bac, Paris. MARS 1807 appartient aux GynïïPII..|»*Mli|«!raété caractérisé par son iiois, di'pourvii de zones d'a(u;roissement concentriques distinctes et formé do trachéidespriii^e* de ponctuations. Ayant eu l'occasion de revoir les préparations d'Unger, nous avons pu nous convaincre que l'arrangement, b;s dimensions des trachéides ne difi'(M-aient pas sensible- ment de la disposition, du calibre des trachéides du bois des Cordaites: la plupart des trachéides sont dépourvues de ponctuations, il est vrai, mais quelques-unes en sont munies; ces ponctuations larges de 10 y. sont uni ou pluri-sériées, alternantes dans ce cas, leur disparition frtMpiciUe est due à une action microbienne ([ui a (Ht pcmr conséquence de dimintier les couches d'épaississenient et de détruire les iionctuatioiis. Sur une section transversale du bois, en effet, on voit fréquemment à la place occupée par les épaississeinents un nombre considérable de petits corps sphériques teintés ib' rouge, mesurant, quand ils ne sont pas déformés, ■2|j.2à 3|j.. Sur d'autres préparations moins altérées, on distingue eiiiic les couches d'épaississenient sur la membrane moyenne d'autres petits corps sphériques noirs ou rouges, mesurant Oti.b à 0^,7. L'absence de ponctuations dans le Genre Apornxijhm est donc purement accidentelle et due au travail du Mi- rrococcus ilcvonkus var. A. Le Micrococcus devoniciis var. B. de dimensions plus petites s'attaquait, sans aucun doute, aux membranes moyennes comme le M. hyinenophagus du terrain houiller. Ces deux microcoques dévoniens sont les plus anciens que l'on connaisse. •2° Nous avons décrit, sous le nom de Hapaluxylon Ro- chei, une petite tige de Gymnosperme découverte par J\L Roche dans les environs d'Autun. Nous donnons, figure 2, une coupe longitudinale ra- diale do cette jeune tige. Fig. 2. Coupe longitudinale radiale d'une jeune tige de Ilapalorylon lioc/iei. — a, Quelques trachéides entourant la moelle dont les parois portent des ponctuations aréolées. — 4, Portion du cylindre ligneux dont les trachéides ne monlrentpas de ponctuations. — r. Hayon cellulaire ligneux. — c. Zone génératrice. — cy. Tubes grillagés eniremélés de tubes à gomme ou à résine et de parenchyme libérien. — p, Parenchyme cortical. — s, Couche subéreuse, ?n, moelle. La moelle m est entourée d'un anneau de trachéides dont les parois latérales sont ornées d'une rangée de ponctuations aérolées ; mais à une petite distance de la moelle, les trachéides perdent complètement leurs orne- ments, les parois sont lisses, et elles prennent l'aspect de parenchyme ligneux, parcouru par des rayons cellu- laires r formés d'une rangée de cellules en épaisseur et de 1 à t rangées en hauteur. Le liber contient du parenchyme libérien, de nom- breux tubes grillagés. L'écorce assez épaisse offre, au milieu d'un paren- chyme cellulaire abondant, des tubes à gomme et est limitée par une couche de suber. L'épaisseur do la partie ayant l'aspect de parenchyme ce LE NATURALISTE ligneux a valu à celte plante le nom générique de Hapa- loxylon (àTtoiAo;, mou,$-J),ov, bois). Un examen plus attentif nous a montré que cette ré- gion était composée de trachéides dont les ponctuations avaient été détruites par des Bactériacées ; en effet, en se rapprochant de la moelle, on voit un certain nombre de trachéides portant des ornements c, c, souvent elles sont séparées les unes des autres et, chose remarquable, on peut observer, au milieu d'elles, un certain nombre de ponctuations détachées et flottantes d. Les cellules de la moelle e offrent également un as- pect des plus bizarres, les membranes moyennes et les Fig. 3. Moelle à'Artliropitus lineata. a. Cellules en partie dissociées, à l'intérieur desquelles on voit do nombreux microcoques. b, Zooglées encore enfermées dans les cellules. c, Région où les parois des cellules sont détruites. Les noyaux occupés par les microcoques réunis en zooglées sont libres. épaississements ont généralement disparu ; il ne reste de visibles que la cavité et les canalicules ramifiés qui par- couraient les épaississements ; une matière plus colorée remplit l'intérieur et leur permet de se détacher en gris au sein du milieu transparent et amorphe: on y distingue, ainsi que sur les membranes moyennes des trachéides du bois, de nombreux Cocci mesurant 0[i,o. Ces dilïé- rences de conservation des tissus appartenant à un même échantillon prouvent l'indépendance des actions bactériennes. A la périphérie de la tige, les microorga- nismes ont commencé par attaquer l'intérieur des tra- chéides, ont fait disparaître les épaississements et en même temps les ponctuations : le bois se trouve réduit au tissu extrêmement délicat formé par les membranes moyennes des trachéides. Au centre, les Bactéries ont dissous les membranes moyennes d'abord, puis les épais- sissements les plus anciens, déterminant le décollement des trachéides et ensuite la séparation des ponctuations qui sont devenues libres et flottantes. (A SMvn-e.) B. Renault. LES PLUIES ÉTRANGES {Suite} Un curieux exemple de pluie noire est encore celui qu'a pu observer M. Aimé Girard, en Cochinchine. Cette fois, la coloration noire était due à de petits grains de riz, carbonisés peu à peu sous l'action de l'air, en pré- sence d'eau marécageuse. L'agent mécanique était encore le vent. Les pluies rouges, souvent appelées pluies de sang, ne sont pas plus rares que les pluies noires. Dans ce cas, la coloration rouge est généralement due à des pous- sières minérales soulevées par le vent, ou encore à des myriades de plantes ou d'animaux rougeâtres, d'une pe- titesse excessive, qui, dans des circonstances encore peu connues, se multiplient d'une manière pirodigieuse dans les eaux. M. Bursaux, lieutenant du génie, a recueilli les rési- dus solides d'une de ces pluies, qui s'abattit le 4 novembre dernier sur Bizerte (Tunisie). Leur étude microscopique fut faite par M. Ginestous. Celui-ci y découvrit fort peu de matière organique; le dépôt était constitué par des matières minérales, du quartz, des cristaux, donnant à la poussière une teinte rose, ana- logue au tripoli. M. Ginestous pense que ces cristaux devaient provenir d'une roche feldspathique, quoiqu'on n'y vît point de mica; on peut les assimiler à la pegmatite granulitique. Les pluies de soufre sont purement imaginaires. Comme il est quelquefois arrivé qu'après de fortes averses la surface du sol soit couverte d'une poussière jaunâtre, légère, très inflammable, on eu a conclu que c'était du soufre. Le premier examen attentif qui en a été fait, a permis de reconnaître qu'on se trouvait tout simplement en présence du pollen de certains végétaux, notamment des pins, des sapins, des aulnes, des bouleaux et des lycopodes, balayé par les vents et précipité avec la pluie. Les témoins sont nombreux, qui mentionnent les pluies de grenouilles et de crapauds. Les vents peuvent, en efl'et, les enlever facilement à la surface des mares. Il est toutefois à remarquer que l'action de la pluie peut suffire, à elle seule, en bien des cas, pour faire sortir des fissures du sol de nombreux crapauds. On cite une trombe, qui, le 13 septembre 183b, enleva toute l'eau d'un petit étang du Pays de Caux, avec les poissons qui y vivaient. Peut-être a-t-elle occasionné une pluie de poissons! Une pluie peut-être unique en son genre, est la pluie d'oranges, qui eut lieu à Naples le 8 juillet 1833. Deux corbeilles d'oranges ([ui se trouvaient sur le rivage, aux environs de la ville, furent entièrement vidées par une trombe. Une jeune fille qui se trouvait à une terrasse assez éloignée de là, vit cette pluie gracieuse s'abattre autour d'elle, sans la blesser, heureusement. Les pluies de feuilles d'arbres, de graines, de chenilles et autres insectes, s'expliquent trop facilement par l'action des vents, pour mériter une étude spéciale. Dans tous les cas, ces phénomènes permettent sou- vent de remonter au point de départ et de déterminer la trajectoire de ces petits projectiles. On a longtemps voulu assimiler à ces jjhénomènes les pluies de pierres, qui ne sont que des chutes abondantes d'aérolithes, et les pluies de feu, qui sont des pluies d'étoiles filantes. On peut encore malheureusement être exposé à voir des pluies beaucoup plus graves dans nos villes, comme les pluies de feuilles de zinc déterminées à Paris par le cyclone du mois de septembre 189G. Paul Jacob LE NATURALISTE 67 POURQUOI L'ANNÉE 1900 NE SERA PAS BISSEXTILE On Siiit que, tous les 4 ans, l'année compte 3G6 jours, au lieu de 365 jours comme les années ordinaires. Cela tient à ce que nous appelons année le temps que met la terre pour faire le tour du soleil. Or la terre tourne autour de son centre d'attraction en 363 jours 1/4. 11 s'ensuit que, tous les 4 ans, ou est en retard d'un jour. 11 faut donc ajouter ce jour supplémentaire, une fois tous les 4 ans. C'est ce qu'on appelle une année bissextile. Pour savoir si une année est bissextile, il suflit de savoir si sa date est divisible par 4. Ainsi 1896 a clé une année bissextile, parce que ce nombre est divi- sible par 4. Cependant 190U, qui est divisible aussi par 4, ne sera pas une année bissextile. Pourquoi'? Le voici. C'est pour simplifier les choses que nous avons évalué la rotation de la terre autour du soleil à 36.Ï jours 1/4. La vérité est que ce nombre est un peu trop fort. 11 en résulte qu'on compte presque un jour de trop par siècle, et exactement 3/4 de jour de trnp. Cela fait 3 jours de trop en 4 siècles. 11 faut donc retrancher un jour, à la fin de 3 siècles sur 4. Il en ré- sulte que les années HÛO, 1800 et 1900 ne sont pas bissextiles comme elles auraient dû l'être, puisque ces nombres sont divisibles par 4 : par contre l'année 2000 est bissextile et res- tera bissextile. De là, la ré^le suivante : toutes les années sé- culaires cessent d'être bissextiles, sauf quand le nombre de leurs centaines est lui-même divisible par 4. De sorte que l'année 2000 sera bissextile, non pas parce que 2000 est divi- sible par 4, mais p.irce que 20, qui exprime le nombre des centaines, est divisible par 4. De même 1600 a été jne année bissextile, parce que 16 est un nombre divisible par 4 : •i X 4 = 16, 4 X 5 = 20. 4 X 6 = 24; donc l'année 2400 sera bissextile, et 2100, 2200, 2300 ne le seront pas. 11 est vrai quà la longue il se glissera plus tard une petite erreur, on procédant ainsi; car la fraction 3/4 de jour par siècle n'est pas elle-même tout à fait exacte; mais nos arrière- petits-neveux feront un jour la correction nécessaire, quand le moment sera venu. Ils nous sauront gré de leur avoir préparé les voies, en leur livrant un calendrier grégorien parfaitement en harmonie avec les révolutions sidérales. Peut-être serait-il bon d'établir un nouveau calendrier, i partir de 1900, en plus parfait accord avec nos mœurs et nos usages, .\insi il n'est pas naturel d'appeler décembre le douzième mois, ni d'avoir des mois qui commencent par des jours dill'érents, chaque année. Nous verrons combien il serait facile de réformer le calendrier d'une façon très pratique pour tout le monde. (1' D' Bougon. LE BOMBYX DU MURIER L'élevage tics vers à soie et la fabrication tles tissus tirés de leurs ]iroduits reniontont à la plus haute anti- quité. C'est surtout en Chine tjue cette industrie s'est déve- loppée ; (le tout temps, d'après les annales du Céleste Empire, ona vénéré l'iuipératrice Loui-Tsee qui, 2700 ans avant J.-C, avait fait les premiers essais pour le dévi- tlage des cocons. Depuis lors, tous les empereurs, pour montrer à leurs sujets rini])ortance d'une telle entreprise, installaient dans leurs palais une véritalile magnanerie. La Chine tenait même tellement à la soie qu'il y avait peine de mort prononcée contre l'exiiortateur du ver à soie. D'ailleurs, ce n'est qu'après la conquête de l'Inde par Ale.vaudre que la soie fut connue eu Europe; depuis, cette industrie n'a fait que prospérer; mais, c'est à Olivier (1) Voir le Xuturaliste, La réforme du Calendrier. de Serres d'abord et à Colhert ensuite, que nous devons surtout l'extension considérahle qu'elle ajiris en France. Le boml)yx du mûrier, qui mesure un maximum de BO millimètres d'envergure, est velu, d'un blanc sale; ses antennes présentent des rangées do dentelures de couleur foncée; ses ailes courtes sont pliées sur le dos, c'est donc un papillon nocturne ; les ailes antérieures présentent une grande échancrure. La chenille porte postéricuirement uue courte corne, son cou est épais, sa couleur est grise avec des taches brunes bifurquées et des niari|ues rouges sur le dos. C'est dans des établissements nommés magnaneries qu'on élève ces insectes. Les premières conditions d'une bonne magnanerie sont d'être sufDsamment vaste et bien aérée; il faut souvent renouveler l'air de la pièce, en tiyant soin cependant de garder toujours la même température pour éviter de funestes changements bruscjues dans la chaleur de la salle, qui demande à être maintenue constamment entre la" et 22° degrés Réaumur. On élève les vers sur des claies superposées et éloignées les unes des autres d'environ 50 centimètres. La chenille du bombyx se nourrit uniijuement de feuilles de mûrier; la ronce, le rosier, l'érable et tutti quanti ont été essayés, mais en vain, pour l'élevage du ver à soie. Les œufs du bombyx ont reçu le nom de graine de ver à soie; cette graine pendant l'hiver est conservée dans une cave; dès l'arrivée du printemps, quand les mûriers ont ouvert leurs hourgeons, on porte la graine dans la magnanerie et on augmente progressivement la température de 14° à 22°. On a l'habitude de ne pas laisser l'éclosion s'effectuer d'elle-même, car les vers à soie naîtraient à des époques très différentes ; les uns seraient déjà très développés quand les autres viendraient à peine d'éclore, ce qui serait une beaucoup tro]) grande diniculté ensuite pour leur' éducation. La graine est d'abord gris foncé, après huit jours en- viron de séjour dans la magnanerie, elle s'éclaircit, l'éclo- sion approche , on dispose alors sur les reufs un papier criblé de trous et sur lequel on a placé de jeunes branches de mûrier, les vers ne tardent pas à couvrir les brindilles ; on les enlève ensuite bien doucement et on les porte à l'endroit qu'ils doivent occuper. On doit leur donner au moins six repas par jour, de façon à éviter la dessiccation des feuilles de mûrier, qui, même, doivent leur être données avec le plus grand soin ; il faut bien en essuyer la poussière et répandre convena- blement celles-ci sur les claies à élevage, de façon à ce que chaque individu puisse sans olfort atteindre sa pâture. Il importe également que les feuilles soient bien sèches, qu'elles ne soient avariées en aucune façon; qu'elles soient coupées en morceaux si elles ont perdu la tendresse de la jeunesse, car, de la bonne qualité de la nourriture, dépend le succès de l'élevage. A sa sortie de l'œuf, le ver à soie ne dépasse pas 2 mil- limètres, il a alors un appétit féroce; au bout de six ou sept jours, sa faim diminue; il mue pour la première fois, a cette époque se termine son premier âge. Le dixième jour les vers à soie ont terminé leur second âge. Le quin- zième jour, le magnan est prêt à entrer dans son qua- trième âge, qui le mène jusqu'au vingt-deux ou vingt- troisième jour. Le cinquième âge dure dix ou onze longs jours; les vers jaunissent, ils deviennent reluisants; à ce moment 68 LE NATURALISTE ils sont 40 fois plus grands qu'à leur naissance et plus de 9000 fois plus pesants ; vers le neuvième ou dixième jour de cet âge leur corps devient transparent, ils sont prêts à filer ; on met alors à leur disposition des branches de bruyère, ils y montent pour faire leurs cocons. La matière qu'ils sécrètent pour faire la soie est pro- duite par deux glandes tubulaires contournées, placées ne chaque côté de l'intestin, chacune se continuant anté- rieurement par une grêle filière; ils finissent, du reste, par former un canal unique où les deux fils visqueux des glandes sérigicènes se soudent et se dessèchent; le tube est terminé par un renflenient de la lèvre inférieure : dans celui-ci aboutissent aussi les canaux de deux petites glandes qui fournissent le grès, sorte de vernis qui donne au fil de soie son brillant. Le fil du cocon est continu, et atteint souvent un kilo- mètre. Le magnan s'enferme donc étroitement dans ce tissu, l'opération ne dure jamais plus de trois jours et demi. La chenille va donc se transformer en chrysalide. C'est alors qu'on ôte les cocons des bruyères; ceux qu'on veut conserver pour la graine seront placés dans une chambre spéciale où ils attendront pendant trois semaines environ l'éclosion des papillons; les autres devront être placés dans une étuve à 100°, de façon à tuer la chrysalide, ils seront prêts ensuite à être livrés au filateur. Léon Flameng. LA RICHESSE FAUNIQUE DE LA NORMANDIE Depuis que j'ai commencé la rédaction de ma Fau7ie de ta Normandie, laliorieux ouvrage auquel je consacre une partie de mon existence et qui aura plusieurs milliers de pages (1), je me suis maintes fois demandé quel pouvait être le nombre des espèces animales sauvages suscep- tibles d'être trouvées plus ou moins régulièrement ou plus ou moins exceptionnellement dans cette province. J'ai effectué les longues recherches nécessaires pour obtenir ce nombre, évidemment tout à fait approximatif par suite des lacunes considérables qui existent dans la connaissance de la faune normande, et je puis répondre a cette ([uestion. Au point de vue de la division administrative actuelle de la France, il est évident que le terme de « province » ne doit pas être employé; mais, à beaucoup d'égards, ce terme est très utile, et je prie les puristes de m'autoriser à dire, relativement aux études fauniques, que la Normandie est une province constituée par les cinq départements suivants : Seine-Inférieure, Eure, Calvados, Orne et Manche. Offrant une grande diversité de milieux, la Normandie possède, par cela même, une faune très riche. En effet, nous trouvons, dans cette province, des plaines, des collines, quantité de lieux boisés, des marais, des étangs, un fleuve, des rivières, etc., et, ce qui a une importance considérable pour sa richesse faunique, une ongue étendue de côtes maritimes. Ajoutons que, dans (t) Les fascicules I (Mammifi-res) et II et III ^Oiseaux) sont publiés; le fascicule IV (Reptiles, Batraciens et Poissons) paraîtra cette année. le voisinage de ces dernières, se trouvent quelques dépressions marines ayant une assez grande profondeur. De plus, cette province possède des iles et, cela est évi- dent, des eaux saumâtres. Au début de mes études sur la faune normande, la question suivante m'a fortement emlmrrassè : quelle est, au point de vue faunique, la largeur de la bande littorale marine qu'il convient de regarder comme dépendante de la Normandie'? Après y avoir mûrement réfléchi, j'ai finalement adopté douze kilomètres comme largeur maximum, lar- geur qui est tout à fait conventionnelle, cela va sans dire. Toutefois, je fais une exception pour le petit archipel de Chausey, situé presque entièrement, il est vrai, en dehors de cette bande, mais qui dépend de la commune de Granville, et que, par suite, la logique oblige à rat- tacher en entier à la Normandie. .Je tiens à dire qu'à mon avis on doit indiquer, dans un ouvrage faunique, toutes les espèces sauvages dont la présence a été reconnue, d'une manière certaine, d-ans la région étudiée, que ces espèces y habitent constamment, n'y soient que de passage ou n'y viennent que d'une manière tout à fait exceptionnelle, à la condition que leur venue ait lieu en dehors de l'action de l'homme. Voici, en adoptant la classification suivie par Edmond Perrier dans son très remarquable Traité de Zoologie, — classification dans l'ordre ascendant, ce qui est infiniment plus logique — le nombre des espèces vivantes des diffé- rents groupes zoologiques, dont la présence pourra être constatée en Normandie. Ces nombres sont, je tiens à le répéter, pour la plupart essentiellement vagues, en raison des énormes lacunes qui existent dans la con- naissance de la faune de cette province, dont j'ai indiqué, dans les lignes précédentes, les limites marines iju'au point de vue des études fauniques j'ai cru devoir lui assi- gner. Protozoaires et Mésozoaires : 3,000 espèces environ. La science ne possède qu'un fort petit nombre de documents sur les espèces normandes de ces deux groupes. C'est donc avec une très grande imprécision que j'évalue leur noiubre à 3.000, Spon(;iaires : 130 espèces environ. Polypes : 250 espèces environ, évaluation très approxi- mative. ECHINODERMES : 00 espèces environ. Arthropodes : 13.000 espèces environ, nombre très approximatif. Voici la décomposition de ce nombre en les classes qui constituent, dans la faune normande actuelle, l'em-^ branchement des Arthropodes : Crustacés, 900 espèces environ ; Pycnogonides, 20 espèces environ ; Arachnides, 1.000 espèces environ; Myriapodes, 80 espèces eitviron; et Insectes, 11.000 espèces environ. NÉMATHELMINTHES : 400 espèces environ, nombre très ap]iroximatif. LoPHOSTO.MÉs : 600 espèces environ, que l'on peut, mais d'une manière très vague, répartir ainsi dans les trois classes composant cet embranchement : Rotifères, 300 espèces environ ; Bryozoaires , 300 espèces environ ; et Bracliiopodes, B espèces environ. LE NATURALISTE 69 Vers (MonomérUles, Annelcs et Platyhelminthes) : 900 os]iéccs environ, uomlire très a|i])i'(ixiniatif. M(ii.i.usQUF.s : 700 espèces environ, se ivpartissant ainsi dans les cinq classes qui constituent cet enil)i'an- chemcnt : Amphineures, 10 espèces environ ; Gastéro- podes, 440 espèces environ ; Scaphopodcs, 5 espèces environ ; Lamellibranches, 230 espèces environ ; et Céiiha- lopodcs, 10 espèces environ. TuNICIERS: 100 espèces environ. Vertébrés : 010 espèces environ. Ce nombre, vraisem- lilalilement voisin de la réalité, peut ainsi être décomposé en les cinq classes constituant cet embranchement : Pois- sons, 190 espèces environ, dont à peu près 130 sont de présence plus ou moins régulière en Normandie, et envi- ron 60 ne s'y trouvent que plus ou moins exceptionnelle- ment; liiitrariens, lo espèces environ; Reptiles, Il espèces environ; Oiseaux, 330 espèces environ, dont à pou près 190 sont sédentaires ou de passage régulier en Norman- die (un certain nombre d'espèces y sont à la fois séden- laires et de passage régulier), et dont environ 140 n'y viennent ([ue d'une manière plus ou moins acciden- telle; enfin, Mammifères, 65 espèces environ, dont à peu près 30 sont sédentaires en Normandie, et environ 13 n'y viennent que plus ou moins exceptionnellement. La totalisation de la quantité d'espèces des groupes zoologiiiues indiquée précédemment donne le nombre de 19.770 nu 19.790, selon qu'on additionne, soit uniquement le nombre d'espèces des groupes principaux, soit, pour les embranchements des Lophostomés, des Mollusques et des 'Vertébrés, le nombre d'espèces des subdivisions de ces trois embranchements. C'est donc un total d'à peu près 20.000 types spécifiques, auxquels se rattache une quantité considérable devariétés que l'entière insuffisance de renseignements ne me permet pas de fixer, même avec une très vague approximation. En résumé, je crois pouvoir évaluer à vimjt mille envi- ron le nombre des espèces animales susceptil.des d'être rencontrées dans la province normande, dont j'ai indiqué précédemment les limites terrestres administratives et les limites marines conventionnelles; mais je tiens ab- solument à répéter encore qu'il ne s'agit là que d'une évaluation fort imprécise. Quoi qu'il en soit, il n'était pas, je le crois, sans intérêt de rechercher quelle pouvait être la richesse faunique de la Normandie, richesse qui est très grande en raison de la situation iirivilêgiée de cette province. Henri Ci.\DEAU de Kerville. P. -S. — Je recevrais avec beaucoup de reconnaissance des documents sur les Reptiles, les Batraciens et les Poissons rares en Normandie. Il me serait particulière- ment utile d'avoir en communication des 'Vipères, des Sonneurs iliomhinator] et des Loches {Cobitis) capturés dans cette [irovince. [Henri Gadeau de Kerville, 7, rue Dupont, Rouen.] MINÉRAÏÏX NOÏÏYEAÏÏX présente eu petits cristaux a|iiiarteii:int an système rhom- bique et no dépassant pas 3 millimètres diUongueur. Los cristaux sont allongés suivant l'axe qui joint les deux angles aigus de la base. Ils ressemblent à dos cristaux de dufrénoysite, et ont par conséqwuit l'éclat métallique. Leur densité est de 3,32. L'analyse a donné les résultats suivants : Plomb 32, 9S Soufre 23, 72 Arsenic 17, 24 Antimoine 3, 33 P\'r 0, 36 Total 99, 03 Cette composition nnuitre qui' la l'iiihite est un mélange isomorphe de 3 molécules de dufrénoysite, qui est un sulfoarséniure deplomb, avec une molécule dejamesonite, qui est un sulfo-ammoniure de plomb. La rathite est soluble dans l'acide chlorhydrique. Elle est facilement fusible au chalumeau. La Schulzenite possède une couleur noire et est amor- phe. Sa cassure est conchoïdale et sa poussière est noire. La densité est 3,39 et la dureté 3,5. Elle contient 46, 76 0/0 de cobalt, 12,65 de cuivre, 14,08 d'eau combinée et 19,34 d'oxygène : c'est donc un mélange hydraté d'oxyde de cobalt et d'oxyde de cuivre. La localité de cette espèce est inconnue. Elle a été trouvée dans la collection F. Schulze et vient probablement du nord du Chili. Sa description est due à M. Pablo Martens. La Pearceite, décrite par le minéralogiste américain M. Penfîeld, est une polybasite arsénifère. H. Rose avait constaté que la polybasite de Chemnitz renfermait beau- coup d'arsenic et peu d'antimoine, c'est donc de la pear- ceite. M. Penfleld, pour justifier la création de cette nou- velle espèce, fait remarquer que l'on a l'habitude de donner des noms différents aux antimoniures et auxarsé- niures ayant la même formule, bien que ces deux corps puissent se remplacer mutuellement et que Ton ait tous les passages entre les deux types extrêmes. Ex. : la tétraédrite et la tennantite ; la nickeline et la breithauptite. ANIMAUX Mythologiques, légendaires, historiques, illustres, célèbres, curieux par leurs traits d'intelligence, d'adresse, de courage, de bonté, d'attachement, de reconnaissance, etc. La Rathite, décrite par H. Baumhauer et dédiée au célèbre minéralogiste G. von Rath, a été trouvée dans la dolomio de Binnenthal, qui est bien connue par sa richesse en espèces minérales. Elle est cristallisée et se Dauphin. — Le dauphin a-t-il été conim des Egyp- tiens et des Hébreux? Evidemment, puisqu'il pullule dans toutes les mers; mais nous ue connaissons pas le mot dont se servaient les Juifs pour désigner ce pois- son. Quelques auteurs veulent que le poisson qui engloutit Jonas [ait été un dauphin : or, jamais un dauphin n'a sérieusement attaqué l'homme et n'a pu en avaler un tout entier ; il y a à cela une seule raison, mais elle est péremptoire : c'est que l'homme est un morceau trop gros pour l'estomac de ce poisson. D'autres théologiens ont cru qu'il s'agissait du maillet: impossible encore, toujours pour la même raison. « Il s'agit, selon toute vraisemblance, dit Fillion, du Canis LE NATURALISTE carchaiitis, ou Requin, qui est parfois lon^' de dix mètres, et dont la gueule énorme peut mesurer jusqu'à 1 m. 50 entre les mâchoires. » La légende veut que Jonas ait été englouti par une baleine, qui le garda trois jours dans son estomac; ici, encore une difficulté; ce roi des cétacés a le gosier trop étroit pour avoir pu remplir le rôle qu'on lui prête; le pauvre Jonas eût été laminé avant de pouvoir s'installer dans son domicile. Bochart, pas plus que d'autres érudits commentateurs de la Bible, ne souille mot du dauphin. Néanmoins, il me paraît que l'imagination populaire est plutôt dans le vrai en attribuant l'aventure à la ba- leine plutôt qu'au dauphin ; en cO'et, la taille colossale du cétacé l'indiquait naturellement pour cette fonction providentielle, et le peuple n'avait pas à s'inquiéter des dimensions particulières du gosier de l'animal. Toute discussion serait d'ailleurs oiseuse à ce sujet. Voyez dans la Bible : Jori'is, chap. il, v. 1-11; Mathieu, ch. xii, v.40; Lamentations de Jérémie, ch. iv, v. 3. Ce dernier passage nous montre que les Hébreux savaient que le dauphin (ou tout autre cétacé désigné par lamia dans la Vulgate) allaite ses petits : « Même les monstres marins présen- tent la mamelle et allaitent leurs petits; mais la fille de mon peuple est cruelle comme l'autruche du désert. » Le vieil Homère connaissait la foudroyante rapidité de la course du dauphin et sa force, qui le rendent si redou- table aux autres habitants des mers; aussi lui compare- t-il Achille faisant fuir les Troyens devant lui : *Û; 6''j-ô 5î>9.îvo; [Xïyay.r.TcOç t'yO-js; à'/)oi; i< Tels les poissons poursuivis par le dauphin. » Le dauphin a fait parler de lui plus encore que le cygne, et l'on a débité sur son compte les fables les plus extraordinaires et les plus ineptes. Le premier cou])able connu est Hérodote, qui s'est borné, bien entendu, à raconter ce qu'il avait entendu dire, et ce qui constituait sans doute une tradition se perdant dans la nuit des temps. D'après lui, un dauphin aurait sauvé le fameux cithariste Arion, que des matelots avaient obligé à se jeter dans la mer, et l'aurait transporté au plus jirochain rivage. Voyez les Histoires, livre I [Ctio), chap. xxiii et XXIV. Comme tous les auteurs qui ont parlé du dauphin se sont servis de ce passage d'Hérodote, en l'entourant des mille autres légendes qui avaient cours de leur temps, je me bornerai à citer ces derniers dans les passages les plus curieux de leurs récits. Aristote d'abord : Histoire des animaux (Livre l, ch. ix, § 1 et 2.) — Parmi les animaux marins, les cétacés, tels que le dauphin et les sélaciens, sont également vivipares. De ces animaux marins, les uns ont le tuyau souffleur et n'ont pas de branchies, comme le dauphin et la baleine. Le dauphin a le tuyau sur le dos, tandis que la baleine l'a sur le front. (I, IX, § b.) « De tous les animaux qui ont des oreilles, l'homme est le seul chez qui elles soient immobiles, car, parmi les animaux doués de l'organe de l'ouïe, les uns ont des oreilles, les autres n'en ont pas : ils n'ont à l'ex- térieur que le conduit auditif, comme tous les volatiles et les animaux à écailles. Tous les vivipares, excepté le phoque, le dauphin et les diverses espèces de sélaciens ont des oreilles; car les sélaciens aussi sont vivipares. (II, IX, § 3.) « Le dauphin a deux mamelles, non pas placées en haut, mais situées près des articulations. Les mamelons ne sont pas apparents, comme dans les qua- drupèdes ; mais ce sont des espèces d'orifices, un de chaque côté sur les flancs ; c'est de ces orifices que sort le lait tété par les petits, qui suivent leur mère; le fait aété constaté par quelques personnes qui l'ont parfaitement vu. (IV, IX, 5; 9.) « Le dauphin émet aussi un sifflement, et il murmure quand il sort de l'eau et est à l'air. Mais ce son est tout autre chose que ceux dont on vient de parler {la voix ou le cri des autres animaux). Le dauphin a bien une voix, puisqu'il a un poumon et une trachée-artère ; mais il n'a pas la langue libre et il n'a pas de lèvres, de manière à pouvoir articuler quelque chose avec cette voix. » (Inutile de dire que cette prétendue voix du dauphin n'est autre chose que le bruit de l'eau sortant par les évents; en outre, un poumon et une trachée-artère n'ont jamais exclusivement suffi pour créer la voix.) (IV, X, § 8.) (1 Les sélaciens dorment si bien, que parfois on peut les prendre à la main : le dauphin, la baleine et tous les poissons à tuyau dorment en élevant au-dessus de l'eau ce tuyau, qui leur sert à respirer, et en remuant doucement les nageoires. On prétend même qu'on a en- tendu le dauphin ronfler. (V, XXV, § 7.) « Dans cette partie de la mer qui va de Cyrène à l'Egypte, le dauphin est attaqué par un poisson qu'on appelle le pou ; ce poisson est le plus gras de tous, parce qu'il profite de la nourriture abondante que le dau- phin lui assure en chassant. (VI, XI, § 1, 2, 4.) « Le dauphin et la baleine, ainsi que les autres cétacés, qui ont un tuyau ou évent au lieu de branchies, sont vivipares. En général, le dauphin ne pro- duit qu'un seul petit, rarement deux. La baleine en a or- dinairement deux au plus, mais elle en a deux plus sou- vent qu'un. Les petits du dauphin croissent rapidement; en dix ans, ils acquièrent leur développement complet. La femelle porte dix mois ; elle produit en été seule- ment, jamais dans une autre saison ; les petits la suivent pendant très longtemps, et cet animal aime beaucoup sa progéniture. Il a une existence assez longue : on en a vu vivre jusqu'à vingt-cinq ans, et même jusqu'à trente. Les pêcheurs coupent la queue de quelques-uns et les laissent aller ensuite, assurés de connaître par là, plus tard, l'âge qu'ils atteindront. (VIII, IV, § 8.) « La rapidité du dauphin et sa glouton- nerie sont vraiment inimaginables. (IX, XXXV, §§ 1 à 4.) 0 Parmi les poissons de mer, le dauphin est celui dont on cite le p'.us de traits de dou- ceur et de docilité. On vante même ses affections et son amour pour les enfants, à Tarente, en Carie, et dans d'autres pays. Ainsi, en Carie, on prétend qu'un dau- phin ayant été pris et couvert de blessures, une foule de dauphins arrivèrent dans ce port, et ne le quittèrent que lorsque le pêcheur eut lâché le dauphin blessé ; alors seulement tous s'en allèrent. Les petits dauphins sont toujours suivis de quelqu'un des gros, pour les dé- fendre. On a observé une fois une troupe de grands dau- phins et de petits, réunis tous ensemble ; deux autres, laissés en arrière, parurent à peu de distance, nageant sous un petit dauphin mort, et le soutenant sur leur dos quand il coulait à fond, comme si, dans leur pitié pour lui, ils voulaient empêcher que d'autres gros poissons ne le dévorassent. « On raconte delà vitesse des dauphins des choses non moins incroyables, et l'on peut admettre quec'est le plus rapide de tous les animaux de mer et de terre, dans ses LE NATURALISTE mouvements. On prétend que, dans ses bonds, il saute jusque par-dessus les voiles des grands vaisseaux. C'est ce qui leur arrive surtoutquand ils poursuivent quelque poisson pour le dévorer; ils plongent avec lui jusqu'au fond des mers, où il fuit ; mais quand le retour doit de- venir par trop Ions;, ils retiennent leur souffle, comme s'ils avaient calculé la distance, et, se retournant soudain, ils vont avec la rapidité d'une flèche, voulant franchir l'im- mense intervalle aussi vite que possible, afin de pouvoir respirer à la surface. C'est dans cet élan qu'ils bondis- sent par-dessus les bateaux (jui se trouvent là.» Dans sa Géographie (liv. XVII, ch. ii) Strabon nous dit : a Aristobule ])rétend qu'aucun poisson do mer ne remonte le Nil, à cause des crocodiles, et qu'il en est trois pourtant qu'on y renconlre, à savoir : le dauphin, le ceftreus et le thrissa ; le dauphin, parce qu'il est plus fort que le crocodile. « etc. C'est ce que dit aussi Pline au livre VIII, ch. xxxviii, de son Histoire naturelle : Il Le crocodile était un fléau trop dangereux pour que la nature se contentât de lui opposer un seul ennemi : aussi des dauphins qui entrent dans le Nil ont sur le dos une épine (I) qui semble aiguisée pour servird'arme : les cro- codiles veulent les empêcher de chasser dans un fleuve qu'ils regardent comme leur domaine; le dauphin, plus faible que son ennemi, le met à mort par ruse ; en effet, tous les animaux ont un instinct admirable qui leur fait connaître non seulement leurs propres avantages, mais encore les désavantages de leurs ennemis, leurs armes, le côté faible de ceux qu'ils attaquent. Le crocodile a sous le ventre la peau molle et mince; le dauphin, comme effrayé, plonge, passe sous le ventre de son ennemi, et il le lui perce avec son épine. » Strabon continue ainsi : (XII, III, § 19) n Lesdauphins, onicsait, viennent vo- lontiers à la suite des poissons, tels que les cordyles, les thynnes, et même les péiamydes, qui voyagent par bandes. Naturellement, ils s'engraissent vite aux dépens de ces poissons, et n'en deviennent (jue plus faciles à prendre, leur voracité les poussant à se rapprocher des côtes le plus possible. Or, une fois qu'on les a amorcés et pris, ou s'empresse de les dépecer pour extraire toute leur graisse, qu'on fait servir ensuite à mille usages diffé- rents. » Il paraît qu'on voyait aussi des dauphins dansleGange et ses affluents : car, au ch. i du livre XV, § 72, Strabon dit : «... Entre tous les affluents du Gange, Artémidore distingue l'Œdanès, qui nourrit dans ses eaux, paraît-il, des crocodiles et des dauphins. » Au chapitre li du livre XIII, § 4, il raconte succincte- ment l'aventure du musicien Arion : «... Ici, àMéthymne est né Arion, personnage qu'un récit fabuleux d'Héro- dote a rendu célèbre, et qui, jeté à la mer par des pirates, se sauva, dit-on sur le dos d'un dauphin, et put ainsi gagner Ténare : cet Arion était citharède. » Ovide, dans ses Fastes, nous parle aussi d'Arion, éter- nel sujet pour les poètes (livre II, v. 79 à ll8);il s'agit de la constellation du Dauphin : «... Le Dauphin, dont vous admirez la couronne d'étoiles, vous échappera aussi la nuit suivante. Est-ce celui dont les recherches heureuses secondèrent les amours secrètes de Neptune (2), ou si c'est l'habitant de (1) D'après Cuvier. c'est le ^qualus acanlhias. (.2) Et d'Amphitrite. l'onde qui porta le poète de Lesbos et sa lyre ? Sur l'Océan, sur la Terre, quel lieu n'est plein de la gloire d'Arion ? Ses chants suspendaient les fleuves dans leurs cours. On vit souvent, aux accords de sa lyre, le loup quitter la poursuite de la brebis timide, et l'innocente proie oublier sa peur et ses dangers. Le même arbre prêtait son ombre aux chiens et aux lièvres, la biche prenait place sur le rocher auprès de la lionne; pour la première fois, l'oiseau de Minerve supportait sans humeur le babil de la corneille ; la colombe ne fuyait plus l'éper- vier. On dit même, harmonieux poète, que la scuur d'Apollon, séduite par tes chants, croyait entendre son frère. Le nom d'Arion avait retenti dans toutes les villes de la Sicile, et les côtes mêmes de l'Ausonie avaient répété ses accords. Le poète revenait de ces beaux lieux. Il montait un vaisseau chargé des trésors qu'il devait à son génie, etc., etc. — Toute œuvre pie attire les regards du Ciel : Jupiter jilaça le dauphin parmi les astres et l'entoura de neuf étoiles. » Cette constellation en a même seize visibles à l'oeil nu. Dans ses Métamorphoses (livre III, v. 670-687), Acoetes raconte comme il s'était, avec ses compagnons, emparé du jeune Bacchus ivre, à Naxos, et comment ce dieu, pour l'en punir, transforma ses compagnons en dau- phins : ... primusque Mcdon nigrcscere pinnis Corpore depresso, et spinœ curvamina flecti Incipit; etc., etc. « Médon, le premier, voit, sur ses membres courbés, naître de noires écailles, et l'épine de son dos se courber en arc. Quelle étonnante métamorphose ! lui ditLycabas; et pendant qu'il profère ces mots, sa bouche s'allonge, son nez s'élargit, et sa peau durcie se couvre d'écaillés. Un autre veut, d'un bras vigoureux, saisir les câbles; mais il n'a plus de bras : mutilé, il tombe au fond de la mer, et son corps se termine par une queue semblable à une faux ou au croissant de la lune quand elle nous montre la moitié de son disque, (,'à et là ils bondissent et font jaillir au loin les flots; puis ils s'élancentdu sein des eaux et s'y plongent encore; ils nagent en chœur, se livrent à mille jeux, et l'onde qu'ils ont aspirée ils la rejettent hors de leurs larges naseaux. » Avait-il tout à fait tort, notre Régnier, poète lui-même, quand il disait : Pour être bon poète il faut tenir des fous ? Et Jean Passerat, poète aussi, n'a-t-il pas dit : Le poète et le fou sont de même nature? Quant au poète Malherbe, il est encore plus incisif : Un bon poète, dit-il, n'est guère plus utile à l'Etat qu'un bon joueur de quilles. Eh! eh! ne chicanons pas trop ces trois augures : ils aimaient la vérité. Mais les prosateurs disent parfois autant de folies que les poètes; écoutons-les. Voici d'abord Pline l'ancien et son Histoire naturelle (livre IX, ch.vii) : « Le plus rapide de tous les poissons, et même de tous les animaux, est le dauphin; il est plus prompt qu'un oiseau, qu'une flèche; et s'il n'avait pas la gueule beaucoup au-dessous du museau (???) et presque au milieu du ventre (!!!) aucun poisson ne lui échappe- rait, etc., etc. » Puis il copie mot à mot Aristote, et il continue ainsi : «... Leur langue, contre la disposition habituelle aux LE NATURALISTE animaux aquatiques, est mobile, courte et large, et ne dilTère guère de celle du cochon. Au lieu de voix, il ont un gémissement semblable au gémissement humain ; leur dos est voûté, leur nez camard (simus, o-iixo;) ; c'est pour cette raison qu'ils reconnaissent tous d'une manière sin- gulière le nom de Simon, qu'on leur donne, et ils aiment à être appelés ainsi. Vin. — « Le dauphin n'est pas seulement ami de l'homme, il aime aussi la musique ; la symphonie le charme, et surtout le sondes instruments hydrauliques. Pour lui, l'homme n'est pas un étranger dont il ait peur ; il va au-devant des vaisseaux, il joue, il bondit, il joute même, et dépasse les navires quoiqu'ils voguent à pleines voiles. Sous le règne du dieu Auguste, un dauphin mis dans le lac Lucrin prit en amitié l'enfant d'un pauvre homme. Cet enfant, allant habituellement de Baies à Putéoles (Pouzzoles) pour se rendre à l'école, s'arrêtait vers midi sur la rive, l'appelait du nom de Simon, et l'al- léchait en lui jetant des morceaux de pain qu'il portait dans cette intention. Je n'oserais rapporter ce fait s'il n'était consigné dans les écrits de Mécène, de Fabianus Alfius et de plusieurs autres. A quelque heure du jour qu'il fijt appelé, eùt-il été caché au fond des eaux, le dauphin accourait. Ayant reçu sa portion de la main de l'enfant, il lui présentait son dos pour qu'il y montât, et cachait ses aiguillons comme dans une gaine. Il le por- tait ainsi jusqu'à Putéoles à travers un grand espace d'eau, et le ramenait de la même façon. Cela dura plu- sieurs années, jusqu'à ce qu'enfin, l'enfant étant mort de maladie, le dauphin, qui venait de temps en temps au lieu accoutumé, triste et affligé, succomba à son tour, victime (ce dont personne ne douta) des regrets qu'il éprouvait. » On verra plus loin qu'Appien a encore dramatisé ce récit plus qu'il ne l'est. Voilà un fait bien incroyable, et contre lequel nous nous insurgeons. Eh bien, nous avons peut-être tort. D'abord, était-ce réellement un dauphin ? ne s'agit-il point ici d'un plioque, d'une otarie '?... Tout le monde a vu les otaries du Jardin d'Acclimata- tion. Ces animaux accourent d'un bout de leur bassin à l'autre, à la vue d'un morceau de pain; un enfant leur en fait faire le tour en tenant l'appât à la hauteur do leur mufle. Admettez maintenant que ces animaux familiers puissent jouer avec un enfant; que celui-ci, bien connu du camarade aquatique, le flatte, le caresse, l'habitue à son contact continuel (c'est d'ailleurs ce qui a lieu entre les otaries et leur gardien) ; qu'y aurait-il d'étonnant à ce que l'amphibie, nageant cùte à cote avec son ami, le lais- sât grimper sur son dos et le portât ainsi plus ou moins loin ?... Faites maintenant la part de l'exagération du vulgaire, et voilà tout un roman échafaudô, revu, em- belli, et prenant bientôt tous les caractères de la fable. C'est ainsi que la mythologie — comme l'histoire, sou- vent — a été écrite. « Un autre dauphin, continue Pline l'Ancien, il y a quelques années, sur la côte d'Afrique, près d'Hippone Diarrhyte, recevait de la même façon les aliments de la main des hommes, se prêtait à leurs caresses, jouait avec les nageurs et les portait sur son dos. Il fut frotté avec un parfum par Flavianus, proconsul d'Afrique ; cette odeur, nouvelle pour lui, l'assoupit, et il flotta comme un corps mort. Pendant quelques mois il s'abstint de la société des hommes, comme si un outrage l'en avait chassé; puis il revint, et présenta le spectacle des mêmes mer- veilles. On accourait le voir de tous côtés, et. comme les visiteurs étaient parfois d'un rang fort élevé, la ville, qui était pauvre, était entraînée à des dépenses hors de ses moyens pour recevoir convenablement ses hôtes. On ré- solut donc de se débarrasser du bon dauphin et on le fît secrètement périr. » C'est là où le crétinisme humain apparaît dans toute sa splendeur. Pline le Jeune, neveu du précédent, a écrit cette histoire à son amiCavinius, dansune longue lettre(xx.xiii° épitre), où il ajoute de nombreux détails, et dans laquelle il dit que, tel qu'il s'est passé, sans y ajouter aucun ornement étranger, ce fait pourrait être célébré en vers éloquents, et constituer un beau poème ; — pas en l'honneur de l'homme, certes ! n Mais avant tout cela, continue Pline l'Ancien, on a cité l'aventure d'un enfant de la ville d'Iassos ; longtemps un dauphin f^Jt remarqué pour l'attachement qu'il portait à ce petit. Un jour, le suivant avec trop d'ardeur sur le rivage, au moment où il regagnait la terre, il s'échoua sur le sable et expira, Alexandre le Grand fit cet enfant prêtre de Neptune, à Babylone, considérant cet attache- ment du dauphin comme une preuve de la faveur de la divinité. « Théophraste rapporte qu'un dauphin mourut de cha- grin à la suite du décès d'un enfant son ami, mort dans les flots en jouant avec lui. « Je n'en finirais pas si je voulais citer tous les faits de ce genre. Les Amphilochiens et les Tarentins font les mêmes récits d'enfants et de dauphins; cela donne de la vraisemblance à l'histoire d'Arion... » {Suit l'histoire d'Arion, que nous verrons tout à l'heure en détail.) Pline cite ensuite des faits d'une prodigieuse incohé- rence : les dauphins venant donner un coup de na- geoire aux pêcheurs pour que leur pêche soit aussi heu- reuse que possible : (Livre IX, chap. ix.) « Un nombre infini de muges, à une épocjnefixe, se précipitent dans la mer par l'ouverture étroite de l'étang nommé Latera, dans la province de Narbonne, au territoire de Nîmes, au moment du reflux. Cela fait qu'on ne peut tendre des filets, qui ne résisteraient pas à un pareil poids, quand même le choix du moment ne favoriserait pas les muges. Aussi, ces poissons se ren- dent-ils en toute hâte dans une mer profonde que forme un gouffre voisin, etils s'empressent de fuir le seul lieu où l'on puisse tendre des filets. Dès que les pêcheurs s'en sont aperçus, tout le peuple (car une foule immense, con- naissant l'époque, et surtout avide de ce plaisir, s'est réunie), tout le peuple, dis-je, appelle à grands cris, du rivage, Simon à l'afl'aire et au spectacle. « Les dauphins entendent bientôt qu'on a besoind'eux,' le vent du nord portant rapidement la voix de leur côté, et le vent du midi la retardant. En tout cas, ils ne font pas attendre leur secours. On les voit arriver en bataille, et prendre aussitôt position là où l'action va s'engager : ils coupent aux muges le chemin de la haute mer, et, en les effrayant, les repoussent dans les bas-fonds. Alors les pêcheurs jettent leurs filets et les soulèvent avec des fourches; néanmoins les muges, agiles, les franchissent; mais les dauphins fondent sur eux, et, se contentant pour le moment de les tuer, remettent à les manger après leur victoire. L'afl'aire est chaude. Les dauphins, qui poussent vigoureusement leur pointe, se laissent en- fermer dans les filets ; et, pour que leur présence ne LE NATURALISTE 73 presse poiiil hi fuite de reniienii, ils se glissent ontio les barriiies, les filets ou les nageurs, avec assez de ménage- mont pour ne pas ouvrir une issue aux poissons. Ils ne font aucun elVort jiour s'échapper par des sauts (ce qui est ordinairement leur amusement favori) avant qu'on abaisse les lilcts devant eux ; sortis, ils combattent aussi- tôt devant l'enceinte. Enfin, la pèche terminée, ils dévo- rent ceux qu'ils ont tués; mais, sentant qu'ils ont rendu trop de services pour ne recevoir de salaire qu'un seul jour, ils attendent au lendemain, et se rassasient non seulement de poisson, mais de pain tremiié dans du vin. E. Santini de Riols. L<'lionaino intorslaclairo Les premières traces certaines de l'homme dans les formations géologiques se rapportent à l'époque inter- glaciaire. Dans les dépôts sablonneux laissés par les larges fleuves d'alors, si larges qu'ils atteignaient, comme la Seine, par exemple, 16 kilomètres, on rencontre, avec les molaires d'Elepha^ antiquiis et de Rhinuceros Merckii, des silex taillés par l'homme. Ce sont des instruments rudinientaires, tous identiques, qu'on a décorés du nom de haches. C'est un silex ou un fragment d'autre roche, auquel on a donné la forme d'une grosse amande en détachant, par le martelage, des éclats sur ses deux faces. La forme, la grandeur, le fini varie, mais, au fond, l'instrument reste le même, tou- jours identique, et il est aisé de le reconnaître à première vue. L'amande est plus ou moins ovale, se terminant, d'une part, en pointe souvent aiguë, s'arrondissant d'autre part en un talon épais. Cet instrument pouvait servir, par sa pointe, d'arme perforante, par son talon, de marteau jiour la frappe. Était-il tenu simplement à la main ou fixé à l'extrémité d'un épieu':" La réponse est dillicile à donner, car aucun indice n'a été relevé pour une solution définitive. C'est en 1847 que Boucher de Perthes, dans le pre- mier volume de ses Antiquités celtiques et antt'dilnviennes, appela l'attention du monde savant sur ces haches, y vit un travail intentionnel et n'hésita pas à en rapporter la fabrication à la race d'hommes détruite par le déluge uni- versel. L'idée de découvrir dans les dépôts sablon- neux du diluvium les restes des hommes qui furent anéantis par le déluge de Noé, conduisit Boucher de Perthes à cette importante découverte. C'est en recher- chant dans les alluvions des environs d'Abbeville les restes des antiques humains détruits par cette mémorable inondation, que cet homme modeste découvrit ces silex taillés. L'annonce de cette trouvaille imprévue déchaîna contre son auteur de violentes protestations. « Archéologue inconnu, géologue sans diplôme, dit Boucher de Perthes, je voulais renverser tout un système, confirmé par une longue expérience et adopté par tant d'hommes éminents. C'était là, disait-on, une étrange prétention... Ils ne soupçonnaient pas ma bonne foi; mais ils doutaient de mon bon sens. » Le mot « hérésie » fut prononcé. Et cependant, même en se plaçant sur le terrain des textes bibliques, il était étrange de contester la présence d'armes humaines dans les couches formées jiar ce cataclysme, puisque les hommes avaient, d'après la Bilde, disparu dans celte inondation universelle! Boucher de Perthes, convaincu, ne se laissa pas décou- rager; il continua ses fouilles et, dix ans plus tard, il publia, en 1857, le second volume de son travail. Pendant ce laps de temps, la question de l'homme antédiluvieiï avait fait un grand pas. Les travaux pres- que oubliés de Tournai de Narbonne (1828), de Christol de Montpellier (1829), de Schmerlinde Liège (1833), d'Ay- mard du Puy M844). d'Ami Boue, de l'Académie des Sciences de Vienne (1823), avaient affirmé la présence d'ossements humains associés, dans les dépots des ca- vernes et du diluvium, aux ossements fossiles d'animaux disparus. Cuvier leur avait opposé une dénégation for- melle, en niant, dans son Discours sur les révolutions du globe, l'existence de l'homme contem])orain des derniers phénomènes géologiques et des derniers animaux d'es- pèces éteintes, de rhomme fossile, en un mot. Les décou- vertes de Boucher de Perthes soulevaient de nouveau la question et apportaient des arguments du plus haut intérêt. Dès 18b4, le docteur Rigollot, d'abord son ad- versaire, se déclarait converti et groupait autour de lui des partisans convaincus. Les savants anglais Joseph Prestwich et .John Evans, Ch. Lyel, donnaient, en 18S9, l'appui de leur puissante autorité au savant français, réunissant ainsi il'indiscutahles matériaux pour établir les Preuves géologiques de Vantiquité de l'homme. Le troisième et dernier volume de Boucher de Perthes parut en 1864. C'est en 1832, à Thuisson, aux portes d'Abbeville, que Boucher de Perthes avait trouvé la première hache en y^GM Silex taillé interglaciaire (Hache clielléenuej.vue do face et vue de profil. silex taillé. Toutes les alluvions quaternaires de la région montrent, en abondance, des instruments du même type. Amiens est un centre aussi riche; le gisement de Saint- Acheul qui touche à la ville a donné un nombre prodi- gieiix débâches. Le D'' Rigollot en a vu sortir du sol plus de quatre cents en cinq mois; on estime à plus de vingt mille le nombre des pièces recueillies jusqu'à ce jour sur ce point. De nombreuses stations sont disséminées sur les graviers quaternaires de la vallée do la Somme et de ses affluents. LE NATURALISTE Le bassin de la Seine a des carrières de graviers aussi riches en silex. En 1859 H. Gosse y fit les premières dé- couvertes. Les vallées affluentes en présentent toutes. Celle de la Marne contient le gisement de Chelles.quedeMortillet a pris comme type de cette époque. La Normandie, la Bretagne, le bassin de la Loire, la Vendée, les Charentes, le bassin de la Dordogne, les liassins du Rhône et du Rhin ont offert de précieux gisements. En Angleterre, la station de Iloxne, comté de Suffolk, est la plus célèbre ; mais le bassin de l'Ouse a fourni un grand nombre de haches bien conservées. De nombreuses stations ja- lonnent les vallées (juaternaires. La Belgique, l'Espagne, le Portugal, l'Italie, la Grèce, l'Afrique, ont donné d'importantes stations. Pour l'Alle- magne, la Russie et le nord de l'Europe, les points; signa- lés sont méridionaux et ne s'avancent pas dans la zone glaciaire qui, malgré le recul, couvrait tout le nord de l'Europe. Lorsque M. de Mortillet établit la classification de ses époques préhistoriques, il donna à l'époque qui nous oc- cupe le nom d'Acheuléen, nom tiré de la station de Saint- .\cheul si bien étudiée par le D'' Rigollot ; plus tard, la station de Chelles fut décrite, il la trouva plus typique et substitua le nom de Chelléen à celui d'.Acheulécn qui restent synonymes. Cette époque correspond géologi- quement à l'époque interglaciaire. Elle est caractérisée par une flore que les Tufs de la Celle (Seine-et-Marne) ont conservés. Parmi les plantes déterminées par M. de Saporta, plusieurs espèces dé- notent un climat plus doux et assez chaud. Le buis et le fusain à larges feuilles ne dépassent plus la Bourgogne, l'arbre de Judée atteint Orange, le figuier sauvage est propre à la Provence et le laurier des Canaries n'a plus de stations françaises. Pour que ce dernier arbuste put persister, le froid maximum ne pouvait dépasser 8°. Tous les gisements végétaux de cette époque amènent à cette conclusion que la température était égale, uni- forme, à écarts beaucoup moins étendus que de nos jours. La faune a pour types caractéristiques : Elephas anli- quus, l.hlnoctros Mcn-kii, et Hippopotamiis amphibius. Ces animaux ont des allinités étroites avec les formes de la faune chaude accompagnant Elephas meridionalis. ' C'est surles bords des largesfleuves de cei.te époque que l'homme chelléen façonnait ses silex en amandes, qu'il utilisait à divers travaux et dont il se servait comme armes pour lutter contre les animaux dont il faisait sa nourriture. Cet homme, nous le connaissons par le squelette de Nértnderlhal, trouvé dans les alluvions quaternaires de la vallée de la Dûssel, près Dusseldorf, par le crâne de Canstadt, par les ossements de Lahr redécouverts au Muséum par N.-E. Hamy, par les crânes d'Eguisheim, de Brux, de l'OImo, de Denise, par des pièces diverses dont les plus importantes sont les mâchoires de la Nau- lette, de Gourday, de Goyei, de Malarnaud, etc. Il ne dépassait pas, comme taille, la moyenne actuelle ; il avait des muscles puissants et une grande vigueur tho- racique. Avec ses arcades sourcilières proéminentes, son front étroit et fuyant, sa tète aplatie et très allongée (dolicocéphatie pure], son menton rejeté eu arrière, la tête présente des caractères simiens très évidents. Il s'agit d'une race inférieure, se rapprochant île l'Australien ou du Boschiman; c'était peut-être un négroïde. Ce type néanderthaloidc constitue la Race de Cariiftadt. Ces populations qui apparaissent ainsi dans les allu- vions interglaciaires ont-elles été précédées sur notçe sol par d'autres hommes? Jusqu'ici les dépôts glaciaires de la première extension et les couches tertiaires sont restées muettes. A un moment donné on a cru avoir découvert l'homme tertiaire, que M. de Mortillet appela VAn- thropopilhcque, mais les pièces n'ont pas résisté à un examen approfondi. Les entailles et incisions observées sur des ossements tertiaires et rapportées à l'action de l'homme ne sont que des empreintes de dents d'animaux carnassiers. Les soi-disant silex éclatés et taillés par l'homme s'expliquent par l'intervention des causes naturelles. Le 19 aoiit 1867, au Congrès d'anthropologie, l'abbé Bourgeois présenta des silex provenant du calcaire de Beauce de Thenay et qu'il considérait comme déformés par l'action du feu et retouchés, usés par l'action de l'homme. C'était la question de l'homme tertiaire qui se posait devant le Congrès. M. G. de Mortillet adopta les idées de l'abbé Bourgeois et bientôt la découverte, de silex taillés par M. Carlos Ribeiro dans le tertiaire de Portugal et celle de formes analogues ]jar M. Rames, au Puy Courny, près d'Aurillac, dans le miocène supérieur, semblèrent lui donner gain de cause. Mais l'entraîne- ment du premier moment ne dura pas, on contesta l'in- tervention humaine pour la production des éclats des silex, et peu à peu les anthropologistes, même ceux qui, comme Cartailhac, avaient admis au Congrès de Bruxelles de 1872 des pièces taillées ]iarmi les échantillons de Theoay, refusèrent le caractère intentionnel aux formes oliservées. M. Adrien de Mortillet livra, au Congrès de Paris de 1891, une dernière liataille en faveur de l'homme tertiaire. MM. Boule et Cartailhac affirmèrent que Rames se gardait bien de soutenir que les silex de Puy Courny étaient taillés, et M. Cartailhac résuma l'opinion générale des anthropologistes par la phrase suivante : « C'est avec un véritable chagrin que j'ai dû me séparer de M. N. de Mortillet et renoncer à voir dans les silex éclatés de la période terliaire des preuves de l'action humaine. » Les ancêtres de l'homme chelléen ou interglaciaire restent donc à découvrir. Lorsque les glaciers reprirent leur marche en avant, lorsque la faune froide succéda à la faune chaude de l'interglaciaire, des hommes continuèrent à vivre sur le sol de la France ; nous leur consacrerons une prochaine étude. D"' Paul (iiROD, Professeur à l'UnivL'rsito de Clermont-Ferrand. ACADÉDIIE DES SCIENCES Depuis l'apparition du travail de M. Nicolas de Zograff, sur le système nerveux embryonnaire des Crustacés, M. leD'R. S. Bergh, de Copenhiague, a émis l'opinion que les cellules, répondant à la réaction du bleu de méthylène, ne présentent pas de caractères assez décisifs pour être reconnues comme des cellules nerveuses. Une nouvelle étude des Nauplius d'eau douce, en appliquant à leur étude, outre la méihode d'Ehr- lich, les méthodes de M Golgi et Ramon y Cajal conduisent M. de Zogralï(l) à la confirmation de ses premiers résultats. Il existe donc bien chez les larves de Crustacés un système it) Séance du 23 janvier. LE NATURALISTE nerveux emln-yonnaire différent de celui de l'adulte. Ce sys- tème est formé de cellules spéciales S(uis-cuticulaires qui se relient entre elles par des ramilications très épaisses et sont en rapport avec le ganglion sous-ojsophagien. Les cellules qui le composent ont une disposition spéciale et sont toujours situées aux mêmes endroits. M. Calois (Il en employant la même méthode d'Erlich à des études d'iiistologie et d'anatomie microscopique de l'encé- phale des poissons, arrive au même résultat que Ramon y Cajal. Suivant ces auteurs, le bleu de méthylène rendra des services comme moyen de contrôle et pour des recherches d'ensemble ^marche des faisceaux nerveux, des fibres commis- surales, étude des noyaux d'origine, etc.i Mais ce réactif colo- rant ne saurait remplacer dans la technique histulogique des centres nerveux les fines et délicates imprégnations au chro- mate d'argent nu de mercure. (Méthodes de Golgi, Cox, etc). Si, comme le fait très justement remarquer M. Giard dans la préface de ses Bopyriens, les mésaventures de la cuisine histologiquo n'ont, la plupart du temps, aucune importance au point de vue de la valeur d'un travail, il n'en reste pas moins vrai que, si certains auteurs se font un titre de gloire d'un colorant nouveau, d'autres cachent avec un soin jaloux et par un travers d'esprit semblable les méthodes qui leur ont procuré les meilleurs résultats. Nous no pouvons donc que féliciter ceux qui, sans aspirer à prendre un brevet d'inven- tion, nous communiquent libéralement les méthodes d'inves- tigation ou de préparation qui leur fournissent les meilleurs résultats. Ceux-là sont généralement ceux qui senties plus riches en bons travaux; ils comprennent l'intéiét général qu'il y au généraliser les bonnes méthodes et, d'autre part, ils ont trop d'acquis pour avoir rien à perdre. M. de Zograf (2i nous four- nit un nouvel exemple en nous communiquant une méthode de préparation parfaite pour les rotateurs, beaucoup d'Infu- soires, Héliozoaires, Uhizopodes, etc. Après avoir narcotisé à la cocaine chlorhydrique de M. Rousselet (Voir Boles, Lee et Henneguy, dernière édition) sans y ajouter d'alcool méthylique, on fixe les animaux avec une quantité assez grande de solution d'acide osmique à p- ou — agissant environ 2 à 4 minutes. On soutire le mélange osmique avec une pipette sans toucher aux animaux reposant au fond du vase et on le remplace par une solution faible (environ 1 volume pour 8 ou 10 volumes d'eau distillée) de vinaigre de bois cru. On lave ensuite 3 ou 4 fois à l'eau distillée et on remplace ensuite l'eau par la série des alcools en commençant, par celui à 50 0/0 pour finir par l'alcool absolu. On monte au baume. M. Alexandre Amaudrut (3) décrit la structure de l'appareil masticateur ou bulbe des Mollusques et son mécanisme. Les modifications que présente la structure du bulbe, dans les difl'érents groupes, portent sur le nombre, la forme et la dis- position des cartilages, des mâchoires, des dents et des muscles extrinsèques, dits rétracteurs du bulbe. La fonction essentielle de l'appareil radulaire consiste à prendre les ali- ments au niveau de l'orifice buccal et à les porter à l'entrée deToesophage; le mécanisme en est le même chez tous les Mol- lusques. ^[. S. Jourdain (4) nous signale chez quelques sarcoptides plumicoles un accouplement particulier, le mâle s'accouplant avec une larve octopode avant qu'elle n'ait subi sa dernière mue; ce n'est que pendant le cours de l'accouplement que la transformation de la larve octopode a lieu. M .S. Jourdain réserve i ce singulier cas d'accouplement le nom de pseudo- larvaire. M. J. Kiinckel d'Herculais ^51 communique à l'Académie les observations qu'il a faites sur les Sesamies lépidoptères nui- sible au mais, à la canne à sucre, au sorgho, etc. C'est encore un autre insecte nuisible, l'Hylésine brillant, qui fait le sujet d'une intéressante note de MM. A. Ménégaux (6j et J. Cochon. Cet insecte, inconnu dans les collections il y a oO ans et classé comme non nuisible, a fait de tels dégâts dans les forêts en Russie, en Suède, en Norvège, eu Allemagne, qu'il (1) Séance du 23 janvier. (2i Séance du !"■ février. (3) Séance du 1" février. (4) Séance du 25 janviei . (d) Séance du 15 février. (fi; Séance du 25 janvier. est maintenant considéré comme très nuisible; son mouyement d'envahissement de l'est à l'ouest semble se continuer par la Suisse et le Haut Jura où il a l'ait son apparition en 1895. Ce qui fait le danger de l'Hylésine brillant (Dcndroctonus Micans, Ratz) c'est qu'il ne s'attaque qu'aux arbres sains, dédaignant les troncs morts ou les souches, et les arbres- pièges qu'on peut lui réserver et qui sont acceptés par tous les autres Xylophages. M. Edmond Bordage (1) a ou l'occasion d'étudier à l'ilo Bourbon, où il est directeur du jardin botanique, certains phénomènes d'automie qu'il a observés chez les Phasmides appartenant aux genres Monandroptera et Rhaphiderus, ainsi que chez leurs larves. M. Bordas (2) a étudié dans le même groupe dos Ortho- ptères lamorphologie des appendices de l'extrémité antérieure de l'intestin moyeu. Tous les Orthoptères (sauf les Forficulida; et les Phasmidœ), portent, à l'origine de l'intestin moyen, des appendices plus ou moins volumineux, de formes très vai-iables d'une famille à l'autre, et dont le nombre est toujours compris entre doux et huit. La présence ou l'absence de ces appendices permet de di- viser les Orthoptères en deux sections très nettes, compre- nant des espèces dont la structure des organes internes cor- respond à des caractères morphologiques externes différents; de plus, le nombre de ces organes, leur disposition, leur mode d'insertion, les plissements qu'ils présentent à l'intérieur et surtout la présence ou l'absence de diverticules postérieurs permeltcnt, suivant l'auteur, de caractériser un certain nombre de familles. Lorsque, au moyen de culture sous cloche humide, on ob- tient la sortie do certains microcoques sur les gangrènes de tubercules de Pommes de terre, le mucus aggloméré sur ces gangrènes contient souvent, comme l'a découvert M. E. Rozo (3 , un nouveau type générique de -Myxomycète, ayant la forme plasmodique végétative Jet la forme enkystée reproduc- trice. M. Roze désigne ce nouveau type de Myxomycète sous le nom de Vilmorinella micrococcorum. Au mémo auteur, on doit encore quelques nouvelles re- cherches sur les Amylotrogus (4), cet autre Myxomycète para- site précédemment découvert par lui. En géologie, il importe seulement de citer une courte note de M. Paul Chappat sur lo Crétacé (5) en Portugal dans la région de Mondégo, et enfin une note de M. S. Tempère sur les Diatomées contenues dans les phosphates de chaux sues- sonicns du sud de la Tunisie. A. Eug. Mal.\rd. Répertoire ét|mo!ogi(]ue des noms français ET DES DÉNOMINATIONS VULGAIRES DES OISEAUX (Snite) Tacco. — Nom donné, à cause de son cri, à un Oiseau de 1.1 fiimiUe des Cuculidês {Saiirothera), qui habile l'Amérique tropicale. « Tacco est le cri habituel de cet Oiseau, d'où son nom que je lui ai conservé ; on l'appelle aussi Oiseau de pluie, attendu qu'il crie plus souvent lorsqu'il doit pleuvoir. L'épi- thètc de Vieillard, qu'on lui a encore imposée, vient de ce qu'il a les plumes du menton blanches. » (Guéneau de Mont- beillard.) Tadorne. — Nom donné à un genre de Canards (Tadorna). « L'étymologie du mot Tadorne ne parait pas difficile à trouver, si l'on se souvient que le nom de l'Outarde est com- posé de tarda (pesant) et de oue (oie). Si l'on renverse les syllabes de ce nom Outarde, on obtient Tardoue, qui a été corrompu en Tadourne, Tadorne. » (Olphc-Galliard.^ (11 Séances du 25 janvier et du 15 février. (2) Séance du 15 février. ;3) Séance du "^2 février. (41 Séance du l''' février. ^5 1 Séance du 22 février. 76 LE NATURALISTE Talève. — Mot malgache usitc à Madagascar et conservé par Temminck puui- designer la Poule-Sultane [Porphyrio ve- teruin). Talpacoti. — Surnom indigène conservé à une petite Co- lombe d'Amérique {CliamœpcUa Talpacoti), connue également sous les dénominations de Colombe couleur cannelle et de Colombe-Collin. Taiiaonibé. — Nom donné par Buffon à un Merle de Ma- dagascar [llarllaubius Madar/ascariensis). « Je conserve à cet Oiseau le nom qu'il a dans sa patrie, et il serait à désirer que les voyageurs nous apportassent ainsi les vrais noms des Oi- seaux éU-angers; ce serait le seul moyen de nous mettre en état d'employer avec succès toutes les observations faites sur chaque espèce et de les apjiliquer sans erreur à leur véritable objet. » (Bufl'on.) Tangara. — Les ornithologistes ont conservé ce nom, donné au Brésil à des Passereaux conirostres qui forment la famille des Tatiaçirhlés et dont le plumage est paré de bril- lantes couleurs. Une des plus belles espèces est connue sous le nom de Tanqava diable enrhumé, surnom que lui donnent les créoles de Cayenne. Tarier. — Col Oiseau (Praiincola rubelra) a reçu de Belon le nom de Tarier, dont 09 ne-connait pas l'étymologi^, mais qui n'est probablement qu'une corruption du mot terrier, parce que cet Oiseau recherche les terres incultes. Tarin. — Nom donné à cet Oiseau [Spinus viridis) par ono- matopée de son chant. « Belon dit que le Tarin a été ainsi appelé, parce qu'il semble dire en chantant tarin, tarin. .. (Salerne.) Tchitrcc. — Nom donné par Le Vaillant à un genre de Gobe-Mouches [Muscipeta), par onomatopée du cri de ces Oi- seaux. Tète-Chèvre. — (Voyez le mot Crapaud Volant.) Télras. — Mot formé de l'ancien nom de ces Gallinacés (Tetrao) et employé par Bufl'on pour désigner le Coq de Bruyère [Tetrao urorjallus). des |iiacngps k galets stries qui nous occupent eu ce moment. Ce raisonnement, qui revient à ilirc i|iie le sol avait déjà la l'orme que l'érosion lui a donnée, avant que les agonis d'érosion n'aient l'ait sentir leur action et qui répète en somme celui qu'on tient encore si souvent pour le phénomène" général du creusement des vallées, est en contradiition llagrante avec tous les faits d'observation. Tout prouve ([ue dans le passé, c'est-à-dire au début des phénomènes d'érosion dont les Alpes ont été le théâtre, le relief du pays avait une forme tout à fait dif- férente de celle qu'il présente aujourd'hui. On sait en effet que chaque cours d'eau se comporte vis-à-vis du sol qui fait le fond de son lit, comme fait une lame de scie, Le ravin d'En-Sauinunl, pn/s Brent, dans le caiiLon du Vaud. ou mieux un lil enduit d'(''meri, à l'égaril de la pierre sur la(|uelle on le ferait glisser. Surtout pour les cours d'eau rapides comme sont les torrents, le lit peu accentué de l'origine se creuse i)rogressivement en gorge et réalise la séparation complète de régions (jui d'abord étaient en relations mutuelles. Dans ce temps-là, le cours d'eau dont la Baie de Clarens peut être considérée comme un représentant actuel, descen- dait des massifs granitiques de l'axe de la chaîne et cou- lait très au-dessus de son niveau d'aujourd'hui, par les flancs des montagnes qu'on reconstituerait en remettant les Aljies en possession de la gigantesque quantité de matière que l'érosion leur a arrachée dans le cours des temps. A cette échelle colossale, tous les incidents de l'histoire des rivières se sont produits et en particulier la régression des sources qui peut amener la capturi" des cours supérieurs . Cette capture, combinée avec l'acquisition par le sol de modelé tout nouveau, transforme sans peine un torrent qui d'abord avait son bassin d'alimentation dans la zone cristallisée des hauts sommets en un autre torrent qui n'est plus pourvu d'eau que par des reliefs secondaires. Il en résulte alors nécessairement la particularité d'abord si étrange, et cependant si simple, d'un torrent dont le lit contient des galets essentiellement difl'érents des masses rocheuses qui constituent le fond et les lianes de sa vallée. On a cherché longtemps et laborieusement dos causes compliquées à un état de choses qui n'est que la répétition dans le passé de laconle ('tre lu montagne qui est la limite de ce régime météorologique. Evidemment, en ayant la précaution d'ahriter les couples d'Autruches reproducteurs, ce que fait d'ailleurs l'éleveur russe, les inconvénients du climat hivernal auraient été atténués. Quant aux troupeaux d'élèves, ils devaient suivre les troupeaux de montons et lie chameaux dans leurs ])acages dans le sud du Sahara dans des conditions de sécurité indiscutables, complétées par le poste de Méchéria (1), malgré la proxi- mité des tribus nomades, pour ainsi dire indépendantes, qui fré(]uentent les frontières di' notre extrême Sud- Ouest algérien. Il y a là, au reste, un fait tout à fait caractérisli(|ne : (lartout ou pénètie l'Européen, les plantations d'arbres se multi]dient et ou peut, en ([uelque sorte, savoir la densité de la population européenne à l'aspect plus ou moins boisé du pays; dans les cultures arabes, on ne rencontre pas un arbre, (]uelques broussailles, des mil- liers de iialmiers nains s'élevant à un mètre au-dessus du sol, des lauriers-roses dans le lit fangeux des rivières, mais jamais de ces beaux platanes qui font l'orgueil de Boufarik, ou même une culture régulière d'oliviers ; sans doute, il reste des bois, particulièrement dans la province de Constantine, où les forêts de chênes-lièges dûiuient de beaux revenus ; mais, pour que des arbres isolés aient "été conservés, il faut qu'il s'y attache une idée religieuse, qu'ils ombragent un tombeau, qu'ils en- tourent un marabout, et que la piété des fidèles les pré- serve de la' destruction : c'est ce qui est arrivé au bois sacré de Blidah où l'on admire des oliviers séculaires, mais ce sont là de rares exceptions. En déboisant la montagne, en laissant les moutons, les chèvres, les chameaux brouter les jeunes pousses, l'écorce des arbres, en brûlant les herbes sèches et parfois aussi les forêts, les Arabes ont amené le pays à l'état de stérilité complète qui le désole maintenant. On sait quels succès, en peu d'années, le colonel Go- dron a obtenus à El Goléa dans la plantation d'arbres qui poussent très rapidement. Grâce aux puits arté- siens, l'oasis d'El Goléa, dans un avenir prochain, sulTira aux besoins de sa garnison et aidera au ravitaillement des postes militaires qui jalonnent la route, en attendant la prise de possession du Touat nécessaire pour réaliser la jonction de l'Algérie et du Soudan. Évidemment, les circonstances présentes ne justifie- raient pas l'énormité d'une dépense d'installation parti- culière comme elle est possible à des détachements de troupes. En 1884 et en 1888, la main-d'œuvre était à bas prix, les hommes du bataillon d'Afrique moyennant 50 à 70 centimes par jour eussent, en très peu de temps et à peu de frais, construit les habitations du personnel et installé les parcs à Autruches. Les bois de construction (l) On l'a dit des lo premier jour : la création do Méchéria fut une erreur. Altitude 11.18 mètres, i 332 kilomètres d'Ar- zcu. — ïouadjeur, à 15 kilomètres plus à l'est, jiossède de l'eau en abondance, le» terres sont susceptibles de culture. — On admet l'utilité de l'occupation permanente de ce point, mais notre installation aurait du être réduite aux pro])ortions du rôle que la situation topographique et politique du pays assi- prnait à Méchéria. Rien de plus triste que l'aspect du pays. Partout du roc, de la poussière, des pierres. L'alfa lui-même se refuse à croître sur le terrain, où il ne peut prendre racine. nécessaires pouvaient être livrés à bon compte par la Compagnie de chemin do fer d'Arzeu, c'étaient des tra- verses inutilisées, etc., etc. D'où nous devons conclure qu'une Antrucherie établie uu Kreider dès 1884 ou en 1888 assurait le succès de l'élevage on Algérie, et qu'il serait oiseux, en 1897 de reprendre cette question, sinon au titre « Historique de la colonisation de l'Algérie ». II CHÉ.Vno.N- I-AR L'ÉT.\T DtJN H.ARA.S DE REPEUPLEMENT A EL-OUTAVA Je dois déclarer que je suis contraire à toutes tenta- tives de reconstitution d'élevage non basées sur une expérience pratique. En faveur de cette observation, nous ne trouverons nulle part des preuves plus con- cluantes que celles qui nous sont fournies par les éle- veurs du Cap. Nous ne devons pas chercher d'autres moyens que ceux consistant dans l'utilisation de grands espaces et le climat sec : voilà tout le secret. La dilficulté en Algérie, pour faire œuvre d'initiative privée, consiste dans la possession du champ d'expé- rience décisive. Avons-nous ou n'avons-nous pas en Algérie des emplacements favorables qui, pour toutes nouvelles entreprises bien conçues, établies sur des bases certaines, assurent le succès? Je vous ai dit pré- cédemment que les emplacements favorables existent, je vous dirai plus loin les obstacles s'opposant à leur- mise en emjiloi. Le problème d'un rapide accroissement du troupeau initial ne me semble pas être d'une grande difficulté, grâce au mode d'incubation artificielle qui so pratiqué dans l'Afrique orientale. Emin-Pacba indique le procédé pratiqué par les Latoukas, peuplade habitant les envi- rons du lac Nyansa. Ils enfouissent les œufs d'Autruche dans des tas de paille de dourah ; l'éclosion, sans doute, est le résultat de la fermentation de la paille. Avant la disparition de l'Autruche dans le Sahara occidental, les Maures produisaient l'éclosion en enfer- mant les œufs dans un sac au milieu des graines de coton qui en germant fournissaient le degré de tempé- rature nécessaire (environ 40°). D'ailleurs, les procédés d'incubation artificielle par machines spéciales, tels que les pratiquent les Anglais, sont bien connus aujourd'hui : on pourra pratiquer les procédés les plus simples ou ceux jdus compliqués sui- vant les circonstances. Je faciliterais de préférence les incubations par les couples reproducteurs ; l'appareil d'incubation artificielle pourrait être utilisé, en cas d'abandon des œufs (1). L'expérience, chèrement acquise, à mes dépens, à Misserghin, a montré que, pour n'être pas entraîné dans des dépenses trop considérables, il était de toute néces- sité de trouver un domaine d'exploitation dont les re- venus, dès à présent certains et acquis, pussent couvrir les dépenses que nécessitera la création d'une Antru- cherie. Incontestablement, une entreprise dont la réussite pourrait être une source de prospérité certaine, ne doit pas être livrée au hasard. L'élevage des Autruches ne (1) Voir l'Autruche, son utilité, son élevage. Paris, les fils d'Emile Devrolle, 1894. 88 LE NATURALISTE peut, ne doit s'entreprendre i|u'avec toute assurance de succès : le choix de l'emplacement devant servir de pépi- nière ou de haras pour le repeuplement saharien a une importance capitale. Cet emplacement existe en Algérie, dans les conditions de climat les plus favorables, à l'al- titude de 267 mètres : eau, sécitrilé, terrains convenables, abrités du sirocco par les monis de Sfa; tout, enfin, se trouve réuni dans la plaine d'El Outaya, entre Batna et Biskra, desservie par le chemin de fer, ce qui permet le transport des oiseaux, avec des risques limités à ceux consécutifs d'un envoi d'animaux vivants, énormes bi- pèdes, très fragiles. Malheureusement, le sénatus-con- sulte de 1863, constituant la propriété des terres commu- nales dans les Zibans, est un obstacle à la colonisation, l'État ni la tribu ne pourrait ni vendre, ni céder (1). Dans cette immense région saharienne, uniquement les éta- blissements dépendant du ministère de la guerre, les Smalas existant par droit de conquête, pourraient servir pour la reconstitution de l'Autruche. Grâce au dévouement à sa tâche et à un travail inces- sant de M. Humbert, secrétaire de la sous-commission départementale du Sénatus-Consulte de Constantine, l'opération de la délimitation des propriétés est plus avancée et mieux dirigée que dans les autres provinces algériennes. Cependant sa marche en avant vient de subir un temps d'arrêt par le jugement que le tribunal de Batna a rendu en 1896 dans le procès que les Douars des Zibans avaient intenté à l'Etat. Celui-ci, par les soins de ses officiers délimitateurs, avait prélevé en territoire militaire sur les vastes étendues sahariennes des groupes de terres non cultivées auxquelles on réservait un emploi profitable à la colonisation. Ces groupes étaient conti- gus aux terres formant les communaux des Douars. Or les indigènes conseillés par des influences hostiles avaient, au dépôt des dossiers, réclamé ces terrains réservés par l'État comme terre arch et conformément à la loi, les tribunaux furent saisis de l'alTaire. Or, qu'a fait le tribu- nal de Batna '.'' il a tourné autour de la question arch ou non-arcfc qu'on lui posait, il s'est arrogé le droit d'un classement nouveau et a déclaré bien communal les espaces en litige. Naturellement le domaine ira en appel et il serait à souhaiter qu'il fasse rapporter le jugement et que dorénavant les tribunaux ordinaires ne puissent plus juger de pareilles affaires, qui ont pour résultat unique d'engraisser les avocats des deux parties. Cette réserve faite par l'État avait pour but de faciliter sur ses terres l'installation de sociétés qui, par leurs travaux, y auraient créé des ressources, etc., etc., grâce auxquelles des terrains jusqu'à présent incultivables auraient été rendus fertiles. En même temps que la société Rolland y aurait trouvé de quoi remplacer la garantie d'intérêt, une Autrucherie débutant autour du bâtiment de la Smala, y aurait rencontré des terrains variés où la proximité de Biskra amenait tous les touristes du monde. Cela viendra, je n'en doute pas, mais il faut commencer par écarter le jugement de Batna; cela se fera et une des diverses et nombreuses difficultés entravant l'œuvre delà reconstitution de l'Autruche sera écartée. Resterait celle de la mutation de propriété de la Smala, dont la (1) En novembre 1879, l'administration adjugeait aux en- chères publiques les deux oasis d'El Amri et Foughala, sé- questrées sur les insurgés de 1876, et que les indigènes n'avaient pas voulu racheter lors d'une première tentative de vente, au mois d'avril précédent. Elles passèrent toutes deux aux mains de colons français. direction du génie offre la vente au gouvernement géné- ral de l'Algérie, empêché de l'acquérir, faute de res- sources disponibles. J'ai l'espoir que l'on trouvera la somme nécessaire par une répartition nouvelle des 70,000 francs attribués annuellement à l'établissement de Mondjebeur, sous couleur d'amélioration du mouton algérien. Cette manne gouvernementale — pour un animal qua- drupède très intéressant — n'a jamais produit les bons elfets désirables encore présentement, malgré son inscrip- tion depuis de longues années au budget de l'Algérie. (.4 suivre.) FOREST. OFFRES ET DEMANDES A vendre : — 1 lot de 102 espèces de chenilles soufflées, admira- blement préparées, ayant conservé leurs couleurs, bien nommées : 70 francs. — Beaux exemplaires de Callipogon barbatum, ce beau longicorne du Mexique : 4 francs. — 1 lot de 109 espèces de coléoptères de Java, en partie nommés : 40 francs, — Mousses européennes, bien déterminées à vendre à la pièce. Envoyer desiderata. — A vendre quelques exemplaires de la belle coquille : Ceres Salleana du Mexique. S'adresser pour ces lots à « Les Fils D'Emile Deyrolle », 46, rue du Bac, Paris. — M. E. D... à Paris. N. 347. — L'insecte envoyé n'est autre que le Tenebrio Molitor. coléoptère malheureusement très commun. VIENT DE PARAITRE Oatalogixe DES 1 (MICROLÊPIDOPTÉRES) DISPOSÉ POUR SERVIR D'ÉTIQUETTES PAR le Docteur SERIZIAT Prix3fr.50, Franco 3 fr. 85 LES FILS D'EMILE DEYROLLE, ÉDITEURS 46, rue du Bac, Paris. Le Gérant: Paul GROULT. Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17. 19' ANNÉE 2* Série — NJ* «43 13 AVRIL 1897 LES CAPUCINES Qui ne (.■uiiiKiil l;i Ca|uu'iiii', t'i't orinMiuMit dos gi-aiiils comme des iietits jardins, « cotte bonne fille, qui con- descend jusqu'aux salades lioiirgooisos? » Elle brille au premier rauj; dos plantes grinipanlos et, de ses longues tiges recouvertes de lleurs. elle (Migiiirlaudo joliment les fenêtres et les balcons. Tout en elle est plaisant, depuis ses feuilles arrondies que les botanistes qualifient de peltées en raison de leur ressemblance avec le bouclier dos anciens, jusqu'à ses lleurs aux teintes variées mer- veilleusement nuan - cées. Une seule cliose m'otonne, c'est qu'à no- tre époque où l'on n'at- tache de valeur i|u'mux végétaux rares et jieu faciles à se procurer, on ait conservé dans toute son intégrité le culte de la Cajincine. Comment définir la Capucine 'f une plante annuelle, à tiges volu- biles atteignant 2 et même 3 mètres, à fleurs grandes variant du rou- ge pur]mrin au rose sau- moné et à l'amarante, en passant par toutes les teintes du jaune, avec des panacbures, dos taches et des stries. Telle est la grande Ca- pucine ou Tropxolum majiis. Une autre es])é- ce à lleurs plus ])etites et de taille plus humble est le Tropxohim minus qui forme des toulVes très serrées ne dépas- sant guère 30 à 40 cen- timètres. Ce sont les deux es- pèces dont les formes sont le jdus l'ré([uem- nient cultivées. On ren- contre encore les capu- cines hybrides repré- sentées par de nombreuses variétés, dont les principales senties Capucines Magenta, Sulfdrmo, brillante et jaune paille. Issues jirobablement d'une esjièco plus délicate (\m exige la serre, ce sont des aristocrates que l'on multiplie de boutures et que l'on hiverne en orangerie pour les mettre en pleine terre au printemps ou au commencement de l'été. Dans l'organisation des Capucines, tout est matière à observations intéressantes. Les fleurs portent uu appen- dice en forme d'éperon formé de trois des lobes du calice. Quant aux pétales ils présentent une irrégularité assez marquée, les deux supérieurs étant difl'éreuts des trois inférieurs parla forme et par les dimensions. Le Saturaliste, 46, rue du Bac, Paris. La C La teinte très vive ipio pos.sèdont les flrurs de cer- tain(^s variétés, a fait l'objet de recliorches f|ui nous ont appris que le coloris rouge feu de la petite Capucine résulte de la combinaison des efl'ets produits par trois eouclies de cellules superposées. La couche supérieure <:ontiont un suc cellulaire rouge tenant en suspension des granules jaunes ; l'inférieure est à jieu prés identique, mais avec des granules de nuance |>lus claire; quant à la couche moyenne, on y trouve encore des granules jaunes (jui nagent dans un suc incolore. Les feuilles ont servi de sujet à d'intéressantes obser- vations de Darwin, relatives aux mouvements qu'elles accomplissent pour prendre la position de sommeil. La Capucine partage en ell'et cette curieuse pro- lu'iété avec un certain nombre d'autres végé- taux parmi lesquels les Légumineuses occu- pent le premier rang. Dans les plantes qui nous occupent, les feuil- les qui regardent la lu- mière sont fortement inclinées dans la jour- née et leur limbe preml la position verticale pen- dant la nuit, à l'excep- tion toutefois de celles (jui sont placées au bas des pots et n'ont été par suite éclairées que par 11' haut. Quelle est la cause de cette particu- larité'? Darwin a trouvé que, pour que les feuil- les puissent prendre la nuit leur position de sommeil, il faut qu'elles aient été fortement aé 'ées pendant au moins une partie de la jour- née. Les expériences suivantes en fournis- sentla preuve : un grand pot contenant plusieurs plantes fut placé , un malin, horsde la serre, devant une fenêtre au nord-est, dans la même position qu'il avait, au- tant que possible, occuj)ée jusque-là relativement à la lumière. Vingt-quatre feuilles furent marquées avec un (il, sur la partie desplantes qui regardait la fenêtre, « quel- ques-unes avaient leurs limbes horizontaux, le plus grand nombre étaient inclinées d'environ 40" sous l'horizon. Vers la nuit, toutes sans exception devinrent verticales. Le lendemain matin, de bonne heure, elles reprirent leurs positions précédentes et, la nuit, elles redevinrent verticales. » Ces mêmes plantes furent placées ensuite dans une armoire obscure ajirès avoir été soumises à l'éclairage pendant deux heures seulement dans la matinée : elles ne prirent la position verticale qui caractérise le sommeil ni dans la journée, ni pen- iipucine. 90 LE NATURALISTE dant la nuit suivante. Si l'on s'arrange de manière à éclairer seulement une partie du feuillage, tandis que l'autre partie est soumise à la lumière dill'use, on remarque que pendant la nuit les feuilles éclairées ont seules leurs limbes foliaires verticaux à l'exclusion des autres, qui gardent leur position normale horizontale. La même plante fut replacée devant une fenêtre au nord- est après être restée trente-six heures dans l'obscurité; la nuit, les limbes de toutes les feuilles se placèrent net- tement dans la direction verticale. La Capucine semble donc, quand elle n'a pas été éclai- rée directement, avoir perdu toute tendance ou toute habitude héréditaire à sommeiller au moment convenable. C'est à peine si. dans le cours de ses nombreuses expé- riences, Darwin a remarqué une seule fois qu'il en fût ainsi : dans un cas unique, quelques feuilles devinrent -verticales pendant la nuit, après avoir passé une journée tout entière privées de lumière. Les Capucines ne sont pas seulement intéressantes par leur structure florale et les phénomènes physiologiques dont elles sont le siège; leur coté utilitaire n'est pas à dédaigner. Tout le monde connaît l'usage qu'on fait des fleurs pour agrémenter les salades auxquelles elles con- descendent, suivant l'expression pittoresque et imagée d'Armand Silvestre. Nos aïeux y ajoutaient les fleurs de Bourrache, d'un bleu si éclatant. Les fruits — les graines comme on dit habituellement — conviennent admirablement à la confection des Pickles. Cet emploi est encore peu connu en France; il n'en est pas de même aux États-Unis, où les fruits de la Capucine se vendent couramment et sont l'objet d'un commerce relativement important sur les marchés. Il n'est pas jusqu'aux racines de certaines espèces, entre autres du Tropxolum tuberosim, de l'Amérique méridionale, qui ne soient capables de fournirun appoint à l'alimentation. La capucine tubéreuse a des tubercules sensiblement arrondis, variables depuis la grosseur d'une châtaigne jusqu'à celle d'une poire, de couleur jaune pâle, parsemés de petites taches sanguines. Dans les pays d'origine, en Bolivie particulièrement, on fait cuire les tubercules qui portent le nom dTsano, puis on les sou- met à la congélation. Ils constituent un mets très agréable et croquant quand ils sont mangés avant qu'ils n'aient eu le temps de dégeler. Weddell rapporte que sur le marché de la Paz, on voit de nombreuses marchandes qui ne vendent autre chose que ces Ysanos qu'elles protè- gent du soleil en les enveloppant d'une étoffe de laine ou de paille. Les dames de la Paz en sont extrêmement friandes et les consomment en guise de rafraîchissements après les avoir trempés dans de la mélasse. En Europe, la Capucine tubéreuse ne paraît pas avoir donné de bons résultats comme plante comestible; mais elle peut se prêter à la fabrication de conserves au ■vinaigre que des amateurs di primo Caitello ont trouvées excellentes. A cet état les tubercules conservent, un peu atténuée, leur saveur particulière. Voici une recette de Pickles dans la composition de laquelle entre la capucine tubéreuse, et qui a été donnée par M. Paillieux, maître incontesté en la matière : Ciboule de Chine, Concombre Angourie des Antilles, ?tIioga du .lapon, Stachys tubéreux. Capucine tubéreuse, auxquels il n'est ]ias inutile d'ajouter l'Estragon, le Piment et les fleurs de Sureau. La Capucine tubéreuse peut encore être servie dans des raviers, coupée en rondelles minces et assaisonnée comme le céleri-rave. P. ILa.riot. LES Ft^VY^OIVS Rien de plus «impie et de plus curieux que les fameux rayons X, qui passent à travers tous les corps, même à travers les vêtements les plus noirs et les plus épais. Pardessus d'hiver doublé de fourrures, redingote, chemise, gilet de flanelle : tout cela est traversé comme le voile le plus fin d'une fiancée. En fait de lumière, la lumière électrique provenant d'une bobine Rulimlcorlf, diiiusée dans une ampoule de verre où on a fait le vide. C'est une lumière pile et terne, d'un vert jau- nâtre, analogue à un verre d'absinthe étendue d'eau, derrière lequel on aurait allumé une bougie. On pose cette ampoule éclairante sur une table, dans une chambre obscure, puis le corps que l'on veut traverser, inter- posé entre l'ampoule lumineuse et la plaque photographique soigneusement recouverte d'une triple enveloppe de papier noir. En deus minutes au moins, trois quarts d'heure au plus, la plaque sensible est impressionnée. On le voit, on ne saurait rien imaginer de plus simple au monde, à moins de ne rien faire du tout I Ce qu'il y a de bien curieux, c'est que la plupart des organes du corps sont plus ou moins bien définis par ces re]iroductions photographiques. Les rayons X ne les traversent pas tous également; de sorte que les uns se dessinent en noir, d'autres en gris, d'autres en blanc : ce qui donne un admirable dessin des os, des viscères et des différents tissus. Tout d'abord, on croyait que l'on ne voyait que le squelette à travers la peau; mais on voit bien d'autres choses ; les œufs en formation dans l'ovaire des oiseaux, les détails minutieux de la cervelle des animaux, les poumons des oiseaux, les cartilages du larynx, les fragments d'os brisés par les projectiles, les bouts d'ai- guille restés dans les chairs, les balles restées dans l'épaisseur du cerveau ou enchâssées dans l'os du rocher, les grains de plomb dans le corps du gibier. Bref, avec un peu d'attention et de pratique, on finit par tout voir dans la perfection. Le plus grand plaisir que l'on puisse nous faire, c'est de nous envoyer des cas intéressants. Nous les ferons photo- graphier ou radiographier avec bonheur. Nous avions enlevé déjà quatre ou cinq fragments d'aiguille de la main d'une jeune dame, qui portait ces corps étrangers dans une de ses mains depuis 18 ans. Les rayons X nous ont permis de voir, de la façon la plus précise, un fragment de deux millimètres un quart qui y était resté, au voisinage de l'articulation du métacarpe avec la première phalange du jiouce. Un mari avait reçu de sa femme une balle de revolver dans la tête. On voyait bien l'orifice d'entrée; mais il n'y avait pas d'orifice de sortie. D'autre part, on ne sentait pas la balle avec une sonde, mais un fouillis d'os fracturés. Où était la balle '? Dans le cerveau ? il fallait l'y laisser, car le blessé ne paraissait pas en être autrement gêné. Dans le rocher ? il fallait se hâter de l'extraire, pour éviter une suppuration peut-être intarissable. La radiographie nous a fait voir la balle enchâssée dans les cellules mastoïdiennes du rocher. II n'y a plus qu'à en faire l'extraction. Le blessé, heureux d'en être quitte à si bon compte, s'est hâté do faire sortir sa femme de prison, en même temps que sa balle ; et voilà un ménago réconcilié : qui aime bien châtie bien ! dit la sagesse des nations. Cela vaut encore mieux qu'un double divorce et un quadruple mariage ensuite. Un lièvre a succombé sous les coups du chasseur ; sa mort est survenue d'une façon singulière : il a commencé par être paralysé du train de derrière avant de mourir. Les rayons X apprennent de suite, sans autopsie répugnante pour celui qui doit ensuite manger le lièvre, que la colonne vertébrale a été brisée en plusieurs fragments en un point absolument précis. La plus jolie photographie d'une fracture compliquée d'es- quilles ne donnerait rien de pareil : on voit le jour à travers tous ces fragments, on dirait du verre cassé ! Un colis soigneusement emballé nous est expédié. Que peut-il contenir ? Sans rien déficeler, sans toucher aux quinze ou vingt enveloppes de tout genre qui en font une merveille d'emballage, la radiographie nous montre deux bouteilles de pharmacie d'inégale grandeur, noires comme de l'encre : le verre est imperméable relativement au reste, qui est d'une transparence absolue. Et cependant il y a autour de ces flacons une boite en carton, du papier d'emballage très épais, LE NATURALISTE 91 de la paille, une Ijoitc en bois, du feuillage de palmier, du carton tuyauté, des notices, une brochure, du papier, des copeaux, que sais-jo encore '! Jamais nous n'aurions eu la patience de tout retirer pour voir ce qu'il y avait dans ce uallol si mystérieux. Les rayons X nous l'apprennent instan- tanément, à l'aide du transparent lumineux. D' Bougon. LE SYMBOLISME DE L IllROADELLE On :i dil que les oisoaux sont les poètes il(> la nature, mais (jui pourrait dire ce qu'il y a de poésie dans les oiseaux? La vie eile-niénio de l'oiseau est un poème : il aime et il clinuti'. Tous cepeiulaut n'ont pas reçu en partage les mêmes dons, et dans ce monde chanuant des haliitants de l'air la nature a ses favoris. De ce nombre est assurément riliroudelle. Tout en elle vient solliciter notre sympa- thie et notre admiration. Ses mœurs si douces et si ten- dres, ses évolutions aériennes si gracieuses, son frais gazouillement, ses voyages lointains et sa fidélité dans le retour, les services éminents (|u'elle nous rend en détruisant par milliers des insectes nuisibles ou incom- modes, en font un être privilégié que l'hoiume, de tout temps et jiresque en tous lieux, a aimé et protégé. Aussi est-elle venue habiter près de nous et s'est-elle intro- duite, sans faron, dans notre intimité. Elle suspend sa demeure à la nôtre, sous notre propre toit, parfois dans l'intérieur du logis. Sa naïve confiance dans les devoirs de l'ainitié et de la reconnaissance lui enlève toute crainte. Elle se considère comme un membre de la fa- mille dont elle a adopté le foyer. Elle ne le quitte que pour un temps et fous le coup d'impérieuses nécessités. L'année suivante elle reviendra. L'époque de son retour qui coïncide avec celui do la belle saison contribue en- core à lui gagner les cœurs. L'homme, en effet, a vu dans l'Hirondelle la joyeuse introductrice du jirintemps, la messagère ailée des premiers soleils. Il en a fait comme le symbole de la saison chaude et lumineuse qui dissipe les ténèlires de l'hiver. Ce sentiment remonte à des époques lointaines. L'ne peinture de vase antique nous en a conservé la trace profondément imprimée chez les Grecs. Trois person- nages, un éplièhe, un vieillard et un enfant montrent du doigt une hirondelle, et le dialogue suivant s'engage entre eux : L'ÉpHÈliE. — « Regarde une hirondelle! » ('I5oO -/^Xt- Sûv. Le Vieill.vrd. — « Oui, par Hercule. » (N«| tôv 'llfa- xÀÉa. L'E.NF.vNT. — u La voici! » (.-vûtïiî). Le 'Vieillard. — « Voilà le printemps. » ("Ea? yjï-i) (1). Le retour de l'IIirondelle, messagère du printemps, donnait lieu dans le monde ancien à des réjouissances. Des enfants y jouaient le rôle principal. A Rhodes, par exemple, ils allaient de maison en maison chanter l'ar- rivée de l'oiseau de lumière et de félicité. « Elle est venue, elle est venue, rilinindelb' (pji amène avec elle (1) Monum. deW Iiisl. Archeul., U, tav. XXU . les belles saisons et les belles années, blanche au ventre, noire au dos!... » Et les enfants faisaiimt une quête (I). Dans VEdda, le livre de la mythologie Scandinave, Sigtird n'ose tuer le monstre qui garde, le trésor. Sept Hirondelles viennent l'une après l'autre combattre son hésitation. Sigurd se laisse convaincre, découvre le trésor caché et reprend possession de son épouse. C'est l'image du Soleil qui épouse le Printemps, la Terre ver- doyante et lleurie, lorsciue les Hirondidles reviennent de leur lointain voyage. De même dans le Vunlmncrone, rilirondelle crève les yeux de la sorcière ([ui l'avait chassée de son nid : l'hiver oblige l'Hirondelle a partir, mais le printemps reparait et chasse à son tour l'hi- ver (3). Le peuple appelle les Hirondelles les oiseaux du bon Dieu. 11 i)ense qu'elles attirent la bénédiction du ciel sur la maison ot'i elles suspendrni leur nid. Car ces oiseaux, disent les bonnes gens, son! demeurés en com-- munion avec la Divinité et reçoivent d'EUe les grâces et les dons les plus ]irécicux. Hs l'ont aidée à construire le ciel (3) et c'est une Hirondelle qui enleva les épines de la tête du Sauveur (4). Le meurtre d'un de ces oiseaux bénis ou la destruction de son nid et de sa couvée se- raient une sorte de sacrilège entrahiant une punition inévitable. Aussi dans beaucoup de localités croit-on que quiconque détruit un nid d'Hirondelle aura une des bêtes de son étable malade dans l'année. Ailleurs, la peine encourue est encore plus grave. La mort peut en- trer dans la maison qui n'a ]ias été hospitalière à l'Hi- rondelle. En Allemagne et en Hongrie, si queli|u'un détruit un nid d'hirondelle, sa vache ne donnera plus de lait ou il sera mêlé de sang. Ce mélange de lait et de sang se re- trouve dans une superstition de la Franche-Comté, mais avec un autre caractère. Les gens de la campagne croient, dans cette province, que si une hirondelle passe sous le ventre d'une vache qui pait aux champs, son lait sera converti en sang. On dit alors que l'animal est « arondalé », et il n'y a pas d'autre remède que de verser de ce lait sanglant près de la croix formée par quatre chemins. .\u temps de Pline, on était persuadé que la tête d'une hirondelle coupée eu pleine lune, attachée dans un linge et suspendue au cou était un excellent remède contre le mal de tête. Que l'on ne se hâte ]ias tro]] de sourire, on (1) Athénée, Uanquel des savants, VUl, -300, c. — Cf. Aris- tophane, tes C/ieco/itcs, 416-418. On peut rapprocher de l'usage qu'avaient les Grecs de célé- brer par un liymnc le retour des Hirondelles, l'habitude qui s'est conservée dans quelques-unes de nos provinces, notam- ment en Berry, où les enfants, dès qu'ils aperçoivent la pre- mière Hirondelle, se mellent à chanter: « Ah ! l'aronde v'ia, v'ia ! « .\h! l'aronde v'ia, via donc! >i Refrain ingénu de couplets d'une simplicité champêtre dont l'imagination villageoise varie le thème selon les localités. Un proverbe angevin dit aussi (^d'après l'abbé Vincelot, or- nithologiste angevin) : « L'Hirondelle aux champs Cl Amène joie et printemps. » (2) Angelo de Gubernatis, Mythologie zoolor/kpie. Trad Paul Hegnaud, II, p. 233 (1874). — Venlamerone, cinquième conte du quatrième livre, (;i) Dans la comédie des Oiseaux d'Aristophane, les Hiron- delles sont chargées de construire la cité des oiseaux. ( i) En Bretagne, cette légende touchante est appliquée au Rouge-gorge. 92 LE NATURALISTE trouve encore en France des pcns qui pensent que l'on peut s'attirer des amis en portant sur soi le cœur d'une hirondelle et se faire aimer d'une femme en lui donnant un anneau d'or que l'on a laissé pendant neuf jours dans le nid d'un de ces oiseaux (1). Là ne s'arrêtent pas les vertus attribuées à l'Hirondelle. Les anciens pharmacopoles possédaient la recette de spécifiques merveilleux tirés de cet oiseau. Ainsi, le nid d'hirondelle appliqué extérieurement était regardé comme un bon médicament contre l'esquinancie, et 'Willughby, qui écrivait dans la seconde moitié du XVII° siècle, remarque dans son Ornithologie (2) que les cendres de cet oiseau sont excellentes pour les yeux. L'Hirondelle connaît, du reste, l'art de guérir la cécité, au moyen d'une petite pierre qu'elle va chercher sur le bord de la mer. Lorsqu'on veut se la procurer, on n'a qu'à crever les yeux à un petit de l'Hirondelle. La mère va aussitôt à la recherche de la pierre magique et après avoir rendu la vue au jeune aveugle cache le précieux talisman au fond du nid. Cette singulière croyance est répandue surtout en Normandie, dans le Vivarais et dans le Bas-Languedoc. Elle a une origine ancienne, car le médecin grec Dioscoride, qui vivait dans le i" siècle de notre ère, dit qu'on trouve dans l'estomac des jeunes hirondelles de petites pierres de dilïérentes couleurs que l'on emploie dans le traitement des maladies d'yeux (3). En Espagne, on croit aussi que l'Hirondelle va cher- cher on ne sait où une herbe magique à l'aide de laquelle on peut opérer des prodiges (4). Cependant si l'Hirondelle a des panégyristes, elle a ausi^i des détracteurs. Pythagore lui refusait l'entrée de sa demeure, préci- sément parce qu'elle dévore les insectes. H la regardait comme un animal barbare. Cicéron a comparé les faux amis à l'hirondelle que l'on ne voit, dit-il, que durant les beaux jours et qui vous quitte quand survient la mauvaise saison. Un proverbe grec recommande aux hommes sages de ne pas abriter d'hirondelles sous leur toit, c'est-à-dire d'être en garde contre les bavards. (1) « 11 y a vingt ans, j'ai vu des marchands d'oiseaux à Paris qui tenaient enfermées dans des cages des hirondelles vivantes. Ils en vendaient en gi-and nombre à des personnes de toutes les classes qui, après les avoir achetées, leur ren- daient, la liberté. Ces personnes pensaient, par ce moyen, s'attirer la bénédiction du ciel et pouvoir réussir dans leurs entreprises. » Communication de M. de Terragon ;i M. Eugène Rolland : Faune populaire de la France, II. p. ii\ (1879). (2) En latin, 3 liv. Londres (IGTfi) in-8". (3) Cliélidoines ou pierres d'hirondelle, pierres de Sasse- nar/e, pierres ophtalmiques, fausses chélidoniennes, chélonites, petites pierres siliceuses de forme sphérique ou arrondie, sont en réalité des grains de quartz pyromaque ou de quartz agate roulés par les eaux. (4) Pinol, Diccionario f/allef/o, Barcelona (1S"6). Nous connaissons la Cliélidoine, ce Chelidonium », du grec « yE/.iSwv J), hirondelle, soit parce que les anciens croyaient que l'Hirondelle avec le suc acre et corrosif de cette plante guérissait les maladies des yeux de ses petits, soit qu'on lui ait donné ce nom parce qu'elle fleurit au retour des hiron- delles. Les gens des campagnes la nomment « Eclaire i> et em- ploient parfois, quoique bien à tort, son suc contre les ophtal- mies. ■ — Genre de la famille des Papavéracées. 11 a pour type la grande Chélidoine, Chelidonium majus, vulgairement appelée Il Grande Eclaire ». La Chélidoine porte des Heurs jaunes, disposées en ombelles terminales. On la trouve communément à l'ombre des vieux murs. « Dans un apologue qui su trouve dans la lettre de saint Grégoire de Nazianze au ]>rince Seleucus, les hiron- delles se font gloire auprès des cygnes de gazouiller pour le plaisir de tous, tandis qu'eux ne chantent que pour eux-mêmes, rarement et dans les lieux solitaires. Les cygnes répliquent qu'il vaut mieux chanter peu et bien pour quelques personnes choisies que beaucoup et mal pour tout le monde (1). » Mais on sait aujourd'hui ce qu'il faut penser du chant des cygnes. Ailleurs, dit encore M. de Gubernatis, l'Hirondelle se vante au Corbeau de sa beauté ; celui-ci répond qu'il est aussi beau un jour que l'autre, tandis qu'elle n'est belle qu'au printemps. Et, en effet, ajoute le savant mytho- logue : '< l'Hirondelle, belle et de bon augure au prin- temps, devient laide et presque démoniaque dans les autres saisons. C'est pourquoi les anciens croyaient que rêver d'hirondelles était un funeste présage (2). » L'hirondelle doit la page la plus sombre de son histoire fabuleuse à la mythologie grecque. Par l'opération de la métamorphose, elle devient Progné, la soeur de Philo- mèle, l'épouse vindicative qui fait manger à son mari volage le corps de son enfant. L'aimable oiseau revêt ici un caractère sinistre peu en harmonie avec sou naturel inépuisable de tendresse et de dévouement. Les prêtres égyptiens qui ont mieux suivi la vérité symbolique en avaient fait, au contraire, une des formes mystiques de l'âme. Les poètes ont chanté l'hirondelle. Il a été dit d'elle, dans toutes les langues, des choses charmantes en prose et en vers. Nul autre oiseau ne mérite mieux qu'elle ces délicats hommages. La Bible la cite souvent dans son langage symbo- lique. Le Psalmiste compare l'homme pieux à l'Hiron- delle, (jui suspend son nid à la voiite du temple. Plus tard, le mysticisme chrétien accueillit la gracieuse créature. Saint François d'Assises lui adressait des harangues et l'appelait sa sœur. L'oiseau de lumière qui annonce le retour du soleil et guérit les aveugles a reçu de la nature, du moins pour l'une de ses espèces, la plus gracieuse, un vêtement symbolique : la rol)e blanche qui réfléchit tous les rayons lumineux, le manteau noir qui les absorbe tous. M.^G.iUD d'Aubusson. ROCHES FORMÉES SOUS UNE INFLUENCE BACTÉRIENNE Les Bactériacées ont joué un certain rôle dans la for- mation de quelques roches sédimentaires. Nous avons trouvé, au centre desoolithes de calcaire secondaire delà Côte-d'Or, des granulations sphériques qui peuvent être considérées comme des Microcoques, malgré leur mau- vais état de conservation; d'autre part, certains cailloux siliceux permiens des environs d'Autun nous ont j)ermis d'étudier plus complètement l'origine et la formation de ces oolithes. Les couches de schistes placées au-dessus du banc principal de Boghead exploité aux Thélots et à Margenne {i) Angelo de Gubernatis, loc. cit., p. ioi. (2) Loc. cit., p. 254. LE NATURALISTE 93 près Autuii contiennent une gnindo qiianlité de rognons siliceux (|ui, examinés en |ila(]ues minces, laissent voir une organisation toute particulière. Aux. Thélots (lig. 1), la masse parait formée d'une F.g. 1. Sphcrolithes des Thélots. a, Auréole cristalline rayonnante autour d'un noyau central. b, Noyau occupé pat* des granulations bactériennes. sorle de réseau polygonal simulant un tissu cellulaire très apparent. A l'intérieur de ces sortes de cellules polyédriques, on remarque un ou deux noyaux dont la surface est fine- ment granulée. L'intervalle qui sépare le ou les noyaux du contour polygonal est tantôt homogène, tantôt sil- lonné de nombreuses aiguilles cristallines rayonnantes. Les dirhensions moyennes sont : pour le noyau 21 li, et pour la cellule polyédrique 58 (i de diamètre; les granu- lations mesurent Uii,o. A Margenne, les coupes microscopiques tirées des ro- gnons siliceux ont un aspect dill'érent ; on ne distingue plus de réseau polygonal ; les noyaux sont assez forte- ment colorés en brun et entourés d'une zone moins foncée traversée par de nombreuses aiguilles cristallines rayonnantes, beaucoup plus apparentes que dans les échantillons des Thélots. On ilistingue souvent, à la surface du noyau, de fines Fig. 2. Sphérolithcs de Margenne. a. Aiguilles cristallines siliceuses partant de la zooglée. 4, Noyau foncé formé par une zooglée coccoide. c, Microcoques disséminés dans ou entre les spliérolithos. granulations coccoides, ces granulations se retrouvent aussi entre les aiguilles cristallines et entre les sphéro- lithes, leur mode de jonction, de pénétration réciproque, rappelle en tous points l'organisation des sphérolithes ordinaires. Le diamètre moyen d'un S])hérolithe est de 55 (x, celui des aiguilles cristallines 1 |i ; leur longueur est de 15 à 18 ji, le noyau 21 à 24 (jl. Ces dimensions sont sensiblement les mêmes que celles du réseau polygonal des sphérolithes des Thélots et des noyaux que l'on remarque à l'intérieur des mailles ; il n'est pas rare de voir les noyaux séparés par une sorte do cloison; d'autres fois,([uatre ou cinq noyaux paraissent comme fusionnés en partie; mais on peut toutefois se rendre compte de leur nombre primitif; ils sont entourés, comme lorsqu'ils sont séparés, d'une zone cristalline. Le contour des sphérolithes est, en général, assez bien limité sans iiourtanl c[u'il y ait apparence d'une enve- loppe quelconque; mais quand les corps sont nombreux, pressés les uns contre les autres, les aiguilles iiénetrent réciproquement dans la zone cristalline des sphérolithes voisins. Nulle part il n'y a de membrane comparable à celle qui limite les sphérolithes des Thélots, de plus leur forme est si)hérique, tandis que dans cette localité le con- tour est polyédrique. Entre les sphérolithes assez volumineux que nous venons de décrire s'en trouvent d'autres beaucoup plus petits ; les uns paraissent formés d'un simple noyau, les autres ont déterminé autour d'eux la formation d'ai- guilles de longueurs variables. Aux Thélots comme à Margenne, au milieu des sphéro- lithes se trouvent de nombreuses prépoUinies, a (fig. 3), r 1 -. 'fi^t /Ç;i»/?'^%?ïH>-::c «i^-^ Fig. 3. Sphérolithes au milieu desquels on remarque des grains de pollen divisé. a, Grain de pollen divisé ou prépollinie. 6, b, Sphérolithes de forme arrondie. cl, Sphérolithes plus petits, polyédriques. dont les contours sont bien limités. Le prothalle mâle remplit complètement Fintine ; ce ne sont donc pas des grains de pollen de Cordaîte, ils n'ont pas provoqué autour d'eux la formation d'aiguilles cristallines. Il était intéressant de rechercher l'origine de ces sphé- rolithes, qui ont dii se produire dans des eaux saturées de silice en dissolution et successivement; puisque nous rencontrons des grains de pollen intercalés, ces grains se sont évidemment déposés en même temps. Nous avons recherché dans nos nombreuses prépara- tions de plantes attaquées par les Bactériacées ; les bois d'ArlhropUus, Mijeloxylon, Cordailes, Colpoxylon, Sigil- laires, etc., et beaucoup de graines nous ont montré que ces corps pouvaient résulter de la présence, dans les tissus, de colonies bactériennes rendues libres par la putréfaction qu'elles avaient provoquée, et emportées par de faibles courants. Dans certaines moelles volumi- neuses d'Arthropitus, on remarque que les cellules, non encore disjointes, sont occupées par un nombre consi- dérable de microcoques de taille variant entre 2 [i, 2 et 0 fi, 5. Dans quelques-unes les microcoques se sont par- tiellement rassemblés au centre, et des cristaux rayon- nants de silice se sont formés autour d'eux. La minéralisation, dans cet exemple, a eu lieu avant 94 LE NATURALISTE la destruction complète des parois des cellules et avant leur séparation. Dans d'autres cas les eaux siliceuses ont pénétré quand les microcoques étaient déjà complètement rassemblés à l'intérieur du noyau des cellules et les parois plus ou moins détruites. Cette portion de moelle d' Arthropitus présente une grande analogie d'aspect et de constitution avec les sphé- Fig. 4. Moelle à'Arthropilus lineata . a, Tcllules en partie dissociées, à l'intérieur desquelles on voit de nomljreux microqucs. A, Zooglécs encore enfermées dans les cellules. c, Région où les parois des cellules sont détruites. Les noyaux occui)és par les microcoques réunis en zooglée sont libres. rolithes des Thélots (figure 1). Le diamètre des cellules est de 33 (1. environ; la zooglée centrale mesure 15 à 20 (i . Les granulations qu'on y remarque atteignent à peine 0 (i ,5 : ce sont les dimensions que nous avons trouvées pour le Micrococcus hymenophagus var. B., qui attaque les membranes moyennes des cellules des Arthropitus et des Sligmaria. Les fragments de moelle dont nous venons de parler Fig. 5. Coupe longitudinale d'un jeune rameau d'^1W/iro/)e7us bistriata. a, Bois secondaire. b, Boulettes de moelle abandonnées par des larves. étaient encore en place à l'intérieur du cylindre ligneux, et on peut se demander comment leurs cellules, occupées par les Bactéries, ont pu produire les sphérolithes des Thélots et de Margenne, qui ont été formés par l'arrivée successive de cellules isolées ou associées en petit nombre, comme l'attestent les grains de pollen déposés en même temps et intercalés; l'examen de certains tissus a i)aru nous mettre sur la voie. La figure b repré- sente une section longitudinale du cylindre ligneux oc- cupé par la moelle, celle-ci n'est pas continue, mais dé- coupée en masses arrondies, irrégulières, rappelant les résidus de digestion de certaines larves xylophages. Ces petites masses sont formées de cellules plus ou Fig. 6. . Portion d'une boulette de moelle fortement grossie, a, Membrane moyenne des cellules. 6, Zooglée bactérienne. c, Aiguilles cristallisées rayonnant autour de la zooglée. moins altérées; comme il ne reste que les membranes moyennes, les parois sont souvent plissées, écrasées et l'intérieur est vide; mais un certain nombre d'entre elles paraissent moins désorganisées, pour ainsi dire moins digérées, fig. 6 et 7. On y reconnaît un tissu formé de cellules polyédriques à parois plus ou moins altérées; à l'intérieur se trouvent des zooglées, et des cristaux en voie de formation rayon- nent autour de beaucoup d'entre elles. Il est clair que de faibles courants auraient pu dotacber ces petites pelotes et les laisser déposer en même temps que les menus débris végétaux tenus en suspension dans l'eau. D'autres tissus, bien plus résistants, ont donné lien à Fig. 1. Fragment de moelle dont les cellules contenant une zooglée centrale sont encore réunies. a. Membrane moyenne. 6, Zooglée bactérienne autour de laquelle on remarque une cristallisation rayonnante. des décompositions analogues ; bon nombre de noyaux de graines houillères ont eu leurs cellules désagrégées par les microcoques et mises en liberté. Autour et à l'intérieur des tissus végétaux désorganisés, on observe une grande quantité de zooglées libres envi- ronnées d'une couche cristalline (fig. 0), a, rappelant par LE NATURALISTE 95 leur forme et loms (linioiisioiis les sphorolitlics do M;\v- genne (fig. 2). En résuiiK', si la inonllp dos Arlln-opitui^ cl rcllo d'au- tres vogétaiix, ou d'uuo l'ucon plus fioiioralo, si les tissus jiarencliyinateux, lui plus nu uioius lignifiés, attaqués par les lîai'tériacéos, ont été l'origine des rognons à sphéi-olithos des Tliélots et de MargiMuip, on peut eom- lironili'o les détails de leur formation de la façon sui- vante. Aux Tliélots, de petits l'i-ai;iiii'uls de tissus envaliis ]iar les Microcoquos, mais dans les(pi(ds la nienibraui' Fig. 8. Zooglées à l'état de liberté prises autour de débris végétaux en décomposition. a, Zooglées libres, ayant déterminé la production d'une cristallisation rayonnante de silice. 6, Microcoques libres. moyenne, des ccUulos existait encore en partie, ou mémo des cellules isolées (fig. 4), ont été entraînés par de fai- bles courants et se sont déposés dans des eaux peu troublées, en nu''nie tem])s que des grains de pollen amenés par les venis, et d'autres débris végétaux tonus en suspension dans le liquide ; les restes do membranes ont entravé dans beaucoup de cas la cristallisation de la silice sous forme d'aiguilles rayonnantes. A Margenne, les tissus végétaux qui ont donné nais- sance aux sphérolithes ont été plus profondément dé- composés par les Bactériacées; la dissolution des enve- lopiies cellulaires a été comi)lète ; il n'est resté de la cellule que les produits altérés du protoplasma et des parois formant une sorte de gelée autour du noyau oc- cupé par les Microcoques. En contact avec les eaux siliceuses, les Zooglées ont été le point de départ de cristaux se développant libre- ment, ou dans une couche de gélose. L'absence de membrane autour des sphérolithes de Margenne est la cause principale de la dilTéronce d'as- pect que l'on remarque entre les structures des rognons siliceux des deux localités. Le nombre considérable de Zooglées existant à l'inté- rieur et autour des végétaux en décomposition explique l'abondance des sphérolithes formés au milieu de ces dé- bris et qui ont été entraînés. Les Zooglées bactériennes ont donc provoqué la for- mation de certaines roches sphérolitiques. RECTIFICATION L'insutlisance des documents bibliugrapliiques dont je pou- vais disposer au Chili m'a fait regarder comme appartenant à un type nouveau de Pseudo-Nevroptére une larve aquatiquo dont la description a été puldiée par Le Xatiiraliste dans le numéro du 15 février 1897, p. li. J'ai appris, depuis mon retour en France, que cette larvo ne peut être que celle d'un Cciléoptère de la famille des Elmide». Elle ressemble singulièrement, en etl'et, à la larve d'iiliiiis repiéscntée dans le C(italo(/iic des lari'es de Coléop- tères, de Chapuis et Candèze, ]il. III, lig. 1. Des larves voisines, celle du Potinnop/nliis iniilealus et celle du Macronychiis quadriliiberci/latiis, ont été décrites et ligurées, la prendèro par Léon Dutour [Atin. des Se. nat., ■i" s., t. XVII), la seconde par J. Pérez i.-t/i». Suc. eiitoinol. de France, k" s., t. III). Ces deux auteurs ont fait connaître, chacun dans l'espèce qu'il a étudiée, les branchies trachéennes à mouvements rythmés qui m'avaient frappé dans la larve chilienne. J. Pérez a figuré, en outre, au bord interne de la mandibule du Macronyque, un cirrhe velu, qui est évidemment l'homo- logue de la liouppe de poils dont j'ai parlé. Il est permis de s'étonner qu'une adaptation de la respi- ration trachéenne à la vie aquatique, aussi curieuse et aussi anciennement connue que celle des larves d'Elmides et de Damidos, ne se trouve mentionnée dans aucun traité de Zoo- logie ou d'Anatomie comparée, P. Lataste. Cadillac-sur- Garonne (Gironde). ANIMAUX Mythologiques, légendaires, historiques, illustres, célèbres, curieux par leurs traits d'intelligence, d'adresse, de courage, de bonté, d'attachement, de reconnaissance, etc. L.e Dauikliin (Suite) Oppicn (Les Halieutiques, poème sur la Poche, chant I) jiarle aussi longuement du dauphin, en répétant à peu près ce que les autres en ont dit, mais en ajoutant de fort curieuses particularités : « Rien ne tient plus du prodige que l'histoire des dauphins, soit qu'ils aient fait autrefois partie de l'espèce humaine, soit qu'ils aient habité dans des villes avec des hommes ; que, cédant ensuite aux conseils de Bacchus, ils aient changé leur élément pour celui des mers, en revêtant la forme do poissons. Ils on ont conservé dans les niieurs une douce urbanité dont toutes leurs actions portent l'empreinte. Lorsque deux dauphins jumeaux, fruit ordinaire de leur hymen, sont venus au jour, ils ne se quittent pas ; ils sont toujours sautant et nageant au- tour de leur mère ; ils passent à travers ses dents dans sa bouche, et y restent sous l'abri protecteur de son pa- lais. Cette mère leur prodigue, do son coté, ses douces caresses, s'agite sans cesse autour d'eux, ivre d'orgueil et de joie, leur tend à tous deux ses mamelles, d'où cha- cun peut faire jaillir un lait doux et nourrissant. Les dauphins ont reçu des dieux du lait et des seins sem- blables à ceux des mortelles ; aussi exercent-ils le doux ministère de nourrices. Les petits sont-ils devenus plus forts, aussitôt leur mère les conduit et les précède dans le lieu de leurs chasses et leur enseigne à poursuivre le poisson, etc., etc. » Plus loin, parlant du chien de mer, il en dit ce que plus 96 LE NATURALISTE tard IIu^'O de Saint- Victor dira du dauphin (voyez plus bas) : « Ses petits ont-ils quelque chose à craindre, sur- vient-il quelque sujet pressant d'alarmes, elle leur donne asile dans les flancs par la même route, par la même voie que celle de leur naissance. Elle affronte volontiers toutes les douleurs qui l'attendent, et recèle une seconde fois ses petits dans son sein maternel, pour leur donner de nouveau le jour dès que le danger aura cessé... i> Au chapitre V du même poème, Oppien dit encore : (I La pèche des dauphins est réprouvée par les dieux ; les sacrifices de celui qui oserait la faire ne leur seraient point agréables; il n'approcherait de leurs autels qu'une main profanée. Les immortels sont également irrités du meurtre des humains et de celui de ce prince des mers. Un même génie est le partage des hommes et de ces mi- nistres de Neptune. De là le principe de leurs affections, le nœud qui les lie à l'homme d'une amitié si particu- lière; aussi, dans les parages de l'Eubée (1), les dauphins prêtent-ils leur assistance aux pêcheurs, quels que soient les poissons qu'ils ambitionnent de prendre, etc., etc. » — {Suivent des histoires d'enfnnis et de dauphins, celte d'Arion, etc. Puis il ajoute) : « Toutefois, quehjue bonté qui distingue le naturel des dauphins, quel que soit l'esprit de bienveillance qui les anime en faveur des hommes, les Thraces barbares, ainsi que les habitants de Byzance leur font sans pitié la guerre. Ces peuples sont éminemment féroces et méchants. Ils conduisent ainsi cette cruelle pèche, etc. » La chair du dauphin n'était cependant pas fort prisée, si nous nous on rapportons au médecin grec Oribase (325-400). Voici ce que nous lisons dans sa Collection mé- dicale, livre II, chap. lvii (Des grands animaux marins) : — « Les phoques, les baleines, les dauphins, les mar- teaux, les grands thons, les chiens de mer, et tous les autres animaux semblables, ai)partiennent à cette classe : ils ont la chair dure et imprégnée d'humeurs mauvaises et de matières excrémentitielles; voilà pourquoi l'on ne s'en sert qu'après les avoir salés. » Si maintenant nous passons aux anciens écrivains religieux, nous trouverons les mêmes opinions, les mêmes idées, les mêmes légendes répandues dans leurs écrits. Eustathe (480 ap. J.-C.) s'exprime ainsi ilans sa para- phrase deVHexaemcron de saint Basile (lib. VII, cap. il) : « Les dauphins et les ])hoques font des petits ; l'on dit que si un danger imminent les menace, si une cause de terreur agit sur eux, ils renferment immédiatement leur progéniture dans leur ventre pour la protéger. » RabanMaur, archevêquede Mayence(vii», viii'siècles), dans son livre De Universo (lili. VIII, cap. v), nous cite du Pline, etc. « Les dauphins possèdent un certain langage, car ils peuvent comprendre celui de l'homme, et aussi parce qu'ils se réunissent en troupe dès qu'ils entendent une symphonie. Rien dans la mer n'est aussi rapide qu'eux : en effet, dans leurs sauts ils franchissent souvent les navires. Quands ils jouent dans les flots, et quand, sous l'action de leurs bonds précipités, l'eau jaillit fortement autour d'eux, c'est là un signe de tempête. On les ap- pelle proprement Simons. Il y a dans le Nil un genre de dauphins dont le dos est armé d'une scie, au moyeu de laquelle ils percent le ventre du Crocodile. « (1) Ile de la mer Kgée (l'Archipel^. Saint Isidore de Séville répète mot à mot, dans les Éty- mologies (Etymologiarum liberXll, cap. vi, ,§ H), sans en omettre une virgule, la citation ci-dessus de Raban Maur. Hugo de Saint- Victor (xii" siècle, dans son livre De Destiis et aliis rébus libri quatuor (livre II, ch. Lv), nous cite de l'Oppien ; il commence d'abord, lui aussi, par répéter mot à mot, sans y changer un iota, le texte de Raban Maur, puis, une cinquantaine de lignes plus loin, il reprend l'idée d'Oppien et d'Eustache, et continue ainsi : « D'autres (poissons) font des petits vivants, comrne les grands cétacés, les dauphins et les phoques, et plusieurs autres du même genre qui, si un grand danger se pré- sente autour de leur petits, afin de les protéger et pour éloigner tout péril de leur tendre jeunesse, ouvrent immé- diatement une vaste gueule et prennent leur progéniture dans leurs dents; puis ils la reçoivent dans leur corps et la cachent dans ce môme ventre qui les engendra. « Quelle affection humaine pourrait approcher de cet amour des poissons pour leurs petits? « Les baisers des nôtres nous impatientent prompte- ment, et eux ne se fatiguent pas d'ouvrir leurs entrailles aux leurs, de les y recevoir encore et de les y conserver à l'abri de tout péril ; de réchauffer encore ce fœtus de leur chaleur animale, enfermant ainsi deux corps l'un dans l'autre jusqu'à ce que tout péril soit éloigné ! i< Qui ne serait saisi d'admiration devant ce spectacle pieux? (( Qui ne s'étonnerait, qui ne serait stupéfié devant cette étrange propriété accordée par la nature aux poissons quand elle l'a refusée aux hommes ? « Plusieurs marâtres soupçonneuses et haineuses tuèrent leurs enfants ; quelques-unes, poussées par la faim, ainsi qu'on l'a souvent lu, dévorèrent leur progéni- ture, lui faisant ainsi un tombeau de leurs propres entrailles ; mais les petits des poissons sont dans le ventre de leur mère comme derrière une muraille; leur sein est pour eux un retranchement dans lequel l'ennemi ne peut les atteindre ! » II est évident que tout cela est fort beau et pas du tout banal. — mais l'érudit chanoine de Saint- Victor accordait trop facilement aux poissons, sur la foi d'Oppien, ce que la nature n'a jusqu'ici donné qu'aux marsupiaux; et encore ne faudrait-il pas confondre les entrailles de ces animaux avec leurs poches. Quoi qu'il en soit, c'était une excel- lente occasion pour donner une leçon aux hommes, et l'auteur l'a fait avec une éloquence dont ma traduction no donne qu'une faible idée. Cela me rappelle ces deux vers de La Fontaine, dans la dédicace de ses Fables au Dauphin (de France, bien entendu) : Tout parle en mon ouvrage, et même les poissons : Ce qu'ils disent s'adresse i tous tant que nous sommes. Et, puisque nous parlons du Fabuliste, n'oublions pas qu'il a écrit, lui aussi, une histoire ressemblant à celle d'Arion: le Dauphin et le Singe (Livre IV, fable vil). Ua navire fait naufrage, et un singe allait infailliblement se noyer, lorsque Un dauphin le prit pour un homme, Et sur son dos le fit asseoir Si gravement, qu'on eut cru voir Ce chanteur que tant on renomme. Le dauphin l'allait mettre à bord Quand, par hasard, il lui demande : LE NATUUALISTE 97 Etes-Tous d'Athènes la grande? — Oui, dit l'autre, on m'y connaît fort; S'il vous y survient quelque atVaire. Kniployez-nioi, car mes parents Y tiennent tous les premiers l'angs; Un mien cousin est juge-maire. Le dauphin dit : Bien grand merci. Et le l'irée a part aussi A l'honneur de votre prosenco? Vous le voyez souvent, je pense? — Tous les jours : il est mon ami; C'est une vieille connaissance. Notre magot prit, pour ce coup, Le nom d'un port pour un nom d'homme. De telles gens il est beaucoup Qui prendraient Vaugirard pour Rome, Et qui, caquetant au plus dru, Parlent de tout et n'ont rien vu. Lr (luupliiu SI' rrtoiinio, l'cji'ilp Ip siiigi' ù l'eau, l't va voir s'il n'y a jias quoique homme à sauver. Mais le daupliiu a eueore eu uu autre penre de eélé- brité que celui ([ui lui es^t venu des légendes des anciens, II fut aussi, à l'urigine du christianisme, le symbole du chrétien, le sif;n(' de ralliement de la nouvelle association. Ce ne fut pas tout d'abord le dauphin, ce fut simplement le POISSON : néanmoins, l'imape du dauphin prévalut ilans la suite, parce que les anciens l'avaient prise pour l'eiu- blème de la vélocité, et qu'elle était tout naturellerni-nt aussi l'emliléme de la diligence que devaient apporter les chrétiens a se hùler vers le salut. Son image fut prise aussi pour un symbole d'amour, ju-écisément à cause de tous les traits d'all'ection rapportés par les anciens et que j'ai consignés dans cet article; aussi voit-on souvent l'image du dauphin sculptée ou gravée sur les tombeaux des catacombes, sur des pierres, des anneaux, des styles à écrire, etc., etc. Le dauphin enlacé à une ancre se voit souvent sur les anneaux des pri'miers chrétiens; certains antiquaires (le P. Lupi, etc.) vinilent (juc l'ancre représente la croix, et le dauphin, le Clirist: d'autres (l'olidori, etc.) veulent au contraire que l'ancre représente le Christ, et le dau- phin, le chrétien. Quoi qu'il en soit, et sans nous lancer à la suite des «avants dans des considérations où tout le monde a rai- son selon le point de vue où il se place, voici pourquoi le dauphin, c'est-à-dire, à l'origini', le poisson, devint le symbole du Christ, et est encore aujourd'hui gravé sur l'anneau du Pape. Le mot grec IX0TS ('Ix6ù;), poisson, se compose de i'ini| lettres, dont chacuiu! est l'initiale des ciut les signes de reconnaissance du christianisme, et nous voyons saint Augustin (D." civilate Dci, xviri, 25) donncn- lui-même du poisson une explication alisolument claire : « 'iTjdoOç, Xpi(TTo;, QeoO. Tîbî, StoTTip, si vous réunissez les premières lettres, vous aurez le mot IX0V1, poisson, dans leiiuol le Christ est désigné mystiquement. " E. N. Santini de Uiot.s. NOUVELLE FLORE DES LICHENS LA DÉTERMINATION FACILE DES ESPÈCES SA.\S .yiCIIOSCdPE ET fiAXS ItÉACTll'S Par A.. BOISXRL, PKOKESSEUR DE l'uN I VKRSrrÉ 1>E PARIS Parmi les plantes qui résistent le mieux aux rigueurs de l'hiver et qui dédommagent en toute saison le botaniste avide d'herborisation, une place d'honneur revient aux Lichens : ce sont, comme on l'a dit, " les fleurs de l'hiver ». Us résistent aussi aux conditions climatériques les plus» défavorables : quand l'explorateur s'élève sur les flancs d'une montagne élevée, quand il franchit les limites des régions arctiques, ce sont encore les Lichens qui viennent consoler son regard, s'il est quelque peu exerce à l'observation. Ainsi que le dit si bien M. Gaston Bonnier, .< souvent un promeneur qui vient >< Fig. 2. — Profd en travers de la vallée sèche. lairement à la vallée des trois Doms (sous-aûluent de la Somme par l'Avre). Sur la lèvre nord, on observe une profonde fissure pa- rallèle à la vallée sèche. Cette fente, dont la profondeur visible est de 3 à 4 mètres à l'entrée, s'étend sur une cen- taine de mètres de longueur et est située dans un plan vertical. L'origine de cette fissure ne fait aucun doute à l'obser- vation][: les eaux sauvages suivent une fracture de la te Naturaliste, 46, rue du Bac, Paris. roche sous-jacente, fracture parallèle appartenant au mémo réseau que la vallée sèche et des nombreux rideaux de la région. Dans ce cas particulier, le phénomène est accentué par la nature de la roche superficielle. Les doux bords de la vallée sèche et de toutes les collines de la région, de- puis Moutdidier jusqu'à Pierrepont, sont formés par une roche détritique présentant au plus haut degré tous les caractères d'une décalcilication lente et progressive. 102 LE NATURALISTE Sous la terre végétale assez sèche (fig. 2) (a), on trouve 1 m. 50 à 2 mètres d'un limon siliceux gris (b) contenant de nombreux petits silex éclatés non classés ou plutôt peu classés. Plus bas, en (c), la roche est formée d'un agrégat peu cohérent de fragments de craie ayant un volume de quel- ques millimètres cubes seulement, très arrondis dans toutes les parties, même dans les creux, ne pouvant pas être usés mécaniquement par frottement. Ces petits mor- ceaux de craie corrodés par les eaux sont empâtés dans un limon sec de même nature argilo-siliceuse que la couche supérieure (6). Les silex brisés de petit volume sont assez abondants et présentent encore un léger classement en lits un pou inclinés vers le thalweg. La petite coupe ci-dessus montre donc une réduction de toute la craie à silex qui préexistait en ce point. La direction générale de la vallée sèche a été donnée par un réseau de fractures locales de la craie, et l'abaissement progressif du thalweg a amené l'inclinaison des couches des matériaux détritiques accumulés sur les lèvres. Il en est résulté les alignements de plus en plus inclinés des lits des silex et, enfin, l'ouverture de la fissure principale a pu être acceotuée par le léger mouvement de bascule de toute la lèvre vers le centre de la vallée. BOURSAULT. LA GREFFE ET SES APPLICATION Depuis quelques années, les questions de grefie, qui avaient été trop longtemps délaissée.s, ont repris dans la science et la culture le rang qu'elles n'auraient jamais dû perdre, étant donnés leur importance pratique et leur intérêt physiologique. Si tout le monde sait aujourd'hui que, grâce à l'art de la greffe, la Vigne française peut résister au Phylloxéra, on connaît beaucoup moins d'autres résultats intéres- sants, récemment obtenus en France, et qui sont appe- lés, à mon avis, à révolutionner quelque peu la pratique agricole et horticole. Il s'agit de la création de variétés nouvelles par la greffe, en profitant des variations qu'elle peut produire sur les deux associés, autrement dit en se servant de l'influence réciproque du sujet et du greffon. On sait que les anciens agronomes admettaient pour la plupart la réalité de cette influence. Ils pensaient avec raison que le changement dans la nutrition des deux plantes ainsi obligées de se servir d'appareils assimila- teurs et absorbants différents se répercutait fortement sur leur économie générale. Mais tandis que les plus sages considéraient cette influence comme très limitée et ne s'exerçant que dans des cas particuliers, les autres l'admettaient sans restric- tion aucune. Ils croyaient, par exemple, qu'en grefl'ant un pommier sur un mûrier, on récoltait des pommes couleur de sang, qu'on enlevant la moelle de la vigne et en la remplaçant par des aromates, des couleurs ou des médicaments, on obtenait des raisins ayant l'odeur, la couleur ou le goût des substances employées. Dans ces derniers siècles, une réaction très vive s'est faite contre un pareil engouement, mais, comme toutes les réactions, elle a dépassé le but. Non seulement on a démoli, avec raison, les légendes ridicules accumulées par les amateurs du merveilleux, mais on est allé jusqu'à prétendre que les deux plantes que l'on réunit par la greffe n'ont aucune influence l'une sur l'autre. Dans ces conditions, la greffe devenait l'unique moyen de conser'ver une création ou une variation accidentelle avec l'intégrité de ses caractères, mais elle ne pouvait être em- ployée pour obtenir de nouvelles variétés. C'est d'ailleurs l'avis de beaucoup de savants et de praticiens actuels qui considèrent leur manière de voir comme un dogme auquel il ne faut pas toucher. Au risque de m'attirer toutes leurs foudres, je porterai la main sur l'arche sainte, et je démontrerai, à l'aide de documents incontestables, qu'un pareil dogme ne tient pas debout, même théoriquement. On sait, en effet, depuis longtemps, que la culture dans des sols variés a permis d'obtenir des variétés nou- velles, ce qui démontre bien l'influence considérable que la nutrition générale peut avoir sur les caractères exté- rieurs de la plante. Si l'on étudie la structure des plantes venues dans des conditions biologiques différentes, on constate entre elles une remarquable différence dans le développement des divers appareils. Bien que l'on n'ait pas encore recherché si ces der- nières variations se transmettent par le semis comme les premières, on peut poser eu thèse générale que la composition du sol a une influence marquée sur le déve- loppement interne et externe d'une plante donnée. Et l'on voudrait que cette même plante, placée sur des sujets où porte-greffes différents qui lui donnent une nourriture beaucoup plus variée encore , ne subit au- cune modification dans sa structure et dans la nature de ses produits. C'est tout bonnement absurde. Un grand nombre de faits, que tout le monde peut observer, se chargent d'ailleurs d'établir nettement l'in- fluence réciproque du sujet et du greft'on, en dépit de toutes les négations des adversaires de cette influence. La plupart de ces faits concernent la greffe des plantes herbacées, mais on peut aussi en observer d'ana- logues sur les plantes ligneuses. Pour la commodité de l'étude, on peut les classer en faits d'influence directe et en faits d'influence indirecte. Dans la première catégorie rentrent les variations produites sur les plantes greffées elles-mêmes : augmen- tation ou diminution de vigueur, changements de saveur des parties comestibles, variations dans la résistance au milieu extérieur, modifications dans la forme extérieure ou la structure, etc. Dans la seconde, il faut ranger les modifications qui ne sont pas directement sensibles sur les plantes gref- fées, mais qui apparaissent à la suite de la reproduction par voie agame et surtout par voie sexuelle. Ces diverses variations, jusqu'ici négligées ou incon- nues, ont une importance considérable au point de vue biologique et au point de vue horticole. La transmission par graine de certains caractères du sujet au greffon, dûment constatée, a une portée biolo- gique qu'on ne saurait lui contester. Elle touche en effet aux questions si controversées de la variabilité et de l'héréditô des caractères acquis. Contrairement aux idées de Weismann, le célèbre auteur de la Théorie des Déterminants, les faits d'in- fluence indirecte sont une preuve irréfutable de l'action du Soma sur les éléments reproducteurs. LE NATURALISTE 103 L'agriculture et l'horliculture peuvent en tirer parti pour la création do variétés nouvelles et faire ac(iuérir à une plante sauvaye ou à une plante alimentaire telle qualité qui lui manque comme saveur, comme forme" ou comme résistance au froid, etc., en la greffant sur une plante possédant ces qualités. Deux méthodes difl'érentes pourront être employées jiour arriver à ce résultat, suivant que la plante se mul- tipliera exclusivement par voie agame comme le topi- nambour, ou par graines comme le chou. L'une et l'autre de ces méthodes pourront servir d'ailleurs quand il s'agira de plantes qui, sous notre climat, se repro- duisent à la fois par voie aganie et par graines, comme la pomme de terre. Dans le jireinier cas, il sullira de greft'er deux variétés différentes pour avoir des chances d'obtenir des tuber- cules mixtes qui, s'ils sont préservés des variations ulté- rieures, reproduiront indéfiniment les caractères qu'on leur aura fait acquérir par la greffe. Dans le second cas, on profitera des faits d'influence directe qui dénotent en général une influence indirecte plus marquée (ou s'il n'y a pas d'influence directe, on gretïera (juand même), et souvent les plantes provenant du semis des graines du greffon donneront naissance à des sortes d'hybrides qui seront intermédiaires entre le sujet et le ga"efl'on. Cette hybridation par la grelïe sera suivie d'une sélec- tion comme dans l'hybridation sexuelle, et les varia- tions finiront ainsi par se fixer au gré du chercheur. Je suis convaincu que ces questions nouvelles inté- resseront plus d'un lecteur du Naturaliste qui se livrera par la suite à des recherches du même genre. C'est à ce titre que, dans d'autres articles, j'essaierai de les initier à la méthode nouvelle et aux résultats féconds qu'elle peut produire. L. Daniel, Docteur os sciences, Professeur au lycée de ftennes LES ECREVISSES REPRODUCTION, ÉLEVAGE HEl'Iill'LEME.XT DES COURS IPEAU E.\ ÉCltEYISSES AD .VOIS D- AVRIL. Voici l'époque de l'année la plus favorable lorsqu'on veut peupler d'écrevisses des cours d'eau, et la produc- tion de ces crustacés a une imiiortance telle que nous ne saurions la passer sous silence. L'Ecrevisse appartient, comme on le sait, à la famille des décapodes. Nous en possédons en France deux variétés : X'Ètrevme à pattes rouycs et VÉcrevisse à pattes blanches. Les unes vivent à la surface des eaux froides ; les autres, tant recherchées pour leur taille et la délica- tesse de leur chair, vivent dans les eaux profondes et tièdes. Les femelles commencent dès la fin d'octobre à se mettre en quête d'un abri. Elles creusent le long de la rive des trous presque modelés sur leur propre corps. Pour arriver à ce résultat, elles commencent par détacher, à l'aide de, leurs jiattes ambulatoires, quelques parcelles de terre. Elles minent ainsi le sol à un ou deux centi- mètres de profondeur ; puis, introduisant dans cette cavité les lamelles de leurs nageoires caudales, elles leur im- priment un mouvement de rotation. Prenant en même temps leurs pinces comme point d'ajipui, elles réussissent à se glisser comiilètoment dans cette sorte de trou de mine, où elles sont à l'abri de tout danger, l'ouverture unique de leur cachette étant défendue par leurs pinces. Les mâles, eux, après avoir erré jusqu'à l'hiver, se réfugient dans des trous les uns après les autres. A l'époque de la jionte seulement, la femelle sort de son trou. Alors commence la sortie des œufs, qui, grâce à une matière visqueuse sécrétée par des glandes spéciales, viennent se fixer aux fausses pattes. La ponte dure trois àquatre jours. L'éclosion ne se produit que vers le ISmai, c'est-à-dire six mois après la ponte. Celle-ci est de •2o0 œufs, sur lesquels on en voit éclore 100 au plus. L'Ecrevisse mue huit fois la première année, sept fois la seconde. L'Ecrevisse adulte ne mue qu'une fois par an. Vers deux ans elle pèse 4 grammes. A 25 ans, elle en pèse de 100 à 135. L'Ecrevisse nouvellement née est de teinte grisâtre et mesure environ un centimètre et demi de longueur. Leur croissance est extrêmement lente. Lorsiju'on veut élever des Ecrevisses, il faut leur fournir une profondeur d'eau de ^"',oO à 2"; cette eau doit être chargée de carbonate de chaux, pour permettre à la carapace de l'animal de se développer normalement. A l'époque de la mue, on a souvent trouvé dans l'estomac de ces crustacés des concrétions calcaires, employées autrefois en médecine sous le nom d'Yeux d'Écrevisses. Lorsqu'on les place dans des étangs, il est bon de leur aménager, à l'ombre, quelques îlots factices, pour éviter la détérioration des berges. Lorsqu'on veut peupler des cours d'eau, il faut se pro- curer des animaux de 5 à 7 ans seulement (poids : 23 à 30 gr.), pour qu'elles ne se sauvent pas, et les y introduire au commencement d'avril. Il faut compter en moyenne 40 mâles pour 00 femelles. Si la proportion de ces der- nières était plus considérable, les mâles les mangeraient. Lorsque les Ecrevisses ont séjourné longtemps hors de l'eau, il ne faut pas les y rejeter brusquement, à cause des accidents provenant de la brusque irruption de l'eau sous la carapace. On les dispose alors sur des claies flottantes et, en cas de soleil, on les couvre avec des branchages. Les Ecrevisses sont omnivores, et se nourrissent par- ticulièrement de mollusques et de vers. Pour les con- server dans des bassins, il est bon de leur donner de la viande fraîche. Leur élevage artificiel est très difficile, extrêmement long et donne de fort médiocres résultats. Jlalheureusement, une maladie sur les causes et la nature de laquelle une multitude d'hypothèses ont été émises, mais sur laquelle on ne sait rien de précis, a sévi depuis quelques années sur les ecrevisses, d'une façon si terrible qu'on en a parfois vu périr de grandes masses subitement. Tout ce qu'on peut dire avec certi- tude sur cette maladie, qui, apparue en 1878 sur les bords de l'Ill, a envahi en 1881 le bassin de la Seine et s'est depuis étendue jusque dans le Midi, c'est qu'elle se développe toujours d'aval en amont et se laisse arrêter par les barrages. On a tenté récemment d'acclimater dans nos eaux une Écrevisse venant de Russie, mais, jusqu'ici, aucun ré- sultat concluant n'a encore été obtenu. Paul Jacob. 104 LE NATURALISTE lYlŒURS ET mÉTAMORPHOSES De l'ANTHOUNUS A M ICTUS, Erichson Coléoptèfe de la famille des Malac/iides Larve. Longueur 3 millimolres; largeur 0 millimètre 3 à 8. Corps allongé, rouge vif, chagriné, couvert de courtes soies, convexe en dessus, arrondi en avant, bifide en arrière. Tête petite, déprimée, éparsement ciliée, avec ligne mé- diane blanchâtre bifurquée ; épistome transverse, flavescent ; labre court, cilié; mandibules larges, à base rouge'itre, à extrémité noiritre; mâchoires droites, lobe frangé de courtes soies, palpes maxillaires de trois articles, arqués en dedans, menton allongé, encastré entre les deux montants maxillaires, lèvre inférieure bilobée avec palpes labiaux très courts et co- niques; antennes très allongées à article terminal accolé à un article supplémentaire presque aussi long que lui; ocelles au nombre de quatre disposés en deux rangées. Segments Ihoraciques quadrangulaires, chagrinés, couverts d'un léger duvet, au nombre de trois, le premier large, blanc rougeitre, le deuxième long, d'un rouge vif, incisé à son bord postérieur, le troisième allongé, incisé en arc ouvert à son bord antérieur, de la même couleur que le précédent. Seipnents atidominaux au nombre de neuf, d'un rouge vif, couverts d'un duvet soyeux, les huit premiers courts, trans- verses, avec fovéole latérale ; le neuvième rougeâtre à extré- mité terminée par deux pointes droites, coniques et ciliées; le dessous de ces segments est couvert de quelques longs cils, le mamelon aval est prolongé par un pseudopode dont la fente est transverse. Pattes longues, de couleur testacée paie, de cinq pièces ter- minées par un court onglet brunâtre. Stigmates petits, orbiculaires, roux à péritrème clair, la première paire près du bord antérieur du deuxième segment thoracique, les autres aux huit premiers segments abdomi- naux. La taille, la forme, la couleur rouge vif du corps sont des traits particuliers à cette larve qui, issue d'une génération pondue en juillet et août, vit dans l'amas des feuilles acicu- laires de pin ou de sapin accumulées contre le bas du tronc des conifères, dans ce milieu souvent infesté de végétations cryptogamiques où grouillent des légions d'animalcules, po- dures, podurelles, acariens et où aussi s'introduisent des my- riapodes et des jeunes mollusques : c'est dans cet intérieur dé- daigné par les entomologistes que vivent des espèces de Coléoptères réputés rares, tels que Ei/conus Schiirdtei et slricticiis, Cephenium Sicaense, Mynnedonia humeralis, Otio- ry7ic/ius miiscorum, et cependant en réalité toutes ces espèces sont abondantes; l'existence de notre larve se prolonge tant que dure la belle saison; aux approches de l'hiver elle prend position dans un léger réduit, le coin d'une écorce, l'intérieur d'une brindille, d'un cône de pin; au retour du beau temps, elle reprend sa vie un instant interrompue et la mène avec la plus grande activité jusqu'aux derniers jours de mai, époque il laquelle, soucieuse du sort qui l'attend, elle tisse entre deux feuilles un léger couvert et, après quelques jours de transition, elle subit sa transmutation en la forme suivante ; Nymphe. Longueur ?• millimètres; largeur 1 millimètre en- viron. Corps allongé, oblong, rouge carmin, à extrémités plus claires, couvert de cils brunâtres, convexe en dessus, déprimé en dessous, à région antérieure arrondie, la postérieure atté- nuée et bifide. Tête déclive, ciliée, front saillant, avec double impression entre les deux yeux; premier segment thoracique grand, cilié à bords relevés, deuxième court, à milieu incisé, troisième un peu plus grand à milieu sillonné; segments abdominaux peu convexes, s'atténuant vers l'extrémité postérieure, les sept premiers incisés et ciliés, à flancs dilatés, huitième allongé, neuvième terminé par deux courtes épines brunâtres diver- gentes; genoux en saillie uniciliée ; antennes arquées, con- tournant par leur milieu les cuisses des deux premières paires de pattes. La nymphe dans sa loge repose sur la région dorsale, au moindre déplacement, au moindre sujet de crainte, elle im- prime à ses segments abdominaux de légers mouvements la- téraux; c'est le système défensif dont l'a pourvue la nature. La phase nymphale d'une durée de quinze à vingt jours est suivie de quelques jours encore nécessaires au nouveau-né pour se remettre du profond travail d'élaboration qui s'est produit en lui ; ce temps écoulé, vienne une lueur de soleil, il abandonnera aussitôt son berceau pour s'élancer dans l'es- pace. Adulte. Miilsant dans ses Vésiculifères, 1867, p. 169, en a donné la description : c'est à 1400 mètres d'altitude, sur le revers oriental du Canigov. aux alentours de la maison fores- tière de Belage, qu'aux premiers rayons de l'astre solaire on le voit surgir du dessous des feuilles ou du calice des fleurs; son vol, quoique assez soutenu, est bas et de courte durée, aussi peut-on s'en emparer avec la pli'S grande facilité ; c'est de mai à juillet qu'il est assez abondant dans le domaine qu'il habite. Capitaine Xambeu. LES XJTFMCXJLAIPIES On a depuis longtemps signalé, au nombre des plantes insectivores les plus intéressantes et les plus remarquables, les Utriculaires. Ces singuliers végétaux tirent leur nom de la curieuse conformation de leurs feuilles. Ces organes, des plus ténus, découpés en lanières fines, présentent, à l'aisselle de leurs divisions, de petites outres ou vtrictites. Ces ulricules sont destinés à soutenir la plante au milieu de l'eau et à lui permettre d'opérer sa fécondation. Quand la fécondation a eu lieu, les ulricules jusque-là gorgés d'air, se remplissent d'eau, et la plante tombe au fond. Des bourgeons terminaux, formés avant l'hiver, séjournent au fond de l'eau et multiplient YUtriculaire. Les fleurs sont jaunes, disposées en grappe et aériennes. Il est bon de noter le fait suivant, signalé par M. Van Tieghem : c'est que les parties immergées et celles qui sont situées au-dessus de l'eau ont une structure anato- mique toute différente. Dans les premières, on trouve la com- position rudimentaire des organes aquatiques, tandis que, dans les secondes, la structure, beaucoup plus développée, rappelle de tous points celle des végétaux ordinaires. La description suivante permettra de reconnaître l'Utricu- laire commune, VUtricularia vulgaris : feuilles étalées en i tous sens, pourvues de vésicules en grand nombre, pennati- I séquées et divisées deux à trois fois en lanières capillaires, ] denticulées-spinescentes; lige florifère, haute de 2 à 3 déci- I mètres, portant de trois à dix fleurs; corolle grande, d'un beau jaune, à palais très saillant et fermant la gorge marquée de stries orangées, à lèvre supérieure entière de même lon- gueur que le palais, à lèvre inférieure plus grande à bords réfléchis. Dans une espèce voisine, VUtricularia minor, la fleur est beaucoup plus petite et jaune pâle. Mais, dans l'une comme dans l'autre plante, les feuilles ne présentent qu'une même forme; dans VUtricularia intermedia, espèce que l'on rencontre beaucoup plus rarement, les feuilles sont de deux formes : les unes no portent pas d'uliicules, tandis que les autres, de composition beaucoup plus simple, sont pourvues de petites outres, plus grosses que dans les espèces voi- sines. Le mode de végétation des Utriculaires suffirait pour expli- quer la présence des ulricules; mais on a fait observer que l'on trouve fréquemment des insectes emprisonnés dans les J vésicules, et on a émis l'opinion que la plante en tire profit ^ pour sa nourriture. 'Voyons donc de près quelle est la struc- ture do ces vésicules : elles sont supportées par un pédicule court et, arrivées à leur complet développement, elles peuvent atteindre de 2 à 4 millimètres de longueur. Elles sont trans- lucides, verdâtres et toujours un peu comprimées, quoiqu'elles puissent varier d'épaisseur, suivant la quantité d'eau ou d'air qu'elles contiennent. L'extrémité libre est pourvue de deux longs appendices multicellulaires, que l'on peut appeler flîi- tennes. Au-dessous de ces ajiten7ies se trouvent l'entrée de la vésicule et la valve, de chaque côté desquelles sont placés trois à sept poils longs et pointus. L'ensemble de ces antennes et de ces poils forme une sorte d'entonnoir qui entoure l'en- trée de la vésicule. La valve de la vésicule est disposée de bas en haut; elle est incolore, flexible et tout à fait transparente. Sa surface est parsemée de glandes de plusieurs sortes, qui, d'après Darwin, auraient la faculté d'absorber. Elle porte également deux paires de piquants pointus et transparents, aussi longs qu'elle. LE NATURALISTE ■ lOo Quelle est la conformation intérieure de la vésicule? toute la surface, à l'eicoption de la valve, est recouverte de pro- cessus à quatre bras divergents. Deux do ces bras sont plus longs sans être forcément égaus et tournés vers l'intérieur; les doux autres, beaucoup plus courts, sont presque horizon- taux et se dirigent vers l'extrémité antérieure. L'un et l'autre, d'ailleurs, sont à peine pointus et peuvent se courber et se ployer dans toutes les directions, sans élrc exposés à se briser. Les processus du col des vésicules sont identiques, mais ne possèdent que deux bras au lieu de quatre. Quelle est la fonction de ces difl'érentes parties? Pour Darwin, il ne saurait subsister aucun doute; elle consiste i capturer de petits animaux aquatiques, l'resque toujours, les plantes examinées renferment dans leurs vésicules des crus- tacés ou des larves d'insectes. On y rencontre aussi des infu- soires et des algues vivantes appartenant à de nombreuses L'utriculaire et sa vésicule. espèces. Gohn se rendit compte de la pénétration des animal- cules dans l'intérieur des vésicules de la manière suivante : il plaça un soir, dans de l'eau contenant do nombreux crustacés, une Utriculaire qui avait végété dans de l'eau à peu près pure; le lendemain, la plupart dos vésicules renfermaient de petits animaux, qui continuèrent à vivre quelque temps et ne moururent d'asphyxie qu'au bout de plusieurs jours. Pour pénétrer, les animalcules repoussent à l'intérieur la valve, dont le bord postérieur, très élastique se referme de suite. On conçoit qu'il doit être très difficile i un être vivant de s'échapper de la prison à laquelle il s'est laissé prendre. La fermeture est tellement exacte, l'adaptation tellement par- faite du bord de la valve contre le col, que l'on rencontre quelquefois des larves prises entre ces deux organes, dont une moitié se trouve dans l'intérieur do la vésicule, tandis que l'autre est encore à l'extérieur. La sensibilité des valves est extraordinaire et permet de comprendre comment dos animaux, aussi petits que ceux qui s'y attaquent, peuvent les faire ployer. En plaçant à leur sur- face des parcelles très petites do verre ou de bois on les en- traîne instantanément, et les objets qui ont servi à l'expé- rience so trouvent emprisonnés. On a cherché à expliquer la cause qui pousse les animaux à pénétrer dans les vésicules des Utriculaires : on a prétendu que les larves afl'ectionnaient tout particulièrement les longs poils qui entourent les valves. Peut-être aussi les petits êtres aciuatiques, attirés par la transparence remarquable de la valve qui joue le rôle d'un fanal, cherchent-ils des aliments ou un abri. Quelle que soit d'ailleurs la cause attractive, il n'en parait pas moins évident à Darwin que les processus des vésicules absorbent des matières animales, sans qu'il y ait digestion proprement dite. D'expériences entreprises par l'il- lustre naturahste anglais, il résulterait que ces processus ont la faculté d'absorber le carbonate et l'azotate d'ammoniaque, l'infusion de viande fraîche ou putride. U en est de même pour les glandes qui existent à la surface des valves et sur le col. Darwin conclut de ses observations que, « quelle que puisse être la nature du contenu des diverses espèces de glandes, après qu'elles ont subi l'action de l'eau trouble ou d'une solution azotée, il est probable que les matières ainsi engendrées constituent un avantage pour la plante et finissent par être transportées dans d'autres parties ». Ce que nous venons de dire de VVlricularia vulgaris s'ap- plique à toutes les Utriculaires aquatiques. Dans les régions tropicales croissent d'autres VLricularia, qui ne ressemblent en rien, extérieurement du moins, à nos espèces européennes. Leurs feuilles ne sont point linement découpées; leurs Heurs sont souvent bleues, violettes; elles habitent les crevasses des rochers, les marais tourbeux, aussi bien que les cours d'eaux. Ce n'est plus sur les feuilles qu'il faut chercher les vésicules, mais sur les rhizomes qui, dans VVlricularia montana, sont nombreux, incolores, aussi fins que des fils. Les antennes sont longues et terminées en pointes fines et recourbées, mais non armées de poils; quant aux processus, qui existent égale- ment sur la surface interne des vésicules, ils sont à peu prés de même taille et disposés parallèlement sur deux lignes. Sans le moindre doute, des animalcules pénètrent dans ces vési- cules ; mais on ne saurait dire quelle est la cause qui peut les pousser à s'emprisonner, la disposition des antennes et du col présentant des difiicultés toutes spéciales. Do place en place, on rencontre sur ces rhizomes, et quel- quefois en grand nombre, des tubercules. L'observation a montré qu'ils n'étaient pas destinés à l'alimentation de la planle,mais qu'ils servent de réservoirs d'eau pendant la saison sèche. h'Ulricularia nelumhiifolia, du Brésil, a choisi pour se dé- velopper un habitat tout particulier. Il est aquatique, mais ne croît que dans l'eau qui se dépose au fond des feuilles des Tillaiulsiu. Il se reproduit de graines et de rejetons, qui partent de la base de la tige, se dirigent vers le Tillandsia le plus rapproché et s'y implantent, dès qu'ils sont en contact avec l'eau que contiennent les feuilles. Dans cette plante, les vési- cules ont la mtme disposition que dans l'espèce précédente. On a récemment signalé une nouvelle espèce brésilienne, VVlricularia ianthina, qui vit comme VU. iielumbiifolia et re- cherche certains Vriesea. Dans le genre voisin Polypompliolyx, les vésicules sont dis- posées en verticilles au sommet des tiges; dans les Genlisea, la vésicule, qui n'est qu'une dilatation du limbe très étroit de la feuille, est surmontée d'un col très long, garni dans toute sa longueur de poils longs, minces, aigus, à base bulbeuse, disposés de telle façon que leur pointe va toucher la tète de la rangée inférieure. La surface intérieure du col ressemble donc assez exactement à un papier dans lequel on a piqué des épingles. Dès que les animalcules ont pénétré p.ar l'orifice du col, et surtout dès qu'ils sont arrivés dans le col, il leur est impossible de remonter, les poils en épingles ayant leur pointe dirigée de haut en bas. P. Hariot. 106 LE NATURALISTE ESSAI MONOGRAPHIQUE SUR les Coléoptères des Genres Pseudolucane et Lucane {Suite) Or, si l'on considère que ce L. piger se trouve précisé- ment n'être autre chose que le L. orientalis (il suffit, pour s'en convaincre, d'en lire la description dans le mémoire de Motschulsky, sans en omettre les Loutades de cet auteur contre Kraatz), on conviendra que les particularités invoquées par l'entomologiste russe pour séparer le L. ibericus du L. piger (lisez orientalis) n'ont pas grande valeur (1). La diminution de taille et de largeur ne signifie abso- lument rien, du moment où la forme est la n.ême, sur- tout lorsqu'il s'agit d'insectes aussi variables que le sont les Lucanes; quant à la présence aux mandibules de den- ticules presque égaux et plus longs qu'ils ne le sont d'habitude, elle ne justifie en aucune façon la création d'une espèce à part et n'a rien qui doive surprendre. Elle ne constitue chez le L. orientalis qu'une modifica- tion analogue à celle que nous avons eu l'occasion de faire remarquer chez certains exemplaires de moyenne et de petite taille du L. cervus et qui se retrouve (avec la fourche terminale remplacée par une pointe simple) chez la forme Fabiani du L. pentaphyllus et que nous verrons chez la forme bidens du L. tetrasdon. Il est possible, comme le dit Motschulsky, que cette forme soit plus commune qu'ailleurs en Géorgie, mais rien n'autorise à croire qu'elle ne se trouve pas dans tous les endroits où se rencontre le L. orientalis. En tous les cas, elle se rattache au type par des indi- vidus formant le passage. C'est ainsi, pour n''en citer qu'un exemple, que je pos- sède dans ma collection un peiit L. orientalis, qui parait correspondre exactement au L. ibericus, parsa forme plus étroite, par la conformation de ses mandiiiules, par sa couleur rougeâtre et, à côté, un spécimen à peine plus grand, de forme identique, chez lequel la dent médiane est suivie non plus d'une seule dent, mais de deux den- ticules assez longs et pour ainsi dire accolés. Le Luc. orientalis se trouve dans la Russie méridio- nale, dans la Turquie d'Asie, en Syrie et jusqu'en Perse. Dans leur Kaukasischcn-Knferfauna, Schneider et Leder le signalent comme trouvé pendant le mois d'août à Borshom et sur le Sarijal. Sa limite extrême, en Europe, parait être Constantinople. Encore semble-t-il y être rare. Le D'' Kraatz dit n'en avoir vu que quatre de cette pro- venance, dont l'un figurait dans la collection de Reiche avec l'annotation : « Constantinople — de Pcllet » et les trois autres se trouvaient en la possession de de Heyden, à qui ils avaient été communiqués par Fehr. Je n'en connais, (1) Diagnose du L. ibericus : « Il est plus petit que le « L. capreolus auquel il ressemble un peu. La tête est moins « large, les mandibules plus courtes et avec quatre dents cha- « cune. La massue de l'antenne a six articles. La couleur est a d'un brun rougeâtre, plus clair sur les mandibules. Il vient « de la Géorgie. » Le nom de L. ibericus ne signifie nullement, comme le croient certains entomologistes, que cet insecte se trouve en Espagne. Motschulsky spécifie bien qu'il se trouve en Géorgie, laquelle n'est autre qu'une partie de l'ancienne Ibérie. pour ma part, qu'un seul exemplaire que nous avons trouvé, M. Boileau et moi, portant l'annotation : Cons- tantinople— dePellet, dans une vieille boîte de l'ancienne collection Th. DeyroUe remplie de lucanes européens et particulièrement de Lucanus orientalis venant probable- ment pour la majeure partie de Trébizonde : car l'étiquette collée au dos de cette boite portait l'indication : Trébizonde, ville où cette dernière espèce est commune et où M. Th. Deyrolle avait, en effet, fait un voyage. Le spécimen dont il s'agit, le seul qui portât une indi- cation d'origine, est peut-être le même que celui que Kraatz dit avoir vu dans la collection de Reiche. En tous cas, son faciès est sensiblement différent de celui que présente habituellement le Luc. orientalis. Les mandibules sont plus longues, plus grêles et surtout bien moins larges à la base qu'elles ne le sont d'habitude chez les spécimens de même taille. Le labre est plus long, plus profondément échancré et avec ses côtés très grêles. Enfin, la tête et le corselet sont moins amples et les élytres plus allongées. Ceci à part, tous les caractères sont bien de l'espèce. Au reste, le climat a évidemment une influence sur le L. orientalis, comme il en a une sur L. cervus, et il est à présumer qu'il doit donner naissance à des variétés assez tranchées se reproduisant d'une façon constante dans les mêmes régions. Malheureusement, une grande partie des contrées où se trouve le L. orientalis est peu explorée et les collec- tions européennes renferment peu de matériaux à ce sujet et surtout peu d'indications précises de lieu et d'origine. Dans l'état actuel de nos coimaissances, il convient de signaler le L. curtulus de Motschulsky, certains spéci- mens à mandibules terminées en pointe simi>le, le L. macrophyllus de Reiche, et enfin, le L. snbvelutinm de Motschulsky, qui paraît bien constituer une forme très particulière. Quant auLuc. intermedius etau Luc. tencbi-osus du même auteur, je ne les citerai que pour mémoire, rien dans les descriptions qu'en donne Motschulsky ne permettant de savoir quels sont les insectes que l'auteur a eus en vue. Louis PL.A.NET. {A suivre.) Les Triantes DANS L'ANTIQUITÉ : LÉGENDES, POÉSIE, HISTOIRE, ETC., ETC Alt.. — Les Égyptiens aimaient l'ail, en faisaient une grande consommation et même l'adoraient. Hérodote mentionne l'ail au nombre des provisions fournies aux ouvriers qui construisirent la pyramide de Chéops : « On a marqué, dit-il, en caractères égyptiens, sur la pyra- mide, pour combien les ouvriers ont consommé d'aulx, d'oignons et de persil; autant que je puis m'en souvenir, l'inscription que l'interprète m'a expliquée, signifie que la somme s'élève à seize cents talents d'argent. Si ces choses ont autant coûté, que n'a-t-on pas dépensé en ou- tils de fer, en vivres et en vêtements, durant le temps employé à bâtir? etc. » {Histoire, liv. II, ch. cxxv.) LE NATURALISTE 107 Aussi, après leur sortie d'Egypte, les Hébreux, ne man- geant plus que de la manne, sorte de liclien voyageur, se plaignirent vivement : Nombres, ch. XI, v. S : « Il nous souvient des poissons que nous mangions en Egypte, sans qu'il nous en coûtât rien, des concombres, des melons, des poireaux, des oiirnons et des aulx. » Homère faisait le plus grand cas de l'ail et il l'admet à la table des Dieux; ce sont les Dieux ([ui lui ont donné son nom de Môly : Odyttsile, chant X, v. 304 et suiv. : ■PiÇr) (isv [j.É\av Ëaxs, l'âXaxTi Se, si'xeXov i'vOo; • M(ôX\j 31 |xiv xaléû'jffi Oeoî ' ^(aXsTtov Si T'opOuasiv 'Avopâii ye 6vriToï(ji • ôeoî Se te navra S'jvavTai. « Cette plante était noire par sa racine, mais sa fleur avait la blancheur du lait; les Dieux la nomment Moly ; sans doute il est difficile aux hommes de l'arracher, mais tout est possible aux Immortels. » Dans V Anthologie grecque (livre XV, épig. xii), nous lisons ce distique d'un anonyme : « Tout ce que je désire, c'est de recevoir de la main d'un Dieu le Mo/i/, cette plante amie de l'âme, qui protège contre les desseins funestes. » De son coté, Ovide dit {Métamorphoses, livre XIV, V. 291) : Pacifer huic dederat florcm Cyllenius album; Afoly vocant Superi ; nigrâ radice tenetur. « Le Dieu qui porte la paix (caducée) lui avait donné la plante à fleur blanche et à racine noire que les Dieux appellent Moly ». Dans la Flore agenaise, page 134, le botaniste Saint- Amans s'exprime de la manière suivante à propos de ce i!/o/i/ d'Homère, c'est-à-dire de V allium magicum : a Ho- mère parle de cette espèce d'ail dans V Odyssée, livre X; il lui donne une racine qu^l était difficile aux moi-tels d'ar- racher. Ouest toujours surpris de l'instruction d'Homère. En effet, les restes de l'ancienne bulbe, dans notre va- riété du moins, prennent une couleur noirâtre très remar- quable, et lorsqu'elle a végété quelques années dans le même sol, sa bulbe se trouve à une telle profondeur qu'il faut fouiller très avant, très péniblement la terre, pour l'enlever. » « Théophraste mentionne aussi le Uoly au livre IX, ch. XV de son Histoire des Plantes; et, comme Mercure, dans Homère, le donne à Ulysse pour se préserver des charmes de Circé, il le recommande sérieusement comme un très bon spécifique contre les sortilèges des magi- ciens. » Dans ses Problèmes, section I, Questions médicales, § 48, Aristote demande : « Pourquoi les graines et les plantes odorantes sont-elles diurétiques? » — Et il répond : « N'est-ce pas parce qu'elles sont chaudes et de facile digestion? Or, les substances qui sont dans ce cas pro- voquent l'urine. La chaleur qu'elles renferment allège le corps, et l'odeur n'a rien de corporel. Les choses odo- rantes, comme Vail, sont diurétiques à cause de leur cha- leur; mais cependant elles sont encore plus fondantes. Les graines odorantes sont chaudes aussi. » Section XIII. — Des mauvaises odeurs, § G. — " Pour- quoi, lorsqii'on a mangé de l'ail, l'urine contracte-t-elle de l'odeur, tandis que d'autres aliments, qui ont une odeur aussi forte, ne la communiquent pas à l'urine? Est-ce, ainsi que le disent des disci]iles d'Heraclite, parce que l'ail s'exhale dans le corps comme il s'exhale dans la nature où il est répandu ; qu'en se refroidissant il se dépose, pro- duisant ici de l'humideet là de l'urine, etquc l'exhalaison qui vient de la nourriture, en sortant des matières aux- quelles elle est mêlée, produit l'odeur? Cette odeur vien- drait alors du changement qui se produit, etc. etc. » Et voilà évidemment pourquoi votre fille est muette. On peut voir des raisonnements aussi péremptoires aux sections XX, §§ 16, 27, 30 ; et XXVII, § 10. Les matelots grecs et les romains consommaient de grandes quantités d'ail ; les légionnaires surtout; d'où serait venue l'expression proverbiale latine : Allium ne comedas! pour dire : n'allez pas à l'armée ! de môme que l'on dit chez nous: Quand tu mangeras à la gamelle... pour dire: quand lu seras troupier... Chez les juifs, ce condiment est prescrit par le Talumd pour l'assaisonnement de certaines viandes, et, aujour- d'hui encore, il compte parmi lespréférencesdecepeuple, qui a gardé précieusement, comme on sait, la plupart de ses habitudes primitives. Les Espagnols, comme tous les gens du Midi, en con- somment aussi beaucoup, et les personnes le plus haut placées, les personnages de la cour, ne se faisaient pas faute jadis d'en manger avant même d'aller chez le roi. Un de leurs souverains, Alphonse, roi de Castille, ne sachant sans doute comment s'y prendre pour faire pas- ser à ses gentilshommes cette déplorable habitude, fonda, en 1368, un ordre de chevalerie auquel il donna le nom d'Ordre de la Bande, et dont les membres ne devaient manger ni oignon, ni ail, sous peine d'être bannis de la cour pendant au moins un mois... L'ordre de la Bande a disparu, et le goût de l'ail est resté. Chez nous, on confectionne dans le Midi, et depuis bien longtemps, des soupes à l'ail ; elles se composent de plusieurs tètes d'ail bouillies dans l'eau; on ajoute ensuite une quantité convenable de pain et plusieurs cueillerées à soupe d'huile d'olive ou de noix : c'est là une façon de tuer le ver qui ne serait pas, à Paris, du goût de tout le monde, et dont j'ai dû m'accommoder jadis, quand j'étudiais à Montpellier. Lisez, du reste, dans DuCange (Glossarium ad scriptores mediw et infimse lalinitatis], au mot Alli.\ bullita: « Pulmenti species Tholosatibus familiaris, cum alliis coctis, sale, pane et oleo ; patria lingua: aillado. » — Es- pèce de bouillie familière aux Toulousains, faite avec des ails cuits, du sel, du pain et de l'huile; en langage du pays : aillado. » — On fait encore, dans le Midi, un condiment appelé aïoli, qui n'est autre chose que de l'ail broyé dans l'huile d'olive, et dont Pline parle dans son Histoire naturelle, livre XX, chap. xxiil : « Broyé avec de l'huile, l'ail produit peu à peu une mousse très épaisse. » Les gourmets anciens, comme d'ailleurs ceux de nos jours, n'ont jamais été d'accord sur l'excellence ou la no- cuitéde l'ail- Nous avons vu Homère le louer: Virgile en fait autant. Dans cette fameuse Eg/oguei/, où le chaste (?) poète célèbre la passion d'un rustre pour un de ses pa- reils, il fait dire par Corydon à Alexis : Nunc etiam pecudes umbras et frigora captant ; Niinc virides eliam occultant spineta lacertos : Tliestylis et rapide fessis messoribus a?stu Allia serpyllumque herbas contundit olentes; At mecum raucis, etc., etc. (( Voici l'heure où les troupeaux eux-mêmes cherchent l'ombre et la fraîcheur ; où le vert lézard se cache dans les buissons ; où Thestylis broie, pour les moissonneurs épuisés par l'arde-ur dévorante du soleil, l'ail et le ser- 108 LE NATURALISTE polet odoriférants ; et moi, pour suivre la trace de tes pas, etc., etc. Mais Horace ne trouve rien de bon à l'ail. Lisez son Epode III: Parentis olim si quis impia mauu Senile guttur fregerit, Edat cicutis allium nocentius. 0 dura messorum ilial Etc., etc. « Si jamais, d'une main sacrilège, un homme brisait le vieux gosier de son père, qu'on lui fasse manger de l'ail, plus mortel que la ciguë. O dures entrailles des moissonneurs ! Quel est le poison qui me déchire ? Le venin de la vipère a-t-il assaisonné cette herbe perfide ? Est-ce Canidie qui a préparé ce mets funeste? Quand Médée, éprise de Jason, le plus beau des Argonautes, voulut le mettre en état de subjuguer les taureaux jus- qu'alors indomptés, ce fut d'ail qu'elle le frotta. Elle en frotta aussi les présents mortels qu'elle fit à sa rivale avant de s'enfuir sur ses dragons ailés. Les feux de la Canicule, qui dessèchent la Fouille altérée, n'ont rien de comparable, ni la robe brûlante qui dévora le laborieux Hercule ! » Cette princesse des Mille et une nuits, qui fit couper les pouces des pieds et des mains à un beau jeune homme qu'elle avait préalablement honoré de ses faveurs, et cela sous le fallacieux prétexte qu'il avait mangé de l'ail avant de l'aborder, devait être de l'avis d'Horace (V. His- toire des trois kalenders, fils de rois, dans les Mille et une Nuits). Ce n'était pas, on tout cas, l'avis de M. le comte et poète de Marcellus ; nous trouvons, en effet, de lui, dans le Nouvel Almanach des Gourmands (Paris, 1823, in-12),page 94, une odeà Vail, en réponse à l'épode contre l'ail d'Horace. La pièce étant assez curieuse, je crois devoir la don- ner ici, ne fût-ce que pour établir que l'ail, s'il a des en- nemis, compte aussi des amis. ODE A L'AIL PAS M. LE COMTE DE MARCELLUS Pourquoi, précieux enfant de Flore et de Pomone, Timide enfant de nos guérets, Gardes-tu pour les bords qu'embellit la Garonne Et tes parfums et tes bienfaits? Il est vrai qu'étranger aux rives de la Seine, L'ail est en horreur à Paris. L'ail, dit-on, des Zéphyrs empoisonne l'haleine. L'ail fait fuir les Jeux et les Ris... N'avez-vous donc jamais de nos douces retraites Visité les humbles hameaux ? N'avez-vous jamais vu l'ail animer nos fêtes, Et nos plaisirs et nos travaux? Sa piquante saveur dans l'âme des convives Répand une aimable gaité. Il fait fleurir le teint des nymphes de nos rives, Il plait au Dieu de la santé. Le monde cependant reconnaît son mérite, Mais nul n'y parle en sa faveur : Ah! souvent la vertu méprisée et proscrite N'a pu trouver de défenseur ! Va! Paris aveuglé d'une injuste manie Te rend un hommage muet; Si, par respect humain, chacun te calomnie, On t'estime, on t'aime en secret. Tu sus plus d'une fois d'une muse gasconne Animer les tendres concerts : Apollon te protège, et l'élégant Ausone T'a du peut-être ses beaux vers... Horace t'outragea, mais Virgile te loue. Et t'égale au doux serpolet ; Et ta cham|5ètre odeur du berger de Mantoue Sut inspirer le flageolet. L'ail est l'ami des preux et l'effroi des rebelles L'ail croit à l'omlire des lauriers : La rose et le jasmin sont les parfums des belles: L'ail est le parfum des guerriers. Ce parfum généreux charme la noble terre Où brille, où commande Bordeaux ; Délices des Gascons, cher au Dieu de la guerre. Son suc est le lait des héros. C'est l'ail qui pénétra d'un courage sublime Le jeune cœur du grand Henry; Il partagea sa gloire, et ce roi magnanime Dut à l'ail la palme d'Ivry. On vit l'ail présider à l'heureuse naissance De son auguste petit-fils; L'ail aime les Bourbons ; l'ail est cher à la France : L'ail est le compagnon des lis (1). On sait que, pendant qu'Henry IV était sur le point de venir au monde, son père Antoine de Bourbon voulut que sa mère chantât, pendant les grandes douleurs, une chanson béarnaise, et que, aussitôt son arrivée dans cette vallée de misères, il lui frotta les lèvres avec une gousse d'ail et les lui humecta avec du vin de Juran- çon. Continuons maintenant la série des auteurs anciens, et voyons ce que la plupart d'entre eux ont dit de l'ail. Dans son Mostellaria (le Revenant), acte I, scène i, V. 38-41, Plante fait dire à Tranion : At te Jupiter Dique omneis perduint, oboluisti allium! Germana inluvies, rusticus, hircus, hara suis, Canes capro conmista! « Ah ! que Jupiter et tous les dieux t'exterminent : tu pues l'ail ! Ordure germaine, rustre, bouc, toit à porc, métis de bélier et de chien ! » Dans son Pœnulus (le Carthaginois), acte V, scène v, V. 30 et suiv. : ANTHEMONinES Ligula, i in malam crucem ! Tune heic amator audes esse, hallei viri ? Aut contrectare, quod mareis homines amant? Deglupta maina, Sarrapis sementium, Mastruga, aXç àyopô; â|ia : tum autem plenior Alli ulpicique, quam Romani rémiges! « Ver de terre, va donc te faire pendre ! Tu te mêles ici d'être amoureux, avorton 't et de mettre la main sur les amours des guerriers? sardine pelée, figure de Séra- pis à promener pendant les semailles, peau de bouquin, misérable plus bourré d'ail et d'oignon que les rameurs romains ! » Juvénal, dans sa satire III, sur les Emban'as de Rome, vers 293, dit : Unde venis? exclamât : cujus aceto, Cujus conche tûmes? quis tecum sectile porrum Sutor, et elixi vervecis labra comedit? D''où viens-tu? Où t'es-tu farci de fèves et de (1) C'est effectivement une liliacée; le poète a doublement raison. LE NATURALISTE 109 vinaigre? Quel cordonnier daif^iia partager avec toi ses poireaux (1) et sa tèto ilc mouton bouillie ? » Satire XV, sur la Superstition, vers 1 et suivants ; Quis nescit, Volusi Bithynice, qualia démens /Egyptus portenta colat?..., etc., etc. « Qui ignore, Volusius, à quelles monstrueuses divi- nités l'Egyptien insensé adresse ses hommages ?.. « Les uns au crocodile adressent leurs prières; « Les autres li l'ibis engraissé de vipères; « Un singe à longue queue en or brille aux autels, « Sur la terre où Memnon rend des sons solennels, « Où Tlièbe en ses débris dort, imposante encore. « Ici c'est un poisson, là des chats qu'on adore, (( En d'autres lieux un chien, Diane en nul canto" •' « C'est un crime de mordre un ail ou quelque oignon'. Perse, satire V, vers 188 et suiv. : « 'Vous redoutez et les ombres des morts et les malheurs que présage un œuf cassé ; vous allez donc aux grands prêtres de Cybèle ou à la prêtresse borgne armée du cistre d'Isis; et ils vous font voir des démons qui entrent dans les corps et les gonflent, si l'on n'a la pré- caution de manger, conformément à l'ordonnance, trois fois le matin une tète d'ail. Or, comme nous le verrons tout à l'heure dans une citation d'Athénée, il était défendu d'entrer dans le temple de Cybèle si l'on avait mangé de l'ail. Martial; livre XIII, épigramme xviii {ail poireau) : Fila Tarentini graviter redolentia porri Edisti quotics, oscula clausa dato. « Les fibres du poireau de Tarente sentent très fort : lorsque tu en auras mangé, ne donne des baisers qu'à lèvres closes. » Livre XIII, épigramme xxxiv {les gousses d'ail) : Quum sit anus conjux, et sint tibi mortua membra, Nil aliud bulbis quam satur esse potes. « Avec ta femme décrépite et tes membres glacés, ces gousses n'auront d'autre effet que de t'emplir le ventre. » Suétone, Vie de Vespasien, chap. vin : « Ne voulant laisser échapper aucune occasion de rétablir la discipline, il reprit d'une manière très sévère un jeune homme qui venait, tout parfumé, le remercier d'une préfecture qu'il avait obtenue. Vespasien ne se contenta pas de témoigner son mécontentement par un geste de dégoût; il s'écria : (I J'aimerais mieux que tu sentisses l'ail! {maluissem al- lium oboluisses!), et il révoqua sa nomination. » Athénée, Deipmosophistes, livre X, ch. v : « Stilpon ne craignit pas les suites de sa sobriété, lorsque, après avoir mangé seulement des aulx, il alla dormir dans le temple de la mère des dieux, car il était défendu d'y entrer lorsqu'on en avait mangé. La déesse Cybèle lui apparaissant en songe et lui disant : « Quoi, Stilpon! tu es philosophe, et tu transgresses la loi 1 » il lui répondit en dormant : « Donne-moi donc à manger, toi, et je ne serai pas obligé de me nourrir d'ail! » Columelle : De re rusticâ, lib. VI, cap. l'V (A propos des maladies des bœitfs) : « Souvent aussi on guérit leur langueur et leur dégotit en leur introduisant, à jeun, dans le gosier un œuf de poule entier et cru, et en leur versant, le len- demain, dans les naseaux du vin dans lequel on a broyé des têtes d'ulpique ou des gousses d'ail. » — Il dit aussi que l'odeur de l'ail est funeste aux abeilles : « Ce que (1) Ail et poireau. doit surtout observer le gardien qui soigne les abeilles, c'est, s'il faut qu'il touche aux rayons, de s'abstenir la veille de (Castus sit ab rébus venereis), de ne pas non plus approcher des ruches étant ivre et sans être lavé, et de rejeter presque tous les aliments à odeur forte... et de ne pas exhaler l'odeur acre et fétide de l'ail, des oignons et des autres substances de ce genre. » Palladius, De re rusticâ, lili. II, cap. xiv; lib. XII, ch. VI ; Varron, passim, donnent aussi divers préceptes pour la culture de l'ail. Varron (dans Nonius, 201, 6), dit ceci : Atavi nostri, qikim allium ac c/rpe eorum. verba olcrent, lamen optimë animati erant. » — « Nos aïeux, bien qu'ils exhalassent l'odeur d'ail et d'oignon, n'en respiraient pas moins les meilleurs sentiments. » Quant à Pline, il a, suivant son habitude, réédité dans son Histoire naturelle toutes les fables et les absurdités qui avaient cours sur l'ail dans l'antiquité : Livre XIX, chap. xxxiv. — « L'ail passe, dans les campagnes surtout, pour un bon remède en plusieurs cas Comme l'oignon, il rend l'haleine mauvaise; cependant, cuit, il ne produit pas cet effet... Au reste, pour que l'ail ne donne pas d'odeur à l'haleine, on pres- crit de le planter quand la lune est sous l'horizon, et de le récolter quand elle est en conjonction. Indépendam- ment de ces recommandations, Ménandre, parmi les Grecs, dit que ceux qui mangent de l'ail n'ont aucune odeur, si, par-dessus, ils mangent une racine de bette grillée sur des charbons ardents. » Livre XX, chap. xxiii. — «... L'ail a beaucoup d'é- nergie ; il est d'une grande utilité quand on change d'eaux et de lieux. Il chasse les serpents et les scorpions par son odeur ; et, comme quelques-uns l'ont rapporté, c'est, contre les blessures faites par toutes les bétes, un remède soit en boisson, soit en aliment, soit en topique. En par- ticulier, il est utile contre le serpent hémorrhois : pour cela, il faut le prendre avec du vin, et le rendre par le vomissement... Il neutralise l'aconit et la jusquiame; il guérit les morsures des chiens quand on l'applique avec du miel sur les plaies. Contre les morsures des serpents, on le prend en breuvage, et l'on fait avec les feuilles, dans de l'huile, un topique très efficace. Hippocrate {Des maladies des femmes, I, 74) a pensé que les fumiga- tions faites avec l'ail provoquaient la sortie de l'arrière- faix. Il en a employé la cendre dans de l'huile pour guérir les ulcérations humides de la tête. « On a prescrit aux asthmatiques l'ai! cuit, comme aussi l'ail cru et pilé. Dioclès le donne aux hydropiques avec la centaurée, ou dans une figue fendue en deux, pour procurer des évacuations alvines. « Quelques-uns l'ont donné aux asthmatiques pilé dans du lait. « Praxagore le fait prendre dans du vin contre la jau- nisse, et dans de l'huile et de la bouillie contre l'iléus; il en fait aussi un topique contre les écrouelles. Les anciens le donnaient cru aux fous; Dioclès l'a donné bouilli aux phrénétiques. Contre les angines, il est bon pilé, en application ou en gargarisme. Trois gousses d'ail pilé dans du vinaigre diminuent la douleur des dents, » etc., etc. Eu un mot, si nous en croyons Pline, l'ail guérit toutes les maladies. Il termine ainsi : « Il est soporifi([ue, et, en général, il donne au corps une couleur plus vive. Il est aphrodi- 110 LE NATURALISTE . siaque, pilé avec de la coriandre fraîche et bu dans du vin pur. « Les inconvénients de Tail sont d'affaiblir la ^Tie, de causer des vents; de faire, pris en trop grande quantité, mal à l'estomac et de donner la soif. Du reste, mêlé avec le blé et donné comme aliment aux poules et à la volaille, il les préserve de la pépie ». Dioscoride (tes six livres de la matière médicale, liv. II, oh. CXLv) nous déclare que : « L'ail domestique est de deux espèces : l'une, nais- sant en Egypte, n'a qu'une tète, comme le poireau; elle est petite et douce, do couleur pourpre; l'autre, naissant en divers autres lieux, est gros, blanc, et pourvue de plus d'épis. Il y en a une autre sorte, que les Grecs appellent 'OçiooxopoSov, c'est-à-dire ail serpentin. Tout ail est aigu, il échautl'e, il pique, il fait aller à la selle; il émeut et trouble le corps ; il desséche l'estomac, il altère, il engendre des vents, il exulcère la peau et nuit à la vue. « L'ail sauvage agit de la même manière. L'ail, mangé dans la viande, chasse du corps les vers larges; il pro- voque l'urine et guérit les morsures de la vipère et les hémorroïdes plus que tout autre médicament: mais il faut le prendre broyé avet.- du vin. Il clarifie la voix »,etc., etc., etc. M. Elianus Macer Floridus, dans son ouvrage De viri- bus herbarum (Des vertus des herbes), écrit en vers, répète tout ce que les anciens ont dit sur l'ail : c'est du Pline mis simplement en vers. Son livre a été traduit en vers fran- çais, en 1588, par « Luc.\S Trembl.iy, parisien, profes- seur es bonnes sciences mathématiques, demeurant à Paris, diSdié au très chrestien Roy de France et de Pologne, Henry troisième de ce Jiom. Rouen, 1588, in-12. Voici ce qu'on peut lire, pages 45 et suivantes, au livre V : Scordéon, en grégeois, sont des aul.x en françois. Les sçavants médecins ont dit, tous d'une voix, Que l'ail est chaut et sec, iusqu'au degré quatrième. La morsure il guérit des sei-pens, et e.xtrême Remède il est au mors du traitre scorpion, Soit qu'on le mange ou bien qu'on en fasse onction. Et iceluy estant mis en forme d'emplastre. Broyé avec du miel sur la playe noirastre Que le chien cholérique a fait avec ses dents, Il la guérira tost. Et les vers qui dedans Le ventre sont groillans, la seule odeur les chasse ; Et si la rauque toux es poumons a prins place, Il faut manger des aulx pour la faire en aller. Et si en eau de miel vinaigre on veut mesler Pour cuire avec des aulx, et puis de cela boire, Vers du corps, teigne, poulx, en mourir on peut croire. Mais si en huyle avec leur tronc iceulx on cuit, Et en forme d'onguent de cela on enduit Les morsures, combien qu'elles soient pestiférés, On en reçoit santé. Tels onguents salutaires. Sont à ceulx qui vexés sont d'extrême douleur De vessie, et qui ont en icelle tumeur. Aussi le corps rompu de coups, de meurtrisseure. Recouvrera santé par une telle cure. Etc., etc., etc. Parmi les superstitions inspirées par l'ail, je n'aurais garde de passer sous silence celle dont Plutarque s'est fait l'écho dans ses Symposinques, livre II, question vu. Du Rémora : « la pierre d'aimant n'attire plus le fer si elle a été frottée d'ail. » Au nombre d'autres, signalées par A. de Gubernatis dans sa Mythologie des Plantes (i), tome II, p. 8, je relèverai celles-ci : (1) Paris, 1882, 2 vol. in-8". « A Bologne, l'ail est considéré comme un symbole d'abondance; tout le monde en fait provision à la Saint- Jean pour éloigner les 'malheurs de la pauvreté; d'où est venu le proverbe : Chi'n compra i ai al de Ban Zvan E povret tôt gl'an. » En iSicile, selon le même érudit mythologue, on place des gousses d'ail sur le lit de l'accouchée, et l'on fait trois signes de croix avec cet ail pour éviter le polype. A Cuba, notre liliacée est employée contre la jaunisse; on prend treize gousses d'ail qu'on enfile le long d'une ficelle pour s'en faire un collier qui doit être porté pen- dant treize jours. Au milieu de la nuit qui suit le treizième jour, on va à la croisée de deux routes, et l'on jette son collier au loin, sans regarder derrière soi. On rentre à la maison complètement guéri. Jadis, en Provence, pour exprimer combien peu valait un objet, un travail, etc., on disait que cela " ne valait pas un ail ». Un sirventes. cui motz non falh. Ai fag, qu'anc no m'costet U7i alh. « J'ai fait un sirvente auquel ne manque aucun mot, et qui jamais ne me cotita un ail ». (Bertr.\nd de Born", Vn sirventes). (■Voyez de nombreux autres exemples dans la Biblio- thèfjue de l'École des Chartes, 3« série, tome III, p. 213.) Notre La Fontaine aimait-il l'ail? Ses innombrables historiens ont négligé de nous le dire. Dans le doute, je citerai néanmoins deux passages de ses œuvres où il nous montre cette plante comme exhalant une fort maju- vaise odeur et étant d'une digestion difficile (surtout lorsqu'on en fait une consommation anormale) : Dans la fable vu du livre VII : la Cour du lion, nous lisons : Le singe approuva fort cette sévérité, Et, flatteur excessif, il loua la colère Et la griffe du Prince, et l'antre, et cette odeur; Il n'était ambre, il n'était fleur Qui ne fiït ail au prix Et dans ses Contes, l" Partie, conte xi [Conte d'un paysan qui avait offensé son Seigneur), on voit un pauvre diable condamné à choisir entre trois peines, dont l'une consiste à manger trente aulx sans boire ; c'est celle-là qu'il choisit, et mal lui en prend. E. Santim de Riols. LES FOURMIS Les fourmis ont au plus haut point excité l'intérêt des peuples; leur intelligence, leur assiduité, ont depuis l'antiquité attiré l'attention des observateurs. Il nous faudrait ici un gros volume pour nous étendre sur leur façon de s'alimenter, sur leur talent d'architecte, leurs moyens de communication entre elles, leur intelligence, leurs combats, leur utilité, etc., etc. Nous allons au- jourd'hui nous occuper de quelques observations faites par les plus distingués spécialistes sur l'intelligence de ces petites bétes. L'activité des fourmis est remarquable, et l'innom- LE NATURALISTE 111 bnihle quantité d'ouvrières d'une fourmilière qui, cliaque jour, s'en vont au travail, surpasse toute imagination; chaque fourmi a son labeur tracé, l'ordre règne dans la petite république, les ouvriers sont syndiqués, chacun se dévoue pour la cause publique. Chaque être, chaque fois ([ue besoin est, prodigue ses soins et se mettrait en quatre pour tous ceux qui appar- tiennent non seulement à sa famille, mais même à sa société. Un seul souci chez les fourmis : être aussi utiles que possible à la communauté et fournir quotidiennement la dose de courage nécessaire aux besoins do la cause. Pas de régisseur chez elles, le travail est libre; c'est donc par agrément et par instinct du devoir qu'elles le font. Sans cesse sur la brèche, jamais elles ne chôment. Attaquées dans leurs excursions, loin de fuir, elles sont fières, elles luttent courageusement; elles attaquent même parfois, pour être utiles à leurs camarades, des animaux d'une taille bien supérieure à la leur, et qui, malgré leur grandeur, ne peuvent résister à un aussi turbulent visiteur : c'est ainsi qu'elles forment un voisi- nage dangereux pour les ruches dont elles affectionnent particulièrement le miel. Les fourmis, à côté de cela, laissent voir des pen- chants prédominants; c'est ainsi qu'on en rencontre qui sont très colères, d'autres très haineuses, mais souvent elles sont fort dévouées; entre amies, elles se prêtent presque toujours aide et assistance. Laissons d'ailleurs à ce sujet la parole à M. Ébrard, qui fit sur ces insectes de si intéressantes observa- tions : « Un jour, prenant une fourmi et la fixant sur une planche au moyen d'une épingle, je vis ses compagnes venir autour d'elle la palper en tous sens, échanger avec elle des attouchements d'antennes et tourner autour avec une vivacité inquiétante et un trouble indescrip- tible; elles ne tardèrent pas à s'apercevoir de l'obstacle qui la maintenait immobile, et elles firent de vains efforts pour arracher l'objet de ses douleurs. Toutes ses compagnes étaient présentes pour prêter une assistance charitable à cette malheureuse prisonnière. 'I Une autre fois, coupant les antennes à une fourmi de la même colonie, je la relâchai ensuite au milieu de sa société ; elle marcha à l'aveuglette et semblait ivre, ne sachant où diriger ses pas; elle paraissait folle. Ses amies s'empressèrent autour d'elle, palpèrent ses bles- sures, essayèrent de la calmer, et finalement la dirigeant par une de ses pattes de devant, la firent tranquillement rentrer au logis. « Peu de temps après cette expérience, j'essayai de couper une patte do devant à une habitante de la même fourmilière : ses compagnes s'approchèrent d'elle, lui léchèrent sa plaie, et finalement la prenant par les an- tennes et les mandibules, la transportèrent dans ses pé- nates. » Un autre trait de secours mutuel montre bien à quel point, chez ces animaux, cet instinct se trouve déve- loppé : Une fourmi s'était par mégarde un peu éloignée de sa demeure, et la nonchalance de sa démarche dénotait bien chez elle une grande fatigue; elle vint à rencontrer une de ses compagnes qui, prise de pitié en vue du pauvre petit être qui souffre, la prit sur son dos et la ramena avec bienveillance jusque chez elle. On ne saurait non plus mettre en doute la mémoire de ces insectes; l'expérience la plus probante à ce sujet et si souvent répétée par nos plus infatigables observateurs consiste à enlever une fourmi à ses amies pendant plu- sieurs semaines ; quand vous les réunissez à nouveau, elles manifestent une joie inconcevable, et avec leurs antennes se font les caresses les plus douces. Lubbock eut l'idée ingénieuse, pour étudier leur degré d'intelligence, de choisir un objet qui put leur être de quelque agrément et de placer entre lui et elles un obstacle qui nécessitât le déploiement d'une certaine dose d'intelligence pour arriver à être surmonté. Dans ce but, il prit une tasse de porcelaine qu'il remplit de nourriture et la plaça sur une i.Iaque de verre entourée d'pau, mais accessible aux fourmis par un léger pont en papier. Celles-ci prirent vite l'habitude d'aller chercher leurs provisions dans ce garde-manger improvisé; quand elles y furent bien habituées, il dé- rangea un peu le pont, de façon que les animaux ne puissent plus atteindre leur friandise; elles vinrent néanmoins par habitude jusqu'aux bords de l'abîme et firent des efforts inouïs pour arriver à franchir ce préci- pice. N'y arrivant pas, elles retournèrent confuses au nid; puis, au bout d'un quart d'heure environ, elles revinrent à l'assaut et finalement l'une d'elles eut l'idée de pousser le brin de papier, et le pont fut rétabli. Parfois, encore, ayant placé des morceaux de frian- dises au-dessus du nid, une ouvrière eut l'ingéniosité d'aller les chercher, et, pour s'épargner des voyages inutiles, de les jeter d'en haut à des compagnes qui se trouvaient en bas. Une autre fois, ayant placé une fourmi sur une plate- forme d'où elle ne pouvait descendre, j'ai voulu voir comment elle arriverait à se tirer d'affaire: bientôt, une vingtaine de compagnes entouraient l'exilée et cher- chaient un moyen de la sauver. Une d'elles, finalement, se leva sur ses pattes de derrière, appuya ses pattes antérieures sur le plateau où était la prisonnière et constitua ainsi un pilier par où celle-ci put s'échapper. Léon Flameng. Répertoire étimologiqye des noms français ET DES DÉNOMINATIONS VULGAIRES DES OISEAÏÏX [Suite) Tonrterellc. — On admet généralement que ce mot a été formé du nom latin de ces Oiseaux, Tiii'tiir, qui dériverait du grec trudzo (murmurer). « Quelques-uns veulent faire dériver ce mot de l'hébreu Tor, qui est le nom de la Tourterelle. » (.•Vldrovande.) Tragopan. — Nom donné i des Gallinacés [Cerioimia) qui habitent l'Himalaya et les montagnes du sud de la Chine. BulTon avait décrit ces Oiseaux sous les noms de Sapaul et de Faisan cornu, parce qu'on les trouve au Népaul et qu'ils ont les yeux surmontés d'un appendice charnu en forme de corne. Le mot Trar/opan a été formé du mot grec Iragos (bouc) et de Pan, nom mythologique, par allusion à la tête de ces Oiseaux, qui semble ornée de cornes comme celle du dieu Pan. C'est pour le même motif qu'une espèce a été nommée Tragopan Satyre. Traînc-Baisson. — Surnom donné à l'Accenteur rnouchet ou Fauvette d'hiver (Accentor modularis), parce que cet Oi- seau passe l'hiver en France et qu'en cette saison on le ren- contre partout dans les haies et les buissons. Trappiste. — Nom donné i des Oiseaux de la famille des Bucconidés {ifonasta), à cause des couleurs brunes de leur plumage, qui rappelle le costume des Trappistes. 90 LE NATURALISTE Traqnet. — Cet Oiseau {Pratincola ruhicola) a reçu le nom de Tmqiiet, parce qu'il est toujours en mouvement et ne se pose à l'extrémité des branches que pour quelques instants, pendant lesquels il ne cesse de soulever les ailes. « Et parce qu'il est ainsi inconstant, on l'a nommé un Ti'aquel. Et comme un traquet de moulin n'a jamais de repos pendant que la meule tourne, tout ainsi cest Oyseau inconstant remuie tou- jours ses œlles. » (Belon.) Travailleur. — Surnom donné par les oiseliers à un Pas- sereau de la famille des Plocéidés [Quelea sanr/uinii-ostris), connu dans l'Afrique occidentale sous le nom de Diocli. Cet Oiseau a reçu le pom de Travailleur, parce qu'en captivité il ne cesse de ^travailler, si on lui fournit du fil et de l'étoupo dont il garnit les barreaux de sa cage, construisant et recom- mençant sans cesse son travail. Troglodyte. — Nom tiré du grec et donné à un petit Pas- sereau {Troglodytes parvulus), que l'on confond fréquemment avec le Roitelet. « Dans le choix des dénominations, celle qui peint ou caractérise l'objet doit toujours être préférée; tel est le nom do Troqlodyle, qui signifie habitant des antres et des cavernes, que les anciens avaient donné à ce petit Oiseau et que nous lui rendons aujourd'hui; car c'est par erreur que les modernes l'ont appelé Roitelet; cette méprise vient de ce que le véritable Roitelet, que nous appelons tout aussi impro- prement Poul ou Souci huppé, est aussi petit que le Troglo- dyte. » (Btiffon.) Troupiale. — Nom donné à un genre de Sturnidés [Afje- taïus), à cause de leurs mœurs sociables, ces Oiseaux vivant en troupes pendant toute l'année. Tiirvert. — Buffon a donné ce nom à une Colombe (Clial- cophaps Indica), qui habite les iles de la Sonde. » Nous don- nons le nom de Turverl i un Oiseau vert, qui a du rapport avec la Tourterelle, mais qui nous paraît être d'une espèce distincte et séparée de toutes les autres. » (Buflfon.) Tyran. — Nom donné à des Passereaux [Tyrannus), à cause de leur acharnement à poursuivre les autres Oiseaux et même les Mammifères. « Le nom de Tyran, donné à des Oiseaux, doit paraître plus que bizarre; ici, cette dénomination a été donnée non seulement à la tète huppée ou couronnée, mais encore au naturel qui commence à devenir sanguinaire. » (Buffon.) l] Vrnbitinga. — Nom brésilien conservé par les ornitholo- gistes à un genre d'Aigle [Morphnus), qui habite l'Amérique du Sud. Urubu. — Ce Vautour {Catliarles aura) avait reçu des pre- miers Espagnols établis en Amérique le nom de Gallinazo, à cause de sa ressemblance extérieure avec le Dindon. Les indi- gènes du Paraguay le nomment Ouroubou, d'où est venu le nom d'Urubu. Ces Oiseaux se nourrissent de tous les détritus abandonnés dans l'intérieur des villes. " Sans eux, la capitale du Pérou serait l'endroit le plus malsain de la contrée; l'auto- rité no fait absolument rien pour entretenir la propreté des rues; des milliers de Gallinazos yiyanl des ordures qu'on y jette, et ils sont si peu craintifs qu'on les voit, sur le marché de Lima, courir au milieu de la foule la plus compacte. » (Tschudi.) C'est pour ce motif, sans doute, que les colons fran- çais leur ont donné le nom de Marchaml, sous lequel ils ont été décrits par Buffon. Leur nom scientifique (Calliarte) leur a été donné, à cause de la nourriture qu'ils recherchent. ■Voyez le mot Calharle.) 'Vanneau. — Nom tiré du latin Vanellus et donné à cet Échassier d'après les mouvements de ses ailes, qui agitent l'air comme un van. « Le Vanneau parait avoir tiré son nom, dans notre langue et en latin moderne, du bruit que font ses ailes en volant, qui est semblable au bruit d'un van qu'on agite pour purger le blé; son nom anglais Lapwing a le même rap- port au battement fréquent et bruyant de ses ailes. Les Grecs, outre les noms A'JEx et d'.Uga, relatifs à son cri, lui avaient donné celui de Paon sauvage, à cause de son aigrette et de ses jolies couleurs. » (Buffon.) {A suivre). Albert Gkanger. OFFRES ET DEMANDES — M. A. Môhleabruck, à Morat (Suisse), désirerait recevoir un ou deux furets vivant en peau ou montés, en échange de mammifères, oiseaux, etc., montés ou en al- cool. A vendre : — 1 lot de 102 espèces de ciienilles soufflées, admira- blement préparées, ayant conservé leurs couleurs, bien nommées : 70 francs. — Grands exemplaires de Callipogon barbalum, ce beau longicorne du Mexique : 4 francs. — i lot de 109 espèces de coléoptères de Java, en par- tie nommés : 40 francs. — Mousses européennes, bien déterminées à vendre à la pièce. Envoyer desiderata. — A vendre quelques exemplaires de la rare coquille : Ceres Salleana du Mexique. — 1 lot de coléoptères de France bl2 espèces, bon état, bonne détermination : 70 francs. — 1 belle paire d'OrnithopteraPriamusAmboine : 30 fr. — Quelques beaux exemplaires de Papilio Ulys- ses :8 francs. — 1 lot de 300 espèces de Chrysomélides européennes, 400 exemplaires. Ce lot contient de rares espèces. Excellente occasion : 12o francs. — Une belle collection de fossiles des sables nummu- litiques du Soissonnais contenant 8b espèces, et 150 exemplaires : 40 francs. — Une collection de fossiles du bassin parisien de 563 espèces bien déterminées : 450 francs. — Un lot de 2'25 espèces de Brachélytres de France : 38 francs. S'adresser pour ces lots à « Les Fils D'Emile Dey roUe «, 46, rue du Bac, Paris. VIENT DE PARAITRE L Oatalogixe DES (MACROLÈPIDOPTËRES) DISPOSÉ POUR SERVIR D'ÉTIQUETTES PAR le Docteur SERIZIAT Prix 3 fr.SO, Franco 3 fr.85 LES FILS D'EMILE DEYROLLE, ÉDITEURS 46, rue du Bac, Paris. Le Gérant: Paul GROULT. Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassettie, 17. 19' ANNÉE 2' SÉRIE — RI» «-4Î2Î 15 MAI 1897 LES TRILOBITES {Suite et fin). Les Trilohili's mit oto longtemps rungés il;tns uu or- résontés par ce groupe de Crustacés fossiles. , .Aprèi^ ,i\oir.étudié .l.'é,\;oJHti,9]î des organes des Trilo- liites, en particulier les parties constitutives de la tcte, M Beecher montre que les joues mobiles et les yeux ont dû subir pendant leur développement une véritable mi- gration de la face ventrale à la face dorsale. Les figures 1 et 4 ])ermetteut de constater ce fait dans le genre Sao. On voit, en cllèt, qu'au stade protaspis, le genre Sao ne pos- sède pas de joues' mobiles dorsales. A ce stade la tète de 2 Sao 3 Sao 1 Sao 5 Dalmanites Dalraanltes Dalnianites 9 Agnostus Fig. 1. ce genre peut être comiiarée à celle d'un individu adulte A'Agnostrus. Mais, dans les stades ultérieurs, les joues moliiles commencent à s'esquisser et à empiéter de plus en plus sur la face dorsale. — Les mê- mes faits peuvent s'observer égalemeut dans le développement du genre Dal- manites (fig. S-8). Les matériaux possédés par les pa- léontologistes américains leur ont per- mis, grâce à leur belle conservation, de ]iouvoirconnaitre le développement d'un grand nombre de genres de Trilobites. L'ensemble des faits considérés permet de conclure ([ue ce sont les formes les plus anciennes au point de vue géologique et les moins élevées en organisation qui ])résentent les joues mobiles à la face ventrale; ([ue ce sont, au contraire, les espèces les plus récentts et les moins élevées en orga- nisation ([ui possèdent les joues mobiles à la face dor- sale. Il y a un parallélisme complet entre l'ontogénie et l'embryogénie des espèces de ce groupe. L'évolution des joues mobiles et des yeux ]iermct éga- lement de leur attribuer la valeur d'un somite, de sorte que la tète d'un Trilobite iiourrait être envisagée contrai- Le Naturaliste, 46, rue du Bac, Paris. Le 2« Le 3= Le 4= Le u« Le O" Le 7« rement aux indications fournies par les .traités de paléon- tologie, comme formée de sept segments : Le 1"' est représenté par l'hyjiostome. — les yeux, les joues mobiles et l'épistome. — lo lobe antérieur de la glabelle et la l" paire d'antennes. — le 2" lobe de la glabelle et la 2" paire! d'antennes. — le 3" lobe de la glabelle, et les mandibules. — le 4" lobe de la glabelle et la 1" paire de mâchoires. — 5° lobe de la glaliollc ou lobe occipital, et la 2'' paire de mâchoires. Des considérations qui précèdent. M. Bi'oclier conclut que la position des yeux et des joues mobiles doit consti- tuer un caractère de premier ordre dans la classifica.tjpj3^^^^^^.j^j|,^^,^ des Trilobites. Les joues moliiles étant ventrales dans les larves des Trilobites les plus élevées en organisation et devenant ensuite dorsales, les genres qui possèdent les joues ventrales à l'état adulte devront être regardées comme des genres primitifs. Les autres caractères con- cordent d'ailleurs avec cette manière de voir. M. Beecher groupe ainsi les Trilobites : 1" Ordre des IIvpoparia. Genres caractérisés par des joues mobiles placées à la face ventrale et bien développées (fig. 9-13). Cet ordre comprend les familles suivantes : 1. Agnostidœ. 3. Trinucleidae. 2. Harpedidaî. Les autres genres de Trilobites présentent deux types distincts de structure céphalique basés sur l'é- tendue et la position des joues mo- biles. Dans ces deux types, les joues mobiles forment une partie importante de la tête et ne sont prolongées sur la face ventrale que par imo simple doublure enveloppant les bords. 4 Sao Fig. 2. — Hippoparia. Les joues peuvent être seulement séparées par le cra- nidium (Gtychoparia, fig. 16) ou par le cranidium et l'épi- stome {Iltxnus, fig. 19) ou bien elles peuvent être réunies et continues comme dans Dalmanites (fig. 30). 2° Ordre des OPiSTHOP.iUiA. Les espèces de cetordi-eont des joues mobiles compre- nant l'angle et les pointes gênales et entamant jilus ou moins les plèvres du segment occipital. Cet ordre ren- ferme un grand nombre de genres répartis dans les familles suivantes (fig. I4-2S) : 1. Couocroypheid;e. '.>. Bronteida'. 2. Ole^idœ. 6. Lichatida\ 3. Asaplvid;e. 7. Acidospithe. 4. Proétida'. 114 LE NATURALISTE 3° Ordre des Proparia. L'ordre des Proparia renferme les formes dans les- quelles les plèvres du segment occipital appartiennent complètement aux joues fixes. Les joues mobiles sont donc séparées du cranidium par des sutures coupant les bords latéraux de la tète en avant des angles génaux (fig. 24-33) : Les familles composant cet ordre sont les suivantes : i. Encrinuridœ. 3. Cheiruridu'. 2. Calymenidœ. 4. Phacopida-. Les Hypoparia et les Opisthoparia se trouvent dans le NOUVELLE DIVISION DES CORPS ORGANISÉS EN TROIS RÈGNES 19 Illsnus 21 Bronteus ■22 Uchas 23 Acidaspis Fig. 3. — Opisthoparia. 24 riacoparia 26 Encrinunjs 26 Calymene 27 Dipleura 28 Cheirurus 31 Chasinops Fig. 4. — Proparia. Cambrien, mais les premiers sont probablement à l'apogée de leur développement dans le Prècamlirien, tandis que les seconds s'épanouissent surtout dans le Cambrien. Les Proparia n'existent qu'à partir de l'Ordovicien dans lequel ils offrent leur plus grande extension. De ces trois ordres, ce sont les Opisthoparia qui ren- ferment le plus grand nombre de formes (150 genres sur 230) et ce sont également ceux qui ont ladurèe la plus longue, car ils se montrent depuis le Cambrien juscju'au Permien. La conclusion générale à tirer des faits qui précèdent, c'est que les Trilolntes, qui constituent aujourd'hui un des groupes les mieux connus au point de vue paléonto- logique, ont une histoire géologique coïncidant, dans ses grandes lignes, avec leur hishiire embryogénique. C'est un- fait nouveau de plus important, à ajouter en faveur de la doctrine de révolution. Ph. GL.iNHiE.iUD. Depuis l'apparition de la théorie cellulaire la science a marché à pas de géants de découvertes en découvertes, elle s'est enrichie d'espèces inconnues en nombre incal- culable ce qui a permis de voir pour tous les êtres le plan général de leur organisation. Ce nombre d'espèces, ce progrès rapide de la science ont jeté le trouble dans les classifications des corps orga- nisés; sans attendre on a voulu, après avoir détruit une partie du passé, édifier à nouveau. Aussi de- puis trente ans des classifications nouvelles ont surgi de toute part; mais, hélas! on trouve chez elles beaucoup plus de mots inconnus que d'harmonie. J'ai vu, en travaillant dans l'ombre, couler les idées de ce déversoir scientifique, et j'ai souvent saisi au passage celles qui me paraissaient les moins échevelées. La division que je propose des corps organisés en trois règnes n'est donc pas un produit de mon ima- gination, mais le 'résultat du progrès accompli dans les sciences natu- relles depuis un demi-siècle. J'avais déjà cette division dans l'esprit, etje cherchais les caractères de ces trois groupes lorsqu'ajjparut le règne des Prolistes étaldi par Hoeckol. Enfin douze ans après l'ap- parition de ce travail ra'apparurent tout à coup dans le feu d'une dis- cussion les caractères que je cher- chais depuis tant d'années. Afin de faire saisir nettement et sans efforts ces carac- tères, je vais en quelques mots analyser le corps humain. L'homme étant de tous les êtres celui dont l'organisation est la plus complète et la mieux connue, en le prenant pour type, je serai compris de tout le monde. L'organisation du corps humain, qui parait si compliquée se réduit cependant à bien peu de chose, si.fon considère la simplicité des actes accomplis par de si nombreux organes, puisque tout se réduit à entretenir la vie, repro- duire l'espèce et diriger les actes de la vie. Je désigne sous le nom de système vital l'ensemble des organes destinés à l'entretien de la vie, celui de système reproducteur à l'ensemble des organes mâles et femelles et au produit du mélange de leur sécrétion, et j'ai con- servé le nom de système nerveux pour les organes qui pré- sident aux fonctions de la vie végétative et aux relations de la vie animale. Le système vital comprend : l'appareil digestif, des- tiné à la préparation des substances alibiles ; l'appareil musculaire, qui permet de courir après les aliments; l'appareil d'absorption, qui trie dans le bol alimentaire préparé les substances nécessaires au besoin de l'écono- mie ; l'appareil do la circulation, qui distribue les .-ubs- tances dans toutes les parties du corps. Il faut joindre à .33 Phacops LE NATURALISTE 115 tous ces appareils celui de la respiration pour l'absorp- tion (le l'oxygène, gaz aussi indispensable à la vie ([ue les li(iuides nutritifs préparés et absorbés par les autres appa- reils; on voit par cette succincte exposition la niasse énorme occupée chez les animaux par le système vital. Les systèmes reproducteur et nerveux sont formés d'organes assez connus pour nie dispenser d'en faire rénumération. Chez tous les animaux dont on a fait l'étude des organes, on trouve bien distincts, mais à des degrés divers de per- fectionnement ou de simplicité, les trois systèmes d'or- ganes pour présider au fonctionnement des trois attributs de la vie : l'absorption pour son entretien, la reproduc- tion pour la perpétuer et l'excitabilité pour la guider et régulariser ses fonctions. J'emploie ce mot excitabilité au lieu de celui de sensibilité, attendu que pour moi toute matière vivante est excitable et que les animaux seuls perçoivent des sensations. Si l'on descend des animaux aux plantes phanérogames, ce qui frappe surtout, c'est la disparition complète du système nerveux, et ensuite la simplification du système vital. De l'appareil digestif des animaux on ne retrouve jdus de trace et les végétaux puisent directement dans le sol leurs matières nutritives avec leurs radicelles or- ganes analogues aux vaisseaux cbylifères des animaux. Leur système reijroducteur, sauf la nature des tissus, est al)Solument le même que celui des animaux. En descendant encore plus bas dans la série des êtres, on voit disparaître le système reproducteur des animaux et des phanérogames, et l'on se trouve alors en présence de corps vivants qui n'ont plus que le système vital. Je sens l'objection et avant qu'elle ne sorte de la pensée du lecteur, je vais y répondre ou plutôt laisser ce soin à Linné, Jussieu et de Candolle. Linné répond : Il y a des végétaux avec des organes reproducteurs apparents et d'autres cachés, phanérogames cryptogames. Jussieu répond : Il existe de la matière reproductrice avec ou sans cotylédons, acotylédones — mono et dico- tylédones. De Candolle répond : Les plantes ont ou n'ont pas d'embryon incmbryonis — embryonis. Si l'opinion de ces trois savants n'était pas sufQsanteon pourraitajouter que les végétaux phanérogames se repro- duisent à l'aide de trois individualités, le mâle, la femelle et le germe. Ce mode de reproduction se trouve donc représenté par le cbili're 3. Chez les cryptogames au contraire, c'est une partie où s'est concentrée la vie, et l'élément reproducteur qui se détache pour continuer et perpétuer l'espèce. Il n'existe donc là qu'un individu qui transmet la vie à son sem- blable en se divisant ; le chifl're 1 répond par conséquent à ce mode de reproduction. On a cherché dans les cryptogames des organes repro- ducteurs analogues à ceux des phanérogames, et l'on est arrivé à quoi':" A assimiler certaines cellules vibratiles aux vibrions du sperme. Le mot de spermatozoïdes donné à ces cellules parles Allemands est, je pense, assez significatif. Du reste, ainsi(iue jel'expliquerai dans un travaildont un prochain voyage m'oblige à interrompre l'impression, les phanérogames, indépendamment du système repro- ducteur qui leur est commun avec les animaux, ont con- servé le mode de reproduction des êtres cellulaires. Certainement, en étudiant la reproduction des crypto- games, il semble que la nature sesoit préparée àla géné- ration sexuée. Elle a essayé de tant de modes pour cette tentative qu'elle semble s'être livrée à une véritable dé- bauche avant de marcher d'un pas ferme et assuré. Ce que je_ viens de dire des cryptogames s'apidifjue également a plugieurs zoophytes tels que les polyjies et les éponges et à. tous les Protistes. Ces trois groupes do corps cellulaire's sont si peu distincts qu'on trouve un très grand nombre d'espèces qui vont de la botanique à la zoologie et vice versa quand elles no sont pas placées à la fois dans ces deux branches de l'Histoire naturelle. Cette incertitude est non seulement compréhensible mais rationnelle puisque tous ces êtres possèdent le même mode d'organisation et qu'ils en sont réduits au système vital. Il est vrai que ce système vital comprend l'élément reproducteur ou une matière reproductrice. Mais il n'est pas douteux que l'élément ou la matière nerveuse s'y trouve également réunis, et qu'elle ne se sépare de la masse commune pour former un organe dis- tinct le sytème nerveux du règne animal. L'on n'a pas encore découvert, que je sache, dans la masse des êtres inférieurs, la matière nerveuse; mais, au moment où j'écris, on est peut-être sur les traces de cette décou- verte. Je résume ma pensée en disant : tous les corps orga- nisés vivent, se reproduisent et sont excitables; ces trois attributs de la vie sont certainement représentés par trois matières de' nature différente. Dans les corps cel- lulaires, ces trois matières sont mélangées, seulement la matière reproductrice peut se condenser dans un point pour rajeunir l'espèce. Chez les phanérogames et les ani- maux la matière i-eproductrice est formée à nouveau pour faire revivre l'espèce. Mais, en histoire naturelle, une classification doit être faite d'après des caractères apparents et c'est sur ces caractères que je fonde les trois règnes des corps orga- nisés : RÈGNE ANIMAL, avec système vital, système reproduc- teur, système nerveux; RÈGNE VÉGÉTAL, avec système vital, système repro- ducteur ; RÈGNE CELLULAL, avec Système vital. J'ai représenté cette division des êtres par la figure schématique suivante. Le règne cellulal me parait formé de trois groupes ou embranchements. Les Protistes, les Zoophytes, les Cryp- togames. Mais il faudra enlever de ces groupes les es- pèces qui possèdent un système reproducteur comme celui des phanérogames et des animaux et, à plus forte raison, celles qui auraient en outre un système ner- veux. Lorsqu'on se trouve en présence d'un animal, qu'il soit couvert de poils, de plumes ou d'écaillés, s'il montre des mamelles, sa place est toute trouvée et sans hésita- tion on le range avec les mammifères. Il en sera ainsi pour les trois règnes que je viens de fixer : si l'on rencontre un corps vivant avec un système nerveux et un système reproducteur, on le placera parmi les animaux ; si le système nerveux manque et qu'il soit pourvu du système reproducteur, on le groupera avec les végétaux ; enfin, si c'est un eunuque, on le laissera à la porte du harém dans le groupe des cellulaux. Ce qui me surprend sans en être étonné, car l'esprit trop souvent se perd dans les nuages des théories, c'est de rencontrer parmi les animaux des êtres, qui sont de beaucoup inférieurs aux végétaux et de voir qu'on a in- 116 LE NATURALISTE terrompu la chaîne de la série des êtres si évidente lors- qu'on en suit les développements progressifs, pour en faire deux chaînons rivés à l'un des houts, Pauvre Dar- win, si tu vivais encore, que dirais-tu de tes. disciples ? D'^'JOUSSEAUME. NOTES SUR L'HIVER DE 1894-1895 Dans le département des Côtes-du-Nord [Suite) L'influence dit froid sur les oiseaux. — Les oiseaux doivent souffrir de l'abaissement de la température beau- coup plus que les autres vertébrés. D'abord leurs dépla- cements aériens augmentent considérablement l'intensité du froid qu'ils éjjrouvent extérieurement, puis l'air, arri- vant pour ainsi dire dans tout l'organisme, jusque dans les os, les pénètre intérieurement. La température du corps des oiseaux est élevée, 40° à 41" centigrades, plus élevée par conséquent que chez les autres animaux : la différence entre leur température et celle de l'air am- biant produit donc un écart énorme dont les effets sont naturellement funestes. Pour conserver leur chaleur, les oiseaux hérissent leurs plumes afin d'augmenter la couche d'air, mauvais conducteur de la chaleur, emprisonnée par le duvet qui garnit la peau et la tige des plumes ; ils se trouvent ainsi entourés d'un véritable édredon. Pour garantir l'extrémité desailes et des pattes, parties fort dé- licates, éloignées du cœur, osseuses et non revêtues de muscles, ils ramènent les longues plumes des flancs sur ces organes qui, exposés à l'air glacé, seraient bientôt gelées. Mais s'ils peuvent se garantir extérieurement du froid ; pour respirer et gonfler les sacs aériens indispen- sables pour le vol, ils sont obligés de se laisser pénétrer intérieurement par l'air froid, aussi est-il à remarquer que pendant les grands froids, les oiseaux volent bien plus lentement, sans énergie, silencieusement, etqu'ils ne jiar- courent que de petits espaces en s'élevaiit le moins pos- sible au-dessus du sol. La progression aérienne est même si pénible, si douloureuse pour eux qu'on les voit sou- vent se laisser tomber tout à coupa terre comme s'ils avaient été frappés d'un coup de fusil. La douleur que les oiseaux éjjrouvent à voler par suite du froid n'est pas la seule cause de la faiblesse de leur vol, elle résulte encore d'un état pathologique fort cu- rieux des muscles pectoraux principaux moteurs des ailes. L'amaigrissementqui résulte d'une nourriture insuffisante, comme cela a lieu par un hiver dur, n'est pas la seule et véritable cause de l'atrophie des mucles pectoraux, je se- rais tenté d'attribuer cet état particulier à l'effet perni- cieux seul du froid. En effet, chez des oiseaux domes- tiques, tels que Paons et Pintades, vivant à l'étatcomplet de liberté dans un grand parc et volant comme des oi- seaux sauvages, j'ai constaté cet amaigrissement des muscles pectoraux pendant l'hiver 1894-1893, et cepen- dant une nourriture saineetabondanteleurétait distribuée chaque jour comme de coutume. La causJ> de la paraly- sie, de l'amaigrissement des muscfês^pectoraux serait donc uniquement due au froid prolongé. Les oiseaux ainsi privés de leurs moyens de locomotion aérienne, deviennent incapables de se soustraire aux attaques do leurs ennemis, de parcouiàr un espace suffisant pour rechercher leurnourriture habituelle, enfin de gagner une région où ils trouveraient la chaleur et l'abondance. C'est ce qui expliquerait la promptitude de la fuite de certains oiseaux dès l'apparition du mauvais temps, et la détresse de ceux qui, moins prévoyants, sont restés comme bloqués dans une localité qu'ils semblent ne plus pouvoir quitter et où ils finissent inévitablement par jierir. C'est donc à l'atrophie des muscles pectoraux détermi- née par le froid qu'il faut attribuer la principale cause de destruction des oiseaux pendant les grands hivers. L'alimentation des oiseaux pendant l'hiver. — Quand la neige couvre entièrement le sol, les oiseaux trouvent difficilement leur nourriture, qui devient bientôt insuffi- sante. Si le dégel se fait attendre, c'est pour eux la disette ; le verglas survient-il, c'est la famine et sa suite funèbre. Pendant l'hiver 1894-1895 j'ai capturé chaque jour un certain nombre de merles dans la même localité, et les ayant pesés et fait une moyenne, j'ai constaté que chaque jour ils perdaient de leur poids deux" à trois grammes. Nous savons que l'alimentation insuffisante cause la mort du sujet quand ce dernier a perdu les trois dixièmes de son poids initial ; il était donc facile de prévoir et même de calculer, l'hiver persistant, le moment où ces oiseaux devaient fatalement succomber. L'alimen- tation est insuffisante non seulement quand la quantité des aliments devient trop restreinte, mais encore si le régime approprié à l'espèce est incomplet, c'est-à-dire s'il ne se compose pas de tous les éléments nécessaires à entretenir le renouvellement des tissus, et c'est préci- sément ce qui se produit dans les circonstances données. Les merles, les grives, les rouges-gorges, les mésanges, etc., par exemple, trouvent bien encore des débris de végétaux, des baies d'arbustes et de plantes, mais l'élé- ment tiré du règne animal comme les insectes, les mollusques, fait défaut; c'est pour([uoi ils dépérissent, deviennent malades, et finalement saisis par le froid succombent misérablement. Je sais bien qne l'on m'op- posera que ces oiseaux peuvent s'accoutumer au régime végétarien, mais d'abord ce n'est pas sans difficulté quand ils sont adultes, et même pris au nid, beaucoup succombent, et dans tous les cas ce n'est pas l'hiver quand ils sont déjà atteints d'un mal déjà trop avancé pour leur permettre de supporter cette épreuve. C'est tellement vrai que tous les merles, grives, rouges-gorges etc., que j'ai capturés pendant l'hiver 1894-1890, mis en volière et au régime de leurs compagnons de captivité, sont tous morts. J'ai renouvelé cette expérience plusieurs fois, et je l'avais déjà tentée lors des autres hivers durs que nous avons eus, et toujours avec les mêmes résul- tats. J'ai constaté, non sans surprise, que* pendant les grands froids, les merles, les grives, etc., qui se montrent si friands de vers de terre, d'insectes, et surtout du ver de farine, délaissent complètement ces aliments et leur préfèrent les débris végétaux et par-dessus tout les baies telles que celles de houx, de genévrier, d'églantier, d'asperge, du lierre, du gui, etc. J'ai voulu m'assurer jusqu'à quel point cette jjréférence était marquée et j'ai profité de l'hiver 1894-1893 alors que les oiseaux mou- raient de faim, pour faire l'expérience suivante : J'ai amorcé un certain nombre de pièges semblables, les uns avec des insectes, les autres avec des baies, changeant alternativement ces amorces dans les mêmes pièges placés aux mêmes endroits, et invariablement LE NATURALISTE 117 j';ii toujours pris lU's merli's, des grives, etc., ilans les pièges amorcés avec des baies, et pas un seul oiseau dans les iiiéges amorcés avec des insectes. Pour mieux jugi'i- lie ce qui se passait, j'ai placé sous mes fenêtres ces pièges et, oliservaut les oiseaux qui venaient s'y faire prendre, j'ai parfaitement vu que sans hésiter ils allaient droit au piège amorcé de baies. Enlin j'ai mis dans les menues pièges des baies et des insectes, et j'ai encore vu les oiseaux se jeter mvariablement sur les baies. — Que faut-il conclure de là? Que les oiseaux épuisés par la famine et le froid ]n-éfèrent les alimwnts dont la digestion produit une sorte de fermentation alcoolique qui momen- tanément les soutient et les récbaulVe, mais ne nourrit pas et ne fuit que tromper leur faim et le besoin de réparer. Les oiseauxen vinrent à .<<; dévorer entre eux. Ta.nt que dura ce rude hiver 1894-189:;, les rapaces et les mammifères carnassiers firent Iiombance; leurs victimes étaient liien maigres, mais si la ijualité laissait à désirer, ils se rattrapaient largement sur la quantité qui leur était offerte sans autre peine que de ramasser pour ainsi dire leurproie incaiiable de fuiret se défendre. Les pies, les geais, les corbeaux et même les mésanges se mirent aussi de la partie. Aussitôt qu'un oiseau pris au piège oublessé poussait un petit cri de douleur, tous ces [letits bandits emplumés se précipitaient .sur le pauvre captif et le dévoraient à l'instant. Les corbeaux freux sont des oiseaux de mœurs douces et sociables, leur vie est frugale et laliorieuse ; avec leur gros bec ils piochent sans cesse la terre pour en extraire des insectes et notamment les larves de hannetons, leur mets de prédilection; mais par les hivers rigoureux et neigeux, la nourriture leur faisant défaut, ils deviennent agressifs vis-à-vis des autres oiseaux et même des mammifères, ils gobent les pauvres alouettes transies de froid sur la neige ; on cite des exemples de lièvres, de chevreuils et même de chiens attaqués par les freux. A la fin de l'hiver 1894-1895, poussés aux der- nières limites de la famine, épuisés par le froid, ils en arrivèrent à se dévorer entre eux. On les voyait perchés sur les pommiers en bandes nombreuses, les plumes hérissées, ne se souciant plus de l'approche de l'homme, leurs petits yeux brillaient d'un éclat féroce, et aussitôt qu'ils voyaient l'un d'eux s'aifaiblir, tous se jetaient sur lui, et un instant après il ne restait plus de la victime qu'un squelette digne du meilleur préparateur. Le ]iro]iriéiaire d'un château des -environs de "M..., péniblement impressionné par ces scènes de carnage et la vue de tous ces sifuelettes gisant tristement sur la neige qui couvrait la pelouse et les allées de sa iiropriété, donna l'ordre au jardinier d'enlever ces ossements; il y en eut plusieurs brouettées ! Destruction des oiseaux pendant l'hiver 1894-1895. — Pendant cet' hiver les enfants et les ouvriers inoccupés passèrent leur temjis à tendre des ]iièges de toutes sortes aux petits oiseaux ; aussi les effets de cette destruction générale furent-ils désastreux, comme on l'a constaté plus tard. Pour en donner une idée : un habitant de la petite ville de X... captura, dans le jardinet de la maison qu'il habite, quatre cents petits oiseaux en une semaine. Ces malheureux petits oiseaux étaient si maigres (jne, renonçant à les rôtir, on fut obligé de les mettre en ragoût pour en tirer au moins la sauce. Sur les plages, les bécasses furent massacrées à coups de bâton, et c'est par centaines qu'elles furent vendues quatre sous la pièce; c'était encore trop cher pour ce qu'elles valaient au jioint de vue culinaire. Maintenant un seul exempli' pour donner en petit une idée de ce ipii ]ieiil se |)asser en grand dans les campagnes, pour la destruction des oiseaux : Dans le jian; du château de X... il y avait au commencement de l'hiver trois couples de grives draines; une fut prise au piège, la seconde fut tuée au fusil, trois auii'cs dévorées par un épervier, la dernière disparut sans ([ne l'on sache ce qu'elle était devenue, et l'on s' étonne ensuite de n(> jilus voir d'oiseaux au printemps suivant! Les effets de l'hiver 1894-l89o sur la faune locale. — Depuis l'hiver 1894-189.'j la dimiimtion des oiseaux est telle que tout le monde en a été frappé, je dirai même ému et attristé. Je ne i)uis, dans ces notes déjà trop longues, passer en revue toute la faune locale, je signa- lerai seulement quelques groupes et quelques espèces qui ont attiré le plus l'attention. Tous les oiseaux granivores, tels que pigeons, bruants, chardonnerets, alouettes, linots, etc., ont ])eaucoup soull'ert ; ils ont été décimés par les effets du froid et les divers modes de destruction employés pour les capturer, au point de devenir, sinon rares, au moins très clairsemés. Les merles, les grives, les rouges-gorges, les accenteurs et les mésanges sont les oiseaux qui ont le plus souffert; on cite, maintenant, les localités possédant encore un couple de ces espèces. Parmi les disparus : un charmant petit bec-fin, le pit-chou et le busard Saint-Martin. Depuis que les grands massifs d'ajoncs ont été gelés pendant cet hiver terrible, pas un de ces oiseaux n'a reparu ici. Les râles d'eau qui hivernent dans les bois marécageux ont tous péri, pas un n'a reparu depuis. Le troquet-pàtre, sédentaire dans les landes, n'a pas pu résister à l'hiver 1894-180o, et main- tenant on compte facilement les couples qui sont venus repeupler le pays. Les martins-pêcheurs qui, depuis les hivers rigoureux des années précédentes, avaient bien diminué, sont devenus maintenant rares partout. Il est à remarquer aussi que plusieurs espèces qui viennent habituellement hiverner en Bretagne ne se sont pas montrées en 1894; c'est à peine si l'on a vu quelques sujets qui n'ont pas tardé à disparaître. Le pic cendré, la bergeronnette yarell, les tarins cabarets, la mésange petite charbonnière, ont été rares jiartout, et il en a été de même pendant l'hiver 1895-1896, malgré la douceur de la température. La faune locale se relèvera-t-elle des désastres que lui a fait subir l'hiver 1894-1895'? C'est possible, mais il y a des probabilités pour craindre le contraire. Il ne fau- drait pas que la destruction des oiseaux telle qu'elle est pratiquée continuât, sinon les derniers survivants disparaîtront, et il n'en vienilra pas d'autres pour les rem- placer. Quand une espèce a disparu dans une localité, il est très rare de l'y voir reparaître et s'y propager comme jadis, malgré tout ce que l'on peut faire pour en faciliter le repeuplement. Surtout si les conditions particulières du sol et de ses productions ont été modifiées. Il est vrai que les oiseaux, libres comme l'air qu'ils parcourent nuit et jour, vont, viennent, pour combler les vides qui peuvent se produire sur certains points ; mais ils ne s'arrêtent et ne se fixent que dans les endroits où ils trouvent ce qui est nécessaire à leur genre do vie; ils n'y descendent qu'attirés par la présence do leurs con- génères qui répojident aux cris d'appel qu'ils ne manquent jamais de faire en,i"endre en traversant les airs. On ne se doute jfes de la quantité et de la variété des espèces d'oiseaux ([ui passent inaperçus dans les airs, il faut des circonstances fortuites et jiarticnlières pour s'en 118 LE NATURALISTE rendre compte. Bien des surprises sont réservées à l'or- nithologiste qni recueille les oiseaux qui viennent s'as- sommer sur les phares, dans les fils télégraphiques, dans les filets tendus sur les plages, surtout à L'embouchure des fleuves; parmi les victimes de to.us ces engins de destruction on rencontre des espèces dont on ne pouvait même jias soupçonner la présence. Les modifications apportées au sol et à ses productions, qui surviennent accidentellement, ou par le fait de rhomme, comme les inondations, les invasions d'insectes, les productions extraordinaires de fruits, de graines, les changements de culture, etc., enfin les perturbations at- mosphériques, forcent et engagent les oiseaux à se dé- placer, à circuler et à se montrer parfois en grand nombre là où on ne les avait pas vus auparavant. Si rien n'était changé à l'ordre naturel des choses par l'intervention de l'homme, les grands hivers auraient pour effet de fortifier et de régénérer les races locales, et non de les détruire. Les sujets faibles ou malades succomberaient forcément, il est vrai, mais les vides seraient bien vite comblés par d'autres sujets venant d'ailleurs. Le sang de la race se renouvellerait ainsi maintenant l'invariabilité de l'espèce qui se propagerait dans de meilleures conditions, les germes de maladies, les parasites disparaîtraient, les occasions de contagion diminueraient, les sujets ayant moins de points de con- tact, se trouvant plus espacés, les ressources alimentaires deviendraient plus abondantes, le nombre des consom- mateurs ayant diminué, enfin les ennemis naturels dispa- raîtraient, ou du moins diminueraient, comme cela se produit toujours quand l'espèce qui est la victime tend elle-même à se décimer momentanément. Mais il n'en est pas ainsi malheureusement, la des- truction des oiseaux ne désarme pas, même après les épreuves d'un hiver rigoureux; le défrichement, les pro- grès de la culture privent les oiseaux des refuges, des ressources que leur réservaient les bois, les landes, les arlu-es creux, les herbages et les buissons laissés sur pied, indispensables à la protection et à la conservation des oiseaux. Les agriculteurs devraient pourtant bien se pénétrer de cette vérité : l'oiseau est utile, parce qu'il est indis- pensable dans l'équilibre naturel qui doit exister entre le règne animal et le règne végétal, et, une fois détruit, rompu, cet équilibre ne pourra plus être rétabli. On peut inventer des machines agricoles du dernier perfec- tionnement, organiser des concours agricoles, distribuer des récompenses nationales, on ne pourra jamais créer le plus petit oiseau ni remplacer ses services par une machine quelconque, par un produit chimi(iue nouveau. Si l'ou a parfois exagéré le bien et le mal que font les oiseaux, comme il est impossible de voir leur utilité, il faut les protéger, et au moins ne pas les détruire. Albert Cretté de P.\lluel. EXPÉRIENCES SUR LES ROCHES ASPHALTIQUES L'asphalte, ou bitume, est une matièce des mieux ca- ractérisées et dont l'histoire géologique»- se signale par sa netteté. Elle paraît représenter le composéhydrocarboné solide typique résultant de réactions purement minérales, par exemple entre des carbures métalliques et les hydra- cides do l'eau. A ce titre il y a un vif intérêt à recon- naître sa distribution par rapport aux diverses roches et par rapport aux accidents géologiques : le résultat paraît montrer qu'on s'est souvent trompé à cet égard. Il n'y a rien en effet de plus fréquent que la dénomi- nation de bitumineuses accordée à des masses rocheuses, renfermant des combinaisons carbonées d'origine orga- nique et n'ayant aucun lien réel avec le bitume. Des con- fusions considérables en sont résultées et par exemple, dans un ouvrage récent (1), Jaccard s'est efforcé à donner une théorie embrassant à la fois l'histoire des asphaltes, celle des schistes, des calcaires et des autres roches dites bitumineuses, et même celle de la houille et des autres combustibles fossiles. Au début d'études qui m'ont occupé plusieurs années, je me suis préoccupé tout d'abord de trouver un réactif qui permît la reconnaissance de l'asphalte dans les mé- langes les plus divers où il puisse entrer. J'ai cherché aussi un ])rocédé de séparation de l'asphalte ijui permît de l'obtenir chimiquement pur. Enfin j'ai appliqué fa sé- paration dont il s'agit au dosage du carbure dans les roches. Après un certain nombre d'essais, j'ai été assez heu- reux pour trouver dans le sulfure de carbone un agent tout à fait convenable au Imt que je poursuivais. Le bitume ou asphalte est immédiatement soluble dans ce liquide et se dépose sans altération par simple éva- poration. Un fragment de calcaire aspïialtique abandonné dans le sulfure de carbone se décolore complètement à la surface avec une très grande rapidité ; sa poussière est privée de carbure presque instantanément. Dès lors, la méthode de dosage se présente d'elle-même Étude des roches asphaltitjues. à l'esprit et suppose le tout petit matériel représenté ci- joint, augmenté bien entendu d'une balance d'analyse. Voici comment j'opère : la roche à étudier est fine- ment pulvérisée. On en met 10 grammes dans le petit col droit représenté à gauche de la figure avec '60 centi- (1) Le pétrole, l'asphalte et le bitume, l vol. in-S", Paris 1873. LE NATURALISTE 119 mètres cubes de sulfure de carbone. Le llacon bien bou- ché est agité, ])uis soumis quelques heures à la tempé- rature du laboratoire. Après ce délai la dissolution asphaltique est jetée dans l'entonnoir représenté au milieu de la ligure et qui peut être fermé à l'émeri. Il contient un lampon d'amiante qui réalise une liltration parfaiteetnc laisse passer (]u'un liquide limpide. Le col droit est lavé à deux ou trois re- prises avec du sulfure de carbone, jusqu'à ce qu'on n'y voie ])lus trace de la coloration due à l'asphalte, et le liqtiide de lavage est jeté dans l'entonnoir. Celui-ci, après la liltration, est lavé do même avec un peu do sulfure de carbone, jusqu'à ce que l'amiante et les autres parties de l'appareil soient absolument débarrassés de bitume. Tout le liquide réuni dans le bocal placé sous l'enton- noir est versé dans la capsule de porcelaine exactement tarée qui est dessinée à droite de la ligure. On y ajoute un peu de sulfure de carbone ayant servi à laver le bocal de tout ce qui aurait pu y rester d'asphalte. Il suffit alors d'abandonner à l'air (sous une cloche sou- levée pour arrêter les poussières) le liquide contenu dans la capsule i)Our qu'une pesée donne la quantité exacte d'asphalte procuré par les 10 grammes de roche exa- minée. Des essais répétés ont prouvé que l'asphalte se dissout seul et qu'il se dissout complètement, de sorte que les résultats sont tout à fait exacts. La manipulation est si simple qu'on ]ieut suivre jusque dans les détails les variations d'imiirégnation d'une couche asphaltique. C'est ce que j'ai fait sur des échan- tillons venant du Val-de-Travers (Suisse) et sur d'autres que j'avais recueillis à Lovagny (Savoie) et à Pyrimont (Ain). Les conclusions sur lesquelles nous ne pouvons insister faute de jjlace, sont très intéressantes au point de vue de la théorie. Les chiffres qu'on obtient avec les échantillons les plus divers de ces gisements urgoniens varient de 1 à 12 0/0 d'asphalte pour les types normaux. Exceptionnel- lement il s'est fait des collections de bitume presque pur dans les fissures ou dans des cavités. Un point sur lequel il faut insister parce qu'il est très imprévu, c'est que l'immense majorité des roches dites bitumineuses ne contiennent pas trace d'asphalte. Il faut y insister un peu, parce que la théorie doit s'en ressentir immédiatement. Par exemple, les schistes d'où la distillation retire tant de carbure, et qui flamiient sur le feu, comme ceux des environs d'Autun, traités par la méthode qui vient d'être résumée, n'aliandonnent absolument rien au sulfure de carbone, même après une digestion prolongée. Le nom de schiste bitumineux qu'on leur donne si souvent ne leur va donc jias et celui de naphtoschiste ne convient pas mieux. J'ai étudié les schistes tertiaires de Menât (Puy-de- Dome) qui ])euvent être distillés : le résultat a été égale- ment négatif. Parmi les roches ordinairement appelées bitumineuses les calcaires se signalent par leur fréquence et avant tout les marbres noirs ou gris des terrains anciens que signale l'odeur fétide qu'y provoque le choc. On sait comment M. Spring a élégamment montré que lacause de cette fétidité réside dans la présence d'une certaine quan- tité de phosphamine et d'acide sulfhydrique. J_,e sulfure de carbone n'enlève à ces calcaires que des traces de substances et qui ne sont point comparables au bitume. Il en est de même pour la série des combustibles fos- siles que j'ai examinés : ni les anthracites, ni les houilles même grasses, ni les lignites, ni même les tourbes com- pactes ne donnent de bitume au dissolvant et j'ai pu, avec le même résultat négatif, examiner les boghead et les cannelcoal. Il n'y a d'exception que pour des combus- tildes métamorphiques ayant subi un éch.iuiïement plus ou moins intense, et encore la conclusion de l'analyse ne doit-elle être considérée que comme provisoire, lamatière solublc n'étant pas de l'asphalte. Il a paru intéressant, à cause de l'origine profonde pos- sible du bitume, d'examiner des roches renfermant des minéraux filoniens et qui couramment sont qualiliés de bitumineuses. Tels sont les schistes cuprifères duMansfold, et les cinalires dits bitumineux de laCarniole. Ni la roche de Thuringe, ni celle d'Idria n'ont abandonné au sulfure de carbone de l'asphalte. La dernière cependant a laissé dissoudre de très petites quantités d'une manière assez analogue, mais dont la très faible proportion montre qu'elle n'intervient pas efficacement dans la coloration noire du minéral. On sait que les belles émoraudes de Muso (Colombie) sont empâtées dans une roche noire charbonneuse qui affecte assez une disposition fîlonienne : cette roche ne contient pas de bitume. Enfin, sans épuiser l'ênumèration des matières exa- minées, j'ajouterai que j'ai appliqué le sulfure de car- bone à l'examen des météorites charbonneuses d'Orgueil et de Kold Bokkeweldt. Ni l'une ni l'autre n'a donné d'asphalte. Ce résultat négatif est d'autant plus remar- quable qu'on se sentait porté à première vue à rapprocher ces roches cosmiques de nos produits volcaniques bien plus que de nos masses sédimentaires ; pourtant la matière char- bonneuse qu'elles contiennent présentent vis-à-vis du sulfure de carbone plus de ressemblance avec les dérivés des substances organiques d'origine biologique qu'avec les résultats d'action purement minérale. Il ne faut pas aller trop vite dans les déductions, mais le fait est digne de mention. La conséquence des expériences qui viennent d'être résumées, c'est que les roches contenant de l'as- phalte sont peu nombreuses et que, sans doute, elles ont été soumises à des actions exceptionnelles. On est confirmé dans cette manière de voir quand on fait attention à leur gisement. Beaucoup d'entre elles sont dans des localités franchement volcaniques comme le Pont-du- Chàteau et le Puy-de-la-Poix"en Auvergne et le lac As- phaltite ou celui de la Trinité, et les environs de Bakou, etc. etc. Les autres sontincontestaldemenc surdegrandes cassures terrestres. Quoi qu'en ait dit Jaccard, tous les gisements de l'Ain, de la Savoie et du Jura sont alignés surdeslignes de failles non pas suivant l'arête de chaînes montagneuses, mais parallèlement à cette arête, ce qui revient au même. Ce gisement offre une analogie intime avec celui des sources minérales et des dégagements d'acide carbonique ou de gaz inflammables. On ne peut douter d'après cela que le bitume ne soit élaboré dans la profondeur, puis amené vers la surface grâce à un véhicule convenable. La réaction, c'est certainement celle qui prend nais- sance entre les carbures métalliques et les hydracides ou l'eau, exceptionnellement par une action métamorphique intense sur les combustibles minéraux. Quant au véhi- cule, il consiste bien manifestement en pétrole ;àcet égard 120 LE NATURALISTE on a tous les inlermédiaires possibles entre les sources de pétrole limpide presque incolore, c'est-à-dire dépourvu d'asphalte jusqu'aux points où le sol est encombré de kire ou pissasphalte dans lesquels le pétrole est au contraire en déficit. La solution de l'asphalte dans le pétrole pénètre par capillarité dans les roches poreuses, sables, grès, cal- caires et son évaporation les rend bitumineuses. Cette cir- constance que j'ai imitée par des expériences d'impré- gnation artificielle de roches très variées, explique, jus- que dans les détails intimes les particularités des gise- ments à divers niveaux et tout particulièrement dans l'ur- gonien de notre région jurassienne. Stanislas Meunier. LA COMBUSTION DES CORPS DANS LES INCENDIES Les catastrophes analogues à celles duBazar de la cha- rité de la rue Jean-Goujon sont, à Paris, plus fréquentes qu'on ne le pense, bien qu'il n'y en ait peut-être jamais eu d'aussi touchante, à cause de son but charitable. Nous n'avons pas à célébrer le mérite des victimes du devoir; notre rôle est liien différent. L'histoire naturelle trouve à glaner dans ces accidents quelque chose de plus maté- riel qui ne manque pas d'intérêt. L'action du l'eu sur les corps des humains ou des animaux domestiques se pro- duit dans une foule de circonstances, dans les construc- tions en bois, dans les écuries, dans les théâtres, dans les wagons de chemin de fer et dans les incendies de toute espèce tant sur mer (jue sur terre. La médecine a divisé les brûlures en six degrés, qu'il serait troj) long d'énumérer ici, d'autant plus qu'elle n'a en vue que les malades, c'est-à-dire les vivants. Nous allons plus loin, et nous recherchons surtout l'action du feu sur les ca- davres. On peut diviser cette action comburante en trois formes carac(éristi(iues, suivant que la combustion a été plus ou moins intense, et surtout ])lus ou moins prolon- gée. Le temps est un facteur important, non seulement en physique et en mathématiques, mais aussi quand il s'agit de l'action du feu sur les corps vivants ou morts. 1° Le premier degré, c'est la peau de baudruche, pour traduire par une expression imagée le gonflement singu- lier déterminé sur les corps par un commencement de combustion, bien que la peau ne soit pas ordinairement desséchée mais visqueuse, et qu'elle tende à se dépouil- ler de son épiderme soulevé, qui se détache alors par larges lambeaux. En effet les brûlures du dorme pro- duisent des phlyctènes à sa surface; l'épiderme se bour- soulle au-dessus de la sérosité qui la distend, comme les ampoules formées par lasérositéd'unvésicatoire.Mais.en même temps que se produit ce phénomène superficiel, l'in- tensité de la chaleur d'un incendie dilate les gaz contenus dans les viscères, ou produits par la décomposition même de nos tissus, de sorte que les parois des corps sont dis- tendues outre mesure, au point de se rompre sous l'in- fluence des tractions et des pressions de toute nature auxquelles elles sont exposées. On voit cela souventchez les chevaux, qui succombent dans les Cirques ou dansles écuries incendiés. Les cadavres ressemblent alors à ces animaux en baudruche distendue, que'I'on voit attachés à la devanture des magasins de jouets d'enfants. La recherche des cadavres, à la suite d'un incendie, est plus pénible que l'on ne le croirait tout d'abord. Au lieu de corps calcinés, desséchés par la chaleur intense du foyer, qu'on s'attendait à y rencontrer, on recueille des débris, couverts d'une fange noire et gluante, provenant moins de la combustion des corps que des décombres carbonisés et réduits en poussière de charbon, délayée dans l'eau qui a été projetée par les pompes à vapeur. Ce bourbier infect sent la peinture brûlée, la laine calcinée et la fumée ; et on s'explique très bien, d'après ce qui pré- cède, que certains corps se déchirent et laissent écouler leurs viscères au dehors, au moment où on les retire de dessous les décombres. C'est ainsi que des membres épars sont dispersés çà et là : une tête, une main, un pied, des bras, des jambes, des entrailles et du sang se retrouvent isolés des corps auxquels ils appartiennent. C'est un lu- gubre spectacle, où un étranger ne voit que du noir, du rouge et du gris de toutes les nuances ternes. 2° Le second degré est la carbonisation. Elle peut offrir tous les aspects : depuis la chair des animaux irréguliè- rement rôtie sur un gril, jusqu'à un bloc de charbon qui prend feu comme une croûte de pain brûlée, en se réduisant en braise et en cendres si on laisse à la com- bustion le temps de terminer son œuvre de destruction. Dans cet état, ce qui frappe le plus l'observateur, c'est le ratatinement des corps carbonisés, on dirait des petits enfants amaigris. C'est ce qu'on voit notamment dans certains incendies de théâtre ou de chemins de fer, dont les portes sont fermées; et dans ceux qui se déclarent sur un navire, que l'on a dû abandonner sans pouvoir le sauver. Comme on le voit, c'est surtout une question de temps. 3° Enfin un dernier degré de combustion des cadavres, plus rare dans les incendies ordinaires, que l'on observe bien dans les fours crématoires, c'est l'incinération. Alors toute la partie organique des corps est volatilisée, et ré- duite à l'état de gaz qui se sont dispersés dans l'atmos- phère. Il ne reste plus que les os, sous la forme d'un petit tas de fragments fragiles, d'une éclatante blan- cheur. C'est de la chaux vive, d'autant plus cassante qu'elle renferme un peu de silice vitrifiée par la chaleur, dans la proportion de 3 pour lOO à peine. On peut dire que la nature a bâti notre squelette à chaux et à sable, pour le renilre jjIus résistant. Il est rare qu'un incendie se prolonge assez longtemps pour produire cette trans- formation ultime; surtout dans nos pays civilisés où on a hâte de le noyer. Cependant c'est là le seul moyen d'expliquer la disparition des morts dont on ne retrouve pas les cadavres. (Jn peut dire, sans la moindre exagération, que c'est par centaines que l'on compte les incendies dans lesquels il y a un nombre important de victimes, depuis 87 ans. En 1810, le premier de ces accidents s'est développé sur terre, d'une façon à peu près identique à celui de la rue .lean-Goujon, dans la rue de la Chaussée-d'Antin, lors du mariage de Napoléon I'"' avec l'impératrice Marie- Louise, au milieu du bal donné par le prince de Schwar- zenberg, l'ambassadeur d'Autriche à Paris. C'était une vaste salle en planches, fraîchement vernie à l'alcool pour faire sécher les peintures plus vite, surchauff'ée par les chaleurs de juillet, par l'animation de quinze cents personnes et par un luminaire gigantesque descendant du plafnntj, ornée de riches tentures en étoffes légères, éminemment combustibles. Une lumière quelconque met le feu à une draperie ; le plafond s'enflamme d'un LE NATURALISTE 121 ])Oul ù rrtutrt' avec la rapidité d'uno fusée d'artifice; en trois secondes, raconte un des assistants, alors colonel d'état-major général. Instantanément des centaines de peisonnes en toilettes légères se trouvent sous un bra- sier ardent, qui dégage une chaleur intense : on se sent la tète en feu ! Naturellement c'est un sauve-qui-peut général; tout le monde se précipite affolé vers les portes de sortie, toujours mille fois trop étroites pour tant de monde qui s'échappe à la fois. On marche sur les longues traînes des dames, elles ne peuvent plus avan- cer; on les lionscule, elles tombent; ceux qui les suivent sont poussés iiien davantage encore |)ar les retardataires qui sentent déjà les atteintes du feu. Ils tombent à leur tour sur les personnes déjà tom- bées, et qui n'ont pas le temps de se relever, de sorte que les portes sont obstruées. Ceux qui restent à l'intérieur cherchent à s'échapper par toutes les issues possibles. Bientôt le feu gagne jusqu'à leurs vêtements, en tombant du plafond. En général les personnes qui sont asphy- xiées, dans ces circonstances, meurent sans avoir eu le temps de songer à leurs brûlures. La plupart des cada- vres ont encore sur eux une partie de leurs vêtements intacts, si on les arrache à l'incendie avant l'eiVondre- ment final de la toiture en flammes. Ne dirait-un pas le récit copié sur une des relations de l'incendie du mois de mai? Le nombre des personnes est le même, et tous les détJiils du sinistre sont analogues dans les deux cas. Ce qu'il y a de particulièrement effrayant, c'est devoir les collerettes et les ornements légers de la toilette des femmes prendre feu spontanément à distance, avant même d'être léchés directement par les flammes. De là, de si nombreuses brûlures à la joue et aux bras, chez les personnes q>ii ont ]iu s'échapper au dernier moment; sans compter les débris enflammés qui tombent sur la tète, les épaules et les robes des femmes, et qui produi- sent des brûlures sur tout le corps. Chez les hommes, les cheveux, les sourcils, les moustaches et la barbe sont généralement les premières parties du corps qui ont été brûlées ; puis ce sont les mains, qui ont cherché à éteindre les vêtements enflammés. Nous avons la conviction que, si les personnes échap- pées au sinistre ont beaucoup souffert de leurs brûlures, il n'en est pas du tout de même pour celles qui y ont péri. A part un sentiment d'éiiouvante bien compréhensible, elles n'ont guère eu le temps de se préoccuj)er de leurs brûlures, et elles sont tombées asphyxiées ou privées de connaissance, avant d'être dévorées par le feu, lors de l'effondrement final. Dans ces moments suprêmes, on s'appelle, on cherche une porte de salut; mais on ne s'occujie guère de ses brûlures. On se sent la tête en feu, et bientôt étourdie, on respire un air irrespirable qui de- vient bien vite toxique, et on est asphyxié avant d'avoir eu le temps de souffrir. C'est une consolation que nous pouvons donner aux parents des victimes, avec une con- viction sincère. Pendant la désastreuse retraite de llussie, on a vu maintes et maintes fois des incendies analogues, éclatant subitement la nuit dans les maisons de bois des Russes, surchauffées par les feux des bivouacs allumés dans leur intérieur, ou par les cuissons de pain précipitées que l'on faisait constamment dans les mêmes fours. Le feu n'é- tant plus surveillé prenait subitement à la toiture sur- chauffée, et les imprudents dormeurs étaient asphyxiés, avant d'avoir eu le temps de se réveiller, de se lever, de s'habiller, et de sortir. On cite un cas de ce genre où plus d'un millier d'hommes, entassés dans une grange im- mense, avaient allumé de nombreux foyers pour se ré- chauffer la nuit. Ils périrent presque tous, malgré les héroïques efforts de leurs voisins, réveillés en sursaut jjar leurs cris de désespoir. On les voyait essayer de se lever, retombant sur leurs genoux et obligés do s'étendre par terre. On leur jetait des cordes à no'uds, et ils n'a- vaient pas la force de les saisir et de se laisser traîner. Ils se perçaient de leurs sabres et de leurs baïonnettes tombés sur le sol ! Une langue de feu de plusieurs mètres de longueur léchait le haut des portes cochères dans toute leur largeur, en s'allongeant au dehors, et en empêchant d'entrer ceux qui tentaient de les secourir. Il n'y eut de sauvés que ceux qui se trouvaient à l'entrée. D. B. ANIMAUX Mythologiques, légendaires, historiques, illustres, célèbres, curieux par leurs traits d'intelligence, d'adresse, de courage, de bonté, d'attachement, de reconnaissance, etc. Kléptiant. — Qui ne connaît les preuves d'intelli- gence, d'adresse, d'affection, que donne l'éléphant':' Tous les auteurs anciens en rapportent des preuves variées : Justin, Columelle, Polybe, Valère Maxime, Diodore, Sénéque, Suétone, Vopiseus, Dion Cassius, Bupesquius. Elien, Pline, etc., sont unanimes sur les nombreuses qua- lités de ces pachydermes et ne tarissent pas d'éloges, — ni de fables, surtout Pline, — à leur égard. Pline déclare que quelques-uns surent écrire en grec et que l'un d'eux traçait couramment cette phrase : Cest moi qui ai écrit ces mots. D'après Elien, un autre écrivait des sentences entières; un jour même, dit-il, un éléphant parla (on voit, dans Julius Obsequens, qu'un certain nombre de bœufs parlèrent dans la campagne romaine et ailleurs). Saint Clément d'Alexandrie, comme d'ailleurs l'avait déjà dit avant lui Dion Cassius, atfirme que les éléphants sont très pieux, et qu'ils ne manquent jamais, le matin, de s'agenouiller et d'adresser leurs hommages au soleil. Quant à notre Bufïon, il était bien moins renseigné sur les uKeurs de l'éléphant que le vieil Aristote lui-même. Ainsi, d'après lui, cet animal, d'une pudeur facilement effarouchée, se cache pour caresser sa femelle. Il faut avouer que ses manières, depuis Buffon, sont devenues singulièrement libres, car tous les voyageurs — et moi- même — qui ont pu assister à ses intimes ébats, dé- clarent qu'il n'a aucun souci de ses voisins, et qu'il sa- tisfait coram populo, comme le chien et tous les autres animaux, au vœu de la nature. Notre triple gascon de Méry a repris pour son propre compte cette assiduité, et, dans sa Guerre du Nizam, où il nous décrit les Indes avec une verve et un luxe de dé- tails d'autant plus extraordinaires qu'il ne savait même pas dans quelle partie du monde se trouvent ces lointains pays, il nous apitoie sur les infortunes d'un couple d'élé- phants cherchatit, mais en vain, . .... un endroit écarté Où de s'airaer en paix on ait la liberté. Une troupe de singes • — race malfaisante, tracassière 122 LE- NATURALISTE et effrontée — poursuit sans relàcho le couple iiuiliboud de ses cris sarcasliques, et trouble continuellement sa « solitude à deux ». Buffon dit aussi que l'éléphant tette avec sa trompe, et qu'il porte ensuite dans sa bouche le lait qu'il a ainsi pompé: autre erreur grossière, car l'éléphanteau tette avec la bouche, en renversant . sa trompe en arrière ou de côté. Du reste, s'il faut en croire Cuvier, il arriva souvent au naturaliste à manchettes de décrire les mœurs d'un animal étranger sur le vu, seulement, d'une vieille fourrure mangée aux mites. Mais je ne parlerai ici de l'éléphant c|u'au point de vue de la guerre — et de la guerre que l'homme fait à l'homme, aujourd'hui en utilisant le secours du cheval, jadis en se servant de l'éléphant; c'est une partie de l'histoire de cet animal qui a été peu étudiée, si ce n'est par le général Armandi, (jui a publié, en 1843, une His- toire miliiaire des Éléphants (Paris, in-8°). Il est curieux de voir avec quelle souplesse cet animal se prêtait aux caprices de ses féroces instructeurs, appre- nait la guerre, et, distinguant les amis des ennemis, ac- cablait ces derniers de la masse formidable de son corps lancé au trot ou des coups terribles de sa tromjie et de ses défenses. C'est ainsi que les anciens civilisèrent l'éléphant, qu'ils faisaient également paraître dans les jeux et les mas- sacres du cirque; qu'ils faisaient, comme nous encore, danser et marcher sur la corde, manger assis à une table bien servie, etc., etc. Aujourd'hui même, dans l'armée anglaise des Indes, il sert au transport de l'artil- lerie et ci une foule d'autres travaux destructeurs ou pacifiques. Chez les Indiens, avant l'arrivée d'Alexandre, ainsi qu'on le voit dans YAmard-Coclia, la section élémentaire de leurs anciennes armées se composait de 1 éléphant, i char de guerre, 3 cavaliers, et •5 fantassins. Chaque éléphant était généralement monté par quatre hommes, et chaque char en portait deux. La section élé- mentaire dont il s'agit, ou escouade, se composait donc de quatorze hommes, cinq chevaux et un éléphant. Un nombre déterminé de ces escouades formait une division, et un certain nombre de ces divisions composait une armée. On lit dans le Mahabharat qu'une grande armée devait comprendre I09,3B0 fantassins, 6b,610 cavaliers, 21,870 chars et de 21,870 éléphants. La première mention qui soit faite des éléphants de guerre se trouve dans Diodore de Sicile (liv. II, ch. xvi), et se rapporte à la reine d'Assyrie Sémiramis. Mais la première fois qu'une armée européenne eût à combattre contre les éléphants, ce fut l'an 331 avant Jésus-Christ, à la bataille d'Arbelles, où Darius avait rangé quinze de ces animaux devant le centre de ses troupes : après la bataille, ils tombèrent tous au pouvoir d'Alexandre. Un souverain indien, Taxile, lui en amena une quarantaine d'autres en faisant sa soumission, et Alexandre lui en confia le commandement ;'ces animaux lui furent très utiles pour le transp-qrt des bagages de l'armée. , A la bataille de l'IIydaspe (327" av. J.-C), Porus opposa à Alexandre 30,000 fantassins, 4,000 cavaliers, ' 300 chars de guerre et 200 éléphants. 80 de ces animaux furent pris par les Macédeniens; le roi Porus fut pris, remis en liberté et fort honoré par Alexandre, et l'élé- phant que montait le roi indien pendant la bataille, ma- gnifiquement orné et nommé ^;aa; par le conquérant, fut consacré par lui au Soleil : Alexandre avait fait graver cette inscription sur des bracelets d'or qui entourait ses défenses : Alexandre, fils de Jupiter, offre cet élcphant au Soleil. Après la mort d'Alexandre, ses principaux généraux se partagèrent ses conquêtes et ne tardèrent pas à deve- nir ennemis après avoir été compagnons d'armes. L'an 301 avant Jésus-Christ, Anligone, le plus vieux et le plus rusé d'eux tous qui régnait sur l'Asie-Mineure, la Syrie, une partie de la Grèce et sur les îles, se vit attaqué par Seleucus , Ptolémée , Lysimaque et Cassandre. Les forces réunies de ces quatre rois se montaient à 64,000 fantassins, 10,500 cavaliers, 120 chars de guerre et 400 éléphants; Autigone n'avait ([ue 75 éléphants seu- lement, 60,000 fantassins et 6,000 cavaliers. Il y aurait donc eu en ligne, dans la bataille qui eut lieu à Ipsus, 475 éléphants. L'an 275 avant notre ère, Antiochus Soter défit les Galates sur les confins de la Cappadoce. Les Galates, outre une formidable infanterie, avaient 20,000 cavaliers et 200 chars armés de faux ; Antiochus avait une armée bien inférieure en nombre, mais il possédait 16 éléphants de guerre, au moment d'en venir aux mains et à l'ins- tant même où la cavalerie galate se disposait à charger, Antiochus lança sur elle ses seize éléphants, et en moins d'une heure, l'ennemi était en complète déroute. L'an 217 avant Jésus-Christ, Antiochus III (le Grand) livra au roi d'Egypte Ptolémée Philopator une grande bataille sous les murs de Raphia, ville de la Palestine ^aujourd'hui Réfah). Ptolémée avait 70,000 fantassins, 5,000 cavaliers et 73 éléphants ; Antiochus avait 71,000 fantassins, 6,000 chevaux et 102 éléphants. Ce fut ' la première fois, du moins d'après les documents histo- riques que nous possédons, qu'on vit les éléphants se combattre avant même, pour ainsi dire, que les hommes n'en vinssent aux mains. Les éléphants du roi d'Egypte, Ptolémée, étaient d'Afrique, race inférieure à celle des Indes, que possédait le roi de Syrie, Antiochus. Ptolémée, d'après Polybe {Hist. XI, 34), en avait placé 33 devant son aile droite et 40 devant sa gauche ; Antio- chus, 42 sur la gaucho et 40 devant la droite. Ou vit alors les éléphants s'avancer d'un air menaçant, s'attaquer de front, entrelacer leurs trompes, et employer chacun toute sa force et toute son adresse pour rester maître du terrain et faire rouler son adversaire. Ils luttaient avec leurs défenses comme les taureaux avec leurs cornes, et . aussitôt que l'un était forcé de prêter le flanc, l'autre le transperçait et retendait mort à ses pieds. En même temps, les soldats jilacés sur les tours que portaient ces animaux, combattaient à coups de lance et de flèches. Cette bataille fut néanmoins perdue pour Antiochus parce que, trop sur de la victoire, il se mit à la poursuite de l'aile gauche de l'ennemi, que sa droite venait d'enfoncer, grâce à ses éléphants ; pendant ce temjjs l'aile droite et le centre de l'ennemi mettaient en déroute son centre et son aile gauche. L'an 316 avant Jésus-Christ, à la bataille de la Gabiène, qui eut lieu entre le vieil Autigone, dont j'ai déjà parlé plus haut, et Eumène, autre général d'Alexandre, les LE NATURALISTE 123 deux adversaires avaient, le premier, 65 éléphants et le second 12i). La bataille, qui dura toute la journée, resta indécise, et, le lendemain, Antigone et Eumène battirent en retraite chacun de son coté. Quelque temps plus tard eut lieu, entre Antigone et Eumène, une autre bataille à Gadamarta. Eumène avait 114 éléphants, et Antigone Ci5 seulement; en outre, il avait une infanterie bien inférieure eu nombre. Eumène, trahi par un général auxiliaire persan, fut défait et livré à Antigone par ses propres soldats, irrités du pillage de leur camp par l'ennemi. Antipater, régent de la Macédoine, environ quatre ans après la mort d'Alexandre, avait déjà amené en Grèce un convoi de 70 éléphants de guerre, auquel succédèrent plusieurs autres troupes de ces animaux. Polysperchon, qui succédai Antipater, entra dans l'Attique avec une armée de 2:>,000 hommes et 65 éléphants; il alla mettre le siège devant le Pirée, qu'il ne put emporter, et il se rendit ensuite dans le Péloponèse où il soumit plusieurs villes rebelles à son autorité; il commença le siège de Mégalopolis, mais il dut prompteraent l'abandonner, ses éléphants ayant été cruellement blessés aux pieds par des poutres garnies d'énormes pointes de fer que les assiégés avaient 'dissimulées autour de l'enceinte de leur ville: les animaux, rendus furieux par leurs blessures, se .ruèrent sur leur propre armée et en détruisirent une partie. Avec Pyrrhus, roi d'Epire, les éléphants font leur apparition en Italie, à la bataille d'Iiéraclée, où, au nombre de 200, ils mirent en déroute l'armée du consul Valerius Lan'inus (280 av. J.-C). Un an après, à la bataille d'Asculum, les éléphants aidèrent encore puissamment Pyrrhus; mais la victoire demeura indécise (279 av. J.-C). A la bataille de Dénévent (275 av. J.-C), Pyrrhus dut sa défaite à ses propres éléphants. Effrayés par les flammes des torches que les Romains jetaient sur eux, ils se retournèrent sur les Epirotes et y semèrent le désordre et l'elVroi. Cette défaite lui coûta 20.000 hommes et un grand nombre d'éléphants. Les Romains lui en prirent 8, dont quatre moururent de leurs blessures, et les quatre autres furent promenés dans toute la ville de l'Italie pour familiariser le peuple avec la vue de ces animaux inconnus. Carlhage employa aussi les éléphants en nombre con- sidérable dans les guerres qu'elle soutenait contre les peuples qui l'entouraient; elle en avait des dépôts consi- dérables, qui allaient jusqu'au nombre de 300. L'an 256 avant Jésus-Christ, alors que Régulus était presi|ue maître de Carthage, la faible armée de cette république offrit la bataille aux Romains près de Tunis. Elle était commandée par le Lacédémonien Xanthippe, et comptait 13.000 fantassins,4.o00 cavaliers, et environ 100 éléphants. Les Romains avaient 13.000 hommes et 500 chevaux; après leur déroute, due eu partie aux éléphants et à la cavalerie carthaginoise, il ne restait plus de cette armée que 2.000 liommes^à peine : les Carthaginois n'eurent que 800 hommes tués. Régulus fut fait prisonnier avec 500 des siens. {A suivre.) E. N. S.WTIXI DE RiOLS. ACADEMIE DES SCIENCES Dans uno note présentée le 13 avril 189G dans les comptes rendus de r.Vcadémie, M. R. Quinton soutenait cette théorie qu'en face du rclVoidissement du globe, les êtres organisés tendent à maintenir artificiellement ilans leurs tissus la haute température estérieure primitive. Dans une autre note du 14 décembre 1S9G, il nous montrait comment, suivant sa théorie, l'évolution de l'appareil reproducteur et corrélative- ment de l'appareil os.seux serait fonction du refroidissement du globe. Dans une note nouvelle, M. Quinton soutient « qu'elle entraine également la modification de tous les autres appareils organiques et, par conséquent, l'évolution elle- même. Il Ainsi, pour le système respiratoire, l'animal prc.iente avec la récence une perfection croissante; or la combustion est en raison directe de la surface respiratoire. Simple sac chez le reptile, le poumon est encore caverneux dans l'Aï, plus ou moins lacuncux dans la Sarigue, il devient de plus en plus homogène à mesure que l'on étudie des mammifères plus élevés en organisation. De même, la surface respiratoire étant fonction de la ri- chesse vésiculalre, on devait théoriquement voir s'élever cette richesse du mammifère ancien au mammifère récent; or, de 73 chez l'Ai, de 9S chez la Sarigue par unité de surface, elle s'é- lève à 300 chez le Rat (températures spécifiques : Ai SI», Sa- rigue 33°, Rat 38"). D'autre part, comme l'exige la théorie, la supériorité respi- ratoire de l'oiseau sur lo mammifère est un fait classique trop reconnu et trop décrit pour qu'il soit besoin de s'y étendre. On voit ainsi que le système respiratoire animal présente avec la récence une perfection croissante. L'origine et la signilication morphologique de l'appareil sternal des Vertébrés est une question encore non résolue. Pour les uns (Parker, Gùtte, Kiilliker, Holi'man, Ruge, Gegen- baur), le sternum provient directement des côtes vertébrales; pour les autres (Bruch, etc.), le sternum a été d'abord une formation autonome, qui s'est réunie plus tard aux cotes. M. Armand Sabatier, en étudiant les pièces sternales des reptiles et jiarticuiièremont celle des Crocodiliens et du Hat- teria, a trouvé les éléments d'une solution satisfaisante de la question de l'origine et de la signification morphologique des parties du sternum. Il résulte de cette étude que l'appareil sternal est une trans- formation de la série des interépincux ventraux qui corres- pondent soit à toute la longueur de la cavité viscérale, soit seulement à sa portion antérieure et thoracique. Il n'est doue pas une dépendance directe des côtes vertébrales, sa forma- tion est liée à la disposition métamérique du Vertébré et non à une continuation directe des côtes. De l'élude do la morphologie de l'appareil digestif des Or- thoptères, M. L. Bordas pense pouvoir diviser les Orthoptères en deux sous-ordres caractérisées principalement par la pré- sence ou l'absence de diverticules intestinaux. Cette classifica- tion, basée uniquement sur des caractères de morpholo"ie interne, a, en outre, l'avantage de grouper les Orthoptères dans un ordre à peu près parallèle à celui de l'apparition de ces insectes dans les temps géologiques. M. Pomei, continuant la publication de ses monographies sur les mammifères fossiles de quaternaires de l'Algérie, dé- crit l'Ursus libyans, l'Hyiena spelioa et l'Hyœna vulgaris, le Felis spelsea et. le F. antiqua, un Hcrpestes, un Zorille, enfin le Canis cureus (Chacal) et diverses races do chiens dômes tiques (Canis familiaris) qui forment tout le bilan de la faune des carnassiers fossiles quaternaires de l'Algérie. Eu botanique, JM. Van Thieghem, continuant la revue des divers groupes nouveaux qu'il a créés dans sa classification nouvelle, indique, dans les innucellées ou santalinées, neuf familles comprenant actuellement 50 genres dont ."i nouveaux. Los Inséminées n'en comprennent qu'une seule, celle des Anthobùlinées qui ne compreiid elle-même que 4 genres. Les Inséminées unitegminées comprennent actuellement 52 genres, dont plusieurs sont nouveaux, répartis en 10 fa- milles. Enfin les Inséminées bitegminées comprennent pour le mo- ment 7 familles et plus de 31.^ genres. I En géologie, nous signalerons seulement une note de I M. Maurice Lugeon sar la loi de formation des vallées trans- versales des Alpes occidentales, qu'il résume ainsi : les val- 124 LE NATURALISTE lées transversales des Alpes occidpntales occupent l'emplace- ment d'un synclinal transversal au plissement normal des régions considérées. Enfin une intéressante communication de M. Rivière nous fait connaître les gravures préhistoriques sur roche qu'il a pu photographier en partie et qu'il présente à l'Académie. Ces gravures représentent des Bovidés ; un Bison, une sorte de Daim, une hutte ; d'autres seront photographiées dans une prochaine campagne. Ces gravures sur roche proviennent de la grotte de la Mouthe (Dordogne), et elles ont été découvertes grâce à l'aide généreuse de M. Bischoiïsheim, toujours si dé- Toué aux intérêts de la science. A. Eug. Malard. DESCRIPTION DE CDLEDPTÈRES NDUVEAUX Les deux espèces décrites ici, par la présence de leur carène longitudinale latérale prothoracique, me paraissent devoir ren- trer plus justement dans le groupement des Zygia Fabr. plu- tôt que dans celui des Melyris Fabr. Ces deux nouvelles espèces, très voisines de forme, se distinguent de la plup.art des espèces exotiques décrites comme Melyris par différents auteurs soit par leur forme allongée, subparalléle, soit par la coloration entièrement foncée des pattes; elles sont toutes deux décrites de ma collection. Zyyia viridipennis n. sp. Modérément allongé, subparalléle, hérissé de poils dressés obscurs, entièrement d'un beau vert brillant, moins les derniers arceaux de l'abdomen (excepté pygidium généralement foncé) plus ou moins rougeàtres ainsi que les deuxième et troisième articles des antennes; le premier article des antennes est ordinairement brunâtre. Antennes courtes et fortes. Tète assez petite, dépourvue de museau ros- trifère, densémentet finement ruguleuse. Prothorax court, assez transversal, large en arrière, un peu diminué en avant, légè- rement sillonné en arrière sur son milieu ; carènes longitudi- nales fortes, sinueuses et dirigées un peu obliquement en avant. Elytres allongés, subparallèles, à peine plus larges que le pro- thorax aux épaules avec trois côtes saillantes, les intervalles n'étant pas nettement ponctués mais présentant des rides trans- versales élevées lisses. Dessous du corps verdâtre. Pattes d'un noir métallique. Abdomen verdâtre et plus ou moins rougeàtre à l'extrémité avec le pygidium, ordinairement foncé, muni de longs poils à son extrémité. 2 4 Long. 6 -7- à - 1 mill. Afrique centrale. D'après les descriptions, cette espèce ne peut se rapprocher que du Melyris niyripes Harold, mais cette espèce est décrite comme étant bleu vert et possédant les trois derniers arceaux de l'abdomen rouges, Z. viridipennis est donc au moins une variété de cette espèce. Zyr/ia elonyala n. sp. Bien allongé, subparallèle, hérissé de longs poils obscurs, d'un bleu violacé ou bleu verdâtre peu brillant avec les premiers articles des antennes et quelquefois l'extrémité de l'abdomen avec le pygidium rougeàtres. Antennes assez longuement dentées. Tête petite, dépourvue de museau rostrifére, assez fortement ruguleuse. Prothorax court et trans- versal, large en arrière, un peu diminué en avant, nettement sillonné sur son milieu; carènes longitudinales fortes, presque droites, un peu obliquement dirigées en avant. Elytres bien allongés, subparallèles, à peine plus larges que le pro- thorax aux épaules avec trois côtes saillantes, les intervalles étant peu nettement ponctués et ornés de rides transversales élevées lisses. Dessous du corps, moins quelquefois l'extré- mité de l'abdomen et le pygidium rougeàtres, entièrement foncé, généralement noirâtre. Pattes quelquefois vaguement rous- sâtres. 1 Long. 6 à 7 -^ mill. Benué sur les rives du Niger. Se dislingue des espèces à coloration générale foncée comme Melyris lineala F. sulcicollis F., etc., par la forme relative- ment étroite et allongée, de Sieboldi Gredl. (ex description) par la tête entièrement foncée, etc. Maurice Pic OFFRES ET DEMANDES M. II. Schimanko à Spitz a/A Donau, Basse-Autriche^ désire entrer en relations d'échange avec des lépidopté- ristes de la France méridionale, offert surtout des Noc- tuides et Géométrides de (|ualité supérieure. — M. S. H. à Marseille. — Les Fils D'Emile Deyrolle, naturalistes, 46, rue du Bac. 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L'abdomen est nettement annelé et se termine par une ;t ■'" Fig. I. — Partie terminale de l'abdomen de l'Ecrovisse : /, telson, ex et en, exopodite et endopoditc, formant avec le telson, la queue. pièce impaire [telson), formant, avec deux paires d'appen- dices latéraux voisins, une forte nageoire caudale. Orifices. — Tous à la face ventrale: — i° la bouche, fente longitudinale entourée de pièces masticatrices ; — 2° orifices de glandes vertes à la base des antennes ; — 3" orifices génitaux mâles à la base de la 5' paire d'ap- pendices thoraci(iues ; orifices génitaux femelles à la base de la 3= paire d'appendices thoraciques. 4° Anus. — Fente longitudinale au milieu du telson. Appendices. — Un anneau étant toujours caractérisé par la présence d'une paire d'appendices, le nombre de Fig. 2. — Pédoncule oculaire avec l'œil à son extrémité. Fig. 3. — 2» Mâchoire de l'Ecrevisse: 6a,ba3ipodite,en, en- dopodite. Fig. 4. — Pièce terminant la patte ravisseur de l'Ecrevisse. paires d'appendices déterminera le nombre de segments du corps. Nous avons donc : Le Naturaliste, 46, rue du Bac, Paris. Une paire de pédoncules oculaires, Une — d'antennules. Une — d'antennes. Une — de mandilmles. Deux — • de mâchoires. Trois — do pieds mâchoires ou maxillipèdes. Une — de pattes ravisseuses ou pinces. Quatre — de pattes ambulatoires, Cinq — d'appendices abdominaux, Une — portant les nageoires caudales, Telson '! — • sans appendices. Il y a donc 9 paires d'appendices céphaliques, 5 paires d'appendices thoraciques, 6 paires d'appendices abdomi- naux, soit en tout 20 paires d'appendices correspondant à 20 segments du corps ou 21 si l'on compte le telson pour un segment véritable. Chacun de ces appendices est composé suivant le plan général de ces formations chez les Arthropodes avec des modifications plus ou moins grandes. Le troisième maxillipède représente un appendice typique avec endo-, exo- et épipodite bien caractérisés. Dans les pinces, c'est la propodite qui poussant un pro- longement opposable au dactylopodite forme la pince ravisseuse. Chambre branchiale. — Passer la pointe fine d'un ciseau fort sous la partie latérale du céphalo-thorax et mettre ainsi à nu les branchies qui se divisent en : po- dobranchies — insérées sur la base des membres ; ar- throbranchies (externe ou interne) insérées sur la mem- brane articulaire ; pleurobranchies fixées sur le flanc du thorax (une seule paire sur 4" paire d'appendices]. La lame attachée au premier maxillipède et le fouet ou scaphognatite attaché à la dernière paire de mâchoires ne sont que des branchies modifiées. Tube digestif [préparation]. — Fixer l'animal sur la face ventrale au moyen d'épingles placées sur les pinces ravisseuses et sur l'endo et l'exopodite du 6» anneau abdominal formant avec le telson la nageoire caudale. Commencer la dissection par la partie postérieure. Avec Fig. 5. — Estomac de l'Ecrevisse ouvert ventralement et mon- tant la pièce impaire chitineuse dorsale et les deux pièces masticatrices latérales. Fig. b. — Coupe montrant la forme de la communication entre les deux chambres, cardiaque et pyloriquo, de l'es- tomac. des ciseaux forts inciser les anneaux abdominaux de la carapace de chaque coté, en faire autant de la carapace céphalothoracique jusqu'au niveau des yeux. Enlever la partie dorsale ainsi incisée avec précaution, et le tube digestif est mis en grande partie à nu. Pour voir l'œso- phage, échancrer avec les ciseaux la carapace céphalique assez fortement au niveau de l'estomac. On voit alors : l'œsophage court et rectiligne débouchant à angle droit 126 LE NATURALISTE dans l'estomac, masse ovalaire sur laquelle on aper- çoit quelques formations chitineuses. La partie pos- térieure se rétrécit, puis s'élargit un peu avant d'arriver à l'intestin qui devient tout droit et se rétrécit un peu au rectum. Sur les côtés de l'estomac on trouve une masse glandulaire de couleur jaune sale, c'est le foie formé de trois lobes, antérieur, moyen et postérieur. Il déverse ses produits dans la portion postérieure (pylorique) de l'estomac par une seule jiaire de conduits excréteurs. Armature stomacale. — L'estomac présente dans son in- térieur une série de pièces chitineuses destinées à broyer les aliments. Les principales sont deux dents latérales et une forte dent médiane et dorsale contre laquelle les deux premières viennent moudre. Pour bien les voir, il faut enlever l'estomac en coupant l'œsophage et l'intestin à son origine. On fixe l'estomac ainsi détaché sur le liège de la cu- vette et, en l'ouvrant par une incision circulaire, on a alors sous les yeux l'aspect dessiné ci-contre. Les deux por- tions, cardiaque et pylorique de l'estomac sont parfaite- ment nettes et l'on peut voir dans cette dernière les ouvertures des canaux hépatiques. Une petite valvule pylorique sépare le pylore de l'in- testin. Fitr. 7. — Appareil circulatoire artériel de l'Ecrevisse tu de profil : c, le cœur d'où partent : op, l'artère ophtalmique; a.l'artère antennaire; h, l'artère hépatique; ai. cl, l'artère abdominale dorsale; a. «.l'artère sternale qui va se jeter dans ab. v, l'artère abdominale ventrale. La chaîne nerveuse est représentée avec ses rapports s. œ, ganglion sous-œso- phagien. Fjg. 8. — Cœur dépouillé de son péricarde et montrant ses valvules, v, et les artères qui en partent. Les gastrolithes ou pierres de l'estomac n'existent pas toujours dans cet organe. Appareil circulatoire. — L'organe central, le cœur est exactement situé sous la carapace céphalo-thoracique, dans le petit quadrilatère formé par des sillons posté- rieurs de cette carapace. Pour le mettre à nu, il faut inci- ser à droite et à gauche de ce quadrilatère et enlever la carapace sur une longueur de un centimètre environ. On crève le plus souvent le péricarde. L'injection pratiquée à froid ou mieux encore à chaud montre, si elle est réussie parfaitement, le système artériel dans son ensemble. Du cœur partent en avant: l" Une artère ophtalmique médiane et impaire, très fine qui se divise au niveau des pédoncules oculaires ; 2' Une paire d'artères antennaires plus en dehors; 3' Une paire d'artères hépatiques un peu plus en de- hors et plus profondément. En arrière : 1° Une artère abdominale dorsale qui envoie des rameaux dans chaque anneau de l'abdomen ; 2° Une artère sternale qui plonge dans les tissus en pas- sant soit à gauche soit à droite de l'intestin pour aller rejoindre l'artère ventrale entre les 3'^ et i' ganglions thoraciques. Fig. 9. — ' Coupe de la partie antérieure de l'Ecrevisse : g.v, glande verte ou rein;o. », orifice externe de cette glande; es, estomac. Le sang est envoyé du cœur dans les membres, d'où il retombe dans les lacunes sanguines allant se jeter dans le sinus abdominal. De là il est apporté aux bran- chies, d'où il revient au péricarde par les canaux branchio- cardiaques. Du péricarde il passe dans le cœur par le jeu de valvules qui permettent au sang de passer du péricarde dans le cœur, mais non de refluer clu cœur dans le péricarde. Appareil respiratoire. — Il est constitué par les bran- chies dont nous avons déjà parlé. Appareil excréteur. — Il est formé par deux glandes situées au-dessous de la portion latérale de l'estomac et que leur couleur a fait appeler les glandes vertes. Elles débouchent à la base des antennes. S^ystème nerveux. — La dissection du système nerveux doit être commencée par la portion abdominale. Après s'être débarrassé de la carapace et avoir vu le tube diges- tif, on l'enlève ainsi que la couche musculaire qui se trouve au-dessous. En fendant cette masse sur la ligne médiane, on met à découvert le système nerveux appli- qué tout au fond, au-dessus de la paroi ventrale. On suit la chaîne en enlevant les muscles au fur et à mesure. Quand on arrive à la portion thoracique, la difficulté augmente, car la chaîne nerveuse se trouve cachée sous les apodèmes des anneaux thoraciques. Il faut les inciser à droite et à gauche de la ligne mé- diane, enlever les débris, et l'on arrive ainsi aux gan- glions sous-œsophagiens. On voit les connectifs œso- phagiens se rendant au cerveau situé tout à fait en avant, exactement entre les deux pédoncules oculaires. En résumé, le système nerveux se compose : 1" D'une paire de g. cérébroïdes ou sus-œsophagiens ou cerveau, distribuant les nerfs aux organes des sens et représentant 3 paires ganglionnaires. 2° D'une paire de^ g. sous-œsophagiens donnant des LE NATURALISTE 127 nerfs aux pièces de la bouche et représeutant 6 paires ganglionnaires soudées ^___^ (7 Fig. 10. — Système nerveux de l'Ecrevisse : g. c, cerveau formé de deux ganglions ; ,9. cv, ganglions connectivaux; œs, ganglion sous-œsophagien ; a. s, artère sternale ; g. a, ganglion anal. 3» 4 paires de g. thoraciques dont le dernier est double et qui donnent des nerfs aux pattes. Enfin, 4° 6 paires de g. abdominaux, la dernière étant double. En tout 21 paires ganglionnaires qui indiqueraient que le nombre des anneaux du corps est de 21. Sur les connectifs œsophagiens on trouve deux g. connectivaux, origines d'une partie du stomato-gastrique et plus bas tine commissure connectivale. L'artère sternale passe entre les 3° et 4"= gangl. tho- raciques. Organes des sens. — Ce sont : 1° une paire d'yeux com- posés à facettes ; 2° une paire de sacs auditifs à la base des antennules. Oi-ganes génitaux. — Les sexes sont séparés. Mâles. — Une paire de testicules de couleur blan- châtre, un peu au-dessous et en arrière du cœur. Les canaux déférents d'abord très entortillés vont s'ouvrir à la base de la 0° paire de membres thoraciques. Les deux premières paires d'appendices abdominaux sont transformées en un appareil excitateur assez com- pliqué. Femelles. — Une paire d'ovaires avec un lobe médian impair, très visibles quand ils sont gonflés d'œufs bruns. Les oviductes qui en partent latéralement vont déboucher a la base de la 3" paire d'appendices thora- ciques. Pas d'appareil excitateur comme chez le mâle. La dissection des organes génitaux est très simjile et doit se faire en même temps que celle du tube digestif ou du système nerveux. Les canaux déférents des testicules sont remarquables par leur belle couleur blanche. 2"= type, le Crabe {Carcinus Mœnas), L'Anatomie du Crabe est tellement semblable à celle de l'Ecrevisse que nous ne ferons qu'en indiquer ici les différences essentielles. Au point de vue de l'extérieur, le Crabe est caractérisé par une réduction considérable de l'abdomen qui se re- wiM: Fig. H. — Appareil digestif de l'Ecrevisse : es, estomac avec ses deux portions cardiaque et pylorique; /", foie; i, intestin; )', rectum. On voit par transparence les glandes vertes. Fig. 12. — Appareil digestif du Crabe (mêmes lettres) : a. p, appendices ou ciscums. ])lie sous le céphalotorax de façon à disparaître complè- tement à l'état normal. Il importe donc, pour la dissection, d'étaler l'abdomen et de le fixer avec une épingle. Le céphalotorax est beaucoup plus ramassé et plus large, les antennes sont courtes. L'apparei/ circulatoire est disposé exactement comme chez l'Ecrevisse, l'artère sternale passe au centre de la masse nerveuse abdominale unique. Les branchies ne sont pas filamenteuses, mais formées de lamelles juxtaposées, et leur forme rappelle assez colle d'une pyramide triangulaire à pointe libre. Dans le tube digestif on trouve en arrière de l'estomac et situés symétriquement deux ciecums pyloriques très enroulés. Dans le milieu de l'intestin, un léger renfle- ment où vient s'ouvrir un troisième cœcum (cujcum rec- tal). Le foie est très volumineux et de couleur jaune clair. Le système nerveux est très condensé dans sa partie thoraco-abdominale et se réduit à un fort ganglion percé en son centre d'un orifice par où passe l'artère sternale. Enfin les organes génitaux sont très semblables à ceux de l'Ecrevisse. (3n les voit dès que l'on a enlevé le cé- phalotorax, et ils cachent le cœur et une grande partie du foie. 128 LE NATURALISTE ^ Les orifices mâles sont à la même place que chez l'Ecrevisse, c'est-à-dire à la base de la S» paire de pattes ambulatoires, tandis que les femelles sont situés en face de la troisième paire de pattes, non pas sur la patte, mais plus ventralement, sous la carapace vers la ligne médiane. Pour la dissection, elle se fait absolument comme pour l'Ecrevisse. A. Gruvel. SUR LA MINÉRALOGIE DES CADAVRES Une circonstance fortuite m'a permis d'étudier, dans des conditions particulièrement précises, la formation de produits cristallisés aux dépens d'un cadavre conservé dans un cercueil de plomb. Des travaux de voirie effec- tués à Paris, dans la rue de Béarn, sur l'emplacement de l'église de l'ancien couvent des Minimes, ont mis en effet à découvert deux cercueils en plomb datant de 1630, que j'ai pu examiner grâce à l'obligeance de M. le D' Robi- net. Le squelette renfermé dans l'un de ces cercueils était intact, les cheveux abondants n'avaient point été altérés. L'intérieur du crâne ne renfermait que quelques sphé- rolites cristallins. Le second cercueil contenait, au con- traire, un squelette très altéré : plusieurs os longs, un des os iliaques étaient couverts de paillettes blanches trans- parentes. La cavité du crâne était transformée en une magnifique géode (brisée), tapissée d'aiguilles ou de lames blanches atteignant 8 millimètres de plus grande dimension. Leur disposition dans le crâne est régulière ; le plan interne de celui-ci est fissuré, soulevé et c'est sur ces débris que sont implantés les cristaux. Le diploé est très altéré, ses larges cellules ayant permis le développe- ment facile du minéral qui l'imprègne, enfin le plan ex- terne est, par places, lui-même recouvert de cristaux. La sul)stance de ceux-ci est un hydrate de phosphate bicalcique : la métabrushite. Ce minéral est le même que celui qui a été trouvé une seule fois à la surface d'os d'une des tombes du gisement préhistorique de Solutré (Saône-et-Loire). Il est probablement identique à celui que Fourcroy et Vauquelin rencontrèrent en 1807 sur un squelette ren- fermé dans une tombe on pierre datant du xi« siècle, découverte à Paris dans la vieille église Sainte-Gene- viève. On peut se demander quelles sont les réactions qui ont donné naissance à ce minéral connu dans le guano des Antilles et dans quelques grottes (en particulier dans celle de Minerne (Hérault). M. A. Gauthier a expliqué de la façon suivante la formation de la métabrushite de ce dernier gisement: sous l'influence de ferments oxydants, les organes mous des animaux enfouis dans la caverne auraient donné naissance, entre autres produits, à du phosphate biammoniacal qui, entraîné par les eaux au contact du calcaire constituant le substratum de la caverne, aurait, par substitution, formé du phosphate bi- calcique. Il est probable ijue des réactions de ce genre sont inter- venues pour donner naissance aux cristaux que j'étudie; mais ici le cadavre, conservé en vase clos, a donné lui- même tous les éléments nécessaires à la formation, du minéral. Ce sont ses os qui ont fourni la chaux (et sans doute aussi une partie de l'acide phosphorique). La con- centration des cristaux dans la boite crânienne du sque- lette de la rue de Béarn montre aussi que, dans ce cas, la matière cérébrale a joué un rôle particulièrement actif dans leur production. L'étanchéité du cercueil de plomb rendant possible le contact longuement prolongé, et sans doute sous pres- sion du squelette et des produits de la décomposition ca- davérique, a permis ainsi entre eux de mutuelles réac- tions chimiques. Il est probable que ce phénomène d'autominéralisa- tion n'est pas rare; il m'a' paru utile d'appeler l'atten- tion, cette note constituant une première contribution à la minéralogie des cadavres. A. Lacroix. (Bulletin du Muséum de Paris.) ANIMAUX Mythologiques, légendaires, historiques, illustres, célèbres, curieux par leurs traits d'intelligence, d'adresse, de courage, de bonté, d'attachement, de reconnaissance, etc. Tout le monde connaît les fables stupides des innom- brables supplices infligés par les Carthaginois à Ré- gulus : pour pouvoir les supporter tous, il lui eût fallu vivre de bien longues années; mais, par contre, les plus sérieux d'entre les auteurs grecs ou latins qui ont parlé de Régulus, et qui ont donné sur lui les détails les plus nombreux et les plus circonstanciés, ne soufflent pas mot de ces atrocités, écloses dans le cerveau maladif de quelque ancien compilateur qui écrivait l'histoire comme on invente un roman. A la bataille de Palerme (251 av. J.-C), les Cartha- ginois, commandés par Asdrubal, avaient 30.000 soldats et 130 éléphants. Métellus les attira jusque sous les murs de la ville, manœuvra de manière à arrêter leurs éléphants entre les fortifications et l'infanterie cartha- ginoise; puis, rendus furieux par les blessures qu'ils rece- vaient du haut des murailles, les animaux su retour- nèrent contre l'armée carthaginoise et y portèrent le désordre et la mort; l'armée romaine fit le reste. Carthage perdit dans cette bataille 20.000 hommes et tous les éléphants de l'armée d' Asdrubal : 104 tombèrent au pou- voir du vainqueur; les autres furent tués. Les 104 élé- phants vivants ornèrent le triomphe de Métellus, furent ensuite promenés dans toute l'Italie, puis enfin réunis dans le cirque et livrés à la canaille romaine, qui les massacra à coups de traits. Pendant la Révolte des mercenaires, ce fut encore aux éléphants que Carthage dut son salut, à la bataille du Macar. Quand Amilcar passa en Espagne pour la soumettre à Carthage, il s'y établit fortement, grâce à ses éléphants, et il y maintint une armée permanente de 50.000 fan- tassins, 6.0CO chevaux et 200 éléphants (Diodore de Sicile, fragm. Liv. XXV, églog. 2). Plus tard, Asdrubal succéda à Amilcar dans le gouvernement de l'Espagne, et, à son tour, il eut pour successeur son fils Annibal, qui déclara bientôt la guerre aux Romains ; et c'est surtout pendant cette seconde guerre punique que l'on vit les éléphants LE NATURALISTE 129 jouer un grand rôle dans les mémorables batailles qu'Annibal livra aux Romains. A la bataille de la Trébie(219 av. J.-C), les Romains avaient 30.000 fantassins, 4.000 chevaux et un corps im- portant d'auxiliaires gaulois; environ 40.000 hommes d'infanterie italienne et étrangère, en tout. L'armée car- thaginoise était aussi forte, en infanterie, que celle des consuls Scipion et Sempronius; mais elle comptait 10.000 chevaux et des éléphants, 20.000 Romains y furent massacrés, mais Annibal y eut la pkqiart de ses éléphants tués, ou, du moins, ces animaux étaient déjà extrême- ment éprouvés par les privations et les froids qu'ils avaient dû endurer avant d'arriver sur le lieu du combat, et Annibal en avait perdu en route un grand nombre. Par conséquent, c'était avec des éléphants ma- lades et impotents, pour ainsi dire, qu'Annibal avait combattu. Aux batailles de Trasimène et de Cannes, où la morgue et l'orgueil italiens reçurent de si nécessaires leçons, Annibal n'avait pas d'éléphants; ce furent simplement le génie, l'habileté du grand général africain qui détermina l'anéantissement des armées romaines. Mais, en recevant la nouvelle de la victoire de Cannes, le sénat de Carthage lui fit immédiatement parvenir des troupes fraîches et des éléphants. A l'attaque de la place de Noie, que défendait le préteur Marcellus, Annibal perdit 6.000 hommes et 6 éléphants. Six ans après l'ouverture de la guerre, comme il s'ef- forçait de faire lever le siège de Capoue par les Romains, il perdit encore 3 éléphants. Au combat qu'il livra à Marcellus, près du Numislron, ils lui furent encore très utiles. Le consul Néron lui en tua 4 et lui en prit 2 au com- bat de Grumentmn. A la bataille de Canusium, entre le consul Marcellus et Aunibal, celui-ci eut environ 8.000 hommes écrasés par ses propres éléphants terrifiés et affolés, et B de ces ani- maux restèrent sur le champ de bataille (210 av. J.-C). A la bataille du Métaure (208 av. J.-C), les Carthagi- nois en perdirent 15. A la bataille d'Elinge (206 av. J.-C), en Espagne, entre les Carthaginois et les Romains, les 32 éléphants des Carthaginois furent tués, moins 8 qui tombèrent vivants entre les mains des vainqueurs : et remarquez que les défaites des Carthaginois étaient presque toujours occasionnées par ces animaux, qui les chargeaient au lieu de charger l'ennemi. Cette bataille fut la dernière que Rome et Carthage se livrèrent en Espagne. A la bataille de Zama, gagnée par Scipion sur Annibal (202 av. J.-C), les Carthaginois avaient 80 éléphants : 11 furent ]iris vivants par les Romains; tous les autres périrent. Pendant la troisième guerre punique, les Carthaginois n'eurent pas d'éléphants : en effet, au nombre des clauses du traité qui avait mis fin à la deuxième, se trouvait pour eux la défense d'entretenir désormais aucun de ces ani- maux. Les rois d'.\fri(jue, alliés ou ennemis de Rome et de Carthage, eurent aussi, à l'imitation de cette dernière, des trains d'éléphants. Masinissa en fournit souvent, dans la suite, aux Romains. Pendant la troisième guerre punique, Guliissa, fils de ce roi, en amena aux Romains qui s'en servirent précisément contre les Carthaginois. Micipsa, autre fils et successeur de Masinissa, en fournit plusieurs fois aussi aux généraux romains. Jugurtha s'en servit contre ces mêmes Romains, et réussit même à faire passer sous le joug ces légions qui avaient détruit Carthage et les royaumes les plus puis- sants de la terre. Dans la dernière bataille qu'il livra aux Romains, sur les bords du Mulliul, et où il fut vaincu, il eut 40 éléphants tués et plusieurs autres, quatre selon Salluste, furent pris vivants. Ce fut pendant cette guerre de Jugurtha qu'eut lieu la rivalité do Marins et de Sylla. Les deux adversaires eurent des partisans en Afrique, et l'on y vit des élé- pluuits dans les deux armées adverses. Pompée, qui réussit à vaincre pour le compte de Sylla les partisans de Marins, ramena à Rome un nombre assez considé- rable de lions et d'éléphants, et il fît atteler quatre de ces dernier à son char triomphal. Juba, fils d'ilieinpsal, remis en possession de son trône de Mauritanie par Pompée, prit naturellement parti pour ce dernier contre César, pendant la guerre civile. Il mit sur pied une armée à laquelle était attache un train de 40 éléphants, et il détruisit à Bagradas deux légions de César commandées par Curion. Après la défaite de Pharsale, il aida encore puissamment les par- tisans de Pompée accourus en Afrique, et il eut dans son armée jusqu'à 120 éléphants. A la bataille de Thapsus (47 av. J.-C), gagnée par César sur Scipion et Juha en Afrique, César avait neuf légions et Scipion et Juba, environ 80.000 combattants; César avait donc une armée plus faible environ d'un tiers que celle de ses adversaires ; et, en outre, l'armée ennemie avait 64 éléphants, et sa défaite fut occasionnée, comme tant d'autres, par l'irruption dans ses propres rangs de ces animaux alfolés. Ces 64 éléphants furent pris par César, qui les fit amener à Rome pour orner son triomphe; 40 éléphants, rangés sur deux files, précé- daient le dictateur avec des flambeaux dans leurs trompes. L'idée de cette singulière cérémonie avait été prise par César aux coutumes des rois d'Egypte et de Syrie, qui se faisaient parfois éclairer ainsi dans leurs promenades nocturnes, d'où le nom de /uxvo^opoi donné aux éléijhants dressés à ce service (c'est-à-dire porle-flambeaux). Plus tard, pour son troisième consulat. César donna au peuple des jeux dans lesquels on vit, une fois, 20 éléphants com- battre contre bOO fantassins, et, une autre fois, 20 autres éléphants portant leurs tours chargées de trois archers, combattre contre 500 fantassins et 500 cavaliers. Les Romains se servirent aussi des éléphants, comme je l'ai dit plus haut en parlant de la troisième guerre puni(iue. Le consul Sulpicius Galba s'en servit contre Philippe, roi de Macédoine. Son successeur Quinctius Flamininus ajouta 10 autres éléphants à ceux de Galba, et il mit les Macédoniens en complète déroute à la bataille des Cynocéphales, en Thessalie. A la bataille de Magnésie (191 ans av. J.-C), Scipion avait 10 éléphants, et Antiochus le Grand 54 (le livre des Macchabées porte ce nombre à 120); lu de ces éléphants furent pris avec leurs conducteurs; les autres furent tués. Les Romains se servirent aussi des éléphants contre les Arvernes et les Allobroges (122 à 121 av. J.-C), sous les ordres du proconsul Domitius Ahenobarbus, un des ancêtres de l'empereur Néron ; on pense même que ce sont les deux dernières affaires où les Romains auraient utilisé la masse et l'aspect de ces animaux, pendant la République ; plus tard, sous l'empire, et surtout pendant les guerres continuelles que Rome soutenait contre les Perses, on revint à l'emploi des éléphants. 130 LE NATURALISTE Laissons maintenant de côté les milliers d'autres affaires où l'homme s'est servi de l'éléphant pour essayer de détruire l'homme, et voyons comment les anciens parvenaient à dompter ces féroces animaux et d'autres encore. Les dompteurs prenaient le nom de mansuetarii ; les lions, les léopards, les tigres, étaient soumis par eux comme de jeunes chiens. Dans sa Lettre LXXXV, à la fin, Sénèque dit : « Certaines gens domptent les hètes féroces, et amènent à porter le joug les animaux les plus cruels et dont l'ahord inspire le plus d'épouvante à l'homme ; non contents d'avoir dompté leur férocité, ils les apprivoisent au point de les rendre familiers. Le lion reçoit dans sa gueule le bras de son maître ; le tigre se laisse embrasser par son gardien; le plus petit Ethiopien fait mettre à genoux et marcher mer la corde un élé- phant. » Dans son Épigramme XVIII, Sur un tigre apprivoise', redevenu tout à coup féroce à l'aspect d'un lion, Martial dit: « Un tigre, la merveille des montagnes de l'IIyrcanie, accoutumé à lécher la main que lui présentait avec sécu- rité son maître, a, dans sa fureur, déchiré de sa dent cruelle un farouche lion. Chose inouïe, dont on n'avait pas eu d'exemple jusqu'à nos jours : tant qu'il vécut au fond des forêts, il n'eut jamais une pareille audace; de- puis qu'il est parmi nous, il a plus de férocité ! » Dans la VU" Épigramme du livre I, il dit, au sujet d'un lion de César : « Un aigle emporta jadis, à travers les airs, un enfant que ne blessèrent point ses serres timides. Aujourd'hui, les lions de César se laissent attendrir par leur proie, et un lièvre se joue sans péril dans l'énorme gueule de l'un d'eux... » Même sujet dans VEpigramme XV du même livre : « Nous avons vu, César, les plaisirs, les jeux et les divertissements des lions : l'arène t'offre aujourd'hui le même spectacle. Un lièvre, saisi et lâché tant de fois par la dent qui le caresse, court en liberté dans cette gueule ouverte... » Epigramme XXIll du même livre : « Lièvre, pourquoi fuis-tu la gueule inoffensive de ce paisible lion'?... Ses dents n'ont point appris à dévorer d'aussi chétives bêtes, etc. » Epigramme XLIX, même livre : « Les maîtres du combat n'ont pu arracher les tau- reaux à cette vaste gueule, dans laquelle un lièvre, ti- mide proie, se promène en tout sens; et, ce qui est plus étonnant encore, ce lièvre sort plus vif de la gueule ennemie, et semble rapporter quelque chose d'un si grand courage. Il n'est pas plus en sûreté lorsqu'il court seul sur l'arène, et, dans sa tanière même, il est moins à l'alu-i du danger. Si tu veux, lièvre folâtre, éviter les mor- sures des chiens, tu as la gueule d'un lion pour refuge. » Epigramme LU, même livre : « Il ne faut, aux féroces lions, que des animaux de la première grosseur. Pourquoi, lièvre ambitieux, fuir l'approche de ces dents'? Crois-tu qu'ils voudront des énormes taureaux descendre jusqu'à toi, et dévorer ta tête, qu'ils aperçoivent à peine? » Epigramme LXI, même livre : « Lièvre, quoique tu entres dans la vaste gueule du terrible lion, il ne te sent pas à côté de sa dent. Où trou- vera-t-il une croupe, où trouvera-t-il des épaules pour les profondes morsures qu'il fait aux jeunes taureaux ? Pourquoi fatigues-tu vainement le maître et le roi des forêts?... » Epigramme CV, même livre : « En voyant le cou tacheté du léopard supporter un joug fragile ; les tigres féroces endurer patiemment le fouet, les cerfs mordre le frein doré de leur bride ; les ours de Libye se montrer dociles au mors ; un sanglier formidable, tel qu'on nous dit avoir été celui de Calydon, se laisser conduire avec un licou de pourpre ; les dif- formes bisons traîner des chariots ; et le pesant éléphant, ne refusant rien à son noir conducteur, danser avec grâce lorsque celui-ci le lui commande, qui ne croirait assister à un spectacle des dieux ? « Il n'est personne toutefois qui ne détourne les yeux de ces objets, comme peu dignes d'attention, quand viennent s'offrir à ses regards les petites chasses des lions que fatiguent, dans leur épouvante, les lièvres fuyant avec rapidité. Ces premiers quittent leur proie, la re- prennent, la flattent, et la tiennent dans leur gueule où elle ne court nul danger ; ils se plaisent à lui laisser des issues pour s'échapper, et à contenir leurs dents, qui craignent de lui faire le moindre mal. » Marc-Antoine aimait à se promener avec la courtisane Cythéris dans un char traîné par des lions (Plutarque, Vie de M. Antoine, ch. 9). Iléliogabale faisait aussi atteler à son char des cerfs, des lions ou des tigres (Lampride, Vie d'Héliogabale ch. 8). Un certain nombre de lions et de léopards, à qui l'on avait coupé les griffes, étaient devenus si familiers, que cet empereur les faisait entrer tout à coup dans la salle des festins, où ils allaient tranquillement s'asseoir au milieu des convives, au grand effroi de ceux qui n'étaient pas prévenus de ces terribles visites, et, bien entendu, à la grande joie du fou couronné. En l'an de Rome 567, le consulaire M. Pulvius donna au peuple le spectacle d'une chasse de lions et de pan- thères ; huit ans après, les édiles firent paraître dans le cirque 40 ours. 63 léopards et quelques éléphants (Tite- Live, xx.xix, 22; x'liv, 18). En l'an 6oo, on vit pour la première fois des éléphants combattre dans l'arène contre des taureaux (Pline, Hist. naturelle, viii, 7), et ce spectacle fut encore donné au peuple vingt ans plus tard par Lucullus. Sylla fut le premier qui exposa ICO lions lâchés en liberté dans le cirque ; jusqu'à lui, on avait pris la pré- caution d'enchaîner ces animaux (Sénèque, Du peu de durée de la vie, xiii. — Pline, Hist. nat., vu, 30). Domitius Ahenobardus fit combattre, en 693, cent ours avec des chasseurs Ethiopiens ; et, trois ans après, Scau- rus exposa 150 léopards et fit voir aux Romains le pre- mier hippopotame avec 8 crocodiles (Pline, Hist. nat., VIII, 24, 40, 54). Mais personne ne surpassa Pompée dans ce genre de magnificence. Il fit paraître dans l'arène jusqu'à 600 lions, 410 pan- thères, une vingtaine d'éléphants, un loup-cervier des Gaules et un rhinocéros (Pline, Hist. nat. viii, 7, 20, 24, 28, 29, 34. — Dion Cassius, xxxix, 38. — Agatharchide, De la mer rouge, 36). César exposa, dans les jeux qu'il donna à la fin de la guerre civile, 400 lions, 40 éléphants et une girafe, ani- mal que les Romains voyaient pour la première fois. (Pline, Hist. nat. viii, 20. — Dion Cassius, xliii, 4). LE NATURALISTE 131 J'arrête ici cette énumération qui, complète, remplirait au moins huit colonnes de ces pages. Elien {De la nature des animaux, I cli. xi), parle des éta- blissements que l'on avait établis à Rome pour l'instruc- tion des éléphants destinés à paraître aux jeux du cirque, et où on leur apprenait à danser en cadence, à faire de l'escrime, à danser sur la corde, à lancer des traits, etc. (Voyez Armandi, Histoire militaire des élé- phants, livre II, ch. I, p. 239). E. N. Santini de Riols. LE STILBUM BUQUESTI CHAMPIGNON DÉVELOPPÉ SUE, UNE GUÊPE M. le D"" Jacobs a communii|ué à la société entomolo- gique de Belgique une note intéressante sur un champi- gnon développé sur une guêpe {Vespa germanica), note que nous reproduisons ci-après, ainsi que la figure qui l'accompagne. Beaucou]) d'insectes de tous les ordres sont attaqués par des parasites végétaux particuliers ou cryptoganiiques, auxquels on a donné le nom de Torrubia, du nom de l'auteur qui en fit le premier l'observation. Assez rare- ment rencontrés en Europe, on les trouve fréquemment aux Antilles, sur les vespides du genre Polistes, ainsi que dans d'autres localités de l'Amérique où habitent les insectes de cette famille. M. le professeur 'V. Dcspret de Carlsbourg m'a fait parvenir une variété de 'Vespa germanica Fab., sur laquelle s'est développé ce singulier végétal. Mme Bommer, qui a bien voulu l'étudier, l'a désigné sous le nom de Stilbum Bu(iuesti (M. et Ch. Robin) ; l'exemplaire est incomplètement développé. Le cryptogame se présente sous forme de filaments qui sortent d'entre les segments de l'abdomen, ils y sont très nombreux, le thorax en émet également; ils partent de l'insertion des deux pre- mières paires de pattes, notre spécimen en porte à l'extrémité du premier article d'une antenne et à la partie postérieure des mandibules. Cet état est la deu.'cième période de l'existence du para- site, on l'a désigné sous le nom d'état ascophore, il comporte des appareils reproducteurs qui terminent les filaments; ces derniers peuvent atteindre de 3 à 5 centi- mètres, être simples, filiformes, flexueux et rigides, ou se bifurquer; à leur extrémité se trouve un renflement creux irrégulicr, long de 3 à 5 millimètres avec un diamètre do 2 à 3 millimètres recouvert de petites pustules finissant par des corpuscules ou concoptacles donnant naissance aux corjis reproducteurs ou endospores. La première période de l'existence du parasite est connue sous le nom d'état conidial, il est dû au dévelop- pement des spores du cryptogame; ces corps reproduc- teurs donnent des filaments qui jiénètrent dans l'intérieur du corps de l'insecte par les parties molles séparant les segments ; ils se nourrissent aux dépens de la matière grasse de l'insecte par la production d'un mycélium plus ou moins abondant. On croit que l'insecte succombe lorsque le parasite s'est fait jour au dehors, après l'avoir épuisé (Voir André, t II, pp. 521-22). UN NID DE LORIOT Je vous signale un fait qui me paraît assez curieux et qui peut-être intéressera les lecteurs du Naturaliste. J'ai trouvé dans une campagne, aux environs de Lille, un nid de Loriot entièrement fait de laine blanche et de bandes de papier provenant du télégraphe système Morse. Or, le bureau télégraphique le plus proche est à au moins trois kilomètres de là. Il faut donc que le loriot ait fait plusieurs fois ce parcours, car la quantité de papier ainsi transportée est relativement considérable. Peut-être son instinct lui a-t-il appris que, dans un nid bâti en papier, ses petits auraient bien chaud. Ne voit-on pas des gens criblés de rhumatismes étendre un journal sur leurs genoux glacés et prétendre que ce papier vaut la meilleure des couvertures ':* De plus, les caractères de l'alphabet morse sont encore très visibles. Il serait peut-être intéressant de reconsti- tuer les diverses dépêches ainsi rassemblées ; mais j'ai pensé que, dans ce cas, la curiosité serait vraiment un vilain défaut. Marcel Plaideau. Culture et fabrication HE LA CHICORÉE A CAFÉ Sa composition, sa fabrication Connue depuis cent ans à peine, presque exclusive- ment employée jadis à falsifier le café véritable, la chi- corée a reçu aujourd'hui sa consécration définitive. Pure, elle possède certaines propriétés curatives qui en font une plante des plus utiles, lorsqu'on en fait un usage modéré; elle offre en particulier l'avantage de rendre l'infusion de café moins échauffante, étant elle-même légèrement laxative. Aussi, est-elle maintenant d'un usage courant, qui en fait une denrée commerciale des plus usuelles. Mais les ouvrages de vulgarisation, voire 132 LE NATURALISTE même les traités techniques, s'en étant encore fort peu occupés, il n'est pas jusqu'à sa nature même qui ne soit généralement ignorée. La chicorée appartient à la famille des composées {Cichorium intybiis). Cultivée el'abord au siècle dernier en Hollande, elle fut implantée au commencement de celui-ci en Allemagne, dans le nord de la France et en Belgique. On la distingue facilement de la chicorée sauvage, grâce au grand développement de sa racine, ana- logue à celle de la betterave, et aux nombreuses décou- pures de ses larges feuilles. C'est la Belgique qui détient aujourd'hui le record de la culture de la betterave : H.OOO hectares de terrain lui sont consacrés. La France ne lui accorde que 1.200 hec- tares (dont 500 pour le Nord et 200 pour le Pas-de- Calais). A la suite de la crise des sucres, les planteurs ont substitué la culture de la chicorée à celle de la bette- rave dans les arrondissements de 'Valenciennes, Cambrai, Lille, Arras et Béthune. C'est au printemps que se fait l'ensemencement. On choisit des terres légères de préférence à cause de la difficulté que présente l'arrachage. On lui fait subir de nombreux binages et sarclages. La récolte se fait en octobre et novembre. Le rendement moyen est de 25.000 à 30.000 kilos par hectare, ce qui donne approximative- ment un bénéfice net de 100 à 200 francs. Les produits de la récolte sont vendus aux fabricants soit en racines vertes, effeuillées et décolletées, soit en cossettes sèches. Celles-ci sont obtenues en fendant les racines en deux ou en quatre fragments longitudinaux, qui sont ensuite coupés transversalement en morceaux de 4 à 5 centimètres de longueur. Ces fragments sont sèches à 50° ou 55°, soit à l'étuve, soit dans des tourailles analogues à celles des lirasseurs. On obtient de 30 à 35 kilos de cossettes sèches avec 100 kilos de racines ■vertes. Dans les fabriques, ces cossettes sont d'abord torré- fiées dans de grands cylindres tournants, puis on les additionne de 2 0 0 de leur poids de mélasse ou de beurre, destinés à donner du brillant au produit. Une fois le grillage terminé, on procède à la mouture, au moyen de meules ou de cylindres. Enfin, la poudre obtenue est soumise à un blutage qui sépare en quatre sortes la chicorée commerciale : la poudre, le (in grain, le moyen grain et la semoule ou gros grain. Ces diverses qualités sont mises en caisses, en barils ou en paquets, pour être livrées à la consommation. D'après M. le D'' Riant, c'est le prix exorbitant auquel était le café au commencement du siècle dernier qui a conduit le consommateur, habitué à une liqueur noire, à introduire lui-même dans sa préparation une notable quantité de chicorée. Paul J.\cOB. PRÉCIS D'ANATOMIE ET DE DISSECTIONS Le « Précis d'Analojnie comparée et de dissections » par M. A.Gruvel(U, que vient de publier la Maison o Les Fils D'Emile Deyrolle )),a été conçu dans un plan assez diffé- rent des publications similaires qui ont paru jusqu'ici. L'auteur, sans se noyer dans de trop longs détails, ()) i vol. de 258 pages, avec 204 figures dans le texte, prix : 3 fr. 50, franco : 3 fr. 75. (Les lits D'Emile Deyrolle, éditeurs, 46, rue du Bac, Paris). a su dégager, au point de vue de l'Anatomie comparée, les types les plus importants à connaître, il a mis en relief les caractères différentiels de chacun et a montré comment les organes se modifient progressivement dans la série animale. Au lieu de faire une suite d'études d'anatomie descrip- tive, nettes et tranchées, M. Gruvel s'est attaché jdus'par- ticulièrement à montrer les liens qui rattachent les groupes les uns aux autres : cela en termes clairs et précis, évitant autant que possible les redites, de façon à ne pas allonger inutilement l'ouvrage. La partie consacrée à l'étude des principaux types d'animaux, celle de Dissection proprement dite, est es- sentiellement écrite dans un but pratique. L'auteur a essayé de placer un débutant devant un animal à étu- dier et de le diriger pas à pas, de façon qu'il puisse de lui-même, avec son livre en mains, faire une dissection complète et soignée. Les détails de l'organi- sation générale des différents types sont résumés aussi succinctement que possible, mais d'une façon suffisam- ment complète cependant pour que toutes les parties es- sentielles soient énumérées en même temps que leurs positions relatives dans le corps, et la façon pratique de les préparer. Les dessins sont tous schématiques et destinés à permettre de saisir facilement les descriptions faites dans le texte. Tout en étant écrit pour des étudiants, le livre de M. Gruvel pourra utilement servir aux personnes, de jour en jour plus nombreuses, qui s'intéressent à l'étude de la nature, et qui, ne se contentant plus de la détermi- nation des espèces, veulent aussi savoir comment sont constitués les êtres qui les environnent. POINTS DE CONTACT DES INSECTES Avec les autres Arthropodes Eomologies organiques et physiologiques des Arthropodes. Nous avons montré déjà les analogies qui, en des points variés de la série, rattachent les autres groupes des Arthropodes aux Insectes, tout en laissant à ceux-ci une réelle prééminence qui se traduit par une phase ultime de développement embryonnaire, leur permettant d'ac- quérir leur caractère propre et distinctif ; il ne sera sans doute pas inutile de faire voir que tous les Articulés à pattes sont construits sur un môme plan, réunion d'un certain nombre de projets primitifs isolément développés dans chacune de leurs réalisations, et insensibles ou ru- dimentaires dans les autres. Il est remarquable, en effet, que les quatre types généraux des Arthropodes ont cha- cun une caractéristique spéciale, les Insectes, par exemple, des appendices alaires, les Arachnides un plas- tron sternal rigoureusement porteur de huit pattes, mais qu'en dehors de cette caractéristique, qui se manifeste d'ordinaire surtout à l'état adulte, ils sont unis, au moins pour une période de leur existence, par d'intimes rap- ports morphologiques ou fonctionnels. Ils ofl'rent pour trait commun, sans exception réelle, de passer, au moment de l'apparition des aptitudes sexuelles, par une phase de repos, d'inactivité, quelque- fois très longue, quelquefois à peine ajipréciable, pen- dant laquelle s'élaborent les organes et les éléments gé- LE NATURALISTE 133 nérateurs, et qui est, selon les cas, une mue ou une mé- tamorphose. Cette pertui-liation normale a]iportée aux fonctions générales de l'individu quand il devient adulte, n'est pas, sans doute, limitée aux Arthropodes ; elle se retrouve, au contraire, presque partout dans la série zoologique, et elle semble faire partie de droit du plan initial qui a servi de hase à la réalisation dos animaux; c'est une loi dont nous pouvons constater les effets par- tout autour de nous, et à laquelle l'espèce humaine, mal- gré ses prérogatives, ne laisse pas d'être soumise. Mais c'est le processus suivant lequel elle s'accomplit chez les Arthrojiodes qui leur est particulier, parce que la trans- formation s'y accomi)lit en queliiuo sorte d'emblée et par un brusque abandon des aptitudes et des organes anté- rieurs dans ce qu'ils avaient d'incomplet ou d'imparfait. Chez tous les Arthropodes, jusqu'à l'apparition des élé- ments sexuels, le dév(doppement individuel ofl're ce point de contact qu'il s'opère par une série de mues plus ou moins complètes, la distinction réelle des groupes com- mençant à la dernière île ces mues, où la sexualité acquise fixe la forme de l'adulte. Ici la scission, au point de \Tie de l'évolution ultime de l'organisme, se montre profonde. Chez les uns, le corps conserve l'aspect exté- rieur qu'il présentait avant celte dernière étape, avec quelquefois un nombre plus grand d'appendices, dont la présence ne change rien à la forme générale. Tels les Crustacés, les Arachnides, les Myriopodes, les Thysa- noures. Chez les autres, au contraire, cette forme de- vient bien dilTércnte de ce qu'elle était, au point qu'on croirait voir un être nouveau dont la filiation et l'origine se constatent, mais ne se devinent pas. Tels les Insectes. Dans ce dernier cas, le phénomène est une véritable métamorphose, qui ne peut se faire que par une conti- nuation du travail embryonnaire au sein d'un second œuf, ou nymphe. En réalité, dans la grande majorité des Insectes, la métamorphose nymphale se compose de mo- difications complexes qui ne laissent guère subsister, de l'état larvaire, que la matière, et qui, au point de vue morphologique, transforment radicalement les organes. Que reste-t-il, par exemple, de la chenille à pattes sur- numéraires et à bouche broyeuse dans le papillon muni de grêles pattes thoraciques, et d'une longue trompe en- roulable '? La difl'érence est considérable, essentielle en quelque sorte, et les faits qui l'ont déterminée n'ont pas provoqué seulement une acquisition d'ailes, ce qui eût été peu de chose, mais une régression.d'organes, puisque l'abdomen du papillon n'a plus d'appendices ambula- toires, et ime adaptation très spéciale des pièces de la bouche. De même chez les Diptères, chez les Hyméno- ptères. A première vue, la métamorphose substituée, chez les Insectes, à la dernière mue des autres Arthropodes, pa- rait donc les isoler, en raison de la complexité des phé- nomènes dont elle est le produit. Mais, si l'on veut bien étudier, au double flambeau du raisonnement et des ré- vélations de la paléontologie, l'évolution probable de l'immense groupe des Insectes, on arrivera à cette con- clusion que la métamoriihose aussi complète, aussi ra- dicale, aussi chargée de détails, n'est qu'une forme plus parfaite, provoquée par un progrès nécessaire et inces- sant, du procédé initial de la nymphose, où l'acte s'ac- complissait, comme pour s'essayer, selon la formule la plus simple possible, sans repos apparent, sans retour de la substance à une quasi-homogénéité plastique et façon- nable, sans second œuf. C'est l'histoire de l'évolution de toute aptitude : le résultat reste toujours sensiblement semblable, les phénomènes qui y conduisent varient seuls en se perfectionnant. Chez les premiers Insectes, Névroptères déjà orientés vers les Orthoptères, le som- meil nymphal était inconnu, remplacé par une mue plus importante que les autres, et à proprement parler la mé- tamorphose n'a été à l'origine qu'une acquisition d'or- ganes. D'où l'on ijcut conclure qu'en principe elle n'est que cela, parce qu'elle n'a été autorisée que pour cela, et que si elle est autre chose chez les Insectes des ordres cul- minants, c'est parce qu'elle a dépassé son but. Si l'on admet cette proposition, elle di'vient l'analogue de la dernière mue des Acariens, qui leur donne à la fois des aptitudes sexuelles et une paire de pattes en plus. Là encore, ce qui permet de poursuivre l'analogie, le phé- nomène s'exagère quelquefois, puisque, dans certaines espèces (Hydrachnidos), à la larve hexapode active suc- cède une larve parasite immobile, véritable nymphe, remplacée à son tour par une larve octopode active qui n'a plus, pour ressembler en entier à l'adulte, qu'à ac- quérir des organes sexuels. Si donc on réduit la méta- morphose, provoquée par l'apparition des éléments gé- nérateurs, à l'acquisition de ces éléments et d'une ou deux paires d'appendices, ce phénomène cesse de carac- tériser rigoureusement les Insectes, et sa valeur se trouve considérablement amoindrie. Car vraisemblablement, il n'est pas plus difficile à l'Insecte de développer sur ses segments thoraciques quatre ailes qu'à l'Acarien d'acqué- rir une nouvelle paire de pattes. Idée que semble prou- ver d'une manière évidente la faculté qu'ont les pattes de l'Araignée de repousser quand un accident les a brisées, et cela à la faveur d'une mue, c'est-à-dire d'un phéno- mène qui est le point de départ et la représentation ini- tiale de la nymphose. Au point do vue physiologique, la valeur de la méta- morphose considérée comme une faculté propre aux Insectes se révèle également assez peu importante, si l'on considère combien, dans la série animale, est rapide le travail de la différenciation embryonnaire qui, en quelques semaines, amène un œuf, c'est-à-dire une simple cellule, à la forme complexe et volumineuse d'un chien, par exemple, d'un chat, d'un cheval, d'un homme. Or, la métamorphose n'est, à proprement parler, nous l'avons déjà dit, qu'une reprise du travail embryonnaire, et c'est chez les Insectes dont la forme adulte diffère le plus de la forme larvaire que la période nymphale re- prend le mieux les caractères de l'œuf, continue par con- séquent le plus évidemment la différenciation primitive, interrompue par un accroissement d'un autre ordre, dû à l'introduction d'aliments étrangers, sans lesquels évi- demment l'évolution n'aurait pas été possilde. L'impor- tance des variations de la forme qui s'opèrent en peu de temps, dans le développement embryonnaire, est un élé- ment à considérer dans l'étude des relations des types spécifiques, et les naturalistes qui en tiendront compte, arriveront sans doute à rattacher à leur souche com- mune les races ou formes qu'on considère comme des espèces absolument distinctes, et qui ne diffèrent en réa- lité à l'état adulte que parce que leur développement lar- vaire ne s'est point exactement arrêté au même stade, la différence morphologique étant exagérée par rapport à la différence de durée de la période embryonnaire. Abstraction faite de la métamorphose nymphale, mue complexe provoquée par les aptitudes sexuelles, et dont 134 LE NATURALISTE l'importanceestmoindrequerapparence ne porte aie pen- ser, les Arthropodes représentent les divers stades d'un même progrès morphologique, dont nous retracerons dans notre prochaine note la marche proljahle. Les analogies que nous avons déjà étahlies le prouvent, et il est aisé en outre de trouver çà et là des rapports partiels, isolés, qui viennent à l'appui de cette manière de voir. L'un des plus frappants de ces rapports est la ressemblance qui unit le processus de la fécondation chez les Libelluliens à l'acte analogue chez les Myriapodes chilognathes. On sait que chez les Libelluliens l'organe copulateur mâle est partagé entre les deuxième et neuvième segments abdo- minaux; le canal éjaculateur, réunion des deux canaux déférents des testicules, vient déboucher au milieu du neuvième arceau ventral, tandis que la vésicule séminale et le pénis se trouvent sous le deuxième; par suite, la fécondation ne peut s'opérer qu'en tant que le mâle, par une flexion de son abdomen, emplit sa vésicule de sperme avant de se livrer à la copulation. La féconda- tion s'opère par un processus analogue chez les Chilo- gnathes, dont les mâles portent l'organe copulateur au niveau du septième anneau, tandis que l'orifice excré- teur se trouve au niveau des hanches de la deuxième ou de la troisième paire de pattes. Quant aux faits qui semblent établir des différences pro- fondes et infranchissables, il est facile de les interpréter de manière à rétablir les véritables homologies des organes. C'est ainsi que la multiplication des pièces de la tcte chez les Crustacés n'est point suffisante pour les faire sortir du cadre général des Arthropodes, attendu que le dédouble- ment des appendices ou même des segments céphaliques est, héréditaire et constant, le même phénomène que le dédoublement accidentel des verticilles dans les fleurs pleines ou doubles, ou que le dédoublement normal des appendices ambulatoires chez beaucoup de Myriapodes. C'est ainsi encore que la quatrième jiaire de pattes, si constante chez les Arachnides, ne constitue pas un ca- ractère essentiel suffisant pour les supposer construits sur un plan primordial dilférent de celui des Insectes. En ellét, tandis que les trois paires postérieures corres- pondent nettement aux pattes thoraciques des Insectes, la première paire est due à une adaptation particulière à la marche des palpes labiaux dont le support médian, ou lèvre, est nul ou confondu avec la pièce sous-cranienne, pièce basilaire ou lèvre sternale. Cette homologie paraît bien établie par ce double fait que souvent, chez les Insectes, les palpes prennent une api)aronce pédiforme, et que chez certaines Araignées, les Phrynes, les Ga- léodes, la paire de pattes antérieures simule des palpes et même des antennes. Ce qui établit nettement la tran- sition entre le palpe proprement dit et le palpe devenu patte ambulatoire et en tout semblable aux six pattes sternales. A. ACLOQUE. ANTIIICIDES EXOTIÛCES NOCYEAE Formicomus luberculifer 9. Noir brillant avec le prothorax rougeàtre, les élytres bleuâtres. Tète forte, un peu diminuée en arrière, à ponctuation presque nulle. Antennes obscurcies, un peu roussàtres sur leurs premiers articles. Prothorax peu aUongé, bien dilaté et arrondi en avant, nettement étranglé à ,1a base qui offre 2 tubercules séparés par une sorte de petit sillon. Ecusson rougeàtre, étroit. Elytres en ovale assez court, larges, avec les épaules bien marquées, l'extrémité tronquée en dedans ; ponctuation peu forte, espacée. Pattes foncées, roussàtres à la base, fortes avec les cuisses épaissies, les tibias postérieurs un peu arqués. Long. 4 mill. Colonie du Cap (Raf- fray in coll. Pic). Tout à fait voisin de bituberculalus Pic (1) dont il pourrait bien être une variété, même forme, mais pro- thorax rougeàtre, élytres plus élargis, etc. Formicomus bispiiifasciaius. D'un brun roussàtre obscurci, brillant, hérissé de longs poils dressés, avec les antennes et les élytres simplement d'un brun roussàtre clair, ceux-ci ornés de bandes transversales blanchâtres. Tète forte, diminuée en arrière. Antennes courtes, roussàtres, parfois un peu obscur- cies à l'extrémité. Prothorax peu allongé, dilaté et arrondi en avant, étranglé près de la base, celle-ci paraissant un peu élevée sur son mdieu. Ecusson triangulaire. Elytres en ovale assez court, larges, un peu diminués vers les épaules qui sont bien marquées, assez arrondis à l'extrémité, d'un brun rous- sàtre clair, marqués d'une dépression posthumérale transver- sale sous une fascie de poils blancs, une 2" fascie, parfois peu marquée, vers le milieu avec quelquefois des taches condensées pileuses sur les côtés. Pattes fortes, d'un roussàtre plus ou moins obscurci. Long. 3 1/2 mill. environ, Obock. Forme voisine de luberculifer, mais prothorax sans tuber- cule apparent à la base, les élytres non tronqués avec une co- loration bien différente, se rapproche davantage de Formico- mus Gestroi Pic. ; mais ce dernier n'a pas de bandes élytrales pileuses. M. Pic. OFFRES ET DEMANDES -7- A vendre les lots ci-après. S'adresser : à « Les Fils D'Emile Deyrolle, 46, rue du Bac, Paris ». 1 lot de 28 espèces de Trox européens et exotiques, 38 exemplaires dans un carton. Bonnes espèces. Prix 10 francs 1 lot de Melolonthides exotiques 59 espèces, 78 exem- plaires. Ce lot renferme les genres Dicrania à Pachy- dema inclus. Prix 16 francs 1 lot de Chrysomélides français d'environ 300 es- pèces, 400 exem'plaires. Grand nombre de bonnes es- pèces. Excellente occasion. Prix 80 francs Lot de 110 fossiles des terrains primaires (cambrien, silurien, dévonien, carbonifère) parfaitement étiquetés et déterminé. Prix 40 francs Collection de 75 coquilles nommées comestibles de Franco avec leurs noms vulgaires et scientifiques. Prix 25 francs Lot de 53 espèces de Lépidoptères en partie nom- més de la Guyane. Prix 20 francs Lot de 32 espèces de Lépidoptères nocturnes tous nommés de l'Equateur. Prix 10 francs Lot de 180 espèces de Coléoptères exotiques, en grande partie nommés représentés par 240 exemplaires contenus dans 4 cartons vitrés grand format. Prix 40 francs 1 lot de coquilles marines et terrestres de Cuba, plus de 47 espèces, environ 80 exemplaires. Prix 45 francs 1 lot de coquilles du genre Trochida;, contenant Pharianella, Turbo, Astralium, Pachypoma, Rotella, Polydonta etc. 88 espèces différentes et environ 19o exem- plaires. Prix. 55 francs Lot de fossiles du dévonien de la Sarthe et de la Mayenne 120 espèces. Quelques-uns représentés par plu- sieurs exemplaires. Prix 40 francs — La troisième série de l'Exposition publi(iue des Ac- tualités géologiques sera inaugurée au Muséum (Gale- rie de Géologie) le mardi 1"^' juin à 3 heures. Elle res- tera ouverte les mardis, jeudis, samedis et dimanches de 1 heure à 4 heures. (1) Décrit in Naturaliste, n" 267, et provenant de Benué, rives du Niger. LE NATURALISTE 13S OISEAUX ACRIDOPHAGES Les Colins (Orlyx). La famille dos Colins jiarticulière à l'Amérique sep- tentrionale y remplace nos Penlrix et nos Cailles. Leur habitat est très variable; ils préfèrent les champs, mais il leur faut des buissons, d'épaisses haies où ils puissent se réfugier; on les trouve même parfois au milieu des fo- rets. Dans le sud des États-Unis c'est un oiseau séden- taire ; dans le nord, un oiseau voyageur. Les Colins ont été introduits et acclimatés en Europe. Les premières tentatives faites en France sont dues à Florent Prévost. «A une époque déjà fort éloignée (1816), dit-il, j'ai cher- ché à acclimater et à propager plusieurs espèces de gal- linacés, et en [)articulier le Colin ho-lioui, non seule- ment parce que c'est un excellent gibier, mais encore à cause de la quantité considérable d'insectes qu'il dé- truit. L'importation du Colin en France date de 1832. C'est M. Deschamps, qui, parti eu 1850 à la recherche de l'or, en revint avec trois coqs et neuf poules. L'année sui- vante par reproduction il en posséda une trentaine qui furent en partie vendus à divers amateurs. En 1854, les Colins se vendaient 2S0 à 300 francs la paire; ce prix aujourd'hui est descendu de 10 à 20 francs suivant la saison. On peut par là a]q)récier combien cet oiseau de chasse a été largement réjiandu, mais son acclimatation peut être contestée. On a reconnu en Europe la disparition de Colins en liberté et qui semblaient parfaitement acclimatés. Un instinct irrésistilde les pousse à émigrer vers l'Ouest, sans aucun doute leurs facultés de vol ne leur permettent pas d'atteindre les rivages américains, ils doivent de- venir victimes des flots. Ces oiseaux sont longuement décrits par Audubon et Wilson. 1° Le Colix de Virginie {ùrtyx virginianus). Le Colin de Virginie, particulier aux montagnes Ro- cheuses des Etats-Unis peut surtout être comparé à notre Starne européen, L'aire de dispersion de cet oiseau est limitée au nord par le Canada, à l'est par les montagnes Rocheuses, au sud par le golfe du Mexique. 2o Le Lophortvx de Californie {Lophortyx CaUjornianus). Cette espèce, dénommée aussi Colin de Californie, a les mêmes mœurs que l'espèce précédente ; mais il est plus élégant de plumage, la tète est huppée. Ces deux espèces de Colins, à l'égal du Cupidon, sont protégés aux Etats-Unis ; ce sont les grands destructeurs de sauterelles (Caloptenus spretus) des déserts du Colo- rado et de l'Arizona. Liste des Oiseaux dont l'acclimatation en Algérie a été proposée par M. Florent-Prévost, publiée le 30 mars 1855 : Ganga couronné, Pterocles coronatus (Nubie). — bibande, — bicinctus Ten. — quadrubande, — quadricinctus (Sénég.) — Lichtenstenii, — (Nubie). Ganga velociferi, — uniliiindo. — plus en plus vers leur sommet, la tète unique du monstre est formée par les moitiés externes de la tête des deux individus composants : l'une des moi- tiés longitudinales de cette tête unique, soit une oreille, un œil, la moitié du nez, etc., appartenant à l'un des sujets, et l'autre moitié longitudinale à l'autre sujet. Il Fig. 1. — Poussin monstrueux du genre Déradelplie. (grandeur naturelle). résulte de ce mode de fusion que — chose importante à faire remarquer — la tète des monstres déradelphes pré- sente une direction latérale. Il est bon d'ajouter que la base du crâne possède : 1» soit un seul trou occipital, plus grand que d'iiabitude et manifestement formé par l.e Xaturalin/p. 46, rue du B.ic, Paris. la réunion de deux trous occipitaux, où se terminent les deux colonnes vertébrales; 2» soit de deux trous occipi- taux distincts, comme c'est le cas pour le monstre ici représenté. Le poussin ordinaire en question, cnii m'a été obli- geamment communiqué par M. René Védie, à Rouen, est à un état voisin du moment normal do l'éclosion, ainsi qu'il est facile de s'en rendre compte sur la figure!, très exactementdessinée par mon ami, M. A. -L. Clément. L'eiat de conservation des organes internes était trop défectueux pour me permettre certaines recherches anatomiques, que j'eusse pu exécuter sur un sujet frais; aussi, ne l'ai-je pas disséqué, alin de ne point sacrifier, à peu près en pure perte, ce fort intéressant spécimen tèratologique. Un savant très con'-.u dans le monde de la photogra- phie, et qui poursuit, avec beaucoup de succès, des tra- vaux radiograp;ii(pies, M. Abel Buguet, (irésident du Photo-Club rouennais, a fait, de ce poussin, d'excel- lentes et très intéressantes radiographies, dont l'une d'elles est représentée par la figure 2. Bien (jue cette Fig. 2. — Radiographie du Poussin monstrueux. (Photographie de M. Abel Buguet). ligure ne soit pas, cela va sans dire, aussi nette que l'épreuve radiograjibique, encore est-il dit que l'on y remarque de fort intéressants détails. On y voit, à travers la masse abdominale, une partie des os constituant les quatre pattes; de plus, nettement distinct est le sque- lette de deux des quatre ailes; les deux squelettes les plus visibles appartenant : l'un au sujet de droite et l'autre au sujet de gauche. Mais le point particulièrement intéressant, dans cette radiographie, ce sont les deux co- lonnes vertébrales qui aboutissent dans la base posté rieure du crâne — évidemment plus large que d'habi. tude — à deux trous occipitaux très nettement séparés. En outre on voit, très facilement sur la radiographie, moins clairement sur la figure 2, la partie terminale postérieure de ces deux colonnes qui, par leur position et leur torsion, jointes à la position du squelette des i|uatre ailes et des quatre pattes, font bien comprendre, 138 LE NATURALISTE en l'étudiant un peu, la composition si remarquable des monstres déradelphes. Il serait puéril d'insister, tant cela est évident, sur la considérable utilité de la radiographie dans de fort nom- breuses études biologiques; aussi, tout renseignement sur la manière d'opérer pour obtenir les meilleurs résul- tats mérite, sans nul doute, d'être publié. Sur ma demande, M. Abel Buguet a eu la grande obligeance de me donner, à cet égard, des renseigne- ments précieux que je reproduis intégralement ici, et pour lesquels je lui exprime ma sincère gratitude : « J'ai obtenu le cliché radiographitiue en question à l'aide d'un tube Colardeau dont l'anticathode a été main- tenue pendant cinq minutes au rouge naissant, à vingt- deux centimètres de la plaque sensible (Guilleminot) sur laquelle reposait le poussin. Le développement a été obtenu, eu quelques minutes, à l'aide du révélateur cris- tallos, coupé de son volume d'eau. « De nombreuses expériences antérieures m'avaient montré qu'il est im])0ssible d'obtenir des radiographies un peu homogènes d'objets présentant, en divers points, de très grandes différences d'opacité. C'est, entre autres, le cas des oiseaux, dont les pattes seront déplorablement surexposées avant que le tronc laisse voir quelques détails. « Parmi les artifices qui permettent d'atténuer cette excessive différence d'impression, j'ai, dans ce cas, employé le suivant, (jui m'a toujours réussi. « Le poussin que M. Henri Gadeau de Kerville m'a confié était dans l'alcool depuis un certain nombre de de mois. Après avoir obtenu, avec l'animal imprégné de liquide, de mauvaises radiographies, je l'ai abandonné pendant longtemps à la dessiccation spontanée. « C'est alors seulement que la radiographie m'a donné des détails suffisants sur la masse du tronc, sans que les Ijattes eussent complètement disparu par surexposi- tion. :< La meilleure méthode pour obtenir assez vivement ce résultat, est de plonger l'animal frais dans de l'alcool concentré, jusqu'à déshydratation aussi complète que possible. Il abandonne ensuite rapidement son alcool à l'air. C'est alors qu'il se trouve dans les meilleures con- ditions pour la radiographie, car les différences d'opacité des diverses régions sont réduites au minimum «. En terminant, il convient de dire que la Déradelphie, très rare chez l'homme, est une monstruosité relative- ment assez fréquente chez certains mammifères domes- tiques, et qui a été constatée aussi chez des vertébrés non domestiques. Toutefois, dans son Histoire générale et par- ticulière des Anomalies de l'organisation chez l'Homme et les Animaux, Isidore Geoffroy Saint-llilaire ne mentionne pas d'oiseaux déradeli)hes. Fort probablement, il en a été décrit depuis la publication, déjà lointaine, de cet ouvrage célèbre. Quoi qu'il en soit, les oiseaux déradel- phes sont, à n'en pas douter, de rares spécimens térato- logiques. Henri Gade.\u de Kerville. HISTOIRE GÉNÉRALE DES MAMMIFERES^*) M. R. Lydekker, le savant paléontologiste anglais, vient de faire paraître un livre très clair, fort bien illustré, ayant trait à l'Histoire géographique des Mammifères. Le grand mérite de cet ouvrage est de tenir compte dans une large mesure, des données fournies par la paléon- tologie. L'auteur ne s'est pas borné, comme cela a lieu généralement, à montrer quelle était la répartition ac- tuelle des Mammifères à la surface de la terre, il a fait connaître comment cette distribution résultait de l'évo- lution du globe et des animaux qui ont vécu à sa surface durant les temps géologiques. De même que l'historien ne s'expliquerait guère l'his- toire des temps actuels s'il ne connaissait les faits qui l'ont précédée, de même le zoologiste ne peut comprendre le stade évolutif dans lequel se trouvent actuellement les Mammifères s'il ne connaît (tant au point de vue de la filiation, qu'au point de vue géographique) les stades an- térieurs. L'explication de bien des données zoologiques ne peut se résoudre que par la paléontologie. Dans un chapitre préhminaire, M. Lydekker montre quels sont les facteurs qui ont influé sur la distribution actuelle des animaux et en particulier des Mammifères. La chaleur, l'humidité sont des causes ayant agi sur cette répartition. Mais il en est une autre, dont on a l'habitude de tenir moins compte et qui est pourtant d'une grande importance, je veux parler de l'inégalité des âges des diffé- rents animaux. Les faits, qui concordent avec la théorie de l'évolution, apprennent que ce sont les Poissons qui ont apparu les premiers sur la terre, puis les Reptiles, et en dernier lieu les Mammifères. Et parmi ces derniers, les plus anciens (Trias) sont également ceux dont l'or- ganisation est la plus inférieure (Marsupiaux et Mono- trèmes). Ils ont émigré pendant le Tertiaire dans les terres australes où ils sont aujourd'hui presque exclu- sivement cantonnés. Les formes les plus élevées des Mammifères ne se montrent guère avant l'Oligocène et le Miocène, quel- ques-uns même pendant le Pliocène. Leurs mii/rations, vers le sud, prennent place, par conséquent, à la fin du Tertiaire ; une des premières est celles des Lémuroïdes, des Insectivores et do quelques Carnivores, dans le sud de l'Afrique et à Madagascar. D'autre part, plusieurs types, tels que l'hippopotame, la girafe, l'antilope, qui étaient très abondants en Europe et dans le nord de l'Asie durant le Pliocène, ont seulement quitté, à une époque très récente, de l'histoire de la terre, les contrées du nord où ils vivaient, pour trouver une résidence perma- nente en Afrique. Après avoir indiqué les barrières qui ont pu s'opposer à la dispersion des Mammifères, le rôle de l'homme dans cette distribution, l'auteur fait connaître les centres d'évolution et établit que la permanence des continents et des océans a influé fortement sur la répartition des animaux de ce groupes de vertébrés. Depuis Sclater, en ISiiS, jusqu'à M. Beddard, en 1898, plusieurs travaux importants, ayant trait à cette distri- bution, avaient déjà paru. M. Lydekker les a utilisés (1) A Geographical Ifistori/ of Matmnals, par M. R. Lydekker, Un vol. in-S" de 400 pages avec figures et carte. Cambridge, Univcrsittv Press. LE NATURALISTE 139 largement. Les royaumes zoologiques distingués par le savant paléontologisto sont les suivants : Le premier est le royaume notogi'ique. Il correspond à la région australienne de Sclater et de Walhice. Son centre est l'Australie et la Nouvelle-Guinée. Il s'étend au nord jusqu'aux Célèbes et aux îles Ilawai, au sud jus- qu'à la Nouvelle-Zélande et il est caractérisé par les marsupiaux et les Monotrèmex. Ce premier royaume n'est pas très homogène car les îles Célèbes, Lombok sont assez pauvres en Marsupiaux et les provinces polynésiennes et hawaïennes en sont pres(|ue totalement dépourvues. D'où vient la forme si spéciale de ce royaume; àqu(^lle époque s'est-elle dillérenciée'? C'est encore la paléontologie qui permet de résoudre ces questions. Pendant le Juras- sique les Marsupiaux étaient largement représentés en Europe et dans le nord de l'Amérique. A la fin du secon- daire, la région australienne était en communication avec le continent situé plus au nord. Elle s'en est séparée au commencement de l'ère tertiaire et les types (|ui y exis- taient ont évolué sur place, et n'ayant pas eu à soutenir la lutte contre des espèces mieux organisées, ont persisté avec leurs caractères peu modifiés. Les Mammifères ont eu pour origine les Marsupiaux polyprotodontes, qui ont survécu dans le sud-est de l'Asie, jusqu'à la première partie de l'Kocène. On y trouve, en effet, différenciés les Didelphes et les Dasyurides. Des formes représentatives de ces groupes ont émigré en Australie et dans la Nouvelle-Guinée. La découverte de Dasyures en Fatagonie porte à croire que ces animaux ont également émigré de la Patagonie vers l'Australie à travers le continent antarctique, qui s'étendait du nord de l'Amérique à l'Australie. Le deuxième royaume ou royaume néogéique, n'oll're pas les incertitudes du premier, au point de vue de ses limites. Il s'étend dans toute l'Amérique du sud et l'Amé- rique centrale à la hauteur du golfe du Mexique et em- brasse également les Indes occidentales. Wallace avait déjà, en de fort belles pages, décrit les richesses fauniques de ce royaume, qui présentait les particularités les plus curieuses à l'époque Oligocène. On ne peut séparer son histoire ])aléontologique, connue surtout par les travaux d'Ameghino, Lydekker, More- no, etc., de son histoire zoologique. C'est surtout en Patagonie, à Santa-Cruz, qu'on a recueilli des types vraiment remarquables ajipartenant aux Marsupiaux, Edentés {Glyptodontes, Megatherium) et surtout en On- gulés [Ailropolherium, Toxodonte^, Typutherium, etc.). Le musée de La Plata renferme des salles entières rem- plies par les squelettes de ces curieuses formes disparues. Aujourd'hui le royaume néogéique est caractérisé par des Edentés (Dasypodes, Myrmécophages), la présence de quelques Didelphes, une grande richesse en Rongeurs, dont plusieurs familles sont spéciales à ce royaume, l'abondance de certaines chauves-souris et, par contre, la pauvreté en Insectivores et Carnivores. Les Ongulés, si abondants à l'époque Oligocène et Miocène^ sont rela- tivement réduits. Par contre les Singes (liapalidés et Cébidés), qui sont confines dans les i'orèls tropicales, sont assez caractéristiques de ce royaume que M. Lydekker a subdivisé en province brésilienne, chilienne, mexicaine et antilienne. Le troisième royaume ou royaume arctogéique embrAsse le reste de l'univers, il a donc une étendue considérable; malgré son homogénéité et à cause de son extension, l'auteur l'a divisé en cinq autres régions. Il se différencie du royaume notogéique par l'absence de Monotrèmes et de Marsupiaux diiu-otodontes et du royaume néogéique par l'absence d'Édentès et la spécialisation de ses singes. Les caractères positifs de ce royaume sont la prédomi- nance marquée des Mammifères qui ont pris leur essor, surtout depuis l'époque Oligocène, et ont laissé, depuis cotte époque, de nombreux restes, tant en Europe que dans les autres continents. Il suffit de rapiieler les noms des localités ou des contrées de Pikermi, Saint-Gérand- le-Puy, Ronzou, Sansan, Perrier, Puerco, delà Nébros- ka, etc., pour remettre en mémoire les richesses paléon- tologiques découvertes dans ces points, aujourd'hui classiques. Le royaume arctogéique renferme de nos jours de nombreux Insectivores et un certain nombre de formes exclusives de Lémuridés, de Carnivores, de Rongeurs et d'Ongulés. Cinq grandes divisions sont établies dans ce grand royaume. C'est, d'abord, la province holoarctique qui comprend une grande partie de l'hémisphère boréal : l'Europe, l'Asie (sauf l'Inde et l'Indo-Chine), le nord de l'Afrique et une grande partie do l'Amérique du Nord. Sa faune excessivemoQt riche est bien comme. On doit surtout signaler, comme particuliers à cette province, les genres Sorex et Urotnchis, parmi les Insectivores; Latax, Gulo, parmi les Carnivores ; Arctomys, Spermophi- lus, Lupus, Lagomys, parmi les Rongeurs, etc. En Amérique, entre la province holoarctique et le royaume néogéique, se différencie la province de Sanora qui comprend sensiblement les États-Unis d'Amérique, et qui est caractérisée surtout par un grand nombre de Rongeurs et d'Insectivores. Il est bon toutefois de remarquer que cette province a des limites assez peu précises, car les espèces des royau- mes arctogéique et notogéique devraient nécessairement rayonner d'un royaume à l'autre. La troisième province {province orientale) embrasse les régions de l'Indo-Chine, des Indes, avec les iles de Java, Roméo et les Philippines. Le nombre des types qui ca- ractérisent cette région est assez grand. Ils comprennent des Singes, Semnopithèques, etc. ; des Insectivores, tels que les Galéopithèques ; plusieurs Viverridés et Ursidés spéciaux, un grand nombre de Rongeurs et d'Ongulés assez typiques appartenant aux genres Ilemitragus, Anti- lope, Cervulus, etc. La province Malgache qui se rattache à la province orientale par quelques types, offrait, dans les temps géo- logiques, beaucoup d'affinité avec elle, au point de vue faunique, car les deux régions faisaient partie d'un même continent. Aujourd'hui, les types zoologiques de chacune de ces régions sont assez distincts [lour qu'on puisse les consi- dérer comme formant deux provinces distinctes. Dans la province malgache dominent les Lémuroïdes (près de 40 espèces) et les Insectivores (12 espèces). Les Carni- vores et les Rongeurs olïrent également des types spé- ciaux. Cette province, la plus petite de celles qui ont été éta- blies, est cependant une des mieux définies. On devrait penser de prime abord que les affinités les plus grandes de cette province devraient être avec la province voisine (province éthiopienne) : il n'en est rien cependant, car, sur 28 genres de Mammifères terrestres, cette région 140 LE NATURALISTE n'en a que 3 de communs avec l'Afriquo, et, sur ces trois, deux, l'Hippopotame et le Cochon, qui sont tous deux nageurs, ont pu, à une époque antérieure, traverser le chenal qui sépare les deux provinces. Le troisième genre (g. Crocidura) a pu être également introduit par l'homme. Il est curieux de constater que la Girafe, le Zèbre, le Rhinocéros, l'Eléphant, le Lion, le Phagoctère et les Singes qui peuplent l'Afrique, n'existent pas dans la pro- vince malgache. La province éthiopienne (cinquième province) peut se délimiter au nord par le tropique du Cancer (l'Afrique, sauf le Sahara, l'Algérie, la Tunisie, le Maroc forment donc cette province). Nous avons signalé les différences fauniques qu'elle présente avec la province malgache. Disons encore que les Carnivores, les Rongeurs et les Ongulés offrent de nombreux représentants. Le groupe des Singes présente également des types particuliers (Gorille Cercopithèque). Nous avons indiqué très brièvement les grandes divi- sions zoologiques établies par M. Lydekker. Ces groupe" ments paraissent bien naturels et seront certainement adoptés par les savants. 11 faut ajouter que, de même qu'Huxley et Blanford, M. Lydekker admet trois grands cejitres d'évolution cor- respondant à trois grandes familles zoologiques : les Mar- supiaux, les Edentés et enfin les Mammifères placen- taires supérieurs. Ces trois grands centres peuvent être mis en parallèle avec les trois régions australienne, sud- américaine et arctogéique créées jadis par Blanford. Nous ne pouvons terminer ce rapide aperçu sans dire une fois de plus que la lumière du passé (paléontologie) éclaire d'une façon remarquable et rend compréhensible un grand nombre de faits zoologiques qui seraient inex- plicables sans son concours. Il sulDra de lire le livre si intéressant de M. Lydekker pour en être absolument convaincu. Ph. Glange.\ud. et la seconde, membraneuse, sert au vol. Les ailes pro- tectrices sont les élytres; les secondes peuvent se replier DISSECTIONS EMBRANCHEMENT DES ARTHROPODES. Classe des Insectes. Type : l'Hydrophile (Hydrophilus Piceus), Ordre des Coléoptères. L'Hydrophile est un insecte assez gros, coloré en brun marron et très facile à trouver dans les mares et les étangs pendant l'été. Extérieur. — Corps nettement divisé en trois parties : la tête, le thorax et l'abdomen. La tête porte une paire d'antennes. Les pièces de la bouche sont : 1° une lèvre supérieure ou labre : 2° une paire de mandibules ; 3° une paire do mâchoires ; 4» une lèvre inférieure ou labium. Le thorax porte trois paires de pattes locomotrices, plus deux paires d'ailes, dont l'une purement protectrice Fig. 1. — Extrémité de la patte antérieure chez l'Hydrophile mule. Fig. 2. — Pénis de l'Hydrophile. Fig. 3. — Patte postérieure de l'Hydrophile. sur elles-mêmes et, par conséquent, être complètement recouvertes par les élytres. L'abdomen est nettement segmenté et chaque segment Fig. 4. — Aile membraneuse de l'Hydrophile avec ses ner- vures n,et son articulation ar. porte sur la face latero-dorsale une paire d'orifices res- piratoires ou stigmates. 11 est dépourvu d'appendices. Orifices. — Les orifices sont : la bouche située à la face ventrale de la tête sous la forme d'une fente longitudi- nale bordée par les pièces masticatrices. L'anus s'ouvre à la face ventrale du corps au dernier anneau de l'abdomen. L'orifice génital s'ouvre en avant, mais du cùté de l'anus. Enfin, sur le coté du corps et dorsalement, sous les ailes on trouve le stigmate. Appareil digestif. — Pour disséquer le tube digestif, il faut placer l'animal sur la face ventrale, le fixer dans la cuvette avec des épingles fines placées sur les pattes et inciser la partie latérale de 1 abdomen après avoir enlevé les ailes ou les avoir écartées et fixées par des épingles. On se trouve tout d'abord en présence d'une grande quantité de petites, vésicules aériennes qui ne sont autre chose que les prolongements variqueux des trachées. 11 fautles enlever avec soin etl'on rencontre alors au-dessous une masse très contournée qu'il faut déplier avec de grandes précautions, c'est l'intestin. On continue la dis- section dans le thorax pour découvrir l'œsophage. Une fois déplié, on voit que l'intestin se compose d'un long œsophage qui s'élargit d'une façon lente pour former un renflement un peu mamelonné : c'est le vtntricide chy- lifique, hérissé de papilles arrondies, à la limite posté- rieure duquel débouchent deux longs tubes hyalins très contournés, ce sont les tubes de Malpigbi qui remplissent les fonctions de reins, chez les insectes. Au-dessous LE NATURALISTE tu commence l'intestin proprement dit, qui, après s'être ronflé très légèrement en un point de son trajet, va se terminer à l'anus. v.d.. tJÎ^- Fig. 5. — Appareil digestif de l'Hydrophile : œ«, œsophage; V. ch, ventricule chylifique ; t. m, tubes de Malpighi ou or- ganes urinaires; )•, rectum. Appareil circulatoire. — La partie centrale de la circu- lation consiste en un long coeur dorsal, divisé en cham- bres, sortes de ventricules percés d'orifices latéraux par où le sang peut passer de l'extérieur à l'intérieur. Des muscles, dits aliformes, mettent en mouvement ce long organe central. Grâce à un jeu de valvules, le sang ne peut qu'aller d'arrière en avant, et toujours dans le même sens. Appareil respiratoire. — Les trachées, qui constituent l'appareil respiratoire des Insectes sont constituées par des tubes extrêmement ramifiés et anastomosés, et for- mant, à droite et à gauche de l'appareil digestif, deux ^Uj^ J^ Fig. 6. — Système nerveux de l'Hydrophile : y. c, g. cé- rébroïdc; sœ, ganglion sous-œsophagien; g. a, ganglion anal. grosses vésicules aériennes. L'air peut facilement péné- trer dans l'intérieur de ces tubes, grâce à un épaissis- sement chitineux en spirale qui en tapisse la cavité. L'air est donc ainsi porté directement aux organes. (Voir au microscope la structure des trachées.) Système nerveu.i\ — Le système nerveux est assez dis- socié. Il se compose d'une paire de ganglions côrébroïdes constituant un cerveau d'où partent tous les nerfs se rendant aux organes des sens, et un collier qui, après avoir contourné l'œsophage, vascjeter dans une seconde masse ventrale, le ganglion sous-œsophagien. Le reste de la chaîne se compose do cinq ganglions qui envoient des nerfs aux pattes, aux ailes et aux autres organes in- ternes. Appareil génital. — Les sexes sont séparés, et le mâle Fig. 7. — Appareil génital mule de l'Hydrophile : te, testi- cules; t). a, deux paires de glandes annexes; p. p, poche pé- niale. Fig. 8. — Appareil génital femelle : oi\ ovaires en forme de caecum ; j. a, glandes annexes ; va, vagin copulateur. ne se distingue de la femelle que par la présence d'une partie aplatie et portant des griffes à l'article terminal des pattes antérieures; de plus le pénis est très développé et formé de trois pièces, deux paires et une impaire, terminale. Chez le mâle, il y a deux testicules distincts formés chacun d'un seul lobe et donnant naissance à un canal déférent qui s'élargit bientôt et va s'unir sur la ligne médiane, en un point où viennent également déboucher deux paires de glandes annexes, les unes allongées, les autres, au contraire, ne formant que deux petites masses de chaque côté du canal déférent commun. Le canal éjaculateur unique est très large et se renfle à son extrémité terminale en une vaste poche qui reçoit le pénis, lorsque celui-ci est à l'état de rétraction. Chez la femelle, on trouve doux otatres formés par deux Fig. 9. — Un ctecum ovarien grossi. faisceaux de tubes coniques plus ou moins volumineux suivant le degré de maturité des œufs. Les deux oviductes qui en partent se réunissent sur la ligne médiane en une sorte de long utérus, qui reçoit en outre les produits de deux glandes annexes, s'ouvrant à son extrémité A. Gruvel ii'i LE NATURALISTE DESCRIPTION DE CDLÉOPTÈRES NOUVEAUX Anlhicus (Lappiis) distinctus. Noir brillant àpubescence d'un gris jaunâtre non condensée en bande nette, membres obscurcis. Tète très large, triangulaire en arrière, à ponctua- tion peu forte, espacée, ycus Ijicn saillants. Antennes minces, foncées. Prothorax assez allongé, plus étroit que la tète ; assez largement et courtement élargi sur la partie antérieure, droit sur la base avec une impression latérale forte et longue; ponc- tuation forte, écartée. Ecusson tri.mgulaire. Elytres à côtés subparalièles, droits sur les épaules avec une dépression post- humérale peu marquée, un peu atténués en arrière, à pubes- cence plus rapprochée sur la partie antérieure, mais non con- densée en bande ; ponctuation assez forte, espacée. Pattes minces, d'un roussàtre obscurci. Long. 3 1/4 mill. Mexique (Flohr in coll. Pic). Se rapproche de asphaltinus Champ, par la forme de sa téta bien atténuée en arrière mais celle-ci est plus grosse avec une ponctuation moins forte et écartée, la coloration des membres est en outre plus foncée, le prothorax moins élargi en avant. Anlhicus Flo/iri. Subparallèle, noir peu brillant, pubescent de gris, antennes et pattes plus ou moins roussâtres, ces der- nières plus foncées. Tète forte, tronquée en arrière, à ponc- tuation forte, un peu écartée, avec une ligne longitudinale élevée lisse sur son milieu. Antennes courtes, à peine épais- sies à l'extrémité. Prothorax trapéziforme légèrement angulé et bien arrondi en avant, convexe, rebordé à la base, à ponc- tuation forte, peu écartée. Ecusson petit. Elytres subparallèles légèrement tronqué-arrondis à l'extrémité; épaules marquées avec une très faible dépression transversale post-huraérale; ponctuation forte, peu écartée. Pattes fortes avec les cuisses parfois un peu rembrunies, épaisses. Dessous du corps foncé, pubescent. Long. 3 mill. Mexique (Flohr in coll. Pic). A placer près de iiifernus Laf. Rappelle beaucoup notre es- pèce européenne morio Laf., mais il est plus mat avec des an- tennes claires. M. Pic. OISEAUX ACRIDOPHAGES 1. — D'ajjrès Tchihatcheff(l), on rencontre peu de sites dans l'Asie Mineure, dont l'ensemble ne soit complété par la svelte silhouette d'une Cigogne se dessinant sur le sommet d'un arbre ou sur les coupoles d'un minaret; c'est un de ces traits qu'on ne pourrait effacer du tableau sans en faire disparaître la teinte locale. Le rôle que cet échassier joue dans la physionomie du paysage tient par- ticulièrement au respect dont il est l'objet, respect tel que sa présence est partout considérée comme invio- lable et même comme un signe de bon augure. Ce sen- timent général remonte ù la plus haute antiquité. La Cigogne est désignée dans la Bible sous le nom de Clia- sidah ; ce qui signifie pieux, plusieurs écrivains de l'anti- quité, Aristote, iElien, font ressortir la tendresse de cet oiseau pour ses petits et la reconnaissance que ceux-ci témoignent à leurs parents en les nourrissant dans leur vieillesse. Les Anciens paraissent avoir étendu à la ma- jorité des volatiles le privilège que les Orientaux accor- dent à la Cigogne de nicher sur les murs et sur les toits des édifices consacrés ati culte public, car, dans l'Anti- quité, on considérait comme un acte d'impiété et de pro- fanation la destruction des Oiseaux qui s'étaient établis dans les temples. 2. — Ij.\ Cigogne Abdi.mii. — (Ciconia Abdimii. Sphenorynchus Abdimii.) Le Simbil des Arabes et des Abyssins. Au sud du (1) Asie Mineure, Paris, 1866. 11° partie : Zoologie. Quanza, les nègres le nomment Humbi-Humbi. Dans l'Afrique èquatoriale, il se montre surtout pendant la saison des pluies. Il ne paraît pas se répandre dans la région littorale. Il couve dans le Soudan égyptien, un peu avant la saison des pluies, élève ses petits et quitte le pays. C'est un oiseau migrateur qui a les mœurs et les habitudes des Cigognes lilanches. A Tombouctou et dans le Soudan, il est le précurseur de la saison de l'hi- vernage. 3. — La Cigogne noire. — {Ciconia nigra, episcopns.) Cette espèce, tout en étant peu nombreuse dans le Sud africain, est plus commune toutefois que C. alba. Son utilité est très appréciable, elle est moins oiseau des marais que les Hérons gris et les Hérons pourpres; elle se trouve dans les steppes et dans les vallées, à la recherche des termites et des sauterelles qui forment la base de sa nourriture habituelle. Au contraire de l'es- pèce précédente qui ne quitte pas l'Afrique dans ses migrations, la Cigogne noire vient en Europe .où elle niche dans les forêts et fuit le voisinage de l'homme. La Cigogne Abdimii vit en parfaite amitié avec les noirs qui considèrent cet oiseau comme un être sacré; d'habitude, on le trouve sur les arbres dans leurs villages. Une espèce, Cironia leucorcphala, fuit les noirs à l'égal de Ciconia nigra qui fuit les blancs. Ces contrastes n'ont pas encore étééclaircis. Le plumage de cet oiseau est très susceptible à l'action du soleil; vers la fin de l'été, les belles plumes irisées qui garnissent la tète, le cou et le dos, deviennent tout à fait fauves. 4. — Le J.\iiinu du Sénégal. — {Mycteria senegalensis.) Le Jabiru, le représentant africain de la famille des Cigognes géantes, a les mœurs et les habitudes de la Cigogne Abdimii. On connaît trois espèces de ce genre, l'une d'Afrique, l'autre d'Amérique, la troisième d'Australie. Sauf la différence physique, les mœurs et les habitudes sont semblables. Les Grues. Gruidx. Les Gruidés sont cosmopolites; cependant la zone tem- pérée doit être regardée comme leur véritable patrie. Chaque partie du monde a des espèces qui lui sont pro- pres; l'Asie en possède le plus. Les Gruidés qui vivent dans le Nord s'avancent, dans leurs voyages jusque sous les Tropiques, mais ils n'y nichent pas ; l'aire de disper- sion des espèces méridionales ne s'étend qu'à la zone èquatoriale, qui sera la limite des espèces australes. 1. — La Grue cendrée (Grus cinerea). Cet oiseau a pour patrie le nord de l'ancien Continent, depuis la partie orientale de la Sibérie centrale jusqu'à la Scandinavie ; de là, elle émigré d'un côté dans l'Afri- que centrale et occidentale ; de l'autre, aux Indes et dans l'Indo-Chine. En été, dans l'Europe, la Grue se nourrit surtout de matières végétales sans dédaigner les petits reptiles aquatiques. Elle mange de l'herbe, des fruits, des vers, les insectes, principalement les coléoptères, les saute- relles, les grillons, les libellules. Dans l'Afrique, d'après les observations de Brehm, les Grues qui passent l'hiver dans le Soudan vont s'abattre dans les champs de dourah et se remplissent de ses LE NATURALISTE 143 grainps, vont au bord dus fleuves, lioivont et dip;èrtnit pendant lu reste de la journée. D'après les estimations les plus modérées, les Grues qui hivernent sur les bords du Nil bleu et du Nil blanc détruisent environ 150,000 mesures de céréales. Malgré cotte quantité, personne ne songe à inquiéter ces oiseaux, il en est autrement aux Indes où le grain a une valeur plus considéraldo, on les poursuit et on les détruit de toutes les façons. 2. — La Grue de Numidie {Anthropoïdesvirgo, Grusvirgo). Cet oiseau aussi dénommé Demoiselle de Numidie a pour patrie le sud-est de l'iîurope et le centre de l'Asie. Il habite les bouches du Volga, les cotes de la mer Cas- pienne, la Tariarie, la Mongolie, et s'avance dans le sud des Indes et daus le centre de l'Afrique. D'après Alléon, ellehabite tout l'été la Dobrudja, oii elle arrive en grandes bandes avec la Grue cendrée. Elle aime les lieux secs et arides et fait jinucipalement sa nourriture de blaps de la famille des ténébrionites, de loethrus et autres scara- béidés, très nombreux au printemps dans les vastes plaines ensoleillées de ce pays D'après Radde, on la trouve encore à une altitude de iOO mètres au-dessus du niveau de la mer. Les mœurs, les habitudes de cet oi- seau sont celles do la Grue cendrée ; mais cet oiseau est de forme lieaucoup plus élégante et son plumage est des plus remarquable. Les jeunes n'ont ni la huppe, ni les longues plumes du jabot, fort recherchées par les Kir- ghises de l'Asie centrale, qui s'en font des coiffures en forme de deux cornes devant conjurer le « mauvais œil ». Cette Grue a l'habitude de danser à la façon des Autru- ches, le matin et le soir par beau temps. Elles se réunis- sent en grandes compagnies pour se livrer à cet exercice chorégraphique. 3. — L.\ Giu;e de P.\iiadis (Tclrapterijx paradisea). Cette belle variété d'Echassiers est particulière aux plateaux herbeux du centre et du nord de la Colonie du Cap, du Namaqualand, du West-Griqualand, de l'Etat libre d'Orange, de la partie centrale et méridionale du Transvaal, du sud du Betcliuanaland et du Kalahari. 8es séjours préférés sont les prairies her))euses, sans végé- tation arborescente. Nous avons délimité l'habitat de cet oiseau dans l'Afrique australe qui est aussi celui de l'Autruche en demi-liberté. Heuglin trouva cette Grue en troupes innombrables près du lac Tana (Abyssinie). A l'état domestique, la Grue est omnivore; cependant on observe qu'elle préfère la viande hachée, même aux insectes qui, à leur tour, sont préférés à toute autre nourriture y compris le pain et le mais. A l'état sauvage, la nourriture de la Grue de Paradis se compose de larves, de termites, de reptiles, de mollusques, de poissons, etc., mais principalement de sauterelles. Elle mange aussi des grains, des graines et des baies. Holub nous dit que, jusque dans ces dernières années, les guerriers Matébélés portaient comme coiffure de guerre les longues plumes d'ailes du Tetrapterix. Pour faire cesser la destruction de cet utile oiseau, leur roi offrit, en échange d'une plume d'Apterix, une belle plume blanche d'Autruche; le changement de modes en résul- tant fut désastreux pour les Autruches dont un grand nombre paya de la vie cette nouvelle fashion. Au- jourd'hui beaucoup de tribus africaines reconnaissent les avantages de la domestication de l'Autruche qu'ils prati- quent et laissent en paix les rares survivants; également, ils apprécient l'utilité des oiseaux des marais : leur qua- lité d'insectivores les protège, on n'en détruit pas. 4. — Les AG.\Mts (Psophia). Cette famille, composée de trois espèces, est particu- lière à l'Amérique méridionale; elle est moins propre au vol que les autres Gruidés, mais mieux faite pour la course. L'Agami s'apprivoise facilement et rend les ser- vices d'un chien de garde ; à Cayenne, on lui confie des troupeaux de jeunes dindons ou de canards. La nourri- ture de ces oiseaux consiste principalement en insectes, en graines et en herbes. Ce sont des oiseaux percheurs. L'oiseau-trompettft est ainsi nommé parce que son cri ressemble non pas à une trompette de cuivre, mais à une corne do berger. L'Agami s'apprivoise très facilement, surtout en Guyane, et alors il s'attache à son maître, mais d'une façon excessivement jalouse, et empêche tout autre animal de s'en approcher. Il garde et défend ce qu'Usait être sa propriété. On le voit le matin conduisant les ca- nards à la mare, les poules vers la prairie: quand un des animaux tente de s'écarter, un vigoureux coup de bec le ramène dans le droit chemin. Il préside à la rentrée des troupeaux, et garde les moutons, tout aussi intelligem- ment qu'un chien. Si un carnassier ou un chien errant s'approche du troupeau dont il s'est fait le gardien, l'A- gami n'hésite pas à engager le combat. Il se précipite en poussant de grands cris sur son adversaire que ses énergi- ques coups de bec ont bientôt mis en fuite. A l'heure du repas, il s'installe dans la salle à manger, en ayant grand soin de chasser le chien ouïe chat qui voudraient l'imiter, et attend patiemment qu'on songe à lui. Le D' Crevaux nous dit que lesRoucouyennes ont une grande quantité d'animaux apprivoisés dans leurs habi- tations (carbets). Ce sont principalement des Agamis, des Hocos, des Marayes et des Aras au plumage bleu et rouge. Un médecin hollandais du siècle dernier, Fermin, a cru longtemps que l'appareil musical de l'oiseau- trom- pette n'était autre que l'extrémité du tube digestif. Les Oyampis partagent complètement cette opinion, parce qu'en appuyant sur le croupion d'un Agami mort, ils déterminent un bruit sourd semblable à celui que pro- duit l'animal pendant la vie. Jamais ils ne tuent un Mamkali sans répéter cette expérience qui fait toujours rire l'assistance. CVoir, dans D"' Crevaux, Voyages dam rAmMque du Sud, diverses gravures très intéressantes relatives à l'Agami.) L'Agami se mange bouilli avec des bananes coupées dans l'eau; ce plat additionné de force piment s'appelle sancocho. Laiudae Les oiseaux pélagiens contribuent aussi à l'œuvre d'extermination des acridiens. Des observations toutes récentes leur ont fait reconnaître cette qualité. Dans une étude : les Sauterelles en Irak-Arabi et leur extermina- tion (i), M. Constantin C. Metaxas nous dit : « Pendant l'hiver do 1888-1889, grâce à la sécheresse, les sauterelles n'apparurent que dans les champs irrigués par les canaux s'alimentant des fleuves; mais elles furent la proie des Mouettes qui vinrent dans nos contrées par milliers. De grands espaces furent nettoyés en quelques jours et les sauterelles, avant d'arriver à leur état parfait, furent dé- vorées ou tuées par ces oiseaux. Les Mouettes ne vinrent aussi dans les champs que par le manque de pluies ; pro- bablement les étangs qu'elles habitent n'ont pas eu la quantité d'eau nécessaire et elles furent obligées d'émi- (1) Revue des sciences naturelles appliquées, 1890, t. !, p. 589. 144 LE NATURALISTE grer, attirées par les eaux des champs arrosés. » Après énumération de diverses observations, M. Metaxas con- clut : « Il résulte que le ramassage des coques ovigères, l'état météorologique au printemps et les oiseaux, en général, Mouettes, Etourneaux, Corneilles, Merles, etc., sont les moyens les plus efficaces pour l'extermination des Sauterelles » Dans la famille des Hirondelles de mer, un observa- teur très compétent, M. AUéon (1), nous dit qu'elle est très abondante et niche dans le grand lac Razem (Bul- garie). Elle fréquente beaucoup les champs et les friches où elle saisit soit au vol, soit en se promenant, les lézards et les sauterelles dont elle se nourrit. Dans le cours de cette étude d'oiseaux acridophages, nous avons surtout recherché les espèces pouvant, dans un avenir quelconque, être introduites dans nos colonies africaines et compléter utilement les espèces qui s'y trouvent d'habitude : nous reconnaissons qu'il subsiste des lacunes dans les nomenclatures établies, sous réser- ves de cette observation, je dois ajouter que j'ai pour- suivi cette étude aussi loin qu'il m'était possible, et je souhaite qu'une plume plus autorisée produise le travail utile et complet de Nos Allièf: en Afrique contre {|s Acri- diens. J. FOREST. INFLUENCE DE LA TAILLE DANS L'APPRÉCIATION DES DISTANCES Quand un jeune homme revient dans la maison de ses parents qu'il a quitté dans son enfance, après une longue absence de plusieurs années, il trouve le grenier, on il a joué tout enfant, beaucoup plus petit qu'autrefois. II en est de même pour la cave, le jardin, le bosquet où il allait en promenade. En efl'et, nous évaluons les dis- tances, l'étendue des surfaces, les volumes des bâti- ments, d'après notre propre taille, sans nous en rendre bien compte. C'est ainsi que nous avons choisi pour mesurer la toise ou taille d'un homme idéal, l'aune ou l'étendue des bras, la coudée, le pied, le pouce. Un adulte trouve donc nécessairement plus petits qu'autre- fois le grenier où il s'amusait, la cave où il avait peur, la maison où il est né , quand il est resté longtemps sans revoir les lieux dont il a conservé le souvenir, tels qu'ils lui apparaissaient quand il les avait quittés, parce que sa taille a doublé pendant ce temps-là. S'il avait toujours conservé les mêmes dimensions, il ne les trou- verait pas rapetisses. A bO ans, il trouve au grenier la même longueur qu'à 20 ans ; fùt-il resté 30 ans sans le revoir. De même, si nous étions beaucoup plus grands que nous ne sommes, si nous avions cent mètres, mille mètres, une lieue de hauteur, nous trouverions tout beaucoup plus petit qu'actuellement. Ainsi par exemple, si l'homme avait mille lieues de hauteur, la terre lui ferait le même effet que celui produit à un homme ordi- naire par un piédestal de 4 ou b mètres de hauteur, tout au plus, sur lequel se dresse une statue de 1 m 60 ou l m. 80. (!) Les Oiseaux clans la Dobrudja et la liulgarie. Omis. Wien. 1»90. Mais, non seulement les objets uous paraîtraient beau coup plus petits, mais de plus, le temps lui-même nous semblerait plus court , comme il nous semble plus court aujourd'hui que du temps de notre enfance. Ainsi, la durée du jour, pour le géant de mille lieues de haut, équivaudrait à peine à une de nos minutes, à 40 ou 50 secondes , de sorte que les jours et les nuits se suc- céderaient pour lui toutes les 20 secondes, par rapport à ce que nous éprouvons nous-mêmes. Le soleil lui ferait l'effet d'un globe brillant, tournant autour de lui comme une balle suspendue à un long fil, que nous fe- rions tourner, du haut d'une tour, comme une fronde, toutes les 40 secondes. Plus rapproché que nous du soleil et de la lune de mille lioues, il ne verrait pas ces astres plus gros que nous les voyons ; puisque le plus rapproché des deux serait encore à 95 mille lieues au lieu de 96. Il ferait le tour de la terre en quelques pas ; de sorte qu'il lui serait facile d'avoir toujours le soleil au-dessus de la tête, s'il le désirait. En restant toujours à la même place, sa vie se passe- rait au milieu d'alternatives de jour_et de nuit de 2u se- condes de durée, comme un vol d'oiseau par exemple. Ce serait une vie singulière, impossible, faute d'air respi- rable ; car l'atmosphère ne s'étend guère qu'à cent lieues au-dessus de la terre ! L'air ne lui monterait pas même jusqu'aux mollets. Mais ce qu'il y a de plus singulier, c'est qu'il ne pourrait pas faire un pas sans allumer des incendies sous ses pieds. En effet, il écraserait tout en marchant. Et il broierait tous les objets, pierres et plantes, avec une telle force, à cause du poids gigan- tesque de sa masse, qu'il développerait une chaleur suffi- sante pour réduire tout en feu, arbres, maisons et pierres mêmes. Si un coup de sabot de cheval sur les pavés fait voler des étincelles, quelles flammes, quel feu d'artifice ne se développerait-il pas sous l'écrasement d'un tel colosse ! On frémit rien qu'en y songeant. Il ne pourrait pas presser délicatement une pincée de terre sous ses doigts gigantesques, sans l'enflammer comme de la poudre. La terre flotte dans l'espace avec une légèreté encore plus sensible qu'une bulle de savon dans l'air; de sorte, qu'il ne pourrait faire un saut, sans repousser son petit globe terrestre à plusieurs milliers de lieues de distance. Il serait alors bien capable de bondir ainsi en dehors de la sphère d'attraction de la terre, pour ainsi dire, pour enî/er dans le domaine de l'attraction de la lune ou du soleil. Après tout, la lune ne serait qu'à 96 fois sa hau- teur; et même 95 fois, à partir de sa tète. Il pourrait bien finir par l'atteindre, et par la repousser de sa chute jusqu'au soleil, qui ne demanderait qu'à l'attirer jusqu'à lui. Là, il serait sur une boule de feu 108 fois plus large que la terre, c'est-à-dire 300 fois plus haute que lui : digne séjour pour un pareil Titan ! Sa chute sur le soleil le réduirait en flammes instantanément; mais la tempé- rature du soleil n'en serait probablement pas augmentée d'une façon sensible pour nous, bien qu'elle le fut réelle- ment, au point de vue mathématique. Le soleil est si chaud, ou du moins il concentre dans sa masse une si grande quantité de chaleur, que quelques milliers de degrés de plus ne feraient qu'augmenter sa réserve de chaleur sans l'échauffer proportionnellement beaucoup. Quelques milliards de calories de plus ou de moins dans le soleil ne le rendraient pas sensiblement plus chaud pour nous, tout en lui permettant une plus longue car- rière, à l'état d'incandescence lumineuse. LE NATURALISTE 145 Tout est relatir en ce monde. Quand notre corps grandit, nous croyons voir se rapetisser le jardin où s'est élevée notre enfance, et la maison qui l'a abritée. Le temps aussi nous semble plus court, pour plusieurs raisons, car la taille de notre corps n'est pas sans in- fluence sur notre cerveau, et peut-être sur sa manière de voir et d'apprécier la durée du temps. Il est bien évident que les 3 heures de l'étude du soir, dos collégiensde 10 ans paraissent lieauconp plus courtes qu'autrefois au jeune homme de 21 ans qui fait son service militaire, et dont la taille a doublé dans l'inter- valle. Que chacun de nous s'examine consciencieuse- ment à ce sujet, et il verra que nous n'e-xagérons rien, en disant que 3 lieures dans notre enfance n'ont plus guère j)Our l'adulte ipiu la valeur d'une heure et demie. D'' Bougon. Les ï^lantes DANS L'ANTIQUITÉ : LÉGENDES. POÉSIE. HISTOIRE, ETC , ETC AMA.IVDIER. — La première mention que fasse la Bible de l'amandier se trouve dans la. Genèse, chap.XXX, V. 3743. Jacob servait chez son beau-père Laban, rt il était convenu entre eux que tous les agneaux et les chèvres dont la peau présenterait plusieurs couleurs, seraient pour le patriarche, tandis qu'au contraire tous les animaux dont la toison ne présenterait qu'une teinte uniforme appartiendraient à Laban. Or, Jacob résolut d'aider le hasard, et de faire tout son possible pour que, désormais, les brebis et les chèvres ne fissent que des petits multicolores. «... 37. — Jacob prit des verges vertes do peuplier, d'amandier et de châtaignier, et il en ôta les écorces, en découvrant lo blanc qui était aux baguettes. 38. — Et il mit les verges qu'il avait pelées au-devant des troupeaux, dans les auges et les abreuvoirs où les brebis venaient boire ; et elles entraient en chaleur quand elles venaient boire. 39. — Les brebis donc entraient eu chaleur à la vue des verges, et elles faisaient des petits marquetés, pico- tés et tachetés. 40. ^ Et Jacob partagea les agneaux, et fit que les brebis du troupeau de Laban avaient en vue les brebis marquetées, et tout ce qui était roux; et il mit ses trou- peaux à part, et ne les mit point auprès des troupeaux de Laban. 41 . — Et il arrivait que toutes les fois que les brebis hâtives entraient en chaleur, Jacob mettait les verges dans les abreuvoirs, devant les yeux du troupeau, afin qu'elles entrassent en chaleur en regardant les verges. 42. — Mais quand les brebis étaient tardives, il ne les mettait point. Et les tardives appartenaient à Laban ; mais les hâtives étaient pour Jacob. 43. — Ainsi cet homme s'accrut fort en biens, et il eut de grands troupeaux, des servantes et des serviteurs, des chameaux et des ânes. » La Bible parle encore cinq fois de l'amandier, de l'amande ou de la fleur de l'arbre. 1° Quand les enfants d(î cet intelligent Jacoli allèrent pour la seconde fois en Egypte, avec Benjamin, il les chargea d'offrir au premier ministre du Pharaon (et qui n'était autre que son fils Joseph, vendu jadis par ses frères), les meilleures productions de la terre de Canaan, entre autres des amandes : Gencsc, XLÏU, 11. — Alors Jacob, leur père, leur ilit : Si la chose est ainsi, faites donc. Prenez avec vous les choses les plus estimées du pays, et portez à cet homme (Josep/i) un présent ; quelque peu de baume et quelque peu de miel ; des drogues, de la myrrhe, des dattes et des amandes (hébreu : shâquédim : Septante : xâpua ; Vul- gate : amygdalx). 2» Plus tard, lors du soulèvement d'une partie du peuple, à l'instigation de Coré, Dathan et Abiron, la verge d'Aaron fleurit dans une nuit et i)0rta môme des amandes : ... Nombres, XVII, (3. — " Quand Moïse eut parlé aux enfants d'Israël, tous les principaux d'entre eux lui don- nèrent, selon la maison de leurs pères, chacun une verge; ainsi, il y eut douze verges. Or la verge d'Aaron fut mise avec elles. 7. _ Et Moïse mit les verges devant l'Eternel, dans le tabernacle du témoignage. 8. — Et il arriva, dès le lendemain, ijuo Moïse étant entré au tabernacle du témoignage, voici : la verge d'Aaron avait fleuri pour la maison de Lévi; et elle avait jeté des fleurs, produit des boutons et mûri des amaiides. » 3» En énumérant les ornements du chandelier à sept branches, le Pontateuque parle de ciselures en forme d'amandes ou de Heurs d'amandier [gchi'im) « coupes, calices de fleurs (d'amandier) ». Exode, XXXVII, 17. — Il fit aussi le chandelier d'or pur ; il le fit d'ouvrage façonné au marteau ; sa tige, ses branches, ses plats, ses pommeaux et ses fleurs étaient tirés de lui ; 18. — Et six branches sortaient de ses cùtés, trois branches d'un enté du chandelier, et trois autres de l'autre côté. 1P_ _ 11 y avait en vue des branches, trois plats en forme d'amande (1), un pommeau et une fleur; et en l'autre branche trois plats en forme d'amande, un jiom- mean et une fleur. Il fit de même aux six ))ranches qui sortaient du chandelier. 20. — Et il y avait au chandelier lui-même quatre plats en forme d'amande, ses pommeaux et ses fleurs, etc. 4" Le prophète Jérémie, daus sa première vision (LU), voit une branche d'amandier : « La parole de l'Eternel me fut encore adressée, et il me dit : Que vois-tu, Jérémie? Et je répondis : Je vois une branche d'amandier. » 5" Dans l'Ecclésiaste, à la célèbre description do la vieillesse, on lit que « l'amandier fleurira », pour signi- fier que les cheveux de l'homme blanchiront {Ecclésiastc XII, 7). — Voyez plus loin, ma citation de Hralian Maur. Plutarque (50-rJO ap. J.-C), nous parle de l'amande dans quelques passages de ses livres. Dans ses Symposiaqucs, livre I, question VI (Sur ceci, qu'Alexandre élail grand buveur, S 4), il Jit : « Parmi les familiers de Drusus, fils de l'empereur Tibère, celui qui défiait tout le monde à boire était un médecin. On surprit son secret. Il avait la précaution d'avaler chaque fois (1) Or l'amande n'ayant pas la forme d'un plat, il est éyident qu'il s'agit ici de la fleur de l'amandier. 146 LE NATURALISTE cinq ou six amandes amères, afin de ne pas s'enivrer. Quand on eut empêché ce manège en le surveillant, il ne fut plus même un seul instant en état de soutenir le combat. « Quelques-uns prêtent à ces amandes une propriété mordante et détersive qui agit sur la peau, de manière à enlever du visage les taches de rousseur. Ils supposent donc que, lorsqu'on en prend à l'avance, leur amertume opère sur les pores un picotement qui les, ouvre, de manière qu'ils livrent passage aux vapeurs du vin en les détournant du cerveau. Il nous semble plutôt que le propre de l'amertume est de dessécher et d'alisorber l'humidité... " D'après cela, l'on conçoit que les amandes amères soient un préservatif contre les effets du vin pur, parce qu'elles dessèchent l'intérieur du corps et préviennent la plénitude des vaisseaux qui, trop tendus et trop agités, déterminent l'ivresse, dit-on. Macrobe (.'i70-i-2;>) nous (knine la signillealiou de la noix grecque du vieux Caton (234-14.') av. .T. C). Dans le chapitre xiv du livre II de ses Saturnales (Des différentes espèces de noix) il dit : «... Reste à expliquer ce que c'est quela noix grecque. (Ce disant, Servius prit une amande (Amygihdam) sur le plat, et la montra aux convives.) La noix grecque eH la même chose que V amande ; elle est encore connue sous le nom do Thasienne; témoin Cloa- tius, dans le (juatrièmo livre des Mots grecs réguliers : « Ajoutez-y des noix grecques et du miel à volonté », dit-il. Caton ilit aussi dans sou De re rustica, cap. viii : «... Près de la ville, vous aurez des jardins de tous les styles, toutes sortes d'arbres d'agrément...; des noix nues, des avelines de Prénesto et de Grèce {Avellanas Prenestinas et Grxcas)... » Si nous passons aux autres agronomes latins, nous voyons Columelle (!'='' siècle de notre ère), nous dire {De rerustica, lib. V, cap. x) : «... Vers les calendes de fé- vrier, semez l'amande (nucem grxcam), dont l'arbre est le premier qui bourgeonne. Elle demande un terrain ferme, chaud et sec, [car, si vous la placez ailleurs, le plus sou- vent, elle pourrit. Avant de la mettre en terre, faites-la macérer dans de l'eau miellée, mais qui ne soit pas trop douce : l'amandier, quand il aura grandi, fournira un fruit plus agréable au goût, et, en attendant, se couvrira de feuilles plus promptement. « Placez trois amandes dans une jietite fosse triangu- laire, de manière qu'elles soient éloignées l'une de l'autre d'au moins une palme, et que le sommet du triangle regarde le {vent) Favonius. Chacun de ces fruits ne jette qu'une seule racine et qu'une seule tige. Quand la racine est parvenue au fond de la fosse, arrêtée par la dureté du sol, elle se recourbe et, de son extrémité re- tournée, émet deux autres racines bifurquées. « Vous pouvez obtenir ainsi qu'il suit des amandes {nuccs Qi'secas) et des avelines de Tarente (noisettes) : dans la fosse que vous destinez à recevoir ces fruits, établissez un demi-pied de terre légère sur laquelle vous répandrez de la graine de férule; lorsque cette plante aura poussé, vous la fendrez, et vous insérerez dans sa moelle une amande ou une aveline dépouillées de leur coque; dans cet état, vous les recouvrirez de terre. Cette opération devra être faite avant les calendes de mars, ou entre les nones et les ides de ce mois. » Palladius (400-bOO'!') dit dans son poème sur la greffe Deinsiti'jnibus, v. 93-98) ; Ipsa suos onerat meliori germine ramo.s Persicus, et prunoscit sociare gcaus Iiiiponitqiio levés in stipito l'hyllidis umbras, Et tali discit fortior esse gradu. « Le pêcher donne lui-même à ses branches un meil- leur fruit, et il peut s'unir au prunier. II couvre Yaman- dier de son léger feuillage, et acquiert ainsi lui-même ]j1us de vigueur ». Il dit dans son De re rustica : Livre III. — « Le caroubier aime les pays voisins de la mer, chauds, secs et plats... quelques-uns croient qu'on peut le greffer, même au mois do février, sur le prunier et l'amandier... » «... Grell'er l'amandier, au commencement de ce mois (înar.s), dans les climats tempérés; et à la fin, dans les climats froids, pourvu qu'on le fasse avant la germina- tion des greffes. Livre VIIÎ. — Maintenant {juillet), les amandes sont bonnes à cueillir dans les climats tempérés. Livre XL — {Octobre) Le pistachier se plaît dans un s(d chaud, mais humide... des auteurs assurent qu'on peut le greffer sur l'amandier. Livre II, chapitre xv. — Il y a là une fort longue dis- sertation sur la culture de l'amande ; sur la manière de la rendre douce, d'amère qu'elle était; de la blanchir, de la grell'er, de la conserver, do la rendre fort grosse et même de lui faire porter des caractères : « Suivant les Grecs, dit Palladius, pour avoir des amandes qui portent des caractères, on ouvre la coquille, on enlève l'amande intacte, et l'on écrit dessus ce qu'on veut; puis, on la remet à sa place, enduite de boue et de fiente de porc. » Livre XII, chapitre vu. — « L'amandier donne des fruits rouges lorsqu'il a été greffé sur le platane, u Virgile se sert de l'amandier pour pronostiquer les bonnes ou mauvaises récoltes ; Contemplatoi' item, quum se nux plurima .sylvis Induel in florem, et ramos curvabit olentes. Si superant fétus, etc. (Géorgigues. I, v. 188 et sqq.) « Observe lamandier, lorsqu'il se couvre de fleurs et courbe vers la terre ses branches odorantes. Si les fruits l'emportent, c'est pour ta récolte un heureux présage, et de grandes chaleurs amèneront d'abondantes moissons; mais, s'il n'étale que l'ombre inutile d'un feuillage épais, le fléau ne battra que de vains chalumeaux. » L'amandier ne pouvait échapper à la mythologie; aussi, une jeune et jolie reine fut-elle métarmoriihosée en cet arbre après s'être volontairement donné la mort par désespoir d'amour. Il s'agit dePhyllis, dont Palladius, dans les vers cités plus haut, donne le nom à l'amandier. Elle était fille de Lycurgue, roi de Daulie, suivant les uns, et, suivant les autres, de Sithon, roi de Thrace. A l'âge de vingt ans, elle succéda à son père, et, quelque temps après, arriva dans son royaume le roi d'Athènes Démophoon, revenant de la guerre de Troie, c'est-à-dire de l'un des plus grands actes de piraterie que l'histoire nous ait conservés, et que la poésie ait immortalisés. A toutes les époques de l'humanité, le guerrier fut le chéri des dames ; chez les Dieux mêmes, dans cet Olympe que les Titans faillirent prendre d'assaut, les intrigues de Vénus et de Mars firent le scandale que l'on sait. Phyllis aima donc le fier Démophoon, et l'autorisa promp- tement à lui adresser ses derniers hommages ; mais bien- tôt celui-ci, lassatus et satiatus, à l'encoiitro de l'impériale femme de Claude (rien d'A. Dumas), quitta son amante désespérée pour retourner à Athènes, tout en lui jurant 148 LE NATURALISTE sur ce qu'il av:iit de plus sacré, de revenir auprès d'elle dans le délai d'un mois. Les mois s'écoulèrent, tristes et monotones, et la jeune reine, ne pouvant survivre à la banale interruption de son roman, se jeta dans la mer près du cap Pangée, à l'endroit où fut plus tard bâtie la ville d'Amphipolis. Les dieux, qui se connaissaient en amour et passaient d'ailleurs leur temps à tromper les Grecques séduisantes, furent émus de pitié devant le trépas prématuré de cette amante inconsolable, et ils la transformèrent en aman- dier. Pourquoi en amandier?... Etait-ce un divin madrigal, une discrète allusion à la forme de ses beaux yeux'?... Mvstère. (A suivre.) E. N. S.\NTINI DE RiOLS. OFFRES ET DEMANDES — M.Messonnier, 97, rue de Belfort, à Bordeaux, offre des iossiles de la craie de la Dordogne (étage sénonien) en échange de fossiles d'autres provenances. — A vendre les lots ci-après. S'adresser : à « Les Fils D'Emile Deyrolle, 46, rue du Bac, Paris ». 1 lot de 28 espèces de Trox européens et exotiques, 38 exemplaires dans un carton. Bonnes espèces. Prix : 10 francs. 1 lot de Melolonthidos exotiques 59 espèces, 78 exem- plaires. Ce lot renferme les genres Dicrania à Pachy- dema inclus. Prix : d6 francs. 1 lot de Chrysomélides français d'environ 300 es- pèces, 400 exemplaires. Grand nombre de bonnes es- pèces. Excellente occasion. Prix : 80 francs. Lot de 110 fossiles des terrains primaires (cambrien, silurien, dévonien, carbonifère) parfaitement étiquetés et déterminés. Prix : 40 francs. Collection de 75 coquilles comestibles de France avec leurs noms vulgaires et scientifiques. Prix: 25 francs. Lot de 53 espèces de Lépidoptères en partie nom- més de la Guyane. Prix : 20 francs. Lot de 32 espèces de Lépidoptères nocturnes tous nommés do l'Equateur. Prix : 10 francs. Lot de 180 espèces de Coléoptères exotiques, en grande partie nommés représentés par 240 exemplaires contenus dans 4 cartons vitrés grand format. Prix : 40 francs. 1 lot de coquilles marines et terrestres de Cuba, plus de 47 espèces, environ 80 exemplaires. Prix 45 francs i lot de coquilles du genre Trochidœ, contenant Pharianella, Turbo, Astralium, Pachypoma, Rotella, Polydonta etc. 88 espèces différentes et environ 193 exem- plaires. Prix : 55 francs. Lot de fossiles du dévonien de la Sarthe et de la Mayenne 120 espèces. Quelques-uns représentés par plu- sieurs exemplaires. Prix : 40 francs. Un très beau lot de Coléoptères européens comprenant 121 espèces, 236 exemplaires renfermés dans 2 cartons. Parmi le grand nombre de bonnes espèces que ren- ferme ce lot, nous pouvons citer les suivantes : Cicindela paludosa, Aeinopus picipes, Cortica Man- neirheimi, Acmœsdesira lanuginosa, Clivina ypsilon, Scaritesplanus, Trechus Simoni,Lœmosthenes oblongus, Abax contractus, Amara Spreta, Dichirotrichus ruti- thorax, Chlœius chrysocephalus, Brachinus humeralis, Ochodœus chrysomelinus, Geotrupes ehloropbanus, Rhi- zotrogus Falleni; Melolontha discicollis, albida, lugu- bris; Chrysobothrys Solieri, Aromia ambrosiaca, Anoxia matutinalis, etc. Toutes les bonnes espèces sont représentées par deux exemplaires. Prix : 75 francs. — M. Stanislas Meunier, professeur au Muséum d'his- toire naturelle, fera une excusion géologique publique le dimanche ÎO juin, dans les gisements de fossiles du Parc de Grignon,où des excavations ont été ouvertes spéciale- ment ])0ur la circonstance. Il suffit, pour prendre part à l'excursion, de se trouver au rendez-vous gare Montparnasse, où l'on prendra à 7 heures précises le train pour Plaisir-Griguon. Pour profiter de la réduction de 40 p. 100 accordée par le chemin de fer, il est indispensable de verser le montant de la place au Laboratoire de Géologie, 61, rue de Buffon, avant samedi à 4 heures. — M. Doumergue, 22, boulevard Sébastopol, à Oran (Algérie) va continuer pendant deux mois l'étude bota- nique de l'Extrême sud oranais. — Il offre en échange des spécimens de zoologie de sa région. — M. G. D..., à Lyon. — Le précis d'anatomie com- parée et de dissections, par A. Gruvel, comporte bien 294 figures dans le texte. Toutes ces ligures ont été faites par l'auteur (1 vol., prix: 3 fr. 75, franco). — M. P. R..., n° 4.317. — Le 4= volume de la flore de MM. Rouy et Foucault ne tardera pas à paraître. 3 vo- lumes sont parus déjà. Prix de chaque volumes, 6 francs. VIENT DE PARAITRE r^FtEOIS ET DE LISSECTIOUS PAR A. GRUVEL Docteur ùs sciences 1 VOL . AVEC 294 FIGURES Prix 3 fr. 50, Franco 3 fr. T5 LES FILS D'EMILE DEYROLLE, ÉDITEURS -46, rue du Bac, Paris. Le Gérant: Paul GROULT. Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17. 19» ANNÉE 2» Sérik — IV" «^S 1" JUILLET 1897 LA CAPTÏÏEE DES &LACIEES Los glaciers ont laissé sur le sol ([ii'ils oui recouverl lies traces très spéciales et qui depuis longtemps ont fixé l'attention des observateurs. Les régions pourvues du F. 1. — Coupe schématique du lignite L de Wetzikon pincé entre deux formations moranites, m et M. caractère glaciaire sont si nombreuses et si étendues que iieaucoup de personnes en sont arrivées à conclure qu'à une époque géologique relativement peu ancienne, la [ilus grande partie de la surface des continents a été re- couverte d'un manteau glacé plus ou moins comparable à l'écorce de glace qui recouvre actuellement le Groen- land. Cette conception d'une « pé- riode glaciaire », quelque logique- ment conclue de l'observation qu'elle puisse paraître, présente avant tout ce caractère singulier de venir rompre la série si conti- nue, sans cela, des phénomènes évolutifs qui ont laissé leur em- preinte dans la substance même du globe. Et s'il n'y a pas, dans cette remarque, un motif suffisant pour repousser la théorie d'un « âge de glace », elle est cependant de na- ture à faire réfléchir; c'est-à-dire à faire e.viger des preuves irrécu- sables des assertions avancées. Carte montrant la situation relative du glacier du Brouillard et du glacier du Frcsnay sur le flanc du Mont Blanc de Cormayeur. Le Naluralisle, 46, rue du Bac, Paris. laO LE NATURALISTE En oH'ct, dejmit; les temps lointains où la vie a fait son apparition sur le globe jusqu'à la période présente, les conditions de la surface se sont manifestement modifiées d'une manière tout à fait progressive. Par suite d'un con- flit véritable entre la cbaleur propre des profonileurs terrestres et la cbaleur émanant du soleil, — conflit terminé par la prééminence définitive de cette dernière — la sur- face de la terre, d'abord pourvue d'une température uni- forme, a vu se dessiner, puis s'accentuer les climats. En chaque latitude, ces climats sont devenus peu à peu de moins en moins chauds, et, par exemple dans le nord de la France, le climat de la craie supérieure a été plus chaud que le climat éocène, celui-ci plus chaud que le climat miocène, et le climat pliocène encore comparable à celui qui régne aujourd'hui dans les régions tropicales. F. 3. — Carte du 3!acier des Bossons, dans la vallée de Chamonix. était plus modéré que le précédent. C'est à sa suite, et ve- nant rompre la chaîne qui l'unit à la météorologie ac- tuelle que les temps quaternaires auraient favorisé le développement général des glaciers. Malgré l'acquiescement de beaucoup de géologues à ce point de vue, il faut rappeler que la période quaternaire manifeste en beaucoup de lieux une climature plus Ehaude que celle qui y règne aujourd'hui: les figuiers de Moret en seraient un exemple suffisant. D'où la conclu- sion que le problème n'a peut-être pas été étudié de la bonne manière. Il faut remarquer, en effet, que, par une tournure qui parait naturelle à notre esprit, on s'est laissé aller dans une foule de cas, à généraliser des observations d'ailleurs bien faites, mais qui ne concernaient que des localités res- treintes.On a vu des traces glaciaires en différents points et on s'est plu à y voir le témoignage de phénomènes concomitants, quand il est possible (et plus que possible) qu'il s'agisse en réalité de manifestations successives. On a vu, dans certains glaciers, des traces do vicissitudes dans les dimensions, allongements alternant avec des raccourcissements, et l'on s'est plu à y voir des preuves de vicissitudes générales dans les causes mêmes du re- froidissement et du réchauffement delà terre, alors qu'il se pourrait bien que les alternatives de chaque glacier n'eussent rien à voir aux changements successifs de glaciers plus ou moins éloignés et ne dépendissent que de causes locales. Ce dernier sujet paraîtra l'un des plus importants à traiter à cause de la précision au moins relative dont il est capable, et je demande à y arrêter un moment l'at- tention de nos lecteurs. On acceptera peut-être même d'autant plus volontiers quelques détails à cet égard que le phénomène que je signale et que j'ai découvert il y a déjà quelque temps rentre dans une catégorie de préoc- cupations qui, à propos des rivières, a eu la chance de provoquer l'intérêt du public. Si l'on compare les principales descriptions de pays glaciaires par les géologues les plus distingués, on verra qu'en des localités très différentes les choses se passent comme si la cause d'où dérivent les fleuves glacés après s'être atténuée avait subi des renforcements plus ou moins nombreux et plus ou moins considérables. Pour citer un exemple tout à fait classique, on peut rappeler ce que présentent les environs de Zurich sur la rive nord du lac et spécialement Wetzikon, Durntein, ou Utznach. Dans ces localités et conformément au schéma reproduit dans la figure 1 jointe à cet article, on voit une formation ligniteuse L associée à des argiles intercalées entre deux moraines m et M parfaitement caractérisée. Le tout est porté sur un fond rocheux R dont la surface présente tous les détails de l'érosion glaciaire. En présence d'une pareille coupe on est bien évidem- ment autorisé à proclamer qu'un glacier, après avoir dé- posé la moraine m, s'est retiré (sans doute en conséquence d'un adoucissement météorologique) et que, sur le terri- toire qu'il aiiandonnail ainsi, la végétation s'est établie et peut-être un étang nourrissant des êtres variés. C'est l'ensemble des vestiges datant de cette période relative- ment clémente qui constitue la couche L où les arbres se sont lignitifiés et les mollusques d'eau douce plus ou moins fossilisés. Mais la moraine M superposée à cet ensemble jirouve que le glacier a repris les dimensions qu'il avait précédemment perdues; il est monté ])ar- dessus la zone envahie par les arbres, il a recouvert l'étang et le tout a été saupoudré des matériaux de sa moraine. Tout cela est incontestable; mais la question est de savoir s'il est licite d'attribuer le retour glaciaire à une reproduc- tion des conditions météorologiques du début. Si on trouve deux ou plusieurs intercalations de lignites, comme cela se montre en plusieurs points, faudra-t-il répéter la même hypothèse'? Bien plus, aura-t-on le droit de poser le fait que des glaciers à moraine double, avec lignite inter- calé, ont subi leur raccourcissement et leur allongement en même temps les uns que les autres'? L'observation des faits actuellement en cours se charge de nous procurer la réponse demandée et celle-ci est LE NATURALISTE 151 bien différente de celle qu'on a généralement acceptée. Les glaciers en effet, et quoi qu'on aient dit des f;éolo- gues à la vue courte, ont une histoire <|ui est calquée de tous points sur celle des cours d'eau. Non seulement ils se déplacent comme ceux-ci, avec une distribution sem- idable de vitesses relatives; non seulement ils transpor- tent des matériaux de tous genres et les déposent comme les rivières font les leurs; mais ils déterminent à la sur- l'ace du sol, directement ou médiatement, suivant les cas, des phénomènes do di'uudatiou ijui luodilieut continuel- lement le relief du sol. A l'élargissement et à l'approfondissenieut de leurs vallées, il faut joindre comme elVet mécaniiiue i|u'ils dé- lorminent/a régression dcleur iafsin supérieur de tout point comparable à la régression des sources des torrents et des rivières. Seulement, à cause de l'état solide de la glace et de sa fusion à des niveaux déterminés, cette ré- gression a chez les glaciers cette conséquence qu'elle ne présente pas pour le cours liquide d'intéresser à la fois la terminaison inférieure qui recule en même temps que la source, sans que le glacier change de longueur totale au moins tant que son alimentation n'est pas diminuée. .l'ai insisté sur ce point il y a déjà plusieurs années dans le Naturaliste, et je ne reviens pas sur les détails du phénomène. Mais il importe d'ajouter que cette régres- sion no peut pas se faire indéliniment sans que, de temps en temps, la créto rocheuse de partage entre deux glaciers M. M jV'3 --,i>?;9s^fi^^i^i^^^!V^^'^^^s:s:^^ Fig. 1. — Fi<»ure tliéoriiiue montrant les phases de la capture de W mitoyens ne soit attaquée et rompue. Voici deux figures ijui paraissent intéressantes à. cet égard et à côté des- ([uelles on pourrait en mettre d'autres en nombre infini empruntées à toutes les régions glaciaires. La première concerne deux glaciers descendant du Mont Blanc de (Jormayeur dans la [vallée de la Doire : le glacier de Fresnay et 1(! glacier du Brouillard. On voit l'étroite crête longitudinale qui les sépare et qui ne saurait durer toujours, alimentant comme elle fait de blocs de toutes tailles les moraines qui s'en vont au fil des deux fleuves solides. l,a seconde figure reproduit la forme du glacier des Bossons et de son compagnon le glacier de Taconnaz. des glaciers, expliquant la disposition représentée dans la coupe clzikon. C'est la répétition de la première, avec des pentes plus accentuées et le phénomène déjà fortement commencé. Au moment de la rupture de la cloison rocheuse mi- toyenne et dans le cas oii les pentes des deux glaciers seront suffisamment différentes, il se fera pour la glace une capture toute pareille à celle qui se fait pour l'eau liquide dans les torrents et dans les rivières. De la glace s'engage en surplus dans une vallée où elle ne pou- vait pénétrer et, comme compensation, uue vallée oti se trouvait un glacier d'un volume donné, est subitement privée d'une partie de sa glace. Or, la coupe de notre figure 1, si singulièrement in- 152 LE NATURALISTE terprétée jusqu'ici, reçoit de ce phénomène de capture une explication tout a fait complète. La moraine M vient d'un glacier qui, en conséquence même de la physiologie glaciaire,?!, régressé peu à peu (voyez la figure 4); devant lui les végétations se sont produites; mais, kun certain moment le phénomène de la capture a eu lieu, un nouvel afQux de glace s'est produit et la seconde exten- sion glaciaire en est la conséquence. Je suis convaincu qu'une foule de variations dos gla- ciers, comme celui des Bossons, par exemple, en amontré dans ces derniers temps, proviennent pour une bonne part de captures tantôt au profit, tantôt au détriment des glaciers considérés. Dans tous les cas il faut remarquer que la seconde extension glaciaire constatée ]iar les coupes dos environs de Zurich, quoique correspondant dans le point considéré à une augmentation de glace, est cependant consécutive à la diminution progressive du phénomène glaciaire dans la région considérée. Stanislas Meunier. lOTES SïïR L'APPAREIL YOCAL DU Coucou [Cuculus Canorus, L.) — Métis pe la 'I'oubterelle vulgaire {Tiirtiir Aurilus, Say.) ET DE LA Tourterelle a collier [Columha risoria, L.) — Colombe Bisst {Columba Livia, Briss.) — CoLO.MBE Colo.mbin {Columba Œnas, L.) — Colombe P\.mi!ek [Columba Palinnbus, L.) Quand vient l'époque de la reproduction, il s'opère dans tout l'organisme des oiseaux des phénomènes très remarquables, aussi bien dans les parties externes que dans les parties internes; c'est au point que, chez cer- taines espèces, les sujets en plumage de printemps ne ressemblent en rien à ce qu'ils étaient quehjue temps auparavant. Ces changements extérieurs ont naturellement été les mieux observés, et cependant ils sont devenus parfois la cause de bien des erreurs. Les organes internes subissent de non moindres modifications dont les plus importantes sont bien connues, mais il en est encore qui ont échappé à l'observation. Une des manifestations les plus frappantes de ces phénomènes, est le changement qui s'opère dans la voix des oiseaux dès les premiers beaux jours. Parmi les chanteurs des champs et des bois, comme les appelle Champfleury, il en est un dont l'organe a fixé l'attention de tout le monde, c'est le coucou. Son chant est devenu légendaire : chacun l'imite ou cherche à l'imiter et l'in- terprète de diverses façons ; les horloges suisses nous en répètent le monotone accent, jour et nuit, aux heures et aux demies; enfin le chant du coucou, dans toute sa sim- plicité musicale, a toujours su captiver l'inte'rèt de ses auditeurs. C'est qu'en effet il possède quelque chose de particulier, une sonorité, une étendue surprenantes, et l'on se demande à quelle organisation singulière il faut l'attribuer. C'est à la puissance de tout l'ensemble de son appareil respiratoire qu'il doit la faculté de prolonger pour ainsi dire indéfiniment son chant d'une étendue étonnante. Tous les os de son squelette sont pneumatiques (à l'ex- ception des fémurs.) Des sacs aériens spacieux lui permettent d'accumuler et de renouveler sans cesse à l'intérieur du corps une grande quantité d'air, et ces organes, agissant comme le soufflet d'un orgue ou le sac d'une cornemuse, lui four- nissent l'élément nécessaire à la production du son dont l'ampleur nous surprend. L'air poussé de ses réservoirs aériens vers la trachée, qui joue le rôle d'une flûte ou d'un tuyau d'orgue, passe d'abord par le larynx inférieur qui donne la note du chant ; cet organe n'a qu'un muscle moteur, le chant du coucou ne se compose donc que d'une note, mais il peut la répéter plus ou moins vite, avec plus ou moins de force et sur divers tons, grâce au jeu d'autres parties de son appareil vocal. En effet, la trachée, arrivée à la hauteur des clavicules, est d'abord intimimement liée par un ligament muscu- laire à la peau du cou, puis ensuite par une fine mem- brane, jusqu'à son orifice ou larynx supérieur. Elle se trouve ainsi comprise entre la peau du cou et l'œsophage que l'oiseau peut gonfler et dégonfler à volonté comme la peau de bouc d'un biniou. Les vibrations de l'air dans la trachée, produites par la note donnée par le larynx inférieur, vient résonner sur ce sac aérien comme sur un tambour; mais la peau du cou, d'abord revêtue deplu'mes à l'extérieur et tapissée à l'intérieur par une matière toute particulière, vient amortir l'acuité du son et lui donner le ton d'une douceur étrange et si remarquable. Cette cavité sonore, le coucou ne la possède que pen- dant la saison où il chante, c'est seulement alors que la peau du cou possède cette faculté de dilatation extraor- dinaire et qu'elle est garnie de cette tunique acoustique, qui jusqu'ici a été confondue avec la graisse qui garnit les autres parties de la peau. Cependant elle en difl'ère beaucoup et, par sa nature, elle se rapproche plutôt des tissus qui garnissent le des- sous de la peau du ventre et de la poitrine des femelles à l'époque où elles se livrent aux soins de l'incubation ; d'un jaune citron, elle est visqueuse à sa surface en con- tact avec l'œsophage pour faciliter les mouvements pro- duits par le gonflement et le dégonflement alternatif de la cavité sonore. Cette tunique (ou tissus acoustiques) s'observe même chez les sujets d'une maigreur légendaire; son étendue et son épaisseur sont moindres chez les jeunes d'un an ou deux que chez les sujets plus âgés; il en est de même de la dilatation de la peau du cou, qui n'est pas aussi consi- dérable chez les jeunes que chez les vieux; aussi le chant des jeunes coucous ne possède-t-il ni l'ampleur, ni la sonorité, ni la netteté de celui des vieux, l'étendue et le timbre de la voix de l'oiseau dépendent donc du plus ou moins de développement de ces jiarties de son appa- reil vocal que seul le mâle possède momentanément. Chez les pigeons et les tourterelles, la peau du cou et l'œsophage se dilatent comme chez le coucou pour for- mer une cavité sonore dont les vibrations produisent le roucoulement. La peau du cou est également tapissée d'une couche de tissus acoustiques, matière molle et vis- queuse à sa surface en contact avec l'œsophage, mais dont la coloration diffère ; au lieu d'être d'un jaune citron, comme chez le coucou, ces tissus sont d'un violet rougeàtre et d'une teinte plus foncée sur la partie de la peau correspondant au collier de plumes qui orne le cou — l'épaisseur de ces tissus est beaucoup moindre chez les pigeons et les tourterelles que chez le coucou. La huppe présente aussi, mais à un bien moindre degré une dilatation delà peau du cou qui à l'époque où l'animal chante est garnie d'une mince couche de tissus acous- LE NATURALISTE 133 /iV/Hcs d'une teinte vineuse plus ou moins foncée selon l'âge lies sujets. En écoutant attentivement le chant de ces divers oiseaux, on retrouve chez tous le même son, le même timbre de voix, et cette similitude est due cer- tainement à la résonance de la cavité sonore adoucie sous l'influence des tissus acoustiques, particularités de leur aijpart'il vocal qui leur sont communes. Tous ces oiseaux font aussi entendre, à certains mo- ments, une sorte de cri sourd, de hoquet, qui présente le même caractère et pour le même motif, comme nous venons de le dire, c'est-à-dire à cause de la similitude de certaines parties de leur appareil vocal que nous avons signalées. Pendant plusieurs années j'ai obtenu des métis de la tourterelle à collier et de la tourterelle vulgaire. Le couple qui m'a donné ces produits était formé par un mâle C. Risoria et une femelle C. Auritus en liberté dans uiH? volière placée en plein air sur une pelouse. Au milieu de la volière se trouvait un arbre vert sur lequel elles nichaient deux et même trois fois dans la saison de la reproduction. Les œufs ne présentaient rien de parti- culier, mais le plumage des jeunes offrait les variétés suivantes : à la première et à la troisième couvée de l'année, il se trouvait toujours un sujet absolument blanc et l'autre à plumage foncé ; à la seconde couvée, les deux jeunes étaient toujours à plumage foncé et présen- taient presque les mêmes dispositions de coloration dans leur plumage. Les sujets à plumage blanc, provenant de plusieurs couvées, avaient tous les pattes roses, le bec d'un blanc rosé et l'iris rougeàtre : c'étaient des femelles. Ces sujets à plumage foncé rappelaient beaucoup leur mère C. Au- ritus dans les dispositions et la coloration de leur livrée; la tête, le cou et tout le dessous du corps ainsi que la queue avaient la même teinte, les mômes taches, etc.; quant au dessus du corps, c'était un mélange des teintes ilu plumage du père et de la mère d'un fauve foncé plus ou moins marqué de taches de diverses nuances, n'offrant jamais exactement les teintes et les dispositions du plu- mage de leurs parents; les pattes étaient d'un rose vio- lacé, le bec d'un brun livide, l'iris d'un rouge presque cerise, les sujets à plumage foncé étaient presque tous des mâles. Tous ces métis sont d'un caractère farouche, surtout les sujets à plumage foncé; ceux à plumage blanc sont plus familiers; en somme, la nature de la mère C. Auritus directement issue de parents à l'état sauvage, prédomine sur toute la lignée, le mâle C. Ri- soria est d'un naturel très familier. Jusqu'à présent, je n'ai obtenu aucun produit des nombreux coujdes de métis C. Auritus et C. Risoria; pourtant M. Gerbe avance que le fait se produit parfois; j'ai essayé d'isoler plusieurs couples, mais toujours avec le même insuccès. Le chant de ces métis est fort singu- lier, il se compose de passages qui ont tantôt les notes du chant de C. Risoria, tantôt les notes de C. Auri- tus, mais nullement le ton du chant de ces deux espèces ; le ton de leur chant est sourd, de très peu d'étendue, et rappelle beaucou|) celui du ramier, C. Palumbus. Comme je l'ai déjà dit, le couple C. Auritus et C. Ri- soria, ainsi que leurs métis, sont en liberté dans une vaste volière située sur une pelouse dans un parc et ces oiseaux sont exposés à tous les temps. Ils ont supporté l'hiver 1804-1893 si rigoureux en Bretagne, péniblement il est vrai, et l'épreuve était d'autant plus dure que c'est en hiver que C. .Vuritus opère sa mue, détail à noter pour cette espèce qui émigré et doit opérer son (■hangement de plumage dans les pays chauds. Dans le courant de janvier 1890, une petite troupe de pigeons bisets (C. Livia) était venue s'établir momenta- nément dans la forêt de la Ilunandaye (Côtes-du-Nord), chaque soir en revenant de chasser la bécasse, je faisais lever ces pigeons qui venaient coucher sur une rangée de sajuns isolée au milieu des landes de la forêt ; je pus en abattre quelques-uns, au clair de la lune, car dans le jour ils étaient inabordables. Parmi les sujets que j'ai examinés, les uns appartenaient à la race ou espèce à croupion gris-bleu C. Saxatilis, Briss. ou à C. Turricola de Ch. Bonaparte, et c'était le plus grand nombre ; les autres avaient le croupion blanc ou d'un gris bleu très pâle. Les bisets, qui autrefois étaient assez nombreux et communs en Bretagne, y deviennent de plus en plus rares, du moins dans le département des Cotes-du-Nord. Il en est de même du colonibin C. O'Inas, qui se montre encore parfois en troupes assez nombreuses et de com- pagnie avec les ramiers. Les ramiers, C. Palumbus, arrivent quelquefois l'hiver en troupes très considérables, et, pendant l'hiver 1894- I89S, j'ai assisté, dans la forêt de la Ilunandaye, au cou- cher d'une bande extraordinairement nombreuse. C'était à la tombée de la nuit vers cinq heures un quart du soir : j'entendis tout à coup un bruit formidable, comme celui qui se produirait par un écroulement ou un trem- blement de terre, je crus même un instant au déraille- ment du train qui traversait à ce moment la forêt, c'était une bande de ramiers qui s'abattait sur le;-, arbres, dans les taillis, partout enfin, et occupait un espace de cinq à six cents hectares. Le lendemain tous avaient disparu, mais le sol était couvert des plumes que ces oiseaux y avaient laissées tomber en se débattant dans les branches sur lesquelles ils avaient peine à trouver une place pour se coucher, tant ils étaient nombreux ! Aux environs de Paris, j'ai vu autrefois des troupes de ramiers, très nombreuses aussi et assez considérables pour faire trem- bler la terre au moment où ils partaient tous ensemble du sommet de quatre peupliers gigantesques isolés dans le parc de Garges (Seine-et-Oisc). Ce bouquet d'arbres sé- culaires, dont l'orage avait labouré l'écorce et brûlé la cime sans pouvoir la détruire, est tombé sous la hache de l'ennemi en 1870. Il fut certainement, pendant une longue suite d'années, un point de repère, une station pour les oiseaux de passage et notamment les pigeons ramiers. Allicrt C'itETTÉ DE PALt.UEL. Culture et fabrication LA CHICORÉE A CAFÉ Sa composition, sa falsification {Suite et fin). La racine de chicorée est aujourd'hui tellement re- cherchée que la France n'en produit plus assez pour sa propre consommation; elle doit avoir recours à la culture étrangère qui, en 1894, a importé chez nous 77.538 kilo- grammes de racines vertes et 32.180.000 kilogrammes de 134 LE NATURALISTE racines sèches ou cossettes; le tout représentant une "valeur de 8.046.000 francs environ. C'est la Belgique qui prend la plus grande part à ces importations. Si on se place au point de vue industriel, c'est alors la France qui tient la tête ; sa production annuelle dépasse en effet 35.000.000 de kilogrammes, et plus de l.OOOouvriersy sont employés dans nos fabriques. La chicorée française est surtout exportée en Algérie, en Suisse, en Espagne, en Italie et en Angleterre. Malheureusement, le commerce s'est livré sur la chi- corée comme surtant d'autres denrées, à toutes sortes de falsifications : il nous la livre souvent mélangée avec des pulpes de betteraves, des marcs de café, de la sciure de bois, des glands de chênes, des tourteaux, etc., qui ont été torréfiés et enduits de mélasse. On a même trouvé jusqu'à des cendres de houille, du tan, de l'argile et de la tourbe ! Heureusement, les procédés chimiques permettent de discerner facilement la chicorée de bonne qualité, sa com- position étant parfaitement déterminée. La teneur en glucose et en matières minérales doit être particulière- ment constante. Voici la composition de deux échantil- lons de chicorée pure, déduite des analyses de M. Peter- mann, directeur de la station agronomique de Gembloux (Belgique). EN SEMOULE EN POUDRE iEau(ilOD" c.) Sucre (glucosej Dextrine, gommes, etc. Matières albuminoïdes — minérales. . . . — colorantes... Matières insolubles albuminoïdes minérales . . . grasses cellulose .... 16.2sJ 26.12/ 9.63 3.231 2.S8 16.40 .97% 3.1a 4.58, 3.-31>25.76% 12.32 lO.OUOi 16.96) 23. -yf 9.31)56.00» 3.661 2.531 n.59,' 2. 981 5.87(26.14% 3.92( 13.37) 100.00' En examinant lapartie soluble dans l'eau, on voit (jue la valeur nutritive de cet aliment est beaucoup plus élevée qu'on ne pourrait être tenté de le croire. Ces échantil- lons donnent 8,42 et 7,16% de cendres ou matières mi- nérales. Or, toute chicorée contenant plus de 6 % de cendres doit être considérée comme falsifiée, d'après les circulaires ministérielles de 1853 et 1854. Ilnefautdonc rien conclure, en matière d'analyse'quantitative, d'un seul chiffre s'écartant tant soit peu du titre normal, quand tous les autres sont concordants avec la composition moyenne d'un produit de bonne qualité, et, dans une analyse de chicorée, on ne devra jamais prendre le do- sage des cendres comme critérium permettant à lui seul d'apprécier la valeur du jjroduit. Le glucose doit entrer dans la composition de la chi- corée, au titre de 9 à 12 %, d'après Graham ; mais il faut encore bien se garder de se baser sur cet unique carac- tère. De tous les procédés d'analyse tentés jusqu'ici sur la chicorée, le meilleur semble encore l'examen microsco- pique, grâce aux caractères très nets que présente la chicorée, et, particulièrement, la présence des vaisseaux rayés ou ponctués. Lachicorée, déjà si falsifiée elle-même, joue encore souvent le rôle d'agent falsificateur, notamment pour les cafés en poudre. Cette fraude ayant atteint des propor- tions démesurées en Angleterre, on dut prendre, en 1852, un arrêt spécial pour la réprimer. Le microscope dévoile facilement cette fraude, car la substance du café n'offre ([ue des cellules irrêgulières et peu de vaisseaux, tout au contraire de la chicorée. A dé- faut de microscope, on peut encore presser fortement la poudre entre deux feuilles de papier : le café pur ne doit pas se prendre en masse, alors qu'on voit la chicorée s'agglomérer. Mais comme reconnaître la fraude n'est pas l'éviter, le mieux eslencore d'acheter son café en grains... Paul .l.\C0B. Nos Rêves Il serait facile d'écrire des volumes sur les rêves. Peut-être en trouverait-on quelques-uns en librairie. On y verrait sans doute bien des choses intéressantes et peut-être bien des appréciations plus ou moins sus- pectes. Le rêve est une idée qui passe dans notre tête pendant que nous sommes endormis. C'est le cerveau qui fonc- tionne, alors qu'il devrait se reposer. Le rêve est donc un état anormal dans l'exercice du cerveau, c'est-à-dire une maladie au même titre que tout ce qui ne s'exerce pas régulièrement. Ce n'est pas une folie comme les cauchemars par exemple ; mais c'est une déviation de nos fonctions comme une crampe. Ce n'est pas une dou- leur, bien qu'il y ait des rêves pénibles et affreusement douloureux ; mais c'est une aberration dans le fonction- nement du cerveau. Il peut fonctionner plus ou moins m.al ; de là tant de rêves qui n'ont pas de sens. On a cru que le rêve pouvait être une manifestation divine, une apparition par exemple. Il est au contraire bien plus naturel de ne voir dans nos rêves qu'une perturbation de notre sommeil, et non pas une exaltation de puissance de nos fonctions intellectuelles. Quand on dort, le cer- veau doit dormir aussi, et ne doit pas fonctionner. Or, le rêve est une idée, c'est-à-dire un fonctionnement dé- placé de notre esprit. Cependant, il jieut y avoir des rêves très intéressants, et d'aussi sérieux que tout ce que nous pourrions imaginer à l'état de veille. Les causes de nos rêves sont de différents ordres, comme les causes de nos impressions cérébrales elles- mêmes. Une personne dort accablée de sommeil, sans penser absolument à rien. Elle est sujette à éprouver des crampes très douloureuses dans les jambes ; ce sont des contractures localisées dans les muscles fléchisseurs ou extenseurs des orteils. Un faux mouvement, une simple pensée ou même sans cause : Crac! une crampe. Elle disparait seulement quand le malade se lève et met le pied par terre en faisant quelques pas. Un jour, une crampe le saisit au milieu de son sommeil et le réveille. Il s'aperçoit qu'il venait de faire un rêve très court, d'une seconde à peine de durée; parce que la sensation de crampe a mis un temps très court pour devenir suffi- sante à réveiller le dormeur. Elle a provoqué le curieux rêve suivant : Je marchais, dit le malade, sur une place publique, où je vis instantanément un tramway bousculant des voitures arrêtées par un encombrement. Une de ces dernières renversa un homme à terre et en blessa plu- sieurs autres. L'homme renversé fut relevé sans con- LE NATURALISTE 13:; naissance par les passants. Tous ces faits s'accorn- pliipnt dans la même seconde, bien qu'ils fussent suc- sifs. Or, c'est Inoii une crampe qui fut la cause de ce rêve; car le malade se réveilla alors avec une douleur à la jambe qu'il attribuait tout d'abord à la contusion imaginaire de son rêve, mais qui allait toujours en aug- mentant avec tous les caractères d'une crampe réelle. Telle est une des causes les plus remarquables de nos rêves : une action pbysi(]U(! sur nos organes. Aussi jieut on provoijucr des rêves chez les jeunes gens par excitations e.\térieures durant leur sommeil. C(!s phé- nomènes confinent alors à l'hypnotisme, et nous n'en dirons rien, parce que le sujet est trop vaste. On comprend ([ue la durée d'un rêve peut être réelle- ment très courte; mais elle peut cire aussi bcaucouii plus longue. Kn effet, j'ai vu une jeune fille jjarler en rêve pendant une bonne minute. Quand elle se réveilla, elle nous raconta que son rêve durait déjà depuis long- temps; quand elle prononça les paroles que j'avais en- tendues et qui la minuit sur la voie deson rêve, il sembla que son rêve avait duré plus de ciu(j minutes, et p(!ut-élre plusieurs (luarts d'heure. En effet, les phrases parlées ne représentaient qu'une période très minime du rêve en- tier. Il y a donc des rêves très courts et des rêves plus longs. En général, je pense qu'ils sont plus courts qu'on ne croit; mais c'est une affaire de personnes; chacun a sa constitution jiropre : Unicuique suum. Il en est des rêves comme de nos idées, c'est-à-dire comme du travail de notre imagination ; puisque le rêve n'est qu'une idée comme les autres, mais qui se développe à l'état de sommeil au lieu de l'état de veille. Une autre cause fréquente de nos rêves, c'est le sou- venir de ce que nous avons appris dans la journée, soit en lisant un livre, soit dans la conversation, soitenvoyant des faits se passer sous nos yeux. Ainsi un enfant voit un livre d'images représentant les aventures de Pierrot et d'Arle([uin, l'assassinat des gendarmes et la pendaison de l'assassin. Il éprouve une violente émotion, ïl pleure, sa mère le couche, et il se réveille en sursaut deux heures après; il a vu le meurtrier se débattre dans les flammes de l'enfer, avec le diable à ses trousses. Evidemment, sans son album, l'enfant n'aurait pas eu ce rêve affreux. Les rêves peuvent no se produire que fort longtemps après l'événement qui leur a donné naissance. Ainsi, dans mon enfance, j'ai connu un revenant de la fameuse retraite de Russie sous Napoléon ï". Cet ancien soldat s'y voyait encore dans ses rêves quarante ans jdus tard : son fusil lui-même se congelait, et la balh; ne jiartail pas! On voit que les rêves peuvent être raisonnables ou déraisonnables, intéressants ou stupides ; et que le sou- venir d'un fait très ancien nous ramène des rêves comme celui d'une lecture récente. Un rêve singulièrement effrayant et d'une durée de quelques minutes peut-être, c'est le suivant. Le père de famille (|ui fit ce rêve tremblait encore en me le racon- tant. 11 i)0ussa un cri tellement déchirant, ([u'il réveilla plusieurs personnes dans les cliamlires voisines. Sa femme, couchée à ses cotés, confirma l'épouvante qui troublait encore son mari, quand il se réveilla et revint à lui : Orna chérie, c'est un rêve épouvantable, disait-il d'une voix larmoyante et entrecoupée par l'émotion, en frissonnant de tous ses membres. QuV'tait-ce donc? Il se promenait avec un de ses amis dans le .Jardin des plantes, en marchant à reculons. Au bout du jardin. un professeur faisait avec un employé une expérience sur un serpent fort dangereux, le fer-de-lance de la Mar- tini([uo. En reculant toujours, le promeneur finit, par mettre le pied par mégarde sur le reptile étendu à terre. Celui-ci se redressa aussitôt, et le picjua dans les reins. Mais alors, chose inattendue et qui montre bien la nature si souvent biscornue de nos rêves, au lieu de lâcher sa ]iroie, le serpent se mit à sucer raiiidement le sang comme une sangsue, en se repliant sur lui-même et en prenant un volume de plus en plus considérable. En quelques secondes, il avait quadruplé de volume, au dé- triment du malheureux qui se rapetissait de plus en plus et perdait ses forces. Le professeur atterré n'osait bou- ger ni lui porter secours; bien ([u'il U: priât de fra]ip(!r à coups de canne sur la tête du serpent, qu'il ne iiouvait atteiniln^ lui-même : on no peut pas soi-mêm(! frapper sur un objet inséré au milieu de son dos! On voit com- bien nos rêves peuvent être absurdes et peu conformes à la réalité. Le liothriocéphale fer-de-lance ou Bothrops lancéolé ne suce ]]as le sang comme une ventouse, bien entendu : Un serpent n'est pas une sangsue ni un vam- pire. Certaines personnes ne rêvent jjour ainsi dire jamais; d'autres, au contraire, ont plusieurs rêves différents dans la même nuit. Elles se demandent même si le sommeil ne se passe pas tout entier dans dill'érents rêves, dont on ne garde le souvenir que de qu(dques-uns seubmient. Ce n'est pas probable. Nous considérons le rêve comme une anomalie : le cerveau se fatigue au lieu de dormir. C'est pourquoi nous le considérons comme un état anormal, comme la transpiration ])ar exemple. Quand riiommc dort, il doit dormir et non pas rêver. Aussi bien des rêves sont pénibles et fatigants ; tandis qu'un sommeil naturel doit reposer et être réparateur. On connaît l'im- portance absurde que les anciens attribuaient aux songes ! Il est étonnant de voir combien l'homme est obligé de passer par une quantité infinie d'errcîurs, avant de se rendre coiniite de la vérité. L'histoire di^s anciens n'est qu'un tissu d'erreurs. C'est à nous demander si nous n'en commettons [las d'autres à la place. N'esl-il pas bien surprenant, jiar exemjile, que le nombre îles personnes qui meurent chaque annéi! de la rage, soit lilus considérable aujourd'hui qu'autrefois, après les grandes découvertes de Pasteur'^ Est-ce parce que les statistiques étaient mal faites 'i Est-ce parce qu'il y a plus d'enragés qu'autrefois? C'est fort probable; puis- qu'il y a aujourd'hui moins de cas de diphthéric qu'a- vant la bulle découverte du docteur lloux, cela montre une chose que nous savons tous : les années se suivent et ne se ressemblent pas. On ne peut cependant pas dire ([ue les microbes sont de la blague comme de l'astrolo- gie et l'alchimie des anciens , puisque la chirurgie et la médecine ont l'ait tant de progrès réels, depuis les im- mortelles découvertes de notre illustre l'asteur. Cejieii- dant, les erreurs prodigieuses de nos devanciers doivent nous rendre [irodigieusement prudents et réservés. Er- rarc humanum est, nous sommes des hommes, par con- séi[uciit nous devons nous tromper encore, plus souvent ([uc nous ne voulons bien l'admettre. L'expérience montre à l'homme qui avance en âge combien il doit être modeste ! Le véritable savant est celui qui se rend bien compte qu'il sait fort peu de chose, qu'il s'est déjà trompé beaucoup, et doit probablement se tromper plus d'une fois encore. D'' Bougon. 156 LE NATURALISTE LE PHYLLOXERA DE LA MŒ Le phylloxéra de la vigne a éveillé récemment en France de grandes inquiétudes, par les importants dé- gâts qu'il a produits parmi nos vignobles. Comme depuis longtemps dans le nouveau monde, un entomologiste américain, Asa Fitch, en faisait un véri- table puceron ; ce fut en 1868 que M. Planchon rectifia cette erreur et nomma cet insecte encore mal connu phylloxéra vastatrix. Après lui, M.Laliman,de Bordeaux, puis M. Cornu et surtout M. Riley firent sur ces insectes les études les plus approfondies. L'introduction du phylloxéra en France a été due à l'importation de ceps américains dont les racines, con- trairement à celles de pieds français, peuvent résister au rostre puissant de ces terribles petits animaux. Le phylloxéra vit d'abord à l'état aptère sous le sol : les femelles aptères parthénogénésiques pondent des oeufs qui ne sont pas fécondés et éclosent souterraine- ment avant l'arrivée de l'hiver que ces insectes nou- veau-nés passent dans une fente de la racine. Au retour de la chaleur, ils quittent leur premier té- gument pourun plus délicat d'une couleur jaune clair; c'est après cette mue qu'ils s'attaquent aux racines et les sucent. Au bout de peu de temps, ces parasites qui sont tous femelles, pondent, chacun, environ trente œufs qui, si la température est favorable, doivent éclore en huit ou dix jours. Le phylloxéra nouveau-né se fixe sur une partie de la racine, la suce et, après trois mues successives en l'inter- valle d'environ deux semaines, est capable de reproduire quatre ou cinq œufs par jour tant que la température du sol lui sera favorable. Dans les dernières générations, le phylloxéra est un peu difl'érent, il subit quatre mues alors, sa face dorsale porte des rangées de verrucosités, la tète est plus petite, le quatrième article des antemnes est plus long; on dis- tingue en outre sur cet insecte des ailes rudimentaires, il vit moins profondément dans le sol, il ne tardera d'ail- leurs pas à sortir de terre et à subir une cinquième mé- tamorphose pour devenir alors un phylloxéra avec (juatre ailes plus longues que le corps et posées à plat sur celui-ci. La reproduction chez ces derniers est moins féconde que chez les précédents, mais leur dissémination est plus facile et ils peuvent aller faire des dégâts en des points considérablement éloignés du lieu de leur nais- sance. Le phylloxéra ailé a été remarqué seulement en 1875 par M. Boiteau, M. Balbiani a pu l'étudier. Cet animal encore parthénogénésique pond trois ou quatre œufs sous l'écorce d'un pied de vigne, puis meurt. Ces œufs jjeuvent être de deux tailles et donnent nais- sance à des individus sexués, les plus petits fournissent les mâles aptères qui, dépourvus de rostre et d'organes digestifs, possèdent des organes générateurs très déve- loppés; les plus grands donnent naissance à des femelles aptères dont le rostre et l'appareil digestif sont considé- rablement atrophiés, leur abdomen suffisant à peine à renfermer l'œuf d'hiver qu'elles pondent sous l'écorce delà vigne; cet œuf d'abord d'un beau jaune devient / vert, il donnera naissance au pliylloxera aptère parthé- nogénésique des racines et le cycle va recommencer. Quand une vigne est atteinte du phylloxéra au bout de vingt mois à peu près, les feuilles jaunissent et tombent, les grappes du raisin sont plus petites, ses graines ont une saveur peu agréable, et, si on examine les racines, elles offrent des renflements radicellaires irré guliers ; c'est alors que ces parties si nécessaires à la nutrition de la plante commencent à pourrir : pourriture qui, en peu de temps, a gagné toute la racine. Il suffît de quatre ou cinq ans au phylloxéra pour ruiner un vignoble tout entier. Que les terrains soit argi- leux, calcaires ou granitiques, ils sont susceptibles d'être envahis par le phylloxéra; seul, le terrain sablonneux arrête infailliblement le terrible ravageur. M. Faucon a imaginé pour sauver ses vignobles atta- qués, de les submerger, le procédé a pleinement réussi, il est même encore employé dans les cultures de vignes situées en plaine basse. M. Thénard proposa d'injecter du sulfure de carbone dans le sol avec le pal Gastine, au pied des ceps attèi.nts; ce moyen, généralement excellent, présente néanmoins un inconvénient, qui est que le pal ne peut être enfoncé dans un sol pierreux, c'est alors que M. Dumas a indi- qué le sulfo-carbonate de potasse mêlé à l'eau qui est beaucoup moins volatil que le sulfure de carbone et est par conséquent utilisable à l'air libre. Le docteur Mandon a imaginé dernièrement un pro- cédé peu coûteux et qui semble vouloir donner d'excel- lents résultats : il consiste à perforer obliquement avec une vrille le cep sans toutefois atteindre la moelle et à injecter dans ce trou, devenu ainsi une sorte de chambre d'absorption, une certaine quantité d'eau phéniquée; au bout de quarante-huit heures le pied étant complètement phénolé le phyllo.xera périt empoisonné. Différents procédés sont en outre en usage, spéciale- ment pour la destruction de l'œuf d'hiver, ce sont : un mélange d'eau et d'huile lourde ou une dissolution de sulfo-carbonate de potasse, ou mieux encore un mélange de goudron, de houille et d'huile lourde dont on badi- geonne la tige. Les procédés sont multiples, mais les moyens de des- truction ne sont jamais trop nombreux pour un être aussi nuisilde que celui qui nous occupe et dont il est nécessaire de se débarrasser à tout prix. Léon Fl.^meng. DESCfilPTION OE COLEOPTERES NOUVEAUX Anlkicus (Acanthinus) nitidiceps n. sp. Très allongé, ferru- gineux, hérissé à l'état frais de longs poils dressés, élylres bifascics, prolhorax seulement opaque. Tète presque lisse, di- minuée en arrière. Antennes assez minces, plus ou moins claires avec leur milieu parfois obscurci. Prothorax allongé, étroit, opaque, à ponctuation granuleuse dçnse, un peu étran- glé avant la base. Ecusson triangulaire. Elj'tres relativement élroits, allongés, bien atténués en arrière, à ponctuation dis- posée en lignes, forte, et dépression post-humérale bien mar- quée avec 2 fascies peu accentuées rembrunies, un peu obli- ques, la l™ sur la dépression, 1» 2° vers le milieu; extrémité parfois un peu rembrunie. Pattes minces, longues. Dessous du corps de la coloration du dessus, un peu pubescent. Long. 3-3 1/4 mill. Brésil (reçu du D'' Staudinger). A placer près de hislrio Laf. mais taille plus grande avec le prothorax épineux. LE NATURALISTE IST Aiil/iictis (Acanthinus) 3-fasciatus F. v.iiis Irinoldliis. Taille avantageuse, tète et prothorax fonces, clytres présentant 2 bauiles brunes nettes et l'extrémité largement de la même coloration. Antennes foncées avec les 2 derniers articles jaunes. Long. 3 mill. environ. Brésil (reçu du D'' Staudingeri. AnI/ncus {Acanthinim} slriutnpunctalus Laf. var. discolov. Modilic.ilion par décoloration de la forme type présentant une seule bande médiane brune et une coloration générale plus pile avec généralement le prothorax clair. Long. 2 1/2 à 2 2/3 mill. Brésil (Gounelle in coll. Gounelle et Pic types!). Anlliiciis (lilaticeps. Petit, peu brillant, rougeàtre avec les élytrcs foncés, membres testacés. Tête très grosse, carrée en arriére, nettement tronquée, rougeàtre, un peu rembrunie, à ponctuation très forte, espacée. Antennes testacées, à derniers articles globuleux avec le terminal en pointe émoussée. Pro- thorax rougeàtre, trapéziforme, plus large que la tète et légè- rement anguleux en avant, bombé, bien rétréci en arrière, rebordé, à ponctuation peu forte, espacée. Ecusson testacé, petit. Elytres courts, subovalaires, plus larges que la base du prothorax aux épaules, arrondis à l'extrémité, à ponctuation peu forte et peu écartée et pubescence grisâtre mi-dressée, peu longue. Pattes minces, testacées, dessous du corps testacé rougeàtre. Rappelle un peu de forme notre Atilliiciis européen Genei Laf., mais avec un prothorax bien plus large, plus trapézi- forme. Long. 1 1/2 mill. Afrique Australe : Vryburg (E. Simon, communiqué par le D' Martin. M. Pic. ERRATA Do grosses erreurs typographiques, que nos lecteurs ont certainement relevées eux-mêmes, ont été laissées dans le dernier article de notre distingué collaborateur M. Glangeaud. Le titre même de l'article était erroné. Titre : au lieu de Histoire générale lire Histoire géo- graphique. p. 139, col. 1, ligne 13 au lieu de /'orme lire faune. 139, — 2, — 11 — Nébroska — Nébraska. — — 2, — 41 — Roméo — Bornéo. 140, — 1, — 8 — Pliagoctère — Phacochère. OFFRES ET DEMANDES — M. Gaurand, 8, place des Acacias, à Royan (Charente- Inférieure), désire se mettre en relations avec des ama- teurs d'histoire naturelle collectionnant les Reptiles et les Batraciens. — M. G., M... n° 7932. — Le procédé de coller les coquilles ou les œufs en collection sur des cartes est en tous points nuisible ; la coquille ou l'œuf sont abîmés par la colle, ils risquent beaucoup d'être brisés lorsque l'on manie la collection, ils ne peuvent- être e.xaminés convenablement et, en un mot, il faut abandonner ce système antique et auquel depuis longtemps on a renoncé. Les coquilles, œufs, fossiles, minéraux, etc., doivent se mettre en cuvettes, de grandeur proportionnée à l'échantillon. — Thermomètre à maxima et à minima (ihermomo- trographe), à guérite métal, avec aimant. Prix 9 fr.îiO. (S'adresser aux bureaux du journal.) — A échanger une série d(! fossiles de l'Oxfordien, Corallien, Calcaire à Astarie, Kumméridgien, Portlan- diers, Néocomien du département de l'Aube et de la Haute-Marne. S'adresser à M. C. Margaime à Bar-sur- Aubo (Aube). — A vendre les lots suivants (s'adresser an Los Fils D'Emile Deyrolle, 46, rue du Bac, Paris): 1 lot de 28 espèces de Trox européens et exotiiiues, 38 exemplaires dans un carton. Bonnes espèces. Prix : 10 francs. 1 lot do Mélolonthides exotiques, 59 espèces, 78 exem- plaires. Ce lot renferme les genres Dicrania ;ï Pachy- dema inclus. Prix : l'j francs. 1 lot de Chrysomélides français d'environ 300 espèces, 400 exemplaires. Grand nombre de bonnes espèces. Excellente occasion. Prix : 80 francs. Lot de fossiles du dévonien de la Sartlie et de la Mayenne 120 espèces. Quelques-uns représentés par plusieurs exemplaires. Prix : 40 francs. Collection de 210 espèces de Coléoptères de France représentées par 40o exemplaires contenus dans 6 car- tons vitrés grand format. Cette collection renferme les familles suivantes: Cicindélides à Clavicornes inclus. L'étiquetage des insectes est fait au moyen d'étiquettes imprimées; de nombreuses places sont réservées aux espèces manquantes. Prix : 35 francs. — Collection de 262 espèces de Lépidoptères de France représentées par 369 exemplaires renfermés dans 8 car- tons vitrés grand format. Parmi les bonnes espèces que contient cette collection nous citerons les suivantes : Leucophatia dimensis ; Apatura iris (f ilia, clytie; Lurienitis populi 2 o'', 1 ? , ab. tremuhc ; Sesia scolii- formis, cephiformis, mutillœformis, formiciformis, phi- lanthiformis, speciformis, conopiformis, ichnoumoni- formis, chrysidiformis, empiformis ; Zeuzera tcsculi; Orgya gonostigma? ; Acronycta euphrosiœ, alni ; Plusia festucaî; Maina maura; Abraxassylvata. Prix : 75 francs. — L'excursion de l'École d'Anthropologie, cours de M. A. de Mortillet, aura lieu cette année aux dates ci- après : Dimanche 4 juillet. Dreux : 'Visite de la Collection Doré-Delente. — Mon- treuil : Dolmen de Cocherelle. — Sorel : Dolmen et po- lissoir de la Ferme-Brulée. — É/,y : Les Caves et leurs habitants. (Rendez-vous à la gare Montparnasse, à 8h.lO du matin. Départ à 8 h. 30.) Dimanche 18 juillet. Pontoise : Musée. — Menhir de Jancy. — Dolmen de Vauréat. (Rendez-vous à la gare Saint-Lazare, à 8 heures du matin. Départ à 8 h. 20.) Dimanche l" et lundi 2 amU. Bruxelles : Visite de l'Exposition, des Musées et de la Ville. (Rendez-vous à la gare du Nord, le dimanche à 7 h. 50 du matin. Départ à 8 h. 20.) 158 LE NATURALISTE ACADÉMIE DES SCIENCES M. Louis Roule (1) a entrepris, sur la faune des étangs de la côte orientale de la Corse, des études analogues à celles poursuivies depuis de longues années par M. Marion sur l'é- tang de Besse. Les étangs les plus vastes et les plus importants de la côte Est sont au nombre de trois : celui de Biguglia non loin de Bastia, (profondeur 1 m 50); ceux de Diana et d'Urbino dans la région d'Aleria (profondeurs atteignant 12 à H mètres) ; on y observe une faune riche et variée en outre des animaux erratiques ou migrateurs (surtout des Poissons muges, loups, anguilles, dorades, sardines, anchois etc.), espèces lit- torales ou de plus grande profondeur qui s'introduisent dans l'étang par le goulet de communication avec la mer et sta- tionnent dans les points où la salure est la plus forte. Les animaux vivants d'une manière constante dans ces étangs sont nombreux et appartiennent à tous les groupes principaux, depuis les poissons jusqu'aux spongiaires : (Mé- duses Rhizostoma Cuvieri) Gardium, Vénus Ostrca, etc. Une telle richesse de la faune est d'autant plus remar- quable que les conditions de milieu et notamment le degré de salure, changent beaucoup suivant les saisons. La plupart des animaux continuent à vivre ijourtant et ne disparaissent pas. Il leur faut donc une grande plasticité pour résister à de pareilles alternatives, auxquelles les animaux marins, et ceux de.s eaux douces, sont soustraits. 11 serait naturellement inté- ressant d'étudier à ce sujet la résistance vitale comparative des espèces trop délicates éliminées à mesure que le golfe se barrait et se transformait en étang. On connaît déjà les remarques intéressantes que l'étude de la faune de la mer Caspienne a permis de faire dans ce sens, les observations de \V. A. Herdman sur les Harpacticus et celles de Sclimankewitsch sur les Artemia ne peuvent qu'en- gager à entreprendre l'étude de ces étangs à conditions va- riables où la faune marine se transforme en une faune d'é- tangs ou saumàtres ou sursalés. Les recherches de M. F. Bernard (2) sur la coquille em- bryonnaire ou prodissoconquedcs lamellibranches l'amènent à ramener à ce stade l'animal à un type très simple et très schématique. Cette larve est pourvue de deux muscles adduc- cteurs, de muscles pédieux, de trois paires de ganglions, d'un pied propre à la reptation, d'un manteau à lobe libre sans siphon ; de branchies situées très en arrière et en outre du Vélum caractéristique de toute larve de mollusque. C'est de ce stade qu'il faudrait partir suivant M. Bernard pour re- constituer la philogénic des lamellibranches. D'un travail de M. Armand Sabatier (3) sur la signification morphologique des os en V, ou en chevron des vertèbres cau- dales, on peut conclure que le système des os intérépineux, qui, au niveau de la cavité viscérale, a fourni les ceintures, les memores, le sternum et la clavicule, fournil dans bien des cas, en arrière de la cavité viscérale, une série d'os en V qui représentent les intérépineux do la région caudale de la co- lonne vertébrale. Dans la classilication végétale telle qu'elle est actuellement admise, les caractères tirés de la conformation de la corolle et des rapports du pistil avec les A'erticilles externes de la fleur sont invoqués trop tùt. M. Ph. van Thieghem (4) propose une nouvelle classification des Phanérogames, fondée sur l'o- vule et la graine. Suivant la classification nouvelle proposée, ces caractères secondaires tirés des verticilles floraux ne se- raient invoqués que plus tard après avoir d'abord employé des caractères plus importants, parmi lesquels se placent en première ligne, d'abord la nature du fruit, suivant qu'il est ou non pourvu de graines ; ensuite l'absence ou la présence et, dans ce dernier cas, la conformation plus ou moins compliquée de l'ovule. Pour ne parler que des seules plantes qui composent la di- vision des inséminées, le travail de M. van Thieghem porte de 6 à 36 le nombre des familles reconnues, et le nombre des (1) Séance du 10 mai. (2) Séance du 24 mai. (3) Séance du 3 mai. . (4) Séance du 3 mai. genres de 120 à 260, on voit par là, le progrès réalisé sous ce rapport par le travail actuel. Comme pour l'axe dont il a fait précédemment l'étude, M. A. Chatin (5), montre la signification de l'existence et de la symétrie des appendices dans la mesure de la gradation des espèces végétales. M. Claude Gaillard (6) décrit sous le nom de Plesiodimyius (Nov. Gen.) un nouveau genre d'insectivores du Miocène moyen de la Grive Saint- Alban (Isère). M. B. Renault (7)qui a déjà décrit jadis des Bactériacées de la houille, étudie également celles des Bogheads auxquelles on peut également peut-être attribuer leur Houillification. En géologie, citons, pour terminer, une note de M. Du- règne (9) sur le mode de formation des Dunes de Gascogne et une de M. Stanislas Meunier (10) sur l'allure générale de la dénudation glaciaire. Enfin la tectonique de la chaîne Nivollet Revard située à l'est de Chambéry et d'Aix-les-Bains et celle du massif du Mont-Blanc forment le sujet de deux notes de M. J. Rpvil et et J. Vivien (11) d'une part et de M. J. Vallot (12) de l'autre. A.-Eug. M.tLARD. Répertoire étïmoiogiiiue des noms français , ET DES DÉNOMINATIONS VULGAIRES DES OISEAUX (Siiile et an) Vanneau -Suisse. — Surnom donné au Pluvier varié {Plu- vialis varius), probablement à cause de son plumage noir et blanc. « La dénomination de Vanneau-Suisse pourrait venir de cet habillement mi-parti; cette étymologie est peut-être aussi plausible que celle de Vanneau de Suisse, car cet Oiseau ne se trouve point exclusivement en Suisse. » (Bulïon.) Vautonr. — Ce mot a été formé du nom latin de ces Ra- paces iVullur), qui exprimait la lenteur de leur vol. « Nous avons approuvé telles paroles escrites en un livret dont l'au- theur ne s'est pas nommé : VuUur à volalu tarda nominaliis pulatur: maqniludine quippe corporis prœcipites volalus non habei. » (Belon.) Vaulonr-il'Ésypte. — (Voyez le mot Oricou.) Vanlour-iIes-Agneaux. — (Voyez le mot Gypacle.) Venlre-Oraiige. — Surnom donné par les oiseliers à un Astrild [Esirilda subflava), à cause de la couleur d'un beau jaune orangé rèi)andue sur la poitrine et l'abdomen de cet Oiseau. Ventnron. — Surnom provençal conservé par Bufl'on à un Passereau voisin du Tarin (CHrinella serinus). Verderolle. — Nom donné par Temminck à une Fauvette de roseaux (Calamoherpe paluslris), par allusion à son plu- mage vcrdàtre. Verdier. — Nom tiré de verd, ancienne forme de vert, et donné à cet Oiseau [Lif/urinus chloris), à cause de la couleur de son plumage. « Le seul nom de Verdier indique assez que le vert est la couleur dominante do son plumage. » (BulTon.) Dans plusieurs parties de la France, on confond le Verdier avec le Bruant. (Voyez ce mot.) A'orclicr de la Louisiane. — Surnom improprement donné au Pape {Cyanospiza cii'is); cet Oiseau habite la Loui- siane, mais il n'a aucun rapport avec le Verdier, le bleu et le rouge étant les couleurs dominantes de son plumage. Verdin. — Nom donné à un Oiseau de la famille des Méli- phagînés {l'Iiyltnrnis), parce qu'il a la partie supérieure du corps vert-pré. Buffon a décrit cet Oiseau sous le nom de Verdin de Cochinchine. (5) Séance du il mai. (6) Séance du 31 mai. (7) Séance du 8 juin. (9) Séance eu 10 mai. (10) Séance du 10 mai. (U) Séance du 3 mai. (12) Séance du 3 mai. LE NATURALISTE 159 Verl-Doré. — Nom donne par Burfon au Jlcrle à longue quciR- (lu Sénégal (Lamprofoniis œneii). Le nom de Verl-Doré lui a été donné pai- allusion aux reflets de son plumage. « Sui- te ventre et les jambes, c'est un vert changeant en une cou- leur do cuivre de rosette; dans presque tout le reste, c'est un beau vert doré, comme indi(iuc le nom que j'ai donné à cet Oiseau, en attendant que l'on sache celui sous lequel il est connu dans son pays. » (Bul'fon.) Veuve. — Ces Oiseaux {Vidiui: sont remarquables par la longueur de leur queue jiendant la saison des amours. « Celte saison i).issée, ils perdent leur parure et n'ont plus qu'un [ilu- ma^e très ordinaire. Est-ce pour ce motif, est-ce à cause de leur plumage généralement noir qu'on leur a donné, dans toutes les langues de l'Kuropc, le nom de Veuves? Quelques naturalistes croient que ce nom ne leur est venu que par cor- ruption. Les premières Veuves furent amenées en Europe par les Portugais de AVhydah, sur la cote occidentale d'Afrique : on les appela donc Oiseuii.r de Whi/dali, et, dans ce nom, on voulut retrouver le mot latin Vidiia. Quoi qu'il en soit de cette ctymologie, les Oiseaux qui composent ce groupe ont et gardent le nom de Veuves, d'où ont été tirés ceux do Viduœ, Vidiittlés, Viduinés, que porte la famille. » (Brehm.) Voyageur. — Nom donné à un genre de Pigeon [Erlu- ptstes mii/rutorius), célèbre dans tous les Etats de l'Amérique du Nord par ses voyages on bandes innombrables. W Wi'hons- — (Voyez le mot Oonacole.] Worabce. — Surnom indigène conservé par les oiseliers à un Passereau d'Afrique [Euplecles melaiwfjiisler). « La déuo minatiou qu'il a dans le commerce allemand {Napoleoiis-Vof/cl, Oi.seau-de-Napoléon) lui vient de ce qu'il a clé importé en France précisément à l'époque où Napoléon 111 était à l'apogée de sa puissance et de sa gloire; maintes nouveautés rece- vaient alors son nom. » (D' Russ, Moiwijraphle des Oiseaux de chambre erotiques.) Yapon. — Nom indigène, qui signifie mensonge, donné par les Guaranis à un Cassique {Cassicus cristatus) et con- servé par les ornithologistes pour désigner cette espèce. Z /izî. — Nom donné pai- BulTou au Bruant de liaie [Embe- riza cirlus). « Je donne à cet Oiseau le nom de Zizi, d'après son cri ordinaire. » (Bufi'on.) Albert Gbakger. ANIMAUX Mythologiques, légendaires, historiques, illustres, célèbres, curieux par leurs traits d'intelligence, d adresse, de courage, de bonté, d'attachement, de reconnaissance, etc. Foui-iuî. La Bible parle deux fois de la fourmi : Proverbes, Y 1,6 : — Va à la fourmi, paresseux, con- sidère sa conduite, et apjjrends la sagesse ; 7. — Car n'ayant ni chef; ni maître, ni prince, 8. — Elle fait néanmoins les provisions pendant l'été, et, pendant la moisson, amasse de quoi se nourrir. XXX, 2i : — Il y a quatre choses sur la terre qui sont très petites, et qui sont plus sages que les sages mêmes: 23. — Les fourmis, ce petit peujjle, qui fait ses provi- sions pendant la moisson ; 26. — les/api)!s, cette troupe craintive, qui établit ses demeures dans les rochers ; 2". — les sauterelles, qui n'ont pas de roi, et qui néan- moins marchent toujours par bandes : 28. — et le lézard qui se soutient sur les mains, et habite la maison du Roi. Isidore de Séville nous donne de la manière suivante l'élymologie du mot formica (fourmi) : « La formica est ainsi nommée parce qu'elle porte des parcelles de blé [micas farris] ». Sonintelligeiicecsttrésgrande,ajoute-l-il ; elle; prévoit l'avenir, et prépare, en été, ce qu'elle doit manger en hiver. Dans les moissons, elle choisit le blé et laisse l'orge. S'il pleut sur ses provisions, elle les sort aussitôt, etc. » (Ilraban Maur et Hugo de Saint- Victor répètent mot à mot le passage de l'évèque de Séville cité ci-dessus). Cicéron {De naturà deoritm. lib. III, caii ix) fait dire à un interlocuteur : « Il n'y a sur terre rien de supérieur à Rome ! penses^ tu qu'il faille pour cela lui attribuer la raison, la pensée, l'intelligence'^ Ou, puisque cela ne se peut pas, iras-tu préférer une fourmi à cette lielle cité, parce que celle-ci n'est pas même douée de sentiment, tandis que celle-là joint au sentiment l'intelligence, la raison et la nn'moire'? Virgile parle souvent de cet intelligent insecte ; Populatque ingentem farris acervum Curculio, atque inopis melueus formica seneeta?. (GiionoiQUES, I, 187.) « Souvent un monceau de blé devient la proie du cha- rançon ou de la fourmi, si prévoyante pour les besoins de vieillesse. » Sa^pius et tectis pcnetralibus extulit ova Angustum formica terens iter.... (Géohg, I, 179.) 0 (Quand l'orage approche), souvent, cheminant le long d'un étroit sentier, la fourmi transporte ailleurs ses œufs... » Migrantes cernas, totâque ex urbe ruentes : Ac veluti ingentem formica? farris acervum Quum populant, byemis memores, toctoque reponuut ; It nigrum canipis agmen, praîdamque par lierbas Convectant calle angusio ; pars grandia truduni Obnixœ frumenta humeris ; pars agniina cogunt, Castigantque moras ; opère omnis seniita fervel. (Enéide, iv, 402.) <( On les voit (les Troyens) de tous les cotés de la ville accourir vers le port. Ainsi, quand, prévoyant l'iiiver, ]es fourmis pillent dans un tas de blé, et portent leur bu- tin sous leurs toits souterrains, le noir bataillon traverse la plaine, et par un étroit sentier sous l'herbe, voiture son fardeau : les unes, le dos chargé d'un grain énorme, s'avancent avec effort; les autres ferment la marche, rallient les traînards, gourmandant leur paresse, et tout le sentier s'anime d'un travail diligent. » Pline en parle de la manière suivante {Hisl. naturelle, liv. XI. ch. xxxvi): « Les fourmis font, au printemps, un vermisseau semblable à un œuf. Elles travaillent en commun, comme les abeilles, mais celles-ci fabriquent des aliments utiles, tandisque les fourmis les enfouissent. « Si l'on compare à la taille des fourmis les fardeaux dont elles se chargent, on conviendra qu'aucun animal n'a proportionnellement autant de force. Elles les portent avec leur bouche ; les fardeaux plus lourds, elles les poussent à reculons avec leurs pattes de derrière, en ap- puyant sur les épaules. Elles ont une société politique, I de la mémoire, de la prévoyance : avant d'enfouir les I graines, elles les rongent, de peur qu'elles ne germent en [ terre ; les graines trop grosses pour entrer, elles les di- 160 LE NATURALISTE visent; celles qui sont mouillées par la pluie, elles les tirent dehors et les font sécher. Elles travaillent même de nuit pendant la pleine lune ; elles se reposent quand il n'y a pas de lune. Dans le travail, quelle ardeur ! quelle exactitude ! Et comme elles font leurs provisions en di- vers lieux, sans se voiries unes lesaulres, certains jours sont fixés, espèces de foires, où l'on passe mutuellement en revue cequi a été apporté. Alors, quel concours ! avec quelle sollicitude elles s'entretiennent pour ainsi dire en- semble, et paraissent s'interroger ! Nous voyons les cailloux usëspar leur passage, des sentiers frayés par leurs tra- vaux ; tant il est vrai qu'en toute chose il n'est rien que ne puisse faire la continuité du plus petit effort ! Seules de tous les êtres vivants, avec l'homme, elles donnent la sépulture aux morts. » L'archevêque de Tours Hildebert, en donnant, dans son livre intitulé Physiologus une monographie de la fourmi, en vers léonins, la présente aux fidèles comme un modèle à imiter : Exemplum nobis prœbet formica lahoris Quando suo soVUum portât iii ore ciburn, Inque suis factis res monstrat spirituaies, Quas quia iudaeiis non aniat, inde reus. Ut valeat brumas fieri secura futuj-œ, Est caler; interea non requiescit ea, etc. Il y a ainsi dix-huit vers, dont la césure rime avec le dernier pied : « La fourmi nous donne l'exemple du travail lors- qu'elle porte dans sa bouche sa nourriture accoutumée et que. dans ses actes, elle indique les choses spirituelles que n'aime pas le Juif, coupable par cela même. Pour se mettre à l'abri des soucis de l'hiver futur, elle tra- vaille sans discontinuer pendant tout l'été. « Travaillons, nous aussi, mes frères, pendant que nous en avons le temps, à nous mettre à l'abri des soucis du jugement dernier. (c Elle prend le blé, quand elle on trouve, et rejette dédaigneusement l'orge : ainsi moi-même, je suis la loi nouvelle, et je rejette l'ancienne. « Mais, de peur que le grain, mouillé par les pluies, ne vienne à germer, et qu'elle-même ne périsse, la prudente fourmi le divise en deux parts; de même, la loi aussi possède deux voies: l'une qui nous montre la vie terrestre, l'autre qui nous désigne la vie céleste. Notre esprit, aussi bien que notre corps, y trouveront leur nourriture; faisons en sorte de suivre ces deux indications, ])Our écarter de nous toute crainte de disette au temps du jugement, qui est semblable à l'hiver pour la fourmi. » Hugo de Saint- Victor (De besliis et aliis rébus, lib. H, cap. XXIX; de formicœ naturâ) fait un autre rapproche- ment : il compare les vertus des fourmis, qui toutes travaillent à ramasser du grain, aux vierges folles {Mat- thieu, XXV) qui, ayant négligé de mettre de l'huile dans leurs lampes, en demandent ensuite aux vierges sages : Date nobis deoleo vesti-o, etc. Mais les anciens connaissaient aussi une fourmi mi- neuse, une fourmi qui exploitait, dans les Indes, les mines d'or, et dont la taille était à peu près celle d'un renard; fourmi violente, terrible, douée d'une vitesse prodigieuse et massacrant sans pitié tout individu qui cherchait à s'emparer de son or. ^lais à malin, malin et demi, et les hommes trouvaient quand même le moyen de s'enrichir à ses dépens. Écoutons d'abord Strabon {Géographie, livre II, chap. IX) (I Nous ferons remarquer que, s'il est vrai, en thèse générale, que les auteurs qui ont écrit sur l'Inde n'ont fait, la plupart, que mentir, Déimaque les surpasse tous à cet égard, et que Mégasthène vient tout de suite après lui Ce sont eux, en efl'et, qui ont parlé des Enotocétes, des Astômes, des Arrhines, des Monophtalmes, des Macroscèles, des Opistodaclyles; eux aussi qui ont renouvelé la fable homérique du combat des grues et des pygmées, eux encore qui ont fait mention de ces fourmis chercheuses ou fouilleuses d'or, de ces Pans sphénocéphales et de ces serpents capables d'avaler cerf et bœufs avec leurs cornes, etc. (Livre XV, chap. xliv) « Revenons aux fourmis cher- cheuses d'or. Néarque prétend avoir vu de leurs peaux, qui ressemblaient tout à fait à des peaux de léopards. Mégasthène, de son côté, nous fournit, à leur sujet, les détails suivants : « Il existe, dit-il, dans le pays des Derdes (on nomme ainsi l'un des principaux peuples de la partie orientale et montagneuse de l'Inde), un haut plateau de 3000 stades de tour environ, au pied duquel sont des mines d'or fouillées uniquement par des fourmis monstrueuses, aussi grosses, pour le moins, que des renards, et qui, douées d'une vitesse extraordinaire, ne vivent que de chasse. C'est eu hiver qu'elles creusent la terre. Comme les taupes, elles forment avec les déblais de petits monticules à l'ouverture de chaque trou. Ces déblais ne sont, à proprement parler, que de la poudre d'or, laquelle n'a besoin, pour être purifiée, que d'être passée très légèrement au feu. Aussi, les habitants du voisinage en enlèvent-ils le plus ([u'ils peuvent à dos de mulet, mais en se cachant soigneusement, car, s'ils le faisaient ouvertement, ils seraient attaqués par les fourmis, mis en fuite et poursuivis, voire même, si les fourmis les atteignaient, étranglés eux et leurs mulets. Pour tromper la surveillance des fourmis, les Derdes exposent de côté et d'autre des morceaux de viande, et, quand les fourmis se sont dispersées, ils enlèvent à leur aise la poudre d'or, u Théocrite fait allusion à ces fourmis dans ces vers {Idylle XVII, v. 106) : Où pàv à-/pEï6; ye 56[iw évi Tttovt -/puaô; M'jpîxaxfov aie ti).o'jto; à;t xl-/UTai (jLoysQVTwv. « Cependant ses richesses ne sont pas oisives, comme cet or qu'accumule dans l'Inde l'avare fourmi. » Quant à Hérodote, qui raconte aussi comment on s'empare de l'or de ces fourmis monstrueuses, il emploie un autre moyen que celui qu'indique Strabon, et qui est autrement compliqué. {Histoire, livre III, ch. cil) : « Dans oc désert de sable {voisin de la ville de Caspatyre), naissent des fourmis d'une taille extraordi- naire moindre que celle d'un chien, mais plus grande que celle d'un renard (le roi de Perse en l'ait nourrir quelques-unes qui ont été capturées). Ces fourmis, pour se construire leur habitation souterraine, soulèvent le sable, de la même manière que les fourmis ordinaires, auxi]uelles elles ressemblent tout à fait par la figure, ont coutume de le faire dans la Grèce; mais le sable qu'elles retournent est aurifère. Quand les Indiens veu- lent iiénétrer dans le désert, cha(iue homme de la troupe attache ensemble trois chameaux, un mâle de chaque côté, une femelle au milieu, et monte sur celle-ci, qu'il a l'attention de choisir lorsqu'elle vient de mettre bas, ayant encore des petits extrêmement jeunes... (.1 suivre.) E. Saxtini de Iîiols. Le Gérant: Paul GROULT. Paris. — Imprimerie K. Levé, rue Cassette, n. 19« ANNÉE 2' Série — !«• »-4« 15 JUILLET 1897 SUR L'ARBRE AFRICAIN QUI DONNE LE BEURRE DE GALAM ou DE KiRITE, ET SUR SON PRODUIT Le sol africain, comme celui de l'Inde, possède des Bassia donnant des corps gras utiles à l'industrie et qu'on pourrait désigner aussi sous le nom de beurres à'Illipés. L'Illipé africain le plus commun est le Butyrospermwn (Bassia) Parkii Kolscliy, et le beurre que ces graines fournissent porle les noms vulgaires de beurre de Galam, beurre de Bamboiick, beurre de Ghi ou mieux de beurre de Karité ; le végétal lui-même est appelé arbre de Karité, Ghi. Cette plante et le produit gras qu'elle donne avaient été, avant ce travail, l'objet d'un examen sommaire di'i à Guibourt, puis à Baucher, mais ces observateurs ont laissé glisser dans ces études beaucoup d'inexactitudes et de nombreuses lacunes. Je crois donc devoir donner une description plus complète de ce végétal. Le Butyrospermum Parkii est un bel arbre atteignant la bauteur de iii'uf à dix mètres et l"'50 à l^SO de dia- Fis 1. — Aspect d'un pied de liulyrospennum Parkii abritant des cases nètrres au Soudan français. mètre au tronc, ramilié comme un chêne (Fiy. 1) et don- nant, suivant la variété à laquelle on s'adresse, ou ne donnant pas uu suc laiteux qui se coagule en une gutta- percha. Condensées au sommet de rameau.x forts, glabres et rugueux (Fig. 2), les feuilles sont entières, Le Naturaliste, 46, rue du Bac, Paris. coriaces, pétiolées et stipulées. Les pétioles, mesurant de 0™0S à Q^ifi'6 de long, sont glabres (mais d'abord pu- iiescents); stipules lancéolées, subpersistantes, longues de 0'°012 environ, soyeuses sur le dos : limbe oblong et lancéolé mesurant O^lo à O^SO de long et 0">07a à O^IO de large, fortement cunéiforme ou arrondi à la base, subcoriace, glabre à la face supèrii'ure quand l'organe Fig. 2. — Rameau l'euillé de Butyrospermum Parkii Kotschy. est complètement développé, fortement pubescent en dessous, pourvu de 20 à 25 nervures primaires. Fleurs en ombelle, naissent en mars à l'aisselle des feuilles au sommet des rameaux; pédoncules de 0'°012 à 0°'025 ou plus, longs, fortement recouverts dans leur jeune âge d'un duvet ferrugineux. Calice campanule, coriace, avec un court tube et habituellement huit seg- ments oblongs lancéolés ; les quatre extérieurs, recou- verts d'un tomentum ferrugineux dense. Corolle aussi longue que le calice avec segments oblongs glabre et imbriqués (Fig. 3, n" 6). Étamines opposées aux segments de la corolle et insérées à leur base ; anthères oblongues lancéolées, mesurant O^OOS, c'est-à-dire ayant la moitié de la longueur des filets glabres et subulés, pollen sphé- rique présentant quatre pores. Staminodes larges, oblongs, pointus et dentés en scie sur leurs bords, plus courts que les étamines, alternant avec les filets stami- naux (Fiy. 3, n" 7). Ovaire globuleux, soyeux, à huit ou dix loges renfermant chacune un ovule anatrope ; style grêle, variable en longueur, quelquefois exsert, d'autre fois inclus dans la corolle : forme hétérostylée dimorphe {Fig. 3, n" 8). Fruit ellipsoïde (baie) avec un péricarpe mince, solide et contenant habituellement une seule semence ellipsoïde ou ronde, suivant la variété envisagée, pourvue de cotylédons très péais. Ce fruit est de la 163 LE NATURALISTE grosseur d'une noix ordinaire, il est pour\Ti d'un sarco- carpe savoureux, succulent et excellent au goût {Fig. 3, K» 12). La graine, sur laquelle nous reviendrons à propos de son emploi dans les usages domestiques, est recou- verte d'un épisperme lisse, crustacé, de couleur marron, qui enveloppe un embryon très volumineux sans endo- sperme (Fig. 6, n<" 1 et 2). Le végétal qui nous occupe est encore connu sous le nom de Bassia Parkii G. Don (A. de Candolle, Prod. xiii, 199; Oliver. Transactions Lthn. Soc. XXIX, 104, t. LXXIII) ; Butyrospemium niloticum Kotschy, Plant. Knoblecher, t. I. D'après Oliver {Flora of tropical Africa, t. III, p. 332). il habite la Gu née supérieure, le royaume de Bambara où il a été découvert par Mongo Park; dans la contrée du Niger ; à Nupe Jeba, etc., Abbeakuta (Barter et D' Irving); dans le pays du Nil ; le Nil Blanc, Gondo-Koro, Djur, Kosanga, et la contrée des Niams-lSiams, Madi. A ces localités ou stations, nous pouvons ajouter les suivantes qui sont plus nombreuses et plus précises : « Le Karité est très commun dans la vallée du haut Niger et dans celles du Bakoy, du Baoulé et de leurs affluents ; on en rencontre de véritables forêts dans le Bélédougou, le Fouladougou, le Manding, le Guéniéka- laris, etc. » {Tour du monde. Exploration du haut Niger par le commandant Galliéni, numéro du 31 mars 1883.) D'autre part, nous devons à M. Baucher {Archives de médecine navale. 1884) les notions suivantes sur le même arbre : « Il croit spontanément dans les terrains argilo- siliceux, ferrugineux, rocailleux et crevassés qu'on ren- contre le plus souvent dans les plaines du haut Sénégal, lorsqu'on fait route sur le Niger. D'une manière géné- rale, on peut dire qu'il existe dans toute la vallée supé. rieure du Niger, c'est-à-dire dans tous les pays situés à l'Est de nos anciennes possessions sénégalaises avant notre pénétration dans le Soudan. Il est surtout commun chez les Bambaras, où il joue un rôle très important dans l'alimentation, la médication, etc., de ces peuplades du Haut-Fleuve. « On le signale également dans le Bouré et dans l'est du Fouta-Djallon, où il est plus connu sous le nom de Karé que sous celui de Karité. 0 II est tout à fait inconnu sur la côte et dans nos comptoirs du Sud, et même sur tout le parcours du Sénégal compris entre Médina et Saint-Louis ; il faut remonter jusqu'à Boccaria ou Boukaria, petit poste situé entre Médine et Bafoulabé, pour en rencontrer quelques pieds vigoureux réunis par petits groupes; il devient de plus en plus répandu à mesure qu'on s'avance vers Kita et très abondant à Bamakou, point fortifié sur le Niger. (( Des renseignements puisés à diverses sources^ nous permettent également d'affirmer qu'il est très commun à Ségou et à Tombouctou. » M. Corre avait exprimé, touchant le grand éloignement du Karité des zones littorales africaines, la même opi- nion dans sa Faune et Flore du Rio-Nunez {Archives de médecine navale, 1869), en disant : « L'on croit, à Saint- Louis, que cet arbre est commun dans le Rio-Nunez ; il n'en est rien. Le beurre de Karité ne se rencontre qu'à plus de vingt journées de marche, et au delà du terri- toire du Cercle, en plein Fouta ; les graines qui arrivent quelquefois à Boké, et toujours en petit nombre, n'y sont guère considérées que comme des objets de curio- sité. » Si maintenant nous passons dans la région du Nil, voici ce que nous révèle G. Schweinfurtli, concernant les localités les plus importantes de ce végétal. On le trouve chez les Bongos, chez les Mittous et chez les Niams-Niams (Au cœur de l' Afrique, tra.d. Moreau, 1886). D'autre part, le D' Rançon s'exprime ainsi dans son remarquable Voyage d'exploration scientifique en haute Gambie {Annales de l'Institut colonial de Marseille, pp. 24b, 435 et 483 — année 1893), au sujet du végétal et du pro- duit qui nous occupent : « Dans la haute Gambie, je n'ai trouvé le Karité, depuis Nétéboulou jusqu'à Damentan qu'entre le mari- got de Boulodiaroto et celui de Damentan, et encore n'en ai-je vu là que quelques rares pieds. Je l'ai retrouvé dans le Niocùlo, particulièrement le long de la route entre Tomborocoto et Dikhoy où il est commun, mais il abonde dans tout le Niocolo. J'ai pu le voir aux envi- rons de Sillakounda, Diengui, Dikhoy. Toute la plaine de Sillakounda en est littéralement couverte et nous en avons vu là des pieds qui atteignent une taille fort res- pectable. Le Karité, dans cette région du moins, ne pousse pas en forêts compactes. Les pieds sont distants les uns des autres d'environ 60 mètres. Il y aurait là matière à une véritable exploitation agricole. « Il existe au Soudan deux variétés bien tranchées de Butyrospermum Parkii : le Mana et le Shee. C'est cette dernière qui est de beaucoup la plus commune et elle est facile à distinguer de sa congénère, le Mana. 'Voici, du reste, leurs caractères principaux : à première vue, on pourrait aisément les confondre, mais un examen atten- tif permet de les discerner aisément. L'écorce du Mana est blanc grisâtre , ses feuilles sont moins vertes que celles du Shee, son bois est moins rouge, sa couleur se rapproche plutôt du jaune. Son fruit a bien la même forme que celle du Shee, mais sa graine, au lieu d'être ovale, est ronde, enfin, caractère distinctif capital, à l'incision du tronc ou des rameaux, il ne laisse dégout- ter aucun latex en quelque saison et en quelque circons- tance que ce soit. 0 L'écorce du Shee est, au contraire, noirâtre et pro- fondément fendillée. Son bois est d'un rouge vif à la périphérie et le cœur en est d'un rouge tendre veiné de blanc et de jaune. Son feuillage est relativement abon- dant. Ses fleurs sout blanches, portées à l'extrémité d'un long pédoncule; le fruit est une baie à pulpe savou- reuse. La graine est ovale. La floraison a lieu du milieu de janvier à fin février et les fruits sont murs en juin ou juillet, selon les régions. Ils tombent quand ils sont arrivés à maturité complète, et, sous les arbres, le sol est jonché de graines. Ces graines rancissent vite et perdent leur faculté germinative par ce rancissement. « Pour les faire germer, il faut avoir le soin de les recueillir à l'état de fruit sur l'arbre et de les mettre immédiatement en terre. « Le Shee, aussi bien que le Mana du reste, se déve- loppe très lentement et c'est à peine si, au bout de 20 ans environ, son tronc acquiert un diamètre de 0'»20. « On trouve le Karité, d'une façon générale, dans tout le Soudan français, mais, comme je l'ai dit, le Shee est plus commun. On ne trouve guère le Mana que dans les régions méridionales de notre Soudan et encore y est-il assez rare. « Le Karité habite de préférence les terrains à latérite et les roches ferrugineuses ; il est rare d'en trouver dans les argiles compactes. Nous avons, à ce point de vue, remarqué que le Mana affectionne spécialement ces derniers terrains, tandis que les premiers sont surtout LE NATURALISTE 163 recherchés par le Shee. On ne trouve que rarement l'une ou l'antre variété sur les bords des marigots. Elles fuient les terrains vaseux et marécageux. Il n'est pas rare de voir de beaux échantillons se développer parfois vigou- lousement entre des rochers où la terre végétale semble faire complètement défaut. En général, les Karités qui poussent dans de semblables conditions atteignent de faibles proportions et afl'ectent des formes bizarres qui frappent )Kir leur étrangeté et leur monstrueux aspect. Les Karités qui se développent, au contraire, dans les terrains riches en latérite, sont de beaux végétaux, à tiges absolument droites et à ramure et feuillage bien fournis. De ce qui précède, on peut conclure que l'aire d'extension du Karité est considérable au Soudan. Mais on ne le trouve ni dans le Baol, ni dans le Saloum, le Sine, le Foutah, le Oulé, le Sandougou, le Niani, le Bondou, c'est-à-dire dans aucun des pays dont le sol est formé de sables ou d'argiles. Par contre, on le trouve dans tout le Soudan et le Foutah-Djallon : à l'Ouest, il commence à apparaître vers lb''lO' de long. Ouest et au Nord, vers 1C"22' de latitude. On ne trouve plus ati Sud, ni Mana, ni Shee, au-dessous de la lalilU(l<' de la Mella- corée. » M. G. Borelly me signale la présence du Karité dans le Dahomey, à Savalou, où il commence à devenir com- mun, et à Carnotville, où il vient en îlots ; sur le 9° paral- lèle, en allant de Carnotville vers le Niger, il serait très abondant d'après le commandant Toutée ; à l'ouest, de Carnotville, il serait aussi commun d'après le R. P. Jeankel. Dans la 'Volta, M. G. Borelly a constaté qu'il paraît à la hauteur de Annoum, et il devient abondant à Kratchi. Enfin, M. Dibowsky le signale dans le haut Congo français : il existerait dans l'Oubanghi et la Sanglia. Après cette extension donnée aux diverses stations de cet arbre précieux, après cette description rectificative du végétal rendue nécessaire par les erreurs et les inexactitudes qui en obscurcissaient la connaissance, Kig. 3. — hutyrospermum Païkii Kotschy (variété Shee à graine ovale). 1, Graine entière pourvue de son spermoderme ; — 2, La même dépouillée de son spcrmoderme crustacé ; — 3, Coupe longitudinale de la graine grasse; i, Coupe transversale d'un rameau âgé; — 5, Coupe transversale d'un rameau jeune; 6, Fleur entière; 7, Fleur tendue et ouverte; 8, Ovaire, style et stigmate; 9, Coupe transversale d'un l'ruit jeune, 10, Grain de pollen; U, Coupe transversale du spermoderme crustacé ; 12, Fruit jeune. nous nous occuperons de ses parties utiles. « Les fruits sont consommés sur place par les indigènes (1); au nombre de 6 à 8 par rameaux sur les plants vigoureux et en plein rapport, ils arrivent à complète maturité en juillet et août. Ils sont de la grosseur d'une de nos fortes prunes de France et forment des drupes à épicarpe d'un vert noirâtre à maturité. Le sarcocarpe est charnu, ver- dâtre, comestible... » (Baucher). Certains auteurs rapprochent sa saveur de celle de nos sorbes blettes, mais M. Baucher déclare qu'il est 1.1) M. Baucher dit à propos do la récolte : « On ne fait pas la cueillette de ce fruit à proprement parler, mais chaque matin les femmes et les enfants vont ramasser ceux qui sont tombés. » difficile d'en comparer le goût à celui de nos fruits de France ; cependant, ajoute-t-il, à ce point de vue, il se rapprocherait assez du prunier sauvage. La mission Gal- liéni {loc. cit.) déclare, par contre, que cette chair est savoureuse et excellente au goût. Quoi qu'il en soit de la valeur de cette pulpe qui est sans intérêt pour nous, le fruit de la variété Shee, dépouillé de son sarcocarpe de l cent, d'épaisseur au plus, livre une graine ovoïde recouverte d'un spermoderne dur, corné, lisse, luisant, de couleur Isabelle. Mais cette coque n'est pas uniformé- ment lisse et luisante sur toute son étendue ; elle pré- sente une surface rugueuse, en forme de cœur allongé et portant à son sommet un pinceau de fibres (faisceaux fibro-vasculaires nutritifs de la graine) qui constituent 164 LE NATURALISTE I _ ►-> a> "^ P- S o fTc-S" 3 V 2 ™ les traces du trophosperme (cordon ombilical) : c'est la surface hilaire (Fig. 3, 11° i). Le volume et le poids de cette graine sont éminemment variables. Sur un total de 50 kilogr. environ de ces graines sèches, j'ai pu trouver les trois catégories indiquées dans le tableau ci-dessous avec leurs poids relatifs d'embryon et de spermoderme : Graine tri's petite pesant j Spermoderme. dgr.riO 4 gr. 80 donne I Embryon 3gr.50 Graine moyenne pesant ( Spermoderme. i gr.90 ' 8 gr. 30 donne t Embryon 6 gr.40 Graine grosse pesant j Spermoderme. 3 gr.90 U gr. 10 donne I Kmbryon 7gr.30 Une coupe transversale du spermoderme m'a donné les couches suivantes. On trouve en strates très serrées, et sans méat entre elles, des cellules ligneuses à parois très épaisses et présentant une lumière linéaire (Flg. 3, n» 11). Cette enveloppe crustacée est sans intérêt d'applica- tion, mais il n'en est pas de même de la graine formée entièrement par l'embryon et par une enveloppe (teg- men) très mince, de couleur brune et veinée de blanc. De consistance ferme et cireuse, de couleur blanche quand elle est fraîche, la graine devient brun rougeâtre quand elle a vieilli et qu'elle a perdu son eau de végéta- tion. Son odeur est aromatique et agréable ; on retrouve cette odeur, du reste, dans le corps gras, quand ce der- nier a été séparé de la graine par des dissolvants appro- priés. Sur une coupe longitudinale de cette graine, on trouve, en allant de l'extérieur vers l'intérieur : l" une couche Iprotectrice appartenant au tegmen ; 2" un épi- derme à une couche de cellules plates ; 3" des cellules vides de grande dimension disposées en séries longitu- dinales ou éparses dans des cellules plus petites formant le fond constitutif de l'embryon ; ces grandes cellules n'ont pas de contenu; 4° des cellules plus petites pleines ou vides. Les cellules pleines ont un contenu gras coloré en jaune et renfermant de l'aleurone, les autres petites cellules sont entièrement vides (Fig. 3. n" 3). D'- E. Heckel. LA LÉGENDE DE ROMULUS EXPLIQUÉE PAR L'HISTOIRE NATURELLE Nous avons tous appris dans notre enfance la légende de Romulus et de Rémus allaités par une louve, légende qui a toujours passé pour une fable. Pourtant divers faits, recueillis par les naturalistes, tendraient à lui don- ner une certaine véracité. S'il faut en croire le D'' Jonathan Franklin, on aurait trouvé à différentes reprises, aux Indes, des enfants sau- vages vivant parmi les loups. Il cite d'abord (Vie des ani- maux) l'histoire d'un petit garçon de neuf à dix ans, vu par des chasseurs près de la rivière Goumti, en compa- gnie d'une louve et de trois louveteaux, et capturé au mo-' ment où il rentraitavec eux dans la tanière, tn 18i3, un enfant de trois ans, marqué d'un signe et d'une brûlure au genou gauche, fut enlevé par un loup, dans les envi- rons de Sultanpoor. Six ans après, il fut retrouvé avec trois louveteaux. Capturé et reconnu quelque temps après par sa mère, grâce au signe et à la brûlure, il resta tout à fait sauvage, rôdant dans le village pendant le jour, se sauvant dans la jungle à la tombée de la nuit pour y rejoindre les loups, ses amis d'enfance. Le troisième cas est celui d'un petit sauvage vivant avec deux louveteaux [et capturé par un soldat du rajah Hurdut. Il fut conduit à Bondée où un domestique, nom- mé Janoo, l'adopta et le dressa à lui rendre quelques ser- vices. La nuit, les jeunes loups venaient le voir et jouer avec lui. Un soir il s'échappa et on ne le revit jamais. Enfin la Revue scientifique a signalé, il y a quelque temps, la mort d'un homme sauvage d'une quarantaine d'années, capturé en 1867 dans la province d'Agra, en compagnie d'une louve. A l'instar des loups, les orangs-outangs enlèveraient aussi parfois de jeunes enfants, et, les transportant dans leurs forêts, s'y affectionneraient et leur feraient partager leur vie sauvage. Elie Berthet a écrit sur cette donnée un intéressant roman, irtlitulé l'Homme des bois. Ces faits ne paraîtront pas impossibles si l'on connaît les fréquentes anomalies des sentiments affectifs chez les animaux. On a observé, par exemple, des cas de vive af- fection entre un singe et un chien, un pécari et un chien, un phoque et un chien, un pigeon et une poule, un ter- rier et un hérisson, un cheval et un cochon, un cheval et une poule, un chat et une souris, un renardet un basset, un caïman et un chat. Il n'est pas rare de voir des che- vaux s'affectionner à des chiens et des chats, et contents de les porter sur leur dos à l'écurie. Le D' Jonathan Franklin éleva ensemble un ours du Bengale, un chat, un chien, un petit oiseau bleu de l'Inde et un loup, et tous vécurent en bonne harmonie, mangeant au même plat. L'ours était tout particulièrement le favori du chien. Rapi)elons aussi le terrier, cité par Cuvier, qui dépérit et mourut de douleur de la perte d'un lion captif, son com- pagnon chéri. Dans son beau livre sur l'évolution mentale chez les animaux, Romanes a recueilli de nombreux exemples sur cet intéressant sujet. Un mareca, blessé et soigné par lui, conçut une véritable passion pour le paon de la basse-cour qu'il suivait pas à pas, sans que l'autre y fit du reste la moindre attention. La nuit, le paon perchait sur le toit et le mareca, ne pouvant y voler, s'accroupis- sait à terre le plus près possible. Autre exemple fort cu- rieux, fourni par le colonel Montagu : Un pointer fut sé- vèrement châtié pour avoir tué un jars chinois dont on lui suspendit les restes autour du cou. L'oie veuve, très affectée de la perte de son mari, et attirée probablement par la vue du cadavre, poursuivit sans relâche le meur- trier de ses vociférations. Mais ]ieu à peu une amitié étroite s'établit entre les deux animaux, et lorsque le chien était à la chasse, les lamentations de l'oie ne ces- saient pas. Une affection maternelle peut aussi apparaître entre animaux de races différentes et même ennemies. L'ex- périence suivante a été faite par Romanes. Il donna trois jeunes furets à une poule de Brahma très jeune et n'ayant encore jamais élevé de couvée. Elle les adopta presque immédiatement et les couva pendant plus d'une quinzaine. Deux ou trois fois par jour elle quittait le nid, invitant les petits à la suivre ; mais les entendant crier à cause du froid, elle revenait sur eux pour six ou sept heures encore. En un jour, elle apprit la signification de leurs cris de détresse, et dès le deuxième jour, elle courait avec grande agitation vers l'endroit où on les ca- LE NATURALISTE 165 chait. Ellfi lissiiit U'ur poil avec son boc, commp les poules les plumes de leurs poussins, l'arfois elle s'arrê- tait et regardait avec étonnement son étrange nichée. Lorsque les furets la mordaient, elle s'envolait en criant. Quand on les prenait, elle montrait beaucoup d'inquié- tude et il fallut les nourrir dans le nid même. Dès qu'elle voyait arriver leur lait, elle gloussait, puis surveillait leur repas avec satisfaction. Depuis .Jupiter qui fut nourri par la chèvre Amalthée, bien des enfants ont tété des clièvres. Les exemples de chiens nourris par des chattes ne manquent pas non plus. Une fois même une chatte fut nourrice d'un petit levraut. Mais, dira-t-on, toutes ces adoptions avaient été suggérées par l'homme. En voici une autre plus curieuse parce qu'elle dépend entièrement de la volonté de l'ani- mal. Une chatte, domiciliée dans l'écurie de Marmaduke Maxwell, ayant eu cinq petits, on lui en enleva trois peu après leur nais- sance. Le lendemain, on s'aperçut qu'elle avait remplacé ses petits perdus par trois jeunes rats, qu'elle soignait avec les deux chats restants. Quel- ques jours après, on lui enlevait les deux derniers chats, qu'elle remplaçait rapidement par deux au- tres ratons. Enfermés dans une stalle vide, ils couraient hientot agile- ment de tous côtés, mais revenaient vers elle pour téter. Le désir de jjrogéniture peut pousser aussi les oiseaux libres à adopter les petits d'autresespèces. En juillet 1878, un obser- vateur consciencieux trouvait un nid conte- nant des jeunes, nourris à la fois par un roitelet etun moi- neau. Les |)etits étaient des roitelets, et le moineau continua à les nourrir lorsiju'ils eurent quitté le nid. Le roitelet venait hardiment et constamment au nid; le moineau très timide apparaissait moins souvent. Il ne faut donc pas se hâter de juger les faits d'après une loi absolue et invariable, quand il s'agit des mœurs des animaux, susceptibles de capricieuses variations tout comme les nôtres; et si les loups mangent d'ordinaire les enfants, ils sont peut-être capables parfois de s'y attacher, comme les chiens, leurs proches parents. Regnault. Production spontanée de gypse cristallisé sur un échantillon Je cal- caire conservé depuis "mgt an« dans un tiroir de la collection de géologie au Muséum de Paris. Grandeur naturelle. CRISTALLISATION SPONTANÉE OU GÏPSE En faisant récemment au Muséum quelques rangements dans la belle collection géologi(iue rapportée d'Asie-Mi- neure par M. Albert Gaudry en 1834, je fus frappé de l'as- pect de plusieurs échantillons recouverts d'une admirable toison de longs cheveux incolores, transparents, donnant l'idée du verre filé, mais évidemment cristallin. Un essai rapide montra (pie ces cristaux consistent en gypse, et il fut facile de reconnaître à la loupe la forme prismatique normale et seulement allongée il'une manière exagérée. Ce qui rend ces prismes de gypse intéressants, c'est qu'ils se sont produits depuis que les échantillons qui les portent sont renfermés dans nos tiroirs du Muséum. La roche qu'ils sont venus agrémenter d'une façon si no- table et dont ils masquent maintenant les caractères pro- pres, est un calcaire fragmentaire jaunâtre et rougeàtre, affleurant à Kan, entre Jérusalem et .Jéricho, et où l'a- nalyse décèle la présence de sels divers et surtout d'alun, c'est-à-dire de sulfate d'alumine. Il est facil(! de comprendre que ces substances salines ont pu réagir sur le carbonate de chaux pour amener la constitution du gypse ; mais ce qu'on s'explique moins vite, c'est que cette réaction, déjà pou facilitée parla sé- cheresse des spécimens, .ait pu se manifester par la pro- duction de fines aiguilles dépassant souvent de beaucoup 1 centimètre et atteignant parfois 2 centimètres de longueur. Que devient dans cette production , d'ailleurs fréquente dans les collec- tions, le fameux axiome classique : « Corpora non agunt nhi solula » '! Et que devient surtout la vieille opinion de l'iner- tie des [lierres'? Quand M. Gaudry a recueilli les échantillons de calcaire, quand ils les a étudiés plus tard pour les introduire dans la collection de géologie du Muséum, il n'y avait à leur surface aucune trace de la belle végéta- tion cristalline dont nos lecteurs ont le portrait sons les yeux. Si celle- ci s'est produite dans le silence des tiroirs, c'est que les molécules constituantes des spécimens emprisonnés sont en mouvement continuel. Les particules de même nature s'attirent réciproquement au milieu des autres, elles se groupent, elles s'allongent en cristaux et une croissance mystérieuse s'accomplit. C'est la reproduction, sur une très petite échelle, de phénomènes à chaque instant en cours dans le grand La- boratoire de la Nature. Partout, on voit la matière s'ar- ranger, se chercher, se grouper et se manifester en tissus plus ou moins volumineux et parfois cristallins, jusque dans l'épaisseur des roches les plus compactes. Cette mobilité témoigne d'un fait dominateur de toute la géo- logie, qu'on a complètement méconnu pendant très longtemps et auquel, encore aujourd'hui, on n'accorde pas toute l'importance qu'il mérite. Il résulte en effet des observations les plus diverses que le milieu géologique est le théâtre de véritables fonctions physiologiques cjui le rendent très comparable aux profondeurs des organismes vivants. Des circula- tions incessantes de hquide et de gaz y déterminent des rapprochements et des séparations de matière, des réac- 166 LE NATURALISTE lions chimiques extraordinairement variées, une trans- formation jamais finie des roches et des terrains. Les progrès du refroidissement spontané de la terre y déve- loppent aussi des appels vers le centre des matériaux d'a- bord retenus dans les zones périphériques et qui, pro- gressivement, sont ravis aux couches fluides pour s'in- corporer dans la croûte solide. La contraction du noyau développe, dans l'écorce superposée, des pressions qui se traduisent par dos déplacements dont la surrection des montagnes est l'apogée et qui a son contre-coup comme son correctif, au point de vue de l'équilibre tellurique, dans l'émoussement des reliefs et dans le comblement des abîmes par les phénomènes superficiels de dénuda- tion et de sédimentation. On est quelquefois porté à faire une grande différence entre une pierre et un être organisé au point de vue de son activité propre et à comparer la pierre à un objet essentiellement mort. Il est de fait que dans nos collec- tions les pierres, en général, ne manifestent rien qui res- semble à de la vitalité; mais il en est de même des plantes dans les herbiers, des oiseaux empaillés ou des papillons piqués et desséchés. Dans la nature les roches sont toutes différentes, et nous voyons, par l'échantillon dessiné, qu'il leur arrive à l'occasion de continuer à vivre dans nos cartons comme bourgeonnent d'ailleurs et mû- rissent quelquefois des plantes entre les papiers à filtre, comme pondent des insecteSj des jours après qu'ils ont été transpercés par les épingles. Le tableau des phénomènes vraiment physiologiques qui se manifestent dans le tissu des roches est fait pour intéresser tous les amis de l'histoire naturelle. J'ai es- sayé de le tracer dans un ouvrage que la librairie Colin publie en ce moment, sous ce titre Nos terrains et qui, accessible même aux personnes les plus étrangères à la science, constituera une sorte d'introduction à tous les traités de géologie. Stanislas Meunier. ANIMAUX Mythologiques, légendaires, historiques, illustres, célèbres, curieux par leurs traits d'intelligence, d'adresse, de courage, de bonté, d'attachement, de reconnaissance, etc. Ln Foui-mi [Suite] cm... — d'y. — C'est sur cette monture, et avec des attelages ainsi disposés, que les Indiens vont à la recherche de l'or, en prenant soin de choisir, pour s'en emparer, l'époque de la plus grande chaleur, pendant laquelle les fourmis se tiennent ordinairement sous terre CV. — Les Indiens arrivent dans le désert munis de sacs qu'ils se hâtent de remplir de ce sable aurifère, et reviennent promptement sur leurs pas, car les fourmis, excitées, à ce que disent les Perses, par l'odeur, se n-et- tent à leur poursuite; et la rapidité de ces animaux est telle que si, pendant le temps que les fourmis mettent à se rassembler, les Indiens ne prenaient l'avance, aucun d'eux ne pourrait échapper. Il arrive même souvent qu'ils sont obligés de lâcher, non pas à la fois, mais l'un après l'autre, les deux cha- meaux mâles, qui vont moins vite que les femelles. Mais celles-ci, animées par le désir de revoir leurs petits, ne faililissent pas et soutiennent la course. C'est de cette manière, suivant les Perses, que les Indiens se procurent la plus grande partie de l'or qu'ils possèdent. Celui qui provient de l'exploitation des mines du pays est beau- coup plus rare. Pline n'aurait eu garde d'oublier ce> étranges fourmis dans son Histoire nnturelU'. Aussi, lisons-nous au cha- pitre XXXVI du livre XI : « Les cornes d'une fourmi in- dienne attachées dans le temple d'Hercule, à Erythres, ont excité l'étonnement. Cette fourmi tire l'or des ca- vernes, dans le pays des Indiens septentrionaux appelés Dardes. Elle a la couleur du chat et la taille du loup d'Egypte. Cet or, qu'elle extrait durant l'hiver, est dé- robé par les Indiens pendant les chaleurs de l'été, dont l'ardeur fait cacher les fourmis dans leurs terriers. Ce- pendant, mises en émoi par l'odeur, elles accourent et souvent déchirent les voleurs, bien qu'ils s'enfuient sur des chevaux très rapides, tant sont grandes leur agilité et leur férocité, jointes à la passion de l'or. » . - Dans son Êléyie xiii du livre III, sur l'Avarice des femmes, Properce fait aussi allusion à ces fourmis : « Vous demandez pourquoi une avide beauté nous vend si cher une de ses nuits, et pourquoi l'on accuse l'amour d'avoir épuisé tant de patrimoines? Il n'est que trop facile, hélas! de dire la cause de ces désastres! un luxe que rien n'arrête envahit Rome de toutes parts : Inda cavis aurum mittit formica metallis. Et venit e rubro conclia Erycina salo; Et Tyrus ostrinos praebet Cadmea colores, Cinnamon et multi pastor odoris Arabs, etc. « C'est pour nous que la fourmi indienne arrache l'or à ses mines profondes; que la mer Rouge abandonne ses coquillages précieux; que Tyr, patrie de Cadmus, envoie sa pourpre et ses riches couleurs: que le berger d'Arabie cultive ses herbes odorantes, etc. » Le chanoine Hugo de Saint- Victor (De bestiis et aliis rébus, lib. II, cap. xxix) raconte aussi la fable des four- mis mineuses, mais d'une toute autre façon que Strabon et Hérodote : «... On dit qu'il y a ou, on Ethiopie, des fourmis grosses comme des chiens, qui extraient avec leurs pattes des sables d'or et les gardent contre les voleurs, tuant même ces derniers. Mais ceux qui veulent s'em- parer de cet or agissent de la manière suivante : ils prennent des juments qu'ils font jeûner pendant trois jours ; puis, ils attachent leurs poulains au bord du fleuve qui les sépare du domaine des fourmis, et ils poussent les juments à l'eau, après les avoir chargées de bâts. Celles-ci, voyant les herbages de la rive opposée, se jettent à la nage et y abordent bientôt. Alors les fourmis, voyant les paniers des bâts sur le dos des juments, y portent leur or pour le mettre plus en sûreté. Mais, dès le soir, quand les juments sont rassasiées et chargées d'or, elles entendent hennir leurs poulains affamés, et elles les rejoignent aussitôt avec leur précieux chargement. » Et l'on s'extasie sur l'imagination des conteurs des Mille et une nuits ! Si nous en croyons un fait rapporté par Plutarque, l'institution des Pompes funèbres étaient connue des fourmis : elles transportaient, moyennant salaire, les morts à domicile. Dans son traité intitulé : « Quels ani- maux sont tes plus intelligents, des terrestres ou des aqua- tiques'! » chap. XI, il dit: «... Cléanthe racontait, et LE NATURALISTE 167 pourtant il refusait la raison aux animaux, avoir été té- moin du spectacle suivant : Des fourmis étaient allées à une autre fourmilière, portant le corps d'uneautre fourmi qu'elles avaient rencontrée morte. De cette fourmilière quelques-unes sortirent, comme pour conférer; après quoi, celles-ci descendirent de nouveau, et le même ma- nège se réitéra deux ou trois fois ;;ï la fin elles reparurent, et, comme rançon du corps mort, elles apportaient un ver. Les autres le reçurent, donnèrent en échange le ca- davre, puis s'en allèrent, etc. » Martial a fait une jolie épigramme « Sur une fourmi enfermée dans un morceau d'ambre : Dum Phaetontea formica vagalur in umbra Implicuit tenueni succina gutla feram. Sic modo qua^ fuerat vita contempta manente, Funerilnis facta est nunc pretiosa suis. « Pendant (ju'une fourmi s'égare à l'ombre de l'arbre de Phaéton, ime goutte de succin enveloppe l'insecte minuscule. Pendant sa vie, tout ;i l'heure encore, il était considéré avec déilain, et son tombeau en a fait mainte- nant un objet précieux. » Les poètes ont, du reste, souvent pris la fourmi pour terme de comparaison. Dans son ProméiMe, vers 4o3, Eschyle dit : ('ott' àVjaypoi MûpiiTixeç avTpwv èv [J.uX'^'î àvT,),['nt;. « (les premiers hommes habitaient), comme les agiles fourmis, dans les ténébreuses profondeurs des ca- vernes. 1) Théocrite (Idylle i.x, v. 31) : TÉTTtÇ (lÈv TÉTTlYt .Mv àpiejjisîv ë^ovreç) les jours du mois; ad- mirable talent dont la nature les a pourtant doués, tous les premiers jours du mois, elles rentrent dans leurs de- meures, et s'y tiennent closes et tranquilles ! « Livre H, chap. xxv. — Industrie des fourmis ; leur intelligence dans le choix et l'emmagasinage de leurs provisions. Livre IV, ch. xliii. — De leur assiduité au travail. Livre V, ch. XLix. — Les fourmis ont horreur des ca- davres des leurs. Dès qu'une d'elles meurt, les autres portent aussitôt son corps au dehors (ce qui ne cadre guère avec le récit de Plutarque rapporté plus haut, de fourmis achetant le cadavre de l'une des leurs que d'au- tres leur rapportent). Livre VL ch. m. — L'ours quimangedes fourmis s'af- faiblit considérablement (ce qui ne cadre pas le moins du monde avec ce qu'on lira plus bas, de l'ours se médi- camentant en absorbant des fourmis). Livre VI, ch. xliii. — De leur gouvernement, de leurs fourmilières et de leurs magasins. Livre X, ch. XLii. — Il existe un certain genre de fourmis léthifères ; on les appelle aussi guêpes. Livre XVI, ch. xv. — Comment les fourmis indiennes construisent leur nid; avec quel art elles savent le pré- server des inondations, etc. Livre XVII, ch. xlii. — H y a, dans les terres baby- loniennes, des fourmis cujus génitale membrum rétro aversiimest, au contraire de ce qui a lieu chez les autres. Les agriculteurs, les horticulteurs, etc., ont toujours cherché à se débarrasser de ces encombrantes et voraces bestioles. Columelle (De re rustica, lib. II, cap. xx) dit : « Pour que l'aire qu'on forme sur le sol soit propre au battage, il faut préalablement enlever l'herbe qui couvre sa superficie, puis le défoncer, y mêler de la paille et de la lie d'huile non salée, et rendre la place nette. Par ce moyen, on garantira le grain des ravages des rats et des fourmis. » [De arborihus, cap. XIV). — « Ecrasez du lupin que vous mélangerez avec du marc d'olives, et frottez-en circulairement le pied des vignes ; ou bien faites bouillir du bitume avec de l'huile, et enduisez de cette prépara- tion la base des ceps; vos vignobles seront ainsi préser- vés des fourmis. >> Palladius (De re rustica) indique encore d'autres moyens : Livre I, chap. xxxv. — » Pour détruire les fourmis, si la fourmilière est dans le jardin, mettez auprès un cœur de chouette. Si les fourmis viennent du dehors, tracez une ligne autour du jardin avec des cendres ou de la craie. » — « On chasse encore les fourmis en répandant autour de leur trou de l'origan et du soufre broyés en- semble ; mais ce moyen nuit aussi aux abeilles. On peut également calciner des coquilles d'escargots vides, et boucher leur trou avec les cendres. » Livre IV, chap. x. — « Si les fourmis incommodent le néflier, détruisez-les avec de la terre rouge mêlée de vi- naigre et de cendre. » — « Si le figuier est infecté par des fourmis, enduisez le tronc d'un mélange de terre rouge, de beurre et de poix liquide. D'autres prétendent que, pour le préserver de ces insectes, il faut suspendre à ses branches un poisson appelé corbeau. » Livre XI, chap. xii. — Si le cerisier est infecté par des fourmis, versez autour du tronc du jus de pourpier mêlé, à parties égales, avec du vinaigre ; ou bien frottez le tronc avec de la lie de vin lorsque l'arbre est en fleurs. » La médecine, pour les hommes comme pour les bêtes, utilisait les fourmis. D'après Pline {Hist. nat. livre XXIX, chap. xxxix), « on remédie à la dureté de l'ouïe par une application d'œufs de fourmis ; cet insecte, en effet, a aussi des pro- priétés médicinales, et il est certain que les ours malades se guérissent en en mangeant. » Livre VIII, chap. xli. — Les ours, quand ils ontgoùté du fruit de la mandragore, lèchent les fourmilières. » Plutarque (question XXVI des Causes naturelles) : « Lorsque l'ours se sent trop plein de nourriture, il avale des fourmis et se trouve bientôt soulagé. » Et plus loin (Quels animaux aont les plus intelligents, des terrestres ou des aquatiques, chap. xx) : « Quand l'ours sort de sa tanière, la première chose qu'il fait, c'est de manger de l'arum sauvage, dont la saveur acre lui ouvre les intestins, repliés sur eux-mêmes. En d'autres occa- eions, quand il est dégoûté, il se dirige vers une fourmi- lière. Il se couche, allongeant sa langue graisseuse et mollement tapissée d'une humeur douce et gluante, puis il attend qu'elle soit pleine de fourmis : il avale les in- sectes, et le voilà 'soulagé. » L'abbesse sainte Ilildegarde (Physica, lib. VII, de Animalibus, caput xliii, de Formica), dit à son tour : <( La fourmi est chaude, et il s'exhale d'elle une humeur aromatique; on ditâussi qu'elleproduitdes œufs volatils. Si un homme a beaucoup de flegme dans la tête, la poi- trine ou l'estomac, qu'il prenne une fourmilière avec les fourmis, elles fasse cuire dans l'eau; qu'il répande cette eau sur une pierre rougie au feu, et qu'il aspire dix ou quinze fois les vapeurs produites : son flegme dimi- nuera. « Que celui qui souffre d'un excès de mauvaises hu- meur prenne un nid avec les fourmis, fasse cuire le tout, et avec cette eau se prépare un bain dans lequel il entrera et se tiendra quelque temps, la tête couverte d'un linge mouillé dans cette eau, car la force de cette dernière pourrait occasionner des douleurs. Qu'il prenne souvent un bain semblable, et son mal cessera. « Que celui qui soutTre de la lèpre, de quelque genre que ce soit, prenne de la terre où se trouve un nid de fourmis, mais principalement de la terre imprégnée de la liqueur des fourmis {acide formique), et qu'il en mette sur des cendres de hêtre, de manière qu'il y ait plus de terre que de cendres : qu'il prenne ensuite de l'eau chaude et la passe neuf fois au travers de cette terre brûlante, comme on fait pour la lessive ; puis, qu'il prenne de la graisse de bouc, et un peu plus de graisse de vieux porc, les mélange, et les mette dans la lessive ; et lorsque le corps gras se sera agglutiné, qu'il le retire de l'eau et y ajoute de la poudre d' habischwamp et de celle de meter (I) un peu moins que de celle de violettes. (1) Le latin de sainte Hildegarde, abesse de Saint-Rupert de Binghcn (xi° siècle), est d'une traduction laborieuse ; il est con- tinuellement farci de vieux mots allemands dont on ignore au- LE NATURALISTE 169 Il en composera ainsi un onguent dont il se frottera pen- dant neuf mois ou plus devant le feu. Il sera infaillible- ment guéri par ce moyen, si (ô sainte ndiveté!) la lèpre ne doit pas amener sa mort, ou si Dieu ne veut pas qu'il guérisse, c< Et pendant qu'il s'oindra ainsi, qu'il prenne garde de s'approcher d'un homme ([uelconque ou d'un cochon, de peur que la vapeur de la lèpre qui sort de lui ne les atteigne, car ils la prendraient très facilement. » J'ajouterai qu'aujourd'hi encore, une chirurgie sommaire utilise une sorte de fourmis, ÏOEcodoma cephalotes (La- treille), dévastant souvent la Guyane et le Brésil par ses colonnes en quête de nourriture. Cet insecte mord avec une telle rage et une force si considérable, qu'on peut lui arracher le corps sans faire lâcher prise aux mandibules ; aussi, les naturels de ces pays s'en servent-ils en guise de scire-fines, pour les sutures chirurgicales : « Les sau- vages, dit Reiche, emploient cette espèce pour tenir rap- prochés les bords d'une plaie. Ils font mordre par cet insecte les deux bords, puis lui arrachent l'abdomen et le thorax, et ne laissent, par conséquent, que la tête, qui maintient ainsi les lèvres de la plaie rapprochées. Il n'est pas rare de voir des Brésiliens indigènes quiontainsi une plaie en voie de cicatrisation au moyen de sept à huit têtes de cettefourmi. » {Annalcsde la Société entomologique de France, 2' série, tome II, bull.p. LXVI). Autrefois, dans les contrées méridionales encore à l'état sauvage, comme d'ailleurs jadis chez les Perses très ci- vilisés, certains condamnés à mort étaient enterrés nus jusqu'à la ceinture, puis enduits de miel, et exposés ainsi à une mort affreuse et lente sous la morsure de milliards de fourmis. Notre La Fontaine, imitant en cela ses prédécesseurs, a fait parler la fourrai dans ses fables : Livre I, fable i : — La Cigale et la Fourmi. Avant lui, ce sujet avaitété traité par Esope (fab. 134) ;Gabrias(f. 41); saint Cyrille (liv.I, f. 4) ; Aphtonius (f. 1) jAvienus (f.34}; l'Anonyme (f. 56) ; Faerne (f. 7) et Burmann (f. 28). Livre II, fable 12 : — La Colombe et la Fourmi. Esope l'avait aussi traitée avant lui. Livre l'V, fable 2 : — La Mouche et la Fourmi. Sujet traité avant lui par Phèdre (liv. IV, f. 23) ; l'Anonyme (f. 37) ; Marie de France ; Ysopet (/'Afcei/^e et la Mouche). Benserade, qui a aussi traduit les Fables d'Esope en quatrains (Paris, 1678, in-t2),nous donne ainsi la Cigale et la Fourmi : On connoist les amis dans les occasions; — Cliére Fourmj, d'un grain soyez-moy libérale ; J'av chanté tout l'esté — Tant pis pour vous, Cigale; Et moy, j'ai tout l'esté fait mes provisions ! Voyez, dans les Trois règnes de la nature, chant VII, le portrait que fait Delille de diverses sortes de fourmis. Cet insecte a donné lieu à divers proverbes et dictons : Celuy qui est trop endormy Doibt prendre garde à la fourmy (Gab. Meurier, Trésor des sentences, xv\'sièc\e.) Se faire plus petit qu'une fourmi devant quelqu'un. (Dict. de l'Académie, édition de 1835.) Avoir des fourmis dans les jambes. Cette femme est très laborieuse : c'est une vraie fourmi. E. Santini de Riols. N. B. — Deux articles parus précédemment sur l'Elé- jourd'hui la signification : les annotateurs de ses ouvrages sont dans l'impossibilité, presque toujours, de donner l'équivalent latin du terme vuleaire. S. DE R. phant et sur l'Amandier ont été, par inadvertance tronqués ; nous donnerons dans le prochain numéro la suite et la fin de ces deux articles. NOTICE SUR LE PARNASSIUSNORDfflÂNNUoRDMANN ET SUR SA VARIÉTÉ MINIMA. HONRATH Le véritable Parnassius Nordmanni, malgré la date déjà ancienne de sa découverte qui remonte à près d'un demi- siécle en arrière, est encore aujourd'hui une de nos plus grandes raretés entomologiques. Bien peu de Lépidoptéristes connaissent ce précieux papillon ; aussi n'hésitons-nous pas a rééditer sa description, d'après un exemplaire mAlc que nous avons eu la bonne fortune de nous procurer après de patients ctïorts. Ce Parnassius est à peu près do la taille de nos grands exemplaires de Dclius; il mesure exactement 12 millimètres d'envergure; ses quatre ailes sont en dessus d'un blanc jau- nâtre ocracé, analogue à celui qui caractérise la femelle de Mnemosque, variété Ochracca. Ni la côte, ni la base des an- tennes ne sont bien sensiblement [rembrunies par le semis atomique noirâtre qui couvre habituellement ces espaces. Par contre, le bord exlome est occupé par une large tache formant bande d'un gris noirâtre, subdiaphane, très élargie à l'apex, amincie en pointe vers l'angle opposé et dont le contour in- térieur affecte une forme presque rectiligne. Les deux taches discoidales, assez petites, sont d'un noir profond. Celle qui clôt la cellule est semilunaire ; l'autre qui n'aboutit pas à beau- coup près au bord inférieur de cette cellule est en forme d'o- vale. La tache costale est à peine indiquée, et celle dite in- terne fait complètement défaut. Les ailes postérieures sont d'un blanc ocracé uniforme, y compris le limbe qui est vierge de tout dessin. On y distingue d'abord les deux ocelles d'un beau jaune d'ocre vif, finenient en- tourées denoirdontlautérieureesttransversalementréniforme; et dont l'autre, plus petite, affecte l'apparence d'un carré irré- gulier, puis la tache basilaire gris noirâtre qui s'étend le long du bord abdominal, depuis la base proprement dite jusqu a une petite macule transverse anale et sans former du crochet sous la cellule. Le dessous reproduit exactement les dessins du dessus; mais cette face do l'insecte, étant pour ainsi dire dégarnie d'écaillés, offre un aspect luisant particulier, com- parable à celui qui est propre à Clodius. Il convient d'ajouter que les antennes, les pattes do Nordmanni sont noires, de même que le corps tout entier; mais que ce dernier est re- vêtu d'une pilosité jaunâtre qui devient ocracée en dessous de l'abdomen et sur le collier. Il résulte de cette description, si on compare avec la ligure de la variété Minima, ou mieux encore avec l'insecte lui- même, que les deux Parnassiens ainsi mis en parallèle oflrent un aspect bien tranché. Non seulement cette variété est beau- coup plus petite que le type, mais ses ailes sont en proportion plus allongées, leur teinte est plus blanche et leurs dessins montrent plus d'ampleur. Ainsi les deux discoidales sont grosses et arrondies, les ocelles plus petites sont encadrées d'un large cercle noir et la plus basse des deux comporte en- core une macule noire adjacente. La tache basilaire fait un crochet aigu sous la cellule ; et le limbe de l'aile inférieure est entouré, depuis l'angle anal jusque vers le milieu du bord, d'une bande marginale grisâtre et continue. Enfin la vestiture du corps, de même que le collier, sont- d'un gris plutôt cendré. Nous avons dit que le Parnassius Nordmanni, forma typica ou liera, est encore une grande ra- reté. En effet, très peu de collections le possèdent en exem- plaires bien authentiques. Ceux qu'on y conserve sous ce nom appartiennent pour la plupart par leurs caractères à la va- riété Minima, bien que leur taille soit un peu plus grande que celle de la race que M. Honrath nous a fait connaître, la- quelle est de dimension très exiguë. La patrie exacte de cet insecte nous semble mémo encore entourée de quelque incer- titude. M. Standinger, dans son grand catalogue méthodique do 1871, nous indique comme lieu d'origine les Alpes de l'Ar- ménie occidentale et le Caucase, mais ce dernier avec doute. Ménétriès attribue pour patrie à Nordmanni l'Awasie, c'est-a- dire cette partie du Caucase qui est située entre l'Elbrous et la mer Noire, et l'exemplaire que nous avons sous les yeux 170 LE NATURALISTE porte sur son étiquette la mention générale de Caucase, sans désignation précise de localité. Enfin un entomologiste alle- mand, personnellement très au courant de tout ce qui regarde la faune des Lépidoptères de l'Arménie, assure que la station la plus certaine du Parnassius qui nous occupe est située dans les Hautes-Alpes de la région arménienne de Somlia où il n'a été capturé que très rarement et en un petit nombre d'exem- pVires. L'insecte habite à plus de 4000 mètres d'altitude, sur certains éboulis rocheux d'un accès presque impraticable qui garnissent la base des pitons les plus élevés et où on ne le voit voler que très isolément. La variété Minima, soit la forme réduite de M. Honrath, soit la race plus grande que nous avons signalée plus haut comme appartenant à cette variété, habite les Alpes du Da- ghestan, c'est-à-dire la partie orientale de la chaîne du Cau- case. Elle a été découverte à Bazardjusi d'où sont originaires les exemplaires de notre collection et retrouvée plusieurs fois sur différents autres points de cette région. Ce Parnassius vit également à une très grande hauteur à l'état solitaire; mais il est cependant beaucoup moins loca- lisé que le vrai Nordmanni, qui restera sans doute longtemps encore un de nos lépidoptères les plus rares et les plus dif- ficiles à obtenir. J. L. AUSTAUT. DESCRIPTION DE CDLÉDPTÈRES NOUVEAUX Anthicus (Aulacoderus) MaHini. Entièrement testacc rou- geâtre (avec ordinairement la tête obscurcie) moins une fascie élytrale noirâtre transversale post-médiane prolongée étroite- ment en arrière sur la suture etles côtés, et ayant la tendance de s'étendre en arrière pour enclore une tache claire de la couleur du fond. Tête d'un testacé rougeâtre, ordinairement obscurcie, arrondie en arc en arrière, un peu plus large que le prothorax, à ponctuation forte, écartée avec les yeux foncés, gros. Antennes testacées (ayant le dernier article généralement obscurci,) grêles et non sensiblement épaissis à l'extrémité. Prothorax d'un testacé rougeâtre, peu long, modérément di- laté, arrondi en avant, à sillon bien marqué éloigné de la base et flanqué de chaque coté d'une sorte de fossette nettement pileuse. Ecusson petit, triangulaire. Elytres un peu ovalaircs, arrondis à l'extrémité, de coloration un peu plus pâle que le prothorax, bien plus larges que cet organe, ornés d'un dessin postérieur foncé, à ponctuation espacée, fine et pubescence grisâtre fine, espacée. Pattes minces, testacées. Espèce à part dans le groupe par son dessin, qui copie celui de A. poslicalus Pic d'Obock. Peut se placer à cùté de flavopiclus Laf. Dédié au Dr Martin qui a rapporté cette jolie espèce de son dernier voyage africain et à qui je dois la connaissance de plusieurs races et nouvelles espèces d'Anthicides. _ Long. 2-2 1/2 mill. Afrique Australe. Beaufort "W. (D' Mar- tin), Hebron (E. Simon), communique et cédé par le D' Martin. Anthicvs (Aulacoderus) flavopiclus Laf.? var. ornalipetuiis. Très voisin de flavopiclus Laf. et probablement variété seule- ment de cette espèce présentant une coloration générale plus foncée, le prolhorax très large en avant, légèrement angu- leux et arrondi sur cette partie. Antennes testacées, parfois rembrunies à l'extrémité qui n'est pas nettement épaissie. Tète un peu moins large que le prothorax, foncée, arrondie en arc en arrière. Prothorax foncé, parfois un peu rougeâtre à la base, très dilaté et anguleusement arrondi en avant, sillon pu- besccnt peu profond éloigné de la base. Elytres foncés avec une large bande médiane jaunâtre et une tache postérieure variable de même coloration sur chaque élytre atteignant ou non l'extrémité. Pattes grêles plus ou moins roussâtres avec les cuisses plus ou moins obscurcies. Long. 3-3 1/2 mill. Afrique Australe : Port EUsabeth (D' Martin, in coll. Martin et Pic types!). Aulacoderus Mutalus Gem. {Iransvevsalis Laf.) v. Irans- versus Pic. Sous ce nom déjà imprimé (Mise. Ent. III, 95, p. 106) j'ai séparé un exemplaire reçu de M. Raffray, qui pos- sède seulementune seule bande élytrale foncée, nette, médiane étroite. Cet insecte est entièrement testacé, les 3 derniers ar- ticles des antennes très épaissis et noirs; quelques longs poils clairs dressés sur le corps. Vient du Cap. Ochleiioiiius elotigatus Pic var. nigriceps.Vn peu plus grand que la forme type à coloration d'un testacé roux avec les pattes et antennes testacées, la tète noirâtre, forte. Long. 3 mill. environ. Afrique Australe : Hebron (E. Simon in coll. D'' Martin et Pic types!) Ochlenomus elongatus Pic présente la tête de la même colo- ration que le corps et semble présenter- cet organe un peu moins large. Maurice Pic. Lies bois de Oonsti^ixotion ET LES BOIS UTILES DÉTERMINATION DE l'ÉPOQUE DE LA COUPE PROCÉDÉS DE SÉCHAGE A quel moment faut-il abattre les arbres? Voilà une question que bien des propriétaires de bois se posent sou'vent, sans pouvoir se donner une réponse en con- naissance de cause. C'est pour leur venir en aide que la Société économique de Westpbalie s'est proposa, il y a un peu plus d'un an, de déterminer expérimentalement l'époque la plus propice pourl'abatage des bois. A cet effet, on abattit, entre décembre et mars, à un mois d'intervalle chaque, quatre superbes sapins rouges, de même âge, ayant poussé dans le même sol, et tous parfaitement sains. Une poutre fut débitée dans chacun d'eux, et ces poutres furent chargées de poids égaux. Ces essais démontrèrent que la résistance à la charge était maxima pour le bois abattu en décembre; pour celui abattu en janvier, elle éprouvait une perte de 12 0/0; elle en éprouvait une de 20 0/0 pour celui abattu en fé- vrier, et une de 30 0/0 pour celui abattu en mars. Deux sapins de même grosseur avait été enterrés dans un sol humide. L'un d'eux avaient été abattu au mois de février : huit ans après, il était pourri ; l'autre avait été abattu au mois de décembre : son bois, après seize années de séjour dans le sol, avait conservé toute sa dureté. ■Voici un autre exemple non moins concluant. Deux roues de voiture avaient été débitées dans deux bouleaux différents, abattus respectivement en décembre et en fé- vrier. La roue débitée dans le mois de décembre résista pendant six ans ; l'autre était hors de service au bout de deux ans. La conclusion bien nette à tirer de tous ces faits, est que la seule véritable époque pour l'abatage des bois 'de construction et des bois utiles est le mois de décembre, et qu'il faut, autant que possible, éviter de prolonger cette période en janvier. Une autre question, non moins importante, et qui préoccupe aussi à juste titre tous ceux qui font usage des bois utiles, est celle de leur séchage. La plupart dû. temps, on se borne à laisser le temps lui-même faire son œuvre. Mais on a souvent besoin de procédés plus rapides. Pour obtenir ce résultat, ou a essayé de l'étuvage, de l'immersion du bois dans l'eau courante, du percement des arbres abattus, etc. Mais un fait d'expérience a sug- géré une méthode plus pratique à un sagace o})servateur. Voici ce qu'il avait remarqué : un certain nombre de poteaux de chêne avaient été emmagasinés dans un han- gar, et, pour ménager la place, on les avait disposés ver- ticalement le long du mur, le bout du côté de la racine se trouvant en haut. LE NATURALISTE 171 Lorsqu'on enleva ces poteaux, le sol sur lequel ils repo- saient était couvert d'une matière vis(iueuse, analogue à du jus de tabac. Quant au bois, il était sensiblement plus sec que son âge ne pouvait permettre de l'espérer : il avait une très belle appareuce et ne présentait aucune tache. Cet observateur en conclut donc que pour sécher bien et rapidement les bois, le procédé le plus simple et le meilleur est de les disposer verticalement. Il a mis, pour son propre compte, ce procédé en pratique et s'en trouve fort bien. Il l'a toutefois légèrement perfectionné en faisant reposer les bouts inférieurs sur des tringles, pour éviter le collage et permettre l'écoulement de la sève. Paul Jacob. ESSAI MONOGRAPHIQUE SIR les Coléoptères des Genres Pseudolucane et Lucane LUCANUS ORIENT.\LIS, Var. CURTULUS-MofSc/tu/sAl/. Syn. Luc. cuRTULUS-itfo' Paul GiROD, Professeur à l'Université de Clermont-Ferrand. LA SYMPHONIE DU PRINTEMPS L'oiseau partage avec l'homme le privilège du chant. Les insectes ont des bruits, le monde des eaux est muet, les mammifèi'es poussent des cris, seul l'oiseau chante. Ses accents animent la plaine et la montagne, la forêt et la prairie, ils sont la joie de la nature où sans eux tout ne serait que silence et tristesse. L'oiseau est sans contredit l'être qui nous manquerait le plus. Figurez- vous la campagne sans oiseaux, sans chansons mélanco- liques ou joyeuses, sans bruits d'ailes, sans amours dans les branches. Je ne sais rien de triste comme certains cantons brûlés des ardeurs du midi, dont l'oiseau ne fait que traverser en hiver les immuables verdures d'oliviers, où il ne s'arrête pas au printemps, où sans nid dans les feuilles, il ne fait entendre aucune chanson. Dans nos pays privilégiés, les oiseaux sont partout et partout ils chantent. Même pendant l'assoupissement de l'hiver, ces charmants musiciens ne se taisent pas tous d'une façon absolue. Le Rouge-gorge chante encore lorsque le givre argenté la liranche, que les buissons sont blancs et que la neige couvre au loin la terre d'un épais linceul. Un pâle rayon de soleil suffit pour lui faire redire en janvier la chanson d'avril. Sa voix douce et voilée retrouvera au printemps des notes plus éclatantes, plus gracieuses et plus tendres : dans la dure saison des jours brefs et glacés, elle semble une protestation de la vie contre la mort apparente de la nature. Elle n'est pas seule à protester, du fourré poudré à blanc une autre voix lui répond en un gazouillis menu et délié. C'est celle d'un petit oiseau gros comme une noix, une pincée de plumes, le Troglodyte alerte et intrépide qui visite les souches moussues pour y chercher des chrysalides et glisse prestement au milieu des brindilles des piles de fagots. Puis quand l'hiver va finir, à travers le ruissellement des giboulées de mars, s'élèvent joyeux le sifflement du Merle, les accents sonores et vibrants de la Grive, les premières modulations de l'air de bravoure du Pinson, le timbre argentin de la Mésange charbonnière. Dans les journées encore douteuses du commencement d'avril, la Fauvette à tête noire salue le renouveau d'un vif et gai refrain de son gosier de cristal. Le chantre des oseraies, le svelte Fitis, récite sa strophe ondoyante, pareille à des sons mélancoliques de liarpe éolienne effleurée par la brise parmi les osiers et les saules. La Sitelle au manteau bleu commence à faire tapage et, de ses tu tu retentis- sants et répétés, anime à elle seule tout un coin de la forêt. Caché dans les fourrés, l'invisible Coucou jette ses deux notes éclatantes et prolongées (I), étrange refrain qui se déplace sans cesse, voix errante qui sonne à tous les échos du pays le retour du printemps. Mais le roi des chanteurs entre en scène. Le Rossi- gnol tout nouvellement revenu prélude à ses concerts (2). A peine arrivé, il se met à chanter; sa voix semble d'abord un peu hésitante, il a l'air de chercher, de tâcher de se ressouvenir. L'épanouissement de mai lui donne toute sa maîtrise. Le poète inspiré réserve pour les journées fleuries et l'enchantement des nuits tièdes et parfumées ses mélodies les plus puissantes. Longs soupirs, modu- lations plaintives, appels passionnés, interruptions, si- lences, reprises! Quelle variété! quelle force! quelle plé- nitude! Les sons tendres et mélancoliques alternent avec les explosions de joie et de triomphe, les phrases douces succèdent aux roulades entraînantes; le rythme, la ca- dence, en sont incomparables et les pauses viennent encore en faire ressortir la beauté. C'est bien le chant décrit par Pline, il y a dix-huit siècles; les épithètes sont toujours applicables, plein, grave, aigu, fréquent, étendu, puis encore vibrant, haut, moyen, bas; plcnus, gravis, acutus, creber, extensus; ubi visum est, vibrans, siimrmis, médius, imus (3). Chez les oiseaux comme chez les humains, l'art a besoin d'exercice pour se développer. Le prix du chant appartient aux vieux mâles qui font école. Les jeunes doivent suivre leurs leçons et ne parviennent à les imiter qu'à force de travail. Une oreille exercée reconnaîtra toujours un débutant. Il en est qui ne chantent que le jour, d'autres ne se font entendre que la nuit : ces der- niers sont réputés les meilleurs chanteurs. A l'exemple (1) Ré, si bémol (clarinette), dans la Symphonie pastorale de Bethoven. Cette année, j'ai entendu le premier Coucou le 15 avril, dans le Pas-de-Calais, à Yerton, près de Berck-sur- Mer. (2) J'ai entendu chanter le premier Rossignol, à Yerton, le 10 avril. (3) Hist. Nat., L, X, c. 43. LE NATURALISTE m de beaucoup de grands artistes, le Rossifinol est jaloux et sa jalousie lui insi)irc peut-être ses plus beaux chants; il déploie alors, dans toute leur plénitude, ses facultés musicales pour éclipser ses rivaux. Selon Brehm, un Rossignol n'est un véritable virtuose que lorsqu'il pos- sède dans son répertoire do vingt à vingt-quatre phrases, mais beaucoup, ajoute-t-il, ont un champ do variations moins étendu (1). Barington, au siècle dernier, a observé seize préludes difl'érents et autant de finales (2). Il pen- sait que le Rossignol a été, à l'origine des temps, le pre- mier instituteur des oiseaux chanteurs et qu'ils se sont tous formés à ses leçons. Cent ans plus tard, Henri Heine, subissant la même fascination, s'écriait : « Au commencement fut le Rossignol. » (3). C'est aussi la pensée de Buffon qui veut que chacune des chansons entières des autres oiseaux ne soit qu'un couplet de celle du Rossignol. Ne serait-ce pas, au contraire, que, paru le dernier, il a fonilu dans son chant le plus grand nombre des notes et des motifs partagés entre les autres espèces? Bethoven a noté heureusement, dans la Symphonie pastorale, le chant du Rossignol, en même temps que celui de la Caille et du Coucou (4). L'ornithologiste Bechstein a tenté une notation syllabique. Il prétendait que, articulées dans un sifllet, en observant des temps de repos indiqués par des barres, cette série de syllabes reproduit fidèlement l'allure et les détails des mélodies du Rossignol. Tour de force un peu puéril d'Allemand enthousiaste et patient. Dupont de Nemours, qui avait déjà composé le « Dictionnaire des Corbeaux », n'a pas mieux réussi quand il a voulu traduire des onomatopées en paroles. La poésie est médiocre, mais l'intention est curieuse. Ce petit poème très peu connu mérite peut-être, à ce titre, d'être tiré, pour un instant, de l'oubli. Chanson du Rossignol pendant la couvaison : « Dors, dors, dors, dors, dors, dors, ma douce amie, <( Amie, amie, « Si belle et si chérie: « Dors en aimant, « Dors en couvant, « Ma belle amie (1 Nos jolis entants : « Nos jolis, jolis, jolis, jolis, jolis « Si jolis, si jolis, si jolis « Petits enfants. {Un petit silence.) « Mon amie. Il Ma belle amie, » A l'amour, « A l'amour ils doivent la vie. Il A tes soins ils devront le jour. Il Dors, dors, dors, dors, dors, dors, ma douce amie, Il Auprès de toi veille l'amour. Il L'amour, « Auprès de toi veille l'amour (5). » (1) Oiseaux, t. I, p. 637. (2) ETperimenIs and observations on the singing of Birds (1773), p. 280 ^Trausact. pinlosop/i.). Barington, vice-prési- dent de la Société Royale de Londres, est le naturaliste qui a le mieux étudié cette question. (3) Heine a été un admirateur passionné du Rossignol. On connaît les belles strophes du prélude de l'Intermezzo. Dans celte œuvre, le chant du Rossignol revient presque à chaque page. (4) Pour flùle. La Caille, hautbois. (5) Quelques mémoires sur différents sujets... etc., p. 236. Dupont de Nemours, membre de l'Institut et économiste de valeur, était pénétré d'un ardent amour de la nature et a beau- coup étudié, quelquefois d'une manière ingénieuse, les facultés morales des animaux. Le coryphée du printemps a donné le signal ; de tous côtés, les chansons se croisent et se confondent. Sur les lisières du bois, au fond du bocage, dans le verger ou la haie, dans les herbes de la prairie, ce n'est plus qu'amour et chant. Chardonnerets, Linottes, Bruants, Babillardes, Fauvettes des roseaux, Traquets, se livrent à des con- certs sans fin. Le Grimpereau murmure au long des arbres. Le Pic jette aux échos son cri éclatant et, ro- buste charpentier, ausculte les troncs à coups redoublés. La Nonnette tourne autour des branches en susurant, et le Loriot dont le nid se balance en hamac sur la branche fourchue, mêle à toutes ces mélodies les sons de sa flûte printanière. La Huppe, abaissant et relevant son diadème de plumes noires et rousses, lance par saccades ses trois notes veloutées et précipitées, pendant que l'Alouette s'élevant sur le sillon où repose son nid, adresse vers les cieux les fusées de ses trilles. Vers le soir, la Caille amoureuse, courant dans les blés verts, pousse son cri retentissant et la Perdrix mâle, aux bor- dures des luzernes, veillant, sentinelle dévouée, sur le nid où couve sa compagne, laisse échapper de temps à autre de petits cris de tendresse, comme une réponse aux derniers gémissements d'amour de la Tourterelle dans les bois. Tous aiment et le disent et tous font leur partie dans cet hymne de la nature que l'ordonnateur de toutes choses règle et dirige. Concert charmant qui ras- sérène et apaise. Le cœur ulcéré de Rousseau trouvait un soulagement h écouter ces virtuoses et son esprit douloureux revenait à des pensées moins amères sous la douce influence do la symphonie du printemps. L'au- teur du Devin du village prêtait une oreille attendrie aux musiciens de la nature. « Nous nous arrêtions quelquefois avec délices pour entendre le Rossignol, rapporte Bernardin de Saint- Pierre, confident des impressions de son ami et le com- pagnon habituel de ses promenades dans la campagne parisienne; nos musiciens, me faisait-il observer, ont tous imité ses hauts et ses bas, ses roulades et ses ca- prices; mais ce qui le caractérise, ces piou, piou prolon- gés, ces sanglots, ces sons gémissants, qui vont à l'âme et qui traversent tout son chant, c'est ce qu'aucun d'eux n'a pu encore exprimer. Il n'y avait point d'oiseau dont la musique ne le rendît attentif. Les airs de l'Alouette qu'on entend dans la prairie, tandis qu'elle échappe à la vue, le ramage du Pinson dans les bosquets, le gazouille- ment de l'Hirondelle sur les toits des villages, les plaintes de la Tourterelle dans les bois, le chant de la Fauvette qu'il comparait à celui dune bergère par son irrégularité et par je ne sais quoi de villageois, lui faisaient naître les plus douces images. Quels effets chrmants, disait-il, on en pourrait tirer pour nos opéras où l'on représente des scènes champêtres (1) ! » . La période artistique du chant de nos musiciens ailés est celle de leurs amours. Leurs doux concerts deviennent de plus en plus rares à mesure que les nids sont déser- tés. Les voix s'enrouent peu à peu aux soleils qui déclinent, aux premières feuilles qui se détachent des arbres, les unes un peu plus tôt, les autres un peu plus tard : le sentiment musical ne survit guère à la passion qui l'a fait naître. Déjà, à la fin de juin, le Rossignol se tait, son inspiration ne dure que le temps d'aimer. Magaud d'Aubusson. (1) Essai sur J.-J. Rousseau, f. 64. 178 LE NATURALISTE DESCRIPTION DE DEUX NOUVELLES ESPÈCES DE HOLLUSQUES (ACHATINELLID^) Amaslra Diirandi, Ane, n. sp. Testa imperforata aut fere imperforata, conoideo-oblonga, solida, sub epidermide es parte decidua atrofusca, interdum superne fulminatim disposita carneo-albida, nitidula, leviter striatula, apice nudo, atropurpureo. Spira conico-turrita, acuta. Anfractus 7, primi argute confertimque striati, pia- niusculi, sequentes convexi, sutura exili simplicique separati, ultimus oblongus rotundatus. Apertura subobliqua, sinuato- semiovalis, superne angulata, pariete cum columella nitide ru- bella, cœterum concolor, intus pallide roseo-alba. Columella plicis 2 obliquis acutis et œqualibus superne instructa. Peris- toma acutum. Long. 15 1/2, lat. 8, ait. apert. 6 miU. Waian*, oahu (teste E. Durand). Cette espèce intéressante est incontestablement très voisine de VA. biplicata, qui est propre à l'ile de Lanai, et doit en être considérée comme une forme dérivée qui, dans une île différente, a acquis un développement indépendant. Elle est remarquable par ses deux plis columellaires bien égaux, tandis que, chez sa congénère, ils sont légèrement inégaux, sa taille inférieure à colle de la biplicata et la coloration plus vive de son ouverture. Il existe d'autres caractères reproduits dans 11 diagnose qui précède et qui permettent de distinguer sans trop de difficulté cette coquille dont je dois la connais- sance à M. Emile Durand, à qui je me fais un plaisir de la dédier. C.-F. Ancey. Les ï^lantes DANS L'ANTIQUITÉ : LÉGENDES, POÉSIE. HISTOIRE, ETC , ETC l'AMANDIER (suite) Ovide, qui ne parle jjus une seule fois de Phyllis dans ses Métamorphoses, lui consacre, dans ses Héroides, l'Epitre II tout entière ; c'est une lettre de 148 vers que la malheureuse jeune reine écrit à son oublieux séduc- teur : « Ta Phyllis du mont Rhodope, celle qui t'accueillit, Démophoon, se plaint de ton absence prolongée au delà du terme fixé. Après que la lune aura quatre fois rap- proché ses croissants et rempli son disque, ton ancre fut promise à nos bords. Quatre fois la lune a disparu, quatre fois elle a complété son disque, et l'onde de 6ithonie ne ramène pas les navires de l'Attique. Situ comptes les instants, — et les amants savent compter, etc., etc. Suivent des plaintes, des malédictions et des prières comme Ovide sait les interpréter. Saint Isidore, évèque de Séville (b70-636), dans ses Etymologies IliheTXyil, cap. vu : de propriU nominibus arborum, 23), dit de l'amandier : «... L'amandier ('AnuyôàXyi, Amygdala) vient d'un nom grec, et les Latins le nomment noix longue {nux longa) d'autres l'appellent petite noix (nucicla), et c'est d'elle que parle Virgile dans ces vers : Induit in âorem. ..Quum se nux plurima sylvis « C'est l'arbre qui, le premier, se couvre de fleurs, et il devante tous les autres pour produire des fruits. C'est pour cela qu'il est la signification de la primitive Eglise dont Salomon a dit « l'amandier fleurira » (I), sentence qui peut s'entendre de cette allégorie ainsi que d'autres. » Ilraban Maur (786-836), archevêque de Mayence, dans son livre .sur /'(/nw'ers (De Universo, lili. XIX, cap. VI : de propriis nominibus arborum), a copié mot à mot l'évêque de Séville. Je reprends son texte à partir de celui de saint Isidore, pour l'explication de l'Ecclésiaste : «... ainsi que d'autres. En effet, l'Ecclésiaste a dit (xii, ")... florebit amygdalus, impinguabilur locustn, et dissipabitur capparis : quoniam ihit homo in domum aster- nitatis suse, et circuibunt in plateaplangentes... — l'aman- dier fleurira, la sauterelle deviendra pesante, et l'appétit s'en ira, car l'homme ira à la maison où il demeurera à jamais, et ceux qui pleurent feront le tour par les rues... « On dit que cela est une allusion aux membres hu- mains, car, dans la fleur de l'amandier, on peut voir les cheveux blancs ; dans l'engraissement et l'alourdisse- ment des sauterelles, l'enflure des pieds; et dans la dis- parition des câpres (2), l'extinction de toute concupis- cence, accidents habitueles à ceux qui arrivent aux limites de la vieillesse ; et alors il leur faut retourner dans la terre, c'est-à-dire «dans la maison où ils demeureront à jamais ». Hugo, moine de Saint-'Victor (I097-H40), dans son ouvrage De hestiis et aliis rébus, lih. III, cap. LVI, De arbo- ribus, nous donne simplement sur l'amande quatre ou cinq lignes prises directement de saint Isidore de Sé- ville, ou indirectement à son copiste Ilraban Maur. Com- parez : « ''Amygdala, iii'jySâXov, grœcum nomen est, quod latine L0NG.4 NUX vocatur. Cunctis autem arhorihiis priiis se flore vestit, et ad ferenda puma arbusla scquentia prxve- nit » Sainte Ilildegarde, extatique allemande, abbesse du monastère de Saint-Rupert de Binghen (1098-H80), écrit, dans son ouvrage sur la Physique (Livre III, Des arbres, chap. X, De l'amandier) : « L'amandier est très chaud et possède en lui un peu d'humidité; ni son écorce, ni ses feuilles, ni son suc ne valent grana'chose en médecine, parce que toute sa vertu réside dans son fruit. Si quelqu'un se sent le cerveau vide, s'il a le visage altéré (est et faciès mali coloris], s'il soufl're de la tète, qu'il mange souvent des amandes : son cerveau se remplira et les couleurs reviendront à son visage. 0 De même, que celui qui souffre des poumons et du foie mange de ces mêmes fruits, cuits ou crus : ses pou- mons et son foie reprendront leurs forces, parce que jamais les amandes ne nuisent à l'homme ni ne le des- sèchent; au contraire, elles le rendent fort. » L'amande, pourquoi ne pas le mentionner ici? sert à l'un de ces jeux dits « innocents », et qui sont bien sou- vent recueil de l'innocence, jeu auquel on a donné le nom de philippine. On sait en quoi il consiste : à table, au dessert, si une personne trouve une amande double, elle demande aussitôt qui veut faire pliilippine ! Il se trouve (1) Voyez au commencement de cet article où il est question l'e VEcclésiasle. (2) Le texte de la Vulgate porte capparis, qui signifie à la fois câprier et câpre; certains traducteurs (Osterwald entre autres) veulent y voir une allusion à l'appétit. Lb: NATURALISTE 179 toujours plusieurs personnes pour s'offrir, et l'élu prenil une des doux amandes jumelles. Le premier des deux contractants qui, rencontrant l'autre, un ou plusieurs jours après, lui montre son amande en disant ; Bonjour, PUitippine! a gagné et a droit à un gage. Inutile d'ajouter que l'un des deux contractants appartient toujours au sexe pervers, et que — naturellement — le gage exigé consiste toujours en une osctthtion, s'il est permis de donner à ce mot, exclusivement géométrique, une sem- blable acception. Si l'on en croit de sérieux étymologistes — de ceux qui font descendre Alfana ^Vequuii — ce mot « philip- pine '), dans l'expression de « bonjour, Philippine «, sorte d'interpellation populaire, disent-ils, usitée pour solli- citer un petit cadeau, viendrait de l'allemand Vielliebchen, bien-aimée, dont on aurait fait Philippchen, Philippine. Je ne m'y oppose pas. Une mention encore pour les quatre mendiants, ce des- sert d'anachorète où figurent simplement dos fruits secs : figues, raisins, noisettes et amandes, E. Santini de Riols. DESCRIPTIONS QUELQUES LUCANUS NOUVEAUX M. R. Oberthùr, qui m'a déjà fourni tant de matériaux intéressants pour ce travail, m'ayant communiqué tout récemment un certain nombre d'espèces complètement nouvelles de Lucanus asiatiques, j'ai pensé qu'il serait indispensable d'interrompre momentanément l'ordre normal de cette étude pour donner immédiatement la description et les figures de ces nouvelles espèces. La description du L. tetraodon qui devait clore la première partie de cet essai monographique se trouvera donc reportée aune date ultérieure. 1° — Lucanus Oberthuri — Louis Planet. (nova species) Siao-Lou-Lou-Chan [Thibet). Belle et curieuse espèce, très voisine du L. Delavayi Fairm., dont elle possède, à peu de chose près, la forme et la couleur, mais beaucoup plus grande et robuste et possédant en outre, par rapport à sa taille qui est plutôt moyenne, un très grand développement mandibulaire et céphalique. C0L0R.4TI0N Mandibules, tête et prothorax du même brun carminé que chez le L. Delavayi mais très notablement plus foncés. Élytres d'un jaune d'ocre assez foncé et mat, complètement entourées d'une large bordure d'un noir mat. Ecusson rouge à la base, noir à l'extrémité. Palpes et antennes noirâtres. Tarses d'un brun rouge obscur, presque noir. Cuisses rouge cerise foncé, un peu noi- râtres à leur naissance et à leur extrémité. Pattes de même couleur mais plus noirâtres à leur base et forte- ment entourées de noir sur toute leur longueur. En dessous elles sont noires presque jusqu'à l'extrémité ; griffes et épines noires. Dessous du corps brun rouge très foncé, un peu plus clair sous la tête. structure Le dessin, d'après nature, qui accompagne cette des- cription étant très exact, il me parait superflu d'entrer dans de grands détails. J'appellerai simplement l'attention sur les ditl'èrents points les plus importants. Maiuliliulos robustes, larges à la base, à dent médiane Lucanus Oberthuri (n. sp.) triangulaire, épaisse et fortement dirigée en avant. Partie comprise entre cette dent et la fourche terminale courte, médiocrement inclinée en avant et ne comprenant que deux denticules arrondis, très rapprochés l'un de l'autre et dont l'inférieur est plus court que celui qui lui fait suite. Dent supérieure de la fourche coudée à son sommet, puis dirigée horizontalement. Denticules com- pris entre la base de la mandibule et la dent médiane, à contours bien arrondis. Dent infra-mandibulaire courte et noirâtre. Antennes longues, élégantes, à massue composée de quatre feuillets proportionnellement plus courts et moins épais, surtout le dernier, que chez le L. Delavayi. Palpes très grêles. Labre court, large, sub- droit, à bords légèrement relevés; épistome court, en ogive large. Tête grande, large, robuste, subcarrée, à carènes bien visibles mais peu élevées. La carène antérieure est nulle mais tout le bord antérieur est légèrement saillant et arrondi. Cou assez étroit et élégant, rempli de points espacés. Yeux gros et saillants. Pro- thorax élégant, suhconiquo, finement mais visiblement rebordé, surtout à son bord postérieur, dont la bordure est rendue très agréable à l'œil par un léger sillon inter- rompu qui la parcourt d'une extrémité à l'autre et qui est formé par de gros points plus ou moins espacés. Écusson finement et régulièrement ponctué. Elytres médiocrement convexes, assez parallèles, fortement rebordées. Leur bord humerai est fortement relevé depuis l'écusson jusqu'aux épaules. La ponctuation, très espacée et presque nulle sur les élytres, est plus serrée et plus accentuée sur les autres parties du corps et prin- cipalement sur le prothorax, mais elle est plus faible et surtout bien moins régulière que chez le L. Delavayi. Par contre les pattes sont fortement ponctuées. Pubes- cence nulle à moins que l'insecte ait été frotté, ce qui ])araît peu vraisemblable étant donné son parfait état de conservation. Epipleures noirs. Dessous du corps irré- gulièrement et faiblement ponctué, ponctuation des 180 LE NATURALISTE hanches et des parties de la tête qui avoisinent la pièce hasilaire plus forte et plus régulière. Pubescence du dessous du corps courte et rare, plus fournie sur les côtés du thorax et sur l'abdomen. Femelle inconnue. Le mâle qui a servi à cette description, seul exemplaire connu, a été capturé en 1896 à Siao-Lou-Lou-Chan par des chasseurs thibétains. Je dédie cette belle espèce à M. R. Oberthiir qui a eu l'obligeance de me la communiquer aussitôt reçue. {A suivre.) Louis Planet. SUR L'ARBRE AFRICAIN QUI DONNE LE BEURRE DE GALAM ou DE KARITE, ET SÏÏB, SON PRODUIT PREPAR.4TI0N' DU BEURRE DE KARITE {Voir au Musée colonial de Marseille, vitrine Soudan, mission Rançon, n" 1, un pain naturel indigène de ce beurre enve- loppé de feuilles.) Les graines de Butyrospermuni Parkii servent à la pré- paration du beurre de Karité. Voici comment y procèdent les nègres africains. « La récolte commence à la fin de mai et finit aux derniers jours de septembre. Les femmes, les enfants, sont journellement dans la forêt, surtout après les orages ou les tornades, et rapportent au village de grands paniers ou calebasses remplis des fruits que le vent a fait tomber. Ils les versent dans des trous cylin- driques que l'on rencontre çà et là dans les villages bambaras, au milieu même des rues et des places. Les fruits perdent dans ces trous leur chair qui pourrit; on les y laisse généralement plusieurs mois, souvent même tout l'hivernage ; on place ensuite les noix dans une sorte de four vertical en terre, élevé dans l'intérieur des cases ; un feu de bois, entretenu dans le four, leur per- met de se dépouiller de leur humidité. Dès qu'elles sont bien sêchées, on casse les coques, on pèle la chair blanche intérieure, que l'on fait griller, puis on l'écrase bien au moyen d'une pierre, de manière à en former une pâte homogène. Cette pâte est alors portée dans de l'eau maintenue à l'ébullition. Le corps gras vient nager à la surface et les impuretés gagnent le fond. On met alors le beurre dans une jarre remplie d'eau froide et on le bat vivement; on le bat encore après qu'on l'a sorti de la jarre pour en chasser l'eau emprisonnée par ce traitement. Ce procédé primitif laisse dans les résidus 8 à 10 pour cent de beurre, et on ne peut guère en retirer que 10 à 12 pour cent. On forme avec ce beurre des pains de 1 à 2 kilogrammes qu'on entoure de feuilles et auxquels on donne à peu près la forme et la dimension de nos pains de munition. Toutes ces opérations assez longues et très imparfaites, se font généralement à la saison sèche. Le beurre ainsi obtenu présente une consistance grenue comme celle du suif et une couleur blanc sale, quelque- fois rougeàtre. Son odeur est spéciale, peu accusée à la température ordinaire, se développant surtout par la cuisson, ce qui cause parfois une certaine répugnance aux Européens appelés à s'en servir (1). Ce beurre offre l'avantage très appréciable de se con- server presque indéfiniment sans rancir. Le beurre de Karité est d'un usage constant parmi les populations Bambaras et Malinkés des régions nigériennes; il sert pour la cuisine, pour l'alimentation des grossières lampes du pays, pour la confection du savon, pour grais- ser les cheveux des femmes, pour panser les plaies. Les Dioulas en exportent de petites quantités vers les rivières du sud, surtout vers les rivières anglaises. Les beurres préparés par les Foulahs, et qui arrivent dans nos comp- toirs du sud et à Sierra-Leone par les caravanes Piaka- kanyes, sont plus estimés que ceux qui viennent du haut Sénégal (2). Cette différence dans la qualité doit être attribuée à une fermentation moins longue des fruits et à un traitement moins prolongé par l'eau bouillante. On gagne donc en qualité ce qu'on perd en quantité (3) » D'après M. Corre, il règne, sur le beurre de Galam, une erreur singulière et depuis longtemps accréditée par les classiques. Il y aurait sous ce nom, en Afrique, un beurre végétal produit par Bassia Parkii (4) et un beurre animal préparé dans le Galam avec le lait de vache ; ce dernier est appelé Diou par les Woloffs ; il ne rancit que fort difficilement. L'analyse du beurre de Kan^e a été donnée parM.Bau- cher, mais nous avons cru devoir la refaire et il y a, en effet, entre nos résultats, quelques ditférences sensibles. Chauffé à 120° C, il donne 0,0b pour cent d'eau et 0,10 de brut obtenu par décantation du beurre fondu. Le brut consiste en poussières et matières ligneuses. Sapo- nifié par l'hydrate de baryte cristallisé, le beurre de Ga- lam donne un déchet de 8,1!) pour cent, soit un rende- ment en acide gras de 94,85 pour cent; les acides gras ont un point de solidification de 53°. La pression de ces acides gras a fourni, d'une part, 48 pour cent d'acide stéarique et 57 pour cent d'acide oléique, d'autre part. Purifié par l'alcool à 95°, l'acide stéarique a un point de solidification de 67°. La glycérine a été extraite des eaux de lavage du savon de baryte; le rendement est de 10,25 pour cent à 30° Baume, soit 10,96 pour cent à 28°. C'est à 28° que la glycérine brute est livrée au commerce. Il est inutile, après cette analyse, d'insister sur les nombreuses et importantes applications que pourrait recevoir ce produit dans notre industrie française, si le prix pouvait en être réduit, si sa préparation pouvait, sur place même, devenir possible et d'un rendement plus fructueux (3). (i) On arrive à. faire disparaître cette odeur désagréable en projetant de l'eau froide dans le beurre en fusion. L'eau se vaporise et entraîne les acides gras volatils qui en sont la cause. (2) A propos du beurre de cette provenance, feu le D'' de Lessard, médecin de la marine, qui a séjourné longtemps dans lo haut fleuve du Sénégal, me disait que le produit arrive au Sénégal seulement par les caravanes de Toucouleurs qui y apportent en même temps l'or et le gourou (ou Cola) du Bouré, du Bendougou et du Fouta-Djalon. (3) Baucher et Mission Galliéni (loc. cit.). (4) Quelques auteurs, M. Baucher {loc. cit.), et antérieure- ment Château {Guide pratique de la con/iaissance et de l'ex- ploitation des corps gras industriels, Paris 1863), attribuent fautivement ce produit à un Luciima. (5) D'après le Dictionnaire de cliimie de Wurtz (article huile signé J. Bonis) le beurre de Shea du Sénégal aurait donné les résultats suivants : Perte en eau à 100", 5,92; cen- dres, pour cent 2.32; matière grasse en poids pour cent de LE NATURALISTE 181 Les graines déjà anciennes, que j ai traitées par l'étlier suifnrii[nc, m'ont donné constaniniont de 20 à 2o pour cent (In poids total de la f;i'aine, d'un corjis gras d'as- pect verdàtre et d'odeur agréaljle. Par la pression, entre des plaques cliaufl'ées, je n'ai jamais pu en olilenir plus de 10 pour cent. (_)l)tenu ainsi de graines l'raiches, ce beuri-e a une odeur aromatique très agréalile que l'on ne reirouve plus dans le corps gras tid ipi'il nous arrive d'Afrique pour les besoins de l'industrie. Il esi aussi pourvu, qn.iinl il est frais, d'un goût très agréable qui en justiliorait lar- gement l'emploi en France pour les usages culinaires. S'il devenait possible d'obtenir facilement dans nos hui- leries des graines fraîches (de 1 mois de date), ce qui n'est pas actuellement réalisable, étant donnée la distance considérable qui sépare les forets de Karité des points de la côte, l'exploitation pourrait être entreprise. Du reste, je dois dire ijue, si ces graines n'ont point fait encore leur apparition Sur les marchés de Marseille et des grands ports de commerce, du moins le beurre de Karité a été importé à Marseille en quantité assez con- sidérable, pour que les usines à stéarine l'aient employé pendant un certain temps, avec un grand succès je dois le dire. L'arbre Karité est encore intéressant par la giitta qu'il donne assez abondamment quoi qu'on en ait dit. Une exploitation peut être aujourd'hui considérée comme j)0s- sible, au moins sur l'une des variétés de ce végétal. C'est ce que démontre surabondamment une lettre adressée récemment à "SI. le Président de la Chambre de com- merce de Marseille, par M. le Lieutenant Gouverneur du Soudan, qui s'enquiert des débouchés possibles et de la valeur industrielle de ce produit dont un échantillon très beau accompagnait la lettre du Gouverneur. Je revien- drai sur cette question dont j'ai été le premier à m'occuper dans un article paru en 1883 dans le journal La Nature et qui a servi à l'initiation des administrateurs du Soudan français. J'ai le premier appelé l'attention sur ce pro- duit (gutta) du Karité et cependant on continue à dire que ce végétal, malgré ce que j'ai aiïirmé depuis près de quinze ans, ne donne pas de latex. Étude chi.mique. Je donne ici l'étude chimique de la graine telle qu'elle a été faite par le professeur Schlagdenhauffen. 1. La graine râpée est exposée à l'étuve à 110°, pen- dant quatre heures, jusqu'à ce que deux pesées succes- sives n'accusent plus de différences. On obtient de la sorte la quantité d'eau d'hydratation. 2. On l'épuisé ensuite par l'éther de pétrole pour en- lever la matière grasse, et l'on cesse de faire fonctionner l'appareil quand le liquide provenant de l'allonge est en- tièrement décoloré. La solution pétroléique du ballon est jaune paille. Evaporée au bain marie, elle se colore da- ventage, mais fournit après refroidissement une masse solide, légèrement ambrée. Le poids du corps gras est donc le deuxième résultat de l'analyse. 3. A cet épuisement par l'éther de pétrole, on en fait suivre un deuxième par l'alcool. Le liquide fourni par graines naturelles 49.14; mat. grasse pour cent de graines des- séchées 52.232; densité 0,9:i8. — Ces chifl'res ne concordent pas avec les miens, au moins pour ce qui touche au rende- ment des graines en corps gras; ils sont de beaucoup au-des- sus de la réalité. cette opi'ration est rouge brun et contient du tanin en grande partie ainsi que du sucre réducteur, il ne ren- ferme pas de produits alcaloidiques. En effet, les iodures doubles n'y produisent jias de précipité, le phosphomolybdate de sodium et le cyanofer- ride de fer fournissent, le premier, une coloration bleu viM'l très foncé, le second un précipité bleu intense, réactions qui permettent de soupçonner la présence du tanin, et qui corroborent les suivantes : réduction im- médiate du permanganate de potasse, réduction lente du nitrate d'argent seul et rapide quand il est additionné d'une trace d'ammoniaque, réduction immédiate du chlorure d'or, et précipité aliondant par les sels plom- biques. Cet extrait alcoolique repris par l'eau, traité par l'acétate triplombique, fournit un précipité qui est jeté sur fdtre. On ajoute au liquide de filtralion du sulfate de soude, et l'on examine la solution au moyen du réac- tif de Bareswill. Le ]irécipité rouge indique la présence du sucre. Nous n'avons pas cherché, dans ce résidu de l'épuise- ment par l'alcool, d'autres principes de constitution. Qu'il nous suffise donc d'indiquer que le poids de l'ex- trait alcoolique comprend du tanin, du sucre et d'autres principes restés indéterminés. 4. En faisant bouillir dans l'eau le résidu de l'opéra- tion précédente, ou obtient un liquide plus foncé que le précédent. Ce liquide ne renferme ni tanin, ni sucre, ni principes protéiques, mais seulement de la gomme et de la matière colorante. 5. Le produit d'épuisement encore brun, mais ne cé- dant plus rien à l'eau, est consacré à deux opérations : l'une pour y déceler la présence de matières albumi- noides, et l'autre pour connaître le poids des sels fixes et les matières ligneuses par différence. L'ensemble de nos déterminations quantitatives nous permet donc d'étaldir de la façon suivante, la composi- tion immédiate de la graine. Eau hygroscopique 6.72 Épuisement par l'éther de pétrole : corps gras. 45.36 Épuis. par l'alcool: Tanin, sucre, mat. indit.... 12. (JO ■ . „ imat.gommeuse color. et autres 13.58 Epuis. par l'eau :j^^,^ fixes 1.82 Trait, par chaux iodé: matières album, insol.., 10.25 Incinération: sels fixes 0.18 Par dilTèrence : ligneux et pertes 9.49 iao.Û!,'0 RÉSUMÉ ET CONCLUSION. Ainsi que le démontre le tableau ci-dessus, la graine est très riche en matière grasse ; mais, en raison de sa grande dureté, il serait peut-être difficile de l'épuiser complètement au moyen de la presse. Le rendement de 45.36 % ne pourra donc pas être atteint industriellement à moins de faire suivre la pression d'un épuisement par un véhicule appro]jrié : sulfure de carbone ou autre, ce (|ui ne serait pas pratiquement irréalisable. Dans le tourteau privé de corps gras, nous trouvons tout d'abord un mélange de tanin, de sucre et d'autres produits qui ne sont pas azotés ; de plus, nous ne trou- vons pas de matières albuminoïdes solubles dans le pro- duit d'extraction par l'eau ; ce ne sont, comme l'indique le tableau, que des matières gommeuses colorantes ou autres, non azotées. Enfin, comme produits azotés insolubles qui nous permettent de calculer le poids des matières protéiques, 182 LE NATURALISTE nous ne trouvons que 10 gr, 2o %. De sorte qu'en résu- mé, nous ne constatons, dans ce tourteau, que très peu d'hydrocarbonés et une quantité faible de matières pro- téiques. Il ne saurait donc convenir à l'alimentation du bétail comme d'autres tourteaux de graines oléagineuses. Nous avons pensé que l'étude des sels fixes nous per- mettrait de résoudre le problème à un autre point de vue : utiliser le résidu de l'incinération comme engrais, mais la quantité de phosphate est trop faible pour arri- ver à un résultat rémunérateur. D'une part, il n'en existe pas dans les 0.18 0/0 qui proviennent de la dernière opé- ration, etd'autre part, on n'en trouve pas beaucoup dans les 1.82 % du résidu de l'extrait aqueux. Par conséquent, on ne saurait employer le tourteau à cet usage. A notre avis, le seul moyen pratique de se débarrasser de ce déchet de fabrication, consisterait à le mêler à d'autres tourteaux plus riches que celui-ci en principes albuminoides ; ou bien encore d'assurer son écoulement tel quel, mais en faisant remarquer aux in- téressés que sa valeur nutritive est inférieure à celle du tourteau de lin ou d'autre graine. Tel est, dans l'état actuel de nos connaissances, l'histoire du corps gras industriel fourni par la graine de Bulyrospermum Parkii. Il est très probable que cette graine, quand la pénétration commerciale du Congo et de notre Sénégal (Soudan) aura été réalisée par une voie ferrée, arrivera abondamment sur les marchés eu- ropéens où elle recevra, j'en ai l'assurance, le meilleur accueil. C'est une question de temps. J'ai appris, du reste, récemment par le commandant Hourst, l'explo- rateur célèbre du cours entier du Niger, que la graine de Karité fait l'objet d'un grand commerce de la part des Anglais dans le bas de ce fleuve et qu'ils achè- tent cette graine, sur place, 250 francs la tonne pour l'expédier aux fabricants de chocolat en Angleterre. D"' E. IIeckel, Professeur, Directeur-Fondateur de l'Institut colonial de Marseille. DESCBIPTION DE COLÉOPTÈRES NOUVEAUX Macratria nigripennis. Peu allongé, rougeâtre avec les ély- tres noirs, le dessous du corps en majeure partie foncé; quel- ques poils courts dressés en dessus de la pubescence mi-cou- chée, jaunâtre, peu rapprochée. Tête non diminuée en arriére, en arc de cercle, d'un rougeâtre brillant, ù ponctuation forte écartée, jeui noirs bien écartés, gros. Antennes courtes, grêles, claires avec le dernier article assez long. Prothorax rougeâtre, modérément allongé, peu diminué en avant, à peine déprimé sur son milieu, à ponctuation dense, forte. Elytres foncés, parallèles, bien arrondis à l'extrémité, à stries presque nulles et ponctuation irrégulière assez forte. Pattes robustes, rougeâtres avec les 6 genoux, les postérieurs surtout, un peu rembrunis. Partie postérieure du dessous du corps foncée avec les arceaux de l'abdomen bordés de jaune, le pygidium rou- geâtre en dessous â son extrémité. Long. 5 1/2 mill. Kandy dans l'île de Ceylan (E. Simon) ac- quis par moi de la coll. Hénon. A placer près de pallipes Mots., espèce particulière par sa coloration. Macratria m"jor. Assez allongé, roux fauve, assez dense- ment revêtu d'une pubescence jaune couchée, rarement avec quelques poils redressés. Tête bien diminuée en arrière, par- fois un peu rougeâtre ; nettement impressionnée sur son mi- lieu, pubescente, à ponctuation peu forte, écartée; yeux bien écartés, grands. Antennes courtes, minces à dernier article un peu plus long que le précédent. Prothorax modérément allongé, bien diminué en avant et présentant une légère dé- pression médiane, à ponctuation assez forte voilée par la pu- bescence. Elytres presque parallèles, à peine atténués et bien arrondis à l'extrcmité, à stries presque nulles et ponctuation pas très forte. Paltes robustes, plus claires que la coloration générale, d'un fauve testacé variable avec tous les genoux, ou au moins les 4 postérieurs, un peu obscurcis. Dessous du corps de la couleur du dessus. Long. 5-7 mill. Nord de Bornéo (reçu du D' Staudinger). Grande espèce rappelant un peu de forme robtista Mots., et caractérisée par sa pubescence assez dense jointe à sa forme. Macratria crassipes. Légèrement atténué en arrière, foncée, un peu pubescent de jaunâtre avec les antennes entièrement et les pattes en partie d'un fauve testacé. Tête à peine dimi- nuée et arrondie en arc en arriére, marquée d'une impression postérieure peu forte, parfois un peu roussâtre, à ponctuation peu forte; yeux assez écartés, gros. Antennes claires, le der- nier article long. Prothorax peu allongé, nettement élargi vers le milieu, non sensiblement déprimé sur le disque, à ponctua- tion assez forte. Elytres peu longs, nettement atténués en ar- rière avec l'extrémité assez arrondie, ornés de lignes pileuses jaunâtres ordinairement assez nettes. Pattes d'un fauve testacé (moins les 4 genoux antérieurs et les tibias et tarses posté- rieurs plus ou moins obscurcis), robustes avec les tibias plus ou moins épaissis. Dessous du corps foncé. Long. 4-4 1/4 mill. Nord de Bornéo (reçu du D'' Staudin- ger). Très voisin de Bang-Haasi Pic, mais moins pubescent et plus grand. Maurice Pic. Corrigenda 248, page 157. 1'» ligne : lire v. bistrinotatus au lieu de V. bis Vrinotatus. CHRONIQUE Effet de la température sur les Lépidoptères. — Parmi les spécimens exposés par le D' Standfuss dans la galerie des insectes au Musée d'histoire naturelle, South Kensington, il y a quelques remarquables aberrations de Vanessa Poly- chloros, V. Urticx, V. Cardui, V. Atalanta, V. lo et de V. An- liopa. Un spécimen particulièrement curieux do V. Anliopa a toutes les ailes marquées de bleu ; un autre exemplaire de la même espèce a également de grandes taches bleues; dans d'autres les bords jaunes sont considérablement obscurcis, particuKèrement sur les ailes antérieures, d'autres montrent quelques modifications dans la bande du bord; dans quelques- uns il est très large, et cache plus ou moins les points bleus ordinaires, ce dernier cas est souvent visible dans la variété hygicea. Dans l'aberration des V. Atalanta les principales remarques à faire sont l'absence de points blancs sur le bord costal, et le développement de deux des taches des séries du bord extérieur au-dessus de la bande rouge. En plus, les résultats de l'effet de la température artificielle exposés par le D'' Standfuss, il y a une série de types choisis obtenus par M. Merrifield, qui a consacré beaucoup de temps à ces recherches. Si quelqu'un est encore sceptique à l'égard des etfets de la température dans la coloration des Lépidoptères, il devrait étudier la série des l'. Urticae et des V. Levana. Des espèces nommées en premier lieu il y a six exemples qui viennent de chrysalides qui ont été glacées et refroidies. Des six chrysalides qui ont été soumises à une température élevée, cinq des premières laissent voir un obscurcissement gé- néral des points noirs et un épanchement noirâtre des secon- daires, tandis que le sixième a la couleur plus foncée que d'or- dinaire, et les points jaunes sont absents. Les chrysalides d'hiver des \ . I.evana soumises à ce procédé forcé ont produit des spécimens comme ceux provenant des chrysalides d'été, qui ont été d'abord refroidis puis forcés. D'autre part, les chrysalides d'été glacées et refroidies produi- sant des formes, quoique plus grandes, sont presque identi- ques en couleurs avec les chrysalides d'hiver venant dans des conditions normales. {The eritomologist.) Iiianguration du jardin botanique an mont Saint- Bernard. — Le )"' août aura lieu une curieuse inauguration. LE NATURALISTE 183 celle d'un jardin botanique sur une des cimes les plus élevées du mont Saint-Bernard. Jusqu'à ce jour le mont Saint-Bernard ne s'était révélé que par sa race do chiens et le couvent-hospice qui y est placé pour donnfr asile aux voyageurs et aux touristes. Désormais, les naturalistes auront à visiter un jardin botanique d'une su- perficie de 1,000 mrtres carrés qui sera situé à 2,100 mètres d'altitude, où seront spécialement cultivées les plantes origi- naires des principales régions montagneuses du globe. Ce jardin alpin est du à l'initiative du supérieur du couvent et directeur de l'hospice, M. l'abbé Chanoux, grand amateur et protecteur de la flore alpine. OFFRES ET DEMANDES A vendre des collections et lots suivants de coléop- tères : — Belle collection de Coccinellides, composée en grande partie d'espèces européennes. 47 espèces, 559 exem- plaires, 2 cartons petit format. Outre le nombre d'es- pèces annoncées, la collection renferme de nombreuses variétés. Pri.x : 30 francs. — Un beau lot de Coccinellides européennes, compre- les genres Scymnus à Litophihis inclus. 47 espèces, 332 exemplaires, 1 carton petit format. Ce lot provient de la célèbre collection Reiche. Prix : 20 francs. — Bonne collection de Coccinellides de France. 47 espèces, 123 exemplaires, 1 carton petit format. Prix : 15 francs. — Collection de Mordellides et Rhipiphorides euro- péens comprenant 58 espèces, 131 exemplaires renfer- més dans un carton petit format. Bon état de conserva- tion, bonnes espèces. Prix : 20 francs. — Très belle collection d'Apions européens. 122 espèces, 315 exemplaires, 1 carton petit format. Cette collection renferme de bonnes espèces, la conservation est excel- lente. Prix : 25 francs. — Collection de Clavicornes européens composée des genres Xrmotoma à Telmatophilus inclus. 98 espèces, • 236 exemplaires, 1 carton petit format. Bonne suite d'es- pèces parmi lesquelles plusieurs rares. Prix : 22 francs. — Bon lot de Curculionides européens, comprenant les genres Lepyrus à Braclionyx inclus et Mononychus à Scleropternus inclus. 171 espèces. 375 exemplaires, 2 cartons petit format. Tous les genres sont convenable- ment représentés, détermination et conservation excel- lentes. Prix : 30 francs. — Lot de Psélaphideset Apatides. 33 espèces, 81 exem- plaires, 2 cartons petit format. Prix 10 francs. S'adressera « Les Fils D'Emile DeyroUes, 46, rue du Bac, Paris. LES SCIENCES NATURELLES AUX SALONS DE 1897 Il y a fort longtemps que l'idée me vint de faire aux salons annuels le relevé des principaux tableaux qui, à des titres divers, pouvaient intéresser les savant. .Jusqu'à ce jour, pourtant, des circonstances imprévues ne m'avaient jamais permis de mener à bien ce projet, un peu téméraire; j'avais dû me borner, continuant la tra- dition d'écrivains de valeur, — quoique d'ordre scienti- fique ! — à des Salons mi'dicaux, que le Progrès médical a accueillis depuis près de dix ans, avec une bienveillance qui m'en rend tout confus. Tout ceci jiour montrer com- bien les idées les plus simples mettent de temps à ger- mer et à prendre corps. Dans cet amoncellement d'ceuvres d'art, d'inégale va- leur et de sujets variés, qui constituent nos deux Salons des Champs-Elysées et du Champs de Mars, il me fau- dra mettre quelque ordre pour permettre au lecteur, toujours novice en ces matières, de ne point s'égarer dans ce dédale, aux longs détours si captivants. Aussi bien ai-je eu moi-même une peine infinie (Je demande pardon d'avouer ces efTorts) à rapprocher par la pensée les toiles et les marbres qui nous sont chers. Nous dé- buterons, en bonne logique, par la sculpture. Il est ra- tionnel en effet de ne pas commencer par la difficulté ! En science, aussi bien qu'en art l'entraînement rend les services les plus signalés ; je ne m'aventurerai donc chez les peintres que si ce vague oh ! très vague essai n'a pas fait perdre pied au critique, pourtant accoutumé au feu. I. — La sculpture au.x champs élvsées et AU CHAMP DÉ MARS. Les sujets plus ou moins scientifiques, que peuvent aborder les sculpteurs, sont très limités. Il est assez ma- laisé, cela va sans dire, de tailler en plein marbre autre chose que des objets matériels, êtres vivants ou natures mortes. Il est assez difficile, d'autre part, d'ébaucher en plâtre quelque théorème de géométrie ou de traduire, à la glaise, une manipulation de physique ou de chimie. Il ne faut donc point s'étonner de voir les professionnels de l'ébauchoir se cantonner presque exclusivement dans le domaine des sciences biologiques. Xe doivent-ils pas, à l'instar des autres artistes, se borner à contempler, à reproduire et à enj cliver, si possible, bonne dame Na- ture '? Les fleurs, aux vives couleurs, et les fossiles, peu ap- préciés de la foule, ne sauraient d'ailleurs fixer leur at- tention, laissant volontiers les blanches corolles et les sépales monotones aux peintres du sexe faible, et les trilobites à leurs voisins les architectes. Et les plus belles feuilles d'acanthe n'ont guère séduit jusqu'ici que des mouleurs. Aussi le sculpteur s'adresse-t-il de préfé- rence au règne animal. Ceux qui semblent se localiseren ces études ont même reçu le surnom d'animaliers. D'or- dinaire ce sont les femmes, y compris Rosa-Bonheur (car l'habit ne fait pas le sexe) que la zoologie tente, sans doute parce que l'homme n'est qu'un simple... ani- mal lui-même : mais je me hâte pourtant d'ajouter que quel(iues-uus des spécialistes pour animaux sont des ar- tistes de grand talent. Parfois même, le génie ne craint pas de les effleurer de son aile au choc vivifiant. Témoin le maître Frémiet, devenu de dessinateur animalier, ti- tulaire d'un fauteuil — qui n'est pas l'un des moindres — a l'Institut de France ! Il est vrai qu'il débuta par la li- thographie scientifique et par la place encore recherchée de peintre de la Morgue ! Témoins Gardet et tant d'autres, dont Barye parmi les morts. Le muséum est une bonne école ; on y fait, artiste ou savant, son chemin, même en passant par le Jardin où mugit... l'ours Martin... Nous voilà donc obligés de nous en tenir aux espèces animales, et encore aux types les plus élevés dans la série! Parmi les Invertébrés, le sculpteur en effet, ne pa- rait pas vouloir descendre au-dessous du Crustacé. Les Protozaires ne le tentent pas ; ce qui se comprend. L'in- secte lui-même, si cher aux décorateurs, n'a pas pour lui une taille sullisante ; c'est à peine si son image pour- rait faire hernie hors la pierre et arriver à l'œil du pas- sant. Parmiles Vertébrés, les Poissons n'ont, auxSalons, cette année du moins, que quelques représentants. Vi- 184 LE NATURALISTE vant au fond des eaux, ils échappent d'ordinaire aux regards peu curieux des artistes. Mais, dès les Batra- ciens et les Reptiles, nous rentrons dansnotre domaine. S'il est vrai que les Oiseaux sont en petit nombre, même y compris la section des Arts décoratifs, par contre, avec les Mammifères, nous arrivons aux plats de résistance, que, après ce long préambule très technique, il nous faut déguster. Comme bien on pense, ce sont les pauvres bêtes que l'homme exploite chaque jour auxquelles les sculpteurs élèvent le plus de statues. Triste ironie du sort! Mais la vie n'est-elle pas toujours ainsi faite. Et est-il rien de plus doux que d'adorer ce que l'on a brûlé ! Avouons pourtant qu'à coté de cette profusion de chevaux, hale- tants ou caracolants, et de chiens au repos ou en chasse, on doit noter une abondance, véritablement effrayante, de lions et de lionne.^ sans compter les autres animaux féroces qui dorment tout proche des meilleurs amis de l'humanité. Serait-ce parce que la force brutale, que le citoyen le plus civilisé a toujours su apprécier à son juste mérite a pour symbole le majestueux roi du monde zoo- logique. Chassez le naturel, il revient au galop. Mais trêve à ces sombres réflexions et passons la revue des Mammifères pétrifiés, immobiles en leurs poses plastiques, qui peuplent — sans en rendre la fré- quentation dangereuse — les allées poussiéreuses des jardins des Palais de l'Industrie et du Champ de Mars, sur le point, eux aussi, à l'instar de leurs hôtes de pierre, de devenir fossiles. Hâtons-nous, car tout passe, casse et lasse vite en ce siècle pressé : dans quelques jours, les 'salons seront fermés... Nous devrions commencer — à tout seigneur tout honneur — par le morceau de grande allure, le clou des salons de sculpture de 1897 qu'a signé Fremiet. Pour rester dans le plan que nous nous sommes tracé et de- meurer un véritable Curieux de la Nature, un savant à lunettes, dans ce temple élevé en l'honneur de la pure Imagination créatrice, nous piocéderons cependant, au risque d'encourir les foudres des artistes, avec la plus rigoureuse méthode scientifique. Qu'ils nous pardonnent, si nous prenons ainsi plaisir à regarder leurs œuvres si calmes par le gros bout de notre terrible lorgnette! Cette manière a parfois du bon. En l'espèce, grâce à ce subterfuge, les qualités artistiques s'éloignent et s'es- tompent; le savant les voit à peine et reconnaît plus facilement, sous les apparences volontairement trom- peuses, la Nature elle-même, avec toutes ses imper- fections. Les grandes lignes de l'interprétation n'en demeurent pas moins intactes. Aussi bien, sur cette terre, tout ne dépend-il pas de l'angle, plus ou moins aigu, sous lequel l'on regarde se dérouler les plaques sensibilisées du cinématographe, enregistrant le perpétuel mouvement des choses ! * En commençant par le bas de l'échelle animale, remarquons cet Hexapode, à la trompe déroulée, pro- bablement un Lcpidopf&re aux larges ailes, sur lequel s'est tranquillement assise une élégante Psyché. Il faut en conclure que l'Amour de Mlle Marie Ducoudray est bien léger, puisqu'il n'écrase pas une bestiole aussi grêle (2.Ç)L'Î. E.) (1). En cherchant bien, au 3.159 (E.^ on (1) Lesnuiaéros accompagnés de la lettre E ont trait au .Salon des Champs-Elysées ; ceux qui sont suivis de M se rapportent à la sculpture du Champ-de-.Mars. découvrira, sous une roche, la moitié d'un crabe, de détermination précise trop délicate, qui darde ses deux pattes vers le museau d'un chien, sans doute égaré sur une plage. L'air étonné du petit bulldog fait honneur à M. Loyseau, dont nous reverrons les bassets au 3.158 (E.) Aux Reptiles, plusieurs couleuvres et vipères, en travail dans divers groupes et occupées à braver le sein de quelques (Méopatres ou de divers animaux. Parmi les plus importantes, signalons le serpent du PMloctètt (3280, E.) à Vile de Lemmos de M. Perron. Philoctète, on le conçoit, relègue ici au dernier plan son désagréable voisin. C'est encore une femme, Mlle Ida Matton, qui, dans le Supplice de Loke, a intercalé une vipère à la gueule ouverte (3192, E). Deux autres serpents, de taille respectable, au3394(E.), n'hésitent pas à s'attaquer à des lions; on voit que M. SoLiv.\ aie courage d'aborder des problèmes difficiles. En remontant la série, nous arrivons aux crocodiles, dont l'un, au 3240 (E.) est sur le point de croquer la jambe d'un éléphant. Il nous semble à nous — -sinon à M. Navellier — que, d'un simple coup de sa patte puissante, le Proboscidien aurait pu, sans la moindre peine, écraser le Reptile; mais, si l'auteur avait ainsi raisonné, nous aurions eu une sculpture de moins, ce qui évidemment aurait été regrettable. Non loin, au 2869 (E.), encore un combat de même nature. Cette fois c'est un Caïman, que M. Delabrierre met aux prises avec une panthère. Comme nous l'avons fait remarquer les Poissons sont rares. Ils ne sont guère représentés que par des espèces fantastiques, en dehors de deux vrais Hippocampes, attelés à un char, sans caractères bien nets. Tels les chevaux marins aux saliots palmés ou crochus (2865E.), beau groupe en jibitre lironzé de M. Debrie, destiné à la ville de Bordeaux ; tel le Dauphin du 226o (E.), aux formes classiques et conventionnelles, empruntées mi-parties au marsouin, mi-parties aux grondins. Il serait intéressant de savoir comment les sculpteurs, et en particulier M. Badin, comprennent l'ostéologie d'un crâne de cette nature. Les Volatiles communs ont presque seuls, parmi les Oiseaux, les honneurs de nos deux expositions. Tels les coqs et les poules, seuls ou mélangés avec un mammifère, le renard, qui ne les respecte guère, mais ne les en aime pas moins à la folie, puisqu'il a l'habitude désastreuse de les dévorer. Au milieu de cette basse-cour, nous dis- tinguons tout d'abord, et pour cause, la poule de Fremiet (n° 2936, E.). Ce n'est qu'une pauvre bête ; mais c'est un chef-d'œuvre. Elle n'est, elle, qu'en bronze; mais ses" œufs sont d'or : aussi attire-t-elle l'attention de la foule. Ladite poule fort belle, qui serait certes mieux placée dans le salon que dans les communs d'un château, à une histoire zoologique et littéraire très connue ; nous n'insistons pas ; mais pourquoi en vils poussins l'or pur des œufs s'est-il changé'? Au 3456 (E.), une autre grosse poule Si été commandée par l'État à un céramiste connu, M. Virion. Elle défend ses petits contre une couleuvre. Ce groupe de faïence, exécuté par M. Lachcnal, est d'un animalier qui connaît son métier et dont le talent s'étale avec grâce des Reptiles aux Mammifères, comme nous le verrons bientôt. (.1 suivre.) Marcel Baudouin. Le Gérant: Paul GROULT. Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette il. 19' ANNÉE 2" SÉRIE :%• Tint 15 AOUT 1897 CROCHOAS EXPEHniEATAlJX Le nom de a-ochons a été donné depuis bien longtemps par les mineurs aux parties des couches du sol hrusijue- ment repliées sur elles-mêmes et occupant par consé- Fig. 1. — Crochon en U recueilli dans le terrain liasitiue des environs de Brent, au-dessus de Clarens, canton de Vaud (Suisse) — 1/2 de la grandeur naturelle. qncnt le sommet des plis. Cette appellation a été adoptée par les géologues et elle est maintenant tout à fait cou- rante pour la science. Les figures 1 et 2 jointes à cet article représentent des types do crochons, la première en U et la seconde en S. Ce sont de vraies miniatures des grands accidents mécaniques visibles à chaque pas dans les pays disloqués. On en recueille par exemple en très grand nombre dans les .schistes associés aux couches de houille dans notre bassin du Nord. On en trouve de très beaux dans les parties contournées des phyllades cambriens des Ardennes, par exemple auprès de Revin ; ceux que nous avons représentés viennent du lias alpin du canton de Vaud; nous les avons recueillis au cours d'une excursion faite avec M. le pasteur Afred Cérésole, dans le lit de la baie de Clarens, au-dessus du petit hameau de Brent ; les localités qui en fourniraient au besoin sont innombrables. L'examen de ces crochons a un grand intérêt, car on trouve dan§.leur structure des traces de toutes les actions mécaniques, ' même les plus légères, qui ont contribué à déterminer la tectonique des régions où on les ren- contre. Je les ai examinés sur des surfaces polies et ce sont elles qui ont été dessinées; je les ai étudiées en lames minces au microscope; enfin j'ai fait, pour les imiter, des expériences variées avec un appareil parti- culier. Tout d'abord, sur la surface polie et sans grossisse- ment, on voit que la roche tordue est réduite en feuil- lets grossièrement parallèles entre eux et dont chacun est tordu comme l'ensemble. Il en résulte une espèce de schistosité très accusée dans certaine roche et qui est le résultat évident de la torsion. Les feuillets ne sont d'ailleurs pas indéfiniment con- tinus : ils ne tardent pas, en général, à se finir en biseau et s'associent par chevauchement avec des feuillets voi- sins. On voit se dessiner au travers des échantillons des systèmes de cassures qui rendent plus évidents encore les substances, quartz ou calcite, suivant les cas, qui s'y sont concrétionnées et on constate alors que ces solutions Fi". 2— Crochon en S recueilli dans le terrain liasique des environs de Brent, au-dessus de Clarens, canton de Vaud (Suisse). "^ 2y 3 de la grandeur naturelle. 180 LE NATURALISTE de continuité se répartissent en plusieurs groupes. Dans cet examen rapide, nous en mentionnons seulement trois. Les plus fréquentes quand on regarde une section per- pendiculaire à la génératrice du crochon, constituent comme une espèce d'éventail incomplet dont le centre coïnciderait avec le centre de la torsion. On le voit sur la figure 1 représenté par des tronçons de rayons qui se détachent en blanc sur le fond gris de la roclie. Ces cas- sures se multiplient quand on fait varier l'inclinaison de la surface polie par rapport à la lumière incidente ; on en voit alors de très fines, de très longues qui comblent bien des lacunes de l'ensemble tout d'abord visible. Il est clair que ces cassures maintenant remplies par des minéraux de ségrégation, témoignent de l'extensibilité très imparfaite de la pâte rocheuse soumise à la traction sur la périphérie des plis. On en est d'autant plus sur que ïeur largeur va d'ordinaire en augmentant du centre vers l'extérieur au travers de certains feuillets, et l'on en a des exemples aussi dans les deux figures. On voit des cassures rectilignes, appartenant toujours au même type et qui manifestent d'une far-on spéciale l'éli- rement dont il s'agit. Malgré la forme cylindrique prise par le feuillet considéré, elles rappellent exactement les cassures parallèles des schistes à bélemnites tronçonnés et étirés, depuis si longtemps oliservées par exemple dans les schistes liasiques du mont Lâchât en Haute-Savoie. Une deuxième catégorie de fissures, en gros perpendi- culaires au premier système, se signale selon la surface de contact des feuillets superposés. Certaines d'entre elles, par exemple dans la figure 2, sont de largeur relati- vement considérable et par conséquent facilement vi- sibles. Elles peuvent être fort longues et il leur arrive de s'associer avec des cassures du premier type, de façon qu'elles passent d'une face à l'autre d'un même feuillet. Ces cassures de décollement se rattachent à la loupe et même au microscope à des petites fissures qui passent aux joints de schistosité. Quand on examine une surface on constate qu'elle est polie et striée dans le plan des feuillets, et, quand on attaque un crochon à coups de mar- teau, ces surfaces déterminent certaines des cassures Fig. 3. — Appareil employé pour l'étude oxpérimenlale des Crochons. selon lesquelles se séparent les échantillons. On peut supposer que ces cassures liées à la production de la schistosité se rattachent comme à leur cause génératrice aux glissements qui se sont produits dans la masse rocheuse hétérogène lors de la torsion. Enfin, quelques grandes cassures traversent les cro- chons dans des directions qui ne sont pas directement rat- tachées à celles des contournements. On en voit dans la figure 2 et il parait légitime de les attribuer suivant les cas soit à des actions mécaniques développées après la constitution des crochons par les compressions subies par le terrain, soit à des contractions internes et spécia- lement à la suite de la dessiccation des roches. Les expériences que j'ai réalisées pour compléter l'étude des crochons ont été tentées avec l'appareil très simple de la figure 3. Il se compose de deux lames de plomb planes et rectangulaires, rattachées ensemble par un sys- tème d'armature qui ne les empêche pas de glisser l'une par rajqiort à l'autre. Entre ces deux lames on dispose une plaque plus ou moins épaisse homogène ou hété- rogène et de consistance variable d'un cas à l'autre ; puis on soumet le tout à une torsion dont la figure indique le résultat. Alors on voit les diverses pâtes em- ployées se comporter de façons diverses suivant leur plas- ticité ou leur compacité, suivant aussi leur épaisseur. En opérant convenablement on voit tous les accidents des crochons naturels se reproduire. Avec du plâtre on déve- loppe très aisément les cassures en éventails ; avec du plâtre associé à de la cire dans des proportions variées, on voit se faire la schistosité avec les cassures parallèles aux surfaces cylindroïdes. En poursuivant les recherches on voit se produire tant de détails analogues à ceux des crochons naturels qu'il en résulte sur la genèse de ceux-ci une lumière directe. Il faut remarquer, en effet, qu'à la vue de grands con- tournements de roches comme on en rencontre à chaque LE NATURALISTE 187 ■pas dans les montagnes, on est foit perplexe de savoir comment des strates, déposées d'abord avec une forme plane et composées de substances aussi peu plastiques que des calcaires ou des grès, ont pu changer si complète- mont di' forme sans perdre leurs mutuels rapports de situation. On reconnaît, par l'allure générale du phénomène comparée à celle des expériences, que la plasticité n'in- tervient guère et qu'elle est même complètement inutile. La confirmation de cette manière do voir, qui d'ailleurs a déjà été émise, est aussi complète que possible et, pour citer le cas extrême, on peut réaliser artificiellement la torsion d'une mince feuille de marbre. Celle-ci étant prise entre les plombs, on soumet celle-ci à la torsion et on obtient des cassures le plus souvent dirigées parallèlement aux génératrices. Ou coule alors entre les fragments séparés du ciment très solide préparé à l'avance, puis quand la prise est tout à fait complète, après un jour ou deux, on accentue la courbure déjà commencée. De nou- velles cassures se produisent alors qu'on recolle de la môme manière, et on peut continuer ainsi pendant plus ou moins longtemps. .V la fin, on a un vrai crochon par- faitement soliile où la feuille de marbre est parfaitement tordue sans avoir jamais eu la moindre plasticité, et ce produit manifeste l'allure des crochons naturels d'une manière intéressante. On ne peut nier en eflet que la matière cristalline, calcaire ou quartzeuze, qui incruste les cassures n'ait joué dans la nature le rôle exact de notre ciment. Elle a rendu à chaque instant à la roche la forme relative à la torsion au'eile avait subie. Mal^'ré des différences qui sautent aux yeux et sur les'iuelles je n'ai pas à insister, j'ajouterai en terminant qui! cette fausse plasticité des roches présente de glandes analogies avec la fausse plasticité de la glace, grâce à laquelle les glaciers s'écoulent dans les vallées qui les contiennent et en épousent constamment les formes. Au lieu du phénomène de regel étudié par Tyndall, nous avons ici le phénomèue de ségrégation qui vient combler les fissures et cimente les fragments. Le mécanisme est différent, mais le résultat est le même. Stanislas Meunier. DIMINUTION DE LA CHALEUR DANS NOS PAYS Quand on étudie de près les vieux manuscrits du moyen âge, on voit que Noyon, par exemple, était un pays où on récoltait considérablement de vin. A chaque instant, il est question de queux de vin, c'est-à-dire de charges de vin de 30 à 50 hectolitres, si ce n'est plus, que l'on offrait en présent aux officiers royaux. La ré- colte moyenne n'était certainement pas inférieure à 10,000 hectolitres, sur le terroir de Noyon et des villages voisins. Or, aujourd'hui, on n'en tire pas en moyenne la centième partie, et on n'a que de la piquette! Les vignes n'y mûrissent qu'une fois sur 3 ou 4 ans; si on peut ap- peler cela mûrir. La vigne y est cultivée d'après le pro- cédé lombard ; tandis qu'autrefois, on plantait certaine- ment des échalas. Aujourd'hui, pour avoir une vigne, on commence d'abord par planter des pruniers plus ou moins sauvages, à petites feuilles, afin que ces arbres, servant de support à la vigne sarmenteuse, projettent moins d'ombre. Puis, quand ces plants de pruniers sont assez forts, on y fait monter un cep de vigne, à grain noir, gris, rose ou blanc, pour ne pas dire vert. On ob» tient ainsi autant de pieds de vigne qu'il y a de pruniers. Ces prunes sont plus ou moins acerbes, jaunâtres ou noirâtres. Les grappes do raisin sont toutes petites, à grains petits et très serrés les uns contre les autres. Le vin qu'on en obtient est de la piquette, très riche en tar- trate de potasse, et très faible en sucre et en alcool. Bref, on en tire presque autant do lie que de vin.. Jadis, certains vieux pieds de vigne nous ilonnaient presque du bon vin. Aujourd'hui, cette piquette ne vaut pas la bière; tant s'en faut. Il est très remarquable de voir cette dégénérescence si grande des vignobles de Noyon. Comment se fait-il qu'autrefois on y récoltait du vin suffisamment buvable, en quantité assez grande pour nourrir les habitants, tandis qu'aujourd'hui on n'en retire qu'un liquide impropre à la consommation et insuffisant pour subvenir à l'ali- mentation de dix familles'? Ce n'est certainement pas la vigne qui a dégénéré; au contraire : les variétés de raisins se sont multipliées, et on n'a que l'embarras du choix. Il est vrai que des maladies innombrables se sont déve- loppées sur cette plante, depuis 50 ans; mais on a, dans le soufre et d'autres antiseptiques analogues, des remèdes suffisants pour y porter remède. Il faut donc croire que c'est leclimat, et notamment la température de la région, qui se sont modifiés sensiljlement, depuis 7 ou 800 ans et moins. C'est sur ce point que nous désirerions appeler l'attention des lecteurs de cette revue qui intéresse les naturalistes. La géologie est un livre ouvert, dont les pages sont les couches successives de terrains, sur lesquelles sont ins- crites en caractères indélébiles les indications les plus précises à ce sujet. Dans nos pays, là où la température moyenne est de 10 degrés, elle était de 15 degrés à telle époque, de 20 degrés à telle autre époque, et de 2a de- grés à telle époque plus ancienne encore. Là où il pousse des betteraves et des chênes aujourd'hui, on voyait au- trefois pousser des vignes, des palmiers et même des cryptogames arborescents, tels que des Lepidodendron elegans. Des fougères et des prêles en arbres ont produit des couches de charbons, aujourd'hui extraits dans nos pays tempérés. Il est donc de toute évidence que la tem- pérature de nos climats diminue. Même à l'époque gla- ciaire, il poussait des palmiers dans nos pays, absolument comme il en pousse encore aujourd'hui au pied des im- menses glaciers de la Nouvelle-Zélande. La période gla- ciaire correspondait donc chez nous à un climat plus chaud que le notre. Il était seulement plus humide. D'ailleurs nos montagnes étaient alors plus élevées du double qu'au- jourd'hui. Les éboulements, qui se produisent chaque siècle, en sont une preuve certaine, absolument convain- cante. Si nos petites montagnes s'éboulent, même au- jourd'hui encore, quels éboulements devaient donc pro- duire les hautes montagnes escarpées d'autrefois? Si elles s'éboulaient plus souvent et bien davantage qu'aujour- d'hui, quelle hauteur devaient-elles donc avoir? Certes il n'est pas téméraire d'affirmer qu'elles devaient avoir le double de leur altitude actuelle, au-dessus du niveau de la mer; c'est-à-dire trois ou quatre fois l'altitude qu'elles ont actuellement, par rapport à la région qui les envi- ronne. Quoi d'étonnant alors, avec des Alpes de 10.000 mètres au moins de hauteur, que les glaciers fussent 188 LE NATURALISTE plus étendus que de nos jours; malgré la douceur rela- tive de la température, dans les plaines et sur le bord des fleuves et des grandes rivières, avec un air saturé d'humidité, et des fleuves d'autant plus larges que leurs sources étaient alimentées par de plus vastes glaciers, et que les pluies étaient beaucoup plus abondantes et plus fréquentes que de nos jours ? D. Bougon. LES SCIENCES NATURELLES AUX SALONS DE 1897 Aux deux .Salons, nous trouvons la même poule, accom- pagnée ou non d'un superbe coq à la crête vibrante, en lutte avec des Renards. Le 3422 (E.) de Mme Matliilde Thomas-Soyer, qui n'est qu'un plâtre assez maigre, con- tient plus de renards que d'oiseaux ; mais le 3 (M.) est de facture plus solide. Il est vrai qu'il est en bronze et de M. Aubert, un Russe de Moscou. Arrivons aux Canards, autres habitants de basse-cour. Ils sont moins fréquents. Au 3636 (E.), M. A. Paris les a fait lutter, mère et petits, avec une grenouille : ce n'est encore qu'un projet de jet d'eau, en plâtre. Ailleurs (3163, E.), c'est un gamin qui attaque une cane. Cet ani- mal qui n'est pourtant pas méchant, défend sa progéni- ture avec conviction. Encore un projet de fontaine, mais pour Brooklyn, aux Etats-Unis. Parmi les cygnes, plu- sieurs accompagnent, d'une façon monotone, des Leda classiques; mais, au 3120 (E.), ils se livrent bataille, en un plâtre de M. Prosper Lecourtier. C'est sans doute à de petits passereaux que le chat du n» 2791 (E.) en veut à mort; d'où la légende : De$ affamés. Ce marbre, d'un animalier en voie de devenir célèbre, M. Carvin, mérite un coup d'œil d'artiste. A noter, encore, quelques pigeons, au 3170 (E.), avalant mélancoliquement quelques graines aux pieds d'un haut philosophe. Pour terminer cette classe, extrayons un Vautour de l'Étemel supplice de M. Loys-Potet, un sculpteur qui promet. Armand Sylvestre en a établi ainsi la diagnose : • C'est absolument le précopte do Columelle. Si nous passons maintenant aux mythologues, nous voyons Ovide, leur maître à tous, nous dire une bien jolie fable : Janus, ayant réussi à se rendre favorable la belle nymphe Grané, lui accorde la puissance d'éloigner des maisons tous les maléfices au moyen d'une branche d'aubépine (de là la phrase de Dioscoride, citée plus haut) : Jus pro concubitu nostro tibi cardinis esto; Hoc pretiu'm positse virginitatis habe. Sic fatus, virgam qui tristes pellere posset A foribus nosas, hœc erat alba, dédit. « Pour prix du bonheur goûté dans tes bras, pour prix de ta virginité perdue, je soumets les gonds à ton pou- voir. — A ces mots, il lui donne une branche d'aubépine dont la vertu put éloigner des portes les accidents fâ- cheux. » Plus tard, le jeune Procas, âgé de cinq jours, était dans son berceau la proie d'oiseaux maléficieux qui venaient épuiser sa poitrine. La nymphe Grané l'apprend par la nourrice de l'enfant, et elle débarrasse à jamais ce der- nier des atteintes de la démoniaque volaille : Virga Janalis de spina ponitur alba, Qua lumen thalamis parva fenestra dabat, Post illud nec aves cunas violasse ferunlur; Et rediit puero, qui fuit anté, color. « Elle pose la branche d'aubépine, présent de Janus, sur la petite fenêtre qui donne du jour au berceau. On dit que, depuis lors, les oiseaux respectèrent le lit de l'enfant, et que son teint reprit sa première fraîcheur. » Dans son Églogue V, vers 23, le P. Mambrun dit : Veriim alias inter tantùm supereminet Umbra; Quantum infelices superant Violaria Rhamnos. « Mais Ombra l'emporte autant sur les autres que les Violiers l'emportent sur les pauvres aubépines. » Dans son poème de Jésus enfant (liv. I, v. 405), Céva mentionne aussi l'aubépine : Hei mihi! Rhamnus Vestibus implicilus « Hélas! un buisson (haie d'aubépine) accroché à mes vêtements » D'après l'abbé Banier, de l'Institut {Dissertation sur les Furies; mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, tome V, 1723, page 47), l'aubépine était au nombre des attributs des trois sœurs infernales : (( Outre le narcisse, qui leur était consacré, on se servait aussi, dans leurs sacrifices, de branches de cèdre, d'aulne et d'aubépine, du safran et du genièvre. » Diogène Laerce, dans sa Vie de Bioji (sect. X, §§ 36, 57), fait allusion à l'influence de l'aubépine attachée à une porte : Kai YP*' Swxev eùiiapûç TÇiâyrilùy ti; èit(o5r|V, Ka"t (jxuTtfftv ppax'ova; neneiafiévo; y ' ëSrjffe ■ 'P(i[ivov Te v.ai xXâSov Aà^yr,i ûîtèp Oûpviv ëOrixsv, * '.\7ta^''ca [iâXXov r^ 6av£Îv ëTOt[jLo; wv ÛTroupytïv. « On le vit ajouter foi aux enchantements d'une vieille femme, se laisser attacher des amulettes au cou et aux bras, et suspendre de l'aubépine à sa porte, avec du lau« rier, aimant mieux supporter tout que de mourir. » 196 LE NATURALISTE « Les légendes chrétiennes, dit Gubernatis dans sii Mythologie des Plantes, racontent que Joseph d'Arima- thie, ce membre du sanhédrin de Jérusalem qui embauma le corps du Christ etle déposa dans un tombeau neuf(l). ayant, la veille de Noël, planté son bâton sur le sol, il en sortit une aubépine en tteur. En Angleterre, jusqu'au temps de Charles I". on apportait en procession, comme cadeau de Noël, une branche de l'aubépine de Glasten- bury, que l'on prétendait descendre en ligne droite du bâton de Joseph d'Arimathie. On croyait que l'aubépine fleurissait toujours la veille de Noël, et, en l'année 1733, à Quainton, en Buckingbamsbire, la floraison ayant manqué, le peuple préféra renvoyer la fête de Noël jus- qu'à l'apparition des fleurs, qui eut lieu le 3 janvier, plu- tôt que de mettre en doute l'infaillibilité de l'aubépine. » On le voit, les superstitions chrétiennes ont largement remplacé les ancinnnes. En Normandie, on croit que la foudre ne frappe jamais l'aubépine, parce qu'on suppose que ses branches ser- ■virent à former la couronne d'épines de Jésus-Christ : « Dans le département de Saône-et-Loire, dit Roujoux dans la Statistique de Saône-et-Loire, il n'est pas rare de rencontrer au printemps une mère en pleurs agenouillée auprès d'une aubépine, priant avec ardeur pour un enfant -fiévreux qu'elle tient dans ses bras. Elle est sure de sa guérison : les vents portent au ciel ses vœux avec la donce exhalaison des fleurs de l'aubépine. On dit que les branches de cet arbrisseau formèrent la couronne du Christ; et cet acte de religion, fait avec ferveur, résultat d'une foi sincère, aurait droit au respect des hommes, s'il ne s'adressait pas à l'image matérielle dont ces gens simples ne séparent aucune idée. » Ce qui me surprend, dans nos habitudes de gens ex- cessivement civilisés, c'est devoir combien nous sommes impitoyables pour les superstitions .les peuples dits « sau- vages», et combien nous nous gard. ns de faire un retour sur nous-mêmes! Pourquoi donc l'acte de religion de cette mère en pleurs, — pleurant sur son petit qui va mourir, — sur la chair de sa chair qui va peut-être dis- paraître à jamais, — n'aurait-il pas droit au respect des hommes?... Et qui sait si nous-mêmes,— religion à part, — chétifs bébés tremblants de fièvre dans notre berceau, nous n'avons pas dû la vie à ces effluves pieusement magné- tiques de notie mère, dont les yeux, où s'étaient con- centrées toutes ses forces vitales, ne quittaient pas nos pauvres veux clos'.'... Qu'en savez-vous'.' La science ne nous mo"ntre-t-elle pas tous les jours de ces miracles de volonté intense ? un organisme souffreteux et étiolé ne subit-il pas souvent l'influence mystérieuse d'un orga- nisme puissant, d'un cerveau voul.a.nt avec ténacité'?... ■Cessons donc de nous moquer des habitudes des autres pour penser un peu aux nôtres. Tout le monde con- naît le fameux verset de l'évangile de saint >Latthieu (VIII V. 5) : « Hypocrite, enlève d'abord la poutre qui est dans ton œil ; et tu verras alors à extraire la paille qui embarrasse celui de ton frère... » Pétrone qui vivait au premier siècle (il mourut volontairement en 66), a dit cela autrement , mais c'est la même chose : In alio pediculum vides; in te ricinum non vides. [Satyricon, | LVII.) « Tu vois un pou sur ton voisin, mais tu ne vois pas un scorpion sur toi-même. » " (1) Malhieu, xxvii, 57. — Marc, xv, 43. — Luc, xxiii, 30. — Jeun, XIX, 38. Enfin, nous trouvons encore le 'Pâjjivo; dans la Bible (traduction des Septante), rendu par Rhamnus dans la Vulgate. Nous lisons dans le Psaume LVH, v. iO : Priiisquam intelligerint spinse vestrœ rhamnum : siciit in- ventes, sic in ira absorbet cos. — « Avant que les épines aient pu connaître le rhamnus {aubépine) qui les porte, il les engloutira tout vivants dans sa colère. » Mais où l'aubépine joue un rôle actif, c'est dans/n plus ancienne fable du monde, fable biblique, qui se trouve au livre IX, versets 7-15, des Juges. Les chefs de Sichem avaient établi comme roi Abimelec qui avait massacré tous les fils de Gédéon, juge d'Israël, à l'exception toutefois de l'un d'eux, Jotham, qui avait pu éviter la mort donnée à ses soixante-neuf frères : ).\;. lit sitnt enicx et aliœ bestiolœ a qiiibus olerii amtduntur et depascuntiir » (comme sont les chenilles et autres petites bétes qui rongent et dévorent les lé- gumes.) Isidore de Séville (Etymologianini lili. XII, cap. iii, lie minutis animantibiis) dit que n le grillon tire son nom du son de sa voix. Il marche à reculons, troue la tci're, et chante (stvidet) pendant la nuit. On le chasse avec une fourmi attachée à un cheveu, et que l'on intro- duit dans son trou après en avoir préalablement soufflé la poussièie, pour qu'elle ne puisse s'y cacher ; elle le saisit et on le tire dehors. » Le docte é\è(iue de Séville a copié cela — et bien d'au- tres choses.— dans Pline (XXIX, xxxix, § o), comme nous le verrons tout à l'heure; il s'est borné à mettre au plu- riel le mot complexiis, qui est au singulier chez le po- lygraphe romain. Dans le fameux poème intitulé Philometa, où les divers cris d'animaux sont ingénieusement imités, poème qui fut attribué à tort, et pendant fort longtemps, à l'auteur des Mttamotphuses, mais (jui ne date réellement que de la décadence des lettres latines et appartient à un certain Albus Ovidiua Juventinus, le bruissement du grillon n'est pas désigné i)ar le mot stridct, mais par celui de grillât, qui se rapproche un peu, comme harmonie imitative, de notre mot cri-cri: Le Saluralisle, S6, rue du Bac, Paris. Mus avidus minli-at, vflos inustelaque dintrel, Kt tjnjllus grillât, desticat indo sorex lo rat avide Ripe au fond de son trou ; la belette rapide Grince; le noir grillon cricrite, et la souris Ticotc On sait que, comme chez la cigale, le mâle seul pro- duit au moyen de ses ailes ce que l'on appelle le chant du grillon ; un poète comique du nom de Xénarque, qui flo- rissait à Athènes l'an 330 avant J.-C, prit occasion de cette particularité pour donner un poétique coup de bou- toir au sexe féminin. Dans une de ses pièces intitulée remière édition du Calaloijue des Mammifères vivants et fossiles, publiée de 1879 à. 1885, n'avait été qu'un premier essai; elle était restée incomplète par suite de la dépense considérable que nécessite l'impression d'un travail de ce <»enre. En outre, les tirages à part des parties, publiées suc- cessivemeni par la ilei'we et Magasin de zoologie, puis par le Bulletin de la Société d'Etudes scientifiques d'Angers, étaient devenus introuvables. Enfin, la science avait marché pendant les quinze ans écoulés :une nouvelle édition était nécessaire et les Mammalogistes la réclamaient depuis longtemps. Un livre de ce genre n'est utile qu'à condition d'être publié rapidement. L'auteur et l'éditeur se sont engagés à l'achever en un an, et nous savons qu'ils tiendront parole. Le premier fascicule contenant les Primates, Prosimise, Cliiroptern et In- sectioo)'a, a paru en janvier 1897 : le second vient de paraître (mai 1897) ; c'est déjà la moitié de l'ouvrage, qui sera publié en quatre fascicules et formera un volume compact de 800 pages, complété par une table alphabétique de tous les noms de genres et d'espèces. Dans une courte introduction, l'auteur indique le plan qu'il a suivi pour faciliter les recherches bibliographiques, tout en réduisant les indications au strict nécessaire. .Sous le numéro de chaque espèce on trouve d'abord l'indication de la descrip- tion primitive donnée par le créateur de l'espèce ; puis l'jndi- calion des travaux qui ont modifié la place de cette espèce dans le système ou qui sont accompagnés de figures origi- nales, et enfin celle des Monographies les plus récentes qui ont servi de guide à l'auteur dans la rédaction du Catalogue. Un Catalogue n'est pas un ouvrage de critique; aussi l'au- teur s'est-il abstenu de modifier en quoi que ce soit les résul- tats auxquels sont arrivés, relativement à la valeur des es- pèces, les travaux les plus récents. Dans les cas très rares où il a cru devoir donner son opinion basée sur des recherches personnelles encore inédites, il a eu soin de l'indiquer dans une note placée au bas de la page. Quelques espèces nou- velles ou mal connues sont également caractérisées dans ces notes (1). (1) Voici l'indicalion de ces changements. Deux espèces sont nouvelles ou caractérisées pour la première fois : Cercocebus agilis (A. M. Edvv.) du Congo (p. 24), et Macacus Harmandi (A. M. Edw.), du Siam (p. 29) : ces deux espèces" sont dé- crites plus en détail dans le yaturalisie du 1<^'' janvier 1897, p. 9. — Le nom de Vespertilio Dobsoni, Anderson, est changé en 1 . Andersoni (Sp. 745, p. 129), le premier nom étant préoccupé. — Le genre fossile Ec/iinogale Pomel, 1848, est changé pour la même raison en scaptooai.e (p. 204). — Un genre nouveau prosinopa est créé pour l'espèce SUnopa eximia (p. 68), qui ne peut rester dans le genre Sinopa, Leidy, 1S71 ' et qui n'est entrée dans ce genre qu'en 1873. Le nom de Si- 7iopa a la priorité pour le genre de Créodontes désigné précé- demment sous le nom de Stypolop/ius,Copc. 1872. Les sous-espèces et les variétés sont uniformément dési- gnées par des lettres (o. A, c, etc.), à la suite du numéro de chaque espèce. Les naturalistes modernes, et particulièrement les Américains, ont une tendance peut-être excessive à multi- plier ces (I sous-espèces », pour lesquelles on a créé la nomen- clature trinominule. et qui no sont que des variétés locales. Cependant dans un Catalogue comme celui-ci, on ne peut se dispenser de les noter avec soin. Une innovation qui sera certainement bien accueillie, et qui constitue un progrès sur la première édition, consiste à placer en vedette, en tête de chaque groupe (Ordre, Famille ou Genre) l'indication bibliographique des Monographies ou des Revisions récentes qui se rajjportent à ce groupe. L'intercalation des espèces fossiles au milieu des espèces vivantes n'est pas toujours très facile : elle est cependant nécessaire, car les paléontologistes ne peuvent se passer de r élude de ces dernières qu'ils doivent sans cesse comparer aux espèces éteintes dont ils ont entrepris l'étude. Sous ce rap- port, le Catalogue est aussi indispensable aux paléontologistes qu'aux zoologistes, et c'est surtout dans la classe des Mammi- fères que ce rapprochement des deux sciences sœurs apparaît nettement comme éminemment i^rofitablo à toutes deux. Faut-il rappeler l'exemple ancien du Palœospalax nuigna décrit en 1845, par Owen, comme un Insectivore complètement éteint, et reconnu seulement en 1863, par Lartet, comme identique au Desman de Russie, Mgogale moscliata? Plus ré- cemment M. 0. Thomas n'a-t-il pas démontré que le type ancien des Epanortliidse, Didelphes très abondants dans le teitiaire de Patagonie et décrits, en 1893, par Ameghino qui les supposait complètement éteints, était encore vivant dans l'Amérique du Sud'i' Le Caenolesles, décrit primitivement sous le nom d'IIyracodon par Fraser, et dont on connaît mainte- nant deux espèces originaires de l'Equateur, diffère beaucoup des autres Didelphes américains et doit être placé dans la famille des Epanortliiday, beaucoup plus voisine des Phalan- gers australiens. Disons en terminant que l'éditeur n'a rien épargné pour que cette nouvelle édition du Catalogue soit aussi parfaite que possible. La disposition typographique est très nette et le papier, soigneusement collé, pour permettre les annotations manuscrites, est de première qualité. Enfin la correction du texte, œuvre toujours délicate dans un livre entièrement com- posé de chifl'res'et d'abréviations, ne laisse rien à désirer. Le Gérant: Paul GROULT. PARIS. — IMPRIMERIR F. LEVÉ, RUE CASSETTE, 17. 19" ANNÉE 2» Série !%• «ÎÎ3 15 SEPTKMBRli: 1897 NOTES SÏÏR LES BOGHEADS, et les Bactériacées qu'ils contiennent Les Bogheads sont des combustibles anciens fort rechcrcbés, dont la valeur est plus considérable que celle de la houille, à cause des huiles, des ijarallines, qu'ils produisent en abondance par distillation ; on s'en sert fréquemment ])0ur obtenir des gaz riches, d'un pouvoir éclairant près de trois fois plus grand que celui du gaz de la houille. Les Bogheads se rencontrent dans les terrains per- mien, liouiller, authracifére. Dans tous les gisements ils paraissent formés par l'accumulation d'Algues microsco- piques, qui, ayant vécu à la surface de lacs peu agités, sont descendues les unes après les autres et ont formé, en se suj)erposant, des couches dont l'épaisseur actuelle varie entre 20 centimèttes et lm,30. Il est clair iju'en même temps que ces Algues gagnaient le fond, les autres matières solides en suspension dans les eaux, grains de poussières minérales, fragments de plantes diverses, spores, microspores, niacrospores, grains de pollen, Bac- tériacées, sulistances organiques rendues insolubles par la houillification, etc., entraînées dans ce mouvement descendant, ont formé une sorte de substratum, que nous avons désigné sous le nom de matière fondamentale plus ou moins abondante séparant les lits d'algues. Les couches stratifiées, dont on reconnaît facilement l'impor- tance et la direction, sont visibles sur les cassures. Nous pouvons prendre comme exemple, pour les décrire, l'un des Bogheads les plus connus en France, celui d'Autun. Le Boghead d'Autun est un combustible solide, homo- gène, élastique sous le marteau comme un bloc de jiois, se cassant difficilement dans le sens perpendiculaire à la stratification ; la cassure est conchoidale, brillante, pré- sentant des traces de stratificatioa très évidente comme à Margenne, tantôt moins apparentes à cause d'une plus grande pureté, comme aux Thélots (I). L'as])ect est résinoide; à la loupe on reconnaît, avec la plus grande facilité, des sections lenticulaires brillantes, séparées par de mirices filets plus ternes; ces sections correspondent à celles des thalles d'Algues houillifiés, les filets ternes à de la matière non organisée ou matière fondamentale déposée en même temps que les Algues. Fréquemment on distingue des bandes assez étendues et d'une épaisseur variable, parfaitement brillantes ; l'étude microscopique de ces bandes a montré qu'elles étaient formées tantôt par l'agglomération de thalles non séparés par des déjiots de matières étrangères, tantôt, mais plus rarement, par des fragments de végétaux supérieurs, débris de bois, d'écorces, de feuilles. Le Boghead est très dilBcile à pulvériser, il donne une poudre jaune brun ; chaufl'é vers 400°, en vase clos, il se ramollit et reste pendant quelque temps élastique ; il est décomposé à une température plus élevée en donnant de nombreux carbures d'hj'drogène. L'étude particulière 1) Ces deux localités sont les centres d'exploitation du Bo- ghead dans les environs d'Autun. Le Xaluraliste, 46, rue du Bac, Paris. du gisement d'Autun a montré que la couche do Boghead- épaisse de 25 à 27 centimètres s'est faite, c'est-à-dire a acquis ses propriétés physiques et chimiques, avec une rapidilé que l'on ne soupçonnaitpas. Le Boghead d'Autun contient une .seule espèce d'Algue, le Pila hilirnctfmia primitivement sphérique, mesurant à l'état adulte 170 à I80(i de diamètre, qui, sous l'influence do la pression s'est déformée plus ou moins, est devenue lenticulaire, quelquefois ellipsoïdale. Le thalle était formé d'une seule couche de cellules prisma- tiques à section transversale ]iolygonale, limitant une cavité relativement considérable. En même temps que le thalle s'aplatissait, la cavité changeait de forme, le côté supérieur pouvait même venir en contact avec le côté inférieur. Dans un thalle adulte, on peut compter de 400 à 300 cellules. Aux Thélots, la couche de Boghead, épaisse de 23 cen- timètres,peut contenir L700 à L800 lits de thalles super- posés. Dans les endroits où les Pilas sont abondants, ils forment les 773 millièmes de la masse et peuvent atteindre le nombre de 250.000 par centimètre cube. On peut comparer les Algues du Boghead d'Autun à certaines Protococcacées qui contribuent encore actuel- lement à la formation du phénomène connu sous le nom de fleurs d'eaux. A certains jours d'été, les mares ou les étangs se couvrent en quelques heures d'une abondante végétation d'Algues que le moindre vent submerge; les Fig. 1. Pila bibractensis, envahi par les Bactériacées. a, portion du thalle où les parois des cellules sont indiquées par des lignes polygonales de Microcoques, M. peirolei. Var. A. — b, ré- gion où la désorganisation est plus complote et où les Cocci sont disséminés au hasard. Noï.i. — Toutes nos figures sont faites scrupuleusement d'après d'excellentes photographies. thalles gagnent lentement le fond et, le phénomène se répétant plusieurs jours de suite, on conçoit qu'il pour- rait s'y accumuler une certaine quantité de lits d'Algues superposés. Al'époquede la Houille, il est possible que l'apjjarition, un peu capricieuse de nos jours, de ces fleurs d'eau fût 210 LE NATURALISTE plus fréquente, favorisée par un climat uniforme, chaud et humide. Les Bogheads s'étant formés dans des lacs de petite étendue et sous un régime de tranquillité relativq, il était permis de supposer que l'on pourrait constater la présence des Bactcriacées dans les Algues fossiles. Les comhustibles que nous avons examinés à ce point de vue sont des Bogheads des terrains perniiens de France et d'Australie, du terrain houiller moyen d'Angleterre et d'Ecosse, du Culm de Russie. Les thalles qui composent la, masse des Bogheads se trouvent à des stades divers de décomposition ; tantôt ce sont des corps d'aspect gélatineux ou iloconneux sans structure apparente, de couleur jaune clair; tantôt on y distingue, plus ou moins nettement, les cellules qui les composent. Dans le premier cas, les Bactériacées, qui toutes affec- tent la forme coccoide, sont dissiminées sans ordre dans le milieu amorphe, et souvent fort difficiles à mettre en évidence, (]uand il ne s'est pas établi une légère différence de coloration entre elles et la masse environnante, 6, fîg. 1. Dans le second cas, au contraire, les Bactériacées sont rangées suivant les parois des cellules, dont elles mar- quent exactement la forme et la disposition, a, iig. 1. La plupart occupent la place delamemhrane moyenne, quelques-unes se sont un peu écartées; mais le iréseau polygonal est néanmoins d'une grande régularité. Sur des coupes intéressant la longueur des cellules et non plus leur largeur, les parois sont dessinées par des bandes rayonnantes de Microcoi|ues, tantôt linéaires, quand elles passent par les parois latérales, tantôt plus ou moins élargies quand la section rencontre la surface supérieure ou inférieure des cellules. Les Coccisont donc restés en place dans beaucoup de cas, malgré la défor- mation des thalles qui se sont aplatis. Nous avons donné le nom de Micrococcufi petriiln{i) aux Fig. 2 Reinschia auslralis envahi par les Bactériacées et complète- ment désorganisé 1200/1. — «, Micrococcus petrolei.\ài: A' disséminés. — b, Micrococci disposés en chaînette. (t) Le nom spécifique petrolei doit rappeler seulement que les Microcoques en question se trouvent en abondance dans un combustible produisant, quand on le distille, des huiles analogues aux pétroles. différents microcoques des Bogheads, les distinguant d'après l'âge des terrains où on les rencontre par les lettres, A, B , C, etc. ; ces variétés peuvent, d'après leur taille et leurs fonctions, se subdiviser ensous-variétés(l). La diagnose de l'espèce, un peu élargie par nos recher- ches récentes, serait : « Cellules sphériques à membrane extrêmement mince, visible sous un grossissement de 1.000 à 1.200 diamètres, incolores ou faiblement colorées, quand elles n'ont pas fixé quelques matières étrangères (2), apparaissant souvent comme de petites sphères brillantes, plus réfringentes que le milieu environnant, ou bien, par une mise au point un peu différente, comme une cavité hémisj)héri([ue de même diamètre; celui-ci peut varier de 0|i,3 à 0|J-,7 soit que cette variation provienne des diffé- rences de taille d'individus pris à des âges divers, soit que l'on soit en présence de plusieurs variétés, les plus petites s'attaquant aux membranes moyennes des cellules, les plus grosses à leurs épaississements. Les Microcoques sont tantôt isolés, tantôt contigus, réunis par deux ou en chaînettes a et 6, fig. 2. Il n'est pa« rare de les voir entourés d'une sorte d'auréole plus foncée. Il y avait un certain intérêt à rechercher le mode de pénétration des Bactériacées à l'intérieur des thalles. En Fig. 3. Thylax brilannicus. Algues du Boghead anglais Armadale, occupées par le Micrococcus petrolei. Var. C 3Û0/1. — a,b, deux thalles coupés transversalement montrant la cavité centrale, elles méats mettant celte cavité en communication avec l'extérieur. même temps que les Algues se déposaient, comme nous l'avons dit, les débris divers de végétaux tenus en sus- pension dans les eaux, ces matériaux ont produit la matière fondamentale de couleur plus foncée qui entoure les Algues, l'examen microscopique y montre une grande variété de formes coccoïdes, la surface des thalles est (1) La lettre B est réservée aux Microcoques des Cannels- Bogheadsdu terrain houiller supérieur, Commentry,Montram- bert, Sainl-Éloi et Monlceau que nous avons signalés ail- leurs. [i) La matière du milieu où les Cocci se trouvenl peut les avoir pénétrés et changé leur aspect primitif. LE NATURALISTE 2H ('gnlomont recouverte de nombreux Cocci. Il est évident que l'invasion microbienne se faisait de la périphérie vers le centre. Dans les Pilas, le tballi' spliérique étant compose d'une couche de cellules iirismaliques disposées sur un seul rang et dont le grand axe est dirigé suivant un rayon de la sphère, les Micrococcus petrolei pénétraient en suivant les arêtes longitudinales communes à ])lusieurs cellules conligues, et, par leurs divisions successives, formaient bientôt des lignes rayonnantes continues de microcoques allant de la périphérie au centre du thalle; mais pendant que cette i)rogression centripète s'effectuait, une autre dirigée suivant la circonférence se produisait également : certains microcoques se séparaient dans une direction perpendiculaire aux arêtes des cellules, mais en se main- tenant dans l'épaisseur de la membrane moyenne et Ijroduisaient ainsi des lignes transversales allantrejoindre l'arrête opposée et donnant aux parois des cellules une sorte d'aspect scalariforme. Ces bandes transversales d'ailleurs se résolvent sou- souvont que la compression sul.iie par les cellules des thalles ont confondu les lignes et les lames régulières de Microcoques, et que ceux-ci soient disséminés sans au- cun onh-e dans la masse d'aspect gélatineux (pii en pro- vient (fig. 2 et 4.) Nous n'avons pas à insister sur le mode ilc pénétration des Bactériacées dans les autres espèces do Pilas, le Pila .scoO'ca qui caractérise le Boghead Russel, la Torbanite, le Pila Karpinskyi que l'on rencontre fréquemment dans les Cannels-Boghoads du Bassin de Moscou, ces difl'é- rentes espèces, ayant la même organisation, ont été en- vahies sans aucun doute de la même façon que l(!s Boghead d'Autun et de l'Esterol. 11 en est de même pour les Thyhi.v britannicux (lig. 3 Fig. 4 T/iyla-r britannicus grossi 900 fois, coupé tangentiellement et montrant de nombreux Microcoques disséminés dans le tissu désorganisé. — w, uiéats ouverts entre la cavité centrale et l'extérieur. — 6, tissu désorganisé contenant de nombreux Microcoques. \ent avec un grossissement suffisant, 12 à l.") cents lle«-8ion de Scolyti«leB, 83 espèces, 674 exempl , 3 boites. Prix ; 40 fr. D«nibles de la collection lL.evoiturîer, en- viron 15 a 16.000 Coléoptères. Prix : 300 fr. Collection «le Coléoptères (presque tous de France). 2.;00 csiièces environ, 12 à Ib.OUO exempl., 44 Ijoites. Prix : 450 fr. Collection de Cl!ivîc<»i'nes, 724 espèces, 3.391 exempl., 22 cartons. Prix : 150 fr. Collection de I>on};icoi-nes, 423 espèces, 1.294 exempl., 14 cartons. Prix : '.'bO fr. Collection de Palpicoi-nes, 107 espèces, b60 exemplaires, 3 cartons. Prix : ;tO fr. Collection de Stapliilintdes, 713 espèces, 2.965 exemiil , 18 cartons. Prix : 160 fr. Collecti<»n de »I«lacodei-nies, 171 espèces, 678exemi)l., 7 carions. Prix : 4.'i fr. Collection de Cui-culîonîdes et Xylo- phages, 880 espèces, 3.416 exempl., 27 cartons. Prix : 175 fr. Lot de Curculionides, 95 espèces, 383 exempl., 4 cartons. Prix 30 fr. L.ot de Coecinellides européens et exotiques. 78 espèces, 246 exempl., 1 lioite. Prix : 20 fr. I..ot de Dytisci«le8, Gyrinîdes europ. et exotiques, 78 espèces, 246 exempl., i boite. Prix : 20 fr, Lot de Cleindèles, 39 espèces, 118 exempl., i carton. Prix : 3b fr. Lot de Curculionides, 171 espèces, 375 exempl., 2 cartons. Prix : 30 fr. Lot «le Malacoi-dermes europ. et exotiques, 344 espèces, 700 exempl.. 9 cartons, 16 type» de ^Vollestou. ^ types d«"; Solier. Prix 80 fr. Collecti«>n de Leptodérides, mécropho- rldes, MiphiUIes europ. et exotiques. 96 espèces. 778 exempl., 4 boites. Nombreuses variétés et exem- plaires de provenances diverses. Prix : 70 fr. Collection de Coecinellides, 110 espèces, 329 exempl., 2 cartons doubles. Prix : 28 fr. Collection de Staphylinî«les europ. et exoti- ques. 1068 espèces. 2284 exempl., 34 cartons. lO types de $phagides, Latliritlîides, Anisotonii«les,Scy«lniéni«les, Cissides, etc. Environ 400 espèces, 1200 exempl., 16 cartons. Prix : bOfr. Deaux exemplaires de Polyphylla Ra- gusse o'. 1 fr. i)ièce. Lot «le CoI«?optères d«» ma«lagascai-, 49 es- pèces, 101 exempl., 1 carton. Prix 2(1 fr. Lot de Coli'optères «le Aladagascar, 62 es- pèces, 120 exempl., 1 boite. Prix 25 fr. Lot tle Coléoptères «le France, 400 espèces, 1 boite. Prix : 40 fr. Lot de Coléoptères de France, 300 espèces, 1 boîte. Prix : 28 fr. Lot d'Hispides, exotiques, 60 espèces, 65 exempl. . 1 carton. Prix 15 fr. Lot «le Cliry8oniélî«le8 europ. et exotiques, 2.308 espèces, 2.875 exempl., 58 cartons. Un bon nombres d'espèces africaines sont typiques et ont servi à Vogel pour faire sa monographie. Prix : 450 fr. S'adresser pour les lots et collections ci-dessus à « Les Fils D'iimile Deyrolle », 46, rue du Bac, Paris. — A vendre les lots ci-après de Coquilles et Fossiles, (même adresse que ci-dessus.) Un lot de Coquilles marines et terrestres de Maurice, environ 128 espèces et 277 exemplaires. — 00 fr. Un lot de Coquilles de Cuba (terrestres) comprenant ue nombreuses Hélix, Strophia, Choanopama, Chondro- poma, Ilelicina, 48 espèces, 65 exemplaires. — 5b fr. Une collection de Fossiles du dévonien du Pas-de- Calais, 25 espèces, 38 exemplaires. — 20 fr. Une collection Bulimus de Nouvelle-Calédonie, 12 es- pèces, 15 exemplaires, parmi lesquelles Bulimus Ma- riei. — 12 fr. Le Gérant: Paul GROULT. P.VRIS. — IMPRI.MERIR F. LEVÉ, RUE CASSETTE, 17. 19" ANNÉE 2" SÉRIE !^° »2;4 1" OCTOBRE 1897 LES MARNES INTRAGYPSEUSES DANS LES QUARTIERS NORD DE PARIS Lct; excursions géolugwiues devieiment de plus en plus dilliciles aux environs de Paris, par suite de l'aban- don des anciennes carrières et de l'extension toujours croissautc des habitations ; mais on a quelquefois la bonne fortune de faire, dans les fouilles nécessitées par ces constructions, des observations intéressantes. A Paris même, si connu que soit le sous-sol, il ne, fant pas négliger l'examen des moindres excavations qui don- nent souvent lieu à des observations d'autant plus cu- rieuses ([u'elles ne peuvent être faites que pendant le temps fort court des travaux. C'est ainsi que, l'année dernière, le quartier de la gare du Nord a été le centre d'un ensemble de terrassements importants pour cons- tructions d'égouts, fondations diverses, culées de ponts, extension de la gare, etc. Pour ces derniers travaux en particulier, j'ai pu suivre toutes les fouilles, grâce à M. l'Ingénieur des ponis et chaussées Rossignol, qui a bien voulu me signaler les points intéressants et me com- muniquer les coupes pétrographiques pratiques qu'il avait fait relever par son service de construction de chemin de fer. Les points explorés, tous situés entre les deux collines gypseuses de Montmartn' et des Buttes- Cliaumout, inté- ressaient les couches inférieures du gypse, les forma- tions intra-gypseuses et les couches supérieures du tra- vertin de Saint-Ouen. Ces dernières, les plus anciennes de la série examinée ont été mises à jour dans les tranchées de l'égout de la rue des Messageries, au coin du faubourg Poissonnière. Les marnes de cet étage étaient très calcaires et absolu, ment pétries de bithinies. Dans la forniation gypseuse, les niveaux exacts sont assez souvent difficiles à déterminer dans les excavations autres que les carrières ; les marnes intercalées facili- tent les glissements et rendent les éboulements très fréquents; on est obligé d'attaquer ces couches par puits et tranchées successivement murailles; il devient alors impossible de suivre les lits sur une grande étendue, et les déterminations no peuvent généralement être eîfec- Pholadomya ludcnsis et Macropneustes Prevosti. tuées en l'absence de fossiles que d'après les caractères pétrographiques des roches extraites. Fort heureusement, dans le cas particulier qui nous occupe, le niveau inférieur du gypse, caractérisé par les marnes à Pholadomya ludcnsis (tig. ci-dessus), a pu être reconnu exactement et suivi en un certain nombre de points au-dessous des petits bancs de gypse saccharoide (le la 4= masse. Parmi les points étudiés, il faut tout d'abord citer d'une façon spéciale la grande tranchée fait£ pour la construction du passage souterrain qui relie la gare du Nord à la nouvelle gare de ceinture, au coin du faubourg Saint-Denis et de la rue de Dunkerque. Cette tranchée, faite par tronçons successifs, a re- coupé la base de la masse du gypse, les marnes infra- gypseuses et le gypse saccharoide de la i" masse; le tout fortement ondulé, éboulé et souvent même raviné par des poches. L'examen successif des diverses parties a pu me permettre de relever la coupe géologique moyenne suivante, pour la partie centrale du souterrain, soit à en- Le Naturaliste, 46, rue du Bac, Paris. viron 20 mètres de l'angle S.-E. du bâtiment principal de la grande gare, dans la cour des arrivées. Altitude du sol de la cour b.3" 38 ■ 1 . — Remblai et gypse remanié I" 00. 2- — Argile jaune, verdâtre, feuilletée 0™ 23. 3. — Marnes jaunes feuilletées, très fossili- fères (Pholadomya ludensis), avec gypse niviforme, en masses sphériques de 0 5 à 1 décimètre cube O™ 60 . 4 . — Argile noire 0"° 05 . b. — Marne carton, magnésienne 0™ 30. 6. — Argile jaune très feuilletée 0°" 08. " . — Gypse saccharoide très pur 0" 60 . 8. — Argile brune en plaquettes 0™ 13. 9. — Marne calcaire compacte, très dure avec cérithes et bithinies 0™ 13. 10. — Marne argileuse avec cristaux de gypse en fer de lance et bithinies 0" 70 Le fond de cette fouille intéresse la base extrême de 222 LE NATURALISTE la formaXion gypseuse, qui n'a été dépassée en aucun point des travaux de chemin de fer, même dans les puits profonds des fondations de la gare de ceinture ; là, ainsi que dans les égouts de la rue de Dunkerque, on est en pleine troisième masse du gypse. En certains points, on a recoupé d'anciennes galeries d'exploitation. La faune des marnes (couche 3 de la coupe ci-dessus) est très riche, on peut y signaler : Pholadomya liidensis, Macropneustes Prevosti, Cerithium Iricarinatum, Volula, Fabrei, Lucina Heberti, etc. Les deux premières espèces étaient particulièrement abondantes presque partout, mais principalement dans une fouille faite sous les voies de ceinture, à 300 mètres au nord du souterrain, et à l'altitude de 32. Là un seul échantillon de 1 décimètre cu'oe contenait à la surface 4 Pholadomyas, 3 oursins, 3 cérithes, 1 pince de crustacé, etc. La Pholadomya ludensis a aussi été retrouvée sur la cote 50, dans les fondations du pont du boulevard de la Cha- pelle, et dans les puits à béton de la culée ouest du nou- veau pont de la rue J. François-Lépine. En ce point, au croisement delà rue Stephenson, le gypse delà 3" masse avec ses marnes a été recoupé sur toute sa hauteur. A partir de ce point, la formation gypseuse plonge vers le nord et est très fortement ravinée par des puits naturels, remplis de diluvium ou de sables et grès ferru- gineux de Fontainebleau. Lessables, en lambeau éboulé très puissant, formaient un placage épais sur le flanc E. d'un contrefort de la butte Montmartre, derrière l'église Saint-Bernard. Ce sable raviné, qu'on peut suivre sur une grande distance, recouvre dans ce quartier tout le gypse supérieur. IL B0URS.4.ULT. lESCEIPTIOIf D'ÏÏI MOLLÏÏSQÏÏE NOÏÏYEAÏÏ LES CAUSES DES BRUITS OU CŒUR Leplachatina approxbnans, auc, nov. sp. Testa oblongo-turrita, imperforatn, tcnuis, oleoso-micans, impei'forata, glabra sed sublenle confertim et obsolète stria- tula fulvo-cornea, linea inl'ra suturain rubi-o-fusca cingulata. Spira turrita, rcgulariter conoidea, vix subconvexa vel rectili- nearis, subclavata, obtura. Anfractus 8 lente crescentes, con- vexiusculi, sutura leviler impressa. Ultimus oblongus, rotun- ' datus. Plica columellaris valida, contorta, sordide albicans. Perisloma obtusiusculum. Long. 12 1/2, 13 1/4; lat. 6, 6 1/2; ait. apert 5, 5 /12 Mill. Waianœ Ouhu (teste E. Durand). Malgré ses allinités manifestes avec la Lepl. vilrea, New- comb, également d'Oahu, il ne m'est pas possible de lui réu- nir l'espèce qui vient d'être décrite. La Lept. appro.rimans est, en effet, moins écourtée. Sa spire est plus élancée, conique, et possède 8 tours au lieu de 6. La coloration est sensiblement la même et, chez l'un des sujets que m'a communiqués M. Emile Durand, on observe, outre la ligne suturale brune, un semblant de fascie à la périphérie du dernier tour. Par ses caractères, cette nouvelle espèce est intermédiaire entre la L. vitiea, Newcomb, et la pyramis, laquelle est d'ailleurs beaucoup plus allongée, etqui provient de l'île de Kanai. Dra-el-Mizan, le 30 mai 1897. C, Fancey. Quand on applique l'oreille sur la poitrine d'une per- sonne, soit directement, soit indirectement par l'intermé- diaire d'un stéthoscope, on entend un double bruit, appelé bruits du cœur, à chaque contraction de cet organe. Un long silence s'écoule dans l'intervalle, de ce tic tac au tic tac suivant,' eu égard au court silence qui sépare les deux bruits du cœur, tic et tac. Généralement on a le grand tort d'attribuée ce liruit au claquement des valvules, que l'on compare au clapotement d'un drapeau agité par le vent, qui donne un double bruit en se pliant et se dépliant en sens inverse. Mais, ici, ce n'est pas cela du tout ! Sans doute, ce bruit varie beaucoup quand les val- vules sont atteintes de maladies qui modifient leur forme, leur consistance, etc.; mais, ce n'est pas le cla- quement des valvules qui produit les bruits du cœur. Il est facile de le démontrer par des raisons péremptoires : 1° Les valvules se contractent comme les muscles, mais ne battent pas comme un drapeau. Or le bruit de la contraction musculaire est tout autre que celui des bruits du cœur : il n'est connu que de rares initiés, tan- dis que l'autre est connu de tout le monde. Car les bruits du cœur s'entendent à distance, surtout quand on est un peu essoufflé, à la suite d'une course, par exemple. 2° Si on enlève le cœur d'un chien pour le mettre sur une soucoupe, on le voit se contracter énergiquement pendant quelques minutes encore, bien qu'il se soit vidé de son sang instantanément, et qu'il se contracte à vide : mais on n'entend plus du tout les bruits du cœur. 3° Les animaux qui n'ont que des valvules insigni- fiantes, tels que les Pythons et les Kangourous, donnent les mêmes bruits du cceur que les animaux qui ont des valvules bien développées, comme le chien, le chat, le cheval par exemple. 4° On peut faire contracter artificiellement un cœur, en remplaçant le sang par de l'eau, si on veut éviter qu'il ne se contracte à vide. Dans ce dernier cas, il n'y a pas de bruits, tandis que les bruits se manifestent dès que le liquide arrive au cœur. On a récemment attribué les bruits du cœur au choc du sang des ventricules contre celui qui afflue par les valvules semi-lunaires; mais ce n'est là qu'une des causes accessoires des bruits du cœur. Comment un homme intelligent comme Sir Richard ne comprend-il pas cela? La cause générale des bruits du cœur, c'est le frotte- ment du liquide, non seulement contre ses diverses mo- lécules animées de mouvements en sens opposés, mais encore contre tous les obstacles qu'il rencontre dans son parcours : frottement contre les parois, passage à travers les orifices et à travers toutes les variations dans la capa- cité des cavités successives : ventricules, orifices étroits, vaisseaux dilatés. Que d'inégalités dans tous ces ca- libres! Pour celui qui s'est amusé à regarder au micros- cope la circulation des globules sanguins dans les petits vaisseaux de la membrane interdigitale de la grenouille, il est clair que la circulation du sang dans le cœur doit lui apjiar^iitre comme un tourbillon de globules agités d'une infinité de mouvements propres, dans une immense quantité de directions différentes : de là des millions de chocs à un instant donné, et un vaste ensemble de bruits de toute espèce, qui se confondent en un murmure appelé les bruits du co-ur. En un mol les bruits du cœur sont produits par le frottement du liquide contre tous les obstacles qui s'op- posent à sa libre expansion dans l'espace. Il coule dans un espace limité par des parois, contre lesquelles viennent se heurter toutes ses moléeules, en buttant les unes contre les autres. Il est bien évident que, si les ori- LE NATURALISTE 223 lices sont dilatés ou rétrécis, les bruits ne seront pas les mêmes que si ces orifices avaient leurs dimensions nor- males. De même encore si les valvules sont saines ou si elles sont malades, elles peuvent perdre leur souplesse et présenter des saillies, qui exagèrent encore les frotte- ments et dénaturent les bruits nouveaux du cœur. De là une inlinité de liruits différents, pour une oreille exercée : liruits sourds, bruits clairs, bruits de râpe, bruits de sif- flement, bruits confus, bruits distincts, bruits de toute sorte, suivant les cas pathologiques, ou même selon les variations physiologiques d'un sujet bien portant. Tout le monde sait que les bruits du cœur, chez un homme «Midormi, ne sont pas les mêmes que chez celui qui vient de monter |irécipitaninient un escalier. Ils sont bien plus forts et bien plus précipités dans ce dernier cas que dans le précédent. La cause des bruits du cœur est donc fort variable comme ces bruits eux-mêmes. En définitive, c'est une question de frottement du liquide, non seulement contre les parois du cœur, les valvules, les vaisseaux, mais encore contre ses propres globules agités de courants variés, à travers des passages tantôt rétrécis et tantôt dilatés, soit aux orifices, soit dans les cavités du cœur et (les gros vaisseaux qui en sortent. Du reste ces bruits se propagent très loin, et se produisent encore sur place dans les vaisseaux eux-mêmes. Tous les médecins ont entendu les bruits qui se produisent au niveau des dila- tations anévrysmales des vaisseaux. Les bruits du cœur sont produits par une série de causes mécaniques com- plexes, de sorte ([u'on aurait bien tort de vouloir tous les rapporter à une cause unique, plus ou moins légitime. On voit donc ce qu'il faut penser du claquement des val- vules, ou de la théorie trop exclusive du choc contre l'afllux sanguin. Ce n'est pas la contraction musculaire <|ui produit directement les bruits du cœur. Cette con- traction produit un mouvement rapide du sang; et c'est ce mouvement du liquide qui produit les bruits en ques- tion, à cause de son frottement contre tous les obstacles qui s'opposent à sa libre expansion dans tous les sens, pour lui faire suivre une direction déterminée, à travers des cavités inégalement calibrées. Ajoutons à cela le choc des globules entre eux, car ils sont animés de mou- vements très variables en passant d'une partie dilatée à un orifice étroit, et même de mouvements en sens inverse, au niveau des valvules semi-lunaires. D' Bougon. La Grrassette La Grassetle ou Pinguicula vulgaris, quoique appartenant au groupe des plantes dites carnivoi-es, ne présente pas extérieurement ces caractères singuliers qui attirent de suite l'attention sur la Dionée et sur le Drosera. Comme cesderniers, elle appartientàla famille des Lentibulariées. On la reconnaîtra facilement au signalement suivant : corolle plus longue que large, violette, à lèvre supérieure, formée de deux lobes oblongs, arrondis au sommet, con- tigus par leur bord interne, à lèvre inférieure constituée également par deux lobes allongés, écartés l'un de l'autre, à éperon linéaire, obtus, égalant moitié de la longueur de la corolle ; pédoncules floraux au nombre de !-'»•, glanduleux au sommet; feuilles disposées en rosette ra- dicale, entières, charnues, glabres, recouvertes d'un en- duit visqueux et gluant. La Grassetle commune se ren- contre dans les lieux humides et tourbeux de toute la France, principalement dans la région montagneuse oi'i elle abonde. Le genre Pinguicula ne se borne pas à cette seule espèce. Dans l'ouest et le centre de la France, la Nor- mandie, la Bretagne, la Sologne, existe une autre plante de taille plus petite en toutes ses parties, à Heurs jaunes avec le tube rayé de pourpre, ne dépassant guère 6 à 7 millimètres de longueur, ù pédoncules capillaires, à feuilles luisantes et vert-jaunàtre. C'est le Pinguicula lusilanica. Sur les hautes cimes du Jura, dans les rochers humides des Alpes, des Pyrénées, on rencontre le Pinguicula aipina: dans les mêmes régions ainsi qu'au Mont-Dore, au Plomb du Cantal, c'est le Pinguicula grandiftora qui apparaît. Le premier se distingue à ses fleurs blanches marquées à la gorge de deux taches jaunes, à son éperon très court, aussi large que long, le second à ses fleurs violettes ou roses dont l'éperon dépasse plus d'un cen- timètre. Les montagnes de Corse sont l'huliitat d'une espèce spéciale, le Pinguicula corsica, à fleurs blanchâtres, jaunes ou roses, à éperon égalant environ le tiers de la corolle. Les feuilles sont à peu près les mêmes dans toutes ces plantes, dont quelques-unes sont assez, voisines pour qu'on les ait considérées comme les formes d'une même espèce. Quant au nom de Grassette, la consistance char- nue et grasse de la feuille indique assez la raison qui l'a fait donner. Examinons ces feuilles de plus près : les plus âgées sont plates ou convexes, et reposent sur le sol; quant aux jeunes qui sont au centre de la plante, elles sont verticales et très concaves. Les bords sont recour- bés. La surface supérieure est couverte de poils glandu- laires de deux sortes, différents entre eux parla longueur des pédicelles et le volume des glandes. Les plus grosses glandes paraissent rondes, sont formées de 16 cellules disposées en rayonnant et contiennent un liquide vert clair. Les autres sont moitié plus petites, renfermant un liquide plus clairet moins longuementpédonculés. Quelle que soit la dimension des glandes, le liquide qu'elles secrè- ment est tellement visqueux qu'il peut être facilement étiré. Quant au bord de la feuille, il ne porte pas de glandes et, de plus, il est transparent. Darwin a été amené à étudier le Pinguicula sur l'ob- servation qui lui avait été communiquée, qu'on rencontrait fréquemment des insectes adhérents aux feuilles. Sur 39 feuilles provenantdu pays de Galles, 32 avaient cap- turé 142 insectes, ainsi que de petites feuilles d'autres vé- gétaux, entre autres de ÏErica tetralix, des hmls de Carex, de joncs, des fragments de mousses. D'autres feuilles portaient également des insectes ; l'une d'entre elles n'en avait pas accaparé moins de 30. L'époque favorable parait être le mois de juillet; au commencement de l'automne les captures sont moins nombreuses. En général, ce sont les diptères qui dominent; on trouve, quelquefois, de petites hyménoptères et, de plus, des fourmis, des arai- gnées, de petits papillons. Quels sont les phénomènes provoqués par cette capture de petits animaux'? Il ressort des observations de Darwin que les matières azotées provoquent chez la grassette une augmentation de sécrétion acide qui jouit de la facilité de digérer les substances animales. En outre, ces dernières sont absorbées par les glandes. Il v a donc digestion et absorption. 224 LE NATURALISTE Mais comment fonctionnent les feuilles'? D'abord, il faut remarquer que les vieilles feuilles fonctionnent mal et ne peuvent pas servir pour l'expérimentation, car elles sont habituellement profondément recourbées, et ne sont capables de se mouvoir que lentement et difQcilement. Si, au contraire, on choisit une jeune feuille et qu'on place sur un de ses bords une rangée de mouches, on constate, au bout de quinze heures environ, que ce bord est recourlié, de façon à recouvrir les mouches en partie, tandis que l'autre bord n'a pas bougé. Toutes les glandes en contact avec les bestioles avaient abondamment sé- crété. Dans une autre expérience faite avec une feuille plus vieille, la sécrétion avait été tellement considérable que la partie repliée de la feuille en était littéralement remplie. En ])laçant un fragment de mouche sur le milieu d'une feuille, un peu au-dessus même, on amène les bords à se recourber énergiquement en embrassant le fragment par les deux bouts. On provoque également le recourbement desbords en se servant de petits morceaux de viande rôtie; de même avec des cubes d'épongé imbibés d'une forte infusion de viande crue, avec des graines de choux qui cèdent des matières solubles aux glandes. Dans toutes ces conditions, l'infexion des feuilles vers l'objet déposé à leur surface a lieu avec plus ou moins d'énergie, mais au bout d'un temps également plus ou moins long, le redressement des bords a toujours lieu. Des fragments de verre n'excitent tout au plus qu'une augmentation passagère de la sécrétion. L'inflexion a lieu, mais dans de faibles proportions, quand on dépose aux bords des feuilles des gouttes d'infusion de viande ; elle ne se manifeste pas, mais alors il y a une sécrétion des plus abondantes, avec des gouttelettes d'une solution de carbonate d'ammoniaque. La titillation avec une ai- guille émoussée et avec l'extrémité d'une soie de porc, au-dessous d'une goutte d'infusion de viande, ne produit rien de spécial. Le même résultat est obtenu avec des gouttes d'eau, de solution de sucre ou de gomme. Il semble résulter de ces faits que le mouvement des feuilles peut être provoqué par deux causes : une poussée légère et continue, ainsi que l'absorption de matières azotées. Dans tous les cas, les bords seuls s'infléchissent, le sommet ne s'inclinant jamais et les pédicelles des glandes n'opérant aucun mouvement. L'action ne com- mence à se manifester qu'au bout de 2 heures 17 minutes. L'inflexion dure habituellement peu de temps; le redres- sement se fait, dans la plupart des cas, au bout de 24 heures. Quand une feuille s'est infléchie, puis re- dressée, elle ne se soumet plus de longtemps à de nou- velles excitations. Quel service l'inflexion peut-elle rendre à la plante? C'est d'abord de presser les objets contre les glandes et de favoriser la sécrétion. Mais le service le plus impor- tant qu'elle parait rendre est le suivant : quand une substance quelconque, vivante ou non, et placée sur la feuille, ne peut pas être enveloppée complètement par les bords recourbés,il s'établit sous l'influence de l'inflexion une poussée très lente, il est vrai, mais réelle et mani- feste, qui l'amène vers le centre de la feuille. L'objet est ainsi placé en contact avec un bien plus grand nombre de glandes et, par suite, la sécrétion est plus abondam- ment provoquée. Darwin a pu dire pour résumer : « Les services rendus à la plante par cette poussée, aussi bien que celui rendu par le contact, quelque court qu'il soit, des glandes marginales avec la surface supérieure des petits insectes capturés, suffisent peut-être à expliquer le mouvement particulier des feuilles du Pinguicula; autre- ment il faut regarder ces mouvements comme le reste de facultés plus développées que possédaient autrefois les ancêtres du genre. » Ce mouvement des feuilles peut se manifester encore dans d'autres circonstances. Ainsi, lorsqu'on arrache une plante, les feuilles s'inclinent de manière à recouvrir les racines, probablement en raison de cette tendance qui fait que les feuilles extérieures âgées se couchent sur le sol. De plus, il paraîtrait que les tiges florales sont irritables et s'inclinent en arrière quand on les saisit. Comme effet final de l'absorption, on constate que les glandes, d'abord limpidesetverdâtres, deviennent bleuâtres et se remplissent de matières granuleuses qui se com- posent de protoplasma. La digestion et l'absorption se font aussi en présence du pollen, de feuilles de plantes; de sorte qu'on peut dire avec justesse que la Grassette est à la fois Carnivore et herbivore. Comme le Pinguicula vulgaris, se comportent, d'après les expériences et les observations de Darviin, les Pinguicula Imilanica et grandiflora. Dans la première de ces espèces, l'inflexion pro- voquée par les corps organiques est beaucoup plus marquée et dure plus longtemps ; les glandes sécréte- raient également davantage sous l'action de substances ne contenant pas de matières azotées solubles. Morren s'est aussi occupé des propriétés insecticides des Pinguicula. Les Pinguicula alpina et longifolia ont fait l'objet de ses recherches. Il est arrivé à une expli- cation toute différente de celle de Darwin. Ce serait, d'après lui, les bactériacées qui seraient la cause de la prétendue digestion des insectes et des matières azotées, en provoquant la fermentation et la putréfaction. Il est j)robable que Morren a raison et que la séduisante théorie de Darwin ne sera jamais qu'une vue de l'esprit, bien faite, il est vrai, pour captiver et pour plaire. P. Hariot. LES OISEAUX AU POINT DE VUE INDUSTRIEL Au Maroc, les oiseaux sont préparés par quelques rares naturalistes européens fixés sur le littoral; dans l'inté- rieur on ne chasse ])as l'oiseau, quel qu'il soit. L'Afrique occidentale, deimis le Maroc jusqu'au Séné- gal, ne contribue pas aux productions ornithologiques. L'autruche, autrefois assez commune dans le Sahara occidental, y est devenue fort rare. Les plumes d'autruche autrefois expédiées de Mogador à Londres jjrovenaient du Soudan occidental et de la Sénégambie. Celles qui viennent par Tripoli, mélangées avec celles de toute provenance, ont aussi cette origine en par- tie, leur désignation spécifique générale est : plumes d'autruches de Barbarie, saiivages, privées. Au Soudan français, dans tout le Macina. les Songhois qui y habitent possèdent de grands troupeaux de bœufs et élèvent des autruches qui fournissent au commerce nombre de plumes généralement défectueuses désignées « plumes d'autruches de Barbarie privées ». Dans la Douwentza on élève les autruches comme les poules dans d'autres jiays, chaque chef de case et chaque famille en possèdent dont ils tirent profit. L'industrie de l'élevage des au- LE NATURALISTE 225 t ruches dans les pays Haoussas, favorables à cette iiiilustrie, est pratiquée d'une façon iirimitive, on général les produits sont défectueux, mais la qualité du duvet ferme et nourri est bien supérieure aux productions des espèces Somalie et australe. Une faune particulière à son airo d'expansion depuis le fleuve Sénégal jusqu'à l'Afrique équatoriale, quelques espèces équatoriales font leurs migrations de la mer Uouge à l'Atlantique. Cette faune diffère de celle plus septentrionale et saharienne par des couleurs plus vives et plus brillantes; pour cette raison elle est plus décimée. Les productions ornithologiques de l'Afrique centrale se bornent aux dépouilles d'autruches encore assez nom- breuses dans la région des steppes du Baghirmi autour du lac Tchad; l'e.vportation des plumes est pratiquée comme dans l'antiquité par caravanes allant à Tripoli et à Ben- ghazi ou à Souakim (1). Avant la conquête d'Alger, cette ville était l'entrepôt des jilurnes d'autruches du Soudan central et occidental, Le Caire celui du Soudan oriental. L'interdiction du commerce d'esclaves en Algérie déplaça le commerce des plumes d'autruches. Tunis devint l'entrepôt, Livourne fut le marché qui à son tour émigra à Tripoli. Le déplacement de ce commerce qui, avec l'ivoire, prend la voie du Niger et de l'Atlantique, est un fait accompli en grande partie. La récente prise de pos- session de Tombùuctou nous fait espérer que le com- merce des plumes, autrefois monopolisé à Tombouctou, se reconstituera à l'ombre de notre drapeau et que, à l'exemple du Cap, l'industrie de l'élevage en domesticité deviendra la grande ressource du Soudan français !... Sans conteste, l'autruche pourrait devenir notre auxi- liaire le plus important pour le développement de notre influence civilisatrice et la prospérité de nos sujets sou- danais. En 1896, le ministère des Colonies a donné satisfac- tion aux vœux du commerce parisien, en décidant à Gombou, cercle de Nioro, Soudan français, la création du haras de repeuplement d'autruches du Soudan fran- çais. Tous nos souhaits de réussite s'adressent à cette intéressante tentative. L'Afrique équatoriale fournit au commerce une grande quantité de petits passereaux vivants, de perru- ches et de perroquets jackos, ornement des volières européennes. Les oiseaux de parure très nombreux paient un grand' tribut au Moloch « la mode » : les petits coucous bronzés, dont une variété, le foliotocole surpasse en beauté les plus belles productions de l'Ancien et du Nouveau Monde; les merles métalliques, les sucriers, les martins-pécheurs, les rolliers, les touracos, les hérons, les aigrettes, les pélicans, etc., etc. ; l'Afrique équatoriale fournit aussi les i)lumes sous-caudales blanches du Marabout. L'Africjue équatoriale est exploitée par les Anglais de l'Afrique australe, les Allemands des Cameroons et du Zanguebar, les Belges du Congo, les Français du Gabon, de la Guinée, les Portugais dans leurs possessions d'An- gola. Ce sont surtout les touracos, les merles métal- liques, les coucous, les sucriers, les guêpiers, les ai- grettes, etc., qui sont fournis par cette immense contrée. (1) Les Anglais viennent de trouver un nouveau moyen de se procurer des ressources pour la campagne du Soudan. Ils viennent de décréter que le trafic de l'ivoire, des plumes d'au- truche, de la gomme, de la poudre cl du salpêtre constitue un monopole au profit du ministère de la guerre, dans toute ta région située au sud de Wady-Halfa. La contriliution de Mailagascar, qui a. \iuc faune orni- thcjlogique si remarquable, est encore de nos jours de minime importance. Lorsque notre domination sera l)lus ]>répondérante dans l'immense île africaine, les chasseurs industriels trouveront une large rémunération pour leurs peines. La partie occidentale de l'ile serait particulièrement favorable à l'élevage de l'Autruche. Des plaines immenses se trouvent dans cette région, d'ail- leurs l'élevage du bœuf s'y pratique avec succès. Les la- gunes et marécages qui forment une ceinture à l'île con- viendraient à l'élevage des Aigrettes, encore très abon- dantes. L'Afrique orientale fournit peu ou pas d'oiseaux pour la parure, c'est des pays somalis que viennent les plumes d'autruche dénommées Yamaniet plus impropre- ment « Sénégal » ; cette sorte de qualité inférieure est fournie par une variété d'autruches nègres {struthio molyb- dophancs) de taille gigantesque, qui parfaitement do- mestiquées vivent complètement libres avec leurs sau- vages projjriétaires, les Somalis et les Gallas qui les plument régulièrement d'une façon barbare. Chez les Gallas, on décore le meurtrier : celui qui a tué porte dans les cheveux une plume d'Autruche, blanche si le sang est récent, noire s'il est plus ancien (1). J'ai cité l'exemple de la plume portée au chapeau comme amulette au Tyrol, en Styrie, ici elle a une signification qui parait résulter d'une convention sociale : la décora- tion est née. L'emploi de la plume d'autruche dans la coiffure humaine remonte à la plus haute antiquité ; comme garniture de vêtement il est fort ancien. Nous trouvons une description très explicite dans le Roman du petit Jehan de Saintré qui vivait à la cour du duc de Bour- gogne sous le règne de Charles 'VU vers 1423. La dési- gnation de la façon des plumes et de leurs coloris dénote des procédés de fabrication très perfectionnés. On ne ferait pas mieux aujourd'hui. On sait que les nègres de l'Afrique orientale prati- quent l'incubation artificielle des œufs d'autruche, qu'ils enfouissent dans un tas de paille de dourah sorgho; il est singulier de retrouver en Australie ce mode d'incu- bation des Gallinacés spéciaux à ce pays. La région des grands lacs africains dont la richesse ornithologique est bien connue, contribue peu dans l'in- dustrie, la difficulté des préparations est cause de la pénurie des dépouilles d'oiseaux du commerce. Ces régions sont la patrie des baheniceps fort rares dans les collections et dont la recherche d'ailleurs dans ce but est fort active. Au cap de Bonne-Espérance et dans l'.Vfrique australe, l'Européen ne pratique pas la chasse des petits oiseaux; tout au plus, au moment des récoltes, les poursnivra-t-on, mais sans se servir d'armes à feu. Les services rendus à l'agriculture par la destruction des insectes nuisibles innombrables, font tolérer les légers dégâts qu'ils peuvent faire. Les nègres de l'Afrique australe, peu difficiles, consommant les aliments les plus hétéroclites, dédaignent la chasse des petits oiseaux, à l'exception de certaines espèces recherchées par la mode, soit les merles métalliques, évêques, coucous bronzés, sucriers, tou- racos, aigrettes, etc. et quelques espèces d'oiseaux de volière envoyées en Europe ; ils donnent ainsi un bel exemple à suivre aux Nemrods européens qui habitent (1) AuBRY. Comptes-Rendus S. d. g. Paris 1886, n'Il.p.SSl. 220 LE NATURALISTE toutes les parties de l'Afrique. Généralement, tout oiseau insectivore est protégé et respecté par des lois ou par l'usage. Dans quelques régions, des croyances supers- titieuses protègent l'engoulevent, les hirondelles et les veuves. Puisse cette leçon donnée par des nègres servir d'exemple à nombre de blancs grands destructeurs d'oi- seaux. Jusque dans ces dernières années, la grue de Paradis -{Tetrapterix paradisea) un des plus beaux et des plus utiles oiseaux de l'Afrique australe, était sacrifiée dans un but somptuaire assez particulier. Les guerriers Maté- bélés portaient comme coifl'ure de guerre les longues plumes d'ailes du tetrapterix. Pour faire cesser la des- truction de cet utile oiseau, leur roi si prestement sup- primé par les Anglais de la Rhodesia, offrit en échange d'une plume d'apterix une belle plume blanche d'au- truche ; le changement de modes en résultant fut désas- treux pour les autruches, dont un grand nombre payèrent de la vie cette nouvelle fashion. Aujourd'hui beaucoup de tribus africaines reconnaissent les avantages de la domestication de l'autruche qu'ils pratiquent, et laissent en paix les rares survivants; également, ils apprécient l'utilité des oiseaux des marais, leur qualité d'insecti- vores les protège, on n'en détruit pas. La production des plumes d'autruches au Cap. très considérable aujourd'hui, remplace celle des autres oi- seaux, au grand profit des colons et de l'agriculture. On évalue le stock d'oiseaux vivant à ce jour au nombre fantastique de plus de 500.000 autruches. La production des plumes atteint environ 800.000 kilog. par année, du prix approximatif de lOOfrancsparkilogramme : ce qui enrichit annuellement la colonie d'au moins cin- quante millions de francs, valeur marchande bien supé- rieure en Europe. Quand aurons-nous la satisfaction patriotique de cons- tater une industrie rivale en Algérie, au Soudan, à Mada- gascar, dans les régions favorables de l'Afrique française':* Jules FOREST aine. DESCRIPTIONS DE QUELQUES LUCANUS NOUVEAUX Luc.A.NL'S BoiLEAVi-Louis Plauet (Nova species) Description de la femelle. Femelle. Ressemble beaucoup à la femelle du L. Dybowskyi-Parry ; mais, à taille égale, a les mandi- bules plus robustes et la tète plus large et plus fortement en même temps que plus régulièrement granuleuse. Corselet moins convexe, plus fortement déprimé sur les côtés, à contours un peu moins arrondis. Elytres un peu plus rétrécies à leur extrémité. Pour le reste, la structure est sensiblement la même. Coloration. Mandibules, tète et corselet noirs; élytres d'un brun rougeàtre très foncé, presque noir et luisant, prenant un aspect submétallique chez le plus petit des deux exem- plaires figurés ici. Corselet lisse et très luisant sur son disque, finement granuleux sur les côtés. Si on l'examine à la loupe, on constate que le disque est très finement ponctué et que cette ponctuation se serre et s'élargit depuis le milieu jusque vers les côtés qui finissent par être légèrement subrugueux. Examinées de la même façon, les élytres présentent, en même temps que des points espacés d'une extrême finesse, quelques stries longitudinales, et de nombreuses rides transversales, les unes et les autres également très fines. Dessous noir et ponctué, recouvert de poils couchés, de couleur rousse, plus longs sur la poitrine que sur l'abdomen. Ce revêtement doit être variable selon les localités ou peut-être même les individus, car chez l'exemplaire de la collection du ^Muséum de Paris (fig. 2), qui est pourtant d'une très grande fraîcheur, il n'est visible que de profil. Cuisses et pattes antérieures entièrement noires. Cuisses médianes et postérieures ayant leur pourtour seul entièrement noir, leur milieu étant en dessus et en dessous d'un beau jaune im peu plus foncé que chez le mâle. Tarses noirs aux trois paires de pattes. Chez le plus grand des deux exemplaires figurés ici, la bordure noire de la tranche supérieure des cuisses de la dernière paire est réduite à un fin liséré qui va en s'aniincissant depuis la base jusque vers l'extrémité où il s'interrompt presque entièrement, n'étant remplacé que par une légère ombre linéaire de teinte brunâtre. Fémurs très granuleux aux trois paires de pattes. Je connais deux femelles de cette espèce dont la struc- ture est tant soit peu dilVérente, comme l'indique nette- ment le dessin, qui sont, l'une et l'autre, figurées ici (voir fig. 1 et 2). La plus grosse, qui appartient à M. R. Oberthûr, 1 2 Fig. 1 et 2. — Lucanus Boileavi 2 Louis Planet. (Nova species) Fig. 1. Exemp. de la collect. R. Oberthiir.— Fig 2. Spécimen du Muséum de Paris. accompagnait le plus petit des deux màlcs figurés précé- demment (I) ; elle est notée de Siaô-Lou (1893). La plus petite fait partie de la Collection du Muséum de Paris, où sa provenance n'est pas indiquée; mais comme elle y était èpinglèe, sous le nom de L. Dybows- kyi, à côté du grand mâle (également mal dénommé L. Dybowskyi), il est probable qu'elle vient de Mou-Pin, de même que ce dernier insecte. (Il 'Voir Xahiralisle du t" septembre 1897. LE NATURALISTE 227 PSEUDOLUCANUS Groulti — Louis Planet. {Xova species) (Inde). Ce Pseudo-lucane s'écarte assez sensiblement, ù pre- mière vue, des autres espèces connues du genre, mais à l'examiner avec soin, on remarque qu'il se rapproche des Pseudo lucanes asiatiques: Pseudol. atratusliope el Pseu- dol.Oberthiiifi — Louis Planet : l°par son système anten- naire très voisin de celui de cette dernière espèce; 2° par la forme parallèle et convexe des élytres du mâle et, enfin, 3» par l'ensemble de la structure de sa femelle qui rappelle à un très haut point celle des femelles des deux espèces dont il s'agit. MALE Coloration Mandibules, pièces de la bouche, antennes, tète et thorax en entier d'un rouge brunâtre très foncé, presque noirâtre. Ecusson et élytres de même couleur, mais bien plus clairs. Tète et mandibules fortement granuleuses. Cor- selet également granuleux, mais sa granulation est for- mée par des points enfoncés plus petits et plus régu- liers. Elytres très luisantes, apparemment lisses, mais cri- blées, quand on les regarde à la loupe, de points très fins, serrés et réguliers. La bande suturale est saillante et un peu renflée en son milieu. Dessous du corps ponctué, ayant la même coloration que la tête et le corselet. Cuisses aux trois paires de pattes d'un brun rouge franc et vif en leur milieu, cerclées de noir sur tout leur pourtour. La bordure noire est notablement plus large à leur partie inférieure qu'à leur partie supérieure. Pattes du même rouge et cerclées également de noir, mais leur coloration rouge, qui est nettement la même que celle des cuisses à leur face inférieure, est sensible- ment plus foncée à leur face supérieure. Tarses d'un rougeâtre obscur à toutes les paires de pattes. Structure. Mandibules nettement en arc de cercle ; elles sont plates, étroites, très visiblement taillées en biseau allongé à leur extrémité. Chez l'exemplaire figuré ici, (voir fig. 3), le seul que je connaisse, la dent médiane est courte et proportionnellement assez large. Elle est non pas pointue, mais coupée en biais sur la mandibule gauche et brièvement bifide sur la mandibule droite. Tête étroite, carrée, à carènes latérales tranchantes et très minces, mais visibles: carène antérieure nulle; épis- tome pour ainsi dire nul. Labre à côtés parallèles, à bord antérieur droit, mais présentant en son milieu un court et étroit prolongement triangulaire situé exacte- ment sur le même plan. Canthus oculaires grêles, très légèrement saillants. Antennes très voisines comme structure de celles du Pseudol. 06c»7/i«i-i-mihi — ; scape assez grêle; articles 2 et 3 de la tige subégaux, un peu plus longs et plus larges que le premier, article 4 de même longueur que le premier, mais plus large; article o présentant un prolongement très court et très grêle, presque filiforme: massue anten- naire proprement dite composée de quatre feuillets courts, dont le premier très grêle. Prothorax très étroitement rebordé, très convexe. présentant en outre deux ou trois dépressions plus ou moins visibles selon le jour sous lequel on e.xamine l'insecte. Elytres très parallèles, assez fortement con- vexes et bien arrondies à leur extrémité. Pattes anté- rieures présentant plusieurs épines aiguës et tran- chantes. Dessous : Côté de la tête et prothorax ponctués, men- ton à ponctuation plus fine saillie ; sternale presque nulle, ne dépassant pas les hanches. Poitrine couverte d'assez longs poils couchés. Épipleures noirs finementridés trans- versalement. Abdomen ridé, très finement ponctué. Le dernier arceau porte en son milieu une très étroite ligne d'une courte pubescence serrée aboutissant à une fine et étroite touffe de poils. FEMELLE Coloi-ation. Même coloration générale que le mâle, mais mandi- bules, tête et corselet plus franchement noirs. Élytres un peu plus foncées que chez le mâle. Pattes en entier d'un brun noirâtre foncé, ne présentant pas en leur Fig. 3 et 4. — Pseudolucanus Groulti c' et i Louis Planet, milieu la coloration d'un rouge brunâtre qui se remarque chez l'autre sexe. Antennes, pièces de la bouche et tarses du même brun noirâtre obscur. Structure. Structure très voisine de celle des femelles des Pseu- dolucanus atratus et Oberthûri. Mandibules longues, ro- bustes, très déprimées à leur face supérieure, à bord externe nettement courbé en arc de cercle; elles sont larges à la base, et creusées en gouttière depuis leur naissance jusqu'à leur extrémité, qui est très plate et tranchante à son bord interne et se termine en peinte excessivement aiguë. Partie interne de la mandibule déclive. Tête petite, étroite, grossement ponctuée, ayant le bord frontal un peu saillant. Antennes comme chez le mâle, mais beaucoup plus courtes. Thorax large, court, médiocrement convexe, à contours très arrondis; toute sa surface est visiblement couverte d'une fine ponctua- tion qui se serre et s'accentue très sensiblement sur les côtés où elle devient subrugueuse. Malgré cette ponc- tuation le dique proprement dit, c'est-à-dire la majeure partie du prothorax, présente un aspect assez luisant. Élytres larges, très parallèles, ponctuées sur toute leur surface et présentant, en outre de cette ponctuation, quelques fines lignes longitudinales et de fines strioles transversales inclinées de trois quarts et très visibles à 228 LE NATURALISTE l'œil nu. Pattes très rugueuses, voisines comme forme de celles des Pseudol. atratu» et Obcrthiiri. Dessous comme chez le mâle, moins la touffe de poils du dernier arceau abdominal. Saillie sternale un peu pltis carénique et saillante. Dessous des cuisses assez fortement ponctué, surtout à sa moitié inférieure. De même que chez les deux Pseudolucanes asiatiques rappelés ci-dessus, le dessous du Pseudolucanus Groulti donne un peu l'impression de l'abdomen d'une femelle de Prionus coriarius. Je ne connais de cette espèce que les deux exemplaires figurés ici. Ces deux insectes qui sont originaires de l'Inde, sans indication quelconque de localité, ni même de région, provenaient de la collection Mniszech où, ils étaient faussement annotés, le mâle sous le nom de L. villosus et la femelle sous le nom de L. Wester- manni. Cette dernière dénomination ne doit pas surprendre outre mesure, car il est certain qu'à première vue cette femelle, par sa couleur et sa forme générale, rappelle à un assez haut point la femelle du Luc. Westermanni. Je dédie cette intéressante espèce à JL Paul Groult en remerciement du bienveillant accueil qu'il a ménagé dans le Naturaliste à cet essai monographique. Louis Planet. Les râlantes DANS L'ANTIQUITÉ : LÉGENDES, POÉSIE, HISTOIRE, ETC , ETC- <.:hou. — Pompeius Festus, qui vivait entre le IF et le IV' siècle, donne ainsi l'origine du mot latin brassica tphou) dans son ouvrage Sur la signification des mots, réduction de celui de Verrius Flaccus, précepteur des enfants d'Auguste : « Brassica a prxsecando est dicta » — « Brassica vient du verbe prœsccarc » (couper par le bout). Or les Grecs avaient déjà ppadffixn, pour désigner le chou ; ce mot, quoique peu usité, est donc plutôt l'éty- mologie, ou mieux l'origine de brassica, qui n'est plus qu'une traduction lettre à lettre, une latinisation. Le mot ordinaire grec était xpâtjiSïi, comme jadis (voyez plus loin ce que "dit Athénée), il avait été payâvoç. L'éty- mologie de ce mot xpâjig-/] est singulièrement tirée aux cheveux : le chou, ainsi qu'on le verra tout à l'heure, passait pour être nuisible à la vue, et cela tient, sans doute, d'après le sentiment du savant Sichel, à cette même étymologie absurde qui (de même qu'alfana vient à'equus) fait dériver xpâjjiêTi de xôpr,. pupille, vue, et d'àti- é'/Ovw, j'obscurcis. C'est, du reste, ce que dit Suidas dans son Lexique, au mot dont il s'agit : Kpoi[igïi • xopâpig^ri tiç o5] à|jL6Wvou<7a tô Stopatixév, xtX. — « Crambe, dit aussi corambte, parce qu'il obscurcit les yeux de celui qui voit, etc. (tome H, p. 390). Le scholiaste d'Aristophane dit, lui aussi, que les Attiques écrivaient xopàiiëX-;) : Ilapà 5s Tolç 'Attixoîç xopc<(J.ê),r,, Sià t'o tàc xôpac pXànreiv. — « Chez les Attiques on dit que le chou obscurcit les yeux. » Ce mot passa même chez les Laiins, car Columelle dit, au X' livre de son De re rusticd (vers 178) : Nunc veniat, quamyis oculis inimica, corambte. « Et maintenant, quoiiju'il soit l'ennemi des yeux, que le chou vienne. » D'un autre côté, c'est peut-être aussi le préjugé qui a donné naissance à l'étymologie. Macer Floridus {De viribus herbarum) consacre au chou un chapitre de 63 hexamètres, dans lequel il reproduit tout ce qui a été dit avant lui sur ce légume : Caulis romana, Gr:eoorum brassica lingua Dicitur ; hic quamvis passim nascitur in hortis. Est tamen illius ad multa salutifer usus, etc. « Le chou romain s'appelle en grec brassica. Quoique ce soit dans nos jardins une plante commune, elle a néanmoins un grand nombre de vertus salutaires ; etc. » Nous verrons plus loin que les anciens Ioniens avaient pour cette plante une si grande vénération, qu'ils ju- raient par son nom. Une légende grecque disait que le chou était né des larmes de Lycurgue, prince de la Thrace, que Bacchus avait attaché à un cep pour le punir d'avoir détruit les vignes du pays : cela expliquait simplement que la vigne dépérit si l'on y entremêle des choux, ainsi que l'attestent tous les agronomes de l'anti- quité, et Cicéron lui-même (voir plus loin). Mais Lu- cien donne au chou une autre origine, plus illustre encore: il le fait naître de la sueur de Jupiter. Derniè- rement, à l'Académie des Sciences, un savant nous entretenait de la nocuité de la sueur humaine sur divers animaux : celle des dieux nous est plus favorable, parait-il. Aristote (Problèmes, section III, § 17) pose et résout la question suivante : « Pourquoi le chou apaise-t-il les effets de l'ivresse? — N'est-ce pas parce qu'il a un suc doux et détergent ; ce qui fait que les médecins l'emploient en clystères jiour relâcher le ventre '? Par lui-même, le chou est froid; et ce qui le ]irouve, c'estque, dans les violents dé- rangements d'entrailles, les médecins le recommandent, en le faisant bien cuire, en lui ôtant les parties ligneuses et en l'administrant à froid. Lorsqu'on est ivre, le suc de chou, pénétrant dans le ventre, en détache toutes les parties du vin qui s'y trouvent imparfaitement digérées et mal cuites, et, restant lui-même dans le ventre supé- rieur, il refroidit le corps. Le corps se refroidissant, tous les liquides légers se rendent dans la vessie, etc., etc. Hippocrate (V. la traduction de Littré, tome VI, pages 267 et 563) emploie souvent le chou dans ses pres- criptions médicales, mais il ne parle pas de son action contre l'ivresse. Quant à Pline (Livre XX, chap. xxxiii), il s'étend fort longuement sur les propriétés de cette plante : « Il serait trop long, dit-il, d'énumérer les mérites du chou ; le mé- decin Chrysippe lui a consacré un volume tout entier, divisé selon les différentes parties du corps ; Dieuchèsen- a fait autant; mais Pythagore, avant tous, et Caton n'ont pas moins céléliré cette plante. » Suit une interminable nomenclature des cas où cette panacée universelle agit avec une infaillible efBcacité. Caton l'ancien, dans son Traité d'agriculture (De re rustica, cap. clvi et clvii), énumère une longue variété de médicaments tirés du chou (medicamenta brassicai). Columelle (De re rustica) consacre également au chou de nombreux articles de son traité : Livre XI, chap. m : « Quand le chou a six feuilles, on doit le transplanter, en observant toutefois d'enduire d'abord la racine de fumier liquide, puis de l'entourer de trois petites bandes d'algue: cette pratique rend ce LE NATURALISTE 229 légume plus tendre à la cuisson, et lui conserve sa cou- leur verte sans le secours du nitre. » — ■ (Voyez, plus loin, ce que dit Martial). Livre VI, ch. vi : Des remùdcs à administrer à un bœuf souffrant d'indigestion. — Les syni])tijni('s de l'indigestion sont des éructations fréquentes, des borborygmes, le dé- goût pour les aliments, la tension des nerfs, le trouble de la vue. Il en résulte que le bœuf ne rumine plus et cesse do se lécher. Pour remède, on lui donne deux congés d'eau chaude, et, aussitôt après, trente feuilles de chou médiocrement cuites etassaisonnées de vinaigre. Le malade devra, un jour entier, être privé de toute autre nourriture. Au livré X, vers 127 et suivants : Tum quoque conseritur, toto qufe plurima terrje Orbe virens paritor plebi, regique superbo, Frigoribus caules, et veri cymata mittit... « Alors on sème aussi les choux, qui, abondants sur toute la surface du globe, n'y verdissent pas moins pour le monarque superbe que pour le plébéien, donnant leurs tiges eu hiver et leurs tendrons au printemps... » Palladius aussi parle du chou dans divers passages de son Dere rustica : il dit notamment (lib. I, cap. vi) que, « suivant les Grecs, un terrain peut de trois en trois ans tout recevoir, excepté des choux; et (lib. III, c. xxiv) que « la graine du chou, quand elle devient vieille, pro- duit des raves. » Athénée est précieux à consulter. Dans son Banquet des savants, livre I, chap. xv, in fine, il dit: « Les Egyptiens ont toujours aimé le vin : ce qui le prouve, c'est qu'il n'y a que chez eux où ce soit comme une loi de manger, avant tout autre aliment, des choux bouillis ; or, la même coutume s'observe encore actuel- lement chez eux : c'est d'après cet usage que bien des gens commencent par avaler de la graine de chou pour se garantir de l'ivresse. » Qui dit Egyptien ancien dit Israélite, car la vie de ces deux peuples fut intimement liée ; or, le chou ne se rencontre pas une seule fois dans la Bible ; et pourtant les Hébreux aimaient le vin, et possédaient des vignobles extrêmement estimés. Athénée continue : « On a aussi remarqué que le vin des vignobles où l'on plante des choux est moins liquo- reux. C'était aussi pour se garantir de l'ivresse que les Sybarites mangeaient des choux avant de boire, selon Timée. i< Alexis a dit: — Tu bus bien, hier ; aujourd'hui tu as la tête lourde ; va faire un somme, cela te reposera; et qu'on te donne ensuite un chou bouilli. » « Eubule a dit quelque part : — Femme, sers-moi un chou ('paîdivo;); il me semble que tu me feras ainsi passer mon mal de tête. » « Apollodore de Cariste nous fait voir que les anciens appelaient le chou rhaphanos : — Je sais que nous appe- lons 'payivo; ce que VOUS autres, étrangers, vous appelez xpâ|iP7) ; mais, dites-moi, qu'est-ce que cela fait à nos femmes ? » « Alexandride a dit : « Si vous vous baignez mainte- nant et mangez beaucoup de chou, vous ferez cesser cette pesanteur de tête, et vous dissiperez ce nuage qui vous offusque » Théophrasle (Histoire des plantes, livre VIII) parleaussi de cette vertu du chou ; il déclare également que l'odeur ^eule de ce crucifère fait périr la vigne dés qu'elle com- mence à pousser. C'est ce que dit Cicéron {De naturâ Deo- n(m, lib. II, cap. xlvii) : quinetiam a caulibus, si pi-opter sati sint, ut a pestiferis et nocenlibiis refvi/ere dicuntur, nec eos tdla ex parte contingere. — « On dit même - qu'elle {la vigne] s'éloigne des choux qu'on plant(^ dans son voisinage, comme d'une chose pernicieuse et nui- sible, et qu'elle ne les touche d'aucun cùté. Dans son livre IX, chap. il. Athénée dit encore: « Eudème d'Athènes a écrit, dans son Traité des her- bages, qu'il y a trois sortes do choux, etc., etc. Néandre en parle ainsi dans ses Géorgiqucs : — « On rencontre quelquefois dans les campagnes le chou à feuilles lisses. Si on le sème dans les planches du jardin, il se pare d'un feuillage épais. Il y a aussi le chou frisé, qui prend la forme d'un thyrse, et devient par son feuillage une espèce do buisson. Il en est une autre espèce tirant sur la couleur rouge et semblable aux kalmyris, ou choux marins. Une autre, de couleur sale de grenouille, telle que celle du choudeCumes, ressemble par sa feuille aux semelles qu'on met à des pantoufles. C'est cet herbage que les anciens appelaient chou proph'tique. « Nicandre n'aurait-il pas appelé prophétique le chou (xpàfiPïi) qui passe pour sacré ? En effet, on trouve quel- ques termes analogues à cela dans les ïambes d'Hippo- nax : « Mais, échappé au danger, il fit sa prière au chou à sept feuilles, auquel Pandore offrait l'hommage d'un [letit gâteau coulé en moule, le jour des Thargêlies, avant l'ex- piation, u « Je t'aime plus que nombre d'autres personnes, dit Ananios : j'en jure par le chou ! « Téléclide a dit aussi, dans ses Prytanées : « Par les choux !... » « Epicharme, dans la Terre et la Mer, jure aussi par le chou, comme le fait Eupolis dans ses Baptes. n II parai tque cejurementvientdesIoniens;maisilnedoit pas paraître étrange que l'on ait juré par le chou, puisque Zenon de Citium, fondateur de la secte stoïque, voulant imiter le serment de Socrate, qui jurait par le chien, fai- sait serment par la câpre, selon ce que rapporte Empode dans ses Dits mémorables. « On présentait du chou aux accouchées, à Athènes, ' comme un antidote alimentaire. C'est àcesujetqu'Ephippe parle ainsi: «Et quoi donc ! il n'y a aucune couronne devant la porte ? Aucune odeur appétissante ne vient frapper les narines, tandis que c'est le jour des Amphidromies, où il est d'usage de faire griller des tranches de fromage de Chersonèse; de faire cuire un chou dans de l'huile qui le couvre tout entier ; de servir une daube de jioitrines d'a- gneaux bien gras; de plumer des ramiers, des grives et des pinsons; de gruger des seiches, des calmars; d'em- piler force bras de polypes ; enfin de vider nombre de rasades plus pures qu'à l'ordinaire?... » Mnésithée de Cyzique, d'après Oribase(liv. IV, ch. iv) donnait ainsi la manière de préparer le chou, — médica- lement : « Il faut hacher le chou avec un fer aussi tranchant que possible ; ensuite le laver et le bien égoutter. On hachera en même temps avec lui de la coriandre et de la rue en quantité suffisante ; puis on l'arrosera d'oxymel et on y ajoutera au moins une petite quantité de silphium râpé. Si vous voulez prendre une jatte de ce chou, il ne se formera rien de mauvais dans votre corps ; et même, si préalablement il y existait déjà quelque chose de mau- vais, le chou le poussera dehors; si un obscursissement survient aux yeux, il le dissipe; comme aussi les étouf- 230 LE NATURALISTE enients et les accidents malencontreux qui pourraient exister dans la région du diaphragme et des hypochon- dres, ainsi que les affections de la rate, etc., etc. Isidore de Séville et l'abbesse sainte Hildegarde par- ent également de notre crucifère : cette dernière, sur- tout, lui trouve d'excellentes vertus médicales. Dans son immense compilation médicale, Oribase aussi ]iarle du chou et vante ses nombreuses propriétés (Livres -H , chap. V; XV, X, etc.) Serenus Sammonicus {De medicina prœcepta, cap. xv, vers. 278), nous dit : « Si vous voulez remédier à la chute de la luette, tenez-vous couché sur le ventre pen- dant quelques heures. La cendre d'aneth ou de coquilles de limaçon, ou de choa, sera un remède non moins effi- cace. » .... Proderit et caules assumere Siepe madentes. (V. 290-291) n (Les personne!: loiii-menlées par les r/lnires) se trouveront bien de manger souvent du chou bouilli. » Sfepe etenini nimio cursu fluit impetus alvi : Frenat commixto quum fervet brassica vino. (I On souffre souvent d'un ffux Je ventre très violent, on peut l'arrêter avec une décoction de chou dans du vin. (Ghap. XXIX, V. S38). » (Chap. xx.xvii, V. 702) : « C -ntre la coxalgie, il con- vient de manger des choux vinaigrés. » (Chap. xiii, V. 197) : « (Contre les maux d'yeux) vous pouvez encore vous servir de cendres de feuilles de chou et d'encens, broyées dans du vin et du lait d'une chèvre qui vient de mettre bas. » Le célèbre médecin hisjiano-arabe, Jbn-el-Beithar, infatigable et érudit compilateur, comme le médecin grec Oribase, nous donne, dans son Traité des simples (où, entre parenthèse, il n'oublie pas un seul animal, un seul insecte), une prodigieuse quantité d'extraits de tous les auteurs grecs, latins, juifs, arabes, turcs, etc., qui ont parlé du chou. J'en prends une poignée : « El-Israïli : Le véritable chou est le chou nabathéen, qui ressemble à la bette et a le cœur peu développé. — Galien (VII); DioscoRiDEs (liv. II): Le chou médiocre- ment cuit relâche le ventre. — Massih : Il est chaud au premier degré et sec au second. — Archigènes : Il est chaud et sec, et sa graine est plus chaude. — Costus, dans le Livre de l'Agriculture romaine : Le chou est salu- taire contre la toux chronique, contre la goutte, en affu- sions de sa décoction sur les jointures. Donné aux en- fants, il les fait marcher de bonne heure. Son suc, pris avec du vin, pendant plusieurs jours, fait cesser les dou- leurs spléniques. Ses cendres guérissent les brûlures, le prurit et la gale ; mélangées avec du vitriol (1) et du vinaigre, on en fait des frictions efficaces contre la lèpre et la gale ; mélangées avec du blanc d'œuf, elles guéris- sent les brûlures. Son usage procure le sommeil et éclair- cit la voix. Le chou est utile aussi contre les morsures de chien enragé, et l'on en fait, avec avantage, des appli- cations sur la rate. — Razè.s : Le bouillon de choux est utile contre la toux, les douleurs dorsales chroniques et les rhumatismes des genoux. — Rufus : L'usage du chou embellit le teint. — Mesaous : Si l'on fait bouillir le chou à deux reprises, puis qu'on l'assaisonne avec du cumin, de l'huile d'olive, du sel et du poivre, et qu'on le (1) Par le mot vitriol, les Arabes entendaient les sulfates de fer, de cuivre et de zinc. fasse cuire de nouveau, il convient aux sujets affectés d'engorgements ganglionnaires des intestins. — Ibx- Massouih : Le chou engendre de l'atrabile et du sang imjmr; on atténue ces inconvénients en le faisant cuire avec de la viande grasse. — Et-Tabary : Cuit et mangé, le chou est un résolutif à l'intérieur. Dans l'usage ex- terne, c'est un résolutif des tumeurs. Il jouit de proprié- tés détersives. Sa racine et sa tige sont plus actives que les graines et les feuilles. Etc., etc. La fameuse Ecole de Salerne, dont la renommée fut universelle, et qui publia ses consultations en vers léo- nins, pour qu'ils se gravassent mieux dans la mémoire, n'aurait eu garde d'oublier le chou : Jus caulis solvit, cujus substantia stringit; Utraque quando datur, venter laxare paratur. Ce que M. Meaux Saint-Marc traduit en vers : Le jus du chou relâche, et la plante resserre; Mais sa décoction le (?) relâche au contraire. Un anonyme, peu ferré sur la rime, traduit par_ : Les choux sont astringents, leur jus est laxatif; Un bon potage aux choux est un doux laxatif. Le bon abbé Ancelin, qui vivait, il y a tantôt 300 ans, nous dit : Le jus du chou donne le bénéfice (?), Et la substance amène l'obstruction; Prends tous les deux, n'en fais distinction : Ils te feront d'un clystère l'office. Dans son beau poème, Prœdium rusticum, le père 'Va- nière s'exprime ainsi au sujet du chou : Grandia si virides quis in oppida transférât hortos, Tonsilibus distincta pyris majora viarum Intervalla satis circum undique floribus omet; Indecores ne seu porri, caiilesque videntum Protinus objiciant oculi. {Chant VI, v. 70-74.) « Si quelqu'un veut avoir un jardin à la ville, que les bords des allées soient ornés de poiriers taillés en buis- son, et qu'il y ait de longues plates-bandes, garnies de fleurs, afin que les yeux des visiteurs ne soient pas d'a- bord offusqués par la vue des poireaux et des choux mi- sérables. » Plus loin, vers 170-176, il dit : Quid memorem quanti jactet se brassica laude, Sive volubilibus redit in se frondibus, jrbesque Orbibus agglomerans capitis sub mole laborat; Etc., etc. « Dirai-je en combien de façons merveilleuses le chou varie sa figure, soit qu'il entasse circulairement ses feuilles, repliées les unes sur les autres, et que le poids de sa tète fasse pencher sa tige; soit qu'il pousse des fleurs qui imitent la blancheur de l'ivoire travaillé ; soit qu'élevé en forme de cône, comme le cyprès, et replié sur ses feuilles, il se termine en pointe blanche et fasse le bon plat d'une table frugale ; soit que, toujours vert, même dans la plus rude saison, où tout se ressent du froid, il brave la fureur des aquilons et règne seul dans les jardins '? » Martial, Horace, Properce, etc., ont aussi quelquefois parlé du chou: Ne tibi pallentes moveant fastidia caules, Nitrata viridis brassica fiât aqua. « Les tendrons de chou. — De peur que la pâleur LE NATURALISTE 231 de ces tendrons de chou ne te répugne, arrosp-Ios d'eau nitrée ; ils se coloreront en vert. » (Martial, livre XIII, épig. xvil.) et Cujus odorcm olei nequeas pei-rerrc licebit lUc repolia, natales, aliosTc dienim Festos albatus celebret, cornu ipse bilibri Caiilibiis instillât, veteris non parcus aceti. {Ilorat. lib. 111, sat. ii, v. (il.) n L'odeur de l'huilo ([u'il oniploie vous dégoûterait prol'ondénient : fût-ce un lendemain de noces, un jour natal, ou quelque l'été qu'il célèbre, on le voit vêtu de blanc arroser ses choux de cette huile rance que contient une corne de deux livres; mais le vieux vinaigre, il ne l'épargne pas. » Coule suburbano, qui siccis crevit in agris, Dulcior; irriguo nihil est elutius horto. (/d. lib II, sat.' IV, v, l.'j.) « Le chou maraîcher a moins de saveur que celui qui croit en pleine terre: rien de plus fade que les produits d'un jardin trop arrosé. » Quantulum enim summa? curtabit quisque dierum, Ungflre si coules oleo meliore caputque Cœperis impexa fœdum porrigine'î... (/(/. lib. III, sat. ui, V. 126). « De combien peu, chaque jour, diminuerait ton tré- sor, si tu essayais d'employer une huile meilleure pour assaisonner tes choux, et pour oindre ton front souillé d'une crasse impure... » junco brassica finota levi (l'roperce, IV, élégie ii, v. 44.) n le chou, que retient un jonc léger... » . . . .' . quum furem nemo timeret Caulibus et pomis, et aperto viveret horto. (juvénal, sat. VI, v. 17). (( lorsqu'on ne craignait le voleur ni pour les choux ni pour les fruits, et qu'il était inutile d'enclore son jardin >>. Culinairement parlant, le chou a été surtout vanté ou décrié par les modernes, et nous nous souvenons tous de ces lapins de Boileau, Qui, dès leurs tendres ans élevés dans Paris Sentaient cncor le chou dont ils furent nourris. Le grand Alexandre Dumas, ce diable d'homme dont l'orgueil n'égalait que son talent, voulait briller partout, même auprès des casseroles, et il se donnait volontiers comme inventeur d'une foule de plats couramment connus — et bien avant lui — ■ par le plus vulgaire mar- miton. C'est ainsi qu'il fut naturellement porté à signer un Grand Dictionnaire de cuisine (Paris, A. Lemerre, 1873, grand in-S") où l'on peut lire ceci à la page 861 : « POT.\r.E AV\ CHOUX. — Il y a plusieurs manières de faire le potage aux choux. La plus simple de toutes est de mettre un chou de bonne odeur et de bon aspect dans le pot au feu, de le retirer quand vous le croyez cuit, et de le servir avec le potage, 0 Nous allons indiquer les amélioratlms que nous AVONS F.\ITES à ce potage, un peu trop simple SELON NOUS. (On va voir comment il a fait pour corser celte sim- plicité.) « Prenez un chou pommé ; faites un hachis de tous les restes de volaille et de gibier que vous aurez ; ayez un bon bouillon de la veille que vous versez, au lieu d'eau or- dinaire, sur le bœuf destina à faire le bouillon du jour. Arrivé là, foncez une casserole de bon jambon fumé, Bor- deaux, Strasbourg, Mayence ; écartez les feuilles de votre chou; introduisez-y votre hachis; liez vos feuilles de manière à ce qu'on ne s'aperçoive pas de l'intercalation ; mettez votre chou garni {oii?); laissez bouillir deux heures; remplacez avec du bouillon de pot-au-feu le bouillon qui s'épuise. Après deux heures de cuisson, votre bouillon sera fait. Tirez votre bouillon du feu ; laissez mijoter trois quarts d'heure tout ensemble, chou, hachis, jambon, bœuf, dans la casserole; donnez une dernière poussée au bouillon; servez votre chou bien ficelé dans la soupière; laissez refroidir un instant et servez. « Vous aurez le choix alors de numger votre chou en potage (!...), ou do tremper du pain dans votre bouillon {il nous semble que le potage, c'est cela même), et de faire même de votre chou un relevé de potage. Cuit ainsi, le chou, le bouillon et la viande, s'empruntant chacun leur suc, ont atteint la plus grande sapidité à. laquelle ils puissent parvenir. » Je t'écoute ! mais je ne vois pas bien un chou tout seul, bien ficelé dans une soupière, et sans bouillon, servant de potage, comme l'indique l'illustre auteur des Trois Mousquetaires. A part ça, le premier ouvrier venu, dispo- sant d'un bon louis, peut se confectionner la Soupe aux Choux d'Alexandre Dumas. Mais ce qui est un peu plus curieux, c'est une recette donnée par un petit livre intitulé : le Festin joyeux ou la Cuisine en musique.^ par J. Lebas (Paris, 1738, in-12). Le chou ne fait, dans cet opuscule, l'objet que d'une seule chanson que voici : POTAGE DE PIGEONS, PERDRIX OU CAILLES, AUX CHOUX (Sur l'air de : Vous qui vous mocquez par vos ris, etc.) 1 Blanchissez des choux verds ou blancs, Avec quelque racine. Oignons et navets excellens Que l'on met en terrine. Dans un roux des plus succulens Fait de bonne farine. Il Les choux se lient par paquets Quand vous les mettez cuire ; Les roux de farine sont faits En la faisant bien frire, Et du bouillon gras, du plus frais, Ajoutez sans rien dire. III Du petit lard maigre on en met Pour garnir le bordage : Dépouillez vos choux tout à fait. Qu'ils plaisent davantage ; De jus de veau clair et parfait Arrosez ce potage. IV Si c'est des caiUes, garnissez De ris de veau, de crête, De champignons qu'arrangerez Lorsque la soupe est prête ; Culs d'artichaux aussi mettrez Dessus le plat en tcto. Décidément, pas plus que celle de Dumas, la soupe aux choux de J. Lebas, même confectionnée sur l'air : 232 LE NATURALISTE « Vous quivous mocquezpar vos ris, etc. », n'est à la por- tée du prolétaire. Je leur préfère tout bonnement celle que j'ai mangée pendant la dernière guerre — sans romance — dans le Jura et les Vosges, où elle est excel- lente. L'on sait que certains mots, dépourvus de noblesse, ne pouvaient entrer dans les vers : le cochon n'y était admis que sous le noble déguisement de l'animal qui se nour- rit de glands, et ainsi pour une foule de mots de la langue française. Pourtant, dès -1738, le cuisinier-poète J. Lebas parlait dans ses vers du porc, du cochon et de tous les légumes eu général. Dans son poème des Plantes (chant III), Castel revendique avec éclat, pour tous les légumes, le droit de cité dans la poésie, et il le fait en excellents termes : Jadis d'un vain dégoût nos poètes esclaves N'entraient dans les jardins qu'embarrassés d'entraves. Phœbus ne nommait pas, sans un tour recherché, Le haricot grimpant à la rame attaché ; La carotte dorée et les bettes vermeilles En flattant le palais ofl'ensaient les oreilles. Ce temps n'est plus. Le c/iou, dont Milan s'applaudit Quand sa feuille frisée en pomme s'arrondit, Sans dégrader les vers ose aujourd'hui paraître Dans les chants élégants de la muse champêtre. Du reste, avant Castel encore, La Fontaine n'avait-il pas parlé du chou dans ses fables, — chants élégants de sa muse champêtre? Le lièvre était gité dessous un maître chou. (Le Jardinier et sott seif/neur, liv. IV, fab. iv.) J'ai vu, dit-il, un chou plus grand qu'une maison — Et moi, dit l'autre, un pot aussi grand qu'une église. Le premier se moquant, l'autre reprit: — Tout doux : On le fit jtour cuire vos choux. [Le dépositaire infidèle, livre IX, fable i.) {Ce diable) Simple, ignorant, à tromper très facile. Bon gentilhomme, et qui, dans son courroux N'avait encore lonné que sur les choux. (Le diable de l'apefiguière, conte v de la IV' partie). Berchoux dit plus tard : Gigot! recevez mon hommage. Souvent j'ai dédaigné pour vous La poularde la plus exquise, Et souvent la perdrix aux choux ! J'en passe, — et des meilleurs, — pour dire que cet excellent légume a pris dans notre langage courant une importance jjIus grande qu'on ne le pense généra- lement, et que les dictons et proverbes où il entre sont fort nombreux ; nous parlons du chou inconsciemment, sans nous en douter, dans une foule d'occasions : Mon petit chou, mon chou chéri; — naître sous un chou; — son journal n'est qu'une sale feuille de chou; — chou pour chou; — envoyer quelqu'un p/jnïeî' des choux; — s'y entendre comme à ramer des choux; — ménager la chèvre et le chou; ■ — la gelée n'est lionne que pour les choux; — eu faire des choux ou des raves ; — faire chou blanc; — manger les choux par le trognon (ou les salsifis par la racine), etc. Ce crucifère entre même dans les armoiries : les Jouard de Bouchevannes, les Chauvelin de Beauséjour, les Boucy, les Ducos, etc., etc., portent un ou plusieurs choux sur leur écu. Tout le monde connaît enfin les difficultés qu'éprouve un brave homme à transporter dans sa barque, d'une rive à l'autre el successivement, un loup, une chèvre et un chou, de façon que le loup ne puisse dévorer la chèvre, ni bi «lièvre manger le chou. E. 8.4NTINI de Riols. OFFRES ET DEMANDES — A céder les lots et collections de Coléoptères ci-après désignés. S'adresser à « Les Fils D'Emile Deyrolle », 46, rue du Bac, Paris. Collection de Dytiscidea et Gyrinides, 192 espèces, '92 exemplaires, 5 cartons. Prix : 50 fr. Collection de Stapliylinides europ. et exoti- ques. 1008 espèces, 2284 exempl., 34 cartons. lO types de Soller. Prix : 230 fr. Collection de Staphylinidee europ. et exoti- ques, 780 espèces, 10 cartons. Prix : 80 fr. Lot de Stapliyllnides, Cryptopliagides, LiSitliridlides, Anisotoiuides,Scydniénides, Cissides, etc. Environ 400 espèces, 1200 exempl., 12 cartons. Prix: 80 fr. Collection de Leptodéfîdes, IVêcropho- ridee. S*iplilldes europ. et exotiques. 96 espèces. 778 exempl., 4 boîtes. Nombreuses variétés et exem- plaires de provenances diverses. Prix : 70 fr. Collection de L.ucanidee et Lanielli- eoi-nos de France, M5 espèces, 400 exempl., 3 car- tons. Prix : 35 fr. Lot de Glaphynîdes europ. et exot. 44 espèces et variétés, t5 exemplaires, 1 carton. Prix : 12 fr. Collection de Xérédîles, 148 espèces, 54b exempl., 5 cartons. Prix : 40 fr. Lot deCurculîonîdes, 171 espèces, 375 exempl., 2 cartons. Prix : 30 fr. Lot de Cnrctilionides, 171 espèces, 37Sexempl., 2 cartons. Prix : 2j fr. Lot de Clii-ysoiu^lides europ. et exotiques, 2.308 espèces, 2.875 exempl., 58 cartons. Un bon nombres d'espèces africaines sont typiques et ont servi à 'Vogel pour faire sa monographie. Prix : 430 fr. Lot d'Hispides, exotiques, 60 espèces, 65 exempl. 1 carton. Prix 15 fr. Collection de Coccinellîdes, 110 espèces, 329 exempl., 2 cartons doubles. Prix : 28 fr. Collection de Coceînellide», 47 espèces, 5o9 exempl. ,2 cartons. Prix : 30 fr. Lot de Scynjnus à Litopliilus inclus, 47 espèces, 332 exempl., 1 carton. Prix : 20 fr. Collection de Cui-culionides et Xylo- phages, 880 espèces, 3.416 exempl., 27 cartons. Prix : 175 fr. Lot de Curculionldee, 93 espèces, 383 exempl., 4 cartons. Prix 30 fr. Lot de Coccinellîdes européens et exotiques. 78 espèces, 246 exempl., 1 boite. Prix : 20 fr. Lot de Dytiscides, Gyrinides europ. et exotiques, 78 espèces, 246 exempl., 1 boite. Prix :20fr. Collection de Scolytidee, 83 espèces, 674 exempl., 3 boites. Prix ; 40 fr. Beanx. exemplaires de Polypbylla Ra- gusse o^. 1 fr. pièce. Lot €le Coléoptères de Madagascar, 49 es- pèces, 101 exempl., 1 carton. Prix 20 fr. Lot de Coléoptères de Madagascar, 62 es- pèces, 120 exempl., I boîte. Prix 25 fr. Lot de Coléoptères de France, 400 espèces, 1 boite. Prix : 40 fr. Lot de Coléoptères de France, 300 espèces, 1 boite. Prix : 28 fr. S'adresser pour les lots et collections ci-dessus à « Les Fils D'jimile Deyrolle », 46, rue du Bac, Paris. Le Gérant: Paul GHOULT. PAUIS. — IMPRIMERIE F. LEVÉ, P.UE CASSETTE, 17. 19° ANNÉE 2« Série IV «Kt; 15 OCTOBRE 1897 TVOTE POUR SERVIR A L ÉTUDE DE LA MOUCHE DES ORCHIDEES ISOSOMA ORCHID/EARUM (Westwood) Depuis une dizaine d'années, les liortieulteurs français, s'occupant de l'intéressante et riche culture de^à Orchidées, ont constaté, i)lus ou moins, dans leurs serres, que les tiges et pseudo-bulbes de certaines plantes, plus parlicu- lièrement des };enres Catlleya et Lœlia, dépérissent et ne donnent pas de fleurs; en ouvrant les pseudo-bulbes malades, on remarque une ou plusieurs cavités dans les- quelles se trouvent ou des larves, ou des nymphes, ou des insectes prêts à s'échapper; cet ennemi des orchi- dées est un ]]elitliyménoptére de provenance américaine, et sa présence dans les serres est considérée comme une véritable calamité par les orchidophiles. Plusieurs de mes collègues de la Société nationale d'Horticulture de France, ayant mis gracieusement leurs serres à ma disposition pour étudier les mœurs de cet insecte, je profite de l'occasion qui m'est offerte ici pour les en remercier d'autant plus vivement que je n'ignore pas le dommage que leur occasionnerait la moindre indiscrétion de ma part. En efîet, la peur de la Mouche est telle qu'aucun amateur ne voudrait acheter des orchi- dées provenant d'une serre que Ton sait contaminée par cet insecte. N'ayant trouvé dans aucune publication française la description de cette mouche, ic crois utile de faire connaître ses principaux caractères scientifiques ainsi que ceux de la larve et de la nymphe (probablement inédits). La Mouche des Orchidées est un petit hyménoptère de la famille des Eurytomides, tribu des Chalcididx, du genre Isûsoma. IsosovKi orchidxaru7H Westw. Femelle. — Long, du La Mouche des Orchidées. i et 2. Bourgeon attaque. — 3. Larve (grossie). — 4. Isoso7na orchidasariim femelle (grossie). — 5. Nymphe. 6. Antenne de la femelle. — 7. Antenne du mâle. cor|is 4 à o mill. ; ailes [déployées 6 à 7 mill. )/2, noire, tête et thorax rugueusement ponctués (fig. 0,; antennes de dix articles, le premier très grand, le deuxiè- me court, le troisième formant anneau, les six suivants presque égaux, subovales, le dernier plus long; abdomen brillant, pointu, en forme de fuseau, porté par un pédi- cule court (2 mill.); cuisses noires, tibias et. tarses rou- geàtres ; ailes pâles, sans tache, fortement irisées. Mâle. — Il diffère de la femelle par sa taille sen- siblement plus petite, ses antennes (fig. 7) plus lon- gues de neuf articles, dont les cinq intermédiaires plus épais à extrémité étranglée, descjucls émergent des poils longs; son abdomen à extrémité ovale, arrondie, porté par un pédicule près de deux fois jjIus long que celui de la femelle. Larve. — Long. 4 à b mill., blanche, molle, apode, formée de onze anneaux (non compris la tète), plus ou moins renflés et susceptibles de dilatation. Nymphe. — ^ Blanc sale, enfermée dans une pupe rou- geàtre, présentant à l'état embryonnaire tous les carac- tères de l'insecte parfait. Le I^aluralisle. 46, rue du Bac, Paris. Il m'a paru intéressant de rechercher et faire con- naître ce qui a été dit de plus saillant sur les mœurs de cet insecte : en France, en Angleterre et aux Etats-Unis d'Amérique. Les premiers renseignements publies sur l'apparition de ïlsosoma Orchidsearum en Europe sont dus à M. le ])rofesseur Westwood, entomologiste anglais des plus distingués (Gardeners Chronicle, 27 novembre 1869, p. 230). « L'attention des membres du comité scientifique de la Société d'Horticulture de Londres, dit cet auteur, a été attirée par M. Batoman, le 2 mars 1869, sur les dégâts commis par des insectes sur le bourgeon d'une espèce exotique d'orchidée, sous les feuilles duquel étaient ca- chées en siirelé deux larves blanches et charnues (évi- demment de curculionides et ressemblant tout à fait au ver commun qu'on trouve dans les noix) (l),qui s'étaient (1) 11 y a là une confusion que nous ne nous expliquons pas de la part de M. le professeur Westwod : le ver des noix est une chenille qui ne peut être confondue avec la larve d'un curculionide. 234 LE NATURALISTE nourries de la substance épaisse des feuilles dont la sur- face avait été rongée, en partie, sans qu'aucun trou ait été creusé à travers la feuille. Dans le voisinage immé- diat de ces larves on trouvait aussi plusieurs pupes très petites, gisant dans une masse de particules dures, sèches, noirâtres ; sans doute les excréments des larves qui avaient produit ces pupes. Ces pupes étaient celles d'un hyménoptère, et en écaillant avec soin la pellicule externe, mince et calleuse sous le microscope, on fut certain qu'elles appartenaient à la famille des Chalcididie et au genre Isosoma dont les deux sexes étaient obtenus ainsi vivants. Dans ce cas, il était évident que les grosses larves n'étaient pas attaquées et que les Isosomas n'étaient pas leurs parasites. Par identification, je pro- posai le nom de Isosoma Orchidœantm. » Deux notes du même auteur doivent être citées : « En avril ISSd, je reçus d'un correspondant plusieurs bour- geons d'une espèce de Cattleya, genre d'orchidée du Bré- sil et du Mexique, qui avaient été atta(iués par les larves d'un petit insecte hyménoptère. >> « D'un autre correspondant, je reçus aussi plusieurs bourgeons de Cattleya qui avaient des trous percés dans l'intérieur, dans lesquels je trouvai quelques spécimens de l'Isosoma orchidtearum des deux sexes à l'état ailé. " {Gavdennrs Chronide, avril et octobre 1881). L'apparition de cet insecte en France parait avoir été signalée pour la première fois dans les serres de M. de Rothschild, par MM. Kùnckel d'Llerculais et Gazagnaire. (Bull, de la Soc. Entom. de France, 8 janvier, 1888, p. 22.) M. Scheider, chef de l'établissement de M. Veitch, en Angleterre, dit {Gard. Chronide, 1888) : 0, s'exprime ainsi: « Pendant la saison de repos des Cattleya trianse, eldorado et gigas, le pseudo-bulbe est soudain mis en activité, augmentant rapidement en taille et devenant sphérique. En examinant cet élargissement on trouve qu'il contient une cavité dans laquelle se trouvent plusieurs insectes (de 3 à 8). Ceux que j'ai eu l'occasion d'étudier étaient dansle dernierétat de développement; l'insecte s'échappe en perçant un trou rond, assez large, pour lui permettre de sortir. Mon correspondant les a trouvés dans des plan- tes nouvellement importées de la Nouvelle-Grenade et conservant les signes indiscutables de leur première pré- sence. « Leurs déprédations sont suivies de résultats désas- (1) D'après nos observations en France, l'insecte vole et s'accouple le jour, de 10 heures i i heures. Les larves, abri- tées dans l'intérieur des tiges, résistent aux fumigations et aux aspersions. treux. Naturellement, on ne pourra espérer aucune fleur des bulbes attaqués et cette croissance anormale pendant la saison de repos anime la vitalité de la plante comme si elle était atteinte d'une consomption lente; les feuilles perdent leur vigueur et leur consistance, se flétrissent et graduellement meurent une année ou deux après avoir été attaquées. » Dans une autre lettre de M. P. Morse {InseclLife, 1891, p. 22), nous trouvons la note suivante : n Des racines deCattteya giyas affectées de galles conte- naient de une à plusieurs larves ou petits vers séparés les uns des autres par la substance de la racine. La maladie semble avoir été introduite, l'an dernier, par une plante provenant d'Angleterre, et s'être propagée aux quelques plantes les plus voisines. » M. le docteur Riley, consulté, répond que ces larves appartiennent à une espèce de Cecidomyia ou genre voisin Diptosis , (jue c'est par erreur que les Isosoma orclddxa- rum rencontrés sur les mêmes plantes ont été considérés par les entomologistes anglais comme vivant en parasite de ces diptères. La larve d'isosoma orchidxaruin se nour- rit de la substance de l'orchidée et subit toutes ses méta- morphoses dans la cavité qu'elle a creusée. » Il existe, en outre, dans Gardeners Chronide, Insect Life, pour l'Etranger, et dans la Chronique horticole et autres puldications françaises, un assez grand nombre de notes ou extraits d'articles déjà publiés ; comme ils n'ajoutent rien de nouveau aux observations des savants entomo- logistes que nous avons cités, nous nous abstiendrons de les reproduire. Remarquons en passant que la tribu des Chalcididx dont Is. orchidgearum fait i)artie est composée d'insectes unanimement reconnus comme vivant en parasite aux dépens d'autres insectes. Dès lors, il est tout naturel que les entomologistes anglais, trouvant dans les serres des orchidées attaquées, en même temps, par des Cecidamyia et des Is. orchidœarum, aient supposé à priori que ce dernier était un parasite itirn et non le destructeur de la plante. Je dois avouer que la première fois que j'ai obtenu Is. orchidxarum d'éclosion, en captivité, j'ai, été fort étonné de ne pas obtenir l'insecte dont je le suppo- sais parasite, mais en suivant toutes ses métamorphoses, sur une ponte en captivité, depuis l'œuf jusqu'à la sortie de l'insecte parfait; je n'eus plus de doute : Is. orchidœa- rum fait exception à la règle générale, sa larve creuse les tiges et pseudo-bulbes des orchidées pour se nourrir, et l'éminent entomologiste américain a eu raison de dire « que cet insecte n'est pas parasite d'autres insectes ». On peut se rendre compte, par le résumé des observa- tions que nous venons d'indiquer, que leurs auteurs ont eu pour objectif principal : 1° de démontrer qu'/s. orchi- dxaruin a été introduit d'abord en Angleterre (vers 1868 ou 1869), avec des Cattleya exotiques, provenant du Bré- sil et du Mexique; puis eu France (vers 1887) avec des orchidées venant d'Angleterre (1) et que c'est vers la même époque que les horticulteurs des États-Unis ont constaté sa présence sur des Cattleya provenant d'An- gleterre ; 2° que la découverte en Angleterre et en Amé- rique de Cattleya attaqués en même temps, par des Cecidomyia et des Isosoma orchidsearum, ne prouve pas que ce dernier insecte soit parasite du premier, il est bien reconnu aujourd'hui que la manière de vivre de la larve d'/s. orchidœarum est la même en Angleterre, en (1) Peut-être bien aussi avec dos Cattleya exotiiiues? LE NATURALISTE 235 France et aux États-Unis; ([uelle s'attaquo aux tiges et aux psoudo-liulbcs de la plante ; qu'elle creuse toujours une cavité dans l'intérieur et y accom|ilit tnutes ses mé- tamorphoses. Kn lii'liors de ces faits qni sont incouti'staldcment acquis à la science, nous n'avons trouvé aucun ren- seipncnient précis, en France et à l'Ktranper, soit sur les mœurs de cet insecte funeste, soit sur les procédés jira- tiques à employer pour arrêter sa propagation. En elVet, on ne connaît pas le temps nécessaire à l'insecte pour accomplir toutes ses métamorphoses, depuis la ponte jus(]u'à sa sortie de la plante; combien il a de généra- tions dans une année; comment et où s'opère l'accou- plement et la ponte; s'il est diurne ou nocturne ; le nombre des mâles par rapport aux femelles; si leur acti- vité se continue pendant l'hiver, etc.; observations qui nous paraissent d'une importance considérable, pour combattre Is. ori'hidxarum, d'une manière raisonnée, soit par l'emploi des insecticides, à des époques propices, soit i)ar tout autre moyen. Désirant venir en aide aux orchidophiles, si éprouvés par la Mouche des Orchidées (comme ils désignent leur ennemi). i|ui s'attaque indistinctement aux Cattleya et Lirlia communs, comme aux espèces les [dus rares, dé- truisant en (jnelques semaines des plantes obtenues avec peine de semis, après 7 et 10 ans de soins assidus ; nous allons faire connaître ce que nous avons surpris des mœurs d7.<. orcfndicarum, par des observations minu- tieuses, poursuivies simultanément depuis ]ilusieurs années, en captivité dans nos boites d'élevage et en liberté dans les serres mises à notre disposition ; nous indiquerons ensuite les moyens que nous avons expéri- mentés pour arrêter la propagation de cet insecte. MOEins. Après plusieurs essais infructueux, en captivité et en liberté, pour observer l'accouplement et la ponte d'Is. orchidsearum, nous avons enfin réussi, de la façon sui- vante : Deux couples de ces insectes (obtenus par éclo- sion dans nos boites d'élevage) furent abandonnés, le il juillet, sur un Cattleya lahiata, recouvert d'une cloche en gaze disposée de façon à pouvoir suivre ce qui allait se passer. Le lendemain, vers une heure, au mo- ment le plus chaud de la journée, nous avons aperçu un mâle voltigeant en tout sens, se posant à peine sur les feuilles, puis reprenant son vol ; après 4 à b minutes de ce manège, il vint s'abattre sur l'extrémité d'une feuille et se mit à courir autour d'un point noir, le touchant avec ses antennes par des mouvements vifs et répétés. Un examen minutieux nous fit reconnaître que ce que nous prenious pour une tache noire était une femelle tout à fait immobile. Le rapprochement des sexes eut lieu presque immédiatement, le mâle étroitement serré sur le dos de la femelle. Le travail de la ponte est assez long et doit durer plu- sieurs jours; pour cette opération, la tarière qui en temps ordinaire est cachée dans l'extrémité de l'abdo- men, est susceptilde d'extension et fait saillie en pointe aiguë de plusieurs millimètres. C'est à l'aide de cet ovi- ducte ou tarière enfoncé dans l'épiderme de la tige ou du pseudo-bulbe que la femelle introduit le plus souvent 2 ou 3, quelquefois jusqu'à 5 et 7 œufs dans un même trou, puis elle recommence l'opération sur la même tige espaçant cette nouvelle ponte d'environ un à deux cen- timètres de la première ; généralement elle passe ensuite sur une autre tige, lorsqu'elle a le choix, pour continuer sa ponte jusqu'à épuisement. Les diverses jiontes que j'ai observées en liberté et en captivité ont été faites pen- dant le moment le plus chaud delà journée, de 10 heures à 4 heures, surtout au printemps et à l'automne. Les leufs éclosent 6 à 8 jours après la ponte, les petites larves creusent pour se nourrir une petite cavité dans l'inté- rieur de la tige ou du pseudo-bulbe qu'elles agrandissent au fur et à mesure de leur croissance, sans creuser de galeries longitudinales ou transversales plus ou moins longues dans la plante ; les diverses cavités d'une même tige contenant des pontes séparées ne se rejoignent pas et restent toujours séparées par une partie plus ou moins épaisse de tissu cellulaire; la nymphose s'accom- plit dans cette cavité, et l'insecte parfait s'echapiie par un petit trou rond, en perçant l'épiderme. La blessure faite à la tige ou au pseudo-bulbe au mo- ment de la ponte et les premières érosions faites au tissu interne, par les petites larves, aussitôt après leur naissance, amènent un afllux de sève, qui le plus sou- vent se traduit par un gonflement de la ])artie de la plante contaminée, et qui aide à faire reconnaître les tiges ou pseudo-bulbes attaqués. Cependant cette loi générale a de nombreuses exceptions ; si l'expérience a démontré que les tiges de Cattleya prenant un aspect bulbiforme sont presque toujours haliitées par des larves, il arrive souvent que des tiges malades n'oft'rent aucune déformation extérieure qui les distingue des plantes saines. La larve peut arriver à son complet développement en moins de quatre semaines ; ayant ouvert une cavité, le 19 août fponte du 13 juillet), j'ai trouvé deux larves com- plètement développées et une nymphe en formation. La première éclosion a donné une femelle le 23 août, puis une autre le 27 août, enfin les éclosions se sont suc- cédé jusqu'au 10 septembre (dix-neuf insectes), ce qui indiquerait que tous les insectes d'une même ponte n'arrivent pas à l'état parfait en même temps. Cette remarque peut expliquer pourquoi on trouve des Is. orcMdxarnm dans les serres infestées, pendant toute la saison active, c'est-à-dire de la fin de mars jusqu'en novembre ; pendant les mois d'hiver, il y a repos, les larves provenant des pontes de la fin d'octobre et de novembre passent la mauvaise saison à l'état de nymphes; le plus souvent, l'insecte parfait s'échappe en mars ou avril ; cependant on rencontre quelquefois dans les serres, en décembre, janvier et février, quelques Isosoma égarés, ce sont de rares exceptions. Nous avons remarqué deux périodes d'éclosion bien marquées : en avril et en septembre; puis deux autres de moindre importance : en juin-juillet et en octobre-novembre. Ce qui ferait supposer quatre générations par année (?). Si l'on s'en rajjporte à ce que j'ai observé en captivité (dans les serres, en liberté, les conditions sont à peu près les mêmes'?), on peut admettre que les œufs éclo- sent 6 à 8 jours après la ponte, que la larve peut arriver à son complet développement en 27 ou 30 jours au plus, et que la nymphose demande 1!) à 20 jours pour donner l'insecte parfait; c'est-à-dire (|ue toutes les métamor- phoses depuis la jionie exigent de 50 à 60 jours en moyenne. En tenant compte de l'observation que nous avons faite, que les éclosions d'une même ponte peu- vent se prolonger pendant 13 à 20 jours, le noml)re de quatre générations par an ne me paraît pas devoir être dépassé (?). 236 LE NATURALISTE Le nombre des femelles trouvées par nous, dans les serres en lilierté, a été dans la proportion de trois femelles pour un mâle: en captivité, pour les éclosions provenant de tiges ou pseudo-bulbes mis en observation dans nos boîtes d'élevage, la proportion a été de sept femelles pour 2 mâles, et enfin, dans la ponte en capti- vité, sur 19 insectes obtenus vivants, il y avait 13 femelles et 6 mâles. Dans les serres Is. Orchidwarum femelle se tient géné- ralement au repos, sous les feuilles, quelquefois dessus; elle est peu active, vole lourdement pendant la journée, probablement à la recherche d'une plante pour déposer sa ponte? Le mâle, beaucoup plus léger, vole aux mêmes heures, avec assez de facilité à la recherche d'une compagne. Nous avons visité assez souvent des serres infestées, le soir avec une lanterne, nous n'avons jamais surpris Isosnma, mâle ou femelle, au vol ; cet insecte est si petit, qu'il peut bien avoir échappé à notre attention. Les dégâts causés par ces insectes sont désastreux : non seulement les pseudo-bxtlbes attaqués ne donnent pas de fleurs de l'année, mais les plantes, dont plusieurs tiges sont contaminées, perdent de leur vigueur, dépé- rissent graduellement et finissent souvent par mourir une année ou deux après avoir été contaminées. ^^OYE^•s de destruction. Le procédé le plus connu des orchidophiles consiste à supprimer les tiges et les pseudo-bulbes contaminés (qu'il faut brûler). Ce moyen radical peut retarder la pro- pagation, mais il a l'inconvénient de ne pas être écono- mique, surtout lorsqu'il s'agit de plantes de choix. Nous nous sommes demandés s'il n'y aurait pas possi- bilité de tuer les larves dans la tige, sans détruire cette dernière'? A cet effet, nous avons entrepris un certain nombre d'expériences, qui permettent d'espérer des résultats satisfaisants. Dans une première expérience, sur des tiges contami- nées de Catttei/a labiatn, nous avons enfoncé, dix ou douze fois, une aiguille fine dans les diverses parties où nous supposions la présence des larves (en prenant soin de ne pas traverser la tige de part en part) ; la tige n'a nullement souffert de cette opération et a continué à pousser; mise en observation sous une cloche en gaze, il en est sorti un seul insecte, et en ouvrant la jeune pousse, nous avons con--taté la présence de trois larves mortes dans leur cavité. Dans une autre expérience, désirant nous rendre compte du degré de résistance de ces plantes, nous avons fortement incisé deux tiges contaminées avec une aiguille à dissection (en prenant soin de ne pas traverser les tiges de part en part, car, dans ce cas, le pseudo- bulbe paraît mal supporter l'opération), les larves ont été atteintes et aucune éclosion ne s'est produite. La plante a bien supporté cette opération, mais elle conserve des cicatrices qui en diminuent la valeur marchande. Ces exjjériences me paraissent probantes ; elles per- mettent d'espérer que les piqûres répétées simplement avec une aiguille fine, ou trempée dans de la nicotine pure, pourraient détruire une forte partie des larves dans leurs cavités, sans inconvénient pour la vitalité de la tige ou du jiseudo-bulhe attaqué. Nous ferons remarquer cependant qu'avec ces procé- dés, il ne meurt que les larves blessées, dans leur cavité, par les piqûres répétées au hasard ; les autres continuent leur croissance et échappent au remède. Une injection de nicotine ]iure (0,50 centigrammes) faite avec une seringue de Pravaz, dans la partie attaquée ]iar les larves, les a fait périr dans une première expé- rience ; mais, dans une seconde expérience, l'injection n'ayant probablement pas pénétré dans la cavité habitée par les larves, celles-ci ont continué à vivre, se sont métamorphosées et l'insecte est sorti. On réussirait plus sûrement en injectant quarante ou cinquante centigrammes de sulfure de carbone dans la tige malade, en prenant soin de boucher, le plus prompte- ment possible, le trou fait par la seringue de Pravaz, avec un peu d'argile ou un mastic quelconque, pour empêcher les vapeurs de s'échapper au dehors. Les vapeurs toxiques dégagées par le sulfure de carbone péné- treront au travers des cloisons de la tige contaminée et feront périr les larves dans leurs diverses cavités. Je n'ai pu tenter qu'une seule expérience, faute de tiges contaminées en nombre suffisant. Les orchidophiles agiront sagement en essayant ce procédé. Je leur serais obligé de vouloir bien noter ce qui arrivera pour la santé de la plante expérimentée et de le faire connaître au Comité scientifique de la Société nationale d^ Horticulture de France. On sait que le sulfure de carbone attaque forte- ment la chlorophylle des plantes, mais à cette dose minime en est-il ainsi? L'unique pseudo-bulbe qui a servi pour cette expé- rience a bien supporté l'opération, nous n'avons rien remarqué d'anormal dans la végétation de la plante. En ouvrant la partie traitée, quinze jours après, nous avons trouvé dans une cavité quatre larves mortes. Nous ne saurions trop insister sur ce résultat ; si, en multipliant les expériences, il est démontré par la suite que la plante, à cette faible dose, n'a rien à craindre du sul- fure de carbone. Ce procédé pourrait rendre de grands services avec quelques précautions, du reste assez simples. Les vapeurs de sulfure de carbone font explosion au contact du feu ; on fera bien de porter les plantes à trai- ter dans un endroit spécial, bien aéré, d'opérer le jour, de ne pas fumer pendant les manipulations. Au bout de vingt-quatre heures, il n'y a aucun danger à replacer les plantes traitées dans leur serre habituelle. On peut détruire un grand nombre A'h. Orchidsearum, au moment des éclosions (mars à novembre), en suspen- dant dans les serres infestées, des planches recoxivertes d'une couche liquide de mélasse, ou de miel commun. Ces insectes attirés par ces matières sucrées, viendront s'engluer sur ces pièges, qu'il est facile de maintenir gluants. Il est bon de faire observer qu'une femelle détruite avant la ponte, c'est toute une colonie de larves supprimées du même coup. L'immersion complète des Cattleya contaminées pen- dant 24 à 48 heures fait périr les larves d'/s. Orchidsea- rum; la seule expérience qu'il m'a été possible de faire, faute de plantes à ma disposition, n'a pas paru nuisible- à la plante, qui une fois égouttée a continué sa végéta- tion. C'est un moyen qu'on pourrait essayer avec pré- caution, en choisissant d'abord des Cattleya d'espèces communes, et si, comme je le suppose, les plantes supportent bien l'immersion, l'application de ce pro- cédé est facile. Je voudrais espérer que mes patientes observations des mœurs d'/s. Orchidsearum , et mes expériences de destruction, bien qu'incomplètes, pourront aider les. LE NATURALISTE 237 hcirticiilteiirs à comlialtre, ou tout au moins à dimiimer les (l''pàts causés par celte maudite besliolo. Dans une autre étude, je ferai connaître les mieurs de deux autres ennemis des orchidées : le Diaxenes Dendrobii (Grahan) et le Xyleborus perforans, importés dans les serres avec des Dendrobium exotiques et qui menacent de s'y propager. Decaux. L'ESPRIT DES BETES Les causes des actes sont variées chez les animaux. Les actes sont très souvent instinctifs; et, par leur par- faite a])proiirialion au but, ils simulent l'intelligence. Ils en diflëreiioieront en ce que, dans l'inslinct, l'animal accomplit toujours la même action de la même façon spontanée et machinale ; l'acte intelligent au contraire varie et s'adapte aux circonstances. Les actes d'imitation sont également nombreux chez les animaux vivant en société ou en contact avec l'homme. Eux aussi peuvent sembler intelligents. Ainsi, les prodiges qu'accomplissent les animaux dressés sont obtenus par l'imitation et une patiente répétition. L'acte imité est répété toujours sous la même forme, il ne va- rie pas et ne s'adapte point aux circonstances. Les naturalistes (]ui ont étudié l'intelligence des ani- maux ont trop souvent pris pour intelligents des actes soit purement instinctifs, soit plus souvent imités. Des exemples feront mieux comprendre la difficulté qui existe à en trouver la cause. Le fait de varier ses actes pour les adapter au ehan- gement des circonstances se note dans les mouvements appropriés à des difficultés survenant pour la première fois. Les animaux les plus inférieurs semblent adapter leurs mouvements aux circonstances. Tel l'exemple de l'escargot cité par Darwin. Un de ces animaux, enfoncé la bouche en l'air dans une fente de rocher, prit point d'appui en haut, chercha à tirer sa coquille dans la direction verticale ; puis fit les mêmes efforts à droite, ■enfin à gauche. JL Gruvel a signalé ici même {Naturaliste, 1" fé- vrier 189,')) un fait analogue chez la balave. Un mâle, ne pouvant atteindre une femelle voisine avec son llagellum reproducteur, se retourna dans sa loge des trois quarts environ et rapprocha l'extrémité postérieure de son corps qui porte le ûagellum de l'orifice de la coquille voisine, gagnant ainsi toute la longueur de l'ouverture liait une fois, il entra dans le caliinetoù se trouvait la tasse dont on se servait pour traire la chèvre, la prit entre ses dents et vint la déposer aux pieds de sa maîtresse, et cela sans qu'on lui eût jamais appris à porter la moindre des choses. Ou encore cette histoire de Livingstone : un chien, suivant la piste do son maître, arriva à l'embranchement de trois routes, en flaira d'abord deux et, n'y trouvant pas trace de piste, partit au galop le long de la troisième sans avoir recours à son nez. Il était donc sûr, puisque la piste n'était ni en A ni en B, qu'elle était en C. De pareils faits sont très nombreux, non seulement chez le chien, mais encore chez le chat, le singe... Mais trop souvent les observateurs négligent de s'assurer que ces actes intelligents ne sont point l'imitation ou la répé- tition d'un acte ([u'ils auraient déjà vu accomplir par d'autres animaux. 11 convient de se mettre en garde contre cette cause d'erreur. Félix Regnauut. LA DISTANCE DES ÉTOILES A part une trentaine d'étoiles, dont on connaît à peu près la distance, on peut dire que toutes les étoiles sont à une distance incalculable, malgré la perfection des instruments gradués et l'habileté extrême des astro- nomes. On se fera une idée de leur prodigieux éloigne- ment, en songeant qu'une étoile, au sommet d'un triangle dont la base a près de 80 millions de lieues, forme un angle si petit à la jonction des 2 lignes menées de cette étoile aux deux extrémités de cette base, que cet angle est généralement inférieur à 1 centième de seconde. Même pour l'étoile la plus rapprochée de nous, cet angle est inférieur à t seconde ! Or les erreurs d'ob- servation peuvent s'élever dans certains cas à plusieurs secondes, sous l'influence d'une foule de causes : mou- vements impercei)tibles des instruments, courbure des tubes par l'usage, influences de la température, de la nutation, de l'aberration, de la précession, et du mouve- ment propre de l'étoile elle-même dans l'espace. Car les étoiles ne sont pas fixes, comme on le croyait. Les étoiles sont si loin de nous qu'elles se meuvent dans l'espace avec des vitesses de 30 à 40 kilomètres par seconde, plus ou moins, sans paraître changer sensiblement de place au bout de plusieurs siècles ! Bien que la lumière par- coure 75,000 lieues par seconde, on peut dire que la plupart des étoiles mettent plus de 70 ans à nous envoyer ou jugée telle. Il consiste plutôt i varier ses actes jusqu'à ce qu'on aboutisse à commettre l'acte le meilleur. Cette faculté de moaifier ses actes différencie l'acte rai- scnné de l'instinctif qui reste toujours le même. (1) Romanes. Intelligence des animaux. Bibliot. scientif. internat. leur lumière. Si toutes les étoiles disparaissaient du ciel, le jour de la naissance d'un enfant, celui-ci pourrait mourir de vieillesse sans voir pour ainsi dire moins d'étoiles à la fin de ses jours que dans son jeune âge. Une trentaine seulement se seraient éclipsées tour à à tour. En effet la lumière qu'elles auraient émise avant de disparaître continuerait encore à voyager dans l'es- pace, pendant plus ou moins de siècles encore après leur extinction. Les 2 étoiles les plus rapprochées de nous sont deux étoiles de première grandeur, qui brillent dans le ciel austral : Alpha et Bcta, de la constellation du Centaure, à côté do la Cro'.x du Sud. Ces 2 étoiles sont à 8.000 et à 15.000 milliards de lieues de nous! Et ce sont les plus voisines ! Il est curieux de voir qu'il y a 8.000 milliards de lieues entre ces deux étoiles, comme entre Alpha et notre Soleil; mais on ne peut pas dire que ce soit là la distance moyenne entre les étoiles. Pour que ce fût exact, il faudrait qu'il y eût une quinzaine d'étoiles dans la sphère de l'espace, dont le Soleil est le centre, et dont le rayon est de 10.000 milliards de lieues tout au plus. Or les 15 étoiles les plus rapprochées de nous sont com- prises dans une sphère de 40.000 milliards de lieues de rayon autour du Soleil. Il est probable par conséquent que c'est là approximativement la distance moyenne des étoiles, les un^s par rapport aux autres. On connaît trop peu de distances d'étoiles pour être bien fixé à ce sujet. Ainsi la seconde zone comprise entre 40 et 80 mille mil- liards de lieues ne compte encore qu'une quinzaine d'étoiles, alors qu'elle devrait en contenir une centaine au moins. Il est très possible que ce nombre s'y trouve, mais on ne le connaît pas encore. Il est utile de faire remarquer que plusieurs de ces étoiles sont doubles, c'est-à-dire formées de 2 soleils, dont on connaît la distance entre eux. Dans chacun de ces systèmes doubles, la plus petite étoile semble tourner autour de la plus grosse. La vérité est qu'elles tournent toutes les deux, autour de leur centre commun de gra- vité, en décrivant une ellipse presque circulaire. Ainsi Alpha du Centaure est formé de 2 étoiles de première et de deuxième grandeur. Le second est éloigné du pre- mier de 723 millions de lieues seulement, soit 19 fois la distance de la Terre au Soleil. Cette opération s'opère en 80 ans. C'est à peu près le temps que met Uranus à tourner autour du Soleil, dont il est un peu moins éloigné. On en a conclu que le plus gros des 2 soleils d'Alpha du Centaure est un peu plus volumineux que le nôtre et qu'il est 2 fois plus éclatant, Si notre soleil était projeté à cette distance, il ne brillerait que comme une étoile de seconde grandeur. Il serait tout à fait analogue au petit soleil qui tourne autour du grand, dans le couple Alpha du Centaure, et dont la teinte est d'un jaune un peu orangé. Il ne faut pas oublier en effet que la chro- mosphère de notre soleil est rose; de sorte que, si l'éclat de sa photosphère était atténué par la distance, ce serait alors une étoile rougoàtre ou orangée. Le second soleil d'Alpha du Centaure nous donne ainsi une idée de ce que serait notre brillant soleil, s'il était projeté à cette dis- tance : une étoile rougeâtre de seconde grandeur. La lumière d'Alpha du Centaure met 3 ans et demi pour arriver jusqu'à nous. Ce qui a appelé sur cette étoile l'attention des astro- nomes, c'est non seulement son éclat, mais surtout la rapidité avec laquelle elle paraît se déplacer dans le ciel. Ce déplacement apparent était un indice très probabla 240 LE NATURALISTE en faveur de son rapprochement relatif. Car il est bien clair que, parmi tous les astres, ceux qui se déplacent le plus à nos regards doivent être moins éloignés que ceux qui ne paraissent pas se déplacer beaucoup, toutes choses égales d'ailleurs. De même une étoile brillante a plus de chance qu'une étoile imperceptible d'être relativement rapprochée de nous. Or Alpha du Centaure se déplace de 1 degré en 8 siècles, sur la voûte céleste. Dans 12.000 ans, elle fera partie de la Croi.\ du Sud ; à la fin, elle finira par être visible à l'horizon de Paris. Cela nous montre qu'avec le temps l'aspect du ciel et de ses constellations sera absolument changé ; car les étoiles d'une même constellation ne vont pas toutes dans la même direction ; les unes se déplacent dans un sens, et les autres dans un autre sens; et puis elles ne se déplacent pas toutes avec la même vitesse. Bref les constellations se disloquent avec les siècles. Le ciel que nous voyons aujourd'hui n'est pas le même que celui qui existait au moment où notre Terre a été créée. L'étoile polaire est aussi une des étoiles, dont on a pu mesurer la distance. Elle est à 86.000 milliards de lieues de nous. Sa lumière nous arrive en 36 ans et demi. ACADÉMfE DES SCIENCES Di- BouGox. LIVRE NOUVEAU Flore de Franes on descriplinn des plantes qui eroissent spontanément en Franec, en Corse, et en AIsaee-Lorraîne. par G. Roly et J. Foucaud. Le Tome IV de la Flore de Fiance, par G. Rocv, vient de paraître. Il comporte : Di-oséracées; Monotropacées [et Firolacées); Malvacées \et TiLiacies); Linées; Géraniacées [et Balsamine'es, Oxalidées, Coriariées) ; Zygopht/llées ; Ruiacées; Fraxinées ; Sapindacées {et Staphylinfes): Ilicées; Célastrinées : Rhamnées; Simaru- bées ; Anacardiacees ; Légumineuses [Genres Anagyris, Lupi- nus, Adenocarpus, Laburtium), Genisla [et Cytisus, Sarotkam- nus, Argyrolobium, Sparliiim, l'iex, Erinacea, Calycotome, Ononis, Anlhyllis). Nous reviendrons prochainement sur ce nouveau volume (prix 6 fr., franco par poste 6 fr. 45, chez les Fils D'Emile Dejrolle, 46. rue du Bac, Paris). N.-B. — Les volumes di'ja parus de cette importante publi- cation, la plus considéi-able qui ait été jusqu'ici consacrée à la flore de la France, publication indispensable à tous ceux qui veulent se tenir au courant des découvertes botaniques faites, depuis 18o3, en France, en Corse et en Alsace-Lorraine, et connaître entièrement, jusque dans les sous-variétés, l'en- semble des variations d'une même espèce, ainsi que sa biblio- graphie, sa synonymie complète, son habitat exact et son aire géographique, traitent les familles énumérées ci-dessus. De nombreuses observations d'étude critique sont également données, dans la FLORE DE FRASCE. sur les espèces non françaises affnes de celles qui croissent dans nos régions, et des tableaux dichotomiques conduisent le lecteur à la prompte détermination de l'espèce, de la sous-espèce, de la forme ou de la variété qu'il a à étudier. Chaque année paraît régulièrement un volume de la FLORE DE FRASCE. Tome I, 189i. — Préface: Tableaux préliminaires: Ordres des Renonculacées, Berbéridées, Nymphéacées, Papavéracées, Hypécoées,Fumariacées, Crucifères [Arabidées), 1 vol. gr. in-8°, 332 pages. Prix ; 6 francs, franco 6 fr. 50. Tome II, 1895. — Ordres des Crucifères [suite et fin), Cap- paridées. Résédacées, Cistinécs, i vol. gr. in-S». 360 pages. Prix : 6 francs, franco 6 fr. 55. Tome III, 1896. — Ordres des Violariées, Polygalacées, Frankéniacèes, Caryophyllées, Portulacées, Tamariscinées, Elatinées, Hypéricinées, 1 vol. gr. in-8», 382 pages. Prix : 6 fr., franco 6 fr. 55. Comme chaque année à pareille époque la période des va- cances est marquée par une sorte de repos ou de relâchement dans le travail intellectuel et scientifique du pays ; les commu- nications faites à l'Académie des sciences se ressentent de cet état de choses et c'est à peine si dans une période de plus de deux mois on trouve l'équivalent de la somme des mémoires et communications présentés, quelquefois en temps ordinaire, dans une seule séance. Les pédipalpes forment un groupe d'Arachnides intéres- sants et très peu étudiés: aussi est-ce une bonne fortune que Mlle Sophie Pereyaslawzeua (1), si connue par ses travaux d'embryologie, ait pu étudier les premiers stades du dévelop- pement des Phrynes et signaler en même temps les carac- tères les plus frappants que présentent les derniers stades des animaux du même groupe. Jusqu'à présent on n'avait encore jamais signalé la pré- sence d'acariens dans les liquides et surtout les liquides alcooliques. Depuis quelques semaines le commerce des vins sucrés du Midi s'est ému de la présence d'un acarien qui pullule non seulement dans les vins dits de Grenache, m.ais aussi dans le Malaga, le Banyuls. le Moscatel et le Samos. Cet acarien n'est, suivant M. E.-L. Trouissart (2j, rien autre chose que le Carpophagus [Acarus'i passularutn (HeringV Comme l'indique son nom, cet acarien du raisin de Corinthe [Passula Corintliica L.) est très commun dans les raisins secs qui servent à faire des boissons de ménage, surtout larsque ces raisins ont été conservés plusieurs années dans des locaux humides et obscurs. Suivant M. E.-L. Trouéssart, la plupart des vins où l'on trouve le carpoglyphe sont des vins de raisins secs et l'acarien passe directement des raisins secs dans le liquide fabriqué au moyen de ces raisins. On voit donc immé- diatement quelle conséquence peut avoir au point de vue légal la présence de l'acarien. L'acarien peut cependant envahir un vin naturel ; mais seulement quand le fut mal nettoyé dans lequel on l'a mis a du contenir précédemment du vin contaminé. De là nécessité absolue de passer les ton- neaux à l'eau bouillante avant de les remplir. Suivant M. L. Mathieu (3), d'uilleurs on peut trouver, dans des vins authentiques et non sucrés (Champagne, Bordeaux, Bourgogne, vin de Touraine et d'Anjou , diverses espèces d'acariens et en particulier le Glyciphagus cursor et le Tiro- glyphus farinœ abondants dans certaines caves. Il y a donc lieu de distinguer d'une manière précise la nature de ces acariens et leur origine. L'anatomic du groupe des insectes a fait le sujet de deux notes, l'une de M. L. Bordas (4) sur le système nerveux sym- pathiijue des orthoptères, l'autre de M. J. l'ére: (5) sur une forme nouvelle de l'appareil buccal des hyménoptères. La forme décrite par M. J. Pérez consiste essentiellement dans une modification remarquable de la structure normale de la langue des abeilles à langue courte. Le curieux insecte qui présente cet exemple assez rare, d'une déviaiion fonction- nelle considérable dans un organe unique alors que le reste de l'organisme ne subit pas de modification sensible et reste dans les limites des différences spécifiques ordinaires, forme un genre nouveau Solenopalpa Fertoni, espèce appartenant par tous les autres caractères, sauf par la bouche, au genre Andrena. Les recherches de M. Armand 'Viré et de M. le Dr P. Raymond dans les grottes des Cévennes ont enrichi la. faune française de deux genres nouveaux d'isopodes, un sphé- romide de grande taille et un ascUide vermiforme. Suivant iM. Adrien Dollfus (6 , qui décrit ces animaux sous les noms de Sphïeromides Raymondi et .Sienasellus Virei, « cette étude de la faune carcinologique des grottes nous amène à des découvertes bien suggestives et nous espérons que les hardis explorateurs qui l'ont entreprise feront faire de nouveaux progrès à notre connaissance de cette étrange faune. » (1) Séance du 2 et du 16 août. (2) Séance du 9 août. (3) Séance du 23 août. (4) Séance du 2 août. (3) Séance du 26 juillet. (6) Séance du 12 juillet. LE NATURALISTE 241 M. Armand Viré (I) nous lait remarquer, à propos des organes des sens du Splum-omides Raymond! et du Stenasellus Virei, que l'on a, en même lcm))S que l'uni disparait, une hy- pertrophie des autres orfranes des sens : nouvelle et remar- quable confirmation de la Joi de Geoffroy Saint-Hilaire sur le balancement des organes et des théories de Darwin sur l'in- fluence des milieux. Noir et bien dévelojiiic chez l'Asellus des ruisseaux, l'œil devient plus pâle chez celui dos conduites d'eau souterraines, chez l'Asellus des catacombes il n'est plus représenté que par des points rouges, enfin il n'en reste plus trace dans le Ste- nasellus des cavernes : mais par contre les organes olfactifs qui chez l'Asellus aquaticus des ruisseaux atteignent à peu prés la moitié de la longueur d'un des segments de l'antenne, s'allongent chez le même Asellus vivant i l'obscurité dans les conduites d'eau souterraines de la Ville de Paris et viennent à dépasser la longueur du segment dans les individus qui habitent les fontaines des catacombes de Paris. Chez le Ste- nasellus enfin l'organe olfactif atteint plus d'une fois et demie cette longueur. Ce sont là deux séries bien nettes et bien caractéristiques. La physiologie des crustacés a fait également le sujet d'une très intéressante noie de M. ('■■ Bohu (2) sur la respiration du Carcinus Mœnas Leach'. Depuis les observations mémo- rables d'Audouin et de Milne Edwards sur le Maia et les gros Crabes de nos eûtes, on a toujours répété, avec ces auteurs, que l'eau entre par un point particulier situé en avant des pattes antérieures, parcourt la chambre branchiale d'arrière en avant, pour sortir en avant par des orifices situés à la limite antérieure du cadre buccal, et que le courant est iléter- miaé par le scaphognalhitc de la mâchoire. C'est en effet ce qui a lieu dans les condilions les plus fréquentes chez les crabes; mais dans certains cas, lorsque, par exemple, le crabe vit sur un fond boueux, il est doué de la faculté de renverser pour un temps plus ou moins long le sens de la circulation de l'eau dans la chambre branchiale. Ce renversement de la circulation de l'eau dans la chambre branchiale existe chez beaucoup d'autres crustacés Hyas, Maia, Palémons, Ecrevisses, Larves mégalopes, etc. C'est donc un fait phylogénétiquemcnt très ancien, et qui semble se retrouver comme un souvenir ancestral en s'accentuant même chez les formes fouisseuses. En poursuivant ses recherches sur les membres des Batra- ciens et des Sauriens, .1/. A. l'errin (3) étudie les homologies qui existent entre les os de l'épaule des deux groupes et l'ap- parition dans la série animale du muscle perforé de la main. En botanique, les notes ne sont pas nombreuses. Citons une note de M.Boirivant (i) sur le remplacement de la racine prin- cipale par une radicelle chez les Dicotylédones, fait assez fré- quent, suivant l'auteur. Cette radicelle régénère dans une certaine mesure le système pivotant détruit et par sa structure elle se rapproche intimement de la racine mère. M. Georges Fron o'. étudie la racine des Succéda et des Salsola et son asymétrie. M. Paul Grelot (6) signale l'indé- pendance de certains faisceaux dans la fleur; les connexions théoriques des faisceaux peuvent être totalement anéanties, et il arrive que par suite de la forme spéciale des carpelles et de l'élargissement considérable du réceptacle, certains faisceaux du gynécée n'ont plus aucune relation soit entre eux, soit avec ceux des cycles inférieurs. Ils naissent et demeurent indépendants. Les boragînées et les labiées nous en fournis- sent des exemples. D'expériences de M. Boirivant sur la formation de tissu assi- milateur dans les tiges privées de feuilles, on peut conclure que (7) : La suppression des feuilles ou du limbe de ces feuilles pro- voque chez la plupart des plantes : 1° Une coloration verte beaucoup plus foncée des tiges ou pétioles, due à la pioduction d'un beaucoup plus grand nombre de grains de chlorophylles dans les dilïércntes cellules de leur tissu assimilateur ; (11 Séance du 12 juillet. (2) Séance du 13 septembre. (3) Séances du 5 et 12 juillet. (4) Séance du 12 juillet. (3) Séance du 9 août. (6) Séance du 2 août. CI) Séance du 9 août. 2" Une modification de la forme des cellules de ce tissu, qui sont plus allongées dans le sens radial ; ^ 3° Une augmentation du nombre des assises cellulaires qui contiennent do la chlorophylle, en un mot si on supprime les organes spécialement assimilateurs, grâce h une sorte de balancement organique, le tissu chlorophyllien des tiges ou des pétioles se développe beaucoup. Pour terminer l'énumération des notes de botanique, il nous reste encore à signaler une série de notes de M. E. Roze sur le rôle que joue le Pseudocommis Vitis (Debray), dans les deux maladies de la vigne l'Anthracnose et l'Oidium (1) et sur son parasitisme dans la tige et les feuilles de l'Elodea Canadensis aussi bien que dans les plantes marines. En géologie et en paléontologie, une très intéressante note de M. A. Vaffier (2) sur le terrain carbonifère des environs de Mâcon, et deux notes l'une de M. W. Kilian (3) sur un gisement de syénito dans le massif du Mont-Genèvro i Hautes- Alpes), l'autre de M. i. de Latitnti/ (1), sur les roches diaman- tifères du Cap et leurs variations en profondeur, complètent la liste des communications faites à l'Académie durant ces dernières vacances. A.-E. Malard. OFFRES ET DEMANDES Cours municipal de inscicullure . — • M. Jousset de Bel- lesme, Directeur de l'Aquarium de la Ville de Paris, commencera ce cours le lundi 18octol)re à cinq heures, à la Mairie du I"'' arrondissement (Saint-Germain- l'Auxerrois), et le continuera les lundi, mercredi, ven- dredi à la même heure. Objet du cours : Poissons d'eau douce de la France; IMœurs, instincts, fonctions, hy- giène et maladies ; Reproduction et culture du poisson ; Procédés pratiques de pisciculture; Fécondation artifi- cielle ; Appareils ; Repeuplement des cours d'eau et étangs; Pêche fluviale ; Législation; Usages alimentaires et industriels; Approvisionnement du marché de Paris. — Paul Noël, directeur du laboratoire régional d'ento- mologie agricole de la Seine-Inférieure à Rouen, désire- rait échanger une collection d'omfs des oiseaux de Nor- mandie, 2.500 spécimens environ très bien déterminés. — A céder les lots etcollections de Coléoptères ci-après désignés. S'adresser à « Les Fils D'Emile Deyrolîe », 40, rue du Bac, Paris. Collection de Dytiseides et Gyi'inides, 192 espèces, 792 exemplaires, a cartons. Prix: 30 fr. Collection de Stapiiyiinides europ. et exoti- ques. I0G8 espèces. 2284 exempl., 34 cartons. lO tyiies de «olier. Prix': 250 fr. Collection de 8tai»l«jlinides europ. et exoti- ques, 780 espèces, 10 cartons. Prix : 80 fr. L,ot de Stapliylinides, Ci*y|>loplis>g;ides Liatliridlides, i%nisotoniides,Seydniéiiîdes, Cissides, etc. Environ 400 espèces, 1200 exempl., 12 cartons. Prix : tO fr. Collection de Leptodérides, IWécropho- i-ides, Mipliildes europ. et exotiques. 96 espèces. 778 exempl., 4 boites. Nombreuses variétés et exem- plaires de provenances diverses. Prix : 70 fr. Collection de Liucanides et Lamelli- coi'nes de France, U5 espèces, 400 exempl., 3 car- tons. Prix : 35 fr. (1) Séance du 20 septembre, du 9 août et du 30 août. (2) Séance du 20 juillet. (3) Séance du 5 juillet. (4) Séance du 2 août. 5A? LE NATURALISTE Ivot de Glaphjrides europ. et exot. 44 espèces et variétés, 65 exemplaires, 1 carton. Prix : 12 fr. l-iot (leCtirculionides.ni espèces, 37Sexeinpl., 2 cartons. Prix : 30 fr. K^otde Ctii-milionidcs, 171 espèces, 375exempL, 2 cartons. Prix : i[> l'r. Lot de Chrj'somé'lides europ. et exotiques, 2.308 espèces, 2.873 exempl., 58 cartons. Un bon nombres d'espèces africaines sont typiques et ont servi à Vogel pour faire sa monograjihie. Prix : 450 fr. liOtd'Hîspîdes, exotiques, 60 espèces, 6b exempl. i carton. Prix : lo fr. Collection de Coceînellîdes, 110 espèces, 329 exempl., 2 cartons doubles. Prix : 28 fr. Collection de Coceînellîdes», 47 espèces, 5S9 exempl. ,2 cartons. Prix : 30 fr. LiOt de Scj,rninus à l..itophllus inclus, 47 espèces, 332 exempl., 1 carton. Prix : 20 fr. Collection de Curculîonides et Xj'lo- pliages, 880 espèces, 3.416 exempl., 27 cartons. Prix : 17d fr. Lot de Curcullonîdes, 95 espèces, 383 exempl., 4 carions. Prix 30 fr. Lot de Coccinellides européens et exotiques. 78 espèces, 246 exempl., 1 boite. Prix : 20 fr. Lot de Dytiscîdee, Gyrinîdes europ. et exotiques, 78 espèces, 246 exempl., 1 boite. Prix :20fr. Collection de Scolytide», 83 espèces, 674 exempl , 3 boites. Prix : 40 fr. Beanx^ exemplaires de Polyphylla Ra- gnsse idiides,i%iiisotoiuides,Scydinénides, Cîssides, etc. Environ 400 espèces, 1200 exempl., 8 cartons. Prix : 80 fr. Collection de Leptodérides, IVéci-opho- ridee, $mpiiildes europ. et exotiques. 96 espèces. 778 exempl., 4 boîtes. Nombreuses variétés et exem- plaires de provenances diverses. Prix : 75 fr. t.ot de Chrysomélides europ. et exotiques, 2.308 espèces, 2.875 exempl., 58 cartons. Un bon nombres d'espèces africaines sont typiques et ont servi à Vogel pour faire sa monographie. Prix : 4S0 fr. tiotd'Hispides, exotiques, 60 espèces, 6S exempl. i carton. Prix : 12 fr. Collection de Coceinellides, 110 espèces, 329 exempl., 2 cartons doubles. Prix : 23 fr. Collection de Coccinellide», 47 espèces, 559 exempl., 2 cartons. Prix : 30 fr. Liot de Scymnus à Litophilus inclus, 47 espèces, 332 exempl., 1 carton. Prix : 20 fr. Collection de Curculionides et Xylo- phages, 880 espèces, 3.416 exempl., 27 cartons. Prix : 175 fr. Lot de Curculionides, 95 espèces, 383 exempl., 4 cartons. Prix 30 fr. Lot de Coecinellides européens et exotiques. 78 espèces, 246 exempl., 1 boite. Prix : 20 fr. Lot de Dytiscides, Cyrinides europ. et exotiques, 78 espèces, 246 exempl., 1 boite. Prix : 20 fr. Collection de Scolytidee, 83 espèces, 674 exempl., 3 boites. Prix : 40 fr. Lot de Claphyrides europ. et exot. 44 espèces et variétés, 65 exemplaires, i carton. Prix : 10 fr. Lot de Curculionides, 171 espèces, 375 exempl., 2 cartons. Prix : 25 fr. — A vendre les lots ci-après de Coquilles et Fossiles (même adresse que ci-dessus). Un lot de Coquilles marines et terrestres do Illau- rice, environ 128 espèces et 277 exemplaires. — 00 fr. Un lot do Coquilles de Cuba (terrestres) compre- nantae nombreuses Hélix, Strophia,Choanopama, Cnon- dropoma, Ilelicina, 48 espèces, 65 exemplaires. — 55 fr. Une collection de Fossiles du dévonien du Pas- de-Calais, 25 espèces, 38 exemplaires. — 20 fr. Une collection Buliinus de IVouvelle-Calédo- nie 12 espèces, 15 exemplaires, parmi lesquelles Bulimus Mariei. — 12 fr. — Lot de plantes des Alpes comprenant 128 es- pèces diiférentes et plus de 200 exemplairesparfaitement déterminés avec l'altitude et le lieu de la récolte (ces plants ne sont pas collés), prix 2o francs (même adresse que ci-dessus). — On demande pour un musée d'histoire naturelle d'une grande ville de province un préparateur taxider- miste. S'adresser aux bureaux du journal. ANIMAUX Mythologiques, légendaires, historiques, illustres, célèbres, curieux par leurs traits d'intelligence, d'adresse, de courage, de bonté, d'attachement, de reconnaissance, etc. Hippopotame. — Il fut peu connu des anciens, qui en firent presque toujours des descriptions absurdes, ainsi que nous le verrons tout à l'heure. Si nous en croyons le sentiment de beaucoup de sa- vants, entre autres de Bochart (Hierozoicon), l'hippopo- tame ne serait autre que le béhémoth de la Bible, comme le Uviathan serait son commensal du Nil, le crocodile. nicnu {Béhémoth), les bêtes, est un pluriel servant, suivant l'habitude hébraïque, à exagérer la signification du mot, à lui donner un extra-superlatif, comme, d'ailleurs, le mot Q'îItN (Etoïm), qui désigne Dieu, signifie littéralement : Dieux forts, eux Dieux forts. Le pluriel Be/iemot/j (singulier nona, 6(î/tt'ma/i), représente donc une bête énorme, ou du moins remarquable absolu- ment par l'intensité, l'exagération d'une ou de plusieurs de ses facultés. Les Septante, dans la traduction grecque qu'ils firent des Livres Saints à la prière de Ptolémée Philadelphe, roi d'Egypte (285-247 av. J.-C), ont traduit le pluriel béhémoth hébreu par le pluriel grec 9rip(a (singulier : 6»ipiov), bêtes sauvages; mais ils ont altéré le texte, en supprimant un mot, comme je le dirai tout à l'heure. La Vulgate, — le latin dans les mots brave l'honnêteté, — a été moins collet monté que le grec des Septante (1) : elle a tout mis. Voici le passage de Job (XL, 10-19) où il est question de l'hippopotame : 10. — Vois Béhémoth, que j'ai fait comme toi; Il mange l'herbe, ainsi que le b,s pour les mar- chands d'ivoire et de nègres. Qui croirait que le célèbre naturaliste Charles d'Or- bigny (ou l'un de ses collaborateurs, son illustre frère Alcide, peut-être), a trouvé à peu près exacte cette pré. tendue description de l'hippopotame '? Si nous ouvrons le Dictionnaire universel d'histoire naturelle, t. 'VII, p. 207, nous y lisons : « L'hippopotame parait avoir été bien connw dans l'antiquité, quoi qu'on en dise. Sans afBrmer, comme l'a fait Buffon sur la foi de Bochart, qu'il est le Behémolh des Hébreux, dont il est parlé dans le livre de Job, il est certain que le plus ancien des historiens, Hé- rodote, l'a décrit d'une manière très RECONNAlSSA- BLE, .MALGRÉ QUELQUES ERREURS, qui prouvent que sa description n'a pas été faite de visu, quoique ce père des historiens ait habité longtemps l'Egypte. D'ailleurs, il est le seul qui ait à peu près indiqué la véritable taille de ce monstrueux animal, en disant qu'il est de celle des plus grands bœufs. » Parfaitement. Il est de la taille des plus grands bœufs, et même au delà; mais le pied du bœuf, le museau aplati, les dents saillantes, la crinière et la queue du cheval, le hennissement, les javelots faits avec sa peau— c'est-à-dire la description entière de l'animal — tout cela constitue- t-il pour le Père de l'histoire, un titre à l'exactitude de ses descriptions '? Et qui reconnaîtrait l'hippopotame dans ces lignes? Allons, allons, quelque admiration que l'on puisse éprouver pour Hérodote, il fiut encore s'en tenir à la sage boutade d'Aristote : ^'ào; n),oTùv, à'û.à ^a>.\av r^ ilrfiixa, amicus Plato, sed tnagis veritas. Du reste, nous allons voir que d'autres illustres écri- vains de l'antiquité copient à qui mieux mieux ces étranges descriptions, en y ajoutant même du leur. Strabou ne décrit pas; il parle simplement de l'ha- bitat : « {Géographie, livre XV, ch. xill.) Les animaux qu'on rencontre dans l'Inde sont, à peu de chose près, ceux de l'Ethiopie et de l'Egypte; les espèces fluviales sont les mêmes, si l'on en excepte l'hippopotame. » Il répète encore cela au chapitre xlv du même livre XV : « Quant aux autres animaux que nourrissent les eaux de l'Indus, ce sont tous les mêmes que l'on retrouve dans le Nil, l'hippopotame excepté. Encore Onésicrite prétend-il qu'on y trouve aussi l'hippopo- tame. » (Livre XVI, ch. xiv.) « ... Sur la côte même, en deçà du promontoire de Pytholaùs, il y a deux imrhenses lacs, l'un d'eau saumàtre auquel on donne le nom de mer, l'autre d'eau douce, qui nourrit force hippopotames et force crocodiles, et sur les bords duquel le papyrus croit en abondance. » Diodore de Sicile décrit ainsi l'animal {Bibliothèque historique, livre I, ch. xxxv) : « Le Xil nourrit beaucoup d'animaux et d'espèces variées; on en distingue surtout deux, le crocodile et l'hippopotame. « L'hippopotame n'a pas moins de cinq coudées de longueur; c'est un quadrupède biungulé (toujours!), rap- pelant la forme du bœuf; ses défenses (';') sont plus grandes que celles du sanglier et au nombre de trois sur chaque côté de la mâchoire; il a les oreilles, la queue et la voix comme celles du cheval, et tout l'extérieur du corps semblable à celui de l'éléphant. Sa peau est plus dure que celle d'aucun autre animal. Il est à la fois fluviatile et terrestre. Il passe ses jours à s'ébattre dans la profondeur des eaux et les nuits à se repaître, sur le sol, de blé et d'herbes; de telle façon que si la femelle était très féconde et qu'elle mît bas tous les ans, toutes les moissons de l'Egypte seraient dévastées. On s'empare de cet animal à l'aide de harpons de fer qu'on manœuvre à force de bras. Dès qu'il s'est montré quelque part, on dirige toutes les barques vers cet endroit et, se rangeant autour, on le blesse à coups de harpons munis de cro- chets de fer; après avoir fixé une corde à un de ces harpons enfoncés dans les chairs, ils la lâchent jusqu'à ce que l'animal demeure épuisé par la perte de son sang. Sa chair est coriace et indigeste. Aucun des viscères de l'intérieur du corps n'est mangeable. » Pline s'exprime ainsi dans son Histoire naturelle (Livre VIII, ch. xxxix) : « On trouve dans ce même Nil l'hippopotame, animal d'une taille beaucoup plus haute {que le crocodile). Il a le pied fendu comme les bœufs ; le dos, la crinière et le hennissement du cheval ; le museau relevé, la queue du sanglier, et les dents recourbées, mais moins dangereuses. Avec son cuir, on fait des casques et des boucliers impénétrables tant qu'ils ne sont pas mouillés. Il dévaste les moissons; on assure qu'il détermine d'avance, chaque jour, la moisson qu'il ravagera le lendemain, et qu'il entre à reculons dans le champ pour mettre en défaut ceux qui voudraient lui dresser des embûches à son retour. « ... Marcus Scaurus, dans les jeux célébrés lors de LE NATURALISTE 255 son édilité, montra le premier à Rome un hippopotame et cinq crocodiles dans une pièce d'eau creusée pour cette circonstance, L'hippopotame a même enseigné a la médecine une de si-s opérations : quand une abondance continuelle d'aliments l'a rendu trop gras, il vient sur la rive pour chercher des roseaux récemment coupés; dès qu'il voit une tige très aiguë, il s'y appuie et s'ouvre une veine à la jambe. S'étant ainsi, par l'écoulement du sang, débarrassé du malaise qui le gênait, il couvre la plaie de limon... » Et voilà comment, d'après d'Orbigny, « l'hippopotame parait avoir été bien connu dans l'antiquité, quoi qu'on en dise!... » Et Pline l'ancien vivait au i" siècle de notre ère (mort en 79)... Il continue ainsi (livre XXVIII, ch. xxxi) : « Il est, entre le crocodile et rhippO]]Otame, une certaine affinité, car ils habitent le même fleuve et sont tous deux amphi- bies, L'hippopotame est, comme nous l'avons déjà dit, l'inventeur de la saignée. Il abonde au-dessus de la pré- fecture de Sais. La cendre de sa peau, appliquée avec de l'eau, guérit les tumeurs; sa graisse, les fièvres froides, ainsi que sa fiente en fumigations. Les dents du côté gauche guérissent les douleurs de dents : on scarifie les gencives avec. La peau du côté gauche du front, appli- quée sur les aines, est antiaphrodisiaque. On prend une drachme du testicule dans de l'eau contre les serpents. Les peintres emploient le sang de cet animal. » (Ils ne devaient pas peindre souvent.) Elien (De la nature des animaux, livre V, ch. lui) se fait l'écho de ces billevesées : o Les hippopotames, qui vivent dans le Nil, aussitôt que les moissons miirissent et les blés se dorent, y pénètrent, mais après avoir exé- cuté préalablement plusieurs prudentes circonvolutions, de façon à bien reconnaître les lieux; après cette recon- naissance, ils y pénètrent, et, tout en broutant, revien- nent à reculons vers le Nil. Ils en agissent ainsi pour que les cultivateurs, qu'ils craignent de voir venir à eux, les surprennent de face et non de dos, de façon à les voir de plus loin, et d'avoir ainsi plus de facilité pour plonger dans le fleuve. » (Livre VII, ch. xix.) « J'aurai fait connaître l'impiété de l'hippopotame, quand j'aurai dit qu'il tue son père et le dévore. » Il ne manque à ces descriptions que la signature de M. Alphonse Allais. Achille Tatius donne l'hippopotame comme ayant l'apparence du cheval, mais d'une taille beaucoup supé- rieure. Il l'appelle aussi ÊU'phant d'Egypte, parce qu'il le juge d'une force approchant de celle de ce grand pachy- derme : « Sa queue, dit-il (livre IV, ch. ii), est courte et sans poils, comme le reste de son corps; sa tête est ronde et grosse ; sa gueule fendue jusqu'aux tempes ; son menton est large, ses narines très ouvertes, ses dents canines recourbées, pareilles à celles du cheval, mais trois fois plus grandes. » Ammien Marcellin {Rerum gestarum, lib. XXII, cap. xv, §9) dit : (i ... Ce pays produit aussi l'hippopotame, le plus intelligent des êtres à qui la raison est refusée. Il a la forme du cheval, mais le pied fourchu et la queue courte. Deux traits suffiront pour faire juger de sa saga- cité. C'est ordinairement dans un épais fourré de ro- seaux qu'il établit sa bauge; il s'y tient coi, mais tou- jours au guet, jusqu'à ce qu'il juge le moment propice pour aller chercher pâture dans quelque champ de blé. Quand il est repu, il a soin, au retour, de décrire di- verses traces à reculons, pour confondre les pistes et dérouter les chasseurs qui en veulent à sa vie. Autre exemple : L'hippopotame mange avec excès; et, quand son ventre, épaissi par trop do nourriture, engourdit ses mouvements, il s'ouvre les veines des cuisses et des jambes en les frottant contre des roseaux fraîchement coupés, afin d'alléger sa réplétion par cette saignée; puis il enduit ses plaies de limon jusqu'à ce qu'elles soient cicatrisées. Ce rare et monstrueux quadrupède a paru pour la première fois dans un amphithéâtre ro- main, sous l'édilitè de Scaurus, fils de celui dont Cicéron prit la défense. On a vu à Rome plusieurs hippopotames dans les siècles suivants; mais il ne s'en trouve plus aujourd'hui en Egypte (W siècle), parla raison, disent les habitants, que ces animaux, se voyant pourchassés, ont émigré vers les Blemmyes [partie de l'Ethiopie très reculée). » Solin {Polyhistor, ch. xxxiii) le décrit ainsi : « L'hip- popotame naît dans le même pays et le même fleuve {que le crocodile, le Nil); il a le dos, la crinière et le hennissement du cheval, le museau relevé, le pied fendu, les dents du sanglier, la queue tortueuse. La nuit, il dévaste les moissons, où, par ruse, il ne va qu'à reculons, pour mettre en défaut ceux qui voudraient lui tendre des embûches à son retour. Lorsqu'il se sent sur- chargé d'embonpoint, il va vers des roseaux nouvelle- ment coupés, et s'y promène jusqu'à ce qu'un piquant de ces tiges aiguës l'ait blessé, et que le san!^ qu'il perd ait dégagé son corps; ensuite il enduit la plaie de limon pour qu'elle se cicatrise. Marcus Scaurus fut le pre- mier qui fit voir à Rome des hippopotames et des cro- codiles. » Nicandre, dans ses ThMaques (v. 569), fait sortir aussi l'hippopotame de sa bauge pour aller paître, lorsque les pâturages se couvrent d'une herbe nouvelle, XiXoc OTE •/).oâ<7ouTi vfov 5 'àTcexeOaTO itoiïiv. Nonnos,dans ses Dionysiaques, poème en xlviii chants en l'honneur de Bacchus (chant xxvi, v. 236 et suiv.), parle aussi de l'hippopotame : KôïTt [jLe).a(jL'^i^cptôa Sia^ûwv poov ôtïXtï 'Oio; èpioO Nec),oio SspEi-yevè; oî5(ia yapiaaav NafiaTâet, pufjîoio ot' uSa-uo; ^ypôç àôizr^z MrjxeSavaîî yevjEïd'.v • x. t. ), . (( Là, fendant les eaux de ses ongles noirs et bruyants, le cheval du fleuve nage à l'aventure dans les abîmes, tel qu'il se promène dans les flots débordés de mon Nil ; il les sillonne, plonge dans les profondeurs, et souffle de ses larges naseaux. Ensuite il monte au rivage, et, comme il n'a pour s'emparer du froment qu'une bouche informe amollie par l'humidité, il racle la surface de la glèbe à l'aide des scies de ses dents acérées ; il fait tomber les tiges sous cette espèce de faucille, et mois- sonne, dépourvu de fer, les plaines chargées d'épis. » Pomponius Mêla {De situ orbis, lib. I, cap. ix) dit que « ... les eaux du Nil sont si fécondantes et si nutri- tives, qu'outre qu'elles fourmillent de poissons, et pro- duisent même des animaux d'une grosseur prodigieuse, comme l'hippopotame et le crocodile, elles animent jusqu'à la terre et en forment des êtres vivants. » Dion Cassius dit qu'Auguste montra un hippopotame dans son triomphe, à la suite de sa victoire sur Antoine , et Cléopàtre. 256 LE NATURALISTE Les triomphes de ces pompeux Romains étaient, parait-il, une manière de Bœuf gras anticipé, — une noble Vachalcade, — avec cette différence essentielle que les crocodiles, et autres bêtes exotiques, n'étaient pas empaillés. Nous verrions aujourd'hui d'un œil plutôt sévère — soyons modéré — l'entrée triomphale à Paris du chef de l'État, retour de la Scythie, escorté d'une délégation des plus importants pensionnaires du Muséum d'histoire naturelle. Pour un clou, ce serait un clou. Et même, puisqu'on cherche, pour l'Exposition de 1900... Mais soyons respectueux quand nous parlons de ces antiques, solennelles et classiques arlequi- nades. Dans tous les cas, à la suite du triomphe de Vimpe- rator, l'hippopotame en question dut vivement regretter la part qu'il avait prise à cette fastueuse cérémonie : (( Une multitude de bêtes féroces, dit Dion Cassius (Histoire romaine, hvre LI, ch. xxii), et d'animaux di- vers furent égorgés, entre autres un rhinocéros et un hippopotame, qu'on vit alors à Rome pour la première fois. Beaucoup ont rapporté, beaucoup plus encore ont vu quel animal est l'hippopotame ; quant au rhinocéros, il ressemble assez à l'éléphant, si ce n'est qu'il a sur le nez une corne, d'où lui vient son nom. Ces animaux furent donc produits dans les jeux. » Dion n'est pas d'accord avec Pline, Ammien Marcellin, Solin et autres, qui disent que les Romains virent, pour la première fois, l'hippopotame sous l'édilité de M. Scau- rus. La question est, heureusement, de celles qui peuvent patiemment attendre leur solution. Lampride (Vie d'Antonin Héliogabale, ch. xxvill) nous dit que cet empereur « eut à Rome de ces petits dragons que les Égyptiens appellent bons génies; il eut aussi des hippopotames, un crocodile, un rhinocéros, enfin tous les animaux d'Égypteque leur nature lui permit d'entretenir. Julius Capitolinus (Vie dWiUonin le Pieux, ch. x) nous apprend que ce souverain « donna des spectacles où il fit paraître des éléphants, des chiens-loups (crocottas, l'hyène, d'après la plupart des commentateurs), des rhinocéros, des crododiles même et des hippopotames, avec des tigres et toutes sortes d'animaux de toutes les parties de la terre ; il fit aussi paraître cent lions en une seule fois » . Dans sa Vie du troisième Gordien (chap. xxxii), le même auteur dit que « l'on vit à Rome, sous Gordien, trente- deux éléphants dix élans, dix tigres, soixante lions apprivoisés, trente léopards apprivoisés, dix hyènes un hippopotame, un rhinocéros, etc., etc. » Vopiscus {Vie de Firmus, ch. vi) nous dit que l'usur- pateur Firmus, « frotté de graisse de crocodile, nageait parmi ces reptiles; qu'il conduisait un éléphant, montait un hippopotame et s'asseyait sur de fortes autruches, de telle sorte que, porté par elles, il semblait voler, etc. u On voit que l'autruche sellée du Jardin d'acclimatation a d'illustres ancêtres. Le poète Calpurnius, qui vivait sous le règne de l'em- pereur Carus, parle aussi de l'hippopotame dans sa Buco- lique VII (vers 57 et suiv.); le berger Corydon raconte au pâtre Lycotas les merveilles qu'il a vues à Rome, et il lui décrit les jeux du cirque : « Qu'ajouterai-je encore? J'ai admiré toutes sortes de bêtes ; des lièvres blancs, des sangliers à cornes, un tigre dans ses propres forêts, des buffles J'ai pris plaisir à voir des ours lutter avec des phoques et des hip- popotames, hideux produit de ce fleuve qui féconde les guérets du débordement de ses eaux : œquoreos ego cum certantibus ursis Spectavi vitulos, et equorum nomine dignum, .Sed déforme pecus, quod in illo nascitur amni Qui sata riparum Tenicnlibus irrigal undis. Isidore de Séville ne pouvait manquer de suivre d'aussi doctes devanciers, et il nous dit, lui aussi [Etymologia- rum lib. XII, cap. vi, de Piscibus) : « L'hippopotame est ainsi nommé parce qu'il est semblable au cheval par le dos, la crinière et le hennissement; son mufle est relevé; il a les dents d'un sanglier, la queue tordue, et le pied divisé en deux. Le jour, il reste dans l'eau ; la nuit il dé- vaste les moissons. Il vit sur les bords du Nil. » HrabanMaurlDeioiiftTso, lit. VIII, cap. v,de Piscibus), archevêque de Mayence, copie mot à mot le docte évêque de Séville, qui, a lui-même, copié mot à mot les auteurs déjà rapportés. L'histoire de l'hippopotame ne fourmille guère de traits à citer; l'animal est sauvage, lourd, abêti, pour ainsi dire, et son gros parent l'éléphant est autrement intelli- gent. Néanmoins, je trouve dans VEncydopt'die d'histoire naturelle, du D"' Chenu, un fait assez extraordinaire, rela- tivement à l'instinct dont fit preuve un hippopotame, à l'instant même oii il vit le jour : « Thunberg cite un fait curieux qui prouve que la nature a donné à ces animaux un instinct merveilleux pour trouver l'eau, et qu'ils ont cet instinct en naissant. Un jour, dit notre voyageur, étant à la chasse, un colon aperçut une femelle d'hippo- potame qui était montée sur le rivage pour mettre bas, à quelque distance de la rivière. Aussitôt il se cacha dans les broussailles, ainsi que ses camarades. Dès que le jeune hippopotame parut, le colon tira la mère si juste, qu'elle tomba sur le coup. Les Hottentots, qui croyaient saisir le petit, furent bien étonnés de voir cet animal, tout gluant, leur échapper des mains, et se sauver dans la rivière, sans que personne lui eût indiqué le chemin, mais seulement par un instinct tout naturel. » Si maintenant on veut avoir une idée de la force re- doutable de l'hippopotame, on n'a qu'à parcourir le livre dans lequel Sir Samuel White Baker raconte son expé- dition dans l'Afrique centrale, au service du Khédive, pour V poursuivre les négriers {Ismailia, Paris, 1875, in-8°); l'hippopotame, souvent rencontré par cet officier général, s'est montré d'une extrême férocité et d'une force incal- culable; un jour, d'un coup de mâchoire, il détruisit un canot et tua l'un des deux hommes qui le montaient : « Un vieux sheik aveugle, dit l'auteur (page 62), qui ve- nait souvent nous voir de la rive opposée, trouva un jour la mort la plus imprévue, en revenant avec son fils du marché de Tioufikiah. Je me promenais sur le quai, lorsque, entendant un grand bruit, je portai les yeux vers le fleuve. Sur les eaux, profondément agitées, dan- saient les débris d'un canot d'Ambatch. A ce moment, le fleuve était sillonné par de nombreuses barques; quel- ques-unes s'empressèrent de venir en aide à deux hommes qui se débattaient dans le courant. Un hippopotame, abordant le canot, l'avait mis en pièces; le malheureux sheik, incapable d'esquiver le danger, avait été saisi en même temps que le bordagc. Il fut promptement secouru par ses camarades ; mais ses blessures étaient si graves qu'il succomba pendant la nuit. » E. Santini de Riols. Le Gérant: Paul GROULT. PARIS. — IMPRIMERIE F. LEVÉ, RUE CASSETTE, 17. 19" ANNÉE 2' Série — I\)° 'iWS 15 NOVEMBRE 1897 OBSERVATION COMPLEMENTAIRE SUR LESPONGELIOMORPHASAPORTAIs, an. Meun. 11 y a dt'jà plusieurs années f|ue j'ai signalé aux lecleuis ilu Naturaliste la découverte, faite dans Paris nK'mi', d'un fossile nouveau appartenant au genre de vestiges prolilématiqups auxquels M. de Saporta avait donné le nom de Spongeliomorpha. Ce lieau fossile, con- servé au Muséum et que M. de Sajjorta considérait comme d'un haut intérêt, m'a paru digne de lui être dédié, et c'est sous le nom de S. Saportai qu'il a été figuré et décrit. Très récemment, on m'a apporté à mou laboratoire du Muséum de nouveaux spécimens de ce même fossile, mais présentant des particularités nouvelles qui méritent d'être, signalées. .l'ai fait dessiner l'un de ces nouveaux échantillons, et l'on y voit du premier coup d'œil que l'objet, plus ou moins coralloîde, auquel appartient en pro- pre la qualification de Spongeliomorphe, y est associé d'une manière très intime à des vesti- ges tout différents. Ce ^^ sont des corps pirifor- mes et longuement pé- dicellés, tantôt isolés, tantùt réunis en groupe plus ou moins nom- breux. On les reconnait tout de suite pour des tubes de Gastrochœna et même on leur trouve une assez grande analogie avec le Gastrochœna (Fistulana) angusta de Deshayes (Description des coijuitles fossiles des environs de Paris, t.I, p. 16 et PI. 1, figures H à 23). La forme n'est cependant pas identique, et l'on remarque spécialement la plus grande gracilité des pédoncules ([ui se terminent par la massue contenant la coquille. Cette coquille, d'ailleurs, ne m'est pas connue et il est vraisem- blable qu'elle a disparu par dissolution. S'il y avait simplement superposition des Gastrochœnes au Spongeliomorphe, le fait ne mériterait sans doute pas de nous arrêter et s'expliquerait de la façon la plus simple. Mais il se trouve que, dans une foule de points, la superposition se complique d'une véritable association dont l'examen serait peut-être de nature à préciser les notions encore très vagues que nous possédons sur les curieux organismes décrits d'abord par M. de Saporta. On remarque, en effet, que le fin réseau de petites eûtes qui recouvre toute la surface des Spongéliomor- phes se continue plus ou moins surlepédopcule des Gas- trochœnes et parfois même sur une notable jiartie de l'ampoule. Eu divers points, les ampoules paraissent même, à cause de cette circonstance, comme des appen- dices de l'organisme branchu, et, si ailleurs on ne les Le ^aluralisle, 46, rue du Bac, Paris. Spongeliomorpha Snportai, Stan. Mcun. — Associé à des lubcs de Garttudiœna. Echanlillons provenant de gris de Beauchanip, de la rue Vauc)uelin, à Paris. 4 3 de la grandeur naturelle. connaissait à part, on pourrait les prendre jiour des bour- geonnements de ce dernier. Pourtant, ils eu sont certai- nement tout à fait indé|)endaiits et j'ai un échantillon qui le fait voir surabondamment. En efl'et, ce spécimen montre sur uik^ plaqiu'tte de grès des branchages plus ou moins ramifiés de Spongélio- moriihes iiourvus de massues de Gastroclueues comme on en voit dans la figure. Mais toutes les ampoules ne sont pas placées sur les rameaux; un certain nombre d'entre elles sont attachées au grès dans les intervalles des branches. Or, tandis que, pour les premières, beau- coup ont le réseau superficiel, aucune des autres n'en présente la moindre trace, et c'oslunedilférence extrême- ment visible. En comparant lamanière d'être de ces deux catégories de Gastrochu-nes (et en n'oubliant pas que, dans leur posi- tion naturelle, les ampoules avaient leur tige en haut et leur portion renflée en basi, on arrive à la conclusion que le mollusque a dû établir des perforations sur un fond où déjà les Spongéliomorphes existaient, mais en s'éta- blissant sur ceux-ci pour ainsi dire par hasard et sans préférence. Là oii cet rganisme existait, il a é refoulé |j1us ou moins lin dans la cavité pro- uite, et on doit en con- uie qu'il était membra- neux, extensible et suf- isammentrésistantpour eonstituer comme une gaine ou un fourreau .■lufour du tubeétabli par icoiiuille. C'est évidem- ment une notion très nouvelle et qui eût inté- •essé vivement M. de Sa- porta en fournissant un argument positif en fa- veur de l'opinion qu'il défendait, de la nature autonome des Spongé- liomorphes, qu'on pour- rait être disposé à regarder comme de simples accidents de concrétion. C'est à ce titre que j'ai cru nécessaire de signaler les faits ([ui précèdent, et je tiens en terminant à remercier mon ami M. A. Thieullen, bien connu par ses intéres- santes découvertes préhistoriques et à qui je dois d'avoir pu acquérir pour le Muséum les échantillons complexes dont la collection de géologie vient de s'euriehir. St.\nislas Metjxier. J-^G Ojmosooi^e Tout le monde sait ce que c'est qu'un gyroscope : un tore tournant rapidement dont l'axe forme le diamètre du cercle qui sert à le suspendre. La terre est un gyros- cope auquel il ne manque qu'un cercle méridien, qui n'existe que dans notre pensée, mais qui n'a pas de corps réel. La roue d'une brouette peut servir de gyroscope, car le cercle de support est remplacé par les deux mon- tants. 238 LE NATURALISTE Une fronde, une toupie sont des gyroscopes, dont l'axe n'a qu'un seul point d'appui au lieu de deux. Le soleil et la lune sont des gyroscopes, qui n'ont point d'appui du tout, comme la terre dans l'espace. Tous ces gyroscopes, complets ou non, jouissent d'une propriété fondamentale : leur axe conserve une direc- tion fixe dans l'espace. La fixité de leur axe est due à la force centrifuge, développée sous l'influence de leur rota- tion. Elle est donc proportionnelle à leur masse, à leur diamètre et àla vitesse du mouvement de rotation. Nous verrons plus loin comment la rotation peut pro- duire la fixité de l'axe des gyroscopes. Tout le monde sait que les planètes tournent sur elles-mêmes, ainsi que leurs satellites et les étoiles, en conservant leur axe tourné constamment ver.- le même point du ciel. La fixité de direction de leur axe est due au mouvement de rotation dont les astres sont animés. 1. M. Foucault a profité de cette propriété remarqua- ble pour démontrer expérimentalement la rotation de la terre. La preuve que la terre tourne, c'est que l'axe fixe d'un gyroscope convenablement placé nous parait décrire un cercle complet en 24 heures. C'est tout à fait ce qui se passe, quand on attache un couteau avec un fil sous la suspension d'une salle à manger , de façon qu'il soit immobile horizontalement, la pointe tournée vers la cheminée. Une mouche placée sur la table, au-dessous du couteau, croira le voir tourner, si on fait décrire un cercle complet à la table sur laquelle elle repose. 2. Un gyroscope dont l'axe est dirigé vers l'étoile po- laire, indique toujours la position exacte du pùle nord, incomparalilemeut mieux que l'aiguille aimantée de la boussole, qui fait avec le nord un angle d'inclinaison variable, suivant les divers points du globe ; sans comp- tir les affolements subits et bien d'autres causes d'er- reur. 3. Deux gyroscopes, convenablement orientés, l'un par rapport à l'autre, servent à mesurer le point, sur un navire ou un ballon, bien mieux que la boussole et le sextant, le compas nautique ne pouvant même pas ser- vir par un temps couvert ! La pratique n'a pu confirmer encore la théorie, à cause de la délicatesse qu'il faudrait donner à ces organes et de la facilité avec laquelle un faible efl'ort peut dévier l'axe du gyroscope, si cet effort est continu. 4. Deux gyroscopes reliés à une horloge astronomique pourraient faire tourner une mappemonde sphérique de- vant une aiguille fine, qui ferait voir le jioiut à tout l'équi- page du navire, sans avoir besoin de le calculer ; on n'au- rait plus qu'à le lire sur la sphère elle-même ou sur les cercles gradués. Peut-être finira-t-on encore par utiliser le gyroscope pour la direction des torpilles sous-marines ou même des ballons dans certains cas':" On voit que les applications de cet instrument peuvent avoir une portée supérieure des plus variées et des plus intéressantes. Puisque l'axe du gyroscope conserve toujours son in- clinaison primitive, on devine ce qui arrive quand on cherche à l'en écarter: il résiste ! On est surpris de la résistance qu'il oppose comme un être volontaire, et qu'il faut absolument combattre avec persistance; sans quoi, il revient vers sa direction primitive, en raison de la quantité de mouvement qu'il possède encore et qui le ramène dans son premier sens. On peut s'en convaincre en tenant dans ses bras une brouette en l'air, pendant / que la roue tourne avec une grande vitesse. Tant qu'on la déplace parallèlement à elle-même, par exemple en marchant de côté, cela va bien ; mais si on veut tourner sur soi-même en tenant la brouette en l'air, on éprouve une résistance tfès appréciable, à moins do faire incliner en même temps la brouette en sens inverse, de façon à respecter la fixité de son axe dans l'espace. On peut varier l'expérience de bien des manières. C'est ainsi qu'un homme, debout sur un disque pivo- tant autour de son axe, peut le faire tourner, en tenant convenablement un gyroscope à la main. Il suffit pour cela de profiter de la propriété dont jouit cet instrument, en utilisant la force directrice qui ramène constamment son axe dans la même direction. La force directrice de l'axe du gyroscope est produite par la force centri.fuge. En effet, celle-ci s'exerce dans le sens de la tangente, c'est-à-dire dans le plan du cercle de rotation. Déviation de l'axe est synonyme de déviation du plan de rotation, puisqu'ils sont tous les deux perpendi- culaires entre eux : on ne peut déplacer l'un sans dépla- cer l'autre également. La force centrifuge, agissant tan- gentiellement dans le même plan, tend à faire revenir ce plan dans sa direction primitive, et par suite à ramener l'axe à sa place, qu'on lui avait fait momentanément quitter. ■Voici une comparaison qui rendra notre explication facile à saisir. Pour faire dévier de la ligne droite une balle de fusil sortant avec vitesse du canon de l'arme, il faudra exercer sur elle (avec une plaque de fer, je sup- pose) un effort bien plus grand que si elle était immo- bile. Car, indépendamment de l'inertie, on a à lutter en outre contre la grande quantité de mouvement dont cette balle est animée : mv-, le produit de sa masse par le carré de la vitesse. Or, imaginons un disque tournant autour de son support tenu à la main; voilà un gyros- cope qui se déplace avec résistance, si on veut incliner son support dans différentes directions. Hé bien! chacun des points de la roue du gyroscope en mouvement est un petit mobile, qui suit à chaque instant une courte trajec- toire en ligne droite; et ce sont les petites balles en mi- niature que l'on doit déplacer latéralement, pendant qu'elles sont animées d'une très grande vitesse, pour changer la direction du plan de rotation et déplacer l'axe du gyroscope de sa position fixe. C'est donc bien simple à comprendre, quoique un peu minutieux à expli- quer dans le détail. D' Bougon. Les premiers états de la Tortrix Grotiana Nous avons été menacés cette année, parait-il, d'un nouvel ennemi du pommier, dans la personne... je veux dTre dans la chenille de la Tortrix grotiana F. Songez donc ! cette chenille a été trouvée se nourris- sant de toutes petites pommes. Il n'en a pas fallu davan- tage pour qu'un pareil méfait fût porté à la connaissance de tous. Ah! il ne fait pas bon toucher aux pommes ! Le genre humain en sait quelque chose, depuis que notre grand'- mère Eve en a croqué, et en a fait goûter à son mari. Suivant un commentateur biblique dont j'ai complète- ment oublié le nom, c'étaient des fruits empoisonnés. LE NATURALISTE 259 Le poison était lent, sans doute, puisque nos premiers parents n'en ont pas moins vécu des neuf cents et tant d'années, mais terriblement violent, puisque nous en subissons encore les déplorables consé(|upnces. En mangeant des pommes, certes, la Tortrix groliana n'aurait pas attiré sur elle et sa postérité les maux que nos i)reniiers parents ont déchaînés sur nous par leur gourmandise et leur désobéissance. Elle suit ses instincts, cette bète, elle obéit à sa nature, et voilà tout. Mais de quelles malédictions n'aurait-elle pas été cliargée, si, pre- nant goût à ce fruit nouveau pour elle, cette chenille en eût fait sa nourriture préférée, unique peut-être, et se fût propagée démesurément au point de devenir redou- table! De i|uelles mesures préventives ou coercitives no serait-elle pas devenue alors l'objet! On voit déjà les e.xperts en arboriculture partir en hâte sur les iioints menacés, contaminés, heureux s'ils ne prenaient i>oint cette chenille pour quelque proces- sionnaire d'un nouveau genre, comme cela est arrivé à ]H-opos de ïhcliophobits popularis, il y a peu d'années I On voit encore les « missionnaires » des ministères, apiielés par la gravité de la situation. On s'imagine les rapjiurts volumineux, les requêtes pressantes adressées aux )iouvoirs publics. On devine les arrêtés préfectoraux, voire les décrets préparés en conseil des ministres. Tout l'appareil administratif en branle, toute la ma- chine gouvernementale en mouvement! .Je ne badine pas : on en a des exemples et qui ne sont pas d'hier seulement. Le roi d'Angleterre, en son conseil, a défendu, le 25 juin dernier, l'introduction des blés des Etats-Unis d'Américine, parce qu'on a découvert que les blés étaient attaqués d'un insecte; qu'il serait très dange- reux de propager en Angleterre. » (Anioreux,p. 139.) Le 25 juin dernier est le 25 juin 1788. De même que les blés d'Amérique, les farines auraient dû, ce semble, être l'objet d'une semblable prohibition. Peut-être se serait-on épargné l'importation néfaste d'une Ephestia qui s'est répandue si rapidement en Europe et dont on s'est tant occupé depuis que Geller l'a nommée Kuchniella, en 1879. Mais voilà, il y a beau jour ([ue l'indépendance des Etats-Unis est proclamée ! Ah! si la Tortrix grotimvi vivait dans nos jardins, en contact avec nos demeures, en commerce familier avec nos arbres fruitiers, on pourrait croire ([ue jalouse de la renommée qui se sont acquise plusieurs de ses pareilles, les Cochylis ambiguella HT., les Cai'pocapsa pomonella L., par exemple, elle ait voulu attirer l'attention sur ses gestes, faire aussi parler d'elle et défrayer la chronique entomologique, mangeant force iiommes et se riant de toutes les mesures que l'on voudrait prendre contre elle, comme la Cai-p. pomonella encore, qui dans les années où il y a des pommes en mange à mandibules que veux- tu! dans les années où il n'y a pas de pommes se rejette sur les poires, et quand il n'y a ni pommes ni poires, se rabat sur les noix il). Mais non, c'est un papillon des plus moilestes, aimant surtout la solitude des bois, connu seulement des rares chasseurs et collectionneurs de nuéros. C'est sans doute en raison de cette vie retirée, de ces mœurs pour ainsi dire ignorées, qu'on a pu un instant la soupc.-ouner d'en vouloir à nos pommes. (1) Quelques entomologistes font vivre encore la C. Pomo- nella dans les glands du chi-ne. Des nombreux glands que j'ai ramassés je n'ai Jamais obtenu que la C. Spletidana. D'ajirès le seul renseignement (pie l'on possède sur etle chenille, renseignement emprunté à Bechstein et Scharfenberg (NatiirgosicfU der sckâdlichcn Forstinsecten, III, 771), elle vivrait on septembre sur l'aubépine. L'insecte dont se sont occupés les vieux entomolo- gistes allemands est une tortrix qu'ils nomment jlavana, et que Treitschke {Oie Sckmctterlinge von Europn, 'VIII, 82) rapporte à la Tortrix groliana F. .le n'ai pas à examiner si Treitschke a eu raison ou si la flavana de Bechstein et Scharfenberg est autre que groliana V. ; mais ce que je puis assurer, c'est que, d'après mes observations, l'aubépine et le mois de sep- tembre ne sont ni la nourriture, ni répo(|ue de la che- nille de Torlrix groliana. Il y a déjà une huitaine d'années que j'ai fait ai ovo et réussi l'éducation de cette cbenilb! après l'avoir essayée infructueusement une fois, grâce au renseigne- ment erroné fourni par Treitschke et transmis lidèle- ment par d'autres. J'ai donc en main tous les éléments nécessaires pour constituer rhistori(]ue de cette espèce sous tous ses états, et je puis prouver par l'exposé de ses mœurs qu'elle ne peut être en rien dommageable au pommier. 1° CEnf. — Pondu par petits groupes de deux ou trois, l'œuf de T. groliana affecte la forme d'une calotte sphé- rique assez régulière, mais excessivement plate et rela- tivement grande; sa surface est chagrinée, sa couleur d'un blanc brillant avec des parties arrondies mates. Les uns se touchent l'un l'autre, mais s'imbriquent peu. 2° Chenille. — Dix jours après la ponte qui a lieu gé- néralement dans le mois de juillet, la petite chenille sort de l'œuf. Elle est assez allongée, très vive, de grosseur presque égale et peu atténuée postéiieurement. Corps d'un gris un peu rougeàtre, tête brun jaunâtre clair, écusson plus sombre et clapet de la couleur du corps. Trapézoïdaux indistincts, trait rougeàtre, bien vi- sible à l'intérieur vers les septième, huitième et neu- vième segments. Beaucoup de morceaux de feuilles d'arbres, d'arbris- seaux et de plantes basses furent présentés à mes petites chenilles, qui, d'abord, pour s'éloigner les unes des au- tres, coururent en tous sens le long des parois du tube de verre où elles étaient enfermées, parfois se laissant choir pour gagner le fond du tube, finalement se cachè- rent sous les feuilles et, s'étant lilé une légère soie blanche en forme de galerie tubulaire, s'attaiiuèrent au hasard à ces morceaux de feuilles et s'en nourrirent indistinctement. Quelque temps après avoir mangé, au lieu de devenir vertes, elles restèrent d'un gris brunâtre et vitreux. Je remarquai, en outre, que, tout en mangeant les parties des feuilles, elles préféraient les morceaux décolorés et même desséchés. Du coup, j'étais fixé sur la manière de vivre de la chenille de groliana. Elle était polyphage et devait vivre par terre, parmi les feuilles tombées des arbres. Mes petites chenilles furent donc installées en consé- quence et je ne les visitai guère qu'une fois par mois, ])Our me rendre compte des progrès qu'elles accomplis- saient. Elles grossirent très lentement, puisqu'il leur fallut près de trois mois pour atteindre à peine la moitié de leur taille ; de plus, elles ne changèrent pas d'asiiect. ■Vers la lin d'octobre, elles cessèrent de manger et 260 LE NATURALISTE prirent leurs quartiers d'hiver, dans un étroit repli de feuille, tapissé de soie. Dans le courant de mars suivant, elles recommen- cèrent à donner signe de vie, mangèrent de tout ce qui se trouvait près d'elles : détritus de végétaux, feuilles sèches, mémo le cadavre de grotiana Ç leur mère, etc., comme aussi des feuilles fraîches et nouvelles de plantes basses. Elles subirent une dernière mue au commence- ment d'avril, et, vers la fin du même mois, firent leur petit cocon sous les feuilles ou parmi les feuilles qui leur avaient servi d'abri et de nourriture. Adulte, la chenille de T. grotiana mesure environ 0 m. 014 de longueur, sur un peu plus de 2 millimètres à sa plus grande largeur; elle est légèrement atténuée aux extrémités et a les incisions des segments bien pro- noncées. Elle est d'un gris livide brunâtre, plus foncé sur le dos où la teinte foncée forme sur chaque segment comme deux bandes transverses, l'antérieure plus large que l'autre; — plus clair sur les côtes, le ventre et les incisions des segments; verruqueux très peu distincts, de la couleur du fond, petits, et marqués au centre, les trapézoïdaux au moins, d'un tout petit point noirâtre d'où s'élève un poil blond. Tête un peu aplatie en avant, arrondie au sommet, d'un jaune de miel brillant, as- sombri l'e brun ferrugineux vers l'épistome, ocelles noirâtres; on remarque en outre de chaque côté, en dessous des calottes et à la naissance du premier seg- ment, une liture cunéiforme d'un brun ferrugineux foncé. L'écusson du premier segment a la partie anté- rieure de la couleur de la tète, la partie postérieure ainsi que les côtés sont d'un brun noirâtre, le clapet est brun et les pattes de la couleur du fond. 3° Clmjsalide. — Elle est assez allongée, couleur de liège, et présente sur le dos de chaque segment de fines saillies transverses, serrulées, dont les pointes portent une soie raide, courte. Le mucron, en forme de bec, est large, aplati à chaque extrémité, coupé presque carré- ment, d'un brun ferrugineux formé et armé au bout et sur les côtés de petites soies raides formant crochets. Environ trois semaines après la transformation de la chenille en chrysalide, les papillons ont commencé à apparaître, c'est-à-dire vers le 25 mai. Jusqu'ici, je n'ai pu m'assurer si l'espèce a deux géné- rations par au, comme le supposait déjà Treitschke. C'est possible. Mais, il est possible également que mes éclo- sions aient été un peu plus précoces que dans la nature, car je n'ai jamais pris le papillon de Grotiana que dans les mois de juin, juillet et même août. Indice probable d'une seule génération annuelle. Comme on vient de le voir, la chenille de la tortrix gro- tiana est polyphagè; elle ne vit pas sur les arbres, mais par terre, de plantes basses, de feuilles mortes et pour- ries, en un mot de tout ce qui se trouve à portée de ses mandibules. Ses mœurs sont donc assez dilTérentes de celles delà plupart des tordeuses; elle partage cependant sa manière de vivre avec quelques espèces, en bien petit nombre il est vrai : tortrix cinctana Schiff., penthina are- nella CL, par exemple (1). Mais alors me demandera-t-on, comment a-t-elle pu manger des pommes'? En posant cette question-là à l'entomologiste russe qui m'avait signalé le fait,j'ai ajouté: « Les pommes atta- (I) 'Voir le Naturaliste illustré, n" '3, 15 mars 1880. quées par la chenille de grotiana n'étaient-elles pas tom- bées à terre auparavant? — Effectivement, les pommes étaient par terre, » me fùt-il répondu. Ainsi donc, ce n'est pas la tortrix grotiana qui va cher- cher les pommes pour s'en nourrir, ce sont les pommes qui tombent et roulent jusqu'à elle. Je suis heureux de constater que la trouvaille de l'en- tomologiste russe, faite au printemps dernier, confirme pleinement mes observations, en démontrant que les mœurs de tortrix grotiana en liberté comme en captivité sont les mêmes. P. Chrétien. A LA FOIRE SAIAT-«0]IAI\ DE ROIE^ 1896 PHÉNOMÈNES TIYANTS ET TYPES CURIEUX {Suite et fin.) . La personne qui montrait la géante dont nous parlions précédemment et qui depuis plus de VS ans parcourt les foires et y exhibe des sujets curieux, a bien voulu nous remettre quelques photographies des principaux sujets exhibés par elle. Dans cette collection nous remarquons en ])remière ligne " l'homme protée, qui avait la curieuse faculté de pouvoir se rentrer le ventre complètement sous le dia- L'homme protée. — (Reproduction directe d'une pliotographic) phragme, il était arrivé, par l'habitude, à faire mouvoir certains muscles, d'ordinaire inertes chez la plupart des humains, de même que le fameux pétomane (qui a fait courir tout Paris) pouvait en mettant en mouvement cer- tains muscles du rectum aspirer, à volonté, par l'anus, LE NATURALISTE 261 Kf^m^ de l'air, et même de l'eau, il en absorliait ainsi près d'un litre qu'il rejetait ensuite avec une grande pression; il s'était habitué à ce jeu, disait-il, étant petit, en s'amu- sant avec d'autres gamins à prendre des bains sur les liords de la Méditerranée, il bombardait de la sorte ses petits camarades! Tous les jeux sont dans la nature! Nous reproduirons ici la photoprapliiede l'homme pro- téc dans une dos positions qu'il sait donner à son ventre. Nous avions également à la foire Saint- Romain une colosse << la belle Lyonnaise u qui pouvait peserdanslc's230livres, c'est-à-dire une fillette «i nous la comparons, comme nous l'avons fait potir les géants, aux colosses de l'ancien temjis. En eflet: Antoine de Saint-Gervais cite un nommé Chapin Vitelle devenu d'une telle grosseur, qu'il se vit réduit à iiorter une ban- de attachée au cou pour soutenir son ventre. Excédé de sa rotondité, il prit la résolution de ne boire que du vinaigre au lieu de vin; par i-e moyen il diminua le poids de son corps de 87 livres, mais la peau de son ventre était devenue si llasque qu'il pouvait s'envelopiier dedans comme dans un manteau. Le cardinal Duprat, légat du Pape et chan ■celierde France, était si gros que l'on fut obligr d'écbancrer la table où il mangeait, il ne pou- vait plus en approcher à cause de l'énornu' ampleur de son ventre. Brigh, né à Malden, comté d'Essex, oi'i il €st mort le 10 novembre ITÎiO, à l'âge de 2',i ans, avait b pieds 9 pouces et demi de haut mais il était encore plus gros ([ue grand, coi son corps mesuré autour du ventre avait il pieds 1 1 pouces de circonférence ; il pesait 609 livres. Ses habits étaient assez amples pour y faire entrer sept hommes ordinaires. Une demoiselle Ahreens, née à Oldcnliourg, fit arrivée à Paris en 1819, avaitalors 20 ans, sa taille était de 5 pieds 8 pouces, elle avait 0 pieds de circonférence et pesait 450 livres. Avec ces faveurs prodigieuses de la nature, elle en avait d'autres plus précieuses encore ; la tète semblait, dit-on, appartenir à la Vénus de Médicis. Elle fut présentée à Louis XVIII le 17 mars 1820. On voyait aussi à Paris, en avril de la mê- me année, une jeune Helvétienne, que l'on surnommait la colosse des femmes, à peine âgée de 21 ans; sa taille était de 5 pieds 10 pouces et elle pesait près de 300 livres ; sa figure, la force de ses muscles, la grosseur de ses membres, tout enfin, chez elle était d'une harmonie parfaite; elle réunissait également, paraît-il, à «es formes étonnantes un exti'Tieur très agréable. Cette nymphe de la Suisse était parée de son costume national; la candeur et la sim|dicité si particulières aux habitants des montagnes, ajoute Antoine de Saint-Gervais, bril- laient sur son visage. Vers la même époque, il est arrivé de Douvres à Ostende une Anglaise de 31 ans pesant 368 livres; on annonçait que cette femme, restée veuve avec deux en- fants, allait parcourir la France et la Belgique pour trouver à y conclure une union assortie et qu'elle avait déclaré qu'un mari de six quintaux lui suffirait. En 1819, on a montré à Paris un garçon de 3 ans 1/2, né à Saint-James-sur-Loire, pesant 210 livres; mais ce n'était qu'une poupée en comparaison de celui que Linné dit avoir vu à Amsterdam ; il pesait SOO livres de Hollande, et était si gras qu'à peine pouvait-il se tenir debout les jambes écartées. Mais nous avons eu aussi à Rouen des colosses d'un certain [loids ; citons en première ligne la belle Carmen qui pesait 300 livres. Un jeune Hongrois âgé de 14 ans d'une stature superbe -4^, ^4NI»^' f;^ . --' J>H'' . 1 . •■ rfe- "^^ ' S", r , Le colosse Hongrois, ûgé de 14 ans. (Reproduction directe d'une photographie.) avec une tête de Romain, dont nous reproduisons la pho- tographie. La négresse colosse qui arrivera certainement à atteindre un poids étonnant, car, depuis deux ans, elle a augmenté de 100 livres; elle continue à se montrer avec orgueil dans les foires et les casinos ; avec orgueil disons-nous, car une colosse qui augmente de poids, c'est pour elle un véritable triomphe ; il n'en est pas de même de celles qui diminuent et qui deviennent flasques comme de vieilles méduses. En effet, on ne peut ima- giner rien de plus mou qu'une vieille colosse qui noue ses seins dans son tablier. Puisque nous en sommes « aux seins », qu'il nous soit permis de nous y arrêter un instant. J'ai vu il y a une dizaine d'années, à la foire Saint-Romain, une négresse qui avait la faculté de faire mouvoir ses seins à droite, à 262 LE NATURALISTE gauche, en haut en has, je crois ce cas assez rare pour le signaler. Des seins curieux, et qui, eux aussi, ont fait courir tout Paris, sont ceux de l'homme-nourrice, un brave cocher de fiacre parisien, qui tout à coup sentit sur sa poitrine pousser une paire de seins, et quelle paire, mes amis! chacun d'eux pesait 4 kilogrammes. Ce phéno- mène était marié et père de plusieurs enfants ; il est mort il y a peu de temps. Il avait abandonné son siège de cocher pour courir les foires et s'exhiber aux popula- tions. Le développement exagéré des seins, rare chez l'homme, est conimuo chez certaines femmes, surtout chez celles appartenant à la race noire. Les Zoulous, les Congolais et une grande partie des tribus africaines et océaniennes ont des seins étonnants de forme et de dimensions. Les nains étaient assez nombreux en 1890 à notre foire; une seule baraque en contenait trois; une fdle et deux garçons, dont un Sénégalais, nous reproduisons leur photographie, l'autre n'a jamais voulu consentir Les nains. à être photographié. Ils étaient âgés de 16 à 18 ans, leur intelligence paraissait très faible, leurs mouvements, surtout chez la jeune fille, étaient lents et paresseux. Nous mentionnerons aussi un nain lapon, d'une force étonnante ; il est âgé de plus de 40 ans et fait des exer- cices de poids aussi bien qu'un hercule. Nous avons essayé de photographier à la poudre-éclair les deux enfants jumeaux exhibés cette année à la foire de Rouen. Malheureusement, leBarnumne les ayant pas sortis du bocal où ils étaient pieusement conservés dans l'alcool, le reflet de notre lumière sur le verre du bocal, a rendu notre épreuvre très défectueuse. Ces deux enfants mâles, nés dans le nord de la France, il y a deux ou trois ans, étaient complètement soudés par le ventre à l'instar des frères Siamois. Ces jumeaux sont morts aussitôt après leur naissance, ils avaient été blessés par les forceps auxquels on avait eu recours pour l'accou- chement, le moins mutilé a vécu dix heures. Une attraction de la foire, curieuse surtout au point de vue scientifique, consistait en l'exhibition d'une vache sur le cou de laquelle se trouve soudée une autre vache anormale et peu développée, la partie du corps, à compter des épaules, paraissait seule au dehors, tandis que la tête, le cou et les deux pieds de devant étaient renfermés à l'intérieur. Cette curieuse soudure rappelle un peu celle d'un homme qui vint à Paris en 1330, du ventre duquel sortait un autre individu, possédant tous ses membres sauf la tête. Ce personnage curieux était âgé d'environ 40 ans, il portait ce corps entre ses bras; on courait en foule pour admirer un tel phénomène, qui n'a pas été unique ; car le marquis de L'Hôpital, ambassadeur de France àNaples,a vu, dans cette ville, en 1742, un homme qui portait, relevée sur sa poitrine, une croujie d'enfant mâle, avecouisses, jambes et pieds qui lui sortaient égale- ment de la région épigastrique. Paul NOEL. Description de Longicornes de la région Caucasique Aciua.'0|)s kilomètres seulement: à Clermont les vignes en sont toutes infestés, surtout du côté du cimetière. Vu du haut de la chaussée du chemin de fer, ce n'est qu'un immense tapis blanc au tissu le plus serré, et recouvrant tous les pieds de vigne, et, cejiendant, je puis affirmer qu'il y a trois ans tout au plus, on aurait eu de la peine à cueillir au même tènement un seul exemplaire de cette plante. Dans la séance du iO octobre, tenue par la Société d'horticulture et d'histoire naturelle de l'Hérault, M. le D' Planchon (Louis), de Montpellier, professeur agrégé à l'Ecole supérieure de pharmacie, a attiré l'attention de ses collègues sur cette plante, et sur les dangers qu'elle présentait pour les moutons qui étaient à même de s'en nourrir. Il nous dit, en effet, que les feuilles et les graines surtout, contieiment en assez grande quantité, de l'essence de moutarde, et que les moutons qui en mangeaient, mouraient, non par intoxi- cation, mais bien par des lésions produites à la muqueuse do la |)anse de ces animaux (par le fait d'an véritable siiiaiiisme). Ayant été à même de constater les fâcheux effets pro- [luits par le Diplotaxis érucoïdes sur l'estomac des rumi- nants, et s'en être assuré en assistant à de nombreuses autopsies, le D"' Planchon, a cru de son devoir de pré- venir les agriculteurs par tous les moyens qui étaient en son pouvoir, par la voie de la presse, par exemple, ce dont on ne saurait assez le louer. On n'a trouvé jusqu'à présent, et c'est le seul conseil que donne lu D'" Planchon comme palliatif, que de faire absorber, le plus tôt pos- siide, aux animaux une assez grande ([uantité d'eau. Les lapins et les cobayes qui ne présentent pas la môme organisation ([ue les ruminants, n'en ]iaraissent point incommodés. Deux faits se dégagent donc au sujet de cette plante : i" Son extension rapide sur plusieurs points du dépar- tement ; 2° Constatation par le D' Planchon de ses effets perni- cieux sur les animaux de la race ovine. Henri CousTAN. DESCRIPTION DE QUELQUES LUCANUS NOUVEAUX LuCANX'S F.\iRM.4.iiiEr. — Louis Planet. (Thibet.) Très voisin du Luc. Fo>'ot tie t^tapliylinicleiii, Ci-y'|>to|>liagi i'P^ 4.p„ Fig. ^. — Crâne du mâle de Protoceras celer, vu de pro61, d'après Marsh.— Pmx. Prémaxillaire, Mx. Maxillaire supérieur, {'<' C, l" paire de cornes, \a. Nasal, Fr. Frontal, 2e c. 2« paire de cornes; 3' c. 3° paire de cornes. Par. Pariétal, Or/j. orbite. Occ. Occipilal Sq. Squamosal, Per. Périodique, T;/mp. Tympanique ; Ju. Jugal. La. Lacrymal. I. Incisives. Cs. canine supérieure. Ci. canine inférieure. l«r_4e p^^j. prémolaires, l'-S' m. molaires. laires, ce qui fait ressembler un peu son crâne à celui du Protoceras. Dans le même ordre, le genre miocène Diceratherium, quoique étant un vrai rhinocéros, possède une paire de cornes sur les os nasaux, tandis que tous les autres rhinocéros n'ont pas de cornes ou n'en possèdent que sur la ligne médiane. En un mot, les cornes paires ne sont connues que chez les Artiodactyles, ordre le plus récent et maintenant le groupe d'ongulés le plus riche en formes. Le crâne du mâle de Protoceras diffère un peu de celui de la femelle. Comme il était peu connu, nous allons en donner la description, que nous empruntons en partie Le Saluraliste. 46, rue du Bac, Paris. aux Mémoires de M. Marsh. A part les cornes variées et les protubérances du crâne, le trait le plus saillant de ce crâne est la très grande ouverture de la cavité nasale (fig. 2 et 4), caractère qui se montre dans les deux sexes et dans toute la famille des Protocératidés. L'existence d'une pareille ouverture a une grande importance par sa signification fonctionnelle et sa rareté chez les formes récentes des Artiodactyles. Elle indique clairement dans les animaux vivants un long nez flexil)le ou même une vraie trompe de proboscidien. Le seul ruminant vivant possédant ce caractère est la rare Saïga antelope des steppes de Sibérie. Ainsi les Protoceras possédaient, outre leurs 4 paires 270 t,Ë NATURALISTE de cornes et leurs grandes canines, un appendice nasal, probablement bien développé. La forme générale du crâne du mâle est aiïongée et étroite avec la partie faciale très étirée. Ce crâne s'élargit considérablement dans la région frontale et se rétrécit de nouveau dans la région occipitale. Vu de coté, il se montre surbaissé avec les orbites liien dis- tmcts rejetés en arrière et faisant saillie sur les cotéf. caractère qui les distingue des Dinoceras. Les prémaxillaires sont petits et sans dents. Leur extrémité antérieure est déprimée et un peu dilatée transversalement, comme dans les ruminants typiques. r'i;_'. 2. Cràiic du mâle de l'ruluceras celer, face supin-ioure, d'après Marsh. Mêmes lettres que la fig. précédente F. N. Ouverture supcrieurc des fosses nasales. C. "^'ir. cornes p:iriétales. Kig. 3. — Crànc du mâle de l'roloceras celer tface inférieure), d'après Marsh, mêmes lettres que la fig. précédente. 0. I. F. X, Ouverture inférieure des fosses nasales. Us forment ensemble la surface palatine, en avant des maxillaires très développés, et constituent de beaucoup les plus grands éléments du crâne. L'extrémité anté- rieure des maxillaires supporte la grande canine descen- dante, en forme de défense, et elle est creusée assez profondément pour loger sa racine. Ce sont les maxil- laires qui forment entièrement la paire antérieure des hautes cornes recourbées en arrière et dont le sommet LE NATURALISTE 271 est triangulaire ou ovale. Ces os constituent éf;alemont le plancher du palais. Un autre caractère du crâne est l'existence d'une forte crête latérale s'étendant horizon- talement sur la surface extérieure des os maxillaires et se continuant vers l'orliite. Dans les deux sexes, la por- tion antérieure de cette ride latérale se termine sous forme de tubercule et forme le bord inférieur d'une dépres- sion profonde qui devaitprobablement loger une glande. Les os nasaux, fortement développés transversale- ment, rejoignent les os maxillaires et complètent le bord postérieur de la grande ouverture nasale. Les frontaux, qui limitent les nasaux en arrière, sont de grands os beaucoup plus larges que longs. A la jonc- tion latérale du frontal et du nasal existe une petite tubérosité qui constitue la troisième paire de protubé- rances crâniennes. .V l'angle postérieur externe des fron- taux, au-dessus des orbites, se montre une autre paire de protubérances beaucoup plus grandes dont les som- mets sont fortement étalés transversalement. La sur- face supérieure des frontaux est rugueuse et elle présente des sillons profonds caractéristiques. Les os jjarjétaux sont Iteaucoup plus petits que les frontaux; ils supportent la paire de cornes postérieure (|ui din'èr8.dans chaque espèce du genre Protoceras. Der- rière ces cornes arrondies se voit une petite crête sagit- tale séparant les deux fosses temporales. La portion inférieure de chaque fosse est constituée par le squa- mosal qui couvre la moitié inférieure de la cavité crâ- nienne et envoie en avant une courte branche zygoma- tique s'adaptant dans une encoche des os malaires. Les os tympaniques ne sont pas dilatés en une bulle définie. L'orbite est fermé en arrière par une apophyse du frontal qui rencontre la branche supérieure du malaire. Les orbites sont larges, subovales, rejetés latéralement et bien distincts. Leur position à la région postérieure lie la tétc est un des caractères du genre Protocenis. Le genre Dinoceras, auquel il a été comparé pour la struc- ture du crâne, possède des orbites fusionnés avec les fosses temporales et non rejetés latéralement. L'étroitesso de la région occipitale est caractéristique; de sorte que le crâne va en rétrécissant progressivement Fig.4. — Crâne du mâle de Vrolocems celer, vu de l'ace, d'après Marsh. Mêmes lettres que les figures précédentes. en avant en forme de coin et rapidement en arrière. Los palatins sont étroits et limités, eu avant, par les narines postérieures qui s'étendent jus(|u'au niveau de la dernière molaire. La mâchoire inférieure est longue et grêle, principale- mentdans sa portion antérieure. Elle correspond donc au crâne comme contour. Les condyles sont larges et forte- mentconvexesen dessus. L'apophyse coronoide estcourte, mais son sommet est cependant plus haut que le condyle. La dentition est celle d'un ruminant type, ainsi que le montre la série des courtes molaires sèlénodontes. La formule dentaire est la suivante : , . . 0 \ 4 3 Incisives -, canines --, prémolaires v. molaires -. i I 4 i Dans le crâne du mâle, les canines supérieures sont très développées. Elles sont comprimées et possèdent une section triangulaire. Elles devaient former des armes terribles pour la lutte. Les prémolaires supérieures (première paire) sont de petite taille; elles sont séparées par un long diastème de la deuxième paire cjui commence la série continue des dents. Les deuxième, troisième et quatrième paires de prémolaires sont triangulaires et de plus en plus fortes. Les molaires ont des couronnes courtes et le double croissant do la dentition sélénodonte. Les trois incisives de la mâchoire inférieure diminuent de taille de la première à la troisième; la canine est encore plus petite. Elle est située près de la troisième incisive et sa forme est semblable. Le cerveau du Protoceras était de grande taille; il était plus développé que chez les premiers ongulés et possé- dait des circonvolutions très accentués. Sa connaissance ajoute à ce que l'on savait déjà sur le développement de cet orgai3,e si important, chez les mammifères tertiaires. Le cervele tétait, au contraire, très petit, comparativement à celui des mammifères actuels. Les figures 5 mon- trent la forme de ce cerveau qui rappelle colle dos verté- brés très évolués. Le crâne de la femelle était un peu différent de celui du mâle. La constitution du crâne des Protoceras le fait 272 LE NATURALISTE rapprocher de celui des Girafes et des Pyr(^tlierium. Les membres peuvent être au contraire plus utilement com- parés à ceux de la famille des Chevrotains. 4Vs sont, en Fie;. 5. _ Cerveau de l'rotoceras celer, vu de profil et d'en haut. Les diflërents lobes et circonvolutions sont nettement indiqués. outre, à un slade plus primitif fjue chez les autres Cervi- cornespar la non-soudure de leurs éléments osseux. Il y a disproportion dans la taille du nienihre antérieur et du memlire postérieur, comme chez les Tragulinés: la patte de devant étant plus grande que la patte de der- rière; elle est également plus spécialisée par la réduction des doigts latéraux. La patte antérieure possède un cubitus et un radius de proportions à peu près égales. Ces deux os qui tendent à se eoossifier sont marqués à leur extrémité distale de deux fossettes articulaires pour le sca]]hoide et le semi- lunaire. Le carpe, qui ressemble à celui des Tragulinés, en diffère toutefois par le degré de réduction observée dans la rangée distale, ce qui le fait, au contraire, rapprocher de Vllnodon, ruminant qui a été également trouvé en Ainéri(iue. Les os du carpe sont tous séparés. A l'extré- mité interne du trapézoïde existe un petit os représentant le trapèze, qui possède une facette destinée à supporter le premier métacarpien. Les Protoceras avaient donc 5 doigts à la patte antérieure, mais le premier était très réduit, beaucoup plus que chez VOreodon et beaucoup moins que chez les Tragidus. Il existait donc 4 doigts bien distincts : le jiremier, comme nous venons de le dire, étant rudimentaire. Le deuxième et le cinquième, de taille sensiblement égale, étaient moins grands que le troisième et le quatrième qui s'appuyaient sur le sol. La patte postérieure est assez différente de la patte antérieure. Le péroné est très réduit, comme chez les daims, et il tend à se eoossifier à son extrémité distale avec le tibia. Les os du tarse restent séparés dans le jeune âge, mais ils se soudent en pariie pendant la vieillesse. Le calca- néum est relativement petit; l'astragale est haut et étroit et fortement appliqué au naviculaire et à l'ectocunéi- forme. Les métacarpiens comprennent 4 éléments, les mé- dians III et IV sont très développés et ont une tendance à se souder pour former un canon, les 2 latéraux II et V sont au contraire rudimentaires; le premier métacarpien est absent. Les pattes du Protoceras fournissent un exemple inté- ressant, car les antérieures ont 5 doigts lilires et les posté- rieures n'en ont que deux. Elles se rapprochent de la sorte de celles des Ruminants actuels et s'éloignent assez de celles des Girafes et des Sivatherium. dont les élé- ments sont relativement coossifiées Par tous leurs caractères, les Protoceras sont donc in- termédiaires entre les Tragulidés (Chevrotains), auxquels ils peuvent être comparés pour la constitution des membres, et les Girafes, dont le crâne offre un grand nombre d'analogies. L'existence de quatre paires de cornes, de grandes ca- nines et probablement d'une trompe devait donner une singulière physionomie à ces animaux qui sont des Ru- minants typiques, par leurs molaires, mais dont les ca- nines font penser involontairement aux Carnivores. Ph. Glanceaud. DE L'IMPORTANCE DES SCIENCES NATURELLES DANS L'HISTOIRE Les philosophes se sont souvent demandé quelles rai- sons motivent la supériorité d'un peuple sur un autre. Pourquoi, à un moment donné, certaines nations sont prospères et puissantes, d'autres humbles et avilies ? La nature du sol qui nourrit la nation commande à ses destinées. Il faut consulter l'histoire naturelle d'une contrée, et ce point doit intéresser particulièrement les lecteurs tlu Naturaliste, pour comprendre son rôle dans l'histoire de l'humanité, caria supériorité d'une nation tient avant tout à ses richesses naturelles. L'agriculture doit être placée en' première ligne, elle est la base de toute société' puissante; car elle seule peut nourrir les multitudes humaines. Les richesses minières ont également une grande im- portance. Il est capital pour les nations contemporaines de posséder la houille. Combien serait diminuée la puissance de l'Angleterre si elle n'avait point de houille ! L'Angleterre, l'Alle- magne et dans une moindre mesure la France sont pourvues de houille, le bassin de la Méditerranée est pauvre en houille, et les Etats latins ont vu en ce siècle décroître leur puissance, Si les Etats-Unis ont pu acquérir la puissance d'une grande nation, ils le doivent en partie aux immenses mines de houille qu'ils possèdent. Si la Russie est appelée à un grand avenir, elle le doit pour une bonne part aux immenses bassins houil- 1ers, certains grands comme la France, qu'elle jiourra un jour exploiter activement. Si on craint la puissance chinoise dans l'avenir, c'est que, outre ses richesses naturelles, ce pays) possède les plus riches mines de houille du monde entier. En efl'et, la possession de mines n'assure pas seule-t ment à l'Etat l'exploitation de richesses, mais le déve- loppement de nombreuses industries portant une source de progrès qui sans elles n'existerait point. Un exemple entre mille : l'industrie chimique s'est tellement développée en Prusse grâce aux mines de potasse de Stassford, les seules du monde entier. Les riches gisements de phosphates situés en France et aux Etats-Unis ont une grande importance au point de vue agricole. On sait enfin que de nnmlireuses industries, aciéries, verreries, etc., s'installent près des puits houillers pour LE iNATUItALISTl-: ■ri\i ]iouvoir proIltiM' iln lion iiiarclu' (Ii> celle nialièro jin'- mièro. Les richesses agricoles ei niiiiéialés ne sont, pas les seules que procure le pays. La i-onli-iuration physique même du sol peut, devenir une source de richesses pour ses liabitanis. De nomhreu.K ports naturels, une cote ]irofondénient découpée facilitent le commerce, c'était une des causes de la prospérité de la (irèce. De grands fleuves servoni de routes économiques, ce sont des che- mins qui marchent. Pour que la civilisation se développe, ili'aut non seu- lement un terrain mais un climat favorable. Les philoso- phes ont depuis louf^temps l'ecunnu l'iniiiurlance de ce facteur. Bodin le premier, dans sa République i[u\ ]iarut on lo07, deux siècles avant l'Esprit des lois, fil 'intervenir en his- toire les inlluences <-limalériques. Plus lard Montes(iuieu essaya d'établir une relation entre les ma-urs et les climats. Les peuples des pays chauds, disait-il dans rEsprit des lois, sont sans courage, le repos leur paraît délicieux et le mouvement pénible. Ils regardent l'entière inaction comme l'état le plus parfait. Et de fait tous les peuples civilisés se sont jus- qu'à présent développés sous les climats tempérés. Dans le cas où les civilisations ont existé dans la zone inter- tropicale, c'est à de hautes altitudes : telles les civilisa- tions américaines du Mexique et du Pérou. Le climat èqualorial enlève toute énergie, toute ar- deur au travail. Les besoins immédiats y sont faibles et très aisément satisfaits; aussi ces peuples sont-ils pa- resseux et ne développent guère leurs richesses. Au contraire, sous les latitudes boréales, la vie est trop difdcile. Les produits de la terre sont insuffisants et ne peuvent être acquis que par un elTorl trop énergique. Une objection se présente de suite ; la civilisation s'est développé dans des pays à climats très différents ; on ne peut comparer le climat de l'Egype à celui de Saint-Pé- lersbourg et de Stockholm. La civilisationa évolué constamment du sud au nord Elle débuta sur les bords du Xil et de l'Eupiu'ate, passa ensuite en Grèce, puis à Rome. Plus tard, c'est Venise et la haute Italie, puis la France, l'Angleterre, l'Allemagne. Il semble aujourd'hui que la prééminence appartienne aux peuples du Nord. Mougeolle (l| a insisté sur ce déplacement. Pour l'ex- pliquer il compare l'homme à une machine qui produit du travail et eu produira d'autant plus qu'il vivra dans un pays plus froid, car les besoins y sont plus considé- rables; de plus, le travail y est plu; nécessaire, car la terre est moins riche. L'énergie humaine est par suite forcée de s'uccroitrc. Comme preuve, il suffit de comparer les besoins d'un Arabe et d'un Français, d'un Français et d'un Anglais. Les climats froids sont donc les plus favorables au progrès, c'est là ([u'il a atteint son plus grand dévelop- pement. Mais, au début, la civilisation trouvait des conditions plus favorables dans les pays chauds, car une société très évoluée |)Ouvait seule mettre en valeur des contrées froides où les moissons sont moins abondantes plus dif- ^1) Jloiilesquieu. L Esprit des lois, liv. XIV. Des lois [dans le rapport quelles ont avec la nature du climat. (1, Haul Mougeolle Slatisligue des civilisatiotis, 1883, Paris Kraest Leroux. liciles à obtenir, plus aléatoires si les mauvais temps sont fréquents. Les ob.sfactes étaient trop l'on s pdur être surmontés au début. Ce n'est qu'après que h^s sociétés civilisées eurent éclos dans des pays plus chauds rpi'elles purent, se [jortaul vers le Nord, s'iinplanlei' et, se développer. Fih.i.x Uii(;x.\i;i.T. LA KIATIÈRE VUE PAR UN HOmiflE TOUT PETIT Imaginons un homme si petit, qu'une tète d'épingle de t millimètre de diamètre soil pour lui un véritable globe ter- restre. U en faudrait des milliards comme lui pour peupler la surface de cette petite sphère. A part sa taille, supjiosons-le bâti tout à fait comme nous. 11 arriverait à voir les molécules de la matière et ses atomes au microscope, si ce n'est à l'œil nu peut-être. U distinguerait ainsi une foule de choses que nous ne pouvons pas voir: mais surtout la matière lui appa- raîtrait sous un jour tout dîlférent de celui qu'elle otlVe à nos yeux. Ainsi le corps le plus commun, l'eau pure, lui semblerait à l'état ordinaire une poudre de verre transparente, à grains impénétrables, incapables d'être réduits en morceaux plus petits : les molécules. Ces grains ne se touchent pas, mais sont fort loin les uns des autres. En eli'et, un verre d'eau su- crée, c'est un liquide renfermant du sucre en dissolution. Il faut donc qu'il y ait beaucoup de place entre les molécules de l'eau pour que les molécules du sucre puissent se loger entre elles. Si on songe que ce verre d'eau sucrée va absorber mille fois son volume de ga/. ammoniaque, on voit qu'il faut qu'il y ait énormément de place entre les molécules de l'eau et du sucre ; puisque autour d'une molécule d'eau, il y a mille molé- cules d'ammoniaque. Et tout cela, sans que le verre d'eau pri- mitif déborde, c'est à-dire sans que le volume d'eau ail aug- menté de dimension. Comme les niolécules sont incompressi- bles, il faut bien que ce soit l'espace, l'iutervalle compris entre les molécules, qui soit assez consideiable pour faire place aux-molécules du sucie, de l'ammoniaque et des autres sols que cette eau peut encore dissoudre : acide carbonique pour faire du carbonate d'ammoniaque sans augmenter de volume. Que de place entre les molécules d'eau [lour loger tous ces corps, sans augmenter de volume! Ainsi un verre d'eau apparaîtrait à ce petit homme comme un verre rempli d'une poudre transparente comme le cristal, dont les grains seraient fort loin les uns des autres, puistpi'on pourrait mettre autour de chacun d'eus, non seulement des molécules de sucre et d'acide carl)onique pour faire de l'eau de seltz sucrée, mais encore des milliers de molécules d'ammo- niaque et autres sels solubles, Xon seulement ces grains ne se touchent pas, mais ils sont agités de mouvements de toute espèce : gyratoires, ondulatoires, oscillatoires, lourbiUou- naires, etc. La chaleur, la lumièie même agit sur ces mouve- ments, ainsi que sur les ondulations des particules invisibles, de l'étlier qui sépare toutes ces molécules les unes des autres: eau, sucre, acide carbonique, ammoniaque, etc. Quand on plonge un morceau de papier dans l'eau, il se mouille et s imbibe d'eau; c'est-à-dire que les molécules de l'eau se mêlent aux molécules du papier, en conservant à celles-ci leurs rapports de façon à conserver aux fibres végé- tales du papier leur forme primitive plus ou moins modifiée : fibres gonflées, distendues par l'imbition du liquide. Mais, dans une foule de circonstances, quand la surface est liuileuse, grasse ou cireuse, l'eau ne mouille jias à propremen parler les objets sur lesquels elle repose. Elle se prend à l'éta sphéroidal, comme la rosée sur nue feuille de chou, par exemple. Notre petit homoncule verrait l'eau olïrir dans ce cas une -j-.rface, non pas horizontale, mais sphérique. 11 ver- rait les liquides comme une poudre formée de particu.es so- lides ayant de la tendance à se grouper en sphère. La ina- tière sous ses trois états (liquide, solide et gazeux) est toujours formée de molécules solides. De sorte que solides, lic|uides ou ga?, la matière ne serait jamais pour le petit homme qu'une poussière solide, dont les éléments seraient très éloignés les uns des autres, tendant à se maintenir toujours à peu près à 274 LE NATURALISTE la même distance relative, ou tendant, au contraire, à s'enfuir dans toutes les directions, quand il s'agit de ga». De plus, la surface de l'eau, qui nous parait, bien unie, est le siège d'un va-et-vient constant de molécules, qai se préci- pitent dans l'air ambiant (évaporatiom sous l'influence de la chaleur, et qui se précipitent, au contraire, en sens inverse (condensation) sous l'influence du froid. C'est ainsi que la rosée s'accumule de plus en plus sur des feuilles de chou, pendant la seconde partie de la nuit; tandis qu'elle s'évapore pendant la première partie du jour, sous les rayons du soleil levant. Notre homoncule verrait donc l'eau comme une poudre de poussière incolore, bombardant l'atmosphère de milliards de grains, ou au contraire recevant des milliards de ces gra- nulations moléculaires pour augmenter de volume: sous l'in- fluence de l'évaporation dans le premier cas et de la conden- sation dans le second cas. Ce serait pour lui un spectacle très intéressant que cette activité qui a lieu de la part des molé- cules, au-dessus de la surface des liquides. On sait que le brouillard et la vapeur blanche qui s'échappent de la cheminée d'une locomotive, c'est de l'eau à l'état vésicu- laire, de la vapeur d'eau invisible, qui devient visible en se condensant en petites bulles de savon qui grossissent de plus en plus pour former des gouttes de pluie. Notre petit homme verrait ces l:)nllons se former avec une excessive rapidité. De plus, comme il arriverait à distinguer les molécules, l'eau à l'état vésiculaire serait pour lui une sphère creuse formée de petits corpuscules solides et transparents, les molécules. Ainsi la glace, le givre, la neige, la grêle, la pluie, la rosée, le brouillard, la vapeur visible et la vapeur d'eau invisible, qui affectent nos sens d'une manière si différente, ne seraient ja- mais pour notre petit homme que de la poussière à grains transparents, plus ou moins écartés les uns des autres, animés de mouvements très rapides et très variés, à l'état d'équilibre stable, instable ou indifférent; suivant que l'eau est à l'état solide, à l'étai gazeux ou à l'état liquide. Les phénomènes de capillarité, si peu visibles pour nous, seraient, au contraire, ce qui frapperait le plus notre homoncule. Il ne verrait jamais que des molécules qui ne se touchent pas, et ne comprendrait pas la signification du mot mouiller. L'inibibition de l'eau dans un morceau de papier représenterait à ses yeux quelque chose comme des grains de verre transparent mélanges à des haricots blancs, s'il s'agit de papier blanc ; et encore tous ces grains étant très loin les uns des autres et constamment agités de mouvements complexes, en équilibre stable, indifférent ou instable, à cause de l'évaporation qui a lieu à la surface. Di" Bougon. MINÉRAUX lOïïVEAïïX Gonnardite. — Cette nouvelle zéolite, dont M. A. Lac.oix a démontré l'individualité se rencontre dans les vacuole? de? basaltes doléritiqnes ijui constituent, près de Gigiiat (Puy-de-Dôme), le plateau désigné sous le nom de Chaux-de-Bergonne. Elle offre la plus grande analogie avec le mésole d'Islande et des Féroë : aussi est-ce sous ce nom que l'avait désignée M. Gounard qui en a donné la description en 1871. La Gonnardite se présente en mamelons blancs, fibreux, de la grosseur d'un pois, et est recouverte par des cristaux, d'autres zéolites (cbristianite, ebabasie) et d'aragonite. Elle se trouve surtout à la partie inférieure de la coulée doléritique de Gignat. M. Lacroix a aussi constaté sa présence dans les basaltes doJéritiques du puy de Chalus, près C'ournon (I'uy-de»Doni.e|. Elle est probablement ortborhombique et toujours sphéroli- tique, sa densité est de 2,2''i6 à 2,337 et sa dureté 4,5 à b. Le plan des axes optiques est parallèle aux fibres. La bis- sectrice aiguë positive est parallèle à celles-ci. L'angle des axes optiques 2 E est très petit et même souvent le minéral est uniaxe. L'analyse a donné les résultats suivants : Silice 42,30 Alumine 28,10 Chaux 10 Soude 6,70 Potasse traces Eau 14,10 Total 101,20 Cette composition corresiiond à lu formule (Ca, Na^V-îSisOi:' -f .'I.ÎIH^O. M. A. Lacroix a dédié cette espèce au minéralogiste français M. F. Gonnard. La Rœblingite, décrite par les minéralogistes améri- cains S. L. Penfield et H. W. Foote se présente en masses compactes blanches consistant en un agrégat de petits cris- taux prismatiques. Ils sont trop petits pour qu'on ait pu déterminer leur système cristallin, mais comme ils agissent sur la lumière polarisée, ils n'appartiennent pas au système cubique. La composition de ce minéral est très intéressante. Il est en effet formé d'un mélange de cinq molécules du silicate de chaux CaO, SiO'^ H'^0 et de deux molécules du sulfite de chaux et de plomb CaO, PbO, S02. C'est la première fois que l'existence d'un sulfite est constatée dans la nature. L'analyse a donné les résultats suivants : Silice 23,58 Acide sulfureux 9 Oxyde de plomb ^ 31,03 Manganèse 2,48 Strontiane 1,40 Potasse 0,13 Soude 0,40 Eau 6,31 ToT.-vL 100,32 La Rœblingite fond facilement au chalumeau; elle est soluble dans les acides et traitée par le carbonate de soude sur le charbon et à la flamme réductrice, elle donne un globule de plomb métallique. Dédié à l'ingénieur Rœbling, ce minéral a été ren- contré à Franklin, New Jersey, au contact d'un granit et d'un calcaire blanc, associé au grenat, à l'anatase, au zircon, etc. P. G.iUBERT. LA BÉCASSE FRANCO-RUSSE En parcourant les 7,apiski rotijéinova oklio(nil;a Oren- hoiirgahoi goiiberniy (Tablettes d'un chasseur du gou- vernement d'Orenbourg), d'Aksakoff, j'ai été frappé de ce fait que l'oiseau que les Russes nomment Bécasse (le mot est le même dans les deux langues) n'est point notre Bécasse. Voici au surplus la description qu'Aksakoff en donne, et que j'ai traduite très exactement : « La Bécasse est de petite taille, de la grandeur d'un poussin de trois semaines, mais elle a le bec et les pattes très longs. Son dos, ses ailes et sa courte queue sont revêtus d'un plumage bigarré. Le ventre et la région de l'estomac ou de la poitrine sont blancs. Ses yeux sont, foncés, un peu à fleur de tète, assez grands et gais; lef LE NATURALISTE pattes sont également de couleur foncée, presque noirâtre. Les trois doigts de devant sont très longs et munis d'ongles pointus assez longs. Le bout de son bec est comme un peu aplati. Ce bec, relativement à la lon- gueur du corps, est d'une extraordinaire longueur. Chez une vieille Bécasse de forte taille il atteint une longueur d'un verchok et un quart (environ îiO millimètres). Elle l'enfonce dans le sol fangeux des marais et en extrait les radicules blanchâtres des herbes et des plantes qui constituent sa nourriture favorite. La résidence habi- tuelle de la Bécasse, ce sont les marais. Elle s'y dissi- mule parfaitement parmi les monticules de terre. Au moindre danger, la Bécasse s'aplatit et s'allonge sur la terre. » Il faudrait avoir sous les yeux la série des espèces voisines (bécassines et chevaliers) jjour établir une diagnose exacte. .le laisse ce soin aux ornithologistes du Naturaliste, bien persuadé néanmoins que ce léger désac- cord ne portera pus atteinte à l'alliance. D' 11. Vall.^ntin. DESCBIPTION D'UN LUCANIOE NOUVEAU ClNTUAftOLETHRUS AZAMBREI, 11. Sp. 1° Mâle. Longueur totale, mandibules incluses : 47 mm. Longueur des maiidibules : 13.5 mm. Largeur masima, au corselet : 14,5 mm. Entièrement noir, très brillant et presque complètement lisse en dessus, tète et prothorax rugueux on dessous. Tète trapézoïdale, élargie en avant, anguleuse, fortement écbancrée et présentant deux carènes arrondies et saillantes qui partent des angles antérieurs et vont se rejoindre à la partie postérieure. L'échancrure frontale est bordée par une Cantharolethrus Azambrei (n. sp.) mâle crête arrondir, bien visible, mais peu saillante; l'espace trian- gulaire compris entre le bord antérieur et les carènes con- vergentes est fortement ponctué, surtout en avant. Les yeux sont peu saillants, les canthus courts et faibles; les côtés la- téraux de la tétc sont ponctués et présentent une sorte d'arête formant séparation entre la partie supérieure et la partie inférieure de la tétc. La partie frontale est lisse, avec une saillie intermandibulaire courte, triangulaire, excavée et assez aiguë. Mandibules fortes, sensililement planes, plus longues que la tête, régulifr.^îment arquées, épaissies en dehors et tranchantes en dedans, présentant un dcnticule et une dent à la base, ar- mées d'une dent aiguë à peu près au milieu, faiblement bifur- quées à l'apex. Leur surface supérieure, bien que très bril- lante, n'est pas lisse, mais couverte de points sailhmts; les surfaces latérales et inférieures sont, au contraire, parfaite- ment polies et miroitantes. Antennes très développées, dont le scapo i lui seul est plus long que la tête; elles sont assez grêles, à peu près cylin- driques et ne me paraissent pas différer beaucoup de celles du C. Ùiickleyi, Parry. Menton petit, faiblement ponctué, bilobé et présentant une dépression médiane; gorge brillante. Sous l'œil existe un tubercule arrondi, assez gros, ponctué; les joues sont très rugueuses et fortement ponctuées. Prothorax bombé, miroitant, faiblement ponctué sur les côtés, fortement élargi en arriére, bordé postérieurement et latéralement. Il présente une dépression médiane bien mar- quée, très légèrement ponctuée, et, de chaque côté, trois dé- pressions en forme de fossettes; les deux premières sont si- tuées à mi-distance de la ligne médiane et des bords laté- raux, le long du bord postérieur et du bord antérieur; la troisième est voisine de l'angle postérieur du corselet. Les angles antérieurs sont plutôt tronqués qu'arrondis; les angles postérieurs sont saillants, mais non épineux. Ecusson ogival arrondi, très ponctué, brillant. Elytres lisses, miroitantes, portant une légère saillie épi- neuse à l'angle humerai; elles s'élargissent fortement sur le premier quart de leur longueur, puis vont en s'atténuant beaucoup vers le sommet, de façon à former un ovale assez aigu. En dessous, le prothorax est très rugueux sur les bords, ridé transversalement au milieu; il présente une forte saillie prosternale subconique, inclinée vers l'arrière. Le mésosternum est faiblement saillant et porte une dépres- sion qui correspond à la saillie du prosternum. Les pièces thoraciques sont presque lisses, ainsi que les segments abdo- minaux. Les fémurs sont brillants ; les tibias ponctués en dessus et en dessous; les tarses sensiblement égaux, avec le dernier article presque aussi long que les quatre premiers ensemble, à toutes les paires de pattes. Les tibias antérieurs portent sur leur bord externe des dents aiguës, irrégulièrement disposées et qui paraissent en nombre variable; les intermédiaires sont munis d'une dent assez faible près de l'extrémité; les postérieurs sont simples. Cette espèce, dont je possède un mâle assez défectueux pro- venant de l'Equateur, est évidemment voisine du C. Buckleyi, Parry. Elle s'en distingue par une forme plus robuste, la tête et le corselet plus larges, les élytres notablement élargies dans leur premier quart; la dent des tibias intermédiaires, les carènes de la tête plus fortes; la saillie intermandibulaire simple ; les mandibules à section triangulaire, non infléchies, moins arquées, décroissant régulièrement de largeur, et dont la dent médiane est bien plus rapprochée de la base. Elle ne peut, d'ailleurs, être confondue avec C. Luxeri, Bu- quet, ni avec C. Slein/ieili. Parry, se distinguant nettement de tous deux par les mandibules, et, de plus, de C. Lii.reri parles antennes à articles sensiblement cylindriques et l'échan- crure frontale de la tête, de C. Sleinheili, par son corselet trapézoïdal. Je suis heureux de dédier cette belle espèce à M. Azambre, qui a bien voulu mettre à ma disposition les Dorcid;e de son importante collection pour une étude que je prépare sur ce groupe. ■2° Femelle. Je rapporte, quoique avec un peu de doute, à celte espèce, une femelle, provenant des environs de Quito, qui m'a été communiqure par M. Azambre, et dont je donne ci-dessous la description : Longueur totale : 34,5 mm. Largeur, aux élytres et au corselet : 12,5 mm. Entièrement noire, partie antérieure très rugueuse en dessus et en dessous, élytres veloutées et soyeuses. Tête trapézoïdale, élargie en avant, entièrement ponctuée et vermiculée, présentant une dépression postéro-mêdiane et deux 2" G LE NATURALISTE dépressions frontales plus faiblement rur'ueuses, d'aspect opaque . Mandibules aiguës, portant un mamelon biconique sur la face interne, fortement et régulièrement ponctuèrt» en dessus, plus faiblement sur les côtés et la face inférieure. Antennes assez fortes, dont les articles sont sensiblement aplatis; le cinquième est notablement plus long et plus large que le quatrième et le sixième. Menton très ponctué, petit, Ijilobé; gorge ponctuée; joues couvertes de très gros points confluents. Corselet également très rugueus, fortement et régulièrement élargi d'avant en arrière, bordé postérieurement, présentant une dépression longitudinale élargie vers le milieu, et, de cliaque coté, deux dépressions, l'une le long du bord posté- rieur, l'autre à l'angle postérieur du corselet. Au-dessus de ces deux dépressions, on en distingue moins nettement deux Cantharolethrus Azambrei (n. sp.) femelle autres, dont l'une est placée entre la dépression médiane et le bord antérieur, et l'autre, plus limitée, se dirige obliquement vers l'angle antérieur. Les côtés sont presque droits, crénelés; les angles posté- rieurs sont saillants, mais non épineux; la base se rattache au côté par une forte écliancrure en quart de cercle. Ecusson ovalaire, fortement ponctué, brillant. Elytres présentant un aspect à la fois velouté et soyeux; elles s'élargissent dans le premier cinquième de leur longueur, puis décroissent régulièrement en ovale assez aigu. Chaque élytre porte, à partir de l'angle humerai, une côte saillante, brillante, grossièrement crénelée, doublement inflé- chie, qui ne dépasse pas les deux cinquièmes de sa longueur, et à laquelle succède une sorte de fossette allongée qui suit la même direction. Les elytres présentent une ponctuation superficielle, dis- posée suivant des lignes régulières et qui va en s'atténuant vers le sommet. Elles sont entourées d'une bordure assez large, qui n'est nullement relevée en gouttière. En dessous, le prothorax est très fortement ponctué; la saillie du prosternum, ponctuée inférieurement, lisse latérale- ment, se dirige en arrière, et le mésosternum est échancré pour la recevoir. Les pièces méso et métathoraciques sont ponctuées, quoique moins fortement que celles du prothorax- les segments abdominaux sont finement ponctués. Les fémurs et les tibias sont ponctués; les tarses sont égaux, grêles et courts à toutes les paires de pattes. Les ti- bias antérieurs portent, sur leur marge externe, quelques dents faibles et aiguës ; leur prolongement apical est très long et très aigu; les intermédiaires et les postérieurs sont iuermes. Cette femelle me parait dill'érer de celle du C.Buckleyi par ses carènes élytrales plus longues, l'absence fie la^forte saillie épineuse ;'i l'angle postérieur du corselet et à l'angle humerai des elytres, les côtés l.itéraux du prothorax presque droits; elle est encore plus atténuée en arrière et correspond bien à la structure du.màle. H. BoiLEAU. Les Triantes DANS L'ANTIQUITÉ : LÉGENDES, POÉSIE, HISTOIRE. ETC , ETC DATTIER. — Les Latins appelaient le dattier Phmii.c {X'hn'nw daetylifera, L.); les Grecs lui don- naient le nom de $0Lvi|, parce que sa vie, croyaient-ils, était aussi longue que celle du fameux oiseau, et la datte prenait le nom de tpoivixo; pœXavo;. gland du dattier, ou palmier. Les Hébreux l'appelaient "^DD, thamar, et les Arabes lui donnent aujourd'hui encore celui de tamr; les plus beaux se trouvaient aux environs de Jéricho et d'Engaddi; Jéricho était d'ailleurs surnommée la Ville des palmiers (Deutéronome, .\.\xiv. 3 — Juges, l, 16 ; m, 13 — II Paralipoménes, xxviii, Ib, etc.). Avec le fruit du palmier l'on fabriquait, et l'on fabrique toujours, une sorte de miel et un vin spécial. Saint Chrysostome (in Isaia, V, 11), Théodoret et Théophile d'Antioche, qui étaient Syriens, et qui, par conséquent, devaient savoir ce qu'était le siccra (Hixipa), assurent que ce mot désigne le vin de palmier : vimtm et siceram non bibet (Juges, XIII, 14). Dans le temple de Jérusalem, Salomon fit faire des colonnes en forme de palmier (III flots, vi, 29, etc.). L'épouse du Cantique des Cantiques (v, 11) com- pare les cheveux du Bien-Aimé aux jeunes pousses du palmier mâle et à la noirceur du corbeau : comx ejiis quasi elatse palmarum, nigrœ quasi corvus ; quant à Salomon, il compare.àson tour la Bien-Aimée à un palmier: « vu, 8 — Dixi : ascendam in painam et apprehendam fructus ejus : et erunt uhera tua sicut botri vinex, et odor oris tui sicut malorum. — J'ai dit : je monterai sur le palmier et je prendrai ses fruits; et tes seins seront pour moi comme des grappes de raisin, et le parfum de ta bouche comme celui des pommes... » Déjà, au verset précédent (v. 7), le bon roi Salomon avait dit à sa bien-aimée : Statura tua assimilata est palmn-, et utera tua botris; ta taille est élé- gante comme celle du palmier, et tes seins gonflés comme des grappes de raisin ». Décidément, l'adora- teur de la reine de Saba, la nigra sed formosa ancêtre de notre ami Ménélik II (Ménélik I fut le fils de Salomon et de la reine de Saba), aimait à se répéter. La prophétesse Debbora jugeait Israël sous un pal- mier, comme saint Louis jugeait les Frani.'ais sous le chêne célèbre {Juges, iv, 4) : « 4. — Il y avait en ce temps-là une prophétesse nom- mée Debbora, femme de Lapidoth, laquelle jugeait le peuple; « S. — Elle s'asseyait sous un palmier qu'on avait appelé de son nom, entre Rama et Belhel, sur la mon- tagne d'Ephraîm ; et les enfants d'Israël venaient à elle pour faire juger tous leurs dill'érends. » La Bilde parle vingt fois du ijalmier (Ea;ode, xv, 27; — Lévitique, xxill, 40; — Nombres, xxxill, 9; — Deuté- ronome, xxv, 1 ; xxxiv, 3; — Juges, i, 16; m, 13; iv, 5; — III liais, VI, 29, 32, 3o ; vu, 36, etc., etc.), et sept fois du sierra, ou vin de palmier {Deutéronome, xiv, 26 ; XXIX, 6 — Juges, xill, 4, 7, 14; — Proierbcs, xxi, 6; — Luc, 1, 15). Les monuments de l'Egypte, de l'Assyrie, de la Phè- nicie, de la Grèce même et de Rome, représentent des ligures de palmiers. On a trouvé la re]irésentnfion de ces LE NATURALISTE 277 arbres sur do nombreuses monnaies ]iuni(|ues. ro- maines, etc. llorus Apollo {Les Ilidrorih/phcs, liv. 1, iiiérog. m) (lit : '< Isis et un palmier. — Isis désigne l'an- née. C'est une femme, carc'est ce que marque ce mot chez les Egyptiens; il désigne aussi une déesse et un astre que ce peuple nommé Sotliis, et que les Grecs désignent sous le nom d'ïotfoxOwv {la Canicule). Les Egyptiens dé- signent Isis, ou l'année, par un palmier, jiarce que cet arbre est le seul de tous qui pousse une branche à la nouvelle lune, et que l'année est complète lorsqu'il a poussé douze branches ». « (Iliérog. IV). Une hrani-he de palmier, et la Lune ayant les pointes de son croissant fournîmes m bas. — La Lune représentée de cette façon, ou une branche de pal- mier,oll're le symbole du mois. Une branche de palmier offre aussi ce symbole pour la raison dite à l'hiéroglyphe précédent, etc., etc. » D'après Valerianus Pierius. {Les lIiiiiidiH.vi'iilCQUES de Iiin-Pierre Vakrian, vulgairement nomme l'ierius. Lyon, 10 li), in-folio, page 670), le palmier signifiait chez les Egyptiens : Chap. II. — L'an et le moisî Chah. III. — La longueur du temps ; CnAP. IV. — L'égalité; Chap. ^'. — La justice; Chap. VI. — Le soleil : Chap. VIL — La victoire. Chap. VUI. — La Judée ; Chap. IX. — La perte; Chap. X. — Les nopces; Chap. XL — L'innocence; Chap. XII. — La vie des bons. On a trouvé des dattes dans des momies qui font par- tie du nmsée égyptien, à Paris; un immense bois de dattiers, dit Champollion dans un lettre écrite de Sak- karah le !> octobre 1828, couvre aujoui'd'hui l'emphice- ment de Memphis. Le palmier était l'emblème de la fécondité ; il (Igure sur les monnaies des empereurs dont le règne fut signalé par l'abondance des biens ; il l'était surtout de la Vic- toire, comme nous le verrons tout à l'heure; au moment de livrer bataille, César apprit qu'un palmier était tout à coup poussé au pied de la statue qu'on lui avait élevée dans le temple de la Victoire, ce qu'il prit pour un augure favorable. Un autre empereur, dont je ne me rappelle pas le nom, fut aussi averti qu'un palmier était apjiaru sur un autel qui lui avait été dressé dans une ville de ]irovince. On y voyait le signe certain d'une longue suite de prospérités : — « J'y vois celui de votre négligence, rôpliqua-t-il ; car vous devez sacrifier bien rarement sur cet autel. Retirez-vous. » Les l']gyptiens adoraient cet arbre, et les haliitants de Delos avaient aussi pour lui la plus grande vénération, en souvenir de ce que la déesse Latone avait mis au jour chez eux, sous un palmier, Apollon et Diane. Les anciens ont souvent parlé du palmier comme emblème de la victoire. Ainsi,Martialdit (liv. X,épig.L) : Frangat Idumœas tristis Victoria palmas, etc. « que la vic- toire, désolée, brise ses palmes Iduméennes, etc. » Ménandre : 'l'oivi; Hov vixocv èvsjîsi, nirpavTî \i.f(OiMy_tï MaxÉpa ^O'.vixwv, xàv 7ro)."j:iatoa Tûpov. « Le palmier est le signe de la victoire, et revendique pour patrie la mère des palmiers, la féconde Tyr. » OviDK {Mdtii.morphose'i, liv. .\, v. 102) : et lontao, victoris pru'mia )i;dm:<'. <( — et vovis, souples palmes, récompense du vainqueur ». .Ii:vÉNAL (Satire VI, sur les Femmes, v. 321) : Ipsa Medullin.'p frictum crissantis adorât: Palmam inter dominas virtus natalibus requat. Suétone {Vie dWuçiuste. chap. xnii) : «.... Il était sur- tout frappé de certains phénomènes : il mit dans le sanctuaire de ses dieux pénates, et lit cultiveravec grand soin un palmier né devant sa maison, entre des join- tures de pierre, n Même livre, cba]iitre .xciv : « Iules César, traçant son camp au]U-ès de Munda, trouva, un palmier dans une forêt qu'il faisait abattre, et le conserva comme un signe de victoire. Le palmier poussa des rejetons en peu de jours, de manière non seulement à ombrager sa tige, mais même à la cacher ; et des colombes, qui ordinaire- ment évitent cet arlire, dont le feuillage est dur, y firent leur niil. Cette espèce do phénomène fut, dit-on, un des motifs qui déterminèrent le plus .1. César à n'avoir point d'autre successeur que son petit neveu Octave. » Plutarque (Symposiaçues, question iv, § i) ne s'explique pas pourquoi la liranche du palmier est spécialement donnée en récompenseaux victorieux ; il sait néanmoins que les anciens ont fort estimé cet arbre, et qu'Homère (Odyssée, chant vi, v. 163) lui compare la beauté de la jeune Phéacienne Nausicaa, fille du roiAlcinoûs; ils connaissaient la longue durée de cet aibre, témoin ce vers d'Orphée : Leur durée égalait colle des liauts palmiers. « Les Babyloniens, dit-il, célèbrent et chantent cet arbre comme leur présentant trois cent soixante espèces d'utilités dift'érentes. Pour nous autres Grecs, il ne saurait nous servir à quoi que ce soit; mais c'està cause de sa stérilité même qu'il a été choisi pour exciter la glorieuse émulation des athlètes. Tout en étant très beau et très gracieusement élancé, il ne produit — chez nous du moins — aucun fruit. La nourriture qu'il prend ne sert, comme chez l'athlète, qu'à développer l'harmonie de ses proportions, etc., etc. « Sans parler deces considérations, le palmier possède une vertu qui lui est exclusivement particulière et que je vais dire : sur une branche de palmier, que l'on mette un lourd fardeau ; le bois, loindollécbir et déplier, se cour- l)era en sens inverse, comme pour protester contre cette violence. » Nous verrons, plus loin, que cette croyance était à peu près générale. Ovide parle encore du [>almier, de l'arbre victorieux, dans ses Fastes, livre III, v. 31 ; Ilhéa Sylvia voit en songe Romuluset Remus sous la forme de deux palmiers inégaux, dont l'un était le présage de la grandeur de Rome, et -îouvrait de son ombre toute la terre : Inde du:e pariter (visu mirabile) palmœ Surgunt, ex illis altéra major erat : Et gravibus ramis lotum protexerat orbem, Contigeralque nova sidéra summa coma. « O prodige! il en sort à la fois deux palmiers d'inégale hauteur ; le plus grand étendait sur l'univers entier ses ra- LE NATURALISTE meaux touflus, et portait jusqu'aux nues sa jeune tête. » Fastes, liv. I, v. 183 : Quid vult palma sibi rugosaque carica, dixi, Et data sub nivco candido niella cado ? " Je dis : que signifient les dattes, les figues ridées et le miel blanc dans un vase blanc?... » Métamorphoses, livre VIII, v. 674: Hic nux ; hic mixta est rugosis carica palmis. « Ici est la noix ; là, la figue mêlée aux dattes rugueuses. » On a vu que, sous Auguste, le palmier poussait cà et là, entre deux cailloux, comme la première plante pa- rasite venue ; on a également vu. dans Plutarque, que les dattiers ne mûrissaient pas en Grèce, pas plus, sans doute, qu'en Italie. Mais nous voyons aussi dans Audebert (xvi= siècle?) :« Néanmoins, j'en ay veu à Rome, à Naples et aultres lieux chauds, bien chargés de fruicts, qui meu- rissoienl en perfection : et mesmes y en ay mangé d'ung palmier qui est à Rome dedans la cloistre et préau de Saint Pierre in vincula ; lequel est treshaut, et beau, et avoit quantité de fruicts lors que j'y estois. » (tes 06- servations de plusieurs choses diverses, qui se trouvent en Italie,];). 192.) Le palmier a donné lieu à bien des superstitions, à bien des légendes. L'Indian antiquary, de 1872, dit que, jadis, les populations indiennes étaient persuadées que ce- lui du lac de Taroha, dans l'Inde centrale, n'était visible que le jour, et qu'il rentrait sous terre le soir (I). Les Arabes l'appellent l'arbre sacré. ïarbre bienheureux; et ils se basent sur cette particularité qu'il ne pousse, ou du moins ne fructifie, que dans les pays mahométans ; aussi le déclarent-ils le plus précieux de tous les arbres, etlui donneat-ils avec l'homme une origine commune ; ainsi entre autres, Ibn-el-Vardi, qui écrivait au xiv° siècle, dit au chapitre X de suCosmographie : « L'apotre de Dieu (auquel Dieu soit propice, et que la paix soit avec lui!) a déclaré ceci: Honorez votre oncle le palmier! et il l'appelle ainsi parce qu'il a été créé avec le reste de la terre dont fut formé Adam (que la paix soit sur lui I) >• Aussi, les Arabes reconnaissent-ils au palmier-dattier une foule de similitudes avec l'homme : tous deux ont une haute stature; ils vivent longtemps; ils sont mâle et femelle ; ils ont un cerveau {moelle) et une chevelure ; ils se propagent, ils éprouvent des maladies, etc. Ils lui reconnaissent aussi une intelligence remar- quable; dans ce même livre d'Ibn-el-Vardi, nous lisons: « Parmi ses maladies se trouve la stérilité, et tu y remédieras sûrement si, prenant une hache, tu te rends auprès de l'arbre malade, en disant à un camarade qui est avec toi : — (c Je vais abattre cet arbre ; il est stérile. — N'en fais rien, je t'en prie, dira ton ami, car il te donnera du fruit cette année... — (I Pas du tout, répondras-tu; il doit périr! Et tu lui donneras deux ou trois coups avec le dos de la hache. Mais ton camarade t'arrêtera encore en te disant : — « Par le Seigneur Dieu, tu ne le feras pas ! Car, aussitôt cette année écoulée, tu auras du fruit. Sois donc miséricordieux envers ce palmier, écoute-moi; et si, décidément, il ne te donne pas de dattes, alors tu le cou- jieras. (1) A. de Gubcmmis, Mythologie desplantes, tome II, p. 211. « Sois certain que l'année suivante, le palmier sera fécond et qu'il te donnera beaucoup de fruits. » Et maintenant, si nous ouvrons l'évangile de saint Luc, chapitre xiii, nous y trouvons une histoire sem- blable, une parabole, relative au figuier, cet autre arbre si précieux pour les Orientaux : « Chapitre xiii... v. 0. — Non, vous dis-je : mais, si vous ne vous corrigez pas, vous périrez tous comme eux. i> « 6. — Il leur dit aussi cette parabole : un homme avait un figuier planté dans sa vigne, et il vint pour y prendre du fruit, mais n'en trouva jioint ; « 7. — Et il dit au vigneron : voici : il y a déjà trois ans que je viens chercher du fruit à ce figuier, et je n'y en trouve point. Coupe-le. Pourquoi occuperait-il inuti- lement la terre '? « 8. — Le vigneron lui répondit : Seigneur, laisse-le encore cette année, jusqu'à ce que je l'aie déchaussé et que j'y aie mis du fumier; (I 9. — S'il porte du fruit, à la bonne heure. Sinon, alors tu pourras le couper. » Les deux récits ne sont-ils pas proches parents, et la superstition dont parle gravement Ibn-el-Vardi n'avait- elle pas cours déjà du temps de Jésus-Christ"?... Les Arabes disent aussi que le palmier était cher à Mahomet, et qu'il fit, sous son ombre, de nombreux miracles; ils prétendent encore ;que les dattes constituent la nourriture des élus, et que le Messie est né sous un palmier; c'est Mahomet lui-même qui l'affirme dans le Coran {Sourate xix, M.\rie, versets 22-26) : « 22. — Elle devint grosse de l'enfant, et elle se retira dans un endroit éloigné. « 23. — Les douleurs de l'enfantement la surprirent auprès d'un palmier : Plût à Dieu, s'écria-t-elle, que je fusse morte, avant d'être oubliée d'uu oubli éternel! At^toi, èuet tIxî; àyXaà Te'xva, *.\.7ro).>.(Ovâ t' àvaxia xa'-. "ApT£[x;v îo/éatpav [Tr|V liiv, i-i 'Ofvjyii], TÔv 8è, xpavaT] àv'i Ar,X(<)], K£X/.t|X£VYl TTpÔç |J,aXpC(V ôpoç xai KOvôtov Ô'/OûV, '\'C/UTâ':ui sotvixo;, utt' 'Ivwttoio pséOpocî- « Salut, bienheureuse Latone, parce (ju'il t'est né de splendides enfants, le nii Apollon et Diane, habile à lancer les flèches, | celle-ci dans Urtygie, celui-là dans Delos l'escarpée] ; tu étais appuyée contre un palmier, sur un mont élevé el la colline de Cynthie. aux bords du fleuve Inopus » Et, au vers 116 : Tr|V t'JTe Sî) Toxo; t'ù.t, lievoiviiasv Zï TSxéoTai. '.\ji:fî ai çoivixi fiàù.t Tir,y_zî, ^oùva S' ipEiusv A£tfj.(t)vt iJ.3t)>ax(T>. n Enlin l'enfantemenl commença, et elle faisait tous ses eflbrts pour se délivrer. Elle jeta les bras autour du tronc d'un palmier, et tomba à genoux sur un gazon moelleux ». Euripide (Héiube, v. -iaS) :... « dès que les jeunes et sacrés rameaux du palmier et du laurier s'allongent, pro- tégeant l'enfaiilenient divin d'une déesse chère à ,ki]ii- ter..." Et dans Ipltigénic en Tauride, vers 1099 : «... Diane Lucine favorisa l'enfantement de Latone, auprès de la colline de Cynthie, au milieu des palmiers chevelus et des blancs lauriers u. Ovide (Métamorphoses, liv. "VI, v. 33S) : Illic, incumbens cum Palladis arbore palm;«, Edidit invita geminos Latona noverca. (1 Là, couchée entre un palmier et l'arbre de Pallas, elle met au monde deux enfants, en dépit de leur imj)lacable marâtre (Jiinon). » Et livre XIII, v. 63;i : Urbem ostendit, delubraque nota, duasque Latonâ quondam stirpes pariente retentas. n ... 11 lui montre la ville, ses édifices sacrés déjà célèbres, et les deux arbres qu'enilirassa Latone ([uand elle devint mère. » Nonnos, dans ses Dionysiaques (chant XXVll, v. 27) : EiTÔxE AtjXo^ a[X'jv£ [loyoç toxoç, tlarjv.z AtiTw O'JTiSavoîç 7t£Tà>.ot(Tt yépwv ii.ait!>naxo 9oivi?. « ...Jusqu'à ce qu'enfin Dèlos s'offrit à sa délivrance, et que le chétif feuillage du palmier la secourût, n Tzetzès, dans son commentaire sur l' Aie vandra de Lycophron (v. 401), dit : « Et quand Latone fut là, ayant louché un laurier et un palmier qui s'y trouvaient, elle mit au monde Diane; et un instant après, ceZ/e-Ci l'aidant, elle enfanta Apollon. » On voit que les mythologues ne connaissaient pas d'obstacles; il est vrai (]uo tout était possible aux dieux, — même de se faire administrer do soIid(!s corrections par les simples mortels, si nous ajoutons foi aux combats i'pi(|nes décrits par Homère dans son immorl(dle Iliade. Pourtant, il y a i|uelques div(!rgences, chez les anciens autours, relativement aux deux arbres dont l'attouche- ment procura la délivrance de la vagabonde déesse La- tone, aimée du père des Dieux et des hommes, qui n'était mémo pas capable delajirendre sous sa haute jiroteclion dans une circonstance aussi délicate, et dont il était la cause bien reconnue. Quelques-uns veulent i[ne Latone ait touché un palmier et un olivier : l'^lion (Histoires diveises, liv. V, ch. iv) dit : « Les Dé- liens prétendent que l'olivier et le palmier sont nés à Délos, et que c'est seulement après les avoir touchés que Latone put enfanter, ce ([u'elle ne pouvait faire aupara- vant. )' Didyme, scholiaste d'Homère, dit aussi, à propos du vers 9 du premier chant de l'Iiiade(l) : « ...Quand elle fut là, saisissant deux arbres, un olivier et un palmier, elle mit au monde deux jumeaux : Diane et Apollon. » Consultons maintenant les historiens et les géo- graphes : Pausanias nous dit que « ...des palmiers croissent devant le palais d'Agamemnon (en Béotie), portant des fruits ; mais ils sont bien moins délicats que ceux de la Palestine ». (V. Pausanias, Description de la Grèce, VIII, XLViii : X, XV ; IX, xix.) Xénophon (Anabase, livre 11, ch. m) : «On arriva enfin aux villages où les guides avaient indiqué qu'on pourrait prendre des vivres : on y trouva du blé en abondance, du vin de palmier, et une hoisson acide qu'on tire du fruit en le faisant fermenter et liouillir. Quant aux dattes mêmes, on les servait aux domestiques, pareilles à celles qu'on voit en Grèce (2) ; il n'en paraissait sur la table des maîtres que de^choisies, et d'étonnantes pour la grosseur et la beauté; leur couleur ne difl'érait pas de celle de l'ambre jaune ; on en faisait sécher aussi qu'on mettait à part pour le dessert; c'était un mets délicieux à la fin du repas, mais, il donnait des maux de tête. Ce fut là aussi (jue, pour la première fois, nos sojdats mangèrent du chou palmiste; on était flatté de sa forme et du goût agréable qui lui est propre; mais il causait aussi de vio- lents maux de tête. Le palmier se sèche entièrement dès qu'on enlève le sommet de sa tige. » Athénée (Deipnosophistes, livre II, chap. xxviii) dit : n ...Théophraste ajoute ceci après avoir parlé du pal- mier: ...C'est ainsi qu'on multiplie le palmier en semant les dattes; mais pour en avoir du plant, on coupe la partie supérieure, dans laquelle est la moelle ou cervelle {iyv.étfoù.oi),.. « Xénophon dit, au second livre de son Anabase : Ce fut là que nos soldats mangèrent la première fois de la cervelle de palmier. Ils furent presque tous étonnés de la saveur exquise et singulière qu'ils trouvèrent dans ce fruit; mais cet aliment leur donna de grands maux de fête. Le palmier dont on avait enlevé la cervelle se des- séchait rapidentent. » (A suivre.) Santini de Riols. (I) Ar,TO'j; xa'i A'.o; 'j'iô;. 'O yàp po(i7iÀf,î -j^oXmOe'iç... «Le fils de Latone el de Jupiter. Car, irrité contre le roi... [2' On a remarque plus liaut que I^lutarque prétend qu'en Grèce, le dattier ne dunne pas de fruits ; c'est iWidemment une erreur, déjà relevée par d'autres anciens écrivains. 280 LE NATURALISTE LIVRE NOUVEAU La culture des niers en Europe {Piscifacll^re — Pisci- cnllure ■ — Ostréiculture), par Georges Roche, inspecteur général des Pèches maritimes, (l vol. in-S", avec SI gravures dans le ♦cxte, cart. à l'anglaise, 6 fr. ; franco 6 fr. oO.) Depuis des siècles, l'homme s'est préoccupé de régulariser la production de la mer, et, pour qu'une exploitation désordon- née ou trop active des espèces comestibles n'en amenât pas la diminution ou la disparition, il voulut restreindre l'exercice des pèches et aider la nature elle-même, en se livrant à une sorte de culture du milieu marin. Dans la seconde moitié de ce siècle, c'est en France, sous l'influence du génie fécond de Coste, et grâce aux efforts du commissaire de la marine de Bon, que s'est créée l'industrie ostréicole. Par contre, c'est surtout à l'étranger que les hommes de science se sont consacrés le plus activement à l'é- tude de toutes les questions biologiques qui intéressent l'ex- ploitation des mers. Depuis lors, ces connaissances se sont précisées et étendues et l'on est arrivé à n fabriquer des alevins " des espèces co- mestibles importantes avec une précision technique très grande. M. Roche n'a pas eu la prétention d'écrire un traité d'aqui- cnlture, mais il a pensé qu'il était intéressant d'initier le pu- blic au fonctionnement des industries maritimes et à la tech- nique des méthodes piscicoles et ostréicoles. 11 expose d'abord les procédés de pèche modernes et les résultats qu'ils fournis- sent dans les mers d'Europe, puis il passe en revue les essais et les résultats de piscifacture et de pisciculture pratiqués dans les divers pays, la reproduction des homards et des lan- goustes, l'ostréiculture si développée en France que ses dé- bouchés actuels sont devenus insullisants. Un dernier chapitre est consacré à la culture des éponges industrielles. BIBLIOGRAPHIE 48. Manou"7rier (L.). Pithecanthropus erectus ^Trad. de M. G. Gra.nt Mac Curdy). Amer. Journ. of Sci. Septembre 1897, p. 213-234. 43. Marcou (J.). Jura and ncocomian of Arkansas, Kan- sas, Oklahonia, New-Mexico and Texas. Amer. Journ. of Sci. Septembre 1897, p. 197-212. 44. Marsh, O. C. Principal Characters of the Protocera- tidie. PI. II-VII. Proloceras celer — Pr. complus — Calops cotisors, fig- Amer. Journ. of. Sci. Septembre 1897, p. 165-176. 45. Newton (R. Bullen). On a jurassic Lamellibranch from Saravak, Bornéo, fig. Geol. Mar/az. 1897, p. 407-415. 46. Ortmann (A. E.). Systematik position of Crangopsis verniiformis (Meek.), from thc Subcarboniferous rocks of Kentucky. Amer. Journ. of. Sci. Octobre 1897, p. 283-290. fS. Penfield (S. L.) Foote (H. W.). Ueber Byxbyit, ein neues minerai, mit oiner Notiz liber den begleiten- den Topaz. 4 fig. Zeilsch. f. Krystall. 28, 1097, p. 592-596. 48. 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LEVÉ, RUE CASSETTE, 17. 19« ANNÉE 2" SÉRIK — 1^° 'iSii* 1.-; DÉCEMBRE 1897 CONTRIBUTION NOUVELLE A L'ÉTUDE DES DENDRITES DE MANGANÈSE Si je reviens encore une fois sur un sujet que j'ai traité déjà dans le Naturaliste, non seulement an point de vue descriptif, mais pour décrire des expériences permet- tant la reproduction artificielle des dendrites, c'est ([uo je ■\'iens de rencontrer un écliautillon qui, comme le montre la figure jointe au présent article, présente une particula- rité nouvelle. C'est une marne calcaire assez dure, extrêmement feuilletée et qui provient du terrain dit des marnes de Saint-Ouen, des environs du Gué à Tresme, non loin de Meaux, en Seine-et-Marne. Ces marnes recouvrent là, sur quelques collines relativement élevées, d'épaisses accumulations de sables moyens, dont quelques-unes se signalent par l'extraordinaire abondance de débris des crustacés marins. Klles sont associées, dans les couches lacustres qu'elles constituent, à des lits calcaires dont plusieurs sont littéralement pétris de tests du Limnsea tongisi-ata, mélangé de quelques rares planorbes.Ces cou- ches contiennent beaucoup de dendrites de manganèse, et de préférence sur les coquilles fossiles; mais les dendrites ne présentent alors rien de particulier et rentrent dans les types les ])lus habituels. Au contraire, et comme le montre la figure que nos lecteurs ont sous les yeux, dans les marnes les dendrites sont disposées d'une façon très spéciale. D'abord il faut dire que les feuillets minces dont les couches marneuses sont constituées, présentent des dendrites sur leurs deux faces et sensiblement avec les mêmes allures. En se- cond lieu, les dendrites ne partent pas d'un point de rayonnement commun ou d'une ligne de rayonnement commune, comme la chose a lieu d'ordinaire, mais d'un très grand nombre de points grossièrement équidistants sur chaque feuillet considéré à part. A première vue, cette seconde circonstance est plus dillu'ilc à e.xpliipii'r que la première, qui suppose sim- Marne endurcie feuilletée présentant des dendrites de manganèse en groupe dont cliacun a pour contre un petit canal cylindrique. Du Gué à Tresme, près Meaux (Seine-et-Marne). Grandeur naturelle. plement la rencontre, dans les interstices capillaires, des feuillets des substances capables de la réaction mutuelle reproduite dans nos expériences, et dont le produit est l'oxyde mixte de fer et de manganèse disposé en den- drites.Pour concevoir comment, sur ces mêmes feuillets, cette réaction peut se développer en des points très dis- tincts les uns des autres, il faut évidemment une circons- tance su])plémentaire et très rarement réalisée. Or elle réside, à n'en pas douter, dans l'existence de singulières perforations cylindriques du diamètre d'une piqûre de fine aiguille (li2 millimètre environ) qui tra- verse perijendiculairement les feuillets. On voit l'ouver- ture d'un de ces petits canalicules au centre de chacune des dendrites rayonnantes, et le dessinateur en a repro- duit un certain nombre. Sans doute le liquide générateur des dendrites a profité de ces tubulures pour arriver très lentement dans les fines diastomes qui séparent les feuil- lets, et pour étendre de là peu à peu la double décom- position à laquelle le calcaire prend une part si décisive, dans toutes les directions. Le Saliiralisle 46, rue du Bac, Paris. Les vaisseaux cylindriques peuvent donc ajouter un fait, et très singulier,à ceux que nous avons déjà recueil- lis quant à la genèse des dendrites. Seulement il reste à se faire une idée de l'origine de ces tubulures elles- mêmes. Four y parvenir, il convient de les examiner avec soin, et alors on s'aperçoit qu'elles ne sont pas toutes exacte- ment perpendiculaires aux feuillets. Plusieurs font un angle assez marqué pour qu'on puisse les suivre sur plu- sieurs millimètres avant qu'elles ne disparaissent dans les profondeurs de la roche: leur surface interne est en- duite d'une couche continue d'acerdèse pareille à celle qui constitue les dendrites. Kn quelques points on trouve même des tubulures dirigées sensiblement selon les plans des feuillets sur plusieurs centimètres de distance, et alors le tracé s'en est constitué comme la ligne de symétrie de part et d'autre de laquelle se sont faites des dendrites sur le feuillet. A ce titre elles se comportent alors rigoureusement comme une fissure accidentelle qui traverse la roche dans une région de sa masse. 28i LE NATURALISTE Les conséiiuences de ces remarques sont très nettes. D'abord on voit qu'il ne s'agit ])as de canaux perforés par un animal ayant vécu dans le bassin de sédimenta- tion, car alors les feuillets ne devraient pas être assez distincts les uns des autres pour ofl'rir une direction de moindre résistance. En outre les cassures qui ont inlé- ressé tout renseml)le des feuillets et qui sont dés lors postérieures à l'acquisition, par la roclie, de sa cohésion actuelle,se cnmpoi-ient vis-à-vis des dendritos exaclenieut comme les tubulures. Enfin la production des dendrites est évidemment très postérieure à l'époque de dépôt de la roche et résulte de la circulation dans ces vides de liquide n'ayant aucun rapport avec ceux du bassin de sédimentation. La conclusion, c'est que les tubulures ressemblent sur- tout à celles que peut perforer le fin cheveln des racines de la plupart des végétaux. Reste à savoir à quelle époque intermédiaire entre celle du dépôt de la marne lacustre et les temps présents, ont vécu les plantes dont les racines ont si bien préparé la production d'élé- gantes dendrites. C'est un jioint que l'échantillon actuel semble ini])uissant à élucider. Stanislas Meunier. CONSERVATION DES POMMES DE TEME MALADES On sait que les êtres vivants, jdantes ou animaux, res- pirent tous de la même manière, en absorbant l'oxygène de l'air et en exhalant l'acide carbonique provenant de la combustion de leurs tissus. Seulement les parties vertes des plantes, qui doivent leur coloration à la chlorophylle, ont la propriété d'absorber l'acide carbonique et de s'as- similer le carbone, en exhalant de l'oxygène sous l'in- fluence de la lumière solaire. On ue doit donc pas confondre la respiration, qui est partout uniforme dans l'empire des êtres vivants, avec les réactions (|ui sont spéciales à la chlorophylle dans certaines conditions dé- terminées. Ce sont là deux fonctions alisolument dis- tinctes, i[ue l'on a eu le grand tort de confnodi-e long- temps sous la même dénomination. L'assimilation du carbone par la chlorophylle n'est pas à projirement parler un acte de respiration ; c'est une question de nutrition, d'assimilation et de désassiraila- tion. D'ailleurs bien des parties des végétaux n'ont pas de chlorophylle à une époque déterminée de leur exis- tence. On sait (|ue les graines respirent, ])uisque la graine est un végétal tout entier à l'état emliryonnaire. Cependant elles peuvent vivre fort longtemps sans respirer. C'est ainsi qu'une graine, dragéifiée avec une couche de chaux, ne perd pas pf)ur cela ses aptitudes à reproduire le végé- tal d'où elle provient elle-même. Les tubercules, comme la pomme de terre, qui sont de véritables tiges souterraines, couvertes de bourgeons à l'état d'œils, respirent absolument coiume toute plante vivante. Or on peut faire vivre, des mois entiers, une pomme de'" terre plongée dans l'eau; c'est-à-dire dans des conditions telles, que sa respiration soit réduite à sa plus simple expression. Il est i-urieux de voir ce qui se passe quand un végétal quelcûn(iue, pomme de terre ou cham- pignon, ne peut plus respirer. La plante ne meurt pas, mais elle cesse de se développer. Voici une pomme de terre malade, c'est-à-dire envahie par un champignon parasite, le Peronos|iora (Phyto- iditora) infestans. Si on la met dans une eau stagnante, elle va pourrir au sein d'une fermentation toute spéciale de l'amidon, qui gorge ses cellules. Mais, si on a soin de la placer au fond d'un fossé parcouru par une eau cou- rante, la jiomme de terre ne fermente pas, ne pourrit pas, et se conserve intacte. Sa maladie ne guérit pas, mais s'arrête au point où elle en était arrivée. Si le champignon parasite n'avait encore envahi que le quart du tubercule, les trois autres quarts restent sains, ou à peu près, même au bout de plusieurs mois de séjour au fond du liquide, qui se renouvelle incessamment. Tandis que, si la pomme de terre était restée dans les conditions ordinaires, la maladie aurait envahi la totalité du tuber- cule, en quelques semaines seulement. Ainsi le seul fait d'empêcher une pomme de terre de respirer, en la plongeant au fond d'une eau courante, à le double avantage de ne pas l'empêcher de pouss'er plus tard, et surtout de limiter sa maladie au point où elle en est. Il est vrai que cela n'empêche pas le champignon parasite de se développer plus tard, à partir du moment où on la retirera de l'eau préservatrice. Le grand avan- tage qui en résulte, c'est de pouvoir attendre plusieurs mois, sans que la pomme de terre se gâte davantage, si on doit l'utiliser pour nourrir les animaux ou pour en faire de la fécule. De cette façon, on a devant soi le temps nécessaire pour en tirer parti, sans voir les pommes de terre conservées être envahies tout en- tières par la maladie parasitaire. Indépendamment de la respiration, on voit encore une autre fonction physiologique, chez les pommes de terre conservées à l'air. Leur surface se recouvre d'une eau, exhalée par le tubercule par transsudation, de sorte qu'elles se ratatinent et se flétrissent à la longue, en se desséchant de plus en plus. Le séjour des pommes de terre dans un endroit frais, humide et sombre, comme les caves, est donc indispensable, si on veut les con- server dans toute leur fraicheui-. On conçoit que le séjour dans une eau courante soit encore plus avanta- geux, puisque, bien loin de permettre la traussudation de l'eau contenue dans le tubercule, ce séjour prolongé dans l'eau aurait plutôt chance de produire un phéno- mène inverse, la pénétration de l'eau extérieure à l'inté- rieur du tubercule, par suite de l'endosmose. Peut-être même arriverait-on ainsi à débarrasser par exosmose les pommes de terre de certains produits dont on aurait avantage à se débarrasser. C'est une question que nous laisserons à résoudre à des personnes plus compétentes. En définitive, la fonction chlorophyllienne, la respira- tion proprement dite des êtres vivants et la transsudatioh ou exhalation de l'eau à la surface de la [leau ou île l'épi- derme des tubercules : voilà trois fonctions absolument distinctes, bien qu'elles soient plus ou moins compa- rables entre elles. Ces fonctions ont leurs résultats spé- ciaux, totalement différents les uns des autres, leurs caractères projires, leurs lois particulières, llya là autre chose qu'une simple respiration, suivant les cas. A coté de certains phénomènes physiques, il y a là d'autres phénomènes physiologiques dépendant de la vie, c'est-à- dire des propriétés inhérentes à la cellule vivante. Sans doute la vie résulte de l'ensemble d'un certain nombre de lois ]diysi(|ues et chimiques ; mais il y a encore LE NATURALISTE 283 autre chose dans les ètros vivants, c'est la vie. c'est-à- dire cette force de direction particulière, qui fait qu'une cellule de navet va produire autre chose qu'une cellule de carotte ou de pomme de terre ; c'est cette force de di- rection, (jui fait qu'une plante donnée va produire des feuilles de telle forme, et non pas de telle autre ; c'est cette force de direction, qui fait que, sur la tète humaine, il y aura un nez et non pas deux, deux yeux et non pas un, vingt dents à la première dentition et non i>as dix, 32 dents à la deuxième dentition et non pas 64 ; et ainsi de suite. C'est à cette force spéciale, qu'on a donné le nom de force vitale. D' Bougon. Les triantes DANS L'ANTIQUITÉ : LÉGENDES. POÉSIE. HISTOIRE. ETC . ETC t,E OAXXIER (Suite) Diodore de Sicile {Bibliothèque Imtoriquc, livre II, chap. lui) vaute les palmiers de l'Arabie et de la Bah\- lonie : « ....\insi, pour emprunter des exemples aux arbres les palmiers de la Libye donnent des fruits secs et petits tandis que ceux de la Cœlé-Syrie, appelés caryotes, don- nent des fruits remarquables parleur saveur, leur volume et l'abondance du suc. Mais on trouve de ces fruits bien plus grands encore en Arabie et dans la Babylonie; on en recueille qui ont jusqu'à six doigts de longueur (?), et leur couleur est tantôt jaune de miel, tantôt d'un rouge de pourpre, de manière à charmer tout à la l'ois la vue et le palais. « Les tiges des palmiers s'élèvent à une hauteur consi- dérable; elles sont nues et sans feuilles jusqu'à la cime; le sommet de la tige se compose d'un faisceau de feuilles, qui est comme une chevelure dout la disposition varie, etc. » Pline (Histoire naturelle) s'étend fort longuement sur le palmier: je ne citerai de lui que les passages sui- vants : (Livre 'VI, ch. x.xxii.) — « (jallus... rapporta les ren- seignements suivants : les Indiens expriment un vin des palmiers et une huile du sésame (V. aussi ch. xix, livre XIV). » « Tout le feuillage l'st au sommet, ainsi que le fruit. Ce dernier n'est pas entre les feuilles, comme dans les autres arbres, mais au milieu des branches; il pend en grappes à des pédicules qui lui sont i)ropres, participant à la fois de la grappe et de la pomme... On fend les feuilles pour faire des cordes, des nattes et des parasols légers. « ...On assure ([ue, dans une forêt naturelle, les pal- miers femelles privés de mâles n'engendrent pas; que plusieurs femelles autour d'un seul mâle inclinent de son côté leur feuillage, qui semble le flatter; que lui, hérissant sa chevelure, féconde les autres par son souffle, par la vue, et par la poussière même ; que, l'arbre mâle étant coupé, les femelles, veuves, deviennent stériles. Leurs amours sont si bien connues, que l'homme a ima- giné de produire la fécondation en secouant les fleurs et le duvet des mâles, ou même simplement leur poussière, sur les femelles. » il, ivre .\I11. eh. IX.) — « la moelle en est douce au sommet; c'est ce ([u'on ajipelle cervelle {cerebrum); on peut l'extraire sans faire mourir l'arbre, ce qui n'a pas lieu pour les autres espèces (suit une longue énumératioti des différents dattiers). » (Livre XIII, ch. vi.) — « Quant à la Judée, célèbre par les parfums, elle l'est encore plus par ses palmiers, dont nous allons maintenant traiter. On en trouve même en Europe ; ils sont communs en Italie, mais stériles (\'. plug haut ce que dit Audebert) ; sur les plages mari- times de l'Espagne, ils donnent des fruits, mais d'un goût âpre ; en Afrique, le fruit est doux, mais la saveur s'en ])erd aussitôt. Il en est autrement dans l'Orient: là, ils fournissent du vin, servent de pain à certaines nations, et sont même un aliment pour plusieurs quadrnpedes... » (Livre XII, ch. .XLVill.) — o Le fruit du palmier d'Egypte appelé aSii^/oc (calmant la soif) est employé dans la par- fumerie comme le miroholan, et vient, pour l'usage, immédiatement après. Il est vert, d'une odeur de coing, sans bois à l'intérieur. On le récolte un peu avant qu'il ne commence à mûrir; si on le laisse mûrir, on le nomme phœnicobalanos (gland phénicien, gland du palmier); il devient noir, et enivre ceux qui en mangent. » Virgile (Géorgiques, il, v. 6o-()8) : Planlis et durte coryli nascuntur . etiam ardua palma Nascitur. . . « C'est de rejetons que naissent et que nait le palmier ailier. » Géorgiques, iv, v. 120 : Palmaque Testibulum aut ingens oleaster inumbrct. « Qu'un palmier ou un olivier sauvage protège de son ombre l'entrée de leur demeure (des abeilles). « Nous avons vu Pausanias vanter les dattes de la Pa- lestine ; ces dattes étaient particulièrement estimées, et de nombreux auteurs les mentionnent avec éloges; on les appelait iduméennes; en elfet, les Iduméens ayant envahi une grande partie du territoire, pendant la capti- vité des Juifs, la Judée prit chez les Romains le nom d'Idumée ; de là les triomphes iduméens ou triomphes juifs, comme ceux de Vespasien et de Titus. Dans les Géorgiques (livre III, v. 12) Virgile dit encore : Primus Idunueas referam tibi, Mantua, palnias. « Le premier, ù Mantoue, je t'apiiorterai les ])almes d'Idumée. » Silius Italiens {Les Puniques, liv. III, v. o97) : Compescet ripis Rhenum, rcget imiiiger Afros, Pahnifcramque senes bello domita'oit Idumcn. « Il pacifiera les rives du Rhin, gouvernera l'Afrique avec vigueur, et, dans sa vieillesse, domptera l'Idumée fertile en palmiers. » Lucain (La Pharsale, liv, III, v. 216) : . . . et aibusto palmarum dives Idume. (i Et l'Idumée fière de ses nombreux palmiers. » Stacc (Les Sylves, liv, I, ch. vi) : Jam bellaria adoria pluebant, Quiquid nobile Ponticis iiucetis, Fu-cundis cadit aut jugis Idumcs, Quod ramis pia germinal Damascus, etc. « Déjà pleuvaient les gâteaux, rosée nouvelle que répandait à son lever la déesse du matin ; tous les fruits renommés ijui tomlient des noyers du Pont, que nour- 284 LE NATURALISTE rissent les monts fertiles de l'Idumée, que la pieuse Damas voit croître dans les vergers, etc. » Et au vers 10 de la même pièce : et latente palma Pnç grandes caryotides cadebant... " d'énormes dattes, sous lesquelles disparaît la branche qui les porte... » (Livre Ul, cli. ii, v. 138) : dulce nemus florentis Idumes (c .... {lu me parleras') des bosquets enchantés de la floris- sante Idumée. » Priscien {Périégiie, v, 2-i8i : Nili, quem circum floret niiraliilis arbor Estinguitque sitiin porno, cui nomen âS;il/oç « ... du Nil au bord duquel fleurit cet arbre merveilleux dont, les fruits étachent la soif, et qu'on homme adipsos. » Hoiace {EpUres, livre II, ép. ii, v. 183) : (;ui- aller fratrum cessare, et ludere, et ungi Prœferat Hcrodis palmetis pinguibus, aller, Dives et importunus, ad umbram lucis ab ortu Syivestrem flammis etierro miiiget agrum?... « De deux frères, pourquoi l'un préfére-t-il le repos, le jeu et les parfums au superlie revenu des palmiers d'IIérode, tandis que l'autre, déjà riche mais insatiable, s'etlorce, depuis le lever du soleil jusqu'à son déclin, à défricher un bciis par le fer et le feu'?... » Tacite (Hiftoire^, livre Y. ch. y] : « Les productions du sol semblables aux nôtres y abondent {en Judée) ; ils ont, de plus, le baumier et le lialmier. Le palmier est élevé et majestueux, etc. » Entre tous les dattiers de la Judée, nous savons déjà que ceux de Jéricho étaient surtout recherchés. Voici ce qu'en dit l'historien Josèjibe dans les Antiquités judaïques (livre XIV, ch. vu) : .. le premier campement que fit Pompée fut à Jéricho, célèbre par ses italmiers, etc. » (Livre XV, ch. v) : « C'iéoiiàtre désira voir la Judée; Ilérode la reçut avec grand honneur et traita avec elle du n'venu de cette partie de l'Arabie qu'Antoine lui avait donnée, et du territoire de Jéricho, qui est le seul où croit le baume, le meilleur de tous les parfums, et où l'on voit en abondance les plus beaux jialmiers du monde. » {Guerre des Juiff: contre les Romains, livre I, ch. v] : « Pompée... hâta d'autant plus sa marche qu'il reçut la nouvelle delà mort de Mithridate lorsqu'il était près de Jéricho. Ce pays, le plus fertile de la Judée, est très abondant en palmiers et en liaurno. etc. « Justin illisluires Philippiques, livre XXXVI, ch. m) : " On y ™it. {en Judi'e] une vallée, entoui'ée d'une chaîne de montagnes, comme un camp de ses remparts. Son étendue est de deux cents arpents ; son nom est Jéricho. Dans celte vallée est un bois fertile et riant, planté de palmiers et des arbrisseaux qui fournissent le baume. « Oribase (Collection médicale, livre I, ch. i.iii) : « Cer- taines dattes sont sèches et astringentes, comme les dattes d'Egypte; certaines autres sont molles, humides, et sucrées, comme celles qu'on appelle caryotis {daites- noix); les meilleures de cette dernière espèce croissent à Jéricho, dans la partie de la Syrie appelée Palestine, » etc. (Suivent divers préceptes médicaux.) Autres auteurs qui ont généralement parlé du dattier: SiDoiNiw\poLLix.\iHE(P.i?!é(;î/rî7!«;rfeiU(yo)"ie)i,vers44): Ferl Indus ebur, t'haldieus amoiiium, Assyrius gemmas, >Ser vellcra,thura Sabœus, .Vthis meJ, Phœnix palmas, Lacedœmon olivum. « l'Indien apporte l'ivoire, le Chaldéen ses par- fums, l'Assyrien ses gommes, le Sère ses toisons, le Sa- Itéen l'encens, l'Athénien son miel, le Lacédénionien son huile et le Phénicien ses dattes. » PiCRSE {Salive vi, v. 38) : Ha (il; postquam sapcrc urbi Cum piperc ctpalmis venit nostrum lioc maris expers «.... Voilà où nous en sommes; depuis que nous est venue, avec le poivre et les dattes, cette belle sagesse d'outre-mer, etc. » Strabon {Géographie, livre XV, chap. li) : Les Ichthyo- phages font leurs filets avec l'écorce du palmier....» (Livre XV, cha]). v) : « L'armée [d' Alexandre) dut son salut aux palmiers, dont le fruit et la moelle nourrit les soldats {dans leurmarche pénible à traversluGédrosie). » (Livre XV, chap. x) : «.... Aristobule dit, à propos des poutres du palmier : les plus solides, au lieu_ de céder avec le temps et de fléchir sous le poids qu'elles suji- portent, se voûtent de lias en haut en se raidissant, et n'en soutiennent que mieux le toit de l'édifice. » (Livre XVI, chap. v) : o Vu la rareté du bois dit de char- pente, on n'emploie pour bâtir les maisons, dans toute la Babylonie, que des poutres et des piliers en bois de palmier. On a soin seulement d'entortiller chaque pilier avec des cordelettes de jonc qu'on recouvre ensuite de plusieurs couches de peinture Le palmier est très abondant en Babylonie, de même ([n'en Susiane, sur tout le littoral de la Perse et en Caramanie » (Livre XVI, ch. xiv) : « La Babylonie produit beaucoup d'orge..., mais tout le reste de sa sujjsistance, elle le tire du palmier; c'est le palmier qui lui fournit le pain, le vin, le vinaigre, le miel et la farine ; avec les fibres du palmier, les Babyloniens font toutes sortes d'ouvrages, nattés ou tressés ;avec les noyaux des dattes, leurs forgerons suppléent au manque de charbon ; avec ces mêmes noyaux, qu'on a laissés exprès macérer dans l'eau, on nourrit les bœufs et les moutons i|ue l'on veut engraisser. Bref, si ce qu'on dit est vrai, on chante en Perse une vieille chanson dans laquelle sont énumérées trois cent soixante manières d'utiliser le palmier. (Livre XVII, ch. Li) : « Partout, en Egypte, les palmiers qu'on rencontre sont de l'espèce la plus com- mune ; souvent même le fruit en est immangeable ; tel est le cas, en particulier, pour le Delta et les environs d'Alexandrie. En revanche, on peut dire que le palmier de la Thébaide l'emporte sur ceux de tous les autres pays, etc., etc. » Le palmier servait aussi à confeclionner des balais ; voici, à ce sujet, deux citations : IIORACiî {Satires, livre II, sat. iv, v. 83): Tenn' lapides varies lutulenta radero palma?.... Balais-tu une mosaïque avec un Ijilai boueux'?... M.vRTi.\L (livre XIV, é]iig. Lxx.xn) : In prctio scopas testatur palma fuisse, Otia sed scopis nunc analecta dabunt. « Le palmier, dont ils sont formés, prouve que ces ba- lais eurent du prix : mais désormais les restes du repas, en tombant sous lu laide, laisseront du rej)Os à ces ba- lais. 0 Aulu-Gei.le. dans ses Nuits attiques,pa.v\e aussi du pal- LE NATUKALlSïli; 283 mi('r(liv. III, eh. vi) ; ArisloU", dans le \'II'' livi-c de ses ProlilOmcf, et l'iutiirque, dans ir M 11° di- ses Sijmpo- .•ii(i(/iii'f, rapiiiii'li'iit lin l'ail bien éluniianl : Si vijus nictle/. disent-ils, sni' le huis du palmier un poids très lourd, le palmier ne cédera pas, ne fléclura pas; au contraire, il résistera et se relèvera en formant une fOurl)c. « Voilà poui'ipioi, dit Phitarriue. dans lescomlials la liranchc de palmier est devenue le symbole delà vieloire, etc. u J'ai cité plus haut le passaj^e dr l'iulnniue ; quanta C(dui d'Ai'istole. il est introuxalde, cl Aihi-Gelle a confundu avec un autre auleur: ou iiien son manuscrit du philosophe i^rec était plus complet que les éditions i|ue nous possédons :l). (Livre \'ll, chap. xvij : Il cite, d'après N'arnin dans une satire ayant pour titre : les aiimcnis, les mets les plus appréciés des gastronomes : le paon de Samos, les franco! i lis de l'hrygie, les grues de Mélos, le chevreau d'Amhracie, le jeune thon de Chalcédoine, la iKurùne de Tartesse, \'dmorue de Pessinorite, les kuilm de Tarente, \v pùloncle de C'iiio, l'esao-ycon di; Rhodes, le .sa)'(/e( de Cilicio, les noix de Thasos, LES dattes d'Egypte (ce- peuiianl réputées bien mauvaises par Strabon et autres auteurs : il veut, sans doute, ]iarler des dattes de Pa- lestine), et les qlanda d'Espagne. Comparez celte énumératioii de mets délicats avec celle ([u'IIorace met dans la bciucbe de l'épicurien Catius (livre II, satire ivi. Nous avons vu l'iine.tout à l'iieure, n(ius l'aire ini cu- rieux tableau (les jialmiers l'emcdles rangés autour de mâle glorieux, abaissant vers lui leur feuillage, pendant qu'au contraire « il hérisse sa chevelure >i, etc. \'oyons ce qu'en dit IIÉnoDOTE : (Histoires, livre I, chaji. cxcin) : « Les palmiers croissent abondamment dans la campagne ; la plupart portent des fruits dont les habitants tirent une partie de leur nourriture, et avec lesquels ils font une sorte de vin et du miel. Ils les cultivent comme nous cultivons les figuiers, c'est-à-dire qu'ils attachent aux palmiers à dattes les fruits des palmiers que les Grecs appellent .mdlts ; l'insecte qui s'y trouve mûrit le gland de la datte en y pénétrant, l't rempècbe de couler. Les palmiers mâles portent dans leur fruil nu insecte, comme les li- gues sauvages qui servent a la caprifîcation. » Pierius Valerianus. dont il a été cité un extrait plus haut, dit (Les Hicroijlyfw jues, cUa.[). x) que Jovien Pon- lanus, « jierSonnage de mérite nullement menteur, et quieust rougi d'escrire des fables et menteries au lieu d'vne histoire de chose cogneuè à tous ceux de son temps », a composé, sur les « nopcos » des palmiers un poème fort élégant. Il n'en donne pas le texte latin, que l'on peut lire dans le llierohotanicon d'Olaus Celsius (Upsal, I7Vd. 2 vol. in-12) et dans VMhënéc de Lefebvre de Villebrune (en note, à l'article Palmier, livre II, cha- pitre xxviii); mais voici la traduction en vim-s faite par ■ lui: ■( A Bi-ondizzo verdu vn j.'ranil ai-ljre cslevé D'Iduiiii'C veou : vn avu-e s'est trouvé Près (l"Oaanto, tcnaïus l'vn place masculine, L'avlre faict le devoir et cliai-gc féminine. Ces arbres ne sont cruz en mesme lieu tous flous, II) Ell'ectiveiucut. ce passage n'existe ni dans les l'roblémes ni dans la lie (/es animaux; vovez la grande érlilion grecque- latine de Uidot : au vol. IV {/•■/■a.(/;?!PH/«:, on dit seulement qu'Aulu-Gelle prétend avoir lu, etc., et l'on cite ensuity le passage grec de Plutarque. Aius en divers endroits de grand'distance entr'cux. Kt sans société : tous les deux sans fruictage Ont demouré longtemps, sans verdeur, sans feuillage. Mais ayants plus au loing leurs branches estendu, El dans un jilus grand air largement cspandù, .Si que, s'ontrevoyants, le luaslc sa femelle, La femelle son masle, vn amour mutuelle Les veucis altéra doucement de tous deux, Dont ce couple d'amants se sentoit langoureux. On vid bien-tost après (chose tresadmirable) A leurs branches se pendre un fruiol Iresagréable ». Cette jioésie primitive ne vaut-elle pas mieux — au moins au point de vue de la clarté, — cjut- celles de nos poétastros décadents d'aujourd'hui. Ions si illustres, et dont les vers de dix-huit .-'i vingt-ciu(| ]iicds n'ont ni syn- taxe, ni sens, ni rime, ni raison '... Caste!, dans son poème dos l'ianlef, (clianl I), parle ainsi de cette fécondation : Mais quel nouveau spectacle ! un insecte léger Est devenu îles (leurs l'agile message' . Deux cpous, l'cartés par un destin bizarre, Ne peuvent-ils franchir le lieu qui les sépare? L'abeille, en voltigeant, leur porte tour à tour Les gages désirés d"un mutuel amour. L'homme leur prête aussi sa moderne industrie. Dans les brûlants climats où la palme Hcurie .Semble, en penchant la tête, appeler son amant, L'.Vrabe prend un Ihyrse au palmier fleurissant. Sur elle le secoue, et revient en automne Cueillir les fruits nombreux que cet hymen lui donne. rielille, dans ses Trois règnes de la nature, chant VI, s'exprime ainsi : Ces amonrs, ces hymens observés par nos sages, Croit-on qu'ils aient été méconnus dos vieux âges? Non : le peuple du Nil précéda nos savants; Lui-même il suppléait à l'haleine des vents ; Lui-même, à leur défaut, sur la palme stérile Secouait les rameaux de son époux fertile. Elle besoin avait devancé le savoir. Le même art dans la Grèce exerça son pouvoir. Les insectes nourris sur le figuier sauvage, Du figuier domestique approchant le feuillage, Faisaient pleuvoir sur lui ces globules féconds Duni leur trompe en volant avait saisi les dons. Disons, en passant, que les dattes étaient au nombre des pelits cadeaux que l'on avait coutume de se laire au renouvellement de l'année, d'après ce que dit Martial (Epigranrmcs, iiv. XIII, op. xxviil) : Aurea porrigitur Jani euryota Kalcndis ; Sed tamen hoc munus pauperis esse solet. <- On oITre des dattes dorées aux kalendes de janvier: encoH' n'est-ce souvent que le présent du pauvre. » Et voyons maintenant ce que les anciens pensaient de ce fruit, au iioiut de vue médical. Selon Dioscorides (les six livres de la matière médicale, Iiv. I. ch. cxxiv), « le palmier nait en Egypte, et le temps où l'on recueille le fruit est l'automne. Ce fruit est semblable au mirobolan de l'Arabie, et on le nomme pomme; il est vert et a l'odeur de coing; mais, lorsqu'il est bien mùr, on le nomme phoinicobalanon. Cl- fruit, i|ui se recueille à moitié mùr, est aigre et astrictif. On le boit dans du vin pour faciliter le llux du ventre et les écoulements mensuels. Il guérit les hémorrhoîdes, et, en emplâtre, il ralfermit les ulcères. Les phoïnicoliala- nons frais sont plus astrictifs que les secs; ils occa- sionnent des douleurs de tête, et enivrent quand on en mange trop. L'usage îles idioinicobalanons est bon encore pour les crachements de sang, le vomissement de la viande cl la dyssenterie. Ils agissent bien mêlés dans un 286 LE NATURALISTt emplâtre avec dos coings, dans les douleurs de la vessie. Mangées telles ([uelles, les dattes adoucissent l'àpreté du gosier. La décoction des dattes thébaïques, bue. calme la chaleur des fièvres continuelles ; bue avec de la vieille eau miellée, elle redonne des forces. On les mange aussi avec de la viande ; on en fait du vin, efficace dans bien des cas. Les noyaux de dattes, brûlés comme tous les autres noyaux, dans un vase de terre et m.ouillés de vin, peuvent être utilisés pour les maux d'yeux, etc.). Serenus Sammonicus (De medicina prxcepta, v. 327) dit, de son côté : Prodcrit hoc stomacho, rictus et concoquet cscas, Grana peregrini piperis difiindito quinque, Nicolao (1) molli quje manc inserta capesses. n Ceci fera du bien à l'estomac et facilitera la diges- tion : mange, le matin, une datte où tu auras introduit cinq grains de poivre fendus. » Oribase (Des médicaments externes, ch. xl) décrit ainsi le cataplasme de dattes : « On arrose d'un peu de vin des dattes palÉles, et on y ajoute de la poudre d'alphiton ; c'est là un topique pour l'orifice de l'estomac, quand il y a de l'anxiété dans cette région. Si l'on n'a pas à sa dis- position de pareilles dattes, mais qu'on en possède de plus grasses, on y fait de petites incisions et on les trempe dans du vin jusqu'à ce qu'elles en soient saturées; on les pile et on les triture, puis on y ajoute de la poudre d'alphiton, et l'on obtient un cataplasme pour le cas mentionné plus haut. S'il y a, en même temps, quelque inflammation aux hypocondres, on obtient un cataplasme éminemment bon; mais, dans ce cas, on fait bouillir les dattes avec un peu de miel, et l'on jette dessus de la graine de lin triturée. » Oribase donne encore les formules de deux autres cata- plasmes. Ibn-el-Beïthar cite les auteurs ci-après : «Ibn-Massouîh. — Les dattes dures tonifient l'esto- mac et resserrent le ventre. Cette action est encore plus prononcée chez les dattes molles. Les dattes gâtent les dents. — Razès, dans son Traité des coirectifs des ali- ments : Les dattes échauffent le corps et le dévelo])pent. Elles fournissent un aliment grossier et fétide. Elles sont nuisibles aux engorgements du foie et de la rate; elles ne valent rien au foie, au poumon ni aux intestins. Elles provoquent de la céphalalgie et de l'ophtalmie, relâchent les articulations et déterminent de la lassitude. Il faut s'abstenir d'en faire un usage habituel, ou d'en user copieusement, dans les cas de tendance à la céphalalgie, à l'ophthalmie, aux aphtes, aux angines, aux maladies des gencives et des dents, etc., etc. — Galien (Des ali- ments) : Quant à la datte fraîche, elle est plus nuisible que les autres. Elle engendre du gonflement dans le corps, ainsi que le fait la figue fraîche. Il en est de la datte fraîche, relativement à la datte sèche, comme de la figue fraîche comparée à la sèche. Dans les pays qui ne sont pas chauds, la datte ne saurait mijrir complètement, de telle sorte qu'on ne peut la sécher et la conserver — Abou Hanifa : Quand les (leurs contenues dans les spathes du palmier commencent à donner (|uelque chose de vert, c'est là ce (ju'on appelle halali , qui n'est autre Chose pour le palmier que ce qu'est le verjus pour la (1) Le nom de Nicolai fut donné aux dattes de Syrie et à des gâteaux faits de ces dattes, parce que le philosophe Nico- las, de Damas, est le premier qui en ail envoyé à Rome, du temps d'.\uguste. vigne. On prétend que le vui qui s'en fait surpasse en bou(iuet tous les autres vins. — Avicenne : Les dattes occasionnent des obstructions de foie. Leur abus engendre dans l'abdomen des humeurs grossières et provoque l'écoulement de l'urine. — Le Chérif: L'usage prolongé des dattes suspend les tumeurs de la lèpre tu- berculeuse et convient dans cette affection. Elles pro- voquent la sécrétion du lait, etc. » L'abbesse Sainte-Hildegarde (De arboribus, lib. III, cap. LXI) dit : « La datte est chaude et humide; celui qui souffre de la pleurésie doit exprimer le jus de l'écorce, du bois et des feuilles, et le boire souvent dans du vin chaud ; il s'en trouvera bien et sera promptement guéri. Qu'il mange souvent des dattes, et son mal disparaîtra. , p. 1.) A rechercher dans nos Alpes françaises, où il a de grandes chances d'être rencontré. — ^LXXVII. Hellehorus CïcLOi'iivLLUs Boiss., Spécial aux hautes montagnes de la Grèce, et qui, très voisin d'W. V'ridis L., semble établir une transition entre cette espèce et H. Orientalis Lam. — LXXVIII. Chelidoxilm majl's L. var. fumarifolium (DC.) R. et F., très curieuse variété, signalée il y a plus de deux siècles par Mo- rison (1680), retrouvée seulement en 1892, et en un exem])laire unique, dont la planche LXXX'III représente un fragment, par Barthès, à Sorèze (Tarn). Plus récemment. M. Jeanpert l'a retrouvée à \'crsaillcs, et M. E. lioze, qui l'a cultivée et étudiée pendant idusieurs années, lui a consacré un article {Journal de bo!. de Murot, )895;., dans lequel il rattache cette variété à Ch. luciniatum Mill. considéré comme espèce dis- tincte de Cil. maja.s L. J'ai, à mon tour, observé cette variété à Autun {1S9j-1SU7), en assez grande abondance pour la ré- colter et la distribuer dans les exsiccata de la Sociélc pour l'étude de la flore franco-helvéiigiie (189"/), et mes observa- tions, tout en conlirmant celles de M. Itoze. m'ont amené ce- pendant à rattacher, conmic MM. Rouy et Foucaud, le C. la- cinialum Mill. et sa. y^viéié fainarif'olium, au type C. majus L. (1) Flore de France ou description des plantes qui croissent spontanément en France, en Corse et en Alsace-Lorraiue, par MM. G. Rouy et J. Foucaud, t. I (1S94); t. II (1895); t. III (1896); t. IV (1897). (2) Voyez à ce sujet : D' Gillot. La Flore d'Espagne; Voj/ar/es de il. lioui/ en lispur/ne (1S79-1883) in Revue de botanique, ill .1881). p i-12. (3) l.e Xaltiralisle, IV année, 2» série, n» 197 (15 mai 1895). p. 122- — Ibid., n» 213 (15 janvier 1896). p. 27. — Ibid., n» 222 tl" juin 18961, p. 131. qui reste la seule espèce légitime. — LXXIX. Petrocoptis cuASsiFOLiA Rouy, distingué par l'auteur des /*. Pi/renaica A. Br. et /'. Lanascn: Willk., trouvé par lui à Bielsa (Espagne), et à rechercher dans nos Pyrénées françaises (R. et F. FI. de Fr. III, p. 93, obs.). — LXXX. Sn.KNE uRACiiYfODA Rouy (R. et F. FI. de Fr. III, p. lia), voisin de S. nutans L., auquel on devra probablement le rattacljcr comme sous-espècc propre à la région méditerranéenne, où le S. nutans type parait rare. — LXXXl. Ononis pyrenaica Willk. et Costa, que M. liouy est porté à considérer comme une simple forme parvirtore d'O. Natri.r L., et dont les stations du versant méridional des Pyrénjcs centrales sont jusqu'ici exclusivement espagnoles, mais bien près do nos limiies françaises. — LXX.KII. X Geum Rillielii Gillot (G. monlanum X virale], dédié à mon ami P. Billiet, de Clermont-Forrand, et dont l'origine hybride ne lait pas de doutes, et qui semble susceptible de se fixer par la culture (Cf. Gillot, Bull. soc. bot. Fr. XXXIII (1886), p. 548. — LXXXIII. RosA ALPicOLA Uouy, forme très curieuse et très distincte de Rosier, dont la classification a fort intrigué M. Rouy, qui l'a d'abord regardé comme un hybride, R. alpino- minula\l!iill. soc. bol. Fr. XXII (lS7i), p. 29.5), puis ensuite, mais non sans réserves, comme une espèce distincte {Suites a la fl. de Fr. I, p. 85), ou tout au moins un bâtard héréditaire. M Crépin, Etudes sur les lioses hybrides (1894), sembb; avoir ignoré ce Rosier, dont le pori, d'après la planche des Illustra- tiones, me rappelle absolument celui des petits exemplaires de R. minuta Bor., que j'ai observés ;'i la Grave. Si donc on con- sidère la rareté de ce Rosier dont il n'existe que quatre exem- plaires, la coexistance dans cette région de l'Isère des parents supposés, et la grande variabilité des formes spontanées ou hybrides dans le genre Kosn, je serais tout à fait porté à consi- dérer comme bien fondée l'opinion première de M. Rouy, et à regarder ce Rosier comme produit par le croisement d'un Uosa alpina inerme et de R. minuta Bor. — LXX.KIV. CoL- LADONiA TRiQUETRA DC, élégauto Ombellifèrc des environs de Constantinople et de Bulgarie, la première espèce décrite du genre Colladonia, dédié par Do CaudoUe à CoIIadon (1792- 1862), monographe des Casses, et dont les espèces peu nom- breuses appartiennent toutes ;■! la flore orientale. — LXXX'V. Arie.vhsia crh-hmifolia L., espèce des sables maritimes du Portugal, que, dans une critique serrée, M. Rouy {Rull. soc. bot. Fr. XXXVII (189il), .less. e.rt. à la Rochelle, p. xvi) a par- faitement diliéronciée des formes maritimes à' A. campesiris L., et à laquelle il identifie l'.-l. Gaijana Besser, de Cadiz (Es- |iagne). — LXXXVI. Centaurea Kernekiana Janka, que l'ensemble de ses caractères rattache au groupe de C. nervosa L., dont elle est peut-être une espèce de remplacement dans cette flore des monts Rhodopes si riche en formes particu- lii^res. — LXXXVII. Hieraciu.m bomisyclnum Boiss. et Rcut., belle espèce espagnole [nohilissima species, Frics, Epie. Hier., p. 51), qui relie la section Lanifera Fr., dimt elle a le port, l'involucre, etc., à la section Andryaloidea, dont elle a l'indu- mentum, caractère que la photograpliie tait bien mieux res- sortir que la gravure. — LXXXVIII. Crépis cespitosa G. G., très rare espèce de Sardaigne cl de Corse que nous avons cherchée sans succès aux environs de Bastia, lors de la session extraordinaire de la Société botanique de France en 1877. La plante figurée par M. Rouy no me semble pas répendre exacte- ment à la description de Barkhausia cespilosa Moris, Fl. sard.. Il, p. 524, ni à la planche 9! de cet ouvrage, tant pour le port que pour la forme des feuilles. Elle me rappelle plutôt une forme dift'use de Crépis l.eontodonloides Ail. commune en Corse. Ces espèces sont, du reste, suscepiibles de très nombreuses variations comme le vulgaire C.poîj/mo/'p/irt'Wallr. — LXXXIX. Scorzonera ANGUSTiFOLiA L. Il Rarissimo espèce linnéenne » retrouvée par M. Uouy en Espagne, province de Valence, et qui, malgré l'assertion de Linné lui-même l'indiquant à Mont- pellier: Habitai in Hispanise, Monspelii, .iustriœ collibus sa.ro- sis Sp. éd. 2. p. 1113, n'a pas été trouvée en France. '• On a pris pour cette espèce linécnne les variétés à feuilles linéaires de toutes les autres espèces. >- G. G. Fl. de Fr II, p. 391. — XC. HvMEN0.iiENA LACOsicuM Boiss. var. MiNrs Rony; forme à lige courte et uniflore d'une espèce voisine d'il. Onecum Boiss. (Catananche Grwca L.), mais plus étroitement cantonnée dans les provinces de Messénie et de Laconie. — XCI. Pinguicula i.oNoiFOLiA Ram., belle espèce de la flore française, superbe- ment représentée dans cette planche qui, non moins que la diagnose antérieurement établie par M. Rony {Suites à la fl. de Fr., 1, p. 144), servira à fixer l'opinion des botanistes sur cette espèce controversée. — XCll. Convoi.vulus valentini/S Cav. « Plante des plus rares d'Espagne », retrouvée en 1883 par 290 LE NATURALISTE M. Rouy à ]a localité même de Cavanilles. province d'Alicante, près de Benilachel, et qui se classe, comme esprce très dis- tincte, à coté de C. Canlabrictis h. — XCllI. Celsia cyllenea Boiss. et Heldr. De même que l'espèce précédente n'a jusqu'à présent qu'une localité connue en Espagne, celle-ci n'a été rencontrée qu'au mont Kyllené, en Grèce, où elle croit dans les régions alpines, à 1000 pieds, comme l'espèce voisine C. acaulia Bory et Chaub. croît à la même altitude sur le mont Taygéte. Les allinités de ces deux plantes rares et leurs étroites localisations rendent plus que probable la supposi- tion de Boissier, FI. Or. iv, p. S.'iS, que ce sont deux races lo- cales différenciées d'un même type spécifique. — XCIV. Pue- up.EA ScHULTzii Walp., espècc du bassin méditerranéen, parasite principalement sur les grandes Ombellifêres, si- gnalée d'abord en Algérie, puis en Espagne, et dont F. Schultz, Arch. de la fl. de Fr. et d'Allem , p. 99, a bien démontré la dill'érenciation d'avec /'. lavandulacca (Rehb.) F. Schultz. — XCV. KocHiA SAXicOLA Guss. i< Considérée comme une des espèces les plus rares d'Europe » (E. Levier), et dont il n'a été trouvé jusqu'ici que deu.x pieds, l'un dans les rocailles de l'ile d'Ischia, l'autre sur les rochers abruptes de l'ile de Capri (Nyman, Consp. fl. europ. Siippl., p. 268). — XCVI. Fritilla- RiA RH0D00ANAKIS Orph. dédiée au botaniste grec Rhodoca- naki, également localisé dans une seule station de l'île d'Hydra (Grèce), et qui me parait devoir être considéré comme une race locale de F. Grseca Boiss. et Spr. — XC Vil. Iris sintenisii Janka, voisin d'/. r/raminea L., et remplaçant en Grèce ce der- nier Iris qui y est fort rare et ne s'y trouverait d'après Bois- sier, Fl. Or. V, p. 128, comme espèce endémique, que dans l'île de Céphalonie. — XCVIU. Potamogeton subfi.avus Loret et Barr., forme locale française de f . .'^iciiiiis Tin., qui se rattache lui-même en sous-espèce méridionale à l'espèce pri- maire P. coloralus Hornem. (Cf. Nyman, Consp. fl. europ., p. 682 et Suppl., p. 28'; Richter, PI. europ., i, p. 12). — XCIX. HiEROcHLOA PAUciFLORA R. Br., petite Graminée des gazons arctiques des deux continents, Amérique boréale, Si- bérie, Nouvelle-Zemble, etc. — C. Scolopendrium lobatum Rouy, dont l'exemplaire unique, reproduit en agrandissement dans cette planche et récolté à Aviutes près Porto (Portugal), est considéré par M. Rouy comme un hybride probable du Scolopendrium vulgare X Asplenium marinum, d'autant plus intéressant que les hybrides sont fort rares et tout à l'ait accidentels chez les Fougères. M. Rouy justifie, comme on le voit, le sous-titre de sa pu- blication : JJiar/noses des plantes rares ou rarissimes de la flore européenne, assurant ainsi la reconnaissance de plantes réparties en très petit nombre, parfois en exemplaire unique, dans les herbiers, en ]iremièrc ligne dans le sien, et qui se- raient fatalement vouées à la destruction dans un temps plus ou moins éloigné. Dl- X. GiLLOT. BIBLIOGRAPHIE ZOOLOGIE ■94. Berg (C), Batracios argentinos. 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Zur Kenntniss der Gattung Hydrachora (0. F. MuUer) Dug H. distincta. — //. aspralilis. — H. levigata. — H. regulifera. — H. exlorris. — H. Piersigi. Zoolog. Anzeiger., octobre 1897, p. 39't-398. Mead (A. D.). The Early Development of Marine annelids. PI. X-XIX. Journ. of MorphoL, XIII, 1897, p. 227-326. Meer'warth (H.). Simi;e american8e.'(Nach. H. Schle- gel. Les Singes, Leiden, 1876), à suivre. Der. Zoolog. Garlen., 1897, p. 294-305. Montgomery (T. H.). Studies of the Eléments of the central Nervous System of the Heteronemertini. PI. XXIV-XXVI. Journ. ofMorp/iol., XIII, 1897, p. 381-444. Moore (J. Peroy). On the structure of Discodrilid Nephredium. PI. XX-XXIU. Journ. of MorphoL, XIII, p. 327-.380. Mtiller-Desterro (Fr.). Die Mischlinge von Ruellia l'orniosa und silvaccola. Jenaisch. Zeitschr., 44, 1897, p. 153-155. LE NATURALISTE, REVUE ILLUSTRÉE DES SCIENCES NATURKLLES TABLE DES MATIERES DU ONZIÈME VOLUME DE LA DEUXIÈME SÉRIE 1897 MaiiimHV-i-es, Oiseaux, Rt-p»il«;s, I»<»issoiis CÉXKRAI.ITKS Animaux mylliuloiiiques. légendaires, histnriques, illustres, célèbres, etc., Santini de' Riols. 1o-I9-30-6!)-80-121-128-1.j9- 166-197-252 Description de deux espèces nouvelles de Singes de la collec- tion du Muséum de Paris, D'' Trouessart. Klevage de l'Autruche, Forest. Influencede la tailledans l'appréciation desdistances, D'Bougon. La Bécasse franco-russe, D' Vallanlin. La puissance dynamique des mâchoires. P. Jacob. La symphonie du prinlemps, Magaud d'Aubusson. L'élevage de l' Autruche en Algérie. Forest. L'élevage de l'Autruche en Russie d'Europe, Forest. Les causes des bruits du cunir, 1)' Bougon. Les nids de nos Oiseaux, Magaud d'Aubusson. Les Oiseaux au point de vue industriel, Forest. Les Oiseaux de passage, Magaud d'Aubusson. Les races de l'Inde (fig.). Léveillé. Note sur l'appareil vocal des Oiseaux, Cretté de Palluel Oiseaux acridophages, Forest. Promenade à la foire .Saint-Romain de Rouen, phénomènes vivants et types curieux (iig.), P. Noél. 245-260 Recherches sur les capsules surrénales, thèse de Petit. 61 Répertoire étymologique des noms français et des dénomi- nations vulgaires des Oiseaux, A. Oranger. 2T-39-52-62-75-111-1.5S Sur un Poussin monstrueux du genre Déradelphc (iig.), H. Ga It 2'i2 144 274 98 176 222 212 201-215 97 152 55-133-142 deau de Kerville. 137 Un nid de Loriot, M. Plaideau. 131 PUINCII'.ILES ESPÈCES DKCurrKs ou citées Cercocebus agilis (n. sp. i. 9 Gallinacés. 56 Corbeau. 19 Grillon. 19 J Corvida?. 55 Hippopotame. 232 Dauphin. 81) -Macacus Harmandi (n. sp.) 10 Eléphant. 121 Paradisiers. 56 Arthropodes, Mollusques, Rayonnes, etc. GÉXÉUALITÉS Aberration de Zygœna trifolii (fig.). 22 Descriptions de Coléoptères nouveaux (lig.l, Pic, Planet, Boi- leau 23-49-124-134-142-156-170-179-182-191-205-226-247-262- 265-275-287 r. Description de Mollusques nouveaux, .Jousseauuie, C.-F " cey. Dissections : Arthropodes (fig.)' Gruvel. Dissections : Crustacés iïg.), Gruvel. Dissections : Escargot (fig.), Gruvel. Dissections : Mollusques (fig.', Gruvel. Dissections : >;epia ollicinalis (fig.), Gruvel, Au- 178-222-250 140 123 199 192 217 Essai monographique des Coléoptères des genres Lucane et Pseudolucanc, Louis Planet. 82-99-106-171 Gênera analytique illu^etré des Coléoptères de France (fig.l, Houlbert. 11-23-63-93-50 La Chrysis enflammée, P- Jacob. 190 La transformation des Bernard-l'Ermite en Lithodes (fig.>, E.-L. Bouvier. i' Le Bombyx du mûrier, Léon Flameng. 67 Le Phylloxéra de la vigne, Léon Flameng. 156 Les Ecrevisses. Paul Jacob. 103 Les Fourmis, Léon Flameng. 110 Le Stilbum Buquesti. 1^1 Les premiers états de la Tortrix grotiaua, P. Chrétien. L'Eumenes pomiforinis et ses victimes. Mœurs et métamorphoses de l'Anthodinus amictus, Xambeu. Notice sur le Parnassius Nordmanni et sur sa variété, Austaut. Notice sur quelques Cossides nouveaux de la Perse, AuStaut. Note pour servir à l'étude de la Mouche des Orchidées (Iig.), Decaux. Note sur Cantharis vcsicatoria, Decaux. Points de contact des Insectes avec les autres Artliropodes, Acloque. Sur un cas tératologique observé sur un grand Prionien (fig.), L. Planet. Une larve de Pseudonévroptère du Chili ayant l'apparence d'un Crustacé, Lataste. ■Variétés de l'Abraxas grossulariata (fig). PRINCIPALES ESPÈCES DECRITES OU CITÉES 258 35 104 169 44 233 26 132 287 44 54 .Emœops daghestanica (n. sp.). Anlhicus albifasciatus. — antennatus. — distinctus (n. sp.). — nitidiceps (n. sp.). — 3 i'asciatus (n. sp.). striatopunctatus (n. .sp.). — dilaticeps (n. sp.). — Mardini (n. sp.). — flavopictus (n. sp.). — mutatus (n. sp.). Cantharis vesicatoria. Cantharolethrus Azambrei(n. sp.) (fig.). t'hrysomelides.^ Clytanthus Caucasiens (n. sp.). — Faldermanni (n. sp.). Clytus brunnescens (n. sp.). Colydiens. Cossus Iranicus (n. sp.). Cyclophorus Vesconesi sp.) (fig.). Crabe (fig.). Cucujides. Diabolica diabolica. Dryptus Flori (n. sp.). Ecrevissc. Eurigeniomorphus rugosus. Eurytrachelus rama (n. sp.). Formicomus Bangi, v.latior. — bispilil'asciatus (n. sp.). — bituberculatus. — tuberculifer (n. sp.). Fourmi. Holcocerus persicus. marmoratus. strigatus. 262 49 49 14-i 1.=.7 137 157 157 170 170 170 26 275 11 262 262 262 94 44 250 127 93 263 265 123 25 191 49 134 25 134 1.59-166 43 45 (n. Hydrophile (fig.). 140 Isosoma orchidœarum. 223 LeptachaLumapproximans(n. sp.). 222 Lucanus capreolus. 83 — maxillaris. S'i — tauricus. 83 — orientalis. 83 — Tctraodon. 83 — BoileaviHig,). 205-227 — Groulti (fig.). 227 — turcicus (fig.). 84 — orientalis. 171 — iljericus. 171 — turcicus (fig.). 99 — Oberthuri (n. sp.) (fig.). 179 — Poujadei (n. sp.) (fig.). 267 — Fairmairci (n. sp.) (fig.). 265 Macrati-ia nigripennis l,n. sp.). 182 — major (n. sp.). 182 — crassipes (n. sp.). 182 Metopodontus Planeti (fig.)- 287 Musaria Kurdistana (n. sp.). 262 Mylilus edulis. 192 Odontolabis Leuthneri (fig.). 247 Pagures. 41 Parnassius Nordmanni. 169 Prosopistoma punctit'rons. 44 Pseudolucanus mazama. 82 Sphegestis brunnescens (n. sp.). 26Î Torii'is grotiana. 258 Trogosiudes. 93 Xixuthrus Bufo. 287 Zeuzera Speyeri (n. sp.). 45 Zygœna Irifolii (fig.). 22 Zygia elongata (n. sp.). 124 — viridipennis (n. sp.). 124 Botanique GÉNÉRALITÉS Culture et fabrication de la Chicorée à café. P. Jacob. Etymologies botaniques, D^ Bougon. Herbier et bibliothèque de James Lloyd. La Grassette, Hariot. La Greffe et ses applications, Daniel. 131-153 213 37 223 102 292 LE NATURALISTE La Dionée (fig-). Hariot. 189 La Pcllotine. 22 Le Drosci-a (fig.). Hariot. 173 Le Palmier nain en Portugal, Malinvaud. 246 L'Erodium battandieranum, espèce algérienne nouvelle, Rouy. 15 Les Bois de construction et les Bois utiles, P. Jacob. 170 Les Bosquets de Saint-Paul, D' Bougon, 205 Les Graminées dans l'orneraentation, P. Hariot. 11 Les Nympheacées (fig.), Hariot. 263 Les Plantes dans l'antiquité, légendes, poésie, histoire, etc., Santini de Riols. :;3-10G-li5-178-194-206-228-276-283 Les Utriculaires (lig.), Hariot. 105 Les Sarracenia, P. Hariot. 60 L'exposition des Champignons, Hariot. 249 Note sur le Diplotasis erucoidcs. 265 Sur l'Arbre ahicain qui donne le beurre de Galam ou de Ka- rité (lig.), D' Heckel. PRINCIPALES ESPECES DECRITES OU CITEES Aubépine. 194 Butvrospcrmum Parkii(fig.). 161 Chou. " 228 Dionœa (lig-j- 189 Diplotasis erucoides. Drosera (fig.). Nénuphars (fig.). Pinguicula vuîgaris. Géologie GÉNÉRALITÉS Conditions de la vie végétale à la surface de la lune,I)''Bougon. Contribution nouvelle à l'étude des Dendrites de manganèse (fig.), Stanislas Meunier. Crevasses de ravinement sur la lèvre d'une vallée sèche de la craie (fig.), Boursault. Cristallisation spontanée du Gypse (fig.), St Meunier. Crochons expérimentaux ifig.). St. Meunier. Kxpéricnccs sur les Roches asphaltiques (fig.). St. Meunier. Histoire géographique des Mammifères, Glangeaud. La capture des Glaciers l.fig-), St. Meunier. La forêt de Caruelle et la Pierre turquaise (fig.). Boursault. L'âge du Renne, P. Girod. La Photosphère, D^ Bougon. La question des Sources, D"" Bougon. La préhistoire dans le Pas-de-Calais, Pouticz. Les anciens Glaciers, D'' Girod. Les Marnes intragypseuscs dans les quartiers nord de Paris (fig.), H. Boursault. Les Mines de bitume de Seysscl-Pyrimont fig.), Stanislas Meunier. Les Protoceras (fig.), Glaugeaud. Les taches du Soleil, D' Bougon. Les Ti'ilobites (fig.), Glangeaud. L'Homme interglaciaire (fig.), D'' Girod. Minéraux nouveaux, Gaubert. Note sur les Bogheads combustibles anciens et les Bactéria- cécs qu'ils contiennent (fig.), Renault. Observation complémentaire sur le Spongelioinorplia Saporlai (fig.), Stani.slas Meunier. Sur la Minéralogie des cadavres, Lacroix. Sur le terrain à cailloux striés des Préalpes vaudoises ifig.), Stanislas Meunier. Sur quelques phénomènes intéressants dus à l'action bacté- rienne (fig.), Renault. Un dernier mot sur la Météorite de Madrid, Stanislas Meu- nier. PRINCIPALES ESPÈCES DECRITES 00 CITÉES 66 161-180 26» 173 263 223 97 281 101 165 185 118 138 149 2S0 174 92 29 221 17 269 48 77 -113 73 69 -274 Arthropitus lineala (fig.). Cladiscothallus Keppcni (fig.)- 211 Gonnardile ^n. sp.). 274 Gypse (fig.). 165 Hapaloxylon Rochei (fig.). 65 Hymcnophagus. 65 Hypoparia lig.). 113 MacropneuslosPrevosti(flg.). 221 Micrococcus. 65 — petrolei (fig.). 209 Opisthoparia. 113 Pearcoite. 09 Divers Augmentation de la durée de la vie, D'' Bougon. Conservation des pommes de terre malades, D' Bougon. Déboisement et décadence, D' Regnault. De l'importance des Sciences naturelles dans l'histoire F. Re- gnault. Diminution de la chaleur dans nos pays, D' Bougon. Phokidomyia ludcnsis (fig.). Pila bibractensis (fig.). Proparia. Protoceras celer (fig.). Rathite. Reinschia australis (fig.). Rœblingite (n. sp.). Schuizenite. Silex. Spongcliomorpha Saportai (fig-)- Thylax britannicus (fig.). Triarthrus Beckii (fig.). 209 257 128 84 Ga 7 221 209 114 269 69 210 274 69 73 257 210 77 248 282 90 272 187 La combustion des corps dans les incendies, B. La distance des étoiles, D^ Bougon. La légende de Romulus expliquée par l'Histoire naturelle, Regnault. La matière vue par un homme tout petit, D' Bougon. La richesse faunique de la Normandie, H. Gadeau de Kerville. Le Gyroscope, D'' Bougon. Le monde microscopique des eaux, D^ Bougon. Le 1" janvier 1896 en Amérique, anniversaire d'une pluie étrange, Paul Jacob. Les pluies étranges, Paul Jacob. L'esprit des bétes, F. Regnault. Les rayons X et la lumière noire (fig.), Santini. Les Sciences naturelles aux Salons. Les Sciences naturelles aux Salons de 1897. Mes rêves, D'' Bougon. Moyens de conserver le gibier, P. Jacoli. Notes sur l'hiver de 1894-1895 dans le département des Cùtes- du-Nord, Cretté de Palluel. Nouvelle division des êtres organisés des trois règnes, D'' Jous- seaume. Pourquoi l'année 1900 ne sera pas bissextile? D'' Bougon. Effet de l.i température .sur les Lépidoptères. Inauguration du Jardin botanique du Mont Saint-Bernard. Civres noiiveaii:K Catalogue des Mammifères, D'' Trouessart. Flore de France, tome IV, Rouy. Histoire naturelle de la France : Minéralogie, P. Gaubert. Histoire naturelle des êtres vivants, E. Aubcrt. lUustrationes plantarum Europte rariorum, par Rouy. La culture des mers en Europe, G. Roche. Le beurre et les fromages, D. Allaud. Les parasites animaux de la peau humaine, Dubrcuilh et Beille. Minéralogie de la France et de ses colonies, Lacroix. Précis d'anatomie et de dissection. Publication d'une faune de Roumanie. Traité de Zoologie, E. Perrier. Recherches sur l'appareil circulatoire des Aranéides, .Marcel Causard. Académie des Sciences Acariens des vins. Accouplement d'Acariens. Anatomie des Spirorbis. Appareil buccal des Hyménoptères. Appareil digestif des Orthoiitères. Appareil masticateur des Mollusques. Appareil sternal des Vertébrés. Autotomie des Annélides. Autotomie d'Orthoptères. Campagne aux Açores. Circulation chez les Annélides. Coquille embryonnaire des Lamellibranches. Courant respiratoire chez les Crustacés. Dentition des ancêtres des Tapirs. Détermination du sexe chez le Chanvre. Développement des Phrynés. Encéphale des Poissons. Faune des étangs de la Corse. Formation du tissu assimilateur. Gravures préhistoriques. Innucellées et Santalinées. Maladies de la Vigne. Mammifères fossiles de l'Algérie. Membres des Batraciens et des Sauriens. Nouvelle classification des Phanérogames. Organes des sens des Crustacés. Origine de l'asphalte. Préparation des rotateurs. Refroidissement du globe. Remplacement de la racine principale. Rouget, trombidion. Sesamis nuisibles au Maïs. Signification morphologique des os en V. Système lymphatique. Système nerveux embryonnaire des Crustacés. Système nerveux des Orthoptères. Théorie évolutionniste. Venin des Serpents. Le Gérant : Paul GKOULT. PARIS. — IMPRIMERIE F. LEVÉ, RUE CASSETTE, 17. lE du n" «se du 1" «lAIVVlER 1S97- t -.y II nniii ■'''^'"'' ^ ■■"""' -"^ — Le {"janvier 1896 en Améi-ique, Anni- versaire d'une pliiie étrange. Paul Jacob. — Un dernier mot sur la Météorite de Madrid. Stanislas Mkunikr. — La question des sources. D^ Bouc_:on. Description de deux espèces nouvelles do singes de la collection du Muséum dé Pari.s. D'' E Trouf.ssart. — OCfrcs et demandes. — Gênera analytique illustré des Coléo- ptères de France. Constant Houlbert. — L'Erodium Battandierianuni Houv, espèce algérienne nouvelle. G. Rouy. — Animaux mythologiques, légendaires, historiques illustres, célèbres, curieux par leurs traits d'intelligence, de reconnaissance, etc' E. Santim mk Rioi.'i. AiBONNEMENT ANNf.iEl en un mandat à l'ordre de LES FILS D'EMILE DEYRCLLF,, éditeurs, 46, rue du Bac, PARIS. LES ABONNEMENTS PARTENT DU I" DE CHAQUE MOIS Çérie . i dans 10 fr. H Tous les autres pays . ........ 12 fr. Prix du numéro 0 'Union postale. . Pour chang;ement d'adresse, joindre 0 fr, 30 c. à la dernière bande 50 r tont ce qui concerne la Rédaction et l'Administration aur pXJRE^UX DU JOXJRIVAL, I Au nom de « LES FÏLS D'EMILE DEYROLLK » (éditeurs, j^^^ 46, RUE DU BAC. PARIS i