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NATURALISTE CANADIEN

BULLETIN DE RECHERCHES, OBSERVATIONS ET DÉCOUVERTES

SE RAPPORTANT A L'HISTOIRE NATURELLE DU CANADA

TOME TRENTE-TROISIÈME

(TREIZIÈME DE LA DEUXIÈME SÉRIE)

L'abbé V.-A. HUARD, Directeur-Propriétaire

QUÉBEC 2, RUE PORT-DAUPHIN

1906

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LE

NATURALISTE CANADIEN

Québec, Janvier 1906

VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No !

Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard

LE TRENTE-TROISIÈME

Ce titre un peu etrange n'a rien à faire, qu’on veuille bien le croire, avec tel haut grade de la diabolique franc-ma- çonnerie. C’est tout simplement le nombre ordinal du vo- lume nouveau que nous commençons en ce mois.

Disons, sins y insister beaucoup, que notre Va/uraliste canadien est déjà parvenu à un bel âge, pour une revue canadienne-française consacrée à l’œuvre scientifique. Elle a vu, au cours de sa carrière d’un tiers de siècle, naître et mourir tant de publications littéraires, artistiques ou politi- ques, qui s’adressaient par conséquent à une clientèle rela- tivement considérable !

Quant à la clientèle du Varuraliste, elle est nécessaire- ment réduite, puisque l'étude des sciences naturelles compte si peu d’adeptes parmi nous. Nous savons parfaitement que la plupart de nos abonnés qui restent fidèles à cette revue ne le font que par patriotisme, parce qu’ils la considèrent comme une sorte d'œuvre nationale, ce qu’elle est bien en effet. C’est que, grâce à. cette modeste publication, le Ca- nada français a toujours bien un représentant dans la presse scientifique qui de nos jours a pris tant d importance dans tous les autres pays. I 2 Janvier 1906.

w

LE NATURALISTE CANADIEN

Sur la fin de sa vie, le fondateur du MVaturaliste se dé- solait de voir que le goût de l’histoire naturelle faisait si peu de progrès chez les Canadiens-Françaïis ; il allait jus- qu’à se demander si les quarante années de ses efforts et de ses travaux n'avaient pas été inutiles à ce point de vie. Assurément son zèle n’avait pas été sans résultat; mais celui-ci était loin d’être en proportion de celui-là. Il faut bien reconnaître que, depuis les quatorze ans que l’abbé Provancher est décédé, la situation ne s’est pas non plus beaucoup améliorée.

Il est permis toutefois d'espérer que l’introduction récente des éléments des sciences naturelles dans le programme d’étu- des des écoles publiques de la Province devra, à la longue, avoir pour effet de répandre parimi la population un certain intérêt pour la connaissance des trois règnes de la nature. Les instituteurs et les institutrices étant désormais tenus, par les nécessités de leur enseignement, d'acquérir des no- tions plus ou moins développées sur les sciences naturelles, il est très probable qu’un certain nombre d’entre eux seront pris à l’appât, et voudront pousser assez loin l’acquisition de connaissances si facilement passionnantes.

Mais nous ne verrons rien de sérieux, en la matière, tant que l’histoire naturelle ne recevra pas de l’enseignement secondaire, en notre Province, une attention beaucoup plus grande qu'aujourd'hui. Et rien ne permet encore de corjec- turer à quelle époque se produira une réaction de ce genre, qui compléterait enfin, nous en sommes sûr, la prédomi- nance intellectuelle des Canadiens-Français sur toutes les races qui les entourent..En attendant, ce sont les Anglais, non seulement d'ici, mais de l'Ontario et des Etats-Unis, qui sont chargés d’étudier l’histoire naturelle de la province de Québec, ce qu’ils ne peuvent d’ailleurs accomplir qu’a- vec beaucoup de lenteur.

Revenant, après cette digression sur le peu de progrès que fait en notre Province l’étude des sciences naturelles,

LE TRENTE-TROISIÈME 3

sur la question de la clientèle du Ma/uraliste canadien nous avons la satisfaction de voir què les désabonnements sont assez rares. Par exemple, nous somines chagrin de constater que la qualité d’abonné au Va/uraliste ne confère pas l’immortalité, au moins ici-bas : de temps à autre des croix s'élèvent, comme en un cimetière, sur nos listes déjà si peu longues. Ces disparitions, pour cause de décès, et les quelques désabonnements qui se produisent chaque année, créent des vides que les abonnements nouveaux ne suffisent pas à remplir.—Et, encore, si tous ceux qui restent pre- naient soin de payer leur abonnement |—En tout cas, nous voyons s'approcher le moment déplorable les recettes ne seront plus suffisantes pour couvrir les dépenses. Cela ne veut pas dire, par exemple, qu'alors le Vaturaliste se cou- chera dans la tombe, et cette fois pour ne plus en sortir. Ah non! C’est même alors que son existence deviendra réellement merveilleuse : car il n’est pas ordinaire de voir une œuvre marcher toujours, en déficit toujours et jamais en faillite !.. Mais, comme à chaque jour suffit son mal,

n'appuyons pas sur ces perspectives plus glorieuses que ré-

jouissantes, et occupons-nous plutôt du présent.

Nos lecteurs ont trouver que notre revue avait l'air, après tout, d’être plus ou moins malade, à voir depuis quel- que temps ses livraisons ne leur parvenir que plusieurs se- imaines après le mois dont elies portaient la date. Cela pourtant n’était pas le moins du monde un symptôme de maladie, mais le résultat de circonstances qu’il n'était guère en notre pouvoir de modifier. Heureusement, d’ici à peu de mois, cet état de choses va s'améliorer, et le Vaturaliste reprendra ses dates régulières d'apparition.

Nous comptons bien aussi, au cours du présent volume, reprendre, et pour les terminer, la biographie de notre Fon- dateur, l’abbé Provancher, et la monographie des Mollus- ques de la province de Québec.

Nos collaborateurs, désintéressés autant que dévoués,

4 LE NATURALISTE CANADIEN

nous continueront sans doute leur important concours à cette œuvre, qui est autant la leur que la nôtre. Ce groupe encore si restreint de nos naturalistes écrivains, nous espé- rons le voir se grossir de quelques nouvelles recrues. Car nous ne serons jamais trop nombreux pour étudier l’his- toirelle naturelle d’un pays aussi vaste que même la seule province de Québec. Du reste, cet excès dans le nombre des naturalistes canadiens-français, nous ne sommes pas près, suivant les apparences, d’avoir à le déplorer et à le réprimer.

M MAN Nr LOS LA PRATIQUE DE L'HISTOIRE NATURELLE

Nous commençons en ce numéro une série d'articles sur l’organisation d’une collection entomologiqu:. Nous y dou- .nerons successivement les directions les plus pratiques sur la chasse aux insectes, la façon d’assurer la conservation des spécimens, la manière de les disposer, le matériel re- quis pour ces diverses opérations. v Il est probable que nous. continuerons ensuite ce travail par des directions destinées à aider les amateurs en d’autres branches des sciences naturelles. Pour rédiger ces renseignements pratiques, nous mets trons à profit les travaux des spécialistes, l’expérience des collectionneurs et nos propres observations personnelles.

LE MENU DU “NATURALISTE”

Depuis longtemps nous regrettions que le défaut d’espace nous empêchât de faire profiter nos lecteurs, à l’occasion,

d'excellents articles que nous rencontrions souvent dans les

revues scientifiques de l'étranger. De ce temps-ci, et en

attendant que nous puissions commencer la publication des

QUEL EST CE POISSON 5

travaux de longue haleine dont nous parlons ailleurs, nous pouvons reproduire quelques articles de cette sorte, prove- nant surtout des revues de France.

Nous n’avons pas besoin de dire, au reste, que notre sa- tisfaction serait encore plus grande, si nos collaborateurs se faisaient plus nombreux et remplissaient même toutes nos pages d’écrits relatifs à l’histoire naturelle du Canada, comme cela s’est déjà vu dans le passé, non encore beau- coup lointain, de notre revue.

QUEL EST CE POISSON ?

Nous avons reçu de M. H. Vassal, industriel de Drummondville, P. Q., la lettre suivante. Si quelqu'un de nos lecteurs reconnaissait de quel “poisson il peut être ici question, nous le prions de nous en informer.

Monsieur,

Permettez-moi de vous entretenir d’un poisson capturé dans un rêts dans les environs de Kikandatch, un poste de la Cie de la Baïe d'Hudson, sur le haut du Saint-Maurice, il y a cinquante-Six ans.

C’est vous dire assez que la description que je puis vous en donner ne peut pas vous satisfaire ; mais je puis du moins vous en donner certains traits caractéristiques qui vous permettront d'en obtenir une description par l’entre- mise des missionnaires visitant les Sauvages de Wamonta- chingue et de Kikandatch.—On m’a nommé ce poisson une Carpe rouge ; la tête est certainement celle d’une carpe, mais plus petite que celle de nos carpes ; le corps est allon- gé-comme celui de la truite, mais le ventre est plat et sa forme est celle d’un triangle bien prononcé; les écailles sont petites comme celles du hareng, la peau est d’un rouge sang sur les côtés et plus foncé sur le dos. Je ne puis vous dé- crire les nageoires, cependant celle du dos m'a paru tout à fait étrange. De souvenir je risquerai de dire qu’elle consis- tait en une touffe de pointes à plusieurs rangs n'étant pas reliées entre elles comme les nageoires ordinaires.

6 LE NATURALISTE CANADIEN

Comnre comestible, je me rappelle que nous l’avions clas- parmi nos meilleurs poissons d'eau douce du Canada, tels que la truite et le poisson blanc (l’Atikamak des Têtes de Boule). Montpetit ne paraît pas en avoir donné la descrip- tion parmi les poissons d’eau douce du Canada, et s’il ne vous est pas connu, il me paraît mériter de l'être.

Montpetit dit dans son ouvrage ne pas connaître la nour- riture du poisson blanc. On ura dit qu’il se nourrissait d’un brin d'herbe qui croît sous l’eau à Ta décharge de sour- ces souterraines ; 1l prend aussi la mouche à fleur d’eau comme la /agraîche.

Pour connaître la valeur de ce poisson, il faut le manger frais sortant de l’eau ; dans cet état on peut s’en nourrir presque constamment sans en être dégotité ou rassasié.

H. VASSAL, SRE

CHRONIQUE

Les métiers chez les animaux.—\,es abeilles sont des géo- mètres: leurs cellules sont construites de façon à avoir, avec le moins de matériaux possible, les plus grands espa- ces et le moins de perte possible. La taupe est un météoro- logiste. La torpille, la raie et la gymnote sont des électri- ciens. Le nautilus est un navigateur, il lève ét baisse ses voiles, jette et lève l’ancre et accomplit encore d’autres ex- ploits nautiques. Des tribus entières d'oiseaux sont des mu- siciens. Les chenilles filent de la soie. [/écureuil est un nautonier, il traverse une rivière avec un éclat de bois ou un morceau d’écorce pour canot et sa queue pour une voile. Le castor est architecte, un constructeur et un scieur de bois : il abat des arbres et bâtit des maisons et des barrages. La marmotte est un ingénieur civil : elle ne construit pas seulement des habitations, mais aussi des aqueducs et des

CHRONIQUE 7

drains pour les conserver sèches. Les fourmis blanches en- tretiennent une armée permanente et régulière. * * *

Un étrange oiseau.—On trouve, en Nouvelle-Zélande, le kiwi, un étrange oiseau de la famille de l’autruche. Les au- truches ont deux orteils, mais les moas d'antan avaient trois orteils ; il en est de même des émus, des casoars et des rhéas, les autruches de l'Amérique du Sud. Le kiwi dame le pion à tous ces échassiers, car il a quatre orteils. Autre particularité : tout en appartenant à la famille des échassiers, il a la taille d’une poule domestique. La tête est petite, son cou gros et fort, et son bec long et mince ; les narines se trouvent tout près de l’extrémité du bec ; les jambes sont courtes, mais les muscles des cuisses sont très développés et les pieds sont forts et pourvus de griffes ai- guës. Le kiwi est un oiseau apparemment sans ailes ; il ne montre pas non plus trace de queue ; mais à la place de cet appendice il y a des plumes longues, étroites et semblables à des cheveux, cependant que la partie antérieure de la tête et les côtés de la face ont des antennes éparpillées çà et qui ressemblent à des poils.

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Les journaux d'Honolulu (îles Sandwich) mentionnent le fait qu’un pêcheur japonais de cette ville a pris une es- pèce de poisson qui n’a encore jamais été vue. On l’a ap- pelé le poisson-grenouille, parce qu’à part des ouïes et des nageoires habituelles, ce poisson a des pattes et des pieds ! On est prié de ne pas oublier que les îles Sandwich sont aujourd’hui une colonie des Etats-Unis d'Amérique.

* *

Il paraîtrait que l’huître, même éloignée de la mer, ouvre ses écailles à l'heure la marée montante couvre les ri- vages de son pays d’origine. Elle sait quand elle a faim et mange toujours avant que la mer monte.

LE NATURALISTE CANADIEN

(9

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% % Le jardin zoologique Dublin (Irlande) offre em moment le curieux spectacle d’une lapine qui élève um

_ jeune siffleux, dont les parents sont mnrts. La petite mar-

motte se couche sur le dos de sa mère adcptive. «+ :

On vient de trouver, enfoncé à une grande profondeur dans une mine de charbon près de Stratford (Angleterre), un sabot de cheval pétrifié. Le sabot est d’une grandeur, extraordinaire, ce qui permet de supposer que, dans les temps préhistoriques, les chevaux étaient plus grands qu’ils ne le sont aujourd’hui.

HENRY TILMANS. 4h

LES RATS AU MANITOBA

Nous avons entendu souvent les pionmiers du Saguenay parler di temps les Rats domestiques étaient inconnus dans cetie région de la Province. Mais 1l y a déjà des an- nées qu’une pareille lacune dans la faune saguenéenne à été comblée, grâce sans doute aux facilités de communica- tion qui se sont établies, par ean et par terre, entre ce dis- trict et le reste du pays, et dont les quadrupèdes sont aussi à même que les bipèdes de profiter à l’occasion.

D'autre part, la Northwest Review, de Winnipeg, nous ap- prenait, dans son numéro du 13 janvier, que le Manitoba manque encore de Rats, mais que cette situation, suivant les prévisions les plus raisonnables, ne va plus durer longtemps. “The ratless days of the Canadian Northwest are num- bered,” disait notre confrère. En effet, d’après les rensei- gnements qu'il a, le Rat s avance d’année en année à tra- vers l'Etat du North Dakota, Etats-Unis, et n’est plus, aux dernières nouvelles, qu’à 28 milles de la frontière eana-

COLLECTION D’INSECTES 9

dienve, il arrivera probablement dès cette année. D'ici à une couple d'années, il sera installé à Winnipeg mêmes

Tout ce que l’on peut dire, c’est que le Rat ne fait que suivre le mouvement : on sait, en effet, qu’il y a ces aunées- ci un fort courant d’émigration du nord des Etats-Unis vers les provinces canadiennes de l'Ouest.

Cette espèce animale, que: l’on dit originaire des pays orientaux, n’en est pas d’ailleurs à sa première migration, puisqu'il lui aurait suffi de deux siècles pour infester l’Eu-

rope et l'Amérique. SU

OU IL EST DÉMONTRÉ QU'UN ENTOMOLOGISTE DOIT FAIRE UNE COLLECTION D’'INSECTES

Tous ceux qui ont l’occasion de voir une collection d’in- sectes, rangée systématiquement, trouvent cela beau et 1n- téressant. Il est en effet certain qu'aucun genre de collec- tions, ni de botanique, ni de numismatique, ni de timbres- poste, etc., n'offre l’attrait de casiers remplis de ces petits animaux, aux formes si curienses, souvent si élégantes, et qui généralement se conservent avec tant de facilité tels qu'ils étaient au moment de leur mort. De cette admira- tion que l’on conçoit à la vue d’une collection de cette sorte, on passe aussitôt au désir d’en posséder soi-même une sem- blable. Mais la plupart des gens en restent là, parce qu'ils n’ont pas le loisir de se livrer à la pratique de l’histoire naturelle. |

Quant à ceux qui éprouvent un goût spécial pour l’étude des sciences naturelles, et particulièrement pour celle de l’entomologie, nous disons qu’ils doivent absolument entre- prendre de faire une collection d'insectes. S'ils ne se dé- cident’ pas à mettre de la sorte la main à la pâte, suivant le terme populaire, leur goût pour l’histoire naturelle ne sera qu'un feu de paille, et s’éteindra facilement sous le

2 Janvier 1906.

1O LE NATURALISTE CANADIEN

coup des impressions et des préoccupations qui se succèdent sans relâche dans la vie.

Le goût de l’entomologie, pour durer, doit être alimenté. Or rien ne saurait le soutenir et le développer comme le but que l’on se propose de trouver et de posséder le plus grand nombre possible d'espèces d'insectes. Les efforts qu’il faut faire pour rencontrer et capturer les espèces que l’on n’a pas encore, l’imprévu et le hasard qui marquent Îles trouvailles que l’on fait, la joie que l’on ressent à pouvoir ajouter à sa collection une espèce ou une variété qui y man- quaïit, le désir de pouvoir encore combler le plus tôt pos- sible des lacunes qui y persistent : tout cela donne un in- térêt incroyable à l’occupation de réunir une collection d'insectes, et en fait bientôt une sorte de passion beaucoup plus vive, et surtout beaucoup plus justifiée que celle de la timbrophilie. Il y a, dans la classe entomologique, un nom- bre si considérable d’espèces différentes, qu’il est pratique-

ment impossible, même pour ie seul pays qu'on habite, de:

les réunir à peu près au complet dans ses casiers. Cette dif- ficulté même d'atteindre le but projeté, jointe au plaisir d'ajouter sans cesse à sa collection, est justement ce qui en- tretient et aiguise, pour ainsi dire, ce goût que l’on ressent pour s’occuper d’entomologie. Il faut donc conclure, des considérations qui précèdent, que le fait de travailler à faire une collection d'insectes est le sûr moyen d’aimer lentomologie, de conserver et d’accroître l'intérêt que l’on prend à s'occuper de cette science, si attrayante quand on s’y livre un peu sérieusement.

Nous ajouterons que monter une collection entomologi- que, c’est la voie la plus certaine pour acquéir la connais- sance du monde des insectes. En effet, 1l ne s’agit pas seule- ment de capturer et de fixer sur des épingles ie plus grand nombre d’insectes que l’on pourra, et de remplir ainsi des ti- roirs ou des boîtes à fond recouvert de liège. Ce ne serait que jeu d’enfant, et personne ne tiendrait longtemps à

COLLECTION D'INSECTES II

faire de l’entomologie de cette façon par trop élémentaire. Ce qu'il faut, au contraire, c’est d'établir de l’ordre parmi les spécimens que l’on possède, c’est de les disposer suivant les familles, les genres et les espèces auxquels ils appar- tiennent. Or, pour trouver quelle est la place qui convient à chacun, il faut recourir aux descriptions faites par les auteurs, bien s’aider d’autres collections déjà classifiées: mais chacune de ces deux méthodes exige une inspection très attentive, et même minutieuse, des spécimens, par quoi l’on acquiert en peu de temps une connaissance appro- fondie des caractères anatomiques des insectes de tous les ordres.

Du reste, ce qui attache vraiment dans la pratique de l’entomologie, ce n’est pas principalement l'étude faite dans les livres, ni l'étude de l’insecte mort; c’est plutôt, pour Pesprit curieux des choses de la nature, l’observation di- recte et personnelle de l’insecte vivant, l’observation de ses mœurs si curieuses et si différentes de celles des autres êtres animés. Ces connaissances prises sur le vif, on les acquerra par les efforts mêmes que l’on s'imposera pour capturer les spécimens destinés à sa collection, par la re- cherche et la poursuite que l’on en fera dans l'air, dans Peau, dans les gazons, dans les feuillages, dans les milieux divers l’on a la chance de les trouver.

On ne peut donc pas monter soi-même une collection sans acquérir des connaissances très variées et d’un extra- ordinaire intérêt sur les insectes.

Il y a même, en cette matière, et quelque surpre- nant que cela soit, un côté sentimental, poétique, voire hy- giénique.

Si vous voulez monter une collection d'insectes, vous en- tendez bien que vous avez autre chose à faire qu’à vous balancer dans votre chaise berceuse. Vous ne vous atten- dez pas que, dès votre intention proclamée hautement, les Papillons, les Ichneumons, les Carabes, les Libellules, etc.,

12 LE NATURATLISTE CANADIEN

vont s’en venir à tire-d’aile pour nue pas manquer l’hon- neur d’entrér dans votre collection. Non, si vous ne bou- giez pas de votre chambre, vous ne pourriez guère collec- tionner que des espèces domestiques, Aouches, Punaises, Blattes, Criquets, Poux et Puces: et encore, à part les Mouches domestiques, vous ne trouverez que très excep- tionneilement les autres espèces dans les maisons bien te- nues: ce qui, après tout, est fort heureux, si lon se met au point de. vue des gens que l’entomologie n’intéresse d'aucune façon.

Il faut donc aller trouver les insectes ils sont, c’est-à- dire dans les prés verdoyants, le long des gais ruisseaux, parmi les fieurs, sous les frais bocages.. Voyez-vous la poé- sie qui déjà se dégage de ce tableau tracé en deux coups de pinceau ?..Et les “ombres” ne manquent même pas au tableau, puisqu'il est nécessaire d'indiquer, comme endroits à scruter pour trouver certaines espèces, les bois pourris, les charognes, et autres objets encore moins ragoûtants..

Mais ces courses à travers champs et forêts, dans l'at- mosphère salubre des campagnes, n'est-ce pas tout ce qu’il y a de meilleur pour la santé à recouvrer ou à maintenir, de plus hygiénique, en un mot ?

Enfin, il reste encore un argument à présenter, pour achever de convaincre le lecteur qu’il y a peu de chose, dans le monde profane, de supérieur au métier ou à Part du collectionneur d'insectes.

Une collection entomologique n’a de valeur, suivant les idées qui ont cours aujourd’hui, qu’en proportion de ce que son histoire écrite est plus complète. Il faut, en effet, que l’on puisse dire de chaque spécimen qu’il a été capturé en telle localité, et même à quelle date et par quelle personne. Ces renseignements s'inscrivent sur les étiquettes mêmes. des spécimens ou dans un régistre spécial. .

Eh bien, il résultera de cette manière de pramdes que votre collection sera comme le journal de votre vie, durant

INFLUENCE DE LA LUNE SUR LA VÉGÉTATION 13

votre carrière d’entomologiste. Chacun des spécimens vous rappellera l’agréable souvenir de tel voyage ou de telle ex- cursion, dont les dates précises se trouveront fixées sur les étiquettes ou dans le journal de la collection. Quel charme, encore, de voir que tel spécimen a été capturé, il y a tant d'années, par un ami disparu, dont vous n’aurez peut-être que cet unique souvenir !

. La conclusion de ces considérations diverses, c’est qu’il est indispensable, pour quiconque veut étudier un peu sé- rieusement la vie entomologique, de se mettre sans aucun délai à réunir une collection d’insectes.

FER —E

INFLUENCE DE LA LUNE SUR LA VEGETATION

À la suite de plusieurs études publiées sous ce titre, nous manifestions le désir de voir nos savants prendre en main cette question et chercher à la résoudre dans un sens ou dans l’autre.

Cet appel a été entendu, paraît-il, car le Bulletin de l'of-

_Jfice de renseignements agricoles, publié sous les auspices du ministère de l'Agriculture, rend ainsi compte—dans un de ses derniers numéros, des expériences que M. Camiile Flammarion, l’astronome bien connu et si populaire, a comimencées en 1904 à la station de climatologie agricole de Juvisy, afin de vérifier la réalité de l'influence que la commune croyance attribue à la lune sur la végétation.

“Bien qu’invraisemblable au premier abord, dit M. Flam- marion, 1] y a cependant lieu d'examiner avec soin si cette influence existe réellement. La lumière lunaire, en effet, diffère de la lumière solaire en ce qu’elle est relativement beaucoup plus riche que celle-ci en rayons obscurs, de sorte que ce rayonnement particulier pourrait être une cause ca- pable de produire des effets spéciaux. La différence entre les effets dus à la lune croissante et à la lune décroissante,

14 LE NATURALISTE CANADIEN

si e‘le existe, pourrait également tenir à ce que le végétal ne se trouve pas dans jes,:mêmes conditions : au dernier quartier, le végétal reçoit le rayonnement lunaire après. avoir subi le refroidissement nocturne dans la prenrière par- tie de la nuit, tandis qu’au premier quartier, c’est l'inverse qui a lieu.”

M. Flammarion a donc fait de nombreux semis à des: dates correspondantes aux différentes phases de la lune, em tenant compte de la température du sol au nroment des se- mailles et de son humidité.

“Des pois semés en nouvelle lune, le 15 avril, ont mieux réussi que ceux qui ont été semés en pleine lune le 3 mars ; les semis du dernier quartier (7 avril} et du premier quartier (22 avril} ont mal réussi.

“Pour les betteraves, c’est le semis du dernier quartier (7 avril) qui a le mieux réussi.

“Des carottes semées aux mêmes dates n’ont réussi dans. aucune des planches, Des semis de poireaux n’ont présenté aucune différence bien sensible. La planche d’oignons la plis belle a été semée en nouvelle lune, ie 15 avril.

“Des pommes de terre plantées en pleine lune, le 29 avril, et au dernier quartier, le 7 mai, ont mieux réussi que celles qui avaient été plantées le 15 avril en nouvelle tunes et le 22 avril, au premier quartier.

“Des haricots semés le 29 avril, en pleine lune, et le 7 mai, au dernier quartier, ont bien réussi, et la récolte a été abondante: semés en nouvelle lune et au premier quartier, ils ont donné un plus faible rendement.

“Des romaines, des laitues, des choux, des radis, des ca- rottes ont été semés en pleine lune, le 29 mai et le 27 juin; en nouvelle lune, le 13 juin'et le 13 juillet; la réussite a été bonne pour le semis du 29 mai; dans les trois autres semis, les graines n’ont pas bien levé et les plantes sont mal: venues.”

Sans doute, le résultat de ces premières expériences n’a

PSS

PUBLICATIONS REÇUES 15

rien de bien concluant, mais au moins, la science s’est mise en marche et maintenant nous avons lieu d'espérer qu’elle ne s'arrêtera pas et nous fixera définitivement dans... quel- ques années.

Cela ne doit pas empêcher nos lecteurs de faire, de leur côté, de sérieuses expériences.

(Pèlerin.) KE,

PUBLICATIONS REÇUES

Actes de la Société linnéenne de Bordeaux. Vol. LIX. 1904.

Bulletin de la Socrêté royale de Botanique de Belgique, 1902-3-4-5- | |

—(Bulletin of the U. S. National Museum, No 53, Part I) Catalogue of the type and higured specimens of fossils, mi- nerals, rocks and ores in the deparrment of geology, U.S. National Museum, Part I. Fossil invertebrates. Washing- ton. 1905.

Ce volume, qui a plus de 700 pages, devra être suivi de plusieurs autres, pour contenir toute la liste des spécimens de l'immense musée de Washington.

Minnesota Plant Diseases, by KE. M. Freeman, Saint- Paul, Minnesota, 1905. Volume in-8° de 432 pages, illus- tré de 211 gravures.

Ce superbe volume, publié aux frais de l’Université de Minnesota, contient une étude générale des champignons et autres organismes nuisibles aux végétaux de l’état du Min- nesota, avec indication de procédés pour lutter contre les ravages de ces maladies diverses.

—(N. Y. State Museum.) 20/4 Report of the State En- tomotogist on Injurious and other Insects of the State cf New }ork, 1904. Albany. 1905.

Ce volume compte environ 250 pages, et les entomolo-

. gistes sont au fait de son importance scientifique.

/

16 LE NATURALISTE CANADIEN

Annuaire statistique du Canada, 1904. Ottawa. 1905: .

Nous accusons réception de l’A/manach Agricole, Coms mercial et Historique de 1906, publié par la Cons J.-B. Rolland & Fils, Montréal.

Dans cette 40e édition se trouve le nom de tous les Membres du Parlement fédéral et de la Législature de Québec qui viennent d’être élus. Il contient aussi le nom de la Hiérarchie eatholique du Canada, l’administration des divers départements de la province de Québec, et grand nombre d'informations très utiles. Cet Almanach est en vente chez tous les principaux libraires au prix de cinq centins l’exemplaire.

—Almanach des Cercles Agricoles, 1906, publié par la Compagnie J.-B. Rolland & Fils, Montréal.

Il contient, outre le calendrier ordinaire des autres alma- nachs, des conseils agricoles pour chaque mois, des articles

sur la culture du sol, des notions sur l’horticulture, l’hy- .

giène, ainsi que des recettes sur l’économie domestique. Cet ouvrage fait vraiment honneur à son rédacteur M. Na- gant, du /ournal d'Agriculture.

Cet aimanach est en vente chez tous les principaux li-.

braires, à 10 cts. |

Calendrier de la Puissance du Canada, 1906. Ce ca- lendrier contient une liste complète de la hiérarchte ecclé- siastique, ainsi que le nom de tous les curés de la Puis- sance. ki

Il est en vente chez tous les principaux libraires à 5. cts J'exemplaire.

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LE

NATURALISTE CANADIEN

Québec, Février 1906

VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No2

Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard

LE DISTRICT MINIER DE COBALT

Rockes et Minéraux

Jusque dans ces dernières années, avant la construction du chemin de fer de ‘*Témiscamingue et Nord d'Ontario”, la récion sise à l'Ouest du lac Témiscamingue n'était guère connue que des bûcherons ; ces braves gens, forts à la hache mais très faibles en...minéralozie, avaient même, dit-on, égratigné ou labouré, avec leurs charges de bois, mais sans y prendre garde, l’affleurement plus ou mo'ns décomposé d’une grande et riche veine métallifère uon lein de l’endroit s’élève aujourd’hui la ville nais- sante de Cobalt.

Au printemps 1903, quelques employés du ‘’Temiscaming and Northern Ontario Ry.”, attirés par la teinte rosée de certaines pierres (cette teinte rosée indique souvent un ar- séniate hydraté de cobalt, érythrite ou fleur de cobalt). conçurent l'idée que ces minéraux pouvaient avoir une certaine valeur économique. Plus tard on trouva des échan- tillons de niccolite (arséniure de nickel), et les découvertes de minerais relativement rares de cobalt, de nickel et d'argent se succédèrent. Le bureau des mines de Toronto fit faire une étude de la région, et M. W. Miller, géologue

provincial d'Ontario, publia l’été dernier un rapport très 3 Février, 1906.

18 LE NATURALISTEH CANADIEN

intéressant, avec une carte géologique détaillée, pouvart servir de guide à tous ceux qui accourent en foule pour prospecter et exploiter ce district.

Actuellement, on y a découvert plus de 40 veines ou filons, qui sont distribués sur environ 25 lots de 40 acres, c’est-à-dire sur une petite surface entourant la ville de Cobalt ; presque chaque jour on fait de nouvelles découver- tes en egrandissant le cercle des recherches. Les filons de minerais occupent presque sans exception des fissures verti- cales traversant le terrain ‘‘Huronien inférieur”. .

Voici, d’après le géologue Miller, une liste des princi- paux minéraux et minerais que renferment les gisements du district de Cobalt:

I.— Eléments métalliques l'état natif) : Argent natif, Bismuth natif, Graphite.

IT. —Arséniures : Niccolite (arsémiure de nickel): chlo- anthite (biarséniure de nickel) ; Smaltine (biarséniure de Cobalt.

III. —Arséniates : Erythrine ( arséniate hydraté de co- balt) ; Annabergite (arséniate hydraté de nickel, fleur de nickel).

IV.—Sulfures : Argentite (sulfure d'argent) ; Millerite (sulfure de nickel).

V.—Sulfo-Arséniures : Mispickel (sulfo-arséninre de fer).

VI.—Antimoniures : Dyscrasite (antimoniure d'argent).

Vil.—Sulfo-antimoniures : Pyrargyrite ou argent rouge antimonié (sulfo-antimoniure d’argent).

l'étrahédrite (sulfo-antimoniure de cuivre). :

Outre un certain nombre de produits d’altération des minéraux précédents, tels que l’asbolane (cobalt oxydé noir) qui est de la fleur de cobalt très altérée, on trouve encore d’autres sulfures non mentionnés ci-dessus, spéciale- ment dans la roche formant le mur de la veine ; ces der- niers consistent en pyrite de cuivre et bornite (qui sont des sulfures de fer et de cuivre), galène (sulfure de plomb) et

ROCHES ET MINÉRAUX 19

pyrites de fer (sulfure et bisulfure de fer). La blende (sul- fure de zinc) s’y trouve aussi en certains points.

Comme on le voit, il y a ici une remarquable collection de minéraux relativement rares et nombreux. Ce groupe- ment présente quelque analogie avec les gisements célè- bres de Joachimsthal, en Bohème, mais cependant ne sem- ble pas contenir, comme ces derniers, de l’uraninite ou pechblende, ce fameux minéral d'uranium radio-actif dont M. et Mme Curie ont extrait le radium.

À défaut de pechblende (dont l'absence, d’ailleurs, ne me semble pas encore démontrée), les gisements du district de Cobalt sont beaucoup plus riches que ceux de Joachimsthai en argent, cobalt, nickel et arsenic.

La richesse du minerai canadien est phénoménale. On y trouve parfois des veines de dix pouces contenant une forte proportion d'argent natif, en blocs qu'il est difficile de bri- ser pour la mise en sas ; certaines veines plus étroites, n’a- yant qu’un demi-pouce d'épaisseur, sont composées d'une

seule feuille onu plaque d'argent massif.

L'argent natif se trouve en masses et également sous forme de pellicules, écailles, feuilles et filaments. A la mn ne “Trethewev”, à Cobalt, on a extrait des masses d’argent massif dont l’une pesait 79 livres.

Le ‘“bismuth” natif se rencontre dans tous les gisements exploités à Cobalt. Sur les surfaces de cassure fraîche, il a presque la couleur de l'argent natif ; on le distingue de ce dernier par sa moindre dureté.

Le “cobalt” est contenu principalement dans la smaltine qui est un biarséniure de ce métal. Comme on le sait, le cobalt est surtout employé en céramique et dans ia fabrica- tion des verres bleus.

La plus grande partie du nickel se trouve surtout sous forme d’arséniure (niccolite et chloanthite).

“Production et analyses”.— Pour donner une idée exacte de la richesse des minerais extraits de cinq ou six mines

20 LE NATURALISTE CANADIEN

exploitées autour de la station de Cobalt, citons un exem- ple tiré des rapports officiels :

Du 31 mars au 30 juin 1905, on expédia de la station de Cobalt 537 tonnes de minerai brut, évaluées à $394,000, soit à $#834 par tonne. Cette charge contenait en moyenne:

AGENTS RME MENUL URSS cd PONT ICETNE COBATENE FRIC UN QE MA ALTER ge: Nickér. 00: ASE te PP 5 AFRICAN RS Le 47 A PERS "

Les métaux contenus furent vendus approximativement aux prix suivants : argent, 60 cts l'once Troy ; cobalt, 65 cents la livre ; nickel, 12 cts à 15 cts la livre, et l’arsenic à 1 cent la livre. L

Actuellement, 1l y a plus de 20 concessions minières mi- ses en exploitation.

Une seule veine exploitée à la miue de La Rose, au nord- est de Cobalt, a déjà produit des minerais de nickel, cobalt et argent pour $1,000,000 avant la fin de l’année 1905.

La mine Trethewey, au nord de la station, areçu des paiements de $ 80,000 par char de trente tonnes de mine- rails.

Aperçu géologique.—X,e rapport de 1905 du Prof. Miller contient une très belle étude géologique de la région. Nous ne pouvons en présenter ici qu’un résumé très abrégé.

Voici, en commençant par les plus anciennes, les div:r- ses formations géolowiques que l’on rencontre dans je dis- trict de Cobait :

1.—Le Keewatin, formé d'un mélange complexe de ro- ches d’origine ignée et consistant en diorite, porphyre quartzeux, etc., a subi un certain nombre de plissements et de perturbations. Cette formation, qui se trouve en dessous du Huromen inférieur, présente un intérêt économique réel, car elle contient de puissants gisements encore peu explo- rés de minerais de fer, fer arsénical, pyrite de cuivre, etc., et même un peu d’or.

RL +

ROCHES ET MINÉRAUX 21

2.—Le Granit laurentien qui pénètre par intrusion dans le Keewatin, mais s'arrête à la base du Huronien in- férieur.

3.—Le Huronien inférieur, qui contient les fameux gise- ments d'argent et d'arséniures de cobalt et de nickel et est, à ce titre, la plus intéressante formation de la région. C’est Ja plus ancienne formation d’origine sédimentaire que l’on y «it encore trouvée. Elle contient, il est vrai, des frag- ments d’une roche sédimentaire encore plus ancienne, mais non encore identifiée. Le Hnronien inférieur est très va- riable de composition dans ses horizons les plus bas, ce qui montre que les conditions de sa sédimentation ont être très irrégulières. Il a été dépose sur un fond très iné- gal et accidenté. On trouve à sa base tantôt un conglomé- rat grossier, tantôt nn quartzite yris à graius réguliers, puis, en montant. une succession de schistes régulièrement zonés, quartzites, etc. Cette formation du Huronien inférieur semble avoir une épaisseur moyenne de 500 pds. Dans le voisinage des gisements de minerais, les roches de cette formation sont horizontales faiblement inclinées. Vers le nord, près du lac Téimiscamingue, leur plongement est plus accentné.

4.—Le Huronien moyen est un quartzite gris jaunâtre, feldspathique, à texture grossière, c’est-à-dire un arkose. Il repose en stratification discordante sur le Huronien infé- rieur. On le rencontre en plusieurs points sur les bords du lac Témiscamingue. Il présente peu d'intérêt.

$s—Diabase.—Formation d’origine ignée, éruptive, com- posée en général de diabase, mais variant de la diorite au gabbro. Elle constitue d’importantes masses d’intrusion. Ces roches à diabase traversant toutes les autres formations précédemment nommées, on en conclut qu’elles sont de formation plus récente que le Huronien moyen ; mais elles sont cependant plus anciennes que la formation dite “Cal- caire de Niagara” qu’elles ne traversent pas. Les fissures

22 LE NATURALISTE CANADIEN

occupées maintenant par ies minerais de cobalt-nickel-ar- gent dans le Huronien inférieur, furent probablement pro- duites par le bouleversement qui accompagna l’éruption de la diabase. Les minéraux d'argent, etc, aui font la ri- chesse de ce district, furent probablement déposés par les eaux chaudes et fortement chargées de solutions métalli- ques associées au phénomène de l’éruption (l’arrivée de ces eaux salines et chaudes marquent ordinairement Ja dernière phase des éruptions).

6.— Le Calcaire de Niagara.—Cette formation se pré- sente au Nord et à l'Est du district, recouvrant les roches plus anciennes. Comme elle est apparemment plus récente que les gisements de minerais étudiés dans cet article, elle est à ce point de vue sans intérêt.

7.—Enfin, les Dépôts glaciaires qui recouvrent toute la surface du sol. |

Ces dépôts constituent souvent un obstacle formidable aux recherches des prospecteurs, surtout lorsqu'ils sont eux-mêmes recouverts par la végétation. -

Telie est, en résumé, la série des terrains géologiques que l’on rencontre dans l’intéressante région de Cobalt. La région Nord-ouest de la province de Québec que va parcourir prochainement le chemin de fer du Grand-Tronc- Pacifique n’est, en somme, que la continuation des hori- zons géologiques étudiés ici; et il m'a semblé que les rensei- gnements condensés dans cet article seraient de quelque utilité à ceux des lecteurs du ‘“Naturaliste canadien” qui se proposent d'assister de près ou de loin au dévoilement des trésors minéraux que renferme le Nord.

H. NAGANT. (1)

(1) Comme on le constate, le Vuturaliste voit un nom nouveau, et loin d’être inconnu, s’ajouter à la liste de ses collaborateurs. Nos lecteurs seront heureux, comme nous, de ce que la minéralogie, depuis si long- temps absente de nos pages, y reparaisse aujourd’hui grâce à M, Nagant, qui, nous avons lieu de l’espérer, ne fait qu’ouvrir aujourd’hui une série d'articles intéressants et utiles. 269. h

CHRONIQUE 23

CHRONIQUE

De la Grande-Bretagne nous vient ceci : En brisant un morceau de roche d’une corsidérable grandeur, récemment, à Blackburn, des ouvriers découvrirent dans l’intérieur de la pierre un ver mesurant sept pouces de longueur. Le journal de l’endroit nous assure qu’au contact de l’air ex- térieur le ver donna des signes de vie, et il conclut grave- ment par dire que l’opinion de plusieurs savants locaux est que le ver en question devait avoir à son actif plusieurs mille ans d'existence !

De l'activité et de la somme de travail que peuvent fournir les oiseaux, nous avons une preuve dans le fait suivant. À Louisville, Kentucky, Etats-Unis, des Moi- neaux qui n'avaient pas été dérangés depuis sept ans, avaient rempli un grenier de foin, de paille et de branches. Il y a quelques jours, le propriétaire de l'immeuble, vou- lant inspecter les lieux, dérangea les Moineaux qui avaient fait du grenier leur domicile ; et quand il l’eut vidé, il se trouva qu’il y avait deux bonnes charges de foin, de paille et de branches. On y compta plus de deux cents nids. Et les Moineaux ne battirent en retraite qu'après une résis- tance prolongée.

HA

Le jardin zoologiqne d'Edimburgh, Ecosse, vient de s'en- richir d’un jeune Renne, le premier animal de son espèce dans le Royaume-Uni et le premier aussi, dit-on, en captivité.

* * *

Il n’y a pas de serpents en Irlande, du moins à ce que nos amis les Irlandais assurent. Or, on vient de tuer un repti- le de ce genre, dernièrement, dans un champ d'Orklow, comté de Wicklow, et les gens de l’endroit n'ont trouvé

24 LE NATURALISTE CANADIEN

qu'une explication de ce fait extraordinaire : ils préten- ù AT ; \ dent que le reptile doit être sorti de l’eau.

Un écrivain français parle. dans une revue scientifique des énorines profondeurs de l’océan, variant de 25009 à 30,000 pds. La température y descend jusqu’à zéro, et au- dessous de 1280 pds, la nuit règne sans fin. A cette profon- deur, les plantes privées de luimière ne peuvent pas vivre, et les êtres qui y habitent doivent être carnivores. L'organe de la vue, n'étant pas en usage, a disparu. Et cependant il y a une sorte de lumière, même dans ce monde sombre. En effet, un navire allemand a trouvé à une profondeur de 6,400 pds un poisson avec des yeux énormes.

x

Les castors recominencent à se propager dans les eaux du Manitoba. Il y a une famille de ces intéressants ani- maux à Carberry, cinq familles à la rivière du Cygne, trois ou quatre à Minitones, et plusieurs dans les coulées entre la montagne du Canard et Riding Mountain. Près de Nesbitt, sur la rivière Souris, il y a une trentaine de castors qui construisent un barrage ; et le département de l'Agricultuie a nominé nn homme dont la mission consiste à les protéger. Espérons que la protection sera efficace et permettra aux castors de reprendre domicile dans une pro- vince ils abondaïient autrefois.

k *X *X

Les journaux scientifiques allemands nous apportent la description du squelette d’un éléphant de mer géant, que l’on vient de monter au jardin zoologique de Berlin et qui constitue le plus wrand exemplaire de cet animal qui aît été tué. Il mesure à peu près 21 pds du bout de la queue au bout de la défense, et devait peser vivant 10,000 Ibs ou près de quatre tonnes et demie. La circonférence de son corps à l'endroit le plus gros est de 18 pds'; le crâne seul mesure 2 pieds et 3 pes de long, sur 1 pied et 3 pouces de haut.

AGE T4

CHRONIQUE 25

L’éléphant de mer, ou Eléphant-Morse, est à plusieurs points de vue une curieuse bête. Pour la taille, il peut lutter avec le Walrus, qui a l'aspect plus féroce. Son nez excepté, c’est un gros Morse noir, assez vif dans l’eau et très palot à terre, comme tous ceux de son espèce. Il est pesant comme un Hippopotame, qu'il rappelle vaguement. Il appartient aux deux hémisphères, mais il a été tant chassé que l’on en rencontre très peu d'individus au nord de l’Equateur. Il hante les rochers déserts des îles Kergue- len et Thetland, dans l’océan Antarctique, jadis 1l exis- tait en bandes innombrables. On le tuait pour sa peau et pour l'huile que donnait sa graisse. Il se nourrit presque exclusivement de poissons. Une particularité des défenses de cet animal, c’est que celles du mâle sont pleines, tandis que celles de la femeile sont plus courtes et presque entiè- rement vides,

HENRY TILMANS.

+ &+— UNE APPRÉCIATION

Nous traduisons et reproduisons. de la livraison®de fé- vrier de l’Ot/awa Naturalist, un compte rendu bibliogra- phique de notre 7rarté élémentaire de Zoologie et ;d'Hy- giène, écrit par M. J.-A Guignard, assistant-botaniste et en- tomologiste du Canada, et qui est déjà bien connn de nos lecteurs.

“Cet ouvrage, très utile et très précis sur la zoologie et l'hygiène et dent on attendait la publication depuis quel- que temps, vient de paraître. Cette publication sera sans

doute accueillie avec un plaisir particulier par tous ceux

qui ont du goût pour les sciences naturelles, même en de- hors de la population française du Canada. En effet, c’est à notre connaissance le seul ouvrage contenant un aperçu

général de la faune du Canada qui ait encore été publié. 4 Février, 1906.

26 LE NATURALISTE CANADIEN

En outre, les genres les plns importants les plus intéres- sants de la faune de tous les pays v sont mentionnés et souvent aussi 11lustrés, en sorte que l’on a une. vu: d’en- semble fort complète de tout le rèxne atiiunal.

“auteur du livre est un naturaliste de race et passionné pour le sujet qu'il traite ; la clarté de l'exposition est la note caractéristique de sa manière. [l n’a épirgné aucune peine pour atteindre la précision et l'exactitude, qui sont indispensabies dans un livre de science, c’est-à-dire un livré tout doit être exact.

‘Les amateurs, les instituteurs et les étudiants trouveront donc un guide sûr, pour l’étude de la faune canadienne, dans l’ouvrage dont nous parlons, et qui contient aussi des notions fort développées de l'anatomie et de la physiologie animales.

“Enfin, il est à souhaiter que ce livre soit largement in- troduit dans les écoles françaises du Cinada”:

I.-A: GUIGNARD.

a rt GR DE ae Em S

DE LA*CHASSE AUX INSECTPES

Pour faire un civet de lièvre : 2yenez un lièvre, etc.

Pour faire une collection d'insectes : Prenez des insectes.

C’est bien, dans les deux cas, la même coudition impé- rieuse, et d’une vérité encore plus littérale dans le second.

A serrer la question de près, il y a, à vrai dire, deux fa- cons de former une collection entomologique.

De même qu'il y a des marchands de boutons et de tant d’autres articies divers, il y a aussien plusieurs grandes villes des marchands d’insectes, et l’on pourrait parfaite- ment se faire expédier leurs catalogues, y choïsir les espèces que l’on voudrait avoir, et se les faire expédier chez

soi, l’on prendrait tout le loisir voulu pour les classer :

DE LA" CHASSE, AUX INSECTES 27

suivant le meïlleur ordre scientifique. Seulement, ce moyen pen hérn'que de faire de l’histoire naturelle est loin d’être à la portée de tout le monde, parce qu’il serait extrê- mement coûteux, au moins autant que l+ serait l’établisse- ment d’une collection philatélique exclusivement à prix d'argent. Et puis, comme il n’est ici question que de la pro- vince de Québec, et qu'il ne se trouve en aucune de nos villes des magasins entomologiques ; comme il faudrait donc fair ses achats l: spécimens par exemple à New-Vork, pour ne pas parler de Londres, Paris, etc., on peut être as- suré an‘une collection formée ainsi de spécimens achetés en des villes de l'étranger manquerait de beaucoup d’es-

pèces communes dans notre pays.

One si, pour des raisons spéciales, l’on tenait absolument à monter une collection d'insectes à prix d'argent, le plus pratique serait d'acheter la collection de quelqu'un de nos amateurs obligé dese “retirer des affaires” entomologi- ques. Maïs l’on trouvera rarement des occasions de ce gen- re, surtout parce que le nombre de nos amateurs est très restreint.

Non! Ce qu’il y a à faire pour l’aspirant entomologiste, c'est d’aller prendre lui-même les insectes ils se trou- vent, c’est-à-dire partout. Des insectes ! Mais, durant cinq bons mois chaque année, les champs et les jardins, les montagnes et les vallons, les cours d’ean et es lacs en sont remplis ! I] n’y a qu’à aller les y capturer en tel nom- bre qu’on le désire. Et voilà justement ce qui rend sa col- lection si chère au collectionneur, puisqu'elle représente à ses yeux une somme considérable de soins et de fatigues, qu’elle devient même comme un tableau d’une partie plus ou moins considérable de sa vie. Il ne peut promener ses regards à travers les casiers de sa collection sans se rappe- ler, souvent avec le plus grand charme, qu'il a capturé tel et tel insecte, en telle année, en telle campagne, avec. tels ou tels incidents plus ou moins pittoresques.

38 LE NKATURALISTE CANADIEN

Mais, encore, il ne fant pas oublier que ce n’est qu'e, se Jivrant à la chasse anx insectes que l’on peut amasser une réserve de ‘“doubles’”, c’est-à-dire de spécimens dont l’on possède déjà des semb'ables dans sa collection. Ces doubles, il y a intérêt à en accroître la quantité le plus qu'il est pos- sible. C’est, ei effet, pour le collectionneur, un véritable trésor qui lui permettra d’avoir les plus avantageuses rela- tions d'échange avec d’autres collectionneurs du pays, et de se procurer ainst le plus facilement du monde, des espè- ces qu’il n’a pu rencontrer encore dans ses chasses. Et com- me il pourrait avoir le goût d’ajouter à sa collection d'in- sectes du pays une collection spéciale d'insectes des pays étrangers, il n'aura qu’à se mettre en rapport avec des col- lectionneurs de ces pays, pour échanger avec eux des spé- cimens. 11 y a ainsi, dans la plupart des pays civilisés, des entomologistes très désireux d’avoir des correspondants en Amérique, et spécialement au Canada, et l’on ne sera ja- n ais en jeine de disposer de tous les spécimens que lon aurà capturés en nombre. De cette façon et sans qu’il en coûte à peu près aucun déboutrsé, on peut réunir une col- lection considérable d'insectes des autres pays ou conti- nents. Pour ce qui est de connaître les noins et les adresses. de ces collectionneurs étrangers, il n’y a qu’à consulter les annonces des revues entomologiques, mieux encore l’'Æntomologists Directory (Etats-Unis et Canada), publié par ie Dr H. Skinner (:); ou l'/x/ernational Screntists” Directory, S. E. Cassino (Boston, Mass, U.S.): ces ou- vrages contiennent la liste assez complèt: des naturalistes professionnels ou amateurs de tous les pays.

Nous croyons pouvoir supposer que le .naturaliste ; ama- teur, à qui nous nous adressons 1c1, s’est laissé convaincre de l'intérêt qu’il y a pour lui à se livrer à la chasse aux insectes. Il convient donc maintenant de,iui donner des

(1) American Entomological Society, Philadelphia, Pa., U. S.

DE LA CHASSE AUX INSECTES 29

conseils pratiques qui l'aideront à tirer bon profit de cètte attrayante occupation.

Et de même que le chasseur de gibier à poii à plui- nie ne se met pas en campagne sans ses cartouches et sa carabine, ainsi le chas<eur d'insectes ne siurait se passer de certains instruments propres à lui faciliter sa tâche. Nos allons faire ici une uue énumération desc’iptive des arti- cles qui composent l’outiilage de l’entomologiste en c«um- pagne.

FiLET.—Vulgairement, cet appareil est souvent disizné par le nom de #/oche. Il consiste essentiellement en une sorte de sac profond de tulle, de gaze, de soie, à mailles claires, dont l'ouverture est fixée tout le long d’un cercle inétalli- que, qui est lui-même ajusté au bout d’une canie ou d’un n anche long de trois ou quatre pieds.

Comme on le voit, jour peu que l’on soit ingénieux, cet instrument n’est pas difficile à fabriquer. Il y suit d’un

bout de fil de fer un peu fort, d'un morceau de mousseline, et disous, du manche d’un...ex- balai. Et comme il arrive assez souvent que des ga’s de la campagne, munis des plus élé- inentaires fourniments de pêche, font les cap- tures les plus intéressantes sur les lacs et les rivières, rien n'empêche que l’amateur, armé de la filoche la plus invraisemblablement fa- briquée, n’en retire des spicimens eutomologi- ques absolument extraordinaires, c’est-à-dire très rares et même inconnus jusque-là. Cela soit dit pou! la consolation et l’encouragement des amateurs qui, ainsi que cela se rencontre, sont beaucoup mieux pourvus de zèle et de courage que de ressources monétaires.

Il est toutefois avantageux, si on peut le faire, de se procurer un filet tout fait, chez les marchands

30 LE NATURALISTE CANADIEN

d'objets d'histoire naturelle. Comme c’est le cas pour beau- coup de marchandises, il y en a de tous les prix et pour tous les goûts. C’est ainsi, par exemple, qu’on en trouvera dont le cercle peut se détacher du manche et se fermer en deux on en quatre ; le manche lui-même se défait en trois ou quatre bouts, et voilà un instrument qu’il est facile de faire entrer dans les poches de son pardessus ou dans sa sa- coche de voyage, et d’emporter avec soi dans la moindre petite excursion que l’on va faire à la campagne. On peut aussi faire disposer le cercle du filet de telle sorte qu’il s’adapte au bout de sa canne, c'est un procédé qui ré- N

duit au minimum le souci d’être prêt à profiter de toutes les occasions qui peuvent se présenter.

suivre.) TK ER = D

LE SPOTSSON SOTETL?

La Croix (Paris) publiait, en son numéro du 28 décem- bre dernier, l'entrefilet suivant :

Un nouveau poisson

“On signale l'apparition, dans la rivière d’Aïn, d’un nou- veau poisson d’origine canadienne, appelé poissou-soleil, en raison de ses écailles brillantes.

-Ce nouveau poisson, qui « multip'ie rapidement, est très vorace. Heureusement, sa longuerir ne dépasse pas o im. 15 et il faut trois ans pour atteindre le poids de 40 grammes.’

Le correspondant parisien du .So/ei! (Québec) lui écri* vait, à la date du 9 janvier, au cours d’un arti:le publié le 24 janvier :

On signale l'apparition dans plusieurs rivières de l’Est

de la France d’un nouveau poisson d’origine canadienne;.’

appelé poisson-soleil en raison de ses écailles brillantes.

ie

LE POISSON-SOLEÆEIL 31

‘“ Ce nouveau poisson, qui se multiplie rapidement, est très vorace. Heureïisement sa longueur ne dépasse pas 7 centimètres et il lui faut trois ans pour atteindre le poids de 40 grammes.

Le journal de Saônc-et-Lo're, auquel j'emprunte ces renseignements, dit en forme de conclusion : “Comine on f ne voit guère un poisson aussi menu traverser tout seul f“ l'océan, pour venir, du Cauada, peupler les cours d’eau français, il faut que quelqu'un nous aïît fait ce cadeau. Il aurait mieux fait de le garder pour lui.”

Si nous enregistrons l'affirmation contenue dans ces en- trefilets, c’est uniquement parce qu'il y est question de ia faune canadienne, quoique sans doute sans aucune sorte de fondement. Car rien n’est plus invraisemblable que l’intro- duction dans une rivière européenne d'une très petite es- pèce de poisson d'Amérique,

Après cela, nous pouvons bien dire qu'il n'y a pas an Canada de poisson à qui nos donnions, en français, le nom vulgaire de “Poisson-Soleil”. Par contre, toute une famille de nos poissons d'Amérique, celle des Centrarchidés, porte le nom anglais de Suw-Æishes, soit Poissons-Soleils. Notre Pomote, nommé :zénéralement Crapet, si abondant par toute la Province, est l’un de ces poissons ; et sa longueur qui est de 6 ou 7 pouces, correspond précisément à celle de 15 centimètres attribuée par la Croix au poisson dont elle parle (les “7 cent.” de la co: respondance du ,So/ez/ nous pa- raissent invraisemblables et n'être que le résultat d'une in- attention.) l

La question du Poïsson-Soleil, originaire du Canada et acclimaté dans les rivières de France, est en définitive loin d être élucidée. Bien plus, nous trouvons très douteux qu'elle soit même sérieusement ouverte.

SR

32 LE NATURALISTE CANADIEN

NOS FRUITS CANADIENS EN BELGIQUE

Afin de montrer, d’une part, la valeur des fruits du Cana- da telle qu’on l’apprécie à l'étranger, et, d’autre part, l’im- portance qu’il y a pour notre pays de prendre part aux expositions universellss ou autres, nous reproduisons ici une lettre que nous recevions dernièrement de M. N. Sé- chers, secrétaire de la Société royale linnéenne de Bruxel- les et éditeur du Monzteur horticole belge. Il] nous a été agréable de fournir à M. Séghers, dès la réception de sa let- tre, tous les renseignements que nous étions en mesure de lui donner sur le sujet dont il nous avait entretenu.

‘A l’occasion de l’assemblée générale annuelle de Ja Société royale linnéenne qui vient de l'appeler à la prési: dence, M. Vernieuwe, directeur au ministère de l’Agricul- ture. a entretenu la réunion de l'abandon dans lequel se trouve actuellement la pomologie en Belgique.

‘‘Peu de chose, dit-il, nous rattache encore à un passé brillant : car on oublie trop que la Belgique est en réalité la terre classique de la pomologie moderne. La plupart de uos ineilleures poires et pommes ont été obtenues par des semeurs belges, dont maiheureusement la tradition, s'est perdue ou tout ou moins a cessé d'être vivace.

“M. Vernieuwe a démontré l’urgente nécessité d'étudier les moyens de renouer le présent au passé. Il a signalé les travaux des pomologues américains qui se sont précisé- ment inspirés des travaux des semeurs belges.

Bref, le comité de la Société linnéenne a pris la résolu- tion de mettre tont en œuvre pour relever la pomologie et de faire connaîtie par la vor: de son journal les obtentions nouvelles tant belves qu'étrangères.

“L'exposition universelle de Liève a permis au gou- vérueiment canadien de nous montrer des fruits superbes, inconnus dans nos cultures, que nous serions «lésireux de cultiver pour pouvoir les apprécier.

“Me serait-il permis de vous demnnder de bien vouloir me donner quelques adresses Jde semeurs, de pépiniéristes consciencieux, et m'indiquer les journaux horticoles qui s'occupent plus spécialement d'arboriculture.”

Le Secrétaire,

N. SÉGHERS.

LE

NATURALISTE CANADIEN

Québec, Mars 1906

VOL. XXXIII (VOL. XII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 3

Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard

LA GRANDE LAMPROIE DE MER

Dans le huitième volume du ÂVaturaliste canadien, l'abbé Provancher décrit trois espèces de Lamproie appar- tenant à la faune canadienne, et dont la taille varie de 3 à 8 pouces. Or, on n’a apporté l’été dernier une Lamproie capturée à Saint-Joseph de Lévis et qui mesurait près de 30 pouces: Aucune des descriptions de l’abbé Provancher ne pouvait convenir à cet individu. Il s’agissait donc d’une espèce qui avait échappé à l’attention de notre Linnée ca- uadien ou qui avait été introduite depuis son temps. Inter- rogé là-dessus, le directeur actuel du Vaturaliste répondit que ce pouvait bien être la grande Lamproie marine, Peftro- myzon marinus Lin., dont il m’envoyait la description. Ce fut aussi mon avis après une étude attentive de cette des cription et du spécimen.

Cette Lamproie habite ordinairement l'Atlantique nord, mais elle remonte aussi les rivières le printemps pour frayer et retourne l’automne à la mer. Dans le cas actuel, il ne s’agit pas d’un individu isolé, mais plutôt d’une imi- vration en masse, car les pêcheurs de Saint-Joseph en trou- vent jusqu’à huit ou neuf par marée dans leurs engins de pê- che, et cela depuis plusieurs années, si j'en crois les rensei- gnements qui m'ont été donnés. Il est donc permis de pen-

5—Mars 1906.

34 NATURALISTE CANADIEN

ser que depuis assez longtemps déjà cette Lamproie remot- te chaque année le Saint-Laurent, au moins jusqu’à Québec. Nous pouvons donc la considérer comme faisant partie de notre faune ichthyologique et ajouter son nom à la suite des trois espèces déjà connues.

Le système dentaire de ce poisson est particulièrement remarquable. A part l'anneau maxillaire qui porte trois dents à la partie supérieure et sept à la partie inférieure, il y a plusieurs rangées de dents, les unes simples, les au- tres à deux pointes incrustées sur les parois de la bouche. La langue elle-même est munie de dents qui dans une section horizontale ressemblent à des arcs de cercle se tou- chant par leur convexité. A quoi servent toutes ces dents, dont quelques-unes ont plutôt la forme d’ongles pointus et crochus ?

On a constaté que les Lamproies se fixent sur d’autres poissons tels que Morues, Esturgeons et autres. Il y a sans doute un moyen facile de se faire transporter à de lon- gues distances. Mais n’y a-t-1l pas autre chose encore ?

La bouche de la Lamproie est une espèce d’entonnoir à

ouverture circulaire, conformé pour la succion. Il est donc :

fort possible que ces dents soient destinées non pas tant à déchirer les aliments qu’à accrocher solidement l’animal aux flancs du poisson qui doit lui servir de proie. Ces pointes acérées ouvrent en même temps les veines de la victime ; et la Lamproie mettant sa ventouse en jeu se gorge alors de sang. Il n’est pas facile de se débarrasser d'un hôte siimportuu, car les pêcheurs qui jettent des Lamproïes daus

leurs embarcations doivent faire de grands efforts ponr dé-,

tacher celles qui se sont fixées sur le fond. Force est donc au malheureux poisson de fouruir gratuitement le véhieuie et la nourriture à son agressenr.

Telle est l'explication qui se présente à l'esprit, lorsqu'on examine la bouche de la Lamproiïe toute hérissée de dents pointues. FE. ROY,Sptre

téis +,

LAMPROIE DE MER 35

RËD.—A la suite de l’article de M. l'abbé E. Roy, nous croyons uti- le de reproduire ici la description de la Lamproie de mer, telle qu’elle se trouve dans le Manual of the Vertebrate Animals, de Jordan.

PETROMIZON MARINUS L., Great Sea Lamprey. “Lam- per Eel”.

Anterior lingual tooth with a deep median groove, and extending in an incurved point ; dorsal fin divided.

Supraoral lamina bicuspid ; infraoral eusps 7 to 9; first row of lateral teeth on side of mouth bicuspid ; the others simple ; myocommas, 64 between gills and vent ; males in spring usually with an elevated fleshy ridge before the dor- sal. Color dark brown, usually mottled with blackish. L. 3 feet. N. Atlantic, S. to Va., ascending rivers to spawn, and permanently land-locked (var. #zcolor Dekay) in the lakes of W. and N. N. Y. The larva is blind, toothless, with a contracted moeuth, in which the lower lip forms a lobe distinct from the upper. The eyes appear before the mouth is enlarged.

SSS- CHRONIQUE

Dans son dernier livre “Across Widest America”, le Rév. Père Devine, S. J., rapporte avoir vu à Keewalik, Alaska, deux défenses de mastodonte qui avaient plus de douze pieds de long et neuf pouces d'épaisseur ‘à l'extrémité su- périeure. L'une d’elles pesait 168 livres, et l’autre 172. Voilà quelque chose d’extraordinaire même pour les espè- ces disparues du genre Eléphant ; mais ce n’est pas invrai- semblable, puisqu'il y a une huitaine d'années, un parti de nègres chassant l’Eléphant près du mont Kilimanpro, en Afrique, tuèrent un de ces énormes pachydermes et le trou- vèrent armé d'une défense qui pesait 247 livres. Comme on le sait, les Eléphants d’Afrique ont les défenses beau- coup plus grandes que leurs frères d'Asie, et les poids ex-

36 LE NATURALISTE CANADIEN

trêmes de ces défenses constatés jusqu’à l’année dont nous venons de parler étaient de 2261 et de 175 livres. * s %X _%

On se demande souvent comment il se peut faire qu’un animal inconnu dans certains pays à certaine époque puisse y être rencontré quelque temps après et y acquérir souvent droit de cité. Il n’y a pas encore de Rats au Manitoba, à lPexception de celui qui, à la fin de décembre 190, sortit d’une boîte de chaussures récemment arrivée de France. Il appert que le rongeur en question avait élu domicile dans ladite boîte quand on l'avait préparée pour le voyage, qu’il avait traversé la mer dans l’icelle demeure, qu’il avait vécu aux dépens des chaussures, ses compagnes de voyage, et qu’il se présenta, à Winnipeg, aux veux stupéfaits des em- ployés de la douane qui...1le laissèrent échapper. Et voilà comment il peut se faire que le Manitoba dans quelques années soit peuplé de Rats, si, avec le rongeur en question, il se trouve par hasard une de ses compagnes dans la bonne ville de Winnipeo.

FA #

Kk x Jamrach, le naturaliste bien connu de Londres, vient d'acquérir plusieurs espèces d'animaux rares. L'un d'eux est un Renard rouge d'Autriche taché de blanc; de Pile Mayotte. une des îles Comores, au nord de Madagascar, il a reçu huit Lémurs, d’un brun rougeâtre, couleur incon- nue jusqu'ici ; du Brésil, deux Singes macaques d’une taille énorme, tandis que d’Ecosse Ini sont arrivés six poneys

minuscules de 28 pouces de haut !

FES Le “‘pajaro mosea'’, oiseau-mouche de Cuba, est proba- blement le plus petit oiseau connu. Un couple de ces iuf- niment petits—le seul connu vivant en captivité a été montré à New-Voik dernièrement. Ces oiseaux volent avec une rapidité telle qu’il est quasi impossible de les attraper; mais un ouvrier avait eu la chance de trouver ce couple

La

CHRONIQUE 37

quand ils étaient encore tout jeunes. Il s’en était emparé en couvrant le nid d’une cage sans fond, et avait laissé les parents nourrir les petits jusqu'à ce qu'ils fussent assez vieux pour en être séparés. On les nourrit de miel dilué dans de l’eau, qu'ils mangent, ou plutôt qu'ils sucent, sans se poser sur le vaisseau qui contient ce régal, en faisant entendre en même temps cette vibration d’ailes qui leur a donné le nom de “‘humming birds” dans la langue de nos amis anglais.

Une expérience qui se pratique de plus en plus commu- uément de nos jours est celle d’attacher une marque quel- conque à un poisson, de le lâcher après et d'attendre en- suite que quelqu'un le reprenne ; on fait alors les compa- raisons d'usage, Cette expérience qui, à première vue, peut paraître ridicule et sans aucun but pratique, en ap- prend pourtant aux savants. Il est surprenant de consta- ter, en passant, en égard au nombre incalculable de poissons qu'il y a dans l’océan, combien de ces poissons ainsi mar- qués se font reprendre rapidement. Ainsi, sur 479 Homards mis en liberté dernièrement dans et autour de la baie de Buzzard, 76 marqués d’une certaine façon ont déjà été re- pris. Un fait acquis par cette expérience est que le Homard

peut faire dix milles en 48 heures. %

Dans une relation publiée récemment par divers jour- uanx anglais, relation ayant trait au genre de vie des em- ployés de la Compagnie de la Baie d'Hudson dans les pre- mières années, il se lit un passage intéressant au sujet de lOurs polaire. Les Ours polaires, y est-il dit, ainsi que les Phoques, ne dévorent pas dans l’eau le poisson qu’ils prennent, maïs montent sur la glace on sur un rocher pour s’en repaître. Ces Ours vont loin au large pendant l'été sur des banquises, mais reviennent au rivage quand l'hiver approche ; seulement, ils n’hivernent pas

38 LE NATURALISTE CANADIEN

comme les ours des autres espèces. La femelle va à terre et se creuse un trou dans la neige épaisse, ou se met les rafales de neige la couvriront rapidement et y. demeure, sans manger, jusqu'à ce qu’elle ait mis bas. Le mâle, que la glace empêche d’aller à l’eau, erre le long des bords de la mer; et la femelle, dès qu'elle a charge de famille, fait la même chose en quête de nourriture. Le mets qu'ils affectionnent est la chair du Phoque : cet amphibie a toujours un trou ouvert

dans la’glace,et sort par pour consommer ses repas. L'Ours

connaît ces trous et se traîne comme un Chat pour saisir le Phoque quand celui-ci apparaît. Son habitude est de trai- ner sa proie à une certaine distance avant de la dévorer. L'Ours est toujours suivi d’une bande de Renards blancs qui. pendant qu’il guette le Phoque, s'efforcent de rester tran- quilles, se contentant de grimacer et de virer la tête d’un bord à l’autre, mais aussitôt que la proie a été saisie, 1ls se mettent à trotter en cercles dans l'attente de la bonne au- baine ; i!s ricanent, ils agitent la queue, ils babillent. ils se chicanent, jusqu’à ce que l’Ours, ayant satisfait les exigences de son estomac, s’en va, laissant aux Renards ies débris de

son festin. HENRY TILMANS.

DE LA CHASSE AUX INSECTES

C’est du /£/et jauchoir que nous avons parlé jusqu’à présent. Ce nom lui vient de ce qu’on s’en sert en lui im- primant un mouvement de va-et-vient sur les gazons et les plantes basses pour y faire entrer les insectes qui se trou- vent sur son chemin : ou imite un peu, de cette façon, le mouvement du faucheur qui coupe les foins ou les autres graminées.

DE LA CHASSE AUX INSECTES 39

Les marchands, qui s’ingénient à offrir aux gens le plus de variétés des articles de commerce qu’ilest possible, dans un intérêt facile à deviner, distinguent du filet fauchoir le filet troubleau, dont l’on se sert pour racler le fond des pièces d’eau peuvent se trouver des insectes, comme pour capturer ceux qui se promènent à la surface des ruis- seaux et des étangs. La poche du filet troubleau est en toile claire plus forte que celle du filet fauchoir ; le cercle est aussi en fer plus gros et plus résistable, à cause de Pu- sage plus rude auquel on l’emploie. Après cela, nous pouvons dire que la plupart des entomologistes n’ont qu’un filet, qu'ils utilisent, avec les précautions voulues, dans Pair, sur l’eau et dans l’eau.

Cependant, voici que les marchands nous présentent en- core une autre variété de filet entomologique : c’est le 7/67 à papillons. Celui-ci, dont l’on voit tout de suite l’usage auquel il est destiné, est plus délicat que les autres, comme il convient en bonne esthétique, et aussi léger qu’il se peut, mais pourtant fort solide. Le sac, dont le fond se termine en pointe, est en crêpe lisse de soie et d'aussi bonne qualité que possible, pour nepas se déchirer aux premières as- pérités venues.

Or, croyez-vous qu’un entomologiste sérieux va partir pour la chasse avec ces trois sortes de filets ? Le voyez- vous, avec ce faisceau d’outils sur l'épaule, se promenant sur le bord d’un ruisseau, et à tout moment, lorsque passe une Libellule, un Ichnenmonide, un Papillon, un Hydro: philide, le voyez-vous délibérant sur la sorte de filet dont il vaut mienx se servir pour capturer le spécimen qui marche, qui vole ou qui nage à sa portée ? Avec un pareil système, l’occasion, qu’il est si souvent nécessaire de saisir aux cheveux, serait perdue sans retour lorsque notre chasseur aurait enfin arrêté son choix.

Non, pour être pratique, il faut en général ne se servir que d’un seul filet, et ne pas se faire scrupule de capturer,

40 LE NATURALISTE CANADIEN

même avec le filet à papillons, un Gerris qui patine sur les eaux. Il peut toutefois arriver que l’on ne veuille recher- cher, par exemple, que les insectes aquatiques : il est alors tout à fait raisonnable de se munir pour cette chasse très spéciale du seul filet troubleau, que l’on n'aura pas à crain- dre de gâter en le tenant dans l’eau, puisqu'il est fait pour cela.

BOUTEILLES ET BOITES DE CHASSE.—Quand nous avons fait nos débuts en entomologie, vers 1872, la bouteille de chasse consistait en un petit flacon à large ouverture, que l’on remplissait jusqu’au tiers de brau de scie imbibé d’al- cool. On introduisait là-dedans les coléoptères et autres insec- tes de consistance solide. Ces pauvres petites bêtes, plongées dans cette atmosphère alcoolisée, ne tardaient pas à perdre la tête, et enfin la vie elle-même. C'était une fameuse leçon sur les inconvénients de l’ivrognerie | et l’on peut imagi- ner que plus d’un jeune entomologiste a pris des résolu- tions d’‘‘abstinence totale” qui ont fait le bonheur de sa vie.

Mais ce procédé du bran de scie alcoolisé avait ses incon- vénients. D'abord, on ne pouvait s’en servir que pour des insectes à técœuments assez durs. Les hyménoptères, les diptè- res, les orthoptères en sortaient avec les ailes pliées et collées de façon désagréable. Quant aux papillons, la belle figure qu’ils auraient eue, si leurs ailes délicates avaient subi un bain et des contacts aussi rudes ! Il y avait aussi ce désa- vantage que les insectes soumis à cette ivrounerie forcée mettaient encore trop de temps à mourir, et pouvaient, durant les premières phases de l’ivresse, se causer des dom- mages réciproques plus ou moins irréparables. Il vous souvient, entre autres faits, d’avoir capturé à la fois, cer- tain jour, trois ou quatre Monohammus scutellatus Say, et de les avoir mis aussitôt dans notre flacon alcoolisé. Or, quand nous reprîmes le flacon, qüelque temps après, pour y enfermer quelque nouvelle capture, on n’y voyait plus

+

DE LA CHASSE AUX INSECTES AT

aue les débris d’un affreux massacre, ‘“‘horrible méiange” sinon ‘‘d’os et de chairs meurtries”, au moins d'antennes

et de pattes en tronçons. Mais il y a bien des années déjà que ce procédé assez

primitif n’est plus guère en usage. On l’a remplacé, et très avantageusement, par la bouterlle à cyanure. Le cyanure

_ dont il s’agit est le cyanure de potassium, qui est un poi-

son très violent, et qu’il faut par conséquent ne manipuler

qu'avec la plus grande précaution. On peut très bien préparer soi-même la bouteille à cya-

nure. Il s’agit, pour cela, de se procurer d’abord un flacon à large goulot, d'environ quatre pouces de hauteur sur un pouce et deini à deux pouces de diamètre. Au fond de cet- te bouteille, on place quelques morceaux concassés de cya- nure dans du plâtre ou de la ouate ; et l’on recouvre le tout d'un papier mince, collé sur les parois de verre, et trauspercé de nombreuses piqûres d’épingle. Avant de se servir de cet engin mort, il faut laisser le flacon ouvert durant quelque teinps, afin que le cyanure devienne assez hydraté par la vapeur d’eau contenue dans l’air pour qu’il s'en échappe des émanations fatales pour les hôtes du réci- pient. Mais il faut avoir soin, hors ce cas, de tenir le flacon fermé, parce que le cyanure perdrait rapidement au con- tact de l’air ses propriétes insecticides.

Mais hâtons-nous d’ajouter que cette sorte de préparation de la bouteille à cyanure donne assez peu de satisfaction, soit parce qu'il est difficile de tenir ce flacon dans un état satisfaisant de propreté, soit parce qu’on peut avoir beau- coup de goût pour l’histoire naturelle et être en même temps le plus maladroit du monde pour édifier l’appareil le plus simple. Nous ajouterons même que le cyanure étant au nombre des poisons les plus terribles, le législa- teur a pris souvent soin d’en entourer la vente de précau- tions très sages et très rigoureuses. C’est donc toute une

affaire que de s’en procurer, et l’on n’y réussira peut-être 6—Mars, 1906.

CS 25 “2

427 LE NATURALISTE CANADIEN

pas ordinairement, montrât-on patte blanche tant que l’om pourra et fit-on savoir les très pures intentions scientifiques dont l’on est animé. Nous ne blâmons certes pas cette sé- vérité des lois, et nous faisons même des vœux pour qu’elle soit strictement maintenue, parce que, s’il importe que les insectes destinés aux collections soient proprement et promptement mis à mort, il importe bien aussi que la vie des gens soit mise en sûreté.

Ce qu’il y a donc à faire, c’est d'acheter, chez les mar- chands d’articles entomologiques, de ces bouteilles à cya- nure toutes préparées et qui ne coûtent qu'un prix infime. Celles de la maison Deyrolle, de Paris, sont particulière- ment recommandables, parce que le cyanure est contenm dans une petite ampoule en verre, fixée à travers le bou- chon iui-même et s’ouvrant à l’intérieur du flacon. Si l’on est obligé de fabriquer soi-même sa bouteille à collecter, c'est cette disposition que l’on doit exécuter. Il suffit pour cela de mettre le cyanure dans une toute petite fiole que Pon passera dans le bouchon, l'ouverture en dedans. Cette petite fiole ou ampoule, qui n’est bouchée que par un léger tampon de ouate, laisse échapper dans la bouteille des éma- nations suffisantes pour tuer rapidement les insectes que l’on y a introduits.

Cette mort rapide, c'est précisément le grand avantage des flacons à cyanure. Lorsque la bouteille a été bien pré- parée et que le poison est encore dans sa force, une mouche de maïson ÿ tombe foudroyée en quelques secondes. La respiration étant très active chez les insectes, ils s'imprè- guent très vite des émanations vénéneuses. Les coléoptères, plus robustes, résistent parfois assez longtemps avant de succomber ; mais les insectes des autres ordres, papillons, punaises, etc., ne font pas vieux os dans la bouteille à cya- nure.

Comme on le voit, cette sorte de flacon est, avec le filet, loutil le plus essentiel de l’entomologisté en chasse.

TRAITÉ DE ZOOLOGIE 43

Les insectes de tous les ordres y peuvent être plongés. Mé:- me les delicats papillons y passent sans dommage pour leur fragile fourrure, à condition que l’on tienne le réci- pient en bon état de propreté. Ajoutons que, les patients y mourant très promptement, cela est propre à toucher les coeurs sensibles. Seulement, comme nous le verrons, il y a lieu de s'assurer, avant de retirer les cadavres, si -le décès m'est pas qu'à moitié ou aux trois quarts survenu : car, en ce cas, les spécimens ne se font pas faute de revenir en vie, au contact de l’air, et l'opération serait à recommencer, pour ne rien dire des autres inconvénients auxquels on pourrait avoir à faire face.

(A suivre.)

LE “TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE DE ZOOLOGIE ET D'HYGIÈNE"

Nous sommes heureux de pouvoir dire que le public a fait excellent accueil à notre manuel de Zoologie et d'Hy- giène, récemment publié ét dont l'écoulement se fait avec rapidité. On peut en conclure qu’il y avait, dans le pays, un réel besoin d’un ouvrage traitant du règne animal et ré- digé au point de vue spécial de la province de Québec. On ne pouvait jusqu'ici étudier la zoologie qu’au moyen de traités publiés en France et dans lesquels, naturellement, il n’était guère question de la faune de notre pays,

Il nous est agréable de pouvoir exprimer notre recon- naissance à nos confrères de la presse, pour la bienveillance avec laquelle ils ont signalé à leurs lecteurs la publication de ce volume. Quatre d’entre eux, il est vrai, parmi les journaux quotidiens, n’en ont pas fait mention, du moins à notre connaissance : le C#ronicle, de Québec ; le Quotidien, de Lévis ; le Canada et la Patrie, de Montréal. Mais nous

{4 LE NATURALISTE CANADIEN

sommes bien convaincu que cette omission n’a pu se pro

duire, chez eux, que par suite d’oubli ou d’un malentendu quelconque.

En effet, quel motif aurait pu empêcher le Casada, par exemple, lui qui met tant de zèle à promouvoir le progrès de l’instruction publique, de signaler un ouvrage qui vient combler une lacune dans l'outillage éducationnel du pays ?

Et la Patrie, qui a plusieurs fois témoigné de la sympa- thie pour l’œuvre que nous poursuivons, comment auraït- elle pu intentionnellement ignorer un ouvrage qui se ter- mine en traité d'Æ/ysgiène, elle qui a réclamé maintes fois l’enseignement et la pratique de l'hygiène dans nos éta- blissements d'éducation ?

Nous dirons, en terminant, que la vente de ce volume, au prix modique que nous en demandons, ne doit pas nous apporter un sou de bénéfice. Mais nous nous considérons comme déjà récompensé du travail qu’il nous a coûté par l'accueil qui lui est fait ; et nous estimerons notre récom- pense encore bien plus grande, si nous constatons, comme il est à espérer, que ce modeste essai contribue à produire et à développer, surtout dans la jeunesse, le goût des sciences

naturelles, dont le progrès dans notre pays nous tient tant

à cœur.

LES TERRES :COMESTIBLES

Voici un titre qui paraîtra étrange, et cependant, c’est un fait attesté par un grand nombre de voyageurs, et qui peut être vérifié encore dans presque toutes les colonies, que certaines argiles sont utilisées, de temps immémorial, comme inmatière alimentaire.

Les argiles sont essentiellement formées de silice, d’alu- mine et d’eau, en proportions variables, colorées par des oxydes métalliques, et se présentent en masses amerphes, douces et onctueuses au toucher, sur lesquelles le frotte-

PORTE ST nr CAP

| ;

TERRES COMESTIBLES 45

ment de l’ongle laisse une trace luisante comme un mor- ceau de savon. Elles happent à la langue, et font avec l’eau une pâte liante et fine à laquelle on peut donner toutes sortes de formes. Par une cuisson suffisante, les ob- jets ainsi façonnés acquièrent une grande dureté ; les terres à poterie, à porcelaine (kaolin) sont des argiles.

Comment les hommes en sont-ils venus à recourir à un sembiable aliment ; on n’a aucun renseignement à cet égard, mais les mêmes circonstances ont amené des résul- tats semblables dans des contrées très éloignées les unes des autres. “L'usage de manger des quantités considérables d'argile, dit le savaut naturaliste Guibourt, comme un sup- plément nécessaire à une nourriture trop insuffisante, est presque universellement répandu chez les peuplades sau- vages de l'Afrique, de l'Amérique, de l’Asie.” Les Otoma- ques, peuplade de l'Amérique méridionale, absorbent régu- lièrement une livre à une livre et demie par jour d’une ar- gile grasse qui apaise leur faim sans compromettre leur santé. Chez les Indiens des bords de lAmazone, l'argile fait partie du régime, même quand les autres aliments sont en aboudance. La terre comestible est vendue sur les mar- chés de Bolivie, et une sorte, qui possède une odeur agréa- ble, est fort estimée des Péruviennes.

Les nègres de la Jamaïque, au dire des voyageurs, n’y ont recours qu'à défaut d’autres aliments, mais la mangent sans répugnance ; au contraire, les nègres de Guinée, trans- portés en Amérique, cherchent une terre analogue à celle dont ils ont l'habitude et ne la trouvant pas toujours, faute de mieux, ils absorbent de l’argile blanche ou #erre de pipe, dont l’usage altère leur santé et en fait mourir un certain nombre.

Dans le royaume de Siam, les femmes et les enfants sont mangeurs de terre ; à Java, dit Labillardière, on fait des espèces de gâteaux d’une argile ferrugineuse que les hom- mes mangent lorsqu'ils veulent maigrir et dont les femmes

46 LE NATURALISTE CANADIEN

font usage pendant leur grossesse. C’est un objet de cori- merce dans J’Annam et le Tonkin.

“Je ne pense pas, ajoute Guibourt, qu’un usage aussi ré» pandu sous toutes les latitudes ait pour seul effet de trom- per l’estomac et d’apaiser momentanément la faim, sans au- cuu résultat utile pour la nutrition. Il est probable, au con- traire, que l'instinct de conservation a fait reconnaître à ces peuples misérables des espèces d’argiles qui contiennent en- core une certaine quantité de matière organique provenant de végétaux détruits, et que cette matière contribue à Îles soutenir, principalement dans les mois de l’année une nourriture plus efficace vient à manquer. Cette raison pa- raît très plausible sur l’usage, plus modéré, des terres co- mestibles, qui s'est conservé pendant les années d’abon- dance : c’est sans doute pour ne pas perdre la tradition et le souvenir d’une ressource qui peut devenir précieuse à un

moment donné.” Presque partout, ces terres coinestibles sont modelées

grossièrement, sous forme de figurines rappelant nos bons- hommes de pain d'épice ou nos sucreries modernes. Nous ne possédons pas assez de documents pour remonter à l’ori- gine de cette tradition, qui fait que depuis des temps recu- lés on donne la forme humaine à certa‘nes préparations ali- mentaires. Des savants ne sont pas éloignés d’y voir comme un vague souvenir des horribles festins qui siccédaient aux sacrifices humains chez les peuples antropophages ; à dé- faut de prisonmiers et de victimes désignées on en serait venu, peu à peu, à une représentation symbolique qui s’est maintenue, tout en perdant son caractère religieux. E. FERRAND. PSS 79 @ERRESE DANS LA PRESSE

Nous remercions beaucoup le Progrès du Saguenay, de Chicoutimi, et l’/#dépendant, de Fall-River, Mass., des pa- roles sympathiques dont ils ont signalé notre 33e anniver- saire.

RSR =, .

» a taf États

OUVRAGE SCIENTIFIQUE SUR LE I.AIT 47

Merci aussi à la Crozx, de Montréal et à l’ÆAwer du Foyer. de Saint-Boniface, Man., qui veulent bien publier le som- maire de nos livraisons

PIESPVE<ETE NOUVEL OUVRAGE SCIENTIFIQUE SUR LE LAIT Par S. M. BARRÉ

Ancien délégué de la prorince de Québec dans les prin- cipaux pays d'Europe, ancien professeur de larterie au col- lègeid Agriculture de Guelph, dans la province d'Ontarto.

L'auteur, se basant sur sa grande expérience personnelle et sur les recherches scientifiques de plusieurs savants qui se sont occupés de la chose, nous présente la question du lait sous un nouveau jour.

Il mentionne, en passant, que sur les 6000 morts d’er- fants que la ville de Montréal enregistre chaque anuée, un grand nombre est à la mauvaise qualité du lait.

Monsieur Barré énumère ensuite les causes multiples de contaminations auxquelles le lait est exposé, depuis sa source de production jusqu’au biberon de l'enfant.

L’apparence trempeuse du lait endort la méfiance, et explique l’inconcevable indifférence du consommateur à l'égard des scandaleux abus dont il est victime.

L'étude de M. Barré sur les falsifications, la gravité de ce genre d’offense, la faiblesse des pénalités et les défauts de l'inspection, est de vrande valeur. Il reproduit et analy- se d'excellents tableaux d'expertise compilés par le bureau de Montréal, et en tire des conclusions pratiques.

Il démontre de plus que l’expertise actuelle est impuis- sante à déceler le mauvais du bon lait. A la fin de l’ouvra- ge, monsieur Barré présente quelques suggestions, dans le but d'améliorer l'inspection du lait, qui méritent haute considération.

L'auteur mérite de chaleureuses félicitations pour son beau travail, et est en droit d'attendre de grands encoura- gements qui lui permettront de pousser encore plus loin ses études sur une matière aussi importante.

F. LACHANCE, M. D. Int. en chef, Hôtel-Dieu de Montréal.

He VOS S Ergre

45 LE NATURALISTE CANADIEN

BIBLIOGRAPHIE

Engrais Georges Truffaut (39, Avenue de Picardie, Versailles) pour arbres fruitiers, cultures potagères, plantes à fleurs, gazons.—Demander le catalogue.

—(Smithsonian Institution) Proceedings ofthe U.S. National Mu- seu. Volume XXVIII. ' Washington. 1005.

A signaler dans le contenu de ce volume : N. Banks, A Treatise on the Acarina or Mites.—R. MacFarlane, Vofes on Mammals collected and observed in the N. MacKenzie River District, N. W. T. of Canada, et ‘Bibliographie’ relative au règne animal de cette région.

3614 Annual Report of the Entomological Society of Ontario, 1905. Toronto 1906.

Grande brochure illustrée de 144 pages, et d’un grand intérêt pour les entomologistes canadiens.

Proceedings of the Indiana Academy of Science. 1904. Indianapolis 1905.

Travaux sur la botanique, l'entomologie, et autres branches de l’his- toire naturelle, concernant surtout l’Etat de l’Indiana.

—(Memoirs of the American Museum of Natural History. Vol. IX, P. 1.) Z. The Osteology of Champsosaurus Cope, by Barnum Browu, New- Vork, 1905.

Brochure in-4°, sur les reptiles fossiles du genre Champsosaurus trou- vés dans le centre des Etats-Unis. à

Bulletin of the American Museum of Natural History. Nol. XXI, 1905, New Vork.

A signaler, dans ce volume, une étude très curieuse sur les Flamants des îles Bahama.

—Les Fermes Expérimentales. Rapports pour 1904. Ottawa. 1905.

Tous les rapports contenus dans ce volume, avec leurs bonnes illustra- tions, sont intéres:ants. Mais le naturaliste canadien étudiera avec un profit particulier celui du Dr Fletcher, sur la botanique et l’entomologie, considérées surtout au point de vue économique. =

—(Bulletin of the U. S. National Museum.) 54. Monograph on the {sopods of North America, by H. Richardson, Washington. 1995. Vol, in de LIV-728 pages ; 740 gravures. |

Les ‘‘Isopodes ? constituent l’un des ordres des Crustacés.

No 55. A Contribution to the Oceanography of the Pacific, by TJ. M. Elint. Washington, 1905.

(Field Columbian Museum) À Check Listof Mammalsof the N, À. Continent, the West Zndies and the Neighboring Seas, by D. G. Elbot. Chicago, 1905. Vol. in-8° de 762 pages.

An Annotated List of à Collection of Reptiles from” S. California and N, Lower California, by S. E. Meek, Chicago, 1905.

ci "

LE

NATURALISTE CANADIEN

Québec, Avril 1906

VOL. XXXIII (VOL. XII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 4

Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard

MIGRATION DES HIBOUX RLANCS

La migration des oiseaux, celle de l’automne comine celle de printemps, s'opère :ulièrement chaque année, et cela à des époques plus ou moins déterminées, soit que Îles oiseaux nous quittent pour :e sud, soit qu’ils nous vien- nent du nord.

Toutefois 1l arrive que cette migration ne s'exécute, pour certaines espèces, qu’à des intervalles de quelques an- nées ; tel est le cas pour le Hibou blanc, qui n'apparaît sous notre latitude en moyenne que tous les huit ou dix ans. Cependant, daus l'automne de 1902, il s’est montré en grand nombre, et plusieurs ont été vus même dans les Etats- Unis.

Cet oiseau affectionne les régions froides ; au prin- temps il s'enfonce dans le nord et pour fuir les graudes cha- leurs de l'été et pour y faire sa ponte ; à l'automme, lors- qu’il émigre au nord, il ne dépasse guère la ligne 45°.

Cet automne, nous avons eu une migration tout à fait extraordinaire de Hiboux blancs, quise sont dispersés sur une grande étendue de la Province ; et, pour ma part, j'en ai reçu plusieurs de la côte nord du fleuve, comme

aussi d’un bon nombre de paroisses de la rive sud du Saint- 7—Avril, 1906.

30 LE NATURALISTE CANADIEN

Laurent, de la Beauce, des Cantons de l'Est, etc. On me dit qu’à Montréal plusieurs de ces Hiboux ont été vus.

Cette grande migration de ces oiseaux, probablement la plus considérable depuis plus de quarante ans, ne s’est pas restreinte au Canada seulentent, mais elle s’est étendue dans le nord et le centre des Etats-Unis, voire: même dans Pouest, puisque M. R. Deane, ornithologiste bien connu .de Chicago, me dit que deux taxiderimistes de cette ville ont eu, pour leur part, plus d’une cinquantaine de ces ‘oiseaux, et que Ini-même est parvenu à en retracer plusieu:s centai- nes qui ont été tués dans les différents Etats de la Répu- blique.

Ce nombre est considérable, surtout si l’on considère que cet oiseau n’est pas absolument bien commun et que les observations de M. Deane n’ont été relevées que sur une étendue relativement très restreinte.

Le déplacemen! en masse de ces Hiboux vers le sud, est-il le résultat des grands froids qui peuvent avoit Sévi dans les latitudes boréales ? Je ne le crois pas, puisque nous avons eu une température douce. D'ailleurs, ces oiseaux ont presque tous émigré dans les mois d’octobre, de no- vembre et de décembre. Serait-ce le manque de nourriture qui aurait occasionné ce déplacement ? Je ne le pense pas non plus, puisque cet oiseau. qui voit et chasse aussi bien le jour que la nuit, trouve de la nourritue en quantité daus le poisson, les Perdrix, les Lagopèdes, les Lièvres, etc., qui pullulent dans ces contrées.

_ Si ce n’est ni l’une ni l’autre de ces causes, il nous faudra alors supposer que c'était par simple désir de voya- ger qu'ils ont entrepris cette migration ; mal leur en a pris, car la plupart ne reverront jamais leur séjour glacé de pré-

dilection, et leur dépouille montée ira grossir les musées

d'histoire naturelle ou ornera les en ATES des habitations de particuliers.

C-E. DIONNE. |

LE SCINTILLOSCOPE 51

LE SCINTILLOSCOPE RECHERCHE DE 1A RADIOACTIVITÉ DES MINÉRAUX

Comme on le sait seulement depuis quelques années, certaines substances, qualifiées de radioactives et, en géné- ral, très rares, émettent spontanément des rayons spéciaux, jouissant de propriétés merveilleuses et se manifestant, bien qu'invisibles eux-mêmes, sous forme . d'énergie chimique, calorique, électrique et, lumineuse.

La découverte de la radioactivité date de 1896. Elle est due à l’illustre physicien français H. Becquerel, au cours des recherches entreprises par ce savant sur les propriétés des sels d'uranium.

Deux ans plus tard, en expérimentant sur divers imé- taux et en cherchant à en mesurer la radioactivité, M. et Mme Curie découvrirent, dans les résidus de la pechblende de Bohème (imine:ai d'uranium), l'existence de deux nou- veaux corps éminemment radioactifs, le polonium et le ra- dim, ce dernier constituant la substance radioactive par excel'ence. Rappelons en passant qu’il faut traiter plusieurs tonnes de résidus de pechblende pour en retirer un gramme de radium. A partir de ce moment, les méthodes d’études se perfectionnèrent rapidement, et de nombreux procédés d’une délicatesse extrême permirent d'approfondir les re- cherches poursuivies dès lors dans ce nouveau domaine par un grand nombre de savants, entre autres par M. le profe E. Rutherford, de Montréal.

Dans le rayonnement des corps radioactifs on distin- gue trois espèces de rayons (alpha, bêta, gamma) de natures distinctes,”existant soit simultanément, soit séparément, et’qui rappellent par certaines de leurs propriétés les divers rayons de l’ampoule de Crookes. La radium les émet tous les trois. Examinons-les rapidement. |

52 NATURALISTE CANADIEN

Rayons alpha.—1es raycns alpha sont constitués de particules très petites chargées d'électricité positive (2075 po- sitifs), sortes de projectiles lancés avec une vitesse relative- ment faible par rapport à celle de la lumière (de 10 à 20 fois moindre que celle de la lumière). Ils constituent la plus gran- de partie du rayonnement total (99 pour cent), mais leur pou- voir pénétrant, qui ne dépasse pas quelques centimètres (7 centimètres) dans l’air, est arrêté par une simple feuille de papier, de mica d'aluminium. Ces rayons ‘alpha’ ne sont que légèrement déviés par un électro-aimant puissant. Ils ont la propriété (partagée avec les rayons bêta et ganima) d'intoser l'air ambiant et de pouvoir, en conséquence, dé- charger un électroscope à feuilles d’or placé à proximité. Enfin, ils donnent lieu à un phénomène des plus reniarqua- bles, la production de points lumineux scintillants sur ur écran de sulfure de zinc placé sur leur parcours. Nous y reviendrons tantôt. |

Rayons bêla.—T%.es rayons bêta sont fortement dé- viés par un électro-1imant, ont un pouvoir pénétrant beau- coup plus grand que les rayons alpha ; et. leurs particules d’une ténuité extrême, dites électrons négatifs, sont char- gées d'électricité négative et animées d’une vitesse considé- fable atteignant les cinq sixièmes de celle de la lumière. Hs ressemblent aux rayons cathodiques de l’ampoule de Crookes.

Rayons gamma.—Les rayons gamma ont la plus grande aralogie avec les rayons X de Roentgen ; comme eux, ils sont insensibles à l’action de l’aïñmant, et leur puis- sance de pénétration est telle qu’ils peuvent rester percep- tibles. après avoir traversé une masse de fer d’un pred d'é- paisseur.

Pour reconnaître qu’un corps est radioactif, on dispose: des moyens-suivants : La rapidité plus ou moins gran- de avec laquelle ce corps décharge un électroscope ; som action sur jes plaques photographiques (obtention plus ow

SCINTILLOSCOPE 53

toins rapide de radiographies) ; <es effets sur diverses substances phosphorescentes ou fluorescentes, telles que le platino-cyanure de bariuim, le sulfure de zinc, etc.

Ce sont surtout les rayons bêta qui impressionnent Îla plaque photographique.

Les ravons bêta et gamma causent la fluorescence de certaines substances organiques ou minérales. Quant aux rayons “alpha”, qui constituent la plus grande partie de la radiation du radium et la totalité de la rad:ation du polo- nium, ils donnent lieu à un phénomène remarquable que Sir William Crookes a mis en évidence au moyen de sou spinthatiscope. En effet, si on place une parcelle d’un sel de radium (ou de polonium) à proximité d’un écran enduit de sulfure de zinc (substance très fluorescente), les particu- les ‘‘alpha”’ du radium, qui sont projetées contre l’écran sensible, produisent au mo- nent du contact, ou du choc, des étin- celles ou éclairs minuscules, et l’ensemble de ce bombardement lumineux, vu à tra- vers un imicroscope ou une forte loupe (dans une chambre noire), présente le spectacle merveilleux d'un ciel étoilé et

Fig. 2.—Spintharis SCintillant, cope de Crookes.

Dans le croquis de la fig. 2, on voit en Z un microscope ; en à, un fil métallique supporte à son extrémité une très petite parcelle d’un sel de radium à proximité d’un écran Æ de sulfure de zinc.

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LOMME:

Tout récemment, le spinthariscope a reçu une heureuse simplification qui en fait, sous le nom de Scnrlloscope de Glew, non seulement un objet de démonstration, mais sur- tout un instrument pratique de grande utilité dans la re- cherche des minéraux et des corps radioactifs.

54 LE NATURALISTE CANADIEN

Flg. 3.—Scintilloscope de Glew posé sur un morceau de Pechblende.

La partie essentielle du scintilloscope consiste tout simplement en une petite lame de verre enduite sur sa face inférieure d’une substance fluorescente extra-sensible aux rayons “alpha et assez transparente pour que l’on puisse voir les scintillations en regardant à travers l'écran de ver- re, au moyen de la loupe qui surmonte ce deruier. Cet écran sensible repose par ses bords, épaissis au inoven d'un enca- drement de papier, sur la substance radioactive que l’on examine (le contact direct eutre la substance examinée et l'écran doit être évité.) |

Les plaques enduites de polonium, de radium, de pech- blende de Bohème, etc., fournies avec l'instrument, donnent de très beaux effets de scintillations. Le polonium, spéciale- ment, n’émettant que des rayons alpha, montre un scin- tillement très net sur fond noir, tandis qu'avec le radium les rayons bêta et gamma donnent un fond plus ou moins éclairé qui masque un peu l’effet du scintillement.

Le scintilloscope est beaucoup plus sensible que le spinthariscope, et rivalise, dit-on, avec les électroscopes les plus délicats, quand il s’agit de découvrir les rayons “alpha.”

UN INSECTE ÉTRANGE 55

Il permet de trouver des élémeits radioactifs dans des corps qui n’en contiennent à peine qu’un imillionième. Les manchons de terres rares des lampes à incandescence Auer contiennent assez de thorium radioactif pour produire un petit bombardement lumineux sur l'écran très sensible du scintilloscope. | Remarquons, en terminant, que le thorium et le radium émettent les trois espèces de rayons. Le polonium est le seul élément qui ne donne que des rayons alpha. Quant à l'uranium, il ne produit pas de rayons alpha, il n’émet que des rayons bêta et gamma, et si, comme cela m'est arri- dernièrement, on obtient sur l'écran du scintilloscope quelques points lumineux, par seconde, avec certzins ‘sels d'uranium du commerce, c'est qu’ils ne sont pas purs et contiennent des traces d’autres éléments radioactifs.

. H. NAGANT. Re

UN INSEÉCTE ÉTRANGE

On nous écrit de Saint-Roch de Achigan (Assomption) :

Je vous envoie dans une petite boîte de carton un joli insecte que j'ai capturé l’été dernier. Il faisait brun, je me promenais sur le trottoir : je le trouvai qui s'était laissé choir ne pouvant plus voler, paraissant égaré et en peine de re- trouver son gîte, comine un soudard attardé. Je le saisis avec précaution, car j’apercevais deux pinces imenaçantes comme celles d’une écrevisse. Je fus surpris de sa grandeur et de sa grosseur comparables à celles des plus grosses li- bellules ; et sans avoir l’idée de faire une collection d’insec- tes ou de papillons, j'eus l'instinct de le conserver. Je l’en- fermai dans cette petite boîte il mourut et subit les ravages de la dessication, ce qui a pas mal délabré sa struc-

56 LE NATURALISTE CANADIEN

ture anatomique. Mais, tel qu’il est, l'imagination peut fort bien encore reconstituer l’ensemble de ses formes. Je w’ai jamais rencontré de ma vie pareil spécimen, et person- ne autour de moi n’en avu et n’a pu me donner le nom vulgaire ou scientifique de cette curieuse bestiole. E«t-ce le fameux ‘Kissing bug” dont la presse a tant jasé jadis ? Toujours est-il qu’il a deux crochets capables de donner, en se resserrant, un terrible baiser, et que de son vivant, il avait l’air de pincer fort sur les objets queje lui présen- tais. Je vous le donne tel que tel ; tant mieux s’il peut vous être utile. Quant à moi, je ne demande d’autre retour que la satisfaction de ma curiosité, à savoir : une carte postale de votre part, me faisant connaître le nom vulgaire et scientifique de cet insecte, avec quelques mots sur ses ins- tincts malicieux ou pacifiques, etc.

EUG. GUILBAULT, ptre. ®

Le spécimen reçu, et dont l’état anatomique est en effet déplorable, est la Corydalis cornuta Lan. Il a été ques- tion de cet insecte dans le voluine IX du Waturaliste cana- dien. Pour l'avantage des ahonnés actueis qui ne possè- dent pas la première série de cette revue, nons reprodui- sons de ce volume l'illustration de la page suivante, qui donnera l’idé: de l’insecte dont l'aspect et la taille ont tel- lement surpris notre correspondant.

Ainsi que l’écrivait l’abbé Provancher dans le volume indiqué, p. 173, cette gravure représente la Con atss COT- nue, de grandeur naturelle.”

En a, on voit la larve parvenue à son complet déve- loppement. Ces larves se trouvent particulièrement dans les ruisseanx à courant rapide et à lit pierreux, occupées à faire la chasse aux larves d'Ephémérides, etc.

En 4, c’est la chrysalide, telle qu’on la voit, immobile et comme en léthargie, dans le cocon que la larve s’est construit dans la terre pour subir sa métamorphose.

+

UN INSECTE ÉTRANGE 57

c représente un mâle à l’état parfait ; à montre la tête d’une femelle.

Notre correspondant aura reconnu à première vue que le spécimen qu'il nous a expédié est une femelle, dont les mandibules (ou mâchoires), dentées au côté interne, ont à peine le tiers de la longueur de celles du mâle.

SERRE

SRE

m2

La Corydalis cornuta, la seule espèce du genre que nous ayons dans notre faune, appartient à l'ordre des Névroptères. L'abbé Provancher l'indiquait comme très rare à Québec ; pour nous, nous n’avons jainais eu connaissance de son existence dans cette partie du pays. Mais elle se rencontre

8— Avril, 1906. .

58 LE NATURALISTE CANADIEN

de temps en temps dans la région ouest de la province de Québec. - ose

Notre fondateur ajoutait sur la Corydalis les détails suivants :

“Ce sont des insectes fort lourds, tant pour la marche que pour le vol. Ils ne se livrent guère au vol que le soir ; durant le jour, on les trouve sur les murs ou les pièces de bois près des rivières. Si on les touche, ils déploient les ailes pour se laisser choir sur le sol, mais visent à peine à se cacher. Lorsqu'on les saisit, ils tentent de mordre avec leurs longues mandibules, mais sont impuissants à! produi- re une douleur appréciable ; l'abdomen se relevant: en mê- me temps se joint aux mandibules pour se débarrasser de lPobstacle.”

SL,

HISTOIRE D'UN ENTOMOLOGISTE

On était en l’année 1793. La France était en deuil. Le sang de ses enfauts coulait à flots ; c'était le règne de la terreur. Un pauvre jeune prêtre proscrit, vêtu d’un ha- bit de paysau, veuait de quitter sa paroisse et fuyait, triste et pensif, pour échapper à la hache révolutionnaire. Parfois il jetait en arrière un regard mélancoiique, comme pour dire adieu aux âmes que le Seigneur lui avait confiées et qu’il laissait seules au milieu de la tourmente politique. Alors ses yeux se baïgnaient de larmes et il priait.

allait-1l ? Dieu seul le savait.

Un jour il arrive dans une petite ville il espère trouver l'hospitalité chez un ancien compagnon de classe, fl cherclie cet ami ; mais au nom qu'il prononce, la foule: aveuglée et fanatisée s’émeut, l'entoure et le saisit... ,Ce nom est celui d’un noble dont la tête a roulé sur l’écha-

CO ON iv

HISTOIRE D'UN FENTOMOLOGISTE 59

faud. Lui aussi, cet étranger doit être un ennemi de la pa- trie. On le conduit au tribunal révolutionnaire, qui était alors en permanence. Il avoue qu’il est prêtre, et comme son ami, il est condamné à mort. L’exécution doit avoir lieu le lendemain. ; | |

Le pauvre prêtre, r’espérant plus qu’en Dieu, se prépa- re à la mort et, pour réparer un peu ses forces épuisées par une longue marche et par de si terribles emotions, il de- imande à son geôlier, ex échange de ses derniers vêtements, un souper modeste.

Comme le marché était bon, le weôlier ft convenable- nent les choses. Il ne refusa pas de s'asseoir à la table du condamné et de répondre à un toast de longue vie et de santé pour lui et sa famille. Tout en vidant une bouteiile, il se mit à raconter au condamné l'histoire détaillée, héris- sée de crimes et de tortures de toute espèce, de la vieille et solide prison.

Après l’histoire de-la prison et celle des prisonniers, vint celle des juges, pourvoyeurs naturels de la prison.

—Par exemple, comment trouvez-vous la figure du citoyen président, celui qui est allé aux voix et qui vous a condamné ? Beile tête de président, n'est-ce pas ?

Le prêtre ne peut se rappeler sans émotion le ton bref et dur du citoyen président. Il ne répond pas et le geôlier continue :

Eh bien ! une fois sorti de l’audience, ce n’est plus plus ça : pas plus de fiel qu’un mouton .. Pourtant, je lui trouve un défaut, une bêtise. Croiriez-vous qu’il n’est pas plutôt débarrassé de sa besogne patriotique, qu’il court les champs pour attraper des papillons, des chenilles, des insectes : une vraie petitesse indigne d’un citoyen qui con- naît ses devoirs.

ces mots, le condamné tressaille ; car lui aussi a étudié les insectes, et il se rappelle que, dans le fond de son chapeau, il possède une rareté entomologique, la Mecrobia

60 LE NATURALISTE CANADIEN

ruficornis, qu’il a trouvée dans sa fuite. Tout en feignant se cacher, il s'empare de l’insecte et le pique mystérieuse ment à l'extrémité inférieure.du bouchon de la bouteille.

Le geôiier, qui n’a perdu aucun de ses mouvements, croyant voir dans cet insecte un emblème séditieux, un si- gne suspect, dessert à la hâte, saisit le bouchon accusateur et va le porter au citoyen président, auquel ïl raconte ce qu’il a vü.

OQueiques instants après, dans le cabinet du président» deux hommes étaient assis en face l’un de l’autre, les coudes appuyés sur une table couverte d'échantillons scientifiques de toute espèce : c’étaient le fuge et le condamné ; le prê- tre enseignant, expliquarnit longuement, recommençant dix fois la leçon dix fois interronrpue ; le juge écoutant atten- tivement, applaudissant du geste, niant du regard, mais finissant toujours par se rendre à l'évidence, et alors ne se contraignant plus pour manifester son étonnement et son admiration.

Quelques ireures après encore, deux hommes se disaient adieu en se serrant la main. L'un était le condamné, qui montait en voiture mtüni d'argent et d’un passeport en: règle ; l’autre était le juge, qui avait voulu conduire Iui- même le prêtre et s'assurer qu’il ne seraïît ni inquiété à sa sortie, ni interrogé jusqu’à l’endroit 11 devait prendre la voiture de Paris, ville tout se perd et s'oublie.

Le prêtre si miraculeusement sauvé s'appelait Latreil- le, qu'on a surnommé plus tard le Prince de l’entomologie

française:

EDR =

Nous remercions l'Æs#seignement primaire de la bien- veillante mention qu’il a faite, en sa livraison: d'avril, de‘

uotre 33e anniversaire.

L

ns

GULF-STREAM 61

LE GULEF-STREAM SE DÉRANGERAIT:IL, ?

La douceur du climat de l’Europe du Nofd-Ouest est menacée, et c’est le Gulf-Stream qui en serait cause. Ce Courant du Golfe aurait dévié de sa route habituelle, et une de ses branches irait baigner les rives du Groenland et du Labrador. Ce fut le capitaine d’un baleinier, jadis, qui annonça à Franklin l'existence du Gulf-Stream, et qui en fit un vaste tracé. C'est le capitaine d'un paquebot allemand qui rencontra, il y a quelques jours, un nouveau courant dans les parages de New-York.

Le courant était puissant et ses eaux étaient chaudes ; il se trouvait dans une région l’on n’en avait jamais observé; on pense que c'était le Gulf-Stream qui, pour une raison inconnue, se serait dirigé vers le nord. Si le fait est vrai, ses conséquences seraient incalculables. Une solitude glacée couvrirait la Norvège et la Suède, qui se trouvent À la même hauteur au-dessus de l'équateur que le Groen- land, Les îles Britanniques seraient inhabitables. L’An- gleterre, l’Ecosse et la verte Irlande seraient ensevelies sous un manteau de glace pendant la moitié de l’année, comme le Labrador et le Nord-Canada. Il ne pousserait plrs de plantes tropicales dans les îles Scilly, et à Paris, il ferait aussi froid qu’à New-Vork pendant les mois d'hiver. Les Américains de Boston et de New-Vork, qui sont plus près que nous de l'équateur de quinze cents kilomètres, et qui subissent maintenant des gels rigoureux en hiver, jouiraient alors d’une température agréable et douce. Des change- ments interviendraient dans la vie des peup'es, et tout cela serait à une déviation d’un des courants marins qui sil- lonnent les Océans.

Les Océans sont, en effet, parcourus par de grandes routes liquides, par d'immenses fleuves, les uns qui remon-

62 LE NATURALISTE CANADIEN

tent de l'équateur vers les pôles, les antres qui descendent des régions boréales vers les tropiques. Sous l'équateur et les tropiques, les eaux, chauffées par les rayons d’un soleil ardent, s’acheminent d’après une loi naturelle vers jes régions plus froides. Il se produit pour les eaux ce qui arrive pour les vents. Il nous vient des vents chauds d'Afrique, des vents froids du Nord. Dans l'Océan. on trouve des courants équatoriaux et des courants arctiques qui ont une marche et une direction constantes, comme ies vents alizés ou les moussons.

De tous ces courants marins, le Gulf-Stream est le plus connu. Il prend sa source dans le golfe du Mexique, comme dans une bouilloire géante, il accumule la chaleur du soleil et trouve un aliment dans un des courants équa- toriaux de l'Atlantique. C’est un fleuve immense dont les berges sous-marines sont distantes de cinquante à quatre- vingts kilomètres, et dont la profondeur atteint 3001nètres. A sa sortie du golfe, sa vitesse est de plus de six kilomè- tres à l’heure, et la température de ses eaux est en moyenne de 25 degrés en hiver et de 28 en été, sur toute la lon- -œueur de son parcours. Ses eaux sont d’une transparence parfaite et d’un bleu qui tranche nettement avec le vert wlauque du reste de l'Océan.

Le Gulf-Stream se dirige un peu vers le Nord-Ouest, puis à la hauteur du 40° degré de latitude, s’éparpillant en un faisceau de bandes ‘chaudes, séparées par des bandes d’eau froide. Il va enserrer entre ses bras l’Irlande, PAn- gleterre et l’Ecosse, va baigner les côtes de Norvège et de Suède, et remonte vers la Nouvelle-Zemble et le Spitzberg.

‘Un mince filet s’égare vers Terre-Neuve et suffit pour produire par compensation les brumes épaisses qui désolent les pêcheurs de Morue. A en juger d’après les masses con- sidérables d’eau chaude que déplace le Gulf-Stream, on peut se rendre compte de son influence au point de vue climatérique. C’est à lui que l’on doit la plupart des tem-

LE GULF-STREAM 3

pêtes qui viennent aboutir en Éurope occidentale, et les Anglais l’appellent le père des tempêtes ”. C’est au Gulf- Stream qu’on doit le fait bizarre qu'à New-York, à Boston et à Philadelphie, il fasse plus froid qu’à Londres ou à Paris, quoique, ainsi que nous le disons plus haut, ces villes américaines soient beaucoup plus rapprochées de l'équateur. Aussi les Américains disent-ils que les Anglais ‘“ leur ont volé le climat.” |

La déviation du Gulf-Stream n’a point reçu de confir- mation et aucune recherche plus approfondie n’a été faite au sujet du phénomène signalé par le capitaine allemand. Au service central météorologique, on ne sait rien. M. Mascart, cependant, en a entendu parler, mais il lui semble impossible qu’un courant aussi sage et aussi régu- lier ait changé tout à coup sa route, route qu’il suit depuis des centaines de siècles, pour faire l’école buissonnière. La chose, toutefois, est dans les possibilités terrestres, et si elle se confirme, nous serons les témoins impuissaunts d'une de ces immenses transformations géologiques qui out imar- qué l’histoire de la tetre.

(Moniteur d Horticulture, Paris.) OMNIS. ki

DE L'ORIGINE DES PLANTES CULTIVÉES

La connaissance de l’époque et du lieu d’origine des plantes cultivées, quoique ne présentant aucune utilité di- recte, est cependant de nature à intéresser les amateurs et jardiniers cherchant à s’instruire dans tontes les branches se rapportant à leur profession. Cette’ étude permet de se rendre compte de, l’ancienneté des cultures, de l’évolution des formes cultivées et du commencement de la civilisa-

tom.

64 LE NATURALISFE CANADIEN

M. Alph. de Candolle, le botaniste genevois bien connn, s'est occupé d’une façon spéciale de l'étude de cette ques- tion et a développé, dans un livre portant le titre ci-dessus, le résultat de ses investigations, avec sa compétence et son souci habituel de rechercher la vérité.

Parmi les causes déterminantes qui ont suscité des ten-

tatives de culture, on peut citer :

1” Me as d’avoir à à sa vortée des plantes offrant des avan- tages réels pour l’alimentation et que tous les hommes re- cherchent

un climat pas trop rigoureux et dans les pays chauds une sécheresse pas trop prolongée : toutes causes rendant les cultures plns faciles ;

enfin la plus importante de toutes : une nécessité pressante résultant du défaut de ressources dans la pêche, la chasse ou dans le produit de végétaux indigènes à fruits très nourrissants ;

Les indigènes, se trouvant dans ces conditions, ont donc cherché dans leur propre pays les plantes les plus propres à leur alimentation, puis, par leur contact avec des tribus plus civilisées, ils ont introduit chez eux des espèces plus profitables. Le début des cultures a done été marqué par le choix des espèces et c’est après, par une sélection pa- tiente et continuelle, que les générations qui se sont succé- dées ont amené ces espèces au degré d’ amélioration qu'elles ont atteint aujourd’hui.

L'époque du commencement de ia culture dans chaque

région est assez obscure. De Candolle estime qu’en Egypte, l’agriculture devait être bien établie plus de 2000 ans avant Jésus-Christ. En Chine, l'empereur Chennung, 2700 ans avant J.-C., institua une cérémonie durant laquelle, cha- que année, on semait 5 espèces de plantes utiles : riz, soja, blé et deux espèces de millet ; ce qui fait supposer que, pour avoir attiré à ce point l’attention de l’empereur, ces plan- tes devaient déjà être depuis quelque temps en culture. (Mouiteur horticole belge). (A suivre.)

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NATURALISTE CANADIEN

Québec, Mai 1906

VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 5

Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard

AUX AMATEURS D'HISTOIRE NATURELLE

Depuis ces dernières semaines nous avons été très occupé à mettre la dernière main à un volume dont nous avions à fournir le manuscrit, aussitôt que possible, aux impri- meurs. Et nous n'avons pu travailler que très peu à la préparation de la présente livraison du Vaturaliste. Mais, bien que nous ne puissions continuer en ce numéro les con- seils pratiques que nous avons cominencé à donner aux dé- butants de l’entomologie, nous voulons pourtant leur adres- ser un appel, à eux comme aux amateurs des autres bran- ches des sciences naturelles.

C’est qu’en effet, pour les naturalistes amateurs ou pro- fessionnels, le temps de la moisson est arrivé, et 1l importe d'en profiter pour recueillir le pius de spécimens que l’on pourra. Ceux que l’on ne pourra utiliser pour ses propres collections, on n’aura pas de peine à s’en servir pour obte- nir par échange des spécimens que l’on ne pourrait trouver soi-même, parce qu’ils sont particuliers à des pays étran- gers ou à des régions plus ou moins éloignées de notre pro- pre pays. Il faut donc se créer, au moyen des spécimens que l’on trouve facilement, des sortes de réserves que l’on peut être sûr d'utiliser pour l’augmentation rapide de ses

propres collections. Car il y a, dans tous les pays du 9—Mai 1906.

66 LE NATURALISTE CANADIEN

monde, de nombreux amateurs qui sont très désireux d’a- voir des relations d'échanges avec d’autres collectionneurs.

Comme on le comprend très bien, c’est à la eampagne que l'on peut le plus facilement recueillir des spécimens, et les gens qui y résident sont à cet égard les plus favorisés. L'on n’y peut faire un pas sans être à même de collection- ner quelque chose. Les champs, les forêts, les jardins, les eaux, les rivages, tout y fourmille d'espèces minérales, zoologiques et botaniques. On n’a qu’à tendre la maïn pour amasser des trésors, dans le sol, sur la terre, dans air et dans l’eau:

Ce qu’il y a d’important pour le naturaliste, pendant Ja belle saison, c’est donc de recueillir des spécimens. Les études techniques, on les fera plus tard, quand la nature sera retombée dans sa léthargie des mois d’hiver.

Mais il y a encore autre chose à faire, lété, qu’à col- lectionner des insectes, des plantes, des mollusques, etc. Il y a encore, et surtout, à observer. Car l’histoire naturelle ne consiste pas seulement, surtout à notre époque, à éti- queter et à classer desspécimens. Elle consiste bien plutôt à se renseigner sur le mode de vie, d'alimentation, de rela- tion des espèces animales et végétales. C’est par la con- naissance de tous ces détails que l’histoire naturelle peut rendre et rend en effet d'importants services à l’agriculture, à l’industrie, à la médecine et autres arts.

On aura donc soin, en faisant la chasse aux spécimens, de recueillir des observations sur tout ce qu’on verra; on consignera par écrit le détaii des faits qu’on aura remar- qués ; et l’on se constituera de la sorte encore un trésor, de connaissances celui-là, qus l’on ne sera pas en peine non plus d'utiliser à l’occasion.

I1 faut donc se mettre en campagne le plus tôt qu’on pourra, et profiter de la saison favorable pour remplir ses casiers et son cahier de notes.

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CONGRÈS DE GÉOLOGIE 67

NÉCROLOGIE

Nous avons le regret d’avoir à enregistrer la mort récente de deux anciens collaborateurs de notre revue.

M. P.-H. Dumais, arpenteur-géomètre, décédé ie 5 de ce mois à Chambord (Lac Saint-Jean), a été notre plus actif col- laborateur, depuis le mois d’avril 1894, jusqu’au mois de mai 1906 nous avons publié sou dernier article.

M. Chs Baillargé, ingénieur civil, décédé à Québec le 10 mai, s’intéressa beaucoup à notre œuvre, il y a plusieurs années, et y publia quelques travaux.

Le mois prochain nous parlerons avec plus de détails de la carrière de ces deux hommes de science.

Nos lecteurs voudront se souvenir de ces défunts dans leurs prières.

BRÉRATD AR 10 HÉROS

CONGRÈS DE GEOLOGIE

Le 10e Congrès Géologique international se tiendra dans la ville de Mexico, du 6 au 15 septembre prochain. Avant et après la session du Congrès, il y aura des excursions, d’une durée variable, dans le pays du Mexique.

La cotisation ou prix d'inscription est de 20 francs, ou quatre piastres, et doit être remise au trésorier du Comité d'organisation, M. Juan D. Villarello, 5a del Ciprès No, 2728, Mexico, D. F., Mexique.

Pour s'inscrire comme membre du Congrès, il faut s’a- dresser à M. Ezequiel Ordanez, secrétaire général du Co- mité d'organisation, sa del Ciprès No 2728, Mexico, D, F., Mexique.

Sur les chemins de fer mexicains, il y a en faveur des congressistes une réduction de moitié sur les prix de pas-

68 NATURALISTE CANADIEN

sage. En s'adressant immédiatement au secrétaire général, on recevra de lui des renseignements sur les réductions du prix de passage que les chemins de fer des Etats-Unis ont pu accorder.

UNE ENQUETE ENTOMOLOGIQUE

Par l’éntremise du bureau du secrétaire d'Etat, nous re- cevions il y a quelque temps une circulaire du directeur de la section des sciences naturelles du British Museum, Lon- dres, relative à certaines recherches intéressant l’entomolo- gie, dans les diverses colonies anglaises.

Le British Museum, en effet, s'occupe depuis plusieurs années de réunir le plus de connaissances possibles sur l’histoire naturelle des insectes ‘“suceurs de sang” et autres sortes d'organismes vivants qui peuvent jouer un rôle dans la transmission de certaines maladies. C’est ainsi que, jus- qu’à présent, la grande institution scientifique de Londres a étudié à fond la question des Moustiques et celle des Mouches Tsé-Tsé, et a publié de 1991 à 1903 des monogra- phies de ces insectes. La Monographie des Culicides ou Moustiques, par F. V. Theobald, se compose de 4 volumes ;

celle des Tsé-Tsé, par E. E. Austen, n’a qu’un volume.

On se propose maintenant, dit la circulaire, de publier des monographies du même genre sur les autres genres d'insectes ‘’suceurs de sang”, et l’on désire avoir la colla- boration des naturalistes et des médecins résidant dans les colonies anglaises, on en quelque partie que ce soit des régions tropicales, à qui l’on demande l’envoi de spécimens aussi nombreux que possible de ces sortes d'insectes, et tous les détails que l’on pourrait fournir sur leur histoire naturelle et leur présence en tel ou tel district.

“TAMR

ns

CHRONIQUE 69

Pout le cas quelqu'un de nos lecteurs voudrait ré- pondre à cet appel du British Museum, il devra adresser ses communications comme suit: 7%e Director, Brilish Museum (Natural History), Cromwell Road, London, S. W., England.

ET ER r ST nd CHRONIQUE

Les ossements d’un Eléphant maintenant disparu et qui mesurait 16 pieds de haut à l'épaule, ont été trouvés, dit un journal de Calcutta, dans le lit de la rivière Godaviri (Inde anglaise) et reposent actuellement au Musée Hindou de Calcutta.

* X *

L'Angleterre importe chaque année de 25 à 30 millions d'oiseaux. Un marchand de Londres a reçu, l'an passé, de l’Inde seule, 400,000 Oiseaux-Mouches, 6000 Colibris et 400,000 oiseaux de diverses sortes. (On estime d’une ma- nière générale que les chapeaux de “ces dames” exigent annuellement le massacre de 200 à 300 millions d’oiseaux de toutes espèces !

Pipes

Lord Allington possède à Crichel (Angleterre) un parc qui ne contient que des animaux blancs. Il y a un Daim âzé de 25 ans et presque aveugle ; un Taureau Brahna blanc qui est très sauvage ; des Chèvres Angora blanches ; un énorme Cochon blanc Yorkshire; des Paons, des Din- dons, tout blancs, des Oies Sébastopol blanches ; des Lièvres blancs de race pure ; des Pigeons, des Canards, des Poules d'Inde, des Pouies, jusqu’à des Souris blanches. Une sym- phonie en blanc majeur, comme aurait dit Théophile Gau- tier.

70 LE NATURALISTE CANADIEN

La

Il est peut-être intéressant de noter ce que dit un citoyen de Winnipeg, Man., au sujet de messire Moineau : “J'étais à Québec en 1860 et j'y vis les trois premiers Moineaux envahisseurs du Canada. Ils sortirent d’un char de fret dans lequel ils étaient cachés, après avoir probablement traversé l'Atlantique dans la cale d’un navire.” (9 Le citoyen en question se trouvait en ce temps employé dans le dépar- tement du fret du chemin de fer. Les trois Moineaux s’é- taient réfugiés dans le hangar aux marchandises : et les employés leur fournirent de quoi manger. Un an après, les visiteurs avaient une respectable famille d'enfants et de petits enfants. Un an plus tard encore, les villages des alentours pullulaient de Moineaux, et en 1863 toutes les villes entre Québec et Montréal, y compris cette dernière, regorgeaient de ces passereaux. Les Moineaux ne firent leur apparition à Winnipeg que lorsque l'immense hôtel du Manitoba (aujourd’hui incendié et non rebâti) fut en opération. Alors, un certain jour, sans avoir eu la cour- toisie de payer leur billet de passage, l’avant-garde de l’ar- mée en question nous arriva ; et aujourd’hui la province de Manitoba compte des centaines de mille de ces hôtes un peu turbulents mais, somme toute, utiles de plusieurs ma-

nières. : % *X % Le gouvernement des Etats-Unis vient de finir un re- censement intéressant. Il s'agissait de savoir, le plus ap- proximativement possible, le nombre de Bisous (buffalos)

actuellement en existence, et incidemment, aussi, de s’assu-

(1) Nous voulons bien croire à l’exactitude de souvenir du citoyen de Winnipeg dont il est ici question. Toutefois, dans le district de Québec, on attribue la présence des Moineaux dans notre faune à une importation d’un certain nombre de couples de ces oiseaux, qui furent amenés d’Eu- rope À titre d'oiseaux utiles : importation dont nous nous rappelons très bien nous-même.— éd.

CHRONIQUE FE

rer de la possibilité d'envoyer ces Bisons dans la ‘Réserve Nationale” d'Okhahoma où, paraît-il, les conditions clima- tologiques assureraient la reproduction de ces intéressants quadrupèdes. Le résultat du recensement constate qu’il existe aujourd’hui 800 Bisons aux Etats-Unis. De ces 800 animaux, la moitié est de race pure; et à cause d'accidents divers et de mauvais traitements, cette moitié même ne tardera pas à diminuer considérablement et même à dispa- raître complètement. De

Dans un récent ouvrage “The Source of the Blue Nile” Arthur J. Hayes, qui accompagna un parti d’explorateurs en Abyssinie, prétend que le delta du Nil doit à la Fourmi blanche l'extraordinaire fertilité de la vase qui y est appor- tée tous les ans par les inondations. Le Dr Hayes ne dit pas que les Fourmis fournissent toute la vase qui est appor- tée dans le delta, mais il prétend que sa propriété produc- tive est causée par leur ouvrage sur la frontière occiden- tale de l’Abyssinie.— Cette découverte, si découverte il y a, est intéressante ; et dans un avenir plus ou moins éloigné, on pourra inoculer une terre pour s’y assurer une plus grande récolte.

re On vient de tuer à l’île Orkney un King Eider ”,

adulte femelle, le gros oiseau arctique, le 19e de cette es- pèce qui ait été tué en Angleterre depuis 1813. Les prin- cipales particularités de cet oiseau : sont la gorge pâle et couleur châtaigne, les pattes et les jambes d’un jaune som- bre, tandis que le côté de la mandibule supérieure est cou- vert de poils jusqu'aux narines. :

HENRY TILMANS.

SR

72 LE NATURAILISTE CANADIEN

DE L'ORIGINE DES PLANTES CULTIVEES

(Suzite.)

Les plantes cultivées furent propagées dans les régions méditerranéennes par les Egyptiens et les Phéniciens. Les peuples Aryens, dont les migrations vers l’Europe eurent lieu vers 2500 à 2000 avant J.-C., ont également répandu beaucoup d’espèces déjà cultivées dans l’Asie occidentale. En Amérique, l’agriculture n’est pas si ancienne et ne pa- raît pas remonter beaucoup plus haut que le début de l’ère chrétienne.

La distribution originelle cultivée est très inégale. Cer- taines espèces sont communes à 2, 3 ou 4 régicns, d’autres sont cantonnées dans une petite partie d’un seul pays. Le Fraisier (Fragaria vesra), le Groseiller (X1bes rubrum), le Chataignier (Castanea vesca), et le Champignon de couche (Agaricus campestris), sont communs aux régions septen- trionales de l'Ancien et du Nouveau Monde. Aucune espèce, avant d’être mise en culture, n’était commune aux régions tropicales et australes des deux Mondes.

Un très grand nombre d’espèces sont originaires à la fois d'Europe et de l’Asie occidentale, d'Europe et de Sibérie, de la région méditerranéenne et de l’Asie occidentale, de l'Inde et de l’archipel asiatique, des Antilles et du Mexique, du Pérou et du Brésil, du Pérou et de la Colombie, etc. Certains pays: les régions arctiques et antarctiques, n’ont donné aucune espèce cultivée ; d’autres, comme les Etats- Unis, la Patagonie, le Cap, l'Australie, la Nouvelle-Zélande sont caractérisés par une extrême rareté dans ce même genre de plantes. En général les régions australes n'ont fourni que fort peu de plantes annuelles ; or ce sont celles- ci qui sont les plus faciles à cultiver et quiont joué le plus grand rôle dans les anciennes cultures de notre pays. Sur

ORIGINE DÉS PLANTES CULTIVÉES 73

247 espèces étudiées par de Candolle, l'Ancien Monde en a fourni 199, l'Amérique 45, et 3 qui sont encore douteuses.

Chose curieuse, la majorité des espèces cultivées dans l'Ancien Monde, depuis plus de 4000 ans et en Amérique depuis plus de 2000 ans, existent encore sauvages, dans un état identique avec l’une des formes cultivées. On aurait cru que beaucoup d’espèces ainsi cultivées depuis plus de 4000 ans, aurait dévié de leur état ancien à un degré tel qu’on ne pourrait plus les reconnaître parmi les plantes spontanées. Il parait, au contraire, que les formes anté- rieures à la culture se sont conservées à côté de celles que les cultivateurs obtenaient et propageaient de siècle en siècle. Ceci pourrait être expliqué par deux causes: la période de 4000 ans est courte relativement à la durée des formes spécifiques dans les plantes phanérogames ; les espèces cultivées reçoivent hors des cultures des renforts incessants par les graines que l’homme, les oiseaux et les divers agents naturels dispersent. Ces naturalisations ain- si produites confondent souvent les pieds, issus de plantes sauvages, avec ceux de plantes cultivées, d'autant mieux qu’elles se fécondent mutuellement, puisqu'ils sont de même espèce.

Certaines espèces enfin, telles que la Fève (#e6a vulga- ris), le Pois chiche (Czser arirtinum), la Lentille (ÆZrvum lens), le Tabac (Wzcotiana tabacum), le Froment (7774- cum vulgare), le Maïs (Zea Mays), sont, à l’état sauvage, en voie d'extinction ou éteintes depuis l’époque historique. En supposant que leur culture cessât dans le monde, elles disparaîtraient de la nature. On peut attribuer cette dis- parition à ce que ces plantes ont des graines remplies de fécule, lesquelles étant recherchées par les insectes, les oï- seaux et les rongeurs, sont digérées et ne peuvent traverser intactes leurs voies digestives. ..

M. de Candolle termine son exposé par quelques ré- flexions dont nous reproduirons textuellement les princi-

11—Mai 1906.

7/4 LE NATURALISTE CANADIEN

pales : les caractères qui ont le plus varié daté Îles cultures sont, en commençant par les plus variables : &) la grosseur, la forme et la couleur des parties charnues. qüelle que soit leur situation (racine, bulbe, tubercule, fruit ou vraine) et l’abondance de Ja fécule, du sucre et autres tña- tériaux, qui se déposent dans ces parties ;—4) labondätte des graines qui est souvent inverse du développement des parties charnues de la plante ;—c) la forme, la grandeur la pubescence des organes floraux qui persistent autour des fruits ou des graines ;—4) la rapidité des phénomènes de végétation, de laquelle résulte souvent la qualité plante ligneuse ou herbacée ou de plante vivace, bisan- nuelle ou antiuelle,

Les tiges, feuilles et fleurs varient peu dans les plantes cultivées pour ces organes, Ce sont les dernières forma- tions de chaque pousse annuelle ou bisannuelle qui varient le plus; en d'autres termes, les résultats de la végétation varient plus que les organes qui en sont la cause.

CH. CHEVALTER:

suivre.) BK ED

LES TERRES R'ARES DE LA PROVINCE DE QUÉBEC (1)

Par H, NAGANT, INGÉNIEUR-CHIMISTE

On désigne sous ie nom de /erres rares un groupe spé- cial d'oxydes métalliques difficilement réductibles. assez voisins les uns des autres par leurs propriétés chimiques et

(1) Nous croyons ütile de reproduire cet article, très intéressant pour la minéralogie canadienne, de notre collaborateur M. Nagant, et qui fait partie du rapport officiel tout récemment publié sur les Opéra- lions minières dans la province de Québec, par M. Obalski, surintendant des Mines, qui nous a fort aimablement permis cet emprunt. RÉD.

D

LES TERRES RARES DE LA PROVINCE 75

physiques, et qui se trouvent le plus souvent associés en semble dans un certain nombre de minéraux relativement rares, tels que la cérite, la gadolinite, la monazite, la sa- marskite, la thorite, la fergusonite, le zircon, etc. Ces oxydes constituent, pour la plupart, des bases puissantes combinées, dans la nature, aux acides silicique, titanique phosphorique, niobique, tantalique, auxquels s'ajoute le fluor. Comme exemple de fluorure, on peut citer la fluo- cérite qui contient environ 80 pour cent de cérium avec un peu d’yttrium. Mais, ordinairement, les minéraux qui contiennent des terres rares sont des plus complexes et ren- ferment, outre toute une série de terres rares proprement dites, beaucoup d’autres oxydes métalliques tels que ceux d'uranium, de fer, de manganèse, de la chaux, de l’alumi ne, de la magnésie, ainsi que de petites quantités de plomb, de bismuth, d’étain, etc. |

On connaît actuellement une vingtaine de terres rares que l’on peut classer en quatre groupes principaux :

1. Glucinium.

2. Groupe du cérium, comprenant les métaux suivants : cérium, lanthane, métaux de l’ancien didyme (praséodyme et néodyme), samarium, gadolinium, europium.

3. Groupe de Pyttrinm : yttrium, erbium, terbium, yt- terbium, scandium, holmium, thulium, dysprosium, phi- lippium.

4. Groupe du zirconium : zirconium, thorium et germa nium. Le titane, qui fait partie de ce groupe, a été omis pour la raison qu’on ue le considère plus comme un élé- ment rare.

Plusieurs de ces terres rares (thorium, cérium, zirco- nium, etc.), sont utilisées dans l’éclairage, soit comme fila ments des lampes électriques, soit surtout dans la fabrica- tion des manchons incandescents des lampes Auer et au- tres lampes du même genre; l’importance qu’a prise de- puis vingt ans l’industrie de ces lampes à manchons incan

76 NATURALISTE CANADIEN

descents a provoqué dans beaucoup de pays la recherche et l'exploitation des gisements de minéraux contenant des terres rares:

Avec les progrès de l’industrie chimique qui s'exerce ac- tuellement sur ces intéressantes substances, on y découvre sans cesse de nouvelles propriétés remarquables, et les ap- plications dont elles sont susceptibles occupent de plus en plus l'attention des spécialistes. Enfin, c’est dans ces mêmes terres rares que se trouvent disséminés les fameux métaux radio-actifs tels que le radium, le polonium, le tho- rium radio-actif et l’uranium.

Dans la province de Québec, l'étude et l'exploitation des terres rares n’en sont encore qu’à leur début ; ces minéraux, que l'on ne considérait guère il y a quelques années que comme déchets sans valeur de l’exploitation du mica (avec lequel on les rencontre souvent dans les veines de pegma- tite traversant le gneiss laurentien), ont enfin attiré lat- tention de plusieurs propriétaires de mines de mica, et 1l peut se faire que, dans un avenir peu éloigné, le mica lui- même m’ait plus qu’une importance secondaire à côté de minéraux mieux appréciés et ayant une valeur marchande très élevée.

Dans son rapport de 19go1, sur “Le mica dans la pro- vince de Québec”, M. J. Obalski avait déjà donné des indi- cations intéressantes sur quelques minéraux de terres rares trouvés en plusieurs points de la Province.

En rappelant brièvement les renseignements que l’on y trouve à ce sujet, j'y ajouterai les résultats de nouvelles recherches.

MINE DE VILLENEUVE, CO. LABELLE

Dans cette mine, outre l’'émeraude commune (demandée aujourd’hui pour l'extraction du gl/ucinium qu'elle contient), on a trouvé des échantillons remarquables de cérite, pechblende, monazite et d’uraninite (minéraux d'uranium et de cérium).

d

LES TERRES RARES DE LA PROVINCE 77

MINE DE MAISONNEUVE, CO. BERTHIER

On y trouve de l’émeraude et surtout de la samarskite qui est un niobate et tantalate d’urane, de fer et d’yttrium, avec un peu d’acide tungstique. En analysant cette samar- skite j'y ai trouvé un peu d’éfaiën. Examinée au scntillos- cope, elle m’a donné quelques scintillations qui indiquent la présence d’un métal radio-actif, probablement du tho- rium.

Dans un échantillon voisin de la samarskite, j'ai pu reconnaître la #ergusonite qui est un tautalo-niobate d’yt- trium, cérium, avec zirconium, étain, fer, tungstène. Ce minéral est radio-actif.

Le tantale, que contiennent la samarskite et la ferguso- nite, est un métal très dur, très réfractaire au feu et est employé actuellement, en Allemagne, à la fabrication de lampes incandescentes électriques, de plumes inusables, ete.

En 1905, le tantale valait $5,000 la livre, ce qui néces- sairement restreint son emploi; malgré son prix si extraordinairement élevé, ses propriétés physiques et chi- miques sont si remarquables que la maison allemande Sie- mens et Halske ont pris, en Allemagne et ailleurs, plus de 200 brevets d'invention pour divers procédés de prépara- tion et d'emploi de ce métal.

Dans la nouvelle lampe électrique le filament de charbon est remplacé par un fil de tantale, 1l ne faut plus, paraît-il, employer que la moitié du courant électrique exigé par les lampes otdinaires, pour obtenir la même intensité de lumière.

MINE DU LAC DU PIED DES MONTS (CHARLEVOIX)

C’est dans cette mine de mica, située à 17 millesau N.- ©. de la Malbaie, que l’on a trouvé la fameuse c/évezte, qui, à l'exposition universelle de Liége, a attiré l'attention des spécialistes sur ses propriétés radio-actives si remarquables.

78 LE NATURALISTE CANADIEN

Vue à travers le scintilloscope, cette cléveite (qui est com- posée d'oxydes d'uranium et d’autres métaux rares) donne des scintillations plus nombreuses et plus fortes que la célèbre pechblende de Bohème (dont M. et Mme Curie ont extrait le radiurm).

MINE DU CANTON TACHÉ, LAC SAINT-JEAN

J'ai examiné avec soin quelques échantillons de miné- raux noir verdâtre ou brunâtre, d’aspect vitreux, prove- nant de ce nouveau gisement qui sera mis cette année en exploitation. Les deux variétés qu'ils contenaient sont des silicates de terres rares, non encore signalés dans la Province, la gadolinite et l'orthite (allanite).

Gadolinite.—Densité, 4.5.—Dureté, 6.5 à 7, poussière vert grisâtre.

La gadolinite est un silicate d’yttrium, de lanthane, de fer et de glucinium (10 ); elle contient aussi tous les métaux des groupes yttrique et erbique. Elle peut être exploitée pour l'extraction du glucinium et de Pyttrium

Orthite {allanite).— Densité, 3.20. Dureté, 5.5 à 6 poussière gris verdâtre. Aspect vitreux plus ou moins résineux, couleur noir brunâtre ; se gonflant à la flamme du chalumeau en donnant une scorie jaunâtre. Attaqué facilement par l’acide chlorhydrique concentré en formant gelée (silice).

J'y ai constaté la présence d’une petite quantité à étain (environ 27) ainsi que des paillettes de dzswuth natif.

C’est un silicate de cérium, yttrium, avec alumine, oxyde de fer, chaux et manganèse.

Ces deux minéraux ne sont pas radio-actifs, du moins à l'essai avec le scintilloscope.

QUELQUES PRIX DU COMMERCE Avec la découverte et l’exploitation de pius en plus

étendues de terres rares pour fins industrielles, le prix de ces minéraux a beaucoup baissé durant ces dernières

OISEAUX À VOI. RAPIDE 79

années. Cependant ils conservent encore une tiès grande valeur commerciale qui mérite d'être prise en considéra- tion par tous ceux qui s'intéressent aux questions minières.

Pour fixer les idées sur la valeur relative de quelques minéraux de terres rares, je transcris ici les prix extraits du catalogue de MM. Eimer et Amend, de New-York, par livre de minéral :

Emeraude commune (silicate d’alumine et de glu-

SNS RARE OR SAR, en LEA RTE TUE 8020

| Allanite (silicate de cérium, yttrinm, etc.)....... MOTO

Cérite (silicate de cérium, lanthane et didyme}).... © 50 Fergusonite (niobate et tantalate d’yttrium, cérium,

AGO. Leles) ARR ner 10 us SE NE) 00

(A Londres, Angleterre, la fergusonite radio-active atteint au moins 50 cents l’once.) Gadolinite (silicate d’yttrium, lanthane, glucine, etc.) 2 50 Sable monazité (la monazite est un phosphate de

cédum, dnENane thoritmrett).4 2: 24800 41 "01:20 Pechblende ou Uraninite (minéral d'uranium, cé- a TANGO Va CE POESIE SON ee

A Londres, la Méyeite radio-active (sorte Duras)

se vend au prix de #2.00 l’once. Samarskite (niobate et tautalate d’urane, fer et

yttrium) je»; verve ses see ee I O0

FJD DS ER

OISEAUX A VOL RAPIDE

La rapidité du vol, chez certains oiseaux, est réellement prodigieuse : des observations authentiques en font foi. Quatre pigeons voyageurs (Columba domestica), apparte- nant au comte Karolyi, sont venus de Pesth à Paris (1293 kilomètres) en sept heures (1), ce qui suppose une vitesse de 185 kilomètres à l’heure et de plus de 51 mètres par seconde, vitesse double de celle des trains les plus rapides.

(1) J. JACKSON. Tableau de diverses vilesses exprimées en mètres par . seconde (Nice, 1893).

80 LE NATURALISTE CANADIEN

Comme conséquence, nous voyons que la famille des Pi- geons (Co/umbidæ) est absolument cosmopolite et très abondamment répandue dans toutes les îles de la Polynésie (plus de 50 espèces).

Les Hirondelles ont un vol encore plus rapide et qui peut atteindre 67 mètres par seconde ou 240 kilomètres à l’heure (d’après les observations de Spallanzani) Même en considérant ces chiffres comme des #axima qui sont rare- ment atteints, on admettra sans peine que les Hirondelles, lors de leur migration d'automne, puissent franchir la Mé- diterranée et passer d'Europe en Afrique er une seule nuit.

(Le Naturaliste.) Dr TROUESSART. TN

PUBLICATIONS REÇUES

—A. H. Mackay, Pibliography of Canadian PBotany for 1904. Report of the Botanical Club of Canada for 1904-1905. Nous engageons tous les botanistes amateurs à se mettre en rapport

aaec le Dr MacKay, secrétaire du ‘‘Botanical Club of Canada’”’, Darth- mouth.

4

—Horace Têtu, Oiseaux de Cage. Québec. 1906. (Prix, 25 sous l’ex., chez l’auteur et à la librairie J.-P. Garneau, Québec.)

Ce joli opuscule de 85 pages est le premier, comme l’auteur le fait remarquer, qui ait été publié en Canada, sur ce sujet. Il traite de tout ce qui peut intéresser et instruire les persounes qui gardent des oiseaux en captivité, depuis la capture jusqu’au traitement en cas de maladie. Et il s’agit dans cet ouvrage non seulement du Serin, mais encore des princi- paux genres d’oiseaux sauvages et chanteurs. -

Le nombre des gens qui gardent des oiseaux en captivité étant con- sidérable, l'écoulement de ce petit volume, tiré à quelques centaines d'exemplaires, sera sans doute très rapide.

(Ferme expérimentale centrale, Ottawa.) /usectles nuisibles aux Céréales et aux Plantes fourragères, aux Plantes-racines et aux Légumes, par J. Fletcher. Ottawa. 1905.

Puiletin de la Société des amis des Sciences naturelles de Rouen. 45e année, 1904. Rouen, 1905.

hd

ÉE

NATURALISTE CANADIEN

Québec, Juin 1906

VOL. XXXIII (VOL. XII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 6

Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard

EN RETARD

Ce n’est qu’au milieu du mois d’août que nous pu- blions la livraison de juin du Va/uraliste canadien. Beau- coup de nos lecteurs connaissent déjà la cause d’un si long retard. Pour ceux de l’étranger, nous dirous qu’une grave maladie nous a empêché, durant plus de six semaines, de nous occuper de notre Revue.

Nous ferons notre possible, bien entendu, d'abord pour n'être plus malade si longtemps, et aussi pour rétablir dans une parfaite révularité la publication de nos livraisons.

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NECROLOGIE 1

Le mois de mai a vu mourir, à quelques jours d’inter- valle, deux de nos hommes de science canadiens-français. Le nombre de ceux qui, chez nos compatriotes, s’o:cupent d’études scientifiques est si restreint, que nous ue le voyons pas diminuer sans un véritable chagrin. Jes deux défunts dont il s’agit ici, MM. Dumais et Baillairgé, furent aussi de nos collaborateurs et amis, et leur décès nous cause par même un deuil véritable. Suivant notre coutume en ces tristes occasions, nous voulons leur consacrer ici quelques lignes et surtout les recommander aux prières de nos lec-

teurs: 11—Juin 1906.

82 LE NATURALISTE CANADIEN

PASCAL-HORACE DUMAIS

M. P.-H. Dumais, décédé le 5 mai dernier, était à Saint-Georges de Cacouna le 27 août 1837, et a donc vécu 69 anset 8 mois. “Il fit ses études au collège de Sainte-Anne, et fut reçu arpenteur-géomètre à l’âge de 21 ans. Il avait jour patron, lors de ses études. feu l’arpenteur Ballantyne, et c’est avec ce dernier qu’il vint alors au Lac Saint-Jean pour faire les arpentages des différents cantons dort se com: pose ce beau royaume.

“M. Dumais s'établit alors sur des lots de cette colonie,

qu’il défiicha avec un talent peu ordinaire, tout en conti- nuant à exercer sa profession d'arpenteur. Outre ses talents de géomètre et d’agriculteur, M. Dumais était écrivain à ses heures; penseur sérieux en même temps que fin obser- vateur.

«M. Dumais est un de ceux qui ont le plus contribué par leur travail et leur énergie à amener le chemin de fer au Lac Saint-Jean. C’est lui qui comme arpenteur a fait les premières explorations et le premier tracé de la ligne du chemin de fer de Québec et du Lac Saint-Jean, tracé qui a été adopté presque partout sur le parcours de la ligne.”

M. Dumais est décédé à Chambord (Lac Saint-Jean), et ses funerailles ont eu lieu en cette paroisse le 8 mai. Malade depuis près d’une

| année, il est mort dans les : meilleures dispositions chré- tiennes.

Le défunt à été notre plus actif collaborateur, de: puis que nous avons fait re- vivre le Vafuraliste cana-

dien. Dès la première année (1894), nous avons commencé à publier les notes de M. Du-

pont sida

olies “mat

NÉCROLOGIE 83

mais sur la formation géologique du Saguenay, et cette pu- blication s’est continuée jusqu’à l’an dernier, notre col- laborateur est tombé sérieusement malade.

Ce n’est pas que nous accordions une foi entière aux théories géologiques de M. Dumais. C'est lui qui imagina le fameux ‘“cataclysine” pour expliquer l’origine de l’extra- ordinaire rivière Saguenay, et fournit à Buies la matière d’un chapitre (1) qui dans le temps fit sensation, au moins dans le monde non savant, car les géologues de profession prétendent bien qu’ils peuvent se passer de cataclysme pour rendre compte de la formation de l'étrange cours d’eau. D'ailleurs, Buies faisait grand cas du talent de M. Dumais, et goûtait beaucoup, dans ses chasses aux matériaux de ses livres, les rapports d'exploration de ce géomètre qui savait donner un tour littéraire à ses comptes rendus.

Pour nous, nous regardions M. Dumais comme l’homme qui connaissait le mieux la géographie scientifique de l’im- portante région de la Province qui comprend les comtés de Chicoutimi et du Lac Saint-Jean, et nous avons eu à cœur de le pousser à mettre par écrit la plus grande somme pos- sible de ses connaissances et de ses souvenirs d'exploration, pour les enregistrer dans nos pages et les conserver ad futu- ram utilitatem. Nous nous applaudissons aujourd'hui de cette collaboration de onze années, qui nous a permis de sauver de l'oubli tant de renseignements et de détails qui se seraient perdus sans retour par la mort du seul homme qui les connaissait.

Comme écrivain, M. Dumais avait de précieuses res- sources. Original, d’une imagination de feu, phraseur facile, âme toute poétique, une suffisante culture littéraire aurait fait de lui un publiciste remarquable. Cette formation lui a manqué, et il est resté avec ses qualités poussées très sou- vent jusqu'aux défauts. Nous devions constamment, avant

(1) Dans son ouvrage Le Saguenay.

84 LE NATURALISTE CANADIEN

de publier ses écrits, jouer de la serpe pour élaguer des frondaisons trop touffues et redresser on rabattre tant de brindilles mal alignées...

CHARLES BAILLAIRGÉ

Le 10 mai, décédait à Québec M. Chs Baillairgé, archi- tecte et ingénieur civil. Il était en 1827, et était âgé par conséquent de 79 ans.

Bien qu’il ne fût pas à proprement dire un adepte des sciences naturelles, M. Baïllairgé portait beaucoup

. d'intérêt à l’œuvre du Vatu- raliste canadien, et y publia

7 À quelques articles. .,);) | a , Q 2 71 A no) C'était un travailleur LEA la 4 SR acharné. Il conserva jus-

qu'au vieil Âge une santé re- lativement bonne. et put se livrer jusqu’à la fin à ses études favorites, qui étaient les mathématiques et les branches diverses du génie civil. Il a dirigé des travaux de grande importance, à Québec et ailleurs.

Il a publié un bon nombre d'ouvrages relatifs aux études qu’il affectionnait. Il manquait malheureusement du talent littéraire. Mais la valeur scientifique de ses publi- cations lui assurèrent une renommée universelle. Il était membre de beaucoup de sociétés savantes, et se vit décerner grand nombre de médailles et de diplômes d'honneur. M. Baillairgé a donc été l’un des savants qui ont le plus con- tribué à porter au loin la réputation du Canada scientifique.

Ode CO RES

CHRONIQUE 85

CHRONIQUE

L'UTILITÉ DES REQUINS.—Le Requin a sans contredit une mauvaise réputation. On l’appelle “Tigre des mers ”, ou l Enneminé des marins”, ou de tout autre nom mépr'sant qui se présente. On lui jette bien des pierres ; et comme il ne trouve que rarement un défenseur, sa mauvaise répu- tation reste. Dura lex, sed lex! Et pourtant, s’il faut en croire un magazine américain, ce pauvre Requin ne serait qu'un humble et utile serviteur public, un poisson-chiffon- uier, quoi !

Le Requin est le grand vidangeur de l’océan. Il n’est pas et ne peut pas être vu sa vitesse relativement très modérée un poisson de proie. Ouvrez un Requin quel- conque qui a été capturé et vous pourrez vous assurer de ce fait. Quelques fragments de cordages, une boîte de bœuf de conserve, une bouteille bouchée contenant quelque mes- sage fantaisiste, ou une casquette de matelot perdue dans une bourrasque, tout cela tend à prouver que ie Requin! est un poisson d’affaires, qui a l’œil sur toutes les chances qui peuvent lui arriver ; mais les matières plus digérées de son estomac, consistant principalement en détritus de toutes sortes, prouvent l’odeur surtout surabondamment que les premiers possesseurs de tous ces objets n'étaient pas vi- vants ; étaient, de fait, bien morts, iorsque cet inspecteur d'hygiène vint à passer et, les condamnant comme dangers publics, les fit passer dans son propre réceptacle digestif.

Une foule d'observations soigneusement contrôlées prouvent irréfutablement qu’il n’y a que deux articles de

. Son menu ordinaire que le Requin peut prendre vivants,

savoir: un oiseau de mer qui de temps à autre se fait surprendre endormi sur la crête des vagues, et la Pieuvie, cette hideuse créature, dont la lenteur bien connue donne une chance à notre infatigable chiffonnier de la devancer.

86 LE NATURALISTE CANADIEN

Le Requin donc, loin d’être le terrible pirate que nous décrivent les romanciers, serait au contraire un pauvre et misérable travailleur ; et à ce titre il mériterait sinon notre tendresse, du moins notre pitié.

UN SQUELETTEÉ GÉANT.—On vient de monter à l’Ins- titut de Brooklyn, Etats-Unis, le squelette d’une Baleine ; il a 47 pieds de long et est le plus grand squelette de Baleine d'Amérique, dit-on, et peut-être du monde entier. Les os seuls de ce monstre marin pèsent trois tonnes, la tête mesure 15 pieds 8 pouces de long sur 7 pieds 4 pouces de large; le tronc a près de sept pieds de diamètre. Ce squelette appartient à une Baleine femelle qui fut capturée en 1903 près des îles du Cap Vert, et pesait de 40 à 45 tonnes, tandis que sa longueur était de 50 pieds.

UN ICHTHYOSAURE EN ANGLETERRE.—A une profon- deur de 60 pieds, dans une briqueterie d'Vatley, près de Peterborough, on vient de déterrer, enchassé dans l’argile, le squelette fossile d’un monstre reptile d’une douzaine de pieds de long, le corps ressemblant à celui d’nn Crocodile, et la queue étant longue de 3 pieds. L'animal avait apparem- ment des ailerons et non des pattes, car on a recueilli plu- sieurs centaines de ces ailerons. Malheureusement on n’a pas trouvé la tête. On pense se trouver en présence d’un Ichthyosaure ou Lézard de mer.

UN AUTRE SERPENT DE MER.—Le capitaine Mills, du brick ‘Duke of Vork?”, et son équipage ont été attaqués près de Cork (Irlande) par un monstre marin qui semble avoir été un authentique serpent de mer. Comme le brick se rendait à son poste de pêche, près de Baliycotton, le ca- pitaine vit quelque chose de sombre dans l’eau en avant du bateau. Quand celui-ci vint proche de l’objet, on découvrit que c'était un énorme poisson ressemblant à une Baleine. Le monstre aussitôt attaqua le petit navire avec fureur et

D...

° FE NTS

DE LA CHASSE AUX INSECTES 87

le frappa “trois ou quatre fois.” Le capitaine alors fit arrêter son bâtiment et attaqua le monstre marin qui ne lÂcha prise qu'après une demi-heure de combat. (Version du Weekly Star, de Montréal, 23 mai 1906.)

LES HUITRES ET LE VÉSUVE.—Une calamité due à la dernière éruption du Vésuve n’a pas été rapportée par câblogramme. Les journaux italiens de date récente nous annoncent la disparition des huîtres napolitaines.' I] appert que la baie de Naples produit une huître particulièrement estimée des épicuriens de l'Italie. Or, les cendres du volcan tombées dans la baie ont complètement couvert le fond, et out étouffé tout ce que les bancs contenaient d’huîtres, et ces bancs sont eux-mêmes à tout jamais ensevelis.

HENRY L ILMANS. J Cd, 59 KL PCR +< LD de+ AO

DE LA CHASSE AUX INSECTES

(Suite de la page 43)

L'emploi de la bouteille à cyanure offre encore l’avan- tage de ne pas abîmer les spécimens, comme faisait souvent le flacon au bran de scie alcoolisé, les émanations spiri- tueuses modifient plus ou moins la coloration des insectes à couleurs claires et de ceux à reflets métalliques ; de même le duvet léger que portent beaucoup d'espèces était plus ou moins gâté.

Nous supposons, dans tout cela, que l’on ne laisse pas les spécimens séjourner un très long temps dans le flacon à cyanure, Un tel séjour prolongé ne serait pas sans altérer en une certaine mesure la surface extérieure des insectes.

Il est en outre permis de faire remarquer que ia mani- pulation du flacon de chasse est vraiment facile à appren- dre et à pratiquer. On le porte dans une poche de son habit, du côté gauche et à portée de la main gauche. Or, tout à

88 LE NATURALISTE CANADIEN

coup vous saisissez un insecte de la main droite et le retenez entre le pouce et l’index—ce pendant que, de la main gau- che vous extrayez le flacon de votre poche et en retirez facilement le bouchon du pouce et de l’index gauches pour laisser tomber le spécimen dans le récipient. Toutes ces opérations se font aisément, et par la pratique on acquiert promptement le tour de main qu’il y faut. Il y a dans la vie quantité de choses beaucoup plus difficiles à exécuter.

On a besoin d’un peu plus d'adresse pour faire passer dans le flacon les insectes que l’on a capturés dans le filet. On risque, en effet, lorsqu'on déplace le filet d'ouvrir une porte par les prisonniers, souvent très apiles, ne se feront pas faute de s'envoler pour reprendre la liberté qu’on leur a ravie. Et il ne manquerait plus que cela, qu’on vit partir à tire d’aile des spécimens que l’on a eu parfois beaucoup de peine à prendre. C’est par la pratique,et après maintes évasions de prisonniers, que l’on apprendra à éviter ces périls. En général, on ne doit ouvrir le filet que peu à peu et lentement. À mesure que, de la sorte, on atteindra un spécimen, on le saisira avec les pinces droites dont nous parlerons plus loin, ou plus simplement avec les doigts, pour le transférer du flacon à cyanure. Si l’on y va de Ja sorte avec ses doigts, il arrivera parfois que l’on ait affaire à un insecte armé d’un dard et qui saura s’en servir pour sa défense personnelle. La douleur pourra être aiguë ; mais au moins vous goûterez la jouissance entomologique de connaître jusqu’à quel point telle espèce a des ressources de protection et de voir, par cette occasion, s’augmenter le trésor de vos connaissances. Il est rare que la science se paye trop cher...

BOITES DE CHASSE.—Le chasseur fera bien d’avoir aussi un ‘carton de poche”, ovale de préférence, avec fond garni de lièse ou mieux d’agavé. Lorsque son flacon au cyanure contiendra déjà trop de spécimens, il les fixera tout de suite sur des épingles et les placera dans ce carton.

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DE LA CHASSE AUX INSECTES 89

Seulement il devra veiller à ce que les insectes qu’il traitera de la sorte ne soient pas seulement à moitié morts. Dans ce cas, “en effet, ils ne se feraient pas prier pour sortir de leur demi asphyxie, au contact de l’air pur, et pour se re- mettre à vivre comme de plus belle; et l’on aurait perdu tous ies avantages que l’on avait cherchés dans l’usage du flacon à cyanure: c’est-à-dire, la mort assez douce des patients (ez cas qu’ils souffrent beaucoup lorsqu'ils sont transpercés d’une épingle et mettent des jours et parfois des semaines à y perdre le souffle), la meilleure apparence et conservation des individus qui n’ont pas eu à se débattre longtemps dans une agonie prolongée. Mais comment cons- tater que les hôtes du flacon sont tout à fait morts? On doit bien s'attendre à ce que la jeune entomologie n’ait pas beaucoup de symptômes infaillibles à énumérer en cette affaire, lorsque la médecine, dont l’âge se perd dans la nuit des temps, se trompe encore, trop souvent, dans la consta- tation du décès des hommes.

Il y a des insectes qui, de leur vivant, ont le tour de simuler la mort lorsqu'on les saisit; c’est leur seul moyen de défense contre leurs ennemis. Mais on peut être sûr que, souinis aux vapeurs du cyanure et plutôt mal à l'aise là-dedans, ils ne recourent pas d'eux-mêmes à cette simu- lation du trépas au foud de la bouteilie de chasse.

On peut dire, en général, que plus les insectes ont des téguments durs, plus ils mettent de temps à mourir dans le flacon à cyanure ; les espèces à consistance molle sont les plus prompts à y perdre la vie.

Donc, en résumé, l’entomologiste en chasse doit avoir dans sa poche une petite boîte à fond liégé, pour débarras- ser de temps à autre sa bouteille à cyanure, ou encore pour y placer dès leur capture certaines espèces de consistance si délicate qu’elles ne pourraient, sans être abîmées, passer

par le flacon. 21—Juin 1906.

90 LE NATURALISTE CANADIEN

L'abbé Provancher se servait parfois, dans ses chasses entomologiques, de sa ‘boîte de Dillénius”, plus ou moins garnie de liège à l’intérieur. On sait que cette sorte de cylindre en métal, qui se porte en bandoulière, est destinée à contenir les plantes recueillies au cours des herborisations. On n’a douc qu’à y installer de quelque façon des plan- chettes de liège, et l’on aura en effet une excellente boîte pour la chasse aux insectes.

Mais il arrive souvent que l’entomologiste fait un sé- jour prolongé en une localité quelconque, et y multiplie ses parties de chasse aux insectes. Il aura, dans ce cas, en son logement,des boîtes de dimensions plus ou moins gran- des il installera à mesure ses captures de chaque jour. Conime ces boîtes à fond liégé peuvent aussi servir pour installation d’une collection entomologique générale, nous en reparlerons lorsque nous aurons à traiter de l’aménage- ment des collections.

Disons encore, en attendant, que l’on trouve en abon- dance des modèles variées de boîtes de chasse ou de collec- tion chez les marchands d’articles entomologiques, parmi lesquels nous indiquerons la Maison Deyrolle, 46, rue du Bac, Paris (7e), et l'American Entomological Co., 55 Stuy, vesant Ave., Brooklyn, N. V. (voir l’annonce de celle-ct sur la couverture de notre Revue).

PELOTE A ÉPINGLES.—Puisqu’en chasse on peut avoir à placer les spécimens sur des épingles, soit pour vider sa bouteille de chasse, soit parce que l’on a affaire à des insec tes qui ne pourraient, saus risquer d’être endommagés- passer quelques heures dans ledit réripient, 1l faut donc être pourvu d'une provision d’épingles entomologiques dont on se servira au bon moment. Ces épingles, on les porte sur une pelote de forme spéciale. La pelote classique, chez les entomologistes, se compose de deux disques en carton, recouverts de soie, et réunis à la circonférence par un ruban qui contourne la machine, laquelle est remplie

DE LA CHASSE. AUX INSECTES OI

d'une matière appropriée. (C’est à travers ce ruban, qui constitue le côté de la boite arrondie, que l’on enfonce les épingles. Que l’on constitue ce ruban en sections de couleurs différentes ; que l’on assigne à chaque couleur les épingles de telle ou telle grosseur : et l’on arrivera promp- tement à prendre tout de suite, sans tâtonnement, l’épingle dont on aura besoin dans tel cas particulier.

Une gance fixée au contour de la pelotte permet d’at- tacher l’article à la boutonnière de son habit, et l’on peut très bien, par suite, saisir d’une main l’épingle qu'il faut pour l’insecte que l’on retient entre le pouce et l'index de

l’autre main. Les entomologistes sont des gens pratiques |

| . . . Il est donc facile de faire construire sous ses yeux la

pelote entomologique. Mais la plupart du temps on trou- vera plus simple de s'en procurer une toute faite, au prix de quelques sous, chez le maichand d'articles entomolo-

giques. EN CHASSE

Nous commencerons cet article par une citation de l'abbé Provancher, qui fut un entumologiste de grande ex- périence. Cette page de notre grand naturaliste est de 1869 ; mais elle contient beaucoup de conseils qui n’ont rien perdu de leur utilité et de leur sens pratique à travers le cours des années :

‘Les lieux qui promettent davantage au chasseur d'insectes sont les jardins, les champs, les bords des bois et des ruisseaux, les broussailles qui bordent les chemins, et les grèves des rivières et des étangs; les forêts épaisses et étendues, de même que les brûlés ou savaues, sont d’ordi- naire très pauvres en insectes. Muni des instruments que nous venons de faire connaître, c’est-à-dire, filet à la main, boîtes et fioles dans la poche, pelote à la boutonnière, vous atten- dez d'ordinaire vers huit ou neuf heures, c’est-à-dire que la rosée soit disparue, pour vous mettre à l’œuvre, Vous

92 LE NATURALISTE CANADIEN

fauchez à l’aveugle les prés et les buissons pour les diptè- res, hémiptères, orthoptères, etc. ; vous guettez les papil- lons sur les fleurs ; vous soulevez les pierres, enlevez les vieilles écorces et inspectez les troncs d'arbres pour des coléoptères ; des os frais ou débris d'animaux vous offriront des Staphylins, des Silphes, etc. ; les pierres des ruisseaux vous découvriront, en les remuant, des Bélostomes, des Co- rises, des Dytisques, etc. ; la sève découlant des souches d’érables, bouleaux, etc., qu’on aura abattus au printemps, vous offrira des Histers, des Nitidules, des Chrysomèles, etc., etc. Et à chaque prise que vous faites, vous la met- tez de suite en sûreté : si c’est un coléoptère on un hémip- tère, vous le faites entrer de suite dans votre fiole ; si c’est un diptère ou un hyménoptère, vous le piquez de suite, prenant la précaution pour ces derniers de les piquer à tra- veis les mailles du filet pour vous mettre à l’abri de leur aiguillon, bien les saisissant avec les brucelles (1) qu’on aura emportées pour cette fin; si c’est un papillon, vous évitez de le prendre par les ailes pour ne pas les dépouiller de leurs écailles, mais, le saisissant par le corps en dessous des aïles, vous le pressez fortement (2) et vous le piquez dans votre boite, le disposant de manière qu’il ne puisse se déchirer les ailes sur ses voisins ou les bords de la boîte. ”?

Lorsque l’abbé Provancher rédigeait les recommanda- tions qu’on vient de lire, on ne connaissait encore, en fait de flacors de chasses, que ceux préparés au bran de scie imbibé d’alcool. C’est pourquoi l'écrivain ne conseillait d’incarcérer dans ces récipients que les insectes à téguments résistables, comme les coléoptères et les hémiptères. Maïs aujourd’hui on ne se sert plus que de flacons préparés au cyanure de potassium ; et l’on peut, en général, y mettre, sans risque de dommage, même les insectes de consistance peu dure. Du reste, la pratique aura vite fait d'enseigner à chacun jusqu'où l’on peut aller en cette inatière.

(A suivre.)

(1) Sotte de pinces à pointes larges. (2) Pour le faire mourir promptement.

LES MINUSCULES OUVRIERS DE LA TERRE 93

LES MINUSCULES OUVRIERS DE LA TERRE

L 4

Vous croyez peut-être qu'en fait de travailleurs de la terre, il n’y a que vous et vos semblables les manieurs de la charrue, de la bêche, de la houe, de la faux, etc.

—Il y a aussi ces amis de l’homme qu’on appelle le bœuf, le cheval, l'âne, etc., tous les animaux domestiques

—Et puis ?

—Et puis c’est tout, à moins que vous ne compreniez, dans la catégorie, les oiseaux et certains animaux sauvages utiles, voire même quelques insectes.

Encore.

??

—]l y a les microbes, ces minuscules êtres, tellement petits qu’il a fallu de puissants microscopes au service d'hommes de génie comme Pasteur pour les deviner, les apercevoir et les voir à l’œuvre.

Il y a des microbes partout, disent les savants, dans lair, dans l’eau, dans le lait, et par myriades ; comment n'y en aurait-il pas dans la terre ?

L'un des plus utiles est celui de la nitrification.

Car il faut savoir que les en_.rais azotés, fumiers, ga- doues, sulfate d’ammoniaque et autres doivent se transfor- mer en nitrates pour convenir aux plantes et s’en faire ab- sorber.

Il y a vingt-cinq ans environ, MM. Schlæsing et Müntz découvrirent le microbe qui transforme en nitrates les eaux des égouts des villes. |

Hellriegel et Wilfarth ont trouvé celui qui fixe l’azote de l’air sous les racines de la luzerne, du trèfle et autres plantes qui, grâce à ce microbe, sont améliorantes.

Cette découverte faite, on en a facilement conclu que, pour avoir de belles récoltes, il fallait cultiver... quoi donc ?... les bons microbes nitrificateurs et autres, (car il

=

94. LE NATURALISTE CANADIEN

y en a de toutes sortes, 1l y en a, assure-t-on, pour chaque sorte de plantes, le b'é a les siens, la betterave aussi, etc.)

Les savants précités se mirent donc à l’œuvre pour multiplier ces excellents ouvriers de la terre appelés fer- ments, microbes, bactéries ; de même que les brasseurs mul- tiplient la levure de bière, ils cultivèrent le microbe de la nitrification et inventèrent une sorte de levure pour le sol qu’ils appelèrent w7/ragène.

—Répandons de la nitragène dans nos terres, dirent- ils, ce Sera y installer des milliards de fabricants de nitrate ; on le verra bien aux récoltes.

—Il faut convenir que le résultat n’a pas encore dé- passé ni même'atteint les espérances. M. Caron a de même inventé de l’anzlite, dont les effets sur le sol sont tantôt excellents et tantôt nuls. Cela ne veut pas dire que ces savants ont tort et que leur invention ne vaut rien, mais cela signifie qu’on ignore encore certaines données de la nature, et la manière d’agir de tous ces microbes; c’est

comime des chevaux indomptés ; 1l s’agit de les discipliner

pour en tirer un travail utile.

On en est donc actuellement à la recherche des bons microbes, à leur élevage et à leur domptage.

Qui sait? Dans quelque dix ans, nos neveux iront sans doute semer dans leur terre de la quintessence de fromeu- tine pour avoir du beau blé.

Vous riez? Vous dites : impossible ! Est-ce qu’ils n’en font pas de même quand, au lieu de grosses charretéss de fumier, un malin se met à jeter sur ses terres des poignées d'engrais chimiques ?

Attendons. Dieu a mis à notre disposition tant de forces encore inconnues !

(Za Croix.) D.

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CONTREPOISON UNIVERSEL (Du Photo Pêle-Mêle.)

Je trouve dans les ‘Awnales Politiques et Liltéraires,” sous le titre ‘lettre ouverte”, la recette d’un contrepoison universel très simple. Je m’empresse de vous l’adresser. Nous connaissons tous les empoisonnements, heureusement fort rares, qui peuvent se produire par méprise dans le laboratoire. Puisse cette formule fort simple et facile à employer, éviter à l’avenir de graves malheurs.

“En septembre 1902, paraissait, dans le journal l’Aoyrz- culteur, l'article suivant: A Touiouse, quinze personnes furent empoisonnées dans une même maison, pour avoir mangé des champignons. On appela le Dr Secheyron, médecin des Hôpitaux de Toulouse. Il fit préparer des carafes d’eau charbonnée dont burent quatorze personnes pendant qu’à l’aide d’une sonde il introduisait de la même eau dans l’estomac de la quinzième plus malade que les

autres. “Des éclats de rire lui apprirent bientôt que les qua-

torze personnes ne souffraient plus, l’autre guérit également.

“Un docteur qui avait iu cet article, écrivit au docteur Secheyron pour lui demander des détails. Celui-ci répondit que le charbon est un contrepoison ; que son père, un savant pharmacien-chimiste ayant fait un jour un mélange de char- bon et de strychnine (celle-ci à dose assez forte pour tuer plusieurs personnes) l’avala devant témoin et n’en fut pas incommodé. Donc, en cas d'empoisonnement, quelle que soit la matière absorbée et à n'importe quelle dose, en attendant le médecin, pulvériser avec une bouteille du czarbon de bors (1) ou de la brasse, en mettre dans l’eau une qnantité assez grande, boire ce méiange par cuillerées à soupe de dix en dix minutes, jusqu’à ce que toute douleur disparaisse.””

A. CLAVEYROLY.

(1) On nous dit, à Québec, que des croûles de pain carbonisées ent en- core plus d'efficacité pour la préparation de ce remède. N.C.

96 LE NATURALISTE CANADIEN

PUBLICATIONS REÇUES

Nous venons de re-evoir quelques exemplaires de l'ÆZ/evage, journal illustré paraissant tous les 15 jours.

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L'abonnement annuel est de 7 francs pour tous pays.

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Leçons d'Hygiène pratique, par le Dr E.-F. Panneton. Montréal, 1906. R

Ce manuel contient 140 pages et est illustré. I1 comprend les quatre parties suivantes: Précis d'hygiène ; hygiène de la première enfance ; hygiène de l’écolier ; hygiène des malades. Cet ouvrage, rédigé par quelqu'un qui connaît bien son sujet, et en un langage clair et précis, devrait être répandu à profusion dans nos familles.

Proceedings of the Mount Royal Entomological Club, 1905-1906 - Montréal.

Petite publication de 16 pages, qui est peut-être ie commencement d’une œuvre de longue durée et de grande valeur scientifique.

Travaux scientifiques de l'Université de Rennes (France). Tome IV. 1905.

Bulletin of the University of Kansas, vol. VII, No 3.

Department of the Interior (Canada) : Resource Map, Dominion of Canada.

—Pullettino del Laboratorio ed Orto botanico. Institut botanique de l’Université royale de Sienne, Italie. Se année, fasc. 1-4.

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NATURALISTE CANADIEN

Québec, Juillet 1906

VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 7

Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard

A PROPOS DE PATTES

ETUDE SUR LES PISTES DE QUELQUES ANIMAUX

Les histoires les plus anciennes ont été écrites, non sur le parchemin ou le papyrus, par la main des hommes, mais sur les sables, les vases, dans les savanes, par le pied des bêtes.

Heureux autant que rare, qui peut déchiffrer ces écri- tures tracées sur les argiles, les rivages, les neiges, dans les déserts ou les forêts, et nous dire ce qu’elles racontent.

Le chasseur doit apprendre, de bonne heure, à lire l’histoire de ses victimes—tout le long de son sentier de chasse : C’est donc une science.

Suivre un Cerf à la piste, sur les blanches neiges du Manitoba, ou dans les montagnes Rocheuses, quelle plus pure jouissance pour un Nemrod ! Mais le Cerf est alerte et fin, et quiconque veut faire sa conuaissance aura besoin d’avoir de bons poumons, des jambes solides, et surtout un grand sens d'observation pour lire parfaitement l'écriture que tracent les pieds de l'animal sur cette grande feuille de neige.

13 —Juillet 1906.

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08 LE NATURALISTE CANADIEN

:

L’empreinte du Cerf, très élégante, toujours reconnue du vieux chasseur, ne laisse pas d’être confondue aisément, par un novice, avec l’empreinte d’un Mouton ou d’un Co- cho, tant elles se ressemblent. Pour suivre un Cerf à la piste, il faut toute la ruse de l’Indien américain, qui peut dire, rien qu’au toucher et au sentir, non seulement quand les pistes ont été faites, mais aussi la grosseur de l'animal qui les a laissées ! L’Indien est aussi rusé que le Cerf.

La première erreur d’un chasseur de peu d'expérience, serait de suivre sa proie de trop proche. Les Cerfs surveil- lent toujours ies pistes qu’ils laissent, traversent les monta- gnes pour regatder en arrière, se fiant à leur flair pour dé- couvrir un danger qui approche. Qu'un chasseur n’observe que l’empreinte des pas,—au lieu de regarder tout droit, il se peut qu’il tombe à l’improviste sur son Cerf, mais sil suit toujours cette piste, il fera sans doute des milliers de milles sans tirer un coup de fusil. Il faut qu’il s’é'oigne, quand la piste paraît fraîche, qu’il fasse un détour, se met- te en embuscade. En manœuvrant habilement, un chas- seur robuste peut suivre le plus habile des Cerfs, et au bout d’une longue poursuite, les pistes de plus en plus resserrées, sur la neige, lui diront assez l’histoire d’un Cerf à peu près épuisé.

Parfois la trace est obscure, on ne peut qne diffcile- ment dire elle va ; mais l'empreinte du pied est toujours un peu plus pointue aux orteils qu’au talon: dans une montagne le chasseur reconnaîtra aisément de quel côté l'animal est venu ; car s’il a grimpé, l’espace entre les pistes sera courte, à cause de la difficulté de l’ascension.

Le Cerf, dès qu’il se sent chassé, à recours à toutes sortes de tours d'adresse. Ce qu’il fait souvent, c’est de reve- nir sur ses pas, de sauter hors du sentier, puis de se sauver dans une autre direction. Pressé de plus près, il répète cette manœuvre çàet là, se couche, pour se reposer il

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A PROPOS DE PATTES 99

peut flairer le chasseur longtemps avant qu’il soit à la por- tée des balles,

C’est au chasseur à démêler patiemment l’histoire en- chevêtrée que les pieds du Cerf ont écrite sur la neige, re- traitant sur les vieilles pistes jusqu’à ce qu’il retrouve les nouvelles.

Plus.on acquiert de science en lisant ces vieilles écri- - tures, plus elles" deviennent absorbantes. (Chaque animal laisse une trace qui le distingue. Un expert peut même lire l’histoire tracée par un Serpent sur la terre, la vase, les herbes. La trace du Serpent à sonnettes, par exemple, ne peut tromper—guand vous la connarssez : elle est plus ar- ge en proportion de sa longueur, que toutes les autres tra- ces de Serpent, et les courbes de sa course en zigzag sont plus rapprochées. Quelques Serpents, tels que le Couwreur rouge d'Amérique, petit et vif, ne laisse qu’une pete pres- que droite.

Fig. 7.—Flan. Fig. 3.— Antilope d'Afrique.

Les nègres Bantus, au sud de l'Afrique, sont @es dépis- teurs d'une merveilleuse adresse. Leur pays, d’ailleurs, est le paradis des chasseurs. Le plaisir de dépister un’animal l'emporte de beaucoup sur la satisfaction d’une rencontre fortuite. L’Afrique-Sud est le domaine de l’Eléphant, du Rhinocéros, de l’Hippopotame, des Zèbres, des Girafes, des

100 LE NATURALISTE CANADIEN

Antilopes (25 espèces), des Lions, des Panthères, des Hyè- nes, des Crocodiles et des Singes.

M. Georges Lacy, quia fait une étude spéciale des empreintes laissées par le pied des bêtes, affirme reconnaï- tre la différence qui existe entre les traces de vingt-cinq espèces d’Antilopes. Voici quelques-unes de ses observa- tions : ‘Tel peut chasser toute sa vie, qui n’en saura pas plus long à la fin qu'au commencement ! Dans la saison sèche, quand les grande chasses se font, la terre se durcit au point qne les plus gros animaux mêmes y laissent à

peine une faible empreinte. A cette époque, ce n’est que.

sur les bords des mares d’eau que les pistes peuvent être reconnues et étudiées, quand l'animal va boire souvent. Mais ces pistes, parfois, diffèrent de celles qu’il imprime en rôdant, surtout si c’est un animal alerte. Dans cette saison donc, l’étude des empreintes de pieds ne donne de bons ré- sultats qu'après les rares orages qui rafraîchissent le pays.

Pendant la saison des pluies, il y a moins de difficul- tés, mais l’herbe croît si luxuriante, si épaisse, que les ani- maux touchent à peine la terre du pied ; il faut chercher les endroits arides, l’herbe croît peu, et 1ls ne sont pas toujours faciles à trouver. En outre, une grande partie du sud de l’Afrique est sablonneuse, er sauf après les pluies, les animaux ne laissent aucune trace reconnaissable.

“Sans doute, la meilleure place pour obtenir une empreinte parfaite est le grand chemin, les wagons passent, l’herbe a disparu ; on peut y lire l’histoire d’un Antilope, y reconnaître les escapades d’une Chèvre, mais les gros animaux ne s’y montrent guère. C’est loin de ces routes, dans les endroits les plus sauvages, qu’ils se tiennent d'ordinaire.”

Les empreintes laissées par une même espèce scuvent varient à tel point que les chasseurs les plus expérimentés les prennent les unes pour les autres. Personne, au dire de M. Lacy, ne pourrait discerner les pistes d’une femelle,

CRT à 12

A PROPOS DE PATTES IOI

arx trois quarts de sa grosseur, d'avec nn adulte mâie, d'une autre espèce. Mais les empreintes de la feirelle sont tou jours plus petites, plus délicates que celles du 1âle : pas d'exception à cette règle.

Les pieds de derrière font des marques différentes, ridicalement différentes, des pieds de devant, les premiers sont plus petits, plus allongés, plus pointus, Ceci s'ap- plique non seulement à la famille des Chevreuils, mais à tous les animaux, même aux carnivores: dont les pieds de derrière tournent plus en dehors que les pieds de devant, sauf des cas tiès rares, Quant à certains Antilopes, qui séjournent lonytemps dans l’eau, leurs sabots deviennent naturellement allongés, avec les pointes retroussées, on même croisées l’une sur l’autre. L’empreinte, daus ce der- uier cas, ne donne pas correctément l’apparence des pieds.”

Les empreintes des grands carnivores sont assez dis- tinctes, mais celles des petits, qu’ils soient Chats on Chiens, sont embarrassantes, et je doute qu’un vieux fouilleur de broussailles puisse réussir toujours-à identifier son añimal. Puis, il y a les végétariens, les insertivores—qui ne des- cendent sur le sol que pour passer d’un arbre à l'autre, dont les pistes demeurent incertaines. Ce sont précisément ces difficultés qui en rendent l'étude si attrayante.

de . Pour commencer par jies gros, l’Elé- phant femelle fait du pied de devant un cercle parfait, tandis que celui qu’im- prime le mâle est lésèrement ovale. Quant aux pieds de derrière, chez les deux sexes, ils laissent une empreinte ovale. Le pied de devant laissera, en plus, quatre marques d'orteil, le pied de derrière, trois, et les bords de ce dernier

sont plus marquants et le coussinet laisse # une empreinte plus profonde.—Une large piste mesure. à peu près 15 pouces de diamètre.

Fig. 9.—Eléphant.

102 LE NATURALISTE CANADIEN

Ces particularités ne se découvrent que quand l’animal est au repos. En marchant, l’Eléphant passe un pied devant l’autre sur une seule ligne, fait donc une trace, un sentier continu, et non une succession d'empreintes. Pour le poursuivre, le chasseur peut se guider, dans les endroits rocailleux, sur les buissons et les branches que le pachy- derme a arrachées avec sa trompe pour en brouter les feuilles et les rejeter, quand elles sont à demi mâchées.

Le Rhinocéros est plus difficiie à suivre. Malgré son poids, un novite perdra sa trace sur un terrain pierreux. Son empreinte ne diffère pas beaucoup de ceile de l’Elé- phant, bien que plus petite: imnême coussinet, mais avec trois marques d'orteiis en avant. Les pieds de derrière, comme ceux de l’Eléphant, sont un peu plus allongés.

L’empreinte du Rhinocéros blanc, (presque éteint) est plus large. M. Lacy en découvrit une aussi grosse que celle d’un Eléphant de six pieds. de hauteur. Ce devait être une ex- ception, mais la piste était trop vieil- le pour qu’on se donnât la peine de. la suivre. Le Rhinocéros noir est un excentrique qui varie et multi- plie ses pas, car son empreinte est partout. * J'a' vu une empreinte, dit le naturaliste déjà cité, qui semblait avoir été faite sans que les autres pieds touchassent par terre.”

Fig. 15.—Rhinocéros.

L'Hippopotame s> distingue d’entre tous ses confrères d'Afrique. Bien que plus petit que l’Éléphant, il laisse néanmoins une plus large trace dans l’herbe. Les jambes de devant semblent avoir le sentiment des distances et s'y maintiennent ; celles de derrière, au contraire, o1t une

A PROPOS"DE PATTES 103

affinité l’une pour l’autre et abattent l'herbe que es pieds de devant n'ont pu atteindre.

Cette empreinte d'un coussinet et de quatre marques d’orteils font un sentier qui parfois mesure trois pieds de largeur. Ah!siles missionnai- res avaient ‘#z#po7 comme pré- curseur ! leur chemin, à travers les hautes herhes et la végétation tropi- cale de l’Afrique deviendrait facile : un gros c/rgyman et sa famille, son LCR piano et ses caisses de bibles faisi- ® «1: fées, y passeraient aisément. à

Fig. 11.— Hippopotame.

Fig. 12.—Crocodile.

Voici une piste qui ressemble à une main gantée. C’est très alarmant à découvrir sur les bords d’une rivière, surtout quand on s’y baigne. Il n’y a pas à hésiter, la fuite est le salut, car il y a un Crocodile dans le voisinage. Ce particulier a, comme singularité, cinq orteils aux pieds de derrière et quatre à ceux de devant ; pieds palmés comme ceux du Canard ; les orteils extérieurs n’ont pas de criftes, les intérieures en laissent des marques.

Une autre piste qui cause de l’effroi est celledu Lion, qui est très belle et qui consiste en un coussinet et quatre petits cercles. Les pieds de devant ont bien cinq orteils, mais le pre-

104 LE .N'ATURALTIS T'E CANADIEN

Les

Fig .13.—Lion.

Le Léopard fait de même, suivant le chasseur jusqu’au camp dans l'espoir d'y

trouver Chèvres

preinte est semblable à celle du Lion, inais plus petite et plus allongée.

Fig. 1c.—Hyène,

mier ne touche pas la terre, quand le Lion marche, sauf par accident, quand il saute.

Les pieds de derrière n’ont que quatre orteils.

griffes n'apparaissent que rarement, re-

pliées qu’elles sont dans les tissus ; quand le Lion court, elles font des petits points dans le sable. Qu'un Lion découvre un chasseur à ses trousses, il fera, parfois, un cercle et revien- dra sur ses pas, afin d’avoir son enuemi bien

en face, puis décampeia bien promptement.

et Moutons. Son ein-

Fig. 14.—Léopard. Parmi les carnivores, l’'Hyène se dis- tingue par quatre orteils à chaque pied

(les pieds de derrière sont plus étroits, et

| tournent plus en dehors que les pieds de

devant). Les oriffes paraissent, car étant de race canine, l’'Hyène ne peut les-ren: trer dans les tissus, comine les Chats, les Lions. Le Chien de chasse et le Chacal sont faciles à distinguer de l'Hyène : ils

ont cinq orteils aux pieds de devant.

TVR

à à

A PROPOS DE PATTES 105

La Girafe a des pieds d'â- ne, pas aussi pointus que ceux de l’Antilope. Dans les bas districts de l'Afrique, sa piste se rapproche plutôt

de celle du Bœuf et mesure @

huit pouces. Fig. 16.—Girafe.

La marque du Bison, sembla- ble à celle du Bœuf, est plus lar- ge et bien fendue. Ii aime les endroits marécageux, il laisse une empreinte facile à lire. Un long séjour dans l’eau allonge ses sabots. Son amour de la vase est tel qu’il y séjourne jusqu’à ce qu’elle sèche et le retienne pri- sonnier, pour tomber sous la balle du chasseur passant.

Fig. 17.—Bison.

Comuie 1l y a vingt-cinq espèces d’Antilopes, leurs pis- tes diffèrent en grosseur et sont de deux classes: orteils ronds et orteils pointus.

Une autre piste intéressante, celle de l’Elan, varie à l'infini. C’est une très noble bête, plus grosse que tous les ongulés, sauf le Bison et la Girafe. Sa piste s’échelonne depuis le mignon pied pointu de l’Antilope jusqu’à la gros- se empreinte ronde du Bison. L’Elan zébré du Nord-central laisse une piste plus fine que l’'Elan commun: plus le type est délicat, plus délicate aussi est la piste.

Les Singes impriment sur le sol d’intéressantes mains qui n’ont cependant rien d’humain: les orteils (car ils ont des pieds) sont pius longs que les nôtres,- avec le gros 14—Juillet 1906.

O6 LE NATURALISTE CANADIEN

Fig. 18.—Singe. orteil à angle droit. Une règle si simple de géométrie ferme à jamais la porte à toute aspiration darwinienne, et détruit pour le présent notre noble parenté avec les baboons. Les mains sont plus humaines, mais on ne peut les confondre avec les nôtres.

Fig, 19.—Ours.

Voici un particulier qui a ôté ses bottes et marche en chaussettes ; mais ça mesure dix-huit pouces de longueur ! Quel est donc cet ours ?

Les pistes du Loup ressemblent à celles du Chien, ayant un coussinet à cinq points, en avant. Un gros Loup laisse une empreinte de quatre pouces et demi, mesurée du bout des griffes au

talon.

Fig. 20.—Loup.

A PROPOS®PF PATTES 107

Fig. 21.—Autruche.

Pour faire entrer ici un oiseau, disons que l’Autruche marche et court en cercles, et laisse, somme toute, un al- phabet bien difficile à démêler. Poire et deux points : 7 vouces de long, 4 pouces de large, ce qui fait qu’on ne peut pas prendre cette dame pour une autre.

On ne peut pas, non plus, se méprendre sur l’empieinte du Chameau, qui fait, du même pied, 38 enjambées par minute, quand il va de son petit pas. Sa vitesse a donc été quelque peu exagérée. Le Heirie, le

chameau le plus rapide du désert, fait rare-

ment plus de 4 miles à l’heure.

Fig. 22.--Chameau.

DT

Fig. 23.—Lapin.

Pour descendre aux Lapins et aux Lièvres, le Lièvre

laisse une marque qui ressemble à celle du Lapin, mais I

plus large, impritnant un coussinet et quatre orteils. Sur

108 NATURALISTE CANADIEN

le versant des collines, le Lièvre prend ses ébaïts, l’em- preinte de ses pieds se relève en lignes très nettes et se voit distiuctement à une grande distance.

Le Lapin, en courant, fait un triangle qui a pour sommet les pieds de devant, et pour base les pieds de der- rière. Ses triangles se suivent sur une seule ligne.

Un chasseur, qui n’en sait rien, voyant pareille trace conclurait que Jean allait en sens opposé à la piste ; mais non, le Lapin, en courant, oublie ses jambes de devant, pour faire passer celles de derrière. Quand 1l y a espace de plus en plus long entre les pieds de devant et les pieds de derrière, l’histoire, écrite alots sur la neige, nous en- seigne que ce Aèdre a débulonner à toute enjambée, et que peut-être 1l court encore... |

l'outée empreinte d'animal a son histoire.

Em.-B. GAUVREAU, ptre, curé de Beardsley, Minnesota.

2

STATION DE BIOLOGIE MARITIME DU CANADA

Pour la première fois, le laboratoire de la Station de Biologie maritime est, cette année, fixé dans la province de Québec, à Gaspé. Nous espérons qu’on y pourra faire du travail scientifique très intéressant.

Grâce à la bienveillante ‘autorisation de l'honorable M. Brodeur, ministre de Marine et des Pêcheries, le croi- seur ?rircess sera utilisé durant quelques semaines pour faire des dragages en eau profonde dans le golfe Saint-Lau- rent, en vue d'étudier la faune marine de la région est du Canada. En outre, ce vaisseau fera un ou deux voyages aux Sept-Isles, fonctionne une exploitation industrielle de la pêche à la Baleine, et par conséquent les travail-

Si

STATION DE BIOLOGIE MARITIME DU CANADA 109

leurs de la Station pourront puiser d’utiles informations sur les Cétacés qui fréquentent les eaux canadiennes.

Nous avons appris que MM. Ramsay Wright et Mc- Callum, de l’université de Toronto, MacBride, de l’univer- sité McGill, et Knight, de la Queen University, doivent passer un certain temps à la Station de Gaspé, à poursuivre leurs recherches scientifiques, que facilitera grandement, celte année, le concours du croiseur ?r2ncess pour l'étude de notre faune maritime.

On aura une idée de l’importance des travaux scienti- fiques qui se font à notre Station de Biologie, en prenant connaissance du programme qui a été établi pour les études à faire durant la présente saison et dont voici le résumé :

Recherches sur la fanne maritime de l'Est, sur le littoral et en eau profonde.

Collection de spécimens de Batraciens et de Pois- sons d’eau douce.

Etnde comparative de la boette fraîche et de la boette en congélation, pour la pêche à la morue, etc.

Etudes de botanique (Diatomées, etc.)

»° Etudes des Cétacés capturés aux Sept-Isles.

Recherches sur les migrations du Saumon et de la Truite de mer.

Nous ajouterons, comme nous l’avons déjà dit ici à plusieurs reprises : quand donc y aura-t-il parmi les Cana- diens-Français des naturalistes en mesure de profiter, à l’ins- tar de nos compatriotes de langue angiaise, des facilités d'étude qu'offre la Station de Biologie maritime, grâce au soutien intelligent que lui donne le gouvernement du Canada ?

——

LIO LE NATURALISTE CANADIEN

LA VERMOULURE DES BOIS

On rencontre très fréquemment des morceaux de bois de toute essence, tout vermoulus, soit par les Azobrum ou vrillettes, ou bien encore par toute une foule d’autres lar- ves ou même de chenilles, suivant le bois ravagé. L'un des plus savants sylviculteurs de France, M. Emile Mer, a pu- blié dans le /ournal de l'Agriculture les résultats de ses mi- nutieuses observations sur ce sujet qui lui ont permis de reconnaître la véritable cause de la vermoulure des bois d'œuvre, et de découvrir un moyen d’une efficacité certaine pour supprimer cette cause.

Les bois abattus et mis en œuvre sont sujets à la ver- moulure ; l’aubier y est bien plus exposé que: le bois pai- fait ; aussi est-on presque toujours obligé de le supprimer : ce qui entraîne une perte assez considérable de matière. Il est à remarquer que les essences le plus souvent atta- quées par les insectes sont celles qui se distinguent par un bois p:rfait bien caractérisé et un aubier très amylifère.

Il y a quelques années, M. Emile Mer avait remarqué que la poussière qui résulte de la perforation du bois par les vrillettes ou Arobium et qui consiste en débris li- gneux très ténus ne renferme.plus d’amidon, inême quand elle provient d'un bois cette substance se trouve abon- damment répartie. L'amidon avait donc été consommé par les insectes. Cette observation lui fit supposer que c'était peut-être la présence de ce corps qui les attirait, et que, si l’on parvenait à débarrasser une pièce de bois de son ami- don, elle se trouverait indéfiniment préservée de la vermou- lure. Je venais précisément, dit-il, de constater que l’écor- cement sur pied, trois ou quatre mois avant l’abatage, a pour résultat de faire disparaitre l’amidon de toute la région décortiquée et j'avais même reconnu qu'une annélation de quelques centimètres de longueur suffit, pourvu qu’on ait

LES GOMMES VÉGÉTALES YTI

soin de ne laisser aucune pousse se développer sur la portion située au-dessous de l’anneau. L’amidon se résorbe peu à peu dans toute cette région.

M. Mer vérifia alors d’une façon rigoureuse l’exactitu de de son hypothèse. Aïnsi, en faisant disparaître l’amidon de l’aubier, on rend celui-ci réfractaire à la vermoulure.

Le savant sylviculteur explique pourquoi la résorption de l’amidon est la conséquence de l’écorcement. [L’amidon est produit par les feuilles sous l’influence de la lumière ; c’est par le liber qu’il se rend des branches au tronc et aux racines. Or, par suite de l’annélation, l’amidon a sa mar- che vers Ja partie inférieure du tronc interceptée, 1l s’accu- mule dans la région supra-annulaire, la région inférieure étant réduite à vivre sur la provision de matière. amylacée qui s'y trouvait au moment de l’opération. Cette provision est résorbée plus ou moins vite, suivant les essences, les dimensions de l’arbre et les saisons. En été, la résorption se fait beaucoup plus rapidement qu’en hiver.

En conséquence, M. Mer propose de décortiquer l’arbre sur pied plusieurs mois avant l’abatage, ou, plus simple- ment, de pratiquer une annélation à la partie supérieure du tronc en ayant soin de supprimer toutes les pousses qui se développent sur lui. Le printemps est l’époque la plus convenable pour cette opération. L’amidon a disparu en automne et l'on peut alors commencer l’abatage dans le courant d'octobre. (Cosmosr

4-45

ORIGINE BACTÉRIENNE DES GOMMES VÉGÉTALES Elle a été mise en évidence par les travaux de M. RK. Greig Smith, publiés dans le journal de la Royal Society de ia Nouvelle-Galles du Sud, à Sydney. M. G. Smith, bactériologiste à Double Bay, a pu isoler les diverses bac- téries gommogènes dans les tissus des arbres à gomme. La

I12 LE NATURALISTE CANADIEN

gomme arabique ou arabine, soluble, la métarabine et la para- rabine, insolubles, sont produites par des bactéries distinctes.

On a pu reproduire, par culture de ces bactéries, des gomumes identiques aux gommes végétales. Il est probable

\

que l’on pourra augmenter à volonté la production des gommes, par une judicieuse infection d'arbres susceptibles.

Dans les milieux ordinaires, les bactéries gomimogènes vivent et se multiplient, mais sans fournir une quantité appréciable de gomme; une addition de tannin a une 1in- fluence marquée sur l’augmentation de cette production.

(Bul. de la S. d'Encouragement.) ô

ee

PUBLICATIONS REÇUES

—(Smithsonian Institution) Proceedings of the U. S. National Museum. Volume XXIX. 1906.—Une grande partie de ce volume est consacrée à des travaux entomologiques sur des pays étrangers. Nous signalerons seulement les mémoires suivants : The Classification of the American Siphonaptera ; Revision of American Paleozoic Insects.

The Philippine Journal of Science (Vol. T. 3, April 1906.)

The Asnerican Museum of Natural History (New-York). Annual kReport.

(Field Colnmbian Museum.) Annual Report.

Transactions of the Kansas Academy of Science. (Vol. XX, p. 1.)

Anales del Museo Nacional de Montevideo. (Serie II, entrega 2.)

(Instituto geologico de Mexico.) Za Faune marine du Trias Supé- rieur de Zacatecas. par le Dr €. Burckhardt et le Dr Salvador Scalia.

Proceedings of the Academy of Natural Sciences of Philadelphia. (VOST ALN ITU Ep 3 ENOlN DIM") re)

—(Memoirs of the American Museum of Natural History, vol. IX p. 2.) Il. 7e Phytosauria, with especial reference to Mvstriosuchus and Rhytidodon, by J. H. McGregor.

TN

LE

NATURALISTE CANADIEN

Québec, Aout 1906

VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 8

Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard

LE LUSSOEK MOTH?

Dans les pays anglo-saxons, un grand nombre d’in- sectes ont des noms vulgaires. Chez nous, très peu d’es- pèces entomologiques sont assez connues du grand public pour avoir reçu les désignations qui leur soient propres. Par exemple, cette dénomination de 7zssock Motk, si usitée chez les Anglais di Canada et des Etats-Unis, n’a chez nous aucun terme correspondant. Nous avons bien vu l’insecte dont il s’agit désigné sous le nom de ‘“ mouche T'ussock ”, sur un journal de la Province ; maïs cette déno- mination, qui d’un /éprdoptère fait un diptère, n'a sans doute aucune chance de durer. Car il n’est pas nécessaire d'afficher aussi haut l’ignorance qui règne chez nos compa- triotes en matière d'histoire naturelle.

Un correspondant de Montréal nous écrivait ce qui suit, à la date du 31 juillet dernier :

“CJIl y a une quinzaine de jours, une multitude de che- nilles devoraient les feuilles de nos arbres. sans paraître avoir aucune préférence : Orme, Plaine, Frêne, Peuplier, tout leur était bon.—Depuis, la plupart ont filé leur cocon, dont plusieurs déjà sont sorties. 1£—Août 1C06.

TA LE NATURALISTE CANADIEN

‘Je vous envoie par la poste des échantillons de trois phases de cet insecte: la chernzlle, antennes formées de touffes de poils noirs terminés en massue; tout près de l'extrémité postérienre, une touffe de poils bruns à bout noir, de même longueur que les antennes ; sur le dos, -un peu eu arrière de la tête, quatre touffes de poils blancs,

, courts et serrés. Le cocon. La nymphe, sortie du cocon depuis trois ou quatre jours, qui n’a pas encore d’ailes, et a Lu sur son cocon un dépôt blanc me paraissant un amas d'œufs.

Vous m’obligeriez si vous vouliez bien me dire le nom de cet insecte ; si ce sont bien des œufs qui constituent le dépôt blanc; quel est le rôle de l’insecte après qu'il a fait cetteYponte.

Nous avons déjà répondu à notre correspondant que l’insecte au sujet duquel il nous interroge est le fameux Tussock Moth ”, dont la désignation entomologique ac- tuelle est la suivante: Æemerocampa leucostioma Abbot & Smith. D'autre part, ce qu’il appelle du nom de “nymphe, sortie du cocon depuis trois on quatre jours ””, est bien l’insecte parfait, mais une femelle, ‘qui n’a pas encore d'ailes ”, et qui même n’en aura

jamais, non seulement parce que le fil de ibie4 Le papillons son existence EST complètement rompu, du Tussock Moth. mais aussi parce que dans toutes les es- pèces du genre //emerocampa les mâles seuls sont ailés. Si jamais le féminisme s’introduit dans le monde entomolo- viaue, il est à présumer que l’une des premières revendica- tions que l’on fera valoir sera bien l'égalité, chez les deux

sexes, des instruments du vol.

En attendant, donnons en quelques mots l'histoire na- turelle de l’Æ/emerocampa. Le papillon mâle est brun noirâtre ; ses ailes, dont l’extension dépasse un pouce et quart, portent quelques courtes lignes b'anches. La fe- nelle, de couleur grise, a le corps beaucoup plus gros que celui du mâle. Elle ne fait pas autre chose, dans sa courte

LE ‘TUSSOCK MOTH ”? 115

vie, que de pondre ses œufs. Elle les dépose sur le cocon même d’où elle est sortie. Klle les recouvre avec les poils qui se détachent de son abdomen, et auxquels elle mêle une sécrétion visqueuse qu’elle produit, de manière à former une sorte d'enduit qui durcit à l'air et devient un abri protecteur pour les œufs destinés à perpétuer la race. C'est ‘à le dépôt blanc dont parlait notre correspondant. Lorsque la poute est finie et les œufs couverts de leur enduit, la femelle passe de vie à trépas, sans tambour ni trompette.

Le soleil, qui opère tant de choses diverses dans le vaste univers, fait aussi éclore sous ses rayons ardents les œufs de l’Æ/ermerocampa. Les jeunes larves ont dans le bas âge la propriété curieuse de sécréter un fil léger au bout duquel, si quelque danger se montre à l'horizon, eiles se laissent descendre de la feuille elles étaient fixées, et qui leur sert à revenir à leur station lorsque la paix est ré- tablie. Cette curieuse faculté se perd quand la larve a grossi et a pris du toupet. Ces larves sont douées d’un ap- pétit vorace, et c’est durant cette période larvaire que l’in- secte exerce ses ravages sur le feuillage des arbres.

Parvenue à sa grosseur, la che. nille de l’Æemero- campa est de toute beauté, avec sa tête d’un rouge vif, ses bandes noires et blanches, ses quatre toufies d’un blanc crême. Il faut avoir assez de

largeur d'esprit pour reconnaître les qualités de ses ennemis !

Fig. 25.—Chenille du 7wssock Mofh. ?

Toujours est-il qu'après avoir passé par le nombre ré- glementaire de mues successives et après avoir dévoré maints et maints parenchymes foliaires, notre chenille s’en

116 LE NATURALISTE CANADIEN

va établir son cocon dans quelque anfractuosité de l’écorce, sur l’arbre natal, ou en quelque autre endroit mieux abiité des environs, pour en sortir papillon après un temps plus ou moins long.

Dans les régions du nord, le 7#ssock Moth a deux gé- térations par été, et trois dans les pays du sud, par exem- ple sous la latitude de New-Vork. Nous ignorons si dans notre district il y a ainsi deux ou trois générations. Sui- vant le cas, les insectes de la deuxième ou de la troisième génération déposent les œufs qui subissent l’hiver et don- nent naissance à la première éclosion du printemps. Com- me les chenilles qui ont causé des ravages un peu sérieux dans notre pays l’ont fait au mois de juillet, c’est-à-dire à peu près à la même époque qu'à New-Vork et à Philadel- phie, nous ne serions pas surpris qu’il y eût encore une éclosion au mois de septembre comme il arrive en ces loca- lités : et ce serait, en notre pays comme en ceux-là, la troi- sième génération. Car 1l semble qu’il soit un peu hâtif de se mettre en hivernement dès la fin de juillet.

Le Zussock Moth parait avoir fait beaucoup de dom- mages à Montréal, cette année et l’année dernière. A Qué- bec, il n’a attiré l’attention que pendant la présente saison ; mais ses ravages ont été assez restreints. Dans le faubourg Jacques-Cartier, nous avons vu des Saules absolument cou- verts de chenilles et de cocons de cet insecte. A la Haute- Ville, il a paru en assez grande quantité sur quelques ar- bres de l’Esplanade et du Jardin Montmorency.

On demande souvent quel peut être le moyen de lutter efficacement contre le 7’#ssock Moth, lorsqu'il existe à l’é- tat de fléau. On conseille, pour le printemps et lorsque le feuillage est encore peu développé, d’arroser de temps à autre les feuilles et le tronc avec l’un ou l’autre des liqui- des recommandés comime insecticides: à ce moment, les larves sont encoie petites, et l’on a des chances de réussir à les atteindre et à les exterminer.

CHRONIQUE 117

Mais le vrai moment de détruire ce terrible ennemi, c’est l'automne et l’hiver. Il n’y a qu'à examiner, à ces époques de l’année, le tronc des arbres, les clôtures ou les murs situés dans leur voisinage, pour y apercevoir aisé- ment les cocons, recouverts d'œufs, qui adhèrent à ces dif- férents endroits. Il n’y a qu’à enlever ces cocons et à les détruire. (C’est le moyen le plus radical; et s’il était un peu généralement employé dans une localité quelconque, on enrayerait facilement le fléau. Mais, naturellement, on ne pense à lutter que lorsque les arbres sont dévorés par les chenilles, et à ce moment il n’y a rien à faire.

Il nous paraît probable que l’été prochain le 7zss0ck Moth abondera sur nos arbres, à Québec, lorsqu’ii serait si facile d'empêcher ces ravages en détruisant, cet automne ou cet hiver, le nombre relativement peu considérable des cocons couverts d'œufs qui sont destinés à éclore au prin- temps.

CHRONIQUE

Un yossile géant.—Te professeur Henry F. Osborn, conservateur du département de Paléontologie vertébrale au Musée américain d'Histoire naturelle, à New-Vork, vient d'enrichir sa déjà remarquable collection d’un spéci- men nouveau, le fossile d’un monstre terrestte, le plus gros que l’on connaisse actuellement, On l’a étiqueté du nom de Cyrannosaurus rex ; et s’il faut en croire les natura- listes qui ont monté son énorme carcasse—et ce sont tous des gens du métier, —_Cyrannosaurus était certainement roi dans son domaine. Ses ossements, c’est-à-dire la plus gran- de partie d’entre eux, ont été enlevés des terrains monta-

118 LE NATURALISTE CANADIEN

eneux du Montana septentrional. C'était un animal car- uivore sur lequel on a très peu de renseignement encore.

Le professeur Osborn raconte avec orgueil la décou- verte du monstre préhistorique. Il y a quelques années, M. Hornaday, directeur du Parc zoologique à New-York, s’en Ylla au Montana avec un parti de chasseurs. Il trouva une corne fossile, et l’emportant avec lui vint la montrer à son ami Osborn en lui demandant si elle avait quelque valeur. Le professeur lui répondit qu’elle n'avait pas beaucoup de valeur par elle-même, mais qu’elle était d’une valeur réelle pour de futures explorations. Nous avons eu jusqu'ici, dit- il, plusieurs ossements de lanimal auquel appartenait cette corne, et votre trouvaille pourra peut-être nous ramener à une place d’autres parties peuvent se trouver de l’ami- maljque nous avons, encore iinparfaitement, découvert. L’a- nimal auquel appartenait la corne était le 77zceratops, un herbivore.

L'année suivante, le Musée de New'Vork envoya une expédition dans le Montana sous la direction de Barnum Brown, un chasseur émérite de fossiles ”, et l’on trouva des restes précieux du 7r2ceratops, le monstre à cornes qui pesait dix tonnes. Au cours des recherches, on découvrit aussi quelques ossements d’un animal apparemment tout différent. Ces ossements furent trouvés dans la pierre de sable dure et extraits avec beaucoup de difficulté. L'année suivante aussi, dans l’espoir de découvrir encore d’autres fragments du monstre inconnu, MM. Osborn et Brown re- tournèrent au Montana. Les premiers spécimens furent trouvés sous un rocher; et après bien des efforts, on parvint à recueillir les priucipaies parties du corps de l'animal.

I1 a été possible de reconstruire assez exactement le monstre en question. Du bout de la queue à l'extrémité du nez, il mesurait environ 39 pieds. Du bout de la tête, levée comme un animal la lève ordinairement, la distance au sol aurait été de 19 pieds environ. Un dessin repré-

, CHRONIQUE 119

sentant Ja grandeur de l’animal comparée à celle du sque- lette humain nous montre quelque chose comme une au- truche et une poule domestique. Lorsque les paléontolo- gistes auront examiné et étudié les restes du monstre, ils espèrent pouvoir nous dire quelle quantité de chair il con- sommait en un jour, quelle était la grandeur de son cer- veau, quel Âge il atteignait et à quelle époque préhistorique il terrifiait les autres habitants du globe terrestre. Cette dernière découverte est si importante pour la science que celle-ci a reclasser les Dinosaures carnivores de la période géologique crétasée. 7yrannosaurus est maintenant le nom d’un nouveau genre. Ces Dinosaures carnassiers ont bien pius de caractères différents qu’on ne l'avait supposé d'abord. Maïs leur amusement favori semble avoir été de troubler encore davantage l'existence déjà passablement épineuse des Dinosaures herbivores, leurs contemporains. Le Tyrannosaurus rex, disent les savants, n’aimait rien mieux que d'attaquer le 7Yzceratops à trois cornes, celui-ci, un des plus intéressants individus de la famille des Dino- saures et dont il existe au Musée national de Washington un squelette de toute beauté. Lui aussi était un monstre remarquable, mesurant 25 pieds de haut environ et ayant deux fois la pesanteur d’un éléphant. Le professeur Osborn, qui a monté le squelette du 7yrannosaurus rex, est d’a- vis que même avec ses trois cornes, le Triceratops était une proie facile pour le Dinosaure carnivore qui a été exhumé au Montana.

Uue collection de coléopières.—Alexander Fry, en mourant, a légué au Musée d'Histoire naturelle de Londres (Angleterre) sa-superbe collection de coléoptères, qui com- prenait environ 200,000 numéros, divisés en 72,000 espèces. Quand un Canadien fera-t-il la même chose pour un musée du pays ?

Des Grenoutlles géantes.—A la dernière assemblée des membres de ja société de Zoolovie, en Angleterre, on a

120 LE NATURALISTE CANADIEN

montré une Grenouille géante qui ne mesurait pas moins de dix pouces de long d’une extrémité à l’autre du corps. C’est une espèce, inconnue de la science jusqu'ici, qui a été trouvée dans la colonie allemande de Cameroon. en Afrique, et que l’on a nommée ana Goliath. A la même as- semblée, on a exhibé une autre espèce de Grenouille remar. auable, dont la femelle porte ses œufs dans la gueule, ils éclosent. Quand les petits sortent des œufs, ce ne sont point des têtards, mais des Grenouilles parfaitement constituées, bien que très petites. Nous avons, il est vrai, en Amérique, une sorte de rainette qui a une espèce de poche tout le long du corps, elle porte ses œufs jusqu’à ce qu’ils éclosent.

Un. Crapaud qui a la vie dure.—Au cours de répara- tions faites au clocher de l’église Evangélique à Hespeler, Ont.—édifice construit il y a seize ans,—les ouvriers ont trouvé un Crapaud qui avait été emprisonné dans le mor- tier entre deux pierres. Quand on le sortit de sa prison, le Crapaud était bien en vie et paraissait n’avoir souffert en rien de sou long emprisonnement.

HENRY TILMANS.

LE MARCHAND D'ŒUFS DE FOURS

Un nouveau commerce vient de naître : c’est celui des œufs de Fourmis.

Mes lecteurs me sauront gré, je l'espère, de leur présen- ter le marchand d'œufs de Fourmis.

Il y a quelques jours, je cheminais pédestrement le long d’une de ces belles avenues qui sillonnent dans tous les sens la forêt de Bercé (Sarthe), qui à bon droit passe pour la plus belle de France et l’une des plus belles de l’Europe. Je m’arrêtaïs à chaque instant pour admirer ces merveil-

ŒUFS DE FOURMIS 12}

leux Chênes plusieurs fois centenaires, d’une hauteur pro- digieuse, droits comme des joncs, sans nœuds, unis comme des cylindres qui semblaient autant de colonnes supportant la voûte d’un temple de la nature. De ci et de alternaient des Hêtres majestueux, à l'écorce d’un blanc cerndré, à la cime touffue, qui me rappelaient lorsque j'étais sur les bancs du collège, ce berger de Virgile qui, il y a deux mille ans, se reposait nonchalaminent à l’ombre d’un Hêtre. Tityre, tu patulæ recubans sub tegmime fagi.

Un merveilleux tapis de mousse recouvrait le sol.

Le soleil baïssait, j'activais le pas lorsque soudain j'entends derrière moi un bruit de voiture : je me retourne, je vois venir un véhicule conduit par un individu que je prends pour un cultivateur du voisinage et qui en passant m'invite à monter, j'accepte.

L'homme que j'avais à côté de moi, avec sa voix rau- que, son teint basané brûlé par le soleil, ses cheveux en broussailles, sa barbe inculte, sa mise depenaillée, ne ressem- blait guère à nos braves campagnards avec leur figure fran- che et ouverte, leur mise propre et cossue.

Le cheval apocalyptique qui portait sur son dos des lambeaux de harnais rapiécés avec des cordes, et traînait une voiture grinçante toute disloquée, remplie de sacs sci- gneusement fermés et bondés d’un produit dont j'étais loin de soupçonner la nature, n'avait rien de comparable avec le robuste percheron de nos campagnes bien harnaché qui enlève fièrement, d’un vigoureux coup d'épaule, une con-* fortable carriole remplie de sacs de blé ou d’avoine.

Cette rencontre n'était pas très rassurante en pleine forêt... Je m'étais trompé.

Mon automédon était un de ces coureurs de foires et de marchés, pilier de cabarets de bas étage, toujours à la recherche d’une position sociale, comme Jérôme Paturot,

changeant à chaque saison de métier. 16— Août 1906.

122 LE NATURALISTE CANADIEN

Au bout de quelques instants, je ressens de vives pi- qûres aux jambes. Je regarde à mes. pieds... et, stupéfac- tion ! je vois des processions de Fourmis qui couraient d’un ‘air inquiet ; j'en fais l'observation à mon homme qui me répoud en souriant qu’il est marchand d'œufs de Fourmis ; puis, avec une bonne grâce dont je lui sais gré, il me racon-

te les dessous de son métier.

I1 rayonvait, sur 40 kilomètres à la ronde. Il passait à jour et heures fixes dans des endroits désignés à Pavance ; ses employés lui appottaient le produit de leur chasse, qu’il leur pavait immédiatement sur le pied de 4 à 5 francs le boisseau de 20 litres, suivant la qualité de la marchandise. Une fois son chargement fait, il portait ses œufs de Fourmis chez ses acheteurs, dont par discrétion je n’ai pas cherché à connaître les noms.

Le métier était lucratif; 11 faisait des journées de 40 à 50 francs.

Ce comimerce n’est pas aussi banal qu'on pourrait le croire de prime abord. Il paraît que depuis quelque temps l'Angleterre entre en scène pour venir s'approvisionner chez nous d'œufs de Fourmis, dont elle fait une énorm: consommation pour l'élevage des Faisans destinés au peu- plement des grandes chasses à rabat.

C'est donc à un redoublement d'enlèvement d'œufs de Fourmis que nous allons assister au printemps prochain.

(L'Elevage, Bruxelles.)

SC

0

LES

LES MOYENS DE DÉFENSE DES INSECTES

Quand on touche un coléoptère, une Fourmi, une Coc- cinelle, on sait que ces insectes #4 le mort ; ils replient sous ‘, *.: rc leurs antennes et leurs pattes; *SEMIASSEnt

DÉFENSE DES INSECTES 123

tomber à terre et gardent pendant longtemps une immobi- lité parfaite. C'est leur moyen de défense pour dérouter leurs ennemis habituels, Lézards et Batraciens, qui ne se nourrissent que de proies vivantes et surtout mouvantes. Au moment l’insecte se roule sur le sol, on voit sourdre par sa bouche ou ses pattes de grosses gouttes d’un liquide un peu visqueux coloré généralement en jaune ou en rouge.

La nature de ce liquide a fourni l’occasion de nom- breuses controverses, et, tout récemment encore, une reve anglaise, dont, par politesse, nous tairons le nom, imprimait cette erreur monumentale que le liquide ainsi sécrété était un produit spécial, instantanément sécrété par l'animal dans un but de se/fdefence.

Nous nous contenterons de rappeler à notre confrère d’outre-Manche que, il y a plusieurs années déjà, M. Cuénot, professeur à Nancy, s’est assuré au microscope que ce li- quide est du sang. Bien que son opinion ait été lon- guement et abondamment combattue, elle n’en a pas moins prévalu, et, à l’heure actuelle, elle est généralement ad- inise.

Ce rejet de sang est, d’ailleurs, un procédé de défense chimique analozue à celui qu’emploient d'autres insectes en projetant le liquide nauséabond que sécrètent certaines de leurs glandes. Rappelons à ce propos qu’au cours de ses expériences M. Cuénot a placé dans un récipient des Adé- monta et des Lézards verts. Un des Lézards n’a pas tardé à attaquer une Adémonia en la prenant dans sa gueule : celle- ci a rejeté par l’orifice buccal une grosse goutte de sang jaune. Le Lézard a immédiatement lâché sa proie et s’est frotté la gueule contre la terre, afin de la débarrasser du li- quide dont elle était enduite. Dans la suite, il ma plus jamais attaqué des Adémonia.

Le sang, ainsi rejeté par ces insectes, a une odeur assez forte : il renferme une substance chimiquement voisine des alcaloïdes, et capable de tuer des Cobayes et des Grenouilles

124 LE NATURALISTE CANADIEN

par arrêt du cœur. Le sang des mouches cantharides contient de même une grande quantité de cantharidine, dont les _ propriétés vésicantes font un produit éminemment défensif.

(Cosmos.) FM

LES ARAIGNÉES A SOIE DE MADAGASCAR

A l’époque nous vivons, chacun travaille, d’un la- beur soit intellectuel, soit manuel, et nous mettons même à profit les travaux que les insectes font pour leur propre plaisir.

En d’autres termes, ces insectes existent, ils doivent donc, pour justifier cette existence, produire ce qui peut être d’une utilité quelconque à la communauté humaine.

En vertu de ce principe, l’Araignée de Madagascar est soumise aujourd’hui à un élevage qui permettra, avant peu, au gouvernement français, d'établir l’industrie perma- nente des Araignées à soie dans cette vaste colonie.

On a, d’ailleurs, souvent parlé déjà dans la presse du développement de l'Aranéiculture à Madagascar, et nous croyons intéressant de donner quelques détails sur la façon dont on force les Araignées à produire leur fil précieux. Les indigènes désignent sous le nom de ‘“ Halabé” cette espèce particulière d'Araignées, qui diffère sous plus d’un rapport des autres espèces connues, bien que leurs points caractéristiques soient semblables.

Les Halabés sont de dimensions beaucoup plus gran- des, et chez elles comme chez toutes les Araignées, en gé- néral, la femelle est plus forte que le mâle, et son naturel incertain, changeant, n'est pas fait pour rendre l’existence heureuse à ce dernier, par moments du moins.

LES ARAIGNÉES A SOIE 125

À la saison de l’accouplement, les mâles qui sont en quête de compagüe doivent employer, dans leur choix, de très grandes précautions, car si leurs assiduités ne sont pas du goût de celle-ci, si tel ou tel poursuivant ne répond pas à son idéal, ou si elle est d'humeur méchante, elle fond sur les bestioles et les dévore sans plus de façon.

Après l’accouplement, la femelle se montre très diff- cile sur le choix de la résidence du couple nouvellement uni et, fort avisée, refuse obstinément de s'installer en des endroits la nourriture qui lui est nécessaire, à elle et à ses petits futurs, ne se trouverait pas en abondance.

Les vastes buissons de manguier des Jardins royaux de Tananarive sont un de ses lieux de prédilection : aussi les Araignées à soie s’y trouvent-elles en très grand nom- bre.

Dame Halabé, il faut bien le dire, a des habitudes dé- testables. Se trouve-t-elle, par accident, dans un lieu les provisions sont rares, ou bien éprouve-t-elle le besoin de faire diversion à ses menus quotidiens, qu’on la voit aussi- tôt se mettre en quête d’une collègue; à peine la-t-elle trouvée, qu’elle l’attaque de coups terribles, et celle des deux combattantes qui survit à l’autre se met en devoir de se livrer à un vrai festin de cannibale.

Les autorités coloniales de Madagascar encouragent de leur mieux l’industrie de la soie d’Araignées.

Des écoles professionnelles ont été fondées pour la pro- pagation et l’élevage scientifiques des Halabés, et pour la tuition à donner aux indigènes sur le travail de la soie. Ces écoles, dues à l'initiative du général Gallieni, sont l’une des créations les plus utiles parmi celles qui ont été fondées à Madagascar par les soins de cet officier : elles donnent du travail aux indigènes et forment le noyau d’une industrie peut-être appelée à prendre une très grande extension dans un avenir piochain.

Malheureusement ces insectes, en raison même de leur

126 LE NATURAIISTE CANADIEN

nature ultra-sanvage, sont d’un élevage très difficile, et bien que l’Araionée ne soit pas eucore parvenue à atteindre le succès sans précédent du ver à soie, l'expérience est inté- ressante tout au moins, et le tissu ainsi obtenu deviendra sans nul doute rare et de grande valeur.

Peut-être arrivera-t-on aussi, avec le temps, à transfor- mer le caractère personnel de ces Araignées et à en faire des producteurs de soie, sains et dosiles.

Les indigènes suivent les cours de cette institution très attentivement et mettent bien en pratique: les leçons que leur apprend la théorie.

Lorsque les Araignées ont été capturées dans les buis- sons de mauguiers, les femmes indigènes les apportent à Pécole dans de légers paniers ; elles ont bien soin de ne pas les y laisser trop longtemps, car, à l'arrivée, il pourrait se faire que chaque panier nue contînt plus qu’une seule Arai- gnée qui se serait alors nourrie du corps de ses compagunes, tout le long du chemin.

Le travail des Halabés diffère de celui des vers à soie, en ce qu’elles emploient leur soie à tisser leurs toiles, et non à faire des cocons : aussi est-on obligé d’extraire le fil de lPinsecte, pendant qu'il est en vie, si l’on veut obtenir un filament bien égal.

Les Araignées conservées dans les écoles de Mada- gascar sont donc, à cet effet, placées dans un appareil cu- rieux, qui en contient de vingt à vingt-cinq, encagées séparément.

Chacune de ces petites cases carrées contient ce qu’on pourrait appeler une guillotine en miniature, une petite deimi-lune faite de bois, ‘qui tient solidement l’Araigaée à l'endroit exact du corps la tête ‘vient rejoindre l’abdo- men ; les pattes sont ramenées vers le thorax, et l'abdomen se trouve ainsi dirigé du côté l'on doit extraire la soie.

Pour mettre les bestioles dans cette position bizarre,

LES ARAIGNÉES À SOIE 127

on doit prendre de grands soins, afin de ne pas les blesser ou les mutiler.

La quantité de fil de soie qu’elles peuvent produire est énorme : on a vu des spécimens dévidés jusqu’à 12,500 mètres en un mois, au cours de quatre à cinq opérations, mais ils sont morts ensuite, de surmenage probablement.

Les jeunes filles indigènes ont, pour ce travail. un doigté très délicat, et par l’action très légère de leurs doigts elles parviennent à extraire les filaments doucement et totis à Ja fois des différentes Araignées que contiennent les vingt à vingt-cinq cases d’un même appareil. Elles se bornent à placer un doigt sur chaque insecte, l’un après l’autre, et à

_retirer ensuite la main. Le fil ainsi extrait s’enroule dans

une cordière mécanique qui, à son tour, le dirige sur une bobine.

Les insectes, ainsi fixés solidement dans ces sortes de camisoles de force, se laissent extraire leurs filaments de soie sans montrer la moindre résistance. Lorsque leur pro- vison est épuisée, on les enlève de la position qu'elles ont occupée jusque-là, et d’autres Araïgnées prennent leur place dans les cases.

Les Araignées, du fait de surmenage, se trouvent naturellement très fatignées, mais on met tout en œuvre pour ranimer leur santé débilitée. On les envoie dans le # Parc aux Araignées”, qui est le lieu de convalescence des travailleuses affaiblies ; elles sont placées au milieu-de bam- bous dont les tiges sont entrelacées de façon à former un véritable treillage, et les Halabés délicates ‘y regagnent, avec leurs forces perdues, de nouvelles provisions de fils de soie.

Quelques jours après, celles qui n’ont pas été dévorées par leurs compagnes plus robustes sont réintégrées dans les cases, soumises à un rouveau travail d'extraction de soie.

Le fil des Halabés est d’une couleut d’or merveilleuse et sa qualité est absolument supérieure.

128 LE NATURALISTE CANADIEN

On n’a point encore essayé de laver cette soie, coinme on le fait de celle que fournissent les vers :. aussi est-il im- possible de savoir si la couleur ne passe pas, mais son ex- trême finesse, son élasticité et sa fermeté, de beaucoup su- périeures à la soie des vers, permet de la tisser en tissus dé- licats, souples et très solides.

Réaumur fut le premier à tenter d’extraire de la soie des Araignées, et ses expériences remontent à 1710: elies portaient sur l’Épeira de France, qui est nn insecte de très petites dimensions. Selon les calculs de ce savant, il eût fallu 700,000 de ces bestioles pour produire une livre de soie. Ces essais furent donc abandonnés en Europe.

Les Chinois du Vunnan extraient depuis longtemps de la soie des Araignées, et celle qu’ils ont ainsi mise en vente a souvent été confondue avec celle qu’on obtient du Bom- byx, ce papillon nuit qui ressemble au ver à soie et qu'on: rencontre également à Madagascar. Le Bombyx fait un cocon et vit le plus souvent dans les acacias.

On ne sait encore ce que l’avenir réserve à cette bran- che nouvelle de l’industrie de la soie, mais, d’après les rap- ports connus, on est en droit d’espérer que les filatures mal- gaches rivaliseront un jour avec celles de Lyon.

Adapté de l'anglais, de J.-E. WHITBy, (Le Naturaliste.) par H.-R. WOESTYN.

Gb

PUBLICATIONS REÇUES

—E.-Z. Massicotte, Cent Fleurs de Mon Herbier. Etudes sur le Monde Végétal, à la portée de tous. Suivies d’un Calendrier de la Flore de la Province de Québec. Nombreuses illustrations, Montréal, Librairie Beauchemin. 1906. (Vol. in-8° de 222 pages. Prix, $o0.75.)

Ce volume de M. Massicotte est le plus bel ouvrage de vulgarisation scientifique qui ait été publié chez nous, et nous comptons qu’il aura pour résultat d'amener bien des amateurs à l’étude de la botanique

Plantes aquatiques et des lieux humides ; Plantes des prés et des bois ; Arbres et arbustes : telles sont les divisions de l’ouvrage. Après quelques détails techniques très succincts, chaque article, consacré à une plante en particulier, contient des renseignements sur la localité on la trouve, l’usage qu’elle peut recevoir, son histoire ancienneet moderne, et souvent quelque extrait de prosateur ou de poète qui en fait le panégy- rique. Tout cela en un style aimable. L'ouvrage de M. Massicotte est donc très intéressant ; et, quand on se met à le feuilleter, on n’en sort pas aisément.

ÉE

NATURALISTE CANADIEN

Québec, Septembre 1906

VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 9

Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard

EXTINCTION DU POISSON BLANC

Encore une espèce qui disparaît, qui aura bientôt dis- paru ! Après le Dodo et le Grand Pingouin ; après la vache marine, ÆAyéinus borealis ; après le Bison des prairies, Bonassus Americanus ; voici le tour du Poisson blanc, ou Lavaret blanc, Coregonus albus, de se faire rare et de ten- dre à disparaître des grands lacs du Haut-Canada. Hélas! donc s'arrêtera l’acharnement de la stupide espèce hu- naine dans la destruction des espèces animales que le Créateur lui avait données pour son utilité ou son agré- inent ? Déjà les ornithologistes prétendent qu’ils pourraient dresser une longue liste mortuaire des espèces d'oiseaux qui ont disparu dans le cours de la période historique. On sait encore que le Phoque à fourrure, Cal{korinus ursinus, est condamné à disparaître avant longtemps.

Pour en revenir à nos poissons, on a donc le chagrin d'apprendre, par les journaux du Haut-Canada, que les pêcheurs canadiens, le long de la rivière Détroit et dans le lac Saint-Clair, accusent une rareté de plus en plus considé- rable du Poisson blanc, à tel point qu'ils n’en prennent plus assez pour payer leurs dépenses. Il n’y a encore que

peu d'années, le Lavaret blanc se trouvait en abondance 17—Septembre 1906.

130 LE NATURALISTE CANADIEN

dans la rivière Détroit et les environs. Aujourd’hui on le demande avec impatience, et les pêcheurs sontincapables de satisfaire leurs pratiques.

Les bassins d’incubation de Sandwich ont envoyé ne- guère un approvisionnement de 25 millions de jeunes su- jets pour les Grands Lacs. Or les pêcheurs nous disent que cette quantité n'approche même pas du montant qui serait nécessaire pour combattre la destruction amenée par la pêche et par la voracité de plusieurs autres. espèces de poissons. Des millions de Carpes de toutes sortes, Meuniers, Catastomes, etc., se nourrissent des œufs et des petits du Poisson blanc. A peine sur un millier de petits, un seul parvient-il à maturité.

L’incubatoire de Sandwich a une capacité de 100 muil- lions de jeunes sujets; mais la difficulté est qu’on ne peut capturer une quantité suffisante de femelles, dans le temps du frai, pour en extraire les œufs. Elles manquent de plus en plus ; ce qui fait que le Poisson blanc dans les lacs sera bientôt aussi rare que le Bison d'Amérique dans les prairies.

On dit que le département ne dépense guère plus de 50 mille piastres, en tout, annuellement, pour la propaga- tion du poisson dans les pêcheries intérieures de Québec, Ontario, Manitoba et du Nord-Ouest ; tandis qu’il dépense jusqu'à 55 mille piastres pour les pêcheries des seules provinces maritimes. On ne réagit donc pas assez.

Les pêcheuts ont observé comment les Poissons blancs déposent leurs œufs. . Les fonds pierreux en seraient litté- ralement couverts. Mais tout à coup apparaissent les Car- pes, et les œufs disparaissent. Une petite partie seulement échappe au massacre, dans les interstices des rochers. Il va sans dire que les pêcheurs eux-mêmes, décimant les adultes, ajoutent énormément à cette guerre d’extermi-

nation. B.

bo.

LES FRUITS AU KLONDIKE 131

DES FRUITS AU KLONDIKE

Pourquoi pas ? On se fait une fausse idée de la tem- pérature estivale de cette région. On croit qu’il n’y a à que neige et glace éternelle et que toute espèce de végéta- tion est aussi rare que rabougrie. (C’est une erreur. Une telle opinion reçoit un formel démenti de la part de M. Harvey Grant, de Dawson, qui, de passage à Montréal ces jours derniers, parle d’une abondante moisson de fruits sauvages, cette année, dans le Vukon. Ces fruits sont des baies de différentes sortes.

Les familles, dit-il, récoltent une riche moisson de baies sauvages sur les flancs des collines autour de Dawson et sur les plaines des mineurs sont campés. De toutes parts, au Vukon, vers le mois d'août, plusieurs sortes de baies se trouvent en grande abondance. On peut y faire ample provision de gadelles, de bluets, de framboises, d’atocas et même de groseilles, mais en plus petite quan- LEE"

La population accueille avec joie cette agréable variété dans sa diète ordinaire. On en ramasse des monceaux. Il n’est pas rare de voir des familles de plusieurs enfants se faire des réserves de plusieurs centaines de livres pour la diète d'hiver, sans compter ce que l’on consomme au jour le jour durant l'été. On va tout exprès camper dans les plaines ; on va aux framboises, aux biuets, sur les flancs des collines, à la façon du Canada.

Fait-on de ces fruits des confitures? Oui; maïs pas toujours, pas même le plus souvent. On a des manières de les empaqueter qui les conservent tout l’hiver dans leur condition naturelle de fraîcheur. La méthode favorite est d’y répandre du sucre et de mettre les vaisseaux conte- nant les fruits sur la glace au fond de trous creusés dans le glacier sur lequel est sise la ville. Une autre méthode.

132 NATURALISTE CANADIEN

spéciale aux framboises, consiste à les presser dans le vaïs- seéatt jusqu'à ce que le jus recouvre entièrement la masse des fruits. Mise en cet état sur la glace, la provision se conserve parfaitement fraîche et indéfiniment.

Voilà pour nous une consolation au sujet de nos parents et amis du Klondike, si nous en avons d’échotés à. Nous savons maintenant que les friandises ne leur manquent pas sous forme de ces bons fruits, de ces bonnes confitures, de ces bonnes tartes, de ces bons pâtés du pays!

ANNE

CHRONIQUE

La conservation du Bison.—La Société zoologique de New-Vork vient d'offrir au gouvernement des Etats-Unis de placer le troupeau de Bisons, dont elle est propriétaire, dans la réserve forestière de Wichita, Oklahoma du Sud. Le gouvernement a accepté et l’on expédiera de New-Vork un troupeau de 15 à 20 Bisons. dès que l’on aura clôturé un bon terrain de pacage. La Société veut aider au gor- vernement à empêcher ce qui reste de Bisons de s'éteindre, mais elle a exigé qu’un endroit propice leur fût réservé, l’on n’eût pas à les nourrir continuellement, l’on pt avoir ün abri contre les tempêtes et les Bisons pus- sent se reproduire sans difficulté.

On est d'accord pour reconnaître que le Bison d'Amé- rique ne peut pas être sauvé d’une complète extinction, si on le renferme dans des parcs ou des. jardins zoologiques, sa liberté de marcher est trop restreinte. On ne peut réussir à préserver la race qu'en mettant des troupeaux dans de très grands espaces de terre, de façon à leur donner autant que possible lillusion d’une complète liberté, et ils peuvent trouver l'exercice qui est absolument indispen-

CHRONIQUE Re

sable à leur santé. On a donc choisi un excellent terrain de pacage, il y à de l’eau en quantité et en tous temps, et le département d'Agriculture a fait voter $15,000 pouf construire la clôture.

Il n'y à pas de doute que l'essai tenté dans Oklahoma sera suivi avec beaucoup d'intérêt par bien des personnes ; et si le succès peut récompenser les efforts du gouverne- nent américain et de la Société zoologique de New-Vork, on leur devra la canservation du Bison qui, il y a une cin- quantaine d'années, silonnait en tous sens les grandes prairies de l'Ouest.

Encore Le Serpent de mer:—Pour être complet, nous signalerons une autre apparition du fameux Serpent de mer. Devant une nombreuse assemblée de membres de la Société zoologique de Londres, le mois dernier, MM. Meade Walds et Nicol ont raconté qu’étant sur un navire le long des côtes du Brésil, à hauteur de Para, ils virent ce qui pafaissait être, au-dessus de l’eau, les nageoïtes d’un grand poisson ; puis ils virent s'élever une énorme tête et un cou d'à peu près sept pieds, gros comme un homme; le tête ressemblait à celle d’une tortue, et l'étrange animal se mouvait par secousses curieuses. M. Walds ajouta que le monstre ressemblait, à s'y méprendre, à un sous-marin à demi enfoncé. (Peut-être en était-ce un?! !)

Un Chat.….qui n'en est pas un.—Peut-être un de nos lecteurs pourra-t-il nous renseigner au sujet de l'étrange animal qui vient de délivrer les habitants du Queensland (Australie) d’une énorme invasion de Soutis. Les jour- naux australiens enregistrent le fait qu'une invasion de ces petites bêtes, très malfaisantes, dont les exploits ennuyaient beaucoup les fermiers du Queensland, a été soudainement et complètement arrêtée par l'apparition d’un petit animal qui a fait maison nette des Souris envahisseuses. Chose étrange : aucun Européen n'avait jamais vu le destructeur des rongeurs en question; quelques-uns des plus vieux

134 LE NATURALISTE CANADIEN

naturels du pays prétendent que l’animal existait en foule, bien des années écoulées, et ils l’appelaient Modockoora.”? [1 a près de neuf pouces de long du bout du nez à l’extré- mité de la queue ; sa taille est de 272 pouces, 1l a le nez très pointu, une tête ressemblant à celle du Renard et de grands yeux noirs très brillants. Sa queue est longue de quatre pouces environ, la moitié en est ronde et couverte de poil gris, tandis que l’autre moitié est plate et d'un noir sombre. Le corps de l’animal est gris et ses mouvements sont vifs et tiennent un peu du Chat. Les Souris, elles, semble-t-il, connaissent leur ennemi; car celles qui avaient pas été tuées par le ‘“ Modockoora disparurent immédiatement.

Si ce fait signalé par les journaux australiens n’est pas un vulgaire canard, —et il semble que ce soit un fait avéré, il nous serait bien agréable de savoir le nom scientifique de ce nouvel ennemi de la gent rongeuse.

HENRY TILMANS. PERRRE ) ——

UNE RÉIMPRESSION

Notre Zraité Clémentaire de Zoologie et d'Hygiène, publié au mois de décembre dernier, s’est écoulé en quel- ques semaines, [La demande a même dépassé l'offre de beaucoup, et nous avons été loin de pouvoir remplir toutes les commandes que l’on nous a faites. C’est à rechercher si nous sommes bien dans la province de Québec, nos compatriotes n’ont pas coutume de perdre souvent le souffle à s’efforcer d'acquérir les récentes publications scientifiques ni littéraires !

Une réimpression immédiate de l'ouvrage était tout indiquée. Nous avons pourtant en différer l’entreprise, pour donner tous nos soins à l'achèvement et à la publica-

LES PARURES CRUELLES 135

tion d'une autre œuvre (/w»pressions d'un Passant, volume paru au mois de juillet).

Nous pouvons toutefois annoncer ici que la deuxième édition du 7rarté élémentaire de Zoologie et d'Hygiène est maintenant sous presse, et qu'elle sera mise en librairie dès le commencement du mois de novembre.

Cette nouvelle édition sera ‘revue et corrigée”, sui: vant la formule séculaire et consacrée. Quelques vignettes y seront remplacées ; le style sera quelque peu revisé, et certains détails recevront quelque modification au point de vue technique.

En outre, l'ouvrage ayant été adopté dans plusieurs institutions scolaires, nous lui dennerons le format plus pratique dun in-douze, plus favorable au maniement quotidien. Surtout son aspect soigné sera une améliora- tion sensible sur son prédécesseur, que nous avions tant de confusion à présenter au public en une forme que les circonstances avaient faite assez pitoyable,

Puisse la population étudiante, et inême le grand public, accueillir cette nouvelle édition avec autant de faveur qu’on a fait à l'égard de la précédente ! Nous leur dirons d'avance, pour finir par ce misérable détaïl matériel, qu'il n’y a pas jusqu’au prix de vente de cette deuxième édition qui ne sera aussi, probablement, l’objet d’une amé: lioration assez notable...

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LES PARURESURUELLES

Une campagne à laquelle nous nous associons entière: iment—dit le Moniteur d'Horticuliure (Paris)— est entre: prise contre les plumes qui ornent les chapeaux des dames, et voici ce qu'écrit à ce sujet, Friquet, un de nos confrères très sensé :

136 LE NATURALISTE CANADIEN

Etant allé, il y a quelque temps, au théâtre et étant placé aux fauteuils d'orchestre au neuvième rang, je crois, j'eus soudain l’impression d’être, non pas dans un théâtre, mais dans une volière. Autour de moi ce n’était que plumes d'oiseaux ornant les chapeaux des spectatrices, flottant dans l'air, droites, recourbées, hautes ou larges, faisant panache.

Et la réflexion que toutes ces plumes m'inspiraient ne fut pas, comme vous pourriez le croire, une pensée de révolte contre les chapeaux de femme au théâtre, mais un étonnement presque douloureux en pensant au grand nombre de gracieux volatiles que la coquetterie féminine forçait à tuer.

En effet, le commerce des plumes d'oiseaux a pris depuis quelque temps une extension considérable. Toutes ces dames tiennent à avoir, surmontant leur coiffure, une petite dépouille de Geai d'Hirondelle. Et, pour que nul n’en ignore, certaines ne se contentent pas de l'aile; elles veulent l’oiseau tout entier qu’elles disposent élégamment, l'œil fixe et le bec menaçant, entre les rubans et les fleurs.

Pour subvenir à cette production de jour en jour plus tyrannique, des chasses s'organisent dans toutes les Colo- nies, et des pays d'Orient nous viennent les oiseaux mer- veilleux aux robes éclatantes. |

Il en est de fort précieux, donc de fort chers ; ilen est de race plus commune, donc accessibles à toutes les bourses. Mais qu'ils soient rares non, le massacre n'en est pas moins ordonné sur une très grande échelle. |

Un récent document de statistique nous apprenait qu’à Londres, voici de cela deux ans, un marchand avait relevé en un seul envoi, 32,000 Oiseaux-Mouches, 80,000 oiseaux aquatiques, 809,099 paires d'ailes. N'est-ce pas formidable ?

En France, pour subvenir aux besoins de la mode, les correspondants de Long-Island expédièrent aux modistes

*

LES PARURES CRUELLES 137

parisiennes 40,000 Hirondelles de mer en une seule saison. N'est-il pas temps de mettre un terme à cette rage de des- truction qui menace de faire bientôt totalement disparaître les oiseaux, ces fleurs du ciel, fleurs animées, fleurs chan- tantes ?

Le bienfait serait double, car en dehors de la joie esthétique que nous éprouverions à ne pas priver la nature d'un de ses ornements les plus précieux, nous ferions du même coup cesser des coutumes barbares.

Les oiseaux rares, dont sont vendues très cher les ailes ou les aigrettes, ne sont généralement pas tués d’un coup de fusil. Le plomb est brutal, il risque de détériorer la matchandise. Aussi a-t-on imaginé des moyens plus pra- tiques.

Pratiques, c’est impossible, mais d’une cruauté vrai- ment exagérée.

Savez-vous par quel procédé on obtient chez les petits oiseaux qu’on pose sur les coiffures entièrement empaillées, entre autres chez les Colibris aux multiples couleurs, la beauté de la plum”? Savez-vous pourquoi cette plume demeure toujours bien fournie et frissonne comme si elle était vivante ?

C’est qu’en effet, malgré la mort, il lui reste un sem- blant de vie, qu’on a essayé de lui conserver en évitant de tuer l'oiseau tout de suite, et en l’écorchant vif !

Il paraît qu’ainsi les plumes adhèrent plus fortement à la peau, et que la marchandise expédiée est meilleure, étant plus durable. |

Ecorcher vif un oiseau, quelle horreur !

Le procédé s'emploie en Amérique, et c’est bien qu'il devait naître, en ce pays couramment on scalpe.

Scalper, c’est enlever la chevelure. Mais ce scalpe du Colibri, c’est toute la peau arrachée, le corps de l’infor- tunée bestiole apparaissant sanglant et misérable... Je vois,

15— Septembre 1906.

138 LE NATURALISTE CANADIEN

au cas la mort bienfaitrice ne serait pas surveñue ati cours de l'opération, se sauver sur ses deux pattes titubantes cette pauvre loque rouge !

Vous ignorez ce détail, mesdaines. Puisse le spec- tacle que j’'évoque, vous détourner de donner suite à ces coquetteries cruelles !

Je veux également parler du Héron qui fournit à nos jolies mondaïnes les aigrettes si recherchées. La pauvre bête, à l'heure du massacre, n'a même pas le pouvoir. moral de se défendre.

. +

Le Héron (je parle d’une certaine espèce qui se plaît en Océanie) n'a pas la tête perpétuellement ornée de cette aigrette, Ilne la porte que pendant la saison nuptiale, durant les jours ces oiseaux perpétuent leur race et survetllent leur nid. l

À cette époque l'usage veut que l'on respecte les oiseaux de toute sorte. ‘Il y a un intérêt à cela: Ja perpé- tuité de l'espèce. C’est la raison qui fait condamner les braconniers, lesquels non contents de prendre les perdreaux au collet, en détruisent bêtement les œufs.

Mais alléchés par l'espoir d'une proie précieuse, les chasseurs de: Hérons profitent au contraire de ce que parle au cœur de ces oiseaux l'instinctif sentiment paternel, pour les troubler dans leur œuvre de création.

Is guettent les nids : aussitôt qu'ils en ont découvert, ils escaladent l’arbre, et trouvent devant eux le ménage héron occupé à nourrir leurs petits.

Impossible de les soustraire au péril, car les oiselets ne savent pas encore voler. Les parents les défendront, Ils font face à l’enniemi qui n’a pas de peine à s’en rendre maître, à les tuer au seuil de la maison qu’ils gardent.

Les enfants? On ne s'en occupe plus Qu'importe, puisque l'on a l’aigrette convoitée ?

_ “Et trop jeunes pour se suffire, les petits Hérons récla- went pendant de longues heures la nourriture coutumière ;

REVIVISCENCE DU ‘GORDIUS AQUATICUS ? 139

des cris plaintifs traversent l'air, s’affaiblissent, cessent...

Tout est fini. Ils sont morts de faim !

Saviez-vous cela, mesdames, que chaque aigrette dressée férocement sur le chapeau qui contribue à votre beauté, a causé le supplice de toute une couvée ?

Et que chaque année, pour votre plaisir, on écorche vifs des ‘‘ centaines de mille de Colibris ?

Ne pensez-vous pas que les fleurs suffiraient pour faire de vous les plus belles ?

FRIQUET.

Re CR

REVIVISCENCE DU “GORDIUS AQUATICUS ET DE L'ANGUILLULE DU BLÉ NIELLÉ (x)

(Du Cosmos, 25 avril.)

Dans un article du Cosmos (1er novembre 1902), J'ai eu l’occasion de signaler un animalcule dont le moindre défaut est d’être réfractaire à toute pose photographique. Je n'aurais pas à y revenir, n’était que le même sujet par moi ‘‘ pêché (je ne dis pas découvert) dans une petite ri- vière de Normandie vient d’être l’objet des plus curieuses observations de la part de plusieurs naturalistes canadiens. Toutefois, malgré l’intérêt considérable que présentent ces observations, je tiens à écarter le nom de Dragonneau par

(1) Nous croyons devoir reproduire cet article M. Emile Maison, l'un des distingués collaborateurs du €257105, fait si agréablement écho au travail que nous avons publié, en 1905, sur le Go’dius aqguaticus (N. C., XXXII, pp. 117-seq.)

M. Maison fait un peu chicane aux naturalistes canadiens, parce qu'ils désignent ce Gordius sous le nom de ‘‘ Dragonneau.’' Nous vou- lons bien croire que nous avons tort de lui donner cette dénomination. Mais, du moins, nous sommes en compagnie passable dans notre erreur, puisque nous trouvons cette désignation jusque dans le Vouveau Dic- lionnaire des Sciences, publié en r9o2 (chez Delagrave, Paris), par Edmond Perrier, etc.—Note du Vafuralisle canadien.

[40 LE NATURALISTE CANADIEN

eux donné au Gordius aguaticus. Le Dragonneau appar- tient exclusivement à la filaire de Médine (Gemlin, 1789) que, dès 1690, Lister décrivait sous le nom de /racunculus, peu ou prou emprunté du grec.

Certains autres contemporains, parmi lesquels Cuvier, se sont au contraire obstinés à penser que la /7/aria medi- nensis n'était pas différente des Gordius ; et c’est ce qui explique l’erreur d'appellation ont été entraînés nos distingués confrères des bords du Saint-Laurent et de l’Ot- tawa. Aucun doute en effet dans leur esprit, quant à lPes- pèce, puisqu'ils spécifient bien le Gordins aquaticus, tout en lui maintenant le surnom de Dragonneau, par une sorte d’accoutumance classique ou atavique.

Rappelons en deux miots, pour ceux qui n'auraient pas lu notre premier article, que le Gordius est un genre de ver ‘créé? par Linné pour caractériser une VamÉenEnt famille des nématoïdes ; :ver filiforme, très long, très grêle, téguments élastiques, résistants. Les embryons ont une bouche, un intestin, un eloaque. Munis d'un perforateur trifide, ils s’'enkystent dans les larves de certains éphémères. Les coléoptères et autres insectes aquatiques, les crustacés et certains arachnides avalent ces larves, et les jeunes Gor- dius se développent dans leur cavité viscérale.

D'après Villot, les embryons peuvent devenir libres dans lPintestin des poissons, puis s'enkyster une seconde fois dans la muqueuse. La métamorphose à toujours lieu en hiver; au printemps, les jeunes Gordius quittent leurs kystes et arrivent dans l’eau avec les fèces de leurs hôtes. La reproduction a lieu en été. ‘“ Vit en Europe dans les eaux stagnantes et à faible courant ; disons plutôt de fai- ble tirant, quoique la nautique n’ait rien à voir ici.

Au Canada comime en Normandie, les paysans sont persuadés que les Gordius sont des crins de jument qui re- muent dans l’eau. Il est vraisemblable, nous dit M. Paul Sébillot, l’auteur du folk-lore de France, que la superstition

REVIVISCENCE DU “GORDIUS AQUATICUS 141

l'après laquelle des poils ou des cheveux peuvent produire des reptiles est basée sur ue analogie d'aspect entre des petits serpents très déliés et des crins auxquels l’eau com- munique une sorte de mouvement. En Poitou, les cheveux mis dans l’eau, même abandonnés à l'air libre, se méta- morphosent en reptiles. Une vieille sorcière de ce pays vait infesté de serpents le champ d’un voisin en venant s’y peigner chaque jour..... Ne dit-on pas ailleurs que la ma- tière s’est créée toute seule ?

Revenons au Canada, le Gordius noûs réclame. Comme chez nous, la longueur ordinaire de cet animalcule est d'environ une douzaine de pouces (le système métrique n'ayant pas encore été adopté par le Dominion). Cepen- dant, l'abbé Provancher en reçut un spécimen en 1878, du district de Saint-Hyacinthe, prevince de Québec, qui était long de 20 pouces, soit près de deux pieds. Et maintenant laissons parier le professeur E.-E. Prince, commissaire des Pêcheries du Canada, dans la livraison d'octobre 1905 de l'Ottawa Naturalrst.

* [l'est démontré, dit-il, que ces êtres, même tfetirés de l’eau et desséchés, peuvent rester en vie. On a mis en doute l’histoire, d’une saveur un peu antique, de ce Dra- vonneau que Pabbé Fontana conserva dans un tiroir durant trois années et qui, séché et durci, ne donnait plus signe de vie; mais, ayant été remis dans l’eau, il retrouva très vite sa vigueur et son activité de jadis. Eh bien, l'autorité du distingué professeur Alexander MacAlister est venue confirmer la véracité de ce récit lécendaite. “Les Dragon: neaux, dit-il, sont remarquables par la persistance de leur vie ; ils peuvent en effet se dessécher, au point de n'être ‘plus qu’à l’état de fils raides et fragiles, et reprendre pour- “tant, au contact de l’eau, toute leut activité.” Certain au- teur, dont je ne me rappelle pas le nom, ajoute M. Prince, parle d’un directeur de musée qui vit un Dragonneau sortir

1427 LE NATURATLISTE CANADIEN

du corps d’un coléoptère qui depuis longtemps était mort, desséché et placé dans une case de collection.”

De son côté, dans le premier volume du MVaturahste canadien, imprimé à Québec, l'abbé Provancher raconte cecit

(M. Maison reproduit ici le récit de l'abbé Provancher, cité dans le NACRE p'ATO et Conte .:)

L'abbé Provancher eut donc l’envie d'étudier les Goy- dius à l’état larvaire, s'enkystant dans le corps des petits mollusques, des grenouilles, des poissons, au moyen d’une tête couronnée d'épines en crochets, tandis que leurs petits corps sont très mous. Maïs il y a aussi, suivant M. Prince, des Gordius qui, sous une autre forme larvaire, plus allongée et sans crochets à la tête, s’introduisent dans le corps des gros insectes, des araignées, de certains poissons et amphi- bies, et circulent à travers les orgaues intérieurs de leurs hôtes. Enfin, au bout de cinq ou six mois de cette vie pa- rasitaire, la larve passe à l’état adulte en prenant la forme dufameux ‘Ecrin de cheval:

Ici, une observation personnelle. Les adultes du Cana- da revêtent la couleur noire; en France, au contraire, als sont d’un rouge très vif, comme les vers de vase dont se servent les pêcheurs de la Seine pour taquiner le goujon. En remontant le cours de la Bièvre jusqu'au-dessous du village de Bouviers, peut-être aurait-on quelque chance de trouver le Gordius ; dans la zone parisienne, non, la Bièvre étant une gadoue. En tout cas, les zoologistes qui vou- draient se livrer à des expériences de reviviscence pourront s'en procurer dans toutes les petites rivières de Norman- die. Veut-on que je précise mieux? Eh bien, qu’ils explo- rent l’ancienne Béthune, aujourd’hui la Varenne, en s’a- dressant de ma part au moulin de Biville, commune de Saint-Germain-d'Etables, à une lieue d’Arques-la-Bataille.

Bacon a dit excellemment : ‘“ Un peu de science éloi- gne de Dieu, beaucoup de science y ramène” ; moyennant,

REVIVISCENCE DU GORDIUS AQUATICUS 143

peut-on ajouter, que le chercheur puise cette science dans le livre de la nature et non dans les ouvrages de pure imé- taphysique. C’est ce qu'on fait l'abbé “Prov ancher, M. Prince et quelques autres estimables savants canadiens.

Un point d’interrogation, à présent, auquel ils ont déjà répondu. Quand des Gerdius sont animés de l'esprit d'aventure, qu ils désirent voir du pays, comment s'y pren- uent-ils pour passer d’un ruisseau à un autre? Très ingé- nieusement, ma foi. Ils pénètrent à l’intérieur des saute- relles qu des grands coléoptères aquatiques et s’y allongent de leur mieux, pour en sortir lorsque le véhicule est par-

venu à destination. D’autres individis moins frileux s’en- Ale tout simplement autour de l akdomen, par-dessous les ailes de l’insecte, et fouette cocher ! Cette dernière mé- thode est év idemment d'une exécution moins hasardeuse.

Quant au fait de la reviviscence du Gordius, dans son numéro de novembre 1905, notre confrère du AVa/wraliste canadien, M. l'abbé Huard, conclut ainsi: ‘“ Pour nous, voulant apporter à la science, en cette petite matière, notre petite contribution, nous dirons qu’au mois d'août 1904, nous reçûmes un Dragonneau vivant, long d’une douzaine de pouces et venant de Saint- Eleuthère (Kamouraska). Nous l’avons placé au musée de F Instruction publique, et les visiteurs prenaient grand intérêt à le voir s ’enrouler et se dérouler constamment dans son petit flacon rempli d’eau. En septembre ou octobre il cessa tout mouvement, et il est ainsi resté plus d’un an dans le même état. L'eau du flacon n’a pas été changée depuis cette époque ; elle est encore limpide et l'animal lui-même ne présente aucun si- one de corruption. (1) Nous regardons donc comme possible qu'il soit encore vivant. L'avenir qui garde tant de secrets nous renseionera peut-être sur celui-là.”

Le fait de la reviviscence du Gordius est d'autant plus acceptable en principe que, dans la famille des néma- todes, l’anguillule dite du blé niellé joue le même rôle d’une façon péremptoirement démontrée par une série d’ob: servations d'ordre en quelque sorte rustique ; d’où son sur- nom, cat elle cause de sérieux ravages dans les graines de

() En septembre 1906, ies choses sont encore dans le même état. L'eau Gu flacon est toujours limpide, et l’animalcule ne donne aucun

signe de décomposition. Nous piquant au jeu, nous voulons poursuivre l'expérience jusqu'au bout, quand il y faudrait des siècles... V. C.

144 LE NATURALISTE CANADIEN

blé encore vert et y occasionne la maladie bien conne sous le nom de yze//e. Chaque grain est un nid de larves d'anguilulides.

Aussitôt qu’ils tombent, observe M. Raphaël Blan- chard, les grains attaqués de la sorte se ramollissent si la terre est humide, et commencent à se putréfier; en même temps les larves reviennent à la vie et commencent à grim- ger le long de la tige de blé. Sont-elles saisies en route par la sécheresse, elles tombent de nouveau en vie latente et demeurent en cet état cachées dans la gaîne des “feuilles jusqu’à ce que la pluie vienne derechef les faire ressusciter. Finalement ces larves atteignent l’épi, pénètrent dans son épaisseur et deviennent adultes pendant qu'il fleurit et mûrit. Bientôt après, les anguillules s’accoupient, puis meurent après avoir pondu des œufs. De ceux-ci sortent des embryons qui parcourent à leur tour le cycle. Les lar- ves de l’anguillule du blé niellé peuvent rester de longues années en vie latente. ..

M. Raphaël Blanchard mentionne ensuite quelques cas de reviviscence, dont un au bout de vingt-sept ans. I cite également l’expérience de Davaine faisant revivre, après un séjour de trois heures dans l’eau tiède, des anguil- lules sèches depuis trois ans et soumises au vide absolu pendant cinq jours.

Foutes ces observations sont extrêmement curieuses et elles méritent de retenir l'attention du philosophe autant que celle du naturaliste par détermination professionnelle : car si les êtres les plus bas placés dans l’échelle animale peuvent ainsi revivre, pourquoi l'être humain dispataitrait- il tout entier, une fois emporté par la mort? Donc mort apparente, puisque tout revit! d’où, chez les hommes, à quelque religion qu'ils appartiennent, la certitude d’une Âme immortelle. Que s’ii y a des doutes dans l'esprit de quelques-uns, ces doutes valent des certitudes. Il n’est pas besoin d’être grand élève en philosophie pour opiner en ce sens et constater en inême temps que l’homme s’ingénie parfois à tourner le dos à la lumière; de sa part, simple préjugé pseudo-scientifique. Le transformisme dont il se réclame n’en a pas fait encore un être de raison: ce sera pour plus tard, dans la suite des siècles.

EMILE MAISON.

"BE

NATURALISTE CANADIEN

Québec, Octobre 1906

VOL. XXXIII (VOL. XII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 10

Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard

PÊCHE ET RENDEMENT DE LA BALEINE DEPUIS LE XVile SIÈCLE

Grâce à un canard gigantesque expédié de Terre- Neuve, via New-Vork, en septembre, la Baleine a fait beaucoup parler d’elle en ces temps derniers. A en croire ce pseudo-messager sous-marin, un certain professeur du nom de Muller, en villégiature à Saint-John ou aux envi- rons, aurait capturé cinquante Baleines femelles, qu’il au- rait domestiquées ; elles se laisseraient traire avec autant de bonne grâce que les hôtesses indolentes des pâturages normands. Le lait de ces Baleines, recueilli à l’aide d'un appareil spécial, posséderait des vertus curatives auprès desquelles pâlirait l’huile de foie de morue.

N'insistons pas sur la valeur de ce produit pharma: ceutique ; énonçons simplement ceci que, vu rareté du cétacé en question, qui est la Baleine franche et non un mammifère quelconque du même ordre, quant à la classifi- cation de l’espèce, la capture d’une cinquantaine d’exem- plaires (du même sexe) exigerait plusieurs années, même en y employant de nombreux équipages baleinïers ; puis il faudrait nourrir les captives dans des endroits de quelque

19— Octobre 1906.

146 LE NATURALISTE CANADIEN

profondeur et les ramener à soi suivant les besoins de cette nouvelle industrie laitière. |

Encore un coup, ce canard d'Amérique est d’une en- vergure à défier la Baleine de la mer indienne dont parle Pline, longüe de plus de 900 pieds, cependant moins extra- vagante que celle des AZ7/le et une nuits, recueil de contes écrits, on le sait, d'après des légendes et des manuscrits arabes fort anciens.

Sindhbad le Marin aborde quelque part: Un jour que nous étions à la voile, le calme nous prit vis-à-vis une petite île. Le capitaine fit plier les voiles et permit de descendre aux personnes qui le voulurent. Je fus du nombre de ceux qui débarquèrent. Mais dans le temps que nous nous divertissions à boire et à manger, l’île trem- bla tout à coup et nous donna une rude secousse.. “C'était une Baleine.”

On voit que les Marseillais n’ont pas eu à se creuser la tête pour inventer l'histoire de la Sardine obstruant le port de la Joliette. Mais laissons tous ces contes à dormir debout, pour amusants qu’ils soient, et voyons Îles Baleines d’un peu plus près, même chez nous; car il fut un temps, non trop éloigné encore, où, au témoignage de Frédéric Martens (1), les Français en mangeaient, ‘tous les jours,” aussi bien ceux de l’intérieur que du. littoral. Cependant, dit-il, la chair de Fa Baleine est coriace et gros- sière,

(1) Emibärqué comme chirurgien, Îe 15 avril 1671, à bord du trois- mâts du port de Hambourg baptisé sous le nom bizarre de /onas-dans-la Baleine et commandé par Pierre Peterson, de Friseland, Martens nous a laissé une curieuse relation de ses Foyages au Nord. Noir aussi le Journal d'un baleinier, par ÉIERCELIN (1866), et Les monstres sous- marins, par ARMAND LANDRIN (1889), mais après avoir lu d’abord le bel ouvrage de M. Estancelin, publié en 1832, sous le titre de: Wecherches sur les voyages et découvertes des navigateurs normands, suivies d’obser- vations sw la marine et les établissements coloniaux des Français. 11 me plaît toujours de rendre hommage à cet écrivain sagace et érudit, dont le nom est un peu trop oublié, même de ses compatriotes de la Ncrmandie;

LA CHASSE À LA BALEINE 14?

Il paraît que les Anglais, comme les Français, ne par- tageaient point le mépris du voyageur hambourgeoïis pour cette viande de boucherie aquatique. Ce fut longtemps, en effet, un mets royal en Angleterre, à telle enseigne que, vers le milieu du XIIIe siècle, un des successeurs imimé:- diats de Guillaume le Conquérant, Henri III, invitait les shérifs de Londres à fournir à sa table cent pièces de Baleines. Celles qui étaient capturées dans la Tamise ap- partenaient de droit au lord-maire, qui les faisait servir dans les festins municipaux.

Grands amateurs de victuailles, les Normands ser: vaient les quartiers de Baleines bouillis avec des pois : d’autres fois, nous apprend le Dr ‘Tiercelin, ils mélan: geaient cette viande à du porc salé pour en confectionner de ces énormes boulettes qui font les délices des balei- miers. |

Chacun d'eux, jusqu’au mousse, plaçait une üe ces boulettes, bien saupoudrée de farine et assaisonnée d'ail et de poivre, dans un filet de bitord, et, l’attachant au bout d’un manche de harpon, la plongeait dans l'huile bouil- lante pour la faire frire. Après quelques minutes, la cuis: son était complète ; les boulettes sortaient bien: rissolées et constitnaient alors un plat .de hachis dont la couleur provoquait l'appétit, dont l’odeur chatouillait l'estomac, dont la saveur âcre et mordante flattait le palais de nos marins, comimne aurait pu le faire une friture de sole ou un rôti de vencison.” Festin de Balthazar.

À Londres, à présent, faute de Baleines, on se contente d’une soupe à la Tortue, et c’est encore un mets quasi royal.

Au temps de;François Ier, l’on chassait dans le voife de Gascogne la Palæna biscayensis, seule la difficul- du transport de ces monstres marins sur le marché inté- rieur présentait un aléa, du moins sous le rapport comes- tible. Néanmoins, comme on les traquait de tous côtés, leur exode commença bientôt vers les parages de l'Écosces

148 LE NATURALISTE CANADIEN

pe CAC . * "4 e pour reculer encore, et déjà, voici à peine un siècle, elles ne franchissaient plus la hauteur de lIslande. Nous par- lons ici des Baleines boréales.

On la détruisait alors par milliers. Aïnsi, en 1697, on en prit 1957 ; de 1719 à 1778, 69086 ; de 1784 à 1840, les Groenlendais en prirent 858; de 1827 à 1830, les Anglais, 3391 ; de 1847 à 1851, on en a tué6; de 1852 à 1854, au- cune ; de 1855 à 1856, 3; en 1857, on n’en vit même pas ; en 1858, on en captura 4. La capture d’une seule Baleine franche rapportait jusqu’à 70,000 francs. Avec les fanons de la Baleine, suffisamment atmineis, on garnit les corsets, robes, parapluies communs, etc. Unique pour la prépara- tion de certains tissus, l'huile que donne la fusion de la graisse sert en outre à l'éclairage, au corroyage.

Phoques et Marsouins sont également condamnés à disparaître ; car c’est une grave erreur de s’imaginer que Pocéan est un réservoir inépuisable. Au regard du moins des espèces mammifères, l'erreur est manifeste, comme le prouvent les chiffres ci-dessus, et étant donnés les moyens de destruction dont disposent aujourd'hui chasseurs et pêcheurs, avec cette circonstance aggravante qu’on ne laisse même pas aux monstres marins le temps de croître et de multiplier. C’est la ruine d’un métier qui faisait des hommes, et d’une industrie que les chimistes ne remplace- ront pas.

Cependant, de terips à autre, quelques individus échouent sur nos côtes ou sur nos plages, mais ce sont des isolés. Le 29 juillet 1874, un jeune individu mâle de l’es- pèce boréale, Iong de 8 mètres, fut jeté à la zôte dans les parages de Biarritz ; son squelette figure au musée de Tou- louse. Le 6 janvier 1877, une grande Baleine de l'espèce stbbaldr a été recueillie près des Sables-d'Olonne (Vendée). Longue de 15 mètres, sa circonférence approximative était de 14 mètres ; un monstre ! Enfin, en 1886, plusieurs Ba-

LA CHASSE À LA BALEINE 149

leines »usculus ont échoué sur les côtes de Provence. Ce furent les dernières que l’on vit sur nos côtes.

A Betsiamis, au Labrador, un portique assez curieux décore l'entrée de l’ancien presbytère de la mission ; 1l est fait de deux côtes de Baleine, longues de 22 pieds et réu- unies par l’une de leurs extrémités de façon à former ogive. Tout auprès sont des vertèbres de Baleine disposées comme des fauteuils, qu’elles imitent assez bien.

Ceci est extrait d'un fort intéressant ouvrage intitulé Labrador et Antirosti et à la plume de l'abbé V.-A. Huard, supérieur du Séminaire de Chicoutimi et directeur du Vaturaliste canadien (Montréal, 1897). M. l'abbé Huard a visité en missionnaire toute cette région voisine de Terre- Neuve, vivant parmi les pêcheurs et se familiarisant avec les choses de la pêche, sur lesquelles il nous fournit des documents de première main. Or, c'est seulement à Bet- siamis qu'apparaît la Baleine, et l’on a vu comment. C'est pourquoi il nous semble bien que la Baleine a fait son temps là-bas comme ailleurs.

(Cosmos, 30 déc. 1905.) ÉMILE MAISON.

Nos lecteurs auront lu avec plaisir l'agréable et ins- tructif article qui précède, et qui est du même écrivain que l’article reproduit ici, le mois dernier, sur le Gordius aqua- dcus. M. Maison nous avait bienveillamment signalé et même communiqué, au mois de janvier dernier, ce travail sur la pêche de la Baleine. Dès lors, nous voulions, au nom des cétacés de ce côté de l'Atlantique, dire au spiri- tuel collaborateur du Cosmos qu'il n’a pas tant raison que cela de verser des larmes sur le trépas de la dernière Ba- leine d'Amérique, et qu’il pourra même,—au cours de son futur voyage du Canada, lorsqu'il sera tanné de prendre des Ouananiches, des Truites et des Achigans,—goûter aux

150 LE NATURAIISTE CANADIEN

émotions de la chasse aux Baleines en plein fleuve Saint- Laurent. Mais, l'hiver dernier, les documents nous man- quaient pour appuyer nos affirmations; et, sachant bien que la saison prochaine nous les fouruirait, nous avons pré- féré attendre jusqu’à l'époque nous sommes pour éclai- rer la religion de M. Maison sur le chapitre des Baleines.

Disposons d’abord du fait que M. Maison tire argu- inent, pour démontrer la disparition de la Baleine de nos eaux du Canada, de ce que dans notre Zabrador et Antr- costi —dont il parle si aimablement,—nous n'avons fait inention de ces cétacés que pour décrire le curieux por- tique du presbytère de Betsiamis, fait de deux côtes de Ba- leine formant ogive. Mais il ne faut rien conclure de cette sorte de ce que nous avons dit, ou plutôt du silence que nous avons gardé sur la chasse à la Baleine. Car, 1 uous n'avons rien dit de cette chasse, c'est qu'on ne la fai- sait pas, à cette époque, sur la côte du Labrador canadien. Car on peut croire que, après nous être arrêté si longtemps et si fréquemment, dans l'ouvrage susdit, sur la pêche du Hareng, de la Morue, et autres poissons peu volumineux, si nous avions eu aussi des Baleines à nous mettre sous la dent, nous ne les aurions pas oubliées dans un coin de notre portefeuille.

Donc en 1895, année de notre expédition au Labrador, il n’était pas question de chasse à la Baleine, ni de plu- sieurs autres choses que l’on y a vues depuis. Ce pauvre hameau des Sept-Isles, que nous trouvions si chétif, 1l est voisin aujourd’hui d'une usine qui coûte des millions ! I] entend le bruit des locomotives! Bien plus, il est devenu la résidence d’un évêque (vicaire apostolique du Labrador) ! —Mais aussi, et voici qui tombe en notre sujet : une com- pagnie industrielle formée depuis une couple d'années, la Quebec Steam Whaling Co.”, a établi dans la baie des Sept-Isles une station de chasse à la Baleine: ce qui, tout de suite, donne à penser qu'il y a encore des Baleines là-bas.

LA CHASSE À LA BALEFINE 151

D'après des renseignements donnés par les Journaux, cette Compagnie, composée de Canadiens-Français et d’'An- glais (l'entente cordiale, encore !), est organisée sur un pied considérable. KHlle emploie 75 hommes. Elle a bâti un quai long de 500 pieds, et des réservoirs d’une conte- nance de 100,000 gallons d'huile. Enfin son installation aurait coûté déjà $130,000.00, c’est-à-dire plus de 650,000 francs, |

On capture les Baleines dans un rayon d’une vingtai- ne de milles, autour des Sept-Isles.

En 1905, on dépeça 66 Baleines, au cours de la saison. Cette année, durant les seuls mois de juin et juillet, on a pris 47 spécimens. D’après des nouvelles récentes, vers la mi-septembre on avait atteint le nombre de 71 captures, la dernière étant une Baleine de 80 pieds de longueur.

Comime plusieurs membres de la Station de Biologie maritime du Canada ont visiter, cet été, la station des Sept-Isles, nous espérons pouvoir connaître bientôt quelles espèces de cétacés l’on capture ainsi dans ces parages du fleuve Saint-Laurent.

Il paraît que les marchés la Compagnie dispose des produits de son industrie sont les-provinces d’Ontario et du Nouveau-Brunswick, la France et l’Ecosse.

Passons maintenant à la colonie de Terre-Neuve. Dans un récent article d'un journal québecquois sur la chasse à la Baleine, on lit que, en ces dernières années, on a capturé annuellement de 1000 à 1200 Baleines dans les eaux qui entourent la grande île. Il faut dire aussi que les entreprenants T'erre-Neuviens sont supérieurement outil- lés non seulement pour la poursuite des cétacés, maïs aussi pour l’utilisation de toutes les parties de la Baleine. Etil paraît que l’industrie baleinière, pratiquée en de telles con- ditions, est extrêmement lucrative.—Tant pis, alors, au point de vue de l’histoire naturelle. Plus en effet cette in- dustrie donnera de profits, plus on l’exploitera, et plus tôt

152 LE NATURALISTE CANADIEN

l’on en aura fini avec les gros cétacés, l’ornement des océans ! Maïs, on peut croire que les industriels ne vont pas renoncer à tirer des Baleines tous les profits qu'ils pourront, afin de laisser aux naturalistes de l'avenir le ‘plaisir de contempler des monstres marins de cent pieds !

En tout cas, nous croyons que notre estimable ami de Paris sera charmé d’apprendre qu’il y a encore des Baleines dans les eaux canadiennes, et qu’il ne différera pas trop le voyage qu’il projette de faire en Amérique, pour ne pas laisser le temps aux gens des Sept-Isles et de Terre-Neuve d’exterminer tous nos cétacés.

TT GLANURES D'HISTOIRE NATURELLE

LE PLUS VIEIL HABITANT DE LA TERRE

Ï1 vient de mourir! C'était Drake, la fameuse vieille Tortue du Jardin zoologique de Londres. Il s'agit de cen- taines d'années ! La Tortue fut capturée dans les îles Ga- lapagos, vers la fin du XVIIIe siècle. On estima alors son âge à une couple de siècles, d’après une date écrite au couteau sur sa carapace, l’on voyait encore le nombre 16, les autres chiffres à droite étant effacés. On conclut de qu’elle avait être capturée d’abord au XVIIe siècle par les pirates anglais ou français qui, à cette époque, disputaient aux galions espagnols le passage de Mexico aux Philippines et avaient fait des îles Galapagos leur lieu de rendez-vous. Un de ces flibustiers, en veine de plai- santerie ou de zèle scientifique, aura inscrit la date de la capture sur le dos de l’animal et remis celui-ci en liberté. Drake, le fameux Sir Francis Drake, ayant été le chef de ces pirates, on donna son nom à la Tortue. Klle fut em- portée en Angleterre en 1821. Après avoir changé plu-

GLANURES SCIENTIFIQUES 153

sieurs fois de propriétaire, elle finit par trouver un refuge confortable pour son vieil âge dans les jardins du Xegexls Park. Sion ajoute foi à cette histoire et si on tient compte du fait que le reptile, lors de sa première capture, avait au moins cinquante ans, le temps requis pour at- teindre l’âge adulte, on voit qu’il a vécu au delà de trois siècles ! Sa mort a été une surprise pour les employés du Jardin zoologique. Ils étaient accoutumés à le voir abso- lument immobile pendant de longues périodes, ne remuant même pas les yeux. Il y aura dans la biographie de ‘“ Drake ?” une sérieuse lacune : c'est qu’on ne poufra indi- quer la date précise ni de sa naissance, ni de sa mort ; car lorsqu'on s’aperçut du fait, elle était probablement morte depuis plusieurs jours. ,Szc éransit gloria mundi

LES BIJOUX VIVANTS

Il y a quelques années, le Caméléon vivant était le bijou favori des grandes dames et des belles demoiselles de New-York, dont aucune, soit sur la rue, soit en voituie en char, n'aurait voulu paraître sans le petit reptile multi- colore aux yeux brillants, retenu, par une chaînette d'or pas- sée autour de son cou et dont l’autre extrémité, au moyen d’une épingle à diamant, se fixait au sein de la propriétaire, Un instant, on put croire que le Caméléon serait aussi le favori des messieurs, du moins des messieurs chaüves, dont il était chargé de défendre l’occiput désert contre les atta- ques des mouches. De cette tâche il s’acquittait à mer- veille. D'un coup de langue infaillible, il happait l’in- truse à tout coup. Maïs dans son élan m’avait-il pas l’indé- licatesse d’enfoncer ses griffes dans le cuir chevelü—ou ex- chevelu—de son maître ? A cela point de remède. Il fal- lut y renoncer.

Le gros coléoptère appelé pinch-bug” fut quelque

temps en faveur auprès de ces dames, Noir et brillant 20— Octobre 1906,

154 LE NATURALISTE CANADIEN

comme du cuir verni, il faisait assez bonne figure. Mais enchaîné, il mourait du tétanos. Il n'eut qu’un règne éphémère.

Le diminutif chimpanzé vint à son tour disputer au petit chien les faveurs de mesdames. A son tour il passa.

Aujourd’hui ce sont les puces qui font fureur à New- Vork ! Elles ont envahi l’avenue Riverside, se trouvent les résidences les plus chic de Gotham. (Cela ranime les ‘“ sangs bleus”; et on se demande si la nouvelle fantaisie, accréditée dans la haute gomme, ne se répandra pas géné- ralement dans toutes les grandes villes de la Nouvelle- Angleterre.

ETRANGE SAURIEN FOSSILE,

Une découverte paléontologique du plus grand inté- rêt a été faite récemment, à Peterborough, Angleterre, dans une excavation de briqueterie. En coupant dans l’ar- gile dure, à une profondeur de 60 pieds, les travailleurs mirent à découvert les restes d'un des sauriens les plus re- marquables dont on ait encore signalé l'existence. Le squelette est celui d’un reptile qui mesurait 14 pieds de longueur. La queue était longue de trois pieds. Le corps, semblable à celui du Crocodile, devait être épineux. Dé- pourvu de pieds, l’animal était muni de pattes-nageoires (fippars), dont on trouva des centaines de petits os. Mal- heureusement, la tête manquait ; ce qui va rendre l'identi- fication fort difficile. Tous les experts qui ont examiné cette trouvaille ne savent qu’en dire. Un Crocodile avec des membres-nageoires, voilà qui est étrange. En tout cas, s’il s’agit d’une espèce d’Ichthyosaure, elle est entièrement différente de toutes les espèces déjà connues.

LAPINS D'AUSTRALIE

Depuis un bon nombre d'années, les Lapins en Aus-

GLANURES SCIENTIFIQUES 155

tralie sont un des plus grands fléaux des agriculteurs. Mais ils semblent maintenant être une source de revenus et l’objet d’une florissante industrie. On estime que lex- portation du Lapin rapperte annuellement à l’Australie une dizaine de millions. Et l’industrie se développe rapi- dement. Le revenu ne fera qu'augmenter.

Comment le Lapin a-t-l été rendu profitable ? Les car- casses, en chambre froide (cold storage), sont expédiées en Angleterre et dans l’Extrème-Orient à Vokohama et Hong: Kong. Des milliers de caisses à Jour en sont journelle- ment expédiées. Mais ceci ne représente qu’une fraction du profit La chair de l’animal mise en conserve rapporte aussi beaucoup. Toutefois, ce sont les peaux qui rappor- tent le plus. Chaque semaine, 150 tonnes de peaux sont vendues à Sydnev, et 100 tonnes à Melbourne. Les prix ont déjà monté de 50 pour cent depuis janvier dernier. Cette dernière industrie est devenue tellement profitable que nombre de chasseurs négligent entièrement les car- casses et ne retiennent que les peaux.

Au reste, le Lapin australien ne peut plus être comme autrefois un objet de si grande terreur. Autrefois c'était un fléau sans profit, et un fléau dont 1l était impossible d’enrayer la prodigieuse multiplication. Aujourd’hui, non seulement on en retire un immense revenu, inais on peut encore le détruire si on y tient. Tous les procédés employ- és pour faire disparaître ces animaux si nuisibles étaient jusqu'à présent demeufés sans effet. Mais on vient d’in- venter une petite chaudière à vapeut pouvant se transpor- ter aisément au milieu des champs. Des tuyaux, partant de cette machine, s'adaptent hermétiquement aux terriers, et des jets de vapeur sont lancés qui vont tuef tous les rongeurs à domicile. On a donc le choix maintenant ou de les exterminer ou de les convertir en or! Pour Îles ex: terminer, il ne s’agit plus que de trouver les orifices des terriers. Quand on connaît les trous, on prend les Loup:,

156 LE NATURALISTE CANADIEN

dit le proverbe. C'est maintenant la même chose avec les jeannots d'Australie ! B.

——( O)——

LES ROIS DE RATS (1)

Je serais curieux de savoir si l’on a observé récemment fe singulier phénomène connu sous le nom de Xoz de Rats, et s’il en existe une explication satisfaisante (2).

Le seul cas qui, à nta connaissance, ait été signalé ent France (dans la Sarthe) est celui qui est relaté en 1900 dans le joutnal la Mature, et sur lequel je reviendrai pius tard.

Si, en France, ce phénomène paraît tout à fait excep- tionnel, il semble, au contraire, qu’autrefois en Allemagne il était assez fréquent. J'ai fait à ce sujet quelques re- cherches dans ma bibliothèque et y ai trouvé les documents suivants relatés dans trois anciens opuscules :

Observatio D. Günthert Christophort Schelham- mert Hurts maïoris monstrosus partus (Ex. Æphemeridac Naturae Curiosorum, 1690, Pp. 253).

Jos. Joach. Bellermann. Ueber das bisher bez- wetrelte Daseyn des Raltenküniges. Etre naturgeschicht- liche Vorlesung. Berlin, 1820.

Alan. Der Rattenkünig, rex rattorunr. Raltt

(1) Si quelqu'un de nos lecteurs x eu connaissanc : d'exemples, arri- vés en Amérique, de la monstruosité dont il est quest'on dans l'articie que nous reproduisons ici, nous le prions d’en dire un mot au Vafuru- liste canadien.—(Note du À. C})

(2) On appelle Lois de Rats des agglomérations de Rats dont les queues sont nouées, formant ainsi une couronne dont les corps sont les rayons ; le nœud des queues est généralement surélevé. Ces singuliers monstres ne peuvent pas se déplacer et paraissent être nourris par les Rats libres du voisinage.

LES ROIS DE RATS 157

Un

caudis implicati (Ex. Fünfter Jahresb. des Mannhermer l’ereines für Naturkunde, 1838, p. 13.)

Le cas cité par Schelhamimer (1690) est le suivant: Le plancher carrelé d’une cuisine laissait par un trou sortir quelques Rats. On essaya de les ébouillanter par cette ou- verture ; on vit aussitôt s'échapper quatre Rats et, de petits sifflements plaintifs se faisant entendre, on enleva les car- reaux et on vit un Rat qui ne pouvait fuir. Une servante le saisit avec des pincettes, mais la queue se détacha; elle plongea de nouveau les pincettes et amena tout le paquet sifflant et gémissant, au milieu duquel se dressaient les queues comme une chevelure de mégère ou une tête de méduse”. Ces Rats ainsi réunis ne pouvaient pas se dé- placer, car ils étaient disposés en cercle autour du centre formé par la jonction de leurs queues ; on les tua et on les jeta au cabinet. Schelhaimmer croit qu’ils étaient nourris par les quatre Rats libres qui s'étaient échappés les pre- iniers,

Ce mème Schelhammer dit que, quelques années au- paravant, à Weimar, on trouva également un Roi de Rats dans le mur d’un vieux moulin.

Passons aux faits plus nombreux décrits par Beller- mann.

En 1714, Valentin: (Wuseum Museorum, 1714, page 151) parle d’une couronne de six individus trouvée à Son- dershausen (est-ce celle qui existait encore dans le musée de cette ville plus d’un siècle plus tard ?)

En 1727, le pharmacien Lincke, de Leipzig, raconte dans Sammilnng von Natur-und Medicin. Geschichte (1727, pages 205-223), plusieurs anecdotes sur les Rois de Rats et en cite un notamment que possédait le licencié Carl à Gæ- deru (Saxe). Il dit aussi qu’en juillet 1719, un domestique du comte de Stolberg en trouva un de neuf individus sous ua toit, et qu'à Tambachshof près Gotha, en 1722, on dé- couvrit un Roi de Rats 1rort et desséché dans une petite

158 LE NATURALISTE CANADIEN

cage au fond d’une vieille chambre qu'on déménageait ; 1f avait encore cinq corps, sans poils. La cage n’avait que 7 pouces de long et 5 de latge, tout juste la place nécessaire pour contenir le monstre, et on ne put l’en retirer qu’en dé- truisant la cage dont l'ouverture était petite. Ce sont d’intéressants détails, car ils permettent de supposer que l'animal composite était probablement dans la cage et y avait grandi sans pouvoir en sortir.

Enfin, Lincke parle d’un écrit remontant à 1683, édité à Strasbourg chez J.-J. Felsenecker, qui couwipare tort) les Rois de Rats aux Chats soudés par leur cordon ombili- cal dont il cite un exemple repris par Chr. B. Carpzov dans son X'alzenhistorie. Ce dernier auteur donne d’autres ex- emples de Chats soudés ainsi. [1 n’y a pas lieu d'insister ici, car il s'agit évidemment d'un phénomène tératologique d’un ordre différent de celui qui nous occupe.

Le Dr Lieffmann (Zreslauer Naturgeschichte, mars 1722, p. 296) remarqua, en cette année 1722, dans la pro- priété de M. Dicskau, à Leipzig, dix à douze Rats dont les queues complètement jointes (il ne dit pas soudées) formaient un appendice très épais et très large ; ce monstre fut con- servé dans le cabinet d’histoire naturelle polonais-saxon.

Lyons-la-Forêt (Eure). ADRIEN DOLLFUS.

(Feuille des Jeunes Naturalistes). suivre.)

O

LE MASSACRE DES OISEAUX

Nous reproduisions, le mois dernier, un article d'une tevue parisienne sur le véritable massacre qui se pratique, en divers pays, d'oiseaux destinés à l’ornementation du chapeau de ces dames.

L'ARACHIDE (PEA-NUT) 159

Qu'on lise maintenant cette coupure de l’U/wzvers, du 19 septembre dernier, sur ces barbares tueries :

D'après la revue Awimals friend, V'Angleterre a 1m- porté en 1905 trente millions d'oiseaux exotiques destinés aux chapeaux de femmes. Un seul fabricant de Londres a reçu des Indes-Orientales, pour les besoins de sa clientèle, 400,000 Oiseaux-Mouches, 600,000 Oiseaux de paradis, 450, 000 oiseaux de variétés diverses. La revue en question affirme que, tous les ans, de 290 à 300 millions d'oiseaux sont tués pour faire face aux demandes des modistes des pays civilisés !

[e)

J/ARACHIDE (PEA-NUT)

Le Courrier de Saint Hyacinthe (6 octobre) rapporte qu'on a cultivé, cette année. des Arachides (Pea-Nuts) à Saint-Hyacinthe. Sans doute, les fruits ne sont pas arri- vés à maturité ; mais il est déjà ‘intéressant de constater qu'ils ont pu être produits dans notre Province.

L'abbé Provancher a raconté (W. C., vol. V, p. 423) que, à l'exposition provinciale tenue à Montréal en 1873, il a vu cette même plante, portant des gousses, parmi les productions du Kansas. Il n’y a donc rien d'étonnant à ce qu'elle puisse croître, fleurir et faire des fruits sous notre climat. Seulement, il n’y a pas lieu d’espérer que ces fruits arrivent à maturité en notre pays.

Le noin botanique de l’Arachide, dite aussi Pistache de terre, est: Arachys kvpogen, L. Elle appartient à la fainille des Légumineuses, et n’a qu’un pied de hauteur. Après la floraison, ses gousses s'enfoncent en terre pour v croître et müûrir: une façon d'agir qui est pour le moins étrange, les végétaux ordinaires n'ayant pas coutume de fuir le soleil pour mener leurs graines à maturité.

160 LE NATURALISTE CANADIEN

PUBLICATIONS REÇUES

Annual Report of the Smithsonian Institution, 1904. U. S. National Museum. Washington, 1906. —Une grande partie de ce volume est consa- crée à une histoire de la Géologie américaine, avec nombreux portraits. La question de l’Zozoon y est traitée dans un chapitre spécial et résolue dans la négative.

Annales de la Société entomologique de Belgique.— Tome 49. Bru- xelles, 1905.

-_ Bulletin de la Société linnéenne du Nord de la France.—Nos 366- 368. 1905.

Bulletin de la Société des Siences historiques et naturelles de Semur- en-Auxois.— Année 1904.

Annuaire du Séminaire de Chicoutimi, 1905-06. Belle brochure, très intéressante pour les amis de l'éducation, et qui indique combien en cette maison d'enseignement se continuent les progrès du passé.

—Le Nouveau Québec, région du Témiscamingue. Ressources agri- coles, forestières, minières el Sportives. Par Alfred Pelland, publiciste du Département de la Colonisation, des Mines et Pécheries. Québec, 1906.

Cette brochure de 168 pages contient,avec une carte de la région décrite, une foule de gravures hors texte très bien exécutées. Géographie, his- toire, ressources, tout est mis à contribution pour faire connaître le ‘* Nouveau Québec.” L'auteur n’a pas manqué non plus de donuer des preuves de ses assertions, sous forme d'‘‘exemples de prospérité’, dont l’on peut dire qu'ils sont ‘‘vécus”’. Enfin, une foule de renseignements propres à guider les colons futurs, ou du moins possibles, ajoutent beau- coup de valeur pratique à cette publication officielle, qui est bien l’une des plus avenantes qu’ait publiées le gouvernement de la Province.

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CE

NATURALISTE CANADIEN

Québec, Novembre 1906

VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No jf

= LEE _— == 22

Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard

LES VERS DE TERRE LOMBRICS

On nous demande s’il est un moyen pratique pour se débarrasser des Lombrics ou vulgaires Vers de terre se trouvant en abondance dans la terre d’un jardin. Cette question montre que l’on a encore, sur le rôle joué par ces animaux dans la terre arable, des idées erronées, ce qui justifie quelques explications à leur sujet.

L'action des Lombrics sur la terre arable a été étudiée par Darwin qui a écrit, sur cette question, un magistral ouvrage ; à sa suite, d’autres naturalistes ont repris cette étude et leurs recherches ont confirmé les observations faites par ce savant.

Chacun sait que les Vers creusent dans le sol des ga- leries pouvant atteindre jusqu'à 1 et 2 mètres de pro- fondeur ; ces galeries contribuent à l’aération, à l’assainis- sement du sol, dans une proportion qui n’est pas négli- geable, si l’on songe qu’un hectare de jardin peut héberger jusqu’à 100,000 Lombrics. On admet que la terre des champs et prairies en contient environ la moitié de ce chiffre, quoique leur nombre varie beaucoup, suivant la

nature du sol; les terres fraîches, argileuses et humifères 21—Novembre 1906.

162 LE NATURALISTE CANADIEN

en renferment davantage que les sols légers, pauvres en humus. Les plantes utilisent les galeries creusées par les Vers pour enfoncer leurs racines à une profondeur plus grande que celle qu'elles pourraient atteindre dans une terre compacte, ce qui leur permet d'utiliser mieux les réserves accumulées dans le sous-sol.

Pour creuser leurs galeries, les Lombrics avalent la terre qu’ils rejettent pendant la nuit à la surface du sol, elle forme les petits tas ou turricules bien connus, abon- dants surtout dans les prairies, après la pluie. Darwin a calculé qu’ils rejettent, en moyenne, environ 24.500 kilog. de terre par hectare, dans le cours d’une année, contribuant ainsi à niveler la surface. Ce sont donc de véritables la- boureurs, et le rôle qu’ils jouent pour l’ameublissement et l’aération du sol est des plus utiles.

Les Vers de terre se nourrissent essentiellement de feuilles tombées, de débris végétaux qu'ils entraînent dans leurs galeries pour les ramollir par le suc alcalin sécrété par leur bouche et les avalent ensuite. Ces débris sont transformés ensuite en humus plus rapidement décompo- sable, à preuve que la terre contenant des Vers dégage plus d'acide carbonique, produit de la décomposition, que celle qui en est dépourvue. La nitrification s’y fait aussi plus rapidement ; dans des recherches que nous avons faites ainsi que M. Th. Bieler, la proportion d’azote passé à l’état de nitrate était la suivante, après trois'semaines :

CEE : Mérre primitive .. 14 te l000,7n7 Terre rejetée par les Vers 3,80/

Cest une proportion de cinq fois plus considérable.

Le Lombric possède de chaque côté de l’œsophage ou canal digestif, trois paires de grosses glandes qui sécrètent une quantité surprenante de calcaire ou carbonate de

_chaux ; celui-ci s’y trouve en petits cristaux ou sous forme de concrétions. Ces glandes servent d'organes d’excrétion

LES VERS DE TERRE LOMBRICS 163

et aident à la digestion, en neutralisant les acides contenus dans les débris végétaux qui constituent la nourriture. Dans les échantillons de déjections de Lombrics, recueillis sur des sols divers, nous avons trouvé que la proportion du carbonate de chaux v est plus grande que dans la terre ad- jacente, n'ayant pas passé dans le corps de ces animaux; d’après nos chiffres, la quantité de carbonate de chaux ainsi régénérée serait de 25 à 250 kilog. par hectare, en admettant pour la terre rejetée le poids indiqué par Dar- win. Le calcaire du sol tend à disparaître de la couche arable, entraîné dans la profondeur par l’action dissolvante de l’eau de pluie et de neige chargée d’acide carbonique. Les Vers jouent donc, à ce seul point de vue, un rôle des plus utiles, en régénérant le calcaire, dont la proportion tend sans cesse à diminuer.

I résulte des explications précédentes que les Lom- brics sont d'importants auxiliaires de l’agriculture, en ameublissant, aérant le sol, activant la formation et la dé: composition de l’humus, reconstituant le calcaire, etc. Au lieu de les détruire, en arrosant par exemple le sol avec du purin fort, on doit, au contraire, en favoriser la multiplica- tion, en supprimant leurs ennemis, en particulier les T'aupes. Ce n’est que dans des conditions exceptionnelles, quand leur nombre serait devenu très grand, dans un jardin, par exemple, que l’on pourrait craindre qu’ils ne s’attaquent aux plantes elles-mêmes ; et les moyens pour en diminuer le nombre ne manquent pas: labourage, arrosage au purin, etc. G. DUSSERRE,

directeur de la Station d'essais de Lausanne (Suisse).

—— (0)

164 LE NATURALISTE CANADIEN

CHRONIQUE

Un oiseau à quatre pattes. —Y,es indigènes de l’Amé- rique méridionale donnent le nom de Cigana” à un oiseau remarquable, assez rare, dont un explorateur vient de capturer un exemplaire. L'oiseau a quatre pattes, et celles de devant, en même temps que l’oiseau se développe, deviennent des ailes. Pendant un temps assez considérable après son éclosion, le jeune oiseau, incapable de voler encore, monte sur les arbres en se servant de ses griffes, L’habitat favori de cet étrange volatile est parmi les Callas géants des tropiques, dans des endroits vaseux et bas. La taille du Cigana est celle de notre Faisan ordinaire. J/oi- seau émet un cri lugubre qui n’est pas précisément encou- rageant pour le voyageur perdu au milieu d’une région sauvage et peu fréquentée.

Un Eléphant extraordinaire. —On a plus de facilité à croire à l’énorme taille du défunt Mastodonte quand on voit des Eléphants tels que le Musée d'histoire naturelle de South Kensington (Angleterre) vient d’en recevoir un d'Afrique. Ie pachyderme en question—le plus gros qui aété tiré en Afrique depuis bien des années mesurait 11 pieds 6 pouces de hauteur sur 23 pieds 2 pouces de lon- vueur |

Æncore le Serpent de mer.—Un correspondant d’Ecosse in’envoie un journal de Lochbroom qui contient la relation suivante. ‘Un énorme Serpent de mer a été vu dans nos environs plusieurs fois depuis quelques jours. Ses ébats ont été constatés par plusieurs pêcheurs écossais, dont l'imagination n’a pas pris le mors aux dents et qui ont fait le récit qui suit. Le monstre marin a une longueur pro- bable de 90 pieds, et hante sans doute les profondes caver- nes situées dans l’océan près de nos côtes. Il a d’abord été aperçu par trois pêcheurs de Corgeach, ensuite par deux

CHRONIQUE 165

commis des accises ; il sortit de l’eau à environ 800 verges d'eux et s’en vint droit à eux à une vitesse de 60 milles à l'heure. Un coup de fusil l’atteignit et le fit plonger subi- tement. Quelque temps après, le monstre en question heurta un yacht de 100 tonneaux qui s’en allait à Ullapool, et le choc fut si violent que le petit navire fut soulevé à plusieurs pieds hors de l’eau et sa coque plus ou moins endommagée.”

Ce dernier détail me rend rêveur. Peut-être que sachant tout le bruit qui se mène autour de sa curieuse personnalité, le Serpent de mer a l’intention d’en finir avec la vie, et a trouvé ce moyen original pour essayer de mettre son plan à exécution...

Un vandalisme. Un individu, malheureusement resté jusqu'ici inconnu, a considérablement endommagé l'œuf du grand Pingouin au musée de Scarborough (Angle- terre), Cet œuf, valant £300, est conservé dans une boîte avec un couvert vitré. Il y a quelque temps, cette boîte fut trouvée sur une chaise du musée, tandis qu’une petite fêlure qui avait commencé dans l’œuf l’aunée passée était agrandie, et une partie de la coquille manquait. Cet acte de vandalisme a enlevé à l’œuf une grande partie de sa valeur, naturellement, le dommage étant évalué à £60.

Longévité des oiseaux. Dernièrement mourait en Angleterre une Oïe à l’âge authentique de 50 ans. Un journal ayant qualifié cette mort de “prématurée”, un chercheur établit clairement dans la Pal Mall Gazette, de Londres, que 50 ans d'existence n’a rien de bien extraor- dinaire pour une Oie, et qu’il y a des preuves bien établies d'Oies et de Canards ayant vécu pendant plus de 100 ans. Un ouvrage publié en 1807 mentionne l'existence dans un des faubourgs de Glasgow d’une Oie encore très alerte à âge de 120 ans. Il est curieux de constater que la plus grande longévité existe chez des oiseaux de genres bien différents : l’Aigle, par exemple, qui généralement dépasse

166 LE NATURALISTE CANADIEN

la centaine, et le Perroquet, qui lui aussi devient souverit centenaire ; l’Oie et le Pigeon, qui vivent ordinairement de 50 à 75 ans. Parmi les oiseaux chanteurs, c’est l’Alouette qui remporte la palme : il y a un cas bien prouvé d’une Alouette encagée vivant jusqu’à l’âge de 22 ans et chantant encore. Il est aussi prouvé que les bons soins et la nour- riture propre à l’espèce prolongent de PHARES années la vie des oiseaux chanteurs.

Un arbre...meurtrier.—Les journaux du Nicaragua annoncent que le gouvernement de ce pays a nommé un expert pour examiner un arbre remarquable récemment découvert, et ce, à la suite de la mort d’un jeune homme dont on trouva le cadavre, ainsi que celui du cheval qu'il montait, au-dessous de l’arbre en question. Le cadavre semblait avoir été touché par des flammes, et l'arbre exha- lait une senteur extrêmement pénétrante, Il y avait au- dessous de l’arbre meurtrier des ossements en quantités considérables de Cochons, d’Anes, de Serpents et d'oiseaux.

HENRY TILMANS.

PCT ere GLANURES D'HISTOIRE NATURELLE

UN BON MOT POUR LA MOUCHE

Ne vous répandez pas trop en imprécations contre la Mouche domestique, Son extermination est loin d’être désirable. (Comme beaucoup d’autres petits organismes méprisés des hommes, elle accomplit une fonction vitale dans la nature, en se multipliant dans des substances mortes. ou putréfiées qu’elle prépare pour de précieuses productions de vie animale et végétale. La pureté et la douceur de l’atmosphère dans laquelle elle flotte sont en grande partie dues à son ouvrage. Comme être nettoyeur

GLANURES SCIENTIFIQUES 167

et vidangeur, la Mouche, par conséquent, a droit à notre estime et à notre reconnaissance. Mais pour la même raison, bien entendu, elle doit être exclue autant que pos- sible de nos demeures; et il faut soustraire à sa conta- mination avec le plus grand soin toutes les substances co- mestibles. Puissions-nous seulement, en considération de leurs services, pardonner un peu aux Mouches les piqûres qu’elles nous font et les ennuis qu’elles nous causent |

EE à - L'ÉLEVAGE DES PAPILLONS

Une industrie nouvelle : l'élevage des Papillons. C’est à Scarnborough, en Angleterre, que vient d’être faite cette tentative d’ailleurs pleine de promesses.

L'année dernière, des Anglais avaient lancé dans les parcs de Londres, plusieurs douzaines de magnifiques Papillons, aux couleurs diaprées et chatoyantes, qui firent la joie des habitués de ces lieux verdoyants.

Ce n’était qu'un essai, il a réussi admirablement. Aussi va-t-on le renouveler, mais cette fois sur une plus vaste échelle.

En effet, on a créé, il y a quelque temps, près de Scarnborough, une ferme modèle, l’on élève toutes les variétés de Papillons, depuis les Papillons des régions équatoriales, qui portent sur leurs grandes ailes toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.

Actuellement, il y a 20,000 Papillons dans cette ferme ; ils seront répartis dans tous les parcs de la grande cité.

En outre, on tient en réserve 40,000 chrysalides desti- nées, en cas de besoin, à combler les vides.

Et, sous peu, les Londoniens verront s'élever sur leurs têtes de grands vols de Papillons de toutes grandeurs et de toutes nuances qui peupleront les arbres de leurs

parcs. *k * *X

168 LE NATURALISTE CANADIEN LA ‘“GvyrPrsy MOTH EN AUTOMOBILE

I1 ne manquait plus que cela pour mettre le comble à l’exécration publique envers les automobiles : il paraît que les teufs-teufs servent à la transportation des “Gypsy Moths?, cette peste qui a déjà causé des millions de dommages dans le Massachusets, s’est répandue dans le New-Hampshire et le Connecticut, et menace d’envahir maintenant, au sud l’État de New-Vork, et au nord, le Canada A Mont- réal, le cri d’alarme s’est déjà fait entendre contre cet ennemi des arbres et de la végétation. Eh! bien, l’ento- mologiste officiel de l'Etat de New-York, en prémunissant le public de son Etat contre cette peste, révèle ce fait, aussi effrayant qu’épatant, que la Gypsy Moth” se colle aux automobiles et se transporte ainsi rapidement à de longues distances. ‘“I/expérience, dit-il, a démontré que les auto- mobiles sont réellement des moyens très actifs de transpor- tation pour cet insecte; et étant donné la multiplication toujours croissante de leur nombre, nul ne peut prévoir, sous ce rapport, leur influence néfaste.” (C’est bien cela : dorénavant tous les chemins appartiendront aux automo- biles, que rien au monde n’empêchera de brûler les distances, d’écraser les poules et les chiens, les moutons et les cochons, les enfants et les femmes, bref, tous les piétons assez stu- pides pour se trouver sur leur passage! Et par-dessus le marché ces machines infernales répandront partout Île fléau des “Gypsy Moths ! B.

LES ROIS DE RATS (Suite et fin)

Le Dr Bellermann raconte qu'étant étudiant, à Erfurt, en 1772, il y vit un Roi de Rats qu’on venait de capturer, et malheureusement de massacrer. Il était formé de onze

LES ROIS DE RATS 109

individus dont les queues étroitement entrelacées formaient une pelote de la grosseur d’un poing d'homme. (Cette masse de queues entortillées dominait un peu les corps des Rats qui rayonnaient autour de ce centre. Ce monstre fut recueilli, en compagnie de Rats libres, en soulevant le plancher d’une vieille maison qui servait de grenier.

D’après Lieffmann (toujours cité par Bellermann), le le Dr Schultze trouva un Roi de Rats desséché comme une momie en démolissant un vieux mur; il avait dans cet état la largeur d’une gtande assiette. Les queues étaient si bien embrouillées qu'un ‘fabricant de courroies n'aurait pu faire aussi bien””,

Dans le Wiltenbergsche Wochenblatt, de 1774, pages 41-45, le Prof. Titius mentionne et figure seize Rats, dont les queues étaient ‘‘ artistement nouées’”, trouvés dans un moulin. L'auteur ne peut admettre qu’un pareil phéno- mène soit l’œuvre de la nature et croit que pour le pro- .duire il a fallu une intervention artificielle. Pourtant le même Titius cite l'exemple d’nn autre Roi de Rats, formé de douze individus, trouvé dans une écurie pendant la guerre de Sept Ans,

Bellermann vit, à Arnstadt, en 1783, dans l’ancienne résidence des princes de Schwarzburg, cinq tableaux à l'huile qui représentaient autant de Rois de Rats: il en donne la description. Nous en retenons la couleur des Rats ainsi reproduits: le premier était formé de six Rats d’un jaune brun (trouvés, dit la légende, à Arnstadt, le 26 novembre 1759). Le second se composait de huit grands individus d’un brun rouge, recueillis, le 18 février 1705, à Sondershausen. Le troisième paraît reproduire le phéno- mène décrit par Valentini. Le quatrième, très intéressant, est formé de plusieurs (on ne dit pas le nombre) Souris blanches. 1, cinquième, qui comprend neuf individus, ne

présente rien de particuler, 22—Novembre 1906, |

170 LE NATURALISTE CANADIEN

M. Weitsch, directeur de l’Académie de peinture,

raconte qu’en 1794, à Brunswick, dans une fosse à fumier ) 9

qui n'avait pas été vidée depuis dix ans, on trouva une ag- glomération de sept individus.

Les observations du Prof. Meisner, de Berne, ont un certain intérêt, car elles sont accompagnées d’hypothèses bizarres pour l'explication du phénomène; elles sont con- signées dans VNaturwissenschafiliher Anzeiger der allge- meinen Schweizserischen Gesellschaft für die gesammiten

Naturtwissenschaften, Zweiter Jahrgang, Aarau, 1819. Un.

de ses amis lui apporta, en 1816, un groupe de quatre in- dividus morts trouvés dans une pièce on avait conservé de la tourbe. L’'explication est amusante : le savant pro- fesseur, ayant constaté que la cavité formée par le nœud des queués était remplie de tourbe et de paille, suppose qu’il s’agit d’une sorte de nid formé par la mère rate; celle-ci sur le point de mettre bas aurait mis à mort d’au- tres Rats et leur aurait noué la queue pour en faire une véritable litière ! [1 y a mieux encore. Ayant entendu par- ler de la découverte, sous un parquet, d’un Roi de Rats vivant, fotiné de sept gros individus, il conclut sans hési- ter que ces malheureux captifs se sont introduits dans l’'étroit espace qu’ils occupaient et s'y sont noué la queue afin de faire de leurs corps une couche moelleuse pour une Rate pleine qui aurait sans doute, quelques jours plus tard, trouvé ainsi un doux berceau pour la jeune portée ! !

Laïssons ces dévouements sublimes à la gent ratière et à l'imagination du professeur Meisner, et voyons les faits exposés par d’autres auteurs.

Le professeur Kilian, dans l’excellente note citée plus haut, dit qu’en 1837, à Zaisenhausen, près Bretten, à la fin de mars, un homme travaillait dans ‘une écurie d’où il vit sortir, à diverses reprises, quatre Rats qui cherchaient des fruits et rentraient aussitôt. Il les tua l’un après l’autre et il entendit alors du bruit derrière la boiserie; il décloua

LES ROIS DE RATS 171

celle-ci et vit une masse de douze gros Rats adultes dont les queues étaient nouées ; le correspondant de Kilian fait remarquer qu'il lui aurait été impossible de défaire ce nœud gordien sans le briser et qu'il devait évidemment s'être formé dès le jeune âge des Rats. Il est certain aussi que le Roï de Rats devait être nourri par les Rats libres qui apportaient continuellement de la nourriture dans le trou.

Passons aux auteurs modernes. Brehm, dans sa clas- sique Ve des Animaux illustrée (édition française, 12e série, p. 109), raconte le singulier procès qui s’est déroulé en 1774 devant le tribunal de Leipzig: un Roi de Rats formé de seize gros individus adultes avait été découvert en janvier dans un moulin à Lindenau et tué par un nom- Christian Kaiser; un de ses amis, Fasshauer, avait em: prunté le monstre, pour le peindre, disait-il Mais il en tira parti en le faisant voir pour de l’argent, d’où procès à lui intenté par Kaïser. Le médecin chargé par le tribunal d'examiner l’objet, conclut que les Rats devaient s'être blottis dans un coin pour chercher à se protéger mutuel- lement ; et les excréments des Rats placés au-dessus étant tombés sur leurs queues qui étaient au-dessous devaient s'être gelés et avaient maintenu les queues collées ; dans leurs efforts pour se détacher, celles-ci s'étaient entortillées, Nous ne nous arrêterons pas à cette invraisemblable ex- plication.

Brehm cite d'après Lenz un autre exemple plus inté- ressant à cause du nombre des Rats qui s'étaient ainsi réu- nis: A Dollstedt, près Gotha, on trouva en même temps deux Rois de Rats en décembre 1822 ‘Trois batteurs en grange entendirent un léger piaulement dans grange du forestier ; ils cherchèrent avec l’aide du domestique, et virent qu'une poutre était creuse. Dans sa cavité, se trou- vaient quarante-deux Rats vivants. Cette cavité avait été probablement faite par eux; elle avait environ 15 centi- mètres de profondeur ; on ne voyait aux alentours

172 LE NATURALISTE. CANADIEN

ni excréments, ni débris de nourriture. Elle était d'u accès facile surtout pour des Rats, et restait couverte de paille toute l’année. Le domestique retira les Rats qui ne voulaient ou me pouvaient quitter leur de- meure. Îles quatre hommes virent alors avec horreur vingt-huit de ces Rats attachés par la queue et formant un cercle autour du nœud ; les quatorze autres présentaient la même disposition. Ces quarante-deux Rats paraissaient tous souffrir de la faim et piaulaient continuellement ; du reste, 1ls paraissaient bien portants. Ils étaient tous de même grandeur et, d’après leur taille, on pouvait conelure qu'ils étaient nés le printemps précédent. Leur couleur était celle des Rats ordinaires. Aucun ne paraissait mott. Ils étaient très tranquilles et supportaient paisiblement tout ce que leur faisaient les hommes qui les trouvèrent. Les quatorze Rats furent portés vivants dans la chambre du forestier, arrivèrent bientôt une foule de gens, curieux de voir cette monstruosité. Quand la curiosité publique fut satisfaite, les batteurs les transportèrent en triomphe dans la grange et les tuèrent tous à coups de fléau. Ils prirent ensuite deux fourches, les transpercèrent, tirèrent de toutes leurs forces en sens opposé, et sous cet effort trois Rats se séparèrent du groupe. Leur queuen’en fut point arrachée ; elle paraissait intacte, et montrait seu- lement l’empreinte des autres queues, à la façon d’une courroie qui aurait été longtemps serrée par une autre. Les vingt-huit furent apportés à Pauberge et exposés aux veux de tous les curieux.”

Nous retenons dans ce dernier exemple deux faits in- téressants : d’abord la présence simultanée, dans un même réduit, de deux Rois de Rats, dont l’un était formé de vingt-hurt individus, nombre de beaucoup supérieur à celui d’une portée unique (celle-ci ne dépassant guère seize jeunes). Lautre, c’est que les queues de l’un des groupes ont pu se détacher sans se briser. De sorte qu’elles ne

LES ROIS LE RATS / 173

sont pas toujours si étroitement entrelacées que semblent le faire croire les exemples cités plus haut.

Dans Za Nature, 1900 (11), p. 19-20, M. Oustalet, professeur au Muséum, dit avoir reçu de M. Henri Richer la photographie d’un Roi de Rats formé de sept individus encore jeunes, dont les corps avaient environ dix centi- mètres.

Ce Roï de Rats, trouvé à Courtalain, en novembre 1899, au fond d’un trou de mur(1}, a été donné au musée de Châ- teaudun par M. H. Lecomte. M. Oustalet croit, comme le médecin de Leipzig dont je viens de parler, que les adhéren- ces des queues sont causées par la gelée; cette hypothèse est d'autant moins plausible que presque tous les Rois de Rats se trouvent dans des endroits très abrités, hors de toute atteinte de la gelée.

Quoi qu’il en soit, laissant de côté les hypothèses ori- ginales ou simplement invraisemblables dont j'ai donné des exemples, et les croyances populaires qui, autrefois, en Allemagne, avaient fait du Roi de Rats l’objet de légendes merveilleuses, 1l faut admettre tout simplement (ainsi que Kilian l’expose très nettement dès 1838) qu’à l’état jeune, les petits Rats, d’une ou de plusieurs portées voisines, se trouvant dans un réduit très étroit, s’entortillent et s’entre- lacent en formant un nœud d’autant plus inextricable que ces queues, à cet Âge, sont tendres, longues, très mobiles et couvertes d’un exsudat collant. La présence de paille, de foin ou de poil dans le trou se trouve la jeune nichée peut faciliter l’entrelacement des queues.

Un autre fait qui me paraît curieux à faire ressortir, car il a une réelle importance au point de vue psycholo- gique, c’est la manière dont les Rois de Rats sont alimen- tés. Des exemples cités plus haut, il résulte bien net- tement que les Rois de Rats sont incapables de se mouvoir

(1) C’est par erreur que, dans le dernier numéro, en parlant de cette « découverte, j'avais écrit Sarfhe. C'est Eure-et-Loir qu'il faut lire,

f74 LE NATURALISTE CANADIEN

partant d'aller chercher leur nourriture, et qu’ils sont err- tretenus d’une façon continue et pendant toute la durée d’une vie normale, par des Rats libres, sans doute de la même portée qu'eux. Sans aller aussi loin que le Prof. Meisner, on ne peut qu'être frappé de la constance de ce sentiment de solidarité dans la gent ratière.

Lyons-la-Forêt (Eure). ADRIEN DOLLFUS.

NOTES ADDITIONNELLES SUR LE ROI DE RATS

Je reçois de M. le marquis du Buysson lintéressante lettre qui suit :

Je ne veux pas attendre la fin de votre note pour vous envoyer quelques détails sur ce que j'ai observé moi-même cette année-ci à ce sujet et pour la première fois il y a environ deux mois,

On vint un jour me prévenir qu'il y avait un nombre considéfable de gros Rats dans le compartiment d’un pou- lailler l’on avait mis une mue à engraisser la volaille. Deux de mes domestiques et moi-même, les uns armés d’une pelle, les autres d’un balai, nous nous mîmes à faire la chasse et à abattre à mesure les Rats quigrimpaient aux murs. On en tua neüf et tous appartenaient à la même espèce, au Rat noir (Aus rattus L,.), auquel le Rat dégoût (Mus decumanus Pall.) déclare une guerre acharnée au point de faire craindre la disparition de cette espèce (V. Ern. Olivier, Æssar sur la faune de l'Allier, p. 19, 1880).

Deux des couvercles de la mue étaient relevés depuis un temps assez long, et les Rats y avaient accumulé un monceau de paille qui leur servait de cachette. C'était en abaissant ün de ces couvercles qu’on avait découvert cette nombreuse famille. Un seul d’entre eux s’échappa par un trou qu'on n'avait pas eu la précaution de boucher tout d’abord. Il y avait le père et la mère, faciles à recon- naître à leur taille plus avantageuse, et huit petits qui avaient presque atteint la taille d’adulte. C'était ceux

LES ROIS DE RATS 175

d’une première portée, car, en écartant la paille, on en trouvait une seconde de tout jeunes, non encore sevrés, mesurant environ six centimètres du nez à la naissance de la queue. Chose bizarre qui frappa mon attention et m’em- pêcha de les tuer sans regarder, c’est qu’ils étaient tous adhérents les uns aux autres par la queue, et je me suis demandé aussitôt comiment cet amas de sept bêtes, deve- nues adultes, auraient pu trouver les moyens d’existence. En les saisissant, le septième se détacha, il n'avait plus que la moitié de sa queue, et l'extrémité qui le retenait aux autres s'était atrophiée et j'estime qu’il serait arrivé de lui- imême à se détacher du bloc. Quant aux autres, la sou- dure était à peu près faite par le milieu de la queue de chacun, l'extrémité conservant peu sa mobilité; l’un d’entre eux avait même une de ses pattes postérieures en- gagée dans ce nœud gordien; je l’ai tirée de force pour l'en arracher et je l’ai trouvée blanchie et atrophiée, comme le bout de la queue de celui que j'avais d’abord dé- taché. Je continuais à examiner cette rosace composée de cinq animaux, et Je vis que cet accident provenait de ce que la mère avait fait ses petits dans un nid garni de duvet et c'est ce duvet qui, par l’effet d’une bizarrerie due au put hazard, s’est feutré de lui-même sous le frétillement de toutes ces petites queues, probablement encore humides du lit de la mère ou humidifiées par son lait. La bizar- rerie consiste surtout en ceci, c’est qu’il a fallu que tous ces Rats en naissant soient exactement placés dans le même sens, côte à côte, ou en rond et se tournant le dos. Le duvet ne pouvait prendre de l’adhérence et se feutrer en englobant toutes ces queues au même point de leur lon- gueur que parce que celles-ci se sont mues d'un mouve- ment de rotation uniforme. J'ai été très surpris de ce que j'avais rencontré, mais j'ai pensé que ces bêtes, ainsi atta- chées, seraient crevées dès que la mère aurait cessé de les allaiter. C’est la première fois que j'observais cela, et

176 LE NATURALISTE CANADIEN

comme je l’ai expliqué, cette soudure n'était pas congéni- tale, mais due à un simple accident survenu après la nais- sance.

Le Vernet (Allier). H. pu BUYSsoN.

M. Louis Dupont, aux Damps (Eure), m'écrit pour ine signaler, dans la Pze curieuse des Bêtes, par Henri Coupin, la phrase suivante : Dernièrement on a envoyé au Muséum un Roi de Rats composé de sept individus et trouvé à Châteauroux.

Je recois cette lettre au moment de donner le bon à tirer de ma note, et n'ai pu donc m'informer si le Roi de Rats en question offre des particularités intéressantes.

(Feurlle des Jeunes Naturalistes.) AND

CE OC > pe sut

a ONCE ESS

PUBLICATIONS REÇUES

THE CECROPIA EMPEROR MorH (Sumia cecropia Länn.), by Arthur Gibson, Assistant Entomologist, Experimental Farm, Ottawa, 1906.

Ce bel article de M. Gibson, sur l’un de nos vers à soie, ‘‘le plus grand et l’un des plus beaux insectes de l'Amérique du Nord’’, a paru d’abord dans l'Offawa Naturalist äu mois d'octobre.

The Tylostomeæ, Wlustrated by twelve plates and six figures, by C. G. Lloyd, Cincinnati, 1906.

Nous avons déjà signalé le bulletin Æycological Notes que publie aussi M. Lloyd, et qui est consacré à l’étude des Lycoperdacées, famille des champignons nommés communément ‘‘ Vesces de Loup.”

Report of the Museum of Natural History. Springfeld, Mass. 1906.

Catalogue of British Columbia Lepidoptera. Provincial Museum, Victoria, B. C. 1904.

Cette liste, comprenant 1128 espèces—ce qui est déjà une belle col- lection, a été publiée par l’assistant-conservateur du Musée provincial, M. E. M. Anderson. Nous avons eu le plaisir de visiter ce beau musée en 1904, et nous en avons parlé un peu dans nos /mpressions d'un Passant.

ir

4

NATURALISTE CANADIEN

Québec, Decembre 1906

VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 12

A NOS LECTEURS

En ces derniers mois nous avons consacré tout notre temps à ter- miner ce Manuel des Sciences usuelles que, de concert avec M. :’abbé H. Simard, professeur à l'Université Laval, nous préparons pour le pei- sonnel enseignant des écoles de la Province. Aussi, à notre grand regret, nous n'avons pu rien faire durant cette fin de l’année pour la rédaction du Vaturaliste canadien. Nos lecteurs, du reste, n’y perdent pas, puis- que, à la place dle nos écrits, nous pouvons leur offrir des articles de choix, extraits d'excellentes revues scientifiques. ès notre prochaine livraison, espérons-nots, il nous sera possible de reprendre notre place au... fauteuil de rédaction du .Vaturaliste,

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CHRONIQUE

Un oiseau de prix.—M. Beville Stanier, de Peplow Hal, Shropshire, Angleterre, a informé la Sociéti d'histoire naturelle de Shrewsbury qu’il a vendu un spécimen em- paillé du Grand Pingouin pour 400 guinées,.

La maillequi...manquait.—Un télégramme venant d'Australie, et qui est arrivé à Londres en passant par les Etats-Unis de l'Amérique du Nord, est actuellement publié par tous les journaux de langue anglaise du monde entier. D'après cette dipêche télégraphique,le professeur (?)Flatsch

23— Décembre 1906.

178 LH NATURAIISTE CANADIEN

aurait découvert à Port Darwell, dans le nord du continetit australien, une femme aborigène dont les pieds ressem- blent aux mains. Et le professeur, naturellement, consi- dère cette découverte comme d’une importance biologique extraordinaire, et...Darwin doit sûrement en tressailir dans sa tombe. I/auteur du canard en question est le cor- respondant melbournois du CArouzcle, de Londres, et je vous laisse à juger si notre homme doit en avoir du plai- sir! Cette ineptie sera évidemment traduite dans la plu- part des grands (!!) journaux d’autres langues, et traînera dans la presse universelle aussi longtemps probablement que cette autre sottise : la découverte de la langue des sin- ges par je ne sais plus quel histrion.

La moisson de. fossiles.— Après une absence de plu- sieurs mois passés dans les régions avoisinant les Monta- ones Rocheuses, trois missions du Musée américain d'His- toire naturelle viennent de revenir à New-York. Les explorateurs apportent avec eux des squelettes pétrifiés d'environ 500 animaux, dont beaucoup sont inconnus ou peu connus des savants. Il y a dans la cargaison, entre autres, deux Dinosaures non encore classés, dont l’un est d'énormes dimensions et ressemble vaguement at monstre géant que l’on a baptisé du nom de 777ceratops.

L'Emu d'Australie.—Cet oiseau étrange est menacé d’une disparition prochaine. De tous côtés on a érigé des clôtures de broche pour barrer le chemin aux Lapins qui dévastent le pays ; mais en même temps on a barré Île che- min à l'Emu, qui chaque année émigre de l’est à l’ouest, et eprend la route de l’est au commencement de la saison de sécheresse. Sur leur chemin, les Emus arrivent aux clô- tures. trouvent leur marche arrêtée et meurent de soif par centaines. Un voyageur a trouvé une cinquantaine d’oi- seaux morts sur un parcours de six milles, tandis que, sur une distance de 60 milles, on a estimé qu’il v avait au moins 300 Emus morts de soif.

CHRONIQUE 179

Le Diable de Ceylan.—Tous ceux qui ont visité l’île de Ceylan et pénétré dans son intérieur mystérieux ont entendu le cri du diable. Ce cri terrible ressemble étran- gement au cri d’un être humain à qui l’on ferait subir les tortures les plus féroces. Ce diable n’est heureusement qu'un oiseau, que l’on dit apparenté avec le Hibou brun des bois de l’Inde. Les indigènes l’appellent Ulama ; c'est un oiseau inoffensif et extrêmement farouche dont on n’a pu encore capturer un spécimen, mort ou vivant. Il est naturel qu'étant doué d’un cri si terrible, l'oiseau passe là-bas pour un “manitou””, à qui à l’occasion les indi- gènes offrent des sacrifices pour détourner les désastres que sa voix lugubre ne peut manquer d'annoncer. M. Mitford a étudié l'étrange oiseau pendant un long séjour dans Ceylan. ‘La note ordinaire, dit-il, est un cri ma- gnifique et clair, tel un cri humain, et peut être entendu à une très grande distance ; pouss£ dans le silence du cré- puscule, il produit un bel effet. Mais le cri qui lui a valu son vilain nom et que je n’ai entendu distinctement qu'une szule fois, est indescriptible, le plus épouvantable cri qui 52 puisse imaginer et que l’on ne peut écouter sans frisson- aer. C’est n1 plus ni moins que le cri qu'arracherait à un ètre human un supplice qui se terminerait par la stran- gulation.”

HENRY TiLMANS.

———(0)———— LE MAMMOUTH GELÉ DE LA SIBÉRIE

Le Mammouth (ZÆ/ephas primivenins CUV.) est une espèce d'Eléphant qui vivait au commencement des temps quaternaires ou pléistocènes.

Il était bien plus grand que l’Eléphant actuel de l'Inde ; ses défenses étaient bien plus longues et largement recourbées par en haut ; il était muni d'une crinière et tont

180 jE NATURALISTE CANADIEN

son corps était couvert d'une longue et épaisse fourrure, Cet animal s’est éteint avant l'époqne historique ; maïs il 4 être très abondant, car on retrouve, çà et là, presque partout, des fragments plus moins importants de son squelette. |

[1 semble avoir persisté plus longtemps dans l'Asie septentrionale et en Sibérie que partout ailleurs, et l’abon- dance de ses ossemenis qu'on découvre dans ces fégions semble les indiquer comme étant sa véritable patrie.

«A l’époque les troupeaux de ce pachyderme parcouraient ces pays, le climat, dit M. de Lapparent, était doux et humide. De la sorte, la Sibérie septentrionale formait une steppe ou une forêt immense abondamment pourvue de la végétation convenable aux Eléphants. Il est vraisemblable que l'invasion du froid s’y est, fait sentir à la fois par le nord sous l'influence des glaces polaires, et par le sud en raison des neiges accumulées sur les montagnes des chaînes méridionales, déterminant la fuite du Maiu- mouth dans la direction de l’Europe. De plus, cette inva- sion a être très subite; car non seulement on a de la: peine à s'expliquer d’une autre manière l’innombrable quantité de restes de Mammouth que recèlent les rivages septentrionaux de la Sibérie et plus encore les îles qui les bordent ; mais il convient de ne pas oublier la rencontre plusieurs fois réalisée de cadavres entiers de cet animal, dont la chair a pu être mangée par des chiens: les cadavres étaient enfouis, quelquefois debout, dans les aluvions, et, pour que la chair en ait été conservée sans avoir subi la transformation en adipocire que produisent les tourbières, il faut que peu après la chute de l’animal dans les marais il avait péri, la gelée ait Hour doujours pris possession du sol.”

La dernière découverte de ce geure, et la plus impor- tante, eut lieu dans le courant du mois d'avril 1901.

À cette époque, l’Académie impériale des sciences de

LE MAMMOUTH GELÉ DE LA SIBÉRIE 181

Saint-Pétersbourg fut informée par le gouverneur de Yakutsk de la trouvaille d’un Mammouth gelé, dans un état de conservation presque parfait, enfoui dans une fa- laise des rives de la Berezovka, affluent de droite de la Kolymaäa, à 200 milles environ au nord-est de Sredne- Kolymsk, c’est-à-dire à environ Soo milles à l’ouest du détroit de Behring et à 60 milles en deça du cercle arctique.

Cette nouvelle, d’une importance capitale, mit en émoi tout le monde savan‘: une expédition fut organisée pour aller sur les lieux dégager le Mamimouth, et une som- me de 15.300 roubles fut affectée par le ministre des Finan-: ces de Russie aux paiements des nombreux frais nécessités par la inise au jour de l'animal et son transport au Musée de Saint-Pétersboure:

L'expédition, sous la direction de M. O..F. Herz, par: tie le 31 mai 1007. n’atteignit que le 9 septembre la loca: lit5 se trouvait le Mämmouth, et après avoir établi son campement, elle se mit immédiatement à l’œuvre. On conçoit que c'était une opération délicate et difficile de déterrer un animal enseveli depuis tant de siècles, dout les chairs, les téguments ét les os ne devaient leur conservation qu'à une gelée persistante et risquaient de perdre toute cohésion et toute adhérence à l'instant fatal survien- drait le dégel.

Il fallut employer de très minutieuses précautions : M. Herz écrivit jour par jour le résultat de ses travaux, et son rapport fut publié intégralement dans le Æw/letii de l’Académie impériale de Saint-Pétershourg.

Le Mainmouth était enfoui dans une haute falaise, à 35 mètres au-dessus du niveau actuel des eaux de la Bere: zovka et à 62 mètres en atrière de la rive. Cette falaise est formée d'une masse de terre argileuse mélangée de pierres, de racines, de moïrceaux de bois agglutinés avet des fragments de glace depuis un temps incalculable, Du-

152 LE NATURALISTE CANADIEN

rant l’été de 10a00, à la suite de fortes pluies et d’un com- mencement de dégel, il se produisit un éboulement qui mit à nu une partie du corps de lPanimal. Des chasseurs de rennes de la tribu des Lamuts, habitants de cette région, le remarquèrent et firent part de leur découverte au gouverneur de Vakutsk qui prévint à Saint-Péters- bourg.

L'opération du déblayage dura un mois entier, du 11 septembre au 11 octobre.

On commença par enlever le plus de terre possible autour du cadavre sans l’endommager, ce qui n'était pas facile, car la gelée avait solidement lié toutes les parties du corps avec les masses argilenses qui l’entouraient. A cause de la rigueur de la température, ce travail u'a pu être terminé à ciel ouvert : on était obligé de tailler dans le bloc comme dans une carrière de pierres; et l’épaisse four- rure du Mammouth qui était ébouriffée en tous sens ne pouvait être dégagée des matières glacées qui l'enserraient. Il fallut construire au-dessus de l'animal une sorte de hangar, dans lequel nuit et jour on entretint une tempéra- ture qui monta graduellement à quelques degrés au-dessus de zéro, et amena un dégel bienfaisant qui permit de sépa- rer les membres et la fourrure de la terre gelée qui v adhérait depuis si longtemps.

Les membres et les différentes parties de la tête furent désarticulés, enveloppés de bandages et soigneusement empaquetés ; la peau fut enlevée et subit de suite, avant d’être emballée, une première préparation ; des portions de chair, de graisse et le contenu de l'estomac ainsi que du sang solidifié furent également recueillis, et le tout par- vint en bon état à Saint-Pétersbourg :le squelette du Mammouth put être complètement reconstitué:

L'animal, qui était un mâle, avait la jambe droite de devant, un os du bassin et plusieurs côtes brisés ; il avait la bouche pleine d'herbes, et d’après la position de ses

LE MAMMOUTH GELÉ LA SIBÉRIE 183

membres, il résulte qu’étant en train de manger, il a tomber subitement dans une profonde crevasse d’où il à fait des efforts pour sortir; mais il s'était blessé trop sé- rieusement dans sa chute; il ne put s’en tirer et les ali- ments qui remplissaient sa bouche, dont il n’avait pas eu le temps de se débarrasser, dénotent que sa lutte contre la mort fut courte et qu'il a périr rapidement.

La peau de la tête et la trompe, qui, par suite de l’'éboulement partiel de la falaise, étaient découvertes de- puis plusieurs mois, avaient été presque totalement dévo- rées par les ours et les loups La défense de droite manquait, elle avait être brisée durant la vie de Panimal.

La fourrure s'était conservée sur presque toût le corps, sauf sur le dos. La lèvre inférieure était garnie de poils, noirs, de 50 centimètres de long ; sur les joues ils n'avaient que 23 centimètres et étaient partie brun châtain et partie blonds; les poils du ventre, jaunâtres, avaient 35 centi- mètres, mais ils étaient beaucoup moins épais; les jambes étaient couvertes d'une sorte de laine d’un brun jaunâtre ou roux d’où sortaient d’épaisses touffes de poils raides, d’un brun sombre, de 12 centimètres de long. La queue était courte (36 centimètres), composée de 22 à 25 vertè- bres; son extrémité était garnie de longs et gros poils (25 centimètres) d’un brun roux.

Les aliments qui se trouvaient entre les molaires sont des fragments d’heibes variées ; l'estomac en contenait une énorme quattits, près de 27 livres ; le cœur, les poumons et les autres viscères avaient été détruits.

La chair, fibreuse et marbrée de graisse, était d’un rouge brun et paraissait aussi fraîche que de la viande de bœuf ou de cheval congelée. Malgré son appétissante apparence, les membres de l’expédition ne purent se déci: der à en goûter et ne changèrent pas leur ordinaire quoti- dien dont la viande de cheval faisait le fond. Les chien

184 LE NATCRALISTE CANADIEN

furent moins difficiles et dévorèrent tout ce qu’on voulut leur abandonner.

L'épaisseur du cuir variait entre 19 et 23 millime- tres ; au-dessous se trouvait une couche de graisse blanche, inodore, spongieuse, d’une épaisseur de 9 millimètres.

Tel est succinctement décrit l’état de conservation presque parfait fut trouvé le Mammouth de la Bere- zovka. Tout le monde savant s’est occupé de cette capti- vante découverte ; mais personne n’a essayé d'établir des conjectures sur la date de la mort de cet animal et de son enfouissement dans la falaise formée des matériaux allu- vionnaires qui l’ont si bien préservé,

C’est qu’il s'agissait de discuter les données de la science officielle, et que nul n’a osé risquer de convaincre d'erreur grossière l’enseignement 7#,#po056 dans les hautes écoles gouvernementales.

Le Mammouth vivait en même temps que les premiers hommes, dès le commencement de l’époque quaternaire, 1l y a certainement beaucoup de siècles. Mais G. de Mortillet (Le Préhistorique) fait remonter l'apparition de l’homme à 230 000 240 000 ans au InOINS !

Pas un savant n’a tenté d'établir un doute sur cette chronologie qui n'a pas de bases sérieuses et est évidem- nent tout à fait arbitraire.

Le fait actuel est un argument probant pour réduire considérablement ces chiffres,

C'était une bien bonne usine de conserves que cet amas d’alluvions en partie éboulé, qui a permis à des chiens de se régaler de la chair en très bon état d’un animal mort depuis 240,000 ans...au moins !

Il est plutôt probable que les Mammouths ont existé beancoup plus longtemps qu’on ne l’admet, et qu'à une époque relativement récente, ces animaux habitaient encore les immenses solitudes inconnues de la Sibérie du Nord. (Revue scientifique du Bourbonnats.) ERNEST OLIVIER.

RECHERCHES BOTANIQUES D'UN CHAT 185

LES RECHERCHES BOTANIQUES D'UN CHAT

Darwin a dit que les pays l’on rencontre le plus de vieilles demoiselles sont les plus riches au point de vue agricole, et il l'explique ainsi: les vieilles demoiselles ont toutes des Chats ; or, ceux-ci se plaisent à détruire les nom- brenx rongeurs, fléau des guérets, donc...Quelques mau- vais esprits se sont empressés d'ajouter que si les Chats aiment le gibier à poil, ils ont un goût non moins prononcé pour le gibier à plumes, qu’ils massacrent nombre de petits oiseaux, grands destructeurs d'insectes nuisibles, et que ces méfaits doivent largement compenser les avantages ré- sultant de la mise à mort de quelques Mulots. D'après eux, le Chat pourrait être plus nuisible qu'utile aux choses de l’agriculture.

Or, voici qu’une observation, faite à Boston, en Amé- rique, apporte un nouvel argument aux ennemis de la race féline.

Le professeur Sargent, de l’Arboretum de Boston. avait importé de la Chine centrale une plante absolument inconnue en Amérique aussi bien qu’en Europe, une nou- velle vigne, l’Actinidia polygama. On entreprit d’accli- mater les quelques sujets que l’on possédait : ils furent plautés dans une serre et entourés de tous les soins néces- saires. Bientôt, on s’aperçut qu’un animal inconnu dévo- rait tous les jeunes rejetons ; ce ne pouvait être un Rat, car un Chat était enfermé en permanence dans la serre. On n’arrivait pas à découvrir le coupable, car l’idée ne pou- vait venir que le Chat, animal carnivore, pensait à s’atta- quer aux plantes; on sait qu’en fait de végétaux ces félins u’apprécient guère que la Valériane. C'était cependant ce gardien infidèle qui commettait le dégât; non seulement il mordillait la plante, mais il en dévorait toutes les par-

ties. Il fut chassé, et tout alla bien. 24— Decembre, 1906.

186 LE NATURALISTE CANADIEN

Au printeimps, on put établir dehors, sur une couche, une centaine de jeunes plants; dès qu’ils eurent pris de la vigueur, on enleva les châssis, et alors on vit accourir tous les Chats du voisinage qui, en un rien de temps, détruisi- rent toute la plantation. Je Chat de la serre m'était done pas un animal exceptionnel, ayant des goûts contre nature ; il partageait seulement ceux de sa race ; en la circonstance, il les devançait. Depuis, on n’arrive à élever le précieux arbrisseau qu’en l’entourant complètement d’un treillage en fil de fer, et encore, toute pousse qui s'approche des mailles est aussitôt dévorée.

Le fait est curieux et suggère quelques réflexions à M. David Fairchild, qui le signale dans Scence.

Comment les Chats ont-ils pris goût à cette plante nouvellement importée et qui leur était complètement in- connue ? Elle n’a ni odeur ni goût spécial que nous puis- sions reconnaître ; l'odorat de ces animaux est-il plus subtil que le nôtre, ou leurs instincts carnivores les portent-ils à goûter à tout ce qui tombe sous leurs veux, même aux plantes ?

En l’admettant, comment se fait-il que tous les Chats d'une région aient appris aussitôt les vertus d’une plante qui leur était absolument inconnue ? Faut-il croire que le Chat de la serre, chassé de son domaine, a été leur révéler le fruit de son expérience, ou tous ont-ils eu en même temps l’idée de tenter une expérience personnelle ? 11 n’y a pas un instinct conservé par hérédité, puisque la plante était inconnue aux ancêtres des Chats actuels, aussi bien en Amérique qu'en Europe. C’est un nouveau chapitre de histoire des Chats qui mérite l'attention : Ont-ls, la ques- tion d'intelligence mise de côté bien entendu, des facultés de recherche et d'investigation plus développées que celles

de l’homme ? (Cosmos.)

GLANURES SCIENTIFIQUES 19;

GLANURES D'HISTOIRE NATURELLE

MONNAIES D'ALUMINIUM

Il semble que les Etats-Unis vont être la première na- tion à employer l'aluminium pour la fabrication de la monnaie, Dès cet automne, paraît-il, on va faire l’expé- rience de pièces d'aluminium pour les substituer aux piè- ces en bronze de un centin. Il n’y a encore que quelques années, la considération économique eût seule empêché une tentative de cette sorte. En 1855, une livre de ce métal coûtait $200. En 1880, il fallait encore payer $4.50 pour une livre. Il est probable maintenant que le prix va tom- ber à 39 cents. Ordinairement l'aluminium est extrait de l'argile commune. Jusqu'à une date récente, cependant, on n’a pu l’extraire que par des procédés extrêmement dis- pendieux. Depuis une dizaine d’années, les savants et les inventeurs américains ont surmonté un bon nombre des obstacles primitifs.

Le premier article en aluminium dont on fasse men- tion est une table à l’usage du tout jeune Prince Impérial, —compliment du premier manufacturier, St-Clair Neville, à l’empereur Louis-Napoléon qui l'avait assisté. De nos jours 1l serait presque impossible de signaler un usage pour lequel ce métal n’est pas employé.

L’'aluminium est plus léger que le verre, et pèse les trois quarts moins que l'argent auquel il ressemble beau- coup. Quoiqu'il soit aussi dur que le zinc, c’est à peine si aucun autre métal est aussi malléable et ductile. I1 peut être étiré en fil de la plus grande ténuité, et battu en feui les de la plus délicate épaisseur.

Une fois vendu à bon marché, comme il ne tarnit pas, il aura vite fait de remplacer l'argent, sur une grande échelle, pour toutes les œuvres décoratives. (C’est un ex- cellent conducteur et il pourra être substitué avantageuse-

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ment au cuivre dans toutes les installations électriques. Aucun métal, si ce n’est l'acier le plus raffiné, ne pouvant lui être comparé, poids pour poids, pour la force de résis- tance, il pourra rivaliser avec l’acier dans toutes les indus- tries de manufacture. La France, l'Allemagne et les Etats-Unis ont construit des torpilleurs en aluminium, après avoir constaté que sa légèreté augmente la vitesse du navire, tandis que sa dureté résiste à la corrosion et à l’ac- tion galvanique mieux que celle d'aucun autre métal. On en a fait des yachts, des chalouvpes, des bicycles, des chars à moteur, des instruments de chirurgie, des patins, des wsten- siles de cuisine, etc. Onen fera des monnaies, et mille autres choses encore. RE DES OISEAUX DANS LES PRAIRIES

On se propose aux Etats-Unis, avec infiniment de raï- son, de peupler les prairies de l'Ouest de plusieurs espèces d'oiseaux de chasse. Pour commencer, on a commandé 1000 couples de Faisans de l’Orégon, et on va prochaine- ment les lâcher dans les prairies du Kansas. On les dis- tribuera par lots de quatre à cinq couples, en différentes sections. Déjà, depuis quelques années, une cinquantaine de couples avaient été lâchés en cet endroit et s’y étaient répandus.

[is seront protégés par la loi pendant cinq ans. Et comime ils se multiplient rapidement, on a bon espoir de les fixer. On les établira de préférence dans les comtés de l'Est, parce qu'ils y seront mieux protégés contre les vents et les froids de l'hiver, aussi parce que les comtés de l'Est ont contribué plus que les autres au fond d’acquisi- tion et d'établissement. Cette première entreprise va coû- ter au delà de #5000. On achète les oiseaux avec le revenu des licences de chasse, licences qui sont surtout accordées et surtout profitables dans la partie est du Kansas.

Le Faisan est un très bel oiseau de chasse; et dans tous

GLANURES SCIENTIFIQUES 18Ù

des Etats il s'est introduit, son établissement a été un succès. Au reste, on introduira aussi d’autres oiseaux dans les prairies. Ainsi, dans les mêmes prairies du Kansas, on introduit des Cailles bleues, qu’on a fait venir du Nouveau- Mexique ; seulement, ces Cailles bleues sont dirigées vers les parties occidentales, les conditions atmosphériques sont à peu près les mêmes que celles de leur pays d’ort- vine. * * *

UN GRAND PROJET D’'IRRIGATION

C’est toujours l'Ouest qui se développe et crée des merveilles. Un projet est sur pied à Denver, Colorado, pour emmagasiner les eaux de la rivière Platte et, par ce moyen, soumettre à l’irrigation, par conséquent fertiliser un imillion d'actes de terre stérile.

Le plan est de créer un réservoir long de 34 milles et «en moyenne profond de 35 pieds. On calcule que 40 mil- liards de pieds cubes d’eau de la rivière Platte sont perdus annuellement, et que cette quantité est amplement suff- sante pour l'irrigation d’un million d’acres de terre Une compagnie a été formée pour l’utilisation de ces terres sur lesquelles on coustruira des fésidences pour cent mille habitants.

La dame coûtera $4,000,000, ce qui revient à $4.00 de l’acre pour la terre fertilisée. La terre, après irrigation, augmentera en valeur ; de là, soutce de profit. Aujour: d’hui cette terre stérile vaut à peine $2.00 $3-00 l’acre Après irrigation, elle vaudra de $50 à $100 l’acre selon sa qualité. (Certaines pafties vaudront encote plus. De cette manière, il est évident que l’entreprise rappottera à ses contributeurs de larges profts, tout en constituant un bienfait public immense à raison de la vaste étendue ou- verte à la colonisation.

À présent, on peut dire qu’il n'y a plus de bonnes terres de colonisation aux Etats-Unis. Cependant de telles

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terres sont en plus grande recherche que jamais. Les co lons en quête d'établissement devront donc se rabattre sur les terres d'irrigation, les seules disponibles. Ces terres: seront certainement occupées aussi vite que l’action privée ou l’action du gouvernement pourra les ouvrir. Il ya d’ailleurs, en réserve, des millions d’acres de terre qui attendent l'irrigation pour devenir fertiles. A ce point de vue, le développement de lFOuest américain ne fait que: commencer. CANADA ET LE COMMERCE DE FOURRURES

Le Canada, ‘et spécialement la partie septentrionale, encore sauvage, est la dernière des grandes réserves de: fourrures du monde entier. En dépit du fait que le com- merce de fourrures y a été vigoureusement exercé depuis. au delà de trois siècles, il n’y a encore aucun sienne de déficit dans la quantité d'animaux, si ce n’est dans un petit nombre d'espèces. Le Bison, comme animal sauvage, à pratiquement disparu. Je Castor sera lui-même exter- iminé si on ne recourt pas à des mesures extraordinaires, pour le préserver. La Loutre de mier et le Renard argenté sont devenus très rares, depuis un certain nombre d'années. Mais il y a de vastes régions encore inexplorées, et la di- sette de fourrures, en général, n’est pas à craindre, d’ici à de longues années.

Telles sont les vues exprimées naguère à Montréal par un M. R.-G. Groves, de Vancouver, qui est un spéci- aliste en fait de fourrures et qui parle d'après sa propre science et expérience.

Quant aux mesures à prendre pour la conservation des animaux à fourrure, il avoue que l’on n'a encore rien ou presque rien fait à cet égard. La raison en est que lapprovisionnement du commerce ayant toujours été con- tinu et facile, personne jusqu'ici ne s’est trouvé en face d’une telle nécessité. Généralement, c’est quand il ne reste .

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presque plus rien à conserver que l'on commence à parler de conservation, surtout à agir. Cependant il est remar- -quable que les sauvages, les premiers, paraissent déjà com- prendre la nécessité de la prudence, afin de se conserver des moyens d'existence en conservant les animaux qui leur donnent la fourrure du commerce; et ils prennent à cet effet des précautions que l’on pourrait à peine attendre de leur patt, étant donnée leur caractéristique imprévoyance.

Voici comment le commerce de fourrures est prati- qué avec les sauvages : ils apportent deurs peaux aux dif férents postes et les échangent pour des marchandises. C’est un simple trafic. L’étalon de valeur, selon les en- droits, sera une peau de Castor, ou une peau de Marte, ou une peau de Renard rouge.

L’apparence actuelle pour le commerce est-elle bonne ? Elle est excellente. [1 demande pour les fourrures aug- mente sans cesse, non seulement dans les pays elles sont nécessaires comime vêtements, pour protéger contre le froid, mais dans d’autres elles sont portées comme at: ticle de luxe et d’oraement. Cette demande croissante est probablement le résultat de 1a prospérité générale qui rè- ‘ne actuellement des deux côtés de l'Atlantique. La fin de la guerre russo-japonaise peut aussi, partiellement, en être la cause, parce que la Russ'e est un des plus grands marchés de fourrures qne l’on connaisse dans l'univers.

Fa HISTOIRE D'UN CAMÉLÉON

Faute de pouvoir distinguer entre un anneau d’or à diamant et un collier d’or, que la petite créature avait cou- tume de porter au bout d’une jolie chaînette, un Caméléon fut dernièrement, pour un Monsieut KE. A. Crippen, hôte de l'hôtel Murray Hill, Omaha, la cause d’une demi-heure de très vive anxiété. Ce monsieur avait laissé son anneau dans le plat à savon, dans sa chambre. Quand il revint après le lunch, l'anneau avait disparu. Il chercha sans

r92 LE NATCRALISTÉ CANADIEN

succès dans toute la chambre, puis il appela le garçon à qui il déclara sa perte. Or le lave-mains sur lequel était le plat à savon se trouvait adossé à une fenêtre ouverte, protégée par un grillage en fil de fer. Sur ce grillage, le jeune homme aperçut le Caméléon du premier commis, un bijou vivant, qui avait déjà porté uu petit collier d’or

au bout d’une chaïnette pour l’empêcher de se perdre:

au loin. Eu ce moment la petite bête avait justement un anneau autour du cou, mais sans chaînette. (On examine ce collier : c’est l’anneau que l’on cherche Le Caméléon avait été dressé à mettre, à ôter de lui-mêime son collier ; et en vertu de son habitude, peut-être aussi fasciné par l’éclat de l’or et du diamant, 1l avait tout bonnement fait glisser par dessus sa tête l'anneau de M. Crippen, pris pour son propre collier ! B.

n oo

PUBLICATIONS REÇUES:

J.-C, Chiapais, L' Œuvre des Ecoles ménagères agricoles. Québec, 1906. Cette brochure de l’assistant-commissaire de l'Industri: laitière du Canada contient une conférence prononcée, en juillet derni-r, Gurant la

convention des missionnaires agricoies de la province de Québec. les

idées qu'y exprime M. Chapais, sur la nécessité et les avantages de la bonne éducation ménagère, ont paru tellement justes aux missionnaires agricoles, qu’à l’issue de la conférence ces messieurs oit formulé le vœu de les voir de plus en plus mises en pratique.

Notes sur la Truffe, par M. Em. Boulanger (1904-1906). Lons-le- Sauuier, 1906.

M. Boulanger a réuni dans cette plaquette plusieurs mémoires qu’il a présentés, depuis deux ans, à la Société mycologique de France, et où. sont consignés les résultats des intéressantes expériences qu’il a pour- suivies dans la culture de la Truffe. De belles planches hors texte ac- compagnent ces mémoires.

Recherches physiologiques sur les matières de réserves des arbres, par M. Jeclerc du Sablon. (Extrait du Tome XVI de la evnue générale de Botanique, Paris.) 35 pages in-8°. |

‘“ Je me suis proposé, dit l’auteur, de recherclier comment les réser- ves et, d'une façon générale, les substances pouvant servir d’aliment à la plante variaient pendant le cours d’une année dans les tiges, les racines: et les feuilles des arbres.’ Tel est l'intéressaut sujet de physiologie végétale qu'a traité M. Leclerc du Sablon dans le savant m£moire dont il a bien voulu nous envoyer un exemplaire.

TABLE DES MATIÈRES

DU VOLUME XXXIII

PAGR LE gt ET ETES OR PRES RS Le A RS A lmpratique de'l’histoire, naturelle ...0.. 4m... 4 M CRM Va MPa Se Re RE . . be anse decide Ouelest ce poisson ?...... ...... Lt Ne btelier 5 Chronique (H. Tilmans). ............ 6, 23, 35, 69, 85, 117, 132, 164, 177 les Rats au Manitoba. ...... .... ... D ro bobutioc one 0 UE 8

il est démontré qu’un entomologisie doit faire une collection

SEE... dur niuna ve à Me ces aussa connus lp mai ce 9 Influence de la lune sur la végétation ..... PAS ne id ouh | 13 BIBPIGGRAPEREER de: 2 donasasie, noel 15, 45, 80, 96, 112, 128, 160, 176, 192 Le district minier de Cobalt (H. Nagant)...... ................... 17 Re chasse aux-inisectes: .:.2."2215400.. ue ds NO e ET PÉMPoISsoN SOlEIL 4. 6 den Pet ed 30 Nos fruits canadiens en Belgique (N. RE ter) ET MORE CT sésstin az

La grande Lamproie de mer (L'abbé E. Roy)...... SAMIR TE NOR a

De la chasse aux insectes... .. ...... Bo AA CE CL 38, S7

104 TABLE DES MATIÈRES

Traité élémentaire de Zoologie et d'Hygiène................. 25, 43, 134 Les terres comestibles (H."Nagant).- 1..." Er ENENERERR PE 44 Nouvel ouvrage scientifique sur le lait...... ....................: 47 Migration des Hiboux blancs (C.-E. Dionne) .. ....... ........... 49 Le scintilloscope (H. Nagaut)........:........: "tr SI Un insecte étrange... OM . 2.1, CRE NN 55 Histoire d'un'entomologiste.#......,.1.. ... NE 58 Le Gulf-Streamise dérärngerait-1l ?:....420,1 21 SN PANNES 3 61 De l’origine des plantes rultivées ..... ....... .. 2" 64072 Atxamateurs d'listoirematurelle "FEMME EEE N ENTREE NET 65 Feu P.-H. Dumais ..... En : OR to ut 67, 82 Hem C-Baillairent 2-00. : nc concu oncne. 67, 84 Congrès géologique international.... ............. 1 RÉECREE 67 Une enquête entomologique:Æ#. . ! °° MON SONORE 68 Les terres rares de la province de Québec (H. Nagant) ...... ..... 74 Oiseaux à vol NE SAME RON < OR DEA 3 NEMOTENER A TMNM EN E 79 Bniretard Chic Ha RE à cette M NOT ENTER 81 Les minuscules ouvriers de la terre...... Duus STONE 93 Contrepoison\ universel: "22%... 4er RP SAIOS A propos de pattes (Etude sur les pistes de quelques An L'abbé Em.-B. Gauvreau ....... see ee CREER 97 Station de Biologie maritime du Cause SES a - M lors L'arvéetmoniureries DOIS SM ICNCSR:. . TOR TR ONE se à BIT) Origine bactérienne des gommes vépainiee de 0 one TRS TII Let Tassock MORIN MIEL EURE. : 2, UTC PRES NÉE RES 113 Le marchand d'œufs de Fourmis. .. 7 ECC RE RER 120 les moyens de défense des insegtes 07 MST 122 Les Araignées à soie de Madagascar (J.-K. Whitby) 2 0 CORRE : st bed Extinction du Poisson blauc (L’abbé F.-X. Burque). .... ......., 129 Des fruits au Kilondike: 5.22... 1.8 CANON EEE 135 Les parures cruelles....... on A oo ose use eue SE RER 131 Reviviscence du Gordius ve 0 et de r ane In du blé niellé (EF. Maison)... h214.26e MR. . CREER NS EE NES 139 Pêche et rendement de la Baleine depuis le XVIIe siècle (E. Maison). 145 Glanures d'histoire naturelle (L'abbé F.-X. BRrQUE) s DES CES 152, 166, 187 Les Rois de Rats (A. Dollfus).2%....,.42.24), 2 cÉENeReS 156, 168 ILe massacre des oiseaux... 2... SSSR 158 L'Arachide (Pea-Nut).. 7-20... tr SR ie 159 Les Vers de terre ou Lombrics (G. Dusserre) ............ 161 Amos lecteurs Lee TRIER... NAN PRE 177

Ie Marmouth gelé de la Sibése É. .L ANNSNSRT ERATRSS à Les recherches botaniques d’un Chat .,.. ...... Lu 185

TABLE ALPHABÉTIQUE

HÉPLÉEVALPHABÉTIQUE

DES PRINCIPAUX NOMS DE FAMILLES,

DE GENRES ET

D'ESPECES MENTIONNÉS DANS CH VOLUME

NCHMAUS eue + 48 Actinidia polygama .... 185 ATÉMONIAEE Re acer 123 Agaricus campestris.......... 72 ATODIUL ce 110 ATACNYS HV DOSEA SL... 159 Balæna Biscayensis ... ...... 147 Bonasus Americauus.......... 129 CalOnDINUs HrSinUus 3 2.10!

SASTATEAINES CAE, het 72 Champsosaurus...... 48 SE D LL Rd rto no 73 Colu:nba domestica 79 COIUIPbId SE 20 ER E. 80 Coregonus albus ...... 129 CoRvHANSiCorAutA, +... 56 CyraunosantnsirTex 7". 117 DITACHACNIASER EN 140 Elephas primigenius...... 179 ÉEVUMAIENS 2 LE De... 73 Feba vulgaris..... Se see se

Filaria medinensis .... Fragaria vesca..... 72 Gordius aquaticus......... 139, 149

Hemerocampa leucostigma.... 114 Monohammus scutellatus..... 40 Mus decumanus........ 174 ARTS EE EE Ce ne ci MYStMOSUCRUS Ne 112 Necrobia rUfCOrUIS.......... 59 Nicotianatabacum ........... 73 PaTaArO MOSEA Re ee 36 Petromyzon marinus.......... 33 Phytosaane ts en 112 RATATGONAN EC RER EC NE 120 Rhytdodon nt 1.000. 112 Rhytinus borealis...... 129 RibeS UD TE 72 Sata lCeCTOPIR ET 7 Lriceratops Li. heu 118, 175 L'RICHMAYAISATE PE CE 73 Lea MAYS ER MEET re

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Page 41, rère ligne, lisez : horrible mélange. 55, z3e ligne du bas, lisez : Saint-Roch de l’Achigan.

‘“ 120, 4e ligne, lisez: Bonasus.

4, 73e ligne, lisez : Callorhinus.

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