m^^m^^'i Digitized by the Internet Archive in 2010 witii funding from Open Knowledge Gommons http://www.archive.org/details/leonssurlaphys05miln LEÇONS SUR LA PHYSIOLOGIE ET L'ANATOMIB COMPARÉE DE I/HOMME ET DES ANIMAUX. (ÎJfJO. I'.„.j^_ Iiiipi imcrie de L. Mahti: s'observe chez tous les êtres vivants, et qui est rendu mani- ■ feste par une multitude de faits dont la connaissance est banale. ] Je ne m'arrêterai donc pas longtemps à donner ici des preuves ' de l'existence de cette fliculté, soit chez l'Homme, soit chez les ^ Animaux inférieurs; mais afin de ne pas laisser sans démons- tration un fait de cette importance, je citerai quelques expé- riences qui le rendent évident. V. 1 ^ . i 2 ABSORPTION. Si nous plongeons dans de l'eau le eorps d'an Colimaçon, en maintenant la tête de l'Animal au-dessus de la surface du liquide, ou en lui fermant la bouche de façon à rendre toute déglutition impossible, nous le verrons se gonfler peu à peu et souvent doubler de volume dans l'espace de quelques heures. En pratiquant la même expérience sur une Grenouille réduite à un état d'émaciation par une abstinence prolongée, il nous sera également facile de constater dans le poids du corps une grande augmentation déterminée par le seul fait du contact de l'eau avec la surface extérieure de la peau (1). 11 en faut conclure que la Grenouille, de même que le Colimaçon, a absorbé, c'est- à-dire fait pénétrer une certaine quantité de ce liquide dans l'intérieur de son organisme, et que celle introduction s'est effectuée par la surface générale du corps (2) . Si nous injectons de l'eau dans l'estomac d'un Chien, et si (1) Des faits de ce genre ont été été faites sur les Colimaçons et les Li- conslatés par Treviranus et plusieurs maces par Spallanzani et par Nasse (c). autres physiologistes (a). Ainsi, dans J'ai souvent eu l'occasion d'observer les expériences de William Edwards, ce gonflement lorsque je déterminais nous voyons des Grenouilles dont le l'asphyxie, soit des Gastéropodes dont corps ne pesait qu'environ 33 gram- je viens de parler, soit des Doris, des mes , augmenter en poids de plus de Pleurobranches et de beaucoup de 10 grammes, par suite de l'immersion Mollusques acéphales que je destinais de leur corps dans l'eau et sans que a des recherches anatomiques. J'ajou- ce liquide ait pu pénétrer dans les terai que des faits analogues ont été voies digestives (5). Nous aurons à constatés chez différents Vers inlesti- revenir sur ces expériences lorsque naux, tels que les Ascarides {d), les nous étudierons d'une manière spé- Distoraes(e)etles Échinorhynques (/'), ciale l'absorption cutanée. mais sont surtout remarquables chez (2) Des expériences de ce genre ont les Rotifères et les 'J'ardigrades qui (a) Voyez : Treviranus, Biologie, t. IV, p. 289. — Bluff, Dissert, de absorptione cutis, p. 22 (d'après Burdacli, Traité de physiologie, t. IX, p. 15). (6) W. Edwards, De l'influence des agents physiques sur la vie, 1824, p. 596. (c) Spallanzani, Mémoires sur la respiration, p. 137. — Nasse, Untersuchungen zur Physiologie und Pathologie, t. I, p. 482. (d) Cloquet, Anatomie des Vers intestinaux, p. 33. \e) Mehiis, Observationes anatomiccc de Distomate, p. H [t] Rudolplii, Physiologie, t. II, 2= partie, p. 266. CONS!DÉHA'iiO?iS GÉ]NÉP.ALES. 3 nous lions les deux orifices de celte poche membraneuse de façon à empêcher le liquide de remonter dans la bouche ou de passer dans l'intestin, et si au hout de quelques heures nous tuons l'Animal pour en faire l'autopsie, nous trouverons que l'eau n'est pas restée emprisonnée dans son estomac, mais a été absorbée en grande partie, ou même en totalité (1). Des expé- ont été mis clans un état de mort ap- parente par la dessiccation , et qui se trouvent ensuite en contact avec de l'eau (o), (1) MM.TiedemannetGmelin ontfait une série intéressante d'expériences sur l'absorption d'un grand nombre de matières différentes par la surface des voies digestives. ils ont vu que chez le Chien et le Cheval diverses substances odorantes, telles que le camphre, le musc, Talcooi, l'essence de térébenthine, l'ail et l'asa fœlida, introduites dans l'estomac , peuvent être reconnues jusque dans la moitié inférieure de l'intestin grêle, ou même jusque dans le cœcum, mais dispa- raissent peu à peu à mesure qu'elles avancent dans cette portion du tube digestif. Les matières colorantes dont ils firent usage de la même manière traversèrent en partie l'intestin dans toute sa longueur , de façon à être évacuées au dehors en quantité plus ou moins considérable, mais furent aussi en partie absorbées. 11 en fut de même pour diverses matières salines, telles que le prussiate de potasse (ou cyano- ferrure de potassium), le sulfate de po- tasse, l'hydrochlorate de fer, etc. {b). Goodwyn, Schliipfer, Mayer et Go- hier, avaient vu précédemment que de l'eau peut être injectée en quantité considérable dans les voies respira- toires , et disparaît des poumons avec une grande promptitude (c). On cite aussi, comme preuve de l'absorption des liquides par la surface des cellules pulmonaires chez l'Homme, un acci- dent qui s'est présenté dans le service chirurgical de Desault, à l'Hôtel-Dieu de Paris. Une sonde œsophagienne ayant été introduite par erreur dans la trachée , on injecta dans les voies aériennes un bouillon que le chirur- gien croyait pousser dans l'estomac du malade, et il n'en résulta aucun accident grave ; fait qui ne peut s'ex- pliquer qu'en admettant que le liquide avait été promptement absorbé (cl). (aj Spallanzani, Observ. et expér. sur quelques Animaux surprenants que l'observateur peut à son gré faire passer de la mort à la vie [Oimscules de physique animale et végétale, t. II, p. 299). — Doyère, llém. sur les Tardigrades (Ann. des sciences nat., 2» série, 1842, t. XVIII, p. 5). (h) Tiedemann et Gmelin, Recherches siir la route que prennent diverses substances pour passer de l'estomac et du canal intestinal dans le sang, etc., trad. par Heller, p. 51 et suiv. (c) Goodwyn, The Connexion of Life luith Respiration, 1789 (trad. franc, par Halle, p. 10). — Schliipfer, Dissert, sistens expérimenta de e/fectu liquidorum quorumdam medlcamento- sorum ad vias aeriferas opplicatorum in corpus animale. Tubingen, 1810. — Gohier, Mémoires et observations sur la chirurgie et la médecine vétérinaire, t. II, p. 419). — Mayer, Ueber das Einsaugungsvermôgen der Yenen des grossen und kleinen Kreislauf- systems (Meckcl's Deutsches Archiv fur die Physiologie, 1817, t. IIÎ, p. 493 et siiiv.). (d) Desault, Œuvres chirurgicales, par Bichat, t. II, p. 266. 4 ABSORPTION. riences analogues faites sur les autres cavités naturelles de l'or- ganisme, l'intérieur du sac péritonéal ou de la plèvre, par exemple, donneront des résultats semblables : l'eau disparaîtra plus ou moins rapidement(l) ; et si, au lieu d'employer de l'eau, nous faisons usage de certaines matières qui peuvent être iden- tifiées avec le milieu des substances constitutives de l'organisme, il nous sera également facile de constater que l'absorption a pour effet de porter ces matières étrangères jusque dans l'intérieur de l'appareil irrigatoire. Ainsi, nous savons, par l'observation journalière, que cer- taines substances qui ont été introduites dans notre estomac avec nos aliments sont promptement expulsées au dehors par les voies urinaires. D'autre part, des expériences dont je rendrai compte ailleurs prouvent que les produits ordinaires de la sécrétion rénale sont fournis par le sang, et l'anatomie nous apprend qu'il n'existe ni dans le corps humain, ni dans celui des Animaux , aucune communication directe entre la cavité digestive et l'appareil urinaire. Par conséquent, les ma- tières dont je viens de parler, pour passer du canal aHmen taire dans l'appareil rénal, ont dû être absorbées dans le premier de ces organes, et transportées dans le second par le torrent de la circulation. Une autre expérience très intéressante, sur laquelle j'aurai à revenir dans une des prochaines Leçons, rend saisissables par la vue les effets de cette absorption. Quand on mêle aux aliments certaines substances colorantes, telles que la garance, ces matières sont absorbées, et leur présence dans les parties les plus profondes de l'organisme est décelée par un phéno- (1) La rapidité avec laquelle les sorption très puissant. La môme re- épançhements pleurétiques disparais- marque est applicable aux accumula- sent dans quelques cas, suffirait pour tions de sérosité dans le tissu aréolaire établir que chez rilomme la plèvre sous-cutané et dans beaucoup d'autres peut être le siège d'un travail d'ab- parties du corps. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 5 mène fort remarquable : la teinture des os, dont le tissu se colore en rouge (1). Les effels toxiques qui dépendent de l'action toute locale d'un grand nombre de poisons sur le cerveau ou sur d'autres parties du système nerveux, et qui se manifestent à la suite de l'application de ces substances sur la surface de la membrane buccale, sur la conjonctive ou sur la peau dépouillée de son épidémie, ainsi que de leur introduction dans l'estomac, dans la cavité thoracique ou dans les aréoles du tissu conjonctif sous- cutané, peuvent être invoqués également comme des preuves de l'absorption de ces matières vénéneuses, et leur transport rapide d'une partie quelconque de l'organisme jusque dans le (1) En parlant de la circulalion la- la garance avec les aliments est aussi ciinaire chez les Insectes, j'ai déjà eu un phénomène de teinture dû à la l'occasion de citer des expériences présence de celte matière colorante dans lesquelles des matières linclo- dans le sang et à sa lixation par les liales introduites dans l'estomac ont sels calcaires. Je reviendrai ailleurs manifesté leur présence dans le sang sur ce sujet, et je me bornerai à indi- par la coloration, soit de ce liquide quer ici les principales sources où il lui-même, soit de certains organes faudrait puiser pour obtenir plus de qui y baignent (a). La coloration des renseignements sur ce phénomène os en rouge par suite du mélange de intéressant (6). (a) Voyez tome III, page 231. (6) MizaUi (on Mizainl), Meinorabilium, sive arcanoriim omiiis generis centuriœ, 1572, p. ICI, — Belchier, An Account of Bones of Animais being changea to a red Colour by Aliment alone {Philos. Trans., 1730, t. X\XIX, p. 287 et 2U9). — Ihiliamol, Sur une racine qui a la faculté de teindre en rouge les os des Animaux vivants {Mém. de l'Acad. des sciences, 1739, p. 1), — liaz.nnus. De coloratis animalium quorunulam vivorum ossibus {Commentarii Instit. Bolo- gnensis, 174,5, t. Il, pars i, p. 12'J, et De ossium colorandorum artificio per radicem rubiœ [Ibid., I. II, pars il, p. 124). — J. Hunier, Expériences et observations sur le développement des os {Œuvres, t. IV, p. 409). — Rulliorford, cité par Blake {Dissert, inaugur. de dentium fonnatione, 1798), d'après Gibson (Op. cit., p. 154). — Gibson, Observations on Ihe Effecls of Madder on the Bones of .\nimals {Memoirs of the Liter. and Philosoph. Soc. of Manchester, 1805, 2° série, I. I, p. 14ii). — Mourons, Recherches sur le développement des os {Airhives du Muséum d'hisl. nat., t. II, p. 315 et suiv.). — Pagel, De l'influence de la garance dans l'étude du développement des os {Gazette médicale de Paris, 1840, p. 204). — Serres et Doyèrc, Exposé de quelques faits rclalifs à la coloration des os chez les Animaux soumis au régime de la garance {Ann. des sciences nat., 2° série, 1842, t. XVII, p. 153 et suiv.). — Brullie et Ilng;ucny, Expériences sur le développement des os dans les Mammifères et les Oiseaux, faites au nioyen de l'alimentalion de la garance {Ann. des sciences nat., 3" série, 1845, t. IV, p. 283). 6 ABSORPTION, point où leur présence détermine les symptômes caractéristi- ques de leur action ne peut s'expliquer qu'en admettant qu'elles ont pénétré dans le torrent de la circulation. Mais, pour mieux établir cette conclusion, je citerai d'autres faits qui sont plus probants. Lorsqu'on introduit dans l'estomac d'un Chien de l'eau tenant en dissolution certains sels métalliques qui normale- ment n'existent pas dans l'organisme, et qu'au bout d'un temps convenable on examine chimiquement le sang de l'Animal, on y retrouve ces matières étrangères (1). Ainsi le prussiate de potasse (ou le ferrocyanure de potassium, pour employer ici le nom adopté aujourd'hui) , ingéré dans la cavité digestive ou dans les voies respiratoires, ne tarde pas à pénétrer dans le sang et à être ensuite expulsé de ce liquide par la sécrétion rénale; de sorte qu'en versant un sel de fer soit dans le sérum, soit dans l'urine, on obtient un précipité de bleu de Prusse (2) Il me serait facile de multiplier beaucoup ici les faits du (1) Ce fait paraît avoir été constaté à 0,8Z|0 (6). Il est vrai que la saignée expérimentalement, vers le milieu du est en elle-même une cause d'appau- siècle dernier, par Kaau-Boerhaave , vrissement du sang (c) ; mais la grande neveu du célèbre médecin de ce augmentation dans la c^uantité d'eau dernier nom {a), observée dans ce cas ne pouvait s'ex- On peut constater aussi Tintro- pliquer de la sorte seulement, et dé- duction de Feau dans le sang à la vait dépendre en grande partie de suite de l'absorption de ce liquide par l'absorption des boissons. la surface gastrique. Ainsi, dans une (2) En 1817, Mayer a constaté que du expérience citée par Bérard, un Bœuf cyanoferrure de potassium dissousdans qui avait été privé de boissons pen- l'eau, de même que divers autres dant vingt-quatre heures, fut saigné sels, injecté dans les cellules aérifèrcs avant et après qu'on l'eut fait boire, du poumon, se retrouve très prompte- et l'on trouva que la proportion d'eau ment dans le sang, et se montre dans contenue dans le sang, qui était de l'oreillette gauche du cœur avant que . 0,775 avant l'injeclion du liquide dans d'être arrivé dans l'oreillette droite, l'estomac, s'était élevée bientôt après 11 a reconnu aussi la présence de ce (a) Kaau-Boerliaa-ve, Perspiratio dicta liippocrati per universum corpus anatomice illustrata, 4738, § 469, p. 202. (6) Bérard, Cours de physiologie, t. II, p. 595. (c) Voyez ci-dessus, tome I, page 249, CONSIDÉRATIONS GÉNÉUALES. 7 même ordre, mais ceux que je viens de citer prouvent suffi- samment que les Animaux possèdent la faculté d'absorber les liquides en contact avec les organes et de verser ces matières étrangères dans le torrent sanguin en circulation dans leur corps (1). sel dans le sérum du sang, quand il en avait introduit une certaine quan- tité dans l'estomac (a). Quelques années après, ^IM. Tie- demann et Gmelin ont reconnu dans le sang des Animaux soumis à leurs expériences l'odeur du camphre et du musc qui avaient été introduits dans les voies digestives. Ils y ont constaté aussi la présence du cyano- ferrure de potassium , du sulfate de potasse, d'un sel de plomb, etc., qui avaient été absorbés de la même ma- nière (6). Une multitude de faits du même ordre ont été constatés par plusieurs autres expérimentateurs , tels que Lebkiichner , Westrumb , Lawrence et Coates, les membres de la Société médicale de Philadelphie , Orfila , -MM. Panizza et Kramer , Cha- tin , etc. (c). Le passage du cyanoferrure de po- tassium de l'extérieur jusque dans le sang par la voie de l'absorption cu- tanée a été constaté aussi chez les Animaux inférieurs, parles expérien- ces de Jacobson sur les Colimaçons (ci). (1) Il arrive souvent que les ma- tières étrangères dont l'absorption n'est pas très rapide ne se reconnais- sent pas dans le sang , bien qu'on les retrouve dans les urines, dans le foie ou dans d'autres parties de l'écono" mie , et quelques auteurs ont été con- duits de la sorte à supposer qu'il existe des voies de transport pour les substances absorbées, indépendantes de l'appareil circulatoire (e) ; mais cela tient en général à ce que les (o) Mayer, Op. cit. (SleckA's Deutsches Archiv, t. III, p. 496). (b) Tiedemaiin et Gmelin, Op. cit., p. 65. (c) Lebkiichner, Dissertation inaugurale suv la perméabilité des tissus vivants. Tubingen, 4819 {Arch. géti. de méd., i" série, 1825, t. VII, p. 424). — Canlu, Sur la présence de l'iode dans le sang (Journ. de chim. méd., 1826, t. II, p. 291). — Westrumb, Physiol. Untersiich. iiber die Einsaugungskraft. der Yenen; — et Expériences sur l'absorption cutanée (Arch. gén. de méd., 1829, t. XXI, p. 113). — Experinients on Absorption by the Committee of the Acad. of Philadelphia {London Med. and Phys. Journ., 1832, t. XL VII, p. 275). — Lawrence et Coates, Accoimt of some furiher Experinients to deteiinine the absorbing Power ofthe Veins and Lymphatics [Philadelphia Journal, 1823, n° 10). — Panizza, Dell'assorbunento venoso {Mem. dell'lstit. Lombardo, t. I, p. 169). — A. de Kramer, Ricerche per discopriere nel sangue, nelV urina ed in varie altre secrezioni animali le combinazioni minerali amministrale per bocce {Memorie dell'Isliiulo Lombardo, Milano, 1843, t. I, p. 115). — Franchini, Pdcerche fisiologiche inlorno ail' assorbimento. Bologne, 1823, p. 2 et suiv. — Orfila, Mém. sur l'empoisonnement (Mém. de l'Acad. de médecine, t. VIII, p. 375j. — Cliaiin, Sur les fonctions des vaisseaux chylifères et des veines [Comptes résidus de l'Acad. des sciences, 1844, t. XVIII, p. 379). [dj Voyez Oersled , Oversigt over Selskabcts Forhandiinger og dets Medlemmers Arbeider fra 1824 m 1827 [Mém. de l'Acad. danoise, 1828, t. III, p. xix). (e) Danger et Flanriin, De la localisation des poisons [Revue scienti/ique et industrielle, I84I). — Orfila, Nén. siir l'empoisonnement [Mém. de l'Acad. de médecine, t. VIII, p. 521 , 540, elc). r relatives aux vaisseaux absorban(s. 8 ABSORPTION. Opinions § 2. — L'existence de celte propriété pliysiologique était des anciens ,. , i, a,/»-, i ' hysioiogistes coniuic longteiiips avant que 1 on eut tait aucune des expe- riences dont je viens d'arguer ; et lorsque les découvertes d'Aselli, de Pecquet et de leurs émules nous eurent appris que des produits de la digestion passent de l'intestin dans les vais- seaux lymphatiquesdu mésentère, puis dans le canal thoracique, pour être ensuite versés dans les veines, et que des vaisseaux du même ordre naissent dans toutes les parties du corps pour aller se terminer de la même manière (1), on fut conduit à penser que tout ce système de canaux centripètes devait être affecté à des usages analogues, et constituer les voies par les- quelles les matières étrangères à l'organisme, quelle qu'en fût la nature, avaient à passer pour aller gagner le torrent circula- toire et s'y mêler au sang. Les -recherches des frères Hunter et de Monro contribuèrent plus que toutes les autres à faire prévaloir cette opinion (2), et vers la fin du siècle dernier elle paraissait si bien établie, que la plupart des physiologistes ne désignèrent plus l'ensemble des vaisseaux lymphatiques et chylifères que sous le nom de système absorbant. matières absorhéos sont éliminées du même sujet. La question de priorité sang à mesure qu'elles arrivent dans relative à cette prétendue découverte ce liquide, et |)ar conséquent ne s'y donna lieu à des discussions fort vives, accumulent pas en quantité siiJlisantc etdontle tonétaitpeudigne d'iiommes pour être reconnaissables par l'emploi aussi honorables {à). Du reste, le pre- des réactifs mis en usage. mier auteur qui ait soutenu l'opinion (1) VoycziomelV, page/ii7 et suiv. d'après laquelle l'absorption aurait (2) Les vues de Hunier à ce sujet lieu exclusivement par les vaisseaux furent d'abord rendues publiques par lymphatiques paraît être le célèbre les leçons orales de ce professeur, et, Frédéric Hoffmann , qui vivait près peu de temps après, Monro fit pa- d'un siècle avant (6). raîfie ù Berlin une dissertation sur le (a) Al. Monro, jun., De veiils lymphalicis valvtdosis, et de eanimiii primis origine. Berlin, ilCA. — Obsevv. anat. and pbysioL, elc. — W. Huiilcr, Médical Commentaries, part i, containing a plaiii and direct ansiver to Prof. Monro jun., 17G2. — Voyez aussi à ce sujet : Boslock, An Element'inj System of Physiology, t. H. p. 558. (6) Hoffmann, Medicina ralionalis systematica, lib. I, secl. il, cap. 3, ILSO. ROLE DES VEINES. 9 Il est en effet bien démontré que les lymphatiques sont des P'-euves *• _ de l'absorption vaisseaux qui absorbent et qui versent dans l'appareil circula- par les veines. toire les matières dont ils se sont chargés; mais le nom de vaisseaux absorbants ne leur convient pas, car les expériences de Magendie sont venues montrer qu'ils ne jouissent pas seuls de la faculté de pomper en quelque sorte les fluides qui baignent la surface des organes vivants, ou qui sont déposés dans la profondeur de ceux-ci ; que ces conduits ne sont pas des organes absorbants par excellence, et que les veines peuvent, sans leur aide, s'emparer des mêmes substances et les mêler au sang en mouvement dans l'économie (1). Magendie obtint ce résultat important en faisant des recher- ches sur une de ces substances vénéneuses dont diverses peu- plades sauvages se servent pour empoisonner la pointe de leurs flèches, Vupas tieuté, qui doit sa puissance à la strychnine. Lorsqu'un peu de ce poison est déposé sous la peau de la patte d'un Animal vivant ou dans toute autre partie du corps, il est prompfenient absorbé; après avoir été mêlé de la sorte au sang et avoir été transporté par le torrent circulatoire dans toutes (1) Ces reclierclies expérimentales que, et inlroduisit dans l'estomac des datent de 1809. Elles furent d'abord Animaux soumis à ses expériences publiées à part, puis reproduites dans une infusion de rhubarbe; bientôt le journal de physiologie cxpiMimen- après, la présence de cette substance taie de Magendie (a). pouvait être constatée dans l'urine au Peu d'années après (en IHli), moyen de la réaction déterminée par Evèrard Home, sans connaître les ré- la potasse (6). Dans un premier tra- sultats déjà obtenus par Magendie, a vail , Hoine avait supposé que le cherché aussi à établir que les fluides passage entre l'estomac et l'appareil absorl)és par l'estomac arrivent dans le urinaire était direct; mais, dans le sangsans avoir passédans les vaisseaux mémoire que je viens de citer, il aban- lymphatiquos. Il lia le canal thoraci- donna celte opinion erronée. (ni Magendie, Mémoire siiv les ovyanes de l'absorjition chez les Mammifères, 1809 (Journal de phjisiologie, -1821, t. I, p. tS). (b) Home, Experiments to prcve that Flidds pass divecllij from the Stomach to the Circulation of the Blood, and from thence into the Cells of the Spleen, the Gall Bladder and urinary Bladder , without going thi-ough the thoracic Duct [Philos. Trans., 1811, p.^163). 10 ABSORPTION. les parties de l'organisme, il exerce sur la moelle épinière une action puissante, et il détermine ainsi dans tous les muscles des contractions spasmodiques d'une grande violence. Dans l'hypo- thèse de l'absorption par les vaisseaux lymphatiques seulement, qui régnait sans partage dans les écoles à l'époque où Magendie commença ses expériences, on expliquait ce transport de l'upas tieuté en supposant qu'il avait été pompé par les lymphatiques de la patte ou de toute autre partie où le dépôt en avait été effec- tué, puis charrié par la lymphe de ces vaisseaux jusque dans le canal thoracique, qui l'aurait versé dans la veine sous-clavière, laquelle à son tour l'aurait conduit au cœur, dont les contrac- tions devaient le pousser ensuite à travers le reste du système circulatoire jusque dans les vaisseaux capillaires du système nerveux. Mais Magendie trouva que le poison suit une route plus directe, et arrive dans les veines sans l'intermédiaire des lymphatiques. Ainsi, dans une des expériences de ce physiolo- giste éminent, l'abdomen d'un Chien ayant été ouvert et une anse de l'intestin comprise entre deux ligatures, on lia égale- ment tous les vaisseaux lymphatiques de la portion du tube digestif ainsi isolée, et l'on en fit la résection, de façon à ne la laisser en communication avec le reste de l'organisme que par une artère et une veine, à l'aide desquelles la circulation du sang s'y maintint ; puis on introduisit dans ce tronçon d'intestin une certaine quantité d'upas tieuté, et on le replaça dans l'abdomen. Six minutes après, les effets généraux du poison se manifestèrent avec leur intensité ordinaire, et Magendie en conclut avec raison que l'absorption de cette substance s'était effectuée à l'aide de la veine mésentérique restée intacte. D'autres expériences dans lesquelles la cuisse de l'Animal fut divisée de façon à ne tenir au reste du corps que par le tronc de l'artère crurale et sa veine satellite, donnèrent les mêmes résultats. Mais nous savons qu'il existe des lymphatiques dans l'épaisseur des parois des vaisseaux sanguins, et par con- ROLE DES VEINES. 11 séquent on aurait pu arguer de cette circonstance pour soutenir qu'ici encore l'absorption du poison avait été effectuée par des conduits de ce genre. JMagendie prévit cette objection, et y répondit en répétant l'expérience dont je viens de rendre compte, et en maintenant la circulation dans le membre, non à l'aide de l'artère et de la veine laissées intactes, mais au moyen de deux ajutages métalliques par l'intermédiaire des- quels la continuité fut établie entre le bout supérieur et le bout inférieur des vaisseaux divisés. Or l'upas tieuté, déposé dans une plaie faite à la patte ainsi isolée, n'en fut pas moins absorbé comme dans le cas précédent, et lorsque, dans les expériences de ce genre, on interrompait temporairement le passage du sang veineux de la patte amputée vers le corps, on suspendait d'une manière correspondante l'apparition des symptômes de l'em- poisonnement. Nous avons vu, dans une des dernières Leçons, que les lymphatiques des membres ne débouchent jamais directement dans les veines de ces parties du corps (1), et par conséquent nous devons conclure de toutes ces expériences, comme l'a fait Magendie lui-même , que les veines sont en réalité des vaisseaux absorbants, c'est-à-dire des vaisseaux dans lesquels les matières étrangères peuvent pénétrer directement, et être charriées depuis leur point d'application jusque dans le cœur qui les distribue ensuite avec le sang dans toutes les parties de l'économie (2). (1) Voyez tome IV, page 526. des piiblicalions ultérieures il crut (2) Dans le beau travail dont je pouvoir aller plus loin, et révoquer viens de donner l'analyse, Magendie, en doute leur aptitude à pomper au tout en établissant que les veines sont dehors de l'organisme d'autres ma- des vaisseaux absorbants, ne contesta tières que le chyle. pas l'existence de propriétés analogues II est à noter que plusieurs physio- dans les lymphatiques (a); mais dans logistes du xviir' siècle avaient sou- (a) Boerhaave, Prœlectioties academicœ, edidit Haller, t. I, p. 402 et suiv. Rôle des vaisseaux lymphatiques dans l'absorption. 12 ABSORPTION. § 3. — Ce résultat, obtenu il y a cinquante ans, fut confirmé par un grand nombre d'autres faits, et aujourd'hui tous les physiologistes l'admettent sans contestation. Mais le changement dans les opinions régnantes qui s'opéra sous l'in- fluence des travaux de Magendie, détermina bientôt une exa- gération dans les conclusions que l'on en tira, et beaucoup d'expérimentateurs crurent devoir soutenir que les lympha- tiques n'interviennent jamais dans le travail d'absorption dont l'organisme est le siège, si ce n'est pour introduire dans le sang les produits de la digestion (1). Quelques auteurs crurent même que la présence du chyle dans les lymphatiques de l'in- testin n'était pas la conséquence d'un phénomène d'absorption, mais devait être attribuée à une action sécrétoire analogue à celle qui donne naissance au lait, à la bile ou à l'urine. Nous terni que les veines sent les organes par lesquels l'absorption s'effectue : lloerhaave, par exemple; mais celte opinion manquait de preuves, et était généialement aiiandonnée depuis le commencement du siècle aciuel. (1) M. Ségalas a été conduit, par diverses expériences, à penser que les substances autres que le chyle, dépo- sées dans le canal intestinal, ne pou- vaient être absorbées que par les veines. Il isola nne anse d'intestin et fit la ligature des vaisseaux sanguins qui en dépendent, mais laissa intacts les lym- phatiques ; puis, iiyant introduit de la noix vomlque dans le tronçon ainsi cir- conscrit, il le remit en place, et ne vit se manifester aucun des symptômes d'empoisonnement qui résultent tou- jours de l'absorption de cette sub- stance. Dans une autre expérience, il procéda de la même manière ; seule- ment, au lieu d'interrompre la circu- lation dans l'anse intestinale où était emprisonnée la matière toxique, il ouvrit la veine de cette partie et dis- posa les choses de façon à faire couler au dehors le sang qui y avait passé : or, dans ce cas, de même que dans l'expérience précédente, il ne se dé- clara pas d'empoisonnement. On en pouvait conclure que, dans les condi- tions où M. Ségalas avait opéré, les vaisseaux lymphatiques de l'intestin n'avaient exercé aucune action absor- bante appréciable (a). Je citerai également ici quelques- unes des expériences faites plus ré- cemment sur le même sujet , par M. Panizza. Ce physiologiste opéra sur un Cheval, et ayant, à l'aide d'une incision pratiquée aux parois de l'ab- (a) Ségalas, Note sur l'absorption inlestinale {Journal de physiologie de Magendie, 1822, t. II, p. in). RÔLE DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES. 13 reviendrons sur cette dernière manière de voir, lorsque nous étudierons le cas particulier de l'absorption des matières ali- mentaires élaborées dans le tube digestif, et ici je me bornerai à examiner le rôle du système lymphatique dans l'absorption générale, c'est-à-dire dans l'introduction des matières non digérées du dehors dans l'intérieur de l'organisme; question qui a beaucoup occupé l'attention des physiologistes, il y a un quart de siècle, et qui a donné lieu à un grand nombre de travaux. Les principaux faits dont on a argué pour établir que les vaisseaux lymphatiques sont susceptibles d'absorber les matières étrangères autres que le chyle, sont fournis en partie par les observations pathologiques, en partie par les expériences dans lesquelles diverses substances, plus ou moins faciles à recon- domen, fait sorlir au dehors une anse d'intestin, il l'isola à l'aide de deux ligatures placées de façon que le sang de la partie ainsi délimitée ne retour- nait au corps que par un seul tronc veineux. 11 lia ensuite ce vaisseau et y fit une ouverture, afin que la circula- tion ne fût pas interrompue dans l'anse intestinale, mais que le sang de cette partie ne pût pas rentrer dans le torrent circulatoire général; les lymphatiques furent laissés libres, et, à l'aide d'une ponction, une certaine quanUté d'acide cyanhydrique fut in- troduite dans l'anse intestinal ainsi disposé. Aucun symptôme d'empoi- sonnement ne se manifesta, et le sang qui s'échappait de la veine ouverte présenta bientôt l'odeur et les autres signes indicatifs de la présence de l'acide cyanhydrique. Dans une autre expérience, les choses étant disposées de même, le tronc veineux venant de l'anse intestinale isolée ne fut ni lié ni ouvert, mais simplement comprimé entre lesdoigtsde l'opérateur, de façon à empêcher le sang d'y passer. Aucun symptôme d'empoisonnement ne se manifesta à la suite de l'introduction de l'acide cyanhydrique dans l'anse intestinale; mais lorsqu'on cessa de comprimer la veine, l'action toxique de ce corps devint évidente en moins d'une minute (a). Les recherches de M. Fenwick por- tèrent même ce physiologiste à penser que l'absorption du chyle dépend uni- quement de l'action de l'appareil cir- culatoire, et que les lymphatiques ne font fiue transporter une partie des matières que les vaisseaux sanguins ont reçues et leur transmettent (6). (a) Panuza, Dello assorblmento venoso (Memorie delV Istituto Lombardo, 4843, t. I, p. 176), (b) Fenwick, An Expérimental Inquinj into the Functions of the Lacteals and Lymphatic ancet, 1845, 1. 1, p 29 et suiv.). ILancet 1/^ ABSOKPTSON. naître, ont été déposées dans différentes parties de l'organisme et ont paru avoir passé dans la lymphe. Je ne m'arrêterai guère sur les arguments en faveur de l'absorption par les lymphatiques, qui ont été fournis par la pathologie, parée qu'ils n'ont à mes yeux que fort peu de valeur. Les médecins ont eu l'occasion de remarquer qu'à la suite d'une blessure faite par un instrument chargé de matières putrides, ou d'un virus quelconque, les vaisseaux lymphatiques provenant de la partie lésée sont très aptes à s'enflammer, et que les ganglions placés sur le trajet de ces mêmes vaisseaux s'engorgent souvent. Ils ont vu des phénomènes analogues se manifester dans le voisinage de certaines ulcérations dont le pus est doué de propriétés contagieuses, et ils ont pensé que cet état morbide des vaisseaux lymphatiques dépendait de l'irri- tation produite sur leurs parois par le passage des virus qui, dans ces circonstances, ont dû être introduits dans l'organisme par voie d'absorption. La route mise ainsi hors d'état de ser- vice semble en effet devoir être celle que ces matières toxiques ont dû suivre, et l'on a cru voir là une preuve de l'action absorbante des lymphatiques; mais il est fort possible que l'altération des liquides en mouvement dans ces vaisseaux soit la conséquence non de leur mélange avec les matières étran- gères ou morbides déposées à la surface externe de la plaie, mais bien du développement d'un travail sécrétoire dans leur intérieur; travail qui serait provoqué par l'action du virus, et qui aurait le même caractère que celui dont dépend la forma- tion du pus excrété au dehors (i). J'en dirai autant des cas (1) Les accidents de ce genre sont d'y donner lieu, est de cautériser mallieureusemenl très fréquents par- immédiatement la plaie, afin de de- mi les personnes qui se livrent à des iruire le virus, ou ferment patholo- travaux anatomiques, et Fexpérience giquc, qui peut y avoir été déposé. a prouvé que le meilleur moyen pour Gruiksliank attribue l'inflammation empêclier les piqûres envenimées développée ainsi dans les lympliati- RÔLE DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES. 15 dans lesquels quelques chirurgiens ont trouvé les lymphatiques gorgés d'un liquide purulent ; rien ne prouve que ce liquide ait été puisé' dans les dépôts de pus adjacents, et qu'il ne soit pas le résultat de l'état intlammatoire de la surface interne de ces vaisseaux eux-mêmes (1). ques au passage des matières irri- tantes absorbées par ces vaisseaux, et ne voyant pas de phénomènes mor- bides du même genre se manifester dans les veines, il en conclut que celles-ci n'absorbent pas (a). Cette manière de voir a été adoptée par beaucoup d'autres physiologistes : mais, ainsi que Bérard le fait remar- quer avec raison, rien ne prouve que la matière étrangère dont la pré- sence dans la plaie détermine tous ces désordres ait passé par les lympha- tiques, et que Tinflammation de ces vaisseaux soit due à son action directe sur la surface interne de leurs pa- rois (6). J'ajouterai que, dans beau- coup de cas de ce genre, l'intoxication générale me semble dépendre non de l'absorption directe de la petite quan- tité de virus déposée dans un point très circonscrit de l'organisme, mais de la dispersion consécutive des pro- duits morbides dont la formation a été déterminée dans ce point par le contact du virus ; et si cela est, on comprendrait facilement que la sé- crétion pathologique ainsi provoquée pût s'établir à la surface interne des cavités lymphatiques situées dans la substance des tissus malades, aussi bien qu'à la surface externe des la- melles ou des fibrilles constitutives de ces mêmes tissus. Or, s'il en était ainsi, la présence des matières irri- tantes ou toxiques dans les vaisseaux lymphatiques serait une conséquence non de leur absorption du dehors, mais de leur formation sur place dans l'intérieur des radicules de ces con- duits. (i) « La preuve la plus forte qu'on puisse donner que les lymphatiques absorbent , dit Cruikshank , est que toutes les fois que les fluides sont extravasés sur des surfaces ou dans des cavités, ou toutes les fois que de pareils fluides distendent outre mesure leur réservoir, on trouve les vaisseaux lymphatiques appartenant à ces sur- faces et à ces cavités entièrement remplis du même fluide. La démons- tration est encore plus évidente quand les fluides dont nous parlons sont fortement colorés. Nous avons ainsi fréquemment vu, chez les Animaux qui meurent d'hémoptysie , et chez l'Homme même , les lymphatiques , qui, dans les autres circonstances, con- tiennent un fluide transparent, être gorgés du sang qu'ils avaient absorbé des cellules aériennes (c). » La présence d'une quantité plus ou moins considérable de globules rouges du sang dans les lymphatiques d'une partie dont le tissu a été lacéré, ne (a) Cruikshank, Anatomie des vaisseaux absorbants, p. 58. (6) Bérard, Cours de physiologie, t. II, p. 643. (c) Cruikshank, Op. cit., p. 88. 1() ABSORPTION. Dans un grand nombre d'expériences faites par divers phy- siologistes, on a cherché vainement à découvrir dans les liquides contenus dans le canal thoracique, ou dans ses afférents, des traces de l'existence de matières colorantes ou salines déposées à la surface des membranes où ces vaisseaux prenaient nais- sance (1). Aussi paraît-il bien démoniré aujourd'hui que les lymphatiques ne jouent d'ordinaire qu'un rôle très secon- daire dans le travail de transport des matières absorbées du prouverait pas que ces derniers vais- seaux absorbent dans les conditions normales; car, ainsi que je l'ai déjà dit, les communications accidentelles s'établissent très facilement entre les capillaires sanguins et les cavités radi- culaires adjacentes du système lympha- tique (a), et il y a tout lieu de croire que dans les cas dont Cruikshank parle, c'est de la sorte, plutôt que par un véritable travail d'absorption, que les vaisseaux blancs se sont remplis de sang. La présence de pus dans les lym- phatiques, provenant d'une par[ic où existait un dépôt purulent , a été signalée par plusieurs pathologistes, tels que Dupuytrea (6) ; mais, sauf dans les cas de métrite, cela se voit très rarement, et, dans plus de deux cents autopsies faites à ce point de vue par M. Andral, le liquide renfermé dans ces vaisseaux n'a jamais offert de rapport avec les humeurs contenues dans les parties adjacentes (c). Bérard a fixé aussi son attention sur ce point, et n'a jamais rien trouvé qui fût de nature à faire supposer que les lym- phatiques eussent absorbé du sang ou du pus (d). Parfois on trouve aussi du pus dans les veines, et quelques auleiirs ont considéré ce fait comme une preuve de la faculté absorbante de ces vais- seaux (e) ; mais rien ne prouve que la suppuration ne se soit pas établie à leur surface interne aussi bien que dans les parties adjacentes. (1) Plusieurs anciens physiologistes ont cru avoir constaté le passage des matières colorantes ( notamment de l'indigo ) de l'intestin dans les vais- (a) Voyez tome IV, page 548 et suivantes, (6) Voyez Cruveilhier, Essai sur l'anatomie pathologique, 1816, t. I, p. 200. ■ — - Danyau, Essai sur la métrlle gangreneuse. Thèse, Paris, 1829. — Tonnelle, Des fièvres puerpérales observées à la Maternit.é en 1829 {Arch. gén. de méd., 1" série, t. XXII, p. 345 etsuiv.). — Nonat, De la métro-péritonite puerpérale compliquée de l'inflammation des vaisseaux lym- phatiques de l'utérus. Thèse, Paris, 4 832. — Duplay, De la suppuration des vaisseaux lymphatiques de l'utérus à la suite de l'accouche- ment (Arch. gén. de méd., 1835, 2* série, t. VII, p. 293). — De la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques de l'utérus (Arch., 2'. série, t. X, p. 308). (c) Andral, Recherches pour servir à l'histoire des maladies du système lymphatique (Arch. gén. de méd., 1824, 1" série, t. VI, p. 502). (d) Bérard, Cours de physiologie, i. II, p. 044. (e) Gendrin, Histoire anatomique des inflammations, t. I, p. 707. — Kay, On the ulcerative Process in Joints [Med. Chir. Trans,, 1818, t. XVIII, p. 211). ROLE DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES. 17 lieu de dépôt de ces substances vers le centre de l'appareil irrigatoire. ÎMais il faut bien se garder de les croire inaptes à absorber; car il existe dans la science d'autres lails qui ne seaux chylifères (a) ; et les expérien- ces de J. Hunier ont été considérées par VY. Ilunter comme démonstra- tives de ce genre d'absorption. En effet, J. Hunter, après avoir injecté de l'indigo dans le péritoine d'un Animal vivant, crut apercevoir celte subslance fort peu de temps après dans les lym- phatiques du mésentère (6); mais il s'était probablement laissé induire en erreur par quelque circonstance acci- dentelle : car cette expérience a été répétée par beaucoup d'autres phy- siologistes et a toujours donné des résultats négatifs, ou du moins fort douteux; et M. IJ. iMayo , qui crut d'abord avoir vérifié l'assertion de Hunier, ne tarda pas à reconnaître qu'il s'était lui-même trompé, et que la teinte qu'il attribuait à la présence de l'indigo était le résultat d'une alté- ration cadavérique ordinaire (c;. D'aulres matières colorantes, telles que la garance et le curcuma, ont été retrouvées dans les vaisseaux cliyli- leres, mais c'était après que ces sub- stances eurent été administrées fort longtemps avant l'examen des hu- meurs, et quand par conséquent elles pouvaient être arrivées dans les lym- phatiques par la voie des vaisseaux sanguins (d). Alagendie s'est élevé très fortement contre l'opinion de Hunier (e), et, d'a- près l'ensemble des résultais négatifs obtenus par ce pliysiologiste et un grand nombre d'autres expérimenta- teurs, il paraît bien démontré aujour- d'hui que les matières colorantes eu question ne passent pas en quantité appréciable dans les vaisseaux chyli- fères (/"). Ainsi, dans une série nom- breuse d'expériences sur l'absorplion, faites par une commission de l'Aca- dénùe médicale de l'hiladelphie , le cliyle fut toujours trouvé incolore , malgré l'ingestion de l'indigo, de la rhubarbe, de l'orcanette ou de la co- chenille dans les voies digeslives (g). L'absorption de quelques autres (a) Martin Lister, Experiment made for altering the Colour of the Chyle {Philos. Tram., 1683, t. XIII, p. 7). — Musgrave, Letter concerning some Experiments made for Iransmiiting a Mue Colour Liquor into theLacteals {Philos. Trans., 1701, t. XXIII, p. 996). . — Hallor, Elementa physiologiœ, t. VII, p. 02. — Ontyd, Disserl. acad. de causa absorptionis per vasa lymphalica. Leyde, 1795, p. 20. (6) Voyez W. Huntor, Médical Commentaries, 1762, part, i, p. 44. (c) Mayo, Anatomical and Physiologlcal Commentaries, t. H, p. 42. {d) Seiier et Ficiiius, Yersuch ûber das Einsaugungsvermdgen der Yenen {Zeitschr. fiir nalur- ûnd Heilkunde, i8<2i, t. Il, p. 317). — Buisson, Coloration du chyle avec la garance {Gazelle médicale, 1844, p. 295). (e) Ma^'endie, Précis élémentaire de physiologie, t. II, p. 201. (/") Flandrin, Expériences sur l'absorption des vaisseaux lymphatiques des Animaux {Journal de médecine, 1798, t. LXXXV, p. 372). — • Lebliiichner, Dissert, inaug. swr la perméabilité des tissus, Tubingen, 1819 {Archives générales de médecine, 1825, t. VII, p. 432. — Blondlot, Traité analytique de la digestion, p. 426. (g) Experiments on Absorption by a Committee of the Acad. of Med. of Philadelphia {London Médical and Physical Journal, 1832, t. XLVII, p. 47). 18 ABSORPTION, Preuves pGuvent laisser aucun doute, quant à la possibilité de leur ''" paï^icf"'" intervention dans cette portion du travail physiologique. Ainsi, lymphaiiques. ^^^^^ ^^^^^^ J'unc circonstancc, les expérimentateurs qui se sont occupés d'une manière spéciale de l'étude de cette question, ont matières colorantes par les vaisseaux lymphatiques paraît se faire plus fa- cilement. Ainsi, dans le voisinage du foie, on les a souvent trouvés colorés en jaune par la présence de la bile dansîeur intérieur ; et MM. Tiedemann et Gmelin, dans des expériences siu- les eilets produits par la ligature du canal cholédoque , ont constaté la présence des principes constituants de cette humeur, non-senlement dans les lymphatiques du foie et dans les gan- glions que ces vaisseaux traversent, mais jusque dans le canal thora- cique (a). Quelques auteurs ont sup- posé que la pénétration de la bile dans les tissus absorbants était un phéno- iiîène cadavérique seulement, et ne dépendait pas de l'absorption physio- logique. Mais Lebkitchner a constaté expérimentalement que les principes caractéristiques de ce liquide traver- sent promptement le péritoine pen- dant la vie aussi bien qu'après la mort. Effectivement, ayant injecté de la bile dans la cavité péritonéale d'un Chat, et ayant tué l'animal douze mi- nutes après l'opération, il trouva que la matière jaune et la matière amère de ce liquide avaient déjà pénétré dans le tissu conjonctif sous-péritonéal (6). Je dois ajouter que, dans un grand nombre de cas, des réactifs chimiques, tels que du cyanoferrure de potas- sium et du sucre, ont été ingérés dans l'appareil digestif et absorbés sans qu'on ail pu en découvrir de traces dans les vaisseaux chylifères ou dans les autres parties du système lympha- tique. Un résultat négatif de ce genre fut obtenu par Haller en employant un sel de fer (c). MM. Tiedemann et Gmelin cherchèrent en vain dans les liquides du canal thoracique des traces de divers sels de fer, de plomb, de mercure et de baryte dont ils avaient déterminé l'absorption par les voies digestives (cl). MM, Bouchardal et Sandras n'ont pu y retrouver ni le cyanoferrure de potassium, ni le sucre qu'ils avaient administrés de la même manière et qui se reconnaissent dans le sang (e). Dans quelques expériences faites par MM. Panizza et de Kramcr, la présence des réactifs absorbés ne put être démontrée nettement dans le chyle (f). Je citerai également à cette occasion des recherches infruc- tueuses faites par Magendie, Mayer, Westrumb, etc. {g). Enfin il est aussi («) Tiedemann et Gmelin, Recherches sur la digestion, t. II, p. 50. (6) Lobkiichnei-, Op. cit. {Arch. gén. de médecine, 1825, l. VII, p. 439). (c) Haller, Elementaphysiologiœ, t. Vil, p. G3. (d) Tiedemann etGmelin, Recherches sur la route que prennent diverses substances pour passer de l'estomac et du canal intestinal dans le sang, p. 00. (c) Bouchardal et Sandras, De la digestion des matières féculentes et sucrées {Annuaire de thé- rapeutique, 1846, supplément, p. 80 cl suiv.). (/■) Panizza, Dell' assmiiimenlo venoso {Mem. dclV Istituto Lombarde, 1841, 1. 1, p. 173). (g) Magendie, Précis élémentaire de physiologie, t. II, p. 202. — Mayer, Op. cit. (Meckel's Deutsches Archiv fiïr die Physiologie, 1817, t. III). — Weslruml), Op. cit. {Arch. gén, de méd., 1829, 1" série, t. XXI, p. 115). RÔLE DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES. 19 VU le cyanofeiTure de potassium qu'ils avaient injecté soit dans les cavités séreuses, soit dans le tube digestif, ou qu'ils avaient mis en contact avec le deraie déimdé, apparaître plus ou moins promptement dans l'intérieur du système lymphatique (1). Il est à noier que M. Chatin a trouvé des traces d'arsenic dans !e sang d'un Chien auquel il avait adminislré ce poison , mais il n'a pu en découvrir dans la lymphe du canal thoracique. D'autres expériences, faites sur l'é- métique , lui donnèrent des résultats analogues [a). Les résultats obtenus par l'enipioi de diverses matières odorantes sont moins nets, et parfois les expérimen- tateurs ont cru reconnaître la pré- sence de ces substances dans les liquides du système chylifère. (1) Par exemple , dans les expé- riences de Foderà, faites sur déjeunes Lapins, une infusion de noix de galle ayant été injectée dans la plèvre ou dans la vessie, et une solution de sul- fate de fer dans la cavité péritonéale, on trouva bientôt après un précipité noir dans le canal thoracique, aussi bien que dans d'autres parties du corps (6). En introduisant de la même manière une dissolution de cyanoferrure de potassium dans l'ab- domen ou une dissolution de sulfate de fer dans la plèvre, on a trouvé du bleu de Prusse dans les gan- glions mé.«entériques et dans le canal thoracique, aussi bien que dans les veinules sous-péritonéales (c). Un résultat analogue fiit obtenu en em- prisonnant une solution de cyano- ferrure de potassium dans une anse intestinale dont la surface extérieure fut ensuite mise eu contact avec une solution de sulfate de fer {d). Enûn, le cyanoferrure ayant été introduit dans le tissu conjonclif sous-cutané de la cuisse de plusieurs jeunes La- pins, on constata la présence d'une certaine quantité de ce sel dans le canal thoracique, au bout d'une demi • heure ou même de quelques mi- nutes (e). 11 est, du reste, bon de noter que dans ces expériences Foderà faisait usage d'un peu d'acide chlorhydrique pour aviver la couleur bleue du préci- pité résultantde la rencontre du cyano- ferrure de potassium avec le sel de fer ; procédé à l'aide duquel il pouvait rendre visibles des traces de cette sub- stance, qui parfois auraient pu échap- per à l'œil, s'il n'avait employé cet artifice. Des résultats analogues avaient été obtenus précédemment par d'autres physiologistes. Ainsi, dans quelques- unes des expériences de Lawrence et Goates sur l'absorption, faites sur de jeunes Chats, le cyanoferrure de potas- sium s'est moniré dans le canal iho- (a) Chatin, Sur les fonctions des vaisseaux chyUfères et des veines {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, l. XVlII.p. 379). (b) Foderà, Recherches expérimentales sur l'absorplion et l'exhalation, 1824, p. 22. (c)Iclera, ibid., p. 24. (d) Idem, ibid., p. 27. te) Idem, ibid., p. 48. 20 ABSORPTION. vrai que quelques physiologistes ont supposé que ces matières avaient été absoitées parles veines et avaient été transmises des capillaires sanguins aux radicules lymphatiques, comme cela a lieu pour le plasma du sang (1) ; mais dans plusieurs cas cetle raciqiie de deux à huit minutes après son injection dans le tube digestif (a). Mayera trouvé aussi le cyanoferrure de potassium dans la lymphe du canal thoracique, quand il introduisait cette substance dans les voies respiratoires, mais elle se montrait plus prompte- ment dans le sang (6). Dans une des expériences faites i)ar Westnimb, le même sel, introduit dans l'organisme par une portion dénudée de la peau, se retrouva dans les ganglions de l'aine et dans le canal thoracique ; mais, dans d'autres expériences ana- logues, ce physiologiste n'oblint que des résultats négatifs (c). Enfin des faits du même ordre ont été constatés par Seiler et Ficinus , Lebldichner, Kay, Mac-Neven, M. Cl. Bernard, llorner et plusieurs autres physiologistes (d). Les expériences relatives à l'absorp- tion des substances odorantes par les (o) Lawrence et Coales, Account ofsome fuvther Experiments io détermine the absorhinfj Power of the Veins and lAjmphatics (Philaddphia Journal, 1823, n» i 0). (b) Mayer, Op. cit. (Wockers Deutsches Archiv filr die Pliysiologic, 1817, t. III, p. 485). (c) Weslrumb, Physiol. Untersuch. iïber die FAnsawj. der Vcncn. — E.ipériences sur V ab- sorption cutanée {.\rchives générales de médecine, 1820, t. XXI, p. 113). (d) MaK-Ncven, Expériences pour s'assurer de La non-décomposition des composés chimiques a travers les fluides de l'économie animale [.Krchives générales de médecine, 1823, t. 111, p. 209, ei New-York Med. and Phys. Journ., 1822). — H. Seilpi-und D. Ficinus, Versuclie iïber das Einsaugmgsvermdgen der Venen und Unter- suchung iiber die Saugadern der MHz (Zeitschr. fur Natur und Heilkunde l'on den Professoren der Cliir.-Med. Akad. in Dresden, 1821, t. II, p. 317). — Kiiy, 0(1 Ihe Ulcerative Process in Joints {Trans. of UieMed.-Chir. Soc. ofLondon, t.XVllI, p. 213). — Claude Bernard, Sur l'absorption {Union médicale, 1849, t. III, p. 445). (c) Schrcger, De functione placenta: uterinœ. Erlangen, 1799. if) Experiments on Absorption by the Committee of the Acad. of Philad. [London Med. and Physiol. Journal, 1822, t. XLVII, p. 275). ig) Buisson, De la coloration du chyle par la garance {Gazette médicale, 1844, p. 295), et Études sur le chyle {loc. cit., p. 523). — Fenwick, Expérimental Inquiry {Lancet, 1845, t. I, p. 29). — Boucliardat et Sandras, Remarques nouvelles su;' la digestion {Annuaire de thérapeutique, )845, p. 271). lymphatiques n'ont pis donné des ré- sultais aussi nets ; cependant, dans quelques cas, divers physiologistes ont cru reconnaître ces matières dans les liquides tirés de ces vaisseaux. Ainsi, ■Schreg.n-, ayant eu l'occasion d'obser- ver une femme chez laquelle un des troncs lyinphatiques du pied avait élé ouvert, et chez laquelle on pratiquait une saignée, lit tles frictions sur le dos du pied avec du musc, et bientôt après il crut reconnaître l'odeur de cette substance dans la lymphe recueil- lie sous une ventouse {ej. Les mem- bres de la commission médicale de Philadelpliie p' nsent aussi avoir vu l'asa fœtida passer de l'intestin dans le chyle aussi bien que dans le sang {f). (i) Celte opinion a été professée par MM. Bouisson, Fenwick et quelques physiologistes (g;. nOLE DES VAISSEALX LYMPHATIQUES. 21 hypothèse n'est pas admissible. Ainsi, M. Bischoff a reirouvé dans la lymphe du eyanolerrure de potaLsium qu'il avait intro- duit dans la |)alle d'un Animai après avoir suspendu la eircula- tion dans ce membre (1), et, dans des expériences faites sous mesyeuxparM. Colin, del'iodurede polutsium introduit dans le canal digeslif d'un ]\louton s'est bientôt retrouvé dans le liquide obtenu à l'aide d'une fistule du canal thoracique ; eniin du cyanoferrure de potassium logé dans le tissu conjonctif sous- culané de la tète d'un Cheval s'est montré en quelques minutes dans la lymphe qui s'écoulait par un orifice pratiqué au tronc lymphatique cervical du côté droit. Dans l'état actuel de nos connaissances , il est donc impos- sible de refuser aux vaisseaux lymphatiques en général l'aptitude à se laisser pénétrer par des matières étrangères et à transporter ces matières de la périphérie vers le centre de l'appareil irriga- loire, par conséquent à (bnclionner, ainsi que les veines, comme des instruments d'absorption. Nous aurons à examiner quelle peut être la part de l'un et de l'autre de ces systèmes de vaisseaux absorbants dans le travail à l'aide duquel les substances qui se trouvent à l'exté- rieur de l'organisme ou dans le corps vivant, bien qu'en dehors du système irrigatoire, sont introduites dans le torrent de la circulation. Mais, avant d'aborder cette question, il nous faut étudier le mécanisme par lequel cette introduction s'effectue dans un vaisseau quelconque, dans une veine comme dans un lymphatique. (l) Dans ces expériences, M. Bischoff lassiiim. L'al^sorplion de ces sub- lia l'arière aorle ajjdcminale, puis il stances ne s'efùctiia que fort lente- introduisil, dans Tune des pattes pos- nient , mais n'était pas douteuse , et tcrieures où ia circulation du sang il n même constaté leur présence dans se trouvait ainsi suspendue, des poi- la lymphe {a). sons végétaux et du cyanure de po- (a) Bischoff, Ueber die Résorption der narkolischen Gifte durch die Lymphgefdsse IZeitschrift filr rationelle Medicin, 1840, t, IV, p. 62). Résumé. 22 ABSORPTION. Mécanisme § fi. — Lorsqu'uiie idée fausse a disparu de la science et n'y l'absorption, a laissé aucune trace durable, je me garde bien d'en parler ici; car dans ces Leçons je ne fais pas l'histoire des opinions émises par les physiologistes, et je ne dois m'attacher qu'aux résultats positifs obtenus par leurs recherches. Mais quand une théorie erronée émane d'un homme de génie dont l'autorité est jour- nellement invoquée dans nos écoles; quand elle trouve encore des défenseurs, et qu'elle a exercé jusque dans notre temps une grande influence sur les doctrines régnantes, je ne crois pas pouvoir me dispenser d'en faire mention, ne l\jt-ce que pour prémunir les étudiants de notre Faculté contre ce qu'elle peut avoir de séduisant. II me paraît donc nécessaire de dire que pour expliquer l'introduction des matières absorbées de l'exté- rieur de l'organisme jusque dans l'intérieur des vaisseaux, l'illustre Bichat supposait que ceux-ci s'ouvraient au dehors par des espèces de bouches invisibles pour nos yeux, mais douées de la faculté de choisir les substances qui se présentent à elles, de se resserrer pour exclure les unes, et de se dilater pour attirer les autres et les faire pénétrer dans leur inté- rieur (1). Mais l'hypothèse de ces racines béantes d'un sys- tème de vaisseaux absorbants n'a pas plus de fondement que l'opinion relative aux vaisseaux exhalants dont j'ai rendu compte dans une Leçon précédente. En effet, il est bien démontré aujourd'hui que l'entrée des matières étrangères dans la pro- fondeur de l'organisme, ainsi que leur mélange avec les liquides nourriciers en circulation dans les vaisseaux est, de même que l'exhalation, c'est-à-dire le passage en sens inverse, un phénomène qui s'effectue sans l'intervention d'instruments (1) L'hypothèse de l'absorption par générale, et a été professée dans nos des bouches douées d'une sensibilité écoles médicales jusque dans ces der- élective a été développée par Bichat nières années (a). dans son célèbre Traité d'anatomie [a] Bichat, Anatomîe générale, 1. 11, p. 125 et suiv. (édit. de 1818). PERMÉABILITÉ DES TISSUS. 23 spéciaux et à l'aide de la perméabilité des tissus vivants qui se trouvent interposés entre ces fluides en mouvement et l'exté- rieur. En traitant de la transsudation, j'ai fait voir que les parois des vaisseaux, de même que toutes les autres parties de l'organisme, sont plus 00 moins perméables aux fluides, et sont susceptibles de s'imbiber d'eau tenant en dissolution des matières étran- gères (1). îl nous est donc facile de comprendre que des tissus qui se laissent traverser par les liquides de dedans en debors, puissent livrer passage à des substances également fluides qui tendraient à les pénétrer en sens inverse, et qui seraient pous- sées par une force quelconque de l'extérieur des vaisseaux dans l'intérieur de ces conduits. Mais en physiologie, comme dans les autres sciences expérimentales, il ne faut pas se contenter de lumières fournies par le raisonnement seul, et il faut cher- cher les preuves matérielles de ce que l'esprit nous fait aper- cevoir. Avant d'avancer davantage dans l'étude du mécanisme de l'absorption , il me semble donc nécessaire de montrer qu'effectivement les vaisseaux absorbants, c'est-à-dire les veines et les lymphatiques, sont susceptibles de se laisser pénétrer directement par les liquides qui les baignent extérieurement; que ces liquides, en passant à travers leurs parois et les autres tissus qui séparent le sang et la lymphe du milieu ambiant, peuvent se mêler à ces humeurs, et que leur absorption est un phénomène dépendant du jeu des forces générales dont l'étude est du domaine de la physique. § 5. — Dans une des premières Leçons de ce cours, lorsque i„,bibiiioii j'exposais la série de découvertes à l'aide desquelles nous tissus ''pmés sommes arrivés à connaître la nature du travail respiratoire, j'ai dit que Priestley avait constaté que l'interposition d'une membrane organique entre l'oxygène et le sang n'empêche (1) Voyez tome IV, page 392 et suivantes. 2/l ABS0RPT10i\. pas le gaz de pénétrer dans ce liquide et d'en aviver la cou- leur (!)• Or le même résultat est obtenu quand le sang, au lieu d'être placé dans un vase de verre recouvert d'un morceau de vessie, se trouve renfermé dans les vaisseaux qui lui sont propres. Ainsi, prenons sur une Grenouille vivante le poumon gorgé de sang, et après avoir placé une ligature autour de la base de cet organe pour y emprisonner ce liquide, séparons-le du reste du corps et suspendons-le alternativement dans de l'oxygène et dans du gaz acide carbonique : dans le premier cas, nous verrons le sang prendre une teinte vermeille, et dans le second il ne tardera pas à présenter un ton rouge rabattu de noir; cbangemenis qui dépendent, comme nous le savons, de l'action difterente de ces deux fluides sur les globules héma- tiques. Les gaz, en contact avec la surface extérieure de ce poumon privé de vie, ont par conséquent traversé le tissu des mcm!)ranes dans l'épaisseur duquel serpentent les vaisseaux où le sang est icnlermé, et ont été se mêler à ce liquide, comme dans les [)hénomènes d'absorption dont les êtres vivants sont le siège. Un résultat tout seml)lable s'obtient quand, au lieu d'em- ployer des gaz, on se sert d'eau tenant en dissolution des matières salines dont la présence est facile à constater au moyen de quelques réactifs chimiques. Ainsi, prenons le poumon d'un Lapin et laissons- le tremper dans une dissolution de cbromate de plomb, ou bien introduisons cette dissolution saline dans les voies aériennes; puis, après avoir attendu un certain temps pour permettre à limbibilion de s'effectuer, injectons dans l'ar- tère pulmonaire une dissolution d'acétate de plomb : nous ver- rons aussitôt se foruier dans Tinlérieur des vaisseaux sanguins un précipité jaune de cbromate de plomb, indice certain du passage du cbromate de potasse de l'extérieur dans l'intérieur de ces mêmes vaisseaux. (1) Voyez tome \, page /lOO. PERMÉABILITÉ DES TISSUS- 25 Les expériences de ce genre peuvent elre v.unées de mille manières, et elles montrent toujours que sur le cadavre les fluides peuvent pénétrer de l'extérieur jusque dans l'intérieur de l'appareil de la circulation ; que, par conséquent, le premier acte de l'absorption peut s'effectuer sans l'intervention de la puissance vitale, et que ce résultat est une conséquence de la perméabilité des tissus organiques (1). Pour établir ce fait, on pourrait même se contenter des observations cadavériques qui sont fournies journelleinent par les autopsies; et d'ailleurs tous les physiologistes admettent depuis fort longtemps, qu'après la mort les tissus organiques sont perméables aux liquides : mais on devait se demander si pendant la vie les choses se passent de la même manière. Au premier abord, la réponse à cette question semblait devoir être négative. Effectivement, sur le cadavre, la bile transsude de la vésicule du fiel dans les parties voisines et teint Pcrmcaliililé des tissus \ivanls. (1) Magcndic, qui fut le premier à bien nietlic en Uimière le rôle de l'imbibition dans le mécanisme de l'absorplion , employa souvent une expérience peu dilTérente de celle décrite ci-dcssiis. 11 prenait le cœur d'an Chien mort dopnis la veille, et poussaildans les artères de l'eau tiède ; un courant s'établissait ainsi dans les vaisseaux sanguins de ce \isccre et s'en échappait par rorcillcltc droite. On injectait alors dans le péricarde une cerlaino, quantité d'eau légèrement acidulée, et, au boni de quelques mi- nutes, il devenait facile de constater des signes d'acidité dans l'eau qui s'échappait des veines du cœur [a]. On peut constater aussi la pénétration des liquides acides de l'extérieur dans l'intérieur d'une veine, en disposant en lornic d'anse un de ces vaisseaux piéalablement isolé, en plongeant sa partie inférieure dans un bain acidulé et en y faisant passer un courant d'eau fournie ]iar un llacon - fontaine en communication avec une de ses extré- mités : l'eau qui sort du conduit ainsi disposé ne tarde pas à donner des signes d'acidité, comme il est facile de s'en assurer à l'aide de la teinture de tournesol. Celte expérience, faite d'abord par Magendie, a été répétée par un grand nombre d'autres phy- siologistes (6). (a) Magendie, Mémoire sur le mécanisme de l'absorplion chez les Animaiix à sang rouge et chaud [Journal de physiologie, -1821, t. 1, p. -12). (6) Idem, ibid., p. 8. — Foderà, Recherches expérimentales sur l'absorplion et l'exhalation, 1824, p. 9, 26 ABSORPTION. en jaune toutes ces parties, tandis que cliez le vivant on n'aperçoit en général rien de semblable; et dans diverses expé- riences où des matières colorantes, telles que de l'encre, ont été introduites dans la cavité abdominale d'un Animal vivant, on a vu que les tissus situés à une petite distance de la surlace en contact avec ce liquide avaient conservé leur aspect nor- mal (1). Cependant on pourrait expliquer ces laits d'une autre manière, et croire que si les liquides en questionne s'infiltraient pas au loin dans les organes vivants comme dans les tissus morts, cela dépendait non pas d'un défaut de perméabilité dans les premiers, mais de ce que les matières qui y pénètrent, ren- contrant sur leur passage une foule de courants rapides formés par le sang en circulation, avaient été entraînées au loin, avant de pouvoir gagner la rive opposée de ces torrents et d'y être imbibées par les tissus sous-jacents. C'est de la sorte que Magendie se rendait compte des ditférences dans les efiéts produits par le contact des matières tinctoriales avec les tissus perméables de l'économie après la mort et durant la vie, et une multitude de faits tendent à prouver qu'il avait raison. Perniéabiiiié Alnsi, cc physlologistc ayant mis à découvert la veine jugu- cirveTnés. laire externe d'un jeune Chien, et s'étant assuré que dans la partie observée ce vaisseau ne recevait aucune brandie, le sépara des tissus adjacents, et l'isola en plaçant entre ceux-ci et sa face externe une carte (ou mieux encore une lame de plomb) ; puis il appliqua sur la veine dénudée de la sorte une certaine quantité d'extrait de noix vomique. Il avait détruit toutes les (1) Dans quelques cas, Wagendie a d'un jeune Chien (ou mieux encore vu que, même chez les Animaux vi- d'un Lapin ou d'un Cochon d'Inde), il vants, les membranes se pénétraient a trouvé qu'en moins d'une heure, la des matières colorantes avec lesquelles plèvre, le cœur, et même les muscles elles se trouvaient en contact. Ainsi, intercostaux, peuvent se colorer en en injectant de l'encre dans la plèvre noir (a). (a) Magendie, Mém. sur le mécanisme del'aisorplion {Journalde physiologie, iS^l , t.l,f AS), PERMÉABILITÉ DES TISSUS. 27 connexions qui existaient entre la portion du vaisseau dont les parois étaient en contact avec ce poison et les parties voisines; mais le sang coulait, comme d'ordinaire, dans l'intérieur de la veine, et par conséquent si la noix vomique pouvait pénétrer à travers le tissu des parois de ce vaisseau, cette substance devait être absorbée, et donner lieu aux symptômes caractéristiques de l'empoisonnement par la strychnine. Or, c'est là effectivement ce qui eut lieu, et il fallait nécessairement en conclure que les parois de la veine s'étaient laissé pénétrer par le poison (1). Dans une expérience faite , il y a plus de trente ans, par Foderà, une solution de cyanoferrure de potassium fut introduite dans la cavité de la plèvre, et une solution de sultate de fer dans l'abdomen d'un Lapin. Au bout de trois quarts d'heure, l'Animal fut tué, et l'on trouva le diaphragme qui sépare ces deux cavités coloré en bleu, ainsi que toutes les parties voisines, et à l'aide de la loupe on pouvait se convaincre de l'existence du précipité de bleu de Prusse jusque dans l'intérieur de beaucoup de veinules qui se trouvaient au milieu des parties teintes de la sorte (2). Dans d'autres expériences, toutes les communications entre (1) En répétant cette expérience sur sang que le poison se retrouvait dans un Chien adulte, l'absorption de la l'intérieur de ce vaisseau, 11 est d'ail- noix vomique par les parois de la leurs bien entendu qu'il avait pris veine était encore bien manifeste; toutes les précautions nécessaires pour mais les effets produits étaient moins s'assurer que ni les veines, ni l'artère intenses , ce qui s'explique par l'é- sur lesquelles il expérimentait n'of- paisseur plus considérable des tuniques fraient, ni solution de continuité, ni du vaisseau sanguin. vaisseaux lymphatiques accolés à leurs Magendie oblint des résultats sem- parois (a). blables en appliquant la noix vomique ('2) Nous reviendrons ailleurs sur sur la surface externe de l'artère caro- les conditions dans lesquelles Foderà tide chez un Lapin, et, après la mort de a vu cette imbibition s'effectuer avec l'Animal, il reconnut au goût amer du le plus de rapidité (6). (o) Magendie, Op. cit. {Journal de physiologie, 1821, 1. 1, p, 10). (&) Foderà, Recherches expérimentales sur l'absorption et l'exhalation, p. 24, Poniicabililé des parois dos Iym|ilialif|ues. 28 ABSORPTION. une anse d'inlestiii et le reste de l'organisme ont été inter- rompues à l'aide de ligatures, et cependant les poisons ou les réactifs chimiques introduits dans cette portion du canal diges- tif ont été absorbés et se sont mêlés au sang en circulation dans les parties voisines (1) ; par conséquent, ces substances étran- gères ont dû traverser les tissus vivants des tuniques intesti- nales, et c'est par un phénomène d'imbibition seulement qu'on peut expliquer ce passage. § 6. — Les recherches dont je viens de rendre compte, et d'au- tres expériences qu'il serait trop long de décrire ici, nous mon- trent que tous les tissus constitutifs de l'organisme sont plus ou moins perméables et s'imbibent des liquides qui se trouvent en contact avec leur surface. Sons ce rapport, lesparoisdes vaisseaux lymphatiques ne diffèrent pas des tuniques des veines, et par conséquent tout ce que je viens de dire relativement au méca- nisme de l'introduction des fluides dans ces derniers vaisseaux est applicable aux premiers. Mais nous avons vu que le sang circule dans les uns avec une grande rapidité, tandis que la (1) Je pouiTais ciler égaleniont ici une expérience que je fis il y a forl longlenips, pour montrer à lu fois la possibilité de la Iransniission d'un poison par inibibilion seulcmenl d'une exlrémilé de l'organisme à i'aulie, et la grande influence que le lorrent cir- culatoire exerce d'ordinaire sur le temps nécessaire pour ell'ectuer la ré- partition des malières absorbées dans l'ensemble de l'économie. Le thorax d'une Crenouille vivante ayant été ouvert, une ligature fut passée autour du faisceau des gros vaisseaux san- guins auxquels le cœur est suspendu, puis de la stryciinine fut introduite dans le tissu conjonctif sous-cutané de l'une des pattes postérieures. Les symptômes nerveux indicatifs de l'ac- tion de celte substance sur la moelle épinière ne se déclarèrent pas au bout de quelques minutes , comme cela aurait été le cas si l'animal fût resté dans son état normal, mais se mani- festi>rent au bout d'une lieure environ. Or, la ligature placée autour du cœur avait complètement interrompu la circulation, et avait rendu impossible l'envoi des liquides contenus soit dans le système veineux, soit dans le sys- tème lymphatique, des membres infé- rieurs vers le rachis.et par conséquent la progression lente de la strychnine depuis l'extrémité de la patte jusque dans la moelle épinière devait s'être effectuée de proche en proche et par imbibilion seulement. FORCIî MOTRICE, 29 progression des liquides est lente dans les autres ; nous pou- vons donc comprendre que la part de ces deux ordres de con- duits doit être très inégale dans l'accomplissement du travail de l'absorption considéré dans son ensemble, et (jue, dans les circonstances ordinaires, l'absorption veineuse doit avoir le plus d'importance. Ce sera donc de ce dernier phénomène que je m'occuperai principalement en ce moment, me réservant de reprendre l'étude de l'action des lymphatiques dans une autre occasion. § 7. — J'ai fait voir au commencement de cette Leçon, que causes - . . délerniinanlis sur le vivant comme dans le cadavre, tous les tissus organiques de sont plus ou moms perméables, et qu a raison de cette propriété physique, ils n'opposent aucun obstacle invincible au passage des fluides de l'extérieur jusque dans l'intérieur des vaisseaux sanguins. Mais, pour quece mouvement s'accomplisse, il ne suffit pas qu'un chemin praticable soit ouvert pour le j)assage de ces substances étrangères : il faut aussi qu'une force motrice inter- vienne pour faire avancer les molécules qui se présentent à l'entrée de ces voies et pour les faire pénétrer jusque dans le torrent circulatoire, qui ensuite les entraîne au loin et les dis- tribue dans loutes les parties de l'économie. Or jusqu'ici nous n'avons étudié que la route suivie ()ar les matières étrangères qui s'introduisent ainsi dans l'organisme, et nous ne connais- sons pas encore les forces qui déterminent leur mouvement de dehors en dedans. Il nous faut donc chercher maintenant quelles peuvent être les causes de cette translation. En étudiant les phénomènes de iranssudation que les êtres vivants nous offrent, nous avons vu les conditions hydrostati- ques influer beaucoup sur la rapidité avec laquelle les humeurs filtrent à travers les membranes animales (i), et il est facile de montrer que toute pression exercée par un fluide sur une des (1) Voyez tome IV, page /i02 et suivantes. 30 ABSORPTION. surfaces de celles-ci tend à accélérer le passage de ce corps à travers la substance poreuse de ces tissus perméables. Des expériences faites, il y a quelques années, par M. Liebig, et d'autres recherches analogues dues à M. Cima, mettent très bien en évidence, non- seulement la possibiUté de cette fdtra- tion forcée sous l'influence de pressions médiocres, mais aussi la facilité variable que les divers tissus organiques offrent pour le passage des hquides en général, et les différences qui existent dans la grandeur des forces nécessaires pour déter- miner ce passage à travers une même membrane, suivant la nature de la substance dont celle-ci s'imbibe (1). Les physio- (1) Dans ces expériences, M. Liebig fait usage d'an siplion dont la petite branche se termine par une portion élargie qu'il ferme à l'aide de la mem- brane dont il veut mesurer la per- méabilité. Il introduit ensuite dans le tube le liquide qui doit filtrer à travers cette cloison, et après l'avoir fait mon- ter dans la petite branche du siphon de manière à l'amener en contact avec la membrane, il verse du mercure dans la grande branche de l'instru- ment, de façon à exercer de bas en haut sur le liquide contenu dans la petite branche une pression plus ou moins considérable. Or, sous l'in- fluence de cette pression , le liquide emprisonné sous la membrane tra- verse celle-ci, et s'écoule au dehors avec une rapidité variable. Ainsi, en employant pour filtre un morceau de vessie de Bœuf d'un dixième de ligne d'épaisseur, i\i. Lie- big a vu l'eau transsuder sous une pression de 12 pouces de mercure ; une solution concentrée de sel marin, pour passer de même, nécessitait une pression de 18 t'i 20 pouces. L'huile ne suintait que sous une pression de 3li pouces, et sous une pression de Zi8 pouces de mercure l'alcool ne pas- sait pas encore. En employant de la même manière un morceau de péritoine d'un Bœuf, M. Liebig a trouvé que des effets ana- logues étaient obtenus beaucoup plus facilement. Ainsi le suintement du li- quide se produisait sous l'inlluence d'une pression de : 8 à 10 pouces de mercure avec l'eau, d2 à 16 — • — avecla solution saline, 22 à 24 — — avec l'huile, 36 à 40 — — avec l'alcool. En employant une lame extrêmement mince du péritoine qui recouvre le foie, chez le Veau, ce chimiste a obtenu non-seulement des résultats sembla- bles sous l'influence de pressions plus faibles, mais il vu que l'huile passait plus facilement que l'eau; particu- larité dont je donnerai l'explication dans la Leçon prochaine. Enfin M. Liebig a vu que cette fil- tration forcée devient plus facile à mesure que l'expérience a duré plus longtemps; circonstance qui est im- FORCE MOTRICE. ol logistes pouvaient donc prévoir que toute la pression exercée de dehors en dedans devait tendre à déterminer l'introduction des fluides en contact avec la surface des tissus perméables de l'économie; et d'aiileurs les médecins avaient remarqué depuis longtemps que l'absorption de diverses substances médica- menteuses est beaucoup accélérée par des actions mécaniques de ce genre. Pour en donner la preuve, il suffit de rappeler le mode d'administration de certaines préparations mercurielles qui, appliquées simplement sur la peau, ne pénètrent pas en quantités sensibles, mais qui , employées en frictions sur la même surface, s'introduisent rapidement dans l'organisme. Or chacun sait que l'atmosphère exerce sur la surfoce exté- rieure des êtres vivants, comme sur tous les autres corps répandus sur la terre, une pression énorme; et la pratique nous apprend qu'en soustrayant à cette pression la portion de cette surface sur laquelle une substance vénéneuse a été déposée, on parvient souvent à empêcher celle-ci d'être absor- bée. C'est pour cette raison qu'il est utile de sucer les plaies empoisonnées , et qu'on obtient des effets encore meilleurs portante à noter pour la théorie de quand il faisait usage d'un morceau de cerlains phénomènes d'endosmose, et péritoine de Bœuf de 1/20^ de h'gne qui s'explique d'ailleurs très bien par d'épaisseur que lorsqu'il employait l'agrandissement des canaux capil- de la vessie de Bœuf épaisse de 1/10'= laires du tissu, qui a dû être déterminé de ligne. Avec le péritoine de Veau par l'action dissolvante du liquide sur épais de 1/166* de ligne, la pression la substance de celui-ci (a). nécessaire pour déterminer la transsu- Les expériences de M. Gima ont dation de l'eau était près de 1/180<= de montré aussi que la pression néces- fois moindre que celle employée pour saire pour faire filtrer les liqyides au produire le même effet avec la vessie travers de diverses membranes était de Bœuf. Avec l'huile, la différence n'é- très différente. Elle était générale- tait que dans la proportion de 1 à 16 ment d'environ un tiers moins grande avec les mêmes membranes {b\ (a) Liebig, Recherches sur quelques-unes des causes du mouvement des liquides dans l'orga- nisme animal {Annales de chimie et de physique, 1849, 3' série, t. XXV, p. 372 et suiv.l. (&) Cima, SuW evapora&ione e la transudax,ione dei liquidi attraverso le membrane aniniali (Mem. delV Accad. di Torino, 1853, 2« série, t. XHI, p. 279J. 32 ABSORPTION. par l'application d'une ventouse sur la partie lésée (1). Il est vrai que dans les circonstances ordinaires, la pression atmos- phérique est balancée par l'élasticité de l'air contenu dans les cavités de l'organisme, ou par celle des parties constitutives de l'économie; mais en étudiant le mécanisme de la respiration innucnce chcz l'Homme et beaucoup d'Animaux, nous avons vu que le 'uHj^'rad" jeu delà pompe thoracique détermine à chaque mouvement d'in- spiration une diminution très notable dans la pression à laipielle sont soumises les parois des grosses veines contenues dans celle cavité, et par conséquent aussi dans la pression supportée parle sang inclus dans ces vaisseaux. 11 est donc évident (pie, dans la sphère d'action de la force aspirante développée de la (1) Cette pratique date de l'anti- cienne tombèrent on discrédit, on quité la plus reculée. Les jongleurs de cessa de préconiser l'emploi de ce l'Egypte, appelés psylles, avaient l'ha- moyen mécanique, et l'on n'y revint bitude de sucer les plaies produites que de nos jours. Orlila conseilla l'ap- paria morsure desSerpents venimeux, plication d'une ventouse sur la plaie et Plutarque raconte qu'à raison de la produite par la morsure d'un Chien fréquence des accidents de ce genre enragé. Enlin, D. Barry montra, par parmi les soldais de l'armée d'Afrique, un grand nombre d'expériences, qu'à commandée par Calon d'Utique , ce l'aide de ce moyen, on pouvait retar- chef attacha au service de son camp der beaucoup, ou même cnipcclier un certain nombre de ces empy- pendant très longtemps l'absorption riques {a). Celse, qui exerçait la mé- des substances vénéneuses en con- decine à Rome du temps de Tibère, tact avec la surface sur laquelle cet recommande de la manière la plus instrument était placé {d). L'exac- formelle l'emploi de ventouses pour tilude des faits annoncés par ce phy- le traitement des plaies empoison- siologiste fut reconnue par une com- nées (6); Redi suivit son exemple, mission chargée d'examiner sou travail et Boerhaave parla aussi de ce pro- et par plusieurs autres expérimenta- cédé curalif(c). Mais lorsque les doc- teurs (e); mais il exagéra beaucoup trines de l'école iatro - malhémali- les conséquences à tirer de ces faits. (a) Plutarque, Vies des hommes illustres, traJ. de Ricard, t. II, p. 2G2. (b) Aurelius Cornélius Celsus, De re medica, lib. V, cap. tiô. (c) Redi, Observaliones de vipcris (Opiiscvla, t. II, p. 155 et suiv.). (d) Orfila, Traité des poisons, t. Il, p. 508. — D. Barry, Expérimentai Researches on the Influence of Atmospheric Pressure upon the Progression ofthe Blood on the Yeins, upon that Fitnction called Absorption, and upon the pre venlion ofthe Symptômes caused by the Biles of Babid or venemous Animais, 1826. (e) Adelon, Orfila, Ségalas, Andral et Pariset, Rapport fait à l'Académie de médecine {Examen de rapport, par Gondret, in-8, Paris, 1826, p. 3 et suiv.). FORCE MOTRICE. âS sorte par les mouvements respiratoires, l'équilibre doit se trou- ver rompu entre la pression extérieure et la résistance inté- rieure, et que les liquides adjacents doivent être attirés vers le cœur, comme l'air du dehors est attiré dans les poumons. Un physiologiste distingué, dont j'ai déjà eu l'occasion de citer le nom, David Barry, a cru pouvoir attribuer à cette force mé- canique la faculté absorbante dont l'économie animale est douée (1). Mais tout en reconnaissant que la pression négative développée de la sorte peut avoir quelque influence sur la marche de ce phénomène, il est facile de voir que l'action aspirante du thorax ne saurait être la cause qui détermine l'entrée des matières absorbées du dehors dans le torrent de la circulation : d'abord parce que chez tous les Animaux l'absorp- tion s'effectue, et que chez la plupart il n'existe aucune pompe aspirante comparable à la chambre thoracique de l'Homme et des Mammifères ; et en second lieu parce que chez l'Homme lui- même, ainsi que chez les autres Mammifères, l'action aspirante de cette cavité dilatable ne fait sentir son influence qu'à peu de (1) Pour arriver à cette conclusion, du système circulatoire et y appelle Barry se fonda principalement : 1" sur les liquides du dehors, il faudrait que les expériences dont j'ai déjà parlé en les parois des veines, au lieu d'être traitant de l'action aspirante des mou- flasques , fussent assez rigides pour vements du thorax sur le sang vei- résister à la pression atmosphérique, neux (a) ; 2" sur les expériences dans Or nous avons vu que cela n'est pas. lesquelles il empêchait ou retardait Quant à la cause de l'influence de l'absorption de matières toxiques dé- la ventouse sur l'absorption des poi- posées sur une surface absorbante, sons ou autres substances en contact lorsqu'il appliquait sur celle-ci une avec une surface saignante, il est facile ventouse de façon à y établir une suc- de s'en rendre compte , puisque la cion énergique (6). Mais pour admet- succion exercée de la sorte détermine tre que la pression négative dévelop- l'écoulement d'une quantité considé- pée dans la portion centrale de l'éco- rable de sang, et que ce sang entraîne nomie par la dilatation du thorax, se au dehors la matière étrangère qui se fasse sentir sur la partie périphérique trouve sur son passage. (a) Voyez lome IV, page 312 et suiv, (6) D. Barry, Mémoire sur Vabsorytion {Ann. des sciences nat., 1" série, 1826, t. VIII p. 315) e*- Experimenlal Researehes on Ihe Influence ofAiînospheric Pressure, p. 9i eîs'im. ' ' ' V- 3 gl^ ABSORPTION. distance, ainsi que nous l'avons vu en étudiant les accidents produits par l'introduction de l'air dans les veines pendant les opérations chirurgicales (1). Du reste, il est facile de prouver expérimentalement que l'absorption n'est pas subordonnée au jeu de la pompe respiratoire. En effet, j'ai souvent eu l'occasion d'entretenir la vie, à l'aide de la respiration artificielle, chez des chiens dont le thorax avait été largement ouvert ; et bien que j'eusse soin de refouler l'air dans les poumons pour effec- tuer l'inspiration, et de comprimer ensuite ces organes pour en chasser ce fluide, j'ai plus d'une fois constaté que l'absorption d'un poison déposé dans des parties éloignées du corps ne s'en effectuait pas moins. Or, dans ces circonstances, l'action aspi- rante du thorax était abolie. ^ 8. _ Plus récemment, un autre physiologiste anglais, du courant lyr .B^Kinsou a CTU pouvoir expliquer le mécanisme de l'ab- sorption physiologique en invoquant un principe bien connu d'hydrodynamique. Nous savons que les Hquides en mouvement qui mouillent les parois des canaux dans lesquels ils coulent adhèrent plus ou moins fortement à la surface de ces parois, et sont retardés dans leur marche par cette adhérence , mais que ces attractions sont réciproques, et que par conséquent la couche externe de la veine fluide tend à déplacer et cà entraîner avec elle les molécules de la gaine solide adjacente. Il en résulte que si ces molécules étaient suffisamment mobiles, elles pour- raient être entraînées par le courant, et, dans certains cas, il s'établit de la sorte un appel qui fait pénétrer dans l'intérieur du tube contenant le liquide en mouvement les fluides adjacents qui peuvent y avoir accès. Ainsi, quand de l'eau s'échappe d'un réservoir avec une certaine vitesse en traversant un ajutage cyhndrique d'un diamètre voulu, on voit que le courant déve- loppe une pression négative sur les parois de ce tuyau au (1) Voyez lome IV, page 315. FORCE MOTRICE. §5 moment où il y pénètre; et, pour le prouver, il suffît de faire communiquer dans ce point la surface de la veine fluide avec un tube recourbé dont l'extrémité inférieure plonge dans un liquide coloré , car on voit alors celui-ci monter dans le tube, et, si le courant est suffisamment rapide, être attiré jusque dans le canal occupé par celui-ci et entraîné au debors par le jet qui s'échappe (1). M. Robinson a pensé que les choses devaient se passer de la même manière dans toute l'étendue du système de tubes formé par les vaisseaux sanguins, et que par consé- quent l'appel résultant du mouvement circulatoire du sang devait être une force capable d'attirer dans l'intérieur de ces canaux les liquides qui occupent les passages capillaires creusés dans leurs parois. Il considère donc cet appel comme étant la force motrice dont dépend le phénomène de l'absorption (2). (l) L'influence du courant sur l'état des liquides adjacents est mise aussi en évidence par une expérience de M. Kiirschner relative à la traussuda- tion. Ayant plongé la partie inférieure d'une anse d'intestin dans un bain de sulfocyanure de potassium, et ayant fait arriver dans l'intérieur du tube en U ainsi constitué une dissolution de perchlorure de fer, ce physiolo- giste remarqua que ce dernier sel traversait les parois de l'intestin, et se répandait dans le bain extérieur en beaucoup plus grande quantité quand le liquide intérieur était en repos que lorsqu'il était en mouvement , et qu'en imprimant à ce courant inté- rieur une certaine vitesse, on empê- chait presque complètement la trans- sudation (a). Or, cela ne pouvait dépendre que de l'appel produit du dehors en dedans par le courant qui occupait l'intérieur de l'intestin. (2) M. Robinson argue aussi d'ex- périences dans lesquelles un poison déposé dans une plaie faite à la patte d'un Animal vivant, où la circulation était suspendue, a pu y rester pendant fort longtemps sans donner lieu aux symptômes qui suivent toujours l'ab- sorption de la substance vénéneuse employée et son arrivée dans certaines parties de l'organisme (6). Mais ce fait prouve seulement que le transport des matières étrangères par imbibi- tion seulement ne s'opère que très lentement , et que les molécules ab- sorbées dans une partie circonscrite du corps ont besoin d'être charriées par le torrent circulatoire pour par- venir promptement dans un lieu éloi- gné de leur point de départ. Le même (a) Kiirschner, art. Aufsaugung (Wagner's Handwôrterbuch der Physiologie, t. I, p. 64). (6) G. Robinson, On the Mechanism of Absoi'ption {London Med. Gazette, 1843, t. XXXII, p. 318, et Contributions ta the Physiology and Pathology of the Blood, -1857, p. 53 et suiv.). 36 ABSORPTION. Mais l'expérience nous a déjà appris que dans le système circu- latoire , le courant sanguin , loin de produire à la surface interne des vaisseaux une pression négative , y exerce tou- jours une poussée considérable : l'élévation du sang dans les piézomètres adaptés à ces conduits le démontre ; et d'ailleurs il aurait suffi d'un examen attentif des conditions dans lesquelles la circulation du sang s'opère, pour voir que partout, excepté à l'entrée de l'aorte et de l'artère pulmonaire, la veine fluide ne doit pas se contracter de façon à pro- duire les effets constatés dans l'expérience hydraulique dont je viens de parler. Nous ne pouvons donc nous contenter de l'hypothèse de M. Robinson, et j'ajouterai même que si l'on prend en considération, d'une part la grande rapidité avec laquelle l'absorption fait souvent pénétrer les matières étran- gères jusque dans le sein du torrent circulatoire, d'autre part les fortes résistances que les attractions moléculaires exercées par les parois des passages capillaires des tissus organiques sur les liquides inclus dans ces cavités étroites doivent opposer à tout mouvement de translation de ces matières , qui serait provoqué seulement par quelque inégalité de pression hydro- statique , on doit être peu disposé à croire que ce phénomène physiologique puisse dépendre d'une cause de ce genre, et l'on doit être porté à en chercher plutôt la raison d'être dans le jeu de forces moléculaires. Quoi qu'il en soit, nous voyons donc que toutes ces hypo- thèses sont insuffisantes, et que, pour expliquer le mécanisme de l'absorption, il nous faut découvrir d'autres agents ou mon- résultat aurait été obtenu, si le poison toire, l'absorption locale ne puisse avait été injecté directement dans une avoir lieu, et la rnalièie étrangère ar- veine, pourvu que le sang fût stagnant river jusque dans l'intérieur des vais- dans ce vaisseau. Par conséquent, cette seaux sanguins voisins de la surface expérience ne prouve en aucune façon avec laquelle cette matière est en qu'en l'absence du courant circula- contact. FORCE MOTRICE. 37 trer comment l'inlervention de forces physiques dont jusqu'ici nous n'avons pas tenu compte peuvent déterminer l'introduc- tion des matières étrangères jusque dans la profondeur de l'organisme, et leur mélange avec la masse des liquides en mouvement dans l'appareil circulatoire. § 9. — Ce sujet d'étude n'avait fixé que peu l'attention des Découverte - , ^ du phénomène expérimentateurs, lorsque Dutrochet, homme d'un esprit fin et de l'endosmose, ingénieux, découvrit toute une série de phénomènes d'un haut intérêt, dont la connaissance est également précieuse pour l'explication des phénomènes de la vie chez les Végétaux et pour l'intelligence du mécanisme de l'absorption chez les Ani- maux (1). En observant les effets de l'action de l'eau sur les fila- ments de quelques moisissures, il fut conduit à penser que le passage des liquides à travers les membranes organiques devait dépendre surtout de la nature des substances qui se trouvent du côté opposé de ces espèces de filtres, et en renfermant {i) Henri Dutrochet naquit en travaux les plus imi)ortants sont ceux 1776, et commença sa carrière comme relatifs à Tendosmose, dont la publi- médecin militaire; il exerça ensuite la cation commença en 1826 (a). La profession médicale à Château-Renaud , plupart de ses mémoires se trouvent et ne se fixa à Paris que dans les der- réunis dans un recueil spécial (6). Il nières années de sa vie. On lui doit s'occupa aussi beaucoup de l'étude des travaux importants sur la consti- des mouvements de certains corps tiilion de l'œuf des divers Vertébrés, légers sur la surface de l'eau (c), et il sur la structure intime des végétaux, porta dans toutes ses recherches une sur leur accroissement , sur leurs intelligence vive, un grand talent mouvements, et sur beaucoup d'autres d'observation et une activité infati- questions physiologiques; mais ses gable. 11 mourut à Paris en 18/|7 (c?). (a) Dulrochet, L'agent immédiat du mouvement vital dévoilé dans sa nature et dans son mode d'action chez les Végétaux et chez les Animaux. In-8, Paris, 1826. — Nouvelles rectierches sur l'endosmose et l'exosmose. In-8, Paris, 1828. ■ — • De l'endosmose (Mémoires, t. I, dSST). — Article Ekdosmosis (Todd's Cyclopœdia ofAnat. and Physiol., 1839, t. II, p. 98). (b) Dulrocliel, Mémoires pour servir à l'histoire anatomique et physiologique des Végétaux et des Animaux. 2 vol. in-8, Paris, 1837. (c) Dutrochet, Becherches physiques sur la force épipolique. In-8, 1842. — Nouvelles recherches sur la force épipoUque. In-8, Paris, 1843. (d) Voyez A. Brongniart, Notice sûr Dutrochet (Mém. de la Société centrale d/ agriculture, 1852, 2= partie, p, 421 et suiv.). 38 ABSORPTION. diverses substances, telles que de la gouime, du sucre ou de l'albumine, dans des poches dont les parois étaient formées de tissus de ce genre, il a vu l'eau, mise en contact avec la surface extérieure de ces réceptacles , pénétrer avec rapidité dans leur intérieur et les distendre. En adaptant à une des poches ainsi disposées et plongées dans un bain un tube verti- cal, il a vu Tabsorption du liquide extérieur s'opérer avec assez de force pour faire monter le liquide intérieur à une hauteur considérable ; et en variant ses expériences, il a reconnu que dans les circonstances dontje viens de parler, la m_embrane organique était traversée en sens contraire par deux courants d'inégale intensité : l'un dirigé de dehors en dedans, l'autre de dedans en dehors, et que les résultats observés dépendaient de la pré- dominance du premier de ces mouvements sur le second (1). De là les noms d'endosmose et d'eœosmose dont Dutrochet fit (i) Longtemps avant que Dutrochet eût fait la découverte à laquelle son nom doit rester attaché, certains résul- tats dus à l'endosmose avaient été re- marqués par divers physiciens ; mais les faits constatés de la sorte demeurè- rent stériles entre les mains de ces ex- périmentateurs, et passèrent inaperçus jusqu'au moment où ce naturaliste, frappé de la vue de phénomènes nou- veaux, quoique du même ordre, en eut saisi la porlée et fait comprendre l'importance. C'est donc bien réelle- ment à Dutrochet que la physiologie est redevable de ce service signalé ; ce- pendant il ne faut pas oublier les ob- servateurs qui l'ont devancé sur quel- ques points, et parmi ceux-ci il faut placer en première ligne l'un des membres de notre ancienne Académie des sciences, l'abbé Nollet. Ayant rempli d'alcool un flacon cy- lindrique et ayant bouché ce vase avec un morceau de vessie, Nollet le plaça dans un bain d'eau, et il vit avec sur- prise qu'après cinq ou six heures d'immersion, le liquide ainsi empri- sonné avait augmenté notablement de volume ; la vessie qui bouchait le vase était devenue convexe et telle- ment distendue , que, lorsqu'il y lit une petite ouverture, le liquide s'é- chappa en formant un jet de plus d'un pied de hauteur. Puis, en ren- fermant de l'eau dans le flacon bou- ché par une vessie et en le plon- geant dans de l'alcool, Nollet obtint un résultat inverse. Enfin , il s'as- sura que ces déplacements de l'eau ne dépendaient pas de quelque va- riation de température, et qu'ils ne se produisent pas quand les deux surfaces de la membrane ne sont pas en contact direct avec les liquides réagissants. Le phénomène observé par Nollet était donc un phénomène FORCE MOTRICE. 39 usage pour désigner les courants produits à travers les cloi- sons poreuses par l'action de liquides dissemblables. Il donna ensuite une acception plus large au mot endosmose, et l'appliqua à tout transport de liquides qui, dans des circonstances de ce d'endosmose parfaitement caractérisé. Or, les expériences de ce physicien datent de 17/i8 (a). Dans une dissertation publiée en 1802, Parrot fit mention de la tur- gescence produite par l'entrée spon- tanée de l'eau dans un œuf sans coquille, et renfermé seulement dans sa tunique membraneuse, à travers laquelle ce liquide avait pénétré (6) ; mais il n'étudia pas les circonstances de ce phénomène avec autant de soin que l'avait fait NoUet un demi-siècle avant. On peut considérer comme se rat- tachant également aux phénomènes osmotiques les faits relatifs à la con- densation des liqueurs spiritueuses par l'évaporation de l'eau à travers les membranes animales , observés en 1812 par Sœmmering, le fils du célèbre anatomiste. 11 a trouvé que les mélanges d'eau et d'alcool n'é- prouvent aucun changement sen- sible par suite de ce phénomène, quand le liquide est séparé de l'atmos- phère par une cloison ligneuse, mais se concentre quand cette cloison est une membrane animale, telle qu'une peau ou une vessie. Cela dépend de ce que ces divers tissus laissent passer l'eau beaucoup plus facilement que l'alcool (c) ; et, ainsi que l'a fait re- marquer Van Mons, cela explique la préférence que l'on accorde assez gé- néralement aux outres pour la cour servation des liqueurs spiritueuses dans les pays chauds. Mais ni ce der- nier chimiste, ni Sœmmering, ne firent aucune application de ces faits à l'inlerprélation des phénomènes de l'absorption {d}. Ainsi que nous le verrous ailleurs, un physicien anglais, Porret, décou- vrit, en 1816, qu'un courant galva- nique peut entraîner de l'eau à travers une cloison memi^raneuse, et détermi- ner l'accumulation de ce Uquide au- tour du pôle négatif (e). Un exemple plus net des phéno- mènes d'endosmose fut constaté en 1822 par le professeur Fischer, de Breslau. Ayant plongé dans une dissolution d'un sel de cuivre le bout inférieur d'un tube fermé en dessous par une vessie, et contenant de l'eau distillée ainsi qu'un fil de fer, ce physicien vit (o) NoUet, Recherches sur les causes du bouillonnement des liquides {Mém. de l'Acad. des sciences, 1748, p. 101). (b) Parmi, Ueber den Einfliiss der Physik und Chemie aufdie Arzneikunde (cité par ce physicien dans une note intitulée : Phénomène frappant d'endosmose dans l'organisation animale, et publié dans le Bulletin scientifique de l'Académie de Pélersbourg, 1840, t. VIL p. 346). (c) Sœmmerinp, Ueber das Yerdûnsten des Weingeists durch Ihierische Haute und durch Kautschuck (Gilbert's Annalen der Physik, 1819, t. LXI, p. 104). (d) Van Mons, Sur la perméabilité à l'eau des vessies et autres membranes animales, et appli- cations de celte propriété à la rectification à froid de l'alcool {Annales générales des sciences physiques, Bruxelles, 1819, t. I, p. 76). (e) Porret, Curions Galvanic Experiments {Annals of Philosophy, 1816, t. VIII, p. 74, et Ann. de chimie et de physique, 1810, t. II, p. 137). ko ABSORPTION. genre, produit une augmentation dans la quantité d'eau située du côté vers lequel le courant se dirige ; et dans ces derniers temps, afin d'éviter la confusion d'idées qui parfois peut résulter de ces expressions, quelques physiciens ont proposé d'appeler osmose tout transport d'eau qui s'effectue de la sorte, quelle qu'en soit la direction ou la puissance, comparée à celle du mouvement inverse dont peut être animée une portion du liquide opposé (1). Les physiologistes accueillirent avec un vif intérêt les décou- vertes deDutrochet, et se livrèrent à une multitude d'expériences variées sur cette espèce d'absorption qui ressemblait tant à celle dont les Animaux et les plantes sont le siège, mais qui s'effec- tuait dans un appareil inerte et sans le concours de la puissance vitale. Des recherches entreprises par des physiciens habiles vinrent aussi jeter de nouvelles lumières sur ces phénomènes remarquables; un grand nombre de faits importants furent de le sel de cuivre pénétrer dans l'appa- trochet désigna, sous le nom de cou- reil, se décomposer sous l'influence rant endosmotique, le flux d'eau qui du fer, et le liquide intérieur s'élever pénilîlre du dehors dans l'intérieur dans le tube à une hauteur considé- d'un réservoir à parois membra- rable au-dessus du niveau du bain. neuses, où se trouve du sucre ou toute Mais ni Fischer, ni les autres expé- autre substance analogue, et courant rimentateurs qui l'avaient précédé exosmotique, celui qui se dirige en dans celte voie, ne semblent avoir sens contraire, c'est-à-dire de dedans saisi la portée des faits dont ils avaient en dehors (b) ; mais, dans les derniers été témoins (a), et c'est à Dutrochlt temps de sa vie, il généralisa davan- qu'apparlient le mérite d'avoir le pre- tage le sens des mots endosmose et mier mis en lumière le phénomène de exosmose, et, sans avoir égard à la Vendosmose, et d'en avoir fait com- forme de la cloison à travers laquelle prendre l'importance. Il en a poursuivi le phénomène se produit , il appliqua l'étude avec ardeur, et il est arrivé le premier ces mots au courant fort, ainsi à un grand nombre de résultats quelle qu'en soit la direction, et le pleins d'intérêt pour la physiologie. second au courant faible, de sorte que (1) Dans ses premiers écrits, Du- endosmose devint synonyme d'aug- (a) N. W. Fischer, Ueber die }YiederhersteUung eines iletalls durch ein anderes und ûber die Eigenschuft der thierischen Blase, Fliissigkeiten durch sich hindurch %u lassai und sic in einigen Fâllen an%uheben (Gilberl's Annalen der Physik, 1822, t. LXXII, p. 301). (b) Dulrochet, L'agent immédiat du mouvement vital, 1826, p. 115, FORCE MOTRICE. Ûi la sorte acquis à la science, et plusieurs auteurs crurent même pouvoir en donner la théorie. Jusqu'ici cependant l'osmose ne me semble pas avoir été expliquée d'une manière satisfaisante; et pour bien comprendre ce qui se passe dans les expériences dont je viens de dire quelques mots, aussi bien que dans le travail physiologique de l'absorption, il me paraît nécessaire de remonter plus haut qu'on ne le fait d'ordinaire, et de chercher d'abord à se former une idée nette des forces qui inter- viennent dans des phénomènes moins complexes , mais du même ordre. Pour exposer clairement ma pensée à cet égard, il me faut revenir sur un sujet dont j'ai déjà eu l'occasion de dire quelques mots dans la Leçon sur la transsudation, et examiner de plus près les phénomènes de capillarité. Du reste, je me Hvre à cette digression d'autant plus volontiers, que dans la plupart des traités de physique dont les étudiants de nos universités mentation du volume dans Vnn des li- nomenclature peut présenter, et il a quides réagissants, et exosmose signifia proposé d'appeler simplement osmose le transport d'une porlion de ce même (ùcaiic, impulsion), le mouvement qui liquide en sens inverse. Ainsi, quand il détermine une accumulalion d'eau de dit qu'une dissolution sucrée en pré- l'un des côtés d'une cloison membra- sence de l'eau détermine l'endosmose, neuse. La force osmotique est donc la cela signifie que le courant d'eau qui se force qui détermine celte accumula- dirige verscettesubstanceet y pénètre, tion, et quant au mouvement en sens est plus rapide que le courant formé inverse d'une porlion des particules par la matière sucrée qui se rend du sel ou de la substance quelconque dans l'eau, et cela, soit que le sucre se dont l'aclion détermine l'osmose, il trouve à l'intérieur ou à l'extérieur du le considère comme un phénomène réservoir membraneux à travers les de diffusion. Dans ce langage, les effets parois duquel l'échange s'établit (a). de l'osmose deviennent donc positifs M. Graham, à qui l'on doit une ou négatifs, suivant que le volume de série d'expériences très importantes l'eau attirée est supérieur ou infé- sur les phénomènes de cet ordre, a rieur au volume de l'autre liquide qui été frappé des inconvénients que cette passe en sens opposé (6). (a) Dutrootiet, De l'endosmose (Mémoires pour servir à l'histoire anatomique et physiologique des Végétaux et des Animaux, 1837, t. I, p. -10). (6) T. Graham, On Osm.otic Force (Philos. Trans., 1854, p. 177). II""! ABSORPTION. font usage, les questions relalives aux altracdons moléculaires ne me semblent pas démontrées de manière à être facilement saisies par beaucoup de naturalistes , et que la connaissance de ces actions est d'une haute importance pour l'appréciation et l'explication d'un grand nombre de faits qui sont du domaine de la physiologie. QUARANTE - QUATRIÈME LEGON. Suite de l'histoire de l'absorption. — Étude des forces qui interviennent dans la production de ce phénomène. — Actions capillaires ; théorie physique du déplacement des liquides dans leur point de contact avec des corps solides ; circonstances i}ui font varier ces effets. — Étude physique des phénomènes d'imbibition. — Insuffisance de ces actions pour l'explication des phénomènes d'absorption. — De la diffusion des liquides et de son rôle dans le mécanisme de l'absorption. — Des phénomènes d'osmose : endosmose et exosmose ; leur nature. — Influence des membranes perméables sur les produits du travail endosmotique et de la diffusion ; influence des agents physiques sur le déve- loppement des forces dont dépend l'osmose ; actions chimiques qui l'accom- pagnent. § 1. — Ainsi que je l'ai dit en terminant la dernière Leçon, lorsqu'on veut se rendre compte, soit de la nature du phéno- mène appelé endosmose, soit du mécanisme de la fonction que les physiologistes désignent sous le nom d'absorption , il faut examiner attentivement l'influence que les forces physiques peuvent exercer sur l'introduction des substances étrangères dans l'organisme, et chercher en premier lieu à se former une idée nette des actions dites de capillarité , en vertu desquelles on voit l'eau et beaucoup d'autres liquides s'élever dans les tubes étroits, malgré l'influence de la gravitation qui tend tou- jours à les faire tomber vers la terre (1). (1) Le fait de l'élévation de l'eau observé au commencement du xvii' au-dessus du niveau de la surface siècle par un des membres de l'Acadé- générale de ce liquide dans l'intérieur mie florentine del Cimento, nommé d'un tube fin, qui est ouvert aux Kicolas Aggiunti (a), mais ne com- deux bouts et qui y baigne par son mença à occuper l'attention des phy- extrémité inférieure, paraît avoir été siciens que postérieurement à l'époque (a) Voyez Nelli, Saggio di storia letteraria Fiorentina, 1759, p. 92. De la capillaiilé. lik ABSORPTION. Notions § 2. — Chacun sait que pour expliquer les mouvemenls préliminaires. -, -, \ des planètes, et pour se rendre compte d'un grand nombre d'autres phénomènes physiques , tels que la chute des corps , il faut admettre que les molécules de la matière pondé- rable sont douées d'une propriété ou force particulière en vertu de laquelle ces molécules tendent à se rapprocher entre elles. Cette force, inconnue quant à sa nature, mais manifeste par les déplacements ou les résistances qu'elle dé- termine, est désignée d'une manière générale sous le nom d'attraction. On l'appelle gravitation lorsqu'elle s'exerce entre des corps séparés par un espace perceptible, et Newton, cou- ronnant l'œuvre commencée par Galilée et par Kepler, découvrit où l'ascal composa son traité sur capillaires, et que la hauteur à la- l'équilibre des liquides (a), c'esl-à- quelle les divers liquides s'élèvent dire vers 16/i&. Boyle en parla comme dans ceux-ci n'est pas, comme dans le d'un phénomène nouvellemenl décou- tube barométrique, en raison inverse vert en France (6) , et , en 1667, de leur pesanteur, car l'eau y monte Montanari en traila avec plus de plus haut que l'alcool, dont la den- délail (c). silé est moindre (cl). Voscius et quel- On allribua d'abord l'ascension des qucs autres physiciens de la même Uquides dans les tubes capillaires à époque furent moins éloignés de la l'action de l'air, et l'on chercha à s'en vérilé, en attribuant l'ascension de rendre compte en supposant que les l'eau dans les tubes capillaires à l'ad- niolécnles de ce lluide ne pouvaient hésion de ce liquide contre les pa- pénétrer dans les canaux étroits où rois de ces conduits ; mais on ne l'eau aurait été poussée par la près- tarda pas à reconnaître que cette hy- sion de l'atmosphère. Mais, vers le pothèse ne suftirait pas pour expli- coramencenient du siècle dernier, quer ce qui se passe dans les phéno- Uauksbee et Biilffinger firent voir mènes de cet ordre. Déjà, vers 1717, que l'air n'est pas exclu des tubes Newton et son ami Ilauksbec (ou (a) Voyez Desmarest. Histoire critique des systèmes que l'on a imaginés pour expliquer les phénomènes des tubes capillaires (dans la Iraduction française de l'ouvrage rie Haukbee, t. II, p. 168). (6) Boj'le, New Experiments Physico-Mathematical touching the Spring of the Air (Works, 1. 1, p. 80). (c) G. Monlanari, Pensieri fisico-mathemalico. Bologna, 1667. (d) Haiiksbee , An Exper. mode at Gresham Collège showing that the seemingly Spontaneou» Ascension of Water in Small Tubes open at both Ends is the same In vacuo as in the Open Air (Philos. Trans., 1705, t. XXV, p. 2223). — Bùiffinger, De tubulis capillaribus dissertatio experimentalis (Commentarii Acad. scient. Petropolitanœ, 1727, t. II, p. 251 et suiv.). ACTION DE LA CAPILLARITÉ. /[.S les lois qui, dans ce cas, en règlent l'action; car il prouva que les effets dus à cette puissance universellement répandue sont alors en raison directe de la masse des corps réagissants et en raison inverse du carré de la distance qui sépare ceux-ci entre eux. Mais lorsque cette distance diminue au poiut d'être insensible pour nos moyens d'observation , l'attraction cesse d'être soumise à des lois si simples , et elle donne naissance à des résultats qui varient suivant des circonstances dont nous Hawksby) avaient eu recours à Pat- traction pour s'en rendre compte, et ce dernier physicien appuya son opinion sur un grand nombre de faits constatés expérimentalement (a). La tiiéorie qu'il donna des effets ca- pillaires pèche à certains égards; mais le principe qui en forme la base est aussi le point de départ de l'explication adoptée de nos jours (h). Les recherches expérimentales faites par Jurin, par Weitbrecht et quelques autres physiciens du siècle dernier, contribuèrent aussi beaucoup à l'avan- cement de nos connaissances sur cette matière (c). Enfin, Clairault chercha à donner, des effets capillaires, une théorie mathématique fondée sur les principes de l'équilibre des fluides (d). Ce sujet délicat fut traité de nouveau par l'illustre géomètre Laplace, par Poisson et par Gauss (e) ; enfin, les recherches expérimentales de Gay- Lussac et d'un grand nombre de savants de l'époque actuelle ont fait faire de nouveaux progrès à cette partie intéressante de la physique moléculaire. Cependant, en y regar- dant de près, on y aperçoit bien des questions qui sont encore très obs- cures, et dont l'étude jetterait pro- bablement d'utiles lumières sur les rapports des forces dites physiques avec celles qu'on en distingue sous le nom d'affinités chimiques. (a) Xewton, Traité d'optique, livre III, quest. 31, Irad, franc-, P- 573 et suiv. (6) Hauksbee , Expériences physico-mécaniqiies sur différents sujets, trad. par de Brémond, 1754, t. II, p. 1 et suiv.). (c) Weitbreclit, Tentamen theoriœ qua ascensus aquœ in tubis capillaribus explicatur {Com- mentarii Acad. scient. Petropolitanœ, 1736, t. Vlll, p. 261). — Explicatio difficiliorum expe- rimentorum circa ascensum aquœ in tubos capillares {Op. cit., 1737, l. IX, p. 275). (d) Jurin, An Account of some Experimenls shoiun before the Royal Society, ivith an Inquiry inlo the Cause of the Ascent and Suspension of Water in Capillary Tubes [Philos. Trans., 1718, t. XXX, p. 739). («) Clairault, Théorie de la figure de la terre, tirée des principes de l'hydrostatique, chap. x ; De l'élévation ou de l'abaissement des liquides dans les tuyaux capillaires, 1743, p. 105 et suiv. — Laplace, Mécanique céleste, supplément au livre X {Œuvres, t. IV, p. 389). — Gauss, Principia generalia theoriœ jluidorum in statu œquilibrii {Commentationes Soc. scient. Gotûngensis, 1829-183-2, t. VII, cl. Malh., p. 39). — Poisson, Nouvelle théorie de l'action capillaire, 1831. — Voyez aussi à .ce sujet : Desains, Recherches sur les phénomènes capillaires {Annales de chimie et de physique, 1857, 3' série, t, Ll, p. 385). [iQ ABSORPTION. ignorons la nature, et au nombre desquelles il faudra ranger probablement la forme des molécules ou le mode de groupe- ment des atomes dont celles-ci se composent. On la désigne alors sous le nom d'attraction moléculaire^ quand son action paraît agir seulement sur l'ensemble de ces agrégats primaires, de façon à les rapprocher ou à résister aux forces qui tendent à les éloigner entre eux; et on l'appelle affinité chimique^ quand elle paraît exercer sur ces groupes d'atomes une influence plus grande, et déterminer un nouveau mode d'arrangement des particules constitutives de ces molécules. Enfin, pour bien pré- ciser ce dont j'ai à parler ici, il est bon de rappeler une autre distinction qui est moins importante que les précédentes, mais dont nous aurons besoin dans nos études actuelles : quand on parle de la force physique qui tient unies, ou du moins rappro- chées, les molécules d'un même corps, on appelle cette attrac- tion cohésion, et quand l'attraction moléculaire s'exerce entre des corps différents qui sont simplement en contact apparent, on l'appelle adhésion (1). Cohésion Les effets dus à la force de cohésion des molécules des corps solides sont trop bien connus, même du vulgaire, pour que nous ayons à nous y arrêter ici ; mais, au premier abord, il est moins facile de concevoir l'action de cette puissance entre les molécules des corps à l'état liquide, car on sait que ces molécules se déplacent avec une si grande facilité, que la (1) Alin d'introduire plus de préci- appellent prosaphie, l'attraction exer- sion dans le langage employé dans cée par les molécules du corps solide l'étude de ces phénomènes, quelques sur les molécules liquides adjacentes, physiciens désignent sous le nom de et vice versa, c'est-à-dire la force synap/iie, l'attraction réciproque exer- d'adhérence dont jouissent ces molc- cée par les molécules d'un même corps cules hétérogènes. Mais ici je crois les unes sur les autres, c'est-à-dire préférable de ne faire usage que de la force de cohésion de ce corps, et mois vulgaires (a). (a) M. L. Frankenheim, Die Lehre von der Cohésion. Breslaii, 1835, p. fil des liquides. ACTION DE LA CAPILLARITÉ. /j.7 ^ masse constituée par leur réunion affecte d'ordinaire une | forme qui est déterminée, d'un côté par la pesanteur, d'un | autre côté par les résistances extérieures qui balancent Fin- ' fluence de l'attraction terrestre. Pour mettre en évidence l'action de la force cohésive des liquides, il suffit cependant 4 de quelques expériences d'une grande simplicité. x4insi, cha- ■ cun sait que lorsqu'une petite masse d'eau tombe librement j dans l'espace, elle affecte une forme constante, et le calcul i montre que cette forme est précisément celle qui résulte \ du plus grand rapprochement possible de ses molécules entre l elles, savoir, la forme sphérique. Il est donc légitime de \ supposer que cette forme particulière est déterminée par l'at- \ traction mutuelle des molécules de l'eau, c'est-à-dire la force i de cohésion de cehquide. Mais cela devient encore plus visible 'i quand on place deux de ces globules d'eau sur la surface hori- 1 zontale d'une lame de verre enduite de graisse : les gouttes ! conservent à peu de chose près leur forme propre tant qu'elles I restent à une distance sensible l'une de l'autre; mais, dès qu'elles viennent à se toucher par un point de leur circonfé- ] rence, on les voit se confondre, et constituer par le rappro- •• chement de leurs molécules une seule masse de forme sphé- ^ roïdale (1). ' Si, au lieu de déposer la goutte d'eau sur un corps Aitracuon gras, on la place sur une lame de verre dont la surface est horizontale et parfaitement nette, les choses ne se passeront (1) Cette expérience est également par l'atmosphère; mais les membres facile à faire avec des globules de de l'Académie del Cimento firent voir mercure sur une lame de verre un que cette forme se conserve dans le peu humide. On avait d'abord sup- vide aussi bien qu'à l'air , et ne posé que la forme sphérique des li- peut dépendre que d'une force inlé- quides divisés en gouttelettes dépen- rieure [a). dait de la pression extérieure exercée (a) Saggidi naturali esperienne fatte nelV Accademia del Cimento, p. 78 (édit. de 1616). adhésive. llS ABSORPTION. plus de la même manière : le globule liquide ne conservera pas sa forme sphérique, mais s'aplatira rapidement, et s'étalera comme une lame mince sur la surface sous-jacente (1). 11 faut donc qu'une force étrangère ait balancé l'action de la cohésion de l'eau , et il est facile de montrer que cette force réside dans le verre. Pour s'en convaincre, il suffit d'incliner le pla- teau qui supporte le globule : quand la surface de ce corps a été graissée, et que la goutte d'eau y a conservé sa sphéricité, celle-ci, obéissant à l'action de la pesanteur, roule vers la partie la plus déclive du plateau, et, s'en détachant sans peine, tombe vers la terre; tandis que la petite masse d'eau étalée à la surface du verre non graissé se rassemble en partie sous forme de goutte au bord inférieur de celui-ci, mais y reste suspendue (2). Il y a donc entre les molécules de l'eau et les molécules du vçrre une certaine action attractive ou force d'adhésion, et celte force n'existe pas au même degré entre l'eau et les corps gras. On ne peut apercevoir aucune différence sensible dans les distances qui existent entre l'eau et les deux solides avec la surface desquels nous venons de supposer ce liquide en con- (1) Pour que cet effet se produise versa. Ainsi quand une goulte d'eau d'une manière complète, il faut que est déposée sur la surface d'un corps la surface du verre ne soit souillée sur lequel elle ne s'étale que peu, elle par aucune matière étrangère, et il conserve en dessus une forme bom- est si difficile de la nettoyer parfaite- bée ; mais si l'on approche une ba- ment, que pour faire l'expérience en guette de verre du sommet de la sur- question, il est bon d'employer la sur- face courbe par laquelle elle se termine, face d'une cassure faite au moment on verra celle-ci changer de forme même. (lès que le contact se sera établi. L'eau (2) On trouve dans les mémoires de s'élancera, pour ainsi dire, contre la Weitbrecht et de quelques autres phy- baguette de verre, s'y étalera, et les siciens du siècle dernier, beaucoup parties latérales de la goutte, au lieu d'expériences curieuses relatives à d'être convexes , deviendront con- l'attraction du verre pour l'eau, et vice caves (a). (a) Weitbreclit Tentamen theorice qua ascensus aquce in tuhis capillaribus explicalur {Com- mentarii Acad. scient. PetropoUtanœ, 1736, t. VIII, p. 265, pi. 22, lig. 2 et 3). ACTION DE LA CAPILLARITÉ. A9 tact; et par conséquent nous pouvons conclure de cette expé- rience, non-seulement que l'attraction s'exerce entre les molé- cules du verre et celles de l'eau, comme elle s'exerce entre ces dernières, mais que l'intensité de cette force adhésive varie suivant la nature des corps réagissants (1). Une autre expérience très simple, et également propre à mettre en évidence la force d'attraction mutuelle développée à des distances insensibles entre le verre et divers liquides, peut servir à montrer que la force de cohésion qui tend à rap- procher entre elles les molécules de ces derniers corps varie en Rapports entre la cohésion des liquides et leur adhérence aux solides. (1) Sous ce rapport, il existe donc une différence très grcinde entre les effets de la gravitation universelle, suivant que cette force agit à des distances sensibles ou à des dislances insensibles. Dans le premier cas, ainsi que je viens de le montrer, la nature chimique des corps réagissants influe beaucoup sur leur attraction mutuelle ; dans le second, elle n'exerce aucune action appréciable. Ainsi, on sait que dans le vide tous les corps tombent avec la même vitesse , et les observations astronomiques montrent que l'action attractive des planètes les unes sur les autres n'est réglée que par la dis- lance qui sépare ces corps et par la quantité de matière dont ils se com- posent. Or, on sait également que la densité de celte nintière planétaire varie considérablement d'une de ces étoiles à une autre ; que la densité moyenne de la terre, par exemple , étant de 5,[i!x , celle de i\lercure est 15,99 ; celle de Jupiter, 1,'29, et celle de Saturne seulement 0,7ô. Des différences de cet ordre ne peuvent être attribuées à des inégalités dans la température de ces planètes, et par conséquent il est très probable que la V. nature chimique de leur substance constitutive n'est pas la même. L'uni- formité de leur mode de gravitation serait donc encore une preuve de la non-intervention de la nature intime des coips dans le jeu de l'attraction entre les corps situés à une distance sensible les uns des autres. Mais si j'in- siste sur les ditférences qui existent à cet égard entre les effets de Tallraction planétaire et ceux de l'attraction ca- pillaire, ce n'est pas que je suppose ces forces distinctes dans leur essence ; tous ces effets semblent devoir être rapportés à une seule et même cause ; mais la force de répulsion intermolé- culaire que l'on attrii)ae à la chaleur, et que l'on doit considérer comme balançant plus ou moins l'attraction, décroît si rapidement avec la distance, qu'elle ne produit aucun elTet appré- ciable quand celle distance est sen- sible , tandis qu'elle joue un rôle important quand la distance cesse d'être visible , et , comme nous le verrons bientôt, les résultats qu'elle produit varient eu grandeur suivant la nature intime des corps qui la dé- veloppent. 50 ABS0U1>TI0N. intensité suivant la nature de ceux-ci. Suspendons au fléau d'une balance, d'un côté un disque de verre bien horizontal, et de l'autre côté des poids qui le mettent en équilibre ; puis, plaçons sous le plateau de verre un vase contenant de l'eau, et faisons monter celui-ci graduellement jusqu'à ce que la surface du liquide arrive en contact avec la face inférieure du tlisque. Le fléau restera immobile ; mais si nous ajoutons alors des poids dans le plateau opposé, nous verrons que, au lieu de faire trébucher immédiatement la balance, comme cela avait lieu avant l'éta- blissement du contact entre le plateau de verre et l'eau sous- jacente, il faudra exercer de la sorte un effort considérable pour enlever ce disque et le détacher du liquide auquel il adhère. Or, la surface du verre, en se séparant du bain, reste mouillée; elle emporte donc avec elle une lame mince d'eau, et la force em- pl'oyée pour faire trébucher la balance n'est pas celle qui aurait été nécessaire pour rompre l'adhérence établie entre ce corps solide et l'eau , mais seulement celle employée pour vaincre la résistance opposée par la force de cohésion du liquide. Or, si l'on répète cette expérience en substituant à l'eau de l'alcool, de l'essence de térébenthine ou tout aulre liquide susceptible de mouiller le verre , on obtient des résultats analogues ; mais, pour détacher le disque, il faut des poids variables suivant la nature de ces corps. Par conséquent, la force de cohésion de ceshquides varie quant à sa puissance (1). (1) Gay-Lussac a fait quelques ex- pour vaincre la cohésion d'un corps périences de ce genre pour vérifier les solide ; car, à mesure que la distance résultais tliéoriques obtenus par La- entre la surface inférieure du disque place (a). 11 est, du reste, essentiel de et le niveau général du bain augmente, noter que, dans les circonstances indi- les côtés de la colonne d'eau soulevée quées ci-dessus, les choses ne se pas- se rapprochent de plus en plus, de sorte sent pas comme dans celles où l'on que le diamètre de cette colonne vers emploie une certaine force de traction la moitié de sa hauteur diminue de (a) Voyez Laplace, Op. cit. {Œuvres, t.* IV, p. 527). ACTION DE LA CAPILLARITÉ. ëli J'appellerai aussi l'attention sur une autre conséquence qui peut se déduire de ces faits. Nous avons vu que le plateau soulevé par un certain poids entraînait avec lui une lame mince de liquide. La résistance opposé^e par la cohésion de celui-ci est donc moins grande que celle développée par l'attraction adhésive du verre sur le liquide sous-jacent: et j'insiste sur celte circonstance, parce que nous verrons bientôt cette inéga- lité dans ces deux forces dont la direction est contraire, jouer un grand rôle dans les phénomènes dont l'étude doit nous occuper maintenant. Pour avancer davantage dans l'examen de ces questions, il est bon de considérer de plus près ce qui se passe dans une goutte d'eau qui repose sur un corps que ce liquide ne mouille pas, et qui augmente de volume par l'adjonction de nouvelles quan- tités de matière. Nous avons vu que si le globule ainsi constitué est très petit, il conserve une forme sensiblement sphérique, et cela suppose que l'attraction, cohésive des molécules de hquide suffit pour faire équilibre à la pression exercée par une colonne verticale du liquide ayant pour hauteur le diamètre de cette sphère. Mais si le volume du globule vient à augmen- ter, il arrive un moment où la force d'attraction réciproque des molécules de l'eau ne suffit plus pour balancer la pres- sion développée par les particules élevées ainsi au-dessus de leur base de sustentation, et où l'inégalité de ces deux forces contraires déterminera la déformation du sphéroïde. Alors, par plus en plus, et que la rupture s'effec- faudrait tenir compte de l'influence de tue quand cette portion étranglée est la forme des surfaces libres, c'est-à- devenue très grêle fa). Le phénomène dire latérales, de la colonne liquide est donc beaucoup plus complexe qu'on soulevée sur l'équilibre de ses mole - ne serait porté à le supposer au pre- cules constitutives, niier abord, et, pour l'analyser, il (a) Donny, Mémoire sur la cohésion des Uq^ndes et sur leur adhérence aux corps solides (An- nales de chimie et dephysique, 3" série, 1846, t. XVI, p. 167). 52 ABSORPTION. l'addition de nouvelles (juantités de matière, le globule ne s'élèvera plus, mais s'élargira seulement, et prendra peu à peu la forme d'un disque dont la surface supérieure tendra à devenir plane et horizontale , tandis que les bords resteront arrondis et leur seclion méridienne sera sensiblement égale à la demi- circonférence d'un cercle qui aurait pour diamètre l'épaisseur du disque. Supposons maintenant que la masse de liquide ayant cette forme vienne à rencontrer un obstacle qui s'oppose à son élargissement ultérieur, et que cet obstacle soit un plan solide vertical dont la substance n'exerce sur les molécules de l'eau aucune intluence attractive appré(iiable. Il est visible que par l'accroissement de sa masse le disque liquide augmentera d'épaisseur, et que la poussée déterminée par son poids contre l'enceinte constituée de la sorte modifiera la forme de la portion du "bord du disque liquide qui se trouve au-dessous du premier point de contact de ce bord avec l'obstacle, c'est-à-dire au- dessous d'un plan horizontalpassantpar le centre de courbure de la seclion méridienne représentée par ce même bord ; mais cette poussée n'aura point d'induence sur l'équilibre des mo- lécules situées au-dessus du plan horizontal que nous venons d'imaginer, et par conséquent, quelle que soit la profondeur du bain ainsi délimitée, sa partie supérieure se trouvera terminée latéralement par une surface convexe dont le rayon de courbure sera déterminé par la grandeur de la force de cohésion du liquide. Action Cet état d'équilibre setrouve réalisé, à peu de chose près , quand 'des vasel' de l'eau est déposée dans un vase dont les parois sont imprégnées '"ViiVS^' de graisse, mais est plus facile à constater dans une cuve à mer- tontenus. ^^^^ ^^ ^^^^ j^ ^^^^ ^»^j^ baromètrc ordinaire dont le calibre est très grand. La surface supérieure de ce métal liquide est horizontale à une certaine distance des parois du vase; mais, dans leur voisinage immédiat, elle s'incline et ne rencontre la surface de ces parois qu'à une certaine distance au-dessous du ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 53 niveau général du bain. Or, le liquide est alors en repos, et par conséquent toutes les séries verticales de ses molécules se font équilibre mutuellement : près du bord, ces filets verticaux sont moins hauts que dans la portion du bain où la surface libre est horizontale. Nous savons que les liquides ne sont pas sen- siblement compressibles ; la densité de ces filets ne peut donc différer d'une manière appréciable, et le poids de la tranche supérieure du filet central qui dépasse le niveau de l'extrémité supérieure du filet marginal ne peut être soutenu que par l'ac- tion d'une force déprimante agissant sur ce dernier. Cette force n'est autre que l'attraction réciproque des molécules du liquide, c'est-à-dire la cohésion de celui-ci ; et puisqu'elle tient en équilibre la couche fluide comprise entre la surface générale du bain et le plan horizontal suivant lequel cette surface ren- contre les parois du vase, elle doit être égale en puissance à la pression verticale exercée par chaque filet vertical constituant cette même couche, ou, en d'autres mots, d'une colonne de ce liquide dont la hauteur serait égale au sinus de l'arc décrit par la section méridienne de la surface convexe. Mais si la masse aqueuse, qui, en grossissant, a cessé d'être sphérique et s'est élalée en forme de disque à bords convexes, rencontre un obstacle constitué par un solide dont la substance, au lieu d'être sans influence appréciable sur ses molécules, exerce sur celles-ci une action atlractive comme celle que nous avons vue se manifester quand une goutte d'eau est mise en contact avec une lame de verre, les choses ne se passeront plus de la même manière, car l'attraction exercée par ce corps a balancé , dans une certaine mesure , la force de cohésion qui tend à maintenir les molécules liquides le plus rapprochées possible, et par conséquent les effels de cette force cohésive seront diminués d'autant. Il en résulte que la forme de la sur- face du hquide sera modifiée dans le voisinage immédiat des parois de l'enceinte constituée par ce solide , et que l'état 54 ABSORPTION, d'équilibre sera déterminé, non pas uniquement par la résultante des deux forces inhérentes aux molécules du liquide, savoir, leur cohésion et leur poids , mais par la résultante de trois forces : dont une, celle de la cohésion, tend à abaisser la ligne de contact du liquide avec le solide ; dont la deuxième , la poussée ou pression développée par les parties voisines du liquide, tend à élever celte même ligne au niveau de la surface générale du bain ; et dont la troisième , dépendante du solide adjacent, tend à soulever les molécules de l'eau qui se trouvent dans sa sphère d'attraction. Il est donc facile de concevoir que si la force attractive du solide est moins grande que l'excédant de l'effet de la cohésion sur la pression dont je viens de parler, la portion adjacente de la surface du bain conservera une forme convexe dont le rayon de courbure variera suivant la grandeur delà résultante de ces trois forces; mais que si cette force attractive devient égale à l'excédant de la cohésion sur la poussée du liquide , la surface du baiti deviendra horizontale au point de contact avec le solide comme ailleurs ; enfin que dans le cas où la puissance d'attraction développée par ce solide s'accroît encore, et devient , par conséquent , plus grande que la résultante dont je viens de parler, elle dimi- nue d'autant les effets de la pesanteur sur les filets marginaux du liquide, et ceux-ci, pour faire équilibre aux filets adja- cents, doivent avoir plus de hauteur, de sorte que la ligne de joncfion du liquide avec le solide se trouve élevée au-dessus du niveau général du bain et se relie à celui-ci par une surface concave (1). (l) Il ne seia peut-être pas inutile la ligne de jonction de la surface libre de faire remarquer ici que l'attraction du liquide avec la surface adjacente dont résulte le déplacement du liquide du solide. En etïet, la force attractive n'est pas exercée par les molécules du qui agit latéralement et qui tend solide qui sont en contact apparent à rapproclier deux molécules si- avec celui-ci, mais par celles qui se tuées sur un même plan horizontal , trouvent immédiatement au-dessus de et qui fait équilibre aune force ré- ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 55> Or, les inégalités dans la pression déterminée parles divers tllets d'eau que nous venons de considérer sont la conséquence de l'action des deux forces attractives antagonistes que nous pulsive d'une iiitensilé donnée, ne peut ni abaisser ni élever liin ou l'autre de ces corps ; les molécules li- quides qui se trouvent au-dessous de la ligne de jonction dont je viens de parler sont également sollicitées à s'élever et à s'abaisser par l'action attractive des molécules du verre si- tuées immédiatement au-dessus et au-dessous du plan liorizontal passant par le centre de chacune d'elles, et par conséquent le voisinage du solide ne peut déterminer leur déplacement; mais les molécules immobiles qui se trouvent immédiatement au-dessus de la ligne de jonction précédemment indiquée, c'est-à-dire au-dessus de la surface libre du liquide, en alliranl obliquement les molécules adjacentes de ce dernier corps, doivent tendre à les élever et diminuer proportionnel- lement la pression qu'elles exercent sur les portions voisines du fluide. Ainsi le raisonnement nous conduit à trouver que l'ascension ou la dépres- sion des liquides dans les tubes capil- laires dépend de l'action de la portion de la surface intérieure de ceux-ci qui surmonte immédiatement la ligne de rencontre de cette surface avec celle du liquide inclus. Du reste, ce fait peut être démontré matériellement par une expérience très simple due à Jurin. Ainsi que nous le verrons bientôt, la hauteur à laquelle l'eau monte dans un tube étroit est en raison inverse du diamètre de la cavité cylindrique de ce tuyau. Or, si l'on soude à l'ex- trémité d'un tube capillaire dont le diamètre est égal à 10 un second tube dont le diamètre intérieur n'est égal qu'à 1, et qu'on plonge l'extrémité libre du gros tube dans l'eau, on verra le liquide s'y élever jusqu'à une cer- taine hauteur que je suppose inférieure à l'extrémité supérieure de cette pre- mière portion de l'appareil; mais si l'on enfonce davantage le tube dans l'eau, de façon que l'extrémité su- périeure de la colonne liquide ainsi élevée, arrive en contact avec l'extré- mité inférieure du tube étroit qui forme en quelque sorte l'étage supé- rieur de l'appareil, on verra aussitôt la hauteur de la colonne augmenter et devenir proportionnelle au diamètre de ce second tube, de manière que le tout se maintiendra au-dessus du ni- veau général du bain, comme si le tube avait dans toute sa longueur les dimensions qu'il ollre dans le point où ses parois se joignent à la surface libre du liquide inclus (a). L'étendue de la surface du tube située au-dessous de cette ligne de jonction, et le dia- mètre de la portion sous-jacente de la colonne liquide soulevée, n'exercent donc aucune influence appréciable sur la hauteur de la colonne, et l'élévation est déterminée seulement par l'an- neau du tube qui surmonte immédia- tement la surface supérieure de cette colonne. (a) Jurin, An Account of some Experiments, etc. ; with an Inquiry into Ihe Cause of the Ascenl and Suspension of ^'ater in Capillary Tubes [Philos. Tmns., 1748, t. XXX, p. 743j. 5(5 ABSORPTION. avons appelées cohésion et attraction adhésive; par conséquent, la forme de la surface libre du liquide dépendra en dernier ressort de Tintensité relative de ces deux puissances : quand la cohésion l'emporte sur l'attraction adtiésive, la portion de cette surface qui est adjacente au solide sera convexe; et quand c'est au contraire l'attraction adhésive qui devient plus puissante que la cohésion, cette surface se relèvera sur les bords et deviendra concave. C'est de la sorte que de l'eau dont on remplit incomplète- ment un verre se relève contre les parois du vase, et que la surface de ce liquide devient au contraire convexe lorsqu'on remplit le vase à pleins bords, car dans ce dernier cas la puis- sance attractive du verre agit de bas en haut sur la couche d'eau qui dépasse son niveau supérieur, et vient en aide à la cohésion pour le retenir et le mettre en équilibre avec les parties centrales de la colonne fluide qui s'élèvent davan- tage (1). Du reste, les phénomènes de ce genre ne se manifestent pas seulement sur les bords des vases, et se produisent de la même (1) Pour metlie mieux en évidence conformément aux lois de l'équilibre l'obstacle que l'aUrnclion du verre sur dans les vases communicants, le l'eau oppose au déversement de ce même niveau se soit établi de part et liquide, il suffit de répéter une expé- d'autre; mais si l'une des branches rience très simple que l'on attribue de ce siphon renversé est formée par généralement à l'un des membres de un tube capillaire, le plan horizontal notreancienne Académie des sciences, passant par la surface du liquide C. -F. du Fay (a), mais qui appartient dans l'autre branche sera inférieure en réalité à Aggiunti (6). Si l'on verse à celui qui correspondra à cette sur- de l'eau dans une des branches d'un face dans la branche capillaire, et tube de grand diamètre et recourbé en la diiïérence des niveaux sera pro- forme d'U, le poids du liquide dans porlionnée aux efiets produits par cette branche fera monter l'eau dans l'attraction de la surface intérieure la branche opposée, jusqu'à ce que, des parois de ce dernier tube sur l'eau (o) C.-F. (iii Fay, De l'ascension des liqueurs dans les tuyaux capillaires (Hist. de l'Acad. des' sciences, d72i). {b} Voyez Nclli, Op. cit., p. 02, fig-. 19. ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 57 manière lorsqu'on plonge dans un bain liquide, sur un point quelconque de sa surface, la partie inférieure d'un corps solide : la ligne de contact des deux substances s'élève ou s'abaisse suivant l'intensité relative de la cohésion du liquide et de l'attraction adhésive exercée sur les molécules de celui-ci par le solide incomplètement immergé. En effet, les molécules du liquide qui baignent l'une quelconque des surfaces latérales du solide se trouvent alors soustraites à l'influence de la force attractive des molécules liquides situées du côté opposé de l'espèce d'écran que ce solide constitue, et sont placées dans les mêmes conditions que celles situées au bord externe de la surface libre du bain. Ainsi, quand on plonge verticalement le bord inférieur d'une lame de verre dans de l'eau en repos , on voit le liquide prendre une forme concave et s'élever à une certaine hauteur contre sa surface; puis, en répétant la même expérience sur un bain de mercure, on observe un résultat inverse : la surface du métal s'abaisse et devient convexe dans ses points de jonction avec le verre. Ces effets sont produits avec le même degré d'intensité, quelle que soit la minceur de la lame de verre immergée de la sorte. Dans tous les cas, les molécules du liquide situées de l'un des adjacente dont la surface deviendra qui y fait équilibre dans la branche concave. Cet état de choses persistera capillaire, et d'autre part, que cette tant que la colonne de liquide, dans dernière surface deviendra convexe, cette dernière branche de l'instru- L'attraction exercée par les parois du ment, n'aura pas monté jusqu'au bord tube capillaire sur l'eau qui, dans le libre du tube capillaire ; mais lorsque premier cas, faisait équilibre à une ce terme sera atteint, l'attraction exer- force agissant de haut en bas et contre- cée par ces mêmes parois sur l'eau balançait en partie l'action de la pe- tendra à l'empêcher de sortir, et si sanleur, agira alors en sens inverse, et l'on continue à verser doucement du fera équilibre à la charge constituée liquide dans la grande branche du par la couche du liquide qui, dans la siphon renversé , on remarquera, grande branche, dépasse le niveau de d'une part, que le niveau pourra s'y l'extrémité supérieure de la petite élever notablement au-dessus de la branche et tend à y élever l'eau, surface supérieure de la colonne fluide 58 ABSORPTION. côtés de cet écran sont complètement soustraites à l'influence attractive des molécules de même nature qui se trouvent du côté opposé, et qui sont séparées des premières par la lame solide : la grandeur de la distance à laquelle ces molécules sont éloignées les unes des autres ne fait pas varier la grandeur de la résultante de leur force de cohésion combinée avec la force attractive du verre, et ce fait jette de nouvelles lumières sur le mode d'action de ces forces. Effectivement, si les effets de l'attraction cohésive de deux molécules liquides A et B se trouvent annulés par l'interposition d'un troisième corps C, quelle que soit la faible épaisseur de ce dernier, et si la force d'attraction adhésive que C exerce sur A et B reste la même, quelle que soit l'épaisseur de ce corps, il en faut conclure que l'une et l'autre de ces forces ne produisent des effets sensibles qu'à des distances imper- ceptibles (1). Les physiciens ne connaissent pas la loi suivant laquelle l'ac- tion de ces forces diminue à tnesiire que la distance entre les molécules réagissantes augmente ; mais, d'après les expériences dont je viens de parler, et beaucoup d'autres faits du même ordre, il est visible que l'intluence, soit de la cohésion , soit dé (1) Hauksbee constata que l'eau verre sur les molécules de l'eau ne peut monte sensiblement à la même hau- s'étendre qu'à des distances impei'cep- teur dans des tubes capillaires dont tibles, et il en fit la base de sa théorie l'épaisseur est variable (a), et Weit- mathématique des elïéts de la capil- brecht vit que celte hauteur restait la larité (c). même, soit que le tuyau dépassât de Des recherches plus récentes, faites peu ou de beaucoup le sommet de la par M. Bède, montrent que les résul- colonne liquide déplacée (b). En- tats fournis par les expériences de fin , Laplace tira des expériences de Hauksbee ne sont pas d'une exacti- Hauksbec cette conclusion , que la tude complète, et que l'élévation de sphère d'attraction des molécules du l'eau, ou l'abaissement du mercure (a) Hauksbee, Expériences physico-chimiques, trad. par Desmarest, t. II, p. 27 et 127. {b) Weitbrecht, Op. cit. {Comment. Acai. scient. Petropol., nSG, t. VUI). (e) l-aplace, Mécanique céleste, supplément du livre X {Œiivres, t. iV, p. 391), ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 59 l'attraction adhésive, cesse d'être appréciable à des distances extrêmement petites. Mais, s'il est démontré que la puissance attractive du verre, ou de tout autre corps jouant un rôle analogue, ne puisse pro- duire des effets sensibles qu'à des distances imperceptibles, ou tout au moins extrêinement petites , comment expliquer ce qui a lieu quand une lame de verre est partiellement immergée dans de l'eau, car dans ce cas ce n'est pas seulement une Couche d'eau excessivement mince qui est soulevée par le verrCj mais une masse assez considérable de ce liquide, masse dont la surface libre devient concave et dont la base s'élend asseîî; loin de la surface attirante. Ici la force cohésive du liquide intervient de nouveau, et^ pour bien saisir le mécanisme de ce phénomène, il est utile d'avoir recours à un artifice de raisonnement dont nous avons déjà eu l'occasion de faire usage. Isolons par la pensée une lame verticale d'eau qui viendrait rencontrer à angle droit la surface du verre, et imaginons cette tranche divisée en une série de filets verticaux dont l'épaisseur ne serait pas sensible; enfin, admettons encore que chacun de ces filets marginaux, que j'appellerai m, m', m", etc., soit est un peu plus considérable dtins les ciens reconnaissent aujourd'hui que tubes capillaires à parois épaisses que les effets sensibles des attractions dans ceux dont les parois sont min- cohésives et adhésives ne sont appré- ces (a) : mais ces perturbations s'ex- ciables qu'à des distances très petites, pliquent par l'action attractive de la plusieurs expérimentateurs pensent surface horizontale du bout immergé que la sphère d'activité de ces forces du tube, et n'infirme en rien les dé- s'élend un peu plus loin que ne l'ad- ductions tirées par Laplace touchant mettait Laplace, et sonl susceptibles de la distance à laquelle la substance du produire des effets sensibles à des dis- verre cesse d'exercer une action sen- tances perceptibles , quoique très sible sur l'eau. courtes ; question sur laquelle nous Du reste, bien que tous les physi- aurons l'occasion de revenir bientôt. (o) Bède, Mém. sur l'ascension de l'eau et la dépression du mercure dans les tubes capillaires Mémoires couronnés par l'Académie de Bruxelles, t. XXV). 60 ABSORPTION. relié à un filet vertical semblable, c, c, etc., situé vers le milieu du bain, au moyen d'un filet horizontal placé à quelque distance de la surface du liquide, soit /i, h\ etc. Chacun des systèmes formés par m, /t, c, ou par m', h\ c', etc., se trou- vera au sein du milieu ambiant dans les mêmes conditions que les deux colonnes fluides qui se balancent dans les branches montantes d'un tube en U, ou siphon renversé. Le filet mar- ginal m, par exemple, pressera par sa base sur le filet c, et tendra à le faire monter; mais c pressera également sur la base de m, et tendra à produire sur celui-ci le même effet : de sorte que si le poids de ces deux filets est le même, ils resteront stationnaires, conformément au principe de l'équilibre des liquides dans les vases communicants. Si m n'était soumis à l'influence d'aucune force étrangère, ces conditions d'équilibre seraient réalisées quand sa surface serait au même niveau que celle de c, car le liquide ayant partout la même densité, la pression p exercée par m serait égale à la pression p' de c quand ces colonnes auraient la même hauteur. Mais le filet m, étant en contact avec le verre, se trouve soumis à l'action attractive de ce corps, et cette force tendant à le faire monter, que j'appel- lerai a, doit balancer une partie de celle qui tend à faire des- cendre ce même filet, c'est-à-dire p. Ce sera donc jo — a qui se trouvera opposé à p\ et par conséquent m s'élèvera .au-dessus du niveau de c jusqu'à ce que la différence dans la hauteur relative de ces deux colonnes liquides suffise pour compenser l'action attractive du verre. Si cette puissance attractive était considérable, la différence des niveaux serait très grande, pourvu qu'aucune autre force n'intervînt dans ce phénomène, car nous avons supposé le filet m extrêmement mince, et par conséquent très léger; mais m n'est pas libre, et, à raison de la force de cohésion de l'eau, se trouve comme enchaîné à m', c'est-à-dire au filet hquide suivant. En s'élevant le long de la surface du verre, il agira donc sur m' de la même manière que le verre a ACTIOiN DE LA CAPILLARITÉ. 61 agi sur lui, et, en appliquant au système de filets m', c', le raisonnement que je viens de faire pour le système m^ c, nous voyons que m' s'élèvera d'une certaine quantité au-dessus du niveau de c, c'est-à-dire au-dessus du niveau général du bain. Or, la puissance attractive de m' sur m est égale à celle de m sur m', etparconséquentce second filet liquide, en s'élevant sous Tinfluence du premier, réagira aussi sur celui-ci, et l'empêchera de monter aussi haut qu'il l'aurait fait s'il avait été libre. Des relations semblables existent entre les filets verticaux suivants, c'est-à-dire entre m' et m", entre m" et m'", etc. ; de façon que les effets de l'action attractive du verre portent en réalité sur un nombre plus ou moins considérable de ces petites colonnes liquides, et s'étendent à une certaine distance du bord vers le milieu du bain. Mais, ainsi que nous l'avons déjà vu, la force de cohésion de l'eau est inférieure à la puissance attracfive du verre; l'attraction exercée par m sur m' sera donc moindre que a ; et m' ne s'élèvera pas aussi haut que ?w pour faire équi- libre à c. Ainsi la ligne passant par le sommet de ces deux filets rencontrera la surface du verre sous un certain angle, et la hauteur à laquelle m" sera élevée, par suite de la cohésion qui l'unit à m', sera encore plus faible , car les molécules des liquides , tout en étant maintenues à une certaine distance les unes des autres par l'attraction cohésive, sont parfaitement libres de se mouvoir autour les unes des autres, et par consé- quent la position dans laquelle la molécule terminale du filet m' se placera par rapport à la molécule supérieure du filet m sera déterminée par la résultante de deux forces contraires, l'attrac- tion de m, qiii agit obliquement, et la pesanteur qui agit suivant la verticale; in" restera donc comme suspendu à m' sans attein- dre son sommet. Il en sera de même pour m'" par rapport à m", et ainsi de suite. Or, l'observation, de même que le calcul, montre que la ligne passant parle sommet de ces verti- cales s'abaisse de plus en plus, et décrit une certaine courbe 62 ABSORPTION. qui, par ses deux extrémités, se confond, d'une part avec la surface verticale du verre, et d'autre part avec la surface horizon- tale du bain. Ainsi, l'attraction adhésive exercée par le verre, d'une part, et l'attraction cohésive exercée par les molécules d'e^u, d'autre part, déterminentdans le voisinage du contact du prefliier de ces corps avec Je second, l'élévation d'un certain volume de liquide qui se terniine par une surfece concave, et qui se compose d'une lame verticale très mince adhérant au verre et d'une masse d'eau qui est comme suspendue à la face opposée de cette lame fluide, et qui, à raison de sa pesanteur, diminue d'autant la hauteur à laquelle celle-ci peut monter. Il est donc visible que si, par une cause quelconque, la résistance opposée à l'ascension des lames aqueuses les plus rapprochées du verre par celles qui sont plus éloignées de ce corps pouvait être diminuée ou annulée, l'élévation de la por- tion marginale du bain au-dessus du niveau général de celui-ci augmenterait, la force attractive du verre restant la même. Or, il est facile de réaliser ces conditions. Effectivement, si au lieu d'employer dans ces expériences une seule lame verticale de verre, on immerge incomplètement dans l'eau deux de ces lames placées parallèlement, et si l'on rapproche graduellement ces deux plans, qui d'abord étaient très éloignés entre eux, il arrivera un moment où les deux portions concaves de la surface du liquide intermédiaire viendront à se rencontrer. Ce résultat sera obtenu quand la moitié de la dis- tance comprise entre les deux verres sera égale à la largeur de l'espace dans lequel l'action de chaque verre exerce sur la surface de l'eau une influence sensible; et si l'on continue à rapprocher de plus en plus les deux verres, on annulera les résistances dues à la portion de chacune des masses liquides soulevées qui se trouvait entre cette première Hgne de jonction et le point actuel de rencontre des deux moitiés de la courbe ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 6â décrite par la surface de la masse liquide soulevée. Les deux lames d'eau qui adhèrent aux verres, et qui peuvent être consi- dérées comme les agents moteurs de tout ce système de molé- cules liquides, se trouveront donc allégées d'autant, et par conséquent, pour faire équilibre aux pressions exercées par les portions circonvoisines du bain, devront s'élever davantage. Plus la distance comprise entre les deux plans du verre décroî- tra, plus l'effet produit de la sorte devra être considérable, et l'expérience, de même que le calcul, montre qu'effectivement il en est ainsi, et que, toutes choses étant égales d'ailleurs, les hauteurs auxquelles les liquides s'élèvent ou s'abaissent pntre deux plans solides parallèles et verticaux sont en raison inverse de la distance qui sépare ces plans (1 ). A l'aide de quelques données fournies par la géométrie élémentaire, il est facile de déduire de cette loi le mode d'ac- (1) Poisson atiribue l'établissement de cette loi fondamentale à Jurin (a) , qui effectivement l'exposa en ] 71S (b) ; mais dans une note jointe à son mé- moire, ce physicien reconnaît que Newton l'avait devancé. Voici en quels ternies ce dernier philosophe en parle : « Si deux plaques de verre, planes et polies (supposez deux pièces d'un miroir bien poli), sont jointes ensem- ble, leurs côtés parallèles et à une distance très petite l'une de l'autre, et que par leur extrémité d'en bas on les enfonce un peu dans un vase plein d'eau , cette eau montera entre les deux verres; et à mesure que les plaques seront moins éloignées, l'eau s'élèvera à une plus grande hauteur. Si leur distance est environ la cen- tième partie d'un pouce, l'eau mon- tera à la lj§uteur d'environ un pouce, et si la distance est plus grande ou plus petite en quelque proportion qiie ce soit, la hauteur sera à peu près en proportion réciproque à la distance ; car la force attractive des verres est la même, soit que la distance qu'il y a entre eux soit plus grande ou plus petite ; et le poids de l'eau attirée en haut est le même, si la hauteur de l'eau est réciproquement proportion- nelle à la distance des verres. C'est encore ainsi que l'eau monte entre deux plaques de marbre poli, lorsque leurs côtés sont parallèles et à une fort petite distance l'un de l'auire (c). » (a) Poisson, Nouvelle théorie de l'action capillaire, p. 2. (6) Jurin, An Account of sonie Experiments, etc. ; luith an Inquiry into the Cause of the Ascent and Suspensionof Waterin Capillary Tubes {Philos. Trans., 1718, t. XXX, p. 739). (c) Newton, Traité d'optique, p. 573. 64 ' ABSORPTION. tion des tubes capillaires qui sont ouverts à leurs deux bouts, et qui plongent dans un liquide par leur extrémité inférieure. Effectivement, nous venons de voir qu'entre deux plans de verre verticaux parallèles et fort rapprochés , l'eau s'élève de façon à y constituer une lame dont la hauteur est en raison inverse de la distance des deux verres, c'est-à-dire de son épaisseur, et dont la longueur peut être quelconque. Or, con- sidérons en particulier une lame semblable d'une longueur seulement égale à son épaisseur, et achevons de la circonscrire complètement en ajoutant à ces deux plans de verre deux nou- " veaux plans parallèles perpendiculaires aux premiers , et situés à la même distance, de manière, en un mot, à limiter ainsi un tube prismatique à base carrée ; il est clair que la force qui agit sur le liquide intérieur étant ainsi doublée, le volume du liquide soulevé sera lui-même doublé. D'ailleurs, la force attrac- tive étant également répartie entre les quatre faces du prisme, elles pourront être considérées comme soulevant quatre masses prismatiques de liquide dont les bases seraient les triangles isocèles déterminés par les deux diagonales du carré. Chacun de ces triangles a lui-même pour base un côté du carré et une hauteur égale à la moitié de la distance de deux faces parallèles ; en sorte que pour les tubes prismatiques à base carrée on est autorisé à dire que les colonnes de liquide soulevées sont inver- sement proportionnelles au rapport de la surface qui leur sert de base et au périmètre de cette même base. Au moyen d'un arti- fice semblable, c'est-à-dire par une décomposition en triangles isocèles, il est aisé de voir géométriquement, et j'admets ici comme acquis, que ce principe subsiste quand on remplace le carré qui sert de base au prisme par un polygone régulier quelconque ; et l'aire d'un polygone régulier quelconque étant égale au produit de son périmètre multiplié par la moitié du rayon du cercle inscrit, il s'ensuivra que les hauteurs dans les tubes prismatiques réguliers seront en raison inverse du rayon ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 65 du cercle inscrit. Enfin en passant, comme on le fait en géo- métrie, des polygones réguliers au cercle, qui peut être assimilé à un polygone régulier d'un nombre infini de côtés, on en con- clut rigoureusement que, dans les tubes cylindriques, les hau- teurs sont en raison inverse des rayons de la base, et, pour chacune d'elles, sont deux fois plus grandes qu'entre deux sur- faces planes parallèles ayant pour distance le diamètre du tube cylindrique. Les mouvements dus à l'attraction moléculaire des solides sur les liquides sont par conséquent plus faciles à observer dans les tubes étroits qu'entre des surfaces planes, et c'est prin- cipalement à l'aide d'instruments de ce genre que l'étude en a été faite. De là les noms d'attraction capillaire et de 'phénomènes de capillarité que l'on donne généralement aux forces et aux effets- dont nous nous occupons en ce moment. D'après ce que j'ai déjà dit relativement à la courbure de la surface des liquides dans le voisinage immédiat de leur point de contact avec un plan solide, nous pouvons prévoir que, dans un tube capillaire, ils se termineront par une surface de révo- lution qui sera convexe quand la force attractive de la substance dont se composent les parois du tuyau n'est pas égale en puis- sance à la moitié de la force cohésive du liquide, et concave quand l'attraction adhésive sera supérieure à la moitié de cette force de cohésion. Quant à la nature de celte courbe, on peut déduire aussi des faits exposés précédemment que, pour des tubes d'un certain diamètre, la surface de révolution doit être sensiblement un segment de sphère, et que le rayon de cette sphère doit diminuer dans un certain rapport avec le dia- mètre du tube ainsi qu'avec la hauteur de la colonne liquide déplacée. L'étude attentive des propriétés hydrostatiques de ces sur- faces concaves ou convexes permet aux physiciens de calculer les conditions de l'équilibre des divers liquides dans l'intérieur V- 5 66 ABSORPTION. des tubes capillaires, et c'est de la sorte que Laplace est arrive à une théorie mathématique de la plupart de ces phéno- mènes (1). 11 ne conviendrait pas de nous arrêter ici sur le détail de ces considérations, dont les conclusions seules impor- tent à la physiologie, et, pour le but que je me propose d'at- teindre à l'aide de cette digression, il me suffira d'ajouter (1) Laplace a fait voir que la pres- sion qu'une masse fluide terminée par une surface sphérique concave ou convexe exerce par sa base sur la co- lonne fluide verticale sous-jacente, et par conséquent sur la poussée de celle-ci sur les parties circonvoisines du fluide, est plus grande ou plus pe- tite que si sa surface était plane. Il existe donc une dépendance néces- saire entre la forme de la surface libre de la colonne liquide intérieure à l'espace capillaire, et son élat d'ex- haussement ou de dépression. Laplace a démontré que cette dépendance pouvait èlre établie directement sans considérer l'action des parois sur le liquide, et, dans sa théorie mathé- matique des actions capillaires, l'en- semble des phénomènes observés se déduit de la forme des surfaces des fluides (a). Un médecin anglais, Th. Young, dont j'ai eu déjà l'occasion de citer le nom, et dont l'attention avait été flxée sur ce sujet (6), présenta quelques objections graves à la théorie de Laplace (c), et Poisson remarqua que ce grand géo- mètre avait omis dans ses calculs une circonstance physique dont la consi- déi'aiion paraissait êlre essentielle , savoir : la variation rapide de la den- sité que le liquide éprouve près de sa surface libre et près île la paroi du tube. En tenant compte des variations que ces changements dans la densité de la couche très mince qui termine la masse liquide doivent exercer sur les pressions dont dépend la position d'équilibre des diverses parties de cette masse, l'oisson a fondé une autre théorie mathématique des actions capil- laires (d) ; mais le grand travail auquel il se livra à celte occasion ne paraît pas avoir beaucoup avancé la question fondamentale, et aujourd'hui la plupart des physiciens considèrent les vues de Gauss comme étant préférables. Ce dernier géomètre établit ses calculs sur la considération de l'action de la pesanteur, des attractions mutuelles des molécules mobiles du liquide et des attractions exercées sur ceux-ci par les molécules fixes de la surface des tubes ; puis il a recours au prin- cipe des vitesses virtuelles pour éta- blir les équations de l'équihbre (e). (a) Laplace, Mécanique céleste, supplément au livre X {Œuvres, t. IV, p. 389 et suiv.). (b) Young, An Essay on the Cohésion of Fluids {Philos. Trans., 1805, p. 65 et suiv.). (c) Young, art. Cohésion of Fluids {Supplément to the Encyclopœdia Britannica, 1824, t. III, p. 211 et suiv.). {d) Poisson, Nouvelle théorie de l'action capillaire. Paris, 183i . («) C.-F. Gauss, Principia generalia theoriœ figura fliiidorum in statu œquilibrii {Coinmen tationes Soc. scient. Gottingensis, cl. math., 1832, t. VII, p. 39 et suiv.). ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 67 qu'il existe nue relation constante entre la forme du ménisque terminal de la colonne liquide soulevée ou déprimée de la sorte et la grandeur des effets produits, c'est-à-dire la distance à laquelle la surface du liquide déplacé se trouve portée au- dessus ou au-dessous du niveau général du bain. Il me semble cependant nécessaire d'entrer plus avant dans l'examen de certaines questions que soulève l'étude des phéno- mènes de capillarité, et de chercher à nous éclairer davantage sur les circonstances qui, indépendamment des dimensions des espaces étroits occupés par les liquides, peuvent influer sur la grandeur des effets produits. Nous savons déjà que dans les tubes de verre à très petit calibre l'eau s'élève à une certaine hauteur, qui est en raison inverse du diamètre de ces tuyaux, et que le mercure y descend au-dessous du niveau général du bain circonvoisin. Il existe entre ces deux résultats si différents une multitude de degrés intermédiaires. Ainsi, l'alcool s'élève dans les tubes de verre comme le fait l'eau, mais à une hauteur moindre; il en est à pen près de même pour diverses dissolutions salines ; l'élher sulfurique monte aussi, mais reste à un niveau inférieur à celui des liquides dont je viens de parler, et pour l'eau chargée de certaines matières minérales le contraire s'observe, et la colonne liquide dépasse en hauteur celle formée par de l'eau pure (1). (1) Carré, un des membres de notre beaucoup moins haut que ne le fait ancienne Académie des sciences, fut l'eau distillée (a). l'un des premiers à étudier compara- Plus récemment , Emmelt et un livement l'influence des tubes capil- grand nombre d'autres physiciens ont laires sur l'ascension de divers li- fait des expériences analogues (6), et, quides, et il trouva que, toutes choses pour bien fixer les Idées à ce suje', étant égaies d'ailleurs, Fesprit-de-vin je rappellerai ici quelques résultats et l'essence de térébenthine montLait numériques tirés d'un travail publié (a) Carré, Expériences sur les Imjcntx capillaires (Mém. de l'Acad. des sciences, 1725, p. 241). (6) Emmetl, On Capillary Allraclion (The Philosophical Magazine, 2' série , 1827, t. I, p. 33i). 68 ABSORPTION. Nous avons vu que ces différences dépendaient essentiellement des rapports de grandeur do deux forces contraires : l'attraction adhésive du solide pour le liquide et la cohésion de celui-ci. Mais ne pourrions-nous pas avancer davantage la question qui dernièrement par Simon (de Metz). Cet expérimonlateur a pris pour unité la liauteur à laquelle l'eau distillée s'élève dans des tubes capillaires d'un certain diamètre, et en opérant dans les mêmes conditions, sur diverses dissolutions saturées, il a observé les élévations suivantes : Clilorliydralo d'ammoniaque . 1,077 Sulfhydrale de potasse .... 1,020 Nilrale de cuivre 1,012 Sulfate dépotasse 1,007 Sulfate de fer 0,989 Acide siilfurique 0,824 Sulfure de carbone 0,476 Hydrate de méthylène 0,359 Élhcr sulfurique 0,280 (a) Ainsi la présence de certains sels augmente l'action de la capillarité , tandis que d'autres substances du même ordre produisent des efTels contraires. On voit aussi, par dos expériences faites comparativement sur des disso- lutions salines ei divers degrés de con- centration, que dans certaines limites au moins la modification détermi- née dans l'ascension de l'eau par son mélange avec des substances sol u blés croît proportionnellement à la quan- tité relative de ces dernières. Ainsi, dans des expériences faites par Du- trochet sur de l'eau cliargée de cblo- rure de sodium, la hauteur de la colonne était : Pour l'eau pure 12 Pour la dissolution saline faible (densité : 1,0G) 91 Pour la dissolution concentrée (densité : 1,12) , . 61 Mais, à densités égales, les solu- tions salines de nature ditférente ne donnent pas des résultats seiiiblables. Ainsi Dutrochet a vu que de l'eau chargée de sulfate de soude ne s'éle- vait qu'à 8 lignes dans les condi- tions où celle cliargée de chlorure de sodium, do incon à avoir la même densité (savoir 1,085), montait à 10 lignes (ô). Emmelt a trouvé aussi qu'il n'existe aucune relation entre la densité de l'eau alcoolisée et la hauteur à la- quelle ce mélange s'élève dans les tubes de verre ; ainsi il a obtenu : Pour l'alcool 0,5 Pour un mélange de 83 parties d'alcool et 100 parties d'eau. 6,7 Pour le même mélange étendu de -, d'eau 10,5 Pour le premier mélange étendu de 7 j d'eau 13 Pour l'eau pure 16 Par conséquent, l'addition d'une très petite quantité d'alcool diminue beau- coup le pouvoir ascensionnel de l'eau, (a) Simon, Recherches sur la capillarité {Annales de chimie et de physique, 3" série, 1851, t. XXXII, p. 15). (h) Dutrochet, De l'endosmose (Mém. pour servir à l'histoire anatomique et pliysiologiqite des Végétaux et des Animaux, t. I, p. 83 et suiv.). ACTION DE LA CAPILLARITÉ. ' 69 nous occupe, et nous former une idée de la cause de ces différences dans la puissance de ces agents physiques ? Les attraclions moléculaires dont les effets de capillarité et l'addition d'une quanlité assez con- sidérable d'eau n'atigmenle que fort peu la hauteur atteinte par l'ai - cool (a). On voit, par les expériences de M. Valson , que la présence de ~^ d'alcool produit sur une colonne capillaire d'eau de /il""",i8 de liau- teur une variation de O''"",^ (6). On avait supposé d'aijord que la densité relative du liquide et du so- lide réagissants pouvait èire la cause de la prédominance de Tatlraction cohésive sur l'attraction adliésive, ou vice versa; mais, ainsi que je l'ai fait remarquer, il n'existe aucun rapport constant entre la hauteur à laquelle divers liquides s'élèvent dans un tube de verre dont la densité ne varie pas et la pesanteur spécifique de ces sub- stances. Il y a lieu de croire que la force de cohésion des liquides peut être consi- dérablement altérée , et par consé- quent les actions capillaires modiliécs par la présence de petites proportions de certains corps étrangers. .l'ai déjà parlé de la diminulion considérable que la présence d'une très petite proportion d'alcool déter- mine dans la hauleur à laquelle l'eau s'élève dans les tubes de verre, et j'ajouterai que, par les expériences de Dulong, on sait que le mercure mêlé à une petite quantité d'oxyde de ce métal, au lieu de se terminer par un ménisque convexe dans l'intérieur des tubes barométriques, devient adhérent à leurs parois (c). 11 est aussi à noter que les effets de la capillarité se compliquent par suite de Tattraclion adhésive plus ou moins puissante qui peut se développer entre la surface du solide ou celle du liquide et l'air atmosphérique. C'est pour écarter l'obstacle créé de la .sorte que les physiciens chaulïent préala- blement les tubes en présence des liquides sur lesquels ils veulent faire leurs expériences, et les dillérences dans la grandeur des résultats sont parfois très considérables, lors même que le gaz interposé ne serait pas vi- sible. Comme exemple de l'inlluence que cette circonstance peut exercer sur les effets de l'attraction adhésive entre le verre et certains liquides, je citerai les faits observés par M. Donny dans ses expériences ^ur l'acide sul- fuiique. En plaçant sous le récipient de la machine pneumatique un ma- 1 omètre rempli de ce liquide, et en faisant le vide, il a vu l'acide rester en suspension dans le tiibe, formant cloche à une hauleur de l'",'25 au- dessus du niveau du bain, lorsque l'appareil était complètement purgé d'air; tandis que dans le cas con- traire, le niveau devenait le même dans les deux brancb es de 'instru- ment {d). (a) Emnielt, On Capillary Altraclion (Philos. Maga%ine, 18-27, t. I, p. 335)., (b) Valson, Sur la théorie de l'action capillaire [Comptes rendus de l' Académie des sciences, 1857, t. XLV.p. 103). (c) Voyez Poisson, Nouvelle théorie de l'action capillaire, p. 291. (d) Donny, HiUm. sur la cohésion des liquides et sur leur adhérence aux corps solides {Annales de chimie et de physique, 3° série, 1840, t. XV(, p. 171). 70 ABSORPTION. dépendent ne produisent des effets sensibles qu'à des distances très petites, nous en avons eu des preuves multipliées ; mais ces distances ne sont pas nulles, et, d'après l'analogie, nous devons être porté à croire que la grandeur de ces effets doit varier avec la grandeur de l'espace compris entre les particules de matière réagissantes. Or, la physique nous enseigne que les molécules de tous les corps, des solides aussi bien que des fluides, bien que se touchant en apparence, sont en réalité placées à distance, et que cette distance est suscephble de varier beaucoup , soit d'un corps à un autre, soit dans le même corps à des tempéra- tures différentes. Il est donc à présumer que l'intensité des effets dus à la capillarité doit varier suivant trois conditions : 1" le degré d'écartement des molécules du liquide , circonstance qui, toutes choses étant égales d'ailleurs, détermine le degré de cohésion de ce corps ; 2° la distance qui sépare les molécules du liquide des molécules occupant la surfiice adjacente du solide, distance dont l'augmentation déterminerait, suivant une certaine loi, l'affaiblissement de l'action attractive exercée par ces molé- cules hétérogènes les unes sur les autres; 3° enfin, l'écarté - ment plus ou moins grand des molécules du solide entre elles, circonstance qui ferait varier le nombre des molécules solides dans la sphère d'attraction desquelles chaque molécule adja- cente du liquide se trouverait placée, pour peu que le rayon de cette sphère fût notablement plus grand que la distance intermoléculaire , condition qui, dans la plupart des cas au moins, parait être réaUsée (1). (1) Ainsi que je l'ai déjà dit, La- et que dans certaines circonstances on place et la plupart des physiciens de pourrait l'évaluer numériquement, l'époque actuelle admettent que Fat- Un des arguments que ces auteurs traction adhésive ne produit des effets emploient pour établir leur opinion est sensibles qu'à des distances imper- tiré des expériences dans lesquelles on ceptibles ; mais divers faits semblent mesure l'ascension de l'eau dans des montrer que la sphère d'activité des tubes formés de substances difiérentes corps solides est un peu plus étendue, et dont la surface interne a été préa- ACTION CE LA CAPILLARITÉ. 71 Les résultats fournis par les expériences relatives à l'in- fluence de la chaleur sur les effets de la capillarité viennent à l'appui de ces vues. On sait depuis longtemps que ces effets diminuent généralement avec l'élévation delà température; mais c'est dans ces derniers temps seulement que les variations déterminées de la sorte ont été l'objet de recherches attentives, et les faits constatés ainsi par un des jeunes docteurs de notre Faculté, M. Wolf, offrent beaucoup d'intérêt. Ce physicien a lablenient mouillée. La couche mince du liquide qui y reste adhérente forme un cylindre creux dans l'intérieur du- quel l'eau du bain monte lorsqu'on plonge l'extrémité inférieure du tube dans ce dernier liquide. Or, on n'avait aperçu dans ces cas aucune difléience dans la hauteur de la colonne d'eau soulevée par des tubes de nature diffé- rente, et par conséquent on admet- tait que l'élévation du liquide était duc uniquement à l'action de la gaîno aqueuse dont le tube solide était revêtu, et que l'écartement dé- terminé par la présence de cette lame liquide extrêmement mince, entre la colonne aqueuse soulevée et les parois du tube, suffisait pour soustraire com- plètement la première à l'influence de celui-ci; influence qui, en variant avec la nature de la substance conslilulive de l'appareil, aurait amené des dilfé- rences dans les hauteurs observées. Mais si les choses se passent ainsi dans quelques cas, il n'en est pas tou- jours de même, et dans d'autres cir- constances on a vu l'action attractive du Solide sur le liquide se manifester à travers la couche mince en question, et s'exercer par conséquent à une distance appréciable. Ainsi, dans les expériences de M. Linck , faites sur des lames parallèles de diverses na- tures et préalablement mouillées, l'ascension du liquide est restée à peu près la mèuie quand c'était de l'eau qui se trouvait en contact soit avec du verre, du zinc ou du cuivre; mais la hauteur à laquelle l'alcool, l'éther sul- furique, la potasse en dissolution, l'a- cide sulfurique, etc., s'élevaient entre les la mes également écartées, varia très notablement, suivant qu'on employait l'une ou l'autre de ces substances. Par exemple, elle était pour l'alcool, 8 avec le verre , 9,5 avec le zinc, et 10 avec le cuivre. Tour l'acide sul- furique, elle était de 11,0 pour le verre ou le cuivre, et de 15,0 avec le zinc (a). Les recherches de M. Bède condui- sent à un résultat analogue. Ce phy- sicien a trouvé que les hauteurs observées dans les expériences com- peualives sur l'ascension de l'eau , dans les tubes capillaires de ditlérents calibres, ne s'accordent pas exacte- ment avec celles indiquées par le calcul ; et M. Plateau a fait remarquer que, pour se rendre compte de ces ano- (a) Lincls, Forlgeset:ite Versuche iiber die Capillaritdt (Pojgeiiiioi-fr's Annalen der Physik und Chenue, 1834, t. XXXI, p. 595 el suiv.). 72 ABSORPTION. constaté que l'élévation de la température produit des change- ments si considérables dans la résullante des diverses forces dont dépend l'ascension des liquides dans les tubes de verre à cavité capillaire, que la surface terminale du fluide placé dans l'intérieur de ceux-ci peut, sous l'influence de cet agent, cesser malies, il fallaitdéduiredii diamèlre du tuyau l'épaisseur de la couche de li- quide qui adhère directemenlau verre, et quicoustitue pour ainsi dire un luhe aqueux dans rinlérieur duquel le cy- lindre fluide s'élève en vertu de Pal- traction de l'eau sur elle-même. Or, pour faire coïncider de la sorte les résultats de l'observation et du cal- cul, il faut attribuer à cette couche adhérente une épaisseur constante d'environ 0""",0()]. Par conséquent, les effets sensibles de l'attraction du verre sur les molécules de l'eau s'é- tendraient dans ces circonstances à une distance de ~^, de millimètre (a). Si les expériences de Simon sur l'ascension comparative des liquides à la surface de lames planes et dans l'intérieur de tubes capillaires sont exactes, on serait porté à croire que cette sphère d'activité sensible est en- core plus étendue. Ainsi que je l'ai dit ci-dessus , dans l'hypothèse adoptée par Laplace et la plupart des antres physiciens, les rapports de hauteur du liquide déplacé entre deux plans pa- rallèles et dans l'intérieur d'un tube cylindrique seraient à peu près dans la proportion de l à '2. Mais Simon a trouvé la hauteur relative beaucoup plus grande dans ces derniers, et, suivant lui, les ascensions entre les glaces et dans les tubes seraient dans les rapports du diamètre à la circonférence, c'est-à-dire à peu près comme o est à 1 (6). Or cela sem- blerait indiquer que l'action attrac- tive du verre s'étend à une certaine distance sensible ; de sorte que cette attraction exercée par chaque molé- cule de ces corps produirait des ofl'ets appréciables non-seulement sur le fdet linéaire du liquide normal à la surface de celui-ci, mais sur les filets circon- voisins. La molécule du liquide située à une certaine distance de la surface attractive seiait donc sollicitée par l'action combinée d'un nombre plus ou moins considérable de molécules du solide ; circonstance qui permettrait à la forme de cette surface d'influer sur la j^randeur de la résultante, et qui amènerait la production d'effets plus considérables dans l'intérieur d'un cercle qu'entre deux surfaces planes et parallèles. Mais je ne signale ici ces résultats qu'avec beaucoup de réserve, à cause des objections qui peuvent être faites au procédé expérimental dont Simon faisait usage. Il est aussi .'i noter que , d'après la théorie de Gauss, la diirérenco entre les altitudes déterminées par un tube capillaire ou par deux plans parallèles dont la dis- tance égale le diamètre du tube serait (a) Bède, Mémoire sur l'asLxns'wn de l'eau et. la dépression du mercure dans les titbes capil- laires, p. i\ {mémoires couronnes par l'Académie de Bruxelles, 1853, t. XXV). (6) Simon, liecherches sur la capillarité [Annales de chimie et de physique, 3" série, 485-1, t. XXXIl, p. 19). ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 73 d'être concave et devenir plane, ou même se transformer en un ménisque convexe, et que par conséquent le niveau de la colonne terminé de la sorte, au lieu de se trouver à une hauteur plus ou moins considérable au-dessus du niveau de la surface générale du bain circonvoisin, pourra descendre au- dessous de ce même niveau (1). précisément la moitié du rapport trouvé par Simon, savoir : 1,57 : 1 au lieu de 3, là : 1 («). (1) Le fait de la diminulion des effets de capillarité par l'élévation de la température a été indiqué som- mairement, il y a près d'un sii-cle, par de la Lande (6), et a été mieux observé par Emmett (c). Plus récem- ment . de nouvelles recherches à ce sujet ont été faites par plusieurs phy- siciens de l'Allemagne (d) ; mais ce sont les expériences de M. Wolf qui, dans ces derniers temps, ont conduit aux résultats les plus inléressants. D'après les théories mathématiques de Laplace et de Poisson, on avait été assez généralement conduit à penser que, pour chaque liquide susceptible de mouiller les tubes, l'ascension de- vait être en raison inverse de la den- sité de cette substance ; mais celte loi n'est pas en accord avec l'expérience. Effectivement, M. Wolf a constaté que non-seulement le décroissement des hauteurs avec l'élévation de la tempé- rature est beaucoup plus rapide que la diminution de la densité, mais qu'il n'existe même entre ces deux phéno- mènes aucun rapport constant. En effet, la hauteur de la colonne déplacée peut diminuer quand la densité aug- mente, et inversement. Ainsi, au- dessous de /i degrés, l'élévation delà colonne capillaire d'eau croît rapide- ment avec l'abaissement de la tem- pérature, et cependant la densité du liquide diminue. A une certaine température, l'élé- vation des liquides qui mouillent les (a) Gilbert, Noie sur la théorie des phénomènes capillaires (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1857, t. XLV, p. 771). (6) De la Lande, Lettre sur les tubes capillaires {Journal des savants , 1768, p. lii). (c) J.-B. EmmeU, On Capillary Attraction (The Philosophical Magazine, 2' série, 1827, t. T, p. H6). (d) Franlienheini, Die Lehre von der Cohâsion, 1835, p. 12â et suiv. — Sondliauss, Deviquam calor habet in fluidorum capillaritale. Dissert, inaug-., 1841 (Erdm. et Mardi., t. XXIII, p. 401). . — HilJebrand, De cohœsiouis et ponderis spccifici commulalionibns quœ innonnullis jluidis vi coloris efflciuntur. Dissert, inaiig., 1844. — A. Moritz, Einige Bemerkungen itber Coulomb' s Verfahren, die Cohâsion der Flûssigkeiten zu bestimmen (PoggendorfTs Annalen der Physikund Chemie, 1847, t. LXX, p. 74, el Archives des sciences physiques et naturelles de Genève, 1847, t. IV, p. 391). — Brunner, Untersuchungen iiber die Cohâsion der Flûssigkeiten (PoggendorfCs Annalen der Physik «Hd Chemie, 1847, t. LXX, p. 481). — Holtzmann, Ueber die Cohâsion des Wassers (Pot^gendorfTs Annalen, 1849, t. LXXI, p. 463). — Buys-Ballot, Ueber den Einfluss der Temperatur aufdie Synaphie (Poggendorff's Annalen, 1. LXXI, p. 177). — Frankenheim, Ueber die Abhàngigkeit einiger Cohdsionserscheinungen [Iv.ssiger Kôrper von der Temperatur (PoggendorfTs, Annalaii, t, LXXII, p. 177). lll ABSORPTION. Au premier abord, on pourrait être porté à attribuer cette décroissance dans les effets de l'attraction adhésive du verre sur l'eau, ou sur tout autre liquide qui dans les circonstances ordinaires est susceptible de mouiller la surface de ce corps solide, à la diminution de la densité que l'élévation de la tem- pérature détermine dans le liquide, c'est-à-dire à l'écartement plus considérable des molécules de celui-ci et à aucune autre cause. Les théories mathématiques de l'action capillaire in- ventées par Laplace et par Poisson le supposaient, et con- duisaient à admettre que les liquides susceptibles de mouiller les tubes capillaires s'y élevaient à des hauteurs proportion- nellement inverses à leurs densités; mais l'expérience a montré que les choses ne se passent pas de la sorte. La diminution dans la hauteur de la colonne soulevée n'est pas en raison de la diminution que l'élévation de la température amène dans la densité du liquide, et dans certaines circonstances ces deux phénomènes peuvent suivre une marche inverse. Il faut donc chercher une autre explication du mode d'action de la chaleur, et, pour en trouver la clef, il suffit, ce me semble, de faire entrer dans la question un autre élément du même paroisdu tube capillaire devient nulle, lions de pression qui empêchaient la et la colonne contenue dans rintérieur transformation de ces liquides en de ces tuyaux, au lieu de se terminer vapeur (a). par une surface concave, présente une II est également à noter que Télé- surface plane, ou peut même affecter vation plus ou moins grande de la la forme d'nn ménisque convexe, et colonne liquide, suivant la tempéra- descendre alors au-dessous du niveau turc, dépend essentiellement de la général du bain. M. Wolf a constaté température de la portion voisine de ces faits en observant la marche de la surface, et n'est influencée que peu Péther sulfurique, du sulfure de car- par celle des parties inférieures du bone, de Talcool, etc., à des tempe- cylindre fluide contenu dans le ratures élevées et dans des condi- tube {h). (a) Wolf, De l'influence de la température sur les phénomènes qui se passent dans les tubes eapillaires. Thèses, Faculté des sciences de Paris, 4856, n° 199. (Reproduite dans les Annales de ehimie et de physique, 3» série, 1857, t. XLIX, p. 230.) (&) Enimett, Op. cit. {Pliilosophkal Magaùne, 4827, 1. 1, p. 332). ACTION DE LA CAPILLARITE. 75 ordre dont les physiciens ne me paraissent pas avoir tenu compte, savoir, l'écartement que l'élévation de la température doit déterminer entre les molécules du solide et du liquide qui se trouvent en contact apparent. Effectivement, l'augmen- lation produite de la sorte dans la distance comprise entre la molécule du verre et la molécule de l'eau qui réagissent l'une sur l'autre doit entraîner une décroissance plus ou moins rapide dans les actions attractives réciproques exercées par ces moléculea, et suivant la valeur relative du coefficient de la dilatation produite par la chaleur dans le système hétéro- gène formé de ces deux molécules comparé à celui de la dilatation du liquide considéré en lui-même , les conditions dont nous avons vu dépendre le caractère des effets capillaires pourrait changer. Ceci nous permet de concevoir comment, à la température ordinaire, les différences que nous avons rencontrées dans l'ac- tion attractive d'un môme solide sur divers liquides, ou de di- vers sohdes sur un même liquide, peuvent exister, sans que pour expliquer ces phénomènes il faille supposer que cette force molé- culaire varie avec la nature des corps réagissants, hypothèse qui cadrerait mal avec la simplicité ordinaire des agents phy- siques. En effet, nous savons que le coefficient de la dilatation peut varier suivant la nature soit des solides, soit des liquides; il est donc légitime de supposer que le coefficient de l'écartement, c'est-à-dire l'augmentation de la distance imperceptible qui existe entre deux corps en contact apparent, un solide et un hquide, par exemple, correspondant à un accroissement donné de température, puisse varier aussi avec la nature de ces corps. Admettons donc que le coefficient de la dilatation de l'eau soit beaucoup plus petit que celui de l'écartement ou de l'accroisse- ment de l'espace compris entre les surfaces de jonction appa- rente de l'eau et du verre; il arrivera un moment où, par l'élé- vation de la température sous une pression extérieure suffisante 76 ABSORPTION. pour empêcher la volatilisation du liquide, l'attraction adhésive du verre, diminuant avec l'augmentation de la distance comprise entre les molécules du verre et les molécules adjacentes du liquide, deviendra trop faible pour balancer l'attraction cohésive des molécules de l'eau, et alors celles-ci, obéissant aux lois d'équilibre indiquées précédemment, se grouperont de façon à présenter en dessus une surface convexe, conditions dans les- quelles la colonne fluide logée dans le tube capillaire devra s'abaisser au-dessous du niveau général du bain, au lieu de s'élever à un niveau supérieur. Or, les expériences de M. Wolf prouvent que ces conditions sont réalisées pour l'éther sulfu- rique et le verre à une température de 191 degrés ; et pour l'eau le même résultat paraît être produit à une température infé- rieure au rouge, car on sait que des gouttes de ce liquide projetées sur une plaque de fer fortement chauffée ne s'y étalent pas, mais conservent leur forme sphérique jusqu'à ce qu'elles se soient réduites en vapeur, phénomène qui me paraît être du même ordre que ceux dont l'élude nous occupe en ce moment (1). Ainsi la différence qui se remarque entre l'action capillaire du verre sur l'eau ou sur le mercure semble devoir dépendre seulementde ce que la distance à laquelle la puissance attractive du verre devient inférieure à la moitié de la puissance cohésive du liquide adjacent est atteinte par l'influence dilatante de la chaleur à la température ordinaire dans un cas, et seulement à une température voisine de la chaleur rouge dans l'autre. Quant à la nature des puissances qui entrent en jeu pour produire les phénomènes dont l'étude vient de nous occuper, je ne pourrais rien préciser ; mais il est à noter que ces attrac- (1) C'est de la sorte que les phéno- nom d'état sphéroïdal me paraissent mènes désignés par Boutigny sous le devoir être expliqués (a). [a] Boutigny, Nouvelle branche de physique, ou Etudef^ sur les corps à l'état sphéroïdal, 1 847, ■ ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 77 tions physiques diffèrent moins de l'aftinité chimique qu'on ne serait porté à le supposer au premier abord , et beaucoup de faits tendent même à faire penser que toutes ces actions molé- culaires ne dépendent que d'une force unique. Ainsi M. Pouillet a constaté que toutes les fois qu'un corps solide quelconque vient à être mouillé par un liquide, l'union qui s'établit ainsi entre les molécules hétérogènes est accompagnée d'un dégagement de chaleur, comme le sont les combinaisons chimiques (1). Et, plus récemment, d'autres expérimentateurs, en étudiant l'action que divers liquides non miscibles exercent les uns sur les autres, ont découvert des faits qui semblent indiquer l'existence de certaines relations entre l'affinité chimique et l'attraction adhé- sive (2). (1) Ce physicien a fait des expé- riences sur un nombre considérable de corps, et il a trouvé que Téléva- lion de lempéralure est à peu près la même pour les diirérents solides avec le même liquide, et pour le même solide avec les liquides différents (a). (2) On doit à M. VVilson, professeur dechimie à Edimbourg, une série d'ob- servations très intéressantes sur les actions capillaires produites par divers liquides les uns sur les an très. Elles ten- dent à établir l'existence d'une liaison intime entre l'attraction adbésive et l'affinité chimique, ou plutôt à faire penser que les effets mécaniques et chimiques dus aux actions molécu- laires ne dépendent que d'une seule et même force. Quand on laisse tom- ber dans de l'eau une goutte de chlo- roforme, celle-ci ne se mouille que difficilement, et à raison de sa den- sité supérieure à celle du liquide am- biant, descend vers le fond du vase en y conservant une surface convexe et une grande mobilité ; mais si l'on ajoute à l'eau du bain un peu de po- tasse, de soude ou d'ammoniaque, on voit aussitôt le globule de chloroforme s'aplatir et s'étaler en forme de disque mince; puis, si l'on neutralise l'alcali par un acide, le chloroforme reprend sa forme arrondie. Des phénomènes analogues se produisent dans les tubes capillaires : le chloroforme s'élève dans ceux-ci à une certaine hauteur, et s'y termine par un ménisque con- cave ; mais si l'on verse soit de l'eau, soit de l'acide sulfurique étendu ou une autre dissolution analogue sur la surface du liquide ainsi suspendu dans le tube, cette surface change immé- diatement de forme et devient con- vexe ; enfin si au lieu d'acide on verse une dissolution alcaline sur la colonne capillaire, on voit la surface de celle-ci (a) Pouillet, Sur de nouveaux phénomènes de production de chaleur {Annales de chimie et de physique, 1822, t. XX, p. 1-il). 78 ABSORPTION. J'ajouterai que l'étal électrique des corps réagissants exerce, de même que la chaleur, une grande influence sur la puissance de leur attraction adhésive (1). Ainsi, quand un courant galva- nique d'une certaine intensité passe de l'électrode positive dans une goutte d'eau, et de là dans un bain de mercure, pour se rendre au pôle négatif de la pile, l'eau, au lieu de conserver sa forme sphérique, s'étale en lame plus ou moins mince, et devenir presque plane. La liqueur des Hollandais et le sulfure de carbone se comporlent de même , et Ton observe des phénomènes analogues quand on met dans un bain laniôt alcalinisé , tantôt acidulé , diverses essences, telles que l'essence de gi- rofle, de sassafras, etc., et même le brome (a). M. Swan a vérifié les résultats ob- tenus par M. Wilson, et a constaté des faits du même ordre en étudiant les rapports qui s'établissent entre l'huile d'olive et de l'eau, des dissolutions alcalines ou acides, de l'alcool ou de l'élher. Enfm , ce physicien a montré que les changements observés dans la forme du ménisque dans les tubes capillaires, sous l'influence de tel ou tel réactif, ne dépendent ni de l'at- traction adhésive existant entre ces derniers liquides et les parois du tube, ni de la densité relative des liquides en présence, et ne peuvent être attri- bués qu'aux propriétés chimiques de ceux-ci (6). Je rappellerai aussi, à celte occa- sion, les différences qui se remar- quent dans les relations qui existent souvent entre l'aptitude d'un liquide à mouiller im solide et à le dissoudre. Chacun sait que le mercure ne mouille ni le verre, ni le fer, et ne peut dis- soudre ni l'un ni l'autre de ces corps ; mais il mouille l'argent, l'or, le plomb, 1 etain, etc., avec lesquels il forme des amalgames liquides, il paraîtrait aussi, d'après les expériences de Ouyton- Morveau, que la force nécessaire pour séparer de la surface d'un bain de mercure des disques mélalliques de nature différente croît proportion- nellement à l'aplilude des métaux à former des amalgames (c). (i) Vers le milieu du siècle dernier, Boze et JNollet virent que la vitesse avec laquelle l'eau s'écoule d'un tube capillaire sous une charge constante, augmente beaucoup quand on élec- Irise le vaisseau, et que le change- ment produit de la sorte est d'autant plus marqué, que le conduit est plus étroit (d). Or, ce qui relarde l'écou- lement dans ces tubes, c'est l'adhé- (a) C. Wilson, On somc Phenomena of Capillary AltracHon observed with Cliloroform, Bimlphu- ret of Carbon and other Liquids {Quarterhj Journal of Chemical Science, 1849, t. I, p. 174). (6) W. Swan, On certain Phenomena of Capillary Attraclion exhibited by Chloroform, the flxed Oils and other Liquids, ivith an Inquiry into some of Ihe Causes which modify the Form of the inutual surface of two immiscible Liquids in contact with the walls of the vessel in which tliey are contained (Philos. Magazine, 1848, t. XXXIII, p- 36). (c) Guyton-Morveau, art. Adhérence et Adhésion de l'Encyclopédie par ordre de matières {Chi- mie, t. I, p. 466). [d) NoUet, Des effets de l'électricité sur les corps organisés {Hist. de l'Acad, des sciences, 1748, p. 2, et suiv.). ACTION DE LA CAPILLARITÉ. 79 mouille la surface adjacente du mêlai, il y a même des raisons pour croire que les corps qui adhèrent entre eux sont dans un état électrique différent, et quelques physiciens pensent même que l'attraction qui est alors en jeu n'est autre chose que la force électrique, de sorte que les phénomènes de capillarité dépendraient de cet agent (1); mais ce sont là des vues de l'esprit dont nous n'avons pas à nous occuper ici. rence du liquide aux parois du canal. Plus récemment, Fisclier (de Bres- au) a conslatc que lorsqu'il existe dans les parois d'un vase de verre des fêlures d'une si grande finesse, que dans les circonstances ordinaires les liquides ne peuvent traverser ces fentes, ni pour se mettre en équilibre hydrostatique avec le milieu ambiant, ni pour obéir à des attractions chimi- ques, le passage de ces substances peut être déterminé par l'action du galvanisme. Ainsi, une dissolution d'azotate d'argent renfermée dans un vase étoile de la sorte et plongé dans un bain d'eau peut y rester pendant plusieurs jours sans que la moindre parcelle du sel d'argent passe dans l'eau du bain extérieur ; mais dès qu'on vient à y établir im courant galvanique, la transsudation du sel d'argent dans le liquide extérieur s'effectue (c). (1) M. Draper, professeur de chi- mie à New-York, a proposé une nou- velle théorie des attractions capillaires qui ne changerait rien aux conditions d'équilibre dont i! a été question ci- dessus, mais qui attribuerait à l'état électrique des corps en contact la force attractive en vertu de laquelle ils adhèrent ou n'adhèrent pas entre eux. Il cite, à l'appui de son opinion, diverses expériences dans lesquelles on peut constater que les corps qui ont contracté entre eux une cer- taine adhérence donnent des signes • d'électricité différente : ou bien encore qui montrent qu'en troublant l'état électrique normal des corps juxta- posés, on peut modifier les effets de capillarité produits par ce contact. Ainsi, quand on place du mercure dans un verre de montre, et qu'on dépose sur ce métal une petite goutte d"eau , celle-ci conserve une forme à peu près sphérique; mais si l'on met le mercure en communication avec l'électrode négative, et la goutte d'eau en communication avec le pôle posi- tif d'une pile d'une certaine puis- sance, on voit l'eau s'aplatir en forme de disque et mouiller le mercure. Si l'on place du mercure dans un tube en U, dont l'une des branches est capil- laire, le métal, comme on le sait, s'élève moins haut dans celte branche que dans l'autre ; mais si, après avoir versé un peu d'eau sur la surface du mercure ainsi déprimée dans la bran- che capillaire, et avoir plongé dans cette eau l'extrémité d'un fil conduc- teur en connexion avec le pôle positif d'une pile, on fait communiquer (a) Fischer, Ueber das Verkalten der Rme in Glâsern su den darin enthaltenen Flûssigkeiten (PoggeniorS' s Annalen, 1827, t. X, p. 480). 80 ABSORPTION. En résumé , nous voyons donc que les effets capillaires dépendent des rapports qui existent entre la cohésion , c'est- à-dire la force d'attraction des liquides pour eux - mêmes , l'attraction adhésive exercée sur ceux-ci par les solides adja- cents, enfin la pesanteur du liquide déplacé; que les forces attractives qui réagissent ainsi ne produisent des effets sensibles qu'à des distances insensibles, et que la grandeur de chacune d'elles paraît être liée à la distance qui sépare entre elles les molécules réagissantes. imbibi.ion § o. — Nous avons vu aussi que la forme des cavités cir- capmadté. consentes par les corps solides, et ouvertes aux liquides, pouvait influer beaucoup sur la grandeur apparente des effets produits de la sorte , mais ne changeait rien au caractère essentiel du phénomène. Nous pouvons donc prévoir que si nous substituons aux tubes capillaires dont nous avons fait usage dans les expé- riences précédentes des corps criblés de petites cavités en communication les unes avec les autres et ouvertes au dehors, par exemple une certaine masse formée de grains de sable amoncelés ou de fragments de verre réduits en poudre llne, on obtiendra des effets analogues, car ces corpuscules ne se tou- cheront que très incomplètement, et laisseront entre eux des passages étroits et irréguliers dont les surfaces pourront agir l'éleclrode négative avec le mercure répulsive qui balance plus ou inoins contenu dans la grande branche de l'attraction moléculaire est soumis à l'appareil, on voit aussitôt le métal riufluence de l'électricité aussi bien s'élever dans la branche opposée, puis qu'à celle de la chaleur, et contribue redescendre à son niveau primitif, ainsi à faire varier le degré d'écarte- quand on interrompt le circuit (a). meut des molécules hétérogènes, qui. Ces faits sont intéressants , mais en s'attirant, produisent des effets de ils me paraissent indiquer seulement capillarité. que le développement de la puissance (a) J. W. Draper, Is Capillanj Attraction an Electric Pheiwmenon'! [Philos. Magazine, 3- série, 1845, t. XXVI, p. 185 et suiv.l. JMBIBITION PAR CAPILLARITÉ. 81 à la manière de celles* des tuyaux fins dont je viens de parler (1). Or, tous les tissus organiques de l'économie animale res- semblent plus ou moins à ces substances poreuses: leurs parties (1) Comme exemples de rélévaliou limèlres; enfin dans la scinre de bois, des liquides à diverses hauteurs dans i'ean n'est montée qu"à 60 millimè- des masses poreuses de ce genre, je très, tandis que Talcool s"est élevé à citerai les résultats obtenus récem- 125 millimètres. ment par M. Matteucci , en immer- Un autre fait conslaté par le même géant dans des bains de nature difTé- physicien est moins facile à com- rente, mais de même densité, des prendre, car il est en opposition avec tubes remplis de sable fin. Los leni- ce que nous avons vu précédemment pératures étant les mêmes, Timbibi- touchant Tinfluence de la température lion, au bout d'un temps donné, s'est sur les effets de capillarité. En com- étendue aux hauteurs suivantes : parant l'ascension de l'eau dans des M I „ ci.ei li'bes remplis de sable, M. .Matteucci a SoluliondeearbonaledesouJe. . 85 ^"" q'"^ l'élévation du liquide était Solution de sulfate de cuivre . . 75 beaucoup plus rapide à la température Sérum 70 de 55° qu'à 15" : au bout de soixante- Soiution de carbonate d'animo- dix secondes les doux hauteurs étaient niaque 02 de 10 et de G millimètres, et au bout ^^" ''•^''"'^'= ^^ de onze minutes l'eau chaude était Solution de sel marin 58 ^^^^^^^.^ .., j^^- ,„i||i,„^.,,es^ ta,jdi3 ^„e Blanc d'œuf étendu de son vo- ,. ^ ., ,. . ,,.„., leau froide n était encore qu a 12 mil- lume d eau Sa Lait 55 l'mèlres(a). Magendie avait déjà remarqué des On remarquera que dans le sable différences analogues dans la rapidité les effets relatifs de la capillarité sur avec laquelle des substances d'origine ces diverses substances ne sont pas les organique (du linge, par exemple) mêmes que dans les tubes capillaires s'imbibent d'eau à la température de verre. En remplaçant le sable tan- de 15° ou à celle de 60° (6). tôt par du verre pilé, d'autres fois par II est à présumer que l'élévation de de la sciure de bois, et en employant la température, en diminuant l'adhé- comparalivement de l'eau distillée et sion des grains de sable entre eux, de l'alcool, M. Matteucci a observé des avait augmenté le nombre des voies différences encore plus grandes. Dans capillaires aptes à pomper l'eau. Ce le verre pilé, l'eau s'est élevée à serait probablement un phénomène 182 millimètres et n'a dépassé l'alcool analogue à celui qui paraît se mani- que de 7 millimètres; dans le sable, festcr dans les métaux, quand ceux-ci, l'eau n'est montée qu'à 175 milli- étant dilatés par l'action d'une très mètres et a dépassé l'alcool de 90 mil- forte chaleur, paraissent devenir per- (a) Matteucci, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie. (b) Magendie, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, 1836, t. I, p. 27. V- 6 Pouvoir absorbant des lissus organiques. 32 ABSORPTION. * constitutives laissent toujours entre elles des espaces <|ui tantôt sont visibles pour l'œil , mais qui d'autres fois sont si étroits, que nous ne pouvons les apercevoir, mênae avec le secom^s du mieroseope, et qui forment par leur réunion un système de ca- vités capillaires dont les parois agissent sur les liquides adjacents à la manière des tubes et des lames dont nous venons d'étudier la puissance attractive. C'est à raison de ce mode d'action que l'huile d'une lampe monte dans la mèche de coton dont on garnit cet appareil; et, pour mettre ce phénomène encore mieux en évidence, il suffît de disposer en manière de siphon un gros écheveau de filaments de la même matière, car on parvient ainsi à faire monter l'eau par-dessus le bord du vase qui la contient, et à vider celui-ci plus ou moins rapidement (1). C'est aussi en majeure partie de l'action capillaire que dépend le gonflement qui s'opère dans la plupart des tissus animaux, lorsque, après avoir été desséchés, ils se trouvent en contact avee t'eau. Le hquide s'introduit alors dans les interstices de leur substance, comme il monterait dans un système de tubes de verre de très petit calibre; mais le fluide qui pénètre dans chacune de ces cavités et s'y accumule, exerce, à raison de sa cohésion, une certaine pression sur les parois de celles-ci ; ces parois sont extensibles, et par conséquent, au lieu de conserver son diamètre initial, chacun de ces filets liquides s'élargit et dis- tend l'espèce de réservoir où il s'est logé. Le tissu augmente méables pour certains corps étrangers et s'en imbibent (a). (1) Cette expérience est bonne pour démontrer, dans un cours public , l'action des attractions moléculaires ; mais le résultat obtenu ne dépend pas seulement des forces de cet ordre, et se trouve compliqué par la pression atmosphérique: ainsi, dans le vide, la mèche s'imbiberait sans donner lieu à un courant allant du vase à l'ex- térieur. (a) Henry, Observations on Capillarily {Proceedings of ihe American physioloyical Society, et Philos. Magaz., 1846, t. XXVIII, p. 343). ■ — Horsford, On the Permeability of Metals to Mercury (Sillinian's American Joiirn. of Scienc, 4852, t. XIII, p. 305). — Niolès, Sur la perméabilité des métaux par le mercure [Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1853, t. XXXVI, p. 1 54). IMBIBITIO' PAR CAPILLARITÉ. 83 donc de volume, et oppose d'autant plus de résistance à l'intro- duction de nouvelles quantités d'eau, que son élasticité a été plus fortement mise en jeu. Pour constater que la turgescence des tissus organiques ainsi gorgés d'eau est due principalement à l'action des fondes pliy- siques dont l'étude vient de nous occuper, il suffit de prendre en considération les résultais fournis par une série d'expé- riences dues à M. Chevreul. Effectivement, ce chimiste a fait voir que, par l'emploi de forces mécaniques, on pouvait enlever à la chair musculaire, aux tendons, au tissu jaune élastique, aux membranes et à la plupart des autres parties de l'économie animale , une quantité considérable de l'eau interposée dans leur substance; que, desséchés de la sorte, ces tissus se res- serraient, devenaient transparents, et perdaient la plupart de leurs propriétés physiques les plus importantes ; mais que, mis en contact avec l'eau, ils s'en imbibaient de nouveau, se gon- flaient et reprenaient leur aspect accoutumé (i). Si l'on chasse l'eau des tissus organiques par l'emploi de forces plus grandes, mais qui ne sont cependant pas de nature à détruire les combinaisons chimiques que cette substance pourrait avoir contractées avec la matière constitutive de ces corps , on fait subir à ceux-ci des pertes encore plus considé- (1) M. Chevreul a vu que les ten- sieurs fois de suite sans qu'il en ré- dons, eu se desséchant, diminuent suite aucune altération appréciable beaucoup de volume, surtout dans le dans leur substance. La quantité d'eau sens de leur épaisseur; ils perdent qu'un tendon frais perd par l'exposi- leur blancheur, leur éclat satiné, leur tion à l'air ou dans le vide sec est, en extrême souplesse et deviennent jau- général, d'environ 50 p. 100 de son nâtres,demi-transpnrenls et beaucoup poids; quelquefois plus de 60 p. 100. moins élastiques que dans l'état frais; Après avoir été desséché, il peut ab- mais que si on les plonge dans l'eau, sorber beaucoup plus d'eau qu'il n'en ils reprennent peu à peu leurs pro- renferme naturellement. Parla des- priétés premières, et ces changements siccation, la fibre musculaire se réduit alternatifs peuvent être effectués plu- à environ 1/5^ de son poids initial {a). (a) Clievreul, De l'influence que l'eau exerce sur plusieurs substances azotées solides (Annales de chimie et de physique, 1821, t. XIX, p. 33). 84 ABSORPTION. rables. Ainsi, par la dessiccation à l'air libre, ou mieux encore dans le vide seiî, on parvient souvent à enlever à ces tissus moitié plus d'eau qu'on ne l'avait fait au moyen de la pression mécanique (1) : et cela se comprend facilement; car le liquide qui a pénétré entre les molécules du solide ou qui adhère direc- tement à la surface des aréoles plus grandes dont la substance de celui-ci est creusée, y est retenu avec bien plus de force que celui qui, à raison de sa cohésion seulement, a été entraîné par son envelop|)e fluide dans l'intérieur de ces cavités. Ce que l'on chasse d'abord, c'est donc l'eau qui occupe le centre ou l'axe des filets liquides logés dans les interstices du tissu , et ce qui reste le plus obstinément, c'est la couche périphérique de ces mêmes filets. On verra bientôt pourquoi j'insiste sur cette circonstance (2). Les attractions moléculaires qui déterminent cette union entre l'eau et les tissus organiques, tant animaux que végétaux,- sont très puissantes. x4insi, chacun sait qu'un coin de bois enfoncé dans une fissin^e de rocher se gonfle avec tant de force en s'imbibant d'eau, qu'il fait souvent éclater la pierre, et qu'une corde, en se mouillant, se tend de façon à développer une force énorme. Il est aussi à remarquer que ces actions moléculaires sont accompagnées d'un dégagement de chaleur qui est souvent assez considérable, et qui semble indiquer l'existence d'une cer- taine condensation de la matière sur laquelle ces forces s'exer- cent (3). Enfin la puissance des effets produits de la sorte res- (1) En sonmellant à l'action môcani- M. Ponillet, dont j'ai déjà eu l'occa- qiie d'une presse à papier des tendons sion de parler, la soie, h laine, les frais, ces tissus ont perdu 37 pour peaux , les membranes de l'esto- 100 de leur poids; tandis que par la mac, etc., après avoir été desséchées, dessiccation à l'air ils auraient perdu ont produit, lorsqu'on venait à les 53 pour 100 (a). mouiller, une élévation de tempéra- (2) Voyez page 88. ture de 2 degrés ou davantage, quel- (3) Ainsi, dans les expériences de quefois jusqu'à 10 degrés (6). (a) Cliovrcul, Op. cit. (Annales de chimie et de physique, 1821, t. XIX, p. 50). (&) Pouillct, Op. cit.{Ibid., 1822, t. XX, p. 151). IMBIBITION PAR CAPILLARITÉ. 85 sort également du phénomène de la fixation de la vapeur aqueuse par un grand nombre de ces tissus avides d'eau , car les propriétés hygrométriques dont les cheveux et beaucoup d'autres substances animales sont doués dépendent du jeu des mêmes forces (1). Quant à la proportion d'eau dont un tissu organique peut innuence de l'élasticité s'emparer par voie d'imbibilion , elle varie beaucoup, toutes des ussus , , • ' I I • • 1 ^"'' '^""^ pouvoir choses étant égales d'ailleurs , suivant la quantité de liquide absorbant. déjà existante dans la substance de ce corps solide. A mesure que cette quantité augmente, la résistance que l'élasticité du tissu oppose à l'introduction de quantités additionnelles s'ac- croît d'une manière plus ou moins rapide (2); mais la dis- tension croissante des cavités capillaires occupées par l'eau permet à celles-ci d'utiliser d'une manière plus complète le pouvoir attractif dont leurs parois sont douées. Du reste ^ (1) La condensation de la vapeur plus ou moins liygroméliiqiics (6). aqueuse par les matières organiques Par conséquent, il faut ranger Fattrac- liygromélriques est considérée, par la tion moléculaire dont déjjcnd cette plupart des physiciens, comme dépen- condensaiioii dans la catégorie des dant du jeu de forces chimiques, et agents que Ton désigne généralement par conséquent comme ne pouvant sous le nom de forces pMjsiques. Je êlreassimiléeauxaclionscapillaires(a'. ferai remarquer cependant que dans Mais M. Pouillet a constaté des etfets la classification adoplée aujoiud'hui du même ordre produits sur la vapeur par M. Chevrenl, Fallraclion capillaire aqueuse par des corps dont la nature prend place parmi les foices cliimi- chimique ne paraît pas susceptible de ques, et se trouve désignée sous le nom modifications dans des circonstances (.Vafjinité capillaire (c). de ce genre. Ainsi il a vu que Par- (2) Au sujet des rapporis qui exis- gent et le platine se couvrent d'une tenl entre rallongement et les charges, couche d'eau dans Pair très humide, on peut consulter le travail de M. VVer- mais non saturé, et ses expériences theim sur l'élasticité des (issus orga- Pont conduit à cette conclusion, que niques (cl). tous les corps qui se mouillent sont (a) Chevreul, Op. cit. {Annales de chimie et de physique, t. XIX, p. 50). (6) Pouillet. Op. cit. {loc. cit., p. 156). (c) Voyez l'article de ce savant sur la Mécanique chimique, dans le Cours de chimie générale de MM. Pclouze et Frcmy, 1850, t. 111, p. 890. {d) G. Werdipira, .Mémoire sur V élasticité et la cohésion des principaux tissus du corps humain {Annales de chimie et de physique, 4847, t. XXI, p. 385). 86 ABSORPTION. l'augmentation dans la puissance d'imbibition due à cette der- nière cause est très petite, comparativement à la progression négative déterminée par la réaction du tissu élastique , et il arrive toujours un moment où celle-ci fait équilibre à l'attrac- tion capillaire. L'imbibition est alors parvenue à son terme, et c'est pour désigner cet état que les physiologistes, emprun- tant leurs expressions au langage de la chimie, disent que les tissus sont arrivés à leur point de saturation. Ainsi, plus un tissu organique est éloigné de cet état de saturation, plus il aura de tendance à s'emparer de l'eau avec laquelle il se trouve en contact. Or, nous verrons bientôt que l'ab- sorption suit cette loi chez l'animal vivant aussi bien que sur le cadavre. Influence Lcs différeuces que nous avons déjà eu l'occasion de remar- ' chimique ^ qner dans le mouvement ascensionnel de divers liquides dans es ^iqmdes j^^ petits tubcs dc verre s'observent aussi dans le degré d'ac- donmbïïuon. t'vité avec lequel les tissus organiques s'imbibent de substances dont la nature chimique varie. Ainsi un morceau de tendon préalablement desséché et plongé dans l'huile n'éprouvera presque aucun changement, et son poids n'augmentera que très peu ; dans l'alcool , il se chargera d'une quantité un peu plus considérable de liquide, mais il ne reprendra ni son volume ni son aspect naturels, tandis que dans l'eau son poids doublera bientôt, et pourra même tripler ou quadrupler; et en se gonflant de la sorte il retrouvera ses propriétés physiques ordinaires. Des différences analogues s'observent quand on compare l'action absorbante des tissus organiques sur l'eau et sur les dissolutions salines. Ainsi, dans les expériences inté- ressantes faites sur ce sujet, il y a près de quarante ans, par M. Chevreul, le tissu jaune élastique, préalablement dessé- ché, ne s'est emparé que d'environ 57 centièmes d'eau quand on le plongeait dans une dissolution saturée de chlorure de sodium , tandis qu'il se chargeait de 240 centièmes de liquide IMBIBITION PAR CAPILLARITÉ. 8/ quand c'était de l'eau pure avec laquelle il se trouvait en con- tact (1). Un pouvait donc prévoir qu'en faisant varier le degré de conceniration des dissolutions salines dans lesquelles on plon- gerait un corps analogue, on déterminerait des différences correspondantes dans les quantités de liquide dont celui-ci s'imbiberait; et, en effet, les recherches plus récentes de ï\[. Liebig et de M. Cloetta montrent que les choses se passent de la sorte ("2). (1) L'augmentation de. poids obser- vée par M. Chevreiil n'était que de 3 à 8 pour iOO, lorsqu'il plaçait du tissu élastique jaune, des tendons, des li- gaments, etc., dans de l'iiuile pendant onze heures, terme au delà duquel le poids de ces substances resla sla- tionnaire. Dans ces mêmes expériences , la quantité d'eau dont les tissus orga- niques s'imbibaient était toujours plus petite quand ils étaient immergés dans de l'eau salée que lorsqu'ils étaient en rapport avec de l'eau pure: mais, en général, la différence n'était pas aussi considérable que dans l'exemple cité ci-dessus. Ainsi 100 parties de tendon d'l<]léphanl desséchées ont pris en vingt-quatre heures 178 parties d'eau, tandis que le même tissu égalemint desséché, mais plongé dans de l'eau saturée de chlorure de sodium, a ga- gné en poids 138 pour 100 ; et, pour arriver à ce degré de saturation, il a fallu prolonger l'immersion pendant vingt et un jours (a). (2) Ainsi M. Liebig a trouvé que 100 parties du tissu desséché de la vessie du Bœuf prenaient par imbi- bilion, en vingt-quatre heures : 268 volumes d'eau pure, 133 volumes d'une dissokilion conceii- Irée de chlorure de sudium (den- sité, 1,204). En quaranle-luiit heures la quan- tité de liquide absorbé était de : 310 volumes d'eau pure ; 288 volumes de dissolution saline con- tenant i d'eau et 7 do la dissolu- tion précédente ; 235 volumes du même mélange dans les proportions de ~ d'eau et \ de la dissolution concentrée ; 219 volumes du mélange contenant \ d'eau el 7 de la dissolution con- centrée de sel marin. Avec la vessie de Porc desséchée, les différences furent encore plus grandes. En vingt - quatre heures 100 parties absorbèrent : 356 volumes d'eau distillée, 1 59 volumes d'eau saturée de chlorure de sodium {b). Dans une expérience analogue, (a) Chevreul, Op. cit. (Annales de chimie et de physique, 1821 , t. XIX, p. 52). (b) Liebig, Recherches sur quelques-unes des causes du mouvement des liquides dans l'orga- nisme animal {Annales de chimie et de physique, 1849, 3" série, t. XXV, p. 3'74). 88 ABSOUPTION. Influence § û- — L'étucle attentive des phénomènes qui accompagnent '^'''^"'"'''^l'imbibition des dissolutions salines par les tissus organiques '%'h!miq!!e°" a permis aux physiologistes de découvrir certains eiïets de des liquides. ^gpjiij^,j,j{(^ fJQ^t les physiciens ne pouvaient soupçonner l'exis- tence tant qu'ils ne se servaient que de tubes de verre de petit calibre pour leurs expériences sur les attractions moléculaires, et dont la connaissance est d'une grande valeur pour la philosophie chimique ainsi que pour l'explication des actes physiologiques. Je viens de montrer que l'attraction adhésive exercée par les tissus organiques sur Teau et sur le sel commun n'est pas également énergique. Nous en pouvons conclure qu'en pré- sence d'un mélange de molécules de ces deux substances, ces tissus attireront dans leurs interstices les unes avec plus de force que les autres, et s'en chargeront en plus grande propor- tion. Ainsi, quand un tissu perméable est plongé dans une dissolution saline, le liquide qu'il accumule dans son intérieur est moins riche en sel que ne l'est le bain circonvoisin, et la différence est d'autant ])his marquée, que l'imbibition s'est effectuée par l'action attractive de cavités plus petites. En étudiant les phénomènes de transsudation dont lorga- nisme est le siège, j'ai déjà eu l'occasion de mentionner des faits du même ordre, et de les attribuera ce que j'ai appelé une filtration élective (■]). Nous aurons bientôt l'occasion d'v revenir M. Cloelta a constaté une absorp- Avec le sulfate de soude la quantité lion de : de liquide absorbé était de : 5,4 pour 1 00 d'une dissolution de sel ^ _i 5 c^uanA la dissolulion était chargée commun dont la densité était de 5,5 pour 100 de sel ; ■1.35; 0,80 quand elle contenaitH ,7 pour i 00 24,3 pour 100 d'une dissolulion scm- jjg gg] /^i blable, mais n'ayant que 1,01 de densiic. (1) Voy. ci-dessus, tome IV, p. 623. (a) Cloella, Diffusionsversuclie durch Mcmbranen mit %wà SaUm. Zurich, 1851. INFLUENCE DE LA CAPILLARITÉ SUR LES MÉLANGES. 89 encore une fois, et je me bornerai à ajouter ici que cette influence remarquable des effets de la capillarité sur la compo- sition chimique des liquirles s'explique facilement par l'indé- pendance des actions attractives exercées par le corps solide sur les- molécules de l'eau et sur les molécules du sel qui se trouvent mélangées avec les premières. Le tissu perméable attire plus fortement l'eau ; cette substance doit donc tendre à s'accumuler contre la surface des cavités capillaires du tissu organique, et à constituer dans celles-ci une sorte d'enveloppe à l'intérieur de laquelle se trouvera la dissolution saline non modifiée (1). (1) M. Briiclce fut le premier à ap- peler l'attention clos physiologistes sur la faculté que les tissus perméa- bles ont de séparer l'eau d'une disso lution saline, et par conséquent de modifier le degré de concentration de celle-ci (a). Je reviendrai sur ses cx- périencer, quand je parlerai plus par- ticulièrement de l'endosmose. M. Lud- wig alla plus loin, et fit voir que le mécanisme du phénomène devait être celui indiqué ci- dessus. Ce physiolo- giste compara d'abord avec beaucoup de soin les proportions d'eau et de matières salines contenues dans le liquide que le tissu organique enlevait à une dissolution dont la composition était connue. Il opéra tantôt avec du chlorure de sodium, tantôt avec du sulfate de soude, et toujours il trouva que la proportion d'eau devenait plus forte dans la dissolution dont le tissu organique préalablement desséché s'é- tait imbibé que dans le bain dont ce liquide provenait. Ainsi, en employant comme bain de l'eau chargée de 7,220 pour ICO de sulfate de soude, il trouva que le liquide imbibé par le tissu de la vessie de Cochon desséchée ne renfermait que /i,'i3 pour 100 de sel, et en plongeant un morceau des parois de l'aorte du Bœuf dans de l'eau chargée de 19,79 centièmes de chlorure de sodium, il reconnut que la dissolution perdait environ 3 pour 100 de sel en pénétrant dans ce tissu spongieux. Pour vérifier ou infirmer les vues théoriques de M. Briicke, relativement à la cause de cette différence et au mode (le distribution de l'eau et de la matière saline dans les capillaires des tissus animaux, M. J,udwig fil une autre série d'expériences. Il est évi- dent que si celle théorie est l'exprès-^ sion des faits, la dissolution saline dont le tissu s'est chargé ne doit pas être homogène dans toutes ses parties ; que dans le voisinage immédiat des surfaces dont l'attraclion adhésive détermine la séparation de l'eau et du sel, il doit y avoir une couche (fl) E. Briiclve, De di/fusione humorum per septa mortua et viva. Berlin.. t84t. ^ Beïlrdge %imètre en rem- placement d'une même substance os- mogène ne variaient que peu, mais que ces quantités différaient beaucoup suivant la nature de ces substances (a). Le tableau suivant résume les résul- tats ainsi obtenus , en supposant que le poids de chaque substance osmo- gène était d'un gramme : NOM DE LA SUBSTANCE OSMOGENE. EQUIVALENTS ENDOSMOTIQUES. TERME MOYEN, Chlorure de sodium . , Sulfate de soude. . . . Sulfate de potasse . . . Sulfate de magnésie . . Sulfate de cuivre. . . Bisulfate de potasse . Sulfate d'eau (SO^HO). Potasse hydratée . . . Alcool Sucre Gomme 4, 12, 12, H, 9, 2 o! 231, i, 7, il, 316 440 760 802 564 345 391 400 336 250 790 3,820 11,066 11,420 11,503 0,308 200,090 4,132 7,064 4,223 11,628 12,277 11,652 0,349 215,745 4,169 7,157 PI tis récemment, un des jeunes phy- siologistes de l'école de Dorpat, M. Har- zer, a fait de nouvelles recherches sur ce sujet , en évitant quelques causes d'erreur dont M. Jolly ne s'était pas préservé, et en variant la nature des membranes à travers lesquelles les échanges osmotiques s'effectuaient. (a) Ph. Jolly, Experimentaluntersuchungen ûber Endosmose ( Zeitschrifù fur rationelle in, 1849, I. Vil, p. 83). PHÉNOMÈNES OSMOTlQUES. 1^5 des cas, les circonstances qui font varier les résultais obtenus n'interviennent qu'en influant sur le degré d'intensité avec lequel l'une ou l'autre de ces puissances exerce son action. Pour le moment, je laisserai donc de côté la recherche des forces accessoires quij dans certains cas, peuvent provoquer des mouvements analogues, et je m'attacherai d'abord à l'étude des conditions qui d'ordinaire déterminent ou règlent les échanges dont il vient d'être question. Pour évaluer ces échanges, on peut se contenter de calculer les profits et les pertes de l'un des liquides réagissants, et, pour faire cette estimation, on emploie communément un appareil très simple que Dutrochet a désigné sous le nom (ïendosmo- mètre. C'est un réservoir dont la paroi inférieure est formée par une lame perméable , le plus souvent une membrane ani- Or il a trouvé ainsi que la qiianlilé d'eau attirée dans l'intérieur de l'en- dosmomètre, pendant la période de temps employé par la substance os- mogène pour se répandre au dehors dans le bain adjacent, pouvait varier dans la proportion de 1 à 6, suivant que la membrane à travers laquelle ces mouvements de translation s'ef- fectuaient élait préparée de manière à être plus ou moins perméable à la substance employée {a\ M. I^udwig a publié aussi des recher- ches sur la valeur des équivalents en- dosmotiques d'une même subslance. Il a fait varier soit la durée de l'ex- périence, soit le degré relatif de con- centration des deux liquides, et il a obtenu de la sorte des différences très considérables. Ainsi, en plaçant du chlorure de sodium cristallisé dans un endosmomètre et en mettant cet instrument en rapport avec l'eau pure, il a vu que l'équivalent était, dans une expérience, de 3,k au bout de soixante-huit heures, et de 5,7 au bout de deux cent trente-quatre heures; dans une autre expérience, à la pre- mière de ces périodes, de Zi,0, et après la seconde, de 6, '2. Cela indique que la dissolution très concentrée du sel laisse échapper par diffusion une plus grande proporlion de molécules salines que la dissolution étendue. Du reste, on re- marque beaucoup d'irrégularité dans la marche de ces expériences (6). On doit également à M. Cloetta des recherches sur les équivalents endos- motiques (c). la) Harzer, Beitfâge mr Lehre vom Endosmose {Àrchiv fur physiologische HeilkunJe, i856, t. XV, V. d94). (b) Luilwic;, Ueber die eudosmotischeii ^équivalente und die endosmotische Théorie {Zeitschr, fur ralionelle Medicin, 1849, t. VllI, p. 8). (c) CloeUa, Diffusionsversuche durch Membranen mit l2 Salzen. Zurich, 1851. 126 ABSORPTION. maie, un morceau de vessie, par exemple, et dont la partie supérieure est fermée, sauf dans le point où se trouve insérée l'extrémité d'un tube vertical ouvert par le haut. On renferme dans cet instrument le liquide dont on veut étudier Faction osmogène, et l'on met la surface extérieure de la paroi perméable du réservoir en contact avec le second liquide en la faisant plonger plus ou moins dans le bain constitué par celui-ci ; puis on note le point correspondant au niveau du liquide intérieur dans le tube vertical de l'endosmomètre, et l'on évalue les chan- gements de volume que ce liquide éprouve en conséquence des actions osmotiques, par le déplacement de ce niveau qui monte ou qui descend dans le tube proportionnellement à ces chan- gements (1). (1) Dans les premières expériences fuites par Dulrochet, le réseivoi"; de rendosniomèlre était formé par un sac membraneux, tel que le cœcum de l'intestin d'un Poulet ou la vessie natatoire d'un frisson (a) ; mais il ne tarda pas à faire usage de l'instrument décrit ci- dessus (6). Afin d'éviter les erreurs d'observa- tion qui pourraient résulter de la cour- bure de la cloison membraneuse sous la pression exercée par le liquide su- perposé, M. Graham place ce genre d'endosmomètre sur une lame rigide criblée de trous et supportée par un trépied (c). Enfin, pour diminuer les complications dues à la transsudalion que pourrait déterminer la même pres- sion hydrostatique, il a soin d'élever le niveau du bain extérieur à mesure que l'endosmose augmente, de façon à maintenir ce niveau à une petite dis- tance seulement au-dessous du niveau du liquide intérieur. Pour se mettre plus sûrement à l'abri de cette der- nière cause d'erreur, M, Ludvvig a fait usage d'un tlacou qui avait pour fond la cloison perméable et qui était sus- pendu à l'aide d'une poulie, de façon cl descendre dans le bain à mesure que la quantité de liquide qui s'accu- mulait dans son intérieur augmentait. Les eflèls endosmotiques étaient éva- lués non par l'élévation du liquide dans un tube, mais par les diiïéren- ces de poids avant et après l'expé- rience (d). MM. Matieucci et Cinia ont substitué à l'appareil de Dutrochet une espèce d'endosmomètre différentiel, composé d'un réservoir divisé en deux compar- timents par une cloison membraneuse verticale, et se continuant, par cha- cune des cellules ainsi établies, avec (a) Dutrochet, L'agent imn^édiat du mouvement vital dévoilé, p. 130 et suiv, (6) Dutrochet, Nouvelles recherches expérimentales sur l'endosmose et V exosmose, pi. 1 , fig. 1 . (c) Gra-ham, Op. cit. {Philos, Trans., 1854, p. 185, fig. 2, 3 et 4). (d) Ludwig, Lehrbuch der Physiologie, 1. 1, p. 64, fig. 7. PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 127 Les expériences pratiquées de la sorte, ou faites d'après des méthodes analogues, rendent visible à l'œil la résultante des échanges osrnotiques, mais ne suffisent pas lorsqu'on veut approfondir l'étude de ces mouvements, et déterminer, soit le pouvoir osmogène d'un corps, c'est-à-dire la quantité d'une autre substance qu'une quantité donnée de ce corps est susceptible d'attirer dans son sein en l'enlevant cà la cloison perméable adjacente, soit Véquivalent endosmolique de cette substance, c'est-à-dire le volume du liquide extérieur qui se substitue à chaque unité de volume de celle-ci, ou, en d'autres mots, la balance entre les gains déterminés par le jeu des forces attrac- tives dont dépend l'endosmose, elles pertes occasionnées par la diffusion des molécules de la matière osmogène dans le second liquide. Dans ce cas, l'observation des volumes ne nous éclai- rerait en rien, et il faut constater les changements opérés dans la composition des deux masses liquides qui sont séparées par le diaphragme perméable, et déterminer les proportions dans les- quelles l'une des substances réagissantes entre dans la consti- tution de ces volumes avant et après la réalisation de l'échange osmotique (1). un tube vertical ouvert par le haut et ham a fajt usage d'un endosmomètre muni d'une échellec Les deux liquides dont le réservoir était constitué par sont déposés dans les deux comparli- un des vases poreux que les pliysi- nienlsde l'instrument, et chacun d'eux ciens emploient pour la construction s'élève à une certaine hauteur dans le des piles de Grove, et il y adaptait un tube correspondant. On établit d'abord tube vertical à l'aide d'un ajutage de le même niveau dans les deux bran- gutta-percha (c). Il s'est servi aussi ches de ces vases communicants, et, de ces pots sans ajutage, en évaluant par l'inégalité de niveau due à l'action les produits des échanges par des pe- osmolique, on juge des résultats ob- sées ou des dosages chimiques, tenus (a). M. Vierordt a employé un (1) Ainsi, dans toutes les expériences appareil analogue (6). dont je viens de parler, l'effet appa- Dans d'autres expériences, M. Gra- rent, c'est-à-dire le changement dans (a) Matteucci et Cima, Mém. sur l'endosmose [Annales de chimie et de -physique, 3' série, 1845, t. XIll, p. 63, pi. d). (6) Vierordt, PhysiK des organischen Stoffvjechsels {Archiv fiir physiologUche Heilkunde, 4847, t. YI, p. 655, pL). (c) Graham, loc. cit., p. 180, fig. 1. ^28 ACSOHPTION. Un premier résullat qui a été donne par les expé- Indiience deia^urface rienccs pratiquécs de la sorte, et qui était facile à prévoir par permea e. j^ théorie, cst que , toiites choses étant égales d'ailleurs^ la quantité de liquide introduit dans une cavité de l'endosmomèlre est prûportio7melle à l'étendue de la cloison perméable à travers Je volume ou dans le poids du liquide que j'ai appelé osmogène, paixe qu'il est la cause principale du phéno- mène, n'est que le produit de la dif- férence entre les quantités de matières déplacées dans un sens par le courant endosmolique qui pénètre dans ce li- quide, et en sens contraire par l'ex- pansion diffusivedes molécules en dis- solution dans ce dernier milieu ou courant exosmotique, pour employer ici jes expressions adoptées par Du- trochet. Pour évaluer la puissance osmotique déployée dans ces circon- stances, il faudrait donc ajouter aux effels apparents la valeur des pertes subies par l'agent osmogène. Par exemple, quand l'endosmomètre est amorcé avec une dissolution de sucre et plongé dans un bain d'eau distillée, la quantité de ce dernier liquide qui pénètre dans l'intérieur de l'instru- ment pour obéir à l'action attractive du sucre est en réalité beaucoup plus grande qu'on ne le croirait au premier abord, car elle correspond en même temps à l'excédant de volume final du liquide intérieur comparé au volume initial de celui-ci, et à la quantité de sucre qui s'esl échappée au dehors et qui a été remplacée par de l'eau dans la cavité de l'endosmomètre. Or, les expériences de M, Grabam montrent que le poids du sucre qui s'échappe de l'instrument par TelTet de la dill'u- sion est d'ordinaire égal à environ 1/5^- du gain réalisé par la dissolution sucrée, par suite de ces échanges. Il en résulte que la quantité d'eau qui, sous l'influence attractive du sucre, a tra- versé la cloison membraneuse , est aussi d'environ 1/5' plus considérable que celle indiquée par la comparaison des volumes du liquide intérieur au commencement et à la fin de l'expé- rience. Ainsi, dans une série de huit expé- riences faites avec des dissolutions de sucre à divers degrés de concentra- tion (depuis 1 jusqu'à 10 pour 100 de sucre), la proportion entre les pro- duits de la diffusion, c'est-à-dire la quantité de sucre répandue au dehors, et les produits apparents de l'osmose, c'est-à-dire l'augmentation de poids déterminé dans la dissolution sucrée par l'endosmose, n'a varié que peu. Elle était en moyenne de oS",82/t.de sucre épanché au dehors, eldel78^639 de gain réalisé par la dissolution. IViais la quantité d'eau reçue par ce dernier liquide se composait à la fois du volume correspondant à ce dernier poids, et de ce qui avait remplacé les Ss^S'i'i de su- cre perdu, volume qui peut être estimé à ■is'',25. Par conséquent, pour û5',82Zj. de sucre déplacé par la diffusion, il était entré 19s',>:82 d'eau, ce qui cor- respond à 5,2 parties d'eau pour rem- placer 1 partie de sucre. Dans d'autres expériences analogues faites avec des dissolutions à divers degrés de con- centration, M. Graliam a oblenu à peu près les mêmes rapports : ainsi, pour PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 129 laquelle ce passage s' effectue (\) . Nous verrons bientôt qu'il en est de même pour l'absorption, et que par conséquent un des moyens employés par la Nature pour accroître la puissance absorbante d'un organe, c'est d'augmenter la surface par laquelle celui-ci se met en rapport, d'une part avec la matière qui doit pénétrer dans l'économie , et d'autre part avec le fluide destiné à la recevoir, c'est-à-dire le sang. § 12. — Lorsqu'on varie les substances dont l'endosmo- mètre est chargé, et qu'on opère d'ailleurs dans des condi- tions identiques, on ne tarde pas à reconnaître que les effets obtenus diffèrent beaucoup suivant la nature chimique de ces corps. Ainsi, prenons une série d'instruments de ce genre d'égale capacité et garnis tous avec la membrane muqueuse de la vessie du Bœuf; plaçons dans chaque endosmomètre une quantité de liquide suffisante pour que la surface de celui-ci arrive au niveau du zéro dans le tube gradué, et choisissons pour les charger ainsi des dissolutions aqueuses de divers chlorures dans la proportion de 1 en poids pour 100 parties d'eau ; enfin, plongeons la parUe inférieure de chacun des instruments ainsi Différences dans la puissance osmogéniquo des corps. 1 partie de sucre déplacée par diffusion ou exosmose, l'eau ajjsorliée était de : 5.21 par la dissolution à 1 p. 100 de sucre. 5,85 — à 2 p. 100 — 5.22 — à 5 p. 100 — 4,43 — à 10 p. 100 — 4,66 — à 20 p. 100 — La moyenne était de 5,07 parties d'eau se substituant à 1 partie de sucre (a). (1) Ainsi, dans une expérience com- parative faite parDutrocliet, les réser- voirs des deux endosmomèlres con- struits avec les mêmes matériaux et amorcés avec les mêmes substances, mais dont les cloisons perméables avaient des diamètres dans le rapport de 1 à 2, furent pesés avant leur im- mersion dans l'eau et après un séjour de deux heures dans ce liquide. Le grand présenta une augmentation de poids quatre fois plus considérable que le petit; rapport qui était préci- sément proportionnel aux différences des surfaces absorbantes (6). (a) Graham, On Osmolic Force (Philos. Trans., 1854, p. 197). (6) Duirochet, Op. cit. [Mémoires, t. I, p. 28). 130 ABSORPTION. préparés dans un bain d'eau distillée : au bout d'un certain temps le liquide contenant le cblorure de sodium sera monté de 12 millimètres ; celui contenant du chlorure de potassium sera monté à 1 8 ; la dissolution de chlorure de strontium se trouvera à 26 millimètres; la dissolution de chlorure de man- ganèse à 36 millimètres ; celle de chlorure de nickel à 88 milli- mètres ; celle de bichlorure de mercure à 121 millimètres; celle de chlorure de cuivre à 351 millimètres ; enfin celle de chlorure d'aluminium à 5/iO milhmètres (1). Nous verrons bientôt qu'il existe une certaine proportionna- lité entre le degré de densité d'une dissolu tian saline ou sucrée et la grandeur des effets osmotiques déterminés par cette sub- stance. Par conséquent, on pourrait croire au premier abord qu'il doit y avoir des relations analogues entre la pesanteur spé- cifique de corps de nature différente , et l'intensité de la force motrice qu'elles sont susceptibles de déployer dans les circon- stances dont l'étude nous occupe en ce moment. Mais il suffit d'un petit nombre d'observations pour prouver que les choses ne se passent pas ainsi. Par exemple, le chlorure de potassium, qui donne des effets endosmotiques plus considérables que le chlorure de sodium, est moins dense que ce corps, et les chlorures de baryum et de calcium en diffèrent à peine sous le rapport osmotique, quoique la densité du premier soit 3,9 et celle du second seulement 2,2. Du reste, pour mettre bien en évidence ce défaut de relation entre la pesanteur spécifique des corps et leur pouvoir osmogène, il suffit de comparer les résultats fournis par l'emploi de dissolutions d'égale densité de certaines substances, telles que du carbonate de potasse, du car- bonate de soude, de l'acide oxalique ou de l'acide chlorhydrique : (1) Les résultats indiqués ici sont trouve dans le mémoire de ce chi- ceux obtenus dans les expériences miste beaucoup d'autres faits analo- comparalives de M. Graham. On gués (o). (a) Graliam, On Osmotic Force (Philos. Trans., 1854, p. 225. PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 131 avec ces sels basiques, la colonne endosmomélrique s'élèvera rapidement; avec les acides convenablement dilués, elle s'abais- sera d'une manière non moins remarquable, el descendra beau- coup au-dessous du niveau du bain extérieur (I). Ces faits, et beaucoup d'autres du même ordre que je pour- rais invoquer si je ne craignais de m'arrêter trop longtemps sur l'examen de cette question, prouvent aussi d'une manière sur- abondante que la valeur des effets endosmotiques n'est pas liée uniquement à la grandeur des forces attractives développées entre les deux liquides réagissants ; et d'ailleurs le raisonne- ment suffirait pour établir qu'il ne saurait y avon^ de connexité nécessaire entre l'avidité plus ou moins grande d'une substance pour une autre et l'accumulation des molécules de ces corps dans l'espace occupé par l'un plutôt que dans celui occupé par l'autre. Effectivement, si le corps A attire le corps B, celui-ci doit agir de la même manière sur A, et par conséquent le (1) Les effets négatifs de l'acide oxalique n'ont pas échappé à l'atten- tion de Dutrochet, et contribuèrent beaucoup à rectifier les opinions de cepiiysiologisie, relatives à l'ensemble des phénomènes osmotiques. Il vit aussi que des effets analogues pou- vaient être produits par l'acide chlor- hydrique, l'acide sulfhydrique et plu- sieurs autres substances acides, mais que cela était subordonné au degré de dilution de ces corps dans l'eau {a). M. Graham a repris plus récemment l'étude de l'action osmolique de ces substances, et a trouvé que le courant dirigé de l'acide vers l'eau était le plus puissant quand on chargeait l'endos- momètre avec une dissolution d'acide oxalique au titre de 1 p. 100. L'acide sulfurique produit des effets tantôt négatifs, tantôt positifs, lors- qu'il est étendu dans 1000 parties d'eau, i\L Graham a observé des varia- tions plus considérables dans ses ex- périences sur d'autres acides, et il a constaté que, sous ce rapport, quel- ques-uns de ces corps changent de caractère par le seul fait de leur fusion ignée. Ainsi une dissolution faite avec de l'acide citrique ou de l'acide tar- trique, au litre de 1 p. 100, donne des produits osmotiques positifs, tan- dis que, préparées avec ces mêmes acides préalablement fondus par la chaleur, ces dissolutions donnent des effets négatifs [h). (a) Dutrochet, Sur V endosmose (Mémoires, 1. 1, p. 46 et suiv.). (b) Graham, Op. cit. [Philos. Trans., 1854, p. 191). membrane. 1 32 ABSORPTION . déplacement de l'un ou de l'autre sera déterminé, non par le degré d'intensité de cette attraction mutuelle, mais par la résis- tance différente que cette force rencontrera pour mouvoir de la sorte A et B. Or, la résistance inégale à vaincre dans cette circonstance est due essentiellement à l'obstacle que le dia- phragme situé entre les deux liquides oppose à leur passage. Ladireciion Nous avons déjà vn que la direction du courant principal, ou cnîosmotiq"ue couraut cndosmotiquc , c'est-à-dire celui qui baigne directe- ^pafSi'ôr ment les parois des passages interstitiels de la cloison placée 'ïk"" entre les deux liquides, est déterminée par la prédominance de l'action capillaire exercée par cette cloison sur l'un de ces liquides, lequel vient occuper ces passages, et traverse ainsi le diaphragme pour se mêler ensuite à l'autre liquide. La théorie nous conduit donc à poser en principe que, toutes choses étant égales d'ailleurs , celui des deux liquides miscibles réagissants qui sera attiré avec le plus de force par la substance de la cloison perméable sera versé dans l'autre et en augmentera la masse. Connaissant la force de pénétration relative avec laquelle deux liquides s'accumulent dans un tissu organique, nous pour- rons donc déterminer à priori celui vers lequel le courant endosmotique se dirigera quand celui-ci sera séparé de l'autre liquide par une cloison mince composée de ce même tissu. Ce sera toujours le liquide le moins apte à s'insinuer dans la sub- stance du diaphragme qui augmentera de volume aux dépens de l'autre. Voyons si l'expérience confirme ce raisonnement. Nous savons, par l'étude des phénomènes d'imbibition, que la force avec laquelle les divers liquides sont attirés dans les espaces interstitiels d'un même tissu organique varie beaucoup suivant la nature chimique de ces corps et suivant les condi- tions dans lesquelles la réaction s'opère. Le volume du liquide dont le tissu s'imprègne est réglé par le rapport entre cette force qui tend à accumuler de la matière dans ses cavités à PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 133 parois extensibles et la résistance que la substance élastique de ces mêmes parois oppose à la distension ; en sorte que si la nature de cette substance reste la même, on peut juger delà puissance d'imbibition par le degré dégonflement du tissu, ou, ce qui revient au même, par le poids du liquide qu'il est sus- ceptible d'accumuler dans son intérieur. Or, nous avons vu que les tissus animaux, après avoir été privés d'eau par la dessicca- tion, se gorgent d'eau quand on les plonge dans ce liquide, et que si, au lieu de les placer dans l'eau, on les immerge dans une dissolution aqueuse de sel commun, ils absorbent aussi une certaine quantité de liquide, mais beaucoup moins que s'ils étaient en présence d'eau pure(l). Nous savons également que ces mêmes tissus se laissent pénétrer par l'alcool, mais n'ad- mettent que fort peu de ce liquide. D'après les principes établis ci-dessus, nous pouvons donc prévoir que lorsque de l'eau se trouvera en contact avec une des surfaces de la cloison osmolique formée par une membrane organique de ce genre et de Talcool en contact avec la surface opposée, le courant endosmotique se portera de l'eau vers l'al- cool, bien que ce dernier liquide soit moins dense que le pre- mier; et, effectivement, c'est ce que l'expérience nous montre. Ainsi, quand on place de l'alcool dans le réservoir del'endos- momètre garni d'un diaphragme fait avec de la vessie et qu'on met de l'eau en contact avec l'extérieur de l'instrument, le liquide intérieur augmente de volume et monte dans le tube qui termine supérieurement cet instrument ; tandis que si le même endosmomètre est chargé d'eau et plongé dans un bain d'alcool, le liquide intérieur, au lieu de s'éiever, descend plus ou moins rapidement, et sa surface peut être portée ainsi beau- coup au-dessous du niveau du bain circonvoisin (2). (1) Voyez ci -dessus, page 81 el Diiirochet avaient porté ce pliysiolo- suivantes, gisle à penser que rcndosniose s'éta- (2) Les premières expériences de blissait toujours du liquide le moins 134 ABSORPTION. Nous avons déjà eu l'occasion de voir qu'il en est de même quand une dissolution de chlorure de sodium, sub- stance qui ne pénètre que faiblement dans un tissu animal, est séparée d'un bain d'eau pure par une cloison formée d'une membrane de ce genre. C'est l'eau qui traverse le dia- phragme osmotique pour aller grossir le volume de la disso- lution saline. Je viens de dire qu'un endosmomètre chargé d'acide chlor- hydrique dilué, et plongé dans de l'eau pure, donne lieu à une osmose négative, c'est-à-dire que le courant dominant se porte de l'intérieur à l'extériem^ et que c'est le volume de l'eau qui augmente. Nous en pouvons conclure que la substance animale dont la cloison se compose se gonflera davantage dans une dis- solution semblable d'acide chlorhydrique que dans un bain d'eau distillée; et, effectivement, des expériences faites dans une tout autre vue, et dont j'aurai à rendre compte en traitant de la théorie de la digestion, montrent que les choses se passent de la sorte (1). Les faits nous manqueraient bientôt, si nous voulions vérifier l'exachtude de cette application des lois de la capillarité à tons les cas particuliers où le courant endosmotique s'établit dans une direction déterminée. Je ne pousserai donc pas cet examen plus loin , mais il me semble nécessaire de dire que dans un dense vers le liquide le plus dense (o); musculaire, des membranes el autres mais ses recherches ultérieures lui matières animales immergées pendant ont fait voir que cela n'est pas, et que, quelques heures dans de l'eau aiguisée dans im grand nombre de circon- d'acide chlorhydrique se sont gorgées stances, le contraire s'observe (6). d'une quantité si considérable de ce (1) Dans les expériences t'ailes par liquide, qu'elles se sont gonflées énor- MM. Bouchardat et Sandras sur les mément et sont devenues transpa- digestions artificielles de la chair rentes comme de la gelée (c). {a} Dutrochct, L'agent immédiat du mouvement vital, p. 120 et suiv. {b) Idem, De l'endosmose {Mémoires, t I, p. 40). (c) Dumas, Rapport sur un Mémoire de MM. Sandras et Bouchardat, relatif à la digestion {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1843, t. XVI, p. 254). PHÉNOMÈNES OSIMOTIÛUES. 155 grand nombre de cas on voit cette direction varier avec la nature de la cloison osmotique. Ainsi, Dutrochet a remarqué que si l'on substitue à la cloison perméable faite avec un mor- ceau de la membrane muqueuse de la vessie un diaphragme analogue composé de la membrane interne du gésier d'un Poulet, le courant endosmotique déterminé par la réaction de l'eau et de l'alcool ne se dirige plus, comme dans le premier cas, de l'eau vers l'alcool, mais en sens contraire : c'est l'alcool qui forme le courant dominant et qui se verse dans l'eau (1). Il en résulte que cette direction ne saurait dépendre des rap- ports existant entre les propi-iélés physiques des deux liquides, comme l'ont supposé quelques physiologistes, car ces propriétés ne sont pas changées par le fait de la substitution de tel dia- phragme à tel autre ; et cependant nous venons de voir qu'une substitution de ce genre peut déterminer le renversement du mouvement endosmotique (2). (1) Cette observation de Du- tablit du liquide dont la capacité calo- trochet a été vérifiée par M. Mat- rifique est la plus grande vers celui . teucci {a). qui possède à un moindre degré cette Le premier de ces expérimenta- capacité, et même que l'intensité du teurs a vu aussi qu'en chargeant l'en- courant est proportionnée à la dille- dosniomèire d'une dissolution d'acide rence des chaleurs spécifiques pour sulfhydrique d'une densité de 1,106, les liquides qui se mêlent en toutes le courant endosmotique s'établissait proportions (c). Ainsi, quand on fait toujours vers l'eau quand la cloison usage d'éther et d'alcool, le courant perméable était une membrane aiii- principal se porte de ce dernier liquide maie , et au contraire de l'eau vers vers le premier, et l'on sait que les l'acide, quand cette cloison était un chaleurs spécifiques sont : 0,503 pour tissu végétal (6). l'élher et 0,6/i/i pour l'alcool; mais, (2) M. Béclard a remarqué que dans si l'on emploie de la même manière de les expériences endosmomélriques l'élher chargé d'une certaine quantité faites avec les membranes commune- d'eau, la chaleur spécifique du mé- ment employées comme cloison per- lange peut être rendue supérieure à méable, le courant endosmotique s'é- celle de l'alcool, et alors le courant (a) Malteucci, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, p. 57. (b) Dulrochct, art. Endosmosis (Todd's Cyclop. of Anat. andPhysiol., t. II, p. 108). le) J. IBéclard, Mémoire sur la théorie de l'endosmose (Gazette des hôpitaux, 1851 , p. 323). Influence du degré de conceniralion des liquides sur l'endosmose. 136 ABSORPTION. § 13. — La direction du courant endosmotique étant déterminée par le jeu des actions capillaires dont la cloison perméable est le siège, le second acte du phénomène com- mence : le liquide amené à l'extrémité des passages interstitiels est appelé au delà, et se disperse plus ou moins rapidement dans le liquide adjacent dont il augmente le volume. Ce mou- vement de progression dépend, comme nous l'avons déjà vu, des attractions adhésives ou chimiques exercées par les molé- cules de l'une des substances réagissantes sur celles de l'autre. 11 est donc évident que si toutes les autres conditions restaient identiques, le déplacement devrait être d'autant plus rapide que la molécule qui arrive dans l'espace occupé par le liquide endosmotique se dirige de l'éther vers l'alcool. M. Béclaid s'appuie aussi sur les fails suivants : i' Alcool (dial. spccif. 0,044) et eau (chai. spécif. 1,0), courant principal vers l'alcool. 2° Alcool (0,644) et esprit de bois (chai, spe'cif. 0,671), courant principal faible vers l'alcool. 3° Alcool (0,044) et essence de térében- thine (chai, spécif. 0,467) , courant principal vers l'essence. 4° Alcool (0,644) et huile d'olive (chai. spécif. 0,309), courant principal vers l'huile. 5» Élher acétique (0,484) et essence de térébenthine (0,467), courant princi» pal vers l'essence. G" Éther acétique (0,484) et éther sulfu'= rique (0)503), courant principal vers l'éther acétique. 7° Essence de térébenthine (0,407) et es" prit de bois (0,671), courant princi- pal vers l'essence. 8" Essence de térébenthine (0,407) et étlior sulfuriquo (0,503), courant principal vers l'essence. 9° Essence de térébenthine (0,467) et huile d'olive (0,309), courant prin- cipal vers l'huile. Cette concordance entre la direc- tion du courant osmotique du liquide dont la chaletu- spécifique est la plus élevée vers celui qui a une chaleur spécifique moindre, est très remar- quable, et semble indiquer Texistence d'un certain rapport entre la grandeur de la capacité calorifique de ces sub- stances et le degré de puissance de l'attraction adhésive qui se développe entre chacune d'elles et la membrane animale. Mais, ainsi que je l'ai déjà fait remarquer, le phénomène de l'os- mose ne peut dépendre de cette cir- constance, car, en faisant varier la nature des diaphragmes, on ne change on rien les îapports entre la chaleur spécifique des liquide.? en présence^ et, par conséquent, si l'hypothèse de M. Béclard était fondée, la direction de l'endosmose ou du courant prin- cipal devrait rester invariable, tandis que dans beaucoup de circonstances cette direction est renversée. PHÉNOMÈNES OSMOTlQUES. 1 37 en repos se trouverait dans les limites de la sphère d'attraction d'un plus grand nombre de molécules de ce dernier corps, et, toutes choses étant égales d'ailleurs, ce nombre est réglé par le degré de concentration du liquide contenant ces mêmes molé- cules. Or, dans une dissolution saHne ou sucrée, ce sont les particules de sel ou de sucre qui déterminent le déplacement des molécules d'eau situées à l'embouchure des passages inter- stitiels de la cloison; les particules d'eau qui s'y trouvent associées ne peuvent produire aucun effet de ce genre, et par conséquent si les résistances à vaincre ne changent pas, et si les autres conditions de l'expérience restent invariables, les effets endosmotiques devront croître avec le nombre de molé- cules de sel ou de sucre qui se trouvent comprises dans un espace déterminé, ou, en d'autres mots, être proportion- nels au titre de la dissolution comparée à celui du liquide affluent. Mais, pour que le liquide contenu dans les canaux capillaires du diaphragme soit tiré de ces passages, il y a des résistances à vaincre, car les molécules constitutives de la couche périphé- rique de chaque petit courant adhèrent aux parois de ces canaux. Nous savons aussi que les résistances dues aux frottements de ce genre augmentent très rapidement avec la vitesse du mou- vement. Il en résulte que les obstacles à surmonter pour que le courant endosmotique satisfasse à la puissance attractive croissante développée par l'intervention d'une quantité du corps osmogénique qui elle-même croîtrait, grandiront rapi- dement avec la vitesse des courante; et détermineront dans les effets du travail de translation une diminution d'autant plus marquée que cette vitesse deviendra plus considérable. Ainsi la théorie physique des phénomènes osmotiques nous fait prévoir que les changements de volume effectués dans des temps égaux doivent être liés d'une manière intime à la pro- portion de la substance osmogénique qui se trouve dans le 158 ABSORPTION, liquide vers lequel le courant se dirige ; mais que la raison suivant laquelle les produits du travail de translation augmen- teront ne sera pas la même que la progression des quantités de la matière agissante, et que, toutes choses restant égales d'ailleurs, le volume de liquide déplacé en une certaine unité de temps par chaque unité de la matière osmogénique dimi- nuera, suivant une certaine loi, avec l'augmentation de la quan- tité de cette matière. L'expérience est en accord avec ces vues théoriques. Quand on place dans des endosmomètres à diaphragme membraneux diverses dissolutions aqueuses d'une même substance, on voit que la hauteur à laquelle le liquide intérieur s'élève en un temps donné augmente avec le degré de concentration de la dissolution , et que dans certaines limites la progression dans la quantité d'eau dont l'instrument se charge est, à peu de chose près, proportionnelle à l'accroissement de la densité du liquide intérieur comparée à celle du bain extérieur. Ces relations ont été mises en lumière par les expériences de Dutrochet et ressortent également des résultats obtenus par MM. Vierordt, Ludwig et Graham (1). Mais quand la concentration du liquide osmo- (1) Dans une première série de portionnelles de l'endosmose 19 1/2, recherclies faites par Diitrocliet, le 39,78 ; nombres qui s'éloignenl beau- sirop, dont la densité moyenne pen- coup de ceux donnés par l'expé- dant la durée de Texpérience était rience. Il n'y a aussi aucune relation 1,080, donna en une heure et demie entre les nombres observés et ceux une ascension de 19 1/2 degrés. correspondant aux densités respec- Avec une dissolution, dont la den- tives des trois sirops, ftlais il y a un site moyenne était l,lZil, la colonne accord très grand entre ces quantités s'éleva, dans le môme .espace de et Cf lies que donne la progression des temps, à 3/i degrés. Enfin, avec une excédants de la densité du sirop sur la dissolution, dont la densité moyenne densité de l'eau. EfTectivement, la pro- était 1,222, l'ascension était de 53 de- gression, dont le premier terme serait grés. Les quantités de sucre employé 19 1/2, et qui serait comme les nom- étaient comme 1, 2, i. Or, en prenant bres 0,80, O.l/il, 0,222, donnerait pour base d'une pareille progression 19 1/2, 'àà, 5U. Or les nombres trou- 19 1/2, on aurait pour les vitesses pro- vés par l'expérience étaient, comme je PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 1S9 gène dépasse un certain degré , la valeur des produits cesse d'être sensiblement proportionnelle à la quantité de la matière attractive ; on y remarque un déficit de plus en plus considé- rable, et l'on voit que l'effet utile de la force motrice dévelop- pée par chaque molécule osmogénique diminue avec raccroisse- ment du nombre de ces molécules dans un espace donné (1). l'ai déjà dit, 19 1/2, 34 et 53. Deux autres séries d'expériences, discutées de la même manière, donnèrent : iNM. N''2. Résultats observés 1. Rési iltati calculci. 10,25 10,25 1" 16,30 32,52 32,30 9 9 1-1,50 15,60 30 28 On voit que les résultats du calcul ne s'éloignent que très peu de ceux fournis par rexpérience, et Dutrochet pensait que les écarts pouvaient s'ex- pliquer par certains changements dans le degré d'imbibition de la cloison os- raotique («'. De nouvelles recherches faites avec plus de précision par 11. Vierordt sont venues confirmer, dans certaines li- mites, la loi établie par Dutrochet (6). Enfin, M. Graham a fait également diverses séries d'expériences analo- gues, d'où il résulte qu'entre Ip. 100 et 10 p. 100 de sucre, la progression des effets eudosmoiiques était à peu près proportionnelle aux quantités re- latives de cette substance. Ainsi, dans une de ces expériences, la hauteur de la colonne endosmométrique était de 10 ou 12 avec la dissolution contenant 1/lOU de sucre , de 24 avec 2/100 de sucre , de 64 avec 5/100, et d'environ 100 avec 1/10 de sucre. !\Iais avec des dissolutions contenant 1/5, les effets ne s'accrurent pas dans la même pro- portion, et la colonne ne s"éleva en moyenne qu'à environ 129 millimè- tres. Or celte diminution dans la va- leur des effets produits par des quan- tités égales de matière n'était pas due à une augmentation dans les pertes par diffasiou , car celles-ci diminuè- rent dans une proportion encore plus forte (c). (1) Dutrochet el quelques autres expérimentateurs, en n'opérant que sur des dissolutions dont la densité ne variait que peu, ou en n'examinant pas d'assez près l'easemble du phéno- mène, avaient été conduits à penser que la proportionnalité entre la ri- chesse de la dissolution et la gran- deur des effets endosmoliques existait pour les maUères salines aussi bien que pour les substances peu actives , telles que le sucre; mais \'.. Ludwig, en étudiant avec plus de soia cc qui se passe quand on fait usage de chlo- rure de sodium, ou de sulfate de soude à divers degrés de concentration, a vu que les valeurs des produits n'aug- mentent pas suivant la même loi que le titre des dissolutions, et devaient (a) Dulrochet, Op. cit. (ilémoires, p. 30 et suiv.). (6) Vierordt, Physik des organischen Stoffwechsels [Archiv fur physiol. Heilk., t. VI, p, et saiv.). (C) Graham, On Osmotic Force (Philos. Trans., 1854, p, 196). 140 ABSORPTION. Influence § 1^ • — D^ns la discusslon de ces questions délicates, il faut modifications avoir aussl égard aux modifications que les matières réagissantes ''osmoii'que" pcuvcnt déterminer dans la constitution physique ou chimique ,.ar°ie™î!îuides dc la cloisou osmotiquc, et aux changements qui peuvent en employés, p^g^jf^j. ^^iDs Ic dcgré dc perméabilité de ce diaphragme. En effet, quand celui-ci est formé par un tissu très extensible et fort élastique, comme le sont la plupart des membranes ani- males, le contact d'une dissolution saline concentrée peut y déterminer une rétraction considérable, et diminuer beaucoup la capacité de ses cavités interstitielles. Ainsi, un morceau de vessie qui, en s'imbibant d'eau pure, serait susceptible de se charger de 5 volumes de liquide, ne pourra en contenir que 2 volumes si l'eau est saturée de chlorure de sodium, et l'on conçoit que le resserrement des voies de communication dépen- dant de causes de ce genre puisse amener une telle diminution dans le débit de ces conduits, que l'afflux du liquide vers la sub- stance osmogène devient insuffisant pour ahmenter le travail osmotique que celle-ci tend à effectuer, ou même pour rendre les f>roduits de ce travail inférieurs à ceux que donnerait l'ac- tion d'une dissolution faible. Les modifications que l'action des substances différentes peut déterminer dans l'extensibilité des tissus organiques, et par être représentées non par une droite, mais par une ligne courbe (a). M. Graham a étendu plus loin ses observations, et a soumis et ce genre d'examen un grand nombre de sub- stances salines et autres. On pourra juger des effelsde la concentration par les résuliaîs suivants obtenus en char- geant l'endosmomètre de dissolutions de sulfiite de magnésie à divers degrés de concentra lion : PROPORTION ÉLÉVATION DU SEL dc la pour 100 parties COLONNE ENDOSMOMÉTRIQUE, d'eau. Maximum, Miiiinuim. 2 33 30 5 70 73 10 4 52 134 20 1 283 238(6) (a) Ludwig, Op. cit: {Zeltschr. fur rationelle Medicin, 1849, t. VllI, p. 9). (6) Graham, Op. cit. {Philos. Trans., 1854, p. 199j. PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. l/ll conséquent sur la dilatation des passages osmotiques sous l'in- fluence d'une force constante qui tend à accumuler des volumes croissants de liquide dans ces cavités , sont mises également en évidence par les expériences dans lesquelles on mesure les produits de la fdtration sous l'influence d'une pression donnée. Plus une membrane perméable sera extensible, plus, sous l'action d'une force d'impulsion de même intensité , ses pores se laissent distendre, et plus aussi ces orifices débiteront de liquide. Or, une membrane qui, en présence d'un réactif donné, résistera à la poussée du liquide de façon à ne laisser passer qu'un volume de celui-ci pendant chaque unité de temps, pourra être traversée pendant le même espace de temps par près de 200 volumes d'une autre substance. Un physicien de Pise, M. Cima, a fait des expériences de ce genre, et dans l'une d'elles on voit que, pour faire filtrer à travers la membrane muqueuse du jabot d'une Poule, sous une pression de 40 centi- mètres de mercure, un certain volume d'eau, il a suffi de 18 secondes, tandis que pour faire passer un même volume d'eau contenant un peu d'ammoniaque, il fallait 92 minutes 30 secondes. La valeur des courants qu'un même degré de force osmotique est apte à établir dans l'épaisseur d'une mem- brane animale doit par conséquent être susceptible de varier beaucoup avec la nature des substances qui constituent, d'une part cette cloison, d'autre part le liquide qui en occupe les cavités intersfitiefies. Or, l'action exercée de la sorte sur l'état physique d'un tissu organique par un réactif donné varie beau- coup en intensité, suivant la nature des membranes, et il en résulte que, toutes choses étant égales d'ailleurs, il y aura là une cause de différences dans les produits du travail endos- mique. Supposons, par exemple, l'endosmomètre chargé d'une sub- stance qui serait également avide d'eau et d'alcool : si la cloison de l'instrument est faite avec un morceau de vessie de Bœuf, Î4'2 ABSORPTION. le volume de liquide qui pénétrera de l'extérieur dans l'inté- rieur de l'instrument en un temps donné pourra être de 1 pour l'alcool et de 2 pour l'eau; mais, en employant une cloison faite avec le jabot d'une Poule, la différence pourrait être dans le rapport de 1 à 8, ou même beaucoup plus (1). Je m'explique delà sorte, au moins en partie, les changements que la présence de certaines substances détermine parfois dans la valeur des effets osmotiques produits par les agents auxquels on les associe. Ainsi, la présence d'une très petite proportion d'acide chlorhydriquedans la dissolution de chlorure de sodium dont on charge un endosmomètre, loin de produire une osmose négative, (1) Dans les expériences de M. Ciina sur la fillration forcée de divers li- quides au travers de membranes difTé- rentes, on voit que le temps employé par le passage d'un volume constant, sous l'influence d'une pression de 10 centimètres de mercure, a varié de la manière suivante : LIQUIDE EMPLOYE. Dissolulioii aqueuse d'ammoniaque {■^). Eau pure Dissolution saturée de sel commun. . . Alcool , 14' 10' 19 35 129 9 no 0 20' 0" 29 0 33 22 37 16 Sous une pression de 30 centimètres de mercure, les résultats ont été : Dissolution ammoniacale. Eau Dissolution saline. . . . Jabot. Vessie. 0'33" 4'53" 2 9 5 48 16 45 6 2 Alcool 112 3 10 11 Enfin, sous une pression de AO cen- timètres , la durée de la filtration a été de : 0'18" avec la dissolution ammoniacale ; 119 avec l'eau ; 10 52 avec la dissolution saline ; 92 30 avec l'alcool. Ainsi l'accroissement du débit dé- terminé par une augmentation de la pression comme 1 à Zi, a été, avec la membrane du jabot, dans le rapport d'environ 1 à 17 pour l'eau, de 1 à 12 pour la dissolution de sel commun, et de 1 à 10 pour l'alcool (a). (a) Cima, SulV evaporazione e la transuda%ione dei liquidi attraverso le membrane animali (Memor. deW Accadem. délie scienae di Torino, 2° série, 1853, t. XIII, p. 281), PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. l/l3 coQime si elle était seule, augmente considérablement les effets déterminés par celte substance saline : et cela se conçoit faci- lement. Le chlorure de sodium provoque le resserrement des tissus organiques ; l'acide chlorhydrique paraît diminuer la force de résistance de la substance constitutive des membranes animales, et par conséquent son action sur celles-ci doit balan- cer plus ou moins l'influence du sel et rendre les passages interstitiels plus extensibles ; circonstance qui aura pour effet de rendre l'afflux de l'eau vers l'agent osmogénique plus facile, et par conséquent aussi d'augmenter les produits du travail endosmotique. L'addition d'une petite quantité de chlorure de sodium suffit d'ordinaire pour produire un effet contraire et pour diminuer notablement les produits endosmotiques dus à l'action des ma- tières auxquelles on l'associe ; or, ce résultat est également en parfait accord avec ce que je viens de dire touchant l'action constrictive de cette substance et l'influence que cette constric- tion doit avoir sur le débit des passages capillaires traversés par les courants endosmotiques (1). Je suis porté à croire aussi que certaines différences dans l'extensibilité des tissus d'une même membrane vers les deux surfaces opposées de celle-ci, et les modifications qui peuvent (1) Ainsi, dans une série d'expérien- tions, soit contenant 2 pour 100 de ce ces faites à l'aide d'un endosmomètre à sel ; mais lorsqu'il employait une dis- cloison de toile albuminée, M. Graham solution contenant 1 pour 100 de car- a vu que le liquide intérieur s'élevait, bonate et 1 pour 100 de chlorure, la dans l'espace de cinq heures, à envi- colonne endosmométrique ne montait ron 25 millimètres quand il employait que d'environ 60 ou 70 millimètres. Le une dissolution chargée de 1 centième mélange de ces deux substances avait de chlorure de sodium, et à IZiO ou à donc diminué de plus de moitié la 150 millimètres quand il faisait usage somme des effets osmotiques qu'elles d'une dissolution de carbonate de auraient produit si elles avaient agi soude , soit dans les mêmes propor- isolément (a). (a) Graharn, On Osmotic Force {Philos. Trans., 1854, p. 209). Mld ABSORPTION. Diffénnces eii résLilter dans la forme aussi bien que dans le calibre des dans le mode d'action passages intcrsUtiels, sont en partie la cause de l'inégalité qui des deux surfaces s'obscrvc parfoïs dans les produits du travail osmotique quand d'une . 1 1 1 • f membrane. 00 varic les rapports de la cloison perméable avec les liquides réagissants. MM. Matteucci et Cima ont vu qu'en prenant pour diaphragme osmotique un morceau de la peau d'une Torpille, en chargeant l'instrument avec une dissolution de gomme et en le plongeant dans un bain d'eau pure, le courant endosmotique faisait monter le liquide intérieur à une hauteur de 30 millimètres quand la gomme était en rapport avec la surface externe de la peau, et de .6 à 13 millimètres seulement quand celte membrane était tournée en sens inverse. L'eau a donc passé beaucoup plus facilement de la surface interne de la peau au dehors que de la siirface épidermique de celle-ci en dedans. Des résultats ana- logues ont été obtenus avec la peau de la Grenouille (1) ; et (1) Voici les résultats numériques de peau de Grenouille et chargé de obtenus par MM. Matteucci et Cima, sucre donnait une élévation de 50 ou en mettant alternativement les sur- même 80 millimètres lorsque la face faces opposées des membranes en rap- intérieure de la membrane était en port avec l'eau et en chargeant l'in- contact avec l'eau extérieure, et seu- strument avec diverses matières. lement de 2 millimètres quand c'était Le liquide intérieur s'est élevé aux la surface épidermique qui était en hauteurs suivantes, l'eau du bain rapport avec ce dernier liquide. Owand étant en contact avec les surfaces in- la peau d'Anguille a été détachée du diquées ci-dessous. corps de l'Animal depuis plusieurs n ,,. .,, , ,. , Externe. Interne. ïQurs , la différence dcvicnt nulle ; Peau d Anguille et dissolu- ■* ' lion de sucre 20-30 à 40- P^i"' la P^au de Grenouille, au con- Mème membrane et disse- traire, elle augmente pendant un cer- luiion de gomme 13 26 tain temps après le commencement de Peau de Grenouille et dis- l'expérienCC (a). solution de sucre 24 3G M. Graliam pensc que ces dille- Même membrane et disso- rcHces dépendent seulement de la pu- lution d'albumine d2 32 trescibilité plus ^grande des fibres Quelquefois l'endosmomètre garni musculaires adhérentes à la face in- fo) Matteucci et Cima, Op. cit. {Annales de chimie et de physique, 3° série, 1845, p. CG et suiv.). PHÉNOMÈNES (Ji-MOTIQUKS. 145 d'autres expériences faites sur la résistance hydrostati(jue des membranes animales montrent que la transsudation se fait aussi beaucoup plus facilement dans le même sens que dans la direc- tion opposée (1). Or, nous avons vu que les effets de l'action capillaire sont en raison inverse des diamètres des tubes dans l'intérieur desquels les liquides sont contenus, élevés à la- quatrième puissance (2) ; et par conséquent on conçoit que l'effort nécessaire pour déterminer l'écoulement varie considé- rablement, suivant que les orifices de sortie offrent des dimen- sions plus grandes ou plus petites, genre de différence dont l'existence est présumable dans les orifices par lesquels les cavités interstitielles débouchent aux surfaces opposées des membranes. Ainsi que je viens de le dire, la rapidité avec laquelle l'en- dosmose s'effectue est nécessairement subordonnée à deux circonstances : d'une part, à la grandeur des puissances attrac- tives qui déterminent le mélange des liquides réagissants ; terne de la peau; car, en faisant quand la position de celle-ci était ren- des expériences sur des morceaux versée. La différence devenait même de vessie, il a vu que les variations beaucoup plus considérable sous une déterminées par les changements de pression de 50 centimètres de mer- position de la membrane disparais- cure. Il est aussi à noter que l'iné- saicnt presque totalement lorsqu'on galité déterminée ainsi dans les pro- avait soin de dépouiller celle-ci aussi duits de la transsudalion était beau- complètement que possible du tissu coup plus grande avec une dissolution charnu adjacent {a) ; mais celte opi- saturée de chlorure de sodium, et au nion ne me paraît pas admissible. contraire plus petite avec une dissolu- (1) Ainsi, dans les expériences de tion ammoniacale. Dans le premier M. Cima , le temps employé pour cas , les produits obtenus dans des effectuer l'écoulement d'un volume temps égaux, sous une pression de d'eau à travers la peau de la Gre- 10 centimètres, ont été dans le rap- nouille, sous une pression de 10 cen- port de 1 à 10, ou même de 1 à 17, timètres de mercure, clail d'environ tandis qu'avec l'ammoniaque la diffé- 5 minutes quand le liquide élait en rence n'était que dans le rapport de contact avec la face interne de cette 1 à 2 ou 3 {h). membrane, et d'environ û7 minutes (2) Voyez tome IV, page 273. (a) Grafiam, On Osmotic Force {Philos. Trans., p. 187). (6) Ciina, Op. cit. [Mémoires de V Académie de Turin, 2° série, -1853, t. Xltl, [i, !i84). V. ,10 14() ABSORPTION. d'autre part, le degré de résistance que ces forces ont à vaincre pour déplacer l'un de ces corps et pour l'introduire dans l'es- pace occupé par celui qui se trouve du côté opposé de la cloi- son. Or, l'attraction adiiésive qui fait pénétrer le liquide absorbé dans les cavités interstitielles de la membrane, et qui le met , pour ainsi parler, à la portée de la substance osmogène, tend à le retenir dans ces mêmes cavités et s'oppose par conséquent à son écoulement dans ce dernier liquide. Il en résulte que, toutes choses étant égales d'ailleurs, plus cette attraction capil- laire sera grande, moins le courant endosmotique sera intense. Nous savons déjà, par la différence des hauteurs auxquelles les divers liquides s'élèvent dans les tubes capillaires, que cette attraction adhésive peut varier en puissance suivant la nature chimique, soit de la substance qui constitue le tube , soit de la matière qui y pénètre, et, en étudiant les mouvements des fluides dans les tuyaux de petit calibre, nous avons vu aussi que parfois ces circonstances influent beaucoup sur le débit d'un canal quand la force motrice reste constante. Nous pouvons donc prévoir que, toutes choses étant égales d'ailleurs, le temps nécessaire pour la réalisation du phénomène endosmotique sera d'autant plus long que le liquide absorbé sera plus fortement attiré par la substance de la membrane perméable, et que la route qu'il aura à y parcourir sera plus longue (1). Plus cette (1) Les expériences de M. Poi- lement de l'eau est ralenti par la seuille, dont j'ai déjà eu l'occasion de présence d'une certaine quantité de parler [a], montrent que le niouve- sulfate de potasse ou de magnésie en ment de l'eau dans les tuyaux capil- dissolution dans ce liquide, mais s'ac- laires peut, la force motrice étant célère quand on substitue à ces sels constante, devenir plus rapide ou plus du nilrale de potasse ou de l'iodure lent, suivant que ce liquide se trouve de potassium (6). On conçoit donc chargé de telle ou de telle autre ma- que, toutes choses étant égales d'ail- tière saline. Par exemple, que l'écou- leurs, l'eau qui pénètre dans l'endos- (a) Voyez ci-de?sus, tome IV, page 248 et suiv. (6) Poiseuille, Recherches expérimentales sur le mouvement des liquides de nature différente dans les tubes de très petits diamètres (Annales de chimie et de plujsiqiie, 3» série, 1847, t. XXI, p. no). PHÉNOMÈNES OSMOTKjUES. l/l7 cloison sera mince , poreuse et indifférente pour le liquide (jui la traverse, plus le courant endosmolique sera rapide sous Tinfluence d'une force osmogène dormée. Pour qu'il y nit endosmose, il faut que radraction adhésive exercée par la membrane sur l'un des deux liquides réagissants soit assez puissante pour l'emporter sur l'aclion capillaire (]ue celle-ci exerce sur l'autre liquide: mais, pourvu i:[ue cette condition se trouve remplie, l'accomplissement du phénomène sera d'autant plus facile, et par conséquent plus rapide, que ces attractions seront plus faibles. Il est une autre circonstance dont il faut également leiiii' influence compte dans l'étude des phénomènes osmotiques„ c'est la préeid^LÏ nature du liquide dont la substance de la cloison perméable la membrane, peut se trouver imprégnée avant le commencement de l'expé- rience. Nous avons déjà vu que les liquides adhèrent souvent d'une manière si forte aux corps solides mouillés par eux, qu'il est extrêmement difficile de les en détacher com[)létement, et que la présence d'une couche de matière étrangère, tellement mince qu'elle échappe à l'observation, peut suflire pour empê- cher la surtace ainsi souillée d'exercer sur un autre liquide son action attractive ordinaire. Les effets de capillarité jouant un grand rôle dans le passage des liquides au travers des cloisons perméables , passage qui constitue la base des phénomènes osmotiques., nous devons donc nous attendre à voir ceux-ci être subordonnés, dans certaines limites, non-seulement à la na- ture chimique de la substance constitutive du diaphragme, mais aussi aux qualités des hquides dont cette substance peut se momètre peut y arriver tantôt plus vite et d'autres fois plus lentement, suivant que ce liquide est exempt de tout mélange, ou bien quïl se trouve chargé de matières qui augmentent ou qui diminuent le degré de son adhé- rence aux parois des cauaux capillaires dont la membrane osmotique est creusée. Au sujet de rinflueuce de l'épaisseur de la membrane sur la rapidité des courants osmotiques, je renverrai à ce que j'ai déjà dit sui- tes mouvements des liquides dans les tubes capillaires (lome IV, page 272). 148 ABSORPTION. trouver imprégnée. L'expérience prouve qu'effectivement il en est ainsi, et, en variant les liquides dont la paroi perméable d'un endosmomètre est imbibé, on peut même changer la direc- tion du courant qui la traverse. Par exemple, si l'on place de l'eau dans un vase de terre, et qu'on immerge celui-ci dans un bain d'alcool, ce dernier liquide mouillera le vase moins rapi- dement que ne le fera l'eau, et bientôt un courant s'établira de dedans en dehors de la même manière que dans une des expé- riences dont j'ai déjà rendu compte en traitant de l'action osmotique des membranes animales (1); mais si le vase poreux a été préalablement imprégné d'une matière grasse qui y adhère beaucoup, un phénomène inverse se produira ; ce sera l'alcool qui Iraversera la cloison pour aller se mêler à l'eau extérieure, tout comme dans le cas où nous avions choisi pour diaphragme entre ces deux liquides une lame mince de caout- chouc (2). L'activité du courant endosmotique que détermine une sub- stance donnée peut être accrue ou diminuée par la présence d'une très petite quantité de certaines matières qui semblent rendre le tissu de la cloison osmotique tantôt plus, tantôt moins apte à se laisser imbiber (5). Ainsi, M. Graham a remarqué (1) Voyez ci-dessus, page 113. pour dimiiuier beaucoup les effets en- (2) M. Lherrnite a fait cette expé- dosmotiques produits d'ordinaire par rience en impréguant le vase poreux ces substances, et qu'en augmenlant la avec de l'huile de ricin (a); mais il est dose de cet acide il déterminait un à noier que l'effet ainsi obtenu n'est abaissement dans le niveau du liquide pas permanent, et qu'au bout d'un intérieur. Il avait d'abord supposé que temps plus ou moins long, l'huile est l'acide sulfhydrique possédait la fa- déplacée, culte de s'opposer à l'action endosmo- (3) Dutrochet a constaté que la pré- tique (6), et celle opinion a été l'objet sence d'une très petite proportion de critiques trop vives (c); mais il ne d'acide sulfhydrique dans une disso- tarda pas à reconnaître que le phéno- lution dégomme ou de sucre suffit mène en question dépendait de l'inlen- (ffl) Lliermile, Recherches sur l'endosmose {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1854, t. XXXIX, p. 1179). (6) Dulrocliet, L'agent immédiat du mouvement vital dévoilé. (c) Magcndie, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, t. I, p. 96, etc. PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. l/lO que les tissus enduits d'albumine coagulée donnaient, avec le sulfate de soude, des produits beaucoup plus considérables que d'ordinaire quand ils avaient subi préalablement l'action d'une dissolution même extrêmement faible de carbonate de potasse, et que la modification effectuée de la sorte persistait pendant fort longtemps, malgré le lavage de la membrane, mais n'était pas permanente (1). On voit donc que les propriétés osmotiques des membranes animales peuvent être grandement modifiées par le seul fait de l'introduction dans leur épaisseur d'un liquide déterminé ou de la présence de celui-ci à leur surface, et j'insiste sm^ ce point, parce que certains phénomènes d'absorption dont nous silé relative des deux courants contrai- res, l'acide donnant lieu à un courant vers Peau dont les effets masquent plus ou moins oudépasseni ceuxd(5pendants du courant de l'eau vers le sucre (a). Des faits du même ordre , et non moins remarquables, ont été consta- tés par M. i'oiseuille en mêlant de très petites quantités de chlorhydrate de morphine à cerlaines dissolutions salines. Ainsi, en chargeant l'endos- momètre avec une dissolution de chlo- rure de potassium et en plongeant l'instrument dans un bain de sérum, ce physiologiste vit le liquide inté- rieur s'élever assez rapidement à une liauteur de 9 millimètres; mais, en substituant à la dissolution du sel po- tassique pur une dissolution du même sel mêlé à du clilorhydrate de mor^ phine en très petite proportion , le mouvement endosmotique n'a été que de 6 millimètres et a été bientôt suivi d'un phénomène d'exosmose très pro- noncé (6). (1) En employant pour cloison os- motique une doui)ic membrane , la dissolution de sulfate de soude parfai- tement neutre et au litre de J/100, M. Graham obtint une ascension de 20 ou de 21 millimètres; mais, eu ajoutant à cette dissolution saline un dix-millième de carbonate de potasse, il faisait monter la colonne endosmo- tique à 101 et même à 167 millimètres. Or, le carbonate alcalin employé seul dans les mêmes proportions n'aurait donné que de 17 à 23 millimètres, et, après avoir fait macérer la cloison ainsi imprégnée dans de l'eau pendant toute une nuit, M. Graham trouva qu'elle produisait avec la dissolution de sulfate de potasse pure une ascen- sion de 65 millimètres au lieu de 20, comme avant son imprégnation de carbonate alcalin (c). (a) Dutrochet, De l'endosmose {Mémoires, t. î, p. 65). (6) Poiseuille, Recherches expérimentales siir les médicaments {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1844, t. XIX, p. lOOi). (c) Graham, On Osmolic Force {Philos. Trans., p. 2H). 150 ABSORPTIOjS*. aurons bientôt à nous occuper trouveront ainsi leur explica- tion. Je suis porté à croire aussi que Tinégalité dans l'intensité de l'action osmotique qui, dans certains cas, s'observe entre les deux surfaces d'une même membrane animale, dépend souvent de quelque circonstance de ce genre, c'est-à-dire d'une diffé- rence dans la nature chimique, soit du tissu, soit des li(juides dont ce tissu est imprégné, dans le voisinage immédiat de ses surfaces (l). Peut-être faudra-t-il attribuer également à des modifications du même ordre les phénomènes qui se mani- (1) MM. Matleucci et Cima ont vu qu'en employant comme cloison per- méable la peau de divers Animaux, et en chargeant rendosmomètre avec de l'akool, le courant s'établit toujours de l'eau vers ce liquide, mais que l'in- lensité du courant, endosmotique va- rie beaucoup suivant que leau entre dans la substance de ce tissu orga- nique par la face interne ou par la face épldermique de la membrane. L'eau qui serendait à l'alcool, en pas- sant de la face épidermique vers la face interne de lu peau de la Gre- nouille, faisait monter la colonne en- dosmomélrique jusqu'à une hauteur de /lO millimètres, tandis que dans les cas où la surface épidermique était en contact avec l'alcool et la lace interne de la membrane en rapport avec l'eau, l'ascension ne dépassait pas 20 miUimèlres. Avec la peau d'Anguille, ces diffé- rences sont en sens inverse ; le cou- rant endosmotique formé par l'eau qui se rend à l'alcool est le plus puissant quand le premier de ces liquides arrive par la surface interne du derme (a). Il me paraît probable que ces diffé- rences dépendent du mode de distri- bution de la matière grasse dans la substance de la peau de ces Animaux. I^es hislologistes savent qu'elle n'est pas répandue d'une manière uni- forme, mais logée dans des utricules spéciaux. Eifeciivement, il suflirait de l'existence d'un nombre plus considé- rable de ces points imperméables à l'eau vers la surface interne du derme ou à sa surface externe pour rendre l'imbibition de ce liquide plus facile par l'une ou par l'autre de ces voies, et pour changer par conséquent la puissance du courant osmotique, sui- vant que l'eau se trouve en contact avec l'une ou avec l'autre de ces sur- faces. Or, il ne serait pas im ossible que la distribution de la graisse ne fût pas la même dans la peau de l'An- guille et dans celle de la Grenouille. Avant de rien conclure de ces faits, il faudrait donc en faire une élude plus approfondie. (fl) Matteucci et Cima, Op. cit. {Ann. de ohimie et de physique, 1845, 3° série, t. Xlll.p. 68).. Causes PHÉNOMÈNES OSMOTlQL'ËS. l5l Testent quand l'osmose s'elïectiie sous l'inikience de forces électriques ; mais, pour le moment, je n'aborderai pas cette question, voulant, au préalable, compléter l'exposé des faits fondamentaux de l'histoire des actions osmotiques. § 15. — Si nous cherchons maintenant à nous rendre compte ^^^ .aHation* des circonstances qui peuvent influer sur le courant exosmo- ,^ ^^^^'^^^ tique, c'est-à-dire sur la diffusion des molécules de la matière <^>^05™'"'q"e- active en sens inverse du mouvement d'afflux déterminé par celle-ci, nous aurons à considérer en premier lieu les relations qui peuvent exister entre la rapidité avec laquelle ce pliénomène se produit et la valeur des résultats fournis par le jeu des mêmes forces dans un milieu où ces molécules se meuvent librement. Nous avons déjà vu que la rapidité avec laquelle diverses sub- stances se répandent au loin dans le sein d'un même liquide varie beaucoup, ^ il ne me parait pas douteux que la facilité plus ou moins grande de ce transport contribue à régler le mouvement des courants exosmotiques : ainsi les deux substances que jai citées comme étant remarquables par la fai- blesse de leur pouvoir diffusif dans l'eau, l'albumine et la gomme, sont aussi, de tous les agents osmogènes connus, ceux qui fournissent le moins de matière au bain situé du côté opposé d'une cloison membraneuse. D'autre part, nous voyons que les acides, dont la diffusion se fait toujours avec un grande rapidité, sortent de l'endosmomètre en volume presque égal ou même supérieur à celui de l'eau qu'ils y attirent du dehors. Mais les relations entre la dilfusibilité des corps dans un liquide libre et leur pouvoir exosmotique sont loin d'être con- stants, et souvent on voit deux substances qui, sous le premier rapport, diffèrent à peine l'une de l'autre, remonter les courants cndosmotiques et traverser les cloisons perméables pour se répandre dans le Hquide adjacent avec des vitesses très diffé- rentes; entin, dans certains cas, les résultats de la diffusion libre et de la diffusion à travers les passages capillaires sont 152 ABSORPTION. dans un désaccord plus grand encore, car c'est la matière la moins diffusible dans les circonstances ordinaires qui alors se déplace avec le plus de rapidité. Pour faire un pas de plus dans l'étude de cette question, il nous faut donc examiner l'action que la cloison au travers de laquelle la diffusion exosmotique s'opère, peut avoir sur le déplacement de matière que cette force répulsive tend à opérer, et, pour comprendre comment cette aclion s'exerce, il est nécessaire de se rappeler la manière dont les molécules d'une dissolution saline- se distribuent dans l'intérieur d'une cavité capillaire. En étudiant les phénomènes d'imbibition (1), nous avons vu que les particules des corps en dissolution ne sont pas réparties uniformément dans toutes les couches du menstrue ainsi placées, quand celui-ci exerce sur la substance des parois deja cavité une action attractive plus grande que celle de ces mêmes particules; qu'il se fait alors, sous l'influence de la paroi à laquelle le liquide adhère , une séparation entre les molécules qui sont associées dans la dissolution , et que , par suite de ce départ, la couche extérieure du liquide ne se trouve contenir que peu ou point de la matière dissoute, mais que la proportion de celle-ci augmente progressivement de la circonférence vers le centre de la masse fluide ainsi entourée (2). Or, ce qui a lieu pour un mélange qui était uniforme dans sa constitution doit avoir lieu, à plus forte raison, pour un mélange (1) Voyez ci-dessus , page 88 el série de reclierclies pour soumellre suivantes. celte tliéorie a i'éprciive de l'expé- ('2j M. Finie a fait voir que celle rience. Les résultais qu'il a oljtenus conséquence découle des vues théo- ne sont pas tous concluants, mais pa- riques de M. Bri'icke, relatives au raissent être généralement favorables mode de diflusion des liquides au tra- à cette manière d'exj)liqiicr les phé- vers des membranes, et il a fait une nomènes osmotiques [a). (a) Fiiik, Veber Diffusion (PoiïîîonilorIT's Annalen der Pliysik und Chemie, 18r)5, t. XCIV, p. 59). wîénomèxes osmotiques. ^53 qui [end à s'élablir. et par consi'qut'iit chacun des petits fdets d'eau qui occupent les passages capillaires de la cloison osmo- tique, et qui constituent les voies par lesquelles la diffusion de la substance osmogénique s'opère, doit opposer moins d'obstacle à la pénétration près de son axe que près de sa surface. Nous savons aussi, par l'exa^nen que nous avons fait des actions capillaires, que l'intluence attractive des parois d'un canal de ce genre décroit très rapidement avec la dislance, et par con- séquent la couclie liquide où l'équilibre entre les molécules du rnenstrue et de la nii.tiere dissoute se trouve ainsi troublé ne peut avoir qu'une faible épaisseur. Il en résultera donc que l'obstacle né de la plus grande intensité de l'action attractive des parois sur les molécules du rnenstrue aura d'autant moins d'influence sur le courant exosmotique que l'épaisseur de cette couche peu ou point accessible à ces molécules sera une fraction plus petite du rayon du cylindre liquide dans lequel la dilfusion s'effectue. Ainsi, supposons que, dans un cumluit de ce genre, une dissolution chargée d'une quantité donnée de chlorure de sodinm se modifie de façon que la couche liquide en contact avec les parois ne contienne en moyenne que 70*00 fie sel et qu'elle ait jf^ de millimètre d'épaisseur, tandis que la portion centrale du cylindre hquide contienne 70 de sel : il est visible que l'existence de la couche formée de la dissolution faible n'aura aucune influence notable sur le degré de concentration de la quantité totale du liquide, si le canal a un millimètre de diamètre, mais en exercerait une très grande si ce même canal n'avait que ï^ de millimètre , et diminuerait encore davantage le titre de la dissolution à laquelle le conduit livrerait passage, si le calibre de celui-ci était réduit à fiir de milli- mètre, car alors il ne se laisserait traverser que par la couche chargée de tôVû de sel. Nous pouvons donc prévoir que dans les canaux capillaires i 5il ABSORPTION. de grande section la diffusion s'effectuera à peu près comme dans un liquide libre, et que sa rapidité ne sera guère dimi- nuée que par celle du courant en sens inverse que les molé- cules mises en mouvement par leur force répulsive auront à remonter pour gagner le liquide situé de l'autre côté de la cloi- son perméable ; mais que dans les voies capillaires très étroiles il en sera autrement, et que les produits de la diffusion pendant un temps donné décroîtront à mesure que le calibre des pas* sages interstitiels deviendra plus petit. Il en résulte que l'équivalent endosmotique d'un corps, c'est- à-dire la quantité d'un autre corps qui se substituera à une quantité déterminée du premier par l'effet des écbanges osmo- tiques, ne saurait être une valeur conslante, et doit varier avec les dimensions des passages interstitiels à travers lesquels ces écbanges s'effectuent. Toutes choses étant égales d'ailleurs, cet équivalent devra s'élever, suivant une certaine loi, avec l'abais- sement du diamètre des conduits capillaires dont la cloison osmotique est creusée (1). (1) M. Grahara n'a pas pris en con- miné comme diaphragme et ime tlis- sidéralion les relations qui peuvent solution de carbonaie de soude au exister entre le degré de perméabilité même titre (10 pour 100), la résis- des cloisons osmotiques et les quan- tance hydrostatique était de 12 dans tités de la matière qui s'échappe par un cas et de 6 seulement dans l'autre, voie de diffusion comparées à celle de Or, dans la première expérience, l'as- l'eau qui vient en occuper la place; cension du liquide intérieur é'.ait de mais on trouve dans les détails de ses 20Zi et la diffusion de is',56; dans la expériences plusieurs faits qui vien- seconde, l'ascension était de 163 de- nent à l'appui des vues exposées ci- grés et la diffusion de ls',i3. Par con- dessus. Ainsi, ce savant a souvent séquent, une même quantité de sel a évalué la résistance hydrostatique du été remplacée par environ IZi volumes diaphragme de l'osmomètre par le quand la résistance hydrostatique était temps écoulé entre la chute de deux considérable, et par 8 volumes d'eau gouttes d'eau distillée filtrant à raison quand cette résistance était moitié de son poids au travers de cette cloison moindre. Je trouve aussi dans cette sé- membraneuse quand l'instrument était rie d'observations faites avec des disso- suspendu dans l'air; et, dans deux huions du même sel au titre de 1/100, expériences faites avec un tissu albu- des cas dans lesquels les résistances PHÉNOMÈNES OSMOTIOUES. 155 Ces considérations théoriques nous donneront la clef de divers phénomènes osmotiques qui ont été enregistrés par les expérimentateurs, et qui semblaient de prime abord inexpli- cables. Ainsi un jeune physiologiste de l'école de Dorpat, M. Harzer, a fait dernièrement une série d'expériences comparatives sur les équivalents endosmotiques du chlorure de sodium séparé de l'eau pure par des membranes animales dont le tissu était tantôt dans son état naturel, et dans d'autres cas avait été rendu plus dense ou plus lâche par l'action de divers réachfs chimiques. 11 a trouvé qu'en garnissant son endosmomètre avec un morceau de péricarde de Bœuf à l'état frais, un volume de sel commun était remplacé dans l'instrument par près de 5 volumes d'eau; mais que si la même membrane avait été préalablement attaquée par de l'acide sulfurique faible, l'équi- valent de chlorure de sodium descendait au-dessous de Zi. L'action de l'acide tannique sur la même cloison osmotique déterminait une augmentation de l'équivalent qui, dans une expérience, s'est trouvé être alors 7,6; enfin, en soumettant la hydrostatiquos étaient de 3 et de 6 : amener l'échange d'un même poids dans la première, 1 centigramme de sel de sel pour moins de 1 volume a été remplacé par 11 volumes d'eau, d'eau (a). et dans le second par 10 volumes du Dans une autre série d'expériences, même liquide. Enfin, en opérant avec portant sur un mélange de nitrate une dissolution au litre de l/lOOO, d'urane et d'acide nitrique, pour un et une cloison dont la résistance hy- même volume d'eau absorbée, les drostatique était représentée par 10, pertes par dififusion ont étéde A6 avec l'unité en poids du carbonate potas- une résistance hydrostatique repré- siqne était remplacée par plus de sentée par 1, et de 19 avec une résis- 37 volumes d'eau ; tandis qu'avec une tance hydrostatique de 3 (.6;. dissolution plus concentrée (1 p. 100) Ainsi, dans tous ces cas, l'équiva- et une résistance hydrostatique de 6, leqt endosmotique s'est élevé lorsque la ditïusion s"esL accrue de façon à la cloison était moins perméable. (a) Graham, On Osmotic Force [Philos. Trans., p. 209). (6) Idem, iMd., p. 222. 156 ABSORPTION. membrane à l'action de l'acide chromiqiie avanl de l'employer à la construclion de l'endosmomètre , il a obtenu pour équiva- lent de sel commun jusqu'à 25,4. Dans ce dernier cas, chaque molécule de chlorure avait été remplacée par environ six fois plus d'eau que dans l'expérience où l'absorption de l'eau s'était effectuée à travers une membrane attaquée par l'acide sulfu- rique (1). Or, nous savons, par d'autres observations dont les anatomistes ont tiré grand profit, que l'immersion des tissus animaux dans une dissolution d'acide chromique les rend plus consistants, plus denses; nous savons aussi que le tannage pro- duit sur les membranes animales un effet analogue, tandis que l'immersion dans l'acide sulfurique dilué en augmente la per- méabilité. Les résultats obtenus par M. Harzer sont donc en parfaite harmonie avec les données fournies par la théorie physique des phénomènes osmotiques. Une autre conséquence de ce mode de distribution des par- ticules du corps dissous dans les diverses couches de chacun des petits filets liquides renfermés dans les canaux capillaires de la cloison, c'est que le rapport entre la quantité du liquide extérieur qui pénètre dans l'endosmomètre et la quantité de matière osmogène qui s'échappe au dehors par diffusion doit varier avec le degré de concentration de la dissolution, et que l'équivalent doit croître avec la densité de celle-ci. Cette diminution relative dans les produits de la diffusion (1) Ces expériences se trouvent des membranes à déterminer l'en- dans le mémoire que j'ai déjà eu l'oc- dosmose ; mais il n'a pas examiné le.s casion de citer {a). M. Langeau a changements que la modification du étudié aussi l'influence que le tannin, tissu produit de la sorte peut exercer le sublimé corrosif et quelques autres sur la valeur des équivalents endos- substances exercent sur l'aptitude motiques (6). (n) Harzer, Beitrâge zur Lehre Von der Endosmose {Arch. fur physioL Meilkunde, 4856, t. XV). (6) Langeau, Note sur certaines substances auxquelles on attribue la propriété de prdvenir l'absorption en déterminant l'obstruction des vaisseaux capillaires superficiels [Comptes rendus de la Société de biologie, 2' série, 1855, t. II, p. 38). PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 157 comparés à la recelte endosmotique, à mesure que la quantité de matière à la fois diffusible et osmogène augmente, est facile à constater expérimentalement , et je m'étonne que M. Graham n'en ait pas été frappé, car elle est manifeste dans plusieurs des séries de résultats consignés dans le travail de ce chimiste habile. Je me bornerai à en citer ici un exemple. En employant une dissolution de sulfate de magnésie à divers degrés déconcentration, une partie de ce sel s'est répandue au dehors pendant que l'instrument se chargeait de : 5,16 volumes d'eau avec la dissolution chargée de 2 pour 100 de sel; 5,76 volumes d'eau avec la dissolutron à 5 pour 100 ; 6,01 volumes d'eau avec la dissolution à 10 pour 100 ; 6,57 volumes d'eau avec la dissolution à 20 pour 100 (1). Mais lorsque la substance de la cloison perméable est en partie dissoute par l'action du réactif employé, circonstance qui doit amener l'agrandissement des passages capillaires, la proportion de la matière osmogénique qui s'échappe par diffusion, comparée à la quantité d'eau qui pénètre dans l'en- (1) Dans une autre série d'expé- en poids à 1,1 ou 1,2, avec desdisso- riences faites également avec du sul- lutions à 2 pour 100, et à 2,2 avec fatc de magnésie, M. Graliam a obtenu une dissolution chargée de 10 pour comme équivalent endosmotique de 100 de sel (6) ; mais je dois ajoutei- ce sel : que, dans des expériences faites avec 5,3 avec la dissoiuiion à 2 pour 100; unc double cloison, les résultats ont 5,9 avec la dissoiuiioa à 5 pour 100; bcaucoiip varié. Voici uu autre exem- 6,3 avec la dissolution à 10 pour 100 (a). pie fourni par le clilorure de calcium : Je vois aussi que, dans une série l'équivalent endosmotique était de 0,3 d'expériences faites avec un endos- avec la dissolution de 2 pour 100 ; momètre à membrane simple qui de 0,8 avec la dissolution à 5 pour offrait une résistance hydrostatique 100; et de 2,3 avec la dissolution uniforme, l'équivalent endosmotique à 10 pour 10J3, la résistance hydro- du chlorure de sodium s'est élevé statique restant constante (c). (a) Graham, On Osinotic Force {Philos. Trans., 1854, p. 201). (6) Idem, ibid., p. 202, tab. 8. (c)ldem, ibid.,f. 204. 1«58 ' ABSORPTION. dosmomètre, augmente avec la concentralioii de la dissolution employée (1). La persistance de la distension du tissu perméable déterminée par l'inliltration capillaire paraît susceptible de diminuer l'élas- ticité de ces corps, et d'amener ainsi un élargissement dans le calibre des passages interstitiels à travers lesquels la diffusion exosmotique s'effectue. Cela explique comment des cloisons qui, au comuiencement d'une expérience, donnent lieu à rétablissement d'un certain équivalent endosmotique, fournis- sent souvent un équivalent plus faible quand l'épreuve a duré longtemps (2). 11 me semble probable que les différences observées dans le volume des équivalents endosmotiques d'une même substance, quand on emploie diverses membranes animales comme cloi- son osmotique, dépendent en partie de l'inégalité dans le (1) Ainsi, en employant une disso- hUion de carlwnate de potasse au litre de 2/100, M. Graham a vu que la résistance liydrostatique était de 20, et l'équivalent a été en moyenne de 5,6 ; tandis qu'avec une dissolution au litre de 10/100, la résistance hy- drostatique est descendue à 16, et l'équivalent endosmotique est tombé à 13 (a). (2) Un exemple très remarquable de variations dans les produits du travail osmotique dont l'explication semble être donnée de la sorte, nous est ollert par une expérience de Du- trochet, dont j'ai déjà eu l'occasion de dire quelques mots. Ce physiologiste a vu qu'en employant comme dia- phragme osmotique un morceau de taffetas gommé, c'est-à-dire un tissu revêtu d'une couche mince de caout- chouc, et le plaçant entre de l'eau et de l'alcool, le courant endosmotique s'établissait de ce dernier liquide vers le premier. Il a vu aussi que, pendant les premiers temps de l'expérience, il ne passait pas d'eau en sens inverse , mais qu'après une certaine durée de l'action endosmotique, une petite quan- tité de ce liquide traversait la cloison de caoutchouc pour se répandre dans l'alcool (6). Ce phénomène de diffu- sion ne s'est donc produit que lorsque l'alcool dont la cloison de caoulchouc s'était pénétré avait eu le temps né- cessaire pour élargir à un certain de- gré les interstices capillaires de cette substance en balançant sa force élas- tique. (a) Graham, loc. cit., p. 206, tab. 13. (6) Dulrochel, De l'endosmose {Mémoire pour servir à l'histoire anatomique et physiologique des végétaux et des animaux, t. I, p. 19). PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 159 calibre des passages que ces tissus organiques offrent pour l'accomplissement des échanges entre les liquides hétérogènes. Comme exemple de ces différences, je citerai encore une expé- rience de M. Harzer. En employant comme cloison osmotique le péricarde du Bœuf, l'équivalent de sel commun était 4, et, en substituant à cette membrane un morceau de la vessie du même Animal, cet équivalent a dépassé 6 (1). D'après ce que nous savons de la grande inégalité des actions capillaires exercées par un même tissu perméable sur des liquides de nature différente, ou par des tissus différents sur un même liquide, nous devons penser aussi que les obstacles opposés à la diffusion des molécules en dissolution par les parois des canaux capillaires varieront également en force sui- vant la constitution chimique des substances qui forment ces parois, et qu'il y aura là une nouvelle cause de variations dans la valeur des équivalents endosmotiques. Comme exemple de l'influence que la cloison perméable peut exercer sur les produits de la diffusion de diverses sub- stances, je citerai en premier lieu les résultats obtenus par M. Mialhe en étudiant les courants exosmotiques qui s'établissent au travers de la membrane interne de la coquille de Tœuf de la Poule, quand on la dénude et qu'on la met en contact avec l'eau. Des phénomènes endosmotiques se manifestent bientôt; (1) Voici quelques-uns des résultats -^,3 avec la vessie de Cochon ; numériques obtenus dans des expé- ^'* avec la vessie de Bœuf (a). riences comparatives faites avec des r> ^ • ■ i ^ Dans des expériences analogues membranes dont le tissu était plus ou ,. ., »! ,-,1 u •^ faites par M. Olechnowicz, en em- moins serré. L'éciuivalent du chlorure , , ■ . , , ' ployant comme cloison osmotique de sodium s'est trouvé de : , . , ,, ,. ,,, une lame mince de coilodium, l e- 2,9 avec la vessie natatoire d'un Poisson ; quivalent du sel COmmun s'cst élevé 4,0 avec le péricarde de Bœuf ; à 10,2 (6). (a) Harzer, Beitrâge zur Lehre von der Endosmose {Avcidvfûi' physioloylsche Ueilkmide, 1850, t. XV, p. 202etsuiv). (6) F. OlecbnoY/icz, Expérimenta quxdam de endosniosi {liisscrt. inaug.). Dorpat, 1851. 160 ABSOai'TlON. l'eau du dehors pénètre dans l'intérieur de l'œuf, et une partie des matières salines qui se trouvent dans ce corps s'en échappent pour se répandre dans le bain extérieur ; mais M. Mialhe assure que l'albumine de l'œuf ne passe pas. Quand on emploie la mem- brane externe de l'œuf de la même manière, en y plaçant du sucre ou du sel commun pour exciter l'action osmotique, l'eau du dehors y pénètre et s'y accumule également ; mais il y a en même temps exosmose, et le sucre, ainsi que le sel, se répand dans le bain extérieur. Par conséquent, la diffusion de l'albu- mine est empêchée ou rendue extrêmement fliible par une cloison perméable qui non-seulement se laisse traverser par l'eau, mais qui permet la diffusion du sucre et du sel (1). Nous avons déjà vu que dans certains cas les deux surfaces opposées d'une membrane animale n'exercent pas la même action capillaire sur les liquides qui les baignent, et qu'il en résulte des variations dans l'intensité du courant endosmotique, quand les rapports entre la cloison perméable et la substance osmogénique viennent à changer. Il paraît en être de même pour le passage de ces dernières matières par voie de diffusion dans l'intérieur des courants affluents jusque dans le bain adja- cent, et il en résulte que le produit de l'échange osmotique peut être augmenté ou diminué par l'influence exercée de la sorte (1) Pour pratiquer celle expérience, stance dans son état naturel, soit M. Mialhe enlève une petite porlion qu'on la batte préalablement avec delà coquille à Tune des extrémités de de l'eau et qu'on la filtre avant d'en l'œuf et soutient la membrane dénu- charger l'endosmomèlre. M. Mialhe dée à l'aide de bandelettes de liégc a obtenu les mêmes résultais en sub- entrecroisées ; puis il fait un trou à slituant au blanc d'œuf du sérum du l'extrémité opposée de l'œuf, et y sang (a). Mais je dois ajouter que, adapte un tube qu'il lute avec delà dans des expériences analogues faites cire. Il assure que l'albumine reste par M. Béclard, les mêmes résultats emprisonnée dans le réservoir ainsi n'ont pas été obtenus, et le passage constitué, soit qu'on laisse celte s ub- de l'albumine a pu être constaté (6). (a) Mialile, Chimie appliquée à la physiologie, p. 139 et suiv. ib) Béclard, Mémoire sur la théorie de l'endosmose {Canette des hôpitaux, 1851, p. 3^4). l'HÉNOMÈNES OSMOTIQUES. IGl sur l'exosmose aussi bien que sur l'endosmose. Ainsi, quand on fait usage de la muqueuse gastrique de l'Agneau, et qu'on charge l'instrument avec une dissolution d'albumine, l'eau exté- rieure pénètre en plus grande quantité à travers la membrane lorsque celle-ci est en contact avec ce dernier liquide par sa sur- face péritonéalej mais si l'on substitue à l'albumine un dissolu- tion de sucre, l'ascension du liquide intérieur est la plus consi- dérable quand l'eau arrive par la surface épithélique. Or, dans le premier cas, quelle que soit la direction du courant endos- motique, les produits du courant contraire, c'est-à-dire la fpian- tité d'albumine répandue au dehors est très faible ; et nous pouvons conclure de ce fait que les différences dans les résul- (ats de l'expérience, quand on change les rapports de la mem- brane avec les liquides réagissants, dépendent principalement de la pénétration plus facile de l'eau par la surface musculaire ou péritonéale de la muqueuse que par sa surface épithélique. Mais les résultats, ai-je dit, sont autres quand on substitue à l'albu- mine une dissolution de sucre. Cela ne semble pas devoir dépendre d'une influence inégale que le sucre exercerait sur le courant endosmotique, quand cette substance est en contact avec telle ou telle surface de la membrane, mais plutôt à la facilité plus grande que le courant contraire formé par les molécules de sucre qui s'échappent par diffusion trouve à tra- verser la muqueuse gastrique quand ces molécules y pénètrent par la surface épithélique, au lieu d'y arriver par la surface détachée des autres tuniques de l'estomac (1) (1) Il est aussi à noler qu'en faisant était en contact avec la suiTace épi- usage de la muqueuse s^astrique de thélique, et l'eau en rapport avec la divers Carnivores, ]\1M. Matteucci et surface péritonéale ; mais lorsque Cimaontobtenudes résultats inverses. l'eau baignait la surface épithélique Ainsi, avec la tunique interne de l'es- delà muqueuse, le liquide n'est monté tomac du Chien, ils ont vu la colonne dans l'endosmomètre qu'à 8 milli- endosmométrique s'élever à 60 milli- mètres. mètres quand la dissolution sucrée Dans les expériences citées ci-des- V. 11 ] 62 ABSORPTION. L'influence que la nature chimique du liquide logé dans les cavités capillaires d'un tissu organique peut exeixîer sur la diffusion de la matière osmogène à travers ces passages, ou, en d'autres mots, sur l'intensité du courant exosmotique, et par conséquent aussi sur la valeur du produit de l'échange, est mise en évidence par l'expérience suivante. Si l'on emploie comme cloison osmotique la membrane interne de la coquille de l'œuf, et qu'on charge l'instrument ainsi préparé avec de l'albumine, cette matière ne s'échappera pas en quantité notable si le liquide réagissant est de l'eau pure ; mais si l'on substitue à ce bain une dissolution de chlorure de sodium, une quantité considérable d'albumine se répandra au dehors^ bien que le courant endosmotique continue à se diriger vers l'intérieur du réservoir et à augmenter le volume de la dissolution albumineuse qui s'y trouve logée (1). sus, les hauteurs observées furent, avec la membrane gastrique de l'A- gneau et le sucre : 66 à 72 millimèlres, quand l'eau élait eu contact avec la surface épitlié- lique de la membrane. 54 à 56 millimètres, quand l'eau était en contact avec l'autre surface de la membrane, et le sucre en rapport avec sa surface épitlié- lique. Avec le blanc d'œuf: 11 à 22 millimètres, quand l'eau baignait la surface épithélique, et l'albu- ' mine la surface péritonéale. 23 à 35 millimètres, quand l'eau était en contact avec la surface périto- néale, et l'albumine en contact avec la surface épithélique. Avec la tunique muqueuse de Tes- tomac du Chat, une dissolution gom- meuse a donné une ascension de : 38 millimètres, quand l'eau était en contact avec la surface viscérale, et la gomme en rapport avec la surface cpitliélique. 4 4 millimètres, quand l'eau était en contact avec la surface épithélique (a). (1) En opéiantde la sorte avec une cloison osmotique formée par la mem- brane interne de la coquille de l'œuf, M. Wittich a vu qu'en présence de l'eau pure, 2 centimètres cubes d'une dissolution albumineuse augmentaient en volume de 3" ,5 et ne laissaient échapper que Os',015 de substance organique. Mais , en substituant au bain d'eau distillée un bain d'eau salée contenant 3,7 pour 100 de chlorure de sodium, la même quantité de dissolution albu- (a) MaUeucci cl Cima, Op. cit. {Annales de chimie et de physique, o° série, 1845, t. XIII, p. 73 i et suiv.). ) PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 16o Il est aussi à noter (|iie le degré d'intensité des courants exosmotiques peut être augmenté on diminué par le fait de l'as- .sociation de certaines matières osmogènes. § 16. — En résumé, nous voyons donc que tous les fails Résumé. Ibndamentaux de l'hisloire des phénomènes osmotiques trouvent leur explication dans les lois connues de la capillarité, de l'at- traction adhésive ou de l'affinité chimique des liquides héléro- gènes, et de la diffusion des corps en dissolution ; mais il ne faudrait pas en conclure que des effets analogues ne puissent être dus à d'autres causes, ni que des forces dont je n'ai pas tenu compte jusqu'ici n'exercent aucune influence sur la valeur, ou même sur le caractère des résultats obtenus de la sorte. Ce serait tomber dans une erreur grave, et le physiologiste a par- ticulièrement besoin de connaître le rôle de ces agents acces- soires. § 17. — Ainsi, la chaleur peut déterminer de grandes modi- i„nuenœ lications dans le jeu des forces dont dépendent les mouvcmenls i^ lempLtme de translation et les échanges qui constituent le phénomène com- ,^3 phlnomènes ])lexe dont l'étude nous occupe ici. Nous avons vu précédem- "-'"'"'"i"''' ment que l'élévation de la tenifiératurc tend à diminuer les effets dus aux actions capillaires, mais active le travail ],iar lequel l'imbibition des substances poreuses s'accomplit. La mineuse a gagné seulement 2'<',1 en amniotique, et cliargés de sérum du volume, et a perdu, par diffusion, sang de Bœuf, furent plongés, Tiin 0s',û31 de matière organique (a). dans un bain d'eau, l'autre dans de Dans des expériences faites récem- l'urine acide; au bout de vingt-quatre ment par M. Ueynsius, en vue d'é- heures, le premier avait laissé échap- clairer l'histoire de la sécrétion uri- pcr beaucoup d'albumine, le second naire , des fails analogues ont été pas; mais lorsque l'urine était alca- observés. Deuv endosmomèlres fer- Hue, l'albumine passait au travers de mes par un morceau de la membrane la cloison osmotiquc (6). {«) Wilticli, Uebet' Ekveiss-Dlff'usion (Miiller's Arcliiv fur Ànat. und Pliijsiol., 1856, p. 304). (6) Heynsius, Ziir Théorie der Harnseireiioii (Archiv fiir die Hollâiidischen Beitrâge z-ur Nntnr- nnd Heilkunde von Donders mid W., Rcrlin, 185S, t. I, p. 205). 1 G/l ABSUKPTION. clialeur accélère aussi les mouvements osmotiques , et cela semble pouvoir dépendre principalement de deux circonstances différentes : 1° de la diminution dans les résistances opposées an passage des liquides dans les cavités capillaires de la mem- brane, résultat qui est produit tant par l'affaiblissement que la chaleur détermine dans l'attraction adhésive développée entre les deux corps en contact, que par la dilatation du tissu per- méable ; 2° du développement de la puissance attractive réci- proque, ou affinité , exercée par les liquides miscibles réagis- sants, qui est aussi, dans certaines limites, une conséquence ordinaire de l'élévation de la température. Cette influence accélératrice de la chaleur sur le travail endosmotique a été mise en évidence par les expériences de Dutrochet. Ce physiologiste a vu un même endosmomètre, chargé avec des dissolutions identiques de gomme, n'absorber en un temps donné qu'un volume d'eau à la température de 0 degré, et prendre 3 volumes d'eau à la température d'en- viron 34 degrés (i). En employant de l'acide chlorhydrique, il obtint des résultats encore plus remarquables, car une disso- lution de ce réactif dans une proportion voulue d'eau lui donna des effets négatifs à la température d'environ 20 degrés, tandis qu'à 10 degrés cette même liqueur déterminait un courant en sens contraire et faisait monter le liquide dans l'intérieur de l 'endosmomètre (2). Ainsi, par le seul fait d'un léger chan- (1) Ces expériences furent faites 10 1/2 grains à 0 degré, et de 37 grains avec un caecnni de Poulet chargé à environ 3/i degrés (a). d'une dissolution de gomme, adapté à (2) Dutrochet a trouvé qu'en plaçant un tube de verre, et plongé dans un dans un endosmomètre garni d'un bain d'eau distillée. L'augmentation morceau de vessie de l'acide chlorhy- de poids fut, dans une expérience, de drique étendu d'eau, et en opérant à la 13 grains à 5 degrés, et de 23 grains à température de 10 degrés, le courant environ ù2 degrés. Dans une autre principal s'établissait de l'acide vers le expérience , l'appareil se charge de bain extérieur lorsque la densité de la (a) Dulrocliol, De Vendosmoae {Méiuoii'cn, L 1, p. 27). PHÉNOMÈNES OSJIOTIQUES. 165 gement de température, l'attraction capillaire exercée par une membrane sur l'eau acidulée peut devenir supérieure ou infé- rieure à celle que cette même membrane exerce sur l'eau pure, et la direction du courant endosmotique peut être de la sorte iutervertie (1). ^ 18. — En étudiant les effets de capillarilé, nous avons vu influence de l'électricité. que l'état électrique des corps réagissants exerce parfois une grande influence sur le jeu des attractions moléculaires dont ces phénomènes dépendent. Il en est de même pour les actions osmotiques. xAinsi, on sait depuis longtemps qu'un courant galvanique, en traversant l'eau pour se rendre du pôle positif au pôle né- gatif, détermine un certain déplacement des molécules de ce liquide, de taçon que si, à l'aide d'un diaphragme perméable, dissolution acide élaitinférieureà 1,0L', et que le courant se portait de l'eau vers l'acide quand la densité était plus grande; mais qu'à la tenipéraliire de 22 degrés, le courant s'intervertissait quand la densité de l'acide dépas- sait 1,003. Ainsi l'acide chlorhydrique au même titre peut donner lieu à des efl'ets de signe opposé, suivant que la température dépasse 20 ou s'ai)aisse à 10 degrés, et Dulrochet est arrivé à cette conclusion : Pour que les ré- sultats endosmotiques soient sembla- bles à des températures qui ne va- rient que de 12 degrés, il faut que les densités de la dissolution d'acide clilorhydrique changent dans le rap- port d'environ 1,003 à 1,027, c'est- à-dire que la liqueiu- doit contenir à peu près six fois plus d'acide quand la température est basse que lois- qu'elle est élevée (a). (1) Si l'élévation de la température diminuait dans le même rapport la puissance de l'attraction adhésive exercée par les parois des conduits capillaires sur les deux liquides réa- gissants, la chaleur ne changerait pas la direction du courant endosmotique, et tendrait seulement à en accélérer le mouvement ; mais, en étudiant les phénomènes de capillarité, nous avons vu que le coefficient de l'écarlement moléculaire entre les solides et les liquides en contact apparent, déter- miné par l'élévation de la tempéra- ture, semble varier avec la nature chimique des corps en présence [h), et par conséquent on conçoit facile- ment que dans certains cas les chan- gements de température puissent rendre l'action capillaire de A sur B plus grande ou plus petite que colle de B sur C. (o) Diilrocliel, art. Enuosmosis (ToJil's CrjcUqiœûia of Anat. and PhysioL, t. II, p. 108). (bj Viijez ri-tlessus, pape Ti et ?uivaiiles. 166 ABSORPTION. on sépare en deux portions la masse formée par celui-ci, le volume de la portion située entre la cloison et le pôle positif diminuera, et le volume de celle comprise entre le côté opposé de la cloison et l'étectrode négatif augmentera. Ce fait, constaté pour la première fois il y a plus de quarante ans par un physicien anglais nommé Porretf, a été depuis lors observé par plusieurs expérimentateurs, et montre que des effets sem- blables à ceux de l'endosmose peuvent être produits par le jeu des forces électriques. On a trouvé aussi que lorsque dans ces circonstances l'eau est décomposée par l'action de la pile, un volume de ce liquide proportionnel à la grandeur de cette action accompagne pour ainsi dire l'hydrogène qui s'accumule autour du pôle négatif (l), et ce déplacement parait être dû à la résis- tance que l'eau oppose au passage de l'électricité positive (2); (1) Plusieurs années avant la pu- blication des travaux de Dutrochel sur l'endosmose, Porrelt avait remar- qué que si l'on plonge les deux con- ducteurs d'une pile galvanique dans les deux coniparliments d'un vase conlenant de l'eau et divisé par une cloison membraneuse , le niveau du liquide s'abaisse dans le compartiment en rapport avec le pôle positif et s'é- lève dans l'autre [a). Cet efl'et singu- lier semblait indiquer que le courant électrique, eu passant du pôle positif au pôle négatif, entraîne avec lui une certaine quantité d'eau à travers les pores de la cloison membraneuse, et M. VViedemann, en approfondissant l'étude de ce pbénoniène, a constaté que le volume de l'eau qui accompagne riiydrogène pour s'accumuler autour du pôle négatif est toujours propor- tionnel à la quantité d'eau décom- posée, et est indépendant de l'étendue et de l'épaisseur du diaphragme per- méable. 11 est aussi à noter que celte quantité est d'autant plus grande que le liquide employé conduit moins bien l'électricité {h). ('i) La physique nous apprend que l'électricité positive, quand elle est en mouvement, possède la faculté de ren- verser les obstacles qui se présentent sur sa loule. On sait également que l'eau est un mauvais conducteur de l'électricité, et par conséquent l'eau qui se trouve dans les canaux de la membrane doit être un obstacle au passage du courant électrique qui se rend au pôle négatif. Ce courant devra donc tendre à déplacer ce liquide, et, {a) PorreU, Curions Galvanic ET.perime7its (Ann. of Philosophy , 1816, l.Vttl.p. 74, et Annales de chimie et de physique, 1816, t. II, p. 137). (6) Wiedemarin , Ueber die Bewecjung von Flûssigkeiten im Kreise der geschlossenen galvnnischen saule (Poggend.irff's Annalen, 1852, t. LXXXVtl, p. 321 ; — 1856, 1. XGIX, p. 177). PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 107 mais, quoi qu'il en soit de l'explieation du phénomène, on peut conclure légitimement de ces faits que dans d'autres circon- en le déplaçant, tendre à le pousser dans la cellule en rapport avec l'élec- trode négatif. M. Becquerel explique de la sorte le phénomène constaté par Porrett, et, à l'appui de celte théorie, il fait remarquer que l'accumulation du liquide vers le pôle négatif ne se produit que lorsque l'eau conserve le faible pouvoir conducteur qui est na- turel à cette substance, et que l'expé- rience ne réussit pas si ce liquide se trouve mêlé à un acide ou à un sel dont la présence rend le passage de l'électricité facile (a> 11 serait possible cependant que l'inégalité de niveau du liquide dans les deux compartiments du bain tînt à quelque dilférence dans le mode de groupement moléculaire des atomes d'eau ou de leurs éléments constituants qui, sous l'influence du courant élec- trique, constitueraient des particules de composés différents douées , les unes de propriétés électro-positives , les autres de propriétés électro-néga- tives et ayant des volumes inégaux; mais ce sont là des questions théori- ques qui ne peuvent être discutées ici (6). Quant aux phénomènes osmotiques que l'électricité détermine dans les dissolutions salines ou autres, les expé- riences de V. Raoult tendent à établir qu'ils sont dus à des décompositions cl au volume relatif des substances qui se rendent à l'un ou à l'autre pôle. Ce physicien considère toute dissolution comme étant une véritable combinaison chimique dans laquelle l'eau joue tantôt le rôle d'élément électro-positif, tantôt celui d'élément électro-négatif, suivant la nature acide ou basique du corps dissous ; que sous l'influence d'un courant électrique, cette combinaison se sépare en deux parties , l'une formée d'eau pure , l'autre ronformant toute la substance dissoute ; enfin, que les matières ainsi dissociées se .transportent aux pôles opposés, de façon que si le liquide compris entre ces pôles est divisé en deux portions par une cloison per- méable, le volume de l'une de ces portions augmente ou diminue suivant que la substance qui s'y trouve ainsi transportée est plus ou moins volu- mineuse que la substance attirée par l'autre pôle. Or, dans ces liquides, chaque équivalent de l'acide , de la base, du sel ou de toute autre sub- stance en dissolution, se trouve asso- cié à plusieurs équivalents d'eau , et par conséquent c'est du côté où se rend l'eau que l'endosmose se ma- nifeste. M. liaoulta constaté aussi que dans les réactions de ce genre, quand deux liquides différents sont séparés par une cloison perméable et sont traversés par un courant électrique, le niveau baisse toujours dans celui (jui abandonne son eau avec le plus de facilité (c). (a) Becquerel, Traité expérimental de V électricité, 1830, t. IV, p. 200. (6) Voyez à ce sujet le mémoire de M. Graliam Sur la force osmotique (l'hUos. Trans., 1854 p. d84). (c) Raou'.t, Causes des phénomènes d'endosmose électrique {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 4 853, t. XXXVI, p. 826). 168 ABSORPTION. Stances où des forces analogues se développent , celles-ci de- vront tendre à produire des mouvements du même genre. Diverses expériences prouvent d'ailleurs que l'électricîité est apte a exercer une influence considérable sur les phénomènes osmotiques (1). Ainsi, un chimiste de Genève, M. Morin, a constaté que des membranes organiques qui, dans les circon- stances ordinaires, ne se laissent pas traverser par certaines substances, leur livrent parfois passage quand les forces élec- triques interviennent, et que des phénomènes du même ordre se manifestent dans les expériences osmoti(]ues, lors même qu'on emploie comme cloisons perméables des matières miné- rales. Ainsi, en opérant à la température d'environ 30 degrés sur des endosmomètres garnis de la tunique muqueuse du duo- dénum, M. Morin a vu que le sucre passait, tandis que ni le caséum, ni la gomme, ni les graisses, ne traversaient la inem- (1) Lorsque Diitrochet commença à étudier les cfl'els osmoliqucs, il élait porté à les considérer comme dépen- dant essentiellement du jeu des forces électriques (a) ; mais il ne chercha pas à expliquer comment ces forces pouvaient produire les résultais ob- servés. M. Becquerel a cru pouvoir aller plus loin, et donner la théorie de ces phénomènes. « Une solution saline concentrée, dans sa réaction sur l'eau, dit ce phy- sicien, prend rélectricité positive et donne à Teau l'électricité contraire. L'effet ayant lieu entre les pores de la membrane ou de la cloison sépara- trice, la recomposition des deux élec- tricités s'effectue par l'intermédiaire de ses paiois, quand bien même la membrane ou corps intermédiaire n'est pas conductrice de l'éleclriciié. Il doit donc y avoir probablement au- tant de courants électriques partiels qu'il y a de pores ; ces courants sont tous dirigés de l'eau vers la solution saline. L'eau pure étant im mauvais conducteur, le courant positif fera passer facilement l'eau au travers de la membrane dans le compartiment où se trouve la solution ». Mais M, Becquerel, tout en con- sidérant l'électricité comme étant au nombre des causes productrices de l'endosmose , a soin de faire re- marquer qu'elle ne saurait être celle qui a le plus d'influence, car il arrive souvent que les effets produits sont dans une direction inverse de ceux que l'on aurait obtenus si elle eût agi seule (6). (a) Dulrodicl, L'aqent immédial du mouvement vllal dévoil(', p. 133 et siiiv. (6) Becquerel, Traité de l'éleclriciié, t. IV, p. 200 cl 201. PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 169 brane; mais qiren taisant intervenir l'action d'un courant galvanique modéré, les matières grasses du lait passaient tout comme le sucre, puis s'arrêtaient dès que l'action électrique était interrompue (1). (1) Une partie des expériences de M. Morin portent sur la membrane placentaire des Taiminants. Il a vu que la portion munie de cotylédons lais- sait passer Témulsion de jaune d'œuf (corps gras et matières albumineuses), ainsi que le sucre et le sérum du lait, mais excluait les matières grasses et le caséum de ce dernier liquide. Les parties de la même membrane qui étaient dépourvues de cotylédons se laissaient traverser par l'albumine du jaune d'œuf, mais ne livraient pas passage à la matière grasse du vi tell us. Le courant élcclrique fit passer les matières grasses du lait même au tra- vers de la partie de cette membrane qui est dépourvue de cotylédons, et cela quel que fut le sens du courant galvanique , mais plus rapidement quand le lait était en rapport avec l'électrode négatif. Quand, en opérant sur la muqueuse intestinale sans le concours du galva- nisme, les corps gras, le caséum et la gomme ne passaient pas, le sucre pas- sait et la membrane admettait ou cé- dait de la gélatine. En faisant interve- nir la chaleur et l'électricité, on déterminait le passage du corps gras et de la gélatine ; mais cette dernière substance ne traversait que pour se rendre du pôle positif au pôle négatif. Le caséum et la gomme ne passaient pas. Lorsque la muqueuse intestinale avait été imbibée de potasse , puis lavée jusqu'à ce que la neutralité y fût revenue, tous les principes du lait passaient sous l'influence de la pile et d'une température de 30 degrés. Ce transport s'efî'ectuait alors le plus facilement de — en -(- ; mais lorsque le liquide était légèrement alcalinisé , le mouvement s'établissait le plus faci- lement en sens contraire. En employant de la baudruche (c'est-à-dire une double membrane péritonéalc aluminée, puis desséchée et vernieà l'albumine), une dissolution d'albumine n'a déterminé que très peu d'alllux osmotique et ne s'est pas ré- pandue au dehors. En ajoutant du sucre à l'albumine , on a rendu l'en- dosmose beaucoup plus active , et il y a eu passage en sens inverse de sucre , d'albumine , etc. Mais ni sans ni avec le concours de la chaleur et de l'électricité, le passage de l'albu- mine n'est devenu abondant, et la matière albuminoïde abandonnée par la membrane n'était pas coagulable par la chaleur. Eufin, en employant des godets po- reux de grès d'une structure grenue, M. Morin a vu que divers liquides, tels que du lait, une émulsion de jaune d'œuf et une dissolution d'albumine, filtraient au dehors quand les vases étaient à l'air, mais ne passaient pas dans l'eau du bain , où l'on plongeait ceux-ci de façon à empêcher toute pression hydrostatique. Le sucre pas- sait très lentement. Or, en faisant agir à la température ordinaire un faible courant galvanique, de petites 170 ABSORPTION. Relations II est cloiic bieii démontré que les forces électriques peu- entre l'osmose . • i r i i i • i et les réactions vcnt exerccF une inlluence considérable sur la production des chimiques. .„ . • ii îm -p • enets osmotiques, et 1 on sait d autre part qu il y a maniiestation de ces forces toutes les fois que des corps hétérogènes arrivent en contact, mais surtout quand ce contact est suivi de quelque combinaison ou décomposition chimique. Or, des réactions chimiques accompagnent presque toujours , sinon constam- ment, les phénomènes osmotiques; en général, elles s'établis- sent non-seulement entre les liquides hétérogènes qui s'unissent, mais aussi entre ceux-ci et la substance des cloisons per- méables que ces liquides traversent. M. Graham, l'un des chimistes les plus distingués de l'Angleterre, après avoir fait une étude approfondie de ces questions, a été même conduit à penser que le jeu des affinités était une condition essentielle du développement de toute puissance osmotique. Cette opinion ne me paraît pas fondée; mais il semble y avoir quelque liaison entre tout grand déploiement de cette force et la réalisation de quelque travail chimique. Ainsi, en opérant avec des endosmomètres à parois inorga- niques, M. Graham a constaté une certaine coïncidence entre la manifestation des courants osmotiques et l'altération des pa- rois du vase par les agents employés (1). Il a vu que les mem- qiiaiitités d'albumine passèrent dans gras du lail et du jaune d'œuf ne le bain extérieur. L'exosmose de passèrent pas (a). l'albumine n'augmenta que peu lors- (1) En employant des godets formés que la température s'est élevée de de gypse, de charbon comprimé ou 35 à 50 degrés, et se fit à peu de cuir tanné, substances qui n'étaient près de même, quelle que fut la di- pas attaquées par les sels dont il lai- rection du courant galvanique. Le sait usage, M. Graham n'a obtenu au- caséum du lait passait pour se rendre cun elfet osmotique, et, en examinant vers le pôle négatif; mais les corps les matières qui provenaient des vases (a) A. Morin, Nouvelles expériences sur la perméabilité des vases poreux et des membranes desséchées par les substances nutritives {Mémoires de la Société de physique et d'histoire natn- relle de Genève, 1854, t. XIII, p. 251 et suiv.). PHI'NOMÈÎSES OSMOTIQUES. 171 branes organiques qui fonctionnent de la sorte sont d'or- dinaire plus ou moins fortement attaquées par les matières salines qui les traversent. Enfin il a remarqué que les sub- stances qui possèdent un pouvoir osmotique très considé- rable sont toutes des matières qui se décomposent le plus facilement en présence, soit des menstrues, soit des tissus dont on fait usage, ou qui attaquent le plus énergiquement ceux-ci. Afin de mettre en évidence ces rapports, M. Graham a classé par ordre de puissance osmotique les diverses sub- stances minérales dont il a mesuré l'action, et, si l'on jette les yeux sur cette liste (1), on ne peut (ju'être frappé de la coïnci- dence signalée par cet expérimentateur. On remarque, en effet, que ce sont les acides , les sels alcalins et les composés les moins stables qui donnent lieu aux courants, soit positifs, soit négatifs, les plus puissants , et que les sels les plus stables occupent la région moyenne de la série, c'est-à-dire produisent le moins de changements dans les volumes des liquides réa- de terre cuite où il avait réalisé des (l) Dans ce tableau, M. Graham effets osmoliques considérables, il y a a représenté par des valeurs posi- toujours reconnu des composés ù base tives ou négatives les différences de de chaux et d'alumine. Il lui fut im- poids déterminées dans leur masse possible d'épuiser les parois des go- par les échanges opérés de la sorte dets en les lavant, soit avec de l'eau, en un temps donné (6). Ces résul- soit avec des acides étendus, et le tra- tats ont été fournis par des expé- vail de décomposition dont leursub- riences faites à l'aide de membranes stance était le siège lui paraissait animales identiques, et avec des dis- indéfiiii. Dans d'auires cas, des quan- solutions contenant nn centième du tités considérables de matières salines poids de la substance osmogène. étaient arrêtées au passage et fixées Les effets sont représentés par l'é- dans l'épaisseur des parois de ces vases lévation ou la dépression du ni- poreux (a). veau du liquide dans le tube de (a) Graham, On Osmotic Force {Philos. Trans., -ISSi, p. -183). (6) Idem, Op. cit. {Philos. Trans., 4854, p. 225), 172 ABSORPTION. gissanis (1). Il est aussi à noter que la plupart de ces matières salines attaquent les tissus organiques. L'eau elle-même agit chimiquement sur les substances albuminoïdes, et les inou- vements osmotiques sont souvent accompagnés d'altérations profondes dans le mode de constitution de ces corps, dues à la séparation du chlorure de sodium ou d'autres sub- rosinomètre, évaluée en millimèlres. Acide oxalique — 148 Acide chlorhydrique (0,'l p. 4 00). — 92 Ti'ilochlorure d'or — 54 Bichloruic d'étain — 46 Nitrate de magnésie — 22 Clilorure de magnésium — 2 Chlorure de sodium ►]- 12 Clilorure de potassium -[- 18 Nitrate de soude -}- 14 Nitrate d'argent -[- 34 Sulfate de fer -f 20 à 25 Sulfate de potasse -(- 21 à GO Sulfate de magnésie -|- 14 Chlorure de calcium -|- 20 Chlorure de baryum -|- 21 Chlorure de sironlium -|- 20 Chlorure de cobalt -j- 20 Chlorure de manganèse -j- 34 Chlorure de zinc . _j_ 45 Chlorure de nickel -j- 88 Nitrate de plomb -|- 204 Nitrate de cadmium 4-137 Nitrate d'uranium -|" "158 Nitrate de cuivre -(-204 Cldorure de cuivre -[- 351 Protochlorure d'étain -j- 289 Protochlorure de fer -|- 435 Chlorure de mercure -|- 121 Protonitrate de mercure -|- 350 Pernitrale de mercure -j- 470 Acétate de sesquioxyde de fer . . -(- 194 Chlorure d'aluminium -\- 540 Phosphate de soude -(- 31t Carbonate de potasse -|- 439 M. Cifaliam a beaucoup insisté sur la coïncidence des actions chimiques et osmotiques. Il ne s'explique pas sur les relations qui doivent exister entre ces actions chimiques et le jeu de forces électriques ; mais il pense que la condition essentielle pour la pro- duction de l'osmose, c'est le dévelop- pement d'actions chimiques différentes des deux côtés de la cloison per- méable (a). (1) Ainsi nous savons que les car- bonates alcalins attaquent fortement les matières albuininoïdes, et les expé- riences de M. Graliam montrent que le carbonate de potasse qui traverse la membrane organique de l'endosmo- mèlre contracte des combinaisons nouvelles en passant dans la substance de celte cloison. Le pouvoir osmo- gène de la potasse hydratée est égale- ment très grand ; mais ce réactif dé- truit si promptement les membranes organiques, que celles-ci perdent très vite la faculté de fonctionner de la sorte. Le sulfate de fer, qui est très stable, n'a qu'un très faible pouvoir osmogé- nique ; le sesquiazotate de fer produit au contraire des effets très considé- rables; mais aussi, en s'échappant par diffusion à travers la membrane, il se décompose et laisse un sel basique du côté interne de la cloison, tandis que (a) Graham, Op. rit. {Philos. Trans., 1854, p. 225). ^ PHÉNOMÈNES USMOTIULES. 173 stances minérales qui y étaient combinées (1). En un mot, des phénomènes résultant du jeu des affinités chimiques accompagnent presque toujours, peut-être même toujours, la production des effets osmotiques; mais, dans l'état actuel de la science, il ne me semble y avoir aucun motif pour consi- dérer ces derniers comme dépendants des premiers, et l'on ne voit pas comment dans ces cas la puissance chimique se transformerait en une puissance motrice. Nous avons vu , d'ailleurs, que tout ce qui est essentiel dans le travail osmo- tique trouve son explication dans les lois de la physique géné- rale, et si les influences chimiques, de même que les forces électriques, interviennent dans l'accomphssement de ces actes, il est probable que c'est à la manière de la chaleur, en modi- fiant les conditions dont dépend le développement plus ou moins énergique de l'une ou de plusieurs des forces molécu- laires dont nous avons étudié le rôle au commencement de celte Leçon. § 19. — En résumé, nous voyons donc que les phéno- Résume mènes osmotiques sont beaucoup plus complexes qu'on ne c'est 1111 nitrate acide qui se répand osmogénique est le plus considé- dans le jjain adjacent. rable. L'acétate d'ahimine se décompose (1) Dutrocliet a remarqué que le très facilement de la sorte par le seul blanc d'œuf mis en contact avec l'eau fait de sa diffusion dans l'eau, et de .se coagule à .sa surface de façon à y même que les autres sels d'alumine former une pellicule blanchâtre (o). dont le pouvoir osmogénique est gé- Cetli; action a été étudiée avec plus néralement grand, il se combine forte- de soin par Jl. Virchow et par M. Wit- meut avec les matières albuminoïdes. lich, qui ont fait voir que dans ce cas Chacun sait que sous ce dernier l'eau enlève à la matière proléique rapport le chlorure de mercure est une portion de chlorure de sodium également remarquable, et c'est aussi qui lui était associée et qui lui donnait une des substances dont le pouvoir de la tluidité (6). {a] Dulrochet, De l'endosmose (Mémoires, t. I, p. 42). [b] Virchow, Ueber ein eigenthûmliches Verhalten albuminuser FlûssiQkeiten bel Xttsalz von SaUeii (Arch., t. VI, p. 572). — ^ViUicll, Ueber Eiu'eiss-lHlfusioii (iMiillcr's Archiv, 1856, p. 286). général. 17/l. ABSORPTION. serait porté à le supposer au premier abord; que les échanges qui s'établissent entre les liquides séparés par une membrane animale ou toute autre cloison analogue peuvent être déter- minés par deux causes : l'attraction physique ou chimique de ces corps l'un pour l'autre, et la force répulsive, qui tend à effectuer la diffusion uniforme des particules à l'état de disso- lution dans la totahté du menstrue où elles peuvent avoir accès: que l'inégalité des résultats de cet échange dépend delà facilité relative du passage des deux substances réagissantes à travers les cavités interstitielles de la cloison, et que cette perméabilité pour un liquide déterminé varie suivant la nature de celui-ci, la nature de la cloison elle-même, le diamètre des passages capil- laires dont cette cloison est creusée , et les circonstances dans lesquelles la réaction s'opère; enfin que la chaleur, l'état élec- trique, le jeu des forces chimiques, et d'autres influences dont il n'est pas possible de déterminer avec précision le rôle, modifient les effets produits de la sorte. Dans l'état actuel de la science, nous ne possédons pas une théorie assez parfaite de ces phénomènes pour pouvoir calculer ce qui doit arriver dans tous les cas particuliers ; mais nous pouvons au moins prévoir ce qui se passera dans un grand nombre de circonstances, et nous rendre nettement compte du mécanisme à l'aide duquel le déplacement des liquides et leur accumulation de l'un ou de l'autre côté d'une membrane animale s'effectuent d'ordinaire. Cette étude, qui vient de nous occuper un peu longuement, nous permettra donc de faire à la physiologie d'utiles applications de la physique moléculaire, et un examen approfondi des ques- tions que nous avons passées en revue dans cette Leçon était nécessaire aussi pour nous mettre en garde contre l'explica- tion erronée d'un grand nombre de faits dont les naturalistes croient souvent pouvoir se rendre compte en les attribuant à l'endosmose, bien que ces phénomènes n'aient en réalité rien de commun avec les effets osmotiques. PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES. 175 Le transport des liquides qui s'effectue de la sorte, je te répète, ne dépend pas d'un agent spécial, et s'effectue sous rinlluence de la résultante de plusieurs forces physiques ou chimiques ; mais, pour la commodité du discours, il est bon de personnifier en quelque sorte celte cause de mouvement. Je continuerai donc à la désigner sous le nom de puissance osmogénique, et à appeler endosmose l'accumulation de liquide qui est produite par son action. QUARANTE -CINQUIÈME LEÇON. Suite de I'Histoire de l'absorption. — Application des lois des phénomènes osmotiques à la connaissance de l'action absorbante des corps vivants. — Cir- constances qui influent sur la rapidité avec laquelle cette fonction s'exerce. Du rôle § 'l • — La connaissance des phénomènes osmotiques que nous de 1 ^n quelles peuvent être les autres forces qui interviennent pour ] déterminer l'absorption physiologique, il nous faut examiner ] attentivement la part qui revient à ces actions physiques. ' § i2. — Pour procéder méthodiquement dans cette étude du Résorption ■ / . 1 > 5 1 ■ • ' ' 1 • I 11 I 1 do la st'rosilé ; mécanisme de 1 absorplion en goneral, il me semble convenable épanchée. i d'examiner d'abord ce qui doit se passer entre le sang ou la i lymphe (jui se trouvent dans l'intérieur des vaisseaux irrigatoires | et les liquides qui baignent la surface extérieure de ces mêmes i vaisseaux, et qui occupent les aréoles du tissu conjonclif. ' Dans une précédente Leçon, nous avons vu que ces liquides 1 cavitaires, connus sous le nom général de sérosité, se com- i posent d'eau et de diverses matières organiques et minérales 4 qui se rencontrent également dans le plasma, soit du sang, soit de la lymphe, mais qui s'y trouvent en moins grande propor- ] tion que dans ces fluides nourriciers (1). Nous savons égale- ■ ment que les parois de ces vaisseaux sont perméables (2), et \ par conséquent, d'après les lois connues de l'osmose, la séro- ; site doit céder au sang et à la lymphe une partie de son eau, ou, . ■ en d'autres mots, un courant endosmotique doit s'établir de la sérosité des espaces interorganiques vers les liquides conte- J nus dans le système vasculaire, courant qui diminue le volume j desi humeurs épanchées dans les aréoles du tissu conjonctif et I qui augmente celui des liquides en circulation dans l'organisme. • > (1) Voyez tome IV, page Zil7 et (2) Voyez tome IV, page o\)2 et ■' suivantes. suiv. ; tome V, page 23 cl suiv. V. \2 l 178 ABSORPTION. Ce courant endosmotique doit être d'autant plus puissant que la différence dans le titre, ou ce qui, dans ce cas, revient au même, dans la densité des liquides réagissants, est plus con- sidérable, pourvu que toutes les autres conditions du phénomène restent invariables. Or, nous savons que les matières osmo- gènes, c'est-à-dire les principes organiques, tels que l'albumine et les substances salines qui se trouvent associées à l'eau dans ces divers liquides, sont en proportion plus grande dans le sang que dans la lymphe. Par conséquent aussi, conformément aux lois de l'osmose, l'action absorbante exercée sur le sérum doit être plus puissante que celle de la lymphe sur ce dernier liquide. Nous verrons bientôt qu'effectivement les choses se passent de la sorte dans l'organisme vivant, et, comme tout ce que j'ai à dire de l'absorption parles vaisseaux lymphatiques est appli- cable aux vaisseaux sanguins, que les effets produits par ces derniers sont plus grands et que l'étude en est beaucoup plus facile, il me paraît inutile de compliquer nos études actuelles par la considération simultanée des fonctions de ces deux ordres de vaisseaux, et, laissant de côté pour le moment ce qui est relatif au système lymphatique, je concentrerai mon atten- tion sur les phénomènes d'absorption dont le système circula- toire est le siège. Mode § 3. — Au premier abord, il pourrait sembler étrange "^îmîiTianT"' d'admcttrc que là où nous avons constaté l'existence d'une de l'absorption tpaj|SSudation , c'est-à-dn^e d'un mouvement des liquides du ""^^ïnî''"" dedans au dehors des vaisseaux sanguins, il puisse y avoir le même point. ^^ niêmc tcmps, ainsi que je viens de l'avancer, absorption ou transport de matières de l'extérieur à l'intérieur des mêmes parois. Mais le fait est facile à constater, et il est non moins facile à expliquer, lors même que les courants en sens inverse seraient formés les uns et les autres par des liquides iden- tiques. Effectivement, les tissus constitutifs des parois vasculaires, THÉORIE DE CE PHÉNOMÈNE. 179 de même que les autres membranes organiques de réconomie animale, sont creusés de cavités interstitielles très irrégulières par leur calibre aussi bien que par leur forme et leur direction ; et parmi les passages ainsi établis , les uns sont assez larges pour agir à la manière de filtres , et pour laisser i)asser, sous l'influence delà pression hydrostatique exercée par le sang, une certaine quantité de sérum dépouillé d'une partie des matières solubles dont ce liquide est chargé : de là transsudation plus ou moins rapide d'une portion des matériaux les plus lluides du sang de l'appareil circulatoire dans les aréoles adjacentes du tissu conjonctif. Mais d'autres pores ou lacunes interstitielles de la même membrane sont de plus petit cidibro, et leur action capillaire ne permet pas à la poussée latérale exercée par le sang de déplacer les liquides logés dans leur intérieur ; là, par con- séquent, il n'y a point de courant sortant, point de transsuda- tion ; mais, par le jeu des forces dépendantes des actions moléculaires entre ces liquides et ceux qui baignent les deux surfaces de l'espèce de cloison tonnée par la paroi du vaisseau, un courant osmotique s'établit de l'extérieur vers l'intérieur, car l'eau se trouve en moins grande pro])orlion dans le liquide qui occupe l'intérieur de cet organe que dans la sérosité qui en baigne la surface externe. Ainsi la théorie nous conduit à prévoir que les parois des veines doivent être le siège de deux courants de direction contraire dus à des forces diffé- rentes , d'un courant de transsudation déterminé par la pres- sion hydrostatique, et d'un courant centripète dépendant des actions moléculaires dont l'ensemble détermine l'endosmose. Les effets apparents de ces deux courants d'extravasation et d'absorption doivent se balancer plus ou moins, et si leur puis- sance est égale, ils pourront facilement échapper aux investi- gations du physiologiste, car ils n'auront alors aucune influence sur le volume des liquides situés de l'un ou de l'autre côté de la membrane perméable, et tout paraîtra en repos; mais, pour 180 ABSORPTION. peu que l'un d'eux acquière une puissance relative plus grande, son existence se manifestera par une augmentation dans la quantité de liquide vers lequel celui-ci se dirige, et, au premier abord , on pourrait croire que dans ce cas il y a seulement absorption ou seulement transsudation. Nous verrons cependant que toujours , ou presque toujours , ces deux mouvements coexistent partout dans l'organisme, de façon qu'il y a dans l'économie animale circulation des fluides nourriciers, non- seulement dans le système des vaisseaux irrigatoires, mais dans la profondeur des tissus intermédiaires, entre ces canaux et les cavités interstitielles circonvoisines, et cela sur tous les points où ces vaisseaux existent : circonstance dont nous ver- rons plus tard l'utilité quand nous étudierons les phénomènes de nutrition. Dans ce que je viens de dire des échanges effectués entre l'appareil vasculaire et le système aréolaire circonvoisin, il n'a été question que de l'eau qui s'échappe du plasma pour con- courir à former la sérosité, ou qui est enlevée à ce dernier liquide pour être portée dans le sang. Mais cette eau, de part et d'autre, lient en dissolution diverses matières organiques et minérales ; d'autres substances peuvent y être ajoutées acci- dentellement, et par conséquent, pour compléter cette investi- gation préliminaire des phénomènes de l'absorption, il faut chercher comment se comportent les molécules hétérogènes qui se trouvent disséminées dans ce menstrue. Nous avons eu déjà plusieurs fois l'occasion de reconnaître que l'attraction adhésive exercée par les surfaces des tissus organisés sur les molécules de l'eau est plus puissante que celle que ces mêmes surfaces exercent sur les molécules de la plupart des nvatières salines ou organiques en dissolution dans ce liquide. Nous savons aussi que, par suite de cette inégalité, les passages étroits dont ces tissus sont creusés effectuent une sorte de triage dans les molécules qu'ils admettent, et qu'ils laissent passer THÉORIE DE CE PHÉNOMÈNE. 181 l'eau en plus grande proportion ; que cette action moléculaire ne s'exerce qu'à de très petites distances, et que par conséquent ses effets ne sont sensibles que quand les canaux sont très étroits ; enfin que les différences déterminées ainsi dans le degré de concentration des liquides qui traversent les membranes sont d'autant plus marquées, que les cavités interstitielles par lesquelles ils passent sont plus petites (1). En étudiant le phé- nomène de la transsudation, nous avons vu que le plasma du sang est de la sorte très appauvri par le fait de sa filtration au travers des parois des vaisseaux, et que, par suite de cette ac- tion, la sérosité déposée soit dans les aréoles du tissu conjonctif, soit dans les poches séreuses, contient de l'eau en plus grande abondance. Or, tout ce que je viens de dire des modifications que la filtration détermine dans la composition du courant effé- rent est à plus forte raison applicable au courant afférent qui ramène dans les vaisseaux sanguins une portion de la sérosité des cavités d'alentour ; car nous avons vu que ce transport, dû à l'endosmose, se fait par des passages plus étroits que ceux à l'aide desquels la pression hydrostatique détermine la transsu- dation, et par conséquent le hquide absorbé doit être aussi moins riche en matières solubles que la sérosité dont il provient. La résorption d'une portion des liquides épanchés dans les cavités closes de l'organisme doit donc tendre à produire une certaine concentration dans la portion qui reste en place, et si d'autres causes ne balancent les efl^ets produits de la sorte, l'espèce de circulation locale et interstitielle qui s'établit ainsi entre les cavités vasculaires et les cavités séreuses en général amènerait une accumulation de matières solubles dans ces dernières. Du reste, cette accumulation a souvent lieu, et nous en avons déjà eu des exemples en étudiant les changements qui se manifestent à lalongue dans la composifion des produits de la transsudation (2). (1) Voyez ci-dessiis, page 88 et (2) Voyez tome IV, page ^35 et suivantes. suivantes. 182 ABSORPTION. Mécanisme La quantité des matières albuminoïdes et minérales qui se de l'absorption »ip-i i i ^ r • r i des matières trouvcnt 0 1» tois dafis le sang et dans la sérosité sera donc aug- àrorïadsm'e. mentée dans ce dernier liquide plutôt que diminuée, par l'effet des courants et contre -courants dont résultent l'absorption et la transsudation dont une même surface organique est le siège ; mais si la sérosité vient à se charger de quelque substance qui n'existe pas dans le sang ou qui n'y existe qu'en moindre pro- portion, le résultat, en ce qui concerne cette substance, sera très différent, et l'ensemble du phénomène pourra même changer de caractère. Supposons d'abord que la substance étrangère en dissolution dans la sérosité soit apte à agir comme agent osmogène, et soit en proportion suffisante pour que ses effets l'emportent sur ceux du sang. Le courant osmotique qui traverse la paroi vasculaire changera alors de direction , et le sang , au lieu de prendre de l'eau à la sérosité circonvoisine , en fournira à ce dernier liquide ; il y aura endosmose centrifuge du vaisseau sanguin dans les aréoles du tissu conjonctif adjacent, et les produits de ce courant efférent viendront grossir ceux de la transsudation ordinaire. Dans ce cas, l'endosmose ne contribuera donc en rien au transport de cette matière étran- gère de l'extérieur du vaisseau jusque dans le torrent cir- culatoire, c'est-à-dire à son absorption. Mais nous avons vu qu'à raison du pouvoir diffusif dont les molécules des corps en dissolution sont douées, ces molécules tendent à se répartir uniformément dans la totalité de l'espace occupé par le men- strue, et par conséquent à se répandre dans les courants afférents qui , en traversant les membranes , donnent lieu à l'endosmose ; ces mêmes molécules tendent aussi à se répandre d'une manière semblable dans le liquide situé au delà de la cloison constituée par ces membranes, et elles forment de la sorte un contre-courant ou courant exosmotique qui est dirigé de la sérosité vers le sang. Dans ce cas, en vertu des actions THÉORIE DE CE PHÉNOMÈNE. 183 moléculaires que nous avons vues intervenir dans la production des phénomènes osmotiques, il y aura donc encore absorption de la matière étrangère, c'est-à-dire transport des molécules de cette matière de l'extérieur des vaisseaux sanguins dans l'intérieur de ces conduits, où elle se mêlera au liquide nourri- cier en circulation ; seulement cette absorption , effectuée par la diffusion seulement, sera très lente. Du reste, il est évident que par l'effet même des courants centrifuges ainsi établis , l'agent osmotique s'affaiblira de plus en plus , car, en même temps qu'une portion de sa substance pénétrera dans le vaisseau sanguin par diffusion, ce qui en restera se trouvera mêlé à une proportion toujours croissante de sérosité, et il arrivera ainsi un moment où son action deviendra insuffisante pour balancer celle du sang, dont la direction est inverse ; le sens du mou- vement endosmotique sera alors interverti, et le courant s'éta- blira de la sérosité encore chargée d'une certaine quantité de la substance étrangère vers le sang en circulation. Ces conditions sont faciles à réaliser dans des expériences phénomènes , -ri osmotiques osmotiques, et n est également aise de constater que sous ce déterminés rapport les choses se passent dans l'organisme vivant comme les purgatifs. dans un endosmomètre inanimé. Pour le prouver, il me suffira de répéter une des expériences faites par M. Poiseuille dans le but de s'éclairer sur le mode d'action des médicaments purga- tifs. Plaçons dans un réservoir endosmométrique une dissolu- lion un peu concentrée d'un de ces sels neutres à base alcaline que l'on administre souvent aux malades pour provoquer les évacuations alvines, et qui ne se trouvent pas normalement dans le sang ou n'y existent qu'en proportions extrêmement faibles, du sel de Glauber ou sulfate de soude, par exemple, ou bien encore de Feau de Sedlitz, qui est riche en sulfate de magnésie, et plongeons l'instrument dans un bain formé de sérum. Un courant osmotique ne tardera pas à s'établir au travers delà membrane, et se dirigera du sérum vers l'eau de 184 - ABSORPTION. Sedlitz : celle-ci augmentera de volume, et cet accroissement sera marqué par l'ascension de la colonne endosmométrique; l'eau du sérum, en passant dans la dissolution purgative, aura emporté avec elle une certaine quantité d'albumine qui se retrouvera dans l'eau de Sedlitz; enfin le courant endos- motique dont dépendent ces transports de matières aura été accompagné d'un mouvement de diffusion en sens contraire, ou phénomène d'exosmose , ayant pour résultat le passage d'une certaine quantité de sulfate de magnésie de l'intérieur de l'endosmomètre dans le bain adjacent formé par le sérum. Supposons maintenant que le réservoir endosmotique dont je viens de faire usage, au lieu d'être formé par une membrane muqueuse prise sur le cadavre, soit l'intestin d'un Animal vivant. Si les actions physiques qui ont déterminé les échanges dans l'expérience précédente s'exercent de la même manière, nous devons être témoin de résultats analogues, car la substance purgative sera séparée du sérum qui circule avec les globules hématiques dans les vaisseaux sanguins de la muqueuse par une couclie mince de tissu perméable réunissant toutes les con- ditions voulues pour fonctionner à la manière d'un diaphragme osmotique. Il devra donc y avoir, comme conséquence de l'en- dosmose provoquée par l'eau de Sedlitz, transport d'une cer- taine quantité de sérum, c'est-à-dire d'eau chargée d'albumine, des vaisseaux sanguins dans l'intérieur du tube intestinal, mou- vement qui amènera une augmentation du volume des liquides renfermés dans cette cavité, et il y aura en même temps, comme conséquence du courant de diffusion ou courant exosmotique, absorption d'une certaine quantité de sulfate de magnésie et des autres matières salines contenues dans l'eau de Sedlitz, et ver- sement de ces matières dans le torrent de la circulation. Or, ce sont précisément là les principaux phénomènes qui sont déter- minés par l'administration de cette eau médicamenteuse : l'excrétion d'un liquide chargé d'albumine est provoquée à la 185 THEORIE DE CE PHENOMENE. surface libre de la muqueuse intestinale, et en même temps les matières salines de l'eau de Sedlitz passent dans le sang, puis dans les urines, ainsi qu'on s'en est assuré par l'analyse chi- mique de ces humeurs (1). (1) On sait généralement que les sels dont il est ici question, de même que beaucoup d'autres médicaments dits purgatifs, déterminent par leur présence dans le tube intestinal l'éva- cuation d'une quantité considérable d'eau plus ou moins chargée de ma- tières organiques, et que ce liquide est fourni par les parois de la cavité di- geslivo. Or, en examinant chimique- ment ce produit dont l'abondance est en général très grande, on y trouve des quantités assez considérables d'al- bumine, substance dont on ne dé- couvre que des traces dans les déjec- tions alvines ordinaires, mais dont la présence dans ces circonstances s'ex- plique parfaitement par l'afïlux de sérum du -sang que l'action osmo- gène du purgatif a provoqué. D'un autre côté, en examinant la compo- sition de l'urine chez les personnes soumises à ce genre de médication, on reconnaît dans ce liquide une quan- tité considérable du sel qui a été ad- ministré par les voies digeslives, et qui n'a pu arriver dans l'appareil rénal qu'après avoir été absorbé dans l'intestin. En faisant des expériences endos- raotiques avec le sérum du sang et d'autres eaux minérales purgatives ( telles que l'eau de Piillna ) , ou bien encore des dissolutions de sulfate de soude, de sulfate de magnésie, de sel commun, de nitrate de potasse, de phosphate de soude, etc., à des de- grés voulus de concentration, M. Poi- seuille a obtenu des résultats sem- blables à ceux fournis par les expé- riences décrites ci - dessus. A un certain degré de concentration, ces dissolutions salines déterminaient tou- jours l'étabUssement d'un courant en- dosmotique alimenté par le sérum, et à un certain degré de dilution, au contraire, elles étaient attirées par le sérum et formaient un courant dirigé vers ce dernier liquide ; enfin, dans toutes ces expériences, il y avait en même temps passage en sens inverse, soit d'une certaine quantité d'albu- mine dans la dissolution saline, soit d'une portion de sel dans le sérum (a). Ces expériences donnent la théorie d'une partie du mode d'action de ces médicaments purgatifs ; mais les effets que ces substances produisent ne con- sistent pas seulement dans ces cou- rants osmotiques , et les phénomènes provoqués par leur présence dans les voies digestives sont en général beau- coup plus complexes, comme nous le verrons ailleurs. Je dois ajouter que M. TJebig était arrivé précédemment à des résultats analogues, et attribuait aussi l'action des purgatifs au jeu des forces osmotiques (6) ; mais, dans ces (a) Poiseuille, Recherches expérimentales sur les médicaments {Compte» rendus de l'Académie des sciences, 1844, t. XIX, p. 194 et siiiv.). (6) Liebig, Untersuchung der Mineralquelle zu Soden und Hemerkungen ûber die Wirkimg der Sahe aiifden Orgnnismvs. Wiesbaden, 1 839. 186 ABSORPTION. Nous verrons dans une autre occasion que ces mouvements osmotiques ne sont pas les seuls résultats fournis par l'action des purgatifs sur la muqueuse intestinale, mais ce sont les phénomènes fondamentaux, essentiels, que cette action déter- mine ; et ce qui a lieu de la sorte dans le tube intestinal d'un Animal vivant se produirait d'une manière analogue dans toutes les autres parties de l'organisme où les mêmes conditions phy- siques se trouveront réunies, c'est-à-dire où un agent osmo- gène plus puissant que le sang sera séparé de ce liquide par les parois perméables des vaisseaux ou par des tissus ana- logues. Absorpiion Voyons maintenant ce qui doit avoir lieu dans le cas où la des matières ' i , . , , . r , . / salines, etc. substaucc dont la sérosité du tissu areolaire est chargée ne serait pas douée d'une force suffisante pour balancer l'action osmogène du sang, soit à raison de sa nature chimique, soit parce qu'elle se trouverait unie à une trop grande proportion d'eau. dernières années, ce sujet a été étu- et Poiseiiille. Il a été conduit de dié de nouveau par M. Aubert, et la sorte à penser que ce n'est pas paraît èlre plus compliqué qu'on n'au- en provoquant un courant endosmo- rait été porté à le supposer. En effel, tique des vaisseaux de la muqueuse ce médecin a vu que des sels neutres inleslinale dans l'intérieur de ce tube pouvaientdéterminer des phénomènes que les médicaments en question ordinaires de purgation sans avoir été déterminent la purgation {a). Mais ingérés dans le tube digestif, mais étant le fait de la diffusion de l'albumine injectés directement dans les veines. du sérum dans les liquides contenus II n'a pas trouvé que la- quantité de dans l'intestin me semble avoir été l'évacuation fût en rapport avec le mis hors de doute , non-seulement degré de concentration de la disso- pai' les expériences de M. Poiseuille, lution saline introduite dans l'in- mais aussi par les recherches plus testin , et il n'a pas reconnu la pré- récentes de M. Knapp sur les phé- sence de l'albumine dans ees produits, nomènes que la présence de l'eau circonstance qui est défavorable à détermine dans l'intestin grêle du l'explication adoptée par MM. Liebig Lapin (6). (a) Aubort , Experimental-Untersuchungen ûber die Frage ob die Miltelsal%e auf endosmo- tischem Wege abfûhren {Zeitschrift fur rationelle Medicin, 2' série, 1852, t. II, p. 225j. (b) Knapp, De l'absorption de l'albumine dans l'intestin grêle {Gazette hebdomadaire de méde- cine, 1858, t. IV, p. 308). THÉORIE DE CE PHÉNOMÈNE. 187 Prenons pour exemple une dissolution étendue de cyano- ferrure de potassium. Étant séparée du sérum du sang par une membrane perméable, l'eau de la dissolution sera attirée par ce dernier liquide et constituera un courant endosmotique dirigé vers celui-ci. Mais l'eau, en pénétrant dans les passages inter- stitiels de la membrane, ne se séparera pas de toutes les molé- cules du cyanure dont elle était chargée, et par conséquent le courant endosmotique ainsi établi transportera une certaine quantité de cette substance de l'extérieur jusque dans la cavité où se trouve le sérum. Un mouvement analogue, dû à la diffu- sion, se produira dans les conduits plus larges par lesquels le sérum transsude au dehors, et par conséquent le passage du cyanoferrure de la dissolution dans le sérum sera déterminé à la fois par le jeu des forces moléculaires dont dépendent l'en- dosmose et l'exosmose, et s'effectuera d'autant plus rapide- ment, que les circonstances seront plus favorables à leur déve- loppement. Nous avons vu, dans une précédente Leçon, que le cyano- ferrure de potassium déposé dans les lacunes aréolaires du tissu conjonctif, ou introduit dans l'une quelconque des grandes cavités du corps, ne tarde pas à être absorbé et à se montrer dans le sang. Pour nous rendre compte des causes de ce phénomène, il nous suffit donc d'invoquer les actions osmo- tiques dont nous venons d'être témoin, et tout ce que je viens de dire au sujet de cette matière saline est applicable aux autres substances étrangères à l'organisation qui sont miscibles au sérum ou solubles dans ce liquide, et qui se trouvent en contact avec une surface absorbante, le sucre, par exemple (1). (1) Le mode d'absorption du sucre montré en tout conforme aux lois par la membrane muqueuse du tube connues des phénomènes osmotiques. alimentaire a été étudié récemment Ainsi, quand une dissolution concen- avec beaucoup de soin par le docteur trée de sucre est emprisonnée dans F. von Becker, de Helsingfors, et s'est une portion de l'intestin d'un Animal li ABSORPTION. Absorption élective. Ln connaissance que nous avons acquise de ces phénomènes physiques, dont le développement est indépendant de toute influence vitale, nous permet aussi de concevoir comment dans l'organisme vivant une surface absorbante , tout en laissant pénétrer dans l'économie certaines matières étrangères, pourra refuser le passage à d'autres substances. A raison du jeu des attractions moléculaires dont dépendent les phénomènes de capillarité, un tissu donné pourra s'imbiber de tel liquide et être imperméable à tel autre, par conséquent être apte à absorber le premier et incapable de conduire le second de l'extérieur jusque dans le torrent de la circulation. Ainsi, on a remarqué depuis longtemps que certains poisons déposés à la surface d'une plaie saignante sont absorbés avec rapidité vivant à l'aide de deux ligalufes qui ne gênent pas la circulation du sang dans les patois de l'organe , on voit que l'endosmose provoquée par ce corps étranger détermine la transsu- dation d'une certaine quantité de li- quide provenant du sang, et qu'en même temps une certaine quantité de sucre passe en sens inverse de l'in- testin dans le torrent de la circula- tion ; que ce courant exosmotique ou de dilïusion dont résulte l'absorption du sucre est d'autant plus intense, que le liquide logé dans l'intestin est plus chargé de cette substance, et que l'activité de l'endosmose est en même temps proportionnelle à la richesse de cette même dissolution sucrée. Le liquide intestinal devient donc de moins en moins chargé de sucre, parce qu'il y arrive de l'eau fournie par le sang et parce qu'il en sort du sucre qui se répand dans les liquides adja- cents. Arrivée à un certain degré de dilution, la dissolution de sucre cesse de provoquer un courant endosmo- tique aux dépens du sang ou des autres liquides contenus dans les pa- rois de l'intestin, et la diffusion du sucre dans ces derniers liquides de- vient aussi très faible, mais ne s'ar- rête pas, puisque ceux-ci sont encore plus pauvres en molécules de matière sucrée ; et il arrive ainsi un moment où le liquide intestinal, devenu infé- rieur au sérum quant à la force os- mogène , est à son tour déplacé par endosmose et porté en totalité ou en partie dans le sang. M. von Becker a constaté aussi que la diffusion (ou absorption du sucre) , de même que l'endosmose, qui porte les liquides de l'organisme dans la cavité de l'intestin , est d'autant plus active que la dissolution sucrée est plus riche (a). (a) F. J. von Beckci-, Ueber das Verhalten des Zuckers beim thierinchen Stoffwechsel [Zeit- schrift fur wisseiischaftUche Zoologie, 1854, t. V, p. 137 et suiv.). THÉORIE DE CE PHÉNOMÈNE. 189 et déterminent ainsi une mort prompte, mais peuvent être impunément introduits dans le canal digestif, où cependant les substances étrangères sont d'ordinaire absorbées avec une grande force. Le venin de la Vipère, et le curare, dont les Indiens des bords de l'Orénoque se servent pour empoisonner leurs tlèches, présentent cette singularité (1), et au premier abord on pourrait être disposé à attribuer l'innocuité de la sub- (1) Les anciens savaient que le ve- nin des Serpents peut être mis en contact avec nos lèvres sans qu'il en résulte aucun accident, et Uedi, dans ses expériences sur le venin de la Vipère, a constaté l'innocuité de cette matière quand on l'introduit dans l'estomac (a). U a vu aussi que la sub- stance toxique dont les Javanais endui- sent la pointe de leurs flèches, et dont les effets sont foudroyants quand elle est introduite dans une plaie, n'exerce en général aucune action nuisible sur l'économie animale, quand elle est ingérée dans les voies digestives (6). Gumilla , la Condamine , de Hum- boldt et plusieurs autres voyageurs, ont eu l'occasion de reconnaître que le poison dont les Indiens de l'Amé- rique méridionale se servent dans leurs chasses, c'est-à-dire le ourari, ivoorara on curare (c), se comporte de la même manière {d). Enfin MM. Pe- louze et Cl. Bernard ont reconnu que l'innocuité du curare, quand on l'in- troduit dans l'estomac, ne tient pas à l'altération de celte substance végé- tale par l'action des organes digestifs, mais dépend de ce qu'elle n'est pas ab- sorbée. Or, cette non-absorption est à son tour une conséquence de l'inapti- tude des membranes muqueuses à se laisser pénétrer par le curare. En effet, !\1M. Bernard et Pelouze ont constaté que si l'on garnit un endosmomètre avec un fragment frais de la mu- queuse gastrique d'un Chien ou d'un Lapin, et qu'après avoir chargé l'in- strument d'un sirop de sucre, on le plonge dans un bain formé par une dissolution aqueuse de curare, il y aura endosmose, mais que de l'eau seulement traversera la membrane, et que le curare n'accompagnera pas le courant endosmotique formé par ce liquide («). La membrane muqueuse de la ves- sie, la conjonctive, etc., sont égale- ment imperméables au curare chez les Mammifères; mais chez les Oi- seaux cette substance est absorbée facilement par la muqueuse du ja- bot if). Chez les Mammifères et les Oiseaux, (a) Redi, Observationes deviperis [Opusculorum pars secunda, p. 163 et suiv.). (b) Celte substance, que Redi appelle le poison des flèches de Bantam, était probablement Vupas anliar. (c) Voyez tome IV, page 142. (d) Voyez Reynoso, Recherches sur le curare, 1855, [i. 18 et suiv. (e) Pelouze et Cl. Bernard, Recherches sur le curare {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1850, t. XXXI, p. 536). (/') Cl. Bernard, Cours de médecine : leçons sur les effets des substances toxiques, etc., 1857, p. 287. 190 ABSORPTION. stance toxique introduite dans l'estomac à une puissance vitale dont cet organe serait doué, à une sorte de sensibilité particu- lière qui le porterait à repousser ce qui est nuisible, tandis qu'il laisse passer ce qui est utile à l'organisme. Mais on a constaté expérimentalement qu'il n'en est pas ainsi, et que l'exclusion du curare est la conséquence des propriétés physiques de la membrane stomacale, qui, sur le cadavre aussi bien que chez l'Animal vivant, est perméable à l'eau, aux dissolutions salines, au sucre et à une multitude d'autres substances, tout en étant imperméable pour la matière particulière dont il est ici question. L'explication du phénomène nous est donc donnée par la théorie physique de l'absorption. 11 en sera de même dans une foule d'autres circonstances. Je ne prétends pas que les forces osmoliques soient les seules qui puissent intervenir dans l'accomplissement de la fonction physiologique de l'absorption, et je chercherai bientôt à mettre en lumière l'influence d'autres agents; mais, dans la plupart des cas, il me parait évident que l'osmose est la cause prin- le curare n'est pas absorbé par la constaté beaucoup de faits de ce peau (o), mais chez les Grenouilles il genre. Ainsi il a vu que la chair des l'est, quoique lentement (6). Animaux morts du charbon, la ma- il est probable que c'est aussi de tière virulente de la morve, et d'autres l'inaptitude de la membrane mu- poisons analogues dont l'inoculation queuse des voies alimentaires à se est généralement mortelle, peuvent laisser traverser par les virus orga- être mêlés aux aliments et introduits niques que dépend l'innocuité de cer- dans les voies digestives du Chien, du taines substances d'origine animale, Porc et de la Poule, sans déterminer quand elles sont introduites dans l'es- aucun trouble dans l'organisme de tomac, bien que leur contact avec ces Animaux. Chez le Mouton , la une plaie soit suivi d'accidents des Chèvre et le Cheval, l'absorption peut plus graves. M. Kenault , directeur au contraire en être effectuée par les de l'École vétérinaire à Alfort , a parois de l'estomac (c). (a) Virchow et Mutiter (voyez Reynoso, Op. cit., p. 22). (6) Cl. Bernard, Op. cit., p. 292. (c) Renault, Études expérimentales et pratiques sur les effets de l'ingestion des matières viru- lentes dans les voies digestives de l'Homme et des Animaux domestiques {Recueil de médecine vétérinaire, 1851, t. XXVIII, p. 873). THEORIE DE CE PHENOMENE. 191 cipale du passage des matières étrangères de l'extérieur dans l'intérieur de l'appareil circulatoire, et la légitimité de cette opinion deviendra de plus en plus manifeste à mesure que nous avancerons dans l'étude des circonstances qui sont ou favorables ou défavorables, soit à la rapidité de l'absorption physiologique, soit à la production d'effets osmotiques consi- dérables (1). (1) M. Longet, tout en admettant que beaucoup de substances puissent pénétrer dans le corps vivant en vertu de la force d'endosmose, pense que souvent les phénomènes d'absorption physiologique sont en contradiction avec ce qui s'observe dans les expé- riences faites avec des tissus privés de vie, et que dans raccomplissement de cet acte les forces mécaniques, physiques et chimiques sont dominées par la force vitale (a). J'examinerai ailleurs l'influence que la puissance propre aux êtres vivants semble sus- ceptible d'exercer sur la marche de l'absorption ; mais , pour justifier l'o- pinion que j'ai émise ici, il me paraît nécessaire d'examiner les faits que M. Longet considère comme étant en opposition avec la théorie physique de cette fonction, a Et d'abord l'expé- rimentation, dit ce physiologiste, éta- blit que, chez l'Animal vivant, en injectant dans plusieurs anses intes- tinales des dissolutions de sucre de densités variables, les dissolutions très concentrées, et notablement plus den- ses que le sérum, disparaissent tout aussi vile que les plus étendues. Elles démontrent aussi que des solutions de nitrate de potasse ou de sulfate de soude, qui, douées d'un pouvoir en- dosmotique considérable , et offrant plus de densité que le sérum du sang, l'attirent dans le tube de l'endosmo- mètre, font précisément le contraire quand on les injecte dans le tissu cellulaire sous -cutané d'un Animal vivant, c'est-à-dire qu'après peu d'in- stants on ne retrouve plus aucun vestige de ces solutions, qui, vite ab- sorbées , ont été entraînées dans le torrent circulatoire (h) ». Effective- ment, les choses peuvent se passer de la sorte dans l'économie animale, et, dans les expériences de M. von Bec- ker, dont il a déjà été question (c), nous en avons vu des exemples; mais il suffit d'analyser ces faits pour voir qu'ils ne sont pas en dés- accord avec la théorie physique de l'absorption exposée ci-dessus. Quand du sucre, du nitrate de potasse ou du sulfate de soude en dissolution .se trouve en présence du sérum , dont une membrane perméable le sépare , la puissance osmogène du sucre ou du sel peut déterminer la sortie d'une certaine quantité de l'eau du sérum, et produire ainsi un phé- nomène d'endosmose dont la direc- tion sera opposée à celle que les (a) Longet, Traité de physwlogie, t. I, 2"^ partie, p. 291 , 401 et suiv. (6) Idem, iiid., p. 402. (c) VonBecker, Op. cit. {Zeitschr. fur missenschafll. Zoologie, 1854, t. V, p. 137 et suiv.) 192 ABSORPTION. Examinons donc de plus près quelles sont ces circonstances et quel degré d'influence elles peuvent avoir. circonsiances § /!|.. — Il cst évldeut quc, toutes choses étant égales d'ail- sur ' racfivL Icurs, Ic couraut endosmotique déterminé par le sérum du a sorpiion. ^^^^ (jgvra êtrc d'autant plus puissant, que la force osmogène propre à ce liquide est plus grande comparativement à celle de l'autre liquide réagissant , c'est-à-dire la sérosité du tissu conjonctif, ou le liquide en rapport avec la surface libre des molécules de sucre devront suivre pour pénétrer dans ce dernier liquide ; mais cela ne les empêchera pas d'o- béir aux lois de la difl'usion, et de se répandre par conséquent dans le sé- rum par voie d'exosmose. Or, le cou- rant exosmolique ou de dillusion devra eue d'autant plus rapide que la dis- solution sucrée ou saline sera plus concentrée; et il en résulte que si l'absorption physiologique était dé- terminée seulement par le jeu des forces physiques ou chimiques dont dépendent les phénomènes osmoli- ques, il y aurait, comme dans les expériences citées par M. Longet , passage du sucre ou de la matière saline de l'extérieur à l'intérieur des vaisseaux sanguins , c'est-à-dire ab- sorption de ces substances; et quant à la sérosité, dont la transsudation aurait été provoquée par la présence de la substance osmogène dans l'in- testin ou dans les aréoles du tissu conjonctif sous-cutané, elle devrait être résorbée à son tour par endosmose, quand les molécules de sucre ou du sel, obéissant à la force de diffusion, auraient pénétré dans le sang en quan- tité suffisante pour y être en équilibre avec celles restées dans le liquide exté- rieur. Je ne vois donc là rien qui soit incompatible avec l'explication phy- sique des phénomènes physiologiques de l'absorption , et la dissidence de nos opinions me semble dépendre de ce que mon savant confrère et ami M. Longet ne tient pas compte du pouvoir diffusif des matières en dis- solution. Ce physiologiste éminent se fonde aussi sur la faculté que pos- sèdent les Animaux d'absorber les matières grasses, sujet sdr lequel je reviendrai bientôt ; enfin , il argue également de l'espèce de triage des matières absorbées dans diverses par- ties de l'organisme, phénomène qui se lie trop intimement au travail chi- mique des sécrétions pour que je puisse l'examiner utilement ici. Mais je crois devoir rappeler que les forces physiques dont le jeu détermine les mouvements osmotiques ne sont pas sans influence sur la composition des liquides qui traversent les membra- nes ; nous en avons eu des preuves en étudiant les phénomènes de fillra- tion élective et certains résultats four- nis par les expériences sur l'endos- mose [a). ((t) Voyez ci-dessus, piige 88. CIKCONSTANCES QUI INFLUENT SUK CETTE FONUTlUxN. 195 membranes tégumentaires, soit externes, soit internes, de l'or- ganisme. Nous savons, par les expérienees de jM. Graham, que le pou- inuuence . , ., de la voir endosmotique du sérum n'est pas très considérable ; qu'il nature chimique , . des malières est de beaucoup intérieur à celui d une dissolution saline con- à absorber. tenant seulement un centième de phosphate ou de carbonate de soude: mais que, d'autre part, il est beaucoup plus grand (jue celui de plusieurs autres dissolutions salines, et qu'il est même très grand comparativement à celui des acides dilués (1). Par conséquent , l'action osmogène du sérum doit suftire pour déterminer l'absorption , non-seulement de l'eau, mais aussi de diverses dissolutions, et en s'exerçant sur un acide dilué, elle doit l'aire naître des courants endosmoliques très [)uissants, ou, en d'autres mots, déterminer l'entrée rapide de ces substances dans le torrent de la circulation. Nous avons vu aussi que la présence dïine petite quantité d'acide, surtout d'acide chlorhydrique ou d'un acide organique, diminue beau- coup le pouvoir osmotique d'une substance (2), et par conséquent nous devons prévoir que le mouvement endosmotique déter- miné par le sérum produira des effets beaucoup plus considé- rables sur un liquide légèrement acidulé que sur un liquide neutre ou basique. Si dans l'estomac d'un Animal on introdui- sait une dissolution aqueuse d'acide oxalique ou d'acide citrique au titre d'un centième, et si les vaisseaux sanguins de ce vis- cère ne contenaient que de l'eau pure, il y aurait une absorption rapide du liquide acidulé qui serait transporté en grande partie (1) Dans une série d'expériences attribue ia faible action cndosmo- comparatives , l'élévation de la co- tique du sérum à la présence du clilo- lonne endosmométrique n'a pas dé- rure de sodium, qui fort souvent dimi- passé 39 millimètres avec le sérum nue la puissance osmogène des sels de Bœuf, et a atteint environ 200 basiques, tels que le phosphate de avec une dissolution de phosphate de soude (a). soude à 1 pour 100. M. Graham {'i) Voyez ci-dessus, page IZiS. (a) Graham, On OsmoHc Fuvce (Pliilos. Traus., 1S54, p. 209). V. 1 3 194 ABSORPTION. de la caviié gastrique dans l'intérieur des veines; à plus forte raison, quand ces derniers vaisseaux sont occupés par du sang, le niêuie phénomène devra-t-il se produire. L'acide chlor- bydrique détermine aussi avec beaucoup d'énergie l'osmose négative, c'est-à-dire le passage du liquide à travers la mem- brane perméable vers l'autre liquide réagissant, et nous verrons bientôt que cette circonstance a une grande influence sur l'activité de l'absorption dans certaines parties du corps com- parées là d'autres, et notamuient sur le rôle de l'estomac dans cette fonction ; mais en ce moment je ne cherche qu'à étabbr les principes qui doivent nous guider dans l'appréciation des phénomènes de ce genre, et par conséquent je ne m'arrêterai pas sur les faits de détail. inauencc § 5. — La counaissancc des lois qui régissent le dévelop- dulânir" pement des phénomènes osmotiques nous permet également de prévoir comment les variations dans la composition du sang doivent influer sur la rapidité avec laquelle l'absorption en général , ou l'absorption de certaines substances en particulier sera effectuée. Ainsi le pouvoir osmogène du sang est dii en grande partie aux matières albuminoïdes dont ce liquide est chargé. 11 en résulte donc que, toutes choses étant égales d'ailleurs, l'ab- sorption déterminée par cette force sera d'autant plus rapide que le sang contiendra une moindre proportion d'eau. Cet abaissement dans la quantité relative d'eau peut être déter- miné de dillerentes manières. Ainsi, il peut être l'effet d'une évaporation abondante qui, en enlevant de l'eau aux tissus superficiels de l'organisme, rend ceux-ci plus aptes à en sous- traire aux fluides en circulation dans leur intérieur. îl peut être amené aussi par l'établissement d'une excrétion osmotique ou autre dans un point déterminé de l'économie ou par une production surabondante de fibrine, ainsi qu'on en voit dans les états inflammatoires, et par conséquent, dans tous ces cas. CIRCONSTANCES QUI INFLUENT SUR CETTE FONCTION. 195 nous devons nous attendre à trouver que l'activité fonction- nelle de l'absorption augmente. En un temps donné, une même surface fera donc pénétrer dans l'appareil circulatoire un volume d'eau et de matières étrangères d'autant plus considérable, que ce liquide tiendra en dissolution une plus grande proportion de matières solides. La composition chimique du sang devra exercer une influence analogue sur les produits de l'absorption, quand celle-ci est la conséquence du pouvoir diffusif des substances en dissolution dans le liquide en contact avec la surface externe des vais- seaux ou avec les tissus situés entre ces organes et l'extérieur du corps. Or la diffusion, comme nous l'avons vu, joue un rôle important dans le mécanisme de cette fonction ; et moins le sang contiendra de molécules de la nature de celles dont est formé le corps qui tend à y pénétrer de la sorte, plus les particules de celui-ci trouveront de facilité pour y pénétrer. Par conséquent, toutes choses étant égales d'ailleurs, l'entrée d'une substance diffusible dans l'appareil circulatoire sera d'autant plus facile, qu'il y aura moins de cette même substance préexistante dans le sang en contact avec la surface opposée de la membrane absorbante. Ainsi, quand toutes les autres conditions du phé- nomène restent invariables, les substances qui ne se trouvent pas dans le sang doivent y arriver plus vite que celles dont ce liquide est déjà chargé, et doivent en général y pénétrer d'au- tant plus rapidement, qu'elles se trouvent en plus forte propor- tion dans le liquide qui les fournit à l'organisme (1). § 6. — Les principes fournis par l'étude des phénomènes osmotiques nous permettent également de comprendre quel (1) Ainsi, duus les expériences sur dilé avec laquelle cette substance pas- l'aijsorplion du sucre dans le canal sait de Tintestia dans le san"- éiail digestif dont il a déjà été gueslioa, proportionnelle à la richesse de la M. von Becker a trouvé que la rapi- dissolution employée (a). (a) Von Becker, Op. cit. {Zeitschrlft fur wissenschafil. Zoologie, 185i, t. V, p. I5GI. Influence riu courant circulaloire. 196 ABSOKPTION. genre d'influence le mouvement circulaloire du sang doit avoir sur les actions moléculaires dont dépend en grande partie le travail de l'absorption. Le renouvellement continuel de la por- tion du sang qui est en contact direct avec la face interne de la membrane absorbante a pour effet de maintenir constant le pouvoir osmogène de ce fluide, ainsi que son degré d'aptitude à.recevoir dans sa masse les molécules qui tendent à y pénétrer pour obéir à la force diffusive dont elles sont douées. Si le sang était en repos, comme l'est le liquide osmogène dans le réservoir d'un endosmomètre ordinaire, la couche en contact direct avec la membrane absorbante perdrait de son activité comme agent endosmotique, à mesure que le liquide extérieur y arriverait, et bientôt ne continuerait à attirer celui-ci que parce qu'elle céderait aux couches de sang situées plus loin une portion des matières dont elle s'était chargée. La rapidité du courant endosmotique se trouverait donc subordonnée à la facilité avec laquelle ce transport s'effectuerait dans le sein du fluide nourricier, et tout ce que je viens de dire relative- ment à l'affaiblissement progressif des effets de l'endosmose est également a[)plicable à l'arrivée des molécules du dehors, par suite de leur répulsion mutuelle dans le sein du liquide où elles sont en dissolution. Mais le mouvement circulatoire détermine à chaque instant le renouvellement de la portion du sang qui sert à la fois comme agent osmogène et comme menstrue pour les molécules en voie de diffusion , et par conséquent ce mouvement maintient toujours intacte la puis- sance de réception , ainsi que la puissance attractive de cette humein^ tant que sa masse tout entière n'a pas été modifiée dans sa constitution chimique par les effets de cette absorption locale. Si ces conclusions avaient besoin de nouvelles preuves pour être admises parles physiologistes, je citerais ici l'intluence que l'agitation du bain extérieur exerce sin^ la valeur des produits CIRCONSTANCES Ql'I INFLUENT SUR CETTE FONCTION. 197 de l'endosmose, lorsqu'on emploie le sérum du sang pour dé- terminer le déplacement d'une dissolution saline dans des vases inertes. Il arrive souvent dans ces expériences, lorsque l'ap- pareil est en repos, que le courant endosmotique, après avoir duré quelque temps, s'arrête, mais reprend dès que l'on agite le liquide osmogène de façon à disperser dans la masse tout entière de celui-ci la quantité de l'autre liquide qui avait déjà pénétré dans les couches en rapport immédiat avec la membrane osmotique, et qui avait dilué ces couches au point de les rendre inactives (1). Ainsi, la rapidité du torrent circulatoire est une circonstance (J) Comme exemple de la recru- descence de l'endosmose déterminée parle renouvellement des portions du bain en contact avec la memijrane os- motique, je citerai Texpérience sui- vante, faite par M. Poiseuille. Ce phy- siologiste a reconnu qu'en plaçant dans son endosmomètre une dissolu- lion de phosphate de soude au titre de 1 pour 100 et en plongeant l'in- strument dans un bain de sérum, il y avait osmose de la dissolution saline vers ce dernier liquide, et par consé- quent abaissement du niveau de la colonne fluide intérieure ; tandis qu'a- vec une dissolution au titre de li pour 100, l'endosmose s'établissait en sens inverse, c'est-à-dire au profit de la dis- solution saline, et faisait monter celle-ci dans l'endosmomètre. Dans ce der- nier cas, il vit le liquide monter jus- qu'à une hauteur de 3/i millimètres; mais, au bout de quelques heures, l'appareil étant dans un repos com- plet, la colonne commença à redes- cendre et ne se trouva bientôt qu'à à millimètres au-dessus du bain ex- térieur. Alors il lui suffit d'agiter celui-ci pour foire renaître le mouve- ment ascensionnel à raison d'abord de /i millimètres par heure. Ces varia- tions ne . dépendaient donc pas de changements survenus dans la résis- tance hydrostatique de la membrane, mais de changements dans la direction du courant osmotique qui se portait d'abord du sérum vers la dissolution concentrée de phosphate de soude, et qui se ralentissait à mesure que les couches adjacentes de cette dissolu- tion s'affaiblissaient par suite de l'ar- rivée du sérum, et qui changeait de di- rection quand, par suite des échanges effectués de la sorte et du transport d'une certaine quantité de phosphate dans la portion voisine du bain formé par le sérum, l'action osmogénique de ce dernier liquide était devenue apte à balancer celui de la dissolu- tion alTaiblie. Mais ces changements de densité étaient locaux , et les effets qui en résultaient ont cessé lorsqu'en agitant le bain, on a dissé- miné les portions modifiées de l'un et de l'autre liquide dans la masse entière de chacun d'eux, ce qui a ré- tabli les rapports de pouvoir osmo- tique dont résultait au commencement 198 ABSORPTION. qui favorise le jeu des forces osmoliqiies et qui tend à activer l'absorption, indépendamment de rinfluence mécanique que ce mouvement de translation peut avoir sur l'arrivée plus ou moins facile des courants endosmotiques dans la colonne sanguine et sur le mode de répartition des matières absorbées dans les par- ties éloignées de l'organisme, circonstances sur lesquelles nous aurons bientôt à revenir. iiinuencc § 7. ■ — D'après ce que nous savons des effets osmotiques, Je la disposition -, • , -• • '•' de nous pouvons comprendre aussi comment les propriétés ana- 'absOTbantT touiiqucs ct chimiqucs des membranes par lesquelles l'ab- sorption physiologique s'effectue peuvent exercer une grande influence sur le degré de puissance avec lequel cette fonction s'accomplit. "* Le raisonnement, aussi bien que l'expérience, montre que l'absorption, de même que l'endosmose, doit, toutes choses étant égales d'ailleurs, donner un produit d'autant plus grand, qu'elle se fera par l'intermédiaire d'un diaphragme dont la surface de contact avec les liquides réagissants sera plus étendue (i). tnfluenee L'uue dc ces surfaces de contact est constituée par la paroi du degré (jgg vaisseaux dans lesquels le sang circule, et par consé- dc \ascularite *■ >■' ' ' dutissu^ quent, en cas de parité des autres conditions, l'absorption sera de l'expéi'ie'nce l'afïlux du sérum dans le réservoir occupé par le phosphate de soude (a). M, Liebig a montré également que si de l'eau est renfermée dans une anse d'intestin dont la surface extérieure baigne dans une dissolution saline, le passage du premier de ces liquides dans le second devra se faire plus ra- pidement si celui-ci est en mouvement que s'il était en repos, car cela est une conséquence du rapport qui existe entre le degré de richesse de la solu- tion osmogène et la grandeur des effets osmotiques qu'elle détermine ;6). (1) Voyez ci-dessus, page 128. (a) Poiseuille, Recherches expérimentales sur les médicamenls {Comptes rendus de V Académie des sciences, 1844, t. XIX, p. 997), (6) Liebig, Recherches sur quelques-unes des causes dxi mouvement des liquides dans l'ûrga~ nisme animal {Ann. de chimie et de physique, 3" série, 1849, t. XXV, p. 41 3). CIRCONSTANCES QUI INFLUENT SUR CETTE FONCTION. V^^ d'autant plus rapide, que l'organe qui Teffectue es! plus vas- culaire. L'autre surface, c'est-à-dire la surface libre du tissu dans l'épaisseur duquel sont creusés les vaisseaux sanguins dont je viens de parler, est celle en rapport avec la substance absor- bable. Par conséquent, toute disposition qui tend à agrandir cette surface sera favorable r.u développement de sa puissance absorbante, et nous devons nous altendre à voir la Nature adopter dans la structure des organes des dispositions analo- miques conformes à ce principe (1). J'ai déjà eu l'occasion de montrer qu'effectivement c'est là un des procédés mis en usage pour perfectionner l'appareil respiratoire, qui est un instrument d'absorption, et, lorsque nous étudierons d'une manière spé- ciale le mode d'introduction des produits de la digestion dans la profondeur de l'économie animale, nous verrons aussi que les surfaces en contact avec ces matières, deviennent d'autant plus étendues, que la fonction dont elles sont chargées doit être plus active. Il est également aisé de comprendre que la puissance absor- bante d'une surface doit être en rapport avec le degré de per- méabilité du tissu qui la constitue et l'épaisseur des couches poreuses que les liquides ont à traverser pour passer de Texte* rieur jusque dans les vaisseaux sanguins adjacents. Inflnenco de l'élenduc de la surface libre. Influoiice de la densité (les tissus. (1) Les expériences de M. von Bec- ker, citées ci-dessus , paraissent ne pas s'accorder avec cette proposition, car il a trouvé que la quantité de sucre absorbée était, dans certaines limites, à peu près la même quand celte substance était en contact avec une étendue considérable de la mem- brane muqueuse intestinale ou circon- scrite dans un tronçon assez court du tube digestif (:/) ; mais il me paraît probable que cela devait tenir à ce que, dans tous les cas, la surface ab- sorbante était suffisante pour fournir à la masse du sang en circulalion la quantité de molécules de sucre né- cessaire pour établir l'équilibre entre ce liquide et la dissolulion sucrée contenue dans l'inlestin. (a) Von Becker, Op. cit. (Zeilschrift. fur wisstnschafil. Zool., 4 854, t. V, p. 148). 200 ABSORPTION Obstacle Ainsi que je l'ai déjà dit et que je le montrerai plus en détail par ivp'idermo. dans unc autre partie de ce cours, le tissu épithélique qui revêt extérieurement la peau aussi bien que les muqueuses, et qui tapisse de la même manière les vaisseaux irrigatoires, ne renferme pas de vaisseaux sanguins dans son épaisseur, et n'offre que peu de lacunes confluentes qui puissent remplir le rôle de canaux capillaires pour le passage des liquides, tandis que le derme et les autres tissus sous-jacents sont à la fois très vasculaires et d'une structure lacunaire, car ils se composent de fibrilles ou de lamelles qui se rencontrent sous divers angles et laissent entre elles des espaces vides en communication les unes avec les autres. La présence dsi tissu épitbéliquc entre les matières qui doivent être absorbées et les vaisseaux où ces substances ont à pénétrer, est donc un obstacle à l'absorption de celles-ci, et cet obstacle doit être d'autant plus grand, que la coucbe ainsi con- stituée est plus épaisse et plus dense. Or, il existe à cet égard des différences très grandes dans les diverses parties qui sont aptes à recevoir le contact des matières dont l'absorption est voulue, et par conséquent il y a là encore une source d'inégalité dans la puissance absorbante de ces surfaces. Influence En étudiaut , dans la dernière Leçon , les phénomènes de lies luimeurs •^^ • , ' l ^ . l' ^ qniuibrinent capularite et les mouvements osmotiques, nous avons vu (pie IbsoiSes. b\ présence de quantités très petites de certaines substances sur les parois des cavités étroites destinées à recevoir un liquide peut avoir nne influence très considérable sur les effets de Taction attractive exercée sur celui-ci par ces mêmes parois. Nous pouvons donc prévoir que si les choses se passent dans l'organisme vivant comme dans nos appareils osmométriques, la puissance absorbante d'une meuibrane pourra varier suivant que celle-ci se trouvera lubrifiée par une humeur de telle ou telle nature, et que la uiatière dont elle sera imbibée pourra être un obstacle à l'introduction de certains liquides, tout en PAR LES VOIES RESPIRATOIRES. -^^ ^ \ favorisant l'entrée d'autres substances (1). Ainsi, une mem- \ brane déterminée, si elle vient à être mouillée par une bumeur •! alcaline, n'agira pas toujours de la même manière que si elle j était imprégnée d'un acide, et la présence d'une quantité plus i ou moins considérable de graisse dans son tissu modifiera aussi • son mode d'action comme organe d'absorption. Par conséquent, i dans l'examen des phénomènes dont l'étude nous occupe ici, ■ il faut avoir égard, non-seulement à la texture des parties, mais ; aussi à la nature des sécrétions dont les surfaces absorbantes \ peuvent être le siège (2). = En tenant compte des circonstances anatomiques et chimiques comparaison . i i ^ lie la puissance dont je viens de parler, on peut en général juger assez exacte- absoAame ! ment de la puissance absorbante d'une partie déterminée de l'or- 'iwers organes, i ganisme. § 8. — Ainsi chez l'Homme, de même que chez les Animaux p^în°S°". plus ou moins inférieurs, l'appareil respiratoire est de toutes les parties de l'économie celle qui réunit au plus haut degré les -^ conditions de perfection comme instrument absorbant, et celle \ aussi où l'introdiiction des matières étrangères jusque dans le ; torrent de la circulation est le plus facile et le plus rapide. j C'est pour cette raison que des substances gazeuses et des j vapeurs délétères qui ne peuvent exercer leur influence nuisible ; qu'à la suite de leur absorption et de leur transport par le i torrent circulatoire dans les profondeurs de l'organisme, déter- ' minent souvent avec une grande promptitude des accidents graves, et même la mort, quand elles arrivent en contact avec \ la surface respiratoire. I J'ai déjà eu l'occasion de dire quelques mots des empoison- .. (1) Voyez ci-dessus, page IZiS. des différences qui se manifestent sou- (2) Les variations qui se produisent vent dans le pouvoir aJDSorbant d'une dans les qualités des liquides sécrétés même membrane , quand les autre par les surfaces absorbantes me pa- conditions physiques et physiologiques raissent être une des principales causes semblent être restées identiques. 202 ABSORPTION nements qui peuvent être produits de la sorte par la pré- sence d'une petite quantité de quelque gaz toxique dans l'air que nous respirons (1) ;' mais pour mettre mieux en évidence la rapidité avec laquelle des vapeurs et des gaz sont absor- bés par la surface des cellules pulmonaires, je citerai ici quelques autres exemples d'une mort foudroyante due à cette cause. L'acide cyanhydrique est un poison violent qui, introduit dans le torrent de la circulation, exerce principalement son influence délétère sur le système nerveux, et qui détruit l'irrita- bilité des muscles. Il n'agit donc qu'après avoir été absorbé, et ses effets sont d'autant plus terribles, que son absorption s'ef- fectue plus rapidement. Or, il suffit d'approcher des narines d'un Chien ou d'un Lapin un tlacon ouvert où se trouvent quelques gouttes de cette substance à l'état de pureté, pour que la vapeur qu'elle dégage tue l'Animal en quelques secondes (2). (1) Voyez tome I, page /i51. vapeur avant que d'avoir été absorbé (2) Dans une expérience dont je me en quantité suffisante pour déterminer souviensd'avoir été témoin, Magendie des accidents graves (a). Magendie ayant mouillé le bout d'une baguette cite une autre expérience dans laquelle de verre avec de Tacide cyanhydrique l'Animal tomba comme foudroyé, anhydre étendu d'un peu d'alcool, et parce qu'on avait passé rapidement l'ayant introduit brusquement dans la sous ses narines un flacon débouché gueule d'un Chien vigoureux, vit l'a- contenant de l'acide cyanhydrique nimal faire aussitôt quelques grandes anhydre (6). inspirations, et au bout de quelques II est aussi à noter que le curare, secondes tomber mort. Le même poi- dont l'absorption par la peau ou par son, appliqué sur la conjonctive, pro- la muqueuse digestive n'est pas assez duit des effets semblables, mais moins rapide pour donner lieu à des sym- rapidement, et, introduit dans laça- plômes d'empoisonnement, détermine vile péritonéale ou déposé dans le promptement la mort quand il arrive tissu conjonctif sous-cutané, il tue en contact avec la surface pulmo- plus lentement. Enfin, mis en contact naire (c). avec la peau, il se dissipe souvent en (a) Magendie, Recherches physiologiques et cliniques sur l'emploi de l' acide prussique ou hydra- cyanique. Ia-8, Paris, 1819, p. 4. (6) Magendie, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, t. I, p. ^3-2. (c) Cl. Bernard, Cours de médecine : Leçons sur les substances toxiques, p. 287. PAR LES VOIES RESlMPiATOlRES. 203 Plus d'un accident funeste a été causé par l'absorption pulmo- naire, et je ne saurais mettre les élèves de nos laboratoires trop en garde conlj-e les dangers invisibles qu'ils affrontent souvent sans les connaître, quand ils respirent un air chargé de vapeurs toxiques. C'est de la sorte que la science a été privée d'un des chimistes les plus distingués de Munich, Gehlen (1). Ce savant s'occupait de l'élude d'un gaz récemment découvert, et composé d'hydrogène uni à l'arsenic; voyant que le dégagement ne s'en faisait pas bien, et pensant que son appareil perdait, il flaira les bouchons pour reconnaître les fuites à l'odeur qui se répan- drait. La quantité d'hydrogène arséniqué attiré de la sorte dans ses poumons devait être bien faible, et cependant en moins d'une heure il commença à en ressentir l'atteinte mortelle, et, après avoir langui quelques jours en proie à de vives souf- frances, il périt victime de son imprudence. Il ne faut pas croire que les gaz délétères ne soient redoutables que lorsqu'on les respire en proportion suffisante pour en être asphyxié ; l'hy- drogène arséniqué n'est pas le seul fluide aériforme qui, absorbé par les poumons, même en quantité peu considérable, puisse être un poison mortel (2), et toutes les vapeurs qui se trouvent (1) Ce savant s'était fait connaître l'action de vapeurs alcooliques répau- par des recherches sur l'éther et sur dues dans l'air que l'on respire. Ce diverses questions de chimieminérale. fait a été constaté expérimentalement Il publia pendant plusieurs années, à par :\I. Pioliet (6), et s'explique par Berlin, un journal de chimie intitulé l'absorption pulmonaire , car l'alcool d'abord Neues allgemeines Journal ne détermine cet état qu'après avoir der Chemie (1803 à 1806), puis Jour- été introduit dans le torrent de la cir- nal fur der Chemie und Physik culalion et porté jusqu'au cerveau. (1806 à 1810). Il mourut empoisonné L'absorption de la vapeur d'iode parl'hydrogènearséniqué, enl815(o). par les voies repiratoires a été con- (2) Il est d'observation vulgaire statée expérimentalement par M. Pa- que l'ivresse peut être causée par nizza (c). (a) Schweigger, Zu Gehlens beiliegendem Bildnisse (Journ, fur Chemie und Physik, 1815, t. XV. p. 1, et A72nals of Philosophy, 181(3, t. VUl, p. 40-1). (b) Pioliet, De l'absorption pulmonaire {Archives générales de médecine, 1" série, 4825, t. IX, p. 611). (e) Paniz2a, DelVassorbemento venoso [Mem. delVIslil. Lomb., 1843, 1. 1, p, 181). 204 ABSORPTION mêlées à l'air peuvent arriver avec une grande rapidité jusque dans notre sang, quand nous les respirons (1). C'est par suite de cette absorption que beaucoup de matières odorantes déter- minent souvent dans notre organisme un trouble caractérisé par de la céphalalgie ou d'autres accidents nerveux, et, dans certains cas, il est facile de constater que la matière volatile a pénétré dans la substance de notre corps, car, après y avoir séjourné quelque temps, elle est rejetée au dehors avec l'urine et donne à ce liquide une odeur particulière (2). Du reste, cette (1) Ainsi, on connaît plusieurs cas où la mort a élé déterminée par l'ab- sorption du gaz nitreux par les voies respiratoires sans qu'il y ait eu as- phyxie (a). ('2) On sait que la vapeur odorante de l'essence de térébenthine pénètre fa- cilement dans l'économie par les voies respiratoires, et manifeste sa présence dans l'urine par l'odeur de violette qu'elle communique à ce liquide. C'est en majeure partie de l'absorption de celte substance par les voies respira- toires que dépendent les accidents déterminés souvent par le séjour dans un appartement nouvellement peint à l'huile ou au vernis ordinaire. Il faut attribuer aussi à l'absorption des matières odorantes des fleurs par les voies pulmonaires les accidents plus ou moins graves, tels que cépha- lalgie , nausées et même syncope , que le voisinage de certaines plantes détermine chez quelques personnes. Les essences extraites des mêmes fleurs produisent ces effets avec beau- coup plus d'intensité , parce qu'elles dégagent des vapeurs semblables en plus grande abondance. Orfila a réuni plusieurs exemples curieux d'acci- dents de ce genre produits par l'o- deur des roses ou d'autres fleurs (?>), et, d'après mon expérience person- nelle , je puis ajouter que parfois l'existence d une très petite quantité d'essence de citron dans l'air confiné suffit pour déterminer des symptômes nerveux bien caractérisé?. Depuis longtemps j'emploie avec beaucoup de succès , pour détruire les larves rongeuses dans les collec- tions entomologiques, un procédé qui repose sur l'absorption de vapeurs par les organes respiratoires. La ben- zine introduite de la sorte dans l'éco- nomie est un poison pour les Mam- mifères et les Oiseaux, mais agit avec bien plus de force sur les Insectes et les fait périr promptement (c). D'a- près mes conseils, M. Doyère a mis en usage des moyens analogues pour détruire les Charançons dans les blés attaqués par ces Insectes, et ses expé- riences montrent que la vapeur de (a) Voye^ Orfila, Traité des poisons, t. I, p. 152 et suiv. (édit. fie 1827). (6) Orfila, Traité des poisons, 1827, t. Il, p. 467. (c) Milne Edwards, Sur l'emploi de la benzine pour la deslruction des Insectes {Bulletin de la Société rentrale d'agrimlttire, 1852, t. VIII, p. 40(!j. l'AK LES VOIES KESlMKAiOlliES. "JOS grande puissance absorbante est bien plus utile qu'elle n'est nuisible ; c'est elle qui rend nos poumons aptes à satisfaire aux besoins de la respiration, travail dont l'activité est dans un rapi)ort nécessaire avec celui de tous les autres instruments physiologiques qui constituent notre organisme, et, indépen- damment de ce service normal, c'est encore elle qui rend possible une des plus grandes merveilles de l'art médical : la production de l'état d'anesthésie à l'aide duquel l'opé- rateur préserve de toute souffrance physique et morale le ma- lade dont il entaille les chairs. En effet, si le chloroforme ou l'éther introduit sous la forme de vapeur dans nos poumons nous plonge dans une sorte de sommeil durant lequel la faculté de sentir est suspendue, c'est que la matière diffusible ainsi répandue dans l'appareil respiratoire passe rapidement dans le sang en circulation, et arrive ainsi en contact avec certaines parties du système nerveux dont elle interrompt l'action. L'é- lude de ce beau phénomène serait prématurée en ce moment; mais nous aurons à y revenir, car nous y puiserons d'utiles lumières, et même, en fùt-il autrement, nous ne pourrions passer avec indiiïérence à côté d'une question physiologique qui touche de si près aux intérêts de l'humanité (1). sulfure de carbone remplit toutes les llier fut faite en I8/16, à Boston, par conditions voulues pour assurer la M. M. Jackson, professeur de chimie, conservation des céréales contre les et Morton, chirurgien -dentiste (6). attaques des Insectes (a). L'emploi du chloroforme fut substitué (1) On sait que la découverte de avec avantage à celui de l'éther, en la production d'un état d'anesthésie 18^7, par M. Simpson, professeur par l'inhalation de la vapeur d'é- d'accouchements à Edimbourg (c). Au (a) Doyère, Mémoire sur l'emploi des anesthésiquespour la destruction des Insectes qui dévorent les grains (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1857, t. XLIV, p. 993). (6) Jackson, De l'inhalalion de l'éther pour suspendre la sensibilité chez des personnes sou- mises à une opération chirurgicale {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 18-47, t. XXIV, p. 74). — Voyez aussi Roux, Rapport sur les prix de médecine et de chirurgie [Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1850, t. XXX, p. 241). [c) Simpson, Historical Researches regarding Ihe Superinduction of Insensibility to Pain in Surgical Opérations, and Announcement of a New Anœsthelic Agent, Edinburgh, 1847 {voy. Monthlg, Journ. of Med. science, 1847, t. YIII, p. 451). Absorption par lu peau chez les Animaux. 206 ABSORPTION Quant à l'absorption rapide des liquides par la surface pul- monaire, j'en ai déjà donné des preuves (i), et je me bornerai à ajouter ici que, sous cette forme, les matières étrangères arri- vent ainsi plus rapidement dans le torrent circulatoire que par toute autre partie de l'organisme (2). § 9. — La peau est aussi une des voies par lesquelles l'ab- sorption peut s'effectuer ; mais cette membrane tégumentaire est spécialement destinée à protéger les parties sous-jacentes de l'organisme, et, pour bien remplir cette fonction, elle doit offrir une épaisseur et une densité qui sont peu favorables à la sujet du mode d'action de ces siib- slances sur le système nerveux, je ren- verrai aux pujjlicalions de MM. Floii- rens, Longet, etc. (a). <1) Voyez ci-dessus, page 3. (2) Ainsi, dans une des expériences faites par Lebkiichner, une dissolution de cyanoferrure de potassium fut in- jectée dans les voies aériennes d'un Chat, et, au bout de deux minutes, le sang tiré de la carotide de Tanimal donna, avec un sel de fer, un préci- pité de bleu de Prusse (6), Mayer avait obtenu précédemment un résul- tat fort semblable (c). Mageadie a constaté aussi que la teinture alcoolique de noix vomique, injectée dans le poumon d'un Chien, est absorbée avec une grande rapi- dité {d). Enfin M. Ségalas a reconnu que 3 centigrammes d'extrait de noix vo- mique, dissous dans 60 gram. d'eau, produisaient la mort en deux minutes quand il injectait ce poison dans les voies respiratoires d'un Chien ; 10 cen- tigrammes du même extrait ne pror duisaient aucun elïet , étant portés dans l'estomac d'un autre Animal de même espèce, et 1 gros (c'est-à-dire plus de 7 grammes et demi) de ce poison, ayant été injectés dans la ves- sie, ne déterminèrent des symptômes d'empoisonnement qu'au bout de vingt minutes (e). De l'indigo, du safran, de la rhu- barbe et d'autres matières colorantes injectées dans les poumons par Leb- kiichner n'ont pas été reconnus dans le sang (/'). (a) Flourens, Notes touchant les effets de l'inhalation éthérée sur la moelle épinière, etc. (Comptes rendus de l'Académie des sciences, d847, t. XXIV, p. 161, 253, 340). ■ — Longet, Expériences relatives aux eff'ets de l'inhalation de l'éther sulfurique sur le sys- tème nerveux, lu-8, Paris, 1847. (6) Lebkiichner, Sur la perméabilité des lisstis vivants (Arch. yen. de méd., 1" série, 1825, t. VII, p. 432). (c) Mayer, Op. cit. (Meckel's Deiitsches Archiv fur die Physiologie, 1817, t. III, p. 496). {d) Magendie, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, t. 1, p. 32. (e) Ségiilas, Note sur quelques points de physiologie {Journal de physiologie de Magendie, 1824, t. IV, p. 285). if) Lebkiichner, Op. cit., p. 434. PAR LA PEAU. 207 réalisation des échanges osmotiques. Sous ce rapport, on y remarque cependant de grandes différences chez les divers Animaux. Tantôt elle est en totalité ou en majeure partie revêtue d'une couche épidermique qui acquiert un haut degré de développement, et qui se consolide par le dépôt de ma- tières calcaires ou d'apparence cornée dans son épaisseur, de façon à constituer une armure presque imperméable, telle que la coquille des Mollusques et le squelette extérieur des Crustacés ou des Insectes. D'autres fois cette membrane se recouvre de plaques osseuses, d'écaillés ou d'appendices cor- nés qui affectent la forme de plumes ou de poils, et qui la préservent du contact direct des corps étrangers ; dans tous les cas, les surfaces ainsi revêtues ne se laissent que très difficilement traverser par les fluides adjacents (1). Mais, chez d'autres Animaux , dans certaines régions du corps , la peau n'est garnie que d'une couche mince de tissu épithélique, et les zoologistes disent qu'elle est nue^ bien que sa partie (1) L'existence d'écailles ne rend blement augmenté (a). Le même pliy- pas la peau impénétrable à l'eau ; siologiste a constaté des phénomènes mais il est probable que l'absorption analogues chez les Poissons (6). de ce liquide a lieu principalement M. Longet cite aussi des expé- par les espaces situés entre ces pla- riences dans lesquelles il a déterminé ques solides. des accidents tétaniques chez des L'absorption de l'eau par la peau Couleuvres, des Orvets et des Lézards écailleuse des Lézards a été prouvée en appliquant une dissolution de par les expériences de W. Edwards. chloi'hycU'ate de strychnine sur la sur- Un de ces Reptiles, qui avait éprouvé face écailleuse de la peau du ventre des perles considérables par évapora- de ces Animaux ; mais l'absorption tion, fut assujetti dans un tube ouvert du poison ne se faisait que très lente- aux deux bouts; on plongea alors dans ment, et les symptômes de l'intoxi- un bain la moitié postérieure de son cation ne se manifestèrent qu'au bout corps, et au bout d'uii certain temps de quelques heures (c). on reconnut que son poids avait nota- (a) W. Edwards, De l'inlluence des agents physiques de la vie, p< 34tj. (6) Idem, Op. cit., p. 123. (c) Longet, Traité de physiologie, 1859, l. I, p. 295. ;208 ABSORl^TlON fondameiitale et vasculaire, c'est-à-dire le derme, ne se trouve pas à découvert. Dans les parties disposées de la sorte, l'ab- sorption est moins difficile que dans les parties mieux cuiras- sées ; mais, sous ce rapport, il y a une distinction importante à établir, suivant que les parties ainsi constituées sont habituel- lement en contact avec l'air atmosphérique ou baignées par l'eau. Chez les Animaux aquatiques à peau nue, le tissu épider- mique ne se consolide que peu, se détache à mesure qu'il s'accroît, et ne foruie que rarement autour du corps une gaine épaisse et dense, tandis que cliez les Animaux terrestres il se dessèche et se consohde davantage, au poiut de constituer une tunique externe résistante et fort peu perméable. Dans le premier cas, la surface tégumentaire est généralement douée d'une puissance absorbante assez grande : ainsi chez une Limace ou une Grenouille, par exemple, la peau livre facilement passage aux liquides que les forces osmotiques tendent à faire pénétrer dans l'intérieur de l'organisme (l). Mais, dans le second cas, il en est tout autrement, et l'épiderme oppose de 1res grands ob- stacles à toute introduction de ce genre (*2). Chez l'Homme, par (1) Au sujet (le l'absorplion de l'eau expériences, l'aiigmentalion de poids par la surface delà peau chez les Gre- déterminée de la sorte fut égale à nouilles, je renverrai aux expériences environ les deux tiers du poids initial de Townson (a) et de W. Edwards. de rAnimal (rf). Burdach cite aussi Dans certaines circonstances, ces Ba- des expériences de Nasse, dans les- traciens ont gagné ainsi en une heure quelles des Limaces placées dans du environ 1/18" de leur poids (6). papier buvard humide augmentèrent Des faits du même ordre ont été en poids d'environ un tiers dans l'es- constatés par Blulï(c). pace d'une demi-heure (e). Spallanzani a vu que chez les Lima- (2) Il est à noter que le passage de çons l'absorption cutanée est remar- l'eau à travers l'épiderme est encore quablement active; dans une de ses plus difficile de dedans en dehors que (a) Townson, Observallones jjhijsioloyicœ de Amphihiis, 1795, p. 25 et sniv. (6) W. Edwards, Injluence des agents physiques sur la vie, p. 98 cl suiv., t;ib. xi, p. SOtî, etc. {c) Bluff, Dissert, de absorptione cutis (cité par Burdacli, Traité de physiulorjie, t. IX, p. 15). (d) Spallanzani, Mémoires sur la respiration, xi. 137. (e) Nasse, Untersuchtingeinur Physiolocjie, t. I, p. 482 (d'après Burdacli, Traité de physiologie, t. IX, p. 15). PAR L.V V\ikV. "209 exemple, la peau, dans son état normal, n'absorbe que très lentement ; mais , pour peu que sa tunique ëpidermique vienne à être enlevée, et le derme, c'est-à-dire la portion vasculaire du système tégumentaire, mis à nu, les fluides en contact avec sa surface externe pénètrent facilement dans sa substance caverneuse, et passent avec rapidité jusque dans les courants sanguins dont ses vaisseaux sont le siège (1). de dehors eu dedans, et c'est pour celte raison que la sérosité accumulée sous cette meaibrane par TelTct de la vésicalion ou de la brûlure ne s'en échappe qu'avec une lenteur extrême. Cette diflérencc entre les propriétés absorbantes des deux surfaces de l'épi- derme a été bien démontrée par Ma- gendie. Ce physiologiste a vu que si l'on renferme une certaine quaniilé d'eau dans un morceau de peau dispo- sée en manière de bourse, le liquide s'échappe au dehors , et s'évapore assez rapidement quand celui-ci est en contact avec la surface externe de l'épiderme ; tandis que dans le cas où la face interne du derme était tournée en dedans, l'eau, après avoir imbibé celte membrane , s'accumulait sous l'épiderme et le délachait, mais ne la traversait que fort difiicilement, et restait emprisonnée pendant plusieurs jours (o). (1) Les physiologistes, et surtout les médecins, se sont beaucoup occupés de la question du pouvoir absorbant de la peau de l'Horame dans son état normal. Je reviendrai bientôt sur ce qui est relatif à l'introduction des ma- tières étrangères sous l'influence de la pression (des frictions, par exemple) ; mais, au sujet de l'absorption spon- tanée des liquides par cette voie , les opinions ont été fort partagées. Pour montrer que l'enu peut arriver ainsi dans l'intérieur de l'organisme, on s'est appuyé d'abord sur des preuves indirectes seulement : par exemple, l'apaisement de la soif par le fait de l'immersion du corps dans un bain, fait que beaucoup de per- sonnes ont pu remarquer, et dont la médecine a pu tirer parti (6j; mais quelques auteurs pensaient que les ef- fets produits par l'immersion du corps dans l'eau dépendaient seulement de la diminution, ou de l'interruption de lu déperdition due à la transpi- ration cutanée et pulmonaire (c). Cette opinion f;it fortement appuyée par les expériences de Séguin (rf). Ce chimiste pesa avec beaucoup de soin le corps de différentes personnes avant leur entrée dans un bain d'eau tiède et après un séjour plus ou moins long dans cette eau. Or, dans aucun cas, il ne constata une augmentation de poids ; toujours il y avait au con- traire perte ; seulement cette perte était beaucoup moins considérable qu'elle ne l'aurait été pendant le même espace de temps dans l'air : la («) Mageiidic, Leçons sur les phénoiiiùiies pitijsiques de la vie, I. I, [>. OU. {b) Cruikshanks, Anatomi'i des vaisseaux iyinpliatiriaes, p. -218. (c) Poulcau, Œuvres posthumes, t. I, p. 185 et suiv. (d) Fourcroy, La médecine éclairée par les sciences physiques, 1192, t. III, p. 232. V. 1^ 210 ABSORPTION C'est pour cette raison que lorsque l'épiderme a été enlevé sur quelques points même assez circonscrits, il est souvent fort dangereux de toucher certains poisons qui d'ordinaire différence était généralement dans la proportion de 13 à 23 (a). Séguin cher- cha ensuite si des matières salines, telles que du sublimé corrosif, dis- soutes dans l'eau du bain, étaient ab- sorbées par la peau, et, dans les cas où l'épiderme n'était pas altéré , il n'obtint le plus souvent que des résul- tats négatifs, ou ne constata qu'une faible absorption de la substance sa- line, qui ne paraissait pas avoir été ac- compagnée par de l'eau. Enfin, pour rendre compte des résultats obtenus, il crut devoir admettre que les vaisseaux absorbants de la peau ne fonctionnent pas quand l'épiderme est intact, et que dans ces conditions c'est seule- ment par pénétration dans les canaux exhalants de cette membrane qu'une petite quantité de matière étrangère en dissolution dans le bain peut en- trer dans l'organisme (6). Plusieurs autres physiologistes ont nié aussi le pouvoir absorbant de la peau de l'Homme (c). Mais VV. Edwards a fait voir que les faits constatés par Séguin avaient été mal interprétés , et que lors même que le poids du corps se trouve diminué à la suite d'un séjour plus ou moins prolongé dans l'eau, cette diminution est loin de représen- ter la totalité des pertes que l'orga- nisme a dû éprouver pendant le même espace de temps, et que la dif- férence correspond à la quantité d'eau absorbée par la surface cutanée {d). Plus récemment, de nouvelles recher- ches, faites par MM. Dill, Madden et plusieurs autres physiologistes, sont venues donner une démonstration complète de la faculté absorbante de la peau (e). Ainsi, M. Berthold, en expérimentant sur lui-même , a con- staté , dans certaines circonstances , une augmentation du poids du corps par le fait de l'immersion prolongée dans un bain tiède , et , en tenant compte des pertes que l'organisme a dû éprouver pendant ce temps, 11 évalue à 1 once 7 gros 30 grains, c'est-à-dire (a) A. Séguin, Premier Mémoire sur les vaisseaux absorbants, sur Les vaisseaux exhalants, et sur les maladies qui proviennent ou d'un dérangement quelconque dans ces vaisseaux, ou des altérations quelconques que peuvent éprouver nos humeurs, ou enfin de la relation de ces deux causes {Annales de chimie, 1814, t. XG, p. i 85). (6) Séguin, Suite du Mémoire sur les vaisseaux absorbants (Annales de chimie, 1814, t. XCII, p. 35). (c) Currie, Med. Reports on the Effects ofCold and Warm Waler, 1805, t. I, p. 320 et suiv. — Bérard cite comme ayant soutenu cette opinion les auteurs suivants, dont je n'ai pas eu rocca- sion de consulter les ouvrages : — B. C. Rousseau, An Inaugural Dissertation on Absorplion. Pliiladelphia, 1800. — Chapman, On Absorption [London Med. Repository, t. IX, p. 440). — Dangerfield, An Inaug. Dissert, on cutaneous Absorption. Pliiladelphia, 1805. — Gordon, Oiitlines of Lectures on Human Physiology. Edinburgh, 1817. {d) W. Edwards, Influence des agents physiques sur la vie, p. 348 et suiv. (e) Dill, Observations on cutaneous Absorption with Experiments [Trans. of the medico- chirurg. Soc. of Edinburgh, 1826, t. II, p. 350 et suiv.). . — Madden, An Expérimental Inquiry into the Physiology of cutaneous Absorption (Medico- çhirurg. Rcview, nouyelle série, 1838, t. XXIX, p. 187). PAR LA PEAU. 211 peuvent être iiiaiiiés sans inconvénients, et la médecine a tiré profit de la connaissance de ce fait pour déterminer par- fois l'absorption de médicaments que l'estomac se refuserait à environ 59 grammes, la quantité d'eau absorbée de la sorte en une heure (a). M. Gollard (de Martigny) a fait aussi beaucoup d'expériences pour démon- trer l'existence de la faculté absor- bante dans la peau de l'Homme. Celles dans lesquelles ce physiologiste, à l'i- mitation de quelques-uns de ses pré- décesseurs (6), a cherché ù appré- cier la diminution déterminée de la sorte dans le volume du bain où une partie du corps était plongée, sont peu satisfaisantes (c); mais dans d'au- tres, ayant déposé une petite quan- tité d'eau, de vin ou de bouillon à la surface de la peau sous un verre de montre bien assujetti , il vit ces liquides disparaître plus ou moins ra- pidement. Il rapporte des faits ana- logues observés par Al. Bon (ils et par M. Margault, en opérant avec du lait ou avec une décoction de ciguë (i). Weslrumb a constaté cette absorption d'une manière encore plus positive. Ainsi, dans une expérience, il respi- rait l'air puisé dans une pi^'ce voisine à l'aide d'un tube, et il tint un de ses bras plongé dans un bain chargé de musc ; bientôt l'odeur de cette sub- stance était reconnaissable dans son haleine. Dans un autre cas, une par- tie du corps fut plongée dans un bain chargé, soit de cyanoferrure de po- tassium, soit de rhubarbe, et ces sub- stances se retrouvaient dans l'urine, dans la sérosité d'un vésicatoire, et dans le sang obtenu par l'application d'une ventouse scarifiée (e). Des faits analogues ont été constatés par M. Homollc , en expérimentant sur Tiodure de potassium et d'autres substances minérales (/")„ En parlant de la respiration cuta- née, j'ai déjà eu l'occasion de citer divers faits qui prouvent que les gaz peuvent être absorbés par la surface de la peau (g). J'ajouterai que l'em- poisonnement par l'acide sulfhydrique a été déterminé par le contact de ce gaz avec la peau chez des Animaux dont les voies respiratoires étaient en communication avec de l'air pur (/i). 11 est aussi à noter que, d'après les expériences de Al. Collard (de Marti- gny), l'absorption parla surface de la peau serait beaucoup plus lente dans (a) Beiihold, Einlge Versuche ûber die AufsaugunfjsthdligkeU (inhaVM'wu) (1er Haut. (Mùller's Archiv lûr Aiiat. und Physiol., 1838, p. -IT/). (6) Simpson, voy. Danvin, Zoonomia, t. I, p. 406. (c) Collard (de Marliirny), Observ. et expér. siir L'absoi-ptiOJi cutanée de l'eau, etc. (Arch. gén. de méd., i" série, 1826, t. Xt, p. '3;. {d\ Collard (de Marligny) , Recherches expérimentales et critiques pour servir à l'histoire de l'absorption (Nouvelle Bibliothèque médicale, 1827, l. III, p. 7 et suiv.). (e) Weslrumb, Uiitersuchungen iiber die Einsaugungskraft der Haut (Meckel's .\rchiv fur Anat. und PInjsiol., 1827, p. 469). (f) Hcmoile, Expér. sur l'absorption par le tégument externe {Union médicale, 1853, t. VII, p. 462). (s) Voyez tome II, page 639. T!OA'. ni à la substance des tissus organiques, ni aux liquides dont ces tissus sont enduits, ne sont pas nécessairement exclues de l'éco- nomie animale; elles n'y ont que difficilement accès, mais leur absorption peut avoir lieu dans certaines circonstances, et paraît pouvoir être déterminée de deux manières : tantôt par l'action mécanique d'un courant endosmotique, quand ce cou- rant est rapide, que les matières solides ou non miscibles sont tenues en suspension dans le liquide par lequel ce courant est constitué, s'y trouvent dans un état de grande division, enfin que les voies capillaires à parcourir sont larges; d'autres fois, nale ou de vessie de divers Mammi- fères , et en employant lanlôl des alcalis purs, tantôt de la bile (a). L'al- calinité des sucs intestinaux exerce aussi beaucoup d'influence sur l'ab- sorption des matières albuminoïdes (6), ainsi que nous le verrons quand nous nous occuperons de la digestion. M. Malleucci a fait aussi quelques expériences sur l'influence que les alcalis exercent sur la perméabilité des membranes animales pour les corps gras. Ayant préparé une solu- tion de ls',30 de potasse caustique dans 300 grammes d'eau, il employa une partie de cette liqueur à former avec de l'huile d'ol.ve une émulsion d'aspect lactescent qu'il renferma dans un morceau d'intestin; puis il plon- gea celui-ci dans un bain formé par la même eau légèrement alcalinisée de la sorte, et il reconnut bientôt, par le trouble produit dans ce dernier liquide, qu'une portion de la matière grasse s'y était répandue. Dans une autre expérience, l'endosmomètre fut chargé d'eau légèrement alcalinisée et plongé dans l'émulsion dont il vient d'être question ; bientôt il y eut en- dosmose , et l'émulsion pénétra dans la solution alcaline. Enfin, dans une troisième expérience , deux enton- noirs fiuent remplis avec du sable également tassé : sur l'un on versa de l'eau, et sur l'autre une dissolu- tion alcaline ; puis , lorsque ces li- quides s'étaient écoulés , on déposa sur chacun des deux filtres ainsi constitués une même quantité d'huile, et l'on vit que sur le sable mouillé par la dissohuion alcaline ce corps gras disparaissait promptement par suite de son imbibition , tandis que dans l'autre entonnoir il resta plu- sieurs heures sans pénétrer dans la substance poreuse sur laquelle il re- posait (c). (a) Wistingsliausen, Endosmollscke Versuche iiber die Wii'kung. der Galle bei der Absorption der Fetêe. (Dissert, iiiaui;.). Dorpat, 1851. ' — C.-E. HolTuiami, Ueber die Aufaahme von Queciisilber und die h'elle in den Kreislaiif. Wiirlzburg, 1854 (CanslaU's Jahreabei'., 4855, p. 80). (b) Fuiilic, Ueber das endosmotische Verlialten (Vircliow's ArcMv fur Anal, und PhysioL, 1858, t. Xm, p. 449). (c) Matlcucci, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, p. 105. iNFLUENCË DES PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES. 225 lorsque, étant également sous la forme de particules très me- nues, ces matières sont poussées dans les cavités interstitielles des tissus absorbants par une pression extérieure. Ainsi, les liquides qui ne sont pas aptes à mouiller une mem- influence brane organique, c'est-à-dire à adhérer à sa substance, peuvent de divuL cependant la traverser sous l'influence d'une pression plus ou "^''"Jlf""^^* moins considérable. Par exemple, le mercure comprimé dans ^""^^ ^°''p^"'"- une pochette de peau de chamois traverse cette membrane et se répand au dehors sous la forme de très petites gouttelettes. L'huile filtre aussi à travers un morceau de vessie, mais la force nécessaire pour déterminer ce mouvement est beaucoup plus considérable que celle employée pour effectuer le passage de l'eau ou d'une dissolution sahne (1). Du resle, cela se con- çoit facilement ; car pour séparer de la masse d'un de ces liquides les filets capillaires d'une ténuité extrême qui doivent s'engager dans les cavités interstitielles du tissu et traverser ces passages, il faut vaincre, non-seulement les frottements développés par ce mouvement, mais aussi la force de cohésion en vertu de laquelle ces liquides résistent à l'attraction exercée par la substance de ce tissu et ne le mouillent pas. On voit donc que les obstacles à surmonter diminueraient beaucoup si les particules de ces liquides, au lieu d'adhérer entre elles, étaient isolées préalablement de façon à ne constituer que des petites masses d'un volume approprié au diamètre des passages à tra- (1) Ainsi, dans les expériences de cuie pour oljlcnir le même effet avec M. Cinia sur la fiUration forcée des une dissolution concentrée de sel liquides à travers les membranes commun , l'huile extraite des os ne animales , nous voyons que dans les passait que sous une pression de circonstances où une pression de 3/i pouces de mercure. En opérant 12 pouces de mercure déterminait la sur le péritoine du Bœuf, les diffé- transsudation de l'eau au travers d'un rences étaient encore plus considé- niorceau de vessie, et où il fallait une rablcs (crj. pression de 18 à 20 pouces de mer- fa) Cima, Sull'evapora&ione e la Iransuda&ione dei Uqiiidi attraverso le membrane animali (Mémoires de l'Académie de Turin, 2' série, 1853, t. XllI, p. 279). V. 15 226 ABSORPTION. verser. Or, celte condition est toujours plus ou moins facile à réaliser au moyen de l'émulsionnement. Nous avons vu que lorsque deux globules liquides homogènes viennent à se rencontrer, ils tendent à se confondre et à ne former qu'une seule masse arrondie (1); mais quand la sur- face de ces globules est revêtue d'une couche mince d'une autre matière, l'attraction moléculaire, qui ne produit des effets appré- ciables qu'à des distances insensibles, ne peut plus déterminer ce rapprochement, et les petites masses de liquides tenues ainsi à distance par une substance intermédiaire conservent leur individualité. Cet effet se produit d'autant plus lîicilement que les liquides hétérogènes en présence, sans être miscibles, sont plus aptes à adhérer entre eux, et c'est de la sorte qu'en agitant de l'huile dans un liquide albumineux, on divise peu à peu la matière grasse en une multitude de globules qui restent distincts, et qui deviennent de plus en plus petits à mesure que l'opé- ration est poussée plus loin. Ce sont ces mélanges intimes de liquides non miscibles que l'on désigne sous le nom (Vémul- sions, et l'on conçoit que si le fractionnement de l'huile a été porté assez loin pour que le diamètre de chacun des globules microscopiques formé par cette substance soit inférieur au calibre du conduit où le liquide circonvoisin est appelé par le jeu des forces osmotiques, ces corpuscules pourront être charriés par le courant , tout comme le sont les particules de matières hétérogènes tenues en dissolution dans le même véhicule. Ainsi, en définitive, la condition essentielle pour qu'une substance étrangère à l'organisme soit absorbable, c'est un état de division ou de mobilité moléculaire suffisante, et cet état peut être le résultat d'un fractionnement mécanique aussi bien que de l'état de fluidité. Pour montrer l'intluence que l'état de division d'un corps (1) Voyez ci -dessus, page 9[\. INFLUENCE DES PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES. ^1^1 non miscible, soit aux liquides qui baignent une membrane, soit à ceux dont le tissu de celle-ci est imprégné, peut avoir sur les produits de l'endosmose, je citerai les expériences suivantes, dues à M. Morin (de Genève). Si l'on prend pour cloison osmo- tique la portion du placenta d'un Ruminant où se trouvent les cotylédons, et si l'on charge successivement l'endosmomètre avec divers liquides tenant en suspension des matières grasses, on voit que tantôt ces matières ne passent pas avec les autres substances en dissolution dans les liquides qui leur servent de menstrue, mais que d'autres fois elles traversent la membrane, et que cela a Heu quand elles sont émulsionnées d'une manière très parfaite. Ainsi, dans ces expériences, les globules de beurre en suspension dans le lait étaient retenus par la mem- brane, tandis que les matières grasses émulsionnées dans le jaune d'œuf, bien divisées dans l'eau, traversaient la cloison osmotique (1). Des différences analogues s'observent dans l'économie ani- male. Ainsi, quand de l'huile, dans son état ordinaire, est em- prisonnée dans une anse intestinale, le volume de ce liquide ne change que très lentement, tandis qu'il disparaît prompte- ment s'il a été préalablement émulsionné (2). La connaissance des voies par lesquelles ce transport s'ef- Mode fectue a été beaucoup avancée par les observations microsco- jéf mSeT piques faites depuis quelques années sur certaines partie.-; de la (1) Ainsi que nous le verrons bien- le courant qui les charriait devenait lot, M. Morin a trouvé aussi que le plus rapide (a). transport des particules de matières (2) Cette expérience a été faite d'une grasses tenues en suspension dans un m;>nière comparative par M. Don- liquide était d'autant plus facile, que ders (6) et par M. Jcannel (c). (a) Morin, Nouvelles expériences sur la perméabilité des vases poreux et des membranes des- séchées par les substances nutritives [Mém. de la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève, 1854, t. Xlll, p. 255 et 258). (6) Doiiders, Ueber die Aufsaugung von Fett in dem Darmkanal (Molescliotl's Uatersuchungen zur Naturlehre des Menschens und der Thiere, t. II, p. 103j. (c) Juaniiel, Recherches sur l'absorption et V assimilat'ion des huiles grasses émulsionnées (Comptes rendus de VAcad. des sciences, 1859, t. XLVIII, p. 581), grasses. t228 ABSORPTION. tunique muqueuse de l'intestin pendant que l'absorption des produits de la digestion est très active. En étudiant ainsi les viilosités qui garnissent cette membrane, MM. Dclafond et Gruby ont pu constater que les globulins de graisse pénètrent d'abord dans l'intérieur des cellules cylindriques dont se compose le revêtement épithélique de ces filaments perméables, et que ces corpuscules traversent ensuite la substance amorpbe située entre l'épithélium et les cavités adjacentes qui constituent, soit les racines des lymphatiques, soit le réseau capillaire sanguin (1). L'entrée des particules graisseuses dans la cavité de ces cellules épithéliales a été observée plus récemment par un grand nombre de micrographes, et ne peut être révoquée en doute; mais nous ne savons pas encore d'une manière bien précise com- (1,) Le fait de la pénétration de chaque cellule de l'épithélium des particules graisseuses de la cavité de viilosités comme étant un organe l'intestin dans l'intérieur des cellules chargé de recevoir dans son intérieur épilhéliques des viilosités fulaperçu en les molécules graisseuses qui consti- 18/i2 par M, Goodsir (d'Edimbourg) ; tuent le chyle, et de les transmettre, mais ce physiologiste distingué croyait par son extrémité effilée au tissu que, dans l'acte de l'absorption, ces spongieux dans lequel est creusée la appendices spongieux se dépouillaient cavité radiculaire du vaisseau lym- de leur tunique épithéliale, et que les phatique correspondant. Les parti- matières étrangères n'avaient qu'à cules de graisse logées de la sorte traverser les tissus sous-jacenls pour dans les cellules épithéliales avaient arriver dans le canal lymphatique de -p^ à ,-^„ de millimètre de dia- creusé au centre de chaque villo- mèlre, et se voyaient chez les Ilerbi- sité (a). vores aussi bien que chez les Carnas- En 18Zi3, MM. Gruby et Delafond siers (6). Plus récemment, l'entrée de décrivirent ce phénomène d'une ma- petites gouttelettes de graisse dans ces nière plus exacte, et en comprirent cellulesa été constatée par M. Kflliker, mieux la signification. Ils regardèrent M. Briicke et plusieurs autres. («) Goodsir, Structure and Functions of the Intestinal villi {Edinburgh Philosoph. Journal, 1842, et Anal, and Pathol. Observ., in-8, 1847, p. 6). (b) (iruby et Delafond, Résultats de recherches faites sur l'anatomie et les fonctions des viilo- sités intestinales, l'absorption, etc. {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1843, t. XVI, p. 1194). • — Briicke, Ueberdie Chylusgefdsse und die Résorption des Chijlus (Mém. de l'Acad. de Vienne, 1854, t. \:J, p. 99). — Kolliker, Einige Bemerkimgen ûber die Résorption des Fettes in Darm {Yerhandl. der Phys.-Med. Gesellscliaft in Wûrzbtirg, 1856, t. VII, p. 174). INFLUENCE DES PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES. 229 ment cette introduction s'opère. Il existe, à la surface libre des cylindres épithéliaux des villosités, une couche assez épaisse de substance albuminoïde qui en ferme l'entrée, et qui constitue ce que les anatomistes appellent quelquefois le bourrelet de ces cellules. M. Kôlliker et quelques autres micrographes pensent qu'elle est formée par la paroi solide de l'utricule, et que cette lame membraneuse est percée de pores ou lacunes, d'une ténuité extrême, qui livrent passage aux graisses, et qui se laissent même apercevoir sous l'apparence de stries perpendiculaires. M. Brùcke la considère comme étant constituée par une matière molle, élastique et glutineuse, qui serait comparable à la sub- stance sarcodique des Animalcules les plus simples, et qui se laisserait traverser par les particules étrangères sans offrir, pour les recevoir, aucun passage préétabli (1). Je suis très disposé à (1) Ainsi que nous le verrons plus ont considéré ce couvercle comme en détail par la suite, la tunique épi- étant pourvu d'une ouverture cen- théliale qui revêt la membrane mu- traie, diialalile et contractile, qui livre- queuse de l'intestin se compose d'une rait passage aux particules de matières couclie unique d'organites de forme grasses dont l'absorption est en voie cylindrique ou conique, disposés pa- de s'accomplir [b). rallèlement entre eux et soudés côte Cet orifice ne paraît pas exister, et cl côte, de façon à être libres par M. Kôlliker a remarqué, dans l'épais- une de leurs extrémités et à adhérer seur du bourrelet ou couvercle de aux tissus sous-jacents par le i}out ces cellules, un grand nombre de stries opposé, qui est toujours plus ou moins parallèles d'une finesse extrême et aminci (a). L'intérieur de chaque cy- perpendiculaires à la surface libre de lindre ou cellule est occupé par un la lame membraniforme ainsi consti- noyau clair entouré d'une substance tuée. Il pense que ces lignes corres- albuminoïde, et son extrémité libre pondent à autant de pores linéaires est constituée par une sorte de cou- ou de passages conduisant de l'exté- vercle assez épais qui est garni de rieur dans l'intérieur de l'utricule (c); cils vibratiles. MM. Delafond et Gruby mais il résulte des recherches plus (a) Henle, Symbolai ad anatomiam villorum inteslinaliuni, 1837, et Traité d'anatomie géné- rale, X.l, p. 244, pi. i, ûg. 8. (6) Delafond et Gruby, Résultats de rrxherches faites sur l'anatomie et les fonctions des villo- sités intestinales, V absorption, etc. {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1843, t. XVI, p. 1195). (c) Kôlliker, Nachweis eines besonderen Baues der Gylinderzellen des Dûnndarmes der aur Fettresorption in Bezug »ît stehenscheint (Verliandl. der Physikalisch-Med. Gesellschaft in Wûrzbîirg, 1855, t. VI, p. 253), et Éléments d'histologie, p. 459. ^50 ABSORPTION. croire que celte dernière opinion est l'expression de la vérité; mais, dans l'état actuel de la science, la question ne me semble pas pouvoir être tranchée , et par conséquent je ne la discuterai pas en ce moment ; j'aurai d'ailleurs à y revenir quand je traiterai d'une manière spéciale des actes complémentaires de la fonction digeslive. La pénétration des matières grasses dans l'intérieur des cellules épithéliales ne se voit pas seulement à la surface des villosités intestinales ; elle a été reconnue dans d'autres parties du corps, et il est probable que c'est en passant par cette voie, plutôt qu'en s'insinuant entre les utricules constitutives des tissus épithéliques, que les liquides traversent en général la couche récentes de MM. BreUauer et Steinach que ces stries sont dues à une autre disposition ; que le couvercle se com- pose principalement d'un agrégat de petits corpuscules filiformes ou bâton- nets, qui ne sont probablement autre chose que les cils vibraliles aperçus il y a quinze ans par MM. Gruby et Delafond, et observés plus récem- ment par M. Funke ; que les lignes parallèles décrites par M. Kôlliker seraient dues, non à des pores, mais à ces cils ou bâtonnets accolés les uns aux autres, et que l'ensemble formé par ceux-ci adhérerait au con- tenu de la cellule sous-jacente bien plus qu'aux parois latérales de cette utricule (a). Les observations de ces derniers physiologistes sont par conséquent favorables à l'opinion de M. Briicke (6), et me portent à concevoir le phéno- mène de l'absorption de la graisse comme. s'effectuant de la manière sui- vante. Les particules graisseuses dans un état de division extrême s'engage- raient entre les filaments constitutifs de l'espèce de pinceau qui forme la majeure partie du bourrelet ou cou- vercle de la cellule, et rencontreraient au-dessous une couche membrani- forme de matière sarcodique qui se- rait en continuité latéralement avec la portion solide des parois de l'orga- nite cylindrique, mais qui, n'étant pas consolidée au même degré, céderait sous la pression de ces particules et les laisseraient passer jusque, dans l'intérieur de la niasse albuminoïde logée dans la cavité de celte cellule, puis reviendrait sur elle-même et re- prendrait sa forme primitive, ainsi que cela se voit à la surface du corps chez les Amibes et autres animalcules du groupe des Sarcodaires, dont il sera question dans la kl' Leçon. (a) Breltauer et Steinach, Untersuchungen ûber das Cylinderepithelium der Darmzotten und seine Be%iehung %ur Fettresorptioii {Sitxunosber. der Wiener Acad., 1857, t. XXllI, p. 303, fig. 1-3). (6) Briicke, Op. cit. (Denkschriften der Wiener Akad. der Wissensclmft.. 1854, t. VI, p. 99j. INFLUENCE DES PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQL'IDES. 231 formée par ceux-ci à la surface libre des membranes et arrivent dans les aréoles des tissus sous-jacents (1). Mais on voi que pour expliquer le mécanisme de cette transmission de l'utricule épi- thélique aux parties voisines , il existe les mêmes difficultés qu'au sujet du mode d'entrée des matières étrangères dans ces cellules , et qu'à moins de supposer que celles-ci soient per- cées de pores à leur paroi interne aussi bien qu'à leur sur- face libre, on ne se rend bien compte du phénomène qu'en adoptant l'hypothèse de M. Briicko et en admettant que la sub- stance constitutive de ces parois est une matière sarcodique qui ne se serait consolidée en forme de lame solide que latérale- ment dans ses points de jonction avec ses semblables, et serait restée à l'état semi-fluide aux deux pôles de l'utricule, tandis que dans d'autres régions du corps , à la surface de la peau, par exemple , cette consolidation se serait effectuée dans toute l'étendue des parois des cellules épidiéliales (2). (1) M. Viiclîow a constaté la péné- d'un sphéroïde, et il en conclut qu'elles tration des matières grasses dans les doivent être limitées de tous les côtés cellules épithéliales qui teipissent la par une paroi membraneuse (cy ; mais vésicule biliaire (a) , et M. KoUiker a ces modifications ne me semblent pas observé le même fait dans l'estomac incompatibles avec le mode de struc- chez divers petits Mammifères à la ture indiqué ci-dessus, car le gonfle- mamelle (6). ment peut être déterminé par la lur- (2) M. Donders, qui partage l'opi- gescence de la matière albuminoïde nion de M. Kôlliker, relativement à la logée dans l'intérieur de la cellule, structure des cellules épithéliales des tout aussi bien que par la distension villosités , oppose à l'hypothèse de directe des parois de celle-ci. M. Brucke le fait du gonflement de Je dois ajouter que ce physiologiste, ces utricules en présence de l'eau ou de même que M. Kulliker, a vu d^:s d'une dissolution saline faible. Par traces de la présence de particules reflet de cette turgescence , ces utri- graisseuses dans l'épaisseur même de cules peuvent acquérir même la forme la couche superficielle de matière qui (a) Virchow, Ueber das EpitheL der Gallenhlase, und ûber einen intermediâreii Sloffwechsel des Fettes {Archiv fur pathol. Anat. und PhysioL, 1857, t. XI, p. 574). (6) Kôlliker, Eiiiige Bemerkungen ûber die Résorption des Feltes im Darm {Yerhandl. der phys.-med. Gesellschaft in Wilrxburg, 1856, t. Vit, p. 174). • (c) Donders, Op. cit. (Moleschott's Untersuch. xur Nalurle'iire des Menschen und der Thiere, 1857, t. 11, p. 110). 232 ABSORPTION. Aiwpiion § IZi. — Les graisses liquides ne sont pas les seules siib- ilu mercure. . ., , ' , in stances non miscibles aux nunfieurs de 1 organisme qui sont susceptibles de pénétrer à travers les tissus vivants, et d'ar- river jusque dans le torrent de la circulation. Ainsi la pra- tique médicale nous a appris depuis longtemps que cer- taines matières qui ne sont pas susceptibles de former une émulsion avec de l'eau peuvent se diviser d'une manière ana- logue dans un corps gras, et que sous cette forme leur absorption devient plus facile que si on les appliquait sur la surface absor- bante sans leur avoir fait subir cette préparation. Le mercure nous en offre un exemple remarquable ; mis en contact avec la peau quand il est à l'état liquide, ce métal ne pénètre dans l'organisme qu'avec une lenteur extrême et en quantité fort minime, tandis que, incorporé à de la graisse de façon à y être comme à l'état d'émulsion, il est absorbé avec assez de rapidité pour déterminer promptement certaines modifications dans les fonctions des glandes (1). recouvre l'épithélium des villosités; tion de ces parties, et peut déterminer mais ce fait s'explique également bien la salivation, la cluite des dents, la dans les deux hypothèses de l'existence paralysie, et même la mort. Comme préalable de pores dans une lame exemple de ce mode d'action, je cite- membraneuse solide ou de l'état semi- rai les accidents survenus à bord d'un fluide de la matière constitutive de navire chargé de mercure, et sur le- cette couche membraniforme. quel l'équipage tout entier fut atteint (1) Lorsque le mercure arrive en par l'action toxique de la vapeur for- contact avec les svu'faces absorbantes mée par cette substance (a). de l'économie animale à l'état de va- Quand le mercure est sous la forme peur, c'est-à-dire à l'élat de division liquide et ne se trouve pas dans un extrême, ce métal pénètre facilement état de grande division, il peut rester dans l'organisme, et, transporté par pendant fort longtemps en contact avec le torrent de la circulation dans le une membrane absorbante sans y pé- système nerveux, l'appareil salivaire nétrer en quantité appréciable. Ainsi et d'autres organes, il exerce une in- on cite beaucoup de cas dans les- fluence considérable sur le mode d'ac- quels ce métal a été introduit en doses (a) Bunielt, An Account ofthe Effects ofMercurial Vapours on the Crew ofH, M' s ship Trinmph {Philos. Trans., 4823, p. 402). INFLUENCE DES PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES LIQUIDES. 283 Les voies par lesquelles l'absorption s'effectue sont en général trop étroites et trop difficiles à parcourir pour que les liquides non miscibles aux humeurs dont les tissus sont imbibés puissent les traverser sous l'influence des courants endosmotiques seule- considérables dans le tube digestif, sans déterminer aucun accident (a). On sait aussi que ce liquide injecté dans les veines obstrue les vaisseaux capillaires sanguins, et y arrête le passage du sang (b). On aurait donc pu croire que dans cet étal il ne pour- rait être absorbé, et que dans les pré- parations mercurielles au moyen des- quelles on le fait pénétrer dans l'or- ganisme, il devait èlre toujours dans un état de combinaison cbimique qui le rendrait soluble. Mais cela n'est pas. Incorporé à de la graisse, il est simple- ment divisé en globulins d'une très grande ténuité, et sous cette forme il est susceptible de passer dans les vaisseaux sanguins. Ce fait a été con- staté expérimentalement par Auien- rielh et Zeller (c) , ainsi que par plusieurs autres physiologistes. Par exemple , Oesterlen, ayant rasé une parlie du corps d'un Lapin, y prati- qua des frictions avec de l'onguent gris. Quelques heures après, il dé- tacha un lambeau de peau à environ un cenlimèlre au-dessus de l'endroit frictionné , puis il ouvrit quelques- unes des veines sous-cutanées, et en examinant au microscope le sang ob- tenu de la sorte , il y reconnut des particules de mercure , tandis qu'il ne put découvrir aucune trace de ce métal dans le sang fourni par les veines du côté opposé du corps {d). •Précédemment , l'absorption du mercure à l'état métallique avait été constatée dans plusieurs cas, soitparce que ce métal s'était retrouvé dans le sang ou dans quelques autres parties du corps, telles que les os ou le cerveau, les articulations , dans l'intérieur de l'œil ou dans le pus d'un abcès, soit parce qu'après avoir traversé l'orga- nisme il s'était échappé au dehors par les voies urinaires (e) ; mais, ainsi que je l'ai déjà dit, on n'était pas d'accord sur le mode d'introduction de cette substance dans l'économie , et quel- ques physiologistes pensaient qu'avant son absorption, le métal avait dû être transformé en bichlorure de mercure ou en quelque autre composé soluble. Ainsi M. Miahle, ayant reconnu qu'en présence de l'oxygène et d'un chlo- rure alcalin ( surtout du chlorure (a) Voyez Orfila, Traité des poisons, t. I, p. 352. (&) Gaspard, Mémoire phijsiologique sur le mercure (Journal de ■physiologie àe Magendie, 1821, t. I, p. 165). (c) Autenrieth und Zeller, Ueber das Dasein von QuecksiWer das âusserlich angewendet worden in der Blutmasse der Thiere (Reil's Archiv fur die Physiol., 1808, t. VIII, p. 228). (d) Oesterlen, Uebergang des regulinischen QuecksiWers in die Blutmasse und die Organe {Archiv fur physiologische Heilkunde, 1843, t. II, p. 536). (e) Cantu, Presenza del merciirio nelle orino dei sifUilici doppo iremedii mercuriali adminis- trati {Aimali di med. di med. di Omodei, 1824, t. XXXII, p. 53), et Speciraen chemieo-medicum de mercxirii prœsenlia in urims syphiliticorum mercurialem curationem patientium (Mem. délia Soe. délie scienz. di Torino, 1824, t. XXIXj. — Voyez aussi : A. van Hasselt, Over het Vergiftig vermogen van metallisch kwik vooral in des vloeibarten toestand {Nederlandsch Lancet, 2° série, t. V, p. 81). 234 ABSORPTION, ment, et le concours d'une certaine pression paraît être toujours nécessaire po^ir en déterminer l'entrée dans le torrent irriga- toire. A plus forte raison, les membranes organiques opposent- elles de grands obstacles à l'introduction de matières solides, et lorsque celles-ci se trouvent à l'état massif ou même réduites en poudre assez fine pour être apte à rester en suspension dans un liquide, elles sont d'ordinaire inabsorbables. Ainsi, dans la plupart des cas, les corps solides qui ne sont pas solubles dans les humeurs de l'organisme ne peuvent y pénétrer, et lors- qu'une force mécanique les pousse jusque dans la profondeur d'un tissu vivant, ils y restent inaltérés. C'est de la sorte que les particules de substances colorantes qui sont logées dans l'épaisseur de la peau à l'aide du tatouage y forment des taches indélébiles, et jusqu'en ces derniers temps tous les physiolo^ gistes s'accordaient à penser que l'état de fluidité était une con- dition pour que l'absorption d'un corps quelconque fut possible. Absorption Mais, cn examinant le cadavre de personnes dont la peau avait présumée , , , , . , , des matières etc commc mcrustce par des dépôts de substances mmerales insolubles employées pour y tracer des dessins, on a vu parfois que des particules très ténues de ces matières colorantes en avaient été détachées, suivant toute apparence, par l'efl^t du frottement, et avaient été transportées dans des parties plus ou moins éloignées de l'organisme (1). Or, ce transport ne d'aranionium ) , ce métal entre dans quand le mercure est divisé en parti- une combinaison de ce genre, a cru cules extrêmement lines et dans un pouvoir établir que c'est seulement à état comparable à celui des graisses l'état décomposé soliible qu'il est ab- dans une émuision, sa présence dans sorbe (a). On a argué aussi des expé- les vaisseaux sanguins ne doit pas pro- riences de Gaspard sur l'obstruction duire les mêmes effets que lorsqu'il des vaisseaux capillaires par le riier- se trouve réuni en gouttelettes d'un cure liquide injecté dans les veines (6), diamètre supérieur an calibre des ca- pour soutenir que ce corps ne pouvait pillaires. être absorbé à l'état métallique ; mais (1) Ainsi M. Cl. Bernard a trouvé (a) Mialho, Chimie appliquée à la physiologie, p. 451, (b) Gaspard, Mémoire sur le mercure (Journal de physiologie de Magendie, 1821 , 1. 1, p. 105}, INTRODUCTION DE COÎlPL'SCt'LES SOLIDES. 235 semblait pouvoir être expliqué qu'en supposant que ces cor- puscules avaient été absorbés et charriés par les fluides nour- riciers. On devait donc penser que les substances insolubles, aussi bien que les liquides non miscibles aux humeurs, sont absorbables à la condition d'être réduites en particules suffi- samment ténues , et effectivement cela parait être ; seule- ment, pour déterminer leur passage à travers les tissus vivants et leur arrivée dans le torrent irrigatoire, il faut l'in- tervention de forces mécaniques qui ne sont pas nécessaires pour effectuer l'absorption des fluides miscibles aux humeurs de l'économie. Depuis quelques années, un grand nombre d'expériences intéressantes ont été faites sur l'introduction de corpuscules solides de l'extérieur de Torganisme jusque dans le sang, et si elles n'établissent pas d'une manière satisfaisante la possibihté de ce passage par suite du travail normal de l'absorption, elles prouvent au moins que sous l'influence d'une pression peu considérable, ces particules, quand elles sont très ténues, peuvent se frayer un chemin jusque dans l'intérieur du système vasculaire, et circuler dans l'organisme avec les fluides nourri- ciers sans qu'il en résulte aucune lésion appréciable dans les parties qu'elles ont traversées. Ce fait a été aperçu, mais incomplètement démontré, il y a environ quinze ans, par M. Herbst, dont j'ai déjà eu l'occasion de citer les travaux sur le système lymphatique (1). Ayant ingéré des granules de cinabre dans les gan- tion du passage des globules du lait glions de l'aisselle chez un sujet qui de l'intesUn dans le chyle et dans le portait sur le bras du même côté sang. Il opéra sur des petits Chiens des tatouages colorés par cette sub- qui venaient de teter, et, après avoir slance minérale (a). lié le canal thoracique, il examina au (1) M. Herbst fit d'abord une série microscope le contenu de ce vaisseau, d'expériences en vue de la constata- Parmi les corpuscules de différentes (n) Cl. Bernani, Sur l'absorption {Union médicale, 4849, 1. Ill, p. 457). '236 ABSORPTION. dans le tube digestif de plusieurs Chiens des liquides tenant en suspension des corpuscules insolubles fort petits et plus ou moins faciles à reconnaître par le secours du microscope, des globules de lait ou des granules de fécule, par exemple, ce physiologiste trouva, tantôt dans le chyle, tantôt dans la lymphe, ou dans le sang de ces Animaux, des particules solides qui avaient la même apparence, et qui lui parurent appartenir à la matière étrangère employée dans l'expérience. Peu de temps après, M. OEsterlen, sans avoir eu connaissance des recherches de M. Herbst, arriva à un résultat analogue en administrant à divers Animaux du charbon réduit en poudre très fine, et plusieurs autres physio- logistes annoncèrent avoir constaté des faits du même ordre (1); grandeurs qui nageaient dans le chyle, il s'en trouvait beaucoup qui lui pa- raient êlre des globules du lait, et il vit aussi des globules semblables dans le sang (a) ; mais la distinction entre les globules graisseux du chyle et ceux du lait n'est pas toujours assez nette pour que ce résultat ait pu être considéré comme décisif. Dans d'au- tres expériences, M. Herbst ingéra de la fécule dans l'estomac, et, en ajou- tant de l'iode , soit au chyle, soit au sang, il vit une légère coloration bleue qui semblait indiquer la présence d'un peu de fécule dans ces liquides; mais ici encore la réaction n'était pas assez bien caractérisée pour décider la ques- tion de l'absorption des granules amy- lacés (6). (1) Dans une première série d'expé- riences, M. Oeslerlen étudia l'absorp- tion du mercure (c) , puis il chercha à constater la possibilité du passage de corpuscules solides de la cavité digestive jusque dans le chyle et le sang, sans lésion apparente ni de la muqueuse intestinale, ni des parois vasculaires. Dans cette vue, il fit ava- ler pendant plusieurs jours consécu- tifs à un certain nombre de Lapins, de Cliiens et d'Oiseaux, du charbon réduit en poudre impalpable et délayé dans de l'eau. Puis il tua ces Animaux et examina au microscope du sang extrait de leurs vaisseaux en prenant toutes les précautions nécessaires pour empêcher !e mélange de ce liquide avec des matières étrangères quel- conques. Toujours il y trouva en plus ou moins grande abondance des cor- puscules noirs anguleux et de diverses formes, qu'il n'hésita pas à considérer comme et uit du charbon ; la plupart n'avaient que de ^ à -,'.0 de ligne de diamètre; mais beaucoup avaient en- viron t4i7 de long sur t-'-^ de ligne en . (a) G. Herbst, Das Lymphgefdsssysteni- iind seine Vevrichtung , p. 165 et siiiv. (6) Herbst, Op. cit., p. 323 et suiv. (c) Oeslerlen, Uehergang des regîilinischen Quecksilbers in die Blutmasse und die Organe {Archiv fur Physiol. Heilkunde, 1843, t. H, p. 536). INTRODUCTION DE CORPUSCULES SOLIDES. 237 mais, dans toutes ces expériences, on pouvait concevoir des doutes sur l'identité des corpuscules observés dans le sang ou dans la lymphe et ceux déposés dans le tube digestif, et, pour longueur, et l'on en voyait qui avaient jusqu'à ~ de ligne. Ces corpuscules abondaient principalement dans le sang de la veine porte, et se voyaient aussi en nombre considérable dans la rate, les cavités droites du cœur et les poumons ; mais on n'en aperçut pas dans le canal thoracique. M. Oesterlen administra de la même manière à des Lapins et à un Coq du bleu de Prusse, et il trouva dans le sang de ces Ani- maux des corpuscules qui lui sem- blèrent être formés de cette sub- stance. Enfin il ne put constater ni à l'œil nu ni an microscope aucune lé- sion, ni dans les vaisseaux sanguins de l'intestin, ni dans la muqueuse parla- quelleles corpuscules solides auraient dû passer pour aller du tube digestif dans le torrent de la circulation (a). En I8/47 , M. Eberhard répéta ces expériences en se servant non-seule- ment de mercure et de charbon, mais aussi de soufre en poudre très fine, et il arriva aux mêmes résultats. Des particules qui lui parurent être for- mées, les unes de charbon, les autres de soufre, se rencontrèrent dans la lymphe et dans le sang (6). Des faits du môme ordre ont été constatés par M. Claude Bernard et par M. Bruch (c). Les recherches de MiM. Donders et Mensonides diminuèrent la valeur des conclusions qu'on croyait être en droit de tirer des résultats dont je viens de parler , mais fournirent de nouvelles preuves de la possibilité du passage de corpuscules solides de la cavité de rintestinj ou de la surface de la peau, jusque dans l'intérieur du système vasculaire. Ainsi, après avoir fait avec de l'onguent mercuriel des frictions sur la peau de quelques Lapins préa- lablement rasée, ils retrouvèrent dans le sang de ces Animaux des corpus- cules qui pouvaient bien être de la poussière de ce métal, mais dont la détermination ne présentait rien de précis. Leurs expériences sur le soufre leur parurent encore moins con- cluantes; chez les Grenouilles, les résultats furent négatifs, et chez des Lapins on trouva quelques corpus- cules irrégulières qui semblaient être des grains de soufre, mais on ne put les identifier d'une manière satisfai- sante. Dans d'autres expériences faites sur des Lapins avec du charbon de bois réduit en poussière très fine, ils trou- vèrent dans le sang et dans le tissu du poumon de ces Animaux des cor- puscules noirs et anguleux qui avaient l'apparence des particules de charbon employées ; mais ayant examiné le sang d'autres individus qui n'avaient (a) Oesterlen , Ueber den Einlritt von Kohle und andern unloslichen Stoffen voin Darmkanal aus in die Blutmasse {Zcitschr. fur rationelle Medicin). (b) Eberhardt, Vevsiwhe iiber den Uebergang [ester Stoffe von Darm und Haut ans in die Sàfte- masse des Kôrpers. Zuricli, 1847 (voyez Canslail's Jahresberichi, 1847, l. I, p. 120). (c) Bernard, De quelques particularités sur l' absorption {Union médicale, 1849, t. III, p. 458). ■ — Bruch, Beitrage zur Anatomie und Physiologie der Dilnndarmschleimhaul {Zeitschr. fiW ivissenschaftlkhe Zoologie, 1852, t. IV, p. 290). :2â8 ABSOliPTlON. bien établir que des matières solides peuvent être absorbées, il fallait expérimenter sur des particules mieux caractérisées et dont* la provenance ne pouvait être douteuse. C'est ce que MM. Moleschott et Marfels ont cherché à Aiire à l'aide du sang d'un Mammifère ingéré dans le tubedigestif d'une Grenouille. En effet, les globules hématiques des Mammifères ne peuvent pas élé nourris de la sorte, ils y trou- vèrent aussi des corpuscules tellement analogues aux précédents, que ce fait leur ôta toute confiance dans la déter- mination des précédents comme frag- ments de cliaibon. Enfin ils portèrent dans l'estomac de plusieurs Gre- nouilles des granules d'amidon délayés dans de l'eau , et quelques heures après, en examinant le sang des veines rfiésentériques , ils y virent quelques particules qui bleuirent par l'action de l'iode, et qui, par conséquent, de- vaient être considérées comme étant formées par de la fécule. Dans ce cas, il ne pouvait donc y avoir aucun doute quant à la nature des corpuscules en question ni à leur provenance (a). M. Funke a cherché à résoudre la question de l'absorption de matières solides à l'aide d'expériences faites sur des substances grasses qui ne se liquéfient pas à la température du corps : de la stéarine et de la cire, par exemple. Pour obtenir ces graisses dans un état de grande division , il les faisait fondre à l'aide de la cha- leur et les émulsionnait alors en les agitant dans une dissolution de gom'hie où leurs particules restaient en sus- pension après qu'elles eurent repris l'élat solide par le refroidissement. L'émulsion ainsi préparée fut intro- duite, tantôt par l'œsophage, tantôt directement dans l'intestin ; mais ja- mais AI. Funke ne put reconnaître la présence de ces graisses solides dans les cellules de l'épithélium intestinal, tandis qu'il vit toujours ces cellules se gorger de particules graisseuses, quand, au lieu de stéarine ou de cire, il administrait des corps gras qui sont fusibles à moins de /lO degrés >6). Je dois ajouter que M. Miulhe, en répétant les expériences de M. Oester- len , n'a obtenu que des résultats né- gatifs (c). M. Hoffmann a l'ait des expériences analogues, et n'a pu, dans aucun cas, constater l'absorption , soit du mer- cure métallique, soit de la poussière de charbon (d), et Bérard est arrivé au même résultat en employant du noir de fumée (e). (a) Ces recherclies, faites sous la direction de M. Donders, ont été publiées d'abord sous forme de thèse par M. Mcnsonides {De absorptione moleciUarum soUdarum nonmilla, 1848), puis par lu premier de ces auteurs dans un ouvrage spécial intitulé : Ondenoekingen omirent den overgang van vaste moleculen in het vaatstelsetl (Nederlandsch Lancet, 2° série, 1848, t. IV, p. 141). (6) Funke, Beitrâge zur Physiologie der Verdammg (Zeitschr. fur wissenschaftl. Zoologie, t. VII, p. 315). (e) Mialhe, Chimie appliquée à la physiologie, p. 19"?. {d} HofFmanu, Ueber die Aufiiahme des Quecksilbers und der Fetle in den Kreislauf (dissert. inaug-.). Wùrtzburg, 1854 (Canstatt's Jahresbercht, 1855, p. 80). (e) Bérard, Cours de physiologie, l. II, p. 723. INTRODUCTION DE CORPUSCULES SOLIDES. 2o9 être confondus ni avec ceux des Batraciens, ni avec aucun autre produit de l'organisme de ces Animaux : par conséquent, si, après en avoir introduit dans le canal alimentaire, on en trouvait dans le sang, il fallait nécessairement admettre que ces corpus- cules solides avaient traversé le tissu de la muqueuse intestinale pour arriver jusque dans le torrent circulatoire, et si cette intro- duction s'était effectuée sans lésion de cette membrane, on devait croire qu'ils avaient été absorbés. Or, dans plusieurs cas , ces deux auteurs reconnurent des globules du sang de Mammifère employés de la sorte, soit dans le sang en circulation dans l'intérieur des vaisseaux de la Grenouille, soit dans des gouttelettes de ce liquide extraites du cœur ou de l'une des grosses veines de ce Batracien (1). 11 est vrai que d'autres physiologistes, en répétant cette expérience, n'ont obtenu que (1) Dans les recherches de M. Mar- fels, faites à l'instigation et sous la di- rection de M. Moleschott, on a choisi d'abord le sang de Brebis, parce que les globules de ce liquide sont plus petits que ceux des autres Mammifères que l'on pouvait facilement se procu- rer, et qu'à raison de la mollesse de ce s corpuscules, on ne pouvait supposer que leur présence dans le tube digestif de la Grenouille serait une cause de lésion mécanique pour la surface ab- sorbante. Le sang fut introduit dans l'estomacdes Grenouilles à l'aide d'une seringue, et dans plusieurs cas, en exa- minant, après un certain temps, diver- ses parties de l'appareil circulatoire, on trouva dans Tintérieur des vaisseaux des globules hématiques qui offraient tous les caractères de ceux de la Bre- bis ; dans d'autres cas, on ne parvint pas à en distinguer à travers les parois vasculaires, mais on en reconnut dans le sang extrait du cœur. Dans une de ces expériences, M. Marfels trouva même que les globules du sang de la Brebis qui étaient mêlés de la sorte aux globules hématiques de la Grenouille étaient plus nombreux que ces derniers. En employant de la même manière du sang de Veau et de Bœuf, ce physiolo- giste obtint des résultats analogues , mais plus difficilement. Enfin, dans une autre série d'expériences , iM, Marfels ingéra dans l'estomac de plusieurs Gre- nouilles du pigment choroïdien des yeux du Bœuf, après s'être assuré que les corpuscules de cette substance étaient reconnaissables dans le sang. Observant ensuite la circulation sous le microscope, il vit plusieurs fois des particules de celle matière colorante en mouvement dans l'intérieur des vaisseaux mésentériques. Dans d'au- tres expériences analogues, ce phy- siologiste examina le contenu des vaisseaux chylifères du mésentère, et il y reconnut aussi la présence des 2/|0 ABSORPTION. des résultats négatifs; mais le fait annoncé de la manière la plus nette par MM. Moleschott et Marfels ne saurait être révoqué en doute, car il est impossible de supposer que des observateurs aussi habiles aient pu se tromper dans la détermi- nation des petits globules liématiques circulaires et biconcaves qui sont caractéristiques du sang des Mammifères, et qui se trouvaient mêlés aux gros globules elliptiques et biconvexes du sang de la Grenouille. Reste donc à chercher la valeur qu'il convient d'attribuer à ce fait. En étudiant au microscope les tuniques intestinales des Gre- nouilles qui avaient été nourries pendant un certain temps avec des aliments mêlés de particules du pigment de la choroïde de l'œil du Bœuf, M. Marfels a trouvé beaucoup de cellules épi- théliales occupées par cette matière noire, et il pense par con- séquent que les corpuscules solides de très petites dimensions peuvent, de même que les globules de graisse, pénétrer dans ces utricules d'une manière normale et passer de là dans les vaisseaux sous-jacents. Dans une autre expérience, ce physiolo- giste employa un tronçon d'intestin séparé du corps et rempli de liquide chargé du même pigment ; il opéra à une chaleur douce et soumit le tout à une certaine pression ; vingt-quatre heures après, il examina au microsco[)e les parois de ce tube membraneux, et y trouva sur plusieurs points des cellules épi- théliales qui lui parurent contenir des particules du pigment (1). corpuscules du pigment qui avait été inférieure d'un tube de verre. Une mêlé aux aliments ingérés dans l'es- dissolution de sel commun tenant en tomac du Batracien (a). suspension le pigment clioroïdien fut (1) Dans une première série de ces introduite dans cet appareil à la liau- expériences, M. Marfels fit usage d'un teur voulue pour déterminer dans tronçon d'inteslin de Bœuf disposé l'inteslin une poussée égale à une en manière de sac et fixé à l'extrémité pression de 9 à 10 centimètres de (a) Marfels, Recherches sur la voie par laquelle de petits corpuscules solides passent de l'in- testin dans l'intérieur des vaisseaux chylifèr es et sanguins (Ann. des sciences nal-, i° iér'ic, 1856, t. V, r- 144et suiv.). INTRODUCTION DE CORPUSCULES SOLIDES. ' 241 Ce résultat est, comme on le voit, très favorable à l'opinion de M. Brûcke, relativement au mode de constitution de ces cellules et à leur rôle dans l'absorption de la graisse. Mais je dois ajouter que M. Donders, ayant répété avec beaucoup de soin les expé- riences de M. Marfels, est demeuré convaincu de l'impénétra- bilité de ces cellules pour les particules solides, et pense que c'est toujours en se frayant un chemin anormal que les cor- puscules durs traversent les tissus organiques et arrivent jusque dans les canaux occupés par les fluides nourriciers (1). D'autres recherches dues à M. Hollander n'ont donné aussi que des résul- tats négatifs (2). Enfin, la plupart des expériences faites sur le merciiie. On opéra d'abord à la lem- pératme ordinaire , et l'on n'obtint que des résnltats négatifs ; mais d'au- tres essais , faits à une chaleur de 3^ degrés, eurent un plein succès, car au bout de vingt-quatre heures on trouva dans les parois de la muqueuse des particules de pigment qui paru- rent être engagés dans l'intérieur des celhiles épithéliques. Dans d'autres expériences, on employa un morceau d'intestin provenant du cadavre d'une femme , et l'on obtint un résultat analogue ; mais la plupart des cellules épithéliales étaient détachées de la muqueuse, et dans ce cas, aussi bien que dans plusieurs autres expériences analogues où la muqueuse s'était dé- pouillée plus ou moins complètement, on remarqua l'existence d'un grand nombre de corpuscules pigmentaires dans la substance des villosités [a). M. Moleschott a répété ces expé- riences sur des Animaux vivants, chez lesquels il excitait de forts mouve- ments péristaltiques des intestins au moyen du galvanisme, et dans plu- sieurs circonstances il a constaté de nouveau la présence des particules pigmentaires dans les cellules épithé- liales ; mais dans la plupart des cas le résultat était négatif (6). (1) M. Donders a répété plusieurs fois les expériences de MM. Marfels et Moleschott, relatives au passage des globules du sang de la Brebis, de la cavité digestive des Grenouilles dans le torrent circulatoire de ces Ani- maux , sans pouvoir, dans un seul cas, constater la présence d'un glo- bule hématique de ce Mammifère dans l'intérieur des vaisseaux sanguins des Batraciens. Il n'a obtenu aussi que des résultats négatifs en employant, soit le pigment choroïdien , soit de l'indigo, et en opérant sur des Lapins aussi bien que sur des (îrenouilies (c). (•2) M. Hollander a fait, sous la di- (a) Marfels, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 4" série, 1856, t. V, p. 159 ctsuiv.). (b) Moleschott, Erneuter Beweis filv das Eindringen von festen Korpcrchea in die kegelfor- migen Zellen dcr Darmschleimhaul {Unters. ziir Naturlehve des Menschen und der Tliiere 1857 t. II, p. 119). ' ' (c) Donders, Ueber die .iiifsaugung von Fett in dem Darmkanal (Molescliott's Untcrsiicliungen zitr Naturlehre des Menschen und der Thieve, 1857, t. II, p. 1 1 3 et suiv.). V. 16 2li2 ABSORPTION. cadavre par M. Marfels lui-même me semblent devoir être con- sidérées comme venant à l'appui de cette manière de voir, et, dans l'état actuel de nos connaissances, la question en litige entre ces physiologistes ne me semble pas résolue. Mais, quoi qu'il en soit à cet égard, il me paraît bien démontré que sous l'in- fluence d'une pression peu considérable, et qui ne dépasse pas celle développée parfois par les contractions des fibres charnues du tube intestinal, les particules solides d'une grande ténuité peuvent facilement passer à travers la substance de la membrane muqueuse et arriver jusque dans les courants lymphatiques ou sanguins adjacents. Ce phénomène, il est vrai, n'est probable-' ment pas un résultat normal de l'absorption , et me semble devoir être considéré comme la conséquence d'une solution de continuité produite par l'action du corpuscule solide sur la matière constitutive de la membrane; mais cette matière est si niolle, si extensible et si élastique, que la lésion microscopique ainsi effectuée ne laisse aucune trace appréciable et ne déter- mine aucun trouble dans les fonctions. Ce serait donc un phé- nomène analogue à celui dont nous avons déjà été témoins en étudiant le mode de passage accidentel des globules sanguins reclion dn prol'esseur Bidder, de Dor- sables dans le sang de cet Animal pat, d'autres expériences qui sont pendant plusieurs heures, il en in- également défavorables aux vues de troduisit dans les voies digestives d'un MM. Moleschoit et Marfels. Il a mon- nombre considérable de ces Batra- tré qu'on ne pouvait attacher que peu ciens, dont il examina ensuite avec d'importance aux essais faits sur l'ab- soin le sang à diverses périodes pen- sorption de l'indigo en suspension dant et après la digestion. Or, dans dans l'eau, de la fécule ou du charbon aucun cas, il ne put découvrir dans ce en poudre, et, après avoir constaté liquide un seul globule de sang de que les globules du sang de Bœuf Bœuf ou de Veau, et il en conclut que que l'on injecte directement dans les ces corpuscules solides ne peuvent veines delà Grenouille sont reconnais- être absorbés (a). {a) G. HoUander, Quœstiones de corpusculoruin solidorum e tractu intestinali in vasa sangui- fera transilu {dissert, iiiaug.), Dorpat, iS^Q {Zeitschr. fur rationelle Meiicin, 3° série, 1857, 1. 1, p. 180. Bericht fur 1856). CARACTÈRE GÉNÉRAL DE CE PHÉNOMÈNE. 2/|.S des vaisseaux capillaires dans les radicules du système lym- phatique (1). § 15. — En résumé, nous voyons donc que l'absorption est Résumé. un phénomène physique qui est subordonné aux relations de grandeur entre les particules de matière qui se trouvent en contact avec la surface d'un tissu organique et les cavités inter- stitielles ou autres par l'intermédiaire desquelles cette surface communique avec l'intérieur des canaux sanguins ou lympha- tiques adjacents ; que par conséquent un certain degré de division de la matière est la première condition qui doit être remplie pour que l'absorption de cette substance soit possible; que, toutes choses étant égales d'ailleurs, l'introduction de celle-ci jusque dans le torrent circulatoire sera d'autant plus facile que ses particules seront plus ténues et plus mobiles; et que, dans l'immense majorité des cas, sinon toujours, ce degré de division n'est atteint que si le corps sur lequel la puissance absorbante tend à s'exercer se trouve à l'état fluide. Il résulte également de ce qui précède que, toutes choses étant égales d'ailleurs, la grandeur de la puissance absorbante d'un tissLi vivant est proportionnelle à la brièveté et à la largeur des voies interstitielles qui sont creusées dans son épaisseur et qui font communiquer sa surface libre avec les canaux irriga- toires adjacents, ou, en d'autres mots, avec son degré de per- méabilité. Nous avons vu aussi que les puissances motrices qui déter- minent l'absorption sont principalement les attractions molé- culaires qui entrent en jeu pour produire les phénomènes osmotiques ; que la capillarité , la diffusion des liquides et les courants dus à l'endosmose sont par conséquent les causes principales de ce transport des matières de l'extérieur jusque dans la cavité du système irrigatoire ; mais que d'autres (1) Voyez tome IV, page 5/i8. 244 ABSORPTION. forces mécaniques, et notamment la pression, peuvent inter- venir. Enfin nous avons vu que le degré de plénitude des vaisseaux et la rapidité avec laquelle les tluides nourriciers se renou- vellent dans les points par lesquels l'introduction s'effectue, sont aussi des circonstances qui influent sur la quantité de matière absorbée en un temps donné. Cette quantité est donc nécessairement variable suivant le lieu où l'absorption s'effectue, suivant l'état de l'économie, et suivant la nature des substances qui se trouvent en contact avec le tissu organique. Ainsi, tout en étant un phénomène essentiellement physique, l'absorption se trouve, jusqu'à un certain point, soumise à l'influence de la puissance vitale. Celle-ci n'est pas la cause de l'introduction des matières étrangères dans le torrent de la cir- culation ; mais, d'une manière indirecte, elle règle en partie le degré d'activité avec lequel ce transport s'effectue, car elle détermine quelques-unes des conditions dont ce degré d'acti- vité dépend : par exemple, la vitesse avec laquelle le fluide nourricier se renouvelle dans le tissu absorbant, et probable- ment aussi l'état de contraction tonique ou de relâchement de ce tissu, ainsi que la nature des sécrétions dont sa substance peut être lubrifiée. En tenant compte des diverses circonstances que nous ve- nons de passer en revue, on peut juger d'une manière approxi- mative des résultats que l'absorption donnera ; mais nous voyons que ce phénomène est en réalité très complexe, et que les propriétés physiques des tissus vivants qui en sont le siège peuvent être modifiées par l'action des forces physiologiques, de sorte qu'il n'est pas toujours possible de calculer avec quelque degré de précision les effets qui se produiront dans un cas déterminé. Nous pouvons néanmoins nous former une idée assez nette de la nature du travail qui s'effectue de la sorte CARACTÈRE GÉ^'ÉRAL DE CE PHÉNOMÈNE. 245 dans l'organisme des êtres vivants, et prévoir ce qui doit arriver dans la plupart des cas où il est appelé à intervenir. L'absorption, comme je l'ai déjà dit, peut s'exercer de deux manières et déterminer ainsi des résultats très différents. Elle peut effectuer l'introduction de matières qui sont étrangères à l'économie et qui se trouvent en contact seulement avec la surface libre du corps, ou bien opérer l'enlèvement de sub- stances qui sont logées dans la profondeur des tissus au milieu desquels serpentent les courants irrigatoires formés par le fluide nourricier. Le premier de ces actes est destiné à assurer l'alimentation du travail chimique et histogénique dont la ma- chine vivante est le siège ; le second est utihsé dans cette même machine pour l'expulsion des matériaux dont le rôle physiolo- gique est terminé. Nous aurons donc à étudier l'absorption d'abord comme prélude, puis comme complément du grand phénomène de la nutrition, et, en examinant tour à tour cette fonction dans ses rapports avec l'assimilation et avec l'excré- tion, il nous faudra chercher quelle part les veines et les vais- seaux lymphatiques peuvent prendre dans le transport des matières qui arrivent aux organes ou qui en sortent, sujet dont la discussion serait prématurée aujourd'hui. Sans nous arrêter davantage sur ces considérations géné- rales, nous passerons donc à l'examen de l'un des cas parti- culiers que je viens de signaler, et nous chercherons à nous rendre compte de la manière dont l'introduction des matières nutritives s'effectue. Mais, avant d'aborder cette question, il me faudra traiter d'une autre fonction. En effet, la plupart des substances que les Animaux ont besoin de porter ainsi dans la profondeur de l'économie ne se trouvent pas dans la Nature sous une forme qui les rende absorbables, et, pour devenir aptes à pénétrer de la sorte dans l'organisme, il faut qu'elles subissent une cer- taine préparation. Au lieu d'achever immédiatement l'étude de 2/l6 ABSORPTION. l'absorption, nous devrons par conséquent nous occuper main- tenant de l'examen des actes physiologiques à l'aide desquels les matières nutritives sont placées dans les conditions vou- lues pour que leur arrivée dans l'appareil irrigatoire soit pos- sible, actes qui constituent le phénomène de la digestion. Dans la prochaine Leçon, nous commencerons donc l'histoire de cette partie importante des fonctions de nutrition. QUARANTE -SIXIÈME LEÇON. De la digestion. — Nature de ce phénomène. — Agents qui le produisent. — Carac- tères anatomiques et physiologiques de l'appareil de la digestion. — Mode de perfectionnenient de cette fonction et des organes qui y sont affectés. ^ 1 . — Le sang, dont nous avons étudié le mouvement dans considérations *^ _ préliminaires. l'organisme au commencement de ce cours, doit en partie ses propriétés vivifiantes à la présence de l'oxygène que nous avons vu y pénétrer par les voies respiratoires ; mais ce liquide nour- ricier, pour remplir son rôle physiologique, a besoin de rece- voir aussi du dehors des matières combustibles et organisables. Les Animaux ne possèdent pas la faculté de créer de toutes pièces ces matières, et ne peuvent les trouver que dans la sub- stance constitutive d'autres corps qui sont ou qui ont été doués de la vie. Or, ces substances alimentaires qui doivent être absorbées ne se rencontrent d'ordinaire qu'à l'état solide, et nous avons vu dans la dernière Leçon que les tissus de l'orga- nisme ne se laissent traverser facilement que par des tluides. Pour que l'Animal puisse utiliser de la sorte la plupart des matières étrangères que la Nature lui fournit, il faut donc qu'il les transforme en liquide, ou, en d'autres mots, il faut qu'il les digère, et, afin de pouvoir effectuei- ce travail, il est pourvu d'instruments particuliers dont le plus important est une cavité appelée estomac, et dont la réunion constitue ce que l'on nomme un appareil digestif. Les Plantes ont le pouvoir de former de toutes pièces c6s matières organisables à l'aide de fluides qui se trouvent répan- dus partout à la surface de la terre, et qui réunissent toutes tes conditions voulues pour être absorbables. En effet, ces êtres peuvent conshtuer les ahments dont ils ont besoin en puisant 2/l8 DIGESTION. directement dans le milieu ambiant de l'eau, de l'acide car- bonique et quelques autres substances qui s'y rencontrent à l'état de gaz ou qui se trouvent en dissolution dans les liquides dont leurs racines sont baignées. Elles peuvent donc se nourrir sans foire subir aux substances qu'elles doivent absorber aucune élaboration préliminaire, et par conséquent elles n'ont jamais d'appareil digestif. Dans une des précédentes Leçons, nous avons vu que l'Ani- mal diffère de la Plante par son mode de respiration ; à ce premier caractère vient donc s'en ajouter aujourd'hui un second, tiré de l'existence de la faculté digestive et des instruments physiologiques à l'aide desquels cette faculté s'exerce. Dans l'immense majorité des cas, cette particularité anatomique est bien prononcée et facile à constater. Une cavité qui commu- nique librement avec le dehors, et qui est appelée estomac, reçoit les ahments dans son intérieur, en opère la digestion, et transmet ensuite au fluide nourricier les produits de son travail L'existence d'un organe de ce genre suffit pour établir que l'être chez lequel on l'observe appartient au Règne animal ; les Végétaux n'en présentent jamais de trace; mais je dois ajouter que, sous ce rapport comme sous tous les autres, la Hgne de démarcation entre les deux grandes divisions de la Création organique est moins nettement tracée qu'on ne pourrait le croire au premier abord. En effet, chez quelques Animaux à structure dégradée, l'appareil digestif s'amoindrit et disparaît plus ou moins complètement. Mais ce sont là des exceptions dont nous n'avons pas à nous occuper en ce moment, et la digestion n'en est pas moins une des fonctions générales des êtres animés qui leur appartiennent en propre. Des aliments. ^2. — Si uous étious astrclut à suivrc rigoureusement ici l'ordre méthodique dans lequel les idées s'enchaînent, nous ne devrions aborder l'histoire de la digestion qu'après avoir étudié les matières sur lesquelles cette fonction s'exerce, et par con- CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES. 2/19 séqaent j'aurais à traiter d'abord des aliments. Mais, ainsi que je l'ai déjcà dit plus d'une fois, je n'hésite pas à me départir de cette règle toutes les fois qu'une autre marche me semble plus favorable à l'intelligence des choses dont j'ai à m'occuper. Or, l'examen approfondi de la nature et des propriétés des substances nutritives me semble trouver mieux sa place dans la série de Leçons où j'aurai à parler de l'emploi de ces corps dans le travail de la nutrition. Je ne m'y arrêterai donc pas en ce moment, et je me bornerai à indiquer brièvement le sens que le physiologiste doit attacher au mot aliment. Dans le langage ordinaire, on désigne sous ce nom les sub- stances qui se mangent, se digèrent et servent à l'entretien de la vie ', mais on peut y donner une acception plus large, et l'ap- pliquer à toute matière qui, introduite dans l'organisme, est susceptible de servir, soit à l'entretien de la combustion phy- siologique, soit à la constitution des tissus ou des humeurs de l'économie animale. Ainsi, la digestibilité de ces matières, c'est-à-dire leur aptitude à être modifiées d'une certaine ma- nière dans leurs propriétés physiques ou chimiques avant leur absorption et leur entrée dans le torrent circulatoire, n'est pas une condition nécessaire à leur admission dans la classe des aliments; et lors même qu'une substance introduite dans l'es- tomac serait digérée , c'est-à-dire rendue absorbable, et irait ensuite se mêler au sang, nous ne devrions pas la considérer comme un aliment, si elle n'est pas propre à être employée dans l'organisme et à fournir, soit des matériaux constitutifs des tissus ou des humeurs, soit des combustibles propres à l'entretien de la respiration. Ainsi, pour nous, l'eau est un aliment aussi bien que le sucre ou la fibrine, car c'est une matière indispensable à la nutrition du corps , et quelle que soit la voie par laquelle ce liquide arrive dans l'économie, son rôle est toujours le même. Le physiologiste doit donc classer parmi les substances alimentaires des corps minéraux aussi 250 DIGESTION. bien que des matières organiques; mais comme ce sont ces dernières surtout qui se trouvent soumises aux forces diges- tives, ce sont elles principalement dont nous aurons à nous occuper en ce moment , et j'ajouterai qu'à raison de leur nature chimique et de leurs propriétés, on les divise en deux groupes, savoir : les a/men^i- p/as^wes, qui sont susceptibles d'entrer dans la composition des tissus organiques et de deve- nir ainsi des parties vivantes, et les aliments respiratoires, dont le principal rôle est de fournir du carbone à la combustion physiologique. Les aliments plastiques sont des matières orga- niques azotées neutres, telles que la fibrine , l'albumine et la caséine. Les aliments respiratoires sont des substances non azotées qui sont riches en carbone et en hydrogène : elles se ressemblent à beaucoup d'égards ; mais, pour la facilité de ildë études, il est nécessaire de les diviser à leur four en deux groupes comprenant, l'un les matières amylacées ou sucrées, l'autre les matières grasses, § 3. — Les aliments, comme je l'ai déjà dit, sont en géné^ généraux fa] (jes corps solides, et si on les examine après qu'ils ont de la digestion. *■ ' séjourné pendant un certain temps dans l'appareil digestif, oh voit qu'ils y ont été ramollis, désagrégés et transformés en une sorte de pâte plus ou moins liquide appelée chyme, qui exliale une odeur à la fois acre et fade. A mesure que le travail digestif s'avance, cette matière pultacée abandonne les sucs dont elle est imprégnée, ainsi que les autres substances qiii sont susceptibles d'être absorbées par les parties voisines dé l'organisme; enfin, elle se trouve réduite à un magma dé débris qui ont résisté à l'action des forces mises en jeu pour les attaquer et qui doivent être rejetés au dehors. Pendant longtemps les physiologistes n'ont pas cherché à se' rendre nettement compte de la nature du travail qui s'effectue W la nature ^g |g^ g^p^g ^jgjjg l'écouomie ammalc, et se sont bornés à énon- du travail digestif, ^gj, gj^ „j^ langage figuré le fait dont je viens de faire mention. Phénomènes Opinions des anciens physiologistes NATURE CE CE fliÉNOMENE. ^51 Ainsi Hippocrate disait que la digestion est une coction ; mais, en exprimant ainsi sa pensée, il ne prétendait ni expliquer le phénomène , ni établir que les changements imprimés aux ahments dans l'estomac fussent du même ordre que ceux dé- terminés par la cuisson ; il voulait dire seulement que ces matières sont préparées, élaborées, rendues aptes à servir à nos besoins (1). Quelques autres médecins de l'antiquité ont cru pouvoir pénétrer plus avant dans ce mystère. Ainsi Érasistrate, ayant probablement aperçu certains mouvements qui s'opèrent dans l'estomac pendant la durée de la chymification , fut conduit à penser que la digestion n'est qu'un travail mécanique , une sorte de tritm^ation des aliments. L'un des disciples de Praxagore, Plistonicus, n'adopta pas cette hypothèse, et crut voir dans le phénomène de la digestion une simple putréfac- tion analogue à celle que la plupart des matières organiques éprouvent spontanément quand elles restent exposées à l'actioii de la chaleur, de Thumidité et de l'air. Enfin, Asclépiade, l'ami de Cicéron, parait avoir pensé que la digestion consiste en une sorte de dissolution des aliments (2). (1) Hippociale n'avait évidemment important dans l'opération de la que des idées très vagues à ce sujet, cliymiticalion ; mais il suppose que les et, bien qu'il se serve en général du aliments sont transformés ainsi en mot TTs'^'.ç, ou cuisson, quand il parle une substance analogue à celle dont du travail digestif et qu'il attribue l'organisme se compose, et que cette cette coction à la chaleur de l'esio- transformation est la conséquence du mac, il paraît, dans quelques pas- mode d'aclionparliculier de l'estomac, sages, regarder la digestion des aii- qui serait doué d'une faculté coc- ments comme une sorte de putré- trice (a) ; selon lui, la digestion serait faction. donc, non une simple cuisson, mais Galien semble attacher à l'exprès- plutôt ce que l'on appelle aujourd'hui slon de coction un sens différent ; il une élaboration. fait jouera la chaleur un rôle plus (2)Lesidéesd'Ërasistrate, de Plisto" [a) Galien, De naturalibus facultalibus, lib. II, cap. iv. 25*2 DIGESTION. Ainsi nous trouvons déjà chez les anciens les germes des principales théories qui jusque dans ces derniers temps ont régné tour à tour dans nos écoles. Par exemple, l'expression métaphorique employée par Hippocrate a fait naître la doctrine de Vélixation (1) , et divers commentateurs de ce grand médecin ont cru pouvoir assimiler la digestion au phénomène de la cuis- son ; à leurs yeux, les changements que les aliments subissent dans l'estomac étaient dus à la chaleur de cet organe (2) ; mais, pour accepter une pareille idée, il fallait ignorer ce qui se passe dans plus des neuf dixièmes du Règne animal, car chez tous les Animaux la digestion s'effectue, et cependant chez la plupart de ces êtres la température du corps ne diffère nicus et d'Asclépiade sur la nature du travail digestif ont été résumées de la manière suivante par Celse : « Exquibus, quia maxime pertinere » ad rem concoctio videtur, huic po- » tissimum insistunt ; et duce alii » Erasislrato, teri cibum in ventre con- » tendunt ; alii Plistonico Praxagorse » discipulo putrescere ; alii credunt » Hippocrati per calorem cibos con- » coqui ; acceduntque Asclepiadis » semuli qui omnia ista vana et super- » vacua esse proponunt : nihil enim » concoqui , sed crudam materiam, » sicut assumpta est in corpus omne » diduci (a). » Asclépiade , dont il est ici question, n'était pas un des descendants d'Escu- lape, comme on pourrait le croire par son nom ; il habitait Rome du temps de Pompée, et y jouissait d'une très grande réputation, mais il paraît avoir été très ignorant en anatomie et en physiologie. Galien dit aussi qu'il con- sidérait la digestion comme le résultat d'une simple division des atomes dont se composent les aliments. Mais cette opinion paraît avoir eu peu de parti- sans, et Cicéron, qui avait des rela- tions intimes avec Asclépiade, avance de la manière la plus positive que la digestion est une cuisson effectuée par la chaleur (6). (1) De elixare, cuire. (2) Parmi les auteurs qui, dans des temps plus modernes, ont cru pouvoir expliquer le travail digestif en le représentant comme une coction opérée par la chaleur animale, je ci- terai iMichel Servet (c). J'ajouterai que, même au commen- cement du siècle dernier, on se con- tentait d'hypothèses de ce genre. Ainsi Drake compare l'estomac à la machine de Papin (d). (a) C. Celsus, Medicinœ liher primus, p. 5 (édit. de Bianconi, 1785). (b) De natura deorum, lib. II, § nv. (c) Voyez Sprengel, Histoire de la médecine, t. III, p. 34. (d) Anthropologia nova, 1717, p. 86. NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 253 pas sensiblement de celle de l'atmosphère (1). La théorie toute mécanique de la digestion par trituration a eu de nombreux partisans, et a conduit même à la découverte de plus d'un fait important, mais elle a donné lieu à un nombre bien plus grand de vaines spéculations déguisées sous le masque de la science positive (2). Enfin , l'hypothèse suivant laquelle la digestion serait une sorte de fermentation, ou serait déterminée par l'effet de dissolvants, a revêtu successivement diverses formes, suivant la nature des idées régnantes parmi les chi- mistes de chaque époque ; et si l'on s'en tenait aux mots au lieu d'aller au fond des choses, on pourrait trouver dans les écrits de plus d'un auteur des xvn* et xvni" siècles l'énoncé succinct de la théorie généralement admise de nos jours. Mais en réalité on ne savait alors rien touchant la nature du travail digestif, et, jusque vers la fin du siècle dernier, presque tous les faits fondamentaux sur lesquels la théorie de ce phénomène repose étaient encore à découvrir (3). L'exposé des opinions et (1) Voyez Haller, Elementa physio- ques médecins de mérite, même dans logiœ, t. VI, p. 335. les temps modernes : Glieselden , par (2) Gomme exemple de ces vues exemple (6). toutes spéculatives des physiologistes L'hypothèse d'une fermentation di- dits iatro-mathématiciens , je citerai gestive a été imaginée, vers le milieu les hypothèses de Pitcairn sur la puis- du xvir siècle, par Van Helmont (c), sance triturante de l'estomac, qu'il a dont j'ai déjà eu l'occasion de men- cru pouvoir évaluer à 12 951 livres (a). tionner les travaux (d). Elle a eu (3) L'assimilation de la digestion à beaucoup de partisans, parmi lesquels la putréfaction ne pourrait résister à je citerai Sylvius, Willis, Boyle, Lo- une simple discussion sérieuse, mais wer, Macbride, etc. (e). Mais il ne a été soutenue cependant par quel- faut pas oublier qu'à cette époque, les (a) Pitcairn, Dissertalio de motu quo cibi in ventriculo rediguntur ad formam sanguini refi- ciendo idoneam (Dissertationes medicœ, p. 81, Piotterdam, 1701, et Elementa medicina physico- mathematica, 1718, cap. v, p. 25). (6) Cheselden, Anatomy of the Human Body, 1763, p, 155, 8» édit. (c) Van Helmont, Sextuplex digestio alimenti humani (Ortus medicinœ, p. 1G7). {d) Tome I, page 379. (e) Sylvius (ou Dubois), Disserl. med. I, et Prnx.med., lib. VII, cap. vu. — Willis, Defennentalione, cap. i, p. 17 (Opéra omnia, 1680, t. I). — Boyle, Works, t. H, p. 622. — Lower, De corde, p. 204. — Macbride, Expérimental Essay on the Fermentation of Alimentary Mixture, 1 701 , p. 59. — Leich, Discours e concerning Digestion [Philos. Trans., 1684, t. XIV, p. 694). 254 DIGESTION. des conjectures qui ont précédé la connaissance de ces (aits serait une tâche non moins oiseuse que longue. Je ne l'entre- prendrai donc pas, et je me bornerai à rendre compte des découvertes successives à l'aide desquelles la question si long- temps en litige a été enfin résolue. „ .. ^ h. — La première série d'expériences méthodiques et Premières c r i i recherches instructlvcs cntrcpriscs à ce sujet est due au célèbre Réaumur, expérimentales ^ " ^"•" dont les beaux travaux sur l'histoire naturelle des hisectes la digestion. constituent une des principales richesses de l'entomologie (1). connaissances chimiques touchant la nature des phénomènes auxquels ou donnait le nom de fermentation étaient si vagues el si incomplètes, qu'en réalité l'emploi de cette expres- sion n'avançait guère la question, et signifiait seulement que, dans l'o- pinion de ces physiologistes , les modifications éprouvées par les ali- ments dans l'estomac sont le résultat d'un changement qui s'opère dans leur constitution , soit spontanément, soit sous l'influence d'un agent com- parable au ferment connu sous le nom de levure, et non le résultat d'une action mécanique ou d'une simple dissolution. Du reste, la ligne de dé- marcation entre la théorie de la diges- tion par fermentation ou par dissolu- tion était rarement indiquée d'une manière nette ; dans cette dernière hypothèse, on attribuait la désagréga- tion et la transformation des aliments en chyme à l'action d'un liquide pro- duit dans l'estomac , et appelé suc gastrique ; mais à cette époque l'exis- tence de ce suc n'était nullement démontrée, et les propriétés qu'on y attribuait ne pouvaient s'expliquer en aucune façon par les propriétés chi- miques d'aucun corps connu. C'était donc un être de raison seulement. Ainsi Cureau de Lachambre, un des premiers médecins qui aient soutenu la théorie de la dissolution, admettait que celte transformation était efléc- tuée, non par une humeur aqueuse ou acide, mais par des esprits dissol- vants (a), et Lamy, son contemporain, qui attribuait ce rôle à un suc gas- trique, assurait que ce suc dissolvait les métaux aussi bien que les ali- ments [h). Quelques-uns de ces phy- siologistes, il est vrai, avaient deviné assez juste , et , comme exemple, je citerai Grew (c) ; mais leur opinion ne reposait sur aucune base solide, et il suffit de hre l'exposé de l'état de la question dans le grand ouvrage de Haller, pour reconnaître combien il régnait d'obscurité dans toute cette portion de la physiologie (cl). (1) René Ferchault de Réaumur naquit à la Rochelle en 1683, et entra (a) De Lachambre, Nouvelles conjectures sur la digestion. Paris, 1638. (6) Lamy, Discours anatomiques. Paris, 4 675. (c) Grew, Conip. Anatomy ofthe Stomach, p. 26. (d) Haller, Elementa physiologiœ, lib. XIX, sect. v, t. V, p. 327 et suiv. NATURE DE CE PHENOMENE. 255 On savait déjà, par les expériences faites à Florence par les membres de l'ancienne Académie del Cimento, que des corps, même des plus durs , introduits dans l'estomac de certains Oiseaux, tels que l'Autruche, sont usés et souvent même réduits en poudre par l'action de cet organe (1). On avait reconnu aussi que chez ces Animaux les parois de cet organe sont garnies de muscles puissants, et les partisans de la théorie mécanique de la digestion arguaient de ces faits pour soutenir que cet acte phy- siologique consistait essentiellement en un phénomène de tritu- ration. Mais, d'un autre côté, les anatomistes avaient vu aussi que chez l'Homme, ainsi que chez un grand nombre d'Ani- maux dont la puissance digestive est assez grande, l'estomac n'a que des parois minces et membraneuses plutôt que char- à rAcadémic des sciences en 1708, comme mathématicien. Il se fit con- naître d'abord par plusieurs publica- tions importantes sur la fabrication de l'acier, du fer-blanc, des perles fausses, etc., ainsi que par des tra- vaux relatifs à divers points d'In'stoire naturelle, et les perfectionnements qu'il introduisit dans la construction des thermomètres rendirent son nom populaire. Mais son ouvrage le plus important est une série de mémoires sur les mœurs des Insectes, formant six volumes in-/i et accompagnés de nombreuses planches. Réaumur mou- rut en 1757. (1) U Accademia del Cimento, fon- dée en 1657 par Léopold , grand-duc de Toscane, et composée principale- ment de disciples de Galilée, n'exista que pendant un assez court espace de temps, et s'occupa principalement de questions de physique, mais fit aussi diverses expériences sur la digestion. Ainsi elle constata que chez des Poules et des Canards , des boules de cristal, des balles de plomb et d'autres corps très durs introduits dans l'estomac de ces Oiseaux sont bientôt usés, tordus ou même i-éduits en poudre [a). Iledi, l'un des membres de cette Société savante, fit beaucoup d'expé- riences anaioiiues sur ces Oiseaux de basse-cour, ainsi que sur une Autru- che, et il eut le soin de déterminer la perte de poids que les corps divers subissaient dans l'intérieur de Testo- mac de ces Animaux (b). On cite aussi des expériences du même genre faites vers la même époque par M. Magalotti (c). (a) Saggi di naturali esperienze fatte neU'Accademia del Cimento, 1667, esp. cclxviii, 2" édit.,'1691. (b) Fr. Hedi, Opusculorum pars secunda, sive expérimenta circa varias res naturales, p. 102 et suiv. (éd. de Leyde, 4729). (c) Magalotti, Sagio di naturali esperieme. 256 DIGESTION. nues, de façon qu'il était difficile d'attribuer à ce viscère une grande force musculaire. On avait recueilli également divers faits qui tendaient à prouver que la digestion peut s'opérer lors même que les parois de l'estomac restent écartées, et cela chez les Oiseaux, où la puissance triturante de cet organe est le plus développée (1). Réaumur se trouvait donc en présence de deux opinions nettement formulées, touchant la nature du tra- vail digestif : suivant les uns , c'était parce que les ahments sont broyés dans l'estomac qu'ils sont transformés en cette Expériences cspèce dc pâtc quc Tou nomme chyme; suivant les autres, ce pa- Réaumur. résultat était dû à l'action dissolvante d'un agent chimique, d'un suc digestif. Pour décider de quel côté était la vérité, Réaumur eut l'heureuse idée de soumettre à l'action des forces digestives de l'estomac divers aliments renfermés dans une enveloppe soHde, de façon à les protéger contre toute pression, tout frotte- ment, toute action mécanique quelconque , mais à les laisser accessibles au contact des liquides qu'ils pouvaient rencontrer dans la cavité stomacale. Les premières expériences exécu- tées de la sorte ne donnèrent aucun résultat décisif, car elles furent faites sur des Oiseaux dont le gésier est très puissant, et les tubes de verreoude métal employés pour garantir les aliments contre l'action triturante de ce viscère ne purent y résister ; ils étaient brisés ou aplatis et tordus en peu de temps par les contractions énergiques de l'estomac, et par conséquent les faits observés n'ajoutaient rien à ceux constatés précédemment par Redi et les autres académiciens de Florence. Réaumur répéta donc ses essais, en faisant usage d'enveloppes plus résistantes, (1) Ainsi Vallisneri, en faisant l'a- faisant saillie dans rintérieur de l'es- natomie d'une Autruche, a trouvé un tomac, circonstance qui semble avoir gros clou implanté dans les parois dû empêcher cet organe de se con- charnues du gésier de cet Animal, et tracter comme d'ordinaire (a). (a) Vallisneri, Notomia dello Struzzo {Opère fisico-mediche, t. I, p. 242, pi. 29, fig. 2). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 257 et, au premier abord, il put croire que l'action mécanique de l'estomac était au moins une des conditions nécessaires pour la transformation des aliments en chyme, car l'orge qu'il avait renfermée dans des tubes métalliques d'une solidité convenable et qu'il avait introduits ensuite dans le gésier de divers Oiseaux de basse-cour, s'était retrouvée intacte après avoir séjourné fort longtemps dans cet organe (1). Mais, en variant davantage ses expériences, il ne tarda pas à reconnaître que souvent, sinon toujours, la digestion peut s'opérer sans l'intervention d'aucune force mécanique et par la seule influence des sucs gastriques. Cette seconde série de recherches porta sur des Oiseaux à estomac membraneux, et, afin de pouvoir multiplier facilement ses observations, Réaumur mit à profit un fait bien connu de toutes les personnes versées dans l'art de la fauconnerie. On avait remarqué que les Oiseaux de proie rejettent facilement par le bec les matières que leur estomac n'a pu digérer, et que d'ordinaire ils se débarrassent de la sorte des plumes ou autres dépouilles des Animaux dont ils se repaissent. Les fauconniers avaient même l'habitude de leur faire avaler de grosses boules de matières indigestes afin de provoquer des vomissements qu'ils considéraient comme salutaires (2). Réaumur, au lieu de sacrifier les Oiseaux soumis à ses expériences, se contenta donc (l) Cette première série d'expé- il réussit en faisant usage de tubes de riences fut faite sur des Dindons, des plomb d'une épaisseur considérable. Canards et des Coqs, Réaumur em- Ceux-ci ne furent ni aplatis ni tordus ploya d'abord des boules de verre par les contractions du gésier , mais creuses dont on se sert pour fabri- les grains d'orge qu'il y renfermait quer les perles fausses, puis de se retrouvaient sans altération notable courts tubes de verre ou de fer-blanc; après un séjour fort long dans l'es- mais ces corps ne résistaient pas à tomac (a). l'action triturante du gésier, et furent (2) Ces bols vomitifs, que l'on dé- promptement brisés ou aplatis; enfin signait sous le nom de cures, étaient (a) Réaumur, Sur la digestion des Oiseaux (premier mémoire). Expériences sur la manière dont se fait la digestion dans les Oiseaux qui vivent principalement de grains et d'herbes et dont l'estomac est un gésier [Mém. de l'Acad. des sciences, 1752, p. 266). V. 17 258 DIGESTION. de faire descendre dans leur estomac des tubes métalliques renfermant des aliments, et d'en examiner le contenu lorsque l'Animal les rejetait spontanément. Les résultats obtenus de la sorte furent décisifs. Des morceaux de viande convenablement assujettis dans l'intérieur d'un tube à parois inflexibles et sous- traits ainsi à toute pression exercée par l'estomac, n'en furent pas moins digérés dans l'espace de quelques heures; tantôt on retrouvait dans l'intérieur du tube métallique des portions sim- plement ramollies ou transformées en pulpe à la surface, mais encore intactes vers le centre, et d'autres fois le tout avait dis- paru, bien que les deux extrémités du tube eussent conservé intacts les grillages dont on les avait garnies pour empêcher le passage de tout corps solide. Or, ce résultat ne pouvait être produit par des forces mécaniques et s'exphquait facilement par l'action d'un dissolvant. ' Réaumur pratiqua des expériences analogues en substituant à la viande dont il venait de faire usage des os de Poulet, et il vit que ces corps, bien que protégés efficacement contre toute espèce de trituration , pouvaient être digérés par les Oiseaux de proie; mais lorsqu'il remplaçait ces matières ani- males par de l'orge ou d'autres grains, il n'y observa rien de semblable ; ces aliments résistaient à l'action du dissolvant, qui était si puissant pour transformer en chyme les aliments azotés. Convaincu ainsi de la nature chimique des forces qui, dans un grand nombre de cas, sufiisent pour effectuer la digestion, ce physiologiste illustre voulut iaire un pas de plus, et repro- duire dans un vase inerte, à l'aide du suc gastrique, les phé- nomènes dont l'estomac des Animaux vivants est le siège. Dans cette vue , il chercha à se procurer une quantité suffisante de formés en général de filasse ou de trait, les rendaient en général dans plumes pressées et collées ensemble. les vingt-quatre heures. î^es Épervlers , à qui on en adminis- ences de NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. i259 ce suc au moyen d éponges qu'il faisait avaler à des Oiseaux de proie, et qu'il pressait après qu'elles avaient été rejelées au dehors. Il soumit même à l'action du liquide ainsi obtenu quelques aliments, mais il ne réussit pas à en opérer la diges- tion artificielle, et il abandonna la tentative (1). La découverte de la nature du travail digestif resta donc incomplète entre les mains de Réaumur ; mais un demi-siècle après, le résultat qu'il avait espéré obtenir fut réalisé par un autre expérimentateur plus persévérant, l'abbé Spallanzani , dont j'ai déjà eu l'occasion de citer les beaux travaux, et dont le nom reviendra souvent dans le cours de ces Leçons (2). Pendant cet intei-valle de temps, un médecin écossais, Stevens, Expéri fit sur l'Homme des ex{)ériences semblables à celles pratiquées stevens sur les Oiseaux de proie par Réaumur. Ayant rencontré un bateleur qui avait Fhabitude d'avaler des pierres, puis de les rejeter par la bouche, il profita de cette circonstance pour sou- mettre à l'action de l'estomac de cet Homme des substances alimentaires renfermées dans une sphère métallique criblée de trous, et pour examiner les altérations que ces matières éprou- (1) Les expériences décisives dont tières végétales résister à la seule il est ici question furent faites princi- action des sucs dont elles étaient bai- palenient sur une Buse , et Réaumur gnées dans restomac de ces Animaux, trouva que des fragments d"os proté- et il en conclut que la nature du tra- gés de la sorte contre toute action nié- vail digestif n'est pas la même partout, canique étaient attaqués et digérés par Les essais infiuciueux de digestion les sucs gastriques de la même ma- artificielle tentés par Réaumur furent nière que cela avait lieu pour la faits avec du suc gastrique obtenu viande. Une expérience relative à la au moyen de morceaux d'épongé in- digestion des os dans l'estomac du iroduils dans l'estomac d'une Buse. Chien lui parut également favorable Ce liquide avait un goût acide et à l'hypolhèse de la formation du rougissait le papier bleu de tour- chyme par voie chimique ; mais chez nesol (a). les Moutons, de même que chez les (2) Voyez tome 1, page /i 17. Oiseaux de basse-cour, il vil les ma- is) Réaumur, Sur la digestion des Oiseaux (second mémoire). De la manière dont elle se fait dans l'estomac des Oiseaux de proie (Ulém. de l'Acad. des sciences, 1752, p. 461). Expériences de Spallanzani. Digestions artificielles. 260 DIGESTION. valent par leur séjour dans ce viscère. Il fit aussi des expé- riences analogues sur des Chiens, et il reconnut, comme l'avait fait Réaumur, que les aliments protégés de la sorte contre toute action mécanique, et exposés seulement à l'influence des liquides contenus dans l'estomac, peuvent être complètement digérés (1). Les expériences de Spallanzani portèrent sur un grand nombre d'Animaux différents , et mirent également hors de toute contestation le principal résultat obtenu par Réaumur, car elles démontrèrent la possibilité de la digestion dans des circon- stances où les ahments introduits dans l'estomac étaient sous- traits à l'action mécanique de cet organe et accessibles à des fluides seulement. Mais, ainsi que je viens de le dire, Spallan- zani alla plus loin. Il constata que la digestion peut s'effectuer dans l'estomac d'un cadavre aussi bien que dans celui d'un Animal vivant. Enfin il parvint à opérer dans un vase inerte des digestions artificielles, en faisant agir sur de la viande le liquide extrait de l'estomac de divers Animaux. 11 reconnut que la désagrégation des matières alimentaires qui amène leur transformation en chyme ne dépend pas de leur putréfaction ; que le suc gastrique est au contraire un agent qui s'oppose à cette décomposition spontanée des substances organiques; enfin il fit voir que la digestion n'est pas accompagnée des signes ordinaires de la fermentation, et il établit que les phé- nomènes physiologiques dont l'estomac est le siège dépendent (1) Les expériences de Stevens datent de 1777 (a); elles confirmèrent et éten- dirent les résultats obtenus précédem- ment par Réaumur, mais elles étaient encore insuffisantes pour établir sur des bases inattaquables la lliéorie chi- mique de la digestion : car on pouvait supposer encore que la transformation des aliments en chyme était due à une action vitale, une influence nerveuse, hypothèse qui comptait déjà des par- tisans célèbres et qui a été soutenue, même de nos jours , par quelques physiologistes. (a) Stcvons, De aUmentorum concoclione, Edinb., 1777. NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 261 essentiellement de la propriété dissolvante dont est doué le suc gastrique, c'est-à-dire l'humeur particulière contenue dans ce viscère (1). Les recherches nombreuses et variées faites sur ce sujet par les physiologistes de nos jours sont venues confirmer le résultat important obtenu par Spallanzani, et donner gain de cause à ceux qui voyaient dans la digestion un phénomène chimique. Nous savons aujourd'hui, à ne plus en douter, que la transfor- mation en chyme est due uniquement à Faction du liquide dont ces matières s'imbibent dans l'estomac, et qu'à l'aide de ce suc la digestion peut se faire dans un vase quelconque. Grâce aux procédés commodes inventés pour obtenir cette humeur gas- trique (2), les expériences de digestion artificielle sont devenues (1) Je reviendrai bientôt sur ce tra- vail important , et je me J)ornerai à ajouter ici que dans ces expériences de digestion artificielle, la désagréga- tion des aliments, leur transformation en une paie semblable au chyme, ne s'effectuaient pas aussi rapidement que dans l'estomac d'un animal vivant, et que le concours d'une certaine cha- leur était nécessaire à l'accomplisse- ment du phénomène. Spallanzani re- marqua aussi que le renouvellement du suc gastrique accélérait beaucoup la réaction (c). Les expériences de Spallanzani fu- rent commencées en 1777, mais ne furent publiées que fort longtemps après. (2) Dans les recherches de Spallan- zani, de même que dans celles de Réauniur, le suc gastrique employé pour les digestions artificielles était en général obtenu par la régurgitation d'épongés introduites dans l'estomac. MM. Tiedemann et Gmelin eurent recours à un procédé difl'érent : ils firent avaler aux Chiens soumis à leurs expériences des cailloux ou d'au- tres corps inattaquables pour stimuler les parois de l'estomac, puis ils tuèrent ces Animaux pour recueillir la petite quantité de suc gastrique qui pouvait se trouver dans leur estomac [b]. Mais à la suite des observations inté- ressantes faites par un médecin amé- ricain, M. W. Beaumont, sur un homme dont l'estomac était resté ou- vert à la suite d'une blessure (c), quelques physiologistes eurent l'idée d'établir une communication perma- (a) Spallanzani, Expériences sur la digestion de l'homme et de différentes espèces d'animaux, avec des considérations par Senebier. In-8, Genève, 1783. (b) Tiedemann et Gmelin, Recherches expérimentales physiologiques et chimiques sur la diges- tion, 1827, t, 1, p. 92 etsulv. (c) \V. Beaumont, Expérimenta and Observations on the Gasiric }uice and the Physiology of Digestion, 1833. Action la pepsine. 262 DIGESTION. vulgaires, et l'on a pu étudier la nature intime de cet agent ainsi que ses propriétés physiologiques, et les modifications plus ou moins profondes qu'il détermine dans la constitution de certaines matières alimentaires. A l'époque où vivait Spallanzani la chimie organique existait à peine, et ne pouvait nous fournir à ce sujet aucune lumière utile ; mais , aujourd'hui , cette science nous est d'un grand secours, et nous donne la clef de tous les phénomènes fondamentaux de la digestion. Elle nous a fait connaître les principes dont dépend la puissance du suc gastrique, et nous a fourni même les moyens d'en produire artificiellement (1). Bientôt j'exposerai tous les faits intéressants nente entre cet organe et l'extérieur, à l'aide d'une incision pratiquée aux parois de l'abdomen chez des Ani- maux vivants. Un médecin russe, M. Bassow, fut le premier à appeler l'attention du puljlic sur ce procédé expérimental dont il fit usage avec beaucoup de succès (a), et peu de temps après, M. Blondlot, de Nancy, arriva, de son côté, aux mêmes résul- tats (6). C'est surtout ce dernier expé- rimentateur qui a vulgarisé l'emploi des fistules gastriques pour l'étude des phénomènes de la digestion, et lorsque je traiterai spécialement de la chymification chez les Animaux supé- rieurs, je ferai connaître le procédé opératoire dont il fait usage. (1) En 1839, M. Wasmann, de Ber- lin, parvint à extraire la pepsine de la membrane muqueuse de l'estomac du Porc, et il reconnut que cette matière, dissoute dans de l'eau aiguisée d'acide chlorhydrique, détermine tous lesphé- nomènes de la digestion artificielle, comme le ferait du suc gastrique na- turel (c). Depuis lors la préparation de la pepsine et du suc gastrique artificiel a été l'objet de beaucoup de recherches dont il sera rendu compte dans une des Leçons suivantes. Enfin cette substance est tombée dans le domaine de la thérapeutique {d), et M. L. Corvisart a fait voir que dans certains cas on pouvait employer le suc gastrique artificiel comme mé- dicament, pour suppléer à la sé- crétion insuffisante de l'estomac dans le travail physiologique de la diges- tion (e). (a) Bassow, Voie artificielle dans l'estomac des Animaux (Bulletin de la Société des natura- listes de Moscou, 1843, t. XVI, p. 315). (6) Blondlot, Traité analytique de la digestion, 1843, p. 201 et suiv. (c) Wasmann, De digestione nonnuUa {disievt. inaug.). Berolini, 1839. (d) Boudaiilt, Mémoire sur le principe digestif, etc. [Moniteur des hôpitaux, \ 854). (e) Lucien Corvisart, Recherches ayant pour but d' administrer aux malades qui ne digèrent pas des aliments tout digérés par le suc gastriqiie des Animaux (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1852, t. XXXV, p. 244). — Dyspepsie et consomption. Ressources que la poudre nutrimentive (pepsine acidulée) offre dans ce cas à la médecine pratiqice, 1854, Nature de ce phénomène. 26o dont l'histoire physiologique de la digestion a été enrichie de la sorte ; mais en ce moment je cherche seulement à donner une idée générale de la nature de cette fonction, et par consé- quent je ne dois pas m'arrêter sur ces détails ; je me bornerai donc à ajouter que les parties actives du suc gastrique sont un acide et un principe immédiat qui porte le nom de pepsine (1). C'est ce dernier agent qui joue le rôle le plus important dans le travail de la chymification ; mais, pour opérer la désagréga- tion et la dissolution des aliments qu'il est destiné à digérer, la présence d'un acide est nécessaire, et par conséquent l'acidité est un des caractères du suc gastrique. - § 5. — Du reste, toutes les substances nutritives que les Animaux rencontrent dans la nature, et qu'ils pourraient intro- duire dans leur estomac, ne sont pns susceptibles d'éprouver des changements de ce genre en présence du suc gastrique ; il en est beaucoup qui résistent à Faction digestive de ce liquide , et par conséquent, pour utihser d'une manière complète les ali- ments dont ils sont environnés, ces êtres auraient besoin de les soumettre à l'influence d'autres agents. En» effet, nous avons vu, par les expériences de Réaumur, que l'orge et le blé ne sont pas attaqués par le suc gastrique, dans lequel la viande se dis- sout (2); nous savons cependant que ces matières, et beaucoup umué d,, 1, '',1 1' 1 -'l'i-- d'autres an-enîs autres substances végétales douées de propriétés chmiiques digestif! semblables, sont employées à l'alimentation de l'Homme et d'une multitude d'Animaux. Il en résulte que les découvertes (1) Le nom de pepsine, donné au auteurs onl appelé ce principe {/as- principe actif du suc gastrique par térase ib) ou chymosine (c) , mais la M. Schwann {a) vient du mot grec première dénomination a prévalu. TTs'ii; (coction ou digestion). D'autres (2) Voyez ci-dessus, page '258. (a) Schwann, Vehtr das Wesen des Verdauungsproeesses (Poggendorff's Annalen, 1836, t. XXXVIII, p. 3(3-2,1. (h) Payen, Note sur le principe actif du suc gastrique (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1843, t. XVII, p. G56). (c) Descharaps, De la présure [Journal de pharmacie, 1840, t. XXVI, p. 416j. diffestif. 204 DIGESTION. dont je viens de rendre brièvement compte ne nous fournissent pas la clef de tous les phénomènes essentiels de la digestion. Mais d'autres recherches, dont l'exposé serait prématuré en ce moment, sont venues compléter la théorie générale de cette fonction, et montrer que c'est par des procédés analogues que les aliments rebelles à la puissance dissolvante du suc gastrique sont rendus absorbables. C'est toujours par l'action de liquides dont ces substances s'imbibent que leur constitution se trouve modifiée de façon à rendre leur pénétration dans l'organisme possible; seulement les propriétés chimiques de ces humeurs varient suivant le rôle qu'elles ont à remplir dans l'économie, et, de même qu'il y a différentes sortes d'aliments, il y a divers sucs destinés à en effectuer la digestion. Caractères § 6. — Ccs notious élémentaires sur la nature du travail df1"a"eii digestif nous permettront de prévoir quelles sont les conditions générales qui devront être satisfaites par tout appareil destiné à en être le siège, et, en appliquant à ces données extrêmement simples les lois physiologiques dont nous avons fait si souvent usage dans le cours de ces Leçons, il nous sera facile de prévoir aussi quels sont les moyens de perfectionnement à l'aide des- quels le jeu de cet appareil augmentera de puissance chez les Animaux dont la nutrition a besoin de devenir de plus en plus active. Puisque la digestion consiste essentiellement en une dissolu- tion des substances solides qui doivent servir à la nutrition de l'Animal , que cette dissolution s'effectue à l'aide de liquides fournis par l'organisme, et que les produits ainsi obtenus doi- vent pénétrer dans l'intérieur du corps pour se mêler au sang et se répartir ensuite dans toutes les parties de l'économie, il faut évidemment que l'appareil digestif se compose d'un vase propre à contenir ces humeurs ; que ce réservoir soit en com- munication avec l'extérieur, de façon à pouvoir recevoir du dehors les aliments et se débarrasser du résidu qu'ils laisseront; CONDITIONS DE PERFECTIONNEMENT. 265 qu'il soit pourvu d'agents moteurs susceptibles d'y déterminer l'entrée de ces matières , et que des organes aptes à fournir les agents chimiques dont la digestion dépend y versent les liquides dissolvants ; enfin , que ses parois soient propres à absorber les matières élaborées dans son intérieur. Ce travail physiologique, réduit à sa plus simple expression, suppose donc le concours de plusieurs actes : la préhension des aliments et leur ingurgitation; la sécrétion, ou production du suc digestif; l'absorption des matières digérées, et l'expulsion du résidu fécal. Considérons l'appareil digestif au point de vue de chacun de ces usages, et voyons comment, d'après le principe connu du perfectionnement des organismes par la division du travail phy- siologique, il devra se modifier chez les Animaux de plus en plus élevés. Cet appareil, ai-je dit, doit être un vase, ou réservoir, dis- posé de façon à admettre facilement dans son intérieur les sub- stances alimentaires, à conserver le suc digestif qui y est versé par l'organisme, et à rejeter au dehors les matières que ce suc est impuissant à dissoudre. La forme la plus simple que l'on puisse concevoir pour un pareil récipient est celle d'une fosse ou poche dont l'orifice se dilaterait pour laisser entrer ou sortir les substances alimentaires, mais resterait contractée pendant la durée du travail digestif, afin de ne pas perdre le réactif à l'aide duquel ce phénomène doit s'accomplir. Si, comme je l'ai posé en principe au comuiencement de ce cours, la Nature se montre toujours économe dans ses créa- tions, et proportionne les moyens mis en œuvre à l'importance du résultat à obtenir, nous devons donc trouver l'appareil di- gestif constitué de la sorte chez les Animaux les moins perfec- tionnés. Et, en effet, c'est là précisément le mode d'organisa- tion qui domine dans l'embranchement des Zoophytes. Chez la plupart des Radiaires, l'appareil digestif consiste Réservoir alimentaire. Poche stomacale, "266 DIGESTION. en une vaste cavité qui se termine en cul-de-sac, et qui ne communique avec l'extérieur que par un seul orifice destiné à servir tour à tour à l'entrée des aliments et à la sortie des fèces. Tube digestif. Mais ccttc couformation si simple et si grossière ne se ren- contre jamais chez les Animaux plus élevés, et un des premiers indices du perfectionnement des types zoologiques consiste dans l'introduction de la division du travail dans les relations de la cavité digestive avec l'extérieur. Cette cavité s'ouvre alors au dehors par deux orifices opposés, dont les fonctions sont parfaitement distinctes: l'un sert essentiellement à l'entrée des aliments, c'est la bouche ; l'autre livre passage au résidu laissé par la digestion, et constitue l'anus. La cavité digestive, au lieu d'avoir la forme d'une poche, devient alors un tube plus ou moins renflé vers le milieu, mais ouvert aux deux bouts, et c'est toujours d'avant en arrière que les ahmenis traversent ce conduit. Spécialisation § 7. — Lc grand principe du perfectionnement des orga- des fonctions uismcs par la division du travail pliysiologique régit également digesHvè." l'emploi de la cavité ainsi constituée. Nous avons vu, dans une autre partie de ce cours, que chez beaucoup de Zoophytes, c'est un seul et même appareil qui est chargé de l'élaboration et de la distribution des liquides nourriciers : la cavité digestive tient alors lieu d'un système irrigatoire ; parfois aussi elle paraît être en même temps le siège principal delà respiration, et dans toute une classe de Radiaires, celle des Coralliaires, elle remplit aussi les fonctions d'une chambre génératrice, car elle loge les organes reproducteurs et les jeunes y passent pour s'échapper au dehors ; mais ce cumul physiologique cesse bientôt, et chez les Zoophytes supérieurs, de même que chez les Animaux des trois autres embranchements , on en voit rarement quelques traces. Mode La même tendance à la division du travail, comme moyen de constitution ^^ perfectionnement, se révèle dans le choix des matériaux l'estomac. ^^^^ j^ Naturc fait usage pour constituer le réservoir alimen- taire. Chez les Animaux les plus simples, cette cavité est creu- CONDITIONS DE PERPECTIO^XEMEM. 2b7 see directement dans la substance générale du corps, et le (issu qui en forme les parois ne diffère pas notablement de ce- lui des parties circonvoisines ; mais chez tous les Animaux un peu plus élevés, elle est tapissée par une membrane délicate et d'une structure particulière, puis cette membrane propre se sépare des tissus d'alentour, et constitue une poche ou un tube suspendu plus ou moins librement au milieu d'une cavité gé- nérale ; il y a toujours continuité entre les parois extérieures du corps et les parois de la cavité digestive sur les bords des ori- fices de celle-ci, mais partout ailleurs il y a indépendance plus ou moins complète. Comme exemple d'Animaux dont la cavité digestive se pré- sente sous la forme d'une simple excavation creusée dans le tissu commun de l'organisme, je citerai les Hydres ou Polypes à bras, de nos eaux douces. Chez les 31éduses et les autres Aca- lèphes, les parois de ce réservoir sont également en continuité de substance avec lesparHes adjacentes de l'organisme, et il n'y a point d'espace hbre entre ces parois et les téguments com- muns, mais le revêtement intérieur de la cavité alimentaire est formé par une membrane particuhère. Entin, chez les Coralliaires , une portion de l'appareil digestif acquiert une existence indépendante de celle de la cavité générale du corps, et chez les Échinodermes, ainsi que chez tous les Mollusques, les Annelés et les Vertébrés, cette séparation devient complète et la cavité a partout des parois propres (1). ^ 8. — Le même procédé de perfectionnement se reconnaît structure ^ "^ r jgs parois dans les modilicahons apportées à la structure des parois de la ^^ i^ cavité '^ '■ ' _ digestive, cavité digestive. Toujours ces parois sont composées essentielle- (1) On donne quelquefois le nom cette dénomination à une des grandes (['Animaux parenchymateux à ceux divisions des Vers intestinaux ; mais dont la cavité digestive n'a point de elle n'y convient pas, car chez tous parois libres, et semble être creusée ces Animaux l'appareil alimentaire est directement dans la substance com- suspendu dans un^ cavité viscérale mune du corps. Cuvier appliquait distincte. 268 DIGESTION. ment d'une membrane dite muqueuse (1), qui est douée de la faculté de sécréter certains liquides dont les aliments s'imbibent, et est apte à absorber les matières fluides en contact avec sa surface ; mais chez les Aniuiaux les plus simples elle a aussi d'autres fonctions à remplir. Les matières alimentaires intro- duites dans ce réservoir ne doivent pas y demeurer en repos; pour en hâter la digestion, elles doivent y être agitées avec le suc gastrique, et le résidu qu'elles laissent doit être expulsé au dehors ; l'intervention de forces mécaniques est donc néces- saire, et chez les Animaux les plus simples, c'est cette tunique muqueuse qui est chargée de remphr aussi le rôle d'un agent moteur. En effet, sa surface est pourvue de cils vibratiles et les courants excités par ces petits appendices produisent le résul- tat voulu. Mais chez les Animaux plus élevés, où les mouve- ments de ce genre doivent être plus énergiques, la division du travail s'établit sous ce rapport comme sous beaucoup d'autres, et l'appareil digestif s'enrichit d'instruments moteurs spéciaux. Une nouvelle tunique, composée de libres musculaires, se dé- veloppe alors autour de la cavité alimentaire, et, par la con- traction de ces fibres, les parois de celle-ci changent de forme et de rapports, suivant les besoins de la fonction, et déplacent les matières étrangères en contact avec leur surface. Enfin, la couche de substances organiques qui recouvre tout l'appareil, et (1) Par leur structure , les mem- dans répiihélium ; elle correspond branes muqueuses ressemblent beau- au derme ou chorion de la peau, et a coup à la peau. Leur surface libre est été appelée le feuillet muqueux pro^ occupée par une couche de tissu ulrl- prement dit. Enfin une troisième cou- culaire qu'on désigne sous les noms che, composée principalement de tissu à'épitkélium oad' épidémie muqueux. lâche et nommé tissu sous-^muqueux^ Plus profondément, on y trouve une l'unit aux tuniques sous-jacentes. Du touche composée essentiellement de leste, les caractères de ces membranes tissu conjonctif et de fibres élastiques, varient beaucoup dans les diverses mais renfermant d'ordinaire aussi parties de l'appareil digestif et dans des nerfs et des vaisseaux sanguins, les différentes classes d'Animaux , parties qui ne se rencontrent pas comme nous le verrons bientôt. CONDlTlOiNS DE PERFECTIONNEMENT. 2G9 qui s'étend également sur les parois de la chambre viscérale, n'est d'abord que du tissu connectif ordinaire; mais quand les mouve- ments dont il vient d'être question deviennent plus étendus et plus fréquents, elle se transforme en une membrane lisse, ana- logue à celle que nous avons déjà vue se développer autour des poumons et du cœur, et destinée à diminuer les frottements. Ainsi les parois de la cavité digestive, au lieu d'être formées par une membrane simple, sont composées alors de trois couches distinctes : une membrane muqueuse, une tunique musculaire et une enveloppe séreuse, ayant chacune des fonc- tions spéciales. J'ajouterai que, chez les Animaux supérieurs, cette dernière gaîne se perfectionne aussi de façon à bien as- surer la fixation de l'appareil digestif dans la chambre viscé- rale sans gêner ses mouvements, et, à cet effet, se prolonge dans une grande partie de la longueur du tube alimentaire, de la surface de celui-ci jusqu'à la paroi adjacente de l'abdomen, et constitue ainsi une sorte de voile suspenseur nommé mésentère. § 9. — Les modifications qui se remarquent dans la forme Dwision de ce réservoir s'expliquent d'après les mêmes principes. Chez travail digcsHf , . . 11) • • n ■ ' entre les Animaux dont l organisation est peu pertectionnee sous ce les diverses relions rapport, le tube alimentaire présente la même structure dans du^nai toute sa longueur, et les voies par lesquelles les corps étrangers y entrent ou en sortent sont de simples orifices à bords con- tractiles. Quand ces orifices deviennent béants pour livrer pas- sage aux ahments ou aux fèces, il doit y avoir, par conséquent, tantôt une perte considérable des sucs digestifs qui s'épanchent au dehors, et, d'autres fois, introduction de beaucoup de matières inutiles à l'organisme. 11 y aurait donc avantage à substituer à ces orifices des espèces de conduits étroits et assez longs pour qu'ils puissent livrer passage aux matières alimentaires sans se dila- ter dans toute leur étendue à la fois, et maintenir la séparation toujours bien établie entre la portion de l'appareil où la diges- tion s'opère et le milieu ambiant. Or, cette disposition se réalise 270 DIGESTION. chez tous les Animaux d'une structure perfectionnée, et la cavité digestive, au lieu d'être constituée par un estomac seulement, se compose de trois parties distinctes : une portion étroite et vestibulaire , nommée œsophage-, une portion principale et élargie en manière de réservoir, V estomac, et une portion termi- nale, rétrécie et plus ou moins allongée , qu'on appelle intestin. ^ 10. — La division progressive du travail se reconnaît aussi Organes "^ r o producteurs (tang Ics perfcctionncments de cet appareil, considéré sous le des liquides digestifs, rapport de la production des liquides digestifs. Chez les Ani- maux les plus inférieurs, cette fonction sécrétoire n'est l'apa- nage d'aucun organe en particuher, ef toules les parties de l'économie sont aptes à produire du suc gastrique quand elles sont stimulées par le contact des aliments. Une preuve de cette diffusion de la facuUé sécrétoire nous est fournie par des expé- riences dues à Tremblay et faites sur les Hydres ou Polypes à bras, qui nous ont déjà offert des phénomènes physiologiques si importants à connaître pour la philosophie de la science (1). Le corps grêle et cylindrique de ces petits Zoophytes d'eau douce est creusé dans toute sa longueur par une cavité de même forme qui se termine inférieurement en cul-de-sac et est ou- verte à son extrémité supérieure ; cette cavité est un estomac, et son orifice, qui tient lieu de bouche et d'anus, est entouré de tentacules longs et préhensiles. L'Hydre est carnassière et se nourrit des x4nimalcules qui nagent dans l'eau, où elle fait sa demeure ; quand elle introduit un de ces petits êtres dans son estomac, on voit qu'elle le digère promptement, et qu'après en avoir extrait les principes nutritifs, elle en rejette la dépouille ; mais on n'aperçoit dans la structure de sa cavité alimentaire rien qui dishngue celle-ci des parties voisines, et ce Zoophyte tout entier ressemble à un simple sac étroit et contractile, dont l'orifice serait frangé. Or, Tremblay s'est assuré qu'on pouvait (1) Voyez tome I, page 18. CONDITIOJSS DE PERFECTIONNEMEÎST. 5i71 facilement le retourner comme on le ferait d'un doigt de gant, de façon à rendre intérieure la surface qui, naturellement, était extérieure, et à substituer à celle-ci la surface gastrique. Il a fait souvent cette expérience, et il a trouvé que le Polype disposé de la sorte n'en continuait pas moins à se nourrir de la manière ordinaire. Ce singulier Animal, ainsi retourné, introduit, comme de coutume, sa proie dans l'espèce d'estomac adventif formé par le renversement de la surface extérieure de son corps, et limité par ce que l'on appellerait la peau, si le tissu constituant cette surface était distinct du tissu subjacent ; les aliments ingur- gités dans ces circonstances se digèrent de la manière accou- tumée. En un mot , rien ne paraît cliangé dans les fonctions digestives, et ce sont seulement les matériaux constitutifs du réservoir alimentaire qui ne sont plus les mêmes : comme si la forme de cette portion de l'organisme était la seule condi- tion voulue pour la rendre apte à remplir les fonctions d'un estomac (1). (l) Le renversement de Testomac ments comme avant l'opération, et à des Hydres est une opération délicate les digérer au moyen de son estomac et assez difficile , mais, à Taide des de nouvelle formation. Un des Polypes précautions indiquées par Tremblay, ainsi retournés a continué à vivre pen- on y parvient presque à coup sûr (a), dant deux ans et a beaucoup raulli- et Laurent, qui a répété les expériences plié. de ce physiologiste avec un plein suc- Tremblay a vu aussi que de très ces, a vu parfois ce phénomène se jeunes individus développés par bour- produire spontanément (6). Trem- geonnement à la surface du corps blay a remarqué qu'en général l'Ani- d'un Polype qu'on retourne ainsi, mal ainsi retourné ciierche à re- et logés par suite de ce renverse- prendie son état normal, ou, pour ment dans la cavité intérieure du me servir de l'expression employée corps de l'individu souche, se re- par cet auteur, à se « déretourner »; tournent spontanément, de manière à mais, lorsqu'on l'en empêche, il re- faire de nouveau saillie à Textérieur, commence bientôt à prendre des ali- et achèvent leur croissance dans cette (a) Tremblay, Mémoires pour servir à l'histoire d'un genre de Polypes d'eau douce à bras en forme de cornes, t. II, p. 212 et suiv. (b) Laurent, Recherches sur l'Hijdre et l'Eponge d'eau douce, p.. 83 (exlr. du Voyage de la Bonite). 272 DIGESTION. Mais cette diffusion de la faculté de sécréter l'agent digestif est extrêmement rare, et chez presque tous les Animaux la production de ce principe est localisée et a son siège dans les parois de l'estomac, dont la structure se modifie pour s'appro- prier à l'exercice actif de cette fonction. En effet, chez les Animaux supérieurs, cette portion de tube alimentaire s'enri- chit d'une foule de petites cavités appelées follicules^ qui sont creusées dans l'épaisseur de sa membrane muqueuse, et qui servent spécialement à la sécrétion du suc gastrique. Enfin, chez quelques espèces, la division du travail est portée encore plus loin : ce liquide ne se produit pas dans l'organe où il s'emploie, et, au lieu d'un seul réservoir, il y en a deux; un premier estomac est alors chargé de fournir l'agent digestif et d'en imbiber les aliments , tandis qu'un second estomac reçoit ces matières ainsi préparées et les emmagasine pen- dant que la chymification s'opère. Les Oiseaux nous offriron des exemples de cette disposition. En effet, ils ont un estomac sécréteur appelé le ventricule siiccenturié, et, en général, un autre réservoir gastrique situé plus avant et nommé gé- sier, où les ahments séjournent après avoir été imprégnés du suc gastrique pendant leur passage dans la cavité précé- dente (1). Il est permis de supposer que les modifications à imprimer Les Animaux ., ,. ,. i i ••lui les pii.s simples aux maticres ahmentan^es pour les rendre assnmlables par un carnaÏÏers. Animal doivcut êtrc d'autant plus grandes, et par conséquent plus difficiles à effectuer, que ces substances diffèrent davan- tage de celles dont l'organisme de cet être se compose. Nous pouvons donc penser que, toutes choses étant égales d'ailleurs, position ; de sorte que chez eux aussi jabot, le ventricule succenUirioi de- là surface de rorganisme destinée à vient le second estomac, et le gésier être extérieure devient la surface gas- le troisième ; mais ce changement trique, et vice versa. n'influe en rien sur les rapports de (1) Chez les Oiseaux pourvus d'un position que je viens d'indiquer. CONDITIONS DE PKRFECTIONNEMENT. 27o le travail digestif à l'aide duquel ces modifications s'obtiennent sera plus facile à accomplir si l'aliment consiste dans le corps ou une porlion du corps d'un Animal que si c'était un tissu végétal. Il s'ensuit que les Animaux dont l'organisme est le moins parfait et la puissance digestive la moins développée doivent être carnassiers plutôt que phytophages. Effectivement, dans les groupes zoologiques inférieurs presque tous les Animaux se dévorent entre eux, et le régime herbivore ne s'observe que fort rarement. Or, nous avons déjà vu que la chair musculaire et les autres substances analogues qui constituent en majeure partie le corps de tous les êtres animés sont sus- ceptibles d'être digérées par le suc gastrique, ou plutôt par la pepsine dont ce suc est chargé. Par conséquent aussi nous Perfectionne- devons nous attendre à ne trouver chez les Animaux les plus du travail 1 ii'-iT -ni T 1 chimique smiples qu un liquide digestil de ce genre, tandis que chez de la digestion, les êtres mieux organisés qui ont le pouvoir d'utiliser plus com- plètement les substances diverses contenues dans leur proie, ou qui ont la faculté de se nourrir de végétaux, le suc gastrique devra coexister avec d'autres humeurs du même ordre, mais douées de propriétés différentes et aptes à attaquer les matières organiques que le premier de ces agents ne saurait rendre absorbables. § 11. — Lorsque la partie chimique du travail digestif se perfectionne de la sorte, et que les subslances nutritives sont soumises successivement à l'action de deux ou de plusieurs dis- solvants doués de propriétés différentes, la production de ces nouveaux sucs s'effectue d'abord dans les parois mêmes du tube ahmentaire, dont certaines portions sont plus ou moins modi- fiées pour s'adapter au rôle d'organe sécréteur spécial. Mais chez les Animaux d'un mode d'organisation plus élevé, l'éla- boration de ces sucs se fait principalement à l'aide d'instru- ments nouveaux qui se développent autour de ce tube et qui y versent leurs produits. Ce sont des organes nommés g lajides V. 18 Division du travail entre les organes sécréleurB. 274 DIGESTION. qui viennent ainsi s'ajouter aux parties fondamentales de l'ap- pareil digestif, et leur position, ainsi que leur structure, varie suivant la nature des humeurs qu'ils sont destinés à fabri- quer. biTire' ^' "'^' ^ ^^^^^ quelques Zoophytes et un petit nombre de Vers dont l'appareil digestif ne présente aucune trace de complications de ce genre, et pour peu que l'on s'élève dans l'une quelconque des séries zoologiques, on voit presque toujours un liquide par- ticulier, appelé bile, venir se mêler au chyme préalablement élaboré dans l'estomac sous l'influence du suc gastrique. Ce li- quide nouveau est en général reconnaissable à sa couleur jaune ou verte et à son amertume ; il est doué de propriétés alcalines et ressemble à une sorte d'eau savonneuse. Nous étudierons plus tard sa nature et ses propriétés, ainsi que la structure des organes à l'aide desquels il se produit, et je me bornerai à ajouter ici que chez quelques Molluscoïdes il est sécrété par les parois même de la portion de l'intestin qui fait suite à l'esto- mac, et que chez quelques autres Animaux du même embran- chement il se forme au fond de divers appendices dépen- dants soit de cet intestin, soit de l'estomac lui-même ; tandis que chez la plupart des Mollusques, ainsi que chez tous les Animaux supérieurs, il provient d'une grosse glande appelée foie. Appareil Daus uu très grand nombre d'espèces, un troisième liquide digestif, doué également de propriétés alcalines, mais qui d'ail- leurs diffère beaucoup de la bile, et consiste principalement en eau chargée de quelques sels et de quelques principes orga- niques , la salive, est également versé sur les aliments pen- dant leur passage dans le canal digestif; mais c'est dans la première portion de ce tube, en avant de l'estomac, que ce liquide afflue, et c'est aussi dans le voisinage de la bouche que les organes spéciaux chargés de l'élaborer, et appelés glandes salivaires, se développent. salivaire. CONDITIONS DE PERFECTIONNEMENT. 275 Enfin, chez les Animaux les plus élevés en organisation, les aliments rencontrent aussi dans la portion post-stomacale du tube digestif un quatrième dissolvant, qui ressemble un peu à la salive, mais qui jouit de propriétés particulières : on lui a donné le nom de suc pancréatique, et il a sa source dans le pancréas, organe glandulaire situé près du foie. Ces divers liquides qui viennent ainsi compléter l'action di- gestive du suc gastrique sont destinés surtout à attaquer et à rendre absorbables les matières végétales, ou, pour parler d'une manière plus précise, les aliments organiques non azotés. Pour s'en assurer, il suffit d'un petit nombre d'expériences faciles à répéter. Ainsi le pain, comme chacun le sait, n'est pas soluble dans l'eau, et serait presque insipide s'il ne contenait du sel ; mais il suffît de le bien imbiber de salive en le mâchant pendant quelque temps dans la bouche pour y développer un goût sucré dû à la transformation d'une certaine quantité de sa matière féculente en dextrine, puis en glycose; et si l'on filtre le liquide qui s'écoule delà pâte ainsi imprégnée, on peut, à Taide de réactifs convenables, tels que la solution cupro-potassique, y constater la présence du sucre formé de la sorte aux dépens des principes amylacés. Cette expérience est due à l'un des agrégés de noire Faculté de médecine, M. Miahle; mais je dois ajouter que la découverte du mode d'action de la salive sur les matières amylacées appartient à un physiologiste alle- mand, M. Leuchs (1). Appareil pancréatique. Usages des liquides digestifs accessoires. (1) Devant, dans une prochaine Leçon , traiter d'une manière plus complète du mode d'action de la sa- live sur les aliments, je ne rendrai pas compte ici des divers travaux qui ont été faits sur ce sujet, et je ne parlerai pas en ce moment de la com- position chimique du suc salivaire, si ce n'est pour dire que l'on trouve dans ce liquide un principe particulier apte à jouer le rôle de ferment, à peu près comme nous l'avons vu pour la pepsine, mais ayant la propriété d'a- gir de la sorte sm- certaines matières amylacées, et ne paraissant pas dif- férer de la diastase qui se développe 276 DIGESTION. Des expériences analogues, faites presque en même temps par M. Valentin en Allemagne, et par MM. Bouchardat et San- dras à Paris, montrent que le suc pancréatique agit de la même manière sur les éléments amylacés, et contribue à en effectuer la digestion (1). Il est aussi à noter que le suc formé par les parois mêmes de l'intestin jouit de propriétés analogues (2), et pendant la germination des graines. (1] En i8li^,M. Valentin a constaté La découverte de M. Leuchs date ce fait en soumettant de l'empois à de 1831 {a), et a été confirmée peu de Taclion d'une certaine quantité d'eau temps après par les expériences de dans laquelle il avait fait infuser des M. Scliwann, de M. Miahle et de plu- fragments du pancréas (d). L'année sieurs autres physiologistes (5) ; mais suivante, MM. Bouchardat et Sandras il est à noter que tous les liquides dé- ont obtenu le même résultat en opé- signés sous le nom de salive ne pos- rant sur le suc pancréatique de la sèdent pas les propriétés digestives Poule (e) , et plus récemment ces dont il vient d'être question , et que expériences ont été répétées avec c'est la salive mixte , telle que cette succès par beaucoup d'autres physio- humeur existe dans la cavité buccale, logistes {f). qui détermine la transformation de (2) Ce fait a été constaté par l'amidon en dextrinc , puis en gly- M. Frerichs, ainsi quepar MM. Bidder cose (c). et Schmidt (g). (n) Leuclis, Ueber die Verzuckerung des Stârkmehls diirch Speichel {liAstaer' s Areh. fur die gesammte Naturlehre, 1831, t. XXI, p. 106). (6) Schwann, Ueber das Wesen des Verdauungsprocesses (Miiller's Archiv fur Anatomie und Pftî/Motosie, 1836, p. 138). — Sébastian, voyez Burciach, Traité de physiologie, t. IX, p. 268. — Wright, Tke Physiology and Palhology of Saliva {The Lancet, 1841-1842, t. Il, p. 217). — Miallie, Mém. sur la digestion et l'assimilation des matières amyloîdes et sucrées. Paris, 1846. — Chimie appliquée à la physiologie, p. 41. — Jacubowitsch, De saliva (dissert, inaug.). Dorpat, 1848. — Bidiler und Schraidt, Die Verdauungssâfte und der Stoffwechsel, p. 1 5. — Longet, Traité de physiologie, t. 1, 2" partie, p. 171. (c) Lassaigno, Recherches pour déterminer le mode d'action qu'exerce la salive pure siir l'ami- don [Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1845, t. XX, p. 1347, etc.). — - Magendie, Étude comparative de la salive parotidienne et de la salive mixte du Cheval (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1845, t. XXI, p. 902). — Cl. Bernard, Mém. sur le rôle de la salive dans les johénomènes de la digestion {Arch. gén. de médecine, 4° série, 1847, t. XIII, p. 1). (d) Valentin, Handbuch der Physiologie, 1847, t. I, p. 350. (e) Bouchardat et Sandras, Des fondions du pancréas et de son influence sur la digestion des féculents {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1845, t. XX, p. 1088, et Suppléments à l'Anmiaire de thérapeutique pour 1846, p. 147). (/■) Cl. Bernard, Mém. sur le pancréas {Supplément aux Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1856, 1. 1, p. 410). (g) Frerichs, Die Verdauung (Wagner's Handwôrterbuch der Physiologie, 1846, t. III, 1" par- tie, p. 852). ,,..- Bidder und Schmidt, Die Verdauungssâfte und der Stoffwechsel, 1852, p. 281. CONDITIONS DE PERFECTIONNEMENT. 277 mon savant collègue, M. Cl. Bernard , a souvent rendu les élèves de cette Faculté témoins de Taction reuiarquable que le suc pancréatique exerce sur les matières grasses (1). Il suffit, en effet, d'agiter pendant quelques secondes une graisse liquide avec quelques gouttes de cette humeur, pour la transformer en une émulsion d'apparence laiteuse qui ressemble beaucoup à un des produits du travail digestif, le chyle, dont l'étude nous occupera bientôt. Enfin des expériences faites récemment par M. L. Corvisart tendent à établir que le principe actif du suc pancréatique jouit de la propriété d'attaquer et de rendre solu- bles les matières albuminoïdes comme le fait le suc gastrique, et cela en présence des alcalis aussi bien que des acides, de façon que cette substance serait apte à continuer la digestion commencée, soit par la salive, soit par la pepsine stomacale (2). Quant au rôle de la bile dans le travail digestif, les résultats sont moins nets ; mais, ainsi que je le ferai voir plus tard, il y a tout lieu de penser que ce hquide attaque aussi les matières grasses contenues dans les aliments, et les expériences endos- Ci) En ISùli, M. Eberle reconnut de pancréatine (c) , peut être préci- que le suc pancréatique jouit de la pilé par l'alcool , puis redissous dans propriété de tenir les graisses en sus- l'eau sans perdre la propriété d'agir pension sous la forme d'émulsion (a), comme ferment '^digestif. .M. L. Gor- et plus récemment ce fait a été mis visart a constaté que cette substance, en évidence d'une manière plus corn- soit à l'état acide ou à l'état alcalin, plète par les expériences de M. Claude transforme la fibrine, l'albumine coa- Bernard(fc). gulée, la caséine, etc., en peptones, (2) Le principe actif du suc pan- comme le fait le suc gastrique {d)i créatique , que l'on désigne assez gé- mais elle paraît ne pas exister tou- néralement aujourd'hui sous le nom jours dans le liquide fourni par le (a) Eberle, Physiologie der Verdàuung, 1834, p, 251. (6) Cl. Bernard, Du six ■pancréatique et de son rôle ddiis la digestion {Ai'ch. gén. de méd., 4" série, 1849, t. XIX). — ilém. sur le pancréas (Supplém. aux- Comptes rendus de l'Acad, des scienceSi 1856, 1. 1, p, 441 ei suiv.). (c) Robin et Verdeil, Traité de cldinie analomique et physiologlqiu, t, III, p, 345. (d) L. Corvisart, Sur une fonction peu connue du pancréas dans la digestion des aliments azotés, 1858 (exlr, de la Galette hebdomadaire de médecine, 1857, t. IV, p. 250 et suiv,), pour de ces sucs 278 DIGESTION. niotiques dont j'ai déjà rendu compte prouvent qu'il doit con- tribuer à en faciliter l'absorption (l). utilité § 12. — Pour tirer de ces divers agents chimiques tout le de plusieurs . -i i 15 -i i- ,•/« 1 •, a t, cavités parti possible, 1 appareil digestif doit être pourvu, non d un successive^^ réscrvolr alimentaire unique, comme chez les Animaux oii le suc gastrique intervient seul dans le travail de la digestion, mais de plusieurs estomacs, ou tout au moins de plusieurs cavités où les ahments peuvent séjourner en contact avec ces liquides, Aussi, chez un assez grand nombre d'Animaux phytophages, dont la digestion est puissante, trouve-t-on, au-devant de Festo- mac proprement, dit un estomac accessoire qui est désigné tantôt sous le nom de jabot, tantôt sous celui de panse^ et qui sert de magasin pour les aliments déjà imprégnés de salive, mais non encore soumis à l'action du suc gastrique. ^ Le réceptacle où les matières alimentaires sont mêlées à la bile et au suc pancréatique fait généralement suite à l'estomac, mais n'a pas, comme les cavités précédentes, la forme d'une poche, parce qu'il doit servir aussi à un autre usage, et que cette circonstance nécessite une disposition particulière ; mais cette espèce d'estomac complémentaire n'en est pas moins nettement délimité, et sa capacité est surtout très grande chez les Animaux herbivores. Elle est formée par la première por- tion du tube intestinal, et on la désigne généralement sous le nom cVintestin grêle^ par opposition à la portion terminale du pancréas (a), et, d'après les dernières MM. Bidder et Schmidt avaient con- expériences faites par le jeune phy- staté précédemment qne les sucs in- siologiste que je viens de citer, elle testinaux sont aptes à produire des ne se produirait qu'au moment où effets analogues (c). la digestion stomacale s'efl'ectue (6). (1) Voyez ci-dessus, page 223. (a) MM.KefersteinetHahvachs n'ont obtenu que des résultais négatifs (voyez Schmidt's./a/irfcMCfte)', 4859). (6) Corvisart, ConlribiUion à l'étude du pancréas dans la digestion (Comptes rendus de l'Aca demie des sciences, 1859, t. XLIX, p. 43). (c) Biddci- und Schmidt, Die Verdammgssâfle und der Stoffwechsel, 1852, p. 272 et suiv. — l.elimann, Lelirbucli der physiologisclien Chemie, t. 11, p. 99. CONDITIONS DE PERFECTIONNEMENT. 279 même conduit, qui, à raison de son volume, est appelée le gros intestin et qui sert de réservoir pour le résidu excrémentitiel. J'ajouterai que les physiologistes désignent souvent sous le nom de chymification cette digestion complémentaire qui s'ef- fectue dans l'intestin grêle, parce que l'un des produits les plus remarquables de ce travail est un liquide généralement laiteux, appelé chyle (1). (1) La plupart des anciens physio- logistes emploient presque indifférem- ment les mots chyme et chyle pour désigner les produits utiles de la di- gestion slomacale. Ainsi Willis, Syl- vius , Fabricius , Lower, F'itcairne , Riolan et Bartholin, parlent de la for- mation du chyle dans l'estomac (a), et Boerhaave ne paraît même avoir reconnu aucune différence essentielle entre les matières alimentaires élabo- rées dans cet organe et dans Pin- testin [b). Haller semble avoir en des notions plus justes à cet égard, bien qu'il ne s'en explique pas d'une ma- nière précise. Cependant Juncker avait déjà établi une distinction nette entre les fonctions de ces deux por- tions du canal digestif, car il a\aii dit positivement que tes aliments sont transformés en chyme dans l'esto- mac, puis poussés dans le duodénum, où ils se changent en chyle. par leur mélange avec d'autres substances. C'est dans cette dernière acception que les mots chymification et chyli- fication ont été employés par Sœm- inering, Chaussier, iVlagendie et la plupart des physiologistes du siècle actuel (c). Quelques auteurs récents en critiquent l'emploi, parce que ces mots ne peuvent s'appliquer à aucun résultat nettement délini , et qu'en réalité la digestion commencée dans l'estomac est continuée, dans l'intes- tin. Mais ces objections ne me sem- blent pas avoir beaucoup de valeur, et il est utile de pouvoir désigner par un nom particulier les deux pé- riodes principales du travail digestif. Ainsi j'emploie le mot chyme pour désigner la matière pulpeuse obtenue dans l'estomac par l'action du suc gastViqiie acide et chargé de pepsine sur les aliments, et chymification l'acte qui amène ce résultat ; tandis que je me sers de l'expression chyli- fication pour indiquer la digestion complémeniaire qui s'effectue dans l'intestin à l'aide des sucs alcalins ou neutres et plus ou moins chargés de diastase, pliénomène qui d.'lermine la formation du chyle ainsi que des autres liquides nourriciers dont l'ab- sorplion a lieu dans l'intestin grêle. (}uant au mot chyle, on le réserve généralement au fluide nourricier qui pénùtre de l'intestin dans la portion (a) Voyez Caslelli, Lexicon, art. Chvmus cl CHVLU3, 1712. (b) Boeiliaave, Prœlect., §§ 78, 95. (c) Sœnimeriiif , Corp. hum. fabr., t. VI, p. 306, etc. — Cliaussier, Digestion {Dictionnaire des sciences médicales, t. IX, p. 400 et 429). — Magendie, Précis élémentaire de physiologie, t. II, p. 87 et suiv. — Bérard, Leçons de physiologie, t. III, p. 184, etc. 280 DIGESTION. changemenis § 13. — Ls SUC gaslrique et les autres humeurs que les ali- chimiques déterminés meuts rencoutrent dans les diverses parties de l'appareil diges- le suc gaslrique. tif DC déterminent pas seulement dans ces substances le chan- gement d'état qui est nécessaire pour les rendre absorbables -, souvent la constitution chimique de ces corps est profondément moditiée par l'action de ces agents, et les transformations effec- tuées de la sorte peuvent se produire dans les liquides aussi bien que dans les solides. Il paraîtrait même que dans certains cas les matières alimentaires, tout en présentant les conditions voulues pour être absorbées, ne sont utihsables dans l'écono- mie qu'après avoir éprouvé des changements de cet ordre. Ainsi le sucre de canne, et le sucre de raisin , ou glycose, sont l'un et l'autre très solubles dans l'eau et traversent assez faci- lement les membranes organiques ; mais lorsque ces substances se trouvent mêlées au sang et circulent dans l'économie ani- male, elles ne se comportent pas de môme : le sucre de canne est rapidement expulsé par les voies urinaires, tandis que la glycose est d'ordinaire employée comuie combustible respira- toire et utilisée de la sorte pour l'entretien du mouvement vital (1). Le sucre de canne, néanmoins, est un aliment dont les Animaux peuvent tirer grand parti, mais c'est à la condition correspondante du système des vais- par la sécrétion rénale, sans avoir subi seaux lymphatiques ou vaisseaux cliy- aucun changement, par conséquent lifères, et qui présente d'ordinaire un sans avoir été utilisé dans le travail aspect laiteux. Nous verrons plus loin chimique dont la machine vivante est quelle idée doit y être attachée. le siège. I^a glycose, au contraire, dis- (1) M. Cl. Bernard a obtenu la paraît rapidement du sang, et, dans la preuve expérimentale de ce fait en plupart des cas, n'arrive pas dans les injectant d'une manière comparative urines. Or, M. Cl. Bernard a reconnu dans les veines de divers Animaux que le sucre de canne se transforme vivants les deux espèces de sucre. Le en glycose sous l'intluence du suc sucre de canne introduit ainsi direc- gastrique, et que si on l'injecte dans lement dans le torrent de la circula- les veines après l'avoir mis en pré- tion s'est montré bientôt dans les sence de cet agent, au lieu de Iraver- urines, et a été expulsé de l'organisme ser simplement l'organisme, il devient CONDITIONS DR PERFECTIONNEMENT. 281 de le transformer préalablement en glycose. Or, le suc gastrique détermine ce changement, et par conséquent le sucre de canne, tout en étant absorbable, a besoin d'être digéré, c'est-à-dire de subir une certaine élaboration déterminée par l'action des agents digestifs. Les substances albuminoïdes sont également modifiées dans leur constitution chimique par l'action de la pepsine et des autres ferments qui interviennent dans le travail de la diges- tion ; elles acquièrent ainsi des propriétés particuhères, et con- stituent des matières que l'on désigne généralement sous le nom de peptones (1) ; enfin, dans certains cas, les matières utilisable dans l'économie (a). Or, suc gastiique, soit des liquides qui se cette transformalion du sucre de canne rencontrent dans l'intestin (d). en sucre de raisin ou en glycose, dans (l) M- Mialhe a appelé l'attention l'intérieur de l'estomac des Animaux des chimistes et des pliysioloi;istes sur vivants, est un des phénomènes ordi- les modificalions que le suc gastrique naires de la digestion, ainsi que cela détermine dans les matières albumî- a élé constaté par M\I. Sandras et noïdes (ej, et ce sujet a été éludié Bouchardat , Lehmann , von Becker d'une manière plus complète par et plusieurs autres physiologistes [h), ^]. Lehmann, qui donne à ces sub- coiitrairement à l'opinion de MM. Fre- stances le nom de peptones quand richs et Blondlot (c). Dans certains elles ont été transformées de la cas, la modification de celte sub- sorte (/■). Je reviiMuhai sur ce phéno- stance est portée même beaucoup mène lorsque je traiterai des produits plus loin, et le sucre se trouve changé de la digestion, en acide lactique par l'action soit du (a) Cl. Bernard, Mémoire sur le suc gastrique el son rôle dans la nulrilion [Ga%eUe médicale, 1844). (6) Boucliardat et Sandras, De la digestion des matières féculentes et sucrées, et du rôle que ces substatices jouent dans la nutrition {Supplém. à l'Annuaire de thérapeutique pour t846, p. 83 cl siiiv.). — Lehmann, Lehrouch der physiologischen Chemie, t. Il, p. 255. — Von Becker, Ueber das Vcrhalten des Zuckers beim thierischen Stoffwechsel (Siébold i\nd Kôlliker's Zeitschrift fur wissenschaftl. Zoologie, 1854, t. V, p. 124). — Lonset, Traité de physiologie, 1857, t. I, 2= partie, p. 2s(i. (c) Frerichs, Verdauung (Wagner's Handwôrterbuch der Physiologie, t. Ill, p. 802). ^^ Blondlot, Traité analytique de la digestion, p, 299. (d) Boucliardat et Sandras, Op. cit. (Supplément à l'Annuaire de thérapeutique pour 1846, p. 102). — Ch. Schmidt, De digestionis nalura (disserl. inaug-,), Dorpat, 184G, et Ann, der Chem. und Pharm., t, LXI, p. 2'J. — Lehmann, Lehrbueh der physiologischen Chemie, t. II, p. 249. (e) Miahle, Mémoire sur la digestion et V assimilation des matières albuminoïdes, 1847, p. 3i et suiv. {f) Lehmann, Lehrbueh der physiologischen Chemie, t, II, p. 40 et suiv. 28-2 . DIGESTION. grasses subissent aussi des transformations remarquables sous l'influence des mêmes agents (1). Nous voyons donc que la digestion n'est pas une fonction aussi simple qu'on aurait pu le supposer d'après les résultats obtenus par les recherches de Réaumur et de Spallanzani. Les réactions chimiques qui en dépendent sont même très com- plexes; mais, pour le moment, nous pouvons laisser de côté l'étude des transformations qui sont effectuées ainsi dans la nature des matières alimentaires, et ne prendre en considération que les phénomènes les plus apparents et les plus généraux de ce travail physiologique, c'est-à-dire le changement d'état qui s'opère dans les aliments solides et qui les rend propres à péné- trer à travers les tissus pour aller se mêler aux fluides nourri- ciers de l'organisme. § l/l. — Indépendamment des actes essentiels que nous venons de passer rapidement en revue, il en est d'autres qui offrent parfois aussi une grande importance, et qui viennent en aide aux précédents sans produire ce qui est fondamental dans le phénomène de la digestion. Ainsi , quoique l'agent par lequel ce travail s'accomplit soit un dissolvant chimique, il est aisé de comprendre que le concours de puissances mé- phénomènes cauiqucs puissc être très utile, ne fût-ce que pour diviser les mécaniques, j^^gj-j^j^^g soumiscs à l'influeuce du suc gastrique ou autres, et à multiplier ainsi leurs points de contact avec ces liquides. La pression exercée sur les aliments, dans l'intérieur du tube digestif, par la contraction des libres charnues dont ses pa- rois sont garnies , peut suffire pour assurer cette division , et lorsqu'elle doit devenir très puissante, une portion parti- culière dé ce conduit se trouve appropriée à l'exercice de cette Aclions adjuvantes. (1) Dans certains cas, les matières gras ; mais en général les graisses grasses ne litres paraissent pouvoir être sont absorjjées sans avoir subi aucune décomposées en glycérine et en acides transformation. CONDITIONS DE PERFECTIONNEMENT. 28o fonclioli. De là encore une nouvelle complication de l'appa- reil, et l'apparition d'un réservoir gastrique à parois essentiel- lement charnues, qu'on nomme gésier. INÏais cette adaptation d'une partie préexistante à des usages nouveaux ne suffit pas toujours pour obtenir le résultat voulu, et la nature a alors recours à la création d'instruments nouveaux qui viennent s'ajouter aux organes déjà si nombreux, dont se compose le ^^0|:f^^^^_J^^ système digestif, et qui constituent un appareil de mastication. Ces organes sécateurs ou triturants interviennent aussi d'une manière active dans le phénomène de la préhension des ali- ments, et chez beaucoup d'animaux cette portion préhminaire du travail digestif s'effectue aussi à l'aide d'autres instruments accessoires empruntés à des parties voisines de l'économie ou obtenus par l'adaptation des bords de l'orifice buccal à ce genre d'usages. Il est aussi à noter que l'appareil masticateur est perfectionné progressivement par les mêmes procédés que les autres organes digestifs. La bouche ne tarde pas à s'enrichir de leviers qui augmentent la précision et la force des mouvements déterminés par la contraction des muscles qui l'entourent, et ces parties rigides sont d'abord empruntées à l'appareil de la locomotion, puis obtenus à l'aide d'une création organique spéciale. Ainsi, chez certains Animaux, les pattes, ou des parties analogues à ces appendices, constituent des mâchoires et des mandibules qui agissent à la manière de pinces, soit pour saisir, soit pour couper ou pour broyer les aliments; chez les Animaux supérieurs, non-seulement les leviers buccaux sont le résultat d'une création ad hoc, mais encore ils se garnissent d'instruments qui sont destinés à en rendre le jeu plus parfait, et qui constituent l'ar- mature dite dentaire. Or, ces organes complémentaires, qui sont d'abord de simples tubercules ou crochets épidermiques, sont bientôt constitués par des tissus spéciaux, et chez les Ani- maux les plus élevés ils offrent dans les différentes parties de la 28/i DIGESTION. cavité buccale des formes variées, de façon à être mieux appro- priés à des modes d'action divers. La division du travail s'in- troduit donc dans les phénomènes mécaniques de la digestion, aussi bien que dans les actions chimiques dont il a été déjà ques- tion, et en assure aussi le perfectionnement. l'erfeciionne- § 15. — Eufio, Ics dispositious auatomiques à l'aide des- derapîareii qucllcs la Naturc accroît la puissance de l'appareil digestif, 'TnÏÏrum°enr V^^^ rapport à l'utiUsation des produits du travail physio- d absorption. jQgjq^g accompH dans son intérieur, c'est-à-dire considéré comme un agent absorbant, sont également faciles à com- prendre, et je dirai même à prévoir. En effet, la première con- dition à remplir pour rendre facile et rapide ce passage des matières liquéfiées de la cavité digestive dans la profondeur de l'organisme, c'est de donner une étendue considérable à la sur- face perméable baignée par ces matières, et cela peut s'obtenir de diverses manières. Le procédé le plus simple consiste à sub- diviser le réservoir alimentaire de façon à rétrécir beaucoup la cavité dont il se compose sans en diminuer la capacité totale. Chez beaucoup de Zoophytes, cette disposition se trouve réalisée et coïncide avec l'adaptation de l'estomac à une autre fonction : celle de l'irrigation physiologique. En étudiant les premières ébauches de l'appareil circulatoire, nous en avons vu divers exemples (1 ), et je me bornerai à ajouter ici que le développement de certaines portions de la cavité digestive en tubes appendicu- laires, tantôt siaiples, tantôt rameux, se voit aussi chez beau- coup d'Animaux où la division du travail physiologique est parfaitement établie entre les grandes fonctions de la vie végé- tative, et où l'état imparfait du mouvement circulatoire des fluides nourriciers ne semble commander en aucune façon cette parti- cularité organique, mais où elle paraît être destinée seulement à activer l'absorption des matières nutritives préalablement (1) Voyez tome 111, page 55 el suivanies. CONDITIONS DE PERFECTIONNEMENT. 285 élaborées dans l'estomac. Nous verrons bientôt que chez plu- Phiébemérisma sieurs Vers, ainsi que chez certains Mollusques, les appendices gastriques ainsi constitués affectent la forme de vaisseaux, et composent parfois un système dendroïde des plus remarquables. C'est ce mode particulier de conformation qui a été désigné par M. deQuatrefagessousle nom de phlébentérisme ; et lorsque nous étudierons le mode de formation de certaines glandes an- nexées au tube digestif, le foie, par exemple, nous verrons que c'est en empruntant les canaux gastro-vasculaires dont je viens de parler, ou leurs analogues, que la Nature paraît avoir con- stitué les canaux excréteurs de ces organes. Ailleurs, les csecums ainsi développés autour du tube intes- vaivuies tinal disparaissent ou cessent de recevoir dans leur intérieur et'viîbsués les produits de la digestion, et, par conséquent, ne contribuent VteSc""' plus à faciliter l'absorption des matières nutritives, mais cette absorption est favorisée par une autre disposition anatomique. La portion du canal alimentaire qui fait suite à l'estomac, et qui est le siège du complément du travail digestif effectué à l'aide de la bile, du suc pancréatique et de quelques autres hquides analogues, s'allonge beaucoup et se recourbe sur elle-même , de façon à constituer une multitude de circonvolutions. Les ma- tières élaborées par les sucs digestifs trouvent donc là une sur- face absorbante très vaste où elles s'étalent en couche mince; et chez les Animaux supérieurs l'étendue de cette surface est encore augmentée par l'existence d'une multitude de replis, ii\)\ie\és valvules conniventes^ que la membrane muqueuse intes- tinale forme dans l'intérieur de ce conduit long, étroit et tor- tueux. Souvent cette membrane se garnit même d'espèces de franges molles et perméables, appelées villosités^ qui en aug- mentent encore la puissance absorbante. § 16. — Ce coup d'reil rapide sur l'ensemble des phéno- Rés™é. mènes de la digestion et sur les instruments qui y sont em- ployés , nous fait voir que ce travail est fort complexe , et 286 DIGESTION. résulte de deux séries d'actes principaux : les uns mécaniques, les autres chimiques. Les premiers ont pour objet la préhension des aliments, leur division, leur introduction dans l'estomac et les autres cavités où ils peuvent être soumis à l'influence des dissol- vants chimiques ; puis l'expulsion des résidus qu'ils auront laissés. Les seconds sont destinés à donner à ces corps une forme et des propriétés telles qu'ils puissent pénétrer de la cavité di- gestive dans la profondeur de l'organisme, et y être employés à la nutrition ; résultat qui s'obtient au moyen de certaines transformations apportées dans leur constitution chimique, et qui s'effectuent à l'aide de liquides particuliers tels que le suc gastrique. Pour compléter l'histoire de cette fonction importante, il nous faudrait donc examiner le mode de production de ces agents chimiques ; mais cette étude ne pourrait, sans inconvé- nients graves, être séparée de celle du travail sécrétoire consi- déré d'une manière générale, et par conséquent je ne l'abor- derai pas en ce moment. En parlant ici de l'action des sucs digestifs sur les aliments, je ne pourrais me dispenser de faire connaître les organes qui en sont la source, et d'indiquer les relations qui existent entre ces parties et les cavités digestives ; mais je ne m'occuperai pas de la manière dont elles remplis- sent leurs fonctions, et je me bornerai à étudier ceux de leurs produits qui ont un rôle à remplir dans le travail de la digestion. Le transport des matières ainsi élaborées de l'intérieur de la cavité alimentaire jusque dans le système irrigatoire ne dépend pas du travail digestif lui-même, bien qu'il en soit le complé- ment ; c'est un phénomène d'absorption, et il résulte, par con- séquent, du jeu d'autres instruments. Chez les Animaux infé- rieurs, les liquides nourriciers passent directement de l'estomac CONDITIONS DE PERFECTIONNEMENT. 287 OU de l'intestin dans le sang, et les veines de ces organes sont les canaux qui puisent en quelque sorte dans la masse alimen- taire la totalité des matières récrémentitielles dont le sang s'en- richit. Mais, ainsi que nous l'avons déjà vu, il existe chez l'Homme et les autres Animaux supérieurs un système vascu- laire spécial qui est annexé à l'appareil sanguin et qui est aussi un instrument d'absorption , savoir, le système lymphatique (1). Or, une partie notable des produits de la digestion traverse ces conduits pour se rendre dans le torrent de la circulation, et la portion du système lymphatique qui est employée de la sorte, et qui se compose de vaisseaux dits chylifères ou lactés, est par conséquent, de même que la portion correspondante du système veineux, un auxiliaire nécessaire de l'appareil digestif: on pour- rait même la considérer comme faisant partie de cet appareil. Pour mettre dans nos études l'ordre désirable, nous n'aurons donc à nous occuper d'abord que de la constitution de l'appareil digestif, des actes mécaniques qui s'y accomplissent, et des phénomènes chimiques dont il est le siège. Les deux premiers points sont tellement connexes, que je ne crois pas devoir les séparer ; mais la partie chimique du travail ne dépend pas de la disposition matérielle des organes où elle s'accomplit, et son examen devient plus facile quand on la sépare de tout ce qui n'y est pas essentiel. Je diviserai donc l'histoire de la digestion en deux parties. Dans la première, je traiterai des instruments qui sont em- ployés à l'exercice de cette fonction, de leur jeu et des phéno- mènes mécaniques résultant de leur action. Dans la seconde, j'étudierai les agents chimiques qui interviennent dans l'accom- plissement de ce phénomène, et je ferai connaître les chan- gements qu'ils déterminent dans la constitution des matières alimentaires. (1) Voyez lome IV, page hU7 et suivantes. 288 DIGESTION. Enfin, après avoir exposé l'état actuel de la science en ce qui concerne la digestion proprement dite , considérée ainsi au point de vue de l'anatomie et de la physiologie, je passerai à l'étude des actes complémentaires de la fonction, et j'examine- rai comment les matières ainsi élaborées sont absorbées, soit par les veines, soit par les lymphatiques, et mêlées au sang. Dans la prochaine Leçon j'aborderai donc simultanément l'examen de la constitution de l'appareil digestif et des actions mécaniques qui s'y effectuent. Pour point de départ, je choisi- rai, comme d'ordinaire, les Animaux dont l'organisation est la plus simple, et je passerai successivement à ceux dont la struc- ture est de plus en plus complexe. Mais afin de ne pas trop scinder l'histoire de l'appareil digestif dans chacune des diverses classes dont j'aurai à parler, je subordonnerai quelquefois cette marche à la distribution méthodique des êtres qui se trouvent liés entre eux par la sorte de parenté dont ie zoologiste cherche à présenter le tableau dans ses systèmes de classification. QUARANTE -SEPTIÈME LEGON. De l'appareil de la digestion chez les Zoopliytes. § 1 . — Si les expériences curieuses de Tremblay, dont il a cavué digesuve ,, •iiT'\i- •< 1 adventive ete question dans la dernière Leçon, ne nous avaient en quelque de quelques sorte préparés à l'étude des faits que je vais exposer, il nous serait difficile de comprendre comment la digestion peut s'opérer chez quelques Animaux d'une simplicité extrême, qui, au pre- mier abord, ne semblent consister qu'en une sorte de gelée vivante, et qui appartiennent au groupe des Sarcodaires : les Amibes , par exemple. Effectivement , chez ces Zoopbytes dé- gradés, on ne trouve dans l'intérieur du corps aucune cavité qui soit disposée pour recevoir des ahments , et là où il n'y a pas d'estomac, comment supposer qu'une digestion puisse s'ef- fectuer ? Mais l'observation nous apprend que la faculté existe malgré l'absence de l'instrument, et qu'au moment où elle doit entrer en jeu, l'organisme se modifie de façon à en rendre l'exercice possible. De même que chez le Polype de Tremblay, toutes les parties du corps de l'Amibe paraissent être aptes à sécréter un liquide digestif, et lorsque l'animalcule rencontre une substance dont il veut se nourrir, on le voit s'y accoler, se prolonger tout autour, et enfin l'envelopper complètement comme dans une bourse. L'aliment reste assez longtemps emprisonné dans cette espèce d'estomac adventif, s'enfonce plus ou moins profondé- ment dans l'organisme de l'Amibe, s'y trouve baigné par un liquide particulier, et, après avoir été en partie digéré, est V. 19 290 APPAREIL DIGESTIF rejeté au dehors ; ensuite la fossette ou vacuole qui le renfer- mait s'efface et cesse d'exister (i). § 2. — Chez les Actinophrys, la digestion s'effectue à peu près de la même manière, mais la préhension des aliments est facilitée par l'action d'expansions filiformes et rétractiles qui rayonnent de la surface du corps. Il n'y a ni bouche, ni esto- mac, ni anus ; mais les matières nutritives se creusent en quelque sorte une niche dans la substance molle du Sarcodaire, s'y enfouissent complètement et y sont digérées ; puis le résidu qu'ils laissent est évacué sans qu'il y ait rien de constant ou de préétabh, soit pour leur entrée, soit pour leur sortie (2). (1) Les Amibes, dont une espèce a été décrite vers la fin du siècle der- nier par Olhon Fréd. Miiller (a), sous le nom de Proteus diffluens, sont des Animalcules infusoires de consistance gélatineuse, qui changent sans cesse de forme en s'étalant, pour ainsi par- ler, ou en se rétractant dans divers sens par un mouvement lent. M. Dn- jardin a très bien observé et décrit les principaux phénomènes mention- nés ci-dessus, et pense que la sub- stance glutineuse de ces petits êtres n'est pas limitée par une membrane, et peut se creuser de vacuoles sponta- nément aussi bien que sous l'influence de la pression exercée par des corps étrangers (6). Du reste, ce zoologiste ne se prononce pas sur la nature du travail effectué de la sorte,. et il pa- raît même penser que les Amibes ne se nourrissent que par une simple absorption. M. Carter a observé aussi le singu- lier procédé d'ingurgitation à l'aide duquel les Amibes introduisent dans leur organisme des corps étrangers, et il n'hésite pas à considérer cet acte comme un phénomène d'alimenta- tion (c). Enfin, M. Claparède, à qui Ton doit beaucoup de recherches délicates et bien faites sur les Infusoires, vient de décrire cet acte d'une manière plus précise et de l'interpréter, à peu près comme je le fais ici [d). L'inglutition des ahments paraît se faire chez les Difflugies à peu près de même que chez les Amibes, mais seu- lement à l'aide de la portion protrac- tile du corps de ces Rhizopodes, qu'on désigne d'ordinaire sous le nom de pied (e). (2) En 1777, Oth. Fréd. Miiller et Wagler virent un Entomostracé mi- croscopique logé dans l'intérieur du {a) 0. F. Millier, Aiiimalcula infusoria, 1786, p. 9, pi. 2, fig. t à 12. (6) Diijarclin, Histoire naturelle des Infusoires, 1844, p. 228. (c) Schneider , Beitrdge %ur Nalurgeschichte der Infusorien (Miiller's Archiv fur Anat. uiid Physiol., 1854, p. 204). ((i)E. Claparède, Ueber Actiiiop/irys Eichhornii (Miiller's Arch. fur Anat. und Physiol., 1854, p. 408). (e) H. J. Carter, Notes on the Species, Structure and Animality ofthe Fresh Water Sponges in the Tanks of Bombay {Ann. and Mag. of Nat. Hist., 2' série, 1848, t. I, p. 311). — Notes on the Fresh Water Infusoria ofthe Island of Bombay (Op. cit., 1856, t. XVIIl, p. 123). CHEZ LES ZOOPHYTES. 291 Chez les Spongiaires, des voies permanentes sont disposées cavués | aquifères j pour donner accès aux particules solides dont ces singuliers et digestives ; êtres se sustentent; mais les canaux destines à cet usage consti- spongiaires. ! tuent en même temps l'appareil respiratoire, et c'est t\ l'aide des corps d'un Actinophrys, et ils en con- clurent que ces Animalcules dévorent la proie dont ils peuvent s'emparer [a). Vers la même époque, Eichhorn fut souvent témoin de phénomènes d'in- gurgilation de ce genre (6), et M. Eh- renberg, qui les a également constatés, a été conduit à penser qu'il existe chez les Actinophrys un nombre considé- rable de cavités digestives ou esto- macs (p) ; mais à une époque plus ré- cente l'organisation de ces Sarcodaires a été étudiée d'une manière plus appro- fondie, et aujourd'hui presque tous les micrographes sont d'accord pour reconnaître qu'ils sont complètement dépourvus de tout appareil digestif spécial, et que les matières soUdes dont ils se repaissent peuvent péné- trer dans leur profondeur par un point quelconque de la surface générale du corps. M. Nicolet, qui fut, je crois, le premier à signaler ce fait, remar- qua qu'il se forme de temps en temps, à la surface du corps de T Actinophrys, une sorte de tumeur vésiculaire, et que la proie amenée en contact avec celle espèce d'ampoule par l'action des expansions rayonnantes , y déter- mine une dépression ou fossette plus ou moins profonde qui se referme pour emprisonner la matière alimentaire et la digérer, puis, après avoir rempli le rôle d'un estomac adventif, rejette les fèces dont elle était restée chargée, et s'efface (d). M. Kôlliker a publié, peu de temps après, des recherches plus étendues sur le même sujet, et comme ce point de l'histoire de la digestion olTre beaucoup d'intérêt et n'est encore que peu connu de la plupart des phy- siologistes, je crois devoir rapporter ici les principaux faits observés par Cet habile micrographe (e). La manière dont s'effectue l'alimen- tation de l'Actinophrys, dit M. Kôlli- ker, est d'un grand intérêt. Quoique ce petit être ne possède ni bouche ni estomac, il prend des aliments solides et rejette ce qu'il ne peut en digérer. Ce phénomène, qu'on pourrait appe- ler presque un miracle, s'effectue de la manière suivante. L'Actinophrys se repaît d'Infusoires de toutes sortes, de petits Crustacés et d'algues (par exemple , de Rolifères, de Lyncées et de Diatomacées). Lorsqu'en nageant dans l'eau il rencontre un de ces vé- gétaux, ou lorsqu'un Infusoire s'en approche et que ce corps étranger est touché par un de ses filaments ten- taculiformes , il y reste en général accolé et se trouve peu à peu attiré par la contraction de ces appendices. Les filaments radiaires circonvoisins s'y appliquent aussi, et la proie ainsi [a] 0. F. Muller, AnimalcMa infusoria, 1786, p. 304. (6) Eichliorn, Beitr. zur Kenntniss der kleinsten Wasserthiere, 1783, p. 15. (c) Ehrenberg, Die Infusionsthierchen, p. 303. (d) ^icolet, Observations sur l'organisation et le développement de V Actinophrus {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1848, t. XXVI, p. 115). (e) KôUilier, Das Sonnenthierchen, Actynophrys sol {Zeitschrift fur wissenschaftliche Zoologie, 1849, t. I, p. 201 et suiv., pi. 17, fig. 2 et 3). 292 APPAREIL DlGIiSTIF courants déterminés par les cils vibratiles dont ces conduits sont garnis que les substances alimentaires tenues en suspension dans l'eau ambiante sont portées dans la profondeur de l'orga- entourée est amenée lentementjusque sur la surface du corps de TAnimal, qui se déprime dans ce point pour le loger comme dans une fossette. La cavité ainsi formée devient peu à peu de plus en plus profonde, et bientôt se referme sur le corps étranger qui s'y trouve logé, tandis que les filaments tentaculiformes se déploient de nou- veau et reprennent leur disposition primitive. L'espèce de bourse ainsi formée, après s'être fermée sur sa proie, s'enfonce graduellement vers la partie centrale de l'Actinophrys, et le corps étranger emprisonné de la sorte est p^u à peu digéré et absorbé. S'il est susceptible de se dissoudre complète- ment, comme cela a lieu pour un In- fiisoire, la cavité qui le renferme se contracte à mesure que la digestion s'avance et finit par disparaître tout entière ; mais s'il en reste quelques portions indigestes, telles que l'enve- loppe cutanée d'une Lyncée, ce résidu est rejeté au debors en suivant à peu près la même voie que lors de son in- gurgitation ; puis le passage se ferme et ne laisse aucune trace de son exis- tence. IM. Koliiker ajoute que par des observations multipliées et approfon- dies, il s'est assuré que ni l'orifice d'entrée servant de bouche, ni celui de sortie qui tient lieu d'anus, ne préexistent ni ne subsistent après que le phénomène qui vient d'être décrit s'est accompli ; que la fossette servant d'estomac adventif peut se former dans un point quelconque de la sur- face du corps, et que souvent deux ou plusieurs de ces cavités digestives temporaires se constituent à la fois sous l'influence du contact d'autant de fragments de matières alimentaires sur des points différents de la surfuce du corps ; il en a compté jusqu'à dix ou douze, et les seize estomacs décrits par M. Ehrenberg étaient certaine- ment des vacuoles produites de la même manière. Enfin, M. KôUiker a remarqué aussi que l'espèce de bol alimentaire ainsi englouti dans le corps de l'Actinophrys baigne dans un liquide diaphane, mais il n'a pu déterminer si ce fluide est de l'eau provenant de l'extérieur ou le produit d'une sécrétion. La digestion s'achève ordinairement dans l'espace de deux à six heures. Les observations récentes de M. Cla- parède sont venues confirmer pleine- ment tous les résultats les plus impor- tants annoncés par M. ICôlliker ; seu- lement ce physiologiste n'est pas tout à fait d'accord avec ses prédé- cesseurs sur le mécanisme à l'aide duquel l'estomac adventif se produit : il pense que ce réservoir n'est pas primitivement une dépression ou fos- sette creusée dans la substance du corps de l'Actinophrys, mais le résul- tat d'une expansion glutineuse, qui entoure la proie et l'enfouit, puis rentre peu à peu avec elle dans la profondeur de l'organisme. Cette in- terprétation se rapproche, comme on le voit, de celle adoptée par M. Nico- let. Quoi qu'il en soit, la cavité ou va- cuole ainsi constituée est occupée aussi par un liquide qui, à raison de son aspect, est considéré par M. Clapa- CHEZ LES ZOOPHYTES. 293 iiisme. Là elles s'accumulent dans des vacuoles qui sont proba- blement de même nature que les estomacs adventifs des Amibes, rède comme étant probablement le résultat d'une sécrétion, et qui paraît jouer le rôle d'un suc gastrique. Les Animalcules engloutis de la sorte con- tinuent quelquefois h se mouvoir pen- dant un certain temps, mais en général ils meurentassez promptement, et sont bientôt transformés en une petite masse arrondie de matière informe [a). Plus récemment encore de nou- velles observations sur le mode d'ali- mentation des Actinophrys ont été publiées par M. Weston, qui a remar- qué aussi le développement d'une ex- pansion glutineuse autour de la proie avant l'introduction de celle-ci dans la substance du corps de l'animal (6). Il est également à noter que, suivant ce micrographe, le contact des filaments tentaculaires produirait sur les Infu- soires dont l' Actinophrys se repaît une sorte de paralysie, opinion qui avait déjà été émise par quelques naturaliste, et notamment par M. Ehrenberg, mais qui a été contestée par M. KôUiker. J'ajouterai que M. Stein n'a pas été témoin de ces phénomènes d'ingurgita- tion , mais il a étudié le mode de produc- tion des ampoules qui se développent à la surface du corps de l' Actinophrys, et il rend compte du mécanisme de l'introduction des aliments à peu près comme l'avait fait M. Nicolet (c). MM. Claparède et Lachmann pen- sent que les Opalines sont dépourvues d'orifices digestifs (d). Du reste, la nature de ces petits êtres est encore fort obscure. M. Dujardin range dans la famille des Actinophryens le genre Acineta de M. Ehrenberg, qui, effectivement, a quelque ressemblance avecTActino- phrys, à ra.son des rayons filiformes dont il est garni (e) ; mais il paraî- trait, d'après les observations récentes de M. Lachmann, que la structure de ces Animalcules serait en réalité fort différente, et que chez les Acinètes les prolongements filiformes seraient des trompes ou suçoirs terminés par une bouche, dont le rebord labial ferait fonction de ventouse. Ces ap- pendices sont susceptibles de s'allon- ger beaucoup, et se fixent par leur extrémité sur la proie dont l'Acinète veut se repaître ; mais ce n'est pas pour l'attirer seulement à lui qu'il agit de la sorte, c'est pour en sucer la substance, qui pénétrerait dans un canal dont l'axe de chaque filament serait creusé, et arriverait ainsi dans le corpsdel'Animalcule (/"). Les Acinètes seraient donc pourvus de plusieurs bouches, et probablement d'un ou de plusieurs estomacs. On ne sait rien au sujet de l'anus de ces petits êtres. (a) Claparède, Op. cit. (Miiller's Archiv fiir Anat. und Physiol., 1854, p. 406). (b) Weston, On the Actinophrys sol {Quarterly Journal of Ihe Microscopical Society, 1856, t. IV, p. 117). (c) Stein, Die Infusionsthiere aufihre Entwickehmgsgeschichte untersucht, p. 153. (d) Claparède et Lachmann, Études sur les Infusoires et les Rhizopodes, 1858, p. 40. (e) Ehrenberg, Die Infusionsthiei'chen, p. 240, pi. 20, ûg. 8 à 10. — Dujardin, Hist. nat. des Infusoires, p. 267, pi. 1, fig. 12. (f) Lachmann, De Infusoriorum, imprimis Yoi-ticellinorum structura (dissert, inaug.). Berlin, 1855, p. 29, pi. 2, fig. 14. — Ueber die Organisation der Infusorien (Miiller's Archiv. fiir Anat. und Physiol., 1856, p. 372, pi. 14, fig. 14). 294 APPAREIL DIGESTIF et le résidu qu'elles y laissent est rejeté au dehors parles canaux expirateurs (ij. „ . ... .• § S. — Dans la eTande section des Zoophytes Coelentérés, Cavité digeslive ^ '^ ' •^es , la division du travail phvsiolooique commence à s'établir, et Cœlentérés. i ,j <^ i i l'appareil digestif cesse d'être en même temps l'instrument principal de la respiration, mais il continue à remplir les fonc- (1) Les grands orifices qui existent sur divers points de la surface des Spongiaires n'ont pas échappé à l'at- tention des premiers observateurs qui se sont occupés de l'étude de ces corps à l'état vivant (a) ; mais EUis, guidé par une fausse analogie, a supposé que ces trous étaient les ouvertures de cellules ou loges occupées par des Polypes (6), et cette opinion a régné pendant fort longtemps parmi les zoologistes (c), malgré les observa- tions positives de Cavolini, d'Olivi et de Moniagu et Schvs'eigger, sur l'ab- sence de toute trace de corps de ce genre (d). L'existence de courants dans les canaux dont la substance des Éponges est creusée, et dont j'ai déjà indiqué la disposition générale, avait échappé à Cavolini et aux autres naturalistes que je viens de citer, mais fut consta- tée vers la même époque par M. Th. Bell et par M. Grant (e). Ce dernier a reconnu expérimentalement que l'eau n'est pas attirée et expulsée al- ternativement par les oscules de l'É- ponge, ainsi que le supposaient Ellis, Olivi, etc. , mais constamment rejelée par ceux-ci, et qu'elle entraîne fré- quemment au dehors des malièies floconneuses. 11 ne s'explique pas sur le mode de nutrition des Éponges, mais il est évident qu'il leur suppose quelques fonctions analogues à la di- gestion, car il appelle les corpuscules qui sont évacués comme je viens de le dire, des fèces, et il désigne toujours sous le nom d'ouvertures fécales les orifices qui leur livrent passage. Enfin, peu de temps après la publication des beaux travaux de M. Grant sur les Éponges, nous avons , Audouin et moi , étudié at- tentivement ces corps (f), et c'est d'après les observations faites, soit à cette époque, soit plus récemment, que j'ai été conduit à professer depuis fort longtemps à la Faculté l'opinion annoncée ici , touchant l'espèce de {a) Marsigli, Histoire physique de la mer, p. 59. (b) Ellis, Essai sur l'histoire naturelle des Corallines et [d'autres ■productions marines du mime genre, trad. de l'anglais, 1765, p. 94. (c) Lamarck, Histoire des Animaux sans vertèbres, 1816, t. II, p. 348. (d) Cavolini, Memorie per servïre alla storia de'Polipi marini, l'785, p. 23G et suiv. — Olivi, Zoologia adriatica, 1792, p. 265 et suiv. — Montagu, An Essaij on Sponges [Wernerian Memoirs, 1818, t. II, p. 71). — • Schweigger, Beobachtungen auf naturhistorischen Reisen, 1819, p. 28 et suiv. {e'i Th. Bell, Remarks on the Animal Nature of Sponges {Zoological Journal, 1825, t. I, p. 203). — Grant, Observations and Experiments on the Structure and Fimctions of Sponges {Edinb. Philos. Journ., 1825, t. XIII, p. 94, et Ann. des sciences nat., 1827, t. XI, p. 150). (f) Audouin et Milne Edwards, Résumé des recherches sur les Animaux sans vertèbres, faites aux îles Chausey {Ann. des sciences nat., 1828, t. XV, p. 15 et suiv.). CHEZ LES ZOOPHYTES. 295 tions d'un système irrigatoire, et à ce titre nous avons déjà eu l'occasion d'en étudier la disposition générale. Chez les Hydres, ou Polypes à bras, et chez les Sertulariens, qui constituent la forme agame des Zoophytes nageurs, dont les scnuhricn Acalèphes proprement dits sont les représentants complets, la cavité stomacale règne dans toute la longueur du corps et se termine inférieurement en cul-de-sac. L'orifice qui en occupe Hydres et cumul physiologique des fonctions digestives et respiratoires par les canaux aquifères de ces Zoophytes dégradés. Burdach et plusieurs antres zoologistes ont admis aussi que ces canaux tiennent lieu d'une sorte d'es- tomac [a], mais un de mes confrères de la Faculté de médecine, M. Bé- rard, déclare que cette manière de voir est inadmissible (6). Elle vient cependant d'être confu'- mée de la manière la plus nette par les recherches de M. Carter, sur les Spongilles d'eau douce. Après avoir reconnu que chez ces Zoophytes, de même que chez les Éponges marines, la couche ou membrane tégumen- taire est percée d'une multitude de petits pores qui servent à l'entrée de l'eau, tandis que ce liquide est expulsé par les oscules ou grandes ouvertures réparties de loin en loin, M. Carter a mis des particules de carmin en sus- pension dans l'eau où vivaient les Spongilles soumises à ses expérien- ces, et il n'a pas tardé à constater que cette substance colorante, entraînée par les courants d'eau inspirée, péné- trait dans la substance du Zoophyte, et allait s'accumuler dans des vacuoles ou cellules qui se creusent dans le tissu sarcodique de celui-ci. Ces par- ticules organiques paraissent s'y en- foncer de la même manière (|uc cela a lieu chez les Amibes, et, après avoir séjourné dans ces espèces d'esto- macs adventifs, elles sont poussées dans les canaux efférents et expulsées au dehors, comme le sont les ma- tières fécales ordinaires remarquées par M. Grant. Aussi, d'après l'en- semble de ses observations, M. Carter n'hésite pas à admettre qu'un travail digestif s'effectue dans ces cavités temporaires chez les Spongiaires de même que chez les Actinophrys, etc. (c). Quant aux mécanismes à l'aide des- quels s'établissent les courants qui amènent les matières alimentaires , ainsi que le fluide respirable, dans l'intérieur du corps des Spongiaires, nous avons déjà vu que ce résultat est obtenu par le mouvement flagelliforme de cils vibratiles disposés sur les pa- rois des canaux respirateurs [d). {a) Burdach, Traité de physiologie, t. IX, p. 4 34. — Rymer Jones, General Outline of the Animal Kingdom, 1841, p. 1 5. (h) Bérard, Cours de physiologie, t. II, |i. 500. (c) Carter, On the Ultimate Structure of Spongilla (Ann. and Mag. of Nat. Hist., 2" série, 1857, t. XX, p. 28 et suiv.). (d) Voyez tome II, page 2. 296 APPAREIL DIGESTIF l'extrémité supérieure, et qui tient lieu de bouche et d'nnus, est contractile, et ses bords sont garnis de longs appendices cylin- driques disposés en couronne. Chez les Hydres, ces tentacules sont préhensiles et s'enroulent autour des corps étrangers que l'Animal veut introduire dans son estomac (1); mais chez les (1) Les Hydres se nourrissent d'En- tomostracés et de petits Vers qui abondent dans les eaux stagnantes où ces Polypes habitent, mais parfois elles s'emparent aussi d'une proie beaucoup plus volumineuse, et Tremblay les a vues engloutir dans leur estomac, dont les parois sont très extensibles, des Myriopodes et même de jeunes Pois- sons (o). Elles sont très yoracesetsem- blenttendredes pièges pour leur proie en laissant flotter les longs tentacules filiformes ou bras, qui sont aussi pour eux des organes de locomotion. Ef- fectivement, dès qu'un Enlomostracé ou quelque autre Animalcule, en pas- sant auprès de l'Hydre, vient à tou- cher un de ces appendices, il se trouve arrêté, car le tentacule qu'il a ren- contré adhère si fortement à son corps, que, malgré les efforts violents qu'il peut faire pour se dégager, il parvient rarement à s'échapper, et d'ordinaire il ne tarde pas à être saisi par d'autres bras, puis attiré lentement vers la bouche du l^olype, qui bientôt l'en- gloutit dans son estomac. Quelquefois la proie ne se débat même pas, et semble être frappée de paralysie ou de mort dès qu'elle a été touchée par les bras de l'Hydre. Il n'est pas nécessaire que le tentacule s'enroule autour du captif pour le retenir prisonnier, il suffit qu'il s'y applique ; et il résulte des observations de Tremblay, que l'action adhésive ainsi exercée est su- bordonnée à la volonté de l'Hydre, ou tout au moins à l'état physio- logique de cet Animal, car celui-ci, lorsqu'il est repu , n'arrête pas de la sorte les corps étrangers qui vien- nent se heurter contre ses tenta- cules {b). L'imperfection des micros- copes dont les naturalistes du xviii' siècle pouvaient disposer ne permit pas à Tremblay et à ses successeurs immédiats (c) d'approfondir davan- tage l'étude de ce phénomène singu- lier ; mais depuis quelques années plusieurs zoologistes ont fait à ce su- jet de nouvelles recherches, et à l'aide d'instruments plus puissants, ils ont pu mieux comprendre le mécanisme de la préhension des aliments chez ces singuliers Zoophytes. En effet, les bras des Hydres ont une structure plus compliquée qu'on ne le supposait autrefois. Ces appen- dices filiformes sont garnis d'un grand nombre de tubérosités verruciformes qui sont disposées en spirale, et qui recèlent dans leur intérieur une foule (a) Tremblay, Mémoire pour servir à l'histoire d'un genre de Polypes d'eau douce à bras en forme de cornes, l. l, p. 171 et suiv. (b) Idem, ïbid., p. 223. (c) Backer, Essai sur l'histoire naturelle du Polype insecte, p. i 06 et suiv. — J. C. SchâffLT, Die Armpolypen (Abhandlungen von Insecten, 1764, t. I, p. 155 et suiv.). — P.œsel, Insecten-Belustigung, t. III, p. 465 et suiv. CHEZ LES ZOOPHYTES. 297 Sertulariens ils sont susceptibles seulement de s'étendre en manière d'entonnoir ou de se recourber sur la bouche en se contractant, et ils servent à diriger vers cet orifice les cor- )3uscules tenus en suspension dans l'eau ambiante, plutôt qu'à saisir ces matières alimentaires. Cependant, si quelque Animal- cule vient à les toucher, ils se referment brusquement sur cette de petites nématocystes ou capsules, pourvues chacune d'un fil exsertile. Ces fils, d'une ténacité extrême, sont lancés au dehors quand le tentacule est irrité par le contact d'un corps étranger, et soit en s'enroulant au- tour de la proie , soit en péné- trant même dans sa substance, pa- raissent en effectuer la capture. Ces capsules filifères ont été étudiées avec beaucoup de soin , d'abord par MM. Corda, Ehrenberg et Erdl , puis par M. Doyère (a), et ils ont beau- coup d'analogie avec les nématocystes ou organes urticants des Coralliaires et des Acalèphes, dont il sera bientôt question. D'après ce dernier naturaliste, ils sont de trois sortes. Les plus remar- quables ont été décrits par M. Corda sous le nom de hastœ, et occupent le centre des tubérosités verruciformes; ils consistent en un sac ovalaire et transparent qui renferme dans son intérieur un long filament pelotonné et un dard qui, l'un et l'autre, sont susceptibles de se renverser au de- hors ; le fil , primitivement enroulé au fond du sac, constitue l'espèce de coussinet que M. 'Coi'da a décrit sous le nom de vesica patellifor- mis, et se retourne comme un doigt de gant pour se dérouler au de- hors. Le dard est une sorte d'é- toile à trois branches, qui , réunies en faisceau, peuvent saillir incomplè- tement au dehors de façon à simuler un stylet , et c'est dans cet état que M. Corda les a observés et figu- rés ; mais quand la projection du contenu du sac est complète il se dé- ploie en forme de calice à la base du fil, qui alors tlotle librement au de- hors, tout en adhérant par sa base aux bords du goulot du sac. Enfin, le calice étoile et le fil ainsi lancés au dehors peuvent se détacher complè- tement, et ils produisent alors l'appa- rence qui a été figurée par M. Ehren- berg ; mais dans l'état naturel des parties, l'hameçon que ce naturaliste a représenté comme terminant chaque fil émis par l'Hydre n'occupe pas l'extrémité libre de cet appendice et se trouve à sa base, car ce n'est autre chose que le calice ou dard. M. Doyère (a) Corda, Anatome Hydrce fuscœ (Nova Acta Acad. nat. curios., t. XVIII, p. 299, pi. 15, fig. 5-10). — Ehrenberg, Ueber das Massenverhâltniss der jet%t lebenden Kiesel-Infusorien, etc. (Mém. de l'Acad. de Berlinpour 1836, pi. 2, fig. 1). — Erdl, Ueber die Organisation der Fangarme der Polypen (Miiller's Archiv fur Anat. und PhysioL, 1841, p. 429. pi. 15, iig. 10 et 12). — Doyère, Noie sur quelques points de l'anatomie des Hydres d'eau douce {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1842, t. XV, p. 429). — Quatrefages, Atlas du Piègne animal de Cuvicr, Zoophytes, pi. 04, fig. 1 , la, 16, le. 298 APPAREIL DIGESTIF proie et le poussent dans l'entrée de la cavilé digestive (1). Il est aussi à noter que cette cavité se continue non-seulement dans toute la longueur de l'espèce de tige formée par le corps pense que l'action toxique exercée par l'Hydre sur sa proie dépend d'une piqûre faite par le dard quand ses branches sont réunies en faisceau, et de l'évolution subséquente du fil qui pénétrerait par cette voie dans le corps de la victime. Effectivement, il a eu Tocrasion de voir les filaments enfon- cés de la sorte dans le corps d'une larve d'insecte dont une Hydre s'était emparée. Les capsules de la seconde espèce sont plus petites que les sacs basti- fères, et contiennent seulement un fil exsertile enroulé en spirale, comme dans les nématocystes ordinaires des Coralliaires et des Méduses. Ce fil sort comme le précédent, et le sac dans le- quel il était engaîné le suit. Enfin, les corps sacciformes de la troisième sorte ne laissent apercevoir dans leur intérieur qu'une masse muqueuse, mais M. Ooyère pense que ce sont des capsules hastifères en voie de dé- veloppement. Il est aussi à noter que tout aulour des capsules hastifères siluées au centre de chaque tubercule, on aper- çoit un grand nombre (Vacicules ri- gides qui se détachent avec beaucoup de facilité. i\l. Corda les a décrits et figurés sous le nom de poils ou cils vibratiles, appendices dont j'ai eu sou- vent à parler ailleurs ; mais M. Doyère pense que ce sont des aiguilles sili- ceuses. (1) La bouche des Sertulariens se prolonge en une sorte de trompe pro- tractile et très dilatable, située au fond de la couronne tenlaculaire. Celle-ci est simple chez les Sertulaires (a), les Campanulaires (6) , les Euden- driums (c), mais est double chez les Tubulaires {d), et dans les genres Coryne ou Syncoryne (e), et Condy- lophores [f), ces appendices sont dis- fa) Voyez Ellis, Histoire naturelle des CoraUines, pi. 4, fig. G; pi. 5, fig. A, etc. — Cavolini, Mem. per servire alla storia de' Polipi marini, pi. 8, fig. 9. — Lister, Observ. on Polijpi, etc. (Philos. Trans., 4834, pi 8, fig. 3). — Milne Edwards, Zoophytes de V Atlas dit. Règne animal de Cuvier, pi. G7, fig. 3 a. (6) Voyez Ellis, Op. cit., pi. 12, fig. C. — Cavolini, Op. cit., pi. 7, fig. 7. — Lister, Op. cit.-, pi. 9, fig. d. — Milne Edwards, Op. cit., pi. 66, fig. dff et 2 a. — Meyen, Observ. zool. {Nova Acta Acad. nat. £urios., t. XVI, suppl., pi. 30, fig. 1). — Van Beneden, Mém. sur les Campanulaires, pi. 1, fig. 2 et 3 (Mém. de l'Acad. de Bruxelles, 1844, t. XVII). (c) Ellis, Op. cit., pi. 17, fig. A. — Van Beneden, Recherches sur l'embryologie des Tubulaires [Mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. XVII, pi, 4, fig. d). — Johnston, Hist. of British Zoophytes, t. II, pi. 4. (d) Voyez Ellis, Op. cit.. pi. d6, fig. d6. — Lister, Op. cit. (Philos. Trans., d834, pi. 8, fig. 1). — Van Beneden, Recherches sur l'embryologie des Tubulaires, pi. 1, fig. d ; pi. 2, fig. 1 {Mém. de l'Acad. de Brtixelles, t. XVII). (e) Pallas, Spicilegia zoologica, fasc. x, p. 40, pi. 4, fig. 8. — Van Beneden, Mém. sur l'embryologie des Tubulaires, pi. 3, fig. 12. (0 Allman, On the Anatomy and Physiology of Condylophora {Philos. Trans., d853, pi. 25, fig. 2). CHEZ LES ZOOPHYTES. 299 du Polype et dans les prolongements radiciformes qui partent de son extrémité inférieure, mais aussi dans les branches constituées par les individus qui naissent de cette tige par posés iiTégulièrement à des hauteurs différentes. Le nombre de ceux qui composent chaque couronne varie avec l'âge, et paraît être d'abord de quatre ou de huit seulement , mais s'élève parfois à vingt - quatre ou môme davantage. Ils sont en général médiocrement allongés et cylindriques, mais leur portion terminale étant la plus con- traclile, ils paraissent souvent renflés en forme de bouton vers le haut ; disposition qui a conduit M. Lôven à penser que chez les Syncorynes ils étaient terminés par une ventouse (o). Chez les Tubulaires, ils ont des mou- vements indépendants , et peuvent s'enrouler de façon à constituer une sorte de boule terminale ; mais chez la plupart de ces Zoophytes , chez les Campanulaires, par exemple, ils se meuvent tous à la fois, et, quand l'animal est en repos, il les étend en forme d'entonnoir à bord renversé, tandis qu'au contraire il les rac- courcit et les recourbe seulement en dedans , au-dessus de la bouche, lorsqu'il se contracte et rentre dans l'espèce de cloche formée d'ordinaire par la portion terminale de son étui tégumenlaire. Ces tentacules ne sont pas garnis de cils vibratiles, mais leur surface est verruqueuse, et les nodo- sités qui s'y remarquent portent un grand nombre de petites vésicules ur- ticantes (6) dont la structure paraît être très analogue à celle des néma- tocystes de l'Hydre d'eau douce, dont il a été déjà question. Chez rEleullié- rie on trouve de ces capsules spiculi- fères sur toutes les parties de la sur- face du corps (c), et, comme nous le verrons bientôt, le mêrac mode d'ar- mature existe chez les Acalèphe?. Quelques naturahstes pensent que les tentacules de ces Animaux, de même que ceux des Hydres, sont creusés d'un canal longitudinal en commu- nication avec la cavité digestive {cl} ; mais ce mode de conformation ne me paraît pas exister, et M. Van Beneden considère aussi ces appendices comme éUml pleins et divisés d'espace en es- pace par des cloisons transversales (e). Quelques auteurs réservent le nom d'estomac à la portion de la cavité di- gestive qui fait suite à la bouche des Scriulariens , et qui s'étend jusqu'au fond de la cloche tégumentairc (/"). En effet, les substçinces ah'menlaires y sont d'ordinaire retenues pendant un certain temps , et souvent un rétré- (a) Lôven, Zoologiska Bidrag {Yetensk. Acad. Handl., 1835). — Observ. sur le développe- ment, etc., desgenres Campanulaire et Syncoryne (Ann. des sciences nat., 2" série, 1841 , t. XV, p. 170). (6) Quatrefages, Mém. sur la Synhydre parasite (Ann. des sciences nat., 2' série, 1813, t. XX, p. 240, pi. 9, fig. 5). — ■ Dujardin, Mémoire sur le développement des Méduses et des Polypes hydraires {Anii. des sciences nat., 3« série, 1845, t. IV, p. 259j. (c) Quairefages, Mémoire sur l'Éleuthéris (Ann. des sciences nat., 2« série, 1842, t. XVIII, p. 27éet 283, pi. 8, %. 3, 4, 5). (d) Loven, Op. cit., p. 159. (g) Van Beneden, Recherches stir les Tubulaires, p. 16 (Mêm. de l'Acad. deBruxelles, I. XVII). (î) Cavolini, Memorie per servire alla storia de' Polipi marini, p. 120, 164, elc. 300 APPAREIL DIGESTIF voie de bourgeonnement ; en sorte que la matière nutritive prise par un de ces petits êtres profite à toute la colonie dont celui-ci fait partie (i). Cette disposition permet même une sin- gulière division du travail physiologique chez quelques-uns de ces Zoophytes. M. de Quatrefages a trouvé que chez les Sertu- lariens qu'il désigne sous le nom de Synhydres, il existe dans chaque colonie deux sortes d'individus : les uns qui sont pourvus, comme d'ordinaire, d'une bouche et d'un estomac; et d'autres qui ont aussi un estomac, mais qui sont privés de bouche et sont spécialement chargés du travail reproducteur, tandis que les premiers sont les Polypes nourriciers de cette association bizarre (2). Du reste, la puissance digeslive de ces Zoophytes paraît devoir être assez faible, et l'on ne distingue dans leur orga- nisme aucun instrument spécial qui soit affecté à la sécrétion des sucs gastriques (3). cissement la sépare de la portion de la même cavité qui occupe la tige du Zoophyte (a) ; mais cette distinction, qui est possible dans quelques espèces, telles que les Campanulaires, ne l'est pas chez d'autres et ne me semble pas avoir de l'importance. (1) M. Van Beneden a constaté que le Coryne squarnata (Clava mvÀticor- nis, Johnston) fait exception à cette règle ; les divers individus d'une même colonie fixés sur une expansion membraneuse commune ont chacun un estomac distinct et sans communi- cation avec ceux de ses voisins (h). (2) Les Synhydres sont des Polypes marins qui ressemblent beaucoup aux Corynes, et qui se trouvent souvent sur nos côtes, fixés à des coquilles de Buccin ou de Turbo habitées par des Pagures. Les estomacs de tous les in- dividus d'une même colonie commu- niquent entre eux par leur partie infé- rieure ; mais dans les individus repro- ducteurs cette cavité se termine en cul-de-sac supérieurement, tandis que chez les individus nourriciers elle communique librement au dehors par un orifice buccal (c). (3) M. Van Beneden pense que ces Polypes ne se nourrissent guère que de substances muqueuses tenues en (a) Van Beneden, Sur les Campanulaires, p. 16 {Mém. de l'Aead. de Bruxelles, t. XVII). (b) Idem, Recherches sur l'embryologie des Tubulaires, p. ■lO. (c) Quaircfagcs, Mém. sur la Synhydre parasite (Ann. des sciences nat., 2" série, 4843, t. XX, p. 230). CHEZ LES ZOOPHYTES. 301 S û, — Chez les Médusaires, qui constituent les représen- Appareil ^ ^ , , ^ digestif tants sexués de ces Zoophytes dimorphes ou à génération alter- >ies , , Médusaires. nante, l'appareil digestif est constitue d'abord a peu près de même que chez les Sertulariens; mais, par les progrès du déve- loppement organique, il se complique davantage, et l'estomac s'entoure de prolongements en forme de loges ou de canaux qui sont affectés d'une manière de plus en plus spéciale au ser- vice de l'irrigation nutritive. Nous avons déjà étudié leur mode de conformation lorsque nous nous occupions des premières ébauches d'un système circulatoire chez les Animaux infé- rieurs (1), et je n'y reviendrai pas ici ; mais je crois devoir entrer dans quelques détails de plus relativement à la structure de la portion centrale et essentiellement digestive de cet en- semble de réservoirs. Comme les Médusaires occupent en nageant une position in- verse de celle des Polypes sertulariens, c'est au milieu de la face inférieure de leur corps que se trouve la bouche. Quel- quefois cet orifice est situé à l'extrémité d'un prolongement en forme de trompe, ainsi que cela se voit chez les Géryonies (2) ; suspension clans l'eau {a) ; mais plu- beaucoup le bord inférieur de ccl sieurs observateurs ont vu des Ani- instrument. Chez la Géryonie hexa- malcules solides dans leur cavité di- phylle, son extrémité libre est mem- gestive (6). braneuse et élargie en forme d'en- (1) Voyez tome III, page 55 et suiv. tonnoir (c) ; mais chez d'autres (2) La trompe des Géryonies est espèces du même genre (c?), ainsi que très allongée , et pend en forme chez les Orythies, les Lymnorées et d'ombrelle sous le corps de ces Médu- les Favonies, où elle est aussi très saires, de façon à ressembler au bat- allongée , son bord labial est sim- tant d'une cloche, et à dépasser de pie (e). (a) Van Beneden, Mém. sur les Campanulaires , p. 16 {Mém. de V Acad.de Bruxelles, t. XVII). (6) Loven, Observ. sur les Campanulaires, etc. (Ann. des sciences nat., 2" série, 1828, t. XV, p. 161). — Rathlie, Bemerk. ûber die Coryna squamata (ylj'cft. fur Naturgesch., 1844, p. 155), ou Observ. sur le Coryna squamata (Anîi. des sciences nat., S' série, 1844, t. II, p. 207). (c) Voyez Péron et Lesucur, Voyage aux terres australes {Histoire générale et particulière des Méduses, p). 4, fig. 5). — Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 52, Rg. 3. (d) Voyez Pérou et Lesucur, Op. cit., pi. 4, fig. 1. (e) Milne Edwards, loc. cit., pi. 52, fig. 1 et 2 ; pi. 54, fig. 3. «^02 APPAREIL DIGESTIF mais, en général , il est placé au centre de la base d'un fais- ceau de gros tentacules ou bras à bords membraneux et con- tractiles, qui sont suspendus à la face inférieure du disque ou ombrelle représentée par le corps de l'Acalèphe (1). L'estomac occupe aussi l'axe du corps et fait suite à l'ouver- ture queje viens de décrire (2) : mais chez quelques Médusaires, où la cavité gastrique est située de la manière ordinaire, cette bouche centrale manque ; les bras sont complètement réunis entre eux à leur base, et c'est par d'autres voies que les ahments arrivent du dehors jusque dans l'appareil digestif. Ce mode d'or- ganisation a été constaté par Cuvier chez un grand Acalèphe très connu sur nos côtes, et a valu à ce Zoophyte le nom de Rhizostome (o). Effectivement, dansées Animaux, le réservoir central qui correspond à l'estomac des Méduses ordinaires est bouché en dessous, mais communique latéralement avec une (1) Ces bras ou tentacules labiaux cet organe et qui sont très mobiles, sont généralement au nombre de Ils correspondent aux points occupés quatre, etcomposés chacun d'une por- par les organes reproducteurs, et sont tion médiane épaisse et subulée, de probablement des instruments de sé- chaque côté de laquelle est suspen- crétion. M. Fritz Millier vient de due une bordure membraneuse plus constater que ce ne sont pas des tubes, ou moins froncée. Ils sont très dé- comme on l'avait pensé, mais des cy- veloppés chez les Pélagies (a) et les lindres à axe solide ; et d'après quel- Cyanées (6). Chez les Aurélies, ces ques expériences laites par ce natu- appendices sont garnis d'une frange raliste, ils paraissent produire un suc marginale (c). susceptible d'attaquer les aliments à (2) Chez quelques Médusaires, tels la manière de la pepsine et d'en opé- que les Pélagies (d), les parois lalé- rer la digestion; leur surface est gar- rales de l'estomac sont garnies d'une nie de cils vibratiles (e). multitude d'appendices tentaculifor- (3) De pii;!/., racine, et arofAst, bou- mes qui font saillie dans la cavité de che. [a) Voyez Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 45, fig. 4. (6) Voyez Milne Edwards, loc. cit., pi. 47, fig. 1,16. (c) Voyez Ehrenberg, Ueber die Akalephen des rothen Meeves {Mém. de l'Acad. de Berlin pour 1835, pi. 3,fig. 1). — Milne Edwards, loc. cit., pi. 48, iig. 1. (d) Milne Edwards, Atlas du Règne animal ào Cuvier, Zoophytes, pi. 46, fig. i a. (e) Fr. Millier, Die Magenfâden der Quallen {Zeitschr. fur wissensch. Zool., 1858, t. IX, p. 542). CHEZ LES ZOOPHYTES. 303 série de canaux rameiix. Ceux-ci descendent dans l'épaisseur des bras, et s'ouvrent au deliors par une multitude de petits orifices, qui sont autant de bouches. Par conséquent, au lieu d'une bouche centrale, ils ont, comme leur nom l'indique, des bouches multiples et radiciformes (1). (1) Les bras des Rhizostomes, d'une consistance subcartilagineuse, sont au nombre de huit, et naissent par paires (|e quatre pédoncules qui partent du disque et se réunissent au - dessous de l'estomac, en laissant entre eux quatre espaces creux ou loges destinées à contenir les organes reproducteurs. L'extrémité libre de ces bras est un peu renflée, et présente trois faces sé- parées par des borùs arrondis vers les parties inférieures desquelles on dis- lingue un certain nombre de petites ouvertures béantes, qui donnent nais- sance à autant de canaux ascendants. Ceux-ci se réunissent à la manière des veines, et le tronc commun ainsi formé se dirige vers l'estomac , mais, chemin faisant, reçoit un certain nom- bre de branches latérales dont les racines sont situées dans des mem- branes froncées et pourvues de franges marginales qui garnissent la portion moyenne de chaque bras, ainsi qu'un appendice en forme d'auricule placé plus haut, près du pédoncule (a). Or, chacune des divisions terminales de ces canaux latéraux, de même que les branches .inférieures dont il a déjà élé question, se termine par un orifice extérieur , et M. Huxley a constaté que les espèces de bouches ainsi con- stituées tout le long du bord des bras sont entourées par les membranes frangées dont je viens de parler (6) ; elles sont très dilatables et deviennent souvent infundibuliformes. M. Huxley les considère comme étant autant d'estomacs comparables à ceux des Stéphanomies , etc. La membrane dont elles sont tapissées est garnie de cils vibratiles, et en continuité de tissu avec la tunique des canaux qui se rendent à l'estomac central. Il est aussi à noter que la portion membraneuse des parois de l'estomac central qui loge les organes repro- ducteurs est garnie d'appendices ten- taculiformes analogues à ceux des Pélagies, mais moins allongés (c). Les Gassiopées ressemblent aux Rhizostomes par l'absence d'une bou- che centrale, mais leurs bras sont frangés jusqu'au bout {d), et, d'après M. Délie Chiaje , les petites bouches latérales seraient situées à l'extrémité (a) Cuvier, Mém. sur V organisation des Méduses (Journal de physique, t. XLIX, p. 436). — Eysenhardt, Zur Anat. und Naturgesch. der Quallen {Nova Acta Acad. natures curiosorum. t. X, pi. 34). — Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 50. — Délie Chiaje, Animali setixa verteire del regno di Napoli, pi. 143, ûg. 1 et 7. (6) Huxley, On the Anatomy and the Afjinities ofthe Family ofMedusœ (Philos. Trans., 1849, p. 415, pi. 3!^, flg. 28 ; pi. 39, fig. 29). (c) Milne Edwards, Mém. sur la structure de la Méduse marsupiale, etc. (Ann. des sciences liât., 1833, t. XXVlIl, pi. 13, fig. 3). (rf) Tilesius , Beitrâge zur Naturgesch. der Medusen (Nova Acta Acad. nat. curios., 1831, t. XV, p. 254, pi. 70, Bg. 1 ; pi. 72, fig. 1,5). Appareil digestif des Hydrostatiques. âOZl APPAREIL DIGESTIF Un mode d'organisation assez analogue se voit chez les Phy- salies, les Stéphanomies et les autres Siphonophores ou Aca- lèphes hydrostatiques, mais avec cette différence que la portion profonde et centrale de l'appareil gastro-vasculaire tend à de- venir rudimentaire et n'est affectée qu'à l'irrigation physiolo- gique, tandis que sa portion vestibulaire ou buccale se perfec- tionne et devient le siège principal du travail digestif. En effet, ces Zoophytes sont pourvus d'un grand nombre d'appendices en forme de trompes, qui font fonction d'autant de bouches et d'estomacs, et (jui transmettent les produits de la digestion à un système de canaux chargés de les répartir dans les autres parties de Téconomie ('!). globuleuse de filaments marginaux chez la Cassiopea borbonica (a). Dans le genre Céphée, l'appareil digestif est organisé aussi sur le même plan que chez les Rhizostomes, et il est à noter qu'ici chacune des petites bouches latérales portées par les bras est entourée d'une membrane labiale infundibulifornie (6), à quatre languettes frangées, au lieu d'êlre garnie seulement de deux replis mar- ginaux en forme de voiles, conmie chez les Rhizostomes. (1) Chez la Physahe, les appendices proboscidiformes,ou suçoirs, sont sus- pendus sous la vessie hydrostatique, au milieu d'un grand nombre d'au- tres organes appendiculaires réunis en paquet (c). Us consistent chacun en une sorte de sac très allongé, ou- vert à son extrémité inférieure et fort dilatable, qui est susceptible de s'ap- pliquer sur les corps étrangers à la manière d'une ventouse, ou de s'élargir en forme de cloche pour recevoir dans son intérieur les raatièrcsalimentaires, qui y sont digérées et transformées en une espèce de pulpe ou chyme. Le fond de chacune des trompes gastri- ques se continue supérieurement sous la forme d'un canal étroit, et commu- nique avec une cavité commune si- tuée entre les tuniques de la vessie hydrostatique, ainsi qu'avec les con- duits creusés dans l'épaisseur des autres organes appendiculaires (d). Chez les Stéphanomies, les Physo- phores, les Agalmes, etc. , la confor- mation des appendices proboscidifor- mes, ou trompes gastriques, est à peu près la même, mais ces organes sont suspendus à une sorte de ruban com- mun qui donne également insertion aux appendices générateurs , urti- (ft) Délie Cliiaje, Descr. e notom. degli Anim. genza vertèbre, t. IV, p. 95, pi. 140, Ut\. (6) Huxley, Op. cit. {Philos. Trans., 1849, p. 415, pi. 39, fig. 35, 36). (c) Olfers, Ueber die grosse Seeblase (Mém. de l'Acad. de Berlin pour 1831, p. 155). (d) Quatrefages, Mém. sur V organisation des Physalies {Ann. des sciences nat., 4° série, 1854, t.n, p. 114, etc., pi. 3, fig. 1). CHEZ LES ZOOPH\TES. 305 L'appareil digestif des Acalèphes du genre Béroé offre une disposition différente, qui est également digne d'attention. La cavité centrale qui représente l'estomac des Méduses ordi- naires est ouverte en dessous comme chez ces dernières, mais fort réduite et dépourvue d'appendices labiaux ; du reste, elle paraît être suppléée dans une partie de ses fonctions par une chambre vestibulaire constituée à l'aide du disque de l'animal, qui, au lieu de s'étendre en manière d'ombrelle, se contracte en dessous, de façon à prendre la forme d'une bourse ovoïde, dont l'orilicc, dirigé en bas, tient lieu de bouche (1). cants, etc., el qui se termine snpé- rieiirenient à l'appareil natatoire. Un vaisseau en occupe toute la longueur, et communique avec un canal prove- nant de chacun des estomacs, ainsi qu'avec des conduits appartenant aux autres organes appendiculiformes (a). Les zoologistes ne sont pas d'ac- cord sur l'inlerprélation à donner à ce mode d'organisation. Jusque dans ces derniers temps on considérait géné- ralement ces assemblages de suçoirs, d'organes reproducteurs , d'instru- ments de natation et de filaments ur- ticants comme constituant un seul et même animal ; mais depuis quelques années plusieurs naturalistes ont été conduits à le regarder comme un agré- gat de divers individus héléromor- plies, dont les uns auraient pour fonction de pourvoir à la nourriture de toute la colonie, d'autres de don- ner naissance à des individus nou- veaux, etc. (6). Dans cette hypothèse, les parties décrites sous le nom de trompes gastriques seraient des indi- vidus nourriciers comparables aux Polypes sertulariens. Mais quoi qu'il en soit à cet égard, chacun des esto- macs ainsi constitué est pourvu de parois dans l'épaisseur desquelles on dislingue un tissu glandulaire coloré qui semble être le représentant de l'appareil hépatique des animaux su- périeurs. (1) Cette grande cavité vestibulaire, en forme de cloche, qui occupe presque tout l'intérieur du corps des Béroïdes, correspond en réalité à l'évasement de la face inférieure de l'ombrelle des Médusaires, et l'analogue de la bouche de ces dernières se trouve au fond de (a) Milne Edwards, Description du Stephanomia conlorla {Ann. des sciences nat., 2° série, t. XVI, p. 221, pi. 7 et 9, fig. 1). — Vogt, Recherches sur les Animaux inférieurs de la Méditerranée. Mém. sur les Sipho- nophores, p. 46, 89, etc., pi. 4, fig. 5 ; pi. 8, fig. t ; pi. H, fig. 1 ; pi. 14, fig. 1, eic. — R. Leuckart, Zoologische Untersuchungen, t. I, p. 12. (b) Leuckart, Ueber die Morphologie der wirbellosen Thiere, 1848, p. 27 ; — L'eber den Poly - inorphismus der Individuen, 1851. — Zoologische Untersuchungen, erstes Heft, 1853, p. 71. — Huxley, Upon Animal Individuality {Ann. of Nat. Hist., 2° série, 1852, t. IX, p. 505). — Kôlliker, Die Schwlmmpolypen von Messina, 1853, p. 04 et suiv. — Vogt, Op. cit., p. 129 et suiv. — Gcgenbauer, Beitrdge aur ncùhcrn Kennlniss der Scliiuimmpolypen, 185i, V. 20 506 APPAREIL DIGESTIF Chez plusieurs Acalèphes, l'appareil digestif est pourvu aussi d'un certain nombre d'orifices, que les zoologistes considèrent généralement comme des anus ; mais ces pores , situés d'or- dinaire vers la partie périphérique de la portion vasculaire du système irrigatoire, ne semblent pas être destinés à livrer passage au résidu laissé par le travail digestif, et c'est par la bouche que la sortie des fèces s'effectue (1). Pespèce de sac ainsi constitué. Elle est bordée seulement de deux lèvres épaisses (a). C'est une cavité analogue à cette chambre vestibulaire ou pharyn- gienne qui, très rétrécie et garnie in- férieurement d'une bordure membra- neuse, constilue l'estomac principal des Lesueuries (6), des Alciopes (c), des Gestes {d), etc., chez lesquels la partie correspondante à l'estomac cen- tral des Méduses est très réduile et forme le confluent des canaux irriga- toires que j'ai désigné sous le nom de réservoir chylifique (e). Une autre modificalion organique se rencontre chez les Gydippes. La cavité gastrique centrale prend desdi- mensions considérables, et un prolon- gement labial tubulaire,au lieu de s'a- vancer au dehors en forme de trompe, se renverse en dedans, de façon à oc- cuper l'axe de l'estomac et à consti- tuer une chambre pharyngienne inté- rieure qui a beaucoup de ressemblance avec l'estomac tubulaire des Alcyo- naires, dont il sera bientôt question {f) . (1) M. Ehrenberg fut le premier à bien apercevoir ces pores excréteurs chez les Méduses, où ils sont placés sur le bord de l'ombrelle, au milieu de cha- que espace compris entre les organes ocuiiformes. Chez VAurelia (ou Mé- dusa aurita), le canal gaslro- vascu- laire marginal présente dans chacun de ces points un petit prolongement en forme de sac, à l'extrémité duquel se trouve l'orifice en question ; M. Ehrenberg en compte huit et les a vus dégorger au dehors des matières étrangères, de sorte qu'il n'hésite pas à les appeler des anus (g). Will a décrit une disposition ana- logue chez le Cepliœa Wagneri {h). Chez les Béroés, j'ai irouvé quelque chose de semblable. La portion cen- (a) Milne Edwards, Observ. sur le Beroe Forskalii {Ann. des sciences nat. ,2* série, 1841, t. XVI, p. 211, pi. 5 et 6). (6) Idem, Description tfw Lesueuria vitrea {Ann. des sciences nat., 2» série, t. XVI, p. 199, pi. 3, ûg. 1 ; pi. 4, ti^'. 1). (c) Idurn, Noie sur l'appareil gastro-vasculaire de quelques .Acalèphes {Annales des sciences naturelles, 4° série, 1856, i. VII, pi. 14). {d) Idem, (oc. cit., pi. 15 el 16, fig. 1. (ej Vo^NBz tome 111, page 65. {/') MUiie ÉAlwai-Lis, Allas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 36, fig. 2 b, et Note sur l'appurtil gastro-vasculaire {Ann. des sciences nat., 4« série, 1856, t. VII, p. 287, pi. 16, fig. 2). 13) Ehrenberg, Vorlaulige Mittheilung einigei' bisher unbekannter Slriicturverhàltnisse bei Acalephen imd Echinodermen (MuUer's Archiv fiir Anat., 1834, p. 5G1,elAnn. des sciences nat., 2° série, -i«35, t. IV, p. 294). {h) Will, Horcc Tcrgestiinv, p. 00. CHEZ LES ZOOPHYTES. 307 § 5. — Dans la classe des Coralliaires, l'appareil digestif est conformé à pea près de même que chez les Acalèphes, mais la distinction entre la portion stomacale et la portion irrigatoire de ce système de cavités tend à devenir plus complète (1). Ainsi, chez les Alcyons, les Gorgones, le Corail et les autres Alcyonaires, les bords de l'orifice buccal se continuent intérieu- rement avec une membrane disposée en tube, qui est suspendue au milieu de la grande cavité centrale du système gastro-vascu- laire, et qui s'y ouvre par son extrémité opposée, mais est garnie inférieurement d'un muscle sphincter, dont la contraction le Appareil di-eslif des Coralliaires traie de la face supérieure du disque de ces Acalèphes est occupée par une fossellequi loge Torgane oculiforme, et j'ai souvent vu deux vésicules se dé- velopper sur les côtés de cette dépres- sion, puis s'ouvrir à leur sommet et laisser échapper au dehors le liquide qui tourbillonnait daus leur intérieur, puis s'all'aisser et disparaître. Ces émonctoires communiquent avec la ca- vité gastrique («). Nous verrons bientôt que chez certains Coralliaires il existe aussi, sur divers points du système gasiro-vasculaire, des pores, mais ces orifices ne me paraissent pas remplir les fonctions d'un anus, et me sem- blent être plutôt des dépendances de quelque organe excréteur. (1) La forme qui est dominante chez les Médusaires se retrouve assez exac- tement chez les Coralliaires de la divi- sion des Podactinaires. En eilet, chez les Lucernaires, qui constituent les prin- cipaux représentants de ce groupe, Torifice buccal est situé à l'extrémité d'un prolongement proboscidilorme qui occupe le milieu d'un disque con- cave dont le pourtour est garni d'espace en espace par des tentacules. L'esto- mac qui fait suite e'i cette espèce de trompe renferme un grand nombre d'appendices filiformes, très contrac- tiles, qui ressemblent beaucoup à ceux de l'estomac des f^élagies, et il se continue latéralement avec une sé- rie de grandes loges disposées radiai- rement; mais ici, au lieu d'être très court, ainsi que cela se voit chez les iMédusaires, il s'allonge en forme de cylindre jusqu'à l'extrémité inférieure du corps de l'animal, où il se termine en cul-de-sac (6). Chez les autres Coralliaires, la bou- che n'est pas saillante, et la conforma- tion générale de l'appareil digestif rap- pelle davantage ce que nous venons de voir chez les Acalèphes du genre Cydippe. («) Milne Edwards, Observ. sur la structure et les fonctions de quelques Zoophy les, etc. {Ann. des sciences nat., 2= série, 1841, t. XVI, p. 214, pi. ô,Jig. i; pi. 6, fig. 16). — Agassiz, Contrib. to the Nat. Hist. of Acalephœ, pi. 5, fig. 9 [Mem. of the .iiner. Acad., 1850, t. II). (6) Milne Edwards, ZooPHVTES du Réijne animal do Cuvier, pi. 63, l]g. la, 1 e. — Sars. Fauna llttoralis Noi'verjiic, pi. 3, fig. 6. — - H. Frey et R. Lcuckarl, Beitrdge xur Kenntniss dev wirbellosen Thiere, 1847, pi. I , fig-. 3. — J. Cariis, Icônes xootomicœ, pi. 4, fier. 2. 308 APPAREIL DlGIiSTlF transforme en une sorte de poche où les alinienls se trouvent arrêtés et plus ou moins complètement digérés avant que de passer dans la portion irrigaloire du système. Les parois de ce vestibule gastrique renferment un tissu glandulaire de couleur jaune, qui semble être un organe hépatique, et la portion sui- vante de l'appareil gastro-vasculaire se continue au loin dans l'organisme sous la forme de loges radiaires et de canaux ra- meux, dont nous avons déjà eu l'occasion d'étudier la disposi- tion lorsque nous nous occupions de l'irrigation nutritive chez ces Zoophyles (1). Je ne m'arrêterai donc pas davantage sur ce sujet, et je me bornerai à faire remarquer (pie chez les Coral- liaires de l'ordre des Zoanthaires, les Actinies, par exemple, le vestibule gastrique est moins développé et moins contractile inférieurement, de façon que chez ces Animaux les aliments pénètrent souvent dans la cavité conmiune, située au-dessous, avant que d'avoir été digérés (2). Il est aussi à noter que, chez beaucoup de ces Radiaires, la portion périphérique du système gastro-vasculaire communique avec l'extérieur à l'aide de petits orifices particuliers; mais ici, de même que chez les Acalèphes , ces pores sont des émonctoires pour le liquide en circulation ou pour les produits de certaines sécrétions, et ne (1) Voyez tome III, page 55 otsiii- bien que des Animalcules qui se trou- vanlcs. vent en suspension dans l'eau dont ("2) La préhension des aiimenls se ils sont baignés. Dicquemare, nalura- failsoit à l'aide de ces tentacules, soit liste qui habitait les côtes de la Nor- par l'action de la bouche, dont les pa- mandie, et qui, vers le miMeu du siècle rois sont très dilatables et garnies de dernier , a fait beaucoup d'observa- cils vibratiics aussi bien que de fibres lions intéressantes sur les mœurs des musculaires disposées en manière de Actinies, a vucesZoophytesdigérer des sphincter. La puissance digestive de Moules, de la viande, etc., et rejeter ces Zoophy tes est parfois assez grande, par la bouche les coquilles et les au- et ils se nourrissent de Mollusques, de très résidus dont ils ne pouvaient tirer Crustacés et de petits Poissons, aussi parti (a). {a] Dicquemare, Mcmoirejmiv servir à l'Iiiatuire des Anémones de mer [t'hilv)!. Truns., 177 J, p. 3(j]). Échinodermes CHEZ LES ZOOPHVTES. 309 paraissent pas devoir être considérés comme les représentants de l'anus des animaux supérieurs. Chez plusieurs Actiniens, ces ouvertures se trouvent à l'extrémité des tentacules dont la bouche est entourée : chez d'autres, des pores en commu- nication avec les loges périgastric[ues sont disposés tout autour de la portion basilaire du corps, et, chez les Alcyonaires, des orifices analogues se voient sur la sin^face du cœnenchyme, ou tissu commun , situé entre les divers individus réunis eu colonies (1). Q 6. — Dans la classe des Échinodermes, la division du Ira- Appareil «J^ ^ digestif vail s'étabht d'une manière complète entre la digestion et l'irri- , des galion. La cavité qui est destinée à recevoir les aliments ne communique plus directement avec celle qui renferme le tluide nourricier, et n'est pas creusée dans la substance commune de (1) Les tentacules qui entourent niens (d) ; mais ces appendices ne la bouche des Coralliaires, et qui sont jamais garnis laldraloment d'une sont presque toujours disposés en bordure de cils vibratiles , ainsi couronne, sont, en général, des ap- que cela a toujours lieu chez les pendices coniques et simples (a) ou Bryozoaires. irrégulièrement ramifiés (6) chez les II est aussi à noter que les tenta- Zoanlhaires, mais garnis latéralement cules des Actinies sont doués de d'une série de fdaments courts et cy- propriétés urticantes, et que leur con- lindriques chez les Alcyonaires (c). Ils tact est en général promptement sont très rétractiles, et susceptibles de mortel pour les Vers et les autres se reployer en dedans, au-dessus de petits animaux dont ces Zoophytes se la bouche. Quelquefois ils se lermi- nourrissent Des expériences intéres- nent par un petit élargissement qui santés sur ce sujet viennent d'être agit à la manière d'une ventouse, et faites par M. Waller, et il est pro- adhère très fortement aux corps sur bable que l'action toxique de ces or- lesquels il s'applique, disposition qui ganes est due à l'introducUon des fils est très commune chez les Acti- de leurs nématocystes , ou capsules (a) Par exemple, chez les Actinies (voyez V Atlas du Règne animal de Cuvior, Zoophytes, pi. Cl , lig. 1 et 2); et les Aslréens {Op. cit., pi" 83, fig. t et 2). (b) Par exemple, chez les Aciiniens du genre Thalassianthe {Op. cit., pi. G2, fig. 3), et du genre Phyllactis ou Methridium (Dana, Zoophytes, pi. 5, fig. 39 ; — Milne Edwards, Hist. naturelle des Coralliaires, pi. C2, fig. \). (c) Exemples : les Cornulaircs (.Mlas du Règne animal, Zoophytes, pi. 05, fig. 3) ; le Corail {Op. cit., pi. 80, fig. ta); les Vérélillcs {Op. cit., pi. 91, fig. \) ; etc. (d) Par exemple, chez les Actiniens du çcnrc Antmonia (voy. V.Mlas du Renne animal, Zooph., pi. 61, fig. 1). oIO APPAREIL niGESTlF l'organisme, mais a pour parois une membrane perméable et se trouve suspendue dans la chambre qui sert de réservoir cen- tral pour le sang (1). Par conséquent, chez ces Zoophytes, l'absorption doit intervenir poin^ utiliser les produits de la digestion elles porter dans le système irrigatoire. Ce perfectionnement n'est pas le seul qui se fasse remarquer dans la classe des Échinodermes. Chez quelques-uns de ces Animaux, de même que chez tous les Zoophytes inférieurs dont il a été question jusqu'ici, il n'existe qu'un seul orifice pour l'entrée des aliments et pour l'évacuation des matières fé- cales ; mais, chez d'autres, la division du travail physiologique s'introduit aussi dans cette partie des fonctions digestives, et l'estomac communique au dehors par deux ouvertures qui sont affectées d'une manière toute spéciale , l'une à l'inglutition des matières alimentaires, l'autre à la sortie du résidu laissé par ces substances après qu'elles ont fourni à l'organisme tous les principes nutritifs que les agents digestifs ont pu en extraire. La bouche occupe toujours l'une des extrémités de l'axe du corps, et se trouve au centre de la face inférieure ou à l'extré- mité antérieure de celui-ci, suivant que l'animal a une forme élargie ou allongée et qu'il se tient dans une position verticale ou horizontale. Parfois l'anus est fort rapproché de cette ou ver- urticantes, dans le corps des animaux continue par un col long et étroit dans sur lesquels ils se fixent (a). le pédoncule de l'appendice, et se ter- ChezlesLucernaires, quiappartien- mine par une seconde ampoule au nent à l'ordre des Podactinaires, les centre du disque ; un liquide est ren- tentacules ne sont pas de simples pro- fermé dans ce petit appareil, et retlue longemenlstubulaires, et se terminent dans l'une ou l'autre ampoule termi- par un petit disque préhensile. A la nale, quand la portion opposée se con- base de chacun de ces appendices on tracte (b). trouve une vésicule contractile qui se (1) Voyez tome III, p. 289 et suiv. (a) Waller, On the Means by ivhicli Actiniœ kill their Prey (Proceed. of the P,oy. Soc, 1859, t. IX, p. 722). {b) Milne Edwards, Histoire naturelle des Coralliaires, 1. 1, p. 94, pi. AO, fig'. Ih, 1c, ol Atlns du Règne animal de Ciivier, Zoophytes, pi. fiS, fig. 16, Ir, id. CHEZ LES ZOOPHYTES. oll tiire. mais il tend à s'en éloigner de plus en plus, et, chez les espèces les plus élevées en organisation, il se trouve au pôle opposé du corps. L'appareil digestif de ces Zoophytes se perfectionne aussi sous le rapport de la puissance productive des agents chi- miques destinés à attaquer les substances alimentaires et è. les dissoudre, car il s'enrichit d'organes sécréteurs spéciaux qui versent dans l'estomac les sucs doués de cette propriété. Enfin, la partie mécanique du travail digestif acquiert une grande puissance chez quelques Échinodermes, et non-seule- ment la préhension des aliments s'effectue bien mieux que chez les autres Animaux radiés ; mais parfois aussi la division de ces matières est opérée d'une manière très complète avant leur introduction dans l'estomac, résultat qui ne s'obtient que par l'intervention d'instruments particuliers de trituration dont la bouche se trouve garnie. L'appareil digestif se comphque donc beaucoup dans cette classe de Radiaires ; mais les différents genres de perfection- nements que je viens d'énumérer ne s'y introduisent pas si- multanément, et les combinaisons organiques obtenues de la sorte sont très variées. § 7. — Ainsi, chez les Holothuriens et les autres Èchino- Appareil dermes de la même famille, la cavité digestive a la forme d'un 'def^ tube à parois contractiles, qui s'étend d'une extrémité du corps à l'autre, et qui offre, par conséquent, sous le rapport de sa conformation générale, un caractère de supériorité, compa- rativement à ce qui existe chez la plupart des Animaux de cette classe; mais les organes sécréteurs qui en dépendent sont peu développés et les instruments préhenseurs des aliments sont très imparfaits, de sorte que ces Zoophytes sont condamnés à se nourrir presque exclusivement des Animalcules et des débris organiques qui peuvent se trouver mêlés au sable dont ils vivent entourés et dont ils introduisent des quantités considé- Holothiiries 312 APPAREIL DIGESTIF rables dans leur intestin. Il est cependant à remarquer que la bouche est située au fond d'une couronne de tentacules préhen- siles et entourée de pièces solides articulées entre elles de fa- çonna former un anneau auquel s'insèrent des fibres muscu- laires destinées à dilater cet orifice (1). (1) M. A. de Oii^trefages a étudié avec beaucoup d'attention le mode de préliension des aliments chez les Ho- lolhuriens du genre Synapte. La bou- che de ces animaux est entourée d'une couronne de tentacules pinnatifides qui sont susceptibles de se déployerau dehors par l'effet d'une sorte de tur- gescence, ou de se contracter par le jeu des fibres musculaires dont leurs pa- rois sont garnies. Ces appendices sont à la fois des organes de respiration et de Ibcomolion, car la Synapte s'en sert pour se frayer un chemin dans le sable et pour se traîner à la surface des corps résistants; mais ce sont aussi des in- struments de préhension, et leur face interne est garnie, à cet effet, d'une double série de petits tubercules qui paraissent jouer le rôle de ven touses(a) . L'animal, quand il reste en place, fait sans cesse mouvoir ces tentacules, qui tour à tour se déploient et se renver- sent au dehors, ou se contractent et se recourbent en dedans, de façon à en- trer dans la bouche, qui se dilate pour les recevoir, et se resserre ensuite pour lécher en quelque sorte chaque appen- dice à mesure que celui-ci ressort. Cet orifice est entouré d'un anneau solide, composé de deux pièces subcartilagi- neuses et articulées entre elles (6) qui donnent insertion aux grands muscles longitudinaux du corps, ainsi qu'aune partie des fibres charnues des tenta- cules, et à d'autres faisceaux de même -nature qui se répandent dans le bord labial. Celui-ci est garni aussi d'un sphincter assez fort, au delà duquel la cavité bucale s'élargit de façon à con- stituer une sorte de chambre pharyn- gienne dont le fond est entouré d'un second sphincter. Au delà de ce se- cond détroit, le canal digestif s'élargit brusquement, et constitue un tube cylindrique qui s'étend en ligne pres- que droite jusqu'à l'anus, situé, comme je l'ai déjà dit , à l'extré- mité postérieure du corps. Ses pa- rois sont très minces et transparentes comme du cristal , mais on y dis- tingue plusieurs tuniques, savoir : une couche épithéliale très délicate, deux couches de fibres musculaires , les unes transversales, les autres longi- tudinales; enfin, extérieurement, une gaine épiihélique qui, d'espace en es- pace, se continue sur des brides te- nant lieu de mésentère. La structure de ce canal paraît être la même par- tout , et l'on n'y distingue aucun or- gane qui puisse être considéré comme instrument spécial de sécrétion ; il représente tout à la fois l'estomac et (a) Quatrefages, Mém. sxir la Synapte de Duvernoy (Ann. des sciences nat., 2« série, If t. XVII, p. 63 et suiv.. pi. 4, fig-. \ ; pi. 5, fig. 3). ■ — .1. Miiller, Uebei- Synapla digilala, pi. 1, fig. 4 et G. (b) Quatrefages, Op. cit., pi. 4, fig. 5; pi. 5, fig. 7. — Millier, Op. cit., pi. 1, fii^. (1 et 10. CHEZ LES ZOOPHTTES. Dans un autre ordre de la classe des Échinodermes, celui des Échinides, l'armature buccale, qui est si imparfaite chez les Holothuries, se perfectionne d'une manière remarquable et pos- sède une grande puissance. C'est chez les Oursins que cet appa- reil arrive au plus haut degré de force et de comphcation; on le Appareil digestif des Ecliinides. rintestin. D'ordinaire, cet appareil est rempli de grains de sable qui sont peu à peu évacués par l'anus, et ce der- nier orifice est pourvu d'un muscle sphincter bien caractérisé (a). Chez les Chiridotes, qui sont très voisins des Synaptes, l'anneau pha- ryngien est garni de six gros tubercu- les dentiformes, et le canal alimentaire s'allonge beaucoup, de façon à for- mer deux anses dirigées en sens op- posés (6). Chez les Holothuries, le mode d'alimentation paraît être le même que chez les Synaptes, et l'on trouve ordi- nairement le tube digestif rempli de sable (c). Les tentacules labiaux sont dendroïdes, et la portion antérieure du corps qui les porte est quelquefois susceptible de rentrer sous l'enveloppe cutanée générale, ou de se prolonger au dehors en manière de trompe, dis- position qui se voit chez \esPsolus ou Holothuria phantapus (cl). L'anneau pharyngien se compose d'une série de pièces dures dans la constitution des- quelles il entre beaucoup de carbonate de chaux. On en compte généralement dix, dont cinq plus développées et se prolongeant intérieurement sous forme de dents (e) ; mais dans les espèces que j'ai eu l'occasion de disséquer, elles ne m'ont pas paru susceptibles de fonctionner à la manière d'un ap- pareil masticateur. Dans une espèce exotique qui paraît se rapporter au genre Mulleria de Jœger, Duvernoy n'a compté que huit de ces pièces, dont quatre verlicales etquatre latérales [f). Le tube alimentaire, qui fait suite à la cavité pharyngienne, présente par- tout à peu près le môme diamètre, si ce n'est à son extrémité postérieure, où il s'élargit beaucoup pour constituer le cloaque dans lequel vient s'ouvrir, comme nous l'avons déjà vu, l'appa- reil respiratoire aquifère {g). La lon- gueur de ce canal est très considéra- ble: dans quelques espèces, telles que VHolothuria mauritiana, elle paraît être de 10 fois celle du corps, et sui- vant Ouoy et Gaimard, elle serait même de 16 fois la longueur du corps chez VHolothuria guamensis (h) ; en général, cependant, la différence est bien moindre, et quand l'animal n'est pas contracté sur lui-même, elle n'est que dans le rapport de 1 à 3. L'espèce de (a) Quatrefages, Op. cit., pi. 2, fig. \. (6) Brandt und Grube, Echinodennen (Middendorff's Reise in den âusserslen Norden iind Osten Sibiriens, Bd. II, Zool., tii. I, pi. 4, fig. 1 et 7). (c) Redi, Observ. circa Animalia viventia, quœ in Animalibits viventibiis reperiuntur lOpus- CMJrt:t. 111, p. 134). (d) Voyez Wilne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 20, fig. i. (e) Tiederaann, Anatomie der Rohren-Hololhwie, pi. 2, fig. 4 et 5. (f) Duvernoy, Leçons d'anatomie comparée de Cuvier, t. V, p. 385. {(]} Voyez tome II, page 12. [h) Quoy et Gaimard, Voyage de V Astrolabe, Zoologie, t. IV, p. 114. Mk APPAREIL DIGESTIF désigne souvent sous le nom de lanterne d'Jnstote, parce que ce grand naturaliste a été le premier à le décrire, et que pour donner une idée de son aspect, on l'a souvent comparé à un ustensile de ce genre qui serait de forme pentagonale. 11 se compose de vingt-cinq pièces principales , rigides et très riches en carbo- nate calcaire, dont les plus importantes constituent par leur réunion cinq grosses mâchoires , qui ont la forme de pyra- boyau ainsi constitué se porte d'abord en arrière sur le côté droit du corps, puis revient sur lui-même en forme d'anse, et arrivé dans le voisinage de la bouclie, se recourbe de nouveau en arrière (a). Sa portion antérieure est libre, mais dans toute sa portion moyenne et postérieure il est fixé à la partie correspondante des parois de la cavité générale du corps par des replis membraneux ou mésentères. Cepen- dant ce mode d'attache n'est pas as- sez solide pour empêcher un phéno- mène très remarquable de se produire quand l'Animal se contracte avec force, savoir, la rupture du tube alimentaire près du pharynx, et son expulsion au dehors par l'anus avec les autres vis- cères et le liquide dont la cavité abdo- minale était remplie (6). Les Holothu- ries se vident ainsi avec une très grande facilité, et peuvent continuer à vivre pendant plusieurs jours après avoir subi cette mutilation spontanée, qui n'avait pas échappé à l'attention des naturalistes de la renaissance (c), et qui se produit presque toujours quand ces animaux se trouvent à sec ou dans un petit volume d'eau sta- gnante (d). La portion antérieure du tube ali- mentaire de ces Échinodermes est faiblement pourvue de vaisseaux san- guins, et me paraît devoir être consi- dérée comme un œsophage. Dans quelques espèces on aperçoit dans son intérieur des replis circulaires qui rem- plissent les fonctions de valvules {e), La seconde portion qui forme les deux branches de la première anse a au contraire des parois très vascu- laires (f), et me paraît devoir jouer le rôle d'un estomac. On y re- marque souvent un liquide jaunâtre, mais on ne sait rien au sujet des organes producteurs de ce suc , et c'est à tort que Blainville a cru pouvoir assimiler à un appareil hé- («) Tiedemann, Anatomie der Rohrm-Holothurie, pi. 2, fig. 6. — Délie Chiaje, Memorie sulla storia e notomia degli Aiiimali senza vertèbre del regno di Napoli, t. I, pi. 8, fig. 1. . — Rymer Jones, A General Outline of the Animal Kingdom, p. 175, fig. 74. — Carus et Otto, Tahulœ Anatomiam comparativam illustrantes, pars iv, pi. 1, Rg. 21. (6) C'est à tort que Mcckel décrit ce phénomène comme ayant lieu par la bouctie {Anat. comparée, trad. par Riester et Sanson, t. VII, p. 94). (c) Redi, Lettre à Cestoni (Collect. Académ., t. IV, p. 587). — Bohudsch, De quibusdam Animalibus marinis liber, 1761 , p. 81. {d) Délie Chiaje, Op. cit., pi. 7, fig. 1. (e) Duvernoy a trouvé cette disposition dans une Holothurie inédite provenant de Waig'ou [Leçons d'anatomie comparée de Cuvier, t. V, p. 384). (f) Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 18. CHEZ LES ZOOPHYTES. 315 mides renversées et qui sont unies entre elles par des cloisons musculaires. Ces mâchoires sont terminées inférieurement par une dent tranchante, et les muscles qui s'y insèrent sont dis- posés de façon à les. rapprocher ou à les écarter de l'axe du corps, et, par conséquent, à dilater ou à resserrer le cercle formé par leur assemblage (l). Le tube alimentaire commence immédiatement au-dessus de cette couronne de dents et occupe patiqiie les pinceaux vascnlaires si- tués dans le mésentère adjacent (a), car, ainsi que nous l'avons déjà vu, ces parties ne sont que des plexus vasculaires bipolaires appartenant au système circulatoire et n'ayant au- cune relation avec l'intéiieur de la cavité digestive (6). Enfin , le tiers postérieur du tube alimentaire est peu vasculaire et ne me semble être le siège d'aucun travail digestif, mais servir seulement à compléter l'absorp- tion des matières nutritives, et h con- duire les fèces jusqu'au cloaque dont son extrémité est séparée par un sphincter. Cuvier considérait les .çacs/biz()'?iiens ou ceecums tubuleux qui sont grou- pés autour du pharynx comme étant des organes salivaires (c) ; mais, ainsi que nous l'avons déjà vu, ces appen- dices ne débouchent pas au dehors, et font partie de l'appareil vascu- laire [d). Quelques anatomistes pensent que les appendices glanduliformesqui sont fixés aux parois de l'intestin un peu au- devant de l'ovaire (e), et qui ont été pris pour des testicules par M. Tie- demann , ainsi que par Guvier et !\1. Délia Chiaje(/'), constituent un ap- pareil salivaire ((/); jusqu'ici on ne lui a pas trouvé de canal excréteur et Ton en ignore les usages. Jaeger a désigné sous le nom d'an- neau hépatique un amas de granules situé près de la bouche, vers le point d'attache des tubes foligniens [h) ; mais on ne sait pas même si ce sont des fol- licules sécréteurs, et dans tous les cas je ne verrais aucun motif pour les considérer comme étant chargés de produire de la bile. (1) Le squelette téguroentaire des Oursins se termine inférieurement par un cercle de pièces solides qui consti- tue, en quelque sorte, le cadre de Vespace péristomien et donne attache à la membrane labiale {i). L'orifice buccal en occupe le centre, et laisse (a) Blainville, Manuel d'actinologie, p. 72. (b) Voyez tome III, page 293. Ces mèches sont représentées dans la figure citée ci-dessus, sous les lettres vr {Règne animal, Zoophytes, pi. -18). (c) Cuvier, Règne animal, 1. 111, p. 238. (cl) Voyez tome 111, page 294. (e) Voyez llilne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, pi. 18, ap. (f) Délie Cliiaje, Memorie siilla storia e notomia degli Animali senza vertèbre del Regno di NavoU, 1. 1, pi. 8, fig. l 0. (g) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 94. [h) Jseger, De Holothuriis (dissert. inaug.K Turini, 1833, p. 42, pi. 3, llg. 2 g. (i) Voyez ïiedemann , Anatomie dcr Ruhren- Holothurie des pomeranz-farbigen Seesterns und Stein-Seeigeh, pi. 10, fig. 5. 310 APPAREIL DIGESTIF le centre de la lanterne, où il constitue ce que l'on nomme le pharynx, et présente à l'intérieur cinq bandes longitudinales séparées par des lignes ligamenteuses et garnies de plis obliques disposés en forme de chevrons. Cet appareil masticatoire est très puissant, mais paraît être passer plus ou moins le sommet de la lanterne, ou appareil masticateur, qui est suspendu au-dessus et qui a été dé- crit par plusieurs anatomistes (a), mais étudié avec le plus d'attention par MM. Sharpey, Valentin, Rymer Jones et Mayer (6). La charpente solide de cet appareil consiste essentiellement en deux séries de pièces disposées circu- lairement autour de Taxe du corps; savoir , cinq mâchoires et autant de supports ou rayons pharyngiens. Les màcîioires constituent par leur réunion un cône renversé , et ont chacune à peu près la forme d'une pyramide té- traèdre dont le sommet serait dirigé en bas, la base évidée, l'une de ses arêtes tournée vers l'axe du sysième et la face opposée légèrement bombée. Leur structure est très complexe et l'on y remarque d'abord deuxpartiesprin- cipales: l'une extérieure ou engainante, que j'appellerai Vexognathe, l'autre intérieure ou dentaire , qu'on peut désigner sous le nom d'endognathe. L'exognathe, ou pyramide, se compose d'une paire de pièces calcaires princi- pales, ou exognathit es, qui constituent chacune l'une de ses faces latéro-in- ternes et la moitié de son pan externe. La première de ces faces est formée par une lame verticale qui est garnie extérieurement d'une série de lignes transversales saillantes; son bord in- terne est libre et correspond à celui de l'autre exognathile, de façon que l'arête interne de la mâchoire est re- présentée par un espace vide limité de chaque côté par une lame denticu- lée. Le bord externe de ce même pan est réuni, sous un angle un peu aigu, avec la lame qui constitue la moitié de la face externe de la pyramide. Dans sa moitié inférieure , cette dernière lame se réunit à sa congénère par une suture verticale, et à son extrémité supérieure elle se prolonge aussi en forme d'arc- boulant, de façon à rejoindre la partie correspondante de l'autre exognathite ; mais dans l'intervalle elle est profon- dément échancrée, et par conséquent il existe au milieu de la face externe de chaque mâchoire, vers le haut, un grand espace vide ou fenêtre. La pyramide résultante de l'union des deux exo- gnathilesest ouverte» sa base et creuse dans toute sa hauteur. Sa cavité con- stitue une loge ou alvéole, où se trouve (a) Monro, The Structure and Physiology of Fishes, 1785, p. 67, pi. 43, fig. i, et pi. ii, Rg. 13, dG, 17. — Tiedemanii, Anatomie der Rohren-HolothiLrie, p. 72 ctsuiv., pi. 16, fig. 2. (6) Sharpey, Echinodermata (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol., t. II, p. 38, fig. 17 et 18). — Valentin, Anatomie du genre Echinus, p. 63 et suiv. (Agassiz, Monographies d'Echino- derraes). — Rymer Jones, A General Outline of the Animal Klngdom, 4 841 , p. IGC, fis;. 70 et 71 . — Mever, Ueber die Lanterne des Aristoteles (Miiller's Archiv fiïr Anat. und Physiol., 1849, p. 191). CHEZ LES ZOOPHYTES. 317 destiné à diviser les substances végétales plutôt qu'à agir sur une proie animale. Cependant les Oursins entassent dans leur estomac beaucoup de fragments de coquilles, et il est probable que ces Zoopbytes sont en réalité omnivores. Dans le groupe des Clypéastrides, la boucbe est armée aussi renfermée la pièce dentaire, ou endo- gnathe. Celle-ci est une lame étroite, arquée et carénée en dedans, qui est appliquée contre lasympliyse ou ligne articulaire externe des exognathiles, et y glisse dans une rainure verticale. Son extrémité inférieure est amincie en forme de dent incisive de Rongeur, et fait saillie au sommet de la pyramide dont elle dépend. Enfin, supérieure- ment, elle se pi-olonge au delà dubord de la cavité alvéolaire, se recourbe sm' elle-même, perd sa dureté, et con- stitue ce que MM. Valentin et Agassiz ont appelé la plume dentaire. Les cinq mâchoires , ainsi consti- tuées, sont appliquées les unes contre les autres par leurs surfaces ialéro- intenies, et, à l'extrémité supérieure de leurs arêtes externes, elles se sou- dent intimement avec de petites piè- ces complémentaires (ou épiphyses), par Tintermédiaire desquelles elles s'articulent avec le système des pièces basilaires ou supports pharyn- giens. Ce dernier système se compose de deux séries de poutrelles calcaires , disposées en manière de rayons au- dessus de la base de l'appareil maxil- laire. On y remarque d'abord cinq pièces qui alternent avec les mâ- choires, et qui correspondent à la ligne de jonction du bord supérieur de ces organes ; on les a désignées sous le nom de faux , et il est à noter que l'extrémité externe de chacune d'elles s'articule avec l'angle supérieur et externe de deux mâchoires adjacentes ; enfin, elles sont recouvertes par cinq autres pièces basilaires qui ont la forme de la lettre Y, et qui ont été ap- pelées les compas. Celles-ci sont com- posées à leur tour de doux portions distinctes (a) ; leurs branches sont dirigées vers la périphérie do l'appa- reil et recourbées un peu vers le bas; enfin elles donnent attache à des liga- ments qui descendent obliquement vers les bords du cadre périslomien, et s'y fixent. En résumé, on peut donc, ainsi que le fait voir M. Mayer, compter /i5 pièces constitutives de l'appareil maxillaire, savoir : 5 dents , 10 endognathes ; 10 épiphyses, 5 faux, 5 pièces basi- laires des compas et 5 pièces termi- nales des mêmes organes. Mais l'u- nion entre les pièces exognalhaires et épiphysairesest si intime, qu'on peut, en général, négliger cette distinction, ainsi que celle dos deux moitiés de chaque compas, de façon que le nom- bre des organes distincts se réduit à 25; savoir: 5 dents, 10 exognathes, 5 faux et 5 compas. Les muscles qui mettent en jeu cet appareil masticateur sont très nom- (a) Mcyer, Oi). cil. (Mullui-'s Arcliiu fiir Aaat. uiul l'hysiul., IsiU, p. l'J-i, (il, 2, li^-. 4). 318 APPAREIL DIGESTIF d'un appareil masticatoire très compliqué, quoique beaucoup moins parfait que celui des Oursins proprement dits. Mais dans d'autres genres de la même grande famille, tels que les Spa- tangues, il n'en est plus de même, et l'orifice oral est complète- ment agnathe (1). La portion du tube digestif qui surmonte l'appareil mastica- toire des Oursins est étroite , et constitue un œsophage qui remonte presque verticalement jusque dans le voisinage de breiix. On distingue pour cliaque mâ- choire : l°Une puiredemuscles abducteurs, qui s'attaciieut, d'une part a l'extré- mité inférieure de l'exognallie , et d'autre part à une portion du cadre périslomien disposée en forme d'ar- cade ou d'auriculc, au-dessous des lignes ambulacraires (a). 2" Une paire de muscles adducteurs, qui sont antagonistes des précédents, et naissent de la portion interauricu- laire (.lu cadre péristomien, pour re- monter vers la base de la pyramide maxillaire correspondante, et s'y fixer à l'arc transversal formé au-dessus de la fenêtre de l'exognathe par les deux arcs-boutants décrits ci-dessus. 3° Un muscle intermaxillaire, qui se tixe aux stries de la face latérale des pyramides, et s'étend de l'un de ces organes à l'autre, de façon à rappro- cher ceux-ci. Les pièces basilaires sont pourvues aussi d'une série circulaire de cinq muscles transverses, qui s'étendent entre les compas. Enfin, il y a aussi quelques faisceaux musculaires qui se détachent des muscles des mâchoires pour aller se fixer sur la membrane qui enveloppe la plume dentaire. Il est également à noter qu'une membrane très fine, et pourvue de cils vibratiles , revêt non-seulement les pièces dentaires, mais toutes les autres parties de cet appareil masti- cateur. (1) L'urclrc des Échinidcs se com- pose de quatre familles , dans deux desquelles, les Spatangides cl les Cas- sidulidcs, l'appareil masticateur man- que complètement. Dans les deux au- tres, celles des Cidarides et des Cly- péastridcs, il est au contraire toujours bien constitué, et se compose de cinq mâchoires dentifères, disposées à peu près comme chez l'Oursin commun, qui appartient au premier de ces groupes. Chez les Clypéastrides , les pièces basilaires ne manquent pas, comme l'avait supposé M. Agassiz, mais sont réduites à un état plus ou moins rudi - mentaire, tandis que les mâclioires sont très massives. Ainsi, chez les Clypéastres, où cet appareil a été dé- crit d'abord par Klein, f'arra, etc. (6), puis étudié plus complètement par (a) Valenlin, Op. cit., pi. 3, lig-. " j. (b) Klein, Oursins demer, pi. 20, lig. i. — Echmodevma, c'dit. de Leske, pi. 38. _ — A. l^ai-ni, Descvipcion de di/l'erenles piezos de Historla nalund. Havaiina, 478". CHEZ LES ZOUPHYTES. 319 l'anus, puis se recourbe brusquement et débouche dans l'esto- mac. Ce dernier organe a la forme d'un gros boyau qui se porte horizontalement à droite, et décrit, en se contournant, un cercle onduleux presque complet, puis se recourbe sur lui-même, et marche en sens inverse pour suivre la même route et aller entin se relever près de l'axe du corps pour gagner l'anus (1) . Ses parois sont très minces et sa tunique interne est garnie partout de cils vibratiles. Dans la portion oesophagienne on M. Ch. Desmoulins et par J. Millier, ces organes sont très larges et dépri- més; ils constituent par leur assem- blage une étoile pentagonale, et sont surmontés par cincj petits supports, ou pièces pharyngiennes, qui correspon- dent aux faux des Échinides ; celles-ci ont été désignées sous le nom de rotules (a), et se trouvent logées entre deux pièces épipliysaires bien distinc- tes (6). Chez les Scntelles, qui appar- tiennent à la même famille, ces pièces basilaires ont une forme un peu dif- férente (c), et l'on remarque quelques variations dans la disposition des exo- gnatiies et des dents : ainsi, chez les Laganes , ces derniers organes sont presque verticaux (i). Chez les Spatangues et les autres Échiniens sans mâchoires, la bouche est généralement excentrique. (1) Une multitude de brides mem- braneuses tiennent lieu de mésentère , et fixent le bord externe du tube di- gestif contre les parois de la cavité viscérale. D'autres brides analogues unissent entre elles les deux portions de l'anse intestinale qui s'enroule delà sorte autour de l'œsophage. La pre- mière portion de l'estomac se pro- longe plus ou moins en forme de cul- de-sac, à côté du point où l'œsophage vient s'y ouvrir, et en général il n'y a aucune distinction à établir entre les parties suivantes de ce tube (e). Mais dans une espèce, dont l'anato- mie a été faite par M. Délie Chiaje, VEchinus ventricosus, il y a une po- che stomacale large et de médiocre longueur, qui est suivie d'un tube cylindrique et beaucoup plus étroit, lequel peut être considéré comme un intestin proprement dit {f). 11 est aussi à noter que la tunique externe du canal intestinal, qui se con- tinue avec le mésentère e t avec la mem- (a) Cil. Desmoulins, Etudes sur les Échinides, p. 66, pi. 2, ûg. 7 à 15. (6) MùUer, Ueber den Bau der Echinodermen, p. 74, pi. 7, fig. 13, 14, etc. (exlr. des Mémoires de l'Académie de Berlin pour 1853). (c) Agassiz, Monographie des Scutelles, p. 15, pi. 16, fig. 4-7; pi. 17, fig. 7-9, etc. {d} Agassiz, Op. cit., p. 106, pi. 22, fig. 26, etc. (e) Tiedemann, Op. cit., pi. 10, fig. 1. — Délie Chinje, Descri%. enotomia degll .Anim. senza vertèbre, pi. 121, fig. 1. — Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 11, fig. 2. — Valenlin, Op. cit., pi. 7, fig. 127, 128, 130. (f) Délie Clii.ije, Déserta, e notomla degti Anim. senza vertèbre del régna dl Napoli, pi. 122, lig. 4. 320 APPAREIL DIGESTIF y reconnaît aussi une foule de petits follicules qui sont des organes sécréteurs; mais dans la portion gastrique ou intesti- nale de ce tube, la structure aréolaire est beaucoup moins marquée, et l'on ne voit y déboucher aucun organe sécréteur spécial (1). Chez les Spatangues, où la bouche est située près du bord de la face inférieure du corps, et l'anus vers la partie opposée de la même région, la direction suivie par le tube alimen- taire est un peu différente, mais toujours il s'enroule horjyon- talement (2). brane périlonéale dont la cavité com- mune est tapissée, est garnie comme celui-ci de cils vibratiles, dontles mou- vements déterminent des cornants dans le liquide nourricier cavitaire (a). (1) Chez le Spatangus piirpureus, le tube alimentaire est presque cy- lindrique et forme une grande anse qui s'enroule à peu près comme chez les Oursins, si ce n'est que la portion antérieure se trouve en dessous de la postérieure, et que celle-ci forme en arrière une seconde anse pour gagner l'anus (6). Mais, chez le Spatmigus ventricosus, M. Délie Chiaje a trouvé une disposition plus simple, car l'en- roulcment se fait toujours dans le même sens. Il est aussi à noter que, dans cette dernière espèce, il existe, appendu à la partie antérieure de cette sorte de boyau, un gros prolon- gement cœcal, ou estomac latéral (c). ("2) On remarque chez les Échinides des différences très grandes dans la po- sition de l'anus. Dans toute la grande famille des Cidariles, la bouche est centrale, et l'anus est diamétralement opposé à cet orifice, de sorte qu'il se trouve au sommet du disque. Dans la famille des Ciypéastrides, ainsi que dans celles des Cassidulides et Spatan- gides, la bouche est le plus souvent reportée un peu plus en avant, et l'a- nus est toujours plus ou moins rap- proché du bord opposé du test ; tantôt il est situé à la face dorsale du corps, à mi-distance du sommet et du bord: chez les Nucléolites, par exemple (d) ; d'autres fois, il est encore dorsal, mais tout à fait marginal, ainsi que cela se voit chez beaucoup de Dysasters (e). Dans d'autres genres, il descend sous le bord postérieur du test : par exem- ple, chez les Galérites (f), les Anan- (a) Sharpey, Cilia (ToiA's Cijclop. ofAnat. andPhysioL, f. I, p. 017). (6) Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoopiiytes, pi. H bis, dg. i. (c) Délie Chiaje, Op.cif.,pl. 123, fig. 12. — Carus et OUo, Tabiilœ Anatomiam comparalivam illustrantes, pars iv, pi. i, fig. 15. (d) Exemple : Nucleolitcs recens (Miliic Edwards, Hègne animal de Cuvier, Zooi'HYTES, pi. 14, fig. 3). (e) Voyez Agassiz, Monographie des Dijsasiers, pi. 1, fig. ', 15, cle. (/■) Voyez Milne Edwards, Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 14, fig. ia. — Agassiz, Monographie des Galérites, pi. 1, fig. 3, C, 14, clc. CHEZ LES zoorinTLS, ?>^li Dans l'ordre des Stellérides, l'appareil digestif est beaucoup Apparc.i , digeslif moins bien constitué, comme instrument mécanique, mais se . Je» Eloiles de mer. perfectionne davantage comme producteur des agents chimiques dont dépend la dissolution des aliments, et comme organe ab- sorbant. L'estomac a la forme d'une grande poche arrondie qui souvent ne communique au dehors que par la bouche, et cet orifice est dépourvu d'organes spéciaux de mastication. Il est vrai que ces Animaux peuvent saisir leur proie avec force, et même parfois l'écraser contre les tubercules ou les épines dont le pourtour de leur bouche est armé (1), car les branches radiaires qui sont formées par les prolongements périphériques de leur corps, et qui sont garnies de tentacules préhensiles, peuvent se recom^ber en dessous et saisir les matières étrangères pour les appliquer contre cet orifice ; mais celui-ci ne joue qu'un rôle passif dans la déglutition et se dilate seulement pour laisser passer les aliments (2). La portion voisine de l'estomac est susceptible clîites (a), etc. Enfin, chez les Échi- qui est armé d'une manière plus ou nonces, il se tiouve à environ égale moins puissante, de façon à constituer dislance de la bouche et du bord pos- un organe broyeur, auquel quelques lérieur du test (6). anatomistes ont donné le nom de (l) Chez les Astériens, l'armalure main (c). Chez les Astéries, on y re- buccale est constituée par une portion marque un tubercule ovalairc garni du système des pièces solides qui se d'épines (d), et chez les Ophiures un développent dans la peau et consti- tubercule denliforme (e). tuent le squelette légumentaire de ces ("2) Quelquefois les Astéries se réu- Echinodermes. Chaque portion inter- nissent plusieurs autour d'un Mol- ambulacraire de ce système se termine lusque bivalve pour s'en repaître (f), près de la bouche par un angle sail- et les pêcheurs assurent qu'elles dé- lant qui s'avance vers cet orifice, et iruisent beaucoup d'Huîtres. (a) Exemple : Ananchijtes ovatus (voyez Goldfuss, Petrefaeta Germaniœ, 1. 1, l'I. ii, l\g. l , elc). (b) Exemple : Echinoneus semiluraris (voy. Milne Edwards, Zoophytes du Règne animal, pi. 14, fig. la). — E. cruentatus (Agassiz, Op. cit., pi. 6, fig. 3, etc.). '(c) Duvernoy, Leçons d'anatomie comparée do Guvier, t. V, p. 376. jd) ?avigny, Échinodermes de l'Egypte, pi. 3, fig. i'^ ; pi. 4, fig;. V, 2^, elc. {Expédition de l'Egypte, Hisi. nat., t. II). — Dclle Chiaje, Animali senza vertèbre del regno di Napoli, pi. 129, fig. 9. (e) J. Millier and Troschel, System der Asteriden, pi. 7, fig. 1-4; pi. 10, fig. 3. if) Eudes Deslongchamps, Note sur l'Astéi'ie commune (Ann. des sciences nat., 1826, t. IX p. 219). V. 21 322 APPAREIL DIGESTIF de se renverser au dehors et de s'appliquer sur les substances alimentaires qui sont trop volumineuses pour passer par la bouche ; il paraît même que par ce moyen celles-ci sont sou- vent en partie digérées avant d'avoir été portées dans l'inté- rieur du corps ; mais les résultats obtenus de la sorte ne peuvent être que très imparfaits. L'estomac, séparé de la bouche par un anneau contractile seulement cliez les Ophiures et par un court tube œsophagien chez les Astériens, remplit presque toute la porhon centrale ou discoïde de la cavité viscérale. Ainsi que je l'ai déjà dit, il consiste principalement en un grand sac membraneux qui occupe l'axe du corps (1) ; mais latéralement il se prolonge de façon à constituer des loges ou des tubes aveugles plus ou moins compliqués, dont la disposition semble être empruntée à l'appareil gastro-vasculaire des Médusaires. Ainsi, chez l'Étoile de mer, qui abonde sur nos côtes et qui porte le nom d'Astracanthion glacialis (2), l'estomac est globu- leux, mais incomplètement divisé en deux portions par un re- pli de sa membrane interne, et la première chambre, ainsi délimitée, paraît être plus spécialement chargée de transformer les matières alimentaires en une pâte liquide qui passe peu à peu dans la chambre supérieure. Celle-ci se continue supé- rieurement avec un petit intestin, et communique latéralement avec cinq prolongements cylindriques qui ne tardent pas à se diviser chacun en deux tubes très allongés et garnis d'une double série d'appendices creux ramifiés et terminés en cul-de-sac (3) . (1) La Uinique interne de l'estomac (3) Pour plus de détails sur l'ana- est garnie de cils vibra tiles. lomie de cette espèce, je renverrai à (2) Ou Asterias glacialis. 0. F. Miil- un mémoire de Konrad (a). 1er (voy. Zool. Danica, pi. ki). L'appareil digestif d'une autre es- (a) Konrad, De Asteriarum fahrica (à\sserl. inaug.)- tfallae, fig-. l. — Sharpey, art. Echinodermata (Todd's Cyclopcedia of Anal, and Physiol. , t. II, p. 37, %• 16), CHEZ LES ZUUPUYTCS. 32o Ces organes s'avancent dans l'intérieur des rayons ou bras dont le corps de l'Astérie est pourvu, et y sont fixés par des replis de la membrane péritonéale qui se détachent de la tunique séreuse de la grande cavité viscérale (1). Ils baignent dans le liquide nourricier dont cette cavité est remplie, et ils sont très dilatables, de façon que la matière pulpeuse élaborée dans la portioli centrale de l'appareil digestif y pénètre facilement Il en résulte que les produits de la digestion trouvent dans ces appendices une surface absorbante d'une très grande étendue, et doivent passer rapidement de là dans le fluide nourricier cir- convoisin. Ces appendices de l'estomac paraissent être aussi des organes sécréteurs, car leurs parois renferment un tissu granuleux qui a l'aspect d'un amas de follicules, e! l'on trouve dans leur intérieur un liquide jaunâtre, mais on n'est encore que peu renseigné sur cette partie de leurs fonctions. Chez les autres Astériens à larges rayons, la disposition de ce système de csecums gasiriques est à peu près la même (2) ; mais chez les Ophiures, dont les bras sont très grêles, ces ap- pèce du même genre, VAstracan- bratiles qui mettent en mouvement le thion rubens, a été figuré par J. Miil- liquide cavitaire (6). 1er et Troscliel (a). (2) Souvent les deux appendices cae- (l)Ces replis mésentériques, au nom- eaux du môme bras, au lieu de naître bre de deux pour cliaquecœcum péri- d'un tronc unique, comme cela se voit gastrique, naissent de la paroi dorsale chez VAstracanthion rubens, sont dis- des rayons et circonscrivent un espace tinclsdèsleur origine, defaçon quel'es- longitudinal qui, dans le voisinage tomac donne directement naissance à de l'estomac, communique avec la dix de ces organes. Celle disposition se portion centrale et la cavité com- voildiezV Astropectenaurantiacus{c), mune. Le péritoine s'étend aussi sur VArckaster typicus {d),]lii Chez les Stentoriens, l'anus est encore fort rapproché de la bouche, mais se trouve au dehors de la spire ciliée qui entoure cette dernière ouverture (1). Chez d'autres Bursariens, tels que les Leucophrys, il est situé sous le bord postérieur du corps ; enfin il est placé sur la face ventrale du corps chez les Oxy- trichions. § 3. — Le grand embranchement des Malacozoaires se com- pose, comme on le sait, de deux groupes principaux : les Mollusques et les Molluscoïdes. Parmi ces derniers, les Ani- maux polypiformes qui constituent la classe ces Bryozoaires (2) occupent le rang le plus inférieur, et quelques-uns de ces petits êtres ont beaucoup de ressemblance avec les Vorticelliens, non-seulement par leur forme générale, mais aussi par la dis- position de leur appareil digestif. Enfin, chez les Bryozoaires, de même que chez les Vorticelliens, le corps est en forme d'urne , de cornet ou d'ampoule ; la bouche en occupe la partie antérieure, et les particules alimentaires en suspension dans l'eau d'alentour sont dirigées vers cette ouverture par l'action flagellante de cils vibraliles qui sont en même temps des organes de respiration. Mais ici ces cils, au lieu d'être insérés directement sur une sorte de plateau ou de lobe épistomien, sont portés par un certain nombre d'appendices tentaculaires grêles et allongés, qui sont disposés en manière de couronne autour de la bouche, et qui, en s'écartant vers Appareil digestif des Bryozoaires, (1) M. Lachmaniî pense que chez ces Infusoires l'anus est séparé de la grande cavité slomacale par un com- partiment particulier où les fèces s'amassent, et que l'on devrait con- sidérer comme une sorte de gros in- testin OH rectum. L'orifice anal est situé du côté dorsal du corps, immé- diatement au-dessous de la frange ciliée spirale qui aboutit à la bouche du côté ventral (a). (2) J'ai déjà eu l'occasion d'expli- quer pourquoi je conserve ce nom, de préférence à celui de Polyzoaires que beaucoup d'auteurs ont adopté {b]. (a) Claparède et Laclimann, Eludes sur les Infusoires, p. 223. (b) Voyez lome III, pag-e 77. 342 APPAREIL DIGESTIF le bout , constituent une sorte d'entonnoir vestibulaire. Ces appendices sont rétractites, et une bordure membraneuse ana- logue au péristome des Vorticelliens entoure leur base; sou- vent même une portion de cette bordure se développe beau- coup, et constitue un opercule comparable à un volet qui se rabat sur la partie voisine de la gaine tégumentaire de l'Ani- mal, quand celle-ci se contracte (1). Chez les Bryozoaires ma- (1) Cette disposition se voit cliez tous les Bryozoaires de la famille des Eschariens, comprenant les Eschares, les Flustres, les Salicornaires, etc. L'opercule de ces animaux est un lobe péristomien en forme de disque cir- culaire plus ou moins tronqué, qui tient au côté ventral du bord antérieur de la loge tégumentaire ou polypier, et qui est susceptible de se relever ou de se rabattre sur l'ouverture circon- scrite par ce même bord. Une paire de muscles abaisseurs qui s'insèrent à sa face inférieure, et qui vont prendre leur point d'appui sur les parois de la grande cavité viscérale, détermine la clôture de cet appareil (a). C'est en rai- son de cette disposition que M. Busk a donné à cette famille le nom deCheilo- stomata (6). D'après Cavolini, la dis- position de l'opercule serait différente chez le Myriapora truncata (c) , et cette considération m'avait porté à sé- parer ces Bryozoaires des Eschariens pour en former une famille dis- tincte {cl) ; mais j'ai reconnu depuis qu'il n'existe à cet égard aucune dif- férence notable entre ces animaux (e). En général, l'opercule est calcaire , mais chez quelques espèces il est sim- plement membraneux et ressemble à une lèvre semi-circulaire : par exem- ple, chez le Tendra zostericola (/"). Chez les Bryozoaires de la famille des Tubuliporiens, le péristome est cir- culaire et simple, c'est-à-dire ne porte pas d'opercule , et l'espace membra- neux compris entre ce rebord et la base des tentacules est très développé, de façon que la couronne labiale s'a- vance beaucoup hors de la cellule té- gumeniaire (g). Dans la famille des Vésiculariens, le péristome est égale- ment membraneux, etprend une forme bilabiée dans l'état de contraction, mais devient circulaire dans l'état d'expansion et est souvent armé de soies rigides {h). (a) Milne Edwards, Recherches sur les Eschares, pi. 1, fig. le et li (Recherches anatomiques, physiologiques et écologiques sur les Polypes, et Atm, des sciences nat., 2* série, 1836, t. VI, pi. 1). (6) Busk, Voyage of the Ratllesnake, t. I, appendix, p. 346. (c) Cavolini, Mfmorie per servire alla storia de' Polipi marini, pi. 9, fig. 7. (d) Milne Edwards, Classification des Polypes {l'Institut, 1837, t. V, p. 178). (e) Milne Edwards, Zoophytes de V Atlas du Règne animal de Cuvier, pi. 89, fig'. 2 6. (/■) Nordmann, Faiina pontica, Polypi, pi. "2, fig. 3 [Voyage en Crimée, par Demidoff). (g) Milne Edwards, Mém. sur les Tubulipores {Ann. des sciences nat., %° série, 1837, t. VIII, pi. 12, fig. Ib) — Mém. sur les Crisies, etc. {Ann. des sciences nat., 2° série, 1 838, t. IX, pi. 6, fig. le). [h] Farre, Observ. on the Minute Structure of some of the Higher Forms of Polypi, pi. 21 , Hg. 12, l-i, elc. (Philos. Trans., 1837). DES MOLLUSCOÏDES BRYOZOAIRES. S43 rins, ou Stelmatopodes , la partie de la région circiimbuccale qui porte les tentacules, et qui a été désignée sous le nom de lophophore (i), est indivise, et tous ces appendices en naissent au même niveau, de façon à former une couronne ou cloche régulière. Chez les Bryozoaires d'eau douce, ou Lophopodiens^ elle est au contraire presque toujours divisée en deux lobes, sur les bords desquels les tentacules s'insèrent de manière à repré- senter par leur assemblage un double panache (2). (1) M. Allraan, à qui on doit une très bonne monographie des Bryo- zoaires d'eau douce, a désigné de la sorte le support tentacnlaire (o), et ce nom serait très bien choisi, s'il n'ap- partenait déjà à un genre d'Oiseaux de la famille des Gallinacés. (2) C'est en raison de cette disposi- tion que Tremblay et les autres natu- ralistes du siècle dernier appelaient ces animaux des Polypes à pana- ches (6). En général, le lophophore des Bryozoaires d'eau douce est très développé et s'avance en forme de fer à cheval au devant de la bouche [c]. Les Animaux polypiformes qui of- frent ce caractère composent la divi- sion des Polypiaires douteux de Blain- \"ille(fZ;, les Hypocrépieus de M. Ger- vais (e) , et des Lophopodiens de M. Van der IJœven (/"). Le lophophore n'est jamais bilofaé chez les Bryozoaires marins, et ce caractère manque aussi dans le genre Paludicella, parmi les espèces d'eau douce (g); il est aussi à peine marqué dans le genre Fre- dericella, de sorte que les tentacules forment une couronne circulaire assez régulière {h). Chez les Pédicellines, il en est de même ; mais le lophophore, sans être bilobé, offre d'un côté une écliancrurc étroite et profonde au fond de laquelle se trouve l'anus (^). Chez tous les autres Bryozoaires , le lopho- phore est régulièrement annulaire, et tous les tentacules se terminent à la même distance de la bouche, de façon à circonscrire un cercle. Cette disposi- tion caractérise l'ordre des Infundi- bulés de >L Gervais ou des Stelmato- podes de M. Van der Hœven ( j . Il est aussi à noter qu'en général le bord externe du lophophore se pro- longe plus ou moins en forme de gaîne autour de la base de l'appareil tenta- culaire. (a) AUman, A Monograph of the Freshwater Poly%oa, p. 8. (6) Tremblay, Mémoires pour servir à l'histoire d'un genre de Polypes d'eau douce, t. II, p. 126 et suiv. (c) Voyez l'Atlas du, Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 04, fig-. 3, ou toute autre figure de Cristatelle, d'Alcyonelle, etc. {d) Blainville, Manuel d'actinologie, -1834, p. 489. (e) Gervais, Recherches sur les Polypes d'eau douce {Ann. des sciences nat,, 2° série, 1837, t. VII, p. 77). if) Van der Hœven, Handboek der Dierkunde, 1849, t. I, p. H 5. {g) Voyez Allman, Op. cit., pi. 10, fig. 4 et 5. (h) Idem, ibid., pi. 9, fig. 2 et 7. (i) Idem, ibid., p. 20. fig. 3 et 4. (j) Van der Hœven, Handboek der Dierkunde, t. I, p. 115. ?■•!()• le Tendra zoslericola. — Cellularia ovicularia. — Recherches sur le Pluniatella {Voyage dans la Russie méridionale etla Crimée, par DemidolT, t. III, p. G51 et suiv., Polypes, pi. 1-3). ( j) Van Beneden, Recherches sur l'organisation des Laguncnla {Mém. de l'Acad. de Bruxelles, 1845, t. XVIII'. — Reclierches sur l'anatomie, la physiologie et le d'veloppement des Bryozoaires qui habitent la cale d'Ostende {toc. cil.). 346 APPAREIL DIGESTIF et l'enveloppe générale du corps, c'est-à-dire une chambre viscé- rale, se développe beaucoup et devient facile à distinguer. Un œsophage fort simple, mais très dilatable et cilié à l'intérieur, descend obliquement de la bouche vers l'estomac, qui est 1res grand et occupe presque tout le corps. Des cils vibratiles dispo- sés dans l'intérieur de cette cavité y font tournoyer les matières alimentaires, et les poussent de l'œsophage vers l'orifice opposé, ou pylore, qui est garni d'un sphincter, et se dilate de temps en temps pour laisser passer ces substances rassemblées en sphérules ou bols, dont l'aspect rappelle ce que nous avons vu chez les Infu- soires; ces petites masses pilulaires pénètrent ensuite dans l'in- testin et y séjournent quelque temps, puis sont brusquement rejetées au dehors par l'anus. La portion du conduit digestif située entre l'estomac et cet orifice, et faisant ainsi fonction de réservoir fécal, est très courte et couchée obliquement sur l'es- tomac. Enfin l'anus est placé tout à côté de la bouche, et semble au premier abord être logé avec celle-ci dans la fossette vesti- bulaire qui est circonscrite par les tentacules, et occuper par conséquent l'intérieur du lophophore; mais il est en réalité logé dans une échancrure étroite pratiquée dans celle-ci, et par conséquent ne se trouve pas complètement entouré par le cercle tentaculaire (1). soin par MM. Raspail (a), Dumor- eu l'occasion de constater ce mode tier (6) , Van Beneden (c) , Han- d'organisation cliez une Pédicelline cock (d) et Allraan (/j). des îles Cliausey qui me paraît dis- (1) En 1828, Audouin et moi avons lincte de celles décrites par les autres (a) Raspail, Histoire naturelle de l'Alcyonelle fluviatile (Mémoire de la Société d'histoire natu- relle de Paris, 1828, t. IV, p. 75). (6) Dumortier, Mém. sur l'anatomie et la physiologie des Polypes d'eau douce {Bulletin de l'Acad. de Bruxelles, 1885). — Dumortier et Van Beneden, Histoire naturelle des Polypes composés d'eau douce {Mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. XV). — Van Beneden, Recherches sîcr les Bryozoaires fluviatiles de la Belgique {Mém. de l'Acad. de Bruxelles, 1848, t. XXV). (c) Hancock, On the Anatomy of Freshwater Byyo%oa {Ann. of Nat. Hist., i' série, 1850, t. V, p. 175, pi. 2-5). {d} Allman, A Monograph oft.he Freshwater Polyaoa {Roy. Society, 185G). DES MOLLUSCOÏDES BRYOZOAIRES. S/l? Chez les autres Bryozoaires, l'anus s'éloigne davantage de la bouche, et se trouve sur le côté, à quelque distance au-dessous de la base de la couronne tenfaculaire. Le pharynx ou œsophage acquiert des parois plus épaisses, et s'entoure de muscles rétracteurs très puissants ; il se trouve plus nettement séparé de l'estomac par un sphincter, et chez quelques-uns de ces Animaux il présente à sa partie inférieure un renflement charnu qui constitue une sorte de gésier ou organe de trituration (j). r^'estomac est très grand et se prolonge inférieurement en naturalistes, mais qui ne fut désignée par nous que sous le nom vague de Vorticelle (a). J'ai proposé plus tard d'en former un genre particulier ap- pelé Lusia (b] ; mais, h mon insu, M. Sars,de Bergen, m'avait devancé et avait donné à un groupe semblable le nom de PedicelUna (c). J\1. Lister et M. Van Reneden en ont fait connaître la structure avec plus de détails, et les observations de ces auteurs s'accor- dent très bien avec les miennes (d). J'ai souvent vu les boulettes de matières excrémentitielles sortir par l'anus , et j'ai pu m'assurer ainsi de la position de cet orifice que le savant observa- teur de Louvain n'est point parvenu à apercevoir. Jusqu'en ces derniers temps, tous les observateurs s'accor- dent à considérer la couronne tenta- culaire comme entourant complète- ment l'anus aussi bien que la bouche de ces Bryozoaires; mais les recher- ches récentes de M. Allman nous apprennent que le premier de ces orifices est en réalité situé au fond d'une échancnire très profonde du lophophore , ou membrane circum- iabiale qui porte les tentacules (e). (l) On doit la découverte de ce mode d'organisation à M. Farre. Le gésier, que ce naturaliste a trouvé chez les Vésiculariens du genre Boiverban- kia. est un organe globuleux, garni intérieurement de deux tampons ova- laires qui sont opposés l'un à l'autre et d'une structure radiaire. Dans l'es- pace intermédiaire on aperçoit une multitude de pointes squamiformes arrangées avec beaucoup de régula- rité, et paraissant remplir les fonctions d'un appareil dentaire, ou plutôt d'une (a) Audouin et Milne E.iwards, Op. cit. (Ann. des sciences nat., i" série, 1828, t. XV, p. 44). (b) Voyez Lamarck, Histoire des Animaux sans vertèbres, 2" édit., t. II, p. 72, note. (c) Sars, Beskrivelser og Jagttagelser, p. i, pi. 1, fitr. 4. {i) Lister, Observ. on the Structure and Functions of Tubular and Cellular Polypi, etc. {Philos. Traiis., 4834, p. 385, pi. 12, flg. 6). — Van Beneden, Recherches sur l'anatomie. la physiologie et le développement des Bryozoaires (Hist. nat. du genre Pedicellina, p. 73, pi. 9, fig-. 1-4, extr. des Mém. de l'Acad. de Bruxelles 4845, t. XIX). ' (e) Allman, A Monngraph of Freshivater Polyx-oa, p. 20, fig. 4, 348 appaueil digestif un vaste cul-de-sac ; enfin ses parois, généralement teintes en jaune, renferment une multitude de petites cellules qui parais- sent être des organes sécréteurs, et qui sont probablement les représentants d'un appareil hépatique. Parfois on aperçoit aussi des points glanduliformes dans les parois de l'œsophage (1), sorte de râpe (a). On trouve le même mode d'organisation cliez le Vesicu- laria spinosa [b). M. deSieboid avait crudislinguer un gésiei" chez les Alcyonelles (c) ; mais M. Allman s'est assuré de la non-exis- tence de cet organe chez ces Mollus- coïdes, ainsi que chez tous les autres Lophopodiens {d}. Le gésier manque aussi complète- ment dans les genres Valkeria et Lagenella, ou Laguncula, parmi les Vésiculariens (e), et chez tous les Es- chariens ou Bryozoaires operculés, excepté chez VHistopia lacustris, qui du reste ressemble beaucoup aux Flustres (f). Jusqu'ici on n'a trouvé aucun exemple de ce mode d'orga- nisation chez les Tubuliporiens ((/). (1) La première portion de l'esto- mac est en général allongée, et suit les mouvements de l'œsophage, de façon à se porter en avant quand l'animal déploie ses tentacules, et à se renver- ser en arrière lors de la rétraction de ces appendices. C'est cette portion de l'estomac que MM. Dumortier et Van Beneden ont décrite sous le nomd'œ- sophage chez les Alcyonelles, etc., et la valvule dont ces auteurs parlent comme existant entre le pharynx et l'œsophage est ce qu'on regarde gé- néralement comme le cardia {h). La seconde portion de l'estomac descend en forme de cul-de-sac plus ou moins étroit, vers le fond de la cavité géné- rale; et la troisième, qui remonte pa- rallèlement à la première dans l'état d'extension, se termine au pylore. Les parois de celte giande poche sont épaisses et contractiles. En général, elles sont teintes en jaune , et M. Allman y a reconnu trois couches, dont la plus interne se compose de cellules sécrétoires. La coloration des matières alimentaires qui se remarque dans l'estomac paraît être due à leur mélange avec le liquide versé par ces organiles («j. (o) Fai-re, Op. cit. {Philos. Trans., 1838, p. 392, p!. 20, (î-. 3, 4, 5 et G). (()) Idem, ibid., p. 401, pi. 22, ûg. 3. — Van Beneden, Op. cit. {Mém. del'Acad. de Bruxelles, t. XVIII, pi. 4, fig-. 6). (c) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 40. \d) AUmaii, A Monograph. of Freshwater Polyzoa, p. 4 6. (e) Fnrre, loc. cit., p. 402 et 403, pi. 23, fig-. 5, et pi. 24, fig. 8. — Van Ueneden, Op. cit., pi. 1, fig. I. (/■) Carter, Description of a Lacustrine Bryozoon allied to Fiustra (Ann. of Nat. Hist., 3' série, 1858, t. I, p. 170, pi. 7, fin-. 2). (g) Miliio Edwards, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 2' série, t. Vlll, pi. ■12, i\g. id; et I. IX, pi. G, ils;. le, elc). (h) Van Beneden et Duniorlier, Histoire naturelle des Polypes composés d'eau douce, p. 74 (exlr. des Mém. de l' Acad. de Bruxelles, t. XVI). [i] Allman, Op. cit., p. 47, pi. 2, fig'. G et 7. DES MOLLUSCOÏDES TUNICIERS. 349 Mais jusqu'ici on n'a trouvé aucune glande annexée à l'appa- reil digestif de ces Molluscoïdes. L'intestin remonte parallèle- ment à l'œsophage, et ne présenle rien d'important à noter. § II. — La CLASSE DES TuNiciERs uous oftYc chcz les Ascidiens un appareil digestif peu différent de celui que nous venons d'étudier chez les Bryozoaires , et les particularités qui s'y remarquent dépendent pour la plupart de la rentrée de l'appa- reil ciliaire dans l'intérieur du corps. En faisant l'histoire des organes de la respiration, j'ai déjà eu l'occasion de dire que chez ces Molluscoïdes toute la partie antérieure du corps est occupée par une grande cavité dont les parois sont garnies de franges vibraliles et de fentes pour le passage de l'eau, et que ces parties correspondent au système tentaculaire des Bryozoaires, qui, au lieu de se déployer au dehors, resterait renfermé dans une gaine cutanée (1). Cette chambre bran- chiale constitue par conséquent le vestibule de l'appareil digestif, et l'orifice par lequel les aliments, aussi bien que le fluide respirable, y pénètrent, devient la bouche (2). L'entrée de l'œsophage fait face à cet orifice, et se trouve par conséquent au fond de la cavité respiratoire, dans le point où Appareil digestif des Tuniciers, Ascidies. (1) Voyez tome IF, page 17. (2) Il en résulte que la bouche de TAscidie n'est pas l'analogue de la bouche du Bryozoaire, mais corres- pond au bord péristomien ou entrée de la cellule polypiéroïde de celui-ci. Cet orifice est circulaire, et la partie cu'con voisine du système tégumentaire y constitue un cercle de lobules qui sont presque toujours au nombre de quatre ou de six (a). A l'intérieur, on y remarque des ciires ^ui s'avancent vers l'axe de cet anneau (6) et qui semblent corres- pondre aux soies que nous avons vues garnir le péristome de quelques Bryo- zoiiies (c). Généralement ces appen- dices sont filiformes, mais quelquefois ils sont rameux, ainsi que cela se voit chez les Ascidies simples du genre fioltenia et chez quelques espèces du genre Cynthia [d). (a) Savigny, Mémoires sur les Animaux sans vertèbres, 2= partie, pi. 1 , fig. 1 , etc., etc. (6) Idem, ibid., pi. 8, fig. 1*, 2i ; pi. 9, fig. 2, etc. — Milne F.Jwards, Recherches sur les Ascidies composées, pi. 2, fig. ■16; pi. 8, fig-. ia, etc. (c) Voyez ci-dessus, page 342, note. (d) Savigny, Op. cil., pi. 5, fig. 1 ^ ; pi. 0, fig. 1-, clc. 350 APPAREIL DIGESTIF viennent aboutir les sillons longitudinaux compris entre les replis de la membrane branchiale. A peu de distance de ce point, le canal digestif s'élargit pour cotistituer l'estomac ; puis, sous la forme d'un intestin dont la longueur est assez considérable, il se recourbe sur lui-même, et va se terminer au-dessus de la face dorsale de la chambre branchiale, dans une cavité qui est traversée par les produits de la génération aussi bien que par le courant expiraioire, et qui conslitue de la sorte un cloaque (i). Ce mode d'organisation se retrouve chez toutes les Ascidies, mais les dispositions accessoires varient. Ainsi, chez les Clavelines, ou Ascidies sociales, et les Asci- dies composées de la division des Polycliniens, le tube digestif et ses annexes se trouvent suspendus au-dessous de la cavité respiratoire et au-dessus des organes reproducteurs ; tandis que chez les Ascidies simples, ils sont refoulés sur le côté de cette poche branchiale (2) . (1) Il est aussi à noter que chez (*2) Savigny a fait connaître d'une tous ces Molluscoïdes la masse viscé- manière remarquablement exacte la raie est logée dans une poche meni- disposition de l'appareil digestif des braneuse, ou sac péritonéal , qui fait Ascidies composées (b), qui avait été aussi fonction de réservoir sanguin, et précédemment indiquée, seulement qui communique avec les vaisseaux d'une manière sommaire, par Phipps de l'appareil respiratoire (a). Chez les chez les Synoïques, et par Demarest Ascidies sociales et composées, ce sac et Lesueur chez les Botrylles (c). donne naissance à des prolongements Chez les espèces que j'ai réunies tubuleux à l'extrémité desquels nais- dans le groupe des Polycliniens, de sent parbourgeonnement les nouveaux même que chez les Clavelines, cet individus, de sorte que la tunique appareil est logé dans la région péritonéale est commune à toute la moyenne du corps {d) ; chez les colonie produite de la sorte. Didémiens, il est réuni aux organes (a) Voyez tome III, pag'e 87 et suiv. (6) Savigny, Observ. sur les Alcyons gélatineux à six tentacules simples [Mêm. sur les Animaux sans vertèbres, 2= partie, 4 816, avec 24 planches). (c) Phipps, Voyage au pôle boréal, fait eu 1773, p. 203, pi. 12, fig. C. — A. Dosmaresl el Lesueur, Mém. sur le Dotrylle étoile, p. 6 (cxlr. du Bulletin de la Société philomalique, ISIS). (d) Milne Edwards, Observ. sur les Ascidies composées des côtes de la Manche, p. 65, pi. 3, fig. 1, etc. (exlr. des Mém. de l'.icad. des sciences, t. XVIII). DES MOLLUSCOÏDES TUNICIERS. 351 Une autre différence plus iaiportante à noter dépend de la conforuiation des organes sécréteurs dont l'estomac est entouré. Chez les Ascidies composées, les parois de ce viscère reproducteurs, dans un abdomen très court (c) ; enfin, chez les Botrylliens, tous ces viscères sonl accolés à la poche branchiale et logés avec elle dans la région thoracique {b). L'es- tomac est généralement de forme ovoïde, et ses parois, assez épaisses, sont tantôt légèrement plissées à l'ex- térieur (c), d'autres fois comme fram- boisées [d], d'autres fois encore assez profondément costulées (e). En géné- ral, elles sont colorées d'une manière assez intense, soit en jaune, soit en rouge. L'inleslin qui fait suite à l'estomac est en général divisé en trois portions par une large bande d'aspect glandu- laire qui en occupe la partie moyenne, et qui est souvent colorée comme l'estomac. Les matières fécales s'accu- mulent dans la portion ascendante de l'intestin sous la forme de boulettes dont la couleur est généralement bru- nâtre. Chez les Ascidies simples, la dispo- sition générale de l'appareil digestif a été très bien indiquée par Cuvier '/") et par Savigny. Ce dernier a remar- qué que c'est toujours du côté droit que le paquet viscéral se trouve placé normalement, mais qu'il existe par- fois des transpositions. L'œsophage est toujours très court, et souvent Tesloiiiac est à peine dilaté , par exemple chez le Cynthia Momus [g) et l'Ascidie ampulloïde [h) ; mais en général ce viscère est très élargi [i), et quelquefois il acquiert des dimensions fort considérables, ainsique cela se voit dans le genre Cijstingia (j) ; souvent il est plus ou moins costulé extérieu- rement, par exemple chez le Cynthia campus {k) et le rhallusia lur- cica (l). L'intestin forme une anse plus ou moins allongée, el ressemble en gé- néral à ce que nous avons vu chez les Ascidies composées. M. Van Beneden a trouvé dans l'intérieur de ce tube. (a) Voyez Savigny, Op. cit. {Mém. sur les Animaux sans vertèbres, 'i' pai-lie, pi. 20, fig. d . — Milne Edwards, Op. cit., p. "9, pi. 7, fig. 5. (6) Voyez Savigny, Op. cit., pi. 20, fig. 5. — Miine Edwards, Op. cit., p. 84, pi. 7, fig. t. (c) Exemple ; Arnaroucium proliferum (Milne Edwards, Op. cit., pi. 3, fîg. 2). {d) Exemple : Amarouciura Argus (Milne Edwards, Op. cit., pi. 3, flg. 1, ia). (e) Exemples : SigilUna aiistralis (Savigny, Op. cit., pi. ti, fig. t^i. — Aplidium lobatum (Savigny, Op. cit., pi. 16, fig. 1^). — Botrylliis pobjcycleus tSavigny, Op. cit., pi. -21 , Rg. i^}. Botrylloides rotifera (Milne Edwards, Op. cit., pi. 7, fig. 1). if) Cuvier, Mém. sur les .Ascidies et leur anatomie {Mém. du Muséum, 1804, t. Il, pi. 1,2^ 5 et 8; pi. -2, fig. 3). (g) Savigny, Op. cit., pi. 6, fig. 1=. [h) Van Beneden, Recherches sur l'embryologie, l'anatomie et la physiologie des Ascidies simples, pi. ■! , fîg. 2 {Mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. XX). (i) Exemples : Cynthia papillosa (Savigny, Op. cit., pi. 6, fig. 4). — Phallusia intestinalis (Délie Chiaje, Descriz. e notom. degli Animali invertebr., pi. 82, fig. 12). {jj Mac Leav, Anat. Observ. on the Natural Group of Tunicata [Trans. ofthe Linn Soc 18^3 t. XIV, pi. 19, fîg. 3). . ., - , (k) Savigny, Op. cit., pi. 8, fig. 1-. (l) Idem, ibid.., pi. 10, fîg. 1'. 352 APPAREIL DIGESTIF sont épaisses, et logent dans leur intérieur des follicules hépa- tiques, mais il n'y a pas de foie proprement dit; tandis que chez beaucoup d'Ascidies simples, l'estomac et le commence- ment de l'intestin se trouvent comme enfouis au milieu d'une masse de substance molle et jaunâtre qui constitue une glande hépatique indépendante et versant les produits de sa sécrétion dans la cavité stomacale par plusieurs orifices parhculiers (1). On rencontre aussi des modifications remarquables dans la disposition du cloaque qui est situé entre la terminaison de l'intestin et l'orifice excréteur commun. Ce réceptacle est formé par la portion dorsale de la grande cavité péripharyngienne, dans laquelle le sac branchial se trouve suspendu, et dans laquelle l'eau introduite pour le service de la respiration passe en traversant les fentes en boutonnière dont cet appareil est che^ TAscidie ampulloïde, une sorte ces ovganiles sécréteurs qui paraissent de gouttière longitudinale à bords très verser dans ce viscère le liquide amer saillants, qui en occupe presque toute et jaune brunâtre que l'on y rencontre la longueur, et qui paraissait servir à en abondance [d). Cuvier a trouvé un mouler les matières excrémentitielles foie de structure granuleuse et d'un en forme de cordons [a]. Chez le Cyn- volume assez considérable chez l'As- thia microcosmus cette disposition cidie microcosme (e). Cet organe est n'existe pas (6). de couleur verdâtre et adhère intime- Ci) Sa vigny a signalé l'absence du mentà l'estomac, dans la cavité duquel foie chez les Cynthies (c). Chez l'As- il débouche par plusieurs orifices (/"). cidie ampulloïde, décrite par M. Van Dans le genre Chelyosoma, le foie Beneden, cette glande manque égale- est formé par un gros paquet de cae- ment, et paraît être remplacée, comme cums lubulaires qui entoure l'esto- chez les Ascidies composées, par des mac {g)., et chez les Boltcnies , où follicules hépatiques logés dans l'épais- il est lobule, ces appendices sécréteurs seur des parois de l'estomac. Ce sont sont rauieux {h). (a) Van Beneden, Op. cit., p. 18, pi. i , flg. 7. (6) Milne Edwards, Atlas du Règne a7iimal de Cuvier, Mollusques, pi. 126, llg. ia. (c) Savigny, Op. cit., p. 95 et 99. (d) Van Beneden, Recherches sur les Ascidies simples, p. 1 9, pi. 1 , fig;. 2 et 8 (Mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. XX). (e) Cuvier, Op. cit., 'p. 13, pi. 1, fig'. 5. (f) Savigny, Op. cit., p. 91. {g) Escliriclit, Analomisk Beskrlvelse af Che\yosomn Macleayanuni, p. 12, pi. 1, fig. i (exlr. des Mém. de l'Acad. de Ccpenhague, 4° série, t, IX). (h) Mac Lcay, On the Nat. Group of Tunicata {Trans. of Ihe Linn. Soc , 1825, t. XIV). DES MOLLISCOÏUKS TU.NICIKHS. 353 criblé (1). Chez les Ascidies simples et sociales, ainsi que chez plusieurs Ascidies composées ("2), il débouche au dehors par un orifice isolé qui se trouve plus ou moins près de la bouche; mais chez un grand nombre d'Ascidies composées, il se réunit à la portion terminale de la cavité cloacale des individus adjacents, et donne ainsi naissance à un cloaque com- mun à tout un système d'Animaux. Tantôt, comme chez les Botrylles, ce cloaque commun est une fossette simple autour de laquelle tous les membres de cette singulière association sont rangés en cercle, de façon à représenter les rayons d'une étoile (3); mais d'autres fois, par exemple dans le genre Ama- rouque, où les associés sont plus nombreux, il se complique davantage, et forme un grand nombre de canaux ramifiés qui se réunissent comme autant d'égouts autour d'un émonctoire central {(i). (1) Pourpliisdedélniisà ce sujet, je renverrai à la dcsciiplion analomique de la Claveline Icpadiforme que j'ai donnée dans mon travail sur les Asci- dies composées des côtes de la Man- che (a),, et à mes dessins relatifs à l'a- natomie de^V Ascidia microcosnnis [b]. Dans le genre CJwndrostachys, le rectum remonte parallèlement au sac respiratoire, jusque dans le voisinage de Torifice du cloaque [c). (2) Comme exemple d'Ascidies composées à cloaques individuels , je citerai les Diazones {d} et les Sigel- lines (e). (ù) Le cloaque commun situé au centre de chacun de ces systèmes étoiles est très profond chez les Bo- trylles, et ses bords se relèvent en forme de cône tronqué (/"). Diins le genre Sijnoicum, les anus des divers individus d'un même groupe sont réunis autour d'une fossette centrale ; mais celle-ci ne constitue pas un cloaque commun (g). (/i) Dans une des planches de l'atlas ■ (a) Miine Edwards, Recherches sur les Ascidies composées, p. 54 cl siiiv., pi. 2, (Ig-. t. (6) Atlas du Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 126, fig. i, la, ib. (c) J. Macdonald, Anatomical Observ. o.i a new form ofCompound Ascidia {Aiui. of Nat. Hisl. 3' série, 1858, t. I. pi. 11, fig. 2). (d) Savigny, Op. cit., pi. 2, fig. 3, et pi. 12, fig. 1. («) Idem, ibid., pi. 3, fig. 2, et pi. 14, fig. 1. (/■) Idem, ibid., pi. 2l,Vig. 1. — Milne Edwards, Op. cit., pi. (î, fig. 4 a, 5fl, 6 a. [g) Savigny, Op. cit., pi. 15, fig. 1. ' -i V. Ti 35/i. APPAREIL DIGESTIF § 5. — L'appareil digestif des Pyrosoiiies ne diffère que peu de celui des Ascidies composées (1). § 6 — Enfin, dans l'ordre des Biphores ou Salpiens, l'ap- pareil digestif est conformé aussi sur le même plan général, et se trouve logé dans une petite cavité abdominale qui se fait remarquer par sa coloration intense, et qui est désignée d'or> dinaire par les zoologisies sous les noms assez mal choisis de tubercule ou de nucléus. L'entrée de l'œsophage est située au fond de la grande chambre branchiale, et l'anus s'ouvre à la base du cloaque formé par la portion dorsale et efférente de cette cavité (2). du Règne animal de Cnvier, j'ai repré- senté ce système d'égoiits rameux in- jectés en noir (a). On trouve aussi un cloaque commun ramifié dans les genres Leptocline et Botrylloïde (6). (1) L'organe costulé que Savigny a considéré comme étant le foie de ces Animaux (c) paraît être une glande sper- matogène (du La disposition générale du canal alimentaire a été indiquée par Lesueur (p), et mieux étudiée par Savigny. L'œsophage est parsemé de cellules pigmenlaircs, et l'estomac est subquadrilatère. Un système de tubes rameux se trouve appendu à l'intestin et constitue probablement un appareil sécréteur; l'intestin se termine sur le côté de l'estomac {f). (2) La bouche des Biphores est une grande ouverture bilabiéequi se trouve à l'extrémité antérieure de leur corps, et qui donne dans la cavité respira- toire où se trouve suspendue oblique- ment la branchie. L'entrée de l'œso- phage est située au-dessous de l'extré- mité postérieure de cet organe, et par conséquent au fond de la cavité bran- chiale ou pharyngienne. Une gouttière longitudinale formée par deux replis de la tunique interne de cette grande cavité, et faisant face à la branchie, conduit vers cet orifice. L'œsophage est très court, et l'estomac a la forme d'un sac ovalaire qui semble en naître latéralement plutôt qu'en être la continuation. L'intestin commence dans le voisinage immédiat de la ter- minaison de l'œsophage, et après avoir décrit une anse, remonte brusquement pour aller s'ouvrir dans le cloaque, au-dessus de la base de la branchie, et par conséquent à peu de distance de (a) Op. cit., MoLLUSQURS, pi. 130, fig. ia. (b) Milne Edwards, Recherches sur les Ascidies composées, pi. 6, fig. la ; pi. S, fig. 5 a. (c) Savigny, Op. cit., p. 56, pi. 22, fig. 1», i*, etc. " P'. (d) Huxley, Observ.upon the Anaiomy and Physiology of Salpa and Pyrosoma, p. 583 {Philos. Trans., 1851). (e) Lesueur, Mémoire sur l'organisation des Pijrosomes, p. ltj(extr. du Bulletin de la Société philomatique, 1815). (f) Huxley, Op. cit., pi. 17, fig. 1. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 355 § 7. — Dans ]a grande division des Mollusques proprement dits, l'appareil digestif est constitué d'après le même plan général que chez les Molluscoïdes dont je viens de parier, mais il se perfectionne davantage ; le tube aliaientaire affecte d'ordinaire la forme d'une anse, et presque toujours l'anus est encore plus ou moins rapproché de la bouche ; mais les organes sécréteurs dont ce canal s'enloure acquièrent im très grand développement : le foie surtout devient fort volumineux, et des glandes salivaires très remarquables ne tardent pas à se mon- trer dans le voisinage du pharynx ; souvent la bouche est armée d'un appareil sécateur puissant; enfin les instruments de pré- hension dont cet orifice s'entoure arrivent parfois à un haut degré de complication. Mais ces divers perfectionnements ne sont introduits que successivement, et un grand nombre de ces Animaux , de même que les Molluscoïdes, ne peuvent se nourrir que des Animalcules ou des petits fragments de matières ahmentaires tenues en suspension dans les courants que l'ap- pareil respiratoire dirige vers la bouche. § S. — Tel est en effet le régime de l'Huître et de tous les autres Mollusques dont se compose la classe des Acéphales, et chez tous ces Animaux l'orifice buccal se trouve logé plus ou moins profondément dans l'espèce de chambre branchiale for- Appareil digestif lies Mollusques proprement dils. Appareil digestif des Acéphales. l'ouverture œsophagienne {a). Les pa- rois de l'estomac ont une structure glandulaire, et M. Huxley a découvert récemment un système de tubes ra- meux qui débouchent dans la partie inférieure de celte poche et qui pour- raient bien constituer un appareil iic- patique (6). Une masse utriculaire entoure ces parties, et se trouve ren- fermée avec elles dans le petit sac pé- ritonéal qui circonscrit la cavité abdo- minale; quelques auteurs ont consi- déré ces cellules comme étant un foie, et je les avais prises pour l'ovaire ; mais il paraîtrai!, d'après des recherches plus récentes, qu'elles ne peuvent être rapportées ni à l'un ni à l'autre de ces organes ; elles contiennent en général une matière huileuse, et M. Krohn les a désignées sous le nom d'élœoblastes. (a) Voyez Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 1 21 , fig. 2 c et 2 ci ; pi. 120, fig. la. (6) Huxley, Op. cit., p. 510, pi. 15, fig. 5 et 6 {Philos. Trans., 1851). Bracliiopodes. 356 APPARlilL DIGîîSTlF mée, comme nous l'avons déjà vu, par le rapprochement des deux grandes expansions du système cutané dont se compose le manteau (I). Il n'existe pas de glandes salivaires dis- tinctes (2) ; enfin, le tube alimentaire et le foie, ainsi que les organes de la reproduction , sont réunis en une masse viscé- rale dans le voisinage de la région dorsale, où se trouve la charnière de la coquille, et s'avancent plus ou moins dans l'intérieur du pied, quand la partie ventrale du corps se déve- loppe de façon à constituer un organe de progression. C'est dans Tordre des Brachiopodes que l'appareil digestif est le moins compliqué, et ressemble en général le plus à ce que nous avons vu chez les Tuniciers. Si les résultats fournis par les recherches anatomiques les plus récentes sont exacts, ces Mollusques nous offriraient même des exemples de dégra- dation que nous n'avons rencontrés ni chez les Bryozoaires, ni chez les Tuniciers, car dans plusieurs espèces l'oritlce anal manquerait et l'intestin se terminerait en cul-de-sac ; mais je conserve encore beaucoup de doutes au sujet de l'existence de cette imperforation (3). La bouche est située sur la ligne mé- (1) Voyez tome II, page 23. ciine trace de l'existence d'an orifice ('i) Quelques anatomisles ont con- anal dans les Térébratules des genres sidéré les lobes antérieurs du foie, Rhijnchonella el Waldheimia, dont'û chez les Brachiopodes, comme étant a fait l'analomie, et il pense que l'in- les glandes salivaires [a] : mais toutes testin de ces Mollusques se termine les masses glandulaires qui entourent en cul-de-sac (c). Plus récemment, l'estomac de ces Mollusques offrent les i\l. Hancock est arrivé au même résul- mèmes caractères, et doivent être tat en étudiant, soit les deux genres rapportées à l'appareil hépatique (6). dont il vient d'être question, soit le (3) M. Huxley n'a pu découvrir au- Terebratula caput serpentis {d) ; et il (a) Cuvier, Mém. sur l'analomie de la Lingide, p. 7 {Mém. dit, Muséum, l-'i^, cl Mém. pour servir à l'histoire des Mollusques). — Vogt, Aiiatomie der Lingula aiiatina, p. 12 (extr. des Nouv. Mém. de la Soc. d'hist. nat. suisse. t.Vll, Neufchâlel, 4 843). (b) Owen, On the Anatomy of Drachiopoda {Trans. of Ihe Zoological Society, t. I, p. 152 et 157). (c) Huxley, Contributions to the Anatomy of the Brachiopoda {Proceedings of the Royal Society ofLondon, 1854, t. VIII, p. 106, fig. 1 et 2). {d} Hancock, On the Organisation of Drachiopoda [Philos. Trais., 1858, p. 814). DES MOLLUSQUES ACÎîr-H.vLES, 357 diane, entre deux grands appendices qui s'enroulent en spirale et qui semblent tenir lieu des lophopbores ou lobes lentaculi- fères que nous avons vus cbez les Bryozoaires d'eau douce. Chez les Térébratules , ces appendices, communément appelés bras, acquièrent un développement énorme, et sont portés sur une sorte de charpente intérieure de nature calcaire, qui pré- sente en général la forme d'un fer à cheval reployé sur lui- même, de façon à avoir sa portion transversale dirigée en arrière, et située au-dessous de la partie basilaire de ses deux branches, dont l'extrémité est fixée à la valve dorsale de la coquille, près de la charnière (1). Ils sont peu prolractiles, mais est à noter que le point où celte por- tion du tube alimentaire vient abou- tir, et où quelques anatomistes suppo- saient qu'il y avait un anus {a) , le corps est recouvert par la coquille, de façon que les fèces ne trouveraient aucune voie libre pour continuer leur route vers le dehors. Mais avant d'ad- mettre l'existence d'une disposition si anormale dans l'embranchement des Mollusques, il faudrait être bien cer- tain que le cul-de-sac observé par MM. Huxley et Hancock est bien la portion terminale derinleslin, et non un appendice analogue à celui qui naît de l'estomac chez beaucoup d'A- céphales lamellibranches ; enfin il faudrait s'assurer de la non-existence de tout prolongement latéral, qui pourrait aller déboucher au dehors, et qui constiluerait alors l'intestin pro- prement dit. Ainsi que nous le ver- rons bientôt, il n'y a aucune incer- titude quant à la position de l'anus chez les Lingules. (1) Chez les Térébratuliens du genre Rhynchonella, cet appareil apo- physaire n'est conslilué que par une paire de petites lames calcaires allon- gées et courbes, qui s'attachent posté- rieurement à la valve dorsale de la coquille, près de l'échancrure articu- laire [h) ; mais, en général, ces deux pièces se confondent entre elles sur la ligne médiane par leur extrémité an- térieure, de façon à donner naissance à une arcade transversale, ou anse en forme de fer à cheval, qui tantôt ne se prolonge que médiocrement et reste à peu près horizontale (c), mais qui, d'autres fois, après s'être avaucée très loin au-devant des muscles adducteurs de la coquille, se recourbe en bas, puis en arrière, de manière à offrir la disposition indiquée ci-dessus (d) . L'extrémité postérieure de chaque (a) Gratiolel, Recherches sur l'anatomie de la Térébralule auzlrale {Comptes nndus de l'Acad. des sciences, 1853. i. XXXVII, p. 47). (6) Exemple : Terebratula (ou Rhynchonella) psitlacea (voy. Davuiion, Brillsh fossil Drachio poda , iiilroduclion, Palœonl. Soc., 1853, p. 94, fig. 31). (c) Exemplo : Terebralula vilrea (voy. Davidson, Op. cit., pi. 0, fig. 2). (i/) Exemples : Terebratula {Waldheimia} auslralis (voy. Davidson, Op. cit., p. 04, fig'. G, et Hancoclv, Op. cit., pi. 55, lig. 4). — T. jlavcscens (voy. Owen , Lectures on the Coitrp. Anat, o Inverlebr. Animais, iSoo, p. 4iS7). 358 APPAREIL DIGESTIF les franges qui les garnissent sont très mobiles, et des cou- rants, déterminés probablement par l'action de cils vibratiles, s'établissent à leur surface, et suivent une sorte de gouttière longitudinale qui est creusée à leur face interne et va aboutir sur le côté de la bouche. Chez les Orbicules et les Lingules, ces bras sont très élargis à leur base , mais peu développés dans leur portion enroulée, et s'insèrent seulement sur les apophyse, ou de chaque moitié du fer à cheval ainsi constitué, est gé- néralement bifurquée , et c'est par leur branche supérieure qu'elles s'u- nissent entre elles: l'autre branche est le plus ordinairement libre ; mais chez quelques-uns de ces Mollusques elle se réunit à sa congénère, de façon à former une seconde arcade transver- sale, et à changer l'anse en un an- neau fermé, disposition qui se voit dans le genre TerebratuUna (a). Dans le petit groupe dont d'Orbigny a formé le genre Terebratella, un pro- longement droit naît du bord dorsal de chaque lîioitié de l'anse , et après s'être réuni à son congénère sur la ligne médiane, se soude aussi en des- sus à la valve dorsale de la coquille (6). Enfin, dans d'autres familles du même ordre, la charpente brachifère ac- quiert un développement encore plus considérable: ainsi, chez lesThécidies elle prend la forme de grandes crêtes contournées d'une manière fort com- plexe (c) , et chez les Spirifères elle constitue deux longues lames enrou- lées en spirale, qui occupent la plus grande partie de l'espace compris en- tre les deux valves de la coquille {d). Chez les Lingules et les Orbicules, au contraire, on ne trouve plus aucune trace de cette charpente intérieure. C'est par l'intermédiaire d'une membrane aponévrotique disposée de façon à constituer la paroi anté- rieure de la cavité viscérale, que les bras sont fixés à la charpente inté- rieure dont il vient d'être question. Ces tentacules consistent chacun en une sorte de tige creuse dont le côté externe est garni d'une gouttière lon- gitudinale de consistance subcartila- gineuse, et porte une série d'appen- dices grêles et cylindriques disposés comme les dents d'un peigne, ou plu- tôt en forme de frange. M. Owen n'a observé qu'une série simple de ces cirres ou fdaments (e) , mais dans toutes les espèces dont M. Hancock a fait l'anatomie ils étaient insérés sur deux rangs (f). Leur longueur di- (a) Exemple : Terebratula (ou Terebralulina) caput serpentis (voy. Davidson, Op. cit., p. 63, %• 4). (6) Exemples : Terebratula (Terebratella) chilensis (voy. Owen, On Ihe Anat. ofthe Brachio- poda , in Trans. of the Zool. Soc, t. I, pi. 2ï!, fig. 4). — Terebratella dorsata (voy. Davidson, loc. ci«.,p. 66, fig. 9). (c) Exemple : Thecidia vermicularis, voyez Suess, Notice sitr l'appareil brachial des Thécidés, dans Méin. de la Soc. linn, de Normandie, 1855, t. X, pi. 3, fig. 7). (d) Exemple : Spirifer strialus (voy. Davidson, Op. cit., pi. 6, fig. 48). (e) Owen, Lectures on the Comp. Anat. of hiver tetr. Animais, p. 491. (f) Hancock, Op. cif., p. 807. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 359 parois membraneuses de la cavité abdominale, sans y trouver une charpente calcaire pour les soutenir. Chez ces derniers Mollusques, le tube alimentaire ne s'élargit que peu pour con- stituer l'estomac, et, après avoir décrit plusieurs courbures, va s'ouvrir au dehors, sur le côté droit du corps, entre les lobes du manteau (1). Chez les Térébratules, l'estomac est au con- traire fort renflé et occupe la partie dorsale de l'espèce de siphon représenté par l'ensemble de l'appareil. L'intestin redescend vers la valve ventrale, et s'y recourbe brusquement sur le côté minue graduellement de la base à l'extrémilé libre du bras , de façon que celui-ci se rétrécit de plus en plus, et se termine en pointe. A leur base, les bras sont unis entre eux sur la ligné médiane, el chez les Térébra- tules ils se portent d'abord en avant, en longeant en dehors la portion su- périeure de l'apophyse calcaire, puis se recourbenlbrusquemenl en arrière, jusque vers leur base, et ensuite s'en- roulent en spirale, de façDu à former deux cônes frangés, unis entre eux par une bande aponévrotique mé- diane et non déroulables (a). Les mouvements de ces appendices ont été observés sur le vivant par W. Barrett (6), et sont dus en partie à des libres musculaires logées dans leur tige, en partie à l'afflux du li- quide contenu dans les canaux longi- tudinaux dont celle-ci est creusée. L'un de ces canaux, le plus grand, se termine à sa base par une ampoule, ou renflement fermé, qui se trouve sur le côté de la bouche ; l'autre com- munique avec le système lacunaire viscéral. L'our plus de détails relatifs à la structure de ces organes, je ren- verrai au mémoire de M. Vogt sur la Lingule, et au travail récent de M. Hancock sur les Térébratules (c). (1) L'œsophage est de longueur médiocre, et, de même que l'estomac et la portion antérieure de l'intestin, il occupe la ligne médiane du corps ; la porlion moyenne de l'intestin forme plusieurs circonvolutions , et sa porlion terminale se dirige en avant (d). (a) Voyez Owen, Anat. of Terebraiula, in Davidson's Briiish fossil Brachiopoda, pi. 2, fij, 1 el2; pi. 3, fig. 2. — Hancock, Op. cit., pi. 55, fig. 1, 2, 3 ; pi. 57, fig. 2 ; pi. 60, fig. 3 ; pi. 61, fig. 2. (6) Barrett, Notes on the Brachiopoda observed in a dredging tour {Ann. ofNat. Hist., 2° série, t. XVI, p. 258). (c) Vogt, Anatomie der Lingula anatina, p. 4, pi. 2, fib. 13-16 (extr. du Neuen Denkschriften des Schweizerischen Gesellschaft, 1843). — Hancock, Op. cit. {Philos. Trahis., 1858, t. CXLVUI). {d) Cuvier, Mémoire sur V anatomie de la Lingule {Ann. du Muséum, 1802, t. I, pi. G, fig. 10 à 13). — Vogt, Op. cit., pi. 1, fig. 10. — Hancock, Op. cit., pi. 65, fig. d , 3 et 4 ; pi. 66, fig. 3. — Owen, Anat. of Terebratula, m Davidson's British fossil Brachiopoda, pi. l, fig. 6 {Roy, Society, 1853). 360 APPAREIL DIGESTIF pour se terminer par un renflement en forme d'ampouîe où l'existence d'un orifice anal est généralement admise, mais par analogie plutôt que par le fait de l'observation directe (1). Il est aussi à noter que le tube alimentaire des Bracbiopodes est pourvu d'une tunique musculaire bien développée, et revêtu extérieurement d'une membrane péritonéale qui, sur plusieurs points, se prolonge sous la forme de brides ou de lames d'at- tache analogues au mésentère des Animaux supérieurs (2). Le foie, de couleur verdàlre, est très volumineux, et se compose de plusieurs masses arrondies ou lobes dont l'aspect est gra- nuleux, mais dont la substance consiste réellement en une mul- titude de petits tubes courts et aveugles qui ressemblent à des doigts de gant et se continuent avec des canaux rameux. Enfin les conduits biliaires ainsi constitués se réunissent en quatre gros troncs qui vont déboucher dans l'estomac (3). (1) Voyez ci - dessus , page 35G, noie 3. (2) Ces expansions membraneuses sont plus développées chez les 'J'éré- bratules que chez les Lingules; elles ont été décrites avec soin par M. Hux- ley et par M. Hancock. Le mode de conformation générale du tube ali- mentaire des Téréhratules a été re- présenté par M. Owen , mais cet anatomisle a figuré à l'extrémilé de l'ampoule terminale de Tinlestin un orilice anal (a) qui, dans l'état nor- mal, ne paraît pas exister dans ce point (6). Les belles (igures analomi- ques qui accompagnent le mémoire de î\l. Hancock sur les Térébralules font très bien connaître la disposition et les rapports des dernières parties de l'appareil digestif avec les organes voisins (c). (3) Le foie entoure toute la portion stomacale du canal alimentaire, et ses lobes, ou divisions principales, sont de forme très irrégulière. Chez les Lingules, les quatre grands canaux biliaires qui en naissent, sont dispo- sés par paires; deuxse voient dans le voisinage de l'œsophage, au devant des grandes expansions inésentéri- ques de l'estomac; les autres débou- chent derrière cette membrane, près de l'origine de Tinteslin (d). Chez les Térébralules, la disposition de ces ca- naux est moins régulière ; les lobes antérieurs du foie donnent naissance (a) Owen, On the Analomy of Ihe Brachiopoda, pi. 22, fig. 12 {Trans. of thc Zool. Soc. 1835, t I). — Anat. of Terebratula, m Davirfsoii's Brilish fossil Brachiopoda, pi. t, fig. 4. (!)) Hii\l(-y, Op. cit., fig. 1 cl 2 e (Proceed. of the Royal Soc, 1854, I. VIII, p. i 08). (c) H:iiicock, Op. cit., ]>\. 57, i]g. 2; pi. (M, fig'. \ et 2, elc. {d) Vnypz Hancnrk, Op. cit., pi. (15, f\s:. 2 el 3. DES MOLLUSQUES ACÉPriALES LAMELLIBRANCHES. o6i S 9. — Dans Tordre des Acéphales Lamellibranches , la Appareil "^ , digestif bouche est située à peu près de même, et se trouve logée plus des Acc-phaies Lamellibranches ou moins profondément sous le manteau, derrière le muscle adducteur, Cjui, chez la plupart des Animaux de ce groupe, s'étend d'une valve à l'autre, au-devant et au-dessous de la charnière. Elle n'est pas pourvue d'un appareil tentaculaire frangé , comme chez les Brachiopodes : mais les bras de ces derniers sont remplacés par deux paires de lobes membraneux qui ont en général la forme de voiles triangulaires et sont striés obliquement à leur surface. Ces tentacules labiaux sont garnis de cils vibratiles, et ils concourent, avec les organes respiratoires, à diriger vers l'entrée du canal alimentaire les courants qui charrient les particules de substances nutritives dont ces Mollusques font leur subsistance (1). à un troisième conduil qui débouclie près de l'œsopliage. el les lol)es infé- rieurs communiquent avec la cavité de l'estomac par un quatrième ca- nal (a). (1) Les tcniacules labiaux de la paire antérieure sont d'ordinaire réu- nis entre eux par un ;)rolongement basilaire, qui passe au-devant de la bouche, et ils sont appliqués par leur face interne contre les tentacules de la seconde paire, dont la commissure s'avance derrière la bouche. Cet ori- fice se trouve par conséquent au mi- lieu d'un sillon transversal, plus ou moins profond, qui se continue en dehors et en arrière avec la rigole formée par le rapprochement de la base des deux tentacules (6), et sou- vent l'une des branchies vient occuper Textrémité postérieure de cette der- nière gouttière: de façon que les cou- rants déterminés par le jeu de l'ap- pareil respiratoire (c) s'engagent en partie dans ce passage, et se trou- vent ainsi dirigés vers la bouche, phénomènes dont:\I.M. Aider et Han- cock se sont assurés en suspendant des particules d'indigo dans l'eau qui ar- rivait aux branchies des Pholades et des .Myes {d). L'existence de cils vibra- tiles à la surface des tentacules la- biaux a été constatée par M. Shar- pey (e). La face externe ou antérieure des tentacules de la première paire et la face postérieure de ceux de la seconde paire sont en général lisses, ou faiblement striées, mais sur les sur- (a) Voyez Hancock, Op. cit., p!. Cl , fig. 2 et 3, elc (6) Voyez tome II, paye 38. (c) Allier and Hancock, On the Branchial currents in Pholas and JIijalAnn. ofSat. Hist., 2" série, 1851, l. VIII, p. 375, pi. 15, fi-, d). {d) Sliarpey, Cilia iTodJ's Cyclopœdia of .\nalomy and Phijsiology, f. I, p. 62-2j. (c) Exemple : l'Huître (voy. Pnli, Of . cit., t. Il, pi. 29, fig. 2). 362 APPAREIL DIGESTIF L'œsophage est en généra! court et l'estomac fort renflé. Tantôt ce dernier organe est simple , dans l'Huître , par exemple (1) ; mais chez beaucoup des Animaux de cet ordre, il présente en arrière un grand prolongement terminé en cul-de-sac et renfermant un corps styliforme, de consistance cartilagineuse, qui semble devoir être destiné à remuer les matières alimen- taires pendant qu'elles sont soumises à l'action des sucs gas- faces adjacentes de ces appendices on remarque une multitude de lignes parallèles qui sont plus ou moins saillantes et dirigées transversalement ou obliquement (a). Chez les Arches et les Pétoncles, la portion lobulaire de ces tentacules ne se développe pas, et leur portion ba- silaire, réduite à une bande étroite, constitue seulement la gouttière trans- versale destinée à conduire les ma- tières alimentaires vers la bouche (6). Il en est à peu près de même chez l'Anomie (c). Chez la Moule commune de nos côtes, ces organes sont au contraire très grands et reployés longitudinale- ment {d). En général, les bords de l'ouverture buccale sont lisses, et ne présentent rien de remarquable ; mais chez les Pecten et les Spondyles , on y voit une sorte de frange labiale (e). (1) Ciiez l'Huître, l'estomac fait im- médiatement suite à la bouche, et n'est que médiocrement renflé; les vaisseaux afférents du foie y débou- chent, et en arrière il se continue avec Tinteslin, qui est grêle et très long. Ce tube se porte d'abord en ar- rière et en bas, entre les branchies et le muscle adducteur; puis se recourbe brusquement en avant, revient vers la partie antérieure de l'estomac, en- toure cet organe, et se dirige ensuite en arrière, au dessus du nmscle, pour aller se terminer à la partie supérieure et postérieure de celui-ci, entre les lobes du manteau (/). L'estomac est également simple, c'est-à-dire plus ou moins globuleux, et dépourvu de prolongement caecal, (a) Exemples : Solen (\oy. Poli, Testacea uiriusqiie Siciliœ eorumque historia et anatome, t. I, pi. 10, fig. 15; — Veûiaye^, Expédition scientifique de l'Algérie, Mollusques, pi. 18 B, fig. 2). — Psammobia (voy. Ganier, On the Anat. of Lamellibranchiate Conchifera, pi. 18, ûg. 2, in Trans. ofthe Zool. Soc, 1838, t. 11). {b) Poli, Op. cit., t. II, pi. M, fig. 3, et pi. 26, %. 7. — Voyez aussi Deshayes , Atlas du Règne animal de Cu-vier, Mollusques, pi. 86, fig. ia, 16, le. (c) Voyez Deshayes, Ailas du Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 89, fig. le. (d) Lacaze-Duthiers, Mém. sur l'organisation de l'Anomie (Ann. des sciences nat., i' série, 1854, t. II, p. 12, p). i, fig. 4). (e) Exemples : l'ecten (voy. Poli, Op. cit., t. II, pi. 27, fig. 5 et 10). — Spondylus gœdropus (voy. Poli, Op. cit., t. II, pi. 22, fig. 8 et 13). — Deshayes, Atlas du Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 74, fig. 2». (/) Voyez Poli, Op. cit., pi. 29, fig. 3 (reprod. dans l'Atlas du Règne animal de Cuvier, Mol- lusques, pi. 70, fig. 2). — Home, Comp. Anat., pi, 77. Braiidt cl Halzbm-g, Medicinische Zoologie, 1. 11, pi. 36, fig. 2. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES LAMELLIBRAKCHES. â63 triques. Ce singulier organe est libre dans la cavité qui le loge, et paraît être le résultat d'une sécrétion épithélique, car il se compose de couches concentriques; son volume est très va- riable, suivant les individus, et parfois il manque dans des espèces où d'ordinaire on le rencontre. Enfin il est aussi à noter que chez quelques Acéphales dont l'estomac ne porte pas de cgecum, on voit cependant un stylet hyalin semblable s'avancer dans son intérieur, et alors ce corps est logé dans l'intestin (1). Ce stylet est toujours cylindrique et atténué postérieurement, mais son extrémité antérieure, qui fait saillie dans la cavité de l'estomac, est souvent obtuse ou branchue (2). chez les Spondyles (a), les Pecten (6), cal très grand, sans avoir de stylet les l^étoncles (c), les Glycimères (dj, hyalin. Ainsi, chez les Mytilacées du l'Anodonte (e), les Pinnes if), les Cy- genre Dreissena, M. Van Beneden a clades ig), etc. trouvé à côté de l'inteslin une poche (1) Cette disposition se voit dans la cylindrique très longue, qui naît du famille des Naïades [h). Chez les Ano- côté droit de l'estomac, et qui ne ren- dontes, le stylet n'est représenté quel- ferme qu'une substance gélatineuse (A;); quefois que par un petit corps denti- M. Owen a constaté l'exislence d'un forme situé à la partie supérieure de petit appendice caecal post-slomacal l'estomac (/), d'autres fois par une chez la Clavagelie, mais n'y a pas vu pièce irrégulièrement quadrilatère (j). de stylet [l). (2) Chez quelques Acéphales, l'es- Chez la Pholade, l'estomac donne tomac est pourvu d'un appendice cae- aussi naissance à un appendice caecal {a) Voyez Poli, Op. cit., pi. 22, fig. 13, et Atlas du Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 70, fig-. 2. (b) Voyez Poli, Op. cit., pi. 27, fig. 6. — Garner, Op. cit. (Trans. ofthe Zool. Soc, t. II, pi. 19, fig. 2). (c) Voyez Poli, Op. cit., pi. 26, fig. 8 et 9. {(l) Audouin, Mém. sur l'Animal de la Glycimère (Ann. des sciences nat., 1829, t. XXVIII, pl. 16, fig. 2). (e) Home, Comp. Anat., t. III, p. 78. — Bojanus, Teichmuschel (Okeri' s Isis, 1827, t. XX, pl. 9, fig. 2 et 3). — JMoquin-Tandon, Histoire naturelle des Mollusques fluviatiles et terrestres, pl. 40, fig. 9. (/■) Voyez Poli, Op. cit., pl. 36, fig. 2. {g) Moquin-Tandon, Op. cit., pl. 53, fig. 2. {h) Siebold et Siannius, Nouveau Manuel d'anatoniie comparée, 1. 1, p. 2G6. (i) Bojanus, Teichmuschel (Oken's Isis, 1827, t. XX, p. 758, pi. 9, fig. 7, 9 et 10). (j) Moquin-Tandon, Histoire naturelle des Mollusques terrestres et fluvialiles, p. 48, pl. 43, fig. 11). (k) Van Beneden, Mém. sur le Dreissena (Ann. des sciences nat., 2' série, 1835, t. III, p. 203, pl. 8, fig. 5). {1} Owen, On the Anatomy of Clavagella {Trans. ofthe Zool. Soc, t. I, p. 272j. S6/|. APPAREIL DIGESTIF L'intestin est en général étroit et très long; il décrit plu- sieurs circonvolutions entre les lobes du foie, et, ainsi que très grand, et celui-ci ne renferme qu'un stylet liyaiin fort petit (a). Chez les Mactres, où la disposition de cette portion de l'appareil digestif a été étudiée avec beaucoup de soin par Poli, le caecum stomacal naît au- dessus et en arrière du pylore; sa forme est conique, et il descend très bas au milieu des faisceaux muscu- laires de la partie postérieure du pied ; enfui il renferme un stylet hyalin très grand , dont l'extrémité anté- rieure fait saillie dans la cavité de l'estomac (6). L'appendice caecal et le stylet hyalin olhent à peu près la même disposition chez les Donaces (c) , les /rellines (d), les Soien (e), l'Ano- mie (/■), etc. Chez le Cardium echinatum, l'in- testin naît de l'estomac, très près de la portion rétrécie de cet organe qui représente l'appendice caecal et qui renferme le siylet hyalin, dont l'ex- trémité antérieure est recourbée et branchue (g). Chez les Tarels, l'appendice caecal est développé d'une manière remar- quable, et paraît être quelquefois oc- cupé par les matières alimentaires seulement, car M. Deshayes, qui l'a décrit sous le nom de second estomac, ne fait pas mention d'un stylet dans son intérieur (h) ; mais dans les indi- vidus étudiés par M. de Quatrefages, un corps cristallin de ce genre existait toujours et ollrait des dimensions très considérables (i). La substance constitutive du stylet est d'une transparence hyaline, et à l'état frais, M. Quatrefages n'a pu y découvrir aucune trace de structure organique (y). M. de Siebold y dis- tingue deux parties, l'une corticale, l'autre médullaire. La première con- stitue un tube, et se compose de cou- ches concentriques de matière en apparence albuminoïde. La seconde est gélatineuse, et renferme des cor- puscules solides, qui sont insolubles dans les acides. Chez l'Unio, ces cor- puscules ont la forme de granules, et chez les Anodontes ils ressemblent à des bâtonnets [k). Quelques analomistes ont considéré le stylet subcartilagineux comme l'a- nalogue de la langue des Gastéro- podes (/) ; mais ce rapprochement ne me paraît P'is fondé. Blanchard, Organisation du Règne, animal, Mollusques Acéphales, pi. 3, fi^. 2, 4 et 0. Poli, Op. cit., l. II, pi. 49, fig. 1, 3, 4 et 5. Garner, Op. cit., p). 18, lig. 9. • Poli, Op. cit., pi. 19, fiij. 15. Meckel, Traité d'anatomie comparée, t. VU, p. 273. Garner, loc. cit., pi. 18, ds;. 8. J. Cariis, Icônes zootomicœ, pi. 19, fig. 2. Lacaze-Dulliiers, Organisation de l'Anomie {.inn. des sciences nat., 4° série, 1854, 1. 11, , pi. 1, fig. 3). Garner, Op. cit., pi. 18, fig. 10. Deshayes, Expédition scientifique de l'Algérie, Mollusques, t. I, p. 59, pi. 7, fig. 2. Qualrefages, Mém. sur le genre Taret (Ann. des sciences nat., 3" série, 1849, t. LX, p. 40) Idem, ibid. Siebold etStannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 2Gfi. Meckel, Traité d'anatomie comparée, t. Vil, p. 273. Garner, Op. nt. (Trans. of tlie Zool. Soc, t. Il, p. 87). DES MOLLUSQUES ACÉPHALES LA;.lELLllîR\^CHES. 365 nous l'avons déjà vu en étudiant l'appareil circulatoire de ces Animaux, il traverse d'ordinaire le cœur (1). Il passe ensuite au-dessus du muscle adducteur postérieur de la coquille, et se termine par un orifice anal à la base du siphon expirateur ou dans la portion correspondante de l'espace compris entre les lobes du manteau, de façon que les matières fécales expulsées par cette voie se trouvent sur la route suivie par l'eau qui vient des branchies, et elles sont par conséquent entraînées au dehors par le courant expira toire (2). 11 est aussi à noter que l'intérieur du tube aUmen taire est plus ou moins complètement garni de cils vibratiles (o). Enfin, le foie est très volumineux et disposé à peu près de même que chez les Brachiopodes, c'est-à-dire divisé en lobes irréguliers qui se groupent autour de l'estomac et versent dans la cavité de cet organe les produits de leur sécrétion par plusieurs gros canaux membraneux (4). § 10. — Chez les Acéphales dont M. Lacaze-Duthiers a formé Tordre des Solénocoques, c'est-à-dire les Dentales, l'ap- pareil digestif se complique davantage, et s'enrichit d'un instru- ment mécanique que nous rencontrerons souvent dans la classe Appareil des Solcnocoques ou Dentales. (1) Voyez tome HI, page 105. Je rappellerai ici que les Huîtres, les Anomies et les Tarets font excep- tion à cette règle, et que chez les Arches, le rectum, tout en traver- sant un cercle artériel, dont les deux moitiés latérales sont formées par les ventricules, n'est pas renfermé dans la cavité du cœur ; mais chez les autres Lamellibranches, cette portion de l'in- testin passe à travers le ventricule, d'avant en arrière. (2) Voyez tome II, page 38. Chez quelques Acéphales, l'anus occupe l'extrémité d'un tubercule cy- lindrique très allongé, situé à la partie supérieure et postérieure du muscle adducteur postérieur : chez la Pinne marine, par exemple (a). [o] Cela a été constaté chez les Cyclas et les Naïades (6). [à) Les parois des canaux exté- rieurs de l'appareil hépatique sont en continuité avec la tunique muqueuse de l'estomac, et garnies de cils vibra- tiles (c). (a) Voyez Milne Edwards, Voyage en Sicile, l. I, pi. 28. (b) Leydig, Lelirbiœh der Histologie, p. 331 . (c) Lacaze-Dulhiers, Méin. sur l'organisation de l'Anomie {Ann. des sciences nat. , ^' série, l. II, p. \i). 366 APPAREIL DIGESTIF des Gastéropodes : savoir, une sorte de râpe buccale. Les bras frangés des Térébratules et des Lingules paraissent être rem- placés ici par deux houppes de filaments vermiformes et élargis au bout en manière de petites spatules, qui sont très mobiles et susceptibles de s'allonger fort loin hors du tube constitué par le manteau. L'appareil broyeur occupe l'arrière-bouche, et est armé d'une multitude de pièces cornées dont la réunion offre l'aspect d'un ruban hérissé de dents crochues. L'estomac se confond postérieurement avec la portion terminale de l'ap- pareil biliaire, qui est énormément dilatée. Le foie n'est repré- senté que par de longs tubes aveugles d'un volume considé- rable. Enfin, le rectum, ou portion terminale de l'intestin, traverse le réservoir sanguin qui tient lieu de cœur ; il est le siège de contractions rhythmiques qui l'ont fait prendre d'a- bord pour un cœur proprement dit, et ainsi que nous l'avons déjà vu, il contribue à effectuer le travail respiratoire par l'introduction de l'eau dans son intérieur et le renouvellement fréquent de ce liquide (1). (1) La bouche des Dentales présente chaque côté de la base du mamelon plusieurs particularités de structure. buccal on voit naître une loufTe de Elle est située au sommet d'un ma- filaments grêles et très contractiles (6), melon subproboscidiforme, au fond du qui ont été tour à tour considérés tube qui est constitué par le manteau et comme des branchies (c), des glandes occupé en majeure partie par le pied salivaires {d) etdes organes tacli]es(e). du Mollusque. Une rosace de six feuil- .Morphologiquement , ils me parais- les membraneuses, à bords découpés, sent devoir être comparés aux tenta- garnit le pourtour de cet orifice (a), à cules labiaux des Lamellibranches et peu près comme nous l'avons vu chez aux bras frangés des Brachiopodes, et les Spondyles et les Pecten , et de il me semble probable que ce sont à la (a) Lacaze-Dulhiers, Histoire de l'organisation et du développement du Dentale, pi. 8, fi^. 1 (extr. des Ann. des sciences nat., 4° série, 1856 et 1857, t. VI et VII). (6) Voyez Deshayes, Anatomie et monographie du genre Dentale {Mém. de la Société d'histoire naturelle, t. II, pi. 15, fig. 12, et Atlas du Règne animal de Cuvier, Anneudes, pi. 7, fig-. le). — Lacaze, Op. cit., pi. 3, fig. 2 ; pi. 1 1 , fig. 4 et 5. (c) Deshayes, Op. cit., p. 334. — Blain-ville, Manuel de malacologie, et Dict. des sciences nat., t. XXXII, p. 107. (d) Clark, On the Anat. o/" Dentalium tarentinum (A?wi. of Nat. Hist., 2' série, 1849, t. IV, p. 326). (e) Lacaze-Duthiers, Op. cit.,ii. 142. DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. â67 § il. — Les Gastéropodes, mieux organisés pour la locomo- tion que ne le sont les x4céphales et les Molloscoïdes, ne sont pas astreints, comme ceux-ci, à se nourrir des substances alimen- taires qui leur sont apportées parles courants respiratoires 5 ils fois des instruments de préhension et de toucher, ainsi que M. Lacaze s'est appliqué à l'établir. Quoi qu'il en soit, leur surface est couverte de cils vi- braliies, et par conséquent ils doivent être susceptibles d'aider à la produc- tion des courants nécessaires pour charrier vers l'entrée de l'appareil di- gestif les particules alimentaires en suspension dans l'eau ambiante. Il est aussi à noter que ces appendices fili- formes sont tubulaires et terminés par un petit élargissement creusé en fos- sette, qui agit à la manière d'une ven- touse. Du reste, ils ne sont pas essen- tiels à l'existence de ces Mollusques, car M. Lacaze a constaté qu'ils sont caducs, et que ces Animaux peuvent les perdre sans qu'il en résulte aucun trouble apparent dans leur manière de vivre. A l'intérieur du mamelon pro- boscidiforme, on trouve sur les côtés de la bouche deux cavités qui ont été décrites sous le nom d'abajoues (a) : ce sont des poches membraneuses, gar- nies intérieurement d'un épithélium ciliaire, qui s'ouvrent dans la cavité buccale par une fente en forme de boutonnière, et qui logent parfois dans leur intérieur des I-'oraminifères ou quelque autre proie microscopique (b). M. Lacaze les considère comme étant des organes salivaires. Cette première portion du tube di- gestif est séparée de la suivante par un étranglement au delà duquel on remarque un renflement globuleux, ou arrière-bouche (c), dont la face in- férieure est occupée par l'appareil broyeur, ou langue {d). Celui-ci a pour base une pièce cartilagineuse en forme de fer à cheval très large, dont les deux branches sont réunies à leur ex- trémité par un faisceau de fibres mus- culaires, de façon à constituer un anneau (e) ; d'autres faisceaux char- nus contournent les côtés de cette plaque, et dans l'excavation qui en occupe le centre se trouve une lon- gue bande denticulée, dont la struc- ture est très complexe. Elle constitue la râpe linguale, et se compose de cinq séries longitudinales de pièces cor- nées, articulées entre elles et dispo- sées par rangées transversales. La série médiane est impaire, et constitue une sorte de tige articulée que l'on appelle rachis. De chaque côté se trouve extérieurement une série de plaques minces et assez larges, dites pièces costales, ou pleurœ ; enfin sur le bord interne de chacune de celles- ci s'articule tmedent, dont l'extrémité interne se relève au-dessus de la pièce médiane correspondante. Les deux séries de pièces intermédiaires ou (a) Lacaze, Op. cit., p. i&, pi. 3, fig. 2. (6) Clark, Op. cit., p. 323. (c) C'est la partie appelée gésier par quelques auteurs. (d) Lacaze, Op. cit. [Ànn. des sciences nat., 4° série, t. VI, pi. 9, fig. 11. («) Idem, ihid., pi. 9, fig. 3 à H). 368 APPAREIL DIGESTIF peuvent aller à la recherche de leur nourriture et s'en saisir directement : aussi voyons-nous dans cette classe l'appareil digestif se perfectionner beaucoup sous les rapports de son action mécanique, et la bouche, au heu d'être logée plus ou dentées, ainsi constituées, s'engrènent au-dessus du racliis par leur extré- mité interne qui est liljre, et par le jeu des muscles adjacents ; elles sont susceptibles de s'écarter ou de se rap- procher comme les branches d'une pince à bord denticulé (a). Cette râpe linguale, dont la parlie antérieure occupe la face supérieure de l'anneau cartilagino-musculaire déjà décrit, et la parlie postérieure se contourne en dessous de cette pièce basilaire, ne paraît pas être susceptible de s'avan- cer'hors de la cavité pharyngienne, mais doit saisir au passage les matiè- res alimentaires et les broyer. Immédiatement en arrière de la ca- vité pharyngienne, dans l'inlérieur de laquelle la langue ou l'appareil broyeur faitsaillie, se trouve un petit renflement qu'on doit considérer comme un pre- mier estomac; puis vient une portion élargie du tube alimentaire qui est dis- posée en forme d'anse, et qu'on peut appeler rarrière-estomac. Le fond de ce réceptacle se continue avec deux po- ches autour desquelles viennent s'ou- vrir les caecums hépatiques qui con- stituent l'appareil biliaire (6). Ces po- ches sont très larges, et il est probable que les aliments y pénètrent; mais, morphologiquement, elles représentent une paire de canaux biliaires énormé- ment dilatés : et j'insiste sur cette cir- constance, parce qu'en traitant de l'or- ganisation des Gastéropodes, j'aurai bientôt à discuter la valeur de faits du même ordre. Les caecums hépatiques s'étalent en forme d'éventail de cha- que côlé de la base de l'abdomen, et ont été considérés à tort par quelques auteurs comme étant les branchies de ces singuliers Mollusques (c). Enfin la branche ascendante de la grande anse stomacale se continue avec l'intestin, qui, après avoir décrit plusieurs circonvolutions , se dirige en arrière et en haut pour aller se ter- miner à l'anns. Mais, ainsi que nous l'avons déjà vu, la portion terminale de ce tube est très élargie, et tra- verse le réservoir central de l'appa- reil circulatoire, où ses mouvements de dilatation et de contraction servent à l'établissement de la circulation, en même temps qu'ils opèrent le renou- vellement de l'eau destinée à effectuer une respiration intestinale dans son inlérieur (d). Ij'anus se voit sur la ligne médiane du dos, à la partie an- térieure de la région abdominale et près de la base du pied, dans l'inté- rieur de la gaîne formée par le man- teau (e). (a) Lacaze, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 4" série, I. VI, pi. 10, tig. 1 à 0). (b) Idem, ibid., pi. 8, fig. 1). (c) Clark, loc. cit., p. 324. (d) Voyez tome 11, page 92, el lome HT, p. 99. (e) Lacaze, Op. cit. (Ann. des sciences nat., i' séiic, l. VL pi. 9, fig-. 1 ; \. VU, pi. 2, fi?. 1, etc.). ULS MOLLLSULES GASTÉROl'ODES. â69 moins profondément entre les replis du manteau, occupe l'extré- mité antérieure du corps ou tête de l'Animal. Le régime de ces Animaux est très varié ; les uns se nourrissent de végétaux , d'autres vivent de proie ou se repaissent de matières orga- niques en voie de décomposition. Du reste, la conformation générale du tube alimentaire ne diffère que peu de ce que nous avons rencontré chez les Acéphales, et l'anus, rejeté tantôt sur le dos, d'autres fois sur le côté droit du corps, est toujours assez rapproché de la région céphalique où se trouve la bouche. Il existe en général des glandes salivaires très développées, et le foie, dont le volume est considérable, forme d'ordinaire, avec les ovaires et les testicules, une masse viscérale qui se prolonge de façon à constituer un cône contourné en hélice , au-dessus du pied charnu auquel ces Animaux doivent leur nom commun. Cette portion postérieure ou abdominale du corps est souvent appelé le tortillon^ et elle se trouve dans le fond de la coquille dont la plupart des Gastéropodes sont pourvus. Les viscères y sont serrés les uns contre les autres dans un sac membra- neux; mais entre la masse compacte ainsi constituée et la tête, l'appareil digestif flotte librement dans une grande cavité abdominale qui est tapissée par des prolongements de la tunique péritonéale, et, ainsi que nous Favons vu dans une précédente Leçon (1), cette chambre remplit les fonctions d'un grand réservoir pour le sang veineux (2). La bouche est plus ou moins protraclile, et chez beaucoup de Trompo. ces Mollusques elle est pourvue d'une sorte de trompe, car la (1) Voy. tome Ilf, p. lZi3 et siiiv. exemple le Colimaçon, Mollusque dont (2) Pour rétude du mode général de l'anatomie a étéfaite avec beaucoup de conformation de l'appareil digestif des soin par Cuvier, dont le travail sur cette Gastéropodes, on peut prendre comme classe d'Animaux est fondamental (o). (a) Cuvier, Mêmoive sur la Limace et le Colimaçon (Annales du Muséum, 1806, t. VII, et Mémoires pour servir à l'histoire et à l'analom.ie des Mollusques, 1817, in— i). Les principales figures ont été reproduites dans l'atlas de la grande édition du Hègne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 21. V. 2/* 370 APPAREIL DIGESTIF Appareil masticatoire. portion antérieure du tube alimentaire est susceptible de rentrer en elle-même ou de se dérouler au dehors, et constitue ainsi un organe préhensile, cylindrique et très mobile, dont la longueur est souvent fort considérable (1). Immédiatement en arrière de la bouche, quand les lèvres ne sont que peu ou point protractiles ,- ou tout auprès de (1) Ainsi, chez quelques espèces du genre Mitre, la trompe est plus longue que le corps de l'animal (a). Cet or- gane est également très développé chez les Tonnes (6). Chez les Tritons, il s'allonge moins, mais est très ro- buste (c). La structure en a été étu- diée, chez le Buccinum undatum, par Cuvier et par Osier [d). Poli l'a figuré chez le grand Triton de la Méditer- ranée ; mais le texte de cette partie de "Son ouvrage n'a pas été pu- blié (e). Lorsque la trompe de ces divers Gastéropodes est au repos, c'est-à- dire dans l'élat de rétraction, on y distingue deux portions : l'une termi- nale et interne, l'autre basilaire et vaginale; cette dernière se continue avec les bords labiaux et se dirige en arrière; sa surface cutanée est alors ' en dedans et en rapport avec la se- conde portion de l'organe ; enfin son extrémité postérieure se recourbe en dedans pour embrasser l'œsophage et se continuer en avant avec la por- tion terminale de la trompe. Dans la protraclion, cette portion interne s'a- vance hors de l'espèce de fourreau formé par la portion basilaire, en entraînant celle-ci à sa suite, de fa- çon à la retourner. Enfin, quand la trompe est complètement déployée, la portion basilaire devient extérieure et fait suite à la portion interne, au lieu de la loger dans son intérieur. Les faisceaux musculaires circulaires sont les principaux agents producteurs de ce mouvement en avant et du renver- sement qui en est la conséquence, tan- dis que d'autres muscles qui sont dis- posés longitudinalement, et qui pren- nent leur point d'appui sur les parois latérales de la grande cavité viscérale, tirent la trompe en arrière et en opè- rent le retrait. L'appareil lingual est logé à l'extrémité antérieure de cet appendice charnu (/"). (a) Exemple : la Mitre épiscopale (voy. Ouoy et Gaimard, Voyage de l'Astrolabe, Mollusques, pi. 45, fijr. -1). (b) Exemple : le Dolium perdix (yoy . Quoy et Gaimard, Op. cit., pi. 41, fig. 1, ot Atlas du Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 54, fig. 2). (c) Exemple : le Triton nodiferum (voy. Poli, Testacea utriusque Siciliœ, t. III, pi. 49, fig. 9). (d) Cuvier, Mém. sur le grand Buccin de nos côtes, p. 6, pi. 1, lig. 7, 8, 9 et 10 (Mém. pour servir à l'histoire des Mollusques, et Ami. du Muséum, I8U8, t. H). — Osier, Observations- on the Anatomy and Habits of Marine Testaceous Mollusca [Philos. Trans.,^. 508, pi. 14, fig. 14-17). (e) Poli, Op. cit., t. m, pi. 50, fig. 1. if) Exemples : le Buccin (voy. Osier, Op. cit., Philos. Trans., 183-2, pi. 14, fig. 12). — Le Grand Triton de la Méditerranée (voy. Poli, Op. cit., t. lll, pi. 51 , fig. 2 et 3). — Les Strombes (voy. Quoy et Gaimard, Voyage de l'Astrolabe, Mollusques, pi. 40, fig. 18). — Le Dolium galea (voy. Troschel, Das Gebiss der Schnecken, pi. 1, fig. 6). — La Paludine vivipare (voy. 0. Speycr, Zootomie der Paludiiia vivipara, pi. 1 , fig. 31 , Cassel, 1555). DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 371 l'orifice terminal de la trompe, quand ce dernier organe existe, le canal alimentaire présente un renflement assez grand qui est composé en majeure partie de faisceaux charnus, et qui est communément désigné sous les noms de bulbe pharyngien ou de masse buccale. Il est ordinairement armé de deux sortes d'organes sécateurs de consistance cornée (1), savoir, une ou plusieurs lames maxillaires qui en garnissent la voûte , et d'une sorte de râpe allongée qui en occupe le fond, et qui constitue ce que les zoologistes appellent la langue de ces Animaux (2). L'appareil maxillaire manque parfois complètement, chez les Testacelles, par exemple, et sa composition varie beaucoup. (1) On trouve dans un mémoire de nom de chitine, et qui joue un grand M. Lebert et dans Tintroduction de rôle dans la constitution de l'appareil l'ouvrage de M. Troschel, sur l'appa- tégumentaire des Insectes. Cela a été reil masticateur des Mollusques, une constaté par ce naturaliste chez les revue historique de l'état de nos con- Limaçons et les Patelles (c). M. Bergh a naissances relatives à cette partie de trouvé aussi du phosphate de chaux l'organisme des Gastéropodes, depuis et du fer dans les pièces linguales du Aristote jusqu'à nos jours (a). Buccin (d), et d'autres analyses faites (2) Quelques auteurs ont considéré par M. Bergmann s'accordent avec ces l'armature buccale des Mollusques résultats. Ce dernier a trouvé environ comme étant composée de mucus 94 de chitine et 6 de phosphate de endurci et uni à un peu de carbo- chaux chez VHelix nemoralis et le nale de chaux (6) ; mais on voit, Dolium galea (e). C'est à tort que par les recherches de M. Leuckart, quelques naturalistes ont considéré ces qu'elle est formée essentiellement de pièces linguales comme étant formées la substance qui est connue sous le de siUce (f). (a) Lebert, Beobachtungen ûber die Mundorgane einiger Gasteropoden {Ùùtter's Ai'chiv fur Anat. und Physiol., 1846, p. 463). — Troschel, Das Gebiss der Schnecken , zur Begrûndung einer natûrlichen Classification, 1856, p. 5 et suiv. (6) Braconnot, Analyse des Limaces {Mém, de la Société des sciences, lettres et arts de Nancy 1845, p. 91). — Moquin-Tandon, Hist. des Mollusques terrestres et fluviatiles, p. 31. (c) R. Leuckart, Ueber das Vorkommen und die Verbreitung des Chitins bei den wirbellosen Thieren (Wiegmann's Archiv (ur Naturgeschichte, 1852, t. I, p. 25). (d) Bergh, Bidrag til en Mon'ographi af Marseniaderne {Mém. de l'Acad. de Copenhague, 1853 3« série, t. 111, p. 283). ' (e) Voyez Troscliel, Das Gebiss der Schnecken, p. 28. (/') Hancock, On the Boring of Mollusca into Rocks, etc. {Ahn. ofNat. Hist. 2" série 1848 t. Il, p. 142). ' S72 API'AKEIL DlGliSTlF Ainsi, chez les Colimaçons et les Limaces, il n'est représenté que par une mâchoire impaire et médiane qui est implantée transversalement dans la paroi membraneuse du palais, et qui se termine par un bord Hbre armé de denticules en nombre variable, suivant les espèces. Cette lame tranchante n'exécute que peu ou point de mouvements, mais l'appareil lingual qui y est opposé pousse avec force les matières alimentaires conire son bord inférieur, et effectue ainsi la division de ces substances dont le tissu est en général peu résistant, car la nourriture ordi- naire de ces Gastéropodes terrestres consiste en fruits charnus, en champignons ou en feuilles tendres, bien qu'ils se montrent aussi très avides de matières animales, et que parfois on les voit se repaître même d'une proie vivante (1). (i) Les Limaçons et les Limaces à l'ouvrage spécial de M. Moquin- n'altaquent que rarement certains vé- Tandons(6), gétaux , tels que les Graminées ou La disposition de la mâchoire, qui les Fougères, et même les l'.osacées et occupe la partie supérieure de la ca- les Malvacées, mais ces Mollusques vite buccale de ces animaux, a été in- sont très avides de Champignons, diquée par Svvammerdam et Lister, de Solanées , d'Ombellifères et de puis par Cuvier (c), et étudiée avec beaucoup d'autres plantes à odeur vi- plus d'attention par MM. Troschel, reuse (a). Pour plus de détails au Lebert, Moquin-Tandon, Erdl, Binney sujet du mode d'alimentation des Gas- et plusieurs autres zoologistes de l'é- téropodes puimonés , je renverrai poque actuelle {d). Cet organe adhère (a) Voyez Pépin, Observations faites sur les diverses espèces de Limaçons qui ravagent les jar- dins, et indications des plantes auxquelles ils s'attachent et à l'abri desquelles ils se réftigient de préférence (extr. de ['Horticulteur universel, t. V et VI). — Recluz, Observ. sur le goût des Limaces pour les Champignons '(Guérin, Revue wologique, 1841, p. 307). (b) Moquin-Tandon, Histoire naturelle des Mollusques terrestres et fluviatiles, p. 53 et sniv. (c) Lister, Exercitatio anatomica in qua de Cochleis maxime terrestribus et Limacibus agitur, 1694, p. 69. — Swaramerdara, Biblia Naturœ, pi, 5, Rg. 2. — Cuvier, Mém. sur la Limace et le Colimaçon {Ajin. du Muséum, t. VII). (d) Troscliel, Ueber die Mundtheile einheimischer Schnecken {Archlv fur Naturgeschichte, 1 836, t. I, p. 25T,pl. 9). — Moquin-Tandon, Observ. sur les mâchoires des Hélices de France {Mém. de l'Acad. de Tou- louse, 1848, t. IV). — Histoire naturelle des Mollusques terrestres et fluviatiles, t. I, p. 30 et suiv. * — Erdl, Beitrâge zur Anat. der Helicinen (dans Morilz Wagner, Reisen in' dei' Regentschaft Algier, t. 111, p. 268, pi. 14j. — Binney, The Terrestrial air-breathing Mollusks of the United States, 1851 , 1. 1, pi. 1 , fig. 6 ; pi. 4, fig. 6 ; pi. 5, fig. 4, etc. DES MOLLL'SQUES GASTÉROPODES, 373 Chez d'autres Gastéropodes, les Limnées, par exemple, l'armalure palatine se compose de trois pièces, savoir, une mâ- choire médiane et une paire de lames latérales (1). Ailleurs, dans la même classe, on ne trouve plus de vestige de la mâchoire médiane ; mais les mâchoires latérales acquièrent un grand développement et sont articulées entre elles par leur bord supérieur, de façon â tenir lieu de la première de ces pièces. Cette disposition est fort remarquable chez lesÉolides(2). à la muqueuse palatine par une lame basilaire, et se termine en avant par un bord libre dont la forme varie. Tantôt il présente une grosse carène médiane qui se prolonge en manière de dent ou bec. impair ; par exemple, chez le Zonile peson , ou Hélix algira [a). D'autres fois il présente trois ou un plus grand nombre de petites crêtes subégales et parallèles, terminées cha- cune par une pointe en forme de dent de scie : par exemple , chez VHelix nemoralis {b). Enfin , dans quelques espèces, il n'offre ni ca- rène ni crête bien marquées, et se termine par un bord semi- lunaire à peine ondulé, ainsi que cela se voit chez la petite espèce de Coli- maçon des Alpes appelée Zoniies glaber (c). Cette dernière forme est encore mieux caractérisée chez les Bulimes [d]. Pour les détails spé- cifiques à ce sujet, on peut con- sulter les travaux des auteurs cités ci-dessus. Chez V Ampullaria iirceus, la mâ- choire supérieure est beaucoup plus développée, et encapuchonné, pour ainsi dire, la masse linguale, située au-dessous (e). Il en est à peu près de même chez une espèce de Doridiens, VjEgirus punctilucens (/"). (1) Dans quelques espèces, ces mâ- choires latérales sont rudimenlaires : par exemple, chez l'Ancyle fluviale. Chez la Limnée des étangs, elles ont la forme de lames semi-lunaires [g). (2) MM. Hancock et Emblefon ont décrit avec beaucoup de soin la struc- ture de cette portion de l'armature buccale chez VEolis violacea. Toute la partie supérieure et latérale de la ca- vité buccale est revêtue par les mâ- choires. Celles-ci ont chacune la forme d'une grande plaque concave qui se termine en avant par une lame tran- (a) Van Beneden, Mém. sjir l'anatomie de THelix algira {Ann. des sciences nat., 2° série, t. V, p. 281, pi. 10, fig. 7). {b) Voyez Moquin-Tandon, Histoire natiireUe des Mollusques terrestres et (luviatiles, pi. d3, 11-. 1. (c) Idera, ibid., pi. 9, fig. 3. id) Idom, ibid., pi. 21, fig. 1, 5, etc. (e) Troschcl, Anatomia von Ampullaria (Archiv fur Naturgeschichte, 1845, t. I, p. 20C, pi. 8, fig. 5). (f) Aider et Hancock, A Monograph of the Drilish Nudibranchiate Mollit se a , fam. 1, pi. 17, fig. 14 et 15. . (g) Moquin-Tandon, Op. cit., pi. 34, fig. 17. Langue des Gastéropodes. 574 APPAREIL DIGESTIF Enfin, dans quelques cas, mais très rarement, une mâchoire palatine transversale se trouve opposée à une lame analogue qui occupe la partie antérieure et inférieure de la cavité buccale, de façon qu'il existe en réalité une mâchoire inférieure aussi bien qu'une mâchoire supérieure : cela se voit chez la Nérite fluviatile (1). § 12. — L'appareil lingual, qui occupe le plancher de la cavité buccale et s'y élève en forme de tubercule ovalaire, res- semble beaucoup à l'organe sécateur que nous avons déjà ren- contré dans la même position chez les Dentales, et se fait remarquer surtout par l'espèce de râpe dont il est armé. Il a pour base une pièce cartilagineuse en forme de fer à cheval qui donne attache à de nombreux faisceaux musculaires et porte à sa face supérieure la râpe dont je viens de parler (2). Celle-ci est une bande membraneuse longitudinale qui est garnie d'une multitude de pièces solides en forme de crochets ou de tubercules ; antérieurement, elle est saillante et à découvert ; mais en arrière elle est engagée dans une gaine membraneuse, et elle se termine sur un tubercule mou qui naît des parois de chante prolongée en forme de bec (a). Quelquefois le bord libre de ces mâ- choires est fortement denliculé : par exemple, chez les Éolidiens désignés sous les noms de Janus Spinolœ (6) et û'Antiopa cristata (c). (1) Les deux mâchoires médianes et opposées de la Nérite fluviatile sont formées l'une et l'autre d'une lame semi-cornée, arquée, de couleur bru- nâtre, garnie de six à huit côtes verti- cales etdeniiculées sur le bord (d). (2) Voyez ci-dessus, page 366. La disposition du tubercule lingual et la manière dont la râpe s'engage dans son fourreau ont été très bien représentées par Cuvier chez le Turbo pica (e), par M. Troschel chez le Do- liumgalea (/), et par M. Speyer chez la Paludine vivipare (g). (a) Hancock and Erableton, Anatomy of Eolis {Ann. of NaU Hist., 1845, t. XV, p. 5, pi. 1, fig. 5 à H, el pi. 2, fig-. 2 à 8). (6) Blanchard, Recherches sur l'organisation des Mollusques Gastérofodes de l'ordre des Opisto- branches (Ann. des sciences nat., 3° série, 1849, t. II, pi. 4, fig. 3). (c) Aider et Hancock, Monogi'aph of the British Nudibranchiate Mollusca, fani. 3, pi. 43, fig. 3 et 4 {Ray Society). (d) Moquin-Tandon, Op. cit., pi. 42, fig. 5. (c) Cuvier, Mém. sur la Vivipare d'eau douce, etc., fig. 8 (Ann. du Muséum, 1808, l, XI), If) Troschel, Cas Geftiss der Schnecken, pi. 1, fig. 6. ia) Speyer, Zootomie der Paludina vivipara, pi. 1, fig. 19, 21, 31, 37. DES MOLLUSQUES GASTÉROfODËS. 375 ce fourreau, et qui paraît être l'organe chargé d'effectuer l'ac- croissement de cette singulière armature (1). Les pièces solides qui la recouvrent sont en très grand nombre et se répètent longitudinalement; elles sont disposées par bandes transver- sales et varient beaucoup dans leur forme et leur mode d'arran- gement, suivant les genres et même les espèces (2). En général, une série de pièces impaires o(;cupe la ligne médiane et sert de support à une double série de pièces latérales dont les internes se recourbent en haut et en arrière, de façon à constituer des crochets ou des dents aiguës. Souvent, au lieu d'une seule rangée de ces crochets de chaque côté de la ligne médiane, il en existe plusieurs, et quelquefois, en même temps que ces parties latérales de l'armature linguale se multiplient beaucoup, la por- tion médiane disparaît, de façon que le tout ne ressemble plus à un ruban unique, mais constitue une paire de larges plaques (1) Le cartilage lingual des Mollus- des cellules cartilagineuses (6), mais ques Gastéropodes a échappé à l'at- cela ne paraît pas être, tention de beaucoup d'anatomistes , ('i) Le mode de croissance delà mais ne paraît manquer que très ra- râpe linguale me paraît avoir été très rement. M. Lebert fut l'un des pre- bien constaté chez la Néritine fluvia- miers à en faire bien connaître la dis- lile par M. Clarapède. Ce naturaliste position, qui, dans ces derniers temps, considère comme une espèce de bulbe a été décrite d'une manière pluscom- ou de matrice le tubercule mou qui plète par M. Huxley, et surtout par en occupe l'extrémité postérieure, et M. Claparède (a). M. Semper pense il a vu que les pièces dentaires, en s'y qu'il manque dans le genre Limace, développant, sont d'abord très minces et que chez les autres Gastéropodes et délicates, mais se consolident en pulmonés le tissu des parties corres- s'avançant vers la cavité buccale (c). pondantes à ce cartilage serait com- M. Semper pense que la râpe lin- posé de fibres musculaires mêlées à guale ne s'accroît pas d'avant en ar- (a) Lebert, Beobachtungen ûber die Mundorgane einiger Gasteropoden (Mùllcr's Archiv fur Anat. und Physiol., 1846, p. 435, pi. 13, fig-, 22, etc.). — Huxley, On the Morphology of the Cephaloiis Mollusca {Philos. Trans., 1853, p. 58, pi. 5, fig. 12 et 13). — Claparède, Anatomie und Entwickelungsgeschichte der Neritina fluviatilis (Muller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1857, p. 144 et suiv., pi. 5, ùg. 11-25). (6) Semper, Zum feinereii Baue der Molluskensunge (Zeitschr. fur wissenschaftliche Zoologie, 1858, t. IX, p. 271, pi. 12, fig. 5). (c) E. Claparède, Op. cit. (Muller's Archiv fur Anat. und Physiol,, 1857, p. 142). 376 APPAREIL t)lGESTlP hérissées de denticules. Quoi qu'il en soit à cet égard, les cro- chets sont durs à la partie antérieure de l'appareil, mais vers la base de la langue ils sont plus mous, et ils paraissent se renou- veler à l'extrémité postérieure de cet organe à mesure qu'ils s'usent à sa prrtie antérieure, qui s'élève en arc de cercle. Cette partie saillante de la râpe, à raison de l'élasticité des par- ties sous-jacentes et du jeu des muscles insérés sur le cartilage basilaire, est susceptible de se porter alternativement en avant et en arrière; chez les Gastéropodes ordinaires, elle ne se déroule jamais au dehors de la bouche, mais elle agit à la manière d'une scie articulée (1). La structure de cet appareil rière, et naîtrait directement comme produit épilhélial de la membrane sous-jacente {a) ; mais il ne se fonde sur aucune observation directe , et cette hypothèse ne s'accorde pas avec les divers degrés de dévelop- pement qui se remarquent dans le tissu de pièces dentaires d'arrière en avant. (1) 11 existe de grandes et nom- breuses variations dans l'armature de la langue des Gastéropodes, et depuis quelques années l'étude des pièces solides qui la constituent a été pour- suivie avec persévérance par plu- sieurs zoologistes, parmi lesquels je citerai principalement M. Lovén à Stockholm, et M. Troschel à Berlin (6). J'ajouterai que les belles préparations microscopiques faites par M. Rappart, de Wabern, et données à beaucoup d'établissements universitaires par ce naturaliste ( sous le nom d'Engell et C), ont beaucoup contribué à vul- gariser les connaissances relatives à ce point d'anatomie. Le premier exemple que je crois de- voir choisir pour l'élude des pièces lin- guales est VEolis aîba. Ici la râpe (ou radula) se compose d'une seule série longitudinale de plaques cornées, ar- mées chacune d'un prolongement co- nique et spiniforme qui se recourbe en arrière, au-dessus de la base de la dent suivante, de façon à constituer une rangée longitudinale de crochets simples dont la pointe est dirigée en arrière (c). On ne compte que vingt de ces dents. Chez d'autres Éolidiens, où il existe également une seule rangée de pièces linguales , celles-ci s'élargis- sent davantage, et offrent de chaque côté de la grosse pointe médiane une série plus ou moins nombreuse d'é- pines ou denticules plus petites, de façon à constituer une série de pei- ia) Semper, Op. cit. {Zeltschr. fur wissenschaftl. Zool., 1858, t. IX, p. 27-t). (b) Lovén, Offl tungans bevapning hos Molluskev {Opversigt afVitenskaps-Aliademiens Forhand- iingar., 1847, p. 175, pi. 3 à C). — Trosciiel, Dos Gebiss der Svhnecken, z-ur Begrilndung einer natûrlichcn Classification. Berlin, 1856. (c) Voyez HaiiPocls ami Emblclon, Op. rit. {.\nii. of Xat. Hht., t. XV, pi. 2, fig'. 1 1 et, 12). DES MOLLrSQtES GASTÉROPODES. â77 est extrêmement complexe; on y distingue souvent plusieurs milliers de pièces articulées entre elles, et la gaine qui renferme sa portion basilaire se prolonge en général au-dessous de la gnes: par exemple, chez VEolis nana, VE. stipula, etc. [a). Dans un second type, Tarmature lin- guale se compose d'une série médiane de crochets, soit simples, soit pectines, et d'une série d'autres pièces cornées situées de chaque côté, et tantôt sim- ples, comme cela se voit chez VEolis pellucida [b] ; d'autres fois à bord denticulé : par exemple, chez VE. li- neata (c). Chez d'autres Gastéropodes, l'arma- Uire linguale se modifie par l'addition d'un nombre plus ou moins considé- rable de dents latérales de chaque côté des séries déjà décrites. Ainsi chez lesBuccins, les Nasses, les Murex, etc. , chaque rangée transversale se com- pose d'une large dent médiane (en général garnie de pointes fortes ou nombreuses) et d'une paire de dents latérales, tantôt en forme de crochets simples, d'autres fois terminées par deux, trois ou un plus grand nombre de pointes courtes [d]. Chez le Cras- pedonia lucidum (e), le Cyclophorus inca If), le LameUaria prodita [g), les Arapullaires (h), etc., chaque rangée transversale se compose d'une grosse dent médiane et de trois paires de dents latérales à peu près de même forme. Chez les Cyclostomes, la disposition de ces pièces est à peu près la même, si ce n'est que les dents de la rangée externe de chaque côté s'élargissent beaucoup et deviennent multidenticulées sur le bord (0. Ailleurs, on voit ces pièces latérales se développer davantage en- core, et se subdiviser vers leur bord antérieur en une longue série de cro- chets : par exemple, chez le Trochus ciuerarius (j) et le Chondropoma Poeyanum {k). Ou bien encore les dents latérales, tout en restant simi- laires, se multiplient énormément , ainsi que cela se voit chez l'Ancyle fluviatile (/) et chez les Bulimes [m). Chez les Siphonaires, on compte, dans chaque rangée transversale des deux côtés du crochet médian, une cinquantaine de crochets de plus en plus petits 'ji[. U arrive parfois que dans le cas où les parties latérales de l'armure Un- (a) Voyez, pour la forme de ces dents, la belle Monographie des MoUusques NmUbrnnches, par MM. Aider el Hancock, pi. 47, Cig. 17, 18, etc. (Ray Society). (6) Aider and Hancock, Sudibranchiate MoUusca, pi. 47, fîg. 12. (c) Aider and Hancock, Op. cit., pi. 47, fig. 10. \d) Lovén, Op. cit. (Bulletin de IWcadémie de Stockholm, 1847, pi. 5). (e) Troschel, Bas Gebiss der Schnecken, pi. 4, Gg. 3. (/■j Gray, Gn the Teeth of the Pneummobranchiate Mollusca (Ann. of Sa!. Hist., i' série, 1853, t. XII, p. 333, fig. 6). (g) Lovén, Op. cit. (Bulletin de l'Académie de Stockholm, 1847, pi. 4). (h) Troschel, Op. cit., pi. 6, ûg. 6 à 9. {il Exemple : Cyckistomus elegans (voy. Troschel, Op. cit., pi. 4, fig. 8). [j) Lovén, loc. cit., pi. 6. (k) Troschel, Op. cit., pi. 4, fig. 13. (l) Lovén, Op. cit. [Bulletin de l'Académie de Stockholm, 1847, pi. 3\ (m) Troschel, Ueber die Mundtheile einiger Heliceen i.Krchiv fur Xaturgeschichle, t. I, p, -2-25, pi. 4, fig. 4 6, G b). [n) Gray, Op. cit. [Anu. ofXal. Hist., 2' série, f. Xll, p. 333, fig. 5), 578 APPAREIL DIGESTIF masse viscérale. Chez la Patelle, par exemple, elle offre des dimensions très considérables, et se loge dans une poche mem- guale se développent beaucoup, les pièces de la rangée médiane cessent de se prolonger en forme de dents, et se réduisent à de simples tubercules ou bandes cornées, dont Tensemble constitue une sorte de tige articulée que les anatomistes désignent souvent sous le nom de rachis. Cette disposi- tion se remarque chez le Paludinavivi- para [a], le Boris diaphana [b), le Psammophora (c), etc. Ailleurs les pièces médianes disparaissent uième complètement, de façon qu'alors le rachis lingual manque et que toutes les parties de l'appareil sont paires : cela se voit chez la plupart des Doris, ani- mau;c qui ont généralement la langue très large et bilobée [d). Il est aussi à noter que la forme de ces pièces latérales varie beaucoup. Tantôt ce sont de simples papilles obtuses ou coniques et plus ou moins recourbées en arrière , ainsi que cela se voit chez la plupart des Héli- cines [e) , les Janthines (/") , etc. ; d'autres fois des lames assez larges et faiblement denliculées sur le bord , par exemple chez le Valvata trica- rinata (g) ; ou bien encore des cro- chets à plusieurs branches, disposi- tion qui se rencontre chez le Cyprea helvola {h). Quelquefois les pièces d'une même rangée ne se placent pas sur une seule ligne transversale, et forment diffé- rents groupes qui compliquent beau- coup l'aspect général de la râpe : par exemple, chez lo plupart des Pa- telles (^■) et chez les Oscabrions (j). Ainsi que je l'ai déjà dit, le nombre des pièces constitutives de la râpe lin- guale est souvent très considérable ; on en compte environ 6000 chez le Doris tuberculata {k), environ 1/t 000 chez Vlîelix aspersa, 21 000 chez VHelix pomalia, et près de 27 000 chez le Limax maximus (/) ; enfin, chez le Tritonia Hombergii, il y en a plus de 36 000 (m). Chez quelques Éolides on ne trouve qu'environ vingt dents. Il existe aussi de grandes variations quant à la longueur de la râpe lin- guale. Chez le Trochus pagodus, cet organe est sept fois plus long que le corps de l'animal (n). (a) Troschel, Op. cit. {Archiv fur Naturgeschichte, 1836, pi. 4t, fig. 2). (b) Voyez Aider et Hancock, Op. cit., pi. 46, fig. 9. (c) Quoy et Gaimard, Voyage de l'Astrolabe, Mollusques, pi. 69, fig. dO. (d) Exemple : Doris tuberculata (Aider et Hancock, Op. cit., pi. 1, fig. G, 7, 8; pi. 46, fig. i). (e) Troschel, Das Gebiss der Schnecken, pi. 5, fig. 1 à 12. (/■) Lovén, loc. cit., pi. 3. {g} Troschel, Das Gebiss der Schnecken, pi. 6, fig. 14. {h) Lovén, loc. cit., pi. 4. (ij Lovén, Op.^ cit. {Bulletin de l'Académie de Stockholm, 1847, pi. 6). {j) Savigny, Egypte, Mollusques gastérop., pi. 3, fig. 5', 5**. — Schiff, Beitrdge %ur Anatomie von Chiton piceus (Zeitschr. filr wissensch. Zoologie, t. IX, pi. 2, fig. 10). (fc) Aider et Hancock, Op. cit., \>. H, fam. 2, pi. 1, fig. 5 et 6. (Z) W. Thomson, Remarks on the Dentition of Dritish Pulmonifera (Ann. oj Nat. Hist., 2« série, t. VH, p. 93). {m} Aider and Hancock, Op. cit., p. 11. (n) Quoy et Gaimard, Voyage de V Asti'olabe, Mollusques, pi. 62, fig. 3. DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 379 braneuse dépendant des sinus céphaliques dont j'ai déjà eu à parler en décrivant le système artériel de ces singuliers Mol- lusques (1). Enfin, chez les Haliotides, la portion basilaire de la langue, revêtue comme d'ordinaire de sa gaine membraneuse, se loge dans la cavité de la grande artère aorte. Lorsque l'es- pèce de scie courbe ainsi constituée est située à l'extrémité d'une trompe grêle et allongée , elle permet à l'Animal de tarauder en quelque sorte la coquille des Mollusques dont celui-ci veut faire sa proie , et de ronger les parties molles situées au-dessous de cette enveloppe calcaire. C'est de la sorte que les Buccins perforent beaucoup de coquilles de nos côtes (2), et c'est aussi à l'aide de cet appareil sécateur que d'autres Gastéropodes creusent parfois dans la substance des plantes marines des excavations profondes (3); mais en général la râpe linguale est employée surtout à pousser les matières ali- mentaires de la bouche vers l'œsophage {h). Quelquefois elle est susceptible de se déployer à l'extérieur et d'agir à la manière d'un organe de préhension; cela se voit chez les Firoles et les Carinaires (5). (1) Voyez tome III, page 136. nos côtes se nourrit d'algues molles, ('i) Le Buccinum lapillus se nour- et fait pénétrer par succion les fila- rit de la sorte aux dépens des Moules ments de ces végétaux dans son œso- et de divers (îasléropodes ; quelque- phage. La Patelle commune paraît fois il attaque même des Animaux de avaler aussi des fragments de plantes son espèce [a). marines sans les diviser préalable- (3) Cette observation s'applique au ment {b). Patella pellucida qui se trouve sou- (5) Chez ces Mollusques, l'armature vent sur les côtes de la Manche, dans linguale se compose généralement de des trous creusés dans le pied du cinqséries longitudinales de pièces cor- Zostera marina. Le Trochus crassus nées, et celles de la série externe sont de nos côtes râpe aussi les plantes susceptibles de se reployer en dedans marines dont il se nourrit. au-dessus des dents de la paire interne, (Zi) Ainsi le Turbo Uttoreus de ou de se renverser en dehors, de façon (o) Osier, Observ. on the Anatomy and Habits of Marine Testaceous Mollusea,illustralive of Iheir Mode of Feeding (Philos. Trans., ISSS, p. 507). (6) Osier, Op. cit. [Philos. Trans., 1832, p. 503). Armature gastrique. Gésier. â80 APPAREIL DIGESTIF § 13. — Les organes sécateurs dont la bouche est armée ne sont pas les seuls instruments à l'aide desquels la division mé- canique des aliments s'opère parfois chez les Mollusques Gasté- ropodes. Quelquefois une portion du tube digestif est disposée de façon à remplir des fonctions analogues. Ainsi, chez les Aplysies, il existe une sorte d'estomac triturant appelé gésier, dont les parois , garnies de fibres musculaires très puissantes, sont armées de plaques cornées en forme de dents et de crochets (1). à former de chaque côté une rangée de crochets dirigés en dehors [a). (1) Chez TAplysie (6) , l'appareil buccal, renfermant une râpe linguale multidenticulée (c) , est suivi d'un œsophage étroit, qui bientôt se dilate subitement pour former un premier réservoir alimentaire , appelé jabot. Celte première poche se contourne sur elle-même en manière de spirale et a des parois membraneuses assez minces. Les aliments passent ensuite dans un second réservoir à parois très musculaires qui constitue le gésier. La surface interne de cet estomac triturant est garnie d'une douzaine de grandes plaques épi- ihéliques , de consistance semi-car- tilagineuse, qui ont la forme de py- ramides à base rhomboïdale, et qui sont disposées de façon à se rencon- trer par leur sommet, quand l'organe se contracte. Un troisième estomac. qui fait suite au gésier, est armé en dedans de petits crochets dont la pointe est dirigée en avant et dont la nature est également épithélique. Près du pylore, on y remarque aussi deux petites crêtes membraneuses qui font saillie dans son intérieur et qui bordent l'entrée d'un gros appendice caecal à parois membraneuses. L'in- testin n'offre rien de particulier {d). Le secolîd estomac du Cerithium lelescopium paraît offrir une disposi- tion analogue : on y a trouvé une plaque solide garnie de plusieurs ran- gées transversales de denticnles (e). Chez les Bullées, il y a aussi un gésier armé de pièces solides pro- pres à triturer les aliments; leur dis- position varie un peu suivant les espèces (/"). Chez le Bulla lignaria, deux de ces pièces calcaires sont unies par des fibres musculaires, et ressemblent un (a) Exemple : Carinaire (voy. Poli, Op. cit., t. III, pi. 44, fig. 9 cUO). ■ — Firole (voy. Leuckart, Zoologische Uiitersuchuncjen, Heft 3, p. 39, pi. i, fig'. 13). (6) Cuvier, Mémoire sur le genre Aplysia, vulgairement nommé Lièvre niarin {Mémoire pour servir à l'histoire des Mollusques, et Ann. du Miiséum, 1802, t. II). (c) Lovcn, loc. cit., pi. 3. (d) Délie Cliiaje, Descriz. e notomia degli Animali invertebrati délia Sicilia citeriore, pi. 58, fig. 3. (e) Berkeley and Hoffmann, A description of the Anatomical Structure ofCcrilliium telescopiuni {Zoological Journal, t. V, p. 434, pi. 20, fig. 6). {f) Cuvier, Mém. sur ks Acères, p. 12, pi. 1, fig. 21 el 22 (.\nn. du Muséum, 1810, t. XVI), DliS MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 381 § 1/4. — Beaucoup de Gastéropodes sont omnivores ou même essentiellement phytophages , et il est aussi à remarquer que chez la plupart des Animaux de cette classe il existe un appareil salivaire très bien constitué. Quelquefois ces organes sécré- teurs ont la forme de tubes simples à parois glandulaires, chez les Aplysies et les Calyptrées, par exemple ; mais en général Glandes salivaires. peu aux valves de la coquille d'un Mollusque acéphale ; pendant quelque temps on les a fait passer pour telles dans le commerce, et on les désignait sous le nom générique de Gioenia [a). Chez les Scyllées, Cuvier a trouvé un gésier garni intérieurement de douze lames cornées, disposées lon- gitudinalement et tranchantes comme des couteaux [h). Une disposition ana- logue paraît exister chez VÂuricula Midas, où le gésier est très déve- loppé (c) ; et chez les peUts Gastéro- podes que M. de Quatrefages a dési- gnés sous le nom de Pavois, on voit un estomac garni de quatre plaques solides denliculées (d). Les Bythénies, petits Gastéropodes herbivores qui ont beaucoup de res- semblance avec les Paludines, mais qui sont dépourvus de mâchoires, ont dans l'estomac un corps cartilagineux cylindrique qui paraît être analogue au stylet cristallin des Mollusques acéphales (e). Quelque chose d'ana- logue a été signalé chez les Strombes et chez le Trochus turritus (f). Enfin M. Huxley a découvert chez les Ptérocères un stylet cartilagineux qui est logé dans un caecum pylorique, et qui fait saillie au fond de l'esto- mac (g). Quelques autres Gastéropodes sont pourvus d'un gésier qui, sans être armé de la sorte, n'en est pas moins un organe triturant. Ainsi, chez la Limnée des étangs, cette portion du tube alimentaire est garnie de deux masses musculaires, qui sont réunies par un tendon, et Cuvier la compare au gésier des Oiseaux granivores {h). Chez les Oiichidies, on trouve aussi un gésier musculaire très puissant, qui est revêtu intérieurement d'une tunique de consistance cartilagi - neuse (i). Une disposition analogue se voit chez l'Ombrelle de la Méditer- ranée {j). {a) Owen, Lectures on the Comparative Anatomy of [nvertebr. Anbnals, p. 557. (6) Cuvier, Mém. sur la Scillde, etc., p. 10, pi. 1, fig-. 0 {Méin. du Muséum, 1805, l. VI, et Ann. pour servir à l'histoire des Mollusques). (c) Quoy et Gainiard, Voyage de l'Astrolabe, Mollusques, pi. 14, fig. 6 et 12. (d) Quatrefages, Mém. sur les Gastéropodes phlébentérés (Ann. des sciences nat., 3» série, 1844, t. I, p. "153, pi. 4, lig. 5, et pi. 5, fig. 7). (e) Moquin-Tanrloii, Histoire des Mollusques terrestres et fluviatiles, t. I, [i. 44, pi. 38, fig. 21, et pi. 39, fig. 30. (/■) Collier, General Observations on Univalves {The Edinb. new Philosoph. Journal, 1829, t. VII, p. 231). (g) Huxley, On the Morphology of the Cephalous Mollusca (Philos. Trans., 1852, p. 60, pi. 5, fig. 16 et 17). (h) Cuvier, Mém. sur la Limnée, etc., p. 7, pi. 1 , fig. 9 in. (i) Cuvier, Mém. sur l'Onchidie, p. 8, pi. 1 , fig. 4, 5 et 7 ^. (j) Dalle Chiaje, Descr. et notom. degli Anim. invertebr., t. II, p. 90, pi. 00, fig. 20. 382 APPAREIL DIGESTIF ils sont massifs et consistent en un certain nombre de lobules d'apparence grenue, qui sont fixés à l'extrémité d'un canal excréteur long et grêle. Ils débouchent sur les côtés de la langue, mais ils sont logés plus ou moins loin en arrière, sur les côtés de l'œsophage ou de l'estomac. D'ordinaire on n'en trouve qu'une seule paire, mais dans quelques espèces il y en a deux paires, par exemple chez les Janthines (1). (1) Chez les Aplysies, les glandes mais ont un aspect plus framboise ou salivaires ont la forme de deux gros deviennent même sublobulées (g). cordons cylindriques, mous et blan- Chez le Colimaçon, ces organes sont châtres, qui naissent de la masse beaucoup plus développés et s'élar- buccale, sur les côtés de l'œsophage, gissent postérieurement en lobules et se dirigent en arrière, traversent le minces et irréguliers qui s'appliquent collier nerveux avec ce conduit, et sur la surface externe de l'estomac, et vont se placer sur le côté gauche de se réunissent sur plusieurs points, de l'estomac (a). façon à embrasser ce viscère {h). Chez Chez la Calyptrée, ces glandes ont à la Limace ils se prolongent moins loin peu près la même forme, mais sont en arrière, mais ressemblent davan- beaucoup moins longues (6). tage à des glandes conglomérées Un mode d'organisation semblable ordinaires (i). se voit chez la plupart des Doris (o). Chez les Onchidies , les glandes chez les Calliopées {d) , les Cari- salivaires sont moins compactes, et naires (e), les Firoles (/"), etc. ressemblent à des arbuscules touffus. Chez les Tritonies, les glandes sali- parce que leurs lobules ne sont unis vaires sont encore grêles et allongées, que par leurs canaux excréteurs (j). (a) Cuvier, Mém. sur l'Aplysie, pi. 3, fig. ■) (extr. des Ann. du Muséum, t. II). — Délie Chiaje, Descri%ione e notomia degli Animalimvertebrati délia Sicilia citeriore, pi. 58, fig. 1 et 3). — Carus et Otto, Tab. Anatom. compar. illustr., pars iv, pi. 2, fig. dO. (6) Owen, On the Anatomy of Calyptridœ {Transactions of the Zoological Society of London, i. I, p. 208, pi. 30, fig. 6). (c) Exemple : Doris lacera (voy. Cuvier, Mém. sur les Doris, pi. 1 , ùg. 3). — Doris pilosa (voy. Aider et Hancock, Op. cit., pi. 1, fig. ■12). — Doris tuberculata (Aider et Hancock, Op. cit., pi. 2, lïg-. 1). — Doris argo (Carus et Otto, Tab. Anatom. compar. illustr., pars iv, pi. 2, €ig. 3). [dj Souleyet, Voyage de la Bonite (Hist. nat., t. II, p. 449, Mollusques, pi. 24 c, fig. 18). (e) Milne Edwards, Sur l'organisation de la Garinaire (Ann. des sciences nat., 2° série, t. XVIII, pi. H, fig. 1 et 2). — Souleyet, Voyage de la Bonite, Zool., Mollusques, pi. 22, fig. 1 . if) Lesueur a figuré ces organes chez les Firoles, nwis les désigne sous le nom de Polypes internes (Journal of the Acad. of Philadelphia, t. I, p. 41. pi- 2, fig. 7). (g) Exemple : Tritonia Hombergii (voy. Aider et Hancock, Op. cit., fara. 2, pi. i, fig. 2 et 3). (h) Cuvier, Mém. sur la Limace et le Colimaçon, p. 18, pi. 1, fig. 3 et 4, et Atlas du Règne animal, Mollusques, pi. 21 , fig. 1 c. [i) Cuvier, Op. cit., pi. 2, fig. 6 et 12. . — Brandt, Medicinische Zoologie, t. II, pi. 34, fig. 14. ij) Cuvier, Mém. sur l'Onchidie, pi. 1 , fig. 4, 5 et 6 (Ann. du Muséum, t. V). DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. SSâ § 15. — L'œsophage qui fait suite à la cavité buccale est en général un canal étroit et à parois minces ; sa longueur est considérable chez les espèces qui sont pourvues d'une trompe protractile, et alors il se recourbe souvent en forme d'S dans Jabot. Chez la Paludine commune , elles offrent à peu près la même disposi- tion, mais elles sont moins dévelop- pées (a). Chez le grand Triton de la Méditer- ranée {T. nodulosum), ces organes sont très gros etdivisés chacun en deux ou trois lobes fort distincts , mais fixés à un même canal excréteur (b). Chez la Janthine, les glandes sali- vaires sont grêles et cylindriques , comme chez les Aplysies, mais au nombre de quatre. Celles de la pre- mière paire débouchent au bord anté- rieur de la trompe, tandis que celles de la paire postérieure s'insèrent au fond de la cavité buccale, sur les côtés de la langue (c). Chez VAgathina mauritiana , ces organes sont complètement bilobés, mais leurs canaux excréleurs se réu- nissent en un tronc commun de chaque côté de l'œsophage [d). Rang a décrit et figuré deux paires de glandes salivaires chez les Atlan- tes (ei; mais, d'après des recherches de SouIeyet,il paraît s'être trompé sur la détermination des parties qu'il con- sidère comme constituant la paire an- térieure de ces organes (/"), et il n'en existe, en réalité, qu'une paire {g). M. Ailman a trouvé aussi deux paires de glandes salivaires chez TAc- téon, l'une débouchant sur le côté de la langue, et l'autre tout près du bord labial (h). Chez les Eolides, les glandes sali- vaires paraissent être réduites à deux petites masses de follicules logées dans l'épaisseur de la masse linguale (^j. La structure intime des glandes sali- vaires n'a été étudiée que chez un petit nombre de Mollusques. En géné- ral, ces organes se composent d'une multitude de petits caecums membra- neux et arrondis, qui sont suspendus à l'extrémité des divisions du canal excréteur et enveloppés dans une tu- nique membraneuse commune. M.Ley- dig a constaté que chez le Colimaçon chacun de ces acini renferme un certain nombre d'utricules ovoïdes pédiculées (j) ; leur canal excréteur est tapissé d'un épithélium vibratile. (a) Cuvier, Mém. swr la Vivipare d'eau douce, fig. 3 et 8 [Annales du Muséum, 1808, t. XI). (b) Poli, Testacea utrmsque Siciliœ, t. 111, pi. 50, fig. 1 . — Milne Edwards, Voyage en Sicile, l. 1, pi. 25. (c) Cuvier, Mém. sur la Janthine, etc., p. 9, fig. 0 [Ann. du Muséum, t. XI). (d) Quoy et Gaimard, Voyage de l'Astrolabe, Mollusques, pi. 49, fig. 21, et Allas du Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 25, fig. 1 a. (ej Rang, Observ. sur le genre Atlante [Mém. de ta Société d'histoire naturelle de Paris, t. III, p. 377, pi. 9, fig. 13). (/■) Souleyet, Voyage de la Bonite, Zool., t. Il, p. 303. ig) Huxley, On the Morphology of Cephalous Mollusca, etc. (Philos. Trans., p. 37, pi. 3, fig- 1 f). — Gegenbauer, Unters. ûber PteropodenundHeteropoden,f\. 6, fig. 1. (h) Ailman, On the Anatomy of Actœon (Ann. of Nat. Hist., 1845, t. XVI, p. 147, pi. 6). (i) Hancock and Embleton, Anat. of Eolis (Mat. ofNat. Hist., t. XV, pi. 3, fig. 6). — Aider et Hancock, Op. cit., fam. 3, pi. 7, fig. 6. (j) Leydig, Ueber Paludina vivipara (Zeitschr. fur wlssenschaftl. Zoologie, 1850, t. Il, p. 16t), pi. 12, fig. 1 1 , et Lehrbuvhder Histologie, p. 348, fig. 186, A). 384 APPAREIL DIGESTIF la portion libre de la cavité abdominale, quand cet organe est au repos. Quelquefois cette portion du tube alimentaire se dilate postérieurement de façon à constituer un réservoir alimentaire appelé jabot, qui précède l'estomac et le gésier, quand ce der- nier organe existe, et qui est probablement destiné à faciliter l'action de la salive sur les matières nutritives. Ce mode d'or- ganisation se remarque chez les Aplysies et la Limnée des étangs, par exemple (1). Estomac, § 16. — L'cstomac des Gastéropodes, comme celui des Mol- lusques Acéphales, est en général entouré par le foie -, il se continue toujours avec l'intestin , et les canaux biliaires y dé- bouchent. D'ordinaire il est médiocrement développé et n'offre dans sa disposition rien de remarquable (2) ; mais chez la plu- (1) Ainsi que je l'ai déjà dit alimentaire qui correspond au jabot (page 380), le jabot des Aplysies est chez les Mollusques dont il vientd'être li'ès développé ; il se prolonge en cul- question, s'élargit aussi en manière de- sac postérieurement, au-dessus de de réservoir, mais se confond posté- la porlion antérieure du second es- rieurement avec l'estomac propre- lomac ou gésier (a). ment dit. Je citerai comme exemple Chez la Tonne perdrix {Dolium de cette disposition le Colimaçon (e). perdix), Quoy et Gaimard ont figuré II en est à peu près de même chez les une poche membraneuse appendue Haliotidcs, si ce n'est que le premier au jabot (6) ; mais il est probable que estomac est séparé du second par une cet appendice naissait plus en avant, valvule semi-lunaire (/"). et n'était autre chose que le fourreau Chez le Buccin onde, on voit sur le de la langue, qui se voit très bien côté de l'œsophage un petit prolon- dans les figures anatomiques de la gement en cul-de-sac qui peut être Tonne cannelée faites par Poli (c). considéré aussi comme un jabot {g). Chez la Limnée des étangs, le jabot (2) Ainsi, chez le Colimaçon, l'esto- est pyriforme et n'offre rien do remar- mac ne se distingue pas nettement de quable [dj. l'œsophage et ne s'élargit que peu ; sa ChezplusieursGastéropodesquisont portion postérieure est séparée de sa dépourvus de gésier, la portion du tube porlion antérieure par un léger é tran- (a) Cuvier, Mém. sior l'Aplysie, pi. 3, fig'. 1 , o, c (Ann. du Muséum, t. II). — Miliie Edwards, Voijage en Sicile, 1. 1, pi. !23. (6) Quoy et Gaimard, Voyage de l'Astrolabe, Mollusques, pi. i{, fig. 4. (c) Poli, Testacea ittriusque Siciliœ, t. III, pi. 50, fig. 8, (d) Cuvier, Mém. sur la Limnée, pi. 1, fig. 9, l [Ann. du Muséum, 1806, t. VU), (e) Idem, Mém. stir la Limace, etc., pi. \, fig. 3 et 4 {Ann. du Muséum, t. VII). (f) Idem.iVeOT. sur rHaliotide, etc., p. lO, pi. 1, tig. 15, 16, 17. {g) Idem, Mém. sur le Grand Buccin, pi. 1, fig, 6 et 15, h (Ann. du Muséum, t. XI). DES .MULI.LSQLKS GASTÉIIUI'ODKS. 385 part des Éolidiens et ehez qaelrjues autres Animaux du même ordre, la eonformation de eette portion de l'appareil digestif est fort singulière. Ainsi, en étudiant au microscope un de ces petits ^Mollusques Appen.iices -, , , , . gastro-liépa- dont les téguments étaient assez transparents pour me permettre iiq>.es. d'observer directement ce qui se passait dans l'intérieur de son corps , j'ai vu fort distinctement la matière végétale de cou- leur verte qu'il avalait, traverser l'estomac et s'engager dans un vaste système de canaux en communication avec cet organe. Ces conduits s'avançant au loin dans le corps du Mollusque, se divi- saient en branches et se terminaient par des culs-de-sac dont les uns se trouvaient dans la tête, d'autres dans l'intérieur des appendices branchiaux dont le dos de l'Animal était garni. En faisant connaître ce système de canaux dans lequel les matières alimentaires étaient charriées et parvenaient quelquefois jusfpie dans les [)arties les plus éloignées de l'économie , je l'ai dési- gné sous le nom cVappareilgastro-vasculaire^ et je l'ai comparé aux appendices lubuleux que nous avons vus naître do l'estomac des Méduses (i). Peu de temps après, des observations ana- glenienr, et se prolonge un peu en donl les parois sont médiocrcnient forme de cui-de-sac au delà du pylore, épaisses, et dont Touverture posté- où commence l'intestin (a). rieure donne dans un troisième esto- Cliez le Buccin onde, l'estomac est mac à parois feuilletées longitudinale- mieux délimité ; il est arrondi, mais ment. Enfin une quatrième dilatation peu volumineux (6). stomacale se voit entre ce dernier et Chez le Pleurobranche , l'estomac l'iniestin (c). présente une disposition beaucoup (1) Mes observations ont été faites plus complexe. Les vaisseaux biliaires en 18/|0 sur un petit Éolidien de la débouchent dans une première cavité mer de Nice, que j'ai désigné sous le arrondie qui est suivie d'un gésier nom de Calliopée de Risso {d). La (a) Cuvier, Màm. sur la Limace et le Colimaçon, p. 18, pi. 1, !i^. 4 {Aun.du Muséum, t. VII) cl Atlas du Règne animal, AIollusques, pi. 21, fi^. le. (b) Cuvier, Mém. sur le Grand Bucin, p. 10, fij. 15 {Ann. du Muséu)n, I. XI). (c) Cuvier, Mém. sur la PhylUdie et le Pleurobranche, fig. 5 et 6 [Ann. du Muséun, 180i t. V), et Atlas du Règne animal, Mollusqurs, pi. 32, fig. ih. (d) .MiliiR Edwards, Observations sur la structure et les fonctions de quelques Zoophytes, Mol- lusques et Crustacés des côtes de France {Ann. des sciences nat., i' série, iSi'2 t VIII p 330 pi. 10, tlg. 2). ■ ■>'■■> -V. 25 386 APPAREIL DIGESTIF logues furent faites sur d'autres Mollusques de la même famille par plusieurs zoologistes, et M. de Quatrefages proposa de désigner ces Gastéropodes sous le nom commun de Phlé- bentérés. Les vues qu'il présenta au sujet des usages de ces dépendances de l'estomac et des relations qui peuvent exister entre ces fonctions et le travail d'irrigation nutritive don- nèrent lieu à des débats fort vifs, dont il serait inutile de nous occuper aujourd'hui ; mais, en laissant de côté les discus- sions sur les mots et en dégageant ces questions de ce qui y était étranger, il me paraît nécessaire de m'y arrêter un instant (1). Le fait anatomique que j'avais signalé, et que M. de Quatre- fages, ainsi que MM. Lovén, Nordmann et plusieurs autres zoo- logistes avaient constaté ensuite chez d'autres Éolidiens, n'est plus mis en discussion aujourd'hui. Des erreurs avaient été disposition générale de ces canaux est d'ordinaire visijjle sans dissection, à raison de la transparence des tégu- ments et de la coloration des cellules glandulaires contenues dans les pa- rois de ces organes. Tantôt ils sont jaunes ou verts, d'autres fois bruns ou rouges , et c'est à leur présence dans les branchies dorsales des Éoli- diens que ces appendices doivent les teintes particulières dont elles sont ornées. (1) Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la plupart des auteurs qui ont écrit sur le phlébentérisme ont introduit une singulière confusion dans cette discussion, en appliquant ce mot à l'état lacunaire d'une por- tion du système circulatoire {a) , tandis qu'il ne se rapportait en réa- lité qu'à la forme vasculaire et den- droïde d'une portion de la cavité ali- mentaire. M. de Quatrefages, il est vrai, avait supposé que ce mode d'organisation de l'appareil digestif coïncidait avec un état imparfait de l'appareil circu- latoire, el pouvait contribuer à faci- liter le travail d'irrigation ; mais c'est à tort que ses adversaires ont mêlé toutes ces questions sous une même dénomination. Pour éviter tout mal- entendu, je pense qu'il vaut mieux abandonner les mots phléhentéré et phlébentérisme ; mais quand je les emploierai, je n'y attacherai d'autre sens que celui indiqué ici. En effet, pour moi, l'expression « Animal phlé- bentéré » a toujours signifié Animal dont les dépendances de l'estomac ont la forme des tubes rameux à la ma- nière des veines. (a) Voyez tome III, page 233. DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 387 commises par ces observateurs au sujet de la structure de quelques parties adjacentes de l'organisme ou du mode de divi- sion de ces appendices tubuleux (î); mais leur existence ne pouvait être révoquée en doute, et les opinions n'étaient en réa- lité partagées que sur deux points : relativement à la détermi- nation de ces canaux rameux et à leurs usages. Ainsi M. de Quatrefages reconnut parfaitement que les csecums par lesquels l'appareil gastro-vasculaire des Éolidiens se termine dans l'intérieur des branchies dorsales offrent dans leurs parois une structure glandulaire, et qu'on doit les considérer comme les représentants d'un foie dont les élé- ments, au lieu d'être agglomérés comme d'ordinaire, sont épars dans l'organisme ; mais il pensa que la portion cen- trale de ce système de tubes qui débouchent dans l'estomac était formée par un intestin rameux. Il ne tarda cependant pas à trouver toutes ces parties disposées à peu près de même chez des Éolidiens où l'intestin se présentait avec ses caractères ordinaires. Enfin Souleyet, qui, de son côté, avait constaté la même coïncidence, fit voir que le système gastro-vasculaire tout entier était constitué à l'aide des parties qui d'ordinaire concourent à former l'appareil biliaire seulement, c'est-à-dire les follicules hépatiques et leurs conduits excréteurs. Effecti- (1) Ainsi c'est k tort que M. de aussi au sujet du mode de tenninai- Quatiefages avait cru à la non-exis- son de l'appareil digestif (6), et Sou- tence d'un anus chez l'Éolidien, où il ieyet a fait voir que chez tous ces a d'abord étudié cet appareil gastro- Mollusques l'intestin proprement dit vasculaire , et la description qu'il déi^ouche au dehors de la manière donna de la portion périphérique ordinaire (c); mais ces erreurs ne de ce système péchait à plusieurs pouvaient exercer que peu d'influence égards (o). M. Nordmann s'est trompé sur la question dont je m'occupe ici. (a) Quatrefages, Mémoire sur l'Eolidine paradoxale (Ann. des sciences nat., 2' série, 1843 t. XIX, p. 274). (b) Nordmann Versuch einer Monographie des Tergipes Edwarsii (Mém. de l'Acad. des sciences de Saint-Pétersbourg , partie étrangère, t. IV). (c) Souleyet, Observ. anat. et physiol. sur les genres Actéon, Éolide, Vénélie, etc. {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1845, t. XX, p. 89). 388 APPAREIL DIGESTIF vement il en est ainsi ; mais ce dernier anatoinisfe eut tort d'en conclure que les larges canaux rameux qui sont ainsi formés, et qui communiquent librement avec l'estomac, devaient servir seulement à livrer passage à la bile. Il me paraît indubitable que dans certains cas, sinon toujom^s, les matières alimen- taires très divisées y pénètrent, y séjournent même assez long- temps, et y sont en partie digérées comme dans l'estomac lui- même; enfin qu'à raison de la grande étendue de la surface perméable constituée par les parois de ces tubes, l'absorption des produits de la digestion doit s'y opérer comme dans le canal alimentaire, et que, par conséquent, cet appareil gastro- vasculaire, tout en étant un organe sécréteur de la bile, est aussi un instrument de digestion (1). Du reste, il n'y aurait (l) Les observations que j'avais ment de va-et-vient, et on les voit faites en 18/i0, sur la Caliiopée de souvent entraînés par les courants Risso, ne nie laissèrent aucun doute jusque dans les parties périphériques à cet égard (a), et, bientôt après, la du système. Ces courants me parais- pénétration des matières alimentaires sent être dus principalement à l'ac- dans cette portion rameuse de l'appa- tion de cils vibratiles qui garnissent reil digestif fut constatée de nouveau, la surface interne des gros conduits non-seulement par M. de Quatie- biliaires , aussi bien que du tube fages (6), mais aussi par MM. Han- alimentaire. M. de Quatrefages a vu cock et Embleton (c), M. Aider (d) et cet appareil ciliaire chez des Éoli- M. Nordmann (e). Un phénomène diens (g), et MM. Aider et Hancok analogue a été observé aussi par en ont constaté l'existence chez le M. Vogt chez les jeunes Acléons (/"). Dendronolus {h) . Les corpuscules solides charriés par Chez les Gastéropodes non phlében- les liquides contenus dans l'appareil térés, tels que le Paludina vivipara, digestif sont ballottés par un mouve- on trouve aussi des cils vibratiles très (a) Miliie Edwards, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 2" série, 1842, t. VIII, p. 330). (6) Quatrefages, Op. cit. [Ann. des sciences nat., 2° série, t. XIX, p. 286). (c) Hancock and Embleton, On the Anatomy of Eolis {Ann. of Nat. Hist., 1845, t. XV, p. 84). (d) Aider and Hancocli, Monogr. of the British Nudibranchiate Moll^isca (texte explicalif de la pi. d, fam. 3). (e) Nordmann, Note sur le système gastro-vasculaire des Eolidiens {Ann. des sciences nat., 3' série, 1850, t. XIII, p. 237). (/■) C. Vost, Reclœi'ches sur l'embryologie des Mollusques Gastéropodes {Ann. des sciences nat., t. XIX, p. 286). {g) Quatrefages, Mém. sur les Molhisques phlébentérés {Ann. des sciences nat., 3' série, 1844, t. I, p. 160). {h) Aider and Hancock, Nudibr. Molliisca (texte explicatif de la pi. 2 de la 3' série). DES MOLLtSQLES GASTÉROPODES. o89 là rien (|ui i'(onnerait ceux qui connaissent les moyens dont la Nature fait souvent usage pour répondre à certains besoins de l'organisme animal , et nous y voyons seulement un nouvel exemple de ces emprunts physiologiques dont il a déjà été question plus d'une fois dans le cours de ces Leçons. Chez quelques Gastéropodes , cette portion de l'appareil digestif est loin de présenter la complication de structure qui la rend si remarquable chez les Éolides. Ainsi, chez les Pavois et les Chalides, elle n"est pas rameuse, et consiste en mie ou deux grandes poches membraneuses qui se confondent avec l'estomac et qui paraissent loger les IbUicules hépatiques dans l'épaisseur de leurs parois (1). Dans le genre Rhodope, elle consiste aussi en un énorme cul-de-sac en prolongement de l'estomac; mais les parois de cette poche se dilatent sur plu- sieurs points de façon à former de petits caecums autour des- quels se groupent les follicules biliaires (2). Une disposition analogue se voit chez les Diphyllidies ; seulement les appen- développés dans la portion anlérieure terminale de l'appareil digestif ne du tube alimentaire, ainsi que dans manque pas. l'eslomac ; mais la portion terminalede Chez \e Chalidis cœrulea, \a por- Pinteslin en est dépourvue. En gêné- tion centrale ou stomacale de cet ap- ral, ces appendices sont disposés par pareil se continue latéralement avec bandes longitudinales (a). une paire d'énormes poches qui se (1) Dans le Pelta coronata le gésier prolongent en cul-de-sac, en avant sur est suivi d'une énorme poche qui se les côtés de la masse buccale, et en prolonge en avant sur les côtés de cet arrière jusqu'au fond de la cavité organe, de façon à y former deux gros abdominale (c). caecums qui sont bossues en dessus (2j M. Kijlliker, ù qui l'on doit la aussi bien qu'en arrière (6). M. de découverte du petit Mollusque désigné Qualrefages n'a pu découvrir Tintes- sous le nom de Rhodope Veranii, a tin, qui d'ordinaire naît sur le côté de trouvé que l'estomac de cet Animal l'estomac et va déboucher au dehors ; présente «en avant deux prolonge - mais il est probable que celte portion raentsen forme decœcums, à peu près (o) Lej-dig, Lehrbuch der Histologie, p. 331 . (6) Qualrefages , Mém. siir les Gastéropodes jildébentérés {Ann. des sciences nat., 3' série, d844, I. I, p. 153, pi. 4, fig. 5). (f) Quatrefaiies, Op. cit. (Ann. des sciences nat.. 3* série, t. I, pi. 4, Rg. i). 390 APPAREIL DIGESTIF dices hépatiques, au lieu d'être simples, se ramifient, et consti- tuent deux séries d'arbuscules qui se logent dans l'épaisseur des branchies situées sur les côtés du corps (1). Dans l'Éolide papilleuse et quelques autres Mollusques du même genre, la portion centrale de l'appareil digestif ressemble beaucoup à ce que nous venons de voir chez les Diphyllidiens; mais le grand cul-de-sâc postérieur de l'estomac se rétrécit un peu, tandis que les canaux qui en partent pour pénétrer dans les appendices branchiaux et y constituer des lobules hépa- tiques, se développent davantage et s'élargissent beaucoup, de façon à former un système de tubes rameux en communication facile avec la portion centrale de l'estomac (2). Dans d'autres comme chez les Pavois, et donne nais- sance à l'inlestin du côté droit, puis se 'prolonge postérieurement en «ne énorme poche impaire qui se termine en cul-de-sac, et qui porte sur sa face dorsale un nombre considérable de petits appendices pyriformes de nature glandulaire (a). (1) Cette disposition, qui avait été imparfaitetnent aperçue par J. Meckel , est très bien représentée dans les planches anatomiques de M. Délie Chiaje et de Souleyet (6). Il n'existe aucune ligne de démarcation entre l'estomac, d'où naît l'intestin, et l'é- norme cul-de-sac qui se prolonge jus- qu'à l'extrémité postérieure du corps, et qui porte en dessus deux ran- gées de canaux hépatiques, lesquels passent entre les muscles sous-cutanés et vont se ramifier dans l'épaisseur des appendices branchiaux. Là ils s'entourent d'un tissu glandulaire, et forment autant de petites tourtes hépa- tiques. (2) Chez VEolis papillosa, il n'y a aucune ligne de démarcation entre la portion antérieure de la grande poche stomacale où se trouve le pylore, et où par conséquent l'intestin prend nais- sance, et le cul-de-sac conique qui se prolonge jusqu'à l'extrémité posté- rieure du corps. Les branches laté- rales qui s'en détachent proviennent, les unes de la portion antérieure de la poche gastrique au-devant de l'ori- gine de l'intestin, les autres du côté de la portion rétrécie et postérieure de la poche médiane. Elles sont très larges, et se divisent chacune en deux ou plusieurs branches qui se dirigent transversalement en dehors et don- (à) kôltiker, Rhodope, nuovo génère di Gasteropodi, f\g. i {Giorn. del Istit. Lombardo-Venet., 1847). (&) J. F. Meckel, Beschreibung einer neuen Molluska {Deutsches Archiv fur die Physiologie, 1823, t. VIII, p. 190, pi. 2, fig. 4). — Délie Chiaje, Descrixione e notomia degli Animali invertebrati délia Sicilia citeriore, t. II, p. 42, pi. 45, fig-. 14. — Souleyet, Voyage de la Bonite, Zool., l. II, p. 458, pi. 24 E, %. 4, 5 et 10. DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. ' o9t Mollusques de la famille des Éolidiens, ce même prolongement postérieur de la poche stomacale se rétrécit encore davantage, de façon à prendre la forme d'un vaisseau cylindrique, et ailleurs cet appendice médian se bifurque, ou se trouve représenté par deux tubes membraneux qui naissent de l'estomac et qui se ramitient dans les parties périphériques de l'organisme (1). nent naissance aux caecums qui pénè - trent dans les branchies dorsales fa). La disposition de cet appareil est à peu près la même cliez VEolis Cu- vierii (6). Chez VEolis coronata et VE. oliva- cea, la partie centrale de l'appareil di- gestif se divise en deux portions assez distinctes : l'une, qui est située au- devant du pylore , reste renflée, et constitue alors l'estomac proprement dit ; l'autre, qui fait suite à celle-ci, se rétrécit de façon à devenir tubu- laire et à avoir l'apparence d'un ap- pendice gastrique ou d'un gros canal biliaire (c). Le grand tronc gastro-hépatique est également impair chez le Fionia no- bilis (cl), VEmbletonia pulchra (e), le Tergipes Edwardsii (/"), etc. (1) Ainsi que je l'ai déjà dit, ce mode d'organisation se voit chez les Calliopées, et il se lie à celui des Cha- lides de la même manière que la dis- position de l'appareil gastro-hépatique des Éolides se rattache à celle des Pavois. Chez lesGhalides, nous avons vu l'estomac se prolonger en deux grands culs-de-sac {g) ; chez les Actéo- nies , la grande poche stomacale est bifurquée dans presque toute sa lon- gueur, et envoie latéralement cinq ou six prolongements dans les appendices branchiaux [h]. Chez YHermœa dendritica , les deux caecums postérieurs sont encore assez larges dans le voisinage immé- diat de l'estomac proprement dit, mais se rétrécissent bientôt de façon à ne constituer qu'une paire de vais- seaux à peu près cylindriques, qui se prolongent jusqu'à l'extrémité posté- rieure du corps, et, chemin faisant, fournissent beaucoup de branches dont les unes se ramifient sous les tégu- ments communs du dos, et les autres pénètrent dans les branchies pour y constituer les grands caecums hépa- tiques. Une autre paire de vaisseaux rameux naît de la partie anlérieure de l'estomac, et paraît correspondre aux cornes antérieures de la poche hépato - gastrique des Chalides. Ces derniers canaux se ramifient dans (a) Hancock and Embleton, On the Anatomy of EoUs (Ann. of Nat. Hist., t. XV, pi. 2, fig. 9). — Aider and Hancock, Monogr. of the Nudibr. Mollusca, fam. 3, pi. 7, fig. 1, 2 et 13. (b) Souleyet, Voyage de la Bonite, t. 11, p. 423, Mollu50UE3, pi. 24 A, pi. 11 et 12. (c) Hancock and Embleton, Op. cit. {Ann. of Nat. Hist., t. XV, pi. 3, fig. 1 et 2,i. (d) Aider and Hancock, Nudibr. Mollusca, fam. 3, pi. 38 A, fig. 2 et 10. (e) Aider and Hancock, Op. cit., fam. 3, pi. 38, fig. 2 et i. {/■) Nordmann , Versuch einer Monographie des Tergipes Edwarsii , pi. 2 {Mém. de l'Acad. de Saint-Pétersbourg , Savants étrangers, t. IV). (g) Voyez ci-dessus, page 385. (h) Qualrefages, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 3" série, t. I, [d. 4, fig. 3). ^92 APPAHEiL DIGI^STIF Chez beaucoup d'Éolidiens, ces canaux, ainsi que je l'ai déjà dit, sont assez larges pour se laisser pénétrer par les aliments incomplètement digérés, et ils constituent alors ce que j'ai appelé un système gastro-vasculaire ; mais ailleurs ils deviennent trop étroits pour livrer passage à ces substances, et ne servent plus qu'à conduire vers l'estomac proprement dit les liquides sécrétés par les giandules-biliaires dont leurs branches terminales sont entourées. Ainsi la portion de l'appareil digestif qui, chez les uns, constitue une partie de l'estomac et ne consiste qu'en un grand prolongement terminé en cul-de-sac, devient chez d'autres un tube rameux, et chez d'autres ^encore, se transforme en un système de canaux efférents pour l'appareil hépatique (1). la têle et s'avancent jusque dans les voit clans le genre Janiis de M. Ve- tubercules frontaux ; leurs patois rani , ou Antiopa de MM. Aider et sont garnies de glandules biliaires, Hancock [h). comme dans tout le reste de l'appa- Chez les Actéons(ouÉlysies), le foie reil [a] . est également diffus et relie à l'eslo- Chez d'autres Éolidiens, ce système mac par un système de tubes étroits rie canaux est disposé à peu près de dont les ramifications s'étendent dans même, et les principaux groupes de presque toutes les parties du corps (c). glandules biliaires sont également lo- (1) MM. Hancock et Embleton ont gés dans les appendices branchiaux ; cru que chez les Éolides ces canaux mais ces canaux, dans le voisinage s'ouvraient au dehors, à l'extrémité de immédiat de l'estomac, deviennent chaque appendice branchial {d). On fort grêles, et se trouvent ainsialfectés voit, en eiïet, au sommet de ces or- uniquement au transport des produits ganes, un orifice : mais M. de Quatre- de la sécréiion biliaire. Il est aussi à fages a constaté que ce pore ne com- noler qu'ils se réunissent tous (ceux munique pas avec l'appareil gastro- de la lêle comme ceux dé la région hépatique, et appartient à une petite dorsale) en deux troncs principaux poche qui sert de réservoir pour des qui vont déboucher sur les côtés de némalocystes ou capsules filifères urli- i'eslomac. Ce mode d'organisation se canies (e). Souleyet pense même que (a) Aider and Hancock, Monogv. of IheNudïbr. Mollusca, fam. 3, pi. 40, fig. 1. {b) DcUe Chiaje, Descriz. e notom. degli Animali invertebr. délia Sicilia citer., pi. 88, Rg. 2. — Blanchard, Op. cit. {An7i. des se. nat., 3" série, 18-48, t. IX, p. ISS, et t. XI, pi. 3, fig. i). — Aider and Hancock, Nudibr. Mollusca, fam. 3, pi. 43, fig. i et 2. (e) Qualrefag-es, Mém. sur les Mollusques phlébentérés {Ann. des sciences nat., 1844, t. I, p. 141, pi. 4,'fig. 2). — AUinan, Un Ihe Analomy of Actœoii (Ann. of Nat. liist., 1845, t. XVI, p. 148, pi. C). — Sonlejet, Voyage de la Bonite, Zool., I. II, p. 486, Mollusques, pi. 24 U, fi^. 7. {d] Hancock and Emblelon, Op. cit. {Ann. ofNat. Hist., t. XV, p. 8, pi. 4, fig-, 9). (e) Souleyet, Voyage de la Bonite, \. il, p. 424. DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. SOo Chez les Éolidieiis, le foie est donc épars et se trouve repré- senté par les branches terminales du système de canaux gastro- vasculaires qui sont en quelque sorte la continuation de la poche stomacale. Celte glande ne se compose, par conséquent, que d'un certain nombre de cœcums dont les parois sont occupées par les follicules ou cellules hépatiques, et ces caecums sont logés principalement dans les appendices respiratoires dont le dos de l'Animal est couvert. Mais chez la plupart des Gastéropodes , l'appareil hépatique est centrahsé (1); les cœcums sécréteurs se multiplient beau- Foie, cette poche ne s'ouvre pas extérieu- rement, mais cette opinion ne me paraît pas être fondée. Ces ca-cums terminaux de l'appa- reil gastro-hépatique sont en général plus ou moins élargis, et paraissent être quelquefois des cylindres simples à parois folliculifères : par exemple, chez VEolis concinna [a) ; mais d'autres fois ils deviennent comme framboises ou se couvrent de végéta- lions de tissu glandulaire [b] ; ils de- viennent alors plus ou moins lobules tout autour, et, dans quelques espèces, le canal qui en occupe le centre se ramifie d'une manière très élégante dans l'intérieur de ces prolongements latéraux, ainsi que cela se voit chez VHermœa biftda (e). Souvent le même tissu glandulaire se voit sur les parois des gros troncs, et quelquefois il s'en trouve des pe- tites masses qui naissent directement sur les parois de l'estomac : chez le Dendronotus, par exemple {d;. (1) L'état diffus de l'appareil hépa- tique est très ordinaire chez les Gas- téropodes de l'ordre des Opisthobran- ches, mais ne se rencontre pas chez les Prosobranches, les Pulmonés et les Héléropodes, Chez les Onchidies, le foie offre, comme d'ordinaire, les caractères d'une glande conglomérée, mais il n'est pas réuni en une seule masse, et forme trois lobes parfaitement indépendants les uns des autres. Le foie antérieur est situé à gauche, vers le milieu de la masse viscérale , et débouche dans l'œsophage, près du cardia ; le second lobe, moins grand que le précédent, est situé à droite, plus en arrière, et s'ouvre dans la même partie du tube alimentaire ; enfin le troisième, beau- coup plus petit que les deux autres, est situé sur le dos, derrière l'eslomac, et s'ouvre dans le gésier (e). Chez la Limace, le foie se compose de beaucoup de lobules agglomérés en cinq lobes, dont les canaux excré- (a) Hancock ami Erablelon, Op. cit. {Ann. of Xat. Hist., t. XV, pi. 4, fig. 1). (h) Exemple : Eolis papillosa (voy. Hancock and Embleton, loc. cit., pi. i, fig. A et 5). (c) Aider and Hancock, Sudibr. Mollusca, fam. 3, pi. 39, Rg. 3 et 4. {(l) Aider and Hancock, Op. cit., f.mi. 3, pi. 2, (ig. 2. (c) Cuvier, Mém. sur VOnchidie, p. 0, pi. 1, fi?. 4 {.inn. du Muséum, t. V, 1804), accessoires. 394 APPAREIL DIGESTIF coup, et les tubes rameux qui les porteni se raccourcissent, de façon que toutes ces pardes rentrent dans la cavité abdominale et se groupent autour du tube digestif sous la forme d'une masse lobuleuse. En général, le foie, ainsi constitué par une multitude de petits csecums disposés en grappe autour des ramuscules des canaux biliaires, est très volumineux et plus ou moins entremêlé avec les organes de la génération, de taçon à former avec la portion voisine du tube digestif une masse viscérale qui est revêtue d'une tunique membraneuse assez serrée et qui se loge dans la région dorsale du corps, sous la coquille (1). aiandes Quclqucs aiiatomistcs donnent le nom de pancréas à un petit prolongement en cul-de-sac qui se voit à côté du pylore, à l'extrémité de l'estomac simple de divers Mollusques Gastéro- podes, les Doris, par exemple (2); mais rien n'établit que cet appendice soit un organe sécréteur particulier , et, lors même que ses parois seraient glandulaires, il n'y aurait, dans l'état teurs se réunissent tous en deux troncs plus développé que son congénère {d}, qui vont déboucher dans le fond de Les ampoules ou organites sécréteurs Teslomac, près du pylore (a). qui terminent les ramuscules de ces Chez le Colimaçon, il n'y a que lubes hépatiques sont garnis iulé- quatrc lobes hépatiques, et tous les rieurement de cellules épiihéliqnes conduits biliaires se réunissent en un dans la cavité desquelles on distingue seul canal qui s'ouvre également à souvent des gouttelettes graisseuses, côté du pylore (6). La structure en a été étudiée, chez EaOn, chez les Tesiacelles , le foie le Colimaçon, par M. Laidy (e). est réduit à deux lobes (c). (2) Ce petit caecum naît du py- (1) Les canaux biliaires, qui dél^ou- lore [f), et se voit aussi, mais moins . chent dans l'estomac, sont en général bien développé, chez les Téthys. très larges, et celui de gauche est (o) Cuvier, Mém. sur la Limace et le Colimaçon, p. 19, pi. 2, fig. 42 (Ann. du Muséum, l. VII). — Délie Chiaje, Descrizione e notomia degli Animali invertebrati, pi. 37, fig. 6. (b) Cuvier, loc. cit., pi. i , fig. 3. (c) Moquin-Tandon, Histoire des Molhisques terrestres et fluviatiles, t. I, p. 52. {d) Voyez I^oli, Testacea utriusque Sicilice, t. 111, pi. 5, fig. 8. — Délie Chiaje, Descri%. cnolom. derjli Animah invertebrati, pi. 58, fig. 3. (e) J. Laidy, Researches into the comparative Structure of the hiver, pi. 1, fig'. 15 à 24 (exlr. de V American Journ. of Médical Science, 1848). (f) Aider and Hancock, Nudibr. Mollusca, fam. 4, pi. 2, lisr. 1 i. DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 395 actuel de la science, aucun motif pour le considérer comme l'analogue du pancréas des Animaux supérieurs. § 17. — L'intestin, qui fait suite à l'estomac et qui est le plus intestin. souvent en grande partie caché entre les lobules du foie, varie beaucoup en longueur et ne présente dans sa structure rien d'important à noter. Sa portion terminale, qu'on désigne d'or- dinaire sous le nom de rectum^ traverse le cœur chez les Haho- tides, et il est probable que chez tous les Animaux de cette classe il débouche au dehors par un orifice anal, bien que chez quelques petites espèces cette disposition n'ait pu être con- statée (1). La position de l'anus varie beaucoup ; mais presque toujours (l) Plusieurs des petits Mollusques niant des anses fort remarquables (6). chez lesquels on avait d'abord mé- Chez les Oscabrions, dont l'estonaac connu Texistence de l'anus en sont est aussi très simple et de médiocre incontestablement pourvus («) ; mais grandeur, l'intestin est extrêmement jusqu'ici on n'est pas parvenu à long et forme diverses circonvolu- découvrir cet orifice chez certains tions (c). Opisthobranches, et notamment chez Chez le grand Triton de la Rléditer- les Pavois et les Chalides, ranée, l'intestin ne diffère que peu de L'intestin des Gastéropodes paraît ■ l'estomac, et décrit à peine quelques être généralement plus long chez les circonvolutions (c/). lien est de même espèces phytophages que chez celles ciiezlaJanthine (e) ; mais c'est chez les dont le régime est carnassier. Quel- Gastéropodes phlébentérés , c'est-à- quefoislïnlestin semble aussi compen- dire dont l'appareil gastro-hépatique ser par sa grande longueur le peu de se développe en manière de gros tubes développement de l'estomac. Ainsi, rameux.querinlestin est le plus réduit, chez les Patelles, 011 l'œsophage est très Ainsi chez l'Actéon il ne consiste qu'en court et l'estomac petit, cette portion un petit cylindre membraneux très du canal alimentaire fait plusieurs fois court qui se porte presque directement le tour de la cavité abdominale en for- de l'estomac à l'anus, situé tout au- (fl) Quatrefages, Mém. sur les Mollusques phlébentérés {Ann. des sciences nat., 2" série, 1844, t. I, p.'d76). (6) Cuvier, Mém. sur l'Haliotide, etc., pi. 2, fig. 9 et 12. (c) Cuvier, loc. cit., pi. 3, fig. M et 13. — Délie Chiaje, Op. cit., pi. "4, fig. 13. — Middendorff, Beitrâge zu einer Malaco%oologia Rossica {Mémoires de l'Académie de Saint- Pétersbourg, &' série, 1849, Sciences naturelles, t. VI, pi. 6, fig. 1 et 2). (d) Milne Edwards, Voyage en Sicile, t. 1, pi. 25. ^e) Délie Chiaie, Op. cit., pi. 67, fig. 3 ; pi. 68, fig. 11. 396 APPAREIL DIGESTIF posiiion cet orifice se trouve dans le voisinage de la nuque, soit sur le de l'anus. , i a , -- i -, t •. i , r , , dos, soit sur le cote droit du corps, et il se loge en gênerai sous le manteau ou même dans une grande cavité formée par un pro- longement de ce repli cutané. L'oviducte et l'appareil urinaire s'ouvrent d'ordinaire dans la poche membraneuse ainsi formée, et celle-ci remplit par conséquent les fonctions d'un cloaque. Chez les Patelles, elle n'a pas d'autre usage (1), mais, dans la grande majorité des cas, les branchies, ou le réseau des vais- seaux pulmonaires, viennent s'y loger, et elle devient ainsi une chambre respiraloire. Comme telle, nous avons déjà eu Tocca- sion d'en étudier le mode de conformation (2), et par consé- quent je ne m'y arrêterai pas ici. J'ajouterai seulement que le rectum longe la voûte de cette cavilé du côté droit et débouche près de son bord antérieur, de façon à se trouver sur le trajet du courant expiratoire (3). Chez les Opisthobranches et un petit noÎTîbre de Pulmonés où cette cavittî palléale n'existe pas, l'anus se voit tantôt dans le sillon qui sépare le manteau du pied, d'antres fois vers le miUeu du dos, entre les appendices bran- chiaux, et presque toujours il y a connexité entre ces or- près (a), el chez la pluparl des Éoli- et sons le bord anlérieur du nian- diens il est également fort court et teau (c). très simple [b). (2) Voyez tome If, page 56 et suiv. (1) La chambre palléale des Pa - (3) Chez les Haliotides, le rectum fait telles est assez grande, quoique les saillie dans la chambre cloacale ou organes respiratoires ne s'y logent respiratoire, entre la base des deux pas, et elle s'ouvre au dehors par branchies {cl) ; mais chez la plupart une large fente transversale située des l'rosobranches il est placé ù droite derrière la tête, au-dessus du dos de ces organes , et marche parallèle- (a) Allman, On the Anatomy of Actœon {Ann. of Nat. Hist., 4845, t. XVI, p. 147, pi. Gg). — Souleyet, Voyage de la Bonite, Mollusques, pi. 24 D, %. 7 et 8. (b) Hancock and Embleton, Analomy of Eolis {Ann. of Nat. Hist., l. XV, pi. 2, fig. 9; pi. 3, fis- 1, 2, 4). — Souleyet, Op. cit., pi. 24 A, ûg. H et 12. (c) Cuvier, Mém. sur l'Haiiotide, etc., pi. 2, lig. 8. — Poli, Testacea utriusque Siciliœ,l. 111, pi. 55, fij. 26. — Milne Edwards, Voyage en Sicile, t. I, pi. 27, d^, 2. (d) Cuviev, Mém. sw l'Haiiotide, etc., pi. 1 , fig. 12 et 14. — Milne Edwards, Op. cit., pi, 20, fig'. 1 . D!£S MOLLUSQLiiS GASTliKOrODES. o'Jl gnnes (1). Les Gastéropodes chez lesfjuels l'anus se trouve sur la ligne médiane sont en très petit nombre, et il est encore plus rare de trouver cet orifice à l'extrémité postérieure du corps, disposition qui existe cependant chez les Oscabrions et les Onchidies (2). ment à la partie terminale de i'ovi- fice des organes génitaux, et non con- dncte, jusque' dans le voisinage de la fondu avec celni-ci, comme le pensait tète (a). 11 en est de même chez le Cuvier (f). Colimaçon (b), les Agathines (c), etc. Dans le genre Jam(s ou ^nhopa, cet (l) Chez les Gastéropodes Opistho- orifice se porte beaucoup plus loin en branches, l'anus est souvent placé arrière , presque sur la ligne médiane beaucoup plus en arrière que chez les du dos (g). Il en est de même dans Prosobranches. Ainsi, chez les Pleuro- les genres Proctonotus ou Venilia {h) branches, il est situé à la base de la et Alderia (i). C'est aussi la place branchie, vers les trois quarts posté- qu'il occupe chez les Doridiens, où rieurs du sillon qui sépare le manteau il se trouve vers le tiers postérieur du pied (d), et chez les Aplysies il se du corps plus ou moins complètement trouve du même côté, mais encore entouré par les branchies (j). Enfin plus en arrière (e). dans les genres Hermœa et Stiliger de Chezla plupart des Éolidiens, l'anus la famille des Éolidiens, il est égalc- tend à devenir dorsal , mais se trouve ment dorsal, mais se trouve à la partie encore du côté droit, à la base des antérieure du corps {k). branchies, à quelque distance de l'ori- (2) Chez l'Onchidie de Pérou, où il (a) Exemples : Turbo pica (voy. Cuvier, Mém. sur la Vivipare, etc., ûg. 7). — Turbo marmoratus (voy. Quoy et GaimarJ, Voy. de l'Astrolabe, Moll., pi. 59, fig. 10). — La Phasianelle {\oy. Cuvier, Mém. sur la Janthine, etc., flg-. H et 12). — La Porcelaine (voy. Quoy et GaiiiiaH, Op. cit., pi. 49, fig. i). — La Tonne ou Dolium galea (voy. Poli, Op. cit., t. III, pi. 50, fig. 1). — Le Triton de la Méditerranée (voy. Milne Edwards, Voyage en Sicile, t. I, pi. 25). — L'Ampullaire de Célèbes (vny. Quoy et Gaimard, Op. cit., pi. 57, fig-. 0 et 7). — La Janthine (voy. Délie Cliiaje, Descriz. e notom. degli Anim. senza vertebr. dMa Sicilia citeriore, pi. 67, fig. 3 ; pi. G8, fig. 11). (6) Cuvier, Mém. sur la Limace, etc., pi. 1, fig. 2 et 3 {Ann. du Muséum, t. VII). (c) Quoy et Gaimard, Voyage de l'Astrolabe, Mollusques, pl. 49, fig. 21, et Allas du, Règne animal de Cuvier, Mollusques, pl. 25, fig. 1 a. {d) Cuvier, Mém. sur la Phyllidie, etc., fig. 2 (Ann. du Muséum, t. V). (e) Cuvier, Mém. sur l'Aplysia, pl. 2, fig. 3 {Ann. du Muséum, 1802, t. II). — Délie Cliiaje, Descriùone e notomia degli Animali senza vertèbre délia Sicilia citeriore, pl. 58, fig. 1. if) Hancock and Embleton, Anat. of Eolis {.inn. of Nat. Hist., t. XV, pl. 5, fig. 16). (g) Blanchard, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 3" série, t. Il, pl. 3, fig. 1 ; pl. 4, fig. 2). — Aider and Hancock, Monogr. of the Brit. Nudibr. Mollusca, fam. 3, pl. 43, fig. 2. (h) Aider and Hancock, Descr. of a neiu Genus of Nudibr. Mollusca (Ann. ofNat. Hist., 2° série, 1844, t. XllI, pl. 2, fig. 1). (i) Aider and Hancock, Monogr. of the British Nudibraneliiate Mollusca, fam. 3, pl. 41, fi"-. 1. (j) Cuvier, Mém. sur le genre Boris, pl. 2, fig. 1 (Ann. du Muséum, t. IV). — Délie Chiaje, Bescriz., pl. 40, fig. 3 ; pl. 41, fig. 12. • — Aider and Hancock, Op. cit., fam. 1 , pl. (k) Aider and Hancock, Op. cit., p. 13. Appareil digestif des Ptéropodes. Tentacules. 398 APPARESL DIGESTIF § 18. — Dans le petit groupe des Ptéropodes, l'appareil digestif ressemble beaucoup à ce que nous avons vu chez les Gastéropodes de l'ordre des Prosobranches , mais présente quelques particularités dignes de remarque ; et il est à noter que chez les uns sa portion antérieure est fort bien consti- tuée, tandis que sa portion profonde est disposée d'une manière beaucoup moins parfaite, mais que chez les autres c'est le contraire qui se voit : les organes qui avoisinent la bouche sont plus ou moins rudimentaires , tandis que l'estomac et le foie ont une structure plus complexe. Le premier de ces modes d'organisahon se voit chez les Ptéropodes nus, c'est- à-dire qui n'ont pas de coquille; le second, chez les Ptéropodes conchylifères. Ainsi, chez quelques Ptéropodes nus, les Clios et les Pneumo- dermes, par exemple, l'appareil digestif est enrichi d'organes^ pr'éhensiles qui sont aussi des instruments de locomotion, et qui ont quelque analogie avec les bras circumbuccaux des Céphalo- podes : ce sont des appendices labiaux en forme de papilles on de tentacules fort courts dont la surface est hérissée de petites ventouses susceptibles d'adhérer fortement aux corps étran- existe, comme nous l'avons déjà vu, trois estomacs (a), l'intestin qui fait suite à ces organes a environ deux fois et demie la longueur du corps, et va déboucher au dehors à l'arrière de l'abdomen , sur la ligne médiane , entre le pied et le manteau , au- dessous de l'ouverture de la poche pulmonaire (6). Chez les Oscabrions, l'anus est placé de même à l'arrière du corps, entre le manteau et le pied (c), et il occupe la ligne médiane. M, de Quatrefages a cru trouver un anus à l'extrémité postérieure du corps chez l'Acléon [d) ; mais cet orifice est placé sur le côté droit du cou (e). (a) Voyez ci-dessus, page 385. (b) Cuvier, Mém. sur VOiichidie, pi. 1, fig. 2 el 5. (c) Idem, Mém. sur l'Haliotide, etc., pi. 1 , fig. 9 et 13. (d) Quatrefages, Mém. sur les Molhisques phlébentérés {Ann. des sciences nat., 2° série, 1844, 1, p." 4 38. (e) AUman, On the Anatomy of Actœon {Ann. of Nat. Hist., 1845, t. XVI, p. 147, pi. (j). — Souleyet, Voyage de la Bonite, Mollusques, pi. 24 D, fig. 7 el 8. DES MOLLUSQUES PÏÉROPODES. 399 gers (1). Chez les Hyales et les autres Ptéropodes conchyli- tëres, on ne voit rien de semblable. Chez les Ptéropodes nus, 1^ bouche se prolonge souvent en forme de trompe rétractile ('2) ; et non-seulement elle est armée d'un appareil lingual fort complexe et semblable à celui des Gastéropodes, mais parfois aussi e|le est garnie d'organes pré- Armature buccale. (1) Chez les Glios, la bouche est entourée d'un certain nombre de pe- tits appendices coniques et rétvactiles dans un repli cutané que Palias a comparé à un prépuce (a) ; ce ne sont pas des tentacules labiaux ordinaires, comme le supposait Cuvier (b), car le proi'esseur Eschricht (de Copenhague) a trouvé que leur surface est garnie de ventouses microscopiques, et par conséquent on peut les considérer comme analogues aux bras des Cé- phalopodes (c). Chez le Clio borealis, il y a trois paires de ces organes, et chez le Clio lonyicaudatus deux paires seulement, mais ils sont plus déve- loppés {dj. Chez les Pneumodermes, on voit également sur les côtés de la bouche un appareil préhensile de ce genre. Il se compose de deux appendices mem- braneux et lentaculiformes, portant une douzaine de ventouses pédoncu- lées. (e) Ce mode d'organisation existe aussi dans le genre Spongiobranchia d'Alc. d'Orbigny (f). Dans le genre Euribia, on trouve, sur les côtés de la bouche , des appendices analogues , mais qui paraissent être dépourvus de suçoirs {g). (2j La trompe est très grande et fort charnue chez les Pneumodermes (h) el les Spongiobranches {i) ; mais chez les Ciios cet organe manque , et la bouche n'est pas protractile. Chez les Hyales, cette ouverture est située au fond de l'échancrure qui sépare en avant les deux nageoires, et ses bords sont à peine saillants (j). Les Cléodores et les Guviéries sont également dépourvus de trompe. Il en est de même chez les Cymbu- lies, mais leur lèvre supérieure se pro- longe en forme de voile plissé (k). (a) Palias, Spicilegia Zoologica, x, p. 28. (6) Cuvier, Mém. sur le Clio borealis, p. 5 {Ann. du Muséum, 4 802, l. I). (c) Eschricht, Anatomische Untersuchungen ûber die Clio borealis, 1838, p. 7 et suiv., pi. 11, Rg. 12 et 13. — Souleyet, Voyage de la Bonite, Mollusques, pi. 15 bis, fig. 5 et 6. (d) Souleyet, Op. cit., t. II, p. 279, pi. 14, %. 20. (e) A. d'Orbigny, Voyage dans l'.Amérique mérid., t. V, Moll., p. 129, pi. 9, lig. 10 et 11. — Van Beiieden, Exerc. %ootom., pi. 47, et Mém. de VAcad. deBriix., t. XI, pi. 3, fig. 1 et 2. Gegenbaur, Unterstuilnmgen ûber Pteropoden, pi. IW, i\g. 10. (/■) D'Orbigny, Op. cit., pi. 9, fig. 1 à 6. (g) Souleyet, Op. cit., t. II, p. 245, pi. 15, fig. 1 et 3. {h) Souleyet, Op. cit., pi. 14, fig. 12. (i) D'Orbigny, Voyage dans l'Amérique méridionale, Mollusques, |i1. 9, fig. 1. (j) Gegenbauer, Op. cit., pi. 1, fig. 1 ■ (k) Vau Beneden, Mém. sur la Cymbulie de Péron, p. 15, pi. 1, fig. 3 {Exercices Aootomiques, et Mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. XII). — Souleyet, Op. cit., t. II, p. 232, pi. 15 6is, fig. 20, 21. /|00 . APPAREIL DIGlibTlF hensiles latéro-supérieiirs tort grands qui sont comparables aux mâchoires de ces derniers Mollusques. Cljez les Ptéropodes nus, la masse linguale est petite,, son armature est moins com- pliquée (1), et il n'y a que des rudiments de mâchoires !^2). (1) L'appareil lingual des Ptéro- podes est disposé à peu près comme celui des Gastéropodes. Ainsi, chez le Clio boréal, la râpe se compose d'une série longitudinale de pièces rachi- dienncs mousses et d'un grand nom- bre de crochets qui forment de chaque côté de celles-ci vingt séries transver- sales (a). Chez les Hyales (6) et les Lyma- cines (c) , l'appareil lingual est peu volumineux et ne se compose que de trois rangées longitudinales de pièces coVnées, consistant en un crochet mé- dian et une paire de crochets laté- raux. Chez les Hyales, ces dents sont disposées sur huit ou dix rangées transversales. Chez le Cleodora tri- phtjUis, il n'y a que cinq rangées trans- versales de dents {d). (2) Les mâchoires des Ptéropodes diffèrent beaucoup de celles des Gasté- ropodes. Ainsi chez les Cliosces organes consistent en une paire de tubercules charnus qui sont logés dans une gaîne membraneuse en forme de caecum, et qui [jortent une série d'appendices cornés disposés en faisceau ou comme les dents d'un peigne (e). Chez les Pneiimodermes, celte par- tie de l'appareil buccal est encore plus remarquable. Hé chaque côté de la masse linguale se trouve un grand appendice cylindrique qui se dirige en arrièie, au-dessous de la masse viscérale, se termine en cul-de-sac, et renferme dans son intérieur un tube cartilagineux de même forme, qui est hérissé de crochets, et qui est suscep- tible de se dérouler au dehors, ou de rentrer dans sa gaîne par le jeu de différentes fibres nuisculaires logées dans celle-ci (/'). Chez les Cliopsis , qui du reste ressemblent extrêmement aux Clios, il y a trois mâchoires hérissées de pointes {g}. Enfin, chez les Hyales, les Cléodores et les Cymbulies, les mâchoires sont représentées par deux séries de petites (a) Eschricht, Op. cit., pi. 3, Rg. 22. — Lovén, Op. cit. pi. 3 {Ofversigt afK. Vetenskaps-Akad. Forhandlinyar., 1847). — Troscliel, Das Gebiss der Schnecken, pi. 3, lig. 8. (6) Lovén, Op. cit., pi. 3 (Revue des travaux de U Académie de Stockholm, 18i7). — Souleyet, Op. cit., pi. 9, fig. 9 etlO. — Troscliel, Das Gebiss der Schnecken, pi. 2, lig. 17. (c) Lovén, loc. cit., pi. 3. — Troscliel, Op. cit., pL 2, fi^. 15. (d) Troscliel, Op. cit., p. 51. (e) Eschricht, Op. cit., pL 3, fig. 20, 21 a. — Souleyet, Op. cit., pi. 15 bis, fig. 10 et H. (/•) V.in Beneden, Recherches stir le Pneumoderraon violacomn (Exercices z-ootomiques, p. 47, pi. 1, fig. 5, et Mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. XI). — Soule^'et, Op. cit., t. II, p. 262, pi. 14,fig. 13, et |d. 15, fig. 17, 18, 19 et 20. — Gegenbauer, Untersuchungen ilber Pterojmden, \i\. 10, lig. 10. (g) Troscliel, Beltràge î-uc KeniUniss der Pleropoden (Archiu fur Nalurgeschichlc, 1854, t. I, p. 222, pi. lO.fig. 10). Glandes salivairos. DES MOLLUSQUIiS PTÉROPODES. /lOl Enfin , chez ces derniers, les organes salivaires manquent complètement ou n'existent qu'à l'état rudimentaire, tandis que chez les Ptéropodes nus, ils sont en général très volumineux, et consistent en une paire de longs cœcums à parois glandu- laires (1). L'estomac est d'une structure fort simple chez les Clios et Estomac les autres Ptéropodes sans coquille ; il ne consiste qu'en une poche membraneuse aux parois de laquelle le tissu hépatique adhère directement , ainsi que nous l'avons vu chez les Mol- lusques Acéphales ('2). Chez les Ptéropodes conchylifères, cette plaques cornées qui sont très petites et difficiles à apercevoir ; aussi ont- elles échappé à l'attention de la plu- part des zoologistes («). MaisiM.Tros- chel en a constaté l'existence (6). Chez les Tiedemannies, il ne parait y avoir aucune pièce dure dans la cavité buccale (c). (1) Les glandes salivaires des Clios consistent en une paire de caecums glandulaires qui descendent sur les côtés de l'œsophage et se renflent un peu vers le fond {d). Chez les l'neumodermes, leur dispo- sition est à peu près la même, si ce n'est qu'on remarque une petite dila- tation en forme de vésicule sur le trajet de leur canal excréteur (e). Chez les Euribies, ces organes sont simples et plus courts (/"). Chez les Hyales, les glandules sali- vaires sont rudimentaires et ne con- sistent qu'en une paire de petits corps globuleux, situés derrière la cavité buccale, et s'ouvrant dans celle-ci par des canaux excréteurs filiformes (g). Il en est à peu près de même chez les Cuviéries. Chez les Cymbulies, ces organes manquent complètement (h) ou sont tout au moins réduits à de simples vestiges (i). On n'en a pas trouvé de traces chez les Tiedemannies (j). ("2) Chez les Pneumodermes, l'œso- phage est long et cylindrique. L'esto- mac, qui y fait suite, a la forme d'une (a) Sonleyot, Voyage de la Bonite, t. II, p. 59. (h) Troscliel, Op. cit. [Archiv fur Naturgeschichte, 1854, t. I, p. 199 elsuiv.). — Das Gebiss der Schnecken, p. 50 et siiiv., pi. 3, fig-. 4 et 5. (c) Van Beneden , Méni. sur un nouveau genre de Mollusques voisins des Ojinbulies, p. 26 {Mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. XII). (d) Cuvier, Mém. sur le Clio {Ann. du Muséum, 1802, t. I, pi. 17, ùg. 4, ot Mém. pour servit' à l'histoù'e des Mollusques). — Soulejet, Op. cit., pi. 15 bis, fig. 8 et 9. (e) Cuvier, Mém. sur l'Hyale, etc., p. 9, pi. B, iig. 8 (Ann. du Muséum, t. IV, 1804, et Mém. pour servir à l'histoire des Mollusqices) . — Van Beneden, Op. cit. {Mém. de lAcad. de Bruxelles, t. XI, pi. 1, fig. 4). — Souleyet, Op. cit., pi. 15, fig. 17. (/■) idem., ibld., pi. 15, fig. 4. (g) Idem., ibid., t. II, p. 114, pi. 9, fig. 8s. (/() Van Beneden, Mém. sur la Cymbulie de Pérou, p. 17 {Mém. de l'.icad. de Bruxelles, t. XII). (i) Souleyet, Op. cit., t. Il, p. 234. ( j) Van Beneden, Mém. sur ion nouveau genre de Mollusques voisins des Cymbulies, p. 27, V. 26 Foie. Anus. 402 . APPAREIL DIGESTIF portion du tube digestif est au contraire divisée en deux ou plusieurs chambres , et un de ces estomacs est armé intérieu- rement de plaques cornées dentiformes, de façon à remplir les fonctions d'un gésier masticateur. Entin, le foie constitue un organe glandulaire distinct et d'un volume considérable, qui est séparé du tube alimentaire et y verse la bile par un canal par- ticulier. Il est aussi à noter que l'anus se trouve sur le côté du corps, vers sa partie antérieure, à droite chez les Ptéropodes nus, et à gauche chez la plupart des Ptéropodes conchyli- fères (i). grande poche oblongue ; il se termine en cul-de-sac, et communique avec l'intestin par une ouverture pylorique située à droite, assez près du cardia ; les follicules hépatiques le recouvrent extérieurement et y déboucheat par un grand nombre de caecums à large orifice, à peu près comme chez les Acéphales. L'intestin est très court, et l'anus se trouve à droite, près du bord postérieur de la nageoire cervicale (a). La disposition de ces parties est à peu près la même chez les Glios (6). Chez l'Euribie, l'estomac est égale- ment enveloppé par la substance du foie, et se prolonge au-dessous du py- lore en un grand cul-de-sac, mais il présente du côté droit une dépression dans laquelle un corps dur et jaunâtre a été trouvé enci)âssé. L'intestin est beaucoup plus long que dans les gen- res précédents, et décrit quelques cir- convolutions autour de la masse hépa- tique, avant de remonter à côté de l'œsophage, et de gagner l'anus, qui se trouve à droite, près de la base des nageoires (c). (1) Chez l'Hyale, l'œsophage se di- late inférieuremenl en une espèce de jabot plissé longitudinalement, qui se continue avec une portion plus mus- culaire du tube digestif (d), que Ton désigne généralement sous le nom de gésier, à raison de son armature. En effet, ses parois sont revêtues de qua- tre plaques connées et jaunâtres, dont la surface libre est liérissée de deux ou trois côtes saillantes (e). Le pylore, qui en occupe l'extrémité inférieure, communique avec un caecum grêle et allongé, à l'ouverture duquel viennent aboutir les canaux biliaires. M. Van Beneden a considéré cet organe comme une dépendance de l'estomac {f), et (b) t. IV) (c) (d) (e) Ûg. 2 (f) Cuvier, Mém. sur le Clio (Ann. du Muséum, t. I, pi. 17, fig. A). Cuvier, Mém. concernant l'animal de l'Hyale, etc., p. 8, pi. i B, fig. 7 {Ann. du Muséum, Souleyet, Voyage de la Bonite, ZooL, t. Il, p. 262, pi. 15, fig. 13 et 17. Idem., ibid., t. II, p. 246, pi. 15, Rg. A. Cu\ier, Mém. concernant l'animal de l'Hyale, etc., p. 8, pi. A, fig. 6 et 7. Blaiii-ville, art. Hyale (Dictionnaire des sciences naturelles, 1821, t. XXII, p. 73). Van Beneden, Mém. sur l'anatomie des genres Hyale, Cléodore et Cuviérie, p. 38, pi. 3, , 3 (Exercices %ootomiques). Souleyet, Op. cit., t. Il, p. 112, pi. 9, fig. 7, H, 14, etc. Van Beneden, Mém. sur l'anatomie des genres Hyale, etc., p. 38. DES MOLLUSQUES CÉPiLVLOPODES. 403 § 19. — En général, dans la classe des Céphalopodes, la préhension des aliments est effectuée par l'action des organes locomoteurs dont la bouche est entourée et par le jeu des parties dures dont cet orifice est armé. Chez le Nautile, les divers appendices céphaliques ne parais- sent pas être susceptibles de remplir des fonctions de ce genre ; mais chez les Poulpes, les Sèches, les Calmars et les autres Céphalopodes dlbranchiaux, les bras qui naissent de la partie antérieure de la tête sont des organes de préhension très puis- sants (1); nous en étudierons la structure lorsque nousTious Appareil digestif des Céphalopodes. Organes préhenseurs. Souleyel la décrit sous le nom de vési- cule biliaire (a). Le foie est voliimi- neus et de couleur verdàtre; il est divisé en deux lobes, et se compose d'une multitude de petits caecums qui ont l'apparence de granules. Enfin, l'intestin contourne cette glande, puis remonte à côté de l'œsophage, et va déboucher au dehors sous le bord du manteau, à la face inférieure du corps du côté gauche (6). L'appareil digestif des Gléodores ne diffère pas notablement de celui des [lyales (c). Chez les Cuviéries (cl), les Cymbulies (l. i, Rg. A. — Férussac, Histoire naturelle des Mollusques, pi. 14, &g. G. {h) Granl, On the Structure and Characters ofthe Loligopsis (Tram, of the Zoological Society, t. I, p. 25, pi. 2, fîg. 7). (i) Délie Chiaje , Descriz. e notom. degli Animali invertebrati, pi. 13, fig. 16. • (j'j Cuvier, Op. cit., pi. 4, fig. 2. Intestin. Uill APPAREIL DIGESTIF DES MOLLUSQUES CÉPHALOPODES. Résumé. § 22. — En résumé, nous voyons donc que chez les Mol- lusques les plus élevés en organisation, de même que chez les Molluscoïdes les plus dégradés, la cavité digestive est consti- tuée par un tube à parois propres, qui est recourbé en forme d'anse, de façon à communiquer au dehors par une bouche et un anus situés, non aux deux extrémités opposées du corps, comme nous le verrons dans l'embranchement des Animaux annelés, mais dans des régions voisines. Ce rapprochement entre les orifices du canal alimentaire n'est pas un caractère constant de la division des Mollusques, mais nous l'avons ren- contré chez la plupart de ces Animaux, et, en terminant l'étude de l'appareil digeshf dans ce groupe zoologique, j'appellerai de nouveau l'attention sur le défaut de symétrie que nous y avons souvent remarqué. pylorique, est garnie de cils vibra- En général, rextrémiié de l'iii- tiles {a). testin fait saillie dans la cavilé bran- chez le Poulpe, l'inleslin décrit chiale. L'anus est simple cbez les quelques circonvolulions avant de Poulpes (d) , mais chez les Cal- gagner la face inférieure du foie et mars (e), les Loligopsis [f) et les Sé- de se terminer à Panus {b) ; mais, pioteulhes {g), il est bordé par deux chez les Calmars, il est plus court, et petits appendices membraneux qui se porte presque directement en ont la forme de feuilles ou d'ailes et avant (c). sont dirigés en avant. (a) H. Millier et Kôlliker, Bericht ûber einige im Ilerbste 1852 in Messlna angestelUe vergl. anat. Untersuch. (Zeitschr.fûr ivissenschaftl. ZooL, 1S53, t. IV, p. 343). (b) Voyez V Atlas du Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 1 c. (c) Voyez Owen, Cephalop. (Todd's Cyclop, t. I, p. 535, fig. 221). Gai-us elOtto, Tab. Anatom. compar. illustr., pars iv, pi. 2, fig. 11. (d) Voyez V Atlas du Règne animal de Cuvier, Mollusques, pi. 1 a. (e) Milne Edwards, Voijage en Sicile, t. 1, pi. 18. (f) Ralhke, Op. cit. {Mém. de VAcad. de Saint-Pétersbourg, 1835, Sav. étrang., i. II, pi. 2). (g) Owen, Descript. of some new and rare Cephalopoda (Trans. of the Zool. Soc. of London, t. II, pi. 21.' fig. 16). QUARANTE -NEUVIEME LEÇON. De l'appareil digestif chez les Vers. § 1 . — Dans renjbranchement des Animaux annelés, la caractères cavilé digestive se compose d'ordinaire d'un tube ouvert à ses ^''"^'''""'' deux extrémités, comme chez les Mollusques , mais dont les orifices, au lieu d'être rapprochés, sont situés le plus loin pos- sible l'un de l'autre, et dont la disposition générale est symé- trique : la bouche se trouve à la face inférieure de la tête, et l'anus, placé également sur la ligne médiane ,^ occupe l'extré- mité postérieure du corps. Mais dans ce groupe, de même que dans les deux grandes divisions zoologiques dont j'ai traité dans les dernières Leçons, ce mode d'organisation ne se rencontre pas toujours, et il existe quelques espèces qui offrent sous ce rapport des caractères d'infériorité très remarquables. En effet, chez quelques Vers, l'appareil digestif tout entier paraît man- quer pendant une certaine période de la vie, sinon toujours, et chez d'autres la cavité alimentaire ne communique au dehors que par un seul orifice, comme chez la plupart des Zoophytes inférieurs; mais ces exceptions sont fort rares, et, dans l'immense majorité des cas, l'appareil digestif est con- formé d'après le plan que je viens d'indiquer, et offre même une structure très perfectionnée dans tout ce qui a rapport à son action mécanique. Pour le moment je laisserai de côté les anomalies que je viens de signaler, et, pour donner une idée nette de la dispo- sition typique de l'appareil digestif de l'Entomozoaire ou Animal annelé réduit à sa plus grande simplicité, je choisirai mes pre- [li6 APPAREIL DIGESTIF miers exemples parmi les Vers intestinaux de la classe des Appareil Nématoïdes (1) ou des Helminthes proprement dits ("2). Chez diMSlif dans fa classe Ics Stronglcs, Ics Ascarides, les Pilaires et la plupart des autres des Nématoïdes. Animaux de ce groupe, il ne consiste qu'en un tube presque droit, qui présente à peu près les mêmes dimensions et une structure identique dans toute sa longueur, excepté dans la partie antérieure, où il est plus étroit et plus musculaire, de façon à constituer un oesophage bien caractérisé. D'ordinaire on ne peut y reconnaître un estomac distinct de l'intestin (3), (1) C'est-à-dire filiformes (de v«p.a, fil, et sl'^o;, apparence. (2) Jusque dans ces dernières an- nées les zoologistes réunissaient dans une même classe, sous le nom com- mun d'Helminthes ou de Vers intes- tinaux, des Animante qui se ressem- blent par leur manière de vivre en parasites dans l'intérieur de diverses parties du corps d'autres Animaux, principalement les intestins, mais qui diffèrent beaucoup entre eux par leur mode d'organisation. Aujour- d'hui on est assez généralement d'ac- cord sur la convenance de les répar- tir dans plusieurs classes dislitictes, et d'élever à ce rang l'un des grou- pes qui avait été considéré précé- demment comme formant seulement un ordre ou famille naturelle, sa- voir : les Nématoïdes de Rudolphi, ou Vers cavitaires de Cuvier {a). M. Blanchard et quelques auteurs réservent aux Vers de cette division le nom d'Helminthes (6) ; mais cette expression est généralement employée dans une acception beaucoup plus large, et l'on ne peut sans incon- vénient le restreindre de la sorte, car cela occasionnerait beaucoup de confusion dans le langage zoolo- gique. (3) Chez l'Ascaride lombricoïde , Ver d'assez grande taille, qui habite l'intestin de l'Homme, la bouche, si- tuée à l'extrémité antérieure du corps, est triangulaire et entourée de trois tubercules arrondis, qui, en s'écar- tant plus ou moins , dilatent cet ori- fice, ou bien ne laissent libres que trois petits espaces ayant l'apparence de pores, disposition qui en a imposé à quelques hclmintliologistes (c). Un œsopliage musculaire et un peu élargi postérieurement f.iit suite à cette ou- verture ; ii est attaché aux parties voisines des parois de la cavité vis- cérale par des brides membraneuses, et il présente à l'intérieur trois rai- nures longitudinales, de façon que sa cavité est triquètre. Un étranglement le sépare de l'estomac, qui a la forme d'un boyau cylindrique et libre , et se dilate ini peu vers l'arrière du corps. Quelques anatomistes don- nent le nom cVintestin à sa partie («) P.udolplii, Entozoorum sive Vermium inteslinalium hisloria naturalis, 1808, t. II, p. 1. — Cuvier, Règne animal, ^8il, 2« édit., t. IV, p. 29. (b) Blanchard, Recherches sur l'organisation des Vers (Voyage en Sicile, t. Il, p. 19 et 216). (c) Brera, Memorie fisico-mediche , pi. 3, fig. 19. DES VERS DE LK CLASSE DES NÉMATOÏDES. 417 et il traverse plus ou moins librement la grande eavité viscérale, ou n'y est retenn que par des lames mésenté- poslérieure ; mais il n'y a ni lélrécis- sement bien marqué, ni différence de structure dans les parois de ses deux portions, et partout ses tuniques sont minces et transparentes , mais con- tractiles (a). La tunique muqueuse est garnie d'une multitude de villosltés microscopiques qui donnent à sa sur- face un aspect velouté (6). La structure de cet appareil est la même chez l'Ascaride du Cheval (c) et l'Ascaride de l'Ours ; mais, chez d'autres espèces, lelles que VAscaris heterura et VA. semiteres [d) , on aperçoit à la hase de l'œsophage une petite expansion latérale en forme de caecum. Il en est de même chez l'Ascaride des l'oissons, ou Asca- ris capsularia (e), et chez VHetero- cheilus tunicatus, espèce d'Ascari- dien qui vit sur le Dugong, cet ap- pendice est assez allongé et dirigé en avant parallèlement à l'œsophage (f). 11 est également très développé chez VAscaris depressa, VA. acula, VA. angulata et VA. mucronata; enfin, chez r^. speculigera et VA. oscnlata, il se prolonge jusqu'à l'extrémité cé- phalique du corps {g). Chez le Filaire du Cheval, la struc- ture du tube digestif est à peu près la même que chez l'Ascaride lombri- coïde ; mais la longueur de cet or- gane, comparée à celle du corps, est plus grande, de sorte qu'il se con- tourne un peu sur lui-même (h). Le canal alimentaire ne présente rien de particulier chez le Sclérostome du. Cheval, si ce n'est que la cavité buccale est entourée de beaucoup de fibres musculaires qui constituent un bulbe pharyngien ovalaire (i). Chez l'Oxyure vermiculaire {Asca- ris vermicularis , L. ) , qui habile dans le gros intestin de l'IIoinme, il existe entre l'œsophage et l'intestin une dilatation particulière du tube alimentaire, qui est de forme globu- laire et peut être considérée comme un estomac distinct, ou plutôt comme un gésier. Il est aussi à noter que chez ce Ver l'anus se trouve à quelque distance de l'extrémité postérieure du corps (jj. Ce mode d'organisation se voit aussi chez VOxyuris acumi- nata (k). Enfin, chez VOxyuris or- nata, dont la structure a été étudiée avec soin par J\L VValter, le jabot est [a] i. Cloquet, Anatomie des Vers intestinaux, p. 26, pi. 1, fig. 2 et 4 ; pi. 2, fig. t. (6) Morren, Quelques remarques sur l'anatomie de l'Ascaride lombricotde {Bulletin de l'Acad. de Bruxelles, t. V, p. 172, fig. 7, 11 et 12). (c) Blanchard, Op. cit. {Voyage en Sicile , t. III, p. 223, pi. 18. fig^. 1 a, 1 b). (d) Mehlis, nemerkungen (Isis, 1831, p. 91, pi. 2, Rg. 16, 17). (e) Siebold, Helminthologische Beilrttge {Archiv fur Naturgesch., 1838, t. I, p. 309). — Blanchard, Op. cit., 1. 111, pi. 19, fig. 2. {f} Diesing, Neue Gatlungen von Binnenwïcrmern {Annalen des Wiener Mus., t. Il, p. 231, pi. 19, %. 3, 4 et 12). (O) Mehlis, Op. cit. {Isis, 1831, pi. 2, fig. 18). {h) Blanchard, Op. cit., t. III, p. 233, pi. 19, fig. 3. (i) Idem, iMd., pi. 21, tig. 2 a, 2 6. (j) Diigès, Recherches sur l'organisation de quelques espèces d'Oxyures et de Vibrions {Ann, des sciences nat., 1826, t. IX, p. 228, pi. 47, fig. 1). — Blanchard, Op. cit., t. III, p. 247, pi. 20, fig. 3. (fc) Mayer, Bcitrdge *Mr Anatomie der Entozoen, p. 15, pi. 3, fig. 16. V. 27 418 APPAREIL DIGESTIF roïdes (1). La bouche est presque toujours inerme et entourée seulement par quelques papilles. Enfin, le système glandulaire dépendant de cet appareil est rudimentaire ; il n'y a pas un foie distinct, et, dans un petit nombre de cas seulement, l'appareil salivaire paraît être représenté par quelques appendices en forme d'ampoules, groupés autour de la région buccale (2). Cette classe de Vers renferme aussi des espèces qui ne sont garni intérieurement de trois émi- nences coniques qui sont revêtues de chitine, et constituent une armature triturante {a). Citez le Spiroptera sanguinolenta l'œsophage est remarquablement long (6), et chez les Trichocéphales cette portion du canal alimentaire dé- passe de beaucoup en étendue la por- tion stomacale; on y aperçoit aussi des stries transversales qui y donnent une apparence moniliforme, et JMayer pense que ses parois, dont l'épaisseur est considérable, renferment un tissu glandulaire assez semblable à un ap- pareil salivaire (c). M. Biisk considère la conformation du canal alimentaire du Trichocephalus dispar comme étant moins simple que chez la plupart des JNématoïdes. Il y a remarqué, à la suite d'un oesophage court et grêle, un estomac étranglé de distance en distance, de façon à paraître monili- forme , et un intestin dans lequel il croit devoir distinguer trois parties sous les noms de caecum, de côlon et de rectum {d). (1) Le Strongle géant présente une particularité organique remarquable dans le mode d'attache de ce tube, qui, au lieu de flotter librement dans la cavité viscérale, comme d'or- dinaire, est fixe aux parois du corps dans toute sa longueur, par quatre rangées de brides mésenlériques com- posées principalement de fibres mus- culaires. Il est aussi à noter que chez cet Animal l'œsophage est moins distinct du reste du canal diges- tif que chez la plupart des Néma- toïdes. (2) M. de Siebold est disposé à rap- porter à l'appareil salivaire un an- neau circumbuccal que Mehlisa figuré comme un vaisseau chez le Strongylus armatus (e) ; mais cette détermina- tion (/■) ne me paraît pas admissible, et la partie en question me semble devoir être plutôt le système ner- veux. M. Oweu a trouvé chez des Vers intestinaux qui ont beaucoup d'ana- logie avec les Strongles, mais qui en ont été distingués sous le nom géné^ rique de Gnathostoma, quatre tubes terminés en caecum et insérés autoui' (a) G. Waller, Beitràge zur Anatomie und Physiologie von Oxyuris ornata (Zeitschr. fur luissensch. Zool. von Siebold und KôUiker, 1857, t. VIII, p. 192, pi. è, dg. 20, 25). (6) Blanchard, Op. cit. {Voyage en Sicile, t. III, pi. 20, %. l a, i li). (c) F. Mayer, Beiirâge zur Anatomie der Enlozoen, 18 fig'. 1 . (d) Busk, Observ. on the Anat. o/" Trichocephalus dispar, 1 (e) Voyez Blanchard, Op. cit., t. III, p. 267, pi. 22, litj. 1. (/■) Mehlis, Op. cit. {Isis, 1831, pi. 2, %. 6 y). p. 6, pi. 1 , fig-. 1 et 7, et pi. 2, i, p. 33. DES VERS DE LA CLASSE DES NÉMATOÏDES. 419 pas parasites, et dont le mode d'organisation ne diffère pas notablement de ce que nous venons de trouver chez les Ento- zoaires précédents. Ainsi, cliez l'Anguillule, ou Vibrion du vinaigre, il existe aussi un tube digestif à peu près droit, étendu d'un bout du corps à l'autre et ouvert à ses deux extrémités; mais dans d'autres Animaux appartenant à ce type zoologique, la portion postérieure de ce canal paraît ne pas se développer, ou bien s'airophie par les progrès de l'âge, car il semble se ter- miner en cul-de-sac. Enfin, il y a même des Vers de ce groupe chez lesquels on n'a pu découvrir ni bouche ni anus : tels sont les Dragonneaux ou Gordius (i). de la bouche (a). Il les considère comme étant des glandes salivaires, mais il les compare aux vésicules dont le pharynx des Holothuries est en- touré, lesquelles n'ont aucune com- munication ni avec le canal digestif, ni avec l'extérieur. Des appendices semblables se voient chez les Cheira- canthus et les Ancyracanthus, décrits par M. Diesing {b}. M. de Siebold pense que deux caecums situés sur les côtés de l'œsophage, chez le Strongijlus striatus, sont également des organes salivaires (c). Des uiricules d'une forme particu- lière, et offrant une teinte jaune ou verdàtre, se voient dans l'épaisseur des parois de la portion antérieure de l'intestin, et paraissent être des glan- dules hépatiques (d). (1) Le tube digestif de l'Anguillule du vinaigre {Rhabditis aceli, Dujar- din) est conformé à peu près comme celui de l'Oxyure vermiculaire, dont il a été question ci-dessus (e). Mais chez l'Anguillule du blé niellé l'orifice anal paraît manquer. Ces Vers ont la ca- vité buccale armée d'un stylet conique qui est protractile et rétractile. En arrière du bulbe pharyngien qui loge cet organe, le lube alimentaire pré- sente un renflement fusiforme , puis un bulbe dit œsophagien, qui est ar- rondi et sans cesse agité de mouve- ments rhythmiques ; une quatrième dilatation, que l'on désigne sous le nom cVestomac, est pyriforme, et se continue en arrière avec un intestin irrégulièrement contourné sur lui- même et logé dans l'intérieur d'un mésentère tubuleux. La partie posté- rieure de cet intestin se rétrécit gra- duellement, et paraît se terminer en un cul-de-sac qui serait rattaché à une fossette anale imperforée par un cor- don membraneux. Le sac mésenté- (a) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, l. I, p. ISS. (6) Owen, On two Entozoa infesting the Stomach of the T'iger {Proceedings of the Zool. Soc. ofLondoi, 1836, t. IV, p. 125). (t) Diesing, iVede Gatlungen Von liinnenivûrniei'ii [Annalen des Wiener Mus., l. Il, ni. [Q. iig. 13 ; pi. 17, fig. 8, 0 ; pi. 18, 11g-. 3). {d} Siebold et Stannius, Nouveau, Manuel dJ anatomie comparée, t. I, p. 133. (e) Dugès, Op. cit. (Ann. des sciences nal., 1842, t. IX, p. 229, pi. 47, fig. 2). 420 APPÀUEIL DIGESTIF Anomalie chez les On peut ranger aussi dans la classe des Nématoïdes certains ÉchinoriiÎKiucs Vcrs intcstinaux d'assez grande taille, qui constituent le genre Échinorhynque, et qui se font également remarquer par l'ab- sence d'une cavité digestive, bien que l'extrémité antérieure de leur corps ait la forme d'une sorte de trompe spinifère et qu'on y distingue même une petite fossette stomatoïdienne. Il y aurait beaucoup d'intérêt à suivre le développement de ces singuliers Animaux, et à chercher si dans le jeune âge ils ne posséderaient pas un tube alimentaire : quelques observations faites par rique s'clend en ligne droite d'un bout du corps à l'autre ; i! commence en arrière du renflement stomacal, où il occupe toute l'épaisseur du corps, et il se rétrécit en arrière; enfin, il est coiistilué par une membrane mince, et renferme une subslance granuleuse de nature albumino-graisseuse qui pour- rait bien cire un tissu hépatique (a). Chez les Nématoïdes dont M. Du- jardin a formé le genre Mermis, on aperçoit aussi une bouche, un œso- phage et un tube stomacal intestini- forme, mais on n'a pu découvrir au- cune trace d'anus (6). D'après ce zoologiste , le Gordius aquaticus et !c G. iolosanus seraient même dépourvus de bouche et d'a- nus, ainsi que de tout aulre organe digestif (c) ; et M. de Sicbold consi- dère ce mode d'organisation comme se trouvant aussi chez le Sphœriilaria Bomhi {cl) et chez le Filaria riçjida qui vit dans l'intérieur du corps de VAphodius ftmetarius (e) ; mais je dois faire remarquer que ces orifices, ainsi que le tube digestif, ont été décrits cl figurés, chez \(i Gordius aquaticus par M. Berthold {f). Le Syngamus trachealis , Ver très singulier qui se trouve dans la tra- chée des Oiseaux, et qui paraît bifur- qué antérieurement, par suite de la soudure du mâle et de la femelle, présente un mode d'organisation ana- logue. Chaque, individu est pourvu d'une bouche, d'un œsophage muscu- laire et d'un cslomac intesliniforme qui paraît se terminer en cul-de-sac. Chez le grand individu , qui est la femelle, la bouche est placée dans une cupule cornée et armée de crochets , comme chez les Scléro- stomes {(f,. {a] Davainc, Recherches sur l'Anguillule du blé niellé, 1857, p. 24, pi. 2, fig:. 12-15 (exlr. des Mém. de la Soc. de biologie, 2" série, t, III). (6) Dujardin, Mém. sur la structure anatomiquc des Gordius et d'un aulre Helminthe, le Mer- mis, qu'on a confondu avec eux {Ann. des sciences nat., 2" série, 184ii, t. XVIII, [}. 140). (c) Siebold, Helminthologische Beitrdge {Archiv fur Naturgeschichte, 1838, l. I, p. 303). — Dujardin, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 2° série, 1842, 1. XVIII, p. 149). (d) Sieliold, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 131. {e) Siebold, Ueber die Spermatozoen der Crustaceen, Insecten, etc. (Miiller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1836, p. 33). (f) A. Berlhold, Ueber de'i Bau des Wasserkalbes, p. 13, fig. 1 et 17 (Gôltingue, 1842). [g) Owen, art. Entozoa (Todd's Cyclopxdia of Anat. and Physiol, t. Il, p. 134). DES VERS DE LA CLASSE DES NÉMATOIDES. 421 M. Blanchard tendent à faire supposer qu'il en est ainsi, et que cet organe s'atrophie lorsque l'appareil reproducteur se déve- loppe (1). Du reste, les Échinorhynques vivent au milieu de matières alimentaires déjà digérées par leur hôte, et les parois de leur corps sont clouées d'une puissance absorbante très grande ; par conséquent, on conçoit que ces parasites puissent se sustenter malgré l'absence d'instruments spéciaux pour l'élaboration de leur nourriture (2). Quant à l'armature dont la bouche de quelques Nématoïdes (1) L'Échinoiiiynqne géant, qui se trouve dans l'intestin grêle du Porc, et qui a souvent plus de 3 décimètres de long , présente à l'extrémité anté- rieure de son corps une trompe pro- tractile et rétractile, de forme globu- leuse et armée de cinq ou six rangées de crocliels. Cet organe est muscu- laire, et sa base se prolonge dans la partie antérieure de la cavité viscérale où se logentses muscles rétracteurs (a). Au milieu de son extrémité anté- rieure, on y aperçoit une petite dépres- sion qui ressemble à un pore buccal, et son axe paraît être occupé par un petit canal ; mais on ne trouve aucun orifice à sa partie postérieure, et il n'est pas suivi d'un tube alimentaire. Il ressemble donc à un bulbe pliaryn- gien qui aurait persisté après la des- truction de tout le reste du tube di- gestif, et qui se serait oblitéré posté- rieurement. En effet, chez ces Vers à l'état adulte, on ne voit dans la cavité viscérale aucune trace de tube ali- mentaire. Mais M. Blanchard a décou- vert, chez quelques jeunes individus d'une autre espèce du même genre ( VEchùwrhynchus froteus, qui vit sur la Perche), un appendice mem- braneux faisant suite à la trompe, et cet organe lui a paru être un tube digestif en voie d'atrophie [b). On ne sait rien sur les fonctions de deux organes appendiculaires qui sont suspendus aux côtés de la trompe, et qui ont été désignés sous les noms de lemnisques ou de bandelettes latérales. Gœze a cru distinguer dans chacune de ces bandelettes un tube garni de sacs ovoïdes (c) ; et effectivement elles sont creusées d'un canal cen- tral qui donne naissance à quelques ramifications, ainsi qu'à des vési- cules(f/;. Mais ce canal ne paraît avoir aucune communication ni avec l'exté- rieur, ni avec ta cavité delà trompe (e). M. Dujardin suppose que ces lemnis- ques sont des organes salivaires (/"). (2) On doit à Treutler, à Rudolphi et (a) Rudolplii, Entoz-oorum, t. I, p. 252. — Cloquet, Anatomie des Vers intestinaux, p. 76, pi. 5, fig. 3. — Blanchard, Rech. sur l'organis. des Vers [Voyage en Sicile, t. III, p. 289, pi. 24, fig. 5). (t)Idem. ibid., p. 290. (c) Gôze, Versuch einer Naturgeschichte der Eingeweidewûrmer thierischer Kôrper, p. 4 47. (d) Cloquet, Op. cit., p. 84. (e) Blanchard, Op. cit., p. 292. (/■) Dujardin, Histoire naturelle des Helminthes, p. 492. APPAREIL DIGESTIF est pourvue, elle paraît être destinée à intervenir dans les phé- nomènes de la locomotion plutôt que dans le travail de la diges- tion. Tantôt elle consiste en une espèce de dard ou de stylet que l'Animal emploie pour perforer les tissus à travers lesquels il a besoin de se frayer un chemin (l); d'autres fois ce sont de petits crochets qui lui permettent de se cramponner sur les membranes auxquelles il doit adhérer (2). à M. J. Cloquet quelques expériences sur le pouvoir absorbant de la surface du corps de ces Helminthes (a) ; mais on ne sait rien de satisfaisant tou- chant leur mode de nutrition. (1) Plusieurs des petils Néinatoïdes qui s'enkystent dans le corps des In- sectes , des Poissons et même des Mammifères, et qui ont été décrits soHs les noms de Pilaires ou d'Asca- rides, mais qui ne sont que dos lar- ves de Vers d'espèces indéterminées et qui achèvent leur développement dans d'autres gîtes , ont la bouche armée d'un stylet ou dard corné, ainsi que cela a été constaté par M. i-tein et par plusieurs autres lielmintholo- gistes [h). Dans d'autres Vers de cet ordre, la bouche renferme deux petits stylets ou mûchoires très grêles : par exemple, chez le Bhabdites bioculata et le Diplo- gaster micans de !\I. îMaxSchuIze (c). ('2) Chez VAncijloitumum cluode- nale, dont le tube digestif est con- formé de la même manière que chez les Ascarides, la bouche a la forme d'une cupule rigide, et son bord su- périeur est armé de deux paires de crochets cornés (rf). Chez le Gnathostoma spinigerum, la bouche est entourée d'une sorte de lèvre renflée et garnie de six ou sept rangées circulaires de crochets mi- croscopiques ; on aperçoit aussi en dedans de la fente buccale une paire de replis membraneux maxilliformes dont le bord antérieur est armé de pointes cornées (e). Chez quelques Nématoïdes, le bulbe pharyngien est non-seulement charnu, comme chez les Sclérostomes, mais garni intérieurement de pièces solides de consistance cornée. Chez le Strongylus urmatus, où celte disposition existe, le bord labial est armé en outre d'une série de pe- tites pointes épiderniiques (/). L'armature céphalique des Echino- rhynques est plus puissante, et l'on a (a) Treutler, De Echinoi'liynchoritm natuva. Lipsia3, i1%\. — RuJolplii, Entoioorum sive Vermium intestinalmm histm'ia naluralis, t. I, p. 252. — Cloquet, Analomied.es \evs intestinaux, p. 87. [h) Steiii , Beitrâge zur Entwickekmgsgescliichte der Eingeweidewûrmer { Zeitschrift. fur vj'issensch. Zool. von Siebold und Kolliker, 1852, t. IV, p. 200, pi. 10, fig. 5, 6, 8). (c) Voyez J. Carus, Icônes xooto7nicœ, pi. S, ûg. 1 et 2. (dj Dubini, Nuovo Vernie intestinale [Annali univ. di Medicina di Omodei, 1843, t. CVI, pi 1, fig. 4). (e) Owen, Op. cit. {Proceed. of Ihe Zool. Soc. 1856, t. IV, p. 124). if] A. Westrimib, Beitr. %ur Anat. des Strongylus armatus (/sis, 1822, p. 685, pi. 6). -- Leblond, Quelques matériaux pour servir à l'histoire des Fllaires et des .Stronqles, 1836, p. 31,pl.4, fig. 2 et 3. — Schmilz, Tahulœ Anatomiam Enlonoorum ilhislrantes, pi. 18, llg. 11 . DES VERS DE LA CLASSE DES GEPHYRIENS. 423 § 2, — Chez les Vers qui ont été désignés par M. de Quatre- ciasse fages sous le nom commun de Géphyriens, et qui semblent être céphyriens. intermédiaires entre les Annélides et les Échinodermes de l'ordre des Holothuriens , l'appareil digestif est également très simple, et parfois ne diffère que peu de ce que nous venons de voir chez les Nématoïdes. Ainsi , chez les Échiures et les Bonellies, il ne consiste qu'en un tube à peu près cylindrique qui est ouvert aux deux extrémités du corps (1) ; mais dans la constaté expérimentalement l'emploi que ces Vers en font pour attaquer les tissus auxquels ils s'attachent {a). Le nombre et la forme des crochets de la trompe varient un peu suivant les espèces (b). (1) Chez les Échiures, le tube diges- tif est beaucoup plus long que le corps et décrit plusieurs circonvolution» dans la grande cavité viscérale où il flotte, attaché à un repli membraneux qui fait office de mésentère (c), ou à des brides qui remplissent les mê- mes fonctions (d). On y distingue trois parties principales. La portion anté- rieure, dont les parois sont d'abord membraneuses, puis très charnues et rigides, correspond à l'œsophage mus- culaire des Ascarides, et a été consi- dérée comme un estomac par Pallas (e) et comme une trompe par M. de Quatrefages, qui en a fait une étude approfondie {f). La portion moyenne du canal alimentaire est boursouflée, de façon à rappeler par son aspect le gros intestin des Mammifères ; elle me paraît représenter l'estomac. Enfin la portion postérieure est grêle, et près de son extrémité elle donne insertion à une paire d'appendices tubuieux qui ont quelque analogie avec l'appareil aquifère des Holothu- ries, et qui sont probablement des organes de respiration (g). Chez le Bonellia viriclis, l'appareil digestif présente les mêmes caractères généraux, mais la bouche ne paraît pas être terminale, car la portion frontale du corps se prolonge de façon a con- stituer un énorme tentacule labial qui est bifide au bout et creusé en gout- tière à sa face inférieure (h). On désigne communément cet appendice sous le nom de trompe , mais il ne ressemble (a) Cloquet, Anatomie des Vers intestinaux. (b) Voyez Weilrnmh, De Helminthlbus acanthocephalis, I8'2l, pi. 1. — Diijardin, Histoire naturelle des Helminthes, pi. 7. — Diesing, Ziuôlf Arien von Acanthocephalen (Mém. de l'Acad. de Vienne, 1856, t. XI, pi. 1, %. 6, 19, 29; pi. <2,.ûg. 15 ; pi. 3, fig. 14, elc). (c) Voyez l'Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 23, fig. 1 a. (d) Forbes and Goodsir, On the Nat. Hist. and Anat. of Thalassema and Echiurus {Edinburgh netu Philos. Journal, 1841, t. XXX, p. 373). (e) Pallas, Specilegia z-oologica, 1774, fasc. x, p. 7. (/■) Qualrefiiges,Mem.OTi?' l'Échiurede Gœrtner {Ann. des sciences nat., 5' série, 1847, t. VII, p. 318, et Voyage en Sicile, t. II, p. 232). {g) Voyez ci-dessus, t. II, p. 9. [h] Voyez VAtlas du Règne animal, Zooph., pi. 21 , fig. 3, 3 a. — Lacaze-Dutliiers, Mém. sur la Bonellie {Ann. des sciences nat., 1858, 4" série, 1. X, pi. 1, fig. 1 et 2). Classe des Annélides 424 APPAREIL DIGESTIF famille des Siponcles, où sa conformation générale est à peu près la même, il offre une disposition qui rappelle jusqu'à un certain point celle que nous avons rencontrée chez quelques Échinodermes et chez tous les Mollusques : car l'anus, au lieu d'être terminal, est fort rapproché de la bouche, et se trouve vers le tiers antérieur du corps, bien que l'intestin se prolonge beaucoup plus loin en arrière, sous la forme d'une anse (1). § 3. — Chez les Annélides, la bouche et l'anus se trouvent toujours aux deux extrémités du corps, et en général le tube digestif s'étend en hgne droite de l'un de ces orifices à l'autre; mais souvent sa structure se complique plus que dans les classes dont je viens de parler, et les organes deshnés à la préhension des aliments se perfectionnent parfois d'une manière assez remarquable. Du reste, ces dernières parties en rien h la trompe des autres Vers, qui est formée par une portion exser- tile du canal digestif, tandis que la bouche est située sous la base de Torgane dont il est ici question. Le tube alimentaire de ces Vers est très long; il se contourne autour d'une partie de l'appareil génital, et est attaché aux parois de la cavité vis- cérale par des brides mésenlériques. Sa portion antérieure n'est pas droite et rigide comme chez l'Échiure; mais sa portion moyenne présente la même disposition bouillonnée, et ses parois sont colorées en jaune par des cellules hépatiques (a). Chez le Sternapsis, le tube alimen- taire est presque cylindrique, et paraît n'offrir rien de remarquable (b). (1) Le tube digestif des Siponcles est très long, et se contourne en spi- rale de façon à se pelotonner (c).. La bouche est garnie d'une frange la- biale, et toute la portion antérieure du corps est susceptible de ren- trer en dedans ou de se dérouler au dehors, de manière à simuler une trompe. (a) Sclimarila, Zur Naturgeschichte (1er Adria (Mém. de l'Acad. des sciences de Vienne, 1852. t. IV, p. 118, pi. 5, fig. 1). — J. Cariis, Icônes zootomicœ, pi. 8, ûg. 21. — Lacaze-Duthiers, Recherches sur la Bonellie [Ann. des sciences nat., 4° série, 1858, t. X, p. 67, pi. 2,fig. 1). (h) A. G. Otio, De Sternapside thalassemides, etc., pi. 1 , et Allas du Règne animal de Ciivier, ZOOPHYTES, pi. 22, fig. 3f. — Max. Mueller, Observationes anatomicœ de vermibus quibusdam maritimis (dissert, inaug'.). Berolini, 1852, pi. 1, fig. 13. (c) Voyez Délie Chiaje, Descrizione e notomia degli Animali invertebrati délia Sicilia cileriore, pi. 108, fig. 5 et 6. — Grube, Versueh einer Anatomie des Sipunculus nudus (MiiUer's Archiv fur Anat. und Physiol., 1837, p. 245, pi. 11, fig. 1 et 4). — Blanchard, Atlas du Règne animal de Ciivier, Zoophytes, pi. 22, fig. 2. DES VERS DE L\ CLASSE DES ANNÉLIDES. 425 varient beaucoup suivant le régime de l'Animal, et, à cet égard, on remarque des différences très grandes entre les Ché- topodes, ou Annélides sétifères, et les Hirudinées, ou Anné- lides suceurs. En effet, les premiers sont destinés à se nourrir d'aliments solides, tandis que les secondes ne vivent guère que de liquides , et ont par conséquent la bouche organisée en manière de ventouse. Chez les Chétopodes , cette ouverture occupe la face infé- rieure de la tête, dont la région frontale s'avance plus ou moins ; ses bords sont en général protractiles, et chez quelques-uns de ces Annélides les appendices céphaliques qui l'entourent sont disposés de façon à y diriger les corpuscules charriés par les courants respiratoires ; mais d'ordinaire les aliments sont saisis directement par une trompe plus ou moins exsertile. Le premier de ces modes d'organisation se voit chez beau- coup d'Annélides sédentaires ou tubicoles : les Serpules et les Sabelles, par exemple, où la bouche est située au fond d'une couronne de longs tentacules ciliés qui ont la forme de pana- ches, et qui servent aussi à la respiration (1). Les Annélides errants ou dorsibranches ont en général une trompe rétractile, qui est très musculaire et susceptible de s'a- vancer au dehors, à une distance plus ou moins grande, pour saisir les aliments par l'oriiice dilatable situé à son extrémité antérieure et conduisant dans l'œsophage (2). Tantôt cet organe Appareil digestif des Cliétopodes. Trompe. (1) Voyez ci-dessus, tome II, page 103. Chez les PolyophUialmes, il existe de chaque côté de la tète un organe protractile et cilié qui paraît être spé- cialement destiné à produire des cou- rants dirigés vers cet orifice , et à y envoyer de la sorte les corpuscules alimentaires en suspension dans l'eau circonvoisine. Chacun de ces organes consiste en une sorte de pelote bilobée et couverte de longs cils vibratiles (a); ils ne sont que peu vasculaires, et ne paraissent servir ni à la respiration, ni à la locomotion. (2) La trompe des Annélides est toujours formée par la portion anté- rieure du tube digestif, qui est dis- (a) Quatrefages, itfe'm. sur la famille des Polyophthalmiens {Ann. des sciences nat., 1850, t. XIII, p. 14, pi. 2, fig. ^, 2 et 3). 426 APPAREIL DIGESTIF est inerme, mais d'autres fois il est armé de crochets ou de lames cornées qui font office de mâchoires, et qui constituent, chez certaines espèces, un appareil sécateur fort complexe. posée de façon à pouvoir se renverser au dehors comntie un doigt de gant que l'on retourne, ou à rentrer dans l'intérieur du corps. Quand elle est dans cette dernière position, on y distingue deux portions ; l'une, anté- rieure et flexible, qui fait suite aux bords labiaux ; l'autre qui est située plus en arrière et qui a des parois très musculaires. Lors de la protraclion, la partie antérieure de la trompe s'avance au dehors en se renversant de manière que sa surface libre, au lieu d'être in- tevne, devient extérieure, et constitue une sorte de gaîne au centre de la- quelle se loge la portion suivante, jusqu'à ce que le tout se soit déroulé. Chez quelques-uns de ces Animaux, cet organe a une longueur très considé- rable : par exemple, chez les Phyllo- doces, où il est un peu claviforme(a). Chez d'autres, tels que les Lombrics ou Vers de terre (b), et les Arénicoles (c), il est au contraire fort court, et chez certaines espèces il est même tout à fait rndimentaire : par exemple, les Cirra- tules {d). Son extrémité antérieure est tantôt simplement plissée, ainsi que cela se voit chez les Euphrosines (e) , ou granuleuse, comme chez la Phyllo- doce clavigère (/") ; mais d'autres fois elle est garnie d'une ou deux rangées de papilles tentaculiformes, chez les Nephthys, par exemple (g). Chez la plupart des espèces que je viens de citer, la trompe est inerme ; mais chez d'autres elle est plus ou moins fortement armée, et la disposi- tion des pièces dentaires dont elle est pourvue varie dans les différents gen- res. Ainsi, chez les Néréides, il existe tout autour de sa surface externe un nombre considérable de petits tuber- cules ou pointes cornées, et son extré- mité est garnie d'une paire de mâ- choires latérales qui ont la forme de crochets lameileux, tantôt simples, tantôt denticulés sur le bord in- terne (h). Chez quelques espèces du genre Glycère, l'entrée de la trompe est armée de quatre petites mâchoires pointues, disposées en croix (ï),et chez (a) Voyez Milne Edwards, Annelida (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol., t. I, p, 168, fig'. G6, et Atlas du Règne animal de Cuvier, Annélides, pi. 13, fig. la et 3ft). — Qualrefages, Description de quelques espèces nouvelles d' Annélides {Magasin de zoologie, de Guérin-Méneville, 1843, pi. 1, fig. 1). (6) Voyez Pontallid, Observations sur le Lombric terrestre {Ann. des sciences nat., 3° série, 1853, t. XIX, p. 18). (c) Voyez Milne Edwards, Annélides de VAtlas du Règne animal de Cuvier, pi. 8, fig. 1 a. (d) Voyez VAtlas du, B.ègne animal de Cuvier, Annélides, pi. 17, fig. 3 6. (e) Savigny, Système des Annélides d'Egypte, pi. 2, fig. 1 ■' et l**. (/■) Audouin et Milne Edwards, Annélides des côtes de la France {Ann. des sciences nat., 1833, t. XXIX, pi. 16, fig. 10). (s) Voyez VAtlas du Règne animal de Cuvier, pi. 15, fig. 2 a, 2 6. {h} Savigny, Op. cit., pi. 4, fig. ^^, P, etc. — Audouin et Milne Edwards, Op. cit. {Ann. des sciences nat., t. XXVII, pi. 23, fig. 2 et 3, etc. et Atlas du Règne animal, Annélides, pi. 12, fig. 1 a, 1 &, 1 c). (i) Voyez VAtlas du Règne animal de Cuvier, Annélides, pi. 14, fig. 1 . DES VERS DE LA CLASSE DES ANNÉLIDES. h'21 Ainsi que je l'ai déjà dit, le tube alimentaire de ces Animaux s'étend d'ordinaire en ligne droite depuis le pharynx jusqu'à l'anus (1). Sa portion œsophagienne est libre dans les espèces Canal alimentaire. les Goniacles OÙ ces organes manquent, ou ne sont qu'au nombre de deux, on remarque à la face inférieure de la trompe une paire de râpes constituées par une série de crêtes cornées en forme de V (a). Chez les Aphrodisiens, la trompe est pourvue de quatre mâchoires réunies par paires , deux du côté dorsal et deux du côté ventral, et opposées par leurs bords. Chez les Polynoés [b] et les Polyodontes (c), elles sont très fortes, mais chez les Aphrodites elles ne sont que peu développées. Enfin, chez les Eunices, cet appareil maxillaire se complique davantage. Le plancher de la cavité buccale est garni d'une paire de pinces cornées qui ont été désignées sous le nom de lèvre inférieure {d) ; elles sont géminées comme les mâchoires des Aphrodi- siens et terminées en avant par un bord tranchant. Au-dessous se voit une double série de dents qui sont portées sur une pièce basilaire, et dis- posées de façon à se renverser au dehors latéralement, quand l'Animal fait saillir sa trompe. On en compte trois d'un côté et quatre de l'autre : celles de la première paire sont crochues et très fortes ; les autres sont lamelleuses et denticulées sur leur bord ; toutes se rapprochent sur la ligne médiane lors de la rétrac- tion (e). La disposition de cet appa- reil est à peu près la même chez les Aglaures (/), les Lysidices et les Lom- brinères {g). Il est aussi à noter que la surface de la trompe des Annélides est souvent garnie d'une multitude de petites pa- pilles qui sont considérées par quel- ques naturalistes comme étant des organes sécréteurs (h) ; mais cette opinion ne repose sur aucune obser- vation positive. (1) Chez quelques Annélides Chéto- podes, le canal digestif est au con- traire beaucoup plus long que le corps et forme des anses ou des cir- convolutions plus ou moins nom- breuses. Ainsi, chez l'Amphitrite auri- come, l'estomac, qui est séparé de l'œsophage par un sphincter et qui a des parois très vasculaires, est reployé sur lui-même en forme d'U, et l'in- testin grêle qui y fait suite décrit plu- sieurs courbures ; enfin la portioi> (a) Audouin et Milne Edwanls, Op. cit. {.inn. des sciences nat., t. XXIX, pi. 18, fisj. 4 et 5). (b) Savigny, Egypte, Annélides, pi. 3, fig-. 4^, 16, 2-''. — Quatrefages, Atlas du Règne animal de Cuvier, Annélides, pi. 19, fig. 2 e, 2 A (c) Délie Chiaje, Descrizione e notomiadegli Animali invertebrali délia Sicilia citer iore, pi. 99, fig. 2). (d) Savigny, Système des Annélides, p. 48. (e) Savigny, Egypte, Allas, Annélides, pi. 5, fig. !•' à 1'"^. — Audouin et Milne Edwards, Op. cit. {Ann. des se. nat., t. XXVIT, pi. 11, fig. 10 et 11). (/■) Savigny, Egypte, Annélides, pi. 5, fig. 2^. {g) Audouin et Milne Edwards, Op. cit. {Ann. des sciences nat., t. XXVII, pi. 12, fig. 11). {h) T. Williams, Report on the British Annelida (British Association for the advancement of science, 1851 , p. 232). 428 APPAREIL DIGESTIF à trompe, protractile, et se contourne plus ou moins quand cet organe est rentré ; mais la portion suivante est \\\ée aux parois de la grande cavité viscérale par des brides ou des cloisons membraneuses, et dans beaucoup d'espèces les expan- sions mésentéroïdes ainsi constituées l'étranglent un peu au niveau de chaque sillon interannulaire du corps, de façon que dans les espaces intermédiaires il offre des boursouflures plus ou moins marquées. Sa surface interne est garnie de cils vibratiles (i). On y distingue aussi une tunique musculaire, et près de sa surface externe se trouvent des follicules et d'autres organiles sécréteurs dont le développement varie beaucoup. Naïs, eic. Daus quclqucs espèces, la disposition de ces parties est à peu près la même dans toute la longueur du corps, et la structure pGslérieure de l'inteslin, qui esl dila- Polyophtlialmes et beaucoup d'autres tée, se dirige de nouveau en ar- Annélides (g). rière (a). M. 0. Schmidt a cru apercevoir que Chez le Siphonostoma plumarum, chez les Naïs du genre Chœtogaster, le tube digestif est également reployé l'action de ces cils vibratiles dans le deux fois sur lui-même [b], et il ofl're bulbe œsophagien et dans la portion la même disposition chez les Chlo- terminale de l'intestin est soumise à rèmes (c). la volonté de l'animal. Quoi qu'il en (1) Le mouvement ciliaire sur la soit de cette particularité, il a pu surface interne du tube digestif des constater l'existence de ces appen- Annélides a été constaté d'abord chez dices épilhéliaux dans toute la lon- les Aphrodites par M. Sharpey {cl). gueur du tube digestif de cet Anné- M. Henle l'a observé ensuite chez les lide. 11 a remarqué aussi que ces cils Nais et les Lombrics (e), et plus ré- sont extrêmement longs dans la partie cemment le même phénomène a été antérieure du canal intestinal chez le signalé chez les Chlorèmes (/"), les Naïs elinguis {h). (a) Ratlike, Beitrâge sur vergl. Anat. U7id Physiol., 1842, p. 64, pi. 5, fig. 4 et 5. (6) Idem, ibid., p. 86, pi. 6, ùg. 5. (c) Quatrefages. Op. cit. {An7i. des sciences nat., 3' série, 4849, t. XIF, pi. 9, fig. 3). \d] Sharpey, Cilia (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol., t. I, p. 618). (e) Henle, Ueber Enchytrœus, eine neue Anneliden-Gattung (Miiller's Archiv fur Anal, und Physiol., 1837, p. 81). (f) Quatrefages, Mém. sur la famille des Clilorémiens {Ann. des sciences nat., 3" série, 1849, t. XIl, p. 298). {g) Quatrefages, Mém. sur la famille des Polyophthalmiens (Ann. des sciences nat., 3« série, 1850, t. XIII, p. 16). (/() Ose. Schmidt, Beitrdge %ur Anatomie imd Physiologie der Naïden (Miiller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1846, p. 410, et Ann. des sciences nat., 3° série, 1847, t. VII, p. 185). DES VERS DE L.V CLASSE DES ANJNÉLIDES. 429 de l'estomac, ou intestin, comme on voudra l'appeler, est très simple. Dans divers Naïs, par exemple, le canal alimentaire, après avoir constitué un œsophage assez court, prend la forme d'un cylindre dont les parois logent une multitude d'ulricules d'un brun jaunâtre, surtout vers sa partie moyenne (1). Mais Térébeiies, eic ans d'autres Annélides de la même famille, on remarque à peu de distance de l'œsophage un renflement stomacal qui est très musculaire (2), et cette espèce de gésier acquiert même un (1) Ce mode d'organisation se ren- contre chez le ïubifex des ruisseaux. Le bulbe pharyngien, qui est prolrac- tile, se continue postérieurement avec un œsophage étroit et incolore, situé dans les troisième et quatrième an- neaux du corps. La portion suivante du tube digestif est plus large, colorée en brun jaunâtre et légèrement étran- glée d'anneau on anneau par des cloi- sons musculo-mcmbraneuses qui re- présentent autant de petits diaphrag- mes. Les cils vibratiles qui garnissent la surface interne de ce tube sont très apparents dans le voisinage de ses deux extrémités. Enfin, on distingue dans ses parois des glandules de deux sortes : les unes sont des utricules contenant un nucléole ainsi qu'un li- quide jaunâtre, et paraissent s'ouvrir dans l'intestin comme autant de petits caecums; les autres offrent une struc- ture analogue, mais contiennent un liquide incolore dans lequel nagent des gouttelettes de graisse (a). Comme exemple d'un tube digesUf olfrant à peu près la même structure dans toute sa longueur, je citerai aussi celui de VAmphicora (b). Chez les Sabelles, le rétrécissement œsopha- gien est aussi à peine marqué, et la portion stomaco-intestinale offre par- tout le même diamètre, si ce n'est dans les points où elle est resserrée par les cloisons transversales de la cavité viscérale qui correspondent à chaque sillon interannulaire (c) : ce sont les boursouflures ainsi produites qui ont été figurées comme des cir- convolutions par Vivian! {d). (■2) On ne voit pas de dilatation stomacale chez les Naïdes des genres Tubifex, Lumbriculus , Euaxes (e) et Capitella (f) ; elle manque aussi dans la plupart des espèces du genre En- chytcerus {g) , mais se rencontre chez (a)J. d'Udekeni, Histoire naturelle du Tubifex des ruisseaux, p. 15, pi. l, fi-. 3 et 12 (exir. des Mém. de l'Acad. de Bruxelles, Savants élrançjers, t. XXVIJ. (h) E. 0. Schmidt, Neue BeiCrage Aur Naturgeschichte der Wûrmer, pi. 2, fi^. 6 (lena, 1848). (ci Milno Edwards, Annélides de VMlas du Règne animal de Cuvier, pi. 4c, iig. 2. {d) D. Viviani, Pliosphorescentia maris, 1805, pi. 5, Rg. 7. (e) Udekeni, Nouvelle classification des Annélides séligères abranches, p. 9 (e.tlr. des Mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. XXXI). if) Van Beneden, Histoire naturelle du genre Capitella, ou Lumbriconaïs, p. H, pi. 1, Rg. 2 (exIr. du Bulletin de V.icad. de Bruxelles, 2' série, t. lit). (g) Udekem, Description d'ïine nouvelle espèce d'Enchgtrœus (Bulletin de l'.\cad. dcBruxelles, t. XXI, pi. 1, fig. 1). il30 APPAREIL DIGESTIF développement très considérable chez quelques Tubicoles : les Térébelles, par exemple (1). II est aussi à noter que chez divers Annélides on voit accolés à l'œsophage un certain nombre d'organes glandulaires qui ont été considérés par quelques auteurs comme constituant un appareil salivaire, mais qui ne sont encore que très imparfaite- ment connus sous le rapport de leur mode d'organisation aussi bien que de leurs fonctions (2). VEnchytœrus venir icnlosus (a) et chez les Nais proprement dits (6), ainsi que chez les Lombrics (c). Chez le Chœto- gaster diaphanus on volt deux dila- tations stomacales séparées par un détroit (cl). (1) En général , cet estomac mus- culaire, de forme cylindrique, est situé près delà bouche, et paraît correspon- dre anatomiquement au bulbe charnu qui, d'ordinaire, l'orme la portion basi- laire et interne de la trompe. Telle est sa disposition chez les Térébelles, par exemple, où la portion pharyngienne du tube alimentaire n'est cependant pas protractile. Chez l'Arénicole, le gésier est situé à peu près de même, et cependant ne pénètre pas danus la trompe, quand cet organe se déve- loppe au dehors (e); mais chez les Ilermelles il se trouve beaucoup plus en arrière, et affecte une forme globu- laire (/■). Chez ce dernier Annélide la portion suivante du tube digestif se distingue de la portion terminale par sa forme boursouflée et par la cou- leur jaunâtre de ses parois; la por- tion terminale, qu'on peut considérer comme étant l'intestin, est lisse et incolore (g). (2) Chez les Lombrics, il existe de chaque côté de l'œsophage une agglo- mération de glandules disposées en forme de cordon cylindrique, qui offre plusieurs circonvolutions et sécrète un liquide visqueux (h). M. de Siebold pense que ces organes peuvent être considérés comme des glandes sali- vaires buccales («). M. Ilenle attribue le même rôle à quatre paires de vési- (a) Exemple : le Nais prohoscidea (voy. Gruitlutisen, Anat. der Ge%ûngelten Naide, in Nova Acla Acad. nat. curios., l. XI, pi. 35, fig. 1). (6) Morren, De Lumbrici terrestris kistoria naturali necnon anatomiœ tractatus , p. 132, pi. 7, fig. 1 m (Bruxelles, 1829). — Quatrefages, Annélides du Règne animal de Cuvier, pi. 21, fig. 1 g. (c) Gruithuisen, Ueber die Nais diaphana {Nova Acta Academice naturœ curiosorum, t. XIV, pi. 25, fig. 2). (d) Milne Edwards, Annélides de V Atlas du Règne animal de Cuvier, pK 1 & et pi. 1 c, fig. 1 . (e) Home, Lectures on Comp. Anat., pi. 140, fig. 1. — Milne Edwards, Op. cit., pi. 1, fig. 1 a. — Grube, Zur Anat. und Physiol. der Kiemenwûrmer , pi. 1, fig. 1. {f) Milne Edwards, Op. cit., pi. 1 & et 1 c, fig. 1. (g) Quatrefages, Mcm. sur la famille des Hermellieus {.Ann. des sciences nat., 3° série, 1848, t. X, p. 39). {h) Morren, De Lumbrici terrestris hist. nat. necnon anat. tractatus, p. 1 29, pi. 1 0 bis, fig. 1 . (i) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 207. DES VERS DE LA CLASSE DES ANNÉLIDES. kM Chez l'Arénicole, l'appareil digestif se complique davantage. L'œsophage est suivi par un gésier musculaire de forme cylin- drique, à l'extrémité postérieure duquel sont appendus deux caecums volumineux ; un estomac renflé, dont les parois sont très vasculaires et offrent une multitude de petites bosselures , occupe la portion moyenne du corps ; on distingue ensuite un intestin grêle dont les parois sont garnies extérieurement d'une foule de caecums filiformes qui sécrètent un liquide jaune, et qui paraissent constituer un appareil hépatique ; enfin la por- tion terminale du tube alimentaire qui se trouve en arrière Arénicoles. cules transparentes tfu'il a vues s'ou- vrir clans l'œsophage chez les Naïdéens du genre Enchytrœus (a). Chez les Néréides, on voit de chaque côté de la base du bulbe pharyngien, sous les muscles rélracteurs de la trompe, un corps d'apparence glan- dulaire qui est probablement un or- gane salivaire (ô). Chez les Arénicoles, ces glandes sont représentées par une paire d'appen- dices beaucoup plus volumineux, qui ont la forme de sacs cylindrico-coni- ques et s'ouvrent dans le (ube dit^estif, immédiatement en arrière du gé- sier (c). Quelques auteurs ont pensé qu'ils pouvaient être assimilés au foie des Animaux supérieurs (cl) ; d'autres supposent qu'ils sécrètent un suc pan- créatique (e). Un mode d'organisation analogue se rencontre aussi dans le genre Ammotrypane (/"). Chez les Syllis, on trouve en arrière du gésier deux paires de petits caecums gros et courts qui semblent également être des organes glandulaires (g). On peut rapporter aussi à cette classe d'organes une paire de gros caecums qui, chez les Siphonoslomes, naissent beaucoup plus en avant sur les côtés de la bouciie (h). Ces appen- dices sécréteurs sont disposés de la même manière chez les Chlorèmes, où ils renferment vui liquide limpide qui tient en suspension quelques globules diaphanes {i). (a) Henle, Op. cit. (Mliller's Archiv fur Anal, uncl Physiol, 1837, p. 79, pi. G, fig. 0). (6) Ralhke, De Bopyro et Néréide comment., 1837, pi. 2, fl-. 7 et 8. — ■ Milne Edwards, Annélides du Règne animal de Cuvier, pi. 1 a, (îg. \ j. (c) Home, Lectures on. Comparative Anatomy, pi. 4 40, fîg:. 1. — Milne Edwards, Annélidiîs du Règne animal, pi. 1, fig. i et 2 e. (d) SieboldetStànnius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 20 7 (e) Meckel, Anatomie comparée, t. VII, p. 106. if) Rathke, Beitrâge %ur Fauna Norwegens, p. 197, pL 1 0, fig-. 13 h. (g) Milne Edwards, AnnÉlides du Règne animal de Cuvier, pi. 15, fig'. 1 a, g. {h) Rathke, Beitrâge zurvergl. Anat. und Physiol., p. 87, pi. 6, fig. 5c, c. — Délie Chiaje, Descrizione e notomia degli Ànimali invertebrati délia Sicilia citeriore, pi. 94 , fig. 6. (i) Quatrefages, Jlém. sur la famille des Cliloréniiens (Ann. des sciences iiat., 3' série, t. XII, p. 297). Aphrodisiens Organes glandulaires. [l2>'2 APPAREIL DIGESTIF de la région branchifère du corps a des parois lisses, minces et fixées aux parties voisines par un grand nombre de brides membraneuses (1). La structure de l'appareil digestif des Apbrodites est aussi fort remarquable. En effet, de chaque côté de l'estomac se trouve une rangée de grands appendices tubuleux qui se terminent en cul-de-sac près de la base des pattes, et qui envoient des prolon- gements ciBcaux dans les tubercules cutanés situés entre les expansions foliacées dont le dos de ces Annélides est couvert ('2). Le tissu glandulaire hépatique, qui, chez la plupart des Anné- lides, est appliqué directement sur les parois du tube digestif et en rend la surface extérieure lomenteuse (3), est disposé (1) L'appareil digestif de rArénicoIe des pêcheurs a été souvent figuré par les.analomistes (a). ('2) Cliez VAphrodita aculeata, dont Panatomie a été faite par Redi et par Pallas (5), le bulbe pharyngien qui concourt à la forma lion de la trompe est très volumineux ; et lorsque ce dernier organe est rentré, il se loge en partie sous Testomac, de façon à entraîner l'œsophage d'avant en ar- rière (c). L'estomac est presque cylin- drique et assez large, mais se rétrécit •postérieurement dans le voisinage de l'anus. Les caecums qui en naissent de chaque côté, et se portent transversa- lement en dehors, sont d'abord assez grêles, maisse renflent vers leur partie terminale, qui est recourbée en dessous et en dedans ; enfin chacun de ces ap- pendices porte en dessus trois ou quatre petits caecums secondaires qui, vers la partie moyenne du corps, se ramifient plus ou moins sous les téguments. On en compte une vingtaine de paires. Chez les Polynoés, ces appendices gastriques existent aussi et sont dis- posés à peu près de même, mais sont moins développés {cl). (3) Ce tissu glandulaire, dont j'ai déjà dit quelques mots en parlant des Nais et des Arénicoles, s'observe chez tous les Annélides Chétopodes. Chez les Lombrics, par exemple, il est très (a) Voyez Home, Lectures on Comparative Anaioimj, pi. 40, fig-. 2 cl 3. — Milnc Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Annélides, pi. 1, fig-. 1 . — Grube, Zur Anat. und Physiol. der Kienienivûrmer, pi. 1, fig. i. — .1. Carus, Icônes zootomicœ, pi. 9, lig. i. [h) Redi, De AnimalcuUs vivis quœ in corporibus Animalium vlvorum reperiunlur observa- tiones, p. 279, pi. 25,fig. 3 {Opuscula, t. lit). — Pallas, Miscellanea xoologica, p. 85, pi. 1, fig. 10 et H. (c) Treviranus, Ueber den innern Bau der stachlichten Aphrodite (Zeilschrifl fiir Pliysiologie, 4829, t. m, p. 161, pi. 12, fig. 9). — Milne Edwards, Annélides de V Atlas du Règne animal de Cuvier, pi. 2, fig. 1. (d) Pallas, Op. cit., p. 94. — Grube, Zur Anatomie und Physiologie der Kiemeniuûrmer , p. G2, pi. 2, fig. 13. — T. Williams, Report on Ihe Drilish Annelida, pi. 10, fig. 62 {Brit. Assoc, 1851). DES VERS DE LA CL.VSSE DES ANNÉLIDES. ^33 exclusivement autour de la portion terminale de ces caecums, et par conséquent ces appendices peuvent être considérés comme constituant un foie diffus; mais, d'après le calibre de leur cavité, il est probable que les produits de la digestion v pénètrent, et que par conséquent ils remplissent des fonctions analogues h celles des canaux gastro-hépatiques des Mollusques dits phlébentérés (1). développé, et il paraît constituer ce que Morren a décrit sous le nom de chloragogena (a). En général, les glandes gastriques sont colorées en jaune; mais chez quelques espèces, par exemple, les Aphrodites et les Phyliodoces, elles sont chargées d'une matière verte, et M. Williams pense que cette particu- larité se lie à l'absence d'hémalosine dans le sang, qui chez ces Annélides est incolore [b). Il existe chez les Lombrics un or- gane fort singulier que Wiliis a ap- pelé un intestin dans l'intestin, et a considéré comme étant une glande hépatique (c). Morren, qui lui a donné le nom de typhosoliis, est porté à le regarder comme un réservoir du chyle {d), et M. Siebold partage celte opinion (e), tandis que Dnvernoy le compare à une veine mésentérique (f). C'est un repli membraneux longitu- dinal qui fait saillie dans la cavité de Tintestin , et qui adhère à sa paroi supérieure dans les trois quarts de la longueur de ce tube ; dans sa moitié antérieure il est froncé transversale- ment, et en arrière il affecte la forme d'un cylindre droit ; enfin il est creusé d'un canal longitudinal qui est fermé à ses deux extrémités et ne com- munique pas avec la cavité intesti- nale (g). Enfin il est composé d'utri- cules sécréteurs (h). Dans l'étal actuel de nos connaissances, on ne peut for- mer que des conjectures très vagues touchant les fonctions de cet organe. (i) Il est cependant à noter qu'il paraît y avoir un sphincter à l'entrée de chacun de ces appendices, et le liquide contenu dans leur intérieur ne ressemble jamais aux matières lo- gées dans l'intestin. M. de Quatre- fages et M. Wilhams pensent qu'ils servent à établir des relations entre les produits de la digestion et le fluide respirable {i), mais ils me paraissent être plutôt des organes hépatiques. {a) Morren, De Lumbrici tevrestris hist. nat. necnon anat. tractalus, p. 142, pi. 15, 16, ûg. 3. (6) T. Williams, Report on the British Annelida (Brit. Assoc, 1851, p. 233). ^ (c) Wiliis, De anima brutorum exercitatlones, 1692, p. 97, pi. i, fig-. 1, k. (d) Morren, Op. cit., p. 138, pi. 16, fig. 1. (e) Siebold el Stanniiis, Xouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 208. (D Voyez Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, 2" édit., t. V, p. 334. (g) Voyez Home, On the double Organs of Génération of the Lamprey, etc. {Philos. Trans., 1823, p. 148, pi. 18, fig. 1). (h) C. B. Jones, On the Structure of the Liver[Phil. Trans., 1849, p. 111, pi. 9, %. 5). (i) De Qiuitrefagcs, Note sur le phlébentérism^ {Ajjii, des se. nat., 3« série, 1845, 1. IV, p. 91). — Williams. Op. cit., p. 237. V. 28 Appareil digestif des Hirudinées. Ventouse orale. des Sangsues. ^3/|. APPAREIL UIGESTIF § 4. — Dans la seconde grande division de la classe des Annélides, l'ordre des Hirudinéks, le régime n'est pas le même qae chez les Chétopodes, et se compose principalement, sinon exclusivement, de sang puisé directement dans le corps d'autres xVnimaux : aussi l'appareil digestif n'est-il que faiblement pourvu des organes sécréteurs qui sont chargés de produire les sucs propres à attaquer et à dissoudre les alimenls; mais l'ori- fice préhenseur affecte une disposition particulière, en accord avec ce mode de nutrition, et la cavité stomacale se développe de façon à devenir un vaste réservoir pour les liquides ingur- gités. La bouche est conformée pour la succion et est aidée dans son action par le jeu d'une partie de l'appareil de la loco- motion qui se couipose de deux ventouses situées aux extrémités du corps. En effet, cet orifice occupe le centre de la ventouse céphalique , et celle-ci est disposée de façon à pouvoir s'ap- pliquer très exactement sur la surface des corps étrangers et à y adhérer fortement ; de petites mâchoires cornées, dont le bord labial est en général armé , peuvent alors entamer cette surface, pom^ peu qu'elle soit d'une texture délicate, et les mouvements de succion opérés par le pharynx déterminent l'écoulement du liquide sous-jacent et le portent jusque dans le réservoir stomacal de l'Animal. Ce mode d'alimentation a valu à ces Vers le nom commun de Sangsues, mais les zoologistes réservent plus particulièrement celte appellation aux espèces qui forment une des divisions génériques de ce groupe, et qui sont employées en médecine pour opérer des saignées locales. Quand on veut étudier le mode d'action de cette ventouse orale^ il est bon d'examiner d'abord la manière dont l' Animait 'applique sur le corps auquel il veut se fixer, et pour cela de placer une Sangsue ordinaire sur une lame de verre, afin de voir à travers cette substance diaphane ce qui se passe dans la région circum- buccale. En observant de la sorte un de ces Annélides, on le voit alors donner à sa ventouse la forme d'une cupule, puis en faire DES VERS UE LA CLASSE DES ANNÉLIDES. /|35 saillir le fond comme une espèce de bourrelet et le coller sur le point dont il a fait choix; ensuite il abaisse de dedans en dehors les bords du godet, et apphque si exactement la totalité du disque péristomien sur le verre , qu'il ne reste pas la moindre bulle d'air entre les surfaces ainsi amenées en contact. Le fond de la ventouse tend alors à reprendre sa position pri- mitive et à devenir concave : sur un corps rigide comme le verre il n'y parvient pas ; mais si la surface d'application est extensible, comme l'est d'ordinaire la peau des Animaux que les Sangsues attaquent, elle suit ce mouvement et s'avance jusque dans la cavité buccale , où elle est saisie et coupée par les mâchoires de cet Annélide suceur (i). Enfin des contractions péristaltiquess'élahlissentdans l'œsophage, etlesangquis'écoule de la jietite blessure ainsi produite est pompé avec force et porté dans l'estomac du Yer. L'aspiration opérée de la sorte dépend uniquement du jeu de la ventouse orale et du pharynx, qui est entouré de fibres musculaires divergentes aussi bien que concentriques : l'estomac ou les autres parties du corps de la Sangsue n'y contribuent en rien. En effet, le courant ne s'arrête pas quand, d'un coup de ciseau, on coupe en deux le corps d'un de ces Animaux en train de se repaître, et qu'on ne laisse adhérente à la piqûre que la portion céplialique de la Sangsue ainsi mutilée (2). (1) Jusque vers le milieu du siècle premier qui ail bien vu les espèces de dernier les médecins se formaient des màclioires ou de râpes dont la bouche idées U'ès fausses sur la manière dont de ces Vers est pourvue, et qui ait la Sangsue entame la peau de l'Homme donné une explication passablement ou des Animaux dont elle prend le juste de leur mode d'action ; ses ob- sang : les uns pensaient qu'elle était servations ont été publiées et confir- pourvued'unaiguillou,d'autresqu'elle mées par Morand {a). déterminait la rupture de cette niera- (2) Quelques naturalistes ont pensé brane par la seule force de succion. que dans le mécanisme de la succion Un chartreux, D. Allou, paraît être le la partie postérieure du corps de la (a) Morand , Observations sur l'anatoynie de la Sangsue (Mém. de l'Académie des sciences, 1739, p. 189, %. E, F). /ir)G APPAREIL DIGESTIF La iorine de la vcnloiise orale varie un peu : chez rjuel(]ues Hiriidinées, telles que les Pontobdelles et les Piscicoles , elle est presque hémisphérique et séparée du reste du corps par un étranglement (1) ; mais, en général, il n'existe pas de rétrécis- sement à sa base, et elle est constituée principalement par le bord frontal de l'extréniité antériem^e du corps qui s'avance en ma- nière de voûte (2). Des différences plus importantes se remar- Sangsuc faisail fouclion do pompe aspirante (a). Thomas a réfuté cette opinion par l'expérience citée ci-des- siis, mais il combat également l'ex- plication fondée sur l'action de la ventouse, et il attribue l'afflux du sang seulement ù l'irritation déter- minée dans la plaie par la morsure de la Sangsue. Il se fonde sur ce qu'il a vu une Sangsue rester attachée pen- dant quelques minutes à un cœur sai- gnant placé sous le récipient de la pompe pneumatique où il faisait le vide (6); mais cette expérience, qui est en désaccord complet avec les résul- tats obtenus par Du liondeau (c), ne paraît pas avoir été fuite de façon à prouver que dans les circonstances ordinaires la ventouse n'agit point par succion, et iM. Fermond, en substi- tuant à la lame de verre mentionnée ci-dessus un disque de baudruche humide et médiocrement tendu, a vu que cette membrane extensible était attirée dans l'intérieur de la ventouse. quand la Sangsue s'y attachait. Il com- pare donc avec raison cet organe à l'instrument connu sous le nom d'aiTache-pierre {d). (1) Chez les Pontobdelles, Ilirudi- nées qui habitent la mer et se tiennent sur divers Poissons, la ventouse orale est grande, très concave, en forme de godet, el garnie d'un bord pourvu de tubercules (e). Chez les Piscicoles, ou Hœmochan's, qui s'attaquent aussi aux Poissons, mais vivent dans les eaux douces, cette ventouse est également assez grande, quoique peu concave (/). Chez les Branchellions, cet organe est rétréci à sa base, comme chez les espèces précédentes, mais plus petit (g). (2) Chez les Sangsues proprement dites , les Haemopis , les Aulasto- mes, etc., la ventouse orale est sans étranglement, et plus ou moins dis- tinctement bilabiée. La lèvie supé- rieure s'avance en forme de bec de (a) Du Rondeau, Mém. sur la Sangsue médicinale {Journal de physique, 1782, I. XX, p. 288). (b) Tliomas, Mém. pour servir à l'histoire naturelle des Sangsues, 1806, p. 40. (c) Du Rondeau, Op. cit. (Journal de physiqiie, t. XX, p. 291). {d) Fermond, Monographie des Sangsues médicinales, 1854, p. 94. {e) Voyez Délie Chiaje, Mem. sulla storia e notomia degli Animali sen%a vertèbre di Napoli, t. I, pi. 1, fig. 14. — Qualrefages, Annélides du Règne animal de Cuvier, pi. 23, ûg, 2. if) Kosel von Rcsenliof, Insecten-Belusligung , t. III, pi. 32, fig. 1. — Quaticfagcs, Annélides Au Règne animal de Cu\icr, pi. 23, fig. 1. {g) Idem, Mém. sur le Brancliellion [Anii. des sciences nat., 3" série, 1852, t. XVIII, p. 294, pl. G. fig. 1). DES VERS DE LA CLASSE DES ANNÉLIDES. Û37 quent dans son armature. Chez la Sangsue médicinale, la bouche, située, comme je l'ai déjà dit, au milieu de la ventouse antérieure, est de forme à peu près triangulaire et garnie de trois papilles ovalaires qui sont divergentes et pourvues chacune d'une crête médiane convexe et denticulée (1). Ces papilles sont autant de mâchoires et sont mises en mouvement par des fibres muscu- laires propres, de façon à agir comme de petites scies courbes, et à inciser par déchirure la portion de la peau sur laquelle ces Annélides ont appliqué leur bouche. L'appareil maxillaire est conformé de la même manière chez les Hirudinées des genres Hœmopis, J ulastoma ^BdeWe ou Limnatis^ et Trocbeta; mais chez les Branchiobdelles il n'y a que deux mâchoires, et chez les Pontobdelles et les Piscicoles ces organes sont rudi- mentaires (2) ; enfin, chez les Néphélis et les Branchellions, Mâchoires des SaiiETSues cuiller renversé , et se compose de trois ou quatre segments transversaux suivis de trois anneaux dont la por- tion inférieure ou sternale forme la lèvre inférieure (a). Dans l'état de repos , ces deux lèvres se rappro- chent et la ventouse se ferme; mais, dans l'état d'activité , elles s'écartent et la lèvre supérieure se projette en avant. Chez les Malacobdelles , au con- traire, elle est peu développée (6). (1) C'est à cause de cette disposition que la plaie faite par ces Animaux a la forme d'une petite étoile à trois' branches (c). (2) Les mâchoires des Sangsues proprement dites sont à peu près ovalaires et très comprimées; leur longueur est de 2 à 3 uiillimèlies, et leur bord médian ou crête porte une rangée d'environ soixante dcnticules en forme de V, qui sont disposées comme des chevrons avec leur angle dirigé vers la bouche. L'une de ces mâchoires est anlérieure ou supé- rieure, les autres sont latéro-posté- rieures ou inférieures ; elles sont dis- posées en triangle et logées chacune dans un sillon buccal ou gaîne dont les bords sont élevés. Les denlicules dont elles sont armées paraissent naître chacune d'une capsule particulière {d). Beaucoup d'auteurs ont considéré ces points comme étant séparés sur la ligne médiane, et par conséquent dis- (fi) Moquiii-Tandon, Monographie de la famille des' Hirudinées, 1846, p. 52, pi. 8, ùg. tO. {b) Blanchard, Mémoire sur la Mulacobdelle {Ann. des sciences nal., 3° série, ■1845, t. IV, pi. 18, fig. -1). (c) Morand, Observations sur l'anatomlé de la Sangsue [Mém. de l'Acad. des sciences, 1739, p. 192, fig-. C). (d) Quairefages, Noie sur Vanatomic des Sangsues {Ann, des sciences nat., 3° série, 1847, t. VIII, p. 38). /lâ8 APPAlUill, DIGKSTIF ils manquent complètement : il en est de même chez les Glos- siphonies ou Clepsines, mais celles-ci sont pourvues d'une trompe exsertile semblable à celle de la plupart des Annélides Chétopodes (1). Mode Les Sangsues proprement dites et les Hsemopis sont des d'alimentation .. -, . , , .. .'ii des Animaux exclusivement suceurs, et se nourrissent essentielle- Hirudinees. ^^^^ ^^ ^^^^ ^^^ dlvers Vcrtébrés qu'elles peuvent mordre : posés par paires sur deux rangs ; mais Chez la Trochète, les mâchoires sont M. Brandt a constaté que cette dispo- très petites et tranchantes, mais sans sillon n'existe pas (a). denlicuies {f). Leur position est in- Chez les Hsemopis, les mâchoires verse de celle des Sangsues : deux se sont plus petites, moins comprimées trouvent en avant ou au-dessus de et armées d'un moindre nombre de l'ouverture buccale, et une seule en denlicuies (6). arrière. Chez les Aulaslomes (c), les ma- Chez la Bianchiobdelle, lesmâchoi- choires sont presque parallèles et res, au nombre de deux, sont mé- moins enfoncées; chacune est année dianes, cornées el noires; Rôsel les d'environ quatorze denlicuies assez a prises pour des yeux ((/). L'une est grosses et obtuses [d), située au-dessus, l'autre au-dessous Chez les Bdelles, ou Z.m?(ah's, ces de la bouche [h). organes ont une carène peu saillante (1) La trompe des Glossiphonies a et dépourvue de denlicuies ou de dé- été aperçue d'abord par Bergmann, et coupures quelconques (e). ensuite mieux observée par John- (a) Brandi et Ratzeburg, Medicmische Zoologie, t. II, p. 245, pi. 29 A, fig. 13-18. — Quatrefages, Annélides du Règne animal de Cuvier, pi. iil, fig. 3, 3 a. — Moquiu-Tandon, Monographie de la famille des Hirudinées, pi. 9, fig. 12 à 16. — Fermond, Monographie des Sangsues médicinales, pi. 2, fig. 32. (&) Sa\igny, Op. cit., pi. 1, fig. 5. — Qiiekett, Lectures on Hlstology, t. II, p. 381, fig. 344. (c) h'Aulastoma gulo a élé souvent confondu avec VHœmopis sanguisiiga ou H. vorux, et c'est sous ce dernier nom que les mâchoires de cette Hirudinee ont été représentées dans l'Atlas du Règne animal, Annélides, pi. 21, fig. 4^. — Moquin-Tandon, Op. cit., pi. 6, fig. 9 et 10.' (d) Caréna, Monographie du genre Hii'udo {Mem. délia R. Accad. di Torino, 1 820, t. XXV, pi. 2, fig. 25; pi. 24). — Pelletier et Huzard, Recherches sur le genre Hirudo (Journal de pharmacie, 1825, pi. i, fig. 5, 0, 7). — Brandt et Ratzeburg, Op. cit., pi. 29 B, fig. 13 à 17. — Moquin-Tandon, Op. cit., pi 5, fig. 12, 13, 14. (e) Savigny, Annélides AeVÉgypte, pi. 5, fig. 4^, 4^. if) Moquin-Tandon, Op. cit., pi. 4, fig. 11. (g) Rosel \on Rosenhof, Insecten-Belustigung , 1755, t. III, p. 327. {hj Odier, Mém. sur la Branchiobdelle (Mém. de la Société d'histoire naturelle de Paris, 1823, t. I, p. 71, pi. 4, fig. 5, 8, 11, 12, 17). — Henle, Veber die Gattung Branchiobdella (Miiller's /irc/iw fïir Anat. und Physiol., 1835, pi. 14, fig. 1). DES VI;RS T)K la CL.VSSE DKS ANNÉLIUES. lio9 il est aussi à noter que ce sont les seules Hirudinées qui nient la faculté d'entamer la peau de l'Homme (1) : les Aulastomes déchirent leur proie et en avalent des lambeaux; enfin, les son (a). La structure en a été étudiée avec soin par M. F. de Filippi, et sur- tout par M. Budge (6). C'est un tube plîaryngien charnu, cylindrique et susceptible de se dérouler au dehors ou de rentrer comme un doigt de gant. M. Leydig a trouvé une trompe semblable chez le Branchellion , et I\l. de Quatrefages, qui en a également fait Tanalomie, s'est assuré qu'elle est complètement inerme (c). (1) Ainsi que chacun le sait, on fait en médecine un grand usage de ces Animaux pour opérer des saignées locales. Pour la France seulement, on en consomme de la sorte plus de 30 millions d'individus par an , et quelquefois beaucoup plus : ainsi en 1832 on en a importé 57 Zi9i 000 (d). ils appartiennent tous au genre Hi- rudo, et sont, pour la plupart, de simples variétés de l'espèce connue sous le nom de Hirudo medicinalis o\i de H. troctina. VHœmopis sangui- suga (ou Sangsue de Cheval), qui se rencontre en Espagne et en Afrique, ne peut entamer facilement que les membranes muqueuses, et donne sou- vent lieu à des accidents graves en s'introduisant dans les fosses nasales ou les autres cavités du corps (e). Les marais de l'Europe n'ont pas suffi pour alimenter le commerce dont les Sangsues sont l'objet, et depuis plusieurs années on en tire de l'Asie Mineure et de la Syrie, aussi bien que de l'Algérie ; enfln on s'est appliqué à en élever artificiellement, et dans quelques parties de la France, parti- culièrement aux environs de Bor- deaux, Vhirudiniculture, comme on l'appelle, est devenue une branche d'industrie agricole irèsimportante (/"). Pour nourrir les Sangsues, on emploie {a) T. Bergmann, Afhandliiuj om Iglar {Vetenskaps Acad. Handlingar for dr 1757, t. XVIII, p. H 3). — Johnson , Observations on the Hirudo complanata and H. stagnalis , noiv formed into a distinct Genus under the Name ()/■ Glossopoi-i (Philos. Trans., 181G, p. 341, pi. 17, fig. 9 et 10). (6) F. de Filippi, Lettera al D. Rusconi sopra Vanatomia e lo sv'duppo délie Clepsiiie, p. 12, pi. 1, fig. 1 et ii (e.\tr. du Giornale délie scienze medico-chirurgicale di Pavia, l. XI). — Budge, Clepsine bioculata {Verhandlungen des Nalurhist. Vereins derpreussischenRhein- lande und Westphalens, 6. Jahrgang 18-i9, p. 97, pi. 5, fig. 13 et 15). (c) Leydig, Anatomisches ûber Branchellion und Pontobdella (Zeitschrift fur ivissensch. Zool., 1851, t. m, p. 314). — Quatrefages, Mém. sur le Branchellion [Ann. des sciences nat., 3= série, 1852, t. XVIII, p. 296, pi. 0, lîg. 3). id) Fermond, Monographie des Sangsues médicinales, p. 255. (e) Guyon, Note sur i'Hsemopis vorax {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1841, t. XIII, p. 785, etc.). (f) Voyson, Guide pratique des éleveurs de Sangsues. Bordeaux, 1852. — Masson, Elève des Sangsues. Paris, 1854. - — Laurens, L'élève des Sangsues. Bordeaux, 1854. — Busquet, Manuel d'hirudiniculture. Bordeaux, 1854. — Soubeiran, De la mulliplication des Sangsues dans les Landes {Ann. de l'agriculture française, 1854). — Ebrard, Nouvelle monographie des Sangsues, 1857, p. 239 et suiv. khO APPAREIL DIGESTIF Troclièles dévorent des Lombrics et les larves aquatiques par tronçons ou même tout entiers. Du reste, tous ces Animaux sont d'une voracité extrême, et la quantité d'aliments qu'ils prennent en un seul repas est souvent énorme : ainsi, on a vu des Sangsues médicinales se gorger au point d'augmenter près de sept fois le poids de leur corps (1), et par conséquent généralement de vieux Chevaux que Ton fait entrer dans les étangs où ces Annélides sont parqués ; ceux-ci s'y attachent en choisissant de pré- férence les parties du corps où la peau est In moins résislante, la face interne des cuisses, les jambes et le dessons du ventre, par exemple, et se gorgent avec une grande avidité. Ils ne sucent pas les cadavres , et ne paraissent pas capables de boire du sang liquide dans lequel on les plon- gerait {a) : mais si on leur fournit comme point d'appui un tissu spon- gieux imbibé de ce liquide, ils s'en repaissent sans difficulté, et l'une des méthodes employées pour l'élevage de ces Vers, celle de ]\I. Borne [h), est fondée sur la connaissance de ce fait. Quelques agronomes ont pensé que le sang obtenu par l'ahatage des Animaux de boucherie, et rendu in- coagulable par la flagellation , lors même qu'on l'emploie tout de suite, ne leur était pas aussi utile que celui puisé directement sur un Animal vi- vant (c) : mais cette opinion ne paraît pas être fondée. Les Sangsues peuvent se gorger aussi de sang coagulé, mais en le suçant, et non en avalant le caillot lui-même. (1) Les Sangsues ne se gorgent que très rarement à ce point, et il existe beaucoup de variations dans la quan- tité de sang dont elles peuvent char- ger leur estomac. Ces dilîérences dé- pendent en partie de l'âge, en partie des races. Dans une série d'expérien- ces faites par M. Ad. Sanson, l'aug- mentation du poids du corps a varié entre 3,8 et 6,7 {cl), et dans d'autres pesées faites par M. Moquin-Tandon, les extrêmes ont été, d'une part, 2, et d'autre part 5 ^ (e). M. Ébrard a trouvé que les très gros individus (dits Sangsues vaches) triplaient de poids seulement, tandis que les indi- vidus connus dans le commerce sous la dénomination de petites moijennes devenaient quatre fois plus pesantes ; et les petits individus, dits filets, acquéraient quatre fois et demie leur poids initial (/). !\1. Moquin - Tan- don évalue en moyenne à environ (a) Ébrard, Nouvelle monographie des Sangsues médicinales, 1857, p. t62, (b) Clievallier, Rapport sur un mémoire de M. Borne relatif à la conservation et à la reproduc- tion des Sangsues {Bulletin de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, 4854). — Soubeiraii, Note sur les marais à Sangsues de Clairfontaine , 1854. (c) Quenard, De l'élève et de la multiplication des Sangsues {Bidlelin de la Société centrale d'agriculture, 1854, p. 277). (d) J. Martin, Histoire pratique des Sangsues, 1845, p. 44, (e) Moquin-Tandon, Monographie des Hirudinées, p. 268. (f) Ébrard, Nouvelle MonograjMe des Sangsues, p. 219, BES VKIIS !)E LA CLASSE DES ANNÉLiDES. /|Ûl nous pouvons prévoir que In capacité de leur eslomac doit être énorme. Effectivement , c'est ce qui s'observe chez presque toutes les Hirudinées. Le tube digestif de quelques-uns de ces Animaux est simple canai digestif et cylindrique dans toute sa longueur, chez les Malacobdelles et les Néphélis, par exemple (1) ; mais chez les Sangsues pro- des Hirudinées, 15 grammes la quantité de sang sucé par unegrosse Sangsue marchande, de bonne race, telle que la variété verte de Turquie; mais cette estimation me paraît un peu exagérée. En effet, dans les expériences publiées par î\l. de Quatrefages, la quantité de sang pris par les Sangsues bordelaises n'était en moyenne que d'environ 12 gram- mes, et les Sangsues dites Dragonnes {Hirudo troctina) se sont chargées d'un peu moins (a). Du reste, la capacité de ces Ani- maux paraît dépendre essentielle- ment du degré d'extensibilité de leur estomac. M. Ébrard a trouvé que, proportionnellement à leur poids, ils prennent d'autant phis de sang qu'ils sont moins vieux, et les médecins ont remarqué que si d'un coup de ciseau on coupe en travers la partie posté- rieure du corps de l'un de ces Animaux en train de se gorgcr, il continuera à sucer pendant très longtemps, et que le sang s'écoule goutte à goutte par la troncature (6). (1) Le tube digestif des Malaco» bdelles est d'une structure très simple : sa portion pharyngienne est courte, droite et garnie intérieurement de papilles épidermiques ; la portion sto- macale est membraneuse, cylindrique et légèrement flexucuse (c). Chez les Néphélis, le tube digestif est cylindrique, et s'étend en ligne droite d'un bout du corps à l'autre {(l)\ on y distingue une portion œsopiia- gienne qui est garnie intérieurement de stries longitudinales, et une portion moyenne ou stomacale qui ne présente rien de remarquable (e). Chez les Trochètes, ou Géobdellcs, l'estomac est divisé intérieurement en cinq chambres par une série de brides transversales; l'intestin est également divisé en deux portions par un étran- glement. L'œsophage est chainu et présente des plis longitudinaux dont un, situé en dessus, est très gros {f). L'estomac des Branchiobdclles est également dépourvu d'appendices , mais on y remarque des étrangle- ments qui le divisent en plusieurs loges arrondies {g). (a) Quatrefages, Note sur quelques expériences relatives à V emploi des Sangsues algériennes [Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1857, t. XLV, p. 681). (&) J. R. Johnson, A Treatise on the médicinal Lee.ch, 1816, p. l-i2. (c) Blanchard, ili^moiî'e sur la Malacobdelle {Ann. des sciences nat., 3" série, 1845, t. IV, p. 367, pi. 18, îig. 1 et 2). (d) F. de Filippi, Memoria sugli AnelUdi dclla famiglia délie Sanguesughe. Milan, 1837, pi. 1, Rg. 4. (e) Moquin- Tandon, Op. cit., p. 102, pi. 3, fig. 17. (f) Idem, ibid., p. 102, pi. 4, fig. 9. (g) Henle, Op. cit. (Miiller's Archiv fur Anat. und Physiol, 1835, pi. 14, (Ig. 1), 4/[2 AP1>AUEÎL DlGiiSTlF prement dites eL la plupart des autres Hirudinées, restomac se prolonge latéralement de façon à constituer de grands réservoirs en forme de sacs. Ainsi, chez les Ponlobdelles, l'estomac, divisé intérieurement en une série de cinq ou six chambres par des cloisons membra- neuses, se continue postérieurement sous la forme d'un vaste caecum impair et médian qui recouvre l'intestin (1). Chez les Aulastomes, l'estomac est également cylindrique, mais donne naissance postérieurement à deux grands appen- dices ou cgecuQis qui se prolongent sur les côtés de Tin- testin (2). Chez les Sangsues proprement dites, l'estomac est divisé en une série de chambres comme chez les Pontobdelles; mais ces loges, au lieu d'être simples, se renflent de chaque côté de façon à fprmer des sacs plus ou moins grands et oblongs. On compte (1) La porlion antérieure du canal d'antre part avec un intestin grêle digestif des Ponlobdeilcs constitue un cylindrique (a). œsophage cylindrique qui sV-largit (2) Le pharynx ou œsophage des peu à peu et se confond postérieure- Aulastomes est remarquable par sa ment avec l'estomac. Celui-ci paraît structure charnue et les plis longilu- simple extérieurement, mais à Finie- dinaux saillants qui en garnissent rieur il est divisé par une série de l'intérieur ; on en compte douze, dont cloisons transversales qui sont perfo- trois, plus grands que les autres, cor- rées au milieu, et garnies chacune de respondent àla base des mdchoires (6). fibres musculaires disposées en ma- L'estomac offre quelques indices d'une nière de sphincter. La dernière des division en neuf chambres égales, et chambres ainsi constituées se Irouve les deux cœcums qui le terminent vers le tiers postérieur du corps, el .sont très grêles. L'intestin est au con- communique d'une part avec l'appen- traire fort grand, et présente Jatéra- dice caecal mentionné ci-dessus , lement des boursouflures (c). (a) Bibiena, De Hirudine sennones quinque (Commentarii Instituti Bo7ioniensis , 1791, t. VII, pi. S.fig. 5). — Délie Chiaje, Memorie sulla storia e nolomia degli Animali senza vertèbre di NapoH, t. I, pi. 1, fig. 14. — Moquin-Tandon, Monographie de la famille des Hirudinées, pi. 2, ûg. 1 et 0. (6) Pelletier et Huzard, Op. cit. {Journal de pharmacie, i 825, t. I, pi. i , fig. 5 et 1 2) (c) Dellc Chiaje, Op. cit., I. I, pi. 1, flg. 10. — Moquin-Tandon, Op. cit., p. 105, pi. 9, Ûg. 41, — Milne Edwards, Annélides du Règne animal de Cuvier, pi. 2, fig. 3. DES VERS DE LA CLAUSE DES AîNNÉLlDÉS. . hk'è onze paires de ces appendices qui sont d'autant plus développés qu'ils sont situés plus loin de l'œsophage; ceux de la première paire sont à peine indiqués, tandis que ceux de la dernière paire sont très vastes et se prolongent jusque dans le voisinage de l'anus, de chaque côté de l'intestin (1). (1) L'œsophage des Sangsues pro- prement dites est court, membraneux, faiblement plissé en long, et terminé par un sphiacter puissant qui s'op- pose à la régurgitation. Il est aussi à noter que des brides musculaires s'é- tendent de sa surface externe aux parties voisines des parois du corps, et ces fibres paraissent jouer un rôle important dans la succion. L'estomac est divisé en onze chambres, dont la première n'olfre que des vestiges d'appendices. Les poches stomacales des premières paires sont simples et arrondies, mais les suivantes se re- couibent en arrière, et se recouvrent un peu mutuellement quand elles sont gonflées; celles des parties moyennes de la série sont faiblement bilobées, et celles de la dernière paire sont un peu étranglées de distance en dis- tance. Le pylore, ou entrée de l'intes- tin, est infundibuliforme et pourvu d'un sphincter très fort (a). L'intes- tin, qui naît de l'extrémité postérieure de la portion médiane de l'estomac et se trouve logé entre les deux poches gastriques de la dernière paire, est grêle et présente à sa partie terminale un renflement que les naturalistes ap- pellent cloaque^ mais qui ne mérite pas ce nom, car ce n'est pas un émonctoire commun, et aucun autre appareil ex- créteur n'y débouche. Enfin l'anus est situé du côté dorsal du corps, à la base de la ventouse postérieure. Cet orifice est difficile à apercevoir, et pen- dant longtemps il avait échappé aux recherclies des anatomistes (6). Du Rondeau fut, je crois, le premier à en constater l'existence (c). Quelques auteurs considèrent les poches stomacales postérieures comme étant des réservoirs alimentaires seu- lement, mais ces appendices ne pa- raissent pas diff'érer des autres. Quand la Sangsue se i;orge, les contractions péristailiques de son corps et de son estomac poussent tout de suite le li- quide alimentaire dans ces poches qui se remplissent les premières, mais le sang ne s'y accumule que par l'efi^et de la pesanteur ; et quand l'Animal est placé la tète en bas, ou suspendu de manière à décrire une anse, les matières contenues dans son tube di- gestif affluent toujours dans la partie la plus déclive (d). [a) Voyez Brandt et Ratzeburg, Medicinliche Zoologie, t. II, pi. 29 A, fig-. 19 et 20. ^- Moquin-Tandon, Monographie des Hirudinées , pi. 9, fig. 9. — Quatrefages, Annélides du Règne animal de Cuvior, pi. 24, fig. i {c'est aussi à ceUe espèce qu'appartient l'appareil digestif représenté dans le même ouvrage, pi. 2, fig. 2, sous le nom à'Hœ- mopis). (6) Morand, Op. cit. (Mém. de VAcad. des sciences, 1739, p. 195). (c) Du Rondeau, Op. cit. (Journal de physique, 1782, t. XX, p. 286). (d) Ébrard, Noxwelle monographie des Sangsues, p. 170. , hhfl - APPAREIL DIGESTIF La conformation de la cavité digeslive est à peu près la même chez les Hœmopis, mais les poches stomacales sont plus forte- ment lobulëes (1). CIiezlesBranchellions, il existe aussi de chaque côté de l'es- tomac une série de poches bilobées, mais ces appendices sont moins nombreux (2). Enfin, chez les Glossiphonies ou Clepsines, où le nombre des poches gastriques est également réduit à six ou sept paires, ces appendices sont très grêles, et ne communiquent avec la por- tion centrale de l'estomac que par des orifices étroits; dans quel- ques espèces elles sont plus ou moins lobulées, et celles de la dernière paire sont quelquefois rameuses. L'intestin, qui fait suite à l'estomac, est garni aussi de cœcums latéraux, mais les aliments n'y pénètrent pas directement comme dans les appen- dices stomacaux, qui, à raison de cette circonstance et de la transparence des téguments, sont très faciles à observer (3). (1) Cliez l'Haemopis, cliaciiiie des poches slomacales est bilobée, et le lobe postérieur tend à se subdiviser en lobules. Celte disposition est sur- tout remarquable dans les sacs de la dernière paire (a). M. de Filippi a donné une description très différente de l'appareil digestif de ces Hirudi- nées, mais ses observations se rap- portent à rAuiastonic (h). i'I) M. Moquin - Tandon a trouvé chez le Branchellion Torpedinis six paires de poches slomacales bilobées, et a vu les deux postérieures se pro- longer sur les côlés de Tin teslin, comme chez la plupart des autres Ilirudi- nées (c). Mais dans le Branchellion Orbigniensis M. de Quatrefages a ren- contré une paire de poches stomacales dans chaque anneau du corps jusqu'à Tanus (rf). (3) Chez le Glossiphonia bioculata, on voit, derrière le pharynx renfer- mant la trompe, un estomac cylindri- que garni latéralement de six paires d'appendices ou caecums simples : ceux de la dernière paire sont beaucoup plus grands que les autres, et se pro- longent sur les côtés de la portion suivante du tube intestinal qui donne naissance à quatre paires de poches latérales ; enlin la portion terminale [a) Moquin-Taiidon, Op. cit., pi. G, Cig. S. (fe) F. de iMlipfii, Mem. sugli Anellidi délia fandglia délie SaïKjuesughe, p. M , pi. i , fig. 3. (c) Moquin-Taiidon, Op. cit., p. 100, pi. 1, fig. G. (d) Quatrefages, Mém. sur le Branchellmi [Ann. des sciences nat., 3° série, 4852, t. XVlIi, D!:S YEUS DE LA CLASSE DES A>\>ÉL!DES. m Les Hiriidinées sont pourvues crun appareil snlivaire composé oi-anes d'une multitude de petites vésicules disposées en grappes et réu- ^''"dej""^' 11) 1 /• » \ r\ ■ Hirudinces, mes en masse autour de 1 œsophage (1). On remarque aussi sur les parois de leur estomac une couche de tissu utriculaire qui paraît être un organe hépatique (2). Mais le système glandu- de l'intestin est simple et flexueuse (a). Cliez la Piscicole géométrique (ou Hœmocharis, Sav.), l'appareil digestif est 'conformé à peu près de même, si ce n'est que les poclies stomacales sont beaucoup plus larges et plus nom- breuses , car on en compte dix paires (6). Chez d'autres Glossiphonies, les ap- pendices stomacaux sont grêles et plus ou moins branchus. Celte disposition se voit très bien chez le G. sanguinea, quand l'Animal est repu de sang (c). Elle est encore plus marquée chez le Glossiphonia catenigera (cl) et le G. marginata (e). (1) Les glandes salivaires des Sang- sues, découvertes par M. Brandt, con- sistent en petites ampoules blanchâtres dont les canaux excréteurs se réunis- sent entre eux et débouchent dans l'œsophage (/"). Elles forment, par leur assemblage, une masse d'apparence grenue. La structure de ces glandes est à peu près la même chez i'Uaemopis, mais elles forment deux masses très distinctes {g). On a constaté aussi l'existence de ces glandes salivaires chez les Ponlobdelles et chez les Bran- chiobdelles. Chez ces dernières, elles consistent en sixpairesde petits paquets d'uiricules dont les canaux excréteurs se réunissent autour de l'œsophage, et la base de la trompe {h). M. Moquin-Tandon considère comme étant aussi des glandes salivaires deux petits organes irrégulièrement arron- dis et rougeàtres, qui se irouvcnt dans les quatrième et cinquième, ainsi que dans les sixième et septième anneaux du corps de la Branchiobdelle, et qui paraissent débouchei' dans la portion antérieure du canal digestif (ij. (2j Le tissu glandulaire dont il est ici question constitue ce que quelques anatomistes ont appelé la tunique villeuse de l'estomac. Il se trouve principalement vers la partie centrale de cet organe, dont il occupe la face inférieure aussi bien que la face supé- rieure. Sa couleur est brunâtre, et, (a) Biidjo, Op. cit. {Vei'handl. des NcUur .-historischen Vereines der preussischen Rhcinlande, 1849, pi. 5,fig. 13). {b)Leydis;, Zur Anatomie von Piscicola gooiEolrica {Zeilschr. fur wissensch. Zool., 1849, t. I, p. 110, pi. 8, fig. 24). (c) Filippi, Op. cit., pi. 1, fig. 15. (d) Moquin-Tandon, Op- cit., pi. 14, fig. 9. (e) Fr. Mi-iiler, Ueber Hirudo lessellala ztnrf riiargiiiala (Archiv fur Naturgeschichle, 1844, t. I, pi. dO.fig. 14). (/■) Brandt et Ralzeburg, Medicinisclie Zoologie, t. II, p. 247, pi. 29 A, Cig. 22 cl 23. (g) Moquin-Taiidon, Op. cit., p. 109, pi. 6, fig. 11. {h) Quatrefages, Op. cit. {.inn. des sciences nat., 3° série, 1852, t. XVIll, p. 296, pi. G, fig. 3). (i) Moquin-Tandon, Op. cit., p. 109. 4/|6 Al'PARKlL DIGKSTIF Lenieur lalrc cst très peu développé chez ces Aniiiiaux, et en général de la digestion leuF ûigestion ne se fait qu'avec une grande lenteur (\). Ainsi, chez ^ r r ' ^ les Sangsues, lorsqu uHC Sangsuc a ete gorgée, elle reste pendant plusieurs mois sans prendre de nourriture, et souvent on retrouve du examiné au microscope, il se monlre composé d'une multitude d'utricules de forme irrégulière. M. Briindt considère comme des canaux excré- teurs les prolongements grêles qu'on ea voit partir, et pense que ces tubes vont débouclier dans l'estomac (a) ; mais M. Leydig, qui vient d'étudier de nouveau ces organes, n'adopte pas cette manière de voir. Ce naturaliste est même porté à croire que cette couche n'est pas un organe hépatique, corfime le supposent la plupart des auteurs (6), et n'est que du tissu grais- seux, semblable à celui qui se trouve. sur d'autres viscères [c). il est, en effet, probable que des cellules adi- peuses s'y rencontrent ; mais la ma- tière verdàtre qui est souvent évacuée par les Sangsues paraît être un pro- duit biliaire, et il y a lieu de croire qu'elle provient des glandules logées dans la couche tomenteuse dont l'es- tomac est revêtu. Cette évacuation de matières verdîllres par l'anus s'ob- serve surtout chez les individus qui sont à jeun depuis longtemps, et dans le commerce on la considère comme un signe de l'état de vacuité des or- ganes digestifs et d'aptitude à bien piquer {d). (1) Dans une série d'expériences faites par M. Ébrard, la digestion a duré, en général, plus de dix-huit mois ; mais lorsque les Sangsues sont en liberté et dans les conditions normales, ce «tra- vail est beaucoup moins long : il ne pa- raît être que de six semaines ou deux mois pour les trèsjeunes individus, dits germemenis; de trois à six mois pour les individus âgés d'un an, dits filets ; de cinq ù neuf mois pour les individus âgés de deux à trois ans ; et de six à quinze mois pour les vieux individus, dits vaches. Il est aussi à noter que la digestion est ralentie par l'action du froid et s'active pendant l'été. Du reste, les Sangsues sont disposées à piquer de nouveau longtemps avant que d'avoir digéré tout le sang dont leur eslomacs'était chargé pendantun précédent repas (e). Quand elles sont repues, il est aussi très facile de les faire dégorger : par exemple, en les plongeant pendant quelques instants dans de l'eau salée, puis en les pres- sant entre les doigts; et, après une huitaine de jours de repos, elles sont aptes à sucer de nouveau, il existe beaucoup de préjugés relatifs à l'em- ploi des Sangsues qui ont déjà servi, mais la pratique des hôpitaux prouve {a) Brandt et Ratzeburg, Medicinische Zoologie, t. II, p. 246. (6) Carus, Traité d'anatoniie comparée, t. II, p. 253. — Blainville, art. Sangsues {Dictionnaire des sciences naturelles, 1827, t. XLVH, p. 214). — C. B. Jones, On the Structure of the Liver {Philos. Trans., 1849, p. 102). — Moquin-Taudon, Op. cit., p. 109. (c) Leydig-, Lehrbuch der Histologie des Menschenund der Thiere, 1857, \<. 366. (d) Charpentier, Monographie des Sangsues médicinales, 1838. (e) Ébrard, Nouvelle monographie des Sangsues, p. 169 et suiv. DES VERS DE LÀ CLASSE DES LEPTOZO.URES. I\li1 sang dans son estomac un an après ce repas. Il est aussi à noter que ce lifjuide ne s'y putréfie pas, et que son mélange avec les sucs gastriques lui fait perdre immédiatement la propriété de se coaguler spontanément (I). § 5. — • Le mode d'organisation que nous venons d'étudier chez les Annélides suceurs conduit à celui qui domine dans une classe de Vers que je désignerai ici sous le nom de Lepto- zoAiREs (2), afin de rappeler la forme déprimée de ces Animaux, dont les uns sont parasites et constituent l'ordre des Tréma- Iodes, et dont d'autres mènent une vie errante et se répartissent en plusieurs groupes, tels que les Planariés et les Némer- tiens (o). En efl'et, chez ces Annelés inférieurs, l'analogue de Appareil dig;estif des Leptozoaires. que CCS réapplica lions sont sans in- convénient pour les malades (a). La digestion s'eftecdie beaucoup plus rapidement chez les Aulastonies. Ainsi, dans des expériences faites par Johnson, trois de ces Animaux n'of- fraient, au bout' de cinq jours, aucun vestige du corps d'autres Sangsues qu'ils avaient dévorées; et chez un quatrième individu le cadavre trouvé dans son estomac, après un séjour de même durée, était à moitié digéré (6). (1) Le siuig éprouve d'autres alté- rations par son séjour dans Testoniac des lliradinées; il s'épaissit, devient visqueux et noircit. (2) De XsTîTÔ;, mince, et 'Cwov, ani- mal. (3) Dans l'état actuel de la science, il est très difficile de bien classer. les Animaux dont se compose le sous- embranchement des Vers, non-seule- ment parce qu'il règne beaucoup d'incertitude relativement à la struc- ture intérieure de plusieurs d'entre eux, mais encore parce que nous ne connaissons pas encore d'une manière suffisante la valeur zoologique des modifications qui se remarquent dans leur organisation ; aussi y a-t-il pres- que autant de systèmes difterenls de classification pour ces Animaux qu'il y a d'ouvrages consacrés à leur étude, et il est très difficile de se faire bien entendre quand on fait usage de la plupartdesnoms de groupes générale- ment usités, parce que ces noms sont employés dans un sens un peu différent par chaque auteur. Je ne pourrais, sans sortir du cadre tracé pour ce Cours, discuter ici la valeur des divi- sions adoptées par les divers zoolo- gistes du moment actuel, ni exposer les raisons qui me portent à réunir dans une même classe les Turbellariés de M. Ehrenberg, les Trématodes et même les Gestoïdes ; mais à mesure que nous avancerons dans l'étude (a) Soubeiran, Sur le commerce des Sangsues, sur les moyens de les multiplier, et sur l'emploi des Sangsues qui ont déjà servi, p. 27 (extr. du Bulletin de l'Acad. de médecine, 1848). (()) Johnson, A Treatise on Ihe médicinal Leech, p. 56. [idS APPAREIL DIGKSTIF l'intestin des Sangsues disparaît d'ordinaire, ainsi que l'anus, et l'appareil digestif est réduit aux parties correspondant à celles qui composent la bouche , le pharynx et l'estomac rameux de ces derniers Vers. Il en résulte que chez la plupart des Lepto- zoaires, sinon chez tous, la cavité ahmentaire ne communique au dehors que par un seul orifice, la bouche, comme chez les ^oophytes inférieurs. orjro Chez les Trématodes, cette ouverture se trouve vers l'extrémité des T, cmatodes. antéricurc du corps (1), et quelquefois, chez les Fascioles (2) ou Distomes, par exemple, elle occupe le fond d'une ventouse céphalique, comme chez les Sangsues. D'autres fois la bouche est située entre deux de ces organes préhensiles, disposition qui se voit chez les Tristomes. Enfin il est aussi des Animaux de ce groupe, tels que les Polystomes, où les ventouses manquent complètement dans cette région du corps, et alors cet orifice est pourvu d'un bulbe charnu pharyngien (Ô). La portion sui- vante delà cavité alimentaire est toujours courte, et d'ordinaire se bifurque bientôt pour constituer deux longs caecums qui sont tantôt simples, d'autres fois plus ou moins rameux {k), anatomique et physiologique du règne coup de Piumluauls, ainsi que chez le Animal, j'aurai souvenl l'occasion de Clieval, le Lapin, le Cochon, clc. montrer comhien ces Vers ont réelle- (3) Dans le genre Rhopalophorus, ment entre eux des liens de parenlé où l'appareil digestif est conformé de la zoologique. même manière que chez les Bislomes, (1) Le Gasterostomum fimbriatmn il existe de chaque côlé de la ventouse fait exception à cette règle : sa houche buccale un appendice prolraclile et est située vers le milieu de la face in- cylindrique qui a l'apparence d'une férieure de son corps (a). trompe et qui est hérissé de crochets. (2) Le genre Fasciola (sous-genre Ces singuliers organes ressemblent Cladocœlium de i\l Dujardin) est con- beaucoup aux appendices cépliaiiques fondu avec celui des Disiomcs par la des Tétrarhynques, et servent à l'Ani- [)lupart des auteurs, mais doit en être mal pour s'accrocher aux parois de séparé; il ne renferme que la Douve l'intestin des Sarigues, où il vit (6). du foie, qui se rencontre chez beau- (/j) La bifurcation de la cavilé di- (a) Siebold etSlannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, 1. 1, p. 130. (6) Diosing, Sechszelm Gattungen von Binnemuûrineru und ihre Arien, pi. 1, llg. 7 (Mém. de l'Acad. de Vienne, 1855, l. IX). DES VEHS DE LA CLASSE DES LEPTOZOAIKES. lik^d Ce dernier mode d'organisation est facile à constater chez la Douve du foie , qui se rencontre très communément dans les vaisseaux hépatiques du Mouton. En effet, ces Vers sont en général gorgés de bile, et la couleur foncée de cette sub- stance rend leur appareil digestif fort apparent à travers les téguments. En les observant à la loupe, dans cet état de réplé- tion, ou mieux encore après avoir injecté dans leur estomac une matière colorante telle que l'indigo, on voit que cette cavité est constituée par une paire de canaux rameux dont les arbo- risations s'étendent dans toutes les parties du corps et sont partout terminées en csecums (1). La disposition de ce système gestive (appelée laniùt estomac, d'au- tres fois intestin, par les diiïérents auteurs) est presque générale chez les Trématodes, mais ne s'observe pas chez le Diplozoon paradoxum, où un gros tronc stomacal médian règne dans toute la longueur du corps et fournit de chaque côté un grand nombre de branches rameuses. Lorsque , après l'accouplement , les deux individus conjugués se sont soudés entre eux de façon à affecter la disposition bizarre qui se voit dans les figiu-es de ces' Vers données par M. Nordmann , il y aurait, d'après ce zoologiste, une communication directe entre les deux cavités digestives (a) ; mais M. Van Beneden a constaté récemment que cette disposition n'existe pas {b). Il est aussi à noter que chez ce singulier Trémalode, on aperçoit dans le pha- rynx un organe conique et très mobile qui paraît être analogue à la trompe des Glossiphonies, etc. Chez VAspidogaster conchicola la poche stomacale est également im- paire, mais elle ne donne pas nais- sance à des branches latérales, et reste simple dans toute sa longueur (c). (1) La bouche de la Fasciole , ou Douve du foie, a la forme d'une cnpule dont les parois sont de consistance car- tilagineuse et revêtues d'une masse charnue qui constitue un bulbe pha- ryngien. Un tube droit en part, et pres- que aussitôt se divise en deux troncs qui se portent à peu près parallèle- ment jusqu^à l'extrémité postérieure du corps, et qui, chemin taisant, donnent naissance à une multitude de branches. Les principales divisions ainsi formées se ramifient beaucoup, et, en se portant en dehors, gagnent les côtés du corps. Toutes ont la forme de vaisseaux à (a) î\orimaan, Mikrograpliische Bellrâgezior Naturgeschlchle der lulrbellosen Thiere, t. 1, (.l. 5, %. 2. (6) Van Bonoileii, Mém. sur les Vers intestinaux, p. 39, pi. i, fig-. 1. ((.•) Baer, [ieitrage xur Kenntniss der niederii Thiere {Nova Acta Acad. Cœs. Leupold. Carol. Naturoi curiosorum, 1827, t. XIU, pi. 18, fig. 4, etc.). — Aubcrt, Ueberdus Wassergefàsssijstem, die Eibildung und die Entivickelung des Aspidogaster {Zcilschr. fiir luissensch. Zoologie, 1854, t. VI, pi. 14, fiij. 1). V. 29 /i.50 APPAREIL DIGESTIF gastro-vascuîaire ressemble beaucoup à celle des canaux hépatiques que nous avons vue chez les Gastéropodes dits Phlébentérés. Seulement , ici , la poche stomacale et l'in- parois minces et gibbeuses ; elles ne s'anastomosent jamais entre elles et se terminent chacune en cul-de- sac (o). Chez le Polystome de la Grenouille (P. integerrimum), l'appareil dipestif affecte également la forme d'un sys- tème gastro-vasculaire fort rameux ; mais les deux troncs principaux sont plus écartés et se réunissent entre eux dans la partie postérieure du corps ; il est aussi à noter que plu- sieurs des grosses branches qui en naissent s'anastomosent directement entre elles dans la région dorsale (b). Chez VOnchocotxjle appendiculata. Ver très voisin des précédents, les deux grands caecums intestinaux sont couverts de végétations creuses qui donnent à leurs parois l'apparence d'un tissu glandulaire (c). Il en est à peu près de même chez le Calceo- stoma elegam [d). La disposition de l'appareil digestif est à peu près la même chez le Tri- stoma coccineum. Le bulbe buccal est suivi d'un œsophage très court qui se sépare bientôt en deux tubes stoma- caux subcylindriques. Ceux-ci, après s'être beaucoup écartés l'un de l'au- tre, se réunissent au-devant de la ventouse postérieure, de manière à former un cercle, et ils donnent nais- sance à un grand nombre de branches rameuses ; mais ces dernières sont plus grêles que chez les Douves (e). Chez VEpibdcUa hijpoglossi, qui a été jusque dans ces derniers temps considéré comme une Hirudinée, mais qui paraît être, en réalité , un ïristo- mien, l'appareil digestif est disposé à peu près de même que chez les Tri- slomes; seulement les branches qui naissent de la grande anse stomacale, au lieu d'avoir la forme de vaisseaux rameux, consistent en gros caecums branciius (/■). Le Nitschia elegans, que quelques auteurs ont rangé aussi parmi les Hiru- dinées ig) , présente le même mode d'organisation (h), et doit prendre éga- lement place dans la tribu des Tristo- miens. La même remarque s'applique au genre Axine [i). (a) Mehlis, Observaliones anatomieœ de Distomate hepatico et lanceolato, p. 1-4, fig. 4. — Blanchard, Recherches sur l'or ganisatmi des Vers, pi. i, fig. 1 (Voyage en Sicile, t. III). — Atlas du Règne animal àe Cuvier, Zoophytes, pi. 36, fig. 1. (6) Baer, Beitrâge stw Kenntniss der niedern Thiere [Nova Acta Acad. Nat. curios., 1827, t. XllI, pars II, pi. 32, fig. 7). — Blanchard, Recherches sur l'organisme des Vers, p. 135, pi. 6, fig. 4. (c) Van Beneden, Mém. sur les Vers intestinaux, p. 56, pi. 5, fig. 2 et 8 (extr. du Supplément aux Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1859, 1. 11). (d) Van Beneden, Op. cit., pi. 7, fig. 3. {e) Blanchard, Op. cit., p. 127, pi. H , fig. 1 b, et Atlas du, Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 36 bis, fig. 1 b. (f) Van Beneden, Op. cit., p. 24, pi. 2, fig. 3. [g) Moquin-Tandon, Monographie des Hirudinées, 1846, p. 394. (h) Baer, Beitrâge %ur Kenntniss der niedern Tliiere {Nova Acla Acad. Nat. curios., 1827, t. Xm, pars II, pi. 32, fig. 2). (i) Van Beneden, Mém. sur les Vers iiiteslinaux, p. 52. DES VERS DE LA CLASSE DES LEPTOZOAIRES. 451 testin dont ces Mollusques sont pourvus manquent complè- tement. Comme exemple de Trématodes à caecums gastriques simples, c'est-à-dire non ramifiés, je citerai les Distomes proprement dits, les Monostomes, les Amphistomes et les Holostomes (1). (1) Chez les Distomes proprement La forme des caecums est la même dits, l'œsopliage est plus allongé que chez les Brachylèraes (e). Dans quel- chez les Douves, et décrit quelquefois ques figures ces appendices sont plusieurs courbures avant de se bifur- représentés comme se réunissant à quer : par exemple, chez le Distoma leur extrémité postérieure chez le perlatum, qui vit dans l'intestin de la Distoma tereticoUe{f), mais c'est une Tanche (a). Dans ce genre, les deux erreur du dessinateur (51). grandscsecumsquiennaissentsonttrès Les caecums gastriques sont égale- étroits et à peine dilatés postérieure- ment grêles et allongés chez les Holo- ment, où ils se terminent isolément (6). slomes (h) et la plupart des Mono- Ghezle Distoma Buccinimutabilis, stomes (i). l'extrémité postérieure de l'œsophage Chez les Diplostomes , l'appareil est plus renflée (c), et une disposition digestif présente aussi ce mode d'or- analogue se remarque chez le Z)/sfoma ganisation , mais les deux caecums globiporum (d). se renflent graduellement d'avant en (a) Nordraann, Mikvographische Beitrâge *U7' Natiirgeschichte der wirbellosen Thiere, 1. 1, pi. 9, fig. i {Aim. des sciences nat., t. XXK, pi. 19, fi^. i). {b) E.xemples : le Distoma gloUporum (voy. Ehrenbei-g, Ziisâtze zur Erkenntniss grosser orga- nischen Ausbildung in deii klelnstea thierischeii Organismen {Mén. de l'Acad. de Berlin pour 1835, p. 178, pi. i,ùg. 1). — Le Distoma lanceolatum (voy. Blanchard, Op. cit., pi. 8, fig. 1). — Le Distoma korridum, trouvé dans les uretères du Boa constrictor (voy. Leidy, Descript. of tiuo species of Distoma, in Joiirn. of the Acad. of Nat. Hist. of Philadelphia, 2» série, t.. I, pi. 43, Ûg. 2). — Le Distoma militare Erinacei (voy. Van Beneden , Mém. sur les Vers intestinaux, pi. 9, fig. 8 et 9). (c) Voyez P. de Filippi, Mém. pour servir à l'histoire génétique des Trématodes {Mém. de l'Acad. de Turin, 2= série, t. XVI, pi. 2, ûg. 16). (d) Burmeisler, Distomum globiporum ausfûhrlich beschrieben {Archiv fur Naturgesch., 1835, t. II, pi. 2, tig. 1). (e) E.\emple : le Brachylœmus cylindraeeus (voy. Mayer, Beitrâge x,ur Anatomie der Entowen. 1841, pi. 3, fig. 17 ; — Blanchard, Op. cit.. pi. 8, fig. 2 a). — Brachylœmus Erinacei (voy. Blanchard, Op. cit., pi. 6, fig. 2). ifj Voyez Jurine, Note sur la Douve à long cou (Fasciola Lucii) {Ann. des sciences nat., 1823, t. II, p. 493, pi. 23, fig. 4). — Schmatz, Tab. Anat. Entozoorum, pi. 8, fig. 2 et 3. (g) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d' anatomie comparée, 1. 1, p. 131. — Jurine, Op. cit. (Mém. de la Société d'histoire naturelle de Genève, 1823, t. M, pi. 4, %. 4, 5). (h) Exemple : VHolostomum alatum, qui se rencontre dans l'intestin du Pienard (voy. Blanchard, Op. cit., pi. 7, fig. 1 a). (i) E»mple : le Monostoma verrucosum, qui se trouve dans les intestins du Canard (voy. Blan- chard, Op. cit., pi. 9, fig. 2). /|52 APPAREIL DIGESTIF Vers cesioides. § 6. — ■ Lcs flcux tiibes cligestils que nous venons de trouver chez les Distomes ressemblent beaucoup à des canaux longitu- dinaux qui se voient sur les côlés du corps chez les Ténias et les autres Vers de la division des Cestoïdes; mais chez ces derniers Entozoaires il ne paraît exister aucune communica- tion entre ces vaisseaux latéraux et une ouverture buccale; aussi , quoique la plupart des zoologistes les considèrent comme remplaçant les fonctions d'un appareil digestif, quelques observateurs leur refusent ce nom, et les rapportent à un appareil sécréteur dont nous aurons à nous occuper ailleurs. Dans l'état , actuel de nos connaissances , la question peut paraître indécise , et je me bornerai à y ajouter que, chez le Ténia, ces tubes, au nombre de deux, communiquent entre eux d'anneau en anneau par une séri*e de branches transver- sales simples (i). Chez plusieurs Cestoïdes on aperçoit, entre arrière (a). Enfin, ciiez les Aniphislo- orale, est une masse nuiscnlaire de mes, ils sont I)eauconp plus larges, et forme ovalaire dont l'axe est parcouru ressemblent à des sacs allongés plutôt par le commencement du canal ali- qu'à des tubes (6). Ces organes sont menlaire. La structure en a été étu- encore plus renllés chez le Mono- diée par M. Van Beneden (e). stomabijugum{c) ; enfin, chez le J/o- (1) Les canaux latéraux du Ténia, nostomamutabile,oii\hson[é[roils,i\s qu'il ne faut pas confondre avec les se réunissent et communiquent entre vaisseaux beaucoup plus grêles dont eux par -leur extrémité postérieure, j'ai déjà eu l'occasion de parler en de façon à former une anse {d). faisant l'histoire des organes de la Il est aussi à noter que chez les circulation (/"), sont des tubes cylin- Trémalodcs le bulbe pharyngien, qui driques à parois membraneuses , qui es! situé immédiatement derrière la régnent sans interruption dans toute bouche, et semble quelquefois se con- la longueur du corps de l'animal, ou fondre avec la base de la ventouse de la série des Animaux réunis en (a) Exeni[jle ; lo Diplostomum volvens, qui se trouve dans le corps vitré de l'œil chez la Perche et plusieurs aulres Poissons (voy. Nordmann, Op. cit., pi. 3, fig. 1 et 2 ; pi. i, [\g. G; — Ann. des sciences nnl., l.WS., ]i]. 18, fig. i et 2; pi. '19, fig'. i). (b) Exemple : yAmpliistomum conicum (voy. Laurer, DisqulsUiones anatomicœ de Amphistomo co?iico, disscrl. inaug., Gryphix, 1S:10. fij. 12, 21 , 22 ; — Blanchard, Op. cU.,p\. 10, fig. 2 6. 2 c). (c) Miescher, neschi'eUning und Udlersuchung der Monusloma bijugum, 11,'. 7. liaslc, 183S. (d) Van Boni'dcn, Ulém. sur les Vers intestinaux, \k 71, pi. 12, fig. 3. {c) Idem, ibii/., [)l. 8, fig. 4', 10, H , etc. (/■) Tome 111, [lage 286. DES VERS DE L.V CLASSE DES LKPTOZOAlRES. /lOO les ventouses céplialiqiies ou les poches qui en tiennent lieu, et qui logent des appendices proboscidiformes, une petite fos- sette que beaucoup de naturalistes considèrent comme une chaîne (ou strobile';, si l'on considère chaque segment, ou cuculan, comme formanl im individu disUnct (on pro- ylottis), opinion qui aujourd'hui pré- vaut parmi les zoologistes. Souvent il est facile de distinguer ces canaux à travers les téguments, sans prépara- lion ; mais pour les mettre bien en évidence, il est bon de les injecter comme l'ont fait Ernst , Carlisle et beaucoup d'autres helminlhologis - les (a). On voit alors qu'ils sont sim- ples et ne se ramifient pas, mais com- muniquent entre eux par une branche anastomotique transversale près du bord antérieur de chaque segment, ou progîottis. Les anciens helmintholo- gistes croyaient qu'ils débouchaient au dehors par les pores génitaux qui se trouvent sur les côtés du corps, et dans les figures anatomiques que M. Délie Chiajc en a données, cette disposition est nettement indiquée (6), de façon à faire considérer ces ori- fices comme étant autant d*e bouches ; mais il n'y a en réalité aucune com- munication de ce genre, et ces canaux sont complètement fefmés latérale- ment (c;. ^I. Platner a cru aper- cevoir des valvules dans leur intes- tin [d) ; mais ses observations ont été infirmées par les recherches plus ré- centes de ^I. Van Beneden (e). Ces ca- naux naissent à la base des ventouses qui, au nombre de quatre, garnis- sent l'extrémité antérieure du Ver, et quelques zoologistes ont considéré ces derniers organes comme étant des l)ouc.hes, tandis que d'autres ont pensé qu'il existe entre ces suçoirs un pore buccal central ; mais il est bien reconnu aujourd'hui qu'il n'y a dans ce point aucune commuiiicaiion directe entre les canaux latéraux et l'extérieur. M. Blanchard pense qu'à leur extrémité antérieure ces tubes sont en rapport avec une sorte de la- cune où les matières alimentaires ar- riveraient à travers le tissu perméable des ventouses, et que c'est par cette voie que ces matières pénétreraient dans leur intérieur (/"). :\Iais M. Van Beneden, en se fondant sur des re- cherches faites sur d'autres Vers de la mèmeclasse, repousse cette opinion, et croit devoir admettre que les tubes la- téraux de tous ces Animaux ne sont pas des cavités digestives , mais des organes sécréteurs. Les observations de ce dernier natu- (a) Ernst, Dissertatio de Tœnia. Basileae, 1743, p. 31. ^ Carlisle, Observ. upon the Structure and Œconomy of Tœnia {Trans. oflhe Linnean Society, ■l'9-i,t.ni. (6) Délie Chiaje, Compendio di elmintografia umana, 1825, pi. 7, fig. 2, el Mein. suUastona e notomia degli Animall senza vertèbre di Napoli, 1. 1, pi. 12, fîg. 2. iciRudolphi, Entrjzoorumhist. nat., t. I, p. 266 et suiv. — Owen, art. EStozoa (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol.,t. H, p. 131). — Blanchard, Op. cit., pi. 14, fiir. 2. (d) Platner, Beobachtuiig ara Darmkanal der Taenia soliura {:Mûller's Archiv fur Anat. und PhysioL, 1838, p. 572, pi- 13, %. 4 et h): (e) Van Beneden, Recherches snr la Faune liltoraU de Belgique : Vers cestoïdes, p. 40 (extr. des Mém. de VAcad. de Bi-uxelles, 1 850, t. XXV). if) Blanchard, Op. cit., p. 152. /|54 APPAREIL DIGESTIF bouche , mais cette cavité se termine presque aussitôt en cul- de-sac et ne peut avoir aucune importance physiologique (1). Quoi qu'il en soit de la détermination de ces parties, il est pro- raliste portent principalement siirl'ylM- thobothrium cornucopia, VEcheneibo- thrium variabile, et le Ligula simpli- cissima; mais, d'après la description qu'il donne des canaux latéraux de ces Vers, il me paraît probable que ses ob- servations s'appliquent aux analogues des vaisseauxqui,chezle Ténia, coexis- tent avec les tubes réputés gastriques et qui ont été considérés par M. Blanchard comme constituant un appareil circula- toire. En effet, M. Van Benedenditque de chaque côté du corps il y a deux ou même trois de ces vaisseaux, et qu'ils sont reliés entre eux par des branches transversales beaucoup plus nom- breuses que dans l'appareil dit gastro- vasculaire du Ténia (a). Or ces ca- ractères se remarquent précisément dans le système réputé vasculaire qui, chez ce dernier Ver, coexiste avec les grands canaux latéraux, ainsi qu'on peut s'en convaincre en jetant les yeux sur les figures que M. Blanchard en a données (6). M. Van Beneden ajoute que, chez Y Echeneibothrium, chacun des deux vaisseaux du même côté pénètre dans la bothridie cépha- lique correspondante, s'y recourbe en anse, et après y avoir fourni des ra- muscules , redescend pour s'anasto- moser avec son congénère ; enfin qu'à l'extrémité postérieure du corps, tous ces vaisseaux longitudinaux se ter- minent dans une petite vésicule mé- diane qui à son tour débouche au de- hors par un pore (c). Ce serait là, comme on le voit, une disposition semblable à celle du système vascu- laire des Douves {d), lequel n'a aucune relation avec l'appareil digestif de ces Animaux , et est considéré par M. Van Beneden comme un système urinaire, tandis que M. Blanchard le regarde comme un système circula- toire. 11 reste donc à savoir si, chez les Cestoïdes dont il est ici question, les analogues des tubes réputés gaslro- vasculaires chez les Ténias manque- raient ou seraient unis aux vaisseaux décrits par M. Van Beneden. (1) Cette fossette, en forme de bouche , a été aperçue chez des Bothriocéphales par Bremser et par F. Leuckart (e). Chez les Scolex, ou individus agames de quelques espèces de Télrarhynques ou de Phyllo- bolhrium, cet orifice occupe le sommet d'un tubercule céphaloïde, et se laisse apercevoir très distinctement(/") ; mais chez les Strobiles on n'en dislingue que rarement des traces. Quelques anatoraistes ont pensé que les gaines des appendices proboscidl- formes des Tétrarhynques remplis- saient le rôle de cavités digestives (g), mais cette opinion ne paraît avoir aucun fondement soUde. (a) Van Beneden, Recherches sur la Faune litt. de Belgique: Vers cestoïdes, p. 38. (6) Blanchard, Rech. sur l'organisation des Yej's {Voyage en Hicile, t. 111, pi. 14, Hg. 2 et 4) (c) Van Beneden, Op. cit., p. 40, pi. 3, fig. 2 et 13. (d) Voyez ci-dessus, tome 111, page 279. (e) F. S. Leuckart, Zoologische Briichstucke, 1819, p. 22. (0 Voyez Van Beneden, Op. cit., pi. 1, lig. 2, 6, 7, etc. (9) J. Mùller, Berlcht, Archiv fur Anat. iind Physiol., 1836, p. cvî. des Planoriées, DES VERS DE LA CLASSE DES LEPTOZO AIRES. ^55 bable que ces Helminthes se nourrissent principalement, sinon exclusivement, par l'absorption des matières déjà digérées par les Animaux dans l'organisme desquels ils vivent, absorption qui doit pouvoir s'effectuer par tous les points de la surface de leur corps, et qui paraît devoir rendre inutile l'existence d'une cavité stomacale (i). § 7. __ Dans le groupe des Planariées, ou Dendrocéliens de Appm^J M. Ehrenberg (2), la disposition de l'appareil digestif ressemble beaucoup à ce que nous venons de rencontrer chez les Fasci- coles, ou Douves : seulement il n'y a pas de ventouses ; la bouche est reportée plus en arrière, vers le milieu de la face inférieure du corps (3); il y a souvent une trompe protractile, et l'œsophage est remplacé par une poche stomacale assez vaste, d'où partent les nombreuses branches d'un système gastro- vasculaire. De même que chez les autres Leptozoaires dont il vient d'être question, l'anus manque (II). (1) Par l'absence d'une cavité sto- rieure du corps, et qui ont été con- macaie, ces Vers ressembleraient donc fondus avec les Planariées par la pUi- aux Écliinorhynques, dans la division part des anatomistes , appartiennent des Nématoïdes (a). à des groupes voisins : les uns sont (2) Il existe beaucoup d'incertitude des Rhabdocéliens, les autres des Né- relativement aux limites naturelles de niertiens. l'ordre des Planariées, et la plupart Chez quelques espèces, cet orifice desanatouiistesy ontrangédes espèces est situé à peu de dislance de l'extré- qui paraissent devoir prendre place, mité antérieure du corps, par exemple soit dans le groupe des Rhabdocé- dans les genres Proceros et Frosthio- liens, soit dans celui des Némertiens. stomum (c) ; mais, en général, il se J'y réunis tous les Leptozoaires mo- trouve beaucoup plus loin en arrière, noïques acolytes (6) et à estomac ra- et occupe à peu près le milieu de la meux. face inférieure du corps, ainsi que (3) Les Prostomes et les autres cela se voit chez le Polycœlis lœvi- Leptozoaires acolytes , qui ont la gatus (d). bouche située à l'extrémité anlé- (/i) L'existence d'un anus n'a été (a) Voyez ci-dessus, page 420. {b) C'esl-à-dire, dépourvues de ■ventouses. (c) Quairefages, Mém. sur quelques Planariées marines {Voyage en Sicile, 1. 11, pi. 6, fig. 6 et 4), (d) lA&m, ibid., pi. i, fig. 2&, et Atlas du Règne animal de Cuvierj Zoophvtes , pi. 38, fig'. "U. 456 APPAUKIL DIGESTIF Le suçoir de ces Vers à corps déprimé varie beaucoup dans sa forme. Chez les uns, il est cylindrique, et ressemble à la trompe que nous avons déjà vue chez divers Annélides infé- rieurs ; chez d'autres, il s'élargit vers le bout, de façon à res- sembler à une trompette; enfin, chez plusieurs de ces Animaux, il consiste en un disque ou un grand voile disposé en manière d'entonnoir et plissé ou même fortement lobé sur le bord. Dans l'état de rétraction , cet organe se loge dans une grande cavité buccale, et, lorsqu'il se déploie au dehors, il acquiert en général une longueur très considérable (1). bien constatée chez aucun Ver de cet ordre. L'orifice que M. Dellc Chiaje a figuré sous ce nom chez son Planaria auranliaca n'est autre chose que le pore géniial, et n'a aucune relation avec rappareil digestif [a). (1) Les Ibnctions de la trompe des Planariées a 'été bien constatée pour la première fois par J. Johnson (6); mais le jeu en a été mieux observé par Dugès, à qui l'on doit beaucoup do recherches intéressantes sur l'ana- tomie et la physiologie de ces Ani- maux (c). La disposition de cet organe dans l'état de repos se voit très bien dans "les figures anatomiques données par M. de Quatrefages [d). Comme exeriiple de Planariées à trompe cylindrique et charnue, je citerai le Prostoma lineare, où la por- tion antérieure de cet organe est hérissée de petites pointes épider- • miques (e), et le Polycladus Gayi, où il est terminé par deux bourrelets labiaux (f). La trompe du Planaria torvd, ou P. subtentaculata de Du- gès ((/), et du Planaria lactea (h), est également cylindrique dans l'état de repos, mais s'évase en forme de trom- pette, lorsqu'elle se déploie au de- hors. Chez d'autres espèces , cet organe s'élargit et s'arrondit en forme de disque ou de cupule : par exemple, chez le Stylochus maculatus (^}, etc. , Chez le Leptoplana tremellaris (j), le (a Délie Chiaje, Descrix-ione e notomia degli Animait invertebrati délia Sicilia citeriore, t. Ht, p. 134, pi. 109, fig-. 19. . ,., {b) i. Pi. Jolinson, Ûbserv. on the genus Planaria (Philos. Trans., 1822, p. 437). (cj Dugès, Recherches sur l'organisation et les mœurs des Planariées (Ann. des sciences nat., i" série, 1828, t. XV, p. 152). {d} Quatrefages, Mém. sur quelques Planariées, pi. G, fig. 4 ot 5 ; pi. 7, fig. 4. (e) ŒrsteJ, System. Eùilheilung der Plattwiirmer, pi. 1, fig. 13. (f) Blanchard, Rechej'ches sur V organisation des Vers [Voyage en Sicile, t. I, pi. 1, fig. 1 B, 1 c, 1 d). {(]) Dugès, Op. cit., pi. 4, fig. 18 et 23. (h) Baer, Beitrdge %ur Kenntniss der niedern Thiere [Nova Acta Acad. Nat. curios., 1827, t. XIll, pi. 33, fig. 8 et 9). — (Ersted, Op. cit., pi. l,fig. 14 et 15, (i) Quatrefages, 0;).cU., pi. 6, fig. 2, (i) Dugès, Op. cit. DES VERS DE LA CLASSE DES LEPTOZOAIRES. /i57 L'ouverture pharyngienne de cette trompe est entourée d'un sphincter qui affecte parfois la forme d'un bulbe musculaire, et elle débouche en général directement dans la poche stoma- cale. Celle-ci est tantôt arrondie, d'autres fois très allongée, et presque toujours elle donne naissance latéralement à un certain nombre de canaux qui se ramifient dans les parties périphériques du corps, et y constituent souvent, en s'anastomosant entre eux, un lacis gastro-vasoulairc très riche. En dernier Heù, toutes ces branches se terminent en caecums, et chez la plupart de ces Animaux on n'a remarqué rien de particulier dans la structure de ces canaux ; mais dans quelques espèces de Planariées dont le dos, au lieu d'être lisse, comme d'ordinaire, est couvert de gros tubercules papilliformes, il en est autrement; car le sys- tème gastro-vasculaire envoie dans -chacun de ces appendices cutanés un prolongement en forme d'ampoule, qui est très contractile, et qui ressemble beaucoup aux caecums terminaux Planocera peUucida (a, et quelques sucer le sang Leur U'ompe, formée autres espèces, il s'élargit au point de' par un repli circulaire de la membrane ressembler aux filets que les pêcheurs muqueuse du pharynx, est garnie de connaissent sous le nom d'éperviers. fibres musculaires disposées, les unes Enfin, chez la Planaire lichénoïde, circulairement, les autres d'une ma- son bord libre s'étend sous la forme nière radiaire, et l'irritabilité de cet de grands lobes froncés et d'une lar- organe est si persistante, que souvent geur remarquable (6;. on le voit continuer à fonctionner D'ordinaire ces Vers s'enroulent pendant fort longtemps après avoir autour du corps dont ils veulent se été séparé du reste du corps : par repaîlre, et y appliquent l'extrémité son extrémité antérieure il continue libre de leur trompe. Quand la proie à s'emparer des corpuscules qu'il ren- n'est pas trop volumineuse pour pas- contre, et les fait passer par l'orifice ser par l'orifice pharyngien, ils l'en- opposé, qui est devenu libre, mais gloutissent promptement; mais, dans qui, dans l'état normal, conduisait le cas contraire, ils se bornent à en dans l'estomac {c\ (a) Merlens, Untersuchunocn ûber den innera Bail, vevschiedenei' in der See lebender Plana- rien {Mém. de l'Acad. de Saint-Pétersbourg, G= série, 1833, t. II, pi. 2, fig. 3, 4 et 5j. (b) Mertens, Op. cit., pi. 1, fig. 3. — Œrsled, Op. cit., pi. d 2, fig. 2. (c) Dugès, Op. cit., p. 155. — Baer, Op. cit., pi. 33, fig. 19. /|58 APPAREIL DIGESTIF du système des tubes gastro-liépa tiques dans les branchies dor- sales des Mollusques de la famille des Éolidiens (1). (1) M. de Qiiatrefages a étudié très attentivement le mode de conforma- tion de l'estomac et de ses dépen- dances chez plusieurs espèces de Planariées, et a montré qu'il existe à cet égard de nombreuses varia- tions. Chez le ProsthiosLomum arctum (o), l'orifice postérieur de la trompe donne directement dans une poche stoma- cale conique très allongée, qui occupe la ligne médiane du corps et se pro- longe jusqu'à son extrémité posté- rieure. De chaque côté ce réservoir central donne naissance à une série de' tubes qui ne tardent pas à se rami- fier. Ceux de la première paire, plus gros que les autres, se portent en avant, de chaque côté de la cavité pharyngienne, et arrivent jusque dans la région frontale, après avoir fourni un grand nombre de branches laté- rales; les suivants se dirigent direc- tement en dehors, et se ramifient de façon à fournir chacun une douzaine de caecums terminaux. Les divisions de ce système gaslro-vasculaire se trouvent ainsi répandues dans toutes les parties du corps, et il est à noter que nulle part elles ne s'anastomosent entre elles. La disposition de l'appareil digestif est à peu près la même chez le Poly- clados Gayi et le Proceros velutimis, dont M. Blanchard a fait connaître la structure ; seulement , chez la pre- mière de ces Planariées, les branches secondaires du système gastro - vas- culaire sont plus allongées et sub- parallèles (6), et chez la seconde les branches de la paire antérieure ne sont pas plus développées que les suivantes (c). Chez le Proceros, oii l'estomac est également allongé et intestiniforme, la moitié postérieure de cet organe ne fournit aucune branche et con- stitue un cul-de-sac simple, tandis que les prolongements nés de la moi- tié antérieure se ramifient dans toute l'étendue du corps [d). Chez les Planariées dont la bouche est située vers le milieu de la face inférieure du corps, l'orifice pharyn- gien est, en général, recouvert par la poche stomacale, et ce réservoir, dont la forme est ovalaire, ne se prolonge que peu en arrière, mais fournit laté- ralement et en avant plusieurs grosses branches qui divergent dans tous les sens et se ramifient partout. Chez le Planaria lactea (e), le Planocera pellucida {f) ^ le Polycelis paUidus {g), le Stylochus maculatus {h) , les ca- naux ainsi constitués ne s'anasto- mosent pas entre eux ; mais, dans (a) Quatrefages, Mém. sur les Planariées {Voijage en Sicile, t. II, pi. 6, fig. 4). (!)) Blanchard, Organisation des Vers {Voyage en Sicile, t. III, pi. 1, fig. 1 6). (c) Idem, ibid., pi. 3, fig. 2 c. {d) Quatrefages, Op. cit., pi. 6, fig. 5. (e) Baer, Op. cit. (Nova Acta Acad. Nat. curies., 1. XllI, pi. 33, fig. 8). — Diigès, Op. cit. (Ann. des sciences nat., t. XV, pi. 4, fig. IT). (f) Mertens, Op. cit. (Mém. de l'Acad. de Saint-Pétersbourg, 6' série, t. Il, pi. 2, fig. i à i). {g) Quatrefages, Op. cit., pi. 6, fig. l. (ft)ldera, ibid., pi. 6, fig. 2. DES VERS DE LA CLASSE DES LEPTOZOAIRES. 459 § 8, — L'appareil digestif des Rhabdocéliens (1) ressemble beaucoup à celui des Planariées , si ce n'est que l'estomac rameux de ceux-ci est remplacé par une grande poche simple, terminée en cul-de-sac et revêtue intérieurement de cils vibra- tiles. La bouche de ces Vers varie beaucoup dans sa position, et se trouve quelquefois vers le tiers postérieur de la face infé- rieure du corps (2). En général, la trompe est très forte, mais courte, et elle est inerme, comme chez les Planariées. Appareil digestif des Rhabdocéliens. tl'aiUres Planariées , ils se ramifient de façon à former un réseau à mailles serrées. Cetle disposition a été con- statée par M. de Quatrefages chez les espèces à dos papilleux dont il a formé le genre Eolideceros (a), groupe qui ne paraît pas différer du genre Thysanozoon de iM. Grube. C'est des points de réunion de ces branches anasiomotiques que naissent les cae- cums ou ampoules qui se logent dans les appendices papilliformes du dos de ces Animaux. 11 est aussi à noter que, chez ces dernières [%nariées, l'estomac, qui est grand et allongé, est rattaché à l'extrémité postérieure du pharynx par un œsophage étroit. M. Délie Chiaje a figuré aussi le système gastro-vasculaire sous la forme d'un réseau chez la Planariée qu'il désigne sous le nom de P. auran- tiaca (b). (1) Le nom de Rhabdocœîa a été introduit dans la science par M. Ehren- berg (c), mais en y donnant une ac- ception beaucoup plus étendue que je ne le fais ici, car ce zoologiste l'appli- quait aux Gordius, aux Nais, aux i\émertes , etc. M. OErsted l'a res- treint aux Animaux dont il est ques- tion ici (d), et j'ajouterai que le groupe ainsi composé me semble devoir con- stituer, avec les Planariées, une divi- sion naturelle à laquelle on pouvait conserver le nom de Tarbellaria, que M. Ehrenberg employait dans un sens plus large, mais moins convenable, à mon avis. (2) Dans les genres Vortex et Dero- stoma, la bouche est située à la face inférieure du corps, mais à peu de distance du bord frontal, et livre pas- sage à une trompe charnue de forme plus ou moins ovoïde qui, dans l'état de rétraction, se place symélrique- ment sur la ligne médiane du corps, et paraît être suivie immédiate- ment par un grand sac stomacal qui se prolonge jusqu'à la partie posté- rieure du corps. De chaque côté de l'œsophage M. Schultze a trouvé un petit groupe d'utricules pédoncules (a) Quatrefages, Op. cit., pi. 5, ûg. i c. (6) Délie Chiaje, Descri%. e notom. degli Anîmali invertehr. délia Sicilia citeriore, pi. 109, fig. 19. (c) Ehrenberg, Symbolcephysicce, seu Icônes et descriptiones Animalium evertebratorum sepo- sitis Insectis, quœ ex itinere Africam borealem et Asiam occidentalevi F. Hcmprich et C. Ehren- berg sttidio novœ aut illustratœ redierunt. Decas 1 : Phytozoa turbellaria, 1831. [d) OErsted, Platttvûrmer, p. 59. Appareil digestif des Némerliens. Zl60 APPAREIL DIGESTIF § 9. — Les Némertiens (1), qui par leur forme générale ressemblent beaucoup aux Planariées et davantage encore aux Rhabdocéliens, .mais qui s'en éloignent par plusieurs caractères organiques d'une grande importance, sont très difficiles à bien étudier. En effet, leur corps est si contractile et si facile à qui paraissent consliluer des glandes salivaires [a). Cliez les Macrostomes, la bouche, qui a la forme d'une grande fcnle longitudinale, se trouve beaucoup plus en arrière, et il ne paraît pas y avoir de trompe ni de bulbe pharyngien charnu (6). Dans le genre Mesostomum (c), la bouche se trouve vers le tiers posté- rieur du corps, et la trompe a la forme d'uji disque ou d'une cupule à peu près, comme nous l'avons vu chez plusieurs Planariées. Dans le genre Opistomum, celte ouverture est rejetée encore plus loin en arrière, et la trompe, qui est grosse et cylindrique, se place obliquement dans l'élat de rétraction (d). Le genre !\licroslome paraît établir le passage entre les Pdiabdocéliens or- dinaires et les ^émertiens, car les sexes y sont séparés comme chez ces der-^ niers. Mais l'appareil digestif est dis- posé comme chez les premiers. La bouche, dépourvue de trompe, se trouve vers le tiers antérieur du corps et donne immédiatement dans une grande poche stomacale qui, suivant M. Schultze, s'ouvrirait au dehors par un pore anal si\ué à l'extrémité posté- rieure du corps (e). (1) Les Némertienset les Planariées sont les principaux membres de la classe des Turbellariées, telle que \1. Ehrenberg a établi cette divi- sion (/). l\lais M. Blanchard, qui réu- nit les Planaires aux ïrématodesdans la classe des Anévormes, en exclut les Némertiens, qu'il considère comme devant constituer une classe particu- lière (g). Quelques-uns de ces Vers sont remarquables par leur grandeur. Ainsi \eBorlasia Angliœ {h) s'allonge souvent de façon à avoir 3 ou Zi mè- tres de long, et ÎMontagu parle d'un, individu qui aurait eu 30 yards de longueur, c'est-à-dire environ 30 mè- tres («'). Tous ces Animaux parais- sent se nourrir en suçant le corps de divers Mollusques ou en avalani des Infusoires. (a) Scliiiltze, Beitvàge %ur Katurgeschichte der Turbellarien, 1851, pi. 3, fig. i, et pi. 4, ùg. 1 et 2. (6) Idem, ibid., pi. 5, fig. 3 et 4. (c) Exemples ; Mesostomum Ehrenbergi (voy. Focke, Planarla Ehrerlbergi, Ann. des M'ienev Muséum, t. I, pi. 17, fig. 1). — Mesostomum oblusum et M. marmoi'atum (voy. Sciiultze, Op. cit., pi. 5, fig. 1 cl 2). (d) Schullze, Op. cit., pi. 3, fig. 1 et 2. (e) Idem, Ueber die Milirostomeen, eine Familie der Turbellarien (Archiv fur Naturgeschichte, 1849, 1. 1, p. 280, pi. (i, fig. 1). (f) Ehrenlierg, Symbolœ physicœ. (g) Blanchard, Recherches siir l'organisalioii-des Vers, p. 47 {Voyage en Sicile, t. III). (Il) Voyez Qualrefages, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 33. (i) Montagu, Descript. of several Marine Animais found on ihe South coast nf Devonshire [Tr ans. of the Linnean Society, 1804). DES VEllS DE LA CLASSE DES LEI'TOZOAlliES. /|61 rompre, qu'il est presque impossible de les disséquer d'une manière satisfaisante, et en général leurs téguments sont trop opaques pour se prêter à l'observation des organes intérieurs par transparence. Aussi y a-t-il peu d'Animaux sur la structure desquels plus d'opinions discordantes aient été émises, et, dans l'état actuel de la science, il serait prématuré de se prononcer sur plusieurs questions dont la solution est en général très facile : par exemple , la présence ou l'absence d'un arius, et même sur la détermination de la partie fondamentale de l'ap- pareil digestif, c'est-à-dire la cavité stomacale. Deux ouvertures sont en général fort apparentes à l'extré- mité antérieure du corps : l'une terminale, l'autre située à la face inférieure de ce que l'on pourrait appeler la tête du Némertien. Le premier de ces orifices livre passage à une énorme trompe (1) qui est creusée d'un canal central, et qui se continue postérieurement avec un tube membraneux intestini- (1) Othon Fabricius, zoologiste da- de cet organe et ses rappoiis avec les nois fort distingue du siècle dernier, parties voisines ; ils l'ont considéré a constaté l'existence de la trompe comme étant la voie par laquelle les des Némerliens, mais il a cru que cet aliments arrivent dans l'organisme, organe naissait de rorifice céplialique et par conséquent ces auteurs ap- postérieur (a). Quelques auteurs plus pellcnt bouche Torifice aniérieur par modernes ont pris cet appendice pro- lequel cet appendice se déroule au tractile pour un pénis {b). Dugcs, dehors (c). La même détermination a .M. Ehrenberg et Johnson furent les été adoptée par MM. de Quatrefages, premiers à faire connaître la structure (loodsir et Williams {d). (a) 0. Fabricius, Beskrivelse over i Met bekjende Fiai-Orme {Sknvter af Xaturhistorle-Sels- kabet, 1798, t. II, part. 2, pi. xi, fi?. -H). (b) Hiischlie, Beschreibimg uni Anatomie eines neueii bei Sicilien gefundeneii ileerwurmes : Notospcrraus drenanensis (Isis, 1830, t. XXIII, p. 681, pi. 7, fig. 2 à 5). — Œrsied, Etitwurf elner systemallschen Eintheilung uni speciellen Beschreibung der Plalt- 7uûrmer, pi. 3, fij. 41 . (c)Dugès, AperçAi de quelques observations nouvelles sur les Planaires, etc. (Ann. des sciences nat., 1" série, 1830, i. XXI, p. 140). — Ehrenborsr, Symbolœ physicœ Anim. evcrtebr. : Polyioa lurbellar'ia, ii° 30. — Jolinson, Mscellanea Zoologica (Mag. ofZool. ani Botany, 1837, t. I, p. 530). (d) Quairefjgcs, Méni. sur la famille des Xémertiens {Voyage en Sicile, t. II, p. 1 57) . — Goodsir, Descript. nf sortie giganlic Formes of Iiwertebrate Animais {Ann. of Nat. Ilist., 1845, t. XV, p. 279). — Vi'iWiams, Bejiort on the British Annelida {Beport of the 21" Meeting of the British Asso- ciation held at Ipswich in 1851, p. 343, 1852). 462 APPAREIL DIGESTIF forme dont l'extrémité est fermée (1). La seconde ouverture céphalique conduit dans une grande cavité qui règne dans toute la longueur du corps, qui d'ordinaire présente de chaque côté une série de prolongements en forme de caecums, et qui ne pa- raît avoir aucune communication directe avec l'intérieur du tube intestiniforme dépendant de la trompe (2). M. de Quatrefages, qui a publié un beau travail anatomique sur ces Animaux, pense que cette dernière cavité n'est autre chose qu'une chambre viscérale , que l'orifice situé à sa partie antérieure est un pore génital, et que le tube aveugle qui fait suite à la trompe est un estomac terminé en cul-de-sac; mais d'autres naturalistes con- (1) M. T. Williams, dont les ob- servations sur la disposition générale de -la trompe des Némertiens et des annexes de cet organe s'accordent, pom* la plupart, avec celles faites pré- cédemment par M. de Quatrefages, décrit et figure le tube intestiniforme en question comme ouvert à son extrémité postérieure, et débouchant au dehors, sur le côté, vers le tiers antérieur du corps (a). Johnson avait cru voir ce même tube se prolonger jusqu'à l'extrémité postérieure du corps et s'y ouvrir par un anus ter- minal (6), mais ni l'une ni l'autre de ces dispositions n'existe. M. de Quatrefages a très bien constaté que le tube qui fait suite à la trompe, et qui est désigné sous le nom d'intestin, se termine en cul-de-sac (c), et der- nièrement ce fait a été vérifié par M. Schultze {d). (2) L'absence de toute communica- tion directe entre le canal du tube intestiniforme et la grande cavité située au-dessous n'est mise en doute par aucun des anatomistes qui, depuis quelques années, se sont occupés de l'étude des Némertiens; et, par con- séquent, la plupart des auteurs qui considèrent ce dernier réservoir comme un estomac admettent que les aliments y arrivent par l'orifice céphalique postérieur, sans passer parla trompe. Mais M. Williams conçoit les choses autrement : il décrit la grande cavité en question comme étant fermée de toutes parts, mais il y attribue les fonctions d'une poche digeslive, et suppose que les matières nutritives y sont transmises de l'intestin (ou tube postproboscidien ) par endosmose. Il y donne le nom de grand cœcum alimentaire (e), mais il n'apporte à l'appui de son opinion aucun fait pro- bant. (a) Williams, Op. cit. (Brit. Associât., 1851, p. 244). (b) Johnson, Op. cit. (Mag. ofZooL, t. I, p. 580, pi. 11, fig. 5). (c) Quatrefages, Mém. sur la famille des Némertiens (Voyage en Sicile , t. Il, p. 167, pi. 18, fig. la; pi. 20, (ig. 4 et 6). (d) Max. Schultze, Beitrâge zur Naturgeschichte der Twbellarlea, pi. 6, fig. 2. (ej Williams, Op. cit. (Report of tke British Assoc. for 1851, \>. 245). DES VERS DE LA CLASSE L>ES LEPTOZOAIKES. kQc) sidèrent la grande cavité longitudinale comme étant l'eslo- mac (l) , et regardent la trompe comme étant un organe de fixation com.parable à celle de différents Vers intestinaux, et ne constituant pas l'entrée des voies digestives (2). Faute d'obser- (1) Jusque dans ces derniers temps presque tousles zoologistes qui avaient observé les Némertiens considéraient Pouverture qui se voit d'ordinaire très facilement à la face inférieure du corps, un peu en arrière de l'extrémité fron- tale, comme étant la bouche de ces Animaux la). Mais M. Ebrenberg, ayant admis que le pore cépbalique anté- rieur était l'entrée des voies diges- tives, attribua à ce second orifice d'autres usages, et le décrivit comme étant la terminaison de l'oviducte (6) ; enfin M. de Quatrefages, qui a adopté une opinion analogue, l'appelle le pore (jénital c). Il est aussi à noter que ce dernier anatomiste n'a pu dé- couvrir aucune trace de cet orifice chez quelques Némertiens, ce qui Ta conduit à penser que son existence n'est pas constante à toutes les pé- riodes de la vie de ces Animaux [d). Quoi qu'il en soit, celte grande ca- vité est tapissée par une membrane très mince. Quelquefois elle paraît être simple , par exemple chez le Tetrastemma obscurum le). Mais, en général , elle paraît communiquer latéralement avec une série de loges autour desquelles sont groupés les or- ganes génitaux, disposition à raison de laquelle on remarque, dans une section transversale et verticale du corps de ces Vers, trois cavités : une médiane et deux latérales (/). Beaucoup de zoologistes pensent que la grande cavité abdominale ou stomacale des Kémertiens s'ouvre au dehors par un pore situé à l'extrémité postérieure du corps, et désignent cet orifice sous le nom d'anus [g] : mais d'autres, par exemple .M. de Quatre- fages, M. Goodsir et M. Williams, pensent que, dans l'état normal, cette disposition n'existe pas, et que ce prétendu anus n'est que le résultat de la division accidentelle de la portion postérieure du corps, dont les tron- çons se détachent avec une faciUté extrême. (2) Lorsque la trompe des ÎS'émer- tiens est dans l'état de repos, c'est-à- dire de rétraction, on voit que le pore céphalique antérieur est suivi d'un (a) Blainville, art. Vers {Dictionnaire des sciences nat., 1828, 1. LVII, p. 575). — Délie Chiaje, Bescrizione e notomia degli Ariijnali invertebrati délia Sicilia citeriore, t. III , p. 128, 129, pi. 101, Og. 2. — Ratlike, Beitrâge zur vergleich. Anat. und PhysioL, p. 94, pi, 6, fig. 8 [Aeiteste Schriften der naturforschendeii Gesellschaft in Damig, iSi-2, Heft 4). — Sieboldet Stannius, yoiiveiu Manuel d'anatomie comparée, t. II, p. 202. (6) Ehreuberg, Symbolœ physicœ [loc. cit.). (c) Qualrefages, Op. cit. {Voyage en Sicile, t. III, p. 97, eic). {djUem, ïbid., p. 110. {e) Schullze, Beitr. %ur Naturgesch. der Turbellarien, pi. G, fig. 2. (/■) Quatrefages, Op. cit., pi. 18, fig. 1, la; pi. 20, fig. 4; pi. 21, fig. 1. {g) Ehrenberg, Symb. phys. (art. Nemertes, sans pagination). — Johnson, Op. cit. [Mog. ofZool. and Botany, t. I, p. 330). — Œrsled, System. Eintheilung der Plattwûrmer, p. 81. — Siebold et Stanuius, Xouveau Manuel d'anatomie comparée, t. 1, p. 204 — Schultzc, Op. cit., pi. 6, fig. 1 h. m APfARElL DlGIiSTlF vations directes sur les fonctions de ces organes, je n'érnettrai aucun avis sur leur rôle physiologique, mais j'engagerai beau- coup les zoologistes qui habitent les bords de la mer à faire sur ces Animaux de nouvelles recherches. Quoi qu'il en soit, la structure de la trompe des Némertiens présente plusieurs particularités remarquables. En effet, cet long Uibe à parois minces , dont la surface interne est papilleuse et dont rexlrémilé postérieure est fixée à un bulbe charnu {a). L'axe de ce ren- flement musculaire est creusé d"un canal élroit qui est en communicalion . avec le conduit dont je viens de par- ler et avec un autre tube inteslini- forme appendu à sa partie postérieure. Ce dernier décrit des circonvolutions plus ou moins nombreuses, et s'a- vance en général jusque vers le tiers postérieur du corps , puis se recourbe en avant et se termine on cul-de-sac. Son exlrémilé aveugle est attachée aux parois du corps par un prolongement cylindrique ou par des brides rameuses, et sa surface interne est garnie de cils vibralilcs. Enfin, tout ce long canal est logé dans un repli membraneux qui se trouve suspendu à la paroi supé- rieure de la grande cavité médiane (ou cavité viscérale de JM. de (Jualre- fages, et estomac de IMM. de Siebokl, Schullze, etc.). Quand le INémerlien veut prendre de la nourriture, il darde au dehors sa longue trompe, et alors les parties que je viens de décrire changent de position ; la portion antérieure et papillifère du tube se renverse à l'extérieur, de façon que sa surface libre, au lieu d'être interne, devient externe, et que son extrémité posté- rieure se trouve portée en avant. Le bulbe charnu en occupe alors l'extré- mité libre, et la portion suivante du tube iïitestiniforme s'y engage comme dans une gaîne (6). Chez quelques-uns de ces Vers, par exemple les Borlasies et la plu- part des espèces appartenant au genre Némerle proprement dit, la trompe est iiierme (c),mais en général elle est armée d'une manière puissante. On y rcmaripie d'abord un gros stylet im- pair, qui est rentlé à sa base et inséré sur le .bulbe charnu. D'autres stylets plus petiis sont placés de chaque côté, et quand la trompe est dans l'élat de rétraction, ils se replient dans des fossettes latérales, de façon à paraître comme s'ils étaient logés dans une capsule; mais quand cet organe se déroule au dehors, ils se redressent et se montrent à découvert. Leur dispo- sition a été indiquée par Johnstpn, (a) Dans la noinenclalure cmiiloyée par M. de Quatrefag-es, la portion do cet appareil qui précède le bulbe charnu est appelée trompe. Le bulbe est pour cet anatomisle un œsophage, et la portion posté- rieure du tube est appelée intestin. Elles sont très bien représentées daiis les belles figures dont son mémoire est accompag-né. {Op. cit., pi. 18, fig. 1 et t a ; pi. 19 ; pi. 20). (&) Voyez Qiialrefages, Op. cit., pi. 20, (Ig. 1. — Williams, Op. cit., pi. 1 1 , fig. 04 — Schullze, Op. cit., pi. 0, fig. 3. (c) Quatrcfages, Op. cit., p. 1()3. ui;s VERS dl: la classa des uotaticlus. /l65 urgiuie, cxtrèinemenl; long, est presque (oujouis armé {\\ui gros slyiet médian et exserlile, qui ressemble à un dard. § 10. — Les Rotateurs, qui pendant longtemps ont été jJ^p^'i-J confondus avec les Infusoires, mais qui en cliiïèrent extrême- ^'«^ ment par leur mode d'organisation , me x paraissent devoir prendre place dans le sous-embranchement des Vers, et par conséquent je ne puis terminer celte Leçon sans avoir parlé de leur appareil digestif, bien que sa structure soit fort diffé- rente de celle que nous venons de rencontrer chez les Némer- liens ou les Trématodes. Ces Animaux sont de si petite taille, qu'on ne peut les apercevoir qu'à l'aide du microscope, et il en résulte qu'on ne peut les disséquer ; mais leurs téguments sont assez transparents pour permettre à l'observateur. de dis- tinguer les parlies, même les plus profondes, de leur organisme, et M. Ehrenbcrg est parvenu de la sorte à faire connailre admirablement bien leur structure intérieure. Ainsi que je l'ai déjà dit (1), cet habile zoologiste a fait laire des progrès immenses à l'histoire des Animalcules microscopiques , et presque tout ce que nous savons de l'appareil digestif des Rotateurs lui est dû. Or, dans l'immense majorité des cas , sinon toujours, cet appareil est fort complexe, et offre des mais M. de Qiialrefages les a fait con- Tapparcil proboscidiforme ou par naître d'une mani«ire beaucoup i)lu.s quelque organe glandulaire adjacent, complète (a). l'ans l'hypothèse suivant laquelle la Quand un Xémertien attaque sa trompe ne conduirait pas dans la proie , il fait pénétrer ses stylets dans cavité digesîive, et serait seulement le corps de .':a victime, qui paraît être un organe de préhension ou de fixa- presque aussilôt frappée de mort. 11 lion, on expliquerait de la sorte est donc probable qi!c cette arme verse l'exislcncc du long cœcum intestini- dans la plaie quelque liquide véné- forme qui se voit en arrière du bulbe neux, et que celui-ci est sécrété, par slylifère. les parois de !a portion suivante de (1) Voyez ci-dessus, page 301. (a) Jolmson. Op. cit. {Mag. of Zool. and Botaiiy, 1837, t. 1, p. 531, fig. 1 el -2). — Quuli'efagcs, Op. cit., p. 1C3 et siiiv., pi. 16, fi-^'. 1-2; pi. 17, lijr. 7, 10, M, 17 ; pi. 10, IJLj. -2. V. 30 Ii6i) AI'l^ARElL DiGESTIF caractères de supériorité physiologique qui ne se rencontrent pas clans les Animaux de {aille beaucoup plus considérable dont l'étude vient de nous occuper, et se rapproche de ce que nous avons vu chez les Annélides les plus parfaits. Ainsi, presque toujours il existe chez ces petits êtres un tube ali- mentaire étendu d'un bout du corps à l'autre et ouvert à ses deux extrémités , un appareil maxillaire très complexe , un estomac distinct de l'inteslin, et des organes glandulaires particuliers qui versent dans la cavité alimentaire les pro- duits de leur sécrétion, Lesanomahes sont extrêmement rares dans cette classe zoologique; mais je dois dire que si les obser- vations récentes de quelques micrographes habiles ne sont pas entachées d'erreur, il y aurait chez un petit nombre de Rotateurs une dégradation organique des plus remarquables. Ainsi, non-seulement on connaît une espèce où l'anus paraît manquer, mais chez une autre où la femelle est organisée de la manière ordinaire, il paraît n'y avoir chez le mâle aucime trace d'un appareil digestif quelconque (1). Si nous laissons (1) M. Dalryinplc, qui a lait une inâie ni bouche, ni bulbe pharyngien, étude très aUenlive d'une grande ni estomac ; mais il a remarqué dans espèce de r.otateur appartenant au la cavité ai3dominale un amas de tissu genre Notominata de AI. Ehrenbeig, utiiculaiie qu'il considère comme le y a trouvé l'appareil digestif très produit d'un srrèt de développement développé chez les individus fe- du blastème destiné d'ordinaire à melles, mais n'a pu en apercevoir constituer les organes digestifs. Chez aucune trace chez les individus mâles, la femelle, il n'a aperçu rien de sem- où cependant tous les autres or- blable (6). ganes intérieurs se distii)guaient faci- L'absence d'un orifice anal a été lement (a). signalée aussi par chacune de ces ob- M. Leydig, qui est également un servations chez les individus femelles micrographe très habile, est arrivé au du Notommata anglica , Rotateurs même résultat en étudiant le Notom- dont les mâles présentent la singu- mata Siebuldii. Il n'a trouvé chez le lière anomalie que je viens de men- (a) J. Dalrymple, DescHpHon of an Infusory Animalcule alliedto the genusNotommala of Ehrm- herg hitherto undesmbed {Philos. Trans., 1849, p. 342, yl. 34, fîg. H et 121. (6) Fr. Lej'dig, Ueber den Bau xmd die syst.ematische Stelluny der Mderthiere, p. 32, pi. 2, fig-. 12 et 13 (exlr. tlii Zeitschr. fur wisscnsch. Zool., 1854, t. VI). DES Vers de la cl\sse des rotateurs. /l()7 de côté ces exceptions peu nombreuses, nous trouvons une très grande uniformité dans la structure des organes digestifs des Rotateurs. Ces petits êtres se nourrissent principalement de Monades , de Navicules, de Conferves ou de Crustacés mi- croscopiques qui nagent dans l'eau où ils habitent, et qui sont amenés vers leur bouche par l'action des lobes ciHés dont l'extrémité antérieure de leur corps est garnie, et dont nous avons déjà étudié le rôle dans le travail respiratoire (1). Ces organes varient dans leur forme , mais sont toujours disposés de façon à entourer presque complètement ou à occuper les deux côtés de l'orifice buccal, qui est en général susceptible de s'élargir beaucoup (2). Cet orifice n'est presque jamais tionner (a). M. Leydig pense que le Xotommata myrmeleo est cgaleracnt dépourvu d'un anus, el il se fonde, non-seulement sur les résultats néga- tifs fournis par toutes los recherches faites pour découvrir celte ouverture, mais aussi sur le mode d'évacuation du résidu laissé dans l'estomac par le travail digestif, car il a toujours vu ces matières sortir par la houche après avoir séjourné dans l'estomac, dont le fond paraît être dispor.é en cul-de- sac (6). Ce zoologiste pense que la même anomalie existe aussi cisez le Notommata syrinx , YAscomorpha helvetica et VA. germanica (c). (1) Voyez ci-dessus, tome II, p. 97. ('i) Chez les espèces dont l'extré- mité antérieure des corps est garnie d'un seul lobe ou disque cilié, la bouche occupe à peu près le centre de cet organe, et correspond à l'exiré- miié supérieure de l'échancrure qui se trouve à sa partie inférieure, ainsi que cela se voit chez les Lacinul- laires et les Alégalroques {d). Chez les liotateurs à deux roues ou lobes ciliés, par exemple chez le Rotifer vidgaris [e), elle i-e trouve entre la base de ces organes sous un | rolon- gement céphalique qui porte les points ocuUforraes. La manière dont les particules solides qui floltcut dans l'eau circonvoisine se trouvent diri- gées vers l'entrée de la cavité diges- tive par l'action de ces cils peut être très bien mise en évidence , si l'on suspend de l'indigo ou du carmin en poudre dans ce liquide (f. Chez les Stephanoceros, où les ap- pendices ciliés se prolongent en forme de tentacules céphaliques ou de bras, la préhension des aliments est sou- vent effectuée par la contraclion de (a) Da'.nmpte, loc. clt.,\>. 333, pi. 33, Rg. i el 0. (6) Ley.ïi-, loc. cit., p. 21, pi. i, Rg. 30. (c) Leydiir, loc. cit., y. li. (dj Elirenberg, Die hiftislonslhici'chen, pi. S 4, llg. 3 el 4. ig) lilem. ibid., pi. r.O, fi-. i. ). Cependant Savigny a fait voir qu'il n'en est pas ainsi, (1) Lorsque les moyens d'observa- rite comme étant un des caractères lion dont on disposait étaient moins du genre OEstrus ; mais cet orifice, parfaits que ceux dont nous sommes quoique fort réduit, existe citez ces aujourd'luii redevables aux opticiens, Diptères comme chez tous les autres les eniomologistas pensaient que di- Insectes (a). vers Insectes manquaient de bouche. (2) Les variations qui se remar- Ainsi Linné indiquait celte parlicuia- quent dans la structure de la bouche (a) Joly, Reclierches sur 1»s Œstres, ISiG, p. 49. APPAREIL DIGESTIF DEo ANIMAUX. ARTiCLLÉS. /j75 et qu'il règne une uniformité remarquable dans les maiériaux dont la Nature fait usage pour la construetion de ces appareils divers. Il a constaté que chez tous les Insectes, quel que soit leur régime, la bouche est pourvue d'un même ensemble de mem- bres articulés ou appendices, et que c'est par suite de change- ments introduits dans la forme et les dispositions accessoires de ces parties, qu'elles constituent ici des organes sécateurs, là une sorte de pipette ou de (rompe. Enlhi il a reconnu aussi que, sous ce rapport, il y a, chez tous les Animaux articulés, unilé de plan fondamental et tendance à l'unité de composition, malgré des variations sans nombre dans les. caractères accessoires. Savigny fut un des premiers à enrichir la science de résultais généraux de cet ordre, et à diriger les esprits vers la recherche des parties correspondantes ou analogues dont la Nature peut faire usage dans la constitution d'organes différents par leurs formes et leurs usages. Cet habile observateur, de même que Gœthe et Geoffroy Saint-Hilaire, doit être rangé au nombre des fondateurs de cette branche de l'étude des êtres organisés qu'on appelle aujourd'hui Vanaiomic philosophique^ pour la distinguer de Vanatomie descriptive; et si le nom de ce savant modeste (les Insectes l'oiiruissent irexcellenls donné l'emploi exclusif des caractères caractères pour la classitication de foin-nis par l'appareil bnccal, mais on ces Animaux. Vers !e milieu du siècle en fait toujours un U-ès grand usage, dernier, un nalnralisle suédois,Cliarlos et dans presque tous les travaux des- deGcer, décrivit avec soin cet a|)pa- criptifs qui paraissent journellement reil dans un très grand nombre d'es- sur l'histoire des Insectes, des Crus- pèccs différentes (a), et bientôt après tacés. etc. , on entre dans beaucoup de J.-C. l-'abricius, de Copenliague , le détails à ce sujet, de sorte qu'on a en- prit pour base de tout un système registre une foule presque innom- entomologique (6). Depuis l'inlroduc- brable de particularités relatives à la tion de la niétliode naturelle dans conformation de cette partie de l'orga- cette partie de la zoologie, on a aban- nisation des Animaux articulés. (a) De Geer, Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes, "i volumes iii-4, Stockholm, 1752 à 1778. (b) J. Clir. Fabricius, Systema entomologiœ. In-8, 1775. — Ent.omologia systematica. 5 vol., 1795 à 1798, — et plusieurs irnilds spéciaux sur les principaux ordres de la classe des Insectes. Appareil buccal des /i76 APPAREIL DIGESTIF. est moins populaire que ceux des hommes de génie auxquels je l'associe, sa gloire ne sera pas moins durable, car ses travaux sont non moins solides que brillants , et ils ont exercé une grande influence sur la marche de la science depuis plus d'un demi-siècle (1). § 2. — Pour facihter l'étude de l'appareil buccal des Animaux articulés, il me semble utile de commencer par l'examen des Cruslaccs niasucaicurs. Crustacés masticatcurs. La bouche de ces Animaux est située à (1) Jules-César Lelorgne de Savi- GNY, né à Provins en 1777, fit paiiie de la Commission scientifique qui, ou 1798, accompagna l'armée française en Égypie. De retour en France à la fiu de 1801, il entreprit l'étude des riches collections zoologiques qu'il avait formées en Orient, et il prépara, pour le grand ouvrage sur l'Egypte publié aux frais de l'État, une magni- fique série de planches relatives à l'histoire des Animaux invertébrés. De 181/1 à 1817 il publia un beau travail sur les Annélides, une série de mé- moires sur les Ascidies qui font épo- que dans l'histoire de cette partie de la zoologie, et des recherches capi- tales sur la structure de la bouche des Insectes. Eu 1821, il fut nommé membre de l'Institut de France. Mais déjà, depuis quelques années, une afl'eclion nerveuse qui lui rendait l'ac- tion de la lumière impossible à sup- porter avait interrompu toutes ses lecherches anatomiques. Il ne mourut qu'en 1851, mais les trente dernières années de sa vie ne furent qu'une longue suite de souffrances. L'ouvrage que je cite dans celte leçon porte pour devise : Patieniia, et se fait remarquer par l'exactitude des détails aussi bien que par la grandeur des vues générales. Il est intitulé : Théorie des organes de la bouche des Animaux invertébrés et articulés compris par Linné sous le nom d'In- sectes ; il parut en 1816, et forma le premier fascicule des Mémoires sur les Animaux sans vertèbres , par J.-C. Savigny (Paris, i vol. in- 8" avec planches). L'étude comparative des différents appendices, et principalement des piè- ces de la bouche, a été repri.se en- suite, mais d'une manière peu fruc- tueuse, par Latreille (a). J'ai publié aussi quelques observations à ce su- jet (6). Enfin M. Bruilé en a fait l'ob- jet d'un travail important que j'aurai souvent à citer (c). {a) Latreille, Observations nouvelles sur iorganisation extérieure et générale des Animaux articulés et à pieds articulés, et applications de ces connaissances à la nomenclature des prin- cipales parties des mêmes Animaux (Mém. du, Muséum, 1822, t. VIII, p. d69). — Art. Bouche (lu Dictionnaire classique d'histoire naturelle, t. 11, 1822, p. 428. (/;) Milne Edwards, iVem. siir l'organisation de la bouche des Crustacés suceurs (Ann.des sciences nat., i" série, 18.13, t. X.WIII , p. 78). — Histoire naturelle des Crustacés, i. 1, p. (il, etc. — Observ. sur le squelette tégumentaire des Crustacés Décapodes [Ann. des sciences nat., 3' série, 1851, t. XVI, p. 265). (c) BriiUé, Recherches sur les transformations des appendices dans les Articulés {Ann. des sciences nat., 3' série, 1844, t. II, p. 271). AUMATURi-: BUCCAL îi DES CRUSTACÉS. kll la lace inférieure de la tête, enlre la base d'une série d'appen- dices articulés qui sont disposés par paires de cliaque côté de la ligne médiane du corps, et qui sont employés par la Nature pour constituer les organes de la locomotion aussi bien que les instruments de la mastication, et d'autres parties dont il est inutile de nous occuper en ce moment. Chez quelquesCrustacés, aucune division de travail n'est introduite dans la portion céphalo-thoracique de ce système d'appendices, et chacun des membres dont elle se compose est chargé de remplir les triples Ibnctions d'une patte pour la locomotion, d'une sorte de main pour la préhension des aliments, et d'une mâchoire pour la mastication. Ce cumul physiologique se rencontre chez les Limules, qui sont connues aussi sous le nom de Crabes des Moluqiœs , mais qui ne ressemblent pas aux Crabes propre- ment dits, et ont le corps divisé en deux grands segments, dont l'antérieur, ou céphalothorax, a la forme d'un lerge bouclier, et le second porte les branchies à sa face inférieure et une queue styliforme en arrière. Les membres qui naissent de la face inférieure du céplialothorax sont allongés, à peu près cylindriques ., et composés d'une série de leviers placés bout à bout et mobiles les uns sur les autres. A raison de cette dispo- sition et des muscles dont chaque article est pourvu, ils peuvent s'allonger ou se raccourcir et changer de direction, de façon qu'ils sont aptes à agir comme autant de pattes ambulatoires; mais à leur extrémité ils sont bifides, leur pénultième article donnant naissance à un prolongement digitiforme qui s'avance parallèlement à leur article terminal. Cette dernière pièce est susceptible de se mouvoir sur sa base comme sur une char- nière, et de s'écarter ou de se rapprocher de l'apophyse dont je viens de parler ; elle forme par conséquent avec elle une pince à deux branches, et c'est à l'aide de cet instrument que l'Animal saisit SCS aliments et les porte vers sa bouche. Enfin rarticle basilaire de ces mêmes pattes, que l'on pourrait appeler la Linuilcs Ms APPAREIL DIGESTIF. hanche^ se prolonge du côté interne, de manière à constituer un gros tubercule ou une lame armée de denticules qui s'avance vers le milieu de la bouche et y rencontre sa congénère du côté opposé du corps. Ces hanches sont aussi articulées en charnière sur les côtés de cet orifice, et elles peuvent, en exé- cutant un mouvement de bascule, s'éloigner ou se rapprocher de la ligne médiane ; de sorte que la base de chaque paire des membres céphalo-thoraciques constitue une espèce d'étau ou de pince à deux branches occupant l'entrée des voies digestives (1). Mais un organe qui fonctionne alternativement comme patte ambulatoire, comme pince et comme mâchoire, ne peut bien remplir aucun de ces rôles ; car les conditions qui seraient favorables à son action comme instrument de préhension nui- raient à son jeu comme levier moteur, et celles qui contri- (1) Les Limiiles, ou Xipliosures, sont les seuls Crustacés chez lesquels ce mode d'organisalion se rencontre. La bouclic est située vers le tiers poslé- rieur du bouclier ccplialo-tlioracique, au centre du groupe formé par les pattes-mâchoires dont il vient d'être question (a). Ces membres sont au nombre de six paires. Ceux de la pre- mière paire sont beaucoup moins grands que les autres, et prennent leur insertion sur une pièce solide impaire qui garnit le devant de Pouverture buccale et fait office de lèvre supé- rieure, mais paraît correspondre aux deux pièces basilaires ou hanches con- fondues entre elles sur la ligne mé- diane. Les hanches des quatre paires suivantes sont distinctes, très grosses et fortement armées d'épines et de denticules sur leur face interne , qui se prolonge en forme de lobe ou de couperet. L'article basilnire des pattes-mâchoires de la dernière paire est encore plus forte , et porte en dedans un gros tubercule qui, en s'a- vançnnt dans la bouche, agit à la façon d'une dent molaire Enfin le bord postérieur de la bouche est garni d'une paire de lames cornées à bords épineux, qui semblent cor- respondre à une septième paire de membres avortés et réduits à leur article basilaire. Pour plus de détails sur la confor- mation de ces paltes-màchoires, je renverrai à la monographie des Li- mules par M. Van der ilœven, pro- fesseur de zoologie à Leyde (6). {a) Savigiiy, Théorie des organes de la bouche, p. G4, pi. 8, fig. 1. — Milno Edwards, Crustacés de V Atlas du Règne animal de Cuvier, pi. 70, fig. 2, 2a à 2«. ib) Van dcr Hœven, Recherches sur l'histoire 7iaturelle et l'anatomie des Limules, p. 12, pi. 1, fig. 2 à 9.(Lejde, d838, in-fol.). ARMATURl!: BUCCALE DES CRUSTACÉS. /i79 hueraient à son perfectionnement comme agent locomoteur seraient nuisibles au développement de la puissance dont il a besoin pour bien mâcher les aliments. Ce genre de cumul entraîne donc nécessairement un certain degré d'infériorité physiologique dans deux grandes fonctions, la digestion et la locomotion; aussi ne se rencontre-t-il que très rarement dans la classe des Crustacés, et chez tous les autres Animaux de ce groupe la division du travail s'établit dans la série des appendices ou membres qui, chez les Limules, sont à la fois Division , 1 \ 1 • • T 4 clu travail des pattes et des mâchonnes : ceux qui entourent directement ciiez les GruslciCGS la bouche sont affectés exclusivement au service de l'alimenta- ordinaires. tion, et ceux qui sont situés plus en arrière sont des pattes seulement. Les appendices qui deviennent ainsi des instru- ments spéciaux de mastication ressemblent encore plus ou moins, soit aux pattes-mâchoires des Limules, soit aux pattes ambulatoires des Crustacés supérieurs ; mais c'est surtout leur partie basilaire qui se développe : les arhcles qui cor- respondent à la cuisse, à la jambe et au pied de celles-ci, deviennent de plus en plus rudimentaires, et, lorsque l'adapta- tion est caractérisée de la manière la plus complète, le membre se trouve peu réduit au coxognatliite , c'est-à-dire à la pièce basilaire qui est ailleurs la hanche seulement (1). Du tl) Lorsqu'on veut approfondif l'é- Décapodes , j'ai proposé un système tilde comparative du système appen- de nomenclaUire de ce genre que diciilaire des Crustacés, il devient j'emploie , avec quelques légères mo- nécessaire d'employer des noms par- dificalions, dans mes leçons sur l'en- liculiers pour désigner, d'une part, tomologie , au Muséum d'histoire na- cliacun des articles ou éléments ana- tiirelle. J'aurai à y revenir quand je tomiques qui enirent dans la consti- traiterai des organes de la locomotion tution des membres ; d'autre part, des Animaux articulés ; mais , afin certains organes qui peuvent être for- de pouvoir introduire de la précision mes de deux ou de plusieurs de ces dans le langage dont je fais usage pièces, et qui sont caractérisés, soit en ce moment, il me semble utile par leur position, soit par leur forme d'en donner ici la clef pour ce qui et leurs u.sages. Dans un travail spé- concerne Tappareil buccal, cial sur le squelette tégumcntairc des Lorsqu'il s'agit d'étudier, au joint /i80 A!'I'AKi:iL DlGi:STir. reste, il existe, à eet égard, une mulliliule do variations, et le partage du système appendiciiiaire entre i^ippareil digeslil' el: l'appareil de la locosr.otion ne se fait ])as toujours de la même manière. Dans l'immense majorité des eas, on trouve dans eetle région du corps le même nombre de membres ; mais, ehez les Crustacés les plus élevés en organisation, il y a plus d'appendices buccaux que chez les autres, et celte aug- mentation s'obtient aux dépens de l'appareil locomoteur, qui est réduit d'autant. Je ne décrirai pas ici toutes les modifi- cations qui se remarquent dans la conformation de l'appa- reil masticateur ainsi constitué; mais, pour en faire connaître de vue théorique, les différenls mem- bres dont cet appareil se compose, sans avoir égard à l'emploi que \-\ Vaturc peut avoir fait de ces appen- dices, je les désigne sous le nom com- iiain (le (jnathis , et je les dislingne cnlre eux, d'après leur rang dans la série, par l'adjonction d'imc racine u'Jjcctive. Ainsi j'appelle protognuthes les membres qui consliUienl les ap- pendices buccaux de la première paire, ou mandibules ; deutognatkes, ceux (|ui iormcnt les appendices buccaux de la seconde paire, ou màcboires de lu première paire , et ainsi de suite, on complant d'avant en arrière (a). Lorsque ces membres, ou tout autre organe correspondant, une patte am- bulatoire ou une antenne, par exem- ple, ariivenl à un baut degré de dé- veIoi)pement, ils se dédoublent pour ainsi dire dans leur portion terminale, et se composent d'une branche prin- cipale accompagnée d'une, de deux ou même de trois branches accessoires. Je désigne d'une manière générale la branche principale du membre sjus ]i'. nom de protopodite (6), et sous celui de parergopodites (c) les bran- ches accessoires , que je distingue entre elles, d'après leur position eu mésopodites, exopodites ci épipodiles; ou bien encore en mcsognatlie, exo- gnathe, etc., quand il s'agit spéciale- ment de ces parties dans l'appareil buccal. Le protopodite, dans son état de dé- veloppeiTient normal, se composed'uiie série d'articles placés bouta bout, dont six principaux, et d'autres accessoires produits par le fractionnement des précédents. Pour désigner ces pièces, j'ai cessé d'employer une partie dis noms dont j'avais d'abord fait usage quand je m'occupais des Crustacés seulement, et je les appelle d'une ma- nière générale : coxite, trudiite, mi- roïle, sqiiélile , tarsite et dact>;lili!, ((() Mitiie Edwards, Observations sur le squelette téijumentaire des Crustacés Décai-cd:s -ÎL'- Uiiiges carcinologùiues. ci Ann. des sciences nal., 1851, 3° fcric, (. XVI, [•. '2U7). {()) DcTTOoiTo;, iiruicipal, et Ttovr, p.'iUc. [c] De i^i;toyj%, accessoire, ol -ov.;, l'aUc, ARMATURE BUCCALE DES CRUSTACÉS. 481 la structure d'une manière suffisante, il me semble nécessaire d'entrer dans quelques détails, et d'indiquer les caractères 'prin- cipaux qui s'y remarquent dans chacun des types carcino- logiques principaux. Je prendrai pour premier exemple la Langouste, qui est très commune sur nos marchés de comestibles, et qui est un excel- lent représentant de la grande division des Crustacés Déca- |)odes. De même que chez les autres Animaux de cet ordre, l'appareil buccal est logé dans une sorte de fosse limitée en avant par la région antennaire, sur les côtés par les prolonge- ments ptérygostomiens de la carapace , et en arrière par le plastron sternal (1). Il se compose essentiellement d'un lobule Appareil buccal des Décapodes. parce qu'elles constituent crordinaire la hanche, le tiochanter, la cuisse, la jambe, le tarse et le doigt ou crochet terminal d'une patte. Je désigne aussi sous le nom de basitrochite un article qui se forme parfois aux dépens du Irochile, et qui sert à l'articulation avec le coxite. Quant aux divisions qui se rencontrent souvent dans le tarsite, il m'a paru suffisant de leur donner des numéros d'ordre. Enfin , lorsque je veux parler d'une manière parti- culière de ces articles employés dans la constitution de l'un des membres de l'appareil buccal, j'abrège parfois en les appelant coxognathite , tro- chognalhite , etc. ; ou bien encore coxopodite, etc., s'ils appartiennent aux pattes ambulatoires, et coxocé- rites, etc., quand ils entrent dans la composition d'une antenne. Dans des circonstances semblables , j'appelle aussi épignathe, exognathe et méso- gnathe les trois branches accessoires qui, chez les Crustacés, peuvent se trouver fixées à la base du proto- podite du côté externe. Au premier abord, cette nomencla- ture peut paraître trop compliquée, mais dans la pratique elle est en réalité fort commode. (1) Chez les Macroures, les Ano- moures et certains Brachyures , la fosse buccale est ouverte en avant et n'est bien délimitée que sur les côtés, où se trouve le bord inféro-interne du canal expirateur formé par la par- tie interne de la région ptérygosto- mienne de la carapace. Mais, chez la plupart des Brachyures, elle est plus ou moins complètement fermée en avant par une crête transversale qui sépare la portion antérieure de sa voûte (ou endostome) de l'espace si- tué à la base des antennes, et nommé épistome (a). Les bords de cette fosse , où se logent les appendices buccaux, constituent ce que j'ai appelé le cadre buccal, partie dont la forme varie beaucoup dans les diderentes {a) Voyez l'atlas de la grande ûdilioii du Rù'jii& animai de Cuvier, Gp.UstagÉ5, pi. '3, lig-, 2 et o ; pi. 29, flg. 2a; pi. 34 bis, 1%. 1 a, etc. V. 31 /i.82 APPAREIL DIGESTIF. médian ou lèvre supérieure, d'un repli latéral postérieur qui est bifide (1), et de six paires de membres qui diffèrent beaucoup entre eux par leur forme, et qui sont le plus ordinairement désignés par des noms particuliers. Ceux de la première paire, appelés mandibules, occupent les côtés de la bouche, et sont couverts en dessous par les autres. Ils sont très gros, d'une soli- dité remarquable, et se terminent du côté interne par une surface masticatrice large et garnie d'un bord tranchant ; leur bord anté- rieur donne insertion à un petit appendice coudé qui ressemble à une patte rudimentaire, et qui est désigné par les zoologistes sous le nom de palpe maxillaire; enfin ils sont articulés sur les parties voisines du squelette tégumentaire par deux points diamétralement opposés de leur bord, et ils sont pourvus de muscles très puissants qui les renversent au dehors de façon à les écarter entre eux, ou les rapprochent de manière à couper ou à broyer les aliments qu'ils saisissent (2). Les deux paires familles naturelles de cet ordre, et fournit d'excellents caractères pour les distinctions zoologiques (a). (1) Ces lobes labiaux, qu'on appelle d'ordinaire la lèvre supérieure et la lèvre inférieure, ne sont pas pour- vus de muscles moteurs, et n'appar- tiennent pas au système appendicu- laire. Le premier, épais et impair, naît de l'endostome et s'avance un peu au-dessus de la ligne de ren- contre des mandibules. La lèvre infé- rieure ou postérieure se compose aussi d'un tubercule médian, mais présente en outre deux expansions lamelleuses qui s'appliquent sur la partie pos- térieure des mandibule?. La forme de ces parties varie suivant les es- pèces (6). (2) Ces organes sont par conséquent formés essentiellement par les coxo- giiathltes de la première paire, qui paraissent être soudés intimement à l'arlicle suivant ou trochognathite. Leur palpe est constitué par la portion suivante du protopode, et se compose généralement de trois articles qui pa- raissent être le méroïte, le carpile et le squélite. La portion terminale du luembre ne se développe jamais dans ces organes, qui n'olïrent non plus aucune trace de parergopodiles. Chaque mandibule offre à peu près la forme d'un demi-cylindre placé trans- (a) Voj'sz Milno Edwards, Histoire nalurelle des Crustacés, t. I, p. 252, etc. (6) Voyez Savigny, Egypte, Crustacés, pi. i, fig. 7, etc. ; pi. 8, Rg. i , etc. j à lèvre supérieure et à lèvre inférieure. ARMATURE BUCCALE DES CRUSTACÉS. /iSS de membres suivants sont appelées mâchoires proprement dites, mais elles sont presque lamelleuses, et servent à retenir les aliments contre la bouche plutôt qu'à les diviser; l'une d'elles veisalement et dont la convexité est tournée en dessous, c'est-à-dire à l'ex- térieur (a) ; elle est libre à sa partie interne, et, dans le reste de son éten- due, elle est 1res solidement attachée aux parties voisines du squelette tégu- mentaire, à l'aide d'une membrane arti- culaire et de deux cliarnières occupant les extrémités d'une ligne oblique di- rigée d'avant en arrière et de dedans en dehors et situées, l'une au sommet d'un gros tubercule conique , l'autre à l'angle posléro-externe de son bord. La mandibule pivote sur ces deux points d'appui, et, en s'abais- sant, s'écarte de sa congénère. Ses muscles moteurs s'insèrent, l'un à son bord antérieur , l'autre à son bord postérieur ; et ce dernier, qui déter- mine la clôture de l'espèce de pince dont chacun de ces organes constitue une des branches, est disposé d'une manière très favorable au déploiement d'une foixe considérable, car il se fixe sur ce levier, très près de l'extrémité triturante de celui-ci , et il remonte presque à angle droit pour prendre son point d'attache opposé sous la voûte formée par la carapace, où il occupe un espace considérable sur les côtés de l'estomac. La conformation des mandibules est à peu près la même chez les autres Décapodes ; seulement, chez les Bra- chyures, leur partie externe se rétrécit, et leur portion interne ou masticatoire se recourbe plus ou moins en avant, et se trouve d'ordinaire séparée du reste par un étranglement (6). L'extré- mité triturante de ces organes olfre en général une surface large, inégale et d'une grande durelé ; mais sa forme varie suivant les espèces, et paraît être en rapport avec la nature des substances dont ces Animaux se nourrissent (c). Quelquefois elle se bifurque, et constitue un tubercule triturant ou molaire et une crête ou lame incisive : par exemple , chez l'Alphée rouge de la Méditer- ranée (d). Chez les Crangons , ces organes sont grêles et dépourvus d'appendice palpiforme (e). La même anomalie se rencontre dans les genres Atya et Lys- mata {f). (a) Les appendices buccaux des Langoustes, ou Palinurus, ont clé très bien ligures |iar Do Ilaan dans son grand travail sur les Crustacés public dans le Fauna japonica de Siebold (pi. M). On peut s'en former aussi une idée assez juste d'après les figures représentant les mêmes partios cliez le Scyllare (Savigny, Egypte, pi. 8). [h] l'ar cxLMup'c, ilirz le Maia squinado (voy. l'Atlas du Règne animal, CnUàr.ACiîs, pi. 4, lig. \ , D). (c) Voy(!z les figures données par Savigny dans le grand ouvrage sur l'Egypte (CltUSTACiU , pi. 1 à 10), celles faites par De Haan {Op. cit., pi. A à pl.Q), ou bien encore l'atlas des CKUSTACÉi dans la jjrande édilinn du liègne animal de Cnviur. (d) Milne Edwards Cl\USTACÉ3 de VAllns du Hègnc animal, pi. ."i3, fig. 1 b. (e) Idem, Ihsloire des Crustacés, i. IL p. .'MO, pi. 55, lig. 1 5, et Giiustacés du nègne animal de Ciivicr, pi. 51 , fig. i a. (/') Idcin, ibid., t. H, p. '385, pi. 25, fig. \ 1, et Hàjne animal de Cuvior, pi. 54, lig. 3 a, e;t, llSIi APPAREIL DIGESTIF. est employée aussi comme instrument moteur dans l'appareil de la respiration (1). Enfin les appendices buccaux des trois dernières paires, nommés pieds -mâchoires, sont plus allongés et ressemblent davantage à des pattes; mais ils sont reployés en avant sous la bouche et servent essentiellement à retenir les aliments (2). (1) Voyez tome II, page 136. (2) Les mâchoires de la première paire sont presque foliacées, et se com- posent d'un coxite ou pièce basilaire suivie de trois articles, dont deux se recourbent en dedans pour former la partie préliensile de Torgane, et l'au- tre, situé du côté externe, constitue une espèce de palpe. Les deux lobes internes sont garnis de soies roides le long de leur bord interne, et s'ap- pliquent sur les mandibules. La con- formation de ces organes ne varie que peu chez les divers Décapodes ; cepen- dant leur lobe interne devient souvent fort grêle , et leur lobe externe ou terminal se compose parfois de deux articles placés bout à bout (a). Les mâchoires de la seconde paire sont rejetées plus en dehors, et sont d'une structure plus compliquée; leur branche principale n'est que peu dé- veloppée,' mais elles portent en de- hors un énorme lobe qui paraît être formé par leur épignatiie, et qui con- stitue la valvule dont nous avons étu- dié ailleurs le rôle dans le mécanisme de la respiration (b). Toutes les mâchoires auxiliaires ou pieds-mâchoires des Décapodes arri- vent à un haut degré de complication, et présentent, outre leur branche in- terne ou protopodite, au moins deux parergognathites ou branches acces- soires , dont une , appelée épigna- thite (c), se relève dans l'intérieur de la cavité branchiale, et constitue l'ap- pendice lamelleux et flagelliforme (lue j'ai déjà eu l'occasion de mentionner en décrivant l'appareil lespiraloire de ces Animaux(d). Un autre parergo- podite se porte en avant, parallèle- ment au protopodite, et, à raison de sa position , je l'ai appelé exo- gnathite (e). Chez la Langouste et quelques autres Macroures, il est la- melleux et s'atténue graduellement vers le haut ; mais en général il se compose d'une portion basilaire en forme de tige ou manche ( le scapto- gnathite), et d'un appendice terminal et muUiarliculé, qui est flabelliforme. Les pieds-mâchoires de la première paire sont encore plus compliqués, car on y trouve une branche acces- soire moyenne, ou mésoijnathite; mais (a) Voyez les planches citées ci-dessus dans les ouvragées de Savigny, De Hann , Milnc Ed- wards, Ole. (b) Voyez tome II, ]iag;o 136. (c) Celte partie des pattes-mâchoires manque généralemenl dans les figures de ces organes données par Savigiiy, Do Haan, etc. ; e!le se trouve repiésenlée dans d'autres ouvrages plus rcccnis (voy. Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, t. 1, |il. o, lig. 8, 9 cl 10 ; — Allas du nêgne uninial de Cuvier, Guustacés, pi. 4, lig. i. G, H, 1, c, etc., etc.). (dj Voyez tome II, page 13G. (c) Voyez VAtlas du Règne animal, pi. 4, lig. t , G, 11, 1, b. ARMATURE BUCCALE DES CRUSTACÉS. ^85 La conformation de ces divers organes est à peu près la même chez l'Écrevisse et tous les autres Crustacés décapodes de l'ordre des Macroures. On les trouve aussi disposés presque de la même manière chez les Crabes et tous les autres Décapodes brachyures ; mais dans ce groupe zoologique les pieds-mâchoires externes ^ ou postérieurs) afiectentune forme un peu différente, leur branche principale est peu déve- loppée, et ne se compose que d'un coxite portant deux articles, dont l'un très petit, et l'autre étendu en forme de lame arrondie et ciliée sur le bord interne (a). Le mésognathite est rudi- mentaire chez la Langouste et beau- coup d'autres iDécapodes macrou- res (6). Mais, chez les Crabes, il s'a- vance au delà du protognathite, et a la forme d'une lame étroite à sa base, mais élargie vers le bout, oîi il con- court à former, sous Tépistome, le plancher du canal expirateur (c;. Enfin Vexognathite, ou branche externe, est grêle et très allongé ; quelquefois il porte à sa base une expansion lobi- forme (d). Les pieds-mâchoires de la seconde paire, qui naissent derrière les pré- cédents et s'avancent au-dessous d'eux, ne varient que peu dans leur structure , et leur protognathite ou branche principale ressemble davan- tage à une petite patte qui serait re- pioyée sous la bouche. Leur mé- roïle est très allongé, et leurs trois derniers articles , de grandeur mé- diocre et garnis de poils roides, se recourbent en dedans, en manière de gratloire, sous la bouche. Leur exo- gnaihite ne présente rien de parti- culier (e). Les pieds-mâchoires externes varient beaucoup plus dans leurs formes : ils portent aussi un exognathe, et en gé- néral un épiguathe assez semblable à ce que nous venons de voir chez ceux des deux paires précédentes, mais leur protognathite, ou branche principale, est beaucoup plus développé. Chez quelques Macroures , cette partie est très grêle el s'allonge excessivement, de façon à ne pas différer notablement des pattes suivantes : par exemple, dans le genre Pandalus (/"). Mais chez la Langouste (g) et la plupart des autres Macroures, elle est trapui', et sa por- tion moyenne, formée par le iro- chite et le méroïte, est disposée de fa- çon à fonctionner à la manière d'une mâchoire, cai' le bord iiuerue de ces deux articles est large et armé d'une multitude de tubercules ou de dénis, ainsi que de touffes de poils roides. La première de ces deux pièces ren- ia) Op. cit., pL 4, fig. 2, G. (b) Exemple : le Maia (voy. le Règne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 4, Rg;. i, G, a). (c) Milne Edwards, Recherches sur le mécanisme de la respiration chez les Crustacés {Ànn. des sciences nat., 2« série, t. XI, p. 133, pL 4, fig. 3 et i}. — Règne animal de Ciivier, Crustacés, pi. 7, fig. 1* et t f, elc. (d) Exemple : Palémon squille (Règne animal, pi. 4, fig. 2, G, 6). (e) Exemple: le 3Iaia (voy. le Règne animal. Crustacés, pi. 4, fig. ■!, H. elc). (/■) Voyez Milne Edwards,' Crustacés du Règne animal, pi. 54, 11g. 2, 2 c (g) Op. cit., pi. 4G, fig. i b. /|86 APPAREIL DIGESTIF. et s'élargissent de façon à constituer une paire d'opercuîrs qui se rabattent dans le cadre circuinbuccal comme une porte à deux vantaux. Chez tous ces Crustacés, les cinq paires de membres qui font suite à cet appareil buccal constituent les pattes proprement dites, et servent principalement à la loco- motion. Chez la Langouste et quelques autres Animaux de cet ordre, ils n'ont pas d'autres usages ; mais, chez la plupart des Décapodes, les pattes de la première paire sont délournces de leurs fonctions ordinaires [)0ur devenir des organes de pré- hension et de défense. A cet effet, elles sont terminées par une sorle de main conformée en manière de pince, et l'on peut les coFisidérer comme des parties complémentaires de l'appareil digestif, bien qu'elles ne soient pas appliquées contre la bouche, comuïe les pieds-màchoires. Quelquefois les pattes de la seconde etmrnne celles de la ti'oisième paire sont également terminées par une pince didactyle ; mais les organes de préhension ainsi constitués ne servent, en général, que peu ou point dans l'ali- mentation, et c'est surtout comme leviers locomoteurs que ces membres sont deshnés à agir (IV contre sa congéiifTC sur la li^nc nié- le nom de gnathostégite [a). On y (Jiane de la région buccale, et une remarque de nombieuses variations espèce de duliîl formé parles troisder- de formes qui fournissent d'excel- niers articles du membre se recourbe lents caractères pour les divisions contre le bord int(?rne du méroïte. génériques établies parmi ces Ani- Clicz les Brachyures, cette portion maux, aussi irouve-t-on ces organes terminale des pieds - mâchoires ex- représentés avec soin dans tous les ternes se trouve réduite à de très ouvrages modernes sur l'iiistoire na- pelltcs dimensions, et constitue un turelle des Crustacés ; mais les mo- appendice palpiforme, situé à l'extré- difications qu'on y rencontre n'odrent mité de la portion moyenne, qui est que peu d'intérêt au point de vue au contraire fort élaigie. En effet, anatomique et physiologique, par con- ici le irochile et le méroïte consti- séquenl je ne m'y arrêterai pas da- tuent une espèce d'opercule on de vanlage ici. porte qui clôt en dessous la fosse (1) Les pinces didactyles des IJo- buccale, et qui a été désignée sous mards, des Écrevisses, des Crabes et (a) Milne Edwards, Observ. sur le squelette léfjumentairc des Crustacés {Ami. des sciences nat., 3« série, t. XVI, p. 288, pi. 10, fig-. 8). ARMATljKli BUCCALK DES CRUSTACÉS. /l87 Chez d'autres Crustacés, les Squilles, par exemple , l'appa- reil buccal se complique davantage ; il ne reste plus que trois paires de membres thoraciques pour constituer des pattes pro- prement dites , et indépendamment des mandibules, des deux paires de mâchoires, d'une paire de pieds-mâchoires (ililbrmes, et d'une paire de grands bras préhenseurs constitués par les représentants des pieds -mâchoires de la seconde paire des Crabes, il y a trois paires de pieds -mâchoires accessoires qui s'appliquent sur la bouche et qui sont préhensiles à leur extré- mité (1). Appareil buccal des Squilles. des autres Cruslacés du même ordre sont formées par le tarsite ou pénul- tième article, qui d'ordinaire s'élargit alors en forme de main, et. se pro- longe au-dessous de l'article suivant ou didactyiite, de façon à constituer une espèce de doigt immobile ou index sur lequel cette dernière pièce se rabat en manière de pouce. Le bord préhensile de chacune des branches de la pince ainsi constituée est, en général, garni de tubercules arrondis ou de denlicules tranchantes, et cet instrument s'ouvre ou se ferme par l'action de deux muscles situés dans la portion palmaire du tarsite. Chez les Bracbyures , ce mode d'organisation n'existe qu'aux patles thoraciques de la première paire, et les membres des quatre paires sui- vantes sont affectés uniquement à la locomotion (a). Il en est de même chez beaucoup de Décapodes ano- moureset macroures; mais chez quel- ques-uns de ces Animaux, tels que les Langoustes, les .Scyllares et les Rémi- pèdes (6), les pattes antérieures sont monodactyles, tandis que chez d'au- tres Crustacés du même ordre, celles de la deuxième et même de la troisième paire sont terminées en pince didac- tyle. Chez les Écrevisses et les Ho- mards où cette disposition se rencon- tre, ce sont cependant les pattes de la première paire qui seules acquièrent un grand degré de développement, et ser- vent d'ordinaire à la préhension (c). IVlais dans le genre Stenopus, ce sont les pattes de la troisième paire qui de- viennent les plus fortes et qui s'avan- cent en forme de bras {d) ; chez les Callianasses, cette terminaison en pince didactyle est même pins ou moins visible dans toutes les pattes thora- ciques (e), (1) Les mandibules des Squilles, formées comme d'ordinaire par les pro-coxognathites, et portant chacune (a) Cette disposition se voit très bien dans toutes les figures destinées à représenter les Décapodes Brachjures (ou Crabes) : par exem|ile, dans celles de V Atlas du Règne animal àe Cuvier. (6) Voyez V Atlas du Règne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 42, fig;. \ ; pi. 45, tv^. \ ; pi. 40, fig. 1 , etc. (c) Voyez le même ouvrage, pi. 49, fig'. 2 et 3. (d) Voyez V Atlas du Règne animal, Crustacés, pi. 50, fij. 2. (e) Voyez le même ouvrage, pi. 48, fig. 3. hss APPAREIL DIGESTIF. Appareil Daiis 1106 autre grande division de la classe des Crustacés, buccal des celle des Edriophthalmes, qui comprend les Amphipodes, les Edriophthalmes • ^ ' Isopodes et les Lœmipodes, l'appareil buccal est au contraire réduit à quatre paires de membres, et les appendices qui, chez les Crabes ou les Écrevisses, constituent les pieds -mâchoires des deux dernières paires, sont transformés en pattes, de façon que le nombre de ces derniers organes, au lieu d'être de dix, comme dans l'ordre des Décapodes, s'élève à quatorze. Il est aussi à noter que chez la plupart de ces Animaux les pieds- mâchoires s'unissent entre eux par la base, et forment à la partie un petit palpe, sont armées du côté interne, de deux grosses dénis co- niques et à liords denticulés , dont l'une se dirige liorizontalement en dedans, tandis que l'autre se relève à angle droit, de façon à se loger dans l'œsopliage età pénétrer même jusqu'à l'entrée de l'estomac, qui est située au-dessus (a). Les mâchoires de la première paire sont très petites, et réduites à un article basilaire portant deux lobes presque membraneux. Celles de la deuxième paire sont formées seule- ment par un protognathile divisé en une série de cinq petits articles lamel- leux, et elles n'offrent aucune trace de l'épLgnathe, qui est si développé chez les Décapodes. Les tétartognathes , ou pieds-mà- choires antérieurs , sont constitués aussi en majeure partie parla branche principale qui est grêle, et très allon- gée; mais on voit à la base de chacun de ces appendices un petit lobe pédi- cule , ou vésicule comprimée, qui est formé par un épignathe. Les pemptognathes , ou pieds-mà- choires de la seconde paire, offrent un développement énorme, et leur branche principale constitue une paire de grandes pattes diles ravisseuses, qui sont susceptibles de se roployer contre la bouche ou de s'étendre fort loin, soit en avant, soit sur les côtes de la tète. Chez les Squilles pro- prement dites , leur dactylite con- stitue une griffe 1res puissante dont le bord interne est armé de grosses dénis spiniformes , et disposé de fa- çon à se reployer contre le bord in- terne du tarsite , qui est également épineux et pourvu d'une rigole pour recevoir les crochets de l'espèce de doigt mobile dont je viens de par- ler. Enfin les membres des trois paires suivantes, correspondants aux hexo- ffl) Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, t. II, p. 491 , pi. 27, fig. 3. — • Duvernoy, Mém. sur quelques points d'organisation concernant les appareils d'alimentatio)i et de circulation des Squilles (Ann. des sciences nat., 2* série, 1837, t. VIII, p. i9, pi. 2, fig. 4 à 7). — Dalle Chiaje, DescriMone e notomia degli Animali invevtebrati délia Sicilia citeriore, pi. 80, fig.*. ARMATURE BUCCALE DES CRUSTACÉS. /l89 postérieure de la bouche un organe impair que les zoolo- gistes comparent souvent à une lèvre intérieure. J'ajouterai que chez quelques Amphipodes, par exemple chez la Talitre, qui abonde sur nos côtes sablonneuses et s'y fait remarquer par la vivacité de ses sauts , les mandibules sont dépour- vues de la petite branche palpiforme qui d'ordinaire indique l'analogie de ces organes avec les autres membres, et elles ne se composent que d'une seule pièce comparable à une hanehe sans cuisse ni autre partie appendiculaire , disposition qui se rencontre aussi chez un petit nombre de Décapodes macroures (1). gnathes et aux patles thoraciques des deux premières paires cliez les Déca- podes, sont conformés à peu près de la même nianière , si ce n'est que leur larsile, au lieu d'être très allongé, est fort court et arrondi; que leur grilTe terminale est simple et petite ; enfin, que dans la position ordinaire, ces or- ganes sont dirigés en avant, entre la base des pattes ravisseuses, et appliqués contre la bouche, de façon que l'espèce de main discoïde qui termine chacun d'eux sert à retenir les aliments près des mandibules (a). De même que les pemptognalhes , chacun de ces membres porte à sa base un lobe pé- dicule semblable à ceux que nous avons déjà vus fixés aux pieds-raà- choires de la première paire. Ce sont des vésicules qui paraissent servir à la respiration (6). Pour la comparaison de cette série d'appendices avec les pièces de l'ap- pareil buccal des Décapodes, je ren- verrai aux figures que j'en ai données dans l'atlas de la grande édition du Règne animal de Cuvicr (Crdstacés, pi. Zi). L'appareil buccal est conformé de la même manière chez les Alimes et les Érichthes (c). Chez les Gonodaclyles, qui, du reste, sont extrêmement voi- sins des Squilles , le dactylite des pattes ravisseuses n'a pas la forme d'une griffe, mais est droit et très élargi à sa base [d). (1) Pour plus de détails relatifs à la conformation des appendices buc- caux des Crustacés de la division des Édriophthalmes, je renverrai aux tra- vaux de Savigny, et à divers ouvrages spéciaux dans lesquels j'en ai traité. M. Kroyer et M. Dana ont fait con- naître aussi beaucoup de variations de forme dans les appendices buccaux chez ces Animaux, et M. Lereboullet {a) Voyez tome II, page 128. (6) Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, pi. 27, fig. 2 et 10. — Atlas du Règne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 55, fig. 1 a, et pi. 56, fig. 1 . (c) Voyez l'Atlas du Règne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 57, fig. 1, 1 c, i d, Z, elc. [d) Ibid., Crustacés, pi. 55, fis-. 2. 490 APPAREIL DIGESTIF. "^ITcaf f^'ifi", chez les Branchiopodes, l'appareil buccal se simplifie des davantage; les mandibules sont robustes et disposées comme Brancliiopoiles. -,, . d ordinaire, mais elles ne sont suivies que d'une ou de deux paires d'appendices foliacés qui paraissent correspondre aux" mâchoires des Crustacés supérieurs , et les pieds-mâchoires manquent complètement, ou plutôt sont transformés en pattes natatoires (1). Appareil Lcs Balanos, qui demeurent fixées sur les rochers ; les Ana- buccal .„ . ^ , , des tites, qui, a 1 état adulte, sont également condamnés à une vie Cirrliipcdes. , complètement sédentaire, et les autres Animaux marins dont se compose le groupe des Cirrhipèdes, diffèrent beaucoup des Crus- tacés ordinaires i)ar leur forme extérieure, mais appartiennent au même type organique fondamental, et paraissent devoir prendre place dans la même classe. Aussi l'appareil buccal de ces sin- a décrit avec soin cet appareil cliez les Chez les Cypris, on ne trouve, à la Cloporlides (a). suite des mandiiîulos, que deux paires Cliez les Cyclopes et les autres pe- de mâchoires fort petites (c). tits Crustacés de l'ordre des Copépodes, (1) Chez VApus cancriformis , le il y a une paire de mandibules très labre est très grand ; les mandibules fortes et portant souvent un appen- sont robustes et denticulées, mais dé- diée jialpiforme assez grand ; deux pourvues d'un appendice palpiforme ; paires de mâchoires et une paire de la paire de mâchoires antérieures se pieds-mâchoires larges et terminés par compose de deux lames simples et deux branches garnies de longs poils presque quadrilobées, articulées par plumeux {b). leur bord postérieur, et épineuses sur (a) Savigny, Théorie des organes de la bouche, p. 51, pi. i, et Description de l'Égyple, Crus- tacés, [il. 11. — Milnc Edwards, Recherches pour servir à l'histoire des Crustacés Amphipodes {Ann. des sciences nat., 1 '• série, 1830, t. XX, pi. 10 et 11). — Histoire naturelle des Crustacés, t. III. — Atlas du Règne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 58 .h 61. — Kroyer, Gronlands Amfipodes {Mém. de l'Acad. de Copenhague, 1838, t. VII). — Zenker, De Gammari pulicis liist. nat., pi. 1, ii.ç. D-G. lenœ, 1832. — D.ina, Crustacea, pi. 46 à G7 {United States exploring Expédition under Ihe Command of C. VV'iiftM, Philadelphia, 1855). — Lereboullet, Mém. sur les Crustacés de la famille des Cloportides qui habitent les environs de Strasbourg, p. 75 et suiv., pi. i. (b) Milne Edwards, Atlas du. Règne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 72, fi^-. 2 î; à 2 e, et fin;. 3 à 5. — Dana, Op. cit., pi. 75, fig. 1 6. — Liljeburg-, De Crustaceis ex ordinibus tribus : C^adogera, Ostracoda e^CoPEPODA, in Scania occurrenlibus, y\. U, fig. 5 ; p]. 4 6, fig. 3. Lund, 1850. (c) Straiis, Mém.. sur les Cypris, p. 15, pi. 1, fig. 7, 8 et 9 (extr. des Mém. du Muséum, t. VII). — Atlas du Règne animal, pi. 73, fig. i da if. ARMATURE BUCCALE DES CRUSTACÉS. /|91 guliers Animaux est-il constiliié à peu près de mAine (pie clie/ plusieurs des espèces dont je viens de parler; mais les membres qui chez celles-ci sont affectés à la locomotion, et deviennent des pattes ambulatoires ou des rames natatoires, ne servent plus, chez les Cirrhipèdes, qu'à amener vers la bouche les matières nutritives en même temps qu'ils établissent des courants néces- saires à l'entretien du travail de la respiration. Chacun de ces appendices se termine par deux branches grêles et allongées divisées en une mulhtude de petits articles et garnies de longues soies ; sans cesse ils se déploient au dehors, puis se recourbent ens en scontraire, et se rabattent sur l'entrée des voies diges- tives. On peut donc considérer ces organes comme étant en quelque sorte des mâchoires axillaires ou pieds-màchoires, et, en se plaçant à ce point de vue, on peut dire que, chez les Cirrhipèdes, la totalité du système appendiculaire se trouve leur bord inlerne ; les mâchoiies de la rieure et les mandibules sont confor- secondc paire sont représentées par mées à peu près comme chez l'Apus, des appendices foliacés et bilobés ; mais ne sont suivies que par une enfin il existe derrière la bouche une paire de mâchoires presque rudimen- pince transversale que Savigny con- taires (c). Il en est à peu près de sidère comme l'analogue de la lèvre même chez les Artémies {d), les Lim- inférieurc des Crustacés Édriophlhal- nadies (e) et les Limnéties (/"). mes ou des Décapodes, et qui, en Chez les Daphnies, on ne trouve effet, ne paraît pas appartenir au aussi en arrière des mandibules qu'une système appendiculaire {a). Un mode paire de mâchoires, mais ces organes d'organisation analogue se voit chez sont bien développés et armés de VIsaura crjcladoides (6). crochets puissants {g). Chez les Branchipes, la lèvre siipé- (a) Savigny, Théorie des organes de la bouche, p. 63, pi. 7. — Voyez aussi l'Atlas du Règne animal do Ciivier, Crustacés, pi. 75. {h} Joly, Recherches zoologiques, anatomiques et physiologiques sur Tlsaiira cycladoiJes (inn. des sciences nat., 2- série, ■1842, t. XVII, p. 296, pi. 8, fig-. 22 et 23). (c) Voyez VAtlas du Règne animal, CrsusTACÉs, pi. 74, ïig. 3 a, 3 c, 3 d. (d) Joly, Histoire d'un petit Crustacé auquel on a faussement attribué la coloration en rouge des marais salants (Ann. des sciencesnat., 2" série, 4840, I. XIII, p. 234, pi. 0, fig. 2 et 3). (e) Milne Edwards, Atlas du Règne animal, Crustacés, pi. 74, fig. 1 b, i c. (/■) Grubo, Pemerli. iiber die Plnjllopodea [Archiv fiir Naturgesch., 1853, t. I, pi. 7, fig. 24). (g) Slraus, Mém. sur les Daphnies, p. 20, pi. 29, fig. 8 et 9 (extr. des Mémoires du Muséum, ». V). — Liljeborg, Op. cit., pi. i, fig. 6, etc. Appareil buccal 492 APPAREIL DIGESTIF. affectée au service de la digestion et employée dans la con- stitution de l'appareil de la mastication ou de ses dépen- dances (1). § 3. — Chez les Crustacés suceurs , qui vivent en général des Crustacés fjxés sur Ic corps dcs Poissons, et qui se nourrissent à l'aide des suceurs. ^ ' ' fluides qu'ils y puisent, la bouche affecte la forme d'une petite trompe conique dans l'intérieur de laquelle se trouvent des stylets aigus, et de chaque côté de cet organe, on voit, à la (ace inférieure de la tête, un ou plusieurs appendices au moyen des- quels l'Animal se cramponne sur sa proie. Chez les Caliges et (1) Chez les Balanes, qui se trouvenl dans une position renversée à l'inté- rieur de l'espèce de loge conchyli- forme dont leur corps est revêtu, la bouche est située au-dessous du pa- nache formé par leurs tentacules ou pattes-mâchoires. Elle occupe le cen- tre d'une petite éminence, et présente du côté frontal une lèvre supérieure très développée. Latéralementony voit une paire de mandibules fortement dentées et portant un appendice ia- melleux qui est analogue à la branche palpiforme dont ces organes sont gé- néralement pourvus chez les Crustacés supérieurs, mais se trouve soudé au labre près de sa base. A la suite de cette paire de membres vient une paire de mâchoires lamelleuses, puis une sorte de lèvre inférieure formée par une paire de branches élargies et biarticulées , insérées par une pièce basilaire impaire et médiane. Ce der- nier organe semble résulter de la réu- nion d'une paire de mâchoires, et res- semble beaucoup à l'appendice buccal médian qui , cliez les Aniphipodes sédentaires, est constitué de la sorte par la jonction des deux mâchoires auxiliaires. Enfin derrière cet assem- blage de pièces, on voit naître une série de six paires d'appendices por- tant chacune deux longues branches tentaculiformes etmultiarticulées, qui se dirigent en haut, puis se recourbent en avant, au-dessus de la bouche («), Chez les Anatifes, l'appareil buccal est disposé à peu près de la même manière. M. Martin Saint-Ange décrit, il est vrai, une paire de mâchoires de plus que je n'en ai compté chez les Balanes, mais cela me paraît dépendre de ce qu'il considère comme des mandibules les lames ou palpes qui naissent sur ces organes (b). M. Dar- win a donné une description plus exacte de l'appareil buccal de ces Animaux (c). (a) Milne Edwards, Atlas du Régne animal de Cnvier, Mollusques, pi. 138, lig. 2 a, ^c,°f. — Voyez aussi à ce sujet Darwin, A Monogr. of thu sub-class Cirrhipeda, Balanid.'E, p. 74, pi. 20, fig. 2, 3, 4 (Ray Society, 1854). (b) Martin Saint-Ange, Mém. siir l'organisa lion des Cirrhipèdes, p. 15, pi. i, (ig. 0, el pi. i, ùg. U (exlr. des^e'm. des Savants étrangers, t. Vl). (c) Darwin, Op. cit. (Lepadid.e, p. 39 etsuiv., pi. x, fig, 1 à 17 {Ray Society, 1851), AH MATURE BUCCALE DES CRUSTACÉS ! /l.93 les autres petits Crustacés de l'ordre des Sipbonostomes, ces organes de fixation sont au nombre de trois paires; mais chez les Lernéens, qui sont des représentants dégradés du même type zoologique, on n'en trouve d'ordinaire qu'une seule paire dont la forme est souvent très bizarre. Diverses considérations m'ont conduit à penser que ces membres correspondent aux pieds-màchoires des Crustacés supérieurs, et que les stylets du suçoir, ainsi que plusieurs appendices rudimentaires situés auprès, sont constitués par les éléments organiques qui ailleurs forment les mandibules et les mâchoires; enfin, que la gaine conique de cet appareil est l'analogue de la lèvre supérieure (1). (i i J'ai constaté que chez le Panda- rus, le bec ou suçoir, qui se voit vers le milieu de la face inférieure du bou- clier céphaiique, est composé de deux pièces médianes qui, de chaque côté, vers leur base, laissent entre elles un vide , mais se réunissent en forme de tube vers le bout, et qui m'ont paru devoir être considérées comme les représentants de la lèvre supérieure ou labre, et de la lèvre inférieure ou postérieure des Crustacés supérieurs. De chaque côté de la base de cet or- gane se trouve une paire de petits appendices styliformes, et une apo- physe cornée ; enfin, dans son inté- rieur se logent deux aiguilles rigides, et d'après Tordre d'insertion de ces parties j'ai été conduit à les regarder comme les analogues des mandibules et des mâchoires. Enfin, une paire de gros appendices terminés par une griffe se trouve refoulée en avant de la bouche ; une seconde paire de mem- bres coudés s'insère sur les côtés de cet organe, et une troisième paire d'appendices crochus au bout est placée en arrière des précédentes et au-devant de la série des pattes nata- toires. Conformément aux principes des analogies, j'ai rapporté ces six organes de fixation aux mâchoires auxiliaires qui, chez les Crustacés su- périeurs, occupent la même position dans la série des appendices céphalo- thoraciques [a). La conformation de ces pattes-mâ- choires , dites ancreuses , présente quelques variations remarquables chez certaines espèces de l'ordre des Si- pbonostomes. Ainsi, chez le Dichéles- lion, qui vit sur l'Esturgeon, la pre- mière paire de ces appendices est portée encore plus en avant que chez les Pandarus ou les autres Caligiens, et constitue une paire de cornes ter- minées par une sorte de pince bi- fide (6) ; enfin , chez les Argulcs , {a) Milne Edwards, Mém. sur l'organisalicn de la bouche che% les Crustacés suceurs {Ann. des sciences nat., 1" série, 1833, t. XXVIII, p. 78, pi. S, ûg. 3 à 10). (bj Hermani), Mémoire aptérologique, 1804, pi. 7, Rg. 7. — F.atliko, Bemerkungen ûker den Bau des Dicheleslhiuui Sliirionis {^'ova Acla Acad. nat. cunos., t. XIX, pi. 17, iig. 1). — Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Ckustacé?, pi. 79, lij. 2 et 2a. Û9^ APPAREIL DIGESTIF" Mais je ne discuterai pas ici cette question, parce que les rela- tions entre des parties correspondantes du même ordre sont beaucoup plus faciles à saisir chez d'autres Animaux articulés dont nous allons bientôt nous occuper. 1)Tcaf ^ ^* — ^^"^ ^^ petite CLASSE DES MYRIAPODES, la bouchc est des Myriapodes, prcsquc toujours organiséc pour la préhension et la mastication ces patles-mâchoires ancreuses de la chets, et souvent on distingue, auprès première paire ont la forme de petits de la Ijase de cet organe, des appen- crochets, et celles de la paire suivante dices rudimentaires qui sont évidem- s'élargissent au bout et se creusent ment les analogues de certaines pièces d'une cavité cupuliforme , de façon à mentionnées ci-dessus chez les Cali- ressembler à des ventouses (a). giens: par exemple, chez le Le?Tieoce?-a I.a structure du suçoir ne paraît eyprinacea (c) , VAchtheres Perca- olfrir que peu de variations chez les rum {d),\loyés dans la constitution de l'appareil buccal des Insectes (i). • (l) En résmiKî, nous voyons donc gue alors en palpes maxillaires ex- que la bouche des Insectes mâcheurs lernes, et palpes maxillaires internes est pourvue tantôt de six palpes, tan- on accessoires. Ce dernier nombre lot seulement de quatre de ces petits se rencontre chez les Carabes et les appendices dactylilormes ; qu'il existe autres Coléoptèics delà famille des toujours une paire de palpes labiaux Carnassiers (a) ; le premier, chez le et au moins une paire de palpes Hanneton et une mullituile d'autres maxillaires, mais quelquefois deux Coléoptères, aussi bien que chez les paires de ces derniers, que l'on distin- Orthoptères, elc (6). (a) Exemple : le Carabus uuratus (voy. YAllas du Règne animal de Cuvicr, Insectes, pi. 2-i, iig. tSc, on lout ouvrage clémenlaire d'entomologie), (ft) Exemples : le Uannclon [Op. cit., pi. 42, dg. 7 c). ^ — WAteuchus sacer, on Scarabée sacré des miciens Ei,'jplicns (Op. cit., fil. o9 fig'. 1 c), — Lii Canlliaride (Op. cit., (il. 55, fu'. 3 c). — Lrs Sauterelles (Op. cit., |d. 82, fi,;'. 3 c). .— La Demoiselle, ou Ayrion virrjo {Op. cit., pi. 101, liy. Sa). 500 APPARlilL DIGESTIF. Ainsi, en admeltant que les mandibules des Insectes et des Crustacés soient constituées par la même paire de membres céphaliques, liypothèse qui réunit en sa faveur un grand nombre de faits anatomiques et embryologiques dont il sera rendu compte dans une autre partie de ce cours, on voit que les mâchoires des Insectes doivent correspondre aux appendices que nous avons appelés mâchoires antérieures chez les Crus- tacés , et que les mâchoires de la seconde paire chez ces der- niers Animaux sont les analogues de la lèvre inférieure des Insectes. Or, ce sont précisément là les trois paires de mem- bres (|ui ne manquent presque jamais dans l'appareil buccal des Crustacés , tandis que les appendices complémentaires auxquels nous avons donné les noms de mâchoires auxiliaires ou de pieds-mâchoires , organes dont l'emploi varie beaucoup chez ces divers Animaux , sont ceux qui n'ont jamais de repré- sentants dans le groupe des membres céphaliques de l'Insecte. § 6. — Les Insectes maxillés ou broyeurs sont très nombreux. A l'état de larves, presque tous les Animaux de cette classe sont pourvus des instruments de mastication que je viens de nom- mer, et les espèces qui, sous ce rapport, offrent le môme mode d'organisation à l'état adulte, constituent l'immense groupe des Coléoptères , l'ordre des Orthoptères et celui des Névroptères, ainsi que quelques petites divisions de moindre importance. Leur régime est fort varié : les uns sont carnassiers et ne se nourrissent que de proie vivante ; d'autres se rei^aissent de matières animales en voie de décomposition ; beaucoup sont frugivores ou herbivores, et il en est qui rongent le bois ou les racines des arbres (1). Enfm on connaît aussi quelques Insectes qui, à l'état parfait, ne sont destinés à vivre que fort peu de temps, et qui durant cette période de leur existence ne (1) Lorsque je Irailerai de rinslincl clicz les Insccles, je rcvieiulrai hiir ce siijel. ARMATURE RUCCALE DES INSECTES. 501 prennent aucune nourriture (1). Or, ces différences dans le mode d'alimentation coïncident avec des particularités dans la conformation des diverses parties de l'appareil buccal, et par conséquent on rencontre dans la disposition de ces organes de nombreuses modifications : tantôt ils sont réduits à l'état rudi- mentaire, comme cela se voit chez les Éphémères ; d'autres fois ils sont constitués d'une manière très puissanle, et leur structure varie avec le régime; mais on y remarque aussi d'autres différences de forme dont la signification physio- logique ne nous est pas connue, et dont on ne saisit de rela- tions qu'avec les divisions que la Nature semble avoir établies parmi ces petits êtres. L'étude approfondie de toutes ces varia- tions est du ressort de la zoologie descriptive, et je ne l'abor- derai pas ici; mais, afin d'en donner une idée générale, je citerai ici quelques exemples. Chez les Sauterelles, les Criquets et beaucoup d'autres Orthoptères qui, à raison de leur grande taille et du dévelop- pement considérable de leur appareil mashcateur, se prêtent très bien à l'étude des diverses parties de la bouche, le labre est un lobe corné, de forme discoïde, qui est attaché au bord inférieur de la partie frontale de la tête appelée épislomc par une articulation linéaire transversale, et qui descend au-devant des mandibules en manière d'écran ("2). Chez beaucoup d'autres (1) Les Éphémères et quelques au- tème des membres ou appendices de très Mévropières sont dans ce cas, et, ces Animaux, et me paraît devoir être à l'état parfait, leurs appendices bue- considéré comme une dépendance eaux sont rudimenlaires , bien que de la portion sternale de l'anneau cé- chez la larve ces parties aient été pbalique préstomien. Lorsque je trai- bien développées ,a). terai de la théorie du squelette légu- (2) Ainsi que je l'ai déjà dit en par- mentaire des Animaux articulés, lantdesCrustacés, le labre des Insecles j'exposerai les raisons sur lesquelles ne me semble pas appartenir au sys- je me fonde; mais je dois ajouter ici (a) Voyez Pictct, Histoire générale et particulière des Insectes névroptères , fam. des Ephémé- ricns, ■1843, p. 79 et suiv. Labre. 50"2; appap.IlIl digestif. Insectes, cette lèvre supérieure affec(c la forme d'une lame large et courte qui est également à découvert : par exemple, chez le Carabe doré, si commun dans nos jardins. Ailleurs elle est cachée sous un prolongement de l'épislome, ainsi que cela se voit chez le Hanneton, et dans quelques espèces elle est rudimentaire et confondue avec cette partie de la tête, comme chez les Lucanes. Sa forme est aussi très variable , et chez quelques Insectes qui ne se nourrissent que de substances molles, par exemple les Copris ou Bousiers, elle est d'une consistance presque meuibraneusc : mais, en général, elle est cornée et garnie de poils à son bord inférieur; quelquefois môme elle est armée de denticidcs marginales, et d'ordinaire elle est susceptible d'exécuter quelijiies légers mouvements de flexion ou d'élévation par l'action d'une paire de petits muscles qui s'insèrent à son bord supérieur et sont logés dans la parlie antérieure de la cavité céphalique (1). que M. Ijrulle, à qui on doit un travail spécial cl tri's approfondi sur riippareil buccal des Insectes, ne partage pas cette opinion, et pense que le labre est formé par une paire d'appendices analogues au\ mandibules et soudés directement entre eux ou avec une pièce médiane à laquelle il donne le nomdepa/a(u7n(rt). Ed'eclivemcnt, cet organe n'est pas toujours formé d'une pièce médiniie unique; souvent on y disiin;;ue deux ou même trois pièces: cliez les Ateuchus, ppr exemple ; mais il en est généralement do. même pour l'arceau sternal dans les autres par- lies du squelette tégumenlaire , et celte disposilion ne saurait être invo- quée comme preuve de la nature ap[)endiculaire de ces parties. Du reste, si les pièces constitutives du labre des Insectes devaient être rap- portées au système appendiculaire , elles seraient les analogues des an- lennes postérieures des Crustacés, et non des mandibules ou des mâ- choires. (1) Les muscles élévateurs du labre ont été très bien représentés cbez le Hanneton, dans lebi?au travail anato- mique de M. Straus-Durkbeim {b). Qnand leur contraction cesse, le la- bre se rabat sur les mandibules, en vertu de l'élasticité des parties qui constituent son articulation épisto- mienne. Cet organe buccal sert prin- cipalement à empêcher que les ali- («) BruUé, Recherches sur les transformations des appendices dans les Articulés (Ann . des sciences nat., 3° série, 1844, t. II, p. 345). {b} Straus, Considérations sur Vanatomie des Animaux articulés, p. I 53, pi. 3, fig, 1 , d. . ARMATURE BUCCALE DES INSECTES. 50,'^ § 7. — Les mandibules ont beaucoup plus d'importance, et constituent la partie principale de l'appai-eil masticateur. De même que chez les Crustacés, elles sont situées sur les côtés de la bouche, opposées l'une à l'autre, et articulées de façon à pouvoir s'écarter entre elles en se portant en dehors, ou se joindre en se rapprochant de la ligne médiane. Chacun de ces organes est formé essentiellement d'un seul article plus ou moins conique, dont la base, tournée vers le haut et évidée, présente à son bord, sur des points diamétralement opposés, deux éminences arrondies ou condyles qui sont engagés dans des fossettes correspondantes ménagées dans les parties voi- sines de la charpente solide de la tête, et qui constituent avec elles une charnière ou articulation en ginglyme. Deux muscles situés de chaque côté de la tête, dans l'intérieur de la boîte crânienne, s'attachent à des points intermédiaires du même Mantiilnilcs. nienls ne s'échappent au dehors , quand ils sont poussés en avant par les màclioires et pressés pas les man- dibules. Ainsi que je l'ai déjà dit, la forme du labre varie beaucoup, et cela même chez les Insectes qui ont entre eux une parenté zoologique très étroite. Ainsi, chez les Cicindélètes du genre Mégacépliale , il est très court, ter- miné par un bord presque droit et inerme {a) ; tandis que dans le genre Oxycheila, qui appartient à la même famille, il est très allongé et triangu- laire (6) ; et que dans le genre Col- lyris, é.;alenient très voisin du pre- mier, il est fortement denticulé en dessous (c). Chez le Hanneton, il est profondément bilobé, et chez les Cé- toines il est entier et seulement un peu échancré vei-s le milieu de son bord inférieur. Chez les irauterelles, les Criquets et beaucoiip d'autres Or- thoptères, le labre est presque circu- laire et bombé en avant {d], mais chez les Phasmes il est bilobé. Quelques entomologistes ont cru que le labre manquait chez les Scara- béides (e) ; mais, ainsi que l'a très bien fait remarquer M. Newman , cet or- gane est seulement caché sous le chaperon de ces Coléoptères (/"), (a) Voyez V Atlas du Règne animal île Cuvier, Insectes, pi. dO, fig. 2 a. (6) Loc. cil., fig. 3 a. (c) Loc. cit., pi. 82, fig. 3(1. (d) Loc. cit., pi. 80, fig. \b, \b. (e) Olivier, Entomologie, Coléoptères, I. I, Scarabée, p. 3. (/■) E. Newman, Osteology or External .Anatomy of Insecls (Entqmolofjical Magasine, 4835, t. II, p. 74j. 50/|. APPAREIL DIGESTIF. bord basilaire de la mandibule , et, en se contractant alterna- tivement, ils font basculer celle-ci sur cette espèce de double pivot, et produisent ainsi les mouvements de va-et-vient néces- saires à la mastication (1). D'ordinaire la forme générale de ces organes est celle d'un cône ou d'une pyramide trièdre dont le sommet serait dirigé en bas et recourbé en dedans, dont la face externe serait bombée et le bord interne armé de prolongements dentiformes, ainsi que d'une sorte de brosse située près de sa base (2). Mais il existe dans les disposi- tions secondaires une multitude de variations qui sont en rapport avec la manière dont ces instrimients doivent fonc- tionner (3). Ainsi tantôt les mandibules 'sonl préhensiles senie- (1) Les muscles moteurs des mandi- bules ont été très bien représentés par M. Slraus, chez le Hanneton. Le muscle abducteur s'insère au bord externe de la uiandibuie par un tendon rigide, très grêle, et il prend son point d'attache opposé sur les côtés des pa- rois de la cavité céplialiqne. L'adduc- teur est beaucoup plus puissant, et se fixe au milieu du bord interne de la mandibule, très loin de la charnière sur laquelle cet organe pivote, et p;ir conséquent dans une position favora- ble à l'emploi de la force développée par ses contractions ; son extrémité supérieure est très volumineuse et se fixe à la voûte crânienne {a). (2) Chez le Hanneton, celte brosse, composée d'une touffe de poils roides et serrés, est très grosse (6) ; on la rencontre chez la plupart des Coléo- ptères, ainsi que chez d'autres Insectes, et M. Straus pense qu'elle est en partie le siège du sens du goût ; mais cette opinion ne repose sur aucun l'ait probant. (3) Knoch fut, je crois, le premier à appeler l'attention des entomologistes sur les relations qui existent entre la manière d'agir et la forme de ces organes, et il les a distingués par les noms de mandibula incisoria , M. mo- laris , il/, canina , M. dentata et M. palœformis (c). M. Marcel de Serres a publié des observations sur le même sujet, et a décrit avec détail, chez les Orthoptères, la disposition des prolongements ou dents dont ces or- ganes sont armés ; d'après leur forme, il les distingue comme cellesdes Mam- mifères, en incisives, laniaires,ou ca- nines et molaires (d). (a) Straus, Considérations générales sur Vanatomie comparée des Animaux articulés, p. 154, pi. 3, fig. 1 et 2. (6) Idem, ibid., p. 66, pi. i, fig. 7. (c) A. W. Knoch, Neue Beitrâge Tiur Insectenkunde, 1801, 1. 1, p. 20. (d) Marcel de Serres, Comparaison des organes de la mastication des Orthoptères avec ceux des autres Animaux {Annales du Muséum, 1809, l. XIV, p. 50). ARMATURE BUCCALE DES INSECTES. 505 ment, et alors elles s'allongent en forme de crocs dont la pointe, courbée en dedans, est tantôt simple, d'autres fois bifide, mode d'organisation qui est très bien caractérisé chez la larve des Dytisques (1), et qui, en s'exagérant, donne lieu à la formation des énormes pinces dont la tête des Lucanes, ou Cerfs-Yolants, est garnie (2). D'autres fois, par exemple chez la plupart des Coléoptères carnassiers, les mandibules méritent l'épithète de lacérantes, car non-seulement elles se terminent par un croc aigu, mais leur bord interne est garni de prolongements dentiformes qui sont tranchants ou pointus, et se rencontrent de façon à pouvoir déchirer la proie dont les Insectes ainsi armés se nourrissent. En général, une de ces saillies, située près de la base de la mandibule, est beaucoup plus robuste que les autres, et on la désigne souvent sous le nom de dent molaire (3). Une troirsième forme est celle des man- (1) Chez la larve des Dytisques, les Un mode de conformation analogue mandibules constituent une paire de se voit chez les Coléoptères longi- crochels simples qui sont saillants au- cornes du genre Macrodontia, mais devant du front, et qui servent à l'Ani- chez ceux-ci les mandibules sont mal pour saisir sa proie (a). Ces or- dentelées tout le long de leur bord ganes ont la même forme générale, interne (c/). mais sont encore plus grands chez les Chez les Lucanides du genre Chia- INévroplères mâles du genre Cory- sognathe , les mandibules du mâle dalis (b). sont également préhensiles, mais s'al- ('2) C'est chez le mâle seulement longent d'une manière excessive, et que les mandibules des Lucanes pren- deviennent trop grêles pour agir avec nent ce grand développement, et se force ; leur longueur dépasse de beau- garnissent des prolongements qui don- coup celle du corps (e). nent à ces organes une apparence (3) Comme exemple d'Insectes à branchue (c). mâchoires lacérantes , je citerai , de (a) Voyez Lyonnet, Recherches sur l'anatomie et les métamorphoses de diverses espèces d'In- sectes, pi. H , fig. 2. (b) Voyez V Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 104, fig. A. (c) Op. cit., pi. 43 bis, fig-. C. (â) Op. cit., pi. 64, fig. s". (e) J. Siephens, On Chiasognalhus Grantii (Trans. of the Cambridge Philos. Soc, 1833, t. IV, p. 204, pi. 9 et 10). — Lesson, Illustrations de xoologie, pi. 24. — Gay, Historiade Chile, Coléoptères, pi. 15, fig. 1. 506 . APPAREIL DIGESTIF. dihules incisives, qui, destinées à couper des feuilles ou d'autres substances végétales d'une faible consistance , sont robustes et terminées en dedans par un bord tranchant et échancré comme une scie; elle est nettement caractérisée chez la plupart des Chenilles (1). J'appellerai mandibules iroî/ewses, celles qui, tout en participant de la structure des dernières, sont pkis élar- gies et garnies vers leur base de tubercules molaires propres à triturer les aliments, ainsi que cela se voit chez les Criquets et les Sauterelles (2). On pourrait distinguer aussi par l'épithète de rongeuses les mandibules de beaucoup d'autres Insectes qui se nourrissent aussi de substances végétales plus dures, et chez lesquels ces organes sont remarquablement robustes et garnis préRhence à loiit autre, la Maniicore, Clic'z ce Coléoptère carnassier , de mê'me que chez la plupart des autres espèces du même ordre qui se nour- rissent de proie vivante, les mandi- bules sont très pointues , fortement courbées en dedans vers le bout, et susceptibles de se croiser de façon à faire joindre les éminences dont la piirlie moyenne ou inférieure de leur bord interne ou concave est armée, éminences qui constituent ce que l'on appelle les dénis molaires, et sont gar- nies de grosses pointes comprimées (a). En général, chez los Coléoptères de la famille des Carnassiers, les mandi- bules sont moins grandes, mais elles se dirigent toujours en avant, et con- stituent une pince aiguë (ôj. (1) La Chenille du Cossus ligni- perda peut être choisie comme exem- ple pour les mandibules incisives , et Lyonnet en a donné de très belles figures (c). Ces organes offrent les mêmes caractères généraux chez la Pyrale de la vigne (d), la fausse Che- nille du pin, ou Lophyrus pini (e), et beaucoup d'autres larves phyto- phages. (2) Ici la portion marginale de la mandibule est en forme de cuiller denticulée,à peu près comme chez les Chenilles à mandibules incisives; mais il existe, en outre, une grosse dent molaire dont la surface est hérissée de tubercules et de stries. Savigny en a donné de très belles figures chez \\n grand nombre d'Orthoptères (f). {a) VoyczY Atlas du Règne animal de Ciivier, Insectes, pi. 16, fig. 1 et 1 a. {!)) Exemples : les Oxycheiles {Hègne animal. Insectes, pi. 16, fig, 3 a). — Les Carabes (Op. cit., pi. '■2k, %. M el 12 6). (c) Lyiinnet, Traité anatomique de la Chenille qui ronge le bois de saule, pi. 2, fig. 1 à 5. (d) Audouiii, Histoire des Insectes nuisibles à la vigne, pi. 7, fig-. 4 et 5. (e) Raizebiirg, Die Forst-Insekten, t. III, pi. 2, fig-. 13. (f) Savigny, Egypte, Orthoptèkes, pi. 3, fig. 1 i; pi. 4, fig. 9i; pi. 5, fig. 1 i, 3 j ; pi, 6,. fig. 1 i; pi. 7, fig. 1 i, elc. — Voyez aussi quelques figures données par M. Doyère dans V Atlas du Règne animal de Cuviar, Insectes, pi. 85, fig. 46, 4c; pi. 86, fig. 4e, 4f, etc. AUMATURE BUCCALr: UiîS IKSFXIES. 507 de crêtes tranchantes du côté interne, ainsi que cela se voit chez les Capricornes et d'autres Coléoptères longicornes (Ij. Entin j'appelle mandibules racolantes^ celles qui se terminent par un lobe membraneux ou semi-corné, propre à récolter des poussières plutôt qu'à diviser les aliments, et qui ne sont conformées pour la trituration que dans leur partie basilaire, disposition qui se rencontre chez les Cétoines (2), et qui semble conduire à un autre mode d'organisation dans lequel ces organes sont simplement foliacés, c'est-à-dire réduits à un petit article lamelleux et tlexible, comme cela a lieu chez cer- tains Névroplères où celte portion de l'appareil buccal devient rudimentaire (3). Il existe aussi d'autres modifications de forme dont il est souvent nécessaire de tenir compte dans l'étude physiologique des Insectes, mais sur lesquelles je ne m'arrê- terai pas ici, et entre les divers modes de structure dont je viens de parler on rencontre aussi une multitude d"intermé- (1) Par exemple, chez le Ceramhijx héros (a), le Callichromamoschata (6), le Scohjtus destruclor (c^, la Canllia- ride (d), etc. (2) Les figure.-; au trait par les- quelles ces organes sont représentés dans la plupart des ouvrages d'ento- mologie ne peuvent donner qu'une idée très impartaile de leur mode de conformation. Chez le Cetonia aurata, les mandibules sont presque carrées, et portent en dehors une lamelle étroite et allongée qui est assez rigide et dépasse un peu la portion princi- pale de ces organes, qui est également lamelleuse, mais submenibraiieuse , faiblement ciliée sur le bord, et renflée en forme de tubercule ovalaire vers son angle postéro-interne. Chez d'au- tres espèces du même genre , par exemple le Cetonia flavo-marginata, ceUe portion tuberculeuse se déve- loppe beaucoup plus, et, dans quel- ques aulres genres de la même fa- mille, au lieu d'être simple, elle se complique par la formation de crêtes et de dents accessoires : par exemple, chez le Goliath brillant, ou Cerato- rhina micans. (3) Par exemple, chez la plupart des l'erlides, mais surtout chez les Ephémères (e). (a) Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 66, fîg. 3 a. (6) Op. cit., pi. 65, flg-. Sa. (c) Op. cit., pi. 61, fig. 3û. \d) Raizeburg, Forst-'insekten, t. I, pi. 2, fig. 27 6. (e) Voyez Piclef, Éphcmt'riens, \>. 88. 508 APPAREIL DIGESTIF. diaires. J'ajouterai cependant que lorsque les mandibules n'of- frent pas le haut degré de consolidation qui est en général si remarquable dans ces organes, et qui est nécessaire à la puis- sance de leur action masticatoire, on y aperçoit souvent cer- taines divisions en raison desquelles on peut présmner que leur composition anatomique n'est pas aussi simple qu'elle en a d'ordinaire l'apparence. Ainsi, chez les Ateuchus et les Cétoines, où les mandibules sont en partie membraneuses, on y distingue plusieurs pièces solides disjointes , et chez quelques autres Insectes où la consolidation de cette portion du squelette tégu- mentaire est plus complète, une ou deux de ces parties con- servent leur individualité et constituent des prolongements mobiles. Ainsi, chez certains Staphyliniens , par exemple, on voit près de la base de chaque mandibule une lamelle acces- soire, et chez les Hydrophiles ces organes portent, vers le milieu de leur bord interne, deux petits articles mobiles etdenti- formes (1). (1) M. Brullé a été le premier à ap- mandibules indivises des antres In- peler l'attention des haturaiistes sur sectes; de sorte qu'il a été conduit à la structure complexe des mandibules penser que toujours ces organes re- chez certains Insectes, et sur les con- présentent, non pas un article unique séquences qu'on peut tirer de ces faits des membres suivants (tel que la han- relativement à la théorie anatomique. che), mais résultent de la soudure ou Il a remarqué que chez divers Coléo- fusion des principales pièces dont ces ptères phytophages ou coprophages, derniers appendices se composent, dont les mandibules sont imparfaite- Ainsi, chez les Ateuchus (a), on ment développées et en partie mem- trouve réunies par une membrane braneuses , ces organes otTrent plu- commune : l" une pièce dorsale, qui sieurs pièces cornées distinctes qui sem- occupe le bord externe de la mandi- blentètre les analogues des principaux bule ; '2" une pièce basilaire,dont l'ex- articles constitutifs des mâchoires ou trémité interne constitue le gros tu- de la lèvre inférieure, et il a cru pou- hercule ou dent molaire dont la partie voir reconnaître les représentants de interne de la mandibule est armée; ces pièces dans certaines portions des 3" une pièce marginale interne, qui est (a) Brullé, Recherches sur les transformations des appendices des Articulés (Ann. des sciences nat., 3» série, 18U,t. II, p. 340, pi. 14, fig. 17). ARMATURE UUCCALE DES INSECTES. 509 § 8. — Les mâchoires ont une structure beaucoup plus compliquée, et présentent clans leur forme des variations plus nombreuses. Parfois ces différences sont même si grandes, que les entomologistes ont pendant longtemps méconnu l'uniformité de composition qui en réalité existe dans cette partie de l'appa- reil buccal chez tous les Insectes broyeurs, et que l'on a donné plusieurs noms à la même partie plus ou moins modifiée (1). Mâchoires étroite, garnie de poils, et disposée le long du bord interne delà mandibule; 4° enfin, une portion apiciale garnie de poils nombreux, et située entre la pièce dorsale et la pièce marginale interne. M. RruUé considère la pre- mière de ces pièces comme étant l'ana- logue de celle qu'il désigne sous le nom de maxillaire, quand il parle de mâchoire ; la seconde comme repré- tant son sous-maxillaire ; la troisième son intermaxillaire, et la quatrième, qui est demeurée membraneuse, com- me correspondant au galea. Chez les Géotrupes (a) et beaucoup d'autres Insectes dont la mandibule n'offre aucune division de ce genre, et n'est formée en apparence que d'un seul article, M. BruUé rapporte à ces divers éléments anatomiques des por- tions de l'organe qui y ressemblent par leur forme et leur position. En- fin, c'est par la consolidation com- plète d'une portion de l'organe, et la non-soudure de la partie à laquelle il donne le nom d'intermaxillaire, que cet entomologiste habile explique le mode de structure qui se remarque, non-seulement chez les Hydrophiles, mais aussi chez les Passales (6), les Blaps(c), etplusieursautres Insectesoù lesmandibulessontpourvuesde parties accessoires plus ou moins remarqua- bles, notamment les Staphylins, chez lesquels Kirby et Spence ont trouvé près de la base de ces organes une lamelle pilifère qu'ils nomment jiros- theca id). (1) Kirby et Spence furent les pre- miers à entreprendre une étude com- parative des parties constitutives de ces organes, et à faire usage d'un sys- tème régulier de nomenclature pour les décrire. Des travaux analogues ont été entrepris par plusieurs autres entomologistes, ^tels que : Latreille , M. Slraus, Audouin, Newman, M. Bur- meisler, etc., etc. (e) ; mais c'est à (a) Brullé, loc. cit., fig. 22. (6) Idem, ibid., %. 21. ' (c)ldera, ibid, fig. 20. (rf) Kirby and Spence, An Introduction to Entomology, 1826, t. III, p. 439, pi. 13, fig. 7. — Brullc, Op. cit., pi. 14, fig. 19. (e) Kirby and Spence, Op. cit., t. III, p. 439 et suiv. — Latreille, art. Bouche du Dictionnaire classique d'histoire naturelle, l. II, p. 431. — Slraus, Considérations sur l'anatomie comparée des Animaux articulés, p. 68. — Audouin, Inskctes de l'atlas de la grande édition du Règne animal de Cuvier, explication de la planche 16, fig. 1 6. — Newnian, Osteologg, or Externat Anatoiwj of Insects {Entomological Magazine, t. II, p. 82 et suiv.). — Burmeister, Handbuch der Entomologie, t. I, p. 57 et suiv., pi. 2. 510 APPAREIL DIGESTIF. Ainsi que je l'ai déjà dit , ces organes ressemblent beaucoup aux mâchoires auxiliaires des Crustacés (1), et se composent ordinairement d'une portion basilaire qu'on peut appeler le corps ou support^ dont naissent trois divisions terminales ou branches. Ce support est formé de deux articles. principaux analogues aux pièces constitutives de la hanche d'une patte chez tous les Animaux articulés (2). La branche externe est M. Brullé que Ton doit les recher- ches les phis approfondies sur ce sujet [a). (1) En menlioniiant ici la ressem-- biance qui existe entre les mâchoires des Insectes et les mâchoires auxi- liaires des Crustacés, je dois cependant insister de nouveau sur la différence imporlanle qui existe dans la position relative des parties conslilulives de ces organes. Chez les Crai)es et les Écrevisses, la branche interne des mâchoires auxiliaires correspond évi- demment à le patte ambulatoire des membres suivanls, et constitue le pro- lopodite, tandis que le palpe ou exo- gnathe, ainsi que le mésognatlie, nais- sent du côté externe du membre, et sont constitués par des parergopo- diles. Il en est de même chez les Crevellines ; seulement les lames cor- respondantes à ces parties accessoires sont portées en dessus de la base du membre {b). Mais, chez les Insectes broyeurs, le prolopodite, c'est-à-dire l'analogue de la patte, est la branche externe du membre, et constilue le palpe, tandis que les deux autres branches, qui sont des parties acces- soires, naissent du côté interne de 'a première. Cela est rendu évident par le mode de conformation des mâchoires de quelques Névroplèros. Ainsi, chez le Perla rividorum. ces organes se composent d'une série d'articles cylindriques placés bout à bout, de façon à former une sorte de tige qui a la plus grande ressem- blance avec une palte, et qui porte à sa base, du côté interne , deux petits appendices (c) ; or, ces derniers cor- respondent aux lobes interne et moyeu des mêmes organes chez les autres Insectes . et la partie princi- pale du membre n'est autre chose que le palpe très développé. (2) Le premier article des mâchoires est attaché à la tète par une jointure en ginglyme, et correspond à la pièce que j'ai désignée d'une manière géné- rale sous le nom de coxite, en parlant des Crustacés [d). Dans les écrits des entomologistes, il porte des noms très variés : ainsi, c'est le cardo ou char- nière de Kirby et Spence, le slyle dans la nomenclature d'Audouin, la branche transversale de M. Straus, et \e sous -maxillaire de M. Brullé. Chez (a) Brullé, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 3« série, t. II, p. 289 et siiiv.). j (b) Voyez Y Atlas du Règne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 60, fig. 2 a, Ta, clc. ' (c) Vojez Pictei, Histoire natitrelle des Insectes névroptères (Monographie des Perlides, [il. 32, ! fig. 8). : {d) Voyez ci-dessus, page 481; i ARMATLT.t; BUCCALK DKS I^'SECTKS. .' ! 1 l celle (lout la disposition varie le moins: son i)reinier nrliele est contbniJii avec le support, et les autres, grêles et cylin- dricpies, constituent un palpe, c'est-à-dire un appendice fili- forme et très mobile qui ressemble un peu à une patte rudi- mentaire (1). La branche movenne de la mâchoire affecte les Insectes parfaits, il est souvent très court, mais chez les larves il est en général plus grand proportionnelle- ment {a). Le second article basilaire de la mâchoire, qui fait suite au précédent, correspond à un irochiie , et con- stitue la pièce nommée stipes ou tige par Kirby et Spence, style par Audouin, pièce dorsale par M. Straus, maxille par M. Newman, et maxillaire par M, Burmeisteret .M. Brullé. A partir du bord antérieur de cet article, le membre se bifurque, et sa portion externe, représentant la suite (lu protopodite , constitue le palpe, tandis que sa portion interne donne naissance aux branches accessoires on parergopodites. Mais le corps de la mâchoire est souvent en quelque sorte complélé par deux autres pièces qui en occupent les angles antérieurs, et qui sont : l'un?, la pièce suivante du protopodite, appelée le palpiger; l'autre, Tarlicle dont naissent la bran- che interne et la branche moyenne de la mâchoire. En général, cette der- nière pièce est plus apparente en de- hors qu'en dedans, et, à cause de ses relations avec l'un de ces lobes plutôt qu"avec Tautre, on la désigne souvent sous le uom cVhypodactyle 'Audouin , ou de sous-galea (Brullé) ; dans mes leçons au Muséum, j'ai préféré l'ap- peler le maxillaire accessoire. Elle n'est jamais distincte chez les Ortho- ptères , et quelquefois même toutes ces pièces sont soudées ensemble ou confondues en un seul article qui représente aussi la branche terminale moyenne : par exemple, chez le Sca- rabé Hercule [h]. (1) Le palpe maxillaire n'est d'or- dinaire que très peu développé chez les Insectes à l'état de larves : ainsi, chez la Chenille du Cossus, il n'est représenté que par un petit mamelon conique formé de deux articles 'c), mais il est néanmoins la conlinuaiion principale de la portion basilaire et commune de ret orirane. Quelquefois il reste toujours rudimentaire, et ne se compose que d'un très petit nombre d'articles , par exemple chez divers Charançonites (d) et chez les Scoly- tes (e) ; mais d'autres fois il s'allonge considérablement, et i'on y compte jusqu'à six articles placés bout à bout. Chez beaucoup d'Hyménoptères, tous les segments du protopodite qui vien- nent après le trochiie, c'est-à-diie le méroïte et les articles suivauls, sont la) Exemple : la larve du Hanneton fvov. V Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 15, fig; 16). (6) Voyez V Atlas du Règne animal, pi. iO &w, Gg. 1 c. (c) Lyonnet, Anatoniie de la Chenille du, saule, pi. 2, ûg. d . id) Voyez Y Atlas du Règne animal, I.nsectes, pi. 58, fig. 9 c. (e) Op. cit., pi. 61, fig. 3 &. 512 APPAREIL DIGESTIF des formes très variées : chez les Sauterelles et les autres Orthoptères, elle s'élargit en manière de disque, et encapu- chonné pour ainsi dire la partie adjacente de la branche interne, disposition qui lui a fait donner le nom de casque ou galea; chez d'autres Insectes, elle s'inchne en dedans, se garnit de poils rigides, et devient la principale partie préhensile de l'or- gane, par exemple chez les Lucanes et les Bousiers; enfin, chez d'autres Coléoptères qui composent la famille des Carnas- siers, elle devient fihforme, et constitue un palpe surnuméraire semblable à celui formé par la branche externe du membre, mais plus petit (1). La branche interne forme quelquefois à grêles, cylindriques et réunis pour con- slituer le palpe (a);mais, en général, la première de ces pièces, ou basitrochite, es-t élargie el plus ou moins confondue avec la pièce maxillaire, de façon à entrer dans la composition du corps de la mâchoire, et, ainsi que je l'ai déjà dit, la plupart des entomologistes la désignent sous le nom de pal- piger. Le palpe est alors composé de cinq articles ou d'un nombre moindre. Chez les Orthoptères, on y compte toujours cinq articles (6), et chez les Coléoptèrer. il y en a ordinairement quatre, dont le premier ( ou tro- chite) très court, et le dernier est de forme variable, suivant les genres (c). Chez la plupart des Névroptères, ces palpes sont également filiformes et composés de quatre ou cinq arti- cles (d). Enfin , les entomologistes pensent que chez les Libelluliens ces appendices manquent complète- ment ; mais ils me paraissent être en réalité représentés par la branche externe de la mâchoire, que l'on con- sidère généralement comme étant le galea (e). (1) l^a branche moyenne des mâ- choires est comparable à ce que j'ai appelé le mésognathite chez les Crus- tacés, bien qu'elle naisse du côté in- terne du protopodite, au lieu d'être placée du côté externe de cet or- gane. Lorsqu'elle est large et plus ou moins foliacée, ou en forme de lame, Latreille lui donne le nom de lobe externe chez les Coléoptères, et de galea chez les Orthoptères ; Kirby et Spence rappellent lobe supérieur , et Audouin dactyle ; mais lorsqu'elle devient filiforme et articulée, on l'ap- (o) Exemples : Andrœne (Atlas du Règne animal, pi. 125, fig. 3 c. — Guêpe (loc. cit., pi. d24, fig. 5 c). — Mutille (loc. cit., pi. 118, %. 4 b). (b) Exemple : Sauterelle (Op. cit., pi. 83, fig. 1 a). (c) Exemples : Cicindèle {Op. cit., pi. 16, fig. 4c). — Axine [Op. cit., pi. 33, fig. 4). — Hydrophile (Op. cit., pi. 38, fig. 3 c). (d) Exemples : Fourmilion (Op. cit., pi. 105, fig. 1 b). — Seinblide {Op. cit., pi. l0.5, fig. 1 b). (e) Voyez le Règne animal. Insectes, pi. 101, fig. 1 a. Ali.MATlRt; BLCCLAE DE^ l.NSECTES. olo elie seule la portion préhensile de la niàclioire, et alors elle se termine sonvent [lar une sorte de griffe ou d'onale mobile, ainsi que cela se voit eliez les Cieindèles ; mais d'autres fois elle est lamelleuse seulemi^nt. ei dans riueli]ues cas elle est rudi- nientaire (1). Le bord de la portion [jréliensile de la mâchoire est, en pelle généralement palpe maxillaire interne, ou palpe accessoire. Il se compose alors de deux articles. Chez les Orthoptères, le galea est toujours iuerme ; mais chez les Coléo- ptères il est en général garni de soies marginales, et souvent il est armé de dents. La branche interne des mâchoires ne se compose d'ordinaire que d'un seul article appelé lacinia par Mac Leay, lobe interne par Latreille, en- dognathe par Audouin, manda par M. Burmeister, stipes par Erichson, et intermaxillaire par M. Straus et :\!. Brullé. Chez les CicindélMes, il porte à son extrémité un article mobile qui est dis- posé en manière de crochet on de gritTe (o), et qui est appelé onglet par Latreille , et prémaxillaire par M. Straus. Chez les Libellules , ou trouve aussi, à la face interne de la mâchoire , des épines mobiles qne M. Brullé considère comme les ana- logues de cette pièce prémaxillaire. Chez beaucoup de Coléoptères car- nassiers qui sont très voisins des Ciein- dèles, et qui constituent le groupe des Carabiques, la portion préhensile de la mâchoire est formée aussi par la branche interne de cet organe seule- ment, et se termine d'ordinaire par un crochet aigu qui ressemble beaucoup ù Tonglet dont je viens de parler, mais qui est immobile (6). Il y a beaucoup de raisons pour croire que c'est Ta- nalogue de cet article sor.dé à l'in- termaxillaire. Chez d'autres Insectes du même ordre, par exemple chez les Longi- cornesdugenreZ,a7?j/a(c), oùla bran- che moyenne, au lieu d'être paljii- forme , est lamelleuse et arquée du côté interne , le bord préhensile de la mâchoire est forméautant par cette pièce que par l"intermaxillaire. Enfin, dans beaucoup de cas Tinter- maxillaire devient très petit ou même rudimentaire, et la partie préhensile de la mâchoire est formée endèrement ou piesque entièrement par la bran- che moyenne, qui alors s'élargit beau- coup: disposition qui se voit chez la Phalérie des cadavres [d), le Diapère du bolet (e), etc. 'l' Chez beaucoup de ces Insectes, la branche interne de la mâchoire n"est représentée que par une petite bordure lamelleuse et poilue qui occupe le bord interne du maxillaire, et toute la porlion terminale du corps de cet (a) Voyez l'.4f/as du, Règne animal, Lnsectes, pi. 16, fîg. 1 6 , 4 c, etc. (6) Exemple : le Carabe doré (Op. cit., pi. 2i, ûg. 12 c). (c) Vojez le Règne animal, pi. 68, ùg. 2 a. (d) Op. cit., pi. 50, fig. 1 h. (e) Op. cit.. pi. 50, %. 2 c. V. 33 inférjemc 51 /j APl'AUEiL DIGESTIF. général, garni de poinles aiguës chez les insectes chasseurs, et l'on trouve une disposition semblable chez beaucoup d'espèces qui se nourrissent de substances végétales difficiles à ronger (1) ; mais cette partie de l'armature buccale est destinée principa- lement à amener les aliments sous le bord tranchant des man- dibules ou à les y retenir, et, chez les espèces qui vivent de !)oussières végétales ou de matières animales peu résistantes , ces organes se terminent en général par une large expansion en forme de pelle plutôt que de râteau : j)ar exemple, chez les Cétoines et les Bousiers (2). Lèvre § 9. — Au premier abord on pourrait croire que la lèvre inférieure des Insectes broyeurs est un appendice impair, car elle est simple à sa base et se trouve sur la ligne mé- diane à la partie postérieure de la bouche ; mais elle est en réalité un organe appendiculaire double analogue aux mâ- choires et composé d'une paire de membres réunis à leur !)asc (o). Les entomologistes donnent le nom de menton à l'es- [)èce (le support impair consfilué par la coalesccncc de la por- tion coxale de ces mâchoires poslérieures iji), et celui de palpes organe esl formée par la branche (2) Ainsi, ciiez le Bousier, les mâ- nioycnne, qui est tanlùt allongée [a), clioires sont foliacées et terminées par d'autres fois courte, mais liés large {h). une large lame formée par la branche Chez quelques espèces, le lobe moyen moyenne de ces organes [e) ; chez les est armé de grosses dents : par excm- Cétoines, ce lobe est recouvertde longs pic , chez le Hanneton (c). poils très serrés {[). (1) il est aussi à noter que, chez (3) C'est surtout chez les Ortlio- les Insectes dont les mâchoires sont ptères que cette analogie est mani- armées de crochets puissants , ces feste. pointes sont presque toujours portées [k) Le menton, ou ganache, se par la branche interne de ces or~ trouve engagé entre la base des deux ganes {d). mâchoires, et articulé par son bord (a) Exemple : Cétoines (voy. YAtlas du Règne animal de Cuvier, Insiîctes, ij1. 45, lig. 6 a). (fc) Exemple : Ateuchus {Op. cit., pi. 39, fig. i c). (c) Voyez Straus, Considér. sur Vanat. comp. des Animaux articulés, pi. 1, fig. 8 et la. (d) Exemple : Orthoptères (voy. l'Atlas du Règne animal, Insecte.?, pi. 81, fig. le; .pi, 82, fig. 3 c ; pi. 84, fig. 1 a, etc.). (e) Voyez V Atlas du, Règne animal, Insectes, pi. 39 bis, lig. 3 c. (/■) Op. cit., pi. 45, fig. 6a. ArtMATURE DL'CCALE DES LNSECTES. 515 labiaux à une paire d'appendices grêles, et ordinairement tri- articulés, qui les terminent du côté externe. Enfin les parties qui se trouvent en avant du menton entre les deux palpes constituent ce que l'on appelle communément la languette; elles correspondent aux branches moyenne et interne des deux postérieur à une pièce transversale du squelette légumentaire, qui est tanlùt mobile, d'antres fois soudée à la base de la boîte crânienne, et qui est dési- gnée par les entomologistes sous les noms de submentum (a) ou de pièce prébasilaire (b). 11 paraît correspon- dre aux deux paires d'articles qui con- stituent le support des mâchoires, c'est-à-dire les coxiles et les basi- trochites. Enlin, il porte à ses angles antérieurs les palpes labiaux, et gé- néralement il n'offre snr la ligue mé- diane aucune trace de division, mais quelquefois il est incomplètement partagé en deux moiliés par une petite échancrure ou une suture mé- diane : par exemple, chez les Or- ihoplères des genres Xiphicère et Truxale (c). Les palpes labiaux n'offrent dans leur disposition rien qui soit important à noter; mais la languette présente des aiodilîcations très nombreuses. C'est chez les Orthoptères qu'elle se développe de manière à être le plus facile à étudier. Chez les Phasmes, par exemple (d), elle se compose d'une première paire de pièces séparées par une suture médiane et correspondante aux articles maxillaires accessoires des mâchoires, qni portent chacune deux lobes terminaux. Ceux-ci sont évidem- ment les analogues des parergopo- dites, qui, dans les mâchoires, con- stiuient, d'une part le galea ou les palpes accessoires, d'autre part l'in- termaxillaire ou lame interne. Les branches de la paire interne peuvent être appelées endochilites (e) ; les antres ont depuis longtemps reçu le nom de paraglosses. Ciiez la Conrlilière [Gryllotalpa vul- garis), ces branches sont composées chacune de deux articles placés bout à bout, et au-dessus d'elles on voit sur la ligne médiane un organe im- paire ; mais celui-ci appartient à l'in- térieur de la bouche et ne dépend pas de la lèvie inférieure {[). Chez beaucoup d'Insectes, la par- tie basilaire de la languette (ou basi- chilite) n'est constituée que par une pièce médiane qui représente les deux maxillaires accessoires, comme dans le cas précédent : par exemple, chez les Tétryx {g). Chez ces Orthoptères, ainsi que chez plusieurs autres, on remarque aussi que les endochilites , ou branches internes de la languette, (a) Newport, art. Insecta (Todd's Cyclop. ofAnat. and Physiol., t. II, p. 854). (b) Slraus, Considérations sur les Animaux articulés, pi. 1, fig. 3, /". (c) Voyez Doyère, Insectes de VAllas du Règne animal do Ciivier, pi. 85, bg. 4 c, et 84, lig. 2 d. ' (d) Voyez V Atlas du Règne animal, Insectes, pi. 80, fig. 2 d. («) De jfîDoç, lèvre, et îvcÎo'tepoç, interne. if) Voyez Y Atlas du Règne animal, Insectes, pi. 81, fig. 1 d {g} Op. cit., pi. 8(3, fig-. 4(7. 516 APPAREIL DIGESTIF. mâchoires proprement dites. Chez quelques Insectes, elles sont distinctes les unes des autres, et constituent deux paires de petits appendices lamelleux grêles et biarticulés ; mais, en général, ce sont de simples lobes, et, dans beaucoup de cas, elles manquent en partie, ou se confondent entre elles de façon à ne constituer qu'une pièce médiane qui à son tour est souvent complètement souciée au menton. Du reste, ces modifications ne paraissent pas avoir beaucoup d'importance, et c'est surtout au point de vue de la classification que leur étude offre de l'intérêt (1). lont en rcsiant dislincls enlre eux, lendent à devenir rudinienlaires ; et chez d'autres Insectes du même or- dre, ces parties de la lèvre inférieure disparaissent complètement, de façon que la languette n'est représentée que parles deux paiaglosses ou branches moyennes, disposition qui se voit chez les l'neumores, les Truxales, les Xi- phicères(a , etc. Eniin , chez d'autres Insectes broyeurs , la languette est réduite à une seule pince médiane : par exemple, chez le l''ourmilioa (6) , le Hanne- ton (c), etc.; et souvent cette pièce ter- minale est même complètement con- fondue ù sa base avec le menton, ou n'est représentée que par un ou deux prolongements du bord antérieur de cette j)ièce qui s'avancent entre les palpesenchevaucliatittanlôtau-dessus, tantôt au-dessous du point d'insertion de ces appendices. Cette fusion de toutes les parties basiiaires et acces- soires de la lèvre inférieure en une seule pièce médiane se voit chez les Cétonides. (1) Les Coléoptères, les Orthoptères et les Névroplères ne sont pas les seuls Insectes dont la bouche soit orga- nisée pour la mastication, et, sous ce rapport, les Thysanoures présentent les mêmes caractères. Chez les Lé- pismes , par exemple , on trouve toutes les parties dont il vient d'èlre question très bien développées : sa- voir, un labre, une paire de man- dibules .; une paire de mâchoires pourvues d'un palpe et d'un petit galea ; eniin , une lèvre inférieure composée d'un menton et d'une paire de palpes (d). Chez les Anoplures, de la famille des l'iicins, Insectes parasites qui vivent presque tous sur des Oiseaux, la bou- che est également armée d'un labre, d'une paire de mandibules, et d'une lèvre inférieure portant une paire (a) Atlas du Règne animal de Ciivier, Insectes, pi. 84, tig. l d ei'id ; pi. 85, lig-. 4e. (6) Op. cit., pi. 103, fig-, i c. (c) Slraus, Considér. sur l'anal, comp. des Animaux articulés, pi. 1, fig. 13 b. {d) Savigny, Egypte, MYRrAPODES, pi. 1 , i'ig;. 1 , 2, i, o, u. -- Trcvii-amis, Uebev die Saugwerhzeuge der insekten {Vevmischte Schviflen, t. U, lis- ^î-»')- AP.MVTtlRf; ÎÎUCCALK t)F.S i^■SECT^:S. 5l7 Le mode d'organisation que je viens d'indiquer se rencontre chez [jresque tous les Insectes masticateurs. Il y a cependant quelques Animaux de cette classe dont la bouche, tout en étant conformée pour la préhension d'alimenls solides, ne présente pas une structure si compliquée ; les appendices dont elle est armée tendent parfois à rentrer dans l'intérieur du tube digestif, et à se cacher plus ou moins complètement derrière deux replis cutanés qui représentent, d'une part le labre, d'autre part la lèvre inférieure ; enfin, les mâchoires, aussi bien que les mandibules, sont (pielqucfois réduites à une seule pièce cornée en forme de crochet articulé sur une longue lige comparable aux baguettes qui, chez la plupart des Arthropodaires, rem- plissent les fonctions de tendons. Ce mode d'organisation se voit chez la plupart des Podurelles (!). de palpes (a) ; mais quelquefois les mâchoires sont nidimentaircs , ou manqueiU : par exemple, dans le genre Trichodectes (6). (1) L'appareil buccal des Podurelles a été étudié avec beaucoup de soin par M. Nicolet. Cet entomolcgisle a trouvé que dans le genre Achorutes . tous les appendices masticaleurs manquent, et la bouche a la forme d'un tubercule conique percé au sommet; mais chez les autres lnsec(es de cette famille il a trouvé un labre, une paire de mandibules, une paire de mâchoires dépourvues de palpes, et une lèvre inférieure large, sans palpes, et formée par une pièce triangulaire analogue au nienlon. Les mâchoires, et surtout les mandibules, ont la forme de gros crochets denticulés sur le bord (c). I,a bouche est oignnisée d'une ma- nière analogue chez les larves de certains Diptères : TOEstre du Cheval, par exemple , où les mandibules con- stilricnt une paire de crochets articu- léssur une pièce médiane; el les man- dibules sont représentées par une paire de petites pièces cornées denliculées sur les bords [d). Chez d'autres larves du même ordre, par exemple chez le Pîophtla Pela- sionis, on ne trouve plus qu'une seule paire de crochets qui sont constitués par les mandibules, et s'articulent sur (a) Lyonnet, Recherches sur l'anatomie et les métamorphoses de différentes espèces d'Insectes, pi. 5, fîg. 7. — Denny, Moiiographia Anoplurorvm Britanniœ, pi. 20, fig. 2 c. (6) Nilzicli, Die Familicii und Gattungen der Thierinsekteîi (Germar's Magasin der Entomo- logie, t. m, p. 294). (c) Nicolet, Recherches pour servir à l'histoire des Podurelles, p. 33, pi. 4, fig-. (i Jt 8 (exir. des Nouveaux Mémoires de la Société helvétique des sciences naturelles, 18-41 , I. VI). {d) Jo!y, Recherches z-oologiques, anatomiques, physiologiques et médicales sur les Œslrides, p. 34, p!. 5, fig'. 3, 4, :•. pharyngienne 518 APPAREIL DIGESTIF. Armature § 10. — 11 Gst aussi à îioter que, indépendamment de l'ap- pareil dont je viens de parler, il existe, en général, dans l'inté- rieur de la bouche des Insectes broyeurs, des parties saillantes qui paraissent intervenir dans le travail de la mastication en retenant temporairement les aliments dans cette cavité pendant que les mandibules les écrasent ou les hachent. Ce sont de petits lobes saillants qui sont iixés, d'une part derrière le labre, à la face supérieure de la chambre buccale, d'autre part au plancher de cette cavité, en arrière de la languette. Le premier de ces organes est désigné d'ordinaire sous le nom cVépipha- rynx^ el constitue, chez beaucoup de Coléoptères, un lobe impair garni de poils qui se voit immédiatement derrière l'échancrure médiane du labre, ou bien encore une espèce de bourrelet saillant (1). Chez les Orthoptères et les Névroptères, il est rudimentaire. L'autre lobe intrabuccal, appelé hypo- pharynx, à raison de sa position à la partie inférieure du vesti- bule digestif, est très développé chez les Libellules et quelques aufres Névroptères, où il constitue une éminence trapézoïdale un support médian formé de deux ti- il constitue un lobe médian appli- , gelles longitudinales (a). Swammer- que contre la lace interne du ial)re. dam, qui les avait assez bien vus, les Chez les Copris et les (léolriipes, il a comparait à la griffe d'un épervier, la forme d'un bourrelet saillant; mais et Réaumur les appelle des harpons. cliez d'autres Coléoptères de la même (1) L'épipharynx, ainsi nommé par famille, tels que le Hanneton, il n'est Savigny, a été décrit par quelques au- pas développé. Chez les Dytisques , il teurs comme une langue palatine (6), est au cojitraire fort saillant, el se loge et a été appelé aussi l'epï'y/osse (c). Il dans une cavité située vers le bord est très visible chez les Coléoptères supérieur du labre , entre les deux lamellicornes des genres Afeuchus, où grands lobes mandibulaires {d). (a) Léon Dufour, Histoire des métamorphoses et de l'anatomie du, Pioptiila Petasionis {Ann. des sciences nat., 1844, t. I, p. 372, pi. 16, fig. 8 et 10). (6) Savigny, Théorie de la bouche, p. 12. — Kirby and Spence, Introduction to Entomology , t. III, p. 358. (c) Savigny, Théorie des pièces de la bouche, p. 12. — Latreillc, Observations s^ir l'orga^iisation extérieure des Anima^ix articulés [Mém. du Muséum, t. Vm, p. 185). (d) Brullé, Recherches sur les transformations des appendices dans les Articulés (Ann. des sciences nat., 3° série, 1S44, t. Il, p. 364). AP.MATURi: iiUCCALE DES INSECTES. 519 garnie de poils et appliquée contre la base île la lèvre inr;'-- rieiire. 11 est très développé aussi eliez les Orthoptères, où il s'allonge davantage, et se divise en deux portions, de façon à ressembler à une paire de mâchoires rudimentaires. Enfin, chez les Coléoptères, il est quelquefois rudiinentaire et ne con- siste qu'en deux ou trois tubercules velus: mais d'autres l'ois il s'allonge considérableuient et ressemble à une langue bifide. Du reste, cet organe, de même que l'épipharynx, ne paraît pas appartenir au système appendiculaire dont naissent les mandibules, les mâchoires et la lèvre supérieure; c'est seule- ment un repli des téguments de la cavité buceaie, ipii est sou- vent fortifié par une jiièce cornée particulière (1). § 11. — Dans une autre grande division de cette classe, Appareil tormeepar les ^-sectes lecheurs, c est-a-aire eonx riui, a 1 état desinsedes parfait, se nourrissent de matières plus ou munis injuides dont ils s'emparent à l'aide d'une sorte de langue longue et flexible, l'appareil buccal ofl're un mode d'organisation ditïérent, mais se compose des mêmes parties que chez les Insectes mastica- teurs dont nous venons de nous occuper. Ainsi, cliez l'Abeille, le Bourdon et les autres Hyménoptères qui récoltent le miel, Hyménoptères, (1) Divers enloinoiogistes donnent il cet organe le nom de /a/îg'.ff. M-tIs beaucoup d'autres désignent de ia même manière la partie de la lèvre inférieure que nous avons appelée languette , et il règne dans leurs éciils nue grande confusion relati\e- menlàces parties de i'appareil buccal. Pour plus de détails à ce sujet, je renverrai à un travail spécial de M. Brullé, oti la questioR- de srao- nymie a été très bien traitée (a). Comme exemple des Insectes ayant un hypopharynx bien déveiop ;é. je citerai en premier lieu le Hanneton, où cet organe a éié figuré par M. Sîraus Durkheim. C'est une petite masse cliarnue et mobile placée au-dessus du milieu du menton, et divisée en quatre lobes garnis de papilles ou de poils et portés sur deu\ Olets cornés (ou apophyses glosso-pharyugiennes) qui se prolongent en arrière (6), et qui donnent attache à une partie des fibres couslitntivcs des muscles du pharynx. (a) Bnillé, Recherches mr les transformations des appendices (loc. cit., p. .SSI ei suiv. i.V) Slraus, Considérations sur l'anatomie des Atiimavx artifulés, p. T2, pi. 1, fig. 44. 5Î20 Al>p.\iu-:iL niGESTiP. on trouve, comme d'ordinaire, sur le devant de la bouche, une lame médiane qui est le labre, et sur les côtés une paire de mandibules qui sont disposées à peu près de la manière ordi- naire, bien qu'elles ne servent pas à la préhension des aliments, et sont employées comme instruments de sculpture dans les travaux architecturaux de ces Animaux (1). Plus immédiate- ment en rapport avec l'entrée du canal digestif, on remarque un faisceau de baguettes ou lamelles très allongées. On compte facilement sept de ces appendices; dans quelques genres de la même famille, tels que les Panurges et les Nomades, on en distingue même neuf : et au premier abord il peut paraître difficile de reconnaître dans ces organes filiformes les ana- logues de mâchoires et de la lèvre inférieure d'un Coléoptère; mais, en les examinant attentivement, on ne tarde pas à se convaincre de leur similitude fondamentale. En effet, cinq de ces appendices sont portés sur une pièce cornée impaire qui est placée derrière la bouche, et qui représente évidemment le menton des Insectes broyeurs. Les appendices de la paire exté- (l) Il osl à noter cependant que les dans une caviié close. C'est de la sorte mandibules des Abeilles, au lieu de se que pendant la campagne de Crimée, terminer en pointe, comme d'ordi- on a trouvé dans des cartoucbes de naire, sont élarj^ies vers le bout {a) ; l'armée russe des balles de plomb je reviendrai sur les particularités de qui avaient élé perforées par des leur structure, lorsque je traiterai des Sirex ou Urocères [b). Du reste, dans travaux d'architecture de ces Animaux. des circonslances analogues, certains J'ajouterai que parfois certains Hy- Coléoptères taraudent aussi des sub- niénoptères parviennent, à l'aide de stances 1res dures, telles que le piomb leurs mandibules, à ronger des sub- ou l'alliage des caractères d'impii- stances très dures, qui ne leur servent merie (c), et j'ai observé beaucoup de pas comme nourriture, mais qui s'op- cas dans lesquels des lames de plâtre posentà leur passage au dehors, quand et des pierres tendres avaient étéenta- ils ont achevé leurs métamorphoses mées par les mandibules des 'J'ermi tes, (a) Voyez Y Allas du Règne animal de Cuvier, pi. dSO, fig. 6&. (6) Duméril , Recherches historiques sur les esj èces d'Insectes gwi rongent et perforent le plomb {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1857, t. XLV, p. 361). (c) Desmarest, Notice sur quelques perforations faites par des Insectes dans des plaques métal- liques {Revue i-oologique de Gnérin-Méneville, lS44j. AftMATtiP.È BUCCALE DES INSECTES. 521 rieure naissent aux angles antériwirs de ce support, et, par leur structure aussi bien que par leurs relations anatomiques, ils cor- respondent aux palpes labiaux ; seulement leur premier article, au lieu d'être courtet cylindrique, est devenu excessivement long et lamelleux. L'appendice médian, qui est la partie la plus impor- tante de l'appareil buccal, car il constitue l'espèce de langue déliée et Hexible dont l'Animal se sert pour lécher le miel, est formé par la réunion des parties dont se composent les lobes moyens de la languette chez un Orthoptère. Enfin, de chaque côté de la base de cet organe, se voit une lamelle appelée para- glosse^ qui est le représentant du lobe externe de cette même languette (1). Ainsi, chez ces Insectes lécheurs, toutes les parties (1) Ainsi la langnelte de F Abeille est formée par la portion de la lèvre in- férieure que j'ai appelée VendochilUe, etelleporteà sa base une paire de filaments constitués par les para- glosses. Elle est filiforme, très poilue, et divisée en une multitude de petits segments articulés et mobiles : son extrémité est un peu aplatie en forme de spatule (a; ; enfin , sa face su- périeure est sillonnée sur la ligne médiane, et elle paraît êire composée de deux petits cylindres accolés côte à cote. Les palpes labiaux sont très allon- gés, slyliformes, et composés de quatre articles placés bout à bout. Cliez plusieurs Mellifères, les deux pre- mières pièces sont fortes, et les deux dernières rudimentaires et rejetées en dehors, de façon à ressembler à un petit palpe accessoire. Les principaux muscles moteurs des pièces appendiculairesde la lèvre infé- rieure sont logés dans une sorle de gouttière formée par le menton, et il est à noter que l'ensemble de cet ap- pareil est rendu très protractilepar le jeu d'une pièce cornée de forme allon- gée qui s'articule avec le bord posté- rieur du menton, et qui fonctionne à la manière d'un levier pour pousser celui-ci en avant (b). Dans l'état de repos, la langueite est cachée dans une espèce de gaine for- mée par les palpes labiaux et les mâ- choires ; mais quand l'Animal veut s'en 5,ervir, il la projette rapidement en avant, et par des mouvemenis de va-et-vient ramène enire les valves de l'étui maxillaire la portion terminale de cet organe filiforme dont les poils se sont chargés de sucs visqueux et sucrés puisés dans la corolle des fleurs. Ainsi ce n'est pas en pompant les liquides que l'Abeille se nourrit, mais pour ainsi dire en lapant, à peu près comme le fait un Chat. (a) Swammerdam, Diblia Naturce, pi. 17, fig. 5. ■ — Brandt et Raizelmi-!;-, Medlcinische Zoologie, t. II, pi. 25, fig. 10. (b) Savigny, Egypte, Insectes hyménoptères, pi. 1, û'^. 1, u. — Newport, Insecta (Todd's Cyclop. of Anat. and Plujsiol., t. II, p. 898, lig'. S73, 37 6). 5^2 APPAREIL DIGESTIF. constitutives de la lèvre inférieure se retrouvent aux mêmes places que cliez les Insectes broyeurs, seulement elles ont changé (le forme et d'usages par suite de leur grand allongement. Les mâchoires sont également reconnaissables, malgré des modifi- cnlions analogues à l'aide desquelles ces organes, au lieu de former une sorte de pince accessoire, constituent une espèce de gaine bivalve destinée à protéger la languette dans l'état de repos. Ces membres occupent comme d'ordinaire les côtés de la bouche, entre les mandibules et la lèvre inférieure, et se composent principalement d'une pièce basilaire et d'une longue lauie cornée qui s'atténue vers le bout, et qui est l'analogue du galea d'un Orthoptère ; mais leur palpe ne manque pas et se trouve à sa place accoutumée, seulement il est réduit à de très petites dimensions. Chez d'autres Hyménoptères, ce dernier nppendice se développe même beaucoup, et c'est ainsi que dans les espèces dont j'ai parlé comme ayant la bouche garnie de neuf organes tilii'ormes, les branches complémentaires du faisceau buccal se trouvent constituées (1). Chez les Guêpes, la languette, formée toujours par l'endo- chile, ou portion médiane et terminale de la lèvre infériem-e, s'élargit en forme de spatule, et se divise à son extrémité en (l)Cliez les Abeilles, lii palpe maxil- est courte ef élargie, comme chez les laire est tout à fait rndimentaire, elne Fourmis (c) et les Crabro (d). Enfin, se compose que d'une seule pièce (a) ; chez les Mutilles, le palpe se développe mais, chez la plupart des îlyméno- davantage encore, et la branche in- ptères. on y dislingue quatre ou cinq terne de la mâchoire devient rndimen- arlicles, et il devient parfois aussi long taire, de façon que le membre tout en- que la branche interne de la ma- lier prend à peu près la forme d'une choire (6), ou même la dépasse de petite patte qui porterait à sa bnse un beaucoup; et alors celle dernière partie lobule aplati (e). (a) Brandt et Ratzeburg;, Medicinische Zoologie, l. Il, pi. 25, fig-. -10 A, f. (b) Exemples : Nomades (voy. Curtis, British Entomology, t. IV, pi. 419, fig. 4) — Blancliarti, Atlas du Bègne animal de Cmier, Insectes pi. 128, fig. 3c. (c) Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 1 17, fig. 1 c. {d) Op. cit., pi. 122, fig. 9 6. (e) Op. cit., pi. 118, fig. 3 6,4 6. Appareil buccal des ARMATURE BUCCALE DES INSECTES. ' 52o deux lobes, de I^çon à ressembler davantage à ce que nous avons vu dans la lèvre inférieure de certains Insectes broyeurs et chez d'autres Hyménoptères , cette partie , ainsi que les mâchoires, se raccourcissant plus ou moins, et établissant tous les intermédiaires entre les formes extrêmes que nous venons dépasser en revue (1). Enfin , les Hyménoptères se- font remarquer aussi par le grand développement de ieur épipharynx. Chez les Mellifères, par exemple , cet organe constitue un lobe membraneux qui est tout à fait distinct du labre, et qui est soutenu par des pinces cornées particulières (2). L'hypopharynx, au contraire, est peu développé et quelquefois rudimentaire (3). § 12. — Ainsi que chacun le sait, les Chenilles vivent pour la plupart de feuilles, et ont toutes la bouche puissamment armée d'organes masticateurs ; mais lorsque ces Animaux ont Lépidopièr (1) Chez plusieurs Hyménoptères, par exemple, dans le genre Stjnar- la languette ou endochiiite .se rac- çis (c). Du reste, c'est chez les llasaris côurcit beaucoup ; lesparaglossesman- que son mode de conformation est le quent,etles palpes labiaux prennentla plus remarquable. En efl'et, la lan- forme de petits filaments cylindriques guette bilide de ces Insectes est d'une quadriarticulés, de façon à ressembler longueur extrême, et se recourbe en tout à fait à ceux des Coléoptères, etc.: anse dans une sorte de gaine qui fait par exemple, chez les Andrènes (a). saillie au dehors, en arrière du men- Chez d'autres, au contraire, cet organe ton {cl). acquiert une longueur 1res considé- (2) Cet organe n'avait pas échappé rable : par exemple, chez les Guêpes à l'attention de Réaumur (e). solitaires du genre tiaphiglosse (6). (o) Chez les Eucères, l'hypopharynx En général, il n'est bifide que vers le est solide et s'emboîte avec l'épipha- bout; mais, dans quelques insectes de rynx (/■); mais c'est surtout chez les cet ordre, ses deux moitiés consli- Fouisseurs, tels que les Spliex et les tuantes sont libres jusqu'à leur base : Scolies, qu'il est bien développé. (a) Voyez V Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 125, fig. 5 b. (b) H. de Saussure, Monographie des Guêpes solitaires de la tribu des Euménides, pi. 2, fig. 1 a. (c) Idem, ibid., pi. 5, fig. 2 a. (d) làem, Note sur les organes buccaux des Masaris [Ann. des sciences nat., ^i^" série, 1857, t. VU, p. 107, pi. 1, fig. 1 à 7). {ej Réaumur, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, t. V, pi. 28, fig. 9. (f) Savigny, Théorie de la bouche {Mém- sur les Anim. sans vertèbr., t I, p. 12). 52/|. APPAREIL DIGESTIF. aclievé leurs inétamorphoses et sont arrivés à l'état de Papillons, leur régime n'est plus le même, et ils se nourrissent exclusi- vement de liquides sucrés qu'ils vont puiser dans l'intérieur des fleurs. Aussi , à cette période de leur existence, les Lépi- doptères ont-ils la bouche conformée pour la succion seule- ment, et prolongée en une sorte de pipette flexible qui s'en- roule en spirale pendant le repos ou se déploie en avant. Quelquefois cette trompe est d'une longueur très considérable; mais on connaît des Insectes de cet ordre qui jeûnent pendant toute la durée de leur état adulte, et souvent chez ceux-ci cet organe est complètement rudimentaire. 11 consiste en un tube composé de deux pièces semi-cylindriques finement striées en travers, creusées longitudinalement en gouttière sur leur face interne et réunies par leurs bords. De chaque côté de sa base on remarque un appendice en forme de palpe qui s'avance comme une sorte de corne, et qui est couvert de poils très serrés; par un examen attentif, on découvre aussi au-devant de la trompe trois petites pièces semblables à des écailles, et de chaque côté, fixé à la base de cet organe, un appendicuie composé de deux ou trois articles rudimentaires. On voit donc que l'appareil buccal des Papillons diffère beaucoup de tout ce que nous avons rencontré jusqu'ici chez d'autres Animaux de la même classe; mais Savigny a fait voir qu'il se compose néanmoins des mêmes éléments anatomiques. En effet, il a reconnu, dans les trois petites pièces sous-frontales qui sont situées au-devant de la trompe, les analogues du labre et des deux mandibules; il a constaté que les deux grands palpes qui s'avancent sur les côtés de la bouche, et qui naissent sur un article trans- versal, ne sont autre chose que la lèvre inférieure; enfin il a montré d'une manière satisfaisante que la trompe elle-même est formée par les mâchoires, dont le palpe devient rudi- mentaire et dont la branche interne s'allonge excessivement, affecte la forme d'une sonde cannelée, et se joint à son congé- ARMATUUii BUCCALli DES INSECTES. 525 nère sur la ligne médiane, pour constituer avec lui un tube aspirateur (l). § 13. — Les mêmes matériaux organiques, employés d'une Appaieii manière différente, forment, chez les Punaises et les autres des Hémipières. (1) Jusqu'au moment où Savigny publia son beau travail sur la théorie des organes de la bouche des Insectes, la plupart des anatomistes pensaient que les Papillons étaient dépourvusde mandibules, et que dans la structure de leur bouche on ne pouvait décou- vrir aucune trace du plan d'organisa- tion propre aux Insectes maxillés (a). Latreille, il est vrai, avait deviné que les grandes lames constitutives de la trompe étaient formées par les mâchoi- res (6) ; mais cette vue n'avait été ni développée ni suivie, et l'on proposa même de donner à ces Insectes le nom iVagnathes (c). Savigny fut le premier à avoir une idée complète de l'appareil buccal des Lépidoptères. Cet habile observateur a trouvé que le labre, ou lèvre supérieure de ces Insectes, est une pièce médiane mince, )nenibra- ueuse, quelquefois semi- circulaire , mais le plus souvent allongée en pointe, qui est appliquée contre la base de la trompe et reçue dans un léger écar- tement existant entre les deux filets constitutifs de ce tube (d). Les mandibules sont représenlées par une paire de petites lamelles, peu mobiles ou même soudées au chaperon , et situées de chaque côté du labre sur les côtés de la trompe ; elles sont, en général , moins grandes que les écailles épidermi- ques qui revêtent cette partie de la tète (e). Les mâchoires , lorsqu'elles sont isolées, ressemblent beaucoup à celles des Hyménoptères, si ce n'est que leur palpe est plus petit et leur branche interne plus étroite, plus allongée et plus fortement canaliculée en dedans. Le palpe maxillaire se compose tan- tôt de deux, tantôt de trois articles, et il est assez facile à apercevoir chez quelques Lépidoptères nocturnes, tels que la Teigne du blé, où il n'avait pas échappé à l'attention de Réaumur (/) , et chez le Galleria cerella {g). Mais, en général, il est très petit et quel- quefois même tellement rudimen- taire, par exemple chez les Spliinx, que son existence a été révoquée en doute '{h), quoique, en réalité, cet ap- pendice ne manque jamais. La trompe est souvent très longue : chez le Sphinx liguslri, et le Macro- glossa stellatarum, par exemple {i) ; (a) Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, dSOS. t. III, p. 323. (b) Lalreillc, Histoire des Crustacés et des Insectes, t. H, P- i^^- {c) Spinola, Consideraiioni sulla bocca degli Insetti, p. 23 (Gènes, sans Jate). ^ (d) Savigny, Op. cit. [Mém. sur les Anim. sans vertébr. ,1.1, p- 4. pi. 1 , li?- 1 ; 'ig- "^'^ el o'^,a). — Doyère, Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 131, fig. 1 b, 1 c, a. — Newport, Insecta (Todd's Cyclop., t. II, p. 900, fig. 377). (e) Savigny, Op. cit., pi. 1, fig. i, i. — Doyère, loc. cit., pi. 131, fig. 1 6, 1 c, 6. (/■) Réaumur, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, t. lit, p. 280, pi. 20, tig. 16. (g) Savigny, Op. cit., pi. 3, fig. 3^. [h) Newman, On the Externat Anatoimj of Insecls (Entom. Magax,., p. 84). (i) Voyez VMlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi, 147, fig. 2 a. 526 APPAREIL DIGESTIF. Insectes de l'ordre des Hémiptères, un instrument de succion qui n'est pas une simple pipette, comme la' trompe des Papil- lons, mais un appareil perforant que je comparerai à une petite canule renfermant un poinçon aigu, dont les chirurgiens font usage dans l'opération de la ponction (1). En effet, la bouche des Hémiptères se prolonge en forme de tube, et dans l'intérieur de cet organe on trouve deux paires de stylets mobiles dont la pointe peut dépasser l'extrémité de leur étui, et pratiquer dans les tissus des Animaux ou des plantes dont ces Insectes mais dans d'autres espèces de la même famille, telles que \e Smerintlms ocel- lalus{a), elle est fort courte, et chezles llépiales elle est rudimeii taire. Tantôt elle est presque nue, d'autres fois cou- verle d'écaillés épiderniiques, et sou- vent on y remarque une multitude de papilles qui hérissent en avant sa par- tie terminale : par exemple, chez les Vanesses {h). Ainsi que je l'ai déjà dit, les deux demi-cylindres qui la consti- tuent sont creusés d'une gouttière lon- gitudinale là leur face interne, et, en se réunissant , forment ainsi un tube. Lorsqu'on fait une section transversale de la trompe , on voit la lumière de ce conduit sur la ligne médiane, et l'on remarque aussi un tube vers le centre de chaque filet maxillaire (c) : mais c'est à tort que quelques auteurs ont considéré ces dernières cavités comme servant à la succion (d); elles ne s'ou- vrent pas au dehors, et sont formées par les trachées aérifères entourées d'autres parties molles. 11 est aussi à noter que ces deux appendices sont réunis par une multitude de crochets microscopiques qui en garnissent le bord interne (e), et que leur face in- terne est simplement membraneuse, tandis que leur surface extérieure et convexe est de consistance couen- neuse. Enfin , il existe dans leur inté- rieur des fibres musculaires. La lèvre inférieure [f] est consti- tuée par un support, ou menton, de forme triangulaire, sur lequel est arti- culée une paire de palpes composés chacun de deux ou de trois articles, et variant beaucoup quant à leurs for- mes et leurs dimensions {g). Queloues auteurs désignent ces appendices sous le nom de barbillons. (1) Le trocart. i d. 9, H Oot 10. (a) Voyez Y Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 14 7, lig. 1 a. (h) Newport, Insecta (Todd's Cyclop., t. Il, p. 901, fig. 378). (c) Savigny, Op. cit., pi. 2, fig. 1 e. — Doyère, Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 131, ûg. (d) Réaumur, Mém.pour servit- à L'hist. des Insectes, t. I, p. 235, pi (e) liera, ibid., t. I, p. 237, pi. 9, fig. 6. — Newport, Insecta (Todd's Cyclop., t. Il, p. 901, fig. 378). (/■) Savigny, Op. cit., pi. 1 , fig. 2 u, etc. — Doyère, loc. cit., pi. 131, fig. 1 c. (g) Exemples : VHerminia emortualis, où les palpes labiau.K sont très longs (Règne animal, pi. 15(5, fig. 8 a), et le Zerene grossiilarlûta, où ils sonl très petits (Op. cit., pi. 1 56, fig. 6 a). AUMAÏLKE BUCCALE DES INSECTES. 5*27 veuleiit sucer les humeurs une piqûre dans laquelle ce tube s'engage ensuite et pompe le liquide épanché (1). La lèvre inférieure, qui est presque sans usage chez les Lépidoptères, joue ici un rôle important; elle constitue la presque totalité de la canule de cette espèce de trocart ou pipette armée. En effet, la portion moyenne de ce membre s'allonge beaucoup, et ses bords latéraux se recourbent en avant, puis en dedans, de façon à se rencontrer dans presque toute leur longueur et à constituer de la sorte un tube (2). En avant, la partie basilaire de ce conduit est complétée par le labre, (jui s'allonge aussi et se loge dans l'espace laissé entre les bords de la lèvre inférieure. Les mâchoires se trouvent ainsi entourées par les deux lèvres, et, s'allongeant aussi excessivement, con- stituent dans l'intérieur de cette gaine une paire de stylets grêles et acérés. Enfin, les mandibules, qui se réduisent à l'état de simples vestiges chez les Lépidoptères, prennent ici un déve- loppement semblable à celui des mâchoires, et constituent une seconde paire de stylets dans l'intérieur du tube labial (3). La (1) Linné et Fabncius ont désigné trop long d'exposer ici me portent à cet appareil sous le nom de rostre ; penser que les palpes réunis entre Kiri)y l'a appelé promuscis. eux, comme le sont les deux moitiés (2) Le tuije labial (a) est composé en du menton , constituent les trois der- généial de quatre articles réunis bout niers articles de la gaine lalMale. à b;)ul, et il présente en avant une (3) Les appendices qui représentent fente médiane. Cliez quelques Hé- les màcboires et les mandibules sont miptères, les Aèpes, par exemple, on des stylets très grêles et renflés à leur remarque de chaque côté de la por- base. Leur extrémité est tantôt simple tion basilaire de cet organe un appen- (par exemple, chez les Pentatomes), dicule qui est généralement considéré d'autres fois armée d'une rangée de comme le palpe lingual (6); mais cette petites pointes récurrentes, comme détermination me semble très criti- une flèche barbelée, ainsi que cela se cable, et diverses raisons qu'il serait voit aux mâchoires des Nèpes (cj. (a) Savig-ny, Théorie de la bouche, pi. 4, fig. ^^, etc. — Doyore, Atlas du Règne animal de Cuvier. pi. 88, ùg. 2 a, elc. [b] Savigny, Op. cil-, pi. i, ûg- 3^, 3-, o. — iM. Doyère a trouvé, chez le Ranalra linearls, deux petits appendices qui naissent du troisième article, et qu'il assimile à ceu.x observés par Savigny. Il les appelle, mais par inadvertance, sans douty, lÏQspalpes maxillaires {Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 94, fig. 3 a). {cj Savigny, Op. cit., pi. 4, fig. 3' et 3o . Appareil buccal des Diptères. 528 APPAREIL DiGKSÏlF. forme et les caractères accessoires de l'appareil de succion ainsi conslitué varient un peu : chez les Cigales, par exemple, il se trouve refoulé jusque entre la base des pattes antérieures, tandis que chez les Punaises il est placé sous le front; mais sa structure est partout essentiellement la même (1). § 1/l. — Les Mouches et les autres Diptères sont aussi des Insectes dont la bouche est organisée pour la succion (2); mais l'espèce de trompe dont ces Animaux sont pourvus ne res- semble ni à la pipette des Lépidoptères, ni au suçoir des Hémi- ptères. Elle se compose cependant des mêmes matériaux organiques, seulement plusieurs de ces parties ont subi des modifications plus profondes; on y rencontre des variations beaucoup plus considérables que dans les ordres dont l'étude vient de nous occuper, et les analogies y sont souvent plus difOcilcs à saisir (o). Chez quelques espèces, cet appareil est (1) Chez la Cigale de l'orme, il existe, indépendamment de la gaine du suçoir formée par la lèvre infé- rieure et le labre, et des quatre slylcis conslilués par les mandibules et les mâclioires , quelques pièces acces- soires qui paraissent correspondre aux palpes maxillaires [a). Il est aussi à noter que chez cer- tains Pucerons cet appareil s'allonge beaucoup, et dans le repos se re- ploie en arrière, de façon à dépasser beaucoup l'abdomen et à simuler une queue à l'arrière du corps de l'In- secte (b). Chez les Coccus, le tuhe du suçoir n'est représenté que par un tubercule conique très court; mais les stylets maxillaires et mandibulaires s'allongent excessivement , et se re- plient en forme d'anse dans la cavité abdominale , où ils paraissent èlre logés dans une gaîne membra- neuse (c). (2) Le régime des Diptères varie beaucoup. Les uns, les Cousins, par exemple, vivent du sang de l'Homme ou de divers Animaux, dont ils piquent la peau pour en tirer ce liquide ; d'autres, tels que les Empides, font la chasse auxpelils Insectes dont ilssucent les humeurs; il en est aussi qui s'a- breuvent des liquides contenus danr les matières animales en putréfaction, diverses Mouches, par exemple; mais la plupart des Insectes de cet ordre se nourrissent du suc des Heurs. (3) L'élude de l'appareil buccal des Diptères n'a été qu'ébauchée par Savi- (d) Branill et Ratzeburg, Medicinische Zoologie, t. II, p. 207, pi. 27, fig-. liai 'J. (b) Rcaumur, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, t. III, pi. 29, ficf. i 1 à 14. (c) Brandi et Ralzeburg, Op. cit., t. II, p. 215, pi. 27, fig. 1 à 4. ARMATURE BUCCALE DES INSECTES. 529 d'une longueur démesurée, comparativement à la grandeur du corps de l'Animal : par exemple, chez les Némestrines d'ÉgypIe, où il est en même temps extrêmement grêle (1 ). Chez d'autres, telles que la Mouche de la viande, il est trapu, coudé et terminé par une sorte de grand disque charnu. Enfin il est aussi des espèces où il est fort réduit, et l'on remarque également des différences importantes dans le nombre des instruments vuhié- rants dont il est pourvu. C'est chez les Cousins que l'armature buccale paraît avoir le plus haut degré de comphcafion, et, à raison de la petitesse de ses parties constitutives, plusieurs de celles-ci ont échappé à l'attention de la plupart des observateurs. On y remarque d'abord une sorte d'étui grêle et allongé qui en occupe la partie inférieure et qui loge une espèce de dard ou de poinçon ; puis, insérée près de sa base, une paire de petits pallies. Ces parties ont été aperçues dès qu'on a pu se servir d'une forte loupe pour en faire l'étude ; mais, lorsqu'on examine de plus près l'espèce de dard dont je viens de parler, on voit qu'elle est très complexe, et se compose de cinq aiguilles réunies en un faisceau qui est en partie embrassé par une sixième lancette un gny, et laisse, encore beaucoup à dési- sur la théorie de sa composiiion ana- rcr. Cependant , plus récemment , tomique (a). On doit aussi à .M. Gerst- xNewport a fait à ce sujet des recher- feldt des observations sur le même ches importantes ; et M. Blanchard, sujet (6). après avoir donné, dans Patlas de la (1) La Némestrine d'Egypte est un grande édition du Règne animal de Diptère à corps velu de la famille des Cuvier, une série de bonnes figures Tanystomes , voisin des Anthrax, qui de celte partie de la tète dans toutes paraît vivre du suc des fleurs; sa les principales divisions de l'ordre , trompe est filiforme et a trois ou a publié une note très intéressante quatre fois la longueur du corps (c). (a) Savigny, Théorie de la bouche, p. "13, pi. 4, fig. 1. — Newport, art. Insecta (Todd's Cijclop. of Anat. and PhysioL, 1839, t. II, p. 900 elsuiv.). — Blanoliani, De la composition de la bouche dans les Insectes de l'ordre des Diptères (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1850, t. XXXI, p. 424). (b) Gerslfeldt, Ueber die Mundtheile der saugenden Insecten (dissert, inaug.). Dorpat, 1853. (c) Voyez l'Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 168, fig. 5. V. 34 530 APPAllEIL DIGESTIF. peu plus large et infléchie latéralement en manière de gouttière renversée. Cette dernière pièce est impaire et s'insère au bord frontal de la bouche ; elle correspond donc au labre des autres Insectes. Les deux slylets situés immédiatement au-dessous sont pairs et dentelés près du bout; ils doivent être considérés comme les analogues des mandibules. Une seconde paire d'ai- guilles cornées, qui ont à peu près la même forme, représente les mâchoires, et, quand on les désarticule avec soin, on voit que les appendices palpiformcs dont il a déjà été question y sont attachés; ceux-ci sont par conséquent des palpes maxil- laires. Knfin, la sixième aiguille est impaire, et elle paraît être formée par la languette ou branche interne de la lèvre infé- rieure, dont les branches externes ou principales constitueraient l'étui où tout ce faisceau de stylets se loge quand l'appareil est au repos (1). (1) Swammerdam fut le premier à faire connaître d'une manière gé- nérale la conformation du suçoir des Cousins, et bientôt après, Texa- men de cet organe fut porté plus loin par son contemporain Leeuwen- hoeli. lîéaumtir ajouta de nouvelles observations sur ce sujet (a); mais, jusque dans ces derniers temps , la plupart des enloinoiogistes «nt lai.ssé inaperçues plusieurs des parties con- stituantes de cet appareil, bien qu'elles eussent été toutes aperçues et figu- rées vers le milieu du siècle der- nier par un naturaliste italien, l'abbé Roffredi (6). La détermination de la plupart des pièces énumérées ci-des- sus ne laisse aucune incertitude, et tous les entomologistes sont aujour- d'hui d'accord pour considérer la lamelle impaire supérieure comme un labre, et les deux paires de sly- lets comme les représentants des mandibules et des mâchoires. Robi- neau-Desvoidy avait pensé que les palpes appartenaient à la lèvre supé- rieure (c) ; mais les observations de M. Westwood prouvent qu'ils dé- pendent des mâchoires. Il est évi- dent que la gaîne ou demi-étui infé- rieur correspond à la lèvre inférieure. Reste donc seulement le sixième sty- (a) Swammerdam, Histoire générale des Insectes, 1G82, pi. 3, fig. B, G. — Leeuwenhoek, Avcana Naturœ., epist. lxiv, fig. 1-9. — Réaiimur, Mémoire pour servir à l'histoire des Insectes, I. IV, p. G03, pi. 41 et 42. (6) Roffredi, Mém. sur la trompe du Cousin et sur celle du Taon (Mélanges de philosophie et de mathématiques de la Société royale de Turin pour 1766 à 1709, t. IV, p. 1, pi. 1 à 3). (c) Robineau-Desvoidy, Essai sur la tribu des Culicides {Mém. de la Société d'histoire naturelle de Paris, 1827, t. III, p. 399). A r. M Ml m-: euccale des insectes. S.'^l Qiez d'autres Diptères, les Taons, par exemple, la bouelie est constituée à peu près de la même manière 1); mais, chez la plupart des Insectes de cet ordre, on y remarque de grandes différences dépendantes, les unes de la substitution de certains appendices impairs à des pièces qui d'ordinaire sont doubles et symétriques , d'autres d'un développement excessif de diverses parties de la lèvre inférieure et du chevauchement qui parfois en résulte, ou bien encore de l'atrophie de quel- ques autres parties de cet appareil complexe. Ainsi, chez les Tipulaires, qui sont très voisins des Cousins, la portion basi- laire de la trompe se développe beaucoup ; il en est de même pour les [lalpes maxillaires. Mais tous les appendices qui constituent les organes perforants dont je viens de [larlcr sont let, qui est médian et qui a écliappé aux reclierdies de la plupart des au- teurs , excepté RoflVedi . Cuitis et M. Westwood [a). Ce dernier natura- liste le considère comnie étant l'ana- logue de ia languette, et je partage son opinion; mais je dois ajouter que cet organe correspond aussi à une lame allongée découverte par Savigny dans la trompe d'un autre Diptère (le Ta- banus italiens), et désignée par cet iinatomiste sous le nom d'hypopha- rynx, parce qu'il Tassimilait à une partie interne de la bouche dont j'ai déjà eu l'occasion de parler (b). Quant à la gaîne inférieure , elle appartient certainement à la lèvre inférieure; mais je suis porté à croire qu'elle n'est pas fournie par la portion linguale de cet organe, comme on l'admet géné- ralement, et qu'elle se compose des deux palpes labiaux réuiiiîj sur la ligue médiane. (1) Chez les Taons, les appendices buccaux sont moins efBlés que chez les Cousins, et, au-dessous du labre, on trouve une paire de mandibules en forme de lames allongées, une paire de mâchoires dont la branche prin- cipale est styliforme et le palpe grand et lamelle ux ; enfin, une Irvre infé- rieure terminée par deu\ grands lobes ovalaires, et entre cet organe et le labre une lame impaire que Savi- gny considère comme une langue ou hypopharynx (c , mais que Newport a mieux déterminée en l'appelant une languette (d). (a) Curlis, British Entomology, t. VIII, pi. 537. — Westwood, Introduction to the modem Classificalwn of Inseets, t840, t, II, p. 5C (b) V'oyez ci-dessus, page 518. (c) Saviij'ny, Théorie de la bouche des Insectes, p. 13, pi. 4, fig. 1. — Gei-stfeldt, Ueber die Muiultheile der saugenden Insecten, pi. 1 , fig. S, 9 et 10. (d) Newport, art. Ixsecta (Todd's Cyclop., l. U, p. 904). 532 APPAREIL DIGESTIF. en général rudimentaires ou représentés seulement par des lobes foliacés (1). La soudure des mandibules entre elles, ou la substitution d'un stylet médian à ces deux organes pairs , est un phéno- mène analogue à celui dont la lèvre inférieure de tous les Insectes nuus offre un exemple, et elle se voit chez beau- coup de Diptères. Un stylet impair se trouve alors au-dessous du labre, qui tantôt conserve la forme grêle et allongée si remarquable chez les Cousins, d'autres fois se raccourcit ou disparaît (2). (1) La forme générale de l'appareil buccal des Tipules a élé représentée par liéaiimiir (a); mais la disposition des parties terminales se voit mieux dans une figure donnée par M. Blan- chard. Les palpes sont remarquable- ment longs et composés de six arti- cles (6) ; du reste, il existe chez les dilTérenls Tipulaires des variations considérables dans la conformation de celte espèce de trompe protractile, et quelquefois elle ressemble beaucoup à ce que nous avons rencontré chez les Cousins (c). (•J) Celte transformation des man- dibules en un appendice impair et médian a été constatée d'abord par Ncwport citez VAsilus crahroniformis et quelques autres Diptères {d), puis par M. Blanchard chez un beaucoup plus grand nnmbre de ces Insectes (e\ D'autres naturalistes considèrent ce stylet comme un hypopharynx (/"). Comme exemple de ce mode d'orga- nisation chezlesinsectesdontl'appareil buccal est, du reste, disposé à peu près comme chez les Cousins, je citerai les Empis. On leur voit : i° un labre séli- forme et très long ; 2° un grand stylet maxillaire; o" une paire de mâchoires également séliformes et portant à leur base des palpes simples et grêles; k° une lèvre inférieure très allongée et creusée en gouttière à sa face supé- rieure ig). Chez les Bombyles, la lèvre supérieure paraît être, au contraire, très courte et réduite à une petite lame obtuse, tandis que les autres parties de la bouche sont fort allongées. Le stylet mandibulaire impair est ro- buste ; mais les mâchoires ne sont re- présentées que par une paire de soies très grêles el des palpes fort réduits. Enfin , la lèvre inférieure s'allonge excessivement et se termine par deux branches divergentes [h). (a) Réaimuir, Mémoire pour servir à ilusloire des Insectes, t. V, jjI. 'i, lig-. S. (b) Blaiicliard, Insectes de i' Atlas du Règne animal At Ciivier, pi. 162, fi^. 5 a. (c) Vojez Westwuod, An Intrvd. to tlie modem Classilicalion of Insecls, t. It, p. 513, (d) Newpcrt, Op. cit. (Todd's Cyclop, of Anal, and Physiol., t. II, p. 904). (e) Blaiictiard, De la comjjosition de la bouche dans les Insectes de l'ordre des Diptères {Comptes rendus de l'Académie des sciences, ISSO, t. XXXI, p. 425). if) Savigny, Théorie de la bouche, p. 13. ■ — Gerslfeldi, Ueber die Mimdlheile der saugenden Insecten, p. 30. ig) Blancliard, Atlas du Règne animal de Olivier, Insectes, pi. ICb, fig. 1 a, l b. (ti) Idem, ibid., pi. 167, fig. 6a. Ar.MATip.r. iiiccALE di:s insectes. 533 Le grand développement de la lèvre inférieure porte quelque- fois sur la portion basilaire de cet organe, qui constitue alors, pour la totalité de la trompe, une espèce de support mobile; d'autres fois il affecte la portion terminale, qui s'élargit extrê- mement et constitue une sorte de palette ou de disque charnu. Cette disposition se remarijue chez les Anthrax, dont la bouche est du reste conformée à peu près comme celle de ])lusieurs des Diptères dont je viens de parler (1) ; mais elle est portée beau- coup plus loin chez les Mouches, où elle coïncide avec d'autres modifications de structure très considérables. En effet, chez ces Insectes, l'appareil buccal consiste en une grosse trompe coudée, qui porte en dessus une paire de palpes, qui est armée de deux stylets médians, et qui est terminée par un grand disque ou lobe ovalaire. Sa portion basilaire , dépendante de la lèvre inférieure , est membraneuse, et chevauche sur les parties voisines de façon à les engaîner plus ou moins complètement et à repousser en avant le labre, qui constitue, comme d'or- dinaire, un stylet médian, et qui s'avance au-dessus de la poilion antérieure de la lèvre inférieiuv. Un second stylet, également impair et situé au-dessus du précédent, repré- sente les mandibules, et se continue postérieurement avec une paire de branches cornées entre lesquelles se trouve un troi- sième organe impair. Celui-ci est formé d'une large lame (1) Chez les Anthrax, l'appareil bue- formées par les mâchoires et leurs cal se compose de deux gros slylels palpes (a). impairs et médians, de deux paires Chez les Mydas, la conformation du d'appendices sétacés et d'une grosse labre et du slylet miindibulaire est lèvre inférieure charnue. Le stylet mé- la même; mais les mâchoires sont dian supérieur est le labre ; le second réduites à une paire d'appendices stylet impair représente les mandi- palpiformes, tandis que la lèvre iu- bules ; enfm, les deux paires de soies férieure, de consistance charnue, de- allongées situées au-dessous sont vient extrêmement grosse (6;. (a) Blanchard, Atlas du Règne animal Je Cuviei-, I>-secte~, pi. IfiS, fig. 2 a. (b) Idem, ibid., pi. 172. fi^. 2 a. 53A APPAREIL DIGESTIF. médiane ployée lorigitadinalement en manière de gouttière et cachée dans rintérieur de la trompe , mais portant une paire de palpes qui se montrent au dehors à la partie supérieure de cet organe; il correspond aux mâchoires des antres Insectes. Enfin, la lèvre inférieure est extrêmement développée, et sa portion terminale, au lieu de se bifurquer seulement, se ren- verse en bas et en dehors, de façon à constituer une espèce de disque ou de suçoir. Ainsi, chez ces Diptères, tous les appen- dices principaux, qui d'ordinaire sont pairs et bilatéraux, sont représentés par des organes impairs et médians (1). Chez d'autres Insectes du même ordre, l'appareil buccal se simplifie davantage, et (;hez certaines larves les mandibules paraissent être devenues des organes de fixation plutôt que des instruments destinés à effectuer la préhension des aliments (2). (1) M. Blanchard a donné une très devoir représenter les mâchoires (6). belle figure de cette partie de l'appa- 11 est aussi à noter que ces larves sont reil buccal chez la Mouche de la viande pourvues de crochets épidermiques qui {Muscavomitoria), GliïàdélQvminé les entourenlleur extrémitécéphalique, et différents appendices comme je viens qui servent également à les (ixer à la de l'indiquer, non-seulement par leurs membrane muqueuse sur laquelle elles rapports de position , mais par la con- doivent rester cramponnées. On trouve sidéralion des nerfs qui s'y rendent (a). un mode d'organisation assez ana- (2) Ainsi les larves d'OEstre qui vi- logue chez la larve du Sarcophaga vent à la manière des Vers intestinaux hœmarrhoidalis (c), du Piophila Pe- dans l'estomac ou dans d'autres cavi- tasionis (d), du Sapromyza blephari- lés intérieures de divers Mammifères, pteroides (e). Enfin, chez d'autres ont la bouche armée d'une paire de larves, ces appendices ne consistent crochets qui ne paraissent être autre d'abord qu'en une paire de papilles chose que les mandibules. On y trouve molles qui se transforment en mandi- aussi deux petites pièces, cornées et bules cornées vers Tépoque où ces denticulées sur les bords, qui semblent Insectes doivent se frayer un chemin (a) Blanchard, Atlas du Règne animal de Cuvier, Insectes, pi. 178, fig. i a, il). (b) Joly, Recherches ^-oologiques , anatomiques , physiologiques et médicales sur les Œstrides, 1846. p. 34, pi. 5, fig-. 1 à 5, etc. (c) Léon Dufour, Études anatomiqves et physiologiques sur une Mouche, p. 5, pi. t, fis;. 1 (extr. lie l'Académie des sciences, Sav. étrang., t. IX). (d) Idem, Histoire des métamorphoses et de l'anatomie du Piophila Pclasionls (Ann. des sciences nat., 3' série, 1844, t. I, p. 372, pi. 16, ûg. 8 etlO). (e) I Jera, Mém. sur les métamorphoses de plusieurs larves fongivores appartenant à des Diptères (Annales des sciences nat., 2' série, 1839, t. XII, p. 5, pi. 5, fig. 75, etc., et t. XllI, p. 148, pi. 3). ARMATURE BUCCALE DES INSECTES. 5o5 Enfin, d'autres modifications se rencontrent dans la bouche de quelques însecles suceurs , tels que les Hippobosques, les Puces et les Poux ; mais elles ne paraissent pas porter sur le plan fondamental suivant lequel cet appareil est généralement orga- nisé dans cette classe d'Animaux, et elles ne sont pas assez bien connues pour que je m'y arrête ici (1). J'ajouterai seulement dans la peau des Animaux qu'ils liabi- lent : cela se voit chez les Strepsi- ptères (a) et chez les jeunes larves de Microgaster (5), (1) L'appareil buccal des Diptères de la famille des Piipipares ou Hippo- bosciens est très remarquable ; mais, quoiqu'il ait été étudié successivement par Lyonnet , Latreille , Newport , M. Léon Dufom'etM.Westwood, on ne le connaît encore que tiès imparfaite- mont, et la détermination de ses diffé- rentes pièces constitutives est fort incertaine (c). On y distingue deux appendices valvulaires qui, dans l'état de repos, sont rapprochés et dirigés en avant, de façon à avoir l'apparence d'un rostre cylindrique, et qui logent entreeuxune sorte de trompe protrac- lile composée d'un stylet filiforme im - pair (ou peut-être bifide), emboîté dans un tube résultant du rapproche- ment de deux appendices sétacés. La portion basilaire de cette trompe est articulée sur des branches cornées courbes, qui sont logées dans l'inté- rieur de la tête, et qui paraissent jouer le rôle de ressorts pour déterminer la protraction de l'appareil. Dans les genres Hippobosca et 0.xypteruin [cl), la trompe est courte ; mais chez le Melophagus, elle est extrêmement longue (e). La bouche des Puces, dont la structure a été entrevue par Leeuwen- hoek et par plusieurs autres anciens micrographes (f), mais bien étudiée pour la première fois par Savigny, et décrite avec plus de détail par Du- gès (g), est armée de slylets à peu près comme celle de quelques Diptères ; mais les zoologistes ne sont pas d'ac- cord sur la détermination de ces pièces. On y remarque d'abord laté- ralement une paire d'appendices la- melleux qui portent à leur base un palpe articulé [h) et qui correspondent aux mâchoires ; un peu en avant nais- {aj Siebold, Veber Strepsipfera [Archiv fur Naturgeschichtc, 1843. t. I, p. 159, pi. 7, fig. 3). (6) Ratzeburg, Die Forst-Insekteii, t. III, pi. 9, fig. 20 et 32. (c) WesUvoDd, Introd. to the modem Classific. of Insects, i. 1!, p. 581. (d) Lyonnet, Recherches sur Vanatomie et les métamorphoses de différentes espèces d'Insectes, pi. I, fig. 5 à 13. — Léon Dufour, Éludes anatomiques et phijsiologiques sur les Insectes Diptères de la famille des Pupipares {Ann. des sciences nat., 3" série, 1845, t. III, p. 52, pi. 2, fig. I). (e) Newport, art. Insecta (Tocld's Cijclop., l. II, p. 906, fig. 381). (/■) Leemvenlioek, Arcana Nalurœ détecta, 1722, p. 332, fig. 8, 9 et 10. — Hooke, Micrographia , pi. 34 (1667). {g) Savigny, Théorie des pièces de la bouche, p. 28. — Dugès, Recherches sur les caractères s,oologiques du genre Pulex {Ann. des scienas nat., 1" série, 1832, t. XXVII, p. 149). (h) Ces palpes maxillaires ont été pris pour des antennes parFabriciiis et plusieurs autres entomo- logistes. 536 appaueil digestif. que, dans quelques cas, la constitution d'un instrument de succion à l'aide des matériaux organiques propres à former un appareil masticateur, s'obtient sans aucun des changements considérables que nous venons de passer en revue. Ainsi, chez la larve du Fourmilion, ce résultat est réalisé par le creusement d'une gouttière le long de la face inférieure des crochets man- dibulaires que l'Animal enfonce dans la proie dont il veut pomper les humeurs (1). sent deux lames étroites allongées et denticulées sur les bords, qui parais- sent être les analogues des mandi- bules, et sur la ligne médiane un stylet impair qui est probablement le labre, mais queSavignyregardecomme étant la langue ou hypopbarynx [a). Enfin, plusën arrière ou en dessous, on voit une sorte de gaîne bivalve et composée de plusieurs articles, qui paraît être conslituée par les palpes labiaux, et qui est courte chez le Pulex pene- trans (b) et le Pulex Canis (c), mais aussi longue que les autres appendices buccaux chez la Puce commune ou Pulex irritans, et les recouvrant pen- dant le repos {d}. L'appareil buccal des Poux est beaucoup plus simple (e) ; il se com- pose d'une sorte de trompe molle et garnie de crochets, qui est rétraclile et qui loge dans son intérieur des petits stylets aigus. (1) Réaumur a fait connaître cette disposition curieuse. Les larves du Fourmilion se bornent à sucer le corps des Insectes dont elles s'em- parent à l'aide de leurs puissantes mandibules disposées en forme de pince au-devant de leur tête, et il existe à la face inférieure de cha- cun de ces crochets une goullière qui loge les mâchoires. Ces derniers ap- pendices ont la forme d'un stylet courbe et sont susceptibles de se mou- voir d'avant en arriére avec une grande rapidité, lléaumur les a vus fonctionner de la sorte avec beaucoup d'activité pendant la succion, et il les considère comme agissant à la manière du piston dans une pompe {f). [1 en est à peu près de même chez la larve de l'Ilémérobe (y) et chez celle des Dylisqnes, où les mandibules , con)me nous l'avons déjà vu, sont très allongées et canaliculées, mais ne lo- gent pas les mâchoires (h). J'ajouterai que chez une larve inde- xa) D'après Savigny, le labre manquerait {Théorie des pièces de la bouche, p. 28). (i) Ougès, Note sur les caractères zoologiques des Pulex pénétrants {Ann. des sciences nat. 2- série, t. VI, p. 133, pi. 7, flg. d). (c) Curlis, Dritisli Entomology, t. VII, pi. 414, fig. A, B, C. (d) Weshvooil, Introd. to the modem Classific. o'f Insects, t. 11, p. 489, fig. 123, 3 à 7. — Oujardin, Nouveau Manuel de l'observateur au microscope, alla*, pi. 1 5. — Swammcrdam, Biblia Naturœ, pi. 2, fig. 3 et i. (e) Blancliard, Atlas du Règne animal de Cuvier, INSECTES, pi. 14, fig. 1 a, 1 6. (f) Réaumur, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, t. VI, p. 361, pi. 33, fig'. 4 à 8. — Gorstfcklt, Ueber die Mundtheile der saugenden Insecten, pi. 2, fig. 41 à 43. {g) Raizehurg, Dit Forsl-Insekten, t. III, pi. IG, fig. 6 *. (/).)Idem, ibid., pi. 2, flg. 40. âëMaTure feL'CCALr: des arachnides. 537 § 15. — Les Arachnides sont aussi des Animaux qui, pour la plupart, sont destinés à vivre de liquides seulement (1), et leur bouche est par conséquent toujours conformée pour la succion ; mais ils sont en général chasseurs , et, pour s'em- parer des Insectes dont ils font leur proie et dont ils hument les fluides nourriciers, il leur faut de puissants organes de préhension (2). Aussi leur bouche est-elle enlourée d'instru- ments de ce genre, et, en l'étudiant attentivement, on a pu reconnaître que son armature est constituée à l'aide de maté- Appareil buccal des Araclinides. terminée, mais paraissant appartenir à quelque Névroptère voisin des -Hémérobes, M. Grube a trouvé deux tubes suceurs très longs et fort grêles qui s'avancent entre les an- tennes, et qui semblent être formés chacun par la réunion de la mandi- bule et de la mâchoire du même côté. Ces appendices conduisent dans la cavité buccale {a). (1) Quelques-uns de ces Animaux écrasent leur proie et en avalent des fragments. Cela a été constaté d'abord pour les Galéodes ou Soipuges, qui rongent non-seulement le corps des Insectes dont elles font leur proie ordinaire, mais parfois aussi dévorent les parties molles d'un Lézard ou de quelque autre Animal d'un volume très considérable (6). L'examen des matières contenues dans l'estomac des Faucheurs {Phalangium opilio) a fait voir aussi que ces Arachnides avalent les parlies dures aussi bien que les humeurs des Insectes dont ils se nour- rissent {c). (!2) Les Araignées , les Scorpions et la plupart des autres Arachnides se nourrissent principalement d'Insectes vivants, et quelques-uns de ces Ani- maux déploient un instinct remar- quable dans la construction des toiles ou autres pièges qu'ils tendent pour s'emparer de leur proie. On en con- naît qui capturent ainsi, non seule- ment des Mouches et d'autres Insectes d'un volume plus considérable, mais même de petiis Oiseaux (cl). Du reste, ils sont généralement fort sobres et peuvent supporter l'abstinence pen- dant très longtemps. Ainsi diilérents entomologistes ont conservé des Scor- pions vivants pendant six et même neuf mois dans des boîtes où ces Animaux ne pouvaient trouver aucune nourriture (e). (a) E. Grube , Beschreibimg ehier auffallenden, in Sûssiuassurschivdmmen lebenden Larve {Archiv fur Naturgeschichle, 1843, t. I, p. 332, pi. 10, fig. i et 2). (b) Huiton, Observ. on the Habits of a large Species of Galéodes {A:in. of Nat. Hist., 1843, t. XII, p. 81). (c) Tulk, 0)1 the Anatomy o/"Pbalangium opilio {Ann. of Nat. Hist., 1843, t. XII, p. 246). (d) Walckenaei", Histoire des Insectes aptères, t. I, p. 169. — Mac Leay, On Doubts respecling the Existence of Bird-catching Spiders {Ann. of Nat. Hist., 1843, t. VIII, p. 524). — Shuckard, On Birâ-catching Spiders {Ann. of Nat. Hist., t. VIII, p. 435). (e) L. Dufour, Histoire anatomique et physiologique des Scorpions,. p. 621 (exir. des Mém. de l'Acad. des sciences , Savants étrangers, t. XIV). 538 APPAREIL DIGESTIF. riaux analogues à ceux dont se compose l'appareil masticateur d'un Insecte; mais, en général, les appendices qui, chez ces derniers, jouent le principal rôle, manquent pour la plupart ou ne se trouvent qu'à l'état rudimentaire, et les parties les plus impor- tantes sont fournies par d'autres membres du même système. Scorpion. Commc premier exemple, prenons un Scorpion. Sous le bord antérieur de la tête se trouve articulée une paire de petites pinces didactyles appelées chélicères, qui se portent directement en avant et qui servent à saisir les aliments (1). Une autre paire de membres situés sur les côtés de la bouche remplit des fonctions analogues, mais avec beaucoup plus de puissance. Ce sont des pattes-mâchoires qui ont la forme de grands bras ; elles se dirigent en avant et se terminent par une grosse main à deux doigts conformés en manière de pince (2). Entre leur base, (1) Ces organes, appelés par les uns mandibules, par les autres forcipules-, ou bien encore anlennes-pinces et ché- licères, sont composés ciiacun d'un article basilaire dont Tangle antéro- inférieur se prolonge en manière de doigt, et d'un article terminal qui s'in- sère au-dessus de la base de cet apo - physe et forme avec elle une pince à deux branches (a). (2) L'article basilaire ou hanclie de ces pattes- mâclioires est dirigé en avant, et présente en dedans une large surface qui est souvent garnie d'une bordure de poils roides (6), et qui, en s'appliquant contre son congénère, constitue une sorte de pince à deux branches ou de pressoir dont l'action sur les aliments en facilite la succion. Les articles suivants^ ( le irochite, le méroïte et le sclérite) sont à peu près cylindriques et n'offrent rien de re- marquable ; enîin, le larsite est très renflé, en forme de main, et porte à sa partie antérieure un prolont;empnt dactyliforme contre lequel s'api)lique le dactylite,ou article terminai, de fa- çon à constituer une pince semblable à celle des Crabes et des Ècrevisses. Les Scorpions font la chasse le soir, et saisissent avec ces pinces leur proie, qui consiste généralement en Insectes, puis la portent près de leur bouche, où elle est promptement écrasée par l'action des coxognathites. Lorsqu'ils se sont emparés ainsi d'un insecte vigoureux, ils ont quelquefois recours à leur dard caudal pour le tuer avant que de le sucer; mais, en général, cet instrument, dont le venin est très puissant, est seulement employé comme arme défensive. (fl) Voyez VAllas du Règne animal de Cuvier, Arachnides, pi. 17, fig. 1,1c, cl pi. 18, fig. 1,1a. (b) Savigny, Egypte, Arachnide?, pi. 8, fig. 1^. ARMATUilE BUCCALE DES ARACHNIDES. 539 qui est disposée de façon à pouvoir saisir les aliments, on trouve un tubercule com[irimé en l'orme de carène, qui est garni d'une petite pièce solide impaire et médiane au-dessous de laquelle est l'orifice buccal (1;. Enfin, la partie postérieure de cet appareil péristomien est constituée par une sorte de lèvre sternale formée d'une pièce médiane semi-ovalaire et de deux pièces latérales qui ressemblent à des mâchoires et qui embras- sent la précédente. Ces lames maxilliformes ne sont que des prolongements de la hanche ou article basilaire des pattes de la première paire, qui ressemblent beaucoup à celles des Crustacés du genre Limule, où ces organes servent à la mastication aussi bien qu'à la locomotion. Enfin, la pièce médiane est constituée de la même manière par des prolonge- ments de l'article coxal des pattes de la seconde paire, qui, au lieu d'être mobiles, se joignent entre eux sur la ligne mé- diane (2). Au premier abord, on pourrait croire que tous ces organes buccaux sont les analogues de ceux qui remplissent les mêmes fonctions chez les Crustacés ou les Insectes , et, en effet, la plupart des natin^alistes ont été de cet avis; mais, en réalité, cette unité de composition n'existe pas, et nous avons ici un nouvel exemple de ces emprunts physiologiques variés (1) Cette pièce médiane fa) me pa- des paltes précédentes, et qui est eni- raît être Tanalogue des mandibules brassée latéralement par les prolonge- confondiies entre elles, comme nous mentscoxauxde cesderniersmemijres. Tavons déjà vu c'tiez beaucoup d"[n- Ceux-ci ont à peu près la même forme, secies Diptères. mais chevauchent sur les précédents, (2) Les prolongements coxaux des de façon à être en partie cachés par deux pattes de la seconde paire se eux et à ne se montrer au dehors que réunissent sur la ligne médiane par sous la forme de grosses dents cour- une suture longitudinale, de façon à bées en dedans, entre le bord externe constituerune sorte de mentonnière qui de la mentonnière médiane et la hase s'avance horizontalement entre la base des pattes-mâchoires (6). {a) Blaiicliard, Organisation du Règne animal. Arachnides, pi. t, fig. Hb. {bj Savigny, Egypte. Arachnides, pi. 8, ûg. i, *. — Milne Edwards, Atlas du Règne animal deCiivier, .Arachnides, pi. 18, fig. 1, ta, ib. 1c. Ô/iO Galéodes. AfP.VRElL DIGESTIF', à rtiide desquels la Nature constitue souvent des instruments similaires avec des matériaux différents. Ainsi, les chélicères ou pinces buccales antérieures des Scorpions et des autres Arachnides ne sont pas les représentants des mandibules ou des mâchoires d'un Insecte ou d'un Crustacé, mais des organes constitués avec la paire d'appendices frontaux qui chez tous les autres Animaux articulés deviennent des antennes ; nous en aurons la preuve quand nous étudierons le système ner- veux (1). Pour arriver à la détermination analomique des autres parties de l'appareil buccal des Scorpions, il est nécessaire de connaître la structure des mêmes parties chez un second Animal de la même classe, le Galéode, où quelques-unes d'entre elles sont mieux développées. Chez ce dernier Arachnide on trouve, comme chez (1) Savigny pensait que , chez le Scorpion et les autres Arachnides, les analogues des aiilennes manquaient complélcnient ; que les chélicères représentaient les mandibules des In- sectes ; que les bras, ou palpes, cor- respondaient aux mâchoires de ces derniers, et que les membres employés à former la lèvre inférieure de ceux-ci devenaient les pattes ambulatoires de la première paire chez les Arachnides: de façon que chez ces Animaux, de même que chez les Insectes, la série complète des organes masticateurs et ambulatoires se composerait de six paires de membres céphalo-thoraci- ques (a). IWais cette théorie si simple, et, par cela même, si séduisante au premier abord, n'est plus en accord avec les fiiits connus aujourd'hui, et doit être abandonnée. Ainsi, les chélicères ou forcipulesdes Arachnides ne sont pas constituées à l'aide des protognaihcs, comme le sont les mandibules des Insectes ou des Crustacés , mais bien par une paire d'appendices appartenant à un autre groupe de membres dépendant de la ré- gion frontale et correspondant aux an- tennes. Latreille avait deviné celle ana- logie (6), et c'est pour l'exprimer qu'il a donné à ces appendices buccaux le nom de chélicères ou antennes pin - res (c). On pouvait cependant croire que leur position au devant de la bou- che était seulement le résultat d'un chevauchement organiqui; des mandi- bules,semblable à celui que nous avons déjà rencontré chez quelques Crusta- cés, les Dichélestions, par exemple, où les pattes-mâchoires antérieures sont devenues sous frontales ; mais l'étude (o) Savigny, Théorie des pinces de la bouche, p. 85. |b) Latreille, Familles naturelles du Règne animal, p. 307. (C) De Yi^-riVri, pied fourcliu ou pince, et xe'paç, corne en antenne. ARMATURE BUCCALK DES ARACHMDtS. 5/ll le Scorpion, une paire de chélicères ou pinces frontales (1), une paire d'appendices en forme de palpes, qui correspondent évidemment aux bras des Scorpions, quoiqu'ils ne soient pas terminés par une pince, et plus en arrière des pattes ambula- toires qui sont au nombre ordinaire dans cette classe d'Animaux. Mais l'ouverture buccale située entre la base des palpes dont je viens de parler n'est pas garnie seulement d'une pièce cornée médiane : au-dessous d'un rudiment de labre, on observe, de chaque côté, deux petits appendices, le premier formé d'un seul article lamelleux, le second composé d'une pièce basilaire et d'un palpe. D'après les rapports anatomiques de ces pièces, il fout nécessairement les considérer comme les représentants des mandibules et des mâchoires antérieures des autres Ani- maux arliculés. Enfin, une petite sailUe tégumentaire, située plus en arrière, semble correspondre aux mâchoires de la seconde paire des Crustacés ou lèvre inférieure des Insectes (2). des rapports de ces appendices avec le membres gnathiques (a). M. Blanchard syslème nerveux a Uanclié la question. a lait la même observation chez les Nous verrons dans une anirc partie de Galéodes, et il en a conclu avec beau- ce cours que, chez les Insectes et les coup de raison que ces organes corres- Cruslacés, les nerfs des antennes et pondent non à des mandibules, mais (les autres appendices frontaux sont à des antennes (6). fournis par les ganglions cérébroïdes, (1) Les chélicères des Galéodes sont tandis que ceux des mandibules et des très gros, et leur article basilaire porte mâchoires proviennent des ganglions à la base de leur doigt immobile sous-œsophagiens. Or, Newport a con- un petit appendice articulé et palpi- sialé que, chez le Scorpion, les nerfs forme (c). des forcipules ou chélicères naissent (!2) La bouche, ainsi entourée, fait desganglionscérébroïdes,comraeceux saillie entre la base des chélicères et des antennes, et non des ganglions celle des pattes -mâchoires. Les ap- sous-œsophagiens, comme ceux des pendices dont elle est garnie ont été (a) Newport, On the Structure, Relations and Development of Ihe nevvous and circulatory Systems, etc., in Jlijriapoda and Macrourous Arachnida {Philos. Trans., 4843, p.^2Gl, pi. -12, fig. 1 5), et Atlas du Règne animal de Cuvier, Arachmdks, pi. d9 A. (6) Blanchard, Observ. sur Vorgani^alion d'un type de la classe des .arachnides, le genre Galéode (Ann. des sciences nat., 3' série, 1847, t. VUl, p. 231 et suiv.). (c) Voyez l'Atlas du Règne animal da Cuvier, Arachnides , pi. 20, fig. -1 , 16 et \v. 5/l!2 " APPAREIL DIGESTIF. Les membres pédifonnes ou palpes qui viennent ensuite, et qui sont les analogues des bras du Seorpion, ne peuvent donc être que les représentants des pieds-mâchoires ou mâchoires auxi- liaires des Crustacés, et, de même que chez ces Animaux, le nombre total des appendices céphalothoraciques doit être plus grand que chez les Insectes. Un mode d'organisation analogue se voit chez les Chélifères, les Thélyphones et les Faucheurs (1) . très bien représentés par Savigny et par Ai. Blancliard (a). Les mandibules, attachées à rextréaiité d'une espèce de support saillant, ont la forme d'une serpetteet sont appliquées l'une contre l'autre comme deux valvules. Les mâ- choires sontsiluées au-dessous, et con- sistent chacune en un lobe basilaire poutant un appendice sétiforme qui représente le palpe maxillaire des In- sectes. (1) Chez les Chélifères ou Pinces, la disposition des appendices buccaux est essentiellement la même que chez les Scorpions; seulement leschélicères deviennent souvent très petits, les pattes-mâchoires s'allongent davan- tage (bj, et se rencontrent à leur base devant la bouche; enfin, les pattes ambulatoires ne donnent pas naissance aux prolongements maxilliformes qui constituent la mentonnière des x\ra- chnides décrits ci-dessus. Chez les Thélyphones (c), l'armature buccale ressemble beaucoup aussi à ce que nous avons vu chez les Scor- pions ; il y a une paire de chélicères didactyles , un tubercule oral garni d'un article mandibulaire médian , et une paire de grosses pattes-mâchoires qui s'avancent en manière de bras. Mais la forme de ces derniers appen- dices est un peu différente : ainsi les deux premiers articles présentent, du côté interne, de gros prolongements dentiformes très remarquables, qui, en se rencontrant sur la ligne mé- diane au devant de la bouche, peu- vent fonctionner à la manière de te- nailles. Il est également à noter que la pince terminale ou main de ces mâ- choires est au contraire moins bien conformée. Chez les Faucheurs (genre Phalan- gium), les chélicères se développent davantage, et se composent d'un grand article basilaire portant une sorte de main didactyle qui est susceptible de se reployer en dessous contre la bou- che, et qui présente chez le mâle une forme très bizarre (rf). W. Tulk adonné une description fort détaillée, mais un peu obscure , des dillérenles parties qui entourent directement l'orifice buccal, et qu'il nomme labre ou épi- stome, lèvre inférieure, mâchoires de {a) Savigny, Egypte, Arachnides, pi. 8, fig. 4^, 4 e, 4, h, etc. — Blanchard, Organisation duRègne animai, Arachnides, pi. 25, lig. 5. (h) Voyez \ Atlas du Règne animal de Cuvier, Arachnides, pi. 20 bis, fig. 5 6, 5c. (c) Blanchard, Op. cit.. Arachnides, p. 141, pi. 8, fig. 1 et 2. [d) Voyez V Atlas du Règne animal de Cuvier, Arachnidus, pi. 23, fig. \b, \c ia, ic, 5a, ARMATURE BUCCALE DES ARACHNIDES. 543 Chez les Araignées, la bouche est constituée à peu près de Aianéues. la même manière; les parties qui entourent immédiatement cet orifice, et qui forment ailleurs les mandibules et les mâchoires, sont rudimentaires (1 ) ; enfin l'appareil préhenseur des aliments se compose essentiellement d'une paire de chélicères et d'une paire de pieds-mâchoires, en arrière desquels se développe une lèvre sternale formée, non par les hanches des pattes anté- rieures, comme chez les Scorpions, mais par une pièce sternale impaire et médiane qui dépend de l'anneau dont ces membres naissent, et qui est comparable à la mentonnière des Scolo- pendres. Ajoutons que dans la grande famille des Aranéides, les chélicères ne sont pas conformés en manière de pince didactyle, et leur article terminal, qui se replie comme une griffe contre le bord de l'article précédent, dorme issue à un liquide veni- meux Iburni par une glande adjacente (2). îl est aussi à noter que les pattes- mâchoires n'affectent pas la forme de mains, la première paire et mâchoires de la comprimé, appelé museau par quel- seconde paire (a). Ces dernières me ques naliiralisles, et placé ati fond de paraissent être analogues aux lobes Tespèce de fosse préstomienne com- maxilliformes de rarlicle coxal des prise entre les chélicères, la base des pattes antérieures chez le Scorpion, et patles-mâchoires etla mentonnière (c). les précédents me semblent être à la La portion supérieure de cette crête fois une portion de l'article basilaire verticale tient lieu de lèvre supé- des pieds-mâchoires et des appendices rieure, et présente une pièce solide correspondants aux mandibules et aux qui semble représenter les appendices mâchoires des Galéodes (6). mandibulaires ; au-dessous de la bou- (1) L'orifice buccal des Araignées che est un petit prolongement qui pa~ est extrêmement petit et situé à peu raît correspondre à la lèvre inférieure près comme chez les Scorpions , vers des insectes (d). la partie inférieure d'un tubercule (2) La griffe des chélicères se re- (a) Tiilk, Upon tlie Analoniy o/" Phalangiura opilio {Ann. of Nat. Hist., 1843, t. XII, p. iQO, pi. 3, fig. 3 à 14). (b) Idem, ibid., pi. 3, fig. 12. (c) Straus, Considérations sur les Animaux articulés, p. 244. — Dugès, Observations sur les Aranéides {Ann. des sciences nat., 2" série, 1836, l. VI, p. 178), et Atlas du Règne animal de Cuvier, Arachnides, pi. 3, fig. 1 et 2. — Wasiiiaiin, Beilrâye %ur Anatomie der Spinnen (Abliandl. aus dem Gebiete der Naturwis- senschaften. Herausgeyehn von dem naturtuiss. Verein in Hamburg, 1846, 1. 1, pi. 13, Hg. 10). {dj Blanchard, Organisation du Régne animal, Arachnides, pi. 12, lig. 8. hkli APPAREIL DIGKSTIF. mais celle de palpes grêles et cylindriques terminés par nn petit crochet. Chez le mfde, ces appendices sont détournés de leurs usages ordinaires pour être employés d'une manière plie coiilre le bord inférieur de Tar- ticle basilaire de ces appendices chez les Mygales {a), et contre son bord antérieur chez les Araignées dipneu- mones (6). Près de son extrémité se trouve un petit orifice destiné à livrer passage au venin sécrété par une glande logée dans l'article basilaire de cet organe, ou dans le voisinage de la tête (c). La plupart des entomologistes dési- gnent, sous le nom de lèvre, la plaque médiane que j'ai appelée ici la men- tonnière, afin de faire bien ressortir que ce n'est pas l'analogue de la lèvre inférieure des Insectes. Sa forme varie dans les différents genres, et fournit de bons caractères pour la classifica- tion {d). Les pattes - màciioires qui s'insè- rent de chaque coté de cette pièce impaire ressemblent beaucoup à de petites pattes , mais leur article ba- silaire se prolonge antérieurement en forme de lobe, et constitue ainsi une paire de lames qui embrassent latéralement la mentonnière, et sont d'ordinaire désignées sous le nom de mâchoires, tandis qu'on appelle palpe maxillaire le reste du membre. Chez la femelle, ces appendices sont grêles et cylindriques dans toute leur lon- gueur; mais, chez le niàle, ils sont renflés vers le bout, et y logent un appareil copulateur particulier dont je ferai connaître la disposition quand je traiterai des organes de la généra- tion chez ces Arachnides (e). l\Tns le genre Phryné, qui prend place à côté de la famille des Ara- néides, le lobe maxilliforme des pieds- mâchoires est très réduit , mais le propodite acquiert des dimensions considérables, et constitue de chaque côté, au-devant de la tète, une espèce de bras monodactyle qui est très fort et hérissé d'épines sur le bord in- terne (/■). (a) \'o\;ci Y Atlas du Règne animal de Cuvior, Arachnides, pi. 2, fig. 1 et i. (b) Op. cit., pi. 8, fig. 3 b, etc. le) Treviranus, Ueber den innern Dau der Arachniden, pi. 2, fig-. 21. Braiidt et Raizeburg, Medicinische Zoologie, t. II, pi. 15, fig. 6. Dugès, Allas du Régne animal de Cuvicr, Arachnides, pi. 2, fig. G. Blanchard, Organisation du. Règne animal. Arachnides, pi. tT, fig. i. (d) Les variations de forme de celle lèvre 'siernalo et des pâlies- mâchoires adjacentes ont été étu- diées, au point do vue zoologique, par Walckenaer, et sont représentées dans tous les ouvrages descriptifs qui traitent de l'histoire naturelle des Arachnides. Je me bornerai donc à citer ici le prin- cipal travail de cet cnlomologisie, intitulé Tableau des Aranéides (1805), et à renvoyer, pour plus de détails, à VAtlas du Règne animal de Cuvier, où toutes les ]ilanclies relatives à la famille des Ara- néidcs ont été faites par Dugès. (e) Voyez Lyonnet, Rech. sur l'anatomie et les métamorphoses de différentes espèces d'Insectes, pi. 9, fig. i à 1.^ — sâvigny, Egypte, Arachnides, pi. d , fig. 3 e, 3 f, etc. — Brandt et lAatzeburg, Op. cit., pi. 1 5, fig. 1 et 2. — Dugès, loc. cit., pi. 8, fig. 1 c, 3;/, c(r. — Menge, Ueber die Lebermueise der Arachniden, pi. 2, fig. 13 à 27 {Neueste Schriften der Naturforschenden Gesellschaft in Danzig, 1843, t. IV). — Blanchard, Organisation dit Règne animal. Arachnides, pi. 17, fig. 9 et tO. (/■) Voyez le Règne animal, Arachnides, pi. 16, fig. 1,16. buccnl des Acariens. AUMATIJKI£ UUCCALl'; DliS ARACHNIDES. 5/l5 i fort singulière dans l'acte de la copulation; enlin, il existe à leur base un prolongement lamelleux qui s'avance sous la bouche, à peu près comme le font les lobes coxaux des pattes | antérieures du Scorpion, et qui font office de mâchoires. La ^ mentonnière, ou lèvre sternale, qui s'avance entre ces deux j lames maxiUiformes, est tantôt mobile, ainsi que cela se voit j chez les Araignées proprement dites , d'autres fois soudée au J plastron sternal, comme chez les Mygales. j § 16. — En général , les Acariens ne sont pas, comme les Appareil Araignées et les Scorpions, des Animaux chasseurs, mais des parasites qui mènent une vie sédentaire et s'accrochent à leur proie; aussi leur armature buccale est-elle autrement dis- posée (1). Les appendices dont cet appareil se compose sont réduits à de très petites dimensions, et ilst endent à rentrer de plus en plus complètement dans l'intérieur de la tête, ou plutôt dans une gaine tégumentaire qui est formée par la partie circum- buccale de la peau, et qui constitue, avec plusieurs de ces organes devenus styliformes, un siphon ou suçoir. Chez quelques-uns de ces petits Arachnides, lesOribates, par exemple, les analogies qui existent entre ces parties et les appendices buccaux d'un Scorpion ou d'une Araignée sont faciles à constater; mais chez d'autres Acariens, tels que les Ixodes et les Sarcoptes , la dégradation est poussée plus loin, et il est difficile d'établir cette concordance d'une manière satisfaisante. Chez les Oribates, l'appareil buccal est logé dans une petite cavité pratiquée sous la partie frontale du céphalothorax, et se (1) M. Diijardin pense que les Aca- mais ce mode d'organisation ne me riens dont Dugès a formé le genre paraît nnllement démontré, et il est Hypopus sont dépourvus de lîouche, probable que l'orifice buccal existe, et il considère ces Animaux comme quoiqu'il ait échappé aux recherches étant des larves de Gamases (a) ; de ce naturaliste. [a) DujarJin, Mémoire sur les Acariens sans bouche dont on a formé le genre Hypopus [Ann. des sciences nat., 3= série, I. XII, p. 343, et p. 259, p). II). V. 35 546 APPAREIL DIGESTIF. compose d'un faisceau de petits appendices, dont les uns sont des chélicères à pince didactyle, d'autres des pieds-mâchoires formant chacun un palpe et une branche interne ou endo- gnathe, bifurqué au bout (1). Chez les Sarcoptes , l'invagination de cet appareil est plus complète, mais sa composition paraît être à peu près la même (2), tandis que chez d'autres Acariens on y observe des (1) M. Nicolet a étudié et figuré avec beaucoup de soin Taimature buc- cale d'un grand nombre d'Acariens delà famille des Oribatides {à). Cet appareil est logé dans une cavité ap- pelée camérostome , qui résulte du prolongement du bord frontal du cépbaiolborax en une sorte de rostre voûté (6). A sa partie inférieure et postérieure on aperçoit une lame mé- diane qui otTre en général à peu près la forme d'un triangle dont le sommet serait dirigé en avant. M. INicolet dé- signe cette pièce sous le nom de lèvre, et, en efl'et, elle correspond évidem- ment à la mentonnière ou lèvre infé- rieure des Araignées. De chaque côté et un peu plus en avant se trouve un palpe grêle et cylindrique composé de quatre ou cinq articles placés bout à bout, et en connexion par sa base avec une pièce maxilliforme qui s'avance au-dessus de la mentonnière et se ter- mine par deux lobules lamelleux ou deux articles placés côte à côte , de façon à ressembler extrêmement à une mâchoire d'Insecte (c). M. Nicolet désigne cet organe sous le nom de mâchoire, et ne s'explique pas nette- ment au sujet de ses rapports avec le palpe ; mais il me semble évident que ce sont des portions d'un seul et même membre, lequel correspond à une patte-mâchoire d'Araignée : seulement ici le coxile, au lieu de se prolonger en un lobe maxillaire, donne nais- sance à une branche accessoire in- terne, comme le font les deutognathes chez les Insectes. Enfin, plus en avant et au-dessus de ces organes, se trouve une autre paire d'appendices confor- més en manière de pince didactyle, comme chez les Scorpions [d). M. Ni- colet les appelle mandibules ; et, en effet, ils correspondent évidemment aux organes que la plupart des ento- mologistes désignent de la même ma- nière chez les Araignées, c'est-à-dire les chélicères. Un mode d'organisa- tion fort analogue se retrouve chez les Trombidions , les Gamases , les Ixodes , et beaucoup d'autres Aca- riens (e). (2) La bouche du Sarcopte de la (a) Treviraiius, Ueber den innern Bau der ungeflûgelten Insekten. Die milbenartigen Insekten (Vermischte Schriften, 1. 1, p. 47, pi. 5,(ig. 28 à 30;. — Dujardin, Mém. sur les Acariens {Ami. des sciences nat., 3° série, 1855, t. III, p. \ 0). (6) Nicolet, Histoire naturelle des Acariens qui se trouvent dans les environs de Paris [Archiv. du Muséum, 1855, t. VU, p. 403, pi. 24, fîg. 16, 18, etc.). (c) Atlas du Règne animal de Cuvier, Arachnides, pi. 25, lig. 2 a. (d) Nicolet, Op. cit., pi. 33, fig-. le, 4c, etc. (e) Idem, Op. cit., pi. 33, fig. 1 e, etc. ARMATURE LUCCALE DES ARACHNIDES. 5/|.7 particularités de structure qui paraissent avoir de l'analogie avec certaines dispositions dont les Insectes suceurs de l'ordre des Diptères nous ont déjà offert des exemples. Ainsi, chez les Ixodes, indépendamment des palpes et d'une paire d'appen- dices allongés et barbelés au bout, qui paraissent correspondre aux chélicères des Araignées, on trouve une lame médiane étroite et impaire qui est également denticulée, et qui paraît résulter de la soudure des branches internes des deux pattes- mâchoires (1). Il est aussi à noter que chez plusieurs Arachnides gale est très difficile à bien observer, à cause de cette invagination et de la petitesse des parties. Cependant, quand on compare les figuies qui en ont été données par MM. Vandenhecke et Le- roy, ou par M. Bourguignon (a), avec celles de l'appareil buccal d'un Ori- batien, on y reconnaît une grande analogie ; et j'ajouterai qu'au moment de mettre cette Leçon sous presse, je vois que les observations de ces au- teurs s'accordent très bien avec les résultats fournis par de nouvelles re- cherches dues à M. Ch. Fxobin (6). En effet, M. Vandenhecke a représenté sur la ligne médio -inférieure (sous le n" 7) une pièce impaire qui cor- respond évidemment à la menton- nière ou lèvre inférieure; puis, sur les côtés, une paire d'appendices co- niques qu'il nomme mâchoires , et que M. Bourguignon appelle mandi- bules, mais que je considère comme les analogues des palpes ou branches principales des pattes - mâchoires. Entre ces deux organes on voit, de chaque côlé, une pièce allongée et denticulée à son extrémité antérieure (5 et 8), qui me semble correspondre à la branche interne ou maxilliforme de ces mêmes pattes-mâchoires. En- fin, au-dessus de ces derniers appen- dices, se trouve une paire de pièces fusiformes et terminées en pince , qui me paraissent être des chélicères réduits à un état presque rudimcn- taire : M. Bourguignon les a décrits sous le nom de mandibules secon- daires. M. Dujardin les a représentés dans l'état de protraction chez l'Aca- rus du fromage (cj ; enfin, j'ai publié dans V Atlas du Régne animal de Cu- vier une figure de l'ensemble de l'ap- pareil buccal chez ce dernier Aca- rien {d). (1) Lyonnet a figuré ces trois lames {a) Leroy et Vandenhecke, Recherches microscopiques sur TAcarus scabiei, p. 14, pi. 4 (extr. des Mémoires de la Société des sciences naturelles de Seine- et- Oise, 1835). Bourguignon, Traité entomologique et pathologique de la gale de l'Homme, pi. 5, fig. 24 à 32 (extr. des Mémoires de l'Académie des sciences, Sav. étrang., 1852, t. XII). (6) Robin, Mém. sur la composition anatomique de la bouche ou rostre des Arachnides de ta famille des 'sarcoptes (Comptes rendus de VAcad. des sciences, 22 août 1859). (c) Dujardin, Nouveau Manuel de l'observateur au microscope, 1842, atlas, pi. 17, liç;. 11. [d] Atlas du Règne animal de Cuvier, Arachnides, pi. 26, fig. 2 c. 5/|S API'AIÎIÏIL DIGIÎSTIF. de cet ordre, la portion basikiire de la gaîne tégiimentairc (|ui entoure ces organes pour constituer le siphon s'allonge beau- coup, et que les appendices logés dans son intérieur deviennent grêles comme des aiguilles (1). denliciilées chez la Tique {Ixodes ricî- nus) ; Treviraniis et Audoiiiii les ont représentées chez d'autres espèces du même genre ; enfin Dugès a fait mieux connaître leur disposition chez l'Ixode plombé (a). Les palpes situés de chaque côlé sont également lamel- leux, el, dans Pélat de re|)Os, engaî- nent les pièces précédentes, comme le ferait un étui bivalve. Les lames mandibuliformes (ou chéhcères) sont étroites, allongées el terminées par un onglet mobile et denliculé, ainsi que par une sorie de grifTe immobile. La lame impaire , qui a été consi- dérée comme une lèvre inférieure par Audouin et par Dugès, est également très allongée et concave en dessus, mais garnie on dessous de crochets dont la pointe est dirigée en arrière, de façon à simuler sur les bords des dents de scie. (1) Ainsi , chez la Smaridie papil- leuse, l'appareil buccal se compose d'une sorte de U-ompe cylindrique, qui est à peine visible dans le repos, mais qui est très protractile, et qui porte vers sa partie antérieure une paire de palpes. Dans son intérieur se trouvent deux stylets aigus qui représentent les chélicères ou bien les branches internes des paltes- mâ- choires (6), et qui glissent dans une pince médio-inférieure en forme de goullière, qui est probablement l'ana- logue de la mentonnière (c). il est aussi à noter que les palpes ou branches principales des pattes-mâ- choires présentent beaucoup de varia- lions dans la disposition de leur por- tion terminale. Tantôt ils sont anten • niformes ou filiformes : par exemple, chez les Scires ou Bdeiles {d) ; d'autres fois valvulaires, ainsi que nous l'avons déjà vu chez les Ixodes; d'aulres fois encore ancreux , c'est-à-dire armés de pointes vers le bout, disposition qui est propre aux FJydrachnes ou Acariens aquatiques (e); enfin, ils sont appelés ravisseurs quand leur premier article est armé d'un ou de plusieurs crochets, et leur article ter- minal mousse et pyriforme, de façon à rappeler un peu les pattes ravisseuses (a) Lyoniic't, Recherches sur L'aiialomie et les métamorplioses de différenles espèces d'Insectes, p. 57, pi. 6, lig. i. — Treviranus, Ueber den Bau der Myua (ZeUschrijt fur Physiologie, t. IV, |i. 187, pi. 4G, fig. 4 et 5). — Audouin, Lettre conlenanl des recherches sur quelques Arachnides parasites {Aun. des sciences nat., ^'° série, t. XXV, pi. 14, fis;. 2, 3 et 4). — Dugès, Recherches sur l'ordre des Acariens, 3° niciii., p. 18, el. 7, tv^. 1 1 (exir. des Ann. des sciences nat., 2" séiie, 1834, I. 11). (6) Diigos, Op. cit., \" iiiéni., p. 31, pi. 1, lig. 14, Hi (Ann. des sciences nul., 2° série, t. I). (c) Idem, itiid., pi. 1, lig. 15. (d) Exemple : Scirus taticornis (Règne animal de Guvicr, Ap.acun'1des, pi. 25, fi^'. 4, 4 c) . (i;) Op. cit., pi. 28, tig. 2 a, etc. ARMATLUE BLCCALE DES AP.ÀCilNlDES. 5/l9 Eniin, chez les Tardigrades, qui paraissent devoir être ratta- chés à l'ordre des Acariens, l'appareil buccal est réduit à une trompe charnue et conique qui renferme un canal corné médian, dans lequel glissent deux stylets (1). § 17. — En résumé, nous voyons que chez tous les Arthro- Résumé, podaires, ou Animaux arliculés proprement dits, l'armature buccale, malgré la variété de ses formes, est composée de matériaux similaires, et que ces éléments anatomiques sont des membres disposés par paires sur les deux côtés de la ligne médiane, à la face inférieure du corps, et analogues aux appen- dices que la Nature emploie pour conslituer des patles ambula- toires ou des antennes. Mais ce que Ton pourrait appeler l'ori- gine commune de tous ces membres destinés à des fonctions variées devient encore plus évident lorsque, au lieu de s'en tenir à l'examea de ces parties quand leur développement est achevé, on les étudie aussi pendant les premières périodes de la vie de l'embryon. En eft^t, on voit alors que leur structure est d'al)ord des Manies : par exemple , cliez les dans lequel les slyiets se logent me 'l'rombidions {a), l'ciir plus de détails semble être ranalogiie de la pièce à ce sujet, je renverrai aux mémoires labiale ou menlionnicre de ces mêmes de Diigès et de M. Dujardin (6). Acariens. Enfin, les deux stylets ont (i) M. Doyère a étudié avec beau- une très grande ressemlilance avec les coup de soin l'organisation de la ré- deux lames dentées que nous avons gion buccale de ces Animalcules. Ce vuesdansla trompe des ixodes,elc. (c). qu'il décrit sous le nom à'anneau Mais chez les Tardigrades on n'aper- buccal et CCanneau pharyngien me çoit rien qui paraisse ressembler à la paraît correspondre à la gaine du su- lame médiane qui, chez ces derniers, çoii- des Smaridies, et les deux petits tient probablement lieu de la paire tubercules qui en garnissent les côtes de branches internes dépendantes des pourraient bien être des vestiges de pieds-mâchoires chez la plupart des l)alpes maxillaires. Le tube intérieur Arachnides. (a) Allas du Règne animal àa Cuvier, Arachnides, pi. 24, fig. 1 fc. (6) Dugès, Recherches sur l'ordre des Acariens {Ann. des sciences nat., 2" série, 4834, I. I, p. H et siiiv.). — Dujardin, Mém. sur les Acariens (Ann. des sciences nat., 3« série, 18'i5, t. 111, p. 9 et suiv.). (c) Dojère, Mémoire sur les Tardigrades., p. 33 et 57, pi. i2, fig. 2 ; pi. U, fig. 2 cl 3 (exir. des Ann. des sciences nal., 2° série, 1840, t. XIV). 550 APPAREIL DIGESTIF, ARMATURE Bl'CCALE DES ARACHNIDES. uniforme , que dans le principe ils ont tous la même forme, et que c'est à mesure qu'ils se développent davantage qu'ils acquièrent les particularités d'organisation à raison desquelles les uns deviennent des mandibules ou des mâchoires, les autres des pattes, des antennes ou même d'autres instruments physio- logiques dont nous aurons à nous occuper par la suite (1). Lorsque je traiterai de l'organogénie , je reviendrai sur ce sujet pour l'étudier d'une manière plus complète ; mais, dès aujourd'hui, j'ai dû indiquer le fait que je viens de signaler, car il prouve la vérité des rapprochements auxquels la compa- raison seule avait d'abord conduit. (1) Cette identité apparente dans les développement de l'Écrevisse , par parties de l'embryon qui consliluent celles de Newport sur l'embryologie les premiers rudiments de tout le des Myriapodes (a), et par l'ensemble système appendiculaire d'un Animal des faits connus relativement aux méla- arliculé a été très bien établie par les morphoses des Insectes, belles recherches de M. F.athke sur le (a) Ratlike, Untersuchuncjen ûber die Bildimcj und Entwickelung des Flusskrebses , 1829, et Ann. des sciences nat., 1" série, ISSO, t. XX, p. 442. — Newport, On the Organs of Reproduction and the Development of Myriapoda iPhilos. Trans., i8i\, p. 99). CINQUANTE ET UNIÈME LEÇON. Suite de l'histoire des organes digestifs des Animaux articulés. — Du tube alimentaire et de ses annexes chez les Crustacés, les Arachnides, les Insectes et les Myria- podes. § 1. — D'après le mode d'organisation complexe et puissant de l'appareil buccal chez les Crustacés, nous aurions pu sup- poser que les aliments, avant d'arriver dans l'estomac de ces Animaux, se seraient trouvés dans un état de division suffisante pour rendre efficace l'action des sucs digestifs, et n'auraient pas à subir dans l'intérieur du corps une nouvelle trituration. Mais il en est autrement, et chez les Crabes, les Écrevisscs et tous les autres Crustacés supérieurs, l'estomac est le siège d'un travail de mastication complémentaire qui est opéré par un appareil particulier dont la structure est très remarquable. En effet, chez tous les Décapodes, l'estomac est une grande poche arrondie qui surmonte immédiatement la bouche, et qui n'en est séparée que par un œsophage court et vertical (1), Cette chambre digestive se trouve par conséquent dans la tête, et la Appareil digestif des Crustacés. Estomac. (1) L'œsophage des Crustacés Déca- podes est large, plissé lonsitiulinale- nient, et pourvu de fibres musculaires transversales très puissantes, qui con- stituent un sphincter. Son orifice su- périeur, que l'on appelle quelquefois le cardia (nom emprunté à l'anatomie humaine), débouche vers le milieu de la face inférieure de l'estomac, et se trouve entouré de plusieurs tubercules mous, ou replis tégumentaires, qui font office de valvules, pour empêcher la sortie des aliments (a). Chez les Crustacés inférieurs, l'œso- phage ne présente en général rien de particuher ; mais il est à noter que chez les Cirrhipèdes, qui appar- tiennent au même groupe zooiogique, cette portion vestibuiaire du canal di- gestif se termine par une expansion en forme de cloche qui maintient la partie cardiaque de l'estomac dilatée {b). [a] Milne Edwards, Atlas du Règne mriînal de Ciivier, Crustacés, p). 5, ùg. 1 a et 1 b. (b) Mariiii-Saint-Aiige, Mém. sur V organisa lion des Cirrhipèdes, p. 16, pi. 2, fig. i D. — Darwin, A Monograph of Cirripedia : Balanid.-e, p. 85 [Ray Society, 1854). b5'2 ORGANES DE LA DIGESTION. région qu'elle occupe est d'ordinaire reconnaissable extérieu- rement, à raison d'un sillon de la carapace qui la sépare des parties adjacentes (1). L'estomac se compose de deux portions dont la structure est très différente : dans sa moitié antérieure ses parois sont même membraneuses et tlasques (2); mais dans sa moitié postérieure, au fond de laquelle se trouve le (1) La région sloinacaie de la cara- pace est un comp;irlimenl de ce grand bouclier céphalo-tlioracique qui se trouve sur la ligne médiane, immé- dialenient derrière le front. Chez les Écrevisses , les Homards, etc., elle se confond latéralement avec les régions hépatiques, et n'est bien déli- mitée que postérieurement , où se trouve un grand sillon transversal et oblique, appelé sillon cervical ; mais chez les Cancériens et beaucoup d'au- tres Brachyiues , elle est séparée de toutes les parties voisines de la sur- face supérieure du test par une dé- pression linéaire plus ou moins pro- fonde (a). La cavité dans laquelle rcstomac est logé renferme aussi tous les autres viscères, et se continue dans toute la longueur du corps, mais elle n'est élargie que dans la région céphalique. Dans la région thoraciquc, elle est resserrée entre les cellules épimé- riennes qui logent les muscles de la base des pattes, et se trouve adossée à la voûte des flancs. Enfin, dans la région abdominale, elle est rendue étroite par la forme de celte partie du corps, chez les Brachyures, et par la présence des muscles de la queue chez les Macroures. En dessus elle est limitée par la carapace. (2) L'estomac est revêtu extérieu- rement par une portion de la tunique périlonéale, membrane séieuse qui tapisse la totalité de la chambre viscé- rale et qui se replie autour de tous les organes contenus dans cette grande cavité. La tunique interne de l'estomac est revêtue d'une lame épithélique com- posée principalement de chitine, qui, dans certains points, acquiert une très grande épaisseur, et s'ossifie pour ainsi dire par le dépôt de matières calcaires dans son intérieur. On y remarque aussi par places des poils ou soies roides dont la structure est souvent fort remarquable ; ainsi beaucoup de ces appendices, au lieu d'être siyli- formes , comme d'ordinaire , sont élargis et digilés en manière de peigne (b). (a) Dcsmai'cst, Considérations générales sur la classe des Crustacés, dSSS, p. 20. — Milno Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, 1834, t. 1, p. 248, pi. 14 bis, fig. 2, elc, — Observations sur le squelette térjumenlaire des Crustacés Décapodes {Ann. des sciences nat., 2' série, I. XVI, pi. 8, Rg. 5, 6, etc.). (bj Valenlin , Ueber das Vorkommen von verschiedenartigen und eigenlhûmllchen Haarfor- mationen auf der innern Oberflâclie dcr Schleimhaut des Nahrunskanates (Reperlorium fur Anat. tmdPhysiol., 1837, t. I, p. 115, pi. 1, lig. 15-20). ■ — Œsierlen, Ueber den Hlagen des Flusskrehses (Miillcr's Archiv fiïr Anat. und Physiol, 1840, p, 411, pi. 12, fig. H et 12), stomacale. TCCE ALlMENTAlltE Î)ES CRUSTACÉS. 553 pylore ou oritiee conduisant à l'intestin, ces mêmes parois sont Armature soutenues par une charpente solide, composée d'un grand nombre de pièces cornéo-calcaires articulées entre elles, et appartenant au système épiihélique, comme le squelette exté- rieur (]j. Plusieurs de ces pièces l'ont saillie dans l'intérieur de l'estomac, et y constituent des tubercules dentiformes et des espèces de cardes qui entourent l'oritice pylorique, et qui sont disposées de façon à se rencontrer. Enfin des muscles qui s'étendent entre ces pièces dans l'épaisseur des parois de l'es- tomac, ou qui se yiortent des principales d'entre elles aux parties voisines de la carapace, mettent cet appareil en mouve- ment, et déterminent l'écrasement complet des matières alimen- taires à mesure que celles-ci s'engagent dans le pylore pour se rendre à l'intestin. Les principales dents stomacales, ainsi constituées, ont la forme de gros tubercules jaunâtres, d'une grande dureté, et sont toujours au nombre de trois : l'une est supérieure et occupe la ligne médiane; les deux autres sont (1) L'iirmaliire slomacale des Crus- mer un sac niembraneiix dans lequel lacés esl sujcUc à des mues périodi- le résidu des aliments est évacué au ques , comme les autres parties du dehors par l'anus. M. Darwin a con- squeletie léj^umentaire de ces Ani- slaié ce singulier phénomène chez les maux. Ce phénomène a été connu de Anatifes aussi bien que chez les Ba- Van Helmont et observé par plusieurs lanes (6). C'est probablement une dé- naturalistes pins modernes (a). ponille épiihélique de ce genre que Chez les Cirrhipèdes, la tunique épi- M. Martin-Sainl-Ange a prise pour un théiique de l'estomac se détache sou- second tube intestinal inclus dans le vent tout d'une pièce, de façon à for- premier (c). {a) Van Helmont, TractaHis de lithiasi (Opuscula medica, idiS, cap. vu, p. 67). — GoofFroy, Observations sttr les Écrevisses de rivière [Mcin. de l'Acad. des sciences, 1109, p. 309). — Réaumnr, Sur les diverses reproductions qui se fout dans les Ecrevisses, etc. (Mém. de l'Acad. des sciences, 1712, p. 239). — K. E. von B:ur, Ueber die sogenannte Erneiierung des Magens der Krebsc (Miiller's Archiv fur Anat., 1834, p. TvlO). — Œslcrlon, Op. cit. (Miiller's Archiv fiir Anat. und Physiol., 1840, p. 419). (6) Darwin, A Monograph of Cirripedia .-Lepadid.e, p. 4G ; Balanid^ , p. 80 (F,ay Society, 1851, 1S,Ï4). (c) Marlin-Sainl-Angc, Mém. sur l'organisation des Cirrhipèdes, p. 17, pi. 2, flg. 2 et 3. 554 ORGANES DE LA DIGESTION. paires, hérissées de pointes ou de poils roides, et placées sur les côtés, de façon à se rencontrer et à s'opposer également à la précédente. Il en résulte une espèce de pince à trois branches, que les aliments sont obligés de traverser pour arriver au pylore; et en général d'autres pièces accessoires latérales ou inférieures sont disposées de manière à exercer aussi une action triturante et à compléter cet appareil de mastication sto- macale (1). (1) L'appareil triturant de l'estomac des Crustacés Décapodes a été étudié chez l'Écrevisse et quelques autres espèces par plusieurs naturalistes (a). Dans mon ouvrage général sur les Crustacés, j'ai donné ime description détaillée des diiïérentes pièces dont il se compose (6). Ici je me bornerai à en indiquer les dispositions princi- pales. On remarque d'abord, vers le mi- lieu de la face supérieure de l'eslo- mac, une bande cartilagineuse trans- versale qui est composée de trois pièces dites cardiaques (savoir, une mésocardiaque et deux ptérocardia- ques) ; en arrière, elle s'articule avec une pièce impaire et médiane qui se prolonge postérieurement vers le py- lore, et qui peut être appelée dentaire supérieure ou urocardiaque ; puis, de l'extrémité de chacune des branches de l'espèce de T ainsi formé, part une pièce latérale courbe, qui se rend vers le bout pylorique de la pièce dentaire supérieure, et s'y articule par l'inter- médiaire d'une autre pièce médiane nommée pylorique antérieure. Vues en dessus, ces pièces latérales sem- blent être seulement des bandes cor- néo-calcaires étroites, qui simulent la corde tendue d'une arbalète dont la tige et l'arc seraient représentés par les pièces réunies en forme de T; mais postérieurement elles s'élargissent beaucoup en dessous , et elles mé- ritent le nom de pièces dentaires latérales (c). En effet, à leur exlré- mité postérieure, ces deux pièces, de même que la pièce dentaire supé- rieure, se renflent en dedans de façon à faire saillie dans l'intérieur de la cavité de l'estomac, et à y constituer un gros tubercule dentiforme dont la disposition varie un peu suivant les genres. Au-dessous de chacune des (a) Rosel, Insecten-Belustigwuj, 1. 111, pi. 58, fig. 12 et 13. — Sucltow, Anatomisch-physiologische Untersuchungen der tnsektenund Krustenthiere, 1R18, p. 52,pl. lO.fig. 11 et 12). — Brandt et Ratzeburg, Medizinische Zoologie, t. M, p. 62, pi. 11 et 12. — F. Œsterlen, Ueber den Magen des Flusskrebses (Miiller's Archiv fur An ai. und Physiol., 1840, p. 390, pi. 12). (b) Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, 1834, t. I, p. C7 et suiv., pi. 4, fig. 1, 0, 7, 8, 9 et 10. (c) Dans mon enseignenr.entau Muséum d'histoire n'aturelle, j'ai substitué ce nom à celui de pièces cardiaques latéro-inférieures, que j'avais adopté dans mon ouvrage sur l'histoire naturelle des Crustacés, mais que j'ai trouvé d'un emploi incommode. TUBE ALIMENTAIRE DES CRUSTACÉS. 555 L'estomac de ces Crustacés est donc un véritable gésier, comparable à l'estomac triturant que nous avons déjà rencontré chez divers Mollusques, les Aplysies, par exemple; mais il n'est pas seulement un instrument mécanique, il est aussi le siège des principaux phénomènes chimiques de la digestion. En effet, la bile et probablement d'autres sucs dissolvants y pièces dentaires latérales, on remarque sur les côtés de l'estomac une large plaque cartilagineuse qu'on peut ap- peler dentaire accessoire (ou car- diaque latérale), dont l'angle postéro- snpérieur donne également naissance à un tubercule dentiforme, et dont le bord interne est liérissé de poils. Enfin la paroi postérieure et inférieure de l'estomac est garnie aussi d'une plaque médiane nommée cardiaque postérieure , qui se porte obliquement vers le pylore, et se termine au-des- sous du tubercule médian dépendant de la pièce dentaire supérieure, en con- stituant parfois une dent médio-infé- rieure très remarquable {a). D'autres petites pièces solides, d'une moindre importance, servent à réunir les précé- dentes entre elles. Enfin, derrière la pièce à trois branches formée par le rap- prochement des tubercules dentiformes dépendants des trois grandes pièces déjà décrites, on trouve une autre char- pente composée de pièces cartilagi- neuses dites pyloriques, qui soutien- nent les parois du fond de l'espèce d'entonnoir conduisant de l'estomac à l'intestin, et y donnent naissance à divers tubercules ou replis mem- braneux dont quelques-uns fonction- nent à la manière de valvules pour empêcher le retour des matières ali- mentaires dans l'eslomac (6). Les principaux muscles moteurs de cet appareil de trituration consistent en deux paires de gros faisceaux char- nus qui naissent de sa partie supé- rieure, et vont prendre leur point d'appui sur les parties adjacentes de la carapace. Une paire de ces muscles, appelés gastriques antérieurs , se fixe d'une part au front, et d'autre part à la traverse formée par les pièces ptérocardiaques; l'autre naît (le la région pylorique de l'estomac, et remonte obliquement en arrière pour s'insérer à la partie teruiinale de la région stomacale de la carapace. Une troisième paire de muscles extrinsèques de l'estomac, beaucoup plus grêles que les précédents , descend de la portion pylorique de ce viscère au bord postérieur de la bouche. Enfin, on trouve aussi divers faisceaux muscu- laires étendus d'une pièce à une autre dans l'épaisseur des parois de l'es- tomac. Il est aussi à noter qu'à l'époque de la mue, une sorte d'ampoule discoïde se développe de chaque côté de l'es- tomac, dans l'épaisseur des parois de sa partie cardiaque, et qu'une concré- tion calcaire se forme dans la loge (a) Par exemple, chez le Paijurus granulalus, où celte pièce constitue sous l'entrée du pylore une dent en forme de fer à cheval finement striée en râpe. (b) Milne Edwards, Crustacés de l'Atlas du Règne animal, pi. 5, fig. 1 a et 1 6. 556 orCanes De la digestion, afllLient (1), et les aliments n'en sortent, ponr se rendre dans l'intestin, qu'après avoir été transformés en une pâte chymeuse. Chez les Squilles et les Édriopbtbalmes, la charpente solide de l'estomac se simplifie et se dégrade beaucoup; enfin, chez les Crustacés inférieurs, on n'en découvre plus de trace (2); ainsi conslituée. Celte pièce se détache ensuite et devient libre dans la cavité de l'estomac, mais ne tarde pas à dis- paraître, soit parce qu elle est expulsée au dehors, soit parce qu'elle est ré- sorbée. Ce sont ces concrétions que les pharmacologistes désiL'naient jadis sous le nom û'rjeux d'Écrevisse. (1) Chez la plupart des Crustacés il n'y a, dans le voisinage de l'estomac, aucun organe qui puisse être consi- déré comme une glande salivaire ; quelques auteurs (a) ont pensé que l'on pourrait attribuer des lonctions de ce genre à un organe verdàtre qui se voit de chaque côté de l'œso- phage chez l'Écrevisse {b\ et qui est beaucoup plus développé chez le Ho- mard; mais j'ai constaté que ces glan- des débouchent à l'extérieur du corps par un orifice pratiqué dans le tuber- cule dit auditif, qui se remarque à la base des antennes externes de tous les Décapodes ; par conséquent, il n'y a aucune raison pour regarder ces organes comme étant des annexes de l'appareil digestif (c). Un peu en ar- rière de l'o'sophage, on trouve , chez le Homard, une seconde paire de corps verdàtresqui paraissent être aussi des organes sécréteurs, mais je n"ai pu leur découvrir aucune connexion avec la cavité alimentaire. Chez les Cir- rhipècles, au contraire, on voit autour de l'extrémité postérieure de l'œso- phage un groupe d'ampoules dispo- séesen grappes, qui paraissent être des organes sécréteurs de ce genre {dj. !\I\I. Pickeringct Dana allribucnldes fonctions analogues à un petit organe glanduliforme qu'ils ont trouvé près de la bouche, chez les Caligcs (e). Enfin, M. Leydig pense qu'une paire de tubes disposés en anse, cl attachés à la partie postérieure de l'œsophage, chez rx\rgule foliacé, est aussi une glande salivaire ou un ap- pareil vénénifique (/). (*i) Ainsi, chez les Palémons, presque toute la partie supérieure de la char- fa) Carus, Traité élémentaire d'anatomie comparée, t. II, p. 2-40. (b) V,bi(i\,lnseklen-Bclusti(]imçj, t. III, p. 3-22, pi. 48, fig. d. (c) Milîie Edwanls, Histoire naturelle des Crustacés, t. I, p. 124, pi. 12, fig. 10. (d) Ces grappes ont élé l'cpicsunloes clicz les Analil'cs par Cuvier (il/cm. sur les Animatox des Anatifes et des Balanes^ p. 10, pi. 1, fig. 9 cl H. Mém.pour servir à l'histoire des Mollusques). — Chez les Balancs, elles ont été observées par Karslen (Disquisitlo microscopica et ehemica hepatis et bilis Crustaceorum et Molluscorum, m Nova Acta Acad. Nat. curios., t. XXI, pi. 20, fig. 1). (e) Pickerini? and Dana, Dcscript. of a Speclcs of Caligiis, p. 32, |il. 4, ùg. 0 cl 9 a (American Jourii. of Science, t. XXXIV). (D Le^rfig, Ueber Arguliis (Zeitschrilt fiiv îvissensch. /.oologie, 1850, 1. II, p. 333, pi. 19, f.g. 2). TUni-: ALIME.MAIUE OKS CIl'JSTACÉS. 557 mais chez presqno tous ces Animaux la portion postœsoplia- giennc du tube aliinentaire est dilatée en manière de poche pente solide de l'estomac disparaît. Par exemple, chez le P. jamaicensis, où cet organe se prolonge poslérieu- remcnt en un grand cul-dc-sac mem- braneux au-dessus de l'œsophage, on y voit un disque carlilagineux qui paraît correspondre à la pièce cardiaque médiane . et sou plancher est revêtu d'une pièce disposée eu forme de gouttière et analogue à celle que j'ai appelée cardiaque infé- rieure ; enfin l'entrée du pylore est garnie de quelques autres pièces dont une inférieure est renflée en forme de boîte. Mais, chez d'autres Salicoques, cet appareil est très d(iveloppé et pré- sente des particularités remarquables. Ainsi, chez le Caridina Desmarestii, ^]. .!oly a trouve à la partie inférieure de l'estomac un appareil triturant bivalve qui est très complexe, et qui )ne paraît correspondre aux pièces dentaires accessoires de l'Écrevisse ; puis, dans la portion pylorique de ce viscère, il a rencontré d'autres pièces dont le mode d'action n'a pu être bien délerminé (a). Chez les Mysis , au contraire , Tar mature stomacale est réduite à un très petit nombre de pièces peu développées (6). Chez les Scjuilles, ainsi que je l'ai déjà dit, l'armature stomacale est en partie remplacée par un prolonge- ment des mandibules qui s'élève verti- calement dans l'intérieur de l'esto- mac, au-devant du pylore (c). Il y a, en outre, des plaques cornées qui garnissent le pourtour de cet orifice. Il est aussi à noter que la portion cardiaque de l'estomac s'avance dans la tète, très loin au-devant de l'ouver- ture œsophagienne. • Diuis la grande division des Édrio- phlhalmes, l'armature stomacale est moins puissan te que chez la plupart des Décapodes, mais sa structure est ce- pendant en général Ibrt compliquée : ainsi, chez les Cloportides, où l'esto- mac, logé tout entier dans la tête, est petit et globuleux , cet organe est pourvu aussi d'un appareil triturant fort complexe et assez semblable à celui des Décapodes. M. Lereboullet en a donné une description très détaillée, et y a reconnu des pièces épithéliques analogues à celles dont il vient d'être question, sous les noms de pièces den- taires supérieures et latérales. Mais les pièces cardiaques manquent. La portion pylorique de' l'appareil est très développée et fort compliquée (d). M. liathke a constaté l'existence d'une armature stomacale bien déve- loppée chez Vldothea entomon ; mais la description qu'il en a donnée n'est pas assez détaillée pour que l'on puisse établir utilement une comparaison entre les pièces dont cet appareil se (a) Frey et Leuclcari, Beilràge sît/- Kenntniss wlrbelloser Thiere, p. 1 18. (6) .loly, Éludes sur les mœurs, le développement et les métamorphoses d'une petite Salicoque d'eau douce {Ann. des sciences nat., 2» série, 1843, t. XIX, p. 74, pi. 3, fig. 27 à 3)). (c) Dclle Cliiaje, Descriùoiie e nolomia degli Animali invertebrati délia Sicilia, cilcrlorc, pi. 86, fig. 4. (d) Lereboullet, Mém. sur les Crustacés de la famille des Cloportides, p. 85 et suiv. , pi. , lig-. 134 ùl3{), et [il. G, (iy. 131 (cxtr. des ;)/ei)i, de la Société d'histoire naturelle de Slrasbourrj, t. IV, 1853). L'intestin et ses dépendances. 558 ORGANES DE LA DIGESTION. arrondie, et l'appareil biliaire débouche dans sa partie pylo- rique (1). § 2. — L'intestin, qui naît à la partie postérieure de l'es- tomac, se porte généralement en ligne droite jusque dans le dernier anneau du corps, où il débouche au dehors par un anus médian situé à ]a^ face inférieure de ce segment. Il passe sous le cœur et repose d'abord sur le foie, pais sur les muscles fléchisseurs de l'abdomen. Chez les Crustacés supérieurs, tels que les Crabes et les Écrevisses, il est étroit et cylindrique dans compose et celles de la charpente so- lide de l'estomac des Grustacés supé- rieurs (a). Cliez les Cyames, qui vivent en parasites sur la peau de la Baleine, l\estomac présente encore des vestiges de l'appareil de trituration. Roussel de Vauzème y a trouvé une paire de colonnes charnues portant chacune trois arêtes cartilagineuses, dont l'ex- irémilé, bifide et libre dans la cavité de cet organe, est opposée à une pièce triangulaire médiane (6). L'appareil triturant paraît manquer complètement chez quelques autres Édriophthalmes, tels que TZ/ypena La- treillii{c) et le Nelocira bivittala(d). (1) Chez les Limules, la conforma- tion du tube alimentaire est un peu différente. L'œsophage se dirige hori- zontalement en avant, et débouche dans une espèce de gésier qui se re- courbe en haut, puis en arrière, et qui a des parois charnues très épaisses garnies intéiieurement de quinze ran- gées longitudinales de tubercules cor- nés. L'extrémité postérieure de ce gésier se prolonge en un cône étroit qui pénètre dans la portion suivante du canal digestif. Celle-ci, qui peut être considérée comme un duodénum cylindrique assez large, s'étend en ligne droite vers l'anus, à quelque dis- tance duquel elle se rétrécit brusque- ment pour constituer un intestin rec- tum. En (in , de chaque côté de la partie moyenne du céphalothorax , on y remarque deux pores qui sont les orifices de l'appareil hépatique. L'anus se trouve à la partie posté- rieure de l'abdomen, au-devant du stylet caudal (ej. Chez les Isopodes du genre Gyge, qui vivent en parasites dans la cavité branchiale des Gébies, l'estomac est ovoïde, et sa surface interne est garnie (a) Rathke, Anatomie der Idothea entomon {Beitrdge zur Geschichte der Thierwelt. Schriften '.r Naturforschenden Gesellschaft vu Damig, 1820, t. 1, p. 120, pi. 4, fig. 19 et 20). (b) Roussel de Vau/ème, Mém. sur le Cyamus Ceti (Aim- des sciences nat., 2' série, 1834, t. I, , 251, pi. 8, ûg. 13 et 14). (c) Straus, Mém. sur les Hiella , nouveau genre de Crustacés {Mém. du Muséum, t. XVIII, , 59). {d) LerebouUet, Op. cit., p. 90. (e) Van der Hœven, Recherches sur l' lUsloire naturelle et l anatomie des Limules, p. 17, pi. 2, ç, 1 à 6. TIBE ALIMENTAIRE DES CRUSTACÉS. 559 toute sa longueur, mais divisé plus ou moins distinctement en deux portions par un étranglement qui correspond à un cercle de petits replis valvulaires de la tunique interne. La première portion, que l'on désigne ordinairement sous le nom de cluodé- num, par assimilation à ce qui existe chez les Mammifères, varie beaucoup en longueur : ainsi, chez les Crabes, elle est courte et ne constitue pas le tiers ou même le quart de la totalité du tube intestinal, tandis que chez le Homard elle en forme près de sept huitièmes (1). En général, ses parois sont assez épaisses, et souvent leur surface interne est garnie de petites villosités; enfin on y voit déboucher quelques appendices tubu- laires qui paraissent être des organes sécréteurs. Ainsi, chez d'uue multitude d'appendices fili - formes, semblables à de grosses vil- losités qui flottent librement dans sa cavité (a). Une structure analogue pa- raît exister chez les Bopyres [h). Jl est aussi à noter que chez quel- ques espèces de Balanides, telles que \&,Coronula halœnaris et le Xenoha- lanus, il existe à la partie supérieure et élargie de l'estomac des replis lon- gitudinaux serrés les uns contre les autres (c). (1) La ligne de démarcation entre ces deux portions du tube intestinal est en général très nettement tracée, soit par la présence de replis valvu- laires, ainsi que cela se voit chez le Maia (d) , soit par un changement dans la structure de la tunique mu- queuse. Ainsi, chez le Homard, cette membrane est lisse dans le duodénum et plissée longitudinalement dans le rectum, et chez l'Écrevisse elle est villeuse dans la première de ces deux portions de l'intestin et lisse dans la seconde. Chez les Cloportides , le duodé- num est très dilatable, et se trouve séparé du rectum par un sphincter fort large. A sa surface interne, on remarque un sillon médio-dorsal qui loge une sorte de bourrelet longitu- dinal élargi en an-ière, et qui otTre de chaque côté une série de cellules. On ne sait rien quant aux usages de ces parties (e). 11 est aussi à noter que chez les Gypris, l'intestin est pyriforme et sé- paré de l'estomac par un étrangle- ment très marqué (f). (a) Cornalia e Panceri, Osservazionisoologico-anatomiehe sopra un nuovo génère de Crostacei isopodi sedentarii, p. 15, pi. 2, fig. 9 (extr. des Mém. de VAcad. de Turin, 2« série, 4858, t. XIX). (6) Ratlike, De Bopyro et Néréide, p. 8. (c) Darwin, A Monograph ofthe Cirripedia : Balancd.e, p. 85. ^ (d) Milue Edwards. Atlas du Règne animal de Cuvier, Crustacés, p. 5, lig. 1 c. (e) LerebouUet, Op. cit., p. 91, pi. 5, fig. 123; pi. 6, fig. 136 à 139. (/■) Straus, Mm. sur les Cypris, p. 18, fig. 10 (exlr. des Mém. du Muséum, t. VII). MocUficalions de l'appareil digestif chez les Crustacés inférieurs. 560 OliGANES DE LA DIGESTION. les Crai3es, on trouve, à peu de distance du pylore, une paire de cœcums longs et filiformes qui s'enroulent sur eux-mêmes en manière de pelote, et qui s'ouvrent dans la partie antérieure de cet intestin. Un troisième organe de même forme est []\6 à son extrémité postérieure. Chez les Macroures, ce dernier tube membraneux manque complètement, et les deux autres ne sont représentés (lue par une paire de petits sacs membraneux (pii sont larges, très courts et simplement recourbés (i). La portion terminale de l'intestin, que l'on appelle quelque- fois le rectum, n'offre dans sa structure rien de particulier. Chez quelques Crustacés inférieurs , le canal digestif est d'une structure plus simple ; on n'y distingue ni renflement stomacal, ni rectum, et il présente dans toute sa longueur le même aspect (2). Mais, chez d'autres espèces appartenant aux (1) Chez le. Carcinus Mœnas, par exemple,ces appendices pyloriqiies sont très développés. Ils consistent chacun en un tube niembianeux et fort grêle, qui est beaucoup plus long que l'in- testin et se rétrécit graduellement vers son extrémité postérieure. Dans l'état naturel, ils sont coniournés et pelo- tonnés de façon à former de chaque côté du pylore une petite masse ar- rondie qui est accolée à la face laté- rale de l'estomac. Le troisième appen- dice, que j'appelle le ccecum duodé- nal, est de même structure , et dé- bouche, au milieu de la face supé- rieure de l'intestin, immédiatement au-devant des valvules qui séparent le rectum de cette portion du tube digestif (a). chez rÉcre visse, les appendices py to- riques sont remplacés par une paire de vésicules ovoïdes qui se remarquent à la partie latérale et inférieure du py- lore {h). Il en est à peu près de même chez le Homard et les autres Macrou- res dont j'ai eu l'occasion d'examiner l'estomac. Chez le licrnard Termite, ou Pa- gure, il exisie un cœcum duodénal lilifornie et très long (c). ['!) Ce mode d'organisation a été constaté chez le Dichelestium Slurio- nis [d), \(i Lamproglena j idchelki (e), et quelques autres Lernéens. (a) Milne Edwards, Atlas du Eègne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 5, fig. 2 et 1 c. (6) Hôsel, Insecten-Belustigunq, t. III, pi. 58, fig. 22g. — Suckow, Anat. physiol. Unlersuchvnqen cler Insekten und Krustenlhiere, pi. 10, fig. ii,i. (c) Swammerdam, Biblia Naturœ, pi. Xi, fig. '6. \d) Railiko, Bcnievkungen ûber den Bau des Diclie'.csliiini Sturionis {Nova Acla Acad. Nat. ciirios., t. XIX, pi. n, fig. 2). (c) Nordmann, Mikrogr. Beitrdge, t. 11, pi. d, fig. i, 2, 4. TUBL: ALlMIîNTAlRfc: DES CULSTACÉS. 561 mêmes groupes, on y remarque une disposition analogue à celle que nous avons déjà rencontrée chez beaucoup de Vers suceurs, ainsi que chez quelques-uns des Mollusques gastéro- podes dits ;3/i/e7;e«fëre5. En effet, le tube alimentaire, au lien d'être cylindrique dans toute sa longueur, s'élargit dans cer- tains points, de façon à constituer de grandes poches latérales, ou même il donne naissance à des prolongeaients tubuliformes qui se terminent en cœcnmset s'avancent jusque dans l'intérieur des pattes. Le premier de ces modes de conformation se voit chez un petit Crustacé parasite qui vit sur les branchies du Homard et en suce le sang (1) : le second, chez les Pychno- gonides, Animaux qui, par leur aspect général, ressemblent beaucoup à des Arachnides (2). Enfin, on connaît aussi des (1) Ce sing;ulier parasite, que nous avousfait connaître, V. Audouin et moi, il y a environ irenle ans, présente de chaque côté du tliorax un énorme sac dans l'intérieur duquel se logent divers viscères, et notamment l'un des deux cœcums gastriques dont il est ici ques- tion. Ces appendices de l'estomac sont très grands, et l'on y remarque des mouvements péristaliiques assez éner- giques (a). Nos observations à ce sujet ont été confirmées par les recherches plus récentes de M. Van Beneden (6). ('2) Cette particularité, que j'ai fait connaître chez les JNymphons (c), a été l'objet de nouvelles recherches faites par M. de Quatrefages clicz les Pycbnogonides du genre Phoxi- chile [d). Un œsophage très étroit conduit dans un estomac longitudinal d'où naissent cinq paires de tubes membraueux très longs et très grêles, ainsi qu'un petit intestin terminal. Ces appendices pénètrent les uns dans la tète, les autres dans les pattes, et arrivent jusqu'auprès de l'extré- n)ité de ces organes. Eulin ils sont le siège de contractions périslal tiques, et les liquides contenus dans leur intérieur sont chassés par ondées tantôt dans un sens, tantôt dans un autre. Chez les Daphnies, on voit naître de la partie antérieure de l'estomac deux caecums intestiniformes (e), qui res- semblent un peu aux prolongements (a) Audouin et Milne Edwards, Mémoire sur la Nicotitoé, animal sinoulicr qui suce le sang des Homards {Ann. des sciences nat., 1 " série, 1 826, t. IX, p. 350, pi. 49 fi- 2 et 3). (b) Van Boneden, Mém. sur le développement et l'organisation des Nicothoes{Mcm. delAcad. de Bruxelles, l. XXIV, et Ann. des sciences nat., 3' série, 1850, t. XIII, p. 363). (c) Voyez Cuvier, jRègne animai, 2° édit., l. III, p. 277, . ., , ,, . , , {d) Qualrefjgcs, Mém. sur l'organisation des Pychnogonides {Voyage en Sicile, t. Il, p. 6, pi. 1 , fig-. 1 ; pi. 2, tig. 1 , 2, 3, et Ann. des sciences nat., 3' série, 1845, t. IV). " (e) Jurine', Histoire des Monocles, p. 102, pi. 8, fig. 2 ; pi. 10, fig. 7, etc. V. 36 562 ORGANES DE LA DIGESTION. Crustacés chez lesquels ces tubes stomacaux se ramifient dans les parties latérales du corps, de façon à rappeler tout à fait le système gastro-vasculaire d'une Douve oud'uneÉolide, L'Argule foliacé, Animal parasite qui vit sur le Brochet et sur quelques autres Poissons d'eau douce, présente ce singulier mode d'or- ganisation (1). Les matières ahmentaires pénètrent dans ces appendices gastriques et y sont même ballottées *par des mou-, vements de va-et-vient j mais cependant ici , de même que les latéraux de l'estomac de la Nicotlioé, bien qu'ils soient beaucoup moins grands; et M. Strans pense que les matières alimentaires y pénètrent (a), mais Jurine assure le contraire, et, d'après la couleur verdàtre ou jau- nâtre du liquide qui s'y trouve, il y a queJ-que raison de croire que ce sont des appendices l>iliaires seulement. (1) L'existence de ces appendices rameux de l'estomac des Argules a été constatée par L. Jurine, et ce na- turaliste a très bien reconnu non- seulement que les aliments pénètrent dans ces tubes, mais que ces sub- stances y sont continuellement agitées par l'effet des contractions péristal- tiques dont les parois de ces organes sont le siège (6). MM. Vogt et Leydig ont été également témoins de ces mou- vements. Le premier de ces obser- vateurs a cru reconnaître un tissu glandulaire autour de ces tubes ra- meux (c) ; mais le second assure que leurs parois n'en contiennent pas et ressemblent tout à fait à celles de l'estomac. Ce dernier organe est globu- leux et séparé de l'intestin par un étran- glement ; de chaque côté il se prolonge sous la forme d'un canal cylindrique qui bientôt se divise en deux troncs dirigés l'un en avant, l'autre en ar- rière, lesquels donnent naissance du côté externe à une série de branches ramifiées dont toutes les divisions se terminent en caecums (cl). Chez quelques Cirrhipèdes, tels que les Anatifes , les Conchodermes et le Balanus perforatus, l'estomac donne aussi naissance à des caecums qui sont un peu rameux et tapissés par une tunique chilineuse comme cet organe lui-même (e). Chez quelques espèces de Balanes, ces appendices sont sim- ples et au nombre de six à huit ; enfin, dans les genres Coronule, ïubi- cinelle, Xenobalanus et quelques au- tres, ils manquent complètement (f). (a) Straus, Mém. sur les Daphnies (Mém. du Muséum, t. V, pi. 29, fig. 6). — Atlas du Règne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 73, fîg. 2 c. (b) Jurine fils, Mém. sur l' Argule foliacé (Ann. du Muséum d'histoire naturelle, 1806, t. VII, p. 440, pi. 26,fig. 1, etc.). (c) Vogt, Beitrdge zur Naturgeschichte der schweizerischen Crustaceen, p. 8 (extr. des Nouv. Mém. de la Société d'histoire naturelle de Neufchdtel, 1843, t. VII). (d) F. Leydig, Ueber Argulus foliaceus (Zeitschr. fur luissensch. Zool. von Siebold und KôUikei', i850, t. H, p. 332, pi. 19, flg. 2). (e) Darwin, A Monogr. of Cirripedia : Balamd^, p. 85. (f) Martin-Saint-Ange, Mém. sur l'organisation des Cirrhipèdes, p. 6, pi. 2, fig. 1, d'. hépatique. TUBE ALIMENTAIRE DES CRUSTACÉS. 563 Mollusques dont je viens de parler, ces tubes membraneux qui se terminent tous en cul- de-sac me paraissent correspondre aux parties qui, chez les Crustacés supériem^s, constituent les canaux efférents de l'appareil hépatique, et chez les Apus, tout en ayant assez de largeur pour admettre dans leur intérieur les aliments en voie de digestion, ils s'entourent d'une multitude de petits csecums glandulaires et constituent avec ces organites sécréteurs un foie ramifié (1). Chez quelques Crustacés inférieurs, tels que les Lernées, la Appareil bile paraît se former dans des cellules qui sont logées dans l'épaisseur des parois du tube stomacal , ou appliquées en couche mince tout autour de ce canal (2) ; mais chez les Crus- (1) L'estomac de rjpws- cancrifor- sur la face externe du tube diges- mis est une dilatation du tube intes- lif (6). tinal qui se trouve dans la tête, et Chez beaucoup de Lernéens, un qui de chaque côté se prolonge en tissu ulriculaire, contenant un liquide une sorte de corne à deux branches : coloré, est disposé par traînées sur la l'une de celles-ci s'avance dans le surface externe du tube digestif, de la- front, l'autre se porte obliquement en çon à y former une sorte de réseau (c). arrière et en dehors; enfin le bord Mais, chez le Dichélestion, M. Rathke concave de l'espèce de croissant ainsi n'a pu découvrir aucune trace d'un formé donne naissance à une série de tissu hépatique quelconque (d). gros canaux coniques qui, à leur tour, Chez les Daphnies, le tube digestif fournissent un grand nombre de ra- est entouré d'une masse d'utricules muscules latéraux, autour desquels d'un volume considérable et conte- se groupent de petits caecums sécré- nant un liquide coloré. M. Jones, leurs renflés en manière d'am - qui a étudié avec soin ce tissu, le poules (a). considère comme constituant un ap- (2) Chez VArtemia salina, le foie pareil hépatique, mais il n'a pu dé- paraît être représenté par une foule couvrir aucune communication entre de petits caecums sécréteurs insérés ces glandules et la cavité digestive (e), {a)Zaddach, De Apodis cancriformis anatome et historia evolutionis (dissert, inaug.)- Bonn, 1841, p. 8, pi. 1, fig. 10 et H. (b) Joly, Histoire d'un petit Criistacé auquel on a faussement attribué la coloration en rouge des marais salants {Ann. des sciences nat., 2° série, 1840, t. XIII, p. 239). (c) Par exemple, chez le Lerneopoda elongata (Grant, On the Structure of Lernsea elongala, in Brewsler's Edinburgh Journ. of Science, i S'il, t. VII, p. 151). — Le Lerneocera fluviatilis (Nordmann, Mierogr. Beitrage, t. II, p. 125, pi. 6, fig. 2 et 4). — Le Lamproglena pulchella (Nordmann, Op. cit., pi. 1, fig. 4). (d) Rathke, Bemerkungen ûber den Bail, des Dicheleslium (Nova Acta Acad. nat. cunos., l. XIX, p. 143). [e) C. B. Jones, On theStniclure oflhe Liver (Philos. Trans., 1849, p. 115). Foie 564 ORGANES DE LA DIGESTION. tacés supérieurs, l'appareil hépatique acquiert une existence indépendante et se développe beaucoup. Ainsi, chez les Crabes des Décapodes, ^t Ics Écrevisscs, il forme de chaque côté de l'estomac une grande masse glandulaire de couleur jaunâtre, qui est divisée en plusieurs lobes, composés eux-mêmes de lobules, lesquels se résolvent à leur tour en lobulins constitués chacun par une multitude de petits caecums remplis d'utricules sécréteurs et groupés autour d'un canal excréteur rameux dans lequel ils débouchent (l).Unetunique membraneuse et translucide, dépen- dante du péritoine, revêt extérieurement le foie, et se replie en dedans entre les principales divisions de ce viscère; enfin, les conduits excréteurs qui naissent des lobules ou paquets de petits CGBCums sécréteurs se réunissent entre eux de façon à elM. ,de Siebold pense que les iilri- cavilé viscérale qui se trouve comprise cilles en question sont seulement des entre les loges épimériennes ; là il passe cellules adipeuses (a). sous le cœur, puis il se prolonge sur les Une structure analogue a été obser- côtés de l'intestin, mais il ne s'avance véedans la couche pulpeuse qui recou- que très peu dans la portion abdorai- vre l'estomac des Cirrliipèdes, et qui nale du corps {d}. Chez les Kcrevisses, est généralement considérée comme les Homards et la plupart des autres étant le foie de ces Animaux (6). Chez Macroures, cet organe s'élargit beau- les Analifes, ces glandules paraissent coup moins antérieurement , mais être un peu renflées et sont en général s'étend plus loin dans l'abdomen (e). disposées en séries longitudinales (c). Enfin, chez le Bernard-l'ermite , ou (1) Chez les Décapodes Bracbyures, Pagure, il est très étroit en avant, le foie s'étend beaucoup de chaque mais se loge presque entièrement dans côté de l'estomac, où il est recouvert la région abdominale du corps, et s'y en partie par les ovaires ou les testi- prolonge jusque sur les côtés de l'a- cules. Il recouvre à son tour la partie nus (f). Swammerdam a connu cet antérieure des chambres branchiales, organe, mais il le considérait comme et il occupe la majeure partie de la une sorte de pancréas (g). a) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. II, p. 446. — Martin-Saint- Ange, Mém. sur les Cirrliipèdes, p. -10. (b) Darwin, A Monoyraph of the sub-class Cirripedia : IîalaniD/K, p. 86. (cl Idem, Oi>. cit. : Lepadiu.-e, p. 44. id) Exemple : le Tourteau, ou Platycarcinus pagurus {Atlas du Régne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 1). (e) MùUer, De glandularum secernentium structura penUiori, pi. S, ûg. 13. (/■) Milne Edwards, Crustacés de l'Atlas du Règne animal de Cuvier, pi. 5, iig. 3. {g) Swanunerdara, Biblia Naturœ, 1. 1, p. 262, pi. 21, lig. 5. TLBE alime>;taire des crustacés. 565 constituer des canaux de plus en plus gros, lesquels se dirigent vers le pylore et y débouchent de chaque côté par un tronc unique (1). En général, les deux foies ainsi constitués sont (1) Chez le Maia et la plupart des autres Brachyures, les caecums termi- naux de l'appareil hépatique sont très courts, et renflés de façon à avoir la forme de vésicules gi'oupées autour d'un canal excréteur rameux (a). Chez le Homard, ils sont cylindriques et plus allongés; chez l'Écrevisse, ils s'al- longent encore davantage {b) ; enfin , chez le Pagure ou Bernard-l'ermite, ils ont la forme de tubes grêles disposés en manière de frange sur le canal ex- créteur et très contournés sur eux- mêmes (c). La structure intime des caecums hépatiques a été étudiée avec soin par MM. Goodsir, Schlemai, H. Karsten, H. Meckel et Laidy [cl). On y trouve une tunique propre qui est garnie de libres disposées en réseau à mailles car- rées et tapissées intérieurement d'une couche d'utricules sécréteurs arrondis et à divers degrés de développement; enlin leur axe est occupé par une cavité en continuité avec le canal excréteur, et contenant des utricules hbres ainsi que le liquide sécrété. D'après M, H. Meckel, cette cavité serait tapissée par une cuticule ou tunique interne ; mais cette disposi- tion ne me semble pas exister, et la couche utriculaire me paraît y être à nu. Duvernoy a décrit le foie des Paié- mons comme étant un grand sac mem- braneux, à cavité anfractueuse, divisé en plusieurs petites poches et conte- nant une matière jaune (e) ; mais la structure de cette glande est en réa- lité semblable à celle du foie chez les autres Décapodes , et la disposition observée par Fanalomiste que je viens de citer ne pouvait être que le résul- tat de la putréfaction de toute la por- tion essentielle de l'appareil hépatique, dont la tunique péritonéale, vidée de son contenu, constituait probablement le sac en question. (a) Milne Edwards, Crustacés de V Atlas du Règne animal de Cufier, pi. 5, ûg. 1. (b) Idem, art CRUSTACEAiTodd's Cyclopœdia ol Anatomy a-ad Physiology, t. 1, p. 774, fig. 417). — Suckoiv, Anatorii. phys. Unters. der Insekien und Krusienthiere, pi. 10, fig-. '14. — Brandt et Ratzeburg-, }ledizinisthe Zoologie, t. II, pi. 11, fig. 9. — • Milne Edwards, Histoire des Crustacés, pi. 4, fig. -2. (c) Voyez l'Atlas du Régne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 5, fig. 3a. — Dalle Chiaje, Descri^ione. e notomia degli A7iimaliinvertebr., pi. 86, ûg. 6. (d) Goodsir, Secreling Structures {Anatcmical and Physiological Observations, p. 30). — Schlemm, Le hepate ac bili Crustaceorum et ilolluscorurn, quorumdara (dissert, inaug.). Berlin, 1844, p. -2, pi. 2,%. 1. — H. Karsten, Disquisiiio microscopica et chimica hepatis et bilis Crustaceorum et Mollus- corum (Nova Acta Acad. nat. curies. , t. XXI, p. 398, pi. i 9, fig. 2 à 9). — H. Meckel, Mikrographie einiger BrU^enapparate der niederen Thiere (Miiller's Archiv fur Anat. und Physiol., 184(3, p. 35 , pi. 1, fig. 13 à 15). — Laidy, hesearches on the comparative Structure of the Liver, p. 4, pi. 2, fig. 8-13 (extr. de V American Journ. ofrned. science, 1848). («I Duvernoy, Du (oie des Aniraaux sa/is vertèbres, en général, et particulièrem.ent sur ceVui des Crustacés (Ann. des sciences nat., 2' série, ISStj, t. VI, p. 250;, 566 ORGANES DE LA. DIGESTION, Foie des Squilles, des Édriophthal- mes, etc. complètement séparés entre eux; mais, chez les Maia et la plupart des autres Brachyures, ces deux glandes, quoique res- tant en réalité distinctes, se joignent sur la ligne médiane au-dessous de l'intestin, et y donnent naissance à un lobe mé- dian impair (1). Chez d'autres Crustacés, l'appareil hépatique présente un mode de conformation intermédiaire entre ces deux états opposés. Ainsi, chez les Squilles, il entoure l'intestin dans toute la longueur de cet organe, mais en outre il se prolonge latéralement en un certain nombre de lobes rameux qui en sont parfaitement distincts (i2). Chez les Bopyres, il est con- (1) Les deux moitiés de l'appareil hépatique sont toujours symétriques, et en général parfaitement indépen- dantes Tune de l'autre , ainsi que cela se voit chez le Homard (a). Quel- quefois elles sont plus ou moins con- fondues sur la ligne médiane , en arrière de l'estomac ; mais elles sont toujours complètement distinctes phy- siologiquement , car il n'y a jamais anastomose des canaux biliaires de droite et de gauche, et tous les cae- cums d'un côté se rendent au conduit excréteur qui débouche dans le py- lore du même côté. En général, on dislingue dans cha- cune de ces deux masses glandulaires quatre divisions principales ou lobes, qui sont tantôt simples comme chez FÉcrevisse, d'autres fois profondément subdivisées en lobules. Une paire de lobes, qu'on peut appeler céphaliques, s'avance sur les côtés de l'estomac ; les deux paires suivantes, que je nomme thoraciques, se placent entre les deux flancs où ils embrassent l'intestin ; en- fin une paire de lobes postérieurs se prolonge jusque dans l'abdomen au- dessous de l'intestin. Chez le Maia, on remarque aussi derrière l'estomac un lobe médian qui est formé par la réunion d'une partie des lobes thoraciques antérieurs, et qui recouvre la portion duodénale de l'intestin ; les lobes postérieurs sont également confondus en une niasse impaire ; enfin les lobes céphaliques sont divisés en plusieurs lobules de formes très variées (b). (2) Chez les Squilles, l'inleslin est très étroit, excepté dans le voisinage de l'anus, où il se renfle un peu, et il est pour ainsi dire enfoui dans le tissu hépatique, qui à son tour est revêtu, comme d'ordinaire, par une tunique péritonéale. Ce tissu, qui est très mou, se détruit facilement chez les individus qui ont été mal conservés dans de (a) Audouin et Milne Edwards, Recherches sur la circulation chea les Crustacés (Ann. des sciences nat., l" série, l. II, pi. 28, fig. 2). (6) Milne Edwards, Histoire des Crustoxés, pL 4, fig. 5, et Atlas du Règne animal de Cuvier, Crustacés, pi. 5, fig. i. TUBE ALIMENTAIRE DES CRUSTACÉS. 567 stitué par une double série de petits paquets d'ampoules sécré- toires, appendus de chaque côté de l'intestin par autant de canaux excréteurs (1). Enfin , chez la plupart des autres Édriophthalmes du même ordre, il affecte la forme de sacs grêles et très allongés , qui semblent être des appendices tubuleux de l'estomac, et qui ont beaucoup d'analogie avec les vaisseaux malpighiens des Insectes, dont l'étude nous occupera bientôt (2). l'alcool faible, et alors l'intestiu semble flotter au milieu d'une grande poche membraneuse, disposition qui en a imposé à Duvernoy, lorsque cet ana- toraiste a cru reconnaître dans la tunique du foie un sinus ou réservoir veineux (a). Ce viscère s'étend depuis la partie postérieure de l'estomac jusqu'à l'ex- trémité de l'abdomen ; il est placé sous l'ovaire ou le testicule, organes qui, à leur lour, sont recouverts par le cœur, et par sa face inférieure il limite en dessus le sinus veineux abdominal (6) ; latéralement il forme dans chaque an- neau, tant du thorax que de l'abdo- men, un prolongement plus ou moins branchu, et dans le dernier segment du corps il constitue une série de di- gitations disposées en éventail (c). Les conduits excréteurs des vésicules dont il se compose ne se réunissent pas en deux gros troncs, comme chez les Décapodes, mais se rendent presque directement à l'intestin, en formant une multitude de petits canaux ra- meux dirigés transversalement. (1) M. Rathke a trouvé que chez le Bopyre femelle il existe dans chaque anneau du thorax une paire de grappes hépatiques attachées au tube digestif, chacune par un pédoncule ou conduit excréteur particulier ; ces glandes sont situées à la face inférieure du corps, sous les ovaires, et quelques lobules de même structure se montrent à la face dorsale de cet organe, derrière l'es- tomac {d). MM. Dana et Pickering ont trouvé une disposition analogue chez les Ca- liges ; de chaque côté de l'intestin il existe plusieurs petites masses glan- dulaires arrondies, qui paraissent sé- créter le liquide jaune dont ce tube est rempli (e). (2) Chez les Cloportides, l'appareil {a) Duvernoy, Mém, sur quelques points d'organisation concernant les appareils d'alimen- tation et de circulation et l'ovaire des Squilles {Ann. des sciences nat., 2° série, 1837, t. VIII, p. 41 , pi. 3, ;ig;. 3 et i). (6) Voyez V Allas du Règne animal àe Cuvier, Crustacés, pi. 56, fig. i 6. (c) J. MùUer, De glandulai'um secernentium structura penitlori, 1830, pi. 9, fig. 1 , etc. — Délie Chiaje, Descriaione e notomia degli Animait invertebrati délia Sicilia citeriore, pi. 86, fig. i. — Duvernoy, Op. cit. , et Mém. sur le foie des Animaux sans vertèbres (Ann. des sciences nat., 2* série, t. VI, p. 247, pi. 15, fîg. 1). (d) Raihke, De Bopyro et Néréide commentationes anatomico-physiologicce duœ. Dorpat, 1837, p. 9, pi. l.fig. 7 et 8. (e) Pickering and Dana, DeseripU of a Speciee of CaligUs , p. 32, pi. 2, fig. 9 {Americ. Journ. of science, t. XXXIV). Appareil digestif des Arachnides. Scorpion. 568 APPAREIL DIGESTIF. § o. — Le mode d'organisation du tube digestif que nous venons de rencontrer chez quelques Crustacés inférieurs est dominant dans la classe des Arachnides ; mais chez ces derniers Animaux , d'une part, l'estomac n'est jamais pourvu d'un appareil triturant comme chez les Crabes et les Écrevisses, et, d'autre part, le système glandulaire annexé au canal alimentaire se perfectionne et se complique beaucoup plus que chez aucun de ces derniers Articulés. Ainsi, chez le Scorpion, que je prendrai comme premier exemple, l'orifice buccal, très petit, logé, ainsi que je l'ai déjà dit, au fond d'une sorte de fosse sous-frontale (1), et occupant, comme d'ordinaire, la ligne médiane du corps (2), donne accès liépalique se compose de deux paires d'appendices qui ont la forme de sacs grêles et 1res allongés, ou plutôt de tubes membraneux et fermés au bout, situés sur les côtés de l'intestin et s'é- tendant jusqu'à l'extrcmité postérieure du corps (a). Les parois de ces tubes présentent de petites boursouflures arrondies, disposées en spirale, et ils débouchent dans la partie pylorique de l'esiomac, de chaque côté, par un canal commun ; enfin, ils renferment un tissu utriculaire sécrétoire. M.Kars- ten a représenté ces cellules comme des ampoules pédiculées (6) ; mais M. Lereboullet, a constaté que cette apparence est accidentelle, et que dans l'élat normal ce sont de grosses vési- cules closes renfermant dans leur in- térieur d'autres vésicules plus petites, ainsi que des globules graisseux (c). Chez les Lygies, j'ai trouvé trois paires de ces appendices hépatiques cylindriques [d), et M. Rathke les a rencontrés en même nombre chez V/Ega bicarinata (e). Ce mode d'organisation de l'ap- pareil biliaire existe aussi parfois chez les Crustacés Décapodes. Ainsi M.VL Frey et Leuckart ont trouvé que chez les Mysis le foie n'est pas massif comme chez la plupart des Animaux de cet ordre , mais se compose de quatre paires d'appendices étroits et très allongés, qui naissent de la por- tion pylorique de l'estomac (f). (1) Voy. ci-dessus, page 539. [Tj Savigny, dont les descriptions sont en général d'une exactitude re- marquable, s'est trompé au sujet de (a) Lerehounei, Mémoire sur les Cloportides, p. 96, pi. 5,fig. 123(.1/em. de laSociété d'histoii'e naturelle de Strasbourg, t. IV). (b)Brandt et Raizeburg, Medizinische Zoologie, t. II, pi. ^ô, fig-. 39. (c) H. Karsten, Disquisitio microscopica et chemica hepatis et bilis Crustaceorum et Mollusco- rum (Nova Acta Acnd. nat. curios., t. XXI, p. 296, pi. IS, fig-. 1, 3). (d) Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, pi. 4, fig. 3. (e) Rathke, Beitrage ;iur Faiina Noriuegens , p. 30 (extr. des Nova, Acta Ac.ad. nat. curies., 1843, t. XX, p. 30). (f) F'rcy et Leuckart, Beitrage nur Kenntniss wirhellnser Thiere, p. MO, pi. 2, fig. 13. TUBE ALIMENTAIRE DES ARACHNIDES. 569 dansun tube œsophagien étroitdont la partie postérieure se renfle de façon à former un petit jabot, et dont les parois sont garnies de muscles extenseurs aussi bien que de fibres charnues annu- laires (1). L'estomac, placé à la partie postérieure du thorax, est petit et ovalaire ^2), mais se continue de chaque côté avec deux gros appendices tubuleux qui se portent en dehors et se cachent bientôt dans une masse de tissu glandulaire située dans la région frontale. L'appareil sécréteur, ainsi constitué, verse dans l'estomac un liquide digestif très acide; enfin, il se com- pose d'une multitude d'utricules disposés en lobules irréguliers plutôt qu'en grappes, et d'une paire de capsules ovoïdes ren- fermant chacune un long tube membraneux terminé en caecum et pelotonné sur lui-même (o). l'entrée des voies digestives des Ara- (2) La distinction enlre l'estomac et chnides; il n'a pas vu rorifice buccal, l'intestin n'est bien apparente que et il attribue à ces Animaux un double chez les individus très frais, et dispa- pharynx communiquant au dehors par raît chez ceux qui ont élé conservés deux trous « imperceptibles » situés dans l'alcool. Cette circonstance ex- sur les côtés de la langue (a). plique comment le premier de ces (1) Vers le milieu de l'œsophage, organes, après avoir été décrit par on voit de chaque côté de ce tube une Meckel (c), a échappé aux recherches bandelette musculaire qui se porte en de Treviranus {cl). Ses parois sont arrière, et un peu plus loin une se- minces et lisses (e). conde paire de faisceaux semblables (3) Ces glandes gastriques ont été dirigés en avant. Ces brides contrac- considérées par J. Millier, Newport liles se fixent aux parties voisines du et la plupart des autres anatomisles, squelette tégumentaire et doivent dé- comme étant des organes salivai- terminer la dilatation de celte partie res (/"); mais, ainsi que M. Blanchard du canal digestif. Il est donc à présu- l'a fait remarquer, elles versent les mer qu'ils interviennent dans le méca- produits de leur sécrétion non dans nisme de la succion [h). la bouche, mais dans l'estomac, et le (ffl) Savigny, Théorie des pièces de la bouche des Insectes, p. 57. (&) Blanchard, Organisation du Règne animal, Arachnides, p. tîO, pi. 4, ûg. i. (c) Meckel, Traité d'anatoniie comparée, t. VU, p. 241. (d) Treviranus, Ueber den innern Eau der Arachniden, p. 6. (e) Blanchard, Op. cit., p. 01, pi. 4, i\g. 4 et (3. (f) i. Mùller, Beitrcige %ur Anatomie des Scorpions (Meckel's Archiv fur Physiologie und Ana- tomie, 1S28, p. 52). — Newport, On the Structure, Relations and Development of the Nervous and Circulatory Systems in Myriojwda and Macrouroiis Arachnida, pi. 15, fig. 39 {Philos. Trans., 1843). — L. Dufour, Histoire anatomique et physiologique des Scorpions, p. 622 (Mém. de l'.Acad. des sciences, Savants étrangers, t. XIV). 570 APPAREIL DIGESTIF. L'intestin, qui fait suite à l'estomac, est un long tube divisé en deux portions, l'une antérieure et très étroite, l'autre posté- rieure et plus ou moins renflée (1). L'intestin grêle occupe toute la longuem^ de la portion élargie de l'abdomen, et ses parois, bien que très minces, se composent de deux tuniques et logent dans leur épaisseur beaucoup de granulations. Latéralement, cette partie du canal digestif com- munique avec l'appareil hépatique dont le développement est très considérable. En effet, ou voit y déboucher de chaque côté cinq canaux grêles qui se divisent en une multitude de ramus- cules autour desquels sont groupés des multitudes d'utricules sécréteurs, et dans l'intérieur de ceux-ci on aperçoit un liquide contenant des granules d'un brun verdâtre (2). liqufde qu'elles élaborent est acide , aussi bien que sur l'œsophage, et deux comme l'est tout suc gastrique bien latérales. Il se compose d'ampoules caractérisé (a). arrondies, serrées les unes contre les Les deux capsules ovoïdes (b) ren- autres, et communiquant avec l'esto- fermant les tubes contournés sont mac par deux paires de canaux larges réniformes, et reposent sur la lame et courts. aponévrotique qui constitue une sorte Les usages du suc gastrique fourni de diaphragme entre la cavité céphalo- par cet appareil ne sont pas douteux ; thoracique et l'abdomen. Elles sont car, en y plongeant des matières ali- constituées par une membrane mince mentaires, M. Blanchard a pu opérer et transparente. Le tube qu'elles ren- des digestions artificielles (d). ferment est long, grêle et très difficile (1) M. Léon Dufour réserve le nom à dérouler; ainsi que je l'ai déjà dit, d'intestin à cette dernière partie, et il se termine en cul de- sac, maison appelle la portion antérieure le tJenin- ne connaît pas bien ses connexions cule chylifique (e). avec l'estomac ou avec le tissu utricu- ('2) Le foie du Scorpion, après avoir laire adjacent (c). Celui-ci constitue été sommairement décrit par Mec- trois masses assez distinctes : l'une kel (/■), a été considéré par Treviranus médiane , qui repose sur l'estomac et quelques autres naturalistes comme (a) Blanchard, Organisation du Règne animal, Arachnides, p. 61. (b) Ces corps sont les seules parties de l'appareil glandulaire gastrique qui aient été décrites dans la monographie anatoniique de M. Léon Dufour. (c) Blanchard, Op. cit., p. 61, pi. 4 et 6. {d) Idem, ibid., p. 66. (e) L. Dufour, Op. cit., p. 626. (f) Meckel, Traité d'anatomie comparée, t. VIT, p. 239. TUBE ALIMENTAIRE DES ARACHNIDES. 571 Deux paires d'autres canaux s'ouvrent aussi dans la partie postérieure de l'intestin grêle, et se ramifient entre les grappes formées par les utricules sécréteurs dont je viens de parler, mais ne proviennent pas de ces organites, et, comme nous le verrons dans une autre Leçon, ils paraissent constituer un appareil urinaire (1). itant seulement un corps graisseux entourant une série de prolongements tubuleux du canal digestif (a); mais les recherches plus récentes de New- port, de M. Léon Dufour et de M. Blan- chard, ne laissent aucune incertitude sur la nature glandulaire de cet organe et sur le déversement de ses produits dans le tube alimentaire (6). C'est une glande volumineuse très molle et de couleur jaunâtre, qui occupe la pres- que totalité de la portion renflée de la cavité abdominale, et qui se compose de deax moitiés parfaitement dis- tinctes, logées sur les côtés du tube digestif. Elle est revêtue d'nne tu- nique péritonéale très mince, qui en- voie des prolongements latéraux sur les parois de la cavité viscérale , et elle est maintenue aussi en place par des muscles qui sur divers points traversent sa masse. Son tissu se com- pose de petits sacs ovoïdes longs d'environ un quart de millimètre et disposés en manière de grappes au- tour de petits canaux excréteurs très déliés. Ces tubes se réunissent entre eux , et , en se dirigeant vers l'in- testin , deviennent ainsi de plus en plus gros ; enfin ils s'y terminent sous la forme de cinq paires de gros canaux à parois membraneuses. Les conduits biliaires des quatre premières paires sont dirigés transversalement ; mais ceux de la dernière paire, beau- coup plus gros que les autres et à ramifications plus fortes , marchent obliquement d'arrière en avant (c). Suivant M. Léon Dufour, le nombre des canaux hépatiques ainsi constitués varierait de 4 à 6 paires. Le calibre de la portion terminale de ces tubes est assez considérable pour que les ma- tières alimentaires puissent y pénétrer facilement, et cette introduction paraît en effet avoir lieu {d) ; par conséquent, ces cliverticulum intestinaux doivent être considérés comme ayant des fonc- tions analogues à celles des appendices gastro-hépatiques des Crustacés infé- rieurs. (1) Treviranus, Audouin et les au- ra) G. R. Treviranus, Ueber den innern Bau der Amchniden, 1812, p. 0. — J. Mûller, BeUrage %ur Anatomie des Scorpions (Meckel's Archiv fur Anal, und PhysioL, — Audouin, art, Arachnida (Todd's Cyclop. ofAnat. and PhysioL, t. I, p. 204). (6) L Dufour, Recherches anatomiques et observations sur le Scorpion roussdtre {Journal de physique, 1817, t. LXXXIV, p. Ul). — Hisloire anatomique et physiologique des Scorpions, p. 62T {Mém. des Savants étrangers, t. XIV). Blanchard, Organisation du Règne animal, classe des Arachnides, p. 63, — Newport, Op. cit. {Philos. Trans., 1843, pi. 14, %. 32). (c) Blanchard, Op. cit., pi. 4, fig. 4. {d) Idem, ibid., p. 67. Tliél.vphones. Galéodes. 57:2 APPAREIL DIGESTIF. Enfin le gros intestin commence par une dilatation assez brusque, et ses parois, plus ou moins renflées d'anneau en anneau, laissent apercevoir des bandes musculaires disposées les unes en long, les autres en travers. L'anus consiste en une fente transversale située ïi la face inférieure de l'abdomen, entre le dernier anneau du corps et l'article en forme de crochet qui constitue le dard caudal du Scorpion. Chez les Thélyphones , la structure générale de l'appareil digestifestàpeuprèslamêmeque chez les Scorpions, si ce n'est que l'estomac se développe davantage et donne naissance à quatre paires de gros prolongements qui ont la forme de poches plutôt que de tubes; disposition qui établit le passage vers le mode d'organisation propre aux Aranéides et à la plupart des autres Animaux de la même classe, où les espèces de diverticu- lum ainsi constitués acquièrent des dimensions énormes (1). L'appareil digestif des Galéodes ou Solpuges présente quelques très naturalistes qui considéraient le foie comme un corps adipeux , ont décrit ces vaisseaux sous !e nom de canaux biliaires (a). M. Léon Dufour pense que ce sont des filets « in fonc- tionnels y), représentants inactifs des vaisseaux biliaires des Insectes (6). M. Blanchard les appelle des vais- seaux urinaires , et il a constaté l'existence d'une anastomose fort sin- g;ulière entre ceux de la dernière paire et les canaux biliaires posté- rieurs (c). (1) On voit par les belles figures anatomiques de la Thélyphone , pu- bliées récemment par M. Blan- chard (d), que chez ces Arachnides l'œsophage est grêle et fort allongé ; les glandes salivaires sont très déve- loppées et recouvrent l'estomac dans toute la longueur de la région thora- cique du corps; les caecums gastri- ques, au nombre de quatre paires, sont de gros tubes terminés en cul-de- sac; la portion antérieure de l'intestin est renflée vers ses deux bouts, et reçoit latéralement cinq paires de ca- naux hépatiques dont les ramifications prennent naissance dans une masse glandulaire qui occupe la plus grande partie de l'abdomen et qui constitue un foie lobule ; enfin, la portion ter- minale du tube digestif est étroite et s'engage dans la base de la portion (a) Treviranus, Ueber den innern Bail der Arachniden, p. 6, pi. 1, fig. 0, i, i, (h) Léon Dufour, Histoire anatomique et physiologique des Scorpions {Mém. des Savants étrang., t. XIV, p. 633, pi. 3, fig. 25). (c) Blanobarrl, Op. cit., p. 65, pi. 4, fig. 4. (d) Blanchard, Organisation du Règne'animal, Arachnides, pi. 9, fig. :1 , 2 et 3. TUBE ALIMENTAIRE DES ARACHNIDES. 573 particularités remarquables ; les appendices cgecaux de l'estomac s'allongent plus que chez les divers Arachnides dont je viens de parler, et ceux des deux dernières paires, au heu d'être simples comme d'ordinaire, se bifurquent. Les glandes salivaires sont formées chacune par un long tube tortueux assez gros et terminé en csecum, qui est peletonné sur lui-même, et qui se rend dans une masse utriculaire située autour de la portion postérieure de l'œsophage et la partie voisine de l'estomac. Enfin, le foie se compose d'une multitude de petits sacs presque tubuliformes, réunis en groupes, et ressemblant beaucoup à ceux que nous avons vus constituer l'appareil biliaire chez les Crabes et les autres Crustacés supérieurs (1). L'appareil digestif des Aranéides est constitué aussi d'après Aranéides le même plan général que celui des Thélyphones, miais offre d'autres particularités de structure importantes ànoter. La cavité pharyngienne qui surmonte la bouche est garnie en dessus d'une pièce cornée longitudinale et convexe qui est reçue dans une sorte de gouttière cornéo-membraneuse formée par la paroi opposée du canal (2). Cette première portion du tube caudifornie de l'abdomen, pour ga- complété ses premières observations gnei' l'anus, qui est situé à la face in- par une étude plus attentive du foie férieure de cette partie du corps (a). et des glandes qu'il considère comme (1) M. Blanchard a fait connaître la des organes salivaires , tandis que conformation du tube digestif des M. Kittary les regarde comme étant Galéodes en 18Zi7 ; l'année suivante, les analogues du pancréas. M. Léon des recherches sur le même sujet fu- Dufour a présenté à l'Académie des rent publiées par .M. Kittary ; enfin le sciences une monograpliie anatomi- premier de ces naturalistes a donné que des Galéodes, mais ce travail est plus récemment de très belles figures encore inédit, anatomiques de ces Animaux, et a (2) Latreille a confondu cette pièce (a) Blanchard, Observations sur l'orga^iisation d'un type de la classe des Arachnides, le genre Galéode {Ann. des sciences nat., 3« série, 184", t. VIII, p. i228 et suiv., pi. 6, flg. 1). — Kittary, Anatomische Untersuchung der gemeinen (Galéodes aranoïJes) und der fitrchtlosen (G. intrepidà),Solpuga, p. 35 et suiv., pi. 8, %. 12(exlr. daBulletinde laSoclété des naturalistes de Moscou, -1848, t?XXI). — Blanchard, Organisation du Règne animal, Arachnides, pi. 28, fig. -1 , 4 et 5. — L. Dufour, Anatomie, physiologie et histoire naturelle des Galéodes (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1858, t. XL VI, p. 1247). 57/1 APPAREIL DIGESTIF. alimentaire s'élève à peu près verticalement, et l'œsophage s'en détache sous un angle presque droit pour traverser le collier nerveux et se rendre à l'estomac. En y arrivant, elle débouche dans une cavité à parois cartilagineuses qui est disposée de façon à agir à la manière d'une pompe aspirante, et qui est pourvue à cet effet de muscles dilatateurs, dont l'un monte obli- quement vers la voûte de la cavité céphalothoracique et s'y insère au squelette tégumentaire (1). Ce jabot aspirateur se con» palatine avec le labre, sous le nom de camérostome ; mais Dugès en a fait mieux connaître la disposition. Ce dernier le compare à l'épipharynx des Insectes et le désigne sous le nom de palais. De même que les autres parties épithéliques, cette lame chiti- neuse se renouvelle à chaque mue, et elle s'emboîte dans la pièce pharyn- gienne inférieure, que Dugès appelle la langue. Sur la ligne médiane de l'une et de l'autre, il y a un sillon lon- ■ gitudinal qui sert pour le passage des liquides vers l'estomac (a). (1) L'œsophage est très grêle et ses parois sont membraneuses en des- sous, mais de consistance cartilagi- neuse en dessus. Il se recourbe en arrière, et, après avoir traversé l'an- neau nerveux, débouche dans une sorte de boîte cartilagineuse élargie en arrière, et, garnie de quatre crêtes longitudinales qui en occupent les angles. Dans l'état de repos, les parties comprises entre ces crêtes se rappro- chent au point de se toucher presque ; mais, par l'action des muscles circon- voisins, elles s'écartent entre elles et dilatent la cavité de l'espèce de pompe ainsi constituée. Une paire de ces muscles aspirateurs s'insère sur les côtés de la boîte cartilagineuse dont je viens de parler, et s'étend trans- versalement jusqu'aux parties laté- rales de l'endosquelette ; un autre faisceau charnu naît de la face supé- rieure de cet organe, et va prendre son point d'appui sur la partie dorsale du système tégumentaire, verslemilieudu thorax, en traversant l'anneau formé, comme nous le verrons bientôt , par l'estomac de ces Animaux. Cet appa- reil, qui semble devoir servir à opérer la succion, a été vu en partie par Lyonnet et par Dugès (6) ; M. Brandt l'a fait mieux connaître (c) ; mais c'est Wasmann qui l'a décrit et figuré de la manière la plus complète {d). (a) Dugès, Observations sur les Aranéides (Ann. des sciences nat., 2° série, t. VI, p. 178, et Atlas du Règne animal de Cuviei*, Arachnides, pi. 3, ûg. 1 et 3). (6) Lyonnet, Recherches sur l'anatomie et les métamorphoses de différentes espèces d'Insectes, p. 97, pi, 10, fig. 4. — Dug-ès, Op. cit. (c) Brandt, Recherches sur l'anatomie des Araignées {Ann, des sciences nat., 2° série, 1840, l. Xlir, p. 181 et suiv.). — Brandt et Ratzeburg, Medizinische Zoologie, t. II, pi. 15, fig. 6. (d) A. Wasmann, Beitrdge &ur Anatomle der Spinnen {Abhandlungen aus dem Gebiete der Naturwissenschaften in Hamburg, 1846, t. I, p. 142, pi. 13, fig. 13, jw, et 17, 6; pi. 12, fig. i, e). TUBE ALIMENTAIRE DES ARACHNIDES. 575 tiiiLie avec la partie postérieure de l'estomac, et celui-ci donne naissance antérieurement à deux prolongements qui embrassent la colonne charnue dont il vient d'être question, et se réunissent entre eux au-devant de ce muscle, de façon à constituer un anneau du pourtour duquel on voit partir une série de grands tubes gastriques assez semblables à ceux de l'estomac simple des autres Arachnides (1). En arrière, ce singulier estomac, (1) M. Brandt a fait bien connaître cette singulière disposition de l'esto- mac antérieur, ou froventricule des Aranéides , qui , au lieu d'être une poche arrondie ou fusiforme comme d'ordinaire, est annulaire, et se trouve traversé par un gros muscle étendu obliquement de la paroi dorsale du céphalothorax à la pièce cornée du jabot aspirateur à laquelle cet anato- naiste applique le nom d'hyoïde [a). M. Grube a trouvé que chez les Argyronètes et quelques Épéires cette disposition annulaire est plutôt appa- rente que réelle, car les deux bran- ches semi-circulaires de l'estomac sont simplement accolées l'une à l'autre au-devant du muscle central, et ne s'anastomosent pas entre elles (6). Mais M. Wasmann s'est assuré que chez les Mygales il n'existe en ce point aucune cloison, et que par conséquent la cavité stomacale est annulaire, comme la forme extérieure de cet organe l'indique (c). Le second estomac, ou ventricule chylifique, pour employer ici la no- menclature adoptée par M. Léon Du- four et la plupart des autres entomo- logistes, naît du milieu du bord pos- térieur de cette couronne, et une autre poche membraneuse s'en dé- tache inférieurement pour se porter en avant, au-dessous du proventricule, et constituer un estomac accessoire inférieur. Enfin, de chaque côté de l'anneau gastrique susmentionné, on voit partir quatre poches tubulaires (d) qui, après avoir gagné les côtés du corps, se recourbent en bas et en de- dans, passent enlre les muscles de la base des pattes (e), et reviennent en- suite en dedans, vers l'estomac acces- soire ou poche stomacale inférieure. D'autres appendices plus courts, et dont le degré de développement paraît varier beaucoup suivant les espèces , naissent de la partie antérieure de cet estomac annulaire et s'avancent plus ou moins vers le front. Chez la Mygale aviculaire, ces derniers cae- cums sont très allongés et se rendent (a) Brandt, Recherches sur l'anatomie des Araignées {Ann. des sciences nat., 2» série, 1840, t. VI, p. 182, pi. 4, fig. 2). (b) Grube, Einige Resultate ans Untersuchungen ûber die Anatomie der Aramideii (MuUer's Archiv fiir Anat. und Physiol., 1842, p. 298). (c) Wasmann, Op. cit., p. 144. {d} Treviranus n'a représenté que deux paires de ces poches chez la Tégénaire domestique {Ueber deii innern Bau der Arachniden, p. 2, fig. 24), et la figure qu'il en a donnée se trouve reproduite dans plusieurs ouvrages modernes, mais ne me paraît pas être exacte. (e) Wasmann, Op. cit., pi. 13, fig. 17. «Î^Ô APPAREIL DIGESTIF. en l'orme de couronne, donne naissance à une poche gastrique inférieure qui se porle en avant, au-dessous de sa portion car- diaque ; puis il devient cylindrique et pénètre dans l'abdomen, ou se renfle un peu de nouveau, et reçoit les canaux biliaires provenant d'un foie très volumineux et assez semblable à celui des Scorpions (1). Un intestin grêle, un peu fluxueux, fait à la base des pieds-mâchoires (a). Il en est de même chez VEpeira dia- dema (6); mais chez la Mygale de Leblond (c), et chez une autre espèce du même genre, étudiée par M, Was- mann, celle cinquième paire d'appen- dices gastriques est rudimen taire. Sui- vant ce dernier anatomisie, les grands tubes gastriques se ramifieraient et s'anastomoseraient en ire eux à leur extrémité qui se recourbe sous le pro- ventricule {d) ; mais .\J. Blanchard a trouvé qu'ils s'unissent aux parois de la poche slomacale inférieure ou esto- mac accessoire, et il pense qu'au lieu de se terminer en cul-de-sac, ainsi que le font les appendices gastriques analogues chez les autres Arachnides, ils s'ouvrent directement dans la ca- vité de ce viscère, de façon à consti- tuer des tubes en forme d'anse, el non des caecums. Sous le premier estomac on trouve une masse glandulaire qui est formée par des tubes sécréteurs pelotonnés, mais on ne connaît pas bien ses con- nexions avec la cavité digestive [e). Elle est désignée, par M. Blanchard, sous le nom de glande gastrique, et elle paraît être l'analogue de l'organe que les anatomistes appellent tantôt glandes salivaires, tantôt pancréas, chez les Scorpions et les Galéodes. (1) Cette portion du canal alimen- taire, c'est-à-dire l'estomac abdomi- nal ou ventricule chylifique (f), est élroite en avant, mais renflée dans sa partie postérieure qui se trouve vers le milieu de l'abdomen, et elle se continue postérieurement avec une paire de conduits biliaires très larges. Le foie, composé d'une multitude de pelites ampoules réunies en grap- pes, est très volumineux, et se divise en un grand nombre de lobules d'un aspect granuleux, dont les canaux excréteurs se réunissent successive- ment entre eux pour constituer de chaque côté une série de troncs prin- cipaux qui se dirigent en dedans et vont .s'ouvrir dans le tube digestif {g). Ceux des deux premières paires sont très grêles; mais ceux de la troisième paire sont assez forts, et ceux de la paire postérieure .sont si larges, que les matières alimentaires doivent facile- fa) Dugès, Arachnides de l'Atlas du Règne animal de Cuvicr, pi. 3, fig. 6. (b) Brandt et Ra.zeburg, Mediainische Zoologie, t. II, p. 89, i-l. 1 5, fig. 6. — Recherches sur l'anatomie des Araignées {Annules des sciences naturelles, 2° sûiic, t. VI, pi. 4, fig:. 2). le) Blanchard, Orga?nsation du Règne animal. Arachnides, pi. 14, fig-. 1 et k. (d) Wasiiiaun, Op. cit., pi. 13, fig. 18. (e) Blanchard, Op. cit., pi. 1-4, %. 2, c, et fig. G. (/■) Dugès, Atlas du Règne animal de Cuvier, Arachnides, [il. 3, fig. 6 cl 7. (jf). Blanchard, Op. cit., pi. 14-, fig. 1 et 0. Arancides TUBE ALIMENTAIRE DES AKACHNIDES. 577 suite au second eslomac ainsi constitué, et débouclie dans un réservoir fécal en forme de poche arrondie, où vient égale- ment s'ouvrir une paire de canaux rameux très grêles, qui sont des organes sécréteurs et qui paraissent constituer un appareil urinaire (1). Enfin, l'espèce de cloaque ainsi formé s'ouvre au dehors par l'anus, qui se trouve à la partie inférieure et postérieure de l'abdomen. Il est aussi à noter que chez les Aranéides il existe de chaque .^lanaes cote de 1 extrémité antérieure du tube digestif un organe sécré- ^ de^ teur qui paraît être l'analogue d'une glande salivaire, mais qui est destiné à produire non un liquide digestif, comme d'ordi- naire, mais une humeur vénéneuse à l'aide de laquelle ces Animaux engourdissent ou tuent leur proie. En effet, le canal excréteur de ces glandes va s'ouvrir au dehors sous la pointe de la griffe mobile des chélicères, et quand elle est versée au fond de la petite piqûre faite par un de ces instruments, elle détermine promptement des effets toxiques très puissants (2) . C'est à l'aide de cet appareil venimeux que les Araignées par- ment y pénétrer, comme cela a lieu dont elles se gorgent paraissent péné- dans les canaux hépatiques de cer- trer non-seulement dans l'estomac, tains Mollusques. , mais aussi dans les grands canaux Plusieurs anatomisles ont considéré biliaires qui communiquent avec cet le foie des Araignées comme étant seu- organe (6). lement un amas d'ntricules adipeuses, (1) Ces tubes (c), qui sont extrême- et l'ont désigné sous le nom de corps ment grêles et difficiles à bien séparer graisseux (a) ; mais aujourd'hui que de la substance du foie, ont été dé- la structure de cet organe est mieux crits sons le nom de vaisseaux bi- connue, il ne peut y avoir aucune liaires par les anatomistes qui ont incertitude quanta sa détermination. méconnu la nature du foie, et ont ap- 11 est aussi à noter que lorsque les Y)c\é cet ovgane un corps adipeux (d). Araignées sont repues, les liquides (2) On trouve dans l'ouvrage pos- {(7.) Treviranus, Ueber den innern Bau der Arachniden, p. 27. — Audouin, art. Arachnida dans Todd's Cycîopœdia ofAnat. and Physiol., t. I, p. 203. (b) Dugès, Observations sur les Aranéides {Aim. des sciences nat., 2' série, t. VI, p. M (v) Voyez Blanchard, Organisation dn Règne animal, ARACHNiDiis, pi. 14, fig. 4 et 7. (d) Treviranus, Op. cit., p. 3t, pi. 2, fig. 24, B. — Audouin, Op. cit. (Todd's Cijciopœd., t, I. [>. 203). V. 37 578 APPAREIL DIGESTIF, viennent facilement à s'emparer de grosses Mouches et d'autres Animaux dont la taille est très considérable relativement au volume de leur propre corps ; mais, ainsi que nous le verrons plus tard, quand nous étudierons les instincts, ces Arachnides savent aussi dresser des pièges pour arrêter leur proie au pas- thume de Lyonnet, publié en 1832 (a), une description de l'appareil veni- meux des Araignées dont Treviranus avait fait connaître la disposition en 1812 (6), De chaque côté, dans la ré- gion frontale de la tête, ou bien dans l'article basilaire des chélicères , il existe une poche presque cylindrique, formée par une tunique membrano- musculaire, tapissée intérieurement d'unja couche de petites cellules, et débouchant au dehors par un canal membraneux qui est logé dans la gritTe et se termine à l'orifice pratiqué près de la pointe de ce crochet (c). Chez les I\îygales , on remarque à l'extrémité postérieure de ces glandes un petit appendice tubuleux [d], ou des ligaments suspenseurs (e). La petite quantité de venin qui peut être déposée au fond de la plaie faite par le chélicère d'une Araignée est en général à peine suffisante pour déterminer, chez l'Homme, un peu de douleur et de rougeur de la peau {f); mais on connaît des espèces dont la piqûre n'est pas sans danger. Ainsi la morsure faite par le 'J'héridion mar- mignatte ou malmignatle {Latrodectus malmignattus , Walck.), qui habite quelques parties de l'Italie , de la Corse, etc. , est parfois suivie de sym- ptômes nerveux graves ; elle peut même déterminer la mort chez les Oiseaux et les Mammifères de petite taille [g), et il est à remarquer que l'appareil vénénifique de cette Arai- gnée est très développé (/i). Quelques médecins ont attribué à la morsure d'une Araignée appelée vulgairement la Tarentule, mais dont l'espèce n'est pas bien déterminée par les entomologistes , des accidents nerveux fort singuliers ii) ; cependant celte opinion ne paraît reposer sur aucun fait bien constaté. (a) Lyonnet, Recherches sur l'anatomie et les métamorphoses de différentes espèces d'Insectes, p. 92, pi. 9, fig. 16. (6) Ti-eviranus, Ueber den innern Bau der Arachniden, p. 31, pi. 2, fig. 21. (c) Brandt et P.alzeburg, Medicinische Zoologie, t. II, pi. 15, fig. 6. (d) Dugès, Arachnides de VAllas du Règne animal de Cuvier, pi. 2, fig. 6. (e) Blanchard, Organisation du Règne aîiimal, Arachnides, pi. 17, fig. 1. (f) Dugès, Observations sur les Aranéides (Ann. des sciences nat., 2° série, t. VI, p. 211). (g) Toli, Mem. sopra il Falangio o Ragno veneflco delV Agro volterrano (Atti dell'Acad. délie Scienxe di Siena, 1794, t. VII, p. 245). — Cauro, Exposition des moyens curatifs de la morsure du Théridion malmignatte (ihèse). Paris, 1833. — Raikem, Recherches, observations et expériences sur le Théridion marmignatte de Volteri'a et sur les effets de la morsure {Awi. des sciences nat., 2' série, 1839, t. XI, p. 5). (h) Lambotle, Notice sur le Théridion marmignatte {Bulletin de l'Académie de Bruxelles, 1838, t. IV, p. 488). (i) Voyez Walckenaer, Hist. nat, des Insectes aptères, t. I, p. 178. TUBE ALIMENTAIRE DES ARACHNIDES. 579 sage, et c'est là un des principaux usages des toiles légères qu'elles tendent avec un art admirable. Les poches appendiculaires de l'estomac, qui sont tubulaires chez les Araignées, se dilatent beaucoup plus chez les Fau- cheurs, et présentent chez ces Animaux une structure plus complexe. On compte jusqu'à trente de ces organes: mais l'appareil hépatique est rudimentaire (i). Estomac des Faucheurs (1) Dans le genre Phalangium, de même que chez les Arauéides, la par- tie antérieure du tube digestif est con- stituée par un pharynx cornéo-mem- braneux logé dans une cavité formée par un prolongement du squelette té- gumentaire que ^1. Tulk a décrit sous le nom d'épipharynx [a). Sa paroi su- périeure est garnie d'une crête cornée longitudinale qui, par son bord infé- rieur, rencontre deux autres lamesana- logues appartenant aux parois latérales de ce conduit, de façon a circonscrire un canal triangulaire ; et c'est proba- blement celte circonstance qui a induit Savigny en erreur, lorsque cet habile observateur a cru qu'il existait chez ces Animaux trois orifices œsopliagiens. Des prolongements cornes qui naissent des pièces pharyngiennes dont je viens de parler donnent attache à divers muscles ; enfin l'œsophage qui fait suite à cet appareil complexe est membra- neux, et, après avoir traversé le collier nerveux, présente un petit renflement avant que de s'ouvrir dans l'estomac. Cette dernière poche , qui est très large et ovalaire, donne naissance à un grand nombre de prolongements caecaux (6) , parmi lesquels on re- marque : i° une paire de grandes poches postéro-dorsales qui occupent toute la longueur de l'abdomen , qui laissent entre elles, sur la ligne mé- diane, un sillon où se loge le cœur, et qui adhèrent à l'intestin ; 2' quatre paires de poches antéro - dorsales , qui sont de petites dimensions et se trouvent au - devant des précé- dentes, dans la région céphalo-thora- cique du corps ; 3" une paire de grandes poches laléro-inférieures, qui sont très allongées et se placent sur les côtés du rectum ; W quatre paires de petites poches iatéro-postérieures, qui se dirigent de côté entre les poches postéro-dorsales et les grandes poches latéro -inférieures, mais qui ne nais- sent pas de celles-ci, comme Raradohr et Treviranus le supposaient; 5^ enfin trois paires de petites poches laléro- antérieiires, qui se portent en dehors, au-dessous du caecum dorsal antérieur dont il a été déjà question. L'estomac descend et s'élargit beaucoup entre les caecums latéro -postérieurs; en (a) Tulk, Upon the Aiiatomy of Phalangium opilio (Ann. of Nat. Hist., lS4o, t. Xtl, pi. 4, fîg. 15). (6) Ramdohr, Abhandlung ûber die VerAa,mmgswerkx,euge der Inseclen, p. 205, pi. 29, fig. 1 à 5. — Treviranus, Ueber den Innerii Bail, der ungeflûgelteii Insekten (Vermischte Schriflen, I. I, p. 30, pi. 3, %. 16 et 17). — Tulk, Op. cit., p. 246, pi. 1-2, fîg. 17 et 18. Estomac ries Acariens. 580 AP)'ARE1L UlGIiSTlF. Elnfin, les Acariens, qui se nourrissent, les uns de sues végé- taux, et les autres des liquides qu'ils prennent dans le corps des Animaux sur lesquels ils vivent en parasites, sont pourvus de caecums gastriques dont le développement est non moins remarquable. En effet, ces appendices forment de chaque côté de l'intestin une ou plusieurs grandes poches lobulées, ou même rameuses, et souvent c'est aux matières alimentaires accumulées dans leur intérieur que sont dues les taches ver- dâtres ou d'un brun rouge qui se voient sur l'abdomen de ces petits êtres (1) ; mais chez quelques Aiachnides de cet ordre, le canal digestif se simplifte, et l'estomac est tubulaire, .ou dilaté seulement, de façon à offrir une multitude de petites boursoullures (2). arrière, il se conliiuie avec un intestin ou rectum qui se dilate Ijeaucoiip , puis se termine à l'anus. Le foie paraît être représenté par un tissu granuleux disposé en bandes longitudinales, de façon h ofTrir l'ap- parence d'une série de canaux vari- queux à la surface inférieure de l'es- tomac («). Enfin, il existe au-dessus de ce viscère deux paires de tubes sécréteurs fort grêles qui ont été con- sidérés comme des vaisseaux biliaires par Treviranus [b); maison ne con- naît pas leurs connexions avec l'intes- tin, et M. Tulk est porté à croire que ce sont des glandes salivaires, parce qu'ils lui ont paru se rendre h la partie antérieure du tube digestif (c). Il est aussi à noter que chez ces Arachnides qui ne se bornent pas à sucer leur proie, mais l'écrasent et en avalent des fragments, les parties non digestibles des aliments se trouvent réunies dans l'estomac en une masse ovalaire revèUie d'une sorte de cap- sule membraniforme, résultant pro- bablement d'une mue de la tunique épithélique de ce viscère {d). (1) Cette circonstance a été souvent notée par Dugès : par exemple, chez le Tetraniclius telarius, qui vit sur le tilleul, le rosier, <^\<:.,ç.\.VEr\jthrœus ignipes, qui est carnassier (e). (2) Nous ne savons encore que fort peu de chose relativement à la struc- ture des parties intérieures de tous ces petits Arachnides; mais rien ne me paraît justifier l'opinion émise par (a) Treviranus, Op. cit. (Vermischte Schriften, 1. 1, pi. 3, fig. 17). — Tull<, Op. cit. {Ann. ofNat. HisL, I. XII, pi. 4, fig. 18, Vj. {b) Treviranus, Op. cit., pi. 3, fig. 16. (c) Tulk, Op. cit., pi. 4, Rg. 17, sv. {d) Idem, Op. cit., p. 248. [e] Dugès, Recherches sur l'ordre des .\carieiis (.\nn. des sciences nal., -J.' séiio, 1. 1, p. t!5, 44, pi. 1 , ûg. 27). TLBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 581 § /l. — Le canal alimentaire des Insectes est constitué comme Apiweii chez les autres Animaux articulés, par une membrane muqueuse revêtue d'une couche musculaire et garnie extérieurement d'une ligeslif (les Insectes. M. Dujardin, relativement à la dispo- sition de la cavité digcstive des Trom- bidions, des Leninocliaris , des Hy- drachnés , etc. , cliez lesquels ce zoologiste a bien distingué un œso- phage et un orifice anal , mais n'a pu apercevoir de parois propres à l'esto - mac ; d'où il conclut que cet organe est remplacé par des lacunes qui exis- teraient dans le foie, et se prolonge- raient entre les muscles, etc. ; enfin, que les aliments se répandent ainsi directement entre les difTérenls or- ganes intérieurs (a). M. Bourguignon a décrit à peu près de la même ma- nière l'appareil digestif du Sarcopte de la gale {b), mais il y a tout lieu de croire que c'est In ténuité des [uniques membraneuses de l'esiomacquia em- pêché CCS observateurs de les distui- guer, et que cet organe ne manque pas de parois propres. En elfet, ïreviranus a trouvé chez VIxodes americanus une poche sto- macale allongée, qui donne naissance antérieurement à une paire de cœ- cums tubiformes et bifurques vers le bout , et postérieurement à une se- conde paire d'appendices analogues, qui bientôt se divisent on deux bran- ches dont l'une se trifurque vers le bout, et l'autre, après s'être portée en arrière , se recourbe en bas et en avant. L'intestin est très court et situé vers le tiers postérieur de la face infé- rieure de l'abdomen. De chaque côté de cette dernière portion du canal ali- mentaire se trouve un tube sécréteur que Trevivanus considère comme un vaisseau biliaire. Enfin cet anatomisle a vu dans la région tlioracique une autre paire de caecums longs et très grêles qui se rendaient vers la bou- che, et qui lui ont paru être des vais- seaux salivaires (c). M. de Siebold est arrivé à des résul- tats analogues par l'examen de divers Ixodes ; et cliez les Oribates, où cet anatomiste avait reconnu également l'existence des parois propres du tube intestinal [d], M. JNicolet a vu que ce canal se contourne beaucoup sur lui-même et offre des boursouflures considérables , mais ne donne pas toujours naissance à des appendices gastriques : par exemple, chez VHoplo- phora magna (e). Chez le Damœus ge- niculatus, cet entomologiste a trouvé de chaque côté de l'estomac un appen- dice en forme de poche ovoïde ; enfin il a distingué aussi chez cet Acarien, à la suite de l'œsophage, un jabot, un esto- mac ou ventriculechylifique,séparédu réceptacle précédent par un sphincter, la) Duiardin. Mémoire sur les Acariens {Ann. des sciences nat., 3» série, 1845, t. III, p. 15). (6) Treviranus, Ueher den Bau der Nigua {Zeilschrift fur Physiologie, 183-2, 1. 1\ , p. 189, pi. 16,fig. T et8). . . , , vTj ao (c) Bourguignon, Traité entomologique et pathologique de la gale del Homme, p. 99. td] SieboM et Stannius, Nouveau Manuel d'analomie comparée, t. I, p. 514. .e)Nicolet, Histoire naturelle des Acariens qui se trouvent aux environs de Pans {Archives du Muséum, 1855. t. VU, p. 4H, pi. 24, lig. 18). 582 APPAREIL DIGESTIF. tunique séreuse (1); mais il présente de nombreuses modifica- tions de forme et de structure : on n'y rencontre que des ves- tiges du système d'appendices gastriques qui acquièrent, comme nous venons de le voir, un si grand développement chez la plu- part des Arachnides, et ses annexes glandulaires sont généra- lement moins nombreuses que chez ces Animaux. L'étude de cet appareil a été poursuivie chez un très grand nombre d'espèces par un des entomologistes les plus distingués de l'époque un intestin grêle, et un rectum qui est aussi long que l'estomac et séparé de l'anus par un léger rétrécissement (a). L'estomac du Sarcopte de la gale a été décrit par M. Lanquetin, comme étant placé transversalement à la suite de l'/KSophage, et offrant à peu près la forme d'un rein (b]. Chez les ïardigrades, qui se rat- tachent au groupe des Acariens, et qui ont été très bien étudiés par M. Doyère, l'armature pharyngienne dont j'ai déjà parlé (c) est suivie d'un bulbe muscu- laire très puissant et d'une structure très complexe, qui paraît être un organe de succion. Puis vient un œsophage garni d'un sphincter cardiaque et dé- bouchant dans une grande poche sto- macale dont les parois offrent une multitude de boursouflures irrégu- lières et ont un aspect tomenteux ; on y aperçoit des utricuies sécréteurs qui se colorent sous l'influence de certains aliments et qui constituent probable- ment un appareil hépatique. Posté- rieurement l'estomac s'ouvre dans une espèce de cloaque qui conduit à l'anus. Enfin, de chaque côté du pharynx on aperçoit une glande salivaire d'nn volume considérable (d). (1) La tunique interne ou muqueuse du tube intestinal des Insectes est pourvue d'une couche épithéliqne qui présente les caractères d'un tissu sécréteur dans la portion moyenne de cet appareil , mais qui est chilineuse vers les parties terminales, et acquiert parfois sur certains points, une con- sistance cornée. Lors de la mue, il arrive souvent que la portion posté- rieure de ce tube intestinal se dé- pouille de cette tunique sans que celle-ci cesse de tenir aux téguments extérieurs. : ce phénomène s'observe chez le Ver à soie, par exemple (e). La tunique musculaire se compose de deux couches de fibres : les unes transversales et circulaires, les autres longitudinales ; sa puissance -varie beaucoup dans les différentes parlies de cet appareil. La tunique externe ou péritonéale est extrêmement délicate. Enfin, on trouve dans l'épaisseur (a) Nicolet, Op. cit., pi. 24, fig. 4 7. (6) Lanquetin, Notice sur la gale et sur l'Animalcule qui la produit, 1859, p. 44. (c) Voyez ci-dessus, page 549. (d) Doyère, Mémoire sur les Tardigrades, p. 62, pi. 14, fig. 1 et 2 ; pi. 15, fig. 1 i fig. 3 (extr. des Annales des sciences nat., 2" série, t. XIII et XIV). (e) Cornalia, Monografia del Bombice del gelso, p. 106. 4; pi. 10, TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 583 actuelle, M. Léon Dufoiir (1)-, et pour en faire connaître ici la structure, je crois utile de décrire d'abord d'une manière brève sa constitution chez un Insecte où il offre un haut degré dô complication ; puis de passer en revue les principales variations qui se rencontrent dans chacune de ses parties constitutives. Chez une Sauterelle du genre Épippigère, par exemple, le Disposuion tube digestif est étendu presque en ligne droite d'un bout du de f^ap^pareii corps à l'autre (2), et il est retenu en place, au milieu de la les saute'eiies. des parois ainsi consliluées un grand Diifour que l'on doit les recherches nombre d'ulricuies sécrétoires et de les plus variées et les plus conipa- ramifications du système trachéen. ralives sur ce sujet ; ses principaux (l) Malpighi et Swammerdani (a) travaux ont été publiés dans une furent les premiers à faire bien con- série de monographies sur l'organi- naîlre la disposition générale de l'ap- salion des différents ordres de la pareil digestif d'un certain nombre classe des Insectes (c) ; mais il a con- d'Insectes, et, de nos jours , l'ana- signé aussi beaucoup d'oiiservations tomie en a été faite avec soin chez importantes dans une foule de mé- plusieurs espèces par Ramdohr, Tre- moires spéciaux insérés dans ;les An" viranus, Suckow et quelques autres nales des sciences naturelles. naturalistes (6) ; mais c'est à M. Léon {'2) 11 ne présente qu'une seule cir- (a) Malpig;lii, Disscrtatio epistoHca de Bombyce {Opéra omnia, 1686, t. II). — Swamtnerdam, Biblia Naturce, 2 vol. in-fol. avec 53 planclies, dont 32 sont relatives à l'or- ganisation des Insectes, publié en 1767. (ft) Ramdolir, Abhandlung ûber die Verdauungsvjerkzeuge dcr Insecteii,. 1 vol. in-4 avec 30 planches. Halle, 1811; — Posselt, Beitrdge ziir Anatomie der Insekten. Tiibingen, 1804. — Marcel de Serres, Observations sîir les Insectes considérés comme ruminants, et sur les fonctions des diverses parties du tube intestinal dans cet ordre d'Animaux, in-i, 1813 (extr. des Annales du Muséum, t. XX). — Gacde, Beilrcige zur Anatomie der Insekten, 1815, in-4 avec 2 planclies. — Wiedemann's Zoologisches^ Magasin, 1817, 1. 1, p. 87. — Treviramis, mber die Saugiverkx-euge und den Sit% des Geruchssimis bei den Insekten {Ver- miscUte Schriften, 1817, t. Il, p. 95 et suiv.). — Suckow, Verdauungsorgane der Insekten (Heusinger's Zeltschrift fiir organische Physik, 1828, t. m, p. 1, pi. 1 à 9). (c) li. Dufour, Recherches anatomiques sur les Carabiques et plusieurs autres Insectes coléoptères, in-8 avec 28 planches (extr. en majeure partie des Annales des sciences naturelles pour les années 1824, 1825 et 1826). — Recherches anatomiques et considérations entomologiques sur quelques Insectes coléoptères compris dans les familles des ^ermestins, des Byrrhiens, des Acanthopodes et des Leptodactytes (Ann. des sciences nat., 2* série, 1834-, t. I). — Recherches anatomiques et physiologiques sur les Hémiptères, in-4, 1833, avec 19 planches (extr. des Mém. de l'Acad. des sciences, Savants étrangers, t. IV). — Recherches anatomiques et physiologiques sur les Orthoptères, les Hyménoptères et les Névroptères, in-4, 1841, avec 13 planches (extr. des Mém. de l'Acad. des sciences, Sav. étrang., t. VU). — Études anatomiques stir une Mouche, in-4, 1848, avec 3 planches (extr. des Mém. de l'Acad. des sciences, Sav. étrang., t. IX). — - Recherches anatomiques et physiologiques stir les Diptères, 1851, in-4, avec 11 plnnclios (extr. des Mém. de l'Acad. des sciences, Sav. étrang., t. XI). i)Sh APPAREIL DIGESTIF. grande cavité viscérale, par des brides membraneuses, et une multitude de petites trachées qui naissent des conduits aériens voisins et qui vont se ramifier dans l'épaisseur de ses parois. On y distingue : 1° un œsophage, qui se dilate graduellement, de façon à constituer dans sa portion postérieure un premier réservoir alimentaire que l'on désigne sous le nom de jabot; 1° un gésier, ou estomac triturant /qui est garni intérieurement de plusieurs arêtes longitudinales en forme de râpes composées de séries de pièces épithéliques triangulaires et de consistance cornée ; 3° un estomac proprement dit , ou ventricule chyli- fique (1), dont la partie antérieure se prolonge latéralement de façon à donner naissance à une paire de sacs ou appen- dices caecaux, appelés bourses ventriculaires ; k" un intestin grêle, qui est cylindrique ; et 5" un gros intestin, dont la por- tion'antérieure se dilate de façon à constituer un réservoir stercoral qui est garni de six bandes musculaires écartées entre elles et croisées par des faisceaux charnus transversaux, de manière à circonscrire des boursouflures, et dont la portion pos- térieure, d'une structure plus simple, est communément dési- gnée sous le nom de rectum. Sur les côtés de l'œsophage, on remarque un appareil salivaire très volumineux et d'une structure fort complexe. Enfin, un nombre considérable de tubes sécréteurs très longs, simples, fort grêles et terminés convolution dans sa portion intesli- sur des considérations physiologiques nale, et sa longueur ne dépasse que que je ne puis admettre sans beau- de peu celle du corps. Pour ce qui est coup de réserves , mais il est assez relatif à sa forme générale et à ses généralement adopté par les ento- diJférentes parties constitutives , je niologistes, et je ne vois aucun in- renverrai à la figure qui en a été convénient à en faire usage comme donnée par M. Léon Dufour (a). synonyme du mot estomac propre- (1) Ce nom , introduit dans la ment dit. science par M. Léon Dufour, est fondé (a) L. Diifour, Recherches anatomiques et physioloqiques 'sur les Orthoptères, etc., pi, 3, fig. 35. TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 585 en caecum par un de leurs bouts qui est libre, s'insèrent à l'extrémité postérieure du ventricule chylifique et débouchent dans la cavité de cet estomac. La plupart des entomologistes les désignent sous le nom de vaisseaux biliaires^ mais d'autres les considèrent comme des glandes urinaires ; et afin de ne rien préjuger quant à leurs fondions, beaucoup de physiologistes préfèrent les appeler tubes de Malpighi, d'après le naturaliste illustre à qui on en doit la découverte. Je dois ajouter que chez cet Orthoptère on ne trouve pas de glandes anales groupées autour de l'intestin, mais que, chez beaucoup d'autres Insectes, des organes de ce genre existent, et que parfois ils prennent un développement considérable (1). (1) On trouve une figure de l'appa- reil digestif de la giaiide Sauterelle verle ( Locusta viridissima ) dans l'ouvrage de Uaindolir , et celui de VEphippigera diurna a été très bien représenté par M. L. Dufour (a). Le jabot est plissé longiludinalenient ; le gésier est petit et globuleux; les pla- ques cornées qui en constituent l'ar- mature intérieure ont la forme de che- vrons placés à la file, avec leur angle médian dirigé endedans et en avant (6); enfin, dans les sillons qui séparent les arêtes triturantes ainsi constituées, se trouvent des tubercules cornés. Les deux caecums gastriques, ou boui'ses ventriculaires, sont arrondis et formés par la dilatation des angles latéro-an- térieurs du ventricule chylifique, qui, dans tout le reste de sa longueur, est cylindrique et intestiniforme. Chez les fiphippigères, les Phanéroptèreset les Conocéphales, il est assez long pour faire une circonvolution sur lui-même ; mais chez les Locustes ou Sauterelles proprement dites , il est court et droit. Les tubes malpighiens, qui s'in- icrenl à son extrémité postérieure, sont très nombreux , fort grêles et souvent colorés en violet ou en brun. Us sont réunis en cinq faisceaux qui débouchent chacun dans l'estomac par un petit trou commun; enfin plu- sieurs d'entre eux adhèrent au som- met des bourses ventriculaires par leur portion supérieure, de façon que leurs bouts flottants constituent une sorte de pinceau ou de couronne fixée à ces organes. Mais c'est à tort que quelques auteurs ont cru qu'ils s'ouvraient dans celle partie du canal digesUf(c). L'in- testin grêle est beaucoup plus long chez la Sauterelle verle que chez l'Épliippigère, mais il ne présente rien de remarquable dans sa struc- ture. (a) Ramdohr, Abhandl. ûber die Verdauungswerkzeuge der Insecten, pi. 1, fi;:^. 3. — L. Dufour, Recherches anatomiques sur les Orthoptères, etc., pi. 3, fig. 33. (6) Ramdohr, Op. cit., pi. t, fig-. T et 8. (c) Marcel île Serres, Observ. sur les Insectes considérés comme ruminants, p. G9 et 73. De l'œsophage et du jabot des Insectes. 586 APPAREIL DIGESTIF. § 5. — La série des réservoirs alimentaires que je viens de décrire n'existe pas toujours d'une manière complète. Le ventricule chylifique ne manque jamais ; mais chez un grand nombre d'Insectes l'œsophage est très réduit (i), et l'on ne trouve ni jabot , ni gésier : par exemple , chez les Crio- cères, les Leplures et les Donacies, parmi les Coléoptères (2), ainsi que chez beaucoup de larves de Diptères (â). Le jabot (1) Quelques auteurs ont pensé que, chez les Lépidoptères, l'œsophage était bifurqué à son exlvéïiuté antérieure pour correspondre aux deux tubes que l'on avait cru reconnaître dans la trompe de ces Insectes (a); mais ni l'une ni l'autre de ces dispositions n'existent en réalité, et cette portion vestibulaire de l'appareil digestif est toujours un canal simple et médian^ (2) Chez les Crioccres, l'œsophage, court et cylindrique, s'ouvre directe- ment dans un estomac ou ventricule chylifique très simple, dont la partie postérieure est rétrécie et donne in- sertion à trois paires de tubes mal- pighiens; l'intestin grêle est assez long et flexueux; enfin le gros intestin est renflé, et donne attache à l'extrémité postérieure et caecale des tubes mal- pighiens, de façon que ceux-ci sont disposés en forme d'anse (6). Chez les Leptures, l'œsophage est encore plus court et le ventricule chy- lifique presque cylindrique, mais le gros intestin est plus allongé (c). Il en est à peu près de même chez les Anthrènes {d), les Dryops (e), les Co- laspis (/■), etc., ainsi que chez beau- coup de larves : par exemple, celles des Priones et des Ténébrions {g). Chez les Donacies, l'œsophage s'al- longe davantage et devient presque filiforme; les tubes malpighiens pré- sentent aussi des particularités de structure sur lesquelles je reviendrai bientôt (h). Il en est à peu près de même chez les Urocérates (z), parmi les Hyméno- ptères. (3) L'œsophage est très court et dé- bouche directement dans l'estomac, ou ventricule chylifique, non-seulement chezla larve de divers Diptères, tels que Idem, ibid., pi. 7, Rg. 2. I Idem, Recherches anatomiques sur quelques Insectes coléoptères compris dans les familles )ermestins, des Byrrhiens, etc. (Ann. des sciences nat., 2' série, d834, 1. 1, pi. 2, dg. 8). î/1nin ^'/ii/7 .-.1 Ci r.-v. A O (a) Treviranus, Ueber die Saugiuerk%euQe der Insekten (Vermichten Schrifte, t. II, p. 10^). — Burmcister, Handhuch der Entomologie, t. I, p. 132. (b) L. Dufour, Recherches anatomiques sur les Carabiques, etc. {Ann. des sciences nat., t. IV, pi. 7, fig. 3). (c) Idem, ibid., pi. 7, Rg. 2. {d]'- des Der\ (e) Idem, ibid., pi. 2, Rg. 10. if] ^o\y, Recherches sur les mœurs , l'anatomie et l'embryologie d'un petit Insecte coléoplère (Colapsis atra) qidravage les luzernes, etc. [Ann. des sciences nat., 3= série, ■1844, I. II, pi. 4, Rg. i). (g) Posselt, Beitrage xtir Analomie der Insekten, pi. 3, fig-. Il et 22. [h) L. Dufour, Rech. sur les Carabiques. etc. [Ann. des sciences nat., 1" série, t. IV, pi. 7). (i) Suckow, Verdauungsorgane der Insekten (S^BiKmscv' s Zeitschrift fur die organisehe Phy~ sik, 1833, t. m, pi. 8, ùg. 14S). — L. Dufour, Recherches anatomiques .tur les Hyménoptères de la famille des Urocérates (Ann. des sciences nat., i" série, 1854, t. I, pi. 4, fig. 9). TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 587 est , en général , comme chez les Sauterelles , une simple dilatation de la portion postérieure de l'œsophage ; mais, chez divers Insectes, cette poche tend à se séparer du canal par- couru par les aliments, pour arriver dans l'estomac, et elle constitue quelquefois un organe appendiculaire tout à fait, distinct de ce tube. Son mode de formation a été très bien observé chez le Papillon du chou par Hérold. Quand cet Insecte est à l'état de larve ou de chenille, la portion œsophagienne du canal digestif est d'abord courte et cylindrique; mais, par les progrès du développement, elle s'allonge plus que ne le fait le ventricule chylifique, et se renfle un peu vers son extrémité postérieure. Ce changement se prononce davantage quand l'Animal est arrivé à l'état de nymphe ou chrysahde, et alors, à l'extrémité de l'œsophage, qui est devenu long et grêle, on distingue un petit jabot fusiforme; mais cette dila- tation ne continue pas à se faire d'une manière régulière, et s'avance du côté dorsal seulement , de façon à donner naissance à une petite poche latérale dont le fond s'agrandit plus que l'entrée. A mesure que les métamorphoses du Pa- pillon s'avancent, l'appendice œsophagien, ainsi constitué, grandit rapidement et son col s'allonge beaucoup, de sorte qu'au terme de son développement, il constitue un sac pyri- forme suspendu à la partie postérieure de l'œsophage et com- muniquant avec l'intérieur de ce tube ahmentaire par un canal étroit (1). le Cecidomyia popuîi {a), mais aussi Hérold , sur le développement des chez quelques Insectes du même ordre Papillons, une série très intéressante qui sont arrivés à l'état adulte : par de figures représentant les diverses exemple, les OEstres (6). formes de l'appareil digestif du Poniia (1) On trouve dans l'ouvrage de ou P). (1) Ainsi, chez VOryctes nasicor- nis, la couche épithélique du jabot est lisse {q), tandis que chez les Han- netons elle est hérissée de pointes (r) ; (a) L. Bixiom, Recherches anatomiques et physiologiques sur les Diptères, 1242. (b) Exemples: Ceciiomijia pini mantimœ (voy. L. Diifour, Histoire drs métamorphoses des Cecidomyies, dans Ann. des sciences nat., 3" série, t. VII, pi. 14, llg. 9). — Supromyza blepharipteroides {voy. L. Diifour, Mém. sur les métamorpltoses de plusieurs larves fonyivores, dans Ann. des sciences nat., 2" série, t. XII, pi. 1, li;;. 4). (c) Ramdohr, Verdauungsweneuge der Inser.ten, pi. 17, lig. 2. — L. Diifour, Recherches sur les Orlhoplères, les Hyménoptères et les Névroptères, pi. 12, llg. 179. (d) Lnidy, On the internai Anatomy of Coryilalus corniitus (Journal of the American Academy of Arts and Sciences, 1848, pi. 2, fig-. 2). (e) L. Dnfour, Op. cit., pi. 12, fig. 184. (f) Ramdoln-, Op. cit., pi. 17, fig. G. — L. Dnfour, Op. cit., pi. 13, fig. 191. (g) L. Dufoui-, Recherches sur l'anatomie et l'histoire ualurelle de TOsmylus inaculalus (Ann. des sciences nat., 3° série, 1848, t. L\, pi. 10, lig. 17). (h) Exemple : la larve du Fourmilion (voy. Ramdohr, Op. cit., pi. 17, lig. 1). (i) L. Dulbur, Op. cit., pi. 11, fig. 1G7. IJ) Idem, ibid., pi. 13, fig. 198. (fc)kloni, ibid., pi. H, fig. 109. {l) Ramdohr, Op. cit., pi. 10, fig. 1 . ^ — L. Dnfour, Op. cit., pi. 13, fig. 208. (m) Idem, ibid., pi. 13, fig. 190." (n) Ramdohr, Op. cit. pi. 15, fig. 3 cl 4. — L. Dufonr, Op. cit., pi. 11, fig. 158. (o) Idem, ibid., pi. 8, fig. 90, 97, 98 et 100. (p) Exemples : Chrysis fulgida (voy. L. Dufour, Op. cit., pi. 9, fig. 113). — Hedychrum luciduhim (voy. L. Dufour, Op. cit., pi. 9, fig. IIG). (q) H. Meckol , Mikrographie einiger Drilsenapparate der niederen Thiere (Miiller's Archiv fur Anal, und Physiol., 1840, p. 19. • — Basth, Unlcrsuchuny iiber das chylopoctische und îwopoetische System der Blatta orienlalis (Sitaungsber. der Wietier Akad., 1858, t. XXXllI, p. 241, pi. 2, fig. 2 et 3). — Sirodoi, Recherches sur les sécrétions chez les Insectes (Ann. des sciences nat., 4" série, 1858, l. X, p. 153). (r) Slraus, Considérations sur l'analoniie comparée des Animaux articulés, pi. 5, fig. 8. du gésier. TUBE ALIMKISTAIUE DES INSECTES. 593 lique et la couche musculaire qui l'enveloppe, on trouve par- fois un nombre considérable de petites cellules ovoïdes : le développement de ce tissu utriculaire paraît être en raison inverse de celui des glandes salivaires, dont j'aurai bientôt à parler, et, chez les Insectes où ces divers organes sont plus ou moins rudimentaires, les ampoules en question ici pré- sentent tous les caractères de follicules et communiquent avec la cavité du jabot par des conduits excréteurs d'une grande ténuité (1). Le gésier, que nous avons vu faire suite aujabot chez la Saute- structure relie, et y constituer un appareil de trituration, est également très développé et armé d'une manière puissante chez la plupart des Insectes broyeurs qui se nourrissent d'herbes, d'animaux à téguments coriaces, ou d'autres substances dont la consistance est assez considérable pour être difficilement attaquées par les sucs digestifs ; mais cet organe manque ou se trouve réduit à un état rudimentaire chez les espèces dont les aliments sont Hquides mais, dans ce cas, cette portion du ovoïdes dont il a vu naître des cylin- tube digestif me semble, en général, dres très grêles, et, en étudiant ceux- mériter le nom de gésier plutôt que ci, il a reconniique ce sont des tubes celui de jabot. d'une ténuité extrême qui vont débou- (1) M. Sirodot n'a pu découvrir au- cher à la surface interne du jabot (a). cune communication entre les grandes II en conclut que ce sont autant de utricules sous-muqueuses du jabot et glandes simples, et des considérations la cavité de cet organe chez les Gril- dont j'aurai à parler ailleurs l'ont Ioniens, qui ont un appareil salivaire conduit à les regarder comme des très développé ; mais chez les larvesde organes sécréteurs de la salive. Quel- VOryctes nasicornis, qui sont privées quefois les glandulesdu jabot se pro- de glandes de ce genre, il a trouvé longent même à la surface externe de sous la tunique muqueuse de cette cet organe sous la forme de petits portion du tube digestif une couche caecums villeux : par exemple, chez épaisse composée de grandes utricules les Cicindèles (6). (a) Sirodot, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 4" série, t. X, p. 174 ot suiv., pi. il , fig. 1 à 4). (&) L. Uufoui-, Reclierches sur les Carabiques, etc. {.inu. des sciences nat., 1824, t. lU, pi. 10, fi-. 2). V. 38 594 APPAREIL DIGESTIF. OU très mous. Ainsi, chez tous les Orthoptères (1), il existe un gésier très bien constitué ; chez les Grilloniens, surtout les dents cornées qui garnissent l'intérieur de cet organe, et qui consti- tuent six râpes disposées de façon à agir les unes contre les autres, sont extrêmement nombreuses et fortes ("i) . Il existe aussi un estomac triturant chez un grand nombre de Coléoptères qui se nourrissent, soit de matières végétales plus ou moins dures, (1) M. Léon Dufour considère les Criquets ou Acridiens comme faisant exception à cette règle ; mais La por- tion de leur tube digestif, que cet anatoraiste appelle jabot, me semble être en réalité un gésier. En effet, la tunique interne de cet organe est garnie d'un grand nombre d'arêtes linéaires de consistance subcartilagi- neuse et armées d'une série de petites pièces dentiformes, de façon à agir à la manière de râpes très fines. Ces plaques épidermiques manquent à la partie antérieure de la paroi inférieure de ce premier estomac, où l'on re- marque un espace inerme qui est limité par un filet calleux (a). (2) Chez la Gourlilière, par exem- ple, le gésier, qui est d'une forme ellipsoïdale (6) et qui se trouve à la partie antérieure de l'abdomen, a une consistance cartilagineuse, et présente à sa surface interne six côtes longi- tudinales saillantes et armées d'un nombre très considérable de dents chitiniques, brunâtres, disposées sur cinq rangées longitudinales et offrant des formes variées (c). Les sillons, situés entre les espèces de râpes ainsi constituées présentent chacun deux filets cornés qui donnent insertion aux fibres musculaires destinées à mettre en mouvement cet appareil triturant. Chez les Blattes, les pièces dentaires du gésier sont moins nombreuses, mais plus robustes que chez la plupart des autres Orthoptères ; elles ont une du- reté presque osseuse, et leur forme varie, les unes étant simplement co- noides, les autres garnies d'arêtes den- ticulées ; par leur réunion elles con- stituent une râpe tabulaire, et quand on les renverse en dehors , en re- tournant la portion du canal digestif dont elles dépendent, elles simulent une rosace à six branches {cl). La disposition de cet appareil triturant est à peu près la même chez les Mantes (e). L. Dufour, Recherches si{,r les Orthoptères, etc., 5, 0, 7, 8). (a) Exemple : l'Œdipoda cœrulescens (voy. pi. 1, fie. 8 et 10). (6) Kidd, Oti the Anatomy of the Mole-Cricket {Philos. Trans., 1825, pi. iô, fi — L. Dufour, Op. cit., pi. 2, fig. 19). Suckow, Op. cit. {Hcnsinger's Zeitschr. filr oryan. Physik, 1. 111, pi. 7, Cig. 130), Idem, ibid., pi. 3, fip;. 24. Ramdohr, Abhandl. ûber die Verdauiingswerkzeurje der Iiisecten, pi. 1, fig. 10 et 12. Marcel de Serres, Observ. sur les Insectes considérés comme j'undnants , etc., pi. 2, fig. 2 • L. Dufour, Op. cit., pi. 4, fig. -iG. Marcel de Serres, Op. cit., pi. 2, fig. 5. (c) id) et 3. TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 595 soit de substances animales coriaces qui, pour être facilement digérées , ont besoin d'être très divisées. Chez les Cicin- déiètes , les Carabes , les Dytisques et les Bostriches , par exemple, le gésier est bien constitué et pourvu d'une armature puissante (1); mais chez les Insectes de cet ordre qui se repais- sent de débris de corps organisés, du pollen des fleurs ou de feuilles tendres, ainsi que le font les Coprophages, les Hanne- tons et les Coccinelles , on n'en trouve aucune trace. Cet organe manque aussi chez beaucoup de Névroptères, mais est assez puissamment organisé chez les Termites, qui, par leur régime, ressemblent à certains Orthoptères, et qui dévorent des substances très dures (2). Enfin, le gésier manque ou se (1) Le gésier des Colëopères de la grande famille des carnassiers est globuleux ou ovoïde et de consistance cartilagineuse. A Tintérieur, il est garni de quatre plaques cornées prin- cipales, qui sont échancrées en avant et suivies en arrière de denticules acérées; elles laissent entre elles au- tant de sillons longitudinaux au fond de chacun desquels se trouve une arête cornée ; enfin, sur les côtés de celle-ci sont rangés des poils roides et pointus qui sont disposés en manière de brosse (a). Chez les Dytisques, ces huit séries de pièces, alternativement simples et doubles, sont toutes portées sur des tubercules cliarnus (6). Chez les Staphylins, il existe aussi un gésier oblong dont 'les parois ont une consistance rénitente et sont garnies intérieurement de quatre arêtes brunes; mais l'armature de celles-ci est beaucoup moins puis- sante, et ne consiste qu'en denticules sétiformes disposées en manière de brosse, avec leurs pointes dirigées vers l'axe de l'organe (c). (2) L'existence d'un estomac tritu- rant chez les Termites a été signalée par M. Burmeister [d), et une description détaillée de cet organe a été donnée par M. Lespés. Sa surface interne est garnie de douze lames cornées et poilues, qui sont reployées sur elles- mêmes et disposées par paires sur six tubercules charnus (e). Il existe aussi un estomac triturant, très fortement (a) Exemples : Carabus auratus (voy. L. Dufour, Rech. sur les Carabiques, dans Ann. des sciences nat., i" série, t. II, pi. 20, dg. 2). — Cicindela canipestris (voy. RamJolir, Op. cit., pi. 3, Rg. 1 et 4). (6) Ranidolir, Op. cit., pi. 2, fig. 4. (c) Idem, ibid., pi. 3, fig. 7 et «. — Léon Dufour, Op. cit., p. 25. (d) Bm-meister, HMidbuch der Entomologie, p. 137, pi. H, fig. 8, 9 et 40. {e) Lespés, Recherches sur l'organisation et les mœurs du Termite lucifuye {Ann. des sciences nat., 4»' série, 4 856, t. V, p. 236, pi. 6, fig. 38). 596 Al»l>AUElL Î)1GESTIF. trouve réduit à un état rudimentaire chez les Hyménoptères (1), les Hémiptères, les Lépidoptères et les Diptères, dont les ali- ments, eomme je l'ai déjà dit, sont toujours liquides {'2). L'orifice qui conduit soit du gésier, soit du jabot, ou môme .Trmé, chez la larve du Corydalus cor- nutus. Mais, chez le même Insecte à Tétat adulte, les plaques dentaires dont cet organe était gainii n'existent plus, et cette portion du tube digestif ne mé- rite plus le nom de gésier (a). Chez la plupart des autres Névro- ptères, le gésier est rudimentaire. Cependant, chez les Fourmilions, cet organe, quoique très petit, est armé intérieurement de huit écailles ou pièces cornées, lancéolées postérieu- rement et disposées en entonnoir (6). Chez la l'anorpe, le gésier, qui fait suite à l'œsophage, est plus volumi- neux (c) , et sa tunique épithélique est garnie de poils ou appendicules cornés disposés en brosse {d). Enfin, chez les llémérobes, cet estomac tritu- rant est globuleux et garni seulement de huit petites pièces cornées sub- triangulaires et linéaires (e). Chez les Libelluliens, les ferles, les Sialis, les Éphémères et les Phryganes, il n'y a pas de gésier. (1) Chez les Hyménoptères, il existe généralement un gésier rudimentaire qui ressemble à un sphincter cardiaque plutôt qu'à un véritable estomac tri- turant , et qui est souvent engaîné dans la partie postérieure du jabot, de façon à ne pas être visible extérieu- rement. Cette dernière disposition se remarque chez l'Abeille, le Bourdon, la Guêpe, etc., où le gésier est garni intérieurement de quatre petites co- lonnes charnues à surface calleuse, et s'élève en forme de tubercule au fond de la cavité du jabot (/"). (2) Chez les Lépidoptères qui sont encore à l'éiat de larves et qui se nour- rissent d'aliments solides, on trouve parfois, à la suite d'un jabot assez dé- veloppé, un gésier charnu, mais dont la tunique interne n'offre pas d'arma- ture comparable à ce qui se voit chez les Orthoptères et beaucoup de Co- léoptères. Celte disposition organique est très bien caractérisée chez la che- nille du Cossus ligniperda, où le jabot constitue la partie du tube alimentaire que Lyonnet a appelée la portion moyenne de l'œsophage, et le gésier est représenté par celle que cet ana- tomiste a figurée sous le nom de portion postérieure de l'œsophage [g). (à) Laidy, Internai Analomy of Corydalus cornulus (Journal of tlie American Academy of Arts and Sciences, 1848, pi. 2, lig-. G). (6) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, les Hyménoptères et les Névroplères, p. .333. (c) Ramdohr, Verdauungswerkzeuge der Insecten, pi. 26, fig. 1. (d) L. Dufoiir, Op. cit., p. 320, pi. ii, lig. 169 et 170. (e) Idem, ibid., p. 338. if) Exemples : Abeille (voy. Treviraiius, Op. cit., Vermischte Schriften, t. H, pi. 14, fig. 3 ; — L. Dufour, Op. cit., pi. 5, fig. 48). — Dombus (errestris (voy. L. Dufour, Op. cit., pi. 5, fig-. .50, 51 , 52). — Vespacrabro (voy. Suckow, Op. cit., pi. G, fig. 128 et 129; — L. Dufour, Op. cit., pi. 7, fig. 77, 79 et 80). ((/) Lyonnet, .inatomie de la Chenille qui ronge le bois de saule, p. 463, pi. 13, tig. 1 et 2, TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 597 directement de l'œsophage dans le ventricule chylifique, ou esto- mac proprement dit, et^qui peut être appelé le cardia (1), est généralement pourvu d'un] sphincter, ou même d'un appareil valvulaire disposé de façon à empêcher le passage trop facile des aliments de l'une de ces portions du tube digestif dans l'autre. Chez les Orthoptères, cet appareil cloisonnaire est très déve- loppé, et, chez la plupart des Hyménoptères, le gésier , fort réduit et enchatonné dans le jabot, remplit les mêmes fonc- tions (2). § 6. — Le ventricule chylifique constitue toujours la partie Estomac 11. 1 1 T '/^ 1 T ' I 1 proprement [lit, la plus miportante du tube digeshl des Insectes, et chez quel- ques espèces il en occupe presque toute la longueur, son déve- loppement étant très considérable , tandis que les portions œsophagienne et intestinale sont d'une brièveté extrême. Ce mode d'organisation se remarque chez les Chenilles et beau- coup d'autres larves, mais ne persiste que rarement chez ventricule chylifique. (1) Quelques auteurs désignent cet orifice sous le nom de pylore, parce qu'ils considèrent l'estomac des In- sectes comme étant l'analogue de l'in- teslin duodénum des Animaux ver- tébrés ; mais cette opinion ne me paraît pas fondée, et puisque le ventri- cule chyliljque est le siège principal de la digestion, je réserve le nom de pylore à l'ouverture qui conduit de ce réservoir dans l'intestin. (2) Ainsi, chez les Criquets, l'orifice d'entrée du ventricule ciiylifique, est garni d'une valvule conoïde formée par six callosités en forme d'Y ren- versé , leurs branches étant dirigées en arrière et leurs sommets rappro- chés en manière de nasse {a). Chez les Grilioniens, cette valvule est dis- posée autrement, et consisle en quatre tiges calleuses qui, rapprochées en un faisceau conique , s'avancent dans l'intérieur du ventricule chylifique et y laissent filtrer les aliments, mais s'opposent à leur régurgitation. Enfin, chez lesBIattaires, la valvule cardiaque est composée de six mamelons con- vergents en forme d'étoile (6). Chez les [Jyménoplères, où le gésier est réduit à un petit cylindre charnu inclus dans la cavité du jabot, son ex- irémilé antérieure est renflée et oflVe une ouverture cruciale qui fait office de valvule cardiaque (c\ (a) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., p. 48, pi. 2, fig. 10. (b) Idem, ibid., p. 67 etlOi. (c) Exemple : le Bourdon (voy. L. Diironr, 0;). cit., pi. S, fig. 50 el 5'2), 598 APPAREIL DIGESTIF. l'Animal dont les métamorphoses sont achevées. Ainsi, chez la chenille du Papillon du chou, dont la structure et le dévelop- pement ont été étudiés avec beaucoup de soin par Hérold, on trouve un œsophage simple et très court, suivi d'un grand estomac cylindrique qui s'étend en ligne droite jusque dans le voisinage de l'anus, dont il n'est séparé que par un intestin fort court et également droit; mais, chez le même Insecte à l'état de nymphe, la portion stomacale se concentre vers le milieu du corps, tandis que l'œsophage s'allonge ainsi que l'intestin (1). Chez quelques Insectes parfaits, où l'estomac conserve la prédominance qui est ordinaire cliez les larves, cet organe, au lieu d'être étendu en ligne à peu près droite, se contourne beaucoup et acquiert même une longueur très considérable. Cette, disposition est portée très loin chez les Copris ou Bou- siers, qui se nourrissent de la fiente des x4nimaux herbivores, (1) tlerold a représenté, dans une prédominance de l'esLomac comparé série de figures très inléressanles, ces à Tinleslin, chez la larve, et le déve- changements successifs du tube diges- loppement ultérieur de cette dernière lit" chez le Pontia brassicœ (a), et l'on portion du tube digestif à une période doit à Suckow des observations ana- plus avancée de la vie, quoique se logues sur le développement de cet remarquant aussi chez beaucoup appareil chez le Bombyx pini (6). d'autres Insectes, n'existent pas chez Enfin, je citerai aussi à ce sujet trois tous les Animaux de cette classe, et figures comparatives de l'organisation quelquefois les métamorphoses amè- intérieure du Sphinx ligustri à l'état nent des changements en sens inverse, de chenille, de chrysalide et d'Insecte Ainsi, chezlalarveduCopris,laportion parfait, publiées par Newport (c), et intestinale du canal digestif est aussi des observations analogues faites ré- développée que la portion stomacale, cemment sur le Bombyx mori par tandis que chez l'Insecte adulte l'in- M. Cornalia (d). testin est de longueur médiocre et Du reste, il est à noter que cette l'estomac extrêmement allongé (e). (a) Herold, Entwickelungsgeschichte der Schmetterlinge, 1815, pi. 3, fig. 1 à 12. (6) Suckow, Anatomisch-physiologische Untersuchtmgen der Insekten undKnistenthiere, 1818, p. 24 et suiv., pi. 2, C\g. 1 à 10. (c) Newport, On the Nervous System of the Sphinx ligustri (Philos. Trans., 1834, pi. 14, fig. 11, 12 et 13). (d) Cornalia, Monografia del Bombice del gelso, pi. 4, fig. 51 j pi. 10, fig. 137, et pi. ■IS, fig. 189 et 202. (e) Posselt, Beilrage xur Anatomie der Insekten, pi. 2, fig. 13, 15 et 37. TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 599 aliments dont un volume considérable est nécessaire, car ils ne contiennent que très peu de principes alibiles (1) . Le ventricule chylifique , quoique moins long , est aussi très développé chez plusieurs autres Coléoptères qui vivent de matières végé- tales (2); mais cette particularité de structure est loin d'être constante chez les Insectes phytophages (3) , et parfois on la rencontre chez des espèces dont le régime est différent : par exemple, chez les Silphes, qui vivent de charognes (h). Par conséquent, dans l'élat actuel de nos connaissances, on ne (1) L'œsophage des Bousiers ou Co- pris, très court et à peine dilaté posté- rieurement, est suivi par un estomac cylindrique qui a liuit ou dix fois la longueur du corps, et qui se replie plusieurs fois sur lui-même de façon à former un paquet d'un volume considé- rable. Antérieurement il est grêle, mais il se dilate un peu vers son extrémité postérieure, et sa surface externe est recouverte d'une multitude de petits appendices caecaux et filiformes qui ressemblent à des villosités [a). (2) Chez le Hanneton, le ventricule chylifique, que M. Straus appelle ven- tricule succenturié , est loin d'être aussi développé proportionnellement, mais il est néanmoins fort long, et il décrit plusieurs circonvolutions dans l'intérieur de l'abdomen (6). Comme exemple de Coléoptères phytophages dont le ventricule chyli- fique est très long comparativement au reste du tube alimentaire, je citerai aussi les Lamia (c). Les Hydrophiles, qui, tout en dévo- rant parfois d'autres Insectes, se nour- rissent principalement de matières vé- gétales, ont aussi l'estomac très long et enroulé sur lui-même dans la cavité abdominale [d), tandis qu'à l'état de larves, quand ces Coléoptères sont es- sentiellement carnassiers, cet organe est de grandeur ordinaire et ne décrit que peu de courbures (e). (3) Ainsi chez le Cerambyœ, qui vit à peu près de même que le Lamia et qui appartient à la même famille, le ventricule chylifique est remarquable- ment court (/"). (û) Chez le Silpha obscura, le ven- tricule chylifique est très long et forme dans l'abdomen plusieurs cir- convolutions fort remarquables (g). Cet estomac est aussi très développé chez les Blaps. ■ (o) L. Dufour, Recherches sur les Carabiqiies [Ann. des sciences nat., 1" série, i. III, pi. ■14, fig. 3). (&) Straus-Durkheim, Considérations sur l'anatomie comparée des Animaux articulés, p. 261, pl. 5, fig. 6. (c) L. Dufour, Rechei'ches sur les Carabiqiies, etc. {Ann. des sciences nat., 1" série, t. IV, pl. 6). (d) Suckow , Respiration der Insekten ( Heu.çingcr's Zeitschrift fiir die organische Physik, i 828, t. 11, pl. 3, fig. 25, et pl. i, lig. 27). (ê) Idem, ibid., pl. 4, (ïg. 26. {f) Léon Dufour, Op. cil. {Ann. des sciences nat., i" série, l. IV, pl. fi, flg. 4). {g) Ramdohr, Yerdammgswei'kxeuge der Jnsecten, pl. 27, fig. 1. 600 A1»PAÎIEIL DIGESTIF. peut saisir aucune relation physiologique constante entre la capacité du tube gastrique des Insectes et la nature de leurs aliments ; on remarque seulement que l'estomac ne présente jamais une grande longueur chez les espèces qui se nourrissent de proie vivante, et qu'il est généralement court ou très étroit chez les Insectes suceurs (1). En parlant de l'estomac de ces Animaux, je dois signaler une disposition tort remarquable de cette portion du tube digestif qui se voit chez les Cigales ainsi que chez beaucoup d'autres Hémiptères de la même famille, et qui a pu facilement (1) Chez beaucoup d'Hémiplèies, la portion du tube digeslif qui est comprise entre l'œsophage et le point d'insertion des vaisseaux de JMal- pighi est fort longue , et quelques anatomistes la considèrent comme appartenant tout entière à l'estomac; mais elle est d'ordinaire divisée en deux portions bien distinctes par un étranglement très marqué, et le pre- mier réservoir alimentaire ainsi con- stitué me paraît devoir être consi- déré comme un jabot (a). Le second réservoir, ou estomac postérieur, me semble èlre en réalité l'analogue du ventricule cliylifiqiie des autres In- sectes. Enfin, le canal étroit, cl souvent fort long, qui réunit ces deux poches, est comparable à laporlion postérieure du gésier de divers Hyménoptères, où cet organe est inclus dans le jabot et se termine par un tube cylindrique : par exemple , chez le Bourdon ter- restre (b); seulement cliez les ilémi- ptères ce détroit s'allonge beaucoup plus. Ainsi, chez les Ligies, on voit, à la suite de l'œsophage, qui se renfle un peu postérieurement, unegrandepoche subcylindrique ou bossuéc constituant un jabot, et se continuant avec un tube intestinifornie et contourné, à l'extré- mité duquel est un second réservoir ou estomac proprement dit, et ce ventricule chylifique communique à son tour, par un canal court et étroit, avec un élargissement où débouchent les vaisseaux malpighiens (c). La dis- position de ces parties est à peu près la même chez les Scutellaires (d), les Corises (e), etc. Chez la Punaise (f) et les Réduves (g), la portion postérieure du ventricule chylifique est grêle et intestinifornie, comme sa partie anté- rieure. {a) C'est la partie désig'née sous le nom ù'esiomac antérieur par M. L. Diifour (voy. ses Recherches ir les Hémiptères, pl/s, fig. 13 et 19 ; pi. 3, fig. 22, 23, etc.). {b) L. Dufonr, Recherches sur les Orlhoptères, etc., pi. 5, fig. 50. (c) Idem, Recherches smî- les Hémiptères, pi. 3, ûg. 22 et 25. (d) Idem, ibkl., pi. i , fig-. l. (e) TJem, ibid., pi. 2, fig. 13. if) Idem, ibid., pi. 4, fig. 44. (g) idem, ibid., pi. 4, fig. 48. TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 601 induire les anatomistes en erreur, touchant la route parcourue par les aliments. L'estomac de ces Insectes parait se continuer, d'une part avec l'Intestin, et d'autre part avec un prolongement intestiniforme qui, recourbé en manière d'anse, revient sur lui- niême et semble se terminer dans l'organe qui lui a donné nais- sance. On a cru d'abord que cette anse communiquait avec la cavité du ventricule chylitique par ses deux extrémités, et que les aliments, après s'y être engagés, devaient par conséquent revenir dans cet estomac pour passer ensuite dans l'intestin ; mais les recherches anatomiques de ^I. Doyère ont fait voir que cette anomalie n'existe pas en réalité, et que la portion récurrente du ventricule chyhfique ne débouche pas dans la portion antérieure du même organe; qu'elle s'y accole seule- ment, et qu'elle est en continuité avec l'intestin. Enfin, ce naturahste a constaté que cet intestin ne communique pas avec la portion antérieure de l'estomac dont il semble naître, lorsqu'il se détache seulement de ses parois, et qu'il ne peut recevoir les matières alimentaires que de la branche récurrente de cet organe (1). La seule anomalie qui se remarque chez ces Insectes consiste donc dans l'adhérence intime des deux por- tions du tube digestif dans leur point de rencontre, particularité qui n'a point d'importance physiologique. (1) M. Léon Diifour a cru que tuniques de l'estomac que la brandie l'estomac revenait s'ouvrir dans sa récurrente de ce tube serpente et se propre cavité, non-seulement chez cache complètement, dans une cer- les Cigales , mais aussi chez beaucoup taine longueur. d'autres Homoplères (a) ; cependant II est aussi à noter que la portion les recherches de M. Doyère (6) l'ont adjacente du ventricule chylifique est conduit à reconnaître la non-existence comme suspendue par une bride mé- de cette anomalie (c). C'est entre les sentérique très remarquable. (a) h. Dufour, Recherches sur les Hémiptères, p. 92, iOO, 102, etc., pi. 8, fig. 55,98; pi. 9, %. 108. (6) Doyère, Note sur le tube digestif de-: Cigales {Ann. des sciences nat., 2' série, 1839, t. XI, p. 'si, pi. 1, fig. 3). (c) L. Dufour, Quelques observations sur la note de M. Doyère relative au tube digestif des Cigales {Ann. des sciences nat., 2' série, t. XII, p. 287). 602 APPAREIL DIGESTIF. Les parois de l'estomac proprement dit, ou ventricule chyli- fique, pour me servir du nom assez généralement employé par les entomologistes, ne sont pas conformées de la même manière que celles des portions vestibulaires du tube digestif qui consti- tuent l'œsophage, le jabot et le gésier. Celles-ci sont revêtues, comme je l'ai déjà dit, d'une couche chitineuse plus ou moins épaisse ; mais au delà de la valvule cardiaque cette tunique épi- théliale est remplacée par une couche de tissu utriculaire de con- sistance molle, qui offre tous les caractères d'un épithélium muqueux. Les cellules qui le composent sont à peu près sphé- riques et n'adhèrent entre elles que très faiblement; enfin elles sont pourvues d'un noyau granulé, et elles paraissent devoir se renouveler avec une grande rapidité (1). x\u-dessous de ce tissu utriculaire se trouve une membrane transparente, et en appa- rence homogène, qui présente de nombreuses dépressions dont la grandeur et la forme varient. Enfin les faisceaux musculaires logés entre cette tunique muqueuse et la tunique externe ou séreuse sont disposés, comme dans l'œsophage, sur deux plans et dirigés les uns en travers , les autres longitudinalement ; mais, en général, ils sont plus ou moins espacés entre eux, de façon à déterminer des séries de rides et de renflements alter- (1) M. Sii'odot, qui a étudié avec consolidation de cette couche mu- beaucoup de soin la constitution de queuse autour de la masse alimen- répithélium stomacal chez divers In- taire (a), phénomène dont nous avons sectes, fait remarquer que la disposi- déjà vu plus d'un exemple chez les lion singulière observée par Rengger Crustacés et chez certains Arachni- dans Testomac du Hanneton, où cet des (6). La sortie d'une parlie des lu- auteur a cru voir la membrane mu- niques de l'eslomac que Rengger a queuse flottante librement dans un observée chez des Chenilles (c) me pa- espace annulaire, n'est en réalité que raît devoir être un phénomène du le résultat de la séparation et de la même ordre. (a) Sirodot, Recherches sur les sécrélions chez les Insectes (Ann. des sciences naturelles, i' série, 4 858, t. X, p. 156). (6) Voyez ci-dessus, pages 553 et 580. (c) Rengger, Physiologische Untersicchungen ûber die thierische îlaushalluncj der Insckteii, p. i3. TUBE ALIMENTAIRE DES IN'SECTES. 60o natifs (1). 11 est aussi à noter qii'enlre les deux couches muscu- laires ainsi disposées, on découvre, à l'aide du- microscope, des glandules dont la conformation varie, comme nous le verrons bientôt. Le ventricule chylifîque est dépourvu d'appendices chez ^e^i^e^lon^aJ. (1) Chez beaucoup d'Insectes, les fibres musculaires de Testomac se développent davantage d'espace en espace , de façon à déterminer la formation d'une série régulière de renflements et d'étranglements aller- natifs. Cette disposition s'observe chez le Hanneton (a), les Oryctes [b), les Mylabres (c) , les Méloés {d) , etc., parmi les Coléoptères ; chez les Libel- lules (e) et les Phryganes (/), dans l'ordre des INévroptères ; enfin, chez beaucoup d'Hyménoptères , tels que les Abeilles [g], les Bourdons {h], les Andrènes [i], les Scolies ij), eic. Chez d'autres Insectes , le déve- loppement prédominant de certaines bandes musculaires longitudinales dé- termine dans cet organe une forme différente. Ainsi chez le Ver à soie et la plupart des autres Chenilles, où l'estomac est à peu près cylin- drique et très gros, on y remarque sur la ligne médiane, tant en dessus qu'en dessous, un sillon longitudinal. et de chaque côté une série de bour- souflures irrégulières ; disposition qui est due à la résislance plus grande des parois de cette poche sur les points qui sont garnis de fibres musculaires, et à la dilatation de leurs tuniques membraneuses dans les espaces inter- médiaires. Une paire de rubans char- nus longe la ligne médiane à la face dorsale de l'estomac; une seconde paire de muscles analogues se trouve à la face inférieure de cet organe, et d'autres faisceaux plus grêles et dis- posés moins régulièrement s'entre- croisent sur ses parties latérales. 11 est aussi à noter que vers les deux extré- mités de cette portion du tube intes- tinal, des faisceaux musculaires se détachent de ses parois latérales pour aller s'insérer sur les parties adjacentes de la cavité abdominale {k). Chez la larve du Cossus ligniperda, la paire postérieure de ces brides charnues naît plus loin en arrière et se détache du gros intestin (/). (o) L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc. {Ann. des sciences nat., l" série, -1824, t, III, pi. 4 4, fig. 4). (b) Sirodot, Op. cit. {.inn. des sciences nat., i° série, t. X, pi. 14, fig. 1). (c) L. Dufour, Op. cit., pi. 31, %. 1. {d} Idem, ibid., pi. 31, fig. 4. (e) Idem, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 11, fig. 158. If) Ramdolir, Yerdauungswerkzeuge der hisecten, pi. 16, fig. 2. — L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 13, fig. 208. (g) Idem, ibid., pi. 5. fig. 48. {h) Raradnhr, Op. cit., pi. 13, fig. 1. (i) L. Dufour, Op. cit., pi. 6, fig. 72. (i)Idem, jbt(f..,pl. 8, fig. 89. (k) Cornalia, Monografta del Bombice del gelso, p. 105, pi. 4, fig. 51 et 52. (;) Lyonnet, Traité anatomiqiie de ta Chenille qui ronge le bois de saule, pi, 13, fig. 1 et 2. 60/j. APPAREIL DIGESTIF. quelques Insectes ; mais, chez beaucoup de ces Animaux, il donne naissance à des prolongements caecaux qui peuvent affecter deux formes principales. Tantôt ce sont des poches allongées et d'une capacité assez grande pour que l'introduction des matières alimentaires dans leur intérieur soit possible; d'autres fois ce sont des tubes courts et d'une grande ténuité, qui sont serrés les uns contre les autres comme les poils d'une brosse molle. Les premières sont appelées communément des cœcums gastriques^ ou bourses ventriculaires ; les seconds sont désignés sous le nom de villosités. Les csecums gastriques sont très développés chez la plupart des Orthoptères, Insectes qui se nourrissent, comme je l'ai déjà dit, de substances végétales, et qui sont d'une grande voracité. Ainsi, chez les Criquets, l'extrémité antérieure du ventricule chylifique donne naissance à douze de ces appendices, qui sont de forme lancéolée et disposés de façon à constituer une double couronne, les uns élant dirigés en avant, les autres en arrière (1). Chez les Mantes, on ne compte que huit de ces (1) M. Léon Dufour donne le nom naissent de leur exlrémité effilée ; de bourses veniriculaires principales celles de la série postérieure sont ac- aux appendices caecaux antérieurs, et colées aux parois de l'estomac. Chez il considère les autres comme étant VOEdipoda cœrulescens , elles sont seulement des dépendances des pre- presque aussi grandes que celles de la mièies, parce que leur volume est première série (a) ; mais dans d'autres plus variable suivant les espèces, et espèces de la même famille elles sont qu'elles ne communiquent avec la très réduites, et chez VOEdipoda bi- cavité de l'estomac que par un orifice guttata, par exemple, elles sont pres- linéaire situé vis-à-vis du point de que rudimentaires. jonction de chacmie d'elles avec le Chez le Tetrix subulata, cet appa- cœcum antérieur correspondant. On reil appendiculaire de l'estomac tend en compte six dans chaque rangée. à disparaître, et n'est représenté que Celles de la couronne antérieure sont par six lobules triangulaires. Enfin, dirigées en avant et suspendues aux chez \e Tridactylus variegatus, on ne. parois du thorax par des brides qui trouve plus que trois prolongements [a) h, Diifiinr, Recherches sur les Ortho]Mères, etc., p. 49, pi, 2, fig. 8. TUBE ALIMENTAIRE DES liNSECTES, 605 caecums gaslriques, mais ils sont beaucoup plus allongés, et ressemblent à autant de petits boyaux cylindriques qui seraient terminés en cul-de-sac à leur extrémité libre (1). Un mode d'organisation analogue se voit chez quelques Né- vroptères, tels que les Perles (2), et chez les larves de plusieurs Coléoptères phytophages ce système d'appendices gastriques est encore plus développé, mais ne persiste pas chez l'Insecte gastriques qui naissent de la partie supérieure et antérieure du ventri- cule chylifique , et qui se confondent avec cet organe postérieurement (o). (1) M. Marcel de Serres a décrit ces appendices gastriques sous le nom de vaisseaux biliaires supérieurs, sans doute parce qu'on trouvé souvent dans leur intérieur un liquide jaunâtre (6). Chez les Blattes, il existe aussi à l'extrémité antérieure du ventricule chylifiques une couronne appendicu- laire composée de huit petits cae- cums (c). Chez la Courtilière ( GrxjUotalpa vulgaris), cet appareil est représenté par deux grandes poches ovalaires qui se réunissent à leur base, et com- muniquent avec l'extrémité anté- rieure du ventricule chylifique par un orifice commun (d). Il en est à peu près de même chez les Gril- lons (e). Enfin, chez les Sauterelles, l'extré- mité antérieure de l'estomac se dilate latéralement , de façon à constituer aussi deux grandes poches arrondies en avant, mais ces prolongements ne sont pas étranglés à leur base et ressem- blent à de simples élargissements de cet organe (f). (2) Chez les Perles, l'extrémité an- térieure de l'estomac est garnie de huit prolongements digitiformes, dont deux latéraux plus grands que les au- tres [g). Chez le Corydalus cornutus, on trouve quatre appendices de ce genre, qui ne se développent que lors- que l'Animal arrive à l'élat de nym- phe (h). Les larves du Semblis bicau- data sont pourvues de six appendices de même nature (i). (a) L. Diifour, Recherches sur les Orthoptères, etc., p. 52, pi. 1, llg. 11. (6) Marcel de Serres, Observations sur les Insectes considérés comme r usages des diverses parties du tube intestinal dans cet ordre d'Animaux, — Suckow, Op. cit. (Heusinger's Zeitschr. fiir die oryan. Physik, t. 111, — L. Dufour, Op. cit., pi. -4, ûg. 38. (c) RamJohr, Verdauungswerkzeuge der Insecten, pi. 1, fig. 9. — Marcel de Serres, Op. cit., pi. 2, dg. 1. — L. Dufour, Op. cit., pi. 5, Cig. 44. — Gaede, Beilrâge suc Anatomie der Insekten, pi. 1, fig. 7. (d) L. Dufuur, Op. cit., p. 67, pi. 2, fig. 19. (e) Marcel de Serres, Op. cit., pi. 1, fig. 1. (f) L. Dufour, Op. cit., p. 85, pi. 3, fig. 33. (g) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., p. 347, pi. 13, fig. 1 ■ — Pic\el, Histoire naturelle des Névroptères, Perlides, pi. 2, fig. 1-5. (/!.) Laidy, Op. cit. {American Academu uf Arts and Sciences, 1848, pi. 2, {i) Suckow, Ueber Semblis bicaudala (Heusinger's Zeitschri]t fiir dÂe orga t. Il, p. 267, pi. 7, fig. 7). uminants pi. 2, fil pi. 7, fi , et sur les 4. 134). 98. fig. 1,2, nische Ph 4 et 5). ysik, 1828, 606 APPAREIL DIGESTIF. adulte. Ainsi, chez la larve des Hannetons, des Cétoines, de VOryctes nasicornis et de beaucoup d'autres Lamellicornes, l'estomac présente trois groupes de ces prolongements digiti- formes, situés, l'un à son extrémité antérieure, le second un peu plus en arrière, et le dernier près de son extrémité posté- rieure (1); mais, chez ces mêmes Insectes à l'état adulte, on n'aperçoit plus aucune trace de ces appendices (2). On re- (1) La disposition générale des ap- pendices gastriques de la larve de VOryctes nasicornis a été assez bien représentée par Swammerdam et par Rôsel (a), mais se voit mieux dans les figures données par de Haan {b), et surtout dans celles publiées récem- ment par M. Sirodot. Ce dernier au- teur a reconnu que le groupe antérieur de ces appendices se compose d'une double couronne de tubes borgnes très nombreux, reployés en avant, et va- riant un peu dans leur forme, les uns étant simples, les autres plus ou moins digités, soit à leur extrémité seulement, soit latéralement (c). Les caecums de la seconde couronne sont dirigés en ar- rière, et, de même que les précédents, disposés symétriquement de chaque côté de la ligne médio-dorsale. Enfin, ceux du troisième groupe sont dirigés en avant, et sur les côtés de l'estomac ils sont beaucoup plus longs que près de la ligne médiane. La disposition générale de ces ap- pendices est à peu près la même chez les larves des Cétoines (rf), du Hanne- ton commun (e), des Scarabées (/") et de plusieurs autres Lamellicornes. Chez la larve du Hanneton foulon, les caecums du groupe moyen sont très courts et peu nombreux (g), et chez les Trichies (/t), ainsi que chez les Hoplies (i), il n'y a d'appendices gas- triques bien caractérisés qu'aux deux extrémités du ventricule chylilique. Enfin, chez la larve de VAphodius nigripes, ces appendices paraissent manquer complètement (j). (2) Chez VOryctes nasicornisixVétdil parfait, le ventricule chylifique est beaucoup plus grêle que chez la larve, et ne donne naissance à aucun pro- longement appendiculaire {k). il en (a) Swammerclim, Biblia Naturœ, pi. 27, fig. H. — • Rosel, Die Insecten-Belustigung, t. Il, pi. 8, Ç\g. 1 et 2. (b) W. de Haan, Mém. sur les métamorphoses des Coléoptères (Nouvelles Annales du Muséum, 1835,1. IV, pi. 16, fia;. A, B, G). (c) Sirodot, Recherches sur les sécrétions chez les Insectes (Aim. des sciences nat., 4« série, 1858, t. X, pi. 9, fig. 1, 2, 3 et 4). (d) Ramdohr, Verdammgsiuerkzeuge der hisecten, pi. 7, fig. 2. — De Haan, Op. cit., pi. 17, fig. 3. (e) Newport, Insecta (Todd's Cyclopœdia of Anatomy and Physiology, 1. 11, p. 968, dg. 425). (f) De Haan, Op. cit., pi. 17, fig. 1. {g) Idem, ibid., pi. 18, fig. 1. {h) Idem, ibid., pi. 18, fig. 2. (i) Idem, ibid., pi. 18, fig. 3. (j) Idem, ibid., p. 161 , pi. 18, fig. 4. (fe) Sirodot, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 4" série, t. X, pi. 14, fig. 1). TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 607 marque aussi des changements analogues dans la constitution de l'appareil digestif de quelques Diptères : par exemple, des Cé- roplates (1) ; cependant, chez la plupart des Insectes de cet ordre, les bourses ventriculaires existent encore chez l'adulte (2). Il est à peu près de même chez le Han- neton (a) et chez les Cétoines, si ce n'est que l'estomac de ce dernier In- secte se couvre de petites villo - sites (6). (1) Les Géroplates, qui appartien- nent au groupe des Tipulaires fongi- coles, sont pourvus, quand ils sont à l'état de larves, d'un jabot fusiforme, d'un petit gésier ovoïde, et d'un ven- tricule chylifique variqueux dont Tex- trémité antérieure donne naissance à une paire de tubes cylindriques et aveugles qui égalent presque cet or- gane en longueur (c). Chez l'Insecte adulte, ces appendices sont représentés par deux petites bourses conico-trian- gulaires. Chez la larve du Tipula lu- nata, il existe à la partie antérieure de l'estomac quatre bourses ventricu- laires (rf). Comme exemple de Diptères ayant des appendices gastriques très bien développés dans le jeune âge, mais ne conservant pas ces organes à l'état adulte, je citerai aussi la Mouche car- nassière ( Sarcophaga hœmorrhoi - dalis). Chez la larve, on trouve deux paires de longs tubes caecaux insérés à l'extrémité antérieure du ventri- cule chylifique, tandis que chez l'In- secte parfait ces appendices n'existent plus (e). (2) En général, ces bourses ventri- culaires naissent très près de la tête, et consistent en une paire de caecums vésiculaires ou tubuliformes. Chez les Cousins (/"), le Vappo paUipen- nis ig), etc., elles sont très petites; mais elles s'allongent davantage chez les Taons [h), VEphippium Ihoraci- cum {i}, les Dasypogons {j], les Lep- tis {k), les Dolicopes (l), etc. Chez quelques autres Diptères, ces appendices ont un aspect framboise , par exemple chez les Bombyles (m) ; et parfois aussi ils se développent de façon à constituer deux paires de cae- (a) L. Dufour, Recherches anatomîques sur les Carabiques, etc. (Ann. des sciences nat., i" série, 1824, t. III, pi. 14, fig. 4). — Straus, Considérations sur Vanatomie des Animaux articulés, pL 5, fig. 6. (6) L. Diifour, Op. cit. {Ann. des sciences nat., i" série, t. III, pi. 15, C\g. 1). (c) Idem, Révision et monographie du genre Céroplate {Ann. des sciences nat., 2' série, 1839, t. XI, p. 50, pi. 5, fig. 23). ((flldem. Recherches anatomiques et physiologiques sur les Diptères, pi. 4, fig. 36. (e) Idem, Études anatomiques et physiologiques sur une Mouche {Mém. de VAcad. des sciences, Sat;. eîTOîiff., t. IX, pi. 3, fig. 20 et 27J. (f) Idem, Recherches anatomiques et physiologiques sur les Diptères, pi. 2, fig. 18 et 19. (g) Idem, ibid., pi. 4, fig. 45. (/i) Idem, ibid., pi. 4, fig. 3" et 39. (i)Idem, ibid., pi. 4, fig. 43. 0)ldem, ibid., pi. 5, fig. 52. {k) Idem, ibid., pi. 6, fig. 70. (/)ldem, ibid., pi. 6, fig. 73. (m) Idem, ibid., pi, 6, fig. 62. 608 APPAREIL DIGESTIF. en est de même chez les Anopleures (1). Enfin, on connak aussi des Coléoptères qui, à l'état parfait, sont pourvus d'appendices de ce genre, mais ces exemples sont rares (2). La structure de ces dépendances de l'estomac ne présente d'ailleurs rien de particulier ; on doit les considérer comme de cums , par exemple chez le Rhingia rostrata [a). Chez le Volvucella zona- ria, ceUe bifurcation coïncide avec un développement beaucoup plus consi- dérable et une disposition lobulée (6). Chez d'autres r3iptères, au con- traire , le ventricule chylifique ne donne naissance à aucun appendice, et CCS variations se rencontrent chez des espèces appartenant à un même genre ou du moins à une même famille naturelle, Comme exemple de ce mode de conformation , je citerai le Tipula oleracea (c) , le Trichoptera trifasciata {d),VEchi- nomyia grossa (e) et le Lucilia Cœsar (f). (1) L'estomac du Pou commun {Pe- diculus capitis) est très élargi dans sa moitié antérieure, et présente de chaque côté du cardia un prolonge- ment digitiforme {y). (2) On a constaté l'existence de prolongements de ce genre à la partie antérieure du ventricule chylifique d'un petit nombre d'Insectes de cet ordre. Ainsi, chez quelques Taupins, tels que VElater murinus, cet esto- mac se dilate antérieurement de façon à former de chaque côté du cardia un sac arrondi dont la surface est héris- sée de villosités comme l'est celle des autres parties du ventricule (/i), et chez les Buprestes ou voit naître dans le même point une paire d'appendices borgnes et intesiiniformes, dont la longueur est très considérable (i). Chez les Dermestes il existe six bourses ventriculaires pyriformes et assez bien développées (j). Enfin, on rencontre un mode d'organisation analogue chez le Macronychus quadrituber- culatus {k) , et chez les Vrillettes l'extrémité antérieure de l'estomac est même entourée d'une double série de petits caecums bilobés (l). (a) L. Dufour, Recherches anatomiqjies et physiologiques sur les Diptères , pi. 7, fig. 79, (b) Idem, ibid., pi. 7, l\g. 77 et 78. (c) Idem, ibid., pi. 3, fig. 23. ((Z)Idem, ibid., pi. 3, tig. 32. (e) Idem, ibid., pi. 8, ûg. 96. (H Idem, ibid., pi. 9, fig. H2. (g) Swammerdam, Bibiia Natui'œ, pi. 2, ûg. 3. {h) L. Dufour, Description de l'appareil digestif de i'Anobium striatum {Ann. des sciences nat., i" série, 4828, t. XIV, p. 219, pi. 12 A). (i) L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc. {Aim. des sciences nat., i" série, f. III, pi. 12,fig. 3). (j) Idem., ibid., pi. 12, Cig. 1. (k) Idem, Recherches anatomiq^les sur les Coléoptères des genres Macronique et Elmis {Ann. des sciences nat., 2» série, 1835, t. III, pi. (5, Cig. 17). (l) Idem, Recherches anatomiques sur quelques Insectes coléoptères compris dans les familles des Dermestins, des Byrrhiens, etc. (Ann. des sciences nat., 2' série, 1834, t. I, p. 67, pi. 2, (îg. 1 et 2). TUBE ALIMENTAIRE DES LNSECTES. 609 simples diverticiiles de cet organe, et elles ne paraissent pas être chargées spécialement de la sécrétion de suc gastrique ou de tout autre liquide digestif. Chez les Insectes dont l'estomac est lisse extérieurement, c'est-à-dire dépourvu de villosités, l'élaboration du fluide pep- sique paraît être dévolue à des glandules dont j'ai déjà parlé comme se trouvant dans l'épaisseur des parois de ce viscère. Ce sont des follicules microscopiques logés entre les faisceaux de la tunique musculaire; leur forme est arrondie, et l'on aper- çoit dans leur intérieur des utricules contenant des granula- tions (1). Les villosités qui font saillie à la surface externe de l'estomac d'un grand nombre d'Insectes paraissent être produites par le grand développement de petites fossettes analogues aux glandes gastriques dont je viens de parler (2), et tout porte à croire Glandules pepsiques. (1) Pour bien observer ces glan- dules, il est bon de laver avec de reau aigyisée par de l'acide acélique un fragment de l'estomac de l'insecte dont on a fait choix, puis de l'étendre sur une lame de verre qu'on place sous un microscope dont le pouvoir amplifiant est au moins de 150. M. Sirodot a constaté de la sorte que chez VOryctes nasicornis ces follicules sont dispo- sés en séries annulaires assez régu- lières, et leurs parois sont formées par une dépression de la membrane homogène qui constitue la base de la tunique muqueuse de Testomac. Les utricules qui en occupent l'intérieur sont petites et arrondies ; enfin on remarque au milieu d'elles une goutte d'un liquide opalin (a). Chez le Gril- lon des champs, les follicules gastri- ques occupent les mailles d'un ré- seau formé par des fibres sinueuses de tissu conjonctif, et, d'après les recherches de M. Sirodot, les cellules incluses dans toutes ces glandules ont beaucoup d'analogie avec les utricules sécrétoires de la pepsine chez les Ani- maux vertébrés (b). (2) On trouve une foule de formes intermédiaires entre les deux états ex- trêmes dont il est ici question. Ainsi, chez les Cétoines, les Lucanes, les Taupins et quelques autres Coléo- ptères phytophages, les glandules gas- triques ne sont pas enfouies dans l'épaisseur des parois de l'estomac, comme chez les Oryctes, mais sont un peu saillantes à la surface externe de (a) Sirodot, Recherches sur les sécrétions che^ les Insectes {Ann. des sciences nat., 4' série, 1858, t. X, p. -183, pi. 13, llg. 1 et 2). (6) Idem, ibid., pi. 13, fi^'. 3. Y. 39 610 APPAREIL DIGESTIF. que ce sont aussi les organes chargés plus sjjécialement de sécréter le suc pepsique ou quelque liquide analogue (1). On les trouve chez la plupart des Coléoptères, mais principale- ment chez les espèces de ce groupe qui se nourrissent de matières animales (2). Ce sont de petits appendices creux qui ressemhlent à des doigts de gant, et qui sont en général serrés cet organe, et y constituent une multi- tude de petites papilles arrondies (a). Chez les Copris, qui vivent de raalièies fécales , ces appendices gastriques s'allongent davantage (6) ; mais c'est chez les ColéopLères carnassiers, tels que les Carabes et les Dytisques, qu'ils acquièrent les dimensions les plus considérables (c). (1) Je fais cette réserve, parce que les re'cherches récentes de M. Basch tendent à établir que, chez le Blatta orientalis, le liquide séci'été par les glandiiles de l'estomac n'est pas acide comme le suc gastrique ordinaire, mais alcalin, et susceptible d'agir sur les aliments à la manière de la dia- slase {(l). Rengger est arrivé à un résultat analogue, en étudiant les li- quides contenus dans l'estomac de diverses Chenilles (e). (2) Ainsi les villosités gastriques sont bien développées chez les Cicin- délètes, les Carabiques, les Dytisques, les Staphyliniens, les Escarbots, les Silphcs, les Diapères, etc. Le ventricule chylifique est , au contraire, dépourvu de villosités chez les Coléoptères des genres Buprestes, Lampyrus, Telephoriis, Malachius, Drilus, Anobmm, Clerus, Geotrupes, Melolontha, Hoplia, OEdemera, Mor- della, Lytta, Mijlabris, Meloe, Bos~ trichus, Prionus, Clytus, Cassida, Timarcha, Galleruca, etc. Or tous ces Insectes sont phytophage»; mais il existe aussi un certain nombre de Coléoptères dont le régime est ana- logue et dont l'estomac est plus ou moins villeux : par exemple, les Sco- lytes , les Ténébrions , les Charan- çons, etc. Pour plus de détails à ce sujet, je renverrai aux ouvrages déjà cités de Hamdohr, de M. Léon Du- four, etc. , ainsi qu'à divers mémoires particuliers (f). (a) Exemples: Cetonia aurata (voy. L. Dufoui*, Recherches sur les Carabiques [Ann. des sciences mt., i" série, 1824, t. III, pi. 15, fig-. 1). — Lucanus cervus (voy. L. Dufour, loc. cit., pi. 15, fig. 2 et 3). (6) L. Dufour, loc. cil., pi. 14, fig. 3. (c) Exemple: Carabus auratus (voy. L. Dufour, Op. cit., dans Ann. des sciences nat., 1'" série, t. Il, pi. 20, fig. 1 et 3). (rf) Untersvchungen ùber des chylopoetischc und tiropoetische System der Blatta orientalis [Sitzungsberichte der Wiener Akad., 1858, t. XXXIII, p. 250). (e) Rengger, P/tysioL Unters. uber die thierische Haushaltung der Insekten, iSlT, ]i. 21 et suiv. {[) P.amdolir, Abhandlung ûher die Verdaiiungsiverkz-eiige der Insecten, pi. 2 et suiv. — Idem, Anatomie des Darmkanals und der Geschlechlslhelle voni Carabus monilis {Mag. der Gesellschaft naturforschender Freunde au Berlin, 1807, t. I, p. 207, pi. 4). — l,. Dufour, Hecherches sur les Carabiques, etc. (Ann. des sciences nat., 1" série, 1824 et 1825, t. m et IV). — Idem, Recherches anatomiques sur les ColéojHères compris dans les familles des Dermeslins, TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 611 les uns contre les autres comme les poils d'une brosse molle : leur cavité, terminée en cul-de-sac du côté externe, commu- nique avec l'intérieur de l'estomac par son extrémité opposée, et loge des utricules sécrétoires à divers degrés de développe- ment. Ils sont en général plus nombreux à la partie antérieure de l'estomac que vers sa partie postérieure, et ils cessent tou- jours d'exister à quelque distance du point d'insertion des vais- seaux malpigliiens. Chez les Insectes des autres ordres on ne trouve que rare- ment des traces de villosités gastriques. Comme exemple de cette disposition, je citerai cependant le Fourmilion, parmi les Névroptères (1). Elle ne se rencontre ni chez les Orthoptères, ni chez les Hyménoptères, les Lépidoptères et les Diptères. § 7. — La portion intestinale du tube digestif qui fait suite à l'estomac, et qui se compose, ainsi que je l'ai déjà dit, de deux parties principales, savoir, un intestin antérieur ou intestin grêle, et un intestin postérieur ou réservoir stercoral, varie beaucoup dans son degré de développement, soit chez les (1) Chez la larve du Fourmilion, il couvert de petits Ccecums verruci- existe un jabot globuleux qui est se- formes. Ces appendicules se voient paré du ventricule chylifique par un aussi chez l'Insecte parfait, qui est étranglemerit, et ce dernier organe est également carnassier (o). des Byrrhiens,des Acanthopodes et des Leptodactyles {Ann. des sciences nat., 2^ série, 1834, t. I, p. 56, pi. 2 et 3). — LJem, Mém.surles métamorphoses et l'anatomie dw Pyrochroa coccinea (Ann. des sciences liât., 2" série, 1840, t. XIII, p. 321, pi. 5, fig. 5). — Idem, Histoire des métamorphoses et de l'anatomie des Mordelles (Ann. des sciences nat., 1840, p. 225, pi. H, flg. 9 et 10). — Idem, Histoire comparée des métamorphoses et de l'anatomie des Cetonia aurata et Dorcus parallelipipedus [Ann. des sciences nat., 2" série, 1842, t. XVIII, p. 162, pi. 2, fig. 3, et pi. 3, %■ 18). — Audouin, Recherches anatomiqiies sur le Drile flavescent (Ann. des sciences nat., i" série, 1824, t. II, p. 447, pi. 15, ùg. 15 et 10). • — Idem, Recherches pour servir à l'histoire naturelle des Cantharides {Ann. des sciences nat., 1" série, 1826, t. IX, p. 44, pi. 42, fig. 42). — Burmeister, Zur Naturgeschichte der Gatlung Calandra, in-4, Berlin, 1837 {appareil digestif de la larve du Calandra Sommeri, Rg. 3). — Idem, Anat. Observ. upon the Larva of Calosoraa sycoplianla {Trans. of the Entomol. Soc. ofLondon, 1836, t. 1, p. 235, pi. 24, fig. 10). (a) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 12, fig. 175 et 179. Inlestin. Qi^I APPAREIL DIGESTIF. divers Insectes, ^-oit chez le même individu à différents âges. Chez les Chenilles et chez beaucoup d'autres larves, elle est extrêmement courte, et chez les Hémiptères elle ne s'allonge que fort peu (1); mais, chez la plupart des autres Insectes adultes, elle se développe beaucoup plus et elle acquiert une structure assez complexe. La ligne de démarcation qui la sépare de l'estomac n'est pas toujours nettement indiquée, mais cor- respond à peu près au point d'insertion des tubes malpigliiens. Seulement il est à noter que la partie du canal alimentaire où ces vaisseaux débouchent, et que j'appellerai pylorique, se confond quelquefois avec l'estomac, et se trouve ainsi placée au-devant de l'intestin, tandis que d'autres fois elle est séparée (1) Ainsi, cliez le Papillon du clioir {a), le Dombyx dn pin (6), le Ver à soie (c), le Sphinx du Iroëne (d), la Pyrale de la vigne (e) et la plupart des autres Lépidoptères à l'état de larves, l'intestin consiste en un tube droit et presque cylindrique, qui n'a guère plus d'un quart ou même un cinquième de la longueur du corps, et qui se divise en trois portions princi- pales auxquelles on peut donner les noms dHntestm antérieur, d'intestiii moyen et d'intestin postérieur. L'in- testin antérieur a des parois très cliarnucs, et donne insertion aux tubes malpigliiens; l'intestin moyen est plus rentli', et constitue le réservoir sler- coral ; cnlin l'inlestin postérieur, ou rectum, est très dilatable, mais dans l'état de vacuité il ne constitue qu'un petit canal membrano-musculaire qui aboutit à l'anus. En observant les changements suc- cessifs qui s'opèrent dans la confor- mation de cette portion post-stoma- cale de l'appareil digestif, pendant que les Lépidoptères avancent en âge, on remarque d'abord qu'elle s'allonge beaucoup plus que les parties voi- sines, et l'on voit aussi que cet accrois- sement porte principalement sur la partie de l'intestin antérieur qui est comprise entre le lieu d'insertion des vaisseaux malpighiens et le réservoir stercoral ; un long tube étroit et cyUn- drique se développe ainsi, et constitue ce que l'on appelle communément Yintestin grêle de ces Insectes, tandis que la partie antérieure de l'intestin, qui était primitivement bien distincte (a) Herold, Entwickelungsgeschichte der Schmelterlinge, p!. 3, ûg. i a i'2. ((jjSiickow, Anat.-physiol. Uiitersuchunrjeii dev InseUen und Krustenthiere, pi. 2, fig-. l à ■lO. (c) Cornalia , Monografm del Bombice del gclso, pi. 4, i\s;. 5'i ; pi. 10, fig'. 133, 135, 137 ; pi. l'2,fi-. 189. et 202. (d) Nevvport, On tlie Nervous System of Ihe Sphinx ligiistri [Philos. Traiis., 1834, pi. 14, fig. 1, 1-2 et 13 . (e) AiulouLii, lltstoirc des Insectes nuisibles à la vigne, pi. 7, (ig. 10. TUBE ALIMENTAIRE CES INSECTES. 61 S du ventricule chylifique par un étranglement et ne se distingue pas de l'intestin grêle. Ce dernier mode d'organisation se voit chez les Chenilles où la portion pylorique du tube digestif est cylindrique, courte et plus étroite que le ventricule qui la précède (1). Une disposition analogue se voit chez quelques Hémiptères, tels que les Lygées, où l'intestin grêle est représenté par une poche arrondie, et, chez quelques autres Insectes du même ordre, toute cette partie du canal digestif reste à l'état rudimentaire, de façon que le point d'insertion des vaisseaux malpighiens marque la limite entre l'estomac et le gros intestin ou réservoir stercoral : par exemple, chez les Capses (2). Mais, en général, c'est la disposition contraire qui s'observe : de l'estomac, se confond de pins en plus avec cet organe, de façon que cliez l'Animal adulte remboucliure des vaisseaux malpighiens ne se trouve plus dans Tintestin proprement dit, mais à l'extrémilé du ventricule chylifique (a). Chez les larves des Coléoptères de la famille des Lamellicornes, la portion intestinale du tube digestif est, au contraire très développée, et se re- courbe sous l'estomac pour se porter d'abord en avant, puis en arrière ; enfin, sa partie moyenne est renflée de manière à constituer une grande poche stercorale ovoïde et à parois boursouflées (6). L'intestin ofl"re aussi une longueur assez considérable chez la larve de quelques autres Coléoptères , par exemple le Calosoma sycophanta , mais il ne s'élargit que dans le voisi- nage de l'anus (c). (1) Chez la Chonille du Cossus ligniperda, cette portion de l'intestin se compose de deux zones assez dis- tinctes par la structure de leur tuni- que muqueuse, et c'est dans la seconde que s'ouvrent les tubes malpi - ghiens {di. (2) L'avorlement de toute la portion du tube alimentaire correspondante à l'intestin grêle de la plupart des In- sectes se remarque aussi chez les .Miris. En effet, chez ces Hémiptères, l'estomac, ou ventricule chylifique, que Î\I. Léon Dufour désigne ici sous le nom de second estomac, n'est sé- paré du réservoir stercoral que par un étranglement oîi viennent débou- (a) Voyez Herold, Op. cit., pi. 3, fig. 12. — Newport, I.nsecta {Todd's Cyclop. of .inal. and Pliysiol., t. II, p. 972, %. 430). (!)) Exemples : la larve de l'Oryctes nasicornis (\oy. Swammerdam, Biblia ?!aturœ, pi. 27, (ig. II ; — De Haan, Op. cit. {Nouvelles Annales du Muséum, 1835, t. IV, pi. 10, fig-. A, B, C). — La larve du Hanneton (voy. Newport, Insecta, in ToJd's Cyclop., t. Il, p. OUS, fig. 425). (c) hmmehier , .\natomical Observations uponthe Larva of Calosoma sijcophania (Transactions oflhe Entomol. Soc. of London, 1836, t. 1, p. dd'i, pi. 24, iig. 10 et 11). {d) Lyonnel, Traité analomiquc de lu Chenille qui ronge le bois de saule, p. 473, pi 13, fig-. 1. 6i/l APPAREIL DIGESTIF. la portion pylorique portant les embouclmres des tubes de MaJpighi se confond avec l'extrémité postérieure de l'estomac, et la partie suivante de l'intestin se développe en un canal grêle et cylindrique, d'une longueur assez grande, qui conduit de ce dernier viscère dans le réservoir stercoral. Ce mode d'organisation est général chez les Coléoptères et les Ortho- ptères ; il ne manque que rarement chez les Hyménoptères, les Névroptères, les Lépidoptères et les Diptères ; enfin il se rencontre aussi chez plusieurs Hémiptères. En général, l'in- testin grêle, ainsi constitué, ne présente dans sa structure rien qui soit important à noter, mais quelquefois il devient très long : par exemple, chez ïOryctes adulte (1), où il se renfle cher les tubes malpigliiens (a), U en est de même chez la Punaise des lits (6), les Réduves (c), etc. La portion pylorique de l'intestin reste au contraire distincte, soit de l'estomac, soit du réservoir stercoral, chez la plupart des autres Hémiptères et chez plusieurs de ces Insectes, tels que lesLygées (d) et les Gerris (e) ; elle se renfle de façon à former une grosse poche arrondie, sur les côtés de la- quelle viennent s'ouvrir les tubes mal- pighiens. Chez d'autres Hémiptères de la même famille, cette poche de- vient excentrique , par exemple chez les Scutellaires (/"), et chez les Pijr- rhocoris , où elle est profondément bilobée {g). Enfin, chez divers Hémiptères qui appartiennent aussi à la grande fa- mille des Punaises, l'intestin antérieur devient cylindrique, grêle et allongé, et le point d'insertion des tubes mal- pighieus se trouve à la ligne de jonc- tion de cet organe avec l'estomac. Cette disposition se voit chez les Nèpes [h), les Naucores [i), etc. (1) La tunique interne de l'intestin grêle forme souvent des plis longitu- dinaux, et ce sont les extrémités de ces duplicatures qui ont été décrites par M. Léon Dufour comme consti- tuant une espèce de valvule, d'une part à l'orifice postérieur de l'eslo- mac, et d'autre part à l'entrée du réservoir stercoraL Chez quelques (a) L. Dufour, Recherches sur les Hémiptères, pi. 3, fig. 27. (&) Idem, iUd., pi. 4, fig. 44. (c) Idem, ibid., pi. 4, fig. 48. (d) Idem, ibid., pi. 3, fig. 22 et 25. (e) Idem, ibid., pi. 5, fig. 64. (/■) Idem, ibid., pl.l, fig. 1. {g) Idem, ibid., pi. 2, fig. 19. (;t) Idpm, ibid., pi. 0, fig. 82. (i) Idem, ibid., pi. 0, fig. 72. TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 615 beaucoup vers son extrémité postérieure et y devient très musculaire (1). Le réservoir stercoral, que les anatomistes désignent aussi Gros intestin _ ou sous les noms de gros intestin^ de côlon, etc., est d'ordinaire une simple dilatation du canal alimentaire, dont les fibres mus- culaires sont disposées par bandes distinctes et dont les parois renferment des organes glandulaires particuliers (2); mais, réservoir stercoral. Coléoptères, les Cétoines et les Lu- canes, par exemple (a), cet intestin est fort court; tandis que chez d'au- tres espèces du même ordre, telles que le Ténébrion (6) , et surtout VOryctes nasicornis , il acquiert une longueur fort considérable (c). En gé- néral , 11 est lisse extérieurement , mais quelquefois il est couvert de petites papilles dans une grande partie de son étendue : par exemple, chez les Silphes (d) et les Nécro- phores (e). (1) Celte disposition est très remar- quable chez le Hanneton, et la portion de l'intestin grêle qui est ainsi élargie constitue ce que M. Straus a appelé, à tort, le gésier de ces Insectes (/'). Sa surface interne est armée de six séries longitudinales de mamelons triangu - laires qui garnissent les colonnes for- mées d'ordinaire par un simple repli de la membrane muqueuse {g). (2) Le réservoir stercoral simple, c'est-à-dire faisant complètement suite à l'intestin grêle et ne se prolongeant pas antérieurement en cul-de-sac, est presque toujours de forme ovoïde et strié par six bandes musculaires, entre lesquelles on remarque sou- vent un égal nombre de tubercules arrondis ou ovalaires, qui sont parfois transparents au centre et garnis d'une sorte de cadre corné : par exemple, chez les Zabrus (h), parmi les Coléo- ptères, et chez la plupart des Hymé- noptères. Chez tous les MeUifères, à l'exception des Bourdons, ces tuber- cules existent aussi , mais ils ne sont pas toujours encadrés de la sorte, et souvent ils sont disposés sur deux rangées transversales. Chez les Cra- bronites, les Sphégides et beaucoup d'autres Hyménoptères, ils s'allongent considérablement; enfin, les Ichneu- monides et les Gallicoles paraissent en (a) L. Dufour, Recherches sur les Carabiqties, etc. {Ann. des sciences nat., 1" série, -1824, t. III, pi. 15, %. 1 et 2). (b) Idem, ibid., pi. 29, lig. 6. (c) Sirodot, Recherches siir les sécrétions des Insectes {Ann. des sciences nat., 4" série, I. X, pi. 14, fig. 1). {d] L. bufoiir. Op. cit. {Ann. des sciences nat., 1" série, t. III, pi. 13, fig. 5 à 7). (c) UAtzek, Necrophororummonographiœ par ticula prima {disserl. inaug.). Breslau, 1839, pi. 3, %. 57). (f) Siraus, Considérations swr l'anatomie comparée des Animaux articulés, p. 203, pi. 5, %. 6, h, i. {g) Idem, ibid., pi. 5, fig. 8. — Suckow, Verdauungsorgane der Inseklen (Heusinger's Zeitschrift fur die organische Physik, 1833, t. 111, pi. 3, fig. 93 et 94). {h} Burmeister, Handbuch der Entomologie, t, I, p. 149, 61(3 Âl'P.U'.ËIL DIGESTIF. chez quelques Insectes il se développe latéralement, de façon à former une poche dont le fond se prolonge beaucoup en avant du point où l'intestin grêle vient s'y ouvrir (1). être privés (a). On remarque aussi des boulons en nombre variable dans les parois du réservoir stercoral de divers Névroplères , et chez les Piu-yganes on en compte environ vingt {b}. Chez la IMouche domestique, on n'en aperçoit que quatre; ils sont coniques, creux et hérissés de petites épines cornées (c). Plusieurs entomologistes pensent que ces bou- tons sont de nature glandulaire, mais ils paraissent être seulement des orga- nites analogues aux papilles que nous verrons à la surface de la muqueuse digestive chez beaucoup d'Animaux supérieurs. Quelquefois, chez le Ver à soie, par exemple, cette portion du canal intes- tinal est divisée en deux loges par un étranglement circulaire, et dans cha- cun de ces compartiments arrondis on voit quatre paires de tubercules ou plaques cornées ovalaires, dispo- sées transversalement en forme d'an- neau (d). (1) Cette disposition paraît être géné- rale chez les Lépidoptères adultes, mais elle n'existe jamais chez ces Insectes à l'état de larves. L'appendice caecal, ainsi constitué, ne s'avance que peu au-devant de la terminaison de l'in- testin grêle chez quelques espèces, telles que le Pontia brassicœ (e). Mais chez d'aiUres, le réservoir stercoral prend la forme d'un sac ovoïde à col plus ou moins étroit : par exemple, chez le Sphinx Ugustri {[), et VA- cherontia Atropos (g). Ce mode d'organisation est au con- traire très rare chez les Coléoplères ; il s'observe cependant chez les Dy- lisques à i'état de larves (h) aussi bien qu'à l'âge adulte (î) , chez les Ténébrions (/), le Nécrophorfe {k), etc. Il existe aussi chez quelques Hémi- ptères, tels que les Pelogomis (l), les iîanatres {m), les Kèpes (n), les INaulonectes (o), et les Dorthésies (p). Enfin, on l'observe également chez la larve du Tipula lunata {q) parmi (a) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., p. 132. (fc) IJem, ibid., p. 355, pi. 13, iig;. 208. (c) Leyclig, Lehrbuch der Histologie, p. 339, fig. 182. {dj Cornalia, Monografia del Bombice del gelso, pi. 4-, fig. 54, 55 et 56. {eJNewport, Insect.'^ (Todd's Cyclop., t. Il, p. 973, fig-.' 431). (0 Treviranus, Op. cit. {Vermischte Schriflen, t. II, pl. 11 , fig. 1 k). — Newport, Op. cit., 1. 11, p. 973, fig. 430. (g) Suckow, Aiiat.-phys. Unlers. der Insekten xmd Knistenthiere, pl. 2, fig. 9 et 10. {h) RamJohr, Op. cit., pl. 2, fig. 2. (i) IJem, ibid., pl. 2, fig. 1. — L. Diifour, Rech. sur les Carabiques, etc. (Ann. des se. nat., i" sdiie, 1. 111, pl. 10, fig. 3). (j) Ramdohr, Verdauungswerkzeuge der Insecten, pl. 4, fig. 2. (k) Idem, ibid., pl. 5, fig. 1. (l) L. Hufoiir, Recherches sur les Hémiptères, pl. 5, fig. 58 bis. (m) Idem, ibid., pl. G, fig. 81. (n) Idem, ibid., pl. 6, fig. 82. (o) Idem, ibid., pl. 7, fig, 89. (p) Idem, ïbid., pl. 9, lig. 108. {q) Idem, Recherches sur les Diptères, pl. 4, fig. 30, TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 617 Le rectum n'offre rien d'important à noter. Chez un petit nombre d'Insectes à l'état de larves, on n'aper- çoit aucun indice d'évacuations alvines, et l'ouverture anale a échappé aux investigations des anatomistes (1). Mais, dans Anus. les Diptères. Je n'en connais pas d'exemple chez les Orthoptères, les Kévroptères et les Hyménoptères. (1) La plupart des entomologistes admettent que chez plusieurs larves d'Hyménoptères et même chez quel- ques autres Insectes, il n'y a pas d'anus. Ainsi Réaumur attribuait ce mode d'organisation anormal à la larve du Fourmilion (a), el l'opinion de ce naturaliste illustre a été partagée par beaucoup d'entomologistes de l'é- poque actuelle (6) ; mais elle n'est pas fondée, car M. Léon Dufour a con- staté que chez cet Animal, à l'état de larve aussi bien qu'à l'état adulte, le tube intestinal est conformé de la manière ordinaire et débouche au dehors par un anus terminal (c). Ramdohr et Siickow ont repré- senté l'appareil digestif de la larve des Guêpes comme étant formé d'une grande poche stomacale terminée en cul-de-sac et n'étant pas pourvue d'un intestin {d). M. Burmeister le décrit de la même manière (e), mais New- port y a constaté l'existence d'un in- testin très court, où viennent débou- cher les canaux malpighiens {f). M. Grube a donné une bonne figure de cette portion terminale de l'appa- reil digestif, et il a nettement distin- gué son ouverture anale. Cependant il reste encore quelque incertitude au sujet de la perméabilité de la por- tion pylorique de ce tube, et, d'après l'ensemble de ses observations , ce naturaliste pense qu'à cette période de la vie de la Guêpe, l'estomac ne communique pas avec l'intestin et se termine en cul-de-sac; enfin, que l'in- testin, ouvert en arrière, est aussi un tube caecal en continuité avec le pre- mier par sa tunique musculaire et sa membrane externe seulement ((;). Il y aurait donc, comme d'ordinaire, une bouche et un anus, mais le tube étendu entre ces deux ouvertures se- rait interrompu par un cylindre im- perforé dans la région pylorique ; disposition qui me paraît peu pro- bable, et je suis porté à croire que l'oblitération observée par ce natura- liste tient surtout à un état de con- traction.pius ou moins permanente du sphincter pylorique. La larve de l'Abeille a été décrite comme ayant aussi l'estomac terminé (o) Rcaumur, Mém. your servir à l'histoire des Insectes, t. VI, p. 366. (&) Lairei'.le, Histoire naturelle des Crustacés et des Insectes, t. XUI, p. 26. — Diilrochet, Op. cit. [Journal de physique, 1818, t. LXXXVI, p. 134). — Burmeister, Handbuch der Entomologie, f. I, p. M:Q. — Lyconlaire, Introduction à l'entomologie, 1838, t. II, p. 5. (c) L. Dufour, Recherches sur les Ortlioptères, etc., p. 326, pi. 12, fig. 175. (d) Ramclohr, Op. cit., pi. 12, fig. 1. — Suckow, Op. cit. (Heusiug-er's Zeitschrift fur die organische Physik, t. III, pi. 0, fig. 130). (e) Burmeisler, Handbuch der Entomologie, I. I, pi. 9, Qg. 9. (f) Newjiort, art. Insecta (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol., t. II, p. 907). (g) Ed. Grube, Fehlt den Wespen-und Hornissenlarven ein After oder nicht (Miiller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1849, p. 47, pl, 1, fig, (>). ^■laiidiilaires. 618 APPAREIL DIGESTIF. l'immense majorité des cas, cette ouverture terminale de l'in- testin est facile à reconnaître, même à cette période peu avancée de la vie, et chez l'animal «dulte elle se voit tou- jours, soit à l'extrémité postérieure du corps , soit dans une espèce de cloaque formé par l'invagination des derniers zoonites de l'abdomen dans l'un des anneaux précédents du squelette tégumentaire (1). Annexes § S- — Alnsl quc jc l'ai déjà dit, les annexes glandulaires du canal digestif sont de différentes sortes. Indépendamment des follicules gastriques que nous avons rencontrés dans l'épaisseur des parois de l'estomac, ou faisant saillie à la sur- face externe de ce viscère sous forme de caecums, on trouve appendus à ce tube jusqu'à trois systèmes d'organes sécré- teurs, savoir : un appareil salivaire, les vaisseaux malpighiens, et des glandes anales. en cul-de-sac (a) ; mais depuis long- renient et dépourvue d'orifice pylo- lenips Swamnierdam a constaté l'exis- rique (c). Des recherches plus appro- lence de l'inlestin de cet Insecte en fondies me paraissent cependant né- voie de développement, ainsi que les cessaires pour établir que chez ces connexions de cette portion terminale larves il y ait réellement absence de du tube digestif avec les téguments toute ouverture anale, extérieurs (6). (1) Cette disposition est générale Newport, en étudiant avec beau- chez les Coléoptères, et c'est la fente coup de soin l'appareil digestif de comprise entre les deux valves de la certaines larves d'Hyménoptères qui chambre cloacale ainsi constituée qui vivent en parasites sur d'autres Ani- est communément désignée sous le maux , par exemple du Monodonto- nom û'anus par les entomologistes. merus nitidens, dans la famille des Les organes de la génération débou- Chalcidiles, et de Vîchneumon Atro- chent aussi dans cette cavité, sur le pos, n'a pu découvrir chez ces lu- mode de formation de laquelle je re- sectes aucune trace d'un intestin, et viendrai lorsque je traiterai spécia- il décrit leur estomac comme étant lement du système tégumentaire de une grande poche arrondie postérieu- ces Animaux. (a) Burmeister, Handbur.h der Entomologie, 1. 1, p. -149. ■ — Lacordaire, Introduction à l'Entomologie, t. 1, p. 126. (6) Swamnierdam, Biblia Naturœ, pi. 24.,'fig. 6. (c) Kewport, The Anatomy and Development of certain Chalcidœ and Ichneumonidœ (Trans. ofthe Linnœan Society, t. XXI, p. 68, pi. 8, fig. 9). — Art. Insecta (Todd's Cyclopœdia of Ana- tomy and Physiology, t. II, p. 996). ANNEXES DU TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 6i9 Les glandes salivaires paraissent manquer complètement chez un assez grand nombre d'Insectes (1), et chez ceux où elles existent , on remarque de grandes différences dans leur mode de conformation. Dans leur état de plus grande sim- plicité, elles consistent en une paire de tubes grêles qui, d'une part se terminent par une extrémité aveugle et libre , et d'autre part s'insèrent sur les parois du pharynx ou de la bouche, et s'ouvrent dans la cavité de cet organe. Cela se voit chez les Papillons (2), chez divers Coléoptères (3), chez Glandes salivaires. (1) La plupart des Goléoptcres pen- tamères paraissent être dépourvus de glandes appendiculaires pour la sécré- tion de la salive (a), et il est probable que ce liquide est formé seulement par les follicules qui, chez ces In- sectes, sont logés dans les parois même du tube digestif (6). Les cae- cums que Duvernoy a décrits sous ce nom chez les Dermestes, les Vril- lettes et les aiacroniques (c), ne sont autre chose que les bourses gastriques dont il a déjà été question ci-dessus (page 608). M. Léon Dufour a décou- vert un appareil salivaire spécial chez les Blaps {d), les OEdémères (e) , les Diapères (f), les Wordelles {g], les Lixus {h], les Coccinelles (^) et quel- ques autres Coléoptères. L'appareil salivaire spécial paraît manquer complètement chez les Né- vroptères appartenant aux familles des Libellulines et des Éphémé- rines (j). (2) chez les Lépidoptères à l'état parfait, il n'existe qu'une paire de vaisseaux sahvaires simples et capil- laires {k) ; mais chez les Chenilles une seconde paire d'organes analogues à ces glandes constitue un appareil producteur de la soie, et débouche au dehors par ime filière pratiquée dans la lèvre inférieure (l). Nous revien- drons sur l'étude de ces derniers organes dans une autre partie de ce cours. (o) Chez les Coléoptères, en très petit nombre, qui possèdent des or- la) L. DufoLir, Recherches anatomiques sur les Carabiques, etc. {Ann, des sciences nat. 1824, t. III). (6)Sirodot, Recherches sur les sécrétions çhe» les Insectes {Ann. des sciences nat. 1858, t. X, p. 174 etsuiv.). (c) Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, 2" édit., t. V, p. 197. {d) L. Dufour, Op. cit. (Ann. des sciences nat., i" série, t. III, pi. 29, fig. 4 et 5). (e)Idem, ibid., pi. 30, flg. 7 et 8. (f) làem, ibid., pi. 30, fig. 3. (ff) Idem, ibid., p). 31, fig. 1. (h) Idem, ibid. [Ann. des sciences nat., \" série, t. IV, pi. 5, fie. 2). (i) Idem, ibid., pi. 8, fîg. 7. (i) Idem, Recherches sur les Orthoptères, etc., p. 299. (Il) Treviranus, Op. cit. (Vermischte Schriften, t. II, pi. H). {1} Hcrold, Entiuickelungsgeschichte der Schmetterlitige, pi. 3, fig. 1 à 5. — Cornalia, Monografia del Bombice del gelso, pi. 4, fig. 52, et pi. 10, fig. 152. i" série, 4° série, G'iO APtAUElL DIGESTIF. certains Diptères (1) et chez un petit nombre de Névroptères (2). Un premier degré de perfectionnement dans la structure de ces organes est caractérisé par une certaine division du travail physiologique dont ils sont chargés ; la partie profonde s'ap- proprie d'une manière plus spéciale à la production du liquide salivaire, et la portion terminale du tube à l'évacuation de cette humeur. Celle-ci devient alors un conduit excréteur seulement, et chez quelques Insectes elle se modifie de façon à assurer le bon emploi du liquide qu'elle est chargée de verser dans le tube digestif. En effet, elle se dilate dans une portion de son étendue, et constitue de la sorte un réservoir salivaire dans lequel les produits sécrétés peuvent s'accumuler quand l'appareil digestif est au repos, et se trouver en quantité considérable au mo- ment où l'Animal a besoin d'en imbiber ses aliments. Comme exemple de cette disposition, je citerai les Sialis (o); mais, en ganes salivaires spéciaux, ceux-ci consistent presque loujours en une seule paire de tubes sécréteurs, cylin- driques, capillaires, plus ou moins longs et entortillés sur eux-mêmes, ou seulement llexueux. Chez quelques Charançonites, tels que les Lixus et les Pachygastres, ces vaisseaux salivaires se prolongent jusque dans l'abdo- men (a). Chez les Blaps et les Cocci- nelles, ces organes ont une structure plus compliquée. D'après llanidchr, il n'y aurait qu'un seul vaisseau sali- vaire impair chez le Curculio lapa- thi (6), espèce du genre Cryptorhyn- chus, mais il est probable que cet anatomiste a commis quelque erreur dans ses observaUons. (1) Il y a aussi une seule paire de tubes salivaires chez presque tous les Diptères ; mais, chez la plupart de ces Insectes, ces organes ne sont pas capil- laires dans toute leur étendue, et se renflent vers l'une ou l'autre de leurs extrémités, pour former tantôt une ampoule initiale, d'autres fois un ré- servoir terminal. ('2) Ainsi on ne trouve qu'une seule paire de tubes salivaires simples et indivis chez le Fourmilion (c). (3) Chez les Sialis, on trouve de chaque côté de l'œsophage un tube salivaire très court, qui est grêle dans sa partie terminale, et se dilate vers son extrémité antérieure pour former un réservoir ovoïde dont le col pé- (fl) L. Dufour. Recherches sur les Carabiques {Ann. des sciences nat., i'° série, t. IV, pi. 5, %• 2). (6) Ramdolir, Op. cit., p. 55, pi. 10, fiij. 1 . (c) L. Diifoiir, Recherches ««?■ les Orthoptères, les Hyménoplcres cl les ISévropl ères, etc., pi. 12, fie. no. ANNlîXES DfJ TL'nR ALIMENTAIUE DES INSECTES. G21 général, quand ce liquide digestif doit être emmagasiné de la sorte, la Nature crée un organe spécial pour le tenir en réserve, et une poche particulière appendue au canal excréteur se con- stitue pour le recevoir. Ainsi, chez la plupart des Orthoptères, où cet appareil arrive à un haut degré de développement, on trouve une vésicule salivaire indépendante du conduit excréteur de la glande (1). La portion sécrétante de ce même appareil présente une série plus nombreuse de modifications qui tendent à en aug- menter la puissance. Ainsi, chez beaucoup d'Insectes, les tubes grêles et cylindriques dont je viens de parler, au lieu d'être uniques de chaque côté du corps, se multiplient; souvent on en compte deux, trois ou même davantage (2). D'autres fois, au lieu de se répéter de la sorte, les vaisseaux sahvaires se dédou- blent seulement dans leur partie profonde, et deviennent plus •ou moins branchus (o). Enfin, le cul-de-sac qui termine chacun nètre dans la tète et débouche dans le sidérable (e) ; mais, dans d'antres pharynx (a). espèces du même genre, M. L. Dufour Ce type organique est encore mieux n'a pu découvrir aucune trace de ces caractérisé chez certains Diptères , organes sécréteurs, tels que le Sarcophaga hœmorrhoi- Chez les Panorpes (/"), dans l'ordre dalis (6) et le Lucilia Cœsar (c). des Névroptères, il y a aussi trois (1) M. Léon Dufour a donné de paires de, tubes salivaires simples, très bonnes figures de ces réservoirs mais beaucoup plus longs et plus gros salivaires chez la Courtilière {Gryllo- que chez les Coléoptères dont je viens talpa vulgaris], une Sauterelle (Ephip- de parler. pigera diurna], la Mante commune (3) Cette disposition est très rare [Mantis religiosa) et la Blatte (d). chez les Coléoptères ; elle existe ce- (2) Ainsi chez le Coccinella septem- pendant chez les Blaps, où les tubes punctata , il existe trois paires de salivaires se ramifient i^eaucoup (g) ; tubes salivaires d'une longueur con- mais elle est dominante chez les Or- fa) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., p. 341, pi. 12, fig. ISi. (6) Ideui, Etudes anatomiques et physiologiques sur une Mouche, pi. 3, fig'. 27. (c) Idem, Recherches sur les Diptères, pi. 9, fig. H 2. {d} Idem, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 2, fig. 19 ; pi. 3, fig-. 35 ; pi. 4, fig-. 38. (e) L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc. {Atin. des sciences nat., i" série, t. IV, p. 121, pi. 8, %. 7). (/■) Idem, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 11, fig. 1G9. (g) Idem, Recherches sur les Carabiques, etc. [.\nn. des sciences nat., 1" série, t. III, pi. 29, fig, 4 et 5). 622 APPAUEIL DIGESTIF. de ces tubes simples ou ramifiés se renfle lorsque l'action sécrétoire de ceux-ci doit acquérir un nouveau degré de puis- sance, et, lorsque cette modification organique coïncide avec la forme arborescente du canal excréteur, la glande offre l'aspect d'une grappe de raisin, dont les grains, très petits et réunis en groupes, seraient suspendus à un pédicelle tubulaire (l). Ces divers genres de perfectionnement organique se trou- vent tous réunis chez la plupart des Orthoptères, où l'appareil salivaire acquiert un développement très considérable. Chez les Sauterelles, par exemple, on trouve de chaque côté de l'œso- phage une masse glandulaire très volumineuse, qui se compose d'une multitude de petites ampoules ovoïdes dont partent autant de tubes capillaires; ces canaux excréteurs se réunissent suc- cessivement entre eux, de façon à constituer des troncs de plus thoptères et les Hyménoptères, ainsi II est, du reste, à noter que chez que chez divers Névroplères, où elle certains Diptères où l'on n'avait décou- coïncide avec d'autres modifications vert, jusque dans ces derniers temps, organiques (a). qu'une seule paire de glandes sali- (1) Comme exemple d'Insectes ayant vaires, il existe d'autres organes sécré- une seule paire d'appendices salivaires tenrs de même nature, qui sont logés simples et renflés en ampoule à leur dans l'intérieur de la tète. Ainsi extrémité libre, je citerai d'abord le M. Henry Meckel et M. Leydig ont Tipulaoleracea (6) et le T. tunata (c). trouvé une petite glande salivaire im- Cette disposition est dominante parmi paire située à la base de la trompe chez les Diptères; mais, chez beaucoup de \e Muscavomitoria el chezla Tabanus ces Insectes, le renflement initiai du bovinus [d). tube saUvaire est peu marqué, et il y a Chez la Puce, il y a de chaque côté des nuances Insensibles entre la forme du corps deux petites glandes sali- d'ampoule et celle d'un tube cylindri- vaires arrondies , dont les conduits que borgne qui se confond avec le sécréteurs se réunissent bientôt en une canal excréteur, comme chez la plu- seule paire de tubes fort grêles et très part des Coléoptères. longs (e). (a) L. Dufour, Recli. sur les Orthoptères, les Hyménoptères et les Névroptères, pi. 1 et siiiv. (6) Idem, Recherches sur les Diptères, pi. 3, fîg-. 23. (c) Idem, ibid., pi. 4, fig. 36. (d) H. Meckel, Mikrographie einiger Drûsenapparate dcr niederen Thiere (Muller's Archiv fur Allât, und Physiol., 1846, p. 27). — Leydig-, Zur Anatomie der Insekten {Archiv fur Anal, und Physiol., i859, p. 69). (e) Raindohi-, Verdauungsuierkzeuge der Insecten, pi. 23, fig. 2. ANNEXES DU TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 623 en plus gros, à mesure qu'ils se portent en avant pour gagner la région pharyngienne; enfin, on voit suspendue à la partie antérieure de ce système de tubes une poche longue, à col étroit, qui fait fonction de réservoir salivaire, et emmagasine le liquide élaboré dans les ampoules sécrétoires et destiné à être versé dans le canal digestif (1 ). (1) La conformalion générale de l'appareil salivaire chez rEphippigera diurna a été très bien représentée par M. Léon Diifour (a). La disposition de ces organes est à peu près la même chez les Grillo- niens (6), les Blattes (c) et les Mantes ; seulement , chez ces dernières , la glande est moins lobiilée, et le réser- vou' naît du canal, excréteur à une dis- tance beaucoup plus grande de l'em- bouchure de celui-ci (cl;. Chez les Tridactyles, ils offrent le inême mode d'organisation,' mais ils sont beaucoup moins développés (e), et chez les OEdipodes, où ces glandes sont égale- ment disposées en forme de grappe, le réservoir salivaire manque {f). Dans Tordre des Hyménoptères, on trouve aussi à la partie antérieure du thorax, sur les côtés de l'oesophage, des glandes salivaires très dévelop- pées, dont la disposition générale a été fort bien représentée par M. Léon Dufour, et plus récemment, ainsi que je l'ai déjà dit, des organes sécré- teurs de même nature ont été dé- couverts dans l'intérieur de la tête de plusieurs de ces Insectes par M. Henry Meckel et par M. I-eydig (g). Il est, du reste, à noter que dans cet ordre on ne rencontre jamais de ré- servoir salivaire , comme nous en avons vu chez la plupart des Ortho- ptères. Chez les Abeilles, les glandes sali- vaires postérieures ou thoraciques sont constituées par des caecums ra- meux et un peu claviformes vers le bout (h). Les glandes salivaires cépha- liques sont au nombre de deux paires et disposées en forme de grappe (i). Chez la Fourmi il y a aussi trois paires de glandes salivaires, et chez les Bour- dons M. Leydig a trouvé une quatrième paire de ces glandes logée sous la i'acine de la langue (j). Chez le Vespa crabro, on n'a signalé jusqu'ici que deux paires de ces organes, savoir : une paire de glandes salivaires thora- (a) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 3, fig. 33. (b) Exemple : la Courtilièra (voy. L. Dufour, Op. cit., pi. 2, fig. 4 9). (c) L. Dufour, Op. cit., pi. i, Rg. 38 et 39. (d) Idem, ibid., pi. 3, fig. Ai. {e) Idem, ibid., pi. 1, fig. 11. (f) Idem, ibid., pi. 2, fig. 8 et 9. (g) H. Meckel, Mikrographie einiger Drûseiiapparate der niederen Thlere (Millier 's Archiv fiir Anat. und Physiol., 1846, p. 25 et suiv.). — Fr. Loj'dig-, Op. cit. (Archiv fur Anat. und Physiol., 1859, p. 60 et suiv.). (h) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 7, fig. 48. (i) Leydig, loc. cit., p. 61, pi. 3, fig. 21 . (j) Idem, ibid., p. 04. 't^ G"2/l appareil digestif. Enfin, chez d'autres Insectes, et notamment chez la plupart des Hémiptères, l'appareil salivaire se complique davantage, et se compose de deux ou de plusieurs paires d'organes sécré- teurs qui n'ont pas la même structure, et qui rempHssent pro- bablement des fonctions différentes. Ainsi, chez les Réduves, on voit de chaque côté du corps trois glandes salivaires qui sont pourvues chacune d'un canal excréteur particulier : deux de ces organes sécréteurs sont soudés ensemble de. façon à former une seule masse fusiforme dont partent deux conduits excré- teurs; le troisième est isolé. Chez d'autres espèces appartenant également à la grande famille des Punaises, cette dernière glande est représentée de chaque côté par un tube sécréteur seulement, ou par deux appendices de ce genre, et les glandes géminées se développent au contraire beaucoup plus, en se digitant et en affectant des formes très variées (1). ciqucs et une paire de glandes céplia- plères, tels que les Perles (c), les Phry- liques. Chez quelques Hyménoptères, ganes {cl) et les Termites (e). Chez ces tels que les Andrènes (a), les glandes derniers, il existe, comme chez la salivaires thoraciques sont plus volu- plupart des Orthoptères, un réservoir mineuses que chez les Abeilles , et parlicnlier appendu à chacun de ces elles ont aussi un développement con- organes. sidérable chez beaucoup d'autres Hy- (1) Chez la Punaise, des lits Tappa- ménoptères nidifiants , tandis qu'au reil salivaire ne présente pas une contraire elles sont fort réduites chez structure si compliquée, et il se com- certains Térébranls, tels que les Ghry- pose seulement de deux paires de sidiens, qui ne bâtissent pas des nids petites glandes arrondies et libres qui pour leur progéniture (b). ont chacune un canal excréteur pro- On trouve aussi une paire de glan- pre ; seulement il est à noter que la des salivaires rameuses sur les côtés forme de ces organes n'est pas la de l'œsophage chez quelques Névro- même {f). Chez le Iléduve , l'une de (a) L. Dufoiir, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 6, fig. 7:2. (6) Exemples : Parnopes carnea (voy. L. Dufoiir, Op. cit., pi. 9, fig. 115). — HedychrHin lucidulum (voy. L. Dufour, Op. cit., pi. 9, Rg. 116). (e) L. Dufoiir, Op. cU., pi. 13, fig. 198. {d) Idem, ibid., pi. 13, fig. 208. (e) Idem, ibid., pi. 13, fig. 196. — Lespés, Recherches sur l'organisation et les mœurs du Termite lucifuge (.4;iK. des sciences nat., 4' série, 1850, t. VI, pi. 6, fig. 15). (/■) L. Dufour, Recherches sur les Hémiptères, [d. 4, fig. 44. ANNEXES DU TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 625 Quant à la striicfiire intime des organes snlivaires dont nous venons de passer en revue les formes extérieures, je me bornerai à dire ici que, dans les parties où la sécrétion s'opère, on trouve un tissu utriculaire très développé, et quelquefois même on y distingue une multitude de cellules qui ont chacune non- seulement une vésicule centrale, mais aussi un canal excréteur dont l'extrémité débouche dans le tronc commun (1). ces paires de glandes est représentée par une niasse fusiforme et étranglée au milieu, que M. L. Dufour appelle la glande salivaire principale, mais qui me paraît être plutôt un organe double, ou glande géminée, car cha- cune des portions ainsi réparées dé- bouclie dans le tube alimentaire par un conduit particulier (a). Chez les Gerris, les glandes prin- cipales ont à peu près la même forme que chez les Iléduves; mais les glan- des accessoires, au lieu d'être lisses à l'extérieur et cellulaires en dedans, sont composées d'une réunion d'am- poules (b). Chez les Pijrrhocoris, la glande accessoire se simplifie et de- vient lubulaire, tandis que les glandes principales, ou géminées, se déve- loppent davantage et prennent une forme plus compliquée (c). Enfin , dans un groupe voisin, le genre Ahj- dus, ces dernières glandes se digitent, et la glande accessoire, au lieu d'être formée par un seul caecum tubulaire, est représentée par deux appendices de cette nature de chaque côté du corps (d). Il en est de même chez les Corées (e). Cliez les Scutellaires, les deux lobes de la glande géminée diffèrent davantage entre eux, et de même que chez les espèces dont je viens de parler en dernier lieu, le canal excréteur de l'un est court et presque droit, tandis que celui de l'autre est devenu extrêmement long et flexueux {f). Enfin, chez les Nèpes, les glandes géminées se séparent entre elles, et l'on remarque sur le trajet du conduit excréteur de chacun de ces organes, ainsi que sur les deux lobes corres- pondants aux glandes accessoires, un renflement vésiculaire faisant fonction de réservoir salivaire. Il est aussi à noter que la structure de ces glandes est utriculaire (g). On rencontre beau- coup d'autres variations de forme dans l'appareil salivaire des Hémi- ptères, et pour plus de détails à ce sujet, je renverrai à la monographie anatomique de ces Animaux, publiée par M. Léon Dufour. (1) Je reviendrai sur ce sujet lors- fa) L. Duiour, Recherches sur les Hémiptères, pi. i, {b) Idem, ibid., ni, 8, fi!?. 64. (c) Idem, ibid.,']i\. 2, t\g. 19. (d) Idem, i6i(Z.,pl. 2, fig. 47. (e) Idem, ibid., pi. 2, fig-. 13. (/') Idem, ibid., pi. I , fig. 1 et 3. (g) Ramdohr, Op. cit., pi. 23, fig. 6. — L. Dufom', Op. cit., pi. 0, fi-, 82. ^0 malpighiens 626 APPAREIL DIGESTIF. Tubes § 9. — Lestubes malpighiens, que la plupart des anato- mistes désignent sous le nom de vaisseaux biliaires, varient beaucoup quant à leur nombre et à leur disposition. Ils sont toujours très grêles, fort longs, contournés sur eux-mêmes, et fixés, au moins par une de leurs extrémités, au canal digestif, dans le voisinage du pylore, soit au fond de l'estomac, soit à la partie voisine de l'intestin grêle. Souvent leur extrémité opposée est libre, et ils se terminent bien évidemment en cul-de-sac ; mais d'autres fois ils sont disposés en forme d'anse et fixés au tube alimentaire parleurs deux bouts. 11 y a aussi des différences considérables dans le point où se fait cette seconde insertion. Tantôt les deux extrémités de chaque tube malpighien sont rap- prochées et fixées à la portion pylorique de l'estomac ; d'autres fois l'un des bouts seulement est attaché de la sorte, et l'autre se réunit à la portion terminale de Tinteshn. Jusque dans ces derniers temps, on pensait que ces vaisseaux débouchaient alors dans le canal alimentaire par leurs deux extrémités et envoyaient une portion seulement de leur contenu dans l'es- tomac, tandis qu'une autre portion de produits de leur sécré- tion était versée dans le gros inteshn : cette opinion a même conduit quelques physiologistes à attribuer des fonctions diffé- rentes aux deux moitiés de chacun de ces vaisseaux, et à donner à leur portion postérieure le nom de vaisseaux uri- naires, tout en conservant à leur moitié antérieure le nom de canaux biliaires ; mais une investigation plus attentive de que je traiterai spécialement de la un travail intéressant, publié il y a structure des organes sécréteurs, et quelques années, sur ce sujet , par pour plus de détails relatifs aux or- M. H. Meckel, et c'i quelques observa - ganes salivaires des Insectes, je me tions plus récentes dues à M. Leydig bornerai actuellement à renvoyer à et à M. Cornalia (a). (a) H. Meckel, Monographie ehiigev Drûsenapparate dev niederen Thiere (Miiller's Archiv fur Anat. und PhysioL, 1846, p. 25 et suiv., pi. 2, fig. 19 à 22j. . — Leydig, Lehrbuch der Histologie, p. 350. — Cornalia, Monografia del Bombice del gelso, p. 108, pi. 5, fig. 60 et 61 . ANNEXES DU TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 627 leurs connexions avec le canal alimentaire a rectifié les idées à cet égard. Dans plusieurs cas, il a été facile de reconnaître que l'extrémité postérieure des tubes malpigliiens, tout en s'at- tachant au gros intestin, ne s'y ouvre pas, mais se termine, comme d'ordinaire, en cul-de-sac, et, dans aucun cas, il n'a été possible d'y constater l'existence d'une communication entre leur cavité et celle de cette portion terminale du canal diges- tif (1). Il va donc tout lieu de croire que jamais cet appareil (1) L'adhérence intime de l'extré- mité inférieure des vaisseaux mal- pigliiens au gros intestin ne se ren- contre guère que parmi les Coléo- ptères , chez lesquels ces tubes sont au nombre de trois paires ou davan- tage (a) ; je n'en connais aucun exem- ple chez les Orthoptères, les Hymé- noptères, les Lépidoptères, les Hémi- ptères et les Diptères; mais, suivant Ramdohr et M. L. Dufour, on la ren- contre d'une manière exceptionnelle dans l'ordre des INévroptères , car ces anatomistes pensent l'avoir constatée chez la larve du Fourmilion (6). Je dois ajouter cependant que, d'après les nouvelles recherches de M. Sirodot, cette anomalie n'existerait pas, et la soudure apparente de l'extrémité pos- térieure de ces tubes à l'intestin serait due seulement à la présence de quel- ques brides du tissu conjonctif ou de ramuscules trachéens (c). La continuité entre la portion gas- trique et la portion postérieure de ces tubes a été méconnue par plusieurs anatomistes (d), et quelquefois la pre- mière a été décrite comme un organe hépatique, et la seconde comme un vaisseau urinaire (e). Cependant Ham- dohr avait déjà constaté cette conti- nuité, ainsi que la non-existence d'une communication entre l'extrémité de ces vaisseaux qui est adhérente au gros intestin et ce dernier organe (/"), fait anatomique qui vient d'être con- firmé par M. Sirodot (g'). Dans ses pre- mières recherches sur l'anatomie des Coléoptères, M. L. Dufour, tout en confirmant les observations de P.am- dobr touchant la continuité des por- tions antérieures et postérieures des (a) Ainsi, les vaisseaux malpigliiens sont fixés au gros intestin chez la plupart des Coléoptères appartenant aux divisions des Héléromères , des Télramères, des Trirnères : par exemple, chez les Blaps (voy. L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc., dans Ann. des sciences nat., t. III, pi. 29. fig. 4) ; — les Ténébrions (L. Dufour, Op. cit., pi. 29, fig. 6) ; — les Diapères (L. Dufour, loc. cit., pi. 30, fig. 3) ; — les Priones (L. Dufour, Op. cit., dans Ann. des sciences nat., t. IV, pi. 6, fig. 1) ; — l'es càssides (L. Dufour, loc. cit., pi. 8, fig. 4) ; — les Coccinelles (L. Dufour, loc. cit., pi. 8, fig. 7). (6) Ramdohr, Op. cit., pi. 17, fig. 1. — L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 12, fig. 174. (c) Sirodot, Recherches sur les sécrétions chez les Insectes {Ann. des sciences nat., i' série, 1858, t. X, p. 254). (d) Marcel de Serres, Sur les Insectes considérés comme ruminants, etc., p. 46. {ej Slraus, Considérations sur l'anatomie comparée des Animaux articules, p. 268 et suiv. (/") Ramdohr, Verdauungswerkzeuge der Insecten, p. 46. {g) Sirodot, Op. cit. (Ami. des sciences nat., 3« série, t. X, p. 256, pi. 15, fig. 1 et 2). Q-2S APPAREIL DlGESTiF. ne débouche ailleurs que dans le voisinage immédiat du'pylore; et il est même très probable fjue dans les cas où les tubes malpighiens simulent des anses qui s'ouvrent par leurs deux bouts en arrière de l'estomac, ils ont en réalité la structure cœcale ordinaire, mais sont réunis deux à deux par leur extré- mité postérieure , de façon que chaque moitié de l'anse se trouve constituée par un tube borgne (l). Le nombre de ces vaisseaux sécréteurs varie beaucoup dans les différents ordres de la classe des Insectes, et, lorsque ce nombre est peu élevé, ils sont presque toujours pairs. Souvent on n'en trouve que deux de chaque côté du corps ; d'autres fois il y en a plus de vingt, et dans certaines espèces on en compte plus de cent. Il y a aussi quelques variations dans leur mode de groupement et dans leur forme. C'est chez les Orthoptères que l'appareil, ainsi constitué, présente le plus haut degré de développement et de centralisa- tion dans sa portion terminale. Ainsi, chez les Grilloniens, il existe une multitude de tubes lubes malpighiens, avait cru recon- mais I\l. L. Du four a reconnu qu'ils se naître une embouchure à leurs deux séparent ensuite entre eux, et se ter- extrémités (a). Mais, dans des publica- minent chacun par une extrémité lions plus récentes, il est revenu de caecale distincte (c). cette opinion, et a fait voir que la por- (l) M. Sirodot a vu que chez quel- lion adhérente de ces vaisseaux passe ques Carabiques les deux anses ainsi entre les tuniques de l'intestin sans constituées étaient soudées ensemble à s'ouvrir dans la cavité de cet or- leur extrémité postérieure, et il pense gane (6). Souvent ces tubes s'accolent que leur anastomose n'est qu'appa- entre eux dans leur portion termi- rente ; cependant il n'a pue onstater nale avant de s'enfoncer ainsi dans Texistence d'une cloison intermédiaire les parois du gros intestin, de façon à qui, dans cette hypothèse , séparerait former en apparence un tronc unique ; chaque anse en deux portions (d). (a) L. Duibm-, Hecherclies sur les Carabiques, etc. {Aim. des sciences nal., i" série, 18â5, l. V, p. âTS). (b) Voyez celte disposition cliez V Hammatichcerus héros (voy. L. Diifom-, Op. cit., dans Aim. des sciences nat., 2" série, 1843, t. XIX, pi. 6, fig. 8 el 9). (c) L. Uiifour, Métamorphoses et anatomie des Morddlcs (Ann. des scienas nat., 2" série, t. XIV, p. 235, pi. M, fig. U). —Mém. sur les vaisseaux biliaires ou le foie des Insectes {Ann. des sciences nat., 2° séria, t. XIX, pi. tà, fig. 8 et 9). (((] Sirpdot, Op. cit. (.Ann. des sciences nat., 4' série, t. X, p. 258). ANNEXES DU TUBE ALIMENTaIUE DES INSECTES. 6^9 malpighieiis fort courts et extrêmement grêles, qui sont dis- posés en houppe, libres à leur extrémité caecale, et fixés, par leur extrémité opposée, à l'origine d'un conduit excréteur unique, lequel débouche à son tour dans la portion pylorique du canal digestif (1). Chez les autres Orthoptères, où ces vaisseaux sont également très nombreux, ils se rendent isolé- ment à l'estomac; mais quelquefois, au lieu d'y avoir chacun une embouchure particulière, ils se réunissent en faisceaux au moment de se terminer, et chacun des groupes ainsi formés débouche par un canal commun (*2). (1) Cette disposition, qui est tout à leur exlriîmité libre, sur le sommet fait exceptionnelle dans la classe des des bourses ventriculaires (rf), de façon Insectes, a été constatée par Cuvier et qu'au premier abord on a pu croire l)ar M. Léon Dufour chez la Courti- que celles-ci recevaient une portion de lière (a), et par Bamdohr chez le ces vaisseaux sécréteurs (e). Grillon champêtre {b). Les tubes mal- Chez les Mantes, cet appareil ne pighiens sont au nombre d'environ présente rien de particulier (/"). cent, et ils deviennent excessivement Chez les Blattes, on compte une grêles vers leur extrémité libre. soixantaine de tubes malpij^hiens, et, {">) M. L.Dufour aconslalé quechez comme d'ordinaire, l'extrémité libre quelques Sauterelles, et notamment les de ces vaisseaux plonge dans le tissu Éphippigères, les tubes malpighiens adipeux circonvoisin (g). se groupent en cinq faisceaux qui se Chez les Forficules, qui, à certains terminent chacun par une seule ou- égards, diffèrent beaucoup des Ortho- verture ventriculaire (c). ptères ordinaires, et ont été considérés Chez les Criquets, où ils sont éga- par quelques auteurs comme devant lement très nombreux, ils paraissent constituer un ordre particulier, les se terminer isolément dans le canal tubes malpighiens sont moins nom- digestif, et quelques-uns d'entre eux breux, mais on en compte toujours s'attachent, à une certaine distance de au moins trente à quarante (h). (a) Cuvier, Mém. sur la manière dont se fait la nutrition dans les Insectes (Mém. de la Société d'histoire naturelle de Paris, 1799, t. I, pi. 14, fig. 8). — L. Dufour, Recherches anatomiques et physiologiques sur les OrthoptèreSi les Hyménoptères et les Névroptères, p. 70, pi. 2, fia;. 19. (b) Hamdohr, Verdauungstverkzeuije der Insecten, pi. 1, fig;- 1- (c) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, p. 80, et Mém. sur les vaisseaux biliaires ou le foie des Insectes (Ann. des sciences nat., 2' série, t. XIX, pi. 6, fig-. 1). (d) Idem, Recherches sur les Orthoptères, pi. 5, fig. 44. (e) Idem, ibid., pi. 2, fig. 8. (f) M. Marcel de Serres a appelé la portion lerminale des tubes ainsi adhéreiils aux bourses gas- triques, les vaisseaux biliaires supérieurs (Op. cit., \<. 69, pi. i , fig. 1). (3) L. Dufour, Op. cit., pi. 4, fig. 38. (/i)ldem, Recherches analnmiq2ies sur les Labidovres (Ann. des sciences nat., 18--S, I. XHl, p\. iiO, fig. 1). 630 APPAREIL DIGESTIF. Dans l'ordre des Hyménoptères, les vaisseaux malpighiens sont aussi très nombreux et libres à leur extrémité caecale, ou du moins attachés seulement aux parlies adjacentes du tissu adipeux par des brides membraniformes ; mais la multiplicité de ces tubes ne s'observe que chez les individus qui sont arrivés à l'état adulte, et chez les larves ils n'existent qu'au nombre de deux ou trois paires (1). Chez plusieurs Névroptères, les tubes malpighiens sont également en nombre considérable : par exemple, chez les Libellules, les Éphémères et les Perles; mais dans d'autres groupes du même ordre on n'en trouve que trois ou quatre paires, et toujours ils ne se fixent au canal digestif que par une de leurs extrémités (2). (1) CéUe différence remarquable entre le même Animal à deux pé- riodes de son existence a été con- statée par Swammerdam chez l'A- beille (a) ; Ramdolir Ta observée chez la Guêpe ordinaire et chez un Cim- bex (6); enfin M. L. Dufour l'a signalée chez le Vespa crabro et le Cerceris bupresticida. D'après une observation de ce dernier anatomiste, faite sur la Guêpe frelon, il paraîtrait que, lorsque l'Insecte est à l'état de nymphe, les deux paires de tubes malpighiens de la larve s'atrophient, et sont rempla- cées par un faisceau d'appendices ana- logues, mais beaucoup plus grêles (c). Chez les Hyménoptères adultes, ces vaisseaux sont toujours très grêles, fort nombreux, et insérés autour de la portion pylorique du canal digestif par une de leurs extrémités, tandis que l'autre bout est libre ou engagé dans le tissu adipeux de la cavité splanchnique. Chez quelques espèces d'Ichneumonides, M. L. Dufour n'en a trouvé qu'une quinzaine, mais presque toujours il y en a plus de vingt. Pour d'autres détails à ce sujet, je renver- rai aux ouvrages de M. L. Dufour et (les autres anatomistes qui ont décrit l'appareil digestif de ces Insectes. (2) Chez les Termites {d), les Phry- ganes (e), les Sialis (/") et les Panor- pes (g), il n'existe que trois paires de tubes malpighiens. Chez les Hémérobes (h) et les Four- (a) Swammerdam, Biblia Naturœ, t. I, p. /|.08 et 454. (6) Raradohr, Verdauungswerkzeuge der hisecten, pi. 12, fig. ■!, 4 et 6. (c) L. Dufour, Recherches sur les vaisseaux biliaires {Ann. des sciences nat., 2' série, t. XIX, 160, pi. l,Rg. 12 et 13). (d) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., pi. 13, fig. 196. (e) Idem, ïbid., pi. 13, fig. 208. (H Idem, ibid., pi. 12, Cg. 184. (g) Idem, iôid., pi. H, fig^. 169. (h) Idem, ibid., pi. 13, fig. 191. AîiNEXES DU TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 631 Chez les Lépidoptères, soit à l'état de chenilles, soit à l'âge adulte, il y a toujours trois paires de tubes malpighiens à extré- mité flottante (1), mais ces vaisseaux ne débouchent dans le canal digestif que par une paire d'orifices (2). Chez les Coléoptères, les Hémiptères et les Diptères, ces appendices sécréteurs sont également en nombre très hmité ; on n'en trouve jamais plus de quatre paires, mais leur disposition est plus variée : car souvent, au heu d'avoir un bout flottant, tandis que l'autre s'insère au ventricule pour y déboucher, ils affectent la forme d'anses dont les deux extrémités sont insérées comme d'ordinaire au voisinage du pylore et s'y ouvrent. Ainsi, chez les Carabiques, les Cicindélètes, les Dytisques, les Staphy- lins et quelques autres Coléoptères , on voit deux grandes anses de ce genre ; et par conséquent, si l'on admet que chaque anse n'est formée que par un même tube, on ne doit compter milions (o), il y en a quatre paires, doutes sur l'exactitude de ses obser- nombre qui est fort rare chez les valions à ce sujet. Insectes. (2) Cette confluence des trois tubes Chez les Libelluliens, leur nombre malpighiens du même côté en un paraît être d'environ quarante, mais tronc unique paraît être constante. ils sont remarquablement courts (6). M. Léon Dufour considère le Ver à Enfin, chez les Éphémères (c) elles soie comme faisant exception à la Perles (d), ils sont si nombreux et si règle {g); mais M. Corualia vient de grêles, qu'il est difficile de les compter. constater qu'il n'en est pas ainsi. Il a (1) Suckow n"a représenté que deux vu les trois tubes se réunir de ciiaque paires de tubes malpighiens chez l'I'- côté en un tronc unique {h). La même 'ponomeuta evonymella (e) et le Ftero- confluence a été constatée par Andouin phorus pentadactylus ( f) ; mais , à chez la chenille de la Pyrale (i), que raison de la petitesse de ces Lépi- M. L. Dufour a citée à tort comme ne doptères, on peut conserver quelques l'offrant pas. (a) L. Dufour, Recherches sur les Orihoptères, etc., pi. 12, fig. 179. (6; Idem, iiid., pi. 11, fig. 158. (c) Idem, ibid., pi. 11, fig. 167. (d)ldem, iUd.,-pl. 13, fig. 198. (e) Suckow, Op. cit. (Heusinger's Zeitschrift fur die organische Physik, t. III, pi. 9, fig. 161). (Hldem, ibid., pi. 9, fig. 159. {g} L. Dufour, Mém. sur les vaisseaux biliaires ou le foie des Insectes (Ann. des sciences nat., 2« série, t. XIX, p. 163). [h] Cornalia, Monografia del Bombice delgelso, p. 142, pi. 4, fig. 52 et 56. (i) Audouin, Histoire des Insectes nuisibles à la vigne, p. 95, pi. 7, fig. 1 0 et 1 0 &, h. 632 APPAREIL DIGESTIF'. chez ces Insectes qu'une seule paire de ces vaisseaux ; mais si l'on admet, ainsi que cela me paraît très probable, que les anses en question sont constituées chacune par la soudure de l'extré- mité terminale de deux tubes aveugles, on doit considérer tous ces Coléoptères comme ayant en réalité quatre vaisseaux malpi- ghiens. Chez beaucoup d'autres Coléoptères, ce nombre ne peut être révoqué en doute, car tous ces tubes sont indépendants entre eux. Enfin il est aussi un grand nombre de Coléoptères qui possèdent trois paires de ces appendices sécréteurs (1). (1) Chez presque tous les Coléo- Chez les Dermestins {d), les Cle- plères pentamères , il y a seulement rus (e), les Nécrobies (/), les Byr- deux paires de vaisseaux malpigliiens, rlies (^), et quelques autres Insectes soit libres (a), soit simplement acco- qui appartiennent à cette division ar- lés aux parois de l'intestin par leur tificielle de Tordre des Coléoptères, extrémité postérieure (6) , ou bien il y a trois paires de ces vaisseaux, une paire d'anses qui peuvent être nombre qui est dominant chez les considérées comme correspondant à Coléoptères hétéromères [h), létra- ce nombre (c). mères (i) et trimères (j). (a) Exemples : Telephorus {h. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc., dans Ann, des sciences nat., i'° série, t. III, pi. 4 3, ûg. 1). — Silpha (L. Dufour, loc. cit., pi. 3, fig. 5). (b) Exemple : Timarcha (L. Dufour, Op. ciL, dans Ann. des se. nat.. i" série, t. IV, pi. 8, fig. d). (c) Exemples : Carabus auratus (L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, dans Ann. des sciences nat., i" série, t. II, pi. 20, fig. 1). — Brachinus (Ramdohr, Yerdauungswerkaetige der Insecten, pi. 25, fig. 2). — Cicindela (L. Dufour, loc. cit., t. III, pi. 10, fig. 2). — Dytisc^is (L. Dufour, loc. cit., t. III, pi. 10, fig. 3). — Hydi'ophilus piceiis (L. Dufour, Siw les vaissemix biliaires, Ann., '2.° sér., t.XIX, pi. 6, fig. 3). — Staphijlinus (1.. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc., dans Ann. des sciences nat., 1" série, t. ILI, pi. 10, fig. 8). — Buprestis (L. Dufour, loc. cit., pi. 12, fig. 2). — Elater (L. Dufour, loc. cit., pi. 12, fig. 3 et 4). — Lampynw (L. Dufour, /oc. ci(., pi. 12, fig. G). — Cetonia (L. Dufour, loc. cit., pi. 13, fig. 1). — Lucanus {L. Dufour, loc. cit., pi. 13, fig. 2 et 3). (d) L. Dufour, Op. cit. (Ann. des sciences nat., t. 111, pi. 13, fig. 3). (e) idem, Mém. sîcr les vaisseaux biliaires [Ann. des sciences nat., 2= série, t. XIX, p. 150). (f) Exemple : le Dermestes lardarins (L. Dufour, Recherches anatomiqnes sur qiielques Insectes coléoptères, dans Ann. des sciences nat., 2* série, 1834, 1. 1, pi. 2, fig. 1). (g) L. Dufour, Op. cit. [Ann. des sciences nnt., 2" série. 1. 1, pi. 3, fig. 13). [hj Exemples ; les Blaps (L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc., dans Ann. des sciences nat., 1" série, t. 111, pi. 29, fig. 4). — Les Diapères (L. Dufour, loc. cit., pi. 30, fig. 3). (i) Exemples : \es Priones (L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, dans Ann. des sciences nat., 1" série, t. IV, pi. 6, fig. 1). — Les Leptures (L. Dufour, loc. cit., pi. 7, fig. 2). — Les Cassides (L. Dufour, loc. cit., pi. 8, fig. 1). (;•) Exemple : hs Coccinelles (L. Dufour, Op. cit., dans Ann. se. nat., 1 " série, t. IV, pi. 8, fig- 7). ANNKXES du TL'ËE ALlMENÏAlIlË DES INSECTES. 63o En général, les tubes malpighiens des différentes paires sont fort semblables entre eux; mais, dans quelques cas, deux de ces vaisseaux sont moins gros que les autres et ont un aspect M. L. Dufour a trouvé que chez les Anthrènes (a), les Histers et les Hété- rocères, il existe trois anses à inser- tions ventriculaires, et, ainsi que le fait remarquer M. Sirodot, cette disposi- tion rentre dans la règle commune, si l'on considère cliaque anse comme étant composée d'une paire de tubes malpigliiens (6). Chez VAnobium^W existe quatre anses analogues (c), ce qui suppose- rait huit tubes malpighiens ; mais il est possible que l'une des exlrémilésde chacune de ces anses soit simplement soudée aux parois de l'estomac et terminée en caecum, ce qui réduirait leur nombre à deux paires : en effel, l'exislence de huit orifices sécréteurs n'a pas été conslalée» Chez les Hémiptères, il y a généra- lement deux paires de tubes mal- pighiens à extrémité libre, ou bien une seule paire d'anses à double in- sertion ventriculaire. Cette dernière disposition est la plus fréquente {d). La seconde se voit chez le Ploia- ria (e), le Syromastes et le Verlusia, parmi les Géocorises. M. Léon Dufour a pensé qu'il en était de même cliez les Cigales (f); mais M. Doyère a fait voir que le point d'adhérence de ces tubes au jabot n'est pas leur point de débouchement, qu'ils y constituent des anses dans l'épaisseur des parois de cet estomac, puis se dirigent en arrière pour aller, suivant toute ap- parence , s'ouvrir comme d'ordinaire dans la portion post- stomacale du canal digestif {g). Il est aussi à noter que chez quel- ques Hémiptères, les vaisseaux mal- pighiens paraissent manquer : ainsi lîamdohr n'en a pas trouvé chez le Coccus alni [h), et M. Léon Dufour s'est convaincu de leur non-existence chez les Pucerons (i). J'ajouterai que M. Siebold n'a pu en découvrir aucune trace chez les Insectes de l'ordre des Strepsiptè- res (j). Chez les Diptères, les tubes mal- pighiens sont en même nombre que (a) L. Dufour, Recherches anatomiques sur quelques Insectes coléoptères {Ann. des sciences nal., 2» série, 1. 1, pi. 2, fig. 8). (h) Sirodot, Recherches sur les sécrétions chez les Insectes {Ann. des sciences nat., i' série, t. X, p. i;00). (c) L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc. (Ann. des sciences nat., l" série, t. XIV, pi. 12, fig. 1). [dj Exemples : les Lygées (L. Dufour, Recherches sur les Hémiptères .^ pi. 33, fig. 22). — Les Réduves (L. Dufour, Op. cit., pi. 4, fig. iS). — Les Nèpes (L. Dufour, Op. cit., pi. G, fig^. 82). (e) L. Dufour, Mém. sur les vaisseaux biliaires [Ann. des sciences nat., 2° série, t. MX, pi. i, fig. 17). (f) L. Dufour, Recherches sur les Hémiptères, p. 93, pi. 8, fig-. 95. (g) Doyère, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 2- série, t. XI, p. 84, pi. t, fig. 3). (h) Raiiidolir, Verdauungswevkzeuge der Insecten, p. 198, pi. 26. (i) L. Dufour, Recherches sur les Hémiptères, p. 110. (j) Sieliold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, 1. 1, p. G05. 63/|. APPAREIL DIGESTIF. particulier, de façon qu'on peut supposer qu'ils sont chargés de quelques fonctions spéciales (1). J'ajouterai que chez un grand nombre d'Insectes, ces tubes se réunissent entre eux à quelque distance de leur embouchure, de façon à former de chaque côté de l'estomac un seul (ronc excréteur (2). Quant aux autres variations de forme qui se rencontrent dans les tubes malpighiens, il est à remarquer qu'en général ces chez les Hémiptères ; oiais en général ils sont tous les quatre libres à leur exlréniilé (a). Comme exemple de leur réunion en une paire d'anses, je citerai ceux du Tipula oleracea (6). (1) Chez VOnjctes nasicornis, par exemple, .celte inégalité entre les deux tubes malpighiens du même côté est très prononcée , et les circonvolu - tiens du petit vaisseau occupent tonte la portion post-venlriculaire de l'ab- domen, tandis que le gros vaisseau se recourbe en avant, et décrit beau- coup de flexuosités sur les côtés de l'estomac avant de se porter vers la partie postérieure de la cavité viscé- rale, où il se pelotonne de même sur le côté de l'intestin (c). Celte inégalité est encore plus marquée chez certains Charançonites, tels que les IJxus (d), et chez les Galéruques (e). (!2) Chez beaucoup de Diptères, les deux tubes malpighiens du même côté débouchent dans l'estomac par un canal excréteur commun d'une lon- gueur assez considérable : par exem- ple, chez la Mouche appelée Lucilia Cœsar (/"), V Echinomyia grossa {g) et le Nemopoda cylindrica {h). Chez quelques-uns de ces Insectes, les tubes des deux côtés se réunissent en un seul tronc près de leur extrémité , à peu près comme nous l'avons déjà vuchezIaCourtiUère {i): par exemple, chez VEphippmm thoracicum {j) et le Vappo pallipennis (k). (a) Exemples : Tipula liinata (L. Dufour, Rech. anat. sur les Diptères, pi. 4, fig. 3fl). — Tabanus tropicus (L. Dufour, Op. cit., pi. 4, fig-. il). ■^ Dasypogon teutomis (L. Dufour, Op. cit., pi. 5, fig. 52). — Bombylius minor (L. Dufour, Op. cit., pi. 6, fig. 62). — Ltptis tringaria (L. Dufour, Op. cit., pi. 6, fïg. 70). — Volucella zonaria (L. Dufour, Op. cit., pi. 7, fig. 77). — Hypoderma bovis (L. Dufour, Op. cit., pi. 8, fig. 95). (b) L. Dufour, Op. cit., pi. 3, fig. 23. (c) Sirodot, Op. cit. (Ann. des sciences nat., i' série, t. X, pi. 14, fig. 1). (d) L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc. {Ann. des sciences nat., l" série, t. IV, pi. 5, fig. 2). (e) Idem, ibid., pi. 8, fig. i. (/■) Idem, Recherches sur les Diptères, pi. 9, fig. 1 12. (g) Idem, ibid., pi. 8, fig. 96. (h) Idem, ibid., pi. 10, fig. 129. (i) Voyez ci-dessus, page 629. (j) L. Dufour, Op. cit.., pi. 4, fig. 43. (fc) Idem, ibid., pi. 4, fig. 45. ANNEXES DU TUBE ALIMENTAIRE DES INSECTES. 635 vaisseaux sont cylindriques et atténués vers le bout, mais que chez quelques Insectes, surtout parmi les Diptères, ils sont renflés en forme d'ampoule à leur extrémité (1), et que chez d'autres espèces ils sont comme verruqueux à leur surface, ou même quelquefois garnis latéralement d'une multitude de petits prolongements csecaux. Chez le Hanneton, cette disposition est très prononcée, de façon que chacun de ces vaisseaux, au lieu d'être simple, ressemble à un ruban fort grêle qui serait garni de franges sur ses deux côtés (2). Il est aussi à noter que chez quelques Insectes les tubes malpighiens se dilatent près de leur embouchure, de manière à constituer pour les produits de chacun de ces organes sécréteurs un petit réservoir, comparable à celui que nous avons déjà vu se développer parfois sur le trajet des vaisseaux salivaires (3;. (1) Ainsi, chez les Diptères du genre II existe aussi une mullitude de Phora, chacun des quatre tubes mal- petits caecums latéraux sur la surface pighiens présente à son extrémité libre des tubes malpighiens, chez le Sphinx une grosse ampoule ovalaire (a). Une ligustri à l'élat de larve et chez disposition analogue , mais beaucoup beaucoup d'autres Chenilles ; mais moins prononcée, se voit chez les chez les mêmes Insectes à l'état de Cousins (6) et quelques autres Diptères. nymphes, ces prolongements sont ré- Piamdohr a représenté de la même duits à la forme de tubercules arron- manière ces organes sécréteurs chez dis, et chez l'Animal à l'état parfait la Puce commune (c). ils disparaissent complètement, ou ne (2) Cette disposition ne règne pas sont représentés que par des bosse- dans toute la longueur de ces tubes; lures peu prononcées (e). elle s'étend seulement sur environ le (3) Cette disposition est très bien tiers antérieur de ces organes, qui sont caractérisée chez quelques Diptères, d'abord simples et cylindriques (d). tels que les Trichoptères, où il existe (a) L. Dufour, Recherches sur les Diptères, pi. H, fig. 134. (b) Idem, ibid., pi. 2. fig. 18. (c) Ramdohr, Yerdauungsicerk^euge der Inser.ten, pi. 23, fig. 2. (d) Ramdohr, Op. cif., pi. 8, fig. 1 et 2. — L. Dufour, Recherches sur les Carabiques, etc. [Ann. des sciences nat., i" série, t. Ill, pi. 14, fig. 4 et 5). (e) Newport, arl. Insecta (Todd's Cijclopœdia of Anatomy and Plujslology, t. il, p. 975, fig. 432). 636 APPAREIL DIGESTIF. La cavité qui règne dans toute la longueur des tubes mal- pighiens est tapissée d'une couche épithéliale dont les utricules constitutives se détachent et se détruisent très facilement, en laissant échapper leur nucléus, ainsi que les divers produits élaborés dans leur intérieur (1). Le hquide fourni par ces organes est ,en général d'une couleur jaune et d'une saveur quatre Uibes malpigliiens qui offrent chacun, près de leur insertion ventrl- culaire, un renflement fusiforme d'une capacité assez considérable {a). Une vésicule biliaire, qui paraît être con- stituée de la même manière par l'élar- gissement d'un tronc commun appar- tenant aux deux branches de chacune des anses malpigliiennes, se remarque de chaque côté du canal digestif chez plusieurs Hémiptères, et afl'ecle quel- quefois la forme d'une vésicule ar- rondie, par exemple chez VAlydus apterus [b] ; ou bien ce réservoir, se confondant avec son congénère, donne naissance k une poche impaire qui est appendue au canal digestif et qui reçoit les tubes sécréteurs, ainsi que cela se voit chez le Pentatoma bac- carum (cj et les Corises {J). (1) La tunique propre des vaisseaux malpigliiens consiste en une mem- brane d'une grande ténuité et d'une structure en apparence presque ho- mogène, qui est revêtue intérieure- ment d'une couche de grosses utri- cules de forme arrondie ou ovalaires. Ces cellules contiennent un nucléus granuleux à nucléole transparent, des globules graisseux et une matière granulaire tantôt blanchâtre , tantôt jaune ou brunâtre (e). Quand, pour observer au microscope leur struc- ture intime, on place un de ces tubes dans l'eau, les effets d'endosmose qui se produisent déterminent si ra- pidement la rupture de ces cellules membraneuses, qu'il est très difficile de les voir en place et de distinguer le canal central qu'elles circonscri- vent; mais si l'on emploie, au lieu d'eau, un peu de sérum, la couche épithéliale ne se désorganise pas si vile (/■). C'est probablement à cause de l'action de l'eau employée pour mouiller les préparations, que M. H. Meckel n'a pu apercevoir dans l'inté- rieur de ces tubes qu'une agglomé- ration de cellules, sans canal cen- tral {g). (a) L. Dufour, Recherches sur les Diptères, pi. 3, fig. 32. {b) Idem, Recherches sur les Hémiptères, pi. 2, fig. 1 9. (e) Ramdohr, Op. cit., pi. 22, {\g. 3. ((/) L. Dufour, Op. cit., pi. 2, %. 13. (e) T. Williams, On the Physiology of Cells, with Ihe View to ehicidate Ihe Laws regulating the Structure and Funclions of Glands (Guy's Hospital Reports, 1846, 2" série, t. IV, p. 303 et suiv.). — Leidy, Researches on the comparative Structure of the Liver, pi. t , fig'. 1 à 7 (Amei'ican Journal of the Médical Sciences, 1848). • — Karsten, liarnorgane des Bracliinus complanatus (Miiller's .Archiv, 1848, pi. 10, fig. 0). (/■) Sirodot, Oji. cit. {.Ann. des sciences nat., 4" série, ISôS, t. X, p. 269). (g) H. Millier, Mikrographie einiger Drûsenapparate der niederen Thiere (Miiller's Archiv fi'ir Anaf. und Physiol., 1846, p. 42 et suiv., pi. 2, (ig. 28 à 33J. ANNEXES DU TUBE ALIMENTAIIIE DES INSECTES. Go7 amère; il ressemble done beaucoup à de la bile, el jusque dans ces derniers temps la plupart des naturalistes n'hésitaient pas à Ini donner ce nom. Mais on sait aujourd'hui qu'il ren- ferme les principaux produits caractéristiques de la sécrétion urinaire : c'est donc une humeur excrémentitielle mixte, qui représente à la fois l'urine et la bile des autres Animaux, ou bien de l'mine seulement ; et les physiologistes qui adoptent cette dernière manière de voir pensent que la sécrétion hépa- tique est effectuée par les glandules situées dans les parois mêmes de l'estomac (1). Mais, dans l'état actuel de la science, les faits probants manquent pour décider cette question, (Ij Malpighi, Swammerdam, Lyon- net et les autres anatomistes des xvii'^ et xyiii*^ siècles ne se pronon- cèrent pas sur les fonctions de ces tubes ; mais Cuvier n'hésita pas à les considérer comme des organes hépa- tiques (a), et son opinion fut d'abord généralement adoptée. Gaede y fit quelques objections, et chercha à éta- blir que ces tubes sont des organes absorbants (6). Enfin Ilerold et Reng- ger furent les premiers à penser que les vaisseaux, malpighiens pourraient bien être des glandes urinaires (c) ; mais ils ne s'appuyèrent sur aucun fait probant. L'existence de l'acide urique ayant été constatée dans les excréments du Ver à soie par Bru- gnatelli (d), dans les produits four- nis par les vaisseaux malpighiens de ce Bombyx par Wurzer (e), et dans ceux du Hanneton par M. Che- vreul (/), cette hypothèse acquit plus de valeur ; mais ce fut surtout la dé- couverte d'un calcul urinaire dans l'intérieur même d'un de ces tubes, faite en 1836 par Audouin, qui déter- mina la plupart des physiologistes à considérer ces organes comme tenant lieu d'un appareil rénal (g). Aujour- d'hui quelques auteurs persistent en- core à ne voir dans les tubes malpi- ghiens que des vaisseaux sécréteurs de la bile (h) ; mais la plupart des (a) Cuvier, Leçons d'anatomie compai-ée, 1805, t. IV, p. 153. (6) Gaede, Observ. physiol. sur les vaisseaux biliaires des Insectes {Ann. gén. des sciences physiques, 1819, t. Il, p. \HG). (c) Herold, Entwickelungsgeschichte der SchmetterUnge, 1815, p. 23. — Reng-ger, Physiologische Untersuchungen ûber die thierische Haushaltung der Iiisecten, 1817, p. 21. (d) Brugnatelli, Osservaziom sopra l'ossiurato d'ammoniaca {Giornale di fisica, 1815, t. VllF, p. 42). (e) Wurzer, Chemische Uiiters. des Sloffes, ivelcher sich in deii sogenannten Gallengefâssen des Schmetterlings der Seidenraupe befmdet (Mockel's Deutsches Archiv fur die Physiologie, 1818, t. IV, p. 213). (/') Voyez Straus, Considérations sur l'anatomie comparée des Animaux articulés, p. 251 . (g) Audouin, Lettre concernant des calculs trouvés dans les canaux biliaires d'un Cerf -volant (Ann. des sciences nat., 2° série, 1831), t. V, p. 129). (h) L. Dufour, Mém. sur les vaisseaux biliaires ou le foie des Insectes [Ann. des sciences nat., 2' série, 1843, t. XIX, p. 145 etsuiv.). 638 APPAREIL DIGESTIF. et je ne m'y arrêterai pas davantage en ce moment, me pro- posant d'y revenir lorsque je traiterai spécialement des sécré- tions. Glandes anales, § 10. — C'cst également cn m'occLipant de l'histoire de ces dernières fonctions que je ferai connaître avec plus de détails la structure et les usages de l'appareil glandulaire qui est annexé à l'extrémité anale du canal intestinal de la plupart des Insectes. En effet, les organes sécréteurs qui le constituent, tout en pouvant être considérés comme des dépendances du système physiologistes les regardent comme étant chargés d'une double fonc- tion et comme représentant à la fois l'appareil urinaire et l'appareil hépa- tique (a}. Enfin d'autres naturalistes leur refusent toute participation à la sécrétion des matières carac- téristiques de la bile, et pensent que ce sont des organes exclusivement urinaires (6). M. Sirodot, qui partage celte dernière opinion, n'a pu trou- ver de la ciiolestérine dans le liquide fourni par ces tubes, mais il a décou- vert dans les sucs sécrétés par. les follicules de l'estomac des traces de cette matière grasse qui est un des principes caractéristiques de la bile (c). Cependant les faits sur lesquels on s'appuie pour établir que les vaisseaux raaipighiens, tout en étant des organes urinaires, ne jouent pas aussi le rôle d'un appareil hépatique, ne me sem- blent pas décisifs, et, jusqu'à plus ample informé, je persiste à penser que ce sont des organes à fonctions mixtes. En effet, la transition entre le foie d'un Crabe et d'une Écrevisse, les tubes hépatiques des Isopodes et les vaisseaux malpighiens des Insectes , est si graduelle et si manifeste, qu'il est difficile de penser que ces derniers organes ne puissent fonctionner d'une manière analogue aux premiers ; et il est aussi à noter que les caractères chimiques des produits de la sécré- tion biliaire de ces Animaux ne sont pas encore assez bien connus pour que l'on puisse affirmer que certains de ces produits n'existent pas dans les liquides fournis par les tubes mal- pighiens. Du reste, cette question sera discutée plus complètement lorsque nous étudierons d'une manière spé- ciale les sécrétions. (a) J. F. Meckel, Ueber die Gallenund Harnorijane der Insecteii (Archlv fur Anatonde utid Physiologie, 4826, p. 21). - — Aiidouin, Op. cit. (Ann. des s'dences nat., 2" série, t. V, p. 134). — Burmeister, Handbuch der Entomologie, 4832, 1. 1, p. 406. ■ — Lacorilaire, Introduction à l'Entomologie, 1838, I. Il, p. 53. — J. Millier, Mamiel de physiologie, trad. par Jourdan, 1845, 1. 1, p. 424. — Owen, Lectures on the comparative Anatomy and Physiology of Invertebrate Animais, 4855, p. 381. (6) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 588 et 604. (c) Sirodot, Recherches sur les sécrétions des Insectes (Ann. des sciences nat., 4° série, 4858, t. X, p. 486 et p. 301 et suiv.). TUBE ALIMENTAIRE DES MYRIAPODES. 639 digestif, quand on se place au point de vue anatomique seule- ment, ne concourent pas en réalité à la constitution de ce sys- tème, et leurs produits n'interviennent pas dans le travail à l'aide duquel les aliments sont rendus aptes à nourrir l'Animal ; ces glandes sont destinées à d'autres usages, et par conséquent ce serait interrompre l'enchaînement logique de nos études que de nous en occuper ici (1). § 11. — Les détails dans lesquels je suis entré relativement Appareil à la constitution de l'appareil digestif des Insectes me permet- ^%lf^ tront d'être bref en traitant des parties correspondantes dans la '^^"'P'"*''- petite CLASSE des Myriapodes, dont il me reste encore à parler dans cette Leçon. En effet, le canal alimentaire et ses dépen- dances sont conformés sur le même plan général dans ces deux classes d'Animaux articulés, et chez les Myriapodes ces organes ne diffèrent que peu de ce que nous avons vu chez les larves des Insectes de l'ordre des Lépidoptères. Le canal digestif s'étend presque toujours en ligne droite de la bouche à l'anus (2); l'œsophage ne se dilate que rarement en forme de jabot cylin- (1) Les glandes qui sont annexées à un appareil urinaire (6). Du reste, la la partie terminale de Tintestin des structure de ces appendices sécré- Insectes sont en général destinées à leurs varie beaucoup ; et, pour s'en sécréter du venin ou d'autres liquides former une idée, il suffit de jeter les excrénientitiels que l'Animal utilise yeux sur les figures relatives aux or- pour sa défense ; mais , quelquefois, ganes de la digestion, publiées par ces organes sont détournés de leurs M. L. Dufour, car dans la plupart d^ usages ordinaires, afin de constituer, ces figures ils ont été représentés ainsi que nous l'avons déjà vu pour comme des dépendances du gros in- les vaisseaux salivaires, un appareil testin. Au sujet de la structure inlé- producteur de la soie, à l'aide de rieure de ces organes, je renverrai laquelle rinsecle construit un ber- aux recherches de MM. H. Meckel et ceau pour sa progéniture (a). C'est Karsten (c). à tort que quelques physiologistes (2) Les Glonieris font exception à les ont considérés comme constituant cet égard : M. Brandt a trouvé leur {a) Exemple : l'Hydrophile (voy. Lyonnet, Recherches sur l'aiiatomie et les métamorphoses de différentes espèces d'Insectes, pi. 13). (6) Lacordaire, Introduction à l'Entomologie, t. Il, p. 5i. , (c) H. Meckel, Op. cit. (Muller's Archiv, 1 846, p. 45 et suiv.). - Kai-sten, Op. cit. (Muller's Archiv, 1848, p. 367, pi. 10, fig. 1-5). G/lO API'AIŒIL DIGESTIF. droïde; l'estoinac est cylindrique et. suivi d'un inlestin grêle fort court; puis on rencontre un gros intestin dont la première portion, à parois très musculaires, correspond à celle que nous connaissons sous le nom de réservoir stercoral chez les Insectes; un rectum fait suite à cette partie, et se termine à l'anus (1). Des tubes sécréteurs, analogues aux vaisseaux mal- pighiens des Insectes, serpentent sur toute la longueur du canal ainsi constitué, et vont déboucher dans la portion postérieure de l'estomac (2). Entin, il existe également des glandes sali- vaires qui versent leurs produits dans la bouche, ou des organes analogues qui sécrètent du venin dont l'Animal fait usage pour tuer sa proie (3). Uibe digestif reployé deux fois siu" lui-même, et par conséquent beau- coup plus long que le corps (a). (1) Chez les Uiles, Tœsopliage se di- late postérieurement en forme de jabot proprement dit [b) ; mais, chez les Lithobies et les Scutigère?, on n'aperçoit rien de semblable : Testo- mac commence presque immédiate- ment derrière la tête, et il ne paraît y avoir ni jabot, ni valvule cardiaque. Chez les Lithobies, la surface externe de cet organe est lisse (c); mais, chez les Scutigères (d), elle est couverte de petites granulations dues à l'existence de follicules gastriques analogues à ceux que nous avons rencontrés chez les Garabiques et beaucoup d'autres Insectes. La portion intestinale du canal di- gestif est remarquablement courte chez les Lithobies ; elle est, au con- traire, beaucoup plus développée chez les Scutigères et chez les Iules (e). (2) Les vaisseaux malpigliiens sont au nombre de trois paires chez les Iules (/■) , de deux paires chez les Scutigères {g) , et d'une paire seule- ment chez les Scolopendres {h) et les Lithobies {i). (3) Les glandes salivaires sont très développées et en forme de grappes (a) Brandi, Beitrâge zur Kenntniss des innern Daues von Glomeris marginata (Miiller's Archiv fur Anat. und PlnjsioL, i 837, p. 322, pi. 12, fig. 2). (&) Ramdolir, Yerdauungswerk%euge der Insecten, pi. i 5, fig. d . — Tievii-anus, Op. cit. {Vermischte Schriften, t. II, pi. 8, fig-. 6]. (c) Treviraniis, loc. fit., pi. 5, fig. i. ■ — L. Dufour, Recherches anatomiques sur le Litliobius forlicatiis et le Sculigera lineala {Ann, des sciences nat., 1824, l" série, t. 11, pi. 5, fig. ■)). (d) kleni, ibid., pi. 5, fig. i. (e) Voyez les figures déjà citées. (f) Treviraniis, loc. cit., pi. 8, fig. 0. (g) L. Dufour, loc. cit., pi. 5, fig. 4. (h) i. Millier, Zur Analomie der Scolopeiidra niorsilaiis (Isls, 1829, p. 550, pi. 2, fig. 5). (i) Treviranus, loc. cit., pi. 5, fig. 4. ■ — L. Dufour, loc. cil., pi. 5, fig. \, TL'Bt: ALlMENTAlRIi DES MYRIAPODES. 6/i 1 § ll>. — En résumé, nous voyons donc que la disposition dominante de l'appareil digestif diffère dans les trois grandes divisions zoologiques conslitnées par les Animaux inverté- brés : chez les Zoopbyles, la cavité alimentaire est générale- ment un sac; chez les Mollusques, elle consiste d'ordinaire en un tube reployé en forme d'anse, et chez les Annelés elle affecte le plus souvent la forme d'un tube ouvert aux deux extrémités du corps. Cliez les premiers, cet appareil ne se perfectionne que peu, soit comme instrument mécanique destiné à diviser les aliments, soit comme agent producteur des sucs digestifs. Chez les seconds, les organes glandulaires proî)res à élaborer ces sucs acquièrent une puissance très grande, mais le travail mécanique qui doit favoriser l'action cbimique de ces liquides est presque ioujours laible et incomplet. Enfin, chez les derniers, les organes sécateurs destinés à cet usage se multiplient considérablement, et deviennent souvent très parfaits, mais la production des liquides, dont le rôle est fondamental pour Résume. clicz les Lilhol)ie.s [a], où 'J'rcviiamis les a prises pour des ain;is de cellules graisseuses. Chez les Scolopendres, il y en a deux paires {h). Chez les Scutigères, leur volume est moins considérable (c). Chez les Géophiles, ces organes consistent en deux luhes très grêles elflexueux, qui sont élargis vers leur extrémité postérieure et forment de chaque côté de l'esto» mac une pelote à laquelle ndhèrc la partie adjacente des luhes de i\Ial- pighi [il], ïreviranus a figuré trois de ces vaisseaux salivaires (e), mais Ramdohrn'ena représenté que deux, et l'exactitude de ses observations a élé constatée par ^\. Burnieisler (/). On trouve un mode d'organisation analogue chez les Glomeris (g) ; enfin, chez les Iules, il existe également deux de ces tubes qui se réunissent par leur extrémité postérieure, de i'açon à constituer une anse [h]. (a) L. Diifour, loc. cit., pi. 5, flg-. t. (6) Gaedc, Dcitrdge zur Analomie der insekWi (Wiedemann's Zooloyisches Magailn, 1817, t. I, p. l'Jô, pi. i, tig-. 7). — • J. Jliillcr, Ziir Anatomle (/ec Scolopoiidi'a inorsilaris (/*/*, 1829, i. XXII, pi. 2, lig. 5), (f) L. Dufoiir, loc. cit., pi. 5, fig-. i. (d) Ranulolir, Op. cit., pi. 15, lly. -1. (€) Ti'cvirniuis, Op. cit., pi. 7, llg. 3. (/■) Uiu'moisler, Ueber die Respirationsorgaiie voii Iiilus und Lcpisma {Isis, 1834-, p. 130). (j/i Sieboltl et Slaiiii'ns, Nouveau Manuel d'analomie comparée, t. 1, p. 444. (/t) BiMiifli, Op rit. (Miillor's Avchir, -1837, p. 323, pi. I-J, li-. 3). .V. Zil 6/l2 TLBK DIGESTIF DES MYKIAI^ODES. l'accomplissement de la digestion, reste très iaible, à cause du peu de développement du système de glandes annexées au tube alimentaire. Dans l'embranchement des Vertébrés, dont l'étude doit maintenant nous occuper, nous verrons l'appareil digestif parti- ciper à la fois aux caractères que je viens de signaler chez les Mollusques et les Arthropodaires, mais se perfectionner beau- coup plus comme puissance chimique, aussi bien que sous le rapport de son jeu mécanique. FIN DU TOME CINQLIÈME TABLE SOMMAIRE DES MATIÈRES DU TOME CINQUIÈME, QUARANTE-TROISIÈME LEÇON. De l'absorption. 1 Preuves de l'existence de cette fa- culté 1 Opinions des anciens physiolo- gistes relatives aux vaisseaux absorbants 8 Preuves de l'absorption par les veines 8 Expériences de Magendie 9 Preuves de l'absorption par les vaisseaux lymphatiques 12 Résumé 21 Du mécanisme de l'absorption.. . 22 Perméabilité des tissus organi- ques après la mort 23 Perméabilité des tissus vivants. . 25 Perméabilité des parois des vais- seaux sanguins 26 Perméabilité des parois des lym- phatiques 28 Causes déterminantes de l'ab- sorption / 29 Influence de l'aspiration thora- cique sur l'absorption 32 Influence du courant circulatoire . 34 Découverte des phénomènes d'en- dosmose 37 QUARANTE-QUATRIÈME LEÇON. Suite de l'histoire de I'absorption. 43 Étude des forces qui intervien- nent dans la production de ce phénomène 43 De la capillarilé 43 Notions préliminaires relatives aux actions capillaires 44 Loi des actions capillaires 63 Influence de la température sur ces phénomènes 7i Influence de l'électricité 78 De l'inibibilion 80 Pouvoir absorbant des tissus or- ganiques^ 82 Influence dé l'élasticité des tissus sur leur pouvoir absorbant. . . 85 Influence de la nature chimique des liquides sur les quantités absorbées 86 Inlluence des actions capillaires sur la composition chimique des liquides absorbés 88 Insuffisance des actions capillaires pour l'établissement des cou- rants observés dans le phéno- mène physiologique de l'ab- sorption 91 Étude des phénomènes osmo- tiques 92 Notions préliminaires : action des liquides hétérogènes les uns sur les autres 93 Cause de la miscibilité des li- quides 94 Action dissolvante des liquides. . 96 Etat moléculaire des corps en dissolution. 99 Diffusion des liquides dans d'au- tres liquides . . 100 Lois de la diffusion 10.'? Ditrusibiiité inégale de différents corps 106 Influence de la diffusion sur la composition chimique des li- quides 106 Influence des diaphragmes sur la formation des mélanges 1 09 0/1 /i TAiSLE SOMMAIUE De l'osmose 111 Mécanisme de l'endosmose 112 Établissement d'un contre-cou- rant, ou exosmose par diflu- siou 114 Résumé relatif à la nature des phénomènes d'endosmose et d 'exosmose 119 ittudc des équivalents cndosmo- tiques 123 Influence de l'étendue de la sur- face perméable sur la grandeur des efl'ets osmotiques 128 Différences dans la puissance os- mogénique des divers corps. . . 1 29 Cause qui détermine la direction du courant cndosmotique. ... 132 Influence du degré de concentra- tion des liquides sur l'endos- mose 136 Influence des modifications pro- duites dans la pernléabilitédes cloisons osmotiques par les li- quides réagissants 140 Différences dans le mode d'action des deux surfaces d'une même membrane 144 Influence des liquides préexistants dans les membranes sur les phénomènes osmotiques 147 Causes des variations dans le cou- rant exosmotique 151 Action des membranes sur la composition chimique des li- quides qui les traversent 152 Résumé 163 Influence de la température sur les phénomènes osmotiques.. 163 Influence de Télectricité sur l'en- dosmose 165 Relations entre l'osmose et cer- taines réactions chimiques, . . 170 Résumé général 173 QUARANTE-CINQUIÈME LEÇON. Suite de I l'histoire de I'absoiip- TION 176 Du rôle de l'endosmose dans l'ab- sorption physiologique 176 Mécanisme de la résorption de la sérosité épanchée 177 Mode d'établissement simultané de l'absorption et de l'exhala- tion dans un même point 178 Mécanisme de l'absorption des UlCS MATILK!:S. matières étrangères à l'orga- nisme 182 Exemples d'actions osmotiques dans le corps vivant ; action des purgatifs 183 Mécanisme de l'absorption des matières salines 187 De l'absorption élective 188 Etude des circonstances qui in- fluent sur l'activité de l'ab- sorption 192 Influence de la nature chimique des matières à absorber 193 influence de la richesse du sang. 194 Influence du courant circula- toire 195 Influence de la disposition des membranes absorbantes 199 Action de l'épiderme 200 Influence des humeurs qui lubri- fient les surfaces absorbantes. 200 Comparaison de la puissance ab- sorbante des diverses parties de l'organisme 201 De l'absorption pulmonaire 201 De l'absorption par la peau 206 De l'absorption par les mem- branes muqueuses 214 De l'absorption par les mem- branes séreuses 216 De l'absorption par le tissu con- jonctif ou cellulaire 216 De l'influence de l'état de réplé- tiou des vaisseaux sur l'absorp- tion 217 Influence de l'état des capillaires. 218 Influence de l'action nerveuse . . 219 Influence des propriétés physi- ques des fluides sur leur ab- sorption 222 De l'absorption des matières gras- ses 223 De l'absorption du mercure .... 232 Expériences relatives à l'absorp- tion de particules solides 234 Résumé relatif à l'absorption physiologique 243 QUARANTE-SIXIÈME LEÇON. Dr la digestion 246 Considérations préliminaires. . . . 246 Notions relatives aux aliments. . . 2 48 Phénomènes généraux de la di- gestion 250 Opinions des anciens physiolo- TAbLE SOMMAIRE gisles rclalhcs ù la nature du travail digestif Expériences de Héaunmr Expériences de Stevens Expériences de Spallanzani Digestion artificielle Principe actif du suc gastrique. . Utilité de l'action d'autres agents digestifs Caractères généraux de l'appareil digestif. Réservoir alimentaire Perfectionnement par la division du travail Organes producteurs des liquides digestifs Appareil biliaire Appareil salivaire Appareil pancréatique Usages des liquides digestifs ac- cessoires Utilité de l'existence de plusieurs réservoirs alimentaires dis- tincts Changements déterminés dans la constitution des aliments par les sucs digestifs Peptones Actions adjuvantes Division mécnnique des aliments. Appareil masticateur Perfectionnement de l'appareil di- gestif comme instrument d'ab- sorption Phlébentérisnie Résumé des phénomènes de la digestion 2o0 254 259 260 260 262 263 264 265 269 270 274 274 275 278 280 281 282 282 283 28 i 285 28- QUARANTE-SEPTIEME LEÇOX. De l'appareil de la digestion. . . 289 Appareil digestif des Zoophytes. . 289 Cavité digeslive adventive de quelques Sarcodaires 289 Cavités aquifères etdigestives des Spongiaires 291 Cavité digcstive des Zoophytes C(«lentérés 294 Appareil digestif des Hydres et des Sertulariens 295 Appareil digestif des Médusaires. 301 Appareil digestif des Acalèphes hydrostatiques 304 Appareil digestif des Coralliaires . 307 Appareil digestif des Échino- dermes 309 DES M.VTIÈllES. ()[\~) Holothuries 311 Échinides 31'. Stellérides 321 QUARANTE-HUITIÈME LEÇON. De l'appareil digestif des Mala- cozoaires 327 Appareil digestif des Infusoires ciliés 327 .\ppareil digestif des Mollusques de la classe des Bryozoaires.. . 341 Appareil digestif des iMolluscoïdes de la classe des Tuniciers. . . . 349 Appareil digestif des Molluscoïdes de la classe des Acéphales. .. . 355 Brachiopodes 356 Lamellibranches 361 Solénocoques 305 Appareil digestif des Mollusques de la classe des Gastéropodes.. 367 Trompe 369 Armature buccale. 370 Armature gastrique 380 Glandes salivaires 381 .labot 383 Estomac 384 Appendices gastro-hépatiques. . . 385 Mollusques phlébentérés 380^ Foie 393 Glandes accessoires 394 Intestin 395 Anus 395 Appareil digestif des Mollusques de la classe des Ptéroi)odes. . . 398 Appareil digestif des Mollusques de la classe des Cé|)halopodes. 403 Organes préhenseurs 403 Lèvres 405 Mâchoires 407 Langue 408 Glandes salivaires 409 Jabot 410 Gésier 411 Appendice pylorique 411 Foie 413 Intestin 413 Résumé 414 QUARANTE-NEUVIÈME LEÇON. De l'appareil digestif des Vers.. . 415 Caractères généraux 415 Appareil digestif des N'ématoïdes. 416 Anomalies chez les Échinorhyn- ques 420 6M) TABLE SOMMAIRE DES MATIÈRES. Appareil digestif des Géphyriens. 423 A'ppareil digestif des Annélides. . 424 Chétopodes . ; 425 Hirudinées .... 434 Armature buccale des Sangsues. . 436 Mode d'alimentation de ces Ani- maux 438 Canal digestif 441 Organes glandulaires des Hirudi- nées 445 Axipareil digestif des Leplozoaires . HI Trématodes 448 Cestoïdes 452 Planariées 455 Rhabdocéliens 4 59 Némertiens 460 Appareil digestif des Rotateurs. . 465 CINQUANTIÈME LEÇON. De l'appareil digestif des Ani- maux articulés. — Armature buccale 474 Constitution de cet appareil 474 De l'appareil bioccal des Crustacés masticateurs 476 Pattes-mâchoires des Limules. . . 477 Perfectionnement par la division . du travail physiologique 479 Appareil buccal des Décapodes. . 481 Appareil buccal des Squilles. . . . 487 Appareil buccal des Édriophthal- mes, etc 488 Appareil buccal des Cirrhipèdes. 490 Appareil buccal des Crustacés su- ceurs 492 Appareil buccal des Myriapodes. . 494 Chilopodes 495 Chilognathes 497 Appareil buccal des Insectes. . . . 498 Insectes masticateurs 498 Du labre 501 Des mandibules 503 De la lèvre inférieure 509 Armature pharyngienne 514 Appareil buccal des Insectes lé- cheurs (Hyménoptères) 518 Appareil buccal des Insectes su- ceurs S19 Trompe des Lépidoptères 523 Bec des Hémiptères 525 Trompe des Diptères 528 Armature buccale des Apbano- ptères, etc 535 Appareil buccal des Arachnides. 537 Chez les Scorpions 533 Chez les Galéodes, etc 540 Chez les Araignées 543 Chez les Acariens....! 545 Résumé 549 CINQUANTE ET UNIÈME LEÇON. Suite (Je l'histoire des organes digestifs des Animaux arti- culés 551 Du tube alimentaire et de ses an- nexes chez les Crustacés 551 Estomac 551 Armature stomacale 553 De l'intestin et de ses dépen- dances .• 558 Modiûcalions de l'appareil diges- tif chez les Crustacés infé- rieurs 560 Appareil hépatique 563 Du tube alimentaire et de ses an- nexes chez les Arachnides. . . . 568 Chez les Scorpions 568 Chez les Thélyphones et les Ga- léodes 572 Chez le.^ Aranéides 573 Chez les Faucheurs 579 Chez les Acariens 580 Du tube digestif et de ses annexes chez les Insectes 58! Disposition générale de cet appa- reil chez les Sauterelles 585 De l'œsophage et du jabot chez les divers Insectes. 586 Du gésier chez les divers In- sectes. 593 De l'estomac proprement dit, ou ventricule chylifique chez les divers Insectes 597 Des appendices de l'estomac. . . . 603 Glandules gastriques 609 De Fintestiu chez les divers In- sectes 611 Du gros intestin , ou réservoir stercoral 615 Des annexes glandulaires du tube digestif 616 Glandes salivaires 617 Tubes malpighiens ( dits vais- seaux biliaires) 626 Glandes anales 638 Du tube digestif et de ses annexes chez les Myriapodes 639 Résumé 641 wmâ ^^3m> siâ^aift;