SINN = SISERSS NS N x IR SS RISSE RES SRE II à Sa IE À I ARE x LEGONS SUR LES BACTÉRIES Par M. DE BARY ' HR PROFESSEUR A L'UNIVERSITE DE STRASBOURG Traduites et Annotees Par M. WASSERZUG PRÉPARATEUR AU LABORATOIRE DE M. PASTEUR AVEC 23 FIGURES DANS LE TEXTE PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRIE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 120 a PA 1886 LECONS | SUR BES BACTERIES 5 . Rn Er \ \ Nr à r a‘ f) IA A De Var : y vr a cr ’ ch > na x LU: 1& | “ : nu" b À La. REA OU AUS L LEGONS LES BACTERIES PROFESSEUR A L’UNIVERSITE DE STRASBOURG Traduites et Annotees Par M. WASSERZUG PRÉPARATEUR AU LABORATOIRE DE M. PASTEUR BANSEICHDISSEILGURESIDANS DE DE X TI PARIS G. MASSON, ÉDITEUR EIBRAIRE DE L’ACADEMIE DE MÉDECINE 120, boulevard Saint-Germain, en face de l’Fcole de Médecine 1886 LEGONS SUR LES BACTERIES AVANT-PROPOS Nous avons réuni en un volume un certain nombre de Leçons qui ont été faites récemment à l'Université, quelques-unes d’une manière ininterrompue dans l'ordre même que nous avons suivi ici, d'autres à des époques différentes de notre cours. Nous avons été obligé d'en changer quelque peu la forme primi- tive, qui était celle que l’on donne ordinairement à une leçon parlée, accompagnée d'expériences et de démonstrations pratiques, pour qu’elle puisse réunir les conditions d’une leçon destinée à être publiée. C'est ainsi que nous avons dù élaguer d’un côté, ajouter de l'autre et donner, en particulier, quel- ques détails dignes de remarque, connus seulement après que les lecons orales avaient été prononcées. DE BARY. i 2 AVANT-PROPOS Nous avions pour but, en commençant ces Lecons, d’apprendre à des auditeurs dont les degrés d’ins- truction élaient divers et dont quelques-uns seule- ment avaient des nolions de médecine, ce qu'on sail aujourd'hui de général sur ces Bactéries dont toul le monde s’entrelient plus ou moins. Nous voulions faire cette étude de manière à êlre compris de tous ceux qui ne sont pas complètement étrangersaux éléments des sciences; nous avions sur- tout l'intention de relier les phénomènes présentés par les Bactéries à ceux qu'offrent d'autres groupes de l'empire organique. Les travaux actuels qui traitent des Bactéries aug- mentent de jour en jour d’une manière prodigieuse : à côté de beaucoup de travaux excellents, on en trouve d'autres pleins de théories erronées ou peu clairement exposées. Ces erreurs qui se rencon- {rent couramment, nous pouvons bien le dire, dans les écrits scientifiques ou non, publiés journellement, sont dues en grande partie, nous semble-t-il, à ce qu'on n’aecorde pas assez d’allenlion aux rapports que présentent les Bactéries avec les groupes voi- sins : le particulier fait oublier le général et le détail l’ensemble. Il nous a paru que ce n'était pas faire œuvre su- perflue que de rappeler, autant qu'il était en notre pouvoir, quels étaient ces rapports; c'est le mobile qui nous a poussé à nous conformer au désir plu- AVANT-PROPOS 3 sieurs fois exprimé, de nous voir écrire et publier ces quelques Lecons. On ne devra donc pas s'attendre à trouver, dans ce volume, un traité complet de « Bactériologie » où se- raient relatés tous les détails pouvant présenter quelque intérêt scientifique. Ce livre préparera plu- tôt Le lecteur à lire les traités complets et à en saisir toutes les parties. Nous avons pris le soin, pour le lecteur que des details plus précis inléresseraient, d'indiquer les sources bibliographiques où il pourra les trouver, s'il veut les consulter même avant d'avoir lu ces Le- cons. Pour ceux qui veulent étudier les faits, à mesure qu'ils se présenteront, dans la suile de ces Lecons, nous avons donné la liste des mémoires ori- ginaux, liste qui a élé réunie à [a fin du volume : des chiffres, insérés dans le texte, s’y rapportent. Quelques faits intéressants, publiés pendant l’im- pression du présent volume, en particulier sur le choléra asialique, ont été relatés à la Bibliographie avec quelques remarques que nous y avons ajou- tées (1). (1) Nous avons cru qu'il était utile et plus commode d'indiquer, en même temps, au bas des pages, les mémoires auxquels on faisait allu- sion dans le texte, en réunissant à la fin du volume, sous le titre de Bibliographie, la liste des principaux mémoires, par ordre d'auteur. Nous avons enfin ajouté quelques notes à celles de l’auteur. Toutes celles qui ne seront pas suivies de ces mots, entre parenthèses : nofrs de l'auteur, seront de nous. (Note du traducteur.) 4 AVANT-PROPOS Telle a été la pensée qui a présidé à la composi- lion de ce livre. Puisse-t-il apporter quelque clarté dans l’&tude des Bactéries, si complexe aujourd’hui et abordée par tant de chercheurs divers; puisse-t-il frayer quelque peu la voie au travailleur qui com- mence et qui a le désir de s’instruire. Strasbourg, juillet 1885. A. DE Bary. PREMIERE LECON INTRODUCTION. — LES BACTERIES OU SCHIZUMYCETES ET LES CHAMPIGNONS. — STRUCTURE DES BACTE- RIES (1). Le but de ces Leçons est de donner un aperçu gé- néral de nos connaissances actuelles sur les êtres que l'on a réunis sous le nom de Bactéries. Il n'est pas besoin, de nos Jours, d’insister longuement sur l’in- térêl que présente leur étude, à plusieurs points de vue. Par ce qu'il en entend dire de tous côtés, le pu- blic instruit n’est pas éloigné d'attribuer aux Bacté- ries une bonne part des maux dont il souffre et des remèdes qui le guérissent. Cette opinion nous épar- gnera le soin de faire une partie de notre introduc- tion : celle qui est consacrée d’ordinaire à convain- cre le lecteur de l’importance loute spéciale du sujet (1) Bibliographie générale dans : de Bary. — Morphologie u. Biologie der Pilze. — W. Zopf. — Die Spaltpilze, 3° edition. Breslau, 1884. — Voir aussi les différents travaux, indiqués ci-après, de Pasteur, F. Cohn, Nægeli, Van Tieghem, R. Koch. Brefeld, A. Prazmowski, Fitz. — Duclaux. — Chimie biologique. Paris, 1883. — F. Hueppe. — Die Methoden der Bacterien forschung. — Cornil et Babes. — Les Bactéries et leur rôle dans l'anatomie et l’histologie pathologiques des maladies infectieuses. Paris, 1885. Ö LEÇONS SUR LES BACTERIES que l’auteur se propose de traiter. Mais elle ne nous dispense pas, à notre avis, de montrer ce que nous appellerons : le revers de la médaille. Nous voulons dire par là que, pour atteindre le but que nous avons en vue, il est nécessaire d'entreprendre une étude scientifique sérieuse, aussi complète que pessible, des différentes questions qui s’offriront à nous. Celte élude, comprise ainsi, comporte plus d’aridite que d'émotions vivesel ne présente pas ce qu'on appelle vulgairement de l'intérêt. C’est la un motif qui n’ar- rêlera certainement pas le ‘ecteur avide d'acquérir quelques connaissances nouvelles. La division de notre étude s'impose par le sujel même que nous avons à trailer. I nous faut avant tout apprendre ce que c’est qu'une Bactérie; en d’au- tres termes nous avons à étudier quelle est sa forme, sa structure, son développement et son origine, cette dernière question se rattachant immédiatement à celle qui précéde. Après quoi, nous nous demande- rons quelle est l’action d'une Bactérie, si cette action est utile ou nuisible, c'est-à-dire que nous nous ef- forcerons de suivre le mécanisme de sa vie et son influence sur le milieu extérieur, qui en est la consé- quence. Nous allons commencer immédiatement cette étude en nous occupant tout d'abord de ce que si- enifie le nom même de Bactéries. Les Bactéries pourraient porter {out aussi bien le BACTERIES ET CHAMPIGNONS 7 nom d'animaux ou plantes microscopiques, en bä- lonnets, à cause de la forme générale qu'affectent la plupart d'entre elles. On les désigne quelquefois sous le nom de Schizomycètes ou Champignons formés par division. Les deux termes, rigoureuse- ment parlant, ne sont pas tout à fait équivalents. D'ailleurs, le mot de Champignon lui-même est employé dans deux sens différents. Dans l'un d'eux, il s'applique à ces plantes inférieures, sans fruc- lificalion apparente, dépourvues de la matière verte qui colore les feuilles, que lon nomme de la c/oro- phylle, ou de toute autre matière jouant un rôle analogue. Elles possèdent, en outre, des propriétés particulières dans leur mode de nutrition. Nous re- viendrons un peu plus tard sur ce dernier point. Pour le moment, bornons-nous à dire en passant, que tous les organismes sans chlorophylile ont be- soin, pour se nourrir, de substances organiques, précédemment élaborées et contenant du carbone en combinaison. Le carbone dont elles ont besoin ne peut leur être fourni comme chez les plantes chloro- phviliennes, par l'acide carbonique de l'air qui est mis librement à leur disposition. Cette élaboration est liée à l’action de la chlorophyile et des corps analogues. Le mot de Champignon, pris dans ce sens, carac- lerise un groupe d'êtres qui doivent à ce manque de chlorophylle des propriétés physiologiques remar- 8 LECONS SUR LES BACTÉRIES quables. A ce point de vue, il serait tout aussi naturel de réunir dans un même groupe les oiseaux el les chauve-souris, sous prétexte qu'ils ont en commun la propriété de voler. Dans l’autre sens, celui que l’on emploie dans les descriptionsetlesclassificationsen histoirenaturelle, le mot de Champignon désigne un groupe d'êtres inférieurs qui se distinguent par des caractères par- ticuliers dans leur structure et leur développement. Is se rapprochent de ce que tout le monde connail sous le nom de champignons de table et de moisis- sures. Les types qui rentrent dans ce groupe sont, en réalité, tous sans chlorophylle. Mais ce caractère n’est pas plus indispensable pour marquer leur place dans la classification, que ne l’est, chez un oiseau, la présence d’un appareil de vol pour faire reconnaitre qu'il est un oiseau! D'après les propriétés que l’histoire naturelle, prise dans son ensemble, et non plus la seule phy- siologie assigne aux Champignons, les Bactéries, envisagées dans leur structure et leur développe- ment, doivent être rangées aussi peu parmi les Cham- pignons que les chauve-souris parmi les oiseaux. Bien plus, il existe en petit nombre, ilest vrai, mais il existe des Bactéries proprement dites, qui possè- dent de la chlorophylle et présentent toutes les propriétés qui accompagnent ordinairement une ac- tion chlorophyllienne. C'est là un point qui les STRUGTURE DES BACTERIES 9 éloigne encore des Champignons, dans le sens phy- siologique de ce mot. Ces motifs font qu'il est plus correct de dire Bac- téries que Schizomycetes. Mais si l'on a bien dans l'esprit le sens différent de ces deux mols, il importe peu d'employer l’un ou l’aulre. En laissant de côté, pour le moment, certaines formes de reproduction et en n'envisageant les Bac- téries que dans leur période végétalive, leur confi- guration, leur structure, leur accroissement sont d'une extrème simplicité. Les Bactéries apparaissent comme des cellules rondes ou cylindriques ou bien en forme de bâton- nets, rarement en forme de fuseau. Elles sont tou- jours très petites. Le diamètre des cellules rondes, ou le diamètre transversal de celles qui sont en bâtonnets, atteint le plus souvent un millième de millimètre ou un micromillimetre, terme de mesure qu'on appelle aussi un x», — quelquefois moins. La longueur des bâtonnets dépasse rarement 2 à 4 fois leur largeur. Les formes relativement plus grosses ne sont pas nombreuses. Si l’on fait abstraction des types que nous apprendrons un peu plus tard à con- nailre sous le nom de Beggiatoa, de Crenothrir, ele., qui, d’ailleurs, se comportent aussi, à d’autres points de vue, d’une manière particulière, la plus grande largeur que l’on ait observée, est de 4 u dans les 10 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES cellules en bätonnets du Bacillus crassus, Wan Tie- shem. On à donné à ces pelils corps le nom de cellules parce qu'ils s’accroissent el qu'ils se partagent comme les cellules végétales; de plus, ce qu’on con- nait de leur structure s'accorde avec ce que l'on sait sur la structure analogue des cellules des plantes. Leur pelitesse, 1l est vrai, ne permet pas de pénétrer profondément dans les details de celte structure. C'est ainsi qu'on n'a pas encore réussi à leur trouver un novau cellulaire. Mais c’est un point qui leur est commun avec beaucoup d’autres petites cellules ap- parlenant à des êtres inférieurs, avec des Champi- gnons en parliculier; il n'y a pas longtemps, on au- rait dit : avec les cellules de tous les Champignons. Des observations récentes ont fait abandonner ces idées trop exclusives. C'est que pour arriver à des connaissances plus complètes sur un sujet, il faut toute une suite de recherches faites avec une persévé- rance et une perfection que le temps seul peut nous donner. Les Bactéries sont, en grande partie, composéesde proloplasma qui, dans les formes les plus petites et aussi dans la plupart des formes plus grosses, se montre comme une substance complètement homo- gène, trouble, mais conservant en partie sa {rans- parence; dans quelques formes plus grosses. il est souvent finement granuleux; d'autres, enfin, pré- STRUCTURE DES BACTERIES 11 sentent une structure que nous décrirons plus {ard. Ce proloplasma se rapproche, en général, de celui des autres organismes par les réactions qu'il mani- feste en présence des réactifs ordinaires de l’albu- mine et de la nucléine : la coloration du jaune au brun par l'iode, l'absorplion relativement considé- rable des solulions de carmin ou des couleurs d'a- uiline. Dans quelques cas particuliers, il v a des différences spécifiques dans la manière dont le pro- toplasma se comporte vis-à-vis des réactifs; nous les signalerons à l'occasion et ce sont là des moyens commodes pour distinguer les espèces. Comme on l'avait déjà montré précédemment, le proloplasma de quelques bactéries, décrites par M. Van Tieghem et M. Engelmann, par exemple le Bacillus virens v. T., est coloré en vert pâle par de la chlorophyile, d'une manière uniforme. Mais dans les cas les plus nombreux, il est incolore. La plupart des Bactéries, non seulement quand on les voit au microscope, mais aussi quand elles forment des masses plus visibles, ont un aspect blane sale ou blanc pur : dans le premier cas, le blanc est nuancé, sui- vant les types, en gris, en jaune pâle, etc. ; ces leintes servent à l'œil exercé dans la distinction des espèces. Du reste, il existe peu de Bactéries qui soient co- lorées de vives couleurs quand elles sont en grande masse; on cile quelques exemples seulement de Bactéries jaunes, rouges, vertes, violettes, bleues, 12 LEGONS SUR LES BACTERIES brunes, etc. M. Schræter en a fait la dénomination complete. Dans la plupart des cas, il est très difficile de décider à quelle partie de la cellule appartiennent ces coloralions, si c’est au corps protoplasmique lui- même ou à son enveloppe, la membrane cellulaire, dont nous allons bientôt nous occuper. La difficulté de la distinction est encore augmentée par ce fait que chaque cellule, prise isolément, ne parait pas avoir, à cause de sa pelitesse, de coloration parti- culière. Dans quelques formes relativement grosses, comme le Beggiatca roseo-persicina décrit par M. Zopf,ilsemble seulement que le protoplasma vivant contribue pour une part à la coloration de la cellule, qui est ici d’un rose clair. Les matières colorantes dont il s’agit ont été en partie éludiées avec un peu de soin : on leur a même donné des noms particuliers, tels que Bacterio-pur- purine, etc. Leurs propriétés optiques semblent les rapprocher par certains points, comme l'indique leur nom lui-même, des couleurs d’aniline. Mais cette analogie de noms ne permet pas de conclure à une analogie de composition chimique. Pour ce qui regarde d’autres details de structure et de composition, il est intéressant de signaler, dans le protaplasma de quelques cellules, la réaclion que donne l’amidon. Le Bacillus amylobacter et le Spi- rıllum amyliferum, Van Tieghem, possèdent, dans certaines périodes de leur évolution, la propriété STRUCTURE DES BACTERIES 13 de se colorer en bleu-indigo, dans une solution aqueuse d’iode, la coloration semblant se con- centrer dans la parlie de leur protaplasma qui se distingue du reste par une réfringence un peu plas forte. C'est la réaction que donnent les grains d’a- midon ou, plus exactement, la granulose qui entre pour une grande part dans leur constitution. Les circonstances dans lesquelles cette réaction se pro- duit et disparaît ensuite seront examinées un peu plus loin. Le Micrococcus pasteurianus, Hansen et, en partie, le Leptothrix buccalis présentent aussi cette réaction de la granulose. Mentionnons ici, en pas- sant, la présence de granules de soufre éliminés par la cellule dans les Beggiatoa. Nous étudierons ce phénomène plus en détail dans la huitième Leçon. Le protoplasma des Bactéries est entouré d'une enveloppe ou membrane cellulaire. Dans des cellules isolées, éparses dans un liquide, cette membrane se présente, sous le microscope, comme une ligne très fine qui délimite la surface libre des cellules et dis- tingue les unes des autres celles quisont en contact. Les réactifs qui contractent le protoplasma, en le colorant, sans avoir d’action sur la membrane, comme la solution alcoolique d’iode, permettent, dans des types un peu gros, de la séparer du pro- toplasma et, par suite, de la distinguer (V. page 32, fig. 1,p). C'est ainsi qu'on voit, grâce à ce procédé, la formation des spores représentée dans la figure 1. 14 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES Cette membrane, adhérant de très près au proto- plasma, est, du moins dans certaines espèces, lelles que les Spirochæte, lrès flexible et très élastique on la voii suivre toutes les courbures que fait la cellule dans toute sa longueur, bien que le proto- plasma puisse seul y prendre une part active. La membrane, appliquée directement contre le proloplasma, n’est, dans {ous les cas, que la couche interne, solide, d’une enveloppe gélatineuse qui en- toure fout le corps protoplasmique. Dans un assez grand nombre de formes, cette enveloppe est visible directement au microscope, après une recherche attentive, et quand on a dans le liquide des cellules isolées ou des files de cellules. Prises en masse, dans un milieu suffisamment liquide, les Bactéries sont toujours plus ou moins gélatineuses ou mucilagi- neuses. C'est dans la division des cellules qu’on peut suivre la gélification de cette enveloppe extérieure. On peut done dire, d'une manière générale, que les Baclöries ont des cellules avec une membrane gela- lineuse comprenant une enveloppe interne, mince el relativement solide. La consistance de cette enve- loppe gelalineuse, sa propriété de se liquéfier dans les liquides, comme nous l’indiquerons plus tard, sont, on le comprend, fort variables suivant les cas. La présence de cette membrane mucilagineuse rapproche les Bactéries d'autres organismes infé- rieurs, parmi lesquels on peut citer les Noslocacées STRUCTURE DES BACTÉRIES 15 et d’autres plantes en filaments. Comme chez celles- ci, l'enveloppe mucilagineuse s’est montrée com- posée d'un hydrate de carbone res voisin de la cellulose. C’est ce qui se passe chez un grand nombre de formes étudiées, comme la Bactérie du vinaigre el celle des sucreries, le Leuconostoc. Contrairement à cette théorie, il faut signaler l'opinion de M. Nencki, d’après laquelle la mem- brane d'une Bactérie, qu'il désigne simplement sous le nom de Bactérie de putréfaction, serait formée en grande partie, comme le protoplasma dont elle dépend, d’une combinaison albuminoide particu- liere, à laquelle il donne le nom de mycoprofeine. Enfin, il faut rapporter encore la théorie de M. Neis- ser (1) pour qui la membrane de la Bactérie du Xe- rosis épithélial de l'œil est, d’après ses réactions, formée principalement d’une matière grasse. Chez les Cladothrix el les Crenothrir qui habitent dans l’eau, la membrane est souvent colorée en brun par des composés de fer qu'elle contient dans son intérieur. Beaucoup de Bactéries sont franchement mobiles quand elles se trouvent dans un liquide. Elles se meuvent autour de leur plus grand diamètre ou bien elles ont un mouvement d’oscillation qui les porte, souvent avec vivacité, tantôt en avant tantôl (1) Kuschbert et Neisser.— Deutsche Mediein Wochenschrift.1884, no 21. 16 LEGONS SUR LES BACTÉRIES en arrière. Ces mouvements ont fait croire à la pré- sence d'organes particuliers de locomotion. On a voulu voir ces organes dans des cils, que l'on a décrits comme des appendices en forme de fila- ments très déliés el placés à l'une des extrémités de Bactéries en bâtonnets : ces cils sont uniques ou au nombre de deux. Des cils semblables se trouvent dans beaucoup d'autres cellulesrelativement grosses, n’appartenant pas augroupe desBacl£ries, et mobiles comme celles-ci dans les milieux liquides : tels sont les zoospores d'un grand nombre d’Algues et de quel- ques Champignons. Chez leszoospores, les cilsse meu- vent rapidement, aussi longtemps que la cellule elle- même, dansle sensdelarotation, qui se fait autour du plus grand diamètre : ils peuvent, d’après cela, être considérés comme les organes actifs du mouve- ment. Ce sont d’ailleurs, chezles Algues, des pro- longements produits, en quelque sorte, comme par un trop-plein de la surface du corps protoplasmi- que : ils dépendent donc du protoplasma. Quand celui-ci est entouré d’une membrane, les cils la tra- versent par des pores spéciaux pour se répandre au dehors. Chez les Bactéries, on n'a rien observé de pa- reil. On a trouvé, sans aucun doute, dans quelques exemples, des prolongements filiformes aux points que nous avons dits, et cela, dans des cas où la pré- paration avait été colorée el soumise à la dessiccalion. STRUCTURE DES BACTERIES 17 Une preuve qu'ils existent réellement el non pas seu- lement, comme cela pourrait arriver, dans l’imagi- nalion de l'observateur, c'est qu'on les retrouve dans les photographies. Mais malheureusement, dans la plus grande généralité des cas, des Bacté- rées, parfaitement mobiles, observées après la mort el lraitées par les réactifs colorants, n’en laissent pas voir de trace, même à l’aide des meilleurs ins- truments d'optique. Quand on les rencontre, ce ne sont pas, suivant M. Van Tieghem, des prolongements du protoplasma interne, mais, d’après leur manière de se comporter sous l’action des réactifs, ce sont plutôt des filaments très lenus provenant de la couche gélatineuse ex- terne. Ils n'ont donc rien de commun avec les cils des zoospores chez les Algues ; ils ne peuvent non plus être considérés comme des organes de mouve- ment, puisque celte fonction ne leur a été attribuée que par analogie avec ce qui se passe chezles Algues. C'est du moins ce qu'il convient d'affirmer pour le plus grand nombre des espèces. Des recherches plus précises pourront seules décider s'il y a des excep- lions à cette manière de voir. Il faut ajouter qu'il existe des plantes considérées comme très infé- rieures, les Oscillaires qui, d'après ce que nous en savons, présentent, avec les Bactéries, des degrés nombreux de parenté sur lesquels nous reviendrons bientôt ; elles ont des mouvements analogues sans DE BARY. 2 18 LECONS SUR LES BACTÉRIES qu'on ait pu déceler ehez ces êtres la présence de cils ou d'organes de locomotion. Ce n’est donc pas l’exis- lence de cils chez les Bacléries qui pourra nous servir à établir leur analogie avec les Oscillaires. Lorsque les Bactéries ont alteint,dansleur accrois- sement, une certaine grandeur, elles se multiplient par des biparlilions successives el se divisent loul d'abord en deux cellules filles. Tout ce qu'on sait de ce phénomène est qu'il commence par l’appari- lion d’une très fine cloison séparant la cellule mère en deux; puis la membrane se montre sous la forme d'un léger mucilage. Ces détails coïncident avec ceux qui caractérisent la division de plus grosses cellules végétales et rien ne s'oppose à ce que l’on admette une analogie parfaite dans la manière dont se di- visent ces deux formes de cellules. La petitesse des Bacléries empêche une observalion directe plus complète. Il faut avoir soin d'ajouter que la cloison, qui ap- parait au commencement de la division, est si mince, qu'elle échappe facilement à l'observalion. Elle ne peut se montrer nettement que par l'action de réac- tifs qui colorent fortement le protoplasma tout en le contractant, comme la solution alcoolique d'iode. Cette remarque n’est pas sans importance quand on veut mesurer exactement la longueur des Bactéries. Les bipartitions se font l’une après l’autre et dans la mème direction : dans ce cas, les cloisons sont tou- STRUCTURE DES BACTERIES 19 tes parallèles ; ou bien, plus rarement, les cloisons se produisent dans plusieurs sens el alors elles se coupent et se croisent à angle droit. Ie LECON FORMES DES CELLULES. — LEURS MODES D UNION ET DE GROUPEMENT. Les cellules qui composent les Bactéries, dont la structure très simple a été étudiée dans la Leçon précédente, peuvent se présenter sous des formes très diverses. Nous aurons à considérer soit leur configuralion proprement dite et leurs modes d’u- nion les plus simples, soit leur réunion ou leur non- réunion en masses plus considérables et, dans tous ces cas, nous éludierons les propriétés qu’elles ma- nifestent sous ces différentes formes. l. Les cellules, prises isolémentou dans leursmodes d'union les plus simples qu'on puisse imaginer, of- frent à examiner les formes rondes et les bâtonnets droits ou contournés en spirale. Une bille de billard, un crayon et un tire-bouchon donnent une idée assez exacte de ces trois tvpes, et il n’est pas nécessaire d'avoir recours à des modèles plus compliqués ni plus dispendieux pour acquérir des nolions précises MODE D'UNION DES CELLULES 21 sur les formes que peuvent prendre les Bacléries. A mesure que nos connaissances sur les Bactéries ont pris plus d'extension, ces trois formes ont reçu des noms très différents. Les cellules rondes portent aujourd'hui les noms de Mierocoqgues ou Macrocoques, suivant! leur grosseur; de Diplocogues quand on les trouve encore réunies, au moment où elles sont en (rain de se diviser. Les anciens auteurs les ran- geaient parmi les Monades, où elles étaient confon- dues avec beaucoup d’autres espèces hétérogènes. Les Bactéries droites ont reçu des anciens auteurs les noms de Öäfonnets ou de Bactéries proprement dites. Bâlonnets courts, bâtonnets longs, {elles son! les epilhetes qui se comprennent, du reste, et qui servent à les désigner, sans ajouter beaucoup de clarté à une description plus caractéristique de leur forme. Les formes en tire-bouchon portent le nom de Spirillum, de Spirochæte. Des formes intermédiaires entre ces dernières el les bâlonnets, par consé- quent, des formes qui ne sont contournées que dans une partie de leur spire, ont été décrites par M. Cohn sous le nom de vibrions. Les Mierococeus et les bätonnels présentent sou- vent un type parliculier qui s'éloigne un peu du type ordinaire. Parmi des cellules qui gardent la forme habi- tuelle, quelques-unes se différencient en bourgeons 22 LEGONS SUR LES BACTÉRIES ovales ou fusiformes qui surpassent de plusieurs fois engrosseur les cellulestypiques. Ceeis’observeen par- tieulier dansle genre Bacille, chez les Cladothrir, ete., el aussi très souvent chez le Mierococeus des mères de vinaigre, Ily a quelques motifs de croire, bien , qu'on n'en ail pas donné de preuve, que ces formes volumineuses sont les produits d’un développement maladif et le signe d’une involution, d'une régression, autrement dit. C’est ce qui leur a fait donner par M. Nægeli et M. Buchner le nom de formes d’invo- lution (Invoiulions-formen). Il. Le mode d'union ou de non-réunion des cellu- les doit êlre considéré chez les types où la biparti- lion laisse les cellules unies entre elles à mesure qu'elles se forment, el chez ceux où la biparlilion amène la séparalion ou le déplacement des cellules. Dans le cas où la division répétée conserve les cel- lules unies entre elles, nous avons à distinguer deux Lypes : 1° Dans le premier type, la division des cellules, se faisant loujours dans le même sens, amène leur arrangement en série linéaire. Il en résulte une forme de filaments que l’ancienne terminologie a dé- signés de ce nom même de flaments (Trichomata de Kützing). Par un esprit de confusion, pour le moins etrange, on leur a donné quelquefois le nom de pseudo-filaments, c’est-à-dire de filaments qui sem- blent en avoir la forme sans l’être réellement. MODE D'UNION DES CELLULES DE Ce que nous venons de dire fait comprendre aisé- ment que ces filaments ont une configuralion assez variable, suivant la forme même des cellules qui les composenl. Leur longueur peut aussi varier consi- dérablement suivant le nombre des éléments cellu- laires qui servent à les former. Ce qu'on peut dire de général sur les bätonnels et les types spiralés, c'est que les cellules qui les composent sont relalivement en petit nombre; quant aux bälonnels ou aux Spiril- lums, ils sont en réalilé formés de plus d’une cellule el, lorsque la multiplication leur à fait atteindre une grandeur qui ne dépasse pas certaines limites, ils se divisent en deux, au point où s'est faite la division initiale. Les Leptothrir, les Mycothrir el quelques autres types sont ceux qui acquièrent la plus grande longueur. 20 Les cellules cubiques qui se multiplient dans un même plan ou dans trois plans différents sont assez rares, comme nous l'avons déjà dit. Dans le premier cas, nous aurons à citer le Bacterium merismopædi- oides Zopf. Dans le second, les massifs de cellules cubiques du Sarcina ventriculi. A côté de ces divers types de cellules unies entre elles, on peut citer loute une série d’agregals ou. pour employer un ferme simple, de groupements formés en combinant les cas plus simples que nous avons considérés. Ces groupements s'expliquent, en grande partie, par la présence constante d’une en- 24 LEÇONS SUR LES BACTERIES veloppe gélatineuse, par la masse plus ou moins grande de cette enveloppe, par sa force de cohé- sion plus ou moins considérable. On peut aussi faire intervenir les propriétés spécifiques, très différentes, de chaque type. Ces propriétés spécifiques ou pro- pres à chaque espèce ne peuvent pas être facilement définies, d'une manière générale et en quelques mots; leur exposition, qui ne peut êlre faite que dans des cas malheureusement trop rares, ne sera ache- vée qu'après l'étude complète de l'évolution de chaque type. Enfin la composilion el la manière d’être du substratum ont probablement une influence sur ces groupements. La masse peu considérable de l’enveloppe gelali- neuse et surtout sa faible consistance, qui peut aller jusqu’à la fluidité, contribuent puissamment à la sé- paration des cellules ou des simples filaments, quand on les cultive dans des liquides. Au contraire, une quantité plus grande de gélatine et une fluidité aussi limitée que possible donneront aux cellules l'aspect d’une masse compacte de mucilage. Ce sont là des types extrêmes, que l'on rencontre en réalité mais entre lesquels viennent se placer tous les intermé- diaires possibles qui leur servent de passage. Les masses un peu volumineuses et compactes portaient l’ancien nom de Palmella et sont désignées plus fréquemment aujourd'hui sous le terme de Zooglées. On pourrait donner le nom d’Agregats à GROUPEMENT DES CELLULES 20 des Zooglées moins nellement définies. Dans un même liquide, une Zooglée ou un Agrégat se portera à la surface ou tombera au fond du vase, suivant sa densité. Leurs propriétés différentes régleront en- suite leur manière de se former en colonies et le mode de groupement de leurs éléments. Pour éclaircir par-quelques exemples ce que nous venons de dire, prenons trois ballons préalablement ensemencés et contenant chacun la même solution de 8 ou 10 p. 100 de sucre de raisin ou d'extrait de viande dans de l’eau. Dans le premier ballon, le li- quide est légèrement troublé, d’une manière à peu près uniforme, par des bätonnels courts et mobiles du Bacillus amylobacter. Dans le second, la surface du liquide, moins trouble que dans le premier, est recouverte d’un voile blanc, ride, sec à la partie su- périeure : c’est le Bacillus subtilis, le Bacille qui se trouve dans les infusions de foin. Dans le {roisième, des filaments d'un Bacille assez semblable au second. le Bacillus anthracis ou Bacille du charbon forment des traînées floconneuses dans le liquide qui con- serve partout ailleurs sa limpidité. Ces flocons peu- vent difficilement recevoir le nom de Zooglées; don- nons-leur plutôt celui d'Agrégats. Au contraire, le voile du Bacille du foin est une Zooglée de forme bien caractéristique. Des organismes plus ou moins semblables se rencontrent assez souvent dans les liquides qui contiennent des matières organiques ca- 26 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES pables de s’alterer. Les plus remarquables parmi les Zooglées qui se développent dans les liquides sont les Leuconostoc ou gomme des sucreries et le Xejir. Les premiers sont des Bactéries rondes, avec une en- enveloppe gélalineuse massive el compacte, pouvant remplir des cuves entières et ressemblant assez à du frai de grenouille, d’où le nom de Froschlaich (fra de grenouille) qu'on lui donne en Allemagne. Nous l’éludierons un peu plus lard. On donne le nom de Kefir à une malière employée comme ferment par les habilants du Caucase pour la préparalion d'une liqueur acidulée et riche en acide carbonique qu'ils retirent du lait. Le lait de Kefir a été employé dernièrement dans nos pays dans des trailements curatifs. Les grains de Kefir, dans leur période de complète vitalité, sont des granules blancs, de forme arrondie assez irrégulière. Ils alteignent et dépassent parfois la grosseur d'une noix de galle. Leur surface est ridée, bosselée, ru- gueuse sans aspérilés el assez semblable à un mor- ceau de chou-fleur. Ils sont assez consistants el for- tement gélatineux. La dessiccalion lesrend Jaunälres, cassanls et leur donne l'aspect d’un cartilage ; enfin ils se composent en grande parlie d'un Bacterium en bätonnet. Ces bätonnets sont, pour la plupart, réunis en fila- ments, qui s’enchevêtrent les uns les autres d'une manière compliquée et qui sont reliés entre eux par GROUPEMENT DES CELLULES 27 une épaisse membrane mucilagineuse. Il faut ajouter que la forme en bâtonnets n’est pas la seule qui puisse se rencontrer dans le Kefir. Entre les filaments se trouve intercalés, le plus souvent à la périphérie, de nombreux groupes de cellules avec bourgeons, ana- logues à ceux de la levure de bière, qui vivent à côté de la Bactérie et en commun avec elle. Cependant ils sont loin d'être en même nombre que celle-ci el sem- blent ne prendre aucune part active à la formation de la Zooglée. Quand on cultive les Bactéries, non plus dans les liquides, mais dans des milieux solides imprégnés d'eau ou simplement humides, le groupement en Zooglées se produit {rès facilement. Cela a lieu même pour les formes qui se séparent dans l'intérieur d'un liquide de culture, grâce à la fluidité de leur enve- loppe gelatineuse. Quand la quantité d’eau qui entre dans la composition du substratum se borne à entre- tenir l'humidité du milieu nulritif, le peu de consis- lance de la gélatine ne peut aller jusqu'à la fluidité. C'est ainsi que sur despommes de terre, desraves, elc. qui ont perdu toute vitalité, par la cuisson, par exemple, on voit apparaitre de petites masses de mucilage blanc, jaune ou diversement coloré : ce sont des colonies de Bactéries. Il convient de citer à ce propos le phénomène très souvent décrit sous le nom de /aches de sang dues au Micrococcus prodigiosus (Monas prodigiosa 28 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES d’Ehrenberg). Sur des substances riches en amidon comme les pommes de terre, le pain, le riz, l'hostie on voit quelquefois apparailre soudain des taches humides d’un rouge de sang; souvent elles s'étendent rapidement dans tous les sens. Celle couleur de sang qui se montre sur des objets servant à lalimentalion journalière de l’homme a donné lieu, comme on peut croire, à des superslilions de toutes sortes. Ces taches, nous l'a- vons dit, sont dues à une Bactérie chromogene dont nous venons de donner le nom. De même que les formes diverses que nous avons indiquées donnent lieu, dans un même liquide de cullure, à des groupements différents, de même l’as- pect des Zooglées qui se forment sur un milieu de culture solide varie avec les organismes qui leur donnent naissance. Tous les faits que nous venons de signaler à pro- pos du groupement des Bactéries, montrent que ces groupements fournissent des indices précieux pour caractériser el différencier les diverses formes; d’au- lant plus précieux que, dans les formes Ires petites, la distinction des cellules isolées devient plus diffi- cile, même quand onles examine au microscope. Dans les formes qui peuvent se grouper, les différences spécifiques, qui, il est vrai, existent dans les cellules isolées, mais que les moyens de recherches dont nous disposons ne nous permettent pas de reconnaitre GROUPEMENT DES CELLULES 29) facilement, deviennent plus marquées quand ces mêmes cellules sont réunies en grande masse. Il nv a là rien qui doive nous étonner. C’est ainsi que, pour beaucoup de cellules qui, par rapport aux Bac- léries, sont énormes et très compliquées, comme les cellules d'une Liliacée, nous ne saurions dire süre- ment, quand elles se présentent à nous isolées, si elles appartiennent à un lis ou à une tulipe, par exemple. Leur réunion naturelle, leur mode de groupementne pourra former qu'une tulipe ou qu'un lis et c’est par là seulement que nous pourrons re- connaîlre qu’elles sont d'origine différente. III" LECON DEVELOPPEMENT DES BACTERIES. — BACTERIES A EN- DOSPORES ET BACTERIES A ARTHROSPORES. Les différentes formes el les différents groupe- ments, dont nous avons parlé dans la précédente Lecon, ne nous ont appris à connaitre qu'un nom- bre restreint de types; nous leur avons donné des noms qui désignent simplement, pour nous, quel- ques formes dislincles correspondant à certaines périodes connues de la vie des Bacleries. Mais rien jusqu'ici ne nous a indiqué d'où provenaient ces formes et ce qu’elles devenaient ensuite. Autrement dit, ce sont des organismes pris dans la période vé- gélative, des formes adultes si l'on peut s'exprimer ainsi ; de même qu'on dirail, chez les plantes supé- rieures, un arbre, un buisson, un arbrisseau, une plante bulbeuse, ete. Les formes simples correspon- draient aux parties que l’on appelle tige, branche, bulbe, ele. Si l'on veul savoir ce qu'est une branche, ce qu'esl DEVELOPPEMENT DES BACTERIES 31 un bulbe, quelle est la place que ces organes oceu- pent dans la série des formes végétales, si l’on veut savoir ce qu'est une forme donnée dans un moment quelconque de l’évolution d’un être vivant, il faul pouvoir répondre à la question que nous avons posée tout à l'heure; il faut pouvoir dire d’où cette forme provient, quelle autre forme lui succède, ou plutôt, pour employer le langage ordinaire, comment se produit son évolution. Car chaque forme d’un ètre vivant, pris à un stade quelconque de son existence, même lorsqu'elle est représentée par des millions d'échantillons semblables, n’est qu'un anneau d’une chaine composée elle-même de parties se reformant périodiquement d’une manière régulière. Aussi, pour apprendre à mieux connaître les Bac- léries, devons-nous maintenant nous occuper de leur évolution. Tout ce que la science nous a appris à ce sujet nous montre que leur développement ne se produit pas partout de la même manière. Il faut distinguer deux groupes de Bactéries : les unes que nous appellerons Dacteries endosporées el les autres Bactéries arthrosporées. Le premier groupe comprend un certain nombre de Bactéries en bâtonnets droits, que l’on désigne plus spécialement sous le nom de Bacilles, et quel- ques Spirillums contournés en spirale. Dans ces deux Lypes, les stades sont les mêmes, autant qu'il pa- 32 LEGONS SUR LES BACTERIES rail, du moins. Indiquons-les avec plus de detail pour le type Bacille (Voir fig. 1). | ET x DA QU Ge a eur PE Im sg DER Bacı.ıus MeGatTeriuM. — a. File de bätonnets en plein développement et mobiles. — b. Deux bätonnets mobiles dans la période de végéta- tion — p. Bätonnet formé de 4 cellules à ce dernier état et soumises à l'action d'une solution alcoolique d'iode. — ce. Bätonnet de 5 cel- lules au moment où les spores vont se former. — d-f. Etats suc- cessifs de la formation des spores, d à 2 heures de l'après-midi, e environ 1 heure et f deux heures plus tard. Les spores représen- tées en f se trouvaient müres vers le soir. — Les autres cellules n’en formèrent point et disparurent, vers le soir, à 9 heures, sans laisser de trace. — La 3° cellule sup‘rieure de d et de e qui paraissait con- tenir des spores en bon état, disparut aussi. — 7. Bätonnet de 4 cellules avec spores mûres. — gl. Bätonnet de 5 cellules, avec 3 spores müres, placé dans un milieu nutritif, après une dessiccation de plusieurs jours. Préparation à midi 30 min. — 92. Le même à Ih. 30. — 93. Le même à #h. —h1. Deux spores desséchées et mi- ses dans un milieu nutritif a 11h. 45. On voit encore la membrane des cellules mères.— h?. Les mèmes à 12h. 30. — i, k, !. Stades ulté- rieurs de la germination. — Voir l'explication dans le texte, p. 39. — m. Bätonnet au moment de la division transversale, provenant -au bout de8 h., d’une spore placée dans un liquide.— En a, grossis- sement de 250 fois, et de 600 fois dans les autres figures. Les Bacilles arrivés à leur plus haut degré de développement, sont des cellules isolées, en bäton- nets, possédant les propriétés que nous avons décri- tes précédemment, désignés simplement sous le nom de « bätonnets » unicellulaires ou bien réunis en BACTERIES A ENDOSPORES 33 filaments plus ou moins longs. IIS sont tantôt mo- biles, tantôt immobiles; leur croissance et leur bi- partition se font très rapidement (fig. 4 a,e). Is cessent enfin de s’accroilre el de se diviser; c'est alors que commence une formation nouvelle : celle des organes de reproduction ou spores. Autant qu'on a pu suivre ce phénomène, il commence par l'ap- parition, dans le protoplasma d'une cellule jusque- là purement végélalive, d’un novau relativement très petit ressemblant d’abord à un point. Ce novau grossit et se montre bientôt sous la forme d’un cor- puscule rond ou allongé, fortement réfringent, à contours très nets, qui atteint très vite, souvent dans l’espace de quelques heures, sa grosseur définitive el qui forme dès lors une spore (4, f). Cette spore reste toujours plus petite que la cel- lule-mere où elle s'est formée. Le protoplasma et le contenu decelle-cidisparaissent en totalité, à mesure que la spore grandit; cette disparition se fait sans doute au profit de cette dernière et bientôt la spore n'apparaît plus, dans l'intérieur de la fine membrane qui limite la cellule-mere, que comme suspendue dans une substance limpide et aqueuse (r, A). Ces différents stades sont accompagnés, dans la forme extérieure des cellules, de modifications qui peuvent servir très souvent à la spécification. C’est ainsi que chez le Bacillus Megaterium, le Bacillus anthracis, le Bacillus subtilis, par exemple, la forme DE BARY. 3 34 LEGONS SUR LES BACTERIES des cellules-meres ne differe pas de celle des cellu- les végétales, mais la spore müre est beaucoup plus courte que la cellule-mere, dans les deux dernières espèces; elle est à peine plus étroite que celle-ci chez le Bacillus anthracis, el devient un peu plus large chez le Bacillus subtilis. Chez le Bacillus me- gaterium, elle est un peu plus courle que la cellule- mère qui reste relativement courte, elle aussi, mais, par contre, elle est beaucoup plus étroite. (Voirfig. 1 et fig. 2.) Dans d'autres espèces, les spores sont, dans tous les sens, beaucoup plus petites que la cellule-mère. Celle-ci se distingue des autres cellules végétatives ordinairement cylindriques, par la forme qu’elle acquiert pendant la production des spores, ou même avant cette production : c’est celle d’un œuf ou d'un fuseau, soit dans loute son étendue, soit au seul point où la spore se développe, c'est-à-dire généra- lement à l’une des extrémités de la cellule. Dans ce dernier cas, aussi bien que dans le cas où la cellule- mère, très grossie, se trouve à côté des cellules ordi- naires cylindriques, on voit se former des cellules particulières qui ont été décrites sous le nom de Bac- téries en orme de tête. Ce sont des Bactéries à extré- mil‘ renflée où se forment les spores. Des exemples de ces formations sont fournis par le Bacillus amy- lobacter et le Bacillus Ulna, etc. Dans le Bacillus amylobacter el le Spirillum amy- BACTERIES A ENDOSPORES 30 liferum, Van Tieghem, la formation de granulose, déjà décrite, précède l'apparition de la spore, et l'endroit où celle-ci se forme se distingue par le manque de granulose en ce point. La solution d’iode montre comme une courte {rainée d'un jaune pâle contras- lant avec le reste du bätonnel qui devient bleu. Sa plus faible réfringence le fait d’ailleurs reconnaître sans le secours des réactifs. La croissance de la spore fait bientôt disparaitre loule trace de granu- lose. D'après Prazmowski, celle-ci ne précède pas toujours l'apparition de la spore, même chez le Ba- eıllus amylobacter. On ne la rencontre Jamais chez d'autres Bacilles, par exemple, dans les trois types que nous avons considérés tout à l'heure. La for- mation de la spore ne change nullement l'aspect du proloplasma : tout au plus devient-il un peu moins transparent et, dans les formes plus grosses, il mon- tre avec plus de netteté de fines granulalions. Chaque cellule-mère ne forme, autant qu'on peul l'affirmer avec quelque certitude, qu'une seule spore. On a presque loujours pu le constater avec exacli- tude et les quelques exemples qui semblent contre- dire cette manière d'êlre, comme la formation de deux spores par cellule, sont incertains, car rien ne prouve, dans ces cas, que l'observateur ait bien vu qu'il n'y avait pas de membrane séparant deux cellules ou qu'il ne soit pas tombé dans des erreurs du même ordre. 36 LEGONS SUR LES BACTÉRIES Dans les cultures, la formation des spores se pro- duil ordinairement quand la croissance de la Bacté- rie cesse de se faire, soit que le substratum soit de- venu impropre à son développement, soit que ce substralum soil épuisé, comme on dit ordinaire- ment; ou bien parce que la trop grande quantité de produits d'excrétion ou de décomposilion a rendu le milieu défavorable à un développement vegelatif ultérieur. A ce moment, la production des spores se fait, avec une très grande rapidité, dans la majeure partie des cellules qui se trouvent ordinairement en quantité considérable. Quelques cellules, par excep- tion, ne prennent aucune part à cette formation ou commencent à produire quelques spores sans aller jusqu'à leur complet achèvement. Toutes les cellules, qui demeurent ainsi stériles, meurent bientôt et disparaissent, si on n’a pas la précaution de leur fournir un substratum nouveau. Chez d’autres Bacilles, tels que le Bacillus amylo- bacter, les choses se passent autrement. La produc- tion des spores commence à se faire dans des cellules isolées et s'étend peu à peu dans un grand nombre d'autres, landis qu'il en existe encore de très nom- breuses qai continuent à végéler et à se diviser. Cet exemple montre que l'argument du substratum de- venant impropre à la végétation, que l’on donne pour expliquer la formation des spores, n’est pas du tout suffisant. + BACTERIES A ENDOSPORES 37 On sait que l'on donne le nom de spores, en géné- ral, à des cellules qui,se séparant de la plante mère, peuvent, dans certaines conditions, reproduire une nouvelle plante vegelalive. Le commencement de ce dernier phénomène porte le nom de germination. C'est à cette propriélé qu'ils ont de germer que les pelils corps, dont nous nous occupons, doivent le nom de spores sous lequel on les connaît d’ordi- naire. Quand les spores ont acquis tout leur développe- ment, qu'elles sont mûres en un mot, la membrane de la cellule-mère se détache peu à peu ou se gélifie et les spores sont mises ainsi en liberté. Elles conser- vent les diverses propriétés que nous leur avons déjà reconnues. Ce sont de petits corps ronds ou ovales, ou allongés, suivant les espèces, rarement de forme différente, aux contours un peu sombres, ordinai- rement incolores ou d’un éclat légèrement bleuâtre tout particulier, roses, d’après M. Cohn, chez le Bacillus erythrosporus. Autour de la ligne sombre qui limite la spore, on observe parfois une enveloppe gelalineuse très pâle, d'aspect blanchätre, qui forme autour d'elle une couche régulière ou plus accentuée aux deux bouts et se continuant en deux courts pro- longements. Au moment de la germination, il devient manifeste que la spore n'est autre chose qu'une cellule à mem- brane très mince, mais solide et séparée par une 38 LEGONS SUR LES BACTERIES ligne sombre, située elle-même à la partie interne d’une enveloppe gélatineuse. La germination se produit quand la spore müre se trouve dans les conditions favorables à la végétation de l’espece dont elle fail partie, à savoir en présence de l’eau, d'aliments appropriés et à une température convenable. Tout d'abord, la spore perd sa forte ré- fringence, son éclat el sa ligne sombre; elle prend l'aspect extérieur de la cellule végétative qui lui a donnénaissance, etdontelleacquiert, enm&melemps, le volume et la forme. À mesure que cela se pro- duit, elle commence à se mouvoir, dans les espèces qui sont douées de mouvement. Viennent ensuite la période végétative, la multiplication des cellu- les, etc., enfin, tous les stades successifs que nous avons décrits, jusqu'à la formation nouvelle des spo- (1) Bacillus megaterium. Voir l'explication de la fig. 1, p. 32. BACTERIES A ENDOSPORES 39 res. Souvent, il s'écoule à peine quelques heures entre le moment où la germination a commencé el celui où la végétation est en pleine activité. (Voir fig. 2, h-m.) Au moment où la premiere cel- lule est sur le point de se former, on voit souvent une pelite partie de la membrane se détacher de la sur- face extérieure de la spore, mais êlre recouverte aussitôt par une couche gélatineuse quiformera l'ex- lérieur de la membrane de la nou- velle cellule. Suivant les espèces, la membrane se détache ainsi en long ou en travers dans la partie mo- venne. Le premier cas est fourni, d’après Prazmowski, par le Dacillus pig. 3 (1). amylobacter et par quelques autres espèces. Le se- cond se rencontre chez le Bacillus megaterium (fig. 2) I; A. Bacı..vs aNrurAcIS. — Deux filaments, dont une partie est en train de former des spores. — En haut deux spores müres, mises en li- berté. — Préparation sur le porte-objet dans une solution d'extrait de viande. — Les spores remplissent presque complètement la cellule- mère, dans le sens transversal. B. Bacırrus sugrilis. — 1. Portion de filament avec spores müres. — 2, Début de la germination d'une spore : la membrane externe est dé- chirée transversalement. — 3. Bätonnet jeune sortant de la spore, dans sa position ordinaire, sur le côté. — 4. Premier bâtonnet recourbé en fer à cheval et devant libre plus tard à l’une de ses extrémités. — 5. Bätonnets du stade précédent recourhés encore à leurs extrémités. Grossissement 600 fois. 40 LEÇONS SUR LES BACTERIES el le Bacillus subtilis (ig. 3, D). Cette division lrans- versale se produit dans toute la largeur et la mem- brane forme deux espèces de capuchons aux deux extrémités de la cellule. Ou bien, les deux moitiés restent adhérentes d’un eôlé et la cellule nouvelle est obligée de sortir de la spore par une ouverture qu'elle se fait latéralement (fig. 2, 4, /). La membrane qui se détache ainsi est en grande partie très mince et pâle. Chez le Bacillus subtilis, elle conserve quelque temps l'éclat et la ligne sombre qui caractérisent une spore non germée, de sorle qu'il faut, probablement, attribuer à la membrane seule ces deux aspects particuliers. Puis la mem- brane se gélifie, plus ou moins tard, el échappe enfin à l'observation. La gélificalion très précoce peul se produire el voiler complètement la déchirure de la membrane, dans la spore, au moment de la germinalion, par exemple chez le Bacillus megaterium ; elle se fail plus tard chez d’autres. Enfin, dans d’autres espèces, lelles que le Bacillus anthracis, on n'a pas pu voir la membrane se fendre pour laisser passer le prolo- plasma de la cellule nouvelle. La croissance en longueur de la première cellule, à la germinalion, se fail toujours dans la direction même du grand diamètre de la spore, qui est aussi le grand diamètre de la cellule-mère. C’est ce qui se passe aussi chez le Bacillus subtilis (fig. 3), bien , BACTÉRIES A ARTHROSPORES Hl qu'au premier abord, ilsemble ne pas en être ainsi. L'ouverture lransversale faile dans la membrane de lasporelaisse passer, d'habitude, Le premier bourgeon proloplasmique qui formera la cellule, de telle sorte que le grand axe de ce bourgeon, en forme de bâlon- nel, se trouve à angle droit avec celui de la spore. in réalité, il n°v a pas là de contradiction et il ne s'est pas produit de changement dans le sens où se fait l'accroissement : mais le bourgeon inilial, après avoir atteint une cerlaine longueur, fait brusque- ment un coude à 90° de sa première direction el semble ainsi sortir à angle droit avec l'axe de la spore. Apparemment, ce changementde direction est dû à la résistance qu'éprouve le protoplasma de la part de la membrane fortement élastique et qui n’est percée que vers l'un de ses côlés. Quand la croissance est trop rapide, on peul voir les deux extrémités du jeune bätonnet venir buler contre la membrane el sa partie médiane se courber alors en are pour sortir par l'ouverture qui lui est offerte. Ce n’est que plus lard, quand la division et la séparation en bâtonnels se sont quelque lemps poursuivies, que ceux-ci s’ac- croissent suivant la longueur même de la cellule. La formation des spores que nous venons de dé- erire est une formation endogene, c’est-à-dire se produisant à l’intérieur des cellules végélales. Elle différencie profondément les formes endosporées d’autres Bacleries que nous avons appelées Bacté- 42 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES ries arthrosporees. Ce nom indique que des portions isolées de l'ensemble des cellules végétatives, peu- vent directement, sans une formation endogène préalable, acquérir toutes les propriétés des spores, c’est-à-dire donner naissance, après s’elre séparées de tout le reste, à une nouvelle génération de cellules végélalives. Dans la plupart des lypes que nous avons en ce moment en vue, il est plus ou moins facile de trouver une différence morphologique réelle entre les cellules végétalives et les spores. Dans quelques autres, celle distinction est complètement impossi- ble, du moins, dans l’état actuel de nos connais- sances. Des exemples de ces sortes de Bactéries nous sont fournis par un type que nous avons déjà vu, le Leuco- nostoc el par le Bacterium Zopfü, Kurth. Le premier, d’après la description de M. Van Tie- ghem, consiste en une série depetites cellulesrondes, arquées, en forme de chapelel, entourées par une masse considérable de gélatine compacte et réunies en grand nombre en Zooglées (fig. 4, a, 4). A la fin de la vegelalion, el après l'épuisement de toute la nourriture, une grande partie des cellules meurt. Quelques cellules, irrégulièrement situées, depas- sent de beaucoup les autres en grosseur, prennent des contours plus accusés, leur membrane devient plus compacte, leur proloplasma plus sombre (ec). Enfin elles sont mises en liberté par liquéfaction de BACTERIES A ARTHROSPORES 13 l'enveloppe gelalineuse. Elles peuvent désormais prendre le nom de spores, et ce nom est justifié par ce fait que, placées dans un milieu nutrilif, ces PACE PARUS % \ © J — 3 EN d a r ga ( « SPP d @) ) ; x 4 = ° o e ce 2 0,0900 LEUCONOSTOC MESENTERIOIDES.— D'après M. Van Tieghem, Ann. sciences nat. 6e serie. Tome 7; — a. Aspect d'une zooglée de grandeur natu- relle ; — b-i. Grossissement 520 fois. 5. Coupe dans une zooglée adulte, avant le début de la formation des spores. e. Filaments avec spores, à un âge plus avancé. 4. Spores isolées, müres. e-i. Stades successifs de la germination de spores dans un milieu nutritif.—Les lettres in- diquent la suite des stades successifs. En e, à la partie inférieure, on voit deux cas où la membrane de la spore est gonflée et se détache par un contour sombre du reste de l'enveloppe gélatineuse — 7. Par- ties provenant de h où le Leuconostoc s’est découpé en plusieurs fragments qui se sont séparés ensuite. cellules germent et produisent des chapelels, sem- blables aux chapelets primitifs (4-4). Le Bacterium Zopfü a été d’abord trouvé par Kurth dans l'intestin des poules et cultivé ensuite, soit dans de la gélatine, soit dans des liquides de cullure appropriés. Placée depuis peu de temps dans le substratum, la Bactérie commence d’abord par former des bälonnels. RS En LECONS SUR LES BAGTERIES Dans la gélaline, les bätonnels restent unis en gros lilaments souvent pelotonnés. Dans les liquides, ils ne peuvent se développer qu'à une température dé- passant 35° el ne forment alors que des filaments 30% courts el immobiles; à 20° les filaments se 2% $ séparent en bâlonnets doués de mouve- * ment. A la fin de la végétation, quand le Fig. 5(1). substralum est « épuisé », les bälonnels se Iransforment en articles courts el arrondis que l’on peul désigner sous le nom de spores, car les artieles peuvent se développer, dans un substratum renou- velé, en bätonnels et en filamentis. Quoiqu'ils soient formés d'articles plus nombreux e! plus variés, on doil ciler iciles Crenothrir, les Cla- dothrir, les Beggiatoa, ele. que M. Zopf a déerits. Nous y reviendrons plus loin dans la huitième Leçon. Des exemples d’autres formes, les plus simples de loutes, d'après ce que nous en savons acluellement, se rencontrent dans les organismes que l’on a dé- crits sous le nom de Wicrococcus (fig. 5). Chaque cellule végétative peut, à un moment quelconque de son existence, donner naissance à toute une série nouvelle de cellules : on ne peut essayer d'apprécier ici une différence spécifique entre des ‘spores el les cellules végélatives. 1) Micrococcus UREAE. Conx. — Dans de l'urine en fermentation. — Cellules isolées et files de cellules (Streptococeus). — Grossissement 1100 fois. 1 BACTÉRIES A ARTHROSPORES 4.) La distinction que nous avons faile entre les Bac- teries endosporées etles Bacleries arthrosporées est rendue nécessaire aujourd'hui par l’état actuel de nos connaissances. Cette distinction est-elle légitime el sera-t-elle durable? C'est ce que nous ne pouvons dire pour l'instant. Nos connaissances sont à ce point incomplètes, que nous avons encore à trouver, d une parl, les formations endogenes dans des Iypes où nous ne la connaissons pas et, d'autre part, nous ne pouvons affirmer si des faits nouveaux ne viendront pas montrer la vanité de la délimitation, peut-être trop tranchée, que nous posons actuellement. IV: LECON DE L'ESPÈCE. — NÉGATION D ESPÈCES DISTINCTES. — INSUFFISANCE DES RAISONS QUI LES ÉTABLISSENT. — MÉTHODE DE RECHERCHES. — PARENTÉS DES BAC- TERIES. — LEUR PLACE DANS LA CLASSIFICATION. Après avoir appris à connailre, dans ses lraifs principaux, le développement des Bacléries, il nous reste à aborder celle question, si souvent discutée, de savoir jusqu'à quel point on peut affirmer que les Bacleries offrent ce qu'on appelle, en histoire natu- relle, des différences spécifiques, jusqu'à quel point elles forment des Especes distinctes. On sail que les Espèces se distinguent par leur mode de développement. On donne le nom d'Æspèce à l'ensemble des individus et des généralions qui, pendant tout le lemps qu'on peut les soumettre à l'observation, présentent, dans des limites de varia- lion définies empiriquement, une évolution toujours semblable, et se répélant périodiquement. Nous dé- finissons par le mot d'évolution l'ensemble des formes + { DE L'ESPÈCE A successives que présente un être vivant, dans les dif- férents stades de son développement complet. Ces formes sont les signes qui nous permettent de recon- naître et de distinguer chaque Espèce. Chez les plantes et les animaux supérieurs, on est habilué à demander l'existence de ces signes distinctifs, à un seul caraclere, en particulier à celui qui peul le mieux les définir. C'est ainsi que l'oiseau se reconnail aux plumes bien mieux qu'à l'œuf, par exemple. Cette réduction dans le nombre des signes nécessai- res à la distinction est précieuse, lorsqu'il existe un stade de développement assez important pour ren- dre inutile la considération de tous les autres. Les choses ne sont pas loujours aussi faciles à con- sidérer. Plus un organisme est simple, plus il est nécessaire, pour le caractériser et le distinguer des aulres, de prendre un plus grand nombre de stades du développement; plus il est utile de considérer même le développement tout entier de l'espèce el, pour continuer ma comparaison, de suivre l'oiseau depuis l'œuf d'une première génération jusqu’à l'œuf de la génération suivante. Si l’on est assez heureux pour trouver, en chemin, un caractère qui, à lui seul, peut nous suffire, c’est une bonne fortune très commode et qu’on n’a garde de négliger; mais il ne faut pas trop se fier à l'infaillibilité du procédé. L'expérience a appris que les espèces différentes se comportent très différemment dans les stades suc- 48 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES cessifs qui amènent leur complet développement. Chez les unes, les m&mes formes reviennent succes- sivement, avec des varialions individuelles sans im- porlance. C'est ce que nous pouvons appeler des es- pèces uniformes. La plupart des plantes et des ani- maux supérieurs en fournissent des exemples bien connus. Il en est de même de beaucoup d'êtres infé- rieurs res simples. Si peu que l’on ait l'habitude de l'observation scientifique, on peut facilement les distinguer, même en ne connaissant qu'une partie seulement de ce qui constitue tout leur ensemble. C'est ainsi qu'une seule feuille de marronnier d'Inde suffit pour nous faire reconnaître l'arbre dont elle est détachée. Les autres espèces sont polymorphes. Elles peu- vent, dans des organes de même nom, prendre des formes très différentes, soit par l’action de causes extérieures connues el qu'on peut expérimentale- ment faire varier à volonté, soit par l’action de causes internes qui ont échappé jusqu'ici à toute analyse. C'est ainsi qu'à côté des marronniers d'Inde dont nous parlions tout à l'heure, une espèce de mürier donne, sans suivre une marche bien fixe, des feuilles très inégales ; les unes simples en forme de cœur, les autres profondément divisées et lobées. Une seule de ces dernières ne permet pas de recon- nailre l'espèce, sion n'a pas, en même temps, devant soi, les premières. L'ESPÈCE CHEZ LES BACTÉRIES 19 Quant aux plantes inférieures, il ne leur est pas nécessaire, pour présenter cette polvmorphie, d’ap- partenir aux êtres les plus petits et les plus simples, comme le sont les Bactéries. Souvent des plantes complexes sont polymorphes au plus haut degré. Beaucoup de Champignons élevés en organisation comme les Mucors, beaucoup d’Algues vertes comme le curieux Bofrydium granulatum (1), sont des exem- ples frappants de ces phénomènes. Bien plus, dans ces plantes il ya ceci de remarquable que souvent, les parties successives de tout l’ensemble ne res- lent pas unies entre elles par des liens Ires dura- bles, comme chez les feuilles de mürier, mais se s6- parent les unes des autres et vivent chacune d'une vie propre. Quand on rencontre une seule de ces parties ainsi isolées, on est aisément tenté de juger comme on le ferait pour le marronnier el l'on arrive à commettre des erreurs capitales du nombre de celles que l’on pourrait si souvent ciler en histoire naturelle. Si, au contraire, on a le soin d'observer comment chaque forme particulière se développe el d’où elle provient, on en conclut facilement, pour loutes ces formes en apparence élrangères, une marche semblable, une même origine el un même retour à un point de départ identique. (1) Dans la leeon professée, tous ces exemples ont été plus compli- tement expliqués; nous ne pouvons que renvoyer à la Bibliographie pour de plus amples détails. (Note de l'auteur) ES DE BARY, 50 LEGONS SUR LES BACTERIES Ainsi les especes polymorphes different des es- peces relativement uniformes, par un développement à stades plus variés, plus tranches; mais les pyo- prietes de l'Espèce ne s'appliquent pas moins aux unes qu'aux autres. Pour ce qui regarde les Bacleries, on peut sou- lenir à leur sujet deux opinions extrêmes très diffe- rentes. Pour les unes, elles se comportent comme les èlres qui ne sont pas des Bactéries, comme les autres plantes et les animaux, elles se divisent nettement en Espèces. Celle opinion ne soulevait pas la moin- dre objection pour les anciens observateurs, depuis la première découverte des Bactéries par Leeu- wenhoek en 1722 (1) jusqu'au commencement de l’année 1870 où Ferd. Cohn a entrepris des travaux très étendus el très complets sur ces petits êtres (2). En suivant les idées de ceux qui Pavaient précédé, en particulier celles d'Ehrenberg (3), M. Cohn cher- cha à classer d’une manière générale les formes qui lui étaient connues et celles que d’autres avaient déjà signalées. IT s'agissait de mettre dans les travaux nombreux qu'il fallait revoir à nouveau, un ordre au moins provisoire; pour cela, il était nécessaire ou (4) Leeuwenhoek. — Experimenta et contemplationes, Delft. (2) F. Cohn. — Unters. über Bacterien. La suite dans Beitr. zur Bio- logie der Pflanzen. Vol. I. 2e fascicule, p. 127. (3) C. G. Ehrenberg. — Die Infusionsthiere als vollk. Organismen. Ber- lin, 4838 et sq. NÉGATION D'ESPÈCES DISTINCTES 1 plutôt il élait permis d'admettre par avance une hypothèse, qu'on aurait dü, tout d’abord, vérifier aveg soin, d'après laquelle chaque forme distinele répond toujours à une espèce dislinele. Les Espèces furent donc distinguées, puis classées, d'après leur aspect, leur forme végétale el aussi d'après leur action sur le milieu nulrilif. Les formes végélalives analogues à celles que nous appelons un arbre, un buisson, recurent les noms dont nous nous sommes servis Jusqu'ici de Micrococcus, de Spiril- lum, de Spirochete, ele., el servirent à désigner ce qu'on nomme des Genres en hisloire naturelle, comme le sont le Poirier, le Chälaignier, ete. — C’est ce qu'on pourrait appeler des genres créés d’a- près la forme seule. Ces genres el ces espèces « d'après la forme » correspondent-ils aux genres et aux espèces que l'on trouve réellement dans la nature? C’est une ques- tion que M. Cohn a expressément laissée de côté el qu'il a réservée pour des études ultérieures. En opposilion avec la classification provisoire de M. Cohn et les idées sur lesquelles elle s'appuvail, d'autres auteurs mirent complètement en doute l'existence d'espèces distinctes sur les Bactéries. Dans celle seconde théorie, les formes que l'on observe proviennent les unes des autres par une série de varialions successives el peuvent passer de l'une à l’autre par des changements survenus dans 22 LEGONS SUR LES BACTÉRIES les conditions vilales. Ces changements qui, dansle sens strict du mol, ne peuvent entrer en ligne de comple actuellement, se manifestent plulöl par une action variable sur le milieu nutritif. Cette Théorie reçut un important développement, en 1874, dans un gros livre de M. Billroth (1) qui réunil toules les formes qu'il avait étudiées, el elles sont nom- breuses el variées, dans une espèce unique à la- quelle il donna le nom de Coccobacteria septica. La même manière de voir est adoplée depuis 1877 par M. Nægeli (2) el son école. Cependant M. Nægeli exprima son opinionen y apportant, jusqu'à un cer- lain point, des réserves el de la retenue quand il dit qu'ilne voit aucune nécessité de diviser les milliers de formes de Bacléries, qu'il a pu observer, en deux espèces seulement. Il est done pour le moins préma- luré d'avoir une opinion bien arrèlée sur un sujel qui réclame encore lant de recherches. Mais d'un autre côlé, M. Nægeli va jusqu'à dire: Si mon opinion est juste, la même Espèce prend, dans la suite des généralions, successivement des formes différentes, variables, morphologiquement et physio- logiquement dissemblables. Dans le cours des années ou des siècles, l'une de ces formes acquiert la pro- priété de produire l'acidilé du lait, une autre de faire de l'acide butvrique dans la choucroute, une troi- 4) Billroth. — (oerobaeteria septiea. Berlin, 1874. 2) Niegeli. — Die niederen Pilze. Munich, 1871. DISTINCTION DE L'ESPÈCE Da sième de gäler le vin. Enfin l’on en voit d'autres qui allèrent l’albumine, qui décomposent l'urée, qui colorent en rouge les malières alimentaires conte- nant de l’'amidon. Les mêmes formes donnent le ty- phus ou la fièvre récurrente, ou le choléra, ou la fièvre intermittente. Celte Iheorie demande à ètre examinée de près. L'intérêt public, pour ainsi dire, réclame en tous cas une réponse décisive à la question de Espèce qui nous occupe. Pour la médecine, par exemple, il n'est nullement indifférent de savoir si, réellement, un organisme, se trouvant dans le lait caillé ou les autres malieres-alimenlaires, el inoffensif à cet état, ne changera pas de forme, à un moment donné, pour venir engendrer le typhus et le choléra. D'un autre côlé, l’intérêt scientifique proprement dit exige aussi une réponse à cette question st imporlanle. Or, il est possible d'affirmer, des à présent, que les recherches faites sur les Bactéries permettent de prévoir la solution du problème et que la diffi- eulté n'est pas plus grande pour savoir s'il y a des espèces distinctes, que dans loul autre exemple choisi parmi les êlres mieux connus. Les Espèces peuvent toujours se distinguer faci- lement, quand on a bien soin de suivre loule leur evolution. Beaucoup de types suivis ainsi par MM. Brefeld, Van Tieghem, Koch, Prazmowski se sont monlres relativement uniformes. 531 LEGONS SUR LES BAGTERIES Is montrent ordinairement, dans les divers stades de leur développement, une assez grande régularité de forme, de croissance el de groupement. D'autres sont, sur ce point, plus variables. Ils manifestent une polymorphie complexe à un degré plus ou moins élevé. Un bon exemple de {ype uniforme se trouve dans le Bacillus megaterium dont nous avons éludié plus haul les endospores. Nous avons vu que la spore donne naissance à un premier bälonnel mobile qui, par divisions successives, produit loule une suile de générations en bâlonnels, jusqu’à ce qu'on revienne ala formalion des spores. (Voir fig. 1.) Le Bacillus subtilis se comporte un peu différem- ment, dans les conditions normales de culture, au milieu d'un liquide. Les générations provenant de la spore donnent naissance à des bâtonnets mobiles dans le liquide : mais ceux qui proviennent de ces premières générations restent réunis en longs fila- ments : 1ls sont dénués de mouvement el se tiennent, à la surface du liquide, groupés en un voile formé de Zooglees, comme nous l'avons dit plus haut. C'est à cet elat qu'apparaissent les spores. Il y a done ici une multiple alternance de forme, on peut dire une double alternance ou, si l’on compte les spores, une triple alternance qui se produit régulièrement entre une généralion de spores et la suivante. Chaque fois, les rapports particuliers de grandeur et de forme DISTINCTION DE L'ESPEGE DD restent les mêmes, dans des limites de varialions parfaitement définies. Ces varialions, se faisant dans un sens bien déterminé, se produisent avec les mêmes caracleres que partout ailleurs dans l’en- semble de l'empire organique. Il peut même exister des formes débiles parlieu- lières. C'est ainsi que j'ai vu le Bacillus Megaterium, placé dans des conditions nulritives défavorables, diviser en partie ses articles déjà très courts, les arrondir, après cette division, el former de la sorte des espèces de Mierocoques. En même lemps, il se produisait quelques autres formes anormales. La formation des spores ne se fil pas, ou commença à peine à se faire. Il suffit d'améliorer les conditions nutritives pour ramener ces formes débiles aux for- mes normales. Les espèces polymorphes sont surtout représen- lées par les espèces arthrosporées que nous avons déjà indiquées : les Crenothrir, les Beggiatoa (Voir Lecon VIII); les Begqiatoa en particulier produisent des Zooglées qui s'accroissent avec une rapidité extraordinaire el sont composées de formes droites el de formes spiralées mobiles. Malheureusement, la suite du développement, dans ces types, n'a pas élé assez complètement observée ni très clairement exposée. On ne peut décider, dans ce cas, si la poly- morphie, en apparence si irrégulière, ne provient 56 | LEÇONS SUR LES BACTÉRIES pas de ce qu'on a confondu et étudié à la fois plu- sieurs espèces en réalité moins polymorphes. Le lecteur qui se trouve mêlé de loin à ces re- cherches el à l'objet de ces controverses, deman- dera, sans aucun doute, comment il peut se faire que l'on ail deux opinions aussi différentes : l’une qui nie l'existence d’Especes distinctes, l’autre qui l’admet. Je répondrai que celte extrème divergence a son origine dans les différences, je dirai même, dans les défauts de la méthode de recherches. Je n’entends pas par méthode ce qu'on entend quelquefois par ce mol, à savoir les moyens techniques et l'habileté pratique dansles recherches, mais, dans un sens plus large, je désigne parle terme de méthode la manière même de poser la question el de tirer les conséquen- ces de ce l’on a observé. L'Espèce, nous l'avons déjà dit el nous le répétons encore, ne peut être distinguée sûrement et ne peul être sûrement définie que par la marche tout en- tiere de son développement, ce qui signifie par le développement successif des formes se faisant suile l'une à l’autre. Celles qui viennent plus tard naissent de celles qui sont venues plus tôt el sont des parties de ces premières. Elles sont donc avec celles-ci, à un moment quelconque, dans une continuité ininler- rompue, même quand elles arrivent plus tard à s’en séparer. On ne peut donc démontrer qu'une forme appartient à l'un des stades d’un certain développe- DISTINCTION DE 1. ESPEGE | 97 ment qu'en démontrant, au préalable, sa conlinuile avec loules les formes de ces stades. Toute autre tenlalive d'établir la place que doil occuper une forme donnée dans la vie de l'Espèce, sera illusoire. Les observations les plus précises el les plus par- faites des formes qui se succèdent en un même point, l'hypothèse d’un développement basée sur des com- paraisons el des analogies, si justes el si ingenieuses qu'elles puissent être, tout cela ne donnera aucun résultat, car on sera parti d’un principe logiquement faux. Je vais ciler un exemple qui éclaircira ma pensée. Nous reconnaissons une espèce de blé à sa graine, à son chaume, à sa feuille, à ses fleurs et à ses fruits, el nous savons que ces différents organes se succè- dent les uns aux autres. L’observalion nous a seule appris ce fail que chacune de ces parties lire son origine des précédentes. C'est là ce qui nous fait dire qu'un grain de blé appartient au blé, à la plante, quel que soit le point où on le trouve, qu'il soit ra- massé à terre ou pris dans le grenier. Nous savons de même que le chaume et la feuille appartiennent au grain parce que nous les avons vus sortir de ce grain, el non pas parce qu'en semant du blé sans un champ, on y voit pousser plus tard des tiges de blé. Car en ce même lieu où le blé a élé semé, on peul voir pousser de l'ivraie, par exemple. Cette considération semble triviale : la distinction DS LECONS SUR LES BAGTÉRIES paraît être toute naturelle et elle l'est en effet. Mais on ne saurail {rop avoir cel exemple présent à l’es- pril : on ne cesse de pécher contre la logique, mal- gré toutes les précautions, et une foule de confu- sions doivent de s'être produites à des erreurs de celle sorte. L'exemple dont nous nous servions tout à l'heure va nous servir de nouveau à l'appui de notre thèse. Ivy a à peine quarante ans, on affirmail encore que loules les mauvaises herbes naissaient du grain de blé el il se (rouvail des gens, d'ailleurs instruits el in- lelligents (1), pour croire la chose possible, puisque, disaienl-ils. les mauvaises herbes viennent dans le lieu même où l'on n'avait semé que du blé. Pour peu qu'on prit la peine d'examiner « ce lieu même », on lrouvail que le grain de blé n'avait produit que du blé ou n'avait rien produit du tout et que livraie provenait de grains d’ivraie qui étaient là précédem- ment : partout où cette ivraie avail poussé en place du blé ou en mème temps que lui, cela tenait à ce que sa graine s’elail trouvée d'une manière quel- conque au même lieu que le grain semé. Plus les formes deviennent simples et petites, plus il devient difficile d'appliquer logiquement notre méthode, et plus il faut y apporter d'attention. Dans les formes peliles composées de cellules séparées el (4) Fornschuch. — In Flora od. Bot. Zeitg. Regensburg, 1848. DISTINCTION DE L'ESPÈCE 5) fort peu caractéristiques, comme beaucoup de Cham- pignons inférieurs et comme les Bactéries elles- mêmes, il faut commencer par voir avec soin, si la semence primitive ne contient qu'une seule espèce ou en contient plusieurs. C'est ce dernier cas qui se présente le plus fréquemment. Les milieux où l’on prend les semences que l’on veut éludier, conlien- nent souvent différentes espèces croissant les unes à côlé des autres et les unes au milieu des autres. Pendant l'expérience, des formes inattendues peu- vent sintroduire dans les cultures, apportées sou- vent avec les grains de poussière, el quand on pense avoir une récolte bonne et bien pure en apparence, il se {trouve qu'on a, en même temps, toute une foule d'espèces étrangères, que l'on peut appeler des ivraies microscopiques. Quand tout s'accroît dans les mêmes proportions, la distinction reste encore relativement facile et le mélange devient aisément manifeste. Mais les cho- ses peuvent se passer autrement el l'expérience montre qu'il en est le plus souvent ainsi. L'une des espèces grandit bien, dans certaines condilions, une autre croit mal ou pas du tout. La plus favorisée prend le dessus sur celle qui l’est moins et l’opprime jusqu’à en amener la complète destruction. Au mo- ment de l'examen, il peut se faire que l’on n'ait que de l’ivraie à la place du bon grain. Et cette substi- lution peul se faire très vite. Nous verrons plus 60 LEGONS SUR LES BACTERIES lard que certaines Bactéries, placées dans des con- ditions favorables, peuvent, en moins d'une heure, doubler le nombre de leurs cellules. D’autres, se (rouvant dans de mauvaises conditions, même quand elles sont seules dans le milieu, peuvent diminuer en quelques heures el disparaitre lout à fait. Il suf- lit donc que le hasard réunisse deux espèces telles que celles-ci pour qu'on voie, en un temps très court, le mélange primitif changer complètement de na- lure. Il est certain que de pareilles difficultés, loin de détruire notre principe, ne font que lui donner plus de force. Ceux qui nient radicalement l'existence de l'Espèce, comme M. Billroth et M. Nægeli, n'ont en réalité jamais entrepris de vérifier par l'observation directe ce que nous avons appelé « la continuité du développement » : done leur négation de lEspèce n'est plus justifiée. M. Billroth a, ıl est vrai, exa- miné avec beaucoup de soin el comparé entre elles les différentes formes; mais il n'a jamais contrôlé, sans interruption, les changements qui se produi- saient dans ses préparations ou dans ses cullures : ou s'il l'a fait, c’étail au bout d’un temps plus ou moins long et pendant qu'il interrompail ainsi ses observations, il pouvait s’elre passé une foule de changements inconnus. M. Nægeli, c'est du moins ce qui ressort de ses publications, n’a jamais examiné les formes diverses DISTINCTION DE L'ESPÈCE 61 de bien pres. Il appuie ses conclusions, mème ses conclusions de morphologie, sur des observalions, nullement morphologiques, des phénomènes de fer- mentation qu'il considère en général. Cilons un exemple de sa manière de faire. M. Nægeli remar- que que le lait devient aigre par le repos, quand il n’est pas cuil et amer quand il est cuit (1). Il sait que le premier phénomène est dû à une Bactérie. Le second, la formation du lait amer, devient pour lui la conséquence de la cuisson qui change l'action de cette même Bactérie; c’est, dit-il, « la transfor- « malion d'une certaine propriété fermentescible « d’un même Champignon en une autre. » Ainsi, il faut admettre, avant tout, que le lait frais contient une seule espèce de Bactérie. Pourquoi pas plu- sieurs, parmi lesquelles les unes se développent sur- tout avant la cuisson el les autres après, el n'est-ce pas la qu'il faut chercher la cause réelle des chan- gements dans le goût du lait? Telle n'est pas, pour lui, la question principale. C'est cependant l’expliealion qui ressort, en réa- lité, des nouvelles recherches de M. Hueppe (2). Parmi les nombreuses Bactéries qui se trouvent dans le lait, à l’état frais, c'est d’abord le Micrococcus lacticus qui se développe le premier, à une basse (1) Nægeli. — Niedere Pilze. — 1871, p. 21. 2) Hueppe. — Unters. über d. Zersetzung. d. Milch. Mittheil. aus dem Kais. Gesundheitsamte, IT, 188%. 62 LEGONS SUR LES BACTÉRIES lemperalure, el il aigrille lait en formant de l'acide lactique. La cuisson le lue, en épargnant les spores du Bacille de l'acide bulyrique, le Bacillus amylo- bacter, qui se trouve également dans le lait. C’est alors que le Bacillus amylobaeter y produit une fer- mentalion qui donne au lait un goût d’amertume. Un second exemple de ces erreurs nous est fourni par celle opinion, soutenue au laboraloire de M. Nægeli, que le Bacille des infusions de foin, le Bacillus subtilis, est identique au Bacille du charbon ou Bacillus anthracis. Les deux espèces ont en effet quelques points de ressemblance el les observations de M. Buchner ont donné quelques fails précis sur lesquels nous reviendrons dans notre douzième Lecon. Or, le signe le plus distinctif du Bacillus subtilis est la germinalion de ses spores que nous avons décrite, le bourgeonnement de la cel- lule germinalive hors de la fente produite dans la membrane de la spore el sa sortie perpendieulaire- ment au grand axe de la spore. D'autre part, le Ba- cille du charbon ne présente ancun de ces phéno- menes, d'après ce que M. Buchner dit lui-même. Mais comme il n'insisle nulle part sur ces differences, on peul se demander s'il a eu uniquement sous les Yeux le seul Bacillus subtilis. En lout cas, l'élude seule des diverses formes de Bacléries ne permet pas, lo- giquement, de donner une conclusion générale qui présente quelque raison d’être. DISTINCTION DE L'ESPÈCE 63 Les recherches plus atlentives des observaleurs ont peu à peu fait disparailre les erreurs existantes, depuis celles du blé jusqu'à celles des Bactéries, en passant par un nombre considérable de plantes grandes el petites. En général, on est arrivé à celle conclusion que la question de l’Espece doit se trailer de la mème manière, pour le moment, chez tous les èlres vivants. En particulier, pour les Bactéries, il reste bien à faire encore pour résoudre celle ques- lion el c'est à peme si nous pouvons aborder ce sujet. Ce sont des recherches plus précises, ai-je dit, qui ont donné des résultats. I faut que je complele ma pensée en ajoutant sur quels points ces recherches ont porté et sur quoi elles portent encore. Tout d'abord, il est à peine besoin de dire que les moyens de recherches proprement dits, les appa- reils, les procédés techniques, les réactifs, ete., se sont beaucoup perfeelionnes. Pour le sujet qui nous oceupe, il était d'une haute importance de pouvoir observer longuement ces petits organismes isolés, c'est-à-dire de suivre un seul individu, pendant toute sa croissance. Des cultures qu'on peut facilement contrôler au microscope, permettent seules d’al- teindre ce but. Il s’agit de fixer d'une manière du- rable el de suivre, dans une préparation microsco- pique, les diverses phases de la végétation d'une spore, d'un bätonnet. C’est ce que l’on obtient à l’aide de la chambre humide ; c’est un appareil dans 64 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES lequel l'objet microscopique, protégé contre la des- sicealion, peut être observé d'une manière continue dans les conditions favorables à sa croissance. Ces sortes d'appareils sont Ires nombreux : chacun d'eux a ses avantages el ses désavantages, suivant les circonstances el suivant chaque observateur. Ce n'est pas le lieu de décrire plus complètement ces appareils de laboratoire. - Le milieu dans lequel on doit placer les organis- mes soumis à l’observalion microscopique ou à la culture, est ordinairement formé par un liquide, à cause de la transparence que l’on obtient dans ce cas. En effet, des êtres vivants el souvent mobiles peuvent facilement s'y déplacer el S'y disséminer. Une con- dition très favorable à des observations continues est remplie quand on emploie un milieu transparent, permettant l'introduction des matières nulritives favorables au développement, et qui n’est pas fluide pour ne pas retarder ou même empêcher le déplace- ment des organismes dans lous les sens. Ces milieux sont fournis par la gélatine et les substances ana- logues. La gélatine a été employée pour la premiere fois, autant que je sache du moins, par Vitladini en 1852, pour cultiver des Champignons microscopi- ques (1). Elle a été reprise plusieurs fois depuis, en particulier par M. Brefeld. Enfin, c'est en 1873 4) G. Vittadini. — Della natura del caleino, Giorn. Instituto Lom- bardo t. III, 1852. r» PARENTES DES BANTÉRIES 65 que M. Klebs (1) l'a recommandée spécialement pour la culture des Bactéries ; et dernièrement, les cul- lures dans un substratum gélatineux ont été em- ployées par M. Koch. Après avoir donné un aperçu général de la mor- phologie et du développement des Bactéries, il nous reste à voir quelle est leur place dans la classifica- tion et leurs liens naturels de parenté avec les autres organismes. D'ailleurs, cette question n’a pour nous qu'un intérêt secondaire et nous la fraiterons très brièvement. Quand on compare la structure et le développe- ment des Bactéries avec ceux des autres êlres, les Bactéries arthrosporees concordent complètement, dans toutes les phases connues de leur vie avec les plantes qui appartiennent au groupe des Nostoca- cées, en donnant à ce groupe des limites précises. Les Nostocacées à chlorophylle sont placées à côté de celles qui sont colorées en bleu et en violet, et c'est pour cette raison seule qu'on doit les séparer des Bactéries qui n’ont pas de chlorophylle. Du reste, les Bactéries arthrosporées sont tout à fait, à d'autres points de vue, des Nostocacées sans chlorophylle. Leur structure, leur végétation, la formation éventuelle de leurs Zooglées, leur mobi- lité plus ou moins durable, mais très nette aussi chez (1) E. Klebs. — Beitr. z Kenntn. d. Mikrokokken. Archiv.f. Exp. Pa- thologie, t. I, 1873. DE BARRY 5 66 LECONS SUR LES BACTERIES les Oscillaires qui font partie des Noslocacées, tout concorde dans les deux groupes. Si l'on néglige l’ab- sence de chlorophylle dans l’un des groupes, il n'y a entre eux pas de différences plus considérables que celles qui existent entre deux espèces voisines d'une même famille. La description du Leuconostoc, que nous avons faite plus haut (voir page 43), expli- quera mieux notre pensée. Le nom donné au Leuconostoc vient de ce que celte plante est presque en tout point semblable aux es- pèces du genre Nostoc qui sont colorées en vert bleu et qui habitent l'eau ou la terre humide. Elle en diffère seulement parce qu'elle est incolore ou blan- chätre. Il faut ajouter, en outre, que la plupart des Nostocacées ont des cellules qui atteignent des di- mensions notablement supérieures à celles des Bac- léries. Enfin, les formes de ce groupe qui ressem- blent moins aux Bacleries, sont mises à côté d’autres formes plus élevées el dont la végétation n’est plus aussi simple. Les Bacléries que nous avons désignées sous le nom d’endospor6es, présentent des phénomènes sem- blables à ceux des Bactéries arthrosporées, jusqu’au moment de la formation des spores; mais elles ne se rapprochent d'aucun autre groupe d'organismes connus. C’est done aux Bacleries arthrosporées seules que nous devons les rattacher, provisoirement du moins. On à ainsi fait de l’ensemble des Bactcries PARENTES DES BACTÉRIES 67 un groupe qu'on a placé parmi les Nostocacées: c'est ce qu'on a appelé des Schizophytes. D'après cela, les Nostocacées à chlorophylle sont des Schizophytes- algues, et celles qui n'ont pas de chlorophylle, des Schizophytes-champignons ou Schizomycètes. Tout le groupe des Schizophyles se trouve isolé, jusqu’à un certain point, dans l’ensemble des classi- lications. On ne lui trouve pas de rapport Lres net avec les autres groupes, bien qu'il soit hors de doute que ces plantes, et,en particulier, les Nostocacées proprementdites, possèdentles propriétéscommrunes à toutes les plantes simples. Nous avons déjà vu qu'on nepeutguère les rapprocher des Champignons définis de la manière que nous avons indiquée, el placés à leur rang ordinaire dans la classification naturelle. Par conséquent, tout ce qu’on peut dire, c’est que les Bactéries forment avec les autres Schizo- phyles, un groupe de plantes inférieures el très simples. Ve LECON ORIGINE ET PROPAGATION DES BACTERIES. Pour pouvoir eludier le mode de vie des Bacléries, il nous faut, avant tout, chercher d’où elles viennent et comment elles arrivent aux lieux où nous les trou- vons. Si nous nous tenons purement aux résullals pré- cédemment acquis, d’après lesquels les Bactéries ne diffèrent pas des autres plantes, nous prévoyons, dès maintenant, que leur origine doit aussi être la même que celle de tous les êtres, c’est-à-dire qu'elles pro- viennent d'individus semblables à elles. L'expérience prouve qu'il en est ainsi en réalité; l’origine de l’or- ganisme peut être une spore ou toute autre cellule capable de végéter. C'est ce que nous appellerons, d’une manière générale, des germes. | Les germes de ces organismes, de ces plantes, sont en nombre infini. On peul dire, sans exagéralion, qu'ils couvrent la surface de la terre et le fond des eaux, dans des proportions qui échappent à tout PROPAGATION DES BACTÉRIES 69 caleul. Le nombre des plantes que l’on observe à l’état adulte ne peut donner que des indications in- complètes ou même nulles sur ce sujet: en effet, la quantité de germes qui proviennent d’une seule plante est toujours beaucoup plus considérable que celle des individus qui peuvent se développer dans l’espace très restreint que l’on observe. En général. on peut dire que la production et la propagation des germes se fait d'autant mieux chez les organismes, toutes choses égales d’ailleurs, que ces germes sont plus petits. Ils trouvent ainsi plus aisément la place el la nourriture nécessaires au développement et à la formation de germes nouveaux. Les conditions mé- caniques pour le transport de ces germes d’un point à un autre, sont aussi plus favorables, étant donnés leur volume et leur masse moins considérables. Ce qui précède explique la quantité énorme de germes qui appartiennent aux organismes inférieurs, surtout aux plantes, et dont le grand nombre cause toujours au premier abord un étonnement profond. Si l’on abandonne à elle-même de l’eau de puits, elle ne tarde pas à devenir verte, par suite du déve- loppement de pelites algues dont les germes étaient déjà contenus dans l’eau ou y ont été apportés avec la poussière de l’air. De même, un morceau de pain humide se couvre rapidement de moisissures dont il contenait les germes. Jai fait, il y a quelque temps, dans le cours de cerlaines études que j'a- 70 LEÇONS SUR LES BACTERIES vaisenlreprises, des recherchessur desSaprolégniées, gsroupe de champignons assez gros comprenant en- viron vingt-quatre especes, se developpanl dans l’eau, sur des cadavres d'animaux. J'ai trouvé que dans une eau quelconque, aussi bien l'eau de plaine que l’eau située dans la montagne à plus de 2,000 mètres d'altitude, une poignée de vase, prise au hasard, con- lenail foujours une ou plusieurs espèces du groupe que j'étudiais. La présence réelle de germes pré- existant dans {ous ces cas, se démontre à la fois à l’aide du microscope el au moyen d'expériences sur lesquelles nous ne tarderons pas à revenir. Comme les faits que nous venons de citer peuvent le faire prévoir, il y a, parmi les plantes microsco- piques, des espèces rares, d’autres plus communes, dont la propagation se fait peu ou beaucoup. Les mêmes principes doivent s'appliquer dans le cas d'organismes simples et dans celui d'organismes élevés ; le climat el les autres causes extérieures doivent agir également sur la propagation : ces cau- ses peuvent, il est vrai, pour les mêmes motifs que plus haut, avoir une influence bien moins considé- rable que dans les espèces inférieures. Mais les re- cherchesne sont pas assez avancées pour qu'on puisse s'étendre beaucoup sur ce sujet ni citer, comme arguments,un grand nombre de faits. Comme exemple de causes influant sur la vie des organismes, nous pouvons indiquer l'existence d’un PROPAGATION DES BAGTERIES nd pelit champignon à peine visible à l'œil nu, le Labou/- benia muscae qui vit à la surface du corps de la mouche domestique: mais il ne se trouve qu'à Vienne el, paraît-il, dans le sud-est de l'Europe. C'est en vain qu’onle chercherait dans nos contrées, dans le centre el l'ouest de l’Europe; jusqu'ici il a échappé à foules les recherches. On connait des cas plus nombreux de faits inver- ses. Nos moisissures les plus communes, le Penicil- lium glaucum, les Eurotium, sont répandues dans toutes les parties du monde el sous tous les climats. [Len est de même de beaucoup d'autres Algues el Champignons. Pour ce qui regarde les Bactéries, elles forment encore une regrettable lacune dans nos connaissan- ces générales sur les pelits organismes. Nous con- naissons encore trop peu leurs espèces, comme on a pu le voir, pour qu'il nous soit permis de présenter des données précises sur un grand nombre d’entre elles. On sail cependant qu'il existe quelques espèces relativement rares comme le Micrococeus prodigiosus des taches de sang, et le Bacillus megaterium. D'autres, au contraire, se lrouvent presque partout, comme le Bacillus subtilis, le Bacillus amylobac- ter, le Micrococcus ureae qui sont toujours sûrs de rencontrer partout les conditions nécessaires à leur existence. D'autres exemples se présenteront 72 LECONS SUR LES BACTERIES naturellement à nous dans la suite de notre travail. Si l’on nélient pas à indiquer les limites précises d'une espèce en particulier, on peut dire, avec la plus grande certitude, qu'on lrouve partout des germes capables de se développer. L'observation directe nous les montre dans le sol, dans l'air, dans la pous- sière, dans les eaux, et en si grande abondance qu'on s'explique facilement leur présence en lous les points où ils trouvent des conditions d'existence favorables. il y a un moyen simple d'arriver à se convaincre de ces faits el en même temps à se rendre un compte approximatif du nombre des germes qui existent dans un espace déterminé. Ce que nous dirons pour les Bactéries pourra nalurellement s'appliquer aux autres organismes inférieurs, Algues ou Champi- gnons. Les deux études peuvent se faire en même temps. Ce moyen consiste d’abord dans la simple observalion microscopique. Mais on est arrêté ici par des difficultés très notables. Les germes peuvent ne passe {rouver précisément dans l’espace très pelit qu'on examine : il faut les rechercher avec soin et c’estläun fravail extrêmement pénible, surtout quand il faut faire au fur et à mesure le comple des ger- mes que l’on voit. On à imaginé toutes sorles de procédés pour fa- eiliter ce travail. La méthodeingénieuse de M. Pas- leur, pour reconnaitre la présence des germes dans l'air, consiste à faire arriver l'air à l’aide d'un aspi- PROPAGATION DES BACTERIES 13 raleur et à le faire passer dans un tube fermé par un épais bouchon de fulmicoton. Le fulmi-coton laisse un libre passage à l'air qui se débarrasse en même temps des parties solides et, en particulier, des ger- mes qu'il lient en suspension. On comprend qu'on puisse faire passer ainsi une quantité d’air très con- sidérable dans un très court espace de temps. Le fulmicoton est soluble dans l’öther. On peut se servir de cette propriété pour ne conserver que les germes qu'il a retenus. Ils peuvent facilement, après cela, être soumis à l'observation et leur nombre peul en être aisément évalué. Le traitement par l’éther a l'inconvénient de tuer les germes. De plus, le microscope ne permet pas de reconnaitre avec certitude si l’on a affaire à des germes vivants ou morts. C’est précisément ce qu'il est important de déterminer. On y arrive par des procédés différents plus ou moins compliqués. Bien des recherches ont été faites dans ce sens pour avoir une méthode facile et sûre qui donnât à la fois tous les résultats qu'on pouvait désirer. L'une des meilleures est celle qui est due à M. Koch. M. Koch est parti de ce fait que la gélatine est un milieu très favorable pour le développement des Champignons et des Bactéries qui ne sont pas exelu- sivement parasitaires : il suffit d’y ajouter les élé- ments nutritifs nécessaires, préparés et choisis à 74 LECONS SUR LES BACTERIES volonté. On y introduil des proporlions connues de la substance soumise à l'observation, comme de la terre, un liquide, ete. La gélatine, convenablement préparée, est fluide à 30° environ; on la laisse se so- lidifier à une température plus basse. Il suffit, pour qu'elle « fasse prise », d'une température de 20° qui est en général favorable à la vie des organismes. La masse, ainsi solidifiée, a pour but de fixer chaque germe, en lui permellant de se développer, mais de se développer sur place seulement : car la propaga- tion dans tous les sens est rendue impossible, au commencement du moins, dans le milieu solide. Si l’on a eu le soin, au début de l'expérience, d’etaler la gélatine {transparente sur une mince plaque de verre, on peul suivre facilement, au microscope, le développement des différents germes et en faire au besoin le dénombrement. Quand on veut éludier les germes de Pair, il suffit de faire passer l'air, à l’aide d’un aspirateur, dans des tubes de verre, qu'on a enduits à l'intérieur d’une mince couche de gélatine. Les germes contenus dans l'air viennent en grande partie lomber sur la géla- line el s’y fixer pour se développer ensuite. L'expé- rience réussit parfaitement quand on a le soin de régler convenablement la vilesse de passage de l’air introduit. Quand ces expériences sont bien faites el qu'on évite l'introduction d’impuretés étrangères, onne tarde pas à obtenir sur la gélatine des groupes PROPAGATION DES BACTÉRIES 75 distincts de Bacléries ou de Champignons, elc. Chaque groupe ainsi formé doit son origine à un seul germe, ce qu'on peut aisément vérifier avant le développement, ou quelquefois à toute une masse de germes préalablement existants et qui ont été dé- posés en un même point. Il est évident que cette méthode peul, théorique- ment, donner le résultat cherché, d’une manière simple et précise. Cependant, cerésullat est, en réa- lité, toujours approximatif, puisque l'expérience ne donne, en principe, aucun renseignement sur le nombre degermes qui se sont développés parmi tous ceux qui sont capables de le faire. Rien ne dit que, parmi ceux qui se sont fixés sur la gélatine, lous se soient réellement développés ou que Fair en passant les ait tous déposés. Une autre expérience, dans la- quelle on pourrait se mettre à l'abri de ces diverses causes d'erreurs, en n’employant pas la fixation des germes, ne semble guère pralicable. — En tout cas, on ne l’a pas encore imaginée. Il fautajouter quele procédé de culture de M.Koch, dans la gélaline, est encore celui qui donne les meil- leurs résultats : le choix et la répartition des Bacié- ries, enculturesisolées,sont rendus ainsitrès faciles. Tous les groupes, issus d’un seul germe, sont forcé- ment très purs. On peut en obtenir à volonté des quantités tres considérables : pour cela, il suffil de prendre, dans un groupe, une parcelle aussi petite 76 LEGONS SUR LES BACTERIES que l’on veut, sur la pointe d’une aiguille. En dissé- minant celle quantité si pelile dans une grande masse de gélatine, la séparation des Bacleries se fait d'elle-même et les germes capables de se déve- lopper sont ainsi isolés. Les groupes qui en pro- viennent sont naturellement d’une grande pureté. D'autres expériences {trèsnombreusesontélé faites dans ce sens, d'après les mêmes principes, mais peut-être avec des méthodes et des dispositions moins parfaites. Nous ne les décrirons done pas plus lon- suemen!. Les pluscompletes, sur la répartition des sermes dans l’eau et dans l'air, sont faites actuelle- ment par M. Miquel, à l'observatoire météorologique de Montsouris, à Paris; elles sont continuées pen- dant lout le courant de l’année (1). L'ensemble de tous ces travaux a donné des résul- {als dont une grande partie a déjà été exposée tout à l'heure. Ils ont montré un fait qu'on pouvait pré- voir a priori, c'est que lenombre des germes vivants est fort variable suivant les lieux, le climat, la saison, toutes choses égales d’ailleurs. Dans une série d'expériences, faites dans le pare de Mont- souris, on recueillit des germes de l'air, à l’aide d'un aspirateur, sur des plaques de verre enduites de gélatine mélangée à une dissolution de sucre de raisin. La quantité de germes de Champignons ou de (1) Annuaire de L'Observaloire de Montsouris. Depuis 1874 et en par- tieulier depuis 1879. PROPAGATION DES BACTÉRIES 77 Bactéries vivants ou morts varıa, en décembre, de 0,7 à 0,9 et, en juillet, monta à 43,3 par litre d'air. Des analyses tres précises ont été faites dernière- ment par M. Hesse, au moyen de l'aspirateur el avec des plaques de gélatine. Elles ont donné par litre d'air, pour les germes capables de se développer, les proportions suivantes : Ar Salle d'hôpital à 17 lits Bactéries, 2,40; Champignons, 0,4. 2me Salle _ a 18 lits — 11,00; — 1,00 ire Etable d'animaux (ser- ice dersanté) 20.122 _ 58 ; —— 3.09 DRERPADIO 2522 mes _ 222: — 28 L'air de Berlin contient 0, 1 à O0, 5 de germes par litre, les Bactéries et les Champignons étant à peu pres dans d’egales proportions. Pour les eaux, M. Miquel donne les chiffres sui- vants : Eau de pluie recueillie.............. 35 par centimètre cube aude danVanne:L :.:... 210400 es. 62 — Eau de Seine en amont de Paris.. . 1400 = Eau de Seine en aval de Paris...... 3200 _ Pour le sol, les évaluations numériques font défaut. On peut dire d’une manière générale qu'une pelile pincée de terre, prise à la surface du sol et semée dans de la gélatine, contiendra sûrement une masse considérable de Champignons et de Bactéries. Mais, dès qu'on dépasse une certaine profondeur, la pro- 78 LECONS SUR LES BACTÉRIES portion des germes diminue très rapidement; c’est ce qui ressort de quelques expériences de M. Koch failes en hiver (1). Une question qui présente un intérêt considérable, est celle de l’existence des germes dans les orga- nismes vivants, pris dans l’état de santé. Tout ce que nous avons dit montre surabondamment qu'ils doi- vent exister en quantités considérables à la surface extérieure de l’organisme. L'expérience le vérifie ai- sément. Les plantes supérieures leur donnent pro- bablement accès par les ouvertures qui se trouvent sur leur épiderme, par lesstomates en particulier. Ils peuvent ainsi pénétrer jusqu'au tissu cellulaire interne. Cependant ces derniers faits, entre autres, ne sont pas assez certains pour ne plus donner lieu à des recherches précises. Les animaux, surtout les animaux à sang froid, les laissent pénétrer, même quand ils sont bien portants, par les voies digestives et les voies respiratoires. Ce sont la des chemins toujours ouverts pour les germes contenus dans l'air et dans les aliments. Aussi la bouche et le canal digestif tout entier sont-ils, chez l’homme et lesani- maux supérieurs, un lieu d'élection préféré par les Bacléries. Les glandes en rapport avec le tube digestif peuvent en contenir quelquefois. Leur pré- sence dans le sang, chez les animaux à sang chaud (1) Koch. — Mitheil. aus d. Kais. Gesundheitsamt. 1. p. 32. Hesse. — Ibid. II, 182. ORIGINE DES BACTÉRIES 79 qui ne sont pas malades, est fort contestée. MM. Han- sen, Billroth et d’autres admettent que le sang d'un animal sain en renferme. Mais des experiences très précises de M. Pasteur, puis de MM. Meissner (1), Koch, Zahn, elc., ont fourni des résultats con- (raires. Des erreurs d'expérience ont pu fausser l'opinion des premiers savants que nous avons cités. Mais celle hypothèse est inutile el une expérience de M. Klebs (2) montre d'une manière indisculable comment et pourquoi les deux résultats contradic- loires peuvent se présenter. M. Klebs a expérimenté sur le sang d’un chien : une première expérience lui donna des résultats négatifs. Un autre chien donna des résultats en sens contraire. Mais ce dernier avait déjà servi à des expériences antérieures. On lui avait inoculé des Bactéries : après avoir été malade pendant quelque temps, il s'était complètement ré- tabli. I est à peine besoin de dire que, dans ce cas, il avait conservé, dans le sang, des germes qui n'a- vaient plus d'effet sur lui, mais qui pouvaient se dé- velopper dans d’autres conditions. Il faut conelure (4) L. Pasteur. — Examen de la doctrine des générations spontanées. Ann. de chimie, 3e série, t. 64. — Annales des Sc. nat. Zoologie, 4° série, t. 16. Meissner. —Voir l'analyse de ses principaux travaux dans Rosen- bach : Deutsche Zeitsch, f. Chirurgie, t. 13 p. 344, sq. (2) E. Klebs.— Beitr. z. Kenntniss der Mikrok. Archiv. für Exp. Patho- logie. t. 1. 1873. 80 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES de loul ceci, que le sang ne contient normalement aucune Bactérie el, lorsqu'on les y trouve, c'esl qu'elles ont été introduites par suite d'une blessure ou par tout autre accident. Ce qui précède montre combien les Bactéries sont répandues en nombre considérable. On n'a pas pu jusqu'ici élablir dans quelles proportions chacune des espèces se propage. Mais nous avons vu aussi qu'il serait fort exagéré de dire que ces petits êtres se trouvent partout, en tous les points sans excep- lion. Des expériences anciennes et fort célèbres de M. Pasteur avaient déjà montré combien leur ré- parlition pouvait se faire inögalement. Contentons- nous de donner, à ce propos, un seul exemple. Prenons un ballon à col étroit, pouvant mesurer 1 à 200 centimètres cubes et contenant une petite quantité de liquide bien pur, favorable au développe- ment des petits organismes. On y fait le vide et on ferme le col à la lampe. Ouvrons le ballon au bout de quelque temps, en brisant la pointe du col d'un coup de lime; l'air y rentrera brusquement. Fermons de nouveau à la lampe. Le ballon, hértmétiquement clos, renferme alors une quantité limitée d’air. Les germes qu'il peut contenir el que l'air a amenés, peuvent dès lors se développer librement dans le li- quide de cullure : ce liquide restera stérile, si aucun germe n'a élé introduil. Sur dix de ces ballons, ou- verts, de la manière que nousl’avons indiqué, dans la ORIGINE DES BACTERIES 81 cour de l'Observatoire de Paris, aucun ne resta sté- rile. Sur dix autres, ouverts dans les caves de l’Ob- servaloire, ilen resta neufsans altération et dix-neuf sur vingt au Montanvert, pres de Chamounix. Les considérations que nous venons de présenter sur l'origine des Bactéries et, en particulier, le prin- cipe fondamental de leur production par des germes provenant d'individus de même espèce qu’eux, prin- cipe qui n'admet aucune exception, n'ont pas été acquis à la science sans efforts et sans combats. De nos Jours encore, on pourrait trouver des adversaires qui ne veulent pas se rendre à l'évidence. Bornons- nous à donner très brièvement leur principal argu- ment. Les Bactéries, disent-ils en résumé, peuvent naître spontanément, dans une partie quelconque d'un autre organisme, que cet organisme soit vi- vant ou quil soit mort. Elles se multiplient en- suile, el forment des germes, chacune pour son propre compte. — Celte dernière proposition sera admise naturellement, par tout le monde, sans con- testalion. On reconnaît là un dernier reste de ce qu'on appe- lait autrefois la théorie des générations spontanées. On voit souvent apparaître brusquement des plantes et des animaux en des points où on ne les avait ja- mais vus auparavant. Une observation superficielle fait conclure aussitôt à leur génération par des corps quelconques, pourvu que ces corps se soient trouvés DE BARY 6 52 LEGONS SUR LES BACTÉRIES aux points où les nouveaux organismes ont apparu. On se gardait bien d'attribuer leur présence à des germes préexistants provenant d'êtres semblables à EUX. Les préjugés de l'antiquité rendent concevables de telles erreurs. On a souvent rapporté le récit de Vir- gile (1)elsonessaim d’abeilles sortides entrailles d'un taureau en putréfaclion. Ce récit à longtemps servi d’argumen! à des observalions mal faites et à des rai- sonnemenls erronés. À mesure que la science se per- feclionna, on dut se convainere peu à peu que, dans tous les cas, les êtres provenaient de parents sembla- bles à eux : ce qui avait échappé à l'observation, c'était la manière dont les germes élaient parvenus aux points où la prétendue généralion spontanée se produisait. La théorie ancienne fut obligée de reculer pas à pas en élant, chaque fois, convaincue d’absur- dité. Ce furent d'abord des êlres gros et très visibles, comme les mouches, qui ne naquirent plus sponla- nément dans un cadavre, mais qui durent leur origine à des œufs déposés par l’insecte adulte. Les partisans des générations spontanées se raballirent sur des objets plus petits, sur les moisissures, sur les animaux inférieurs : on les chassa successivement de toutes leurs positions. L'emploi du microscope,de méthodes expérimentales plus parfaites rendirent le combat - (4) Virgile, — Georgiques, IV, 281 et sq. ORIGINE DES BACTÉRIES 83 plus facile. En réalité, les partisans de la théorie des généralions spontanées, depuis un demi-siècle, re- poussés de loules parts, ne peuvent plus que se rejeter sur les êtres les plus pelits, ceux qui n'ont pu êlre étudiés sérieusement. De fait, leur théorie n’est pas abandonnée et ne l'a jamais été : il y a deux mo- lifs pour expliquer sa vitalité. Le premier est qu'une opinion, quelle qu'elle soit, ne tombera jamais com- plètement, dès qu'elle a élé exprimée ou mieux im- primée une fois; le second motif est un peu plus sérieux. On doit admettre, qu'à un certain moment, les organismes ont dü se produire sans germes, sans avoir de parents. La possibilité que ce phénomène se reproduise un jour, peut êlre soutenue sans dé- raison. En tout cas, on comprend qu’un esprit puisse être séduit par l'intérêt réel qu'on aurait, dans ce cas, à chercher quand et comment ce phénomène se re- produira. Les Bactéries, on le sait, appartiennent aux orga- nismes les plus petits, à ceux qui sont le moins étu- diés et le moins connus. Cependant, la question de la généralion spontanée a été résolue pour elles dans le même sens que pour les autres êtres, par les belles recherches de M. Pasteur. C'est pour répondre à une question posée par l’Académie des sciences de Paris, que M. Pasteur entreprit, il ya vingt-cinq ans, d'examiner ce que devenait cette théorie, quand on l'appliquait à ces organismes si petits et si difficiles S4 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES à étudier. Toutes les recherches sérieuse faites depuis ont confirmé complètement ces premiers travaux de M. Pasteur. Cependant plus d'un savant s’en est tenu longtemps à la théorie ancienne et, pour la défendre, a cherché sans cesse de nouveaux arguments. Il ya vingt ans, M. Béchamp émit sa théorie très curieuse des Microzymas (1). M. Béchamp donne le nom de Microzymas à cer- laines formes organiques, assez semblables aux gra- nulations que l'on rencontre dans le proloplasma des animaux el des végélaux; élant renfermés dans des cellules et en faisant partie, ils y prennent, sans aucun doule, naissance. Ce sont eux qui, devenus libres par la mort de la celiule ou pour tout autre motif, peu- vent continuer à se développer el, quand on leur fournit un liquide nutritif convenable, sont suscep- lıbles de se transformer en Bactéries ou en tout autre Champignon microscopique. Non seulement les Microzymas peuvent survivre à la cellule qui leur a donné naissance, mais leur existence peul remonter, d'autre part, jusqu'aux périodes géologiques anciennes. Si l’on se donne la peine d'examiner les considé- rations que M. Béchamp présente dans un livre de (1) A Béchamp. — Les microzymas dans leurs rapports avec l'hétéro- génie, Uhistoyenie, la physiologie el la pathologie. Paris. 1882.—Ce livre est un exposé des idées de l’auteur que l’on trouve disséminées dans les Comptes Rendus de l'Académie des Sciences de Paris. ORIGINE DES BAGTÉRIES 85 pres de mille pages, on ne peut y trouver ni une discussion sérieuse, ni une trace d’éludes faites sui- vant le principe de la continuité dans l’évolution. C'est ce dernier point qui doit cependant entrer le premier en ligne de compte. Aussi n’essaierons-nous pas plus longtemps, devant des conclusions aussi peu fondées, de prolonger une discussion impos- sible. Dans ces derniers temps, M. A. Wigand (1) a ex- posé, dans une première communication, des théo- ries analogues à celles de M. Böchamp. Des particules prises dans des organismes vivants ou morts, el ne présentant pas le caractère des Bactéries, peuvent, dans certaines conditions, se séparer les unes des autres et se transformer en Bactéries. La suite des observations qui ont donné lieu à cette conclu- sion, n'est pas présentée avec assez de précision pour qu'on puisse formuler une critique sérieuse. Il y a cependant une observation, qui demanderait à être reprise avec soin el qui exigerail une confirmation nouvelle avant d’être adoptée. M. Wigand affirme, pour dissiper « tous les doutes «sur la formalion spontanée des Bactéries dans le: « protoplasma des cellules » que les cellules vivantes: et saines des feuilles du Tianea bogotensis et les poils des Labiées renferment des Bactéries mobiles. (1) A. Wigand. — Entsleh. und Fermentwirkung der Bacterien. Mar- burg, 1884. 86 LECONS SUR LES BACTERIES Avant de vérifier par moi-même celte remarquable asserlion de M. Wigand, j'avais déjà été frappé, d’au- tre part, de ce très curieux phènomène. Le Trianea est une plante d’eau douce de l'Amérique du Sud, qui ressemble à nos Hydrocharis. Quand on porte sous le microscope du tissu frais, pris à une feuille vivante, on voil, en effet, un grand nombre de cellules contenant des Bactéries superbes, les plus belles qu'il soit possible de voir. Ce sont des bâlonnets élroits, isolés ou réunis en petit nombre à la suite les uns des autres el suivant fidèlement les mouve- ments du proloplasma et de out ce que peut contenir la cellule. Je le répète, c’est un spectacle admirable et un modèle du genre. Malheureusement, une seule soutte d'acide dilué détruit l'illusion. Les bâtonnels du Trianea, à l'encontre des véritables Bacleries, se dissolvent et disparaissent. Ces Bactéries ne sont pas autre chose que de pelils cristaux d’oxalate de chaux qui prennent souvent celte forme de bätonnels, dans les cellules végétales. Il en est de même des prétendues Bactéries, tout aussi superbes, que l'on rencontre dans les jeunes poils des feuilles du Ga- leobdolon luteum, du Salvia glutinosa et, sans aucun doute, chez les autres Labiées. . Cet exemple est très instructif : il nous montre comment les meilleurs observateurs peuvent, par suite d’une idée préconçue, se laisser entrainer à commettre les plus grossières erreurs. C’est ce qui ORIGINE DES BACTERIES 87 m'a poussé à le citer : je ne me laisserai plus désor- mais arrêter à exposer de pareilles opinions. Dans tous les cas, des observations telles que celles-ci, ne sont pas près d'ébranler le principe que nous avons posé, à savoir que, dans l’état actuel de la science, les plus petits organismes descendent de germes issus de parents de même espèce qu'eux. (est sur ee principe que nous nous appuierons, sans restric- lion, sans nous inquiéter des hypotheses failes à plaisir et des désirs vagues que certains esprils se plaisent à former. VI LECON MODE DE VÉGÉTATION. -—— CONDITIONS EXTERIEURES DE TEMPERATURE ET DE NUTRITION. — APPLICATION A LA CULTURE DES BACTERIES. — DESINFECTION ET ANTISEPTIQUES. Avant de passer à l'étude des modes de végélation des Bactéries, 11 faut nous reporter à ce que nous avons appris de leur structure et de leur développe- ment. Nous avons vu que, sous ce rapport, les Bac- téries ne diffèrent nullement de ce que nous savons sur la structure générale des organismes inférieurs. Nous devrons lrouver le même accord pour ce qui regarde les principaux phénomènes de leur vie végé- tative. En réalité, nous avons ici à considérer, dans des cas particuliers et spéciaux, des faits qui se retrou- vent dans la généralité des organismes vivants. Or il n'y a pas plus de différence entre ces derniers, pris dans leur ensemble, qu'il n’y en a entre les diverses Bactéries. GONDITIONS DE TEMPERATURE 89 in particulier, les Bactéries sans chlorophylle pré- sentent des phénomènes analogues à ceux que l’on rencontre chez toutes les plantes sans chlorophylle, que l’on considère des plantes élevées ou des Cham- pignons inférieurs. L'étude de ces derniers, relative- ment plus facile, a contribué beaucoup à éclairer nos connaissances sur les Bactéries. Il est à peine besoin d’ajouler que l'étude des phénomènes princi- paux de végélalion el des conditions d'existence, chez ces dernières plantes, nous fournira des diffé- rences de même ordre que celles que l’on trouve dans l'étude des groupes voisins. Nous n'avons pas l'intention de présenter ici une exposition complète de tous les modes de végétation ni de les étudier avec un certain detail. Il nous suf- fira, pour l'étude générale que nous faisons, d'en donner les caractères les plus remarquables. Pour cela, nous nous occuperons, en parlieulier, des con- dilions de température et de nutrition. La végétation est dans un rapport immédial avec la temperature extérieure. Elle se {trouve n'être pos- sible qu'entre certaines limites extrêmes de chaleur el il existe une température moyenne déterminée, où elle atteint sa plus grande énergie. On distingue d'après cela dans la température : un minimum, un maximum el un optimum. Quand on dépasse l’une des deux limites extrêmes, la végélation est, par cela même, arrêtée; d'autres 90 LECONS SUR LES BACTÉRIES phénomènes peuvent alors se produire. Si l'on al- leint une tempéralure suffisamment basse ou suffi- samment élevée pour dépasser, plus ou moins, les points extrèmes où la végélalion passe par un maxi- mum ou par un minimum, la vie est suspendue el l'on peut arriver, en d’autres termes, à luer l’orga- nisme. L'expérience commune de chaque jour fait com- prendre que ces diverses conditions varient, d'une manière très notable, suivant lespèce considérée, suivant la période de son évolution et la composition du milieu extérieur où elle est appelée à se déve- lopper. On s'est surloul attaché, pour les Bactéries, à préciser les limites de température entre lesquelles leur croissance et leur multiplication peuvent se produire. On admet, pour les autres périodes de leur existence, des limites qui varient dans des pro- portions analogues. Les espèces non parasites, placées dans des condi- lions de nutrition favorables, peuvent se développer entre des limites assez étendues et leur optimum de de température est quelquefois assez élevé. C'est ainsi que le Bacillus subtilis, d'après M. Brefeld, croit entre 6° et 50° centigrades : son optimum est silué vers 30° (1). 4) ©. Brefeld. — Botan. Untersuchungen über Schimmelpilze, IV. CONDITIONS DE TEMPERATURE 91 .. Le Bacterium termo de Cohn se développe entre 5° et 40°. Son oplimum est entre 30° el 35° d'après M. Eidam (1). | Le Bacillus amylobacter, cullivé dans de la glvcé- rine, atteint, suivant M. Fitz (2), son oplimum vers 40° et son maximum vers 45°. Le Bacillus anthracis, eullive dans de la gélatine ou sur des pommes de terre, présente un minimum vers 15°. un maximum vers 43° el son optimum entre 20° et 25°. Quand on le cultive dans le sang d’un ani- mal, dans le sang d'un rongeur, par exemple, et qu'il est par conséquent parasile, il se développe à 40° avec autant d'énergie que dans une culture à la tem- pérature optimum de 25°. Les espèces que l’on cultive. en parasites, dans le sang des animaux à sang chaud, ont un minimum et optimum de température placés plus haut que lors- qu'elles se trouvent dans les cullures ordinaires. Ce fait a élé démontré par M. Koch (3) pour le Bacille de la tuberculose dont les températures extrèmes sont 28° et 42° et dont l'optimum est entre 37° et 38°. La température la plus favorable à la formation des spores, chez les Bactéries endosporées, est, en général, assez voisine de l’optimum de simple vegeta- (1) E. Eidam.—M. Cohn’s Beilr. z. Biol. d. Pflanzen. Tome I, 3, p. 208. (2) A. Fitz.—Berichte d. Deutschen Chem. Gesellschaft. 9 Mémoires de 1876 à 1884. (3) R. Koch.— Die Aetiologie der Tuberculose. Mittheil. des Reichsge- sıundheitsamts, II, | 92 LEGONS SUR LES BACTÉRIES lion. Celle qui est nécessaire à la germination des spores endogènes, — nous voulons parler du moins de l’optimum de température, — est notablement plus élevée; de 30° à 40° chez le Bacillus subtilis, par exemple : dans celte dernière espèce, la germina- lion peut aussi se faire à une température plus basse, à 20° environ. D'après des expériences connues, le Bacillus an- thracis, placé à 20°, n’est pas encore susceptible de sermer; le minimum est alteinl à 35° ou 37° seule- ment; l’optimum n’est sans doute pas très éloigné de cette limite, mais on ne l’a pas déterminé. Enfin d’autres espèces, telles que le Bacillus megaterium, croissent et germent {rès bien à 20°. Un abaissement de température qui se trouve au- dessous de la limite du minimum est supporté par un assez grand nombre de Bactéries, sans qu'il se produise de perturbations considérables dans leur végélation; on s’est fondé sur quelques expériences peu précises, pour parler de la possibilité d’un abais- sement illimité dans la température. M. Frisch (1) prétend que le développement ex- térieur de certaines formes qu'il a étudiées, même celui des cellules végétatives, n'est pas compromis, après congélation, dans un liquide, à — 110° cenl., pourvu que l'on revienne ensuile à la lemp£ralure (4) Frisch. — Sitzungsberichte der Wiener Akademie., Mai 1877, CONDITIONS DE TEMPERATURE 95 ordinaire. L’une des formes qu'il cite à ce propos esl le Bacillus anthracis. Les autres espèces n’ont pas été distinguées par lui plus explicitement. I n’y a pas de doute qu’il ne faille placer plus haut, pour d’autres espèces, la temperature inférieure néces- saire pour amener la mort, et que celle-ei ne se pro- duise beaucoup plus tôt que chez le Bacille du charbon. La tempéralure exlreme, au-dessus de zéro, que les cellules végétatives peuvent supporter sans être luées, est, en général, lamême que celle des autres cellules végétales ordinaires, c'est-à-dire qu'elle est située entre 50° el 60°. C'est aussi la température à laquelle peuvent être soumises les spores, chez les formes arlhrosporées : les expériences précisesman- quent d’ailleurs àce sujet. Mais nous eiterons surloul quelques exemples qui font exceplion à celte règle générale. Des tempéralures extrèmement élevées peuvent, au contraire, être supportées par les spores endo- gènes. La plupart d'entre elles sont encore suscep- tibles de germer, quand elles ont été plongées dans des liquides à 100°: quelques-unes même supportent des chaleurs de 105°, 110° et même 130°. Ce sont là des règles générales qui restent vraies, malgré quelques modifications et quelques excep- tions accidentelles. Ces exceptions se rencontrent chez cerlaines espèces el chez quelques individus 94 LEGONS SUR LES BACTÉRIES isolés; on peut les constater en ne faisant pas varier les autres conditions. On peut aussi Les trouver, dans une ra&me espèce, sous l'influence des conditions ex- lörieures, parmi lesquelles il faut citer la durée de l'ébullition, la sécheresse ou l'humidité plus ou moins considérable, et, en dernier lieu, la composition du liquide nutritif dans lequel se développe lespèce considérée. Il y a des espèces qui se développent bien, par une tempéralure dépassant, même de beaucoup, 50°. MM. Cohn et Miquel en donnent des exemples. Le plus remarquable est celui de M. Van Tieghem (1) qui a décrit un Bacille pouvant, dans un liquide neutre, croître el former des spores à 74°. Sa végé- tation ne s’arrele qu'à 77°. Des exemples, très instructifs à lous les points de vue, sont fournis, dit M. Duclaux (2), par les Bacilles qu'il a trouvés dans le fromage et auxquels il a donné le nom de Tyrothrir. Les cellules végétales du Tyrothrir tenuis, eullivees dans un liquide neutre, ne sont tuées qu'entre 90° et 95°. Lorsque le liquide est légèrement alcalin, elles peuvent dépasser 100°. Les spores restent vivantes (1) P. Van Tieghem. — Bulletin de la Soc. Botan. de France, tome 28 (1881), p. 35. (2) E. Duclaux. — Étude sur le lait. Aun. de l'Institut national agrono- mique, n° 5. Paris, 1882, p. 22-138. Id. — Chimie biologique. Encyclopédie chimique, po sous la direc- tion de M. Fremy. Tome 9, Paris, 1883. RÔLE DE L'EAU 95 dans un liquide faiblement alcalin, après ébullition à 115°. L’optimum de celle espèce est compris entre 27 et 35" Le Tyrothrir filiformis, al’elal végélalif, supporte, dans le lait, une chaleur de 100°; dans un liquide acide, cette température le tue au bout d'une minule. Les spores de celle espèce supportent une tempéra- ture de 120°, dans le lait ; dans la gélaline, elles son! tuées au-dessous de 110°. D’autres espèces, d’après M. Duclaux, présentent aussi les mêmes particula- rilés . Les cellules végélalives du Bacillus anthracis, d'après M. Buchner (1), chauffées, pendant une heure el demie, de 75° à 80°, dans des liquides neutres ou faiblement acides, conservent encore leurs pro- priélés vegelalives. M. Brefeld (2) a pu faire développer des spores du Bacillus subtilis, après les avoir soumises, pendant un quart d'heure, à une chaleur de 100°. Leur germi- nation pouvait se produire encore très bien au bout d'une demi-heure, beaucoup moins après trois quarts d’heure et elle ne cessait complètement qu’a- près trois heures d’ebullition; à 105°, les spores élaient tuées en quinze minules, en dix à 107°el en cinq minutes à 110°. (1) Voir Nægeli.— Unters. über niedere Pilze aus dem Pfensenplhunele Institut zu München. Munich, 1882. (2) 0. Brefeld. — Botan. Untersuchungen über Schimmelpilze, IV. 96 LEGONS SUR LES BACTERIES M. Fitz (1) a montré que les spores de son Bacillus butylicus, du Bacillus amylobacter pouvaient suppor- ler une température de 100° pendant {rois à vingt minutes, suivant les liquides où elles étaient placées ; une ébullition plus longue suffit pour les tuer à 100°, tandis qu'il faut de sept à onze heures à 80° avec de la glycérine. Une température sèche, encore plus élevée, peut ètre supportée, au moins par les spores. Celles du Bacillus anthracis, du Bacillus subtilis et d’autres subsistent, d'après les expériences de M. Koch (2), après avoir subi une chaleur de 123°. Parmi les condilions de composition du milieu extérieur, il faul mellre en premiere ligne de comple la présence de l’eau, indispensable à la vie de toutes les cellules, quelles qu'elles soient. La dessie- calion poussée jusqu'au point où l'air environnant ne contient plus trace d’eau, la dessiccation extrême, arrête non seulement la végétation, mais lue les cel- lules végétatives au bout de peu de lemps, au moins dans le plus grand nombre des cas. Le Dacterium termo, Cohn etle Bacterium Zopfit, par exemple, sont tués en sept jours. Il y a cependant des différences assez nolables suivant les espèces. C’est ainsi que le Micrococcus prodigiosus, desséché, reste vivant et capable de germer, pendant des mois entiers. (1) A. Fitz.— Berichte der Deutschen Chem. Gesellschaft. 1876-84. (2) Koch. — Mittheilungen aus dem Kaiserl. Gesundheitsamt, I, p. 305. RÔLE DE L'OXYGÈNE 97 La résistance des spores à la dessiccalion est plus grande que celle des cellules végétales. Les spores du Dacterium Zopfi la supportent de dix-sept à vingt-six Jours, les Bacilles à endospores environ un an, le Bacillus subtilis au moins trois ans, d'après M. Brefeld. Enfin, il peut exister d’autres causes intérieures ou extérieures pour modifier encore da- vanlage la résistance des spores. On a soutenu que celte résistance pouvait aller jusqu'à supporter la dessiccation pendant des siècles; c’est une opinion qu'il est assez difficile d'accueillir sans réserve. La présence de l'oxygène est inégalement néces- saire, suivant les différents cas. D’après la termino- logie adoptée par M. Pasteur, on distingue, comme types extrêmes, les formes aérobies et les formes anaérobies. Les premières ont besoin, pour vegeler et s’accroître, outre une nourrilure suffisante, d’une quantité d'air très notable, autrement dit, elles ont besoin d'oxygène. Tels sont le Micrococcus aceti, le Bacillus subtilis, le Bacillus anthracis, ete. Les formes anaérobies peuvent très bien prospérer sans oxygène. La présence de l'air diminue considé- rablement leur végétation ou même l’arrête comple- tement. Tel est le cas du Bacillus amylobacter. Entre ces deux extrêmes viennent se placer de nombreuses formes intermédiaires. Nous aurons bientôt à citer un exemple remarquable dû à M. En- gelmann. Les recherches de M. Nencki, de M. Nægeli DE BARY 7 08 LEÇONS SUR LES BACTERIES et d’autres, ont montré que les Bactéries qui produi- sent des fermentations, comme la levure alcoolique, peuvent très bien vivre sans oxygène, pourvu qu'elles se trouvent dans un milieu nulrilif très riche. Dès qu'il y a diminulion dans la quantité de l'aliment solide, elles ne peuvent se développer qu'en pré sence de l'oxygène. Même chez les espèces aérobies, l'oxygène peut arreler la végétation el va jusqu'à luer la Bactérie : il suffit pour cela qu'il soit à haute pression. Une pression de 15 atmosphères laisse le Bacillus an- thracis Vivant au boul de quinze jours: elle Le lue après quelques mois. M. Duclaux prétend que, chez les formes aérobies, les germes qui, pour une cause quelconque, ne se sont pas développés, perdent ‘plus vite leur vitalité. sous l’action directe de l'oxygène de l'atmosphère, que lorsqu'on les a placés dans un espace clos, où l'oxygène n'est pas changé. Les faits sur lesquels celte opinion s'appuie, méritent d'attirer l'attention. Plusieurs ballons qui avaient servi aux premiers (ravaux de M. Pasteur, vers 1860, avaient été con- servés avec les Bacleries qu'ils renfermaient et dont la présence étail accusée par ce failqu’elles Irou- blaient la limpidité du liquide. Auboulde vingt elun ou vingt-deux ans après, les germes de ces Bactéries purent encore se développer. D'autres ballons, con- servés pendant lem&me lemps, el protégés, contre la RÔLE DE L'OXYGÈNE 99 poussière, par d'épaisses bourres de coton qui les fermaient, sans empêcher l’arrivée de l'air, ne pré- sentèrent plus trace de germes vivants. D’aufres enfin, qui dalaient seulement de dix ans et qui étaient fermés par du colon, avaient encore des germes que l’on put faire développer. L'interprétation donnée par M. Duclaux peut être exacte, mais il faul remarquer que, dans ces diffé- rents cas, ce nest pas seulement l'oxygène qui a pu varier el que d’autres modificalions ont pu se pro- duire. Avant tout, dans des problèmes de ce genre, il faut lâcher de ne pas avoir à considérer un grand uombre de Bactéries, mais n’experimenler, autant que possible, qu'avec une seule espèce connue. L’oxygene sert à la respiration de la plante: en mème temps, il ya élimination d’une égale quantité d'acide carbonique. L'eau, en faisant abstraction de quelques cas ex- ceptionnels, sert, en grande parlie, de véhicule pour les matières assimilées et chimiquement élabe- rées. Ces deux corps, l'oxygène el l’eau, ne peuvent done pas être considérés, à proprement parler, comme des matériaux de nutrilion, c'est-à-dire des éléments servant à former des combinaisons carbo- nées el entrant, d’après cela, dans la constitution et la formation de la cellule. Ces éléments nutritifs sont fournis, chez les quel- 100 LECONS SUR LES BACTÉRIES ques Bactéries vertes que l'on connaît, par de la chlorophylle. Lorsque celle matière existe réel- lement, elle joue alors le même rôle que dans toutes les plantes vertes. Elle produit l'assimilation du carbone, avec dégagement d'oxygène. M. Engelmann (1) a montré qu'il y avait un léger dégagement de gaz oxygène dans le Bacterium chlo- rinum qu'il a étudié. Par analogie avec les plantes chlorophylliennes, il faut, dans ce cas, faire intervenir l’eau comme aliment nulrilif. Il en est autrement des Bactéries sanschlorophylle qui, en somme, forment la majorité la plus considé- rable et presque exclusive parmi les êtres que nous étudions. Ce sont elles d’ailleurs qui offrent le plus d'intérêt. Ces Bactéries, à l'instar de tous les orga- nismes qui n'ont pas de chlorophylle, sont obli- gées d'emprunter, en dehors d'elles, les éléments carbonés dont elles ont besoin. Elles ne peuvent assi- miler directement l'acide carbonique. Les produits azotés doivent aussi leur être fournis tout formés, soit dans une combinaison organique, soit dans des éléments inorganiques, par exemple, à l'étal d’azotates ou de sels d’ammoniaque. Nous aurons alors, comme dansles autres végétaux, des produits d'incinération en quantité déterminée qui, dans ce (t) W. Engelmann. — Bot. Zeilg. 1882, p. 321. CONDITIONS DE NUTRITION 101 cas parlieulier, se trouvent être en quantité très faible, sous tous les rapports. | Nous ne pouvons nous étendre davantage sur les details plus précis de la nutrition des Bactéries : nous ne pouvons que renvoyer aux {ravaux originaux que l’on trouvera indiqués en particulier dans l’ou- vrage de M. Nægeli({). D’apresles recherches mêmes de ce savant, on peut arriver à nourrir des moisis- sures, des levures aussi bien que des Bactéries, dans des solutions contenant des éléments azolés et non azolés, en proportions connues. On a pu classer, ainsi qu'il suit, les éléments entrant dans les différentes solutions, par ordre décroissant, d'après leurs pre- priélés nulritives. I. Albumine (peptone) et sucre. 2. Leucine et sucre. 3. Tartrate d’ammoniaque et sucre. 4. Albumine (peptone). 5. Leucine. 6. Tartrate d’ammoniaque ou succinate d’ammoniaque ou asparagine. . Lactate d’ammoniaque. 1 Cette liste ne convient pas el ne s’applique pas à (1) Nægeli. — Ernährung der niederen Pilze. Sitzungsberichte d. Mün- chen. Acad. Juli, 1879. Id. — Unters über nied. Pilze aus dem. Pflanzenphysiol. Institut zu München. Munich 1882. 102 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES toute espèce de Bactéries : elle n'indique nullement, pour chacune d'elles, en particulier, l'ordre des élé- ments nutritifs les plus favorables. Il en est de même pour les différentes moisissures, bien que ce soit le Penieillium glaucum qui ait servi de Lype à ces travaux (1). (1) L'étude des conditions de nutrition des plantes inférieures aété faite, en France, d’une manière très précise, et il convient de citer, à ce sujet, les remarquables travaux de M. Raulin (a). La question, prise au point de vue général, estla suivante : étant donnée une espèce d'organisme vivant, étudier les modifications qu'elle subit sous l'influence des variations apportées dans la composition du milieu où elle vit. Le problème sera d'autant plus facile à aborder que l'on s'adressera à des êtres plus simples, comme le sontles Champignons microscopiques et les Bactéries. Cette étude toutefois a été impos- sible, tant qu'on n'a eu à sa disposition que des milieux organiques complexes dont la composition était mal connue. M. Pasteur, le premier, aborda pratiquement cette étude en créant un milieu artificiel où il put faire vivre et se développer de la levure ordinaire. On constata cependant que le milieu artificiel, ainsi créé, composé de sucre, de sels d'ammoniaque et de cendres de levure, était inférieur au milieu organique naturel, en ce sens que la levure y poussait moins bien que dans celui-ci. Il fallait, pour résoudre complètement le pro- blème, former un milieu artificiel, non seulement favorable à la vie de l'espèce étudiée, mais encore tel que, dans un temps donné, avec un même poids de substances nutritives, le poids du végétal obtenu attei- gnit un maximum; de plus, ce maximum devait rester constant, pour assurer la comparaison des mesures et, s’il était possible, être supé- rieur à celui que l’on obtenait dans les milieux organiques. Une longue série de recherches, faites au laboratoire de M. Pasteur, conduisit M. Raulin à vaincre toutes ces difficultés, en ce qui concerne les conditions de nutrition de l’Aspergillus niger, espèce de champignon qu'il étudia particulièrement. Le milieu nutritif le plus favorable à la vie de l'aspergillus est un liquide, désigné communément sous le nom de liquide Raulin. En voici la composition : FAURE TOR Are at ae hace „A,NUOSEE: NET CEE TRE 70 (a) J. Raulin. Ztudes chimiques sur la végétation. Recherches sur le développe ment d'une mucédinée dans un milieu artificiel. Thèse de doctorat. Annales des se. naturelles, 1870, GONDITIONS DE NUTRITION 105 Les éléments les plus favorables à la nutrition des diverses espèces de Bactéries, prises isolément, sont loin d’être connus et 1! est besoin, pour les détermi- ner, de recherches nombreuses. Ce que nous ver- rons, à ce sujet, dans les différents types de Bactéries que nous aurons l'occasion d'étudier de plus pres, AGIdetanirIQUEL. 12.000. CU 4 Nitrat? d'ammoniaque . . . . . . .. 4 Posphate d’ammoniaque. . . . . .. 0,60 Carbonate de potasse . . ...... 0,60 Carbonate de magnésie . . . . . .. 0,40 Sulfate d'ammoniaque . . .... .. 0,25 SHARE ZINC 22 2 u NAS. + 0,07 Stierdes ere mnt: RIDER er 0,07 Sıhcate.despotasser. 2-0. 0 0,07 La plante est cultivée, en présence de l'air humide, dans des cu- vettes de porcelaine plates, où le liquide a une hauteur de 20 à 30 mil- limètres. Il faut, de plus, une température de 35° à 37°. On sème dans le liquide, ainsi disposé, une spore d’Aspergillus. La végétation est achevée au bout de trois jours environ. On enlève cette première ré- colte, on sème la plante une seconde fois et les deux récoltes ainsi obtenues, pesées à l'état sec, représentent environ 25 grammes, ce qui ferait, pour une plante ordinaire, plus de 10000 kilogrammes par hec- tare, en six jours. On étudie l'influence des divers éléments sur la plante, en cultivant l’Aspergillus dans des liquides privés successivement des substances dont on veut déterminer l’action. Le liquide privé de potasse, par exemple, fait deseendrela récolte de 25 grammes à 1 gramme seulement, c'est-à-dire la fait tomber à 2 de ce qu'elle était. La suppression de l’ammoniaque la fait tomber au L : A om» . 5 euviron, etc. En représentant par 25 l’action de la potasse, on aura successivement pour l'action des divers éléments : AMMONMAQUES, ANA MMA URN 153 Acide phosphorique Meier. Al ler. 182 Masnésie ap. Ce zur, 8.12 rm 94 PDfasse Ze vs Selen Tin ee 2 25 ACTE SULURIQUE EL fe ele» 25 OS EE TT CMOS EN RER 10 Oxydesdeert ar an... se DUT SEE ects et PRE 1,4 L'un des faits les plus curieux est relatif à l'action du zinc dont la suppression fait baisser la récolte de 25 gr. à 2 gr. 5. La quantité 104 LEGONS SUR LES BACTÉRIES ne pourra que nous montrer, une fois de plus, la variétéinfinie dans le choix de ceséléments, en même temps que la difficulté {très grande qui s'attache à ce genre d'études. | Il n’y pas que le choix de la nourrilure qui influe sur la nutrition des Bacléries : d’autres propriétés chimiques du substratum peuvent aussi avoir leur influence. On sait depuis longtemps que, contraire- ment à ce qui se passe chez les levures et les moisis- sures, le plus grand nombre des Bactéries prospère très bien dans un milieu neutre, faiblement alcalin ou du moins excessivement peu acide, les autres d'oxyde de zinc qui augmente, par conséquent, cette récolte de 2 gr. 5 à 25 gr., c'est-à-dire qui la fait monter de 22 gr, 5 est, nous l'avons vu, de 4 centigrammes, qui renferment, en réalité, 32 milligrammes seule- ment de zinc. Il s'ensuit que cette minime quantité d'un métal comme le zinc qui semble, au premier abord, n'avoir aucune influence sur la vie d’une plante, est au contraire capable de produire un poids de vé- gétal sept cents fois supérieur au sien. L'action du fer est à peu près analogue. Mais d'après des expé- riences de M. Raulin, son rôle physiologique est différent. Il semble n'agir que comme contre-poison d'une substance soluble, sécrétée par l’Aspergillus et contraire à son développement ultérieur. A côté de ces substances favorables, il en est de nuisibles. En ajou- tant au liquide u , un seize-cent millième de nitrate d'argent, la plante est tuée brusquement. Elle est sensible au même degré, en pré- sence de m de sublimé corrosif. Son développement est mème ar- rêté dans des vases d'argent, bien qu'il ne soit pas possible à l'analyse chimique de déceler, dans le liquide, la présence de traces d'argent. Quant à l'acide tartrique, il a pour rôle de maintenir l'acidité du liquide, qui, sans cela, serait promptement envahi par un grand nombre de Bactéries de loutes sortes. Lorsque le sucre a complètement disparu, et dans ce cas seulement, l'acide tartrique est brûlé à son tour, comme le sont les éléments hydrocarbonés en général (a). (a! Pour compléter ces notions, et en particulier pour ce qui concerne la combus- tion de l'acide tartrique, Voir la Chimie biologique de M. Duclaux, p. 200 sq. CONDITIONS DE NUTRITION 195 conditions restant les mêmes. La présence d’un acide, dans des proportions à peine plus fortes, suffit pour arrêter ou ralentir toule végélalion ulté- rieure. D'après M. Brefeld (1) le développement du Baci- lus subtilis est arrèlé par la présence de 0,05 p. 100 d'acide sulfurique ou d’acide azotique et par 0,2 p. 100 d'acide lactique ou d’acide butyrique. Mais celte régle générale souffre aussi quelques exceplions. Le Bacterium du Kefir pousse très bien dans du lait rendu fortement acide par de l'acide lactique et même par de l'acide acétique. Le Micrococus qui produit le vinaigre pousse éga- lement dans un liquide acidulé. Il existe d’autres substances que les acides pour produire l'arrêt el même la cessation complete de la végélalion, quand elles se trouvent mélangées au liquide nutritif. Nous citerons, parmi ces véritables poisons des cellules vivantes: le sublimé corrosif, l'iode, etc. I faut naturellement que ces corps exis- tent dansdes proporlionsrelativemen! considérables, pour exercer une action. Il existe d’autres corps dont l’action est plus ou moins énergique, suivant les cas. M. Fitz fil cesser la Yégétation du Bacille qu'il appelle « Bacille de l'alcool butylique » en ajoutant les substances suivantes à la solution de glyvcérine (4) ©. Brefeld. — Botan. Unters. über Schimmelpilze, IN. 106 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES où ce Bacille avaitété mis, dans d’excellentes con- ditions nutritives : Alcool éthylique............ 2,7 — 3,3 °/, en poids Alcool butylique............. 0,9 — 1,05 0/, Acide butyrique.......:..-. — 0,1 0) Souvent il suffit que la Bactérie ait vécu, pendant quelque temps, dans un milieu, pour rendre ce milieu impropre à sa végétation, par l'accumulation trop considérable de produits de décomposilion nuisibles à son développement. C'est ainsi que la fermentation lactique est arrêtée, au bout de peu de temps, par la formation de l'acide lactique. I faut, pour qu'elle puisse se continuer, ajouter au liquide une quantité suffisante de craie ou de blanc de zinc, afin de neutraliser l'acide au fur et à mesure de sa formalion. Des phénomènes du même ordre peuvent d’ailleurs se produire, autre part que chez les Bactéries, en particulier chez les Champignons. Ils varientseule- ment, suivant les espèces. Ce qui nuit à une espèce peut, au contraire, être nécessaire à une aulre. Le changement dans la composilion du substratum peut amener la destruction d’une espèce par une autre qui se lrouvait, à l'origine, dans une propor- tion très minime vis-à-vis de la première. Celle-ci avait, par une transformation lente, préparé à la seconde un terrain favorable à son développement. CONDITIONS DE NUTRITION 107 C'est un point qu'ilne faut jamais perdre de vue, d’une manière générale; quand on a soin d'en tenir compile, on arrive à expliquer facilement des phénomènes qui, sans cela, nous conduiraient à des conclusions erronées. Nous venons d'indiquer les agents principaux qui influent sur la végélation des Bactéries : nos con- naissances actuelles sur ce sujet ne sont pas assez complètes pour qu'il faille nousarreter longtemps à énumérer ce qu'il peut encore y avoir d'intéressant, a ce propos. L’assimilation de l'acide carbonique chez les Bactéries qui onl de la chorophylle, est fonction de l'intensité de la lumière : cette dépendance se comprend, du reste, par la présence de la choro- phylle. Des résultats assez peu précis, dus à M. Zopf, prêtent à la lumière une influence d'un autre genre; d’après ce savant, la croissance du Begqiatoa per- sicina serail augmentée par un éclairement plus intense. Il faut citer aussi une expérience de M. En- gelmann (1) qui met sous la dépendance des rayons lumineux, lesmouvements d’une espèce qu'ildésigne sous le nom de Bacterium photometricum, mais qui, d’après ses descriptions, semble ne pouvoir pas être considérée comme une véritable Bactérie. L’in- (1) W. Engelmann. — Bacterium photometrieum. Unters.aus d. Physiol. Laboratorium zu Utrecht. 1882. 108 LEGONS SUR LES BACTERIES fluence de la lumière sur les Bactéries, en général, peut donc être contestée avec raison. On trouve dans M. Cobn et M. Mendelssohn (1) la description de quelques expériences sur l'influence de l'électricité. Les diverses influences que nous venons de signa- ler jusqu'ici, s'appliquent à tous les stadesel à toutes les phases de lavégétation, prise même à ses débuts, au moment de la germination des spores. Nous de- vons ajouter cependant, que ce dernier phénomène ne peul s’accomplir, dans toutes les circonstances, que si le milieu de culture est déjà favorable à la végélalion de l'espèce. Cette remarque s'accorde avec celle que l’on pourrait faire à propos des spores de beaucoup de Champignons, en particulier des Mucorinées. Mais elle ne se rapporte plus à ce que l’on trouve chez les spores des autres Cryptogames el les graines des plantes phanérogames lesquelles germent ou du moins peuvent germer, sans aliment venu de l'extérieur. I suffit que l’on ait fourni l'eau, l'oxygène et la chaleur nécessaires : le reste existe dans la graine. Nous avons vu au commencement de ces Lecons (voir page 35 ), que dans beaucoup de cas, comme chez le Bacillus amylobacter, la formation des spores peut se produire, en même temps que la végélation el la croissance d’une partie de la plante, dans un (1) Cohn et Mendelssohn. — Beitr. z. Biol. der Pflanzen, UI. CONDITIONS EXTERIEURES 109 grand nombre de cellules vegelalives, par consé- quent, sous l'influence directe des conditions néces- saires à lavégélalion proprementdite. Dans d’autres espèces, en particulier dans les espèces üendospores, on peul dire que les spores ne se forment que lorsque le substralum nécessaire à la végétation de l'espèce a été épuisé, autrement dit, lorsqu'il est devenu impropre à cette végétation. On peut se demander s'il faut chercher la raison de ce phénomène dans ce fait que les éléments nutritifs utiles ont été consommés en totalit& ou bien parce qu'il y a eu accumulation des produits d'éli- mination; ou bien encore, si la formalion des spores se fait sous l'influence de causes internes, lorsque la végétalion est arrivée à un certain degré qu’elle ne peut dépasser. Toutes ces questions ne peuvent être résolues qu'après des recherches plus précises. Di- sons toutefois, que le problème, envisagé au point de vue pratique, est d'une importance relative- ment secondaire. L'action simultanée de ces différentes influences, se faisant sentir dans les conditions les plus favo- rables, amene un developpement tres rapide chez le plus grand nombre des Bactéries. M. Brefeld es- timeque le Bacillus subtilis, placé dans un bon milieu nutritif, en présence d'un apport suffisant d'oxygène el à 30°, divise chacun deses bâlonnets une foistoutes les demi-heures : c’est-à-dire qu'au bout d’une demi- 110 LEÇONS SUR LES BACTERIES heure, chaque bälonnel, tout en conservant sa largeur moyenne, augmente deux fois de longueur et se parlage transversalement en deux parties égales. A mesure qu'on s'éloigne de cel optimum de toutes les conditions, on voit, d’une manière {rès nelle, le développement diminuer d'intensité. Supposons pour un instant, ce qui n'esl pas rigoureusement démontré, qu'en même temps qu'il v a augmentalion de volume, de la manière qu'il a été dit, il y ait aug- mentalion dans la masse de la cellule, abstraction faile de l’eau de constitution. Cette hypothèse semble èlre assez voisine de la vérité. Onconslate, qu'après trente minutes, la cellule a doublé de grosseur dans le sens actuel de ce mot. Il ya donc augmentation de volume dans lous les sens. Des observations sem- blables peuvent être répélées sur beaucoup d’autres espèces : le Bacillus anthracis, le Bacillus megate- rium, elc. Mais nous renconlrerons aussi, dans ce cas, des exceptions. Le Bacterium du Kefir a besoin, du moins dans les cullures où J'ai pu l'observer, de plus de trois semaines pour que son poids devienne double de ce qu'ilélail: c’est done un lemps cinq cents fois plus grand que celui qui est nécessaire au Bacillus sub- lilis. Je ne saurais dire si je me suis placé dans les conditions les plus favorables ; je puis assurer seu- lement que c’étaient celles dans lesquelles le déve- MODES DE VEGETATION 111 loppement du Kefir se fait le mieux, à notre con- naissance, c'est-à-dire dans du lait entre 15° et 20° et à l'air libre. [l n'v a pas que la croissance el la germination qui soient fonctions des conditions extérieures : chez les espèces douées de mobilité, ces conditions exer- cent encore leur influence sur le mouvemeni. La forme el la direction de ce mouvement sont liées à l’action même des éléments nutritifs el, chez les espèces aérobies, à la présence de loxy- fs ‚ene. Si l'on place une de ces formes mobiles, le A Bacillus subtilis, par exemple, dans les conditions où il peut se mouvoir, et si l’on regarde au microscope, sur une lamelle de verre, une goutte de liquide con- tenant de ce Bacille, on le voit se rassembler de pré- férence sur le bord de la goutte où ses bätonnels mobiles viennent chercher l'oxygène qu'ils trouvent abondamment en ce point. Les bâlonnets qui sont restés, par hasard, dans le milieu de la préparation et qui ne peuvent, d'après cela, recevoir l'oxygène de l'air avec une aussi grande abondance, ralentis- sent peu à peu leurs mouvements el finissent même par les perdre tout à fail. Sil’on mel des Bactéries aérobies dans une goutte d'eau ne contenant pas d'oxygène el dans laquelle se trouvent déjà des Algues à chlorophylle, dans les premiers moments, il ne se passe rien de remar- quable. Mais, si l’on vient à éclairer assez la prépa- 112 LEGONS SUR LES BACTERIES ration pour que l’aclion chlorophyllienne puisse se produire, sous l'influence de la lumière, dès que l'oxygène se dégage, les Bactéries sont animées de mouvements [res vifs, comme l’a montré M. Engel- mann (1), et elles se dirigent loules vers les points où se fait plus particulièrement le dégagement d’oxv- gene. Cette propriété des Bactéries d’avoir, pour ainsi dire, des points d'élection, peul servir pour déceler la présence, dans un milieu, de quantités infinitésimales d'oxygène. C’est à la recherche de l'oxygène, dans des conditions analogues, qu'il faul attribuer le groupement des formes aérobies que l'on voit fréquemment se rassembler en voile, à la surface des liquides nutritifs. A côté de ces espèces étudiées jusqu'ici, qui vont, pour ainsi dire, à la recherche de l'oxygène de l’air, ilen existe d’autres qui semblents’éloigner des points où l'oxygène se trouve en abondance. C'est le cas d'un Sperillum éludié aussi par M. Engelmann (2). L'intensité du phénomène, cette fuite devant l’oxy- gene, si l’on peut s'exprimer ainsi, diminue à mesure qu'on abaisse la proportion de l’oxygene contenu dans l’air mis en présence de la Bactérie. Cette observation est un argument de plus, en faveur de l'existence d’espècesintermédiaires entrelesaérobies et les anaérobies. (1) W. Engelmann. — Bol, Zeitg. 1881, p. 44. (2) W. Engelmann. — Bot. Zeitg. 1882, p. 321. CULTURE DES BACTERIES 113 M. Pfeffer a démontré, d'une manière générale, l'influence d’une action chimique s’exercant en pré- sence des cellules et des organismes mobiles, chezles espèces les plusdifférentes(1). Cette action chimique doit être exercée par un corps étranger, soluble dans le liquide de culture où il a été introduit. Le mouve- ment peut êlre accéléré ou, au contraire, retardé. suivant les circonstances. C'est ce que M. Pfeffer a montré aussi, dans le cas particulier des Bactéries. Les substances chimiques, dont il est question à propos des Bactéries, sont prises parmi celles que naus avons indiquées, dans la liste des éléments nu- tritifs les plus favorables. Le sens des mouvements, d’après M. Pfeffer, est determine par celui des cou- rants de diffusion qui se produisent dans le liquide. Il enest de même du grand axe des cellules mobiles, qui est orienté dans la direction du courant. Enfin, la direction est aussi celle suivant laquelle les Bac- !öries sont entrainées mécaniquement dans le li- quide. Cette influence des substances chimiques dépend, toutes choses égales d’ailleurs, de l’état de la subs- lance et de la concentration du liquide de culture dans lequelelle est dissoute. On peut même dire que le mouvementne peut être déterminé par un courant quelconque de diffusion : la diffusion n’agit réelle- (NW. Pfeffer. — Untersuchungen aus d. Botan. Instıtut zu Tübingen. rs DE BARRY 8 114 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES ment que dans des liquides appropriés à chacune des espèces que l’on considère. Ce que nous venons de dire nous donne l’explica- lion d’un phénomène souvent observé : la présence dans l’eau, en très grand nombre, des Bactéries au- lour des corps solides, par exemple, autour des frag- ments de plantes mortes ou des morceaux de viande qui renferment des substances solubles, se diffusant sans interruplion dans l’eau environnante. On deduira, sans aucune peine, les applications pratiques de tout ce que nous avons dit, en se rappe- lant les details des phénomènes de végétation, les conditions où ces phénomènes se produisent, leurs rapports avec la production et la disséminalion des germes. Il suffira, dans chaque circonstance, de se rapporter à l’un ou à l’autre de ces différents phé- nomenes. C'est la seule recommandation générale que l’on puisse faire. Quand on à su acquérir une cerlaine somme de connaissances précises et qu'on a pris soin de réfléchir posément à ce que l’on veut faire, on a des chances sérieuses d'atteindre le but que l’on s'est proposé. Il nous suffira donc de passer très brièvement en revue les différentes applications uliles des faits que nous avons appris. Nous n'avons pas à ajouter grand’chose sur la cul- ture des Bactéries. On emploie ordinairement des produits formés par les animaux ou les plantes, comme de l'extrait de viande, des bouillons, des dé- CULTURE DES BACTÉRIES [> coctions de fruits, ele. On les neutralise el, sui- vant les besoins, on les mélange à de la gélatine ou bien l'on en fait des dissolutions dans l’eau, en ayant soin d'en employer des proportions qui ne doivent guère dépasser 10 p. 100. Tels sont les milieux nutritifs que l'expérience ordinaire indique comme élant les plus favorables. On est parfois obligé, on le comprend, de choisir des milieux différents de ceux que nous venons de dé- signer. En France, on a employé quelquefois, avec succès, des cultures dans l'urine. Dans quelques cas, on a dû prendre du sérum du sang. Ce dernier milieu s’est montré très favorable, el même, chez certaines formes parasites, il a el& le seul liquide de culture possible. On l’emploie d'habitude, comme l’a indiqué M. Koch, après l'avoir chauffé à 60° ou 70° el l'avoir ainsi solidifié. Les conditions absolument indispensables à l’ex6- eulion d’un travail sérieux, sont la pureté parfaite des espèces cultivées, l'absence de loule espèce étrangère et le contrôle loujours possible de la pu- relé qui doit se conserver pendant toute l'expé- rience. Nous avons donné plus haut (voir pages 62 et 74) quelques détails sur les manipulations qui per- mettent de réaliser ces diverses conditions. Nous avons aussi indiqué comment des espèces différentes 116 LECONS SUR LES BACTERIES pouvaient se nuire mutuellement el arriver à se dé- Iruire {Voir page 58). Pour conserver pure une culture donnée ou dans tout autre but, quel qu'il soit, on a souvent besoin de détruire complètement, de tuer les germes qui se (trouvent dans le milieu considéré. Pour les cultures, en particulier, il faut, avant de les préparer, détruire avec soin les germes qui peuvent exister dans les appareils, dans les vases, dans les éléments nutrilifs dont on doit faire usage. Celte destruction préalable des germes a reçu un nom : celui de stérilisation employé, pour la première fois, par M. Pasteur et par ses élèves. Les substances qui sont un poison, en général, pour le protoplasma ordinaire, comme les acides, le bi- chlorure de mercure, etc., employés dans des pro- portions convenables, produisent l’effetdesire, quand il s’agit de la destruction pure et simple des germes. Il est bien entendu que ces substances doivent, pour tuer le protoplasma, pouvoir pénétrer jusqu'à lui. C’est d’ailleurs ce qui arrive pour la plupart des espèces, mais non pour toutes : quelques cellules, en effet, résistent très bien à l'introduction, dans leur protoplasma, des substances loxiques. L'alcool absolu est un poison dont l'effet est pres- que instantané. Il tuera donc les spores des Bacilles endosporés, s'il arrive jusqu'à leur protoplasma. Cependant M. Pasteur a montré que les spores du DESINFECTANTS ET ANTISEPTIQUES 117 Bacillus anthracis peuvent résister a un séjour de plusieurs semaines dans l’aleool absolu. Il en est probablement de même d'autres espèces à endos- pores. Si l’on fait la même expérience avec des graines bien müres el intactes de cresson alénois, on obtient le même résultat : retirées après un sé- jour d’un mois dans l'alcool, on peut encore en obtenir la germination. Les spores des Bacilles et les graines de cresson ont cela de commun qu'elles sont toutes deux en- lourées d’une membrane protectrice qui ne laisse pas pénétrer l'alcool dans leur intérieur. Le prolo- plasma qui, dans toute autre condition, est sûre- ment tué chez ces mêmes graines de cresson, peul dans quelques cas rester vivant el sans altération, pour la raison que nous venons de dire. Mais l'emploi de semblables poisons dans les cul- Lures, pour obtenir une stérilisation toujours néces- sure, est accompagné, on le comprend, de très nom- breux inconvénients. On ne peut les éviter, dans la plupart des cas, qu'en se débarrassant, après coup. pour ne pas nuire à la culture, du poison qu'on ya mis d'abord. On voit alors que rien ne nous assure contre l'introduction, par les manipulations ulté- rieures, de nouvelles impuretés et de nouveaux germes. Le procédé le plus commode et le plus pratique pour obtenir la stérilisation consiste dans l'emploi 118 LECONS SUR LES BACTÉRIES d’une lempéralure extrèmement élevée qui doit dé- passer 100° quand il s'agit de la destruclion des spores. Il faul atteindre 120° à 150° pour stériliser un vase, à temperature sèche; pour les liquides, il suffit, pratiquement, de chauffer vers 100° quand on veul éviter la coagulation des matières albumi- noïdes que contient le liquide à stériliser. Les cellu- les végélalives sont, pour la plupart, détruites à 50° ou 60°, comme l'ont montré les expériences de M. Tyndall (1). Après une première opération, on laisse le liquide au repos pour permettre aux ger- mes qu'il peut renfermer de se développer, puis on chauffe de nouveau à 60° ou 70° et on recommence, (ous les deux jours environ, cette même opération. Dans la plupart des cas, cela suffit pour obtenir, au bout de quelque temps, un liquide pur de toute Bac- lérie, — à condition toutefois que le vase qui le ren- ferme soit hermétiquement clos, c'est-à-dire soil protégé efficacement contre lintroduction ulté- rieure des germes. Dans le courant de la vie, ce qu’on veut obtenir, en général, c'est de pouvoir se préserver d'un cerlaın nombre de germes nuisibles, de pouvoir empêcher leur développement, soit qu'on en laisse quelques- uns de vivants, soit qu'on les détruise. Une destruc- 4) J. Tyndall. — Philosophical transactions of the Royal Society Lon- ‘lon. Vol. 166 (4876), 167 (1877). — Voir," dans le dernier volume, le mémoire sur la stérilisation fractionnée. DESINFECTANTS ET ANTISEPTIQUES 119 lion radicale et complete de tous les germes répon- drait le mieux au but qu'on se propose, mais elle ne peut s’obtenir qu'en employant des poisons, dans des proportions assez fortes, ou une température à un degré assez élevé pour rendre celte destruction cer- laine; or, ces deux moyens risquent fort de nuire également à l'être ou à l'objet que l’on veut protéger contre les Bactéries. On ne peut, dans ce cas, que se contenter d'une approximation plus ou moins grande et par suite d'une protection plus ou moins certaine. Il n’est pas douteux que c'est à cette protection relative contre les Bactéries que l’on doit les ré- sultats heureux que l’on a obtenus de nos jours par l'emploi des désinfectants et, en particulier, par usage, dansles opérations chirurgicales, de ce qu'on appelle les antiseptiques. Laissons de côté, pour un instant, la proprele plus parfaile que les méthodes nouvelles ontpermis d'obtenir, en nous débarrassant, en grande partie, de ce nombre considérable de ger- mes répandus autour de nous; il n'en est pas moins certain que l'emploi des antiseptiques a amené une protection très efficace contre le développement des germes, moins en détruisant les germes d'une ma- nière absolue, qu’en arrèlant en partie leur deve- loppement et qu'en apportant un obstacle sérieux à leur végétation. 120 LEGONS SUR LES BACTERIES Les travaux étendus de M. Koch (1) ont montré que, parmi les désinfectants et les antiseptiques con- nus, le bichlorure de mercure, le chlore et le brome sont les seules substances qui détruisent complète- ment les germes. Des produits comme l'acide salicylique, employés dans des proportions convenables, semblent n'avoir d'influence nuisible que sur la végétation proprement dite, qu'ils empêchent de se faire. Ce sont là des propriétés spécifiques des différentes Bactéries qu'il faudrait étudier de plus près. Il n’y aurait rien d'é- tonnant à ce que le Micrococcus de l’Erysipele ou du furoncle se conduisit autrement vis-à-vis des anli- septiques que ne le fait le Bacillus anthracis que M. Koch s’est borné à éludier principalement. (1) Koch. — Mittheilungen aus d. Kaiserl, Gesundheitsamte. I, p. 23% VII: LEGON RELATIONS DES BACTERIES AVEC LE MILIEU EXTERIEUR, — LEUR ACTION SUR CE MILIEU. — SAPROPHYTES ET PARASITES. — LES BACTERIES SAPROPHYTES CONSIDEREES COMME AGENTS DES FERMENTATIONS. — PROPRIÉTÉS DES FERMENTS. La végélalion des organismes qui ont besoin, pour vivre, de malières organiques, doit nécessairement influer sur le milieu auquel elles empruntent leurs éléments nutritifs. Les modifications qui se produi- sent sont, en outre, intimément liées aux phénomènes de respiration el exercent sur le milieu une action profonde qui change notablement sa composition première. Ce que nous venons de dire s'applique surloul aux organismes dont le mode de vie est tout spécial, à cause du manque de chlorophylle : aux Infusoires aussi bien qu'aux Champignons et aux Bactéries. Ce sont des Champignons, en particulier, les levures, les moisissures, elc. qui, se prêtant, jusqu'à un certain 1232 LEGONS SUR LES BACTERIES point, avec plus de facilité aux expériences, ont fourni les données les plus exactes sur les phéno- mènes dont nous parlons : nous aurons dans la suite à les citer souvent comme exemples. L'intérêt qui s'attache aux Bacleries provient, en grande partie, de leur action sur le milieu où elles se trouvent. C’est celle action qu'il nous faul main- tenant étudier avec détail, en donnant les résultats les plus importants que les recherches actuelles on! pu fournir. Les organismes sans chlorophylle peuvent se divi- ser en deux catégories principales, suivant que leur substralum est une substance vivante ou une subs- lance morte. On donne le nom de Parasites à ceux qui se trouvent dans l'intérieur des êtres vivants ou à leur surface et qui, dans tous les cas, vivent à leurs dépens. Les autres portent le nom de Saprophytes el se nourrissent aux dépens de substances mortes. Quel- ques espèces peuvent, à la fois, s'adapter à ces deux manières de vivre; on peut les considérer comme Parasites aussi bien que comme Saprophytes. D’au- lres ne peuvent entrer que dans l’une ou l'autre de ces deux catégories. Nous aurons bientôt à examiner de plus près ces différences et ces distinctions, surtout en ce qui re- garde les Parasites. Il suffit, pour le moment, d’a- voir signalé leur existence. SAPROPHYTES AGENTS DES FERMENTATIONS 125 Nous commencerons par éludier les Saprophvtes, parce que les phénomènes qu'ils présentent sont plus faciles à comprendre. Les corps, dans lesquels vi- vent les Saprophytes, sont le siège d'actions chimi- ques qui donnent lieu à des dédoublements en élé- ments plus simples. Dans les cas extrêmes, il va une oxydalion, poussée au dernier degré, qui donne finalement naissance à de l'acide carbonique et à de l’eau, termes ordinaires de décomposition des ma- lières non azotées. Dans d’aulres cas, il vaoxyda- lion parlielle qui ne va pas jusqu'à la combustion complete : ce sont là les « fermentalions avec oxy- génalion », comme cela arrive dans la formation du vinaigre, où l'alcool! du vin est converti en acide acétique. Il se produit plus rarement d’autres espèces de réductions, comme dans la décomposition des sul- fates par les Beggiatoa. Enfin, on distingue les cas désignés sous le nom général de /ermentations qui donnent lieu à des pro- duits autres que des produits de pure oxydalion. L'exemple le plus connu est celui de la fermenta- Lion alcoolique où les matières sucrées du liquide primitif se dédoublent en alcool et en acide carbo- nique. Lorsque ces dédoublements s'accompagnent d'un dégagement de gaz plus ou moins putride, ce qui a lieu surlout quand on a affaire à des matières 124 LEGONS SUR LES BACTÉRIES azolées,'ilse produit ce qu'on appelle communément une putréfaction, terme qui à reçu une cerlaine si- gnification plutôt dans le langage vulgaire que dans le langage rigoureusement scientifique. Nous n'avons pas l'intention d'entrer dans les détails circonstanciés des actions chimiques qui se passent dans ces divers phénomènes, ni d'étudier à fond le côté purement physique et chimique de la question. Ce serait sortir de notre cadre. Nous nous eontenterons de rappeler, en quelques mots, que c’est seulement depuis 1860, environ. qu'on a montré, d'une manière cerlaine, que toute la suite des phé- nomenes de décompositions et de fermentations élait liée d'une manière immédiate à la vie et à la végélalion de certains organismes inférieurs, tels qu'un certain nombre de Champignons et l’ensemble des Bactéries. C'est un titre de gloire qui appartient en entier à M. Pasteur, d’avoir mis en lumière cette Iheorie « vitaliste » des fermentations, de l'avoir confirmée avec la plus grande netteté et de l'avoir élendue à toute une série de phénomènes qui s'y ral- tachent, contrairement à une théorie tout opposée qui n’attribuait aux organismes aucune aclion ou une action accessoire et sans importance. Il faut dire cependant que la théorie vilaliste avait déjà été en- (revue, pour la fermentation alcoolique, d'abord par Cagniard-Lalour, en 1828, et en 1837 par Schwann. sans que ces observateurs aient su lui donner une FERMENTATIONS EN GENERAL 125 portée plus générale et en dévoiler le sens véritable. Admettons donc que le mode de végétation de certains organismes vivants est la cause directe des fermentalions et que leur absence empêche forcé- ment la fermentation de se produire. L'action de ces organismes leur a fait, par cela mème, donner le nom d’organismes-ferments ou plus simplement de /erments, d'après la terminologie adoplée par l’école de M. Pasteur. Ce sont des Levures pour M. Nægeli. Suivant qu'ils se présentent en bâtonnets, comme les Bacterium, en bourgeons ou en filaments, on aura les ferments en bätonnets, les ferments-levures, etc. En France, on donne plus spécialement le nom de Levure, qui aété adopté par M. Nægeli pour désigner tous les ferments en général, à des Champignons par- tieuliers qui sontdes ferments, au point de vue physio- logique, et qui poussent en donnant des bourgeons. Il était ulile, pour que l’on puisse lire sans difficulté les mémoires écrits par les divers auteurs, de dé- finir exactement la signification différente du mol Levure. Il faut ajouter, en outre, que ce terme sert non seulement à désigner les ferments en gé- néral, ainsi que les ferments en bourgeons, mais qu'il est donné quelquefois, pour achever la confusion, à toutes les formes de Champignons qui produisent des bourgeons, que ce soient ou non des fer- ments. Nous aurons encore à revenir sur un 126 LEGONS SUR LES BACTERIES aulre sens que l’on a donné à ce mot de ferment. Comme la végétation ou la croissance des orga- nismes s'accompagne d'une fermentation, on prévoit qu'une substance fermentescible devra contenir loules les matières nulrilives nécessaires à l’exis- tence du ferment et à la possibilité de son dévelop- pement. C'est ainsi qu'il ne suffit pas, pour faire fermenter une solution pure de sucre, d'y introduire, en pelite quantité, des Champignons ou des Bactéries qui amènent sa fermentation ordinaire. Cependant, nous savons que le sucre est un élément nutrilif excellent. Mais ilne peut fournir que du carbone, de l'hydrogène et de l'oxygène, ce qui n’est pas suffisant pour l'alimentation des organismes vivants. Si l'on a le soin d'ajouter à celte solution sucrée des élémentsazotés qui laissent un résidu à l’incinération. la fermentalion se produira d'elle-même, pourvu que l'on soit, bien entendu, dans les conditions favorables de température, d'humidité, etc. Les substances nalurellement fermentescibles ou celles que l’homme fait fermenter artificiellement, pour son usage domestique, comme le moüt de raisin, sont les milieux les plus favorables pour servir à la vie des ferments. | Chaque fermentalion commence par la mullipli- calion et la croissance de l’organisme qui la produil aux dépens de la substance fermentescible. C'est ce qu'on peul prouver directement en prenant une FERMENTATION ALCOOLIQUE de 7 quantité infiniment petite de l'organisme considéré el en faisant des pesées successives, à mesure qu'il grandit. Les matières qui fermentent se décompo- sent en donnant des produits particuliers de fermen- lalion, par suile des phénomènes spéciaux de végé- lalion auxquels sont liées certaines décompositions chimiques bien définies. Nous n'insisterons pas davantage sur ce point dont nous avons déjà parlé. L'exemple le mieux étudié de ces décompositions est celui qui nous est offert par la fermentation alcoolique ; ily a décomposition du sucre par l'action d’un ferment qui n'appartient pas au groupe des Bactéries proprement dites, mais que nous ne con- sidérons pas moins, à cause de sa grande impor- lance : c'est la Levure de bière ou Saccharomyces Cerevisiae. D'après les résultats trouvés par M. Pas- teur, la levure de bière, placée dans un liquide approprié, décompose 100 parties de sucre ainsi qu'il suit: 1,25 sont employés à la formation de la levure, il se forme 4 à 5 p. 100 de glvcérine et d'acide succi- nique; le reste, c'est-à-dire 94 à 95 p. 100 est lransformé en alcool et en acide carbonique (1). Cet exemple montre que les dédoublements sont 4) D'une manière plus précise, 100 parties de sucre de canne donnent, en moyenne, d'après M. Pasteur : Alcool. 2.1, aan 51140 Acide carbonique. D te 49200 Glycérine. . . EN, Acide succinique. RTS 005 Cellulose, matière grasse,ete. 1,30 105,65 128 LECONS SUR LES BACTÉRIES parfois très complexes el ne conduisent pas pure- ment et simplement à la formalion d'alcool et SACCHAROMYCES CEREVISIAE. — «a. Cellules avant le bourgeonnement. — h-d. Stades successifs du bourgeonnement dans une solution sucrée. Grossissement 390 fois. d'acide carbonique. Ces dernières substances qui se (trouvent en quantité très considérable, comme on le voit, sont, il est vrai, les produits les plus impor- Si l’on tient compte de tous les produits formés il n’est pas possible de formuler exactement l'équation de la fermentation alcoolique ni celle des fermentations en général. « Lorsqu'on assimilait les fermentations, dit M. Pasteur dans ses Études sur la Bière, à des décompositions par action de contact, on devait croire et on croyait réellement qu'il existait pour chaque fermentation une équation fixe, déterminée, invariable. Aujourd'hui, il faut comprendre, au contraire, que l'équation d'une fermentation est essentiellement variable avec les conditions dans lesquelles elle s’accomplit, et que la recherche de cette équation est un problème aussi compliqué que celui de la nutrition chez un être vivant. Chaque fermentation a une équation qu'on peut assigner d'une manière générale, mais qui, dans le détail, est assujettie aux mille variations que comportent les phénomènes de la vie. En outre, autant de substances fermentescibles pourront servir d’aliment carboné à un mème ferment, autant de fermentations distinctes pourront être provoquées par ce ferment, tout comme, chez un animal, l'équation de la nutrition varie avec la nature de ses aliments. » PROPRIETES GENERALES DES FERMENTS 129 tants de la fermentation alcoolique et les seuls don! on s'occupe en pratique, dans la fabrication des vins ou des eaux-de-vie. On est ainsi conduit à distinguer, au premier abord, les produits principaux et les produits acces- soires dans toute fermentation; le produit formé en plus grande abondance donne, en général, son nom à la fermentation tout entière. Les fermentations qui se font sous l’aclion des Bactéries, suivent une marche assez analogue à celle de la fermentalion alcoolique que nous avons prise pour type. Mais, dans la plupart d’entre elles, les produits de décomposition sont connus d'une ma- nière approximative et même, dans certains cas, on n'a pu que signaler la présence des produits prin- cipaux. Très souvent, c’est l'acide carbonique qui domine. Nous aurons à les indiquer dans chaque exemple particulier que nous étudierons. Contentons- nous de remarquer, en outre, lexistence assez fré- quente de matières colorantes sous l'influence des Bacttries. Nous en avons déjà parlé au commence- ment de ces Leçons (Voir page 11). Des faits précis semblent permettre de conclure à l'existence de fer- menlalions donnant uniquement des substances colorées. Beaucoup de ferments, sinon fous, donnent un cerlain nombre de substances diverses, en quantité très petile : malgré leur masse peu considérable, DE EARY 9 130 LEGONS SUR LES BACTERIES elles ont Ja propriétéde produire, dans le substralum, d’autres modifiealions que celles qui concourent di- rectement à la marche générale de la fermentation. Ce sont des modifications accessoires. On connail des exemples de modifications semblables et de pro- duits analogues, formés par des Champignons qui ne jouent pas le röle de ferments et que l’on trouve dans certains organes et dans cerlaines celluies des organismes supérieurs ainsi que chez des plantes à chlorophylle. La Levure de bière ou Saccharomyces Cerevisiæ dégage une substance qui interverlil le sucre de canne en dissolution, c’est-à-dire qui le dédouble, avec fixation d'eau , en glucose et en lévulose, autrement dit encore, en sucre de raisin el en sucre de fruits. Le Bacillus amylobacter transforme, de la même manière, la cellulose en des composés solubles dans l'eau. On sait que les cellules des graines en germination sécrètent une malière qu'on nomme diastase, qui change les grains d’amidon en dextrine el en glu- cose. On a réuni les matières analogues à cette dias- lase sous le nom de zymases ou mieux de /erments solubles, ferments non figures : les auteurs allemands leur donnent, assez improprement, le nom général de ferments. D'après une terminologie naturelle em- ployée pour la première fois, par M. Duclaux ei par PROPRIETES GENERALES DES FERMENTS 131 l'école française, il convient d'adopter le nom gé- néral de Diastases, chacune des diastases différentes ayant une terminaison identique. C'est ainsi qu'on distingue lamylase, la saccharase ou sucrase, la ca- séase, ele. On réserve, en France, le terme de ferment pour les seuls organismes vivants ou figurés qui ont la propriété de produire des fermentations. Les diaslases, nous l'avons déjà dit, sont des corps non figurés sans forme précise ni organisation dé- terminée, solubles dans l’eau et semblant se rappro- cher, par leurs propriétés chimiques, des matières albuminoïdes. On peut les isoler des organismes qui les produisent, sans leur faire perdre, pour cela, leurs propriétés. Ce qui les caractérise en particu- lier, c'est leur pouvoir de produire des décomposi- lions et des dédoublements chimiques, sans entrer eux-mêmes en combinaison dans les composés qu'ils forment et sans altérer ainsi leur action ni la dimi- nuer. Cette action varie d’ailleurs d'intensité, suivant les cas : on peut distinguer, comme dans les exem- ples que nous avons cités, les diastases qui interver- lissent le sucre; on peut y ajouter celles qui chan- gent les aliments albuminoïdes, avec fixation d’eau, en peplones très facilement solubles et assimilables : cest ainsi qu'agit la pepsine dans le suc gastrique sécrélé par l'estomac des animaux. Ce qui précède nous fait comprendre, sans qu’il soil nécessaire d'y insister longuement, que si chaque 132 LEGONS SUR LES BACTERIES fermentalion possède son organisme parlieulier dont la présence est nécessaire el suffisante pour la pro- duire, elle peul aussi avoir une diastase spéciale exerçant une action délerminée. Une même solution sucrée peut donner naissance à une fermentation alcoolique sous l’action d’une certaine espèce, à une fermentation lactique ou butyrique sous l'influence d'espèces différentes. Une même fermentation, qui lire son nom des principaux produits qui sont for- mes, peut aussi se faire sous l’action d'espèces très diverses, sans que les autres conditions aient besoin d'être modifiées d’une manière générale. — Seule- ment, les composés élaborés peuvent être en quan- tites différentes dans les deux cas. C’est ainsi que la fermentalion alcoolique des matières sucrées est susceptible de se produire par suite de l’action des Saccharomyces et aussi de cerlaines espèces de Mu- corinées. Un même milieu peut donc fermenter sous lac- tion de plusieurs espèces : d'autre part, la même es- pèce peut donner lieu à des décompositions diffé- rentes suivant le milieu où elle est placée. Le fer- ment des vinaigreries oxyde l'alcool et le transforme en acide acélique, dans un liquide, sous une mince épaisseur. Quand l'alcool fait défaut, il ne donne plus que de l'acide carbonique et de l’eau. La Levure de bière décompose directement le sucre de raisin en acide carbonique el en alcool. Le sucre de canne PROPRIETES GÉNÉRALES DES FERMENTS 133 n'est pas ainsi décomposé immedialement : il est d'abord inlerverli par une diastase dont nous avons déjà parlé, et le sucre inlerverli, c’est-à-dire formé de glucose et de levulose, est alors transformé en acide carbonique et en alcool au fur el à mesure de sa production. Le Bacille de l'alcool bulylique de M. Fitz ou Ba- cıllus amylobacter (Voir plusbas la IX" Leçon) se déve- loppe bien dans les solutions de sucre de lait, d'acé- late d’ammoniaque, dans les laclales, les malales, les acétales, ele., sans y produire de fermenlalions caractéristiques. Il dedouble la glyeerine, la man- nite, le sucre de canne, en donnant de l'acide carbo- nique, de l'acide butyrique el de l’aleool butylique comme produits principaux, de peliles quantités d'acide lactique comme produit accessoire ; mais les premiers composés sont en quantités [res varia- bles suivant le milieu nulritif. C'est ainsi que l'acide bulyrique est, dans les trois milieux nutritifs que nous avons indiqués, dans les proportions de 17,4, 39,4 et 42,5. I ne serail pas difficile de Irouver de nombreux exemples de pareilles variations. La formalion des diastases peul aussi subir des changements analogues qui dépendent des différents milieux. M. Wortmann (1) a signalé, dans le cas (1) Wortmann. — Zeitschr. für physio!. Chemie, NI, p. 287. 134 LECONS SUR LES BACTÉRIES d'un Bacterium qu'il ne désigne pas autrement, la formation d'une diastase dissolvant l’amidon el le dissolvant seulement dans le cas où celui-ci se pré- sente en grains et qu'il forme à lui seul la réserve de carbone. Si le carbone peut être pris dans un com- posé quelconque, facilement soluble dans l’eau, comme le sucre, ou dans l'acide acétique, les grains d’amidon demeurent intacts. On peut dire la même chose du Bacillus amylobacter qui, d'après M. Van Tieghem, se nourrit de glucose en respectant la cel- lulose qu'il ne décompose et n'emploie comme ali- ment que lorsqu'il ne trouve pas d'autre réserve de carbone assimilable. Enfin, quand les matières nutritives ne changent pas, on peut, en modifiant dans des limites déter- minées les conditions extérieures, faire varier no- tablement une fermentation ou une décomposition donnée et mème l’empêcher complètement de se produire. On trouvera des exemples de ces modifi- cations dans les Mucorindes dont nous avons déjà parlé, dans les Saccharomyces, dans les Bactéries, comme le Bacillus amylobacter. Ce dernier, selon M. Fitz, peut perdre sa propriété de produire une fermentationsans perdre, pour cela, ses facultés végé- tatives. Il suffit de le porler à une température assez élevée, de chauffer ses spores jusqu'à l’Ebullition, pendant une à trois minutes, dans une dissolution de sucre de raisin, ou pendant sept heures à 800; ou PROPRIETES GENERALES DES FERMENTS 135 enfin, il suffit de le cultiver, pendant plusieurs géné- ‘rations, en présence d'un excès d'oxygène. Ces diffé- rents procédés empêchent de déterminer sa fermen- {ation habituelle. Les Mucorinées présentent, à mesure que l’on change leurs conditions d'existence, des variations très curieuses dans leur forme végétalive. On a pu les étudier, dans chaque cas, avec une assez grande précision. Les Saccharomyces et les Bactéries ob- servés après les Mucorinées, n'offrent ces change- ments de forme que dans des proportions insensi- bles et, le plus souvent. à peine appréciables. Cepen- dant, l’on comprend que les actions extérieures de toutes sortesdoiventinfluer, d’une certaine manière, sur leur forme : c'est ce qui ressort des considéra- tions présentées plus haut (Voir page 47). Il est done vraisemblable — ce point demande à être éclairci par des recherches précises — que les modi- fications que présentent les Bactéries fortement po- lymorphes, sont déterminées, en grande parlie, par les variations qui surviennent dans les conditions ex- térieures. Dans la succession naturelle des phénomènes, les différentes phases de l'évolution de l'organisme et de la fermentation qu'il produit, s’accomplissent rarement jusqu'au bout, en formant un cycle fermé. Le nombre de ces organismes est si considérable, que leurs germes arrivent ensemble ou peu de temps 136 LECONS SUR LES BACTÉRIES les uns apres les aulres dans des milieux oü des fermentalions diverses se sont déjà produites. Ils se développent donc tous à la fois ou bien agissent suc- cessivement pour former leurs composés parliculiers. S'ils rencontrent un milieu favorable, ils le trans- forment par leur végétalion, se le rendent impropre à eux-mêmes, tout en le préparant pour le dévelop- pement d’autres espèces. C'est ainsi que des fermen- lations et des dédoublements de toutes sortes peu- vent se produire el se produisent dans un même mi- lieu. Des exemples de ces fermentalions mélangées el de ces décompositions successives, se rencontrent dans la nature un peu partout et, en général, dans loutes les substances qui servent à l'alimentation de l’homme. Il nous est inutile de les décrire plus lon- guement, d'autant plus que nous aurons à y re- venir dans les cas parliculiers que nous aurons à examiner dans la suile de ces Lecons. VII“ LEGON MYPES I PRINGIPAUX DEL, SAPROPHNTES: —> NOTIONS SOMMAIRES SUR LEUR NOMENCLATURE. — SAPRO- PHYTES QUE L’ON TROUVE DANS AUD CRENOTHRIX, CLADOTHRIX, BEGGIATOA. — AUTRES ORGANISMES CONTENUS DANS L'EAU. Avant d'aborder l'étude plus détaillée de quelques Bactéries saprophyles en particulier, qu'on nous permette de faire quelques remarques préliminaires, en ce qui concerne cette élude. En premier lieu, il convient de remarquer qu'il ne nous sera pas possible de lenir compte de tous les faits connus relatifs à chaque espèce que nous décri- rons ni de les examiner successivement. Nous nous bornerons à rappeler ceux qui, entrant dans le ca- dre que nous nous sommes tracé, présentent un inté- rel général. D'ailleurs, des études ullérieures vien- dront ajouter beaucoup de notions nouvelles à celles que la science a acquises jusqu'à nos jours el il n’y 138 LECONS SUR LES BACTERIES a pas de doute que les idées actuelles ne subissent, dans l'avenir, de profondes modificalions. Nos études sur ce sujet sont à peine commencées el la voie des recherches vient seulement d’être ouverte depuis peu de temps. Nous ferons remarquer aussi que, voulant nous placer, avant tout, au point de vue purement mor- phologique et biologique de la question, il n'entre pas dans nos intentions de nous élendre longuement sur les détails des actions chimiques qui s’accom- plissent pendant les fermentalions diverses qu'il nous sera donné d'étudier. D'ailleurs, nous ne pourrons développer également chaque partie, même au point de vue où nous nous placons : car il s'en faut de beaucoup que chacune d'elles soit connue au même degré; les études se sont naturellement développées d’une manière très iné- gale, suivant le sujet envisagé. Il ne peut donc être question de donner une no- menclalure systématique ni de présenter une classifi- cation botanique naturelle : les divisions établies jusqu'ici, parmi les Bacléries, n'offrent qu'un pro- cédé plus ou moins commode et, en tout cas, provi- soire, de s'entendre à leur sujet; c'est ce que nous ferons à notre tour en adoptant, par une convention tacite, notre classification comme apportant simple- ment un peu d'ordre dans la nomenclature. Nous avons admis, d'après ces principes, que l'on NOMENCLATURE SOMMAIRE DES BACTERIES 139 pouvait diviser les Bactéries en Bactéries endosporees et en Bactéries arthrosporées ou sans endospores. Un cerlain nombre d'espèces, un peu mieux connues, peuvent facilement être prises dans lune ou l'autre de ces deux grandes divisions et être élevées au rang de genre; on les désignera alors par un nom générique qu'on prendra le soin de définir avec une grande précision. C'est ainsi que nous réservons lenoms de Bacillus à toutes les formes et à toutes les espèces à endos- pores, qui ont des cellules vegelalives en bâlonnets et des files de cellules dans une direction donnée. Parmi les formes à arthrospores, nous distingue- rons plusieurs types tels que les Beggiatoa, les Cla- dothrir, les Leuconostoc, les Sarcina, ele., que l'on différencie par les caractères que nous donnerons plus loin. Nous laissons de côté toule une foule d'autres types, pour lesquels nous nous bornerons à une dis- tinction superficiellé basé sur leur forme et quine pourront recevoir une place certaine que dans la classification définitive. On rangera parmi eux les types à spirales ou Spirillum, dont un certain nom- bre appartiennent, suivant M. Van Tieghem, aux Bactéries à endospores. D’autres formes n’ont pu être classées, d’une ma- nière bien définie, et onles réunit provisoirement dans un même groupe. C’est ainsi que les formes en 140 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES bälonnels qui n’ont pas d’endospores sont désignées sous le nom commun de Bacterium el celles qui ont l'aspect de cogues ou cellules arrondies (Voir page 20) sont appelées des Micrococcus. La distinction entre ces derniers et les Bactériums en très courts bâton- nets, ne peul être faite, on le comprend, que d’après cerlaines conventions provisoires; on doit done s’al- tendre à rencontrer entre loutes ces formes une cer- laine synonymie — qui existe en eflel. Les eaux, qui contiennent en dissolution des ma- lières organiques, renferment très souvent avec elles, dans des proportions appréciables, des formes relati- vement grosses, Aarlhrospores, quiviennent{roubler, d'une manière désagréable, la pureté des eaux : ce sont les Crenothrir, les Cladothrix, les Beggiatoa dont il a déjà été question. 1. Crenothri.e Kihntana. Celle espèce (1) (fig. 7) se présente, dans son élai de développement le plus avancé, sous forme de fila- ments qui ont de 3 à 6u. de largeur el près de | centimètre de long. L'une de leurs extrémités se fixe aux corps étrangers, ne prend aueune part à la multiplicalion, reste droite ou se recourbe très peu en formed'are. Lereste du filament se compose d'une I) W. Zopf. — Zur Morphologie der Spaltpflanzen. Leipzig 1882. 4°. — Id. — Entwickelungsgeschischtl-Unters. über Crenothrir polyspora, die Ursache d. Berlin Wassercalamitat. Beriin, 1879. — Id. — Monat- sberichte d. Berliner Academie, 10 mars 1881. SAPROPHYTES DES EAUX : CRENOTHRIX lil série de cellules cylindriques qui ont une demi-fois ou une fois et demie autant de longueur que de lar- geur. Les parties extérieures de leur membrane la- térale sont lapissées, sans inlerruplion, par une der- nière assise extérieure très mince qui fait le Tour du filament tout entier et qui, plus tard, se colore en jaune, en brun ou en brun-vert, par des sels de fer dont elle se pénétre. Lesfilaments se coupent {très souvent, dans le sens lransversal, en fragments qui restent en liberté dans l’intérieur du liquide et s’y rassem- blent en masses floconneuses. Parfois, ils peuvent continuer à se diviser jusqu'à atteindre la forme de cellules d’egal diamètre, dans tous les sens, el finissent même par prendre un contour circulaire assez régulier. Dans les gros filaments, les parties qui se dela- chent prennent souvent la forme d’un disque reclan- gulaire très peu volumineux, quise partage ensuile, dans le sens m&me de la longueur du filament, en petites cellules arrondies (fig. 7, d, c); celles-ci se séparent du disque et deviennent libres par suite d'une gélification qui se produit longitudinalement : ou bien, c’est à son sommet seulement que le disque se gélifie pour laisser passer les peliles cellules qui sont mises en liberté, soit à cause du simple allon- gement du filament qui les porte, soit par suite d’un mouvement qui leur est propre. La forme de ces petites cellules conduirait à leur donner le nom de 442 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES coques ‚leur développement ullérieur les fail recon- nailre pour des spores. Ces cellules, en effet, placées dans de l'eau de DER esooLE BEBER 28) GES 5 ®) Fig. 1. CkENOTHRIX KUHNIANA. — n. Groupe de jeunes filaments, fixés à leur base (grossissement 450 fois). — a, b igrossissement 540 fois). Fi- laments plus âgés; en D, articles séparés sortant par l'ouverture supérieure. — c. Filament plus large, avec cellules quadrangulaires à la base, dont le protoplasma s'est divisé en petites cellules rondes formant des spores. Les spores sortent à la partie supérieure. — d, e Spores germant et donnant de jeunes filaments (grossissement 600 fois). — D'après M. Zopf. marais, sont susceptibles de se développer et de re- produire des filaments identiques à ceux qui leur ont SAPROPHYTES DES EAUX : GRENOTHRIX 113 donnénaissance (d,e). Elles peuvent, d'autre part, tout en conservant leur forme de coques, se multiplier en sécrélant une assez grande quantité de mucilage externe et former des Zooglées qui sont d’une peti- tesse extrême ou bien, au contraire, qui atteignent jusqu'à près d’un centimètre de diamètre. Elles pas- sent rarement, d'après M. Zopf, à l’élat de mobi- lité, pour revenir ensuite à celui de repos. Les Zoo- glées sont d'abord incolores ; mais la production des composés de fer leur donne bientôt la même colo- ration qu'aux filaments isolés. Enfin, cet état de Zooglées peul cesser à son lour, pour laisser les cellules en forme de coques qui le composent don- ner naissance aux filaments qui ont été décrits tout d'abord. Le Crenothrir Kühniana eslrépandu dans les eaux de toute provenance, et même dans les eaux d’infil- tration, jusqu'à une profondeur de vingt mètres. Dans les conduits d’eau, dans les canaux de drai- nage, elc., il produit des accidents fort redoutés ; les filaments en pelotons el les Zooglées peuvent se mul- liplier en si grande abondance, qu'ils arrivent à for- mer, dans les canaux, une masse épaisse de mucilage compact qui arrèle le cours de l’eau. Dans les réser- voirs, on les voil s'étendre en couches qui peuvent atteindre plusieurs pieds d'épaisseur. L'eau est ainsi rendue impropre à l'usage domestique; ii n'es! guère possible de la boire, bien que le Crenothrir ne semble 144 LECGONS SUR LES BACTÉRIES pas avoir d'effet directement nuisible à la santé de l'homme ; on ignore aussi les actions chimiques qu'il oO peut produire dans le milieu où il se trouve. 2. Cladothrir dichotoma. Cohn. On rencontre souvent, non seulement dans les eaux d’égout, les détrilus d'usines, elc., mais aussi dans lesruisseaux, un organisme plus fréquentencore que le Crenothrix :c'estle Cladothrir dichotoma. Cohn (fig. 8). Il forme, sur les bords de l'eau, d'assez longues trainées floconneuses, d’un gris blanchälre. Les filaments très ténus, d'unaspecl analogue à ceux du Crenothrir, s'en dislinguent par ce fait remar- quable qu'ils sont ramifiés quand ils sont arrivés à leur complet état de développement. La ramiticalion se produit en partant d'une cellule du filament prin- cipal, qui se recourbe el se rejette légèrement de côlé, avant de croître bientôt dans toutes les direc- lions el de se partager transversalement. Le rameau fait avec l’axe un angle aigu; en con- sidérant son point de départ, ıl se dirige verticale- ment, demanière à former, nous l'avons dit, un angle aigu avec le filament principal. I pousse rarement dans un sens opposé. On retrouve très souvent cette forme de ramifica- lion chez beaucoup de Nostocacées, telles que les Scytonema, les Calothrir; on lui donne quelquefois le nom de « fausse ramification, » parce que la parl CLADOTHRIX 145 qu'y prend la cellule basilaire est différente, au point de vue morphologique, de celle qu’y prend cette même cellule chez la plu- part des autres plantes inférieu- res à une seule file de cellules. Cette fausseramificationest, d’ail- leurs, assez improprement nom- mée dans ce cas: car c’est tout simplement une forme de ramifi- cation réelle qui se fait d’une fa- con particulière, sans mériter le nom de fausse ramificalion, sous laquelle on a voulu la dis- linguer. Ce que nous savons, d'après les recherches de M. Zopf, sur la structure et le développement du Cladothrir se rapproche assez des faits décrits chez le Crenothrir : il y a peu de remarques généra- les à en tirer, el nous ne pouvons Fig. 8 (1). (4) Cravorurix bICHOTOMA. — 4. Partie de filament qui a d'abord poussé dans la direction r-p. Il y à eu ramification et bourgeonnement sur le côté, ce qui a donné la portion n,n. — A l’aisselle de ces der- niers filaments, on voit se former d'autres cellules cylindriques que l'on ne peut mettre en évidence que par l'action des réactifs colorés. — b. Portion de filament où l'on voit nettement la division en cellules et l'existence d'une membrane. A la partie supérieure, cette dernière est rendue manifeste par la disparition du protoplasma, (Grossissement 600 fois). — La largeur à été un peu exagérée. DE BARY 10 146 LEGONS SUR LES BACTERIES que renvoyer à la monographie de M. Zopf pour une étude plus détaillée des phénomènes. II ne sera cependant pas superflu de dire que, chez le Cladothrir, la membrane cellulaire peut contenir des oxydes de fer qui lui donnent leur coloration caractéristique. Les masses mucilagi- neuses, colorées en rouge ocre, qui se trouvent sou- vent en grande quantité dans les ruisseaux et les sources d’eau ferrugineuse, sont formées de filaments appartenant au C/adothrir, suivant M. Zopf. Autre- fois, on les décrivait sous le nom de Leptothrir ochracea, Külzing. Les filaments peuvent se reproduire à laide de fragments détachés qui continuent à s'accroitre; ils produisent, on le comprend aisément, des « bâton- nets » d'autant plus courts qu'ils sont eux-mêmes plus petits. La reproduction est aussi assurée, d’aulre part, par l'existence de spores ou «coques», c’est-à-dire de ceilules courtes et rondes qui sont mises en liberté et se développent en filaments. Les filaments ou les rameaux qui en dérivent peu- vent se couper en fragments, par des divisions {rans- versales au lieu de prendre la forme spiralée, mais encore relativement rectiligne qu'ils conservent en subissant une lorsion plus ou moins prononcée; les formes spiralées subissent, elles aussi, des divisions semblables. BEGGIATOA 147 Les fragments isolés, longs ou courts, enbätonnets ou en spirale, de même que les spores ou « coques », peuvent, très fréquemment, acquérir la propriélé de se mouvoir. Ceux qui sont allongés sont animés d’un cerlain mouvement dereplation ; ceux quisont courts ont des mouvements très analogues à ceux qui ont été décrits dans la première Lecon (Voir page 6). Enfin, toulesces formes diverses: filaments, bâton- nets, spirales, coques, se (rouvant ensemble ou iso- lémentdansun même milieu, peuvents’agglomereren Zooglées, par suite de la production d’un mucilage. Ces Zooglées prennent souvent l'apparence de buis- sons ramifiés. Chacune des formes qui ies compo- sent peut revenir à son premier état de mobilité, et même reprendre à nouveau l'aspect d’un filament dont elles proviennent et qui nous a servi de type pour notre descriplion du Cladothrir. Tous ces faits nous démontrent combien le C/ado- thrir esi polymorphe quand on le considère dans les différentes périodes de son évolution. Les noms de Leptothrix, de Bacille, de Bacterium, de Micrococ- eus, de Spirillum, ete., peuvent lui être successive- ment appliqués, à condition que ces termes n'aient pour nous d'autre signification que celle de designer les formes diverses que revêt la même espèce dans les divers stades de son évolution. On ne sait pas plus que pour le Crenothrir si le Cladothrir a une action nuisible et quels sont les 148 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES phénomènes chimiques auxquels il donne naissance. 3. Deggiatoa. Les travaux de M. Zopfont montré que les Beg- yiatoa (fig.9) serapprochent beaucoup des Cladothrix el des Crenothrir par une po- Iymorphie tres grande dans leur développement. Ils pos- sèdent en effet, comme ces derniers, des filaments et des parties de filaments, des bà- tonnels droits ou spirales, des formes de spirillums qui portent des cils et que l’on a décrites sous le nom d’Ophr- domonas (d), des cellules pe- liles el rondes ou spores, en- fin des agrégals ou Zooglées. Ces bätonnels, cesspirillums, Fig. 9 (1). ces « coques » sont animés souvent de mouvements très vifs. (1) BeGGraTOA ALBA. — a. Portion de filament en plein développe- ment. — b. Portion de filament où la division en cellules est rendue manifeste par l'action d'une solution alcoolique d'iode. — €. Filament très étroit, dans Ja mème préparation. Le grossissement de 4-e est de 600 fois : le dessina un peu exagéré la grandeur. — d. Formes spi- ralées mobiles (Ophidomonas), grossies 540 fois. — e-k. Formation de spores par division successive d'un filament. Le centre de chaque spore est formé, en grande partie, par un granule de soufr e. — f. Division plus avancée qu'en e, — g. Le filament se sépare en groupes de spores. — h. Spores isotées. — i-k. Germination des spores i à différents états et mobiles. — e-%, Grossissement de 900 fois. — d-k. d'après M. Zopf. BEGGIATOA 149 Il y a cependant une différence assez importante entre ces deux Lypes, dans ce fait que les Beggiatoa contiennent du soufre et que leurs filaments, comme ceux des Crenothrir, ne sont pas ramifiés. Le Beggiatoa alba est l'espèce qui se rencontre le plus fréquemment. Ses filaments sont incolores, fixés ordinairement, sans intermédiaire, à des corps solides, mais pouvant s'en delacher facilement : ils deviennent libres, dans ce cas, et leur largeur varie entre 1 gel 5 y. Il sont composés de cellules plus ou moins cylindriques ou aplaties et discoïdes, cette der- nière forme dominant dans les types les plus gros. Les cellules ne possèdent pas de membrane dis- linete entourant le filament tout entier. De plus, landis que, chez les Crenothrir et les Cladothrir, le corps proloplasmique est légèrement trouble, d’une manière uniforme, et finement granuleux, chez les Beggiatoa, ıl renferme par places des granulations relalivement volumineuses, rondes, fortement ré- fringentes el à contours sombres, formées par du soufre, comme l'a montré M. Cramer. Ces granules de soufre se rencontrent aussi dans les formes autres que les filaments. Leur nombre est d’ailleurs va- riable. Parfois, surtout dans les filaments très ténus, ils se montrent en petite quantité; ils peuvent même manquer complètement dans une certaine longueur : le plus souvent, ils existent en nombre assez considérable pour masquer la structure mème 150 LECONS SUR LES BACTERIES du filament, qui apparaîl alors comme un bâtonnel dont le contenu, uniformément trouble, estbourréde granules à contours noirâtres. L'emploi de réactifs très avides d'eau rend seul possible la distinction très nette des cellules (4). Les filaments possèdent des mouvements souvent très étendus, analogues à ceux que l’on rencontre chez les Oscillaires vertes dont il a déjà été question à plusieurs reprises et quise rapprochent, incontes- tablement, des Beggiatoa et des Bactéries à arthros- pores. Ils se déplacent, dans le sens de leur longueur, suivent une ou plusieurs directions opposées, en dé- crivant une spire qu'on pourrait placer à la surface d’un cône très aigu, d'un cône à double nappe. C'est le mouvement que nous avons indiqué (page 6) chez les Bactéries en bätonnels. Une observation un peu moins attentive ferait croire à un mouvement de reptation combiné avec un mouvement pendulaire qui semble affecter l'extrémité seule du filament. Enfin, il peut se produire des torsions qui disparais- sent par instants pour reparailre ensuite, en même temps qu'une courbure assez marquée s’elend au filament tout entier. On connait un certain nombre d'espèces de Bey- gtatoa. Citons le Deggiatoa roseo-persicina, remar- quable par sa polymorphie et sa coloration qui va du rose-rouge au violet, Ses Zooglées ont été rap- BEGGIATOA 151 portées par M. Zopf au Ulathrocystis roseo-persicina, Cohn. Le Beggiatoa nurabilis Cohn, n’esleonnu que sous la forme de filaments : c'est une espèce gigantesque — par rapport aux aulres; elle atteint de 20 à 30 a d'épaisseur. Citons encore le Beggiatoz arachnoides, Rolh. A part les quelques légères différences que nous avons signalées, toutes ces formes se rapprochent du Beggiatoa alba par la présence de granules de soufre dans l'intérieur des cellules. Le Beggiatoa alba est un des organismes qui se rencontrent le plus fréquemment dans l’eau. Il est ré- pandu aussi bien dans les eaux stagnanies que dans les eaux d’egout et les sources (thermales : on l'y rencontre souvent en même temps que les C/ado- thrix; on peut même le lrouver sur le bord de la mer, dans des eaux peu profondes. Les Beggiatou vivent sur des débris d'organismes, en particulier sur des plantes en décomposition : c’est pourquoi ils préfèrent le fond des eaux où les détritus abondent ; quand leur développement se fait sans encombre, on les voil recouvrir les objets sur lesquels ils sont fixés, d’une pellicule mucilagineuse, blanche ou rose, parfois d'un brun violet, dans le cas des Beggialoa rosco-persicina ; parfois aussi ils forment de longues trainées floconneuses. Ces organismes ont la propriété de réduire les 152 LEÇONS SUR LES BACTERIES sulfales contenus dans les eaux qu'ils habitent, en particulier le sulfate de soude, le gypse : ils mel- tent en liberté du soufre et de l'acide sulfhydrique. Celle réduclion a son siège dans le protoplasme mème des celluies : c’est ce que démontre la pré- sence, dans ce proloplasma, de granules de soufre, comme nous l'avons dit. La formation de l’acide sul- fhydrique a pour résullat de précipiter, à l’clat de sulfure de fer, le fer contenu dans les’cellules, lequel colore en noir la gaine mucilagineuse qui entoure les Deggtatoa. On explique aisément, de la sorte, l'existence dans les eaux, de l'acide sulfhydrique qui s'y trouve en dissolution ou qui se dégage en partie dans l’almosphere: ce gaz donne aux eaux l'odeur repoussante que l’on connait el sa présence peul nuire considérablement à la vie des animaux qui s'y trouvent habituellement. C’est ainsi que le fond du golfe de Kiel, couvert de Begqiatoa, s'appelle le fond « blanc », mais aussi le fond « mort », parce qu'on n'y trouve pas de poissons qui évilent avec soin ces parages. Cependant, le golfe ne semble pas interdit à tous les animaux sans exceplion (1). Ces pelites plantes ont donc un rôle particulier assez important dans l'économie de la nature aussi bien que dans l’économie humaine : c'est une pro- (1, E. Warming. Om nogle ved Danmarks Kyster levende Bacterier Vidensk, Meddelser fra den naturhist. Forening; Kjobenhavn 1875. — A. Engler. — Die Pilzvegetation d. weissen od. todten Grundes d. Kieler Bucht Bericht d. Commiss. Erforschung d. deutschen Meere. IV. BEGGIATOA 155 priélé qu'elles semblent avoir en commun avec d’aulres organismes à chlorophylle assez voisins des Oscillaires et des Ulothrir. Les formes que nous venons de décrire sont les représentants les plus remarquables du groupe des _Bactéries qui se trouvent dans les eaux : ce ne son pas les seules. Les eaux, qui contiennent des Dey- giatoa et des Cladothrir, sont habitées par des types, plus ou moins nombreux, appartenantà des groupes dont nous avons déjà parlé, comme les Bacilles à endospores par exempie.Nous n'avons pas encore de données suffisantes pour pouvoir étudier avec plus de détails leur structure et les actions chimiques qu'ils produisent. Les quelques fails particuliers que l'on connaît à leur égard, n’ont pour nous aucun in- térêL. Quant aux germes de Bactéries qui se trouvent, même dans les eaux les plus pures, exposées à l'air et à la poussière, nous en avons assez parlé (V'Lecon) pour ne pas avoir à y revenir ICI. IX° LECON SAPROPHYTES AGISSANT COMME FERMENTS. — FERMEN- TATION DE L'URÉE. — NITRIFICATION. — FERMENTS DU VINAIGRE, DES MATIÈRES MUCILAGINEUSES, DE L'ACIDE LACTIQUE. — KEFIR. — BACILLUS AMYLO- BACTER. — MATIÈRES ALBUMINOIDES. — BACTERIUM TERMO. ’armi les Saprophytes qui jouent le rôle de fer- ments et qui produisent des fermentations deter- minées, nous avons à étudier en particulier, à cause de l'intérêt général qu'ils nous offriront, les orga- nismes suivants : le Micrococcus de l’urée; les Bactéries de la nitrification: les ferments du vi- naigre ou fleurs de vinaigre;les ferments des acides lactique et butyrique; ceux des hydrates de car- bone el des autres matières organiques; enfin les Bactéries des matières albuminoides. FERMENTATION DW L’UREE 155 1. MICROCOCCUS DE L'URÉE. L’urine normale de l'homme et des carnivores, exposée à l'air, devient alcaline el ammoniacale, au lieu de conserver la réaction acide qu’elle présente à l'état frais. Cela vient de ce que l’urée est trans- formée en carbonate d’ammoniaque avec fixation d’eau. Le liquide, clair et limpide à l’origine, devient trouble, ce qui se produit, comme l'expé- rience le démontre, sous l'influence d’un organisme inférieur, peut-être aussi sous l'influence de Cham- pignons el de Bactéries de toutes sortes. Nous désignerons le premier organisme, sous le nom de Micrococcus ureae, Cohn. Il est de beaucoup le plus important, si nous considérons simplement la fermentation de l'urée dont il est question el dont il est l'agent principal (1). C'est à M. Pasteur qu'on doit d'avoir montré le premier que ce Mierococeus, pris à l'élat de pureté et cultivé dans un milieu bien pur contenant de l'urée, produit le dédoublement de cette dernière substance, comme il le fait dans l'urine même. Ce dédoublement a lieu, grâce à la production d'une diastase que le Mierococeus ala propriété de sécréter et qui a été mise en évidence, pour la première fois, par Musculus en la précipilant par l'alcool. (4) P. Van Tieghem. — Sur la fermentation ammoniacale, Comptes rendus, t. 58 (1864), p. 211. — V. Jacksch. — Zeitsch. f. physiol. Che- mie, t. 5, p. 395 (1881). — Duclaux. — Chimie biologique, p. 697. 156 LEÇONS SUR LES BAUTÉRIES Ce Mierococeus (fig. 10) se compose de cellules qui atteignent de 1,25 à 2 x de grosseur et qui peu- vent se réunir, le plus souvent sinon loujours, en séries de douze cellules au moins. Les sérieslinéaires, ainsi formées sont parfois, recourbées en 8% arc, ondulées et finalement ramassées en A 3 pelotons qui donnent, pour ainsi dire, de _* petites Zooglées dans lesquelles les cel- © Jules sont irrögulierement disposées, par places. Au commencement, les cellules dans les cul- lures sont cylindriques, d’après M. von Jacksch. Elles ne semblent pas être plus longues que larges Elles conservent cette forme pendant un certain temps, puisse réunissent en séries, forment de courts cylindres ayant l'aspect de bätonnels et, enfin, elles s’arrondissent postérieurement. On pourrait donc, si l’on voulait, parler d'une période « en bäalonnels » bien que cette dénomina- lion n'ajoule rien à la clarté de la description. La presence de spores distinctes chez le Micro- coceus de l’urée n’a pas été constatée. L'expérience démontre que le Hicrococcus ureae a besoin, pour vivre, d’être mis en présence de l'oxy- gene. Il ne peut donc pas, comme on l'a quelquefois prétendu, produire l’alcalinisation de l'urine à l’inté- 1) Micrococcus uRE4E. Cohn. — Dans l'urine en fermentation. — Cellules isolées et files de cellules Séreplococcus). — Grossissement 1100 fois. FERMENTATION DE L'URÉE 157 rieur de la vessie, dans certains cas decatarrhes de la vessie qui ont été observés : l’oxygène nécessaire à son développement lui fait défaut dans ces condi- tions. Cependant on a trouvé, dans le cas des affec- tions de la vessie où l’urine devient alcaline, une grande quantité de pelites Bactéries : il faut donc admettre que ces Bacleries ont été introduites dans la vessie spontanément ou accidentellement, par l'opération du cathétérisme par exemple, el pro- duisent, après coup, la fermentation dont il s’agit. Il faut admettre de plus que d’autres organismes, ceux-là anaérobies, sont susceptibles d'amener la fermentation de l'urée qui peut se produire en effet sous d’autres influences. M. Miquel (1), en 1882, a lrouvé, à l'appui de celte hypothèse, dans les poussières de l'air, une petite forme en bâtonnets qu'i a appelée Pacillus ureae, qui est anaérobie el qui donne du carbonate d’am- moniaque, comme le Micrococeus. L’urine des herbivores, d'après M. Van Tieghem, contient un Micrococeus, quitransforme par hydra- lation, l'acide hippurique en acide benzoique el en glycocolle ; cet organisme est peut-être identique au Mcrococcus ureae : ce n'est qu'une hypothèse qui demande à être vérifiée par des recherches nou- velles. (1) Annuaire de l'Observatoire de Montsouris. 158 LECONS SUR LES BACTERIES 2. NITRIFICATION. A côlé des formes qui donnent la fermentation de l'urée et qui sont liées à la production d’ammo- niaque, il faut placer celles qui produisent des nitri- ficalions ou oxydations des composés ammoniacaux avec formation de nitrates : c’est le cas de la pro- duetion du salpêtre, étudiée par MM. Schlæsing et Müntz (1): elle est due à l’action de pelites Bactéries spéciales. Le salpêtre, on le sail, se forme naturellement dans les endroits humides bien aérés, où des pro- duits ammoniacaux sont en présence d'une petite quantité de substances organiques et de corps alcalins, de sels de chaux par exemple. Il prend naissance artificiellement dans des milieux qui con- liennent des composés d’ammoniaque auxquels on a mélangé un peu de terre végétale, et que l’on con-» serve en présence d'un excès d'air, à une tempéra- Lure dont l’oplimum est de 37° environ. Cette formation de salpêtre s'accomplit, nous l'avons dit, sous l'influence de certaines Bactéries : elle cesse d’avoir lieu quand celles-ci sont détruites; elle se produit à nouveau quand on place ces Bac- téries, obtenues avec purelé, dans des milieux con- venables, sans que l’on ail besoin d'ajouter du terreau (4) Schlesing et Müntz. — Comptes rendus, t. 8%, p. 30i, t. 91, p- 1074. — Duclaux, — Chimie biologique, p. 708. NITRIFICATION 159 aux cultures. Remarquons qu'il s'agit ici uniquement d’une simple oxydalion sous l'influence des Bactéries qui se trouvent naturellement en quantité considé- rable, à la surface du sol humide. Les caractères morphologiques de ces Bactéries ne sont pas encore définis d’une manière précise. D'après les auteurs que nous avons cités, ce sont des Micrococcus analogues au Micrococcus aceti. M. Van Tieghem, dans son « Traité de Botanique » leur donne le nom de Micrococcus nitrificans. La description qu'on en fait ne permet pas de com- prendre exactement quel est leur aspect véritable et bien défini, et M. Duclaux attribue la nitrification à plusieurs formes différentes. L'importance du phénomène appelle une étude nouvelle faite avec soin ; il faut élucider ce point important qui consiste à rechercher si la nitrifica- lion se produit sous l'action d'une espèce délermi- née, ou bien si elle est due, dans certaines condi- lions, à des espèces mulliples, isolées ou réunies. 3. FERMENTATION ACÉTIQUE (1). Quand un liquide nutritif acide, contenant une cer- taine proportion d'alcool, est exposé à l'air, à une (4) Pasteur. — Comptes rendus;jt. 54, p. 265, t. 55, p. 28. — Duclaux, Chimie biologique, p. 501. — Nægeli. Theorie der Gahrung. Munich, 1879. —E£. C. Hansen.— Beitr. z. Kenntniss der Organismen, welhce in Bier und Bierwürze leben. Medäelesler fra Carlsberg Laboratoriet. Bd. I. Kopen- hague, 1882. 160 LEGONS SUR LES BACTÉRIES lemperalure un peu élevée qui atteint 30° à 40°, il se forme du vinaigre : dans ce phénomène, l'alcool est oxydé, avec absorplion de l'oxygène de l'air, el Iranform6 en acide acelique. En même temps, le liquide se trouble plus ou moins, sa surface se couvre d'un voile mince, incolore, qui augmente peu à peu d'épaisseur. Ce voile est formé, dans le cas d’une culture pure, d'un organisme auquel on à donné les noms de mère de vinaigre, de fleurs du vinaigre, de Micrococcus aceti, de Bacterium aceti, d'A rthrobac- terium aceti. C'est le Mycoderma aceti de l'ancienne nomenclature de M. Pasteur. Il ya vingt-cinq ans que M. Pasteur a montré que cel organisme vit aux dépens des composés orga- niques et minéraux contenus dans le liquide et que l'alcool est transformé en acide acétique, après ab- sorplion de l'oxygène de l'air. La démonstration se fait bien simplement en prenant un liquide pur, pré- paré comme il a été expliqué à la page 115; on y ajoule de l'alcool, jusqu'à 4 p. 100 environ, el à 2 p. 100 d’acide acélique, puis on y mel une quan- lité infiniment petite de l'organisme qui forme le voile superficiel. Placé à l'air et à une température convenable, le ferment acétique ne tarde pas à se dé- velopper, en converlissant l'alcool en acide acé- lique. Les différents procédés employés dans la pratique pour la préparation du vinaigre, dans le détail des- FERMENTATION ACÉTIQUE 161 quels nous ne pouvons entrer, se ramènent tous à la culture du Micrococcus aceti à une tempéralure con- venable et en présence d’une quantité d'air déter- minée qui varie suivant chaque procédé. Les solu- lions pouvant contenir du vinaigre, comme le vin, la bière, ete., auxquelles on ajoute du vinaigre préparé par avance, sont des milieux très favorables, analo- gues à ceux que nous avons précédemment indiqués. Le vinaigre qui sert à notre usage domestique, est une dissolution étendue d'acide acélique, qui ren- ferme un nombre plus ou moins considérable de Micrococcus aceti. Les germes en sont d’ailleurs très répandus et l'on est loujours sûr d'en rencontrer dans les récipients qui servent à la préparation et à la conservalion des liquides alcooliques. L'acélifica- tion de ces liquides, d’une manière spontanée, se fait,en somme, partiellement sous l'influence du fer- ment acélique. Le Micrococcus aceti, comme le Mrcrococcus ureae, est, d’après les connaissances les plus récentes, un Bacterium à arthrospores assez semblable, pou la forme, au ferment de l’urée (fig. 11). Il se com- pose ordinairement, à l’état normal, de cellules cy- lindriques, qui ne sont guère plus longues que larges et dont le diamètre transversal ne dépasse pas 1,5 u. Elles se multiplient par le procédé ordinaire de division transversale et forment souvent de longs filaments qui, dans les cultures vieilles, se désagrè- DE BARY. 11 162 LEÇONS SUR LES BACTERIES gent en articles distinets mais restant réunis par du mucilage. Celle forme ds Micrococcus, en cellules arron- N ‚„ dies, se rencontre souvent avec des f è fi cellules en séries dont chacune prend j Ri N 1 l’aspectde bälonnels, les uns allongés, Be, les autres presque carrés : d’autres ee ceilules sont fusiformes ou renflées en Met. bourgeons de manière à dépasser en diamètre, dans leur plus grande largeur, de quatre fois les cellules ordinaires, et même davantage. Il ne serait pas pcssible de rapporter ces cellules ren- flées à celles qui sont plus petites, si ces deux formes ne se trouvaient réunies dans un même filament, soil alternant, soit passant de l’un à l'autre par tous les intermédiaires possibles. On rencontre d’ailleurs ces « formes de passage » chez d’autres Bactéries : nous les avons vues réunies par M. Naegeli sous le nom de «formes d’involution» (Voir page 22). Il n’est pas facile de décider si ce sont là véritablement des formes de régression, comme le nom donné par M. Naegeli semble l'indiquer, ou bien si ce sont des formes maladives : en fout cas le Micrococcus du vinaigre ne nous permellra pas de trancher cette question. (1) Micrococcus ACETI, fleurs de vinaigre. Cellules rondes, isolées ou réunies en séries composées d'articles en bâtonnets, en fuseau ou en massue, ces dernières dans une culture conservée à 40°. Grossisse- anent 699 fois. FERMENTATION ACÉTIQUE 163 Quoi qu'il en soit, ces formes se rencontrent ou non dans beaucoup de cultures, à l’étatisolé; dans d’autres, elles se montrent extraordinairement nom- breuses et, dans ce dernier cas, je ne les ai ja- mais vues me donner «l'impression que donneraient des formes incapables de se développer ultérieure- ment ». Il n'est donc pas possible, pour le moment, d'avoir des idées arrêlées sur leur signification dans les différentes périodes de l’évolution de l’or- ganisme, non plus que sur les conditions de leur production et de leur disparition. M. E. Chr. Hansen a lrouvé un autre Micrococcus qu'il a appelé Micrococcus pasteurianus, quine diffère en rien des Micrococeus aceti, à cela près que, par suite d’une propriété qui se conserve dans toute la série des générations successives, ses cellules se colorent en bleu par l’iode, comme l’amidon (Voir page 13) tandis que celles du Micrococcus aceti se colorent en jaune sous l’action de ce réactif. Ce fait démontre que le ferment acélique qui pro- duit ordinairement la fermentation acétique n’est pas le seul à posséder cette propriété. En effet, on a encore observé d’autres Bactéries moins impor- tantes qui sont capables d’être des agents d’acetifi- calion. Le Micrococcus aceti peut non seulement produire du vinaigre, mais aussi le décomposer, une fois qu’il l'a formé.‘ Quand il a converti en acide acétique tout 164 LECONS SUR LES BACTÉRIES l’alcool existant dans un liquide, il n’arr&te pas pour autant sa croissance, comme l’a montré M. Pasteur: il peut continuer à vivre en oxydant à son tour l’a- cide acétique qu’il transforme en acide carbonique. et en eau, produits ultimes de toute décomposition organique de substances hydrocarbonées. Il n’est pas superflu de faire remarquer, bien que cela n'entre pas directement dans notre sujet, qu'il ue faut pas se servir, pour faire du vinaigre, de tous les voiles blanes qui surnagent à la surface d’un liquide pouvant se transformer spontanément en vi- naigre. On connaît ces moisissures blanches qu'on trouve sur la bière ou sur le vin, souvent comme un voile rugueux, et que l’on appelle des « fleurs du vin », ete. A l'œil nu, elles ressemblent, à s'y mé- prendre, aux fleurs de vinaigre : mais, au micros- cope, on voit que ce sont des cellules de levure, relativement grosses, el qui appartiennent au Sac- charomyces mycoderma (1). Get organisme n'a aucun rapport direct avec la production du vinaigre. Son aclıon sur l’aleool et les autres substances en disso- lution est beaucoup plus complete : il les convertil (1) Cet organisme, appelé plus fréquemment Mycoderma vini est beaucoup plus répandu que le Mycoderma aceti. C'est lui qui forme à la surface des vins, restés pendant quelque temps en vidange, ces pellicules blanches désignées vulgairement sous le nom de leurs du vin. Les fleurs du vin apparaissent facilement sur un liquide alcoolique non acide, riche en matières organiques dissoutes, comme le vin ou Ja bière. Elles s'y développent rapidement, à l'exclusion des aulres orga- FERMENTATION VISQUEUSE 165 du premier coup en acide carbonique el en eau. D'une manière indirecte, il contribue à l’acélifica- tion, en ce sens qu'il peut délruire un excès d'alcool et d'acide nuisibles à la végétation du Micrococcus aceti et préparer à ce dernier organisme un milieu favo- rable où il pourra désormais produire son action. 4. FERMENTATION VISQUEUSE. Nous arrivons maintenant à toute une série d'exemples de fermentations el de décompositions produites par les Bactéries dans les sucres el les com- posés hydrogénés à composition analogue. Remar- quons, à ce propos que si, dans la suile, nous parlons de liquides sucrés, nous supposerons chaque fois que nous voulons parler de liquides contenant en outre toutes les autres matières nutrilives néces- saires à la vie des ferments. Cela étant posé, disons d'abord quelques mots des fermentations. uismes, en particulier du Mycoderma aceli, qui, semé daus ces condi- tions, ne tarde pas à disparaître, détruit par son congénère. Les choses se passent autrement si le liquide alcoolique est acide. Non seulement le Mycoderma aceti se développe, mais il détruit à son tour le Mycoderma vini. I suffit de 2 p. 100 d'acide. C'est ce qui expli- que la pratique, employée de tout temps dans les vinaigreries, d’ajou- ter du vinaigre au vin que l’on veut acétifier. M. Pasteur, dans son beau mémoire sur la fermentation acétique, a insisté le premier sur « cette transformation et sur cette nutrition d'un mycoderme par un autre », sur ce parasitisme de ferments les uns sur les autres et sur ce remplacement d'un organisme, ayant pour conséquence une modification considérable dans la marche de la fer- mentation. 100 . LECONS SUR LES BACTÉRIES Lorsqu'on exprime le suc de certaines plantes contenant du sucre comme les oignons, les beltera- ves, elc., on le voit souvent devenir gélatineux, vis- queux (1). Il se forme de l'acide carbonique et par- fois de la mannite. Ces formations sont encore dues à des organismes qui vivent dans ces malières visqueuses. Si l’on transporte une pelite quantité de ces ma- tieres dans une solution de sucre de canne, ne con- lenant pas d’aulre germe, cette même fermentation visqueuse se produit sous l’influence des mêmes or- ganismes qui doivent être, par conséquent, considé- rés comme les agents de la décomposition chimique dont nous venons de parler. D’après M. Pasteur, ces organismes sont de deux sortes. Les uns sont formés de Micrococcus réunis en cha- pelets et très semblables au Micrococcus ‘ureae. Lors- qu'ils se trouvent seuls dans une solution sucrée, ils peuvent produire de la mannile, et de la matière visqueuse avec dégagement d'acide carbonique. Les seconds sont formés par des cellules assez irrégulières, relativement plus grosses que le Sac- charomyces de la bière ou levure de bière (Voir page 128) : les descriptions qu'on en a données ne per- (1) Pasteur, Comptes rendus, T.52, p. 344. —Van Tieghem,Leuconostoc Ann. Sc. nat. 6e serie, T. 7.— Duclaux, Chimie biologique, p. 572. FERMENTATION VISQUEUSE 167 mettent pas d'en déduire avec une grande netteté les propriétés morphologiques; du moins elles n’au- lorisent pas à placer ces organismes parmi les Bac- téries. Ces gros globules donnent, dans ces solutions sucrées, de la mannile seule sans matière visqueuse. La matière visqueuse dont il s'agit, qui est com- mune aux deux espèces d'organismes, semble êlre un hydrate de carbone de même composition que la cellulose CSH'00*. Les faits précédents qui ont besoin indubitable- ment d'êlre complétés dans une certaine mesure, montrent cependant, d’une manière très nelle, que l'acide carbonique mis en liberté et la mannite sont des produits de cette fermentation. La maliere vis- queuse elle-même peut être considérée, avec une Lrès grande probabilité, comme analogue aux mem- branes cellulaires gélatineuses ou visqueuses que nous avons si souvent rencontrées parmi les Bacie- ries aussi bien que parmi les Champignons, el qui entourent en abondance les Zooglées. Elle ne serait done pas un produit direct dû à la fermentation du liquide nutritif, mais un produit d’assimilation du ferment lui-même. D. GOMME DE SUCRERIE. Cette hypothèse se lrouve confirmée jusqu'à un cerlain point par les études de M. Van Tieghem et de M. Cienkowski sur le développement et la végé- 168 LEÇONS SUR LES BACTERIES talion du Leuconostoc mesenterioides ou gomme de sucrerie, désigné en Allemagne sous le nom de fra de grenouille (Froschlaich). La gomme de sucrerie est capable de transfor- mer, dans un temps très court, des cuves entières de jus de betteraves en une masse gelalineuse com- pacte dont la formation est une cause de pertes considérables dans les sucreries. M. Durin cite le fait d'une cuve de 50 hectolitres contenant 10 p.100 de mélasse qui fut remplie, dans l’espace de 12 heu- res, d’une masse compacte de matière visqueuse composée de Leuconostoc. Le développement du Leuconostoc nous a déjà servi d'exemple (Voir page 26), quand nous avons parlé du développement des formes à arthrospores. Reprenons-le avec quelques détails complémentaires (hs: 42) La spore, qui a la forme d'une petite sphère (A), germe dans le milieu nutrilif : elle apparaît d’abord entourée d'une épaisse couche de gélatine qui sur- : passe plusieurs fois le diamètre de la spore. Elle ne tarde pas à donner, par accroissement et divisions successives du corps protoplasmique, une rangée linéaire de cellules égales. L’enveloppe visqueuse prend part à cet accroissement, et le filament tout entier est entouré d’une assise épaisse, cylindrique, de mucilage ayant la consistance de la gélatine. Les cloisons transversales qui divisent le filament sont GOMME DE SUGRERIE 169 elles-mêmes gélatineuses, à l’état jeune; elles rem- plissent entre les corps protoplasmiques d’assez larges espaces de faible réfringence et la matière LEUCONOSTOG MESENTERIOIDES.— D’après M. Van Tieghem, Ann. sciences nat. 6e série, tome 7; — a. Aspect d’une zooglée de grandeur natu- relle ; — b-i. Grossissement 520 fois. 0. Coupe dans une zooglée adulte avant le début de la formation des spores. c. Filaments avec spores, à un äge plus avancé. d. Spores isolées, mûres. e-i. Stades successifs de la germination de spores dans un milieu nutritif.—Les lettres in- diquent la suite des stades successifs. En e, à la partie inférieure, on voit deux cas où la membrane de la spore est gonflée et se détache par un contour sombre du reste de l'enveloppe gélatineuse — 7. Par- ties provenant de À où le Leuconostoc s’est découpé en plusieurs fragments qui se sont séparés ensuite. gélatineuse se ; déverse latéralement pour aller se fondre avec la membrane extérieure (e-i). Les eloi- sons intermédiaires disparaissent dans les filaments plus âgés et Les cellules du filament sont alors en contact les unes avec les autres (0). Chacun des filaments issu d’une spore se recourbe peu à peu et arrive à être contourné plusieurs fois sur lui-même ou sur les filaments voisins. En 170 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES même lemps la gaine gélalineuse, d'abord unique, se découpe elle-meme en tronçons irréguliers qui restent cependant contigus (7) ou adhérents les uns aux autres par quelques parties. Ilse forme de la sorte des masses qui ont parfois la grosseur d’une noix et même davantage : ce sont là ces gommes produites en grande quantité el venant détruire le contenu des cuves, dans les sucreries. Une coupe dans ces masses, à un état un peu avancé, montre l'intérieur divisé en chambres, pour ainsi dire, par des cloisons, et renfermant des cellules en chapelets contournés (4). Quand le développement est arrivé à son terme, el que le milieu nutritif est épuisé, les cloisons géla- lineuses se liquéfient, les chapelets se séparent el les cellules qui les composent finissent par périr. Mais, avant ce phénomène, certaines cellules des chapelets se sont différenciées en spores distinctes, sans qu'on puisse observer un certain ordre dans celte formation : pour cela, ces cellules deviennent un peu plus grosses que les autres et s’entourent d'une enveloppe solide qui, cette fois, n’est nulle- ment gélatineuse et qui est la membrane externe de la spore. Nous revenons ainsi à notre point de départ, à la spore une fois formée. A côté de la reproduction par spores, il faut citer un mode de reproduction différent; c'est celui sui- vant lequel chaque partie du filament, quel que soil GOMME DE SUCRERIE 171 le point de la masse que l’on considère, est suscep- üble de reproduire un organisme nouveau. L'épaisseur du corps protoplasmique, dans les cellules végétales, varie d'après M. Van Tieghem, entre 0,8 et 1,2u; celle de la cloison entre 6 el 20 ».; enfin celle des spores entre 1,8 el 2 ». Au moment où la spore commence à germer (e), l'enveloppe gélatineuse apparait comme une dépen- dance de la membrane cellulaire : elle est nouvelle- ment formée ou du moins s’accroit considérable- ment à l’intérieur de l’assise la plus externe, qui est elle-même détruite et rompue. Cette origine est très importante en ce qu'elle est une preuve que l’enve- loppe gélatineuse est bien un produit d’assimilation formé à mesure que le filament s'accroît. La matière dont elle est formée a la même composition chi- mique que la masse gélalineuse produite dans la fermentation visqueuse. Les éléments qui entrent dans sa formation proviennent sans aucun doute du sucre contenu dans la solution, C'est ainsi que dans une solution de glucose, en présence de l'air et en empêchant le liquide de devenir par trop acide, M. Van Tieghem a montré qu'il disparaît environ 40 p. 100 de sucre qui sert à la formation du Leu- conostoc : le reste est en grande partie employé à donner de l’acide carbonique et de l’eau, sans qu'il y ait toutefois un dégagement visible de gaz. Dans les cultures avec du sucre de canne, il va 172 LEGONS SUR LES BACTÉRIES inversion du sucre en glucose et en lévulose, ce qui explique les pertes causées par le développement du Leuconostoc dans les fabriques de sucre. Le sucre de canne disparaît, comme dans l'exemple précé- dent, en se transformant en partie en glucose, le reste, c'est-à-dire 40 à 45 p. 100, étant employé à la formation même des cellules du Leuconostoc. Des productions de matières visqueuses analogues à celles que nous venons d'étudier dans la fermen- tation visqueuse des solutions sucrées, s’observent dans d’autres fermentalions appelées vulgairement « maladies », du vin, de la bière; ces liquides de- viennent alors « filants »: c’est le terme employé communément. Ces allérations sont, sans nul doule, occasionnées par la végélalion de microcoques réunis en fila- ments et la matière visqueuse produite semble avoir aussi, dans ces cas, la même origine et la même signification morphologique que dans celui du Leu- conostoc. Remarquons en passant, qu'il existe d'autres maladies du vin et de la bière qui sont dues à des Bactéries. Nous ne faisons que les signaler, nous contentant de renvoyer pour plus de détails à la lecture des « Etudes sur le vin », Paris 1866, par M. Pasteur et à ses « Etudes sur la bière », Paris 1872. FERMENTATION LACTIQUE 173 6. FERMENTATION LACTIQUE. La fermentation lactique des sucres (1) est connue depuis longtemps : il suffil, pour la produire, d'ajouter du lait aigri ou du fromage à des liquides fermentescibles; en les exposant à l'air, à une tem- pérature de 40° à 50°. La présence de carbonate de chaux ou de blanc de zinc est nécessaire pour per- mettre à l'acide lactique de se former sans interrup- tion, en quantité notable, car la fermentation s'ar- rête des que l'acide lactique existe dans le liquide dans une certaine proportion. M. Pasteur a montré le premier que le fromage ou le lait introduit dans le liquide contient, entre autres substances, un organisme se développant dans le liquide qui lui sert de milieu nutritif, et dans lequel il se montre comme l'agent principal de la fermentation. Cette fermentation est due en effet à de petites cellules cylindriques qui, au moment où elles vien- nent de se diviser, sont à peine une demi-fois plus longues que larges et dont le diamètre transversal ne dépasse pas 0,5 g. Après chaque bipartition elles se séparent en général l’une dé l’autre ou bien, ce (1) F. Hueppe. — Unters. über d. Zerselzung d. Milch. durch. Mi- kroorganismen. Mittheil. aus d. Reichsgesundheitsamt, II. 309 — On y trouvera les indications bibliographiques sur le sujet. Duclaux. — Chimie biologique. 174 LEÇONS SUR LES BACTERIES qui arrive [res rarement, restent réunies en petit nombre. Les cloisons transversales sont très nettes et se distinguent par l'existence d'un léger étran- glement à leur niveau. Les cellules n’ont pas de mouvement propre. D'après sa forme extérieure, cette espèce est ana- logue à celle de l'organisme du vinaigre et peut recevoir le nom de Mirococcus lacticus que M. Van Tieghem lui a donné. M. Hueppe admet cependant une formation de spores qui se fait, si j'ai bien com- pris ce qu'il veut dire, suivant le type des Bactéries à endospores. Si le fait est exact, les Bacterium de la fermentation lactique serait un très petit Bacille dans le sens que nous avons donné jusqu'ici à ce mot, et il devrait porter ce nom. Ce Micrococcus où Bacillus lacticus est loujours contenu dans le lait, quel que soit l’origine de ce der- nier : cependant il faut en excepter le lait provenant directement des glandes mammaires; on l’y {trouve dès que le lait commence à « tourner ». Dans les étables, les vases employés pour recueil- lir le lait sont à tel point infestés des germes du Bacille, que ce dernier existe toujours dans un milieu propre à son développement. C'est là qu'il faut cher- cher la cause de l’altération du lait, due à une fermen- tation lactique agissant sur le sucre contenu dans le lait : quand l'acide lactique produit a atteint une certaine proportion, il agit lui-même sur la caséine FERMENTATION LACTIQUE 17 qu'il coagule, scus forme d’une matière homogene el gelalineuse, dont la présence caractérise le lait aigre. Les autres propriétés physiologiques de cette Bactérie du lait se trouvent étudiées avec soin dans le travail de M. Hueppe et nous y renvoyons le lec- teur curieux d’avoir des détails complémentaires à ce sujet. Ce Bacille ou ce Micrococcus lachcus que nous ve- nons de décrire nous offre done l'exemple d’un fer- ment très aclif et Lrès répandu dans le lait : mais ce n'est pas le seul. Le nombre des espèces de Bactéries qui existent dans le lait et quiforment de l’acidelacti- que en décomposant les sucres en dissolution, semble être relativement considérable. M. Hueppe seul en signale cinq qui sont lous des Microcoques. L'un d’eux nous est déjà connu sous le nom de Mirococcus prodigiosus (Voir page 27). Deux autres ont élé trou- vés par M. Hueppe dans la bouche de l’homme où ils fournissent l'acide lactique qu'on y {rouve ordinaire- ment : le Bacille de l'acide lactique, dont il a été lon- guement question, n'y a été rencontré qu'exceplion- nellement. De nouvelles recherches sont nécessaires pour éclaircir ce sujet, pour étudier la plupart de ces formes et leur action. Cependant on peut dire dejà avec certitude que partout ou presque partout où il se forme de l’acide lactique en quantité notable, cet acide est dû à un ferment, à un Bacterium. Mais 176 LEGONS SUR LES BACTERIES ce ferment n'est peut-être pas unique et il est possi- ble que ce ne soil pas celui que nous avons déeril tout à l'heure comme l'agent habituel de la fermentation lactique. C'est un fait qu'il n’est pas inulile de se rappeler quand on veut avoir en vue les cas fréquents où l’on peut rencontrer de l'acide lactique, dans un grand nombre d'aliments que l’on fait aigrir artificielle- ment, comme la choucroule, etc., ou bien dans ceux oùl’aciditéest le signe d’une altération, comme dansles légumes qui se gätent, dans la bière et loutes les fois où l’acidité n’est pas due à la présence du vinaigre. 1. KEFIR. C'est l'occasion de parler de nouveau d’une Bac- térie dont il a déjà été question (Voir page 27), le Bacterium du Kefir, qui donne lieu à une altération intéressante du lait. Ce Bacterium est connu depuis 1882, grâce aux travaux de M. Kern (1). Le Kefir ou Kephir est le nom d’une boisson, d’un liquide filant, mousseux et un peu alcoolique, que les habitants du haut Caucase préparent avec du lait de vache, de chèvre ou de brebis. Il ne faut pas confondre le Kefir avec une autre liqueur, appelée (4) E. Kern. — Ueber ein Milchferment aus dem Kaukasus. Bot Zeitg. 1882, p. 264. — Bulletin de la Soc. d’hist. nat. de Moscou, 1882. Hneppe. — Ueber Zersetzungen d. Milch, etc. Deutsche Med. Wo- chenschrift. 1884, no 48 et sq. KEFIR Br Koumys, préparée avec du lait de jument et qui sert de boisson aux tribus nomades des steppes de l'Asie. La fermentation qui produit le Kefir s'obtient en ajoutant au lait un organisme décrit précédemment, comme le {ype par excellence de la Zooglée ; il a reçu également le nom de Kefir, comme la boisson qu'il produit, ou celui de « grains de Kefir ». Les ha- bitants du Caucase recueillent la liqueur dans des outres de cuir : l’Européen se sert plus commo- dément de vases en verre. Dans ce dernier cas la préparation du Kefir se fait ainsi qu'il suit : Des « grains de Kefir » vivants et bien humectés sont mis dans du lait très frais, dans une proportion telle que l’on ait une partie de Kefir, en volume, pour six à sept de lait. Le mélange est laissé au repos, à la température ordinaire d’une chambre, pendant vingt-quatre heures, avec l’acces libre de l'air : on couvre le vase qui le contient pour protéger le li- quide contre la poussière; on agite à plusieurs re- prises. Au bout de vingt-quatre heures on décante et les « grains de Kefir » peuvent servir à une nouvelle préparation. Après avoir été décanté, le lait, que nous appel- lerons, si vous le voulez bien, lait fermenté, est mé- langé à une quantité double de lait frais, puis il est mis en bouteilles et bien bouché. Au bout d’un ou de plusieurs jours la boisson acidulée et pfus ou moins DE BARY 12 178 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES mousseuse, est prête. Elle a un léger goût acide el, comme l'indique l’Epilhete dont nous nous sommes servi, elle est plus ou moins riche en acide carboni- que suivant la température et la durée de la fermen- tation : elle peut même en contenir assez pour faire éclater les bouteilles. Enfin elle renferme, nous l’a- vons dit, un peu d'alcool, moins de 1 p. 100 dans les expériences que nous rapportons ici, de 1 à2 p. 100 dans d’autres cas. L’altöralion du lait, qui amène la préparation de la boisson dont nous parlons, est due à l'influence combinée d’au moins {rois organismes différents. Les « grains de Kefir » se composent en grande partie, nous l'avons vu précédemment (Voir page 27), d'un Baclerium filamenteux à mucilage, quia été nommé par M. Kern Dispora caucasica. Entre les différents individus de cette première espèce, dans l'intérieur de la Zooglée visqueuse, sont des groupes nombreux d'une levure semblable à la levure de bière, au Saccharomyces. Enfin on trouve encore le Bacterium ordinaire de l'acide lactique qui s'attache aux grains de Kefir en même temps que d'autres Champignons el d’autres impuretés, ou bien qui y est apporté par le lait frais versé sur les grains. Ces organismes ou des espèces voisines sont assez connus pour que nous puissions nous faire une idée précise el vraisemblablement assez exacte de ce qui se passe dans la fermentation que nous étudions. KEFIR 179 Le lait devient acide grâce à l’action du ferment lactique qui transforme une partie du sucre de lait en acide lactique. La fermentation alcoolique, c'est-à-dire la pré- sence de l'alcool et d’une bonne partie de l'acide carbonique, s'explique par l’action de la levure qui emprunte les matériaux nécessaires à son existence à une autre partie du sucre de lait. D'ailleurs le Kefir produit cette même fermenta- tion alcoolique soit qu'on le prenne de toutes pièces, soit que l’on isole la levure qu'il contient, lorsqu'on le place dans une solution de sucre de raisin : seule- ment la fermentation est moins active qu'avec la le- vure de bière ordinaire. Mais l’on sait que le sucre de lait ne donne pas directement de l'alcool sous l’action des différentes levures connues et l'expérience montre qu'il en est de même avec la levure du Kefir. C’est qu’en effet la fermentation alcoolique ne peut s’accomplir que si Le sucre de lait a été préalablement interverti ou transformé en sucres fermentescibles directement. D’après M. Nægeli (1), la production d’une diastase, inlerverlissant le sucre de lait, est très fréquente chez les Bactéries. M. Hueppe a démontré l’exis- lence de cette inversion pour son Bacille de la fer- mentalion lactique : ici, l’inversion nécessaire pour (1) Naegeli. — Niedere Pilze, 1871. p. 12. 180 LEGONS SUR LES BACTERIES l'existence d’une fermentation alcoolique, sous l’ac- tion de la levure, sera fournie par le Bacille ou bien par le Bacterium qui composent la Zooglée ou en- core par les deux organismes à la fois. Nous avons vu que la boisson est très fluide. La coagulation de la caséine a bien lieu, mais de deux choses l’une : ou bien cette coagulation ne se fait pas de la même manière que dans le lait ordinaire, c’est- à-dire en masse homogène, gélatineuse et elle donne simplement de petits amas de matière, de petits flocons qui restent suspendus dans le sérum; ou bien la masse homogène formée tout d’abord se dissout ultérieurement dans le liquide. Il se produit ainsi une liquéfaction partielle, une peptonisalion de la caséine primilivement formée. Cette peptonisation doit être attribuée à l’action de l’invertine sécrétée par le Bacterium de la Zooglée, car le ferment lacti- que ne possède pas, semble-t-il, la propriété de li- quéfier la caséine et de la transformer en peptone. Cette hypothèse qui est d'accord avec les faits contenus dans la note très courte que M. Hueppe a publiée sur ce sujet, est aussi confirmée par ce fait important que le lait fermenté, qui sert à la prépa- ration du Kefir, contient toujours un grand nombre de levures et de cellules du ferment lactique en plein accroissement, tandis qu'il ne renferme que très peu ou pas du tout du Bacterium de la Zooglée. Les grains de.Kefir retiennent vraisemblabiement ce der- KEFIR 181 nier organisme landis qu'ils laissent passer la levure dans le lait. Il semble donc naturel d'admettre que la diastase sécrétée par les grains passe dans le lait fermenté où elle produit ullérieurement son action, Je n'ai pu trouver de fait plus précis, sur ce su- jet, dans les différents travaux que j'ai pu consulter jusqu’au moment où ce livre a paru. Si nous nous arrêtons encore un instant au Kefir, nous remarquerons que le Saccharomyces qu'il con- lient, croit en bourgeonnant comme la levure de bière ordinaire el forme des groupes ou des amas de cellules dans l’intérieur ou à la surface du grain, ou bien il peut se répan- dre au dehors dans le li- 29 quide environnant. Il est ® >> plus petit et plus étranglé que la levure de bière; sa forme extérieure peut cependant être assez bien représentée en reprodui- Fig. 13 (1). sant la figure ci-contre (fig. 13) qui convient au Saccharomyces cerevisiae. Quant au Bacterium qui domine dans la compo- sition du grain de Kefir, nous ne connaissons, au- tant que je sache, que sa forme végétative. Il se (1) SAccHARONYCES CEREVISIAE. — a. Cellules avant le bourgeonne- ment. — b-d. Stades successifs du bourgeonnement dans une solution sucrée. Grossissement 390 fois, 182 LECONS SUR LES BACTERIES compose, comme nous l'avons déjà dit, de bâton- nets étroits, réunis en filaments qui sont eux-mêmes entrelacés et agglomérés en Zooglées par une ma- tiere gélalineuse. L'origine des grains de Kefir a été simplement cherchée dans les outres de cuir dont les habitants des montages du Caucase se servent pour mettre leur lait : on n'a pas réussi à trouver comment leurs germes arrivent jusque-là. Dans nos pays les grains nous arrivent à l’état sec; c’est sous cette forme qu'on les conserve aussi dans leur pays d'origine. Leur dessiccation se fait rapide- ment et elle s’accomplit surtout au soleil. Les grains secs qui nous parviennent en Europe ont en grande partie perdu toute action, aulant que j'ai pu le constater par moi-même. Le grain qui est encore resté vivant pousse lentement dans le lait, comme nous l'avons déjà indiqué (Voir page 110), en s’accroissant d’une manière uniforme par multi- plication simultanée de toutes ses parties. A mesure que l'accroissement se fait, il se détache de lemps en temps des fragments de différentes grosseurs, ce qui amène de la sorte une multiplication active des crains. Des observations isolées m'ont fait croire à la possibilité de voir une partie de Dispora, prove- nant d’un grain, reproduire de nouveau un autre srain de Kefir : c’est un fait qui demande à être en- core vérifié. BACILLUS AMYLOBACTER 183 On n'a pas encore pu constater directement la formation des spores. Cependant M. Kern en parle et il a même donné au Bacterium du Kefir le nom de Dispora à cause de ce fait que chaque bätonnet peut contenir deux spores qui bientôt sont réduites à une seule. Malgré des observations nombreuses, je n'ai jamais réussi à constater ce phénomène : j'ai vu, il est vrai, très souvent des formes qui correspondent aux descriptions de M. Kern, mais qui sont dues à ce qu'un bältonnet ou une partie de filament se recourbe sur lui-même : la courbure se produit suivant la lar- geur, dans la partie médiane qui repose horizontale- ment sur la lamelle de verre. On voit, suivant le ha- sard de la préparation, l’une des deux extrémités qui sont arquées ou toutes les deux à la fois, ou bien l’on aperçoit le filament de profil : c’est cette dis- position qui a sans doute trompé M. Kern. Si donc l'on veut employer, pour le Bacterium du Kefir, le nom de Dispora, je me contenterai de faire remar- quer que le phénomène que ce nom semble désigner, n'existe pas. 8. BACILLUS AMYLOBACTER. Nous allons elore la série des exemples de Bac- teries qui produisent des fermentalions dans des matières non azotées, en étudiant encore une des Bactéries les plus répandues, l’une des plus impor- fantes et des plus intéressantes à cause des actions 184 LECONS SUR LES BACTERIES qu'elle produit : le Bacille de l'acide butyrique, le Bacillus amylobacter, Van Tieghem, Bacillus butyri- eus, Clostridium butyricum de Prazmowski (1); tels sont les quelques noms divers qu'on lui a successi- vement donnés. Si je ne me trompe, M. Fitz a rattaché à cette espèce son Bacillus butylicus : n'oublions pas d’ail- leurs que l'espèce unique que l’on considère aujour- d’hui peut se trouver plus lard distinguée en plusieurs autres espèces, après que de nouvelles recherches viendront ou modifier les faits anciens ou en faire connaître de nouveaux. Le Bacillus amylobacter (tig. 1%) est un Bacille qui a environ un y d'épaisseur ; il se présente sous la forme de bätonnels étroits, cylindriques, réunis le plus souvent en courts filaments et ordinairement tres mobiles. Morphologiquement, il est très facile à caractériser par la forme des cellules-mères de ses spores, qui prennent l'aspect de fuseaux, el qui, à l'intérieur de la portion la plus renflée, produisent une spore ovale ; la spore est cylindrique, à extré- mités arrondies, souvent un peu arquée, entourée d'une assez large enveloppe gélatineuse et, en gé- (1! P. Van Tieghem. — Sur le Bac. Amylobacter, etc. Bull. Soc. Bot. de France, T. 24 (1877), p. 128. — Sur la fermentation de la cellulose, id. T. 26 (1879), p. 25. A. Prazmowski. — Unters. über Entwickelungsgeschichte u. Fer- mentwirkung einiger Bacterien-Arten. Leipzig, 1886. Frisch. — Sitzungsber. d. Wiener Academie, mai 1877.) BACILLUS AMYLOBACTER 185 néral, beaucoup plus courte et aussi plus étroile que le renflement dans lequel elle s’est formée. Un autre caractère distinc- tif est la coloralion, due à la pré- sence de l’amidon ou de la granu- lose (Voir page 35) que présentent la plupart des cellules avant la for- mation des spores. De plus, il arrive habituellement que le Bacillus amylobacter ne forme Fig. 14 (1). pas un voile distinct, ou bien ne se groupe pas en Zooglées plus volumineuses, mais au moment de la production des spores, il prend plutôt la forme de « Bactéries en tête » dont il a déjà été fait mention précédemment quand nous nous sommes occupé de celte espèce de Bactérie (Voir page 35). Du reste, le Bacillus amylobacter se présente sous des aspects très divers : les formes différentes des cellules qui donneront les spores sont réunies très souvent dans la même préparation, comme on le voit dans la figure 14. Les conditions dans lesquelles il est ordinaire- (1) BacıL.us AmvLoBActer. — Bätonnets mobiles, les uns cylindriques et sans spores, les autres renflés d'une manière particulière et avec spores dans les parties renflées. Grossissement 600 fois. — s. Gros- sissement plus considérable montrant une spore mûre, rendue libre après gélification de la membrane de la ceilule-mere, et possédant ellc-même une épaisse enveloppe gélatineuse. 186 LECONS SUR LES BACTÉRIES ment, font considerer le Bacillus amylobacter comme un type des ferments anaerobies de M. Pasteur (Voir page 97), bien qu'il puisse continuer à vivre en pré- sence de l'oxygène. Quand il est anaérobie, il est l'agent principal des fermentalions butyriques dans les solutions sucrées, c'est-à-dire des fermentations dans lesquelles l'acide butyrique est le produit prin- cipal, à côlé d’autres composés qui varient un peu suivant les différentes substances fermentescibles en présence, comme l'ont montré les recherches de M. Fitz. On peut admellre que c'est ce même Bacillus amylobacter qui produit la fermentalion butyrique des lactates, malgré l'opinion contraire de M. Fitz. C'est un fait sur lequel il faudrait revenir. Comme agent de la fermentation butyrique, le Bacillus amylobacter joue un rôle important dans l’économie domestique, en aidant à la préparation, ou mieux à l’altération de certains aliments; c'est ainsi qu'il produit en grande partie la fermentalion du fromage et qu'il achève sa préparation néces- saire avant qu'il ne soit prêt pour l'usage de la table. Le Bacillus amylobacter est, en outre, comme la montré M. Van Tieghem, un agent très actif de décomposition des plantes dont il détruit la cellulose dans les membranes cellulaires. A la vérité, il ne s'attaque pas à toutes les membranes indifférem- ment; c’est ainsi qu'il n’a aucune action sur les BACILLUS AMYLOBACTER 187 membranes subérifiées, les vaisseaux du liber, les plantes aquatiques submergées, les mousses, un grand nombre de Champignons; il agit de préfé- rence sur les membranes des tissus charnus, paren- chymateux, comme chez les feuilles, l'écorce, les liges herbacées, les lubercules, ete. La destruction de la cellulose se fait, dans ce cas, au moyen d’une diastase sécrélée par le Bacille qui transforme la cellulose en dextrine et en glucose, ce qui permel à la fermentation butyrique de se produire. La plupart des grains d’amidon ne sont pas alla- qués par le Bacille amylobacter, à l'exception de l’empois d’amidon et des matières amylacées solu- bles. L’alteralion et la destruction des organes végétaux, maintenus humides, se produisent le plus souvent à la suite de son action : c’est ce qui arrive dans quelques cas, mis à profit par l’industrie humaine, comme la macération et le rouissage du lin, du chanvre et d’autres plantes textiles em- ployées aux usages domestiques. Il en est de même, d’après MM. Reinke et Berthold, de la décomposi- tion pulride, dans l’eau, des pommes de terre gâtées. D’après M. Van Tieghem, le ferment butyrique joue un rôle important dans la nutrition des ru- minants, à laquelle il concourt puissamment en transformant, dans l'estomac de ces animaux, la cellulose du fourrage en des composés solubles el assimilables. 188 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES M. Van Tieghem a émis en outre cetle opinion très vraisemblable que le ferment butyrique a été un agent très puissant de la destruction de la cellulose depuis la période géologique de la houille. Des pré- paralions de plantes fossiles, qui ont été silicifiées après avoir subi une macéralion plus ou moins pro- longée, permettent de suivre, dans des coupes minces, la même série de phénomènes amenant la destruction de la cellulose, que dans la macération des plantes qui s'opère actuellement. On a pu même reconnaître des traces d’un Bacterium que M. Van Tieghem a identifié avec le Bacillus amylobacter. L'action destructive du Bacillus amylobacter s’&- tend encore à d’autres substances que celles que nous avons considérées jusqu'ici el qui sont exemp- tes d’azole; c’est ce qu'ont prouvé les recherches de M. Fitz, dont nous avons déjà parlé et dont nous recommandons l'étude pour avoir sur ce sujet des détails plus circonstanciés. Nous parlerons bientôt de son action sur les matières albuminoïdes. Il n’est pas douteux que la plus grande partie des fermentations butyriques qui se produisent, sont dues à l’action du ferment butyrique : cependant on ne peut assurer, d’une manière absolue, qu'il oc- casionne seul toutes les fermentations dans lesquelles le produit principal est l'acide butyrique. M. Fitz décrit comme ferment de l'acide butyri- que, dans le lactate de chaux et différents sucres, BACILLUS AMYLOBACTER 189 un gros Microcoque rond, en chapelets et un Bac- terium en bâtonnets courls, sans endospores. Il esl d’ailleurs le seul à rapporter ces faits. Il avait pré- cédemment soutenu que le Bacillus subtilis donne de l'acide butyrique dans de l’empois d’amidon et il recommandait ce procédé de fermentation comme très pratique pour la production de l'acide buly- rique : son opinion reposait sans aucun doute sur une erreur dans la détermination de l'espèce de Bac- törie qu'il observait. Le Bacillus subtilis typique, celui de M. Brefeld et de Prazmowski, n’a rien à faire avec celui de M. Fitz, car Prazmowski assure, de la manière la plus formelle, que le Bacillus subtilis ne produit aucune fermentation dans l’empois d’amidon. On ne peut guère citer, à l'appui de l'opinion de M. Fitz, l'argument donné par M. Vandevelde (1) de l’action du Bacillus subtilis dans l'extrait de viande, la glycérine, le sucre de raisin; lorsque tout l’oxy- gene a élé consommé, il produit une légère fermen- lation qui donne un peu d'acide butyrique. Ce fait n'a pas, dans celte discussion, l'importance qu'on croirait devoir lui attribuer, puisqu'il ne s’agit que de la production de l'acide butyrique, en quantité _Lrès faible, tandis que M. Fitz parle au contraire d’une formation d’acide en très grande abon- dance. (1) Vandevelde. — Studien z. Chemie d. Bacillus subtilis. Zeitschr. f. physiol. Chemie, T. 8, 367. 190 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES Des données morphologiques précises font done défaut pour décider d’une manière certaine à quelle espèce appartient le Bacillus subtilis de M. Fitz qui produit la fermentation de Pamidon. Celle question ne pourra donc être résolue pour le moment. À ce propos qu'on me permette de faire remarquer qu'il existe un certain nombre de Bacilles saprophyles, à endospores, qui ressemblent au Ba- cillus subtilis, et qui ont été certainement confondus plus d’une fois avec ce dernier. On ne sait d’ailleurs pas grand’chose sur les fermenta- | Lions produites par ces Bacilles. ‘a i Le Bacillus subtilis de Brefeld et ef; de Prazmowski, que je désigne ? ® ainsi, pour mieux me faire com- ee prendre, se distingue, d’après ces 5 observateurs, d'une manière pré- \ N) cise, par un ensemble de carac- 5 leres qui ont été donnés dans une Fig. 15 (à). précédente leçon, par sa germina- Lion (Voir page 40), par son groupement en un voile superficiel, irrégulièrement ridé, avec des replis en I, B. BaazLus suBriis.— 1. Portion de filament avec spores müres. — 2. Début de la germination d’une spore : la membrane externe est dé- chirée transversalement. — 3. Bätonnet jeune sortant de la spore, dans sa position ordinaire, sur le côté. — 4. Premier bätonnet recourbé en fer à cheval et devant libre plus tard à l’une de ses extrémités. — 5. Bätonnets du stade précédent recourbés encore à leurs extrémités. Grossissement 600 fois. FERMENTATION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES 191 zigzag el donnant finalement, à la surface du liquide nutritif, des spores ovales, relativement grosses. 9. FERMENTATION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. Les décompositions qui se produisent dans les matières albuminoïdes et qui les transforment en une espèce de gelée, surtout celles qui ont lieu avec dégagement de gaz el que l’on désigne vulgairement sous le nom de putréfactions, s'accomplissent aussi, sans aucun doute, sous l'influence des Bactéries. D’après les faits que l’on connaît, les différents phé- nomenes qui se passent dans ces putréfactions et la part qu'y prennent les différentes espèces de Bacté- ries, sont {res variables, on peut le prévoir sans peine. L'étude de ces phénomènes, celle de l'in- fluence des Bactéries et des formes diverses qu'affec- tent ces organismes, dans le cours de leur action, commence à peine à être abordée. Tout d’abord, nous ferons remarquer une action intéressante due à certaines Bactéries seulement, par exemple au Bacillus subtilis, au Bacillus mega- terium : nous voulons parler de la liquéfaction de la gélatine, sous leur influence. Nous avons à citer ensuite une Bactérie, que nous avons déjà bien souvent rencontrée: le Bacillus amy- lobacter. D'après les travaux de M. Fitz et de M. Hueppe, le ferment butyrique agit sur la caséine du lait, par 192 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES l'intermédiaire d'une diastase sécrétée par le Ba- cille, de manière à produire un effet analogue à celui de la présure ou caille-lait. Il ya coagulation, puis liquéfaction el transformation en peplone d’a- bord et ensuite en d’autres produits de dédouble- ment plus simples, comme la leucine, la tyrosine et enfin l’ammoniaque. Le liquide prend, sous l'influence de ces différents composés, un goût d’amerture plus ou moins pro- noncé. Une action analogue, pour ne pas dire identique à celle du ferment butyrique, a été trouvée par M. Duclaux, dans la caséine du lait, chez des Bacilles qu'il appelle des Tyrothrir (Voir page 95) et que l'on peut placer à côté des Bacillus amylobacter aussi bien à ce point de vue qu’au point de vue morpholo- gique. Le Tyrothriz tenuis, par exemple, produit d’abord la coagulation du lait, puis la liquéfaction, et donne enfin de la leucine, de la tyrosine, du valérianale et du carbonate d’ammoniaque. Il n’y a pas de doute que ces différentes modifica- tions, aussi bien que celles qui s’en rapprochent, ne nous donnent une idée de ce qui se passe quand le lait coagulé se transforme pour donner le fromage : dans ces divers phénomènes, les Bactéries que nous avons citées, jouent un rôle important, et il est intéressant de les chercher dans le fromage qui les contient. FERMENTATION DES MATIERES ALBUMINOIDES 193 M. Bienstock (1) a recherché les Bactéries qui se trouvent dans les excréments de l’homme. Il a mon- tré que les résidus alimentaires renferment, à côté d’autres formes qui n'interviennent pas ici, un Bacille qui se montre d'une manière constante, el qui est, pour M. Bienstock, le ferment principal de la putréfaction de ces malières, mais qui est aussi le ferment de l’albumine et de la fibrine. Placé dans des cultures pures, ce ferment agit à lui seul sur les matières albuminoïdes, en particu- lier sur la fibrine qu'il transforme successivement en produits de décomposition, dont il a été question, jusqu’à l’amener à se décomposer finalement en acide carbonique, en eau et en ammoniaque. Si on le fait agir sur l’un des composés intermédiaires qu'il pro- duit, par exemple sur de la tyrosine, il la décom- pose en la faisant passer par toute la série régulière des différents produits que nous avons cités. Aucune des autres Bactéries, que M. Bienstock a étudiées, n'a montré les mêmes propriétés. La caséine, aussi bien que les albuminates alca- lins formés artificiellement, ne sont pas modifiés par le Bacille de M. Bienstock. La caséine même semble rester complètement inaltérée. Lorsque le Bacille fait défaut, comme dans l'intestin des enfants (1) Bienstock. — Ueber die Bacterien der Faeces. Zeitsch. f. Klin. Medicin, t. 8. DE BARY 13 194 LEÇONS SUR LES BAGTERIES à la mamelle, la fermentation qui l'accompagne fait aussi défaut et les déjections inteslinales n'ont pas d’odeur caractéristique. Pour ce quiregarde les propriétés morphologiques de ce ferment des matières albmuninoïdes, il ressort des descriptions du même auteur que c’est un Bacille à endospores, assez semblable pour la forme, au moins pendant la production des spores, au Bacillus amylobacter : est mobile comme ce dernier, il est composé de ce que nous avons appelé des « Bactéries à tete » que l’auteur compare à des baguettes de tambour. Il est cependant plus petit que le Bacillus amylobacter et m&me que le Bacillus subtilis. Du reste, iln’est pas possible, d'après les descriptions et les résultats de M. Bienstock, de se faire une idée bien nelte de l’évolution complète de cet organisme : ce sujet demande des recherches nouvelles. Il y a lieu, en particulier, de rechercher jusqu'à quel point se confirme celte espèce de monopole que possède le Bacille « en forme de baguettes de lam- bour » de produire la fermentalion indiquée. En effet, les résultats obtenus à ce propos ne peuvent donner une conviction complète, surtout si l’on se rapporte à ce qui se passe dans d’autres fermentalions connues. Ce n’est pas que je veuille fournir des arguments certains contre cel exclusivisme attribué au Bacille dont nous parlons, car des déterminations absolu- ment précises des espèces sont encore trop peu sûres, BACTFRIUM TERMO 195 pour ne pas admettre, comme une chose possible, que le Bacille de Bienstock n’existe bien réellement, en même temps que d'autres formes, et que, lors- qu'il existe, il ne produise véritablement l’action qu'on lui attribue. Mais je veux dire seulement que l'on peut au moins faire quelques réserves à ce sujet, d'autant plus qu'il est généralement reconnu que le ferment ordinaire des matières albuminoïdes est le Bacterium termo (1). M. Cohn exprime cette dernière opinion de la manière la plus formelle lorsqu'il assure qu'il est arrivé à cette conviction complete que le Bacterium termo est le ferment de la putréfaction au même litre que la levure de bière est celui de la fermen- lalion alcoolique, qu'aucune putréfaction ne com- mence sans le concours du Bacterium termo et ne se continue sans amener la multiplication de cel organisme ; qu'enfin, le Bacterium termo est le pre- mier agent de la putréfaction et qu'il est le ferment saprogène par excellence. Ces principes semblent devoir perdre de leur gé- néralité en présence des faits contradictoires cités par M. Bienslock : on pourra dire aussi que le mot de « putréfaction » avait été employé sans que l’on ait précisé bien exactement les phénomènes de dédoublement qui se produisent ni la qualité des (1) Cohn. — Loc. cit. Beitr., ete., T. 2, page 169. 196 LEÇONS SUR LES BACTERIES matières qui se putréfient. Cela est vrai; mais il est aussi hors de doute qu'en employant le mot général de « putréfaction » on a en vue ce que l’on désigne communément par ce terme de « putréfaction des malières albuminoïdes »: parmi celles-ci on place certainement la viande de boucherie; d’autre part il est non moins cerlain que le Dacterium termo existe constamment dans les substances où s’accom- plissent ces sortes de phénomènes. Il reste à savoir exactement ce que l’on entend par Bacterium termo, d'autant plus que la Bactério- logie actuelle passe complètement sous silence cette ancienne dénomination tombée en désuétude. Elle se fonde pour cela sur la difficulté que l’on a de savoir au Juste ce que Dujardin, Ehrenberg et d’autres entendaient par ce mot il y a une trentaine d'années. Ce que M. Cohn a décrit, sous ce nom, en 1872, est une forme très répandue el très dis- incite. On l'oblient aisément en abandonnant à elles-mêmes, dans l’eau, des graines de légumineuse quelconque, on en obtient une culture en mettant une goutte de l’eau qui s’est altérée dans ce qu'on appelle le liquide de Cohn (1). En transportant, à (1) Le liquide de Cohn (Voir Eidam. Cohn’s Beitr., t. 3, p. 270), a la composition suivante: Phosophate de potasse.......... SAFE Sulfate de magnesie... ......... 1 — Acétate neutre d’ammoniaque..... 2 — Chlorure de potassium. . ....... 0,1 the CNE Plz BACTERIUM TERMO 197 plusieurs reprises, une goutte du liquide infesté dans un liquide nouveau, on arrive à obtenir une culture suffisamment pure du Bacterium termo. Cet organisme prend, dans les cultures, un aspect caractéristique : dans les premiers jours, le liquide devient peu à peu trouble et laiteux, puis sa surface se recouvre d'un voile légèrement vert, où la Bac- térie s’est réunie en quantité notablement considé- rable. La culture dans de la gélatine est impossible, car cette substance devient fluide presque immé- diatement sous l’action rapide du Bacterium. Au microscope, le Bacterium termo se présente sous la forme de cellules petites, en bâlonnets, me- surant, d’après M. Cohn, 1,5 ». de longueur et une demi-fois ou un tiers autant de largeur; la biparti- tion y est excessivement active et les cellules sont réunies par paires, rarement en séries plus nom- breuses. Il ressemble ainsi au MWicroccus lacticus : il en diffère par des dimensions un peu plus considé- rables, mais surtout par une mobilité considérable dans le liquide où les cellules isolées se trouvent suspendues. Le mouvement se fait souvent en arrière et dans l’un ou l’autre sens. Il ne tarde pas à se produire, à la surface du liquide, des agrégats de Zooglées, sous forme d’une peau gélatineuse verdâtre, dans laquelle les cel- lules sont immobiles. M. Cohn a décrit, dès 1853, le passage de l’un à l’autre de ces deux états. 198 LEGONS SUR LES BACTERIES On n'a pas observé chez le Bacterium termo, une formation caractéristique de spores; il semble qu'il faille le ranger parmi les espèces à arthrospores. L'incertitude que l’on a à ce sujet, fait désirer que l'on fasse des recherches nouvelles. Elles nous mon- Ireront, sans aucun doule, ce qu'il faul penser de la propriété que l’on semble reconnaitre à cel orga- nisme d'être l'agent de la fermentation putride. Le Bacterium termo clôt la série des exemples des Bactéries saprophytes que nous nous élions proposé d'étudier. X° LECON. BACTÉRIES PARASITES. — CARACTÈRES DU PARASI- TISME. Nous allons passer maintenant à la seconde caté- gorie de Bactéries que nous avons distinguée précé- demment : les Bactéries parasites. On donne le nom de parasites, en Biologie, à des êlres vivants qui habitent à la surface ou dans l’in- térieur d’autres organismes et qui se nourrissent de leur substance. L'animal ou la plante chez qui le parasite habite et dont il se nourrit est appelé son hôte, son commensal, ete. On connaît des parasites appartenant à des classes très différentes du règne animal ou du règne végétal, et l'on a pour quelques- uns d’entre eux, des connaissances assez précises de leurs propriétés et de leurs caractères. Il me suffira de citer les vers parasitaires de l'intestin, d’une part et, de l’aulre, parmi les plantes, toute la multi- tude des Champignons parasites proprement dits. L'étude de ces êtres, relativement facile pour 200 LEGONS SUR LES BACTERIES quelques formes, a montré qu’ils sont soumis à des variations excessivement étendues, dans leurs modes d'existence, àdesdégradations très diverses qui chan- sent de nature d’un cas à l’autre, c’est-à-dire d’une espèce à l’autre; ces modifications s’accomplissant sous l'influence plus ou moins considérable de la vie parasilaire d’une part et, d'autre part, sous l'action variable des échanges qui se font entre le parasite et son hôte. Un exposé plus complel de ces variations nous conduirait beaucoup trop loin, si peu que nous vou- lions l’aborder en détail. Il nous semble cependant indispensable d'indiquer les points principaux qui caractérisent les parasites pour pouvoir nous diriger dans notre étude des Bactéries parasilaires. En nous rapportant à la définition que nous avons donnée de la vie parasilaire, nous voyons tout d’a- bord que si nous placons à l'extrémité d’une ligne les Saprophytes, nous aurons à placer à l'extrémité lout opposée, les Parasites proprement dits, c'est-à- dire les êtres qui ne peuvent accomplir toute leur évolution autrement qu'à l’état parasitaire, et qui ne passent jamais par la phase de Saprophyles. Parmi ces parasites vrais, auxquels fait complète- ment défaut une période d'existence à l’état de Sa- prophytes, nous citerons, pour ne parler que des plus connus : les Entozoaires, comme la Trichine, le Ténia; parmi les Champignons : les rowilles ou DU PARASITISME 201 Urédinées qui sont parasites sur cerlaines plantes. Tous ces êtres ne vivent, rigoureusement parlant, que dans leurs hôtes et de leurs hôtes. On peut concevoir la possibilité de voir se repro- duire artificiellement ou spontanément, les condi- tions d'existence d’un parasite, en dehors du corps de son hôte : ce serait, dans tous les cas, une expé- rience intéressante et instructive que celle qui ferai développer un Ténia à partir de l'œuf, à l’aide d'une solution nutritive. Pratiquement, l'expérience n'a pas été tentée et l’on n’a pas d'exemple qu'elle se soit faite dans la nature. On peut donc dire qu'il ya là un parasitisme rigoureusement obligatoire. Nous disons « rigoureusement obligatoire », car il existe une variélé de parasitisme dans laquelle la vie parasilaire est nécessaire pendant l’évolution tout entière de l'espèce : dans d’autres cas, elle peul souvent se faire d’une manière factice, c'est-à-dire que l’organisme parasite peut, pendant une certaine période deson existence, vivre à l’état de Saprophyle. Le règne animal ne me fournit pour le moment au- cun exemple bien connu : ilen existe cependant. Parmi les plantes, je citerai des champignons du senre Cordyceps dont il existe plusieurs espèces qui habitent dans le corps de certains insectes, des che- nilles en particulier. Ils nous fournissent un exemple remarquable à l'appui de ce que nous disons. Les spores du Cordyceps germent sur le corps des 202 LEGONS SUR LES BACTERIES chenilles, envoient des prolongements dans l’inté- rieur de l'animal, s’y développent avec une grande energie et finissent par faire mourir la chenille; aussitôt après sa mort, le corps de l’insecte loul en- lier devient la proie du Champignon qui y élend, dans tous les sens, ses tubes mycéliens. Quand les conditions deviennent favorables, il se forme des pé- doneules, parfois longs de plusieurs pouces, qui por- tent les éléments destinés à reproduire le Champi- gnon, autrement dit les spores. Celles-ci sont le point de départ d’un nouveau cycle de développe- ment qui se fait, comme précédemment, dans le corps d’un insecte vivant. Il peut arriver qu'une spore ne rencontre pas le corps d’un insecte : elle n'en germe pas moins si elle trouve à sa porlée une substance organique morte qui puisse lui servir de nourriture, un liquide nulrilif par exemple. La spore germe el se déve- loppe en un Champignon nouveau : seulement il ne se forme pas, dans les organes reproducteurs, des spores analogues à celles que nous avons indiquées précédemment. Les spores formées peuvent continuer à repro- duire la plante dans un milieu nutritif : lorsqu'elles arrivent sur le corps d'un insecte, elles se dévelop- pent de manière à reproduire la suite des phénomè- nes dont nous avons parlé tout d’abord, qui se termi- nent par la formation des spores de première espèce. DU PARASITISME 203 Nous avons ainsi des parasites capables de pour- suivre toute leur évolution, comme s'ils étaient saprophytes, mais sans arriver exactement au dernier terme de leur évolution qui est la formation des élé- ments particuliers de reproduction; cependant, ils parcourent une partie {res notable du cycle habituel. On peut les nommer, pour abréger, des Saprophytes facultatifs. En troisieme lieu, l’on peut distinguer les Parasites facultatifs. Ce seront les espèces quipeuventsupporter les deux modes d'existence, celle des Saprophyles aussi bien que celle des Parasites et qui, dans les deux cas, sont susceplibles de se développer égale- ment ou presque également bien. Cette dernière restriction qu'il nous faut faire, nous fait prévoir que celle catégorie de parasites comprend desvariations, quelques espèces trouvant des conditions plus favo- rables quand elles sont parasites, d'autres, au con- traire, quand elles deviennent saprophytes ; il en est enfin qui ne laissent voir aucune différence dans leurs deux manières de vivre. Les Champignons nous fournissent des exemples nombreux de ces modifications du parasitisme facul- talif. Nous ne tarderons pas non plus à en rencon- trer chez les Bacl£ries. Ind&pendamment de ces variations que nous avons signalées dans le parasitisme et qui sont différentes suivant chaque cas que l’on considère, il nous reste 204 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES à voir les modifications qui résultent des rapports entre le parasite el son hôte, la dépendance qui existe de l’un à l’autre, l'avantage ou le désavantage que le premier tire du second. L'exemple de la Trichine nous a habitués à ne considérer ces rapports que sous l’une de leurs faces, en partant de cette idée que c’est le parasite qui trouve, dans l'être vivant, tousses moyensd’existence, et que, d'autre part, sa présence ne peut que nuire à son hôte, à cause des pertes de substances utiles que celle présence occasionne forcément et à cause des troubles physiologiques ou mécaniques qui en sont aussi la conséquence. L'existence de pareils troubles dans un organisme, dont on peut chaque fois qu'on le veut, déterminer les conditions de santé normale, porte le nom de maladies. Par suite, le parasite qui occasionne ces perturbations sera un agent de maladie, un organisme pathogène. Le parasite peut continuer à se développer après avoir quitté l'hôte qu'il a rendu malade, à l’aide de germes, d'œufs, de spores ou de tel autre mode de reproduction et de propagation qu'il possédera et il rend malades à leur tour les êtres nouveaux sur les- quels il se porte. Les maladies qui ont pour origine la présence de ces sortes de parasites, et qui peuvent se propager d'un individu à l’autre, sont dites communément des maladie contagieuses. DU PARASITISME 205 Ces derniers parasites, causes de maladies ei nui- sibles dans tous les cas, ne sont que des exemples extrêmes pris dans ceux que nous connaissons. il en est d’autres où les deux parties intéressées, hôte et parasite, mènent une vie commune avec un égal avantage, et tous les termes de passage existent entre ces cas extrêmes. Il y a enfin des cas où le parasite vit dans l'hôte sans lui nuire et sans lui être non plus d'aucune uti- lité appréciable. Il se borne à se nourrir des détritus que lui laisse son hôte, de ses matières d'élimination. C’est un cas extrême de cette catégorie, qui se place naturellement à la limite des phénomènes de para- silisme et nous aurons à revenir sur ces parasites que nous appellerons simplement des commen- SAUT . Si nous reprenons l'ensemble des différentes caté- gories que nous avons établies, parmi les divers para- sites, en partant de principes différents pour chacune d’elles, nous pourrons ajouler un fait plus ou moins connu de la plupart d’entre nous, et quiest le sui- vant: une espèce parasitaire peut, comme on dit, « faire un choix » parmi les différents hôtes qu’elle est susceptible d'occuper, c'esl-à-dire que l’un peut lui convenir plus ou moins complètement, lui être plus ou moins favorable; un autre, au contraire, lui être nuisible ou être simplement moins favorable à son développement que pour une autre espèce pa- 206 LEGONS SUR LES BACTERIES rasilaire voisine. Là aussi nous relrouverons tous les intermédiaires que l’on puisse concevoir. Considérons tout d'abord le cas où un hôte a été choisi particulièrement par une espèce parasilaire. Nous en trouverons un exemple remarquable dans unChampignon, rigoureusement parasilaire, qui l'est constamment et sans réserve: le Laboulbenia Muscue, dont nous avons déjà parlé à la page 71. Il croît exclusivement et uniquement sur les mouches domes- liques et ne peut pousser sur d’autres insectes, du moins d’après ce qui résulte de toules les recherches actuellement connues. D'autres Champignons, parasites d’ailleurs, sont moins exclusifs, en ce sens qu'ils peuvent choisir des hôtes plus nombreux que dans le cas précédent, tout en restant cependant dans des êtres qui ont entre eux quelque affinité, comme les espèces d’un même genre ou d’une même famille. Nous citerons de nouveau, à ce propos, les espèces de Cordyceps qui vivent dans les larves des papillons Les plus divers ainsi que dans celles d’autres insectes. Il arrive parfois que, dans ce choix qui est fait par le parasite, certaines espèces sont exclues sans que nous puissions nous rendre comple des raisons de cet ostracisme. Il existe enfin des parasites soit obligatoires soit facultatifs, qui se développent sans obstacle chez les hôtes les plus différents. Je n'ai besoin que de pro- DU PARASITISME 207 noncer, pour en donner un exemple, le nom de la Trichine que l’on rencontre, dans le même état de prospérité, chez les rongeurs, les pores, les hommes, elc. Les Champignons offrent {out autant que les ani- maux des exemples de ce fait. Il n’y en a pas moins quelquefois de curieuses exceplions dans des espèces qui, sans motif deter- mine, sont épargnées par les parasites. C'est ainsi que, pour ne citer qu'un seul cas, un Champignon bien connu par sa remarquable polymorphie, le Phytophthora omnivora, infeste les plantes les plus hétérogènes : les OEnothérées et d’autres plantes herbacées, des fleurs de jardin, la Joubarbe, le Hêtre, ete.; mais il vient très mal dans la pomme de terre chez qui se développe, au contraire, avec une grande énergie, son congénère, le Phytophthora infestans. Il n’est pas possible jusqu’à présent, nous le répé- tons, de trouver les causes précises de ces ano- malies. Il s’agit sans aucun doute, il est à peine besoin de le dire, de propriétés physiques et chi- miques différentes el de variations physiologiques quand on passe d’une plante à l’autre. Si le choix dépend en quelque sorte de l'espèce, il doit dépendre aussi, dans une certaine mesure, de l'individu, car les distinctions qui s’&tablissent entre deux espèces ne diffèrent guère de celles qui s’éta- 208 LEGONS SUR LES BACTERIES blissent entre deux individus d'une même espèce : c'est ce que l’on peut soutenir sinon en principe, du moins en fait, comme une simple différence de va- leur dans le degré. Ces distinctions sont plus faibles ici que celles qui existent entre deux individus, elles seraient donc moins appréciables, parfois à peine perceptibles, mais ici comme partout ailleurs les termes de passage ne manquent pas. Si nous reprenons en sens inverse toute la longue série de phénomènes occasionnés par le parasitisme, c’est-à-dire, non plus par rapport au parasite, mais par rapport à leurs hôtes, nous trouverons que ces derniers sont, d'espèce à espèce et d’individu à indi- vidu, appropriés, disposés el prédisposés d'une ma- nière différente aux attaques des parasites. Nous pouvons alors parler des prédispositions d'une espèce, d’un individu qui varient même avec les différentes périodes de sa vie, de son développe- ment. Elles ont leur source, dans tous ces cas divers, dans des propriétés chimiques, physiques et anato- miques variables. Pour certains Champignons qui vivent sur des plantes, comme les Pythium, les Sclerotium, etc., on observe que les individus différents d'une même espèce de plante résistent plus énergiquement au parasite et se comportent mieux suivant la quantité d’eau qu'ils reçoivent et qu'ils possèdent. Et comme les plantes jeunes, en général, contiennent beaucoup DU PARASITISME 209 t plus d’eau que celles qui sont vieilles, on s'explique l'influence de l’âge sur la résistance au parasitisme. Dans les cas où la présence du parasite occasionne dans la marche normale des phénomènes vitaux chez l'hôte, une certaine perturbation qui porte le nom de maladie, au lieu de parler simplement de prédispo- sition individuelle, on parle de prédisposition géné- rale à la maladie. On peut, jusqu’à un certain point, se servir de ce terme, en ayant soin de faire dépen- dre cette prédisposition de la présence du parasite et des changements qui en résultent dans l'organisme auquel on a, par expérience, appliqué le nom d’orga- nisme sain. Mais il faut bien se garder d'attribuer à cette prédisposition que possède l’organisme sain à subir les attaques du parasite une autre signification, et croire quil peut y avoir élal maladif, même après que le parasite a disparu. Pour réfuter cette opinion il suffit de se reporter à l'exemple cité plus haut de ia prédisposition qui peut varier avec l’âge. D'ailleurs, on trouve des différences nombreuses suivant les cas et, dans chaque type, il faut beau- coup de prudence avant de se prononcer définitive- ment sur la question de « prédisposition ». Un exemple nous fera mieux comprendre ce que nous voulons dire. Il s’agit d’un cas relativement bien connu. On sait que le cresson alénois ordinaire ou Lepidium sativum est souvent attaqué par un Champignon parasite d'assez grande taille, le Cys- DE BARY. 14 210 LECONS SUR LES BACTERIES topus candidus. I s'ensuit dans la plante des altéra- tions notables : sa surface se boursoufle, sa tige se tord, ses fruits même sont atteints: les points ma- lades, aussi bien que les feuilles, sont garnis de taches blanchätres, formées de grains d’une fine poussière qui ne sont autres que les organes de la re- production, les spores du Cystopus, el qui ont fait donner à la maladie le nom de rouille blanche du cresson. C'est la un diagnostic si évident de la maladie, que tout le monde peut le faire à première vue. Or il existe, dans une plate-bande de cresson prise au moment de la floraison, un cerlain nombre de plantes malades, de deux à vingt par carré. Toutes les autres autour de celles-ci, et elles se comptent par centaines et par milliers, sont bien portantes, ne présentent pas trace de parasites et restent dans cet état jusqu’à la fin de la végétation. Ilen est ainsi, bien que le Cystopus, dans ses boursuflures de « rouille blanche » ait produit un nombre infini de spores, formant une poussière {res menue, qui peu- vent se développer aussitôt et qui semblent avoir, en réalité, toules les conditions nécessaires à leur premier développement, puisqu'elles se trouvent placées dans un lit de cresson, éminemment propre à prendre la rouille. Cependant la plus grande parlie des plantes reste indemne, n'est pas conta- minée. DU PARASITISME 211 Tout ce que nous venons de dire est rigoureuse- ment exact et, en se bornant à ces premières obser- vations, il semble qu'on doive y trouver un exemple frappant des différentes prédispositions indivi- duelles, chez les plantes, puisque les unes sont alteinles, tandis que les autres restent saines. Ce- pendant l'explication des faits est un peu différente. Chaque pied de cresson, pris isolément est égale- ment sensible aux atieintes du Cystopus et peut prendre également la maladie donnée par le para- site : seulement sa réceplivité est liée à une certaine période de l’évolution de la plante et elle cesse pour toujours, cette période une fois passée. On sait que le cresson, en germant, donne deux petiles feuilles trilobées qu'on appelle des cotyledons; ces coty- lédons se dessèchent et tombent lorsque la plante est un peu plus âgée et qu'elle s’est garnie de feuilles en plus grand nombre. Or c’est dans les cotylédons seuls que les spores du Cystopus pénèlrent et peu- vent se développer pour permettre au Champignon de s'élendre ensuite dans tout le tissu de la jeune plante, de grandir avec elle et d’occasionner la maladie que nous connaissons. Toute autre partie de la plante, en dehors des cotylédons, n'offre pas un milieu favorable à la germination des spores; celles-ci donnent, il est vrai, un très court bour- geon qui pénètre un peu dans le {issu sous-jacent, mais qui ne tarde pas à se flétrir et à disparaitre. 212 LEÇONS SUR LES BACTERIES n'y a donc rien d’etonnant à ce que, les cotylé- dons une fois tombés, la plante soit à l'abri, à tout jamais, des atteintes du parasite. Les quelques vingt pieds malades qui existent dans tout le carré, ont été contaminés au moment même où ils avaient leurs cotylédons. Si tous les autres pieds avaient été atteints à ce moment-là, il n’y a pas de doute qu'ils ne se fussent montrés {ous malades. Ils sont restés indemnes à cause de cette seule raison qu'ils n'ont pas été touchés par le parasite pendant la période unique où ils étaient capables d’être con- taminés, pendant la période où ils étaient prédis- posés. Il ressort de tout ce que nous avons dit des inter- médiaires qui existent entre les phénomènes divers étudiés par nous, que l'apparition et la disparition d’une maladie parasitaire doivent se faire aussi avec tous les intermédiaires possibles dans les variations qui servent à la caractériser. Ces variations Cépen- dent de chacune des deux espèces, hôte et para- site, et même, quoique à un degré moins élevé, de chacun des deux individus en présence. Les expé- riences courantes faites sur laTrichine, le Ténia, ete., sont assez présentes à l'esprit de chacun de nous, pour qu'il soit inulile d’insister plus longtemps sur ce sujel. XI LECON. PARASITES INOFFENSIFS DES ANIMAUX A SANG CHAUD. — PARASITES DE L'INTESTIN, — SARCINA. — LEP- TOTHRIX, MICROCOQUES, SPIRILLUMS. —— BACILLE- VIRGULE DE LA SALIVE. Il m'a semblé utile d'étudier avec quelques dé- lails, dans la précédente Leçon, les phénomènes du parasitisme et ses conséquences, parce que cette étude nous servira à comprendre plus aisément les faits que nous rencontrerons chez les Bactéries parasilaires. Nous verrons, en effet, que lout ce que nous savons de ces derniers organismes peut se rattacher, comme cas très particulier, aux phénomènes géné- raux et constants précédemment indiqués : la même remarque doit s'appliquer, sans contredit, aux faits bien connus et à ceux qui, l’étant moins, semblent ne devoir pas rentrer dans la règle commune. Il ne sera donc pas inutile, pour concevoir aisément, dans leurs véritables rapports, les conséquences des phé- nomènes, d’avoir constamment présents à l'esprit 214 LECONS SUR LES BACTÉRIES les principes généraux que nous avons posés et les faits plus anciennement connus qui les établissent. Cela étant dit, nous pouvons passer à l'étude des types les plus importants que l’on trouve chez les Bactéries parasilaires. Il est naturel, nous semble-t-il, de parler d’abord, avec assez de détails, des Bactéries parasites des animaux à sang chaud et en particulier, de celles que l'on rencontre chez l’homme. Puis nous consacre- rons quelques mots à celles que l’on a trouvées chez les autres animaux, enfin chez les plantes. Parmi les Bactéries parasites chez les animaux à sang chaud, nous dislinguerons celles qui occasion- nent des maladies bien caractérisées de celles qui sont peu nuisibles ou même qui ne le sont pas du tout. Parlons d'abord de ces dernières. Le canal digestif et les voies respiratoires, le canal digestif surtout, offrent des milieux {res favo- rables au développement des organismes inférieurs, tels que les Champignons et les Bactéries : nous lais- sons volontairement de côté les Vers dont quelques- uns sont parasites dans l'intestin. Il existe tout un groupe de Champignons qui se servent du tube digestif comme d’un lieu d'élection préféré, {out au moins comme d’un lieu de passage. Car, sile milieu qu'ils y trouvent n’est pas absolu- ment indispensable à leur existence, il leur sert très PARASITES DE L'INTESTIN 215 fréquemment et très normalement d’habital. In- troduits avec les aliments, ces Champignons {rou- vent, dans lintestin, à la fois la nourriture et le gîte nécessaires à leur premier développement qu'ils achevent à l'extérieur où ils sont entraïinés avec les matières de déjection. Toutes les espèces de Cham- pignons, vivant sur les excréments, pourraient nous servir d'exemple, à l'appui de ce que nous disons. Pour les Bactéries, elles se présentent dans le tube digestif en nombre très considérable et avec des formes très diverses. Une étude détaillée et une classification exacte de Loutes les espèces sont encore à faire. M. Nothnagel (1) a trouvé, dans l'intestin, le Bacillus subtilis, le Bacillus amylobacter el d’autres formes qu’il n’a pas définies avec précision. M. Bienstock a indiqué son type en « baguette de lambour » (2) dont nous avons parlé. Dans l'intestin des poules, M. Kurth (3) a trouvé le Bacterium Zopfii (Voir page 42). Enfin, il faut indiquer encore la présence constante, d’après M. Van Thieghem, du Bacillus amylobacter dans la panse de l’estomac des ruminants (Voir page 187). (4) H. Nothnarel. — Die normal in d. menschl. Darmentleerungen vor- kommenden niedersten pflanzl. Organismen. Zeitschr. f. Klin. Medicin. SE BESLIE (2) Bienstock. — Ueber d. Bacterien d. Faeces. — Zeitschr. f. Klin. Mediein. T. 8. (3) Kurth. — Bacterium Zopfii. Bact. Zeitg, 1883, p. 369. 216 LEGONS SUR LES BACTERIES D’une maniere normale, dans la caillette de l'estomac des ruminants, l'acidité de suc gastrique empêche la présence de la plupart des Bactéries. C’est ainsi que les expériences de M. Koch sur le charbon ont montré que les cellules végétatives du Bacillus anthracis sont tuées par le suc gastrique el que les spores seules peuvent résister à son action. Il peut en être de même pour d’autres espèces et il n'est pas inulile de remarquer qu'il se fait ainsi dans un estomac sain une sorte de triage des diverses Bactéries introduites avec la nourriture. Il n’en reste qu'un certain nombre qui arrivent dans l’in- testin susceptibles de se développer. Il est certain que toutes les espèces sans excep- lion ne sont pas soumises à cetle action destruc- live du suc gastrique. Là aussi il y a des différences suivant les espèces : c’est ce que prouve l'existence du Sarcina ventriculi, Goodsir (fig. 16). Le Sarcina ventriculi est composé de cellules arrondies, réunies en masses ayant à peu près la forme d’un cube; les cellules sont rangées en assises régulières, parallèles aux faces du cube et agglu- linées par une membrane fortement gélatineuse. La comparaison des stades successifs de l’évolution montre clairement que ces masses cubiques provien- nent d'une cellule primitivement ronde, qui se dé- coupe et se multiplie suivant trois directions rec- tangulaires, en donnant un premier cube qui se par- SARCINA VENTRICULI. DA tage lui-même en cubes semblables plus petits. Chacun de ces derniers provient de l’une des cel- SARCINA VENTRICULI Goodsir. — Pris chez un sujet atteint d’une maladie d'estomac; grossissement 600 fois, après action de l'alcool, de l’iode et de la glyécrine. — a et # côte à côte dans un même champ du micros- cope. — a. Forme à grosses cellules claires : les cloisons de séparation y sont finement indiquées. — 5. Forme à cellules petites et sombres. — Les deux figures sont, autant que possible, dessinées d'après nature. lules primitives, formées par division de la cellule- mère : on comprend ainsi la multiplication succes- sive des masses cubiques. Mais c’est là tout ce que l’on sait du développement du Sarcina. Il faut ajouter que, d’après ce que j'ai eu souvent l'occasion de vérifier, il existe deux formes dis- tinctes, que l’on trouve dans les cellules de Sarcina prises en grandes masses : l’une est formée de cellules relativement grosses, la seconde de cellules plus petites; la première (fig. 16, a) étant en outre, dans les mêmes conditions, beaucoup plus transpa- rente que l’autre. Ses cellules sont fréquemment traversées par des cloisons excessivement fines, simples ou en croix qui montrent la division des 215 LEGONS SUR LES BACTERIES cellules en train de se faire. On ne sait d’ailleurs rien sur les rapports génétiques qui existent entre ces deux formes. Le Sarcina se rencontre souvent, à l’état de Sapro- phyte, en dehors de l'organisme : M. Pasteur el M. Cohn l'ont trouvé dans des cultures, sans ense- mencement préalable; M. Schroeter l’a observé sur des pommes de terre cuites; enfin j'ai eu l'occasion de le voir, dernièrement, dans de la bière devenue acide. La rareté de ces observations suffit pour prouver l'existence peu fréquente des Sarcina. Dans les cas que nous rapportons, le Sarcina formait de pelites masses jaunes quelquefois superficielles. Il se rencontre assez souvent dans le corps humain assez rare dans le poumon, les reins et surtout dans le sang, il se trouve, en masses parfois considérables, dans l'estomac et les diverses dilalations que cet or- gane prend chez le, différents animaux. Ce que nous avons dit de son existence possible à ‘état de Saprophyle permet de comprendre com- ment il arrive dans l'estomac et les autres parties du corps. Mais on ne sait rien de précis sur les raisons qui déterminent son développement rapide en cer- tains points, faible ou mème nul en d’autres, ce qui a lieu fréquemment. Des essais de culture en dehors de l'organisme n’ont pas donné jusqu'à présent de résultats positifs. Enfin, il ne semble pas exister de rapport élroit entre la vie du Sarcina et le dévelop- SARCINA VENTRICULI 219 pement d'une maladie quelconque : autrement dit l’on n'a pas trouvé chez cel organisme d'influence pathogène. Des formes analogues au Sarcina ventriculi se trouvent dans l'intestin d’autres animaux. Nous n’a- vons pas grand'chose à dire de leur détermination spécifique, à l’exceplion pourtant d'un organisme qui se rencontre chez la poule el chez d’autres oiseaux et qui présente, suivant M. Zopf, quelques différences de forme avec le Sarcina ordinaire. La muqueuse buccale, aussi bien que la muqueuse nasale, contient des Bactéries en nombre consi- dérable. La muqueuse du nez, en particulier, ren- ferme des Bacleries dont on a signalé la présence constante dans les sécrétions nasales : elles caracté- risent une affection qui sévit surtout au printemps sous le nom de févre des joins. Je puis affirmer, quant à moi, pour l'avoir expérimenté personnelle- ment, que, pendant les dix ou onze mois que la fièvre ne sévit pas, ces Bactéries existent cerlainement dans la muqueuse. Ce sont, autant que j'ai pu m'en rendre compte, des bälonnels courts, analogues à ceux du Bacillus termo.Existe-t-1 des formes spécifiques dif- férentes suivant l’époque où on les observe et quel- ques-unes de ces formes prédominent-elles à certains moments de l’année? C'est ce qui n’a pas été étudié. On connait un peu mieux les formes de Baclöries très nombreuses qui existent dans la muqueuse buc- 220 LEGONS SUR LES BACTERIES cale. On les rencontre surtout dans la région des gencives. entre les dents et sur les dents mêmes ; dans le reste de la bouche et dans la salive, elles sont moins abondantes bien que leur nombre soit encore relativement considérable. En prenant un peu de salive sur une dent, on voit que la malière légèrement visqueuse qu’elle contient est en grande partie for- mée d’un organisme par- üiculier, désigné depuis assez longtemps par Robin sous le nom de Leptothrix buccalis (fig. 17, a). Ce sont des filaments longs, volu- mineux, roides, réunis en faisceaux épais, facilement séparables {ransversale- ment en articles plus courts, d’inégale grosseur : les plus gros filaments ont un diamètre {ransversal qui dépasse 1 x: les autres sont de moili6 plus petits. La longueur des articles ou des cellules séparées est aussi variable et égale ou dépasse de plusieurs fois (1) BACTÈRIES PRISES SUR UNE DENT. — Dans une même préparation :e et b après coloration, les autres à l’état frais. — Grossissement 600 fois — a. Leplothrix buccalis, filaments ou portions de filaments de diffé- rentes grosseurs. — 4. Portion de filament plus gros et montrant les cellules dont il est composé, après l'action de la solution alcoolique d’iode. — c. Filament très aminci à l'une de ses extrémités, montrant la division en cellules sans l'emploi d'aucun réactif. — d. Bacille en vir- gule de Lewis. — e. Spirochæte buccalis. — m. Microcoques. LEPTOTHRIX BUCCALIS 221 leur largeur. Quant aux filaments, ceux qui sont formés d'articles courts et épais, présentent la réac- tion de la granulose (Voir page 12). Mais le même filament peut indifféremment ou successivement prendre la coloration bleue ou jaune. M. Rasmussen (1) a distingué, dans des cultures, {rois formes spéciales du Leptothrix buccalis. Je ne puis juger l'exactitude du travail de cet auteur, car je ne le connais que par un compte rendu qui m’en a été fait. Les faisceaux de Leptothrix contiennent souvent des cellules rondes ou « coques » rassemblées irré- gulierement en épaisses masses gelalineuses et im- mobiles comme le Leptothrix lui-même (fig. 17, m). Si l’on ajoute un peu de liquide, pour delayer la salive {r&s visqueuse que l’on observe, on arrive à isoler, en troisième lieu, un autre organisme qui se lient dans le voisinage des faisceaux de Leptothrir et qui est une forme de Spirillum : c’est le Spirochaete buccalis où Spirochaete dentium. Ce sont des filaments d’une exir&me tönuile, sans cloisons transversales visibles, contournés en lire- bouchon, avec trois à six spires, quelquefois plus, souvent irréguliers ; ces filaments sont parfois ar- qués et animés d'un léger mouvement de rotation ou simplement immobiles (fig. 17, €). (4) Rasmussen. — Ueber die Cultur von Mikroorganismen aus dem Speichel gesunder Menschen. — Dissert. Kopenhagen, 1883. D'après un compte rendu in Botan. Centralblat, 1884. T. 17, p. 398. 222 LECONS SUR LES BACTERIES Enfin l’on peut observer fréquemment, sinon tou- jours, un autre organisme, un Bacterium en bâlon- nels courts el recourbés en are : ıl a été décrit par M. Lewis (1) sous le nom de Bacille-virgule (Kom- mabacillus) de la salive; ıl présente, dans les liquides, des mouvements très vifs et très brusques. Nous avons à peine besoin de faire remarquer, qu’oulre ces dernières formes, la salive peut con- tenir toules les autres Bactéries saprophytes ordi- naires, et M. Rasmussen en a cité, en effet, comme le Bacillus amylobacter. M. Hueppe en indique deux chez l'homme : ce sont des microcoques pouvant donner naissance à de l'acide lactique (Voir plus haut page 175). Enfin, il est beaucoup d’autres types qui ne se développent pas dans la bouche d’un individu sain, Il est possible que leur développement soit em- pêché par celui des Bactéries citées plus haut, que l’on trouve ordinairement dans la salive. Je prends soi de répéter que j'ai dû me borner à citer purement et simplement les formes diverses telles qu'elles se présentent, en les plaçant les unes après les autres, sans avoir la prétention de les grouper suivant leurs propriétés génériques, qui ne peuvent pas encore entrer en ligne de compte dans la classification. Cependant, le peu qu'on en sait semble faire pressentir que, très probablement, l’on (1) Lewis. — Memorandum on the Comma-shaped Bacillus, etc. The Lancet, 2 sept. 1884. LEPTOTHRIX BUCCALIS 223 arrivera à les classer en plusieurs espèces distinctes. Les Bacléries qui habitent les voies digestives et respiratoires de l'homme, y compris les espèces très voisines que l’on a trouvées chez les mammifères, paraissent être des organismes sans aucune influence nuisible, pour la plupart : celles de la bouche peu- vent même avoir une action protectrice contre les organismes étrangers capables de provoquer des fermentations. Parmi les ferments qui arrivent à se développer, on pourra citer ceux de la fermentation lactique : quant aux Microcoques, au Leptothrix buccalis et à toutes ces formes qu'on a réunies sous ces deux noms, il reste à voir si elles ont un effet pathogène quelconque, si elles sont l’origine d’une maladie ou d’une perturbation physiologique, quelle qu'elle soit. Les travaux de M. Miller (1) ont fait attribuer la carie des dents à la présence de ces organismes; ils pénètrent, d’après cet auteur, dans l'émail et le cément, puis dans les canalicules du cément pour arriver jusqu à la pulpe dentaire qu'ils détruisent peu à peu. Les dents saines sont à l'abri de leur action. Il faut, pour qu'ils puissent pénétrer jusqu'à la pulpe, qu'il y ait eu un point où l'émail ait été enlevé, c'est ce qui peut arriver par suite de la formation d'acides dans la bouche. (4) W. Miller. — Der Einfluss auf d. Caries d. menschl. Zahn. Archiv., f. Exp. Pathologie. XV. 1882. XII LECON CHARBON ET CHOLERA DES POULES. L'organisme de la carie des dents, le Leptothrir buccalis nous conduit sans {ransition aux parasites pathogènes des animaux à sang chaud. Nous nous rendrons un compte plus exact du mode de vie et de l'action des Bactéries pathogènes, en prenant pour type une de celles qui sont le mieux connues. Pour cela, nous étudierons d'abord la maladie que l’on appelle le Charbon ou encore Anthrax, Sang de rale, etc., puis la Bactérie qui l’occasionne, le Bacil- lus anthracis (1). Nous avons parlé à maintes reprises du Bacillus (1) Voir la Bibliographie au sujet du charbon — jusqu'en 1874 — dans 0. Bollinger in Ziemssen's Handbuch der Speciellen Pathologie u. Thera- pie, T. 3. — Dans Oemler : Experimentelle Beilr. z. Milzbrandfrage : Archiv. f. Thierheilk, T. 2 à 6. Sur la découverte du Bacille : Roger. — Mémoires de la Societé de biologie, T. 2. Année 1850 (Paris, 1851), p. 141. — Pollender : in Cas- pers Vierteljahrsschr., T. 8, 1855. Pour les travaux plus récents : CHARBON 225 anthracis. Aussi nous contenterons-nous de le décrire brièvement en nous reportant aux figures 18 et 19 représentées plus bas. Le Bacillus anthracis est com- posé, nous le savons, de cel- lules cylindriques, ayant de 1 à 1,5 x de diamètre transversal et trois à quatre fois autant en longueur. Dans le sang des ani- maux, ces cellules forment des bâtonnets droits et assez courts (fig. 18, c) qui, à première vue, paraissent être homogènes, c’esl- à-dire ne laissent pas apercevoir : #\ irace de division en articles dis- tinels. Dans les cultures, la Bac- Pasteur. — Comptes rendus, T. 84 (1877), p. 900; T. 85 (1877), p. 99; T. 87 (1878), p. 41; T. 92 (1882), p. 209, 266, 429. — R. Koch. Die Aetiologie. d. Milzbrands in Cohn, Beitr. z. Biolog. der Pflanz, T. 2, 277. — Ibid. Mittheil. a. d. Reichsgesundheitsamt, I eten collaboration avec Gaffky et Loeffler, II. — H. Buchner in Naegeli : Niedere Pilze. — Chauveau. — Comptes rendus, T. 91 (1880), p. 680; T. 96 (1883), p. 553, 612, 678, 1471; T. 97 (1883), p. 1242, 1397; T. 88 (1884), p. 73, 1236, 1232. — Gibier. — Ibid. T. 94 (1882), p. 1605. — E. Metschnikoff. Die Beziehungen der Phagocyten zu dem Milzbrand-Baeillus, in Vircho w’s Archiv. T. 97 (1884). — A. Prazmowski : Biol. Centralblatt. 1885. (1) BacıLLus ANTHRACIS. — a-b. Dans des cultures d’extrait de viande faites sur le porte-objet.— «. Groupe de filaments en plein développe- ment. La division en cellules est peu visible bien qu'elle existe. — 4. Trois stades successifs de la germination d’une spore. — s. Spore mûre, avant la germination. — c. Bätonnets dans le sang d’un cobaye mort charbonneux, pris quelques heures après la mort, — dans de l’eau distillée. — Grossissement 6 à 700 fois. DE BARY 45 226 LECONS SUR LES BACTERIES térie forme de longs filaments, pelotonnés plusieurs fois les uns sur les aulres,recourb6sel tordus sur eux- mêmes, composés de bälonnels et réunis entre eux en paquels qui peuvent se comparer à des paquets de cordages (fig. 18, 4). Les bätonnels et les filaments ne sont pas mobiles, à l'exception de quelques cas que nous indiquerons dans un instant. La formation et la germinalion des spores se font suivant le mode décrit dans la troisième Lecon : à la germination, la spore donne simplement un premier prolongement qui continue à croître (fig. 18, 4) sans avoir à repousser une membrane extérieure, dis- tincte de la spore; souvent le premier bätonnet se recourbe légèrement en are. Lorsque la spore est mûre, elle est fortement ellipsoïdale et aussi large que la cellule-mere cylindrique qui la contient et qui persiste, mais elle est beaucoup plus courte et elle se trouve à peu près au centre de la cellule-mère, lorsque la gelificalion de la membrane ne s’esl pas encore produite. L'absence de mouvement el ce mode spécial de germination suffisent pour caractériser le Bacillus anthracis el pour le distinguer au microscope d’es- pèces analogues quant à la forme, mais qui ne sont pas parasilaires, en particulier du Bacillus subtiles, avec qui on pourrait le confondre aisément. D’ail- leurs, on peul distinguer ces deux espèces à l'œil nu, dans les cultures. Le Bacille du charbon forme, CHARBON 227 en général, des flocons qui restent au fond duliquide, landis que le Bacillus subtilis recouvre, comme on sait, la surface de la culture (Voir page 24). Il existe cependant quelques exceptions sur lesquelles nous aurons à revenir. La maladie du charbon allaque de préférence les mammifères. En premiere ligne se placent les herbivores, les rumi- nants et les rongeurs. Les animaux qu'on peut faire servir à des expé- riences, sont lessouris, les cobayes, les lapins, les moutons et les bœufs, en suivant l’ordre croissant de prédisposition à la maladie. En second lieu, il faut citer les anı- maux omnivores et l’homme. En- fin, on peut encore indiquer les car- nivores parmi les animaux suscep- Libles d’avoir le charbon; le chat y est plus sensible que le chien. Les oiseaux ne semblent pas res- ROUE ter complètement indemnes. M, Gi- bier a expérimenté sur des grenouilles, M. Metsch- (1) A. BacırLLus ANTuRACGIS. — Deux filaments, dont une partie est en train de former des spores. — En haut deux spores müres, mises en liberté. Préparation sur le porte-objet dans une solution d'extrait de viande. — Les spores remplissent presque complètement la cellule- mère, dans le sens transversal. B. Bacırıus suprinis. — Voir l'explication, page 39, fig. 3. 228 LEÇONS SUR LES BACTERIES nikoff sur des lézards (Lacerta viridis). Mais ces der- niers animaux ne sont sensibles au charbon que si l’on prend soin d'amener et de maintenir leur corps à la température habituelle du corps des animaux à sang chaud. Mais nous ne voulons pas entreprendre ici la dis- cussion détaillée de tous les faits observés dans les différents groupes du règne animal, et nous nous en liendrons aux résultats bien précis trouvés chez les mammifères. On trouvera dans la Bibliographie, à la fin du livre, la liste des principaux travaux sur ce sujet (1). Nous nous bornerons à dire que la résis- lance de chaque animal dépend d’abord del'espèce à laquelle il appartient, puis de sa race, de son âge el enfin elle varie suivant chaque individu. Le charbon est une maladie très répandue. On sait depuis longtemps qu'elle éclate avec persistance dans certaines contrées, qu'il existe des districts « maudits » particulièrement dangereux pour le bétail et très redoutés des agriculteurs. Les symptômes de la maladie sont différents sui- vant les animaux atteints: les plus gros résistent parfois plus ou moins longtemps, avec une fièvre très forte, et ne succombent pas toujours. Les souris et les cobayes meurent presque constamment sans pré- senter avant la mort de symptômes bien caractéris- 1) Voir la note de la page 225. CHARBON 229 tiques. Les cobayes, en particulier, continuent à se montrer {res vifs, pleins d’appetit jusqu'au moment où ils périssent, après une très courte agonie, ce qui arrive en général quarante-huit heures après qu'ils ont été alteints par les premières attaques du mal. Si l’on examine le sang d’un animal charbonneux, aussitôt ou peu de temps après la mort, on le trouve rempli de bâlonnels du Bacillus anthracis (ig. 18, c). Chez les gros animaux, tels que les bœufs, „leur nombre paraîl être assez variable, suivant les cas. Je dis « parait être assez variable » pour des raisons que nous ne tarderons pas à examiner. On en trouve toujours dans les capillaires des organes internes, en particulier dans la rate. Chez les lapins et. les souris, ils ne sont pas nombreux dans le sang, sui- vant M. Koch : les ganglions lymphatiques et la rate en renferment davantage. Chez les cobayes, que j'ai eu surtout l’occasion d'examiner, toute la masse sanguine est bourrée de bâtonnets. Chaque goutte de sang, si petite qu'elle soit et si imperceptible qu'elle paraisse, prise dans l'oreille, dans la patte, dans une partie quelconque du corps, en contient des quantités considérables. Les petits vaisseaux el les capillaires du foie, de la rate surtout, en renferment en abondance. Tels sont les faits que l’on observe quand on exa- mine un animal charbonneux peu de temps après la mort. Plus tard, lorsque la rigidité cadavérique a 230 LECONS SUR LES BACTÉRIES disparu, il en est autrement: on peut prendre du sang dans les gros vaisseaux, dans le cœur même, en quantité considérable, sans y {trouver un seul bâton- net. On en trouve cependant dans les caillots où ils sont parfois agglulines en masse et où l'on peut, disons-le en passant, aller les chercher pour faire dans ces circonstances des cultures du Bacille char- bonneux. Il est fort possible que, dans les cas où l’on n'observait qu'un nombre {res restreint de Bactéries dans le sang, on ait négligé d'examiner les eaillots, surtout si l'animal &lait mort depuis assez longtemps pour que la coagulation du sang füt presque achevée. C’est une remarque qu'il n'est pas inutile de faire pour expliquer les différences que lon observail dans le nombre de Bactéries charbonneuses {rouvées après la mort. Les bâtonnets du charbon ont été vus pour la pre- mière fois par Rayer en 1850 el retrouvés ensuite par Pollender en 1855. Le rapport qui existe entre la présence du Bacille et l'existence de la maladie a été mis en [lumière pour la première fois par Davaine, en 1863, et prouvé de notre temps par M. Pasteur, le la manière la plus indiscutable, malgré les nom- breuses contradictions qu'on lui a opposées. Il a été démontré, sans aucun doute possible, que la maladie ne peul éclater que si le Bacille a été introduit dans le sang; d’aulre part, l'introduction du Bacille dans le sang a pour effet immédiat de faire contracter le CHARBON 231 charbon à l'animal inoculé. La maladie se déclare lorsque le Bacille a été apporté vivant dans le sang, par une inoculation préalable, d'où le nom, dans ce cas, de charbon par inoculalion, par blessure; mais Ja maladie peut naître aussi, sans qu'il y ait eu inoculation préalable à travers l'épiderme exté- rieur ; il peut y avoir infection à l'intérieur, par la muqueuse intestinale, sans que celle-ci soit déchirée : d'où le nom de charbon par l'intestin (Darmmilz- brand) donné quelquefois à la maladie, contraclee dans ces circonstances. Le charbon est dü à la présence soil de bälon- nets vivants, soit de spores germant dans le sang ou dans l'intestin. Dans les deux cas, il est indifférent de prendre directement la Bactérie charbonneuse à un animal malade ou dans une culture appropriée, dans laquelle on a su se débarrasser de toute trace appréciable des produits étrangers que l'organisme malade a été susceptible de sécréter ; enfin, le Bacille mort et, par suile, incapable de végéter, n'est plus apte à reproduire la maladie. Un fois introduite dans le système circulatoire d’un animal, la Bactérie charbonneuse s’accroit et se multiplie en donnant des bâtonnets qui se répan- dent dans tout l'organisme, grâce à Ja division ré- pétée qu'ils ne lardent pas à subir, et aussi grâce à la circulation sanguine qui les entraîne avec elle. A mesure que leur nombre augmente, la maladie 12 232 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES fait des progrès plus rapides etse lermine ordinaire- ment par la mort. Une quantité infiniment pelite de Bacilles suffit pour produire ces divers phénomènes. C'est ainsi qu'un cobaye, par exemple, succombe au bout de quaranle-huil heures, quand on lui a intro- duit sous la peau, à l’aide d’une piqûre d’aiguille, quelques spores ou quelques bâtonnets, en quantité si peu considérable, qu'on ne peut les distinguer à la loupe : la piqûre elle-même est si faible qu'elle n'amène pas l’effusion d'une seule goutte de sang. C'est donc un fait bien acquis que le charbon, par inoculalion ou par blessure, peut être occasionné en introduisant dans l'organisme des spores ou des bä- Ionnels vivants. Le charbon, par l'intestin, ne peut être donné avec certitude, comme l'ont montré M. Koch et ses collaborateurs, qu'en introduisant dans le tube di- geslif des spores de la Bactérie. Dans les conditions nalurelles, le Bacille du charbon ne peut être intro- duit dans le tube digestif que par la bouche, c’est- a-dire avec les aliments. Il est donc forcé de tra- verser l'estomac où les bälonnels sont tués par l'action de l'acide contenu dans le suc gastrique. Y sont-ils tous détruils et le sont-ils complètement? C'est ce qu'il est difficile de savoir. En tout cas, les spores passent certainement dans l'estomac sans y èlre attaquées el, arrivées dans l'intestin, elles y trouvent les conditions nécessaires à la germinalion; CHARBON 233 aussi rencontre-t-on dans l'intestin, des bâlonnels provenant des spores, et logés, de préférence, dans les follicules clos et les glandes de Peyer. Enfin la muqueuse intestinale contient en grande quantité des capillaires par lesquels la Bactérie se répand libre- ment dans le sang. Ce sont surtout les ruminants qui sont susceptibles, d’après les auteurs que nous venons de citer, de prendre le charbon par l'intestin. Les expériences ont été faites sur des moutons. Les observations faites sur les bœufs, dans des cas de charbon spon- tané semblent montrer que ces animaux se compor- tent de la même manière que les moutons. Ces di- verses observations donnent au moins ce résultat pratique important que les cas de charbon qui se produisent spontanément chez les animaux, c’esl-à- dire ceux qui n'ont pas lieu après inoculation ou tout autre traitement artificiel, sont surtout amenés par l'introduction, dans l'intestin, des spores char- bonneuses existant dans le fourrage ingéré. D’autres animaux sont moins sensibles à ce « char- bon par l'intestin »; dans quelques expériences seu- lement on réussit à contaminer des cobayes, des lapins et des souris; les rats, les poules et les pigeons se montrèrent complètement réfractaires. On est en droit de se demander de quelle manière les spores peuvent arriver à s'introduire dans un animal. Elles ne se forment certainement pas dans 234 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES l'animal vivant ni même dans le cadavre non ouvert et laissé intact : il n’y a là qu'un simple phénomène de végétation. Mais rappelons-nous que le Bacille, nous l'avons déjà dit, peut non seulement germer el se développer, mais encore former des spores en dehors du corps de l'animal : de plus, les spores ne se produisent jamais dans l'organisme, même quand les conditions semblent leur être très favorables. Les conditions dans lesquelles se fait la vie non parasitaire du Bacille charbonneux sont les mêmes que celles indiquées pour les êtres saprophyles. Il faut à la fois de l’oxygène en excès pour que le déve- loppement puisse s'activer complètement, une lem- pérature oplimum qui est ici de 20° à 25°, pour la formalion des spores, une nourrilure suffisante qui peul être composée, l'expérience nous lapprend, d’un très grand nombre de substances organiques. Ces substances peuvent ne pas ètre seulement d’ori- gine animale, comme des parties du cadavre char- bonneux, des déjections sanguinolentes de Fanimal malade, des solutions d'extrait de viande qui ont servi à M. Cohn (Voir p. 26) pour faire des cultures du Bacille. On peut prendre des matières organiques très diverses, des matières végétales, par exemple, pourvu qu’eiles ne soient pas trop acides, comme la pomme de terre, les betteraves, les graines, ele. Le Bacille vit à la surface humide de ces cultures, en formant des masses épaisses qui renferment, à la fin = CHARBON 239 de la période végétative, un nombre très considé- rable de spores. il est évident, d'après ce qui précède, que le Bacille du charbon appartient à la catégorie des Parasites facultatifs dont il a élé question à la page 203. Mais il est avant {out Saprophyte, puisqu'il peut non seulement passer une partie de son exis- lence à l’état de Saprophyle, mais qu'il en a absolu- ment besoin pour achever son évolution et produire des spores. D'autre part, il peut devenir parasite, en arrivant sous la forme de bätonnels ou de spores chez l'hôte qui doit le nourrir et le loger, et c’est alors qu'il agit comme organisme pathogène, de la manière que nous avons vue. “bes phénomènes qui caractérisent la marche du charbon sont faciles à expliquer, maintenant que nous connaissons le mode de vie du Bacille qui en est la cause: il suffit d'admettre, une fois pour toutes, son existence et de le trailer comme on ferait d'une espèce quelconque animale ou végélale. Le fait que le charbon peut se développer sponta- nement, et, en réalité, se développe habituellement ainsi dans l'intestin, prouve, nous l'avons vu, que le Bacille, passant de la vie du Saprophyte à la vie pa- rasitaire, pénètre à l’élat de spore dans le corps de l'animal et, pour cela, s'introduit par la voie ordi- naire, a vec les aliments. Les endroits où celle intro- duclion du Bacille se fait en général, sont, pour le 236 LEÇONS SUR LES BACTERIES bétail, les prairies, les lieux de pâturage, ete. Il est clair que les matières organiques, que l’on ren- contre loujours en ces endroits, permettent au Ba- cille d'achever facilement sa végétation ; il trouve sans peine, en été, la chaleur nécessaire pour la formalion de ses spores ; après quoi il peut aisément passer l'hiver à cet état (Voir page 92), el survivre d'une année à l’autre pour propager et entretenir constamment la maladie. Mais pour quels motifs une contrée est-elle sou- mise au charbon et une autre ne l’est-elle pas? C’est ce qu'il est difficile de préciser. M. Kocha voulu donner une explication de ce fait, en faisant inter- venir les conditions d'humidité et de pluie, d’inon- dalion, elc., comme causes principales de la végéta- lion et de la propagation du Bacille. Les expériences nécessaires pour qu'on puisse se livrer à un sérieux examen font défaut. Après avoir passé à l’elat parasitaire, dans le corps des animaux morts ou malades, le Bacille n’a pas besoin, forcément, de revenir dans le même état aux endroits infestés. Car il ne lui est pas possible d'achever son développement comme Parasite et ses cultures nous montrent qu'il peul vivre comme Saprophyte, pendant plusieurs généralions. D'un autre cöle, nous savons quil peut cesser d'être parasite en quittant le corps de l'animal, ava nt ou après la mort de celui-ci, à condition qu'il CHARBON 237 lui soit donné de conserver ses propriétés végéta- tives, longtemps après la mort de l’animal; il peut se faire aussi qu'il soit rejeté sur le sol avec les dé- jections et le sang que laisse échapper la bête char- bonneuse. [Il trouve dans les cadavres en décomposi- tion un milieu tout formé pour son développement. La Bactérie de charbon peut aussi être propagée à l’état de parasite, infester les points où les animaux charbonneux succombent et ceux où leurs cadavres sont enfouis. C’est ce que la pratique a depuis long- temps démontré. C’est ainsi qu'une localité peut de- venir un foyer d'infection. Même lorsqu'il n’y a pas, dans ces lieux, de gros bétail, il suffit de la présence de plus petits animaux, comme les rongeurs, si sen- sibles au charbon, pour entretenir la maladie et la propager. D'ailleurs, toutes ces conditions réunies ne sont pas nécessaires pour que le charbon se pro- duise et il en est bien d’autres, que nous pourrions rapporter ici, qui expliquent son existence. Ajoulons encore, pour compléter ces renseigne- ments, que le Bacille peut passer, on le comprend aisément, d’un animal à l’autre et propager ainsi la maladie. C’est pour cette raison que le charbon est dit une maladie contagieuse. La contagion se fait par suite d'une inoculation accidenteile ou d’une blessure. Elle a lieu par l'intermédiaire des bäton- nels, qui existent seuls dans l’animal vivant et qui pénètrent dans le sang où ils peuvent continuer à se 238 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES développer. Ces quelques mots suffisent pour nous donner une idée des variations {rès grandes dans les circonstances qui peuvent produire la contagion. On altribue une influence assez considérable, comme moyens de propagation de la maladie, aux insectes à aiguillon et aux mouches : il suffit, en effet, que ces insectes aient sucé ou piqué un animal charbonneux pour qu'en se posant ensuile sur un animal sain, ils fassent ainsi une véritable inoculation du charbon. L'action de la Bactérie sur les organismes dans lesquels elle vit est comparable, jusqu'à un certain point, à celle que produirait un poison ou virus: aussi dil-on qu'elle a une action virulente, ou plus simplement qu'elle est »irulente. Cette virulence peut &lre « atlénuée » peu à peu jusqu'à ce que la Bactérie devienne inoflensive même pour les animaux les plus sensibles à la maladie, comme les souris. D’après les expériences de M. Pas- leur, on arrive à cette atténualion en cultivant le Bacille dans des liquides neutralisés, comme du bouillon de viande, du bouillon de poule, en présence d’un excès d'oxygène, à la température de 42° à 43°. MM. Toussaint et Chauveau obtiennent le même ré- sullat en employant une température plus élevée. Par cette méthode, les Bactéries du charbon finissent par périr dans ces cultures, c’est ce qui arrive, sui- vant M. Pasteur, au bout d'un mois environ ou da- vanlage. Jusque-là, le Bacille continue à végéter CHARBON 239 sans rien perdre de ses propri6les morphologiques, si ce n'est que la formalion des spores est retardée ou même complètement arrêlée; ce dernier point a élé établi par des observations directes de MM. Koch Gaffky et Loeffler. Avant le moment où il est mort, on peut culliver à nouveau le Bacille el obtenir de nouvelles spores en le soumetlant à une température convenable. A des températures plus élevées, l’atlénualion complèle du Bacille s'oblient au bout de peu de temps : à 45° ıl faut quelques jours, à 47° quelques heures, à 50° ou 53° quelques minutes. Entre 42° et 43°, suivant les {rois observaleurs que nous avons nommés, il v a des différences notables entre les temps nécessaires pour amener l’allönualion, quand on fait varier la lemperalure par dixièmes de degré : ces différences sont en faveur d’une abréviation dans le temps, à mesure que la chaleur augmente. Avec des cullures faites entre 42° et 43°, on obtient des bouillons qui se montrent successivement inof- fensifs pour les animaux considérés d’après l’ordre descendant de leursensibilité à la maladie : c’est-à- dire que ce sont d’abord les lapins qui se montrent réfractaires au charbon, puis les cobayes, et enfin les souris. Ilexiste nalurellement quelques varialions de peu d'importance, suivant l’âge el les conditions particulières des individus considérés. Nous avions déjà fait remarquer que le Bacille 240 LECONS SUR LES BACTERIES du charbon se montre susceplible de se développer dans d’autres bouillons quand on le prend à un degré quelconque de l’atténuation, avant qu'il n'ait été dé- truit. Cullivé dans de bonnes conditions, il croît, d'une manière normale, en donnant des spores; mais, chose curieuse, les, générations successives et celles qui proviennent des spores ainsi formées con- servent le degré précis de virulence atténuée qu'elles avaient dans le bouillon primitif. Les unes, par exemple, tueront encore les souris et ne feront rien aux cobayes; d’autres laissent réfractaires les souris elles-mêmes. Des cultures de cette dernière espèce ont été continuées pendant des années par MM. Koch, Gaffky et Loeffler, sans qu’il y ait eu une modi- fication quelconque dans le degré de leur virulence. Pour les Bacilles qui ont perdu très vile leur viru- lence, quand on les a soumis à des températures élevées, à 47°, 50° et même davantage, 1ls ne tardent pas à reprendre leur virulence primitive dans des cultures appropriées. Le retour de l’état atlénué à l'état virulent est ce- pendant possible, mème chez les formes qui ont été {res lentement atténuées. M. Pasteur a montré que la Bactérie qui est atténuée, au point de ne plus tuer les cobayes adultes, mais seulement les jeunes co- bayes d’un jour, peut récupérer sa viruleuce primi- tive ettuer de gros animaux, après des inoculalions successives sur des cobayes plus âgés. CHARBON 241 M. Koch et ses collaborateurs n'ont pas su, dans leurs expériences, relrouver ces résultats. Comme la marche qu'ils ont suivie diffère un peu de celle qu'avait suivie M. Pasteur, on doit en conclure sim- plement que la loi qu'on pouvait tirer des résultats de M. Pasteur ne s'applique pas aux résullats de M. Koch. D'ailleurs, les mêmes expérimentateurs ont reproduit ce retour à la virulence première, en se plaçant dans des conditions à peu près analogues à celles de M. Pasteur. Ils ont enfin constaté que, inversement, il existe des cas où la virulence d'une culture s’affaiblit spon- lanément, sans cause apparente extérieure. Des spores qui luaient des lapins et des cobayes, ont donné, huit semaines après, une généralion qui étail inoffensive pour ces animaux, mais qui tuait encore des souris. On doit rapporter à celte même catégorie de phé- nomènes une observation récente de Prazmowski qui a constaté l’alt&nuation complète d’une culture pure, sans cause appréciable. J'ai pu constater moi-même des faits à peu près analogues. Nous reviendrons sur ce point en parlant des recherches de M. Buchner. Nous avons vu que les espèces virulentes, aussi bien que les espèces affaiblies, conservent leur forme générale. Cela est vrai, si l'on n'entre pas dans le détail extrême des modifications accidentelles. C’est ainsi que M. Koch et ses collaborateurs ont montré DE BARY 16 242 LECONS SUR LES BACTÉRIES que le Bacille qui lue les souris seules, se présente dans les capillaires et surtout dans le poumon, en gros filaments qui passent, souvent sans se fragmen- ter, des capillaires à de plus gros vaisseaux, tandis que le Bacille virulent a ordinairement, dans les ca- pillaires, la forme de courts bätonnels. Dans l'observation de Prazmowski, la forme qu'il a obtenue diffère de la forme virulente par ce fait que les bâtonnets sont mobiles durant des générations entières, mais très peu mobiles, il est vrai, si on les compare à ceux du Bacillus subtilis. De plus, ils ne se rassemblent pas en flocons au fond des cultures de bouillon, mais se portent à la surface du liquide qui devient trouble el « se recouvre d'un voile moyennement épais, d’un blanc sale, d'apparence visqueuse ». J'ai aussi observé ces phénomènes dans du bouillon fait avec de l'extrait de viande : les bä- tonnets ne se réunissaient qu'au moment de la pro- duetion des spores, en filaments beaucoup moins longs que chez les formes virulentes et, dans le voile superficiel qui se produisait ainsi, ils étaient agglo- mérés, en masses irrégulières, dans toutes les direc- lions, C’est un mode de groupement qui s'éloigne assez de ceux que l’on observe ordinairement, pour qu'on se demande naturellement si l'on n'avait pas en présence une forme peut-être analogue au Bacillus anthracis, mais, en {out cas, un peu différente puis- qu'elle n'avait pas permis à la première de se déve- CHARBON 243 lopper dans le liquide de culture. C'était peut-être le Bacille que M. Koch nomme le Bacillus œdemati maligni. Mais son innocuilé sur les rongeurs de pelite taille eux-mêmes, rend assez inadmissible cette manière de voir. M. Buchner a observé, sans aucun doute, les mêmes faits en cultivant le Bacille du charbon, dans des liquides contenant 1 p. 100 d'extrait de viande additionné ou non de sucre et de peptone, à une température de 35° à 37°: il obtenait des généra- lions pures au moyen de cultures répétées. Les cul- tures étaient placées dans un appareil que l’on agi- lait continuellement, afin de renouveler constam- ment les couches d'air. Il obtint ainsi des cultures qui avaient loute l’apparence de celles de Praz- mowski. Leur atténuation, la formation du voile superficiel, le mouvement des bätonnels qui les fai- saient ressembler plus que dans les variétés viru- lentes au Bacillus subtilis, tout cela lui fit affirmer qu'il avait pu produire l’atténualion du Bacillus an- thracis en le transformant en Bacillus subtilis, ne possédant pas d'action virulente el que l’on avait ainsi un cas patent de la transformation d’une espèce réputée distincte, en une aulre. Malgré ces affirma- lions, la preuve d’une transformation pareille reste encore à faire. Le Bacillus anthracis présente, mème lorsqu'il est inoffensif, des différences morphologiques impor- q 44 LEÇONS SUR LES BACTERIES lantes avec le Bacillus subtilis, en particulier dans le phénomène de la germination des spores. C’est un point sur lequel on aurait dü faire porter l’observa- Lion; au lieu de cela la germination du Bacillus sub- tilis fut complètement laissée de côté. D'ailleurs, M. Buchner essaya de produire la transformation inverse du Bacillus subtilis inoffensif en Bacillus anthracis virulent, au moyen de cultures successives, dans différents liquides contenant des substances albuminoïdes diverses. Malheureusement, les résultats obtenus furent en grande partie négalifs et les résultats isolés que l’on peut, à la rigueur, regarder comme positifs, en n’in- sistant pas trop sur les observations morphologiques, renferment tant de restrictions qu'on ne peul nullement les généraliser. D'ailleurs, les considéra- lions morphologiques furent complètement négli- sées dans ces observations. Il est cependant possible d'imaginer que le Bacil- lus subtilis qui, d'ordinaire, n’a aucune action viru- lente, acquière exceptionnellement une certaine vi- rulence. Mais, dans ce cas, la question de l'espèce ne se poserait nullement pour lui, pas plus qu'elle ne se pose pour le Bacillus anthracis qui change beau- coup en s’all&nuant, mais qui n’en reste pas moins, en tant que Bacille charbonneux, la cause ordinaire du charbon. En s'appuyant sur d'autres expériences dont il va CHARBON 245 &tre question à l'instant, M. Pasteur et M. Toussaint ont tenté, avec succès, de faire servir le Bacille atlénué à des vaccinations préventives contre les effets du Bacille virulent. Quand on inocule un animal avec un Bacille, al- lénué jusqu'à un certain degré que l’on détermine chaque fois, il résiste à la maladie et peut y échap- per. Le Bacille de moindre virulence n’a plus d'effet sur lui et celui de virulence extrême ne le tue pas, lorsqu'on opère convenablement. La confiance que l’on peut accorder à de pareils résultats et l'importance considérable qu'ils ont, au point de vue pratique, ont élé appréciés très diffé- remment : pour M. Koch el ses élèves, il faut en rabattre beaucoup des succès décisifs oblenus par l'école de M. Pasteur. Pour nous, la question de pure pralique n'est pas de notre compétence; mais le fait que les vaccina- lions réussissent le plus souvent reste indéniable et les adversaires eux-mêmes en ont constaté à plu- sieurs reprises la portée pratique. Nous les enre- gistrons comme un résultat d’un intérêt scientifique considérable. Maintenant que nous avons étudié les phénomènes que présente le Bacillus anthracis et la maladie qu'il occasionne, le charbon, il nous reste à savoir d’où vient l’action pathogène du Bacille virulent, à expli- quer comment cette virulence s’allönue et comment 1X) 246 LEÇONS SUR LES BACTERIES se fait la vaccination dont nous avons parlé en der- nier lieu. C'est à cette dernière question de la vaccination que les connaissances actuelles nous permettent de répondre de la manière la plus satisfaisante. Mais pour qu'il n'y ail pas de malentendu, à ce propos, je tiens à déclarer expressément que nous nous ap- puierons, dans celle question comme dans loutes les aulres, sur des expériences qui ont besoin d’être confirmées et d'être vérifiées par des travaux ulté- rieurs. Cela dit, revenons à la vaccination et à l'hypo- Ihese qui permet de l'expliquer. ‘— Nous pouvons poser la question un peu différemment, en nous de- mandant comment il se fait qu'un animal peut être prémuni, rendu réfractaire contre l’action destruc- live d’un parasite pathogène. M. Metschnikoff a publié récemment des observations qui semblent avoir fait avancer d'un pas la question. Je vais les résumer parce qu'elles me semblent satisfaisantes : mais Je n'ai pas eu le temps de contrôler par moi- même leur exactitude. On sait que le sang des vertébrés est composé, en grande partie, de globules rouges, nageant dans un plasma sanguin liquide el, en moins grande quantité, de globules blancs, disséminés au milieu des pre- miers. Les animaux inférieurs n'ont pas de globules rouges; les globules blanes seuls existent chez eux : CHARBON 247 ce sont des corps protoplasmiques incolores avec un noyau cellulaire. Parmi les nombreuses propriétés qui servent à les caractériser, nous ne reliendrons que la suivante : c’est que, semblables en cela à beau- coup d'autres corps protoplasmiques de structure analogue, ils changent constamment de forme pen- dant leur vie et la substance très molle et gélatineuse quiles compose, est animée d’un mouvement amiboïde qui fait apparaître et disparailre successivement des prolongements protoplasmiques, sur le pourtour de la cellule (fig. 20). A ces mouvements amuboïdes, comme on les appelle, s'ajoute la singulière propriété de retenir de petits corps solides ou des globules graisseux, et de les incorporer dansleur propre subs- lance. Au moment où le corps étranger arrive au contact de la ceilule amiboïde, les prolongements protoplasmiques le saisissent, l'enveloppent en l’en- globant jusqu'à le faire arriver au centre de la subs- lance cellulaire. Il peut être ensuite remis en liberté, mais il peut aussi être assimilé par la cellule et dis- parailre complètement. M. Metschnikoff est parti de ces premiers faits bien connus el d’autres qu'il avait eu l’occasion d'observer lui-même chez quelques Crustacés : il avait vu, chez ces animaux, un Champignon particu- lier pénétrant dans l’intérieur de leur corps et dont les cellules avaient été englobées par les globules blancs du sang, puis détruites peu à peu. Il y avait 248 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES eu, pour ainsi dire, lutte entre les cellules du Cham- pignon parasite et les cellules amiboïdes du sang de l'animal. Ces observations avaient conduit M. Mels- chnikoff à rechercher comment les globules blanes du sang des vertébrés se comportaient vis-à-vis du Bacille du charbon. Il trouva que les bâtonnets viru- lents, inoculés à un animal très apte à contracter le charbon, comme un rongeur, n'élaient pas, à de rares exceplions près, englobés par les globules blancs du sang. Au contraire, les globules blancs des animaux, tels que le lézard ou la grenouille, qui sont naturellement réfractaires à la maladie, assimilent rapidement les bâton- nets, lorsque la tempé- ralure n'est pas artifi- ciellement surélevée (fig. 20) et les font dispa- railre assez vile. La mê- me chose arrive chez les animaux supérieurs, avec des Bacilles alténués. M. Chauveau avail déjà montré précédemment que lorsque les Bactéries atténuées arrivaient dans le poumon et le foie, elles ne tardaient pas à dispa- raitre. D'après toutes ces données, on doit ad- (1) @. GLOBULE BLANC DU SANG DE GRENOUILLE en train de s’assimiler un bätonnet de Bacillus anthracis — observé vivant dans une goutte d’hu- meur aqueuse. — b. Le même quelques minutes après : la forme a changé, le bacille est complètement englobé. — Dessiné à un fort gros- sissement, d'après M. Metschnikof. CHARBON 249 meltre, avec M. Metschnikoff, que l’innocuité du Bacille est due à ce qu'il est saisi par les globules blancs du sang, puis détruit par eux, et que ses pro- priélés nuisibles ne se déclarent que dans le cas con- traire. Du moins, on peut dire que la Bactérie devient inoffensive quand les globules blancs arrivent à les détruire dans moins de temps qu'il ne faut pour as- surer leur multiplication. Si ces hypothèses sont exactes et si un Bacille virulent perd son action nuisible, après la vaccination et seulement après qu'elle a eu lieu, il faut admettre, en outre, que la vaccination a pour effet de permettre aux globules blancs d'acquérir la propriété, qu'ils ne possédaient pas auparavant, d’englober et de dé- truire les Bacilles virulents. Des expériences préei- ses à ce sujet n'existent pas, il est vrai; mais, si l’on admet comme fondées les hypothèses que nous avons faites, on ne peut guère donner d'autre explication du phénomène, à savoir que l'introduction des Ba- cilles de virulence moindre a pour effet de prédis- poser les globules blancs à s’assimiler les Bacilles de virulence plus grande, ce qu'ils n’eussent pas fait sans cette inoculation préalable. L'immunité d’un animal et sa réceptivité vis-à-vis d’un parasite pathogène introduit dans le sang, dé- pendent done des réactions que ce parasite subit de la part des globules blancs, et ces réactions peuvent être modifiées en habituant peu à peu ces derniers 250 LEGONS SUR LES BACTERIES à subir l'influence d’individus dont la virulence se modifie elle-même, peu à peu. Ce serait la une ex- plication partielle de l'influence exercée par l'intro- duction de vaccins plus ou moins atténués. Mais alors une autre question se pose : pourquoi les Bacilles virulents ne subissent-ils, pour ainsi dire, aucune action de la part des globules blancs, chez un animal « neuf » et pourquoi les Bacilles atténués en subissent-ils une si facilement? Nous ne pouvons lrouver une explication dans les différences morpho- logiques el anatomiques des animaux observés, il ne nous reste done plus qu'à admettre que ces diffé- rences proviennent des variations dans les substances el les réactions chimiques internes. Comme il ne s'agit ici que d'animaux qui ne different pas sensi- blement dans leurs propriétés physiologiques géné- rales et que, d'autre part, le Bacille modifie notable- ment ses propriétés par l’atlénuation, il semble naturel d'admettre que les changements chimiques dont nous parlons proviennent surtout du Bacille el non de l'animal. Les phénomènes conséquents à la vaccination, l'habitude, comme nous disions, que prennent les globules blancs d’assimiler des Bacilles de plus en plus virulents, tout cela ne contredit pas cette manière de voir. Nous avons des exemples analogues de corps pro- toplasmiques simples qui sont capables de retenir des corps solides. Il suffit de rappeler les plasmodies - CHARBON 251 des Myxomycèles chez qui on peul consialer une cerlaine accoulumance au contact el, sans doute, à l'assimilation de corps étrangers ayant des proprié- tes chimiques données; loul d’abord cependant, ce contact ne peut se produire sans amener le retrait immédiat du protoplasma de la plasmodie. On peut, sans qu'il y ait besoin d'arguments plus nombreux, accorder aux globules blancs celle même propriété de pouvoir s’accoutumer que l’on constate chez les Myxomycèles, auxquels ils ressemblent à plus d’un point de vue. De quel ordre sont les différences chimiques qui existent entre une Baclérie virulente el une autre qui ne l’est pas? C’est ce qu'on ne peul dire avec quelque précision : nous nous contenterons de résu- mer les quelques faits connus à ce sujet. M. Pasteur a montré que la cause principale de l’attönuation ne résidait pas dans l’action de l'oxy- gene, mais dans l'élévation de la température; après lui, M. Chauveau, M. Koch et ses collaborateurs ont élabli l'exactitude de cette idée en démontrant que, toutes choses égales d’ailleurs, le degré et la durée de l’atténuation, ainsi que le temps nécessaire pour obtenir cette atténuation, élaient en rapport direct | avec la température el variaient en même temps que celle-ci, aussi peu qu'on le voulait. D'ailleurs on ne sait absolument rien sur les causes de l'atténuation obtenue par M. Pasteur, par d’an- 352 LECONS SUR LES BACTERIES tres procédés, ni sur les causes du retour éventuel à la virulence primitive. Si nous nous demandons maintenant de quelle manière le parasite arrive à produire son action, il n'est pas du tout possible de faire, à cette question, une réponse décisive. Quelques fails précis el quel- ques analogies conduisent seulement à donner une explication qui peut être vraisemblable. Le premier fait qui nous servira est l'apparition d’un furoncle, d’un bouton charbonneux chezl’homme qui a gagné la maladie par inoculation accidentelle ou par blessure. Au point où le charbon a été intro- duit s'établit une inflammation locale de la peau, qui devient assez forte et qui est suivie, au bout d'un à deux jours, d’autres symptômes plus généraux. Cette inflammation diffère notablement des inflammalions culanées ordinaires, au même titre que les affections locales qui éclatent sous l’action d’un certain poison diffèrent de celles qui naissent sous l'influence d’un autre poison ou d’une autre substance. L'existence de ce fait doit, me semble-t-il, faire repousser cette opinion, souvent soutenue, que le Ba- cille a uneaction purement mécanique, qu'il enlève au sang vivant dans lequel il est introduit, tout l’oxy- gene que ce sang conlient (1). Il est plus naturel de (1) Si l’action de la Bactérie charbonneuse sur l'oxygène des globules du sang n’est pas la seule qui se produise, on ne peut nier qu'elle ne joue un rôle très important dans les rapports qui s'établissent entre CHARBON 253 dire que l’action du Bacille est une action toxique spéciale, qui lui est propre et qui est due à un virus particulier. Cela étant posé, il faut admettre encore que le virus est sécrété ou éliminé par le Bacille, sans quoi iln’agirait pas. C’est ce que semble prouver l'observation de M. Metschnikoff sur l'assimilation rapide du Bacille par le globule blanc, lorsque ce dernier n’a pas une grande virulence, et dans ces circonstances seulement. Le Bacille virulent doit donc posséder quelque chose de plus ou de moins qui lui donne des propriétés chimiques spéciales, que la Bactérie et l'organisme où elle est introduite. C’est ce qui ressort nettement d'une note de M. Pasteur, présentée à l'Académie des sciences, le 16 juillet 1877. Dans toutes les périodes de son existence, la Bactérie charbonneuse est essentiellement aérobie. Elle absorbe l'oxygène de l'air, en déga- geant un volume de gaz acide carbonique sensiblement supérieur. Si l'oxygène lui manque, elle ne peut se dévolopper et meurt. Or, dit M. Pasteur, « chez les êtres inférieurs, plus encore que dans les grandes espèces animales et végétales, la vie empêche la vie. Un liquide envahi par un ferment organisé ou par un être aérobie permet difficilement ja multiplication d'un autre organisme inférieur, alors même que ce liquide, cousidéré dans son état de pureté, est propre à la nutrition de ce dernier. Or il faut considérer que le sang vivant, c'est-à-dire en pleine circulation, est rempli d’une multitude infinie de globules qui ont besoin, pour vivre et pour accomplir leur fonction physiologique, de gaz oxygène libre : on peut dire que les globules du sang sont des êtres aérobies par excellence. Lors donc que la Bactérie charbonneuse pénètre dans un sang normal, elle y rencontre un nom- bre immense d'individualités organiques prètes à ce que l’on appelle quelquefois, dans un langage image, la lutte pour la vie; prêtes en d'autres termes, à s'emparer pour elles-mêmes de l'oxygène nécessaire à l'existence des bactéridies. » On peut faire, à ce propos, une expérience très curieuse. Dans de l'urine neutre ou légèrement alcaline, liquide très favorable au déve- loppement de la Bactérie du charbon, semons, en même temps que celle-ci, des Bactéries communes, très avides d'oxygène. La Bactérie tv 54 LEGONS SUR LES BACTERIES l'autre n'a pas. Ces proprieles doivent appartenir aux parties périphériques, aussi bien qu'aux parlies centrales, car le globule blane ne manifesterait pas de reaction au simple contact. Nous ne savons rien de plus sur la nature et sur l'existence de ce virus sécrété par le Bacille. Tous les efforts que l’on a faits pour l’isoler sont demeurés infruetueux. Si l’on sépare les Bactéries contenues dans un sang charbonneux, du liquide sanguin, ce qui est rendu possible par la filtration à travers de l'argile ou du plâtre, l'injection du liquide filtré ne charbonneuse se développe mal et finit par périr. Il en est de mème si les deux espèces de Bactéries sont inoculées dans le sang d'un ani- mal : celui-ci résiste et échappe à la mort. Enfin la Bactérie se déve- loppe difficilement quand on l’inocule dans la jugulaire d’un animal, très sensible d’ailleurs, comme le cochon d'Inde. Ces diverses expériences permettent de donner une explication très nette, nous l'avons vu, de ce qui se passe lorsqu'on introduit la Bac- térie charbonneuse dans le sang d’un animal vivant. L'animal guérit ou ne subit aucune atteinte lorsque, pour une cause quelconque, le glo- zule sanguin l’emporte sur l'organisme pathogène. C’est ce qui ar- rive, par exempie, chez les oiseaux qui sont naturellement réfractaires au charbon. Cela tient à ce que la température moyenne de leur corps est de 42° environ et qu'à cette température le Bacille du charbon se développe péniblement. Qu’arrive-t-il si, comme l’a fait M. Pasteur, on abaisse la température du corps de l'oiseau ? La Bactérie reprendra le dessus et l'animal périra. 11 suffit, en effet, de plonger dans l'eau à 259 les pattes d’une poule inoculée, ce qui la ramène au bout d'un peu de temps à 37° ou 38°, pour la voir mourir du charbon en 2% ou 36 heures. Quant au virus sécrété par la Bactérie, on n’a pas encore pu l'isoler. On n’a pu que signaler la présence d’un ferment soluble qui a pour effet d’agglutiner les globules sanguins et de ralentir la circulation sanguine dans les capillaires. Quoi qu'il en soit, on voit nettement que c'est encore l’asphyxie des globules sanguins qui est le phénomène prédominant dans l’action des Bactéries du charbon sur les animaux vivants. CHARBON 255 donne plus le charbon. Ces résultats négatifs mon- trent quel est Le point faible de notre argumentation. Si, malgré tout, nous continuons à soutenir notre hypothèse, ces résultats prouvent que le poison sé- crélé par la Bactérie n'existe que dans des propor- tions très faibles; ou bien qu'il est détruit très rapidement aussitôt après sa sortie du sang vivant el qu'il devient inactif; ou encore que l’une et l’autre de ces hypothèses se réalise. Quant aux analogies que nous pouvons invoquer en faveur de notre thèse de la sécrétion et de l’action d'un virus particulier, on les trouvera dans ce fail qu'il existe des substances qui, en très petites quan- lilés, peuvent produire des effets considérables : ce sont les Pfomaines (1) que l’on trouve sur les cada- # 1) On donne le nom de Plomuïnes à des substances possédant les caractères généraux des alealoides et que M. Selmi de Bologne trouva, en 1872, dans les extraits de cadavres de personnes mortes naturelle- ment. Le nom de Ptomaïnes semble faire croire à une origine cadavé- rique constante. Il n'en est rien cependant, car M. Gautier qui, depuis 1873, s’est occupé de leur étude, a rencontré de ces alcaloïdes, non seulement dans les cadavres, mais dans tous les liquides putréfiés et mème dans un grand nombre de tissus vivants parfaitement sains. Les Ptomaines ont des propriétés toxiques remarquables. Le pre- mier alcaloïde que l'on ait ainsi rencontré, dans des liquides en putré- faction, est un corps appelé Sepsine que Bergmann et Schmiedeberg ont trouvé, il y a près de vingt ans, dans de la levure putréfiée. En 1869, M. Zulzer et Sonnenschein ont étudié un second alcaloïde dans des infusions de viandes vieilles de un à deux mois. On a essayé pendant quelque temps, après les recherches de M. Selmi, de trouver des réactifs pour distinguer sûrement les alcaloides de la putréfaction des alcaloïdes ordinaires. MM. Brouardel et Boutmy, en particulier, ont signalé le ferricyanure de potassium que les Ptomaïnes réduisent très rapidement, tandis que les alcaloïdes végétaux n'ont sur Jui qu'une action très lente. Mais depuis les travaux de M. Gautier, 256 LEÇONS SUR LES BACTERIES vres, après la mort, et qui sont des produits de sé- crélion d’autres Bactéries que celles du charbon.Il est vrai de dire qu'elles proviennent aussi de matières or- ganiques mortes. Mais l’on peut citer une substance sécrélée, analogue aux Ptomaines, et dont M. Pas- teur a signalé l'existence dans le choléra des poules, maladie que nous allons éludier dans un instant, qui est semblable au charbon, en ce sens qu’elle est due à une Bactérie parasilaire. Mais avant d'aborder cette seconde étude, disons encore quelques mots de l’alténuation. Si nous supposons que le Bacillus anthracis est une espèce distincte, il est assez étonnant de voir que, contrairement à ce qui se passe d'ordinaire, il a, dans un cas, une influence nuisible, et aucune in- fluence dans un autre. Nous trouvons cependant, ailleurs que chez le Bacille du charbon, des exem- ples de faits semblables. Nous pouvons citer, à ce sujet, un fait rapporté pour la première fois par M. Nægeli, si je ne me trompe, à propos des amandes douces el des amandes amères. Ces dernières contiennent un principe vénéneux, sans être d’ailleurs nuisible à l’homme, qui a signalé l'existence des Ptomaïnes (Voir la note de M. Gautier, publiée récemment dans le Bulletin de l'Académie de médecine, fé- vrier 1886) dans les produits des tissus vivants, il devient inutile de vouloir distinguer deux catégories d’alcaloïdes, puisque rien ne dis- tingue théoriquement leur origine (Consulter la Chimie biologique de M. Duclaux, p. 769 et sq.). CHOLERA DES POULES 257 et se développant sous l'influence de l’amygdaline. Les premières n’ont pas d’amygdaline et ne sont pas vénéneuses. Cependant, les arbres qui portent ces deux espèces de fruits ne sont pas spécifiquement distincts : une amande peut donner naissance à un arbre portant des fruits de l’une ou de l’autre espèce ; les deux sortes d'amandes peuvent même être por- iées par le même arbre, sans que les fleurs et les fruits présentent aucune différence morphologique appréciable. D'où cela provient-il, quelle est la cause de ce phénomène? Personne n'en sait rien, et si l'exemple que nous venons de rappeler ne nous donne pas l'explication demandée, ilnous servira du moins à montrer que nous n'avons pas affaire à un phéno- mène spécial aux Bactéries ou à une Bactérie en par- liculier, mais qu'il se rencontre ailleurs et qu'il rentre dans la série générale des phénomènes vi- taux. CHOLÉRA DES POULES. Le choléra des poules (1) est une maladie qui s’al- laque de préférence à la volaille de nos basses-cours et qui montre, sur les points qui nous intéressent, des phénomènes analogues à ceux que nous avons étudiés dans le charbon. (1) Pasteur. — Comptes rendus, T. 90 (1880), p. 239, 952, 1030; T. 92 (1881), p. 426. — Semmer. — Ueber die Hühnerpest. Deutsche Zeit- schrift für Thiermediein, T. 4 (1878), p. 244. La maladie décrite par Perroneito: Archiv. f. wiss. u. pract. Thier- heilkunde, T. 5 (1879), p. 22, ne semble pas être le choléra des poules. DE BARY 47 258 LEÇONS SUR LES BACTERIES M. Pasteur, qui a fait l'étude de cette maladie, en a distingué deux types: la maladie aiguë et la ma- ladie chronique. Les symptômes caractéristiques de la première forme sont un état d’ahurissement pro- fond et de sommeil prolongé ; l'animal repose à terre, les yeux fermés, les plumes hérissées, immobile et insensible : cet état général s'accompagne d’inflam- mations et d’ulcérations profondes de l'intestin. A l'autopsie, on trouve des abcès dans différents orga- nes, une dégénérescence graisseuse des muscles, etc. Cet état se termine, au bout de deux à vingt et un jours, par la mort : la guérison est très rare. La forme chronique présente les mêmes symp- lömes, mais aves des caractères moins prononcés ; dans certains cas, il ne se produit que des abcès locaux. La maladie peut se prolonger pendant plu- sieurs semaines et se terminer assez fréquemment par la guérison. L’autopsie faite chez les animaux qu'on sacrifie pendant qu’ils sont malades ou qu’on laisse succom- ber à la maladie, montre dans le sang, dans les abcès, dans la muqueuse intestinale, une grande quantité de petites cellules rondes. Ce sont des Microcogues ou des Bacterium en courts bâtonnets. Leur caractère morphologique principal est de se multiplier par bipartition et de ne présenter aucune mobilité. On n’a pas observé non plus la formation de spores endo- gènes. C’est tout ce qu’on peut dire de général, à ma CHOLERA DES POULES 259 connaissance, des résultats connus et je n’ai pu, pour ma part, avoir l’occasion de faire des recherches personnelles sur cette maladie. Le Microcoque du choléra des poules peut être cultivé en dehors de l'organisme : ilse développe ad- mirablement bien dans du bouillon de poule neutra- lisé, moins bien ou pas du tout dans d’autres liquides, suivant M. Pasteur. La présence de l'oxygène est nécessaire à sa végétation. On le voit, dans les liqui- des de culture, au fond des vases lorsque la végéta- tion est terminée ou lorsque le liquide est épuisé: il vit pendant huit mois en présence. de l'air, et beaucoup plus longtemps quand l'air n'est pas renouvelé ; dans ce dernier cas, on le cultive en vase clos, et il se montre capable de végéter de nouveau dans les liquides appropriés. Quand on prend une quantité très petite de Mi- erococcus, chez un animal malade ou mort depuis peu, dans ses excréments ou dans une partie quel- conque de son corps, et qu'on le cultive dans des cultures dont la pureté est absolue, il s'accroît très vite, se multiplie aisément et se montre susceptible de reproduire la maladie. L'affection se développe aussi bien par inoculation sous la peau que par introduc- tion, dans le canal digestif, d'aliments contaminés. En dehors des oiseaux, M. Pasteur a pu reproduire la maladie chez les mammifères; en particulier chez les lapins qui succombent à la contagion, chez les 260 LEGONS SUR LES BACTERIES cobayes qui ne présentent que des lésions localisées aux points d’inoculalion, avec des abcès contenant des masses de Microcoques, restant toujours can- tonnés dans un espace très restreint : les cobayes finissent par guérir. Ce que nous venons de dire suffit pour montrer qu'il s’agit ici, comme dans le cas du charbon, d’un parasite pathogène « facultatif » dont l’évolution et les phénomènes vitaux, surtout dans la période qui correspond à l’état de Saprophyte, ne sont pas aussi bien étudiés ni aussi bien définis que pour le Bacille du charbon. M. Pasteur a trouvé, de plus, que les propriétés infectieuses des Microcoques du choléra des poules sont diminuées par une longue conservation dans un milieu où l'air ne pénètre pas. Le nombre des inoculations qui réussissent et l'intensité de l’affec- tion qui en résulte, diminuent avec l’âge de la culture employée dans l’inoculation. Les cas précédemment cités de maladies peu intenses et finissant par dis- paraître, sont surtout des cas où l’inoculation avait été faite dans les conditions que nous venons de dire. Il se produit, en d’autres termes el comme on dit souvent,une « atténuation » dans la virulence du Mi- crocoque, atténuation qui augmente avec l’âge du parasite. Les individus qui guérissent se montrent — or- dinairement sinon toujours — réfractaires à de nou- CHOLERA DES POULES 261 velles inoculations virulentes : ils ont acquis une parfaite immunité. C’est même sur ces premières expériences que M. Pasteur a fondé sa méthode des vaccinations qu'il a étendue ensuite au charbon. Séparons, par filtration, le Microcoque du bouil- lon de culture dans lequel il a vécu : — pour cela, le simple papier à filtre ne suffit pas; il ne s'oppose nullement au passage des Bactéries, et il faut em- ployer des filtres d'argile poreuse. Dans ces condi- tions, le liquide filtré n’est plus capable de donner la maladie, même après injection de 120 grammes du liquide dans le sang d’un animal. Un seul symp- tôme de la maladie persiste encore : c’est l’assou- pissement prolongé. Les animaux, inoculés ainsi, deviennent somnolents et tombent dans une insensi- bilité profonde : cet état dure environ quatre heures et disparaît pour faire place à l’état normal. Cette observalion prouve que l’on a affaire, en r&a- lité, à un poison distinct de la Bactérie, qui produit l'effet d'un narcolique et, à ce point de vue, le cho- léra des poules est particulièrement instructif, puis- qu'il nous montre la variété des actions exercées par un parasite pathogène. L'action du virus dans ces expériences est peu violente et très passagère : cela s'explique par la quantité très petite qui se trouve dans le liquide injecté et peut-être par ce fait qu'il est détruit, en partie, dans l'organisme ou éliminé par les voies ordinaires de l’excrétion. Quand la 262 LECONS SUR LES BACTERIES Bactérie qui sécrète le poison, est introduite dans le corps d'un animal, il en est autrement, même en laissant de côté les conditions les plus favorables, en apparence, à la sécrétion du virus. Tant que ce der- nier est détruit par l'organisme animal ou éliminé, le parasite continue à en produire, pour remplacer celui qui disparaît et les symptômes de la maladie s’accentuenl de plus en plus dans certains cas, jus- qu’à amener la mort. A cela s’ajoutent les compli- cations qu’entraine l’action purement mécanique du parasite que l’on ne doit pas négliger. XI: LECON. MALADIES INFECTIEUSES CAUSÉES PAR DES BACTÉRIES, CONSIDÉRÉES SURTOUT CHEZ LES ANIMAUX A SANG CHAUD. — INTRODUCTION. — FIÈVRE RÉCURRENTE. — TUBERCULOSE. — GONORRHEE. — INFECTIONS QUI SUIVENT LES BLESSURES. — ÉRYSIPÈLE. — TRA- CHOME. — PNEUMONIE. — LEPRE. — CHARBON SYMPTOMATIQUE. — MALARIA. — FIÈVRE TYPHOIDE. — DIPHTÉRIE. — CHOLÉRA. — MALADIES INFEC- TIEUSES DONT ON NA PAS TROUVÉ LES BACTERIES PATHOGÈNES. Nous serions heureux de pouvoir ajouter aux deux exemples précédents de maladies causées par des parasites facultatifs, un type de maladie due à un organisme rigoureusement parasitaire : malheureu- sement nous n’en pouvons trouver aucun qui soit connu avec assez de détails, pour se prêter à une exposilion méthodique complète. Nous devons nous contenter purement et simplement d'un aperçu gé- néral sur ce que nous savons des maladies infec- tieuses. Nous allons donc exposer brièvement les faits les 264 LEÇONS SUR LES BACTERIES plus importants qui ont rapport à l’action des Bac- téries sur la production des maladies infectieuses chez les animaux à sang chaud et en particulier chez l'homme (1). On entend par maladies infectieuses les maladies qui peuvent être transmises d'une personne à l’au- tre par contact ou par tout autre moyen el qui sont cantonnées dans certaines contrées plus ou moins bien délimitées. Les premières portent aussi le nom de maladies contagieuses : la fièvre scarlatine, la rou- geole, la pelite vérole en sont des exemples bien connus. Les autres, parmi lesquelles nous cilerons spécialement la fièvre intermittente, sont des mala- dies endémiques. On peut combiner ces deux termes et avoir des maladies qui sont à la fois conlagieuses et endémiques, ce qui peut se faire de deux maniè- res différentes. La maladie peut être contagieuse et cantonnée dans certaines localités seulement, par suite de la présence, dans ces lieux, de personnes con- taminées : il n'y a pas alors endémie proprement (4) I conviendrait de citer, à propos des maladies infectieuses, une très riche Bibliographie médicale. En nous bornant à des travaux généraux sur ce sujet nous citerons : Liebermeister. — Einleitung zu den Infectionskrankheiten in Ziemssen's Handbuch, T. 2. — J. Henle : Patholog. Untersuchungen, Berlin, 1840, T. 1. — De Bary : Die Brandpilze, Berlin, 1853. — Id.: Recherches sur le developpement de quelques champignons parasites. Ann. Sc. nat. Bot. 4° serie, T. 20. — ld. : Morphologie u. Biologie d. Pilze, 188%. — Id. : in Jahresbericht d. Medicin de Virchow et Hirsch II (1867), 1, p. 240. — Klebs : Archiv. f. Exp. Path. u. Pharmac.I 1873), etc. GENERALITES SUR LES MALADIES INFECTIEUSES 265 dite; ou bien une maladie endémique peut devenir contagieuse dans certaines conditions sans l'être en général. Il faut ajouter qu'il n'y a pas longtemps, on parlait encore de maladies infectieuses dans les cas où elles étaient dues à des causes mal connues qu'on designait sous le nom de miasmes.Lorsqu'elles étaient notoirement dues à des parasites, plus particulière- ment à des Entozoaires comme l’Acarus, qui trans- portaient la maladie d’un individu à l’autre, on les qualifiait de maladies parasitaires. Quels étaient ces miasmes invisibles et inconnus, de quoi se composaient-ils? Les hypothèses les plus étranges étaient émises à ce sujet.et l’on admettait que l’on avait affaire à certaines substances infec- lieuses qui agissaient à l’état de division extrême et en quantités infiniment petites. On a attribué depuis longtemps à ces substances infectieuses ou à ces miasmes, quel que füt le nom qui servait à les désigner, les propriétés générales des êtres vivants. Tout d’abord, à l’époque où l’on commença à parler de ce qu'on appelait un conta- gium vivum ou animatum, on s’expliqua d’une ma- nière vague et très peu précise. On ne commenca à se faire des idées exactes, à ce sujet, que vers 1840, au moment où Henle dans ses « Recherches patholo- giques » développa avec clarté et précision les rai- sons qui faisaient accorder aux miasmes, jusqu'a- 266 LEGONS SUR LES BACTERIES lors invisibles, les propriétés des organismes vivants. Son argumentation peut se résumer brièvement de nos jours, de la manière suivante. Les miasmes ont en commun avec les êtres vivants la propriété caractéristique de s’accroitre dans cerlaines conditions, de se multiplier aux dépens d'une autre substance que la leur, par suite, d’assi- miler des matières étrangères. La quanlile infini- ment pelite de miasmes nécessaire pour infester un individu sain peut augmenter d’une manière consi- dérable dès qu'elle a été introduite dans le corps du malade contaminé : celui-ci peut, après cela, infester par contact un nombre excessivement grand d’au- tres individus et transmettre ainsi un très grand nombre de fois la quantité de miasmes qu'il a reçue lui-même. Mais puisqu'on reconnait aux miasmes la propriété principale qui appartient aux seuls être vivan(s, il n’y a pas de raison pour ne pas admettre qu'ils sont eux-mêmes des êtres vivants, des para- sites. La seule différence qui existe entre eux et les parasites connus précédemment, est qu'on avait pu voir ceux-ci sans qu'il eüt été encore possible d’ob- server ceux-là. Cette différence tout apparente tient sans doute à l’imperfection de nos moyens d’obser- vations : à cette époque d'ailleurs, ne venait-on pas de découvrir le parasite de la gale, resté si long- temps inconnu? Il en était de même de l’Achorion, un aulre parasite, Champignon microscopique celui-là. GENERALITES SUR LES MALADIES INFECTIEUSES 267 Ne venait-on pas de trouver, par suite d’un hasard heureux, le Champignon qui cause la maladie du vers à soie appelée Muscardine ? Vers 1850 un autre argument vint s'ajouter à ces faits, comme une preuve éclatante de l'existence des parasites inconnus jusque-là : ce fut la découverte de la Trichine. Henle reprit l'exposition de ces divers faits dans sa « Pathologie rationnelle » qui parut en 1853. Mais il trouva, pour des motifs que nous n'exa- minerons pas plus longtemps ici, que la pathologie animale, considérée isolément, ne lui fournissait pas d'arguments probants et décisifs. Ce fut surtout dans le domaine de la pathologie végétale, que les vues de Henle trouvèrent une ap- plication sérieuse el des développements inattendus. A la vérité, les bolanistes qui s'occupèrent des mala- dies des plantes, ignoraient absolument les travaux pathologiques de Henle : ils firent leurs observations qui se relièrent naturellement à quelques études re- marquables qui dataient du commencement du siè- cle. Mais, en réalité, ils se rencontrèrent sans le savoir avec Henle et, depuis 1850 environ, les divers travaux qui furent faits sur les maladies contagieuses des plantes montrèrent presque toujours, que ces maladies étaient dues, en grande majorité, à des parasites, que c'étaient par conséquent des maladies parasitaires. On peut dire sans exagération que l’é- tude de ces maladies ne présentait pas de très gran- 268 LEÇONS SUR LES BACTERIES des difficultés, soit à cause de l’organisation beau- coup plus simple des végétaux, soit à cause de la nature de leurs parasites qui sont en grande partie des Champignons, beaucoup plus gros que la plu- part des parasites qui s’attaquent aux animaux. Ce furent en partie ces progrès faits en botanique, qui influerent plus ou moins sur les travaux ulté- rieurs; ce furent aussi les découvertes de M. Pas- teur et sa nouvelle conception vitaliste des fermen- tations qui appelèrent l'attention sur les idées de Henle et sur sa théorie des germes vivants causes des contagions. D'ailleurs, Henle avait déjà indiqué lui-même les rapprochements qu'on pouvait faire entre la théorie qu'il exposait et celle des fermenta- tions qui avait été entrevue pour la première fois en France, par Cagniard-Latour et plus tard par Schwann en Allemagne. Ce furent les travaux de M. Pasteur, Davaine le dit expressément, qui altirerent de nouveau J'at- tention de ce dernier savant sur les bâtonnets que son maître Rayer avait vus le premier dans le sang charbonneux : il n’hésita pas à leur attribuer dès lors la cause originelle de la maladie du charbon, que l'on peut considérer comme le type des maladies infectieuses ou des maladies contagieuses ou enfin des maladies endémiques, suivant la manière dont le charbon prend naissance. C’est ainsi que l’année 1863 vit saccomplir un progrès important dans le sens GENERALITES SUR LES MALADIES INFECTIEUSES 269 des idées de Henle, lorsqu'on reconnut qu’une ma- ladie contagieuse pouvait être due à un parasite très petit qu'on ne savait d’ailleurs pas, à cetle épo- que, distinguer facilement. Pendant assez longtemps la science resta station- naire sur cette question. Il serait plus juste de dire qu'un zèle exagéré conduisit quelques auteurs inex- périmentés, surtout en Allemagne, à voir et à cher- cher partout des parasites : l'épidémie de choléra qui sévit en 1866 dans une partie de l'Europe con- tribua à augmenter cette ardeur inconsidérée qui eut pour résultat de détourner les observateurs sé- rieux de ces recherches où les erreurs n'étaient plus à compiler ; actuellement, on a oublié celle période qui date de vingt ans el ce n’est pas la peine d’en parler plus longuement. Depuis 1870 on est revenu avec plus d'attention à ces questions. Le nombre des travaux qui s’y rap- portent augmente de jour en jour el il ne peut entrer dans le cadre de notre ouvrage de les considérer tous en détail. Les études de Cohn et de Billroth, que nous avons déjà mentionnées, celles de Reck- linghausen et de Klebs, au point de vue pathologique en particulier, doivent être citées avec honneur. C'est à M. Klebs que revient le mérite d’avoir non seulement montré que les idées nouvelles s’accor- daient bien avec celles de Henle, mais encore d’avoir exposé clairement la marche àsuivre et les méthodes 270 LECONS SUR LES BACTERIES à employer pour arriver à la solution du probleme : on peut lui reprocher peut-être d'avoir mis un peu trop de précipitation à son étude. M. Pasteur et son école poursuivaient de leur côté la même voie. On arriva ainsi, grâce à leurs travaux, à étendre le champ des expériences, le nombre des résultats acquis et des problèmes nou- veaux soulevés. Nous citerons, en dernier lieu, la part que prit à ces divers travaux M. Robert Koch, à partir de 1876. Ce dernier observateur tout en suivant la voie que lui avaient {racée d’eminents prédécesseurs, parvint à marcher en avant en s’ai- dant avec intelligence de tous les résultats connus que lui offraient la morphologie, la science micros- copique et expérimentale. Il réussit de la sorte à obtenir des résullats nouveaux sur des questions qui n'avaient pas encore été élucidées ; nous voulons surtout faire allusion à ses études sur l'étiologie du charbon où il a indiqué des procédés nouveaux qui l’amenerent à faire des progrès sensibles dans cette question. Ce qui ressort d’une manière générale de tous ces efforts, c’est qu'on est arrivé à démontrer, comme on l'avait fait chez les végélaux depuis trente ans, qu'il existe très certainement chez les animaux des maladies occasionnées par un parasile microscopi- que et qu'il en est un grand nombre, autrefois con- testées, que l’on doit ranger désormais parmi les GENERALITES SUR LES MALADIES INFECTIEUSES 271 maladies r&ellement contagieuses. En second lieu il existe quelques maladies où l’on ne peut encore que soupconner, comme très probable, l'existence d’un parasite. Enfin, il est quelques maladies, en nombre notable, qui ont résisté jusqu'ici à toutes les recher- ches et dont la nature parasitaire n'est pas connue ou bien est fort douteuse. Il faut ajouter à ces conclusions qu'à part quelques affections cutanées et les maladies qui s'y rapportent, dans lesquelles on a constaté la présence d’un para- site relativement gros, Champignon ou autre, le plus grand nombre des maladies contagieuses qui se dé- clarent chez les animaux à sang chaud sont dues à des Bactéries. Les quelques faits connus jusqu'ici ont conduit quelques esprits à généraliser la théorie de Henle et à l'accepter comme un dogme. On peut admettre cette manière de voir tant qu’on apporte dans les recherches des convictions personnelles sérieuses, basées sur quelque chose de précis et qu'obéissant aveuglément à l'influence du parti pris, on ne re- pousse pas de prime abord la possibilité d'une autre explication. Lorsque le parasile, réclamé par la théorie, n’a pas été trouvé, il ne faut pas, on doit l'avouer, en conclure qu'il n’existe pas: sa petitesse, sa réfringence, une expérience mal conduite qui le fait chercher où il peut ne pas être et dans des mo- ments où il n'existe pas, enfin une foule d’autres 272 LEGONS SUR LES BACTERIES raisons peuvent avoir contribué à le faire échapper à l'observation. Rappelons seulement qu’en 1840, au moment où Henle exposait sa théorie, on n'avait pas encore vu le Bacille du charbon; si l’on avait vu la Trichine, on n’en soupconnait encore nullement les propriétés pathogènes. Quoi qu'il en soil, dans tous les cas douteux ou nouveaux, on sempresse de chercher s'il ya une Bactérie, En principé, on a tort. En pratique, on peut avoir raison de chercher la présence d’un tel parasite que les méthodes actuelles assez perfection- nées permettent de trouver en général — lorsqu'il existe. Mais il n’est pas absurde de supposer qu’on peut avoir affaire, par exemple, à toute autre espèce d'organisme {out à fait inattendu et sur lequel on ne sait peut-être pas grand'chose. Combien y a-t-il de temps que l’on possède sur les Bactéries quelques notions précises? Il nous suffira, pour appuyer nos paroles, de citer les faits surprenants qu’on a eu à enregistrer dans l'étude pathologique des végétaux et l'histoire de la Pébrine sur laquelle nous ne tar- derons pas à revenir. Si, malgré tout, la théorie préconçue l'emporte sur le raisonnement, on est facilement exposé au danger de conclure trop vite de l'existence d'une Bactérie que l’on vient de trouver, la qualité parasi- taire de la maladie. Ce que nous avons dit précédem- ment (V*° Leçon) de la propagation facile des ger- GENERALITES SUR LES MALADIES INFECTIEUSES 273 mes, nous montre sans peine qu'un organisme malade peut renfermer des Bactéries se dévelop- pant avant ou après la mort, qu’une forme spéciale, même constante, peut servir à caractériser la mala- die et peut entrer en ligne de compte dans le dia- gnostic, sans que cette Bactérie joue, en quoi que ce soit, le rôle de Bactérie pathogène. Pour s'assurer, en toute évidence, qu'une Bactérie donnée est l'agent principal d'une maladie, il faut, de la manière la plus formelle, arriver à des résul- tats clairs et précis par des expériences bien faites. Pour cela, il faut séparer tout d’abord l'organisme pathogène et l'obtenir avec la plus grande pureté ; puis on l'inoculera, à cet état, à un animal auquel il devra communiquer la maladie que l’on étudie. Le tout devra être suivi du contrôle le plus rigou- reux et de la critique sérieuse des résultats obtenus. L'exemple du charbon est un type de précision et de rigueur. Dans quelques cas, les inoculations peuvent ne pas avoir les résultats que l’on semble être en droit d'espérer : nous citerons, comme exemple, les tra- vaux précis de M. Gaffky sur la fièvre typhoide et ceux de M. Læffler sur la diphtérie. Ce que nous venons de dire suffira pour faire com- prendre pourquoi nous aurons, dans ce qui suit, à parler de cas douteux ou de résultats peu décisifs. Cela étant posé, passons à l’étude des faits. Nous DE BARY. 28 274 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES l'avons déjà dit, nous n'avons pas d'autre intention que celle de résumer les recherches les plus impor- tantes qui ont trait à l’étude des Bactéries patho- gènes. Une description d£taill&e des maladies, dont nous aurons à parler, ne peut entrer dans notre pro- gramme et nous ne pouvons que renvoyer le lecteur aux traités spéciaux de médecine. Remarquons toutefois, avant de commencer celte étude, que dans tout ce que nous aurons à consi- derer, nous retrouverons sans cesse les phénomènes et les problèmes qui se sont présentés un peu plus haut dans l’étude du charbon, dans celle du choléra des poules et que nous avons examinées assez lon- guement. Ils rentrent dans l’ordre des questions que nous avons étudiées à propos du parasitisme, consi- déré en général, sur lequel nous avons insisté dans la dixième Leçon. Nous allons commencer l'étude de quelques ma- ladies relativement bien connues, en ayant soin de nous reporter, s’il y a lieu, aux considérations géné- rales exposées plus haut. 1. FIÈVRE RECURRENTE. La fièvre récurrente ou typhus ( 1) est une maladie très répandue en Asie et en Afrique, endémique en (1) Obermeier. — Berl. Klin. Wochenschr. 1873. — Cohn : Beitr. z. Biol. d. Pfl. 1, 3, p. 196. — Heydenreich : Unters. über d. Paras. d. Rückfalltyphus. Berlin, 1877. — R. Koch : Mittheil. d. Reichsge- sundheitsamtes, T, FIÈVRE RECURRENTE 275 Europe, dans la Pologne russe, en Irlande, et fai- sant quelquefois son apparition dans d’autres con- trées européennes. Elle est contagieuse et se com- munique de personne à personne par le contact d'objets ayant servi au malade. Cinq ou sept jours après la contagion, se déclare une fièvre violente accompagnée d'autres symptômes que nous n'avons pas à détailler ici : la fièvre dure également de cinq à sept jours el cesse pendant un égal laps de temps, suivi bientôt d’un retour de la fièvre et ainsi de suite. Ces alternances successives peuvent se renou- veler plusieurs fois pour se terminer heureusement par la guérison, dans la plupart des cas. Pendant la durée de la fièvre, le sang du malade qui est alors d’un rouge noirâtre, contient un très grand nombre de Spirillum très ténus, assez sem- blables au Spirochete buccalis représenté dans la figure 17 (e. page 221) mesurant 40 y de longueur et doués de mouvement très vifs. Ils ont été découverts en 1873 par Obermeier et on leur a donné le nom de Spirochete Obermeierr. Is disparaissent d’ailleurs en même temps que la fièvre. La maladie se déclare chez l'homme et chez le singe après inoculation de sang renfermant des Spirochete, c’est-à-dire de sang pris pendant la période de fièvre. En dehors de cette période, l’ino- culation du sang ne produit aucun malaise : des ten- tatives d’inoculation sur d’autres animaux sont tou- 376 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES jours restées sans succès. Il en est de même de la cullure du Spirochete en dehors de l'organisme des animaux ; On n'a jamais pu réussir à le reproduire. On peut admettre d'après ce qui précède, que la fièvre récurrente a pour cause le Spirochwte, bien que l’histoire du développement de cet organisme soit très incomplètement connue. On ne sait pas du tout ce qu'il devient pendant la période de repos, ni comment et sous quelle forme il se transmel ; on ne connait pas davantage la formation de ses spores ni la manière dont il se multiplie. 2. TUBERCULOSE. Aulant que l’on en peul juger, l’un des résultats les plus importants, pour la médecine pratique, que l’on ait oblenus dans les recherches sur les Bactéries pathogènes, a été la découverte par M. Koch (1) du parasite de la tuberculose, du Bacille de la tu- berculose dont il a été souvent question depuis. Le nom de {uberculose, donné à lamaladie que nous étu- dions en ce moment, provient de l’un de ses carac- teres principaux qui est la formalion d’espèces de tubercules, pour ainsi dire, dans le tissu de l'or- gane où se développe le Bacille. La plus connue est (1) R. Koch. — Die Aeliologie d. Tuberculose. — Mittheil. d. Reichsges. II. — Malassez et Vignal : Tuberculose zoogléique. Comptes rendus Acad. Sc. T. 97 (1883), p. 1006; T. 99 (1884), p 203. TUBERCULOSE 277 la tubereulose qui a son siege dans le poumon, la tuberculose pulmonaire à laquelle on donne vulgai- rement le nom de pAthisie; du reste, aucun organe n'échappe à la tuberculose : on la rencontre très fréquemment dans les ganglions Iymphaliques en particulier. En dehors de l’homme, la tuberculose peut s’at- laquer à des animaux très divers. Elle peut se pro- pager parmi nos animaux domestiques ordinaires el ceux qui servent habituellement aux expériences de laboratoire. Chaque espèce est caractérisée par une prédisposition variable à la maladie : la souris des champs, par exemple, y est très sensible ; celle de nos habitations beaucoup moins. Les premières alté- rations anatomiques que produit la tuberculose dé- butent toujours de la même manière. Ce n’est qu'au bout de quelque temps que la maladie peul suivre une marche un peu différente et donner lieu à des symptômes qui varient beaucoup suivant les indi- vidus. Les tubercules qui se forment, surtout au com- mencement de la maladie, contiennent, comme l'ont montré à la fois M. Koch et M. Baumgarten, un Bacille caractéristique en forme de bâtonnet. Ce Bacille existe constamment, d’après les deux auteurs que nous venons de citer, quoiqu'on le rencontre en quantité très variable suivant l’époque de la ma- ladie ei le moment de l'observation, On peut d’ail- 278 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES leurs l’ontenir pur et le cultiver à l’état de pureté parfaite pendant plusieurs générations, dans du sé- rum de sang coagulé ou dans de l'extrait de viande. La contagion peut se produire de bien de ma- nières : on peut faire simplement à des animaux appropriés des inoculations sous-cutanées de tissu tuberculeux ou de liquide contenant une culture pure de Bacilles ; on peut le propager par des injec- lions intra-veineuses ou autres dans un point quel- conque du corps; une inhalation d’eau contenant le Bacille de la tuberculose, le faisant pénétrer dans les voies digestives et respiratoires, est suffisante, dans tous les cas, pour reproduire la tuberculose sans aucune exception. La maladie se développe avec toutes ses conséquences, et l'organe infecté ren- ferme toujours les Bacilles pathogènes. Les expériences de M. Koch ont porté sur 217 ani- maux différents : lapins, cobayes, chats, souris des champs, ete., sans compter les animaux témoins servant de contrôle et ceux qui appartenaient à des espèces moins sensibles, qui n’entrent pas ici en ligne de compte. Dans toutes ces expériences, on obtint des résultats concordants, quant aux points d’appa- rition des tubercules, quant à leur nombre, quant à leur extension et à la manière dont se fait leur propagation dans les tissus. En ajoutant à ces pre- miers résultats ceux que donnèrent un grand nombre d'expériences de contrôle, on peut conclure avec TUBERCULOSE 279 certitude que la tuberculose est une maladie infec- tieuse, due à un Bacille. Au point de vue des études morphologiques, ce que nous savons du Bacille laisse par contre beau- coup à désirer. Les observateurs qui l’étudièrent crurent avoir assez fait d’avoir prouvé son existence, ce qui leur fut relativement facile à cause de la réac- tion particulière qu'il présente sous l'influence des couleurs d’aniline. Contrairement à ce qui se passe avec la plupart des Bactéries connues, il se colore lentement et avec difficulté, — au bout de plusieurs heures seulement et sous l’action combinée de la chaleur, — par une solution alcaline de bleu de méthyle ou une solution saturée de violet de méthyle ; il ne se colore bien qu'après avoir été traité par de l'acide azotique dilué qui décolore, au contraire, très rapidement les autres Bactéries. Cette dernière propriété permet de le reconnaître facilement et, en ajoutant à ce caractère ceux qui sont tirés de sa forme et de sa grosseur, on parvient aisément à le distinguer des autres espèces. Le Bacille de la tuberculose se présente sous forme de bâtonnets étroits, souvent un peu arqués ou tor- dus et mesurant 1,5 à 3,5 x de long. On ne peut, soit à l'état vivant, soit après coloration, trouver aucune trace de division transversale. Dans les cul- tures aussi bien que dans l’organisme et dans les crachats tuberculeux des malades, on distingue des 280 LEGONS SUR LES BACTERIES spores endogenes qui répondent plus ou moins, d’après ce que dit M. Koch en peu de mots, à celles des Bacilles ordinaires à endospores. On ne leur a pas consacré de description détaillée plus complète. D’après ce que l’on sait des espèces à endospores et en admettant implicitement que le Bacille de la lu- berculose ne se comporte pas autrement que les Fig. 21 (1). autres Bactéries à endospores (Voir page 32), il est à supposer que ses bâtonnets doivent ressembler beaucoup à ceux du Bacillus megaterium dont il a été question précédemment et se diviser d’une manière analogue, car on le voit, comme dans la figure 21 (7), renfermer de 4 à 6 spores rangées en file et très voi- sines les unes des autres. Si l'hypothèse que nous faisons est exacte, chacune d'elles doit, d’après les descriptions que nous avons faites, être contenue dans une cellule courte et petite. Or, certaines pré- (1) BacınLusfmeGAtEriun. — Voir page 32, fig. 1. TUBERCULOSE 281 parations colorées montrent quelquefois lesbätonnels partagés par de minces cloisons Lransversales en articles très courts, aussi longs que larges, comme M. Zopf l'indique dans la 3° édition de son livre. — Il serait futile de donner à cette forme un nom spé- cial et d'introduire dans la description de cette espèce le terme de coques, employé ailleurs. Quand les bâtonnets ont grandi et sont devenus plus allongés, leur forme concorde à peu près avec celle que nous avons décrite chez le Bacillus megate- rium. Il est donc inutile d’en donner une figure spé- ciale qui ferait double emploi ; de plus, pour repré- senler exactement ce qu’on en a vu jusqu'ici, il suf- firait de dessiner un simple trait noir non interrompu. — La figure 21 nous donnera, en à et en v, une idée précise de ce que nous connaissons au juste du Ba- cille de la tuberculose : remarquons seulement que la longueur des bätonnels n'est pas beaucoup plus grande que la largeur de ceux du Bacillus mega- lerium que nous avons reproduit dans cette figure. D’après ce qu'en dit M. Koch, les bâtonnets n'ont pas de mouvement propre. Cullivés dans du sérum de sang solide, ils restent à sa surface sans le liquéfier et forment, à un état suffisant de développement, de petits amas peu étendus qui se montrent, au micros- cope, formés d’agr&gals et de faisceaux de bâtonnets. Comparée aux autres espèces de Bactéries, celle de la tuberculose croît lentement : en cela elle res- 282 LEÇONS SUR LES BACTERIES semble au Bacterium du Kefir. Dans les cultures sur le sérum, elle a besoin de dix à quinze jours pour laisser voir à l'œil nu des traces de sa végétation. Inoculée à un animal, il faut aussi de deux à huit se- maines pour arriver à la manifestation des premiers symptômes de la maladie. Les cultures en dehors des organismes vivants n'ont pas réussi avec d’autres milieux nutritifs que celui que nous avons indiqué : la température opli- mum pour sa végétalion a atteint en moyenne celle que nous avons donnée plus haut (Voir page 91). Le Bacille de la tuberculose résiste assez bien aux changements dans les conditions extérieures et con- serve suffisamment sa virulence infectieuse. C'est ainsi qu'il peut supporter des températures voisines de l’ébullition, dans une atmosphère humide. Il a ré- sisté pendant cent quatre-vingt-six Jours à la dessic- cation et pendant quarante-trois jours dans les cra- chats tubereuleux. Disons en passant que ce sont toujours les erachats des tuberculeux qui ont servi aux expériences sur la résistance du Bacille. Mais dans ces expériences, on n’a pas su démêler la part qui incombait aux spores et celle qu'il fallait attri- buer aux cellules végétatives proprement dites. Il est probable, d'après ce que l’on connaît des spores, que c’est à elles qu'il faut en grande partie rapporter ce que l’on sait de cette résistance. Les faits que nous venons d'exposer semblent ex- TUBERCULOSE 283 pliquer d’une manière salisfaisante l’existence de la tuberculose comme conséquence directe de l'action infectieuse d’un Bacille. La propagation rapide de la maladie est connue de tout le monde : il suffit de rappeler à l'esprit la phthisie ou plutôt la tubercu- lose pulmonaire qui compte à son actif le septième des décès qui se produisent dans l'humanité. Les phthisiques sont infestés par ce Bacille qui vit en eux, à l’élat virulent presque toujours et en plein déve- loppement. Il faut y ajouter les malades qui ne le conservent que pendant quelques mois ou quelques années sans arriver à une issue fatale. Dans 982 crachats, de toute origine, examinés par M. Gaffky, 44 se montrèrent tuberculeux : il est clair que le Bacille, d’après cela, peut facilement se trou- ver, à l’état sec, dans l'air el les poussières en sus- pension et cela explique suffisamment comment la maladie peut se propager aisément dans l'espèce humaine. L'examen de la propagation de la maladie nous entrainerait {trop loin et nous obligerait à en- trer dans tous les détails pathologiques et par suite trop spéciaux pour être traités ici. La réceptivité de chaque individu pour la contagion est un facteur important qu'il ne faut pas négliger et les diffé- rences que l’on rencontre expliquent pourquoi tous ceux qui se trouvent, par exemple, dans une salle d'hôpital où se tiennent d'habitude les tuberculeux, ne prennent pas forcément la maladie. Cette immu- 284 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES nité de quelques-uns s’accorde avec ce que nous avons dit des caractères généraux qui distinguent chaque espèce dans sa manière de se comporter vis- à-vis d’un parasile. Ce que nous venons de dire ne se trouve pas mo- difié par une découverte récente de MM. Malassez et Vignal qui ont décrit une tuberculose remarquable par la présence de nombreux Microcoques, ce qui a fait donner par ces deux observateurs le nom de #w- berculose zoogléique à la maladie ainsi caractérisée. Il faut ajouter que, dans quelques cas, ils ont trouvé un Bacille : c’est ce qui arrive le plus souvent mais non toujours. Ces faits, s'ils sont exacts, comme ils semblent l'être en réalité, ne modifient pas les résultats précis acquis par M. Koch : il s'agit sans doute d’une complication accessoire ou encore d'une maladie peu différente, quant à son organisme para- sitaire, de la tuberculose de M. Koch. 3. GONORRHÉE. On désigne sous le nom de Gonorrhée (1) une ma- ladie inflammatoire qui se produit chez l’homme dans le canal de l’urèthre et aussi dans la conjonelive oculaire. On peut y joindre la blennorrhagie de la (4) Neisser. — Centralblatt f. med. Wissensch. 1819, et D. med. Wochensch. 1882, n° 20. — Bockhardt : Beitr. z. Ætiol. u. Path. d. Harnrohrentrippers. Sitzungsber. d. Phys. Med. Gesell. II. Würzburg, 4883, p. 13.—Naegel : Jahresber. d. Ophthalm. GONORRHEE 285 conjonctive que l’on rencontre chez les nouveau-nés. Ces différentes maladies sont caractérisées au plus haut point par leurs propriétés infectieuses et l’on sait depuis longtemps que la contagion se fait par les produits liquides que secrèle le malade. L'æil en particulier est contaminé, dit M. Hirschberg, aussi sûrement qu'à la suite d’une inoculation expérimen- tale directe. On trouve constamment dans les sécré- tions infectieuses un Micrococeus spécial, découvert par M. Neisser qui lui a donné le nom de Gonococcus (fig. 22). On le trouve surlout dans les cellules pyogènes, ou bien à leur surface el dans l'intervalle des cel- lules, mais en moins grand nombre. D'ailleurs, il n’y a pas de rapport constant entre le nombre des Gono- coccus et celui des cellules malades. Le Gonococcus est formé de cellules rondes rela- tivement grosses mesurant 0,8 de diamètre, réu- nies fréquemment par paires et en {rain de se diviser : elles sont séparées les unes des autres, à l’état com- plet de développement, par une substance fondamen- tale hyaline, gélatineuse ou bien disséminées souvent (A) Micrococeus coxococcus. — Cellules de la conjonctive oculaire d’un enfant atteint de la Blennorrhagie des nouveau-nés. Quatre cel- lules du pus renfermaut des Microcoques. D'après une préparation colorée au violet de méthyle, les cellules sont faiblement colorées et leurs noyaux sont à peine indiqués dans le dessin pour laisser voir les Microcoques. — Grossissement 600 fois. —n. Microcoques à un plus fort grossissement. 286 LECONS SUR LES BACTERIES engrand nombre, en masses plus ou moins régulières, à la surface de la cellule qui leur sert de substratum. Est-ce qu'il se produit une multiplication par divi- sion successive, dans deux directions différentes ou dans une seule? C'est ce que nous ne saurions déter- miner, les observations que l’on a faites ne permet- tant pas de conclure dans l’un ou l’autre sens. Les inflammations. qui se produisent dans les régions autres que l'œil n’ont pas présenté de Gono- coccus et on n’a pas non plus trouvé, dans les diverses muqueuses dont il est ici question, de Bactéries ca- ractéristiques de la gonorrhée. Cependant il est très probable, par suite d'une analogie permise, que les sécrétions que l’on observe dans tous les cas sont dues à la présence d’un organisme semblable. | La réceptlivité des animaux différents de l’homme pour ces sortes de maladies a été plus ou moins cons- tatée. En tout cas, les expériences d’inoculation sur l'œil n’ont donné aucun résultat chez les animaux. Il est aussi très difficile de faire des cultures con- venables du Micrococcus gonococcus en dehors d’un organisme contaminé. Cependant M. Haussmann a cité des exemples de culture faites dans du sérum de sang avec le pus sécrété dans la gonorrhée des enfants de la conjonctive et M. Bockhardt dans la gonorrhée du canal de l’urèthre. Ces deux auteurs ont réussi à produire par inoculation de cultures pures, une inflammation infectieuse, le premier GONORRHEE 287 dans l'œil d’un lapin nouveau-né, le second dans l’urèthre. On ne peut songer, à cause des consé- quences de la maladie, à des essais sur l’homme. D’après M. Bockhardi, le Mierocoque pénètre dans le tissu sous-épithélial, de la dans les leucocytes dont il détruit le noyau, pour redevenir libre et se répandre avec le pus à la surface de la muqueuse. On a contesté la rigueur des expériences de ce der- nier observateur, relativement à l'infection produite par des cultures pures, de sorle que l'importance du Gonococcus dans la contagion reste encore à dé- montrer. Nous avons étudié successivement la fièvre récur- rente, la tuberculose et la gonorrhée, malgré le peu de rapports que ces maladies présentent les unes avec les autres, parce que, en laissant de côté les points obscurs et les lacunes à combler qu'elles pré- sentent, elles semblent être des types de maladies dues à des Bactéries que nous avons appelées Bac- téries forcément parasitaires. Nous avons vu en effet que le Spirochete Obermeieri est forcément parasite, en ce sens qu'il est transmis- sible de personne à personne, sans présenter de stade intermédiaire comme Saprophvte et qu'il ne se développe que sur l’homme el le singe. Le Bacille de la tuberculose et le Gonococcus peu- vent, il est vrai, être cultivés en dehors de l'organisme 288 LEÇONS SUR LES BACTERIES vivant et les cultures que l’on en fait ne permettent pas de leur refuser le titre de Saprophytes facultatifs (Voir page 203). En fait, cette propriété ne peut guère entrer en ligne de compte. Le Bacille de la tu- berculose, cultivé par M. Koch, ne s'obtient, à l’état de Saprophyte, que dans des conditions artificielles très particulières et, pour ainsi dire, créées tout exprès pour lui. Il en est de même du Gonococcus. Pour ce dernier, si l’on admet ses propriétés in- feclieuses, c'est la tout ce qui ressort de l’ensemble des expériences. On voit de plus que la résistance en dehors de l'organisme doit être très faible et que la propagation des germes par les poussières de l’air, par exemple, après dessiccation, est certainement de très petite importance. Cependant les gonorrhées sont aussi fréquentes que la tuberculose ou peu s’en faut. Le pus qui se forme dans la gonorrhée con- tient le Gonococcus et sert à le propager. On ne com- prend guère, s’il pouvait vivre à l’état ordinaire comme Saprophyle, comment la maladie dont il est l'agent ne se propagerail pas autrement que par contact de personne à personne. Il n'existe pas en effet d'autre moyen manifeste de contagion que le seul contact, bien que la croyance populaire, se fon- dant sur quelques cas très douteux nullement au- thentiques, affirme parfois le contraire. MALADIES INFECTIEUSES APRES BLESSURE 289 4. MALADIES INFECTIEUSES APRES BLESSURE. Parmi les maladies dont on peut attribuer la cause aux Bactéries, il faut ranger tout un groupe d'affec- tions, très diverses quant aux symptômes qu'elles présentent, mais que l’on peut réunir sous le nom de maladies infectieuses après blessure. Parmi elles, nous compterons les maladies qui suivent l’accou- chement et loutes celles qui sont caractérisées par la formation de pus, d’abcès cutanés ou internes, depuis les furoncles jusqu’à des maladies plus gra- ves (1). A part quelques exceplions isolées et pour des raisons faciles à expliquer, on rencontre dans tous les cas des Bactéries, à la surface des plaies, dans le pus, etc. | Ce sont ces faits qui ont servi de point de départ à la découverte d’un traitement très renommé, dont l'emploi est universel: le traitement de Lister par les antisepliques. La destruction des germes dans les plaies par cette méthode, qui permet aussi de pré- server les Lissus contre l'infection ultérieure, fournit une preuve indirecte de la relation qui existe entre ces germes et la maladie que l’on guérit ou que l’on prévient. (1) Bornons-nous à citer : F.-J. Rosenbach. — Mikroorganismen bei d. Wundinfect. d. Menschen. Wiesbaden, 1884. DE BARY 19 290 LECONS SUR LES BACTERIES Les moyens de contagion sont de deux sortes. Il peul se produire, dans le tissu contaminé, des écou- lements purulents, des abe®s localisés en certains points, soit dans le voisinage de la plaie, soit dans un organe très éloigné, par suite de la dispersion desgermes par le système circulatoire. D'autre part, il peut se former des produits qui résultent de la végélation de l'organisme infectieux et qui eux- mêmes ne sont pas organisés : ce sont des subs- lances spéciales, appelées Promaïnes (Voir page 255) ou des corps qui leur sont analogues: ces substances se répandent dans le sang et peuvent produire dans les différents organes des phénomènes toxiques par- ticuliers. Enfin, on peut imaginer que ces deux or- dres de processus, différents en principe, se trou- vent combinés dans certains cas. Je ne puis ici que mentionner brièvement la plu- part de ces faits, en priant le lecteur de se reporter, pour plus de détails, aux nombreux travaux de méde- cine qui ont paru sur ce sujet : moi-même je ne puis les connaître qu'en partie. J'ai fait surtout usage d’un livre dé M. Rosenbach, cité plus haut en note, qui traite des maladies contagieuses après blessure. Quant aux Bactérieselles-mêmes qui sontles agents de ces diverses maladies, onen a trouvé de plusieurs sortes. M. Rosenbach cite quatre espèces différentes de Bacilles ou plutôt de formes en bâtonnets (Stab- fermen) ; on rencontre surtout des Microcoques dont nl MALADIES INFECTIEUSES APRES BLESSURE 391 (rois espèces sont fréquemment répandues. Les autres formes peuvent être négligées ici. dk Hi Ces différentes espèces sont composées de cellules isolées que le microscope permet assez difficilement de distinguer; ce sont des cellules petites, rondes, mobiles, sans spores distinctes. On peut les différen- cier d’après leur groupement habituel, d'après la forme et ia coloration qu'elles prennent en gros dans les cultures ou à la suface de l’agar-agar. Par- fois les cellules se réunissent en files, semblables à celles du Micrococeus ureae (Voirpage156),que M. Bill- roih appelle des Streptococeus. Dans d’autres cas les cellules en files se séparent pour former des agrégats que M. Ogston compare à des grappes ‘de raisin et qu'il désigne d’après cela sous le nom de Staphylococcus. Cullivés à la surface de l'agar-agar, ces Slaphylocoques donnent destaches que l’on peul comparer à un thalle de eryplogame et qui sont, les unes d’un jaune orangé, les autres d’un blanc géla- lineux, d’où les noms de Staphylococeus aureus et de Staphylococcus albus sous lesquels on les a désignés. À Chacun de ces Microcoques, pris dans les ahcès ou dans le pus et isolé dans des cultures pures, con- serve constamment ses premières propriétés : dans chaque espèce de maladie on ne trouve qu’une seule de ces formes ou deux d'entre elles; les plus fré- quents et les plus redoutables sont Le ‚Streptococeus et le Staphylococcus aureus. Des inoculalions el des 292 LEGONS SUR LES BACTÉRIES injections faites par M. Rosenbach sur les animaux, en prenant des cultures pures provenant de l’homme, ont donné des résultats positifs, c'est-à-dire qu'on a pu reproduire des abcès par l'action du parasite que l'on inoculait. Mais ce n’élail, si mes souvenirs sont exacts, qu'après inoculation de liquide en masse très considérable. Les Bacilles dont nous avons parlé, aussi bien que les Microcoques, sont des organismes parasitaires facultatifs : on peut facilement les cultiver comme Saprophyles. Quant à leur mode de propagation dans la nature, à l’état de Saprophyte, on ne sait absolument rien : tout ce qu'on en peut dire, c’est qu'ils sont pour l’homme en particulier des ennemis (res redoutables. Il est probable qu'on ne tardera pas à découvrir d’autres Bactéries que l’on pourra ranger dans la même catégorie. 9. ÉRYSIPÈLE. On placera ici une Baclérie qui, à cause de la forme aussi bien que du parasitisme facultatif qu'elle présente, se rapproche du Streptococcus. C'est un Micrococeus qui pénètre dans les vaisseaux lympha- thiques de la’ peau et produit la maladie bien connue qui portejle nom$d’Erysipele (1). MM. Recklinghau- (4) Recklinghausen;et Luckomsky.—Virchow's Arch.,T.60.—Fehleisen : Deutsch. Zeitsch. f. Chirurgie, T. 16, p. 391. — Koch : Reichgesundh. 1. ERYSIPELE 293 sen et Lukomski ont indiqué sa présence il y a déjà quelque temps. M. Fehleisen l’a retrouvé derniere- ment et l’a obtenu à l'état de pureté suffisante pour en faire des inoculations. Une autre maladie de peau bien connue, localisée sur les doigts, qui ne pré- sente aucun danger et qui est ordinairement con- tractée par des personnes maniant des viandes crues, comme les ménagères, d’où le nom d’Erysi- pèle des cuisinieres (Koechinnen-Rothlauf), sous le- quel elle est désignée en Allemagne, ou Erythema migrans, estdue, d’après M. Rosenbach, à une espèce particulière de Micrococcus. 6. TRACHOME. PNEUMONIE. LÈPRE, ETC. Il est une autre maladie due à un Micrococcus particulier susceptible d’être cultivé et inoculé et qui est facilement transmissible : c'est le Trachome qui d’après M. Sattler {1) est produit par un orga- nisme parasitaire. C'est une inflammation de la con- jonctive oculaire, connue vulgairement en Allemagne sous le nom d’inflammation égyptienne. C'est le cas d'ajouter qu'une autre maladie de la conjonctive, le Xerosis de la conjonctive oculaire, est due aussi à un petit Bacterium en bâtonnets (2). (1) Sattler. — Natur ‘d. Trachoms, ele., Ophthalm. Gesellsch. zu Hei- delberg, 1881, p. 18; 1882, p. 115. (2) Schleich. — Zur Xerosis conjunctivae, Nagels Mittheil., Tübingen I, p. 145. 294: LEÇONS SUR LES BACTÉRIES . D'après M. Friedlaender la pneumonie aiguë est causée par un Micrococcus de forme spéciale, que l’on peut cultiver dans de la gélatine et qui se pré- sente en courtes rangées de cellules enveloppées d'une masse assez considérable de mucilage (1). Un Bacille se rapprochant par quelques points de celui de la tuberculose, a été signalé par M. Hansen et Neister dans la Lèpre (2). D'autres Bacilles ou du moins d’autres formes en bätonnels, dont le mode de vie est plus ou moins voisin de celui de la Bactérie charbonneuse, ont été trouvés et en partie bien étu- dies dans toute une série de maladies propres aux animaux, telles que la seplicömie des souris de M. Koch, septicémie que MM. Koch et Gaffky dési- gnent sous le nom de « malignes (Edem » (3), le charbon symptomatique (4), ele. Citons encore le Rouget du Porc, à propos duquel il s'est produit des différences d'opinion très nota- bles entre M. Pasteur et M. Klein (5); la Diphtérie du pigeon et du veau par M. Leefller, etc (6). (1) C. Friedlkænder.— Ueber d.Schizom. b. d. acuten fibrin. Pneumonie. Virchow's Archiv., T. 87 (1882), p. 312 et Fortsch. d. Med. I, 1883. (2) Neisser. — Ziemssen’s Handb. d. exp. Pathol. u. Therapie, XIV. (3) Mittheih. aus d. Reichsgesundh. 1. ‘4) Bollinger u. Feser. — Deutsche Zeitschr. f. Thiermed, 1878-79. — T. Ehlers : Unters. über. d. Rauschbrandpilz Dissert. Rostock, 1884. (5) Voir à ce sujet une communication récente à la Societé de Bio- logie de Paris (déc. 1885) de M. le Dr Roux. (6) Leeffler. — Reichsgesundh. II, p. 421. MALARIA 205 1.: MALARIA: La Malaria peut être considérée comme le Lype des maladies endémiques (1). Elle règne en général dans les contrées marécageuses, dansle voisinage des eaux stagnantes. La transmission par contact d’une per- sonne à l'autre ne se fait pas en général. Par ana- logie avec d’autres exemples bien connus, comme le charbon, il est excessivement probable qu'il existe un organisme qui vit dans le sol ou dans les eaux des pays à Malaria et qui est la cause de la maladie, MM. Klebs et Tomasi Crudeli, partant de celte 1dée, ont examiné le sol et l’eau de ces contrées el y ont trouvé en effet de très nombreuses Bactéries : ils ont désigné sous le nom de Bacillus Malariæ Vune de ces formes qui se présentait en filaments composés de bâtonnets. L’inoculation à des animaux de par- celles de terre ou des liquides de culture où ils avaient réussi à obtenir la Bactérie, reproduisait les symptômes de la Malaria, c'est-à-dire un gonflement exagéré de la rate et des accès de fièvre intermit- tente. MM. Cuboni et Marchiafava, Lanzi, Perron- cito, Ceci, Ziehl ont retrouvé des Bacleries dans le (1) Klebs et Tommassi Crudeli. — Ueber Wechselfieber u. Malaria.etc. Archiv. f. Exp. Pathologie XI. — Cuboni et Marchiafava : id. XIII. — Ceci : id. XV et XVI. — Ziehl : Deutsch. Med. Wochenschr. 1882, p. 847. 296 LEÇONS SUR LES BACTERIES sang, dans la peau, dans les veines, dans la rate de l’homme atteint de Malaria, en particulier au mo- ment du frisson qui précède l’atlaque de fièvre. MM. Cuboni et Marchiafava ont cru reproduire chez des animaux les symptômes caractéristiques de la Malaria, par des inoculations de sang provenant d’un homme malade. Il m'est difficile de décider si les symptômes qu'ils décrivent sur leurs animaux d'expérience peuvent être ou non rapportés à la Malaria. Du moins on peut affirmer avec certitude que l’in- jection de quelques centimètres cubes de liquide, contenant des particules de terre ou de la culture du Bacille, n’est pas suffisante pour prouver en toute rigueur l'existence de la Malaria, puisqu'il ne s'agit dans toutes ses expériences que de l’inoculation ou de l’inhalation de quantités excessivement petites de Bactéries. Du reste, les différentes descriptions qui ont été données à ce sujet, ne permettent nullement de voir s’il s'est agi chaque fois d’une seule espèce de Bactéries ou de plusieurs et si les formes qu’un au- teur observe dans le sang par exemple, sont les mêmes ou appartiennent à la même espèce que celles qu'un autre retire du sol. Il semble donc assez diffi- cile de donner, dans l'élat actuel de nos connais- sances, la nature précise de l’organisme qui semble être la cause de la Malaria. . FIEVRE TYPHOIDE 297 8. FIÈVRE TYPHOIDE. On n’a pas de données beaucoup plus exactes sur les Bactéries qui paraissent être la cause de la fièvre typhoïde, de la diphtérie et du choléra, chez l’homme. La fièvre typhoide est une maladie généralement endémique mais qui peut parfois devenir conla- gieuse. On a mis en évidence depuis longtemps les rapports qui existent entre son apparition dans les localités où elle domine, et la qualité de l’eau servant de boisson dans ces localités. Il semble assez probable que cette maladie est due à un orga- nisme « parasitaire facultatif ». Dès 1871, M. Recklinghausen avait trouvé dans les cadavres, après la mort par fièvre typhoïde, des Bactéries et en particulier des colonies de Microco- ques. Des travaux ultérieurs, dus en grande partie à M. Gaffky (1), indiquent la présence de Bactéries ou de Champignons qui d’ailleurs ne concordent pas toujours avec les espèces précédemment décrites. M. Gaffky a repris récemment la question avec beau- coup de soin et dans les organes internes, tels que les glandes intestinales, la rate, le foie, le rein, il (1) Gaffky. — Zur Aeliol. d. Abdominal typhus. Reichsgesundh., II, 372. 298 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES a trouvé presque constamment — 26 fois sur 28 — un Bacille endosporé parfaitement caractérisé, qui s’est montré le même dans tous les cas. Il se reproduit à l'air avec une forme caractéristique, sur de la gélatine, sur des pommes de terre, dans le sérum du sang. D’après la description qu'en fait M. Gaffky et que nous reproduisons, il n’est pas loin de ressembler au Bacillus amylobacter, mais il est notablement plus petit. Chaque bälonnet a environ 2,5 » de long et le liers de ce nombre en largeur. Contrairement à ce qui se produit en général avec les cultures prises sur le cadavre, les essais d’inoculation à des animaux, mème à des singes, ne donnèrent que des résultats absolument négatifs. La question de causalité doit donc être, pour le moment, complètementréservée. On n'a pu obtenir davantage le développement du Bacille de la fièvre typhoide, en dehors de lorga- nisme, en particulier de celui qui existe dans les eaux qui paraissent devoir être conlaminées, pen- dant les épidémies de fièvre typhoïde. 9. DIPHTÉRIE. Nous devons à M. Læffler (1) des travaux étendus sur la Diphtérie. Son étude est accompagnée d’une discussion approfondie des résultats obtenus par ses (1) Læffler. — Reichsgesundheitsamt II, 421. DIPHTERIE 299 prédécesseurs el l'on pourra y recourir, si l'on dé- sire sur cette maladie d’autres détails que ceux que nous allons donner. On sait que l’un des symptômes caractéristiques de la Diphtérie chez l'homme est fourni par la pré- sence de plaques blanches sur la muqueuse tra- chéenne, de tonsilles autrement dit, et il est démon- tré que c’est par leur intermédiaire que la maladie se transmet aux personnes saines. L'étude de ces plaques a fait découvrir, d’une manière pour ainsi dire constante, des amas compacts de Microcoques et, en outre, dans quelques cas signalés pour la première fois par M. Klebs, de petits bätonnels. M. Leffler confirma lous ces premiers faits el soumit les organismes ci-dessus mentionnés à des cultures et à des expériences rationnelles pour mettre au jour leurs propriétés pathogènes. Le Micrococeus forme, dans les cultures, des chai- nons assez semblables à ceux que donne l’Erysipele. Dans l'organisme diphtérique, on le voit passer des plaques superficielles, à l'intérieur des tissus et par les vaisseaux Ivmphatiques, dans les organes pro- fonds, pour s’y développer avec une intensité prodi- gieuse. Inoculé à l’état de pureté à des animaux, il se développe de la manière qui a été indiquée et rend les animaux malades, mais sans donner les symptômes caractéristiques de la Diphtérie. Il est par suite très possible que le Microcoque produise certaines 300 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES complications morbides, sans avoir la signification qu'on lui prête d’engendrer avec certitude la Diph- térie. Les bâtonnets se reproduisent bien dans le sérum du sang mais leur culture est en général très diffi- cile. Isolés, ils atteignent la longueur des Bacilles de la tuberculose et les dépassent de deux fois en lar- geur. Ils s'en distinguent d’ailleurs d’une manière assez précise en ce qu'ils ne reproduisent pas les mêmes symptômes. Ils se présentent, dans les pla- ques des muqueuses diphleriques en groupes can- tonnds dans les premières assises sous-épithéliales, mais on ne les retrouve plus dans les organes in- ternes des malades. Les inoculations à des animaux donnent des symptômes assez analogues à ceux que l’on rencontre dans la diphtérie. M. Lefiler conclut de ces faits, sans qu'il faille accorder pour- lant à sa conclusion une importance extrême, que, fort probablement, ces bâtonnets sont les agents ef- fectifs de la Diphtérie chez l’homme. 10. CHOLÉRA. Il est assez difficile, pour le moment, de parler avec quelque précision du choléra asiatique. Les jour- naux s’en entretiennent au jour le jour et il est pos- sible qu'un télégramme de demain vienne détruire CHOLÉRA 301 de fond en comble ce que nous pourrons dire ou écrire aujourd'hui sur le choléra el sur ses causes. M. Klob, pendant l'épidémie de choléra de 1866, étudia les liquides intestinaux et les déjections des cholériques : il y trouva constamment des masses de Bactéries ; il admit, en principe, qu'elles étaient susceptibles de produire une action pathogène, et se reportant à d'anciennes observations, ilcrut devoir af firmer jusqu’à un certain pointque leur présence dans l'intestin prouvait leur action prépondérante dans la maladie (1). Les connaissances que l’on avait à cette époque sur les Bactéries, n'étaient pas assez avan- cées, pour qu'on püt soumettre à des recherches précises celles que décrivait M. Klob, ni séparer effectivement les formes diverses qu'il avait signa- lées. On ne tarda pas à n'atlacher aucune importance à ces premiers résultats, grâce aux idées extrava- gantes et peu scientifiques que l’on essaya de propa- ger à ce sujet. On attribua la cause du choléra, non plus à des Bactéries, mais à des Champignons ordi- naires et à un parasite hypothétique vivant sur le riz. D’autres Bactéries furent trouvées dans les dé- jectionsdes cholériques, différentesde celles trouvées par M. Klob, et ces contradictions diverses contri- (4) J. M. Klob. — Pathol. Anat. Studien ueber d. Wesen d. Cholera- processes. Leipzig, 1868. 302 LEGONS SUR LES BACTERIES buèrent A discréditer les nouvelles recherches que l'on pouvait tenter sur le choléra. Les études des médecins anglais, faites dans le pays même où la maladie était endémique, n’ame- nèrent aucun résultat nouveau. Nos connaissances sur les Bactéries et sur la réa- lité des « contages animés » avaient fait des progrès importants lorsqu’eelata en 1883 une épidémie de choléra en Egypte : ce fut une occasion de re- prendre à nouveau la question. M. Koch (1), l'un des observateurs les plus autorisés en ces malieres, alla faire des recherches en Egypte, puis dans les Indes, lieu d'origine de l'épidémie, et’ « patrie du choléra ». Il en rapporta la découverte d’une espèce nouvelle de Bactéries ca- ractéristiques qu'il rencon- Ira souventenquanlilecon- sidérable et presque al’elal de pureté, dans l'intestin des cholériques nouvelle- ment atteints : il en a ob- servé une fois dans les eaux d’un étang voisin d'un dis- Et tict contaminé. Il attribua à celle espèce de Bactérie la cause spécifique du choléra de l'Inde. Depuis cette découverte, cet orga- (4) R. Koch. — Berlin. Klin. Wochensch. 1884, nos 31, 32: CHOLERA 303 nisme est devenu populaire sous le nom de Bacille- virqule. (Komma-Bacillus.) Il est formé de cellules petites, assez fortement arquées, mobiles, dont la forme correspond assez à celle quiest représentée ci-contre dans la fig. 25 et qui, dans la culture, se réunissent en courts fila- ments spiralés. Elles ontalors l'aspect d’un Spirillum qui serait formé d'articles facilement séparables et faisant un tour de spire complet. Ce Spirillum arrive sur la muqueuse intestinale, pénètre superficielle- ment dans les tuniques de l'intestin, mais on ne le retrouve plus dans le sang ni dans les {issus d'autres organes. Les essais d'infection sur des animaux, avec des cultures pures, n’ont donné jusqu'ici que des résul- lats négalifs. Des son apparition, le Bacille-virgule rencontra des incrédules et on lui dénia les prétendues pro- prietes spécifiques d’engendrer le choléra asiatique. MM. Finkler et Prior (trouvèrent aussi un Bacille- virgule dans la maladie connue sous le nom de Cho- léra nostras. M. Lewis prétendit que la forme Spiril- lum trouvée par M. Koch était identique avec celle que l’on rencontre dans la salive (1) (fig. 23 c). Sans vouloir nier complètement la ressemblance : (1) Finkler et Prior. — Tagebl. d. 57. Vers. d. Naturf. u. Aerzte z. Magdeburg, p. 216. — T. Lewis : The Lancet, 2 sept. 1884. 304 LECONS SUR LES BACTERIES qui existe entre ces diverses formes, des recherches faites de plusieurs côtés vinrent montrer qu'il existe entre elles des différences que l'on peut meltre en évidence par la manière dont ces formes se groupent dans les cultures de gélatine. MM. Klebs (1) et Ceci confirmerent l'existence du Bacille-virgule dans l'intestin des cholériques. Ce dernier réussit même, d’après ce qu'il en dit, à contaminer des animaux en introduisantle Bacille-virgule dans l'intestin. D’après cet auteur, la question serait résolue d’une manière décisive dans le sens des idées de M. Koch, bien que M. Koch lui-même pense qu'il y a lieu d’être fort réservé, comme dans le cas du Bacille de la fièvre typhoïde. Tout récemment M. Emerich (2) a apporté des résullats tout à fait nouveaux d’après des recherches faites à Naples. Il a confirmé, ilest vrai, la présence fréquente du Bacille-virgule, dans l'intestin, mais il le considère comme un organisme accessoire nulle- ment caractéristique du choléra. A côté de lui, il a trouvé dans le sang, dans la paroi de l'intestin, dans les reins, même dans la rate et dans d’autres organes, un Bacterium court, en bâtonnets non arqués qu'il a pu cultiver à l’état de pureté et que des essais sur les animaux lui font considérer comme le véritable agent de la contagion. (1) Klebs. — Ueber Cholera asialica. Basel 1885 (Correspondenzbl. d. schweizer Aerzte 1884). (2) Emerich. — Vortr. im Aerztl. Verein. München. Berl. Klin. Wochenschr. 1875, n° 2. CHOLERA 305 Il faut attendre des recherches nouvelles pour ré- soudre toutes ces contradictions. Nous ne voulons pas insister plus longlemps sur la portée diverse de tous ces résultats. Disons simplement que les recher- ches négatives que présentent les essais d'infection sur les animaux n’infirment en rien la méthode e! ne doivent pas faire conclure à une réponse négative puisque, dans la fièvre lyphoïde et le choléra, par exemple, il s'agit de maladies qui sévissent sur l’homme seul et non sur les animaux. On peut tirer seulement cette conclusion que les animaux ne sont peut-être pas sensibles à l'action du parasite qui vil chez l'homme. Dans ces derniers cas, comme dans d’autres senı- blables, on peut se demander si la maladie n’es! pas causée par l’action simultanée de deux Bactéries parasitaires ou de tels autres organismes parasi- laires que l’on voudra, qui préparent ainsi à l’un d’entre eux un milieu favorable à son développemen:. Cette question a été soulevée par M. Nægeli à propos des recherches de M. Pettenkofer et elle s'applique en particulier au choléra. Mais l’on voit que tous ces divers problèmes demandent encore de longues re- cherches avant d’être résolus. Quoi qu’il en soit, nous voyons qu'il y a dans fout cela des contradictions dues à ce que l’on ne connait que quelques faits in- certains, souvent sans importance. S'il m'est permis d'ajouter encore quelque chose DE BARY. co 306 LEGONS SUR LES BACTERIES à loul ce qui précède, je dirai quelques mots d’une découverte qui a soulevé tout récemment la curiosité générale. Je veux parler des prétendues découvertes de M. Ferran (1) et de ses inoculations préventives contre le choléra, dont lous les journaux ont parlé. Nous abandonnons à ce sujet loute discussion sé- rieuse. Les communications de M. Ferran sur le pa- rasite du choléra ne supportent pas l'analyse et il est absolument impossible de les admettre, pour peu que l’on ait un peu de bon sens et la moindre éduca- tion scientifique. On devine ce que pourront êlre dans peu les conséquences pratiques de ses théories. Son opinion n’est basée sur rien ou bien, s’il a étudié les choses dont il parle, il montre une ignorance complèle des phénomènes biologiques et de leurs (4) J. Ferran. — Morphologie du Bacille du Cholera et l’inoculation préventive du cho.éra. Traduction en allemand, par le Dr Max Breiting. Deutsch. Medic. Zeitung IV, 1885, p. 169 — Id. : Sur la Morphologie du Bacille-virgule (Voir Zeitschr. f. Klin. Med. IX, p. 375). Je n’ai indiqué, dans le texte, que les faits qui sont rapportés dans le deuxième mémoire de M. Ferran, car je ne connais le premier que d'après un compte rendu publié dans un journal médical. Si le compte rendu donne bien le sens de l'original, les deux mémoires se valent de toutes manières. II semble que le Dr Ferran ait eu l'intention de faire un mémoire de Morphologie botanique. Dans ce cas, il n’est pas difficile de voir, dès les premières lignes, que l'auteur ignore les premiers principes de cette science. Quoi qu'il en soit, on peut dire sans exagération que son mémoire est incompréhensible pour les per- sonnes instruites en botanique, comme pour celles qui ne s'en occu- pent pas; l'auteur, en effet, montre qu'il n'avait aucune idée précise et claire en composant son travail. On ne peut savoir ce qu'il veut dire ni ce qu'il pense en réalité. Les conséquences pratiques qui for- ment la conclusion de son travail ne sont pas plus claires. On ne s’é- tonnera donc pas qu'il n’y ait rien à tirer de ces deux « travaux » de M. Ferran. (Note de l’auleur.) CHULERA 307 résultats pratiques sur lesquels sans doute il à à peine les notions très vagues que possède le premier venu (1). (1) Pendant l'impression de ce livre, il a paru dans les Comptes rendus de la Société Royale de Londres (Vol. 38, n° 236, p. 154) une note « sur les Bactéries et leurs rapports avec l'étiologie du Cholera asia- que ». L'auteur de cette note est M. Klein, observateur très compé- tent et très habile, que le gouvernement anglais avait chargé d'une mission daus les Indes, dans le but d'y vérifier les conclusions du Dr Koch sur le choléra. M. Klein a vérifié tout d'abord ce fait que le sang et les différents tissus des cholériques ne renfermaient pas le Bacille-virgule de M. Koch ni aucun autre organisme. Il affirma la présence presque constante du Bacille-virgule dans les déjections des malades et dans l'intestin grele aussitôt après la mort, bien que le nombre des Bacilles varie considérablement suivant les cas observés. C'est ainsi que le Bacille fut trouvé en quantité très faible et mêlé à d’autres Bactéries dans des cas de mort foudroyante. Sa présence dans la muqueuse intestinale aussitôt après la mort fut mise en doute : on l'y trouva, en effet, longtemps après la mort, en mème temps que d'autres Bac- téries. Les cultures du Bacille en dehors de l'organisme réussissent facilement. Après culture dans Ja gélatine, il semble être identique au Bacille de Lewis, trouvé dans la salive. On l'a d'ailleurs trouvé dans d’autres maladies intestinales, ainsi que dans la bouche de per- sonnes saines et même dans un grand nombre de substances alimen- taires fort communes (M. Klein ne les spécifie pas davantage). L’au- teur enfin refuse d’ajouter grande confiance aux expériences faites sur les animaux. Dans l'épithélium intestinal des cholériques examinés aussitôt après la mort, M. Klein trouva, dans des cas de mort foudroyante, un très petit Bacille droit et immobile qui semble être mis en liberté au mo- ment de la desquamation de l’epithelium intestinal. On peut le cultiver sur de l’Agar-agar et il y forme des spores en présence de l'air. D’ail- leurs on ne put obtenir, avec ce Bacille, d'expériences précises sur les animaux auxquels on essaya de donner le choléra. J'ai cru utile de résumer ces derniers travaux de M. Klein afin de montrer une fois de plus combien sont peu certains les résultats et les opinions précédemment acquis et, à propos du choléra en parti- culier, combien nous savons encore peu de chose sur les Bactéries qui produisent cette maladie. (Note de l’auteur.) 308 LEÇONS SUR LES BACTERIES Mentionnons pour lerminer un certain nombre de maladies infectieuses dans lesquelles on n’a pas réussi à montrer la présence d’une Bactérie patho- gene ou de tout autre parasite microscopique; tels sont la dysenterie, le typhus, la fièvre jaune, la co- queluche, elc., et, parmi les maladies cutanées, la fièvre scarlatine, la rougeole, la variole chez l'homme et les animaux. Dans la petite vérole, on connaît la vaccination préventive depuis longtemps en usage. Citons encore la rage pour laquelle M. Pasteur a indiqué son procédé d'atténuation et de vaccination sans avoir réussi jusqu'ici à déceler la présence de l'organisme pathogène. Enfin l’on a décrit récemment dans la syphilis (1), un Bacille très analogue au Bacille de la tuberculose sans avoir pu, me semble-t-il, légitimer cette décou- verte par des expériences décisives. Malgré ces quelques exemples où les recherches semblent avoir donné des résultats négatifs, il est à peine besoin d'indiquer que les idées de Henle sur un «contage animé », dans les maladies infectieuses, gardent toute leur actualité. (1) Des observations récentes dues à MM. Alvarez et Tavel ont mon- tré que le Bacille de la syphilis que M. Lustgarten avait cru trouver, n’est en réalité qu’un Bacille que l’on rencontre dans le smegma pré- putial. XIV: LECON. MALADIES PARASITAIRES CHEZ LES ANIMAUX INFERIEURS ET CHEZ LES PLANTES. On peut admettre à priori que les Bactéries doi- vent jouer un certain rôle dans les maladies des ani- maux inférieurs. C’est ce qui a lieu en effet. Mais jusqu'ici on n’a éludié, à ce point de vue, que les insectes (1). La maladie des vers à soie, appelée Flacherie, a son origine, d’après M. Pasteur, dans l’action simul- lange d’un Bacille et d’un Micrococcus semblable au Micrococcus ureae, formant comme lui des chaînons ; le Micrococcus Bombycis de Cohn, qui est avalé par les vers avec leurs aliments, et qui, porté dans l'intestin, y cause des ravages ayant pour conséquence d’em- pêcher la digestion et d'amener bientôt la mort des animaux. Les vers deviennent paresseux, lourds, (4) Pasteur. — Etudes sur la maladie du ver à soie. Paris, 1870. — Judeich et Nitsche : Lehrb. d. Mitleleurop. Forstinsektenkunde. = Metschnikoff : Virchow’s Archiv. T. 96, p. 118. 310 LECONS SUR LES BACTÉRIES perdent l’appelit, sont mous et meurent assez rapi- dement. Leurs cadavres, sans consistance, sont colo- rés en brun sombre ou en brun sale et tombent très vile en pourriture, en prenant l'aspect d'une masse puante et informe, sous l’action des Bactéries de la putréfaction qui les envahissent aussitôt. Une épidémie qui sévit parfois sur les abeilles et qui, en peu de temps, détruit des essaims entiers dans toute une contrée, est due, semble-t-il, à un Bacille à endospores, le Bacillus melittophthorus Cohn. On sait d’ailleurs peu de chose sur ce Bacille. Parmi les maladies qui déciment actuellement les vers à soie, nous avons signalé la Flacherie : ıl faut encore citer la Muscardine et la Pébrine. La Muscardine, connue depuis le siècle dernier, a sévi surtout dans les premières années de ce siècle, dans les magnaneries de l'Europe d'où elle semble avoir à peu près disparu depuis 1850 environ, tandis qu'elle fait encore des victimes parmi les insectes de nos forêts. Elle est causée par un Champignon et ne rentre pas, par conséquent, dans le groupe des ma- ladies bactériennes. La Pébrine, nommée aussi Galline, Petechia, Ma- ladie des corpuscules, ete., est connue depuis plu- sieurs siècles et elle s’est montrée très meurtrière en Europe, depuis 1850, pendant plus de dix années, Elle doit son nom aux taches sombres qui parsèment la peau de l’animal malade et qui se montrent dès MALADIES PARASITAIRES DES VERS A SOIE 311 l'apparition de la maladie. Elle est, comme la mus- cardine, causée par la présence d’un parasite mi- eroscopique, le Panhistophyton ovatum Lebert ou Nosema Bombycis Nægeli. Cet organisme se présente sous la forme de corpuscules irrégulièrement ovales, mesurant environ 0,4 x. de longueur, incolores, for- tement réfringents, qui, dans les préparations, son isolés ou bien réunis par paires ou par groupes plus nombreux. On les rencontre dans tous les organes de l'animal, non seulement chez le ver à soie, mais encore chez le papillon et même dans les œufs nou- vellement pondus, d'où ils passent facilement dans le jeune ver à soie qui en provient. Ils y sont enquan- lilés énormes et les tissus de l'animal en sont parfois bourrés. C’est encore à M. Pasteur que l’on doit d'avoir établi avec cerlitude que ces corpuscules appartiennent à un parasite qui pénètre dans l’ani- mal, y vit à ses dépens, engendre ainsi la maladie el se développe en la propageant. Quand on mélange ces corpusculesa des aliments ingérés ensuite par des vers sains, On les retrouve plus tard dans la paroi de l'intestin, en petit nombre d’abord, puis en nombre plus considérable, jusqu'à ce qu'ils aient fini par en- vahir tous les organes. Des corpuscules analogues ont été trouvés par différents observateurs dans le corps d’autres in- sectes et chez d’autres animaux articulés. Comme nous l'avons vu par la courte description 312 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES qui précède, les corpuscules de Cornalia, — tel est le nom qu’on leur donne — ressemblent à une petite Bactérie, plus exactement à un Microcoque et c’est ainsi qu'on les considère en général. M. Naegeli, dans un premier travail, les rapprocha du Micrococcus aceti. Ce rapprochement repose sur la ressemblance de forme des deux espèces, sur la réunion par paires que présentent souvent leurs cel- lules, au moment où leur division est en train de s’'accomplir. Cependant cette division n’a pu être observée directement el l’on comprend que le grou- pement dont il est question, puisse être dû à bien des causes diverses. On a pu démontrer expérimen- talement le fait de la division des corpuscules sans avoir pu indiquer la manière dont elle se produit. Contrairement à cette opinion qui rapprochait les corpuscules des Microcoques, MM. Cornalia, Leydig, Balbiani et M. Pasteur lui-même montrèreut qu'il s'agissait la d’un organisme complètement différent des Micrococcus eldes Bacterium. On donna à ces corpuscules le nom de Sporospermies, servant à dé- signer un état particulier de ces êtres inférieurs ou ceux de Sporozoaires, de Sarcosporidies, etc. M. Metschnikoff a vérifié dernièrement l'exactitude de cette assertion. Le parasite de la Pébrine est, dit-1l, formé de corps protoplasmiques amiboides — c'est-à-dire analogues aux globules blancs du sang dont nous avons parlé à la page 247 — mobiles, sou- MALADIES DES PLANTES 313 vent multilobés, dans lesquels les corpuscules pren- nent naissance par formation endogène. Par analogie avec d’autres phénomènes semblables bien connus, les corpuscules doivent porter le nom de Spores : à la germination, ils reproduisent les corps protoplas- miques dans lesquels ils se forment de nouveau en {res grand nombre. La petitesse et la ténuité des corps protoplasmi- ques expliquent suffisamment pourquoi ilssont restés si longtemps méconnus, surtout après qu'ils ont pé- nétré dans les tissus des animaux composés comme eux de protoplasma. Le parasite de la Pébrine ne doit donc pas être compris, rigoureusement parlant, dans une étude sur les seules Bactéries. Aussi ne nous en serions- nous pas occupé plus longtemps, s'il ne nous four- nissait un exemple heureux, non seulement de mala- die infectieuse causée par des parasites mieroscopi- ques autres que les Bactéries, mais de l'existence possible d'organismes très semblables en apparence aux Bactéries, mais en différant profondément par leur manière d’être, par leur développement, par leurs conditions d'existence. Si nous abordons après cela les maladies des plantes, nous verrons qu'il y a fort peu à en dire, en ce qui concerne les Bactéries. La plupart des parasites des plantes appartiennent à d’autres groupes orga- 311 LEÇONS SUR LES BACTÉRIES niques et en particulier à des Champignons, comme nous l'avons déjà fait remarqué plus haut. Bornons-nous à citer, pour ce qui regarde les Bactéries,une maladie jaune étudiée par M. Wak- ker (1) chez la Hyacinthe. D’après M. Wakker, on lrouve dans la plante malade un Daeterium en bà- lonnets longs de 25 y, larges d’un quart ou de la moitié de cette longueur. Ce Bacterium est réuni en masses jaunes gélatineuses qui remplissent, pendant la période de repos de la végétation, les vaisseaux et le parenchyme des faisceaux ligneux du bulbe. Au moment de la floraison on en trouve aussi dans les feuilles : le parasite ne se borne pas à envahir les faisceaux ligneux, il remonte dans les méats inter- cellulaires et dans le parenchyme foliaire dont il dé- Lruit peu à peu les cellules jusqu'à venir percer l’épi- derme, pour se répandre au dehors. On n'a fait d’ailleurs aucune expérience pour pro- pager expérimentalement la maladie et suivre l’évo- lution du parasite. M. J. Burrill, dans l'Etat de l'Illinois, aux Etals- Unis, donne le nom de Blight à une maladie des Poiriers et des Pommiers, dont il attribue la cause à l’action d’une Bactérie ou, pour parler plus claire- (4) J.-H. Wakker. — Onderzoek der Ziekten Van Hyacinthen. Harlem 1883-84 et Bot. Centralblatt. T. 14, p. 315. (2) T. J. Burrill. — Bacteria as a cause of disease in plants. The American naturalist. Jul. 1881. MALADIES DES PLANTES 315 ment, d'un Mierococeus de Ip. de long. La maladie est caractérisée tout d'abord par le dépérissement lent d’une partie de l'écorce; la destruction s'étend peu à peu et finit par gagner les branches et tout le (tronc pour finir par la mort de la plante. M. Burrill a trouvé, aux points infestés, le Micro- eoceus logé dans les cellules du végétal, aux dépens desquelles il se nourrit, en absorbant surtout l’ami- don et en donnant, comme produits de décomposi- lion, « de l’acide carbonique, de l'hydrogène et de l'acide butyrique. » De nombreuses expériences, dans lesquelles on inlroduisit le Micrococcus dans un arbre sain dont on entaillait légèrement l'écorce, fournirent la preuve de la propagation de la ma- ladie par l'intermédiaire de la Bactérie. Cette ma- ladie n’a pas été observée, que je sache, en Europe el ne semble pas y être connue. D’après le même observateur, des maladies cau- sées par des Bactéries existeraient aussi chez le Pêcher, le Peuplier d'Italie, le Tremble d’Ameri- que, etc. M. Prillieux (1) a décrit récemment une altération - qui se produit quelquefois dans le blé et qu'on re- connaît à la coloration rose ou rouge du grain. Elle est liée au développement d’un Microcoque qui dé- (4) E. Prillieux. — Corrosion des grains de blé, etc., par des Bactéries Bull. Soc. Bot. France. T. 26 (1879), p. 31, 167. 316 LEGONS SUR LES BACTERIES Iruit les grains d’amidon, le gluten contenu dans les cellules de la périphérie et, en partie, la membrane mème des cellules. L'action destructive du Micro- coque est ici hors de doute. Mais son action patho- gène n’est pas prouvée par les quelques faits que nous venons de citer : il peut bien n’agir que comme Saprophyte, après qu'il s’est produit d'autres actions destruclives, indépendantes de lui. Celle seconde opinion semble confirmée par quel- ques remarques de MM. Berthold et Reinke (1) sur une maladie de la pomme de terre. D’apres ces au- leurs, cette maladie qui amène la gélification du lubereule, pour ainsi dire, est causée par une Bac- lérie qui semble être le Bacillus amylobacter, peul- elre par plusieurs autres. Elle ne se produit ordi- nairement que lorsque la pomme de terre a déjà été allaquée par un Champignon parasile bien connu, le Phytophthora infestans. Elle réside d’ailleurs dans les parties que le Cham- pignon a encore épargnées, mais elle semble pouvoir ètre considérée comme un phénomène secondaire, rendu possible par l’action du premier parasite. Il faut ajouter qu'on rencontre des pommes de terre alleintes de cette maladie, sans être infestées parle Phytophthora et l’on a réussi, en « inoculant » la Bactérie à contaminer des pommes de terre saines. (4) Reinke et Berthold. — Dei Zersetzung der Kartoffel durch Pilze, Berlin 1879. MALADIES DES PLANTES 317 Nous pouvons citer à ce propos une expérience récente de M. Van Tieghem (1) qui est parvenu à amener la destruction complete de tuberculesentiers par le Bacille amylobacler en introduisant ce der- nier dans l’intérieur d'une pomme de terremaintenue à 35°. — Des résultats analogues ont été obtenus avec des graines de Haricot, des tiges de Cactus, etc. Ces différents phénomènes peuvent se résumer de la facon suivante : les Bactéries saprophytes sont susceptibles, dans certaines conditions, de vivre à l’état de parasiles facultatifs, dans les tissus vivants des plantes et d’y faire nailre des maladies parfois mortelles. Cela nous permet de comprendre pourquoi, dans la nature, les maladies des plantes causées par des Bactéries doivent être el sont en effet relativement rares. (1) Van Tieghem. — Développement de FAmylobacter dans les plantes à l'état de vie normal. Bull. Soc. Bot. de France, T. 31 (1884), p. 285. is Fra #9 a8 17 4 1 at AUDI 27% A BIBLIOGRAPHIE ARLOING, CORNEVIN et THOMAS. Bactérie du charbon symptomatique (Revue de médecine 1883, n° 9). Bary (A. DE). Morphologie und Biologie der Pilze. Leipzig, 1884. — Die Brandpilze. Berlin, 1853. — Recherches sur le développement de quelques champignons parasites. Ann. Sc. nat. Bot., 4° série, T. 10. BAUMGARTEN. Die pathogenen Schizomyceten. Berlin, 1884. B£cHAMP (A.). Les microzymas dans leurs rapports avec l'hétérogénie, l'histo- génie, la physiologie et la pathologie. Paris, 1882. BIENSTOCK. Ueber die Bacterien der Faeces. Zeitschr. für Klin. Med. VIII, 1. BILLROTH. Untersuchungen über die Vegetationsformen der (occobacteriu septica. Berlin, 1874. 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TABLE DES MATIERES PAGES Ire LECON. — Introduction. — Les Bactéries ou Schizomy- cètes et les Champignons, — Structure des BAGLÉDEE SEP ed Le N ce OUI 5 118 LECON. — Formes des cellules : Leurs modes d'union et HeNSTOUDEMENE EME EURE En 20 IIIe LECON. — Développement des Bacteries.— Bactéries à En- dospores et Bactéries à Arthrospores.. . ... 30 IVe LECON. — De l'espèce. — Négation d'espèces distinctes. — Insuffisance des raisons qui les établissent. — Méthodes de recherches. — Parentés des Bactéries. — Leur place dans la classification. 46 Ve LECON. — Origine et propagation des Bactéries.. . . . . . . 68 Vie LECON. — Mode de végétation. — Conditions extérieures de température et de nutrition. — Application à la culture des Bactéries. — Désinfection et ANBISEDLIGUESST eee Len die M De Penn tt, VIle LECON. — Relations des Bactéries avec le milieu extérieur. — Leur action sur ce milieu. — Saprophytes et parasites. — Les Bactéries saprophytes considérées comme agents des fermentalions. Propriété des ferments: /.::"; "1:00 2. 14 Vllle LECON. — Types privcipaux de Saprophytes. — Notions sommaires sur leur nomenclature. — Sapro- phytes que l’on trouve dans l'eau, — Creno- thrix, Cladothrix, Beggiatoa. — Autres ors:- nismes contenus dans l’eau. . . . . . . . . .. 137 324 TABLE DES' MATIÈRES PAGES. IXe LEÇON. — Saprophytes agissant comme ferments. — Fermentation de l’urée. — Nitrification. — Ferments du vinaigre, des matières mucilagi- neuses, de l’acide lactique. — Kéfir. — Bac- cillus amylobacter. — Matières albuminoïdes. Baeterium TOrmo. "2-4 ere. root y X° LEÇON. — Bactéries parasites. — Caractères du parasi- HSE NEO IT ETES EN RAR EN RE 199 XIe LEÇON. — Parasites inoffensifs des animaux à sang chaud. — Parasites de l'intestin : Sarcina, Lepto- thrix, Microcoques, Spirillums, Bacille-virgule de aisalivessn Fe ER SENTE 213 XIIe LEÇON. — Charbon et choléra des poules.. ......... 224 XIIe LEÇON. — Maladies infectieuses causées par des Bactéries considérées surtout chez les animaux à sang chaud. — Introduction. — Fièvre récurrente. — Tuberculose. — Gonorrhée. — Infections qui suivent les blessures. — Erysipèle.— Tra- chome. — Pneumonie. — Lèpre. — Charbon symptomatique. — Malaria. — Fièvre ty- phoïde. — Diphtérie. — Choléra. — Maladies infectieuses dont on n'a pas trouvé les Bacté- FES DathOGENnes. LME NE TE 263 XIVe LECON. — Maladies parasitaires chez les animaux infé- rieurs et chez les plantes. ........... 309 Euliopmaplie CP ur. 2 er is, UD eee ENNEMIS 319 Pahlerdesimatieres: tete. Ku VUE RER RER PER 323 Paris. — Imprimerie G. Rougier et Cie, ruc Cassette, A. ji | 1 i } 1% | rn f £ Be | } ee | ! 3 Trad LE x: Audi È à Bonusign‘ Pt RTS Lars - ot AE KU: à En sens Fe FLE LE en td ball: Re ER Ber Bi u! ik Erg rs Be a Bi; BL + ER ER RES TRE a ra Se 3m Va \ Eu Le Microbe et la Maladie, par E. Ducraux, professeur à la | RR *. Faculté des sciences et à l’Institut agronomique (deuxième + édition entièrement refondue de Ferments et Malxtlies), 4 volume avec deux heliographies et figures dans Je Sur les alcaloides derives de la destruction actions = ou physiologique des lissus animaux. ‚Ptomaines et leu- comaines, par E.-J.-Aruaxn GAUTIER, “professeur à la Fa- culté de médecine de Paris, membre de l'Académie dé médecine. Une brochure in-8°..........:..... 2 fr. 50 L'Évolution et la Vie, par M. Dexvs Cocmx. 1 volume A Lg 2 & h 2 in»AB a NE ES RS RR 0 | | an. 1 Véro la in-8°, avec 87 figures 5 8 ee dont 4 en couleur. Broche.....2...x ...... ER ik Relié avec luxe, fers ee tranches ER et M. Eoxcxo PERRIER, professeur au Muséum d'histoire na- turelle. 4 vol. gr. in-8° avec planches et nombreuses _ figures dans le texte. ......... RÉ AO MN MNT . A8: Se Bir nemeht cartonne l'E ee ANR A ni, À Les Batrachospermes. een: fonctions, deyelöngn ment, classificalion, par S. Siropor, doyen de la Faculté. er cie ne Ce ME re ns Ur: EN ER 22 Era Fan Le En BR TA re ; des sciences de Rennes. { vol. gr. in-4°, accompagu Be 50 Sach gravées d'après les dessins de MM. SıroDO TE re CRE RE teurs A. DecxauBre, Marmias Duvar et L. pe 1 vol. très grand in-8° de 1,760 pages, imprim 2 col. avec 400 figures dans le texte... ... .... 2 Avec demi-reliure res soignée... : ... .. . Paris. — Imp. G. Rougier et Cie, rue Cassette, 1, DER FE EI RS NE I: u Er À 4 A % h, Bi ( !, De I = I Re EBEN: vv E NE ESSERNS EI I “ DAS une SRE NS SE RS EN Sn SEN À > SE RIES Rue TER DRE IR Le SEN IS