aride pa :B, BA . 1 ñ , pe - 1 CAN LA; 7 : pl { ” 4 > ' F4 - ’ . f i E si p » É U . [ES ‘ il A r “ % 4 1 Y 4 RNA) SE re COBSTT if M4 Da % ERA x RIE J.-B. PAILLIÈRE ET FILS, 19, RUE HAUTEF: MUR SOENUE CONTENPORANE > = 4 f 2220 # L 4: FAO Vu ER - Ÿ il a ARTE , - Fe RAC? LIBRARY OF THE Museum of Comparative Zoology. N°3 ef 7 DEA GIFT OF ALEX. AGASSIZ. LIBRAIRIE J.-B. BALLIÈRE ET FILS, 19, RUE HAUTEFEUILLE La galvanoplastie, par E. Bouanr.1 v.in-16,34fig.. 3 fr. 50 La navigation aérienne et les ballons dirigeables, par H. DE GRAFFIGNY. 1 voi. in-16, avec 43 fig. ......... 3 fr. 50 AGRICULTURE La truffe, par le D° FERRY DE LA BELLONNE. À vol. in-16, avec 90 Ho ebuns'sau-tories RER So ea satee 3 fr. 50 Lesabeilles, par Maurice GIRARD. 1. in-16, avec 80 ra 3 fr. 50 L'alcool, au point de vue chimique, agricole et économique, par À. 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CuLLeRRE. 4 vol. 1n-10: Avec 20 MR RER et CRE : +3 Er) 00 Les émotions chez les hypnotiques, : parJ. Luys, de l'A cad: dé med 1 vol 1n-20 avecr 28 plier ss 3 fr: 90 Hypnotisme, double conscience et altérations de la personnalité. par le D' Azam. 1 voi. in-16. avec fig. 3 fr. 50 Les variations de la personnalité, par les docteurs Bourru et'BuroT, 4 vols in-16, avec foifie 1.220 3 fr. 50 La suggestion mentale et l’action à distance des substances toxiques et médicamenteuses, par les duc- teurs Bourau et Buror. 1 vol. in-16 avec 50 fig.. .. 3 fr. 50 Le somnambulisme provoqué, par H. BEAUNIS, professeur à la Faculté de Nancy. 1 vol. in-16, avec fig......... 3 fr. 50 Le cerveau et l’activité cér ébrale, par Al. HERZEN, pro- fesseur à l’Académie de Lausanne, 1 vol. in-10.:2% 3 fr. 90 Le monde des rêves, par Max Simon, 1 vol. in-16. 3 fr. 50. Le génie.laraïson,lafolie,par L.-F. LELUT, 1v.in-16 3 fr. 50 Fous et pouffons, par P. Moreau (de Tours). i volin-16 3fr. 50 ENVOI FRANCO CONTRE UN MANDAT POSTAL (3} UE 7 1900 CONNAIS OÙ: 1e LE POIL DES ANIMAUX ET EES FOURRURES / LB RATRT EN B BAILLIÈRE Er EILS 19, rue Hautefeuille, près le boulevard Saint-Germain, Paris et\? © NOUVELLE aÈQUE DES CONNAISSAN EE N S 4 « COLLECTION | De volumes in-16 comprenant 400 pages, illustrés de figures intercalées dans Le lexte à 4 francs le volume cartonné 40 volumes en vente. — Derniers volumes parus : ARTS ET MÉTIERS INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE, ART DE L'INGÉNIEUR, CHIMIE, ÉLECTRICITÉ BEAUVISAGE. Les matières grasses, caractères, falsifications et essai des huiles, beurres, graisses, suifs et cires BREVANS (DE). La fabrication des li- queurs et des conserves. GRAFFIGNY (H. 2e). Les industries d'amateurs. HALPHEN (G.). La pratique des essais commerciaux et industriels. HERAUD. Les secrets de la science et de l’industrie. LACROIX-DANLIARD. La plume des oiseaux. —— Le Poil des animaux, LEFEVRE(J.). 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ENVOI FRANCO CONTRE UN MANDAT POSTAL LACROIX-DANLIARD { LE POIL DES ANIMAUX ET LES FOURRURES — HISTOIRE NATURELLE ET INDUSTRIE — AVEC 89 FIGURES INTERCALÉES DANS LE TEXTE HISTOIRE NATURELLE CHASSE PIECE DERIES ET HOUR RERURES LAINES ET TISSUS CHAPELLERIE OIES ET BROSSERIE PARIS HPBR AIRIS I BB AILELIÈRE Er EPLS Rue Hautefeuille, 19, pres du boulevard Saint-Germain. 1892 Tous droits réservés, AVANT-PROPOS Ce volume sur Le Poil des Animaux et les Fourrures est le pendant, pour ainsi dire, de celui qui a paru, récem - ment, dans cette Bibliothèque, sous le titre : La Plume des Oiseaux. Il est concu dans le même esprit. Puisse-t-on lui faire le même accueil ! Voici, en quelques mots, le plan qui a été suivi; La structure, la forme et la coloration du poil des animaux seront d’abord examinées; puis les poils seront classés, d’après leur origine, leur consistance et les usages auxquels ils sont employés. Les poils et les duvets qui alimentent le com- merce du pelletier et du fourreur ; les poils que l’on file; ceux que l’on tisse; les laines que l’on carde ou celles que l’on peigne; le feutre et les chapeaux ; les soies, les crins et leurs usages respectifs dans la brosserie, la bourrelerie et l’ameu - blement seront autant de sujets de développement. En dehors de cette partie technique, l’auteur insistera sur a description, l'habitat, les mœurs, la chasse des animaux Bree AVANT-PROPOS _ qui fournissent la matière première; il indiquera les lieux de production, les principaux marchés, les prix de revient. Enfin, après avoir nommé et décrit les parasites qui s’at- taquent aux produits bruts ainsi qu'aux objets fabriqués, il fera connaître les moyens de combattre ces redoutables en- nemis, et, autant que possible, la manière de les vaincre. LACROIX-DANLIARD. Décembre 1891. LE POIL DES ANIMAUX LES FOURRURES “STRUGTURE, FORME ET COLORATION DES POILS. CLASSIFICATION DES POILS D'APRÈS LEUR ORIGINE, © LEUR CONSISTANCE ET LES USAGES AUXQUELS ILS SONT EMPLOYÉS De la production et de la direction des poils sur le corps des animaux. — Les poils sont le produit d’une papille logée au fond d’une cavité, creusée dans le derme, Cette cavité a la forme d’une bourse. On la désigne sous le nom de fojlicule pileux ou de bulbe. Au début, le poil demeure tout entier dans le bulbe ; ïl prend au fond de ce cul-de-sac son premier développement, puis, il s’accroit peu à peu, s’allonge, gagne l’étranglement de la bourse qui vient s'ouvrir à la surface du derme, et montre, enfin, sa pointe à l'air libre. Au dehors, la croissance continue ; : au dedans, le poil reste emprisonné par sa racine dans le ile qui le nourrit. | Suivant que la papille génératrice occupe une position droite ou oblique, le poil qu’elle produit prend, à la surface du corps, une position droite ou oblique. En fait, l’implanta- tion des poils dans la peau est presque toujours oblique par rapport à la surface de celle-ci, et ces appendices sont, en 8 LE POIL DES ANIMAUX général, disposés par rangées parallèles ou concentriques, dont la direction varie suivant les espèces qui les portent et suivant les parties du corps qu'ils recouvrent. « Sur le trone des mammifères, la direction générale des poils est oblique d’avant en arrière, et cette obliquité est surtout prononcée sur les espèces conformées pour la course. Sur les membres, les poils sont généralement dirigés en bas, mais on signale, à, cet égard, quelques exceptions remar- quables dont l'utilité est évidente. Ainsi, chez les Singes, les poils de l'avant - bras sont dirigés en sens contraire de ceux du bras, et il en résulte que, lorsque ces animaux sont accroupis et portent leurs mains vers la bouche, position qui leur est très ordinaire, la totalité du membre se trouve revêtue de façon à la protéger le mieux possible contre la pluie. « Il-est aussi à noter que, chez quelques mammifères, les poils du tronc sont disposés sur des lignes courbes concen- triques, dont le foyer occupe un point déterminé. Chez le Cheval, par exemple, ces lignes d'insertion semblent décrire une spirale autour d’un point situé sur le flanc. Chez les Cerfs du genre Ælaphurus, cette disposition est beaucoup plus prononcée sur l'épaule, où les poils dessinent de chaque côté une espèce de rosace, ainsi que des lignes saillantes qui simulent des crêtes!, » « Chez l’Aï, les poils paraissent être implantés en quin- conce. Les piquants du Porc-Épic sont disposés par séries de sept à onze sur des lignes un peu courbes et presque paral- lèles *. » Ces piquants diffèrent des poils ordinaires, et, à cer- tains égards, ressemblent un peu à la tige d’une plume. Il n’en est pas de même des épines qui garnissent la peau de divers 1 Alphonse Milne Edwards, Note sur l'Elaphurus Davidianus (Nouv. Arch. du Muséum, 1866.) ? Fr. Cuvier, Recherches s1r la structure et le développement des épines du Porc- -Épic (Nouv. Annales du Muséum, 1832.) DE LA STRUCTURE DU POIL 9 mammifères, lesquelles ne diffèrent que peu des poils, si ce n’est par leur grosseur et leur rigidité. Tout dernièrement M. Fernand Doceul a rapporté en France trois jeunes Chiens, originaires de Kratie (Cambodge, Haut-Fleuve) où il était, en dernier lieu, résident de France. Ces trois Chiens, qui sont actuellement à la ménagerie du Muséum d'histoire naturelle, à Paris, et qui sont des descendants directs des chiens dont les Annamites de l’île de Phu-Quoc se servent pour la garde ou pour la chasse, offrent une particularité très singulière. Le poil qui recouvre le corps de ces animaux est normalement implanté, sauf sur le milieu du dos. Là, règne un long épi, qui, partant des reins, s'étend jusqu'aux épaules. L'aspect de ces poils, dont la pointe regarde la tête du Chien au lieu d’être tournée vers la queue, est fait pour arrêter l'observateur, car c’est un fait absolument anormal dont nous ne connaissons aucun autre exemple. La papille, dont nous avons parlé tout à l’heure, est de forme conique et un peu renflée vers sa base. Non seulement elle produit le poil, mais elle le nourrit et l’entretient, pour ainsi dire. Tout auprès, un petit faisceau charnu, logé dans la sub- stance du derme, descend obliquement pour se fixer à la face externe du follicule : c'est le muscle de l’horripilation, quitire son nom de ce que, par ses contractions, il imprime au bulbe un mouvement de redressement qui oblige à se hérisser le poil qui y est implanté. Enfin, pour que rien ne manque au poil et, pour qu'il conserve, sur l’animal vivant, sa souplesse et ses propriétés hydrofuges, la nature a attaché au col de la poche pilifère une glande en grappe, qui y verse, par un canal excréteur, des matières grasses destinées à lubrifier les téguments. Tel est le suint qui enduit la toison des Moutons. De la structure du poil. — Le poil consiste ordinaire- ment, chez l'Homme, par exemple, en un cylindre creux 4% 10 LE POIL DES ANIMAUX formé par une substance corticale, de consistance cornée, dont la surface extérieure est revêtue d’une lame mince, dite cuticule ou épidermieule, et dont l’axe est ordinairement occupé par une substance médullaire composée d’utricules et paraissant être un prolongement de la papille. Dans la racine du poil, ces cellules sont rondes, molles et remplies de liquides; mais dans la tige elles sont desséchées, plus ou moins déformées, de facon à être d'ordinaire polygonales, et de l’air en occupe l’intérieur, circonstance qui leur donne l'aspect de points brillants entourés d’un cercle opaque. La substance corticale est finement striée en long et paraît être de structure fibreuse, mais elle se compose, en réalité, d’une multitude de cellules fusiformes, très allongées et intimement soudées entre elles. Enfin le cuticule est irrégulièrement ridé en travers, et consiste en une couche mince de cellules lamellaires qui adhèrent fortement à la substance corticale, mais qu’on parvient à isoler au moyen de divers réactifs _ chimiques. » (H. Milne Edwards.) | _ Les poils des autres mammifères sont à peu près con- stitués de la même façon, si bien que la distinction entre les poils de l’homme et ceux de certains animaux est parfois très difficile à faire. Toutefois le développement de la moelle et de l’écorce, ne laisse pas que d’être sensiblement variable chez les différentes espèces; la substance médullaire peut même faire complètement défaut dans les poils de certains animaux. Ce phénomène se remarque notamment dans les soies du Porc et du Sanglier. D’autres fois, les cellules qui constituent la moelle, demeurent remplies d’un liquide coloré (c'est ce qui se voit dans les moustaches du Chat) ou de granules pigmentaires, comme on peut l’observer chez le Rat et chez la Taupe. Enfin le poil d’autres animaux renferme des espaces aérifères assez étendus, qui sont venus occuper la place du tissu médullaire atrophié et desséché dans cer- taines de ses parties, Ë C\RACTÈRES DISTINCTIFS DES POILS 11 Quant à l'écorce qui sert d’enveloppe au poil, très mince chez les rongeurs, elle est tout à fait rudimentaire chez le Cerf. Les poils blancs des Chèvres sont également revêtus d'une substance corticale à peine accusée. | La surface extérieure de cette substance, — le cuticule des poils, pouremployer le terme technique, — est elle-même très variable d'aspect, en raison de la position qu'y occupent les cellules, en forme d’écailles, qui la composent. Chez certains animaux, ces cellules renferment du pigment; chez les Chauves-Souris, elles présentent l’apparence de cornets in- sérés les uns dans les autres; enfin, on en voit affecter, parfois, la forme d’un réseau fibreux irrégulièrement maillé, C'est ce qui se remarque, chez un curieux rongeur, le Lophiomys, sur les gros poils qui occupent, sur ses flancs, une zone horizontale, Caractères par lesquels les poils se distinguent entre euæ. — Grosseur, longueur, degré de rigidité ou de sou- plesse, forme générale, sont les caractères par lesquels les poils des animaux se différencient entre eux, Tantôt à peu près cylindriques sur toute leur étendue, comme ceux de l'Homme et du Singe, tantôt plus ou moins comprimés, les poils offrent, suivant les sujets et selon la partie du corps qu'ils recouvrent, les variations les plus diverses. C’est ainsi qu'aplatis et cannelés chez le Paresseux didactyle, on les voit étranglés, d'espace en espace, chez un autre animal; les poils du bout de la queue de l’Athérure présentent, en effet, ce dernier caractère. D'un autre côté, chez l'Agouti et le Castor, la section transversale du poil est ovalaire; chez l’Ornithorynque enfin, dont le pelage est composé d’une partie laineuse et d’une partie rigide, les poils raides, cylin- driques à leur base, se renflent et s’aplatissent à leur portion terminale, Les cheveux de l’Homme ne sont que des poils très allongés et leur qualité varie beaucoup suivant les races, Chez les HAE - LE POIL DES ANIMAUX uns, ils sont fins et droits; chez les autres, grossiers et cré- pus. Il est, d’ailleurs, démontré que plus le cheveu est aplati, plus il s’enroule : les Papous, les Boschimans et les nègres d'Afrique en fournissent la preuve; et que plus il s’arrondit, plus il devient lisse et raide, comme cela se remarque chez les Polynésiens, les Malais et les Japonais. Quant aux erins du Cheval, ils peuvent être comparés à de véritables cheveux d’une nature très grossière, il est vrai. Le Lapin nous offre un exemple de la façon dont le sys- tème pileux est organisé chez beaucoup de mammifères, et des différentes sortes de poils qui peuvent constituer le pelage d’un même animal. Chez le Lapin, en effet, la partie supé- rieure du tégument pileux est faite de poils raides, droits et brillants : c’est ce qui saute aux yeux. Ce qui échappe, au contraire, à la première vue est ce duvet, très doux et très abondant, qui se cache sous ce manteau rigide ou qui le pénètre. : | La jarre et la bourre. — Les poils soyeux, plus ou moins raides, qui dépassent les autres, plus ténus et plus moelleux, s'appellent Jarre, tandis que ceux qui, plus courts, plus fins, plus doux, se cachent sous les premiers, portent le nom de bourre. | | De l'influence du climat sur le pelage des animaur. — La plus ou moins grande abondance de la garre, la plus ou _moins grande épaisseur de la bourre sont intimement liées aux influerces climatériques, soit que l’on considère ces in- fluences dans un même pays, où le froid succède au chaud par gradations insensibles, soit, au contraire, qu’on les envisage dans les régions où le froid ou bien le chaud sont la température dominante pendant des périodes de temps longues et continues. Il est constant, d’une part, que les ani- maux qui habitent les pays tempérés ont un pelage qui se transforme avec la saison et qui s’y adapte, pour ainsi dire. En été, il contient peu de bourre, entre la jarre et la peau; INFLUENCE DU CLIMAT SUR LE PELAGE DES ANIMAUX 13 en hiver, par contre, le duvet devient plus dense; plus dru, plus abondant, beaucoup plus tenace, et, d’une manière générale, le système pileux se développe considérablement. C'est pour ces multiples raisons que les chasseurs se plaisent à dire qu’en hiver les peaux sont bonnes ; c'est également _ce qui explique la préférence que les marchands pelletiers donnent aux dépouilles des animaux tués pendant la période hivernale. Il est non moins constant que chez la plupart des animaux qui habitent les pays chauds, le pelage se compose uniquement, ou du moins principalement, de poils soyeux, courts et raides, tandis que, chez les espèces qui habitent les régions boréales, la jarre est, en général, pour ainsi dire, doublée d’une couche épaisse de duvet (H. Milne Edwards). Chez quelques mammifères qui habitent les régions très froides, le Renne et le Porte-Musc, par exemple, le duvet manque, il est vrai; mais, la jarre, d’une texture très spon- gieuse, emprisonne dans son tissu beaucoup d’air, et consti- tue de la sorte un revêtement très mauvais conducteur de la chaleur. Ces exceptions que nous venons de citer ne font d’ailleurs que confirmer la règle générale; car, dans la grande majorité des cas, des animaux de même espèce, mais appartenant à des races propres, les unes aux pays chauds, les autres aux régions circompolaires, présentent des diffé rences extrêmement sensibles dans le développement de leur système pileux, Ainsi les Chevaux arabes ont le poil court et brillant, tandis que les Chevaux de Norvège et les Ponies d'Islande ont une toison longue et touffue. Sous une fourrure épaisse, les premiers mourraient par excès de chaleur; sous un manteau trop léger, les seconds périraient de froid. C’est à cette influence du climat sur le développement des poils que les mammifères des régions les plus froides du globe, notam- ment ceux de la Sibérie et de l’Amérique septentrionale, doivent la guerre à outrance que l’humanité leur a déclarée, à cause de la haute valeur de leurs dépouilles, 14 LE POIL DES ANIMAUX Chez certains animaux, le système pileux présente une conformation particulière. Les appendices épidermiques qui le composent.sont longs, très élastiques, contournés en tous sens. N’étant pas mêlés d'habitude à la jarre en quantité no- table, ils correspondent à la bourre des mammifères ordi- naires : telle est, par exemple, la laine chez le Mouton. De la coloration des poils. — La coloration des poils est communément le roux, le brun ou le noir. Elle est sujette à des variations infinies dues à des causes très diveres. D'abord, la partie qu'occupe le poil sur le corps de l’ani- mal n’est pas indifférente; et cela est si vrai, que l’on peut dire, d’une manière générale, que les couleurs foncées se localisent sur la partie supérieure du corps, la plus exposée à la lumière. La région dorsale est donc presque toujours le siège de la couleur foncée chez les animaux, tandis que la partie opposée paraît réservée aux teintes plus pâles et par- fois au blanc pur. Cette règle souffre, cependant, quelques exceptions. Ainsi, le Blaireau et le Ratel qui sont grisâtres en dessus sont noirs en dessous; il en est de même du Hamster, gris roussâtre à la partie supérieure, noir à l’infé- rieure; du Panda éclatant des montagnes du Thibet, qui est, comme les précédents, noir en dessous, tandis que le dessus de son pelage est d’un roux brillant. Mais, nous le répétons, ces anomalies dans la coloration constituent des exceptions, en vérité assez rares. . El CE Le climat et les saisons ne sont pas, de leur côté, sans jouer un rôle important dans la coloration du poil. Non seu- lement les mammifères des pays chauds ont le poil plus court et moins duveteux que les animaux des pays froids; ils l'ont aussi relevé de teintes plus vives: le pelage du Tigre, celui des grands félins, en général, qui habitent principalement les régions chaudes, nous en offre un exemple. Au contraire, dans les régions glaciales, la prédominance du blanc dans le pelage est un fait très fréquent et l’albinisme DE LA COLORATION DES POILS 15 complet se rencontre souvent et d’une manière permanente, sans retour à la coloration foncée, chez certaines espèces. Chez d'autres, vivant aussi sous un climat rigoureux, les teintes du pelage se modifient suivant les saisons, et passent du roux au gris ou au blanc pur. Les parties noires, cepen - dant, demeurent telles qu’elles sont et ne paraissent subir, à aucun degré, les variations de la température. L’Ecureuil commun, roux en été, devient gris ardoisé en hiver. L’Her- mine, rousse en été, devient blanche en hiver. Il n’y a que le hout de sa queue qui reste, été comme hiver, d’une inva- riable et persistante couleur noire. La domestication et le régime alimentaire exercent égale- ment une influence considérable sur la couleur du système pileux. De plus, la domestication détruit d'ordinaire la symé- trie des taches que l’on remarque sur le pelage des mammi- fères sauvages et qui cesse d’exister sur la robe des animaux domestiques, Le Chat domestique, si diversement marqué, et le Chat sauvage, si régulièrement paré, sont là pour prouver l'exactitude de cette observation. Nous avons dit plus haut que la couleur de la plupart des animaux tirait sur le roux, le brun ou le noir. Nous aurions dû ajouter que l’on pouvait citer quelques rares exemples de pelages à reflets métalliques dont les teintes sont mêlées de vert. Tel est le cas d’un petit insectivore de la famille des Taupes, le Chrysochlore du cap de Bonne-Espérance, dont les poils irisés ont un éclat métallique qu'ils empruntent à la présence de granules infiniment petits dans les cellules de la substance médullaire. C’est aussi de la présence, dans Le re d'huiles diver- sement teintées que dépend la couleur des cheveux. Des che- veux rouges, on extrait, au moyen de l'alcool, une huile d’un rouge jaunâtre; des cheveux noirs, par le même procédé, une huile d’un gris verdâtre. Des cheveux blancs, au con- 16 LE POIL DES ANIMAUX traire, on n'obtient qu'une huile incolore, les on les traite chimiquement. D'ordinaire, les follicules pileux sont des poches terminées par un seul cul-de-sac et ne renfermant qu'une papille uni- que, ainsi qu'un seul poil; mais, chez quelques mammifères, cet organe se garnit de culs-de-sac secondaires dans chacun desquels naît un petit poil, en sorte que le même bulbe porte, à côté du poil principal, un ou DNS LS poils acces- soires. Agglomération et soudure des poils. — Enfin, lorsqu'un grand nombre de papilles pilifères se trouvent serrées les unes contre les autres dans une fosse dermique, les poils qui en naissent peuvent se souder entre eux avant leur consoli- dation complète et constituer ainsi un faisceau de fibres cornées creuses, réunies en une seule masse. Les cornes nasales des Rhinocéros sont des produits épidermiques de ce genre (H. Milne Edwards). La mue. — Disons, en terminant ce chapitre, que le poil s'accroît par sa racine; qu’il peut atteindre des dimensions considérables, quoique limitées, suivant les espèces et même suivant les individus; qu'enfin, il s’atrophie à sa base et tombe pour être bientôt remplacé par un poil nouveau, né dans le même follicule. Ce phénomène, lorsqu'il se produit périodiquement (c'est ce qui arrive chez beaucoup de mam- mifères), est désigné sous le nom de mwe. A ces périodes, l'animal change de poil, il perd son pelage d’hiver pour prendre son pelage d'été, ou réciproquement, et des modifi- cations souvent très sensibles, comme nous l’avons vu, se produisent dans la coloration de sa robe. Dans le commerce, on distingue les poils d’après leur origine et leur consistance en: cheveux, poils et duvets, laines, soies, crins et piquants. On les distingue aussi d’après les usages auxquels ils sont employés. D'abord, les cheveux humains alimentent toute une in- LA MUE 17 dustrie importante : celle des perruquiers et marchands de cheveux. D'autre part, les peaux de beaucoup de mammifères sont employées, garnies de leurs poils, par les pelletiers et les fourreurs qui en doublent nos vêtements d’hiver, en font des manchons et en confectionnent des tapis. On utilise ainsi les téguments pileux de l'Ours, de la Marte, du Vison, de l'Hermine, etc. | Certains poils sont propres au tissage et destinés à la fila- ture; telles sont les dépouilles du Mouton, de la Chèvre, de l’Alpaca, du Lama, de la Vigogne, du Chameau, D’autres, sans valeur comme fourrures, d’ailleurs peu propres au tissage, mais susceptibles d’être feutrés, sont réservés pour la chapellerie, ainsi les poils de Castor, de Lièvre, de Lapin, etc. Les fabricants de brosses et de pinceaux utilisent les poils du Blaireau, ceux de la queue de la Marte, encore plus les soies du Sanglier et du Porc; les fabricants de cribles, les erins du Cheval. Il n’est pas jusqu'aux piquants qui ne trou- vent leur emploi. Les poils de rebut même, provenant de l'éjarrage des pelleteries et du tannage à la chaux des peaux transformées en cuir, servent à confectionner des étoffes grossières, sont employés comme engrais et entrent dans la composition de certains produits chimiques. Nous reviendrons, dans des chapitres séparés et avec plus de détails, sur la plupart de ces questions. IT PELLETERIES ET FOURRURES. LA CORPORATION DIS PELLETIERS . LES GRANDES COMPAGNIES ET LES PAYS PRODUCTEURS “LES PRINCIPAUX ANIMAUX A FOURRURE PRÉPARATION ET MISE EN ŒUVRE DES PELLETERIES ET FOURRURES PARASITES. PROGÉDÉS DE CONSERVATION DES OBJETS FABRIQUÉS I. PELLETERIES ET FOURRURES On désigne sous le nom de pelleteries toutes sortes de peaux garnies de poil, destinées à faire des fourrures : telles sont les peaux de Martes, d'Hermines, de Castors, de Lou- tres, de Tigres, de Petit-Gris, de Fouines, d’Ours, de Loups, de Putois, de Chiens, de Chats, de Renards, de Lièvres, de Lapins, d'Agneaux et autres semblables. Il est à remarquer que les fourrures sont presque exelusi- vement fournies par les Carnivores et les Rongeurs. Les plus belles etiles plus précieuses, c’est-à-dire celles dans lesquelles le poil est abondant, long, fin, doux et moelleux, nous viennent des pays froids, notamment de l'Amérique du Nord et de la Russie. La jarre en est brillante et souple, le duvet épais et léger, les brins sont régulièrement tassés et très solidement implantés. Les pays chauds ou tempérés ne LA CORPORATION DES PELLETIERS 19 nous fournissent guère que des produits inférieures, des pelle- teries communes. De quelque qualité qu’elles soient, les pelleteries ne devien- nent des fourrures qu'après avoir été préparées et confection- nées, et comme il est aujourd'hui difficile et coûteux de se procurer, en Europe, des peaux de réelle valeur, les mar- chands se sont mis à imiter et à contrefaire. Avec un peu de teinture et beaucoup d’apprêt, on est arrivé à sophistiquer la dépouille de notre Lapin domestique, au point de lui donner l'aspect des fourrures les plus recherchées, et les procédés employés sont, maintenant, si parfaits, qu'il serait permis aux acheteurs, qui ne sont point de fins experts, de se laisser trom- per à l’apparence, si la modicité du prix n’était pas là pour les désabuser. La corporation des pelletiers. — Te pelletier est bien, aujourd’hui comme autrefois, le marchand qui achète, vend, prépare et apprête toutes sortes de peaux garnies de leur poil, et qui les emploie aux différents ouvrages de fourrures : mais, avec le temps, il a perdu beaucoup de la majesté et du prestige dont il était entouré en ces derniers siècles. Les anciens pelletiers étaient, en vérité, des personnages: ceux de Paris, notamment, formaient un des six corps privi- légiés dont se composait l'aristocratie des métiers. Dès le x11° siècle, on les vit parader dans les cérémonies officielles, vêtus de velours bleu doublé de Loup-Cervier, et portant le dais royal, aux entrées solennelles des rois et des reines. La corporation des pelletiers était régie par six maîtres gardes, d’ont l’un, le grand garde, véritable chef de la com- munauté, présidait les assemblées, Le dernier élu était chargé du détail des affaires ; 1l faisait la recette et la dépense et ren- dait ses comptes, à jour fixe, devant le conseil réuni, au bu- reau de la pelleterie. Tous les ans, le samedi de l’octave du Saint-Sacrement des élections partielles de renouvellement avaient lieu. 20 PELLETERIES ET FOURRURES Les statuts du corps de la pelleterie, donnés par Henri II, en 1585, confirmés et augmentés, en 1618, par Louis XII, et, depuis, par Louis XIV ,en 1648, portaient que personne ne pouvait être admis dans le corps, à moins d’avoir fait quatre ans d’apprentissage, servi des maîtres en qualité de com- pagnon pendant quatre autres années, et fait chef-d'œuvre. Il n’était pas permis aux maitres d’avoir plus d'un apprenti à la fois, et cet apprenti ne devait être ni marié ni étranger. Prohibition était d’ailleurs faite aux pelletiers de prendre au- cuns compagnons à leur service, s'ils n'étaient porteurs d’un certificat en bonne forme des maîtres qu’ils avaient servis. Il était aussi formellement interdit aux maîtres marchands pelletiers, haubaniers, fourreurs,de mêler de la marchan- dise vieille avec de la nouvelle; de fourrer des manchons pour les merciers; de travailler et fourrer pour les fripiers; de faire le courtage de la marchandise de pelleterie et de four- rure; enfin de s'associer avec des marchands forains, et autres qui n'étaient pas de leur corps. Les prohibitions contenues dans ces statuts montrent que les porteurs de fourrures tenaient à être bien servis et qu'ils n’admettaient pas volontiers de compromission de la part de leurs fournisseurs. Aussi bien, les gens fourrés étaient-ils tous de haute qualité, princes, princesses, chanoines, évêques et pour le moins magistrats. Pour satisfaire cette riche clientèle, les pelletiers ne regardaient pas à fréter des navi- res pour l'Islande, le Labrador, la baie d'Hudson, le détroit de Baffin, et toutes les régions du nord de l'Amérique. Les voyageurs en pelleteries furent, dès le début, de véri- tables civilisateurs: ils conquirent à l'influence européenne d'immenses contrées jusqu'alors inexplorées et c’est àeux que nous devons la plus grande partie de nos connaissances géo- graphiques relatives à l'Amérique boréale. L’un de ces har- dis traficants, Mackensie, a donné son nom à la principale rivière américaine qui déverse ses eaux dans la mer polaire. LES GRANDES GOMPAGNIES ET LES PAYS DE PRODUCTION 24 II. LES GRANDES COMPAGNIES ET LES PAYS DE PRODUCTION L'Amérique du Nord. — Le Canada français. — Dès que les Européens eurent pénétré dans ces régions loin- taines, un commerce d'échange s’établit entre eux et les abo- rigènes. Le cardinal de Richelieu, en 1628, erut devoir accor- der à une compagnie française le monopole de l’exploitation des terres dela Floride, ainsi que des immenses territoires avoisinant le fleuve Saint-Laurent. Cette compagnie ne sut pas longtemps profiter des avantages qui lui étaient con- cédés, et en 1663, elle avait cessé de fonctionner. Sa dissolu- tion n’entraîna pas cependant la ruine du commerce des pel- leteries, dont la prospérité ne fit que s’accroître, puisque successivement on vit s'élever la ville des Trois-Rivières, à 100 kilomètres en amont de Quéhec, et la station de Montréal, d’abord simple agglomération de pauvres ca- banes, transformée bientôt en une cité florrissante de plus de 4000 habitants. Les opérations des traficants français ne laissèrent pas tou- tefois que d’être assez souvent entravées. Des querelles s’éle- vèrent entre nos colons et les Iroquois ; et les relations demeurèrent assez tendues jusqu’en 1700. A cette époque, le gouvernement français ayant arrêté les bases d’un traité de paix avec les Peaux-Rouges, nos agents purent s’avancer jusqu’au cœur du pays sans être inquiétés, et se procurer, de première main, les pelleteries qu'ils devaient attendre précédemment à Montréal même, où elles leur étaient livrées par les chasseurs indigènes. Le Canada anglais. — Lorsque, en 1673, le Canada échut en partage aux Anglais, ceux-ci y continuèrent le trafic des pelleteries ; mais, bridés du coté de la baie d'Hudson, dont les territoires étaient occupés et exploités par une société privilégiée, ils durent ‘gagner vers le nord-ouest. De Mont- 22 PELLETERIES ET FOURRURES réal, où ils avaient établi Le siège d’une compagnie, ils rayon-— nêrent jusqu’au lac Supérieur. Là fut installé un comptoir auquel, chaque printemps, les agents de la compagnie de Montréal se rendirent, pour prendre livraison des produits de la chasse des coureurs des bois. Ces expéditions extrême- ment périlleuses, se faisaient sur des canots plats, chargés d'armes, de munitions, de vêtements grossiers, de tabac, de spiritueux, tous objets destinés à être échangés contre les pelleteries emmagasinées dans la factorerie du lac Supé- rieur. Les coureurs des bois. — Quant aux aventuriers, connus sous le nom de Couwreurs de bois, et stationnés aux postes d'avant-garde, ils se répandaient au loin dans l'intéreur du pays. Les uns embarqués sur des canots de moïtié plus petits que ceux qu’on employait pour aller de Montréal au lac Su- périeur, se dirigeaient vers le lac Winipeg ; puis, de là, ils gagnaient les forts Chipaway, établis par la compagnie sur les bords du lac des Montagnes ou lac Atapeskow; les autres s’avançaient davantage vers l’ouest ou vers le nord-est, presque dans le voisinage de l’océan Pacifique ou du pays des Esquimaux, afin de trafiquer directement avec les chas- seurs aborigènes dispersés dans ces vastes et solitaires ré- gions (H. Milne Edwards). Pauvres aborigènes, ils sont exploités de la belle façon; pour un fusil, ils doivent donner 20 peaux de Castor, 60 peaux de Marte, 20 peaux de Lynx, 20 peaux de Loutre : pour une veste, 42 peaux de Castor, 36 peaux de Marte, 12 peaux de Lynx, 12 peaux de Loutre, et tout à l'avenant; il n’est pas si petit miroir de pacotille qu'on ne leur vende au prix d’une demi-douzaine de peaux de valeur. Nous venons de parler incidemment d'une société rivale de la Compagnie canadienne. Cette société, sous le nom de Com pagnie de la baie d'Hudson, étendit rapidement sa domina— tion, des rivages de la mer intérieure de ce nom, sur la LES GRANDES COMPAGNIES ET LES PAYS DE PRODUCTION 23 région des Lacs, sur le nord-ouest jusqu'aux montagnes Rocheuses et même au delà jusqu'à l'océan Pacifique. En peu de temps elle accapara la majeure partie du commerce des pelleteries américaines et, bien qu’elle ait, vers 1870, cédé au gouvernement canadien ses droits sur ces territoires qu’elle exploitait, elle continue, encore maintenant, à y faire un commerce important de fourrures, L'établissement de Vancouver. — Dans l’ouest, au com- mencement de ce siècle, la République Américaine s’oceupa avec activité du commerce des fourrures. Un comptoir im- portant fut établi par un négociant de New-York, John Astor, à l'embouchure du fleuve Colombia. Mais cette facto- rerie ne joue plus qu'un rôle effacé, car le gros trafic s’est concentré entre les mains des Anglais, à l'établissement de Vancouver, où la Compagnie de la baie d'Hudson envoie, chaque année, ses agents. Malgré les vides occasionnés depuis tant d'années, par les flèches, les pièges de toutes sortes, et les armes à feu des Indiens, dans les rangs des Rongeurs et des petits Carnas- siers qui habitent les magnifiques forêts de cette partie de l'Amérique septentrionale, il est éurieux de constater que non seulement aucune des espèces de ces animaux à four- rures n’a disparu complètement, mais qu'au contraire, le nombre des peaux livrées à l’industrie semble plutôt aug- menter que décroitre. Cela tient assurément à l'immense étendue des terrains de chasse dans ces comirées à peine ha- bitées. Le territoire d’ Alaska, l'Islande et le Groënland. — Les deux grandes sociétés dont nous vénons de parler, la Société canadienne et celle de la baié d'Hudson n’ont pas le monopole du commerce des péleiques Cette industrie est encore alimentée par les produits qu'envoie sur les marchés européens une compagnie russe, qui exploite l'Alaska, et une compagnie danoise, dont le siège est à Copenhague. Cette der- 24 | PELLETERIES ET FOURRURES nière société tire de l'Islande, du Groënland et de quelques autres terres polaires, de magnifiques fourrures. L'Asie. — En Asie, sur les bords du Volga, de l’Obi, de l'Iénissei, de la Léna, dans les plaines du pays des Kirghis, dans les montagnes qui avoisinent le lac Baïkal, enfin au Kamtchatka, toute une population se livre à la chasse des animaux à fourrures. Les peaux sont dirigées partie vers la Chine, par la voie de Krakhta, pres du lac Baïkal, partie vers Orembourg, à destination de l’Europe. Les plus belles sont employées en Russie; le restant se vend, chaque année, à la foire de Nijni-Novogorod. Nord de l'Europe. — Le nord de l'Europe, la Norvège et la Suède, en particulier, fournissent aussi un nombre ap- préciable de fourrures recherchées. C’est ainsi qu’en 1870, au rapport de M. Broch, la Norvège exportait 820 peaux de Marte, 1850 peaux de Loutre de rivière, 9020 peaux de Renard, et que, de 1871 à 1875, 99 Ours, 132 Lynx, et 62 Gloutons étaient abattus en ce pays. Quant à la Suède, elle envoie en Russie de grandes quan tités de peaux de Renard; et ces peaux sont assez recher- chées, pour atteindre, sur place, de 69 à 139 francs, lors- qu'il s’agit du Renard bleu, et jusqu’à 417 francs, s’il s’agit du Renard argenté. Nous ne saurions dire, quant à présent, le prix que valent les peaux d'Écureuil : il est à présumer qu’elles ont une valeur sensiblement moindre, toutes choses égales d’ailleurs; car les Écureuils sont, en Suède, assez communs pour qu’un chasseur ordinaire puisse en tuer jus- qu'à 30 en un seul jour. Pays chauds ou tempérés. — Nous recevons quelques fourrures de l'Amérique méridionale, qui nous arrivent par la voie du Havre et de Bordeaux. Par la voie de Marseille, le commerce reçoit un grand nombre de peaux qui sont expé- diées d'Italie, des îles Ioniennes, du Levant et de l'Afrique. Sauvagines ou pelleteries indigènes. — Quant aux pel- LES GRANDES COMPAGNIES ET LES PAYS DE PRODUCTION 2; leteries indigènes, elles portent, dans le commerce, le nom de sauvagines. Elles Le cèdent en nombre et en beauté aux pelleteries exotiques. Toutefois, elles ne laissent pas que de produire un revenu très appréciable. Achetées de première main elles n’atteignent point un haut prix, mais elles passent par tant d’intermédiaires, col- porteurs, chiffonniers, vendeurs et revendeurs, dont chacun doit réaliser quelque gain, qu'une simple peau de Fouine payée d’abord 7 ou 8 francs, atteint successivement 10, 12, et finalement 13 francs, lorsqu'elle est livrée au marchand en gros. Produit des pelleteries françaises et allemandes. — La production des sauvagines en France est estimée approxi- mativement à 200 peaux de Marte, 36.000 peaux de Fouine, 100.000 peaux de Putois, 4000 peaux de Loutre, 60.000 peaux de Renard, 30.000 peaux de Chat, et 60 millions de peaux de Lapin. Exception faite pour les peaux de Lapin, l'Allemagne fournit beaucoup plus de sauvagines que la France, et le marché de Leipsig recevait, il y a quelques années, 120.000 peaux de Renard ; 20.000 peaux de Marte; 280.000 peaux de Putois; 8000 peaux de Loutre ; 600.000 peaux de Lièvres, et seulement 300.000 peaux de Lapin. Quelques chiffres sur l'importation en Europe des pel- leteries exotiques. — Quant aux pelleteries expédiées des différents points du monde, M. Servant ! estime qu'en 1866 l Europe a recu : 124.484 peaux de Marte; 6157 peaux de Pécari; 69.169 peaux de Vison; 17.053 peaux de Loutre; 74.591 peaux de Mouffette; 618 peaux de Blaireau; 806 peaux de Glouton; 38.817 peaux de Raton; 11.048 peaux d'Ours; 6610 peaux de Loup; 38.751 peaux de Lynx; 4752 peaux de Chat-Cervier; 34.779 peaux de Phoque; 154.971 peaux de Castor; 1.577.707 peaux d’Ondatra (ou 1 Servant, Rapport sur l'Exposition de 1867,t, V.p. 123. LAcroIX-DANLIARD, Poil et Fourrures. 2 26 LES ANIMAUX A FOURRURE Rat musqué); 144.519 peaux de Lapin; 218. 14% peaux de Sarigue; et 31.842 peaux d’ Élan et de Chevreuil. III. LES ANIMAUX A FOURRURE Parmi les animaux à fourrures dont nous étudierons la dis- tribution géographique, le régime et les mœurs, ceux qui appartiennent à la famille des Mustélidés se distinguent par leur nombre, et par la quantité et la valeur des PEUT que la plupart d’entre eux nous fournissent. Cette famille comprend les Blaireaux, les Mydaus, les Moujfettes, les Zorilles, les Ratels, les Gloutons, les Ga- lictis, les Martes, les Putois, les Belettes, les Visons, les Loutres, les Enhydres. On peut dire, d’une manière géné- rale, que les représentants de cette famille sont des Carnas- siers de petite ou de moyenne taille, à corps très allongé, à pattes basses, ayant chacune quatre ou cinq doigts. Ils por- tent presque tous au voisinage de l’anus des glandes qui sé- crètent une matière grasse et fétide. Leur pelage est épais et d'ordinaire les poils en sont fins. Distribution géographique. — Mœurs. — Régime. — On rencontre les Mustélidés sous toutes les latitudes ; dans la plaine, dans la montagne, dans les forêts, dans les rochers, dans les champs découverts, dans les jardins et jusque dans les habitations. Ceux-ci ont des habitudes terrestres, ceux-là des habitudes aquatiques. Beaucoup vivent dans les terriers qu'ils se creusent, ou dans ceux dont ils s'emparent ; les troncs d'arbres minés par la vieillesse, les excavations naturelles du sol leur servent de refuges. Certains subissent un engour- dissement hiémal ; la plupart restent vifs et alertes pendant toute l’année. Doués d’une ouïe fine, d’un odorat subtil, d’une vue perçante, intelligents, prudents, rusés, courageux, féroces même, ils parviennent souvent à échapper aux em- bûches qu’on leur dresse, et peuvent mener longtemps leur LES BLAIREAUX 24 vie de rapine et de brigandage avant d’être capturés. Beau- coup ne chassent que la nuit, ce qui augmente encore la difficulté que l’on a de s’en emparer. Les Blaireaux. — Le Blaireau est un carnassier plantigrade, _ épais, trapu, aux reins solides, campé d’aplomb sur quatre jambes courtes, terminées, chacune, par cinq doigts engagés dans la peau et armés d’ongles pointus plus longs aux pieds de devant qu'à ceux de derrière (fig. 1). Avec ses pieds de devant le Blaireau fait son terrier et fouille la terre, pour y chercher le ver blanc dont il se montre très friand; ses _ pieds de derrière lui servent de pelles pour rejeter les déblais hors de sa tanière, au moment où il la creuse, et pour la déblayer, une fois faite, lorsqu'elle a été envahie par les feuilles mortes ou par lesable entraîné par les eaux pluviales. Sa gueule porte trente-six dents, douze incisives, vingt molaires et quatre canines, qu’il emploie habilement pour scier ou couper les racines qui peuvent gêner ses travaux souterrains. Son pelage est composé de poils blancs vers la peau, blancs à la pointe et noirs au milieu, Sous le ventre, chose rare! il 28 LES ANIMAUX A FOURRURE est plus foncé que sur aucune partie du corps. Une bande longitudinale noire couvre l’œil et l'oreille de notre animal de chaque côté de la tête; et une autre tache oblongue de cou- leur blanche, touchant à la première, part de la moustache pour aller jusqu’à l'épaule. Les yeux sont petits, les oreilles courtes, arrondies et cachées sous le poil, le museau est de moyenne grandeur; la queue est assez courte, ne comptant que quinze vertèbres. Le Blaireau est long de 70 centimètres environ et sa hauteur au garrot est à peu près de 33 cen- timètres. Comme les autres Mustélidés, il porte sous la queue une pochette, à orifice transversal, qui distille une liqueur fétide, que l’animal ne paraît pas dédaigner. Mœurs. — On l’a dit bien souvent le Blaireau est le type de l’égoïste. Naturellement insociable, il évite tout contact avec ses voisins, quand il en a, et mène une existence soli- taire, qu’il consacre à se repaiître ou à dormir. L’amour du bien-être est si développé chez le mâle que ce personnage atrabilaire, pour s’éviter les tracas de la vie commune, quitte le terrier où sa femelle à mis bas, pour faire bande à part, en un trou particulier. Il ne quitte sa retraite que pour faire bombance ou pour s'étendre paresseusement au soleil. La nonchalance et la paresse du Blaireau sont telles, qu'il reste. parfois, plusieurs jours, sans sortir de sa tanière, surtout lorsque la neige tombe. Le terrier du Blaireau est spacieux et bien aménagé, d’ail- leurs d’une propreté irréprochable. L'animal y accède par un long couloir, oblique, coudé, tortueux, facile à défendre. Au bout de ce couloir se trouve unegrande pièce, que l’on appelle le donjon, aérée par plusieurs avenues souterraines de 7 à 10 mètres de long, qui débouchent sur le flanc de la colline, du côté le plus exposé au soleil, Un peu plus loin une excavation exiguë et sombre, que l’on nomme l’aceul, sert aux habitants du logis à pousser les restes de leurs repas et aussi leurs ordures. | A LES BLAIREAUX cÙ AU commencement de mars, ou fin février, la Blairelle, qui porte soixante jours, met au monde trois ou quatre petits, dans le donjon, capitonné, pour la circonstance, d’une épaisse couche de mousse, de fougères sèches et de paille que la mère y a amassées, au prix de longues fatigues. Les petits allaités pendant un temps fortlong, ne quittent définitivement les parents que vers la fin de la première année, à la mi- novembre ou au commencement de décembre. Dès qu’ils sont âgés de trois ou quatre semaines, les Blaireautins peuvent se tenir sur leurs jambes; ils en profitent pour sortir à la gueule du terrier, les jours où le soleil y donne. Après le sevrage, on les voit plus souvent au dehors, mais ils ne s’éloignent quelque peu de leur manoir que lorsqu'ils sont tout à fait forts. Tant qu'ils n’ont pas atteint l’âge adulte, la couleur de leur fourrure reste différente de celle de leurs parents, elle tire sur le fauve isabelle, et forme une teinte jaune sur le gris du pelage. Régime. — La nourriture des Blaireaux consiste, en baics, fruits et racines ; en larves de hannetons, en vers de terre, en sauterelles, en lézards, en serpents; en Mulots capturés dans leurs trous, en Lapereaux arrachés aux ra- bouillères. Les Taupes, les Grenouilles, les Écrevisses, les Crapauds, les Limaçons, ainsi que le couvain des nids des Guêpes qui établissent leur demeure en terre, forment l'ap- point de cet ordinaire très varié. Le Blaireau s’accommode de tout, on peut dire, et si l'approche de quelque danger, ou l'abondance de la neige l’ont forcé à rester, pendant quelques jours, bloqué dans son trou, il fait bombance aussitôt délivré et s'empiffre avec une extraordinaire rapidité. 11 a d’ailleurs l'estomac si complaisant qu’il peut emmagasiner une quantité d'aliments énorme, eu égard à sa grosseur. Aussi, STE d ordinaire, gras à lard. Captivité. — Le Blaireau, pris de jeunesse s’apprivoise facilement ; ; 11 devient familier, parfois même encombrant. Au e 30 LES ANIMAUX A FOURRURE | coin de l’âtre il n’y a place que pour cet être frileux, qui sait fort bien écarter le chien et le chat de la maison, et qui s’ap- proche si près du feu qu'il se fait aux pieds de profondes brûlures, fort difficiles à guérir. A cause de son sans-gêne, de la mauyaise odeur qu'il répand autour de lui, en raison aussi de la gale qui l atteint fréquemment et de la vermine qui le dévore, on tient habi- tuellement le Blaireau loin de l'habitation, dans un toit bien garni de paille, et dont on blanchit de temps en temps les murailles à la chaux, : | re On dit qu’on peut dresser le Blaireau à chasser le Lapin et même le Renard. Nous n’en avons jamais vu d’ainsi dressés. Chasse. — Bien qu’en Italie et en Allemagne on se régale de la chair du Blaireau, on ne chasse pas, en France, cet _ animal pour le manger; il est classé par les chasseurs pour la catégorie des bêtes puantes, et nous ne sommes pas dans blâmer les chasseurs. D'un autre côté, la peau du Blaireau est loin d’avoir la valeur de la fourrure de la plupart des autres Mustélidés, c’est donc surtout par plaisir qu’on le poursuit, et pour ainsi dire, +: point d'honneur, car il est difficile à capturer. On le guette à l’affût, on lui tend des collets, des pièges en fer ; on cherche à le tenter par des gobbes empoisonnées, on l’enfume ; on le déterre; on le chasse, enfin, aux chiens courants. Tous les moyens sont bons pour en venir à bout, mais bien peu sont réellement efficaces. L’affût se pratique de nuit ou de jour. De nuit, la tâche est laborieuse et pénible; le chasseur se poste à l’enfourchure des grosses branches d'un arbre voisin des terriers, et attend, le doigt sur la détente, qu’il plaise à la bête de sortir. Son attente est vaine, bien souvent. Le jour, la corvée est moins dure, surtout si l’on a soin de la faire après que la Blairelle à mis bas, et à l’époque où les petits commencent à venir se chauffer au soleil, vers midi. LES BLAIREAUX 31 Quant à l'emploi du collet, il a parfois du bon, quoiqu'il arrive à la bête maligne de se pelotonner et de se lancer au travers comme une boule, en culbutant, sans s'y prendre. Le Blaireau donne rarement dans le piège en fer, fût- ce piège bien amorcé; en revanche, il se laisse prendre aux gobbes empoisonnées, pour la confection desquelles ‘il est prudent d'employer une taupe fraichement tuée, cette bête inspirant aux animaux domestiques, Chieus et Chats, un tel dégoût, qu'ils ne la ramassent jamais. L’enfumage, au terrier, est un des procédés préconisés ; il ne peut guère réussir que si les gaz délétères se dégagent assez vivement, pour provoquer l’asphyxie presque immédiate; car, si l’effet n’est pas, en quelque sorte, foudroyant, le Blaireau ne manque pas de s’isoler, en provoquant une éboulis de terre, qui le met hors d'atteinte des émanations et de la fumée. D'autres fois, on force le Blaireau jusque dans ses derniers retranchements, à la pelle et à la pioche; et c'est tout un travail qui nécessite l'emploi d’une équipe nombreuse, d'outils variés, de chiens terriers bien dressés et très mor- dants, de bèches pour fouir, de haches pour couper les racines, de tenailles pour saisir la bête acculée, et de lan- ternes à réflecteur pour éclairer la cérémonie, car elle est parfois si longue, qu’il y a lieu à séance de nuit. Quand le Blaireau est tenaillé, ou pris par le cou entre les dents d’une fourche, on le tue d'un coup vigoureux, asséné sur le mu- seau, son seul point véritablement vulnérable. Enfin, on chasse le Blaireau aux chiens courants, après qu’on a pris le soin de boucher les terriers, et d'y placer des tireurs. Il est prudent pour ceux-ci de charger leurs armes de gros plomb, car la bête a la vie dure, et il importe de la tuer du coup. Blessée, elle se met sur le dos, attend les chiens qui la poussent et les déchire de ses grifïes et de ses dents, jusqu’à ce que ses forces soient épuisées. Usages. — De la peau du Blaireau, on fait des manchons, 39 LES ANIMAUX A FOURRURE des colliers pour les chevaux et pour les chiens, on en re- couvre les malles; des poils, on fabrique les pinceaux à barbe et les pinceaux à couleur. Quant à la graisse, elle passait autrefois pour un merveilleux spécifique, pour les: entorses et les douleurs rhumatismales. Encore maintenant la crédulité publique lui attribue bien des vertus curatives qu’elle ne possède pas ; elle ne fait ni bien ni mal, en vérité, et vaut ni plus ni moins que l’axonge ordinaire. Le CarcaJou. — Le Blaireau d'Amérique, Blaireau du Labrador ou Carcajou, qui n’est qu'une variété du Blaireau d'Europe, fournit une fourrure assez douce. La Compagnie de la baie d'Hudson tire du Labrador une assez grande quan- tité de peaux de cet animal, qui Sont un assez bon article d'exportation ; on en fait un peu partout des tapis et des manchons, et, en Pologne, des bonnets. - Les Mouffettes. — Distribution géographique. — Mœurs.— De tous les animaux de la création, la Moujjette (fig. 2) est Le plus horriblement puant qui se puisse imaginer- Comme la plupart des autres Mustélidés, il porte sous la queue des poches remplies d'un liquide empesté, qu'il répand à tout propos, surtout lorsqu'il est irrité. Les Mouffettes sont propres aux deux Amériques, et celles qui habitent l’'Amé- rique du Sud ne le cèdent en rien, pour la puanteur, à celles qui sont cantonnées dans l'Amérique du Nord. Tous les natu- ralistes et tous les voyageurs tombent d'accord sur ce point. Voici ce qu’en dit Kalm, voyageur suédois, qui, le pre- mier, a donné une description complète de la Mouffette. Cet animal, dit-il, est bien connu par ses propriétés. Chassé par l’homme ou par le chien, il s'enfuit à toutes jambes ou grimpe sur un arbre; s’il ne trouve aucun lieu de refuge, ila encore un moyen d'échapper à ses ennemis ; il les arrose de son urine et cela d’assez loin. Des personnes m'ont raconté en avoir été atteintes à 6 mètres de distance. Ce liquide a une odeur épouvantable, Si quelqu'un est près de l’animal à LES MOUFFETTES 33 Lt ce moment, il peut à peine respirer et craint d'étouffer. Si l’on recoit cette liqueur empestée dans les yeux, on est en = RRÈRZ= Xe F1ic. 2. — La Mouffette de l'Amérique du Sud. danger de perdre la vue, et l’on ne peut plus enlever l'odeur des vêtements qui en ont été imprégnés. 34 LES ANIMAUX A FOURRURE Beaucoup de Chiens se refusent à chasser la Mouffetie; mais ceux de bonne race n’abandonnent pas sa poursuite qu'ils ne l’aient prise et égorgée; ils frottent ensuite leur museau contre terre pour se débarrasser de la puanteur qui leur a été communiquée. Les vêtements gardent cette odeur plus d’un mois; la plus grande partie s’en perd cependant quand on a le soin de les recouvrir de terre pendant vingt-quatre heures. Il faut aussi se frotter les mains et la figure avec de la terre durant au moins une heure, les lavages étant impuissants à faire dispa- raître l’odeur. Lorsqu'un homme a été ainsi arrosé et qu’il veut entrer dans une maison pour se laver, on lui ferme la porte et on s'éloigne de lui. Lorsqu'on voyage dans la forêt, on doit parfois se boucher le nez pendant longtemps si l’ani- mal a répandu, près du lieu où l’on passe, son liquide em-— pesté. Je couchais un jour dans une ferme, où un agneau était étendu mort dans la cour ; une Mouffette s’en approcha, et le chien la chassa; tout à coup il se répandit une telle puanteur, que je croyais étouffer, les vaches elles-mêmes toussaient à pleine gorge. La cuisinière remarqua que, plu- sieurs jours de suite, la viande avait été mangée dans la cave; elle en ferma toutes les issues pour empêcher les chats d'y arriver ; la nuit suivante, elle entendit du bruit et des- cendit aussitôt; les yeux de l’animal ravisseur, brillant dans les ténèbres comme ceux du chat, le décelèrent pour le malheur de l’un et de l’autre, car la femme tua l’animal ma- raudeur ; mais cette mort fut vengée, les funestes glandes avaient été frappées, la liqueur se répandit ; la femme suffo- quée ne put fuir assez promptement et contracta une maladie qui dura plusieurs jours. Des provisions de toute espèce, qui étaient renfermées dans la cave, durent être jetées !, 1 Kalm. En resa til norra America, Stockholm 1753-1756. — B ehm, Les Mammifères, Paris, J. B. Baillière, t, I, p. 588. ÿ LES MOUFFETTES 39 Le naturaliste Audubon apprit de bonne heure, à ses dépens, ce qu’il en coûte de regarder de trop près une Mouf- fette. « Cette petite bête, dit-il, si gracieuse, siinnocente, en apparence, est capable de mettre en fuite le fanfaron le plus glorieux. Étant enfant, j'ai passé par là. Un soir le soleil avait disparu ; je marchais lentement avec quelques cama- rades; nous voyons un petit animal inconnu, charmant, gra- cieux, qui s’en allait tranquillement et qui ensuite s’arréta, nous regarda en ayant l’air de nous attendre, comme un vieil ami, pour continuer sa route avec nous. Elle parais- sait tout innocente, levant en l’air sa queue touffue, comme si elle voulait être saisie et portée dans nos bras. J'étais ravi, je veux la prendre, et, crac! elle me lance son liquide infernal dans le nez, dans la bouche, dans les yeux. Comme frappé de la foudre, je laissai retomber le monstre et m’en- fuis dans une anxiété mortelle. » Le nombre est considérable de gens qui se sont vus ex- pulsés de chez leur meilleur ami, parce qu’ils avaient reçu sur leurs habits une goutte de cette liqueur putride; encore plus grand le nombre de ceux qui ont dû passer des heures et des heures à s’enfumer comme des jambons, sans pouvoir parvenir à faire disparaître cette pénétrante odeur. On cite la plaisanterie de mauvais goût que fit une Mouffette cachée dans une haie à une malheureuse famille passant en voiture, sans se défier de rien. Il faisait chaud, les glaces étaient baissées, les trépidations du sol effrayent la Mouftette qui braque son objectif au bon endroit et répand son liquide jus - qu'au milieu du véhicule: tout le monde y tomba, sur le coup, évanoui, NY Une seule goutte tombée sur les vêtements, dit d’Azara, oblige à les jeter, parce que, sans cela, la puanteur empes- terait la maison, et l'odeur ne se dissiperait pas quand même on savonnerait l’étoffe vingt fois. J'ai souvent été incommodé de cette odeur à plus d'une demi-lieue de distance, et l’on 36 LES ANIMAUX A FOURRURE peut assurer que, sile Faguari (nom donné par les A méri- cains à la Mouffette de l'Amérique du Sud) lâchait une de ses bouffées au centre de Paris, on s’en ressentirait dans toutes les maisons de cette grande ville. Régime. — Contraste singulier, cet animal nauséabond, cet être infecte, ce Chien du Diable, comme l’appelaient nos vieux colons français du Canada, est plus joli que laid, il est propre dans son intérieur et coquet dans son extérieur; jamais sa couche n’est souillée d’immondices et, sitôt qu’il a mangé, il fait sa toilette avec ses pattes pour se débarrasser des détritus de nourriture qui auraient pu adhérer à son museau, Il se tient de jour à l’abri du regard des hommes, dans les creux d'arbres et les crevasses de rochers; il vit de vers, d'insectes, de reptiles, d'oiseaux, de mammifères, de fruits et de racines; il est, en vérité, plutôt utile que nuisi- ble, et, si les hommes lui ont voué une haine implacable, c’est surtout à cause des mauvais tours, involontaires ou prémé- dités, qu’il leur joue à toute occasion. Domestication. — D'aucuns, parmi les humains, ont su vaincre leur répugnance pour la Mouffette et l’ont apprivoi- sée. Nous croyons que la plupart ont été mal récorapensés de cet acte méritoire, car ils sont toujours sous le coup de la menace de cet animal qui ne s'approche jamais de ses gar- diens qu’à reculons, la queue levée, prêt à faire feu. Caractères. — Les Mouffettes ont un corps allongé; des pattes petites, courtes, à plante demi-nue, cinq doigts aux pieds, et à ceux-ci des ongles puissants. Le museau est long et pointu. On distingue la Mouffette chinga et la Mouffette de l'Amérique du Sud. On trouve surtout la première aux environs de la baie d'Hudson, d’où elle se répand plus vers la mer du Nord; elle habite près des cours d’eau, les sites boisés et élevés. Longue de 40 centimètres environ, haute de 15 centimètres au garrot; elle est d’une couleur noire luisante, relevée de bandes blanches régnant dans la région LES GLOUTONS OÙ VOLVERENS 37 des yeux, du front, du cou, et allant se réunir à la queue, partant du garrot. La queue, épaisse et touffue, mesure 20 centimètres. Usages. — Les Indiens mangent la chair et utilisent la peau de la Mouffette. De sa pesante fourrure ils se font de chaudes couvertures. Les blancs utilisent de la Mouffette la partie la plus re- poussante, c’est-à-dire son liquide. Ils l’emploient, comme nos dames les parfums, pour se fortifier les nerfs. La crédu- lité est plus forte encore en Amérique qu'en Europe; on est persuadé là-bas que ce liquide puant, mis sous le nez, est un remède et surtout un spécifique contre la migraine. On com- prend quels désagréments cela peut produire en société. On raconte qu'un prêtre tira, pendant le sermon, son flacon à Mouffette, pour se donner du ton, mais il irrita à tel point les nerfs olfactifs de ses auditeurs que ceux-ci se précipitèrent aussitôt en tumulte hors de l’église. Les peaux de Mouffettes peuvent servir à faire des man- chons; on emploie les queues de ces animaux pour en con- fectionner de jolis tapis. A cet effet, les queues sont réunies en grand nombre et cousues sur des bandes de la peau coupée sous le ventre; cette partie de la peau est sans valeur. Les Gloutons ou Volverens. — Caractères. — Certains na- turalistes ont dit du Glouton qu’il était un Mustélidé; d’au- ires ont prétendu qu'il était un Ours; les uns et les autres avaient un peu raison, cet animal ayant la dentition des Mustélidés, le port et les mœurs d’un Ours. On est enfin tombé d'accord pour ranger le Glouton au nombre des Mustélidés de grande taille; il est le plus lourd de toute la famille. Corps ramassé, encolure épaisse, dos rond, museau allongé 1 Brehm, Les Mammifères, caractères, mœurs, chasses, usages et produits, t. I. LacroIx-DANLIARD, Poil et fourrures. 3 38 LES ANIMAUX A FOURRURES et obtus, oreilles courtes et arrondies, pattes robustes peu élevées; cinq doigts à chacune de ces pattes, ongles recour- bés, queue touffue de 12 centimètres de long, tels sont les caractères principaux du Glouton (fig. 3). Ajoutons que cet animal, au crâne large et bombé, au front proéminent, aux puissantes mâchoires, mesure près d'un mètre de long et de 40 à 50 centimètres en hauteur, au garrot. Il a les yeux petits, des sourcils composés de cinq poils raides, très forts; la lèvre supérieure ornée d’une moustache de longues soies, plantées sur quatre rangs. La couleur du pelage varie suivant la partie du corps ; d’un brun noir sur la tête et sur le dos, avec quelques poils gris, elle est d’un noir décidé sous le ventre et sur les pattes. Entre l'œil et l'oreille, paraît une tache gris clair, tandis qu'une bande de même nuance part de l'épaule pour aller se perdre le long des flancs. Au museau, le Glouton porte des poils courts et fins; ils sont plus forts et luisants sur les ie longs et laineux sur le tronc, très longs sur les flancs et à la queue. Quant au duvet, il est gris, lavé de brun sous le ventre. Les peaux de Gloutons sont employées en Pologne comme fourrures d'hommes, en Amérique et en France comme cou- vertures. Distribution géographique. — On trouve le Glouton dans la partie boréale des deux mondes, dans la Scandinavie, en Russie, en Sibérie, au Kamschatka, dans le territoire d'Alaska et jusqu'au Groënland. En Norvège, il devient rare; en 1860, on n’en a tué que 62. En 1868, la Compagnie de la baie d'Hudson faisait vendre, sur le marché de Londres, 1104 peaux de cet animal, tandis que, vers la même époque et sur le même marché, la Compagnie des fourreurs cana- diens avait écoulé, dans l'espace de vingt-cinq années, 23.110 de ces peaux. | La fourrure du Glouton est chaude et légère, aussi fine 39 LES GLOUTONS OU VOLVERENS et aussi éclatante que celle de la Marte. Les Kamschadals la “enbrj218 uojno[) 2T — & “DIU se de toutes les fourrures. 1 se vend de 10 à 20 francs. » écieu plus pr considèrent comme la anima ’ La peau de] 40 LES ANIMAUX A FOURRURES Mœurs, habitudes, régime. — L’imagination des natu- ralistes et des voyageurs a inventé plus d’une fable au sujet du Glouton arctique. Ici, on le représente comme un insatia- ble mangeur, capable de dévorer, sans en laisser rien perdre, un animal plus gros que lui. Puis, on nous le montre, quand sa peau est distendue par ce trop copieux festin, passant entre deux arbres très rapprochés afin de faciliter la diges- tion et pour qu'une fois dégonflé il puisse se mieux empiffrer de nouveau. D'aucuns vantent la force prodigieuse du Glouton qui n'hésite pas, en cas de besoin, à fendre en deux un arbre assez gros pour se presser le ventre, si le cœur lui en dit. Certains, enfin, nous content qu'on ne saurait revêtir la fourrure si estimée de ce plantigrade sans se sentir aussi- tôt tourmenté du désir immodéré de boire et de manger, à l'instar du Glouton lui-même dont on porte la dépouille. Des observations plus sérieuses ont aujourd’hui fait justice de toutes ces légendes. On sait maintenant que le Glouton n’est, en réalité, pas plus glouton que les autres Mustélidés ; il mange à sa faim et a robuste appétit; mais, si la proie dont il s’est emparé est plus grosse qu’il ne convient, il en prend ce qu'il lui faut pour se satisfaire et abandonne le reste. Le Glouton se tient de préférence dans les régions mon- tagneuses et il se cantonne dans les lieux les plus déserts. D'ailleurs, il n’a pas de demeure fixe et se retire indifférem- ment dans l'épaisseur des forêts, dans les ravins, dans les cavernes, dans les terriers abandonnés, souvent il se creuse un trou dans la neige, s’y pelotonne et s’y endort. Il ne sort guère que la nuit, comme les autres Mustélidés. Sa patience et sa persévérance lui permettent de capturer des animaux que sa lourdeur et sa maladresse lui feraient inévitablement man- quer. Campé sur un arbre peu élevé, il s’y couche sur une branche latérale et attend que le gibier vienne à sa portée. Sitôt que l’animal convoité passe à proximité, le Glouton s’élance d’un bond, enfonce ses ongles puissants dans la nuque LES GLOUTONS OÙ VOLVERENS 41 de sa victime, lui coupe les carotides et attend qu’elle expire, Ainsi, il s'empare non seulement de petits Mammifères, comme les Lemmings dont 1l se montre très friand, mais de gros animaux, comme les Rennes, les Elans, sur le dos des- quels il se cramponne et qu'il finit par égorger. Le Glouton est la bête noire des trappeurs de la Sibérie et du nord de l’Amérique ; il détend leurs pièges avec une rare adresse, et mange les amorces, sans se laisser prendre. De plus, il cause aux chasseurs eux-mêmes de graves incommo- dités et les expose quelquefois à périr de faim. Les cantons fréquentés par les animaux à fourrures n’of- frant point, durant l'hiver, de ressource assurée pour la nour- riture de l’homme, chaque chasseur est obligé de se pourvoir en partant, d’une quantité de vivres suffisante pour toute l'expédition ; mais, afin de ne pas porter, sans nécessité, un fardeau assez lourd, il dépose, chemin faisant, dans les lieux qui lui semblent les plus favorables, quelques parties de ses provisions, afin de les retrouver au retour. Chaque cache est faite avec assez de soin et d’habileté pour échapper presque à coup sûr à la vue des hommes, mais non à l’odorat du glou - ton, si le hasard conduit celui-ci dans le voisinage. En vain, la pièce de venaison a-t-elle été enfouie à plusieurs pieds sous la neige, notre fureteur l’a sentie; en vain avait-on eu le soin de la recouvrir de lourdes pierres, cet obstacle devant lequel échouerait toute l’'habileté du Renard, cède à la force du Glouton et à sa perséverance !. Les huttes des Lapons sont souvent visitées par cet hôte incommode, qui perce la toiture, vole la viande, le fromage les poissons séchés, déchire, mange ou gâte tout ce qu’il trouve. Pour cette raison, et aussi, parce que sa fourrure, très chaude et très légère, ne le cède guère en finesse et en éclat 1 Brehm, Les Mammifères, caractères, mœurs, chasses, etc, t. I, 42 LES ANIMAUX A FOURRURES à celle des plus belles Martes, on a voué au Glouton une haine à mort, et on le poursuit avec acharnement. Chasse. — Tantôt on le recherche dans les troncs d'arbres creux ou dans les crevasses de rochers où la femelle met bas, en mai, ses trois ou quatre petits ; tantôt on la chasse à tir ; c'est ainsi que l'on procède en Norvège et en Laponie, D’autres fois, on lance des chiens à sa poursuite; il se défend vaillamment et fait aux assaillants de cruelles morsures. Accidentellement, il tombe dans les pièges ; mais il excelle, comme nous l’avons vu, à en manger l’appât, sans y tomber. Les Esquimaux, pour s'emparer de cet animal rusé, se cou- chent à plat ventre près de sa tanière et attendent qu’il con- sente à sortir. Sitôt qu’il en est dehors, ils lancent leurs chiens à sa poursuite. Cependant, l’on bouche rapidement l’ouverture du terrier pour prévenir le retour de cette bête qui ne tarde pas à tenir tête aux chiens qui l’attaquent. C’est le moment que choisit le chasseur pour lui passer un lacet autour du cou et pour l’étrangler. Les Martes. — Caractères généraux.— Le groupe des Martes renferme les animaux les plus accomplis de la famille des Mustélidés. Dents solides, vue perçante, ouie fine, odorat subtil, griffes acérées, corps fuyant, fluet et flexible, rien ne leur manque pour qu’ils puissent se livrer avec succès au bri- gandage et à la rapine. Aussi n’y manquent-ils pas. Ils ont d’ailleurs de l'intelligence, sont rusés, prudents et courageux ; il n’est pas jusqu’à l’odeur fétide contenue dans leurs glandes anales qui ne leur vienne en aide, à l’occasion, pour échapper à leurs ennemis. Distribution géographique. — On les trouve en Europe, en Âsie, en Amérique ; et on les y rencontre en tous lieux ; en Amérique toutefois, ces Mustéliens sont cantonnés dans les régions boréales. Les rochers, les forêts, les jardins, les granges leur servent de refuges, comme nous le verrons, en suivant de plus près les différentes espèces. LES MARTES 43 La MARTE COMMUNE, — Caractères et distribution géographique. — La Marte commune ou Marte des sapin$ (fig. 4.) est un petit carnassier de 50 centimètres de long et de 25 centimètres de haut, dont la queue mesure de 30 à 33 centimètres. Suivant les pays qu’il habite et selon le climat, il diffère par la couleur du pelage, la longeur, l'épaisseur et la qualité de la fourrure. Fic. 4 — La Marte commune. En hiver, il est plus foncé qu’en été. En tout temps, d’ail- leurs, la Marte d'Allemagne est plus jaune que celle du Fyrol, et celle de Suède porte une fourrure plus grise et du double plus longue que celle d'Allemagne. Au reste, la femelle se dis- tingue du mâle par un pelage moins foncé et par des taches moins accusées, et les jeunes ont une coloration plus claire dans la région de la gorge. Quant aux mâles adultes, ils sont d’un brun foncé sur le dessus du corps, d'un brun clair sur 44 LES ANIMAUX A FOURRURES le front et les joues, de couleur fauve au museau, de couleur jaunâtre aux flancs et au ventre, d’un beau jaune sous la gorge, avec du noir aux pattes et du fauve à la queue. Le duvet court et fin est recouvert de poils soyeux, longs et ri- gides. La lèvre supérieure est ornée d'une moustache com- posée de quatre rangées de soies. On remarque aussi quel- ques poils raides au-dessous de l’œil, au menton et à la gorge. | La Marte est répandue dans la plupart des forêts de l’Eu- rope. On la rencontre en Hongrie, en Italie, en Allemagne, en France, en Angleterre, en Scandinavie et en Russie. Elle habite aussi une partie de l’Asie. Habitat et mœurs. — Elle ne quitte les forêts désertes, pour s’approcher des habitations humaines, que lorsque la faim l’y pousse. Alors, elle visite les poulaillers et les pigeon- niers dans lesquels elle jette l’épouvante et la mort. Dans les bois qu’elle fréquente, elle loge dans les creux d'arbre; par- fois, elle s'empare de quelque nidabandonné où elle élit domi- cile. Les nids de ramiers et de buses, la demeure de l’Écu- reuil sont des refuges qu’elle se choisit assez souvent. Elle grimpe sur les arbres avec une agilité merveilleuse, et on l'y voit poursuivre, de branche en branche, jusqu’à l'extrémité la plus flexible des rameaux les plus ténus, la proie qui cher- che à s'échapper. Ses bonds sont hardis, et elle manque rare- ment son coup. À terre, aucun Mammifère n’est à l’abri de ses ongles pointus et de ses dents meurtrières ; elle s’attaque avec une égale férocité à la Souris, au Lièvre, au jeune Che- vreuil même ; et elle triomphe, en quelques instants, des plus vigoureux et des plus lestes. Comme elle chasse surtout le soir, un peu avant le coucher du soleil, elle surprend les oiseaux à leur place de repos : dans les haies, sur les buissons sur les arbres les plus élevés, à terre, dans les sillons, elle égorge tous les volatiles qu’elle rencontre. Le jour, elle dort, alourdie par le sang qu’elle a sucé la nuit. On dit que les LES MARTES 45 Rats d’eau et les oiseaux aquatiques ne sont pas à l’abri de ses coups ; elle les poursuit et les atteint jusqu’au milieu de l’eau. Entre temps, elle dévaste les ruchers, et gâte ou dévore les fruits des jardins. Chasse. — Ses méfaits la font poursuivre par l’homme avec acharnement. À la fin de janvier commence la période des amours pour ces redoutables carnassiers. Alors, on les voit, par les beaux clairs de lune, courir, se lutiner sur les branches des arbres. À cette époque les mâles se livrent entre eux de terribles combats, sous les yeux de la femelle qui attend la fin de la lutte pour se donner au vainqueur. C’est le moment favorable de lâcher un coup de fusil sur le couple amoureux. A la fin de mars, le chasseur peut s'occuper de rechercher les petits. La Marte met bas, ordinairement, dans le creux d’un tronc d’arbre; parfois dans quelque nid d’Écureuil ou d'épervier. Et comme la mère est pleine de sollicitude pour sa progéniture qu'elle surveille avec un soin jaloux, l’on a chance de s'emparer, à la fois, de la portée et des parents. On capture la Marte avec des pièges de toutes sortes, appâtés avec un morceau de Lapin, une Souris, un pigeon, ou une autre amorce. Ici c'est la trappe qu’on emploie, là l’écraseur, en d’autres lieux une espèce de souricière, com- posée d'une caisse ouverte d’un côté, et munie d’une bascule, qui au moindre choc, fait tomber une porte mobile, La bête se trouve ainsi emprisonnée. D'autres fois, on chasse la Marte au fusil, et le chasseur se fait seconder par un chien bien mordant et courageux, car la bête se retourne souvent, lorsqu'elle se sent poussée de trop près, et son attitude ferait reculer le chien qui ne serait pas des plus décidés. « Lorsque le chien la fait lever, dit Tschudi, elle gagne tout de suite le fourré par grands bonds et grimpe sur un sapin élevé. Souvent, elle se tapit sur une branche ou 3. 46 LES ANIMAUX À FOURRURES regagne son nid, d’où elle regarde tranquillement le chas- seur de ses grands yeux brillants, de sorte que, s’il l’a man- quée du premier coup, il a le temps de recharger son arme et de l’abattre du second, car elle ne bouge pas de place et reste à regarder le chasseur. N’a-t-on pas son fusil, on peut rentrer le chercher, si l’on a soin de suspendre, devant ses yeux, un habit ou un mouchoir; ces objets attirent son at- tention à un tel point, qu'elle ne pense pas à s'enfuir. Un homme digne de foi m’a assuré que plusieurs jeunes gens et lui abattirent à coups de pierres une Marte qui s’était réfugiée au haut d’un arbre; l’animal regardait les pierres passer près de lui, sans bouger, jusqu’à ce qu’enfin, l’un des pro- jectiles l’ayant atteint à la tête, il tomba étourdi.» La fourrure de la Marte est la plus estimée de toutes nos pelleteries indigènes. Elle est employée pour faire des man- chons très chauds ; avec les queues on fabrique des boas, des bordures de vêtements, de robes surtout, et des pelisses. Le prix de la peau varie de 18 à 35 francs. En Russie, la Marte est beaucoup employée comme doublures. La MARTE pu CANADA OÙ PEKAN. — En Amérique, le genre Marte est représenté par le Pékan ou Marte du Canada. C'est un Mustélien d'assez grande taille puisque son corps à 66 centimètres de long et sa queue 44. Par son aspect général, il ressemble plus au Renard qu'au Putois. Très commun autrefois dans l'Etat de New-York et en Pen- sylviane ; il est aujoujourd’hui devenu rare dans toute la ré- gion située à l’est du Mississipi ; mais il s’étend vers l’ouest et le nord-ouest au delà des montagnes Rocheuses, et on le rencontre jusque sur les bords du lac des Esclaves et dans l'Alaska. La Marte du Canada a les mêmes mœurs que les autres Martes. Elle habite des terriers qu’elle se creuse non loin des cours d’eau. On en a conclu, à tort, qu'elle était un animal pêcheur, car en réalité elle n’a pas d’habitudes aqua- tiques. Sa fourrure est ordinairement d’un brun foncé, elle LES MARTES 47 est très répandue dans le commerce, et très employée comme garniture de collet pour les manteaux. En Russie où cette fourrure est très estimée, on emploie la queue de l’animal comme garniture pour orner les bonnets des juifs pieux, les jours de fêtes. La MARTE FOUINE. — La Fouine, du même genre que la Marte, est plus petite, a les pattes et les poils plus courts. Elle mesure 50 centimètres de long ; la queue en a 25. Quoique moins belle que celle de la Marte, la fourrure de la Fouine ne manque pas de valeur, à la condition que l’animal ait été tué à la fin de l’automne ou au commencement de l'hiver, lorsque la mue est achevée. Cependant la dépouille de la Fouine ne présente jamais cette belle uniformité qui fait le prix des fourrures de choix; le duvet jaunâtre qui se trouve à la base des poils longs, soyeux et noirâtres, constituant la jarre, n’est qu'imparfaitement caché sous ces derniers. D’ail- leurs, la dépouille de la Fouine se détériore plus vite que la fourrure de Marte. La peau se vend de 10 à 20 francs. Quatre ou six peaux sont nécessaires pour faire un seul manchon. Bien que les peaux de Fouines de France soient aussi estimées par nos pelletiers que celles des Fouines de Russie ; ous importons annuellement encore 4000 de ces dernières. _ On emploie la plupart des peaux de Fouines comme dou- Llures et comme garnitures en Amérique, en Angleterre et en France. Distribution géographique et habitat. — Partout où se trouve la Marte, la Fouine se rencontre ; elle habite done presque toutes les parties de l’Europe et du nord-ouest de l'Asie. Mais, tandis que la Marte vit loin des habitations humaines, la Fouine s’en rapproche volontiers ; c’est même dans les villes et dans les villages qu’elle s'établit de pré- férence. Les écuries, les granges, les masures, les carrières, les tas de pierres ou de fagots servent de refuge à ce car- nassier dont le voisinage est d'autant plus redoutable qu’il a A8 LES ANIMAUX A FOURRRUES l'instinct de pillage plus développé, s’il est possible, que les autres Mustéliens. Mœurs et régime.— Il n’est pire ennemi des basses-cours et des poulaillers. La Fouine y égorge tout. Saigner quinze ou vingt volailles, et leur couper la tête, est, pour cet animal sanguinaire, l’affaire d’un instant. Rusé, agile, cou- rageux et adroit, il grimpe après les murs, après les arbres, court sur les toits, sur les poutres, se glisse par les trous les plus étroits, pliant son corps souple et fluet à toutes les circonstances. Poursuivi, il n’hésite pas à s’échapper par bonds prodigieux, se laissant tomber du rebord d'un toit, jusque sur le sol, et reprenant sa course rapide, sitôt par . terre, comme si de rien n’était. Poulets, canards, dindons sont, dans nos fermes, ses victimes accoutumées, Mais les Lapins, les Souris, les Rats, les oiseaux de toute espèce, les Écureuils et les reptiles ne sont point épargnés. La Fouine vide les œufs avec une ad- mirable adresse ; et, comme il faut que rien de ce qui nous est. utile ne lui échappe, elle se montre friande de fruits, de cerises, de prunes, de poires, de groseilles, de sorbes, de chènevis, et même de miel. Les Fouines sont en amours vers la fin de février. A celte époque ont lieu, sur les toits, les combats singuliers des pré- tendants, qui miaulent, grognent et font tapage. La mise-bas se fait en avril-mai: la portée est de trois à cinq petits. Chasse. — La chasse de la Fouine aux chiens courants et au fusil est un agréable et utile passe-temps ; elle suppose, bien entendu, un équipage proportionné, comme taille, à la bête que l’on chasse; aussi n’y emploie-t-on que des roquets, qui deviennent, après une campagne ou deux, malins comme des Singes et agiles comme des Chats. Ils grimpent aux échelles, courent sur les toits, sautent d’une poutre à une autre avec une désinvolture merveilleuse. Il ne faut pas oublier que cette chasse en miniature se passe dans des gre- LES MARTES 49 niers, au milieu des gerbes, des bottes de paille et de foin, et que le feu est à craindre, aussi faut-il prendre toutes ses précautions, agir avec une prudence extrême, ne tirer qu’à coup sûr, et faire bien attention que les bourres enflammées n'occasionnent pas quelque sinistre. D’un autre côté, il ne faut point perdre de vue que le chasseur qui conduit et guide les chiens, qui lui aident à relever les défauts de la bête astucieuse, se tient presque toujours en dedans du fenil ou de la grange. Aussi quand la bête de chasse fait une randonnée sur letoit, ne doit-on lâcher le coup de fusil qu'avec la plus grande circonspection ; il peut arriver, en effet, que le plomb perce la toiture et aille blesser le piqueur ou quelque chien de la meute. La chasse de la Fouine telle que nous venons de la décrire n’est pas celle qui se pratique communément, soit que la plu- part des chasseurs fassent fi de pareil gibier, soit qu’ils crai- gnent leurs peines, soit enfin qu’ils redoutent les accidents. La plupart du temps, on a recours aux pièges. On en fabrique de toutes les espèces. Les traquenards souricières à un ou à dzux battants sont les plus employés et les plus sûrs; on les appâte avec du poulet ou avec un fruit cuit et sucré. Captivité. — Fa Fouine s’apprivoise facilement, quand elle a été prise jeune ; elle s’accomode de tous les régimes. Mais, en fait, on ne cherche guère, dans la pratique, à s’as- socier comme compagnon cet animal qui est le fléau de nos campagnes. | LA MARTE ZIBELINE. — Très voisine de notre Marte d'Europe, la Marte zibeline (fig. 5) en a à peu près la taille. Son corps cependant, un peu plus allongé, mesure environ 45 centimètres, tandis que la queue ne dépasse pas 22 cen- timètres en longueur. La fourrure de la Zibeline, molle et brillante, est d'autant pius estimée qu’elle porte une coloration plus uniforme. Sous ce rapport les fourrures de l’Iéniséi occupent le premier 50 LE POIL DES ANIMAUX rang. Elles se distinguent des autres, ordinairement plus foncées ou plus jaunes, par la couleur noirâtre qui tient tout le dos, par le brun roux châtain du cou et des flancs, par le gris des joues, par le noir mêlé de gris du museau, par la bordure gris blanchâtre ou brun clair des oreilles, par le roux de la gorge, et surtout par l'harmonie avec laquelle ces différents tons sont fondus sur tout le pelage. La peau se vend de 50 à 300 francs la pièce. Les Zibelines sibériennes sont utilisées en Chine pour une sorte de vêtement, en Russie comme doublure fourrée, pour cols et bonnets, à New-York, à Philadelphie, à Paris, à Vienne et en d’autres capitales de l’Europe, comme garnitures et fourrures de dames. Quant aux Zibelines américaines elles sont très employées, par tous pays, même en Russie, à cause de leurs prix modérés. L’An- gleterre seule en consomme la majeure partie. Les queues de Zibeline sont d’une grande valeur; on en fabrique les garnitures des fourrures des dames et les bonnets des juifs. Distribution géographique. — La Zibeline appartient au nord de l’Asie; elle est surtout très abondante dans la région située à l’est de la Léna et comprenant le Kamtchatka. Dans l’Asie centrale, elle descend beaucoup plus loin qu'on ne le supposait jadis. « Au Kamtchatka, dit Steller, il y avait tant de Zibelines, lors de la conquête de ce pays, que les Kamtchadales livraient très facilement des fourrures de Zibelines pour payer l'impôt; ils se moquaient des cosaques qui leur donnaient un couteau pour une de ces fourrures. Des quantités énormes en furent exportées à ce moment, et un négociant pouvait, en les troquant contre des denrées alimentaires, gagner plus de 5000 pour 100. Un fonctionnaire qui avait été au Kamtchatka revint à Iakoust avec une for- tune de 30.000 roubles (150.000 francs). Il n’en pourrait plus être ainsi aujourd’hui que les Zibelines ont été, peu à peu, repoussées jusque dans les forêts montagneuses du nord= ouest et du nord de l'Asie. 91 les autres LES MARTES égime. —— Sanguinaire comme Mustélidés, la Zibeline est, comme eux, pleine de ruse, de » - Mœurs et r courage et d'adresse. Elle vit dans des trous dont elle sort ‘oulpeqiz 9JICIN 1,1 La Aer io) at le mals r» vers le soir pour chercher sa nourriture. Elle dévore indiffé- remment les Ecureuils, les Martes et les Hermines ; Lièvre est, de tous les Mammifères, celui qu’elle préfère. Friande d’oiseaux, elle se montre aussi très curieuse de 52 LES ANIMAUX A FOURRURES toutes sortes de fruits et de baies, quand l’époque de leur maturité est arrivée. Les Zibelines entrent en amour en janvier et c’est vers la fin de mars que la femelle met bas de trois à cinq petits. Au printemps, la mue a lieu, et pendant l'été le poil de la Zibeline est court; il ne devient très fourni qu’au mois d'oc- tobre et c’est en novembre que ses qualités sont les meilleu- res. C’est done d’octobre à décembre qu'ont lieu les chasses à la Zibeline. Chasse. — Autrefois, les Tartares Solons, robustes et hardis chasseurs, habiles à manier l’arc et le javelot, par - taient dès octobre pour la chasse des Martes zibelines. Ils étaient vêtus d’une robe courte et étroite, faite de peau de Loup; ils se couvraient la tête d’une calotte de la même peau et portaient l'arc sur le dos. Ils conduisaient avec eux quel- ques chevaux chargés de sacs de millet et de leurs longs manteaux de peaux de Renard, dont ils s'enveloppaient pour se défendre du froid, surtout pendant la nuit. Leurs chiens, dressés à cette chasse, savaient grimper sur les roches les plus escarpées et connaissaient toutes les ruses des Martes. Ni les froids rigoureux d’un hiver qui congèle les plus grandes rivières, ni la rencontre d'animaux féroces qu'il faut combattre, ni la mort de leurs compagnons, n’empêchaient ces aventuriers de retourner chaque année à cette chasse périlleuse. Aujourd'hui, la chasse des Martes zibelines n’est pas moins active qu'autrefois et les dangers auxquels elle expose sont à peu près les mêmes. Les tourmentes de neige sont à redouter dans ces contrées inhabitées où l’homme ne peut espérer trouver ni abri ni ressources. Au commence- ment de la saison, les chasseurs se réunissent par troupes de quinze, vingt, quelquefois de quarante individus. Des trai- neaux sont chargés de vivres pour plusieurs mois. Les Chiens attelés à ces traîneaux aideront plus tard les chasseurs à trouver la trace des Zibelines, et à faire sortir ces animaux LES MARTES 53 des trous dans lesquels ils se retirent. Les traqueurs, chaus- sés de patins, s’avancent sur la neige jusqu’à ce qu'ils aient trouvé la trace des Zibelines et alors la poursuite commence. Tantôt la bête se glisse dans le creux d’un arbre qu'il faut entourer de filets ; tantôt elle grimpe sur les hautes branches et l’arbre doit être abattu. Car l’usage des flèches et des armes à feu est prohihé; la moindre blessure gâterait la peau et lui ferait perdre de sa valeur. Aussi, pour éviter tout dommage, emploie-t-on de préférence, pour capturer la Zibeline, des trébuchets placés au-dessus du sol, ou des fosses creusées en terre, entourées de pieux et recouvertes de planches pour empêcher la neige de les remplir. Ces pièges sont l’objet d’une surveillance de tous les instants, car les Renards bleus qui rôdent dans le voisinage y font de fréquentes visites et dévorent avidement les Zibelines qui s'y trouvent prises, La campagne de chasse terminée, il faut attendre, pour le retour, que le dégel ait rendu libres les rivières sur lesquelles les pelleteries sont transportées aux comptoirs où la vente peut en être effectuée. C'est cette période de repos forcé que les chasseurs emploient à la préparation des peaux. Tout compte fait, lorsqu'ils sont revenus dans leur pays, les chas- seurs n'ont qu'un gain insignifiant et qui ne les paye que d’une manière insuftisante des souffrances et des privations qu'ils ont endurées pendant plusieurs mois. 11 paraïîtrait, d’après ce que raconte le voyageur Lesseps, que les Kamtschadales prennent les Martes d’une manière fort singulière. Un d'entre eux, dit-il, nous demanda un cordon; nous ne pûmes lui donner que celui qui attachait nos chevaux. Tandis qu'il y faisait un nœud coulant, des chiens accoutumés à cette chasse entouraient l’arbre, L'animal, oc- cupé à les regarder, soit frayeur, soit stupidité naturelle, ne bougeait pas; il se contenta d’allonger son cou lorsqu'on lui présenta le nœud coulant ; deux fois il s’y prit de lui-même, deux fois ce lacs se défit. À la fin, la Marte s’étant jetée à 54 LES ANIMAUX A FOURRURES terre, les chiens voulurent s’en saisir; mais bientôt elle dut se débarrasser et elle s’accrocha avec ses pattes et ses dents au museau d’un des chiens qui n'eut pas sujet d’être satisfait de cet accueil. Comme nous voulions tâcher de prendre l’ani- mal en vie, nous écartâmes les chiens; la Marte quitta aus- sitôt prise et remonta sur un arbre où, pour la troisième fois, on lui passa le lacs, qui coula de nouveau. Ce ne fut qu'à la quatrième que le Kamstchadale parvint à la prendre. Cette facilité de chasser les Martes est d’une grande ressource aux habitants de ces contrées obligés de payer leur tribut en peaux de Martes zibelines. Pays de provenance, prix de revient. — Les fourrures de Zibeline de la Sibérie nous sont expédiées par paquets de vingt peaux; celles de Worchynski sont les plus estimées et les pelletiers classent les autres de la manière suivante: en deuxième ligne, celles de Sakoulzky; en troisième ligne, celles d’Irdetchn ; en quatrième ligne, celles de Janiseisky, et en cinquième ligne, celles de Tobolsk. Elles coûtent, terme moyen, de 40 à 50 francs pièce, et la France en emploie annuellement environ 1000. Le Kamtchatka nous en fournit à peu près 600; on en tire de l'Alaska 3 à 400, qui valent 100 francs pièce. Celles de la baie d'Hudson, celles du Ca- nada, ne se vendent que de 12 à 20 franes et celles des Etats- Unis ne dépassent guère le prix de 8 à 10 francs. Terme moyen, la France en importe à peu près 10.000; mais, en 1862, ce nombre a atteint 90.000. Il est à noter que les fourrures vendues aux Etats-Unis d'Amérique sous le nom d’Alaska-Sable (ou Zibeline d'A - laska) n’appartiennent ni à une Zibeline, ni même à aucune autre espèce de la famille des Martes, mais sont en réalité des péaux de l’animal le plus infecte que l’on connaisse, la Mouffette ou Mephitis Mephitica des zoologistes modernes (Milne Edwards). Les Putois. — La fourrure que fournit le Pure est chaude pe LES PUTOIS ; 55 et durable, mais outre qu’elle est de qualité médiocre, elle exhale une odeur fétide. Elle prend très bien la teinture noire ; on l'emploie beaucoup en Russie, en Orient et en Chine. Le poil de la queue sert à faire des pinceaux; la peau vaut de 3 à 7 francs. Distribution géographique. — Le Putois (fig. 6) habite toutes les contrées tempérées et même un peu froides de l'Europe et de l'Asie, mais il ne pénètre pas dans la région arctique. On le rencontre dans toutes les parties de l'Europe, MATRA Fi, 6. — Le Putois. si ce n’est en Laponie et dans le nord de la Russie; en Asie, on le voit dans la Tartarie jusqu'aux bords de la mer Cas- pienne, d’un côté, et de l’autre, dans la Sibérie, jusqu'au Kamtchatka. Caractères. — Le Putois est un animal un peu lourd, dont le corps a environ 40 centimètres de long et la queue 16. Son pelage, sous le ventre, est brun noir uniforme, plus clair sur le dos et sur les flancs, où il tourne d'ordinaire au brun châtain foncé et s’éclaircit au cou et aux côtés du tronc, le duvet, qui est jaunâtre, se montrant sur ces parties. Sur 56 LES ANIMAUX A FOURRURES le milieu du ventre passe une bande roux hrun peu marquée; le menton et le bout du museau sont blanc jaunâtre; le nez est foncé; derrière l'œil est une tâche blanc-jaunâtre mal délimitée, qui se continue derrière l'oreille avec une bande affaiblie de même couleur. Les oreilles sont brunes, bordées de blanc; les moustaches longues et d’un noir brun. Le pe- lage offre d’ailleurs des différences d'un individu à l’autre, et ces différences ont été quelquefois considérées comme spécifiques. La femelle se distingue du mâle en ce que les parties qui sont jaunâtres chez celui-ci sont blanches chez elle. Très rarement on rencontre des Putois entièrement blancs ou jaunâtresf. Habitat, régime, mœurs. — La plaine comme la mon- tagne, les bois et les champs, les habitations, les granges, les écuries, tout convient au Putois comme habitation. Il vit aussi bien dans le creux des arbres que dans les crevasses de rochers, dans les terriers abandonnés ou dans ceux qu'il se creuse parfois, dans les masures, entre les racines, dans les haies épaisses, et, l'hiver, dans les villages et dans les villes même. Où qu'il ait choisi sa demeure, il y reste à dormir pendant le jour pour ne la quitter qu’au crépuscule. Alors il s'en va d'une démarche sautillante en quête d'aventures. Le Putois est à la fois nuisible et utile. Il dévaste les poulaillers sans toutefois en tuer tous les habitants d’un coup, comme certains autres Mustéliens. Il choisit la plus grosse pièce et l'emporte, sauf à revenir à la charge si la proie lui parait insuffisante. Il visite aussi les pigeonniers et les ga- rennes, poursuit le poisson au bord des étangs, se montre friand de miel et de fruits. Moins dangereux pour les oiseaux que la Marte, parce qu’il grimpe difficilement aux arbres, il se montre, comme la Fouine, ennemi déclaré des Souris et des Rats; c’est là ce qui lui vaut le respect dont il est en- 1! Brehm, Les Mammifères, édition francaise, t, I, p. 612. LES PUTOIS 57 touré dans certains pays. Grand amateur des Grenouilles, il les amasse en grande quantité dans son repaire; il est aussi grand destructeur de Serpents, de Lézards et de Sala - mandres ; il est réfractaire au venin de la Vipère. Il est aujourd’hui démontré que le Putois devient insecti- vore au printemps et qu’il fait aux Hannetons ainsi qu'à diverses larves une chasse d’autant plus acharnée qu'il est puissamment aidé par la subtilité de son odorat. Les Améri- cains ont depuis longtemps reconnu l'utilité des Putois dans les champs de tabac qu’ils débarrassent des hôtes vivant aux dépens des feuilles. Rusé, plein de méfiance, habile à ramper, à bondir, à nager même, le Putois est bien organisé pour le rôle qu’il remplit. D'ailleurs, doué de sens subtils, il peut entendre, Voir où sentir l'ennemi qui s'approche, l’éviter ou se mettre en #arde contre lui. Colère et courageux, il accepte volon- tiers la lutte et ne dédaigne pas de se mesurer avec des animaux plus gros et plus robustes que lui et de s'attaquer, à l’occasion, à l’homme lui-même. Son endurance est ex- trême, sa souplesse prodigieuse; on en a vu percés de flè- ches, atteints, dans les œuvres vives, de blessures profondes, se défendre encore avec rage, mordre et griffer avec em- portement; d’autres sauter de hauteurs considérables, se remettre sur pieds et s’enfuir sans paraître avoir été incom- modés par leur chute. Lenz raconte qu’à Verna, village de la Hesse électorale, un enfant de cinq ans venait de déposer sur la route, près d’un canal, son petit frère dont la garde lui était confiée, lorsque trois Putois surgirent tout à coup, attaquèrent ce dernier et le mordirent, l’un à la nuque, le second à l'oreille, le troisième au front; son frère voulut le défendre, mais d’autres Putois sortirent du canal et firent mine de l’attaquer aussi. Heureusement, deux hommes arri- vérent au secours des enfants et tuèrent deux des Putois; les autres prirent la fuite. À Riga, d’après le même auteur, un 58 LES ANIMAUX A FOURRURES Putois pénétra dans une chambre par un trou du plancher, tua un enfant qui dormait dans son berceau et lui mangea une partie de la joue. A Schnepfenthal, un autre Putois attaqua un berger. Les Putois entrent en rut en mars et la femelle met bas en mai, dans quelque trou de rocher ou dans un tas de fagots. La portée est de quatre à six petits, qui restent aveugles quel- ques jours. Pendant la durée des amours, les mâles se dis- putent les femelles, et font grand tapage, en se poursuivant sur les toits des granges et des écuries. Ils se montrent si acharnés dans leurs luttes, qu’on les voit s’enlacer, continuer, en roulant sur la pente des couvertures à s’entre-déchirer, tomber jusqu'à terre sans se lâcher, et là, ne se séparer que pour reprendre, l'instant d’après, leur combat interrompu par ce choc trop violent. La femelle montre pour ses petits un vif attachement ; elle marche au-devant de l'ennemi qui menace leur refuge, ne craint pas de s'attaquer à l’homme, pour préserver leur exis- tence. Ils n’ont guère atteint leur taille qu'à l’âge de six mois; dès qu’ils ont six semaines, ils accompagnent la mère dans ses excursions. . _ On dit que le Renard est un ennemi acharné du Putois. « Il s’approche de lui en rampant sur le ventre, dit Lenz, s'élance subitement, le renverse, et il est déjà loin, lorsque le Putois se relève furieux et montrant les dents; à cette première attaque en succède une seconde. Le Renard s’ap- proche de nouveau, saute et, cette fois, au lieu de renverser son adversaire, il le mord au dos et lâche prise avant que celui-ci ait eu le temps de se venger. Alors, il commence à décrire des cercles autour du Putois, s’en approche, lui pré- sente la queue ; mais au moment où la victime de ses attaques va le saisir, il la retire et le Putoïs mord dans le vide. En- fin le Renard simule l'indifférence ; le Putois prend confiance, regarde de tous côtés, et se met à ronger quelques restes. LES PUTOIS 59 C'est le moment attendu par le rusé Carnassier. Rampant sur le ventre, les yeux brillants, les oreilles dressées, agitant la queue, le Renard s'avance, bondit, saisit le Putois par le cou, le secoue et disparaît. » Nous ne voudrions point affir- mer que les faits ci-dessus rapportés soient inexacts; qu'il nous soit permis de dire cependant que ce récit de Lenz paraît tenir plutôt du roman que de l'histoire. Chasse. — On emploie pour se défaire des Putois les pièges qui servent pour prendre les KFouines et les Martes; _ on doit les amorcer de préférence à la viande et surtout avec un morceau de volaille. Les pièges les plus usités sont les assommolirs. Captivité. — Le Putois s'élève bien en captivité; mais 1l ne perd pas son naturel féroce, et ne vit jamais en paix avec les animaux de la maison. Petit, on le nourrit au pain et au lait et il s’accommode bien de ce régime ; lorsqu'il est adulte, on ajoute, de temps à autre, une ration de viande aux aliments lactés. Jeune ou vieux, le Putois est d’un voisinage désagréa- ble à cause de l’odeur nauséabonde qu'il ne cesse de dégager. En prévision de la disparition possible des animaux à four- rure américains, chassés à outrance par les trappeurs, cer- tains industriels du nouveau monde ont songé à confiner certaines espèces dans un état de demi-domesticité permet- tant de les exploiter régulièrement. M. Clark, de Colombus, près de Perry, État d’'Indiana, a rassemblé une colonie de 300 Putois, Skunks, qu’il élève sur un terrain de 4 ares environ, entièrement entouré d’une solide clôture en madriers. Ces animaux ont établi leurs nids dans une longue tranchée bourrée de foin traversant leur parc, et se reproduisent avec la plus grande facilité, car ils ont jusqu’à dix jeunes par portée. On les nourrit de viandes sans valeur, de pommes de terre, de débris de légumes, etc. M. Clark cherche à obtenir par sélection une race à pelage très foncé, plus estimé des fourreurs que le pelage sombre. 60 LES ANIMAUX A FOURRURES Les exécutions ont lieu en hiver et chaque dépouille se vend facilement 1 dollar ou 5 fr. 20 sur le marché de New-York. La substance désagréablement odorante secrétée par les Putois. qui signale au loin l’établissement de M. Clark, au - rait une certaine valeur. Le Furer. — Le Furet (fig. 7) forme-t-il une espèce par- ticulière, ou n’est-il qu'une variété du Putois ? Les natura- listes ne sont point encore aujourd’hui d'accord sur ce point. Nous pensons que le Furet n’est qu’une variété du Putois, modifiée par une longue domestication et inconnue mainte- nant à l’état sauvage primitif. La dépouille de cet animal n'ayant qu’une importance tout à fait secondaire dans le com- merce des pelleteries nous n’en dirons que peu de chose. Contentons-nous de rappeler que le Furet, qui mesure 38 cen- timètres de long, et dont la queue a 14 centimètres, se pré- sente en Europe sous deux aspects de coloration différentes : ou le blanc jaunâtre, avec les yeux rouges, ce qui est un des caractères de l’albinisme, ou le ton plus foncé, et putoisé, ce qui parait donner raison aux auteurs qui prétendent que notre animal n’est qu’une variété domestique au Putois sau- vage. De quelque couleur qu’il soit, on l’utilise pour la chasse du Lapin, comme nous le verrons en parlant de ce Rongeur. On tient en tout temps les Furets dans une boîte garnie de paille et de foin, et il faut avoir bien soin, par les hivers un peu rigoureux, de les garantir du froid qu’ils redoutent. On les nourrit de pain et de lait. On peut aussi leur donner de la chair fraîche, et, au besoin, des grenouilles, des lézards, voire même des serpents. La femelle fait deux portées par an, chacune de quatre à cinq petits qui naissent aveugles et qu’on laisse nourrir jus- qu’à l’âge de deux mois. Quand ils ont atteint cet âge, ils sont retirés à la mère pour être élevés à part. Bien que l'instinct de rapine du Furet soit moins développé que celui du Putois, le Furet ne laisse pas que de se préci- LES PUTOIS GI piter avec rage sur les Lapins, les poules et les pigeons qu'on lui présente. Nous pouvons ajouter, pour l'avoir vu de nos yeux, que le Furet peut devenir accidentellement dangereux pour l’homme. Un vieux chasseur, chez lequel nous avons passé plusieurs journées d'hiver, nous montrait un jour deux Furets qui logeaient dans une boîte non loin du foyer. Ces deux petites bêtes étaient bien privées, elles se laissaient manier, sans chercher à mordre: l’une d’elles, notamment, 1 EE — a IE = RER N RSR > NS SNS - ù NN MF. 1. Le Furet. restait volontiers des heures entières dans la poche de son pro- priétaire. Un jour, la conversation avait langui, et notre hôte s'était assoupi au coin du feu. Tout à coup, il poussa un cri, porta vivement les mains à sa gorge : le sang coulait. Le Fu- ret préféré était discrètement sorti de la poche du bonhomme : cette vilaine bête eût saigné son maître comme un simple poulet, si celui-ci n’ÿ eût mis ordre. La Belette. — Caractères. — La Belette (fig. 8) a 16 cen- timètres de longueur non compris la queue qui a de 4 à 5 centimètres. Son corps est extrêmement effilé, d'un brun roux eu dessus, blanc en dessous; l'extrémité de sa queue n’est jamais noire, Dans les régions méridionales et tempé- Lacroix-DANLrARD, Le Poil et fourrures. 4 62 LES ANIMAUX A FOURRURES _ rées, cette couleur reste à peu près la même toute l’année; plus au nord, la Belette, en hiver, est d’un blanc brunâtre. La peau de la Belette a peu de valeur; on l’emploie cepen- dant, et on la vend parfois sous le nom Marte lustrée après l’avoir teinte en brun foncé. | Distribution géographique. — Répandue dans toute l’Europe, la Belette y est partout commune; on la trouve aussi dans le nord de l’Asie, en grande abondance. Mœurs; habitat; régime. — Les mœurs, l'habitat et le régime de la Belette ne diffèrent pas sensiblement de ceux du Putois, Il faut remarquer cependant que la Be- lette chasse aussi bien le jour que la nuit, et il n'est pas de chasseur qui n’ait pu voir avec quelle adresse elle surprend . les petits oiseaux dans les haies et les buissons où elle se met en embuscade. La Belette ne s’écarte guère des habitations, si ce n’est dans la belle saison; alors, elle s'éloigne, se met en campagne, suit le bord des ruisseaux et des petites ri- vières, se cantonne dans les broussailles des prairies sèches et des petites vallées, se loge dans un trou de rocher ou dans un tas de pierre, plus souvent dans les demeures sou- terraines de la Taupe ou du Mulot. Toujours bondissante, elle court sur terre avec autant de grâce que d'agilité, sur les arbres elle saute de branche en branche aussi lestement que l'Écureuil, et quand elle escalade le tronc lisse d’un hêtre ou d’un bouleau, de son premier élan elle parvient à cinq ou six pieds de hauteur. Au printemps, la Belette met bas, dans un nid de foin, de paille, de feuilles sèches et de mousse, qu’elle a préparé dans le tronc d’un arbre creux ou dans quelque terrier. La portée comporte de trois à cinq petits qui, bientôt grands, suivent la mère dans ses excursions. Tant qu’ils sont trop jeunes pour courir les champs, ils sont surveillés attentivement par Ja femelle qui n'hésite pas, si elle redoute pour sa progéniture quelque danger, à transporter la nichée dans un endroit plus né A ZI: IX LA BELETTE 4, A — + À — K Ë ( LEZ = QE Eu = = == = ZE NS = << H == Ne CE 408 LI y Fic. 8 — L’Hermine et la Belette sous le pelage d’été. 63 GA LES ANIMAUX A FOURRURES sûr, Aux approches de l’hiver, toute la famille se retire dans les greniers à fourrage, dans les granges, dans les tas de. fagots, tout près des fermes. C’est le moment où les dépré- dations de ces petits animaux sont le plus à redouter; l’exi- guité et la souplesse de leur corps leur permet de se glisser par les moindres fissures, ils en profitent pour saccager les poulaillers et les pigeonniers. Dans la campagne, la Belette fait la guerre aux Taupes, aux Mulots, aux oiseaux, aux Rats d’eau, aux lézards et aux serpents, elle a donc quelque degré d'utilité. Mais comme elle pille les nids des oiseaux qui couvent près de terre, qu’elle détruit les couvées des alouettes, des perdrix et des cailles, qu’elle décime les poussins et les canetons dans les basses-cours, la Belette est un animal à détruire plutôt qu'à protéger. Le courage et l’audace de ce petit animal sont extraordi- naires. On le voit enlacer, étreindre, et saigner le Surmulot, qui l’égale plus de deux fois en grosseur; s'attaquer au Lapin, et venir à bout d'un Lièvrede six à septlivres. John Franklin raconte que, en Écosse, une Belette dont un aigle s’était em- paré, saiona, dans les airs, son ravisseur qui bientôt tomba mort sur le sol ‘ Le même auteur rapporte qu’un matin un Ecossais, M. Brown, revenait de Gilmerton, près d'Edim- bourg, par le chemin de Dalkeïth, quandil vit sur une hau- teur, à une distance considérable, 'un homme se livrant à une gymnastique si violente qu'il ressemblait plutôt à un fou qu’à une personne raisonnable. M. Brown pensa que ce pourrait bien être, en effet, quelque pauvre maniaque, et alla droit à. lui. En se rapprochant, il s’apercut que cette homme avait été attaqué et qu'il se défendait contre les assauts d’une bande de petits animaux, que M. Brown prit d’abord pour des Rats, mais qui vus, à plus courte distance, étaient bien une colonie de quinze à vingt Belettes, dont le malheureux 4 John Franklin, La Vie des animaux, t. I, p. 854. LA BELETTE 65 cherchait à repousser les atteintes. M. Brown se joignit au combattant ; ayant un bâton, il en frappa plusieurs et les étendit sans vie sur le sol. Voyant leur nombre décroître, les animaux s’intimidèrent, se sauvèrent vivement et dispa- rurent dans les fentes d’un rocher. Le pauvre Ecossais était exténué de fatigue; il avait soutenu contre les Belettes, (autant qu’il pouvait en juger) une lutte de plus de vingt mi- nutes. Les affreux animaux en voulaient à sa gorge, et sans l’assistance de M. Brown, il fut inévitablement tomhé victime de leur furie. C'était pourtant un homme robuste. Il raconta lui-même les circonstances de son aventure. Il se promenait tranquillement dans le pare, lorsqu'il avait aperçu une Belette; il avait couru vers elle et avait fait de vains efforts pour l’abattre. Arrivé près du roc dont nous avons parlé plus haut, il mit le roc entre lui et l’animal, et lui coupa ainsi tous moyens de retraite. La Belette poussa un cri; à ce signal, une sortie instantanée avait été faite par toute la colonie, et l’attaque avait commencé. D'autre part, nous relevons dans le journal Ze Chenil, du 2 juillet 1891, le fait suivant : « M. Sanderson, un proprié- taire anglais, s’en allait il y a quelque temps à sa ferme de Benridge Hag, près de Morpetti, suivi de son collie, qui marchait à 20 ou 25 mètres derrière lui! Il entendit tout à coup ce chien aboyer de la même facon que quand il pour- suivait un Lapin. Il ne s’en occupa d’abord pas, mais le collie émit soudain trois aboïiements plus énergiques, et M. Sanderson l'ayant cherché du regard, le vit traverser la route poursuivi par au moins trois douzaines de Belettes, dont quelques-unes étaient montées sur son dos et sur sa croupe. M. Sanderson appela le chien, mais celui- ci passa son chemin, sans paraître l'avoir entendu. Son maitre le poursuivit et put enfin le rattraper. Les Belettes prêtè- rent aucune attention à son arrivée, et il eut grand peine à débarrasser son chien de ces carnassiers vermiculaires. Ce 4, 66 LES ANIMAUX A FOURRURES n’est qu'après qu'il en eut exécuté neuf, que les autres se décidèrent à se retirer, et il eut encore le temps d’en tuer quatre autres pendant leur retraite, ce qui faisait treize. Il essaya vainement de lancer son chien à la poursuite des Belettes survivantes ; le collie refusa énergiquement. « En examinant le lieu du massacre, M. Sanderson apercut une petite Belette, tirant et essayant d'enlever le cadavre d’une des plus grosses, sa mère peut-être. M. Sanderson la tua et, arrivé à l'endroit où la lutte avait commencé; il trouva encore trois cadavres de Belettes étranglées au début de la lutte par son collie ». Chasse. — En certains endroits on chasse la Belette avec des roquets habitués à grimper sur les échelles et à courir sur les toits, et on tue la bête puante au fusil; mais le plus souvent c’est à l’aide de pièges amorcés avec des Souris, des œufs ou de petits oiseaux, qu’on s'empare de notre animal. Il tombe plus facilement dans les pièges que les autres Musté- liens ; et il se laisse prendre au piège appelé chatière et au traquenard a ressorts. Pour toute espèce de piège, il faut d’ailleurs se garder de souffler dessus; et avoir grand soin de nettoyer et de désinfecter l'appareil, chaque fois qu'après une prise, on veut le dresser de nouveau. Pour le traque- nard, les appâts les plus employés sont un oiseau rôti ou un morceau de volallle, ou, lorsque l'époque est convenable, des hannetons frits dans la graisse d’oie. Captivité. — Quoi qu’en ait dit Buffon, la Belette, prise jeune, perd son naturel farouche et s’apprivoise aisément. Le fait est aujourd’hui avéré; et plusieurs exemples pour- raient être cités. La BELETTE HERMINE. — Caractère. — L’'Hermine (fig. 9), qui appartient au genre Putois, n’est en réalité qu'une variété de la Belette, à laquelle elle ressemble d’ail - leurs beaucoup, et dont elle emprunte, en grande partie, les mœurs et le régime, L’Hermine a jusqu’à 25 centimètres de Lo EE —— © © LE == z ÈS = SI RRÈ LA BELETTE Leona. (FA He, 67 Fic, 9. — L'Hermine et la Belette sous le pelage d’hiver. 68 _ LES ANIMAUX A FOURRURES longueur du bout du nez à l’origine de la queue, et celle-ci mesure de 9 à 10 centimètres. L’extrémité de cet appendice est en toute saison d’un beau noir. En pelage d'été, l’'Her- mine porte le nom de Roselet; alors elle est généralement d'un beau marron, plus ou moins pâle en dessus, et d’un blanc quelquefois un peu jaunâtre en dessous, avec la mâ- choire inférieure blanche. En hiver, le Roselet devient une Hermine, c’est-à-dire que le pelage devient entièrement blanc. Chez la Belette un changement de ce genre ne s'opère que très rarement, et le dessus du corps, ainsi que la queue, restent d'un brun rougeâtre. Chez les Hermines tenues en captivité, le pelage d'hiver reste d’un brun sale et terne, et, dans la vieillesse, il conserve souvent une teinte jaunâtre sur le ventre aussi bien que sur le dos, circonstance qui diminue beaucoup la valeur de la peau, car celle-ci est sur- tout recherchée pour sa blancheur éclatante qui contraste avec le pinceau noir du bout de la queue. Dans les pays où le climat est doux, par exemple, dans quelques parties de l'Angleterre, ce petit animal ne blanchit pas toujours en hiver; mais, dans les localités où le froid devient intense, quelle qu'en soit la latitude, le changement s’accomplit rapidement. Distribution géographique. — L'Hermine se rencontre sur presque toutes les parties septentrionales de l’Europe, de l’Asie et de l'Amérique ; elle est d'autant plus commune que l’on remonte davantage vers le Nord, jusqu'aux der- nières limites des terres. Elle est plus rare dans les pays tempérés ; on la trouve cependant dans les parties boisées de la France, particulièrement en Bretagne et dans les Vosges, et en abondance sur les hautes montagnes de la Suisse. Mais elle ne passe que rarement les Alpes et elle est à peine connue dansles Pyrénées. Les pays qui possèdent le plus d'Hermines sont : la Russie, la Sibérie, le Kamtschatka, l'Amérique tout à fait septentrionale, la Laponie et la Norvège. LA BELETTE 69 Mœurs, régime. — L'Hermine a, peu s’en faut, les mœurs de la Belette ; elle s'approche, il est vrai, moins des habita- tions humaines, et ne se plaît guère que dans les forêts les plus sauvages. On peut ajouter que, plus que la Belette, qui chasse le jour comme la nuit, elle est un animal nocturne. Ce n'est guère qu'au crépuscule, en effet, que sonne pour l’Hermine l'heure de la chasse. Les Hermines s’accouplent en mars. En mai-juin, la femelle met bas de cinq à huit petits, qu’elle conserve avec elle jusqu'à l'entrée de l'hiver, époque de la séparation. L'Hermine se nourrit d'Écureuils, de Rats et autres petits Mammifères ; il lui arrive de chercher, le long des cours d’eau et sur les bords des étangs, les œufs des oiseaux aqua- tiques dont elle se montre très friande. Elle nage d’ailleurs assez bien, etil n’est pas rare de la voir traverser une rivière et même un bras de mer pour gagner la terre qui lui convient. La fourrure d'hiver de l’'Hermine est extrêmement estimée parmi les plus précieuses, tandis que la peau du Roselet, fourrure d'été, ne s’emploie guère que pour les fourrures com- munes. Dans le commerce, la blanche Hermine est souvent remplacée par du Lapin blanc, c’est ce qu’un examen au microscope permet de reconnaître. La peau d'Hermine varie de 3 à 5 francs. La beauté de la fourrure de l’'Hermine, la douceur et la finesse de son poil, l'ont fait rechercher de tout temps. Elle double et décore les manteaux des souve- rains et de la haute magistrature. Les robes des professeurs de facultés sont doublées d'Hermine. On relève le grand blanc de l’'Hermine par des mouche- tures noires faites de peau d’Agneaux de Lombardie. On fourre de cette peau les riches manteaux d'hommes et les manteaux de femmes ; on en garnit des robes d'hiver. Chasse. — « La chasse de l’Hermine se fait en hiver, au lacet ou au moyen d’autres pièges analogues, que les Anglais 70 LES ANIMAUX A FOURRURES appellent des traps; d’où dérive l'expression de trappeurs employée en Amérique, pour désigner les chasseurs des animaux destinés au commerce de la pelleterie. « En Norvège, on prend ordinairement ce petit animal au moyen d’un piège formé de deux pierres plates dont l’une est placée debout et l’autre, posée sur le bord supérieur de celle-ci et maintenue en équilibre à l’aide d’un morceau de bois auquel est attachée une amorce du goût de l'Hermine, qui, en la saisissant pour la dévorer, dérange cet étai et fait tomber les pierres, sous lesquelles elle se trouve écrasée. Parfois aussi on la tue à l’aide de flèches dont l'extrémité est mousse; mais, alors il faut la frapper à la tête pour ne pas endommager la peau du corps.» (H. Milne Edwards). Sur les 80.000 exilés, plus ou moins, qui peuplent habi- tuellement la Sibérie, dit Boitard, environ 145.000 sont employés à la chasse de la Zibeline et de l'Hermine. Ils se réunissent en petites troupes, de quinze ou vingt, rarement plus ou moins, afin de pouvoir se prêter un mutuel secours, sans cependant se nuire en chassant. Sur deux ou trois traî- neaux attelés de chiens, ils emportent leurs provisions de voyage, consistant en poudre, plomb, eau-de-vie, fourrures grossières pour se couvrir, quelques vivres d’assez mau- vaise qualité, et une bonne quantité de pièges. Aussitôt que les gelées ont suffisamment durci la surface de la neige, ces petites caravanes se mettent en route et s’enfoncent dans le désert, chacune d'un côté différent. Quand le ciel de la nuit n’est pas voilé par des brouillards, elles dirigent leur voyage au moyen de quelques constellations; pendant le jour, elles consultent le soleil ou une petite boussole de poche. Quelques chasseurs se servent, pour marcher, de patins en bois, à la manière de ceux des Samoièdes; d'autres n’ont pour chaus- sure que de gros souliers ferrés et des guêtres de cuir ou de feutre. Chaque traîneau a ordinairement un attelage de huit LA BELETIE 71 chiens ; mais, pendant que quatre le tirent, les quatre autres se reposent, soit en suivant leur maître, soit en se couchant à une place qui leur est réservée sur le traineau même. Ils se relayent de deux heures en deux heures. Pendant les pre - miers jours, on fait de grandes marches, afin de gagner le plus tôt possible l'endroit où l'on doit chasser, et cet endroit est quelquefois à 2 ou 300 lieues de distance du point d’où l’on est parti; mais, plus on avance dans le désert, plus les obstacles se multiplient. Tantôt c’est un torrent non encore glacé qu’il faut traverser; alors on est obligé d’entrer dans l’eau jusqu’à l'estomac, et de porter les traîneaux sur l'autre bord, en se frayant un passage à travers les glaçons charriés par les eaux. Une autre fois, c’est un bois à traverser en se faisant jour à coups de hache dans les broussailles, puis un pic de glace à monter, et alors les chasseurs, après s'être attaché des crampons aux pieds, s’attèlent avec leurs chiens pour hisser leurs traineaux à force de bras. Là, unhiver de neuf mois couvre la terre d’épais frimas ; jamais le sol ne dégèle à plus de 3 ou 4 pieds de profondeur, et la nature, éternellement morte, jette dans l’âme l’épou- vante et la désolation; à peine si une végétation languissante comme les plaines de quelque verdure pendant le court inter - valle de l'été; et des bruyères stériles, de maigres bouleaux, quelques arbres résineux rachitiques font l’ornement le plus pittoresque de ces climats glacés. Là, tous les êtres vivants ont subi la triste influence du désert ; les rares habitants qui traînent dans les neiges leur existence engourdie sont pres- que des sauvages difformes et abrutis; les animaux y sont malheureux, farouches et féroces, et tous, si j’en excepte le Renne, ne sont utiles à l’homme que par leur fourrure : tels sont les Ours blancs, les Loups gris, les Renards bleus, les blanches Hermines et la Marte zibeline. Venons à nos chas- seurs. L'hiver augmente en intensité; les longues nuits de trois 72 . LES ANIMAUX À FOURRURES mois deviennent plus sombres, parce que l'atmosphère est surchargée d’une fine poussière de glace qui l’obseurcit. Vers le nord, le ciel se colore d’une lumière rouge ensan - glantéeannonçant les aurores boréales, Les Gloutons, les Ours, les Loups et autres animaux féroces, ne trouvant plus sur la terre couverte de neige leur nourriture accoutumée, errent dans les ténèbres, s’approchent audacieusement de la petite caravane, et font retentir les roches de glace de leurs sinistres hurlements. Chaque soir, lorsqu'on arrive au pied d’une montagne qui peut servir d’abri contre le vent du nord, il faut camper. On fait une sorte de rempart avec les traineaux ; on tend au-dessus une toile soutenue par quelques perches de sapin coupées dans un bois voisin. On place au milieu de cette facon de tente un fagot de broussailles auquel on met le feu. Chacun étend une peau d’Ours sur la glace, se couche dessus, se couvre de son manteau fourré, et attend le lende- main pour se remettre en route. Pendant que les chasseurs dorment, l’un d'eux fait sen- tinelle, et souvent son coup de fusil annonce l'approche d’un Ours féroce ou d’une troupe de Loups affamés. Il faut se lever à la hâte, et quelquefois soutenir une affreuse lutte avec ces terribles animaux; mais, il arrive aussi que la nuit n’est troublée par aucun bruit, sice n’est pas le sifflement du vent du nord qui glisse sur la neige, et par une sorte de petit bruissement particulier sur la toile de la tente. Les chasseurs ont dormi profondément, et il est grand jour quand ils se réveillent. Ils appellent la sentinelle, mais personne ne répond ; leur cœur se serre; ils se hâtent de sortir, car ils savent ce que signifie ce silence. Leur camarade est là assis sur un tronc de sapin renversé. Il a bien fait son devoir de surveillant, car son fusil est là sur ses genoux, son doigt sur la gâchette, et ses yeux sont tournés sur la montagne, où, la nuit, les hurlements des Loups se sont fait entendre; mais, ce n’est plus un homme qui est en sentinelle, c’est un bloc de LA BELETTE 75) glace. Ses compagnons après avoir versé une larme sur sa destinée, le laissent là, assis dans le désert, et se réservent de lui donner la sépulture six mois plus tard, à leur retour, lorsqu'un froid moins intense permettra d'ouvrir un trou dans la glace. Ils le retrouveront à la même place, dans la même attitude et dans le même état, si un Ours n’a pas essayé d’en- tamer avec ses dents des chairs transparentes, blanches et roses, comme de la cire, colorées, mais dures comme le granit. Enfin, après mille fatigues et mille dangers épouvantables, la petite caravane arrive dans une contrée coupée de collines et de ruisseaux. Les chasseurs les plus expérimentés tracent le plan d’une misérable cabane construite avec des perches et de vieux troncs de bouleaux à moitié pourris. Ils la cou- vrent d'herbes sèches et de mousse, et laissent au haut du toit un trou pour donner passage à la fumée. Un autre trou; par lequel on ne peut se glisser qu'en rampant, sert dé porte, et il n’y a pas d’autre ouverture pour introduire l’air et la lumière. C'est là que quinze malheureux passeront les cinq ou six mois les plus rudes de l'hiver; c’est là qu’ils braveront l’inclémence d’une température descendant, presqué chaque jour, à 22 ou 25° du thermomètre de Réaumur: Lorsque les travaux de la cabane sont terminés, lorsque lé chaudron est placé au milieu de l'habitation, sur le foyer, pour faire fondre la glace qui doit leur fournir de l’eau, lorsque la mousse et les lichens sont disposés pour faire les lits, alors les chasseurs partent ensemble pour aller visiter leur nouveau domaine et pour diviser le pays en autant de cantons de chasse qu’il y a d'hommes. Quand les limites en sont définitivement tracées, on tire ces cantons au sort et chacun a le sien, en toute propriété, pendant la saison de la chasse, et aucun d'eux ne se permettrait d’empiéter sur celui de ses voisins. Ils passent toute la journée à tendre des pièges partout où ils voient sur la neige des impressions de pieds LacRoix-DANLIARD, Poil et Fourrure. 9 74 LES ANIMAUX A FOURRURE annonçant le passage ordinaire des Martes, Hermines et Renards bleus, Ils poursuivent aussi ces animaux dans les bois à coups de fusil, ce qui exige une grande adresse; car, pour ne pas gâter la peau, ils sont obligés de tirer à balle franche. Le soir, tous se rendent à la cabane et la première chose qu'ils font est de se regarder mutuellement le bout du nez; si l’un d’eux l’a blanc comme de la cire vierge et un peu transparent, c’est qu'il l’a gelé, ce dont il ne s’aperçoit pas lui-même. Alors, on ne laisse plus le chasseur s'appro- cher du feu, on lui applique sur le nez une compresse de neige que l’on renouvelle à mesure qu’elle se fond, jusqu’à ce que la partie malade ait repris sa couleur naturelle. Ils trai- tent de même les pieds et les mains gelés; mais, malgré ces soins, il est rare que la petite caravane se remette en route au printemps sans ramener avec elle quelques estropiés. Dans les hivers extrêmement rigoureux, il est arrivé maintes fois que des caravanes entières de chasseurs sont restées gelées dans leurs huttes ou ont été englouties dans les neiges. Les douleurs morales des exilés, venant ajouter aux rigueurs de cet affreux climat, ont aussi poussé très souvent les chas- seurs au découragement et, dans ces solitudes épouvantables, il n’y a qu'un pas du découragement à la mort. Qu’un exilé harassé s’asseye un quart-d'heure au pied d’un arbre, qu’il se laisse aller aux pleurs, puis au sommeil, il est certain qu’il ne se réveillera plus (Boitard). : Les Visons. — Caractères. — Les Visons forment le trait d'union entre le groupe des Martes et des Putois et celui des Loutres. On les classe aujourd’hui dans un genre spécial, le genre Lutreola qui a sa raison d’être, car le Vison pro- prement dit, de même que le Mink de l'Ancien Continent, que les fourreurs nomment Vison de Russie, n’est point un animal essentiellement terrestre et arboricole, mais au con- traire un être plutôt aquatique que terrestre, habitant les bords des marais et des cours d’eau et les rivages de la mer. LES VISONS 75 Au reste, les doigts des Visons sont réunis dans plus de la moitié de leur longueur par une membrane couverte de poils ; ils ont le museau large et plat et les oreilles courtes et arrondies des Loutres, tandis que, par tout le reste du corps, ils ressemblent aux Putois, dont ils ont à peu près la taille. Bien que le Vison d'Europe se distingue de celui d'Amé- rique par le nombre des vertèbres de la queue qui est de 19 chez le premier et de 21 chez le second, beaucoup de natu- ralistes ne considèrent pas ces deux animaux comme spécifi- quement distincts. F1G. 10. — Le Vison d'Europe. On emploie le Vison, en Allemagne, comme doublure et comme collets; en France, on en fait des garnitures. La fourrure de la plupart des Visons d'Amérique est maintenant utilisée dans les pays de provenance même. Le Vison »’EuroPpe. — Le Vison d'Europe (fig. 10), long de 36 centimètres du bout du nez à la naissance de la queue, a une queue de 16 centimètres environ. Son corps allongé repose sur des pattes courtes; sa tête est plus longue que celle de la Loutre. Sa fourrure, qui est assez estimée, est d’un brun plus ou moins foncé, tirant plus ou moins sur le fauve, avec une tache blanche à l'extrémité de la mâchoire 76 LES ANIMAUX A FOURRURE inférieure. Les poils qui la composent sont fournis, lisses, courts, assez rudes; 1ls recouvrent un épais duvet gris. Le Vison se rencontre dans tout le nord de l'Allemagne, mais en très petite quantité; il se montre, au contraire, en abondance en Finlande, en Pologne, en Lithuanie et en Russie; on le trouve depuis la mer Baltique jusqu’à l'Oural, depuis la Dwina jusqu’à la mer Noire. Il habite également la Bessarabie, la Transylvanie et la Galicie. LE VisoN D'AMEÉRIQUE Ou Mix. — Le Vison d'Amérique a, peu s’en faut, les mêmes couleurs que le Vison d'Europe ; mais sa fourrure plus épaisse est aussi plus recherchée pour la fabrication des manchons et des parures de dames. La peau vaut de 10 à 40 francs. Dans les parties septentrionales du Nouveau Continent, le poil de ces animaux est beaucoup plus long, plus doux, plus brillant que vers le midi; leur couleur varie du brun jaunâtre, plus ou moins clair, au noir roux, d’une teinte très riche, et elle est à peu de chose près la même sur le dessus et sur le dessous du corps. Les jeunes individus, âgés de deux ou trois ans, que l’on tue en plein hiver sont souvent d’un noir presque pur. À l’époque du rut ou lorsqu'ils sont effrayés, ils répandent une liqueur infecte dont les trappeurs se servent pour amorcer les pièges. Mœurs, régime. — Les Visons se nourrissent surtout de Poissons, de Batraciens, de Mollusques, de Crustacés et d'œufs de Tortues; ceux d'Europe ne laissent pas que de se montrer friands de volailles. Le Vison d'Amérique et celui d'Europe capturent assez fréquemment des oiseaux aquati- ques; ils mangent les Rats et les Souris; à l’occasion, ils s'emparent des Salamandres. Audubon vit le Vison très répandu dans l’Ohio où il rend assez de services en détruisant les Rats et les Souris. Mais il commet aussi bien des méfaits; il s’y nourrit de Poissons et s’y fait détester des pêcheurs qu’il suit avec attention LES VISONS “7 pour s’élancer hors des fourrés qui sont au bord de l’eau et leur enlever leur pêche. Il nage et plonge avec beaucoup d’habileté et poursuit les Poissons les plus agiles, tels que la Truite et le Saumon, Au besoin, il se contente d’une Gre- nouille ou d’une Salamandre; mais, quand il en a l’occasion, il se montre très gourmand. Son odorat excellent lui permet de poursuivre une proie avec autant d'assurance que le meilleur Chien de chasse, et des observateurs dignes de foi l’ont vu faire de ce sens l’usage le plus étendu. Dans les marais, il chasse les Campagnols, les Bruants, les Moineaux, les Canards; au bord des lacs, les Lièvres; dans la mer, il cherche des Huîtres et pêche les Moules au fond des rivières ; en un mot, dans toute localité, il sait s'accommoder aux circonstances et trouve de quoi se nourrir. Les rives ro- cheuses sont cependant les endroits où 1l se tient de préfé- rence et souvent on le trouve au bord des rapides et des cataractes. Quand on le poursuit, il saute à l’eau et cherche à se sauver en plongeant et en nageant; à terre, il court assez rapidement, mais les Chiens l’atteignent vite à la course; lorsqu'il les a à ses trousses, il grimpe sur les arbres et, s’il le peut, il cherche à échapper par la rusef. Les Visons font de 5 à G petits qu’ils déposent dans les cavités creusées sur les berges des rivières, sur les petits îlots ou dans le creux des arbres. Chasse. — On prend les Visons dans toutes sortes de pièges; on les tue au fusil. Mais comme ils sont fort agiles et qu’ils ont la vie très dure, ils échappent souvent. Les chasseurs indiens n’emploient jamais les armes à feu pour cette chasse, de peur de détériorer les peaux. Ajoutons, pour terminer, que ce que les marchands pelle- tiers vendent sous le nom de Vison du Poitou n'est autre chose que la dépouille du Putois ordinaire. 1 Brehm, Les Mammifères, édition francaise revue par Gerbe, t. I. 78 LES ANIMAUX A FOURRURE Les Loutres. — Les Loutres sont des carnassiers digiti- grades de la famille des Mustéliens. Nous ne parlerons ici que de la Loutre commune et de la Loutre de mer dési- gnée par les zoologistes modernes sous le nom générique d'Enhydris. LA LOUTRE COMMUNE. — La Loutre commune se trouve dans presque toutes les parties de l’Europe et de l'Asie sep- tentrionale. Elle n’est pas rare en France, en Espagne, en Italie, en Grèce et en Perse, mais elle se montre en plus grand nombre dans le nord de l'Ancien Continent, depuis la Grande-Bretagne et la Scandinavie à l’ouest, jusqu'aux con- fins de la Sibérie vers l'est, et, dans l'Amérique du Nord, elle est représentée par une espèce ou varieté locale qui n’en diffère que peu et qui est désignée sous le nom de Zowtre du Canada. La fourrure chaude et durable de la Loutre est très esti- mée; on en fait des manteaux, des manchons et des cas- quettes ; en Chine et en Bavière, des coiffures d'hommes; au Canada, des gants de dames très longs Description. — La Loutre commune (fig. 11) a le corps allongé et flexible, le dos un peu voûté. De la grosseur d’un petit Renard, elle mesure en longueur 70 centimètres du bout du nez à la naissance de la queue et pèse 10, 12 et quelquefois 15 kilogrammes. Fort basse sur pattes, elle ne dépasse pas en hauteur, au garrot, 33 centimètres. La fe- melle, un peu moindre que le mâle et plus flexible, est aussi, plus que lui, un animal vermiforme, dans toute l’acceptation du terme. Ce corps sinueux repose sur quatre membres très courts, distants, robustes, tourmentés et tortus, terminés chacun par une patte à longs doigts. Des gaînes des cinq doigts s'échappent autant d'ongles, non rétractiles, de peu de longueur, écartés, reployés en gouttières, pis uant comme des aiguilles et coupant comme des rasoirs. Avec ses doigts, réunis jusqu'aux ongles par une large et forte membrane, LES LOUTRES 29 T5 TETE \n fl Gi Ur NA \ Wei F1G. 11. — La Loutre commune. 80 LES ANIMAUX A FOURRURE la Loutre laisse sur le sol fangeux, que l’eau met à nu en se retirant, comme des traces de pattes d'Oie. Ces empreintes portent, en vènerie, le nom de « marche. » Le dessous des pieds est complètement nu et c’est à peine si le dessus est semé de quelques poils. Au moyen de ses quatre pattes palmées, la Loutre pousse, à travers les eaux, sa course rapide, dont elle règle les sinuosités par les flexions d’une queue cylindrique et pointue, longue de 30 à 35 centimètres, qu’elle manœuvre comme un gouvernail. À l'avant, se dessine un cou ramassé et si gros qu'il sem ble noyé dans le reste du corps. Au bout, paraît une tête grosse comme le poing, osseuse, large, aplatie et obtuse, à face très courte, de chaque côté de laquelle émerge à peine une oreille courte et arrondie. Les cartilages en sont si resserrés qu'on a pu dire, avec quelque apparence de vérité, que cette oreille était pourvue d’un rideau membraneux per- mettant à l'animal de clôturer l'organe à volonté. Plus loin un petit œil à pupille ronde, à iris brun châtain et fort vif, -et malin et méchant. Enfin, tout à l'extrémité du museau, un nez nu, dont la peau est hérissée de papilles dessinant un réseau. Deux lèvres épaisses, à longues moustaches blanchâtres, recouvrent le système dentaire qui comprend trente-six dents, savoir douze incisives, quatre canines crochues, douze molaires, huit prémolaires, également réparties à droite et à gauche, en haut et en bas de ces mâchoires puissantes. A l’intérienr de la gueule est une langue douce, quoique légèrement papilleuse. Dans les parties supérieures, la teinte générale du pelage rappelle la couleur du pain d’épice. Des poils qui composent la fourrure, ceux-ci sont rugueux, luisants, assez longs et bruns, ceux-là plus laineux, plus courts, plus abondants, plus fins et plus gris. Au ventre, à la gorge surtout, la colo- ration est plus pâle; au-dessous du cou, elle tire sur le LES LOUTRES el blanc, se fond insensiblement et se nuance avec celle du dessus du corps. La Loutre ne mue guère, la peau d'hiver est cependant plus brune et se vend plus cher que celle d'été. Le pelage de la femelle est plus clair; le poil des jeunes manque de finesse et quoique lisse et glissant comme celui des adultes, il contient plus de bourre. | Mœurs et habitat. — Dans l’eau, la Loutre se montre d’une merveilleuse agilité; mais, si elle y chemine en na- geant, sans faire aucun bruit, ridant à peine du bout du nez la surface de l’onde, elle est moins leste sur terre. L'animal y conserve, il est vrai, ses mouvements ondulatoires, son allure de couleuvre ; il s'y retourne encore avec facilité, mais 1l n'y marche que péniblement, procédant par une série de sauts plus ou moins rapides, portant la tête inclinée, tenant le nez au sol, aspirant continuellement à droite et à gauche comme une bête inquiète. On a dit de la Loutre qu’elle avait les sens obtus. On s’est trompé, car, elle a l’ouiïe fine et l’odorat d’une subtilité telle qu’elle évente sûrement à plusieurs centaines de pas, Méfiante, rusée, sauvage, elle aime la vie solitaire. Quel : quefois pourtant, l’âge fait perdre aux Loutres l’amour de la solitude, et l’on a vu de vieilles femelles former entre elles, après avoir mis bas, une sorte d'association de famille. La Loutre commune habite exclusivement les eaux douces et plus spécialement les ruisseaux aux berges boisées. On la rencontre aussi dans les contrées marécageuses, à proximité des lacs et des grands étangs. Au bord des rivières, elle élit domicile sous les vieux troncs de saules et au milieu des racines. Si elle a fait sa retraite d’une des cavités creusées sous les berges, l’ouverture en est placée à 50 ou 60 cen- timètres au-dessous du niveau de l’eau. De cet orifice part un couloir long de { mètre à 1",50 qui monte obliquement jusqu'à une pièce, toujours sèche et bien tapissée d’herbes. ) 82 LES ANIMAUX A FOURRURE Ce donjon, insuffisamment aéré par un deuxième couloir étroit et malaisé qui va crever la voûte de la berge, au milieu d’un buisson, est toujours infecté de l’odeur des dé- bris de poissons. Si l'habitation est en terre ferme, ce qui arrive quelquefois, la gueule du terrier est toujours masquée par des touffes d'herbes épaisses. Où qu’elle soit, la retraite de la Loutre porte en vènerie le nom de « Catiche » et chaque animal a, d'ordinaire, plus d’un logis. Ne trouve-t-on pas la Loutre même sur les arbres inclinés qui bordent les rives des cours d’eau! C'est là qu’elle se hisse, de ses ongles pointus ; lorsque sa demeure souterraine est envahie par la crue. Pendant le jour, elle se gîte parfois au milieu des roseaux épais, mais elle ne se relaisse ainsi dans le fourré qu’attardée à la pêche, quand les premiers rayons du soleil l’ont surprise loin de son refuge accoutumé. Au moment des grands froids, elle se retire aussi sous les ponts, sous les aqueducs recevant les eaux courantes qui ne gèlent pas. Ce n’est point de jour que sort cette bête. Elle ne se montre à la clarté qu’au commencement de l'hiver, époque du rut, et au printemps, au moment de la fauchaison. On la voit, à cette saison, se gratter au soleilet se débarrasser, à l'air libre, des parasites qu’elle a, pendant le mauvais temps, abrités et nourris dans sa fourrure. Hors ces deux cas, la Loutre est noctambule, et, chose curieuse! sitôt le soleil couché, cet animal, d'ordinaire si soupçonneux, paraît se départir de sa défiance naturelle ; et, dès le soir, été comme hiver, ilse met à l’eau à la même place, en ressort au même endroit, après avoir fait sur la berge son invariable trajet, obéissant en cela à des habitudes routinières qu’on ne se serait jamais attendu à rencontrer chez une bête si soucieuse de sa conservation. La Loutre dort, dine et digère. Ge sont là ses occupations LES LOUTRES 83 principales. Entre temps, elle se promène, tantôt suivant la rive en musardant, ne s’en éloignant que rarement, tantôt remontant le courant à la nage pendant plusieurs lieues par- fois, visitant avec soin les anses du rivage, plongeant quand il faut et marchant au fond de l’eau plutôt qu’elle n’y nage. Puis, caprieieusement elle se laisse couler, sans que l’onde accuse aucun remous, et permet au flot de la reconduire, entre deux eaux, au point de départ. Pendant tout ce voyage, elle pêche avec une indicible adresse. En rivière, elle ne peut gagner le poisson de vitesse, elle le sait et agit de ruse, épouvantant par de fréquents plongeons sa proie future, et battant l’eau de sa queue pour affoler ses victimes. Quand la terreur est au comble, elle furette à travers les racines, ins- pecte les trous où elle capture, sans peine, les plus belles pièces. Dans les viviers, point n’est besoin de subterfuges, elle fond sur le poisson et l’atteint. Mais, comme elle joue gros jeu et que d’un moment à l’autre le chien de la maison peut lui souffler au poil, il lui importe de ne pas déceler sa pré-- sence. Aussi emploie-t-elle, pour venir et s’en aller, les re- cettes les plus sûres. Pour entrer et sortir, elle fait jouer tous les ressorts de son esprit et de son corps. Elle s'approche de la pêcherie en suivant le cours d'un ruisseau, pour dissi- muler sa trace; à destination, elle franchit la berge d’une flexion d’échine, saisit sa proie, bondit au dehors d’un nou- veau tour de reins, et s’en va, par où elle est venue, manger sa proie au loin, en quelque endroit écarté. Moins prudentes, les jeunes Loutres dévorent sur place, le poisson qu’elles ont pris et signalent ainsi leur présence. Dans tous les cas, qu’elles soient vieilles ou jeunes, les Loutres mangent toujours à terre, près ou loin du théâtre de leurs exploits, jamais à l’eau. Tout poisson pris a les reins cassés près de la queue. C'est la manière de ces terribles braconniers d’eau douce. 84 | LES ANIMAUX A FOURRURE En hiver, la Loutre peut pêcher sous la glace; elle sait profiter de la moindre cassure et retrouver avec sûreté les passages par lesquels elle a pénétré. Près des eaux profondes, d’un arbre sur lequel elle s’est perchée, elle guette le poisson, l’apercoit, s’élance, plonge, le poursuit et le prend en un clin d'œil. La Loutre qui peut vivre une vingtaine d'années, n’est apte à s’accoupler et à reproduire qu’à trois ans; mais, si elle devient tardivement nubile, elle reste féconde jusqu’à un âge avancé. À l'époque des amours, en hiver, on peut entendre les Loutres s’appeler par des sifflements aigus et prolongés, et les voir, au clair de la lune, s’ébattre dans l’eau et s’y luti- ner. En février ou mars, l’union est consommée, mais, cette règle générale comporte certainement des exceptions puisque l'on trouve des jeunes en tout temps. Nous inclinons à penser que la femelle fait deux portées par an, une au printemps, l’autre à l'automne. Quoi qu'il en soit, elle porte neuf se- maines et met bas, sur une couche chaude et moelleuse d'herbes sèches, de un à cinq petits qui naissent les yeux fermés et demeurent ainsi aveugles pendant neuf jours. Dès l’âge de deux mois, ces petits accompagnent leur mère à la pêche et prennent des lecons d'adresse jusqu’à ce qu'ils soient à même de se passer de conseils. C'est à l’âge de huit mois ordinairement qu'ils se sentent capables d'opérer seuls. Ils quittent alors la famille et vont vivre à leur compte. Dans le courant de la deuxième année, ils ont acquis toute leur force et atteint toute leur taille. Tant que dure la première enfance, les jeunes Loutres font entendre un sifflement plaintif, semblable au cri de la sar- celle. Pendant toute cette période, la mère se montre pleine de sollicitude pour sa progéniture qu’elle défend, à l’occasion, avec une singulière énergie, Domestication. — Les Loutres ne sont point, il s’en faut, réfractaires aux lois de l’éducation. Depuis des siècles, les LES LOUTRES 95 Célestes en font de merveilleux chiens de pêche, et il y a des années que les Anglais sont devenus, en cela, les imitateurs, non les égaux des Chinois. Tous les efforts de l’éducateur doivent tendre à tempérer peu à peu, chez la jeune Loutre, l’amour inné qu’elle a pour le poisson. Cette période d’'expé- rimentation n’est pas toujours sans danger ; l'animal se rebute, mange avec répugnance des mets qui ne lui sont pas familiers ; l’'anémie est à craindre, et la maladie peut compromettre la santé, l'existence même de sujets naturellement bien con- stitués. Aussi ne faut-il procéder que par degré; éviter les transitions brusques dans l’alimentation ; diminuer progres- sivement la ration quotidienne de poisson et suppléer à son insuffisance en y mêlant d’abord de la viande crue. Puis, à ia viande crue, nourriture trop échauffante, on substituera eraduellement de la soupe, des herbes cuites, du pain surtout. Faite à cet ordinaire, nouveau pour elle, la Loutre est en mesure de profiter des leçons qui lui seront données. Dans le jardin, à la maison, on lui apprendra à tenir en sa gueule, sans les abimer, de menus objets ; à suivre le maître sans les lâcher, à rapporter enfin. De la douceur, des caresses, quelques friandises distribuées à propos, seconde- ront plus et mieux que les gourmades, les progrès de l'élève. Un peu plus tard, un jour de soleil, conduisez l'animal près d’un ruisseau, jetez-lui, du bord, une carpette très fraîche, 1l ira la prendre volontiers. À ce moment, serrez-le de près et veillez avec soin, car il est à craindre que cet instinct que vous n’avez qu'assoupi, et qui sommeille, ne s’éveille tout à coup, et n’entraine la jeune Loutre à gober le poisson pour son compte. Le rapporte-t-elle docilement, au contraire, donnez-lui- en la tête en manière de récompense. Recommen- cez souvent cet exercice et félicitez- vous du résultat, le succès est maintenant assuré ; vous êtes en passe d’avoir un excellent chien de pêche. La pêche au moyen de Loutres dressées avait pris un tel développement en Ecosse que ce genre de sport 86 LES ANIMAUX A FOURRURE vient d’être interdit dans ce pays. Une trop grande quantité de poissons était détruite dans les expéditions des pêcheurs assistés de Loutres. Vous plait-il de faire de la pêcheuse, un chien de chasse au marais, VOUS y parviendrez, non sans un nouveau dressage, assurément. Rappelez-vous qu’à l’état de nature, la Loutre qui n’est pas seulement piscivore, ne laisse point échapper l’occasion de happer, dans les jones, les oiseaux aquatiques. Si vous savez utiliser ces appétits, vous amènerez votre élève à suivre les chiens dans les étangs, et à rapporter, comme eux, la sauvagine et les oiseaux démontés. Il est donc vrai que, sous l'influence d’une éducation bien comprise, le caractère de la Loutre perd, peu à peu, de son insociabilité. Ajoutons qu’à la longue cette bête devient fami- lière comme le chien, câline comme le chat ; qu’elle recherche et provoque les caresses de l'homme, qu'elle s’attache à son maître et le sert avec intelligence, fidélité et dévouement. Chasse. — Malgré tant de qualités, les hommes lui ont déclaré une guerre à mort. Pourquoi? C’est qu'en aucun temps nul monstre ne fut plus grand destructeur de poisson. Ruisseaux, rivières, étangs, lacs, sont appauvris, ruinés, en quelques jours, par ce braconnier d’eau douce, qui prend plus de pièces qu’iln’en peut dévorer, quitue pour le plaisir de tuer, qui, rassasié, continue de pêcher, par amour de l’art, et, en une nuit, tire de l’eau, pour se divertir, cent kilos de poisson, négligeant le fretin pour donner la préférence aux brochets de six à sept kilogrammes et aux anguilles de sept à huit livres. On emploie pour se défaire de la Loutre, divers moyens, l'affût, la chasse aux chiens courants, la chasse au filet, la fourche, le fusil (fig. 12), les pièges. C'est au traquenard qu'il s’en détruit le plus. Pour pratiquer l'affût avec quelque chance de succès, il faut, avant tout, chercher à bien connaître la passée habi- LES LOUTRES 87 tuelle de l'animal. Le mieux est de se poster, bien abrité, non loin des pierres blanches du bord de la rivière sur les- quelles la Loutre laisse ses épreintes. Les pierres plates et F1c, 12. — La chasse à la Loutre. blanches sont, révérence parler, les cabinets d’aisances pré- férés de la Loutre. Sitôt qu’elle passe, il faut se presser d2 tirer ; car elle passe comme une ombre; et si l’on n’a prisle soin de charger de gros plomb, et de viser à la tête, en risque de ne point fixer sur place l’animal, qui, bien que 88 LES ANIMAUX A FOURRURE grièvement blessé, se traîne jusqu’à l’eau, s’y noie et y demeure introuvable. Pendant les gelées, l'affût le meilleur est à proximité des trous qui se sont faits dans la glace. Aux chiens courants, le plus simple est de chasser la Loutre à la billebaude, c’est-à-dire sans la détourner d'avance. Les tireurs se tiennent sur les berges prêts à faire feu; et des traqueurs, secondés par les chiens, sondent les trous avec des perches et des tridents. C'est à partir de minuit que commence cette chasse. Les chiens poussent ardemment la Loutre qui laisse, comme toutes les bêtes puantes, beaucoup de sentiment. Ils la relè- vent, l’épuisent vite en l’obligeant à des plongeons répétés, et la forcent à se montrer. Si l’on ne peut la harponner dans les bas fonds, qu’on la tire au fusil aussitôt qu’elle montre le nez au milieu d'une toufte d'herbes. Vivement pressée, la Loutre s’acculera sous quelque roche ou racine et acceptera franchement le combat: le mieux, en pareille occurence, est d’en finir au plus tôt, car les morsures sont dangereuses pour les chiens et la plaie guérit difficilement. Lorsque la nature du sol y prête, nous conseillons de percer en dessus et de saisir la bête à l’aide d’une pince. | Lorsque l’on veut détourner la Loutre et la chasser en plein jour, il faut visiter soigneusement le bord de la rivière, sans négliger les ruisseaux qui viennent s’y jeter. Souvent on relèvera le pied près d’une mare, ou au fond d’un ruisseau bourbeux dont l'eau s’est retirée. Lorsque l’on trouve l'animal dans sa catiche, il y a lieu de boucher l’ouverture avec une planche et de procéder au déterrage comme pour le Renard et le Blaireau. La chasse au tramail ne se pratique point en France que je sache. Là où l’on se livre à ce genre de sport, c’est-à-dire dans les eaux profondes où l’usage du harpon est difficile, on barre la rivière au moyen d’un rideau de filet, solidement maillé, maintenu au fond par des balles de plomb et soutenu, LA LOUTRE DE MER 89 d'autre part, à fleur d’eau par des morceaux de liège. On traque la Loutre jusqu'à ce qu’elle tombe dans le panneau; mais on ne prend guère ainsi que les jeunes Loutres, les vieilles mettant à profit leur expérience et se dérobant tou- jours au bon moment. Pour ce qui est des pièges, on peut les employer avec ou sans amorces. Si vous voulez les amorcer, faites-le d’une écrevisse vivante, d’une truite fraîche ou d’un oiseau d’eau. Vous réussirez souvent en plaçant le traquenard dans un des fossés fréquentés par la Loutre, si vous avez soin surtout de rétrécir le passage au moyen de pieux bien enfoncés, Quant aux pièges sans amorces, placez-les à cinq ou six centimètres sous l’eau près de la catiche, et recouvrez- les de mousse, mais ne portez pas les mains nues sur le piège et ne le touchez qu'avec des gants imprégnés de vieux oing ou de fiente de Loutre La Loutre de mer. — Caracteres. — L’Enhydre (fig. 13) qui mesure en longueur, du bout du nez au bout de la queue 1",60, et qui pèse de 35 à 40 kilogrammes est un animal à corps cylindrique, à queue courte (30 centimètres), aplatie, conique, et bien touflue. Le col est court et épais; la tête ronde et obtuse est pourvue d’oreilles profondes ; la lèvre su- périeure porte trois rangées de fortes moustaches. De grands yeux clairs donnent à notre animal une physionomie éveillée. Les doigts des pattes de devant, comme ceux des pattes de derrière, sont réunis par une forte membrane nue à sa face inférieure, et armés de petites griffes peu recourbées. Quant au pelage, il est composé d'un duvet très mou, brun noir avec mouchetures blanches, et de longs poils soyeux et raides. Chez les jeunes, les poils qui recouvrent le duvet sont très grossiers et tirant sur le blanc. Distribution géographique. — On trouve les Loutres de mer sur les îles et les côtes du grand Océan, entre l’Asie et l'Amérique du Nord. Mais les épouvantables massacres qu’on a faits de ces animaux en a sensiblement diminué le nombre, 90 LES ANIMAUX A FOURRURE et déjà on ne les rencontre plus que par accident sur les côtes du Japon. « Lorsque les Russes abordèrent pour la première fois aux îles Aléoutes, qui, au sud de la mer de Behring, s'étendent en manière de chaîne de la pointe de la pres- qu'ile d'Alaska jusqu’auprès de la côte du Kamtchatka, ils furent frappés de la beauté des fourrures dont les habitants de ces terres désolées étaient vêtus; elles y étaient très com- munes, et l’on pouvait s’en procurer par échange, à très bas prix. Ces peaux provenaient des Loutres marines, qui, alors, se montralent en grand nombre dans toutes les parties de cet archipel, ainsi que sur le littoral de la partie adjacente de l’Amérique boréale, et fréquentaient également les côtes du Kamtchatka et les îles Kouriles, situées au sud de cette partie extrême de l’Asie septentrionale ; mais, par suite de la chasse active dont ces animaux ne tardèrent pas à devenir l'objet, ils disparurent bientôt de la plupart de ces terres. On continue à en voir quelques-uns sur le littoral américain, jusque dans l’Orégon, et parfois des individus isolés sont transportés sur des glaçons jusque dans le nord du groupe des îles japonaises; mais, maintenant, ils ne sont abondants que sur quelques-unes des îles aléoutiennes, les plus petites, notamment à Saanach et aux Chernobours.» (Milne Edwards). Jusqu'en 1867, époque à laquelle la Russie céda à la Rc- publique des États-Unis ses possessions dans le nord-ouest de l'Amérique, on ne sut des Loutres marines que ce qu’en avait dit Steller. Ce voyageur qui accompagna Behring, na- vigateur danois au service de la Russie, sur la côte nord- est de l'Amérique, y fit naufrage et, après y avoir été retenu trois ans, vint mourir de froid en Sibérie, en 1745. Le naturaliste H. Elliott, dans un document officiel publié à Washington en 1875, est, à son tour, venu ajouter à ce que l’on savait alors des Loutres marines, de très précieux ren- seignements, recueillis pendant qu’il explorait le territoire de l'Alaska, tant sur l’histoire naturelle proprement dite et les 91 de ces LA LOUTRE DE MER economique 4 mœurs des Enhydres que sur l’histoire Mammifères, ‘ou JEUX AP QUI a RE 4 == ‘Or “OUT PERTE lin A1 À CAO TIR À € + 92 LES ANIMAUX A FOURRURE Mœurs et régime. — La Loutre de mer est un animal charmant, doux, plein de gaité et d'entrain. Elle vit en familles composées du mâle, de la femelle, des jeunes à demi- adultes, et des petits encore à la mamelle. Les parents sont très attachés à leur progéniture, et si on leur ravit quelqu'un de leurs enfants, ils semblent le réclamer en poussant des gémissements plaintifs. La femelle ne fait qu'un petit, qui nait avec toutes ses dents; elle met bas à terre ; mais, sitôt délivrée, elle prend son nourrisson dans sa gueule et le porte à l’eau. Là, couchée sur le dos, elle se laisse flotter, tenant en ses pattes de devant ce petit, comme une nourrice tiendrait un enfant dans ses bras. Elle l’amuse, le caresse, le lance en l’air et le rattrape, le jette à l’eau pour qu'il apprenne à nager et le recueille lorsqu'elle le voit fatigué. &« Une femelle qui nourrit, dit Steller, et que l'on poursuit prend son petit dans sa gueule, l'emporte et ne l'abandonne qu’en mourant. J’ai pris à des femelles leurs petits pour voir ce qu'elles feraient. Elles gémissaient comme un homme, et me suivaient de loin ; elles les appelaient par leurs gémissements ; ceux-ci leur répondaient de même ; je les déposai à terre, elles arrivèrent et s’apprétèrent à les emporter. Si leur petit est déjà trop fort, elles le chassent devant elles. Je vis un jour une mère qui dormait avec son nourrisson. Elle m'aperçut, chercha à l’éveiller, et, comme il était plus disposé à dormir qu’à fuir, elle le prit dans ses pattes de devant, et le jeta dans la mer, comme elle eût jeté une pierre. Lorsque la Loutre de mer a pu échapper et gagner un peu le large, elle agit comme si elle se moquait du chasseur, et devient alors très amusante. Tantôt elle se dresse verticale ment dans l’eau, et sauteau milieu des flots, une de ses pattes au-dessus des yeux, comme pour les garantir du soleil ; tantôt elle se jette sur le dos ; elle lance son petit à l’eau, le rattrape. Si, au contraire, elle se voit prise, elle gronde et LA LOUTRE DE MER 93 siffle comme un chat en colère. Quand elle reçoit un coup mortel, elle se jette sur le flanc, ramène l’une contre l’autre ses pattes de derrière et se couvre les yeux avec celles de devant. Morte, elle est étendue comme un homme, les pattes de devant écartées en croix {. » Les Crabes, les Mollusques et les Oursins font sa prin. cipale nourriture. _ La mue a lieu en juillet et en août; la peau de l’animal est alors d’un brun plus accusé; cette mue se fait, par degré, pour ainsi dire, et non tout d’un coup. Comme nous l’avons dit, en passant, pendant la période de première jeunesse le pelage de la Loutre de mer est brunâtre et griselé ; le poil est alors grossier et médiocrement fourni; mais, insensible- ment, la robe se fonce, noircit, devient plus douce, et semble un fourreau de soie d’un brun noir intense et brillant. A l'âge de deux ans, le pelage de la Loutre atteint son plus haut degré de perfection, plus tard, surtout quand l’animal devient vieux, sa robe prend une teinte gris fauve. La peau, d’ail- leurs, n’adhère que très peu à la chair, si bien qu’on parvient à l’arracher sans efforts, de la même manière qu’on arrache la peau d’un Lièvre ou d’un Lapin. La dépouille ainsi retournée, le poil en dedans, est étirée, puis séchée; elle prend, de la sorte, une longueur plus considérable que celle de l’animal même. C’est ce qui a fait longtemps supposer que la Loutre marine, que l’on ne jugeait guère en Europe quesur la dimension de sa peau, était d’une taille supérieure à la véritable grandeur de l’animal. Pendant le séjour prolongé que Steller fit dans les parages de la mer de Behring, vers le milieu du siècle dernier, les Loutres marines s’y montraient en innombrables troupes, et comme, elles y vivaient, depuis des siècles, sans étre inquié- tées outre mesure; elles se laissaient assez facilement ap- 1 Steller, Novi commentarii Acad, Petropol.,t, II, 1749, 94 LES ANIMAUX A FOURRURE procher par l’homme. La chair de la Loutre marine fut, pendant six mois, la nourriture exclusive de Steller et de ses compagnons. Quand nous arrivâmes à l’île de Behring, dit ce voya- geur, les Loutres de mer étaient très abondantes. Elles se rendaient à terre en toute saison, mais surtout en hiver, pour dormir, se reposer, se livrer à leurs jeux. À la marée basse, elles se couchaient sur les rochers ; à la marée haute, elles s’avançaient sur la plage, quelquefois jusqu’à une verste de la mer. Au Kamchatka et aux îles Kouriles, elles n’ar- rivent à terre que rarement; ceci montre qu’à l’ile de Behring, elles n’avaient jamais été dérangées dans leurs jeux. Chasse. — Aujourd’hui que le principal rendez-vous des Enhydres est l'étroit îlot de Saanack, qui présente, il est vrai, de loin en loin, quelques plages sablonneuses, mais qui est bordé, presque partout, d'énormes blocs de rochers, la chasse des Loutres marines est devenue extrêmement périlleuse. Les habitants des îles Aléoutiennes, et particulièrement les indigènes de l’Ounalashka, la principale de ces îles, con- naissent et affrontent les dangers de cette chasse, qui doit se pratiquer, par le froïd et les vents glacials, au milieu d’une longue série d’écueils. Les Loutres sont devenues si craintives et si fuyardes, que les chasseurs doivent prendre des précautions infinies pour qu’elles n’abandonnent pas, sans esprit de retour, leur demeure favorite. Aussi sont-ils obligés de se cantonner, parfois pendant des semaines, au milieu des rochers, sans. faire aucun bruit, sans allumer de feu, même pour la. cuisson de leurs aliments, de supporter les rigueurs d’une température inclémente pour ne pas manquer le but de leur chasse. Cette chasse se pratique le plus souvent, au fusil, à travers les récifs, sur des sujets isolés, et, la détonation, venant se perdre dans le bruit des vagues, ne risque point de donner l'alarme aux Enhydres du voisinage. De l'affût, derrière le LA LOUTRE DE MER dE rocher à l’abri duquel il se tient, le chasseur, qui tire au posé, peut faire feu utilement, même à de longues distances, sur l’animal qui nage ou stationne à portée. Lorsque la bête est touchée, et que la mer n’est pasfurieuse, comme il arrive, le chasseur quitte sa cachette, saute dans un canot léger et va ramasser sa victime. Si la mer est en tel état qu'il y ait danger à s’y aventurer, il laisse à la vague le soin de rejeter le cadavre sur le rivage. La chasse au fusil, offre des inconvénients. La peau percée de balles a moins de valeur. Aussi a-t-on recours assez fréquemment à d’autres procédés. Voici un des plus usités. Lorsque la mer est assez calme, quinze ou vingt barques, montées chacune par deux hommes, et placées sous la direc- tion d’un chef élu par ses compagnons, prennent le large, et s’en vont à la recherche des Loutres. Dès qu’un de ces ani- maux est aperçu, dormant sur l’eau, la barque la plus rap- prochée glisse en silence de ce côté, et un des matelots qui la montent se prépare à frapper sa victime de la lance dont il est armé. Presque toujours la bête prend l’alarme avant d’être frappée et fait un plongeon. C’est alors que commence une de ces longues poursuites, de trois ou quatre heures con- sécutives, qui, dans ses péripéties, entraine bien souvent loin des côtes ces chasseurs imprévoyants, dépourvus d’eau potable, sans vivres suffisants, montés sur de fréles esquifs que leur fragilité même expose à être chavirés par le moindre gros temps. La manœuvre de ces hardis aventuriers est tou- jours la même, Ils savent que la Loutre ne peut demeurer longtemps sous l’eau sans y être suffoquée ; au premier plon- geon de l’animal, une barque va se placer là où il a disparu, puis les autres embarcations formant le cercle autour de la première, les chasseurs se tiennent aux aguets et attendent en silence que la Loutre vienne respirer à la surface de l’eau, Sitôt qu’elle apparait, le chasseur qui l’aperçoit d’abord, lance sa barque et cherche à percer sa victime. Disparaït - 06 LES ANIMAUX A FOURRURE elle de nouveau, de nouveau on prend la même formation de combat, et l’action continue jusqu'à ce qu'épuisée, la bête se laisse prendre sans résistance. D’autres fois, lorsqu'un violent orage, venant du Nord, a forcé les Enhydres à chercher un refuge dans les brisants les plus méridionaux, les chasseurs vont les y surprendre. Ils les trouvent la tête enfoncée dans les varechs bien à l'abri du vent, et les assomment à coups de massues. On en peut tuer ainsi jusqu’à soixante-dix en une heure et demie. Enfin, on se sert aussi, pour capturer ces malheureux animaux, de filets grossiers de 5 à 6 mètres de long que l’on étend sur les lits de varech où les Loutres viennent se coucher pour dormir. Celles-ci s’y empétrent et y restent comme para- lysées par la frayeur, jusqu'à ce qu’on vienne les tuer sur _ place. Depuis la découverte par Behring des îles Aléoutiennes et des terres adjacentes, le nombre des Loutres marines a sensi- blement diminué dans ces régions. En 1804, un des agents de la Compagnie russe, établie dans ces parages pour le commerce des pelleteries, emporta de l'Alaska 15.000 peaux de Loutres de mer, tandis qu’en 1866, lors de la cession de ce pays à la République américaine, le nombre de ces peaux ne dépassa pas 500. Le district de Sika n’en four- nissait que 100 ou 150, et le commerce anglais n’en tirait de l’'Orégon qu'environ 200, par conséquent, le nombre total, pour une année, était tombé au-dessous de 1000. Depuis la prise de possession de toute la partie nord-ouest de l’Amé- rique par les Américains, le rendement de cette chasse a beaucoup augmenté ; on évalue à 4000 le nombre des peaux obtenues en 1873. Mais, cet accroissement n’implique pas une augmentation du nombre des Loutres qui habitent le ter- ritoire alaskien, seulement des facilités plus grandes sont données pour la destruction de ces animaux. Sous le gouver- nement des Russes, la vente des armes à feu était prohibée ; LES OTARIES OU PHOQUES A OREÏLLES 97 aujourd'hui les indigènes s’en procurent librement et, par conséquent, ils tuent beaucoup plus, et, au train où vont les choses, on peut prévoir que bientôt l’extermination des Enhydres sera complète, à moins que des mesures législa- tives ne soient adoptées pour modérer le carnage (Milne | Edwards). Un projet de loi, à cet effet, a été déposé en 1879 par M. Elliott et nous pensons, qu’à l'heure qu’il est, les mesures nécessaires ont été prises. C’est par les Chinois etles Japonais que les magnifiques fourrures de Loutre marine sont le plus recherchées, et le commerce n’en apporte que très peu en Europe. Pendant les vingt années comprises entre 1842 et 1862, la Compagnie russe obtint en tout 7427 de ces peaux, savoir: 4954 de la station de Saint-Michel, sur le continent de l'Amérique boréale, près du détroit de Behring ; 1165 de celle de Kaskoquim, située sur la même côte, un peu plus au sud; 329, d'Ounalashka, la principale île du groupe Aléoutien; et 979, de Shomaguins, île située plus à l’est, près de l’ex- trémité de l'Alaska. C’est donc sur la côte américaine, très loin vers le nord, que ces animaux sont le moins rares; mais je dois ajouter qu’on manque de renseignements précis rela- tivement aux produits de la chasse dans le district de Sika, situé au sud des possessions américaines dans cette région _ boréale (H. Milne Edwards). On peut faire avec une peau de Loutre de mer de trois à cinq cols de ces manteaux portés en Russie par tous les personnages éminents et par les militaires; on en fabrique également des coiffures, recherchées en Russie, et les mandarins en Chine portent des vêtements faits entiè- rement en Loutre; il faut, pour ce genre de fourrure, trois peaux de Loutre. Les Otaries ou Phoques à oreilles. — Dans les premieres années qui suivirent l'occupation duterritoire d’Alaska par lés Russes, ce qui remonte à 1760, les nouveaux occupants netar- dèrent pas à s’apercevoir que leurs chasses incessantes et les Lichoix-DanLiarp, Poil et Fourrures. 6 O8 LES ANIMAUX A FOURRURE tueries exagérées qu'ilsavaient faites, dès le début, des Lou- tres marines, habitant ces parages, avaient fait de tels vides . dans les rangs de ces animaux, que bientôt cette source de re- venus importants allait se tarir. Aussi songèrent-ils à faire commerce d’autres animaux marins dont la fourrure pût être utilisée, et ils jetèrent leur dévolu sur les Otaries ou Phoques À oreilles, que jusque là ils avaient négligés. C’est à la suite des observations que nous allons relater que les lieux de re- production de ces Mammifères pinnipèdes furent découverts, et que l’on commença à faire de ces carnassiers amphibies d'épouvantables hécatombes. Les traficants russes, qui faisaient le commerce des pelle- teries dans les îles Aléoutiennes avaient remarqué que deux fois par an, d'innombrables troupes de phoques s’engageaient, en descendant et en remontant, dans les bras de mers étroits qui séparent ces différentes îles. Où allaient et d’où venaient ces bandes de Mammifères marins? On les voyait, à l’automne, se diriger vers le sud, au printemps, gagner le nord, pour reparaître à l’automne et au printemps suivants dans les mé- mes parages et en égale abondance. On soupconnait bien que le lieu d’origine de ces Phoques devait être baïigné par la mer de Behring, mais les Aléoutiens qu'on interrogeait sur ce point, ne pouvaient fournir aucune indication précise. Poussé par la curiosité autant que par l’appétit du gain, en 1786, Gehrman Prybilov, commandant d’un petit navire marchand desservant les comptoirs de pelleteries dela région, s’engagea dans la mer de Behring, dans la direction du Sud au Nord qu'il avait vu suivre aux troupeaux de phoques à l'approche du printemps. Après de longues explorations, il découvrit sur des terres inconnues qui portent actuellement le nom de ce navigateur, et plus particulièrement sur l’île aujourd’hui dénommée île des Phoques, une innombrable multitude de ces animaux, qui y étaient installés pour se reproduire, Prybiloy fit une chasse merveilleuse, et revint chargé d'une riche car- LES OTARIES OÙ PHOQUES A OREILLES 99 gaison. Mais, bien qu'il voulût tenir secrète sa découverte, pour étre le seul à en profiter, elle fut bientôt connue de plusieurs habitants de l’Ounalaska, qui ne tardèrent pas à s’armer en guerre, et à aller, de leur côté, exploiter dans la mer de Behring, les richesses que Prybilov n’eût point voulu partager. En 1799, une Compagnie russe ayant obtenu le monopo'e du commerce des pelleteries dans l'Alaska et dans les mers voisines de ce pays, ce fut entre les mains des agents de cette Compagnie que la chasse des Otaries fut centralisée, iusqu’en 1869, époque à laquelle le gouvernement des États-Ums d'Amérique déposséda presque totalement la Compagnie russe de son privilège. Les îles Aléoutiennes, ainsi que pres- que toutes les îles situées dans la mer de Behring, ayant passé sous la domination de l'Amérique, il ne resta plus hors de la domination de cette puissance que les îles avoisinant le Kamschakta, et notamment l’île de Behring et l’ile Cooper. Les Otaries se reproduisent, il est vrai, sur ces deux îles, aussi bien que sur celles de la chaîne aléoutienne ; mais. comme elles ont beaucoup moins d'importance, à ce point de vue, que les îles Pribilov, on peut dire que le commerce des pelleteries de cette région toute entière appartient absolument aux Américains. C’est d’ailleurs un grand bien qu’il en soit ainsi, car aux tueries sans limites ont succédé des procédés d'exploitation capables d'assurer la conservation d’une espèce qui n’eût pas manqué de disparaître, si l’on eût continué à exterminer, sans mesure et sans règles, les animaux qui la composent. Si la Compagnie russe eût conservé son mono - pole, c'en était fait des Otaries ; il suffit pour se convaincre de la vérité de cette affirmation de comparer les chiffres suivants. De 1797 à 1821, la compagnie des fourrures russes expédia des îles Prybilov 1.232.374 peaux d’Otaries; de 1842 à 1862, elle ne pouvait déjà plus en expédier que 19.467. Depuis que cette industrie lucrative est mieux administrée, 100 LES ANIMAUX A FOURRURE la Compagnie américaine peut récolter chaque année 100.000 peaux, sans que la population des Otaries, paraisse subir une diminution sensible. Cela tient à ce que les reproducteurs sont scrupuleusement respectés, et qu’il n’est permis de tuer, sur les 4 millions et demi d’Otaries, qui se réfugient, au printemps, dans les îles de la mer de Behring que les jeunes mâles non reproducteurs qui vivent séparés des femelles et qui constituent, à peu près, les trois quarts du nombre des mâles qui naissent chaque année. Caractères généraux., — Les Otaries sont des Phocidés qui vivent dans les mers polaires des deux hémisphères, et le nombre de leurs espèces est considérable. Il y en a d'énormes mesurant plusieurs mètres de longueur et de toutes petites. A première vue, la dépouille des Otaries semble peu propre à fournir de belles pelleteries ; le poil du dessus et raide et gros- sier, quelques-unes possèdent une véritable crinière (fig. 14). Mais sous ces espèces de soies rigides se trouve une couche de duvet, qui, après avoir été travaillé par les pelletiers, devient une fourrure recherchée, aussi belle que celle du Castor, et que l’on vend dans le commerce sous le nom de Castor de l'Inde, pays où il n’y a pas de Castors. Quelquefois on fait passer ces peaux pour des peaux de Loutres marines. - Les Otaries sont proches parentes des Phoques, mais la conformation de leurs membres étant moins rudimentaire, leur locomotion terrestre est relativement aisée. Au lieu de se traîner sur le ventre en sautillant comme les Phoques, les Otaries se portent sur les membres antérieurs et postérieurs ; et elles montrent une agilité surprenante pour escalader les rochers et franchir des rampes assez escarpées. Quand l’Ota- rie veut se hâter, elle progresse en se balançant, se servant de son grand cou qui mesure presque la moitié de la longueur totale de son corps, comme d’un balancier ; jetant sa tête à droite, puis à gauche ; son arrière-main se trouve soulevée LES OTARIES OU PHOQUES A OREILLES 101 à chaque oscillation, en sorte que l’allure générale ressemble à une espèce de lourd galop. La course de l’Otarie peut d’ail- leurs être assez vive pour que l’on soit obligé de courir pour Fi, 14, — L’Otarie à crinière, l’atteindre, mais, en aucun cas, elle n’est de longue durée, car l’animal se fatigue rapidement. Dans l’eau, au contraire, rien n’égale, la gracieuseté et l’agilité de ce singulier amphibie. Mœurs. — Les habitudes des Otaries sont sensiblement différentes de celles des Phoques. Les Phoques quittent, en 6. 102 LES ANIMAUX A FOURRURE L.4 effet, le moins possible, le voisinage de l’eau; ils viennent s’échouer sur des bancs de sable, et pénètrent dans des grot- tes pour se reposer et pour donner naissance à leurs petits. Jamais, ils nes’aventurent au loin dans les terres. Il n’en est pas de même des Otaries. Lorsque les Otaries des contrées boréales quittent, pour s’avancer vers le sud, les mers queles glaces vont immobi- liser ; elles se répandent sur les côtes du Pacifique, soit en haute mer, soit dans le voisinage des côtes, mais sans descen- dre à terre. On peut les voir dormir sans mouvement à la surface des flots, roulées par la vague, au hasard des cou- rants. À leur réveil, elles se mettent à la poursuite des bandes de poissons qui font leur nourriture. Les Otaries restent dans les parties de l’océan Pacifique jusqu’au retour du printemps ; à cette époque, elles fuient devant la chaleur qui les incommode et regagnent les eaux plus froides, au voisi- nage du pôle. A leur entrée dans la mer de Behring, les mâles qui arrivent bien avant la troupe des femelles, se divisent en deux groupes; le premier est composé des reproducteurs, le second des jeunes mâles que les plus vieux contraignent à faire bande à part. On voit les mâles adultes, au moment où ils approchent de la côte, dresser la tête hors de l’eau, inspecter du regard le rivage, chercher le lieu de débarquement, et celui où ils établiront leur demeure. Il leur faut un terrain choisi, une atmosphère fraîche et très humide, un sol qui ne soit ni sablonneux ni susceptible de devenir boueux, une pente douce. Is ne trouvent ces conditions réunies que dans un très petit nombre d'îles, et quand ils ont rencontré le gîte qui leur con- vient, chaque mâle y choisit l'emplacement qui lui paraît le plus propre à recevoir honorablement les dix ou quinze femelles qui composeront plus tard son harem. En général, aucun ne cherche à empiéter sur le domaine de son voisin; il arrive cependant aux occupants, lorsqu'ils LES OTARIES OU PHOQUES A OREILLES 103 se sentent trop à l’étroit, de se livrer des combats pour se déposséder de leur domaine. M. Elliot eut l’occasion de voir un de ces vieux mâles qui eût à soutenir au moins cinquante ou soixante batailles de ce genre, dont il sortit victorieux, mais non sans avoir reçu de cruelles blessures. En général, les deux adversaires se rapprochent en détournant la tête et en soufflant avec violence: ils font beaucoup de fausses passes avant de chercher à se saisir avec leurs mâchoires. Dès que l’un d’eux a pris sa victime, il ne la lâche qu’à la dernière extrémité; mais le vaincu peut se retirer sans que le vainqueur songe à le poursuivre : il se contente de s’éven- ter avec une de ses pattes en forme de nageoire et de pousser un petit cri de triomphe (H. Milne Edwards). Trois semaines après l'installation des vieux mâles, arri- vent les femelles adultes, ce sont celles qui sont âgées de trois ans. Dès qu’elles sont en vue, chaque prétendant se préci-- pite, marche au-devant, fait galamment ses offres et sa cour et ramène sa conquête; le mâle renouvelle ce manège jusqu'à ce qu’il ait persuadé successivement une quinzaine d’épouses. Dans ses allées et venues, pour monter son sérail, 1l peut lui arriver des mécomptes ; quelque jaloux a pu lui ravir une de ses femelles; il sait, à son retour, se la faire rendre et punir le ravisseur. | LEs RooKERIES. — Le campement des Otaries occupe quelquefois un espace très considérable ; les Américains dési- gnent les lieux occupés par les animaux reproducteurs sous le nom de Rookeries. Un seul de ces Rookeries compte quel- quefois plus d’un million d'habitants après que les femelles ont mis bas. La mise bas a lieu peu de temps après l’arrivée des femel- les; chacune ne fait d'ordinaire qu’un petit qu’elle élève avec la plus grande sollicitude. Dès que les jeunes sont un peu forts, ils accompagnent leur mère à l’eau et apprennent d'elle à nager et à chercher leur nourriture. Quant aux vieux 104 LES ANIMAUX A FOURRURE mâles, pendant tout le temps du séjour, ils restent à terre, sans boire ni manger, vivant sur la graisse qu’ils ont accu- mulée pendant l'hiver. Les jeunes mâles, relégués à une certaine distance du campement, attendent, presque toujours en vain, l’occasion de se procurer quelque compagne, infidèle à son premier époux. Ils sont d’ailleurs à la veille d’être massacrés, car c’est sur eux seuls que s'exerce la cruauté des matelots américains. Chasse. — La tuerie s’effectue de la manière suivante : Lorsqu'une bande de jeunes mâles est signalée à terre, il s’agit, pour les chasseurs, de se placer entre le gros de la troupe et la mer, de façon à couper toute retraite aux Ota- ries, qu’on pousse ensuite doucement vers l’intérieur de l’île, jusqu’à l'endroit où elles doivent être abattues, puis écor- chées. Mais, cette course, parfois de longue durée, qu’elles font par sauts et par bonds, épuise promptement leurs forces, étant donné la pesanteur de leur corps. Si on les presse trop, elles tombent sans chercher d’ordinaire à se défendre et elles meurent souvent sur place. Or, elles sont trop lourdes pour que l’on puisse les transporter facilement jusqu’à l’écorche- rie, située souvent à 3 ou 4 kilomètres du point d’atterrage, . et, par conséquent, ces accidents, sont une cause de pertes importantes. Aussi les chasseurs ont-ils soin de ne les. pousser que doucement en avant et de les laisser se reposer quand elles donnent des signes de fatigue. Les troupeaux d'Otaries se rendent ainsi tranquillement au lieu d'exécution comme nos Bœufs vont à l’abattoir, sans être effrayées par l'odeur du sang que répand ce lieu de carnage. Lorsque l'atmosphère est fraîche et humide, le sol gazonné ou ferme et uni, on peut sans danger les faire parcourir ainsi un demi- kilomètre par heure, et en les pressant elles peuvent doubler de vitesse. Un mâle adulte peut même courir aussi vite qu’un homme, mais pendant peu de temps seulement, et après avoir parcouru de la sorte une distance d’environ 100 mètres, LES OTARIES OU PHOQUES À OREILLES 105 l’animal tombe, pantelant et incapable de faire de nouveaux “efforts. Les vieux individus se révoltent parfois lorsqu'on les pousse trop; mais, lorsqu'ils sont très fatigués, les chasseurs les abandonnent sans beaucoup de regrets et les laissent retourner à la mer, car à dater de la cinquième ou sixième mue leur fourrure n’a que peu de valeur. L’'abattoir. — Arrivées à l'abattoir, les Otaries y restent en repos pendant quelque temps; puis on sépare du gros de la troupe une escouade de 50 à 200 individus que l’on ras- semble en un groupe et que l’on assomme successivement au moyen de coups de massue donnés sur la tête. Les hommes employés à cette besogne sont au nombre de 15 ou 20 et remplissent leur tâche fort lestement, en ayant soin d’épar- gner et de laisser s'échapper et retourner à la mer les indi- vidus trop jeunes pour être utilisés. Les cadavres sont aussitôt retirés du tas et étendus côtes à côtes, de facon à ne pas se toucher afin de conserver leur poil en bon état; puis commence l’écorchage, travail long et pénible. D’un coup de couteau la peau est fendue en dessous, depuis le bout de la mâchoire inférieure jusqu’à la base de la queue; elle est séparée des membres au moyen d’incisions circulaires, prati- quées à la base des pattes et rejetée de chaque côté à mesure qu'on la détache du corps et de la tête en laissant en place la couche de graisse sous-jacente. À mesure qu’elle devient libre, on l’enroule sur elle-même, le poil en dedans, et, terme moyen, l'opération s'achève en moins de quatre minutes. Un ouvrier habile peut même écorcher ainsi une Otarie de taille ordinaire en une minute et demie, Les peaux sont alors trans- portées au saloir où on les étend de nouveau et l’on étale une couche épaisse de sel sur leur surface interne; puis on les réunit deux à deux, le poil en dehors. On les laisse ainsi pendant une ou deux semaines. Enfin, on les enroule par paire; on ficelle chaque paquet apprêté de la sorte et on les expédie aux fourreurs qui, avant de les livrer au commerce, 106 LES ANIMAUX A FOURRURE leur font subir une nouvelle série de préparations (H. Milne Edwards). J1 faut, avant tout, dessaler et bien laver ces peaux, les dégraisser avec soin, les mouiller, les nettoyer au savon et enlever tous les poils rudes qui dépareraient la fourrure. Dans l’Alaska, ces peaux, à l’état brut, valent en moyenne, la pièce, 35 francs de notre monnaie, et le revenu total qu'elles procurent à la Compagnie fermière est de plus de 3 millions et demi. Lorsqu'elles ont été travaillées par les fourreurs de Paris, elles atteignent un très haut prix. Il en faut trois pour faire un manteau ou un paletot de dame et un boa. Un vêtement garni de la même manière en véritable peau de Loutre vaudrait plusieurs milliers de francs. Dans l'hémisphère sud, on chasse également certaines espèces de Phoques à fourrure, tant à cause de la valeur de leur peau, qu’en raison de l'huile abondante que fournit leur graisse. En 1800, on tuait aux îles Shetland australes environ 320.000 Phoques à fourrure et l’on recueillait 940 tonnes d'huile de Phoque à trompe ou Macrorhines, appelés par les marins Eléphants de mer (fig. 15). Or, il faut en moyenne sept de ces gigantesques animaux pour obtenir une tonne d'huile. L'Australie exporte d’excellentes peaux de Phoques (Phoca ursina). Dans le commerce, on les trouve souvent teintes en marron foncé. Après avoir été travaillées, elles prennent l’aspect de riches fourrures et sont très recherchées en Russie pour les coïffures d'hommes et en France pour la confection de vêtements de femmes. Une hécatombe de Phoques au Canada. — Nous croyons intéressant de citer en entier une note parue dans la Revue des Sciences naturelles appliquées du 5 octo- bre 1889. La voici: Les différentes espèces de carnivores marins: Otaries, Phoques, Morses, se cantonnent de plus LES OTARIES OU PHOQUES A OREILLES 107 Fic. 15. — Le Macrorhine éléphant. S 14 MU M Ji ) Lea il 4l 0 ( 0 = | sil A ai À f' il f | in cp Ï PAL 1 DE 1} ÿ uw (ill NS nl U Lot nanL fl d nl ii (L nt 108 LES ANIMAUX À FOURRURE en plus aujourd’hui dans les régions circompolaires, où de hardis équipages vont les poursuivre, aussi faudrait-il re- monter à une époque bien reculée pour trouver le souvenir d'un évènement analogue à celui dont ont bénéficié cette année, les riverains du cours inférieur du Saint-Laurent et les habitants des côtes du golfe du même nom. Le mardi 9 avril 1889, à la suite d’une violente tempête de neige, qui faisait rage depuis plusieurs jours, d'énormes montagnes de glace, des icebergs commencèrent à des- cendre lentement le Saint-Laurent et le Saguenay, un de ses affluents de gauche ; le mercredi matin, le fleuve en était couvert depuis son embouchure, à la pointe en amont de l’île Anticosti, jusqu’à l’île Magdalen; sur ces blocs entrechoqués et soulevés par les flots en furie, se trainaient d'innombrables troupes de Phoques du Groënland (fig. 16). La tempête s'étant apaisée dans l’après-midi, les montagnes flottantes se rapprochèrent, se tassèrent les unes contre les autres, et aussitôt toutes les populations voisines, hommes, femmes, enfants, vieillards, prévenues jusqu'à plusieurs lieues du fleuve (il était même venu des habitants de Québec), fran- chissant les crevasses, sautant de bloc en bloc, se ruérent au carnage. Armés de haches, de bâtons, de barres de fer, ils procédaient au massacre de ces animaux inoffensifs, ne fai- sant aucun effort pour s'échapper et qu'un simple coup sur la tête suffisait pour abattre. La nuit venue, chacun des chasseurs improvisés avait accumulé une énorme pile de cadavres, n’attendant plus que le transport à la rive du cap Desrosiers et de l’Anse du Griftin. Les journaux de la région entrent dans l’énumération détaillée de cette immense hécatombe : 4000 Phoques tués à Gaspe, dont 300 par un prêtre, 3000 autres assommés sur la côte nord du cap Tiennet, aux îles Mingan; des chifïres en- core plus considérables aux iles Esquimaux; un massacre effroyable à la pointe de l’île aux Lépinettes et sur l’île LES OTARIES OU PHOQUES A OREILLES 109 Anticosti, où le fils du gardien du phare de la pointe aux Cormorans tua à lui seul 450 de ces animaux, dont il perdit une centaine, il est vrai, n’ayant pu les amener à la rive avant la nuit. On tua toute la nuit et les jours suivants au Havre, au Basque où de nombreux icebergs, couverts de —— RE — F1&. 16. — Le Phoque du Groenland. Phoques, étaient venus échouer. Il en fut de même aux iles Magdalen, où l’on comptait déjà 7000 victimes le vendredi, et sur les Bird-Rocks. On évalue à 500.000 le nombre des Phoques ainsi amenés par les glaces et 150.000 d’entre eux auraient été détruits. Quoique la dépouille de ces animaux n’ait pas une valeur aussi considérable que celle des Phoques à fourrure de l'Alaska, leur peau représente cependant une somme de 16 à 17 francs et leur graisse se vend 56 francs environ les LACROIX-DANLIARD, Poil et Fourrures. 7 1410 LES ANIMAUX À FOURRURES 100 kilogrammes. Aussi, les habitants de certains villages ont-il gagné en deux ou trois jours de quoi vivre largement toute une année. Les gouvernements ont cherché à mettre un terme à ces massacres exagérés. Le 15 juin 1891, le général Harrison, au nom des États-Unis, a signé avec la Grande-Bretagne une convention aux termes de laquelle les deux gouvernements s'engagent à défendre la pêche des Phoques dans la mer de Behring jusqu’en mai 1892, et à prendre les mesures néces- saires pour assurer le respect de cette interdiction. La convention autorise, en outre, les délégués anglais à aller dans le détroit de Behring pour étudier la question sur place et préparer le dossier de l'Angleterre, qui doit étre soumis aux arbitres. Ces derniers auront à fixer les droits réciproques des États-Unis et de l'Angleterre dans la mer de Behring. Le général Harrison engage tous les citoyens des Etats- Unis à faire respecter la convention. Deux vaisseaux de guerre seront envoyés incessamment de San-Francisco à Alaska, pour contribuer, avec trois pataches américaines actuellement dans la mer de Behring, à faire respecter la convention avec l'Angleterre. Les Ours. — Les Ours sont, avec les Renards, les animaux qui fournissent le plus de ressources à la pelleterie. Il y a des Ours de terre, et des Ours de mer, des Ours bruns, des Ours blonds, des Ours noirs, des Ours blancs. L'Ours POLAIRE. — Distribution géographique. — Ca- ractère, — Ce grand et vigoureux plantigrade est un habi- tant des bords de la mer, et bien que ses pattes soient essentiellement disposées pour la marche, il est excellent nageur. Il appartient en propre aux parties les plus froides de l'hémisphère boréal ; on l’a rencontré sur les points les plus rapprochés du pôle nord où l’homme ait pu parvenir et il fréquente aussi bien la portion américaine de la régi LES OURS 111 arctique que les parties asiatiques et européennes de cette zone glaciale. D’ordinaire, il ne descend vers le sud que jusqu’à la limite des banquises et des glaces flottantes; de temps à autre la faim le pousse jusque dans le nord de la Sibérie, et sur le bord sud de la baie d'Hudson pour y cher - cher sous la neige du grain ou quelque autre aliment; parfois, il arrive en Islande et même en Norwège, mais cela est rare, et c’est à la Nouvelle-Zemble, au Groenland et sur la Terre des Esquimaux qu’il habite d'ordinaire (H. Milne Edwards), Sa fourrure épaisse et abondante est composée de poils serrés, longs, soyeux, luisants, un peu crépus et presque laineux. À la base de ces poils, qui garnissent la plante des pieds même, se trouve une couche de duvet. La couleur du pelage, qui doit, pour étre belle, se rapprocher du blanc presque pur, tire quelquefois sur le blanc jaunâtre. On attribue cette teinte, lorsqu'elle est observée sur l'animal vivant, à l'influence du régime, et il paraît qu’elle aïffecte surtout les individus qui se nourrissent des détritus prove- nant des cadavres des Baleines, et de la grande quantité d'huile que contiennent encore ces déchets. Sur la dépouille se remarquent assez souvent de grandes taches jaunes, qui diminuent sensiblement la valeur des peaux; ces taches sont occasionnées par une préparation défectueuse. Il est difficile, en effet, dans les régions polaires de faire sécher les dé- pouilles; la plupart du temps, on se contente de les saler, avant de les enfermer dans des tonneaux et de les expédier en Europe. Il arrive alors fréquemment que la graisse pé- nètre dans le poil, et y produit ces taches disgracieuses que nous avons signalées: Afin d'éviter cet accident, les marins danois du Groenland attachent souvent, à l’arrière de leur navire, les peaux d'Ours qu’ils rapportent ; et celles qui ont été ainsi traînées à travers l'Océan sont les plus belles et les plus précieuses. La fourrure de l’Ours polaire est trop pesante pour être 112 LES ANIMAUX A FOURRURES utilisée comme fourrure pour le vêtement; on l’emploie donc principalement pour faire des tapis et des couvertures de voyage. La valeur vénale de la fourrure est pour cette raison relativement faible, L'Ours blanc (fig. 17), Ours polaire, ou Ours maritime, est le plus grand des carnassiers connus; il a quelquefois 2,60 de long et pèse jusqu'à 750 kilogrammes. Son cou- rage égale sa force qui est énorme, surtout lorsqu'il est à terre et qu'il peut se dresser sur ses pattes de derrière pour attaquer ou se défendre. Sa puissance musculaire lui permet d'emporter, sans peine, un homme dans sa gueule, et son audace telle, qu’il ne craint pas de se jeter à la nage à l’abor- dage des petites embarcations. Les Samoyèdes et les Esqui- maux qui le chassent, armés de simples piques, ont souvent sur la mer à se mesurer avec ce redoutable carnassier. Les dangers mêmes auxquels 1ls sont trop souvent exposés, dans leurs frêles bateaux, leur font rechercher de préférence les Ourses qui l'hiver s’endorment dans les trous creusés sous la neige, après y avoir fait leurs petits. Mœurs. — Les mâles et les femelles qui ne diffèrent entre eux, comme aspect général, que par la taille (celle du mâle étant notablement plus grande que celle de la femelle), ont, pendant l’été, les mêmes habitudes. L'hiver au con- traire, tandis que le mâle conserve son activité, la femelle, comme nous l'avons dit, se creuse une tanière sous la neige, y met bas et y reste en léthargie, pendant toute la durée des grands froids. Les petits naissent aveugles et peu développés. L'Ours blanc nage bien et longtemps ; il plonge avec habi- leté; les poissons forment avec les Baleines le fonds de sa nourriture; il tue les Phoques et les Morses, qu'il réussit à approcher malgré leur défiance, il dévore la charogne aussi bien que la chair fraîche ; et bien qu’il n’attaque qu’acciden- tellement les animaux terrestres, il dévore, avec un égal appétit, lorsqu'il est pressé par la faim, les Rennes, les Re- LES OURS 113 nards bleus, les oiseaux et leurs œufs, et même les animaux domestiques dont il parvient à s'emparer. /° # Z A) Z A == = ESS ll | \ WIR | Li Hip Chasse. — Quoique dangereuse, la chasse à l’Ours blanc est pratiquée avec passion. Les Esquimaux et les Samoyèdes, attendent l’Ours au passage, dissimulés dans des guérites en bois, qu’ils construisent spécialement pour cet affût. D’autres fois, il lui jettent des appâts contenant un morceau de fanon FiG. 17. — L’Ours blanc ou polaire. 114 LES ANIMAUX A FOURRURES de baleine, replié sur lui-même, qui, se détendant dans le corps de l’animal, lui perce l'estomac et le tue lentement. Les Européens emploient contre l'Ours les armes à feu, et mal- oré la supériorité de cet armement la victoire ne leur reste pas toujours. Usages. — En dehors de sa dépouille, dont nous avons indiqué l'emploi, l'Ours procure au chasseur une chair substantielle et une graisse estimée, dont on se sert pour l'éclairage. Avec le cuir on fabrique des bottes et des se- melles de souliers. OURS TERRESTRES. — L’Ours polaire, qui est le seul à habiter les bords de la mer, diffère tellement, par sa confor- mation, des Ours de terre que beaucoup de naturalistes modernes en ont fait un genre particulier. Nous n’avons point À décider si ces zoologistes ont eu tort ou raison. Contentons - nous deremarquer, en passant, que certains Ours terrestres, les Ours de la Syrie, par exemple, qui se rencontrent dans le Liban, et dans les montagnes des parties adjacentes de l'Asie Occidentale ont, comme l'Ours maritime, un pelage blanchâtre et même complètement blanc. Les autres repré- sentants du genre ont, au contraire, une livrée plus ou moins foncée, et, pour la qualité aussi bien que pour la coloration de leur fourrure, ils sont plus ou moins recherchés par les pelletiers. Certains Ours de terre, habitants des pays chauds, ont le poil court et sec, tel est le Bruan ou Ours Malais; sa dépouille n’est point employée dans l’industrie du four- reur ; il n'en est pas de même des animaux de cette famille qui sont plus ou moins répandus dans le nord et dans les montagnes de la zone tempérée. De ceux-là la dépouille est . assez recherchée, bien qu'elle soit toujours lourde et assez grossière. L'Ours a presque disparu de l'Afrique; en 1875 cependant, on prit un couple de ces animaux au pied de la montagne de Tétouan. Au témoignage de plusieurs voyageurs, l’Ours LES OURS 115 se rencontrerait encore dans le Maroc, quoique rarement. En tout cas, on n’en voit plus en Corse, où il y en avait autre- fois, et 1l a également disparu pour ainsi dire de l'Espagne et de la France, puisqu'on ne l’y trouve plus que dans les par- ties les plus élevées des Pyrénées, des montagnes de l’Astu- rie, du Jura et des Alpes. Abondants autrefois en Suisse, les Ours, ne s’y rencontrent maintenant qu'à de rares intervalles et seulement sur certains points du Valais, dans les mon- tagnes des Grisons et du Tessin. Ils semblent avoir aban- donné complètement l'Allemagne centrale, où ils étaient nombreux jadis ; mais, ils sont encore communs en Transyl- vanie, dans les grandes forêts de Russie et dans la Péninsule Scandinave. Cependant, même dans ces contrées, les rangs s’éclaircissent. Ainsi en Norwège de 1840 à 1846, on avait tué, par an, 290 Ours, en moyenne; de 1871 à 1875 la moyenne s’abaisse à 100 individus. En Finlande, la des- truction marche moins vite; de 1861 à 1863, 613 Ours furent tués dans ce grand duché; de 1866 à 1870, on ne signale plus que 424 prises; de 1871 à 1875, 421; depuis lors, le chiffre des captures ne s’est pas sensiblement abaissé. Quoique le pelage des différents Ours terrestres soit en général presque uniforme, il ne laisse pas que de varier beaucoup suivant les régions qu'habitent ces animaux, et même suivant les individus d’une même contrée. Le brun noir ou le brun jaune est la couleur ordinaire des Ours de la région des Alpes et des Ours de Scandinavie; le blond jau- nâtre très clair est le propre des représentants de cette famille qui habitent les Asturies et les Pyrénées. Sur les montagnes du Népaul, dans le nord de l’Inde, on trouve des Ours d’un fauve jaunâtre ou de couleur isabelle. De son côté l’Ours de Syrie, comme nous l’avons vu, est souvent d'une complète blancheur. Le noir au contraire domine dans le pelage des Ours de Pologne. Quant à l’Ours de Sibérie, il porte, en forme de collier, une tache blanchâtre qu’il conserve pendant 116 LES ANIMAUX A FOURRURES toute la période de jeunesse, et se distingue des autres par une oreille plus arrondie. Deux sortes d'Ours habitent l'Amérique Septentrionale : l’un a le pelage noir ; il fréquente les forêts du nouveau Fi. 18. — L'Oursinoir.{d’Amérique. monde, depuis le Mexique jusqu'au Canada; les indigènes l’appellent Baribal (fig. 18); l’autre, très grand, extrême- ment féroce, de couleur grisâtre, se tient principalement dans la chaîne des montagnes Rocheuses; c'est le Grizzly des Américains, l’Ursus ferox des naturalistes (fig. 19). LES OURS ATT Fic. 19. — L'Ours gris ou Grizzl . 1 118 LES ANIMAUX A FOURRURES Parmi les espèces tout à fait distinctes de tous les Ours européens, asiatiques et américains, dont il a été question, on peut citer l'Ours aux longues lèvres ou Ours jongleur de l'Inde continentale, l'Ours malais ow Ours des cocotiers de Sumatra et de Bornéo, enfin l’'Ouwrs orné propre à la Cordillère des Andes. La fourrure de l'Ours est très fréquemment employée, comme nous l’avons dit, pour la fabrication des tapis et des couvertures ; mais la dépouille de certaines espèces, particu- lièrement celle de l’Ours noir d'Amérique, sert à confec- tionner des manchons, des bonnets à poils, des doublures de vêtements ; la fourrure de cet animal est estimée; une peau d'Ourson noir vaut de 200 à 300 francs. La dépouille de l'Ours noir est cependant moins recherchée que celle de l'Ours isabelle qui est d’une grande valeur. Les RaTons. — Usages. — Les Ratons sont des Carnas- siers américains incomplètement plantigrades. Ils sont re- cherchés pour la délicatesse de leur chair, aussi bien que our la valeur de leur dépouille. Leur queue, longue et touffue, est, en effet, employée dans la toilette des dames pour faire des boas; de leurs poils longs et soyeux on fabrique d'excellents pinceaux, et l’on utilise leur duvet dans lPindus- trie du chapelier. Il se vend chaque année à Londres, au marché des pelleteries, plus de 100.000 peaux de ces ani- maux. En Pologne, la fourrure de Raton est d’un grand usage pour les bonnets. Avec la queue on fait des palatines et des bordures de pelisses. Distribution géographique. — Des Ratons on a voulu faire des Ours. En vérité, bien qu’ils en aient un peu la forme, ils sont moins mastocs et plus leste; 1ls sont surtout plus gra- cieux et, pour ainsi dire plus mondains, et ils deviennent en captivité d’intéressantes bêtes, tenant du singe par les maniè- res et par l’espièglerie. En réalité, ils empruntent à la fois de l'Ours, du Blaireau et du Coati, beaucoup de leurs caractères. LES RATONS *ANDAB, UOJEM OT — ‘O8 "DIM LT K\ NI K | a NS 120 LES ANIMAUX À FOURRURES On distingue deux espèces de Ratons : le Raton laveur et le Raton crabier, ce dernier un peu plus haut, un peu plus long, portant une queue un peu plus courte que le pré- cédent, d’un pelage d'ailleurs sensiblement différent. Le Ra- ton crabier se montre grand amateur de crustacés, c’est cette inclination particulière qui lui vaut son nom. Il est sociable, comme son cousin germain; il habite l'Amérique du Sud et principalement la Guyane, tandis que l’autre, que nous allons décrire avec quelques détails, est surtout répandu dans l'Amérique septentrionale, où on le trouve jusqu’à la limite sud des contrées à pelleteries. Peu à peu, il s'éloigne des lieux habités pour se retirer dans l'intérieur du pays au plus profond des forêts tranquilles, où il cherche à se soustraire aux incessantes poursuites des Américains qui pratiquent la chasse de cet animal avec une véritable passion. Caractères. — Le Raton laveur doit son nom à l’hab:- tude qu’il a de porter à l'eau tout ce qu’il mange, et de le frotter, de le laver avec persistance, avant de consentir à s'en repaître. Notre figure 20 représente un Raton laveur se livrant à son occupation favorite. Ce gracieux animal, qui mesure 65 centimètres de long et environ 35 centimètres de hauteur, à la tête large en arrière, le museau petit et pointu. De grands yeux rapprochés l’un de l’autre donnent à sa physionomie un air éveillé et malin. Les oreilles sont grandes, et tout à fait latérales. La plante des pieds est nue comme celle des pieds des plantigrades, mais ne repose com- plètement à terre que lorsque la bête se tient assise ou de- bout.Pendant la marche, les ongles seuls soutiennent le poids du corps. Le pelage du Raton laveur est d'un gris jaunâtre, mélé de noir, et, en somme, assez dificile à déterminer d'une ma- nière précise, Le duvet est gris brun uniforme; les poils soyeux bruns à la racine, d’un jaune brunâtre au milieu et absolument noirs au bout. Une tache presque noire occupe le LES RATONS 121 derrière de l’oreille et une bandelette de même teinte s'étend du front à l'extrémité du museau. Une ligne d’un jaune blan- châtre va au-dessus de l'œil jusqu’à la tempe. Enfin, la queue d’un gris jaunâtre porte six anneaux brun foncé. Dans le reste de la fourrure, domine le jaunâtre plus ou moins clair, relevé à certains endroits de brun presque noir, particuliè- rement accusé sur les longs poils des pattes. Habitat. — Le Raton laveur fixe sa demeure, de préfé- rence, dans le voisinage des rivières, des lacs et des ruis- seaux ; il se tient aussi dans les broussailles et dans les bois, Régime. — Quant à son régime il est des plus variés, cet animal glouton s’accommodant de tout. Les châtaignes, les épis du maïs, le raisin, les fruits de toute espèce lui servent à satisfaire sa faim. Fort curieux des œufs des oiseaux, il furette jusqu’à ce qu'il ait trouvé les nids qu'il bouleverse. Pillard comme un véritable Renard, il s’introduit dans les poulaillers et dans les pigeonniers qu'il dévaste. Au reste, tout lui est bon, dans l’eau, il pêche les poissons, les écrevisses, les grenouilles; il s'avance souvent loin, le long du rivage, pour se procurer des coquillages, des huîtres surtout qu’il sait ouvrir avec adresse, Faute de mieux, il croque des in- sectes et des larves et dévore les sauterelles. À moins qu’il ne soit pressé par la faim, il ne se met guère en quête de nourriture que par Le beau temps, et, d'ordinaire, il commence sa chasse au crépuscule. Par la grande chaleur, par le froid ou par le vent, il se tapit dans le creux des ar- bres ou sous quelques racines protectrices. Cependant là où il n’est pas troublé, il rôde de jour comme de nuit. Mœurs. — À voir le Raton laveur marcher le dos bombé, la tête penchée, la queue pendante, lorsque rien ne vient éveiller son attention, on ne se douterait pas que cette non- chalance cache une grande vivacité d'allures. Mais sitôt qu’il tombe sur une piste, l'animal se transforme. Ses yeux s’allu- ment, ses larges oreilles se redressent, son poil se hérisse, 122 LES ANIMAUX A FOURRURES et le voilà qui se lève sur ses pattes de derrière, qui saute, qui court, qui grimpe avec une agilité surprenante, escala- dant sans fatigue les troncs les plus droits et les plus lisses. Souvent on le voit glisser sur les branches avec l’habileté d’un Singe, s’y laisser pendre comme un Paresseux et de là s’élancer en bonds assurés d’une branche à l’autre. Sur la terre sa course est rapide à sa volonté ; il s’y montre vif, gai, curieux, enjoué, malicieux. Libre, il est plein d’aménité avec ses semblables; captif, il ne perd rien de son enjouement et de sa douceur naturelle. Au mois de mai, dans un creux d'arbre, garni d’une couche épaisse de feuilles, la femelle met bas deux ou trois petits qu’elle soigne avec une vive sollicitude. Chasse. — Lorsque l’on chasse le Raton laveur unique- ment pour avoir sa dépouille, on emploie les pièges amorcés à la viande empoisonnée ou avec un poisson; ainsi on évite de gâter la peau que les coups de feu et les trous faits par le plomb déprécieraient. Mais lorsque c’est par plaisir qu’on poursuit cet animal, on déploie un plus grand appareil. A nuit close, après que le Raton laveur a quitté sa retraite, les chas- seurs munis de torches et secondés par des chiens, cherchent à relever la piste de l’animal. Bientôt il est lancé et la meute fait entendre ses aboiements. Après une courte menée, la bête de chasse prend le parti de grimper sur un arbre, et de s’y cacher de son mieux au plus épais du feuillage. Au pied de l'arbre, les chiens forment le cercle et continuent de donner de la voix. C’est alors qu’accourent les chasseurs, guidés par le bruit. Ils amassent des branches sèches, des aiguilles de sa- pin, toutes les matières résineuses et inflammables qu'ils trou- vent à leur portée et y mettent le feu à l’aide de leurs torches. A la lueur de la flamme, un grimpeur monte à l’ar- bre qui sert de refuge au Raton, poursuit de branche en branche l'animal qui s'enfuit, l'oblige à gagner l'extrémité d'un faible rameau, d’où il espère atteindre l'arbre le plus voisin, LES RATONS 123 À ce moment le traqueur secoue violemment la branche, la bête s’y cramponne de toutes ses forces, mais finit bientôt par se laisser choir épuisée au milieu des chiens qui l’égor- gent. La description qui suit donnée par Audubon d’une chasse au Raton laveur, montre que cet animal sait, au besoin, ven- dre chèrement sa vie. « La chasse continue. Les chiens et les piqueurs étaient sur les talons du Raton laveur, et celui-ci se réfugia de désespoir dans un petit étang assez profond pour qu’il n’eût pas pied et qu’il fût forcé de se mettre à na- ger. La lueur de nos torches lui est insupportable, Son poil est hérissé, sa queue arrondie parait trois fois plus grosse que de coutume; ses yeux brillent comme l’émeraude. La gueule écumante, il attend les chiens, prêt à attaquer celui qui s’approchera. Cela dure quelques minutes ; l’eau devient boueuse, son poil dégoutte, et sa queue trainée dans la fange flotte à la surface de l’eau. Il pousse de rauques grognements, espérant ainsi repousser ses ennemis; mais il ne fait qu'aug- menter encore leur ardeur; la meute s’approche de plus en plus. Un chien enfin le mord au dos, mais il est bientôt forcé de lâcher prise. Un second le prend par l’un des flanes, mais reçoit une forte morsure. Un troisième lui mord la queue; le Raton se voit perdu, il fait entendre des cris plaintifs. Il ne lâche plus l'ennemi qu’il a pu saisir, mais il donne temps aux autres chiens de se jeter sur lui. Enfin un coup de hache l’achève; il râle, sa poitrine se soulève encore dans un dernier soupir. Les chasseurs sont autour de lui, dans l'étang; par- tout brillent les torches, dont la lumière fait paraître plus profonde l’obscurité environnante. C’est un beau sujet pour un peintre ! » Captivité. — Lorsqu'il a été pris jeune, le Raton laveur s’apprivoise facilement. Il devient familier avec les animaux de la maison avec lesquels il joue volontiers, tant que ceux- ei ne cherchent pas à le maltraiter. Pour son maître, il ne se 124 _ LES ANIMAUX A FOURRURES montre susceptible que de peu d’attachement, bien qu’il pa- raisse éprouver quelque plaisir à recevoir ses caresses, Dans la maison, il amuse les gens par ses poses comiques, par sa curiosité, par ses mauvais tours. Sans cesse en mouvement, il furette de tous côtés, scrute les coins et recoins, renverse tout sur son passage en folàtrant. Il observe avec attention tout ce qui se fait et sait profiter de ce qu'il a vu. Ilin- specte la chambre aux provisions, visite les pots, les débouche au besoin et s'empare de tout ce qu’il y trouve à sa conve- nance. D’ailleurs facile à nourrir, puisqu'il mange, avec un égal appétit, la viande crue, la viande cuite, les légumes, les confitures et le sucre. Dans le jardin, s’il s’y échappe, il cueille les prunes et les cerises dont il se régale; il vole les fraises et les raisins. S'il parvient à gagner le poulailler ou le pigeonnier, il y tue tout. Même en captivité, il garde sa singulière habitude de tout laver. II mouille tous ses aliments, même le sucre, qui fond entre ses doigts, et il se garde de les manger avant de les avoir consciencieusement frottés dans ses pattes de devant, quitte à en perdre la plus grande et la meilleure partie. Il laisse tremper le pain pendant assez longtemps et on le voit porter sa nourriture à sa bouche avec ses pattes de devant en se tenant debout sur celles de der- rière. « Dans ses heures d’ennui, dit L. Beckman, il fait mille choses comme pour tuer le temps. Tantôt il est debout dans un coin solitaire, tout préoccupé de s'attacher un brin de paille autour du museau; tantôt il joue, pensif, avec ses pattes ou court après le bout de sa queue. D’autres fois, cou ché sur le dos, il ramasse un tas de foin ou de feuilles sèches et essaye de les maintenir en tirant par dessus sa queue avec ses pattes de devant. » N'’était qu’il commet quelques dégâts, le Raton laveur serait, comme on le voit, un hôte gai et un charmant com- pagnon. Les Loups. — Les peaux de nos Lowps fournissent une LES LOUPS 125 fourrure chaude; on les emploie en vêtements, en manchons, en couvertures et en tapis; elles se payent de 5 à 75 francs pièce. Les peaux de Loups de Sibérie, dont le poil plus fin, plus dense, plus long, est quelquefois argenté, servent également à faire des manchons et sont utilisées comme fourrures pour les manteaux et les redingotes. Elles sont vendues sur place de 125 à 150 francs la pièce. a S 44220 Fig. 21. — Le Loup. Les peaux de Loups de Russie, au pelage moins blanc et moins riche, sont aussi moins estimées, Moins précieuses encore sont les peaux de Loups de Pologne, dont la teinte est jaunâtre et parfois mouchetée de brun et de noir. Le Lowp noir ou Lycaon de l'Amérique du Nord donne une fourrure d’un noir intense, quelquefois d’un gris argenté. Quant au Loup rouge de la Plata et de Rio, connu aussi sous le nom de Loup à crinière; 1l a un pelage roux, pointé de rouge, et une crinière noire. 126 LES ANIMAUX A FOURRURES Le Loup cervier fournit une peau très douce, très fine. On l’emploie beaucoup en Chine et en Russie comme dou- blures ; en Turquie comme fourrure pour dames; en Egypte, en Autriche, à différents usages, après qu’elle a été teinte en brun. Les pattes de l'animal servent aux Tartares de garnitures debonnet.-. 2 Distribution géographique. — Bien que sa tête ait été mise à prix un peu partout, le Zowp (fig. 21) vit encore. On le trouve dans les montagnes de l'Espagne, en Grèce, en Italie et en France, en Suisse, où il est devenu rare, en Allemagne, surtout dans l’est de ce pays. Il est abondant en Pologne, en Russie, en Suède, en Norvège et en Laponie. Il habite tout le centre et le nord de l’Asie. On ne l’a jamais vu en Islande, ni dans les îles de la Méditerranée, Il a été complètement détruit en Angleterre et en Irlande. Les Chiens. — Les variétés de Chiens sont trop nombreuses et leurs pelages trop divers pour que nous tentions ici de les décrire par le menu. Nous nous contenterons de relater une observation assez curieuse insérée au Bulletin de la Société d'acclimatation sous la rubrique suivante: Les fermes à Chiens en Chine. & Il existe en Mandchourie et dans toute la partie de la Chine limitrophe de la Mongolie, dit l’auteur anonyme de la note, des milliers de métaieries exclusivement consacrées à l'élevage des Chiens. Chaque établissement nourrit plusieurs centaines de ces animaux, qu’on abat par strangulation pour en avoir la peau, quand ils ont atteint l’âge de huit mois, généralement vers le milieu de l’hiver. Ces peaux, très grandes et couvertes d’une magnifique four- rure, grâce au froid sévissant sur la région, servent à con- fectionner des vêtements d'hiver pour les habitants du Céleste-Empire. Les Chiens qui les fournissent, et sont exclusivement élevés pour leur dépouille, diffèrent absolu ment de nos races européennes. Rien d'étonnant, par consé- LES CHIENS 127 quent, à ce que la fourrure de ces animaux soit aussi recherchée, l’Astrakhan n'est-il pas un vulgaire Mouton et le Petit-Gris un simple Écureuil en livrée hivernale? Les Chiens à fourrure constituent l’unique richesse de ces con- trées désolées et chaque fermier en donne un certain nombre LR, PPS AG CE DL = SET Re D EL ———— Fic. 22. — Type de chien griffon français à poil dur du chenil de M. Emmanuel Boulet, en dot à ses filles, dot peu importante à la vérité, car les peaux, seul bénéfice de l’éleveur, n’atteignent pas une très haute valeur. On emploie, en effet, huit peaux de Chiens pour confectionner une robe de 2 mètres sur 2,20 valant 16 fr. 85 environ, ce qui abaisse le prix moyen d’une peau à 2 fr. 10, somme sur laquelle la façon de la robe, la prépa- 128 LES ANIMAUX A FOURRURES ration de la peau, son classement par couleur et longueur des poils doivent être prélevés. Les peaux de Chiens sont dirigées sur plusieurs centres d’affaires, d’où les acquéreurs les expédient aux localités telles que Moukden et Fou-Tchéou, où elles doivent être Fic. 23. — Type de chien griffon français à poil laineux du chenil de M. Emmanuel Boulet. mises en œuvre. Le commerce s’est chiffré l’an dernier (1888) par une somme d’un million de francs, à Newchang, l'un des entrepôts les plus importants. L’année précédente, il y avait atteint 1.500.000 francs. L’exportation de ces peaux aux États-Unis aurait considérablement diminué cette année. » 4 Bulletin et Société nat. d'acclimat. du 5 mars 1889. LES RENARDS 129 Ajoutons qu’en France le rénovateur de notre précieuse _race de Chiens griffons d’arrêt à poils laineux, M. Emmanuel Boulet, d’Elbeuf, à la fois éleveur distingué et manufacturier connu, à fait fabriquer de très jolis vêtements avec les poils de ses Griffons marron feuille morte. Un gilet tressé avec les poils de Marco, l’étalon fondateur de la race, a été offert par M. Boulet au président de la République. L’étoffe contenait 30 pour 100 de laine et 70 pour 100 @e poil de Chien. Les Renards. — Distribution géographique. — Ces carnassiers habitent la plus grande partie de l'hémisphère septentrional. Ils sont répandus sur toutes les parties de l’ancien continent et se trouvent en abondance dans le nouveau monde. L'Europe entière, l'Afrique du Nord, l’Asie septentrionale et même l'Amérique possèdent des représentants plus ou moins nombreux de ce genre. Nous ne parlerons ici que du Renard commun et de ses variétés, du Renard bleu ou Isatis et du Renard corsac. La dépouille de la plupart des Renards est utilisée dans le commerce des pelleteries ; quelques-uns fournissent une four- rure recherchée qui peut atteindre un haut prix : telle est la peau du Renard noir de Sibérie qui se vend, lorsqu'elle est belle, jusqu'à 400 roubles, Importance du commerce des peaux de Renards. — La Suisse exporte chaque année 10.000 peaux de Renard ; cha- que année, l’Allemagne 120.000 peaux et à Londresilse vend, tous les ans, plus de 30.000 peaux de Renards d'Amérique. LE RENARD cOMMUN. — Caractéères.— La robe de ces car- nassiers digitigrades diffère en raison des croisements entre 1 M. Boulet a eu la gracieuse attention de m'adresser dernièrement un coupon d'étoffe confectionnée avec du poil de ses Chiens griffons à poils laineux, avec des plumes des Autours qu'il élevait pour la chasse et avec de la laine de Mouton noir. Cette étoffe très curieuse est pro- bablement la seule de ce genre qui existe dans le monde entier. 130 LES ANIMAUX A FOURRURES individus de variétés diverses. Chezles uns, elle est d’un roux clair qui s’argente avec l’âge; chez les autres d’un roux plus ardent, plaqué d’un bleu cendré et relevé de noir sur le dos et au poitrail. Ces derniers abondent dans les bois du Nivernais et en Saône-et-Loire : ce sont les Renards charbonniers. Ils portent en signe particulier, au bout de la queue, non point aigrette blanche comme les autres, mais plumet noir. De plus, ils ne se terrent point volontiers, même après une longue poursuite, et la femelle ne met jamais bas dans un terrier. Elle fait ses couches en plein fourré, sous une pile de fagots ou dans le creux d’un arbre vermoulu. Le Renard fauve (fig. 24), au contraire, se terre bientôt pour peu qu'il soit mené rondement. Sa femelle dépose tou- jours ses petits dans la demeure souterraine qu’elle a eu soin de se creuser en un sol déclive, bien sec et parfaitement gardé des inondations, Le front du Renard est aplati et fuyant, le museau effilé, et deux oreilles droites d’un noir velouté, tranchent sur le roux ardent de la coiffure. Une épaisse fourrure fauve recouvre le dos et les flancs, tandis que le devant du cou, le ventre et l'intérieur des cuisses est d’un blanc pur. Le corps souple et onduleux, monté sur quatre pattes nerveuses d’un brun foncé, se termine par une queue fort toufflue, longue de 40 centi- mètres. Le Renard peut atteindre en poids jusqu’à 20 livres ; il vit de douze à quinze ans. Maœurs. — La Renarde fait d'ordinaire ses petits dans un terrier; et comme elle craint ses peines, elle ne manque pas, lorsque l’occasion s'en présente, de s'emparer par ruse du domicile spacieux du Blaireau. À défaut, elle se contente d’un terrier de Lapin qu’elle élargit et aménage à sa guise, Au ._ besoin, elle se loge en quelque profonde crevasse de rocher. Comme nous l’avons vu plus haut, les Renards charbonniers, au contraire des Renards fauves, ne se creusent pas, pour faire leurs petits, d'habitation souterraine. LES RENARDS 131 Lorsque le terrier a été fait par l’animal même, la bête y F1G. 24. — Le Renard vulgaire. ménage, tout à l'entrée, un observatoire d’où elle épie au dehors, c’est la maire ; un peu plus loin se trouve la fosse 132 LES ANIMAUX A FOURRURES _ où sont servis les repas, enfin tout au fond l’accul qui tient lieu de chambre à coucher. Bien que le Renard ne soit pas un vagabond, mais un animal domicilié, il n’habite son terrier que lorsqu'il a de la famille. Après que les petits sont élevés, 1l va dormir au dehors, quelquefois loin de son trou, mais toujours près de ses lieux de ravitaillement. Quoiqu'il aime la vie solitaire, il ne dédaigne pas d’élire domicile à proximité des terriers de ses congénères. Chaque année, en cette habitation le plus souvent con- quise sur l'ennemi, la Renarde met au monde, en avril ou en mai, trois petits, quelquefois quatre, rarement cinq. Ils naissent les yeux fermés et ne les ouvrent que le dixième jour. Comme la Chienne et la Louve, la Renarde porte 62 jours, et dès qu'elle a conçu (c’est en février d'ordinaire) elle ne quitte guère le terrier que pour quérir sa nourriture et se rouler sur la terre. Délivrée, elle allaite les jeunes jusqu’au mois de juin. A cette époque, elle les sèvre. Quand ils sont devenus forts et qu’ils connaissent suffisam - ment les finesses du métier, la mère leur rabat le gibier. Sont-ils eux-mêmes chassés, elle se dévoue pour donner le change. En temps de siège, alors que l’implacable ennemi a muré les portes, et que la famine est dans la place, sublime et dernier témoignage d'amour maternel! la Renarde se donne en pâture aux assiégés et se laisse dévorer vive par ses enfants. La croissance des petits ne s’achève pas avant le dix-huitième mois, mais, dès l’âge d’un an, ils peuvent s’accoupler et reproduire. | Le Renard a l’odorat aussi fin que le Loup, l’ouie plus paresseuse, et le sommeil moins léger. Quand il dort en rond, comme le Chien, ou lorsqu'il fait la sieste, couché sur le ventre, on l'approche assez facilement sans lui donner l'éveil. Il est plus leste que le Loup, sans être aussi infatigable ; on Je dit plus rusé et plus ingénieux pour se dérober au danger. LES RENARDS 133 Nous ne partageons point cette opinion. La chasse du Re- nard, en effet, est le délassement des mazettes, comme on dit; elle ne demande ni grand’peine ni beaucoup de science. Qui oserait en dire autant de la chasse du Loup! Le Renard chasse la nuit presque entière et une partie du jour ; il sort vers le soir, fouille les buissons et les haies vives pour y surprendre les oiseaux endormis, se poste à l'affût dans la garenne ou au bord du bois à la passée du Lièvre. Il chasse à voix pendant les nuits où la lune éclaire et fait entendre un aboiement grêle, il est vrai, mais qui dénote une certaine souplesse dans ses organes vocaux. Pour cette chasse nocturne, il s’assure le concours d’un compère; l’un poursuit, l’autre attend ; il est rare que le succès ne cou- ronne pas l'entreprise de cette société coopérative. Il a plus d’effronterie que de courage et, si on le voit avec une rare audace enlever au milieu des gens, les poules qui se reposent, nous n'avons jamais entendu dire qu’il se fût attaqué aux animaux qui pouvaient lui résister. Mais il a la dent tenace et 1l lâche difficilement sa proie. D'aucuns prétendent, de bonne foi, que le Renard a la faculté de fasciner sa proie. Nous n’en croyons rien. Pour- quoi donc, s’il possédait ce coup d'œil fascinateur, n’en userait-il pas contre les mésanges, les rouges-gorges, les fauvettes, les merles, les pies, les corbeaux, contre les geais surtout qui, sous bois etmême en plaine, poursuivent de leurs cris injurieux l'ennemi qui trottine devant eux, et l’ap- prochent de si près que, de leur bec, ils lui piquent les reins? Pourquoi fuit-il ainsi, gagnant le plus épais du fourré, hon- teux, la queue et l'oreille basses, cherchant à se soustraire au feu croisé des quolibets de la gent emplumée? C’est qu’il n’a pas confiance en ses passes magnétiques. Régime. — D'un naturel dissimulé et perfide, le Renard agit de ruse pour happer la bête écartée, il quête nez au vent, au petit pas, avec une extrême circonspection; profite des Lacrorx-DANLIARD, Poil et Fourrures. Ô 13% LES ANIMAUX A FOURRURES fortes brises pour trouver les perdrix blotties et surprendre la caille au nid. Il bondit sur sa proie vivante avec une mer- veilleuse adresse et une rapidité foudroyante. Pillard par instinct, cruel par plaisir, le jour il tue pour emporter; de nuit, il tue pour tuer, égorgeant jusqu’à la dernière les volailles du poulailler, et rangeant les victimes avec méthode, pour les enlever à loisir, en cas de besoin. À défaut de vo- lailles et de gibier, il croque les crapauds, les hannetons, les sauterelles, eueille les raisins, les fraises, les framboises ; en temps de disette, il ronge les racines. Souvent on le voit rôder autour des étangs, le long des cours d'eau; il y gobe les grenouilles au moment du frai, les poules d’eau et les canes à l’époque de la ponte. On dit même qu’il pêche le poisson et, chose plus curieuse, qu’il attrape les écrevisses au moyen de sa queue. Il plongerait dans l'eau cet appendice et le retirerait vivement quand le crustacé y a mordu. Très friand de miel, il s'attaque aux nids de guêpes. Harcelé par les défenseurs de la ruche, percé de mille dards, il se roule pour écraser ses ennemis ailés, revient à la charge, s’acharne, les lasse par son obstination et finit par s'emparer du butin. Trouve-t-il en chemin un hérisson, il tâche de le surprendre; si la bête se met en boule, de la patte il la retourne sur le dos, lui urine abondamment sur le corps, jusqu’à ce que, suffoquée, elle se déroule et devienne ainsi une proie facile. Captivité. — Nous avons lu dans bien des livres que le Renard, privé de sa liberté, languissait bientôt et ne tardait pas à mourir. Nous ne savons ce que cette assertion peut avoir d’exact appliquée aux Renards capturés adultes; mais nous affirmons, pour l'avoir vu plus d’une fois, que les Renards, réduits, dès le bas âge, en captivité, en ont bientôt pris leur parti et qu'ils paraissent se soucier fort peu de l'indépendante. Chasse. — Le Renard est le plus redoutable des bracon- niers; aussi tous ceux qui tiennent la conservation du La LES RENARDS 135 gibier, lui font-ils une guerre acharnée. En France, il est presque impossible de courre le Renard; la conformation de notre sol, couvert de bois peu espacés, se prête mal à ce cenre de chasse. Il faudrait pour le pratiquer utilement, bou- cher tous les terriers à trois lieues à la ronde. I] n’en est pas de même chez nos voisins d'outre-Manche qui, sur leurs vastes pelouses entourées de barrières, semées de haies et de fossés, mais, sans repaires connus et sans abris certains, peuvent avec plus de succès se livrer à ce passe- temps. Il n’est pas rare cependant, tant est grande l'énergie de notre animal, de voir, en ce désert de verdure qui ne leur offre aucun refuge, de misérables Renards de sac lutter plusieurs heures contre soixante Chiens aux jarrets de fer. Il est plus pratique pour nous de chasser le Renard au fusil avec quatre ou cinq Chiens briquets. Ce modeste équi- page fait porter bas plus de bêtes puantes qu’une grosse meute. Il n’y a pas d'heure pour attaquer le Renard, le sentiment qu'il laisse après lui permet aux chiens de le suivre, sans un défaut, même par la grande chaleur. 11 faut découpler dans l'endroit du bois le plus fourré, c’est là que l'animal aime à se retirer, Mis sur pied, il se fait battre en zigzags, à courte distance des Chiens, passant et repassant au petit trot par les mêmes endroits, franchissant d’un bond les sentiers étroits ct Les fossés de séparation, longeant les murs et recherchant les dépressions de terrain. Pour le tuer, il suffit qu’un chas- seur se poste en plein bois, à bon vent, là où l’animal a déjà doublé ses voies. Lorsque ie Renard est vigoureusement poussé par des Chiens de grand pied, il ne se fait battre que très peu de temps. Il prend les champs ou perce de fort en fort jusqu'au terrier, profitant, pour les traversées de routes, des ponceaux bien gardés par des fouillis de ronces. Rarement la bête se montre à découvert. Pour tirer presque à coup sûr, un 136 LES ANIMAUX A FOURRURES Renard mené raide, il faut se placer dans les gorges qui séparent deux bois, là où le chemin est le plus court d’un taillis à l’autre, ou plus simplement au terrier. Lorsque l’animal a été seulement blessé, et qu'il a pu gagner sa tanière, il est bon de visiter les terriers plusieurs jours de suite. Il est rare qu'il ne sorte pas pour étancher, au ruisseau voisin, la soif qui le dévore. L’affût se pratique de bien des manières, au terrier, au passage, à la traînée, au carnage, à l’appât vivant. L’'affût au terrier peut se pratiquer utilement à toute époque de l’année. Pour tuer les adultes, le meilleur moment est le soir et le matin; pour tuer les jeunes, l’époque la plus favorable est le mois de mai. L’on profite d’un beau soleil et l’on s’embusque vers midi. S'il s’agit de l’affût au passage, il faut choisir, le soir, un poste près de la frayée la mieux battue; cela fait, il n'y a plus qu'à attendre patiemment qu’il plaise à l'animal de passer. Bien souvent l'attente est vaine. Qui chasse le Renard à la traînée doit employer de préfé- rence des tripes de Lièvre et éviter avec soin de porter les mains sur l’appât. Quant à l’affût au carnage, il ne présente aucune difficulté particulière; toute la malice consiste à se placer près d’une bête morte et à y attendre le moment favorable. L'affût à l’appât vivant offre plus d’attrait. Il se pratique, de nuit, par un beau clair de lune. D’ordinaire, on attache à un piquet, planté à portée de fusil, une poule vivante, sur laquelle à l'aide d’une ficelle, on exerce une traction vigou- reuse pour lui arracher des cris de douleur. On tend au Renard nombre de pièges, parmi lesquels le traquenard (fig. 25) tient, à notre avis, le premier rang. Mais que de précautions pour le dresser ; que de danger pour celui qui le tend et aussi pour les animaux domestiques qui peuvent s’yestropier, une fois qu'il est posé. Et puis, ce n’est LES RENARDS 137 pas un traquenard qu'il faut, mais quatre, cinq, six. Les possède-t-on? Ce n’est point partout qu’on peut les placer. Ne doit-on pas choisir un terrain spécial, élevé, sec, situé à 1500 mètres des fourrés, éloigné des haïes et des buissons (le Renard se laissant prendre plus facilement en plein champ bien découvert); un temps particulièrement favorable, pas de bise, le vent découvre les pièges ; pas de pluie, l’eau du ciel enlève l'odeur des croûtons; pas de froid intense, la ÉE Le QE C4 2272 5 êw ÿ / 1# LL ; l ‘x NN AL AA Af D 177) VA e .8 F1G. 25. — Renard pris au traquenard. gelée durcit les ressorts et rend l'engin paresseux. Que dirons nous de l'appât lui-même et de sa préparation : panne de cochon, bois de morelle, camphre, iris de Florence, mie de pain frite en graisse, croûtons grillés enduits de miel; tout cela entre dans la composition de l’appât. Nous préfé- rons, quant à nous, appâter avec un morceau de Lièvre, avec un oiseau tué, ou avec du foie de Veau. 138 LES ANIMAUX A FOURRURES Il est nécessaire de visiter souvent les pièges, car, le Renard capturé, s’il n’est pas tué du coup, préfère l'amputa- tion d’un membre à la perte de la liberté. Pour attaquer le Renard au terrier, il faut attendre les grosses pluies, les grandes neiges ou le temps des amours. En approchant des terriers, qu'on mêne grand tapage ; qu'on lâche deux bassets à la gueule des trous. Si les chiens don- nent à pleine gorge, c’est le moment de mettre en action la pioche et la béche pour la terre, les pinces pour le roc, les cognées pour les racines. L’enfumage du Renard n'offre rien de particulier. Il faut boucher toutes les gueules du terrier, sauf une, et c’est par celle-là que l’on introduira une mèche soufrée aussi avant que possible. Lorsque l’on suppose la dose de fumée suff- sante, on ferme la dernière ouverture, et, d'ordinaire, on trouve le lendemain la bête asphyxiée à l’une des gueules du terrier. Lx RENARD BLEU OU ISATIS. — Quoique très semblable, par beaucoup de côtés, au Renard ordinaire, le Renard bleu ou Renard des mers polaires (fig. 26) en diffère sensiblement par les mœurs. Caractères. — Petit de corps (car il ne mesure pas 1 mètre du bout du nez au bout de la queue), il a les pattes courtes, le museau obtus et fort, les oreilles petites et rondes. Son pelage, dont la couleur change avec les saisons, est très épais et composé de longs poils presque feutrés ; Panimal est sujet, chaque année, à deux mues. Les variations de cou- leur sont d'ailleurs nombreuses, car on voit des Isatis qui, en hiver, sont blancs à queue noire, bleu de glace, couleur plomb et même brun ou roux, et, en été, gris sale, brun roux, bruns. Distribution géographique. — On trouve le Renard bleu, en abondance, dans les contrées polaires et glaciales de l’ancien et du nouveau monde. Il pullule dans certaines iles LES RENARDS 139 et l'on suppose qu’il y a été transporté sur des glaçons flot- tants. Maœurs, régime. — Là où il croit n’avoir rien à redouter de l’homme, l’Isatis ne prend pas la peine de se creuser un terrier, il établit son gite dans les tas de pierres, sous les buissons, et de cette cachette 1l guette sa proie. Il se nourrit surtout de petits Rongeurs, et particulièrement de Lem- mings ; mais, en réalité, tout lui est bon, il s'attaque aux T1} Fic. 26. — Renard Isatis. oiseaux, aux nids, aux animaux de mer égarés sur la plage; il ne dédaigne pas même, à l'occasion, les matières les plus immondes. Sa voracité et sa hardiesse en font pour l’homme un insupportable voisin ; il pénètre dans les maisons, y met tout au pillage, ou en emporte, pour l'enterrer, ce qu’il n’a pas souillé. Ces animaux vont souvent par bandes nom- breuses ; et, pendant le cours de leurs expéditions, ils ne manquent pas de se houspiller entre eux. Steller, un navigateur du siècle dernier, a donné sur le 140 LES ANIMAUX A FOURRURES Renard bleu des détails extrêmement curieux, nous ne sau- rions mieux faire que de les lui emprunter. « Les seuls quadrupèdes que l’on trouve dans la terre de Behring, ce sont les Renards bleus qui y sont certainement arrivés, apportés par les glaces, et qui, se nourrissant de tout ce que la mer rejette sur la plage, s’y sont multipliés d’une manière incroyable. Pendant le malheureux séjour que nous y fimes, j'ai eu toute occasion d'observer les mœurs de cet animal, qui surpasse de beaucoup notre Renard en im- pudence, en adresse et en ruse. Les tours qu’ils nous ont joués ne sont comparables qu’à ceux des Singes d’Albertus Julius, à l'ile de Sarenbourg. Le jour comme la nuit, ils pénétraient dans nos habitations, y volaient tout, même des choses dont ils ne pouvaient se servir, des couteaux, des bâtons, des sacs, des souliers, des bas, des bonnets, etc. Ils enlevaient de dessus nos tonneaux de provisions un poids de plusieurs livres, et y volaient la viande, et cela avec un tel art qu’au commencement nous ne pensions pas à les accuser de ces lareins. Quand nous dépouillions un animal, nous tuions toujours deux ou trois Renards à coups de couteau, ils veraient nous enlever la chair jusque dans nos mains. Enfouissions-nous quelque chose, même profondément, en Ja revêtant de fortes pierres, ils poussaient les pierres à côté en s’aidant les uns les autres; la mettions-nous sur une colonne élevée, ils la minaient en dessous, la renversaient, ou bien l’un d'eux y grimpait comme un Chat ou un Singe, et jetait en bas ce que nous voulions ainsi conserver. Ils observaient toutes nos actions, nous accompagnaient partout. [a mer rejetait-elle un animal, ils le dévoraient avant qu'un de nous eût eu seulement le temps d'arriver, s'ils ne pouvaient tout manger, ils enlevaient le reste à nos yeux, le transportaient dans la montagne, l’y enfouissaient sous terre; pendant ce temps, les autres faisaient sentinelle pour signaler l'approcho de l’homme. Si quelqu'un s’approchait, ils creusaient tout le LES RENARDS A1 sol, y enterraient un Castor, un Ours blanc, et si bien qu'on n’en pouvait plus trouver la place. La nuit, lorsque nous dormions en plein air, ils nous enlevaient nos bonnets, nos gants, les peaux qui nous servaient de couvertures; nous nous couchions sur les Castors que nous avions abattus, pour qu'ils ne vinssent pas nous les voler, et sous nous ils dévoraient les entrailles; nous ne nous endormions qu'avec un bâton sous la main pour pouvoir chasser ces hôtes incom- modes. « Lorsque nous faisions une halte, ils nous attendaient, jouaient mille tours sous nos yeux; puis, s’enhardissant de plus en plus, s’approchaient jusqu'à ronger le euir de nos chaussures. Si nous nous couchions comme pour dormir, ils venaient nous flairer au nez pour voir si nous étions morts ou non ; si nous retenions notre souffle, ils cherchaient à mordre. À notre arrivée, ils mangèrent à nos morts le nez et les doigts pendant que nous creusions leurs fosses ; ils attaquèrent aussi nos malades et nos blessés, Chaque matin, on les voyait courir au milieu des Phoques et des Ours blanes qui étaient couchés sur le rivage, sentir s'ils étaient morts ou endormis, et quand ils trouvaient un cadavre, ils se mettaient aussitôt à le dépecer. Les Phoques, pendant la nuit, écrasent souvent leurs petits; les Renards le savent bien, et tous les matins ils allaient inspecter chacun l'un après l’autre, et enlevaient les morts. « Ils ne nous laissaient reposer ni jour ni nuit; cela nous aigrit et nous irrita au point que nous les tuions tous, jeunes et vieux ; nous les tourmentions, les martyrisions de toutes les manières. Le matin, en nous réveillant, nous avions tou- jours deux ou trois assommés à nos pieds ; et pendant tout mon séjour, j'en ai bien abattu deux cents à moi seul. Le troisième jour après mon arrivée, j'en tuai en trois heures plus de soixante-dix, dont les peaux servirent à garnir le toit de notre cabane, 129 LES ANIMAUX A FOURRURES ; J « Ils sont si voraces qu’on pouvait d’une main leur tendre un, morceau de viande, et de l’autre leur donner un coup de hache. Nous nous teniors à côté d’un cadavre de Phoque, armés de bâtons, fermant les yeux, faisant semblant de ne point voir ; ils y arrivaient aussitôt, se mettaient à manger, et s’y laissaient assommer sans qu'aucun essayât de fuir. Nous creusions un trou dans lequel nous jetions de la viande, à peine avions-nous les talons tournés, que déjà le trou était plein de Renards qu’il nous était facile d’assommer à coups de bâton. Nous ne tenions aucun compte de leur belle fourrure, nous ne les dépouillions même pas, cependant nous étions avec eux en guerre continuelle comme avec nos plus grands ennemis. Tous les matins, nous trainions par la queue, devant la caserne, sur la place d'exécution, ceux que nous avions pris vivants; aux uns, on leur coupait la tête, aux autres, on leur brisait les membres, à d’autres encore, on leur crevait les yeux, ou bien on les pendait deux à deux par les pieds, et ils se mordaient alors l’un l’autre jusqu'à la mort; on brûülait les uns, on faisait périr les autres à coups de fouet, Le plus amusant était d'en tenir un par la queue, etde la lui couper tandis qu’il tirait de toutes ses forces pour se sauver, il faisait alors quelques pas, et tournait plus de vingt fois en rond, Cela ne les éloignait cependant pas de nos habitations, et finalement on en vit dans l'ile un grand nombre sans queue, ou courant sur deux ou trois pattes. « Quand ils ne pouvaientse servir d’un objet nous appar- tenant, d’un vêtement par exemple, ils urinaient dessus, et aucun ne passait sans faire la même chose. » (Steller.) Domestication. — Pris jeunes, les Renards bleus peuvent s'apprivoiser. Ils paraissent suivre volontiers leur maitre, mais bien qu'ilssemblent y être attachés, ilsne laissent pas que d'avoir pour lui plus de défiance craintive que de véritable affection. On dit que la chair de l’Isatis n’a pas ce goût hor- rible qui empeste celle du Renard vulgaire; et, que pendant LES RENARDS 143 les longues traversées, les marins la mangent avec plaisir, Est-ce une raison suffisante pour la placer au rang des mets agréables? Nous ne le pensons point. Chasse. — La fourrure du Renard bleu fait l'objet d’un F1. 27. — Le Renard corsac. trafic important ; et des milliers de peaux de cet animal sont expédiées, chaque année, en Russie et en Chine Plus elles sont bleues, plus grande est leur valeur. La peau se vend de 50 à 100 francs la pièce. « La manière de prendre le Renard bleu est toute par- % 144 LES ANIMAUX A FOURRURES ticulière.» Par les fortes neiges, les Renards se bâtissent ordinairement un couloir au fond duquel ils habitent. C'est le moment dont profitent les Ostiaques et les Samoyèdes; ils creusent la neige avec une forte pelle en bois de Renne, saisissent le Renard par la queue et lui brisent la tête contre une pierre. Pour s'assurer si la bête est ou non dans son couloir, le chasseur met l’oreille à l'ouverture du couloir, et travaille la neige avec sa pelle. Le Renard, que cette action réveille, manifeste sa présence par des bâillements et des éternuements. Le RENARD coRsAc. — Distribution géographique. — En Tartarie et dans les Indes, dans leslieux secs et solitaires, souvent dans le voisinage des rivières, se trouve le Renard corsac (fig. 27). C’est un animal à pelage variable, d’un roux jaunâtre en été, d’un brun jaune ou d’un blanc fauve en hiver; il mesure environ 88 centimètres du bout du nez au bout de la queue, laquelle est marquée de noir et de gris. Mœurs et régime. — Les mœurs du Corsac sont, à peu de chose près, semblables à celles du Renard vulgaire. Comme ce dernier, il habite un terrier à plusieurs issues, dans lequel il se tient le jour. La nuit, il quitte sa demeure; et on l’entend glapir sur un ton lamentable. Les Rongeurs, les Souris surtout, les oiseaux, les grenouilles et le poisson constituent le fond de sa nourriture. Captivité. — D'un naturel assez farouche, le Corsac subit difficilement la captivité; il ne devient pas familier, même avec le gardien qui le soigne tous les jours. On le nourrit de lait, de viande de Bœuf et de Mouton. Chasse. — La qualité de la fourrure d'hiver du Corsac, à la fois très douce, très épaisse, très chaude et très belle, fait rechercher cette espèce de Renard par les Khirghiz et par les peuples nomades de l’est de l'Oural. Et les chasses auxquelles se livrent ces hardis traqueurs sont assez fruc- tueuses pour qu’ils puissent livrer au commerce, chaque LES RENARDS 145 année, plus de 50.000 peaux de Corsacs, säns compter celles dont ils trafiquent dans leur pays même. Ces peaux sont dirigées sur la Russie, et surtout sur la Chine. On emploie, pour s’emparer du Corsac, diverses sortes de pièges; on le prend au lacet tendu à la gueule de son terrier ; on le chasse avec des chiens qui le forcent à se terrer, et on l'arrache de sa demeure souterraine, ou on l’y enferme. Les Tartares chassent le Corsac à l’oiseau ; ils dressent, pour cet usage, des aigles et des faucons. Quant aux Kirghiz, ils se saisissent du Corsac avec une espèce de gros tire-bouchon, fixé au bout d’une perche, qu'ils font pénétrer dans la tanière, et avec lequel ils agrippent l’animal qu’ils retirent ensuite à force de bras. LE RENARD ARGENTÉ où RENARD NoIR. — La fourrure de ce superbe animal qui habite le nord de l’Amérique et de la Sibérie est une des plus recherchées ; elle atteint des prix élevés et se vend jusqu'à 1500 francs, lorsqu’elle est belle et sans défaut. La grande valeur de ces peaux fait recher- cher avec le plus grand soin l’animal qui les fournit. A ce que raconte M. Pouchet, les Ostiaks prennent des Renards noirs, très jeunes, et les font nourrir au sein par leurs femmes, jusqu'à ce qu’ils soient capables de manger seuls. Lorsque ces animaux ont atteint l’âge adulte, on leur casse une patte pour les faire maigrir, parce que, paraît-il, la peau des individus maigres paraît plus belle. Quand les pauvres. bêtes en sont arrivées au point de maigreur convenable, on les tue et on les écorche. Les peaux de Renards noirs se ven- dent, pour ainsi dire, au poids de l’or,dans la Tartarie russe, et les acheteurs ne peuvent les acquérir qu’en les remplissant d'autant d’écus qu’elles peuvent en contenir. On dit qu’au nombre des présents que Catherine de Russie fit offrir au Sultan, en 1776,se trouvait une pelisse de Renard noir, éva- luée à Tobolsk au prix fabuleux de 300.000 francs. pi Les singulières différences des poils sur une même peau Lacroix-Daxrrirp, Le Poil et fourrures. 9 146 LÉS ANIMAUX A FOURRURES portent les pelletiers russes à les diviser et à. placer ensemble les pièces de la nuque, de la gorge, du ventre et du dos. On ne peut pas dire qu'avec 25 belles peaux on peut confec- tionner une belle fourrure, mais que dans 120 peaux l'on peut trouver la matière de cinq belles fourrures. Les pattes, ainsi que les parties basses de la queue du Renard noir, four- nissent aussi une parure recherchée. Les fourrures confection nées avec les pièces de la gorge et de la nuque sont les plus précieuses, et on les paie souvent de sept à huit mille roubles. Elles forment principalement le costume de la vieille noblesse russe et, comme elles sont très légères, elles sont principale- ment portées par les femmes. Cependant le sultan de Turquie et d’autres grands seigneurs en portent aussi. La plupart des Renards des autres pays sont, par la valeur de leur fourrure, supérieurs à ceux de France. La peau du Renard blane, par exemple, coûte parfois 400 roubles, c’est- à-dire 2000 francs de notre monnaie. | Usages. — Avec les peaux de nos Renards on fait des manchons, des fourrures 'd’habits, en conservant la couleur naturelle du pelage. Souvent on emploie à part la fourrure du ventre, qui, plus légère, plus douce, garnie de poils plus longs, convient spécialement pour la fourrure d’habit. Le dos est préféré pour les manchons. Ce qui fait la valeur, en pelleterie, de la dépouille du Re- hard, c’est que la couleur brune et noire, qui lui est propre, permet au marchand de vendre la peau pour une fourrure d’une autre espèce plus estimée. Les queues ainsi que les gorges de toute espèce de Renards, travaillées ou lustrées en noir ou brun, s’emploient beaucoup en bordures de manteaux et d’autres vêtements. Les peaux de Renard du nord sont généralement considé- rées comme des fourrures fines ; mais, malgré leur qualité réelle, elles sont tellement garnies de poil, qu'elles ne donne- raient que des fourrures très dures, ‘si on ne les tailladait LES RENARDS 147 pas par bandes, pour les monter sur des rubans plus ou moins larges, afin d'en écarrer le poil en raison de sa hauteur. Autrefois on ne se servait guère de la queue du Renard dont les dimensions restreintes rendaient l’emploi difficile en pelleterie; les fourreurs considéraient cet appendice de l’ani- mal comme un déchet à peu près inutile. Depuis plusieurs années cependant, quelques industriels emploient exclusivement la queue du Renard et en font des fourrures de genres très différents. À l'Exposition universelle de 1878, notamment, un fourreur, M. Billette, exposait dans une vitrine des manchons, des boas, des tapis et deux grandes peaux, l’une d’ours blanc, l’autre d’ours noir, que rien ne distinguait des autres fourrures exposées dans la même classe ; mais, la surprise était grande qnand on voyait, d’après l'étiquette, qu’elles étaient faites exclusivement en queue de Renard, ainsi que toutes les autres fourrures du même exposant. On pourrait douter que, en présence d’une fabrication un peu active, les queues de Renard puissent être fournies en nombre assez considérable pour alimenter cette industrie ? Eh bien, l’on setromperait. Ce fourreur, dont nous venons de parler, emploie annuellement 100.000 queues, et s’il lui deve- nait nécessaire d'en employer 200.000, il pourrait se Les pro- curer sans peine. Encore faut-1l ajouter que ces queues ne viennent pas de France, dont les Renards n’ont pas les qua- lités qui distinguent les Renards septentrionaux; c’est le Canada et la Russie qui en fournissent la plus grande partie; l'Egypte en envoie aussi, mais ceux du nord nt le poil plus brillant. Ces Renards, ou plutôt leur queue, sont de dverses teintes, parmi lesquelles le blanc et l’argenté. Aux couleurs natu- relles, on peut ajouter deux couleurs artificielles, le noir et le marron, qui permettent de les utilisér pour les différentes fourrures dont nous avons parlé plus haut. 148 LES ANIMAUX A FOURRURES Voici d’une facon sommaire le procédé employé : Chaque queue de Renard, suivant sa dimension, est divisée longitu- dinalement en 4, 5 ou 6 bandelettes, et ces bandelettes sont cousues sur un canevas spécial ; comme ces bandelettes ont, suivant la position qu'elles occupent, des nuances différentes, il devient facultatif au fabricant de varier à volonté les cou- leurs et même les dessins des objets fabriqués, absolument comme un mosaïste choisit la couleur de ses pierres et les juxtapose, pour en former des tableaux ou des ensembles ar- tistiques. Au moyen de ces petites lanières, pas de solution de con- tinuité; elles courent sur le canevas comme la laine dans une tapisserie. Et, dans le cas où l’on veut imiter une peau naturelle comme celle de l’Ours, par exemple, on choi- sit alors ses lanières, de manière que la fourrure du dos soit moins longue que celle des flancs, que la direction des poils suive les dispositions naturelles de chaque partie du corps de l’animal à reproduire. Il est évident qu’un travail aussi minutieux exige une main-d'œuvre considérable, et cependant ces fourrures ne sont'pas d’un prix si élevé que pourrait l’être la fourrure na- turelle elle-même, puisqu'elles se vendent, dans le commerce, de 30 à 50 pour 100 au-dessous des peaux qu’elles imitent avec une perfection telle, qu’il est bien difficile à une per- sonne qui n'est pas de la partie de ne pas y être trompée. Ajoutons que le commercant, sous peine d’abus de confiance, ne peut livrer ces fourrures sans en indiquer la nature. Les Lynx. — Les Lynx, qui étaient autrefois répandus sur toute la surface de l'Europe, en ont heureusement à peu près disparu ; on ne les trouve plus (et encore est-ce en fai- ble quantité) qu'aux confins extrêmes des régions monta- gneuses de notre continent. Is y vivent retirés dans les forêts les plus épaisses, dans les taillis impénétrables, dans les en- droits où ils peuvent trouver un refuge, dans les crevasses de LES LYNX 149 rochers. Pillards, sanguinaires et féroces, les Lynx s’atta- quent même aux animaux de forte taille, les Chevreuils, les Cerfs, les Rennes, les Elans, les Moutons. On distingue plu- sieurs espèces de Lynx. Le Lynæ ordinaire, le Lynx cara- cal (fig.28) à oreilles noires, qui habite les régions tempérées CAT ANEE A A { Fie. 28, — Le Lynx caracal. et torrides de l’Asie et de l'Afrique ; le Lynx du Canada (fig. 29), cantonné dans l'Amérique du Nord, au nord des grands lacs, à l’est des montagnes Rocheuses; le Lynx rouge d'Amérique, dont plusieurs milliers de peaux entrent, chaque année, dans le commerce. Le Lynx botté (fig. 30) L \ Qu 150 LES ANIMAUX A FOURRURES qui setient dans les montagnes de l'Afrique Orientale, depuis le Cap jusqu'en Abyssinie, de l'Asie Occidentale et des Indes; Le Lynx des marais, habitant des forêts maréca- geuses des bords de la mer Caspienne, de la mer d’Aral, de Fic. 29. — Le Lynx du Canada. la Perse, de la Syrie, de l'Égypte, de la Nubie et de l’Abys - sinie. | La fourrure du Lynx est une des plus belles et des plus estimées ; elle a cependant le défaut d’avoir des poils raides qui tombent assez facilement. La dépouille du Lynx ordi- naire porte, dans l’industrie du fourreur, le nom de Loup : Me Éa$ D ER POMRR, er PE En ES 2 68 LS LES LYNX 151 cervier, lorsqu'elle est de grande taille, et celui de Chat cervier, lorsqu'elle provient d’un animal jeune qui n’a pas attemt toute sa grosseur. Une peau coûte 50 francs à peu près. Les plus belles proviennent de la Sibérie, du nord de l’Europe de la Suède, de la Norwège et de la Russie, Sur place, les Fic, 30. — Le Lynx botte. peaux de Sibérie sont payées 20 francs et même jusqu’à 50 francs, car les riches Jakoutes s’en servent pour garnir leurs vêtements; la peau des pattes de devant est vendue à part ; on l’enlève et on en retire encore de 10 à 15 francs la paire. Une peau de Lynx vaut six peaux de Loup, douze de Renard et cent d'Ecureuil. 152 LES ANIMAUX A FOURRURES Les Chats. — Les Félins en général ont une fourrure qui est employée dans le commerce des pelleteries. La dépouille des grandes espèces sert à faire des tapis, des couverturess des tapis de pied et des tapis de selle, la dépouille des espèces moyennes ou petites, est utilisée peur la fabrication des manchons, des pelisses, des doublures, des garnitures de vé- tements. Les Lions. — En certains pays de l’Afrique on étend les peaux de Lions pour s’y coucher. Chez nous, elles ne servent qu'à faire des tapis de pied et des descentes de lit. On distingue plusieurs espèces de Lions : le Lion de Bar- barie, qui se rencontre encore en Algérie et au Maroc, dans la régence de Tunis et dans le Fezzan ; le Lion du Sénégal, qui se distingue par sa crinière épaisse et à teinte claire; le Lion du Cap dont la crinière est très forte et foncée en cou- leur ; le Lion de Perse à taille plus petite et à crinière mé- langée de poils bruns et noirs ; le Lion de Guzerat, dont la crinière est à peine accusée, et dont le pelage est d’un roux fauve uniforme ; il habite le Guzerat, et aussi d’autres parties des Indes. Les Couguars. — [Les Couguars dont la peau est absolu- ment dépourvue de raies, d’anneaux et de taches, et dont la tête ne porte aucune crinière, fournissent aussi leur appoint à l’industrie du pelletier. L'espèce type et la plus connue du groupe et le Couguar concolore ou Puma. Ce bel animal, qui mesure plus d’un mètre du bout du museau à la nais- sance de la queue, porte un pelage composé de poils courts, épais et doux, d’un rouge jaune foncé. Le Puma est répandu dans l'Amérique du Sud, depuis la Patagonie jusqu’à la Nouvelle Grenade, au Mexique et aux États-Unis. On le rencontre même au Canada. On connaît sa fourrure sous le nom de Lion péruvien. Le Couguar Jaguarondi qui habite les contrées les plus chaudes du Brésil, de la Guyanne et du Paraguay, est un animal aux formes grêles et élancées, LES TIGRES, LES LÉOPARDS, LES PANTHÈRES 153 à corps et à queue longs, qui rapelle, par sa structure, les Mustéliens. Son poil court et épais est d’un brun gris noir. Tigres, Jaguars, Océlots, Léopards; Panthères, Once, Serval. — Les Tigres sont originaires des parties les plus chaudes de la région asiatique, l’Inde et les grandes iles adjacentes. Leur fourrure présente diverses variétés dues au climat. Dans Fic. 31. — Le Léopard d’Afrique. leur pays d’origine elle est dure et sèche; mais quand le Tigre a franchi les limites de son domaine ordinaire et qu'il se montre au nord de l'Himalaya, jusqu'en Sibérie, alors il se couvre d’une fourrure épaisse composée de poils compa- rativement longs, et dont la disposition est telle que l'air, en contact avec la surface de la peau, ne se renouvelle que diffi- Q ve 1e LES ANIMAUX A FOURRURES cilement, en sorte que la chaleur de l’animal peut se mieux conserver. Les peaux de Tigre servent en Europe à faire des descentes de lit. Dans les pays orientaux, c’est un grand luxe que de faire un tapis avec la peau de cet animal. LL LL LL Z LL = << < 4, = A NU = - ET //||) ARE We ne YA w Ÿ (f/ y) 4 a. a NK A AT N 1 ou 4) MATE M NT À LUN JA k U£ 4 EZ VÆ \\ Si NN EZ 1 = L LPS 2 4 << Fic. 32. — Le Chat angora. Quant aux Jaguars, aux Ocelots, aux Léopards (fig. 31), aux Panthères, aux Onces et aux Servals, et autres Félins, plus ou moins mouchetés ou tachetés, leurs dépouilles servent le plus souvent comme tapis de pieds, sièges de voitures, harnachements de chevaux, quelquefois comme manteaux. LES TAUPES 155 Chats sauvages et chats de feux. — Pour ce qui est dés Chats proprement dits, domestiques et sauvages, leur fourrure est utilisée en pelleterie, elle sert à imiter les fourrures rares et d’un prix élevé. La dépouille du Chat domestique ou Chat de feu est peu recherchée; il n’en est pas de même de celle du Chat d’Angora (fig. 32), dont on emploie la fourrure blanche pour border des pelisses et divers autres ouvrages et que l’on fait passer pour la dépouille du Renard isatis. Les peaux de Chats sauvages qui valent le double de celles des Chats de feu sont souvent teintes en brun, en Turquie et en Hongrie, mais elles ne donnent qu'une fourrure peu durable, bien qu’elles soient douces, longues et épaisses. La Hollande fournit les plus belles peaux de Chats de feu, la Russie les plus mauvaises; on les classe en Chats noirs, Chats gris, Chats bigarrés, Chats fauves et Chats blancs. En Allemagne, en Valachie, en Italie, on travaille le Chat noir ; en Silésie, en Galicie le Chat gris, en Turquie le Chat blanc et le Chat fauve. Les Taupes. — La robe de la Taupe a l’aspect et la douceur du velours, mais on lui reproche le manque de solidité. On en fabrique des objets de fantaisie, et l’on ne peut guère en fabriquer que cela, car il est difficile d’assortir des peaux de même nuance et de même épaisseur ; aussi, l’usage de cette fourrure, d’un si beau lustre, est-il à peu près abandonné. Les dames même qui, au siècle dernier, se rasaient les sourcils pour les remplacer par des bandes de peau de Taupe, ont renoncé à cet ornement singulier. Aujourd’hui on comble les vides des sourcils clairsemés avec un peu de teinture appro- priée et toutest dit. La Taupe, carnassier insectivore, détruit les vers de terre, les taupes-grillon, les vers blancs et autres insectes nui- sibles. Elle fait à la fois beaucoup de bien et beaucoup de mal ; elle est à détruire dans les jardins, à protéger dans les prairies et dans les champs. L’habitation de la Taupe (fig. 33), 156 LES ANIMAUX A FOURRURES désignée sous le nom de taupinière, est un véritable chef- d'œuvre d'architecture. Les Civettes. — Ces animaux sont plutôt recherchés pour le parfum que sécrètent les deux poches odorantes qu'ils portent au voisinage de l’anus que pour toute autre cause ‘. Les peaux sl a En . Li do F1G.33. — La Taupinière. de Civettes sont cependant utilisées dans le commerce de la pelleterie. Les pelletiers confondent la fourrure de la Civette avec celles de la Genett> et du Zibeth. Caractères. —. Le groupe des Civettes comporte la Civette 1 Voy. J. Chatin. Recherches pour servir à l'histoire anatomique des glandés odorantes des ma nmifères { Annales des sciences natu- relles," 1873). LES CIVETTES 1S7 d'Afrique, la Civette d'Asie ou Zibeth, la Civette Rasse, et la Civette Lisang. Les animaux qui le composent se font remarquer par un corps fluet et allongé, par des pattes assez hautes, portant chacune cinq doigts armés d'ongles demi- rétractiles, Les oreilles sont obtuses, la langue couverte de fortes papilles ; la queue longue ne s’enroule pas. Tous les représentants du groupe portent dans la région de l'anus un appareil à parfum. _ LA CIVETTE D'AFRIQUE. — D baron géographique, habitat, mœurs. — La Civette d'Afrique est originaire de l'Afrique Occidentale, de la Guinée d’où elle s’est répandue dans d’autres contrées. On la trouve dans les montagnes, dans les lieux secs et sablonneux, couverts d'arbres et de F1G. 34. — La Civeite. buissons. Elle se nourrit de petits Mammifères, d'oiseaux, de fruits et de racines. Habile à grimper, elle escalade les arbres pour y dévaliser les nids qu’elle dépouille des œufs qu'ils contiennent. Elle ne chasse guère que le soir et la nuït, et consacre tout le jour à dormir. La figure 34 qui représente notre animal, nous dispense d'en donner une description détaillée. Qu'il nous suffise de dire que le poil sur le cou, le long de l’échine et jusque sur la queue, est épais et grossier et qu’il peut se hérisser, en forme 153 LES ANIMAUX A FOURRURES de crinière, à la volonté de l’animal. « Le fond de la fourrure est un beau gris de cendre, passant par endroits au jaunâtre, marqué de taches nombreuses, d'un brun noirâtre, de gran- deur et d'aspect variés, disposées sur les flancs en séries transversales ou longitudinales, et sur les cuisses en bandes transversales. Le ventre est plus clair que le dos, les taches noires y sont moins bien marquées. La crinière est brun noir; la queue, assez touffue à sa base, est marquée de six ou sept anneaux noirs s’étendant de la racine à la pointe qui est d’un brun noir. De chaque côté du cou, se trouve une grande tache blanche, quadrilatère, allongée, oblique, limitée en bas par une bande brun noir, et divisée en deux parties égales par une autre ligne également brun noir. Le nez est noir, le mu- seau blanc à la pointe et brun clair entre les deux yeux, et le front brun jaunâtre; les oreilles offrent la même teinte, mais sont, en arrière, d'un brun très clair; sur chaque œil existe une tache brun noir, qui se continue jusque sous la gorge, en passant sur les joues. Le corps de l’animal mesure, en longueur, 75 centimètres et la queue 40; sa hauteur au garrot est de 30 centimètres. LA CIiverTE D’ASIE. — Le Zibeth ne diffère guère de la Civette d'Afrique que par son pelage et par son port. Elle a les oreilles un peu plus longues que la précédente, le corps plus mince, la tête plus allongée; elle ne porte pas de crinière. Le Zibeth mesure en longueur 80 centimètres; la queue en a 40; sa hauteur au garrot est de 33 centimètres environ. La figure 35 donne une idée très exacte de la position des taches qui recouvrent le pelage et des nuances claires et foncées qui le distinguent. La couleur fondamentale est un brun jaune, marqué de taches rousses, nombreuses, serrées, disposées plus ou moins en bandes transversales. Ces taches se réunis- 1 Brehm, Les Mammifères, caractères, mœurs, chasses, produits. Édition française par Z. Gerbe, t. I. LES GENETTES 159 sent sur le dos en une raie noire, large; elles sont plus épaisses sur les flancs. Récolte de la civette. — Te parfum que sécrètent les Ci-- vettes a fait autrefois la fortune de bien des trafiquants en Asie, en Afrique, en Europe, dans tous les pays enfin où l’on élevait cet animal en captivité. Pour récolter ce précieux produit, on attachait la bête, puis on retournait sa poche anale pour en extraire le contenu. Le suc visqueux qui F1@G. 35. — La Civette d'Asie ou Zibeth. s’attachait aux doigts de l'opérateur en était enlevé au moyen d’une cuillère, et mis de côté avec soin. Cette récolte se faisait, d'ordinaire, deux fois par semaine, et produisait, à chaque fois, quatre grammes environ de Givette par animal. { Avant d’être employée, la civette doit subir un certain nombre de préparations. Il faut d’abord en retirer les poils qu’elle con- tient, la soumettre à des lavages à l’eau, au jus de citron ; puis on la fait sécher au soleil; enfin on l’enferme dans des boîtes de fer-blanc pour la livrer au commerce. Ce produit est, la plupart du temps, falsifié. Il a d’ailleurs perdu beau- coup de son importance, la faveur dont il jouissait autrefois s'étant reportée sur le musc et encore plus sur les odeurs et les essences extraites des fleurs. Les Genettes. — Usages. — La Genette a eu son jour de 1 Guibourt, Histoire naturelle des drogues simples, t. IV, p. 20. = 160 LES ANIMAUX A FOURRURES célébrité; l’on fonda jadis un ordre de la Genette, dont fu- rent membres les princes les plus puissants. Dut-elle cet excès d’honneur à la légèreté et à la valeur de sa fourrure, nous l’ignorons. Toujours est-il que tant que, les progrès de l’industrie n’eurent point favorisé, outre mesure, la con- trefaçcon et que, tant qu'on ne fut point arrivé à semer de taches peintes de simples peaux de Lapins, vendues aux acheteurs comme peaux véritables de Genette, la dépouille de cet animal atteignit des prix élevés. On en a confectionné bien longtemps des manchons estimés. Il y a bien des années que la peau de notre animal est employée à la parure. Ac- tuellement nos pelletiers tirent les peaux de Genette d'Es- pagne et du Levant. En certains pays, d'autre part, on utilise la bête elle- même. Ainsi, en Barbarie, on se sert paraît-il des Genettes, surtout des espèces du Sénégal, pour purger les maisons des Rats qui les infestent. Les Genettes s’acquitteraient de cette besogne avec la même habileté que les meilleurs des Chats. Caractéres. — L'espèce la plus connue et la seule qui représente en Europe la famille des Viverriens est la Genette vulgaire (fig. 34). C'est de celle-là seulement que nous parlerons, bien qu’il existe au Sénégal une seconde espèce, à pelage plus pâle, dont la fourrure est également recherchée dans le commerce. La Genette vulgaire a 55 centimêtres de longueur; la queue mesure 44 centimètres; la hauteur de l’animal ne dé- passe pas 16 centimètres. Un corps très allongé, une tête petite, s’élargissant en arrière, un museau très long, des oreilles courtes et larges, des yeux de Chat, des ongles longs et rétractiles attachés à des pattes très courtes portant cinq doigts chacune, et nues sous la plante; enfin une glande anale odorante; tels sont les principaux caractères de la Genette vulgaire. LES GENETTES 161 Les poils sonts courts et épais; le fond du pelage est un F1G. 36. — La Genette vulgaire. jaune tirant sur le gris clair. Des taches noires, de formes variées, sont disposées sur les flancs en quatre ou cinq 162 LES ANIMAUX A FOURRURES bandes longitudinales; quatre autres bandes longitudinales ornent le cou. La gorge est grise, le museau brun foncé, avec une ligne pâle sur le dos du nez, et une tache claire au- dessus et une au-dessous de l’œil ; le bout de la mâchoire supérieure est blanc; la queue, blanche à l'extrémité, est marquée de sept ou huit anneaux noirs dans le reste de son étendue. Distribution géographique. — Bien qu’elle soit origi- naire de l’Afrique, on rencontre la Genette dans l’Europe méridionale, en Espagne et dans le midi dela France. Régime, mœurs. — Klle se nourrit d'œufs, d’Insectes, d'Oiseaux et surtout de petits Rongeurs, dont elle fait une énorme consommation. Souple comme le Serpent, agile et rusée comme le Renard, d’ailleurs cruelle et vorace, la Genette rampe, glisse, se coule, se dissimule, flairant de tous côtés; puis, tout à coup, elle s’élance, bondit sur sa proie, la saisit, l’égorge et la dévore. Pendant qu’elle croque avec avidité l’animal qu’elle a capturé, elle hérisse son poil, se tient sur la défensive, prête à disputer son butin à qui vou- drait le lui ravir. Elle grimpe avec habileté sur les arbres et nage dans la perfection. On trouve la Genette sur les montagnes nues ou boisées. Quand elle descend dans la plaine, elle se fixe de préférence dans les endroits humides et recherche le voisinage des sources. Souvent on la rencontre sur les flancs ravinés des montagnes où elle se risque quelquefois de jour, au milieu des buissons rabougris, en se dissimulant derrière les pierres et les herbes. D’ordinaire, ce n’est guère que la nuit que cette petite bête se met en chasse. Captivité. — En captivité, elle conserve ses habitudes d'animal nocturne. Le jour, les Genettes passent leur temps à dormir enlacées dans le réduit qui leur est affecté. Elles reproduisent, en captivité, mais ne font qu'un petit; on ignore d’ailleurs si à l’état libre leur fécondité est plus LES MARMOTIES 163 grande. Douces avec leurs semblables, elles se montrent susceptibles d’attachement pour la personne qui les soigne. D'ailleurs, d'une extrême propreté, elles seraient agréables à conserver en domesticité si elles ne répandaient une odeur de Civette tellement forte que bientôt la maison tout entière en est imprégnée. Les Marmottes. — Caractères, mœurs et régime. — Sur les sommets escarpés des Alpes et des Pyrénées vivent, en petites familles, des Quadrupèdes de l’ordre des Rongeurs. Ils ont des formes lourdes et trapues, la tête épaisse, les oreilles arrondies, des membres courts, une queue velue; ils ressemblent à de petits Ours autant qu'à de gros Rats. Ce sont les Marmottes (fig. 37). Elles portent des moustaches longues et inutiles (inutiles, qui le sait?); des ongles résis- tants dont elles se creusent des terriers. Figurez-vous un : grec couché, que voici dessiné # et vous aurez une idée de la forme de cette demeure souterraine. La branche du haut est ouverte: elle sert d’entrée et de sortie aux habi- tants. La branche du bas est ouverte aussi et nous sommes bien embarrassés pour vous dire proprement ce qui passe par cette ouverture. Nous emploierons, afin de vous mettre au courant, un mot étranger, car il ne faut jamais sâlir la langue française. Ce défilé est un water-closet. Quoi qu’il en soit, les deux branches aboutissent à un cul-de-sac profond et spacieux, tapissé d’un épais matelas de foin et de mousse. Les Mar- mottes y demeurent couchées une partie de leur vie. Dès que le froid commence à s’accuser, les orifices de chaque terrier sont obstrués, solidement maconnés. Les portes closes, chaque Marmotte se resserre en boule et tombe en état de mort apparente. Ce sommeil léthargique commence quelque - fois en octobre pour ne finir qu’en mai. Il est si profond que l'on peut prendre l'animal et l'emporter au loin sans qu’il s’éveille. 164 LES ANIMAUX A FOURRURES Captivité. — En captivité, la Marmotte est fort douce; elle s’apprivoise aisément et devient familière. On la dit Fice 37. — La Marmotte vulgaire. voleuse par gourmandise et capable de se glisser furtivement dans la laiterie pour s’y gorger. En fait, elle mange de tout, LES MARMOTTES 165 pain, fruits, racines, herbes, plantes potagères, choux, han- ’ ni Me L eZ 1 (7 Fiac, 38. — La Marmotte Bobac. netons, sauterelles, viande même. Quand elle connait bien les êtres de la maison, la Marmotte y prend de l’autorité; elle 166 LES ANIMAUX À FOURRURES s'attaque au Chien et au Chat et sait se ménager la meilleure place au coin du feu. En liberté, les Marmottes ne quittent leurs tanières que par les journées ensoleillés. Alors elles vont paître aux environs et se rouler sur l’herbe. Mais ces bêtes craintives et défiantes sont toujours sur le qui-vive. L'une d'elles, qui se tient en vedette sur quelque roche élevée, pousse un long sifflement aigu à la moindre apparence de danger. C’est alors un sauve-qui-peut général et c’est à qui s’engouffrera dans les souterrains. La Marmotte vulgaire (fig. 37) est un animal exclusive- ment européen. On ne la trouve pas en Asie, comme on l’a prétendu; elle y est remplacée par d'autres espèces, notam- ment par le Bobac dont nous allons parler. La chair de la Marmotte se mange fraîche, salée ou fumée, La Marmotte est, comme on dit, le Lapin des montagnes froides et élevées. LE Bogac. — Quant au Bobac (fig. 38), il n’a ni le même habitat, ni le même pelage que la Marmotte commune. On le trouve en Galicie, dans la Pologne méridionale, dans toute la Russie et dans la Sibérie méridionale. Il habite les grandes plaines découvertes et les collines peu élevées. Son pelage est d’un gris roussâtre sur le dos et sur le ventre; le tour des yeux et le museau sont d’un brun jaune. L'animal est long de 50 centimètres dont il convient de déduire 10 centimètres pour la queue. Le Bobac se creuse des terriers en terrain sec et ferme. C'est là qu'habite toute la famille, La nourriture consiste en racines et en herbes. Captif, il s’'apprivoise aisément; sa viande est comestible et on utilise sa peau. Usages. — Nos Marmottes ne s'emploient guère qu'à faire des manchons très communs. On les tue en Suisse et en France (Alpes et Savoie). Les Marmottes du Canada sont 1ES ÉCUREUILS 167 employées à faire des bordures de manteau de femmes et des manchons. De la queue annelée de roux et de noir, non teinte, des Marmoites de France, on borde des gants communs; de celles de l'Amérique on borde des manteaux de femmes, mais après les avoir coupées par bandes et teintes. Les Marmottes du Kamtschatka, peu estimées des habitants du pays, s’emploient en bordures communes et en doublures de manteau. F4 Les Écureuils. — Tout le monde connaît ces charmants Rongeurs qui sont les plus propres, les plus coquets, les plus gracieux, les plus agiles des habitants de nos forêts. Qui ne les a vus passer d’un seul bond d’une branche à une autre, comme en volant; grimper au tronc des arbres, s'asseoir à l’enfourchure de deux rameaux et, là, leur queue touffue re- levée en panache, tourner et retourner entre leurs doigts la noisette dont ils attaquent la coquille de leurs incisives tran- chantes, jusqu’à ce qu'ils aient mis à nu l’amande qu’ils ero- quent à belles dents. L’instant d’après, ils font leur toilette, se peignent de leurs griffes acérées et se lustrent le poil avec la langue. L'été, ils courent un peu partout, gagnent la cam- pagne, fréquentent les haies de noiïsetiers, séjournent sur les grands noyers épars dans la plaine et sur les châtaigniers, quand les fruits en sont mûrs. Dans les bois, ils récoltent la faine, le gland qu’ils emportent dans les magasins où ils en- tassent les provisions d'hiver. Ils en ont plusieurs de ces garde-manger en plein vent, un dans un tronc d'arbre creux, un autre à la cime d’un chêne, dans quelque nid abandonné de Pie ou de Corbeau. D’autres, bâtis, par leurs soins, de bûchettes, préservés de la pluie par un dôme de branches mortes et bien rembourrés de mousse, sont, sur les hêtres touffus, autant de greniers bien approvisionnés, en prévision de l'hiver qui va venir. L'une de ces habitations, mieux que les autres gardée des vents du nord, leur servira de refuge 168 LES ANIMAUX A FOURRURES et d’abri. C’est là qu'ils se tiendront bien au chaud, dans leur pelisse de fourrure, quand le mauvais temps sera venu; c’est là qu’ils feront leurs petits à l’époque déterminée par la : nature. L'ÉCUREUIL COMMUN. — Distribution géographique. — L'Écureuil commun (fig. 39) se trouve partout où il y a des forêts; on le rencontre dans toute l'Europe, au midi, au centre et au nord, en Espagne, en Grèce, en France, en Allemagne, comme en Sibérie et en Laponie; il s'étend à tra- vers l’Oural et le Caucase jusqu’à l’Altaï et l'Asie centrale. Caractères. — Sa couleur change, il est vrai, avec les climats et les saisons et selon les individus; mais 1l a tou- jours et partout ce même corps allongé, cette même queuc longue et touffue. La longueur du nôtre est de 25 centimètres, sa hauteur de 10; la queue est presque aussi grande que le corps, et c’est à peine si elle mesure deux ou trois centimètres de moins. Brun roux en été, sur le dessus du corps, roux gris sur la tête à la même époque ; il a en tout temps la gorge, la poi- trine et le ventre blancs. L'hiver, dans nos climats, le brun du dessus est mélangé de gris; mais plus dans le nord, en Sibérie, par exemple, tout reflet roux disparait, pour ne laisser place qu’à une teinte uniforme grise. On voit parfois des Écureuils noirs, rarement on en trouve de blancs ; plus rarement encore de tachetés qui aient la queue blanche. Mœurs. — Les forêts d'arbres verts sont celles que l'Écureuil préfère; il y trouve une abondante nourriture dans les cônes de pins. Il n’habite pourtant pas ces forêts à l'exclusion des autres; car on le rencontre en nombre, dans les bois de chênes, de hêtres, de bouleaux. Il se ménage toujours plusieurs retraites, réparées ou construites avec art. Régime. — Les grains, les bourgeons, les jeunes pousses des arbres, les baies, les graines, les cônes de pins et de sa- LES ÉCUREUILS 169 pins, les noisettes sont ses mets ordinaires. Les feuilles de myrtilles, d’airelles, les graines d'érable et de sureau, les faînes, les glands viennent comme accessoires. A cette nour es HN —— EE: EE a E— CA y Fic. 39. — L'Acureuil commun, riture végétale l’Écureuil ajoute les œufs des nids qu'il visite et qu’il dépouille, Au reste, si l'ordinaire d’une forêt et de ses environs ne convient pas à cette petite bête, elle réunit toute Laceoix-DanLraRp, Poil et fourrures, 10 170 LES ANIMAUX A FOURRÜRES la tribu, et l'émigration se fait vers une contrée plus hospi-- talière. Comme nous l'avons dit, les Écureuils sont prévoyants et ils amassent des provisions pour l'hiver. Mais lorsque l’automne est pluvieux, 1l empêche l’approvisionnement de se faire; s'il est suivi d'un hiver rigoureux, beaucoup d'Écu- reuils périssent de froid, de privation et de misère. L’Ecu- reuil, en effet, redoute les extrêmes; la grande chaleur l’in- commode, et par les températures élevées, il ne quitte son nid que le matin et le soir; il redoute au suprême degré les pluies et les orages, la froidure et les tourmentes de neiges. Vers le mois de mars, les Écureuils s’accouplent. De san- glantes disputes s'élèvent entre les mâles à l’époque des amours. Quatre semaines après l’accouplement, la femelle dépose dans quelque creux d’arbre, plus souvent dans un nid placé vers la cime, de trois à sept petits qui restent aveugles pendant neuf jours. Pendant qu’elle les nourrit, si elle est troublée, la mère emporte ses petits dans un autre nid. Ils grandissent vite, et sont bientôt abandonnés à eux-mêmes. Un nouvel accouplement a lieu, sitôt que les jeunes ont quitté les père et mère, et la femelle fait pour la seconde fois en juin, une portée moins nombreuse que la première. L'Écureuil a, parmi les habitants des bois, plusieurs enne- mis redoutables, d’abord la Marte, aussi agile que lui, quile poursuit à terre et sur les arbres avec un véritable acharne- ment, puis les oiseaux de proie, le Milan, l'Épervier, qui l'assaillent à l’improviste, mais qu’il déroute en grimpant les- tement en spirale autour d’une branche, enfin le Renard au- quel il échappe en escaladant l'arbre qu’il trouve à sa portée. 11 se soustrait plus difficilement aux poursuites de l’homme et, dans certains pays, il Se fait des hécatombes de ces gra- cieux Rongeurs. Chasse. — Bien que la chair de l’Écureuil soit assez fine et d’une saveur délicate, on ne chasse guère en France ce petit animal que par manière de passe-temps. Sous notre LES ÉCUREUILS 171 climat tempéré sa fourrure n’a pas grande valeur. Notre Écureuil n’est done pas objet de commerce. Il nous est arrivé bien des fois, dans nos courses à travers les bois, detirer des Écureuils au fusil, encore plus souvent d'en prendre de jeunes pour les élever, les apprivoiser, et finalement pour les mettre dans des cages, où ils tournent la roue le restant de leurs jours. Rien n’est curieux comme d'examiner le manège de l'Écureuil, en présence du chasseur; la petite bête rusée, se tient toujours du côté opposé à celui d'où peut partir le coup; vous tournez autour de l’arbre, l'Écureuil tourne autour du tronc, et vous ne voyez de l’animal le plus souvent qu'un tout petit bout de chacune de ses quatre pattes. Pour le dérouter, on emploie le stratagème suivant : le chasseur enlève une partie de ses vêtements qu'il place avec son chapeau sur une branche basse bien en vue, ou sur une perche plantée dans le sol. L’Écureuil croit à une double attaque, et est fort em - barrassé pour se dissimuler à la fois à ses deux agresseurs. Ses hésitations font alors qu’il se découvre quelquefois etqu'il s'expose aux coups du chasseur. Dans les pays froids, la chasse de l'Écureuil n’est plus un simple amusement; elle est un exercice de rapport, pour ainsi dire, puisque le but des chasseurs est de se procurer des fourrures pour les vendre. Aïnsi aux bords de la Léna, à partir des premiers jours de mai, jusqu’à la fin d'avril, les paysans n’ont-ils guère d’autres occupations que de tendre des pièges aux Petits- Gris. Les pièges Les plus employés sont des assommoirs qui retombent sur l’animal, quand il touche à l’appât, et qui l’écrasent. Dans le nord, c’est à l’entrée de l'hiver, au moment où les Écureuils entreprennent en masse leurs migrations périodiques, des montagnes vers Les plaines: que la chasse est le plus fructueuse. Regnard qui voyagea en Laponie en 1681 nous décrit ainsi les armes dont se servent les indigènes pour les chasses auxquelles ils se livrent. «Les flèches dont ils se servent sont différentes, dit cet 172 LES ANIMAUX A FOURRURES auteur, les unes sont armées de fer ou d’os de poisson, et Les autres sont rondes, de la figure d’une boule coupée par la moitié. Ils se servent des premières pour l'arc lorsqu'ils vont aux grandes chasses, et des autres pour l’arbalète quand ils rencontrent des animaux qu’ils peuvent tuer sans leur faire une plaie si dangereuse. Ils emploient ces mêmes flèches rondes contre les Petits-Gris, les Martes et les Hermines, afin de conserver les peaux entières ; et parce qu'il est difficile qu’il n'y reste la marque que le coup a laissée; les plus habiles ne manquent jamais de les toucher où ils veulent, et les frappent ordinairement à la tête, qui est l’endroit de la peau le moins estimé !. » «Les Lapons, ajoute Regnard, font beaucoup la guerre aux Petits-Gris pendant l'hiver, et leurs chiens sont si bien faits à cette chasse, qu'ils n’en laissèrent passer aucun, sans les apercevoir sur les arbres les plus élevés et avertir par leurs aboiements les Lapons qui étaient avec nous. Nous en tuâmes quelques-uns à coups de fusil: car les Laponsn’avaient pas, pour lors, leurs flèches rondes avec lesquelles ils les assom- ment, et nous eûmes le plaisir de les voir écorcher avec une vitesse et une propreté surprenantes. Ils commencent à faire la chasse aux Petits-Gris vers la Saint-Michel, et tous les Lapons généralement s'occupent de cet emploi, ce qui fait qu'ils sont à grand marché, et qu'on en donne un #mbre pour un écu. Ce timbre est composé de quarante peaux ; mais il n’y a point de marchandise où on puisse être plus trompé qu’à ces Petits-Gris, et aux Hermines, parce que vous achetez la marchandise sans la voir, et que la peau est retournée, en sorte que la fourrure est en dedans. Il n’y à point aussi de distinction à faire, toutes sont d’un même prix, et il faut prendre les méchantes comme les belles, qui ne coûtent pas plus les unes queles autres. Nous apprimes avec nos Lapons 1 Regnard, Voyage en Laponie. LES ÉCUREUILS 173 une particularité surprenante touchant le Petit-Gris, et qui nous à été confirmée par notre expérience. On ne rencontre pas toujours de ces animaux dans une même quantité. Ils chan- gent bien souvent de pays, et l’on n’en trouvera pas un en tout un hiver, où l'année précédente on en aura trouvé des milliers. Ces animaux changent de contrée; lorsqu'ils veulent aller en un autre endroit, et qu’il faut passer quelque lac ou quelque rivière, qui se rencontrent à chaque pas dans la Laponie, ces petits animaux prennent une écorce de pin ou de bouleau, qu'ils tirent sur le bord de l’eau, sur laquelle ils se mettent et s’abandonnent ainsi au gré du vent, élevant leurs queues en forme de voiles, jusqu’à ce que le vent se faisant un peu fort, et la vague élevée, elle renverse en même temps et le vais- seau et le pilote. Ce naufrage qui est bien souvent de plus de trois ou quatre mille voiles, enrichit ordinairement quelques Lapons qui trouvent ces débris sur le rivage, et les font ser- vir à leur usage ordinaire, pourvu que ces petits animaux n'aient pas été trop longtemps sur le sable. Il y en a une quantité qui font une navigation heureuse et qui arrivent à bon port, pourvu que le vent leur ait été favorable, et qu’il n'ait point causé de tempête sur l’eau, qui ne doit pas étre bien violente pour engloutir tous ces petits bâtiments, Cette particularité pourrait passer pour un conte, si je ne la tenais par ma propre expérience. » Malgré cette déclaration de Regnard, nous ne sommes pas seuls à penser que son récit tient plus du roman que de la réalité, et que, si les Écureuils nageurs sont communs, les Écureuils navigateurs sont encore à trouver. Captivité. — En captivité les Écureuils sont d’amusantes petites bêtes; elles s’apprivoisent facilement et se laissent volontiers caresser tant qu’elles sont jeunes. Mais, dès qu’ils prennent de l’âge, leur caractère s’aigrit, ils deviennent gro- gnons et font de cruelles morsures. Au moment du rut, sur- tout, ils se montrent particulièrement hargneux. A quelque 10. 174 LES ANIMAUX A FOURRURES âge que ce soit il vaut mieux les tenir en cage. Lâchés libres dans la maison, ils furètent partout, traînent et cachent les menus objets qu'ils rencontrent, et ont bientôt abimé les meubles, qu’ils attaquent avec leurs dents. Usages. — Les poils de l'Écureuil ordinaire servent à faire des pinceaux fins; il fournit peu de fourrure. L'Écureuil de Russie ou Petit-Gris en donne, au contraire, une énorme quantité. La Russie en exporte, tous les ans, principalement en Chine plus de deux millions. Le prix d’une peau varie de 30 centimes à 2 francs; en gros, ces peaux valent de 40 à 60 francs le cent pour les gris clair et de 60 à 80 francs le cent pour les gris foncés. Il nous en vient beaucoup d’Arkangel et de Kasan, mais les plus estimés nous vien- nent de Sibérie et de Laponie. On emploie le dos en manchons, en aumusses, en bordures de manteaux de femmes, en fourrures d'habits d'hommes ; le ventre plus léger que le dos, sert à doubler des manteaux de femmes. Les queues, qui sont presque noires, servent aussi à border les pelisses; on les apprête et on les lustre, pour imiter les queues de Fouines ou de Martes. La fourrure de l'Écureuil est douce et très agréable, Le nom de Petit-Gris est réservé aux fourrures faites"unique- ment avec le dos de l'animal; le nom de Vair s'applique à celles qui comprennent la totalité de la peau. Les fourreurs distinguent le Petit-Gris en quatre espèces commerciales : 1° Le Petit-Gris blanc ; 2 le Petit-Gris commun ; 3° le Petit-Gris bleu ; 4° le Petit- Gris noir, dont la queue offre cette dernière coloration. L'Écureuil jaune, V Écu- reuil à queue de Renard, l'Écureuil de la baie d'Hudson, l'Écureuil rayé d'Amérique, l'Écureuil du Mexique et l'Écureuil du Brésil s’emploient généralement pour faire des manchons et des boas. Ce sont des fourrures de peu de valeur. LES POLATOUCHES 175 Les Polatouches. — A la même famille que les Écureuils ou Sciuriens, appartiennent les Polatouches, que le vulgaire appelle Écureuils volants. Ils se rencontrent dans le nord de l'Europe, de l’Asie et de l'Amérique. Notre figure repré - sente le Polatouche de Sibérie (fig. 40), qui est plus petit que notre Ecureuil. & } D RAR 4)\{ 2 1 4 F15. 40. — Le Polatouche de la Sibérie LE POLATOUCHE DE SIBÉRIE. — Mœurs, régime. — Comme les autres Polatouches, ceux de Sibérie ont la peau des flanes très dilatée, étendue entre les jambes de devant et de derrière, en manière de parachute, ce qui leur permet, non pas de voler, mais de bondir dans les airs à une très grande distance, Ils vivent seuls ou par paires dans les grandes forêts de bouleaux ou de pins, dorment toute la er 176 LES ANIMAUX A FOURRURES journée dans quelque arbre creux, et ne s’éveillent qu’au crépuscule. C’est à partir de ce moment que commence leur véritable vie, qui se passe en bonds prodigieux, en sauts d’une branche à une autre, à la recherche des bourgeons les plus tendres et des chatons frais du bouleau. L'hiver venu, le Polatouche s'endort d’un sommeil à peu près ininter- rompu. Nous n'’insisterons pas davantage sur les mœurs du Polatouche qui sont, pour le surplus, sensiblement les mêmes que celles de notre Écureuil, à cette différence près que la femelle a l'habitude d’envelopper ses petits dans sa mem - brane pour les réchauffer et pour les allaiter plus facilement. Caractères. — Le poil du Polatouche de Sibérie est épais et mou ; « en été, Le dosest brun fauve ; la membrane aliforme et la face externe des pattes sort d’un gris brun foncé; le ventre est blanc ; la face supérieure de la queue gris fauve, la face inférieure roux clair. Les poils de la partie supérieure du corps sont gris noir et leur pointe est jaune fauve ; ceux de la partie inférieure sont uniformément blancs. En hiver le poil s’allonge, s’épaissit, et le dos devient plus clair !. » LE POoLATOUCHE ASSAPAN. — Le genre Polatouche est représenté en Amérique par l’'Assapan, une des plus petites espèces du genre. Il mesure dans toute sa longueur 25 cen - timètres, dont 11 centimètres de queue. Le fond du pelage est jaune brun mêlé de gris. Les pattes et le ventre sont blanc d'argent ; la queue gris cendré a des reflets bruns, la membrane aliforme est bordée de noir et de blanc. On ren- contre l’Assapan dans les forêts del’ Amérique septentrionale. Ses mœurs ressemblent à celles du précédent. Usages. — Les peaux de Polatouches sont peu recher- chées ; elles n’ont qu’une valeur à peu près insignifiante. Les TAMrAs. — Mœurs, habitat, régime. — Un genre » ! Brehm, Les Mammifères, caractères, mœurs, chasse. Edition française revue par Z. Gerbe. t. II. ER TO TE LES POLATOUCHES 177 voisin des Écureuils est le genre Tamias. Les Tamias se dis- tinguent par une queue peu touffue, moins longue que le corps, par des oreilles courtes, et surtout par les poches qu’ils portent aux joues ; ces poches peuvent se dilater et contenir des aliments en assez grande abondance. Il y a des Tamias dans l’Europe orientale, la Sibérie et l'Amérique du Nord; ils ont des habitudes à moitié terrestres, grimpent peu, et ne montent, quand ils grimpent, que sur des arbres inclinés. Nous figurons (fig. 41) le Tamias de Lyster, can- tonné dans une partie de l'Amérique où on le désigne sous Fic. 41. — Le Tamias de Lyster. le nom de Æackée. Il habite, comme le Tamias de Sibérie, dont il ne se distingue d’ailleurs par aucun point, les forêts de bouleaux et surtout de pins. Il s’y retire dans un terrier, peu profond, relié à deux ou trois chambres, qui lui sert à la fois de demeure et de magasin. Ce terrier creusé entre les racines des arbres contient parfois jusqu’à 8 kilogrammes de provisions, de graines et de baies diverses, amassées là en prévision de l'hiver. Très souvent les paysans visitent ces greniers pour s'approprier ce qu’ils contiennent. Le Tamias n'a que 15 centimètres de long, 10 centi- mètres de queue et 6 centimètres de haut. Il est leste et 178 LES ANIMAUX A FOURRURES agile. En Sibérie, il ne cause pas grands dégats: en Amé- rique, au contraire, il se livre au pillage des granges qui contiennent les récoltes. Dans les deux pays, on le chasse avec ardeur. À l’époque du rut, 1l se laisse tromper par un appeau fait d’écorce de bouleau et à l’aide duquel le chasseur imite le eri de la femelle. Les habitants de la Sibérie, expédient en Chine les dépouilles des Tamias ; on en fabrique de chaudes garnitures de vêtements. Le mille de ces dépouilles vaut de 8 à 10 roubles. En dehors de l’homme, les Tamias ont pour ennemis les Belettes, les Opossums, les Chats domestiques, la plupart des oiseaux de proie, ainsi que quelques espèces de Serpents Description. — Le Tamias, dit Tamias strié, a la tête, le cou et les flancs de couleur jaune, mélée de poils longs, à pointe blanche ; à droite et à gauche de la tête, alternent des bandes claires, gris jaune et brun foncé. Le long du dos rêgnent cinq bandes noires, à des espaces inégaux. Gelle du milieu suit l’épine dorsale ; les deux suivantes, de chaque côté du corps, partent de l'épaule et finissent à la cuisse; entre ces bandes noires domine une teinte jaune pâle. La queue noire en dessus est jaune en dessous. Le SARIGUE OpossuM. — Caractères. — Une des plus grandes espèces de Marsupiaux de la famille des Didelphes est l’Opossum (fig. 42) qui mesure 50 centimètres de long et 22 centimètres de haut. La queuede l’animal a 30 centimètres, elle est épaisse, arrondie et pointue, couverte de poils à sa racine, couverte d’écailles dans le reste de son étendue, et préhensible. L'Opossum la porte enroulée et s’en sert pour grimper. Le pelage, assez grossier est d'un blanc jaune pâle avec du brun aux pattes; les oreilles sont de deux couleurs. Distribution géographique et mœurs. — C'est surtout dans l'Amérique du Nord que l’on rencontre l’Opossum. Il y est redouté pour les dégâts qu’il commet dans les poulaillers ; il quitte en effet volontiers les forêts épaisses et les buissons LES POLATOUCHES 179 q Fic. 42. — Le Sarigue Opossum. un 7/7 LL0 189 LES ANIMAUX A FOURRURES touffus qu'il affectionne pour se rapprocher des habitations et des fermes. Habile grimpeur, il gagne avec facilité la cime des arbres pour y dévorer sa proie; en cas de besoin, 1l se suspend par la queue à quelque branche, soit pour s’aider dans la descente, soit pour se donner un point d'appui plus sûr, afin de mieux saisir la victime qu’il convoite. A terre, il marche avec lenteur et maladresse, appuyant toute la plante de ses pieds. Son odorat assez subtil, lui permet de suivre une piste, ses autres sens paraissent moins développés. Dans les forêts assez épaisses pour que le jour n’y pénètre qu'atténué, l’Opossum circule aussi bien le jour que la nuit; mais dans les lieux éclairés, il se tient, tout Le jour, endormi, dans sa cachette, pour n’en sortir qu'après que le soleil est couché. Les petits Mammifères, les Écureuils qu'il attaque par - Surprise, les oiseaux, leurs œufs, surtout, dont il est très friand, les reptiles, les insectes, les larves, les vers forment sa nourriture habituelle; il se contente à la rigueur de végétaux, de maïs, et de racines. Dans les basses-cours, il fait un carnage épouvantable, et suce le sang des volailles qu’ils a tuées, jusqu’à s’en gorger au point de s’endormir sur le champ de bataille même. On l’y assomme: mais il faut frapper fort et bien s’assurer que la bête rusée a passé de vie à trépas avant de l’abandonner, car, il lui arrive très souvent de se mettre en boule, de se laisser rouer de coups, de rester comme inanimée, la langue pendante, et l’œil vitreux, offrant en un mot toutes les apparences de la mort, tandis que, au contraire elle est si bien vivante que, sitôt son agresseur parti, elle se remet sur pieds et détale. | La femelle porte vingt-quatre jours et fait de quatre à seize petits qui naissent tout à fait informes, et qui ne prennent l'apparence de ce qu'ils doivent être que vers le cinquantième jour. À ce moment, ils sont gros comme des Souris. Le jour de leur naissance, ils étaient gros comme des pois et pesaient LES POLATOUCHES 181 25 centigrammes ; après soixante jours d'allaitement, leur poids à plus que centuplé, ils pèsent 40 grammes. Installés dans la poche abdominale de leur mère, ils y tètent, bien au chaud, sans se déranger. Ils quittent cette bourse pro- tectrice dès qu’ils ont atteint la taille d'un Rat. Classe. — Les dégâts qu’on impute aux Opossums les font traquer et décimer par tous les moyens. Ils rachètent lcurs déprédations, par les usages utiles auxquels on les emploie. Usages.— Les fermes à Opossums. — « L'Opossum est aujourd'hui fort recherché dans les villes de la partie orientale et septentrionale des États-Unis, ct les gourmets estiment particulièrement sa chair tendre et parfumée; aussi les restaurateurs les plus en renom ont grand soin de réserver au rôti d'Opossum une place d'honneur sur leurs menus. La disparition des forêts amène malheureusement celle de ce gibier, et on a dû, substituant l'élevage à la chasse, créer sous le nom de Possum farms, fermes à Opossuins, des établissements uniquement consacrés à l’en- graissement de ces animaux, qui se vendent alors 1 et 2 dol- lars à New-York. La ferme de Trokmorton, près de Grissin, en Georgie, est un vaste parc contenant huit cents familles d'Opossums nourris, à peu de frais, de légumes sans valeur, de débris de cuisine, et des fruits de plaqueminiers, plantés à même dans leur parc, dont le rôle spécial consiste à les mettre en graisse pour le moment de la vente. Chaque année cinq cents de ces animaux sont livrés à la consommation. On abat préalablement ceux qui sont destinés aux localités peu éloignées, les autres s'expédient vivants.» Les Américains savent teindre la fourrure de cet animal de facon à la rendre semblable à celle des Martes et des Putois, 1 Bulletin de la Société d'acclimatation. Lacroix-DaxLranp, Poil et fourrures. 11 182 LES ANIMAUX A FOURRURES Les Opossums d'Australie ont un poil gris, plus frisé et plus épais; les habitants de la Nouvelle-Hollande trans- forment souvent la dépouille de ces animaux en couvertures qu’ils vendent aux colons. On l’emploie comme doublure, lorsqu'elle est teinte, pour toute espèce d'articles de fantaisie. Les Kangurous. — L'Australie est la patrie des Kangurous. Comme les Lapins, ces fils ingrats dévorent leur mère nour- ricière. Dans le Queensland, plus que dans les autres pro- vinces, ils mettent tout au pillage. On tombe d’accord pour décider que chacun de ces animaux consomme annuellement autant de grain que deux Moutons. Chassés des montagnes par la sécheresse, à certaines époques de l’année, les Kan- gurous viennent littéralement raser les cultures. Cependant en raison des primes élevées que payent les autorités colo- niales, il se fait de véritables hécatombes de ces animaux. Des Chiens spéciaux, dits Chiens de Kangurous, sont lancés à leur poursuite; on a vu de ces Chiens figurer récemment à l'exposition de Beaudezert (Queensland). Dans certaines bat tues, on a tué jusqu’à 1000 de ces déprédateurs. En une seule localité, 23.000 ont été détruits dans le cours d’une année. Caractères. — Les Kangurous, ou Marsupiaux sauteurs, sont les plus grands animaux de cet ordre. Le Kangurou géant atteint la hauteur d’un homme; il mesure plus de 2 mêtres de long, dont 90/centimètres pour la queue, et son poids atteint jusqu’à 110 kilogrammes. La femelle n’a pas le tiers de cette taille. La teinte générale du Kangurou est le brun mélé de gris ; son pelage est d’ailleurs abondant, lisse, épais, mou et presque laineux. La figure 43 donnera une idée des formes du Kangurou. Disons seulement queles pattes de derrière sont extrêmement développées, armées de muscles très vigoureux qui per- mettent à l'animal de faire en hauteur et en étendue des pi LAS F1G. 43. — Le Kangurou Géant, 184 LES ANIMAUX A FOURRURES bonds extraordinaires. En sautant, certaines espèces bondis- sent à 3 mètres en hauteur, et, en longueur, jusqu’à 10 mètres. Quant aux jambes de devant, elles paraissent atropliées ; terminées par cinq doigts à ongles arrondis, elles tiennent lieu de mains à l'animal. La queue du Kangurou joue un rôle assez important dans son existence; pour arracher les plantes, il s'assied sur sa queue et sur ses deux pattes de derrière, en laissant retomber ses pattes de devant. Lorsque la plate est arrachée, il se redresse pour la manger et tout son corps parait alors reposer sur un trépied formé de ses pattes postérieures et de son appendice caudal. C'est aussi l'attitude qu'il prend avait le ccmbat; et, une fois la lutte engagée avec son adversaire, il se soulève sur sa queue et lance cn avant de formidables coups de ses pattes de der- rière, pendant que, de celles de devant, il cherche également à griffer. Ces batailles ont lieu, entre mâles, à l’époque du rut, et bien souvent les lutteurs se font avec leurs ongles puissants de cruelles et profondes blessures. Moœurs et régime. — Bien qu'on rencontre souvent les Kangurous par petites troupes, on ne peut pas dire que ce soient des animaux essentiellement sociables. Ils vivent côte à côte, indifférents les uns aux autres, plutôt qu’ils ne vivent en société. On les trouve dans les vastes pâturages, dans les buissons touffus, dans les forêts impénétrables, là où leurs besoins les portent et où leur fantaisie les conduit. Ils vivent d'herbes. de feuilles, de racines, d’écorces d'arbres, de bour- geons, de fruits. Ils sont méfiants sans prudence, curieux et timides. Au point de vue de la fécondité, ces animaux tiennent le dernier rang. Dans les grandes espèces, la femelle ne fait que très rarement plus d'un petit; et la gestation est toujours de courte durée : trente-neuf jours pour le Kangurou géant. C’est d’ailleurs, ce qui explique l’imperfection de la structure des petits, qui paraissent n'être pas venus à terme et qui pré- LES KANGUROUS 185 sentent, à leur naissance, l'aspect d’une masse molle et trans- parente, sur laquelle sont à peine accusés les organes prinei- paux ; le nez, les oreilles, les membres en général sont indi- qués plutôt que formés. C’est pourquoi le jeune doit subir, en quelque sorte, une seconde gestation, ou pour mieux dire achever une gestation imparfaite dans la poche abdominale de la mère. Il y vit longtemps encore, greffé au téton de sa nourrice, et suspendu comme un corps inerte à cette ma— melle qu’il est incapable de teter, et dont le lait découle naturellement dans la bouche du nourrisson. Il a huit mois qu'il tête encore; à cet âge, il sort parfois la tête de la bourse dans laquelle il végète, et se décide, après de longues hési- tations à quitter la poche marsupiale pour sauter autour de sa mère. Au moindre bruit d’ailleurs il regagne sa cachette au fond de laquelle il se précipite la tête la première. Chasse. — Les Kangurous sont le gros gibier de l’Aus- tralie ; indigènes et colons le chassent avec passion; les pre- miers cherchent à aborder un troupeau de Kangurous sans être aperçus, et, presque chaque fois, ils réussissent à se saisir de quelque pièce. Dans les grandes chasses les uns se cachent, les autres rabattent le gibier, l'approchent le plus possible, puis se dressent subitement en poussant des cris. Les animaux effrayés s’enfuient dans la direction laissée libre par les rabatteurs et deviennent la proie des chasseurs. Les indigènes s'emparent encore des Kangurous, et cela très habilement, à l’aide de lacets et de diverses espèces de pièges. Les colons anglais emploient spécialement pour la chasse au Kangurou, une race particulière de chiens, obtenue par le croisement du braque anglais et du bouledogue, race remar- quable par sa force, son courage et sa persévérance. Trois à quatre de ces chiens suffisent généralement pour s'emparer d’un Kangurou et pour l’amener à la portée du fusil du chas- seur. Cette chasse n’est cependant pas sans dangers. Le Kangurou sait faire usage des ongles vigoureux de ses pieds 186 LES ANIMAUX A FOURRURES de derrière, et les grandes espèces opposent souvent une forte résistance aux chiens et même à l’homme. Si un cours d’eau se trouve aux environs, le Kangurou s’y réfugie et y attend tranquillement les assaillants. Sa grande taille Jui permet d’avoir pied, là où les chiens sont obligés de nager, et c'est ce qui fait son avantage. Le premier chien qui ap- proche est saisi, et maintenu sous l'eau jusqu'à ce qu’il soit asphyxié. Un fort mâle est capable de tenir tête à une meute nombreuse. Il laisse tranquillement les chiens arriver l’un après l’autre, et profite à chaque fois du moment favorable pour se débarrasser de son adversaire. Une fois sous la patte du Kangurou, le chien est perdu, si un autre chien ne vient à son secours, et même s’il en échappe, ce bain involontaire lui a suffi; il retourne à la rive, et on ne peut lui faire re- commencer son attaque. Même à terre, un vieux Kangurou mâle n’est pas un adversaire à dédaigner. Il cherche un arbre, s’y adosse pour couvrir ses derrières, et se sert très habile- ment de ses quatre pattes. Les chiens de Kangurou sont dressés à ne jamais attaquer seuls un animal dans cette posi- tion. Ils se précipitent en masse sur lui de tous côtés, le saisissent à la gorge, le renversent, l’entraînent de telle façon qu'il ne puisse faire usage de ses armes et l'égorgent ou le maintiennent jusqu’à l’arrivée du chasseur *. Le naturaliste Gould dit à son tour en parlant du Kangu- rou géant : &« Je me souviens toujours avec plaisir d'un beau Kangurou qui se leva tout à coup en plaine devant les chiens et se mit à détaler. Il dressa d’abord la tête pour voir qui le poursuivait et par où il pouvait fuir; il s’élança alors, et je pus assister à la course la plus furibonde que j'aie jamais vue. 11 parcourut ainsi, d’untrait, quatorze milles anglais; et, comme il avait pleine carrière, je ne doutais pas qu il ne nous 1 Brehm, Les Mammifères, caractères, mœurs, chasses, édition française revue par F. Gerbe, t, I. LES HAMSTERS 187 échappât. Malheureusement pour lui, il s’était engagé sur une langue de terre qui s’avançait environ de deux milles dans la mer, et le chemin lui fut coupé; il avait devant lui un bras de mer de deux milles de large, et une forte brise agitait les flots. Il n’y avait plus de salut pour lui que dans la nage ou dans un combat heureux avec les chiens. Sans hésiter, il s’élanca dans les flots et se mit à nager contre le vent. Mais enfin, il fut forcé de s’en retourner, et fatigué, épuisé, il revint au rivage, où il ne tarda pas à succomber sous les attaques des chiens. En y comprenant les détours qu’il avait faits, il avait bien parcouru dix-huit milles à la course, et deux mulles à la nage. Je ne puis dire au juste, le temps qu’il y mit, mais, je crois qu'au bout de deux heures il avait atteint la langue de terre, et, à ce moment, sa course était aussi rapide qu’au début. » Les Hamsters. — Distribution géographique. — Tous les représentants du genre Hamster, qui comprend une douzaine d'espèces, se trouvent dans les champs de céréales de l’Europe tempérée et de l’Asie. Nous nous occuperons ici du Hamster commun (fig. 44), qui se rencontre en Alsace, qui est très commun en Saxe et en Thuringe et qui se trouve également en Sibérie. Sa fourrure épaisse, formée d’un duvet court et mou, d’un brun jaune clair, et desoies longues et raides, noires à l’ex- trémité, le fait rechercher par les pelletiers. On voit souvent des Hamsters complètement noirs, ce sont les plus estimés. On fait avec la peau du Hamster, recouverte de son poil, des doublures de vêtements très appréciées en Allemagne, en France, en Italie et en Turquie. Dans le commerce, on range, dans la catégorie des Hamsters, les Loirs et les Tawpes, qui ne font pas articles à part. Chasse. — Les dégats que commet le Hamster le font poursuivre par l’homme avec acharnement. Dans la banlieue de Gotha, on tua en 1817, 111.817 individus de cette espèce ; 188 LES ANIMAUX A FOURRURES de 1818 à 1828, il en fut tué 129.754; plus récemment 62.15: de ces Rongeurs furent détruits dans le seul district de Quelinburg, moyennant distribution de primes dont le montant ne dépasse pas 1800 francs, ce qui représente environ 3 centimes par tête d'animal. La plupart du temps, on prend le Hamster dans son ter- rier, et la commune paye une prime plus forte pour la femelle que pour le mâle. Maïs le plus grand profit que l’on retire de cette chasse est fourni par les abondantes provisions que l’on trouve amassées dans le terrier de ce prévoyant Rongeur. Dans les réduits, au nombre de 3, 4 ou 5, que se creusent les vieux Hamsters, on recueille quelquefois, jusqu'à 4 hectolitres de grains, tellement comprimés et agglutinés qu'il faut la pioche pour les désagréger. On moud ces grains après les avoir séchés. Caractères. — Tête pointue, entée sur un cou épais; corps ramassé, long de 30 centimètres reposant sur quatre pattes courtes à doigts minces; oreilles membraneuses, de moyenne longueur ; queue de 3 centimètres, conique et un peu tronquée au bout, tels sont les caractères principaux du Hamster commun. Mœurs, habitudes, régime. — Il préfère les terrains oras et secs, aux sols sablonneux. Dans les premiers, son terrier est plus solide; etil n’a pas à redouter les éboule- ments. Il évite les endroits rocailleux, trop difficiles à creu- ser; et les lieux marécageux, dont l'humidité l’incommode- rait. Mais, quand il a trouvé un gîte à son gré, quelque endroit fertile, et bien accommodé aux exigences de la vie, il y pullule d’une manière étonnante. Le terrier du Hamster est artistement construit, il comprend des couloirs plus ou moins grands, plus ou moins obliques, quelques-uns verti- caux, d’autres sinueux, différentes chambres, dont une rem- plie de paille fine et de matières molles et chaudes, sert d'habitation; tandis que l’autre, également spacieuse, est le LES HAMSTERS 189 grenier d’abondance, toujours bien garni. Le magasin à pro- visions ainsi que le couloir qui y conduit sont, d'ordinaire, bourrés de grains. Agile, quoique lourd en apparence, le Hamster a une allure rampante; il progresse à petits pas; mais, sous l’in- fluence de la peur, il devient assez leste, et fait des bonds relativement considérables. Au reste, habile grimpeur, 1l sait s’accrocher aux moindres aspérités; il nage bien, quoi- qu’il craigne l’eau. Très propre, 1l emploie une partie de son temps à sa toilette, peignant ses poils avec ses pattes, les F1c. 44. — Le Hamster commun. lissant avec sa langue. Il se montre très adroit de ses pieds de devant dont il se sert, comme de mains, pour porter à sa bouche le grain dont il remplit ses abajoues. Colère et courageux, il se défend contre plus fort que lui, et attaque même des animaux d'assez grande taille. Il lui arrive de se jeter sur l’homme, quand celui-ci passe trop près de son terrier, Méchant avec ses congénères, il se montre l’ennemi achar- né des jeunes oiseaux, des Souris, des Lézards, des Orvets. Il s’en nourrit, non pas exclusivement, car il détruit quelques EU 190 LES ANIMAUX A FOURRURES insectes. Il mange aussi les herbes, les légumes, les fruits de toute espèce; et il n’attend pas, pour s’en repaître, qu'ils soient à maturité. Les carottes, les pommes de terre et les racines font également partie de ses menus. Captif, il mange du pain, des gâteaux, du beurre, du fromage, et, d’une ma- nière générale, tout ce que l’on consent à lui donner. Pendant la belle saison, les Hamsters courent les champs, visitent les semis de lin, de vesces, de pois. Quand ils ne sont pas dé- rangés, ils font leurs provisions le jour; autrement, c’est dans la première partie de la nuit qu'ils dévalisent les récoltes et qu'ils remplissent leurs abajoues pour aller les décharger dans leurs terriers. Le Hamster peut emporter, dans ses poches naturelles, jusqu’à 100 grammes de grains, en une seule fois; ainsi chargé, les joues bouffies, le Hamster est d’un curieux aspect. Dès qu’octobre ramène les frimas, le Hamster, animal hibernant, songe à prendre ses quartiers d'hiver. A cet eïtet, il s'enferme dans son terrier, dont il bouche les issues avec de la terre, s’y gorge des grains qu’il y a amassés; après ce copieux repas, il s’enroule en boule, sur un bon lit de paille et s'endort d'un sommeil léthargique. En cet état, il a les membres rigides et froids, et il offre l'apparence de la mort. Mais dès que la terre s’échauffe aux rayons du soleil, vers la fin de février ou au commencement de mars, le Hamster s'éveille. Toutefois, il ne sort pas immédiatement de son ter- rier où il se nourrit quelque temps encore des abondantes provisions qu'il renferme. Le premier soin des Hamsters, lorsqu'ils abandonnent, au retour du printemps, leur domicile d’hiver, est de se creuser un nouveau terrier. Cela fait, ils songent à s’accoupler : ce qui a lieu vers la fin d'avril. Cinq semaines après l'accouple- ment, la femelle fait une portée de six à huit petits, qui naissent nus et aveugles, mais dont la dentition est déjà for- mée. Ils ne pèsent guère plus de 4 grammes, au début. Au LES CHINCHILLAS 191 bout de sept ou huit jours, avant même que leurs yeux ne se soient ouverts, ils pèsent déjà 50 grammes, et commencent bientôt à marcher. Le quinzième jour, les jeunes Hamsters se mettent à creuser, et, dès ce moment, la mère qui les a, jusque-là, soignés avec sollicitude, les invite à quitter défini- tivement son terrier, et à aller vivre à leur guise et à leur compte. Ils se tirent d’ailleurs d'affaire très facilement, car, dès leur plus tendre jeunesse, à peine âgés de cinq ou six jours, ils ont appris, les yeux fermés, à prendre un grain de blé entre leurs pattes de devant et à le décortiquer à l’aide de leurs dents déjà bien aiguisées. Les Chinchillas, — Généralités. — Les Chinchillas sont des espèces de Lapins à queue longue et touffue, dont le corps est recouvert d’une fourrure extrêmement fine. Cette four- rure, utilisée depuis les temps reculés par les habitants de l’Amérique du Sud, est aujourd’hui un objet d’expor- tation considérable. Les cinq ou six espèces connues ont des mœurs à peu près semblables. À l’exception d’une seule, qui habite les plaines désertes, on les trouve sur les montagnes les plus élevées, au milieu des rochers où elles se creusent des terriers, si elles ne parviennent à se loger dans les crevasses. Leur nourriture consiste en racines, en lichens, en bulbes, en écorces d'arbres et en fruits. Les Chinchillas sont agiles, craintifs, propres, sociables. Ils se multiplient avec la même fécondité que les Lièvres, auxquels ils ressem- blent par certains côtés, comme ils ressemblent aux Rats par d’autres caractères. Du temps des Incas, les Péruviens utilisaient déjà les poils de ces animaux pour en tisser des étoffes recherchées, mais ce n’est que vers 1590 que les Chinchillas ont été connus en Europe. En histoire naturelle comme dans l’industrie du pelletier, on distingue deux espèces de Chinchillas : le Chinchilla vul- gaire et le Chinchilla laineux. 192 LES ANIMAUX A FOURRURES La fourrure du premier a une teinte générale argentce à reflets foncés, se nuançant du gris ardoisé au gris plus clair; les peaux se vendent de 15 à 22 francs la douzaine. Quant au Chinchilla laineux ou Souris laineuse, dont il se fait des envois considérables en Europe, sa fourrure est plus douce et plus recherchée que celle de l'espèce précédente. On en fait des manchons, des coiffures, des bordures de vêtements. La plupart du temps, les peaux du Chinchilla laineux ne nous arrivent pas entières ; on les expédie après leur avoir enlevé la tête, les pattes et la queue. Le prix varie de 56 à 75 francs la douzaine de peaux. Les peaux des . Chinchillas viennent en grande partie de Valparaiso, les plus belles du Pérou. Le CHINCHILLA VULGAIRE. — Caractères ; distribution géographique. — Le Chinchilla vulgaire (fig. 45), qui a 33 centimètres de long environ et une queue de 22 centi- mètres, y compris les poils, est remarquable par la finesse et la grandeur de sa fourrure, qui atteint sur le dos jusqu'à 8 centimètres. Il habite, en grand nombre, le Pérou, la Bolivie et le Chili. Mœurs, régime, habitat. — Dans le voisinage des neiges éternelles, sur les pentes escarpées des plus hautes monta- gnes de l'Amérique méridionale, les Chinchillas vivent en iroupes de plusieurs milliers d'individus. Ils grimpent avec agilité, escaladent vivement les rochers, sont gais et alertes, tant qu'ils ne sont dérangés par aucun bruit extérieur. Mais, à la moindre apparence de danger, tous rentrent sous terre ou dans les trous des rochers ; un coup de feu éclatant dans le voisinage les fait disparaître pour longtemps. Cepen- dant, sile voyageur qui passe dans ces contrées s’arrête pour se reposer, s’il semble à ces Rongeurs animé à leur égard d'intentions pacifiques, ils s'enhardissent, et la curiosité pre- nant le dessus, ils viennent tout auprès de lui pour le mieux considérer. Bien quela flore soit peu riche dans ces contrées LES CHINCHILLAS 193 désertes et arides, les Chinchillas y trouvent de quoi s’ali- menter. Fig. 45. — Le Chinchilla vulgaire, Chasse. — Pour chasser le Chinchilla, les Européens em- ploient le fusil ou l’arbalète; mais ce procédé présente plus . 194 LES ANIMAUX A FOURRURES d’un inconvénient. D’abord, il abîme la peau de l’animal et, d'autre part, si celui-ci n’est pastué sur le coup, il va mourir dans sa tanière et est perdu pour le chasseur. Les Indiens ont recours aux lacets. IIS tendent des collets à l’ouverture de toutes les crevasses auxquelles ils peuvent atteindre, et les Chinchillas viennent s’y étrangler. Souvent aussi ils chassent le Chinchilla comme nous chassons le Lapin, et ils se ser- vent pour cette chasse, non pas comme nous du Furet, mais de la Belette du Pérou, qu’ils habituent à se glisser dans Les fentes des rochers, à écorger les Chinchillas qui s’y trouvent et à rapporter les victimes, F1G. 40, — Le Chinchilla laineux. Captivité. — Les Chinchillas s’accoutument facilement à la captivité. Ils deviennent familiers et on peut, sans erain- dre de les voir s’échapper, les laisser courir librement dans la maison. LE CHINCHILLA LAINEUX. — Le Chinchilla laineux (fig. 46), qui n’a que 38 centimètres de long, y compris la queue, habite le nord et le centre du Chili. La laine de cette petite bête est assez fine pour qu’on puisse la filer et les anciens - LES CHINCHILLAS 195 Péruviens en faisaient des couvertures et d’autres étoifes. Au Chili, on n'utilise plus guère la fourrure qu'à faire des chapeaux. Par son pelage et par ses mœurs, il se rapproche sensiblement du Chinchilla vulgaire. Comme ce dernier, il vit en troupes et habite sous terre. Il se nourrit de plantes bulbeuses et d'oignons qu’il porte à sa bouche au moyen de ses pattes de devant. Doux et caressant, ïl vit bien en captivité. _ Lx LaGoris DE Cuvier. — Sociable comme le Chinchilla. comme lui vif et éveillé, ayant les mêmes mœurs et le même régime, le Lagotis de Cuvier (fig. 47) a à peu près la taille et le port du Lapin; il s’en distingue cependant par les pattes de derrière qu'il a beaucoup plus grandes et par une queue infiniment plus longue et plus touffue. Quant aux oreilles, elles atteignent 8 centimètres. Le Lagotis de Cuvier vit dans les parties montagneuses du Pérou. Sa fourrure est molle et longue; ses poils sont blancs à la racine, d’un blanc sale à la pointe, d’un brun jaune au milieu, et la teinte générale est grise, un peu plus claire et tirant au jaune sur les flancs. Les poils de la partie supérieure, longs et touffus, sont blancs et noirs. La fourrure des Lagotis tient le milieu entre celle de la Viscache et celle du Chinchilla. LE LAGOSTOME VISCACHE. — Distribution géographique. — Cet animal, qui représente les Chinchillas sur le versant oriental des Andes, se trouve dans les Pampas, depuis Buenos-Ayres jusqu’en Patagonie. Il mesure, en longueur, 09 centimètres; en hauteur, 14; et la queue a 20 centimètres environ. On en distingue plusieurs variétés. La fourrure, beaucoup moins fine que celle du Chinchilla, est assez épaisse et d’une teinte générale d’un gris brun. Mœurs, habitat, régime. — Les Viscaches se tiennent en troupes nombreuses dans les plaines arides, y creusent d'innombrables terriers et arrivent en peu de temps à miner le sol sur une étendue de plusieurs kilomètres carrés. Pen- 195 LES ANIMAUX A FOURRURES dant le jour,toute la colonie reste invisible, cachée sous la terre; au crépuscule, au contraire, s’opère la sortie en masse F1c. 47. — Le Lagotis de Cuvier. et les jeux commencent. Lorsque la faim se fait sentir, les Viscaches s’en vont de compagnie tondre les herbes, arra- cher les racines, enlever les écorces des maigres arbustes L. hais dééidoats LES CHINCHILLAS 197 qui poussent dans le voisinage (fig. 48). Mais, la plupart du temps, cet ordinaire ne leur suffit pas et elles pillent les champs ensemencés qui ne sont point trop éloignés de leurs mA" | M4 (4247 à | LV d DAT QUE, S ES Y & un = S = | co xT É Fa demeures. Comme certains autres animaux, les Viscaches ont la singulière habitude d’emporter à la gueule de leurs terriers les objets les plus divers. Il n’est pas rare de trou- ver, dans les parages qu’elles occupent, tout près de l’orifice 198 LES ANIMAUX A FOURRURES de leur tanière, des os, des couteaux, des bouses de Vache, et les Gauchos connaissent si bien la manie qu'ont les Vis- caches de collectionner ce qu’elles ramassent chemin faisant que, sitôt qu’ils ont perdu quelque chose, ils se rendent, pour chercher l’objet perdu, certains de le retrouver, aux visca- cheras les plus proches. Chasse. — On chasse la Viscache, moins pour se procurer sa peau ou sa chair que pour l'empêcher de trop miner le sol, Il est, en effet, dangereux de passer à cheval sur les terrains qu'elle habite en trop grand nombre. Le cheval en- fonce ses pieds dans ses couloirs, qui sont presque à fleur de terre, et 1l s’emporte, si toutefois 1l ne s’abat pas ou ne se casse pas une jambe. | Comme les Viscaches s’établissent volontiers là où eroît une espèce de petit melon sauvage amer dont elles font leur nourriture, les indigènes, en voyant ce melon, jugent qu’une viscachera est dans le voisinage. La plante est donc pour eux l'indice d’un endroit périlleux qu’il leur faut éviter. Les Gauchos, qui n’aiment pas à être arrêtés dans leurs courses, détestent par conséquent les Viscaches et mettent tous les moyens en usage pour les éloigner. Ils brûlent les herbes au voisinage de leurs habitations; d’autres fois, ils inondent les terriers et les animaux, forcés de les abandonner, sont saisis par des chiens dressés à les chasser. On tue aussi les Viscaches à l’affût et on les prend à des collets placés aux entrées des terriers. Les Singes. — Généralités. — Les Singes sont, pour la plupart, des animaux des pays chauds et presque tous ont le poil court et peu abondant. Il faut faire exception pour le Rhinopithecus, habitant des hautes montagnes du Thibet oriental qui restent couvertes de neige pendant la moitié de l’année, et sur lesquelles le froid sévit avec une extrême rigueur. Le Rhinopithécus est recouvert de poils doux, épais, longs et très abondants. LES SINGES 199 Les peaux de Singes n’entrent donc que pour une faible partie dans l’industrie du pelletier-fourreur, et les pays qui fournissent celles que l’on emploie sont le Sénégal, le Brésil et la Guinée. Les Singes africains noirs servent à faire des couvertures et des manchons. Les poils soyeux de la fourrure et de la queue du Singe du Brésil sont employés, en France et en Angleterre, à faire des manchons aux poils longs et lustrés. On fait aussi des manchons avec les fourrures des Singes oris et des Singes noirs du Brésil. L'une de ces dépouilles, d’un beau gris, est coupée d’une bande rougeâtre qui produit un très bel effet lorsqu'elle est disposée au milieu du manchon. Les principaux Singes utilisés pour leur fourrure sont : le Singe hurleur noir, l'Atèle Xypoxanthe, le Nyctipi- thèque douroucoli, le Semnopithèque maure ou Budeng noir et le Sat ou Capucin. LE SINGE HURLEUR NOIR. — Le Caraya ou Hurleur noir (fig. 49) habite le Paraguay et la partie méridionale du Brésil ; il est, comme son nom l'indique, tout noir et porte un pelage et une barbe longs et touffus. L'animal mesure 53 cen- timèêtres de long ou à peu près. = Les Hurleurs vivent en petites sociétés, passent la plus grande partie de leur existence sur les arbres élevés où, sous la conduite d’un chef d’orchestre, ils donnent les plus épouvantables concerts qu'il soit donné d’entendre aux oreilles humaines. Des cris aigus, des grognements sourds, des plaintes, des glapissements s’entremélent, s’entrecho- quent et produisent une horrible et assourdissante cacopho- nie. Quand ils ne hurlent pas, ces Singes hargneux et moroses mangent, et lorsqu'ils ont cessé de hurler et de manger, ils dorment. Le Caraya n’est ni vif, ni agile; il grimpe avec mollesse, cueille les bourgeons, les feuilles et les fruits dont il se nourrit avec nonchalance et les mange 200 LES ANIMAUX A FOURRURES sans passion. À terre, où ils descendent rarement, les Hur- leurs sont maladroits; ils ont pour l’eau une horreur pro- fonde ; ils aiment mieux souffrir longtemps de la faim que de traverser le moindre petit cours d’eau pour chercher sur la rive opposée de quoi satisfaire leur appétit. L’organe le plus 4 ss 2 C2 > F1G. 49. — Le Caraya. important des Carayas est leur queue, dont une partie porte des callosités : « Outre sa fonction la plus habituelle, dit Geoffroy-Saint-Hilaire, celle d'assurer la station en s’accro- chant à quelque branche d'arbre, elle est employée par eux à des usages très variés. Ils s’en servent pour aller saisir au LES SINGES 201 loin divers objets, sans mouvoir leur corps et, souvent même, sars mouvoir leurs yeux, sans doute parce que la callosité jouit d’un toucher assez dél'cat pour rendre inutile, dans queiques occasions, le secours de la vue. » * La femelle du Caraya n’a qu'un petit par portée; elle met bas en juin et en juillet. Pendant les premiers jours qui sui- vent la naissance, le petit reste accroché par ses quatre pattes au corps de sa mère; un peu plus tard, celle-ci le porte sur son dos. La petite famille, que composent les Singes de cette espèce, vit Ctroitement unie et, si elle n’est en butte à aucune poursuite, elle se cantonne dans une localité de peu d’étendue qu’elle ne quitte plus. Chasse. -— Au Paraguay, les Carayas sont chassés acti- vement; on les tue à coups de fusil ou à coups de flèches et de sarbacanes; il arrive fréquemment qu'un de ces Singes, frappé mortellement par le plomb, enroule, au moment de tomber, sa queue autour d'une branche et reste ainsi sus- pendu pendant une demi-journée. Les flèches empoison- nées des Peaux-Rouges ont un effet plus sûr. Engourdi par le suc vénéneux dont le fer de la flèche est enduit, l’animal blessé ne tarde pas à chanceler et à tomber lourdement sur le sol. L’ATÈLE XYPOXANTHE (fig. 50). — Caractères. — Dans les grandes et hautes forêts des parties basses de l'Amérique du Sud, dans l’intérieur du Brésil notamment, on rencontre, par petites troupes, composées de six à douze individus, des Singes à corps épais, à tête petite, à cou court, à membres longs, couverts d'un poil laineux, jaune fauve ou jaune gris clair : ce sont les Atèles Xypoxanthe, les plus grands de tous les Singes hurleurs. Ils mesurent plus de 1,30 en longueur; leur face est nue et tourmentée par de continuelles et affreu- ses grimaces. Mœurs. — Ils sont indolents dans leurs mouvements ; leurs longues jambes leur permettent de faire de grands pas 202 LES ANIMAUX A FOURRURES chancelants et de progresser ainsi avec une assez grande rapidité qui paraît jurer avec la lenteur de leurs allures; leurs bras démesurés leur permettent de saisir les branches Fig. 50, — L'’Atèle Xypoxanthe. 4 2 NES OA ANG M {1} . \ %. # À À a à une assez grande hauteur et leur queue prenante les aide à s’y accrocher solidement. Ils aiment tant à rester ainsi sus- pendus par la queue dans les airs, qu’on en rencontre parfois des troupes entières dans cette singulière posture. D’autres PSE". K LES SINGES 203 fois, toute une famille, couchée nonchalamment sur les bran- ches horizontales, se chauffe au soleil, le ventre en l’air, les bras croisés, les yeux au ciel. Les Atèles se nourrissent de fruits et de feuilles; ils ne quittent guère les forêts et ne causent aucun dégât aux cul- tures. La femelle met bas en août et septembre. Chasse. — On chasse au fusil ces Singes et les indigènes de b ;; À si) CAE) pr DiI F1. 51. — Le Nyctipithèque Douroucoli. en font des hécatombes. La gaucherie et la lenteur de ces animaux en font une proie facile. Certaines tribus d’Indiens préfèrent la chair du Xypoxanthe à celle de tout autre gibier. Les Portugais utilisent sa fourrure fauve, et les Botokudos se font de sa queue un diadème de parade. Le NycririTHkque DouroucouLt (fig. 51). — Distribu- tion géographique. — Caractères. — Sur la rive droite du Rio-Paraguay, jusqu'au 25° degré de latitude sud, habite 204 LES ANIMAUX A FOURRURES le Douroucouli, un des Singes les plus remarquables de l'Amérique méridionale. 11 n’a jamais été vu sur la rive gauche du fleuve que nous venons de nommer. Son pelage, cendré en dessus, jaune roussâtre en dessous, est du plus gracieux effet. Le bout de la queue est noir. Les poils sont d’ailleurs fins et doux. Sa petite tête ronde, ses gros yeux jaunes qui ne voient clair que la nuit, ses oreilles courtes donnent au Douroucouli une singulière expression de phy- sionomie. | Mœurs. — Ces Singes vivent par couples, et on ne les voit jamais se réunir en soc'étés nombreuses. Au reste, comme ils ne vaquent que la nuit à leurs occupations, il a été assez difficile d'étudier leurs mœurs. On en sait donc peu de chose. On n’ignore pas, cependant, que le Douroucouli dort tout le jour, dans la cavité de quelque arbre vermoulu, et que ce n’est qu'au crépuscule qu'il se met en quéte de nourriture. Elle consiste en petits oiseaux que son agilité lui permet de surprendre; il mange aussi des bananes, de la canne à sucre et des fruits de palmiers. En captivité, ces Singes perdent de leur timidité, mais comme leur intelligence est assez peu développée, ils ne s’atta- chent guère à leur maître et ne prêtent aucune attention aux caresses. Lorsque deux Douroucoulis ont partagé quelque temps la même cage et que l'un d'eux meurt, l’autre languit bientôt, et finit par périr de chagrin. LE SEMNOPITHÈQUE MAURE. — Distribution géogra- phique. — Caractères, mœurs. — Le Semnopithèque maure ou Budeng noir (fig. 52), qui mesure 1",46 de longueur, y compris la queue, est très commun dans les grandes forêts. de Java. 11 y vit taciturne et morose, en troupes assez nom- breuses, composées quelquefois de plus de cinquante indivi- dus. Les feuilles et les fruits sauvages sont le fond de sa nourriture. Pour se reposer, il s'accroupit d'ordinaire sur quelque branche latérale, se croise les mains sur la poitrine LES SINGES 205 as x = RANINSES SW PSE NS N x N SZ LL ü T4 A ES n —_ FiG. 52, — Le Semnopithèque maure. 206 LES ANIMAUX A FOURRURES et laisse pendre librement sa queue. L'espèce de coiffe de poils qui couvre son front et descend jusqu'aux joues, lui donne un aspect triste et sérieux. Tout jeune, le Budeng est d’un beau jaune d’or; mais cette coloration se fonce bientôt, et chez l’adulte, elle prend une teinte noir brillant. La figure et les mains sont veloutées, le dos soyeux. On chasse les Budengs à coups de pierres, à l'aide d’une fronde, et l’on en tue ainsi des quantités considérables. Leur peau est utilisée par les Javanais pour divers usages domes- tiques, notamment pour la confection de harnais et d’orne- ments militaires. On dit que lorsque les chasseurs s'ap- prochent d’une bande de Budengs, ceux-ci, pris d’une indescriptible fureur, poussent des cris perçants et cassent des branches d'arbres qu’ils lancent contre les assaillants. En captivité le Budeng est doux ; lorsqu'il est placé dans une cage avec d’autres Singes, il devient bientôt leur souffre- douleur. Le Saï ou CapuciN. — Caractères. — Le Sar ou Capucin est un des plus grands représentants de la famille des Sajous, Singes à formes régulières, dont la queue couverte de poils sur toute son étendue, est capable de s’enrouler autour des branches d'arbre. Cependant cette queue n’est point prenante dans l’acception du terme. Le Saï est long de 45 centimètres, à compter du nez jusqu’à la naissance de la queue; celle-ci a 32 centimètres. Le pelage épais du Capucin est d’une couleur très variable, suivant l’âge de l’animal. Chez les jeunes, la teinte générale est le brun jaune clair; la face, qui est nue, est rouge de chair ; les pieds et les mains violets. Chez l'adulte, la tête est jaune, plus foncée sur le sommet; les joues, la queue et les mains deviennent noir brun ; la face est recouverte de petits poils courts, blancs et bleuâtres, qui forment sur le front une tache claire très appa- rente. Les vieux portent une longue barbe; ils sont tout à fait noirs, si ce n’est à la poitrine et au ventre qui restent bruns. LES SINGES 207 Distribution géographique. — Les Sajous sont origi- naires du Brésil ; le Saï est très commun de Bahia à la Co- lombie. Mœurs,habitudes, régime. — Le Capucin est polygame, il vit en petite familles composées de cinq à dix individus, dans les forêts, sur les arbres desquelles il passe la plus grande partie de sa vie, Pendant le jour, il se promène de branche en branche, à la recherche des fruits qu’il préfère, soulevant les écorces des rameaux desséchés pour s’emparer des larves qu’elles recouvrent ; puis, à sa fantaisie, il se laisse glisser sur le sol, gagne la plantation de maïs la plus voisine, y cueille quelques épis, et rentre au fourré pour s’en re- paître. Il passe la nuit au plus épais des arbres touffus, où pour dormir il s’enroule et se couvre le visage avec les bras et la queue. En janvier la femelle met bas un petit, qu’elle porte sur sa poitrine, pendant les premiers jours, et plus tard sur son dos, jusqu’à ce que le jeune soit tout à fait fort. Doux, vif, agile, le Saï progresse sur terre, tantôt au pas, tantôt au galop, par sautillement ou par bonds assez étendus. Sur les arbres, il se montre plein d'adresse et d’enjouement. Suspendu par la queue à une branche flexible, il imprime à son corps des oscillations successives qui le font paraître emporté dans l’es- pace par les mouvements d'une balançoire. Les sens du. Capucin sont assez peu développés; l'ouïe est paresseuse, l’odorat médiocre, la vue mauvaise; le toucher est plus dé- veloppé. En captivité, le Saï s'élève facilement, et il se reproduit; il apprend à connaître son maître et s’y attache ; il vit en bonne intelligence avec les animaux domestiques, familiers de la maison, et se prend pour eux de vive affection. La curiosité, l'instinct de destruction, tant en captivité qu’en liberté, sont ses défauts dominants, Aussi se laisse-t-il prendre vivant aux pièges amorcés de friandises. Les Indiens le tuent à coups de flèches. 208 LES ANIMAUX A FOURRURES L'Yack. — L’Vack (fig. 53), qui forme la transition entre le Bœuf et le Bison, atteint quelquefois 2",30 de longueur ; sa queue, y compris les poilset les crins qui la terminent, mesure quelquefois 1 mêtre. De grands yeux vifs, de longues oreilles ovales, des cornes minces et pointues ornent sa tête au front court et faiblement bombé, enté sur un cou bien musclé et. dépourvu de fanons. Il a le dos presque droit, le garrot élevé, des jambes courtes et vigoureuses, un sabot large à pinces très marquées. Une toison riche et soyeuse descend presque jusqu'à terre des deux côtés du corps. Les poils forment sur le front un toupet crépu:; sur les épaules, au garrot et le long du dos, ils simulent une crinière qui se pro- longe sous le cou. La couleur générale du pelage est le noir, tandis que les touffes de poils et la queue sont blanches. Distribution géographique, mœurs. — On trouve encore en nombre, le Yack à l’état sauvage dans la Mongolie, le Thibet et le Turkestan ; il y vit à des altitudes considérables; il ne résiste que difficilement à des altitudes inférieures à 2600 mètres au-dessus du niveau de la mer. Sa démarche est vive et hardie; il progresse au moyen d'un galop, d’ap- parence maladroiïite, mais rapide et soutenu; sa timidité na- turelle le fait fuir à l'approche de l’homme. Il fait entendre, non pas un beuglement comme le bœuf, mais une sorte de grognement semblable à celui du porc. Chasse. — Ta chasse de l’Yack n’est pas sans danger. Cet animal, s’il n’est que blessé, se défend avec une vigueur et un courage remarquables. Domesticité. — Partout où il vit à l’état sauvage, on le rencontre à l’état domestique. On l'utilise comme bête de selle, de somme et de labour. Il est à noter que la captivité et les croisements successifs modifient son pelage; il est, en effet, rare de voir des Yacks domestiqués, complètement noirs, tandis que ceux marqués de blanc, tout à fait bruns ou tachetés, sont communs. L'YACK "JOUA Q TU 16 SONT AN \ 210 LES ANIMAUX A FOURRURES Le Ladak, le Thibet, le nord de la Chine, la Tartarie sont es pays qui élèvent le plus de troupeaux d’Yacks ; ces ani- maux, qui redoutent la chaleur, résistent, au contraire, au froid avec une grande énergie. « Par les journées, dit Schla- gintweit, où la température était à peine de quelques degrés au-dessus de zéro, nos Yacks, à peine déchargés plongeaient dans le cours d’eau le plus voisin, sans en souffrir. Lorsque l'Anglais Moorcroft fit l’ascens'on du col de Noti, ses Vacks chargés de bagages avaient souffert de la chaleur, ils enten- dirent un ruisseau bruire au fond d’un précipice, et s’éilan- cèrent dans cette direction, avec une telle impétuosité, que deux tombèrent en bas des rochers et se tuèrent ». « Les Yacks, dit Radde, les nouveau-nés eux-mêmes, couchent tous sur la neige; l’homme n’a nul besoin de les soigner. » Au Thibet, où l'Yack sert de bête de somme et de selle, cet animal se montre assez doux envers les personnes qu'il connait ; il se laisse étriller, ct conduire au moyen d’un anneau passé dans les narincs Il témoigne de la défiance à l’égard des étrangers. Il a le pied d’une extrême sûreté, et porte sans broncher des ballots pesant jusqu’à 125 kilogrammes, sur les pentes les plus abruptes, et à travers les sentiers Les plus difüciles et les plus étroits. À 3000 mètres, à 5000 mètres d'altitude même, où la raréfaction de l'air ne permet pas aux autres animaux de rester sans danger, 1l chemine sans être incommodé et sans perdre ni de sa force, ni de son agilité. La viande de l’Yack est excellente ; celle des vieux ani- maux est bien un peu dure, mais celle des jeunes est plus délicate. Le lait, comme celui de tous les animaux qui paissent dans les hautes régions, est crémeux et aromatique. De la peau, on fait du cuir, des courroies ; des poils on fait des cordes. Mais la partie la plus précieuse de l’animal est la queue qui est devenue l’emblême de la guerre. Les queues blanches surtout sont très estimées. Nicolo di Conti rapporte que les poils de la queue sont vendus au poids de l’argent, L’YACK 211 qu’on en fait des chasse-mouches pour les rois et les dieux. On les enchâsse dans des montures d’or et d'argent, et l’on en orne les chevaux et les éléphants. Les hauts dignitaires en portent à leurs lances, comme indice de leur rang. Les Chi- nois les teignent en rouge vif, et en font des panaches pour leurs chapeaux d'été. Belon dit qu’une de ces queues coûte de 4 à 5 ducats, et qu’elle augmente de beaucoup la valeur du harnachement d’un cheval. Dans tout le Levant, on s’en sert comme de chasse-mouches, et cela depuis les temps les plus reculés. Elien en fait déjà mention. Ces queues sont l’objet d'un commerce très répandu et très lucratif. Plus les poils en sont longs, fins et brillants, plus les queues ont de valeur. Les queues noires sont moins recherchées et ont moins de prix que les blanches. Les Kalmouks et les Mongols estiment beaucoup l’Yack. Ils croient que les âmes des hommes de bien, seules, vont dans le corps de ces animaux t. Bien qu'il se plaise surtout dans les hautes régions de l'Himalaya où règne constamment un froid intense, l’Yack est maintenant parfaitement acclimaté dans plusieurs parties montagneuses de notre territoire, notamment dans les Basses- Alpes, où sa force, sa rusticité et sa sobriété lui permettent de rendre plus de services que quelque race que ce soit des autres animaux domestiques, même les plus estimés. L'Auroch, le Bison, le Bœuf musqué. — Parmi les Ruminants dont le poil peut être utilisé, on peut citer l’Auroch qui se trouve encore en Russie, dans quelques forêts de la Lithuanie et du Caucase (il porte une toison épaisse et presque laineuse) ; le Bison d'Amérique (fig. 54) pourvu d’une toison analogue; le Bœuf musqué ou Ovibos (fig. 55), propre aux parties les plus boréales du nouveau monde, qui a tout le corps couvert de longues soies tombantes, parfaitement disposées 1 Brehm, Les Mammifères. o mm LES ANIMAUX A FOURRURES 212 “enbrouY p UOSIT TT — ‘EC ‘O1 SESKK RER NS = SK , LE BŒUF MUSQUÉ 213 L’AUROCH, LE BISON “onbsnu Jnog no SO OT — °G G "Or 214 LES ANIMAUX A FOURRURES pour résister à la neige, et au-dessous de ce manteau ainsi formé, une couche de duvet qui tombe en été, mais prend en hiver un développement énorme. D’autres ruminants, tels que le Renne, le Cerf, le Che- vreuil fournissent des dépouilles que l’on peut utiliser; mais elles sont sujettes à être attaquées par les vers. Agneaux. — Les peaux des Agneaux qui n’ont pas cessé de teter fournissent une fourrure appréciée; celles des Agneaux qui ont brouté sont beaucoup moins estimées. Comme four- rure d’ailleurs on n’emploie, pour ainsi dire aucune peau à laine fine ; il n’en est pas de même des variétés à poils frisés, surtout lorsqu'elles sont de couleur noire. Les plus belles nous viennent de la Perse; elles sont noires, brillantes, à frisures fines et épaisses, ou d’un beau gris. Au même rang, peuvent être placées les peaux d’Astrakan et d’Orenbourg, provenant souvent d'animaux mort-nés. Le pelage en est lisse, ras, noir et luisant, ou moiré. Lorsqu'elle ne provient pas d'Agneaux mort-nés, la fourrure est prise sur des animaux soumis à un genre d'élevage spécial. Dès sa naissance, l'Agneau est cousu dans un linge qu’on élargit au fur et à mesure de la croissance. La toison ainsi comprimée se frise et se boucle. On tue l'animal lorsque sa toison est à point. Les peaux de Crimée ont le pelage gris ou noir, plus long que celui des peaux de Perse, il est bouclé; les peaux de l'Ukraine, au pelage noir, très fin et bouclé, sont égale- ment très estimées. La Hongrie, la Turquie, l'Italie, principalement la Lom-— bardie, la Toscane et le Piémont, le sud de la France, la Hollande, l'Irlande, l'Allemagne du Nord, produirent aussi des fourrures d’Agneau d'une valeur et d’une qualité plus ou moins grandes. Les peaux d'Italie, connues sous le nom de peaux de Turin, ont le pelage noir et luisant; les peaux des Pyrénées, le pelage noir ou blanc; celles d'Arles sont plus grossières que les précédentes ; celles de l’Auvergne, du PRINCIPAUX MARCHES 215 Limousin, du Périgord, de la Guyenne, sont les dernières comme qualité. Quant à celles d'Allemagne et d'Écosse, elles sont peu estimées. Les peaux des grands Moutons du pays de Galles sont préparées en Angleterre, et teintes de toutes les couleurs, en rouge, en bleu, en vert, en jaune, en couleur d’aniline, en orange, en noir, et servent de tapis de table. Celles qui sont parfaitement blanches sont découpées en bandes et transformées en boas. On se sert des peaux d’ Agneau suivant leur finesse et la longueur de leur laine, pour fourrer les gants, les chaussures, les selles de cavalerie, les douillettes, les chancelières, les casquettes, les jouets d’enfants, etc. PRINCIPAUX MARCHÉS1. Le plus grand nombre des fourrures précieuses nous sont fournies par les îles Aléoutiennes, la Sibérie, l'Amérique russe et la Chine. L'Amérique du Nord occupe le premier rang, si l’on ne considère que la qualité des fourrures; elle ne tient que le troisième, si l’on regarde la quantité. Les mar- chandises qu’elle nous expédie viennent surtout des territoires exploités par la compagnie de la baie d'Hudson, au nord du 49° degré de latitude septentrionale, et du Canada, puis des différentes régions des États-Unis situées entre les bas sins de l’Orégon et du Maine et s'étendant au sud jusqu’à l'Arkansas. Les pays de l’Europe centrale, la Turquie, la Hongrie, la Galicie, la France, l’Angleterre, l'Italie, la Hollande, le Da- nemark, la Suisse et l'Allemagne peuvent aussi être mis au nombre des pays grands producteurs de pelleteries de toutes sortes. 1 Beaucoup de renseignements ont été puisés dans l'Histoire du Commerce des Fourrures d'Henirich Lonmer, publiée à Leipzick. 516 LES ANIMAUX A FOURRURES Fourrures américaines. — Dans les forts et forteresses qu'elle a établis, tant à l'intérieur que sur le bord des fleuves, et sur le littoral de l'immense territoire qu’elle a occupé jadis en entier, et cédé depuis en partie, la Compagnie de la baie d'Hudson a fondé des comptoirs et des entrepôts de marchan- dises européennes destinées à lui servir de monnaie d'échange avec les Indiens. Sur ce territoire plus grand que l’Europe, en effet l’argent est Inconnu, l'usage en est prohibé et toutes los affaires s'y traitent par voie d'échange. Les marchandises emmagasinées consistent en fusils, et en munitions, en cou - teaux, haches, limes, en peignes de corne, en alènes, en bou- tons et anneaux de metal, en pipes de terre, en tabac et en tabatières, en miroirs et en perles de verre. Ajoutez à cela des couvertures de laine, des camisoles, des pantalons, des chemises de coton, des mouchoirs de couleur et du rhum, et vous aurez une idée de ce que contient, en marchandises européennes, un comptoir de la Compagnie. Tous les ans, la Compagnie envoie des navires au Canada et à Vancouver, sans compter un certain nombre de bâti- ments de moindre tonnage qui font le commerce côtier. Les tribus indiennes se rendent dans les établissements: de la Compagnie et, au prix de mille fatigues, y apportent les pro- duits de leur chasse, peaux de Castors, de Rats musqués, d’Ours, de Martes zibelines, de Renards argentés, de Renards rouges, de Renards blancs, de Lynx, de Visons, de Lou- tres, de Loups, de Gloutons, et de Buffles. Ces peaux sont ordinairement bien préparées; les Indiens séparent la chair de la peau, en y insufflant de l'air au moyen de tuyaux de plumes ; puis, après l'avoir étendue, ils l’enduisent avec une mixture qui la conserve. Au fur et à mesure que les émis- saires d’une tribu d'Indiens se présentent, ils sont introduits auprès des agents de la Compagnie, et le marché se fait au prix d’un tarif établi et connu d'avance, au moyen duquel les peaux sont livrées au vingtième du prix qu’elles valent en PRINCIPAUX MARCHÉS | 217 réalité. Ces énormes bénéfices sont plus apparents que réels, il faut croire, puisque pendant de longues années la Compa- gnie de la baie d'Hudson n’a pas fait d’affaires exception- nellement brillantes. Le gain s’est à la longue relevé sensi- blement ; et la situation des actionnaires est devenue très prospère. Les comptoirs de vente de la Compagnie d'Hudson sont, au Canada, Montréal, pour les peaux de buffle, et Londres pour toutes espèces de petites peaux. Elles sont triées avec soin, suivant la qualité, la valeur et la couleur, et la vente a lieu aux enchères trois fois par an. Les peaux de Castor et de Bœuf musqué provenant de l'est des montagnes Rocheuses, se vendent en janvier ; toutes les autres fourrures de même provenance, en mars ; et les produits de l’Orégon, qui arri- vent par Vancouver, en septembre. Les marchandises amenées pour la vente par la Compagnie de la baie d'Hudson, sont portées partiellement ou par lots sur un catalogue et sont exposées dix jours avant la vente à l’en- chère, de manière à ce qu’elles puissent être vérifiées et esti- mées par les acheteurs. Les marchandises se vendent au comptant, ou à court terme. Fourrures au Canada et aux États-Unis. — Ici la concurrence est libre, et les Indiens, les colons européens et les Américains, chasseurs ou poseurs de pièges, peuvent vendre à tout venant, de gré à gré, et pour de l’argent, les marchandises dont ils disposent. Sur les bords des lacs du nord, dans les États de Michigan, de Wisconsin, d'Illinois, d’Indiana, et d'Ohio, certaines maisons de commerce de New-York ont fondé des agences permanentes, chargées de traiter avec les chefs indiens et d'acheter les peaux aux mar- chands de détail. Beaucoup de ces acquisitions sont dirigées sur Londres, d'autres sur Leipsik, d’autres enfin sur New- : York. Celles de ces marchandises qui sont envoyées à Lon- dres y sont, après triage, vendues aux enchères. Lacroix-DAxLIARD. Poil et fourrures. 13 1 218 LES ANIMAUX A FOURRURES 4 Les grands marchés des États-Unis et du Canada impor— tent, d’un autre côté, de grandes quantités de fourrures euro- péennes ; New-York, Philadelphie, Boston, Montréal achè- tent les Martes et les Putois russes et allemands, les Lapins français et polonais, les Ecureuils sibériens, les Hermines, les Zibelines, les Visons, Fourrures russes. — Les gouvernements sibériens de Tobolsk, de Tomsk, d'Iénissei, d’Irkoust, d'Iakoust, et quel- ques autres fournissent encore aujourd’hui au gouvernement russe un tribut en peaux de Zibelines, de Martes et d'Écu- reuils. Ce qu'il y a de meilleur dans les lots est préparé par la pelleterie du cabinet impérial, et employé pour les besoins de la cour ; le reste est vendu à l’encan. La Compagnie Russe-Américaine, tant pour son compte que pour celui du gouvernement qui la patronne, envoie des navires qui apportent aux Indiens et aux Esquimaux les cho- ses qui leur sont utiles, en échange desquelles elle recoit des peaux de Loutres de mer, de Loutres fluviales, de Castors, de Lynx, de Zibelines, d'Ours, de Renards, de Phoques à fourrure, qu'elle rapporte à Saint-Pétershourg. La mar- chandise y est vendue aux enchères ou de gré à gré. La Chine absorbe une partie de ces marchandises, elle accapare presque exclusivement les peaux de Loutre marine et de Castor. Un des entrepôts les plus remarquables est la ville de Kia - chta, construite sur la frontière en face de la ville russe de Maimatschin. Les négociants russes et zoscovites s’y rendent en caravanes avec des chargements de thé qu'ils échangent contre des peaux d’Écureuils, de Loutres marines, de Castors, de Phoques à fourrure, de Lynx, de Renards, et de peaux d’Agneaux, en grande quantité. Ces négociations sont éva- luées à environ un million et demi de roubles par an. Le commerce des foires russes est d’une grande impor- tance ; les foires principales sont celles d’Irbit en Sibérie et PRINCIPAUX MARCHÉS 219 celles de Nischny-Novogorod, à l’est de Moscou, sur le Volga. La première de ces foires, a lieu à l’époque la plus froide de l’année, au mois de février. Ce qui y domine, ce sont les peaux d'Écureuils, d'Hermines, de Martes de Tartarie, de Renards blancs et de Zibelines. Les principaux acheteurs sont des négociants russes et allemands de Moscou et de Saint- Pétersbourg, qui apportent, de leur côté, des marchandises américaines et russes, recherchées en Chine et en Tartarie, en particulier des peaux de Loutre et de Castor. De Moscou et de Saint-Pétersbourg, les marchandises sont pour partie dirigées sur l’Angleterre et sur Leipsick ; elles arrivent à ce dernier marché pour la foire de Pâques. A Irbit, les affaires se traitent au comptant. La foire de Nischny se tient aux mois de juillet et d'août, chaque année. Il y vient des mar- chands russes, en grand nombre, et des négociants allemands. On y trouve en abondance des marchandises asiatiques, russes, arméniennes, américaines, allemandes et boréales, et la plu- part des marchands qui s’y trouvent sont à la fois vendeurs et acheteurs. On traite par voie d'échange, au comptant, ou à des termes plus ou moins longs. La foire de Nischny a pris une importance très considérable. A côté de ces grands marchés, il s’en trouve en Russie, de moins importants. Ainsi, Saint-Pétershourg et Moscou sont des marchés de fourrures permanents. Saint-Pétershourg, il ne faut pas l'oublier, est le siège de la Compagnie Russo- Américaine, est c'est là que se fait directement l'importation des fourrures d'Amérique; c’est là la raison de l’importance relative de ce marché de second ordre. Quant à Moscou, sa situation même au cœur de la Russie contribue à achalan- der son marché. Les pelleteries de tous les pays y affluent, et le commerce des peaux y est représenté par des négociants, ou des représentants de beaucoup de nations. A Moscou, les marchandises russes du Nord, et de la Sibérie sont vendues au comptant ou à de courts termes ; les marchandises exotiques, 220 LES ANIMAUX A FOURRURES celles qui proviennent d'Amérique notamment, sont fréquem - ment vendues à douze et même à dix-huit mois de terme. Les fourrures actuellement préparées en Russie, jouissent d'une grande légèreté, leur côté intérieur, leur côté chair, étant gratté jusqu'à la naissance des bulbes pileux, afin de réduire autant que possible le poids de la peau. Parmi celles que les fluctuations de la mode font le plus rechercher en ce moment, nous citerons le Chat noir russe, dont on fait des pelisses valant environ 15 roubles, ou 60 francs au moins, puis le Lièvre noir, d’origine russe également, qui sert à confectionner des manchons; le Renne mort-né, très recher- ché pour sa souplesse et sa légèreté qui permettent d’en faire des manteaux de dames. Fourrures scandinaves. — Le commerce des fourrures en Scandinavie est alimenté non seulement par les produc- tions propres au pays même, mais aussi par celles qui pro- viennent de ses colonies, du Groenland et de l’Islande notam- ment. Les pelleteries fines d'Amérique ne sont pas rares sur les marchés scandinaves. On les y trouve mêlées aux fourru- res de la Suède, de la Norwège et des pays danois. La plu- part de ces marchandises sont exportées en Russie, en passant par l'Allemagne, et la foire de Leipsick joue un rôle impor- tant dans ce commerce de transit. À Copenhague, siège de la Compagnie royale de Danemark et de Groenland, ont lieu des ventes à l’encan, aux mois de mai et de novembre de chaque année. Fourrures allemandes. — En Allemagne, le commerce des pelleteries et fourrures est réparti entre un nombre con- sidérable de maisons de commerce plus ou moins importantes. Chaque petit négociant achète en détail aux particuliers les peaux de Martres de Prusse, les peaux de Fouines, de Putois, de Blaireaux, de Loutres, d'Agneaux, de Chèvres, de Liè- 1 Bull. Soc. d'acclimatation. PRINCIPAUX MARCHÉS 221 vres, de Lapins et de Chats, pour les revendre, parfois sans les avoir préparées, aux pelletiers en gros. Les marchandises russes et américaines sont expédiées par les villes de Hambourg et de Lubeck, qui font aussi le com- merce des peaux de Veaux marins du Groënland, et qui achètent les fourrures scandinaves. En retour, ces deux villes vendent à la Norvège, à la Finlande et au Danemark les peaux américaines, russes, allemandes et françaises. Brême, qui recoit les pelleteries des Esquimaux, achète les produits de l’Allemagne, et vend les fourrures russes et américaines. Berlin, Breslau font un trafic considérable, tant avec les provinces environnantes qu'avec la Russie et la Pologne. Kæœnigsberg, Posen, Dresde, Francfort, Munich, Cologne, Carlsruhe, Brunswick, Hanovre le cèdent à peine à Berlin et à Breslau. Mais le marché le plus important de beaucoup de toute l'Allemagne est celui de Leipsick. Les foires de Leipsick se tiennent l’une à Pâques, l'autre à la Saint- Michel. Là se rencontraient les négociants en fourrure de toutes les contrées de l'Europe et de l'Amérique du Nord, qui achetaient, vendaient, trafiquaient à leur convenance, soit par eux-mêmes, soit par l'intermédiaire de commis- sionnaires et de courtiers. Les ventes et les achats se fai- saient au comptant ou à terme. Aux foires de Leipsick se trouvaient en abondance d’abord les peaux des animaux tués en Allemagne ou dans les régions circonvoisines, pendant l’hiver précédent : peaux de Renard, de Martres, de Putois, de Fouines, de Loutres, de Blaireaux, de Lièvres, de Lapins, de Chats, de toutes couleurs et de toutes espèces, peaux d’Agneaux; les Ecureuils achetés pour l'étranger sur les marchés russes, les peaux d'Hermines, les Renards bleus et blancs, les peaux d’Agneaux de Perse, d’Astrakan et de Russie; les marchandises du Groënland, de Suède, de Norvège; les envois de la baie d'Hudson, du Ca- 229 LES ANIMAUX A FOURRURES nada, de l'Amérique du Nord, Castors, Rats musqués, Ours, Ratons, Putois de Virginie, Zibelines, Visons, Chinchillas, Loutres de mer, Lynx, Loups, Gloutons. I/Angleterre en- voyait ses produits ; la France ses peaux de Lapins préparées et teintes; la Hollande, des Cygnes, des Oies, des Gribes, des Chats et des Putois. Les Américains achetaient aux Allemands les peaux pré- parées des Écureuils, des Fouines, des Martes de Prusse, des Putois, des Lapins de Pologne; aux Français, des peaux de Lapins teintes ; aux Russes, des Hermines, des Visons et des Lièvres blancs. Les Anglais se fournissaient de peaux d'Écureuils brutes, d’Hermines, de peaux d’agneaux de Perse, de Martes, de Lapins de Pologne. Les Français et les Italiens de peaux d'Écureuils préparées, d'Hermines, de peaux d’Agneaux d’Astrakan et de Perse, de Lapins de Pologne, de Zibelines russes et américaines, de Chinchillas. Les Russes et les Polonais achetaient des peaux de Renards allemands et norvégiens, des Martes, des Loutres, des Ratons, des Putois de Virginie, des Ours, des Castors, des Zibelines, des Chinchillas, des Lynx, des Rats musqués, des Lapins fran- çais et anglais, etc. Les Grecs et les Valaques achetaient des Renards rouges, allemands et américains, des Renards blancs, des Lynx, des Visons, des Zibelines, des Loups, des Chats noirs d'Allemagne et de Hollande, des Lapins français. Les Allemands achetaient presque toutes les espèces de four- rures. Aujourd'hui, depuis que les chemins de fer permettent d’aller plus près des centres producteurs, les foires de Leip- sick ont perdu beaucoup de leur importance. Hongrie, Autriche. — Les fourrures russes et améri- caines sont fournies à la Galicie, à la Hongrie et à l'Italie par la ville de Vienne qui produit elle. même des marchan- dises estimées et qui possède un marché permanent pour les peaux d'Agneaux de Turquie de Hongrie et d'Italie. PRINCIPAUX MARCHÉS 293 Cracovie, Lemberg, Prague et Budapesth sont aussi des marchés importants. France. — Bien que la France n’ait point de marché de pelleteries comparable à celui de Leipsick et que le Havre, Bordeaux et Marseille qui reçoivent de l'Amérique du Sud, du Levant et d'Afrique, un grand nombre de peaux, ne soient que des marchés de second ordre, c’est notre pays qui donne le ton et qui produit les fourrures les mieux préparées et les plus en renom. En ce qui concerne le commerce proprement dit, la France recueille les pelleteries indigènes, elle achète au dehors les fourrures exotiques ; elle s'occupe particulièrement de la préparation et de la teinture des peaux de Lapins. Fourrures et pelleteries australiennes. — Dans le cou- rant de janvier 1888, il a été vendu à Londres aux enchères publiques 936.000 peaux d’Opossum d'Australie. Dans le même mois, on a enregistré la vente de 300 balles de peaux de Lapins d'Australie. Dans le mois suivant le nombre des balles vendues s’est élevé à 1642, chaque balle contenant 12 douzaines de peaux de Lapins, les 1942 balles vendues, en janvier et février, représentant environ 250 000 dépouilles. Le nombre des peaux de Kangurous, vendues en janvier et février 1888 a été de 16.400. Commerce du Japon. — Les Japonais ne tirent que peu de parti de la dépouille des Mammifères pour l’industrie. Quant aux fourrures, à l’inverse de leurs voisins les Chinois, ils ne s’en servent point, du moins comme vêtement : Les Aÿnos, habitants de l’île de Yeso, située à l’extrémité sep- tentrionale de l'empire, paraissent se couvrir seuls de peaux d'Ours pendant l'hiver. Les Japonais, toutefois, préparent quelques fourrures qu’ils n’emploient guère que comme nattes ou tapis. Il est bien probable que l’industrie des pelle- teries et fourrures n’est aussi peu avancée au Japon qu’à cause de l’ignominie qui s’attachait à la profession du pelletier, 224 LES ANIMAUX A FOURRURES tanneur, etc. Jusqu'à ces dernières années, ces professions n'étaient exercées que par une caste unique de parias, nommés Yétas, lesquels étaient bannis de toute société; bien qu'aujourd'hui les individus de cette caste jouissent des mêmes droits sociaux que les autres citoyens, néanmoins ils sont encore tenus pour le rebut de la population. Les animaux qui peuvent fournir les fourrures les plus usitées sont l'Ours, le Chien, le Renard, la Loutre et la Marte. Préparation et mise en œuvre des poils et duvets. — Le commerce de la pelleterie, le travail relatif à la prépara- tion des peaux et le confectionnement des objets en four - rure, donnent lieu à un mouvement de fonds très consi- dérable, auquel la France prend une large part. Depuis longtemps les Chinois sont très habiles dans l’art de teindre et de travailler de diverses manières les peaux; peut-être nous sont-ils encore supérieurs sous ce rapport, mais, en Europe, c’est la France qui tient le premier rang dans cette branche d'industrie. Les sept huitièmes des fourrures con- fectionnées annuellement passent par les mains de nos ouvriers, et l’on évalue à 15 ou 20 millions le prix de la main-d'œuvre et les bénéfices commerciaux dont nous pro- fitons ainsi. La moitié des produits est employée à l'intérieur ; l’autre moitié est exportée, et, par suite de la bonne organi- sation de notre commerce, le prix des fourrures de Russie est en général moins élevé à Paris qu'à Saint-Pétersbourg. Nous importons beaucoup de pelleteries brutes de l’Angle- terre, mais nous exportons pour ce pays des quantités énormes de fourrures confectionnées, et l'on peut juger de l'importance de cette branche de l'industrie française par les chiffres suivants: en 1877, nous avons importé pour 11.963.067 francs de pelleteries brutes et nous en avons exporté pour 3.199.067 francs, ce qui donne une consom- mation intérieure évaluée à 8.764.822 francs. (H. Milne Edwards.) | PRINCIPAUX MARCHÉS 225 Pour approprier les peaux et les fourrures aux usages auxquels on les destine, il est nécessaire de leur faire subir un certain nombre de manipulations et de préparations diverses qui ont pour but de leur donner plus de souplesse, de beauté et, par conséquent, de valeur. Les différentes opérations auxquelles sont soumises les peaux des animaux à fourrure ont été décrites en détail et avec une remarquable clarté par M. Villon, de Lyon‘. Nous nous inspirerons pour ce qui suit du travail de cet ingénieur distingué. Lorsque les peaux arrivent chez le fourreur, elles ont subi une première préparation. Tendres, toutes fraiches, pour éviter qu'il ne se glisse de la moisissure dans leurs plis, _elles ont été séchées au soleil. La dépouille des grands animaux cependant, celle du Lion, du Tigre, du Cerf, de l'Ours, a d'ordinaire été l’objet d’un travail plus complet, avant leur arrivée chez le fourreur ; elles lui sont livrées mégissées et chamoisées. Pour ce qui est des autres, il les traite lui-même dans ses ateliers et leur fait subir les opé- rations de l’apprét, dela teinture et du lustre. Apprétage. — L’apprét comporte le mouillage, l’échar- nage, le boursage, le sapinage, le graissage, le broyage, l'assouplissage, le dégraissage, le battage et le parage. Le lustrage, de son côté, suppose l'emploi de différents ingrédients et de divers procédés dont il sera parlé plus loin. La première phase de l’apprêt est le mouillage : il con - siste à faire revenir les peaux dans un bain d’eau salée, dans lequel on leslaisse d’abord deux jours pour leur permettre de s’imbiber. Les jours suivants, elles sont foulées, matin et soir, avec les pieds, puis remises dans des bains de moins en moins chargés de sel. Le sixième jour, elles sont plongées dans l’eau pure jusqu’à la fin du dixième jour. À l'expiration de cette période le mouillage est terminé, la peau est revenue. 1 Villon (de Lyon), Traité pratique de la fabrication des cuirs. Paris, Baudry. 13. 226 LES ANIMAUX A FOURRURES Au mouillage succède l'écharnage qui a pour objet de débarrasser les peaux des parcelles de chair et de graisse qui y adhèrent encore ; il se pratique sur le banc à tirer, in- strument de 50 centimètres de hauteur, de 75 centimètres de longueur, de 25 centimètres de largeur, à l'extrémité duquel se trouve un montant, armé d’un couteau rond. Ce couteau est placé verticalement. C'est sur la partie convexe de sa lame que l’ouvrier, assis à califourchon sur le bane, frotte, du côté chair, la peau qu'il tient par les deux bouts avec les deux mains. En promenant cette peau alternativement de droite à gauche et en présentant successivement toutes les parties à la lame de l'instrument, Pope tes arrive à un écharnage régulier. Après l’écharnage vient le boursage, c’est la couture des peaux poil contre poil. Les peaux closes, c'est-à-dire celles qui n’ont point été ouvertes par le ventre, telles que les peaux de Fouines, de Martes et de Petit-Gris, ne sont point cousues ensemble. On se contente de fermer la partie cuverte. Puis on sapine et on graisse les peaux. Le sapinage à pour effet d'enlever des poils la matière visqueuse qui les agoglutine et les colle; on y parvient en enduisant d'huile d'olive le côté du poil. Bien que certains fourreurs sapinent toutes les peaux, la pratique du sapinage est plus spéciale- ment réservée aux peaux de Petit-Gris. Quant au graissage, il consiste à frotter les peaux du côté ehair, de graisse de. pore, de beurre de galam, de beurre ordinaire ou d'huile d'olive. Il s’agit maintenant d’assouplir la peau en y faisant pénétrer la graisse qui la recouvre ; c'est l'opération du broyage. I] se faisait autrefois et se fait encore aujourd’hui bien souvent au moyen d’un piétinement d’assez longue durée, exercé sur les peaux réunies dans un tonneau défoncé. Un certain nombre d'ouvriers entrent dans la cuve et, pendant trois PRINCIPAUX MARCHÉS 227 4 heures, foulent les peaux pour y faire pénétrer le Corps gras. Un jupon de toile qui cache leur nudité, et avec lequel, en l’'étendant, ils recouvrent l’orifice du tonneau, contribue à y maintenir une chaleur de 20 degrés environ pour favoriser la réussite de l'opération. De temps à autre, il est procédé à l'examen des peaux, et à chaque inspection celles qui sont prêtes sont retirées définitivement, tandis que les autres, après avoir été graissées de nouveau, sont remises dans l’ap- pareil pour y subir une seconde façon. Le foulage est ter- |A - - = = es be = —_—_— = ITS Z TETE jou é —— = MSA ZE É : F1c. 56. — Foulon de pelleterie (Berendorf). miné quand les fibres sont dilatées et que leur tissu a pris une couleur blanchâtre. Il faut se défier, pendant le broyage, du trop grand échauffement des peaux qui entrainerait la chute du poil, et d’un foulage trop prolongé qui feutrerait la fourrure. Dans les ateliers bien montés, on a substitué, au broyage avec les pieds, le broyage mécanique qui donne un travail plus régulier. On emploie notamment le foulon à cames de M. Thiron, de Paris, et le foulon de M. Berendorf que nous figurons (fig. 56). L'opération de l’assowplissage suit immédiatement celle 228 LES ANIMAUX A FOURRURES du broyage. On débourse d’abord les peaux ordinaires en les décousant; on fend longitudinalement par le ventre les peaux closes, à l’aide du couteau de fourreur, lame mince et tranchante, emmanchée court. Puis la peau est étendue, séchée, contre-écharnée, enfin assouplie, à la baguette, à la corde ou au palisson. Pour l’assouplissage à la-baguette, l'ouvrier tient réunies dans une main deux peaux chair contre chair; de l’autre main, il frappe avec une baguette, alternativement le côté poil de chaque peau. L'assouplissage à la corde consiste à frotter, par un mouvement vif de va-et-vient, les peaux du côté chair sur une corde tendue ou sur un fer implanté dans le mur par un des bouts. Enfin l'assouplissage au palisson se pratique à l’aide de l'instrument de ce nom, aussi appelé pinçon, com posé d’un fer plat, large, presque rond par le haut, à peu près semblable à un battoir de lavandière, emmanché d’un bâton. Ce dernier mode d’assouplissage est réputé le meilleur et le plus efficace. Pour le dégraissage, on introduit les peaux dans un ton- neau, traversé par un axe, muni, à l'une de ses extrémités, d’une poignée permettant de lui imprimer un mouvement de rotation. Supposez un grilloir à café. A l'intérieur du ton- neau sont plantées des chevilles formant saillie. On verse dans le tonneau du sable fin, de la craie, du plâtre, pour les fourrures fines, de la sciure de bois et du son et l’on met l'appareil en mouvement. Au bout d’un certain temps, les peaux roulées au milieu de ces matières absorbantes sont dépouillées de toutes les substances graisseuses qui y adhé- raient. Pour certaines fourrures, on emploie des matières dégraissantes froides. Au sortir de l'appareil, les peaux sont soumises à un nou- veau batlage à la baguette qui les débarrasse des poussières de craie, de la sciure ou du son quis y sont attachées. PRINCIPAUX MARCHÉS 229 Enfin, on les étend horizontalement sur une table, on leur enlève les parties dures et coriaces, on les déborde en un mot, et on les égalise. Nouveau battage à la baguette; nouvel assouplissement au palisson; coup de brosse et coup de peigne. C’est le parage, et l’apprétage est terminé. Lustrage. — Le lustrage a pour but et pour effet de cacher les inégalités et les défauts des peaux, de changer la couleur du poil ou de le rendre plus brillant, tout en lui laissant sa coloration naturelle. On soumet à l'opération du blanchiment les fourrures blanches qui sont ternes ou celles qui sont jaunâtres ou mou- chetées, Le blanchiment s'obtient par divers procédés, no- tamment par le soufrage, par l'emploi de l'hydrosulfite de soude, de l'essence et de l’eau oxygénée. Pour le soufrage, il faut d’abord humecter légèremert la fourrure eten peigner le poil. Cela fait, LLs peaux sont éten- dues, à cheval sur des barres de bois, dans une étuve parti- culière, où l’on allume une terrine de soufre, après avoir bouché toutes les issucs. L’acide sulfureux qui se dégage décolore parfaitement les peaux peu colorées. Lorsqu'on se sert de l’hydrosulfite de soude, on l’emploie en solution. Avec une éponge fine, le poil est imbibé de la solution. Puis, les peaux mouillées sont transportées dans l’étuve, où l’on introduit de l’acide carbonique. L’hydrosul- fite se décompose et la décoloration de la fourrure s’ensuit assez rapidement. L'emploi de l'essence de lavande ct de serpolet, chauffée à 39 degrés, dort on frotte le poil avec une éponge donne des résultats plus lents. Y compris le séchage de la peau au soleil, l’opération dure une quizaine de jours. Le traitement des peaux par l’eau oxygénée nécessite d’as- sez nombreuses manipulations. D'abord, il faut dégraisser la fourrure, étendue sur une table, en frottant les poils avec une solution de carbonate d’ammoniaque à 5 pour 100. Lorsque 230 LES ANIMAUX A FOURRURES le poil est imbibé, on le laisse reposer un quart d'heure avant de le laver à l’eau claire. Un second lavage est fait à l’eau de savon tiède. Enfin, il reste à imbiber le poil d’eau oxygénée avec addition d'ammoniaque. On laisse sécher à l’air. L’azurage a pour effet de rendre le blanc plus éclatant ; il se pratique avec de l’eau contenant du carmin d’indigo. On emploie le procédé du lustrage en blanc pour donner à la fois plus de brillant et plus de moelleux à une fourrure. Le poil, à cet effet, est frotté avec un vernis de sandaraque, composé de 1000 parties d'alcool pour 80 de sandaraque, 80 de cérésine, 50 de glycérine et 80 de jaune d'œuf. Lorsqu'on ne veut obtenir que du brillant, il suffit d'opérer sur le poil une friction avec des gélatines brillantes ou avec un blane d'œuf mélangé de glycérine, moitié de son poids. La teinture ou lustrage en noir de la fourrure se faisait autrefois à l’aide de procédés empiriques; il fallait, de toute nécessité, une mixture composée d’eau de chaux, de noix de galle, de litharge, de sel ammoniacal, d’alun, de vert-de- gris, d’antimoine, de mine de plomb, de couperose verte d’autres choses encore, qu’on devait chauffer dans un chau- dron, remuer avec une spatule, laisser reposer et utiliser enfin avec un cérémonial de rigueur. La peau était éten- due sur une table, une brosse spéciale en soie de porc bien imbibée de lustre était passée avec soin sur cette peau dans le sens du poil, une première fois; une seconde fois, dans le même sens, la brosse était repassée, en tremblant, afin d'a- giter les poils; puis une troisième fois sans trembler. Au quatrième tour l’ouvrier secouait la brosse, laissait tomber quelques gouttes de teinture qu’il étendait aussitôt d’une manière uniforme. Ces quatre opérations terminées, la peau devait sécher; une fois sèche, elle était portée en cave, dé- posée là, le cuir en dessous, pour la faire revenir. Enfin, on la frottait sur chair avec du saindoux, on la passait au ton- neau avec du sable chaud, on la battait et on la parait. + PRINCIPAUX MARCHÉS 231 Quand il fallait donner la trempe de fouine, c’est-à-dire tendre le poil dans toute sa longueur et donner du fond, pour employer le terme technique, on employait un ingré- dient composé d’eau de chaux, de noix de galle brûlée, de litharge, de sel ammoniac, de vert-de-gris, de couperose verte, de rouge d'Angleterre, d'alun de Rome, de sumac bouilli dans l’eau de chaux, et l’on se servait de ce produit comme de la temture noire ordinaire. Le lustre en deux parties n’était qu'une modification simplifiée des recettes ci-dessus; il consistait à appliquer d'abord un premier mordant fait de chaux, d’ammoniac, d’alun de roche et d’eau. On en donnait deux couches. Un second mordant, composé d’eau, de vitriol bleu et de couperose verte, succédait au premier. Enfin, on teignait avec un bain de noix de galle, de couperose verte, d’alun de roche, de sel marin et d’eau de chaux. Le lustrage en noïr se fait actuellement à l’aide de pro- cédés nouveaux, procédés absolument scientifiques, dont l'emploi ne donne plus lieu à aucune surprise. Les plus usités sont le procédé Cougny et le procédé Villon. Le procédé Cougny consiste dans l’application de mordants d'espèces différentes, après l’application desquels les pos sont dégraissées et battues. Le premier mordant est composé d’eau, de chaux, de sel ammoniac et d’alun dans des proportions considérables. Le poil doit être fortement brossé à la brosse douce; on doit éviter de toucher la peau. Lorsque cette peau est suffisam- ment humectée, elle est placée sur le chevalet, en été, pendant douze heures, en hiver, pendant le double de temps, séchée à l’étuve, dégraissée au tonneau avec de la sciure de bois d’acajou, mêlée de grès pilé fin et battue à la baguette. Après l'application d’un second mordant, composé d’eau et de couperose verte, la peau est de nouveau séchée, dé- graissée et battue. 232 LES ANIMAUX A FOURRURES Un troisième mordant semblable au premier, puis un qua- trième de même composition que le second, sont appliqués; après quoi on fait subir aux peaux un dernier séchage, dé- graissage et battage. | Dans le procédé Villon, qui comporte un trop grand nombre de détails pour être décrit ici par le menu, les fourrures sont travaillées après teinture. La teinture ou lustrage en marron (procédé Cougny) se fait au moyen des quatre mordants dont nous avons parlé plus haut. On les emploie à des doses plus faibles. Le tachetage et le mouchetage des peaux se pratiquent de deux manières différentes. Lorsque l’on veut faire des iaches blanches sur une peau de couleur, on procède par décoloration par l’hydrosulfite appliqué au pinceau; s’il s’agit, au contraire, de moucheter de noir, il y a lieu d'appliquer, également au pinecau, de la teinture noire. | Il nous reste à dire quelques mots du maniage et du brillantage. Cette double opération consiste à frotter le poil d'abord avec les mains, puis à la brosse avec un mélange d'alcool, de gomme laque blanche, de glycérine, de jaune .d’œuf, de cérésine et d’huile de coton. Nettoyage des fourrures. — Quand les fourrures ont été portées pendant un certain temps et que l'usage les a défraichies, il est possible de leur donner un lustre nouveau sans avoir recours au fourreur. Pour nettoyer l’Hermine et le Petit-Gris, on se sert de farine de froment. On rebrousse le poil avec un morceau de flanelle douce, on le frotte avec la farine, on bat la peau et on nettoie le poil avec un autre morceau de flanelle bien sec et bien propre. À Pour la Zibeline, l'Écureuil et le Chinchilla, on recom- mande l'emploi de la brosse et du son chaud. Le son s'emploie également pour rapproprier les fourrures blanches, qu'il PARASITES QUI ATTAQUENT LES PELLETERIES 233 faut d’abord étendre sur une table et humecter avec de l’eau chaude. On les sèche avec du son froid, puis avec du son chaud, finalement on les frotte avec de la magnésie calcinée à l’aide d’un tampon de mousseline. PARASITES QUI ATTAQUENT LES PELLETERIES Le fourreurs et les marchands de pelleteries ont à défendre leurs marchandises contre les attaques d’ennemis d’autant plus redoutables qu’ils sont plus petits, Les plus connus sont les Dermestes, les Anthrènes, les Attagènes, les T'eignes et différents Acariens. Les Dermestes, les Anthrènes et les Attagènes sont des Coléoptères. Les Dermestes. — Les Dermestes (nous représentons le F1c. 57, — Le Dermeste ondulé. Dermeste ondulé) (fig. 57) se trouvent un peu partout, à l'état d'insectes parfaits aussi bien qu’à l’état larvaire, mais on les rencontre principalement au milieu des matières ani- males desséchées qui forment le fond de leur nourriture. Les pelleteries brutes, les peaux travaillées leur donnent à la fois le vivre et le couvert, ils s'y installent volontiers. Nous avons décrit en détail les différents insectes ci-dessus dénom-- 934 PARASITES QUI ATTAQUENT LES PELLETERIES més dans notre volume sur la Plume des Oiseaux, nous n’en parlerons donc ici que sommairement. Disons, avant tout, que, si les Dermestes, en général, sont peu redoutables, en tant qu'insectes parfaits, ils sont fort à craindre comme larves; c’est en ce dernier état que leur appétit devient insa- tiable et qu’ils causent des ravages assez grands pour que les pelletiers de Londres aient cru devoir instituer un prix de 20.000 livres sterling à décerner à la personne qui trouvera le moyen de détruire ces dangereuses petites bêtes. De tous les Dermestes, le plus grand ennemi des pelleteries est le Dermeste Renard, coléoptère d’un beau noir, lisse en dessus, cendré sur les bords du corselet, blanc mat en dessous du corps. Il mesure 7 millimètres et porte une petite épine à la suture des élytres. La larve a des antennes de quatre articles et des pattes courtes garnies d'une seule grifte ; elle est recouverte de poils. Quant à l’Insecte parfait, il compte aux antennes onze articles dont les trois derniers forment massue ovale; les élytres sont d’égale largeur dans toute leur étendue, son corselet est bombé en avant et tout l’abdomen est entouré d’une espèce de feutre. Les Anthrènes. — Les Anthrènes, dont la taille est plus petite que celle des Dermestes, ne sont pas moins nuisibles. Pareil à un grain de chènevis,l’Anthrène des musées en a la grosseur et la forme, quand sous l’impression de la crainte, il rentre ses pattes et ses antennes. Le corps de ces coléoptères se dis- tingue par des écailles grises et jaunâtres, disposées en bandes simueuses et irrégulières. La larve est molle, d’un blane sale en dessous, brunâtre en dessus et couverte de poils bruns formant deux courts faisceaux tronqués à l’extrémité du COTPS. Les Attagènes. — Quant à l’Atéagène des pelleteries (fig. 56), long de 5 millimètres, il est noir ou brun foncé. Il porte de chaque côté du corselet un petit point blanc, à peine visible, et sur chacune des élytres deux points semblables, : LES TEIGNES 235 La larve est allongée, poilue, couverte de soies rousses se terminant en pinceau vers l'extrémité postérieure. La nym- phe est également poilue, ; la transformation en nymphe se fait à la fin d'août. F1. 58. — L’Attagène des pelleteries, Les Teignes. — Les Teignes sont légion. Rien qu'en Europe on compte 1500 espèces de ces Lépidoptères, et on est loin, sans doute, de les connaître tous. Dans chacun de nos appar- tements, il y en a plusieurs espèces. Chez les pelletiers, c’est la Teigne pelletière, naturellement, qui domine. Le Papillon, qui à un peu plus de 15 millimètres d'envergure, a les ailes, en dessus, d’un gris luisant, tantôt plombé, tantôt roussâtre, avec trois points noirs placés triangulairement sur chacune d’elles. Les ailes inférieures sont d’un gris plus pâle sur leurs deux surfaces, ainsi que le dessous des supérieures. Quant à la Chenille, longue de 11 millimètres environ, quand elle a atteint toute sa taille, elle est d’un blanc jaunâtre, ridée, d’un 236 PARASITES QUI ATIAQUENT LES PELLETERIES aspect peu luisant; sa tête est brun clair ou foncé. Elle rase partout les poils sur son passage; elle coupe et arrache non seulement ceux dont elle a besoin pour son vêtement et sa fourrure, mais encore ceux qui la gênent dans sa marche, de sorte qu'il n’en reste aucun dans les endroits où elle a passé, et que la peau la plus fournie de poils ne tarde pas à en être entièrement dégarnie. F1G, 59. — Le Glyciphage coureur, Les Acariens. — Parmi les Acariens, nous citerons comme les plus à redouter: les Cheylètes, les Tyroglyphes et le Glyciphage coureur que nous représentons considérable- ment grossi (fig. 59). LES ACARIENS 237 Procédés de destruction. — Le sulfure de carbone, la benzine, la térébenthine, le pétrole, répandus dans les boîtes et les tiroirs contenant des fourrures, sont les substances dont on recommande l'emploi pour éloigner tous ces para- sites. Mais, le meilleur procédé de beaucoup, consiste à ex- poser à l'air, à manier souvent et à battre de temps à autre, à la lumière, les objets que l’on veut préserver. [II POILS ET LAINES. HISTOIRE NATURELLE. HABITAT, MŒURS ET CHASSE DES ANIMAUX QUI FOURNISSENT LA MATIÈRE PREMIÈRE. PRÉPARATION ET MISE EN ŒUVRE. PARASITES. PAYS DE PRODUCTION. PRINCIPAUX MARCHÉS I. DE LA NATURE DE LA LAINE La laine n’est pas autre chose qu’un poil, mais plus doux, plus fin, doué d’une flexibilité plus grande que les poils or- dinaires, et plus susceptible de se friser naturellement. Dans la laine la substance cornée, qui tient lieu de gaine, existe à un moindre degré que dans le poil; au contraire, la substance médullaire est plus abondante que dans celui-ci. De ce double caractère, qui distingue la laine du poil, résulte la facilité avec laquelle la laine se contourne et se tire. Et, comme c’est dans le tissu cellulaire que le brin de laine naît et se déve- loppe d’abord après sa naissance, on en a conclu que si l’on arrivait à modifier la configuration du pore de la peau qui lui sert de moule, on arriverait nécessairement à modifier la forme de ce brin. Ainsi d'un pore étroit devra sortir un brin fin, d’un pore lisse un brin lisse, d’un pore tortueux un brin DE LA NATURE DE LA LAINE 239 plus ou moins ondulé. C’est à faire produire aux pores de la peau des bêtes à laines des poils de la forme désirée que les éleveurs se sont appliqués et s'appliquent encore. Ils arri- vent, à l’aide de croisements raisonnés et de sélections bien étudiées, à transformer le corps des animaux, la nature de leur chair et de leur peau, et, par voie de conséquence, la qualité de la toison, TU l 722 Lys |, ) (l AA Faut Fra. 60. — Fil de laine, grossi mille fois présentant des fibres rondes opalines, formées de petits cornets imbriqués, la base des cornets est indiquée par des stries obliques et par un lézer renflement. Influence des milieux, de l'alimentation et du croise- ment sur la nature de la laine. — Sur le corps de l’ani- mal, la laine subit l'influence des milieux, pour ainsi dire, et la nature du sol, le climat, la facon dont la terre est cultivée, la prédominance de certaines plantes, la qualité des herbages, le mode d'élevage, de stabulation et de dépaissance, enfin le soin que l’éleveur apporte dans les croisements sont autant de causes qui influent sur la production pileuse. Aïnsi l’on peut dire d’une manière générale qu’à l'ampleur des formes correspond une moindre finesse de la toison; qu'un sol cal- caire, une alimentation trop substantielle, font perdre à la laine de sa douceur, de sa finesse de brins, tandis qu’elle 210 POILS ET LAINES gagne en longueur de mèches; qu’au contraire un sol siliceux un terrain léger donneront aux troupeaux qui y sont can- tonnés une laine à la fois moins longue et moins grosse. Si l’on ajoute à ces influences diverses tenant à la nour- riture, au sol et au climat, l'influence encore plus grande peut-être de la race, on comprendra sans peine, que les pays producteurs de laine aient cherché aux prix d’efforts consi- dérables et de grands sacrifices d'argent à se procurer des béliers capables d’apporter dans leurs troupeaux, aumoyen de croisements, les qualités sous le rapport de la laine, qu'ils n'auraient jamais pu acquérir par leurs forces naturelles. Animaux qui produisent la laine. — Les animaux qui produisent la laine sont tous des Ruminants. En première ligne il faut placer le Mouton, et parmi les Moutons mettre en tête le Mouton mérinos ou ses dérivés. Puis viennent, mais bien loin en arrière, eu égard à l'importance et à l’abon- dance des produits, les Chèvres de Cachemire et d’'Angora, les Lamas, les Alpacas, les Vigognes, les Chameaux. Ces derniers animaux doivent, à la vérité, être plutôt comptés parmi les producteurs de poils que parmi les producteurs de laine, mais comme on tisse ou tresse le produit de leur tonte, et que, d’ailleurs, ils appartiennent à l’ordre des Ruminants, nous avons cru pouvoir, sans inconvénient, les citer à cette place. Différentes propriétés de la laine. — La laine, consi- dérée en elle-même, peut présenter diverses formes, différer de longueur, de grosseur, de couleur; être plus ou moins souple, plus ou moins tenace. Aussi distingue-t-on la laine vrillée, qui est fortement contournée en tire-bouchon, de celle qui l’est moins, et qui, pour cette raison, prend le nom de laine ondulée ; la laine lisse ou plate étant celle qui, presque droite, ne présente que d’une manière à peine accu- sée les caractères de torsion propre de la laine vrillée et à la laine ondulée. - DE LA NATURE DE LA LAINE 94 _ Au point de vue de la grandeur du brin, nous dirons qu'il y a des laines courtes et des laines longues, ces dernières étant souvent désignées sous le nom de laines & peigne, tan- dis qu'on réserve aux premières la dénomination de laines à carde. Prise en soi, la longueur apparente du brin non tendu varie entre 3 et 3) centimètres, dimensions extrêmes en petit et en grand; la dimension des laines courtes ordinaires ne dépasse pas 7 centimètres ; celles des laines extra-fines 4 cen. timètres ; tandis que celle des laines longues est de 10 cen- timètres au moins. Considérées quant à leur grosseur, les laines se divisent en cinq catégories, suivant le diamètre que présente le brin. Cette grosseur du brin varie avec les races de Moutons, et sur le même animal, suivant la partie du corps qui l’a pro- due Les laines extra-fines mesurent en diamètre de 0"",016 à Om®,02; les laines fines de 0,02 à 0% 025 ; les laines in - P édiaires de Omm,025 à 0,033; les laines communes de Omn,03 à 0mn,05; enfin les laines grosses de 07,05 à 6,010. La finesse du brin a une importance considérable, puisque c'est grâce à cette qualité de la laine que le manufacturier peut confectionner les fils ténus qui servent à fabriquer les tissus de choix. La couleur de la laine varie du blanc au noir, en passant par le jaune et le brun; la laine blanche, susceptible de prendre toute espèce de teinture est la plus estimée, elle a d’ailleurs, ordinairement du moins, plus de douceur et de souplesse. La souplesse, qui consiste dans la plus ou moins grande facilité qu’a la laine de s'étendre par étirage sans se rompre, et l’élasticité, qui est la propriété que possède cette substance de reprendre sa forme et son volume primitifs après avoir été tendue ou comprimée, sont également considérées comme de précieuses qualités industrielles. Il en est de même de la ténacité qui donne de la force et du nerf à la lame et qui lui permet de résister avec énergie à un effort de tension. Lacroix DanLiARD, Le Poil des Animaux, 14 242 POILS ET LAINES Termes employés pour la désignation des laines. — On distingue la laine de toison, produit de la tonte, opérée sur l’animal vivant, de la laine morte, recueillie sur la bête morte; cette dernière est toujours inférieure à la première. La laine morte est connue sous différents noms. On divise aussi les laines en méres-laines et laines d’Agneaux; mais les grandes catégories adoptées dans le commerce sont celles qui séparent les laines : en laines fines, laines intermé- diaires, laines communes, pelures et écouailles. Population ovine de la terre. — Le relevé suivant, établi à l’occasion de l'Exposition de 1878, peut donner une. idée de l’ensemble de la répartition entre les différents pays de la population ovine de la terre. Républ. Argentine. . 75.000.000 | Turquie d'Asie. .« . 15.009.000 Australie. . . .. . (62.200:000- | Algérie, "ADO Russie. , + .”, 48.131.000, | Maroc. = CR OO Etats-Unis. . . . 33.935.000 | Perse. . . . . . 10 000.000 Grande Bretagne. . 32.220.000 | Italie. à. "17000008 Allemagne. +. . . 24.935.000 | Roumanie . 5.000.000 France. « . . . . 24.589.000 | Egypte et Dadeoet 5.000.000 Espagne. . . + 22.054.000 ,| Canada... CS SODMEN Autriche- Ho, . 20.103.000 | Suède et Norvège, . 3.252.000 Uruguay. . . . *. 46:000:000 ||: Portugal. PER AA Cap de Bonne-Espér. 16.000.000 | Grèce, . . . . . 2.100.000 Russie d'Asie... ,:: 15.000.000. | Danemark. 0 m10 0e Turquie d'Europe. . 15.000.000 | Hollande, » . - 936.000 D’après ce relevé, on peut évaluer à 420 millions le nom - bre des Moutons répartis entre les différentes contrées de l’ancien et du nouveau-monde ainsi que de l'Australie, Ce chiffre de 420 millions est aujourd’hui beaucoup en dessous de la vérité. Les Moutons. — Races françaises. — Nos anciennes races françaises de Moutons se ramènent à trois types principaux : 1 Extrait du Dictionnaire encylopédique de Lami, Pavis, Jouvet. LES MOUTONS 243 l la race flamande, la race berrichonne et la race ibérienne ou pyrénéenne. À côté de ces trois races principales viennent se placer un certain nombre de races secondaires qui, comme les premières, tendent de plus en plus à disparaître sous l'influence des croisements avec les Béliers anglais et les reproducteurs Mérinos. La race flamande, qui se distingue par un museau pointu, des oreilles larges et pendantes en arrière, porte une toison lâche et chargée de suint; elle habite la Flandre belge, ainsi que la Flandre française, nos départements du nord-ouest et de l’ouest jusqu'aux Charentes. La viande est grossière et manque de saveur. La race berrichonne, généralement de petite taille, occupe le centre de la France, particulièrement les départements de l’Indre, du Cher et du Loir-et-Cher. Comme la précédente, elle a le museau pointu, l'oreille large et pendante en arrière. La toison est blanche et fine; la race est forte et rustique; la viande délicate et très estimée. | De plus haute taille que les deux autres, la race ibérienne se reconnait à une tête busquée, à des oreilles basses et éloignées des yeux. Elle occupe le bassin de la Garonne et de ses affluents. De ces trois races primitives, deux, la flamande et la ber- richonne, ont été absorbées par les croisements avec les races étrangères. Le Mouton de Leicester ou Dishley, à laine longue, a transformé la race flamande tant au point de vue de la production de la viande que sous le rapport de la pro- duction et de la qualité de la laine; il en est de même de la race berrichonne-solognotte, que des croisements avec le Southdown, à laine courte, ont complètement modifiée. Les deux races flamande et berrichonne ont d’ailleurs subi l’in- fluence des croisements de Mérinos. Les Mérinos. — De toutes les races étrangères, la race Mérinos (fig. 61) est celle qui a exercé la plus grande et la 244 POILS ET LAINES plus heureuse influence sur la production lainière de la France. Importée d'Afrique en Espagne, et, de là, en France, elle est devenue, dans une partie de notre pays, notamment dans les départements qui entourent la capitale, le type du Mouton ordinaire, donnant à la fois à la boucherie une viande de bonne qualité et à l’industrie une laine de choix. Le Mérinos existe chez nous à l’état pur, mais dans les contrées où il n’a pas été adopté pur, il a puissamment contribué à transformer les races locales et à former ces metis- Mérinos que l’on rencontre aujourd’hui un peu partout dans nos départements. Le Mérinos n’a que 65 à 66 centimètres de hauteur, au garrot, et la longueur totale depuis le bout du museau jus- qu’à l’origine de la queue est de 1 mètre; ses formes sont arrondies; sa tête est large; son chanfrein médiocrement busqué; ses cornes sont très grosses, contournées sur les cotés en spirale très régulière; les femelles n’en ont pas; le front est toujours, et souvent aussi les joues et la ganache, couvert d’une laine épaisse comme celle du corps; celle -c1, très fine, abondante, fort douce au toucher, pleine d’une exsudation graisseuse, est tressée et composée de filaments contournés en vrille ou en tire-bouchon, élastiques, moins longs, mais beaucoup plus fins que ceux des races com- munes, d’un blanc sale en dedans et rembruni à l’extérieur; les aisselles, la face interne des cuisses, le bas des jambes et une partie de la tête seulement sont couverts de poils courts. A la suite de nombreux essais, plusieurs éleveurs français sont arrivés à faire perdre au Mérinos primitif les défauts qu'il présentait et à lui donner, par compensation, les qua- lités qui lui manquaient. Dans les conditions ordinaires, la laine était trop tassée, trop courte et par conséquent nuisible à l'exercice des fonctions vitales; on est arrivé, par un bon ni choix de reproducteurs, à ouvrir peu à peu les toisons et à LES MOUTONS 245 allonger la mèche, de façon à regagner sur la longueur ce que l’on perdait par l’éclaireie. Cela ne suffisait point. Il s'agissait d'améliorer simultanément la conformation de n mérinos. F1G. 61. — Le Mouto l’animal, d'élargir la poitrine pour accroître la faculté d’assi- milation, de raccourcir les jambes, d'obtenir une culotte bien descendue, de donner de la finesse à la tête, de supprimer 14 246 POILS ET LAINES les courbes, d'arriver à une ligne droite bien horizontale, de réduire l’ossature, de se rapprocher, en un mot, le plus pos- sible des conditions exigées pour faire du Mérinos un animal de boucherie en même temps qu'un bon producteur de laine. Le succès a été complet. Aujourd’hui, le Mérinos produit une laine précieuse et une viande de bonne qualité en quantité suffisante. Les transhumantes et les estantes. — Quoiqu'il ait été introduit en Europe bien avant le xv° siècle, ce ne fut guère qu’à cette époque qu’on commença à parler du Mérinos. Les Espagnols en ont conservé la possession exclusive jusqu'à la fin du siècle dernier. Alléchés par les gains qui résultaient de la vente de la laine et de son emploi pour la draperie, les princes et les seigneurs espagnols se firent concéder, à titre de privilège, la propriété des bergeries. Ge privilège ne s’éteignit qu’en 1822. Il constituait une charge extrêmement lourde pour le pays, car les troupeaux, fort nombreux, qui paissaient en été dans les montagnes de la Vieille-Castille et de l'Aragon, devant gagner, en hiver, les plaines de la Marche, de l’'Estramadure et de l’Andalousie, suivaient, sur tout leur parcours, une route de 90 pas de large, tant à travers les prairies communales, ouvertes devant eux, qu'à travers les propriétés particulières et les endroits les plus riches en cultures de toute l'Espagne. | Devant cette invasion pérodique de 6 millions de Moutons, les habitants des campagnes abandonnaient leurs champs ravagés et désertaient les contrées soumises au régime de la transhumance, Les véritables maîtres de l'Espagne étaient les bergers et leurs troupeaux. Les races de Mérinos espagnols sont nombreuses, elles se classent sous deux groupes distincts, les éranshumantes ou voyageurs, dont nous venons de parler, et les eséantes ou sédentaires. | Aux transhumantes Se rapporte la race Léonèse ou LES MOUTONS 247 Ségovienne, avec ses divisions dites de Négrette, de Mon- tarco, de Séralées, de Turbieta, de Fernando-Nunez, d’Infantado et la race Soriane ou de Soria. Les estantes comprennent la race Churras, très inférieure, sous tous les rapports, aux précédentes, Petit à petit, le monopole de l’élevage de la race Mérinos échappa aux seigneurs espagnols ; les Mérinos franchirent les frontières de l'Espagne, et loin de perdre de leur qualité, ils en acquirent de nouvelles sur un sol et sous un climat nouveaux. Essais tentés par Colbert et par Daubenton. Le trou- peaw de Rambouillet. — L'introduction du Mérinos en France date de Colbert. Get essai, qui ne fut pas heureux, ayant été renouvelé plus tard par Daubenton, eut, cette fois, plus de succès que la première tentative. Après sept années d'expériences, Daubenton resta convaincu que c’étaient les Mérinos qui convenaient le mieux pour l’amélioration des races françaises. L'événement à prouvé, depuis, que notre grand savant ne s'était point trompé. En 1786, à la suite d’un traité spécial conclu entre M. de La Tour d’Aigles et le gouvernement espagnol, un troupeau de 400 têtes de Brebis et de Béliers Mérinos, tirés des plus beaux troupeaux de Léon et de Ségovie, nous fut concédé par l'Espagne, Ce premier lot fut la souche de la bergerie nationale de Ram- bouillet. Un peu plus tard, le traité de Bâle, conclu le 22 juillet 1795 (4 thermidor, an III), imposait à l'Espagne de nous céder 4000 Brebis et 1000 Béliers de cette race. Sur le modèle de la bergerie de Rambouillet, dix autres furent créées dans le but de fournir aux éleveurs des ani- maux reproducteurs et de montrer comment la race Mérine pouvait prospérer dans des conditions différentes de climat et de sol. L'existence de ces bergeries fut de courte durée, La bergerie de Rambouillet subsiste seule et continue à rendre des services. En 1876, son troupeau contenait 1233 218 POILS ET LAINES têtes. Le troupeau de Rambouillet est resté pur de tout mé- lange; les animaux qui le composent sont de grande taille; leur toison, lourde et abondante, donne, à deux ans, de 5 à 10 kilogrammes de laine en suint. Comme bête de bou- cherie, le Mérinos de Rambouillet est recherché. Les soins donnés à un autre troupeau de race Mérine, connu sous le nom de troupeau de Naz, et commencé en 1798, ont été dirigés uniquement de manière à favoriser la production de la laine. Les Moutons de ce troupeau, de plus petite taille que ceux de Rambouillet, ont une peau fine et sans plis et donnent une toison d’une exquise finesse. La race mérine dans les différents pays. — La race mé- rine s’est répandue sur toutes les contrées du globe, pour ainsi dire; l'Australie, les deux Amériques, la colonie du Cap, lui doivent la rénovation de leurs races indigènes et la prospérité du commerce des laines ; il en est de même de la Russie, de l'Autriche ct de l'Allemagne. En Australie et au Cap. — En Australie, c’est par trou- peaux de 20.000 têtes et au-dessus que les squatters ou é:eveurs possèdent les moutons mérinos. Au Cap, où le mé- rinos a été introduit vers 1833, on a tiré de France, depuis vingt ans, des différentes races de Rambouillet, plus de 2000 béliers, et l'Afrique du Sud, qui en 1825 n'avait pas encore exporté de laine mérinos, puisqu'on n'y connaissait alors que le mouton à grosse queue, en exportait déjà en 1875 pour plus de 75 millions de francs. Nous verrons un peu plus loin l’essor qu’a pris l'élevage de la race mérine dans certaines contrées de l'Amérique du Sud, et la manière dont il est pratiqué. Aux États-Unis. — On croit généralement que l’intro- duction du Mouton mérinos aux États-Unis ne remonte pas à plus d’une quarantaine d’années, c’est une erreur. Dès 1783, en effet, William Forster avait amené d'Espagne à Boston trois de ces animaux. Il les donna à un de ses amis qui, ingé- 4 LES MOUTONS (AS) 19 nieusement, les fit abattre. En 1801, quatre Béliers mérinos furent envoyés par des Français à un propriétaire de l'État de New-York ; un seul de ces animaux parvint vivant à des- tination et laissa dans le Delaware de nombreux rejetons. En 1802, sur la demande de Livingstone, ambassadeur des États-Unis à Paris, deux couples de Mérinos de la Bergerie de Châlons, un peu plus tard un Bélier du troupeau de Ram- bouillet furent expédiés par le gouvernement français. Vers 1810, le croisement des Mérinos avec les races indigènes donnait aux États-Unis de très bons résultats. A cette époque même, de nouveaux cheptels étaient expédiés. Le colonel Humphrey, ambassadeur des États-Unis en Espagne, en - voyait vingt et un Béliers et soixante-dix Brebis de la fa- mille de l’Infantado. De son côté, le consul américain Jarvis, de Lisbonne, achetait à différents propriétaires espagnols qui avaient fui devant les troupes françaises, 4000 Moutons mé- rinos, aussitôt embarqués à destination des États-Unis. L'en- gouement était tel en Amérique que Livingstone vendit jus- qu'à 9000 francs pièce des Agneaux mâles de race mérine. La race électorale. — En 1815, à l'engouement du début succéda l'abandon le plus complet; partout, aux États-Unis, les Moutons allemands succédèrent aux Moutons espagnols et français. Les nouveaux favoris avaient de 40 à 50 centi- mètres de taille; 1is appartenaient à cette race, dite race électorale, crée en Saxe, dès 1778, et provenant de l'im- portation dans ce pays du Mérinos d’Espagne. La laine de ces nouveaux Moutons, extrêmement fine, mais fort courte, fit bientôt prime sur les marchés américains. « Le rendement était faible, il est vrai, ces animaux don- nant seulement des toisons de 909 à 1250 grammes. Pour utiliser leurs troupeaux, les propriétaires de Mérinos d’ori - gine française ou espagnole s'empressèrent de les faire repro- duire avec les Saxons, mais ils obtinrent généralement des résultats désastreux. 250 POILS ET LAINES « La vogue du Mérinos électoral dura une vingtaine d'années, puis les perfectionnements de l’industrie du tissage les firent décroître progressivement, des laines aux brins aussi fins et aussi courts se prêtant mal au travail brutal des nouveaux engins. À l’heure actuelle on n’en trouverait plus un seul représentant sur toute l’étendue des États-Unis. « Le Mérinos espagnol reprit faveur après l’abandon de la race électorale. On reconstitua les troupeaux qui couvri- rent bientôt tout le nord-est des Etats-Unis, jusqu'à la fron- tière canadienne. Gardés seulement par des enfants, à demi errants, ces Moutons passaient la meilleure partie de l'année dans les pâturages, et ne se faisaient pas faute de dévaster les moissons avoisinantes. Les bergeries étant insuffisantes, on les abritait tant bien que mal dans les granges l’hiver. Le lavage des toisons s’exécutait à dos, en juin ; la tonte en août, et l'importance des troupeaux rendait cette opération assez difficile, vu le petit nombre des tondeurs. C'’étaient d’ordi- naire des fils de fermiers qui, après avoir terminé leur propre récolte de laine, allaient de village en village offrir leurs ser- vices aux autres propriétaires. Les bons lieurs de toisons étaient plus rares encore. Les laines ainsi obtenues étaient livrées à de petites usines qui s’acquirent une haute réputa- tion locale pour la fabrication d'un drap assez grossier, mais très résistant, connu sous le nom de gris de Vermont t. » - Les Moutons russes. — D'après un rapport récent du Consul général anglais à Odessa, rapporte le Levant Herald, la partie sud de la Russie produirait deux sortes principales de laine : le mérinos et le donskoï, puis deux autres en quantité beaucoup plus limitée : le zigai et le molitch. Le Mouton mérinos y fut amené en 1803, et quoique le climat présente de grands écarts de température, une atmosphère faiblement chargée de vapeur d’eau lui permet d'y prospé- 1 Revue des sciences naturelles appliquées, Bull. 20 mai, 1890 LES MOUTONS 251 rer. On le rencontre surtout dans les gouvernements de Tau- ride, Kherson et Ékatérinoslaw, et, en plus petit nombre, en Bessarabie. Les Molokanis, individus appartenant à une secte religieuse bannie jadis de la Russie centrale et septen- trionale et envoyée en Tauride, d’où ils gagnèrent les plaines du fleuve. Kouban et du Caucase, se sont exclusivement consacrés à l'élevage du mérinos. Ils ont singulièrement perfectionné ce mouton en créant une race à laine longue, qui se prête mieux au peignage que celle des mérinos ordi- naires, et dont les toisons en suint pèsent de 5 à 7 kiïilo- grammes, tandis qu'une toison de mérinos ordinaire dépasse rarement 4Ks,500. Ces laines sont achetées avant désuintage par des filateurs anglais qui préfèrent les dégraisser eux- mêmes. L’énorme accroissement qu'a pris l'élevage des Moutons en Australie et dans la République Argentine tend maintenant, il est vrai, à restreindre l’importance, de ce commerce. Ainsi que le nom l’indique, la laine donskot est celle des Moutons vivant dans la région du Don. La laine zigai de qualité supérieure à la laine donskoï est produite par une race locale de Moutons. La laine moltch est la toison grossière des Moutons de la Crimée. La race Romano]. — Sur les bords du died dans un rayon très limité, qui commence à 29 verstes de la ville de Romanoff et descend à 15 verstes en aval, les paysans se livrent exclusivement à l’élevage d’une race de Moutons, connue sous le nom de race Romanofïf. La brebis Romanoff est entourée de soins que ne connaissent pas les Moutons des autres localités de la Russie. A la nourriture qu’elle trouve naturellement dans des pâturages excellents de graminées et de légumineuses, se joignent des distributions de farine d'orge et d'avoine et de fourrages cultivés. De plus, comme sa toison est utilisée pour la fabrication des pelisses dési- gnées sous le nom de Toulowpes, tous les efforts ont été faits pour l’amener à produire une bonne fourrure. La toison 292 POILS ET LAINES de la brebis Romanoff est ordinairement d’un gris clair, tacheté de noir, et se compose d’un peu de crin et surtout de duvet, dans la proportion de 9 pour { de crin, ce qui rend les fourrures Romanoff si chaudes. Cest sur la partie supc- rieure du cou et du dos que la laine est la plus fine et la mieux frisée. Cette toison change avec l'âge et la saison; elle devient de plus en plus grossière à mesure que l’animal vieillit, chez les vieux Moutons, ces poils, durs et noirs, forment une espèce de crinière. La saison la plus propice pour la tonte est l’été; l'hiver et le printemps sont moins favorables. Les Moutons de la République Argentine . — Avant de prospérer et de devenir la source la plus féconde des richesses de l'Amérique du Sud, le Mouton a eu à y subir un long stage, que lui imposait la nature même du terrain sur lequel on allait essayer de l’acclimater. Le sol pampéen était alors partout (comme il l’est aujourd’hui dans les régions éloignées), envahi par une végétation sauvage, n’offrant à la brebis que de pauvres ressources, l’obligeant à des priva- tions, et condamnant à périr tout ce qui n’offrait pas des qua- lités de force et d'endurance exceptionnelles. Dans ces con- ditions, il y a lieu de s'étonner que les quelques brebis amenées d’Espagne aient pu survivre en nombre suffisant pour servir de souche aux 100 millions de moutons que l’on peut au'ourd’hui compter, après cinquante ans de soins, sur le territoire de la République Argentine. Encore maintenant, le pasteur qui conduit son troupeau, loin de la région pam- péenne voisine du littoral, pour s'avancer au cœur des con- trées où seul le gros bétail est cantonné, s'expose à perdre 50 pour 100 de son effectif la première année, et à voir, pen- dant deux ans, périr en grande quantité les brebis mères et 1 Ex'rait en partie de l’ouvroge de M. Daireaux, fa vie et les mœurs à la Plata. LES MOUTONS 2353 la totalité des Agneaux. L’imprudent, quitenterait de franchir les limites de cette zone de transition, perdrait son troupeau en entier, dès le premier hiver. Quand le gros bétail, dit M. E. Daireaux, a séjourné sur le terrain six ou huit ans, non sans avoir, lui aussi, été éprouvé par cet acclimatement, aidé par les troupes de chevaux que l’on groupe par milliers, sans leur imposer d’autres labeurs que de battre le sol de leurs sabots dans des courses en désordre, où ils se dépensent en bonds et en ruades, alors seulement, le trèfle jaune, le chiendent d'hiver et d’été commencent à se développer, à trouver un sol plus ferme et plus substantiel où pousser leurs racines ; alors le couvert est mis pour le troupeau de mou- tons ; on peut dresser une tente et un parc. Dès 1780, 100 brebis mérinos furent expédiées, de Fe bouillet, dans la République Argentine, par M. Ternaux- Compans, à la demande de M. Rivadavia. En 1840, un Anglais, Sheridan, importa à son tour des animaux de race, et employa des capitaux considérables à la création d’une bergerie de reproducteurs, à enrégimenter et à discipliner les moutons créoles. Il se ruina et mourut à la tâche; ses efforts étaient venus se briser contre l'apathie du pasteur pampéen qui se refusait à risquer son argent et à donner sa peine pour une entreprise dont il n’entrevoyait pas les résul- tats futurs. La persévérance de quelques hommes entrepre- nants,leurs conseils et surtout leur exemple finit, cependant, en moins d’un demi siècle, par triompher du mauvais vou- loir et de l'indifférence qui s'étaient manifestés dès le début. Aujourd’hui la race créole qui ne donnait qu’un produit de sauvageon à disparu complètement. Les troupeaux de race mérine comptant cent mille têtes ne sont pas rares; et l'on connait plus d'un éleveur qui encaisse d’un coup 400.000 francs, produit de la vente de la tonte de l’année. L'importation des béliers de race était, il y a vingt-cinq ans encore, une entreprise compliquée; elle est toujours coû- LACROIX-DANLIARD, Poil et Fourrures, 15 254 POILS ET LAINES teuse ; mais, avec les steamers réguliers, bien aménagés, elle ne comporte plus les mêmes fortunes de mer. C'est de Rambouillet que se font les expéditions les plus considérables, c’est le mérinos de cette provenance qui a tou- jours eu le don de séduire les éleveurs à cause de sa taille et de sa grande production de laine. Avec les Rambouillet, les Negretti jouissent de quelque faveur. Pour les reproducteurs on suit, dans la République Argen- tine, le système des bergeries de progression. Quelques-unes contiennent des animaux de races pures, dont les proprié- taires s’attachent à perpétuer la pureté, sans demander à l'étranger autre chose que quelques individus de même race et d'autre provenance pour renouveler le sang. Ils donnent à ces béliers des brebis indigènes, en vendent, tous les ans, les produits, dans des ventes publiques où les éleveurs viennent se fournir. On compte à peu près une douzaine de ces grandes bergeries. Avec les sujets ainsi achetés, les éleveurs plus modestes constituent chez eux de petites bergeries, où ils entretiennent, sous des abris et avec une nourriture spéciale, une ou deux paires de béliers destinés à féconder leurs brebis de choix et à fournir des béliers pour leurs troupeaux. Ces descendants de noble race sont élevés en plein air, et préparés pour la vie, sans abris, qu'eux et leur progéniture devront supporter. Ils doivent résumer et perpétuer les doubles qualités héréditaires, exigées par les conditions locales de l'élevage, résistance aux intempéries, production abondante de la laine. Aujourd'hui, en même temps que les bergeries se multi- plient, même au loin, et que les croisements sont partout bien surveillés, l’agriculture vient de son côté prêter son aide à l’élevage; chaque station possède des champs de luzerne et de maïs, qui sont d’un grand secours aux troupeaux pendant les périodes de gelée et de sécheresse; quelques propriétaires ont essayé avec succès l’ensilage. Enfin, en beaucoup d’en- LES MOUTONS 255 droits, se dressent des clôtures en fils métalliques, qui di- visent en enclos les vastes pâturages libres d'autrefois. Cette méthode a pour résultats de diminuer sensiblement les frais d'exploitation puisque le troupeau, fût-il de dix mille têtes, peut paître, sans gardien, dans la plus grande sécurité, et brouter jusque dans les moindres recoins. Les estancias, qui sont ces vastes domaines dans lesquels se fait l’élevage en grand du Mouton et du bétail en général, sont occupées par des éleveurs Irlandais, Français et Créoles. Les Irlandais tendent à accaparer la région du Nord; les Français sont plutôt cantonnés dans l’ouest et dans le sud: les grands propriétaires Créoles sont un peu partout et par- tout nombreux. Ils font ordinairement gérer leurs domaines par des majordomes, tandis que les étrangers se réservent l'administration de leurs possessions. Quels que soient le propriétaire et l’étendue du domaine, l'aménagement de la terre est partout le même; partout s'étend la plaine uniforme, et si vaste que le troupeau y demeure imperceptible. Ca et là on aperçoit les chaumières des bergers, les pwestos ou postes, situées sur les points les plus élevés et sur la lisière de la propriété, à un kilomètre environ l’une de l’autre, de façon que les Moutons en sortant du parc trouvent devant eux, un vaste espace libre. Auprès du puesto, est établi un pare, clos de planches de bois de sapin, à claire-voie, où les Moutons passent la nuit pour en sortir le matin. L'unité de division des domaines est la lieue carrée. espagnole de 2700 hectares. Dans les régions les mieux préparées, la lieue carrée comprend quinze puestos disséminés sur la ligne, le centre du domaine restant réservé au gros bétail et aux chevaux. Dans le troupeau qui pait au loin, seul, sans gardien, et qui comporte d'ordinaire de mille cinq cents à deux mille têtes, les sexes et les âges sont mélangés ; car, ce n’est que dans les grandes stations que les. brebis, les Moutons et les béliers forment des groupes distincts. 256 POILS ET LAINES Le puestero est, le plus souvent, métayer, possède le tiers de son troupeau, donne ses soins au reste, pour le compte du propriétaire, qui fournit, en échange, le terrain, le puesto et le parc. Le métayer n’a pas à traiter du prix de la laine, il le recevra des mains du propriétaire, après la tonte, qui se fait au chef-lieu de l’estancia, où chaque berger amènera à son tour ses brebis. Ce chef-lieu est le centre de l'exploitation, il comprend l’ensemble de tous les bâtiments nécessaires : ce sont des bergeries abritées pour l’élevage des brebis et des béliers de race; les parcs destinés à séparer les brebis nées de croisements, que l’on accouplera avec les reproducteurs de choix; les parcs où l’on met en réserve la descendance de ceux-ci ; les parcs, où se rangent, en groupe isolé, les béliers que l’on ne répandra dans les troupeaux qu’à l’époque de la lutte, dans la proportion de un par quatre- vingts brebis; ceux enfin, où sont enfermées les brebis et les Moutons retraités dont on presse l’engraissement pour s’en défaire. Plus loin, s’alignent les hangars où se fera la tonte et où s'emmagasine la laine. Auprès s'étend le bain, où, après la tonte, les brebis viendront se tremper dans une dissolution d’eau d’arsenic, pour se guérir de la gale. Tous les troupeaux doivent y passer. Si le bain n’a pas été bien donné, il faudra, en février et mars, appliquer de nouveau le remède, cette fois, à la main, car la laine est déjà longue. Lors de la tonte, le troupeau est rangé dans un parc spécial; son berger le dirige; chaque bête est, en un tour de main, dépouillée de sa toison par des tondeurs indigènes, tous revêtus du cos- tume traditionnel du gaucho. Hommes, femmes et enfants prennent part à ce travail, assez lucratif, car les habiles arri- vent à y gagner plus de 20 francs par journée. Sitôt qu'il ena fini avec une brebis, le tondeur reçoitun petit carré defer-blane qu'il échangera contre le salaire, fixé à 15 ou 20 centimes par tête, suivant les fluctuations de l'offre et de la demande. LA CHÈVRE D’ANGORA ‘257 Tel est le tableau que nous ont permis de dresser les ren- seignements que nous avons puisés, à pleines mains, dans le très intéressant ouvrage de M. Émile Daireaux. Dans l'Uruguay. — Dans la République de l'Uruguay où le Mouton est parqué de la même facon que dans la Répu- blique Argentine, les bêtes à laine ont été améliorées par le croisement des races indigènes avec les Béliers Negretti, et les Rambouillet, dont l’introduction date de 1832. Les trou- peaux du pays se sont augmentés dans les proportions qui suivent. Le recensement de 1852 relevait 796.289 brebis ; celui de 1860, 1.989.929; celui de 1866, 17.245.977. Ces derniers chiffres sont assurément bien dépassés aujourd’hui. La Chèvre d’Angora (fig. 62). — Dans la Turquie d'Asie, sur les plateaux de l’Anatolie, près de la petite ville d’An- gora, l’'Ancyre des anciens, les pasteurs indigènes élevaient une espèce de Chèvre vêtue d’une toison « longue et épaisse comme la chevelure de la bien-aimée, plus fine que soye et plus blanche que neige. » Ils la gardaient avec un soin ja- loux, et il n’était permis à personne d'approcher du trou- peau. Pendant des siècles, les Chèvres d’Angora vécurent ainsi, sous la protection de leurs gardiens, cantonnées dans les régions montagneuses de leur pays d’origine. Cependant, l'attention des Européens avait été attirée sur ces précieux animaux dont la riche toison pouvait devenir un important objet de commerce; et bientôt, par tous les moyens, ils cher- chèrent à s’en procurer, soit par surprise, soit à prix d’or. Tentatives d’'acclimatation de la Chèvre angora. — En 1765, un grand troupeau de Chèvres angoras fut intro- duit en Espagne; on ne sait ce qu’il devint. En 1787, plu- sieurs centaines de ces animaux furent lâchés dans les Alpes françaises; ils s’y maintinrent et y prospérèrent. Vers la même époque, le marquis de Ginori fit une tentative sem- blable en Toscane. Afin de la mener à bien, il s’assura le concours d’une famille turque, très au courant des soins à 258 POILS ET LAINES donner aux Chèvres angoras et à la fabrication des tissus provenant de leur fourrure. Quoique conduits avec intelli- gence, ces essais ne laissèrent pas de traces durables. En 1830, le roi Ferdinand VII se procurait un troupeau de cent Chè- vres d’Angora qu’il établissait d’abord dans le parc du Retiro, près de Madrid. Ce troupeau s’y multipliait bientôt au point de s’y trouver à l’étroit. On dut lui donner la liberté dans les montagnes de l'Escurial. Il est à noter qu’une partie seu- lement des individus composant le troupeau avait conservé la toison blanche, particulière à la race pure. Les divers essais tentés, soit en France, soit à l'étranger, ne pouvaient manquer d'encourager la Société nationale d’acclimatation de France à faire, de son côté, une expérience décisive. Cette expérience fut commencée en 1854, sous les auspices de MM. Geoffroy Saint-Hilaire, Sacc, Ramon de la Sagra et général Daumas. Cette année même (1854), l'émir Abd-el- Kader, retiré en Asie Mineure, offrait à la Société quinze animaux d’une grande pureté. À quelques mois de là, la Société recevait un nouveau lot de soixante-quinze individus qu’elle avait fait acheter par M. le baron Rousseau, consul de France à Brousse. Le troupeau, alors composé de quatre- vingt-dix têtes, fut subdivisé en différents petits lots, bientôt répartis entre des éleveurs distingués dans les montagnes du Dauphiné, de l'Auvergne, du Jura, des Vosges, dans la Pro- vence et en Algérie. LaChèvre d’'angora en Algérie.— La Chèvre d'Angora, plusrustique et moins délicate sous le rapport de la nourriture que la Chèvre ordinaire, paissait en Algérie, tantôt dans les champs, tantôt dans les broussailles. Dès 1858, le troupeau de 10 têtes, confié à M. Fruitié, colon algérien, propriétaire à Chéraga, comptait 18 mâles et 29 femelles. Le poil des animaux s'était maintenu aussi blanc, aussi fin, aussi long et aussi soyeux qu’en Asie. En 1856, pour trente toisons de race pure, la tonte produisait 23 kil. 250 de laine. En 1859, l'Etat LA CHÈVRE D’ANGORA 259 créait une bergerie modèle à Ben Chicao; un troupeau était confié à M. Durand, ancien vétérinaire du corps d’occupa- F1G. 62. — La Chèvre d’Angora. Fr S\ C7 LP 7 AA ZAALA IN tion ; et en 1869 ce troupeau comptait 123 têtes, indépen- damment de 121 animaux vendus et de plus de 50 étalons 260 POILS ET LAINES > mis à la disposition des éleveurs. De nouveau, la supériorité de la race angora sur la race indigène était reconnue officiel- lement: son endurance était constatée, sa résistance aux froids de l’hiver et aux chaleurs hrûlantes de l’été confirmée, les qualités de sa chair et de sa fourrure proclamées hau- tement, Certains échantillons de toisons pesaient jusqu’à 1200 grammes ; une même atteignait le poids de 1588 gram- mes. De cette entreprise, si brillamment conduite par la So- ciété d'Acclimatation de France, que reste-t-il aujourd’hui? Rien ou peu de chose! L'initiative privée n’a pas répondu aux efforts de la Société, et l'indifférence de l'Etat n’a pas peu contribué à confirmer le public dans son apathie natu- relle, Du troupeau de 1855 il ne reste plus guère en Algérie que quelques individus parqués aux environs de Bone. Quant au troupeau de la Bergerie nationale, il était encore de 64 têtes en 1885; mais il a été rélégué dans une région où son développement est singulièrement compromis. À quoi attribuer le ralentissement du zèle du début? Ne faut-il pas croire que l'administration tient la Chèvre pour un animal si dangereux pour les cultures et pour le reboisement qu'elle ne se prête pas volontiers, pour ces motifs, à favoriser la propagation de l’espèce. Cependant, Chèvre pour Chèvre, ne serait-il pas préférable de tenter de substituer la Chèvre d’Angora dont la viande est bonne et précoce, dont la toison est estimée, à la Chèvre maltaise qui cause autant de dégâts, et qui ne donne qu’une faible quantité de lait, une chair mauvaise et une dépouille bonne à peine pour fabriquer des outres. Il suffirait pour encourager les colons algériens et les Arabes eux-mêmes à abandonner l'élevage de la Chèvre indigène pour l'élevage de la Chèvre d’Angora, de leur dé- montrer que non seulement l’élevage de cette dernière est facile, même sous un climat absolument saharien, mais encore que le prix de la toison de cette Chèvre est assez élevé pour donner un bénéfice raisonnable. LA CHÈVRE D’ANGORA 261 C’est ce qu’essaye de faire, depuis quelques années, M. Couput, directeur de la Bergerie nationale de Moudjebeur. Bien que les toisons de ses Angoras n’aient pas conservé leur beauté native, ces toisons enlevées au peigne, rapportent de 90 à 100 kilogrammes, à 50 lieues du littoral méditerranéen. Ce prix ne pourrait qu'augmenter si les moyens de commu- nication devenaient plus faciles. Peut être favoriserait-on encore mieux l'élevage de la Chèvre d’Angora en instituant à Alger, à Oran et à Constantine des concours où les Chèvres exposées montreraient aux indigènes les améliorations obte- nues, et dans lesquels l’appât des primes ne laisserait pas les Arabes insensibles. La Chévre d'Angora au Cap. — Les colons du cap de Bonne-Espérance n'en sont plus à la période d’hésitation et de tâtonnements; chez eux la Chèvre Angora est acclimatée, et en 1875, M. de Mosenthal, de Port-Élisabeth, pouvait écrire avec un légitime sentiment d’orgueil, à la société d'Acclimatation de France, les lignes suivantes : « En atten- dant que je prenne une part plus active aux travaux de la Société , 11 me sera permis de vous dire que l’acclimatation de la Chèvre d’Angora, dans l’Afrique du Sud, où j'ai im- porté les premiers spécimens en 1857, a été le succès de ma vie. La colonie du Cap a rapporté cette année pour plus de 3.000.000 de francs de laines d’Angora, et la quantité va en augmentant tous les ans. » Il est douteux que M. de Mosenthal, le premier, ait in- troduit dans l’Afrique australe la Chèvre Angora. On ra- conte qu'avant lui, un officier de l’armée anglaise des Indes était parvenu, en quelque sorte par fraude, à se pro- curer en Asie Mineure et à expédier au Cap cinq mâles d’une très grande beauté. Sur ces cinq boucs quatre paraît- il, avaient été mutilés par malveillance, tandis que le cin- quième, sur lequel l'opération avait manqué était resté seul capable de reproduire. Ce serait à ce bouc qu’il faudrait 115% 262 POILS ET LAINES faire remonter l’origine de la race d'Angora que possède aujourd’hui la colonie du Cap. Quoi qu’il en soit, il est constant qu’en 1857, le docteur White importa dix chèvres et trois boucs de race pure; qu'il se fixa à Swellendam, où, à la suite de revers de for- tune, il dut vendre son troupeau. Un des acquéreurs de ce troupeau, du nom de Siervogel, transporta trente-cinq chèvres et deux boucs à Graaff-Reiïnet, et introduisit ainsi dans la province de l'Est les « Angora-Goats » telles qu’elles sont connues aujourd’hui. Il nous importe peu de savoir à qui revient l'honneur d’avoir le premier tenté d’acclimater au Cap la Chèvre d'Angora. Ce qu'il est intéressant pour nous de constater, c'est que la persévérance de quelques éleveurs, sous un climat qui n’est pas meilleur que celui de l'Algérie, est par- venue, en très peu de temps, à doter l'Afrique du Sud de plus de deux millions de Chèvres d’Angora de race plus ou moins pure. L’Angleterre est le seul point sur lequel se font des expéditions de poil d'Angora; et Londres sert, pour ainsi dire, d’entrepôt général au monde entier. En ce qui concerne la part produite par la colonie du Cap, Port-Elisabeth est le port principal d'exportation ; East -London vient en second ; enfin en troisième rang « Cape-Town. » Le Mohair et le marché de Bradford. — « Les filés des poils d’Angora d'Asie Mineure parurent, pour la pre- mière fois, à l'Exposition universelle de Londres, en 1851, sous le nom de Mohair ; depuis lors, leur commerce a été monopolisé exclusivement par l’Angleterre, sur le marché de Bradford. On jugera de son importance par le relevé sta- tistique suivant de l’importation des dernières années, dont nous devons la communication à l’obligeance de la maison John Foster and son, l’une des plus considérables de cette place : Si ii 2 de pr nn ciéncit S ln bon de dd: Li) cité à , dat he à LA CHÈVRE D’ANGORA 263 TURKEY-MOHAIR Années Bales LBS 1882. . . 53.964 at 180 Ibs. per bale 9.713.520 10891: PRES MO — — ir 20 1884. . . 58.402 _ — 9.612.360 1885..1.7.1130:827 — — 6.628.860 1886. . . 56.237 — — 10.122.660 18875" 70e — — 2.893.380 1080: 00000 — 9.000.000 CAPE-MOHAIR Années Bales LBS 1882. . . 10.122 at 440 Ibs. per bale 4.453.680 1683 04040555 — — 4.644.200 1884 SEE — — 4.889.280 1889.72 Re — — 4.965.400 1886-2240 F15701 — — 6.057.480 : 1887: TRS — — 6.522.560 1388: 229:009 — — 11.000.000 Ce tableau ne fait pas seulement ressortir la place prise par ce produit dans la consommation, mais aussi le dévelop- pement rapide et sans cesse grandissant de la production du Cap qui, bien que née d’hier, en est arrivée, en 1888, après trente années d'élevage, à dépasser, de plus de deux dixiè- mes, celle du pays d’origine, et par dessus tout l'immense intérêt qui s’attachait, en réalité, à la conquête que notre société avait entreprise. L’éloquence des chiffres est irrésis- tible; quelle autre pourrait mieux nous convaincre du grand rôle économique de l’acclimatation, et nous faire plus vive- ment regretter de le voir trop souvent méconnu en France {. » La Chèvre d’Angora en Australie. — L'Australie qui a déjà su faire prospérer le Mouton mérinos sur son terri- 1 Amédée Berthoule, La Chèvre d'Angora en dehors de son ha- bitat naturel. 264 POILS ET LAINES toire, y pratique également l'élevage de la Chèvre d’Angora. Plusieurs éleveurs de ce pays estiment que l'élève de la Chèvre d'Angora ne peut pas être pratiqué avec avantage sur une très grande échelle; ils pensent qu’on a tout intérêt à n’entretenir qu'un nombre peu considérable de bêtes, bien surveillées et mêlées à un troupeau de moutons ; les deux espèces vivant en bonne intelligence et présentant la plus grande communauté d’allures. Ils considèrent d’ailleurs qu’on ne peut espérer obtenir de beau #0ohair que dans un pays de prairies ondulées et pourvu de bonne eau ; tandis qu’on n’éprouverait que des mécomptes si le pays était sablonneux, à sous-sol salé, et surtout si la qualité de l’eau laissait à désirer. « Dans un pays favorable, dit M Robert Bruce, de Wai-- lelberdina (Australie méridionale), on obtient, par un pre- mier croisement, du poil valant 10 deniers (1 franc), et chaque béte en produit à peu près une livre. Au second croisement (3/4 de sang), le produit double en quantité et fait plus que doubler en qualité. Au troisième croisement, chaque bête peut donner 3 livres de poil, à 2 sh. 3 d. (2 fr. 80). Au delà, on arrive presque à la race pure, et le poil n’est guère moins fin que chez les bêtes de pur sang. La viande des métis est excellente ; ici, tout le monde la préfère à n’importe quel mouton ; les mâles en donnent à peu près 85 livres. » En Australie, le Mohair de haut choix atteint quelquefois le prix de 4 shellings la livre. La tonte dernière du troupeau appartenant à la Société d’acclimatation de Victoria et par- qué à Longerenong, s'est vendue, en moyenne, 3 sh. 6 d. (4 fr. 85). Si l’on compare la Chèvre d’Angora au Bélier mérinos, au point de vue de la valeur des produits, on trouve que l’avan- tace appartient tout à la première. En effet, la toison d’une bête d’Angora donne ordinairement 4 livres de poil à 3 sh. 6 d., soit 8 sh. 9 d. (10 fr. 90) par tête. Quant à la nourri- LA CHÈVRE D'ANGORA 265 ture, il est démontré que six Mérinos mangent autant que sept Chèvres d’Angora !. » « Je trouve grand avantage, dit M. Wilson, à tondre les . chèvres deux fois par an; le poil ayant des dispositions à tomber au printemps et durant le mois de septembre, En l’enlevant tous les six mois, il se salit moins et ne se feutre pas. D'ailleurs, la tonte paraît activer sa croissance; en six mois, il atteint 6 pouces de longueur, ce qui est bien suffi- sant pour en trouver le placement dans le commerce ?. » La chèvre d’'Angora en Asie Mineure. — Dans l'Asie Mineure, où la ville d'Angora récolte à elle seule 1 million de kilogrammes de laine, représentant 4.500.000 francs en argent, les bêtes bien soignées sont fréquemment peignées ; cette précaution est fort utile, car le poil ramasse fréquem- ment la poussière et les graines d’herbes sauvages. Une toison de femelle pèse de 5 à 700 grammes, une toison de mâle 1000 à 1200 grammes, quelquefois plus. Prix des filès. — Quant aux filés de ce poil, ils donnent environ 25.000 mètres de fil par livre anglaise (453 grammes) et valent sur nos marchés de Roubaix et d'Amiens 8, 10 et jusqu'à 20 francs le kilogramme, suivant leur pureté et le numéro du fil. ; Usages. — Te Mohair est employé par les fabriques de tissage de Roubaix et d'Amiens pour la confection du ve- lours d'Utrecht, dont l'éclat, la fermeté et la solidité sont si appréciés partout Le Mohair peigné et trié est également utilisé pour imiter les cheveux des poupées, l’astrakan et les fourrures préeieuses. La Chèvre d’Angora montre parmi des mèches longues et tire-bouchonnées formées de poils ordi- naires, un duvet plus abondant, mais moins fin que le précé- 1 Raveret Watbel, Bull. Sociét. acclimatation, 1814. ? Samuel Wilson, Proceedings of the zoological and acclimata- tion Society of Victoria vol. II, 1873. 266 POILS ET LAINES dent, car son épaisseur est de 0"",02 en moyenne. On ne l’enlève pas au peigne, mais on tond chaque année la bête qui donne en moyenne 2 kilogrammes de poils ‘{. Le duvet moins fin, le poil plus grossier, font des cheviots où il entre aussi de la laine inférieure de mouton. Quant à la peau d’An- goras et de Croisés angoras, elle sert à fabriquer des man- teaux bien fourrés, très doux, extrêmement chauds. En coupant en travers et par bandes les peaux de ces animaux et en les cousant sur de larges rubans, les bandes les plus longues au milieu, les plus courtes sur les bords, on confec- tionne des manchons estimés. « On trouve dans le commerce quatre qualités de poiis _d’'Angora ou de Chevron. La première dite « de travail an- glais », arrive en Europe par la voie d'Angleterre et a été récoltée par le tondage des animaux vivants. La deuxième qualité, & travail hollandais », et la troisième « travail fran- çais », qui est apportée à Marseille, sont obtenues par la mégisserie à la chaux des peaux des bêtes mortes. Une qua- trième qualité, enfin, très inférieure aux précédentes, pro- vient de Syrie. Elle est désignée sous le nom de « poil de Chevron d'Alep » et aussi sous la dénomination impropre de. « poil de chameau *?. » Chèvres de Cachemire. — Distribution géographique. — Caractères. — La Chèvre de Cachemire, acclimatée au Ben- gale, est originaire du Thibet, où elle est commune. On la rencontre depuis le grand et le petit Thibet, à travers toute la Boukharie, jusqu'au pays des Kirghises. Très rustique, malgré sa petite taille, elle résiste aux froids les plus rigou- reux, et prospère à 4500 et 5000 mètres d’altitude sur le versant oriental de l'Himalaya. Corps allongé, dos arrondi, Cornevin, Traité de zootechnie générale, Paris, 1891. 2 D' Pennetier, Leçons sur les matières premières organiques * Paris, 1881. ES DE CACHEMIRE 267 jambes massives, sabots pointus, cou court, tête assez grosse, CHÈVR yeux petits, oreilles pendantes, tels sont les caractères prin- *OATW9U9L7) 9P OIAOUT) ET — ‘E9 ‘OI f \ \ LAN \| \ \ N \\ AL \ À \ \ \ \ \ NI D DA \ \ \ Ni cipaux auxquels on peut la reconnaître. Son corps est recou- vert de soies longues et raides, fines et lisses, sous lesquelles 268 POILS ET LAINES se cache un duvet court, d’une extrême finesse, mou et flocon- neux. La teinte générale du pelage varie du blanc pur au noir, en passant par le blanc jaunâtre et le brun. Tentative d'acclimatation. — Les tentatives faites par MM. Ternaux, Jaubert, Diard et Duvaucel, en 1818 et 1819, ne paraissent pas avoir produit de résultats satisfaisants; et le troupeau de treize cents Chèvres acheté à cette époque, réduit à quatre cents après la traversée, ne semble pas avoir prospéré. Ces insuccès sout d'autant plus à regretter qu'ayant sous la main la matière première, nos industriels, qui fabriquent aujourd'hui des cachemires français qui ne le cèdent guère en beauté aux cachemires de l’Inde, eussent pu à bon marché atteindre le dernier degré de la perfection. Usages et produits. — La récolte de la laine a lieu en mai et juin. Après la tonte, la laine est séparée avec le plus grand soin des soies, lesquelles sont employées pour fabri- quer des étoffes communes. Au milieu des poils ordinaires, la Chèvre cachemirienne porte un duvet très doux au toucher, constitué par des brins fins comme la laine du méri- nos, car leur diamètre va d’un à deux centièmes de milli- mètre. Ge duvet qui apparaît en automne pour fournir un vête- ment hivernal à la Chèvre, tombe à la mue printanière. Pour le recueillir à ce moment, on peigne l’animal tous les deux jours, Ce duvet subit un triage minutieux. Une Chèvre donne de 95 à 125 grammes de duvet utilisable. Le Bouc en a plus que la Chèvre, mais ce duvet est moins estimé. Fabrication des chäles de Cachemire. — Quant à la fabrication des châles de Cachemire (fig. 64), au mécanisme de la filature et du tissage, à la forme des métiers, aux pro- 1 Cornevin. Traité de Zootechnie générale, Paris, 1891. F1Gc. 64. — Fabrication des châles de cachemire. 1, 1 Figure empruntée au Dictionnaire encyclopédique de Lami. Paris, Jouvet et Cie. 270 POILS ET LAINES cédés relatifs à la nuance des couleurs, à la symétrie du dessin, des fleurs, des palmes, tant pour le fond que pour les bor- dures, voici ce que rapporte Malte-Brun : © La fabrication des châles emploie dans la vallée de Cachemire 80.000 indi- vidus ; on porte le nombre des métiers à 30.000. Un seul châle peut occuper tout un atelier pendant une année, si le tissu est d’une grande finesse ; tandis que, dans beaucoup d’au- tres ateliers, on en fabrique six ou huit dans le même espace de temps. Chaque atelier se compose ordinairement de trente ouvriers, et lorsque le châle est d’une qualité supérieure on n’en tisse pas plus d’un quart de pouce par jour. Toute la famille est employée à cette fabrication : les femmes et les enfants séparent le duvet de Chèvre par qualité et en retirent toutes les matières hétérogènes; les jeunes filles le cardent avec leurs doigts sur de la mousseline et le remettent ensuite au teinturier. Le métier à tisser est horizontal et très simple; le tisserand est sur un banc, tandis qu'un enfant placé plus bas a les yeux fixés sur les dessins et l’avertit des couleurs qui manquent et des bobines qu’il faut employer. « La laine de Cachemire est apportée par caravanes dans les villes du Caucase et transportée ensuite à Moscou. Les deux principaux marchés se trouvent à Rostoif et à Kasi- noff 1, » Les Chameaux et les Dromadaires. — Caractères. — Le Chameau est un des ruminants les plus disgracieux qu’on puisse imaginer, comme aspect général. On dirait que la nature s'est plu à réunir toutes les bizarreries dans ce corps, dont l’ensemble étonne surtout par le manque de proportions entre ses diverses parties. Au bout d’une petite tête arquée, emmanchée d’un long cou tordu en S, le Chameau porte une lèvre supérieure fendue 1 Dr Pennetier, Leçons sur les matières premières organiques Paris, 1881. LES CHAMEAUX ET LES DROMADAIRES DE dans son milieu et dont les deux moitiés peuvent s’allonger et se mouvoir séparément. C'est de cet organe, dans lequel réside surtout le sens du toucher, que se sert l’animal pour palper les objets qu’on lui présente. Quatre jambes grêles, qui semblent trop faibles pour le poids qu'elles ont à soutenir, supportent un gros corps difforme, recouvert d’un poil de couleur marron plus ou moins foncé, ordinairement ras pour la plus grande partie, mais s’allongeant et devenant comme crépu à certains en- droits. Les pieds, qui ne sont pas fourchus, comme ceux de beau- coup d’autres ruminants, sont garnis, en dessous, d’une semelle de corne assez tendre, terminée par deux ongles courts et crochus. Si la largeur de ses pieds permet à l’ani- mal de ne pas s’enfoncer dans le sable du désert et d'y che- miner longtemps, sans trop de fatigue, le peu de consistance de leur semelle plate le rend à la fois impropre à faire, sans se blesser, une longue route sur un sol rocailleux, et fort sujet à glisser sur les terrains en pente, surtout s'ils sont gras ou détrempés par les pluies. À toutes ces imperfections, le Chameau joint une allure dégingandée, car il va l'amble ; il a, de plus, un air hébété qui n’est point un indice de douceur absolue; car si l’on en croit les récits de leurs conducteurs, les Chameaux sont sou - vent rétifs et donnent des marques fréquentes d’impatience, de colère et d’insubordination ; ils crachent au nez de celui qui veut les forcer à obéir. Leur éducation exige, de la part de ceux qui les dressent, beaucoup de patience et de man- suétude. À ses travers de caractère, le Chameau joint une infirmité; il est bossu. Bossu, il l’est plus ou moins, car le pauvre animal porte deux bosses ou une seule, suivant qu’il est un vrai Chameau ou un simple Dromadaire. Le Chameau à deux bosses. — Le Chameau proprement TI POILS ET LAINES dit, ou Chameau à deux bosses, qu’on appelle aussi Chameau de la Bactriane (fig. 65), porte au-dessous du cou un poil | formé de longues mèches pendantes, qui finissent par entourer les jambes de devant d’épaisses manchettes. Il est plus grand que le Chameau à une bosse et mesure 2 mètres à 22,30 de hauteur au garrot. Usages et domestication. —- Le Chameau de la Bactriane est connu depuis la plus haute antiquité, où on l’employait à divers usages. On l'élève principalement dans les pays tempérés. Au Thibet, en Mongolie, en Tartarie et, dans les provinces septentrionales de la Perse, cette espèce est, en quelque sorte, la seule utilisée, tant pour le transport des bagages et des marchandises que pour les travaux de la culture. Elle résiste bien au froid et supporte, sans en souffrir outre mesure, les hivers les plus rigoureux puisqu'on l’a vue s’acclimater en Pologne. Dans l’État de Névada (Etats-Unis), près de la rivière Larson, il y a dans une ferme un troupeau de vingt-six Chameaux qui tous, excepté deux, y ont été élevés. Ces Chameaux, qui appartiennent à des Français, sont cantonnés duns un endroit sablonneux et stérile à l'extrême. Ils s’y développent d’une façon satisfaisante, bien qu’ils n’aient comme nourriture que les arbrisseaux à feuillage épineux et les herbes amères que le bétail dédaigne. Abandonnés à eux- mêmes, leur plus grand plaisir est, après avoir rempli leur estomac des produits du désert, de se rouler et de se coucher dans le sable brûlant. Ils sont employés à porter aux moulins qui sont établis sur la rivière le sel provenant des marchés situés dans le désert, seize lieues plus à l’est. La facilité avec laquelle nos compatriotes ont élevé leurs Chameaux dans l'Etat de Névada mérite d'autant plus d’at- tirer l’attention que cet animal passe, aux yeux de beaucoup de gens, pour être fort délicat. Il est certain qu’en thèse gé- nérale il exige des soins et qu’il ne saurait supporter de trop LES CHAMEAUX ET LES DROMADAIRES 273 longues fatigues, si on ne lui permettait pas de réparer ses £: )) H { A JL Ve ANNEES CHpE As (e ane V4 vil ‘ fut DAT ae cs \ARNQAE NN i&:)\ (y Va L h, AU de A RONA ii à a —— = EE F1ic, 65, — Le Chameau de la Bactriane. forces en lui ménageant certaines périodes de repos et en lui 274 POILS ET LAINES procurant une alimentation qui diffère suivant la saison. En réalité, si le Chameau n’est point surmené, il peut faire un bon service sans qu'il soit nécessaire de lui donner des soins exagérés. L’essai a été tenté autrefois en Hollande. Le Chameau y a été employé à traîner les chariots; et si l’on semble, depuis longtemps, en ce pays, avoir renoncé à exiger de cet animal les services qu’il aurait pu continuer d'y rendre, il ne faut s’en prendre qu’à l’incurie, à l’inexpérience et au manque de persévérance de ceux qui ont présidé à l’entreprise. Le Dromadaire. — Le Dromadaire (fig. 66) se distingue facilement de l’espèce précédente en ce qu’il n’a qu’une seule bosse, placée au milieu du dos. Son pelage est à peu près le même, quoiqu'il puisse varier beaucoup dans sa coloration, allant du brun foncé à la teinte café au lait. Le Dromadaire est plus petit de taille que le Chamieau proprement dit ; il est aussi plus léger de forme et d’allure. Répandu sur une plus grande partie du globe que son congénère, il habite en général le midi des contrées où l’on trouve le Chameau à deux bosses ; ajoutons qu’il redoute plus le froid et qu'il résiste mieux à la chaleur que ce dernier. On se sert du Dromadaire presque exclusivement pour les longs voyages à travers le désert, soit qu’on le destine à porter des fardeaux assez pesants, soit qu'on l’emploie comme bête de vitesse, ainsi qu'on le fait des chevaux de selle en tous autres pays. On choisit les Dromadaires porteurs parmi les animaux les plus robustes, sans tenir grand compte des qualités de légèreté. Au contraire, on recrute les coureurs parmi les sujets les plus sveltes, chez lesquels, au moyen d’une éduca- tion spéciale et d’un dressage particulier, on arrive à déve- lopper des qualités de fonds, d’agilité et de résistance qui les font préférer aux Chevaux et aux Mulets pour les longues traversées au milieu des vastes plaines de sables brülants. LE DROMADAIRE ETS Les Arabes appellent méhari le Ghameau de selle, et djemel le Chameau de bât. F1c. 66. — Le Dromadaire. Régime. — La sobriété du Chameau est devenue prover- biale. Il peut se passer de boire pendant plusieurs jours et, 276 POILS ET LAINES pour sa nourriture, il sait, au besoin, se contenter de peu. Une poignée de dattes, de riz ou d’orge suffisent à le sou- tenir, et, s’il ne trouve pas sur son chemiu de gras pâtu- rages, il s'accommode des maigres buissons dont il broute les pousses tout en poursuivant sa route. Ce sont ces qualités mêmes qui font du Chameau l’animal par excellence aux yeux des habitants de certaines contrées. « Sans le Chameau, disent les Arabes, point de relations pos- sibles avec les peuples du Sahara ; sans le Chameau le Sou- dan serait inconnu et les Croyants ne pourraient point visiter la Chambre de Dieu », c’est-à-dire la Mecque, où tout bon musulman doit aller en pèlermage une fois, au moins dans sa Vie... Avec les Chameaux, disent-ils encore, le désert n’a pas d’espace ; ce sont les vaisseaux de la terre. Dieu la voulu; il les a multipliés à l'infini. Vivant ou mort, le Chameau est la fortune de son maître. Vivant, il porte les tentes et les provisions; il fait la guerre et le commerce ; il ne craint ni la faim, ni la soif, ni la fati- gue, nila chaleur ; son poil fait nos tentes et nos burnous, le lait de sa femelle nourrit le riche et le pauvre, rafraîchit la datte, engraisse les chevaux; c’est la source qui ne tarit point. « Mort, toute sa chair est bonne; sa bosse est le mets le plus recherché que l’on puisse offrir à des hôtes de distine- tion; sa peau sert à faire des outres où l’eau n'est jamais bue par le vent ni par le soleil, des chaussures qui peuvent sans danger marcher sur la vipère et qui gardent les pieds du voyageur des brûlures du sable échauffé ; dénuée de ses poils, mouillée ensuite et simplement appliquée sous le bois d’une selle, sans chevilles et sans clous, elle y fait adhérence comme l'écorce avec l’arbre, et donne à l’ensemble une soli- dité qui défiera les fatigues de la guerre, de la chasse et de la fantasia. » Les caravanes. — À cause de tout cela, le Chameau est LE DROMADAIRE FiG, 67. — Une Caravane dans le désert. 278 POILS ET LAINES de toutes les caravanes. Dès le mois de mai, ces flottes du désert, pour ainsi dire, se forment sous la direction d’un kébir ou conducteur, homme probe, intelligent, expérimenté, adroit et brave. Cet homme est le maïtre absolu, le chef incontesté; chacun doit lui obéir aveuglément, quoi qu'il ordonne. Ne sait-il pas s'orienter par les étoiles? Pendant les nuits obscures ne devine-t-il pas où l’on est, à la simple inspection d’une poignée d'herbe ou de terre qu'il palpe, qu'il flaire et qu’il goûte? C’est lui qui connaît le mieux la route à suivre, les puits, les pâturages, les passages dange- reux à éviter, les tribus dont il y a lieu de se défier et contre lesquelles il faudra se défendre à l’occasion; il possède l’art de guérir, et soignera les hommes et les animaux en cas de maladie. Sous les ordres de ce chef, les gens d’une même bourgade ou de villages voisins se réunissent, rassemblent leurs Cha- meaux, les chargent et partent pour une destination loin- taine (fig. 67). Les plus hardis s'en vont dans le pays des Nègres, dans le Soudan, qui est la contrée la plus riche du monde, puisque à en croire les Arabes, l'or s’y donne au poids de l'argent. Ils y emportent du corail, de la verroterie, des aiguilles et des pelotons de fil, du papier, du soufre, du benjoin, de la cannelle, du poivre noir, du drap, des mouchoirs, de la cire, des cotonnades, des chapeaux de paille, du sel, du tabac, des couteaux, des sabres et autres objets d'échange. Iis en rap- portent des peaux de buffle et de bouc, de la poudre d’or, les dépouilles de l’Autruche et l’ivoire. Pendant la durée de ces longues pérégrinations, il y a mille dangers à courir et mille précautions à prendre. Chaque soir le Kébir dresse sa tente et assigne à ses compagnons la place qu’ils doivent occuper autour de lui. Il les range au milieu d’un grand cercle dont les bagages doivent tracer la circonférence, les Chameaux devant occuper le centre pen-. LE MÉHARI | 279 dant la nuit. Ces premières dispositions prises, il désigne les sentinelles qui veilleront à la garde du camp, sabre au clair et fusil chargé, et tient la main à ce que les bêtes de somme soient conduites, sous bonne escorte, au pâturage et à l’abreu- voir, puis ramenées à l'heure dite à l'endroit indiqué. Dès l’arrivée à la halte, il a prescrit de faire coucher les Cha- meaux, de relâcher les sangles qui les gênent, et de laisser reposer ces animaux, avant de les débarrasser de leur charge, jusqu’à ce que la sueur qui les couvre soit un peu séchée. 11 sait que, faute de prendre cette précaution, on s'expose à voir périr bon nombre de bêtes, trop vite saisies par la fraîcheur de la brise. Ces pauvres animaux sont alors pris de violentes coliques, leur cou, leurs cuisses et leur ventre se couvrent d’abcès, qui les affaiblissent et les em- portent rapidement. Il a soin aussi de faire goudronner le corps de ceux qui sont atteints de la gale, maladie très com- mune chez les Chameaux ; enfin, pour la nuit, il fait mettre à chacun une entrave à une jambe de devant; souvent, pour plus de sûreté, il fait lier les deux membres antérieurs, de peur que les bêtes ne s’échappent, ne s’écartent et ne devien- nent la proie des maraudeurs. Si l’on suppose l’ennemi proche, la prudence commande de lier la bouche des Chameaux, quand ils seront couchés, et d'éviter de passer auprès d'eux, de crainte que les mugis- sements qu'ils pousseraient à la vue de leurs maîtres ne don- nent l’éveil. Le Méhari. — De tous les Chameaux, le plus agile est le Méhari ; il est au Chameau ordinaire ce qu’un cheval de course est au cheval de trait ; d'habitude, il trotte, c’est son allure favorite ; il peut tenir cette allure un jour entier, et elle égale en vitesse le grand trot d’un bon cheval. C’est lui qu’on emploie pour le service de la poste au désert. Le ser- vice de la poste entre Laghouat et Ghardaïa, Biskra et Toug- gourt, se fait actuellement à l’aide du Méhari. 280 POILS ET LAINES « Le Méhari, dit le général Daumas !, est beaucoup plus svelte dans ses formes que le Chameau vulgaire (djemel) ; il a les oreilles élégantes de la gazelle, la souple encolure de l’autruche, le ventre évidé du sloughi; sa tête est sèche et gracieusement attachée à son cou; ses yeux sont noirs, beaux et saillants ; ses lèvres longues et fermes cachent bien ses dents ; sa bosse est petite, mais la partie supérieure de sa. poitrine qui doit porter à terre, lorsqu'il s’accroupit, est forte et protubérante, le tronçon de sa queue est court ; ses membres, très secs dans leur partie inférieure, sont très fournis de muscles à partir du jarret et du genou jusqu’au tronc, et la face plantaire de ses pieds n’est pas large et n’est point empâtée; enfin, ses crins sont rares sur l’encolure, et ses poils, toujours fauves, sont fins comme ceux de la gerhboise. » Le Méhari supporte, mieux que le Chameau de bât, la faim et la soif, Si le Chameau de bât est effrayé ou s'il à été atteint d’une balle dans une attaque, il se plaint en faisant retentir l'air de beuglements saccadés. Le Méhari, au contraire rendu plus dur à la douleur par un dressage particulier, reste muet, même dans l'extrême souffrance et ne dénonce point à l'ennemi le lieu de l'embuscade. Les habitants du Tell prétendent que les Méharis font en un jour, dix fois la marche d'une caravane, c'est-à dire cent lieues. Pour ne rien exagérer, disons que les meilleurs et les mieux dressés ne parcourent guère, du soleil levant au soleil couchant, plus de 35 à 40 lieues ; s'ils allaient à cent, pas un de ceux qui les montent ne pourrait résister à la fatigue de deux courses consécutives, bien que le cavalier du Méhari se soutienne par deux ceintures très serrées, l’une autour des reins et du ventre, l’autre sous les aisselles, 1 Général Daumas, Le Grand Désert. Itinéraire d’une caravane du Sahara au pays des Nègres. Royaume de Haoussa. Paris, 1861. Levy frères. DR RSS A LS dd de de À cs gt nd dé ” chose: 1 .i LE MÉHARI 981 Dans le Sahara algérien, plus on s’avance vers le Sud, plus les Chevaux deviennent rares; par compensation, les Cha- meaux porteurs sont innombrables, et les Méharis de plus en plus nombreux au fur et à mesure que l’on s’approche du Djebel-Aahggar, Ces nobles animaux, dans ce dernier pays, occupé par les Touareg, ont, comme les Chevaux de race, des ancêtres connus et une généalogie bien établie. Education et dressage. — Dès le jour de sa naissance et pendant les huit jours qui la suivent, le jeune Méhari est emmailloté avec une large ceinture destinée à soutenir ses intestins et à lui donner taille fine. Il est l’objet de soins assidus, d’une attention constante; il a sa place dans la tente; il est l'ami des enfants, par lesquels il se laisse volontiers tourmenter; il est de la famille, en quelque sorte, et se montre reconnaissant des prévenances dont on ne cesse de l'entourer. Au printemps, on coupe tous ses poils. Pendant une année entière iltette autant qu'il veut; il suit sa mère à son caprice ; on ne le fatigue point encore par des essais d'éducation; il est libre comme s'il était sauvage, Le jour de son sevrage arrivé, on perce de part en part une de ses narines avec un morceau de bois pointu qu'on laisse dans la plaie, et lorsqu'il voudra téter, il piquera sa mère qui le repoussera avec des ruades, et 1l abandonnera bientôt la mamelle pour l’herbe fraîche de la saison. | Au printemps de cette année, on le tond de nouveau. A deux ans accomplis son éducation commence. Pour première lecon, on lui met un licou dont la longe vient entraver un de ses pieds; on le maintient immobile du geste et de la voix d'abord, de la voix seulement ensuite; on détache alors son pied entravé; mais, s’il fait un pas, on l’entrave encore. Il a compris enfin ce qu’on veut de lui, et ces leçons ne cesseront que lorsqu'il sera resté un jour tout entier, sa longe traînante, à la place où l'aura mis son maitre. 282 POILS ET LAINES Ce premier résultat obtenu, le heug (c’est ainsi qu’on appelle le jeune Méhari) est soumis à d’autres épreuves. On rive pour la vie, à l’une de ses narines (la droite ordinaire- ment), un anneau de fer, dans lequel est attachée la rêne en poil de chameau qui sert à le conduire, On ajuste sur le dos du heug la rahhala, sorte de selle dont l'assiette est concave, le dossier large et élevé, le pommeau très proéminent, mais échancré de sa base à son sommet. Le cavalier est assis dans la rahhala, comme dans une tasse, dit le général Daumas, le dos appuyé, les jambes croisées sur le cou du Méhari et assurées par leur pression même dans les échancrures du pommeau. Le moindre mou- vement sur la rêne de la narine imprime à l’animal une dou leur si vive qu'il obéit passivement; il oblique à gauche, il oblique à droite, il recule, il avance. et s’il est tenté par un buisson et qu’il se baisse pour y toucher, une saccade un peu rude l’oblige à relever la tête. Qu'un Chameau porteur broute sur la route, l'inconvénient n'est pas grand, il a le temps d'arriver; mais un Méhari doit aller vite, c’est là sa qualité première. Pour apprendre au heug à s’accroupir, dès que son cava- lier lui crie : eh! eh! eh! on se fait aider par un camarade, qui frappe avecun bâton l’animal au genou au moment où le cri part et jusqu'à ce que le cri seul obtienne obéissance, Pour rendre le heug aussi rapide que possible celui qui le monte lui frappe alternativement les flancs avec un fouet en l'excitant par un cri aigu. Le jeune Méhari chérit beau- coup sa chair, disent les Arapes ; il part au galop, la dou- leur le suit, il la fuit plus vite; il passe comme une Autruche, ses jambes sont des ailes; mais, pour ne pas le fatiguer, on l’arrête de loin en loin en tirant sur la rêne. Si le heug, enfin, sait s'arrêter, quelque vitesse qu'il ait prise, quand son maître tombe ou saute de la rahhala; s’il sait tracer un cercle étroit autour de la lance que son cavalier LE MÉHARI - 283 plante en terre et reprendre le galop dès qu'elle est enlevée, son éducation est complète, il peut servir aux courses; ce n’est plus un Heug, c'est un Méhari. La véritable patrie du Méhari est le pays des Touareg nobles ou Djouad du Djebel Aahggar. Ces bandits du désert, qui ont massacré, il y a quelques années, la mission pacifique dirigée par le colonel français Flatters, passent leur temps en expéditions lointaines, guettent les caravanes qui sil- lonnent tous les ans, le désert, et les rançonnent, quand ils ne peuvent les piller et les exterminer. Un peu plus au Sud, on rencontre les Soukemaren, frac- tion des Touareg, gens misérables, à peine vêtus, qui vivent, en leur pays désolé, dans des gourbis ou sous des tentes de peaux tannées du Soudan. Comme ils sont grands chasseurs et que leur pauvreté ne leur permet pas d’élever des Cha- meaux coureurs, que leur sol aride suffirait à peine à nourrir, ils empruntent fréquemment à leurs voisins les Djouad, plus nobles et plus riches, des Méharis pour se livrer à leur pas-- sion favorite et pour poursuivre les Autruches, dont il ven- dront les dépouilles. Différents emplois du Chameau. — Pour être moins distingué que le Méhari, le Chameau n’en a pas moins la plus grande utilité. Nous l'avons vu transporter de lourds far- deaux, traîner la charrue ou le chariot. IL est la bête à tout faire, et avec de la patience et de la douceur, ou l’accou- tume facilement aux travaux les plus variés. Selon ce qu’on veut exiger de lui, le harnachement diffère. A l’aide d’un appareil aussi simple qu'ingénieux, on peut faire porter par deux Chameaux, allant de front, une embarcation qu’il serait à peu près impossible de déplacer, à moins de la charger sur une charrette. Pour les longs parcours, dans lesquels on emmène les femmes et les enfants, on ajuste sur le dos des Chameaux une espèce de grand panier drapé d’étoffes de couleur, sou- 284 POILS ET LAINES tenues par une légère charpente en bois recourhée en arc. Ces étoffes s’abaissent et se relèvent à volonté, suivant qu'on désire recevoir plus d’air ou se préserver de la pluie ou du soleil. Les femmes des chefs sortent, les jours de fête, dans des palanquins, ornés de riches tentures, bleues, jaunes et blanches, et portés par des Chameaux tout chamarrés de filets en laine à gros glands. Pendant les haltes de courte durée, la bête n’est pas dé- bâtée, et on la fait coucher sans la débarrasser de son palan- quin. En Égypte, entre autres usages, le Chameau est em- ployé à faire mouvoir la meule des moulins à blé. Pour éviter qu’il ne tombe bientôt étourdi, à force de tourner autour d’un même centre, on lui applique de chaque côté de la tête une œillère destinée à intercepter la lumière, et à empêcher l’animal de se rendre compte de sa marche cireu- laire, dont il serait vite incommodé. En Algérie, on se sert encore journellement du Chameau pour les transports militaires ; il en est de même dans l’ar- mée anglaise, à laquelle le Chameau a rendu et rend encore de grands services, aux Indes et en Egypte. D’autres puis- sances ont employé le Chameau comme animal de guerre, notamment pour le transport des pièces d'artillerie de petit calibre. Dans certains pays, à l’aide d’un harnachement par- ticulier, on est arrivé à fixer assez solidement la pièce après l'animal, qui lui sert d’affût, pour qu’elle puisse faire feu sans être déplacée. L'armée française, au commencement de ce siècle, a utilisé les précieuses qualités du Chameau. « Pendant la campagne d'Egypte, dit le général Carbuccia, par ordre du jour du 20 nivôse an VII (9 janvier 1799), Bonaparte créa un régiment de Dromadaires à deux escadrons de quatre compagnies et en donna le commandement au chef de brigade Cavalier. Il ordonna à Berthier de choisir, dans LE MÉHARI 285 l'infanterie, des hommes d'élite pour faire partie de ce nou- veau corps. Les services rendus par Le corps des Dromadaires pendant la campagne d'Egypte furent très appréciés par toute : l’armée. Le nombre des Dromadaires s’éleva d’abord à cent ; il fut porté à sept cents lorsque Desaix vint réunir au régi- ment du Caire le corps des Dromadaires de la Haute-Egypte. Les hommes apprirent promptement à se faire obéir de leurs. montures et à les faire manœuvrer comme des Chevaux. » Ces essais tentés, il y a près d’un siècle, ont été repris tout récemment en Algérie. Le Ministère de la Guerre a entrepris, land dernière, l’organisation d'une force militaire spéciale destinée à étendre notre action sur les confins militaires du Sud algérien : il a constitué à El Goléah, sous le nom de méharistes, un corps franc capable, par sa mobilité et sa composition, d'exécuter des reconnaissances rapides, de relever les points d’eau et de dresser avec précision la carte du Sahara. Les crédits affectés à cette création ont permis de monter à Méhari ou Chameau coureur soixante tirailleurs indigènes de la garnison d'El Goléah. Cette année, soixante nouveaux Méharis devront être mis à la disposition du commandant de ce poste avancé, qui pourra ainsi compléter à cent vingt hommes montés le peloton des méharistes. Déjà les soixante tirailleurs pourvus de montures ont exé- cuté, sous la direction du capitaine Lamy et du lieutenant Hélo, plusieurs courses rapides vers le Sud algérien, dans lesquelles ils ont parcouru plus du tiers de la route d’In-Salah et reconnu différents points intéressants, notamment un gise- ment de soufre dans l’Oued-Mya. D’autres reconnaissances seront exécutées ; à l’automne prochain, les méharistes seront en état d'entreprendre, dans un certain rayon, toutes les mis- sions qui leur seront confiées. D’après les expériences faites, les méharistes peuvent four - nir une marche quotidienne de 70 kilomètres, pendant une 286 POILS ET LAINES période de douze à quinze jours, en portant eux-mêmes leurs: vivres et leur eau. Cette création a déjà produit un excellent résultat : les nomades Sahariens et particulièrement les dan- gereux Touaregs, savent aujourd'hui que les Français sont aussi mobiles qu'eux, et que pas plus qu'eux ils ne craignent la longueur des étapes, le sable, Le soleil et tous les désagré- ments du désert. “ Vitesse du Méhari. — Le Méhari fait régulièrement 6 kilomètres à l’heure, au pas ; au trot, il peut atteindre des vitesses de 12 à 20 kilomètres à l’heure ; mais sa marche moyenne avec les deux allures combinées ne dépasse guère 10 kilomètres à l'heure. Quant au galop, il ne peut être pra- tiquement fourni par le Méhari ; cette allure, aussi fatigante pour l’animal que pour son cavalier, ne doit être considérée que comme une allure de fantasia. . En hiver, un bon Méhari pourra fournir des marches de huit à neuf lieues, environ 35 kilomètres par jour pendant sept à huit jours consécutifs; il pourra rester quinze jours sans boire, si le temps est froid: en temps moyen, dix jours seulement. Mais, pour une marche de plus longue durée, il ne dépassera guère une moyenne de 30 kilomètres par jour. et on devra le faire boire au moins tous les huit jours. En été, le Méhari pourra faire une étape de 80 kilomètres, mais il ne la renouvellera pas les jours suivants; et la moyenne de ses marches, par les fortes chaleurs, ne dépas- sera pas 90 kilomètres par jour, en le faisant boire tous les quatre ou cinq jours. Un Chameau qui a toute sa soif absorbe de quarante à soixante litres d’eau. | Il existe des Méhara tout à fait exceptionnels, capables de fournir des marches de beaucoup supérieures à celles dont nous venons de parler. « Nous avons eu l’occasion, dit un écrivain militaire, de constater une marche de ce genre qui ne nous paraît pas susceptible d’être dépassée. Au mois de mai 1880. deux Méhara de Chambat-Tou-Rouba, ont fait LE MÉIARI 287 le trajet Ouargla- Touggourt et retour soit environ 360 kilo- mètres, en cinquante-deux heures. Les cavaliers ayant perdu environ douze heures de route en repos et manipula- tions de chargements, cela donne quarante heures de marche à raison de 9 kilomètres à l’heure. Ce tour de force est d'autant plus remarquable que les cavaliers ont voyagé en bât, ce qui est irès pénible, et que les Méhara ont sup- porté un chargement de 120 kilogrammes au retour. » Aux Indes Anglaises, les Dromadaires employés au service de l’armée peuvent faire, pendant cinq ou six jours de marche, 50 kilomètres par jour en portant un poids de 240 à 250 kilogrammes, à la condition de trouver, chaque fois, de l’eau et du fourrage, leur allure est de 9 à 10 kilomètres à l'heure. Pendant l’expédition du Nil, plusieurs corps de l'infanterie anglaise ont été montés à dos de Chameau. Et plus d’une fois, au cours de cette campagne, des soldats inexpérimentés, qui avaient voulu employer, à l'égard de leur monture, plus de brutalité que de douceur, ont été les victimes de l’humeur parfois capricieuse et du caractère irascible des Dromadaires égyptiens. Une chose curieuse à noter, c’est la répugnance ou la la crainte instinctive que le Chameau inspire au Cheval. Il faut que ce dernier ait vécu pendant longtemps côte à côte avec des Chameaux pour ne pas manifester des signes d’in- quiétude lorsqu'il en rencontre un. Il n’est pas rare dans les villes d'Algérie ou d'Orient qu'un cavalier trouve sur sa route un ou plusieurs Chameaux portant une charge; presque toujours le cheval, à une certaine distance, fait mine de ne plus vouloir avancer; si on l’éperonne, il se cabre, et finale - ment, passe en bondissant ou en se jetant de côté. Comme monture, le Chameau est ce qu’on peut, imaginer de plus désagréable, son pas lent et saccadé imprime à son grand corps un mouvement d’arrière en avant comparable au tangage d’un navire, et il arrive souvent que les conséquences 288 FOILS ET LAINES en sont les mêmes pour le cavalier mal aguerri, qui éprouve toutes les angoisses du mal de mer. Utilisation du poil de Chameau. — L'hiver après qu’il a renouvelé son pelage, le Chameau prend un duvet fin et soyeux. Cependant, comme le poil est irrégulier, on n’en fait pas grand usage en Europe, quoique, habilement travaillé il puisse se transformer en étoffes qui ne manquent ni de moelleux ni de souplesse, à la fois chaudes et imperméables dont certains industriels ont fabriqué d'excellents paletots. En vérité, ce que nous recevons en France sous la dénomina- tion de poil de Chameau est le plus souvent du poil de Chevron d'Alep. En Algérie, en Arabie et dans l'Inde, le poil de Chameau sert à faire des cordes et des vêtements. Les Lamas. — Caractères. — Les Lamas sont, dans le nouveau monde, les représentants des Chameaux, dont ils possèdent tous les principaux caractères. Cependant ils ne portent pas de bosses sur le dos et ont les doigts complète- ment séparés; d'autre part, leur taille plus svelte est, en même temps, plus petite que celle du Chameau, ils ont en outre les flancs plus étranglés. La tête, relativement grande est comprimée, le museau est pointu, les jambes hautes et dégagées portent, en général, des callosités, le cou est long et mince, les oreilles sont développées et les yeux large- ment ouverts; le poil qui recouvre le corps est long et laineux. Les naturalistes discutent sur le nombre des espèces qui se rapportent au genre Lama; nous en distinguerons quatre, le Guanaco, le Lama, Y Alpaca, et la Vigogne. Distribution géographique. — Toutes les espèces habi- tent les hauts plateaux de la chaîne des Cordillières ; préférent le froid au chaud, et vivent en sociétés plus ou moins nom- breuses. Le Guanaco et la Vigogne sont encore sauvages, tandis que les deux autres espèces sont soumises à l’homme depuis des temps immémoriaux. LES LAMAS 289 LE LaAmMA GuAnAco. — Caractères. — De la taille du cerf, le Guanaco est le plus grand des mammifères de l’Amé- rique du Sud, il mesure 2,40 de long, 1%,10 de hauteur au garrot; du sommet de la tête jusqu’à terre 1®,60. La queue a 25 centimètres, elle est toufflue à sa face supérieure, presque dénudée à sa face inférieure. Le corps, proprotion- nellement court et ramassé, est recouvert d’un pelage abon- dant, mais lâche, composé de poils soyeux longs et minces et d’un duvet court et fin. La coloration générale est le roux brun sale; une teinte blanchâtre apparait au milieu de la poitrine et du ventre, aux fesses, à la face interne des membres ; le noir se montre sur le dos, le front et les yeux; le gris foncé aux joues et aux tempes; le noir et le gris aux oreilles. Le Guanaco ne porte pas de callosités aux articulations. _ La femelle, un peu plus petite que le mâle, lui est, pour le surplus, tout à fait semblable. Mœurs; habitudes. — Tant que la sécheresse, qui détruit les plantes au sommet des montagnes, ne le chasse pas dans les vallées, le Guanaco reste sur les pentes escar- pées, où il va jusqu’à la limite des neiges. Là, il vit en petites troupes, chacune composée de plusieurs femelles et d'un seul mâle. Les jeunes mâles, en état de se reproduire, sont exelus de la société, et sont contraints de faire bande à part. Tous les jours les Guanacos pâturent, passant d’un lieu à un autre, à la recherche des herbes dont ils se nourrissent, sachant, à l’occassion, se contenter des mousses qu’ils ren- contrent. Le Guanaco est vif en ses mouvements ; il trotte l’amble, comme le Chameau et progresse ainsi rapidement; d’ailleurs, habile grimpeur, il a le pied sûr, et se hasarde dans les moindres sentiers, sans crainte des précipices ouverts sous ses pas. Pour se reposer, il se couche comme le Chameau, sur sa poitrine et sur ses pattes ; et il rumine, sitôt reposé. Lacrorx-DANLIARD, Poil et Fourrures. 17 290 POILS ET LAINES A la fois craintif et curieux, il prête l'oreille au moindre bruit, se tient en garde, mais décampe rarement avant d’avoir vu ce qui le menace. À l’époque du rut, en août et septembre, les mâles se livrent entre eux de terribles combats : le plus fort reste le conducteur et le maître du troupeau. Dix ou onze mois après l’accouplement, la femelle met bas un seul petit qu’elle allaite pendant quatre mois, et qu’elle soigne avec tendresse jusqu'à ce qu’il soit assez fort pour se suffire à lui-même. Chasse, — On chasse le Guanaco à la fois pour sa chair et pour sa toison. Des Chiens sont lancés à la poursuite des troupeaux que l’on pousse dans une gorge. Une fois resserrés dans un étroit espace les Guanacos sont capturés au lasso, Le LAMA PROPREMENT DIT. — Le Lama (fig. 68) se dis- tingue du Guanaco par une taille un peu plus grande et par les callosités qu'il porte à la poitrine et à la partie antérieure des articulations du carpe. Il est de couleur très variable ; il y en a de blancs, de noirs, de tachetés, de roux de teintes différentes, de bruns foncés et de jaunes. Le Lama est, depuis la plus haute antiquité, un animal domestique ; il rend aux Péruviens, les mêmes services que le Renne aux Lapons. Parqués la nuit dans un enclos depieux, les Lamas sont lâchés le jour; ils gagnent, à leur caprice, sans guides et sans bergers, leurs pâturages de prédilection, qu’ils quittent le soir pour rentrer dans leur parc. Ils ne sont employés ni comme bêtes de trait ni comme bêtes de selle. Les mâles seuls servent de bêtes de somme, les femelles sont destinées à la reproduction. «Le Lama, dit Faber, est aussi utile aux indigènes qu’aux étrangers ; 1l fait vivre les premiers ; il permet aux seconds de retourner enrichis en Espagne; non seulement, il livre sa viande, il porte encore les marchandises d’un lieu à un autre. Pendant cinq jours de suite, il peut parcourir dix lieues, mais il doit se reposer le quatrième ou le cinquième. LES LAMAS 294 Il a une allure tellement sûre qu’on a à peine besoin d’atta- LÉ) L ( à HA — dl y JA l 1) V3} \RSSEN \N À LA PA (4 F1G. 68. — Le Lama proprement dit, cher sa charge, 11 sert surtout à porter aux bocards les barres d’argent de Potosi; 300.000 Lamas y sont continuel- 292 POILS ET LAINES lement employés. Au retour, ils apportent les vivres aux habitants de la montagne. Il sert de bête de somme depuis trois ans jusqu'à l’âge de douze ; car, à cet âge, il est devenu vieux. Il est très doux et parfaitement approprié aux Indiens. Quand on veut faire halte, il se met prudemment à genoux, de manière que sa charge ne tombe pas. Dès que le conducteur siffle, il se lève et continue sa route. Il mange cà et là, où il peut, mais jamais la nuit qu’il emploie à ru- miner. « Rien n’est plus beau, dit Stevenson, qu’une bande de ces animaux, chargés d'environ un quintal, marchant en ordre, l’un derrière l’autre et suivant le Lama guide, qui est orné d'un harnais superbe, qui porte une clochette au cou et un drapeau à la tête, Ils vont ainsi le long des cimes nei- geuses des Cordillères, le long des flanes de la montagne, par des chemins où passeraient à peine chevaux ou mulets ; ils sont si obéissants que leurs conducteurs n’ont besoin ni de fouets ni d’aiguillons pour les pousser. Tranquilles, sans s'arrêter, ils marchent vers leur but. » L'emploi du Lama comme bête de somme est bien moins fréquent depuis l'introduction des chevaux dans l'Amérique du Sud. La chair des jeunes Lamas est délicate. La peau de l'animal donne un cuir estimé et son poil sert à fabriquer des étoffes. Le Lama supporte bien le climat de l’Europe. LE LAMA ALPACA. — Caractères. — Un peu plus petit que le Lama, l’ Alpaca (fig. 69) ne manque pas de ressem- blance avec le mouton. Sa tête est petite, son cou allongé. La laine de l’Alpaca joint à une finesse, qui égale presque celle des tissus de Cachemire, une longueur bien plus considérable; sur les flancs, les poils atteignent de 10 à 14 centimètres; ils sont noirs ou blancs ou mouchetés. Les qualités mêmes de la toison de l’animal ont engagé à tenter à grands frais des essais d’acclimatation. Ces tentatives n’ont pas été partout couronnées de succès. L’Alpaca prospère en Australie, où il LES LAMAS 202 a été importé. Mais jusqu’à présent en France, en Angleterre, en Hollande et en Allemagne, l’acclimatation n’a guère donné | ee il Li io ill A ii tnt Fi. 69 — Le Lama alpaca. que des mécomptes. On pense toutefois que l’Alpaca pourrait prospérer dans les montagnes de l’Ecosse. 294 POILS ET LAINES Mœurs. — Usages. — Après le guano et le sucre, la laine d’Alpaca est l’article dont l'exportation est la plus con- sidérable. Elle vient tout entière des départements de Puno et de Guzco, mais Arequipa est le grand centre de ce com- merce. Les Alpacas prospèrent à merveille sur les plateaux marécageux et presque dénudés, situés à des altitudes de 4000 et 5900 mètres. La tonte commence au milieu de décembre ; mais l’animal n’est tondu qu'une fois chaque deux ou trois ans. Les toisons de trois ans sont naturelle- ment les meilleures et aussi les plus chères. Elles valent aujourd’hui 70 dollars le quintal à Arequipa. LE LAMA vVIGoGNE. — Caractères — « La Vigogne(fig. 70), dit Tschudi, est plus gracieuse que le Lama. Elle a une taille intermédiaire à celle du Lama et à celle de l’Alpaca, mais, elle se distingue de tous deux par son poil très fin, plus court et plus crépu. Le sommet de la tête, la partie supérieure du cou, le tronc et les cuisses sont d'un jaune roux particulier (couleur Vigogne); la partie inférieure du cou, et la face interne des membres sont d’un ocre clair. Le ventre et la poitrine portent des poils blancs de 14 centi- mètres de long. » Mœurs. — Get animal paraît être moins sociable que le Lama. Cependant habitué, comme lui, à vivre en troupes, ayant les mêmes besoins et les mêmes habitudes, il semble qu'il pourrait sans grandes difficultés, être domestiqué. Usages. — Depuis les temps reculés, on utilise la toison de la Vigogne, et les Indiens en fabriquent des couvertures, et des vêtements très chauds. Encore aujourd’hui, on en tisse des étoffes durables et fines, et on en fait des chapeaux estimés. Au Pérou, la laine de la Vigogne vaut actuellement 409 dollars le quintal; 1l s’en exporte peu. Dans la Répu- blique Argentine, où l’art du tissage est encore peu avancé, _ on utilise le poil et la laine des Vigognes, des Guanacos, des Alpacas et des Lamas, pour fabriquer les étoffes qui servent LES LAMAS 295 à faire les ponchos et les cheripas, vêtements indipensables du gaucho. Le poncho remplace le gilet, l’habit et le par- dessus; le cheripa remplace le pantalon, et lorsque le gau- cho dort sous les arbres, l’un de ces vêtements lui sert d'oreiller et l’autre de couverture. Les ponchos en poil de F1G. 10. — Le Lama vigogne. Vigogne sont devenus très chers, en raison de la disparition progressive de ces animaux ; ils sont remplacés par les imi- tations venues d'Europe ou fabriquées dans le pays avec la laine des brebis, Alpacas et Lamas. Ce qu’on appelle aujourd’hui, dans l’industrie lainière, Vi- 296 POILS ET LAINES cogne ou Vigogne, n’est le plus souvent qu’un mélange de fils de laine de mouton et de fils de coton, et l’on va même, dans certains cas, jusqu'à substituer à la laine de Vigogne véri- table des poils de Lapin angora ou de Lapin domestique. Chasse. — « Les Indiens, s'il faut les en croire, dit Tschudi 1, n’emploient que rarement les armes à feu pour tuer les Vigognes. Ils leur font de grandes chasses, pour lesquelles chaque famille des hauts plateaux doit donner au moins un homme : les veuves marchent comme cuisinières. Ils emportent des bâtons et des paquets énormes de cordes Dans une plaine convenable, on plante les bâtons, à douze ou quinze pas l’un de l’autre, et l'on étend entre eux les cordes, à une hauteur d'environ 80 centimètres. On forme ainsi un cercle, d’une demi-lieue d’étendue, sur l’un des eôtés duquel on laisse une ouverture de quelques cents pas de large. Les femmes suspendent aux cordes des étoffes de couleur qui sont agitées par le vent. Dès que tous les préparatifs sont faits. les hommes se séparent, et rabattent tous les troupeaux de Vigognes des environs dans le cercle. Lorsqu'il y en a assez on le ferme. Ces animaux craintifs n’osent pas s’élancer par dessus les étoffes flottantes, et on les prend facilement avec les bolas; cet engin est formé de trois balles de plomb ou de trois pierres, deux lourdes et une plus légère, attachées à de longues cordes en tendon de Vigogne, réunies par leur extrémité restée libre. On prend la boule la plus légère, dans la main, et on fait décrire aux deux autres un cercle au-dessus de la tête. À la distance de quinze ou vingt pas, on lâche la boule que l’on tient dans la main ; et toutes trois, continuant à tourner, vont frapper le but et s’y enchevétrent. On vise d'ordinaire les animaux aux pattes de derrière. Les bolas s’y enroulent si solidement que l'animal tombe sans 1 Tschudi, Untersuchungen über die Fauna Peruana auf einer Reisen in Peru, wahrend der Jahre 1838-1842, Saint-Gallen 1844. LES LAMAS 207 pouvoir faire un mouvement. Il faut une grande agilité et une grande expérience pour pouvoir se servir des bolas, surtout à cheval. Souvent, le débutant se blesse dangereuse- ment, lui ou sa bête. Les Vigognes ainsi prises sont tuées, et leur viande est distribuée, à parts égales, entreles chasseurs. Les toisons appartiennent au clergé. « En 1827, Bolivar rendit une loi d’après laquelle il était défendu de tuer les Vigognes ; on ne devait que les tondre. Mais cette loi ne fut pas suivie, l'animal est si sauvage qu’il est presque impossible de le tondre. « Du temps des Incas, les chasses se pratiquaient sur une plus vaste échelle; 25 à 30.000 Indiens étaient rassemblés, et ils devaient rabattre tout le gibier qui se trouvait dans une étendue de 20 à 25 milles, sur une place immense pré- parée comme je l’ai dit. À mesure que ce cercle se rapetis- sait, les rangs des traqueurs se doublaient, se triplaient, et aucun animal ne pouvait leur échapper. Toutes les bêtes nuisibles, telles que, Ours, Couguars, Renards, étaient tuées ; quant aux Chevreuils, aux Cerfs, aux Vigognes et aux Guanacos, on n’en abattait qu'une partie. On rassemblait ainsi jusqu’à 40.000 têtes de gibier. « Quand des Guanacos sont poussés dans le cercle, ils forcent ou franchissent la barrière, et les Vigognes les suivent, aussi agit-on de manière à ne pas les y faire entrer. Lorsque toutes les Vigognes sont tuées, on enlève la clôture, et on va la poser à quelques milles plus loin. La chasse dure ainsi une semaine. Le nombre des Vigognes tuées est parfois seulement de cinquante; d’autres fois, il dépasse plusieurs centaines. J’assistai pendant cinq jours à une de ces chasses ; on prit cent vingt-deux Vigognes, et du prix de leurs peaux, on construisit un nouvel autel dans l'Eglise. » (Tschudi.) Pays de production de la laine. Laines françaises. — Soit à cause des modifications introduites dans notre système 298 POILS ET LAINES de culture, soit parce que les pays étrangers, l'Australie ot l'Amérique du Sud notamment encombrent nos marchés de laines de bonne qualité, l'élevage du Mouton cst resté, en France, stationnaire depuis quelques années. Cependant nul climat mieux que le nôtre ne paraît approprié à l'élevage de ce ruminant, et à la production de ces laines mérinos moyennes, dont la longueur, le nerf et le lustre ne manquent pas d'assurer le débit. Les laines de France pro- viennent: 4° de races pures de Moutons indigènes (race flamande, race berrichonne, race pyrénéenne) dont aucune ne donne un produit remarquable ; 2° de ces mêmes races amendées par les croisements avec les Moutons de races anglaises et surtout avec les Mérinos; 3° enfin, des races de Mérinos que nous avons su conserver pures ou perfectionner. Les laines fines, d’origine française sont classées, dans le commerce, en différentes catégories, On distingue : les laines de Brie, les laines de Bourgogne, du Berry, de la Champagne, du Soissonnais, d'Arles, de la Beauce, de la Picardie. Elbeuf et Louviers emploient comme laines cardées les Jaines de la Brie, qui sont, à la fois douces et soyeuses, et remarquables par leur nerf et leur élasticité. Dans tous les autres pays de fabrication, les mêmes laines sont utilisées, comme laines peignées. Elles sont très appréciées pour la draperie, pour les lainages ordinaires et pour les nouveautés. A peine inférieures aux précédentes, les laines de Bour- gogne ont cependant moins de souplesse et d'élasticité, quoique autant de finesse. Celles du Berry sont également estimées, pour leur douceur, pour leur nerf; elles servent aux mêmes usages que les laines de Brie. À la fabrication des étoffes de qualité secondaire on emploie les laines de Champagne, inférieures, par plus d'un point, aux précé- dentes, ordinairement plus maigres et moins nerveuses. Les laines du Soissonnais sont précieuses pour la fabrication PAYS DE PRODUCTION 299 des étoffes connues sou le nom de Mérinos; celles d'Arles, ont le brin long et doux; celles de la Beauce, malgré leur grande finesse, sont réservées pour les nouveautés et les envers ; les laines de cette dernière provenance sont, en effet, un peu cassantes, et les tissus qu’elles donnent pèchent par une certaine dureté. Enfin les laines de Picardie, moins douces et moins élastiques que celles de la Brie, sont utilisées pour les confections des lisières et des matelas. _ En vérité nous ne possédons qu’une seule laine extra-fine d'origine française, elle provient de la race de Naz; les autres laines fines sont des produits du Mérinos pur ou du croise- ment du mérinos avec nos races indigènes. La variété de Moutons mérinos, dite de Mauchamp, donne une laine longue, fine, souple, régulière, qui fait le plus grand honneur au fondateur de cette belle race, M. Graux, cultivateur du département de l’Aïsne, fermier à Mauchamp. « Cette laine cardée peignée, dit M. le docteur Pennetier, permet d'obtenir des tissus qui rivalisent avec le cachemire. M. Davin, filateur à Paris, en a fait de magnifiques châles de cachemire français, et M. J. Lefèvre remarque, avec raison qu’elle peut trouver un emploi avantageux dans son mélange avec certaines laines d'Australie qui sont trop courtes et trop cassantes pour pouvoir étre filées seules {. » Les laines intermédiaires supérieures aux laines com- munes, inférieures aux Métis nous viennent du Roussillon, du Berri, du Poitou, de la Provence. Celles de cette dernière provenance sont inférieures aux précedentes; celles du Poitou, très blanches, se signalent par leur douceur. Reims emploie celles du Berri, maigres et dures, pour la fabrication de la flanelle. Quant à celles du Roussillon, elles servent, ‘ainsi que les autres, d’ailleurs, à confectionner les draps communs ou de seconde qualité et les couvertures. Toutes 1 Dr Pennetier, Leçons sur les matières premières organiques. 300 POILS ET LAINES ces laines se distinguent par une plus ou moins grande aptitude à subir les apprêts. Les laines comimunes, de qualité tout à fait inférieure, proviennent de nos races indigènes de Moutons non eroisés avec les races étrangères. Elles servent à fabriquer des étoiles rares, des couvertures, des draps communs et des matelas. On distingue celles du pays de Caux, les Bourgo- gne, beauceronnes et picardes, les solognes et les lorraines, les médoe, les béarnaises, et les bayonnaises. = Quant aux toisons d’agneaux, les plus fines sont employées à la confection d’étoffes légères; les plus grossières, à la confection des tissus de qualité inférieure. Soit seules, soit en mélange, elles sont d’ailleurs utilisées dans l’industrie de la chapellerie. Ajoutons, pour re rien omettre, qu'on en fabrique les laines de feutre dont on pare le dessous des touches de pianos. II nous reste à dire quelques mots des laines mortes, détachées de l'animal soit à la main par les paysans qui abattent dans les fermes, ou par Les bouchers, soit au moyen de procédés divers, notamment avec l’aide de l’eau de chaux. Après des lavages énergiques, ces toisons sont employées pour la bonneterie, la fabrication des couvertures, des flanelles et de la grosse draperie. Laines d'Australie, de la Nouvelle-Zélande et de la Neuvelle-Calédonie. — Parti de rien, l'élevage du Mouton, en Australie, a.pris une importance extraordinaire depuis le commencement de ce siècle ; l’industrie de l'élevage s'est d’ailleurs complètement transformée. Les vieux colons, suivant l’ancienne méthode patriarcale, parcouraient l’im- mensité des territoires libres, à la recherche de nouveaux pâturages. Cette manière de faire est abandonnée depuis longtemps, et, aujourd’hui les troupeaux paissent dans les champs comme en Europe, à cette différence près que, sous le ciel australien, ils restent dans les pâturages hiver comme #1 PA IR FREPSEPIER PAYS DE PRODUCTION Sete 301 été. D'ailleurs, des fermes spéciales ont été établies en vue de la reproduction et du croisement des espèces. Cest à la colonie de Port-Philippe, ancien nom de Victoria, que revient l'honneur d’avoir démontré la possibilité d'élever en masse les Moutons mérinos sur les vastes pâtu- rages de la terre australienne. L’heureuse issue de ses ten- tatives est due, moins à l’habileté des éleveurs qu'à la qualité des herbages et à la nature du climat. En été, malgré une chaleur intense, l'atmosphère reste saine. En hiver, le froid n’est jamais excessif et la neige ne fait que de rares apparitions sur le sommet des ‘montagnes. Les gelées, quoique fréquentes, sont bientôt dissipées par les rayons du soleil ; elles n’affectent d’ailleurs sensiblement nile gros bétail, n1 les bêtes à laines. Ces dernières, en particulier, ne peuvent que prospérer sous ce climat si semblable à celui sous lequel les troupeaux de mérinos ont été élevés en Europe, quand ils passaient l'été dans les montagnes et l’hiver dans les plaines de l’Estramadure. Dans cette particularité du climat se trouve donc le secret de la beauté des laines de Victoria. L’exportation annuelle des laines de la Colonie de Victoria varie de 45 à 67 millions de kilogrammes. Ce dernier chiffre est, croyons-nous, un maximum qui ne sera pas dépassé. Il s'abaissera même, de plus en plus, en raison des progrès de l’agriculture, qui, chaque jour, fait pénétrer plus loin la charrue, et en présence de la diminution progressive du nombre des pâturages, remplacés peu à peu par les colonies d'irrigation artificielle. De cette modification dans l'aména- gement du sol résultera nécessairement une diminution dans la production et dans l'exploitation de la laine. En 1877, le chiffre d'exportation total de l'Australie pour l’Europe a été de 127 millions de kilogrammes. La Nouvelle- Galles du Sud et Victoria occupent le premier rang dans l'exportation des laines, puis viennent l'Australie du Sud et enfin le Queensland, 302 POILS ET LAINES Une toison pèse en suint de 2 kilogrammes à 2,300, et lavée de 1,200 à 1,300. Certaines atteignent jusqu’à o kilogrammes en suint. Les balles dont le poids est très variable, puisqu'elles contiennent tantôt des laines en suint, tantôt des laines lavées à dos, tantôt enfin des laines lavées à fond, sont remboursables à trois mois de vue. Expédiées, pour la plus grande partie à Londres, les laines d'Australie sont ensuite réexpédiées dans le reste de l’Europe. D'abord très goûtées en France, les laines australiennes, y ont perdu de la faveur dont elles ont joui dans le début. On leur préfére aujourd’hui les laines de Buenos-Ayres. La Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Calédonie produisent également d'excellentes laines fines. Laines du Cap. — On comprend sous le nom de laines du Cap toutes celles que produisent les possessions anglaises du Sud de l'Afrique; bien que fines et assez courtes, elles sont peu appréciées en France, tant parce qu'elles manquent de moelleux qu'à cause des graterons qu’elles contiennent. Elles sont expédiées de Cape-Town, Port-Elisabeth, East- London et Port-Natal, par balles cubiques aux faces rectan- gulaires allongées, payables à trois mois de vue, dont le poids est un peu inférieur à celui des balles d'Australie. En 1877 l’exportation s'élevait à 180.670 balles. Laines américaines ow laines de la Plata. — On distingue sous le nom de laines de la Plata, ou de laines de Buenos-Ayres, les laines qui nous sont expédiées de l'Amérique du Sud, notamment de la République Argentine et de l’Urugay. Autrefois classées parmi les laines communes, les laines de la Plata n'étaient guère employées qu'à faire des matelas et des étoffes grossières. Mélangées de noir et de blanc, remplies de graterons, plus courtes, plus dures que les laines d'Australie, elles étaient considérées comme infé- rieures à ces dernières. Il n’en est plus de même, depuis PAYS DE PRODUCTION 303 l'importation du mérinos en Amériqne. Aujourd'hui, en même temps que les laines communes, l'Amérique du Sud nous expédie des laines fines d’excellente qualité, très douces, particulièrement propres à être utilisées pour la draperie et les nouveautés, surtout depuis que, l’épaillage ne se faisant plus à la main, elles peuvent être débarrassées par des pro- cédés mécaniques et chimiques des graterons qu’elles con- tiennent. Elbeuf, Louviers, et le Midi recherchent ces Le supérieures à nos laines françaises. Nous empruntons en grande partie à M. Emile Daireaux la substance des intéressantes observations qui suivent sur l'industrie pastorale dans l'Amérique du Sud !, C’est en 1842 que pour la première fois les laines américaines trou- vérent acheteur; on sons alors, repartis entre quelques propriétaires, environ 2 millions de Moutons, épurés par une sélection, poursuivie à travers cent-cinquante générations. Jusque-là les produits du troupeau étaient si dépréciés qu’on trouvait à peine à les donner, et que les briquetiers les achetaient quelquefois à vil prix pour alimenter leurs fours. Pendant les dix premières années, les essais sont douteux, les mécomptes se succèdent ; les Moutons d’Andalousie, de- venus créoles et dégénérés, donnent un produit de sauvageon. - De 1850 à 1858, le progrès est continu, l'exportation s’ac- centue, bientôt il faut augmenter les moyens de transport, car les balles de laine s’expédient par centaines de millions. En vingt cinq ans et avec l’aide de quelques béliers de choix la transformation a été complète, EE race des Moutons créoles a disparu. Chaque année maintenant les acheteurs de laines, commis- sionnés par les filateurs et les tisseurs de Roubaix et par les laveurs du Gard, viennent sur place, à Buenos-Ayres, en- 1 Emile Daireaux, La vie et les mœurs à la Plata, 1889, Paris, Hachette. 304 POILS ET LAINES lever, à prix d’or, les 100 millions de kilogrammes de laine destinés à alimenter l’industrie française. Les agents des fabricants français arrivent vers la fin de septembre à l’époque où la tonte est en pleine activité, à la veille de l'apparition des premières laines sur le marché. Les marchés aux laines sont aux confins de la ville ; ils se tiennent dans les deux gares terminus, celle de l’ouest et celle du sud, transformées en entrepôts. La première dessert la région la plus anciennement peuplée, terre d’alluvions, de gras pâturages, de laines fortes et lourdes; la seconde la région du sud, plus étendue et plus récemment occupée, où les pâturages sont plus grêles et plus variés; la laine qui en provient est légère et fine. Tout diffère dans ces deux marchés à peine distants de 2 kilomètres, les prix, l’aspect, la nature de la laine. Les grandes gares ne contiennent que les arri- vages du jour; ceux des jours précédents ont déjà pris le chemin des entrepôts privés. Ce n’est pas avec les gros éleveurs dont quelques-uns possèdent des troupeaux de cent mille têtes, et qui en- caissent d’un seul coup trois ou quatre cents mille francs pour le prix d’une tonte, que traitent les acheteurs. Ils s'adressent à des intermédiaires, éleveurs aussi, mais, de plus, fins con- naisseurs, et bien renseignés sur les soins donnés aux trou— peaux, sur les maladies qui ont pu les affecter, et capables de juger d’un coup d’œil la valeur et le poids de la marchan- dise. « Il y a, dit M. Daireaux, des laines qui font prime, qu’elles proviennent de tel ou tel district ou de telle estancia. Certaines filatures de France emploient toujours les mêmes et connaissent le nom du producteur pampéen, sans avoir jamais eu avec lui d’autres relations que d'acheter, chaque année, sa laine à son consignataire. » L'acheteur de son côté ne manque pas d'expérience, et …il sait reconnaitre les laines qui lui conviennent, apprécier leurs qualités et distinguer leurs défauts, mais il excelle surtout PAYS DE PRODUCTION 305 à estimer le rendement au lavage de cet immense amas de toisons qui représente 100.000 kilogrammes. « Il en prend en mains quelques-unes ; elles sont toutes roulées en boules, attachées d’un fil, montrent en dehors les raccines blanches, jaunâtres ou bleues des mèches. Il rompt le fil, développe la toison, qui apparaît alors, dans sa forme primitive, si bien conservée qu'on pourrait l'appliquer telle quelle sur le dos de l'animal qui l’a produite. Vue de ce côté, elle est moins éclatante de blancheur, mais plus sincère. Notre acheteur la soupèse, calcule la résistance des brins et rend son arrêt ; c'est un ensemble de toisons qui rendra au lavage ‘32, 32,5 ou 33 pour 100 de son poids total. Il se trompe rarement, s'il se trompait seulement de 4 pour 100 une affaire jugée bonne pourrait être médiocre ! ». À leur arrivée sous les immenses hangars des entrepôts, les charrettes pampéennes chargées de sacs, remplis de laines, sont lestement débarrassées et, les piles de toisons s'élèvent bientôt à 12 et 15 mètres ; alors commence le rôle du classeur, le plus souvent français, homme pratique, fin connaisseur, qui a fait son apprentissage dans un lavoir de laines. Il sait quel classement convient à chaque marché d'Europe, et, il a à cœur de faire bien son métier, car il gagne gros. Pendant les quelques mois que dure le travail, il en- caisse, suivant l’étendue de sa clientèle, de douze mille à cinquante mille francs. Sous ses yeux et par son ordre, les piles sont éventrées, les toisons s’entassent sur des claies ; il les examine une à une, et chacune recoit sa destination selon sa nature. Les aides alimentent le tas où il puise, relèvent les laines classées, les portent à la presse. En deux minutes la laine est comprimée, en deux autres minutes, la balle en- tourée de toile, cerclée de minces lames d’acier, est habillée, prête à tomber sur la bascule pour y donner son poids et 1 Daireaux, loc. cit. 306 POILS ET LAINES recevoir ses marques et numéros, indiquant provenance, destination et'classement. Deux balles cubent 1*,50 et pèsent une tonne; la douane, inscrit, taxe la marchandise, et pré- lève un droit de sortie de 4 pour 100. Trois cent mille balles subissent, chaque année ces différentes opérations. « C’est surtout la France qui absorbe ces énormes envois. Ajoutons même que, des quantités expédiées sur Anvers, la plus grande partie n’a jamais fait que traverser ce port, choisi depuis longtemps par les filateurs de Roubaix, de Tourcoing et de Reims, en raison de son voisinage. Depuis peu, grâce à une mesure sage du gouvernement français, le port de Dunkerque, que l’on ne croyait pas appelé à un si rapide développement, lui fait une concurrence active. C’est une histoire curieuse. Les premières laines de la Plata ont été importées en 1850 à Anvers, qui en reçut 1400 balles; en 1880, ce port en recevait 200.000, donnant un poids de 50 millions de kilogrammes, contre 45 millions importés en France. Anvers était devenu le grand marché pour tous nos industriels du Nord et de la Champagne, et bénéficiait des commissions, courtages, fret, transports, escompte de né- gociations de traites, auxquels donnait lieu ce trafic consi- dérable, que payaient à l'étranger nos industriels. Ce préju- dice, qui était causé à toutes les branches de notre commerce avait son origine dans une erreur de nos règlements de douane. Les laines de la Plata étaient en effet, frappées d’un droit de 3 fr. 60 par 100 kilogrammes, qu’elles vinssent directement du pays de production ou de ports de transit, pendant que les laines d'Australie, que nous ne consommons guère, n'étaient frappées de ce droit que si elles provenaient de ports de transit. Ce droit ne frappant plus, depuis 1880, les provenances directes, le résultat ne s’est pas fait attendre. Le port de Dunkerque a reçu, en 1881, 12.000 balles ; en 1883, 77.000 ; en 1885, plus de 100.000 de la Plata. Le port d'Anvers a vu, pendant la même période, diminuer d’autant PAYS DE PRODUCTION 307 les qualités qu'il recevait ! ». Les laines de la Plata se divisent dans le commerce en deux grandes catégories : celles de Buenos-Ayres et celles de Montévideo. Les pre- mières donnent une fibre plus fine; les secondes une fibre de meilleure nature, mieux nourrie, mais plus forte et moins douce. Laines anglaises. — Bien que les éleveurs anglais et irlandais cherchent surtout à obtenir des animaux forcés en viande, les bêtes à laine dans ces deux pays, ne laissent pas que de fournir des toisons très recherchées dans le com- merce, particulièrement en France. Roubaix et Tourcoing emploient des quantités considérables de laines anglaises indigènes pour la confection des flanelles, des couvertures, des tapis et des serges. Le: deux races de Moutons qui four- nissent le plus de laines anglaises, sont, pour les laines longues, la race de Leicester, appelée en France, race Dishley, du nom de la ferme où cette race a été perfectionnée et, pour les laines courtes, la race de Southdown, et ses nombreuses variétés. Citons en passant la variété Cheviotf, cantonnée sur les collines écossaises de ce nom. L’Angleterre produit annuellement près de 40 millions de kilogrammes de laines, chaque toison pesant 2 *,700, en moyenne; en Écosse, le poids moyen de la toison est de 2 “8,130 ; en Irlande, comme en Angleterre, de 2k5,700. Il se fait annuellement une exportation d'environ 5 millions de kilogrammes de laines anglaises et irlandaises ; en 1860, la Grande-Bretagne exportait, en y comprenant la laine des Mérinos de ses colonies, 74.200.000 kilogrammes. Laines de Russie. — La Russie ne recoit que peu de laines étrangères. Son commerce de lainages, d’ailleurs rela- tivement restreint, est alimenté par les produits des nom- breux troupeaux répandus sur ses immenses territoires. 1 Daireaux, loc. cit. 308 POILS ET LAINES Si elle recoit peu de laines du dehors, elle en exporte de grandes quantités dans le reste de l’Europe; en 1877, 22.790.732 kilogrammes de laines fines, de laines intermé- diaires, et de laines communes ont été expédiés; son trafic n’a fait que s'étendre depuis cette époque. Moscou et Odessa sont les deux villes principales où se fait le commerce des laines russes ; à Moscou affluent les laines du centre de la Russie, et les laines communes de tonte d’été des bords du Don et tonte d'automne de Penza, de Voronej et de Britousk. Les laines les plus belles, qui proviennent de la Russie méridionale, sont dirigées sur Odessa, où elles sont vendues. « Expédiées soit en suint, soit lavées à froid, elles subissent une perte de 15 pour 100 environ au lavage définitif du fabricant. Les laines en demi-suint, dit périgonnes, perdent davantage encore et jusqu’à 40 ou 50 pour 100 ; cela tient à ce que le lavage à dos auquel elles sont soumises, consiste à faire uniquement traverser deux ou trois fois au troupeau et, sans opérer la moindre friction, une rivière, un simple ruisseau ou une mare. Les laines, qui sont fines et douces, mais un peu maigres, sont principalement employées pour la fabrication des draps et pour les nouveautés, Plus fines ordinairement que celles de France, elles n’en offrent pas toutes les qualités. Aussi nerveuses parfois, elles sont géné- ralement moins souples. « Les laines de cette provenance sont classées avec le plus grand soin : la première qualité est marquée se la deuxième, AA ; la troisième A ; la quatrième BB ; la cin- quième B; la sixième C; la septième D ; les marques V, signifient ventres ; P, pailleux, et J, jaunes. « Odessa expédie également à Marseille, des laines com- munes, ordinairement lavées et bien épurées, désignées sous les noms de Dunkoy et Zigaye. « Ges sortes sont réservées pour la lisière, le tapis et le matelas. Indépendamment du PAYS DE PRODUCTION 509 mérinos dunkoy et zigaye, d’Odessa, nous recevons, par la voie de Marseille, des laines de Crimée, notamment une sorte commune, similaire aux dunkoy et qu'expédie le port de Taganrok, dans la mer d’Azow. « L’emballage des laines de Russie est ordinairement très soigné. Les balles sont formées d’une forte toile blanche maintenue avec des cordes en chanvre, et portant une marque très apparente surmontée quelquefois d’une cou- ronne À. » | Laines d'Allemagne. — Nous comprendrons sous cette dénomination non seulement les laines provenant de l’Alle- magne proprement dite, mais aussi celles qui sont d'origine autrichienne et hongroise. Les laines qu’exporte l'Allemagne sont, pour la plupart, des laines fines lavées à dos. Elles se font remarquer par leur douceur, leur nerf et leur élasticité. Dirigées en grande partie sur l'Angleterre et sur la France, elles servent, en notre pays, à confectionner ces draps lisses de belle qualité auxquels nos fabriques d’Elbeuf, de Louviers et de Sedan doivent leur réputation. La race des Moutons la plus appréciée en Allemagne pour la production de la laine est la race dite électorale, créée en Saxe, à la suite de l’importation dans ce pays du Mérinos espagnol. Les Mérinos pur sang ne sont pourtant pas en majorité en Allemagne ; et les Métis forment le grand nombre : ils ont été d’ailleurs surveillés avec tant de soins, perfectionnés au moyen de croisements si judicieux qu’ils donnent d'excellents produits. Parmi les laines allemandes, celles de Saxe tiennent le premier rang : elles sont les plus courtes et les plus fines ; viennent au second rang, et sur pied d'égalité, les laines de Moravie et de Silésie, un peu plus fortes et possédant moins de finesse et de moelleux ; celles de Galicie, souvent mal 1 Dr Pennetier, Matières premières, 310 | POILS ET LAINES triées, et inférieures aux précédentes ; celles de Bohême, assez fines ; celles de Transylvanie aux brins longs, utilisées seulement pour les étoffes grossières ; celles de Hongrie, de Croatie, de Slavonie et de Bannat, extra-fines, fines ou mi- fines, en tout cas, supérieures à celles du Wurtemberg, laines intermédiaires, peu estimées, à juste raison Laines espagnoles et portugaises. — L'Espagne possède deux sortes de troupeaux qui produisent deux genres de laines bien déterminées : les Æstantes ou troupeaux séden- taires, qui séjournent principalement dans l’Estramadure, les deux Castilles, l’Aragon et la Navarre, et les Transhu- mantes où voyageurs, qui, hivernant dans les fertiles vallées du Sud-Ouest, sont conduits, au moment de la sécheresse, sur les montagnes du Nord et de l'Est. Les Estantes, que l’on élève surtout pour la boucherie, ne produisent qu’une laine assez grossière ; les Transhumantes au contraire, véritables Mérinos, donnent une toison appréciée. Les principales laines d'exportation de l'Espagne sont celles de la province de Léon, connues sous le nom de Léo- naîses. Quoique douces et fines, elles ne valent pas les nôtres, et sont également inférieures à celles d'Allemagne, de Russie et d'Australie. Les Burgos, les Cacéres, les Serénas, les Baros, les Sorianes, les Aragonnaises, les Molines, les Ulbar- raines et les Navarraises viennent encore après les Léonaises, comme qualité. Quant aux laines de Portugal, si elles ont du nerf et de la longueur, elles manquent de souplesse, sont feutrées et suiffeuses ; on les recherche peu en France ; elles sont d'ailleurs au-dessous des laines espa- gnoles,. | Laines danoises et hollandaises.— Très longues, excel- lentes pour le peigne, les laines de Hollande et de Danemark sont très employées par nos manufactures de Lille, de Roubaix et de Tourcoing. PAYS DE PRODUCTION St Laines italiennes. — L'Italie exporte peu. La plupart de ses troupeaux errants ne donnent qu’une laine grossière ; quelques-uns pourtant produisent une laine assez fine ; en particulier, la race dite « Mouton fin de Pouille » a une toi- son peu fournie, mais donnant une laine à peigner de bonne qualité. Les environs de Naples et de Rome expédient aux fabriques de Reims, par Marseille, une assez grande quantité de laines blanches, longues et nerveuses. Laines de Grèce. — Rudes, souvent noires et mélangées de poils raides et de duvets, ces laines sont très longues et très communes comme la plupart de celles qui nous viennent des îles de la Méditerranée. Laines du Levant. — Sous cette dénomination, nous aurions pu faire entrer les laines communes d'Italie et de Grèce, également les laines fines de la Russie méridionale, car, dans le commerce, elles sont comptées au nombre des laines du Levant, au même titre que celles qui nous arrivent par Marseille, de la Turquie d'Europe, de la Syrie, des îles de la Méditerranée en général, des provinces danubiennes, de l'Égypte, de la Tunisie, de l'Algérie et du Maroc. Les laines du Maroc sont très recherchées pour les draps de troupes ; celles de Tunisie, grosses et fortes, pour la ma- telasserie; celles d’Anatolie, expédiées par Smyrne, pour la bonneterie et la couverture d'Orléans. Quant à nos laines d'Algérie, longues et jusqu'ici assez grossières, elles tendent à s'améliorer, par le croisement des races indigènes avec la race mérine; et des résultats satisfaisants tant au point de vue de la rusticité des produits qu’à celui du rendement com- mencent à être obtenus. Les laines d'Afrique sont souvent frelatées, fréquemment on cherche à leur donner du poids en les lavant à l’eau de mer, et de la souplesse en les arro- sant de lait. Principaux marchès. — Les premiers marchés de l’Europe pour le commerce des laines sont Londres, Anvers, 312 POILS ET LAINES le Havre, Breslau, Hambourg, Liwerpool, Marseille, Bor- deaux, Brème et Dunkerque. Le marché d'Anvers dont l'importance est bien connue, recoit des laines de l’Amérique du Sud, de la Russie, de l'Afrique et de l'Australie, il est visité par les acheteurs de toutes les nations. Les laines n’y payent aucun droit d'entrée. Le courtage des marchandises est de 1/2 pour 100, payé par le vendeur seul s’il s’agit d’une vente publique, moitié par l’acheteur, moitié par le vendeur, s’il s’agit d’une vente de gré à gré. Chaque année quatre ventes publiques sont faites à Anvers; en janvier et février; en avril, mai; en juillet et en octobre. Au Havre affluent les laines de la Plata, d'Australie, du Cap, du Pérou, du Chili, de Bombay, de la Russie, du Levant, de l'Espagne et du Portugal. Roubaix, Tourcoing, Reims, Fourmies et Amiens, viennent s’y approvisionner pour le peigné; Elbeuf, Louviers, Mazamet, Castres pour le cardé. Les laines du Havre sont aussi achetées par la Suisse et par l'Allemagne. Aux six ventes publiques qui ont lieu chaque année, les affaires se traitent, au point de vue du courtage, comme à Anvers. Les habitudes pour les marchés de gré à gré sont aussi les mêmes. Des ventes publiques de laines ont lieu mensuellement à Reims, depuis le mois de mai 1891. Elles ont été organisées par MM. Loilier, Bouché et Bonjean, courtiers. Elles pa- raissent avoir contribué à prévenir un nouvel abaissement des cours. À la dernière vente qui a eu lieu le 18 juillet, il a été vendu 26.000 toisons sur 26.000 offertes, et 6000 d’agneaux sur 7000 offertes. Ces toisons provenaient de vingt et un départements. Voici les prix obtenus : laines lavées à dos : qualité courante fine 3 fr. 15 à 3f. 75; inférieure fine 2 fr. à 3 fr. 10; croisée, 2 fr. 60 à 2 fr. 90. Suints : qualité courante fine 1 fr. 50 à 1 fr. 80; inférieure PRÉPARATION ET MISE EN ŒUVRE 13. fine 1 f£. 40 à 1 fr. 50; croisée ordinaire 1 fr. 35 à 1 fr. 50; commune 1 fr. 20. Principaux centres où se préparent et s'emploient les laines en France. — Les principaux centres où s’emploient les laines en France sont Reims et ses environs pour les laines peignées ; Elbeuf pour toutes les espèces de draperies depuis les plus communes jusqu'aux plus fines; Sédan et son arrondissement pour la draperie et les nouveautés; prinei- palement pour les beaux draps noirs et pour les beaux ar- ticles de nouveauté en laine cardée; Louviers pour les qua- lités fines et pour la filature des laines d'Elbeuf; dans le midi, pour les draps de troupes, la draperie commune, l’ex- portation des échelles du Levant, Carcassone, Mazamet, Castres, Lodève, Bedarieux, Saint-Pont, Saint-Chignan, Saint-Calombe, Clermont, Lodève ; dans le centre, Chateau- roux pour les mêmes articles; Limoges, pour les étoffes à bas prix; Aubusson, Beauvais, pour les tapis; Vienne, Nancy, Orléans pour la draperie commune et la couverture ; Paris et quelques localités du Nord pour les laines peignées et les couvertures. Préparation et mise ex œurtre. — Les laines sont em- ployées pour la fabrication de deux genres de tissus bien différents : les tissus ras et les draps ou tissus feutrés. Les opérations successives que subissent les laines avant d’être transformées en étoffes sont fort nombreuses. Elles varient, suivant qu'il s’agit de préparer les fÂls peignés qui servent à la fabrication des tissus ras; ou des jêls cardés employés pour la confection des draps ou autres tissus feutrés. À quelque destination que la laine soit réservée, elle doit d'abord être désuintée, c'est-à-dire être débarrassée de son suint et des corps étrangers que ses filaments peuvent retenir. Ensuite, pour les laines à transformer en tissus ras, se LacroIX-DANLIARD. Poils et Fourrures, 18 314 POILS ET LAINES succèdent une série de manipulations désignées par des noms techniques, dont le but est de donner de l'élasticité aux fibres, de les redresser et de les ranger entre elles parallé- lement autant que possible, et de faciliter leur glissement. Le peignage est tout indiqué pour obtenir ce résultat. D’autres procédés ont pour objet de transformer les mèches en rubans continus, d’égaliser, d’étirer, de consolider ces rubans de manière à les amener à la finesse et à la longueur voulues, de les raffermir, de leur donner plus de cohésion et de les arrondir ; puis viennent le filage en fin, le dévidage, pour transformer les bobines en écheveaux, livrés ensuite au tisseur ou au teinturier, suivant que l’étoffe doit être teinte en pièce ou en fil. La laine tissée est ensuite soumise aux apprêts qui se terminent par le pressage et le pliage. Les opérations dans la draperie sont plus nombreuses encore. Ici les fils ne forment en quelque sorte que le canevas de l’étoffe, qui se condense et prend corps par le foulage. La carde joue dans cette industrie un rôle prépondérant. Le cardage a pour but et pour effet de dénouer, redresser et mélanger ies filaments dans tous les sens, afin de faciliter leur réunion par l’acerochage auquel leur constitution les prédispose. Quant au foulage, il resserre les fils entre eux dans tous Les sens, et transforme la toile de laine en drap, en lui donnant les propriétés tranchées qui distinguent cette étoffe des autres tissus. Laine régénérée. — La laine régénérée ou laine de chif- fons s’obtient en détachant des tissus de laine hors d'usage les fibres qu’ils contiennent. Des étoffes, soumises à l’opéra- tion du foulage, comme les draps, on tire le Mango; des flanelles, des châles et des bas, en général des tissus mous ou tricotés, provient le Shoddy. De ces détritus triés avec soin, battus pour les débarrasser des poussières qu’ils con- tiennent, huilés, défilés à la machine, on fabrique des tissus à bon marché qui font presque le même usage que les étoifes I PM PARASITES DES LAINES 315 confectionnées avec les laines de tonte. L’Angleterre, depuis quelques années, produit en grande quantité du Mungo et du Shoddy ; et, pour cette fabrication non seulement elle utilise tous les chiffons de laine, résidus de sa consommation, mais elle importe, en outre, plus de 35 millions de kilo- grammes. Parasites qui attaquent les laines; procédés de con- servation. — Les laines sont attaquées par trois espèces de teignes ; la T'eigne des tapisseries, la Teigne fripière et la Teigne des pelleteries. En ce qui concerne cette dernière, nous renvoyons à ce que nous en avons dit dans le chapitre précédent en parlant des ennemis des pelleteries et des fourrures. Quant à la Teigne des tapisseries (Tinea tapezella), connue aussi sous les noms de T'apessière et de Teigne be- deaude à téte blanche, elle est autant connue par son pa- pillon que par sa chenille. Le papillon mâle a une envergure de 20 à 22 millimètres, la tête toute blanche, des antennes brunes. Le thorax est d’un brun noir; les ailes supérieures d’un brun noirâtre sur une partie du dessus, sur l’autre d’un blanc terne ou jaunâtre ; en dessous les mêmes ailes sont d’un gris jaunâtre luisant, avec leur base noirâtre. Les deux surfaces des ailes inférieures sont d’un gris cendré, y com- pris la frange. La femelle est plus grande que le mâle, et en diffère d’ailleurs par d’autres points. Quant à la chenille, elle a absolument l’aspect d'un ver. Elle est d’un blanc gras et luisant, avec quelques poils clairsemés de la même couleur, une ligne dorsale grise, la tête en cœur d’un jaune bru- nâtre et l’écusson du prothorax jaunàtre. Sa peau est telle- ment transparente qu’on apercoit à travers la couleur des aliments dont elle se nourrit. Elle vit dans un tuyau fixe, non dans un fourreau portatif. En sortant de l’œuf, elle ronge le drap sur lequel elle se trouve, file ensuite au-dessus de son corps une espèce de berceau de soie, qu’elle recouvre d’une 316 POILS ET LAINES partie des flocons de laine qu’elle a arrachés, et mange l'autre. Elle creuse la place qu’elle occupe dans l'épaisseur du drap, et cette place, quoique assez grande, est très difficile à apercevoir, parce qu'elle est recouverte de débris, de ma- nière à sembler un endroit défectueux de l’étoite. Le papillon de la Teigne fripière a des points bruns sur les ailes supérieures; sa chenille vit dans les détritus pous- siéreux, contenant souvent des débris de laine, qui s’accu- mulent entre les fentes des parquets et dans les recoins des appartements. Elle dévore aussi les vêtements de laine dans les armoires et se fait des fourreaux de débris laineux. Si elle se transporte sur des étoffes de couleurs diverses, elle peut paraître vêtue d’une sorte d’habit d'arlequin. En hiver, elle vit parfois dans les fumiers des bergeries. Cette chenille s'attaque parfois à la laine en suint. Le mieux qu’il y ait à faire pour diminuer les ravages des Teignes en général et de la l'eigne fripière en particulier est de battre fréquemment en pleine lumière les vêtements de laine par la raison que les Teignes recherchent l’obscurité. On peut aussi introduire dans les meubles où l’on renferme les vêtements diverses substances à odeur âcre ou aroma- tique, du tabac, du musc, du poivre, du camphre, de la benzine, du thym, de la lavande, de la sauge, de la mélisse, de la menthe. Un flacon rempli de chloroforme et imparfai- tement fermé est un excellent préservatif ; seulement, il faut avoir soin de renouveler le liquide quand il est évaporé. Enfin, on peut placer de la poudre insecticide de Vicat entre les replis d’étoffte. LV DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE HISTOIRE NATURELLE, HABITAT MŒURS ET CHASSE DES ANIMAUX QUI FOURNISSENT LA MATIÈRE PREMIÈRE LE FEUTRE ET SA PRÉPARATION PAYS DE PRODUCTION. PRINCIPAUX MARCHÉS. PARASITES. L'INDUSTRIE DU CHAPEAU Nous empruntons à deux rapports très intéréssants, l’un de _ M. Famchon, membre de la Chambre syndicale de la Chapel- lerie, l’autre de M. Albert Leduc, membre‘de la Commission permanente des valeurs de douanes, la plupart des renseigne - ments qui suivent sur l’industrie du chapeau en France et à l'étranger. Considérations générales. — Depuis la guerre de 1870, l’industrie de la chapellerie a pris en Europe un dévelop- pement considérable. L'Allemagne, l'Angleterre, la Belgique, l'Autriche, la Suisse et l'Italie, profitant des expériences antérieures, faites par nous le plus souvent, n’ayant que l’embarras du choix entre les outils et les machines les plus perfectionnées, jouissant d’une main-d'œuvre très bon marché, ont pu, du premier coup, accaparer en grand partie 318 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE leur propres marchés, empiéter largement sur le terrain qui nous était acquis à l'extérieur et enfin prendre une place d’une certaine importance dans notre pays. D’un autre côté, beaucoup de pays d'outre-mer quitiraient d'Europe tous les chapeaux qu’ils consommaient se sont mis, petit à petit, à les fabriquer eux-mêmes; les Brésiliens et les Mexicains, en particulier, n’achètent plus chez nous ou ailleurs que certaines catégories de chapeaux qu’ils ne produisent pas encore. Nous rencontrons donc aujourd’hui sur les marchés étrangers et sur nos propres marchés des concurrences avec lesquelles nous n'avions pas à compter autrefois. Les Etats-Unis eux-mêmes qui ne sont pas encore en état de nous faire une concurrence sérieuse sur le marché européen, vendent déjà certains articles à la Havane et dans quelques pays voisins. Nous ne pouvons plus leur fournir que des matières premières. Des droits pour ainsi dire prohibitifs nous ont fermé ce vaste marché. On peut déjà prévoir que le jour où les Américains auront terminé leur outillage, et où la main-d'œuvre sera moins élevée, nous aurons en eux de redoutables concurrents. D'où vient cette crise que traverse, depuis quelques années, notre industrie chapelière? De bien des causes! D'abord, comme nous venons de le dire, de ce que beaucoup de pays qui ne fabriquaient point ou qui ne fabriquaient que dans de faibles proportions ont étendu leur industrie; ensuite du prix de la main-d'œuvre, plus élevé, chez nous, que partout ailleurs ; du prix du charbon qui coûte, en notre pays, beaucoup plus cher qu'en Angleterre ou en Belgique; des frais de transports beaucoup plus élevés, en France que dans les autres pays. Nous ne péchons donc pas par l’imper- fection ou l’infériorité de l'outillage. Les patrons français, au point de vue de l'outillage, se sont tenus à la hauteur de leurs concurrents étrangers. Ils em— ploient les mêmes machines; c’est précisément ce qu'il y a peut-être de regrettable, parce que tout le génie de la main ST TT L'INDUSTRIE DU CHAPEAU 319 disparaît avec l'emploi des machines. S'il y a une bonne machine chez nous, les étrangers l’achètent, de même que lorsqu'il y a une bonne machine en Angleterre ou en Belgi- que nous l’achetons. Avant tout, nos fabricants veulent se mettre à la hauteur des fabricants exotiques. Chez nous, on se ressent de la cherté des transports, spé- cialement pour les affaires d'exportation qui se traitent avec des bénéfices insignifiants. Ces affaires ont cependant une importance capitale en ce sens qu’en conservant aux fabri- cants leurs débouchés, elles leur permettent d'occuper leur personnel en morte saison, et de garder ainsi leurs ouvriers et l’ensemble de l’organisation de leur travail, en un mot, de laisser intact le véritable patrimoine de l’usine, Nos fabricants doivent donc compter surtout le bénéfice que peut donner le marché intérieur; mais, là encore, leur situation est rendue dificile par les frais écrasants de trans- ports qu’ils doivent subir comparativement aux frais minimes qu'ont à supporter leurs concurrents étrangers. Nos fabri- cants sont obligés, la plupart du temps, d'expédier par grande vitesse; or d'Albi à Paris (709 kilomètres), par exemple, ils payent 46 fr. 50 les 100 kilogrammes. De Berlin à Paris (1067 kilomètres), le prix n'est que de 31 fr. 40, soit à distance égale, à peu près, 21 francs ce qu’ils payent 46 fr. 50. Läissons de côté le tarif international pour voir ce que les Allemands payent chez eux. La différence est encore plus accentuée. Ainsi, de Berlin à Strasbourg, 16 francs les 100 kilogrammes. La distance d'Albi à Paris est de 50 kilo- mèêtres de moins que de Strasbourg à Berlin, et nous payons chez nous 46 fr. 50 ce que les Allemands payent à distance égale 15 francs. Si nous payons des prix aussi élevés, c’est surtout par suite de ce que, dans le langage des chemins de fer, on appelle la majoration. Lorsqu'un colis du volume de 1 mètre cube ne pèse pas 200 kilogrammes, les Compa- gnies ont le droit de majorer de 50 pour 100 le prix du 320 DES POILS EMPLOYÉS DANS LA CHAPELLERIE transport. C'est ce qui arrive pour les colis expédiés par les chapeliers, car ces colis sont plus volumineux que lourds. Supposons un colis pesant 100 kilogrammes et tarifé à raison de 20 francs les 100 kilogrammes ; il sera majoré de 50 pour 100 et payera par conséquent 30 francs de port, parce qu’il tombera dans la taxe de la marchandise encom- brante. Cette tarification est nuisible à notre industrie. Les Cham- bres françaises viennent fort heureusement de voter une réduction des tarifs de transport. Division des produits français. — Nos produits se divisent en deux catégories : 1° les chapeaux et les coiffures de tousgenres que nous expédions dans les pays qui n’ont pas encore de fabriques organisées ou qui ne fabriquent encore que certains genres; 2° les matières premières et les fourni- tures que nous envoyons là où les fabriques sont installées et fonctionnent. Ou s’exportent nos produits. — 1° Chapeaux. — Les chapeaux de feutre de poil français s’exportent principale- ment dans tous les pays de l’Amérique du Sud, dans les Antilles, dans l'Amérique Centrale, un peu au Mexique, un peu également en Afrique, en Asie et en Australie, un peu enfin en Espagne et dans la partie orientale de l’Europe du Sud. Les chapeaux de laine français s’exportent dans les mêmes pays, en exceptant l’Europe. Les chapeaux de paille faits ou finis en France s’expor- tent dans tous les pays de l'Amérique du Sud, dans les Antilles, au Mexique et, en petite quantité, en Europe, en Afrique, en Australie, eten Asie. Les autres chapeaux et les coiffures en tous genres faits en France vont à peu près dans tous les pays où nous envoyons les différentes catégories de chapeaux qui viennent d’être mentionnées. 2° Matière premières et fournitures. — Matières pre-. L'INDUSTRIE DU CHAPEAU 321 mières. — En fait de matières premières nous n’exportons guère que des poils, et ces poils nous les envoyons par quantités considérables dans tous les pays d'Europe et d’Amé- que où il y a des fabriques de chapeaux de feutre. Ce sont les Etats-Unis qui en prennent la plus forte partie. Le chiffre de nos exportations se maintient dans d'assez bonnes con- ditions, bien que des couperies de poils se soient montées au Etats-Unis et au Mexique, et que, de plus, nous ayons à lutter partout avec la concurrence belge, allemande, et anglaise. Fournitures diverses. — Ces fournitures comprennent Les cuirs et les galons pour chapeaux, les soieries pour coiffes et les coiffes faites, la peluche pour confectionner les chapeaux de soie, ete... Bien que nous ayons à lutter contre une con- currence étrangère effrénée venant principalement d’Alle- magne, nous en expédions encore de fortes quantités dans tous les pays où l’on fabrique des chapeaux. En Europe, nos meilleurs clients sont les Anglais, les Espagnols et les Por- tugais ; puis, loin derrière, viennent les autres pays produc- teurs qui ne nous prennent que ce qu'ils ne peuvent pas trouver chez eux ou en Allemagne. En Amérique, nous avons d'importants débouchés pour ces articles aux États- Unis, au Brésil, au Mexique; nous en envoyons des quantités moindres à la Havane qui garnit beaucoup de chapeaux de paille; enfin nous en vendons un peu dans d’autres pays du centre et du sud où la fabrication est encore à l’état rudi- mentaire. Jusqu'à présent l'exportation de nos produits en Australie est encore minime ; elle est nulle, pour ainsi dire, en Asie et en Afrique. Tous nos produits, matières premières, fournitures et cha- peaux sont expédiés, dans une faible proportion, directement . par les producteurs et, pour la majeure partie, par l’entre- mise de commissionnaires. Presque tous ces derniers sont établis en France; cependant un certain nombre de commis- 329 DES POILS EMPLOYÉS DANS LA CHAPELLERIE sionnaires ou négociants de Hambourg achètent nos articles pour les réexpédier à leurs clients ou à leurs maisons d'outre-mer, et beaucoup de négociants anglais nous les achètent également, soit pour la consommation intérieure de l’Angleterre, soit pour les adresser aux succursales qu'ils ont fondées ou à leurs clients des colonies anglaises. De quels pays s'importent les produits similaires. — 1° Chapeaux. L’importation des chapeaux de feutre de poil apprêétés allemands et autrichiens a pris en France une cer- taine extension, principalement dans les régions du nord et de l’est. Ces chapeaux, que peu de fabricants français ont réussi à produire jusqu à présent à aussi bon compte que les Allemands et les Autrichiens, sont goûtés à cause de leur prix modéré. D’Angleterre nous recevons une certaine quan- tité de chapeaux de soie et de chapeaux de feutre de poi apprêtés en belle qualité, que beaucoup de jeunes gens de Paris et de nos grandes villes croient de bon ton de porter de préférence à des chapeaux français. Nous sommes enfin envahis par les chapeaux de laine apprêtés anglais, allemands et parfois autrichiens, qui garnissent aujourd’hui les devan- tures des maisons qui ont pour enseigne le fameux 3 fr. 60. Les Anglais et les Allemands ont su se faire une spécialité de ce chapeau avec lequel ils nous battent sur la plupart des marchés du globe. Quant à ce qui concerne les chapeaux souples en feutre de poil et en feutre de laïne, leur importa- tion est, pour ainsi dire, nulle pour les premiers et peu im- portante pour les seconds. Quelques maisons spéciales vendent le chapeau ou le bonnet de voyage anglais. 2° Matières premières et fournitures. — Poils. — En France; nous ne coupons en quantités sérieuses que le poil de Clapier, nous coupons encore un peu de poil de Garenne est très peu de poil deLièvre. Par suite, nous devons demander à la Belgique du poil de Garenne et de Lièvre, à l'Angleterre une forte quantité de poil et de peaux de Garenne (une grande L'INDUSTRIE DU CHAPEAU 329 partie de ces dernières vient d'Australie), à l'Allemagne du poil et des peaux de Lièvre, aux Etats-Unis des peaux de Rat musqué et surtout de Castor, enfin à la Plata des peaux de Ratgondin, toutes ces sortes étant indispensables à l’industrie du chapeau de feutre de poil aussi bien en France que partout ailleurs. Laine. — La France produit peu de laine propre à la fa- brication du chapeau; nous devons, par suite, nous rejeter sur les laines qui viennent d'Australie, de la Plata et du Cap, et qui alimentent, d'ailleurs, d’une façon presque exclusive tous les pays où l’on produit le chapeau de laine. Nous ne ferons que citer ce qui concerne plus spécialement les fournitures, tresses, soieries pour coiffes, galons pour chapeaux, cuirs pour chapeaux, tresses de coton pour coiffes, tresses de laines pour chapeaux et casquettes, et peluche pour chapeaux de soie, qui ue sont, à proprement par- ler que des hors-d’œuvre, dans un travail sur le poil des animaux. Nombre des ouvriers chapeliers. Conditions du travail. — En temps normal, Paris compte 1800 ouvriers chapeliers, travaillant dix heures par jour, avec quatre mois de chômage par an, moyennant un salaire journalier de 7 à 8 francs pour les hommes, de 3 à 3fr. 50 pour les femmes. Pour toute la France, le nombre des ouvriers chapeliers s'élève à 10.000 environ, dont 8000; à peu près, travaillent dans le moment des saisons, c’est-à-dire le printemps et l'hiver. Pour le chapeau de feutre, il y a cinq mois de travail actif, trois mois de calme, et quatre mois de de chômage complet. Pour le chapeau de soie, il y a six mois travail, six mois de calme; en réalité pas ou peu de chô- mage. Industrie de la couperie et apprét du poil de Lapin et de Lièvre. — Il y a à Paris seulement vingt-cinq ou trente patrons coupeurs, et en moyenne 2600 ouvriers, appartenant 324 DES POILS EMPLOYÉS DANS LA CHAPELLERIE à cette branche d'industrie (4500 ouvriers et 1900 ou- vrières). L'industrie de la couperie et apprêts se divise en deux catégories; la première comprend : 1° les coupeurs de poil de Lapin et de Lièvre (matières premières pour chapellerie), 2° les appréteurs de peaux pour fourrures. 1° Pour la chapellerie une machine à couper doit débiter par jours 1200 peaux. Quatre-vingt-dix machines (c’est le nombre qu’il y en a à Paris) doivent débiter, par jour, 108.000 peaux. Le coût de la fabrication est, en moyenne de 8 fr. 5) par 100 peaux, soit pour 108.000 peaux, 9180 francs. Par jour, on compte neuf heures de travail ; il n’y a pas de chômage de saison. La production des peaux servant à la chapellerie est essen- tiellement française et si le chiffre de l'exportation a diminué en ce qui concerne les peaux ouvrées, il s’est trouvée relevé par l'exportation toute récente des peaux brutes. Jusqu'en 1881, en effet, la France n’exportait pas de peaux brutes en Amérique, mais elle fournissait, en moyenne, à ce pays 0000 caisses de poil, d'environ 125 kilogrammes l'une, à raison de 14 francs le kilogramme, soit à peu près, en ar- gent, 8.000.000 de francs. Ces envois de poils coupés sesont ralentis, depuis que la maison Chapal frères et Ci®, de Paris, prenant l'outillage français, a installé à New-York une importante couperie qu’elle alimente avec des peaux brutes. Or celles-ci entrent en franchise, tandis que les peaux ouvrées payent un droit de 20 pour 100. La Belgique, de son côté, ayant depuis 1871 monté de grandes couperies, qui lui permirent, dès 1883, d'exporter 500 caisses environ en Amérique, nos expéditions ont dû nécessairement, pour ces différentes causes, diminuer sensiblement d'importance. En temps normal, le salaire pour les ouvriers des coupe- ries est de 7 fr. 50 par jour, celui des ouvrières est de L’INDUSTRIE DU CHAPEAU 329 3 fr. 90, rétribution minime si l’on considère que les malheu- reux employés à pareille besogne ne peuvent pas travailler plus de dix ans, sans subir les désastreux effets de l’Lydrar-- gyrisme professionnel, occasionnés par l’usage que l'on fait du mercure pour détacher le poil des peaux. La profession des coupeurs de poils est aujourd’hui encore, en France, absolument en retard, non seulement pour ce qui est de l'hygiène elle-même, mais encore en ce qui regarde la fa- brication et les méthodes de traitement des peaux, « En France, dit le docteur Letulle !, les fours sont mal aménagés, on chauffe « à vue de nez » les peaux les plus coûteuses, sans thermomètre ; aussi les étuves brûlent-elles parfois dix à douze heures, alors qu'une heure ou deux de chaleur bien employée suffraient : double dépense exagérée de main- d'œuvre et de calorique, qui aggrave l’insalubrité de la pro- fession et augmente les frais de fabrication. « Dans certains pays étrangers, les mesures hygiéniques sont plus sévères : Les ouvriers ne peuvent travailler que les mains garnies de gants de caoutchouc, disposition obligatoire mal observée chez nous. En outre, les étuves sont largement balayées par des jeux de valves et par des jets de vapeur avant que l’ouvrier sécréteur n’y entre pour retirer ses peaux, Il y a même souvent des dispositions de glissières qui per- ettent aux ouvriers d'introduire les peaux dans les étuves et de les en extraire sans s’exposer aussi directement que nos ouvriers parisiens. « Ces installations fort hygiéniques sont des plus coûteuses, et vouloir les imposer aux petits industriels de Paris serait les condamner à une ruine certaine, « Toutefois, en dehors de ces dispositions industrielles, il est certaines précautions hygiéniques qu’on pourrait tenter d'exiger des ouvriers, sûr que l’on serait de l’assentiment 1 Annales d'hygiène publique, février 1889. Lacrorx-DANLIARD, Poil et Fourrures, 19 F 326 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE des patrons qui y trouveraient leur compte, en économisant la santé de leurs bons ouvriers. Qu'il nous suffise en termi- nant, de formuler, dans le court tableau suivant, les pres- criptions hygiéniques usuelles et commodes qui nous parais - sent absolument indispensables à cette profession ; elles se justifieront d’elles-mêmes, car elles sont basées uniquement sur l’étude qui vient d’étre faite : « 1° Rappeler aux ouvriers qu’une bonne hygiène est abso- lument nécessaire pour la profession à laquelle ils se livrent ; _« 2° Et que l'usage des liquides alcooliques leur est des plus nuisibles ; « 3° La toilette des mains à l’aide de l’eau sulfureuse qui est mise à leur disposition devrait être obligatoire aussitôt le travail du matin et du soir terminé ; « 4° La toilette de la bouche et de la barbe n’est pas moins indispensable avant le repas du matin et avant le départ de l'atelier ; « 9° L’usage régulier des bains sulfureux une ou deux fois par semaine devrait être rendu obligatoire ; «6° Les vêtements qui servent pendant le travail doivent être quittés au départ de l’atelier ; €7° L'emploi de la limonade sulfurique, surtout pendant les chaudes journées, devrait être conseillé. Il serait bon d'expliquer aux ouvriers l’avantage de cette boisson agréa- ble, meilleur contre-poison que le lait et que l’iodure de potassium ; « 8° Enfin, il servait bon de faire connaître aux chefs d’éta- blissement qu'un choix prudent devrait être fait des ou- vriers et ouvrières qui demandent à travailler au mercure. « L'organisation règlementaire d’une sorte de stage pré- paratoire de quelques mois rendrait les plus grands ser- vices à cet égard. Tout individu nerveux, impressionnable, alcoolique avéré, devrait être impitoyablement rejeté de la profession de coupeur de poils. On éviterait ainsi, pour sa L'INDUSTRIE DU CHAPEAU DA l'avenir, la formation d’une cohorte de vieux trembleurs, voués aux hôpitaux, et on réaliserait, en même temps, une sérieuse économie, en supprimant un nombre considérable de journées hospitalières indûment dépensées en pure perte. » (Letulle.) | On nous a rapporté que des essais très sérieux d’une préparation spéciale et nouvelle, destinée à enlever le poil des peaux, sans l’usage du mercure, étaient tentés, depuis quelque temps, dans deux ou trois couperies de Paris. Puisse cette invention donner de sérieux résultats. Il y va de Ia santé d'une corporation tout entière de travailleurs intéres- sants. 20 Pour l’apprét des peaux qui doivent étre employées par les pelletiers, le nombre des patrons est de 30, plus 6 faconniers, le nombre des ouvriers varie de 350 à 620, celui des ouvrières de 240 à 480, suivant que l’industrie péri- clite ou prospère. Les pelletiers devraient, hors l’état de crise, fabriquer annuellement à Paris, une quantité de peaux, en première préparation, dite « en blane », de 3 millions, à raison de 22 franes de main d'œuvre pour 100 peaux, soit 660.000 francs. La même maison qui a porté l’industrie de la couperie de poil en Amérique, a, pendant l’invasion de 1870-1871, im- planté à Bruxelles et à Gand l’apprêt des peaux. La concurrence de la Belgique est écrasante par la difié- rence des salaires; celui des ouvriers belges est de 40 pour 100 inférieur au salaire des ouvriers français. Néanmoins, de l’'aveu même de nos concurrents, la France a une supériorité incontestable pour la qualité de ses produits. Nous allons revenir en y insistant sur un certain nombre de points que nous n’avons fait qu’effleurer dans ce qui pré- cède, et, pour cela, nous nesaurions mieux faire que denous reporter au rapport très substantiel et très remarquable de M. Albert Leduc, sur la classe 36 (habillement des deux 928 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE sexes) de l'Exposition internationale universelle de Paris, en 1889 f. La chapellerie, dit M. Albert Leduc, comprend trois grandes industries complètement distinctes : celle des cha- peaux de feutre de poil, appelés généralement chapeaux de feutre; 2 celle des chapeaux de feutre de laine, appelés chapeaux de laine ; 3° celle des chapeaux de paille. Fic. 71. — Étégant 1789. Il faut ajouter à ces trois grandes divisions la fabrication des chapeaux de soie, celle des casquettes, enfin celle des fournitures pour chapellerie. Bien que nous n’ayons ici à nous occuper que des chapeaux de feutre et des chapeaux de laine, qui seuls contiennent les matières premières dont nous traitons dans ce volume, il nous paraît intéressant de placer sous les yeux du lecteur, un type du chapeau haut de forme, 1 Imprimerie nationale, 1891. L’INDUSTRIE DU CHAPEAU 329 _ porté par les élégants de 1789, et le type du chapeau de soie, vendu par la maison Léon, sous le nom de Æ{/égant fin de siècle. M. Léon, qui s'intitule le roi des chapeliers et le cha- pelier des rois fabrique aujourd’hui des chapeaux de soie ne pesant que 45 grammes, tandis qu’il y a trente ans le chapeau pesait 500 grammes (fig. 71 et 72). Fi, 72. — Élégant fin de siècle. 1. CHAPEAUX DE FEUTRE. — Matières premières. — Les matières premières employées pour la fabrication des cha- peaux de feutre sont principalement le poil de Lapin (clapier et garenne) et le poil de Lièvre, puis, en moindre quantité, les poils de Castor, de Rat musqué et de Rat gondin (sorte de Loutre terrestre). Nous tirons de France le poil de Clapier, un peu de poil de Lapin de garenne et très peu de poil de Lièvre. Pays de provenance. — Les meilleures peaux de Lapin 330 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE de garenne nous viennent d'Angleterre et surtout d’Ecosse. L'Australie envoie depuis quelques années, de grandes quan- tités de ces peaux dont le marché est à Londres; mais la qualité de la fourrure de cette provenance est loin d’égaler celle des Lapins de garenne anglais et français. La fourrure des Lapins australiens est sensiblement plus maigre. Pour les peaux de lièvre, nous avons recours à l'Allemagne, à l’Autriche-Hongrie, aux provinces du Danube et des Bal- kans, ainsi qu'à l’Asie. La Russie fournit de très belles et très fortes peaux de Lièvre, qui sont, pour la plupart, em- ployées à la fourrure d'imitation. Il en est de même, d’ailleurs, des plus belles peaux de Lapin. Les principaux marchés de peaux de Lièvre sont Leipsick, Francfort-sur-Mein, Vienne, Budapesth, et Marseille pour les peaux de provenance de Salonique, Dédéagtch et Smyrne. Les poils de Castor et de Rat musqué viennent des États- Unis; ils sont de moins en moins employés pour la chapel- lerie. Les peaux de Rat gondin nous arrivent de Buenos-Ayres. Elles étaient autrefois recherchées pour la chapellerie en France, pour la fabrication des très belles qualités, mais leur prix fort élevé en a fait abandonner l'emploi, et aujourd’hui elles vont à peu près toutes aux Etats-Unis où, grâce aux droits protecteurs qui frappent les produits européens, cer- tains fabricants peuvent les utiliser et ont su se faire une spécialité des chapeaux de Rat gondin. La coupeuse et la souffleuse. — Les poils se coupent généralement dans le pays où s’achète la peau. En France, on coupe surtout le poil de clapier, en Angleterre, le poil de garenne, en Allemagne, le poil de Lièvre. Ces deux dernières sortes se coupent aussi en assez grande quantité en Belgique. Autrefois, le poil se coupait à la main. Cette opération est une des premières en Frpeiere qui se soit faite mécani- quement. CE L'INDUSTRIE DU CHAPEAU 331 La cowpeuse, qui sert à séparer le poil du cuir, est d’in- vention américaine ; elle a été introduite en France vers 1852. Nos constructeurs y ont apporté des améliorations notables qui, avant 1860, en ont fait un outil parfait. Une autre machine, la souffleuse, qui a pour but d'ouvrir le poil, de le dégager des impuretés qui l'accompagnent ct de la jarre impropre à la fabrication des chapeaux, a été importée des Etats-Unis à peu près en même temps que la coupeuse. De nombreux perfectionnements y ont aussi été apportés par nos constructeurs et nos fabricants, suivant les exigences de la fabrication. C’est ainsi que les procédés mécaniques pour la prépara - tion de la matière première ont été substitués au travail ma- nuel, même avant l'emploi de la machine pour la fabrication du chapeau. Historique. — Dans la première moitié de ce siècle, la fabrication du chapeau de feutre de poil était presque nulle et limitée à certains articles spéciaux. Le prix de ce cha- peau était trop élevé pour qu’il entrât dans la consommation courante. Le petit chapelier fabriquait plutôt des cha- peaux mélangés de poil de Chèvre et de laine, et la classe ouvrière portait encore beaucoup de bonnets et de casquettes en étoffe, Ce n’est que vers 1840 que s’étendit la fabrication du cha- peau de feutre souple. Des ateliers s’installèrent à Paris et dans quelques villes de France, principalement dans le Midi, qui fut le berceau de la belle fabrication. À partir de 1850, cette industrie devint importante; l’ex- portation prit une certaine extension. À cette époque, la fabrication était partout manuelle; les outils employés étaient simples et primitifs. Très peu de fabricants possédaient une machine à vapeur. Cependant, les manufactures de Paris, de Lyon, qui pro- ‘duisaient principalement les chapeaux de teinture ; celles de 332 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE 22 la Vendée, de Bordeaux, d'Albi et d'Aix, renommées pour. leur couleur de foule, étaient déjà florissantes et employaient un nombreux personnel. Presque partout, en province, exis- taient des fabriques de moindre importance. Un grand nombre d'ouvriers était nécessaire pour arriver à un certain chiffre de production, parce qu’alors un ouvrier ne produisait en moyenne que deux chapeaux par jour. Il confectionnait le chapeau du commencement à la fin ; mélangeait ses matières, bâtissait et foulait son chapeau. Le métier demandait un long apprentissage ; il fallait des années pour faire un bon ouvrier. | . Le personnel n’était pas recruté comme il l’est aujourd’hui: à côté des ouvriers du pays, on rencontrait dans les fabri- ques des ouvriers venus de tous les points de la France et de l'étranger. Ces ouvriers voyageurs, en faisant ce qu’on appe- lait le four de France, prenaient et laissaient, partout où ils passaient des idées nouvelles, se perfectionnaient en pra- tiquant les procédés des diverses régions où ils travaillaient, et aidaient ainsi au progrès de la fabrication. Transformation. — L’Exposition de 1855 est le point de départ de la transformation de la fabrication. Les procédés mécaniques, dès lors, remplacent progressivement le travail à la main. C’est à cette Exposition que nous voyons les pre- mières machines utilisées pour la fabrication du chapeau de feutre jusqu'alors entièrement manuelle. Le bâtissage ou « bastissage » du chapeau (disposition du poil en une cloche de forme conique, ressemblant à un filtre de grande dimension) se faisait avec un outil d’une grande simplicité appelé arçon. L'ouvrier, au moyen d’une corde à violon tendue sur un archet, lançait le poil sur une table, suivant un patron déterminé. La bastisseuse.— La bastisseuse, dont le principe repose sur l'aspiration du poil projeté par un soufflet sur un cône _percé de trous, modifia complètement cette première partie L’INDUSTRIE DU CHAPEAU 333 de la fabrication : elle est d’origine américaine. Le premier brevet (Burr et Taylor) a été pris en France, le 26 fé- vrier 14850. La première bastisseuse, introduite, en 1852, par la maison de Clermont, fut, dans le principe, exploitée avec privilège par M. Laville, fabricant de chapeaux. Mais, cette machine, inventée par des gens qui n'étaient pas du métier, laissait beaucoup à désirer dans la pratique. M. La- ville, un de nos fabricants, qui a le plus contribué au progrès de la chapellerie, la modifia dans ses principaux organes et prit, à cet effet, un brevet de perfectionnement en 1853. Il présenta la bastisseuse perfectionnée à l'Exposition de 1855. C'est à partir de cette époque que l'emploi s’en généralisa. Après le bastissage vient, en chapellerie de feutre, l’opéra- tion capitale du foulage. Aussi, de nombreux essais ont-ils été faits de tout temps pour arriver à fouler mécaniquement soit au moyen de foulon à marteaux, soit avec des fouleuses à rouleaux. La fouleuse. — Comme la bastisseuse, la fouleuse est d'invention américaine. Elle a été introduite aussi en France, vers 1852, par M. de Clermont ; mais elle était tellement défectueuse qu’elle a été mise de côté. Toutefois, elle a ins- piré les essais de M. Laville qui a exposé, en 1855, une fouleuse encore imparfaite. Le complément indispensable à la bastisseuse a été apporté quelques années plus tard par l’injecteur. Précédemment le bastissage terminé était entouré de cou- vertures et plongé dans une bâche à eau chaude. Le mouil- lage, en effet, est indispensable pour donner au bastissage la consistance nécessaire à la manipulation. Aujourd’hui, ce mouillage se fait directement sur la bastisseuse même, au moyen de l’injecteur. Plusieurs essais avaient été faits sans résultats appréciables jusqu’en 1861. | L'injecteur. — L'injecteur employé partout aujourd’hui est dû à l'invention d’un Belge, M. Rochet. Son brevet, 19, 294 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE de mai 1863, a été exploité en France par une maison de Paris. ; Il ne faut pas oublier la machine à coudre destinée à rendre de si grands services dans toutes les industries du vêtement. Aussitôt après l'Exposition de 1855 le brevet de cette machine a été aussi exploité pour la chapellerie par la même maison de Paris. Elle sert à coudre les galons ou étoffes qui bordent le chapeau, à en piquer les bords,à piquer et orner les étoffes de coton ou de soie (coiffes) qui en gar- nissent l’intérieur ; beaucoup plus tard, on l’emploiera à la fabrication des chapeaux de paille cousus. Malgré sa modeste apparence, elle rend d’aussi grands services pour le finis- sage et le garnissage que les autres machines pour la fabri- cation du chapeau. L’Exposition de 1855 nous montre les plus beaux spéei- mens de chapeaux de feutre fabriqués à la main. C’est dans la période comprise entre 1855 et 1867 que cette fabrication devient réellement une grande industrie. Son développement s'opère graduellement, favorisé par les facilités de communi- cation, par les traités de 1860, par l’emploi de nouvelles machines qui transforment la production et par la création de nouvelles usines. Jusque vers 1864 les manufactures, pour la plupart, bien que montées déjà mécaniquement, ne livraient pas directe- ment leurs produits à la vente, sauf pour une consommation locale. Toute la production se concentrait à Paris qui était, pour ainsi dire, l’entrepôt général de toute la marchandise. Paris recevait les chapeaux fabriqués, mais non garnis ; il Les garnissait, leur donnait ainsi son cachet spécial, puis les distribuait dans les grands centres de consommation inté- rieure ou extérieure. Certaines maisons de Paris absorbaient, à elles seules, la production totale de nombreux fabricants de province, aussi bien en chapeaux de paille et de laine que de feutre Cette manière de faire créait des entrepôts immenses L'INDUSTRIE DU CHAPEAU 335 de marchandises variées, tels qu'on les aurait vainement cherchés chez les fabricants cux-mêmes et facilitait singuliè- rement les approvisionnements des acheteurs, tant de pro- vince que de l'étranger, qui se laissaient entraîner par cette réunion en un même point de tout ce dont ils avaient besoin. Nos principaux pays d'exportation étaient l’Europe, les Etats-Unis (surtout la Louisiane) jusqu'à la guerre de sécession, le Brésil, la Plata, le Chili, le Pérou, le centre Amérique, le Mexique, et, en petite quantité, les pays d'Extrême-Orient. L'arçonneuse. — Le bastissage et le foulage sont deux opérations fondamentales de la fabrication du chapeau de feutre. À côté de la bastisseuse, qui n’était employable que dans les établissements ayant un outillage mécanique com- plet, l’année 1856 vit paraitre une nouvelle machine inventée en France (brevet Caillet, de Séez (Orne), l’'arçonneuse qui fait le bastissage mécaniquement et peut être mise en mouve- ment soit à la main, soit à la vapeur. Elle a rendu de grands services dans les ateliers de moindre importance dépourvus de force motrice. Certains fabricants préfèrent encore aujourd’hui le travail de cettemachine à celui dela bastisseuse pour la fabrication des qualités supérieures ; mais, pour la grosse production, la bastisseuse est préférable, parce qu’elle produit la même quantité de chapeaux que cinq arçonneuses M. de Clermont a largement contribué à la vulgarisation de l'arconneuse, tant en France que dans les deux Amériques où se sont montées des fabriques de chapeaux de feutre. _ Différents brevets de fouleuse ont été pris par : MM. Pe- droni et Besson frères, en 1859 ; Mossant et fils ainé, en 1864 et 1866 ; Rouchon, en 1865 et 1866 ; Vimenet (J.) fils, en 1866 ; Figuière et Poncet, en 1886; Taillaume, en 1866, et par d’autres, sans donner de résultats définitifs. Ce ne sera que vers 1876 que paraïitra, à Bruxelles, la première fouleuse pratique, construite par Vimenet, qui a repris et 336 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE modifié les essais de MM. Laville et Mossant. C'est la ma- chine employée aujourd’hui. Avant la fouleuse (et concurrement avec elle, maintenant, pour avancer le travail) on s’est servi de foulons à marteaux, du genre de ceux employés depuis si IonSIeRES pour le foulage des draps et étofïes de laine. Dès 1824, un brevet avait été pris par M. Chardron pour le foulage de la laine cardée ou non, des poils et des duvets. Les différents systèmes de foulons pour les chapeaux ont été brévetés par MM. Benoist frères et Vergues, en 1839 ; Sal- van, en 1860; Coppo et Duval, en 1861; Sommers, en 1866; Vimenet (J.) fils, en 1867; Laville, Petit et Crespin, en 1867 ; Poujal, en 1868, etc. Après ces machines essentielles, il convient de mentionner les machines accessoires de la fabrication. La ponceuse. — La ponceuse, destinée à débarrasser le chapeau, une fois foulé, des jarres restant à la surface, a été inventée, en France, vers 186%. La dresseuse, — Les dresseuses de foule et de tein- ture nous sont venues d'Angleterre à peu près à la même époque. D’autres ont suivi, mais postérieurement à 1867, et nous en parlerons plus loin. L'Exposition de 1867 s’ouvrit au moment où la fabrica- tion du chapeau de feutre arrivait à son plus haut degré de prospérité. Depuis quelques années, on avait ajouté à la fa- brication du chapeau souple celle des chapeaux’ apprêtés ou impers et confortables, qui plus tard viendront remplacer le chapeau de soie. À part quelques articles ânglais consacrés par la mode, la France était maîtresse de son marché intérieur et tenait le premier rang sur les marchés d’outre-mer. L’outillage mé- canique avait remplacé la fabrication à la main dans presque tous les ateliers. de ati robe Lente a sélet dns ét L’INDUSTRIE DU CHAPEAU 337 On se rappelle avoir vu fonctionner, à l'Exposition de 1867, une partie de cet outillage qui a obtenu un grand suc- cès de curiosité. Après 1867, un mouvement de décentralisation se dessine ; les marchandises qui, jusque-là, étaient toutes dirigées sur Paris, commencent à se vendre, complètement finies, direc - tement par les fabriques. Influence de la guerre de 1870 sur l’industrie du cha- peau en France. — La guerre de 1870 marque un temps d'arrêt dans la prospérité de l’industrie du chapeau de feutre. Notre clientèle d'exportation est forcée de chercher ailleurs ce que la France ne peut momentanément lui fournir. Les commandes contribuent puissamment à faire naître chez nos voisins de nouvelles usines, qui s'installent dans des condi- tions économiques de production meilleures que les nôtres (main-d'œuvre, transport, combustible d’un prix moins coûteux). Cette concurrence profitant de notre expérience, secondée par nos ouvriers qui ont émigré après la Commune, se trouve de suite dans une situation excellente. Aussitôt après la guerre, nos fabricants se sont mis courageusement à l’œuvre et nous avons joui pendant quelques années d’une reprise d’affaires importante, reprise malheureusement fac- tice qui provenait du manque, pendant un an, de marchan- dises françaises sur tous les marchés. La production avait augmenté partout, par suite de la création de nouvelles fabriques, et en proportions plus grandes que la consommation. L'Allemagne, à partir de 1875, nous faisait concurrence, jusque sur notre propre marché, avec des articles qui avaient plus d'apparence que de qualité. Certains des pays où nous exportions avaient aussi monté des fabriques qui, protégées par des droits de douane considérables, paralysaient notre exportation. D’au- tre part, un malaise universel faisait rechercher partout des 338 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE produits de prix moins élevés. Enfin, la fabrication du cha- peau de laine avait réalisé, de tous côtés, des progrès très remarquables et fournissait des articles dont le prix, plus avantageux, répondant bien aux besoins présents, créait une nouvelle concurrence aux chapeaux de feutre. La valeur de ce dernier diminua sensiblement ; il fallut, en consé- quence, chercher dans de nouveaux procédés mécaniques le moyen d'opérer plus économiquement le finissage de ce chapeau, travail qui, à la différence de la fabrication pre- mière, se faisait encore à la main. Après la fabrication proprement dite, vient le travail d’appropriage comprenant la mise en forme, le tournurage des bords et le passage au fer pour donner le brillant final. Déjà, on employait, dans quelques fabriques, des presses hydrauliques de différents systèmes anglais et français. Des efforts se faisaient partout pour compléter l'outillage méca- nique quand s’ouvrit l'Exposition de 1878. Bien qu'ayant déjà subi de graves atteintes et un travail de reconstitution, l’industrie du chapeau de feutre y tenait une place remar- quable. Cambreuses et tournurières. — Les années suivantes virent apparaître des machines à dresser les chapeaux im- pers et des tours de différents systèmes d'invention fran- çaise pour passer automatiquement les chapeaux au fer (1878 à 1881). En même temps se généralisa l'emploi des cambreuses et tournuriéres (machines servant à tour- nurer les bords des chapeaux, d'invention anglaise). La sémousseuse. — En 1881 parut aussi, importée d'Espagne, la sémousseuse qui sert à donner le premier feutrage au bastissage avant le foulage. De jour en jour la consommation se porte sur des articles de moindre valeur et le chapeau de feutre a beaucoup à faire pour se maintenir à côté du chapeau de laine qui tend L'INDUSTRIE DU CHAPEAU 299 à prendre sa place, et des concurrences étrangères qui se font une guerre acharnée sur les marchés d'outre-mer. Le chapeau de feutre tombe à des prix que jamais on n’aurait cru possibles pour ce genre d’article. Notre marque, tenue pendant quelque temps à l’écart de plusieurs marchés de grosse consommation d'outre-mer, par suite de la concur- rence de nos rivaux, y reprend aujourd’hui sa place, grâce à l'énergie, à l'intelligence, au travail continuel et aux sacri- fices de quelques-uns de nos fabricants qui, bien que placés dans de moins bonnes conditions économiques que les indus- triels étrangers, ont vu couronner leurs efforts et su repren- dre nos positions compromises, tant sur notre marché que sur ceux d'outre-mer. La fabrication du chapeau de feutre n’a pas seulement à combattre la concurrence pour l’article de grosse consom- mation à prix réduit, mais aussi pour l’article de luxe qui toujours avait été notre apanage. Un caprice de la mode a favorisé chez nous et au dehors depuis quelque temps la vente de chapeaux spéciaux de fabrication étrangère que certains de nos fabricants arrivent à copier assez exactement. La tâche n’est pas toujours des plus faciles; on ne nous demande pas seulement notre propre fabrication, il nous _faut encore reproduire celle de tous nos concurrents étran- gers avec leurs prix. Mais nous arrivons à l'Exposition de 1889 en prouvant que, grâce à notre souplesse indus- trielle, le mot z#”possible ne peut exister pour nos fabri- cants. Le temps est proche où, tant dans la préparation des matières premières que dans la fabrication et le finissage complet du chapeau, rien ne se fera plus à la main. L'outillage est très important aujourd'hui et demande, de plus en plus, de grands capitaux pour arriver à une produc- tion aussi économique que puissante. Les petits ateliers sont fatalement destinés à disparaître. L’Exposition de 188) 340 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE nous a montré à quel degré de perfection et de bas prix on peut arriver avec cet outillage. La chapellerie de feutre re- présentée par ses meilleurs fabricants y tenait une place honorable; mais elle ne doit pas oublier qu'aujourd'hui, plus que jamais, elle a à compter avec des concurrents sé- rieux à l'étranger, en Belgique, en Angleterre, en Allema- gne, en Autriche et déjà un peu aux États-Unis, qui nous ont pris une partie de nos affaires du Mexique et du Ca- nada. Il importe aux quelques fabricants français, dont l'outillage n’est pas arrivé au dernier degré de perfection, de bien se pénétrer de cette idée que la concurrence n’est plus possible qu’en se maintenant constamment à la hauteur des procédés les plus nouveaux. Dans les conditions actuel- les de lutte, il faut que les sacrifices soient continuels. Transports. — Le producteur français en chapellerie, aussi bien pour le chapeau de feutre que pour le chapeau de laine et le chapeau de paille, se trouve dans des conditions économiques inférieures à celles des producteurs étrangers qui l'entourent. On pourrait supposer que, les mêmes ma- chines étant employées partout, le prix de revient devrait à peu près être le même partout. Mais en France, la main d'œuvre, les transports et le combustible sont d’un prix beaucoup plus élevé que chez nos voisins. Les chapeaux étant taxés par les compagnies de chemins de fer comme marchandise encombrante, payent le tarif de première série et en outre subissent une majoration de 50 pour 100. Il serait désirable de voir nos compagnies renoncer aux tarifs majorés, abaisser les prix des tarifs en grande et petite vitesse, et surtout, pour ces derniers, abré- ger les délais de livraison. L’abus qui consiste à expédier,des quantités de chapeaux par colis postaux de trois kilogrammes ou par tarifs réduits de cinq kilogrammes devrait engager les compagnies à réduire leurs tarifs de grande vitesse. En effet, quand on a établi ce genre de transport, on n’a pas CPS DIS PUITS I SV PS ET re UT IN WP Ne RS UP ROUE L’INDUSTRIE DU CHAPEAU 341 songé que le même expéditeur pourrait faire le même jour, d’un seul coup, l’envoi au même destinataire de plus de cent de ces colis. Quel surcroît d'écritures (il faut un bulletin par colis) pour l’expéditeur et les compagnies ! Quelle perte de temps et quel coût d'emballage ? Quelle manutention pour les chemins de fer! quand le même envoi se pourrait faire en deux ou trois caisses, si les tarifs de grande vitesse étaient abordables ou si on pouvait employer une moyenne vitesse à prix réduit. En ce qui concerne le prix de la petite vitesse, nous cite- rons comme exemple une anomalie fort regrettable pour nos producteurs français. Le prix de la petite vitesse pour les chapeaux de paille, de Londres (domicile) à Paris (domicile), est de 5 fr. 65 les 100 kilogrammes, via Boulogne, avec 300 kilomètres de parcours en chemin français. De Nancy, centre de produc- tion, à Paris, la petite vitesse coûte 9 fr. 60 les 100 kilo- grammes, timbre et enregistrement non compris, pour un parcours de 360 kilomètres. Nos fabricants de chapellerie se plaignent avec raison de ce que des produits étrangers sont vendus sur notre marché et sur les marchés extérieurs, comme produits français. Ils émettent le vœu qu'une loi intervienne le plus tôt possible, qui imposerait à tous les fabricants étrangers, l’obligation comme cela existe en Angleterre, d’apposer, d’une façon apparente et effective, au moins sur les chapeaux tout garnis qu'ils veulent introduire en France pour y être consommés, la marque d’origine de ces chapeaux, soit « fabrication anglaise », « fabrication allemande », etc. Peu leur importe que le consommateur achète un chapeau d’origine étrangère ; mais ils tiennent à ce qu’on ne lui vende pas comme français ce qui ne l'est pas. Main-d'œuvre. — Les hommes et les femmes sont employés à peu près par égale part dans l’industrie du cha- 349 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE peau de feutre. Les hommes sont spécialement occupés au foulage, au repassage et au finissage des chapeaux ; les femmes font les travaux plus délicats tels que le travail de la matière première (préparation des peaux, coupage du poil) le bastissage, le sémoussage, l’éjarrage et la garniture, qui, en partie, se fait à domicile. Le salaire moyen pour les hommes, dans les diverses caté- gories,est de 5 francs parjour et celui des femmes de 2 fr.50. Les facons sont en général payées à la pièce. Les salaires payés aux ouvriers chapeliers sont beaucup plus élevés en France qu’en Autriche, en Allemagne et en Belgique ; cette différence nous rend la concurrence de ces pays beaucoup plus redoutable. Les grèves ont été, de tout temps, assez fréquentes dans notre industrie, surtout quand il y avait manque de bras et que le travail se faisait, en grande partie, à la main. Quand les machines ont fait leur apparition, des grèves ont éclaté dans les grands centres. La plus importante a été, à Paris, celle de 1867-1868. Elle a eu pour effet de déplacer la fabri- cation, de la reporter en province et d’ouvrir nos marchés à la concurence étrangère. Puis, le mouvement a gagné les départements. Aujourd'hui, lesgrèves sont moins nombreuses par suite de la plus grande facilité qu’on a à recruter les ouvriers qui, pour le travail mécanique, n’ont pas besoin d’aptitudes spéciales. Maintenant que l’apprentissage a à peu près disparu dans la chapellerie, et que les connaissances professionnelles doivent être plus développées chez les contre- maitres, il serait à désirer que l'instruction primaire supé- rieure dirigeât les efforts des jeunes gens vers la mécanique et la chimie industrielle. Nous manquons de contremaitres instruits. IT. CHAPEAUX DE LAINE. — Matières premières. — L'in- dustrie du chapeau de laine emploie presque uniquement des LR PE TT EN 0 0 ele A fon VE AD 2 Pan E AO JET put cud ns "2 ’ L'INDUSTRIE DU CHAPEAU 343 laines d'agneau ou des déchets provenant des peignages de Jaine. La France ne produit pas de laines assez fines pour être employées dans la chapellerie ; elle tire des approvisionne - ments d'Australie, du Cap, de Buenos-Ayres, de Montévideo, un peu de Russie, de Hongrie et de Saxe. Les laines de ces derniers pays étant d'un prix fort élevé ne sont presque plus employées, surtout depuis qu’une baisse dans les poils de lapin a permis d'établir des chapeaux de feutre à très bon marché. Historique. — Avant 1850, on portait presque partout en France, dans les campagnes, des chapeaux noirs, épais, durs, lourds, à grands bords, assez semblables de forme à ceux que portent encore les Bretons qui ont conservé leur costume national. Dans les villes, on portait le même cha- peau noir, épais, dur et lourd, mais de forme plus haute et avec plus petits bords, ressemblant au chapeau de soie actuel. Ces chapeaux étaient généralement faits avec des poils de Chèvre venant de Smyrne, ou des poils dits de Cachemire, achetés à Moscou ou dans les ports de la mer Noire. On additionnait bien ces poils d'un peu de laine d’Agneau, mais, ces matières n’entraient dans le mélange que dans une très “faible proportion. Le chapelier de village n'achetait pas, mais faisait de tous points le chapeau nécessaire à sa vente, aidé par sa _ femme et ses enfants comme apprentis. Ce petit producteur était fort intéressant, Avec un petit capital et un chiffre d’affaires très restreint, il vivait bien; avec de l'économie dans son ménage, il amassait une petite fortune. Transformation. — L'industrie du chapeau de laine, n’existant pas encore, n’était pas représentée à l'Exposition de 1855. C’est le point de départ de la transformation du produit. Aux classiques chapeaux noirs et lourds succéda 244 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE chapeau souple, léger et agréable à porter ; les nuances se multiplièrent et on commença à porter des chapeaux marrons, bleus, et de nuances claires. A cette époque, toute la fabrication se faisait encore à la main, par des procédés aussi simples que primitifs ; déjà, cependant, des ateliers plus importants s'étaient montés dans l’ouest de la France, dans l’Aude et dans le Var, portant le premier coup au chapelier de village, qui disparaîtra complètement avec la transformation mécanique. Comme dans la fabrication du chapeau de feutre, le per- sonnel ouvrier se composait, outre les gens de la région, des ouvriers étrangers qui faisaient leur éowr de France. Le chapeau de laine, de prix moins élevé que le chapeau de feutre, fut recherché de suite par la grosse consom- mation. Les fabriques vendaient leurs produits surtout dans leur région ; aucune exportation n’en était faite et ne s’en fera avant la transformation mécanique qui, comme l'emploi unique de la laine dans la fabrication, date d’une trentaine d'années. Dès 1857,des essais de bastissage sur cônes avaient étéfaits en France et avaient assez bien réussi ; ils se continuèrent les années suivantes. Avant cette époque le bastissage du chapeau de laine, comme celui du chapeau de feutre, se fai- sait avec l’arcon à la main. Machines pour fouler le chapeau de laine. — Les premières machines spéciales pour fouler le chapeau de laine ont été créées en France vers 1860. C’est aussi à ce moment qu'on introduisit d'Angleterre la première machine à corder en cône, laquelle était en usage dans la Grande-Bretagne depuis deux ou trois ans. Les Anglais, fabricant déjà largement le chapeau de laine, ont inventé ou tiré des Etats-Unis une partie des machines employées actuellement dans cette industrie ; c’est à Man- hs nt PPT CPR L'INDUSTRIE DU CHAPEAU 345 chester, Denton, Stockport que nos industriels sont allés les chercher. La force motrice, indispensable pour faire fonctionner les premiers outils, nécessita l'installation de machines à vapeur qui donnèrent aussi la vapeur nécessaire au feutrage. Il fallut bientôt créer un personnel nouveau, les vrais ouvriers chapeliers luttant partout contre la concurrence de l'outillage mécanique. Les premières usines n’employant que les hommes du pays se fondèrent vers 1860 ; les centres de production se dépla- cèrent et les premiers industriels qui créèrent ce mouve- ment ne tardèrent pas à acquérir une certaine importance. Nous les voyons successivement dans les départements d'Eure-et-Loir, de la Vendée, de la Corrèze, de la Loire et de la Drôme. Aujourd'hui, l'outillage mécanique pour la production du chapeau de laine est complet et peut se diviser en trois caté- gories : 1° Les machines qui ne sont pas indispensables à la fabrication; 2° les machines indispensables ; 3° les machi- nes employées indistinctement à la fabrication du chapeau de laine et du chapeau de feutre, ces dernières pour le finis- sage, Machines qui ne sont pas indispensables à la fabrica- tion. — Les machines qui ne sont pas indispensables à la fabrication sont celles servant à la préparation de la ma- tière première telles que : La machine à laver la laine ; la machine à sécher la laine, qui fait suite à la précédente; la machine à carboniser les matières végétales ; la machine à égratonner qui fait le même travail que la machine à car- boniser ; mais qui extrait mécaniquement les matières végétales au lieu de les carboniser par des procédés chimi- ques. | Machines indispensables à la fabrication. — Les ma- chines indispensables sont : Le loup qui ouvre la laine 316 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE lavée pour la préparer au cardage ; la première carde pour commencer à mettre les fils parallèles ; la deuxième carde pour finir le cardage et disposer la laine cardée sur un dou- ble cône, lequel double cône forme deux chapeaux qu’on sépare après le cardage ; cette machine est, pour la fabrica- tion du chapeau de laine, ce qu'est la bastisseuse pour la fabrication du chapeau de feutre ; la machine à feutrer les cônes cardés, appelée aussi sémousseuse, comme pour les chapeaux de feutre ; la machine à fouler, fouleuse ou foulon à maillets ; la dresseuse de foule. | Il existe une variété infinie de ces machines tant fran- çaises qu'anglaises ou américaines, qui sont employées dans nos divers ateliers. Aussi bien en France que partout ailleurs, dans le même centre de fabrication, il arrive souvent que les fabricants concurrents font le même travail avec des machines diffé- rentes dont le principe est le même. Les machines qui servent à la fabrication du chapeau de laine comme à celle du chapeau de feutre sont destinées à l’appropriage et au finissage. Ce sont les presses hydrauli- ques, dresseuses, cambreuses, tournurières, passeuses, ma- chines à coudre dont nous avons parlé précédemment. Cette transformation de la petite industrie manuelle en grande industrie montée mécaniquement a eu pour consé- quence naturelle d'augmenter la production, de diminuer le prix de revient et de permettre à la France de s’emparer de plusieurs grands marchés d'outre-mer. À l'Exposition de 1867, l’industrie du chapeau de laine, bien que déjà très prospère, n'était pas encore parvenue au degré de perfection qu'elle a atteint plus tard. Elle s’est développée graduellement de 1855 à 1880, et n’a pas eu, autant que l’industrie du chapeau de feutre, à souffrir de Ja modification apportée dans la consommation générale qui se portait sur les articles à bon marché; elle se trouvait à L'INDUSTRIE DU CHAPEAU Se point nommé dans les conditions nécessaires pour offrir l'ar- ticle demandé. Influence du chapeau de laine sur le port de la coif- fure. — Le bas prix auquel on est arrivé à produire le chapeau de laine à fait délaisser par l'ouvrier l'usage de la casquette, dont l’emploi est moins confortable et moins seyant. La perfection apportée dans sa fabrication le fait préférer au chapeau de feutre de prix plus élevé, aussi bien sur le mar- chéintérieur que sur les marchés extérieurs. Avant que notre industrie du chapeau de laine soit arrivée au degré de perfection qu’elle a atteint pendant la période de 1865 à 1875, l'Allemagne avait pu déjà fabriquer des cha- peaux de laine souples à prix relativement élevés, et res- semblant au chapeau de feutre de poil, auquel il faisait con- currence surtout dans l'Amérique du Sud. Ces chapeaux fabriqués avec les plus belles laines de Saxe seraient inven- dables aujourd’hui. Notre exportation de chapeaux de laine s’est portée vers les mêmes pays que celle des chapeaux de feutre. Vers 1880, a surgi à l’extérieur une concurrence, qui s’est trouvée sous tous les rapports dans des conditions si avantageuses, qu’elle a réussi à nous évincer d’un certain nombre de marchés. Ce sont les Allemands qui ont com- mencé la lutte, puis sont venus les Autrichiens qui ont sup- planté les Allemands, et maintenant les Anglais semblent devoir prendre la place des Autrichiens, Il n’y a plus guère de secrets de fabrication aujourd’hui, les mêmes outils existent presque partout et sont offerts aux manufacturiers par les constructeurs de tous pays. Peut-être, cependant, pourrait-on dire que l’ouvrier étranger se plie plus facilement aux essais de ses chefs et qu'il résulte de cette souplesse une facilité plus grande pour innover et marcher au progrès. Tout comme l’ouvrier étran- cer, l’ouvrier français n’aime pas le changement, mais 1l L. , 348 DES POILS EMPLOYES POUR LA CHAPELLERIE résiste davantage, oblige son patron à faire de la diplomatie avec lui. C’est un écueil et une difficulté pour nous. L'industrie du chapeau de laine, qui partout avait donné de beaux résultats aux industriels, a cessé d’être aussi pros- père dans tous les pays d'Europe. La production étant plus forte que la consommation, les prix ont constamment baissé et cessé d’être rémunérateurs. Il s’est installé en Allemagne et en Italie depuis une vingtaine d’années beaucoup de ma- nufactures qui produisent trop aujourd’hui et se font entre elles une concurrence acharnée. La tâche est dure pour nos industriels de lutter sur les marchés d'outre-mer avec la plupart de ces fabricants étrangers, placés dans des conditions économiques de pro- duction plus avantageuses ; mais, ils n’en ont que plus de mérite à se maintenir et à reprendre peu à peu le terrain qu'ils avaient perdu. La chapellerie de feutre de laine était représentée à l’Ex- position de 1889 par nos meilleurs et plus importants fa- bricants. A côté d’articles extra bon marché et de vente spéciale d'exportation, ils montraient à quel degré de perfection, comme fabrication et fini, ils ont su arriver pour des arti-. cles de mode en chapeaux apprêtés qui, malgré leur modeste valeur, peuvent rivaliser, à la vente, avec des chapeaux de feutre de poil. | Main-d’œuvre. — Dans cette industrie, les ouvriers sont généralement bien rétribués. Les femmes sont employées concurremment avec les hom- mes ; la proportion varie suivant les régions. Dans quelques établissements, les femmes font un travail qui est fait par les hommes dans d’autres fabriques. En général, la propor- tion des femmes employées est de 35 à 40 pour 100. Toutes les usines sont en province et généralement éloi- gnées des grands centres, ce qui permet d’avoir des salaires L'INDUSTRIE DU CHAPEAU 349 moins élevés qu'en chapellerie de feutre. Le salaire moyen peut être évalué pour les femmes à 1 fr. 75 et pour les hom- mes à 4 francs environ. Tout le travail se faisant mécaniquement, le salaire est proportionné plutôt à l’activité qu’à l’habileté de l’ouvrier ; en général, l’ouvrier français n'est pas aussi vif que l’ou- vrier anglais appelé à conduire une machine, de sorte que malgré la différence de salaire dans les deux pays, la main- d'œuvre est souvent plus économique en Angleterre. Dans l’industrie du chapeau de laine, comme dans celle du chapeau de feutre et du chapeau de paille, les transformations successives de la fabrication, les exigences croissantes du consommateur, la nécessité de soutenir la concurrence, dé- montrent l’impérieuse obligation d’avoir un personnel qui possède des connaissances pratiques très développées en mé- canique et en chimie industrielle, Casquettes. —- L'industrie des bonnets et casquettes re- monte à une époque très éloignée : de tout temps, on a fait des coiffures avec des étoffes et des fourrures. Les matières premières employées dans la fabrication des casquettes sont : 1° Les tissus de coton, de laine et de soie qui, pour la presque totalité, sortent de nos fabriques françaises, des draps de provenance anglaise pour les qualités inférieures; 2° les peaux de Lapin lustré dont la Belgique nous fournit les qua : lités ordinaires et Paris les qualités extra, puis toutes les autres fourrures. C'est vers 1860 que la transformation s’est opérée dans cette industrie par la substitution du travail mécanique au travail manuel. Partout à cette époque s'installent des machines à coudre, qui, depuis, dans quelques ateliers ont marché à la vapeur, et postérieurement les machines à découper les étoffes; le re- passage final se fait sur des formes en métal chauffées au gaz ou à la vapeur. Lacroix-DANLIARD, Poil et Fourrures. 20 930 DES POILS EMPLOYÉS OUR LA CHAPELLERIE Cette transformation apporte un notable perfectionnement dans le travail, une production plus importante et une dimi- nution sensible dans le prix de revient. #2 à La plus grande partie de notre production s’est toujours consommée en France, à part quelques articles de bas prix venant d'Angleterre, très peu d'importation. Nos exportations sur le Continent et dans l'Amérique du Sud portent plutôt sur des articles recherchés pour leur bon goût que sur des articles de consommation courante. Ces derniers, du reste, s’exportent en bien faibles quantités com- parativement aux autres produits de la chapellerie, et nous luttons difficilement avec les concurrences étrangères, mieux placées que nous pour les matières premières de qualités inférieures ou la main-d'œuvre à bon marché. Les femmes sont employées dans cette industrie dans la proportion des deux tiers ; la plus grande partie du travail se fait à domicile. République Argentine. — Depuis quarante ans la Répu- blique Argentine est le pays qui a consommé le plus de cha- peaux de tous les genres. La France la fournissait presque exclusivement; mais la guerre de 1870 amena forcément un temps d'arrêt qui fut mis à profit par nos concurrents étran- gers, d’abord, pour le chapeau de feutre, par la Belgique où s'installa, tout spécialement, en vue de ce commerce, une fabrique de chapeaux de feutre souple qui est devenue la plus importante du Continent. En chapeaux de laine souples, la France d’abord, puis l'Allemagne, l'Autriche et, en dernier lieu, l'Angleterre ont été les principaux fournisseurs. Les chapeaux de feutre impers venaient surtout de France ; mais, depuis quelque temps, la mode a donné la préférence au chapeau mat anglais. Quoi qu’il en soit, malgré ces concur- rences la France a gardé une place fort importante sur cet ancien et énorme marché. Il serait fâcheux à tous égards de L'INDUSTRIE DU CHAPEAU 351 le lui voir fermer, du jour au lendemain, par une élévation de droits vraiment par trop exagérée. La nouvelle loi de douane dernièrement votée par la Chambre argentine, pour être appliquée à partir du 1°" jan- vier 1841, frappe particulièrement une nation amie, qui fait une très large exportation dans ce pays et y achète une quantité considérable de matières premières animales ou végétales. Cette nation, c’est la France. Il suffira de citer quelques chiffres pour faire comprendre le préjudice que la nouvelle loi porte à notre industrie chapelière. Voici ces chiffres : une douzaine de chapeaux de laine souples ordi- naires, valant en Europe, en moyenne, 12 francs, coûtait en 1889, rendue en magasin à Buenos-Ayres 46 fr. 65 ; en 1890, 60 fr. 95, elle coûte, cette année 1891, 91 fr. 70 en monnaie nationale légale. Une douzaine de chapeaux de feutre souples ordinaires, valant en Europe en moyenne 32 francs, coûtait en 1889, rendue en magasin à Buenos-Ayres 122 fr. 25; en 1891 elle coûte 201 fr. 85 en monnaie légale. Autriche- Hongrie. — Jusqu'en 1850, la fabrication du chapeau de feutre en Autriche-Hongrie, comme partout ailleurs du reste, était toute manuelle et de peu d'importance, Elle se développe doucement à partir de cette époque. Des couperies de poil se montèrent, quelques petites fabriques isolées furent créées, mais elles n’avaient pour les alimenter qu'une partie limitée de la consommation intérieure, à cause _ de la concurrence faite par l’importation française. C’est après 1860 que s’installèrent les premiers grands établissements pour la production en gros, montés avec les nouvelles machines dont nous avons parlé à propos dela chapellerie française. Un développement très remarquable se produisit après l'Exposition de 1867, qui fut aussi le point de départ de l’industrie du chapeau de laine. Avant cette époque, on ne faisait de feutre que pour les chaussures d’enfants. 352 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE Depuis une vingtaine d'années, la fabrication du chapeau de feutre et de laine a considérablement progressé en Au- triche. Petit à petit on est parvenu à repousser la concur- rence française et anglaise pour la consommation intérieure. Jusque-là les chapeaux fabriqués dans le pays ne se pouvaient vendre, même sur leur propre marché, qu'avec la marque française ou anglaise. Une maison de Vienne réussit, par les soins qu’elle apporta « dans sa fabrication, à imposer sa marque sur ses produits. vendus tant en Autriche qu’à l’étranger. C’est de là que date l'exportation qui s’étend actuellement en Allemagne, en Suisse, en France, en Angleterre, en Belgique, en Suède, en Russie, en Roumanie, en Grèce, et dans divers pays d'outre-mer, notamment dans l'Amérique du Sud. Deux fois chaque année, au printemps et à l’automne, il y a à Vienne une réunion des fabricants et des chapeliers, M réunion formée dans le but de s'affranchir de la concurrence étrangère et de choisir les modèles qui devront être adoptés pendant la saison. Les choix arrêtés sont généralement _ pectés par tous les adhérents. Dans les dernières années, on constate une augmentation sensible de production résultant de la création de nouvelles usines. La fabrication du chapeau de feutre de poil ayant diminué à cause de la concurrence du chapeau de laine, l'Autriche s’est fait une spécialité de chapeaux de feutre impers très légers, qui sont appréciés sur tous les marchés d'outre-mer. Avec ses chapeaux de laine souples, soyeux et brillants, elle a tenu la première place sur ces marchés pendant deux ou trois ans. L'Angleterre semble vouloir la remplacer actuelle ment. Les chapeaux de feutre de très belle qualité, fabriqués à Vienne, ont un renom très mérité. Belgique. — La fabrication des chapeaux de feutre sou- ples occupe en Belgique une place considérable. Son grand 4 es AE CC AE Er RTE LE tag a arbitre és LE j L'INDUSTRIE DU CHAPEAU 353 développement date de la guerre de 1870. Il est dû à une très importante fabrique établie aux portes de Bruxelles. Notre clientèle d'outre-mer, de la Plata surtout, lui a porté, à cette époque, les ordres qui nous étaient destinés et que nous ne pouvions remplir ; une partie de nos ouvriers, émigrant après la Commune, est allée lui prêter un précieux concours. Placée dans des conditions économiques très avan- tageuses, ayant la main-d'œuvre à plus bas prix que nous, tirant la plupart de ses matières premières du pays même, trouvant le combustible à pied d'œuvre, à des prix inconnus chez nous, installée à deux pas du port d'Anvers, et donnant à des prix très réduits des produits bien fabriqués, elle a su conquérir et garder une place prédominante dans l'indus- trie chapelière européenne. Cette fabrique atteint par jour le chiffre énorme d’environ 8000 chapeaux qui s’exportent . pricipalement à la Plata, en Australie, puis au Cap et dans les deux Amériques. Outre la fabrication des chapeaux de feutre, la Belgique produit, en assez grande quantité des chapeaux de laine, surtout des cloches, destinés principalement à la confection des chapeaux de femmes, puis quelque peu de chapeaux de soie. Brésil. — Cest vers 1850 qu’on a commencé au Brésil à fabriquer des chapeaux de feutre. Jusqu'à cette époque, tout ce qui s’y consommait, en fait de chapeaux, était d'importation exclusivement française. Les droits d’entrée étant déjà fort élevés sur les chapeaux introduits au Brésil, le besoin se fi sentir de créer une industrie nationale pour fabriquer les sortes bon marché, que les droits à la pièce rendaient trop chères. On commença, dès lors, à fabriquer à Rio-de- Janeiro et dans la province de Saint-Paul des chapeaux de feutre de poil à bon marché, à l’aide de l’arçon à la main. Vers 1865, l’arçconneuse mécanique fit son apparition, et, ce n’est, à proprement parler, qu'à partir de cette époque 354 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE que l’industrie du chapeau commença à prendre une vérita- ble extension. Actuellement, on compte au Bresil environ vingt fabriques de chapeaux, produisant, par an, 3.200.000 chapeaux et occupant à peu près 2000 ouvriers ; sur ces chapeaux, on peut compter environ un quart de chapeaux _delaineet le restant en feutre de poil. Au Brésil, les fabriques anglaises, allemandes et autri- chiennes, ont, peu à peu, détrôné l’article français à cause des différences de prix. La consommation s’est portée sur des articles ayant plus d'apparence que de fond, et on peut dire qu’actuellement, sur la totalité des chapeaux importés au Brésil, un quart à peine vient de chez nous. Le chapeau souple en feutre est le seul chapeau fabriqué en France qui plaise encore aux Brésiliens et le seul article sur lequel nos voisins ne soient pas encore parvenus à nous battre. Cependant, le développement de l’industrie chapelière au Brésil n’a pas complètement nui au commerce d'importation dans ce pays, ni à notre commerce d'exportation ; car ce qui ne s’expédie plus sous forme d'objets fabriqués, s’envoie sous forme de matières premières et fournitures, le Brési] étant complètement tributaire de l'Europe pour tous les ar- ticles servant à la fabrication des chapeaux. La France, l'Allemagne, l’Angleterre et la Belgique fournissent le poil au Brésil. C’est la France et la Belgique qui en expédient la plus grande part. Chili, — Le Chili est un de nos anciens et meilleurs pays d'exportation pour la chapellerie. La quantité de chapeaux de feutre et de laine que la France y expédie actuellement n’est pas comparable à ce qu’elle y expédiait avant et quel- ques années encore après 1870; mais, cependant la valeur en est assez importante. | Espagne. — Avant 1870, on fabriquait déjà des chapeaux de feutre en Espagne ; mais ce n’est guère que depuis la NP te. NU L'INDUSTRIE DU CHAPEAU 955 guerre et surtout depuis une quinzaine d’années que l’indus- trie chapelière a pris une place sérieuse dans ce pays. Aupa- ravant, l'Espagne achetait, en France, des quantilés considé- rables de chapeaux ; mais, au fur et à mesure que la fabrica- tion indigène s’est développée et a progressé, la vente des chapeaux français est allée en diminuant, pour arriver à être nulle, pour ainsi dire, en ce moment. Cest à Barcelone que nous trouvons les premières fabri- ques pourvues d’un outillage et de machines perfectionnés. - Ces fabriques se sont vouées principalement à la fabrication du chapeau de feutre de poil. Nous rencontrons encore de nombreuses fabriques de feutre de poil dans la plupart des provinces d’Espagne, à Saint-Sébastien, à Valladolid, à Valence, à Burgos et dans beaucoup d’autres localités, sans omettre l'Andalousie, qui est un véritable centre chapelier. Le chapeau de laine se fait également dans diverses par- ties de l'Espagne, en particulier à Grenade et dans les îles Baléares. L'Espagne ne trouvant sur son territoire que très peu de poilet de qualité inférieure, s’est mise, dès le début, à tirer de France la majeure partie des poils dont elle avait besoin, puis elle s'est adressée à l'Angleterre, pour le poil de Ga- renne, à l'Allemagne pour les poils de lièvre et à la Bel- gique pour ces deux sortes. Quant aux laines, elle les a toujours tirées des marchés d'Angleterre. Depuis 1887, l'Espagne a vu diminuer sérieusement son exportation dans les colonies espagnoles, à la Havane, no- tamment. Les chapeaux anglais, allemands, belges, autri- chiens et italiens ont envahi ces marchés, et l'Espagne aujourd’hui est dans un état de crise, en ce qui concerne l’industrie chapelière, dont vraisemblablement elle ne sortira pas victorieuse. Aujourd'hui, par suite du marasme dans lequel se trouve la chapellerie espagnole, la France a cessé 356 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE de vendre ses chapeaux en Espagne, elle est à la veille même de cesser ses envois de matières premières. États. Unis. — L'industrie de la chapellerie de feutre de poil est une des premières qui se soient développées aux États-Unis. Les premiers chapeliers américains tiraient leurs matières premières, partie de leur propre pays, partie de l’Europe. Il en est encore de même aujourd’hui. Les Améri- cains ne trouvent, en effet, sur leur territoire, que les peaux de Rat musqué et de Castor. Ils doivent donc tirer de France les peaux ou poils de clapier ; de Belgique et d'Allemagne, les peaux ou poils de Lièvres ; d'Angleterre, un peu de Bel- gique et de France, les peaux et les poils de garenne; de la Plata; les peaux de Rats gondins. Actuellement, presque toutes les usines américaines sont installées dans un rayon fort restreint compris entre New- York et Philadelphie, et c’est dans cette dernière ville qu'existe la plus belle et la plus importante fabrique du monde entier. C'est dans cette fabrique que sont monopolisées toutes les peaux de Rat gondin qui arrivent aux États-Unis. L'usine a toujours dans ses caves une avance de 400 à 500 balles de ces peaux, qui sont les plus chères employées en chapellerie. Elle fabrique plus spécialement le chapeau sou- ple ; mais, il existe, à côté d’elle, d’autres maisons, également très importantes, qui se sont plus spécialement adonnées à la fabrication du chapeau impers. Aujourd’hui les Améri- cains touchent à la perfection dans certains genres, La fabrication du chapeau de laine s’est developpée paral- lèlement à celle du chapeau de feutre de poil et a fait, comme elle, de grands progrès pendant ces dernières an- nées. La laine employée aux Etats-Unis par les fabricants de chapeaux vient d'Australie et de Buenos-Ayres. Grande-Bretagne. — Les Anglais ont été les premiers à faire des chapeaux en feutre de laine souples à très bon marché. Ils sont arrivés aujourd’hui à produire, dans ce Nr ROSE L’INDUSTRIE DU CHAPEAU Soi 4 genre des articles que nous ne pouvons faire aussi bien ni à aussi bon compte en France (articles qui commencent à bat- tre maintenant les produits autrichiens si renommés naguère), mais n’ont jamais su faire le chapeau souple en feutre de poil. Il faut, toutefois, constater que la supériorité des Anglais se montre principalement dans les chapeaux noirs et marrons, desquels ils ne sortent guère. Ne sachant pas faire le chapeau de feutre de poil confortable comme les Françaiset le chapeau _impers léger des Allemands, il font un chapeau impers mat que personne n’a encore réussi à copier exactement jusqu'ici ni pour le bon marché ni pour l’aspect qu’ils savent lui don- ner. Quant au chapeau de laine impers, ils le font dans d'excellentes conditions d'apparence et de prix. Pour le beau chapeau de feutre, les usines anglaises qui sont réunies dans un rayon peu étendu autour de Manches- ter, principalement à Stockport, Denton, Bury et Ather- stone, ne regardent pas à acheter de belles matières et nous prennent les fournitures de très belle qualité; elles se four- nissent en Angleterre même, en France, en Belgique et en Allemagne. Quant à la laine, employée pour le feutre de laine, elle est achetée sur le marché de Londres, mais elle provient d'Australie, de Buenos-Ayres et du Cap. Les Anglais exportent leurs chapeaux dans tous les pays du monde, et ils ont, chez eux, deux ou trois marques con- nues dans l’univers. Cependant, tout en achetant beaucoup de chapeaux indigènes, les exportateurs anglais demandent à l'Allemagne une certaine quantité de chapeaux de feutre de poil impers légers, à la Belgique des quantités considérables de chapeaux de feutre de poil souples, et à la France des quantités beaucoup moindres de ces derniers chapeaux qui sont destinés, en majeure partie, à la consommation de l'Australie et du Cap. Italie. — La fabrication du chapeau de feutre en Italie remonte à une époque assez éloignée. Les premiers chapeliers 358 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE italiens s’établirent vers le milieu du xvin° siècle sur le terri- toire de Pise en Toscane, en Piémont dans les environs de Biella et sur le territoire de Milan à Monza. Ils employaient alors, comme matières premières, la laine mélangée de poil de Chameau. Dans la première moitié de ce siècle, la fabrication fit quelques progrès, et de petites fabriques, occupant plusieurs ouvriers, se montèrent en Lombardie et en Piémont, princi- palement à Intra, devenu aujourd’hui un centre important. C'est vers 1848 que la fabrication du chapeau de feutre de poil semble avoir pris naissance en Italie. Elle n’y a jamais été importante en comparaison de celle du chapeau de laine. Intra s’adonna spécialement à la fabrication des chapeaux de feutre de poil et Biella à celle des chapeaux de laine. À partir de 1860, la fabrication mécanique s'étant sub- stituée à la fabrication manuelle, des usines se montèrent à Alexandrie et à Monza, quelques-unes produisant des cha- peaux de feutre de poil très ordinaires pour la consommation de la campagne ; mais, la plus grande partie s’adonnant, de préférence, à la fabrication du chapeau de laine. Les vingt années écoulées entre 1860 et 1880 marquent la période la plus prospère pour l’industrie de ce genre de cha- peaux en Italie. Mais, après 1880, la production exagérée des usines bien outillées de Monza dépassa les besoins de la consommation intérieure. Il fallut baisser les prix, chercher un écoulement au dehors. Dans les pays environnants, le midi de la France offrit un premier débouché, puis l’expor- tation gagna l'Amérique du Sud. La concurrence effrénée que se sont faite les fabricants de Monza a porté un coup fatal à l’industrie du chapeau de feu- tre en Italie. Les prix sont avilis ; on produit énormément, sans profit. Les fabriques de Biella tombent, celles d’Intra résistent a des L’INDUSTRIE DU CHAPEAU 3359 encore, mais sont gravement atteintes. L'industrie chape- lière, en Italie, traverse une crise dont elle aura peine à se relever. Mexique. — L'industrie du chapeau de feutre de poil a été introduite au Mexique par les Français, vers 1840. Elle s’y est développée rapidement. Dès le début, tous les cha- peaux étaient fabriqués à l’aide de l’arçon à main, puis est venue vers 1865, l’arconneuse mécanique qui est, depuis lors, la machine par excellence dont se servent tous les fabricants de chapeaux établis au Mexique. Le chapeau mexicain proprement dit que portent les indi- gènes et dont la forme, unique pour tous, varie seulement de loin en loin, a toujours été un chapeau spécial, très épais, très rond et très volumineux, que l’on surcharge d’ornements, de rubans ou de passementeries d'argent ou d’or. L’Indien qui porte simplement une blouse de toile, un pantalon de toile et la plupart du temps des sandales, ne regarde pas à acheter un chapeau de 30 ou 40 piastres (150 ou 200 francs) qui devient, pour lui, un véritable meuble. C'est dire que la chapellerie de feutre de poil occupe une place considérable dans le pays, non pas tant au point de vue du nombre des chapeaux fabriqués, qu’au point de vue de la qualité de matière première consommée, de la valeur des fournitures et de la somme qu’elles représentent. Le principal centre de production est Mexico qui renferme six ou sept fabriques dignes de ce nom; viennent ensuite, Puebla ‘avec quatre fabriques; Guadalajara avec trois ; Ma- zatlan avec deux, puis Léon, Monterey, Durango et quelques autres villes avec une fabrique. Les chapeaux de feutre de poil, genre européen, se fabri- quent en très petite quantité au Mexique. Ils se font à Mexico, Tout le reste vient de France pour les souples, d'Angleterre et un peu d'Allemagne pour les impers, des États-Unis principalement pour les genres souples de qualités tout à fait 360 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE supérieures, fabriqués à Philadelphie avec le poil de Rat gondin. Le chapeau de laine se consomme peu au Mexique; le pays n’achète guère que du chapeau d’enfant. Le Mexique tirait autrefois son poil principalement de France et de Belgique, puis d'Angleterre et enfin d'Allemagne, surtout lorsque la mode mexicaine eut adopté des chapeaux genre flamand à longs poils, fabriqués en poil de Lièvre, mode qui s’est sensiblement développée depuis plusieurs années. Depuis qu’une importante couperie de poil s’est transportée en 14887 de New-York à Mexico, les producteurs et mar- chands de poil européens ont vu leur exportation au Mexique diminuer dans des proportions considérables. Il faut dire que cette couperie, la première qui se soit installée au Mexique, jouit de ce fait et, grâce à une loi spéciale qui s'applique à toutes les industries, d’une exemption totale d'impôts, pendant cinq années. Ajoutons encore qu'elle ne paye, pour toutes ses peaux, qu’elle reçoit du dehors, que 50 centimes de droits par kilogramme, alors que le poil paye 15 francs d'entrée par kilogramme pour le Castor et 8 francs pour les autres sortes. Portugal. — La chapellerie de feutre de poil portugaise date de loin; elle est une des plus vieilles de l'Europe ; pour diverses raisons elle n’a jamais pris une importance consi- dérable. Depuis 1872 cependant, elle s’est développée sensi- blement en perfectionnant son outillage et en s’efforçant de répandre au dehors un plus grand nombre de produits. En 1882, l’industrie chapelière au Portugal était repré- sentée par une dizaine de fabriques occupant environ 500 ou- vriers et produisant 3500 chapeaux par jour. Ces fabriques étaient presque toutes à Porto et à Braga; il n’en existait qu'une ou deux à Lisbonne. A cette date, l'Espagne est arrivée à combattre victorieusement la contrebande sur la frontière portugaise et la fabrication se perfectionnant au Brésil, où LE CASTOR 361 le Portugal exportait abondamment, les chapeliers de Rio Janeiro, de Bahia, de Pernambuco ont accaparé au détriment des Portugais le marché de ce pays. D'autre part, le Portugal qui importait auparavant une certaine quantité de chapeaux étrangers, principalement français et anglais, s’est vu envahi tout à coup par le chapeau mat anglais, à partir du jour où il a été possible de vendre ce dernier aux prix infimes pratiqués actuellement. Pour toutes ces causes et pour d’autres encore, l’industrie portu- gaise s’est trouvée fortement atteinte. Depuis quelques années les Portugais se sont mis à fabri- quer le chapeau de laine. Depuis trois ou quatre ans surtout, ils cherchent à développer cette branche de leur industrie. Les Portugais sont obligés d'acheter au dehors toutes leurs matières premières et la majeure partie de leurs fournitures. Ils tirent le poil de France, d'Angleterre, de Belgique et d'Allemagne; la laine d'Angleterre. Le Castor. — Distribution géographique. — Dans une lettre adressée en 1889 au président de la Société d’acclima- tation de France, M. Gibez, de Sens, signale un fait assez curieux. En juin dernier (1888) on a aperçu dans l'Yonne, en aval de Sens, un véritable Castor. La même personne a revu l'animal dans la fausse Yonne, à Sens, dans le courant de juillet. Le 15 décembre, ce Castor a été tué d’un coup de fusil à Champigny-sur-Yonne; il avait, peu de temps aupa- ravant, commis quelques dégâts, coupé des arbres fruitiers dans le jardin du chef de gare de la station de Champigny. D'où venait ce Castor ? Est-il admissible qu’il existe encore des rongeurs de cette espèce en Bourgogne ? D'où venait ce Castor ? se demande l’auteur de la note ci-dessus publiée au Bulletin de la Société d'acclimatation ? D'où il venait, nul ne l’a su et ne le saura jamais, sans doute. Personne, en effet, à une distance raisonnable du département de l'Yonne, ne connait de colonies de Castors, et, de mémoire Lacroix-DANLIARD, Poil et Fourrures. 21 DOCS DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE d'homme, aucun animal de cette espèce n’a été signalé, seul ou accompagné, dans les lieux circonvoisins. Autrefois, cette apparition d’un Castor dans les eaux de l'Yonne n’eut rien présenté de singulier. Les marais formés par la Bièvre qui se jette dans la Seine à Paris même, étaient autrefois habités par de nombreux Castors ; c’est de là même que le premier de ces cours d’eau tire son nom, car, dans la vieille langue française le mot Bièvre signifiait Castor. Mais il y a long- temps que lesrives de la Bièvre ne sont plus occupées quepar des tanneurs, et que les Castors en ont disparu. En France, il ne reste plus de Castors que dans les eaux du Bas-Rhône, et le peu qu’il en reste n’y demeurera pas longtemps. Dans la Camargue, suprême refuge, en France, des derniers repré- sentants de cette intéressante espèce, la tête de ces rongeurs vient d’être mise à prix, pour raison de sécurité publique. Ces Castors Camarguais qui, depuis longtemps, avaient renoncé à bâtir, s'étant mis à se creuser des terriers dans les digues élevées par l’administration, leurs travaux de mine ont été jugés susceptibles de faire écrouler les chaussées en temps d’inondations. De là, la fureur des ingénieurs contre les Castors ; de là, la guerre d’extermination dont sont mena- cées et déjà victimes ces pauvres bêtes. Voici ce qu’écrit à ce sujet, à la date du 23 février 1888, M. A. Savoye, propriétaire à Maguelonne en Camargue : « La destruction des Castors est très regrettable, mais elle s'impose et l’administration se trouve dans la nécessité de l’encourager. Cet intéressant animal ne fait par lui-même que fort peu de mal, quelques branches de saule suffisant à sa nouriture ; mais il peut occasionner, en temps d’inonda- tions, de biens grands dommages, « Ne jouissant plus, comme son congénère de l'Amérique du Nord, de la solitude, le Castor de la Camargue n’en a pas conservé les habitudes : sa vie a subi les modications que lui impose le voisinage de l’homme. Chaque famille creuse dans LE GASTOR 363 l’intérieur des chaussées en terre du Bas-Rhône, de vastes chambres ayant jusqu’à deux mètres de diamètre, la pre- mière au niveau des plus basses eaux, la seconde aussi élevée que le permet la digue ; toutes les deux sont reliées entre elles par un couloir étroit aboutissant au Rhône. La chambre supérieure reçoit l’air par une ouverture ou cheminée de quelques centimètres de diamètre dont l’orifice extérieur est habilement dissimulé par une touffe d'herbes. C’est dans cette habitation que les Castors jeunes et vieuxpassent la jour- née, ne sortant que la nuit pour renouveler les provisions soigneusement entassées dans la première chambre servant de magasin. « On concoit très bien le danger qui résulte de l'affaiblis- sement des chaussées, et, pendant les dernières inondations, ce n’est que par une surveillance des plus actives que nous avons pu éviter des ruptures et, par suite, des pertes incal- culables. Sur plusieurs points, l’eau commenca à sourdre, et l'administration des chaussées de la Camargue, aidée des riverains, a dû, en pleine inondation, faire exécuter des tra- vaux assez considérables qui, en mettant à jour les chambres des Castors, ont permis de constater le merveilleux instinct qu’ils ont recu de la nature, en même temps que la pénible nécessité de se débarrasser de voisins aussi dangereux. « La basse Camargue n’est plus ce qu’elle était. Depuis l'invasion du phylloxera qui, en détruisant une partie des vignobles du midi, a démontré la résistance de la vigne dans les terrains sablonneux.les dunes du littoral ont été nivelées, d'importants défrichements ont été faits et de beaux vigno- bles remplacent les maigres herbages, naguère parcourus par des troupeaux de bœufs et de chevaux à l’état demi-sauvage, subissant actuellement le même sort que les Castors. Notre Camargue si pittoresque ne sera bientôt plus ; faut-il le regretter ? Non, si l'on considère l’œuvre entreprise et les résultats qu’elle donne déjà ». 264 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE Hors de France, sur le Danube et ses affluents, surtout aux environs de Salzbourg, les Castors étaient encore assez communs à la fin du siècle dernier. De nos jours, on ne les rencontre plus qu'isolément sur le Danube, le Dab, la Mo- selle, la Meuse, la Lippe, le Wéser, et l’on peut dire que sur tous ces points, ils tendent à disparaître. Les Castors sont encore assez nombreux sur les rives de l’Elbe ; et là, comme dans la Camargue française, ils ont renoncé à leurs travaux d’architectes et de pontonniers, pour se retirer dans des terriers de 5 à 15 mètres de profondeur, creusés dans les talus des rives et débouchant sous l’eau. Une galerie latérale à courte courbure se détache ordinairement de la galerie principale, et toutes deux aboutissent au donjon, chambre voûtée, garnie d'herbes sèches, dont le sol est à un niveau plus bas que celui des galeries. Quand son domicile est submergé par les crues hivernales, le Castor s’aménage un refuge dans une haie ou un taillis voisin, en disposant à un mètre environ au-dessus de la nappe d'eau une sorte de plate-forme faite de branches coupées. Il s’y installe alors avec ses jeunes, au nombre de deux généralement, et attend tranquillement que l’inondation ait pris fin. En Autriche, les Castors n’existent plus en dehors de la colonie de Hallbrün et des retraites qu’on leur a ménagées à Schénan, en Bohême, à Frauenberg, chez le prince de Schartzenberg, et à Rothenhof, sur le Moldau. Dans ces colonies, les Gastors se sont remis à construire leurs villages. À Amlid, à quelque distance de Christiansand (Norvège) on voit encore un village de Castors. Les huttes qui le com- posent sont construites tout près du rivage; elles ont deux étages, l’un au-dessus de l’eau, l’autre au-dessous. Les murs sont faits de gros bois et les toits de baguettes et de glaise. Les Castors ont abattu tous les trembles du voisinage et com- mencent à s'attaquer aux bouleaux ; ils coupent des arbres de plus de 42 centimètres, transversalement à la base. Les bran : LE CASTOR 365 ches sont traînées jusqu’au bord de l’eau dans de véritables cheminsou coulées qui ont été débarrassées des racines quiles croisent. Des sentinelles sont postées pour donner l'alarme en cas de danger, lorsque les Castors d’Amlid quittent leur demeure et vont à l’eau. La Pologne, la Russie et la Suède possèdent encore des Castors ; en Asie, ces animaux se montrent plus abondants qu’en Europe; et ils sont nombreux encore dans les grands fleuves de la Sibérie ; on les rencontre fréquemment dans les cours d’eau qui se jettent dans la mer Caspienne. Très com- muns dans le début en Amérique, ils y diminuent chaque jour, décimés par les chasses continuelles dont ils sont l’objet ; et au Canada, où ces animaux pullulaient jadis, il faut maintenant pour rencontrer quelques couples de Castors, vivant isolément, se livrer à de longues recherches. Caractères. — Le genre Castor se distingue de tous les autres rongeurs par les pieds de derrière presque entière - ment palmés, et par une queue, aplatie horizontalement en forme de large spatule, que recouvrent des écailles. Le nombre des doigts est de cinq à chaque pied, le plus long est celui du milieu. Le Castor est un des rongeurs les plus remarquables par sa taille. Un mâle adulte a de 89 centimètres à un mètre de long ; 30 centimètres de haut; une queue de 33 centimètres. Son poids est de 20 à 25 kilogrammes. Les formes sont lourdes et ramassées ; les pieds de derrière bien plus longs que ceux de devant. La lèvre supérieure, qui est fendue, porte des moustaches épaisses, mais médiocrement allongées Le devant de la bouche est armé d’incisives très fortes, plates et de couleur orangée sur leur face externe, blanches et triangu- laires en dedans. Le Castor a l’œil petit, la paupière cligno- tante; la conque de l'oreille est peu accusée et de forme elliptique ; et quand l’animal plonge, il l’'abaisse contre sa tête et évite ainsi que l’eau s’introduise dans son conduit auditif. 366 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE Le Castor se sert de ses pieds de devant, comme de mains pour saisir et manier les objets avec adresse. Les pieds de derrière jouent le rôle de rames vigoureuses, et sa queue remplit à merveille celui de gouvernail. Le pelage de Castor est assez variable ; on en trouve d’en- tièrement blancs aussi bien que de tout noïrs ; mais la teinte la plus générale est d’un roux marron, plus foncé en dessus qu’en dessous. Cette livrée est due à des poils soyeux, longs et luisants, qui dépassent et recouvrent un duvet très- fin, très serré, imperméable à l’eau, d’une couleur grise et comme argentée. Ce pelage, très épais sur tout le reste du corps, devient plus rare sur la tête, Mœurs, habitudes, régime.— Les habitudes de ces ron- geurs sont presque absolument aquatiques, et c'est ordinaire- ment le long des cours d'eau assez profonds et assez rapides, pour supporter et favoriser le flottage des matériaux qu’ils auraient à mettre en œuvre, qu'ils choisissent pour l'empla- cement de leurs colonies. [’endroit convenable une fois trouvé, le premier soin des Gastors est de barrer la rivière, afin d'obtenir un niveau constant. Un gros arbre, le plus proche possible du courant est attaqué à coups de dents, l’entaille est faite à un pied et demi du sol, et quand elle est jugée suffisante, un effort fait par la pression des pattes de l’animal, accélère la chute de l'arbre. Une fois abattu, il est ébranché, afin qu’il porte de tous points également. En amont de la digue, ainsi commencée, d’autres Castors travaillent avec ardeur, ils coupent de nouveaux arbres un peu moins gros, les élaguent sur place, les traînent dans le courant, et les conduisent au fil de l’eau, jusqu’à l'endroit où ils doivent être employés. Amenés à pied d'œuvre, ces madriers sont dressés verticalement le long de l’arbre couché, et pendant qu'ils sont maintenus dans cette position par un certain nombre d'ouvriers, d’autres rongeurs plongent, creusent des trous dans la vase, et y encastrent la base des pilotis. Cette LE CASTOR 367 « charpente primitive ne tarde pas à étre consolidée par un lacis de branches flexibles bientôt enduit de terre gâchée et de mottes de gazon. Plusieurs rangs de poteaux sont ainsi plantés les uns devant les autres, entrelacés à leur tour de branchages, et lutés de mortier, jusqu’à ce que l’ouvrage ait pris l'aspect d’une véritable digue, légèrement arquée en - amont ducourant, taillée obliquement, côté et à pic de l’autre. C’est cette disposition qui offre le plus de résistance à la pression des eaux, que leur instinct naturel fait choisir aux Castors. La digue a d'ordinaire 10 ou 12 pieds d'épaisseur à sa base, de deux à trois pieds au sommet, de huit à dix pieds de hauteur sur quelquefois près de cent pieds de lon- gueur. Lorsque les Castors s’établissent sur un lac, le niveau en étant constant, ils se dispensent des gigantesques travaux dont nous venons de parler, et ils procèdent immédiatement à la construction de leurs cabanes. Celles-ci ont une forme arrondie par le dessus, les murs en sont épais, ils sont construits en branchages, en herbes et en maçonnerie. Ces demeures comprennent ordinairement deux étages, dont un est réservé aux provisions, tandis que l’autre est affecté à l'habitation. Le magasin est rempli de fragments d’écorce et de branches tendres, réservés pour l’hiver. Une ouverture percée en dessous permet aux habitants de gagner l’eau en cas de besoin. M. A. Porte, relate la curieuse expérience tentée en Ecosse par M. le marquis de Bute. Désireux d'étudier de près les Castors, le marquis de Bute en fit placer, en 1874, quatre dans un espace clos, mesurant environ quatre acres, dans son bois de Kilchattan, en Écosse. Sa tentative ne fut pas, tout d’abord, couronnée de succès, car aucune reproduction ne fut constatée ; mais ce 1 Bulletin de la Société d'acclimatation. 368 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE premier échec ne découragea, en aucune façon, le marquis ; il stimula, au contraire, son zèle en augmentant sa curiosité. Le marquis augmenta donc le nombre de ses pensionnaires qui fut porté à onze. Cette fois, les reproductions ne se firent pas attendre, et la petite colonie prit rapidement un grand développement ; dès 1878, la présence de cinq jeunes était constatée. L'industrie de ces animaux, pour s'installer confortable- ment dans leur parc, fut des plus extraordinaires : aucune peine, ancune fatigue ne leur coûtait pour mener à bien, et surtout rapidement, le travail colossal qu’ils avaient entre- pris : une digue destinée à arrêter les eaux d’une rivière traversant l’enclos et à assurer la solidité de la maison qu'ils ne tardèrent pas à élever. La digue, merveille de solidité, résultat de patients et persévérants efforts, ne mesure pas moins de 70 pieds de longueur, 8 pieds de profondeur, et 15 à 20 pieds de largeur ; grosses pièces de bois, pierres, terre, en un mot tous les matériaux existant dans l’enclos des Castors ont été mis en œuvre par eux, La digue est entretenue dans le plus parfait état. Chaque jour, les Castors la visitent, s'empressent de réparer les avaries qui ont pu se produire depuis le précédent examen. La maison d'habitation principale, qui sert de lieu de refuge en cas de surprise par un ennemi quelconque, ne mesure pas moins de 10 pieds de longueur sur une profondeur moyenne de 3 pieds. Sept autres maisons, de plus petites dimensions, ont été construites ; elle sont successivement élevées pour loger les jeunes. Vers le milieu de septembre, les parois extérieures des habitations sont enduites d’un revêtement de boue destiné à les préserver des pluies et des intempéries de la mauvaise saison. Contrairement à une croyance généralement répan- dues, les Castors, pour cet ouvrage, ne se servent pas de leur queue, mais seulement de leurs pieds de devant. Leur LE CASTOR 269 s couche est faite de rognures de bois; ils en mangent l’écorce, placent le morceau de bois devant eux, et, avec leurs dents, _ le réduisent en petits fragments. La propreté est leur première qualité : aucun déchet, aucune ordure d'aucune sorte n’existe dans leurs maisons. En hiver, les Castors se nourrissent uniquement d’écorces d'arbres. Le saule et le peuplier ont la préférence. Puis viennent le chêne, le platane, l’orme, l’épine, le noisetier et le pin. Ils apprécient les conifères, parmi lesquels le pin d'Écosse tient la première place. En été, ils mangent volon- tiers des broussailles, de l’herbe et les jeunes pousses de toutes sortes qui croissent dans leur enclos. A l’automne, ils arrachent des racines qu'ils aiment beaucoup, particulière - ment la Tormentille (Potentilla tormentilla) et les jeunes pousses du spurt commun. Les abattages d'arbres ne se font que la nuit. L'arbre choisi, les Castors marquent, en rongeant avec leurs dents, un sillon tout autour, la hauteur à laquelle doit être faite l'entaille, et se mettent à l’œuvre du côté opposé à celui où l’arbre doit tomber. Les Castors sont des animaux essentiellement timides et craintifs. Dès que l’un d’eux aperçoit le moindre danger, il avertit la colonie par un vigoureux coup de queue frappé sur l’eau et tous disparaissent aussitôt. Le travail est obligatoire chez les Castors. Les paresseux sont impitoyablement chassés et vont mourir de faim, isolés, loin de la colonie. (Porte.) La femelle du Castor fait de deux à quatre petits, qui nais- sent aveugles ; la mère les allaite et les élève avec tendresse ; ils peuvent se reproduire à l’âge de deux ans, mais ils ne sont complètement adultes que lorsqu'ils ont atteint la fin de leur troisième année. Chasse. — En Amérique, ce sont surtout les trappes amorcées de branches fraîches que l'on emploie contre le 2 370 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE Castor ; d'autrefois on le capture au moyen de filets que l’on dispose dans l’eau à l’orifice inférieur de son habitation. Enfin, quand la rivière est gelée, on perce des trous dans la glace, et on attend que la bête vienne y respirer. À ce mo- ment on la tue au fusil, mais il faut qu’elle soit tuée raide, sans quoi, elle disparaît, et se noie plutôt que de se laisser prendre. La chasse du Castor n’est pas sans offrir quelques dangers ; bien que craintif, cet animal sait se défendre, et, lorsqu'il se sent acculé, il lui arrive de faire de cruelles morsures à ceux qui le serrent de trop près. Usages. — La peau du Castor est employée pour toutes sortes de fourrures, les peaux du Kameschtaka sont Les plus estimées. On appelle Castor argenté ou blanc, la fourrure du ventre, plus claire que le reste et prise sur plusieurs sortes de peaux. Les peaux d’ailleurs ont une valeur plus ou moins élevée et reçoivent un emploi différent, suivant que l’animal a été tué en hiver ou en été. On appelle Castors neufs ceux qui ont été tués en hiver, avant la mue ; ils sont les plus recherchés par les pelletiers, et il se fait un commerce considérable de leurs peaux en Chine et en Russie. Les Castors secs, qui sont ceux capturés en été, sont utilisés en France pour doubler les vêtements et pour la fabrication des chapeaux; enfin les peaux dites de Castors gras, sont de ‘qualité très inférieure et exclusive- ment employées dans l’industrie de la chapellerie. Depuis plusieurs siècles, le Canada exporte annuellement près de quatre mille peaux de Castors. La fourure du Castor, réduite à son duvet, est très estimée, et cela depuis les temps les plus anciens. Avant de l’employer, on en retire tous les poils soyeux, dont on fait des chapeaux en feutre ; ou bien que l’on file, que l’on tisse pour en faire des gants, des rubans, des étoffes. Une peau LES ONDATRAS 371 fournit jusqu’à 750 grammes de ces poils, qui ont une valeur d'environ 67 francs. Une peau brute vaut de 30 à 75 francs. Mais la consommation en est considérablement diminuée, soit parce qu’on lui substitue, presque entièrement, les poils de lièvre et de lapin, soit parce que la fabrication des cha- peaux de soie a remplacé en grande partie celle des chapeaux feutres. ; ; _& La chair du Castor passe pour être excellente, lorsque l’animal s’est nourri de nénuphars ; celle de la queue, sur- tout, est regardée comme un mets très délicat, et on payait autrefois une queue jusqu'à 12 francs. L'Eglise assimilait jadis la chair de Castor à celle des poissons, et en autorisait l'usage pendant le carême et en temps de jeûne‘. » Le Castor porte au voisinage de l’anus, deux glandes qui sécrètent une substance, molle, une sorte d’onguent, d’un rouge ou d’un jaune brun, d’une odeur extrêmement péné- trante. Cette substance, fort employée autrefois comme an- tispasmodique, n’a plus aujourd’hui le même emploi ; mais, elle a conservé sa valeur vénale et coûte encore maintenant des prix élevés : 15 grammes de castoreum se vendent 29 francs au moins. On en distingue deux espèces principales, le castoreum d'Amérique et celui de Russie. Les Ondatras. — Très employée autrefois pour la confec- tion des chapeaux, la dépouille du Rat Musqué ou Ondatra (fig. 73) est utilisée comme fourrure en Amérique, en Chine, en Russie, en Turquie, en Egypte en Italie, en France et particulièrement en Allemagne. On en fabrique des cols et des manchons. On expédie, chaque année en Europe, d'Amérique et du Canada, plusieurs millions de peaux d’Ondatras qui, malsré l’odeur qu’elles dégagent, sont assez estimées. La fourrure 1 Brehm, Merveilles de la nature. D 12 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE du Rat musqué est douce et légère, épaisse comme celle F1. 73. — L'Ondatra musqué. du Castor, elle en a presque la valeur, à cause de son duvet ñn. LES ONDATRAS 273 fin et court, recouvert de poils soyeux, brillants et beau- coup plus longs. Simple animal à fourrure autrefois, dont la peau au pelage brun sombre vaut 75 centimes environ, le Rat musqué est aujourd’hui un objet d’alimentation très estimé dans la par- tie orientale du Maryland où on le consomme sous le nom de Lapin des marais. D'après le Baltimore Lun, on dé- pouille l’'Ondatra en évitant de rompre la poche à musc, car ce produit, se répandant dans la chair, la rendrait incomes- tible ; on l’expose à l’air, pendant quelques heures, afin d’en- lever toute trace de parfum, puis on le fait cuireavec du lard et un fort assaisonnement de piment. Les cuisiniers, nègres: principalement, excellents parait-il, à préparer l’Onda- tra À. Caractères. Mœurs. Régime. — L’Ondatra musqué mesure 66 centimètres de long, y compris la queue. Les marais, les étangs, les grands lacs, les cours d’eau qui cou- lent lentement sont les lieux qu’il se choisit de préférence pour habitation. Il y vit en familles nombreuses, en colonies, comme les Castors, ses proches parents, dont il a les habitu- des. Il se construit, comme eux, en effet, des demeures en forme de huttes, désservies par de profondes galeries; et il a un tel instinct, une prescience si sûre du temps à venir qu’il édifie son habitation de façon à ce qu’elle ne soit jamais submergée par les crues des eaux les plus hautes. Des joncs biens enchevêtrés, recouverts extérieurement d’une maçonnerie de terre glaise, que l’animal gâche et trans - porte avec ses pieds, qu'il lisse et aplanit avec sa queue, forment à cette demeure des murs très résistants qui ont quelquefois jusqu’à 16 centimètres d'épaisseur, et auxquels un nouveau revêtement de joncs de 20 à 22 centimètres vient encore donner plus de consistance. Le diamètre intérieur de 1 Bulletin de la Société d acclimatution. 274 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE l'édifice est de 66 centimètres environ pour une famille de huit individus. Une galerie s’ouvre au fond de l’eau, d’autres servent à gagner les racines des plantes aquatiques, d'autres enfin jouent le rôle de latrines. Lorsque la colonie est nombreuse, les huttes réunies présentent l'aspect d’un véritable village. A la belle saison, ces habitations sont abandonnées ; et tous les hôtes s’avan- cent dans la campagne, en quête d'aventures. Leur nourriture consiste surtout en végétaux aquatiques et en coquillages ; mais accessoirement, (et parfois les Ondatras font de l’ac- cessoire le principal) en graines et plantes de toutes sortes qu’ils vont cueillir dans les champs cultivés qu'ils sacéagent. Ce sont d'ailleurs des animaux vifs et enjoués, excellents nageurs, et passant le plus clair de leur temps en joutes sur l’eau ; ils plongent à ravir et s'amusent souvent à sauter de la rive, à tour de rôle, la tête la première, dans les étangs et les rivières sur les rives desquels ils ont élu domicile. Chasse. — « On chasse les Ondatras moins à cause des dégâts qu’ils font que pour les profits qu’on en retire. On les prend dans des pièges amorcés avec des pommes, dans des trappes placées auprès de leurs demeures, ou, encore, on les tue dans leurs huttes. Les Indiens savent parfaitement recon— naître si une hutte est habitée ou non. Lorsqu'elle est habitée, ils s’en approchent sans bruit, enfoncent leur lance à travers ses parois, et embrochent généralement ainsi l’individu qui s’y trouve. On dispose les trappes de façon qu’elles tombent dans l’eau, et noient l’animal. Si l’on abandonne un Ondatra qui vient de se prendre, il est aussitôt entouré par ses cama- rades, qui se comportent à son égard comme le font les rats, c'est-à-dire le déchirent et le dévorent. Un Ondatra qui vient de périr d’une façon quelconque doit être ramassé de suite, sans quoises compagnons font disparaître son cadavre, qui est perdu pour les chasseurs. On capture encore les Ondatras en les enfumant dans leurs demeures avec du soufre. : \ ds cn ST PO PROS PP NON ONE MYOPOTAME COYPOU 57e En un mot, l'homme met tous les moyens en usage pour s’en emparer. Le Lynx, le Renard, le Vison, la Marte, les oiseaux de proie, diurnes et nocturnes, poursuivent aussi l'Ondatra t. » Le Myopotame Coypou. Caractères. — Le Castor des marais ou Coypou a à peu près la taille de la Loutre commune; il y ressemble sensiblement quant au pelage brun châtain sur le dos, presque noir sous le ventre et d’un roux vif sur les flancs. Ce pelage varie d’ailleurs suivant les individus. Distribution géographique. Mœurs. — Ja Plata et le centre du Chili, en général, les régions situées au sud du tro- pique, sont les contrées qu’il habite. On l’y trouve sur les bords des lacs et des fleuves, surtout à proximité des eaux tranquilles, recouvertes d'une couche épaisse de plantes aquatiques. C’est là qu’il aime à construire un terrier, dans lequel il passe, en famille, la nuit et la plus grande partie du jour; c'est aussi là que la femelle met bas quatre, cinq ou six petits qui grandissent rapidement et qui accompagnent bientôt leur mère dans ses excursions. Le Coypou est un habile nageur, un plongeur médiocre, et un mauvais mar- cheur. À terre, il a peine à utiliser ses pattes très courtes; et il est sans cesse retardé dans sa marche par son obésité natu- relle. Au reste, il ne marche guère que pour se transporter d’une pièce d’eau à une autre. Méfiant et craintif, il s’alarme et fuit au moindre bruit. De ses pattes de devant, il se sert habilement pour porter les aliments à sa bouche; celles de derrière lui servent surtout pour nager. Chasse. — Aux environs de Buenos-Ayres, on poursuit le Coypou avec acharnement. Des chiens spéciaux sont dressés à la chasse de cet animal. On attend qu’il se montre à la surface de l’eau pour le fusiller à bonne portée, mais il arrive que sa fourrure épaisse pare le coup, ou en atténue la gravité. S'il n’est que blessé légèrement, il se cache si bien 1 Brehm, Merveilles de Ja nature. , DES POILS EMPLOYES POUR LA CHAPELLERIE 376 qu'il échappe aux recherches des chasseurs; et il se laisse se sent mortellement atteint. il àfond, quand couler AN Er 2 SNS =) es Es tan) (2) [el © O1 (a u2 D + = © Jo D T SO un u) œ rS O ien pour Usages. — On l'a si LES LIÈVRES 377 commence à devenir rare dans les parages où il était naguère le plus commun. On le chasse pour son duvet avec lequel on fabrique d'excellents chapeaux, et qui se vend fort cher. Chaque année, on exporte par milliers en Europe des peaux de Coypou; on les connait dans le commerce sous le nom de Racoonda nutria ou Loutre d'Amérique. En 1827, la province d’Entre-Rios fournit 300,000 de ces peaux; en 1830, l'Angleterre en recevait 50,000 de Buenos-Ayres et de Montévidéo. C'aptivité. — Pris de jeunesse, le Coypou s’accoutume à la captivité, et il ne perd rien de sa timidité naturelle. Mais; lorsqu'il a été capturé vieux, il montre un caractère farouche, refuse toute nourriture, et mord cruellement les personnes qui l’approchent. On est parvenu toutefois à en amener en Europe, notamment au jardin zoologique de Londres. Le Lièvre. — Mœurs. Régime. — Le Lièvre est un noc- tambule. Le jour, immobile et inquiet, il dort, tremble ou songe creux, au pied d’une fougère, pour ne s’éveiller et prendre quelque assurance qu’à la tombée de la nuit. Alors, d'une allure furtive et légère, il quitte le couvert pour ga- gner les blés, les avoines, les orges, les pois. Sur la pente aride, il broute le thym et le serpolet; dans les plaines plus grasses, il savoure les herbes laiteuses, les trèfles, les lu- zernes, les betteraves : dans le potager, à la porte de la mai- son, les choux et les salades ; il n’est pas jusqu’à l'écorce des arbres, l’aulne et le tilleul exceptés, qui ne soit en butte aux attaques de ce rongeur. On ne l’a jamais vu boire ; la rosée qui couvre les herbes, l'humidité contenue dans les vé- gétaux aqueux dont il se nourrit, suffisent à le désaltérer. S'il ne boit pas, en revanche, il mange copieusement, et Pappétit du mâle ne le cède pas à celui de la femelle. Bien qu’ils ne soient pas sédentaires et qu'ils aient l’esprit remuant, les Levrauts ne s’écartent jamais beaucoup du lieu de leur naissance. Ils demeurent ici, puis là, ne restant et 378 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE ne revenant pas régulièrement dans la même pièce. Pendant toute cette période de jeunesse, ils vivent à quatre-vingts pas les uns des autres, mènent une existence solitaire, choisissant chaque jour, pour s’y reposer, un emplacement nouveau. Caractères.— Le Lièvre a la tête longue, étroite, arquée du bout du nez à l’origine des oreilles, le museau épais, la _ lèvre supérieure fendue jusqu'aux narines {fig. 75). Il porte de fortes moustaches. La bouche est armée de vingt-huit dents savoir : six incisives et vingt-deux mollaires, ces dernières au nombre de six de chaque côté de la mâchoire supérieure et de cinq de part et d’autre du maxillaire inférieur. Quant aux incisives, des quatre supérieures les deux de devant sont grandes, cunéiformes, et portent un sillon longitudinal en avant, les deux de derrière sont petites et exactement ap - pliquées dans leur longueur contre les premières. Les deux incisives inférieures sont tranchantes et à coupe carrée. Les yeux sont grands, ovales, saillants et placés sur les côtés de la tête qui est surmontée de deux oreilles longues, noires au bout, molles, revêtues de poils en dehors et presque nues en dedans. Le corps est allongé, la queue courte, velue et rele- vée et les jambes de derrière beaucoup plus longues que celles de devant qui sont aussi plus minces. Le pied de der- rière, qui a quatre doigts, tandis que celui de devant en a einq, le métatarse et le tarse dénotent par leur grosseur, de même que les lombes ou rable, la force que le lièvre a pour la course; et la longueur des jambes de derrière marque la fa- cilité avec laquelle il s’élance en avant. Cette conformation des membres moteurs semble indiquer la destination du Lièvre, plutôt fait pour la montée que pour la descente, et, cependant, c’est dans les grandes plaines qu’il se reproduit le mieux, et là qu’il vit le plus communément. Peut-être pré- fére-t-il la plaine au bois, même montueux, parce qu’en rase campagne il se sent mieux garanti de la dent des car- nassiers grands et petits. Le Lièvre a le poil fort touffu ; il LES LIÈVRES 379 en est abondamment pourvu jusque sous la plante des pieds. Le dos, les lombes, le haut de la croupe et les côtés du corps ont une couleur roussâtre, avec des teintes blanchâtres et noirâtres, Le sommet de la tête est mêlé de fauve et de noir, les yeux sont environnés d'une bande de couleur blanchâtre ou blanche qui s'étend en avant jusqu’à la moustache et, en arrière, jusqu’à l'oreille. Tout le reste du corps a différentes teintes de fauve et de roussâtre, de blanc et de noirâtre. Fic, 75. — Le Lièvre commun. Influence des milieux. — Les Lièvres subissent, ainsi que les autres animaux, l'influence des milieux. Cest ainsi que le Lièvre des montagnes est plus gros, plus grand, plus noir sur le corps, plus blane sous le cou que le Lièvre de plaine. Est-il né en pays de collines élevées, là où il y a de la vigne, un terrain sec ou caillouteux, couvert de plantes aromatiques, le Lièvre a la poitrine ouverte, la tête plus courte et plus ramassée, des reins solides et bien établis, le dos gris noir, le ventre blanc de neige, les pattes fines et vi- goureuses. Fait-il sa demeure des lieux bas et malsains, des terres humides et marécageuses, il porte un poil long, fauve 380 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE rougeâtre, une tête plus allongée, un rable plus étriqué, une poitrine étroite; c’est un Lièvre ladre, pour tout dire, miné par une fièvre perpétuelle. Poids. — En France, les Lièvres adultes pèsent de trois à quatre kilogrammes. Les vieilles hases et les lièvres de mon- tagnes dépassent quelquefois ce poids. Le Lièvre vit de sept à huit ans. Habitat. — Au printemps, les Lièvres se tiennent dans les blés verts et dans les jeunes taillis. En été. ils fréquen- tent les petits buissons, les genêts, les bruyères, à proximité des gagnages; ils s’y trouvent bien garantis des mouches qu'ils exécrent. En cette saison, le gîte du lièvre, qui est cette « forme » légèrement enfoncée en terre et moulée sur le corps de l’animal, que tout le monde a vue, est orienté au nord. Au mois d'août, de septembre et d'octobre, lorsque le temps est sec, c’est dans les chaumes de blé et d'avoine, surtout là où il y a des chardons et des hièbles que se reti- rent lièvres et levrauts. Après la pluie, ils quittent les chau- mes trop mouillés pour les sillons fraîchement tracés et s'y blottissent entre deux mottes de même couleur que leur four- rure. Au commencement de l’automne, les Levrauts demeu- rent volontiers dans les haies un peu épaisses, et dans les buissons rapprochés des maisons. Par les pluies persistantes, les coteaux pierreux et dénudés, les abords des carrières, les endroits éminents dans la plaine, les rebords de fossés, gardés du vent et de l’eau du ciel, tous les lieux enfin où le gîte ne risque pas d’être inondé servent de refuges à nos rongeurs. Et comme ces petits animaux sont excellents astrologues et qu'ils pres- sentent avec sûreté le temps à venir, ils se gardent, quand la pluie est à craindre, de se mettre au fourré. Là leur toilette serait gâtée et le bruit des gouttes d’eau qui tom- beraient des branches et des feuilles les tiendrait en de con- tinuelles alarmes. A l'approche des grands vents et des froids LES LIÈVRES 381 de l'hiver, ils cherchent un abri à l’exposition du Midi, dans les petits bois et dans les halliers. S'ils découvrent quelque masure abandonnée, envahie par les ronces et les épines, ils y élisent domicile. Il n’est pas rare même, quand les toitures de chaume sont assez rapprochées du sol, dy trouver quelque hase « capie » dans le réduit qu'elle s’y est ménagé. Par un froid sec, si le temps est clair et que le soleil tente de se montrer, inspectez avec soin les champs de blé vert. Si en quelque endroit il s’y élève une petite fumée, comme une vapeur qui se dégagerait d’un liquide en ébuili- tion : là giît le lièvre, n’en doutez pas. Certains paysans ont la vue si percante qu’ils vous signalent à de grandes dis- tances un Lièvre au repos dans les guérets. Chasse. — Lorsque le Lièvre a réussi à tromper la con- voitise de toutes les bêtes sauvages qui en veulent à sa peau, il lui faut encore sortir victorieux de la guerre sans merc que l’homme lui a déclarée. Et cette guerre défensive est d'autant plus difficile à soutenir, pour le pauvre animal, que l’homme déjà si redoutable par lui-même, appelle à son aide les armes terribles et les engins perfectionnés et meur- triers, et les animaux même qu’il a su attacher à sa personne et dont il s’est fait de dévoués auxiliaires. Le Lièvre a, dans les haies, à redouter le collet, ce laiton recuit, flexible et fin comme un fil de soie quoique solide comme un gros câble; au coin du bois le braconnier à l'affût; partout, le Chien de berger qui le pousse « à la muette », le Chien d’arrêt qui le désigne aux coups du chasseur ; le Chien courant qui le houspille pour son compte. Le hasard l’a-t-il fait naître hors de France, sous un climat chaud, au milieu d’une flore luxu- riante, en Algérie, par exemple, quelque indigène saharien lui lâchera aux trousses des lévriers idiots ou des faucons alertes. En Angleterre et en Allemagne, des amateurs le chasseront à cheval et sans chiens, et cavaliers et amazones le poursuivront à l’envi, lui coupant chemin jusqu’à ce que 382 DES POÎLS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE terrifié et comme fasciné, il se laisse prendre par les oreilles. Et puis, on le traque en battue, tant en plaine qu'au bois, quelquefois même, par un raffinement de cruauté, on pro- mène au-dessus des blés une corde avec des sonnettes pour le faire décamper plus sûrement. C'est lorsqu'il est chassé par les chiens courants que le Lièvre montre, le mieux, la vigueur de ses jarrets, la légè- reté de sa course, l’ingéniosité de son esprit, et, en cette FiG. 76. — Le Lièvre variable. occurence, qu'il met en œuvre tous ses moyens, et déploie, suivant le climat, le territoire et la disposition des lieux, les ruses infiniment variées dont ce stratégiste éminent a le secret. Aussi, pour venir à bout de cet être inoffensif, l’homme a-t-il besoin de s’armer de toutes pièces. Usages. — Le Lièvre d'Europe est rarement employé comme fourrure; en revanche, les peaux d'hiver sont recher- chées pour la chapellerie, et la Bohême seule en emploie annuellement plus de 40.000. Les pelletiers utilisent le. Lièvre à fourrure ou Lièvre changeant (fig. 76) dont le pelage varie avec la saison et qui, blanc en hiver est roux au printemps et à l'automne. Il se trouve en Suède, en Norvège, en Sibérie, en Laponie, au Canada, dans les régions de la baie d'Hudson et aussi dans les Pyrénées et LES LAPINS DE GARENNE 283 dans les Alpes. La Russie fait un commerce considérable de Lièvres blancs avec la Chine. Une autre espèce, connue sous le nom de Lièvre noir de Russie, donne une fourrure très rare et très estimée, Les Lapins de Garenne. — Mœurs. — Habitudes. — Ré- gime. — Le Lapin de garenne (fig. 77) est trop connu pour qu'il soit besoin d’en parler longuement. C’est un des ron- geurs les plus pimpants, les plus enjoués, les plus guille- AN = SEE. Fi. 117. — Le Lapin de garenne, rets et les plus frétillants, aussi un des plus vicieux et des plus nuisibles que porte la terre, Sous ses incisives tran- chantes, la récolte la plus drue s'éclaircit et le taillis le mieux venu s’étiole, Originaires des pays chauds, ils ont envahi l’Europe en passant par l'Espagne ; on les trouve d'ailleurs en bien d’autres contrées, partout en général où les rigueurs du froid ne sont pas excessives, Où qu’ils soient il vivent en sociétés, dans les bois, sur les montagnes, sur les versants des coteaux bien exposés, au milieu des terrains secs, sablonneux et faciles à remuer. Quand ils ont une fois choisi le lieu où ils veulent s'établir, chacun se met à la besogne, fouille le sol, coupe les racines, creuse, sans relâche, et partout, des demeures souterraines ; celles-ci, percées droit celles-là tortueuses, les unes à une issue, les autres à plu- 384 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE sieurs entrées et à nombreuses sorties : ici des terriers, véritables dédales, plus spécialement affectés à l’habitation, au repos de jour et de nuit, à l’hivernage et à la retraite en cas de péril; là, aux pieds des arbres, les rabouillères, à peine profondes d'un mètre, s’enfonçant obliquement dans le sol, forées en zigzags et terminées par un réduit évasé et circulaire que la lapine tapisse d'herbes sèches et rembourre de son propre poil arraché. C’est là, qu'après une gestation d’un mois, elle dépose ses petits qu’elle allaïite pendant vingt jours, en cachette de son mâle, cruel et jaloux personnage, très capable de tuer ses petits pour jouir plutôt de sa femelle. Ces fureurs de mâle ne durent que peu de temps ; il finit par adopter ces petits, et par leur donner des soins assidus. Le pelage du lapin est un mélange de gris cendré et de fauve, relevé de poils noirs ; le roux domine au chignon, le gris noir sur le dos, le gris plus clair sur les flancs, le blanc sous le ventre. Les Lapins courent aussi bien le jour que la nuit ; la nuit pourtant ils prennent mieux leurs ébats et c'est au crépuscule qu'ils commencent leurs déprédations. Sitôt le soleil couché, ils sortent en masse de leurs terriers, des tas de pierres et de fagots, des buissons où ils se sont blottis au petit jour. Alors, ils se jettent dans les blés, dans les luzernes et les sainfoins ; ils étètent les bruyères, broutent le thym et le serpolet. En hiver, ils coupent les ronces, tondent les genêts, cueillent les chatons du coudrier et du saule, écor- cent les genèvriers et Les arbres tendres. . Bien souvent ils sont troublés dans leur œuvre de pillage, par les loups, les renards, les blaireaux, les chats sauvages, les martes, les fouines, les putois et les belettes ; le jour par les rapaces diurnes, la nuit par les oiseaux de proie nocturnes. L'homme, de son côté, se met de la partie, et cherche à détruire cette engeance qui dévaste tout lorsqu'on la laisse pulluler, al doi LES LAPiNS DE GARENNE 389 Chasse. — On chasse le Lapin de différentes facons, no- tamment au furet sans fusil, simultanément au fusil avec un furet, enfin, au fusil, que ce soit à l'affût ou avec l’aide de chiens courants. . Avant de pouvoir employer le furet utilement, cet animal doit subir un dressage. Il faut habituer ce carnassier à venir à la voix et à se laisser manier. Dès que le furet a atteint l'âge de cinq mois, on lui montre un lapin de temps à autre, et on le lui laisse rouler et mordre à belles dents. Cela fait, il n’y a plus qu’à apprendre à encameler l'animal, c'est-à- dire à lui lier la gueule avec une ficelle qui forme muselière et l'empêche de saigner les Lapins dans les trous. Le furetage proprement dit est moins un genre de chasse qu'un mode de destruction. Il se pratique avec des poches en filet que l’on fixe à l’orifice des terriers, et dans lesquelles viennent se « bourser » les animaux poursuivis par le furet. On furète aussi à gueules ouvertes, c'est-à-dire en laissant libres Les issues des terriers. Ce dernier mode de procéder est fort amusant, il suppose une grande promptitude de décision, un coup d’œil sûr et une extrême rapidité de tir chez le chasseur qui attend que le Lapin harcelé bondisse hors de sa demeure. Il faut apprendre à jeter un coup de fusil, comme on dit. Faute de ce faire, la bête a déjà gagné la brousse que le chasseur n’a point encore mis l'arme à l'épaule. Que dirons-nous de l'affût ? C’est une manière de bracon- nage. Il y faut surtout du silence et de la patience. Que l’affâteur se place à la lisière du bois, près du gagnage, et qu'il y attende, le soir, au clair de la lune, ou, le matin, avant le lever du soleil, il trouvera l’occasion de faire feu plus d’une fois. Mais la chasse la plus attrayante, à notre avis, est la poursuite du Lapin aux Chiens courants. Quatre Chiens lents, quatre bassets à jambes torses sont pour vous faire passer une délicieuse journée dans une localité où il y a du Lapin. Pourvu que le temps ne soit pas trop pluvieux, Lacroix-DaxLiarp, Poil et Fourrures. 22 386 DES POÏLS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE les Chiens chasseront à pleine gorge à toute heure du jour, et l’on tirera fréquemment. La bête de chasse évolue dans un espace restreint ; elle se fait battre et rebattre sans s'éloigner de son point d'attache ; elle fait crochet sur crochets s’amuse devant la petite meute, s'arrête, écoute, se fait la barbe, et donne mainte occasion de la fusiller de près. Lorsqu'un chasseur possède à la fois des chiens et un furet, . il peut à l’aide de ses chiens faire terrer les lapins, et au moyen de son furet les faire ensuite déguerpir de leurs terriers. Si cependant l'on veut conserver du lapin dans une contrée, il faut se garder d’une chasse trop acharnée. Ces rongeurs, capricieux et malins, quand ils se sentent par trop tourmentés, n'hésitent pas à quitter le canton et à émi- grer pour des régions plus hospitalières, Les Lapins domestiques. — Les Lapins domestiques sont les descendants des Lapins sauvages: ïls sont de couleurs variables ; il y en a de noirs, de blancs, de gris, de roux, de jaunes et de tachetés, Ils ont plus de taille que le Lapin de garenne ; il en est comme les Lapins géants belges, qui attei- gnent des proportions relativement considérables et un poids de 6 à 8 kilogrammes. Le gris, le gris-bleuté et le gris- cendré sont les couleurs les plus recherchées et aussi celles qui se rencontrent le plus souvent chez ces Lapins. Certaines variétés de Lapins seraient artificielles selon les uns, proviendraient d'espèces encore inconnues, selon les autres, Tels sont : Le Lapin argenté, le Lapin de Russie, etle Lapin d’Angora. Le premier est originaire des montagnes de l'Asie, et surtout des monts Himalaya; il est plus grand que le Lapin ordinaire, est d’un gris bleu, à reflets foncés ou argentés, avec le bout du museau, les oreilles, les extrémités des pattes et la queue d’un noir argenté assez foncé... Le Lapin de Russie est gris, avec la tête et les oreilles brunes, et la gorge fortement pendante. LES LAPINS DOMESTIQUES 387 Le Lapin d’Angora a les oreilles plus courtes, le poil noir, abondant, traînant souvent à terre, et soyeux, Malheu- sement 1l est très délicat. On a essayé, mais en vain, de l’acclimater. On peut filer ses poils. Usages, — Une importation considérable se fait de la Belgique qui fournit des Lapins très recherchés en Angle- terre pour l’alimentation et qui exporte sur Londres plus de G millions de peaux, toujours très bien cotées sur le marché, attendu que, par leur ampleur, leur nuance et leur qualité, elles se prêtent mieux que les peaux de Lapins sauvages à un emploi dans l’industrie des fourrures. La France exporte les peaux de Lapins en grande quantité ct elle en recoit peu de l'étranger. Comme fourrure, la dépouille de Lapin est d’un usage peu durable; mais le duvet est très employé pour la chapellerie, et il s’en fait, tant en France qu’à l'étranger, une consommation considérable pour cette industrie. Les Lapins russes fournissent d’ailleurs une quantité de duvet beaucoup plus considérable que ceux de France, puisqu'avec cent peaux de Lapins de France on arrive à peine à obtenir 4 kilogrammes de duvet, tandis que 100 peaux de Lapins russes en produisent 14 kilogrammes. Au point de vue comestible, «il s’exporte de Belgique, par Ostende seulemeut, dit M. de Laveleye, 1,250,000 Lapins par an, d’une valeur de plus de 1,500,000 francs. On les envoie écorchés et nettoyés aux marchés de Londres, par les bateaux à vapeur. La peau est conservée dans le pays pour la fabrication des chapeaux. » Les Lapins à fourrures se divisent, dans le commerce, en Lapins riches, ou argentés et en Lapins blancs de Chine. Les Lapins riches sont d’un gris ardoisé. Leur poil est long, doux et soyeux. Les peaux les plus belles sont celles des mâles castrés de bonne heure ; et les meilleures sont celles de France, surtout celles qui viennent de Normandie. On les 3838 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE achète à la recette c’est-à-dire de premi © choix par bottes de 104 peaux. Viennent ensuite les peaux de demi-recette, puis les peaux de rebut. Les Ardennes, la Bretagne pote également de bonnes peaux. Le fiéau de l'Australie. — Après la guerre de Sécession M aux Etats-Unis, les colons d'Australie importèrent chez eux et à la Nouvelle-Zélande le Lièvre et le Lapin d'Europe; les deux rongeurs y prospérèrent et y prospérent encore. Mais la reproduction du Lapin a tellement dépassé les espé- rances, que la pullulation de ce petit animal est devenue un véritable fléau pour l’Australie tout entière. Il y a trente ans à peine qu'un colon, M. Austin, lâcha un certain nombre de Lapins à Basseonpark, près de Geelong, colonie de. Victoria, et déjà plus de vingt ans que le Lapin est devenu la terreur de l’Australie. Dix années ont donc suffi à quelques couples pour devenir une innombrable armée. Les pâtu-. rages sont tondus jusqu'à la racine, les vignobles coupés … en pied, les jardins maraîchers saccagés jusqu’à la ruine. Tel grand propriétaire dépense en vain un million de francs pour détruire les auteurs du mal; il est obligé d'y renoncer. Les autorités locales se sont émues; elles sacrifient des sommes énormes en primes payées aux chasseurset dépensent plus encore en constructions de barrières soi-disant infran- chissables. La colonie de Victoriapaye, chaque année, à raison de 25 centimes par Lapin tué, pour 625,000 franes de primes aux chasseurs opérant sur les seuls terres de la Couronne. Une loi récente oblige, d’ailleurs, chaque propriétaire à détruire les Lapins vivant sur son terrain, et de sévères. pénalités sont édictées contre quiconque ne se conforme pas aux prescriptions de cette loi. C’est une amende de 250 ras pour la première infraction, de 500 francs pour la seconde: Si ces amendes ne suffisent pas et que le propriétaire fa le récalcitrant, des battues sont ordonnées sur son terrain LA Sr AL OL ag en 3 À TE RE ae di > js: FE, ñ die ds LES LAPINS 289 et à ses frais par le gouvernement. Beaucoup d'agriculteurs impuissants à lutter contre le fléau ont dû abandonner leurs terres. Les Rabbiters, — Si l'agriculteur se désole, le chasseur se réjouit ; il fait plus, il s’enrichit; avec 100 pièges, il peut gagner deux cents francs par semaine ; une ferme de 4000 hectares environ doit entretenir une troupe d’au moins 100 chasseurs. Les Rabbiters ou chasseurs de Lapins, vivent seuls dans des huttes écartées de toute habitation. Ils enfouis- sent, à quelques centimètres sous le sol, des pièges extrême- ment simples, dans lesquels ils attirent les Lapins sans aucun appât, et uniquement en grattant un peu la mince couche d'humus qui recouvre l’engin. Par esprit d'imitation, le Lapin gratte à son tour, creuse jusqu’à atteindre le piège. Celui-ci se détend et l’animal est pris. Chaque matin et chaque soir, le rabbiter fait sa tournée, relève ses victimes et les accroche aux fils de fer qui clôturent le terrain qu'il est chargé de purger de Lapins; en moyenne par jour une centaine de Lapins sont ainsi suspendus par chaque tendeur de pièges. Des milliers de cadavres restent attachés aux clôtures jusqu’à ce que le compte ait été fait entre le propiétaire et le chasseur et l’indemnité réglée. Le soleil est si ardent que ces corps d'animaux, desséchés très rapidement, ne dégagent aucune mauvaise odeur. Procédés de clôture. — La destruction par le piège et par la chasse au fusil est loin de suffire à arrêter les dégats, et l’on a dû y ajouter beaucoup d’autres pratiques. D'abord on à essayé des clôtures en treillages de fil de fer, et le gouvernement ne lésine pas sur ce point. Il fait établir une barrière destinée à isoler la Nouvelle-Galles du Sud et le Queensland ; elle doit être construite en fil de fer treillagé et mesure treize mille kilomètres de long. Gette immense barrière remplira-t-elle le but qu’on se propose, et empêchera-t-elle Pire 390 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE l'invasion? Ilest permis d’en douter, surtout si l’on en croit ce que content les journaux étrangers sur la malice des Lapins australiens. Il paraîtrait que ces ingénieux rongeurs, fatigués d’être poursuivis par les chiens, ennuyés par les clôtures qu'on leur impose, ont appris à grimper ; déjà ils ne se creusent plus de terriers, et se réfugient sur les arbres. Un journal anglais The Frield aurait recu d’un deses corres- pondants d'Australie, les deux pattes de devant d’un Lapin tué sur un acacia à plus de 3 mètres du sol. Au dire de l’ex- péditeur le fait serait très commun. Ges pattes de Lapin grimpeur auraient été présentées à la Société zoologique de Londres par M. Tegetmeier, et on aurait constaté qu'elles étaient beaucoup plus fines, de couleur plus sombre, et armées de griffes plus aiguës que celles des Lapins de ga- renne européens. Au reste, on aftirme qu’il n’est pas rare de trouver en Australie des traces de griffes de Lapins sur les arbres, à une hauteur de 4 à 5 mètres. La guerre par le furet, la fouine et la belette.— Pour ne rien négliger, les Australiens ont eu recours aux ennemis jurés du lapin, les furets, les fouines et les belettes. Les furets paraissent devoir diminuer le nombre des rongeurs, dans les contrées où ces carnassiers ont été introduits en grande quantité ; dans les districts de Wallace et d’Otago, les Lapins ont déjà éprouvé des pertes sensibles. Le gouver- nement a payé, en 1889, 8 fr. 70 par tête pour la nourriture de 5537 furets élevés chez les colons ; 1482 autres furets ont été achetés, de 50 à 60 centimes pièce; 5000 ont été lächés dans les comtés de Wartakiet de Vincent, et lieux circonvoisins; d’autres ont été vendus à moitié prix aux chasseurs, soit à titre définitif, soit à condition de les vendre au printemps. 4000 furets ont été, de plus, élevés, et mis en liberté par des particuliers. Aux furets, quelques fouines et quelques belettes ont été données comme auxiliaires. ME, 5 LES LAPINS 394 Procédés scientifiques de destruction. — En même temps qu’elle appelait les chasseurs et les furets à son secours, l'Australie faisait appel aux chimistes et aux savants. Le 31 août 1887, le gouvernement de la Nouvelle-Galles du sud, à Sydney, proposa un prix de 625.000 francs à l’au- teur d’un procédé capable de restreindre ou de faire dispa- raître le rabbit-pest ou fléau des lapins. Procédé Pasteur. — Le 27 novembre de la même année, M. Pasteur écrivit au Temps une lettre détaillée dans laquelle il exprimait l'opinion qu’en arrosant la nourriture des Lapins d’un terrier avec le liquide de culture du choléra des Poules on pourrait provoquer une endémo-épidémie redoutable de cette maladie contagieuse, capable de détruire tous les Lapins sur une vaste étendue de territoire. Le cho- léra des Poules, eneffet, se communique facilement aux ron- geurs, mais le virus est inoffensif pour les animaux de ferme, autres que les rongeurs et les Poules. Une occasion avait été fournie à M. Pasteur de faire en grand une expérience probante : « Madame veuve Pommery, de Reims, dont les immenses caves à champagne sont célèbres, possédait au-dessus de ces caves un clos muré de 8 hectares; les Lapins y avaient à ce point pullulé et miné le sol (il y en avait beaucoup plus d’un millier) que la solidité des voûtes était menacée ; pour arrêter leurs travaux souterrains, on placait chaque soir huit grosses bottes de foin et de luzerne autour des terriers. Madame Pommery invita M. Pasteur à faire dans son enclos l'expérience projetée. Le 23 décembre 1887, un aide de M. Pasteur arrosa le repas du jour avec une culture récente de microbe du choléra des Poules; le 26, on trouva partout des Lapins morts; à partir du 27, on ne vit plus circuler un seul Lapin; la luzerne déposée autour des terriers ne fut pas touchée; en découvrant les monceaux de craie, on trouva partout des cadavres entassés au fond des terriers. 292 (DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE A la suite de l'expérience faite en France par M. Pasteur, le système du savant Français fut expérimenté en Australie à Bhode Island. Les Australiens sont difficiles ; ils consta- térent, il est vrai, que les animaux nourris d'aliments empoi- sonnés par le microbe du choléra des poules périssaient rapi- dement ; mais ils tenaient à ce que la maladie se propageût par contagion, ils y tiennent encore, paraît-il ; et la conta - gion n'existe pas de Lapin à Lapin, du moins pour ce qui est du choléra des Poules. Procédés Watson et Ellis. — Concurremment avec le procédé Pasteur, on a essayé le procédé de M. Watson, professeur à l’Université d’Adélaïde. Il consiste à donner aux Lapins la Gale du mouton. Enfin, on a expérimenté la méthode du docteur Ellis qui a pour objet de débarrasser l'Australie du fléau qui la ruine, en inoculant aux Lapins une maladie inventée par le docteur Ellis en personne, mal qu’il désigne sous le nom de marasmoïde. Aucune des expériences faites depuis deux ans, aucun des procédés essayés, n’a eu le don de satisfaire le gouverne- ment australien. Les membres de la Commission chargés d'étudier en Australie les méthodes les plus efficaces pour la destruction des Lapins viennent de déposer leur rapport. Aucun des 1400 procédés proposés n’a été jugé par cette commission assez meurtrier pour mériter la haute récom- pense de 25,000 livres sterling promise par les autorités australiennes. On s’en tiendra donc, jusqu’à nouvel ordre, en Australie, à l'établissement de clôtures en fil de fer maillé de un mètre de hauteur, que franchiront les Lapins, puisqu'ils sont devenus d’habiles grimpeurs ; à la destruction par les pièges et le fusil, notoirement insuffisante ; à l'emploi des furets, fouines, putois et belettes qui resteront au-dessous de leur tâche ; et aux appâts de graines empoisonnées que les Lapins se gardent de manger. Procédé Mégnin. — De son côté, le docteur Mégnin, PPT DT, CU MOT LES LAPINS 353 bien connu par de remarquables travaux micrographiques, s'est occupé de trouver le moyen pratique de débarrasser l'Australie des Lapins qui la dévorent et qui la minent, et 1 propose de tenter de communiquer à ces rongeurs ce qu'il appelle la phtisie hépatique coccidienne. Tous les chasseurs savent que le Lapin, en France, a été décimé, ces années der- nières, par une maladie désignée sous le nom vulgaire de gros ventre. Cette maladie frappe avec une égale violence les Lapins cantonnés dans les terrains secs etceux qui vivent dans les garennes humides. Chez les uns legros ventre est causé par la présence à l’étatlibreen dehors des intestins d’untœnia, letænia pectinata,chezles autres par unemaladie de foie oc- casionnée par l'invasion d’un parasite qui porte le nom de Coccidieoviforme. Lefoie tripledevolume.et, àl’autopsie, on le trouve plein de tubercules d'un blanc jaunâtre, constitués entièrement par des quantités innombrables d’un parasite microscopique du groupe des Prozospermies « C'est, dit M. Mégnin, sur l'herbe ou le Lapin a déposé ses crottes, qui sont chargées de coccidies expulsées parles canaux biliaires, que la multiplication des spores se fait et c’est en ingérant cette herbe que le Lapin contracte le germe de la phtisie hépatique coccidienne. » Gette maladie, si on pouvait la don- ner aux Lapins d'Australie, aurait l’éminent avantage, que n’offrent pas les autres procédés, de ne se communiquer à aucune autre espèce d'animal, et d’être tout à fait inoffen- sive pour l’homme. « Elle agirait, dit M. Mégnin, d’une manière moins foudroyante (que le choléra des Poules) ; elle mettrait plusieurs mois, quelques années peut-être à remplir son office, mais elle n’atteindrait pas moins, par ce moyen, le but qu'on se propose. Et puis, son action plus lente serait même un avantage, car on n'aurait pas des millions de Lapins tués en même temps, dont les émanations pestilen- tielles empoisonneraient sûrement l'atmosphère. « Pour transporter en Australie la phtisie hépatique coc- 394 DES POILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE cidienne du Lapin; il suffirait de transporter dans ces pays lointains quelques couples de sujets adultes pris dans une garenne infestée ; 1ls arriveraient encore envie,carnousavons constaté que cette maladie, qui tue très rapidement les jeunes sujets, a une évolution très lente chezles adultes et met plu- sieurs mois à amener leur mort. On pourrait aussi récolter, dans ces mêmes garennes, les crottes des Lapins, qui sont, comme on sait, accumulées dans certains points, et en faire des envois aussi importants qu’il serait possible. On pourrait enfin faire des cultures de coccidie, comme M. Pasteur fait des cultures du microbe du choléra des Poules, et les semer aussi sur du fourrage, comme il le fait pour ces der- nières, » M. Mégnin a-t-il découvert le véritable moyen de débar- rasser l'Australie de ses Lapins? nous le souhaitons pour l'Australie et pour M. Mégnin lui-même. Le prix de 625.000 francs proposé par la direction des mines de Sydney n'est pas à dédaigner. Peaux et conserves de Lapins en Australie. — En attendant la destruction de ses Lapins, l'Australie les utilise, tant 1l est vrai qu'à quelque chose malheur est bon. Les Neo-Zélandais expédient leurs peaux de Lapins en Angleterre, où elles se vendent de 23 à 30 centimes. Le district d’Otago en a exporté près de 409.000 en 1889, et la Nouvelle-Zélande entière 10 millions. On comptait qu’en 1889, la Nouvelle-Zélande avait déjà exporté 70 millions de peaux d'une valeur totale de 18 millions 750 mille francs. En dix années la Colonie de Victoria a livré au commerce 29 millions de peaux de Lapins. Aussi le marché anglais est-il aujourd’hui surabondamment pourvu. D'un autre côté, sur plusieurs points de l'Australie et no- tamment dans l'Australie du sud, on a commencé à tirer parti de l’énorme masse de viande représentée par le Lapin. / LES LAPINS 395 Des compagnies s'étaient fondées pour exploiter la prépara- tion des conserves de Lapins. Une d'elles employait de 40 à 90 trappeurs et préparait par jour 6 à 7 mille Lapins. M. Waïson a créé une usine où on met le Lapin en boîtes, contenant chacune un Lapin et demi. 500.000 Lapins détruits chaque année dans ses propriétés, sont expédiés sous cette forme en Angleterre et vendus 60 centimes la livre de 454 grammes. Le bénéfice pour l'inventeur est de 1 fr. 85 par douzaine de boîtes. Ces produits qui pendant quelque temps ont trouvé un écoulement facile, ont cessé d’être re- cherchés à dater du jour où les poisons ont été employés pour la destruction des Lapins. Aujourd’hui donc l’industrie périclite ; car il y a grève de consommateurs. y LES SOIES ET LA BROSSERIE. HISTOIRE NATURELLE MŒURS ET CHASSE DES ANIMAUX QUI FOURNISSENT LA MATIÈRE PREMIÈRE PRÉPARATION ET FABRICATION. PINCEAUX. BROSSES BALAIS. PARASITES QUI ATTAQUENT LES CRINS L'INDUSTRIE DE LA BROSSERIE L'industrie de la brosserie comporte la fabrication des brosses proprement dites, brosses à habits, brosses à tête, pinceaux communs et balais et celle des pinceaux fins. Brosses et pinceaux communs. — Les pinceaux com- muns ou brosses à peinture à l’usage des peintres en bâti- ments se font en serrant fortement avec un fil de fer ou une cordelette, des bottes de crin au bout d’un manche de bois. On coupe ensuite bien également les poils et l’on enduit à chaud d’un mélange de cire et de résine le haut de la botte. Les brosses ordinaires se font avec des soies de sanglier et de porc. La patte est un morceau de bois plus ou moins épais; percé de part en part au foret de trous ronds, égaux, disposés en quinconce et convenablement espacés. On passe dans un de L’INDUSTRIE DE LA BROSSERIE 397 ces trous une ficelle doublée en boucle, dans laquelle on en- gage, par son milleu, un faisceau de poils d’à peu près la même longueur, et l’on tire la ficelle pour forcer le faisceau à se doubler en entrant dans le trou et à se plier en ses deux moitiés. On passe ensuite la même ficelle en boucle dans le trou suivant pour saisir un autre faisceau de poils, et ainsi de suite; la ficelle reste ainsi engagée dans tous les plis des faisceaux. On coule par dessus la patte de la colle forte chaude, liquide, ou quelquefois du goudron, afin de main- tenir le tout solidement. Enfin l’on coupe avec des ciseaux appelés forces, tous les bouts de poils pour les niveler paral- lèlement à la patte. Celle-ci est ordinairement en hétre, en noyer ou en tout autre bois dur et pour les brosses à habits, recouverte d’une feuile de placage. Quand on fait la patte en os ou en ivoire, on remplace la ficelle par un fil de laiton. C'est ainsi que sont construites les brosses à dents et à ongles, les brosses de blaireau pour la barbe, etc. Un autre ete pour faire les faisceaux de poils sur la patte consiste à pratiquer dans celle-ci, au lieu de trous iso- lés des rainures en queue d’aronde, dans lesquelles on jux- tapose les faisceaux de poils, préalablement plongés par le bout dans de la colle de menuisier ou de la poix qu’on presse - à mesure avec les doigts ou de toute autre manière pour leur faire prendre une forme ovale, de telle sorte qu'ils s’élargis- sent par le bas et remplissent la rainure où ils se trouvent et s’y trouvent solidement fixés. On emploie également des rainures cylindriques dentelées de manière à retenir avec force les faisceaux de poils. Pinceaux fins, — Les pinceaux fins se fabriquent en poils ‘de queues de Martes, d'Écureils, de Blaireaux. On procède de la facon suivante. On dégraisse d’abord les poils en lavant les queues dans une solution d’alun, puis en les laissant dégorger dans l’eau ; on les couche dans la même LacroIx-DANLIARD, Poil et Fourrures. 23 398 LES SOIES ET LA BROSSERIE direction, on les laisse sècher, on les coupe au ras de la peau et on les range en différents tas suivant la différente longueur des poils. On pose ensuite ces tas, la pointe en haut, dans un petit godet en fer blanc à fond plat, on frappe sur le fond du godet, les poils se rangent parallèlement les uns aux autres et on les classe de nouveau avec beaucoup de soin, en tas, de manière à ce que tous ceux d’un même tas aient exactement la même longueur, parce que la perfection du pinceau dépend de cette condition. On prend la quantitè de poils nécessaire pour un pinceau, et on la met dans un godet, la pointe en bas, puis on les range par une légère secousse; on les réunit par une ligature faite avec du fil fin, et on lie ensuite par un fil plus gros, en serrant fortement les nœuds. Enfin, après avoir coupé de niveau les poils de la brosse qui excèdent les ligatures, on les introduit par le haut d’un tuyau de plume d’oie ou de cygne, taillé en bec de flûte, l'autre bout étant coupé droit en une partie dont le diamètre est moindre, et on pousse le pinceau jusqu'à ce que les poils viennent faire une saillie suffisante en avant du bout coupé droit ; on a soin de faire amollir préalablement la plume dans l’eau pour qu’elle ne se fende pas. Les pinceaux plats, dits palettes ou queues de morue, se fabriquent à peu près de même ; seulement on étend les poils à plat et on les colle entre deux cartes ; on les adapte ensuite à des manches de forme variable, suivant l’usage auquel ils sont destinés. Les ouvriers brossiers. — Il y a à Paris 200 ouvriers brossiers qui se répartissent en quatre spécialités : 100 pois- seurs, 90 brossiers, 10 laitonniers et à peu près 40 apprêteurs de soies. La journée de travail est de onze heures environ; elle est réduite à dix heures dans certains ateliers. Le salaire est resté, à peu de chose près, ce qu’il était autrefois. Depuis le tarif du 22 décembre 1797 ces salaires n’ont été relevés L'INDUSTRIE DE LA BROSSERIE 309 que de 20 pour 100 pour les ouvrages poissés, et de 15 pour 100 pour les brosses. Il en résulte que, pour gagner un peu plus d’argent, l’ouvrier presse l’ouvrage, et fabrique des articles inférieurs en qualité à ce qu’ils étaient autrefois. La Chambre syndicale des ouvriers brossiers attribue l’infériorité des salaires, à la concurrence que fait aux ou- vriers libres le travail des prisons. Le travail dans les pri- sons est payé aux détenus 200 pour 100 au-dessous des prix de Paris. Les deux maisons centrales où l’on fabrique le plus la brosse sont Melun et Gaillon ; on y confectionne, quel- quefois bien, quelquefois mal, la brosserie commune, la bros- serie fine, le plaquage, la préparation des soies ; il se fait dans les prisons beaucoup de brosses à habits et de brosses à tête. Quant à la brosserie de nécessaire en ivoire, c’est une maison de Beauvais (Oise) qui en a la spécialité. Actuellement, dans l’industrie de la brosserie, un ouvrier d’une habileté moyenne, qui travaille six jours à onze heures, gagne 24 francs par semaine. La fabrication parisienne reste stationnaire, mais elle s’est considérablement développée dans les départements de l'Oise et dela Somme. l’usage de la brosserie a augmenté, la brosserie recevant beaucoup d'applications dans l'industrie. Les Anglais importent en France de la brosserie fine, mais pour le reste nous en exportons en Angleterre. De l'emploi des crins. — Les crins que l’on emploie dans le commerce sont plats ou frisés. Les premiers, qui sont généralement longs, sont tissés et servent à la fabrication des archets de violon et de basse, des tamis, des cribles et de certaines étoïfes grossières ; souvent les crins sont passés à la teinture. Quant aux poils frisés, on leur donne en les fai- sant bouillir une forme encore plus tortillée, et une élasticité particulière qui les rend propres au rembourrage des matelas, Les tapissiers, les matelassiers et les carrossiers emploient 00 LES SOIES ET LA BROSSERÏE. aussi les déchets de la crinière et de la queue du Cheval, de la queue du Bœufet de la Vache. On distingue dans le com- merce différentes sortes de crins, suivant leur provenance, les crins de France, les crins de Buenos-Ayres, les crins de Rio-Grande et les erins de Russie. Quant aux soies de Sanglier utilisées pour les grosses brosses et les balais, elles nous sont expédiées par la Russie, l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas. La Russie pro- duit les soies les plus estimées. On les distingue sous les noms de soie d'Oukatka, de Jassy et d'Arkangel suivant sa qualité, sa teinte, sa longueur et sa provenance. Les soies de Porc, moins dures que les précédentes et avec lesquelles on confectionne les brosses à ongles, les brosses à dents et certains pinceaux, nous sont expédiées d'un peu partout. Cependant celles de Russie et de Sibérie sont plus appréciées que toutes les autres; quant aux soies de provenance fran- caise, c'est la soie arrachée de Champagne qui occupe le premier rang. ANIMAUX QUI PRODUISENT LA MATIÈRE PREMIÈRE. Nous avons décrit, dans le chapitre consacré aux animaux à fourrures, les mœurs de la plupart de ceux dont on emploie une partie de la dépouille dans le commerce de la brosserie; c’est ainsi que nous avons parlé de la Marte, du Petit-Gris et du Blaireau. Nous n’y reviendrons pas. Nous ne déeri- rons ici que le Sanglier, dont les soies sont spécialement uti- lisées dans l’industrie dont nous venons de parler, l’Agouti et le Mangouste melon dont les poils sont a pour les pinceaux fins. Les Sangliers. — Caractères, mœurs. — Bi qu il < s'en distingue par plus d’un trait, le Sanglier est la véritable sou- che des Cochons domestiques. Et la preuve, c’est que toutes LES SANGLIERS | 4O1 nos races de Cochons domestiques produisent avec cet ani- mal des individus féconds, et, chose plus probante, d’une fécondité qui se perpétue. En Bohême, ces croisements sont fréquents, et, dans nos pays même, quand arrive décembre, il n’est pas rare de voir des Sangliers galants venir jusqu’à la porte des porcheries, solliciter et obtenir les faveurs des Truies complaisantes. Et cependant que de différence entre _le Porcet le Sanglier, entre la Truie et la Laie, différences qui se manifestent et dans la conformation de certaines par- ties du corps, et dans les murs et dans les passions, et dans les allures de ces animaux, jusque dans les maladies dont ils sont affectés. Aux écoutes droites et rigides de la bête sauvage, à son pied ferme, à ses pinces serrées piquant le sol, à sa trace sèche, nette et large, opposez les oreilles souples, molles, inclinées et pendantes de l’animal civilisé, cette semelle ten- dre du Cochon qui laisse des empreintes plus rondes, plus petites et moins arrêtées. Les ergots que porte celui-ci au derrière des jambes sont peu écartés et portent en terre, les gardes de celui-là, plus grosses, aussi plus distantes, dessi- nent sur le terrain boueux comme deux portions de crois- sant. Le Sanglier ne se méjuge point ; le Porc marche à pas inécaux, et tandis que l’autre met invariablement le pied de derrière sur le talon et un peu en dehors de celui de devant, l’autre s’en va cahin caha d’une allure mal ordonnée. La terre est-elle fouillée en sillons droits et profonds, en fusée, comme on dit, c’est le bouwlis du Sanglier ; est-elle çà et là, à droite et à gauche, déchirée malproprement et sans mé- thode, c’est la besogne de son frère dégénéré. Aux dissemblances qui séparent le Porc du Sanglier, il faut ajouter certaines singularités qui les distinguent tous les deux des autres quadrupèdes. En règle générale, plus un animal est gros, moins il produit, Laies et Truies sont pour- tant d’une prodigieuse fécondité. De plus, les canines du 402 LES SOIES ET LA BROSSERIE Porc domestique, surtout celles du Cochon sauvage, crois- sent pendant toute la vie, et ni l’un ni l’autre ne perd ses premières dents. Enfin, la graisse est aussi remarquable par sa consistance et sa qualité que par la position qu’elle occupe dans le corps de ces pachydermes. La graisse de l’homme et des animaux qui n’ont pas de suif comme le Chien, le Cheval, est mêlée avec la chair assez également. Le suif dans le Bélier, le Bouc, le Cerf, ne se trouve qu'aux extré- mités ; mais le lard du Porc et du Sanglier n’est ni mêlé avec leur chair, ni ramassé aux extrémités, 1l la recouvre partout et forme une couche épaisse distincte et contenue entre la peau et les muscles. Au demeurant, le Sanglier est une vilaine bête au corps épais, au col massif, aux jambes courtes et fortes. A le voir aussi mastoc, on le croirait lent dans son allure et maladroit dans ses mouvements, il est cependant fort leste à la course, il roule comme une boule quand il est poursuivi, et se tourne et se retourne avec autant de brusquerie que d’agilité. C'est un vaillant, ce rustaud, à l'air grognon, à la lèvre retrous- sée; on le devine à sa démarche assurée, à son regard hardi plutôt que provoquant, à son petit œil plein de feu et de ma- lice narquoise. | 2 Il a confiance en lui, non sans raison. N’a-t-il pas une hure puissante, un front dur comme la pierre, un boutoir en soc de charrue, des défenses tranchantes, véritables rasoirs à lame recourbée, une ouïe fine et un odorat subtil? N’a-t-il pas, sur tout le corps, un bouclier de cuir épais, matelassé de laine frisée, et garni de ces longs poils noirâtres si durs et si élastiques; aux épaules enfin une armure de soies plus dures encore, à l'épreuve du couteau et même de la balle? Quand il est irrité, la crinière mobile qu’il porte sur le dos, se lève ou se couche, suivant que sa colère augmente ou décroît, ses sabots martèlent le sol. Il pousse son souffle bruyant par bouffées inégales, secoue par saccades sa tête LES SANGLIERS 403 allongée, mâchonne à vide, fait sonner les unes contre les autres ses douze incisives et ses vingt-huit mâchelières, et repasse, comme sur une pierre à aiguiser, les deux canines inférieures, qui sont les broches, sur les deux de dessus, qui s'appellent les grés. En sa furie, il imprime à sa petite queue tournée en vrille, un frétillement significatif, Dénomination du Sanglier en vénerie. — Le jeune Sanglier porte en vénerie le nom de Marcassin, jusqu’à l’âge de deux ans, les jeunes sont dits béles rousses ou bétes de compagnie. Le Sanglier de deux ans et demi est le Ragot ; celui de trois ans s’appelle Sanglier à son tiers ans ; à quatre ans, il prend le mon de Quartanier; à cinq ans, celui de Quintannier ; à six ans, il est vieux Sanglier, et plus tard grand vieux Sanglier ou Solitaire, Il en est parmi ces derniers dont les défenses se retournent en trompe, la pointe s’approchant de l'œil; ce sont les Sanglier mirés. On n’a plus à craindre d'eux que leur choc, qui continue à être puis- sant, mais leurs défenses ne peuvent plus blesser personne, du moins dangereusement. Il ya des Sangliers d’âge qui atteignent en longueur près de 2 mètres, en hauteur tout près de 1 mètre et en poids 290 kilogrammes et plus. La durée de 2 vie de ces animaux est de vingt à vingt-cinq ans. Dès leur seconde année, à dix-neuf ou vingt mois, les San - gliers sont en état de se reproduire. Au mois de décembre, plutôt en janvier, ils s’affouchent et ne font qu’un troupeau. LA Late ET LES MARCASSINS. — Lorsque l’accouplement a eu lieu, le mâle s’enfonce dans le hallier, où il élit domicile en quelque endroit humide. La femelle, la Laie, reste avec les bêtes rousses, jusqu'à la veille de mettre bas; la mise bas à lieu quatre mois après l’accouplement, vers la fin de mai. A ce moment elle se retire au milieu des ronces et des épines, auprès de quelque mare où elle puisse se mettre « au souil ». Durant les quinze jours qui suivent la délivrance, la Laie 104 LES SOIES ET LA BROSSERIE fait bonne garde autour de sa douzaine de petits. Elle ne les quitte que pour ramasser aux alentours la faine et le gland de l’an passé, et déterrer, là tout près, les racines etles larves des insectes. Tout occupée de surveiller l’ennemi qui rôde et d’écarter le loup qui épie, elle vit de peu et ne mange que pour entretenir son lait. Les Marcassins portent une livrée, barriolée de roux et de brun, qu'ils posent bientôt pour prendre une livrée unie, Pendant trois mois, ils continuent à teter, puis ils s’écartent, furettent, respirent les émanations de cette terre qu'ils n’osent ou ne peuvent encore fouiller. À la moindre alerte, la petite troupe revient en courant vers la mère, qui calme les plus peureux d’un grognement rassurant. Mais, quand c’est Le eri perçant qui retentit dans le fourré, le cri d'angoisse du petit qui se débat contre le ravisseur, la Laie accourt, se rue sur l’agresseur, le roule avec furie, le foule et le mord à belles dents. A-t-elle le dessous, elle lutte jusqu’à la mort. Débusquée par le chasseur, elle se donne à vue aux chiens et les entraîne au loin, pour sauver sa progéniture. Le danger passé, elle attend la nuit pour regagner son canton, et s'annonce aux marcassins par des grognements répétés. Si elle a succombé, les petits sont perdus à moins que quelqu'autre Laie ne recuéille les orphelins, ce qui arrive assez fréquemment. On rencontre, en effet, des bandes de vingt Marcassins de grosseurs différentes et par conséquent d’âges différents, à la suite d’une même Laie. Régime. — En hiver, les Sangliers se tiennent dans les fonds de forêts, faisant leurs nuits et leurs mangeures sous les futaies. A cette époque, ces animaux, qui ne se contentent pas de peu, sont obligés de faire de longues traites pour trouver de quoi se rassasier, La terre est dure, les racines difficiles à extraire et il faut vermiller toute la nuit pour ramasser, sous letapis de feuilles mortes, quelques châtaignes oubliées et les fruits tombés des sauvageons. C’est une bonne LES SANGLIERS 405 fortune, pour le Porc sauvage, de découvrir, péndant les froids, une de ces sources à température constante, près desquelles, été comme hiver, le cresson reste vert et l'herbe abondante; et sa joie est au comble s'il met le nez sur un de ces magasins bien garnis de noisettes que les mulots établis- sent dans la terre. Un peu en tout temps, il court les pâturages et, en moins de douze heures, vous retourne une prairie de fond en comble. Au printemps et en été, le Sanglier s'en va de buisson en buisson, en touriste intéressé, notant au passage les lieux où il voit les plus beaux blés verts, où il flaire les bonnes racines de pissenlit, de chiendent, de bassinet, de navet sauvage. En chemin, il s'attaque aux reptiles, même les plus venimeux, attrape les l'aupes et les Souris, dévore quelque charogne, fouille les rabouillères, et détruit les œufs des oiseaux qui nichent imprudemment trop près du sol. Il est friand de champignons, grand amateur de truffes, il apprécie pois, fèves, lentilles, et volontiers il se rend, en famille, dans les champs qui en sont ensemencés. La ripaille se continue dans les blés mûrs; elle s’accuse davantage au milieu des sarrasins bons à couper ; elle s'achève aux vignes, au moment des vendanges. Il mange alors tant de raisins qu’il s’énivre et qu’il cuve sur place. Quand il reprend ses esprits, en ces temps de bombance, et que le grouillement de la vermine lui fait faire un retour sur lui-même, il court à une place à charbon, s’y roule avec frénésie, jusqu’à s’arracher la moitié des soies, espérant ainsi mettre en déroute les parasites qui le dévorent. Après que la récolte est enlevée, le Sanglier glane quel- que temps, puis, avant de se remettre à la fouge, c'est- à-dire au régime des racines de fougère et d’asperges sauva- ges, il s'emplit de pommes de terre. Enfin, non sans regrets, il quitte les champs, gagne les chénaies, et s’y bourre de glands pendant qu’ils sont frais et de bon suc. Dès lors, il 23e 406 LES SOIES ET LA BROSSERIE est gras à lard, et a ramassé toute sa porchaison. Mais tant de nourriture échauïfante lui a mis le feu dans le corps, aussi ne cesse-t-il de boire, et de se vautrer dans la fange et dans l’eau. Au sortir du bain, il se frotte contre les arbres voisins, et en écorche le tronc de ses défenses, Ce n’est pas en automne seulement que les Sangliers recherchent l’eau; ils s’y jettent volontiers en toute saison, par les plus grands froids comme aux jours de chaleur intense. Ils nagent avec une telle facilité qu'en voyage il n’est aucune rivière, si large qu’elle soit, qui puisse les arrêter. Chasse. — La chasse au Sanglier se pratique à tir ou à courre. À tir, il convient d'employer la balle franche coni- que et à pointe d’acicr ; la balle ronde glisse sur la hure et sur les armures des épaules, et le tir à balles mariées est détestable. Quant aux chiens dont il faut faire usage, cha- cun à son système ; celui-ci veut des chiens d’ordre, celui-là des corneaux, cet autre des mâtins, et le vieux piqueur Clamart, brochant sur le tout, préconise l'emploi simultané de mâtins et de roquets. Les mâtins bien dressés à la garde des bestiaux sont excellents pour cette chasse. Ils sonthardis et mordants ; ils savent attaquer le bétail par les flancs, le mordre habilement aux pieds et aux jarrets. S'ils sont sou- tenus par le piqueur et bien appuyés, ce sont eux qui coif- feront le mieux la bêt. A courre, on chasse le Sanglier avec un équipage spécial, le vautrait. Lorsque la bête est réduite, on la sert au couteau. Mais, il est plus simple et plus pru- dent d’en finir d’un coup de fusil. On évite ainsi des acci- dents regreitables, et souvent la perte des chiens les meil- leurs et les plus courageux. Il est bien d'autres manières de chasser le Sanglier; à l’af- fût, près des mares ; sous les chênes à fruits précoces; aux abords des récoltes ; ou, pendant la neige, sans chien, à la trace. ; Le chasseur peut, en ce cas, s’attacher une clochette à la (TE LES AGOUTIS 407 jambe; la bête croit à une vache qui chemine en broutant, et se laisse approcher. En Allemagne plus qu’en France, on routaille le Sanglier ; un seul homme assisté d’un roquet suffit à cette opération du routaillement. L'animal un peu hardi méprise les attaques d’un si petit chien, et dédaigne, le plus souvent, de quitter sa bauge ; le tireur, qui vient à bon vent, le tue à bout portant. Les battues et les traques, bien conduites et bien exécutées, donneraient d'excellents résultats. Elles en donnent habituel- lement de piteux pour nombre de raisons. L'autorité s’en désintéresse, et les invités ne les prennent point au sérieux. Captivité. — « Pris jeune, dit le docteur Chenu, le San- glier, tout en conservant la rudesse et la brusquerie qui lui sont naturelles, est susceptible de s’apprivoiser ; il caresse à sa manière celui qui le soigne, reconnaît assez bien la voix de son pourvoyeur; mais, presque toujours, lorsqu'il est de- venu adulte, et, principalement, à l’époque des amours, il reprend ses habitudes, devient dangereux et on est obligé de le tuer. » F. Cuvier rapporte qu'il a vu de jeunes sangliers auxquels on avait appris à faire des gesticulations grotesques pour obtenir quelques friandises. Malgré ce qu’on en a dit, le Sanglier n’est donc pas un animal aussi stupide qu’on le croit en général. Les Agoutis. — Distribution géographique. Carac- tères, Mœurs, Chasse. — Le long des cours d’eau du nord du Brésil, au Pérou, à Surinam, et dans la Guyane, dans les forêts vierges et dans les prairies qui les bordent, on rencontre en assez grande abondance un gracieux ani- mal qui a l'aspect général d’un Lièvre, bien qu’il en diffère par plus d’un point : C’est l’ A gouti commun ou Lievre doré (fig. 78). Couvert d’un pelage lisse et épais, de poils raides et soyeux, son corps se distingue par une coloration dans. laquelle alternent le brun foncé, le jaune roux et le jaune 408 LES SOIES ET LA BROSSERIE citron, et qui, plus foncée en hiver, devient plus claire en été. L’Agouti, dans toute sa taille, ne mesure pas plus de 50 centimètres de long ; iln’a pour ainsi dire point de queue; le peu qu’il en a ne dépasse pas 14 millimètres de long. Un trou en terre, le creux d'un tronc d’arbre lui servent du demeures habituelles; et, comme il est peureux et défiant, 1l est rare qu’il quitte sa retraite avant l’arrivée de la nuit. Routinier dans ses hab'tudes, il suit dans ses allées et venues un trajet si uniforme qu'il finit par tracer un sentier assez visible pour signaler sa présence. Ses sens sont assez fins, mais son Intelligence est bornée; il est d’ailleurs assez gour- mand et il est un hîte redoutable pour les plantations de can- nes à sucre et pour les jardirs potagers. Quand il n’en trouve pas à sa portée; il se contente de racines, de fleurs et degrairs. Très agile à la course, il a bientôt gagné l’épais- scur des taillis, s’il est averti à temps de la présence de PARASITES DES CRINS 409 l'ennemi, mais, la plupart du temps, il ne sait user de la vitesse de ses jambes que pour courir à son terrier; et là il] devient une proie facile. | On chasse l’Agouti à l’affût, ou avec des chiens ; on le capture facilement en disposant des trappes sur sa passée habituelle. Captif, il reste doux et craintif, et met quelque temps à devenir familier. Le Mangouste melon. — Le Mangouste melon qui habite en Espagne, l’Andalousie et l'Estramadure, se rencontre surtout, près des rivières, dans les fourrés de roseaux et dans les plaines bien couvertes. On ne l'a jamais trouvé dans les montagnes.On le chasse avec ardeur, car les poils ce sa queue sont recherchés pour la fabrication des pinceaux des peintres, et ils se vendent à un prix élevé. L'animal mesure 1",15 de longueur, dont 40 centimètres de queue. La cou- leur est d’un gris foncé, qui devient clair par places; le mu- seau, les pieds et le bout de la queue sont noirs. PARASITES QUI ATTAQUENT LES CRINS Au nombre des parasites qui attaquent les crins, se trouve la teigne Crinella, appartenant au genre Tineola, dérivé du genre Tinea.On renconire cette espèce dans les maisons au printemps et aussi à la fin de l’été pour la seconde éclo- sion. Le papillon est souvent posé au dossier des fauteuils et canapés. Envergure, 14 milimètres, les quatre ailes entière- ment d’un fauve pâle luisant, tant en dessus, qu’en dessous, y compris la frange. Le corps est également de la même couleur ainsi que les antennes et les pattes ; la tête seule est d’un fauve plus foncé ou ferrugineux. La chenille est longue de 8 à 9 millimètres, cylindroïde, blanche, sans poils; sur le dos cst une raie longitudinale brune et translucide, la 410 LES SOIES ET LA BROSSERIE tête étant d’un brun clair, le prothorax, ayant un écusson brun partagé en deux taches. Elle vit principalement dans le crin dont on rembourre les meubles et les matelas. Par- venue à toute sa taille en mars, elle abandonne sa demeure, perce l’étoffe qui recouvre le crin et se construit sur cette étoffe un fourreau de soie ouvert seulement du côté où est placée la tête. Au commencement d’avril, elle ferme entiè- rement ce fourreau et s y transforme en une chrysalide d'un brun jaune, dont l’enveloppe des yeux et des ailes forme un peu de relief. La chenille de cette teigne file un couloir dans les étoffes, matériaux divers qu’elle attaque. Il faut souvent les remuer, les battre, la pourchasser dans les coins des tiroirs, sur les plafonds au moyen d’un balai en erin. Il faut rechercher et détruire les chrysalides qu'on trouve abon- damment dans le coins et les enfoncements des meubles, particulièrement du côté opposé au jour. On peut encore se servir comme antidote du tabac, des tiges de chanvre séchées à l'ombre, quand il est en floraison, en général des végétaux et produits chimiques à odeur forte. Il faut avoir soin d’en- velopper d’une toile double ou triple les étoffes de laine ou les meubles, garnis de crin, à préserver, et placer des assiettes avec un peu d’huile dans les coins des appartements infestés. Le reflet de l'huile attire le papillon qui se noie. riiiits VI POILS DE REBUT ET PIQU'ANTS POILS RE REBUT Les Poils de rebut. — Les poils de rebut que l’on désigne ordinairement sousle nom de plocs, proviennent del’éjarrage des pelleteries ou du tannage à la chaux des peaux trans- formées en cuir. Tantôt on les emploie après les avoir feutrés, pour confectionner des étoffes grossières, tantôt on les utilise comme engrais, tantôt enfin on en fabrique des produits chi- miques, tels que les sels ammoniacaux et le bleu de Prusse. Les poils de Chèvres ordinaires sont employés pour faire des feutres spéciaux pour machines. Les engrais.— La laine, les chiffons, les poils, les plumes, les cheveux, la soie se ressemblent par la forte quantité d'azote qu’ils renferment. Ils en contiennent pour 100 : Paie 15 Cheveux: + 0020415 Poil de bœuf, . 13,78 SO) CR RTL 15 Plumes.-...116 On y trouve des corps gras, beaucoup de soufre, mais peu de matières minérales. Il est travaillé une immense quantité de laine dont les 412 POILS DE REBUT ET PIQUANTS débris fourniraient de puissants engrais, si on savait les utiliser. Nous ne citerons que la bourre, déchet ou tontisse, qui se produit pendant la fabrication des étoffes, et les débris de ces dernières, rognés par les tailleurs ou usés sous forme d'habillement. La seule ville d’Elbeuf fournirait tous les ans une quantité de débourrage ou bourre de laine qui contiendrait jusqu’à 9000 kilogrammes d’azote, et représenterait 1.500.000 kilo- grammes de fumier. Ces détritus riches en matière grasse et en autres matières organiques sont produits également à Lisieux, Louviers, Sedan, etc., et pourraient très certaine- ment être utilisés comme engrais par l’agriculture. On a employé les chiffons à la dose de 3000 kilogrammes par hectare. Cette fumure, qui remplace 45.000 kilogrammes de fumier, dure trois ans. Un des inconvénients de cet engrais, c’est la difficulté de le diviser. Les loques mises entières font pousser les récoltes inégalement. On les coupe avec des faulx implantées dans des planches. On a proposé de les im- prégner de soude caustique, de laisser agir l’aleali, de les faire sécher, et ensuite de les broyer. Les poils, les plumes, les cheveux, la soie doivent être classés dans la même catégorie. Dans la Romagne, on réserve lès plumes pour fumer les chenevières. On sait que les Chi- nois se rasent la tête pour employer leur cheveux à la fumure des terres. . Les She que laissent les matières animales utilisées par l'industrie, les rognures de cuir des cordonniers et des ca- rossiers, les résidus des tanneries, des fonderies de suif, des fabriques de colle et de cordes à boyaux, le suint et les débris de laine qui restent-quand on fait écouler: les eaux après le lavage des toisons peuvent être utilisés pour fertiliser les térres. Toutes ces matières, en raison del’azote qu’elles ren- ferment en grande quantité, se décomposent rapidement et fournissent en abôndance des aliments aux plantes (Magne). LES PIQUANTS 413 Les Piquants. — Parler de piquants, c'est éveiller aussitôt l'idée de Porc-Épic et de Hérisson. Nous ne croyons pas que les épines du Hérisson soient de quelque utilité, si ce n’est pour l’animal qui en est revêtu ; il n’en est pas tout à fait de même des piquants du Porc-Épic employés de nos jours à différents usages, notamment à faire les manches de porte- plumes. Ces piquants qui recouvrent une partie du dos de l’animal sont plantés serrés. Qu'ils soient d’ailleurs courts ou longs (car il y en a dedifférentes tailles) ils sont lisses, acérés et entremélés de poils soyeux; sur les flancs, les épaules et au sacrum, les piquants sont de petite taille et émoussés. Tous ces piquants sont creux ou remplis d’une masse médul- laire poreuse, leur couleur est le brun noir foncé et le blane, ces deux teintes alternant en elles. Ils sont blancs à l'une et à l’autre extrémité, faiblement implantés dans la peau, ca- pables de se dresser et de se coucher, à la volonté de l’ani- mal qui leur imprime ce double mouvement par de fortes contractions du muscle peaussier. Le bout de la queue est revétu de piquants qui se distinguent de ceux du reste du corps en ce qu'ils forment des tubes à parois minces et à extrémité ouverte, sembiables à des tuyaux de plumes, cou- pés au bout qui n'est point adhérent à à la peau. Le Porc-Épic. — Le Porc-Épic à crête (fig. 79) ou Porc- Épic commun, qui porte l’armure dont nous venons de parler, est un animal singulier, plus grand que le Blaireau, et me- surant 60 centimètres en longueur (sans compter la queue qui à 16 centimètres) et 25 centimètres de hauteur au gar- rot. Son poids est de 10 à 15 kilogrammes. Un museau court et obtus, une lèvre supérieure épaisse, ornée de mous- taches noires et brillantes ; au-dessus et en arrière de l’œil, des verrues poilues; le long du cou, une crinière de soies fortes, longues, recourbées en arrière et mobiles au caprice de l'animal, font du Porc-Épic un être assez laid, mais d’un curieux aspect. A POILS DE REBUT ET PIQUANTS Distribution géographique. — On trouve le Porc-Epic le long des côtes de la Méditerranée, en Algérie, dans la TFri- F1G. 79, — Le Porc-Epic à crête. politaine et la Tunisie, en Italie, en Sicile et en Grèce ; il est plus abondant en Afrique qu’en Europe. LES PIQUANTS 415 Mœurs. — Maladroit en ses mouvements, lent dans sa marche, timide à l'excès, doué de sens assez obtus et de peu d'intelligence, le Porc-Epic est un déshérité, un pauvre être inoffensif, et d’autant plus persécuté qu’il est plus faible. On lui fait payer de la vie les quelques dégats qu'il peut com- mettre dans les jardins qui avoisinent sa tanière. Le jour, il repose triste et solitaire dans un terrier bas et profond qu’il s’est creusé de ses ongles puissants ; le soir, il en sort et rôde toute la nuit, sans s’écarter beaucoup, en quête des chardons, des racines, des fruits, des fleurs, de l’écorce des arbres dont il se nourrit. En automne et en hiver, il consacre la plus grande partie de son temps au sommeil, et il reste parfois des jours entiers engourdi dans son repaire. Est-il attaqué par un chien ou par l’homme, il hérisse ses piquants, prend un air menaçant, trépigne avec ses pattes de derrière, et produit en frottant ses épines les unes contre les autres un cliquetis sonore. Ces manifestations belliqueuses n’ont pas grande portée, elles sont plus effrayantes que dangereuses ; l’homme qui y est habitué les méprise, il se contente, s’il veut prendre l’animal vivant, de le saisir par la crinière et de l’emporter, ou s’il en veut à sa vie, de le tuer d’un coup de bâton sur le museau. On dit que les Léopards savent par- faitement, sans se blesser, tuer le Porc-Épic d’un coup de patte sur la tête. | Deux mois après l’accouplement, la femelle met bas deux à quatre petits, qui naissent les yeux ouverts, et le corps recouverts de piquants très courts, mous et couchés sur la peau, qui durcissent bientôt et s’allongent assez rapidement. Les jeunes quittent le terrier où ils sont nés, sitôt qu’il peuvent se suffire à eux-mêmes. À partir de cette époque, ils font bande à part et vivent séparés de leurs parents. Chasse. — Bien que le Porc-Épic ne soit pas un animal nuisible dans le véritable sens du mot, on lui fait une guerre acharnée. Tantôt on cherche à le prendre dans des trappes 416 POILS DE REBUT ET PIQUANTS creusées près de son terrier, tantôt on met à ses trousses, la nuit, des chiens qui le dépistent et dont les aboiements ne tardent pas à attirer les chasseurs. Ceux -cimunis detorches, cernent la bête et assistent à un hallali et à une curée aux flambeaux. Ce genre de sport est très goûté des Italiens qui É: habitent la campagne de Rome. Captivité. — COaptif, le Porc-Epic sait reconnaître les soins dont on l’entoure. Il se montre reconnaissant envers . celui qui lui donne sa pâture quotidienne qui consiste en choux, en salade, en carottes, en pommes de terre et en fruits, dont il se montre très friand. Pour les barnums italiens, qui le trainent de ville en ville, afin de le donner en spectacle, il devient une source de revenus. Dans les jardins zoologiques, où on le tient assez fréquemment captif, dans une enceinte pavée, contenant une tanière en macon— nerie, il perd peu à peu sa timidité naturelle et s’accoutume à recevoir les fruits et les morceaux de sucre de la main des visiteurs. Dans la maison, il serait imprudent de le laisser vaquer en liberté, il ronge les pieds des meubles, les portes et les boiseries. FIN TABLE DES MATIÈEES. ge. TABLE DES MATIÈRES 1. STRUCTURE, FORME ET COLORATION DES POILS, CLASSIFICATION DES POILS D'APRÈS LEUR OBIGINE. — LEUR CONSISTANCE ET LES USAGES AUXQUELS iLS SONT EMPLOYÉS, « + + É II. PELLETERIES ET FOURRURES. — LA CORPORATION DES PELLE- TIERS. — LES GRANDES COMPAGNIES ET LES PAYS PRODUG- TEURS. — HISTOIRE NATURELLE DES PRINCIPAUX ANIMAUX A FOURRURES. — PRÉPARATION ET MISE EN ŒUVRE DES PELLE- TERIES ET FOURRURES. — PARASITES. — PROGÉDES DE CONSERVATION DES OBJETS FABRIQUÉS. « « + + + 10 PER PALPRIFS MEL FOURRURESS ee Me 2010 0. LS LA II. LES GRANDES COMPAGNIES ET LES PAYS DE PRODUCTION. 21 RÉPSÉES NE SUR LS FOURRURESS ee He Die do al LU Les Blaireaux, 27. — Les Mouffettes, 32. — Les Gloutons ou Volverens, 37. — Les Martes, 42. — Les Putois, 54. — La Belette, 61. — Les Visons, 74 — Les Loutres, 18. — Les Otaries ou Phoques à oreilles, 97. — Les Ours, 110. — Les Loups, 124. — Les Chiens, 126. — Les Renards, 129. — Les Lynx, 448. — Les Chats, 152. — Les Lions, 152. — Les Cou- guars, 152. — Tigres, Jaguars, Oceiots, Léopards, Panthères, Once, Serval, 153. — Chats sauvages et Chats de feux, 155. — Les Taupes, 155. — Les Civettes, 156. —fLes Genettes, 159 418 TABLE DES MATIÈRES Les Marmotites, 163. — Les Ecureuils, 167. — Les Pola- touches, 115. — Les Kangurous, 182. — Les Hamsters, 187. — Les Chinchillas, 191. — Les Singes, 198. — L’Yach, 208. — L’Auroch, le Bison, le Bœuf musqué, 211.— Agneaux, 214. PRINCIPAUX MARCHÉS. - . + 4 0 2e UN TE Fourrures américaines, 216. — Fourrures russes, 218. — Four- rures allemandes, 220. — Fourrures scandinaves, 220. — Hongrie, Autriche, 222. — France, 223. — Australie, 223. — Japon, 223. PRÉPARATION ET MISE EN ŒUVRE DES POILS ET DUVETS. . 224 Apprètage, 225. — Lustrage, 229. — Nettoyage, 232. PARASITES QUI ATTAQUENT LES PELLETERIES. + + «+ . + 233 Les Dermestes, 233. — Les Anthrènes, 234. — Les Attagènes, 234. — Les Teignes, 235. — Les Acariens, 236. III. Pois ET LAINES. — HISTOIRE NATURELLE. — HABITAT. — MŒURS ET CHASSE DES ANIMAUX QUI FOURNISSENT LA MATIÈRE PREMIÈRE. — PRÉPARATION ET ME EN ŒUVRE. — PARA- SITES. — PAYS DE PRODUCTION. — PRINCIPAUX MAR-=- CHES. e e e 5: ° e e e 0 e se 0 0] e ° 238 12 DE LA NATURE DE LA EAËNE. 4 +. UE Les Moutons, 2 2. — La Chèvre d’Angora, 257. — Chèvres de Cachemire, 266. — Les Chameaux et les Dromadaires, 210. — Le Dromadaire, 274. — Le Méhari, 279. — Le Lama guanaco, 289. — Le Lama proprement dit, 290. — Le Lama alpaca, 292. — Le Lama vigogne, 294. II. PAYS DE PRORUCTION DE LA LAINE. . NC AU IH. PRINCIPAUX MARCHES... 0. 4. SCO S IV. PRINCIPAUX CENTRES OU SE PRÉPARENT ET S’EMPLOIENT LES LAINES EN FRANCE: > 23 0500 US PRÉPARATION ET MISE EN ŒUVRE «+ + + + + + + + + 313 PARASITES QUI ATTAQUENT LES LAINES* PROCÉDÉS DE CONSERVA— « TION. L2 e L - L 2] L2 L2 e L2 L2 . L2 e e L1 L L2 L2 315 + = IV. DES PoILS EMPLOYÉS POUR LA CHAPELLERIE. — HISTOIRE NATU- RELLE. — HABITAT. MŒURS ET CHASSE DES ANIMAUX QUI 4 NOEL 15 TABLE DES MATIÈRES 419 FOURNISSENT LA MATIÈRE PREMIÈRE. — LE FEUTRE ET SA PRÉPARATION, — PAYS DE PRODUCTION. — PRINCIPAUX MARCUS PARASITES ONE Ve de lo L’INDUSTRIE DU CHAPEAU. + . + t: arte Hoi I. Chapeaux de feutre, 329. — II. Chase de He 332, — III. Casquettes, 349. — Principaux marchés, 359. — Le Castor, 361. — Les Ondatras, 371. — Le Myoptame Coypou, 375, — Le Lièvre, 317, — Les Lapins de garenne, 383. — Les Lapins domestiques, 380. V. LES SOIES ET LA BROSSERIE. — HISTOIRE NATURELLE. — MŒœuRrs ET CHASSE DES ANIMAUX QUI FOURNISSENT LA MATIÈRE PRE- MIÈRE. — PRÉPARATION ET FABRICATION. — PINCEAUX. Brosses. BALAIS. PARASITES QUI ATTAQUENT LES CRINS. 396 ÉANDESTELE DE LA BROSSERIEA 7 8 2 NE RE ET #4 306 ANIMAUX QUI PRODUISENT LA MATIÈRE PREMIÈRE. . + . 400 Les Sangliers, 400. — Les Agoutis, 407. — Le Mangouste me- lon, 409. PARASITES QUI ATTAQUENT LES CRINS. « « . «+ + +. + 409 N'BÉPOILS DE REBUTET PIQUANTS. pe le a LES POIÉS DE REBUTa A 20 eu, sui Une TEE EE ÉSÉPTOUANTS TU ET OS LP Ne ren Sa 0 ce AE FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES Lyon. — Imp. PITRAT Aié, À. Rey Successeur, 4, rue Gentil, — 3441 QUIL 3 2044 - —_— -— —— A , ” # « à à & à L = £ ” e >: ee s ea Va c” Le E +? 2 £ = 4 \ ot | LA EI RE : « Pt: z Û ‘ = 4 è " KENRET 2 2 « Ë Y * à + c k 2 A Le L = = ‘ . Éer: + LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FILS 19, Rue Hautefeuille, Paris Ce NOUVELLE COLLECTION UE DES CONNAISSA Île, De volumes in-16 comprenant 400 pages, illustrés de fgures inlercalées dans le texte à 4 francs le volume cartonné &0 volumes en vente. — Derniers volumes parus: ARTS ET MÉTIERS Ë INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE, ART DE L’INGÉNIEUR, CHIMIE, ÉLECTRICITÉ BEAUVISAGE. Les matières grasses, caractères, falsifications et essai des huiles, beurres, graisses, suifs etcires BREVANS (pe). La fabrication des li- queurs et des conserves. GRAFFIGNY (H. pe). Les industries d'amateurs. ; HALPHEN (G.).La pratique des essais commerciaux et industriels. HERAUD es: secrets de-la science et de l'industrie. LACROIX-DANLIARD. La plume des oiseaux. ; _— Le Poil des animaux, | LEFEÉVRE(J.).L’électricité à la maison. | MONTSERRAT (E. DE) et BRISAC (E.). Le gaz et ses applisations. PIESSE (S.). Histoire des parfums et hygiène de la toilette. —— Chimie des parfums et fabrica- tion des savons. RICHE (4.). L'art de l’essayeur. — Monnaie, médailles et bijoux, essäi et contrôle des ouvrages d’or et d'argent. gr TASSART. Les matières colorantes et la chimie de la teinture. À —— L'industrie de la teinture. | VIGNON (L.). La soie. AS WITZ (AIME). La machine à vapeur. ÉCONOMIE RURALE AGRICULTURE, VITICULTURE, HORTICULTURE, ELEVAGE BEL (J.). Les maladies de la vigne, et les cépages français et américains, BELLAIR (G.). Les arbres fruitiers. BOIS (D.). Le petit jardin. —— Plantes d'appartement et plantes de fenêtres. : BUCHARD. Le matériel agricole. —— Constructions agricoles et archi- tecture rurale. _CAMBON. Le Vin et la pratique de la vinification. DUJARDIN. Essai commercial des vins et des vinaigres. DALTON (C.). Physiologie et hygiène des écoles, des collèges et des fa- - milles. DONNE. Conseils aux mères sur la manière d’élever les enfants. ESPANET (A.). La pratique de l'Ho- méopathie simplifiée, FERRAND (E.) et DELPECH (A.). Premiers secours en cas d’accidents ét d'indispositions subites. __ ÉCONOMIE DOMESTIQUE HYGIÈNE ET MÉDECINE USUELLES . FERVILLE. L'industrie laitière, le | lait, le beurre et le fromage. | GOBIN (A.). La pisciculture en eaux douces. | ——— La pisciculture en eaux salées. GUYOT. Les animaux de la ferme. LARBALETRIER. Les engrais. - : LOCARD(A.). La pêcheet les poissons. ; MONTILLOT. L'amateur d'insectes, —— Les insectes nuisibles. RELIER. L'élevage du cheval. H£ERAUD. Les secretsdel’alimentation. : —— Les secrets de l’économie do- | mestique, à la ville et à la campagne, : recettes; foumules et procédés d’une | utilité généraie et d’une application journalière. ! LEBLOND et BOUVIER. La gymnas- | tique et les excercices physiques. | SAINT-VINCENT (A.-C. DE). Nouvelle | médecine des familles. eee ENVOI FRANCO CONTRE UN MANDAT POSTAL Janvier 1892 2 LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FILS, PARIS . ARTS ET MÉTIERS INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE, ART DE L’INGÉNIEUR, CHIYIE, ÉLECYRICITÉ LE GAZ ET SES APPLICATIONS ÉCLAIRAGE, CHAUFFAGE, FORCE MOTRICE Par E. de ONTSERRAT et E. BRISACG Ingénieurs de la Compagnie parisienne du gaz. 1 vol. in-18 jésus, 336.p., avec 86 fig. cart. NC ARE LA MACHINE A VAPEUR Par Aimé WITZ Ingénieur des Arts et manufactures 4 vol. in-18 jésus, 324 p., avec 80 fig. . . . . + . « Æ4fr. Machines types ; machines à grande vitesse; machines locomobiles ; ; machines rotatives et turbo-moteurs ; machines pattes LA PRATIQUE DES ESSAIS GOMMERCGIAUX ET INDUSTRIELS Par G. HALPHEN à Chimiste au Laboratoire du ministère du Commerce I. MATIÈRES MINÉRALES.1 vol. in-18 jésus, avec 28 fig. cart. 4 fr. 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LA SOIE AU POINT DE VUE SCIENTIFIQUE ET INDUSTRIEL Par Léo VIGNON Maitre de conférences à la Faculté des sciences Sous-directeur à l'Ecrle de chimie industrielle de Lyon 1 vol. in-18 jésus, de 370 pages, avec 81 figures, cartonné, 4 fr. Le ver à soie; l’œuf; le ver; la chrysalide; le cocon; le papillon; la séricicul- ture et les maladies du ver à soie ; la soie; le triage et le dévidage des cocons ; les soieries ; essais, conditionnement et titrage ; la teinture; le tissage ; impres- sion; apprêts; l’art dans l’industrie des soieries. LES MATIÈRES COLORANTES ET LA CHIMIE DE LA TEINTURE Par L. TASSART Ingénieur, répétiteur à l'Ecole centrale des arts et manufactures, Chimiste de la Sociéte des matières colorantes et produits chimiques de Siant-Denis (Etablissements Poirrier et Dalsace 1 vol. in-18 jèsus, de 320 paëes, avec 30 figures, cartonné. 4 fr. Matières textiles : fibres d'origines végétale, coton, lin, chanvre, jute, ramie; fibres d'origine animale, laine et soie; matières colorantes; matières tannantes;- matières colorantes artificielles ; mordants; apprêt des tissus. il L'INDUSTRIE DE LA TEINTURE Par L.TASSART 4 vol. in-18 jésus, de 360 pages, avec 50 figures, cartonné. 4 fr. Le blanchiment du coton, du lin, de la laine et de la soie; le mordançage; là teinture à l’aide des matières colorantes artificielle ; échantillonage; teinture des fibres textiles, des filés et des tissus. ns ENVOI FRANCO CONTRE UN MANDAT SUR LA POSTE Æ LIBRAIRIE J.:B. BAILLIÈRE ET FILS, PARIS LA FABRICATION DES LIQUEURS ET DES GONSERVES Par J. de BREVANS Chimiste principal au Laboratoire municipal de Paris 1 vol. in-18 jésus, de 320 pages, avec 92 figures, cartonné. . 4 fr. L'alcool; la distillation des vins et des alcools d'industrie; la purification et la - rectification; les eaux-de-vie de vins et de fruits; les eaux-de-vie de grains; les liqueurs artificielles; les matières premières; les matières colorantes; ies liqueurs par distillation et par infusion, les liqueurs par essences ; les con- serves; les fruits à l'eau-de-vie et les conserves de fruits ; analyse et falsifi- calions ; législation et commerce. | HISTOIRE DES PARFUMS ET HYGIÈNE DE LA TOILETTE Par S. PIESSE Chimiste-parfumeur à Londres Édition française Par F. CHARDIN-HADANCOURT et H. MASSIGNON Parfumeurs à Paris et à Cannes et G.HALPHEN Chimiste au Laboratoire du Ministère du Commerce 1 vol. in-18 jésus, de 372 pages, avec 10 figures, cartonné. 4 fr, La parfumerie ä travers les siècles ; histoire naturelle des parfums; hygiène des _parfums et des cosmétiques; hygiène des cheveux et préparations épilatoires; poudres et eaux dentifrices; teintures, fards, rouges, etc. CHIMIE DES PARFUMS ET FABRICATION DES SAVONS Par S. PIESSE Édition française Par F. CHARDIN-HADANCOURT, H MASSIGNON et G. HALPHEN 4 vol. in-18 jésus, de 360 pages, avec 80 figures, cartonné... 4 fr. Extraction des parfums; propriétés, analyse; falsifications ; fabrication des savons; substances employées en parfumerie ; formules et recettes pour essences, extraits, bouquets, poudre, etc. LES SECRETS DE LA SCIENCE ET DE L'INDUSTRIE RECETIES, FORMULES ET PROCÉDÉS ; D’UNE UTILITÉ GÉNÉRALE ET D'UNE APPLICATION JOURNALIÈRE Par le professeur A. HÉRAUD 4 vol. in-18 iésus, de 365 pages, avec 165 figures, car‘onné. 4 fr. L’électricité ; les machines; les métaux; le bois ; les tissus; la teinture; les pro- duits chimiques ; l’orfèverie ; la céramique; la verrerie; les arts décoratifs; les arts graphiques. ENVOI FRANCO CONTRE UN MANDAT POSTAL LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FILS, PARIS 5 MONNAIE, MÉDAILLES ET BIJOUX. ESSAI ET CONTROLE DES OUVRAGES D’OR ETD’ARGENT Par À. RICHE Directeur des essais à la Monnaie de Paris 1 vol. in-18 jésus, de 396 pages, avec 66 figures, cartonné. 4 fr. La monnaie à travers les âges ; les systèmes morétairee ; l’or et l'argent ; extrac- tion ; affinage ; fabrication des monnaies; la fausse monnaie; les médailles et les bijoux jusqu’à la fin du xvin‘ siècle et sous le régime actuel ; la garantie et le contrôle en France et à l'Etranger. L'ART DE L'ESSAYEUR ‘à. rene + E. GÉLIS Directeur des essais à la Monnaie de Paris Ingénieur des Arts et Manufactures 1 vol. in-18 jésus, de 384 pages, avec 94 figures, cartonné. 4 fr. Principales opérations ; fourneaux ; vases : agvnts et réactifs; argent ; or; platine: plomb ; mercure ; cuivre ; étain ; nickel; zinc ; aluminium; fer. : L'ÉLECTRICITÉ À LA MAISON Par Julien LEFÈVRE __ Professeur à l'Ecole des sciences de Nantes 1 vol. in-18 jésus, de 396 pages, avec 209 figures, cartonné. 4 fr. Production de l'électricité : piles; accumulateurs; machines dynamos ; lampes à incandescence ; régulateurs ; bougies ; allumoirs ; sonneries ; avertisseurs auto- matiques ; horlogeries ; réveille-matin : compteurs ; téléphones et microphones ; moteurs ; locomotion électrique ; bijoux ; récréations électriques; paratonnerres. 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RÉLIER Vétérinaire principal au Haras national de Fompadour 1 vol. in-18 jésus, de 388 pages, avec 128 figures, cartonné. 4 fr. Organisation et fonctions, extérieur (régions, aplombs. propo tions, mouvements, allures, âge, robes, signalements, examen du cheval en vente); hygiène (diffe- rences iudividelle, agents hygiéniques, maréchalerie); reproduction et éle- vage (art des accouplements). ENVOIFRANCO CONTRE UN MANDAT SUR LA POSTE. LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FILS, PARIS 7 L'ESSAI COMMERCIAL DES VINS ET DES VINAIGRES Par Jules DUJARDIN 4 vol. in-18 jésus, de 350 pages, avec 70 figures, cartonné. 4 fr. Examen des raisins. — Essai du mout, dosage de l’alcool, de l'extrait sec, des cendres, du sucre, du tanin, de la glycérine, etc. — Recherche du vin de raisins stcs, du plâtre, de l'acide salycilique, de la sachariue, des colorants, etc. — Examen microscopique des vins malades. — Analyse et essai des vinaigres, LE VIN ET LA PRATIQUE DE LA VINIFICATION Par Victor CAMBON Président de la Socicté de viticulture de Lyon 1 vol. in-18 jésus, de 350 pages, avec 80 figures, cartonné. 4 fr. Le raisin et le mout. — La fermentation. — Composition et analyse du vin. — Vinifications spéciales. — Maladies du viu. — Altérations et sophistications du vin. — La production du vin dans le monde. — Livraison et transport du vin. — Les effets physiologiques du vin. LES MALADIES DE LA VIGNE ET LES MEILLEURS CEPAGES FRANCAIS ET AMERICAINS Par J. BEL 4 vol, in-18 jésus, avec 50 figures, cartonné. . . . . . A4fr. Maladies cryptoscamiques de la vigne. — Accidents provoqués par les pertur- bations atmosphériques. — Maladies causées par les insectes. — Terrains qui conviennent à la vigne. — Les meilleurs cépages français et américains, L'INDUSTRIE LAITIÈRE LE LAIT, LE BEURRE ET LE FROMAGE Par E. FERVILLE CGhimiste-agronome 1 vol. in-18 ; jésus, de 384 pages, avec 87 figures, cartonné. 4 fr. Le lait ; essayage ; vente: lait condensé ; le beurre ; la crême ; système Swartz, écrémeuses centrifuges ; barrattage; délaitage mécanique; margarine; fro- _ Mages frais et afrnés, fromages pressés et cuits; construction des laiteries ; ; comptabilité; enseignements. NEVOI FRANCO CONTRE UN MANDAT POSTAL $ LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FILS, PARIS De ALT PR DRRARCIRDIEN Par D. BOIS Aide-naturaliste de la chaire de culture au Muséum 4 vol. in-18 jésus, de 352 pages, avec 149 figures, cartonné. 4 fr. 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Le matériel et les procédés de cultures; les cultures spéciales; la vigne, le poi- rier, le pommier, le pêcher, le prunier, le cerisier, etc; restauration des arbres fruitiers; conservation des fruits. LES ENGRAIS ET LA FERTILISATION DU SO L: Par Albert LARBALETRIFR Professeur de chine agricole et industrielle à l'École dRsnoue du Pas-de-Calais. 4 a 1 vol. in- 18 jéssus, 302 pages avec 74 figures, éart. . A fr. 1’ due labo des ee A dE Se amendements. — Les engrais: végétaux. — Les en:rais animaux. — Les engrais mixtes. — Le fumier de ferme. —- Les engrais chimiques et leur emploi. HS ; ; E ENVOI-FRANCO CONTRE UN MANDAT. SUR LA POSTE. LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FILS, A PARIS 9 ————__—_ — "7 LES INSECTES NUISIBLES Par Louis MONTIiLLOT Memire de la Société entomologique de France. 1 vol. in-18 jésus, 306 p., avec 156 fig., cart. . . . . 4fr. Histoire et législation; les forêts; les céréales et la grande culture; la vigne;le verger et le jardin fruitier ; le potager; le jardin d'ornement; la maison. L’AMATEUR D’INSECTES CARACTÈRES ET MŒURS DES INSECTES CHASSE, PRÉPARATION ET CONSERVATION DES COLLECTIONS Par Louis MONTILLOT 4 vol. in-18 jésus, de 350 pages, avec 100 figures, cart, . 4 fr. Organisation; histoire, distribution géographique et classification; chasse et - récolte ; ustensiles, pièges et procédés de capture; description, mœurs et habitat ; les collections; rangement et conservation. LA PÈCHE ET LES POISSONS DES EAUX DOUCES Par Arnould LOCARD 1 vol. in-18 jésus, 352 p., avec 174 fig., cart. . . . . 4fr. Description des poi2sons ; engins de pêche; lignes, amorces, esches, appâts; pêche à là ligne; pêches diverses; nasses, filets. LA PISCICULTURE EN EAUX DOUCES RE Par À. GOBIN Professeur départemental d'agriculture du Jura 4 vol, in-18 jésus, 353 pages avec 93 figures, cart. . . , 4 fr. 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