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Extrait du « Muséon « 1905, ;i-4.

LES CONCILES BOLDDIIIQIES I

LES DEUX PREMIERS CONCILES

PAR

Louis de la. Vallée Poussin

Louvain, J.-B. Istas. Londres, Luzac ifc C".

-^ s. // :>

rr\o :\iiNAYF,KF.

LES DEUX PUË.U1EUS COXCILES

Les découvertes et les recherches de ces dernières an- nées, ont, tout au moins partiellement, confirmé les vues que MM. Oldenbcrg, Rhys D.ivids et Windisch, pour ne nommer qu'eux, avaient émises sur l'antiquité des Canons b()U(l(llii(iuos ; elles ont, dans une larije mosui'c, infii'ïné plusieurs des objections de Minayetl'. J'aurai d'autant moins l'improbité de le méconnaître que je me reproche d'avoir jadis adhéré sur certains points au scepticisme, ou, si l'on veut, à l'agnosticisme du grand savant russe, un des esprits les plus pénétrants qui aient fait honneur à nos études, mais qui, dans sa courte et féconde carrière, n'a visiblement pas eu le temps de metti-e au point et d'amener à maturité toutes ses idées, et ne nous a donné, dans ses Recherches, que l'ébauche ou la première édition du livre aucjuel sa vie était consacrée '.

Le moment nous parait venu de reprendre, pour la

(1) Recherches sur le Bouddhisme par I. P, Miuayelï, traduit du russe par R. H. Assier de Pompiguan, Musée Guimet, Bibl. d'Études, t IV (189 1). L"éditiou originale est de 1887. H. Oldeu- berg, Buddhistische Studien, Z. D. M. G., LU (18ys), p. G13-r.94.

2 LE MUSÉOIS. [214

résumer et peut-être la faire quelque peu progresser, une discussion qui fut, par moments, presque passionnée ; d'examiner dans quelles eonclitions et sur quel terrain elle doit, actuellement, se poursuivre ; de déterminer ce qui reste des critiques formulées par Minayeff. On verra que sur des points où, au dire de M. Oldenberg, il s'est trompé gravement, il a parfois complètement raison, notamment en ce qui regarde les conciles ; et que, là-mènie il se trompe, notamment sur l'édit de Babhra (Bai rat), son œuvre a été utile et éclaire d'un jour singulièrement net quelques-uns des problèmes de cette vieille histoire.

Il est à peine besoin de diie que toutes les études qui portent sur l'origine des Canons sont nécessairement provisoires. La faute en est surtout aux sinologues, si zélés quand il s'agit de problèmes qui intéressent la seule sinologie, mais parfois négligents quand le Bouddhisme est en cause. Nous n'en devons que plus de reconnaissance aux rares savants qui nous ont révélé quelques détails sur la littérature des sectes du Petit Véhicule K

(1) Sans parler des anciens : Wassilieff, Beal (Le Vinaya des Dharmaguptas d'après la version chinoise, Vhdl. des .5 Or. Kongr. Ostasiat. Sektion, p. 17, Berlin 1881, réimprimé dans « Abstract of Four Lectures n (1882), et les notes sur les Mahïçâsakas, apud Oldenberg, Intr. to Vinaya Pitaka, L p. xliv), je tiens à signaler Tarticle de M. Suzuki « The first Buddhist Council » (Monist, XIV. 2, Janv, 1904, pp. 253-282, avec une préface de A. J. Edmunds) qui est ce que nous possédons de plus complet sur les sources chinoises. Sources tibétaines pour le premier concile (Ecole SarTâstivûdin), Csoma-Feer, Anu, du Musée Guimet, II. 196, Rockhill, Life of the Buddha, p. 159 ; Schiefner (Lebensbe- schreibung). Voir d'ailleurs Wassilieff, Bouddhisme et les notes ad Târanâtha.

21o| l,KS CONCILES 1501 DDIIIOI KS. 5

I. Li: I^ii:mii:k CiONCii.r,.

Résumons d'abord, pour (jiic le Icciciir ait sous les yeux les pièces du procès, le onzième clia[)ili'e du (^uliava^jra ' qui est intitulé « (^lliajiitre des (jn((-(>nts - » et tiaite, comme on sait, du concile de Kâja^rha tenu immédiate- ment après la mort du Bouddha.

J^ 1. Kâeyapa est brusquement mis en scène, on m<' sait où, et, s'adressant on ne sait à qui, il raconte comment il a ap[)i'is en voyage la mort du IMaitre ; il reproduit les discours de ses compagnons de voyage. « Aloi's le vénérable Mahâkassapa dit aux bliikkhus : Un jour, je voyageais sur la route de Pâvâ à Kusinârâ avec... environ ciiu] cents bhikkhus .. ». Sur la route vient un iiKtiiie de la secte Âjîvaka qui appi'cnd aux religieux itinérants la mort du Bouddha. Les frères fidèles, mais imparfaits, s'abandonnent à la douleur; ceux (jui sont déjà parfaits se contentent de dire : « Impermanents sont tous les éléments (samsIiCiras) ». « Assez, mes amis ! ne pleurez pas, ni ne vous lamentez ! Le Bienheureux ne nous a-t-il pas déclaré que c'est la nature même des choses qui nous

(1) The Vinayapifakam, ono of the priocipal l'uddhist Holy Scriptures in the Pfili laoguage, edit. by D"" II. (Jldeabcrg, vol. H. "p. 284 et suivantes (Williams and Norgate, 1880) Vinaya Texts, translated from the Pâli by T. W. Rhys Davitls and Ilcrmann Oldenberg, IIL p. 370 (Sacred Books, XX, Ibs.V. H. Kern, Geschiedeuis (trad. par Gédéon Huet, Musée Guimct, Bibl. d'Etu- des, t. X et XI), IL p. 253 ; Manual, p. 101. Après avoir résumé et traduit le Culla, M. Kern expose les traditions septentrionales (Ap[)endice à la ïib. Lebensbeschrcibung, Mabûvas^tu et Iliouca- Thsang).

(2) Pancasatikakkhandaka.

4 LE MLSÉON. |216

sont proches et chères, que nous devons nous en sépa- rer ...»

(c A ce moment, mes amis, un certain vieux moine,

nommé Suhhadda, se trouvait ». Kâçyapa raconte

comment ce Subhadra se réjouit de la mort du Maître : « Maintenant nous pourrons faire tout ce qui nous plaît, et ce qui ne nous plaît pas, nous n'aurons plus à le faire ».

Kâçyapa ne dit pas s'il a relevé ce blasphème. Il conti- nue son discours aux bhiksus indéterminés : « Venez, frères, chantons ensemble le Dhamma et le Yinaya avant que le non-Dhamma se répande et que le Dhamma soit mis à l'écart » ^

« Que le vénérable thera choisisse donc les bhikkhus ». Manifestement, les bhiksus indéterminés prient Kâçyapa de choisir les moines dignes de « chanter ensemble le Dhamma et le Vinaya ». « Alors le vénérable Kassapa choisit quatre cent quatre-vingt-dix-neuf Arahats ».

(1) D'après M. Suzuki, les Vinayas Mahïçâsaka, Dharmagupta, Mahâsâmghika, la Sudarçanaviuayavibhâsâ (Nanjio 1125) et le Vinayamâtrkâiûtra donnent comme motif de la convocation du concile le blasphème de Subhadra (Bhânanda dans les sources 1, 2 et 5 ; simplement " Mahallaka » dans o, et Subhadramahallaka dans 4). Le Dharmagupta prête à Kâçyapa cette raison « qu'il faut compiler la loi pour que les hérétiques ne disent pas que la loi est semblable à la fumée... » [de même dans le Dulva (Rockhill, p. 148), Mhv. et Culla]. Pas d'allusion à Subhadra [d'après Su- zuki] chez les Sarvâstivâdins, mais intervention des dieux auprès de Kâçyapa, de même le Prajnâpâramitâçâstra et la Vie d'Açoka. Pas d'allusion ni à Subhadra, ni aux dieux, dans la Transmis- sion du Dharmapitâka, Nanjio 1363 (Kâçyapa dit : « Aux laïcs de s'occuper des reliques du Tathâgata, à nous de collectionner la loi ») et dans le " Record of the compilation of the three Pitakas and the Miscellaneous Pitaka «. Dans Mhv. I. 60, Kâçyapa prend spontanément la résolution de réunir le concile, " pour que la loi ne soit pas comme la fumée ». Voir ci-dessous p. 16.

217] LES COISCILKS UOUDDIIIQLKS. 5

Les l)liiksiis ne sont pas satisfails ; ils cxij^cnt <jirÀiiaii(la soit admis au «'Oiulave. « Sci^nt'ur, vv véiicrahle Âiianda, bien qu'il soit t'iicore à riiistiuctiou ', est toutefois inca- l)al)le d'aller dans une impasse, désii', haine, ii^norancc ou crainte ', et il a beaucoup appiis Dhamma et Vinaya de la bouche du Bienheureux lui-même. Par eonséijuent, (jue Voti'e Seii;neurie choisisse le véni'i'able Ananda ». Kâçvapa, sans hésiter, sousci'it à celle recpiètc : « Et le vénérable Mahâkassapa choisit le vénérable Ananda ».

^^ 5. Les moines choisis par Kâçvapa se consultent sur le lieu il convient de tenir le conclave : ils pensent à Râjai^M'ha, car on y passera ai^iéablemenl la saison des pluies : « Si nous passions la saison des pluies à ]{âjai;aha, et y chantions ensemble le Dhamma et le Vinaya ; et si aucun autre bhikkhu n'allait à Râjagaha pour la saison des pluies ' ? »

§ i. Kâçyapa présente officiellement devant les bhiksus (= le Saiiiiïha) les l'ésolutions ci-dessus foi-mulées : «... Que le Saiiii^ha décide (|ue ces cinq cents bhikkhus prendront leur résidence pendant la saison des pluies à Uâjagaha pour chanter ensemble le Dhamma et le Vinaya, et qu'aucun autre bhikkhu ne passera la saison des pluies à Râjagaha ... » Le Saihgha approuve, suivant les règles '.

(1) sehha = çaiksa, de çiksâ, précepte, règle, étude, instruction.

(2) Jcih càpl sekho ahhahho clianda dosa moha hhayn agathn gantum. « The four Agatis are lust, hatrod, ignorance, and fear » (Childers). Vinaya Texts : « ... although he bave not yet attained [to Nirvana], yet he is incapable of falling into error througb partiality, or malice, or stupidity, or fear v. Par nirvana les traducteurs entendent le sopadhircsanirvâna ; voir ci-dessous p. 23, n. 1, 28, n. 1.

(3) Voir ci-dessous p. 37, n. 2.

(4) La proposition est faite une fois, après avoir été définie, et

LE 31USÉ0IN. [:218

§ 5. Les conclavistes s'installent à Râjagrha et passent le premier mois à réparer [les bâtiments] en ruine ou en Tïiauvais état ^

§ 6. Durant la nuit qui précède le jour doit s'ouvrir l'assemblée, Ânanda obtient la qualité d'Arhat : « Demain i\ lieu l'assemblée ; or il ne convient pas que je m'y rende étant encore à l'instruction ». Il s'applique avec succès à une méditation ~ qui le délivre des passions.

§ 7-8. Le conclave ''. Kâçyapa interroge Up;lli sur

l'assemblée garde le silence. C'est le nattidutiya Jcainma, voir Vin. Texts L p. 1G9.

(1) = khandaphullapatisarâkharaua ; voir Culla VL 6. 2 (Vinaya Texts III. p. 191). Salie de réunion, voir Suzuki, article cité, p. 281.

(2) Au Jiàya-smrti/upasthcma (kmjagaia satl).

(3) D'après les Sarvâstivâdins (source chinoise et Dulva, apud Rockhill, p. 149) et les Mahâsâmghikas, d'après un grand nombre de documents du Grand V^éhicule (i), se produit au moment de l'ouverture du concile un incident dont le héros est Gavâmpati. Pûrna vient, sur l'ordre de Kâçyapa, de sonner la cloche d'appel : tous les arhats sont présents, sauf Gavâmpati. Pûrna se rend dans l'hermitage de l'Arbre Çirïsa (2) oîi demeure ce saint homme, le prie de recevoir les salutations de Kâçyapa et du Samgha, et de venir en hâte pour les affaires du Samgha. Comprenant que le Bouddha est mort, Gavâmpati donne à Pûrna ses robes et son vase, consume son corps par son pouvoir magique et disparaît dans le nirvana (Dulva).

D'après les Mahâsâmghikas, deux arhats manquent à la réunion : Anuruddha, qui rejoint bientôt ses frères, et Gavâmpati. Anurud- dha explique que Gavâmpati se trouve « in one of the heavens » (3).

(1) Vie d'Açoka, Mahriprajnâpriramitriçâstra, Compilation sous Kâçyapa, " Record of tlie Transmission of the Dharmapitaka v, « Record of the Compilation of the Tripitaka and the Saihyuktapitaka «. Suzuki, article cité, p. 267.

Il est intéressant de constater la relation des Mahâsâmghikas avec le Sarvâstivâda et le Mahâyâna.

(2) Correspond au Çrîvrksa-palace (?) de M. Suzuki.

(3) La traduction est-eUe exacte ? Une note nous dit que le texte parle du « Çrïdeva-palace «.

219] Li:s <;<)>(;iLi:s noiDDiiioiES. 7

le Viiiaya, Ânanda sui- le Dliarina. On u clianto », on comnieiirant par les (juati'o l^âiâjikas, le doiihlp Viiiava {ubliulo-vinaife ') ; on ehaiil<' les ciiKj MLivas, en corn- inciH'iinl j»ar le Brahmajâla. Kâryapa dii'iirc la itM-ilalioii : « a été proclamé h^ preinier Pâiâjika ? (^)ii('(M'iiaiit (juelle personne? Relativement à (piel sujet? ,. » VA l pâli de répondre sur le sujet, l'oceasion, l'individu mis en cause, la proclamation, la répétition de la [uoclamation, la faute, les cas de non-responsabilité. Pour les .Nikâyas (Dliamma •), l'interroi^^ation ne [»oite (pie sur le lieu a été prononcé le Sutta, et la personne à lacpu'lle il lut adressé '.

§9. Ânanda, ([ui n'avait pas été interroge'" sur le Vinaya, et d'ailleurs la méthode adoptée ne permettait d'initia- tive (pi'au président, Ânanda prend la parole. « Alors le vénérable Ânanda dit aux theras : « Le Bienheuieux, au moment de sa mort, m'a parlé ainsi : Quand je serai

Un messager lui porte la requête de l'assemblée. Gavârapati s'éton- ne que Kâçyapa gouverne le Saihgha, interroge le messager, et so consume dans un feu divin (i).

Toujours d'après la même source, Kâçyapa renouvela la même tentative, mais avec le même résultat, auprès de plusieurs autres saints, déjà en possession de séjours célestes. On renonça dès lors à convoquer les saints absents et on décida qu'aucuu membre de l'assemblée n'entrerait dans le nirvana avant la fin des travaux.

(1) C'est-à-dire le Vinaya des religieux et celui des religieuses.

(2) « Le Dharma doit comprendre ici l'Abbidhàrma » (Kern, Gescb. IL p. 234, u. 5.), Voir ci-dessous, p. 21.

(3) Nous parlerons de l'œuvre scripturaire attribuée au concile par nos diverses sources quand nous cUidierons les relations des canons.

(1) D'après Suzuki, le Sarvâstivâdivinaya, le Prajûâpâramitâçristra et la" Coinpiiatioii de Kâryapa r disent que quatre (leuves (?) sortent du corps transliyuré en proclamant des gâthâs appropriées.

8 LE MUSÉOIS-. ^ [220

mort, 0 Ânanda, que le Saiiigha, s'il le désire, abolisse les préceptes petits et très petits ». ^ « Avez-vous alors, ô Ânanda, demandé au Bienheureux quels étaient ces préceptes ? » « Non, mes amis ».

Quels sont les petits préceptes ? Toutes les lois sauf les quatre pârOjikas ? Toutes, sauf les pârâjikas et les treize samgliâdisesas ? Toutes, sauf les pCirâjikas, les samc/hâdisesas et les deux aniyatas ? etc. Les « Pères » émettent six avis différents.

Kâçyapa fait accepter sa manière de voir : « De peur de scandaliser les laïcs, qui connaissent nos règles de disci- pline, ne changeons rien à ce que le Bouddha a décidé ».

i^ 10. Les moines '^ reprochent à Ânanda un certain nombre de manquements : « Tu as commis une faute quand tu as .... ; confesse cette faute ». Ânanda consent

à se confesser : « C'est par oubli que j'ai fait J'ai fait

cela avec l'intention ». Et toutes ses réponses se ter- minent par la formule : « Je ne vois pas de faute. Néanmoins, par déférence pour vous ^, je confesse cette faute ».

Les fautes d'Ânanda sout connues par toutes les sources de M. Suzuki, à l'exception du Sudarçanavinaya. Leur nombre est tantôt de six, tantôt de sept, tantôt de neuf. Comme la concordance n'est pas absolue, on peut distinguer douze chefs d'accusation •*.

(1) khuddhânukhuddaka, « the lesser and minor precepts «.

(2) Voir ci-dessous 12, n. 2.

(3) âyasmanifinam saddhàya = out of my faith in you.

(4) C'est le chiffre auquel arrive M. SuzAïki. Un point est propre aux Sarvâstivâdins : avoir tenu des propos inutiles au sujet des paraboles du Bouddha. Deux points sont, propres à la « collection de Kâçyapa n : 1. " Whon Ânanda was one time reproached by Buddha, lie secretly chorished illwill and wns niisschievous to others r ; 2. Ânanda n'était i)as encore délivré dos trois passions : désir, haine, ignorance, alors que les autres bhiksus du Concile en étaient délivrés. Un point (Dharma- gupta, 2) fait double emploi avec le refus de l'eau.— M. Suzuki, enlin, distingue trois variantes de l'épisode des femmes : 1. avoir d'abord admis les- femmes à la vénération du corps, 2. avoir permis que ce corps « doré rj fut souillé de larmes, 3. l'avoir découvert en présence des femmes.

22i| l.l> (.u.^(,||l.^ IlOIDDMIOlKS. 9

V^oici les données les plus importantes :

CuU(iv(((i(ja ; 1 . ne pas s'être informé des petits préceptes, 2. avoir marché sur la robe de saison de pluie du Bouddha en voulant la coudre (vassikasûtika = varsâçâtï, M. Vyut. § 261. y2), 3. avoir d'abord admis les femmes à vt'nérer le corps du Maître de telle sorte que le corps fut souillé de leurs pleurs ',4. ne pas avoir prié le Maître de prolonger sa vie, 5. avoir fait admettre les femmes dans l'Ordre.

Mainrâsakas : l. petits préceptes, 2. avoir marché sur la robe du Maître en voulant la coudre, o. admission des femmes dans l'Ordre, 4. prolongation de la vie du Bouddha, ô. n'avoir pas donné à boire au Bouddha malgré sa demande trois fois répétée, G. avoir d'abord admis les femmes à vénérer les restes du Maître *.

Dharniagiiptas ^ ; 1. admission des femmes, 2. « Buddha asked Ânanda three times to serve him as one who offers things (?) to Buddha, but he dcclined him n "*, 8. avoir marché sur la robe en voulant la coudre, 4. prolongation de la vie du Bouddha, 5. avoir refusé à boire au Bouddha , 6. petits préceptes, 7. avoir mon- tré le corps doré de Bouddha à une multitude de femmes ^, leur permettant do le souiller par leurs larmes.

Mahasflmghil:as : 1. admission des femmes dans l'Ordre, 2. pro- longation de la vie, 3. avoir marché sur la robe en la cousant,

4. avoir refusé à boire au Bouddha , 5. petits préceptes,

6. « Ânanda exposed the secret parts of Buddha in the présence of women, thinking that the act would tend to a cessation oftheir passion ; but how could he know this whcn he had not yet attained to the stage of Arhatship V », 7. avoir montré le corps doré du Bouddha

D'après le Mahâvastu, III. 48, Ananda avait autorisé ses disci-

(1) Variante dans '^ une biographie pâlie réconte du BouiUllia y. ap. Minayetr, p. 33, note.

(2) Sans mention des pleurs qui auraient souillé ce corps.

(3) L'ordre dans Beat est très dift'érent.

(4) Ce point doit être distin^né du n" 5 des Mahïçâsakas qui est répété ci-dessous. D'après Beal, il faut compi-endre : trois fois le Bouddha demanda à Ânanda de le suivre et trois fois celui-ci refusa.

(5) D'après Beal, il ne s'agit que d'une femme.

10 LE MUSÉON. [tîl2

pies à manger en troupe. Cette infraction, que nous retrouverons à Vaiçâlï, ne paraît pas être comptée parmi les manquements d'Ananda.

A remarquer qu'Ananda n'est nommé qu'en passant dans le récit du premier concile (Mliv. I. 69 sqq.). Kâtyâyana et Kâçyapa sont les seuls personnages notables,

Sarvâsiivàâins. D'après Rockhill (Dulva), comme les Mabâsâin- ghikas, sauf pour le n" H oii l'occasion du péché d'Ananda (coudre ou laver la robe) n'est pas déterminée, et pour le 6 il est parlé d'hommes et de femmes de mauvaises mœurs. D'après M. Suzuki (source chinoise), il faut ajouter 2^ « When Buddha preached in parables, Ânanda made, in spite of bis présence, some superfluous remarks on them «, modifier 3 : « avoir marché sur la robe en la lavant «, et 4 : « avoir donné de l'eau boueuse au Bouddha » ^

§ 11. Pui'âna, qui voyageait dans la montagne du Sud avec cinq cents bhikkhus, arrive à Râjagi/ha comme la récitation du Vinaya et du Dharma est terminée. 11 vient saluer les theras. Ceux-ci lui disent : « Le Dharma et le Vinaya, ô Purâna, ont été chantés par les theras. Accepte la récitation ~ ».

Purâna répond : « Le Dhamma et le Vinaya ont été bien chantés par leg theras. Cependant, de la façon dont j'ai entendu et reçu [la loi] de la bouche même de Bha- gavat, de cette façon je prétends la garder dans ma mémoire ».

L'épisode de Purâna est plus développé dans les trois sources chinoises qui parlent de ce personnage important ; à savoir le Vi-

(1) D'après le Dnlva, Ânanda s'excuse de n'avoir pas donné à boire au Tathâgata parce que cinq cents chariots avaient troublé l'eau de la rivière (Kakusthana = Kakutlhâ) en la traversant.

(2) Upehi tam samgiiim. Vinaya Texts : « Do thou, then, submit thyself to and learn thc text so rehearsed by them », tra- duction élégante, mais un peu longue. On dit : iipemi hnddhath sàranam.

2:25 1 M.s (.(»(;iLi:s iioiin»iiioLi;s. 1 1

naya des Dharmagiiptas, celui des Mabîçâsakas et le Vinayamâtr- kâsûtia '.

Puiâna arrive à nfijagrlia quand le concile est terntiiué. A sa prière, Kâçyapa réunit à nouveau l'assemblée et Uprdi recommence sa récitation. Purâiia approuve tout ; il réclame seulement l'inser- tion de huit permissions, huit « choses » compatibles avec la loi qui défend de manger les aliments conservés, et que le Bouddha avait complètement approuvées : à savoir, (je reproduis la traduction de M. Suzuki) « I. keeping Ibod indoors, 2. cooking iudoors, ;j. coo- king of one's owu accord, 4. taking food of one's own accord, 5. receiving food wlien risiug early in the morning, G. carrying food home according to the wish of a giver, 7. having miscella- neous fruits, 8. eating things grown in (or by Vj a pond n *.

Kâçyapa reconnaît que le Bouddha a, en effet, autorisé les huit « points n ; mais c'était seulement parce que la nourriture était rare, en cas d\lpad, dirions-nous ; plus tard, il retira cette per- mission. Purâna réplique que le Bouddha, omniscient, ne permet pas ce qui est d'ciilleurs défendu, ni ne défend ce qui est d'ailleurs permis. Kâçyapa explique que l'omniscicnco du Maître le met, au contraire, à même de modifier les lois ; il conclut : « Prenons, 0 Purâna, cette décision : ce que le Bouddha no défend pas ne sera pas défondu, mais ses défenses ne seront pas transgressées. Exer- çons-nous d'après les lois disciplinaires du Bouddha ».

M. Suzuki n'a pas remarqué que les huit points sont discutés dans le M. Vagga ("VI. 17-10, 20. 4, n2) ; mais, si j'ose ainsi dire,

(1) Outi-c les renseignements de M. Suzuki (article cité p. 280), voir Wassilieir ad Târaiiritlia, p. 291 : ^ ... la tradition du Vinaya cliinois que, déjà au premier Concile, Purna protesta contre sept points qu'avait introduits Kâçyapa.

On a vu que le Dulva parle d'un Pûvna, sonneur de cloche du concile, et délégué aupi'ès de Gavâmpati (ci-dessus p. 6, n. 3).

(2) Les Mahû^âsakas énumèrent ditleremment les " points v de Purâna ; il y en a sept : « l. receiving food in conipliance witli the wish of another, 5. taking fruits of one's own accord, 6. receiving things coming ont of a pond, 7. eating fruit with its seeds (or stones) romoved, when received from one wiio is not a regular attendant in tlie Saihgha «. Le Vinaya- nuitrlvâ parait suivre les Dliannaguptas, car les doux points qu'il expli- que concordent avec la liste de cette école.

12 LE MUSKON. [224

tout l'épisode est antidaté ; c'est le Bouddha lui-même, qui, après avoir autorisé le « keeping Ibod iudoors » etc., retire cette conces- sion *.

§ 12. Ânanda pi-end la parole : « Bhagavat m'a dit au moment de sa mort : Que le Sanigha, Ânanda, quand je serai mort, impose le bra/nnadanda ^ au bliikkhu Chan- na. » Et sur la demande des theras, Kâçyapa ne joue ici aucun rôle non plus que dans le chapitre des man- quements d'Ânanda ^, le disciple confident explique quel est ce châtiment : « Que le bhikkhu Channa dise ce qui lui plait ; les bhikkhus ne lui parleront pas, ne l'exhorteront pas, ne l'avertiront pas ». Il accepte d'aller signifier cette sentence à Channa, mais accompagné d'un groupe de frères, de cinq cents frères, « car ce bhikkhu est passionné et rude ».

Les §§ 15-14 sont consacrés un épisode du voyage d'Ânanda en quête de Channa ^ : sa rencontre avec les femmes du roi Udena et sa conversation avec ce roi. Le récit est intéressant et n'est pas un hors-d'œuvre dans un livre de Vinaya, car il est question de l'emploi des

(1) Pour superposer la liste des Dliarmaguptas à celle du Culla (sept points), il suffit de combiner le 4 et le 7 des premiers : « taking miscella- neous fruits of one's own accord ».

(2) brahmadanda = « the higher penalty ». Cette expression ne se rencontre qu'ici et Mahâparinibbânas. VL 4. Voir Kern, Gesch. II, p. 118-119. Channa avait déjà encouru de graves pénalités, voir Culla, I. 25-01.

(3) Dans d'autres sources (voir p. 2G), c'est Kâçyapa qui porto la parole contre Ânanda.

(4) Wassilief, ad Târanâtha, p. 291 : « D'après la tradition du Vinaya chinois, à l'époque du premier concile, le bhiksu Chanda créa à Kau(;âmbï une division parmi les religieux et Ananda fut envoyé pour régler les choses » .

225] LIS CONCILES noinnnK>rKs. {7t

vieux vêteiiicnls et, eu ji«'' lierai, de tous les objets hors d'usage.

.^ 15. 7Viianda sigiiilie sa sciilence à Cliaiiiia, (|ui prend la eliose avee beau('OU[) (riiiiiiiilité. Sa douleur et son remords sont tels (ju'il obtient la (jualité d'Arhat. Il se rend auprès d'Ânanda. « SuppiiiiKvnioi maintenant, ô Ànanda, le hralunadiuula ! » a Du moment même, ô Channa, tu as réalisé la (jualité d'Araliat, de ee moment même le hraliniachinda a été sujjprimé. »

5i 10. Conclusion du chapitre : « Comme cinq cents bhikkhus, sans un de moins, sans un de plus, ont pris part à ce chœur du Vinaya, ce chœur du Vinaya est appelé « des Cinq Cents ».

Que pense M. Oldenberg de ce récit ? C'est assez dilli- cile à dire, car son opinion parait manquer de la belle unité qu'il se plait à reconnaître aux premiers paragra- phes qui le composent K D'une part, il a dit et répété qu'il ne croyait pas au récit du concile proprement dit [.^§ "-^1 ; et cela pour des raisons dont il fait à nouveau sentir tout le poids aux hommes de bonne volonté, car, en vérité, elles nous touchent peu ^ ; bien plus, il ose à peine attribuer une valeur historique quelconque à la discussion relative aux « préceptes petits et très petits ». et à la i)énitence majeure infligée à Channa (§§ 0 et 12) :

(1) « schonster Einheitlichkeit », Buddh. Studien, p. 614.

(2) p. 628 note. Ces raisons sont, en première ligne, que le Mahâparinibbâna ne souffle mot du concile. Voir l'Introduction au texte du Mahâvagga, p. xxvi et suivantes, et les remarques de M. Rhys Davids, Buddhist Suttas, p. xni.

U LE MLSÉON. [226

« Es mai? sotçar an irffeiidwelche l berbleihsel von histo- rischer Ei'inneruni; G;c(lacht werden : das wird ebenso wenig zu beweisen wie zu widerlegen sein ». D'autre part, il s'élève avec une grande vigueur contre les obser- vations de Minayeff, Celui-ci, retenant comme historiques ou semi-historiques tous les épisodes (Subhadra, petites règles, fautes d'Ânanda, etc.), écarte comme apocryphe et tendencieuse l'histoire du concile dans sa convocation oliicielle (§§ 3, 4), dans ses travaux scripturaires (J^^ "-8), et cherche à montrer, d'une part l'incohérence des ,^§ 1-2 et 3-4, d'autre part la contradiction des épisodes avec la rédaction solennelle d'un canon complet.

Notre chapitre du Cullavagga, dit M. Oldenberg, débute par la reproduction textuelle d'un épisode du Mahâpari- nibbânasutta (Culla X[ § 1 =- Mahâparinibbâna VI. 30, 57, 58, 59, 41, 40) ; il nous donne ensuite une reconstruc- tion, légendaire, du premier concile, inspirée par le récit, authentique et historique celui-ci, du second concile ; il tire enfin profit des discours du Bouddha relatifs aux préceptes secondaires et au ' boycottage ' de Channa, discours reproduits dans ce même Mahâparinibbâna. «Le point de vue de Minayeff, qui prétend reconnaître dans ces épisodes [et ceux des ' manquements ' d'Ânanda] un vieux noyeau de tradition authentique (einen alten Kern guter Uberlieferung), et les séparer du reste du récit à une éi)oque plus jeune, ce point de vue est illusoire. » En effet : « Der Culla, wenn er jene Andeutungen seiner- seits ergriff und daraufhin die Geschichte von dem Konzil mit den in Rede stehenden Episoden ausstattete, beging damit nicht in mindesten, wie xMinayeff will, einen Seibstw iderspnicli ».

MinayeflF n'a pas mis ses lunettes quand il soutient que

2:27 J i,iîs doNoiLEs noiioDHiouËs. {

K

le Culla idoiititie. les ciiKj ccnls ('(>tii[)a^iions de Kàçyapa, paniii les(|U('ls Subliadra et beaiicoii|t de l)liiksus fidèles mais iiii[)artaits, avec les ciiKj cents ariiats (riioiiis un) que Kâçyapa élit pour le conclave. Le i^ 1 du Culla con- tient le récit de son voyaj^e, l'ait par Kâçyapa devant une assemblée noml>reuse, à Kuçinârâ vraisemblablement ; cette assemblée est celle que Kâçyapa convie à chanter le chœur et dans laquelle il va choisir les membres du ch(eur.

Minayeir a vu une répétition contradictoire dans la dési- j-nation des futurs conclavistes par Kâçyapa, à hi prière du Saihgha, et la décision oHicielle, à la suite d'une ce double proposition » (et non quadruple, comme le dit le savant russe), qui délègue à ces mêmes conclavistes le pouvoir et la tnission de tenir leurs assises à Râjaiiiha ^ : à tort, cai", ajoute M. Oldenbei'g, « rien ne peut être plus vraisemblable et plus conforme aux habitudes (pie la littérature nous fait connaître ». 11 n'y a ici (§§ 1-5) ni incohérence, ni contradiction '^

(1) Mioayeff a cru que nous avons affaire à deux données : d'après la première, « peut-être plus voisine de la vérité », Kâçyapa choisit les membres du concile et leur adjoint Ananda ; la seconde, d'origine postérieure, introduite pour donner au con- cile un caractère d'authenticité, comporte notre § 4, rai)probation par le Samgha des mesures qu'il a lui-même provoquées.

(2) Ici, M. Oldenbcrg tient le bon bout. Il est toutefois certain que si cette partie du récit, habilement interprétée, se laisse ramener à l'unité, l'auteur n'a cependant pas pris grand peine d'être clair. A quels moines Kâçyapa raconte-t-il sa rencontre avec le parivrâjaJca, porteur de la funèbre nouvelle, et son voyage avec Subhadra V Les mêmes, évidemment, qui le prient de choisir les membres du futur concile V se passe cette scène ? « Le Culla ne le dit pas formellement, dit M. Oldenberg ; mais on ne peut déci-

iQ LE MUSÉON. [228

Tout au plus peut-on parler, dans un certain sens, d'une certaine Dhcrepaiu, car il ne faut jamais perdre le

dément pas hésiter sur la maaière dont le rédacteur du Culla s'est représenté la chose. Les sources siughalaises modernes, comme les

sources du Nord, placent la scène à Kusinârâ Le récit du

Culla qui se soude (anschliesst) au Mahâparinibbâna Sutta dont il reproduit textuellement de longs passages, n'a certainement pas l'intention de faire apparaître Kassapa en un autre endroit que celui le M. P. S. le conduit et toutes les autres sources citées le font apparaître ». Je le veux bien ; j'en serais plus sûr si j'étais certain que le Culla a réellement interpolé les paragraphes M. P. S. VI 36-39, 41, 40 ; lesquels, comme l'a remarqué souventes fois M. Oldenberg, n'aboutissent à rien dans le M. P. S. ; si je compre- nais pourquoi Kâçyapa ne répond rien à Subhadra, non plus que les autres moines dont la piété s'est manifestée par des pleurs intempestifs. M. Oldenberg ne voit pas, apparemment, de difficulté dans ce dernier détail.

Mais les bouddhistes ne l'ont pas compris mieux que Minayeff, à preuve les variantes de l'épisode. Seul le Mahâparinibbânasutta traduit par Fa-hien (Nanjio 118; imite la réserve du texte pâli. Mais dans le Sarvâstivâdavinaya (Nanjio, 1115) (i) : « An old, bad and stupid bhiksu.... ; Kâçyapa heard bis words, but others did not perceive them, because through deva's miraculous power thcy were kept secret ». Dans le Mûlasarvâstivâdanikâyasaiiiyuk- tavastu (Nanjio 1121), lequel, pour le dire en passant, fait suivre le M. P. S. par le récit du Concile, ce qui est très bien : « An old bhiksu .... ; many gods in the sky hearing his injust utterance kept his voice secret by their miraculous power and let nobody hear it except Kâçyapa. Kâçyapa understood his words. Then the Vénérable One, to exhort him, stood for a little at the wayside and addressed the assembly, saying ;.. sahbeWeva plyelii manâpehi.... n'etam thânam vijjatUi (M. P. S. VL 41) ».

Dans d'autres sources, les paroles de Subhadra (dont le nom

(i) Cette citation, ainsi que celles qui suivent, d'après une obli- geante communication de M. U. Wogihara.

249] m:s (;o.N(.ii,i:s hoi ddiiiolks. 17

scMitinu'iit clos nuances : « Von einer Discrepanz kann nieincs Krachlcns mii" in ileni Sinne gcsprochcn wcnlen, (iass (lie konziier/iililunii: [=: ^^i:! 1-5, 7-8, l()| ollcnljar, wie icli el)en ii:es|)rot'hon liabc, an dcn Ilauptvori^aii}; ein paar doni .Maliâ[).S, entnominene Dateii i<'S|». aiil' (liiiiid dieser Daten hci-^estellte Konstruclioneii lici iin«|;esclK)ben hat ». C'est-à-dire : « Tout au plus peut-on j)arlei' de nian([ue d'harmonie, en ce sens que le (Àilla a raltaché au récit principal, savoii' au récit, d'ailleurs légendaire et tendancieux, du concile], un certain nombre de données empruntées au M. P. S., ou plutôt des reconstructions suggérées par ces données ». Mais qu'importe que ces données et ces reconstructions soient contradictoires au

varie) sont, du moins, relevées par le narrateur : Nanjio 119 : « Ban-do of Çâkya-clan...; Kâçyapa was displeased » ; Nanjio

545, 2 : « A (^Tikyaputra called Ba-nan-da ; Kâçyapa bearing

this was sad » ; De même le Viuaya des Dharmaguptas (Nanjio 1117). Dans le Nanjio 552 (qui serait, dit-on, une traduction antérieure des 118, 119 et 545. 2), les choses se passent moins simplement: " One bhiksu ... ; ail otlier bhiksus disagreed witb bim and they complained to a deva, wbo seizing tbat old bhiksu threw bim outside of the assembly » ; et dans le Mabâsruiigbika Vinaya (Nanjio 1119) : " Kâçyapa was sad, and as he snapped bis rigbt- band-tinger, tire came ont oiit, and he stamped the ground witb bis right foot n.

M. Kern rappelle fort utilement le Bhadra, incarnation du diable, que nous retrouverons en discutant le concile de Pâhdi- putra.

Il semble que le décousu de notre récit (M. P. S. VI. 1 = Nanjio 118 = Culla XI) soit une marque d'authenticité, et je ne souscris pas sans réserves à la peust'O de M. Oldcnberg. « Wic sich soin (Culla's) Verfasser die Sache gedacht bat, kann docb scblochtcr- dings nicht zweifelhaft sein ». Il semble que ce rédacteur n'ait pris aucun souci de se représenter les choses.

18 lE MLSÉON. [250

récit i)rincipal ? Ce récit i)rinci})al est vierge de toute contradiction : « Jene Erzahlung ist das werden wir nach allem hier erôrterten gegen Min. fest halten durfen von inneren Widersprûchen fiei ».

Voulant exposer la rédaction primitive des Écritures, postulée par l'orthodoxie, le compilateur de Culla XI a naturellement mis en scène Kâçyapa, Ànanda et Upâli. 11 a ajouté l'histoire du voyage de Kâçyapa et l'épisode des petits préceptes, groupé et développé plusieurs autres souvenirs relatifs à cette période : presque tous lui étaient connus par le M. P. S. Tout au plus peut-on remarquer que l'adoration des restes du Bouddha par les femmes n'est pas mentionnée dans ce vénérahle Sutta ^

En un mot. M, Oldenberg croit que tout notre chapitre du Culla est une « forgery », mais une « forgery » bien faite, et que l'analyse ne permet pas d'en dégager les conclusions formulées par Minayeff.

Le savant russe n'a pas relu avec assez d'attention les épreuves de son beau livre ; il aurait évité quelques méprises dont triomphe son contradicteur ^ D'autre part, les chapitres qu'il consacre aux conciles sont médiocre- ment composés ; la pensée, souvent, n'est qu'indiquée et l'auteur ne tire pas tous les avantages désirables des posi-

(1) « Merkwûrdiger weise nicht in M. P. S. berichtet wie schoa S. B. E. XI 379 bemerkt ist ». (Buddh. Stud. 618 n. 3).

(2) Voir ci-dessus p. 15, la confusion du natticatuttha et du nattidutiya, ci-dessous p. 29, n. 1, l'interprétation de uhhato vinaye, et p. 30, l'expression inexacte « dans le canon «.Ce ne sont pas de grosses fautes.

"251 I i.KS CONÇU. i:s itoi Dhiih.irKs. 19

lions (ni'il oc('U[)(' vl des armes dont il disjjosc. I^iliii, sa inanièi'c peut donner le chanj^e à un lecteur (|ui se voit traité, dès les premières lignes, un peu « à la Imssarde »,

c'est le cas de M. Oldenberg, et qui voit traiter avec moins de respect encore les respectables Suttantas. M. Oldenberg n'a[)précie pas l'ii'onie du savant russe :

u Die Ironie scheint mir nielil vollkommen gliicklieli ».

Que serait-ce s'il avait compris toutes ses plaisanteries? Par le t'ait, et c'est le point capital, il s'est mépris sur la pensée de Minayeff en ce qui regarde l'historicité du con- cile et des épisodes, et ce n'est pas entièrement la faute ni de Minayeff, ni de M. Oldenberg : celui-ci ne croit point au concile, mais il s'en i'aut de si peu ! celui-là, en api>a- rence, prétend faire de l'histoire avec le Culla, bien (ju'il ne croie ni aux Sfitras, ni au Culla.

Ces entrepiises de critique interne sont extrêmement délicates, surtout pour ceux (|ui se résignent à ignorer beaucoup de choses et n'ont pas dans les textes la foi du charbonnier. Ils craignent de discernei', pour des raisons subjectives, ce qui peut être historique de ce qui n'a aucune chance de l'être ; jamais, et la seule pensée les déconcerte, jamais ils ne croiront (jue le silence d'un Sûtra sur un dognie ou un événement ecclésiastique puisse fournir autre chose qu'une hypothèse. Ils relisent deux ou trois fois l'observation de M. Oldenberg sur l'absence d'allusion au premier concile dans le Mahâ- parinibbâna: « This silenee is as vidiiahle as llie most direct leslimony. It shows that the aiithor of the .Mahâparinibbâ- nasutta did not know anything of the First Council » ' ;

encore ne sont-ils pas assurés d'avoir bien lu. Pour un

(1) Voir Intr. au Mahuvagga, loc. laud, ci-dessus p. 13, u. 2.

âO LF, iMLSÉON. [232

peu, ils déserteraient une discussion sans issue, parce qu'elle est sans contrôle possible et sans principe connu. Que si, comme Minayeff, ils croient nécessaire d'y prendre part, on ne pourra pas leur reprocher de faire fond sur des données qu'eux-mêmes n'acceptent pas sans réserve, car leurs adversaires les admettent. Et c'est un prin- cipe formulé par Dignâga dans sa controverse avec les Brahmanes que, dans une joute dialectique, tout argument vaut dès que l'adversaire ne peut pas le récuser : peu importe ce qu'en pense lui-même l'argumentateur. Ou je me trompe, ou Minayeff était trop bon bouddhiste pour demeurer étranger à cet état d'esprit, et c'est une des raisons pour lesquelles il impatiente si souvent son érudit et convaincu antagoniste.

Je suis cependant persuadé, comme il l'était lui-même, que le Culla peut fournir mieux qu'un prétexte à jeux d'esprit. 11 suffira d'établir que le manque d'harmonie entre le récit du conclave et les données épisodiques est encore plus radical que ne le croit M. Oldenberg ; et peut-être le lecteur voudra-t-il admettre que Minayefif voyait juste en reconnaissant dans ces épisodes, non pas des données à proprement parler historiques, mais un vieux fond de tradition authentique d'une inappréciable valeur pour l'intelligence du vieux Bouddhisme.

Reprenons, dans ses diverses parties, l'étude de Minayeff, en tirant parti, comme il est juste, des indi- cations et des documents fournis par M. Oldenberg.

l) Le § 16 de Culla XI rappelle que « cinq cents bhik- khus prirent part à cette récitation du Vhiaya ; par con- séquent cette récitation du Vincnja est appellée celle des Cinq Cents ».

Or le § 8 expose la récitation du Dharma, c'est-à-dire

233] LES CONCILES nOlDIUllnrES. 21

(les cinq Nikâyas. Pouniuoi le paraj^raplio final i^nK^ic-t-il l'œiivie d'Ânaiida ? Est-ce à dire (jiie le concile se soit 0('cu|»('' exclusivement de discipline, et (|uc le «i^ H ait été interpolé a[)i'ès (jue le chapitre \l avait reçu son titic ? Minayeffn'a i)as jugé diicne de lui celle petite reniai(jue ; elle emprunte cependant ([uehjue intérêt à ce t'ait (jiic le Culla ne soutlle pas mot d'une récitation de l'Ahliidliarma (preuve d'anti(piité, observe très bien M. Oldenhei-g '), tandis (|ue les Vinayas de plusieui's sectes, Dliaruiajjjuptas, Sarvâstivâdins, parlent de rAhhidharma dans leui-s cha- pitres correspondant au Culla XI. Les iMahîvâsakas et les MahâvSâiiighikas imitent, au contraire, la réseive du Culla en ce qui regarde les livres de « nomenclature scolasti(jue » ^ : il serait curieux que le Culla XI, dans la rédaction que sup[)Ose son titre, eut possédé sur les Mahïçâsakas, en omettant les ciiu} Nikâyas, l'avantage qu'il partage avec les Mahïçâsakas sur les Dharmaguptas et les Sarvâstivâdins, en omettant l'Abhidharm;».

'i) La sentence contre Chaiina, .î;.!:^ 12- lo. De cette procé- dure contre Channa, du bvalimaduuda, le Vinaya ne sait rien, de l'avis autorisé de M. Oldenherg ; les moines auquel s'adresse Ânanda n'en savent pas plus long, puis- que celui-ci est forcé de la leur expli([uer. Le seul Mahâ- parinibbâna en fait mention (Yï. 4) et nous fournit la conversation qu'.Vnanda répète mot pour mot aux Miiksus du conclaves (^Culla, XL § 1:2).

Ceci démontre, à tout le moins, qu'Ânanda n'a pas fait chanter aux membres du concile l'intégrité du Maliâpa- rinibbâna, car il n'aui'ait pas eu à leur répéter cette injonction du Maître défunt.

(1) Buddh. Stud., p. G2^. Voir ci-dessus p. 7, u. 2.

(2) mâtrlas, voir Kern, M au. p. 2-3.

22 LE MUSÉO.N. [254

Ceci démontre aussi, pour raisonner n silentio, que les Yinayas, avec leurs Vibhaùtras, sont antérieurs au Mahâ- parinibbâna, puisqu'ils ne parlent pas du hrahmadanda K

:i) Manquements d'Ânanda 10). La récitation est terminée. Les moines reprochent à Ânanda un certain nombre de fautes et Ânanda répond comme nous avons vu.

L Avant d'entrer dans le détail des péchés, quelques observations s'imposent.

A. Comment peut-on faire des reproches quelconques à Ânanda, lequel est Arhat ?

« Ânanda était déjà devenu un saint impeccable, c'est- à-dire un arhat, et cependant il se soumet à un jugement; l'assemblée l'invite à faire pénitence de quelques péchés... Buddhaghosa, dans sa relation du premier concile, a laissé de côté tout cet épisode. Peut-être a-t-il trouvé scandaleux pour les fidèles un récit il est question des péchés d'un Arhat, impeccable suivant les dogmes posté- rieurs; toujours est-il que, dans les récits les plus anciens, on a conservé, malgré leur rédaction récente, le vague des idées primitives au sujet du saint. On ne peut guère con- sidérer le fait même du jugement comme une invention de la légende, et encore au VIP siècle, à l'endroit fut jugé Ânanda, s'élevait, s'il faut en croire Hiouen-Thsang, un stûpa en mémoire de cet événement » ^.

(1) D'autres remarques sur cet épisode voir p. 24 et p. 38, n. 1.

(2) Minayeff, Recherches p. 31. Cette dernière phrase révolte M. Oldenberg (p. G26). Peut-être Minayeff ne pousse-t-il pas la crédulité aussi loin que M. 0. le suppose : ou peut voir ici un exemple notable de son ironie. L'histoire des fautes d'Ananda porte eu elle-même un caractère d'authenticité : le monument dont parle le pèlerin chinois n'est qu'une preuve d'appoint. Il s'est passé pas mal de siècles, eu effet, entre le jugement d'xVnauda et l'époque de

255] LKS CONCILES BOIDDHIVUES. 25

Voici les i'emar(|ues do iM. Oidcnber^ sur co point : « Le jugement (rÂi);m(l;i |K'iiii('t-iI d'opposer ' aux (lojjcines définis sur l'aiiiat, le vague des idées piiniitives au sujet du saint ' ? Avons-nous vraiment (juelcpie raison de croire à celte incertitude primitive ? Tout nie semble indi(|uei' que le 'cercle d'idées 'de l'ancien Bouddhisme s'est attaché dès l'origine à établir le concepi de ITmpeccaiil, du Délivré '. VA la tiadition, sei)tentrionale comme méri- dionale, me parjiît unanime à nous garantir ce concept comme très ancien : les divergences d(; vue sur l'Arbat qui se rencontrèrent chez les théologiens systémati(|ues postérieurs, ne changent rien à mon avis sur ce point. Mais, en fait, il est inutile de me préoccuper ici de ce problème : il sutïit de faire remarquer qu'Ânanda devient Arbat immédiatement avant le commencement des opéra- tions du concile. Le récit appuie sui' ce point qu'il n'était pas Arhat auparavant. Pour les dnhiiata qu'il a commis, il les a commis du vivant du Maître, avant d'être Arhat. Or, quiconque est dans (juelque mesure familier avec l'exposé des procédures disciplinaires, telles (jue le Vinaya nous les donne, verra sans dilïiculté que toute faute une fois commise doit trouver sa sanction disciplinaire, sans

Hiouen-Thsang. Mais il y a beaucoup de gens qui croient à la naissance du Bouddha dans le jardin de Lumbinï sur la foi d'une inscription d'Açoka. Or qui dira quand est le Cakravartin sous l'arbre des nuées ?

(1) On sait que les livres d'Abhidharma (Dhammasangani, Kaihâvatthu) distinguent fort nettemeut le nirvana, qui seul est asamsTxrta, et Varhativa qui n'est autre chose que la disparition des àsravas, du rdga {vltarngntva). Le snmslrfa est sdsrava ou anUs- rava. Voir M. Vyut. § 10'.). loi et suiv. L'impeccable n'est pas délivré des slandhas.

;24 LE MLSKON. [256

qu'on tienne compte du point de savoir si le coupable a, dans riiitei'valle, atteint quelque degré de la perfection spirituelle » K

Je ne suis pas, hélas ! chez moi {zu Hanse) dans les procédures disciplinaires du Vinaya ; je pourrais, presque sans coquetterie, avouer que j'ai surtout étudié le onzième chapitre du Culla. La fortune veut que j'y trouve un détail important relatif au problème qui nous occupe. Nous savons que Channa, lorscpi'Ânanda lui eut fait part du « boycottage » prononcé contre lui par le Bouddha, tomba dans un tel repentir qu'il devint bientôt Arhat. La-dessus, comme nous l'avons dit, mais cela vaut la peine d'être répété, il va supplier Ânanda de lever l'excommu- nication ^ : il est donc du même avis que M. Oldenberg. Une faute commise avant l'acquisition de 1' « Arahatship » doit trouver sa sanction disciplinaire. Ânanda qui, croyons-nous, s'y entend mieux que personne, lui répond en propres termes : « Du moment même, ami Channa, tu as réalisé la qualité d'Arahat, de ce moment la pénitence a cessé ». « Quoi qu'il dise, personne ne lui parlera, ne l'exhortera, ne l'admonestera » : ainsi avait parlé le Bouddha sur son lit de mort au sujet de Channa. Mais, par le fait qu'on devient Arhat, la pénitence tombe, encore qu'elle soit prononcée comme définitive. Il est vrai que le Vinaya ne sait rien de cette pénitence dite « de Brahmfi », et que la familiarité avec les Vinayas est par conséquent ici sans importance.

Observons encore que Channa se trouve relevé de

(1) Buddh. Studien, p. 620-621.

(2) Quel droit possède Ananda de lever une excommunication prononcée par le Bouddha, apprçuvce par le Samgha ?

257 1 i.i:s CONÇU, I.S itounimiouKs. 2.")

rexcoininunic.ilioii (|ii:iii(l elle iir lui est jtliis (l<Miitii:i- geable. On sait (|ij(', d'apirs la llirsc oiiliodoxc, non souIcMicnt l'Ailial ne pciil déciioii', mais encore (|ue l'assistance (l'autnii, conseil on instruction, lui est pai-- faitement inutile.

L'histoire d'un Arhat coupal)le et pénitent ma]{:rré lui est contraire à l'oitliodoxie des « non-inahâsâiii^'hikas » '. Quand elle l'ut composée, la scolastique n'avait pas encore tiré parti des données sci-ipturaii'cs et de l'expéi'ience spiri- tuelle [)our dévelop[»ei' le domine dans tous ses détails. Je crois, avec M. Oldenhcrg, «pic les deux ti'aditions sont d'accord [)()ur attribuer une haute ;mti(juité au concept du saint ; mais j'ajoute (pi'elles me paraissent aussi metli'e hoi's de contestation les divergences, fort anciennes, des docteurs sur ce dogme. On ne peut pas, en etlet, con- sidérer ces divergences comme des différences d'opinion qui apparurent « unter den spateren theologischen Syste- matikern ». Les « inventeurs » hérétiques des ciwi points (dont ([uatre sont relatifs à l'Arhat) ', ne sont ni des théo- logiens systémati(pies, ni des personnages tardifs. On l'attache à leur nom le souvenir de la première division du Saiiigha. Mais, fussent-ils aussi anciens que je le crois, il semble qu'avant la période les bouddhistes se divisent en aflirmateurs et en négateurs de la possibilité' de la chute et de l'ignorancj de l'Arhat, il y en eut une la question n'était pas dogmati(piement posée. Voilà ce (ju'a vu, ici, iMinayell' ; et, à mon avis, très raisonnablement '.

(1) Voir nos remarques sur le troisième concile.

(2) Voir Childers, 53 b au bas : " Arahâ properly means ouly ;i vénérable man and et Dh. 240 [.,,] we find it applicd by a non- Buddhist to Acelakas or naked ascetics n.

26 LK MUSÉON. . [258

B, D'après le Culla, les Vinayas desMahîçâsakas et des Mahâsâiiiglîikas, et plusieurs autres sources dont l'auto- rité indépendante est douteuse, l'examen de conscience d'Ànanda, institué par le conclave ou par Kâçyapa, a lieu après les opérations du concile et n'a aucun rapport avec sa qualification comme Arhat ou comme membre du dit concile \

Ceci est absurde, semble-t-il, et hétérodoxe ; et on ne peut qu'approuver les Dharmaguptas d'avoir placé le juge- ment d'Ànanda avant le concile, et les Sarvâstivâdins, ainsi que deux autres sources chinoises, d'avoir subor- donné l'admission d'Ànanda à sa justification et à l'acqui- sition de la sainteté {arhattva). Mais cette absence d'ordre et de convenance dans trois sources de premier rang, comparée à l'harmonie plus grande qui règne dans les autres, permet d'affirmer, avec Minayeff', « l'entière indé- pendance des récits réunis par nos diascévastes en un seul tout ». Dans le récit plus ancien, croyons-nous, il n'était pas question de concile : on réprimande Ànanda. Qu'on ajoute à ce premier noyeau la légende d'un concile, la réprimande d'Ànanda ne changera pas d'abord de caractère; et si l'orthodoxie, en voie de se former, exige que tous les membres du conclave soient Arhats, on ne fera pas de

(1) Le jugement d'Ananda a lieu, soit avant la compilation des Ecritures (Dharmaguptas, Sarvâstivfi'hns, Mahâprajnâpâramitâ- çâstra, la collection de Kâçyapa [Nanjio 1363], Hiouen-Thsaug, I. 156), soit après (Mabïçâsakas, Mahâsâmghikas, Vinayamâtrkâsû- tra, Vie d'Açoka). Tantôt il n'y a aucun rapport entre les fautes d'Ànanda et sa qualité do membre du concile (sources du second groupe et Dharmaguptas) ; tantôt, au contraire, le jugement a pour but de démontrer qu'Ànanda n'est pas arhat, et doit être exclu du conclave.

^50 1 LIS COXCII.KS noiDDinyLES. 27

ditliciilté [>oiir ;ith'il)uer à l.i rt'|)iim;iii(k' l:i iihicc do second raiij^' (|iii lui coiiviciit Mpics la iiai-iatioii d'un événement aussi capital que la rédaction des Kcritures. L'orthodoxie n'est pas encore assez chatouilleuse poui' sen- tir la contrariété de cette disposition chroiiolo^i(|ue ; elle n'est pas assez lérnie pour écarter le souvenir précis de la « non-sainteté » d'Ânanda lors d'une réunion (jui avait pour objet de le châtier K Tout ce que peut obtenir la tendance orthodoxe, c'est de proniouvoii* Ânanda à la sainteté durant la nuit du Concile.

Chez les Sarvâslivâdins, au contraire, la réprimande d'Ânanda est devenue un jugement. Kâcyapa constate que la présence du pieux ami du Bouddha dépare la sainteté générale de l'assemblée : il voit qu'Ânanda est encore sujet aux passions, colère, désir, ignorance, attachement. Il l'exclut. Ânanda ré()ond : « Je n'ai péché, dit le texte, ni contre la moralité, ni contre la doctrine, ni contre la bonne conduite : je n'ai rien fait d'inconvenant ni de dommageable à la Communauté ! » Kâcyapa reprend : « Disciple innnédiat du Bouddha, (|uoi d'étonnant (jue lu n'aies pas connnis les péchés dont tu parles ? Mais, [)our ce qui est de n'avoir rien fait de dommageable à la Commu- nauté, n'as-tu pas prié le Bouddha de recevoir les femmes dans l'Ordre, les femmes que le Bouddha déclarait aussi dangereuses que des serperits et nocives à l'Ordre... » ".

On voit que la notion de l'Âi-hat est encore bien « Houe » ici et comme accessoire.

Aussi le texte intitulé « Collection [de l'Écriture] sous Kâvyapa » ajoute-t-il aux reproches adressés à Ânanda

(1) Le Karunapuiwlaiïka connaît un Ânandaçaiks.i.

(2) D'après Rockhill ; cf. Kcin, IL p. 2;{9.

28 LE MUSÉON. [240

celui qui seul importe et qui, jusqu'ici, ne figurait pas dans la liste des fautes, bien qu'il se fut glissé dans le contexte Sarvâstivâdin : « Ânanda n'est pas délivré du désir, de la haine et de l'ignorance ». Donc il n'est pas Arhat, donc il n'est pas des nôtres ! Il convient d'oppo- ser à cette rédaction le texte du Culla : « Quoiqu'il soit encore à l'étude, disent les moines à Kâçyapa, choisissez Ânanda, car il est incapable de désir, haine, ignorance ou crainte » ^

II. Parmi les péchés d'Ânanda sont particulièrement intéressants le cinquième, le quatrième et le premier '^

A. Cinquième faute : « Tu as encore mal fait, 6 Ânanda, quand tu t'es employé à obtenir l'admission des femmes dans le Dhamma et le Vinaya proclamé par le Tathâgata ». Ânanda répond qu'il a pensé à Mahâ Pajâpatî, la Gotaml, sœur de la mère de Bhagavat. Les Sarvâstivâdins ajoutent, d'après Rockhill (Life, p. 152) : « Je demandai seulement que les femmes qui étaient [mes] parentes et amies pus- sent entrer dans l'Ordre » ^.

Nous marchons ici sur un terrain très mouvant.

(1) C'est-à-dire qu'il a dépouillé les passions que les Arhats ont dépouillées. Voir p. 9, au bas, la confusion des «&/?/;' ms et de Varhattva.

(2) A propos du second péché (avoir marché sur la robe) et des fautes similaires (avoir refusé de l'eau), Minayeff s'exprime ainsi : « Cette conduite d'Ananda, non seulement était une transgression des règles du Vinaya qui déterminèrent dans la suite les rapports du disciple et du maître, mais elle impliquait encore quelque chose de plus monstrueux, du mépris pour le saint suprême, pour le Bouddha ». L'observation ne me paraît pas concluante.

(3) A rapprocher de cette donnée celles que signale Minayeff, p. 41, sur le rôle de la famille des Çâkyas dans la Communauté, Mahâvagga, p. 71, et les récentes découvertes archéologiques.

2ill LES CONCILES BOUDDHIQUES. 29

Miiiayeff se deinando s'il m'y a pas dans vrUr accusation « un écho des prophclics cl des idées très modernes sur la lin du Bouddhisme à la suite de l'admission des l'emines dans la co/iimunauté monasli(|ue ».

Je ci'ois, au contraire, (|iie nous entendons ici un écho, fort aHaihli cl indistinct, d'une controverse « préhistori- que » relative à l'admission des femmes ^

B. Le quatrième péché, dit Minayeff, mérite d'être remanpié. « En ceci aussi, 6 Ananda, tu as commis une faute : alors que Bhai^avat te faisait une sujigestion, une invitation si claire, si évidente, tu ne l'as pas supplié en disant : que Bhagavat reste pendant le ' siècle [kalpa)..., j)ar [)itié pour le monde ». Nous ignorons, poursuit Minayetf, si l'auteur du récit que nous exami- nons attri huait au Bouddha ce pouvoir [de prolonger sa vie pendant un kalpa] ; mais il ressort de ces paroles que les saints personnages du concile qui jugeaient Ânanda, ne doutaient pas que le Bouddha n'eut pu, s'il l'avait désiré ou qu'on le lui eut demandé convenablement, con- tinuer à vivre un kalpa entier - ; ils partageaient une con- viction ((ui, dans le canon, est attribuée aux Mahâsâiiigikas et déclarée hérétique., L'enseignement des Mahâyânikas

(1) Voir p. 94, n. 1 à la fia.

Je n'insiste pas sur l'absurdité du reproche adressé à Ânanda de s'être fait l'instigateur d'une mesure prise par le Bouddha lui- même. Et les moines viennent de ' chanter ', sans objection, le ' double Vinaya ' {ubhaio vinai/e), c'est-à-dire le Vinaya des bhiksunîs comme celui des bhiksus ! Pour le dire en passant, Minayeff semble s'être trompé sur le sens de cette expression (== Vibhaûga et Khandakas). Voir Buddh. Studien, p. 618, n. 1.

(2) « Le Tathâgata peut rester en vie pour le /.a^j/M ou pour le reste du ka^yija ». Voir M. P. S. IIL 3, 45, et MiUnda, p. 140 = Rhys Davids, L p. 198.

50 LE MIISÉON. [242

sur cette possibilité de prolonger la vie humaine était aussi le même ».

M. Oldenberg observe, à bon droit, que les mots que nous avons soulignés, dans le canon, constituent une inexactitude. Le Kathâvatlhu condamne, il est vrai, la susdite opinion, le Kâtliâvattliu, le plus jeune des livres d'Abhidhamma, que la tradition orthodoxe ne fait remonter qu'à Tissa Moggalîputta, au troisième concile, et que Minayeff lui-même considère comme beaucoup plus tardif, de telle sorte qu'on peut, « si l'on veut », dire que la doctrine susdite est condamnée dans le canon, mais qu'il convient de préciser tant soit peu. Mais ce n'est pas dans le Kathâvatthu, c'est dans le commentaire du Kathâvatthu que les Mahâsâihghikas sont désignés comme tenants de l'hérésie en question ' : « Le Kathâ- vatthu nous renseigne sur l'activité d'une génération de théologiens qui entretiennent avec le texte des Suttas un rapport analogue à celui des scolastiques chrétiens avec le texte du Nouveau Testament Les Suttas constituent des . données fermes ; on en cite souvent des fragments plus ou moins étendus ; ils jouissent d'une autorité sans limite. Mais il s'agit de les interpréter convenablement et de trouver une solution quand ils paiaissent se contredire. C'est ainsi que, dans le passage du Kathâvatthu qui nous occupe, est examinée la contradiction entre la donnée scripturaire sur le pouvoir de prolonger la vie que procure Viddlii [vertu magique ] et cette autre donnée scripturaire qui déclare impossible que ne vieillisse pas ce qui est vieillissable, ne meure pas ce qui est mortel ^. La con-

(1) Buddh. Studien, p. 619.

(2) Aùg. IL p. 172.

245] LES CONCILES IlOUDIUllyrES. 7t\

clusion est (ju'cii cIVcl un tel pouvoir ii'ii |):is pu (Hic attribué à VuldhUmlu ; et le commciilîiiic, nvhv en liahi- letés exé^éticpies, aussi frétiuciitcs elii'/. les jiieiix dialee- ticiens bouddhistes ([ue chez leurs eoiilVères elii-étieris, se débarrasse du léin()i{z;nage seripturaire, [larfaiteiiient clair en effet, par une distinction [ingénieusej des diverses si^Miifications du mot kappa » \

J'ai tenu à reproduire toute cette page parce (ju'elle est très heureuse cl tort instructive ; mais c'est à peine si elle modilie la forme qu'il faut donner à rarji,umentation de Minayeff.

Il est acquis que, d'après le rédacteur du Mahâpari- nibbâna (III. 5, etc.), le Bouddha s'attribuait, comme il attribuait à tous les possesseurs des iddinhalas, le pouvoir de « demeurer » jusqu'à la lin du « siècle ». Dès lors, l'opinion des theras et d'Ànanda est d'accord avec un texte au plus haut degré canonique. Elle est contredite par le Kathâvatthu, comme par le Milinda. Cela prouve, ainsi que l'observe très bien M. Oldenberg, que, du jour on chercha à construire une dogmatique, on se heurta à des textes sacrés inconciliables entre eux, ou inconciliables avec les vues théoriques, « dogmatiques », formées ou en formation. Mais à quelle époque la préoccupation dogma- tique s'attacha-t-ell(^ à la question des vertus conférées par Y'uldhUnda ? De très bonne heure, à notre avis, car cette question, comme celle de l'impeccabilité de l'Arhat, touche à celle du Bouddha considéré comme iddliimân ; elle est d'ailleurs en rapport avec l'attitude (jue la Com-

(1) l-ajtpa signifierait ici la durée normale de la vie humaine. En d'autres termes, le Bouddha se serait vanté de pouvoir échapper à une mort prématurée (ahllamarana) . On a beaucoup discuté le problème de VaJcalamarana de l'Arhat. L'habileté de Buddhaghosa n'est donc pas uniquement son fait.

52 LE MUSÉON. [1^44

niunauté prendra vis-à-vis du Yoga. Il semble que des oi'tliodoxies ont dii, ou ont pu, se constituei* sur ces points bien avant l'époque du Kathavatthu.

Je crois volontiers au commentaire du Katbâvatthu quand il nomme, à ce sujet, les Mahâsâiiighikas ; car les sources septentrionales attribuent au groupe des Mahâ- sâiiighikas, Lokottaravâdins, etc., l'opinion que la vie des Bouddhas n'a pas de limite ; de même, qu'il n'y a rien de (c mondain », ou, si l'on veut, de « terrestre » en eux. Cette doctrine, qui exalte le Maitre et préconise les vertus magi- ques, le passage allégué du M. P. S. et notre « légende » du jugement d'Ânanda prouvent qu'elle appartient à la plus vieille tradition, à la tradition des « presbytres ». Le Kathavatthu et le Milinda s'en écartent, et, bien que Buddhaghosa i*econnaisse nettement les vues sectaires du Kathavatthu, « Le Bouddha, fait-il dire à Tissa, est Vibhajyavâdin », ^ il n'est pas superflu de le constater en passant. La tendance de la tradition « méridionale » est, si je peux m'exprimer ainsi, évéhmériste. Elle est d'ailleurs caractérisée par une grande sobriété en ce qui regarde le Yogisme et toutes ses formes. Des Indianistes, aussi célè- bres qu'autorisés, renchérissent volontiers sur les Suttas, et construisent un Bouddhisme « ultra-hînayâniste », rai- sonnable, émondé de la magie et du surnaturel autant que faii'e se peut. 11 est intéressant d'observer que le con- flit qui nous divise aujourd'hui n'est que le reflet de la dissension qui, croyons-nous, sépara en sectes les fidèles des premiers temps. Le Bouddha historique, c'est-à-dire le Bouddha des premières générations bouddhiques, n'est- il qu'un « saint », ou est-il un être supérieur, divin, loliut- tara ? Et, sans mettre en cause la loyauté des vieux theras singhalais de Vattagâmani, rédacteurs définitifs (?) des

âi5|

LES coNciLKs n<>i!iH)rri<.»i;KS.

INikâyns, on rcmar(]iu', inalgi'é soi, (|ii(' rccctic (jui nous a conservé le canon de lanj^Mie pâlie est la même ijui a donné le Kathâvatthii et le Milinda dans leur rédaction complète '. Les hommes (jui se jouent des |>aroles de Ijlia- gavat, comme font Buddlia^hosa et Nâgasena, ne sont-ils pas suspects d'avoir prati(jué des cou[)es sondjrcs dans la vieille légende ? Ne peut-on pas supposer, sans excès de crédulité, i|u'ils ont, plus ou moins inconsciemment, laissé tomber une partie de la « tradition conunune » du vieux Bouddhisme ? *.

Au moins laut-il relever tous les indices (jui nous éclairent sur cette vieille et problématique histoire. Et, à ce point de vue, l'observation de Minayeffsur le quatrième péché d'Ânanda nous semble aussi précieuse qu'elle est fondée.

C. L'abolition des règles petites et très petites Voir (]ulla XL § 9 et ii iO initio (premier péché d'Ânanda d'après le compte pâli).

Comparer iMahâi)arinibbânasutta VL 5. « Quand je ne serai plus, 6 Ânanda,que l'Ordre, s'il le veut ainsi, abolisse les règles petites et très petites » ; et Pâcitliya iaxii : « Si un bhikkhu lors de la récitation du Pâtimokkha parle ainsi : ' A quoi bon la récitation des règles petites et très petites, sinon à engendrer le doute, la fatigue, la per|de-

(1) Sur les parties anciennes du Kathrivatlhu voir nos remarques sur le troisième concile.

(2) En tous cas nous ont-ils conservé beaucoup de choses pré- cieuses. Voir rÂkaiikeyyasutta et les remarques de M. Rbys Davids, Buddhist Suttas, p. 207 ; le Mahâsudassanasutta (ibid. p. 237). Je ne fais qu'indiquer en passant cette question sur laquelle il est aisé d'être long, mais difficile d'être démonstratif.

(3) D'après Milinda (IV. 2. 3, p. 144), par Miuddala il faut entendre des duhliaia, par anukhuddaJca des duhhhùsita. Les

34 LE MLSÉON. [246

xité ? ', ce l»hikkliu est coupable de mépriser les règles » ^

« L'hypothèse s'impose (drangt sich von selhst auf), dit M. Oldeiiherg, que le rédacteur de notre chapitre du Culla a parlé de ces choses (c'est-à-dire de Channa et des petits préceptes) parce que le Mahâpaiinibbâna en avait parlé ».

« Le Bouddha avait donné des ordres à exécuter après sa mort : ne devait-on pas, quand on avait à parler de ce qui s'était passé dans la Communauté après la mort du Bouddha, expliquer comment ces ordres avaient été exé- cutés ? La tradition du Mahîlparinibbâna parle, dans le sens q.u'on connaît, des khuddakânukhuddakas : d'ailleurs on ne savait pas que la Communauté eut supprimé aucune des règles visées. Dès lors, quoi de plus simple que de supposer que la Communauté avait pris la résolution de s'en tenir aux lois établies ? » ^.

C'est ce qu'aura fait le compilateur du Culla, et le même raisonnement vaut pour l'histoire de Channa et de sa pénitence.

Certes, il n'est pas mauvais ; mais il n'est pas démon- stratif. On en fera plusieurs autres, si l'on veut, et tout aussi bons, sur la question qui nous occupe.

La « constatation » de Minayeflf demeure entière. Qu'on

Vinaya Texts traduisent : « the lesser and minor precepts ». Tib. phran-tshegs ; Rockhill, R. 11. R. IX. 168.

(1) Ce texte a échappé à Kâçyapa, à Ananda, à M. Oldenberg.

(2) « Die ÙberlieferuDg des M. P. S. gab jenes Wort liber die Khuddakânukhuddakâni : man wusste andrerseits nichts davon, dass eine Aufhebung irgend welcher derartiger Satzungen erfolgt sei : was war einfacher, als sich hier zu helfen, in dem man die Geraeinde eiuen Beschluss fassen liess wie den im Culla § 9 berichteten ? ».

'247 I LES CONCILr.S noiDDIlInlKS. 55

ticmio (îornpic de l'-illiisioii dii M. P. S. ;i l';il)n)<r;i- lioii (les [x^tilcs icj^lcs, ou de la discussion nancr dans le Culla, on do l'indication fournie par Pâc. Lwn, ou des trois documents à la l'ois, il rcîsle (juc nous avons allaire à une donnée «. (|iii porte la tnar(jne dune anti- quité reculée », ditïicile sans doute à restaurer dans le contexte historique ([ui lui convient, mais qui est « plutôt » inconciliable avec une constitution rigou- reuse et déjà précisée de la discipline. On a plaisir, plaisir un peu cruel, je l'avoue, à voir les ()auvres theras chercher dans leur sacré Pritimokkha, le Bouddha a formellement condamné les contempteurs des petites lois (Pâc. lAMi), les lois [letites et très petites que cet excellent Bouddha, par rinconsécpience la plus fâcheuse, leur a donné la pei'inission d'abroger ! A adopter une des six interprétations des Pères, il n'y a guère que l'assasinat (jui soit interdit aux fils de Çfdvva ! « Si le Bienheureux vivait encore, disent les ' six hhiksus ' du Mahâsâiiiirhika- vinaya \ il aholii'ait toutes les lois ! »

La parole du Bouddha qui autorise l'Ordre à modifier les lois fixées par l'Omniscient est bien extraordinaire. Ne vient-il pas, avant de faire cette confidence à Ânanda, de déclarer solennellement que « les vérités et les lois de l'Ordre que j'ai promulguées et établies pour vous tous, vous tiendront lieu de Maître quand je ne serai plus » ? -.

(1) La discussion sur les petites règles y est très développée. Suzuki, article cité, p. 277.

(2) M. P. S. VL 1. II est étrange aussi qu'Ânauda révèle au Concile la délégation de pouvoir que le Maître a faite après que le Vinaya a été chanté par Upâ,li, après que lui-même Ânanda a chante le Dharma. Est-il encore temps de délibérer sur riolirma- tion des règles déjà canoniques ?

56 LE iMUSÉON. [248

Nous sommes, à la vérité, dans dos ténèbres si profondes qu'il est malaisé, non de formuler des hypothèses, car elles se présentent en foule, mais de s'attacher à une hypothèse déterminée. La pensée de Minayeff, et, nous le verrons en examinant l'histoire de Vaiçâlî, cette pensée paraît très prudente et judicieuse, c'est que les règles de discipline, à la mort du Maître, étaient très loin d'être fixées telles que nous les connaissons. Pour être moine bouddhiste, il fallait tout d'abord être un religieux, un çramana, c'est-à-dire se conformer aux lois générales de la vie religieuse, déjà précisée sous diverses formes, jainas ou brahmaniques ; il fallait aussi être un « fils de Çâkya », en se soumettant à la forme particulière de vie religieuse que l'expérience toujours accrue du Maître, puis de la Communauté, jugera bon de formuler ; en faisant partie du samglia, présidé par le Bouddha et constitué en frater- nités amies.

Or le Bouddha a reconnu lui-même l'inutilité et la nocivité de la pénitence (tapas) ; le tableau qu'il trace des « fruits de la vie religieuse « n'a rien d'effrayant ; sa première parole officielle est pour annoncer, c'est à des religieux, à des yogins qu'il s'adresse, une voie moyenne entre l'austérité et le « laxisme » ^

Dès lors une solution se présente, à la vérité sédui- sante, et qu'on peut recommander à l'école conservatrice. Quand le Bouddha permit de supprimer les kliuddakCi- nukluiddakas, il n'entendait pas parler des principes par lui-même proclamés, lois de « l'honnête religieux » qui sait vivre et marche à grands pas, en suivant l'Octuple

(1) Voir les remarques de M. Rhys Davids (Dialogues of the Buddha, p. 208), sur le Kassapasïhanâda.

249] LES CONCILES Jtoi'DDIIIQrKS. 37

Chemin, vers le nirvân;!. Il |»;iil;iil des rculos petites et très ])etites dont s'encombrent les disciplinaires héréti(|ues, et qui accablent l'essor spirituel '.

Le premier concile ne fut pas ce (jn'iiii vain jx'iijile pense. La codification des Ecritures, n'y tint pas la place que l'on dit. Mais, comme le l'eniaiMjuc Minayclï", il ne faut pas dans nos récits, « confondre des rcnseiiincnients qui ne méritent i)as la même créance : ... les assemblées s'instituèrent tout naturellement et furent la consé- quence nécessaire d'un état de choses donné ». Ces assem- blées, partielles, comme l'indique Culla, \I § H (absten- tion de l\irrina), s'organisent peut-être sous la forme « déjà » classique des conféi'cnces tenues pendant la saison des pluies par tous les moines, sans exception, d'un même ressort -. Peut-être ont-elles un peu j)lus de solen- nité ; elles sont i)rovoquées par la diveri^ence de vues enti'e les moines, par les accusations portées contre tel ou tel. Le Maître n'est plus : il faut (ju'une autorité s'organise ou s'athrme pour démentir formellement Siib- hadra qui croit être libéré de toute règle par la dispari- tion du Bouddha, pour atteindre Channa auquel le Maitie

(1) Voir Rhys Davids, loc. cit. : « So hard, so very hard, was the struggle that the Arahat, or the maa striving towards Arahat- ship, should be always sufficiently clothed, and take regular baths, regular exercise, regular food. He was to avoid, not what was necessary to maintain himself in full bodily vigour and power, but ail imdue luxury and ail worry about personal comfort n.

(2) D'après nos textes, s'il y avait dans le lieu d'hivernage un moine qui ne prit point part à l'assemblée, celle-ci serait sans autorité. Je crois cette disposition ancienne, du moins dans ses origines, car elle découle do la solidarité que le Maître a voulu établir entre les éléments disparates de son samgba (Voir p. .'», u. 3, et Vdvàm et Vanumatikapim (Vaiçfdî),

38 LE MUSÉON. [250

n'a pas eu le temps de signifier sa sentence ', pour répri- mander Ânanda lui-même que l'affection du Bouddha ne défend plus contre les jalousies qu'elle a suscitées. Or le Maître, comme le dira Purâna à en croire deux tradi tions respectables ^ et comme le démontrent suffisam- ment les textes, le Maître n'a pas toujours énoncé le même avis sur tous les points de discipline. Son omniscience lui permettait de saisir en tout l'essentiel et d'accommoder ses préceptes, comuic sa doctrine, aux besoins de chacun. Mais il n'est plus pour calmer les conflits {vivilda) et la Communauté, veuve de son chef infaillible, se doit d'avoir des règles. Ânanda rappellera que le Maître a condamné les futilités disciplinaires : mais tout le monde n'a pas entendu ou compris de la même manière cette parole libératrice.

« Dans le Vinaya même, il me semble, dit M. Barth, qu'il y a plusieurs conceptions de la vie religieuse. Tantôt le bhiksu est un vagabond solitaire, sans feu ni lieu : ils ne doivent pas suivre deux le même chemin ^ ; tantôt ils cheminent par troupes nombreuses, d'ordinaire cinq cents,

(1) M. Kern a remarqué que le Bouddha reste toujours étranger aux procédures disciplinaires. Voir Bouddha, Oldenberg-Fou- cher^, p. 333, comment le Samgha se hausse à la dignité de «joyau ».

(2) Voir p. 10, n. 2.

(3) Voir l'article de M. Barth sur le M. Vastu, p. 28, J. des Savants, 1899. M. Barth signale Mhv. III, 415-420, (not. 415.9 caratJia hhihsavah canJcâm ma ca dure el'ena agamittha, et 421., praviviktâ viharanti hhlJisavah) et M. Vagga, I. 11. Cf. la note des Vinaya Texts, I, p. 112 sur la phrase « Let not two of you go the same way » « This cannot be understood as a gênerai rule, for it is repeated nowhere where precepts for wandering Bhikkhus are given, and, on the contrary... The precept given hère is intended to refer only to the earliest period in the spread of the new doctrine... »

251J LKs <;ON(:ii,KS iioi DDiiion.s. 7)1)

à la suite du Maître ou d'uii disciple éniinciit ; taiiNU ils forment des groupes st'dfiilaii'es : il y a les bliiksiis de Kosainbi, de Vesâli, de Sâvaltlii [âvâsika ^^ naivâsika, M. Vyut. ,5i 270| ; ils sont auloiisés à posséder des objets inobiliei's absoluniciil incoiiipatibles avec la vie errante ; le Pâtiinokklia, le noyeaii le plus ancien, suppose la vie de couvent » '.

Soyons sûrs ((u'il y a ici beaucoup de (b'veloppernents ultérieui's, surtout dans le sens de la vie cénobiti(jue ; mais ne doutons |)as non plus de la diversité primitive des groupes bouddhiques ^. Quelquefois le Bouddha a rallié à son étendaid de salut des communautés d'ermites, (juehjuefois des ijof/ins, solitaii-es « comme sont les ihino- céros », les futurs « pratyekabuddhas » ' ; souvent il a arraché au siècle des fils de famille, des maichands et des femmes. Aussi, quand Ananda, représentant des éléments « mondains », partisan des voies larges, l'hommiG de rOctuple Chemin comme Upâli est l'homme des Vinayas, (juand Ananda veut faire triompher un Prâti- moksa iacile, Kâçyapa, l'homme des Diiûiruigas ', « ascète attiré du dehors dans la Communauté », se lève pour lui répondi'e : « Il ne faut pas scandaliser les laïques ; il ne ftuit pas que les fils de Çîlkya soient moins vramn-

(1) BuUotiD des Religions de l'Inde, 189'J-1902, III, i, p. 29.

(2) Nous reviendrons sur ce problème après avoir examiné la légende de Vaiçâlî, p. 93.

(3) Voir Keru, Manual, p. 75, note fi (Sutta Nip. I, 3 et 12, Therag. 518-526) etfil, n. 7 (ad iMhv. I. 301) M. Vyut. § 45, 1.

(4) Voir Kern, Manual, p. 75, note 5 (Dïpav. IV, 3, V. 7, Sain. N. II. 156, Div, 61, 3 en remontant, 395). Cf. ci-dessous, nos remarques sur Dovadutta fp. 9'!, n. 2) et le concile de Vaiçâlî (p. 9U-92J.

40 LE MUSÉON. [!252

nas que les religieux hérétiques ; il ne faut rien sup- primer des lois petites et très petites ».

Il a fait au Bouddha d'assez larges concessions quand il a revêtu sa nudité ascétique de la triple robe : avant de devenir le fidèle du lion qui rugit la voie du nirvana, il s'est assuré que Gotama ne condamne pas toute pénitence, qu'il ne réprouve pas les ascètes qui mènent une vie dure, et seulement alors il a consenti à humilier son propre rugissement. Mais il ne glissera pas plus loin qu'il ne faut sur la pente du « laxisme ».

A comprendre certain passage du Milinda comme un apologue, nous y trouverons la confirmation de cette manière de voir. « Pourquoi, demande Milinda, le Bien- heureux a-t-il autorisé l'abrogation des petites règles ? Et n'entre-t-il pas, par ce fait, en contradiction avec lui-même « Non, répond Nâgasena ; Bhagavat n'a autorisé l'abrogation des petites règles que pour éprouver ses bhikkhus. De même, un roi conseillera à ses enfants d'abandonner les districts de frontière, ' car ce royaume est ffrand et difficile à conserver avec les forces dont nous disposons '. Mais les princes, à la mort du roi, abandon- neront-ils les districts de frontière qu'ils tiennent déjà ? »

« Non, répond Milinda, ' les rois aiment à prendre ' ; les princes conquerront peut-être de nouveaux territoii'es, deux ou trois fois grands comme leur héritage, mais ils n'abandonneront pas une parcelle de ce qu'ils tiennent. »

a De même, ô roi, reprend Nâgasena, les fils du Bouddha, dans leur amour de la loi, pourront tenir deux cent cinquante règles, mais ils n'abandonneront jamais une loi qui a été régulièrement établie ».

De même que les rois, les ascètes sont très convoitcux [luddliatara] . Ce sont leurs conquêtes successives qui ont

255] LKS CONCILKS liOIDruIlorES. il

consacre'' les !227 l'cj^lcs du l*i'âliiii(»K>;i pfili cl 1rs !2r>0 règles (loiil piii'lc Nfigasena '.

Je ciaiiis (|iic la <( vciiiicance » do Miiiaycfï' n'eut i;ii ne nn jx'ii loin mon /rie, car je raisonne coninn; lerail un cioyant ! Mais du moins la jMtsilion de rantenr des Heciicrclies est-elle excellente an point de vue strict(Mnent néifatif, et je ne comprends pas du tout pourquoi M.OIden- berg se refuse à suivre, sinon juscju'au bout, car j'aurai moi-même à l'aire des réserves •', du moins dans ce ((u'elle a [)ai' elle-même d'évident, rinterj)rétation de .MinayelV, telle (ju'il la résinne tort l)ien lui-mén)(î ■' : « L'épisode [des klmddakânukbuddakas] nous transporte à une époque aucun code |bouddliique| de discipline religieuse ne pouvait exister "* ; l'on ne pouvait pas encoie savoii'ce qui était im[)ortant ou non dans les règles de la vie monastique '. Quand le Culla, avant de nous narrer cet épisode, fait réciter aux saints l'éunis le Vinaya tout entier, il se contredit lui-même '' )>.

(1) Ce chiffre rappelle le Pratimoksa chinois (Dharmaguptas, 250 articles) ou le Pratimoksa tibétala (253 articles) ; mais voir Rockhill, R. II. R. IX, p. 9. D'après M. Kern (Mau. p. 75.,) il y a 2.59 articles dans M. Vyut.,dont 106 M. Vyut. § 263. Il me semble qu'il faut décompter le n" 1 de cette dernière liste.

(2) Voir ci-dessous, p. 93 et suiv.

(3) « Dieser Argumentation kann ich nicht oder doch nur zum geriugen Teil folgcu » Buddh. Studien, p. r)21 Minaycff, p. 31.

(4) C'est trop dire. Il n'existait à cette époque qu'un trop grand nombre de " codes disciplinaires.

(5) Pour mieux dire : dans les diverses conceptious de la vie

religieuse.

(6) Réponse de M. Oldenberg, Buddh. Studien, p. G22, 1. 9 en remontant : Deun darin liegt doch nichts ungereimtes dass eine Mdiichversammlung zuerst feststellte, was fiir Anorduungcn der Meister gotroffen, und denn erwog,ob man nicht etwa aus eigener MachtvoUkommcnheit, soudern gcstutzt auf ciuc ausdriicklicho

42 LE MUSÉON. [254

M. Oldenberg croit-il que le Vinaya ait été chanté à Râjagi'ha, aussitôt après la mort du Bouddha ? Non, ce semble, et, dès lors, pourquoi ne pas admettre que la discussion des hliuddahas nous l'cporte à une époque le Vinaya n'était pas canoniquement codifié ? Croit-il à l'authenticité des paroles prononcées par le Bouddha sur les kimddakas et sur Channa, paroles conservées dans le M. P. S. ? Oui, sans doute ; à coup sûr, beaucoup plus que Minayeff ou que moi-même. Pourquoi donc supposer que le rédacteur du Culla a inventé les discussions sus- dites au sein du Saiiigha, pour donner une suite aux suggestions du M. P. S., au lieu d'admettre que les événements eux-mêmes ont donné une suite, cette même suite, aux paroles du Maître ? Pour une fois que Minayeff croit à la tradition, M. Oldenberg la révoque en doute ! C'est vraiment dommage.

En vain nous dira-t-il que la Communauté savait d'ail- leurs n'avoir rien changé aux règles fixées par l'Omni- scient ; car il est trop naturel, en effet, qu'elle en fut persuadée, et la décision de ne rien abolir, attribuée à Kâçyapa, est la seule qui put otïiciellement triompher dans la chronique et dans le formulaire ecclésiastiques.

dahin gehende Autorisation des Buddha von diesen Anordnungen irgend einen Teil aufheben sollte.... Ich bin weit davon entfernt diesen ganzen Vorgaug meinerseits fur geschichtlich zu halten.... « Moi aussi, mais je le trouve en outre parfaitement invraisembla- ble.

Si Ton tient compte du récit de l'épisode de Purâiia, tel que le fournissent les Sarvâstivâdins et les Mabâsâihghikas, et aussi de ce détail, relaté dans le Dulva, qu'Ânanda avait pour disciple un certain Vrjiputra (Rockbill, Life, p. 155), on sera porté à établir une relation étroite entre les événements de Râjagrha, la querelle des Petits Préceptes, et les Vajjiputtakas que le concile de Vaiçali va mettre en scène, grands « fraudeurs » en petites choses de discipline.

255) LKS CONCILKS I50I hlUHyiES. 43

M. Oldciilx'iii Mil |);is icpiis loiitc celte (|iiesti()ii sans iililitc ; il a (M)i'ri^é plusieiiis hipsus de Miiiaycll" ; il a surtoul apporté des matériaux utiles, eu exposant ses vues sur l'élaboration pi'o<i:ressive de l'orthodoxie, en signalant les rencontres du (lui la et du M. P. S. et plusieurs autres références. Il nous senihle ([u'il n'a pas ébranlé la pensée maîtresse de Minavefï'. Sans craindre de ti'aliir celle-ci trop i;ravement, on arrive aux conclusions qui suivent.

11 semble évident (jue le récit du Culla, en ce (|ui regarde le eoncile et ses délibérations à pioprement parler scripturaires, n'est pas histori([ue. Nous écai'teioiis ri(l(''c d'une récitation solennelle des Nikâyas et du Vinaya, sans accorder cependant une valeur quelconcjue au célèbre argument a silcutio. D'autre part, les épisodes deCbanna, et de Purâna, les manquements d'Ânanda, la discus- sion sur les l,-.sit(lral,(is portent la niar(jue d'une haute ;mtiquité; et, sans craindre d'être trop crédule, on admet- tra comme possible, voir vi-aisemblable, non-seulement qu'il y ait eu, apiès la disparition du Bouddha, des assem- blées où le pouvoir ecclésiastique s'atïirma en réglant des questions disci[)linaires, de cela nous nous tenons i)()ui' presque certains, mais encore que ces assemblées aient eu [)0ur raison d'être la discussion de nos « épisodes »,

Mais, le nialheur, c'est que, dans ces sortes de recher- ches, « donner et retenir ne vaut ». Peut-on de bonne grâce, si l'on admet des délibérations et des décisions disciplinaires, nier la |)()ssibilité de délihéi'ations et de décisions doctrinales ou sci'i[)tu!aires ? Pourcpioi ne pas accorder quehjue créance à la ti'adition, eneoi-e ([u'elle soit tardive et tendancieuse ? 11 est impossible (jue les

44 LE MLSÉON. [250

Sûtras et les Nikâyas se soient faits tout seuls, c'est-à-dire que, sortis comme Minerve de la tète de l'Omniscient, ils se soient conservés et groupés spontanément. L'accord des diverses sectes, nous abordons ici avant l'heure un sujet qu'il faudrait examiner en détail, suppose l'activité collective dont Minayelf a constaté l'existence dans la discussion des points disciplinaires.

Nous croyons que le récit du premier concile vaut historiquement à un double point de vue : comme conte- nant « un vieux noyeau de tradition authentique », à savoir des discussions disciplinaires, qui ne sont pas nécessairement antérieures à toute codification canoni- que ^ ; et comme résumant, sous l'aspect symbolique d'un concile régulier, d'une récitation complète, le travail de rédaction et d'arrangement qui a remplir les premiers siècles, travail dont l'assemblée de Râjagrha constitua peut-être l'amorce, et que la ti'adition place à Râjagrha, à Pâtalîputra et à Ceylan (Vattagâmani).

La question scripturaire se lie aisément à la question disciplinaire. Non-seulement parce que les problèmes de discipline supposent des lois ou des textes de Vinaya ; mais encore parce que la question se posera de savoir si tel moine, si tel groupe doit être admis ou doit rester dans la communion du Saiiit^ha. Il faudra savoir si ce moine, si ce groupe n'est pas hérétique, s'il reconnaît telle ou telle doctrine, s'il croit au licn^nan ou s'il n'y croit pas, et la Communauté sera plus exigeante que ne le fut un Saint qui transforme à son souhait des tîrthikas

(1) Nous nous écartons de Minayeff. Voir nos remarques sur Vaiçrdî et p. 96.

257 I l,F,S r.ONCM.KS noi I)DMI(,HJES.

i;>

en Arhats et des Jjitilas cm Miikkliiis '. On a des < jcirolcs sacrées » {suhhâ.sUas, UijuUUikas), des iiistoires authenti- ques [ilivrllalius) ; on va bientôt les elasser dans des ni/iâiias [CnjunKis), et la question des livres sera capitales : (c Quelqu'un est Mahâyâniste, dit I-tsin^^ quand il lit les Mahâyânasûtras ». On dut sentir le besoin de dresser le canon des Sûtras approuvés, pour distinguer la vraie parole du Bouddha (?) i)artni les apocryphes qui foison- nèrent : car ce tut un jeu de verser dans la forme elassijjue n'importe quelle idée disciplinaire, légendaire ou dogma- tique. Il est encore plus facile de faire un bon Sûtra qu'une mauvaise Upanisad. Et on doit relever ce détail que l'interrogatoire d'Ânanda porte seulement sur le lieu et l'interlocuteur du Sûtra, et ([u'il ne comporte pas, comme l'interrogatoire d'Upâli sur le Vinaya, des détails précis sur le contenu de l'ouvrage.

On est ainsi amené à adopter une manière de voir beaucoup plus conservatrice que celle que Minayeff parait avoir patronnée, et cela par le fait même qu'on distingue avec lui dans le (Ailla des éléments authentiques ou pres- que authentiques, ceux qui représentent le Saiiigha con- stitué en « tribunal », éléments certainement antérieurs aux données qui donnent au concile « l'aspect d'un con- clave réuni dans un but théologique et littéraire » ; celles-ci n'étant pas néanmoins exemptes de toute valeur, au moins symbolique, et n'ayant pas nécessaii-ement été

(1) Le M. Vagga VI. 31 est remarquable par le mépris que le Bouddha affecte pour les questions de doctrine. Ce mépris va jusqu'à rirapertinence. « Enscigncz-vous,lui demande-t-on, l'anni- hilation (uccheda), c.-à-d. la doctrine de la non-survivance ? n « J'enseigne, répond le Maître, l'annihilation du désir... n Même mépris pour la spf'culation, M. P. S., apud Kern, I. 22.')-226.

46 LE MusÉoN. [:258

inventées, comme le croit Minayeff, pour établir contre les Mahâyânistes l'autorité du canon du Hïnayâna, ou, comme le croit M. Oldcnbei'i?, d'après les événements du deuxième concile.

Je ne sache pas que les Mahâyânistes aient jamais con- testé, en bloc, l'authenticité des Suttantas ; leur polémique est toute autre ; et le deuxième concile demeura éti'anger, d'après la tradition, à toute question d'Écritures ^

II. Le Deuxième Concile^.

Le récit du Concile de Vaiçâlî (Culla, XII) est une des plus jolies pages de l'ancienne littérature indienne. En dépit, ou peut-être en raison même des maladi'esses du style et de la composition, « enjambements «, répéti- tions, transitions brusquées, épisodes mal attachés à la trame générale , l'écrivain nous donne en grisaille.

(1) Voir cependant p. 47, n. 2.

(2) Sources :

Culla (Minayeff, Prâtimoksa p. xxxix, traduit dans Târ. note p. 289), Chroniques, Buddhaghosa. Rhys Davids, Buddhisra, p. 212.

Vinayaksudraka (Dulva XI, 323-330) signalé par Târanâtha (p. 41) : « Da das Wesentliche dieser Geschichte aus dem Vinaya- ksudraka voUstândig sehr bekannt ist, ist es hier nicht aufgeschrie- ben «.Cette histoire a été traduite par Rockhill, Life, 171-180 (Voir la note de Schiefner, Târ. p. 41) ; nous croyons néanmoins utile de donner, ci-dessous, en appendice, le texte tibétain et la traduction du § consacré à la définition des dix infractions.

Mahîçâsakavinaya, . d'après Wassilieff, note ad Târanâtha, p. 288 et 290.

Hiouen-thsang, II. 397 (Kern, IL 263).

Dharmaguptas, Nanjio, 1117, d'après Beal, Four Lectures, p. 83.

âriO] LES CONCILKS HOl'DDIIIQUES. 47

d;ins le dcrni-joiir (rime léiicndc (jui vise l'Iiistoii-c ou d'une histoire que « la slylisti(|ue l»ou(l<lliique, uiii(jue au inonde », ne peut iii:in(|U(M' de icndre légendaire, un large dessin pitùn de détails suggestifs, et, tout le inonde semble d'aeeord sur ce point, plus ou moins sus- ceptibles de critique historicpie.

Nous donnej'otis d'aboid, eomme nous l'avons fait ei- d«ssus, le schéma du document [)àli.

I. i^ I. « A Vesâlï, cent ans a[>rès le nirvana de IJIniga- vat ', les bhikkhus |nonimésJ lils de Vajji, établis à Vesfdr ^, proclamèrent licite la pratique des dix points ^ : singilona, dvaiigula, gâinantara, âvâsa, anumati, âcinna, amathita, jalogi, adasaka nisïdana, jâtarûparajata ' ».

A cette époque, Yasa'', (ils de Krdvandaka, voyageant dans

(1) D'après MM. Rhys Davids et Oldenberg, il faut prendre ce chiffre comme im chiffre rond.

(2) ou : [formant la Communauté] de Vesâlï.

Ne pas oublier que cinq cents bhiksus de Vaiçâlî, Vajjiputtakas, sont représentés, Culla VII. 4. 1, comme ayant adhéré aux cinq propositions rigoristes de Devadatta. Notable contradiction.

D'après Târanâtha (p. 40), les frères de Vaiçâlî profitèrent de la maladie du vénérable Dhïtika pour pratiquer les dix « points ». Ils furent blâmés par 700 arhats et Tarhat Yaças à leur tète, et dans le Vihâra Kusumapurî (= Pâtaliputra), sous le règne de Nanda (dga-byed) comme patron (dânapati), eut lieu la deuxième collection de TEcriture. Les arhats seraient des Bahuçrutïyas (V) et de la région de V^aiçâll, ou bien venus des « six villes » (Kern, II. 263).

(3) vntihu = vastu = tib. gzhi.

(4) Ces termes techniques sont simplement énumérés ici ; ils seront expliqués plus loin, dans le corps même du récit.

(5) Nous ne discuterons pas la personnalité de ce Yaças, voir Kern, II, 264 et Man. p. 105,8 et Oldenberg, Buddh. St., p. 624.

4.8 LE MUSÉON. [-260

le pays des V^ajjis, vint à Yesâlî ; il prit son logement dans le Grand Bois {maliûr lua) dans la salle du Belvédère [haiâijârusâlà). Or les bhikkhus Vajjiputtakas de Yesâlî, le jour de l'Uposatha, ayant rempli d'eau un bassin de cuivi'e et l'ayant placé au milieu du cercle formé par les religieux \ disent aux laïques qui viennent : « Donnez à la Comnmnauté un Laliâpaua, une moitié, un quart, un seixième de hahâpana ! La Communauté aura besoin de diverses choses ». Yasa proteste en vain : « Ne donnez- pas ! l'or et argent n'est pas permis aux religieux fils de Sakya... ».

La nuit passée, les moines partagèrent la monnaie entre eux et offrirent aussi sa part à Yasa, qui refusa.

§ 2. Les moines portent contre Yasa l'acte de « réconci- liation » {pratisâraniija kamma), « comme ayant blâmé des laïques pieux, pleins d'excellentes intentions » : c'est-à- dire qu'ilsle condamnent à demander pardon aux laïques-.

Accompagné d'un frère qu'il a réclamé comme surveil- lant [amidùta], conformément à la règle, Yasa se rend en ville et parle aux laïques : « Je reconnais que je vous ai blâmés, vous, qui êtes cependant des laïques bien inten- tionnés et pieux ; c'est vi-ai ; mais pourquoi ? Parce que j'appelle illégal (adliamma) ce qui est illégal, la loi, la loi ; parce que j'appelle le désordre {avinaya) , désordre, et la discipline, discipline ».

i5§ 5-5. Et il démontre son bon droit en attestant des discours du Bouddha parfaitement décisifs sur la question de l'or et argent défendu aux moines.

§ 6. Les laïques sont persuadés, et décident de rompre

(1) « in the midst of the Bhikkhusamgha »,

(2) Voir Kern, IL 118.

it(H I LKS CO.NCII.KS il(U DDlIloir.S. 49

avec les trèrcs l'clàcliés : « Il n'y a ((iic V;is;i (|iii soit un relijiioux et un iils de Sakya ; tous les autres lu; soni ni (les reli{;ieux ni des Iils de Sakya ».

§ 7. Le surveillant raconte aux moines l'issue inat- tendue de la « l'éeoneiliation » de Yasa. « Yasa, sans (juc nous l'en ayons chargé, a prêché aux laujues ' : Portons contre lui l'acte de suspension {uliklicpanUja katmna) ! ». Les Vajjiputtakas s'assemblent })oui' mettre à exécution ce projet.

Cejiendant Yasa s'élève dans les airs et descend à Kosambï ; il envoie des messagers aux frères de l'Ouest '^ à ceux de l'Avanti ' et du Dekkhan, disant : « Venez ! ])renons cette (juestion en main "* avant (jue le non-

Dhamma se répandeetcpie leDhamma soit mis décote »

(Mêmes termes que dans le discours de Kâcyapa avant le premier concile).

^^ 8. Yasa rend visite à Sambhùta Sânavâsin ^ ; il lui énumère les dix points, sans fournir aucune explication, et il l'invite dans les mêmes termes que ci-dessus : « Pre- nons cette question... '' ». Sânavâsin accepte.

(1) amliehi asammafo gilùnam pahlsesi = without bcing dcpu- ted by us bas proclaimed to.layraea [a l'aise doctrine]. La faute visée est celle ùH asammatclvavàda .

(2) Pâtheyyakas. « Pâlhcyya is oue of the four divisions into wbich India was divided and iocludes the great westerly kingdoms of Kuru, Paùcâla, Maccba, Sûraseua, Assaka, Avanti, Gandhâra, Kamboja (Mahâvagga VIL i. 1 ; Miliuda, S'il) «. E. MuUcr, J. P. T. S. 1888, p. 54 (signale par Kern, Mauual p. 104).

(3) M. Vyut. § 275. 11 âvantakas.

(4) imam adhikarauam ndiiiiftsàma : " let us take in charge this légal question.... ». M. Vyut. § 27G. 10, 281. 208. '

(5) Ailleurs Sânasambhïita ; dans les sources septentrionales, Çânavâsa, Çânavâsika (Kern, II, 251, n. 1 ; 271), Sonavâsiu.

(6) imam adhikaratiam Cidiyissâma : a let us take in charge this

50 LK MUSÉON. [262

Arrivent sur la inoiitague Ahoganga soixante religieux du Pâtheyya (occidentaux), tous arhats et obsei'vateurs des Dhûtângas \ quatre-vingt-huit religieux d'Avanti et du Dekkhan, tous arhats, mais dont quelques-uns seulement ont l'extrême austérité des occidentaux-.

§ 9. Les theras bhikkhus délibèrent : « Cette question est dure et mauvaise '^. Comment obtenir des partisans pour être les plus forts dans cette question ? ». Ils pen- sent à convoquer Revata, un contemporain de Bhaga- vat, à en croire le M. Vagga (VIII. 51), qui demeurait à Soreyya. Revata, grâce à son ouïe céleste, entend leurs discours ; il pense : « Cette question est dure et mauvaise, et certes [il n'est ou il ne serait] pas convenable pour moi de me dérober dans une telle question. Or, les bhikkhus vont arriver et, entouré par eux, je ne partirais pas com- modément. Si je partais par précaution*? ». Revata se

last question.. » (Viuaya Texts, t. III, p. 195). Comme s'il s'agissait ici du dixième point seulement (or et argent) et non des neuf autres. Peut-être le récit primitif ne comportait-il que la discus- sion de l'or et argent.

(1) sahhe ârahnakâ, snhbe pindâpâtiM, sahhe pamsuMliM, sabhe tecîvarikâ. Dliûtângas 8, 3, 1 , 2. Voir ci-dessous p. 94.

(2) Sur les lois édictées en faveur des moines du Sud et d'Avanti, voir M. Vagga, V. 13.

(8) idam Mio adhiharanam hakkhalan ca vàlan ca. « JcaJc' liJiala == dur = difficile, vola est douteux : bien que le subst. vyâla soit représenté par vâ?a, je suis porté à croire que vâla cor- respond ici à l'adjectif vyclla, mauvais «. [Communication de M. Kern]. Vinaya Texts : « This légal question, now, is hard and subtle n .

(4) na kho me tam paUrupnm yo liant evarUpe adhikarane osak- keyyam. idâni ca pana te hhikkhu âgaccliissanti. so liam tehi àkimio na phâsîim gamissâmi. yan nânâham patigacc ''eva gaccheyyam U,

"HîT)] l.i:s coNcii.r.s koiddiikm i;s. 51

l'cnd à S;uiiK;issa. Les (Ikm'jis ne le lioiiviiiil |»;is ;"i Soicvvu sc! hâtent vers Saiiikassa ; mais le saint n'y est plus, et force leur est de le poursuivre de relais en relais, Kanna- kujja, Hdunihara, Aggalapiira. Knlin à Saliajrdi, ils arrivent en dernier lieu, ils apj)rennent que Kevata est encore en ville.

§ 10. Sânavâsin fait observer à Yasa que Uevata va sans doute être oeeuiié à donner leeon à son élève '. Quand

Sur osalkafi, voir Childers et xMhv. I. 389 (avasakkati ; sdl/: représeataut svasl') ; == « se soustraire à ».

patigaccha, et ailleurs patlkacca = pratikrtya, signifie « par précaution ». Voir M. Vapga I. 31 kacca) ; C. Vagga, VI. 11 ; Suttavibb. II, p. 44 ; Tberagâtbri, v. 547 ; Jât , III. 208. 2b f" kaù ca). [Conamuniqué par M. Kern].

Je m'écarte, pour suivre M. Kern, de la version de MM. R. D. et 0. : « Tbis légal question is botb bard and subtle, it would not become me to bold back tberefrom. But cven now tbose Bbikkbus [the Vajjians] will be coming. It would be unpleasant travelling for me were I to fall in with them. L^t me go on before tbem ». Cette version ne me paraît couciliable ni avec le texte, ni avec le contexte. « Ces bbikkhus » [te hhiklhû) ne peuvent être que les theras hhiJclhus dont Revata vient d'entendre la délibération, et qui viennent en effet à Soreyya comme le saint l'avait prévu.

(1) idânl ca panfiyasmâ Jîevato antevasikani sanihlinnakam hhikkhum ajjhesissati, so tvam tassa bhikkhuno snrahhanhapariiio- sâne âyasmantaùi Ecvatam.... puccliei/t/âslfi. Vinaya Texts : « And even now the vénérable Revata will call upon a Bbikkbu who is an intoner, and a pupil of bis. Do you, tbercfore, when the Bhikkhu bas concluded.... ».

» ajjhesissati, pourvu que la leçon soit correcte, ne peut siguitier que « invitera » [voir Morris, J. P. ï. S. 1880]. Le Maître invitera (expression courtoise au lieu de ' commandera ') son disciple iliis pupil) à réciter sa leçon, ajjhapcssaii serait plus naturel. Le sens exact de sarahhânaka n'est pas fixé. Sans doute une récitation de

52 LV. MLSÉON. [2G4

la leron est achevée, Yasa interro2:e Revata sur les dix points : « La pratique du singilona est-elle licite? », etc. Le saint ne comprend pas les formules : « Qu'est-ce, demande-t-il, que le singilona, etc. ? » Sur les explications de Yasa \ Revata répond que les dix pratiques sont prohibées, fors la sixième, quelquefois licite, quelque- fois illicite. Les formules 9 et 10 ont paru assez claires pour qu'elles fussent condamnées à simple audition et sans que Yasa dût se donner la peine de les expliquer.

« Tels sont, conclut Yasa, les dix points que les reli- gieux [appelés] Vajjiputtakas, de Vesâll, ont proclamés. Venez, prenons cette question ». Revata accepte.

IL § 1. Les Vajjiputtakas apprennent les démarches de Yasa. Eux aussi cherchent des alliés : « Cette question

est dure et mauvaise ». Ils imaginent de séduire

Revata et se rendent à Sahajâti munis de toutes sortes d'ustensiles de la vie nionastique.

§ 2. Épisode Le vénérable Sâlha se demande qui est d'accord avec le Dhamma [dliammavâdin) , les Orientaux ou les Occidentaux ". Considérant le Dhamma et le Vinaya, il résoud le problème en faveur des seconds. Une divinité vient le confirmer dans cette vue. Le sage décide toutefois de ne pas manifester son opinion avant d'être « choisi pour cette question ».

quelque nature qu'elle soit ». [Communiqué par M. Kern].

Le Bouddha ayant défendu la « déclamation chantée » du Dharma ((l.yain1;ena gitassarena dhammam gâyanti), les moines s'abstiennent du sarahhanna. Le Maître les reprend à ce sujet (G, Vagga, V. 3 et la note des traducteurs).

(1) Explications que nous examinerons ci-dessous.

(2) pacinakas et pàtheydkas.

!2G5| LES CONCILKS ItOIDIdlKiLES.

.).>

J^ 5. I.es V;ijji|niltak;is olïVciit à Ucval;» les itit'sciils qu'ils ont apporlt's : k Aon, ré|)(jn(| llcvata, j'ai les lr((is robes ». Ne se tenaiil |>as pour battus, ils s'adressent à Uttara \ moine attaelié à la pei'sonne de Hevata et ayant vingt ans [d'ordination |. (lelui-ei refuse d'abord; mais une délieale flatterie - cjjraiile sa rcsolulioii. 11 accepte une lobe, en disant : « Dites-moi, (jue voulez- vous? » « Rien <|ue ceci, que le vénérable Lttara dise au tliera ' ({ue le tliera dise au milieu du Saiiiitba (pic les IJouddlias surgissent dans les [);iys de l'Kst ', (pie les Orientaux sont d'accord avec le Dliamma et les Occiden- taux contre le Dliamma ' ». Tttara transmit la rcipu-te à son maître (|ui, indigné, le congédia. « Qu'a dit le thera ? » demandent les Vajjiputtakas. « Nous avons commis une taule, répondit Uttara ' ; le tliera m'a con- gédié en disant (pie je l'engageais à l'Adliamma ». N'es-tu pas vieux et de vingt ans d'ordination ? » « Oui », répond Uttara. « Devrions-nous peut-être nous mettre sous la tutelle d'un maître? » ''.

(1) Nous rencontrerons un Uttara fauteur de schismes.

(2) En comparant Revata au Bouddha, Uttara à Ânanda, h quel, souvent, acceptait des présents en lieu et place de son maître.

(3) puratthimesu janapadesu.

(4) pàpiJcam no âviiso hatam = « It is an evil you hâve wrought me, Sirs ».

(5) api mi ca mayam [/(trioii.ssdi/aih gahhâmà ^ti. « Tben wc take the nissaya undcr you as your i)upils » M. Kern avait traduit (Gesch. II, p. 255) : « les frères de Vaiçâiî... essayèrent de le consoler (Ya(;as) et promirent do le prendre sous leur protection ji. Il veut bien me faire part des remarques qui suivent : ^1/*/ nu iatroduit toujours une (piestion ; umUr you n'est pas représenté dans le texte. " Devrions-nous peut-être nous mettre sous la tutelle

54 LE MUSÉOA. [±QQ

§ 4. Le Saiiigha se réunit pour trancher l'affaire. Revata préside et, en forme, conformément aux règles ^, il remarque : « Si nous réglions ici cette affaire, il arriverait que les bhikkhus qui l'ont inaugurée pourraient la renou- veler : il faut donc que le Saiiigha prenne sa décision à l'endroit cette affaire s'est produite )>. Là-dessus les theras se rendent à Vesâlî.

Nouvel épisode. A Vesâlî vivait le vieux Sabbakâmin, « Père de l'Eglise pour la terre [entière] » ^, qui avait eu Ânanda pour îipcld/ujâya ^, qui avait cent vingt ans de vie religieuse. Hevata, après avoir pris l'avis de Sânavâsin, se rend auprès de ce vénérable vieillard. Les couches sont disposées pour les deux saints. Il est tard, mais Revata ne se couche pas, car il pense : « Ce thera est vieux, mais ne songe pas à dormir » ; et Sabbakâmin ne se couche pas, car il pense : « Ce bhikkhu, quoique fatigué de la route, ne songe pas à dormir. »

§ 5. Et, comme la nuit s'achève, commence un délicieux dialogue dans lequel les deux amis oublient, pour leur édification et pour la nôtre, la question disciplinaire *.

d'un maître? », c.-à-d. : « Nous (vous et nous autres) sommes assez sages pour savoir comment nous devons nous conduire ; nous n'avons pas besoin des réprimandes de Revata ».

(1) MM. R. D. et 0. renvoient utilement le lecteur à Culla- vagga, IV. 14, est fixée, avec un grand luxe de détails, la procé- dure relative au règlement des difficultés de tout ordre. Voir aussi Pâcittiya lxiii et lxxix.

(2) Kern, II. p. 255. pathavi/â samgJiathero.

(3) saddhivihàriJîa d'Ananda. Nous avons vu (p. 42, note) que Vrjiputra fut aussi disciple d'Ananda.

(4) kataniena tvam hhummi vihnrena efarahi hahidam vihara- siti. mettclvlhârena kho aham hhante etaraJd haJmlam vihamm'dl.

207] LES CONÇU, i:s itoi ddiikiiks. 55

!^ (). Survient Sfinavâsiti, (|iii iiilciro^n' le disciple d'Ânanda sur les dix points : <( NOns ave/, à tlicia, hciiii- eoup appris Dliannna et Yinaya aux j)ie(ls de votre pi(''- cepteur : (|uei est donc voti'e avis (piaud vous eonsidt'roz le Dliainina et le Vinaya... » Très poli, le centenaire pi'ie Sânavâsin, et dans les mômes termes, de dire lui-mèrne, et d'abord, sa manière de voir. Les deux sajfcs sont en faveur des Occidentaux, mais ils attendront |»our |)arler d'être charités de l'afVaire.

v^ 7. Le concile commence. « Mais connue ils exami- naient ralï'aire, on tint beaucoup de discours ' non au point ', et le sens d'aucun discours n'était compris [par l'ensemble de l'assemblée | » '.

Conformément à une rèiile fixée par le IJouddlia "^

liullaJcavihârena Jura team hliumml elarahi hahulam viharasi, kullaJcavihâro i/ad idam mcitn ti.... La traduction anglaise est moins fidèle qu'élégante : « By what manner of lifo, belovcd onc, hâve you lived thèse so many years ? w. " By continuing in the sensé of love, honoured friend, hâve I continued thus so many years ». « They say that you hâve continued thus, belovcd one, by easiness of life, and that indeed, beloved one, is an casy life, [I mean] the continuing in love.. Voir Kern, Gesch. IL p. 256 : « A quelle chose, honor»' Seigneur, vous appli(|uoz-vous actuelle- ment avant tout? » " A la bienveillance n, répondit Revata. « C'est une belle chose que de s'appli([uer à la bienveillance n. « Oui n, répondit Revata, " déjà antérieurement, quand j'avais une fiimille.... ».

(1) anaygnni c'eva hhassâni jâyanti na c^ekassa hhâsitassa (itflio vinMyati : « both was much pointless speaking brought fort h and also the sensé in no single speech was clear ». Même formule CuUa IV. 1 1. 19 est indiquée la proci'dure à suivre en de telles occureDces, procédure que Revata va proposer ici.

(2) CuUa IV. 14. \\).

56 LE MISÉON. [268

Revata propose de s'en remettre à un jury ; il choisit quatre bhikklîus (le l'Est (Sal)bakrimin,Srilha, Kujjasobhita, Yâsabliagâniika), quatre de l'Ouest (Revata, Sânavâsin, Yasa et Sumana) ; il fait approuver en forme, par le Samgha, cette désignation. On adjoint aux arbitres, comme régulateur des sièges ^ un moine nommé Ajita, qui avait dix ans d'ancienneté et qui était à ce moment charsé de la récitation du Prâtimoksa.

§ 8. Revata, président, propose au Saiiigha, cette fois composé des huit délégués, d'entendre sur chacun des dix points l'avis de Sabbakâmin ; il interroge le vieillard qui condamne successivement les propositions des Vajji- puttakas en faisant appel aux règles du Vinaya, tantôt au Pâtimokkha, tantôt aux Vaggas. Comme de juste, Sabbakâmin, excepté pour les deux derniers points, se fait donner les explications que Revata lui-même a sollicitées de Yasa : « Pardon ! Du sel dans une corne {singilona), est-ce permis « Qu'est-ce que c'est, du sel dans une corne ? », demanda à son tour Sabbakâmin. « Est- il permis de conserver du sel dans une corne afin de pouvoir l'employer plus tard, dans le cas oii on n'aurait pas de sel sous la main ? » « Non, cela n'est pas per- mis ». « Dans quel endroit cela a-t-il été défendu ? (c A Sâvatthi, [comme il est dit] dans le Suttavibhanga ». « De quoi se rend-on alors coupable « De l'emploi de nourriture mise de côté » '.

(1) âsanaimnnâpaka^ seat regulator. Cette charge est inconnue ailleurs ; elle devrait, être mentionnée Culla VI. 21. 3 ; il y a de bonnes raisons pour justifier cette onaission. (Vinaya Texts, III, p. 408, note.)

(2) Kern, II. p. 257.

!2G1)| LLS CONCILES UOUDDIIK'UES. ,*>7

De iMciiic pour les muIics points '.

L ;iss('iiil)l(''(' se l'iillie d'uM voir iiiiiiiiiine à l'avis de Sal)l)akâmin qui coïK'Iut : u Celle (jueslioii est comcIuc, réglée une lois pour toutes. (]e|KMi(lant iiiteiro^fe/-inoi sur ces dix points au milieu du Saiiii;lia, <;n vue de [m'i- suader ces hliiklvlius ».

lA ainsi fut fait.

v^ l), H F^t conune à cette récitation du Vinaya j)i'irenl part sept cents bhikkhus, pas uu de moins, pas un de plus, cette récitation du Vinaya est appelée celle des sept cents ».

A première vue, il semble (jue l'hésitation des theras ; le souci avec le((uel les tenants de la bonne cause, Yacas d'abord, puis Revata, cherchent des lumières et des patrons ; la profonde science que réclame l'examen d'un problème déclaré, par les bons comme par les méchants, par les ' forestiers ' comme par les ' conventuels ', « dur et mauvais » ; toute cette mise en scène qui précède l'as- semblée, si intéressante, si amusante (juand on nous représente les intrigues des Vajjiputtakas auprès de Uevata et d'Uttara, il semble, disons-nous, que tous ces pré- paratifs tournent court, et que le dernier des bhiksus aurait, aussi bien (|ue le centenaire, élève d'Ânanda, « Père de l'église pour la terre entière », ti-ouvé dans le Prâtimoksa ou dans le Mahâvagga les articles formels, édictés par le Bouddha, (pii condamnent les novateurs. On nous dit néanmoins que Revata cherche en vain à se dérol)ei' dans un cas aussi obscui' et (|ne les sages,

(1) En ce qui regarde le sixième point, dont le traitement est quelque peu différent, voir ci-dessous p. 06.

58 LE MUSÉON. [270

habilement circonvenus, tout en communiquant leur ma- nière de voir au « leader » des Occidentaux, sont d'accord pour la tenir secrète jusqu'au grand jour des assises.

Comment ! il existe un texte formel, une règle numé- rotée xviii dans le recueil des Nissaggiya Pâcittiyas, qui défend au Samgha de recevoir de l'argent ; et les moines de Vaiçâlî, non contents de la violer, osent décréter contre Yaças qui les reprend l'acte de réconciliation et l'acte de suspension ! Bien plus, ils forment une cabale, cherchent à séduire Revata et séduisent TIttara, qui, de disciple fidèle d'un saint homme, devient le complice des débau- chés. C'est étrange et on conclut, à première vue, que le Vinaya n'existait pas à l'époque de Vaiçâlî : s'il faut en croire le Culla quand il définit la nature des (( points de discipline » pratiqués et défendus par les Vajjiputtakas et quand il nous narre ces pieux débats, on ne saurait admettre que les Vinayas fussent connus des theras embarassés et des Vajjiputtakas hérétiques, (c Sur les dix abus qui doivent avoir provoqué la réunion du concile, sept au moins violent des décisions formelles du Prâtimoksa. Comment les bhikkhus deVaiçrdî auraient- ils pu espérer un moment qu'on les leur passerait, s'ils avaient connu le formulaire, s'ils l'avaient récité deux fois par mois » ^ ?

Sans apercevoir cette difficulté, M. Oldenberg, dans son Introduction au Mahâvaii^a, si méritoire d'ailleurs à tant d'égards, MM. Oldenberg et Rhys Davids, dans la préface des Vinaya Texts ', ont édifié sur le récit du Culla une combinaison fort curieuse, très caractéristique des expé-

(1) Barth, Bulletin des Rel. de l'Inde, 1899-1002, III, ii, p. 29.

(2) S. B. XIII, p. XXII.

:27l| m:s concilks ntnDiniKu ks. ."il)

dients auxcjucls nous sodiincs i<''(liiils dans Icludc des ()ri{;ines l>ou(l(llii(|U('s. (^cttc ('()inl)in;iis()n, M. Oldcnlx^rj^ no l'a pas rcniôc dans ses Huddliistisclu' Stndicn. \'a\ voici, au plus court, les jurandes lijxncs.

Los dispositions i^cnôralos du Pi'âtiinoksa sont opiiosôes aux nouvoaul«''s de Vairrdî ; mais k'S Vinavas ii^noiont ces nouveautés en tant (|u'ell('s sont désignées par les torinules laconi(jues dont nous avons parlé : par conséijuent 1(î Vinaya a été rédigé avant les événements de Vai(,'rdî, puis- que les nouveautés n'y sont pas spécialement visées ; longtemjis au[)aravant, puis(jue ces nouveautés n'y sont pas visées dans des passages interpolés. Et pour citer l'original : « Is it [jossihie that in a collection of works like the Vihhanga and tlie Kliandakas, whicli seek lo set t'ortli, down to the mimitest détail, and cven witli hair- s|ditling ditVuscness, ail tliat lias any relation to the daily lilé ol" Ihe lirelhren, and the régulations of the Buddhist Order, is it possihle that in such a collection, if, when it was compiled, the struggle on the Ten Points had already hurst into llaine, there should be no référence at ail, even in interpolations, to any one of thèse ten dispu- tes ^ )> ?

(1) Vinaya Texts, I, p. xxi, xxii.— La pensée de M. Oldenbcrg n'est pas exprimée exactement dans les mêmes termes, Buddh. Studicn, p. 631-2. : Ich luibe fiiihor iugewicsen und kann jetzt nur voQ ueuem thun, dass maa offcnbar, weun die Vcrfasser, f^ci es der Rcgeln sclbst oder auch nur die jener Beigaben von der Vcrhand- lungen von Vesâlï etwas gewusst hatten, cine Spur davon, eine Bezugnahme auf dcn streitigcn Punkt, zu erwarten bercchtigt wàre !.. M. Oldenbcrg dit quelques mots du sihg'dona et ih\j(ilogi (voir ci-dessous) et conclut : " Ich meine aLso : eiu Vinaya, der nach dem Strcit iiber dcu sihijilonu/uijjpd, ûbcr das j<ilo;(i

60 LE MUSÉON. [272

L'argument est très subtil et très résistant. La conclu- sion est un peu lourde, assurément ; mais elle fournit une explication plausible de la diffîculté que nous avons signalée ci-dessus. Les nouveautés de Vaiçrdî sont bien des nouveautés ; le législateur ne les a point prévues : le problème est vraiment « hard and subtle ». Cependant, à l'examen, on s'aperçoit qu'elles tombent sous des règles générales ; et on les condamne en alléguant des textes authentiques. Avocat d'otïice de la tradition pfdie, M. Oldenberg mérite des félicitations : nous ne les lui refuserons pas.

Minayeff, dont la puissante attention était singulière- ment aiguisée dans le sens critique, ne pouvait manquer de trouver cette solution quelque peu simpliste, ou, pour rendre exactement sa pensée, presque frivole. Par là, on s'explique pourquoi il traite les problèmes de Vaiçfdî avec une désinvolture très distinguée, mais déconcertante, soutenant comme il le fait, à deux pages de distance, deux opinions qui ont bien l'air d'être contradictoires. Par le fait, un système fortement lié se cache sous ce désordre extérieur.

Minayeff établit, en effet, que la plus grande partie des dérogations de Vaiçâlî sont condamnées par le texte actuel du Vinaya, ^ ce qui est l'évidence même, si les déroga- tions sont fidèlement définies dans le Culla ; mais il croit que, « môme si on admet (|u'il n'y a pas dans le Vinaya d'interdiction spéciale pour toutes les nouveautés

pàtuni etc., redigiert wordea wâre, miisste aller Wahrscheinlichkeit nach an den betrefîenden Stelleu anders ausseheti als der uns erhaltene Vioaya n. Voir ci-dessous 68, n. 4, 29 i, n. 2, p. 92, n. 1. (1) Recherches, p. 53.

^75] LES CONCILES IlOI DDIIIoLIES, (>1

de Vaic'filî », cette assertion liy|)()lli(''li(|ii(' ne peut lu'aii- inoins servir do prouve à raiiciomiolé du Niiiaya, car, u dans l(^ lexto acluol, il y a iino foule de eoneessions et de prescriptions justifiant parfaitement en principe tous les penchants coupaldes de la confréi'ie de Vaiçidï. il n'est }»as un tribunal sévère, ayant entre les mains le texte actuel du Vinaya, qui entre[)rit de pi'ouver la culpabilité do beaucoup des nouveautés de Vaicrdï, ou se résolut à les re[>ousser comme des pralicjues inconciliables avec l'esprit du Vinaya ».

En d'autres ternies, ou bien les nouveautés de Vaiçâli sont condamnées, du moins pour le grand nombre, par le texte actuel <lu Vinaya, ou elles no le sont pas. Si elles le sont, l'argument de iM. Oldenberg tombe ; car on pourra soutenir (jue les dispositions du Vinaya qui les condamnent ont été rédigées après Vaiçâlï. Minayefï' démon- trera donc qu'elles sont condamnées. Exemple : La règle qui défend toute provision (Pâc. xxxvni) défend la provi- sion do sol fi)romièro nouveauté de Vaic^-rdî), et a si la règle du Prâtimoksa ne dit rien du sel, s'ensuit-il de que le Prâtimoksa existât déjà avant l'apparition des nouveautés de Vaiçâlr et que ce soit pour cela que ses règles ne parlent pas du sel ? ' »

(1) Minayeff a-t-il le droit de tenir pour « risquée » la thèse suivant laquelle Tabsence, dans le Vinaya, des formules qui résument les nouveautés, la non-mention de ces « cris de guerre » (sauf jUtarRpa)^ ou, pour parler plus exactement, l'ignorance complète seraient les rédacteurs du Vinaya des objets de cette discussion, démontre pt'remptoirement l'antériorité du Vinaya par rapport aux nouveautés de VaiçrdI V

En principe, l'argument a silentio n'est démonstratif que si l'on connaît, dans le détail, le contexte des événements, la psychologie des écrivains, l'histoire des livres.

62 LE MUSÉON. [274

Mais si vous en jugez nuti'oment et répondez : « Oui, ;i notre avis, car si le Suttaviblianga était postérieur à la discussion sur le sel on y aurait fait mention du sel ; cette controverse, origine d'un schisme capital, et ' aussi importante pour l'histoire du Bouddhisme que la contro- verse de l'Arianisme le fut pour l'histoire chrétienne ^ ' , valait bien la peine d'être mentionnée » ; alors, non seulement Minayeff reconnaîtra qu'il n'y a pas dans le Vinaya d'interdiction spéciale pour toutes les nouveautés de Vaiçâlî, mais il adoptera la seconde branche du dilemme. Les nouveautés de Vaiçâlî ne sont pas condamnées dans le Vinaya actuel, en ce sens que, s'il s'y trouve des règles qui les atteignent, il s'y trouve aussi des dispositions qui

Le Mahâparinibbânasutta et le Culla XI signalent la procédure du brahnadanda, que le Vinaya ignore : dira-t-on que le Vinaya est antérieur au Mahâparinibbâna ?

D'ailleurs, il est toujours facile d'opposer raisonnement à raison- nement. La Communauté croit savoir (le Culla XII en est la preuve) que les Vajjiputtakas ont imaginé de faire provision de sel et ont soutenu l'opinion du « sel dans la corne ». Toute la Communauté, occidentaux, orientaux, méridionaux, a été secouée par cette con- troverse. Et M. Oldenberg argumente : si le Vinaya, dans son état actuel et dans son ensemble (fors le Parivâra), n'était pas antérieur aux événements de Vaiçâlî d'un nombre sufifisant d'années pour assurer son caractère sacré, il se serait trouvé certainement des faussaires pour y introduire quelque allusion au sel dans lacorne. Mais, dirons-nous, le Vinaya, aux yeux de tous, est proto-canonique et « pré-vésâlien » ; toute allusion au sel dans la corne eut constitué un anachronisme flagrant, et il faut bien prêter aux rédacteurs du Vinaya un minimum d'esprit critique.

Mais cette discussion àd homincm ne paraît pas propre à trancher la question, loin de là.

(1) Nous reviendrons sur cette appréciation de Vin. T., I. p. xxi.

275] I,ES CONCILliS lUH 1)1)111(^)1 ES. {]7i

trahissent \o mrmc es[)ri( de iion-ascétisino et ('oiiliniiciil mon iinpi'cssion que les règles, conti'aii-cs aux iioiivraii- tés, ont été ré(liji;ées a[)i'és Vairâlï : « l/csprit du Vinaya actuel, [encore que niodilié par le (rioinplie postérieur de rascétisniej, n'est pas ineoneiiiaMe avec Ix'aiicoiip des

nouveautés de Vai^rdl Dans \i'. Vinaya, divers emplois

sont étal»Iis dans la eoimnunauté poui* recevoir en présent, conserver, paita^er aussi bien les liahils (jue la nourri- ture. La communauté a le droit de i)ropriété mobilière et immobilière ; la propriété mobilière peut aussi appar- tenir à un moine isolé », ce (jul est pour le moins en opposition avec les coutumes communistes que l'on s'est plu à attribuer à l'ancienne tr;iternité '.

l^ir celte volte-l'ace et cette contradiction, au moins apparente, Minayeff, fournit à M. Oldenberg l'occasion d'un facile succès ^.

Je dis apparente, parce que la contradiction n'est pas le fait de Minayeff, mais le fait du Vinaya. Le Pâtimokkha défend la provision de nourriture, mais le Mahâvaifira permet toute espèce de provisions, médicaments de toute nature, à commencer par les racines médicinales. Le reli- gieux ne peut pas accepter de monnaie, mais il peut avoir un dépôt d'argent chez un laïque « qui lui rend acceptables » (Ldppiffdiiàralia] les achats faits avec cet argent '. De même le couvent possède des halles à provision, « store bouses », qui sont des kappiimhliûumy des lîdppifjdliuns, et rendent licites les aliments conser- vés, sel, huile et riz *.

(1) Voir Vinaya Texts, I, p. 18.

(2) Buddh. Studien, p. G23, cité ci-dessous p. 6t, u. 1.

(3) M. Vagga, VL ;54, 1.

(4) M. Vagga, VL 33.

64 LE MUSÈON. |27G

Il en est de même pour l)eaii('oup d'autres points sur lesquels la vigueur du Pâliniokkha est ailaiblie ou énervée. On sait de reste que le Pât. lui-même eomporte des excep- tions ; une des plus notables est celle de Nissaggiya xxiii qui permet de conserver pendant sept jours les « médica- ments )) principaux, gliee, beurre, liuile, miel et mélasse.

Ne nous étonnons donc pas de lire dans les Recberclies, p. 55, le contraire de ce que nous lisons p. 55 ^ Dans le premier passage, Minayeff se place au point de vue des Pères du Concile, armés du Prâtimoksa, et il condamne avec eux, non sans une réprobation plaisamment simulée, cette abominable pratique de la provision de sel, « viola- tion flagrante des vœux de pauvreté ». Dans le second, il observe que, pour le lecteur du Maliâvagga, la provision de sel n'est qu'une des multiples et licites dérogations aux lois de l'ascétisme rigide.

L'examen des « nouveautés » nous permettra peut-être de nous former une opinion personnelle sur le problème. Ce qui précède suilit, espérons-nous, pour laver Minayefif du reproche d'inconséquence.

Les points de Vaiçâlï peuvent être groupés en deux catégories.

L Dérogations relatives à l'organisation monastique, àvâsakappa (4), anumati (5), âcinna (G).

IL Dérogations relatives à la discipline : nourriture, singilondiiappa (l), dvangula ('î), (jûmantara (î$), amatlii- ta (7) ; boisson, yV//o^i [H] ; literie, adasaLa-nisldana (9) ; loi de i^nuyieté, jâtanlparajata (lO).

(1) « wer dessen Ausfiihruogen S. 53 liest, wird doch das Gegen- teil von dem fiaden, was derselbe Gelehrte zwei Seiten spater sagt ». Oldenberg, loc. cit.

i277| i-Ks (,(>>(;ii.i:s iioi himions, (l.'i

I, I. .\rûs tl,(tjipii on " |»i';ili(|iu' de l;i drninirc ». « Il est |HM'mis à plusieurs couvciils (ou di'iui'Uics qui se Irou- veiit dans la inèine ' [laroisse ', de Icuir des Hfxtsdlhds distincts ' )). (loMiparcr M. Va^ga, 11. S, ô : « A celle éi)0(|ue, deux salles d'Uposatha avaient été instituées dans une certaine paroisse. Les hhikkhus s'assein])lèr(iil dans l'une et l'autre salle, parce ([ue [les uns] [)ensaienl : « rUposatlia sera tenu ici », [et les autres] : « l'Uposallia sera tenu ». On raconta la chose à Bhairavat, ([ui dit : « Que personne n'étahlisse deux salles d'iposatlia dans la

même paroisse , j'ordonne la suppression de l'une des

deux et je veux que l'ilposatha soit tenu [seulement] dans une place ».

Le iM. Vagira désii-nerait ici la thèse liérétique i)ar son nom techni(jue ([u'il ne viserait pas i)lus claii'emenl la (juatrième « innovation » de Vaiyâlî, telle du moins que la définit le Culla \

5. Amimatilidppa, ou « prati({ue de l'approljation ». « Il

(1) D'après KernfGescli., II, p. 252). Culla : Icappati sanihahuhl UvCisTi samânasimâ nCinuposathnm liCttun il. Vinaya Tcxts : « Circuit-license : Is it allowable for a uiimber of Bhikkhus who dwell withia the same circuit, witliiu tlie same boundary, to holJ separate uposathas ».

L'Uposatha est la cérémonie bi-mensuelle au cours de laquelle, tous les moines de la « paroisse « étant réunis, on lit le Prâtimoksa. Les limites de la " paroisse » sont fixées par une décit^ion solennelle des religieux résidant dans tel ou tel endroit. (Voir Kern, Gesch. II p. 49-53). H faut être au moins deux pour tenir Uposalha.

(2) Interprétation des Dharmagnptas : « Dans le temple, outre les actes réglementaires, les novateurs en accomplissaient d'autres n (V) (Ou sait que temple = vibâra = couvent). Voir

. Minayeff, p. 40. Les Mabïçâsakas ue mentionnent pas, scmble- t-il, ITivâsakappa. Pour les Sarvâstivâdins, voir rAppcndicc.

()(] LK MUSÉON. [278

est permis à un Saiiii^lia ([ui n'est pas en nombre d'accom- plir un acte ecclésiasti([ue, en disant : nous ferons con- sentir les [autres] bhikkhus quand ils viendront ' ». Les Pères condamnent la proposition d'après M. Vagga, IX. 5. 5 qui définit l'acte d'un Saiiigha « incomplet ». La règle veut, non seulement que les bhikkhus absents aient envoyé leur adhésion, mais encore qu'aucun menj- bre présent n'exige qu'on les attende. Non seulement elle atteint la nouveauté en question, mais elle prévoit un cas plus compliqué.

Même conclusion que pour le paragraphe précédent.

G. Âcinnakappa : « Il est permis de suivre le précédent du précepteur et de l'instructeur "^ ». « Oui, répond le thera, la pratique du précédent est permise dans certains cas ; dans d'autres, elle est défendue ». La proposition des Vajjiputtakas est rejetée, sans qu'aucun texte soit allégué, comme contraire au Dharma-Vinaya.

MM. Rhys Davids et Oldenberg expliquent comment \ âcinnakappa est tantôt admis, tantôt défendu : « that is, of course, according as the thing enjoined is, or is not, lawful ».

(1) Jcappail vaggena samghena kammam Iritum agate bhikkhîl annjànessàmà ti. « Is it allowable for a Saiiigha which is not legally constituted to perform an officiai act on the ground that they will afterwards obtain the sanction of such Bhikkhus who may subsequently arrive ? «. La confession peut être commencée avant que le Saingha soit eu nombre.

Pour les Sarvâstivâiins, voir l'Appendice ; les Dharmaguptas s'accordent avec le Culla ; les Mahïçâsakas : « Nach Vollziehung des Karma andere herbeirufen um die Entscheidung zu horen n (Schiefner), ou bien : « Daos l'accomplissement du Karma, appeler ensuite isolément les autres pour entendre ».

(2) kappati idam me uppajjhdgena ajjhclcinnam idam me cica- riyena ajjhâcinnam tam ajjhâcaritiim.

!270| I.KS CCKNCILI.S ItOl hmiK.ilKS. 67

Miiiayctl I';i|»|m'II(', ;i\('r l»(';iii(()U|t t\':\ |»rop(>s, « cette i'èi;Ie (rÂ[>;ist:inil);i (rapirs l;i(|iiclle le hralmiMCMiin doit en tout s(! soiiim;ttre au |U'éee[)teui-, sauf dans les actions enti'aiuant excoiiiiiiuiiicatioii ».

Peut-être la (luestion est-elle eu ell'et de savoir si l'autorité du inaîli'c, de V HjH'ulInfniia au(iuel l'cssoilil la doctrine, de VCiainju (jui rèj^le la discipline ', sera dans le Sailii^ha aussi [irépondérante ([ue parmi la foule des ascètes hérétiques. Cette question, à première vue, ne peut se poser (jue si la Communauté est ignorante des règles petites et très petites et des subtilités doctrinales. L'histoire des sectes démontre cependant l'importance attachée à l'avis du maître immédiat, nième à l'époque histoii(jue, quand il y a des Vinayas et des Ahliidhaiinas ^.

D'après les Dharmagu[)tas, les Vajji[)Uttakas croient ([u'on peut justifier sa conduite en alléguant (|ue u cela se fait de temps immémorial ».

D'après les Mahîçâsakas : « Continuer à s'occuper de ce

(1) Notre glose est peut être aventureuse. Voir VinayaTexts, I. p. 178, II. p. 18 ; Chavannes, Religieux Eminents, p. 140, n. 3 ; Barth, I-tsing, p. 7 (J. des Savants 1898) : « Deux maîtres : l'un pour lui inculquer renseignement théorique des vérités de la foi et veiller à son instruction religieuse (upûiJhyûya), l'autre pour lui apprendre les règles qu'il devait observer dans la pratique et pour être son directeur de conscience (ûcârya) ». Mais voir Kern, Mau. p. 84, tutor, professer. Diverses fonctions, pâlhâcarj/Oy etc., M. Vyut. § 270.

(2) Je crois que Minaycff (p. 207) a tort de lier formellement à Vachpuil^appa un des cinq points (vastuj à la discussion desquels Vasumitra et Bhavya rapportent l'origine du grand schisme. Il est cependant à noter que le Mahâbodhivanisa, p. 9«), oppose, à l'occa- sion du deuxième concile, la doctrine des « presbytres » (iheravdda) à la doctrine des maîtres (acanjdvCulaJ.

()S LF, MUSÉON. ['^SO

que l'on avait rhal)itude de faire avant de devenir reli- gieux. Certaines oceupations furent déelarées lieites ; d'autres furent défendues ».

II. 1. Siùfjilonakappa (çrngi-lavana), ou « pratique du sel dans la corne ». « Il est permis de conserver du sel dans une corne en se disant : je [le] mangerai, quand il n'y aura pas de sel ^ ». La proposition est condamnée en vertu de Pâcittiya xxxviii : « Quiconque prend des aliments qui ont été conservés [samnidliikâraka) ^, que ces aliments soient des kluidanïijus ou des bliojaniijas ^, est coupable »

Le problème se présente ici sous un aspect sensiblement différent.

Sur la foi de M. Oldenberg qui ne signale pas la chose ^, je ne croyais pas que le Vinaya pfdi traitât de la

(1) kappail sihginâ lonam pariharitiwi yattha alonaJcam hha- vissati tattha parihhiuijissîimiti. Kerû :«.... afin de l'em- ployer plus tard, quand on aura pas de sel sous la main ». « Horu-salt-license : . . . . with the intention of putting it into food which lias not been salted ».

(2) M. Vyut. § 260. 34 sammdhihârah et samnidMkaMràh, 245. 363 lire sanmidhilTirah La forme la plus abrégée et, à ce que croit Minayeff, la plus ancienne de Pac. xxxviii est fournie par M. V^ut. § 261. 42 : samnihiiavarjana. (Voir ci-dessous p. 86).

(3) Aliments durs et mous. Sur la valeur de ces deux termes, voir Vinaya Texts, I, p. 39, n. 5.

(4) On voit combien est dangereux l'argument a silentio !

« Eine Pâcittiyaregel (38) beispielsweise verbietet vorratsweise aufbewabrte Speisen zu geniessen. Nun wurde von Einigen bebauptet, dass docb die Aufbewabrung von Salz zulâssig sei, und dies war eine der Strei.tpunkte in den erbitterten, durcb die ganze buddbistische Welt beriibmt gewordenen Kampfen von Vesâlï : dlirften wir da nicht erwarten, dass wo nicbt der Wortlaut jener Regel selbst so doch mindestens die Erweiterungen, die Zuthaten

281] LES CONCILES IIOIDDIIKU KS. 69

provision de sel ; cl, me i('iK»ii:iiit ;iu\ soui'ees lilK-tiiiiics, j'avais relevé <|ii('l(|U('s (l(''(;iils iiitcicssjiils : (( Le {{oud- dha, dit M. IloclJiilI ', peiinit do coiisr'rver du srI diins coi'tains cas : il l'aiit se; servir, à cet efl'ct, (riinc hoitc munie d'un couvercle ». Alors (jue le Pâc. ia con- damne le moine qui cache l'écuelle à aumônes la

coupe à boii'e [phor-hu] d'un de ses fi'èi'es, \(\ Vihhanj^a (ad loc.) substitue au mot p/ior-hii l'expression (slira-LliiKi que M. Uoekhill traduit : « sait hoi'n » -.

On pouvait, d'après ces données tibétaines et Sai'vâsli- vàdins, conclure que le verdict de Vaicâll était l'csté lettre morte, du moins dans une partie de la Communauté, et expliquer ainsi le silence du Vinaya pâli sur la provision de sel.

Heureusement le M. Vagga, à défaut du Pâtimokklia, est très circonstancié sur la (juestion (pii nous occupe, et il semble donner si parfaitement raison aux Vajjii)uttakas qu'on en demeure interdit.

Le M. Vagga VI. 5 énumère une série de l'acincs médi- cinales (gingembre, hellébore, etc.) dont on j»eut faire provision pour la vie durant, à l'effet de rciidic plus

jener cbea beschriebenea Artaul'die Frage des Salzcs irgcadwie eiûgegangea wilren, hâtten nicht eben Regel und Erweiterungea zur Zeit des Konzils von Vesâlï bereits fertig vorgelegen ? ». (Biiddh. Studien, p. 682). Voir M. Vagga VI. 8.

(1) Dulva, Vol. X, fol. 200 apiid Rockhill, Life, p. 172.

(2) Cfr. Revue de l'histoire des religions, 1884, IX, p. 175 (Bhiksunï-PiTitimoksa, Pâc. 52 = CO).

Par malheur, je ne vois pas que liliug signifie corne ; c'est plutôt un réceptacle facile à porter, quel qu'il soit d'ailleurs ; soit donc lavampâtalika, Salzbeutel (M. Vyut. 27.;. G8). Voir Çarad Candra Dûs, Tdj. Dict. p. 14G.

70 LE MlîSÉON. [282

digestibles les aliments durs et mous. On ne peut d'ail- leurs s'en servir que quand on est malade.

Au § VI. 8 sont énumérés, à titre de médicaments, cinq espèces de sel : « sel de mer, sel noir, sel gemme, sel de cuisine, sel l'ouge et tout autre sel qu'on emploie comme médicament ». On peut en faire provision « pour la vie durant », on peut en faire usage comme il a été dit des racines.

Enfin, le § VI. 40 spécifie que les « aliments » dont on peut faire provision pour la vie durant, littéralement « qu'on peut manger à n'importe quel moment durant la vie » \ ne rendent pas licites les aliments auxquels ils sont mêlés au delà du terme fixé pour ces mêmes aliments -.

Le Vinayaksudraka tibétain, définissant l'bérésie des Vajjiputtakas, parle de sel « consacré pour la vie » ; mais le mot sanscrit qui correspond à « consacré » {bijin-gyis-brlabs-pa) , à savoir adliistliita, peut avoir un

(1) Les traducteurs des Vinaya Texts (IL p. 144) remarquent : « What this refers to is uakuown to us n. Je crois qu'il faut rapprocher la loi qui permet de faire provision de sel, etc., pour la vie, de celle qui autorise l'emploi des cinq hliaisajyas (ghee, beurre, huile, miel, mélasse) en dehors du temps (M. Vagga VI. 1.5).

On peut prendre les hhalsajyas à toute heure du jour, quand on €st malade et quand on ne l'est pas. Bhagavat, ayant laissé passer l'heure du repas, se fait préparer les aliments et les boissons dits almlaTiCis (Divyâv. p. 130, akàlaldindyaJîàni, aJîàlap&nakânl : ghrtagudararlxarCipànakûni). alàlala, Mhv. L 306. 14 = aJâdaka (sans grain noir), comme l'observe M. Senart.

(2) On peut conserver du ghee, beurre, etc. (les cinq patisâyaniy a hhesajja) pendant 7 jours ; en y mêlant de l'hellébore (qu'on peut garder en provision toute sa vie) on ne rend pas licite le ghee du huitième jour.

Voir M. Vyut. § 280. 7.5 et suiv.

283] LES coNcii.Es itoiDimn.di S. 71

sens moins précis : il s'agit, en Ions cas, (riinc provision ij(ivajjlril,ani '.

D'autre part, les boîtes en os, en ivoire, en corne, etc., sont autorisées pour la conservation des onguents {(tnjaua) '.

11 est donc licite de conserver du sel, et on ne voit pas que la « corne », permise pour les onguents, compromette la sainteté de cette praticpie '. Tout an |)Ins peut-on se demander s'il est })ermis d'en faire usage (juand on est hien portant. Mais rien n'indicpie (jue les theras se soient posé cette question, plutôt subtile. Qui est malade, (pii est bien poi-tant ?

On aboutit donc à cette constatation, étrange à première vue, que la première nouveauté, sinyilona, défendue implicitement par le Pâtimokkba ' est auloi'isée par les Kliandakas.

L'explication des Dbarmaguptas (7" nouveauté) et des iMahîçâsakas (I"" nouveauté), présente cette particularité qu'elle ignore la corne : « Mêler [la nourriture] avec du sel et du gingembre (= çt-figavcra), à l'effet de tourner la loi qui déclare impurs les aliments vieux ou con- servés jusqu'au lendemain » ^. « Employer le sel

(1) Voir Appendice. Cp. le naiiyaka de M. Vyiit.

(2) M. Vagga, VI. 12. 1.

(3) Toutefois la boite à aiguilles en corne est défendue, PJic. 85. Voir M. Vyut. § 273. 08, Javanapatali]iâ, 82, rrhgaliha {?).

(4) On se souvient que le sel, défendu aux bralimacàrins, per- mis aux vànaprnsihas, était prohibé dans l'une des cinq thèses de Devadatta (D'après le Dulva, Rockhill, Life p. 87, Udânavarga, p. 204, et Wassiiieff, p. 5C)).

(5) Le traducteur nous dit : « Salz mit Ingwer mischcul.... n Mais il est certain que lo gingembre joue ici le même rôle que lo sel. Il est au nombre des " médicaments » qu'on peut garder la vie durant, M. Vagga, VL 8.

72 LE MusÉON. |;284

pour conserver les aliments dans la nuit et les manger ensuite. »

Ces pratiques sont formellement défendues, ainsi que nous l'avons vu, par le M. Vagga ^ Elles ne sont pas visées par l'explication du Culla, comme l'indique l'expres- sion ijaclâ (donakam hliavissati. Il n'est pas impossible, toutefois, qu'elles correspondent à la notion première du sifigiloua, « gingembre et sel )>.

'i. Dvaùgnlakappa, pratique des deux doigts. « 11 est permis de prendre des aliments en dehors du temps, [le moment où] l'ombre [est] de deux doigts [étant] passé » ^. Thèse condamnée en vertu de Prie, xxxvn, par lequel il est défendu aux moines, comme aux ascètes en général, de manger en dehors du temps \ Reste à savoir quel

(1) Ci-dessus p. 70, n. 1.

(2) happati dvahgulâya châyàya vitivattàya vikàle hJwjanam hJmnjitum. Kern : « prendre de la nourriture après l'heure per- mise (après midi) quand Tombre est plus longue que deux pouces ». Minayeff : « Le bhiksu pouvait prendre son repas à cer- tains moments déterminés par la mesure de t'ombre qui se déta- chait de lui, c'est-à-dire que ces moments étaient indiqués par une sorte de cadran solaire. Les hérétiques disaient que si cette ombre dépassait de deux doigts la longueur fixée par la loi, on pouvait néanmoins accepter de la nourriture ». Vinaya Texts . . . « to eat the midday meal beyond the right time, provided only that the shadow has not y et turned two inches ».

L'ombre de deux doigts est peut-être l'ombre qui se détache de l'homme, à midi, au solstice d'été, par 25° de latitude. On aurait donc dvahgiiJàya châyàya vitivattàya = majjhantike v'itivatte = [le moment] l'ombre, est de deux doigts [étant] passé ^ midi étant passé.

(3) viJcàle ... aliàlahhojana, M. Vyut. § 261. 41 ; vikà- lahhojanaviratl, ibid. § 268. 8.

285] LES coNcii-Ks itoiJDhiih.n i:s. 73

est le Iciiips l(''ii;il. Les Viijji|)uniik;is, si je coiiiidciKls Iticii la iilosc (lu (liilla, ne ci-oiciil pas |»(''('li('i' coiilrr la it^lc d»? VdLàldli/ioj'iiiti eu niaiiiicaiil a|nrs midi, mais, d'après le VildiaTiLia, vihâld ^- « depuis (|ur midi csl j)ass('' justpj'au levci' (lu soleil ».

Il est remarijuable (pie la source prdie soi! isoh'c daus cette intoi'pi'étaliou de la » |)i-ati(pie des deux doiiils » '. On ne peut (|ue soiinietti-e au leeleui- (|uolquos références dilHeiles à utiliser *. II semble bien toutefois (ju'il s'agisse ici d'une petite (piantité de nonn-iture.

(1) Mahïçâsakas : Die Speise mit zwci Fingern riihrcD, d. h. wena nach beendigten Mahl, das uur eiomal tâglich statt fiuden darf, Speise noch sich darbietet, diose goniessen, indem man die- selbc mit zwei Fingern umriihrt, dadurch wird das Verbot die Speise zu verderben iibertreten » (Tar. p. 288). Cette défense de gâter la nourriture doit s'entendre de la défense de manger la nourriture conservée, voir le l'âc. xxxviii de Beal, Cateua, p. 224 : " eat spoiled or sour food », correspondant à sannidliikuralui du pfdi.

Sarvâstivâdins : ^ faire deux doigts d'aliments des deux espèces (inaiirildas n (aJirtanirildalhâdana, M. Vyut. § 261. 38). [La syn- taxe de la phrase tibétaine est fort obscure ; = alxrtanirildahhoja' nli/nlJiadrinli/advi/ahgiilam Jcrivd] .

Dharmaguptas : «dérogation à la sobriétc>, comme si, par exemple, un moine, aprc^is un repas suffisant, oubliant la règle de la bonne conduite, se mettait à prendre avec deux doigts et à manger la nourriture restante » (Minayeff, p. 15).

(2) Mahribhâsya ad Pau. .']. 4. 51. dvi/aliguloflar.'^ai'n Ihandikdn chinatti = il coupe des morceaux de la longueur de deux doigts. M. Vyut. § 2^1. 132 daus un contexte intéressant : na golomahnh l'ernr(?) clicdai/pf, mundand^ dvyahgulavartah^ prniihalo hhavaii^ S trayâf, sàtisâro hliavati (130. 135). dvi/ah(fi(laprnjnri strl, femme idiote ou d'intelligence très mince, Therîgâtbâ 60, Mhv. III. 391. 19 D'après le commentaire des Thcrîg., les femmes sont >i

74 LE MUSÉON. [286

3. Gâmantarakappa, pratique d'un autre village. « Il est permis, après avoir mangé, de prendre des aliments [hlwjaniija] qui ne soient pas le reste [du repas] [anatiritta) , en se disant : je vais dans un autre village. » Condamné en vertu de Pâc. xxxv : « Le bhikkhu qui, après avoir mangé, prendra des aliments hhojaniya ou khâdaniija » ^

idiotes que, passant leur vie, dès l'enfance, à cuire le riz, il leur faut, pour savoir si le riz est cuit, le retirer de l'eau et l'écraser avec deux doigts. (Windisch, Mâra uûd Buddha, p. 136 ; référence indiquée par Senart). Explication ingénieuse.

Comp. l'emploi de caturahgula, Karunâpundarîka, 120. 34 nâsti ... catiirahgulapramânam yat tathàgatiJcàyena na sphu- tam ... ; 100. 27 ye Txàsrnjam dbhïlaseyur antaçaç caturahgulam api sarve te 'nnapânasampannâh...

(1) La loi Pâc. xxxv, d'après le Vibhanga, se divise « histo- riquement » en deux parties. Premier texte : « yo pana hhikJchu bhuftâvl pavârito khàdaniyam va hhojaniyam va Jchadeyya vcl hlmnjeyya va, pâcittiyam ti : " Il est défendu de manger après avoir été rassasié ». Aucune mention à' anatiritta. Deuxième texte, complet : « Je permets aux malades et aux non malades de manger [les aliments] atlritta », ce qui reste dans l'ècuelle ; et la loi fut complétée par l'addition du mot anatiritta qui en restreint la portée .

Je crois rendre fidèlement le texte en traduisant les deux mots hhuttavl pavârito par la seule expression « après avoir mangé » . Comme M. Kern me le fait remarquer, pavâreti = sampavUreti (mal traduit par Childers : to cause to refuse, comme il est dit Vinaya Texts ad M, Vagga I. 8. 4), lequel est voisin do samtappeti. Voir M. Vagga I. 22. 15 ; Lalita 66. 16 Jchâdanlyena samtarpya sampravârya ; de même Mhv. III. 142. 3, 14 ; Râm. IL 77. 15 bJiojyesu .. vastresu ... pravàrayati.

FavSrcti ne signifie pas inviter (nimanieti), voir Vibb. ad Pâc. xxxv, . . . nimantetva hhojesi . bhikkhu bhuttav't pavârità . . . (xxxv, 1. ligue 3) ; pavârito ne signifie pas « ayant été invité et

^87| LES CONCILKS nul DIHIIOUES. 7,*>

Les iiliments liliadan'uja \w. si'iaicnl pas visi's pai- ilâmunlaraliupjm.

Dos explications du \'il)liani;a, il s'ensuit (juc, dès (ju'on a maniié, fut-ce avec la pointe d'un l»rin d'herbe, des aliments olVerts dans une maison, ou (jue rii(')te vous a invité à manger, il est défendu (rallei- ([uèlei- de nou- veaux aliments ((uiaùriliUi) dans une auti-e maison : on ne peut manger (jue le reste {(ilinkta) de la première offrande K

Que faut-il entendre [)ar les mots : « (/runnnt(ir(uh gamissâmUi » ? Les Vinaya Texts traduisent : » on the ground that lie is about to proceed into the village ». Cette interprétation, bien que ce soit celle de Childers '\ ne pai'aît pas très cohérente. >I.M. Kern et Minayeff nous

ayant refusé » (comme Vinaya Texts, 1. p. o9 : when he has once finished his meal [bhuttâvl]^ though still invited (to continue eating) [pavârito], et 111. p. o*J8 « who has once finished his meal and has refuseJ any more »), car Vibh. Pâc. xxxv. .'!. (1. 1) ahhutiaviyiil katam Jtoti, hhuttàvinà pavâritena fisanCi vuitlntena hitam hoii. Mais, en fait, tout nouvel aliment est aniitirittn, non restant, soit que le moine ait mangé et ait été rassasié (ptivàrifd) dans une maison, soit qu'il ait refusé les aliments qu'on lui offrait (ahhufta- vin). S'il se lève, pour partir, quand l'hôte met encore des vivres à sa disposition, il ne peut pas recevoir ailleurs de nouveaux aliments. D'où la notion de refuser introduite par le coramentAteur dans la loi Pâc. xxxv ; notion à tort localisée dans le mot pavd- rita.

(1) D'après Vinaya Texts I. p. 39, u. 1. Le bhikkhu bien portant, quand il a fini le repas, ne peut pas manger ce qui reste dans l'écuelle. Mais voir ci-dessus, p. 74, n. 1.

(2) Childers, s. voc. : « (jamantaram rj/icchati seems to mean merely lo go as far as the village » ; mais « f/nmantaram seems to mean the distance betweea a monastcry and the nearest village or between to adjacent villages, n

76 LE MUSÉON. [288

semblent avoir vu plus juste : « à raison du voyage d'un village dans un autre ». Mais, pour le reste, Minayeif manque de précision \

Les Mahïçâsakas et les Sarvfistivâdins divergent.

D'après le compte des premiers, la troisième nouveauté se formule ainsi : « manger une seconde fois après s'être levé avant le repas » (et, dès lors, d'après le Vibhanga, la nourriture est anatirikta ; par conséquent défendue par Prie, xxxv) - ; et la quatrième : « manger en quittant le village )) ^. D'après Wassilieff, on trouve la condamnation de ces deux points dans l'explication des termes akrtani- riktakliâdana et gauabliojana ^.

Les Sarvâstivâdins ont une thèse qu'on peut appeler du (c chemin » [addhànagamana) , et qui comporte le « repas en troupe ». C'est leui' cinquième nouveauté : « Manger ^\ s'étant rendus à un yojana et demi [du couvent ? ?] et s'étant réunis, est permis en vertu du chemin. » C'est

(1) Minayeff « .. considérer comme permise la siqierfluifé dans la nourriture à raison du voyage... «. Il semble qu'il y ait méprise sur le mot atirikta.

Dérogation à la loi d'anatirikta (nourriture apportée de la mai- son où on a mangé), VL 18.4 (en raison d'âpad), rapportée VL 32 ; dérogatioQ maintenue VI, 24. (miel et lait au riz permis avant un « diner en ville » ; riz au lait défendu).

(2) hliuttàvinà pavàritena Ctsanâ vuUhitena katam hoti .... etmh anatirittam nàma ; ... hhuttâvinâ pavàritena âsanCi avuHhitena hatam hoti .... etam atirittam nàma.

(3) « Zum zweitenmal essen nachdem man sich vor (von ? ?) dem Mahle erhoben «, « essen indem man Dorf verlàsst ». (Târ. p. 288).

(4) M. Vyut. §281. 38. 40.

(5) hhojamija. Voir ci-dessous Appendice.

289] LES CONCILKS IlOI DIMIIoUES. 77

ahusci', par un voyai;»' firlil', de la loi l'ac. \\\ii (jui permet le ganahhojiuKi à l'uccasion (l'iiii voyage '.

Il résulte, seiiil)le-l-il, de eette eoinparaisoji, cpie l'expli- cation pâlie du (jâiiunitaj-u repose sur la coiilaiiiinatiou des deu\ thèses ([ue les .Malilrâsakas dislinj^ncnl, car la formule suppose un « voyage », quel (ju'il soit d'ailleurs, et le Pâe. \x\v [)orle essentiellemeul sur VaiKiliriLla.

î. Aiimlliitaliappa, ou « lait non haratté » « il est }>ei'mis, api'ès avoir mangé, de prendre du lait qui n'est plus à l'état de lait et n'est pas encore à l'état de caille- botte, et qui n'est pas le reste [du repasj » '. Thèse condamnée en vertu du Pâc. \x\v, qui défend, comme on a vu, tout anatirikta.

D'après les iMahï^âsakas, « boire en dehors du temps un mélaniie de crèjne, de beuri'e, de miel et de miel <'n pit'i're [= sucrej ». Prestjue identique l'explication des Dharmaguptas. Les Sarvâstivâdins se rapprochent du

(1) jM. Barth a attiré l'attention sur la curieuse conversation dans laquelle Kâçyapa, dont nous savons l'affection pour les Dhïi- tfu'igas, reproche à Ânanda « la mauvaise habitude de manger en troupe » ; le trikahliojana s'oppose au ganahhojana (Mahâvastu, III. 48. 6, Barth, Article sur le Mhv. dans J. des Savants 18D9, tiré à part, p. 28j. Pûc. xxxii ; Culla VIL ;i. l^-^ : il y a gana dès qu'on est plus de trois. Sur les provisions du voyage, M. Vagga, VI. 34. 21.

(2) lappafi ynm tam Ihîraih Ikirabhavmh vijnhifnm (isampat- taiu (Jadhihhdvaih hhutiCivind pavaritena anatirittam pdiun ti [Lire : khlrabhâve vijahite\. « Churu-license : Is it allowable ibr one who bas once fiaisbed bis mcal, and bas refused any more, to drink milk not left over IVom tbe mcal, on tbe ground tbat it bas left tbe condition of milk and bas not yet reacbed tbe condition of curds H (Tbat is, wbicb is ncitber liquid nor solid : something apparently like buttermilk).

78 LE MUSÉON. [290

Culla en co qui regarde la nature de la coinposilion lactée (lait doux niélé à lait aigre) ; mais, d'accord avec les Maliîçâsakas, ils indiquent aussi comme caractéristique de la nouveauté le fait de manger « hors du temps ».

D'après une tradition des Sarvâstivâdins, Devadatta défendait aux religieux le lait et ses succédanés '. Le Bouddha, au contraire, permet les cinq produits de la vache, lait, caillebotte, ghee, « buttermilk » et beurre (M. Vagga, VI, 54. 21) ^ ; il autorise aussi le « lait au riz )) (ijCujii) avec blocs de miel, que les religieux ont cru devoir refuser (VI. 24), et qui, pris le matin, ne rend pas anatirikta le diner accepté, plus tard, en ville.

Il est cei'tes dilTicile de se former une opinion sur cette septième nouveauté ; mais on a l'impression que les indices anatirikta et akâla, qui la rendent coupable aux yeux des theras du Culla et du Dulva, sont artificiels : la tradition ne savait plus que le lait non baratté avait passé pour illicite.

H. Jalogi pâtum. « Il est permis de boire de la siirâ qui, [partant] de la nature de la non-surâ, n'a pas atteint la qualité d'être enivrante » ^ Thèse condamnée en

(1) Rockhill, Life, p. 87. « Not to make use of curds and milk because by so doing one harms calves ».

(2) Le contexte paraît indiquer qu'il s'agit des moines en voyage.

(3) Culla : Jcappati sa surâ asurâtâ asampaitâ majja- hhavam sa pUtuni. Commentaire (apud Minayeff, Prâtiraoksa, p. xxxix) : tarunasurâyam majjasanihluiram ekato katam majja- hhâvam asampattam [lire "samhJiâre ekato kate]. Kern : « Peut-on boire du vin nouveau de palmier ? C'est-à-dire : peut-on boire cette sorte de boisson forte qui n'a pas le caractère de boisson forte et n'a pas encore acquis la nature de boisson enivrante ». « Churn-license : Is it allowable to drink spirits which hâve left the condition of not being spirits [asiirâià = asurâtvât], and yet hâve not acquired intoxicating properties

*201] I,ES CONCILIA noiDDIIlolIKS. 7!)

vei'tu (le Pâc. u (jiii (léleiid de Ikhic stira cl iiifniiiit '.

])';ij)i'c\s les Miili^'âsiikas, il s'aj^it (rmic lii|iiciir ciiiN i;iii((; l'ctoiiilK'e en t'oi'riu'iilalioii.

I)'a[)i'ès le l)iilv:i, >( ho'wv comnic nue sangsue des li(|iieui's eniviaiites en s'excusant sur la maladie » -.

M. Oldenheii; argumente : « Le Vihlianga traite des diverses espèees de siirû et de merayu, [)arl(' de cas l'on ne boirait la liqueur enivrante (ju'avee la [)ointe d'une lierbe, parle de la boisson enivrante (|ue le buveur tient pour non enivrante, et réciproquement, et d'une série de subtilités de cette nature : or il ne parle pas de jalogi » \ Donc le Vibhanga est antérieur à Vaiçâlî.

Le Prâtimoksa défend déboire des boissons enivrantes. C'est une très vieille loi d'ascétisme, aussi vieille ((ue le vin de palme ou l'eau de riz '.

Mais qu'est-ce que boire ? qu'est-ce qu'une boisson enivrante ?

Boire, c'est mettre d'une façon (juelconque la boisson en contact avec la boucbe, ne fut-ce qu'avec un brin d'berbe ' : de sorte (pie le jaloyi, comme l'entend la source tibétaine (Sarvâstivâdin), « boire à la façon d'une sangsue », est condamné par le Viblianga.

Qu'est-ce qu'une boisson enivrante ? Toute substance qui enivre, d'après le récit rap[)orté dans le Vibbanga

(1) M. Vyut. § 26L 83 surâmairei/amadi/apdna ibid. § 230, les boissons fermoutées, dont 36 surâ^ 37 maireya.

(2) Sic Minayeff ; voir Appendice. srin-bu-pad-nia =jalaîikU, jalrdù,JKlnka (M. Vyut. § 213. 86), comparer Ja7o^i V

(3) Biiddb. Studien, p. 632, note.

(4) M. Vyut. § 268. 5 madi/aprinavirati.

(5) antamaso Icusaggcna pi pihati. Même formule pour expliquer ce que c'est que manger.

80 LE MUSÉON. [-292

(Pâc. Li) ; mais, d'après les détinitions qui terminent le paragraphe, toute substance propre à fermenter [sanihliâ- rasaùujutta) ^ Donc le j((lo(ji, d'après l'interprétation qu'en donnent le Culla et les Dharmaguptas, esL visé dans le Yibhanga,

Mais le tribunal, sévère et juste, que Minayeff substitue en imagination aux theras présidés par Revata, ne man- quera pas d'étudier le chapitre du M. Vagga (Yi. 55, 0) consacré aux boissons permises ou défendues. Tandis que le Vibhanga énumère comme merayas et prohibe le jus [âsava) des fleurs, des fruits, du miel, de la canne à sucre {(jula), parce qu'il e&t saiiibliin^asamijutta , le M. Vagga permet la liqueur [rasa) des fruits, fors les grains ; la boisson préparée avec les feuilles et les fleurs, fors le (JâliCi potherb ») et le madhukapuppha (Bassia Latifolia), et la liqueur de la canne à sucre '".

9. Adasakam nisldanam, « une natte pour s'asseoir sans frange » ^. Ni Revata, ni Sabbakâmï ne se font ren- seigner ; mais la thèse est condamnée en vertu du Pâc. Lxxxix qui indique les dimensions légales de la natte ^.

(1) Childers remarque : majjasanihhâro, the éléments of iatoxi- catioQ (iu newly drawn toddy), opposed to majjahJmvo, intoxicating property (in fermented toddy or palm wine).

(2) Voir aussi M. Vagga VI. 14 sur l'huile mêlée de boisson forte.

(3) Kern (Manual) : « the use of a mat without fringes (not con- form with the model prescribed) », « une natte qui n'a pas une frange [de la dimension prescrite] ». Vinaya Texts : « Is a rug or mat (when it is beyond the prescribed size) lawful because it is Uûfringed La traduction « unfringed seat » peut prêter à confusion. Le Pâc. lxxxvii traite des mancas et p'dhas, le Pâc. Lxxxix des nisldanas.

(4) Deux « coudées de Sugata » (Rockhill, R. H. R. IX. 178) en longueur, une en largeur, une de bord. D'après les Dharma-

^2951 i.Ks CONÇU. I s r.oi i)i)iii(.»i i.s, 81

Donc, (rapivs riiit(M|H(''l;ilioii du (jill;i, les lici-(''li(|ii('s soutenaient (|ue « le l'ait de ne [>as être <:;arnie de Iran^'cs rend lé^^ale une natte dont les dimensions sont irré^Mi- lières. »

D'après les .Mah^nlsakas, se l'aire une natic de diincii- sions indéterminées ; il n'est pas question de Iran^c ',

D'après les Sarvâstivâdins, la nouveauté consiste dans le mépris de la loi Ms. Pâc. xv, qui ordonne de coudi*e à une natte neuve un morceau d'une coudée pris à la vieille natte. Il n'est pas question de fran^îe ^

II send)le que ces deux interprétations divergentes de la neuvième nouveauté aient été conçues en vue des l'ègles du Vinaya (|ui peuvent être appelées à la condanmer. I.e M. VaLîiia Vni. 10. i, qui devrait jeter (juclque clarté sur la (jucstion, pcniiet une couverture aussi lariic (jii'on veut, poui" cette raison inattendue cpje le iiisldiuia était ti'op étroit. Serions-nous impi'udenls en cherchant un élément d'a])préciation dans la ti'adition tibétaine relative aux cinq lois de Devadalta : « (iautama porte des robes dont les franges sont coupées, nous porterons des robes avec de longues franges » ?

guptas, Pâc. Lxxxvii, (il n'y a que UO ITic. dans cette liste), deux en longueur, une et demie en largeur : mais on peut la faire une demi-coudée plus longue et plus large (Beal, Catcna, p. 231).

(1) D'après Wass. se rapporte à [Nis.] Pâc. xv.

(2) Voir Appendice.

(.-!) Voir Rockhill, Lil'e p. 87, Udânavarfa, p. 204. Cotte « loi n manque dans la liste singhalaise correspondante (Culla VII. 3. 1 1). Il y a d'ailleurs méprise certaine, soit dans le Dulva, soit dans la traduction de M. Rockhill, en ce qui regarde la 5""" loi de Deva- datta. C'est celui-ci qui défend de vivre dans les villages, et non le Bouddha. Vinaya Texts, III, p. 252, dernière ligue, lire : fish [and méat]... {mdcchamamsa).

82 I.K MISÉON. [294

lO. Jâtarûpurajata, « Or et argent )>. « Selon toute apparence, remarque M. 01denl)ei'ii;, au concile de Vesrilî (soi-disant un siècle après la mort du Bouddha), la ques- tion de l'acceptation de l'or et de l'argent était le point essentiel du débat, au milieu d'une série de difféi-ences secondaires et subtiles ^ », On dirait peut-être mieux, à notre avis, que cette question est la seule dont on puisse croire avec une relative sécurité qu'elle mit aux prises Yaças et les Vajjiputtakas. En tout cas, il est admis que le jâtanlparajata présente ici une importance capitale.

On se rappelle l'épisode intéressant dont nous avons indiqué les traits principaux. Les novateurs sont-ils en quelque façon excusables ? Peut-on soutenir qu'ils con- naissent et respectent la loi, puisqu'ils la tournent ? Ou bien, au contraire, trouvons-nous ici une preuve que, non seulement le Vibhanga, mais encore le Prâtimoksa, n'étaient pas, à l'époque de Vaiçâlï, constitués comme ils le sont aujourd'hui '^ ?

Quand Yaças signale à Pievata les « énormités » des fauteurs d'hérésie et qu'il arrive, en dernier lieu, à la question de l'or et argent, Revata ne demande pas d'expli- cations, comme il a fait pour les huit premiers points ^.

(1) Bouddha, trad. Foucher, p. 349, note.

(2) Oldenberg, Buddh. Studien, p. 632, n. 3. « Nur bei dem Streitpunkte ûber jataràparajata ist das, was die VesâlïmoQche fur zulâssig erklarteu, Iq Viuaya ausdriicklich als verboten namhaft gemacht. Hier also versagt unser Argument. Aber es ergiebt sich hier doch auch kein Gegeuargument. Dass jene Hâretiker hier etwas in der That Verbotenes einzul'iihren suchten und dies Bes- treben danu von den Orthodoxen mit Entriistung, unter Berufung auf den Verbotsparagrapheu, bekiimpft wurde, is ein durchaiis glaublicher Vorgang ».

(3) De même Sabbakamin interrogé par Revata.

:2y5| i.rs concims noi ddiik.»! t.s. 85

Il lui siillit (rcnlciidi'c ce mol (.ilxtii |);ii' cxcelli'nco, « or et ai'|j;tMil » ; ot, en ('tl'ct, au point tic vue de llcvata, ({iii est celui d'un docteui' taiiiilici' avec le Vinaya, la (|U('sli()ii n'est-elle pas d'une reinartjualde simplicité !

I^(î Nissaji'^iya \mh, iiiv()(|iit' par Sahltakâmiii, est lur- niel : u Tout hliikkliu (pii recevra de l'or on de l'ar^ciil, ou le fera recevoir par ([uel(|u'un, ou le l'ei'a conseivcr en

dépôt n Les Nis. \[\ et w défendent loulc

relation avec la monnaie, l'achat et la vente '. Le .Nis. \ est encore plus précis. Il spécifie ([ue, si on olfre à un moine de l'argent pour s'acheter des rohes, le moine dési- gnera un laïc fidèle, « l'homme «pii tient Vàrûma en ordre », par exemple, « au(juel l'argent [)eut être lemis et (jui veillera à l'achat, à la confection des l'ohes - ». i*our (juel([ue motif (]ue ce soit, le moine ne peut l'ecevoir de l'argent.

Que voilà hien une ([uestion « dure et mauvaise », et comhien il est vraisemhlahle ([ue les moines de Vaiçâlï aient eu connaissance des Nissaggiyas et les aient répétés pieusement à chaque phase de la lune ! Or, non seule- ment ils acceptent l'or et l'argent, mais ils ne considèrent pas les espèces monnayées comme le hien indivis de la Communauté : ils les partagent entre eux.

Tout devient clair, les choses du moins se suivent avec une aj)parence de logi([ue, (piand on exann'ne cette his- toire du point de vue de Minayetf. Si la (>)mmnnaiitt''.

(1) M. Vyut. § 200. 21-23.

On sait ([ue la liste des Naihsargikas de la M. Vvut. 260) cor- respond à celle du Pfitimokkha. L'ordre est le même pour les 22 premiers ternies. Voir G. Huth.

(2) M. Vyut. § 260. 12, presana.

84 LE MISÉON. [296

pour (les raisons qu'il ne nous appartient pas d'éclaircir, n'avait pas encore formulé de loi précise sur la monnaie, l'erreur des Vajjiputtakas, leur attitude arrogante, leurs bi'igues, leur lutte, leur condamnation et l'importance qu'elle parait avoir eue, tout cela serait moins extraordi- naire.

« L'or et l'argent sont contraires à l'esprit de détache- ment des ascètes en général ». Aussi Yaças dénonce-t-il aux pieux laïcs les Vajjiputtakas, tout autant comme réfractaires à la discipline religieuse que comme viola- teurs du code de Çâkya : « Ils ne sont ni des Samanas ni des fils de Sakya \ ces prétendus moines qui acceptent de l'argent ».

On peut, dans le même es}n'it, attribuer une portée précise à un des discours que Yaças tient aux laïcs pour justifier ses remontrances (XII. I. 4). Il s'agit d'un entre- tien, d'ailleurs inconnu dans les autres sources, que le Bouddha est sensé avoir eu avec Manicûdaka. Ce person- nage fictif n'est qu'un doublet de Yaças. Un jour, raconte celui-ci, Manicûdaka protesta contre des officiers royaux qui disaient : « L'or et l'argent sont permis aux religieux fils de Çrikya » ; puis, allant ti'ouver le Bouddha, il lui raconta ce qu'il avait entendu dire de la Congrégation, ce (ju'il avait répondu : « En soutenant ce que j'ai soutenu, demanda-t-il au Maître, ai-je parlé suivant la parole de Bhagavat, loin de l'accuser inexactement [d'une doctrine qu'il n'enseigne pas] ? Ai-je parlé suivant le Dharma, loin qu'il y ait quelque chose de blâmable dans mes discours, thèses principales et accessoires relatives aux

(1) M. Vyut. § 278, ahhihu, âçramana, açahjaputrhja.

297] LES CON'CILES Itol KDIIKM KS. 85

devoirs des rolij<ieux ? ' ». On (k'viiic l:i rt'itoiisc (jiic Viiras pirte à Bliagavat.

{\) kdcc' nham hhanie (vam vi/ûlaranulno vuttavddl c'evd bha- (javato Jiomi [,] na ca hhdgavaniani abhRtcna ahbhacikklidmi [;\ ilhammafisa vil anudhaminam vijfllaromi, na ca loci sahadham- miko vndanuvndo gàrai/hant thânam ngacrliati. (Voir lo passage strictement parallèle, M. Vagga VI. ol. 4. La seule différence est que le sujet est au pluriel, et qu'on lit dhammdssn ca au lieu de vil).

Je m'écarte avec regret de la traduction des Vinaya Texts : « Now am I, Lord, in maintaining as I did, one who speaks according to the Word of the Blessed One, one who does not ialsely represent the Blessed One, one ivho docs not put forth niinor matters in the place of the true Dhamma ? And is there anytbing that leads to blâme in siich discussion, this way and that, as touching the obser- vance of the rules of the Order ? b On lit ad VL ;!!. 4 : " Do thoy say the truth of the Blessed One, and do tbey not bcar false witness against the Blessed One and pas;^ of a spurious BJiamma as your Dhamma ? And there is iiothing blameworthy in a dispute like this regarding matters of Dhamma? >!.

M. Kern, auquel je soumets ce passage, croit que le mot anu- dhammam est adverbial. Comparer des passages comme Su. Nip. stance 69, dJiammcsii niccam anudhammacnri ; Dh. pada, stance 20 dhammassa hoti anudhammacàn, et des expressions comme a/.a- tâmidhannno = qui n'est pas traité comme do droit [Cf. M. V'^yut., § 48, 49-50, anndhannapraticàn dhannanndharmapratlpanna]. sahadhammiko paraît généralement avoir le sens que lui donne Childers, « se rapportant aux ordonnances qui lient tous les prêtres ». annvâda = addition corroborative, ou de détail, à une thèse, proposition ou règle, [iinuvnda dans le sens de blâme, voir M. Vagga, index.)

On obtient de la sorte une phrase dont les deux parties sont parallèles : « N'est-ce pas que je parle suivant Bhagavat, et no travestis pas sa pensée ? N'est-ce pas que je parle suivant le Dhamma et ne travestis pas lo Dbamma V r.

J'avais proposé à .M. Kern la version suivante : « Ai-jc proclamé

86 LE MUSÉON. [298

Yaças, Revata, Sarvakrimin ne condamnèrent pas les propositions de Vaiçâlî, notamment \q jâtarûparajata, en invoquant, comme le raconte le Culla, le texte du Prâti- moksa doublé de l'exégèse contenue dans les Yibhangas. Ils les condanmèi-ent, à bon droit, au nom du « Dliarma », parlant et expliquant conformément au Dharma, comme le lit Manicûdaka. A bon droit, disons-nous, car « toute bonne parole est parole du Bouddha » ^ ; et quand le Bouddha aurait ignoré quelque détail, il n'en défend pas moins ce qui est mal ^.

Mais MinayefF nous convie à examiner les faits de plus près.

« Dans les formules techniques spéciales qui désignent les nouveautés de Vaiçâlî, et dans d'autres semblables que l'on rencontre par exemple dans la Mahâvyutpatti, s'est peut-être conservée la forme la plus ancienne des règles du Vinaya, forme qui, dans la suite des temps, se développa par des explications variées en commande- ments (çiksâpada), en règles du Prâtimoksa, etc. » Par le fait, au Imppati jâtanlpanijdtam des Vajjiputtakas s'oppose le principe qui défend le jâtarûparajatasparçana^ .

le corollaire (anudhamma) de la Loi ». Il veut biea la regarder comme possible. Elle ne peut cependant s'appuyer que sur les gloses du Dhp. et de Sam. Pas. interprétées par Childers {dham- mam anvmja dhammànudliammapailpanna, Dhp. p. 378). Je ne sais que faire des six anudharmas de M, Vyut. § 281, 120 ; voir aussi, ibid., § 126, 81, dharmopadharma" .

(1) Voir J. R. A. S. 1902, p. 375.

(2) M. Vagga, VI. 40 : « Ce que je n'ai pas défendu en propres termes est permis ou défendu suivant que c'est conforme ou non à la loi ; ce que je n'ai pas permis......

(3) M. Vyut. § 260, 21 jatarUparajatasparçana ; § 261, 63 ra- tnasamsparça. Cette conjecture de Minayeff n'est certainement pas exacte pour tous les termes visés de la M. Vyut.

^ÎM)] LKS COXJll.KS Itoi DIHIh^ilKS. 87

Qui' i'('iis('inl)l(' (Ir lu It'iiisl.ilioii sur lOi- cl ;ir;^M'iit, Ié{j;islati()ii dans la(|U('lle « l'ospiit mùnic de la (-(»tniiiii- naut(' stMnl)lait en jtMi >> ', ne soil pas (•cilaiiiciiiciil aiil(''- ricur à Vai(,'âil, MiiiayctV I(ï tiiMidra pour assuiv. Mais il v avait pcut-èliT une loi (pii (h't'ciidait <\{' loucher la nioniiait', de iTcevoir rartioiit en main pr()j)i'(', loi (pic nous lisons dans le Vinaya des l)liai'rnai;up(as : « Si un hliiksu pi'cnd avec s(i propre main de For, de l'ariicnl ou nicnic de la monnaie (de cuivre)... » '.

Le Nis. \, la préoccupation est évidente d'éviter le eontaet de la monnaie, est la suite naturelle du [)rincipe ainsi v^neu. De même le piéeepic relatif au voyage, M. Vagga VI. 5i.-2 ^

Les Vajjiputtakas ne i'e(;oivcnt pas rariicnl delà main à la main : ils ont disposé, comme nous avons vu, un vase de cuivre rempli d'eau, au milieu du cercle des frères.

On est donc porté à croire (jue les Vajjijiuttakas tour- nent une loi ti'op spéciale poui' avoir la portée (ju'ellc a accpjise dans la suite. .Mais, car tout est étiaiiiic dans celte atï'aire de Vai(,*rdî, celte impression est tout à coup détruite pai- une constatation hrulale : il s(Mnl)lc liicn. en effet, que la prati(jue des Vajjiputtakas soil conloi'me, sinon au Dliarma, du moins à l'esiirit de la Commuiiauh'. Ce

(1) Oldenberg, Bouddha, trad. Fouclicr* p. 239.

(2) Nis. Pâc. XVIII, apud Real, Catena. Le texte pâli dit peut-être la même chose, uggahheyi/a s'opposani à ufjgahhdpciji/a, faire prendre par un autre, et à upanillhittam S'ifh'ifcififa, faire garder eu dépôt ; mais il est moins clair.

(3j Les fidèles remettront l'argent à un kdppiijalcnraUa qui fera les emplettes nécessaires au moine.

88 Lii MLSÉON. [500

vase, sur lequel on ne trouve pas, que je sache, d'autres renseignements dans le Vinaya pâli ^ et « qui excitait à un si haut degré l'indignation de Yaças », on l'emploie régu- lièrement dans l'église des theras, dans la Sainte Eglise Singhalaise ! Spence Hardy en po)*te témoignage : « In some conspicuous place, there is a large copperpan, into which the alms of the people are thrown » -.

Ce n'est pas seulement en métaphysique que les theras de Ceylan sont gens qui distinguent : vihhajijovf'idin.

Je ne veux pas quitter cette question « monétaire », sans ohserver que le Suttavibhanga, avec un mélange d'hypo- crisie et de naïveté, tourne, lui aussi, les dispositions du Pâtimokkha. On verra, Vibhanga, Nis. xvni '\ l'emploi qu'il fiîut faire de l'argent indiiment reçu par un moine ; comment le Saiiigha, tout en condamnant le moine, entend profiter de la bonne aubaine * ; comment on va jusqu'à inventer une fonction spéciale et délicate, celle

(1) Les Sarvâstivâdins sont plus circonstanciés que le Culla. Le pâtra est frotté d'onguents, parfumé, orné de fleurs ; on le place sur la tête d'un frère qui parcourt les rues et les carrefours, en criant : « Donnez, habitants de la ville et étrangers, ce pâtra est un hhadrapâtra ; donner dans ce pâtra, c'est donner infiniment ..n.

On ne peut pas s'empêcher de penser aux hhadralumhhas de l'Hindouisme.

(2) Détail savoureux que les traducteurs des Vinaya Texts auraient pu mentionner. Sp. Hardy ne dit pas que le vase soit rempli d'eau. Voir East. Mon. p. 233 ; cité par Kern, Gesch. I. p. 248. 1.

(3) Vinaya Texts, I. p. 26 et Oldenberg, Bouddha, trad. Foucher* p. 349.

(4) La punition du moine coupable consiste surtout à ne pas avoir sa part des objets qu'on achètera avec l'argent Sic vos non vobis....

5(1 IJ i.Ks CONCILIAS i»jyhiuiioLi:s. 81)

(le H jclciir d'or ■>, <{iii suppose des (|ii:ilil(''> iiioralrs dt-lcr- miiK'CS, pour riiypothèsc iiivr;iis('inhl;d)lc on un l;nV n<' se cliaritcrait pas d'adiclcr, avec l'ariicnl nimidil, du (c ^iioe » ou de l'Iiuilo pour le Saiiiiilia. M. Oldciihcr^, (|ui aiini', comhiio \o I<'s aime aussi, les nioiucs houddlii- (pics, voil ici (c un scrupule (pii a (picNjUc chose de lou- cliaut ». Sans doute, mais ce scrupule ('tant cond)attu par des préoccupations d'ailleurs h'nilinies, l'ensiMnhle des dispositions peut passer poiii- liien inii('Miieu\.

Parvenus au terme de cet examen, nous constaterons d'abord (pie la (piestion des nouveautés, sont-elles nouvelles? ne sont-elles pas nouvelles ? ne se pose pas pour l(\s disciples de M. Kern et de Minayeff" dans les mêmes ternu's (pie pour M. OJdenberi;.

Celui-ci, étant doiini'es la date et l'autorité (pi'il attri- bue au Culla, ne [)cut pas iiiiiorer en (pioi consistaient les thèses des Vajjiputtakas, ([uand le texte pfdi consent à le dii-e avec une clarté sutlisante. Nous l'avons suivi sur ce terrain et avons examiiié si ces thèses sont on ne sont pas visées dans le \ inaya. 11 est certain (pTelles le sont, |tuis- que les theras les condamnent. Nous avons constaté (pie les nouveautés ï et 5 {àvnsttl.dppd, (uiinnatr) sont |»r(dii- bées en termes précis [)ar le .Mahâvairi^a ; nous avons cru voir (pie la nouveauté 8 ( jnlofii) est atteinte i)ar le Vibhan- ga. Les points 1, :2, 5, !l, IH sont en violation de lois précises sur la nourriture iV////v/i7r/, til.nhi, stniniidlrihnra), sur les dimensions des lits, sur l'argent, (hianl à la nou- veauté (), (die |)eut être rei:ar(l(''e connue ruineuse de tout canon disciplinaire, coninie attentatoire à l'aulorilé du Bouddha et de la (Communauté.

90 LE MUSÉON. [502

Mais, par le fait, même quand le Culla est clair, même quand les trois autres sources (Sarvâstivâdins, Mahîçâsa- kas, Dharmaguptas) confirment son interprétation des (c points » de Vaiçâlî, nous sommes très loin de connaître autre chose que des traditions souvent susj)ectes. Il n'est pas douteux que les thèses sont définies par des auteurs qui, à tort ou à raison, les considèrent comme héréti- ques et qui connaissent les ressources prohihitives du Prâtimoksa ; et dès lors sommes-nous sûrs de l'exactitude de la définition ? Ou, pour mieux parler, que savons-nous avec certitude des nouveautés ?

L'âvâsakappa et Vanumati sont caractérisés dans le Culla par des gens qui ont sous les yeux les règles ecclésias- tiques que Sahbakâmin invoque dans l'espèce. Les mots abliuttâvinCi jxivâritena anatirittam sont introduits dans la définition de Vamatlnta et du gCimantara pour les faire tomber sous la formule de l'aliment « non restant. « De même pour la note « akûla » dans le cas des deux doigts. De même, peut-être, pour le ganahhojaua mis en cause par les Sarvâstivâdins à propos du « village ».

Ajoutez que le contexte, pseudo-historique, du concile, est plus que sujet à caution \

L'argumentation de M. Oldenherg, très faible, même quand on se place à son point de vue, qui se rapproche nécessairement de celui du rédacteur du Culla, quand on reconnaît l'autoi'ité du Culla et le caractère illicite des

(1) Sur ce point, voir les observations de M. Kern et celles de M. Oldenberg. Je doute que le second ait convaincu le premier. Les relations des Vajjiputtakas avec Devadatta d'une part, avec Vrjiputra, élèye d'Ananda, do l'autre, n'ajoutent rien à la vraisem- blance du récit.

")0r)| |,|.:s COXII.KS IlOI IthllK.H KS. 91

nouveautés de V;ii<"ili, pcid loulc .iiitoiilc si on ;il»;iii- doiiiic CCS posliihils.

iNoiis soiDiiics (|ii('l(|ii(' |»('ii i('iiS('i«i;nL'S siirl;i l'iicoii dont los Vajji[nittak!is i-ccui'illaicnt la monnaie des lidrlcs, et il se trouve (|U(' los Siniiliaiais ont recours au ni«Mne vase de cuivre. Si le a sel dans la corne » est une conserve de sel, les Vinayas autoi'isent la provision de sel pour la vie durant. S'il est (jueslion de iiinjicndtre, le iiinj;einl)re aussi est pei-niis. Le tiâuuDitiirti n'est peiit-('lre (jue cette Ibrinc du << repas en trou[»e », (|uc le Pâc. \\\ii autorise; en voyage, comme en plusieurs autres circonstances, mais (jui était al)ominal)le aux ascètes de l'école de Kâçyapa, à ces ûniufidlitih/iil.sus (|ui viennent à la rescousse de Ya(,'as : on ferait preuve d'une lionne volonté excessive en admettant, avec le Dulva, (|ue riKM-c'sie (\v> Vajjiputtakas consistait à piétexter un voyaj;e. \^\unalhitn, (ju'un vain prétexte (XHudliiilila rend illicite, est })ermis en pi'incipe aux moines ; nuiis nous savons (pie certains ascètes le prohibaient : « l'école de Devadatia », dont lurent les moines de Vesrdî (Culla VII. i), condamne les prépara- tions lactées. Le môme Devadatta pi'oscril les couvents {(Ivdsa ?), les « toits »' {cliauun), le voisinage des villages ((lânuinld) ; il ne permet (jue la l'orèt et h le pied d'un ai'bre » ; il interdit ïadasdl.a ; il interdit le sel '.

J'admii'c (jni ose prendre parti dans de t<'llcs condi- tions '^ Peut-être les « nouveautés » de Vai^rdi sont-elles

(1) Wass. p. 5(1 : « Eriauern wir uns don duukclii Berichte Uber Devadatta iind dessea Sciiule, welche deo Gebrauch des Salzcs verbot.... » ; voir ci-dessus p. 81, d. 2.

(2) Peut-on tirer parti des renseignements fournis par M. Huc- khill (Life p. 50) : " The Dulva informs us thaï thc most important rules of the code, which was aftcrwards callcd the Prfuimoksa,

92 LE MUSÉON. ['50 ï

inconnues, avec leurs noms spécifiques, dans nos Vinayas, non pas parce la rédaction du Vinaya est antérieure à Yaiçâlï, mais bien parce que la Communauté qui a rédigé le Vinaya pratiquait elle-même les nouveautés illicites, introduites et sanctionnées par le cousin de Devadatta. En soi, l'hypothèse n'a rien d'absurde ; et elle est dans une certaine mesure confirmée par les vagues indications que nous possédons sur l'état primitif de la Communauté.

Nous ne croyons pas que le Pâtimokkha, tel quel, avec les Vibhangas et les Khandhakas, existait certainement avant Vaiçillï ' : « Ceci est de la poésie encore que ce soit

were only formulated wbea Devadatta commencod sowiog strife among the brethren, some ten or twelve years before the Buddba's death. At ail events, our texts led us to suppose tbat until after the conversion of Prasenajit tbe mendicants of the Order did not live together, aud that tbe only rules laid down for their guidance were tbat tbcy were obliged to beg their food, that tbey must observe the ordinary rules of morality (tbe çlla precepts), that tbey must own no property, and that tbey must prcach to ail classes of people. »

(1) Vinaya Texts, I. p. xxii : « Tbat tbe différence of opinion on tbe Ten Points remain altogetber unnoticed in those parts of tbe collection where, in the natural order of things, it would be obviously referred to, and tbat it is only mentioned in an Appendix where tbe Council hold on its account is dcscribed, shows clearly, in our opinon, that the Vibhaùga and the Khandhakas (save the two last) are older than the Council of Vesâlï ».

Il y a bel âge que M. Kern a relevé « certaines preuves de Tigno- rance des auteurs des deux Vaggas et du Suttavibbanga tellement fortes qu'elles ne peuvent s'expliquer que par la supposition que ces deux ouvrages sont d'une date bien plus récente que le lèglc- ment lui-même n. (Gesch., IL p. 10.)

7i{)i}\ ISS CONÇU. r.S liol hlHIK.iLKS. ÎK"»

écrit en proso ». .Mais l'aiiricinieté dos livres de di.scipliiic n'en est pas moins ()lus (jne pi'obaMe.

M. Kern a dénionli'é, en etï'et, (pie le Vinaya n est, dans beaucoup de ses pailles, (pu» la li-ansposilion des rèjj;k'S brahniani(pies el jainas '. D'autre part, nous savons, ou croyons savoir, (pie b; Bouddba lut [)lut(*)t « bavai'd », et il n'est pas impossible (pie le Bouddha liii-ni(''ni<' cl b.' Saiiiiiba, dès son aurore et dans ce grand trouble (pii suivit la mort du Maître, aient tendu à assurei- l'origina- lité b()uddbi(pie vis-à-vis des autres sectes -.

Kt ce n'est i)as assez dire, i^a Communauté, nous l'avons déjà dit, com})rend deux classes de religieux (|ui prirent leur refuge dans .le Bouddha, les ûraniialidblnLsus, dont Devadatta, pci'e des Dlintângas, l'ut avec Kâ(;yapa le légen- daire patron '' ; les hhilisus, ({ui constituent le centre de

(1) Brahmacarins, bhiksus, vânaprasthas, vaikâna.sas, jatilas, agnikas. Cette démonstration a été faite pour la première fois d'une manière complète dans Gesch., vol. II, premiers chapitres. Voir Minayeff et Oldenberg (Old.-Foucher*, p. 328) qui signale les remarques comparatives de Jacobl, Sacred Books XXII, p. xxiv et suiv.

Sur le développement des institution.s disciplinaires, voir Olden- berg, loc. cit. L'auteur, à notre avis, gâte par l'intransigeance de son orthodoxie les vues les plus ingénieuses du monde.

(2) Kern, Man. p. 74 : « In gênerai it may be said that the whole organisation of the Saùgha and a good deal of the rules for monks and nuns, if we may trust the canouical writings, werc intro- duced by imitation or by accident. The Master is less a legislator than an upholder of the Law......

(3) Voir Sp. Hardy, Manual, p. .^20 ; et ci-dessus p. 81, n. 3 ; aussi 39, n. 4.

Fa-hien raconte que les disciples de Devadatta, ses contempo- rains, honorent les trois avant-derniers Bouddhas, mais non Çâkyamuni (Beal, p. 82, cité par Rockhill, Udâna, p. 204).

94 LK iMUSÉON. [30G

la Coiiirniinaiité, et dont le Bouddha eonfia l'orifanisation diseiplinaii'e à lîpâli \ La divergenee des vues de ces deux groupes ne pouvait que hâter la codification de deux règle- ments.

Nous possédons ces deux règlements, et s'il est ditïicile de fixer leurs lointains antécédents, leur histoii'e dans le Bouddhisme et leurs relations réciproques, il est aisé de reconnaître les deux tendances qui les dominent. D'une part, les quatre « ressoui'ces » ou « points d'appui » {nissaija, niçrcnjn) de la vie religieuse : en fait d'aliments, les bouchées reçues en aumône ; en fait de vêtement, la robe faite de haillons ; en fait de maison, le pied d'un arbre ; en fait de médicaments, l'urine décomposée '. Et

(1) Sur le rôle d'Upâli, voir les textes (not. CuUa VI, 13. Ij cités daas Viaaya Texts, I p. xii et xiir. Aussi suggestifs sont les documents qui vont jusqu'à substituer Upâli au Bouddha en ce qui regarde la promulgation du Vinaya, aussi décevante est la conclu- sion des traducteurs : « Ttiere may well be some truth in this very ancient tradition that Upâli was specially conversant with the Kules of the Order ; but it would be liazardous on that account to ascribe to Upâli a share, not only in the handing down of existing Rules, but in the composition of the Pâtimokkha itself ». Par contre, on remarquera la légèreté avec laquelle est manié le lourd argument a sllentio, p. xiii, note 3.

(2) Les nissayas sont déclarés à tous les moines aussitôt après l'ordination : si on les leur déclarait avant, personne ne voudrait être moine ! (M. Vagga L 30) ; ils constituent l'idéal de la vie religieuse. Les bhiksus sont libres de suivre ou de mépriser les Dhïitas. Parmi les arhats de Vaiçâlî (Méridionaux et Âvantakas), quelques-uns seulement, comme nous l'avons vu, p. 50, pratiquent les dhîitas 8, 3, 1, 2. Il est clair cependant, dit M. Kern, que les six premiers dhûtas n'ont rien de spécial aux âranyakas.

Les trois premiers nissayas correspondent aux Dhûtâiigas 2, 1, 9 de la liste pâlie. Sur ceux-ci, voir Kern, Mau. p. 75, Les femmes sont nécessairement exclues des nier ay as.

^07] i.Ks CONÇU. i:s itui dihik.h ks. 95

le Bouddha diM-larc (juc tout le i-cstc, repas eu ville, vêle- ments |H'0|)reiMeiil coiilectioiiiK's, inoiiastèivs et j;rottes, ^liee, heurre ou huile, sont choses de troj) iatircLdlâhlia), e'est-à-dire, si l'on veut, des dispenses (extra-allowanees). Ce sont à eouj» siïr des dérogations au çrûnKiinju.

D'autre part, -j'ai en vue la rè-le |tlutot (jue l'orga- nisation de la confrérie ', le l*r;itiinoksa n'est, lui aussi, senible-t-il, (|u'une traduction dc^s axiomes essentiels de l'ascétisme hindou, mais une traduction !)eaucou[> moins intégrale. On n'est un rranuuKt (ju'à la conditon de se conformer aux principes immémoriaux (h; chasteté, de pauvreté, de tempérance, d'obéissance aussi, du moins jtour les novices et dans certaines limites. Mais il y a manière de comprendre ces principes. Or il send)le bien que le Prâtimoksa, non seulement ignore les niçrmjas rigoureux -, mais encore apporte de nombreux adoucisse- ments aux [U'ohibitions de nourriture anatirikUi ■^ ou saninidhllîâru, de (jandhiiojdiia, et sans doute aussi à plu- sieurs autres.

A son toui', la discij)line telle qu'elle apparaît dans

(1) Peut-être, ea effet, y a-t-il un élément i)lus personnel dans l'organisation du Saihgha que dans la règle disciplinaire V

(2) La loi des trois cïvaras, sans plus, qui est un des dhûtas (u° 2), est, au fond, contradictoire au dhûta 1 (vêtement tait de haillons). Ce premier dljûta est hindou ; le tricïvara est bouddhiste par définition. Le Nis. xiii, qui ordonne de coudre au nouveau cïvara un morceau de l'ancien (ci-dessus p. 81), accuse nette- ment l'opposition du Prâtimoksa et des dhûtas.

(8) Vanatirilda paraît d'être une variante du hhaluimrcddbhak' tika (Dbûta 7) ; voir Kern, p. 76 et Childers.

La provision de •< médicaments » permise Nis. xxiii ; le gand' bhojana autorisé Pâc. xxxii.

9() Li: MUSÉON. [308

les Kliandliakas, est construite en marge des règles du Prâ- timoksa, faite d'aeconiinodations diverses et quelquefois disparates \

Il n'est pas déraisonnable, non seulement de croire (jue le plus grand nombre des éléments de ces deux codes de discipline sont anciens, alors même qu'ils s'accordent médiocrement entre eux, mais encore de reporter très baut l'époque de la rédaction de ces codes. Qui sait si les anciens Tatliâgatas n'y ont pas collaboré ?

En tout cas, le Bouddba n'a pas parlé en vain quand il a permis au Saihgba de déterminer, en l'absence de règles émanées de lui-même, ce qui est licite et illicite ; quand il a remis à ce même Saiiigha le soin d'écarter les règles petites et très petites ; quand il a félicité Maniciidaka d'avoir raisonné en conformité avec le Dharma. Sa propre vie fournit deux images opposées de la vie religieuse {çrâ}nauija). La légende veut qu'il ait été un moine nu et un pénitent avant de découvrir le cbemin milieu entre

(1) Comparer le Pâc. xxxx, défense de prendre ce qui n'est pas donné, et rautorisation de prendre des fruits, M. Vagga (ci-dessus, p. 80).

Le Pâc. XXXIX défend, sauf maladie, ghee, beurre, huile, miel, mélasse, poisson, viande, lait, caillebotte M. Vagga, VI. 31, permet viande et poisson « unheard, uuseen, unsuspected ». Voir Kern, Man. p. 84 et sa note : « The Buddha himself is represented as eating the pork expressly prepared for him by Cunda, and thus proved ipso facto that he was no Buddhist ».

La question de la viande dans le Grand Véhicule, voir Chavannes, lleligieux Émiuents, p. 48. Ibid. p. 49, la note sur bhojan'tya.

Observer qu'il est plus grave de conserver les médicaments au delà de la semaine, que de faire provision d'aliments quel- conques !

309] LES CONCILES BOLDDIllyUES. 97

l'ascétisme insensé et la vie du siècle. Le point discipli- naire sur lequel les textes sont le plus foi-niels, c'est la condamnation de la nudité '. Pour le reste et le détail, le Maître s'en remet à l'interprétation que doimera l'Eglise de l'Octuple Chemin. Que Sona, si délicatement élevé que des poils ont poussé sous la plante de ses pieds, s'arrange avec Kâyyapa qui frémit encore d'avoir renoncé au grand tajMis !

Il y aura, avant et après Vaiçâli, quelle que soit répo(iue de Vaiçfdl, des chefs d'école, des novateurs si l'on veut, les uns relâchés, les autres rigoristes, « dont le souvenir ne s'est pas même conservé dans le Saihgha houddhique »^ Il en est, cependant, quelques uns ({ue l'on pourrait nom- mer, surtout parmi les derniers. Et, dans ce sens, on peut

(1) M. Vagga, VIII. 15. 7, 28. 1 ; ci-dessus p. 11. 4.

(2) Minayeff, p. 51. « Tel moine, après s'être librement soumis au régime ascétique, commun dans tous les traits fondamentaux aux bouddhistes et aux solitaires ou aux pénitents forestiers du brah- manisme, pouvait se mettre à prêcher la légalité, la piété d'actions contraires à l'esprit et au sens véritable des commandements qu'il avait accepté d'accomplir, mais dont l'interdiction n'était encore formulée en termes précis dans aucun code » ; conséquence pro- bable « d'une certaine démoralisation produite par la vie en commun des moines » ; il pouvait aussi, ajouterons-nous, s'ingénier à éluder les termes précis d'un code.

« Comment expliquer que ces écarts se soient produits dans la

confrérie de Vaiçâlî ? Furent-ils la suite de la démoralisation ?

Ou bien ces nouveautés, au fond, ne furent-elles ni des nouveautés, ni des dérogations à un code quelconque de règles disciplinaires, par cette raison qu'un tel code n'existait pas dans la commu- nauté....? On peut encore croire que l'apparition parmi les ascètes de cette répugnance pour le détachement et l'austérité était due aux deux causes à la fois...».

98 LE MLSÉ03I. [310

dire avec Minayeff, et sans imprudence, que les diverses prohibitions des Vinayas résument sous une forme con- cise, condensée, l'histoire d'une série de conflits.

L'erreur consisterait à croire que le Prâtimoksa n'est autre chose que la mise au point des solutions successi- vement adoptées. En tant que construction théorique, destiné à être légalement violé avant comme après sa rédaction, le Prâtimoksa est peut-être contemporain des premiers Vinayadharas. Cela ne veut pas dire, par exem- ple, que la conserve de sel, permise dans le iMahâvagga, était défendue à l'époque oii le Prâtimoksa, qui l'ignore, fut rédigé. La provision hebdomadaire des bliaisajyas, per- mise dans le Prâtimoksa (Psis. xxin), bien que toute provision soit interdite (Pâc. xxxvni), n'est pas néces- sairement une interpolation tardive : on a très bien pu, tout en répétant, par acquit de conscience, un axiome du çrâmanya, noter un adoucissement que le Bouddha, ou le Samgha, aurait solennellement autorisé.

Il semble que l'épisode des Vajjiputtakas et de Yaças- Revata-Sarvakâmin, si gênés que nous soyons de le carac- tériser, appartienne à cette histoire obscure des anciens conflits disciplinaires. Reconnaître dans les dix points des dérogations au Vinaya de Vattâgamani ou au Vinaya tibé- tain, nous nous y refusons décidément. Peut-être se trom- pera-t-on moins gravement en cherchant à découvrir, sous cette tradition bigarrée, incertaine d'elle-même, lézardée, remaniée, transposée peut-être dans son ensem- ble, un vieux fond de souvenirs authentiques relatifs à la lutte des âranyakas avec les h/iik§us ou à des conflits des binons et des âranyakas entre eux.

Un dernier mot. Autre chose les prohibitions du Prâti-

«

511] LES CONCILES IJOLDDHIyLES. î)0

mokça, autre; chose les ordonnances relatives à la consti- tution (le 1 Ordre. MinayeH' le reconnaît, bien iju'il semble l'oublier par endroits. MM. Hhys Davids et Oldenberj^ ont assez bien dit « tliat (lotania's disciples, froni the very bcginning, were niucli mon; tlian a free and unl'or- mal union ol' inen beld togetlier inerely throuixh tlieir common révérence l'or ihcir Master and through a com- mun spiritual aim. They formed rather, and from the fîrst, an organised Brotherhood » '. L'histoire du Boud- dhisme devient fort obscure si l'on conteste ce point '^ \ si, d'ajuès Minayetl', on se représente le Saiiigha, à la mort du Maître, comme « un groupe d'ascètes n'ayant ni doc- trines claires ni institutions disciplinaires définies » '. La docti'ine n'est pas claire, ni la discipline définie ; mais il y a autre chose qu'un groupe, il y a une fi'aternité, ou plutôt, car le pluriel est de rigueur ^ il y a des fraternités dont Kâçyapa, Upfdi, Ânanda, Purâna seront les chefs.

(1) Viaaya Texts, I, p. xii (It seems to us tbat Gotama's dis- ciples ). Cette apj)réciatioa n'est pas parfaitement exacte,

parce que la révérence due au Maître ne fut pas comprise par tout le monde de la même manière, ni non plus le but spirituel prêché par le Bouddha. On a tort d'ignorer les Lokottaravâdins et les laïcs, discii)les, eux aussi, du Bouddha ; 2" parce que les élé- ments groupés par le Bouddha sont multiples et divers. Parmi les moines revêtus de la triple robe, il y eut des solitaires, des bandes d'ascètes errants, des fraternités sédentaires. L'organisation du Sanigha n'a jamais enfermé tous les moines bouddhistes dans des règles uniformes.

(2) On peut d'ailleurs se demander s'il est nécessaire d'y appor- ter une clarté qu'elle ne comporte guère ? Renan a très mal dit qu'une explication vaut un document.

(3) Miuayeff, Recherches, p. 40.

(4) Comme M. Oldeuberg le dit très bien, Old.-Foucher*, p. 334.

100 MUSÉON. [512

Ces fraternités sont indépendantes, mais elles ne restent pas sans rapports. Les liis de Çâkya ne constituent qu'une famille. L'histoire de Vaiçâlï nous renseigne sur l'inter- vention d'un saint dans les affaires d'une communauté dont il ne fait pas partie, sur le contrôle par des âranya- kabliiksus des us et coutumes d'une communauté séden- taire ; elle met hors de doute la solidarité des divers groupes toujours ouverts aux visiteurs. Tout le monde bouddhique fut, nous dit-on, représenté à Vaiçâlï : il faut bien, pour expliquer l'unité relative des Ecritures, admet- tre l'efficacité des efforts centralisateurs.

315] LES CONCILES ROUDDOIQUES. 101

Appendice.

LES DIX P(3INTS DE VAIÇÀLI (Kandjouu, Dulva, tome 102 ')

I

Sans-i'gyas bcom-ldaii-hdas yoi'is-su-mya-nnn-Ias lidas- nas lo brgya-dan-bcu lon-tc /rgyal-bahi ni-inanub-pa dan / Yans-pa-can-gyi dge-slon-rnams-kyis run-ba-ma-yin-pabi gzhi beu-po mdo-sde-his bdas / bdul-ba-las bdas / ston- pabi bstan-pa-daii-bral-te/nido-sdo-la nii-bjug / bdul-ba-la mi-snaii / chos-nid-dan-hgal-l)a pbyun-ste / de-dai;-la Yaiis-pa-can-gyi dge-slon-rnams-kyis run-l)a-nia-yiii-pa-la run-bar yons-su-ston-cin kun-tu-spyod / rab-tu-spyod- de / beu gan zhe-na /

Yans-pa-can-gyi dgo-slon-rnams-kyis a-la-la zhes-bya-ba ni run-bar byas-nas nii-hthun-pas chos-ma-yin-pa dan / hthun-pas clios-ma-yin-pa dan / nii-btbnn-pas [300 b] chos-kyi lasbyed-de/ lidi ni gzbi dan-po mdo-sdc-lashdas / hdul-ba-las bdas / ston-pabi bstan-pa-dan-bral-te / mdo- sde-la mi-hjug / bdul-ba-la nii-snan / cbos-nid-dan-bgal- te/ Yans-pa-can-gyi dge-slon-rnams-kyis run-ba-ma-yin-pa run-bar yoiis-su-ston-cin/ kun-tu-spyod/ rab-tu-sjjyod-do/

/ gzban yan Yans-pa-can-gyi dge-slon-rnams-kyis « tsbe- dan-ldan-pa-dag rjes-su-yi-ran-bas / rjes-su-yi-ran-bar byos-çig » ces ne-bkhor-gji dge-sloh-rnams rjes-su-yi-ran- bar byed-du hjug-cin rjcs-su-yi-ran-ba run-bar byas-nas

(1) Édition rouge. Ce texte a été transcrit par M. le D"" P. Cordier qui m'a donné d'utiles avis pour la traduction.

102 LE MUSÉON. [514

mi-mthun-pas / chos-ma-yin-pa dan / hthun-pas chos-ma- yin-pa dan / mi-mthun-pas chos-kyi las byas-te / hdi ni gnis-pa mdo-sde-las hdas / hdul-ba-las hdas / ston-pahi hstan-pa-dan-bral-te / mdo-sde-la mi-hjug / hdul-ba-la mi-snan / chos-nid-daii-ligal-te / de-dag-la Yafis-pa-can- gyi dge-slon-rnams-kyis lun-ba-ma-yin-pa-la run-bar yons-su-ston-cin / kun-tu-spyod / rab-tu-spyod-do /

/ gzhan yaii [307 a] Yaiis-pa-can-gyi dge-slon-rnams- kyi[s] raii-gi lag-gis sa rko-zhin rkor hjug-par spyod-pa run-bar byed-pa-ste / hdi-ni gzhi gsum-pa mdo-sde-las rab-tu-spyod-do /

/ gzhan Yan yaiis-pa-can-gyi dge-slon-rnams-kyis ji-srid htsho-bahi bar-du byin-gyis brlabs-pahi tshva-ru dus-su run-ba dan Ihan-cig bsres-nas kun-tu-spyod-ciii tshva run- baho zhes byed-pa-ste / hdi ni gzhi bzhi-pa mdo-sde-las rab-tu-spyod-do /

/ gzhan yan Yans-pa-can gyi dge-slon-rnams-kyis dpag- tshad dan dpag-tshad-phyed-du son-ste / hdus-çin zas zos- nas lam-gyis run-bar byed-de/hdi ni gzhi Ina-pa mdo-sde- las rab-tu-spyod-do /

/ gzhan yan Yans-pa-can-gyi dge-slon-rnams-kyis Ihag- marma-byas-pahibzah-ba dan bcah-ba sor-mo gnis byas-te zos-nas sor-mo gnis run-bar byed-do / hdi-ni gzhi drug-pa mdo-sde-las rab-tu-spyod-do /

/ gzhan yan Yaiis-pa-can-gyi dge-slon-rnams-kyis srin- bu-pad-ma bzhin-du chan bzhibs-te hthuns-nas nad-pas run-bar byed-de / hdi ni gzhi bdun-pa mdo-sde-las . . hdul [507 b]-ba-la .... rab-tu-spyod-do /

/ gzhan yaii Yaiis-pa-can-gyi dge-slon-rnams-kyis ho-ma bre gan dan zho bre gaii dkrugs-nas dus-ma-yin-par za- zhin bsres-pas run-bar byed-de / hdi ni gzhi brgyad-pa mdo-sde-las rab-tu-spyod-do /

315] LES CONCILES BOL'DDniQUES. 105

/ gzhan yaii Yans-pa-can-j(yi dgo-slofi-rnams-kyis gdih- ba rnin-pa l)(l('-l)ar {^çegs-pahi iiitlio jjan-^is hldior-pas ^din-pa sar-pa-la ina-klau-pai- yoMS-su-I(jns-s[)yod-par byed-cin / gdiii-lias run-bar byed-do / bdi ni gzhi dgu-pa mdo-sde-las rab-tu-spyud-do /

/ gzban yaii Yans-pa-can-gyi dge-slon-rnams-kyis Ihun- bzed gan-dag zluin-[)o dag-pa spyod-par hos-pa de-dag di'is bskus-nas bdug-pa zhiin-por bdug-ste / me-tog dri- zhim-po sna-tshogs-kyis mdzes-})ar byas-pa dge-slon-gi mgo-bo-Ia klH'ihLi-staii-dan-l)cas-pahi ' ston-du bzha^^-nas hiin-po-cho dan sran dan / bzlii-nido-dag bskor-nas hdi- skad ces gi'ags-so / « gron-khyer dan yul sna-tshogs-nas hons-pahi skye-bo man-po Yans-pa-can-na gnas-pahi çes- Idan-dag fion-cin / Ihun-bzod hdi ni Ihun-bzed bzan-po yin-te / hdir byin-zhin <;in-tu-l)yin-nani / gan-gis bdir glugs-pa byas-pas hbras-bu chc-l)a daii / phan-yon che-ba dan / bi'tson-pa chc-ba dan l'gya-cbe-bai' bgyiir-i'o » zhes- pa daii / dcr dbyig dan / gsei'-dah / rin-i)o-che gzban de- dag kyan rned-ciri thob-nas de-la loris-spyod-cirigser dnul- gyis ruri-bar byed-de / bdi ni gzhi bcu-pa mdo-sde-his . . . . ston-pahi [508 a] . . . rab-tu-spyod-do /

II.

Cent-dix ans après le nirvana du Bouddha, le soleil du Jina déclina et les moines de Vaiçâlî firent apparaître dix prati(jues illégales, contraires au Sûtra et au Yinaya, ré- pugnant à renseignement du Maître, étrangères au Sûtra, inconnues dans le Viiuiya, contradictoires au Dbarma.

(1) L'édition rouge porte chas-pahi ; naisla conjecture de M. P. Cordier, bcas, est coulirni6e i)ur l'cdiliou noire (luc M. F. W. ïliomas a bien voulu examiner.

404 LE MUSÉON. [316

Ces pratiques illégales, les moines de Vaiçâlï les enseignè- rent, les pratiquèrent, les suivirent comme légales.

Quelles étaient ces dix pratiques ?

Les moines de Vaiçâlî, ayant rendu légale l'inteijection : Aho !, accomplissaient un acte ecclésiastique illégalement dans un samgha incomplet, illégalement dans un saiiigha complet, légalement dans un samgha incomplet. C'était la première prati(|ue, contraire au Sûtra et au Vinaya, répugnant à l'enseignement du Maître, étrangère au Sûtra, inconnue dans le Yinaya, contradictoire au Dharma, que les moines de Vaiçâlî, bien qu'elle fut illégale, ensei- gnaient comme légale, pratiquaient, suivaient (i).

En outre, les moines de Vaiçâlî, disant : « Vénérables [frères qui étiez absents], approuvez par approbation », faisaient approuver [les résolutions prises par le Samgha incomplet] par les moines de la paroisse, et rendant légale l'approbation, accomplissaient un acte ecclésiastique... (2). C'était la seconde pratique, contraire au Sûtra

En outre, les moines de Vaiçâlî, creusant la terre de leurs mains, rendaient légale la pratique de creuser la terre. C'était la troisième pratique, contraire au Sûtra.... (3).

En outre, les moines de Vaiçâlî pratiquant le sel conservé en provision pour la vie durant et mélangé avec les [aliments] convenant au moment, rendaient le sel légal. C'était la quatrième pratique, contraire au Sûtra.... (4).

En outre, les moines de Vaiçâlî s'étant rendus à un yojana et demi, mangeant en troupe, rendaient légal [le repas en troupe] à raison du chemin. C'était la cinquième pratique, contraire au Sûtra.... (5)

En outre, les moines de Vaiçâlî, mangeant « en faisant

3i7j LFS CONCILKS BOIDDIIIQUES. 105

deux doiijts » (?), des aliments des deux sortes « non restant » {alirtaniril^lo), rendaient lé{^ale |Ia pratique desj deux d()ii;ts. C/étail la sixième praticjue, contraire au Sûtra... (g).

Kn outre, les moines de Vai(;rill, buvant de la li([ueur forte en suçant comme les sanjçsues, rendaient légale [la li(}ueur forte] à raison de maladie, (l'était la se[)tième pi'ati(|ue, contraire au Sûtra (7).

En outi'c, les moines de Vai(;rilï, ayant ai!;i une pleine mesure {drona) de lait frais et une pleine mesure de lait caillé, mangeant [cette prépai'ation] en dehoi's du temps, rendaient légale [cette pratique] à raison du mélange. C'était la huitième pratique, contraire au Sûtra.,.. (s)

En outre, les moines de Vaiçfdî, employant une natte neuve, sans avoir attaché autour une bande, large d'une coudée de Sugata, prise à la vieille natte, rendaient légale la natte. C'était la neuvième pratique, contraire au Sûtra.... (9).

En outre, les moines de Vaiçâlî, prenant des vases à aumônes qui soient ronds, purs, dignes de culte ; les ayant oints d'odeurs, parfumés de parfums, ornés de diverses fleurs odorantes ; les plaçant sur la tète d'un moine [ou de moines] munie d'un coussin ; parcourant les routes, places, carrefours, disant : Citadins et vous qui êtes venus de tout pays, nombreux habitants de Vaiçâlî, vous qui êtes sages, écoutez ! Ce pâtra est un jxltra « porte- bonheur » [hliadra). Y donner, c'est donner beaucoup ; ou bien qui le remplira obtiendra un grand fruit, un grand avantage {anuçamsa) , une grande activité, un grand déve- loppement ». Et recevant dans ce [vase] or, argent, pierres précieuses, ils en jouissent et rendent légal l'or et l'argent. C'était la dixième prati(|ue, contraire au Sûtra (io).

106 LE MUSÉOM. [518

(1) Le tibétain suppose un texte : vrjagrena [samglienà] adhâr- mikam^ samagrena adhânnilam ca, vyagrena dhdrmilam ca karma Tîaronti.

La comparaison avec M. Vagga IL 14. 2 et IX. 2. 1 laisse peu de doute sur le sens de ce passage qui a vainement exercé la sagacité de M. Rockhill (Life, p. 171 et note). Il s'agit d'un acte ecclésiastique (kamma = las), Uposatha ou autre, qui, dans le pâli, est dit complet ou incomplet {vagga, samagga) suivant que l'assemblée est complète ou incomplète, légal ou illégal {dham- mena, adhammena) suivant qu'on observe ou qu'on n'observe pas les règles relatives à la natti, présentation de la résolution à pren- dre, etc. (IX. 3. 1). Des quatre catégories adhammena vagga, adhammena samagga, dhammena vagga, dhammena samagga, la quatrième seule est autorisée.

Les moines de Vaiçâlï pratiquent les trois premières, en cela imitateurs des moines de Campa (IX. 2) et des illustres Six {chah- haggiya, IX. 3). Le rédacteur du Dulva ne l'ignore pas, car, quand Yaças demande à Sarvakâmin oii cette pratique a été défendue, le vieillard répond : « Dans la ville de Campa » « A quel sujet ? » « En raison des actes des Six ». « Quel genre de faute est- ce? » « Un duhhrta ». Le même passage du Mahâvagga {Campeyyaka vinayavatihu) est visé dans le CuUa pour la condam- nation de la cinquième pratique (anumati).

Comparer Abhidharmakoçavyâkhyâ, Soc. As., fol. 329 b 5 : mandalasïmâyâm ekasyâm hi sîmâyâm prthakkarmakarauât sam- ghadvaidham bhavati. sïmâbandha, Div. 150. 21, M. Vyut. 245. 420.

Reste à savoir quel rapport peut exister entre cette pratique, voisine de Vâvâsakappa, et l'interjection aho.

(2) Il est, croyons-nous, question d'anmnati, comme le prouve la répétition des formules sur le Samgha incomplet. Le mot anumo- danâ met en lumière le rapport entre approhation et « enjoymentn , « ix) amuse oneself «, de Rockhill. Le texte visé en vue de la con- damnation est le même que précédemment.

(3) Condamné par Pâc. x (lxxiii dans Dulva). D'après Sarva- kâmin, la thèse avait été condamnée à Çrâvasti à propos des Six. Dans le Vibhaùga pâli, les ÂZavikas sont en cause. Cette pratique

519| LES CONCILES BOUDDHIQUES. 107

manque dans les autres sources. Elle est remplacée par Vacinna- Jcappn, un des points les plus obscurs de cotte obscure tradition et contre lequel, comme nous l'avons vu, aucun texte n'est allégué.

(4) D'après Sarvakrimin, condamné i\ Riijagilia, à propos de Çûriputra. Si les tibétanisants pouvaient, sans quelque impu- dence, s'autoriser du principe des latinistes : « nobis et ratio et res ipsa ceutum codicibiis potières siint », ou aimerait à lire : ... dus-su ma ruù-ba daù .... = yâvajjiviJcam adhisiihitena lavanena saha (ilàlahâni ... = ajoutant du sel mis en réserve à des aliments dont l'heure est passée, à l'effet de rendre légaux ces aliments interdits... . L'explication dos Sarvâstivâdins concorderait avec celle des Dharmaguptas et des Mabîçâsakas (voir ci-dessus p. 28.3). Pour à/.Y7?//irt, (ahllil-a) « abstraction laite du temps », voir M. Vyut. G3. 15 (et le lieu commun sur les caractères du Dharma) ; pour aJcâlaJca dans un sens exactement opposé à celui que nous attribuons ici à ce mot, Div. Av. 130. 22 nliàlahlni sajjlhrtTini = on prépara de ces aliments (bhaisnjijaf;) qu'on peut prendre en dehors du temps, Tant en raison du samdhi qu'en raison du sens et des variantes ahlJila et àliàllka (de a-hâla), âJcdlika (de U-lflla), on peut expliquer la lecture dus-su ruh-ha pour dus-su ma-ruh-ha.

(5) Condamné à Râjagrha, à propos de Devadatta. (hdus-çiù za- hdi = (jan(ih]iojana, M. Vyut. 2G1. 40 D^ P. Cordier).

(6j Condamné à Crâvasti à propos d'un grand nombre de moines. (Ihag-mar ma byas-pahi hzah-ha ^ a]irtaniriJ;falJiada)ia, M. Vyut. 261. 28 D' P. C).

(7) Condamné à Crâvasti à propos du vénérable Svâgata {Icgs- ohs ; Suratha, d'après Rockhill). Comparer le Sâgata de Vibh. Pâc. Li ; mais la scène n'est pas à Crâvasti.

(8) Condamné à Crâvasti à propos de plusieurs moines.

(9) Condamné à Crâvasti à propos de plusieurs moines. D'après le texte : « .... rendaient légale [cette pratique] à raison de la natte ».

(10) Condamné comme Xailisargika, dans un grand nombre de textes (Vinaya, Dïrgha, Madhyama, etc.).

Ici les difficultés abondent : 1" Il est d'abord question do plu- sieurs vases (gaû-dag .... de-dag) ensuite de « ce vase » (hdi). 2" Les

108- LE MUSÉON. [520

épithètes des vases sont bizarrement accolées. Le texte rouge porte : dge-sJch-gi mgo-ho-la Jchrilm-stmi-dah-chas-palu steh-du hzliag-nas ; khrihu = siège (maùca, pîtha, pïthikâ, M. Vyut. 273. 92), stan = natte (âsana), khri-sfan = âsana, mafica-pîtha, cMs = vêtement (chas-gos) et, en général, ustensiles «« things, tool, requisites » mgo steh de hehag = alicui opus imponere (Desgodins) Si steh-du = ched-du^ on a : « plaçant le vase à la tète du Samgha en vue d'obtenir chaises et nattes et ustensiles » (?) Mieux vaut faire de khrilm-stan un coussin et lire dah hcas-palii avec l'édition noire, soit : « muni d'un coussin n = « then they put a mat on a çramana's head and on it (the bowl) « (Rockhiil) « einen runden Betteltopf..., auf das Haupt eines Çramana stellen » (Schiefner ad Târ. p. il). L'instrumental gser-dhul-gyis est ana- logue à celui relevé note 9 « en raison de la natte ».

On peut comparer utilement M. Vyut. 239. 2.5 et suiv. gandha- mâlyena mahïyate, abhyarhitara, dhûpauirdbûpitam, sampûjitam, pïijyapïijitam, mahitam, abbiprakiranti sma, jïvitopakaranam, glânapratyayabhaisaj yam , sukhopadhânam .

32i] Li:S CONCILES BOUDDHIQUES. 100

Additions et Corrections.

p. 1, u. M. C. BeudiiU pense ù une leçon Çuhhananda pour

expliquer la tonuo BhfDianda. p. G, Q. 1. khandaphuUa, voir M. Vyut. 282. 225. p. 6, n. o. D'après la Tib. Lebcnsbeschreibung, p. 30.5 et note 75,

le séjour de Gavûmpati s'appelle çih-ça-ri-kahi gzhal-

mcd-khah = le vimâna de l'arbre rarika. « Es muss

also wohl einen besonderen liaum dièses Namens

geben n Plutôt çlrlm^ çirlsikâ. Dans la même source la récitation des Sûtras précède

celle des Vinayas. p. 9, Mahâsrimgiiikas, ^'\ La Tib. Lebcnsbeschreibung porte :

" Du hast einem Ehepaare Geheimlehren mitgetheilt ». p. 12, n. 2, Voir hrahmadanda dans Pet. Wort. p. 17, 1. 4. lire ausgesprochen. p. 25, n. 2. Lire ascetics. p. 27, n. 1. Sur la non-sainteté d'Ananda, Mahâsukhâvatïvyûha,

§1.

p. 29, n. 1. Les sources sanscrites donnent uhhayasmigha = uhhaio samglia, les moines et les religieuses.

p. 39, n. 1. M. Barth observe ailleurs que, dans le Bouddhisme, « la vie ascétique apparaît taillée sur plusieurs patrons différents ».

p. 89, n. 4. Voir aussi Beal, Catena p. 256 (signalé par Kern, II, 15) « ... Kâçyapa, who always observed thc Dhûta rules about dress, which requirc that only such gar- ments shall be used as are made from cloth defiled iu varions ways .... » Le pamsuhîllactvara est interdit aux bhiksus, Culla V. 10. 3.

p. 48, n. 1. Comp. samghamadhya Div. Av. 335. 10. 28. Avadânaçataka, 99, Burn. Intr. p. 457 « Bhagavat... placé au milieu d'un cercle qui se déployait de chaque côté comme le croissant de la lune ». Cf. Feer, Musée Guimet, XVIII. 419, n. 3.

llO LE MLSÉON. [522

p. 49, n. 3, =snin-ba-pahi sde. Cf. Srun-ba = Avanti [D^P.C.].

p, 50. Le Karuaâpunclarîka parle d'un certain Raivata ; mais Revata, nom de l'astérisme, est correct.

p. 50, n. 3, kakkliala = JcaJcJchata [F, W. Thomas].

p. 53, n. 5. On peut se demander si gurii (garu) signifie « maître «. Comp. les gurudharmas (garu").

p. 68, n. 3, samnidh'ilàra = gsog-hjog ; saihnihitatarjana = gsog-hjog span-ba [D'' P. C.].

p. 71, ad fin. « Is it possible that sihgilona originally meant rrhgi (== çmgavera) and lavana^ 'the question of ginger "and sait' ? [F. W. Thomas]. Voir p. 303, 1. 8

p. 72-73. Il se peut que les « deux doigts » visent une position particulière des mains. On lit Abhidharmakoçav. (Soc. As.) fol. 291 b : sa bhuktvâpi grhnîyâd iti . sûryodaya eva samvara uttisthate . samâdânaniyamacittasyotthâ- pakatvât . bhuktvâ-grahanam tv abhivyaktyartham . kapotakam iti . aùgustharahitasyârigulicatu^kasyetàra- hastâùgusthapradeçinyor antarâle vinyasanât kapota- kah. Comp. Pet. Wort. s. voc. kapota [vijnàpane], Çiksâs. 247. 17 angulisnehamâtram udakara (aûguli- pabbamattam).

p. 74, n. Tenir compte cependant de la valeur technique du mot pavâranà (2)ra°), M. Vagga, IV. 1. 13 et passim. Çiksâs. 268. 4. M. C. Bendall traduit pravàrgamàna = « tempted, pressed to accept « ; sens qui convient, dit-il, à Div. 116. 17. Il ne semble pas que la version tibétaine (hstabs) tranche la question.

p. 74, n., 1. 5 en remontant, lire : ... ne signifie pas ....

p. 76, n. 3. lire M. Vyut. § 261 (= Ihag-mar ma byas-pahi bzah- ba). [D^ P. C.].

p. 77, n. 2. vijahitam ne peut-il pas avoir un sens causatif, « made to leave » ? [F. W. Thomas].

p. 78, n. 2. surâmaireyamadyapTina = hbruhi cbaii dan sbyar- bahi cbaii myos-par gyur-pa hthuii-pa. surâ = ar- rack, eau-de-vie de riz, alcool de riz ; maireya = l'alcool préparé à l'aide de fleurs de dhàtàkl (Woodfor- dia floribunda), mçlasse et vinaigre de grains, fermen-

523] LE CONCÎLES DOL'DDIIIQUES. I I I

tés et distillés. Le tibétain traduit bien : alcool com- posé [D'- P. C.]. p. 79, n. 2. = mvo.s-[);ir ligyur-balii btiiû-ba spon-ba |D^ P. C.]. p. 80, 1. 2. La traduction est inexacte. L'dsava est un liquide alcoolique préparé par la fermentation d'un mélange de mélasse et de miel, de plantes et d'eau (k froid). Au point de vue pharmacologique, s'oppose à ari^Ui qui s'obtient par la fermentation d'une décoction de plantes, de miel et mélasse, et d'eau [D' P. C.]. 1. 13. Comp. la paTxvarasa, M. Vyut. 230. 34. p. 83, n. 1 § 260. 21 gser dnul-la reg-pa, 22 mùon-mtshan-

can-gyi spyod-pa, 23 fio-tshoù byed-pa [D"" P. C.]. p. 83, n. 2. profana = bskur-ba [D"" P. C.]. p. 84, n. L ahhiksu = dge-sloù-du mi-ruii-ba, dge-slon ma-yin- pa ; açramana = dge-sbyoti-du mi-run-ba, dge-sbyoû ma-yin-pa ; arâlnjnputra = Çâ-kyahi bur mi-ruù-ba, Çâ-kyahi bu ma-yin-pa [D*" P. C.]. p. 85, n. La même formule Sam. N. IV. p. 38L Ligne 15, lire pass off.

anudlwrmnpraticàrin = chos daù rjes-su mthun-par

spyod-pa ; dharmànudharmapratipanna = chos dan

rjes-su mthun-pahi chos-la zhugs-pa ; sad anudharmah

= rjes-su mthun-pahi chos drug [D' P. C.].

p. 86, n. 3. § 260. 21 = gser-diuil-la reg-pa ; § 261. 3 = rin-po-

ciie-la reg-pa [D^ P. C.]. p. 87, n. 2. Le Pât. pâli emploie à l'occasion l'expression

sahaithâ^ p. ex. Nis. xvi. p. 92, n. ligne 3, lire Icad us.

p. 96, n. Les renseignements fournis par I-tsing (Religieux Émi- nents, p. 48-50) et les biographes de Hiouen-Thsang (L 50) sur la question des trois aliments purs, défendus dans le Grand Véhicule, permis dans le Petit, sont confirmés par Çiksâs. p. 132. U frikoilçuddham màm- sam vni alalpitam ayrlcifam / acoditam en nairdsti iasmân mamsam na hhalsayet et 133. 10 drstaçruta- vlçahJiâhhih sarvam niàmsam vivarjayet.

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JAN 1 5 1958

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