.-^«^ ■^ i«. » j; m *''^^ H Â ^ ^ '^ «k ^^^ " V"' ^ 'V w!/ • ^.r^.- si *. V ,i »1 t- <^^J^' l «. J'^.V^^ ,>*>i^ Yf/J ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L'AVANCEMENT UES SCIENCES Fusionnée avec L'ASSOCIATION SCIENTIFIQUE DE FRANCE (Fondée pnr Li-verriei- on 18G4) IS»? PAIUS AU SECIŒTAlUAr DE L'ASSOCIATION * Hue Serpento. (AT Cy)\^ DE I.A RIE DE> POITEVINS) ASSOCIATION KHANU/VISK POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCES Fusionnée avec L'ASSOCIATION SCIENTIFIQUE DE FRANCE (Fondée par Le Verrier en 1864) M. Edmond PEMIEB, Professeur au iMuséun» d'Histoire naturelle. 111/ LES CORALLIAIRES ET LES ILES MADRÉPORIQUES (t) — Séu):cc du 12 mars 1887 — La partie lu plus gi-amlo du sol de nos continents a été formée sous les eaux, à des profondeurs parfois considérables, et n'est venue que lentement, par suite d'une émergence graduelle, s'ajouter aux grandes arêtes primitive- ment constituées par le gneiss et le granit : c'est là une des données fonda- mentales de la Géologie. Des assises de plusieurs milliers de mètres d'épais- seur ont été lentement produites par raccumulation au fond des mers tran- quilles de débris de toutes sortes, détachés des rivages par le choc des vagues ou provenant de la décomposition des êtres vivants. Mais tous les terrains n'ont pas pris naissance d'une façon aussi passive. Dans certains d'entre eux, la masse de la roche est constituée par les restes d'animaux qui certainement se sont développés sur place, ont vécu et grandi là où nous les trouvons; durant de longs siècles, ces terrains n'ont été que de vastes bancs d'êtres vivants; ils ne doivent plus leur origine, comme tant dautres, à la seule action de la pesanteur cl de la chaleur du soleil : c'est la vie même qui les a édifiés. Elle a employé pour ce genre nouveau de construction des êtres dont la nature est demeurée longtemps ambiguë ; que les anciens naturalistes ont pris tantôt pour des pierres, tantôt pour dos (tlanles, parfois pour des pierres végétales, et que, depuis cent cinquante ans à peine, depuis les belles études de Peyssonnel et de Trembley, on sait être des animaux. Ces animaux con- structeurs, souvent ramifiés comme des plantes, et qui semblent parfois des végétaux sans feuilles, mais couverts de grandes et splcndides fleurs, ont reçu des noms variés : on les appelle des Polypes, des Madrépores, des Coraux, sui- vant les temps et les lieux. La plupart d'entre eux appartieiment à l'embran- chement des Coialliaires des naturalistes, qui regardent comme leur type le Corail rouge de la Médllerranée. Nous les désignerons couramment d'une manière générale sous les noms vulgaires que nous venons de rappeler, bien que les mots Corail et Madrépore soient devenus dans le langage scienlilique les noms de genres délerminés. (\) Les (igures qui aecoaip;ii,"neiil ce rii(;niùire sont tirées des ouvrages : Exploraliuiis soks-wui incs parM. Edm. Perrier, et Zoophyles el Mollusques par M. L. Figuier, publiés à la librairie Uachetto. u 2 ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L AVANCE»|ENT DES SCIENCES La part prise par les Coraux à l'édification des roches sous-marines a toujours été importante; les premières formations coralliennes remontent à la plus haute antiquité. Dès la période silurienne, des bancs de Polypiers se montrent dans les mers qui occupaient les territoires actuels des États de New-York et de New-Jersey dans l'Amérique du Nord ; un peu plus tard, on les voit apparaître dans les provinces baltiques de la Russie, la Scandinavie, le Pays de Galles, la Bohême; pendant la période dévonienne, on les trouve encore dans l'Amérique du Nord et, en Europe : en Silésie, à Cologne, dans l'Eifel, la pro- vince de Namur (1), le comté de Devon, les Alpes, le département de Vaucluse; ils se continuent dans ie^ régions voisines pendant toute la période carbonifère. Les Coraux qui forment ces anciens récifs sont fort différents de ceux de l'époque actuelle ; mais dès le trias se multiplient en grand nombre, dans les mers qui couvraient le Tyrol et les Alpes, des Coraux déjà très voisins des nôtres, et leurs débris s'accumulent en masses calcaires de plus de \ 000 mètres d'épaisseur. Les Coraux prennent, encore plus d'extension pendant la période suivante, ou période jurassique, si bien que l'une des séries d'assises qui se sont déposées durant cette époque a mérité le nom d'Étage corallien. Les récifs coralliens s'étendent alors jusqu'au S5^ degré de latitude nord; ils sont magnifiquement développés jusqu'au centre de l'Angleterre. A partir de ce moment, sans cesser d'avoir une importance considérable, ces récifs éprouvent un mouvement de retrait bien manifeste vers le Sud. En France, ils descendent peu à peu de la latitude de l'Artois et de la Normandie à celle de la Bourgogne et du Jura ; puis ils se confinent à la hauteur de la Méditerranée actuelle. Dans la première partie de la période tertiaire, alors que les Mammifères inauguraient leur domination sur la terre ferme, ils for- maient encore une longue bande, qu'on peut suivre de nos Pyrénées jusqu'à l'Himalaya ; mais bientôt ils abandonnent les régions correspondant à ce que nous nommons actuellement les Zones tempérées, et on ne les trouve plus aujour- d'hui qu'entre le SO'' degré de latitude nord et le 30^ de latitude sud, c'est-à- dire à peu près dans la Zone intertropicale ou Zone torride, qu'ils débordent légèrement. Là, en revanche, leur activité est extrême. Dans toutes ces régions, les récifs de Coraux forment autour du globe comme une vaste ceinture, interrompue seulement depuis la côte occidentale de l'Amérique jusqu'aux îles Pomotu, et dans toute la largeur de l'Atlantique, sauf la mer des Antilles et la côte tropicale du Brésil. Les Coraux manquent donc sur la côte occidentale de nos deux grands Océans, tandis qu'ils florissent sur leur côte orientale, ce qui est probablement une affaire de courants. La plus grande partie de la côte occidentale de la mer Rouge, la moitié sud de sa côte orientale, la côte du Zanguebar et de Mozambique, les côtes nord- est et sud-ouest de Madagascar, les Seychelles, l'île Maurice, les îles Laquedives, Maldives, les archipels Chagos et Keelings, une importante partie des côtes des îles de la Sonde et des Philippines, la côte nord-ouest de l'Australie, toutes les îles de la Polynésie, enfin, dans l'Atlantique, la Floride et la plupart des Antilles sont entourées de vastes ceintures exclusivement madréporiques, constituant à l'heure actuelle d'imposantes formations dont doivent se préoc- cuper tout à la fois les géologues, les zoologistes et les marins, et dont nous allons essayer d'esquisser l'histoire. (1) Calcaiie de Fresnes. E. PERRIER. — LES CORALLIAIRES ET LES ÎLES MADRÉPORIQUES Los formations ducs à des Madrépores s'arrêtent assez souvent à fleur d'eau. A basse mer, elles demeurent plus ou moins longtemps découvertes, présen- tant seulement de place en place des flaques d'eau où la vie s'épanouit avec une richesse extraordinaire, où abondent, avec de brillants Polypes, les Étoiles de mer, les Oursins, les Holothuries qui parcourent toute la gamme des cou- leurs les plus éclatantes, où viennent chercher leur subsistance d'innombrables légions de Mollusques aux élégantes coquilles, A marée haute, l'eau vient cacher aux yeux ce superbe spectacle : le banc de corail n'est plus qu'un récif auquel les vagues donnent l'assaut, et dont leur blanche écume dessine les contours quand la mer est agitée. Les navigateurs sont alors avertis; mais par les temps calmes, dans des mers inconnues, rien n'indique l'approche del'écueilrla mer reste profonde aux alentours et, sans que les sondages aient pu inspirer la moindre défiance, le navire est tout à coup arrêté par une solide muraille contre laquelle, au retour de la boule, il sera bientôt mis en pièces. Ces écueils, que les marins se sont justement attachés à noter avec soin sur leurs cartes, appartiennent à trois catégories. Les plus simples, étroitement appliqués contre la terre ferme à laquelle ils constituent un rempart vivant contre le choc des vagues, semblent un simple prolongement du sol, au-dessous du niveau de la mer ; ce sont les Récifs-f rangeants. D'autres se tiennent à une certaine distance du rivage, en suivent de loin le contour, mais en demeurent séparés par un chenal souvent navigable, dont la largeur varie de quelques centaines de mètres à près de 200 kilomè très; ce sont les /{cc«/s-6amè?-es. Tantôt, comme un ouvrage avancé, ils longent sur une plus ou moins grande étendue les côtes d'un continent ou d'une île ; tantôt ils entourent une île d'une cein- ture continue de brisants ; d'autres fois enfin, dans un môme archipel, chaque île possède sa ceinture et l'archipel tout entier est enfermé dans un cercle protec- teur qui semble fixer son domaine à la surface de l'Océan et en défendre l'accès. Les îles ainsi entourées sont des massifs volcaniques aux cônes élancés, ou des terres anciennes, comme la Nouvelle-Calédonie, coupées de montagnes et de vallées ; on les nomme des lies hautes, par opposition à d'autres îles, exclu- sivement coralliennes celles-là, les Iles basses, dont un grand nombre sont aussi désignées sous le nom d'Atolls. A proprement parler, un atoll est un anneau de récifs dont le contour est plus ou moins régulièrement circulaire. Cet anneau ne demeure pas toujours submergé ; certaines de ses parties s'élèvent fréquemment à quelques mètres au-dessus de l'eau et constituent autant d'îles dont l'ensemble afiecte une disposition sensiblement circulaire. Quelquefois encore, l'anneau tout entier émerge et forme au-dessus de l'Océan une île plate, sans montagnes, couverte d'une luxuriante végétation, dont le bord externe est battu par les flots, tandis qu'au centre un lac d'eau salée absolu- ment tranquille contraste par son calme absolu avec l'agitation du dehors: ce lac est la laijune de l'atoll dont l'anneau solide n'a souvent guère plus de 2 kilomètres de largeur (tig. 1). Supprimez l'île haute qu'entoure complètement un récif- barrière, ce récif n'est plus qu'un atoll ; il est évident qu'un lien étroit existe entre les deux formations, et ce lien apparaît encore aussi évident entre les récifs- barrières et les récifs-frangeants; car, en nombre de régions, on voit les récifs- barrières se rapprocher peu à peu de la côte, le chenal qui les en sépare deve- nant graduellement plus étroit et moins profond; linalenient, ils se soudentà elle; de telle sorte que le récit-barrière le mieux caractérisé peut devenir insen- 4 ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L AVANCEMENT DES SCIENCES siblement un véritable récil-lVangeant dans une importante partie de son étendue. Il est donc permis de penser que les ditï'érences, en apparence si iliff r 'Pfi '^ "" lïUiil ài\- lil!iiiiiiii[iii;ijii;»iiirii:'ii:TBiiiii'ii .ïi',j,.i;:ii:i;iir;:;aiHiiiiiiiiijiitiiiiiiiU!iiiiii,iiiitiéiiti,lialil^:^ trancliées, que Ion observe entre les l'ormalions coralliennes ne sont (lue les aspects divers sous lesquels se présente un même phénomène, résultant de i:. Pl'ItUIKU. — I.KS r.OUAFJJAIRES KT I,ES îl.KS MADIIÉPORIQCKS O liii lion ilimc cause OU d'un cnseinblo de causes conslanlcs, niais ïnvco de se pi ici- à des conditions secondaires variables. Quelques cxtîraples i'eronl nette- ment ressortir la probabilité de cette iiroposition. Charles Darwin a dresse, d'après tous les documents liydi-ogiapliiques connus en iSi^, nne remaniuable carte des l'orinalions coralliennes classées diiprès les dénominations que nous venons de définir. De l'examen de cette carte ressortent aussitôt les laits suivants : Les récils-frangeanls se li'ouvent sur les deux côtes de la mer Rouge oij ils ont (Hé étudiés soigneusement par l"'hrenberg ; sur les côtes de Zangucbar et (le Mozaml)ique, autour de Madagascar, de Ceylan, des îles Nicobar, delà Sonde, Mariannes, Salomon, autour des Nouvelles-Hébrides, des îles Samoa, de la presqu'île de la Floride et des Antilles. Il existe des récifs-barrières le long des côtes de Nubie, autour des Comores, de l'île Vanikoro, de la Louisiadc ; mais les plus beaux qu'on puisse citer sont ceux qui longent la côte nord-est de l'Australie, les deux côtes nord-est et sud-ouest de la Nouvelle-Calédonie et celui qui entoure les îles Viti. Le récif australien n'a pas moins de 2 040 kilomètres de long ; il est séparé de la côte par un chenal dont la largeur varie de 40 à l.SO kilomètres et la profondeur de 20 à 1*20 mètres. Ce chenal, parfaitement navigable, fut parcouru par (]ook dans toute sa longueur, lors de son premier voyage autour du monde. 11 existe déjà de beaux atolls dans la mer des Indes : les Laquedives, les Mal- dives, les Chagos, les Keelings en présentent de parfaits exemples; les Maldives ne sont, en effet, qu'une multitude d'îles basses disposées en ellipses régu- lières, elles-nK'mes alignées sur deux rangs, et dont le nombre, encore incon- nu, est évalué par les indigènes à plus de 12 000. Mais c'est dans le grand Océan que ces singulières Ibrmations, sans être plus remarquables qu'aux Maldives, prennent le plus grand développement. Les archipels des Pelew, des Caroii- nes, Marshall, Gilbert, EUice, et les îles Pomotu en sont presque exclusi- vement constitués et l'on en rencontre encore en beaucoup d'autres points. Il .est assez rare de trouver à l'état pour ainsi dire théorique, avec une pureté de caractères absolue, les différentes sortes de rccils coralliens. On peut en citer cependant un certain nombre de chaque catégorie. Nous avons déjà indi- qué les principaux récifs-frangeants qui existent à l'état isolé. Le grand récif australien est un bon type de récif-barrière ; il en est de même du récif qui entoure Maupili, de celui qui entoure Vanikoro et sur lequel vinrent se briser, en 1787, les navires de Lapérouse, l'Astrolabe et la Boussole ; de celui qui entoure Bora-Bora, l'une des îles de l'archipel de Tahiti. Déjà, dans ces îles, on constate cependant une remarquable cond)inaison ; outre le récif-barrière typique, un beau récif-frangeant est adhérent à la côte ; il y a donc un récif exlcrieur et un récif intérieur, qui présentent chacim des carac- tères particuliers. Comme types d'atoll parfait, on peut signaler, outre les Maldives, les îles Narcisse, MoUer et Clermonl-Tonnerre (fig. 1), qui font partie de l'archipel des Pomotu. voisin de celui de Tahiti. Mais voici d'autres combinaisons. A Tahiti même, le récif est i*! peu près com- plètement interrompu devant Papéete, oi!i ce qui en reste constitue un excellent appareil de protection pour le port ; le récif reparaît ensuite en qualité de récif-barrière, puis il se rapproche de la côte et devient presque frangeant entre Taapune et Aline. Celte transformation est encore, plus frappante pour le récif de la côte sud-oiiest de la Nouvelle-Calédonie. Ce magnilique appareil 6 ASSOCIATION FRANÇAISE POUR l' AVANCEMENT DES SCIENCES madréporique s'étend sur une longueur de près de 800 kilomètres et sa distance de la ten-e est, à l'extrcmité sud, de près de 30 kilomètres ; mais, à mesure qu'on remonte vers le nord, il se rapproche de la côte , qu'il arrive à toucher vers le premier quart de sa longueur, qu'il frange pendant son second quart et qu'il abandonne ensuite pour se prolonger bien au delà vers le nord-est. Dans les îles Manga-Reva ou Gambier, nous trouvons une combi- naison des récifs-barrières et des atolls. Entin, dans les îles Viti apparaissent toutes les combinaisons possibles. De l'ouest au nord, un vaste récif en quart de cercle protège tout l'archipel, dans lequel on observe, avec des îles basses annulaires de toutes les formes, des îles hautes entourées de récif s-f rangeants comme Goro, de récifs-barrières comme Angau, Nairai, Lakemba, Argo, l'île des Explorateurs, Namku et Aiva, où le récif s'écarte de plus en plus du rivage. Souvent même de grands atolls circulaires sont formés d'un anneau d'îles également en forme d'atolls : ce sont des atolls d'atolls. Les combinaisons les plus complexes peuvent ainsi être réalisées, attestant entre ces aspects si divers l'existence de ce lien qu'il nous faudra chercher. Nous avons vu que des parties plus ou moins étendues des récifs-barrières et des atolls pouvaient émerger et former des séries d'îlots couverts de végéta- tion; en général, ces îlots sont disposés sur le côté du récif le plus exposé au vent dominant; parfois ils s'unissent en une bande étroite d'une assez grande longueur et même forment une ceinture à peu près complète. Rien n'est plus pittoresque que ces îles hautes à l'aspect sévère, formées, comme Bora-Bora, d'immenses blocs de rochers entourés d'une ceinture d'eau limpide et calme que borde comme un ourlet vivant un vigoureux trait de verdure; rien n'est plus gracieux que ces atolls complètement émergés, tels que l'île de Clermont- Tonnerre, qui semblent des anneaux d'émeraude fixés sur la draperie sans cesse mouvante de l'Océan. Dans toutes ces îles tropicales la végétation est, en effet, d'une vigueur incomparable. Sur la plupart des îles de corail, qui représentent à elles seules une superficie de quatre millions d'hectares, poussent à profusion les cocotiers, les Pandanus, les bananiers, l'arbre à pain, le taro, les Hibiscus, de superbes Ficus, et beaucoup d'autres plantes auxquelles viennent s'ajouter peu à peu toutes celles que l'homme cultive pour ses besoins. 11 y a du reste à cet égard bien des différences; le contraste est frappant entre la variété des végétaux des Maldives et l'uniformité de la flore des Pomotu, oîi une trentaine de phané- rogames suffisent à entretenir une végétation d'ailleurs vigoureuse. La richesse de la faune ne correspond pas à l'abondance de la végétation. De grandes chauves-souris frugivores, des roussettes, une petile espèce de rat sont les seuls animaux non importés par l'homme que les premiers navigateurs trouvèrent dans la plupart des îles de l'Océanie. Les autres branches du règne animal étaient aussi pauvrement représentées: signalons toutefois un singulier crabe, le Birgus latro, voisin des Bernard-l'Hermite, qui abandonne l'eau oîi vivent ses congénères pour grimper sur les cocotiers et en détacher les fruits, qu'il arrive parfaitement à casser pour se régaler de leur contenu. Ce crabe voleur, de grande taille, est assez commun aux îles Pomotu. Les indigènes des îles madréporiques appartiennent tous à des races connues dont le chef-lieu est en Asie ou en Afrique, d'oi!i leurs ancêtres sont partis pour venir échouer, après quelque tempête, sur ces îles désertes (1). Aux Maldives, (1) Grâce à l'obligeance de nos collègues du Muséum d'histoire naturelle et de la Société de géo- graphie, nous avons pu faire passer sous les yeux de nos auditeurs un grand nombre de photogra- E. PERRIER. — LES CORALLIAIRES ET LES ÎLES MADRÉPORIQL'ES 7 ils constituent une race mixte où domine le sang dravidien, mais où se sont mc'langés des éléments aryens, sémitiques et nègi-es. Les indigènes professent le maliométisme. Tout autre est la population dos îles comprises entre les Sand- wich et la Nouvelle-Zélande, les Tongas et l'île de Pà(iues; ces archipels, en apparence isolés, sont habités par une même race d'hommes évidemment si proches parents des Dayaks de Bornéo et des Battaks de Sumatra, que M. Hamy a proposé de considérer ces Malais et les Polynésiens comme appartenant à une seule et même race, la race imlonmmne. dont les habitants de Tahiti peuvent donner une bonne idée. M. de Quatrefages a éloquemment conté les migrations histoi'iquement connues de ces Polynésiens. Les Micronésiens, qui habitent les îles Marshall, Gilbert, Mariannes, Carolines, Pelew, comprises entre la Chine, le .lapon, les Philippines, la Nouvelle-Guinée et l'Australie, sont peu différents des indonésiens; il n'en est pas de même des populations des îles Salomon, des Nouvelles-Hébrides, de la Nouvelle-Calédonie et des Fidji, qui sont noires et ont été distinguées, sous le nom deA''e7ri!7o, des nègres d'Afrique, dont elles n'ont pas le développement corporel et auxquels elles sont ordinairement demeurées très inférieures sous le rapport de la civilisation. II Telles sont les îles do Corail, tels sont leurs habitants. Et maintenant, com- ment CCS îles se sont-elles formées? Pourquoi les formations coralliennes se pré- sentent-elles avec une si grande variété d'aspect, tout en paraissant tendre vers une sorte de forme limite qui est l'atoll? Pourquoi cette forme circulaire qui semble être la forme fondamentale des îles madréporiques? Dans le premier examen que firent les marins des récifs si redoutés par eux du grand Océan, ils furent surtout frappés du rapide accroissement de pro- fondeur de la mer dans leur voisinage. La paroi des récifs est à pic, parfois surplombante et, à très peu de distance de la zone dangereuse, les sondes ordi- naires, qui ne descendent pas très bas, cessent de rencontrer le fond. On ne s'étonnera pas que, d'après ces données, l'amiral Dupetit-Thouars se soit repré- senté un archipel madréporique comme un arbre dont le tronc, s'élançant du fond de l'Océan, se serait divisé en rameaux nombreux venant affleurer à la surface; les extrémités de ces rameaux creusées en coupe n'étaient autre chose que les a rayonnantes comme elles. Les individus préhenseurs, demeurés libresdans la partie qui dépasse l'individu nourricier, se soudent entre eux et se soudent à Fig.l9. — Cryplohélie pudiquu. — A, vue Je pr.)(il d'un système formé d'un individu nourricier et d'un cercle d'individus préiienseurs; h, un semblable système vu de face et dont l'opercule a été brisé pour montrer les Polypes rétractés; G, coupe de l'individu [nourricier dépourvu de tenta- cules; U, individu préhenseur; 0, individu reproducteur ; J, larve; K, opercule; V, vaisseaux. Ftçr. 20. — Coupe dans une Coralliaire«. ; liniulratit l'individu nourricier passé au rani,' d estomac, les individus préhenseur- ii;i;--i'- un rang oe tentacules continués par des loges qui s'ouvrent comme reslomac dans une cavité commune; du fond de chaque loge pari un vais- seau. 20 ASSOCIATION FRANÇAISE POUK l'aVANCEMENT DES SCIENCES lui dans la partie qui lui correspond. 11 n'y a plus besoin de vaisseaux pour les faire communiquer entre eux. Dans chaque système, la cavité interne de l'individu nourricier et celles des individus préhenseurs s'ouvrent dans une cavité commune. Cet ensemble, qui rappelle une fleur dialypétale, comme la Méduse rappelait une fleur gamopétale, est ce qu'on appelle un Polype coral- liaire (fig. 20). Des Madrépores aux Fongies tous ces Polypes sont constitués de la même façon; tous se ressemblent exactement; les calices de Polypiers ne sont autre chose que l'ensemble de la muraille qui entourait chacun d'eux et des lames contenues dans chaque Polype préhenseur passé à l'état de tenta- cule. Ces lames alternent naturellement dans le Polype avec les cloisons membraneuses qui résultent de la soudure des parois voisines des individus préhenseurs consécutifs. m' Nous venons de comparer un Polype coralliaire à une fleur ; de fait, que l'on jette les yeux sur quelque fond de mer peuplé de ces gracieux animaux (fig. 21), l'élégance et la similitude des formes, l'éclat des couleurs, tout con- tribuera à faire illusion ; il semblera qu'on soit en présence d'un parterre luxuriant dans lequel les corolles se pressent au point de cacher le feuillage, et [Marsigli avait bien raison quand il aflirmait avoir vu fleurir le corail. Les baigneurs de nos plages éprouvent encore cette impression lorsqu'ils bapti- sent du nom à! Anémones de mer les Polypes coralliaires mous, sans Polypiers, vivant solitaires comme les Fongies, et qui abondent sur toutes les côtes. Mais ces fleurs charmantes de la mer, tout autres que celles de nos jardins, se meu- vent, chassent, mangent, exigent pour vivre tout un ensemble de conditions variables avec chaque espèce et qui, bien connues pour celles qui forment les récifs, vont nous fournir l'explication de plusieurs des particularités que présentent les bancs madréporiques. Frileuses, elles ne peuvent prospérer si la température s'abaisse, même mo- mentanément, au-dessous de 20 degrés. Avides de lumière et d'oxygène, elles ne commencent à prospérer qu'à moins de 40 mètres de profondeur; et la per- pétuelle agitation des vagues, en saturant l'eau d'oxygène, leur est tout parti- culièrement favorable. Éminemment délicates, la moindre impureté de Feau les tue ; elles ne peuvent vivre au milieu des eaux chargées de sédiments, ni là où les eaux douces viennent déverser les matériaux qu'elles transportent dans leur cours. Ces diverses propriétés entraînent invinciblement les conséquences sui- vantes : les Coralliaires producteurs de récifs ne pouvant supporter une tempé- rature inférieure à 20 degrés, les bancs et les îles de Corail ne se rencontreront qu'entre les lignes où la plus basse température de l'année n'atteint pas ce chiflre; ces lignes diffèrent peu des isochimènes de 20 degrés. La température de la mer s'abaisse à mesure qu'on s'éloigne de la surface : en aucun cas, les Co- ralliaires ne pourront s'implanter à une profondeur telle que la température n'y atteigne pas au moins 20 degrés ; il faut peut-être ajouter cette raison à celles par lesquelles nous avons expliqué l'absence de bancs de Coraux au-des- sous de 40 mètres. L'heureuse influence de l'agitation des vagues sur la crois- sance des Coraux aura pour conséquence d'amener un exhaussement de toute la partie des récifs située contre le vent dominant; les atolls seront, par suite, fréquemment ouverts sous le vent. Dès que les formations coralliennes auront E. PERRIER. — LES (.OnALMAlRES ET LES IlES M ADnÉPOniQUES 21 (h'passé corlaiiics (liincnsions dans le sens hori/.(Mi(al, loues partios oxtcrnos prnli'gci'Oiit leurs pari iis iulci'iit's cumIim» le clioc des vaL^ues ; res parties in- e o < c -; ? I =s 1 (Ti S I ci . .5** g- ■S 9, <; -31 ternes, vivant dans une eau moins agitée, s'accroîtront moins rapidement que celles qui les protègent; toutjjbanc de Corail aura donc une tendance à se rele- 22 ASSOCIATION FRANÇAISE POUR l'aVANCEMENT DES SCIENCES ver sur ses bords, à prendre la forme d'une coupe, et les seules parties qui arriveront à émerger seront par conséquent disposées en anneau. Cela suffit à expliquer la forme des atolls, et, jusqu'à un certain point, l'existence du che- nal caractéristique des récii's-barrières. Cela explique aussi pourquoi la paroi des récifs tournée vers la haute mer est toujours à pic ou même en surplomb. Enfin, l'action délétère des eaux saumâtres et des eaux impures sur les Poly- pes laisse prévoir que les récifs seront partout interrompus en face des ri- vières, en face des vallées où se forment des torrents dans la saison des pluies, dans les anses tranquilles où se fait une abondante sédimentation, et même sur tout le pourtour des îles et des continents qui subissent de la part des eaux de pluie de trop fortes érosions ; de là, les passes nombreuses qu'on observe dans tous les récifs coralliens, et qui donnent accès vers la terre; de là, l'élar- gissement du chenal qui sépare les récifs-barrières de la terre. On comprend d'ailleurs très bien que les Madrépores élèvent graduellement leurs constructions jusqu'à un niveau légèrement supérieur à celui des plus basses mers; une exposition à l'air libre de quelques heures tue à la vérité les Polypes; mais la mort de ceux qui ont subi quelque dommage de cette expo- sition n'entraîne pas celle des autres, qui les ont bien vite remplacés pendant la durée des moins fortes marées. Une certaine limite une fois atteinte, tous les Polypes de la surface meurent cependant pour une autre cause; la mer, en effet, rejette une foule de débris à la surface du banc, dont tous les interstices sont peu à peu comblés; les Nullipores viennent s'y implanter et forment une véritable couche protectrice. Chaque forte maiée, chaque tempête élevant plus haut les vagues exhausse le banc en déposant à sa surface des matériaux, qui ont le temps de se consolider avant d'être de nouveau atteints par les eaux ; alors interviennent les oiseaux de mer, les vents qui apportent eux aussi de nouvelles parties solides, et enfin les graines et les œufs d'oîi sort la pre- mière population de l'île nouvelle. Jusqu'ici rien que de très facile à saisir ; mais le genre de vie des Coralliaires producteurs de récifs vient soulever une difficulté inattendue. Si l'on peut trouver des Coralliaires à toutes les profondeurs de la mer, les espèces vivant en colonies puissantes, seules aptes à former des récifs, ne peuvent vivre au- dessous de 40 mètres de profondeur. Ce devrait être là la hauteur maximum de la partie submergée d'un banc de Corail, la profondeur maximum des che- naux des récifs-barrières, des lagunes centrales des atolls. Or le chenal du récif-barrière de l'Australie atteint SO mètres de profondeur, celui de la Nou- velle-Calédonie 120 mètres; la lagune centrale de l'atoll des Chagos présente en certains points 100 mètres de profondeur; d'autre part, divers calculs at- tribuent aux récifs de Yanicoro, des îles Gambier, des Viti, une épaisseur dépassant parfois de beaucoup 500 mètres. Si toutes ces données sont exactes, il faut bien admettre que le pied des récifs, qui n'a pu être primitivement à plus de iO mètres de profondeur, s'est enfoncé peu à peu sous les eaux. Un semblable affaissement d'un récif qui croît surtout le long de son bord externe explique d'ailleurs à merveille comment un récif-frangeant entourant complè- tement une île devient un récif-barrière, dès que cette île s'enfonce à plus de 40 mètres, et un atoll, lorsque les plus hautes montagnes de l'île sont entière- ment submergées. Ainsi l'énorme quantité de récifs-barrières et d'atolls parsemés à la surface du grand Océan serait une preuve que le fond de cette immense mer ^'abaisse lentement sous les eaux, et les nombreux volcans distribués sur ses K. PERRIER. — LES CORALLIAIRES ET LES ÎLES MADRÉPORIQUES 23 rivages et dans quelques-unes de ses îles ne serait qu'un effet secondaire do cet affaissement. L'écorce terrestre, en se contractant, forcerait la lave à jaillir par tous les points où elle vient à se briser. Un majestueux pliénomène ^^éolo- {,'ique nous serait ainsi révélé par les modestes Zoophytes dont nous venons de conter l'histoire. Bien plus, cet affaissement ne saurait permettre la formation d'atolls que s'il s'accomplit dans des conditions déterminées. S'il se produit par saccades, il faut qu'il ne porte jamais la surface supé- rieure du banc au-dessous de -40 mètres. S'il s'accomplit lentement et d'une manière continue, ce qui est plus probable, il faut que la vitesse de l'atlaisse- ment du sol soit moindre que la vitesse de l'exhaussement du banc; sans quoi la surface supérieure de celui-ci serait nécessairement, au bout d'un certain temps, portée plus basque 40 mètres et alors tous les Polypes mourraient. Ceci donne la mesure du temps nécessaire pour que les fondations d'un récif de Corail puissent descendre à une profondeur de 500 mètres. En effet, si quelques-unes des espèces qui composent un récif madréporique, les espèces branchues no- tamment, croissent à l'état isolé avec une certaine rapidité, parfois de plusieurs décimètres par an, le récif tout entier doit lutter contre des causes multiples de destruction : la violence des vagues, la voracité des animaux qui dévorent les Polypes, l'activité incessante d'une foule d'organismes perforants : éponges, vers, mollusques, etc. Tout compte fait, le récif ne s'exhausse guère que de G™ ,002 au plus par an. Un récif de 500 mètres de hauteur exigerait donc au moins 250 000 ans pour s'éditier. Or, pendant cette longue série de siècles, rien n'a changé autour de lui : 250 000 ans, 2500 siècles, voilà donc la plus faible duiée que, d'après ces chronomètres d'un nouveau genre, on puisse assigner à l'époque actuelle! Voilà les conséquences inattendues, bien faites pour frapper l'imagination, auxquelles l'étude des bancs de Coraux a conduit l'homme de puissant génie à qui la Science doit le beau livre sur l'Origine des espèces. IV La théorie de Darwin, également soutenue par le plus illustre des géologues américains. Dana, était trop simple, trop brillante, trop féconde; elle présentait avec les faits un accord apparent trop complet pour ne pas entraîner, en quelque sorte d'enthousiasme, l'adhésion des hommes de science. Une réaction s'o- père aujourd'hui. Durant ces vingt dernières années, plusieurs naturalistes ont eu occasion d'étudier de très près, et avec des moyens d'investigation per- fectionnés, un certain nombre de formations coralliennes. En 1851, Louis Agassiz croyait devoir donner une tout autn; explication des récifs de la Flo- ride; en 1863 et 1869, M. Semper, de Wiirzburg, déclarait que les récifs des ilcs Pelew ne lui paraissaient pas explicables par l'hypothèse d'un simple affaissement; M, Rein prolestaitun peu plus tard pour les Bermudes. Étudiant à nouveau les récifs de la Floride, M. Alexandre Agassiz arrivait à explitiuer par le simple jeu des courants la constitution des plates-formes sur lesquelles s'étaient établis les Coraux constituant les récifs des Bermudes: et M. Murray, l'un des naturalistes du ChaUençjer, mettant à protit pour approfondir la ques- tion le célèbre voyage autour du monde de ce bâtiment, arrivait, après avoir examiné notamment Tahiti, où Darwin avait surtout étudié les formations co- ralliennes, à des conclusions tout autres que celles de son compatriote. L'exacte 24 ASSOCIATION FRANÇAISE POUR l'AVANCEMENT DES SCIENCES configuration du récif de Tahiti, dont Darwin n'avait qu'une idée incomplète, s'explique facilement sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir aucun aft'ais- sement. La partie abrupte du récif n'a pas plus de 70 mètres de hauteur, et il n'est pas certain qu'elle soit uniquement faite de Madrépores ; elle est suivie d'une pente inclinée à 40 degrés, formée de blocs de calcaires madrcporiques arrachés aux flancs du récif et figurant une sorte de pente d'éboulement au pied d'une falaise. L'inclinaison de cette pente se conserve jusqu'à une distance horizon- tale de 360 mètres du pied du récif; puis elle s'adoucit et la sonde ne ren- contre plus alors que du sable corallien disposé sur une pente d'environ 20 de- grés; enfin le sol n'est plus incliné que de 6 degrés sur l'horizon et l'on n'y trouve que des débris volcaniques. C'est exactement ce qui arriverait si une plantation corallienne, s'étendant sans cesse dans le sens horizontal, s'établissait autour d'une ile dont les flancs auraient une inclinaison ordinaire. Le Corail formant autour de File une bordure saillante, les blocs détachés de cette bor- dure s'accumuleraient au-dessous d'elle, formant une falaise dont la hauteur verticale s'accroîtrait à mesure que le Corail avancerait davantage vers la haute mer. Au-dessous -de la falaise qui cesserait d'être verticale dans la zone où l'agitation des vagues commence à se faire peu sentir, il n'y aurait plus que des détritus qui se disposeraient suivant l'inchnaison que comporterait leur volume. On ne croit donc plus aujourd'hui à un lent affaissement de tout le fond du grand Océan ; on croit au contraire à l'édification sur ce vaste sol sous-marin de constructions locales en quelque sorte, qui, peu à peu, arrivent à se hausser jusqu'au voisinage de la surface. Ce sont souvent des cônes volcaniques gigantesques, qui peuvent atteindre des proportions d'autant plus grandioses que, jusqu'à peu de distance de la surface, ils s'édifient dans un milieu tran- quille qui les protège contre toute érosion, leur sommet seul étant exposé à être détruit par les vagues. Ailleurs, sur le trajet des grands courants qui vont de l'équateuraux pôles et nourrissent dans leurs eaux chaudes une immense quan- tité d'animaux, les débris tombant de la surface arrivent au fond en telle quan- tité, que les animaux se multiplient à l'infini sur ce sol toujours riche en ma- tières nutritives. Quand ils meurent, leurs parties solides s'accumulent, et sur le trajet du courant le sol s'exhausse ainsi peu à peu. Si la direction du cou- rant vient à croiser quelque chaîne de montagnes sous-marines, si le courant passe au-dessus de quelque pic volcanique, ces parties saillantes arrivent les premières à une distance de 40 mètres au-dessus du niveau de la mer; aussi- tôt les Coraux s'en emparent : un récif madréporique commence à se former. 11 n'est pas douteux que ce ne soit par une semblable sédimentation que se sont formés les bancs calcaires sur lesquels reposent les massifs coralliens qui agrandissent sans cesse de leurs bandes concentriques la presqu'île de la Flo- ride et forment au-deyant d'elle ces bandes de kcys, ces îles de palétuviers, cou- vertes d'arbres, si caractéristiques de cette région. Mais, pour s'être faits autrement que Darwin ne le pensait, les récifs de la Floride n'en ont pas moins réclamé beaucoup de temps pour s'édifier. Us sont disposés en quatre bandes concentriques qui, suivant les calculs de Louis et d'Alexandre Agassiz, paraissent avoir exigé chacune de 8 000 à 12 000 ans pour se former; il a donc fallu de .')2 000 à 48000 ans pour constituer le récif total. Or, la plus grande partie de la Floride n'est qu'un ensemble de récifs sem- blables entièrement soudés à la terre ferme, et l'on peut, suivant Credner, K. l'KIIItlElt. — LES C.OUALLIAIIÎKS ET LES ILES MADRÉPORIQUES 2ij ^(tnipter que cet appareil imposant a exigé pour se Ibrmer environ quatre lois plii>^ de temps que le récil" actuel, soit, pour le tout, bien près de 200 (J(K) ans. Nous revenons au cliitfre de Darwin, il faut reconnaître loulefois que les bases sur lesquelles reposent ces calculs sont encrore trop liypulliéliques pour qu'on puisse les si^'nali'r autrement (jue connne l'indicatinn d'une niélliode dont Tapplicalion est capable de fournir des résultats d'un haut intérêt, lors- (pi'on pourra l'appliquer en complète connaissance de cause. Après la publication des deux beaux livres de Darwin et de Dana, il semblait que la question des récifs coralliens fût résolue ; elle s'ouvre, on le voit, de nou- veau. On ne peut contester que des atî'aissements aient eu lieu dans certaines régions du Pacifique : jadis, les îles de la Sonde et des Philippines ont dû être réunies à l'Asie; les Célèbcs. la Nouvelle-Guinée, la Tasmanie, la Nouvelle- Zélande ont constitué avec l'Australie un vaste continent auquel se rattachait peut-être la Nouvelle-Calédonie. Là, il y a eu de \astes territoires abîmés dans les tlots. et il n'est pfs improbable que, sur nombre de points, les récifs de Coraux se soient formés comme le veulent Darwin et Dana; mais les choses ne se sont pus passées de la même façon partout. Les phénomènes volcaniques, les phénomènes de sédimentation ont aussi fourni aux Coraux de vastes plates- formes d'implantation, ce dont, avant les travaux des deux Agassiz et de M. Murra\ , on n'avait pas suHîsamnient tenu compte. Dès lors l'étude de chaque cas particulier s'impose, et de cette étude ressortira une histoire du Pacifique plus compliiiuée que celle à laquelle on s'était arrêté. Ainsi, nos modestes Zoophytes nous posent et nous fourniront peut-être les moyens do résoudre l'un des plus beaux problèmes de la (ieologie de l'avenir; mais ce problème n'est pas le seul auquel ils lou(;hent. et si l'on résume les questions que nous avons dû effleurer au cours de cet exposé, on demeure étonné de leur nombre et de leur grandeur. En nous faisant assister à leur retrait graduel vers la zone tropicale, les Coralliaires nous ont appris qu'il fut un temps où la température des mers était presque uniforme et supérieure à 20 degrés, où la terre n'était pas divisée en zones climatériques, et l'on en peut conclure, suivant des géologues émi- nenls, que les dimensions apparentes du soleil étaient alors notablement plus grandes qu'elles ne le sont aujourd'hui. Kn nous montrant des atolls et des chenaux de récifs-barrières dont la profondeur dépasse 40 mètres, ces mêmes animaux nous prouvent que, dans certaines aires, le fond du Pacifique s'est réellement affaissé; à la Floride, à Tahiti et ailleurs, ils ont conduit, au con- traire, à la découverte d'un mode local d'exhaussement du sol qu'on ne soup- çonnait pas. L'étude du mode de formation de leurs bancs nous met dans les mains une méthode approximative pour calculer le temps qui s'est écoulé depuis l'ouverture de l'ère géologique que nous traversons. Leur absence sur les côtes occidentales des deux Océans, l'Atlantique et le Pacifique, est liée peut-être à la direction des courants, qui touche a son tour au mode de rota- tion d(! la Terre; enfin, l'histoire même de la vie sur notre globe peut être sin- gulièrement éclairée par l'étude de nos Polypes. 11 y a dans la vaste mer où ils ao<:-omplissent leur œuvre trois sortes d'îles : les îles hautes, à noyau grani- tique; les îles volcaniques et les îles basses. Les îles hautes sont peut-être les restes d'anciens continents ; leur faune et leur flore peuvent être le résidu de la faune et de la flore des grandes terres d'où elles ont été détachées et nous fournissent des éléments pour la reconstitution de la physionomie de ces con- trées ; c'est un problème dont plusieurs parties ont été abordées par M. Emile 26 ASSOCIATION FRANÇAISE POUR l'aVANCEMENT DES SCIENCES Blanchard, avec sa science profonde de zoologiste. Il est souvent difficile de décider si les îles volcaniques sont les restes de formations anciennes ou des formations nouvelles; on discute encore, par exemple, sur l'origine des Açores ou des Canaries, pourtant bien voisines de nous et qu'a visitées récemment l'expédition du Talisman, si brillamment organisée et conduite par mon émi- nent collègue au Muséum, M. Alphonse Milne-Edwards ; mais les îles basses ont bien incontestablement une origine récente qu'attestent et la composition de leur faune et celle de leur flore, et la façon dont elles ont été peuplées, et tout ce que l'on sait de leur mode de formation. On parle souvent d'espèces et de genres propres à ces îles ; si ces espèces et ces genres ne se trouvaient réelle- ment pas ailleurs, ce qui n'est pas démontré, il serait bien difficile d'expliquer leur étonnante localisation autrement qu'en admettant qu'ils proviennent d'in- dividus importés, dont la descendance se serait par la suite des temps profon- dément modifiée. Que de documents relatifs à la variabilité et à l'origine des espèces pourraient être dès lors recueillis par une comparaison soigneuse de la faune et de la flore de chaque île de Corail avec la flore et la faune des îles voisines! Sans doute, toutes ces questions sont plutôt posées que résolues; mais leur solution ne paraît pas impossible; on entrevoit la méthode qui pourrait y conduire si elle était appliquée d'une manière continue, et l'on demeure profondément pénétré, après les avoir posées, de l'idée que rien ne sau- rait être indifférent dans l'étude de cette force sans cesse agissante que l'on appelle la Vie. IMPRIMERIE CENTRALE DES CHEMINS DE KER. — IMPRIMERIE CHAIN. RDE BERGÈRE. 20, PARIS, — 18134-7. I ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCES -<»__ja;;'""*Nif»Kr==*j__s>- EXTRAIT DES STATUTS ET RÈGLEMENT STATUTS Art. 4. — L'Association se compose de membres fondateurs et de membres ordinaires; les uns et les autres sont admis, sur leur demande, par le Conseil. Art. 6. — Sont membres fondateurs les personnes qui auront souscrit, à une époque quelconque, une ou plusieurs parts du capital social : ces parts sont de 500 francs. Art. 7. — Tous les membres jouissent des mêmes droits. Toutefois, les noms des membres fondateurs figurent perpétuellement en tête des listes alphabétiques, et les membres reçoivent gratuitement, pendant toute leur vie, autant d'exemplaires des publications de l'Association qu'ils ont souscrit de- parts du capital social. RÈGLEMENT Art. 1". — Le taux de la cotisation annuelle des membres non fondateurs est fixé à 20 francs. Art. 2. — Tout membre a le droit de racheter ses cotisations à venir en versant, une fois pour toutes, la somme de 200 francs. II devient ainsi membre ù vie. Les membres ayant racheté leurs cotisations pourront devenir membres fondateurs en versant une somme complémentaire de 300 francs. Il sera loisible de racheter les cotisations par deux versements annuels consécutifs de 400 francs. La liste alphabétique des membres à vie est publiée en tête de chaque volume, immédiatement après la liste des membres fondateurs. Les souscriptions des membres fondateurs peuvent être versées en une seule fois ou en deux versements de chacun 250 francs. J Les souscriptions sont reçues : Au Secrétariat, rue Serpente, au coin de la rue des Poitevins. paris. — IMPRIMKKIE CIIAIX (S.-U.,). — iyiu4-7. i 7/ 1>S3, f à jéfi-S, ■.%-"V Ifc -♦ , ^y^' .^■^ ^ ■Vffy ^ [WMrr; "\ «a 9w^,-%é .(MM^ ^ i."^ ■#■ i *. 4 K i i^'l •< i X' 'â 1^ . 1»^ ,sâ ^ ^ '*>^p^ . KMt.'^H "^ ■\4^^ ■} ^ J U^ ^W'.:J «I ki f^L^C ?**« 1 ,^