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DERNIERS JOU

LA GRANDE ARMÉE.

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IMPRIMERIE DE E. MARC-AUREL,

RUE RI CHER, 12.

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LES

DERNIERS JOURS

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LA GRANDE ARMÉE

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SOUVENIRS, DOCWS ET GOUHdMR INÉDITE

'DE NAPOLÉON

EN 1814 ET 181 S, PAR LE CAPITAINE HIPPOLÏTE DE MAEDCIT.

Fondateur et Rédacteur en chef de la Sentinelle de l'année.

Apre* Dieu, la Patrie!!!

►^M^KÊ^*^^*-*-*

PARIS.

CHEZ L'AUTEUR, RUE COLYSÉE, 32; AU BUREAU DE LA SENTINELLE DE 1/ ARMÉE, RUE RUMFORT, 15;

Au Comptoir des imprimeurs unis, quai Malaquais, 15.

. 1847

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AVIS.

Les. formalités prescrites par la loi ayant été remplies, tout exemplaire qui ne sera pas signé de ma main, sera rigoureusement poursuivi.

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ERRATA.

Page 239, ligne 3 : au lieu de .S. A. R. , lisez S. A. S.

Page 197, ligne 29 : au lieu de en date du 6 suivant, lisez en date du 6.

AU SOLDAT.

« Un historien doit préférer la vérité à tour, » dût-Il s'exposer A queUpie danger.

» TACITE. »

C'est à toi, soldat, dont j'entends le qui vive ! et le passe au large! c'est à toi, qui veilles au repos public comme à la défense du pays; oui, c'est à toi , que je dédie les derniers Jours de la Grande Armée !

Personne encore, que je sache, ne t'avait jugé digne de l'hommage de ses œuvres. Eh bien! soldat ! je te dédie les miennes comme au plus digne!

Reçois donc mon hommage!... Puisse-t-il te rendre moins longues, tes longues heures de corps de garde, qui n'ont de plus longues encore, que celles de la prison !...

. Depuis longtemps, je veille aussi pour toi r sol- dat !... Je veille pour que* ta soupe soit meilleure.

Je veille pour que ton équipement soit plus lé- ger, moins chargé d'entraves à ta liberté d'action.

VIII

Je veille au perfectionnement de tes armes, pour que jamais tes armes ne trahissent ton courage.

Je veille à ce que ton uniforme soit digne de toi , et ne t'expose jamais à la malignité ta- jtwft de la caricature.

Je veille pour que tes nobles services ne soient jamais méconnus ! . . .

Je veille à ce que ton modeste et premier galon de laine soit la juste récompense de ton zèle à remplir tes devoirs, de ta soumission à tes chefs, de ton dévoûment à ton pays.

Je veille pour que le galon d'or soit aussi pour toi un sujet d'émulation, et non le lot de quelque protégé sans conduite et sans mérite.

Je veille pour que le double galon t'offre un avenir, en même temps qu'il est le signe dis- # tinctif de tes bons services, de ta capacité, de ton instruction, de ta probité.

Je veille pour que, à ce troisième échelon de ta carrière , des garanties te soient données , te mettent à l'abri d'un caprice ou d'un calcul.

Je veille pour que, parvenu là, ton existence soit déjà plus douce; ta considération plus relevée ; ta tenue plus en harmonie avec la posi- tion que je te souhaiterais.

Je veille pour que l'on comprenne enfin qu'ayant mérité, par l'énergie de ton caractère, par ton aptitude à l'instruction, par ton amour du métier, d'être revêtu des importantes et difficiles

IX

fonctions d'adjudant, tu ne sois pas seulement le premier sous-officier du corps, je demande qu'un brevet de sous-lieutenant devienne pour toi la con- sécration d'un grade si péniblement conquis. Je voudrais t affranchir du cruel et humiliant mé- compte de te voir primer, toi, qui n'as d'autre protection que tes services, que ton zèle et ta conduite exemplaire, par le jeune candidat, qui n'a peut-être pas, en années de matricule, ce que tu comptes d'années de grade.

Je veille pour qu'en gravissant chaque degré, tu y trouves de nouvelles actions de grâces à rendre, à ton mérite d'abord, et à tes chefs qui ont su te distinguer et te rendre justice. Je voudrais que là, une ère plus large s'ouvrît à ton ambition légitime, et, qu'enfant de tes œuvres, la loi vînt, à son tour, te prendre sous son égide, et prouver qu'elle est plus forte que l'intrigue, que le favoritisme, ces plaies vivaces de notre siècle.

Mais ici, s'augmentent les difficultés de mes factions. J'ai à crier sans cesse : qui vive ! et halte ! à tes innombrables rivaux , poussés par le flot des recommandations, et montant a l'assaut du grade qui te revient, avec autant d'ar- deur peut-être que tu mettrais d'audace à l'assaut d'une redoute.

Quel obstacle opposer à ce débordement, que la loi malheureusement n'a que trop favorisé?.... Il n'en existait qu'un seul , et je l'ai proposé : c'est que cette loi d'un gouvernement constitu-

X

tionnel devint aussi juste que la loi militaire des gouvernements absolus de Prusse et de Russie, l'ancienneté, seule, fait parvenir du grade de sous-lieutenant à celui de capitaine inclus, coupant ainsi , dans sa racine , l'herbe parasite qui ronge l'armée française.

Quelles exclamations n'ai-je point alors provo- quées?.... Protégés et protecteurs ont à l'envi crié : haro!....

Opposer une digue à de telles passions, était et devait être un crime!... Ce crime, soldat! j'ai le commettre par dévoûment pour toi, quelles qu'en fussent les conséquences pour moi ! . . .

Ce n'était pas tout encore : j'avais aussi porté le trouble parmi ces protégés de haute lignée auxquels tu sers de levier, toi, soldat, dont ils font si bon marché pour arriver plus vite !...

Ils avaient ridiculisé tes cheveux grisonnants, fruit de tes campagnes, de tes bivouacs, de tes misères !... Je les ai stigmatisés et m'en suis fait autant d'ennemis.

Ils avaient, dans leur soif d'avancement, ob- tenu qu'à quarante ans, tu fusses déclaré inapte au grade supérieur. J'ai crié au blasphème à ces jeunes imprudents !... On ne me l'a pas encore pardonné, car plus d'un a été arrêté court, dans sa course au clocher vers le maréchalat !

Voilà, soldat, l'origine de ces inimitiés; j'en suis orgueilleux, comme bien tu penses : quoi de plus méritoire ici bas, que de souffrir par amour

XI

pour sa patrie, par voûment à ses défenseurs ! . . .

Lis donc, soldat, mon ami, lis ces pages qui ont agité mon âme de tant d'impressions diverses, à mesure qu'elles sortaient de ma plume !.... Lis 7105 Derniers Jours, toi, si digne de perpétuer les souvenirs de la Grande Armée ; toi, si admirable de courage, de résignation, de dévoûment dans cette lutte sans issue, s'épuisent tes forces.

Lis ces pages brûlantes d'un patriotisme que ton cœur seul, a conservé dans toute sa pureté, dans toute son exaltation chevaleresque. Lis-les, soldat ! et si parfois , elles t'arrachent des larmes de rage, souvent aussi une larme d'admiration s'échappera de ta paupière; des bravos même retentiront dans ta chambrée, en voyant comment tes pères mouraient pour la Patrie !!!....

Lis-les, soldat, et si tu sens le besoin de les relire encore, frappes ! j'en serai fier : j'aurai fait un bon livre !

Hippolyte de Maudmt.

LES

DERNIERS JOURS

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LA GRANDE ARMÉE.

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LIVRE PREMIER.

CHAPITRE I.

1812.

SOMMAIRE. Réflexions à l'occasion de la campagne de Russie. Causes politiques de celte campagne. But du système continental. - Caractère toujours et déplus en plus fourbe de l' Angleterre; sa déloyauté, ses intrigues, ses machinations contre l'Empereur. Passage du Niémen ; tableau général de la Grande Armée en fran- chissant les frontières de l'empire russe. Coalition des puissances étrangères. Causes des désastres de l'armée après l'incendie de Moscou. État de l'armée pendant la retraite. Défections et trahisons diverses. Retraite. Marches pénibles à travers la Saxe. -—État de l'armée, ses misères; elle a besoin d'être renouvelée presqu'en entier ; le génie de Napoléon y pourvoira.

Napoléon, en passant le Niémen, le 24 juin 1812, à la tête de l'armée la plus formidable

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2

que jamais souverain ait eue sous ses ordres (a) , avait pour but» non la conquête de l'empire russe, mais l'accomplissement d'une idée toute nationale, toute européenne et qui, aujourd'hui plus que jamais, a acquis tous les caractères de sa grandeur.

Napoléon n'allait demander à son ancien ami de Tilsit, que la ratification du blocus conti- nental, système hardi, gigantesque, trop long- temps mal compris, mais qui, par la liberté des mers, entraînait nécessairement, dans un temps même asse? prochain, la liberté du monde.

Napoléon n'ignorait pas que l'alliance de la France et de l'Angleterre ne pouvait jamais être qu'un mensonge, qu'une déception; en un mot, qu'une monstruosité, pour nous servir de l'expression d'un illustre orateur, le duc de Fitzjames.

Napoléon était l'un des hommes qui con- naissaient le mieux et l'esprit des peuples et l'esprit des cabinets, et il était convaincu que les Anglais étaient une nation profondément égoïste, brocanteuse et envieuse, gonflée d'un tel orgueil, animée d'une telle cupidité, qu'elle ne pouvait souffrir ni égaux ni rivaux , et qu'elle ne tendait à rien moins qu'à dominer le monde. Napoléon savait encore que le cabinet de Saint-

{u) Voir aux pièces justificatives 1.

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James ne tenait aucun compte de la loyauté qui devait foire respecter les traités, et que tous les moyens lui étaient bons pour arriver à son but (a).

Cette pensée, toute nationale et toute salu- taire qu'elle fut, ne devait pas être couronnée du succès qu'elle méritait, et l'orgueilleuse Angleterre eut bientôt à se réjouir des désas- tres que les éléments, plus encore que l'armée russe, semblèrent accumuler, comme pour les rendre plus irréparables et plus poignants. Qui eût prédit, cependant, au passage du Nié- men, après la défaite de l'armée d'Alexandre à la Moscowa, et surtout au jour de l'entrée triomphale de Napoléon dans Moscow, à la tête

(a) Lorsque Napoléon devint Premier Consul à vie, les Anglais avaient déjà foulé aux pieds les conditions de la paix d'Amiens. Delà, cette guerre qui éclata au mois de mai 1803, et mit les armes à la main de l'Europe entière. Alors, comme toujours, l'Angleterre dispersa sur tous les points, les émissaires secrets de ses intrigues, en inonda les frontières de l'Allemagne et soudoya des assas- sins pour frapper te Premier Consul. Le ministre anglais, à Munich, Drake et Spencer Smith, à Suttgard, se rendirent célèbres par le rôle ignoble qu'ils jouèrent dans ces machi- nations infâmes. Napoléon dénonça hautement à l'Europe les complots des agens du cabinet britannique, et l'Europe en eut honte. Voilà les Anglais de tous les temps et dans toutes les occasions. Qui peut oser croire à la foi de l'Angleterre qui ne fut, n'est et ne sera jamais qu'une foi punique ? Napoléon se livra en 1815 à l'Angleterre; on sait ce qui en est advenu.

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de la Grande Armée française, qui eût prédi, dis-je , que ce jour solennel était le dernier éche- lon de la gloire et de la puissance du grand capitaine!... Qui eût jamais supposé que Napo- léon, quittant le Kremlin au milieu des flam- mes et des ruines Amiantes de mille palais, ne serait plus que le jouet d'une mauvaise fortune qui déjà lui creusait une tombe sur le rocher aride et brûlant de Sainte-Hélène !!!...

Des esprits inquiets , des hommes de parti , des traîtres, s'étaient pourtant déjà complus dans ces prédictions, bien avant que les évé- nements ne vinssent leur donner l'apparence d'une trop prochaine réalité (a).

A des hommes qui ne sont pas accoutumés à vaincre, il ne faut que quelques succès pour réveiller leur vanité, mais leur courage hésite encore, et ils ne s'en trouveraient pas assez s'ils ne rencontraient des alliés. L'Angleterre, toujours aux aguets, jalouse d'un sang qu'elle brûle de répandre, s'adresse bien vite aux ennemis de Napoléon, et prépare ainsi les plus grands malheurs pour la France. Mais ce ne furent ni son génie , ni sa valeur qui les prépara et

(a) Ces prophètes de malheur-là, n^vaient qu'un mérite de mémoire, celui de se ressouvenir de la défaite de Charles XII à Pultawa, le 8 juillet 1709. Après cette bataille, dans la- quelle il perdit toute son armée, ce jeune héros, aussi témé- raire que brave, et qui déjà remplissait l'Europe de son nom, fut obligé de chercher un asile chez les Turcs.

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les fît éclater. Sa joie ne put se mêler ni aux accents» ni aux triomphes d'une victoire; ce fu- rent les éléments, seuls, l'intempérie du climat qui lui donnèrent cette satisfaction qu'elle n'eût encore pu obtenir sans la trahison. Aussi , cette belle armée ne péritrelle point dans un seul combat, comme l'armée de Charles XII à Pultawa ; mais ensevelie sous les neiges de la Russie, ou charriée pêle-mêle avec les énormes glaçons de la Bérézina ; la faim acheva ce qu'un froid de trente degrés avait commencé.

Le sort a donc seul décidé et de la gloire et des espérances de trois cent mille braves ; le froid le plus intense est seul venu assurer le salut d'un vaste empire ; les neiges et les glaces ont seules appesanti le knout de la servitude sur les populations de la Russie ; Alexandre n'a sa couronne qu'à l'intempérie extraordinaire d'un hiver.

Ainsi , ce ne sont point les ennemis de la France qui ont fait tomber les armes des mains de ses valeureux enfants ; ce n'est point une victoire qui les a dispersés sur les chemins, qui leur a arraché leurs provisions ; aucune arme étrangère ne les a frappés au cœur ; ils n'ont eu à rougir ni d'une déroute, ni d'une défaite, et l'ennemi lui-même n'a pas osé poursuivre seul , cette ar- mée , que la misère rendait impuissante , et que la mort moissonnait à chaque pas ! . . .

Et e^ore si tous ces martyrs du plus' noble

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dévouaient n'eussent été réservés qu'à ces dé- vorantes épreuves!... Mais ceux que le climat n'a pu atteindre, la trahison la plus lâche les attend et se prépare à les frapper au passage* Les propres alliés de la France, ceux-là que Napoléon avait associés à son grand oeuvre, à cette gigantesque expédition , ceux-là même vont trahir leurs serments , renoncer à la gloire qu'ils ont acquise et désertent ces drapeaux sous lesquels ils avaient participé à de si glorieuses victoires ! Non seulement ils désertent aux pre- miers jours de la mauvaise fortune , mais ils ont encore la félonie de se liguer contre nous. La Prusse et l'Autriche répondent à la voix de la Russie qui les appelle à son secours et se pré- cipitent au-devant de nos tristes phalanges pour leur fermer le chemin de la France !

Mais tous ces maux que notre armée a souf- ferts n'ont pas éteint son courage. Quelles que soient les chances qui l'attendent , elle ne comp- tera pas; elle acceptera tous les combats que lui présenteront ses nombreux assaillants; elle leur fera du moins payer cher leurs derniers triomphes. Elle les attendra calme, ferme et résignée, dans les plaines de la Saxe, après avoir été obligée de braver mille périls pour y arriver. Elle aura perdu tout son matériel ; ses chevaux auront servi à la nourrir; au lieu de vêtements, elle n'aura plus que des haillons ! . . . Le plus grand nombre de nos places fortes , bien que

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regorgeant de ce qui lui serait nécessaire» ne lui offriront plus de ressources ; elles resteront bloquées jusqu'à la paix !... Et cependant, il faudra qu'elle tienne tête à tous les monarques coalisés du Nord, et elle ne reculera pas. Sa résistance ne se manifestera plus par la victoire , mais elle sera encore et toujours glorieuse !

Tout se trouvait donc alors à renouveler dans l'armée. Le génie de Napoléon pourra- t-il sup- pléer à tant de désastres réunis , si éloigné qu'il est encore de la France, et réduit aux seules ressources qu'elle peut lui offrir? La France elle-même pourra-t-elle suffire à des besoins si nombreux et si pressants ? Après tant de sacri- fices en hommes , en trouvera- t-elle encore assez pour lutter contre l'Europe entière, dont la coalition n'est plus un doute?

Mais des armées formées à la hâte ne sau- raient valoir des armées aguerries ; il est diffi- cile , pour ne pas dire impossible , de remplacer de vieux soldats, plies à toutes les fatigues, habitués à toutes les privations , et d'ailleurs pleins des souvenirs de leurs nombreuses vic- toires.

En un jour de bataille, une armée de cons- crits peut assurément être électrisée par un chef habile, et surtout par un général comme Napo- léon , dont la présence seule centuple et la force et la confiance ; là, on peut l'espérer, il n'y aura pas de sourds à la voix qui les animera ;

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il n'y aura point d'efforts sans succès. Lutzen et

Bautzen en déposent Mais à côté, aussi.

Ton rencontre lés désastres de Leipzig !...

Ce sont les mauvais jours qui deviennent la pierre de touche des bonnes troupes et de la bonne constitution de 1 armée.

Dans le cours de cet ouvrage, nous aurons plus d'une occasion d'en faire la remarque.

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CHAPITRE II

1813.

SOMMAIRE. Réorganisation de l'armée. L'espérance renaît de toutes parts, on compte au moins se maintenir sur l'Elbe.— Bernadotte ne dissimule plus qu'à moitié son intention de marcher contre la France. Les trahisons et les défections se multiplient dans l'armée française. —More au au milieu des Souverains coalisés. Défections des petits princes allemands. Bataille de Leipzig. Épisode in- connu : l'empereur Alexandre et le roi de Prusse, au moment d'être enlevés par une charge de la cavalerie de la garde impériale.

Le printemps de 1843 avait semblé sourire encore une fois à l'aspect de nos bataillons en armes : des trophées s'élevaient autour de nos faisceaux ; des milliers de prisonniers , enlevés aux nations coalisées, étaient dirigés sur la France et attestaient la miraculeuse résurrection de son armée, sa force, et la puissance créatrice de son chef; l'espérance renaissait de toutes parts et ravivait tous les cœurs.

On n'avait pas encore pu oublier les malheurs de la campagne de Russie , mais on espérait se maintenir sur les rives de l'Elbe , et conserver à la France des conquêtes qui lui avaient coûté tant de sang ! . . . . Hélas ! la fortune , à l'instar de nos anciens alliés , se montrait infidèle aussi ! Elle était passée aux gros bataillons de la Russie,

10- de la Prusse, de l'Autriche, et même du roi de Suède ! Pour ce dernier , elle avait pu se tromper ; elle avait cru reconnaître en lui , l'an- cien maréchal de l'Empire, un des heureux enfants de la France glorieuse , et non le soldat parvenu au trône de Charles XII par l'agrément et avec la permission de Napoléon et sur lequel il ne s'est maintenu que par la trahison envers sa patrie (a).

L'ennemi compte déjà dans ses rangs plu- sieurs transfuges français que la postérité flétrira plus sévèrement encore que ne l'ont fait leurs contemporains , car jamais assez de haine et de mépris pourront-ils s'accumuler sur tant de per- iîdies et sur un crime aussi grand îjue celui de trahir sa patrie ! L'ambition, une grande injustice même pourront-ils fournir une légère excuse à un aussi odieux parricide? (6)

(a) Voir r Histoire de Bernadotte, roi de Suède, par M. SaN rans jeune. Paris 1845.

On a dit que Bernadotte avait eu, in petto, des vues sur le trône, mais nous ne pouvons croire à une prétention aussi extravagante. La France a pu couronner des princes four* bes et menteurs, et même des tyrans, mais elle n'eût jamais accepté, pour chef, un traître ni un transfuge.

(6) Le général Moreau avait seul été proscrit, et nous ne pouvons l'absoudre de s'être exposé à mourir d'un boulet français. Un nom qu'il avait rendu si grand,, qu'on pronon- çait avec estime, avec orgueil même, après celui de Napo- léon ; un nom qui rappelait la retraite de l'un des plus grands capitaines de la Grèce (Xénophon), et qui marchait au moins son égal , devait rester pur puisqu'il faisait partie

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Il ne nous reste donc plus que les Saxons, les Wurtembergeois et les petits princes de la Confédération germanique , et encore , parce que le moment de nous trahir et de tourner leurs armes contre nous n'est pas arrivé pour eux (a).

Mais le 18 octobre approche et c'est la journée à jamais triste et mémorable de Leipzig. Les Saxons et les Wurtembergeois, sur lesquels on croit pouvoir compter dans cette action déci- sive, font un mouvement vers l'ennemi. Les bataillons français le croient offensif et y applau- dissent , mais l'illusion fut courte ! A peine ar- rivés sur le front de bandière de l'armée com- binée, les pièces sont mises en batterie contre nous et nous donnent la preuve de la trahison la plus odieuse, celle qui se commet un jour de bataille.

des grandes gloires de la France. La France recueillera la gloire de Moreau, mais Moreau aura flétri la sienne en tra- hissant son pays, crime que rien ne peut justifier.

(a) Nous comprenons cependant la défection de tous ces petits princes. Sans doute ils devaient une grande recon- naissance à Napoléon pour avoir aggrandi leurs États, les avoir pris sous sa protection, et les avoir, en quelque sorte, affranchis de la métropole; mais dès lors qu'ils perdaient leur appui, que le sceptre du conquérant se brisait dans ses mains, ils devaient s'associer à une coalition qui aurait pu les punir de leur fidélité en les réduisant à leur position première, et peut-être les briser comme des rebelles aux intérêts et aux principes des vieilles monarchies qui , une fois réhabilitées , devaient ramener et rétablir les anciennes traditions.

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Dès lors, le courage de l'armée française devient inutile , la partie devient inégale, car les vingt mille transfuges qui s'ajoutent aux trois cent mille autres ennemis, sont réellement pour nous une perte de quarante mille hommes»

Gomment prolonger la lutte après un coup aussi inattendu, ayant à notre dos une rivière sans gué, et, pour toute retraite, les rues étroites de Leipzig, et un seul pont?...

L'issue de cette fatale journée ne pouvait plus être douteuse ! Aussi , combien fut-elle funeste ! Combien n'influa-t-elle pas sur les destinées de l'Empire et sur l'avenir peut-être de la France, en donnant à la coalition une force et des espé- rances que cette même journée eût pu anéantir à tout jamais !

Nous n'essayerons point de décrire ici cette bataille ; pour qui n'y a pas assisté , elle parai- trait une fable.

Ce qui va suivre fera assez connaître ce qu'enfante une défaite préparée et hâtée par la trahison, accompagnée de ces incidents qui ne surgissent que sous le doigt cruel de la fatalité.

La bataille est perdue!!! Poniatowski n'était plus, et trente mille Français gisent sur ce champ de carnage ! . . .

Essaierai-je de peindre une retraite domine le désordre, et nous sommes constamment et impitoyablement harcelés de toutes parts?.. Tracerai-je l'image de ces tristes et vindicatives

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représailles de peuples longtemps humiliés et toujours vaincus? Ces représailles la force abuse de la victoire, le droit des gens et Thumanité ne font plus entendre leur voix? di- rai-je que cette armée manquait de pain, qu'on lui refusait le plus strict nécessaire, que les portes de l'hospitalité lui étaient fermées, et que cette armée avait encore cent lieues à parcourir de Leipzig à Mayence ; qu'elle dut les franchir sans s'arrêter un seul instant , sans prendre aucun repos sous peine d'être livrée au fer ou à la lance des Cosaques qui inondaient le pays, et sans autres aliments que les débris des récoltes échappés aux glaneurs? Et cependant, nous étions encore , disait-on , sur les domaines du plus fi- dèle allié de Napoléon , du roi de Saxe ! Quels alliés , grand Dieu ! furent pour nous ses soldats ! . .

Mais quels sont donc les autres alliés qui nous restent?...

Celui d'entre eux dont la fidélité et dont le concours devraient si naturellement nous être assurés , si les rois avaient une famille , si les rois sentaient la paternité, celui dont la fille avait pour époux l'illustre et vaillant prince Eugène, l'enfant adoptif de Napoléon et de l'armée fran- çaise, le roi de Bavière enfin ; celui-là aussi, tournant ses armes contre une armée accablée et malheureuse , se sent assez de lâcheté et d'in- gratitude pour lui barrer le passage dans la forêt de Hanau , et pour la livrer pieds et poings

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liés aux farouches vainqueurs qui la poursuivent ! Et l'on ose appeler âmes, vulgaires, celles dans lesquelles seules la pitié s'est réfugiée !

La conduite de ce roi félon méritait un châ- timent exemplaire ; il ne se fit pas attendre , la garde impériale fut chargée de ce soin, et s'en acquitta d'une manière digne d'elle , et de la noble cause qu'elle vengeait. On la vit bientôt poursuivre l'épée dans les reins , jusqu'à merci , les quarante mille Austro-Bavarois, que comman- dait à Hanau, ce général de Wrède, que l'Empe- reur avait comblé d'honneurs et de bontés. . . Ah ! le démon de la trahison et de l'ingratitude dispu- tait partout le terrain à la grandeur d'âme et au génie !...

Près de mettre le pied sur sol généreux de la France, nous dûmes rencontrer encore un obstacle. Francfort, cette ville opulente de l'Allemagne, nous ferma ses portes, et prétendit nous les disputer à coups de canon!... Les faibles se croient forts en face des malheureux... Na- poléon se contenta de lui faire ouvrir ses coffres et de lui faire payer ses frais d'entrée.

Personne ne le niera désormais : Napoléon &isait la guerre en conquérant politique et non en barbare.

Si la paix a régné depuis que son corps est descendu dans la tombe , c'est qu'il était réservé à ses mains seules, de porter son sceptre et

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son épée. Wellington a osé y porter les siennes, elles s'y sont paralysées (a).

(a) On sait que Wellington montre, avec une vanité aussi pitoyable que ridicule et menteuse, l'épée que Napoléon por- tait à Waterloo; pour celle qu'il a pu faire dérober par son ami sir Hudson Lowe au tombeau de Sainte-Hélène, passe, mais pour celle de Waterloo, la France entière lui dira le mot

CHAPITRE III.

SOMMAIRE. Marches forcées de f armée, bien qu'elle manque de tout. Arrivée à Mayence. Le typhus s'y déclare et moissonné les soldats forcés d'y rester. Le plus grand désordre régne dans Tannée.

Nous approchons de la tête de pont de nos frontières ; nous découvrons les clochers de Mayence. Ils sont pour nous ce qu'est l'aspect de la terre pour le matelot qui a été longtemps le jouet des flots et des tempêtes.

, nous plaçons déjà quelques idées de repos, quelques espérances, car les débris de notre armée sont exténués de fatigues, et tombent pres- qu'autant de découragement que d'inanition. Les cent lieues qui viennent d'être franchies , comme d'un seul bond , sans sommeil et sans halte , mais non sans combats, ont abattu les forces de nos jeunes phalanges que l'avant-garde ennemie ra- massait par milliers sur la route. Elles étaient presqu'anéanties par la misère et par le besoin et surtout par une dyssenterie qui'n'avait à peu près épargné personne.

Par surcroît d'infortune , la saison devient mau- vaise , les rigueurs de l'hiver se font déjà sentir , la neige couvre la terre , une pluie glaciale et un rude vent du nord paralysent nos membres à peine recouverts d'uniformes en lambeaux.

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Notre arrivée à Mayence rappelle, en quel- que sorte , le retour à Wilna , tant notre dénue- ment est grand , tant le désordre est à son comble. On se dispute les quelques grappes que Ton dé- couvre en parcourant les vignes qui bordent la route à peu de distance du Rhin , et si dans l'em- pressement ou dans la précipitation, un soldat heurte un peu trop fortement un camarade, ce dernier chancelle et tombe mort. Le mouvement chez lui n'était plus qu'une dernière convulsion de la vitalité qui s'éteignait, comme une bougie sous un léger souffle.

Ce ne sont pas des tableaux faits à plaisir, des exagérations de l'infortune qui veut attirer la pitié ou l'intérêt; c'est un souvenir de douleur pour tous ceux qui ont, comme nous, été acteurs dans ce triste drame. Les habitants de Mayence échap- pés au typhus qui décima leur population , pen- dant plusieurs mois , furent les témoins de l'af- fligeant spectacle que leur offrit l'armée française, en traversant leurs quais, leurs places et leurs rues.

Quant à nous , le cœur nous saigne encore au souvenir de tant de désastres , de tant de misères.

Un cri de joie s'échappa cependant de nos poi- trines en traversant le pont de Mayence, mais ce n'était plus le cri que le soldat avait fait entendre , quand il l'avait franchi pour entrer en campagne.

Il y a un abîme entre ce cri du soldat souffrant

2

18

et appelant de tous ses vœux le foyer domestique et le cri du soldat ne rêvant que gloire et combats, et surtout la victoire ! . . .

Afin d'éviter l'encombrement qu'entraînait né- cessairement un tel désordre , les débris de chaque corps furent dirigés sur divers points de la rive gauche du Rhin.

Malheur à ceux qui resteront dans Mayence, soit par ordre , soit parce que leurs forces ne leur per- mettront pas d'en franchir les portes. Le typhus les attend pour les frapper , et le fleuve roulera bientôt, dans ses flots, leurs cadavres par milliers : ils n'auront pas d'autre sépulture ! leur famille ne saura point sont leurs cendres ! . . .

CHAPITRE IV.

SOMMAIRE. L'armée se dirige sur la France. Tableau de sa misère. Halte à Oppenheim ; on n'y trouve déjà plus de vivres ; une livre de pain s'y vend cinq francs. Les hordes du Nord pullulent sur la rive droite du Rhin. Napoléon à Paris demaade une nouvelle ar- mée pour résister à la quadruple alliance.

«Enfin nous voici donc en France!...» Tel est le cri qui s'entend sur toute la ligne de nos colon- nes. « Nous allons donc jouir enfin de quelque » repos , nous aurons donc un abri , du pain , des » vêtements!.... Nous allons donc secouer cette •vermine qui nous dévore!... (a) Reposer, sinon » dans un lit , au moins sur de la paille fraîche ! ... »

Nous étions en France, et cette pensée nous consolait déjà ; la patrie est un baume qui guérit bien des maux ! Mais elle dut se sentir bien affligée de l'état nous lui apparûmes. Elle, si bril- lante, si élégamment parée, si vive, si sémillante,

(a) On aura peine à croire que la vermine qui nous ron- geait, s'était si profondément inféodée en nous, si nous pou- vons nous exprimer ainsi, qu'il s'en trouva qui furent pen- dant plus de six mois sans pouvoir s'en débarrasser, s'en purger entièrement ; elle avait même tellement démoralisé un de nos camarades, qu'il se brûla la cervelle dans les souterrains de Château-Thierry peu de jours après la bataille de MontmiraiL

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et nous , si abattus ! si pâles ! si déguenillés ! et puis, quel désordre!... Artillerie, cavalerie, infanterie , marchaient pêle-mêle. Elles poursui- vaient indifféremment leur route , dans la boue comme sur le gazon , semblables à des machines obéissant à une impulsion donnée.

Pour offrir une idée de cette première étape sur le sol de la France, nous rappellerons que nous avons vu à Oppenheim , à la tête des débris de sa division , composée de quelques squelettes ambulants , un général poussant devant lui , avec une branche de bouleau , son pauvre cheval de bataille , qui pouvait à peine porter son équipe- ment et ses armes. Le pauvre général pouvait à peine lui-même se traîner, et la baguette qu'il te- nait à la main , semblait trop lourde pour son bras. Sans les quelques fragments de plumes noires restés à son chapeau de combat et dont le grand côté retombait sur son épaule gauche , on l'eut pris pour un mendiant , tant il en avait la li- vrée ! . .* Ses bottes ne maintenaient plus ses pieds ; tout son vêtement se composait d'une mauvaise capotte et d'un pantalon jadis bleu, inondé de boue ; sa barbe n'avait pas été faite depuis trois semaines. Tel était le général, tels étaient les soldats qu'il avait sans doute commandés dans plus d'une glorieuse journée.

Notre corps devant être cantonné dans les environs de Landau, nous reçûmes Tordre de nous arrêter à Oppenheim et d'y séjourner

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pour laisser la route plus libre à ceux qui devaient pousser plus loin.

Nous nous logeâmes militairement par douze ou quinze, dans chaque maison; notre premier besoin était un abri et du pain. Mais comme nous devions tomber de fatalités en fatalités , la ville n'avait déjà plus de vivres à nous offrir, même à prix d'argent. Une livre de pain fut payée cinq francs , mais on n'en eut trouvé une seconde nulle part, même à ce prix. Les bou- cheries étaient épuisées comme les boulangeries, et, pendant quarante-huit heures de halte à Op- penheim, chacun de nous ne put se procurer, pour refaire son estomac délabré, que deux ou trois pommes de terre par jour. Fort heureux encore de les avoir, nous fussions sans cela tombés d'inanition dans les rues d'une ville fran- çaise , ainsi que déjà plusieurs centaines de soldats français avaient succombé dans celles de Mayence et sur sa principale place , accroupis comme des mendiants et transis de froid autour des mille petits bivouacs dont elle était couverte.

Trêve à ces tristes tableaux qui font peser sur les débris d'une armée si glorieuse et l'a- bandon et la misère et presque le dédain et le mépris, comme si elle eût trahi ses devoirs, l'honneur et la patrie. Oublions et son dénû- ment et le typhus qui la moissonne, pour con- templer sa docilité, sa résignation, son cou- rage à résister au malheur, le plus grand de

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tous peut-être ; suivons-là dans ses efforts et dans sa persévérance active à se rallier et à atteindre une organisation complète.

En effet, il lui fut à peine accordé six se- maines pour se refaire, et se préparer à de nouvelles luttes , à des luttes qui feraient douter des pertes qu'elle venait d'éprouver, et des maux qu'elle venait de souffrir, car elle allait se re- présenter au combat, forte, hardie et confiante dans sa valeur. Elle a dépouillé ses haillons , jeté son bâton de pèlerin et repris ses armes , et elle compte encore quatre-vingt-dix mille soldats ! Ces généreuses légions vont défendre pied à pied le sol de la patrie contre des myriades d'ennemis ; elles* vont feire tête à six cent mille étrangers, qui s'abattent comme des vautours sur notre belle et malheureuse France.

Nous laissâmes le pavillon noir sur le* murs de Mayence, de cette ville, qui, jadis ber- ceau de notre gloire, n'offrait plus que l'image d'un vaste tombeau, au milieu des continuels tintements du glas de la mort.

Mayence! lugubre souvenir qui pèse sur nos âmes! Tu vis des milliers de cadavres d'hom- mes et de chevaux encombrer tes rues ! Il ne restait plus dans tes murs assez de bras valides pour les livrer soit à la terre, soit aux flots du Rhin. Les maisons forait tel- lement remplies, un instant, de morts, qu'on précipitait letars corps par les fenêtres , sans Tin-

r.

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ceul et sans aucun vêtement. Oa n'entend plus qu'un cri qui s'étend et se prolonge le long de toute la vallée, celui des sauvages hurras des Cosaques qui menacent déjà nos frontières !

Nous voici cependant sur la rive gauche de ce fleuve qui semble posé par la natute, comme limite entre la France et la Germanie, limite vainement contestée, mais que le temps, la force des choses, et une loi plus puissante que toutes les lois humaines , celle de la nature , établira définitivement.

Sur les bords opposés, naguère amis, de ce fleuve majestueux et bizarre, on ne rencontra plus que les figures barbares des hordes du Don, du Caucase et de la Sibérie, comme si devait déjà s'accomplir la double prophétie et d'un philosophe célèbre et d'un héros plus cé- lèbre encore (a).

De Dusseldorff à Schaffouse, on ne voit que Kàlmouks, Baskirs et Cosaques s'agitant et convoitant le butin qu'ils ont rêvé dans leurs steppes et dans leurs plaines glacées.

Derrière ce front de bandière sauvage sans discipline et sans frein, et à peu de distance,

(a) J.-J. Rousseau a dit : « Que le Midi serait un jour en- » vahi par les peuples du Nord. »

Napoléon, à l'époque il dictait ses mémoires, a dit : que, « avant AO ans, l'Europe serait républicaine ou cosaque. » Un autre a dit : « qu'un jour le Rhin abreuverait les chevaux » des cavaliers de l'Asie. »

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se trouvent, paisiblement cantonnées , des troupes régulières qui se réunissent avec ordre et en- semble, car elles n'ont à redouter ni attaques ni surprises. L'homme qui les tient d'ordinaire en éveil, qui jette l'effroi dans leurs camps, que son approche glace d'épouvante, est loin de ; il est à Paris , s'occupant de réparer ses désastres, demandant à la France, une ar- mée nouvelle. De leur côté, les phalanges qu'il a laissées derrière lui, réparent, dans le repos, leurs forces épuisées et réunissent lentement ce qui leur est nécessaire pour marcher à de nou- veaux combats.

Il n'en est pas ainsi pour cette quadruple croisade qui lutte depuis une année contre la France. Quatre fois supérieure en nombre, elle a aussi les ressources de quatre grands peuples, et de plus, tout l'or de l'Angleterre, cette en- nemie implacable, cette ennemie éternelle de la France, de cette France qui est pour elle une autre Carthage, de cette France qu'elle espère enfin détruire, car elle est épuisée par vingt années de combats, et en quelque sorte affaissée sous le poids de ses victoires.

CHAPITRE V.

SOMMAIRE. La France est menacée sur tous les points. Défec- tion de la Confédération germanique. Tableaux des forces de la France et de celles des armées combinées.

Au 15 décembre 1813, la France, menacée de- puis Bayonne jusqu'à Anvers, se trouvait pres- qu'enveloppée par la coalition de la Quadruple- Alliance, et n'avait guère à opposer à ses six cents mille assaillants , que cent cinquante mille baïon- nettes (a).

Nous allons faire connaître quel était à peu près l'effectif de la Grande-Armée , après la retraite de Leipzig , et quelle fut la position que chaque corps français occupa jusqu'au jour l'ennemi fran- chit le Rhin pour se joindre aux armées coalisées qui partaient de l'Escaut et de l'Adour.

Depuis sa rentrée en France , jusqu'au 15 dé- cembre , chaque corps avait reçu , de ses dépôts , divers détachements , car l'effectif était loin d'at- teindre , alors , celui que nous allons présenter.

(a) Nous ne comptons point ces recrues levées et habillées à la hâte, et qui disparurent presqu'aussitot qu'elles s'é- taient montrées, ce qui justifie ce que nous avons déjà dit à ce sujet.

26

Il ne revint guère de Leipzig , que soixante-dix à quatre-vingt mille hommes , dont dix mille au moins moururent, soit dans les hôpitaux, soit dans les cantonnements de l'Alsace.

27

TROUVES M UGVB.

Numéro des corps d'année.

4*

5- «•

1er

Corps de cavalerie.

Artillerie et train.

Génie

Troupes attachées au grand quart. -gén.

Sous Total par

les Drires. corps d'année,

duc deBellune. comte Morand.

Général Albert, lue de Raguse. due de Tarente. gén. Doumerc.

5 en. Exelmans. uc de Padoue. comte Miîhaud. comte Sorbier, baron Rogniat,

6,310 16,460

4,698 13,507 11,744

3,263

Eapbceautt.

sur le Haut-Rhin.

dans Mayenoe et les environs.

dans les environs de Cologne.

bordant le Rhin de Mayence à Coblentz,

de Nimègue à Zwoll.

sur la Nahe et dausleBundsruck.

2,768 entre Coblents et Wesel.

1 ,997 bordant le Rhin deWeselau fort St- André

3,831 Idans les départements du Rhin.

9 413 V

1 '314 Dans *e* différents corP8 «Tannée

547

total: I 75,852

de toutes armes.

OJLB.DE IBCPiaUAXJB.

Sous les ordres.

Infanterie <l" division, comte Friant. la vieille garde.\2« id. général Michel. . .

[de

Infanterie de la jeune garde.

Cavalerie de la garde ' comte Nansouty .

3 divis. de volt, et 3 de tir.

comte Ni [Artillerie et Génie. /Artillerie

'/Génie.

total:

Total par arme.

4,800 1,954

10,744

4,790

5,210

261

27,759

Emplacement.

en marc, de Trêves sur Bruxelles, à Luxembourg.

:

à Bruxelles, Paris et Lille les cadres attendaient les recrues, en marc, de Trêves sur Bruxelles, répartie dans Les divisions, avec la division Friant.

BiCAviruiAnoBr.

Troupes de ligne. Garde impériale.

totaux :

Infanterie.

53,264 H,498

70,762

Cavalerie.

1 1 ,859 4,790

16,649

Artillerie.

9,415 " 5,210

14,625

1,314 261

1,575

Total.

75,852 27,759

103,611

a*

> *

28

Les tableaux suivants vont faire connaître aussi l'état des armées combinées , dont les forces prin- cipales se trouvaient établies dans cette confédé- ration germanique , que Napoléon avait si tendre- ment affectionnée , et qui , pourtant , va fournir contre lui un contingent de cent quarante-neuf mille hommes, divisés en huit corps, sans comp- ter la levée en masse , que le gouvernement cen- tral se réserve de mettre sur pied au besoin (a).

(a) Nous avons emprunté ces situations aux rapports offi- ciels , et à leur défaut , aux auteurs qui nous ont paru les mieux informés, notamment à M. le colonel Koch, aujour- d'hui maréchal de camp, et auquel nous devons de précieux documents sur la campagne de France en 1814.

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' ARMÉE AUTRXCHXSNBrB B'ITALIX.

Le feld maréchal comte de Bellegarde, commandant en chef. Le feld maréchal, lieutenant, Hicbter, chef d'état-major. Le général major Smola, commandant l'artillerie. Le général major Benezur, commandant le génie.

EB

78 ba.ai.lon. dont | » «*-* ^ ^ & ! ! .' .' ! &£S

66 escadrons sur le pied moyen de 150 hommes 8,580

Artillerie et génie 4,800

Force approximative de cette armée. . . 55,280|

roi Joachim (Murât), commandant en personne, lieutenant-général Milet de Villeneuve, chef d'état -major . général Pedrinelli, commandant l'artillerie, général Coletti, commandant le génie.

lre division du général Carascosa

2e id. du général Ambrozio

3e id. général du (P.- A.} Pignatelli Cerchiara.

Division de cavalerie du général Livron

■Réserve, comm. par le prince Pignatelli Strongoli. Parc de réserve du général Begami

totaux :

6,450 6,480 6,430 1,460 2,350 600

25,750

Bouches à feu.

8 8

8 8

8 16

56

ARMTTF. AKGLO-ESPAG/TOLB.

Lord 'Wellington, commandant en chef.

Le lieutenant-général Murray, chef d'état-major.

Corps anglo-siciliens aux ordres r!u lieutenant- général Bentinck

1er corps d'armée espagnol, commandé par le maréchal de camp don Copons y Navia

2e corps d'armée espagnol, commandé par le maréchal de camp don Xavier EUo

Hommes de toutes armes.

15,000 18,568 28,498

TOTAUX :

61 ,866

n j 2ft,076 employés aux blocus des places. 0 I 39,790 en ligne contre Parmée française.

«I

En ne portant l'effectif moyen de ces cent soixante-dix-sept bataillons qu'à cinq cents hommes, et celui des quatre-vingt-dix-neuf es- cadrons qu'à cent vingt hommes, ce serait donc encore quatre-vingt-huit mille cinq cents

38 baïonnettes, et onze mille huit cent quatre-vingts sabres à ajouter à cette phénoménale coalition de 1814.

L'armée française va donc avoir à lutter contre les quatre cent quatre-vingt mille baïon- nettes, les cent mille sabrés et les deux mille bouches à feu que l'Europe entière dirige contre elle.

LIVRE DEUXIÈME

CHAPITRE VI.

1814.

SOMMAIRE. *- État de l'armée au moment de l'invasion. La France n'a que 258,680 hommes à opposer à l'armée ennemie, composée de 600,000 étrangers , traînant après eux 2,000 bouches à feu. Fai-

* blesse de l'armée française, résultant de la trop grande quantité de recrues, de l'inexécution du traité de Drescje et de la faute commise en laissant des troupes dans les places fortes outre-Rhin. Le 29 mars, Napoléon, à son arrivée à Vandœuvre, apprend la marche des années combinées sur Paris ; il prend ses dispositions et part à franc étrier. 11 arrive à la Cour de France le général Belliard lui annonce la capitulation de Paris.

Napoléon partit de Mayence le 8 novembre, et arriva à Saint-Cloud le 9.»Malgré tous ses efforts et son habileté à faire ressources de tout , refoulé qu'il était dans nos anciennes limites,

40

il ne put parvenir à élever * le chiffre de ses armées combattantes, pendant les sept semaines qui précédèrent l'invasion, qu'à deux cent trente- sept mille trois cent dix-sept hommes , auxquels on peut ajouter à la rigueur , mais pour mémoire seulement, les vingt et un mille trois cent soixante-trois recrues qui étaient en marche pour rejoindre leurs corps respectifs.

C'étaient donc, en définitive, deux cent cin- quante-huit mille six cent quatre-vingts hommes , de toutes armes, qui formaient la muraille vi- vante, chargée de s'opposer, depuis Bayonne . j jusqu'à Anvers , aux six cent mille baïonnettes , et aux deux mille bouches à feu que l'Europe avait tournées contre lui (a), et encore, compre-

(a) Nous disons contre lui, car, en effet, les puissances al- liées avaient fait entre elles, un traité auquel fut donné, par la suite, le nom de Sainte- Alliance, par lequel elle^ déclaraient ne s'armer que contre Napoléon seul, et s'obligeaient à ne {

déposer les armes que lorsqu'il serait abattu. Ge traité dit, à lui tout seul, quelle était la terreur que Napoléon inspirait ,

à toutes les puissances, et particulièrement & l'Angleterre, car, en provoquant cette alliance, elle ne faisait qu'user de représailles contre ce que Napoléon faisait seul. Déjà elle l'avait échappée belle deux fois, et elle savait que le but de Napoléon, par son système continental, était d'établir la liberté des mers en abattant la puissance anglaise. C'était donc^pms son propre intérêt que l'Angleterre, peu soucieuse de celui de l'Europe, avait provoqué la coalition. La manière dont elle a traité Naffoléon sur le rocher de Sainte-Hélène a montré que tous les moyens lui étaient bons.

Si elle eût pu ou osé , et que , seule , elle eût été maîtresse de la France, elle l'eut traitée comme elle a traité Napoléon.

•— 41

nons-nous, dans cet effectif, les quarante-cinq mille cinquante-huit hommes de l'armée d'Italie , char- gée de combattre sur l'Adige, et de tenir tête aux cinquante-cinq^ mille deux cent quatre- vingts Autrichiens du comte de Bellegarde , ainsi qu'aux vingt-trois mille sept cent trente Napolitains qui .venaient de se déclarer contre nous , alors que l'on avait au contraire , compté sur leur concours.

Si encore tous nos régiments n'eussent été composés que de vieux soldats!... Mais à peine en comptait-ôn (la vieille garde exceptée) un tiers ayant au-delà d'un an de service; un second tiers était sous les drapeaux depuis six ou huit mois ; et le reste était entré dans nos rangs depuis six semaines, un mois, quinze jours, et la veille même des hostilités, comme à Montmirail.

Si enfin l'Empereur eût pu obtenir, en exé- cution de#la capitulation de Dresde, la res- titution des trente-cinq mille hommes des pre- mier et quatorzième corps , qui , par un insigne manque de foi , furent constitués prisonniers ; s'il n'eût pas laissé près de cent vingt mille hommes dans les places fortes de l'Oder, de l'Elbe, de la Hollande, de l'Allemagne, de la Dalmatie, de l'Italie et de l'Espagne , ces cent cinquante-cinq mille soldats aguerris auraient été , nous ne di- rons pas seulement d'un puissant secours, mais eussent pu contrebalancer les forces ennemies.

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Ils furent donc perdus pour nous jusqu'à paix. Personne ne doute aujourd'hui qu'avec un pareil renfort, l'Empereur, par une de ces conceptions hardies qui lui étaient particulières et que son génie lui suggérait toujours à propos, n'eût broyé sous ses pas, cette masse d'alliés, com- mandée par le prince Schwarzemberg , et forcé les souverains à repasser nos frontières plus rapidement encore qu'ils ne les avaient franchies.

Mais Napoléon et son armée, c'est-à-dire le génie et le courage, en furent réduits à d'inu- tiles efforts, et n'eurent d'autres consolations que de défendre glorieusement le sol sacré de la patrie.

Combien restait-il , en effet , de ces valeureux soldats sous les armes , au moment de la capitula- tion de Paris? Tous les corps qui , du 1er janvier au 31 mars 1814, avaient combattu , sans trêve ni repos, depuis les Vosges jusque sous les murs de la capitale , étaient réduits., hélas ! à des cadres, à des squelettes de régiments !

La vieille gard'e, seule, malgré de brillants combats et des pertes nombreuses, offrait en- core un aspect militaire imposant. La compo- sition de son personnel, sa vigoureuse organi- sation, l'avaient fait triompher des fatigues au-dessus des forces de l'immense majorité des jeunes soldats, dont se composait alors la Grande Armée ! Les maladies en avaient autant mois- sonné , et davantage peut-être , que les sanglantes

45

journées de Brienne , de la Rothière , de Bar- sur- Aube , de Montmirail , de Laon , de Montereau, de Craonne , d'Arcis-sur-Aube , de Fère-Champe- noise, de Paris, etc., etc.

Notre but, en écrivant cet ouvrage, étant d'appeler plus particulièrement l'attention de nos lecteurs sur les événements militaires de 1815, nous n'entreprendrons pas le récit de la campagne de 1814, la plus habile, sans con- tredit, que Napoléon ait exécutée, malgré ses résultats désastreux ; aussi , serons-nous fier à jamais de l'avoir faite en entier , depuis le jour l'ennemi passa le Rhin jusqu'à celui de l'ab- dication de l'Empereur, abdication à laquelle ne peuvent être comparées celles de Dioclétien, de Charles V, de la célèbre Christine (1654), de Victor-Amédée II de Savoie (1750), de Frédéric- Auguste II (1706), car ceux-là ne faisaient que léguer un trône ; .Napoléon sacrifiait sa dynastie tout entière ; une gloire que personne ne pou- vait continuer ; une armée' dont les débris im- posaient encore aux vainqueurs même, étonnés de leurs succès, et surtout des projets, une conception immense, la liberté du monde, puisque l'Angleterre restait encore à châtier et debout.

Un jour peut-être, et si l'armée a lu avec quelqu'intérêt , accueilli avec quelque bien- veillance, ces souvenirs d'un soldat de cette époque ; un jour peut-être essaierai-je de tracer le tableau dramatique de la campagne de 1814,

dont M. le colonel Koch nous a donné fidèle relation, sous le rapport stratégique, et dans laquelle on peut puiser, comme nous l'avons fait, de précieux documents.

Les détails dans lesquels nous sommes entré , de même que ceux que nous allons donner, nous paraissent utiles pour expliquer la position de l'armée française en 1815, et démontrer qu'il eût fallu un- de ces coups de fortune, inouis dans les fastes des nations, pour qu'elle pût sortir triomphante d'une lutte aussi inégale.

Voici la situation sommaire des différentes armées françaises, au moment de la reprise des hostilités :

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Ne sera-t-il pas à jamais glorieux pour nos phalanges d'avoir soutenu, avec tant de cou- rage, pendant trois mois d'hiver, c'est-à-dire pendant trois mois de misères et de privations les plus rudes, la lutte la plus opiniâtre et la plus disproportionnée dont ait jamais parlé l'histoire ?

Voilà quelles étaient nos forces. Cependant, partout l'Empereur pouvait se trouver en personne, partout il obtenait de si brillants succès, que peu s'en fallut qu'il ne forçât les souverains à lui demander la paix, qu'il ne reconquît les anciennes limites françaises ; qu'il ne retînt sa couronne, si compromise, et ne la rendît réellement héréditaire dans sa dynastie. Mais son étoile n'était plus celle d'Àusterlitz ! . . . Depuis quinze mois, la mauvaise fortune le poursuivait sans relâche , et tournait contre lui jusqu'à ses propres succès. S'aveuglait-il sur les événements ou comptait-il trop sur son génie?...

C'est ainsi qu'après une journée heureuse, Napoléon refusa la paix à Chàtillon, et qu'il finit par la catastrophe de Fontainebleau ; journée triste , déchirante pour l'armée , mais qui ne fut pas sans grandeur cependant pour celui qui lui disait ou croyait lui dire un éternel adieu !

L'armée française, accablée par le nombre toujours croissant des colonnes ennemies , aux- quelles elle cherchait néanmoins à tenir tête

Vi- de tous côtés, ne pouvait déjà plus mettre en ligne, vers la fin de mars, que quatre à cinq cents baïonnettes par régiment d'infanterie, et cent à cent cinquante sabres par régiment de cavalerie, en y comprenant les cadres. Dans l'infanterie, les officiers eux-mêmes durent sou- vent s'armer de fusils , et entrer dans les rangs comme soldats. *

La vieille garde, et quelques régiments ré- cemment arrivés d'Espagne , pouvaient bien dé- ployer encore quelques beaux bataillons, quelques escadrons vigoureux, mais le courage de ces braves fut paralysé par la capitulation de Paris et les événements qui s'y passèrent.

Paris pris, la question fat tranchée!...

Qu'il est donc triste de penser à ' la déplo- rable influence qui livra les destinées de la France à sa capitale, composée des éléments les plus disparates ; qui regorge d'individus , non Français , et dont le patriotisme n'a souvent que le plus honteux et le pfys sordide des mobiles, Y intérêt personnel!

Paris ne laissa donc pas échapper une si belle occasion. Le Sénat donna l'exemple de la fé- lonie et proclama chef du gouvernement provi- soire, un homme de tous les temps, de tous les partis , jouant avec tous les gouvernements et toutes les politiques, ce trop célèbre Talleyrand, qui avait servi, tour à tour, tous les autels et touslçs pouvoirs, et qui scellait toutes les déser-

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lions par autant de serments, en les trompant et les trahissant alternativement. Ce fut cet homme que le Sénat chargea d'amener l'Empe- reur, dont il avait été longtemps le premier ministre, à déposer une couronne * qui, après avoir sauvé la France, en avait fait la plus haute gloire ; une couronne sur laquelle se trouvait inscrite l'humiliation des puissances de l'Europe et qu'il dut échanger contre une petite île de la Méditerranée, quand il tenait, il y a quelques jours encore, le monde dans sa main!...

L'Empereur se trouvait le 29 mars à la tête de la cavalerie de sa garde et en marche sur Vandœuvre , lorsqu'un courrier , parti de Paris , lui remit, au pont de Dolencourt, une dépêche de son frère Joseph , qui lui annonçait l'arrivée à Meaux des armées combinées.

Cette nouvelle, bien qu'elle pût lui paraître vraisemblable , le déconcerta ; il redoutait sur- tout la prise de la capitale, et il ne pouvait lui porter secours avant quatre jours, car il en était éloigne de cinquante lieues.

Néanmoins, il fit faire volte-face à l'armée et lui traça son itinéraire, de manière à se trouver, le 2 avril, sous les murs de Paris, renforcée de la division Souham , laissée par le duc de Raguse à Nogent. Il fat prescrit d'en- fouir le matériel et les munitions qu'on ne pour- rait transporter dans cette marche forcée.

L'Empereur précéda ses troupes, n'ayant pour

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escorte que ses escadrons de service , et par- venu à Villeneuve-la-Guyard , il en partit à franc étrier , et sans aucune suite , pour Fontainebleau , dans l'espérance de prévenir l'ennemi à Paris, de réveiller l'énergie de%ses habitants, et de les décider à tenter un effort qui, retardant seu- lement de quarante-huit heures les progrès des alliés, donnerait à son armée le temps d'arriver, et de faire changer les chances du combat.

« Rompu de lassitude, dit le colonel Koch, il se jeta, à Fontainebleau, dans une voiture, suivi seulement du prince de Neuchâtel et du duc de Vicence , et précédé d'un seul courrier. Mais , arrivé à la Cour de France , il rencontra le général Belliard, qui lui annonça la capitu- lation de Paris, l'impossibilité nous avions été de résister plus longtemps, avec quinze à dix-huit mille hommes, contre plus de cent mille ennemis. »

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CHAPITRE VII.

SOMMAIRE. Prise de Paris. . État moral de l'Empereur; paroles qu'il prononce. Il veut se rendre dans sa capitale et n'y renonce qu'avec peine. Il fait prendre position à Essonne aux troupes qui évacuent Paris, retourne à Fontainebleau, s'y occupe de la réorgani- sation de l'armée; conseil tenu à ce sujet. Nouveau plan de cam- pagne. — 3 avril, Napoléon passe ses troupes en revue ; elles jurent de vaincre ou de mourir!... Elles se mettent en marche à 6 heure* du soir, pour exécuter le projet de manœuvrer autour de Paris.

Furieux de la prise de Paris, l'Empereur éclata contre son frère Joseph, contre le duc de Feltre , alors ministre de la guerre , et contre les deux maréchaux Marmont et Trévise, et laissa échapper ces paroles, qui malheureuse- ment n'étaient souvent que trop vraies : « Par- tout 013 JE NE SUIS PAS , ON NE FAIT QUE DES SOTTISES (a). »

(a) Cette expression était dure sans doute , adressée à des hommes de cette position , mais elle était encore modérée , et nous-ferons remarquer à ce sujet que Napoléon avait dans l'esprit et dans le langage, une grande délicatesse et une rare mesure. Sa parole , quoique saccadée , vive et rapide comme sa pensée , était bienveillante autant que précise ; elle avait tous les caractères de ce que Ton appelle l'homme bien élevé. Elle ne compromit jamais sa dignité.

Dans les camps , Napoléon était le plus grand capitaine ; à sa cour, il était Empereur.

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L'Empereur voulait absolument se rendre à Paris , bien que l'ennemi en occupât déjà toutes les avenues. Ce ne fut qu'après les plus grands efforts qu'il céda enfin aux conseils du géné- ral Belliard (a), qu'appuyaient le prince de Neuchâtel et le duc de Vicence. H se décida donc à retourner à la Cour de France, il soupa , et partit ensuite pour Fontainebleau , après avoir ordonné de foire prendre posi- tion aux environs d'Essonne , à toutes les troupes au fur et à mesure qu'elles arriveraient de Paris.

De retour à Fontainebleau, l'Empereur ^'oc- cupa de la réorganisation de l'armée, et pen- dant la matinée du lendemain, il discuta dans un conseil forent appelés plusieurs maréchaux et le duc de Bassano, un nouveau plan de campagne ; Ton s'arrêta au projet de manœuvrer autour de Paris, et Napoléon fit prendre toutes les dispositions en conséquence.

C'est bien le grand capitaine, l'homme

(a) Le général Belliard refusa de revenir à Paris avec l'Empereur, prétextant que la convention de Paris lui inter- disait ce mouvement. Mais cette convention n'était qu'une évacuation et non une capitulation. Dès que l'évacuation avait eu lieu, tout engagement cessait de part et d'autre , et l'on en pourrait citer plus d'un exemple. On pouvait ren- trer à Paris, l'ennemi était encore tout étonné de ses succès et privé de munitions. Celles du magasin de Grenelle ne lui furent distribuées que plus tard.

dominé par l'esprit militaire ; il s'agit d'un grand peuple, d'un grand Empire, de la plus belle couronne qui lui échappent; ce qui le préoccupe le plus, c'est son armée; ne dirait- on pas qu'il ne songe qu'à réparer les désastres d'une bataille perdue, et qu'il veut faire payer cher à son vainqueur?...

Le 3 avril, il passa en revue dans la cour du Cheval-Blanc, toutes les troupes de sa garde. L'Empereur , après avoir parcouru tous les rangs , se plaça au milieu de la cour , et dorqia l'ordre d'y réunir les plus anciens officiers, sous- officiers et soldats de chaque compagnie ; en forma un cercle autour de lui ; commanda leur attention par un ban , et leur parla en ces termes :

Soldats ! l'ennemi pous a dérobé trois » marches et s'est rendu maître de Paris ; il » faut l'en chasser ; d'indignes Français , des » émigrés , auxquels nous avions pardonné , » ont arboré la cocarde blanche , * et se sont » joints à nos ennemis. Les lâches ! ils rece- » vront le prix de ce nouvel attentat ! Jurons » de vaincre ou de mourir, et de faire respecter » cette cocarde tricolore, qui, depuis vingt ans, » nous trouve dans le chemin de la gloire et » de l'honneur ! »

Le cercle et la troupe prononcèrent ce ser- ment avec l'accent et l'entraînement les plus énergiques. Quel homme que celui qui, au milieu d'un aussi grand désastre, peut avec

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quelques paroles foire passer dans les cœurs le patriotisme qui brûle le sien !...

Vers six heures, toute la garde se mit en mouvement sur Essonne. Obligée de se diriger par la route qui traverse la forêt de Fontaine- bleau, sa marche se prolongea fort avant dans la nuit, que favorisait un beau clair de lune. «Elle avait, dit le colonel Koch, on ne sait » quoi de majestueux et de solennel ; un pro- » fond silence dans les colonnes ; l'on n'enten- » dait qu'un cliquetis uniforme de sabres et de » baïonnettes ; d'austères réflexions préoccupaient » ces soldats échappés à tant de batailles, ces » vieux soldats , dont les regards sévères et » sombres se fixaient par intervalles sur plu- » sieurs batteries d'obusiers qui marchaient au » milieu d'eux, suivies de l'élite de l'artillerie.

» L'esprit frappé du serment qu'ils avaient » prêté le matin , et du souvenir de vingt ans » de victoires, ils s'apprêtaient , dans un recueil- » lement héroïque , à terminer leur carrière » devant les murs ou sous les décombres de la » capitale. Erreur sublime que la patrie a dé- » sapprouvée , mais qui mérita des éloges de » l'ennemi même !!!'...»

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CHAPITRE VIII.

SOMMAIRE. Pendant que l'armée se dispose à combattre, les hommes qui t'avaient commandée font défection, et emploient tout pour provoquer Y abdication de l'Empereur. Lettres inédites de Napoléon, sur l'étrange conduite du comte Maison, en Belgique ; ses vifs et amers reproches à ce sujet. Note curieuse et correspon- dance de l'Empereur , sur les moyens de combattre l'ennemi. Trahison et défection d'Essonne.

Telles étaient les dispositions de ces incom- parables troupes , mais les sommités de l'armée , pressées de jouir des immenses dotations dont les avait accablées l'Empereur, ne voulaient plus s'associer à sa mauvaise fortune, et pro- voquaient, par tous les moyens, l'abdication de leur souverain.

Que ces hommes étaient donc changés ! Ils devenaient indifférents pour la patrie , quand elle se trouvait au plus fort du péril ! . * . Napoléon , seul, se rappelait qu'il devait mourir debout 1 La violence même, dit-on, ne répugna pas à l'un de ses premiers généraux pour en hâter l'abdication. D'autres, plus pressés encore de rompre avec l'Empereur , n'attendirent même pas l'acte qui devait les dégager d'un serment de- venu pour eux un fardeau insupportable ; par

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un subterfuge qui se qualifie , seul , ils font croire à leurs soldats qu'ils les mènent à l'ennemi, tandis qu'ils les détachent de nous et les con- duisent à Versailles, à travers les avant-postes des Cosaques , et flanqués par les Bavarois , pour ainsi dire comme des prisonniers ou des trans- fuges (a) ; et la veille encore cependant , l'un des chefs de cette odieuse défection, qui pour- tant n'avait jamais manqué de bravoure, était allé à Fontainebleau, mendier auprès de Napo- léon quelques milliers d'écus pour, disait-il, assurer du pain à ses enfants ! . . . L'Empereur qui ne refusa jamais un accours de ce genre, lui fit remettre aussitôt dix mille francs ; et le lendemain, ce général trahissait son bienfaiteur et lui enlevait ses soldats !!!... On ne voudrait pas ajouter foi à de pareils faits , si , depuis bien des années, la France ne voyait récompenser sans cesse la félonie et persécuter l'homme fidèle.

(a) Notre brigade se trouvait cantonnée à Videlles , près d'Essonne, au moment de la défection du sixième corps ; mais notre général, en homme fidèle à ses devoirs, ne voulut point s'associer à un acte aussi odieux , et nous conservâmes pur, jusqu'au bout, l'honneur de notre étendard. Ce même officier- général acquit, en 1830, à Rambouillet, de nouveaux titres à l'estime de tous les vrais soldats, par la conduite noble, éner- gique qu'il y tint, dans une circonstance^ semblable, en quel- que sorte, à celle d'Essonne ; aussi, lorsque le général Vincent alla à Fontainebleau faire ses adieux à l'ex-Empereur, Napoléon s'écria-t-il en le voyant entrer : « Voila un brave homme ! »

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Qui croirait que les transfuges d'Essonne eussent pu trouver, dans leur honteuse défection, des titres incontestables aux récompenses et aux faveurs spéciales des successeurs de l'Empire ! . . . Comme si récompenser la félonie, n'était point encourager la trahison, et se préparer à son tour , de semblables mécomptes ! . . N'a-t-on pas vu, en effet, figurer en tête des déserteurs de Rambouillet, en 1830, l'un des principaux dé- serteurs du 6 avril 1814?

Pendant le cours de cette mémorable campagne de France, Napoléon avait eu de justes reproches à adresser à plusieurs de ses généraux. Nous pour- rions en citer bien des exemples ; nous nous bor- nerons à rapporter textuellement les lettres iné- dites ci-après, relatives au général Maison, com- mandant le corps d'armée français, chargé de dé- fendre les frontières du côté de la Flandre :

18 janvier 1814.

« Au Ministre de la Guerre,

» M. le duc de Feltre , je vois dans votre corres- » pondance une lettre du général Maison, du 15 ; y il est fâcheux qu'après une victoire et avoir fait » échouer l'ennemi dans ses dispositions, ce géné- » rai s'obstine encore à reculer, et suppose à l'en- » nemi des projets contraires à tous les principes » et à toutes les idées. Réitérez l'ordre d'appuyer » sur Anvers, en tenant des troupes sur sa droite.

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» Si Bulow se jetait dans la Campine, le général » Maison marcherait à lui ; mais le grand but des » alliés est de couvrir la Hollande et le siège de d Gorcum ; n'ayant en Hollande que vingt-cinq » mille hommes et en ayant tout au plus douze » mille du côté d'Anvers, ils ne peuvent rien. » Si le général Maison avait réuni toutes ses » forces, et marché droit à lui, il l'aurait repoussé » et aurait délivré Gorcum. Ce général n'a pas en- » core l'habitude du commandement. »

20 janvier 1814.

« Le Général Bertrand au Général Maison,

» Général, en l'absence du prince de Neufehâ- » tel qui s'est porté aux avant-postes, Sa Majesté » m'a chargé de la correspondance avec les géné- » raux commandant les corps.

» J'ai mis sous les yeux de Sa Majesté vos let- » très des 12, 13, 15, 16 et 17 janvier. Sa Majesté » a vu avec peine la belle occasion que vous avez » manquée, de remporter une victoire'importante » sur l'ennemi, de débloquer Gorcum, et d'attirer » à vous les quatre mille cinq cents hommes » qui sont dans cette place , et qui désormais » seront inutiles.

» Vous avez disséminé vos troupes, si le général » Roguet s'était trouvé le 1 1 à Hoogstraaten avec » la brigade Aymar et toute sa division réunie, il » n'est pas douteux qu'il eût battu l'ennemi com- » plètement, et depuis, si lorsque vous avez attiré

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» à vous la division Barrois, le 14, vous aviez con- » tinué à pousser l'ennemi, vous l'auriez complè- » tement battu, et obligé à se replier sur Bréda.

* Vous n'avez pas été attaqué par plus de dix » mille hommes , vous pouviez en réunir plus de » vingt mille , écraser l'ennemi et remporter une » victoire éclatante. Au lieu de cela , vous avez » compromis des corps qui ne s'en sont tirés que » par leur intrépidité. »

13 février 1814.

« Au Ministre de la Guerre,

» M. le duc de Feltre, il parait que Bulow aban- » donne la Belgique et le Nord, pour appuyer dans » la direction de Paris. Le général Maison suit une j> fausse direction en rendant inutile toute l'armée » et l'enfermant dans les places. Il fout qu'il se » porte en avant et ramasse toutes ses garnisons, » ce qui rappellera Bulow à la défense de la Hol- » lande, etc. »

19 février. Au même.

« M. le duc de Feltre, donnez ordre au général » Maison de réunir des détachements de toutes les » garnisons de Flandre et de marcher sur Anvers ; » de réunir également, sous ses ordres, la garni- » son d'Anvers et de reprendre l'offensive.

» Dites-lui qu'il n'a pas justifié la confiance qu'il » m'avait inspirée, mais que je suspends mon ju-

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» gement ; que ce n'est pas en s'enfermant dans » les places qu'on agit; qu'il peut réunir 15 à » 18,000 hommes, et avec cela rejeter l'ennemi » en Hollande, au lieu que ses forces mortes dans » les places laissent l'ennemi maître de toute la » Belgique, etc. *

21 février. Au même.

« M. le duc de Feltre, écrivez au général Maison » que je ne suis pas content de sa conduite ; qu'il » ne montre aucune énergie ; qu'il s'enferme dans » des places au lieu de tomber sur les partis des » ennemis et de les inquiéter. Donnez-lui ordre de » partir sur-le-champ de Lille, et de se porter avec » vigueur sur les partis ennemis. Il y a trois y> mille hommes devant Valenciennes , qu'il aille » au devant d'eux et les empêche d'avancer. Man- » dez-lui que j'attendais mieux de lui, etc., etc. »

Nogent, le 22 février. Au même.

« M. le duc de Feltre, écrivez de nouveau au gé- » néral Maison qu'il se laisse abuser par de faux » rapports que les ennemis répandent sur leurs » forces ; il devrait savoir que c'est une ruse qu'ils » emploient et qu'ils sont loin d'être aussi nom- » breux qu'ils le disent ; qu'il doit battre la cam- » pagne, soit comme partisan, soit à la tête de ses » troupes.

» Je lui ai donné une grande marque de con- » fiance en l'élevant au grade de général en chef ;

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» est-ce en se conduisant de la sorte, qu'il devait » s'en rendre digne ? Est-ce en s'enfermant dans » Lille, en y donnant et recevant des repas, qu'il » croit répondre à ce que j'attends de lui?, écrivez- » lui ferme et fort, et que douze heures après la » réception de votre lettre, son quartier-général » soit à plusieurs lieues en avant de sa position > actuelle. S'il marche sur Anvers, qu'il réunisse à » ses forces tout ce qui se trouve dans les petites » garnisons des places de la Flandre, il ramasse- » rait une armée de quinze mille hommes avec » laquelle il pourrait se porter sur les derrières » de l'ennemi, et le ferait trembler, etc. , etc. »

Troyes, le 2U février. Au même.

« M. le duc de Feltre, réitérez au général Mai- » son, que je ne suis pas content de sa conduite, » que n'aurait-il que quatre mille hommes, il » doit se mettre en campagne, réunir les ^arni- » sons , tomber sur les derrières de l'ennemi et » ne pas rester ainsi oisif dans une ville, etc. »

Troyes, le 25 février. Au même.

« M. le duc de Feltre, réitérez l'ordre au général *> Maison de rassembler toutes les garnisons et de » marcher sur Anvers et sur les derrières de l'en- »nemi, etc. »

Laferté, le 3 mars. Au même.

« M. le duc de Feltre, faites connaître au général

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» Maison qu'un mouvement hardi par lequel il se » porterait sur Anvers avec tout ce qu'il a de dispo- » nible et réunirait toutes les troupes de la garni- » son d'Anvers , hormis trois mille hommes qu'il » laisserait dans la ville , dégagerait Bruxelles et » inquiéterait fortement l'ennemi sur ses commu- » nications ; les troupes auxquelles il a affaire ne » sont que de la canaille ; qu'il se mette en campa- » gne, puisque l'ennemi, dédaignant toutes les » places et les garnisons, prend sa ligne d'opéra- » tion sur Anvers, sur Paris; il n'est pas question » de rester dans les places, mais d'agir sur la ligne » d'opérations. » Envoyez un officier au général Maison, faites-

* lui comprendre combien je trouverai ridicule » son inertie et son peu d'activité dans un moment » si important, puisque l'ennemi se dissémine et » ne voit que Paris. Le général Maison pourrait j> même dégager Gorcum et réunir la garnison à » ses troupes en abandonnant la place. L'ennemi » est partout, mais il n'est en force nulle part. Il

* ne faut pas croire à ces bruits qui sont pleins » d'exagération. Je vois avec peine que le général » Maison dissémine ses troupes, lui, d'un côté; » Castex, de l'autre. Qu'est-ce que c'est que tout » cela ? Qu'il réunisse ses troupes et tombe succes- » sivement sur tous les partis de l'ennemi , etc.

Signé : NÀPOlfeoN. »

CHAPITRE IX.

SOMMAIRE. Le trône Impérial s'écroule. État de l'armée. Conséquences de la défection du G* corps. L'Empereur a l'intention de se retirer sur la Loire, et par les ressources qui lui restent, il aurait encore des chances de succès, car l'invasion pèse déjà. Plan conçu à cet effet. Précautions habiles de l'Empereur pour sur- prendre les ennemis, mais son abdication avait été résolue dans la conseil des Alliés, et acceptée par le Sénat. La rentrée de Louis XVIII est arrêtée.

La défection d'Essonne fut, pour nous tous, soldats dévoués à l'Empereur et à nos devoirs, un coup de foudre.

Le trône Impérial, déjà si ébranlé par tant de secousses, ne pouvait résister à cette dernière épreuve, la plus dangereuse de toutes, car, si dans la campagne de France beaucoup de jeunes soldats quittèrent leurs drapeaux pour rentrer dans leurs foyers , afin de prêter aide et assistance à leurs familles contre les mauvais traitements des soldats étrangers, quelque coupables que fussent ces sol- dats — la désertion devant l'ennemi ne peut ja- mais s'excuser l'on n'avait pas encore vu des corps entiers, généraux en tête, abandonner les bivouacs français pour aller prendre de paisibles cantonnements au milieu des armées ennemies ;

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mais il faut aussi l'avouer : les exemples venaient de bien haut!!!

La défection du sixième corps réduisît à moins de trente mille hommes l'armée groupée autour de l'Empereur (a). Tout plan raisonnable d'attaque contre les innombrables bataillons alliés, maîtres de Paris, et surtout de ses hauteurs, ne pouvait plus avoir lieu. La première pensée de l'Empereur fat donc de se retirer sur la Loire, d'où il pouvait appeler à lui les armées du vice-roi, des ducs de Castiglione, d'Albuféra et de Dalmatie, ainsi que les garnisons et les levées des départements, fati- gués de l'occupation, et, comme le dit le colonel Koch : « Napoléon, à l'aide d'une force aussi im- » posante, eut encore pu tenter la fortune, atten- » dre un événement heureux , traiter par lui- » même,ou entraîner par une chute plus glorieuse » la ruine des armées étrangères» »

Dans ce but, l'Empereur avait déjà prescrit au général Gérard de s'emparer, le 6 avril , au point du jour , du pont de Malesherbes, avec la brigade

(a) Nous devons dire ici, à l'honneur des soldats et de leurs officiers, qu'ils ignorèrent jusqu'à Versailles le complot des généraux qui les commandaient, et qu'à peine arrivés dans cette ville, ils voulurent se venger d'un pareil guêt-à- pens, en s*insurgeant contre eux ; des officiers brisèrent leur épée, s'arrachèrent leurs propres épaulettes et accablèrent de malédictions leurs généraux. Les soldats brisaient et je- taient surtout leurs armes après les avoir déchargées, dans leur colère, contre ceux qu'ils n'accusaient qu'avec trop de raison de les avoir livrés à l'ennemi.

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qu'il avait à Ury, et de faire aussitôt défiler son corps sur Puiseaux.

Il devait être suivi successivement par les corps des ducs de Tarente et de Reggio, et protégé sur ses flancs par la cavalerie des généraux Défiance, Milhau et Saint-Germain, Les divisions Friant, Henrion et Roll eurent aussi l'ordre de quitter leurs bivouacs, le 6 à six heures du matin, pour se diriger vers le même point, sous la protection des trois divisions de cavalerie du comte Ornano. Le comte de Valmy , dont le corps bordait le Loing , aux environs de Nemours, reçut l'avis de ce mou- vement, avec injonction de se porter le lendemain à Pithiviers et de se rallier à l'armée, dans le cas elle serait obligée de combattre. Le corps du duc de Trévise et les divisions Roussel et Levai n'auraient quitté les bords de l'Essonne que le 7 à midi pour se replier sur Fontainebleau, masquant

ainsi, pendant toute la journée, la marche du gros de l'armée, et du grand parc qui devait la suivre.

Mais les nouvelles de Paris suspendirent pres- que aussitôt, dans la journée du 6, l'exécution de ce mouvement.

L'abdication absolue de l'Empereur avait été ré- solue dans le conseil des alliés, auquel assistaient les maréchaux Ney et Macdonald et le duc de Vicence, et résolue sur tout, lorsqu'un aide-de- camp vint annoncer à llEmpereur Alexandre la défection du sixième corps, à Essonne.

Jusque-là, on n'avait encore délibéré que sur

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l'abdication conditionnelle, proposée par l'Empe- reur, par la voie de ses trois plénipotentiaires.

Cette nouvelle circula dans les rangs de l'armée .avec la rapidité de l'éclair.

« Dès ce moment, dit encore le colonel Koch,

* chacun se crut maître d'abandonner un chef » qu'entraînaient les événements, et de l'imiter en » feisant son traité particulier. Les généraux, à » quelques-uns près, par respect humain, ou pour » donner à l'Empereur une dernière marque d'at- »> tachement, se rendirent à Paris pour y porter » eux-mêmes leur adhésion au gouvernement pro- » visoire.

» L'Empereur, cherchant encore à s'abuser sur » sa position malheureuse et comptant sur son an- > cien ascendant Sûr l'esprit des troupes, manda le » duc de Bassano, et voulut concerter un projet de » jonction avec, l'armée d'Italie.

* Il ordonna , en même temps , la revue des » deuxième et septième corps. Tous deux arri- » vèrent, à midi, dans la cour du Cheval-Blanc, » et n'y occupèrent , massés , qu'un très petit * » espace : c'étaient les restes de ces armées , à » la tête desquelles Napoléon avait soumis et » dominé l'Europe. Ces troupes, composées en » partie des vieilles bandes d'Espagne, semtyèrent » ne se ressouvenir , dans son malheur , que de sa

* gloire passée, et le reçurent avec leurs cris ac-. » coutumes. Mais , malgré ce signe de leur dévoû- » ment et leur air martial et déterminé , qui , un

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» instant , déridèrent son front , Napoléon les » compta, et ne vit que trop clairement que sa » cause était perdue, »

Chaque jour, et à chaque heure, son ancien sé- nat, par l'entremise du gouvernement provisoire, sorti de son sein, le dépouillait et transmettait tous les attributs de la souveraineté à Louis XVIII, et s'en arrogeait l'autorité exécutrice, en attendant l'arrivée et l'installation de cet héritier de l'an- cienne dynastie des Bourbons.

Cette défection, presque unanime, donne lieu de demander si un souverain peut avoir quelque foi dans le dévoûment des assemblées sénato- riales?...

La réponse à cette question ne se fera pas long- temps attendre. Qu'ont fait de pareilles assem- blées pour Louis XVIII, en 1815, et pour Charles X, en 1830?... C'est la même marche; c'est toujours le : victis!...

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CHAPITRE X.

SOMMAIRE. Conclusion du traité entre le gouvernement provisoire et les alliés; on l'apporte à la sanction de Napoléon. 11 abdique et dégage l'armée de ses serments. Louis XVIII remonte sur le trône de ses aïeux. Belles parole* de Napoléon à cette occasion.

Il se prépare à partir pour. Vile d'Elbe. 20 avril, Napoléon est lentéde revenir sur son abdication pour causes d'inexécution du traité à son égard ; il y renonce sur la garantie contraire qu'on lui donne.

Témoignage de sa loyauté et de son respect religieux pour ses engagements. Texte du traité de Fontainebleau (a). .

Ne pouvant plus rien contre sa mauvaise for- tune, et le traité, réglant sa condition future et celle de sa famille, ayant été signé et apporté par les maréchaux Ney, Macdonald et le duc de Vi- cence, Napoléon, après s'en être fait donner lec- ture par le maréchal Macdonald, dicta au duc de Bassano son abdication en ces termes :

« Les puissances alliées ayant proclamé- que » l'Empereur Napoléon était le seul obstacle au ré- » tablissement de la paix en Europe, l'Empereur » Napoléon, fidèle à son serment, déclare qu'il re- » nonce pour lui et ses héritiers aux trônes de » France et d'Italie, parce qu'il n'est aucun sacri-

(a) Voir le texte du traité aux pièces justificatives, 2.

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» fîce personnel, même celui de la .vie, qu'il ne > soit prêt à faire à l'intérêt de la France. *

Ces paroles si simples deviennent d'autant plus nobles, d'autant plus touchantes qu'elles par- taient du fond du cœur de Napoléon, Elles sont d'autant plus généreuses qu'il idolâtrait la France, et que la veille encore il s'était flatté de faire re- connaître la régence de Marie-Louise, et de placer sa couronne impériale" sur la tête du roi de Rome, de ce fils, précieux objet de ses plus tendres affec- tions.

L'armée, que Napoléon venait de dégager ainsi de ses serments et d'inviter même à s'attacher au .nouveau souverain (a), envoya son adhésion aux actes du gouvernement provisoire par l'entremise du prince de Neufchâtel, son major-général.

Voici comment s'exprima le général Berthier:

« L'armée, essentiellement obéissante, n'a pas » délibéré; elle a manifesté son adhésion quand * son devoir le lui a permis. Fidèle à son serment,

(a) Lorsque Ton voit Napoléon abdiquer avec aussi peu d'effort et prescrire immédiatement à son armée la fidélité envers Louis XVIII, qui ne reconnaît une âme véritablement grande, au-dessus de tous les coups du destin, et réellement amie de la patrie?...

Napoléon ne veut pas qu'elle reste, un seul instant, sans défenseurs dévoués, parce que, si les généraux meurent ou passent, la patrie vit toujours et a toujours besoin de sou- tiens. Le cœur est ému devant tant de générosité, qui a at- teint le plus haut degré du sublime !...

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» elle sera fidèle au prince que la nation française » rappelle au trône de ses ancêtres. ».

Telles furent les fiançailles des nobles débris la Grande Armée Impériale avec Louis XVIII, l'hé- ritier des Bourbons ; mais ce mariage n'était qu'un Mariage de Raison. Napoléon, seul, devait absor- ber longtemps encore ses affections, et malheur à Louis XVIII sf Napoléon reparaissait sur le sol de la France, car l'armée se laisserait entraîner par la force de ses anciens sentiments et ne reconnaî- trait de légitimes que ses premiers engagements envers le GRAND HOMME, qui, pendant de si belles époques, avait régi ses destinées.

L'Empereur des FrartÇais n'est donc plus que le simple propriétaire de l'île d'Elbe ! ! . . . Hier en- core , il dictait des lois à la France ! Demain, il partira pour l'exil, et ne rencontrera sur ces che- mins, jadis semés de fleurs à son passage, que des figures ingrates, des malédictions et jusqu'à des menaces de mort!.., L'ex-Empereur des Français se verra même réduit, pour se soustraire aux pro- jets assassins d'une petite ville de Provence (Or- gon), à échanger ses vêtements contre ceux de son courrier, et à traverser cette bourgade sur un bi- det de poste! ! !

Toutefois la chute de Napoléon avait ramené la France aux idées monarchiques , les -seules qui convinssent réellement à ses rùoêurs et à son es- prit. Aussi, l'Empereur avait-il raison de dire : « Si Louis XVIII fait bien , il se mettra dans mon

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» lit, en changeant seulement les draps, car il est . » bon. 3 .

»

Il y avait bien des choses dans ce peu de mots, mais on ne profita guère des conseils qui s'y trou- vaient. Nous en verrons bientôt les conséquences.

Le 16 avril, se réunirent, à Fontainebleau, le général russe Schouwalow, le général autrichien Koller., le colonel anglais Campbell , et le général prussien Waldebourg-Truchsess , commissaires des puissances étrangères pour accompagner Napoléon jusqu'au port de Fréjus et présider à son embarquement.

Quatre jours après, Napoléon, par des motifs qu'il nous a été impossiblefde connaître,* fut tenté de revenir sur son abdication.

Le 20 avril au matin, il fit appeler le général autrichien Koller, auquel il tint le discours sui- vant :

« J'ai réfléchi sur ce qu'il me restait à foire ; je » me suis décidé à ne point partir. Les alliés ne j> sont pas fidèles aux engagements qu'ils ont pris » avec moi, je puis donc aussi révoquer mon abdi- » cation, qui n'était toujours que conditionnelle. i> Plus de mille adresses me sont parvenues cette 3f> nuit. L'on m'y conjure de reprendre les rênes du » gouvernement. Je n'avais renoncé à tous mes » droits à la couronne que pour épargner à la » France les horreurs d'une guerre civile, n'ayant » jamais eu d'autre but que sa gloire et son bon- » heur. Mais , connaissant aujourd'hui le mécon-

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j> tentement qu'inspirent les mesures prises par le » nouveau gouvernement, voyant de quelle ma- » nière on remplit les promesses qui m'ont été » faites, je puis expliquer maintenant à mes gardes » quels sont les motifs qui me font révoquer mon » abdication, et je verrai comment on m'arrachera » le cœur de mes soldats. Il est vrai que le nombre » des troupes sur lesquelles je pourrai compter » n'excédera pas trente mille hommes, mais il me » sera facile de les porter, en peu de jours, jusqu'à » cent trente mille. Sachez que je pourrai tout » aussi bien, sans compromettre mon honneur, » dire à mes gardes que, ne considérant que le re- » pos et le bonheur de la patrie, je renonce à tous » mes droits, et les exhorter à suivre, ainsi que » moi, le vœu de la nation. »

Le général Koller lui répliqua, et le pria de lui dire en quoi les alliés lui paraissaient avoir man- qué au traité.

« En ce qu'on empêche l'Impératrice de » m'accompagner jusqu'à Saint-Tropez, comme il » était convenu. »

« Je vous assure, reprit le général, que Sa » Majesté n'est pas retenue, et que c'est par sa p propre volonté qu'elle s'est décidée à ne pas » vous accompagner. »

« Eh bien, je veux rester fidèle à ma pro- > messe ; mais, si j'ai de nouvelles raisons de me » plaindre, je me verrais dégagé de tout ce que j'ai » promis. >

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Il y a dans ces paroles, et surtout dans leur spontanéité, un accent de loyauté qui émeut pro- fondément!

=«^0»^»

CHAPITRE XI

SOMMAIRE. —Adieux de Fontainebleau. Son discours à son ar- mée. — Émotion profonde et visible de Napoléon. Tableau du bataillon qui doit le suivre à l'Ile d'Elbe ; le commandement en est confié au noble et loyal Cambronne. Le voyage de ce bataillon peut être considéré comme une marche triomphale. ~ Contrôle nominatif des officiers, sous-ofticiers et soldats du bataillon de l'Ile d'Elbe.

Le 20 avril, jour fixé pour le départ de Napo- léon, il descendit, vers midi, par le grand escalier dans la cour du Cheval-Blanc ; il la traversa à pied, au milieu de douze cents grenadiers et chas- seurs de sa garde, rangés sur deux haies depuis l'escalier jusqu'à la grille, mais accompagné d'UN SEUL de ses maréchaux, le vénérable duc de Co- nigliano ! . . .

Avant d'arriver à la grille, Napoléon s'arrêla, fit former un cercle à la garde, fit signe à tous les officiers de se rapprocher et prononça d'une voix ferme, quoiqu'émue, le discours suivant :

« Officiers et soldats de la garde, je vous fais » mes adieux!... Pendant vingt ans, je vous ai » conduits sur le chemin de la victoire ! Pendant

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» vingt ans, vous m'avez servi avec honneur et fi- » délité : recevez mes remercîments !

» Mon but a toujours été le bonheur et la gloire » de la France. Aujourd'hui les circonstances ont » changé ! . . . (a) Lorsque l'Europe entière est ar- » mée contre moi-; quand tous les princes, toutes » les puissances sont liguées; lorsqu'une grande » portion de mon empire est livrée, envahie ; lors-

(a) On a beaucoup accusé Napoléon de despotisme !... Mais qu'en reste-t-il de ce despotisme ? Si nous le cherchons dans les institutions, le conslitutianalisme l'en a effacé. Veut-on le trouver dans l'armée, dans cette armée, tant calomniée?... Jamais elle ne fut plus docile, plus soumise, mieux discipli- née ; elle obéit comme un seul homme et marche au moindre signe. Un caporal conduirait un régiment, si ce régiment l'a- vait pour chef. Trouvera-t-on, sous le règne de Napoléon, la corruption qui coule aujourd'hui à pleins bords dans l'admi- nistration et marche le front levé?... Napoléon imposait sa volonté , mais n'achetait pas l'obéissance. Fonda-t-il Pé- goïsme?... Personne ne fut plus généreux, ni plus magni- fique que lui dans ses bienfaits; seulement, il ne surchar- geait pas la nation d'impôts, et il ne gaspillait pas le trésor public. Qui conçut et fit exécuter plus de travaux, plus de monuments gigantesques que lui et en aussi peu de temps? Qu'a-t-on à opposer aux ports d'Anvers, du Havre, de Cher- bourg; à la construction des ponts d'Austerlitz, d'Iéna, des Arts ; à la continuation des Tuileries, l'Entrepôt, l'Arc-de- Trjomphe de l'Étoile, etc., etc. Et puis l'ordre rétabli par- tout, les autels relevés, leurs ministres remis en crédit ; la magistrature rendue forte et considérée pour l'application k d'un code sans égal, et le rang auquel il a placé la France et l'armée ! Oh ! ici, nous nous arrêtons, car nous ne pourrions atteindre à la hauteur la France et l'armée furent placées par lui!

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* qu'une partie de la France s'est... » (en cet en- droit/Napoléon s'arrêta; puis continuant d'une voix altérée) ... « lorsqu'un autre ordre de choses % » est établi, j'ai céder !

» Avec vous et les braves qui me sont restés dé- » voués, j'eusse pu résister encore à tous les efforts » de mes ennemis ; mais j'eusse allumé, pour plus » de trois années peut-être, la guerre civile dans » notre France, au sein de notre chère patrie !

* Officiers et soldats, n'abandonnez pas votre » pays trop longtemps malheureux ; soyez soumis » à vos chefs, et continuez de marcher dans le » chemin de l'honneur vous m'avez toujours » rencontré.

» Ne soyez pas inquiets sur mon sort ; de grands » souvenirs me restent, je saurai occuper encoçp » noblement mes instants ; j'écrirai mon histoire » et la vôtre (a).

(a) Napoléon a dit plus tard, à Sainte-Hélène : « Si jamais » nous en avons le loisir, il nous faut écrire l'histoire de ma » garde. Ce livre sera comme un monument indestructible » que j'élèverai à la mémoire de ces braves, et dont la France » se glorifiera le plus. Oui , ajoutait Napoléon , j'érigerai ce » monument, si je puis parvenir à rassembler les matériaux » qui me manquent pour le mettre en œuvre ; carjamais.il » n'y eut un plus bel assemblage d'hommes intrépides que » dans ce corps d'émulation et de récompense l'on n'était » admis qu'avec des qualités physiques et morales longue- » ment éprouvées. »

Combien il est à regretter, en effet, que Napoléon n'ait pu laisser à la France un pareil monument î Napoléon, seul,

»

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* Officiers et soldats qui m'êtes restés fidèles jusqu'au dernier moment, recevez mes remercî- » ments ; je suis content de vous ! Je ne puis vous

* embrasser tous, mais j'embrasserai votre géné-

* rai ! Adieu, mes enfants ! Adieu, mes amis !

» Conservez-moi votre souvenir ; je serai heureux, » lorsque je saurai que vous Têtes vous-mêmes.

» Venez, général ! »

Alors le général Petit s'est approché et Napoléon l'a embrassé avec effiision.

« Qu'on m'apporte l'aigle et que je l'embrasse » aussi!... »

Le porterdrapeau s'est avancé , a incliné le drapeau , et Napoléon en a embrassé, frois fois l'écharpè avec la plus vive émotion. # <? Oh! chère aigle ! Que les baisers que je te » donne retentissent dans la postérité ! . . .

» Adieu, mes enfants ! . . . Adieu, mes braves ! . . .

* Entourez-moi encore une fois ! . . . »

pouvait être l'historiographe de la garde Impériale, car, qui, de nos jours, oserait essayer d'écrire une pareille histoire, s'il n'a vécu au milieu de cette formidable phalange ; s'il n'a partagé ses bivouacs ; s'il n'a été témoin sur les champs de bataille, de l'attitude martiale de ces immortels soldats ; s'il n'a pris part enfin aux funérailles de Waterloo !...

On essayera, peut-être, nous n'en doutons même pas, d'ex- ploiter commercialement l'histoire fabuleuse de la garde Impériale ; on y emploiera tout le luxe de la typographie et de Y illustration à la mode, mais sera-ce un monument semblable à celui que Napoléon eût voulu et élever à sa # garde?.

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Ce discours produisit sur ses compagnons d'ar- mes l'effet qu'il avait droit d'en attendre. Les pau- pières de ces vieux guerriers se mouillèrent ; un morne silence attestait que leur cœur était profon- dément ému. Aussi les officiers étrangers, présents à ces adieux de Napoléon à ses soldats, ne purent en être témoins sans éprouver eux-mêmes une vive émotion.

Napoléon, après cette scène qui lui rappelait* tant de souvenirs, monta en voiture avec le maré- chal Bertrand. En sortant de la grille, il baissa unç des glaces ; des larmes roulaient dans ses yeux ! C'était en vain qu'il voulait cacher son émotion ; elle s'exhalait par tous les traits de son visage. Hé- las ! il quittait la France ! il quittait son armée ! . . .

Les généraux étrangers l'accompagnèrent, ainsi que les généraux Drouot, Cambronne ; les colonels Jermanowski, Mallet, le chevalier Foureau-Beau- regard, son médecin, Rasthery, secrétaire intime, . le chevalier Peruze, trésorier ; Deschamps et Bâil- lon, fourriers du palais; Gasse, pharmacien, et toutes les personnes qui devaient s'embarquer avec lui.

Le nombre des voitures s'élevait à onze ; elles furent escortées par une compagnie de grenadiers à cheval.

Aux termes de la convention qui concédait à Napoléon la souveraineté de l'île d'Elbe, il lui fut accordé un bataillon d'infanterie, composé de cinq cent quatre-vingt-sept sous-officiers et soldats, non

78

«

compris les officiers; pris, moitié dans les grena- diers et moitié dans les chasseurs de la vieille garde ; une section de marins forte de vingt-un hommes, commandés par un sergent-major, et cent seize lanciers polonais, y compris les officiers (a).

Ces troupes devaient se rendre à l'île d'Elbe sous le commandement du général Cambronne.

Ces braves reçurent dans leur longue route de Fontainebleau à Savone ils s'embarquèrent , l'accueil le plus empressé, et partout au cri de :

(a) Récapitulation du bataillon de l'île d'Elbe, en partant de Fontainebleau.

ÉTAT-MAJOR.

Chef de bataillon. . . . Capitaine adjudant-major. Lieut. en 1er s. -ad j. -major. Lieutenant en 1er . . . Chirurgien de 2* classe . . Id. sous-aide. . .

i\

1

1

1

1

1

6

PETIT ETAT-MAJOR.

Sergent tambour Chef de musique Sous-chef id. . Musiciens. . . Chassseur. . .

1 1 1

5 1

Total du grand et petit état- major

ib

•79

Vive la garde Impériale ! Sa vieille réputation lui avait mérité les honneurs d'une marche triomphale.

Un des officiers de la garde, dans la relation de ce voyage, s'exprime ainsi :

« Dans toutes les villes où" elle s'arrêtait (la garde), on voyait, bivouaquant, les soldats autri- chiens, logés chez les bourgeois, et les meilleures places étaient pour les braves de la garde.

* À fable avec les sous-officiers, les soldats des corps ennemis, les impériaux eux-mêmes voulaient que l'on servît toujours les grenadiers

Report 15

EFFECTIF DES COMPAGNIES.

irtCie. Officiers 3

Sergent-major. . . l.\

Fourrier 1

Sergents lx

Caporaux . .• . . 8^ 100»

Tambours .... 8

Grenadiers . . . . 74

Musiciens. . de 2e

classe 1

2* C* 94

3' 92

h" 96

O -" * ..,•• ■- . . * •'"

6* '\ 94

Total çhî bataillon. . . 587 j Section de marins. . . . 21 j 724 Total géné- Escadron de Polonais. . 116 ] rai : officiers ,

sous -officiers et soldats.

\

80 r^-

français avant leurs soldats. Une seule fois , un vieux major se refusa à céder son logement à la garde. Son refus était proféré d'une manière in- sultante : c Tu te conduis ainsi, lui dit le général » Gambronne , eh Sien 1 Jais placer tes soldats » d'un côté, je vais mettre les miens de l'autre, » et nous verrons à qui les logements reste- * ront. »

» À Lyon, on fit traverser à la petite troupe le faubourg de la Guillotière.

» Dans la ville Ton parut craindre de les laisser pénétrer, vingt mille Autrichiens étaient sous les armes ; mais ils n'entrèrent pas dans cette cité. Ces guerriers rappelaient tant de gloire, im- primaient tant de vénération , que toute la cité, en revanche, se rendit au-devant d'eux et les accompagna, bourgeois, négociants, artisans, et surtout ce bon peuple, toujours tant calomnié, quand il n'est pas compté 'pour rien. Enfin, la majeure partie des habitants (et à coup sûr nul intérêt ne les dirigeait alors), accueillit avec trans- port la phalange immortelle et lui exprima ses regrets. Un officier étranger, spectateur chagrin de ce tableau animé, s'était avisé de vouloir frap* per de son épée un soldat qui, hors des rangs , criait plus fort que les autres... Un lyonnais lui arracha son épée , la brisa et lui .dit : « Si tu » veux en ravoir les morceaux, viens les cher- » cher chez moi ! »

« Cette poignée de braves arriva à l'île d'Elbe

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le 26 mai 1814. Napoléon y était installé depuis le 4 du même mois.

Peu de temps après , Napoléon s'occupa de l'or- ganisation de sa garde ; il en forma un bataillon, auquel ildonna son nom, et le divisa en six eom- pagnies d'infanterie avec un état-major, plus une compagnie de marins et un escadron de lanciers polonais , qui prit également le titre d'escadron Napoléon* Chaque compagnie fut composée ainsi qu'il suit :

ÉTAT-MAJOR.

Malet (Anselme), chef de bataillon.

Laborde, capitaine adjudant-major.

Melissent (Victor), lieutenant en premier, sous- adjudant-major.

Arnaud (Joseph-Félicien) , lieutenant en premier.

Emery (Apollinaire), chirurg. de deuxième classe.

Eberard (Louis), sous-aide-major.

Carré, sergent-tambour.

Godiano (Antoine) , chef de musique.

Fresco (Laurent), sous-chef de musique, pre- mière clarinette.

Pasconini (Joseph), première clarinette.

Donizetti (Joseph), première flûte.

Chicero (Joseph), premier cor.

Brasseli (André), deuxième clarinette.

Defferari (Louis), deuxième clarinette.

Guili (Dominique), chasseur.

G

1

82

PREMIÈRE COMPAGNIE

Lamouret, capitaine. Thibault, lieutenant en premier. Lerat, lieutenant en second. Joachim, sergent-major. Chesnais (Bertrand), sergent. Lapra (Mathieu), idem. Gavin (Jacques), idem. Bretet (Charles), idem. Cicéron (Antoine), fourrier. Ducher (Etienne), caporal. Cuisson (César), idem. Marchand (Isidore), idem. Blondel (André), idem. Lefort (Jean-Baptiste), idem. Rebout (Pierre), idem. Didlon (Jacques), idem. Labouzy (Jean-Pierre), idem. Dumet (Louis), tambour. Voilant (François), idem. Rousselot (Claude), idem. Fallet (Edme), idem. Mouche (Pierre), idem. Riche (Joseph), idem. Tauraux (Laurent), idem. Julien (Antoine), idem. Guilmar (Pierre), grenadier. Dubosque (Pierre), idem.

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Galine (Joseph), idem.

Marin (Michel), idem. Arnoux (Joseph), idem.

Renard (François), idem.

Bourdon (Jean), idem.

Bender (Jacques), idem.

Vestraek (Jean), idem.

Beaudoin (Pierre), idem.

Marty (Barthélémy), idem.

Antoine (Jean-Pierre) , idem.

Palapra (Armand), idem.

Couvret (Pierre), idem.

Brunel (Pierre-Louis), idem.

Voussenal (Antoine), idem.

Audray (Charles-Vital), idem.

Foncelet (Joseph), idem.

Roustany (Pierre), idem.

Noirot (Jean-Baptiste), idem.

Smitz (François), idem.

Millot (Germain), idem.

Vilmontel (Pierre), idem.

Delmas (Guillaume), idem.

Martager (Pierre), idem.

Beaudiman (Sylvain), idem.

Audenel (Christophe), idem.

Pionnier (Nicolas), idem.

Beaudoin (Pierre-Paul) , idem.

Massony (Philippe), idem.

Devaux (Etienne), idem.

Fréjouville (François), idem.

84

Jumelin (Jean), idem.

Tête (Auguste), idem

Lavpinier (Pierre), idem.

Bredoire (André), idem.

Pujet (Jacques), idem.

Arnault (Antoine), idem.

Audinot (Joseph), idem.

Fouquet (Denis), idem.

Leguedar (Joseph), idem. Royer (Joseph), idem. Jourdon (Guillaume), idem. Guston (Louis), idem. Ponceau (Jean-Dominique), idem. Durbec (Vincent), idem. Dangla (Paul), idem. Authier (Jean), idem. Gelin (Jacques), idem. Delmas (George), idem. Miaudet (Pierre), idem. Lefort (Vilbrun), idem. Chopin (Jean), idem. Boin (Louis), idem. Trouvé (Jean), idem. Lavoir (Claude), idem. Pellier (Louis), idem. Bonnier (Louis), idem. Bliand (Pierre), idem. Gerville (Pierre), idem. Couteau (Bernard), idem. Lecerf (Charles) , idem.

85

Guillin (François), idem.

Vérité (Pierre), idem.

Launay (Julien), idem.

Saviant (Charles), idem.

Dautray (Antoine), idem.

Jacques (François), idem.

Bernard (Claude), idem.

Innocent (Louis), idem.

Pavese (Pierre), idem.

Polgiuni (Taleud), idem.

Guidicelly, idem.

Glenat (Pierre), idem.

Galisse, musicien de deuxième classe.

DEUXIÈME COMPAGNIE.

Combes (Michel), capitaine.

Duguenot (Joseph), lieutenant en premier.

Begot (André), lieutenant en second.

Perrier (Louis), sergent-major.

Serries (Jean), sergent.

Fouque (Pierre), idem.

Riverain (Jean), idem.

Martin (Jean), idem.

Chanat (Jacques), fourrier.

Peletier (Jean-Baptiste), caporal.

Monthé (Gabriel), idem.

Thorillon (Pierre), idem.

Haubranc (Hippolyte), idem.

Renard (Etienne), idem.

86

Gallois (Jean-Baptiste), idem. Guohenaud (Joseph), idem. Vaugarnier, tambour. Figuerre (Auguste), idem. Ancelotte, grenadier. . Dumas (Jean), idem. Chevrier (Mathieu), idem. Losier (Augustç), idem. Grenier (Jean), idem. Protat (Michel), idem. Mieux (Jean), idem. Monier (Guillaume), idem. Romand (Joseph), idem. Sianque (Joseph), idem. Gappe (Joseph), idem. Hu (René), idem. Bodinot (Pierre), idem. Favoye (Pierre), idem. Petre (Antoine), idem. Garraux (Jacques), idem. Fray (Philippe), idem. Magnachot (Pierre), idem. Pardou (Charles), idem. Chalmandrie (Jacques), idem. Chomba (Joseph), idem. Goria (Joseph), idem. Breton (Michel), idem. Bloyotte (Joseph), idem. Morillac (Mathieu), idem. Habit (François) , idem.

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Ganier (Jacques), idem. Éceampe (Pierre), idem. Josse (Louis), idem. Moreaux (François), idem. Gigoux (Hippolyte), idem. Connerade (Jean), idem. Roux (Hubert), idem. Letou (Michel), idem. Martin (Nicolas), idem. Carrière (Louis), idem. Saleron (François), idem. Choffin (Pierre), idem. Gourai (René) , idem. Hubert (Thiébaud), idem. Charles (Jean) , idem. Renaud (Pierre), idem. Remonville (Pierre), idem. Ferand (François), idem. Thorillon (Pierre), idem. Lacour (Pierre), idem. Morgue (Jean-Baptiste), idem. Lamotte (Jean-Baptiste), idem. Manthion (Pierre), idem. Haubert (Michel), idem. Jolival (Pierre), idem. Guette (Paul), idem. Pain (Michel), idem. Valcelonne (Michel), idem. Leroy (Jean-Baptiste), idem. Michellet (Bonaventure) , idem.

r 88

Vincent (Pierre), idem. Àilly (Auguste) , idem. Dutertre (Pierre), idem. Villette (Auguste), idem. Bonnot (Armand), idem. Marienne (Antoine)-, idem. Cremonty (Michel), idem. Cathelain (Michel), idem. Marré (Joseph), idem. Messager (Benoît), idem. Fouret (François), idem. Gobinot (François), idem. Querolle (Léonard), idem. Vatripont (Marie-François), idem. Capeter, musicien. Reetani, idem. Follacci (Antoine), idem. Saveric (Raste), idem. Follacci (Dominique), idem. Perrier (Louis), idem.

TROISIÈME COMPAGNIE.

A

Dequeux (Charles), lieutenant en premier. Paris (Jean-Pierre-Édouard) , lieut. en premier. Jean-Marie (Jean-François), lieutenant en second. Puyproux (Etienne-François), sergent-major. Délaye (Antoine), sergent. Blanc (Antoine), idem. Crollet (Jean-Louis), idem.

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Bruiion Joseph), idem. Leromain (Jean-Baptiste), fourrier. Boutojango (Simon), caporal. Herelle (Pierre), idem. Franchot (Antoine), idem. Rambosson (Jean-Claude), idem. Lachaise (Antoine), tambour. Roseau (Salvador), idem. Moncousin (Joseph), grenadier. Hanriquet (Joseph), idem. Riscosat (Laurent), idem. Gonet (Nicolas), idem. Rémy (Michel), idem. Bigot (Marie), idem. Beaux (Jean), idem. Furier (François), idem. Commandeur (François), idem. Gardien (François), idem. Meunier (Colin), idem. Beaudoin (Pierre), idem. Clary (Jean), idem. Marchiody (Henry), idem. Joutte (Michel), idem. Muret (Jean-Baptiste), idem. Franuse (Jean-Pierre), idem. Routh (Joseph), idem. Anjoin (Jean), idem. Etienne (Joseph), idem. Josereau (Antoine), idem. Ligour (Antoine), idem.

90

Michaux (François), idem. Avignon (Antoine), idem. Robin (Jean), idem. Céres (Gaspard), idem. Lépine (Nicolas-Antoine), idem. Thubaut (Joachim), idem. Leleux (Paul), idem. Boiste (Martin), idem. Fonche (François), idem. Moritot (Joseph), idem. Boisin (André), idem. Chavanne (Pierre), idem. Boissier (Jacques), idem. Coulangeon (Jean), idem. Del vigne (Joseph), idem. Favereau (Jacques), idem. Cabet (Jacques), idem. Bertheaux (Jean), idem. Laurent (Maximilien), idem. Planchot (Pierre), idem. Dandeck (Mathurin), idem. Vrillano (Jacques), idem. Audeux (Mathurin), idem. Gastaldy (Jean), idem. Gampes (Martin), idem. Painfort (Jacques), idem. Goret (Bertrand), idem. Cabet (Jean), idem. Hugues (Jean-Pierre), idem. Robert (Jacques), idem.

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Grebeau (Pierre), idem. Saffart (Louis), idem. Kunibert (Joseph), idem. Siffry (Henry), idem. Mathieu (Sébastien), idem. Brillant (Jacques), idem. Broner (Xavier), idem. Marguerier (Jean-Baptiste), idem. Gay (Jean), idem. Piaza (André), idem. Courtin (Nicolas), idem. Girand (Jean), idem. Gervais (Jacques), idem. Jaflran (Mathurin), idem. Jeanty (Jacques), idem. Chardon (Louis), idem. Bosquet (Etienne), idem. Skori (Pierre), idem. "Gouaresqui (Paul), idem. Meynier (Joseph-Etienne) idem. Sorbet (Armand), idem. Faur (Louis), idem. Laurenzi (Jean-Baptiste), idem. Luiconi (Pascal), idem. Ortori (Jean- Jacques) , idem.

QUATRIÈME COMPAGNIE.

Loubers (Jules) , capitaine.

Seré Lanaure (Pierre), lieutenant en second.

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Franconnin (François) , idem. Escribe (Antoine), sergent-major. Thomas (Berthel), sergent. Lefebvre (Charles), idem. Grenoulliot (Charles), idem. Pierson (François), idem. Mechelingue (André), caporal. Malangré (Antoine), idem. Quinte (Fiacre), idem. Fossaty (Jean-François), idem Benoît (Renard), idem. Guyot (Jean), idem. Zaffarini (Jean-Baptiste), idem. Pernin (Jean), tambour. Roussel aîné, idem. Stroppiana (Félix), grenadier. Clément (Jean- Jacques) , idem. Varmiole (Louis), idem. Champion François), idem. Carpentier (Adrien), idem. Betheman (Jean-François), idem. Alibert (Jean-Pierre), idem. Durand (Jean), idem. Duplaine (Joseph), idem. Lacombe (François), idem. Bard (Lazare), idem. Brabant (Jacques), idem. Aurin (Pierre) , idem. Florant (Jean), idem. Pomeraux (Jean-Baptiste), idem.

95 -

Àusterman (André), idem. Mazue (Isidore), idem. Nicolas, idem. Londre (Charles) , idem. Lambert (Ambroise), idem. Joupe (Charles), idem. Hamée (Sébastien); idem. Noman (Simon), idem. Vasterlingue , idem. Tachenot (Pascal), idem. Audoir (Jean), idem. Lavinal (Jean), idem. Maret (Hubert), idem. Mauzet (Pierre), idem. Hicher (Nicolas), idem. Jentel (Joseph), idem Nayet (Charles), idem. Manouvrer (Joseph), idem. Laourmau (Jean), idem. Jubé (Jean), idem. Bruck (André), idem. Jules (Jean-Baptiste), idem. Bouffard (Pierre), idem. Bethon (Louis), idem. Favre (Jean), idem. Chaffaud (Jean), idem. Joucher (André), idem. Hérouffe (Jacques), idem. Pascal (Jean), idem. Bourgeois (Louis), idem.

94

Therroienne (Nicolas), idem. Darsonville (François), idem: Boëton (Jean), idem. Blavet (Jean-Baptiste), idem. Lacroix (Claude), idem. Thomas (Laurent), idem. Ligeant, idem. Tapparo (Antoine )9 idem. Leroi (Victor), idem. Pèche (Pascal), idem. Signal (Jacques), idem. Nicolas (Jean-Louis), idem. Rochon (Joseph) , idem . Blanc (Jean), idem. Carvani (Joseph), idem. Breton (François), idem. Sabatier (Antoine), idem. Murât (Jean), idem. Lamure (François), idem, Pio (Charles), idem. Huechet (Julien) , idem. Lemère (Henri), idem. Arman (Jean), idem. Parfini (Maurice), idem. Fiaminge (Charle^, idem. David (François), idem. Marchand (Prosper), idem. Schlingue (Paul), idem. Lally (Grégoire), idem. Stropiana (Félix), idem.

95

Reondano (Emmanuel), idem. Cormeau (Rousseau), idem. Roux (Pierre), idem. Annibal, idem.

CINQUIÈME COMPAGNIE.

Hurault Desorbée (Louis-Marie-Charles-Philippe) ,

capitaine. Ghaumet (Louis), lieutenant en second. Noisot (Claude-Charles), lieutenant en second. Tassin (Edme) , sergent-major. Auge (Pierre), sergent. Blamont (Laurent), idem. Bêlais (François), idem. Vendremish (Pierre), idem. Tassin (Narcisse), fourrier. Barthélémy (François), caporal. Varenne (Louis), idem. Richard (Louis), idem. Perrin (Louis), idem. Gabriel (Louis), idem. Darvan (Nicolas), idem. Flambeau (Jean-Baptiste), idem. Gallot (Antoine), idem. Vial (Pierre), tambour. L'Étoile (Pierre), idem. Albanasy (Auguste), grenadier. Chermer (Hubert), idem. Fontaine (Jean-Baptiste), idem.

96

Peters (George), idem. Jacquix (Henri), idem. Bonnard (André), idem. Lingtz (Thomas), idem. Charpentier (Pierre), idem. Thibault (Thomas) , idem. Charpentier (Etienne), idem. Achon (Antoine), idem. Moreau (Michel), idem. Rigaut (Jean-Baptiste), idem. Lanou (Floriant), idem. Boyer (Joseph), idem. Bursiens (Dominique), idem. Delille (Pascal), idem. Meriot (Saraphin), idem. Sechu (Louis), idem. Leroy (Phillippe) , idem . Ponsard (François) , idem. Lîngueglia (Côme), idem. Arnousse (André) , idem. Bormann (Auguste), idem. Laroque (Pierre) , idem. Benoy (Claude) , idem. Audil (Nicolas), idem. May ère (Jean), idem. Vrincourt (Joseph) , idem. Janin (Jean-Baptiste), idem. Labutte (Jean) , idem. Delétoile (Pierre), idem. Ricardy (Alexandre) , idem.

97

Ghatelin (Pierre), idem. Colsoul (Paul), idem. Pétrès (Jean-François), idem. Boitias (Barthélémy), idem. Sahin (Jacques), idem. Danin (Ferdinand), idem. Piche (Pierre), idem. Chapuis (Jean), idem. Morzierre (Pierre), idem. Marty (Mathieu), idem. Lassère (Jean), idem. Cambier (Antoine), idem. Hervet (Joachim), idem. Brunelle (Jean), idem. Verneutre (Alexis), idem. Péron (Baptiste), idem. Barberis (Victor), idem. Citelly (Charles), idem. "Chatin (André), idem. Vignot (Jean), idem. Degau (Jean), idem. Billot (François), idem. Clapérau (Charles), idem. Poire (Jean-Pierre), idem. Olivier (Joseph), idem. Deneau (Jacques) , idem^ Cornellis (Charles), idem. Thiery (Pierre-Philippe), idem. Massonet (Charles), idem. Chaulieu (Jean-Pierre) , idem.

98

Aviat (Pierre-Hubert), idem. Gravier (Marie) , fifre. Retaillaut (Alexandre), idem. Pigthonsky, idem. Mayner (Jacques), musicien. Coutenis (Joseph), idem. Fession (Pierre), idem. Seminos (Saint-Esprit), idem. Maëstralo (Simon), idem. Gioncardy (Antoine), idem. Taddei (Louis), idem. Guilli (Dominique), idem. Nodinot (Louis), idem. Carlotti (Charles- Jérôme) , idem.

SIXIÈME COMPAGNIE.

Mompez (Jean-Baptiste) , capitaine.

Bacheville (Barthélémy), lieutenant en second

Mallet, idem.

Reufflo (George), sergent-major.

Talou (François), sergent.

Mathieu (François), idem.

Lacour (Nizier), idem.

Scaglia (François), idem. *

Huguenin (Michel) , fourrier.

Poussin (Martin), caporal.

Brassard (Louis) , idem.

Godart (Pierre), idem.

Chonblay (Louis), idem.

99

Gouillon (Joseph), idem. Richard (Louis), idem. Saintot, idem. Baron (Antoine), idem. Bartholini (Louis), tambour. Brioude (François), idem. Bernard (Casimir), grenadier. Rebufia (Jean), idem. Besset (Didier), idem. Vandamm (Charles), idem. Daujon (Louis), idem. Burtin (Louis), idem. Bourdon (Aubin), idem. Chambarch (Louis), idem. Cusinelly (Jean), idem. Cordier (Claude), idem. Laporte (Jean) , idem. Laboury (Dominique), idem. Bonfils (Marie), idem. Beccaria (Joseph), idem. Hanquin (Jacques), idem. Julien (Jean), idem. Pecque (Antoine), idem. Gauthier (François), idem. Grasset (Jean), idem. Colin (Pierre), idem. Lacouché (Pierre), idem. Forisson (Michel), idem. Roux (Jean-Baptiste), idem. Amet (Antoine), idem.

. j

100

Courtois (Jacques), idem. Bourian (Jean), idem. Delmas (Jean), idem. Delong (Antoine), idem. Raverdi (Louis), idem. Petit (Julien) , idem. Hoffmann (Jean), idem. Cotte (Féconde), idem. Faciol (Nicolas), idem. Evangelista (Antoine), idem. Panlène (Antoine), idem. Senil (George), idem. Pontel (François), idem. Corbitz (Nicolas) , idem. Maria (Charles), idem. Chérot (René), idem. Laurent (Barthélémy) , idem. Lalit (Etienne), idem. Couder (Bernard), idem. Negros (Etienne), idem. Quenesson (Honoré), idem. Rouvier, idem. Vitte (Jean-Benoît), idem. Paquin (Jean-François), idem. Ampoux (Jean-Baptiste), idem. Hugnet (Joseph), idem. Guerry (François), idem. Renoult (Jacques) , idem. Tremont (Pierre), idem. Cossellila (Antoine) , idem.

# » -

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101

Plumet (Xavier), idem, Bernard (Etienne), idem. Souris (Loufc), idem. Trichery-Àlbat , idem. Petit (Paul), idem. Simonil (Joseph), idem. Peylagney- (Pierre) , idem. Neboulf (Bernard) , idem. Lang (Christophe), idem. Floquet (Louis), idem. Doué (Louis), idem. Borrigny, idem. Mearrinmy (Angelo), idem. Zanelli (François), idem. Bernardi f(Jean), idem. Bernardi (Jean-Baptiste), idem. Gambarre, chasseur-fifre. Menichelli, musicien. Brasselli, idem. Janone, idem. Magnaneyo, idem.

COMPAGNIE DES MARINS

Benigni (Jacques) , sergent-major.

Cordeviole (Victor), sergent.

Juliany (François), caporal.

Roubiany (Joseph), idem.

Lotta (Antoine- Joseph) , idem.

Vilchy (Jean), marin de première classe.

102 ^

Dolphy (Mathieu), idem. Jeard (Vincent), idem. Ghansonet (Louis), idem. Coquet (Tranquille), idem. Debos (Jean), idem. Levasseur, idem. Legrandy (Jérôme), idem. Voicogne (Augustin), idem. Coste (Simon), idem. N Lambert (Jean) , idem de deuxième classe. Grosard, idem. Simiaty (Vido), idem. Vincenty, idem. Leroux (Jean- Antoine) , idem. Jansonnety (Louis), idem.

ESCADRON-NAPOLÉON , CHEVAU-LÉGERS-LANCIEKS.

Schullz (Jean), capitaine.

Balinski, idem.

Guitonski, lieutenant en premier.

Skoirrsusky (Joseph) , lieutenant en deuxième.

Séraphin (Radon), idem.

Zielenluenoiez (Joseph), idem.

Piotronki, idem.

RafFaezynski , maréchal-des-logis-chef .

Piotronski (Alexandre), idem.

Bieliclu (Marthe), maréchal-des-logis.

Zaremba (Joseph), idem.

Trzebiatousky (Louis), idem.

103 ~

Fierzeiecoski (François), idem. Fuszezenski (Jean), idem. Borocoski (Stanislas) , idem. Schultz (Nicolas), idem. Michmewicz (Jean), fourrier, Polecaski (Joseph), idem. Borkawski, brigadier. Bocianonski (Jean), idem. Leuramdowski (Michel), idem. Aniothonski (Jean), idem. Rammes (Auguste), brigadier -trompette, Staszinski (Paul), idem. Stominski (Semeonde) , brigadier. Szwartz (Jean), idem. Sanskowki (Cypiandy), idem. Dauvettes (Prault), trompette. Biernacki (Joseph), maréchal -ferrant. Lzaykouski (Antoine), cWau-Iéger. Jregorouviez (Stanislas), idem. Zaivadzki (Antoine), idem. Hozakiecoin (Vincent), idem. Jankourski (François), idem. Wysochi, idem. Olechnicles (Paul), idem. Bierneki (Lucas), idem. Chadzynski (Nicolas), idem. Fukasiaoiez (Joseph), idem. Danselecoiez (Georges) , idem. Btochi (Georges), idem. Kaszenski (Louis), idem.

I

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Pontouvski (Marthe), idem. Pontner (Edouard), idem. Mioduszewski, idem. Kurzanski (Nicolas), idem. Kaminski (Nicolas), idem. Bonvouski (Albert), idem. Dabrowski, idem. Szythocoski (Jean) , idem. Jacoski (Àdenne) , idem. Zabelle (Charles), idem. Sokotouski, idem. Zdanoxoski, idem. Rabezynski (Charles) , idem. Kruorlionski (Antoine), idem, Kcoialhoriki (Laurent), idem. Kutakoivki (Charles), idem. . Cumanski (Vincent) , idem. Ruzyerko (Ignace), idem? Szymanski (Léon), idem. Kotoilinski (François) , idem. Kaezkoprski, idem. Suliszewski (Vincent), idem. Krommevs (Stanislas), idem. Kulig (Jean), idem. Seviensmiski (Jean) , idem. Peros (Michel), idem. Dajets (Prenus), idem. Ruchëll (Jean), idem. Michell (Marvi), idem. Kassareck (Joseph), idem*

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Kraiveznski (Stanislas), idem. Lhoynomski (François), idem. Sobik, idem.

Mierzyneski (Joseph), idem. Jascetoiski (François), idem. Kaberyniski (Jacques), idem. Stzerhounki, idem. Stoabodzinski (Jean), idem, Mowalrônski (Jean), idem. Szevaroski (André) , idem. Bielmiski (Antoni) , idem. Kucharski (Auguste), idem. Szymanowiz (Antoni), idem. Andreszlusiski , idem. Wysochi, idem. Kowaleuski (André), idem. Mendychaussie (Jacques) , idem Dosinski (Gabriel), idem. Mowak (Jean), idem. Kupryan (Michel), idem. Przyatgouwski (Félix), idem. Acidat, idem. Peuchaka (Joseph), idem. Zurenhossff, idem. Podlaszenski (Thomas) , idem. Klimaszenski (Ignace) , idem. Koteche (Fantin), idem. Misgurodf, idem. Sriomkoussi (Mathieu) , idem. Orliki (Jacques) , idem.

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Meczynski (Joseph), idem. Wisznierswki (Michel), idem. Sevidowski (Casimir), idem. Mikolejon (Mathieu), idem. Zielinski (Mathieu), idem. Leiscoski (André), idem* Krynski (Jean), idem. Oponos (Kortoroski) , idem. Iranski, idem. Izafranski (Michel), idem. Jezierski, idem. Olivinocoski (Jean), idem. Kulezyski, idem. Pigthowski, idem.

LIVRE TROISIEME

CHAPITRE XII.

RE*ÀURÀTIOjN.

SOMMAIRE. 4 mai 1814, entrée de Louis XVIII dans Paris Des détachements de 1* ex-garde Impériale lui servent d'escorte ; leur at- titude dans cette solennité ; leur séjour à Paris ; querelle avec les troupes des puissances alliées, notamment avec les Autrichiens. Erreur qui en fut la cause ; ordre du jour qui y met fin. 30 mai, traité de paix en 33 articles entre la France et les puissances coa- lisées* Texte du traité, acte additionnel à ce traité. ' Le maréchal Suchet, duc d'Albuféra, envoie son adhésion et celle de l'armée d'Aragon, au gouvernement du roi ; sa lettre inédite' à ce sujet. Impudente allocution du maréchal Augereau, duc de Castiglione, à ses soldats. Ordonnance du roi pour la réorganisation de l'armée. Fautes et injustices des ministres de la Restauration envers la garde "Impériale. -*- Tableaux relatifs a l'organisation de l'armée » détails curieux à cet égard. Suppression de r«eftigie de Napoléon sur la croix de la Légion-d'Honneur ; conséquences fâcheuses qui en résultent. Rétablissement de la croix de Saint -Louis. Or-

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donnances intempestives qui rétablissent tes gardes du corps, les mousquetaires, les gendarmes de la garde, les chevau-légers de la garde, les gardes de la porte. Inquiétudes et fermentation dans les esprits. Intrigues des divers partis ; celui de Napoléon offre le plus de chances de succès. Une conjuration se trame en sa faveur.

Ici commence pour l'armée, comme pour la France, une ère nouvelle qui fut appelée lies- tauration.

L'immense majorité de nos généraux la sa- luèrent avec acclamation; les officiers, subal- ternes et Tes anciens sous-officiers et soldats, seuls, attendirent que le temps les eût mis à même de connaître et d'apprécier les bonnes in- tentions de leur nouveau souverain.

Des détachements pris dans les différents corps de l'ex-garde Impériale et de la ligne, cantonnés près de Paris, furent mandés pour assister à l'en- trée du roi Louis XVIII , et? pour lui servir d'es- corte de Saint-Ouen au palais des Tuileries.

Notre régiment fut de ce nombre , et, tous, nous fûmes témoins , dans cette mémorable jour- née du 4 mai 1814, de la transition subite des sentiments de la population parisienne, elle, na- guère encore si passionnée pour l'Empereur!... Nous assistâmes à ses extravagantes démonstra- tions en faveur d'une famille qu'elle ne connais- sait pas plus que nous.

Plus de quatre cents officiers-généraux, en grande tenue précédaient le carrosse royal ; c'é- tait à qui, parmi ces brillants escadrons > agite-

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mit le plus son chapeau brodé, pour provoquer notre enthousiasme ! . . . Mais notre attitude fut ce qu'elle devait être : calme et digne, ainsi que le bon sens, des engagements pris, une rupture en- core palpitante, et enfin la prudence, l'exigeaient.

Le séjour que nous fîmes dans Paris, au milieu, pour ainsi dire, des armées alliées, donna lieu à des rixes nombreuses et sanglantes, soit au Pa- lais-Royal, soit dans les guinguettes des boule- vards extérieurs. -C'était surtout aux Autrichiens que Ton s'attaquait; on avait cru remarquer de ■. ^affectation dans les rameaux verts qu'ils por- taient à leur coiffure, tandis que ce n'était que le résultat d'un usagé consacré dans l'armée au- trichienne* Mais ces rixes avaient pris un tel ca- ractère de gravité que le commandant autrichien jugea nécessaire de faire afficher, le 19 mai, dans tout Paris, un ordre du jour dont voici le princi- pal paragraphe :

« Il ne peut entrer dans la pensée des sous-offi-

* ciers et soldats autrichiens de méconnaître la » valeur française dont ils ont été témoins sur

> un si grand nombre de champs de bataille.

» Les fautes qui ont ouvert la France aux alliés

> sont étrangères à l'armée française ; les puis- » sances mêmes le reconnaissent : l'armistice » est signé; la paix va l'être. Il n'y a plus en

* présence que des braves faits pour s'estimer, » et dont le devoir est d'attendre avec calme » cette paix si nécessaire à l'Europe. »

no

Il était certainement difficile de rendre un plus bel hommage à la valeur de l'armée fran- çaise; aussi, l'armée en fut-elle touchée, et, dès ce moment, toutes collisions cessèrent. Le 30 mai, en effet, un traité de paix en trente-trois articles, communs aux quatre parties contrac- tantes, fiit signé par. le prince de Talleyrand, et les plénipotentiaires de la Russie, de l'Autriche, de l'Angleterre et de la Prusse.

,Ce traité de paix (a), quelque dur qu'il fllt pour la France , fait néanmoins honneur à l'armée fran- çaise, sans l'attitude de laquelle il eût été plus dur encore (6).

Les quatre armées des Pyrénées, d'Aragon, d'I- talie et du Rhône avaient adressé successivement leur adhésion au gouvernement de Louis XVIII ; mais comment qualifier l'allocution suivante du duc de Castiglione (maréchal Augereau)aux braves de son armée?

(a) Voir aux pièces justificatives, 3.

(b) Nous ne voulons pas dire que ce traité ne fût pas désas- treux pour la France, mais il fut loin encore de lui être aussi funeste que celui de 1815, qui peut être mis à côté de celui de Bretigny, et dans lequel se sont montrées tout à nu et la cupidité de l'Autriche, et la haine de l'Angleterre contre la France, qui non seulement avait pour but de l'humilier, mais de la morceler, si elle eût osé.

Quand les Romains voulurent détruire Carthage, ils avaient

du moins le courage de crier : Delenda Çarthagoï Mais

les Anglais ressemblent peu aux Romains de ctftte époque !... Ils ressemblent à ces grecs "auxquels-on appliqua cette sen- tence de perfidie : « Timeo danaos et dona ferentesl

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« Soldats ! Vous êtes déliés de vos serments (a); » vous en êtes déliés par la nation, en qui réside » la souveraineté ; vous Têtes encore par l'abdi- » cation d'un homme qui, après avoir immolé

* des milliers de victimes à sa cruelle ambi-

* tion, ri a pas su mourir en soldat. Jurons t> fidélité à Louis XVIII, et arborons la couleur » vraiment française! >

Voici l'adhésion du maréchal Suchet; on ne lira pas sans intérêt la lettre inédite ci-après, écrite par# M. le maréchal duc d'Albuféra au

(a) Le serment est, selon nous, un acte qui a pour objet de proclamer, de la part de celui qui le fait, l'autorité de la morale publique qui ordonne de- croire à l'homme qui jure et qui fait intervenir Dieu, si l'on peut s'exprimer ainsi, comme garant de sa promesse. Un serment est l'affirmation d'une conviction éclairée, qui a tout examiné, tout prévu et qui ne peut jamais changer sous peine de commettre le crime de félonie ou de parjure. Nous ne sachons pas de peuple chez lequel le serment n'ait été une chose sainte, sacrée, qu'il n'est jamais permis de violer.

U a appartenu à notre époque de voir tous les vieux prin- cipes qui faisaient le lien et la force de la société, se relâcher et être mis en question. Les restrictions mentales sont passées dans la politique, et nous avons une morale d'ambition, de passion, de partis, de circonstance, arrangée selon les besoins personnels du moment Comment le duc de Castiglione avait-il pu oublier que tout soldat qui avait jamais manqué à son serment avait à tout jamais encouru le mépris de ses concitoyens et de la postérité ?...

« Quand tu te seras engagé par serment, tu exécuteras » tout ce que tu auras promis; serait-ce même à ton dom- » mage. » (Nombre xxx, 3 ; l'évitique xïx , n.)

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lieutenant-général comte Dupont, alors commis- saire chargé du portefeuille du ministère de la guerre; cette lettre vient à l'appui de ce que nous avons dit du revirement subit de nos som- mités militaires, lors de la chute de l'Empereur :'

Lettre tfw maréchal Suchet et convention entre lui

et lord Wellington.

« De Toulouse, 30 ayïl 1814.

» Monsieur le ministre,

» Monsieur le chef d'escadron Kerchoux m'a remis, le 28 au soir, votre dépêche du- 22 avril J'ai été pénétré des té- moignages de satisfaction que vous me donnez au nom de S. A. R. le prince lieutenant-général du royaume, et j'ai été très flatté de la marque honorable de confiance que S. À. veut bien me donner dans ces circonstances en réunissant sous mon commandement l'armée des Pyrénées et celles d'Aragon et de Catalogne.

» Je suis assuré que peu de jours après le départ de M. Ker- choux, l'adhésion de M. le maréchal duc de Daimatie et celle de son armée vous sertnt parvenues, ce qui me porte à an- noncer avec plaisir à V. E. que je ne prévois pas avoir besoin de déployer la moindre mesure extraordinaire.

» Instruit peu d'heures après l'arrivée de l'officier que vous m'avez expédié que S. A. R. le duc d'Angoulême était arrivé à Toulouse et qu'elle ne devait y passer que 48 heures, je me suis empressé de m'y rendre. En même temps, j'ai envoyé un officier au maréchal duc de Daimatie; je n'ai pas encore sa réponse aux ordres que vous lui avez expédiés* ce qui ne peut cependant retarder que de peu de jours la réunion des deux armées sous mon commandement.

H3

» S. A. R. m'a reçu avec une extrême bonté ; elle a daigné me témoigner beaucoup de confiance. Ses expressions tou- chantes et toutes françaises lui ont conquis tous les cœurs des militaires et des habitants. Elle nous a appris d'une ma- nière bien aimable tout ce que nous devions attendre des descendants de Henri IV.

» S. A. R. se propose de voir une partie de l'armée ; j'au- rai l'honneur de l'accompagner partout. Dans la journée du 3, la division du général Vilatte sera présentée à S. A. à Castel- naudary, et celle du général Travot à Carcassonne, S. A. couchera. Elle se propose de se rendre le U à Narbonne, j'espère lui présenter 12 bataillons, 8 escadrons et 25 pièces de canon. S. A. doit retourner à Toulouse dans la journée du 5, en repartir le 6 pour Montauban , les troupes du général Reille lui seront présentées, et de se rendre à Bor- deaux.

» Le feld-maréchal Wellington m'a reçu avec une grande distinction ; j'ai eu beaucoup à me louer des rapports que j'ai eus avec lui. J'ai l'honneur de vous adresser copie de la convention supplémentaire, conclue aujourd'hui, qui déter- y mine, suivant vos instructions du 22, un armistice indéfinff entre les deux armées. Lord Wellington m'a dit qu'il était ' prêt à évacuer le pays de suite ; mais cependant il m'a témoi- gné le désir qu'il aurait de ne commencer son mouvement qu'après son retour de Paris. Il m'a observé que ses troupes ne coûtaient rien au pays. J'ai cru devoir lui exprimer que l'intention de S. A. R. Monsieur était de faire tout ce qui pourrait lui être agréable.

» Le séjour des armées alliées sur le territoire des pro- vinces méridionales n'a d'autre inconvénient pour le mo- ment que de circonscrire tellement le pays occupé par l'ar- mée royale, que toute la partie qui l'est par les troupes du maréchal Soult foule d'une manière affligeante les habitants par les consommations nécessaires à l'état de guerre dans lequel elles sont maintenues. J'en prends occasion, monsieur le comte, de prier V. E. de vouloir bien me fixer, le plus tôt qu'elle pourra, sur le mode à adopter pour faire vivre les troupes. Je pense que si les caisses des payeurs étaient assez exactement pourvues, la mise sur le pied de paix des troupes

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soulagerait infiniment les provinces et consolerait bien des cœurs. Peut-être conviendrait-il d'y ajouter pour quelque temps une distribution de vin trois fois par semaine ; mais V. E. sentira que la solde devenant alimentaire ne peut être retardée d'un seul jour et qu'elle doit au contraire être don- née dix jours à l'avance.

» Un arrêté de S. A. R. Monsieur, en date du 23 avril, en- joint aux commissaires extraordinaires envoyés dans les di- visions militaires de faire cesser les réquisitions, qui seules jusqu'à ce jour ont fait vivre les armées royales.

» Les généraux Clausel et Vilatte ont été envoyés près de S. A. R. le duc d'Angoulôme par le maréchal duc de Dalraa- tie. Ils m'assurent qu'il existe au moins 30,000 hommes dans l'armée des Pyrénées. Je prévois qu'après le retour de mes garnisons d'Espagne, l'année royale du midi sera forte d'au moins 60,000 hommes présents, ce qui entraîne une consom- mation de près de 100,000 rations par jour.

» Si j'ai été assez heureux, par les soins que j'ai pris de surveiller mon administration, de n'avoir pas encore eu be- soin de recourir aux réquisitions sur le territoire français, et si j'ai pu vivre aux dépens de l'ennemi jusqu'à ce jour, il n'en a pas été de même de l'armée des Pyrénées qui, depuis dix mois, retire au-delà de 150,000 rations par jour des dé- partements du midi, ce qui a totalement ruiné ces provinces et démontre la nécessité de répartir les troupes sur une grande étendue de pays, à moins que l'administration ne puisse faire des efforts pour nourrir l'armée par ses achats. Vous sentirez, monsieur le comte, combien il est instant que je connaisse les intentions de S. A. R. Monsieur, sur un objet de service aussi important et aussi pressant

» Je vous prie de porter aux pieds de S. A. R. Monsieur, l'expression de ma reconnaissance pour la marque flatteuse de confiance qu'elle a daigné me donner dans cette occa- sion.

» J'ai omis de dire à V. E. que j'ai présenté à S. A. Royale, à Toulouse, les généraux de division Lamarque et Valée, le général Saint-Cyr Nugues, mon chef d'état-major, et l'ordon- nateur en chef Bondurand/ainsi que mes aides-de-camp. En général, je me plais à vous annoncer que j'ai été fort content

lis

des sentiments français des généraux et officiers supérieurs de l'armée que je commande.

» Je renouvelle à V. E. l'assurance de ma haute considéra- tion et de mon sincère attachement

« Signé : le maréchal Suchet, duc d'Albufera. »

Et plus bas , de la main même du maréchal Suchet :

« Mpn cher général, je chargerai votre officier de ma ré- » ponse à votre lettre pleine d'amitiés. Vous connaissez mes » sentiments ; ils sont invariables et se fortifient encore par » la grandeur des événements. Je n'ai pas douté un seul » instant de tout l'intérêt que vous prendrez à faire con- » naître à S. A. R. les services que j'ai eu occasion de rendre. » Amitié bien sincère ,

« Signé : le maréchal. »

L'année Impériale n'attendait donc plus que l'ordonnance de sa réorganisation, comme armée royale de France. Elle fut précédée d'une ordon- nance en date du 6 mai 1814, constitutive d'un conseil de guerre, qui ftit composé ainsi qu'il suit :

Le maréchal Ney ;

Le maréchal Augereau ;

Le maréchal Macdonald ;

Le général comte Dupont , commissaire provi- soire au département de la guerre ;

Le général de division Compans et le général de division Curial, pour l'infanterie;

Le général de division Latour-Maubourg et le général de brigade Préval, pour la cavalerie;

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Le général de division Lery, pour le génie ;

Le général de division Sorbier et le général de brigade Évain, pour l'artillerie ;

Le général de division Kellermann, pour la garde ;

Le commissaire ordonnateur Marchand, pour l'administration de la guerre;

Le général de brigade Félix, inspecteur aux revues, pour l'administration militaire et rappor- teur du conseil.

Une ordonnance royale, en date du 12 mai, réorganisa ainsi l'infanterie de la vieille garde :

Les grenadiers formèrent un régiment de quatre bataillons, sous le nom de : Corps royal des grenadiers de France.

Les chasseurs formèrent également un ré- giment de quatre bataillons, sous le nom de : Corps royal des chasseurs à pied de France.

L'article 2 de cette même .ordonnance trans- formait les quatre régiments de cavalerie de la vieille garde :

Les grenadiers à cheval devinrent : Corps royal des cuirassiers de France.

Les Dragons : Corps royal des Dragons de France.

Les chasseurs : Corps royal des chasseurs à cheval de France.

Les lanciers prirent la dénomination de : Corps royal des chevau- légers -lanciers de France.

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L'artillerie, les marins et les sapeurs de la garde forent dissous et répartis dans les diffé- rents corps de leurs armes respectives.

Les deux corps de grenadiers et chasseurs à pied de France devaient avoir la même organisa- tion que les régiments d'infanterie de ligne; ils conservèrent cependant un quatrième bataillon.

Une ordonnance spéciale , en date du 21 juin 1814, organisa ainsi qu'il suit les quatre régiments de cavalerie de la vieille garde, . qui conservèrent chacun quatre escadrons, et chaque escadron de deux compagnies.

La force totale de chacun des quatre régiments fut de 644 hommes dont 42 officiers; 66 che- vaux d'officiers et 597 chevaux de troupe.

Tous les officiers conservèrent le rang du grade supérieur et en portèrent les marques distinc- tives, ce qui n'avait jamais eu lieu sous Napoléon.

Les sous-officiers, brigadiers et caporaux conti- nuèrent à porter les galons de leur grade.

La force totale des corps royaux de France , avant le retour des prisonniers de guerre, était de :

hommes

Le corps royal des grenadiers de France. 2,400 Le corps royal des chasseurs à pied de

France , . . 2,400

Le corps royal des cuirassiers de France. 644

Le corps royal des dragons de France. 644

Le corps royal des chasseurs à cheval de

France ..'... 645

Le corps royal des chevau-légers-lan-

H8

hommes

Report: 6,751 ciers de France 645

Total général. . . 7,574

La solde de ces superbes corps fut réduite d'un tiers, au lieu d'avoir été maintenue sur le tarif de la vieille garde Impériale, ce qui eût été de toute justice et d'une bonne politique, puisque Ton nous avait conservés.

Cette économie fut donc une faute grave dès le début du gouvernement du Roi (a).

Louis XVIII , s'il eût compris l'homme de guerre , eût tenir compte de ces paroles so- lennelles de Napoléon, après qu'il eut dicté son abdication :

« Si j'étais de Louis XVIII, je ne conserverais » pas ma garde : il n'y a que moi qui puisse la » mener; et puis je l'ai trop bien traitée pour

(a) Louis XVilI fit une autre faute plus grande encore ; il se présentait comme un homme nouveau, assorti aux idées constitutionnelles, et, à chaque instant, on le voyait tenter de rétablir ce que la grande révolution avait détruit. C'est ainsi qu'il voulut ramener ce que Louis XIV avait organisé, c'est-à-dire cette garde qui avait porté le nom de maison du roi, et qui avait subsisté jusqu'en 1789. Cette garde se com- posait des gardes du corps, des gendarmes, des mousque- taires, des chevau-légers , des gardes française et suisse et Cent-Suisses. Successivement licenciés, il n'était resté que les gardes du corps, la garde royale et les Cent-Suisses, dits gardes à pied.

119

» qu'elle ne me conserve point son affection ; je la » licencierais, en donnant de bonnes retraites aux » vieux officiers et soldats, et de l'avancement » dans la ligne à ceux qui voudraient encore » servir. Je me formerais ensuite une autre garde » tirée de la ligne. »

Au lieu d'en agir ainsi, Louis XVIII conserva tous les corps de la vieille garde Impériale, moins l'artillerie, les sapeurs et les marins ; mais en leur enlevant en même temps un tiers de leur solde, et de plus les prérogatives dont ils avaient joui jusqu'alors, celles d'être appelés à veiller sur les jours du souverain. Conserver ces corps et les éloigner de Paris était donc une maladresse , une injustice, et de plus une injure qu'ils ne pouvaient oublier : nous en aurons bientôt la preuve.

Une faute bien grave encore fut d'avoir admis dans le cadre des officiers à la suite de ces ré- giments, des officiers qui n'avaient d'autres ser- vices que ceux de l'émigration, et dont plusieurs même sortaient à peine des armées étrangères , peut-être ils avaient combattu contre nous quelques mois avant cette impolitique fusion . Ne connaissant rien au service français, ces officiers étaient un objet de ridicule pour leurs camarades comme pour nos vieux soldats.

L'infanterie de ligne, par une ordonnance du même jour , fut organisée ainsi qu'il suit : l'in- fanterie de ligne devait former quatre-vingt-dix

120

régiments, chacun de trois bataillons. Chaque bataillon devait être de six compagnies, dont une de grenadiers et une de voltigeurs.

Les trente premiers régiments conservèrent leurs numéros. Le 52e rég. prit le 51 .—Le 56e 52.— Le 85e 75.

35e 32.— 57e 53.— 86e 74.

34e 33.— 58e 54.— 88e 75. 35e _ 34>._ 59e55._ 92e 76.

36e 35.— 60*56.— 93e 77.

37" 36.— 61e 57.— 94*78.

39e 37.— 62e 58.— 95e 79.

40e 38.— 65e 59.— 96e 80.

42e 59.— 64e 60.— 100e 81.

43c _ 4o._ 65e 61.— 101e 82.

44e 41.— 66e 62— 102e 83.

45e 42.— 67e 65.— 105e 84.

46e 43.— 69e 64.— 104e 85.

47e 44.— 70e 65.— 105e 86.

48= _ 45.— 72e 66.— 106e 87.

50e _ 46.— 75e 67.— 107e 88.

51c _ 47._ 76e 68.— 108e 89.

52e 48.— 79e 69;— 111e 90.

53e 49.— 81e 70.

54e 50.— 82e 71.

55c _ , si ._ 84e 72.

Le 1er régiment d'infanterie de ligne prit le nom

de régiment du Roi.

Le 2e de la Reine.

Le 5e du Dauphin.

- 121

Le 4e régiment d'infanterie de ligne prit le nom de régiment de Monsieur.

Le 5e d'Angoulême.

Le 6e deBerry.

Le 7* . d'Orléans.

Le 8e deCondé.

Le 9e de Bourbon.

L'infanterie légère était réduite à quinze régi- ments, chacun de trois bataillons, et chaque ba- taillon composé de six compagnies , dont une de carabiniers, quatre de chasseurs et une de volti- geurs.

Les quinze premiers régiments conservèrent leurs numéros.

Le 1er rég. prit la dénomination de rég. du Roi.

Le 2e de la Reine.

Le 3e du Dauphin.

Le 4e de Monsieur.

Le 5e d'Angoulême.

Le 6e de Berry.

Les 112e, 113e, 114e, 115e, 116e, 117e, 118e, 119e, 120e, 121e, 122% 123e, 124e, 127e, 128e, 130e, 131e, 132% 133e, 134e, 135e, 136*, 137e, 138e, 139e, 140e, 141e, 142e, 143e, 144e, 145e, 149e, 150e, 151e, 152e, 153e, 154e, 155e et 156e régiments d'infanterie de ligne ; les 16e, 17e, 18e, 19e, 20e, 21e, 22e, 23e, 24e, 25e, 26e, 27e, 28e, 29e, 31e, 32e, 33e, 34e, 35e, 36e et 37e régiments d'infanterie légère, les quinze régiments de tirail- leurs, les quinze régiments de voltigeurs et les

122

deux régiments de flanqueurs furent distribués entre les eent cinq régimenU.

L'état-major et les compagnies dans chaque ré- giment d'infanterie de ligne et d'infanterie légère furent organisés ainsi qu'il suit :

ETAT MAJOR.

ÉF

J

COMPAGNIES.

©

T i

4

1

1 1

Adjudant-majors

a

i 1

i

(major.

Chirurgiens j aille majur. . .

| suut-aidc-maj Ailjudanla sous- officiera. ..

liienadicrs, Fusil, el ïollîg.

Musiciens doul un chef. . . , tailleur-guéliiev. . .

1

IS

,.

-■*

Ainsi, la force d'un régiment d'infanterie était fixée à mille trois cent soixante-dix-neuf hommes dont soixante-sept officiers, et mille trois cent douze sous-officiers et soldats; et la force totale de l'infanterie de ligne ou légère de l'armée française à cent quarante-quatre mille sept cent quatre-vingt-quinze hommes , dont un quart au moins devait aller en congé.

Dans l'amalgame qui eut lieu pour la forma- tion de chacun des cent cinq régiments, les of- liciers cl les sous-officiers de tous grades devaient

125

être placés titulairement suivant leur rang d'an- cienneté, ^oit qu'ils se trouvassent alors titulaires, soit à la suite. Dans le but de diminuer le nom- bre des officiers, qui forcément devaient être mis en non-activité, l'ordonnance du 12 mai décida (article 15) que Ton admettrait h la re- traite tous les officiers qui, par l'ancienneté de leurs services, leurs blessures ou leurs infirmi- tés, auraient des droits acquis, à une solde de retraite, d'après les règlements alors en vigueur.

Il était également prescrit de conserver à la suite de chaque régiment, et suivant l'ordre d'an- cienneté, un chef de bataillon, un adjudant-ma- jor, six capitaines, six lieutenants et six sous- lieutenants, y compris un quartier-maître, qui, de même que les officiers titulaires, devaient être payés sur le pied, d'activité.

Tous les autres officiers, sans distinction de grade, y compris ceux qui rentreraient des pri- sons de guerre après l'organisation effectuée, de- vaient être admis à jouir dans leurs foyers d'un traitement égal à la moitié des appointements d'activité.

L'article 17 fixait ainsi l'avancement dans chaque régiment : les deux premiers tours des emplois qui viendraient à vaquer dans les ca- dres d'officiers , appartenaient exclusivement, sa- voir : ceux de colonel et de major, aux colonels et aux majors en non-activité dans l'ordre de leur ancienneté; ceux de chef de bataillon, ca-

124

pitaine, lieutenant et sous-lieutenant, aux chefs de bataillon, capitaines, lieutenants efesous-lieu- t en an te à la suite, aussi dans l'ordre de leur an- cienneté. Le roi se réservait la nomination à l'autre tiers des emplois qui viendraient à va- quer.

RÉORGANISATION DE LA CAVALERIE.

Une ordonnance du 12 mai 1814 arrêta ainsi qu'il suit la réorganisation de la cavalerie de ligne:

Le nombre des régiments fut fixé à cinquante- six, savoir :

2 régiments de carabiniers. 12 de cuirassiers. 15 de dragons. 6 de lanciers. 15 de chasseurs. 6 de hussards. Chaque escadron fut composé de deux com- pagnies.

L'état-major et les compagnies des régiments furent organisés ainsi qu'il suit :

COMPAGNIES.

Colonel

Major

Chefs d'escadron.. Adjudant s- major s. .

Ona nier- tnn lire

Porte étendard. . . . Chirurgien -major . . Aide-chirurgien. . . , Adjud. BOUB-offiricrs "" -yétérin. en I" Id en

Brigadier- trompette

Maîtres! boîtier. . ..

10 10 18 5

Lieutenant

Sous-lieu tenants . . Ma r. -des- logis- chef. Marée hal-des-logis. Fourrier

™L„„,

Trompettes

Les régiments de lanciers, de chasseurs et de hussards ne devaient point avoir de maîtres- cu- lottiers.

Ainsi, Morcelle chacun de; régiments de c;n,iilu[ii',i,s H dragons fut lixée à

Celle des rég. du landers, chasseurs et hussards à. . .

El la force totale de la ca- valerie a

Officiers.

Troupe.

d'officier de troupe.

4a

2,352

603

601 33,685

58

58

3,2*8

469

469 . 26,26 i

Chaque régiment de dragons, lanciers, chas- seurs et hussards devait avoir une compagnie d'élite , qui devait être la première du régiment.

12G

Les deux régiments de carabiniers formèrent une brigade et reprirent la dénomination de Coips royal de carabiniers de Monsieur.

Les douze premiers régiments de cuirassiers prirent les douze numéros de leur arme.

Le 1er rég. de cuirassiers prit la dénomination de régiment du Roi.

Le 2e de la Reine.

Le 3e du Dauphin.

Le 4e d'Angoulême.

Le deBerri.

Les 13e et 14e régiments furent distribués entre les douze régiments conservés. Le 2e rég. de drag. prit le 1 et la dénomination

de rég. du Roi.

Le 4e

Le 5e _

Le 6e

Le 7e

Le 11e

Le 12e

Le 13e

Le 14e

Le 45e

Le 16e

Le 17e

Le 18e

Le 19e

Le20e Les 21e, 22°, 23e, 24e, 25e, 26% 27e, 28e et

2 5

4

de la Reine, du Dauphin.

de Monsieur.

5 6

d'Angoulême de Berri.

7

d'Orléans.

8

de Gondé.

9

10

11

12

13

14

127

50° régiments de dragons furent distribués entre les quinze régiments conservés.

Les six premiers régiments de lanciers prirent les numéros de 1 à 6.

Le 1er rég. prit la dénom. de lanciers du Roi.

Le 2e --»- de la Reine.

Le 3e du Dauphin.

Le 4e de Monsieur.

Le 5e d' Angouléme

Le 6e de Berri.

Le 9e régiment fut réparti entre les six conservés. Les quinze premiers régiments de chasseurs prirent les numéros de 15.

Le 1er rég. prit la dénom. de chass. du Roi.

Le 2e de la Reine.

Le 5e du Dauphin.

Le 4e de Monsieur.

Le 5e d' Angouléme

Le 6e de Berri.

Le 7e d'Orléans.

Le 8e de Bourbon.

Les 16e, 19e, 20e, 21e, 22e, 23e, 24e, 25e, 26e, 27e, 28e, 29e et 3^Ngiments de chasseurs furent répartis entre les quinze régiments conservés.

Les six première régiments de hussards prirent les six numéros de leur arme.

Le 1 er rég . prit la dénom . de hussards du Roi .

Le 2e de la Reine.

Le 3e du Dauphin .

Le 4e Monsieur.

128

Le 5e rég. prit la dénom. de huss. d'Angoulême; Le 6e deBerri.

Les 1% 8e, 9e, 10e, 11e, 12e, 15e et 14e régi- ments de hussards furent répartis dans les six conservés.

Le 1er régiment d'éclaireurs annexé aux grena- diers à cheval , le 2e aux dragons de la garde; l'escadron de jeune garde, attaché aux grenadiers à cheval ; un autre aux dragons de la garde ; quatre aux chasseurs de la garde ; et les cinq au 2e régi- ment de lanciers de la garde, furent distribués dans les cinquante-six régiments de cavalerie. On excepta de cette disposition les gardes d'hon- neur qui avaient été attachés à ces corps d'élite et qui furent autorisés à rejoindre les dépôts de leurs régiments respectifs, ils furent licenciés (a).

Dans l'amalgame qui eut lieu pour la forma- tion de chacun des cinquante-six régiments de cavalerie, les officiers et sous-officiers de tous grades furent placés titulairement, suivant leur rang d'ancienneté, soit qu'ils fussent alors titu- laires, soit qu'ils fussent à la suite.

Les appointements et indei^ités des officiers, la solde des sous-officiers et soldats restèrent tels qu'ils étaient établis par les règlements en vi- gueur.

(a) Bon nombre de gardes d'honneur entrèrent dans la maison du roi; d'autres furent nommés sous-lieutenants dans la ligne; le reste rentra dans ses foyers, et les gardes étrangers retournèrent dans leurs pays respectifs.

129 -

On admit à la retraite tous les officiers qui, par l'ancienneté de leurs services, leurs bles- sures ou leurs infirmités, avaient des droits ac- quis à une pension d'après les règlements en vigueur.

On forma un cadre à la suite de chaque régi- ment de cavalerie et suivant Tordre d'ancienneté, composé d'un chef d'escadron, un adjudant-ma- jor, deux capitaines, deux lieutenants, quatre sous-lieutenants et un quartier-maître.

Tous les autres officiers, sans distinction de grade, furent admis à jouir dans leurs foyers d'un traitement égal à la moitié des appointements d'activité. L'avancement fut réglé comme pour l'infanterie ; le Roi se réservait la nomination à un tiers des emplois.

Les officiers en non-activité devaient rouler, pour leur rappel dans les cadres de la suite, sur la totalité de l'arme à laquelle ils appartenaient, d'après l'ordre du tableau général qui fut dressé par ancienneté pour chaque arme.

RÉORGANISATION DE l' ARTILLERIE.

Par ordonnance du 12 mai 1814, le corps royal de l'artillerie fut organisé ainsi qu'il suit : Un état-major général ; Huit régiments d'artillerie à pied ; Quatre régiments d'artillerie à cheval ; Un bataillon de pontonniers ;

9

«•

130

Douze compagnies d'ouvriers d'artillerie;

Quatre escadrons du train d'artillerie et des employés à la suite du corps.

Les établissements d'arlillerie se composèrent de :

Huit écoles de régiment;

Une école des élèves ;

Huit arsenaux de construction ;

Trois fonderies de bouches à feu ;

Quatre arrondissements de forges pour la fonte des projectiles;

Trente directions territoriales ;

Quarante sous-directions.

COMPOSITION DE i/ÉTÀT-MAJOR GÉNÉRAL ET DES TROUPES D'ARTILLERIE.

L'état-major du corps fut composé comme il suit :

1 Général de division, premier inspecteur gé- néral ; 9 Généraux de division, inspecteurs généraux ; 12 Généraux de brigade, dont huit commandants d'école; deux, membres du comité central de l'artillerie ; un, commissaire près l'ad- ministration des poudres et salpêtres, et un employé extraordinaire ; 30 Colonels directeurs d'arrondissement, dont huit, directeurs des arsenaux de cons- truction dans leurs arrondissements ;

454

52 report.

1 Colonel directeur-général des manufactures

d'armes; 4 Colonel directeur-général des fontes ; 4 Colonel directeur-général des forges ; 4 Colonel commandant l'école des élèves ;

2 Colonels membres du comité central ;

40 Majors sous-directeurs ou inspecteurs d'éta- blissements ; 40 Chefs de bataillons id.

2 Chefs de bataillons à l'école des élèves ; 40 Capitaines en résidence à vie; 50 Élèves.

200

Le comité central, chargé d'examiner, discuter et présenter ses vues sur les améliorations, pro- jets, etc., concernant les services de l'arme, de- vait se composer de :

4 Général de division ;

2 Généraux de brigade;

2 Colonels;

4 Major ou chef de bataillon , secrétaire du comité.

Ce conseil devait être présidé par le premier inspecteur-général de l'artillerie et en proposer chaque année la composition au ministre de la guerre.

Chacun des huit régiments d'artillerie à pied

V...

152

».

v,vftit composé de vingt et une compagnies formant sur le pied de paix un effectif de

94 officiers, et de 4520 sous-officiers et soldats.

££,v **•; Total. .4414

~Vf ^Conformément au tableau ci-après.

FORMATION D'UNE COMP.

Colonel

Major

Chefs de bataillons, Quartier -maflre . . . , Adjudants-majors . . ,

Total des officiers :

Adjudants sous-officiers.

Artificier-chef

iTambour-maior. ......

Caporal tambour.

Musiciens

! tailleur cordonnier armurier

Total des s.-officiers et ouvriers:

i i 5 1

2

10

Capitaine en 1er.

Id. en2«.., Lieutenant en 1er.

Id. en «•. .

Total des officiers :

il i

i

4

1

1

1

8

1

1

1

18

Sergent-major

Sergents

Fourrier 1

Caporaux 4

Artificiers 4

Ouvriers (2 en fer et 2 en bois). 4

Canonniers de lr° classe l!

Id. de 2e classe 130

Tambours 2

Total des s.-officiers et canonn.

62

Chacun des quatre régiments d'artillerie à che- val fut composé de six compagnies et organisé

"nsi mi'il suit :

ainsi qu'il suit :

135

ÉTAT -MAJOR.

TT

Ifr,

fi>

*

CM

FORMATION DUNE COMP. »

*T3

Colonel.

Major

Chefs d'escadron, Quartier-maître. . Adjudant-major. .

Total des officiers :

Adjudants sous-officiers, Brigadier trompette. . . . Artiste vétérinaire

Î tailleur bottier

sellier. . . [ armurier ,

Total des s.-offic. el ouvriers

1 1 3 1 1

2 1 i 1 i i i

8

Capitaine en 1er

Id. en 2e'

Lieutenant en 1er

Id. en2«

Total des officiers :

Maréchal-des-Iogis-chef

Maréchaux-des-logis

Fourrier

Brigadiers

Artificiers

Ouvriers (2 en fer et 2 en bois).

Canonniers de 1er classe

Id. de 2e classe

Maréchal-ferrant

Trompettes

Total des s.-off. et canonniers.

i

1 4 4 4

12 29

1

2|

62

L'effectif de chaque régiment d'artillerie à che- val, sur le pied de paix, fut fixé à

51 officiers, 580 sous-officiers et canonniers.

Total. . 4H La moitié seulement des sous-officiers et ca- nonniers devaient être montés.

Le bataillon de pontonniers fut composé de : Huit compagnies , et son effectif de paix fixé à

55 officiers, 502 sous-officiers et pontonniers.

Total. . 557 et son organisation arrêtée comme il suit :

134

I

ÉTAT-MAJOR

FORMATION DUNE COMP.

a

Major ,

Quartier-mallre, Adjudant-major .

Total des officiers:

Adjudant sous-officier ; .

Mattre-construcleurfserg.-maj.) Caporal tambour

t tailleur

[Maîtres ? cordonnier

(armurier . .. .

frôlai des s.-offic. et ouvriers :

Capitaine en 1er. ,

Id. en 2°...

Lieutenant en 1er,

Id. en 2e.

Total des officiers :

Sergent-major..

Sergents

Fourrier

Caporaux

Maîtres-ouvriers.

Pontonniers

Tambours. ..... ,

Total des s.-off. et pontonniers :

i

41 i

M

A

46

2

62

«

Chacune des 12 compagnies d'ouvriers fut composée de :

4 officiers, et de 62 sous-officiers et ouvriers.

»»—*>——•

Total. . 66 Chacun des quatre escadrons du train de l'ar- tillerie fut composé de :

15 officiers, et de 256 sous-officiers et soldats.

Total. . 271 hommes et 120 chevaux.

Soua-oflkiers

■tsas-

1

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Employés

^

3

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Total

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156

Les huit premiers régiments d'artillerie à pied furent conservés, et le neuvième fut dissous et amalgamé dans les huit autres régiments.

Il fut fait choix, sur les six régiments d'artil- lerie à cheval, des quatre qui durent être con- servés, eu égard à leur composition du moment; les deux autres y furent amalgamés.

Les trois dépôts de pontonniers et tous les dé- tachements de ce corps furent réunis à Stras- bourg et amalgamés dans le bataillon qui s'y organisa.

Les douze premières compagnies d'ouvriers forent conservées; les six autres et les cinq compagnies d'armuriers furent réparties dans les compagnies conservées.

Chaque escadron du train d'artillerie fut com- posé, en officiers, sous-officiers et soldats, des dé- bris des six anciens bataillons que l'on réunit, à cet effet, dans chacune des écoles s'opéra la réorganisation nouvelle.

L'artillerie de la garde n'ayant point été con- servée, concourut avec les régiments de cette arme pour la nouvelle organisation du corps roval de l'artillerie.

Les officiers furent placés avec le grade auquel ils étaient assimilés dans la ligne.

Les sous-officiers et soldats eurent une solde supérieure, mais inférieure toutefois à celle dont ils avaient joui jusque-là.

Les dispositions relatives à la réorganisation

137

de l'artillerie étaient, sauf ce qui se rapportait à la spécialité de l'arme, les mêmes que celles des autres corps de l'armée.

RÉORGANISATION DU CORPS ROYAL DU GÉNIE.

L'ordonnance du 12 mai 1814 constitua ainsi le corps du génie :

Il ftit composé d'un état-major, de trois régi- ments de sapeurs et mineurs, d'une compagnie d'ouvriers, d'une compagnie du train du génie, d'une école d'élèves, de trois écoles régimentaires et des gardes du génie.

L'état-major fut composé de :

Premier inspecteur général, 1

Généraux de division, 4

Généraux de brigade, 6

Total. ... 11 Ces onze officiers généraux firent partie de l'état-major général de l'armée.

Colonels dont vingt directeurs et vingt sous- directeurs, 40 Majors sous-directeurs, 20 Chefs de bataillon de lre classe, ingé- nieurs en chefs dans les places , 40 Chefs de bataillon de 2rae classe, id. 20 Capitaines de lrc classe, 120

240

138

Report :

Capitaines de 2me classe,

Lieutenants,

Élèves sous-lieutenants ,

240 100

20

Total. . 400 Chaque régiment du génie eut deux bataillons à six compagnies par bataillon, dont une de mi- neurs et cinq de sapeurs; Tétat-major et les com- pagnies de chaque régiment furent organisés ainsi qu'il suit:

ÉTAT-MAJOR.

Colonel

Major.

Chefs de bataillon

Adjudants-majors

Quartier- maître

Porle-drapeau

I major aide- major sous. aide-major.

Adjudants sous-officiers

Tambour-major

Caporal tambour

Musiciens dont un chef

| tailleur-guétrier. ... Maîtres l cordonmer. .......

(armurier.

Total:

1 1

3 2 1 1 i 1 1 » » » » »

»

12

-3

o

»

9

» » 2 1 1

8

15

COMPAGNIES DE MINEURS OU SAPEURS.

Capitaine en 1er.

Id. en 2'. . Lieutenant en Ier,

Id. en 2e.

Sergent-major. . .

Sergents.. .

Fourrier

Caporaux

Artificiers ou maîtres- ouvriers

Mineurs ou sapeurs de lr« classe

Mineurs ou sapeurs de de 2e classe

Tambours

Total

H

o

c

■a

» » » » \ 4 i 4

4

30

50

2

96

Ainsi la force d'un régiment du génie fut fixée, sur le pied de paix, à douze cent vingt-sept hommes dont soixante officiers et onze cent soixante-sept sous-officiers et soldats.

139

La compagnie d'ouvriers du génie se composa de quatre officiers et de cent vingt-deux sous- of- ficiers et soldats.

La compagnie du train du génie fut composée de trois officiers et de quatre-vingkquinze soldats et de vingt-huit chevaux dont trois d'officiers.

Les gardes du génie furent répartis en trois classes ainsi qu'il suit :

De lre classe, 120 De 2e classe, 180 De 5e classe, 200

Total, 500 Ainsi, la force totale du corps royal du génie fat de :

Etat-major, non compris les généraux.

(Trois régiments

Une compagnie d'ouvriers.

Une compagnie du train

Il y eut en outre pour le service du génie

les professeurs des écoles du génie. .

Les gardes

Total général :

OFFICIERS.

400

180

4

5

587

SOUS-OFFICIERS OU SOLDAT8.

3,501

132 95

3,728

4,315

9 500

4,834

Les deux bataillons de mineurs et les cinq ba- taillons de sapeurs furent amalgamés dans les

140

»

trois régiments du génie. Les officiers et sous- officiers de tous grades furent placés titulaire- ment, suivant leur ancienneté, et toutes les dis- positions appliquées aux autres armes le furent également à celle du génie.

RÉCAPITULATION GÉNÉRALE DE L'ARMÉE FRANÇAISE APRÈS L'ORDONNANCE DE RÉORGANISATION.

hommes. chevaux .

1 ° Corps royaux de France

(ex-vieille garde). ... 7,374 2,652

Infanterie de ligne et légère . 1 44, 795

5o Cavalerie 56,037 29,512

Artillerie 14,350

Génie 4,824

4 bat. du train des équipag. 4,452 Cent compagnies de vétérans

à 120 hommes. . . . 12,000

Total général de l'armée : 223,812 52,164

Non compris la gendarmerie, la garde de po- lice de Paris et les six bataillons supplémen- taires, créés par ordonnance du 8 août 1814 et destinés spécialement au service des colonies, et qui furent ainsi répartis :

Au 26e de ligne, 2 bataillons.

Au 62e de ligne, 2 bataillons. . .

Au 71e de ligne, 1 bataillon. 1 Au léger, 1 bataillon.

141

Une ordonnance du 25 mai contint l'instruc- tion relative à la mise à exécution des ordon- nances du 12 du môme mois, et enfin à la cons- titution définitive de la nouvelle armée française.

Toutes ces ordonnances, moins celles relatives à l'ex-garde Impériale, avaient été aussi sagement élaborées qu'elles pouvaient l'être dans la situa- tion de la France à cette époque. La position de chaque officier de l'ancienne armée avait été ré- glée suivant ses droits acquis, et l'ancienneté du brevet prévalut, seule, à de très rares exceptions près, pour l'obtention des emplois titulaires dans la réorganisation. Mais forcément, plusieurs mil- liers d'officiers de tous grades, et particulièrement les officiers prisonniers de guerre, se trouvèrent en demi-solde; et, comme les plus jeunes du grade, ils étaient généralement aussi les plus jeu- nes d'âge. La pensée de voir leur carrière brisée si tôt, jointe à la gêne qui en résulta pour eux, laissa dans le cœur de ces officiers , des ferments d'irritation qu'il n'était guère au pouvoir du nou- veau gouvernement de calmer.

Ces officiers, tant qu'ils se verraient dans une position aussi déplorable, lui en attribueraient néanmoins la cause, et surtout les conséquences. Aussi, que de prudence et d'adresse n'eûkil pas fallu mettre dans tous les actes relatifs à l'armée nouvelle ! La moindre mesure qui eût froissé les souvenirs ou les intérêts de l'ancienne armée, n'eût donc jamais être proposée à la sanction

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du Roi, dont la position était encore si précaire et si délicate (a).

Mais ces conseillers furent-ils longtemps pru- dents? Etait-ce, par exemple, de l'habileté

de faire enlever, par une ordonnance du 21 juin, l'effigie de Napoléon sur la décoration de la Lé- gion-d'Honneur, pour y substituer, par le plus in- croyable anachronisme, celle de Henri IV?...

Cette ordonnance blessa profondément tous les légionnaires de l'Empire et fit au Roi bien des en- nemis.

L'armée accueillit avec plaisir la croix de Saint- Louis; de glorieuses traditions la lui rendirent d'autant plus chère que, par ses statuts, elle ne pouvait être que l'apanage de l'homme de guerre. Mais était-il d'une bonne politique de rétablir si promptement l'ancienne maison militaire du Roi de France; de créer, par ordonnances, des sous- lieutenants, des lieutenants et jusqu'à des capitai- nes de dix-huit et vingt ans d'âge, par centaines, lorsque l'on était forcé de laisser dans la mi- sère de la non-activité des milliers d'officiers ayant conquis leurs grades à la pointe de leur épée et au prix de tant de sueurs et de tant de sang?...

(a) Les fautes s'étaient tellement multipliées sous toutes les formes qu'au mois de novembre 4814, un membre de la Chambre des pairs, traçait dans l'adresse au roi ces paroles dignes d'un citoyen éclairé :

« La force n'est plus que dans la modération, l'habileté » que dans la prudence. »

U3

Les ordonnances du 25 mai, rétablissant les six compagnies des gardes-du-corps ;

Celle du 15 juin, rétablissant la compagnie de chevau-légers de la garde;

Celle du même jour, rétablissant la compagnie de gendarmes ;

Celle du même jour, rétablissant les deux com- pagnies de mousquetaires ;

Celle du 15 juillet, rétablissant la compagnie des gardes de la porte ;

Celle du même jour, rétablissant les Cent- Suisses ;

Et, enfin , celle du même jour, rétablissant les deux compagnies des gardes-du-corps de Mon- sieur;

Toutes ces ordonnances, selon nous, forent in- tempestives et ne contribuèrent pas peu à indispo- ser les officiers et les sous-officiers de l'ancienne armée Impériale et à les rendre accessibles aux tentatives qui pourraient être faites pour ébran- ler un dévoûment encore bien douteux. La ri- valité, Famour-propre, et si l'on veut, l'envie, se firent bientôt jour dans nos rangs, à l'apparition de ces brillants uniformes de la maison rouge, et l'on se demanda avec inquiétude si le rétablisse- ment de ces corps d'officiers improvisés n'avait pas pour but d'éclipser la gloire Impériale.

Très peu d'officiers de l'armée connaissaient les valeureux exploits de la maison militaire de Louis XIV et de Louis XV, et qui déjà, sous

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Henri IV et sous Louis XHI , avait débuté si noblement dans la carrière des armes ; ils igno- raient tous les exploits des mousquetaires pen- dant la campagne de 1672, au siège de Valen- ciennes en 1677, et aux batailles de Fontenoy en 1 745, et de Cassel en 1 761 ; ils ignoraient la brillante conduite des chevau-légers et des gen- darmes de la garde partout se trouva leur étendard.

Ils ignoraient enfin tout ce que développè- rent de courage les gardes-du-corps du roi au passage du Rhin, en 1672, ils traversèrent le fleuve à la nage et en bataille, en feice de l'ennemi; au siège de Maëstricht, en 1675, à la prise d'assaut du château-fort de Fauconnier, en 1674; à la bataille de Senef, les gardes-du- corps retournèrent jusqu'à six fois à la charge, renversant, chaque fois, tout ce qu'ils rencon- traient sous leurs pas ; au combat de Leuze, en 1691, vingt-six escadrons de la maison du Roi en battirent soixante-quinze en rase cam- pagne, glorieux combat dans lequel les gardes- du-corps eurent trois cent quatre-vingts hommes tant tués que blessés, etc., etc., etc.

L'armée de 1814 ne voyait pas d'histoire mi- litaire au-delà de 1792; le rétablissement de l'ancienne maison militaire dea rois de France lui parut donc un privilège en faveur des fils de famille ou de financiers, et peut-être l'armée crut-elle y voir encore un retour vers un passé

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qu'on lui avait toujours dépeint sous les cou- leurs les plus odieuses ou les plus excentriques.

Des escadrons d'officiers n'étaient d'ailleurs plus dans nos mœurs militaires; de là, tous ces quolibets dont les accablèrent la malveillance et l'esprit de parti, qui déjà commençaient à percer et à s'essayer contre les ridicules de la cour de Louis XVIII. .

Quelques mois à peine s'étaient écoulés que déjà le vieux levain révolutionnaire commen- çait à fermenter. Le nombre des mécontents s'accroissait; des intrigues s'ourdissaient dans l'ombre à l'insu peut-être de ceux qui en étaient l'objet; et, comme la couronne de France a tou- jours été digne de convoitise, on ne renonce pas facilement à s'en emparer, encore moins à la reprendre (a). Des conciliabules se tenaient; les meneurs masquaient adroitement leurs batteries, et vers la fin de 1814, les prétendants de la Ré- publique, de l'Empire et d'un gouvernement me- tis se disputaient à l'envi, et par anticipation, les futures dépouilles de Louis XVIII.

Chaque parti, tout en travaillant pour une cause opposée, était d'accord avec les deux autres pour ébranler l'ordre existant , et le saper sans relâche. Un seul cependant, celui de Na-

(a) Le grand Frédéric disait : « Le plus beau rêve qu'un roi puisse faire, c'est qu'il est roi de France. » C'était donc mettre cette couronne au-dessus de toutes les autres.

10

146

poléon, avait réellement des chances, et sut exploiter adroitement les fautes du gouvernement du Roi. Les chefs des deux autres factions conçue rentes n'avaient, ni assez de popularité, ni assez de courage pour descendre dans la lice, mais ils n'en continuèrent pas moins leurs sourdes menées.

Napoléon, au contraire, était encore trop vivant dans la mémoire et dans le cœur de ses anciens soldats , pour qu'il ne pût pas compter sur eux , le cas échéant. Des correspondances mystérieuses s'échangèrent bientôt entre Paris et l'île d'Elbe , et tinrent Napoléon au courant de l'esprit public , des fautes du pouvoir et des chances qui en seraient le résultat. Parmi ses anciens généraux, très peu lui étaient restés fidèles et dévoués ; la plupart s'étaient ralliés sous la bannière d'un Prince qui les conserva tous sur son almanach royal, et les décora presque tous aussi de l'ordre militaire de Saint-Louis, en échange de leur ser- ment de vivre et mourir pour le Roi.

Très peu de généraux se trouvaient donc initiés aux mystères de la conjuration napoléonniène , non qu'on les supposât esclaves de leur dernier serment, mais en raison du coupable empres- sement qu'ils avaient mis à abandonner l'Em- pereur dans ses mauvais jours : On savait d'ail- leurs bien qu'ils ne seraient pas les derniers à im- plorer grâce, le jour même du départ de Louis XVIII pour l'exil, auprès de son successeur aux Tuileries.

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Il n'est pas d'extravagances en royalisme, auxquelles ne se soient laissé aller plusieurs ex-sommités impériales et Ton ne savait, en vérité , ce . que les hommes honnêtes devaient leur vouer de préférence, ou du mépris ou de la pitié ! Hommage et respect pourtant à l'homme droit qui n'hésiste pas entre la gêne ou la mi- sère , et sa conscience , et dont la devise est :

« Fais ce que dois , advienne que pourra ! » Quel soldat ne serait heureux et fier de presser la main de généraux , tels que les- Victor de Latour-Maubourg et les Drouot !

Mais poursuivons notre rapide esquisse des événements qui précédèrent cette déplorable année 1815, qui accabla la France de tant d'humiliations et de malheurs.

Pendant que les partis s'agitaient dans l'ombre ; que la tribune et la presse retentissaient d'un langage si étranger à toute oreille militaire ; que l'avocasserie venait sans cesse pérorer jusqu'alors les accents de la gloire s'étaient seuls fait entendre ; que les courtisans de tous les régimes se pressaient dans les antichambres pour y disputer quelque clef de chambellan ou quelques bribes échappées aux plus affamés, l'armée se reposait paisiblement dans ses gar- nisons à l'ombre de ses anciens lauriers, et faisait retentir ses chambrées, des récits pitto- resques de ses misères et de ses exploits*

Les premiers régiments de chaque arme, en

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raison de leurs dénominations, avaient eu en partage la garnison de Paris et la garde exté- rieure du palais du Roi. Des revues en étaient souvent passées au Champs-de-Mars , et jusque dans les cours des Tuileries ; mais ni le Roi , ni son frère, ni les fils du comte d'Artois n'étaient doués de ce que nous appelons : l'éloquence militaire. Leurs intentions étaient bonnes sans doute , et leurs prévenances , très sincères ; mais ils ne pouvaient supporter la comparaison avec YHomme qui possédait à un si haut degré, l'art d'électriser le soldat par un mot , par un geste , comme par sa présence seule.

Le duc de Berry , dont le caractère était franc , et le cœur bon, malgré quelques dispositions à de capricieuses boutades, le duc de Berry eût pu devenir homnfe de guerre et ami du soldat, car il avait de l'activité, de l'entraîne- ment, mais il périt prématurément sous le poi- gnard d'un assassin*

Les généraux ralliés à Louis XVIII s'agitaient bien de leur mieux pour souffler l'enthousiasme parmi les soldats placés sous leurs ordres ; mais ne jouissant pas de leur confiance , et les démonstrations qu'ils provoquaient ne partant point du cœur , elles venaient chaque fois expirer sur leurs lèvres. Du reste , à quoi eût servi l'en- thousiasme? L'esprit du gouvernement s'était tourné vers cette paix à tout prix, cette direction qui ne s'est pas démentie depuis.

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Les régiments , en garnison dans l'intérieur ou dans les places, n'avaient point part à ces foveurs princières ; aussi , étaient-ils plus livrés à leurs souvenirs, et prédisposés aux suggestions qui leur viendraient au nom du souverain de l'île d'Elbe , naguère leur Empereur , et alors encore leur ami de prédilection.

LIVRE QUATRIÈME.

CHAPITRE XIII.

1815.

SOMMAIRE. Tout présage une catastrophe. Élat moral de la petite armée de Napoléon à l'Ile d'Elbe. Il forme le projet d'en sortir. Complicité du gouvernement anglais. Embarquement des troupes, le 26 février, à 5 heures du soir. - A 8 huit heures, Napoléon se rend à bord du brick l'Inconstant, et l'on met à la voile. Cu- rieuse anecdote, Arrivé au golfe Jûan. Débarquement. Pro- clamations.

Telle était la disposition des esprits, dans l'in- térieur des corps, au commencement de Tannée 1815, que tout présageait une catastrophe pro- chaine, si Napoléon venait à se trouver trop à l'étroit dans son modeste palais de Porto Ferrajo,

Examinons maintenant, ce qui se passait dans

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la petite armée du souverain de l'tle d'Elbe , qui bientôt devait déclarer la guerre au Roi de France, et reconquérir son royaume sans brûler une amorce.

Napoléon , depuis son arrivée à Porto Ferrajo , le 4 mai 1814 (a), n'avait paru s'occuper que d'améliorer la position matérielle et morale de son nouveau peuple; mais pouvait-on penser qu'il eût oublié ce trône qu'il venait de quitter, et plus en harmonie avec son vaste génie et son activité surhumaine?...

Il ne fallait rien mois que l'aveuglement des conseillers de Louis XVIII pour ne pas se préoc- cuper des espérances de Napoléon, et de son intention de les réaliser le plus tôt possible.

Il s'était à peine écoulé quelques mois depuis l'installation, dans la capitale de l'île d'Elbe, des sept cent vingt-quatre braves accordés à l'ex-Empereur des Français, que, déjà, le sou- venir de la mère-patrie dominait toutes leurs pensées ; l'espérance du retour 'arrachait d'in- volontaires soupirs. Ni ces vieux soldats, ni leur Empereur , ne pouvaient dissiper les ennuis de cet exil, au milieu d'une île presque déserte et sans relations, pour ainsi dire, avec la France.

(a) Par une curieuse coïncidence, le jour même Napo- léon prenait possession de son misérable empire, Louis XVIII remontait sur le trône de ses ancêtres, si glorieusement oc- cupé par Napoléon pendant dix ans.

~ 153

Plusieurs d'entre eux avaient môme sollicité leur rentrée dans leur ancien corps, menacés qu'ils se voyaient, nous dirent-ils en arrivant à Metz, de succomber, eux vieux soldats de vingt et trente années de service, au fléau qui décime les conscrits : la nostalgie (a).

Les conséquences de cette fâcheuse prédis- position ne durent pas échapper à la sagacité de Napoléon ; peut-être même hâtèrent-elles l'exé- cution de ses projets.

Des motifs, non moins graves que le mal du pays devaient d'ailleurs forcer bientôt Napoléon à prendre un parti décisif, téméraire même.

On sait comment Talleyrand, premier mi- nistre de l'Empereur, se trouva tout à coup chef du gouvernement provisoire, qui, le 31 mars, prononça sa déchéance; on sait comment il fît enlever des caves des Tuileries les dix millions en or qui s'y trouvaient ; on sait par quel odieux moyen, ce même Talleyrand fit dépouiller, à Orléans , l'Impératrice , des quelques millions qu'elle avait emportés en transférant à Blois le siège du gouvernement Impérial.

Ces millions, de même que les dix, laissés par elle aux Tuileries, étaient le fruit des éco- nomies personnelles de l'Empereur, et par con- séquent sa propriété ; ils n'en furent pas moins confisqués par ordre d'un homme qu'il avait

(a) Mal du pays.

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comblé de dignités, de cordons, et de trois cent mille livres de rentes en dotations <le tous genres. Ces millions , servirent à payer les dépenses des souverains et de leurs généraux , et enfin à solder le prix de certaines défections du Sénat et de l'armée.

Les sommes que Napoléon put emporter furent donc bientôt épuisées.

D'après la convention de Fontainebleau, une pension annuelle de deux millions, devait lui être payée par le gouvernement du RoU cette pension ne fut point acquittée, en sorte que, dès le mois de janvier 4815, Napoléon, pour assurer la solde de sa petite armée , dut recourir à des banquiers de Gênes. Mais cette ressource n'était qu'éventuelle , pouvait même lui manquer tout à coup; comment alors assurer l'existence matérielle de ses fidèles compagnons d'infortune ?

Mais ce ne fût point tout encore : Napoléon qui, nous l'avons déjà dit, n'avait pu renoncer à l'espérance de profiter des foutes sans nombre que commettait la Restauration, n'attendait qu'une occasion opportune, fut informé— les uns disent par le prince Eugène ; d'autres en attri- buent le mérite à un officier étranger qui avait servi sous nos drapeaux que, dans le Congrès, encore rassemblé à Vienne, on avait agité la question de l'enlèvement de Napoléon et de son exil à Malte, sinon à Sainte-Hélène. Peut-être même cette déportation se fût-elle accom-

plie, si l'Empereur Alexandre, par un sen- timent noble et généreux , n'en eût formellement repoussé la proposition en disant : t Qu'il avait > garanti à Napoléon la possession de l'île » (F Elbe , et qu'il entendait tenir sa porole. *

Enfin, des projets d'assassinat lui étaient, as- sure-t-on, parvenus.

Toutes ces circonstances, impérieuses, ins- tantes, qui d'ailleurs lui rendaient sa parole, puisque l'on déchirait sourdement les engage- ments contractés, décidèrent Napoléon à se mettre en mesure, non seulement de n'être point appré- hende au corps , mais au contraire , de remonter sur le trône qu'il avait si glorieusement occupé.

L'arrivée de M. Fleury de Ghaboulon à l'île d'Elbe, en même temps que ces nouvelles hâtè- rent la détermination de Napoléon de courir les chances de son audacieuse tentative, et ne lui permit pas d'attendre le retour de Gipriani , l'un de ses agents secrets, chargé de ses voyages poli- tiques sur le continent, et qui avait organisé à Vienne, des correspondances au moyen desquelles Napoléon recevait, une fois par semaine, le bul- letin de tout ce qui s'était passé dans le congrès et dans les cercles diplomatiques.

Si Napoléon eût retardé son départ de quinze jours seulement , le congrès se trouvait dissous et l'Empereur Alexandre eût été déjà de retour à Saint-Pétersbourg. Alors plus de déclarations du Congrès, plus d'unité dans les résolutions des

-*«_

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souverains ! En un mot , que de chances de plus pour lui !... Cipriani arriva porteur de ces nou- velles le lendemain du départ de l'île d'Elbe.

Trois hommes en France, étaient seuls dé- positaires de ses secrètes pensées, et avaient reçu de lui, en quittant Fontainebleau, la péril- leuse mission de soigner ses intérêts politiques. Ces trois hommes étaient MM. le prince d'Eck- mûhl , le duc'de Rovigo et le duc de Bassano (a) .

Nous avons énuméré précédemment quelques- uns des griefs de l'armée, qui, à la première occasion, devaient présager un éclat.

D'un autre côté , les masses semblaient se dé- tacher , chaque jour davantage , du nouveau gou- vernement, et se montrer disposées à favoriser son renversement. Le duc de Bassano se hâta d'informer Napoléon , de cette disposition des es- prits , en lui donnant le conseil d'en profiter et de tenter un retour. Il chargea , de cette mission délicate, un jeune auditeur au Conseil d'État, M. Fleury de Chaboulon.

Or, voici comment celui-ci raconte son voyagea File d'Elbe, dans des mémoires, des plus intéres-

(a) Le maréchal Davout se joignit aussi au duc de Bassano pour engager Napoléon à hâter son retour. La conduite qu'il tint après son abdication et que nous rappellerons à la fin de cet ouvrage, serait de nature à faire douter de la sincérité de son dévoûment, car le directeur de cette conspiration était Fouché, et l'on sait le rôle infâme joué par cet homme pen- dant les Cent-Jours.

157

sants, qu'il publia à Londres, en 1820, sous le nom d'un colonel Z... tué à Waterloo. Le jeune ambassadeur du complot arriva à Porto Ferrajo, le 22 février; écoutons-le :

« Le général Bertrand me fit avertir de

me rendre à la porte du jardin de l'Empereur , ajoutant que l'Empereur viendrait, et que, sans avoir l'ajf de me connaître, il me ferait appeler. Je m'y rendis. L'Empereur, accompagné de ses officiers, se promenait, suivant sa coutume, les mains derrière le dos : il passa plusieurs fois devant moi sans lever les yeux; à la fin il me fixa, et, s'arrêtant, il me demanda en italien de quel pays j'étais : je . lui répondis en fran- çais que j'étais Parisien. « Eh ! bien, Monsieur, » parlez-moi- de Paris et de la France. » En achevant ces mots il se remit à marcher. Je l'ac- compagnai , et après plusieurs questions insigni- fiantes , faites à haute voix , il me fit entrer dans ses appartements , fit signe aux généraux Ber- trand et Drouot de se retirer, et me força de m'asseoir à côté de lui. « Le grand maréchal, » me dit-il d'un air froid et distrait , m'a an- » nonce que vous arriviez de France. » - Oui , Sire. « Que venez-vous faire ici?... Il paraît j> que vous connaissez X... » (a). Oui, Sire. « Vous a-t-il remis une lettre pour moi ? » Non, Sire. » L'Empereur m'interrompit : « Je vois

(a) Le duc de Bassano.

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» bien qu'il m'a oublié comme tous les autres. » Depuis que je suis ici je n'ai entendu parler » ni de lui ni de personne, » Sire, dis-je en l'interrompant à mon tour, il n'a pas cessé d'avoir pour Votre Majesté , l'attachement et le dévoû- ment que lui ont conservé tous les Français.... L'Empereur avec dédain. « Quoi, on pense donc » encore à moi en France ? » On ^e vous y oubliera jamais. « Jamais! c'est beaucoup ; » les Français ont un autre souverain : leur de- * voir et leur tranquillité leur commandent de » ne plus songer qu'à lui. »

» Cette réponse me déplut. L'Empereur , me dis-je, est mécontent de ce que je ne lui ai pas apporté de lettres ; il se défie de moi ; ce n'était pas la peine de venir de si loin pour être si mal reçu.

« Que pense-t-on de moi en France? me dit- » il en suite. » On y plaint et on y regrette Votre Majesté. « L'on y fait aussi sur moi » beaucoup de fables et de mensonges.... Corn- » ment s'y trouve-t-on des Bourbons? » Sire, ils n'ont point réalisé l'attente des Français , et chaque jour le nombre des mécontents augmente. « Tant pis , tant pis (vivement) : Comment, »X... ne vous a point donné de lettres pour » moi ?. . . » Non , Sire , il a craint qu'elles ne me fussent enlevées; et comme il a pensé que Votre Majesté était obligée de se tenir sur ses gardes , et de se défier de tout le monde , il m'a

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révélé plusieurs circonstances qui, n'étant con- nues que de Votre Majesté , peuvent vous prou- ver que je suis digne de votre confiance. « Voyons ces circonstances. »

» Je lui en détaillai quelques-unes ; il ne me laissa pas achever. « Cela me suffit, me dit- » il , pourquoi n'avoir pas commencé par me » dire tout cela? Voilà une demi-heure que vous » me faites perdre. »

» Cette bourrasque me déconcerta. Il s'en aperçut et me dit avec douceur : « Allons , » mettez-vous à votre aise et racontez-moi , dans * le plus grand détail , tout ce qui s'est passé > entre X... et vous. » >

* Je lui rapportai mot à mot l'entretien que j'avais eu avec M. X. . . ; Je lui fis une énumération complète des foutes et des excès du gouverne- ment royal, et j'allais en déduire les conséquences que nous en avions tirées , M. X. . . et moi , lorsque l'Empereur, incapable, lorsqu'il est ému, d'écou- ter un récit sans l'interrompre et le3 commenter à chaque instant, m'ôta la parole et me dit : « Je » croyais aussi lorsque j'abdiquai , que les Bour- » bons , instruits et corrigés par le malheur , ne » retomberaient pas dans les fautes qui les avaient » perdus en 1789. J'espérais que le Roi vous gou- » vernerait en bonhomme. C'était le seul moyen » de se faire pardonner de vous avoir été donné » par des étrangers. Mais -depuis que les Bour- » bons ont mis le pied en France, leurs ministres

100

» n'ont fait que des sottises. Leur traité du 25 » avril , continua-t-il en élevant la voix , m'a » profondément indigné ; d'un trait de plume , * ils ont dépouillé la France de la Belgique et » des possessions qu'elle avait acquises depuis » la révolution ; ils lui ont fait perdre les flottes , » les arsenaux , les chantiers , l'artillerie et le » matériel immense que j'avais entassés dans les » forteresses et dans les ports qu'ils leur ont » livrés. C'est Talleyrand qui leur a fait faire » cette infamie ; on lui aura, donné de l'argent. » La paix est facile à de telles conditions. Si » j'avais voulu signer comme eux la ruine de » la France, ils ne seraient point sur mon trône » (avec force) : j'aurais mieux aimé me trancher » la main. J'ai préféré renoncer au trône, plu- » tôt que de le conserver aux dépens de m'a gloire » et de l'honneur français... Une couronne désho- » norée est un horrible fardeau... Mes ennemis » ont publié partout que je m'étais refusé opi- » niâtrement à faire la paix ; ils m'ont représenté » comme un misérable fou , avide de sang et de » carnage,.. Si j'avais été possédé de la rage de » la guerre, j'aurais pu me retirer avec mon ar- » mée au-delà de la Loire et savourer à mon aise » la guerre de montagnes. Je ne l'ai pas voulu... » Mon nom et les braves qui m'étaient restés » fidèles faisaient encore trembler les alliés, même » dans ma capitale. Ils m'ont offert l'Italie pour » prix de mon abdication , je l'ai refusée. Quand

161

» on a régné sur la France , on ne doit pas régner » ailleurs. J'ai choisi l'Ile d'Elbe. Cette position » me convenait. Je pouvais veiller sur la France » et sur les Bourbons. Tout ce que j'ai fait a tou- » jours été pour la France. C'est pour elle et non > pour moi , que j'aurais voulu la rendre la pre- » mière nation du monde. Ma gloire est faite , à » moi ; mon nom vivra autant que celui de Dieu. » Si je n'avais songé qu'à ma personne , j aurais » voulu , en descendant du trône , rentrer dans » la classe ordinaire de la vie; mais j'ai gar- » der le trône pour ma famille et pour mon fils. » » L'Empereur, pendant tout ce discours, avait marché à grands pas, et paraissait vivement agité. Il se tut quelques instants et reprit : c Mes » généraux vont-ils à la cour? » Oui, Sire. « Ils doivent y foire une triste figure? Us sont outrés de se voir préférer des émigrés , qui n'ont jamais entendu le bruit du canon. c Les » émigrés seront toujours les mêmes.... J'ai fait » une grande faute en rappelant cette race anti- » nationale ; sans moi ils seraient tous morts de » faim à l'étranger. Mais, alors, 'j'avais de grands » motifs ; je voulais réconcilier l'Europe avec » nous et clore la révolution. .. Que disent de moi » les soldats ?... » Les soldats, Sire, s'entre- tiennent sans cesse de vos immortelles victoires. Ils ne prononcent jamais votre nom qu'avec ad- miration , respect et douleur. Lorsque les princes leur donnent de l'argent, ils le boivent à votre

il

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santé (en souriant) : « Ils m aiment donc tou- » jours?... » Oui, Sire, et j'oserai même dire plus que jamais. « Que disent-ils de nos mal- ». heurs? » Ils les regardent comme l'effet de la trahison, et répètent sans cesse qu'ils n'au- raient jamais été vaincus , si la France n'eût point été vendue aux ennemis ; ils ont horreur surtout de la capitulation de Paris. «Ils ont raison ; » sans la défection du duc de Raguse , les alliés » étaient perdus. J'étais maître de leurs derrières, » et de leurs ressources de guerre. Il ne s'en serait

> pas échappé un seul. Ils auraient eu aussi leur » vingt-neuvième bulletin (a) . Marmont a perdu « son pays et livré son prince (6) . . . . Je suis bien

> aise d'apprendre que l'armée a conservé le sen-

> timent de sa supériorité et qu'elle rejette sur

(a) Le bulletin de la retraite de Russie.

(6) En lançant ces terribles accusations contre l'un de ses anciens lieutenants, Napoléon était encore sous la fâcheuse impression qu'a partagée si longtemps l'opinion publique que le maréchal duc de Raguse, avait trahi le jour de la bataille de Paris, mais il a rétabli plus tard la vérité dans les mémoires dictés par lui & Sainte-Hélène : « Marmonl n'a point trahi en » défendant Paris ; mais l'histoire dira que, sans la défection » du sixième corps, après Centrée des alliés dans Paris, ils » eussent été forcés d'évacuer cette grande capitale, car » ils n'eussent jamais livré bataille sur la rive gauche de la » Seine, en ayant derrière eux Paris, qu'ils n'occupaient » que depuis trois jours. Les malheurs de cette époque sont » dus aux défections des chefs du sixième corps et de l'armée » de Lyon et aux intrigues qui se tramaient dans le Sénat » {Tome iv, page 363.)

163 -

» leurs véritables auteurs nos grandes infortunes. » Je vois avec satisfaction, d'après ce que vous

* venez de m'apprendre, que l'opinion que je » m'étais formée de la situation de la France était

* exacte. Le gouvernement actuel est bon pour » les prêtres , les nobles , les vieilles comtesses » d'autrefois ; il ne vaut rien pour la génération » actuelle. Le peuple a été habitué par la révolu- » tion à compter dans l'État ; il ne consentira » jamais à retomber dans son ancienne nullité 9 et à redevenir le patient de la noblesse et du

* clergé.... L'armée me sera toujours dévouée. » Nos victoires et nos malheurs ont établi entre » elle et moi, un lien indestructible; avec moi > seul elle peut retrouver la vengeance , la puis- » sance et la gloire ; avec le gouvernement actuel, » elle ne peut gagner que des injures et des » coups. *

» L'Empereur , en prononçant ces mots, ges- ticulait et marchait avec précipitation; il avait plutôt l'air de parler seul que de parler à quel- qu'un. Tout à coup il s'arrête , et me jetant un regard de côté, il me dit : c X*.. croit-il que ces

» gens-là tiendront longtemps? > Son

opinion , sur ce point , est entièrement conforme à l'opinion générale, c'est-à-dire qu'on pense en France et qu'on est convaincu que le gouverne- ment royal marche à sa perte. « Mais comment » tout cela finira-t-il ? Croit-on qu'il y aura une » nouvelle révolution?... » Sire, les esprits

164

sont tellement mécontente et exaspérés, que le moindre mouvement partiel entraînerait nécessai- rement une insurrection générale, et que per- sonne ne serait surpris qu'elle éclatât au premier jour. « Mais que feriez-vous si vous chassiez » les Bourbons ? Établiriez-vous la république ? » La république, Sire, on n'y songe point. Peut- Mre établirait-on une régence. « Une régence ! » s'écria-fr-il surpris et avec une grande yéhé- » mence, et pourquoi foire? suis-je mort? » Mais , Sire , votre absence. c Mon absence n'y

> fait rien. En deux jours je serais en France si » la nation me rappelait. ... Croyez-vous que je » ferais bien de revenir ? » ajouta l'Empereur en détournant les yeux. Mais il me fut facile de re- marquerqu'il attachait à cette question plus d'im- portance qu'il ne voulait le foire paraître et qu'il attendait ma réponse avec anxiété. Sire, lui dis»je, je n'ose résoudre personnellement une semblable question; mais... c Ce n'est point cela que » je vous demande , me dit-il en m'interrompant

> brusquement; répondez oui ou non. » Eh! bien, oui, Sire; je suis convaincu, ainsi que M. X..., que le peuple et l'armée vous recevraient en libérateur, et embrasseraient votre cause avec enthousiasme. « X... est donc d'avis que je » revienne? » dit l'Empereur, avec un accent in- quiet et ému. Nous avons prévu que Votre Majesté m'interrogerait sur ce point, et voici tex- tuellement sa réponse : « Vous direz à l'Empereur

165

» que je n'ose prendre sur moi une question

> aussi importante, mais qu'il peut regarder

> comme un fait positif et incontestable que le » gouvernement actuel s'est perdu dans l'esprit » du peuple et de l'armée; que le mécontente- » ment est au comble et qu'on ne croit pas qu'il » puisse lutter longtemps contre l'animadversïon » générale. Vous ajouterez que l'Empereur est » devenu l'objet des regrets et des vœux de l'ar- » mée et de la nation. L'Empereur décidera en- » suite dans sa sagesse ce qui lui reste à faire. *

» Napoléon devint pensif, se tut, et après une longue méditation , me dit : « J'y réfléchirai , » venez demain à onze heures. »

» Le lendemain, à onze heures, je me présentai chez l'Empereur. On me fit attendre dans son sa- lon, au rez-de-chaussée ; la tenture en soie bario- lée était à moitié usée et décolorée ; le tapis de pied montrait la corde et était rapiécé en plusieurs en- droits; quelques fauteuils mal couverts complé- taient l'ameublement. Je me rappelai le luxe des palais Impériaux et la comparaison m'arracha un profond soupir. L'Empereur arriva : son maintien attestait un calme que démentaient ses yeux ; il était aisé de s'apercevoir qu'il avait éprouvé une violente agitation.

« J'avais prévu l'état de crise la France « va se trouver, me dit-il ; mais je ne croyais pas » que les choses fussent aussi avancées. Mon in-

> tention était de ne plus me mêler des affaires

166

politiques; ce que vous m'avez dit a changé mes résolutions ; c'est moi qui suis cause des malheurs de la France , c'est moi qui dois les réparer. Mais avant de prendre un parti, j'ai besoin de connaître à fond , la situation de nos affaires : asseyez-vous et répétez-moi tout ce que vous m'avez dit hier; j'aime à vous en- tendre. »

» Rassuré par ses paroles et par un regard plein de douceur et de bonté , je m'abandonnai sans réserve et sans crainte à toutes les inspira- tions de mon esprit et de mon âme « Brave

» jeune homme, me dit l'Empereur, après m'avoir » attentivement écouté , vous avez l'âme fran-

> çaise ; mais votre imagination ne vous égare-t-

> elle pas?... » Non, Sire; le récit que j'ai fait à Votre Majesté est fidèle ; tout est exact, tout est vrai. « Vous croyez donc que la France attend de » moi sa délivrance et qu'elle me recevra comme » un libérateur ? Puissiez-vous ne pas vous trom- » per ! D'ailleurs j'arriverai si vite à Paris qu'ils » n'auront pas le temps de savoir donner de » la tête. J'y serai aussitôt que la nouvelle de mon » débarquement... Oui, ajouta Napoléon, après » avoir lait quelques pas, j'y suis résolu... C'est d moi qui ai donné les Bourbons à la France , * c'est moi qui dois l'en délivrer. Je partirai.... » L'entreprise est grande , difficile , périlleuse ; » mais elle n'est pas au-dessus de moi. La fortune » ne m'a jamais abondonné dans les grandes occa-

167

» sions. . . Je partirai , non point seul , je ne veux » point me laisser mettre la main sur le collet » par des gendarmes ; je partirai «avec mon épée, » mes Polonais , mes grenadiers. . La France est » tout pour moi ; je lui appartiens ; je lui sacri- » fierai avec joie mon repos, mon sang, ma » vie!.... »

» L'Empereur, après avoir prononcé ces mots, s'arrêta. Ses yeux étincelaient d'espoir et de génie ; son attitude respirait la confiance et la force; elle annonçait la victoire : il était grand ! Il reprit la parole et me dit : « Croyez- vous que les Bour* » bons oseront m'attendre à Paris ?... » Non , Sire. « Je ne le crois pas non plus. Quand ils » entendront tonner mon nom , ils trembleront , » ils sentiront qu'une prompte fuite est le seul » moyen de m'échapper. Mais que fera la garde t> nationale ? Croyez-vous qu'elle se battra pour » eux ? » Je pense , Sire , qu'elle gardera la

neutralité. « C'est déjà beaucoup Et les

» maréchaux, que feront-ils? » —Les maréchaux, comblés de titres, d'honneurs et de richesses, n'ont plus rien à désirer que le repos. Ils crain- dront, en embrassant un parti douteux, de com- promettre leur existence , et peut-être resteront- ils spectateurs de la crise. Peut-être même que la crainte que Votre Majesté ne les punisse de l'avoir abandonnée ou trahie en 1814 , les porte- ra-t-elle à embrasser le parti du Roi. c Je ne » punirai personne , entendez-vous ! s'écria l'Em-

1

y

168

» pereur. Dites le bien à X..., je veux tout ou-

> blier; nous avons tous des reproches à nous » Étire.. .. Quelle est la force de l'armée? * Je l'ignore, Sire; je sais seulement qu'elle a été con- sidérablement affaiblie par les désertions , par les congés, et que la plupart des régiments ont à peine trois cents hommes. « Tant mieux; les

> mauvais soldats seront partis , les bons seront

> restés. Connaissez-vous le nom des officiers qui » commandent sur les côtes et dans la huitième » division? » Non, Sire. « Comment X..., » dit-il avec humeur , ne m'a-t-il pas fait savoir » tout cela? » M. X..., Sire, était, ainsi que moi, bien loin de prévoir que Votre Majesté prendrait sur-le-champ la généreuse résolution de reparaître en France. Il pouvait croire d'ailleurs, d'après les bruits publics, que vos agents ne vous laissaient rien ignorer de ce qui pouvait vous in- téresser. — « J'ai su effectivement que les jour-

» naux prétendaient que j'avais des agents

» C'est une histoire. J'ai envoyé en France, il » est vrai, quelques hommes à moi pour savoir » ce qui s'y passait ; il m'ont volé mon argent, et » ne m'ont entretenu que de propos de cabarets » ou de cafés.... Vous êtes la première personne » qui m'ait fait connaître sous ses grands rapports » la situation de la France et des Bourbons. J'ai » bien reçu, sans trop savoir de quelle part, le » signalement d'assassins soudoyés contre moi, » et une ou deux lettres anonymes , de la même

169

* main , Ton me disait d'être tranquille, que » les broderies reprenaient laveur , et autres bè- » tises semblables ; mais voilà tout. Ce n'est point

> sur de pareilles données qu'on tente un boule- » versement. Mais comment pensez-vous que les » étrangers prendront mon retour? Voilà le grand » point, ajouta l'Empereur d'un air préoccupé, » Cependant je regarde comme certain que les

> rois qui m'ont fait la guerre n'ont plus la* même » union, les mêmes vues, les mêmes intérêts.... » Tout considéré , les nations étrangères ont de » grands motifs pour me faire la guerre , comme » elles en ont pour me laisser en paix. Je ne suis » pas encore fixé sur le jour de mon départ. En le » différant, j'aurais l'avantage de laisser le congrès » se dissoudre; mais aussi je courrais le risque, » si les étrangers venaient à se brouiller, comme » tout l'annonce, que les Bourbons et l'Angleterre » ne me fissent garder à vue par leurs vaisseaux. » Au reste , ne nous inquiétons pas de tout cela , » il faut laisser quelque chose à la fortune.

» Nous avons approfondi, je crois, tous les » points sur lesquels il m'importait de me fixer

> et de nous entendre. La France redemande » son ancien souverain; L armée et le peuple » seront pour nous : Les étrangers se tairont ;

* s'ils parlent, nous serons bons pour leur ré* » pondre ; voilà en résumé notre présent et notre

» avenir. Partez : vous direz à X que vous

» m'avez vu et que je suis décidé à tout braver

170

» pour répondre aux vœux de la France ; que je » partirai d'ici au 1er avril, avec ma garde ou » peut-être plus tôt ; que j'oublierai tout, que je > pardonne tout; que je donnerai à la France et » à l'Europe les garanties qu'elles peuvent at- » tendre et exiger de moi; que j'ai renoncé à » tout projet d'agrandissement, et que je veux » réparer, par une paix stable, le mal que nous a » fait la guerre. Vous direz aussi à X,... et à vos » amis d'entretenir et de fortifier , par tous les » moyens possibles, le bon esprit du peuple et de » l'armée. Si les excès des Bourbons accéléraient » leur chute et que la France les chassât avant mon » débarquement, vous déclarerez à Xi., que je ne » veux point de régence ni rien qui lui ressemble. » Allez, Monsieur, vos instants sont précieux, » je ne veux plus vous retenir; j'ai feit tout pré- » parer pour votre départ. Ce soir, à neuf heures, » vous trouverez un guide et des chevaux au » sortir de la porte de la ville. On vous conduira » à Porto-Longone. Le commandant a reçu Tordre » de vous foire délivrer les papiers de santé né- » cessaires. Il ignore tout ; ne lui dites rien. À » minuit, il partira une felouque qui vous con- » duira à Naples.

» Adieu, Monsieur, embrassez-moi et partez. » Mes pensées et mes vœux vous suivront. *

» A l'heure dite , j'étais en mer. »

C'était le 25 février que ce passait ce curieux entretien.

171

Le soir même , la sœur de Napoléon , la prin- cesse Pauline, donnait un bal brillant auquel avaient été invités tout ce que l'île d'Elbe renfer- mait de plus distingué , tous les officiers de ' l'ar- mée impériale, et enfin les visiteurs étrangers. Napoléon y parut avec la même physionomie que s'il ne se fftt rien passé d'extraordinaire , y resta fort avant dans la nuit, mais son plan était arrêté et son départ fixé au lendemain. En se retirant , il emmena les généraux Bertrand et Drouot et leur en fit la confidence. Il ne restait donc plus que quelques heures pour les préparatifs. Le mystère le plus absolu avait été observé à ce point qu'en s'embarquant même, officiers, sous-officiers et soldats , tous ignoraient encore le but de cette prise d'armes. Les généraux Bertrand et Drouot , seuls, étaient dépositaires du secret, rien n'en avait transpiré.

Jusqu'à trois heures , les travailleurs , occupés au jardin de MM. les officiers, avaient continué leur travail. A trois heures, les travaux furent suspendus ; à quatre , le roulement du dîner de la troupe se fit comme à l'ordinaire, et alors seu- lement elle eut l'ordre de se réunir sur le port avec armes et bagages , et les officiers avec un simple porte-manteau. A cinq heures , ils s'em- barquèrent. Trois cents hommes et F état-major . du bataillon montèrent sur le brick V Inconstant ; les autres troupes furent distribuées sur plusieurs bâtiments de transport.

172

Napoléon , après avoir dîné avec Madame Mère et la princesse Pauline, leur fit ses adieux et s'em- barqua à huit heures du soir à' bord de l'Incons- tant, avec les généraux Bertrand , Drouot , Cam- bronne, l'adjudant commandant Lebel; le capi- taine d'artillerie Raoul ; le colonel Yermanowski ; Pons de l'Hérault , administrateur des mines de Rio ; le docteur Fourreau de Beauregard ; Gatte, pharmacien en chef; Peyrusse, trésorier de la cou- ronne ; Boinod , inspecteur aux revues ; Bâillon et Deschamps, fourriers du palais. Aussitôt, la voile fut mise au vent , sans que personne , autre que les initiés au secret de Napoléon, sût l'on allait.

« Une circonstance singulière, dit le colonel

> Laborde, l'un des passagers, fit découvrir le mot

> de l'énigme. Le 28 février, vers les huit heures

> du matin, le lieutenant de vaisseau Taillade , of-

> ficier distingué, qui avait commandé le brick

> r Inconstant, pendant tout le séjour de Napoléon » à nie d'Elbe, et qui avait été remplacé par le ca- » pitaine de frégate Ghautard, arrivé depuis quel-

> ques mois du continent, s'aperçut , connaissant » parfaitement ces parages, que le nouveau com- » mandant du brick , mettait le cap sur un point » opposé à la côte de France, et dit tout haut aux

> officiers qui étaient sur le pont : « Messieurs, » nous allons en Espagne ou en Afrique!... » » Ge propos fut rapporté aussitôt à Napoléon par

> le colonel Mallet , qui fit venir M. Taillade»

173

« sommes-nous, lui demanda Napoléon « Sire , répondit celui-ci , nous avons le cap sur

* l'Afrique. » «Ce n'est point , dit en » riant Napoléon, que je veux aller ; Taillade, » je vous fais capitaine de frégate , prenez le » commandement du brick et conduisez-moi sur » les côtes de France (a) . » « « Votre Majesté y » sera demain à midi, répondit Taillade. » Et » en effet, vers le soir, Antibes parut au loin, et

> le 1er mars, à trois heures, Napoléon remettait

> le pied sur le sol de France, au golfe Juan,

* entre Cannes et Antibes. »

Quelques heures avant le débarquement , Na- poléon avait fait appeler plusieurs de ses officiers, auxquels il dicta les deux proclamations ci-après, la première à l'armée , et la seconde au peuple français :

« Soldats!

* Nous n'avons pas été vaincus! Deux hommes, » les ducs de Gastiglione et de Raguse , sortis de » nos rangs , ont trahi nos lauriers , leur pays ,

> leur Prince , leur bienfaiteur.

» Ceux que nous avons vus, pendant vingt-cinq » ans , parcourir toute l'Europe pour nous susci-

> ter des ennemis ; qui ont passé leur vie à com-

(a) Le capitaine Ghautard, auquei le commandement du brick avait été retiré si brusquement , fut nommé capitaine de vaisseau.

174

» battre contre nous dans les rangs des armées » étrangères , en maudissant notre belle France , » prétendraient-ils commander et enchaîner nos » aigles?... Souffrirons-nous qu'ils héritent du

> fruit de nos glorieux travaux? Qu'ils s'em-

> parent de nos honneurs , de nos biens ; qu'ils » calomnient notre gloire ?...• Si leur règne » durait, tout serait perdu , même le souvenir de » ces immortelles journées.

» Avec quel acharnement ils les dénaturent ! » Ils cherchent à empoisonner ce que le monde » admire et s'il reste encore des détracteurs de » notre gloire, c'est parmi ces mêmes ennemis, » que nous avons combattus sur le champ de » bataille.

» Soldats! dans mon exil, j'ai entendu votre » voix; je suis arrivé à travers tous les obsta- » clés et tous les périls.

» Votre général, appelé au trône par le choix » du peuple et élevé sur vos pavois, vous est

rendu, venez le joindre!...

» Arrachez ces couleurs que la nation a pros- » crites, et qui, pendant vingt-cinq ans, servi- » rent de ralliement à tous les ennemis de la

> France. Arborez cette cocarde tricolore? Vous

> la portiez dans nos grandes journées!

» Nous devons oublier que nous avons été » les maîtres des nations, mais nous ne devons

* pas souffrir qu'aucune se mêle de nos affaires. » Qui prétendrait être maître chez nous? Qui en

175

» aurait le pouvoir?... Reprenez ces aigles que » vous tfviez à Ulm, à Austerlitz, à Iéna, à Ey- » lau , à Friedland , à Tudela , à Eckmûhl , à

> Essling , à Wagram, à Smolensk , à la Mos- » kowa, à Lutzen, à Wurtehen, à Montmirail!...

> Pensez-vous que cette poignée de Français, « aujourd'hui si arrogants, puissent en soutenir

> la vue?... Ils retourneront d'où ils viennent, et » là, s'ils le veulent, ils régneront, comme ils » prétendent avoir régné pendant dix-neuf ans !

* Vos biens, vos rangs, votre gloire; les biens, « les rangs et la gloire de vos enfants n'ont c pas de plus grands ennemis que ces prin- « ces, que les étrangers nous ont imposés; ils « sont les ennemis de notre gloire, puisque le « récit de tant d'actions héroïques qui ont illus- « tré le peuple français combattant contre eux, « pour se soustraire à leur joug, est leur con-

> damnation.

» Les vétérans des armées de Sambre-et- » Meuse, du Rhin, d'Italie, d'Egypte, de l'Ouest, » de la Grande Armée sont humiliés! Leurs ho- » norables cicatrices sont flétries; leurs succès » seraient des crimes; ces braves seraient des

> rebelles, si, comme le prétendent les ennemis » du peuple, les souverains légitimes étaient au » milieu des armées étrangères! Les honneurs, d les récompenses, les affections sont pour ceux » qu'ils ont# servis contre la patrie et nous!...

« Soldats! venez vous ranger sous les drapeaux

176

de votre chef! Son existence ne se compose que de la vôtre ; son intérêt, votre honneur et votre gloire! La victoire marchera au pas de charge; l'aigle avec les couleurs nationales volera de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame! Alors vous pourrez vous van- ter de ce que vous aurez fait; vous serez les libérateurs de la Patrie! » Dans votre vieillesse, entourés et considérés de vos concitoyens ; ils vous entendront , avec respect, raconter vos hauts faits. Vous pourrez dire avec orgueil : c Et moi aussi, je faisais partie de cette Grande Armée qui est entrée deux fois dans les murs de Vienne, dans ceux de Rome, de Berlin, de Madrid, de Moscou); qui a délivré Paris de la souil- lure que la trahison et la présence de l'en- nemi y ont empreinte. » Honneur à ces braves soldats, la gloire de la patrie, et honte éter- nelle aux Français criminels, dans quelque rang que la fortune les ait fait naître, qui combattirent vingt-cinq ans avec l'étranger » pour déchirer le sein de la patrie!... »

c Napoléon . » « Français!

» La défection du duc de Castiglione laissa » Lyon sans défense à nos ennemis; l'armée, » dont je lui avais confié le commandement, » était, par le nombre de ses bataillons, la bra-

177

» voure et le patriotisme des troupes qui la com- » posaient, à même de battre le corps d'armée » autrichien qui lui était opposé, et d'arriver » sur les derrières du flanc gauche de l'armée » ennemie qui menaçait Paris.

» Les victoires de Champ-Aubert , de Mont- * mirail, de Château-Thierry, de Vaux-Champ, » de Mormans, de Montereau, de Craône, de » Reims, d'Arcis-sur-Aube et de Saint-Dizier ; » l'insurrection des braves paysans de la Lor- » raine, de la Champagne, de l'Alsace, de la » Franche-Comté et de la Bourgogne , et la » position que j'avais prise sur les derrières de » l'armée ennemie, en la séparant de ses maga- » sins, de ses parcs de réserve, de ses convois » et de ses équipages, l'avaient placée dans une » situation désespérée. Les Français ne furent » jamais sur le point d'être plus puissants , et » l'élite de l'armée ennemie était perdue sans » ressources : elle eût trouvé son tombeau dans » ces vastes contrées qu'elle avait si impitoya- » blement saccagées, lorsque la trahison du duc » de Baguse livra la capitale et désormais l'ar- » mée.

» La conduite inattendue de ces deux gêné- » raux qui trahirent à la fois leur Patrie, leur » Prince et leur bienfaiteur , changea le destin » de la guerre La situation désastreuse de l'en- » nemi était telle, qu'à la fin de l'affaire qui » eut lieu devant Paris, il était sans munitions

12

178

par la séparation de ses parcs de réserve. » Dans ces nouvelles et grandes circonstan- ces, mon cœur fut déchiré, mais mon âme resta inébranlable.

» Je ne consultai que l'intérêt de la Patrie ; je m'exilai sur un rocher au milieu des mers. Ma vie vous était et devait vous être encore utile ; je ne permis pas que le grand nombre de ci- toyens, qui voulaient m'accompagner, parta- geassent mon sort; je crus leur présence utile à la France, et je n'emmenai avec moi qu'une poignée de braves , nécessaires à ma garde. » Élevé au trône par votre choix, tout ce qui a été feit sans vous est illégitime. Depuis vingt- cinq ans, la France a de nouveaux intérêts, de nouvelles institutions, une nouvelle gloire, qui ne pouvaient être garantis que par un gouvernement national et par une dynastie, née dans ces nouvelles circonstances. Un prince qui régnerait sur vous, qui serait assis sur mon trône par la force des mêmes armées qui ont ravagé notre territoire , chercherait en vain à s'étayer des principes du droit féo- dal, il ne pourrait assurer l'honneur et les droits que d'un petit nombre d'individus, ennemis du peuple, qui, depuis vingt-cinq ans, les a condamnés dans toutes nos assem- blées nationales. Votre tranquillité intérieure et votre considération extérieure seraient per- dues à jamais.

179

» Français! dans mon exil, j'ai entendu vos » plaintes et vos vœux ; vous réclamiez ce gou- » vernement de votre choix qui, seul, est légi- » time ; vous accusiez mon long sommeil ; vous v me reprochiez de sacrifier à mon repos les » grands intérêts de la Patrie!

» J'ai traversé les mers au milieu des périls » de toute espèce; j'arrive parmi vous repren- » dre mes droits qui sont les vôtres. Tout ce » que des individus ont fait, écrit ou dit, de-

* puis la prise de Paris, je l'ignorerai toujours ; » cela n'influera en rien sur le souvenir que je » conserve des services importants qu'ils ont » rendus ; car il est des événements d'une telle » nature , qu'ils sont au-dessus de l'organisation t> humaine.

» Français! il n'est aucune nation, quelque

* petite qu'elle soit, qui n'ait eu le droit de se » soustraire et ne se soit soustraite, en effet, » au déshonneur d'obéir à un prince imposé par

* un ennemi momentanément victorieux.

» Lorsque Charles VII rentra à Paris et ren-

* versa le trône éphémère de Henri VI , il re- » connut tenir son trône de la vaillance de ses » braves, et non d'un prince régent d'Angle- » terre.

» C'est aussi à vous seuls , et aux braves de

> l'armée que je fois et ferai toujours gloire de

> tout devoir.

m

c Napoléon. »»

CHAPITRE XIV.

SOMMAIRE. Premier bivouac de l'armée de Napoléon; plusieurs Corses l'abandonnent. Incurie du gouvernement de Louis XVIII. S. A. R. le comte d'Artois, part pour Lyon le 6 mars. Langage étrange du journal des Débats; reproduction textuelle de ses pa- roles. — Conduite de l'armée. Le maréchal Ney a Lons-le-SauI- nier, et sa promesse a Louis XVIII. Napoléon mis hors la loi. L'armée et ses chefs.

Voilà donc le premier acte du diurne de 1815 accompli! Napoléon et son armée de onze cents hommes (a) sont en France et leur premier bivouac établi dans un champ d'oliviers, comme présage heureux de leur audacieuse invasion.

Quel coup de foudre pour le Roi et pour ses conseillers qui , malgré les nombreux avis qui leur avaient été transmis , s'étaient obstinés à ne

(a) Napoléon avait recruté tant à l'île d'Elbe que dans l'île de Corse, environ trois cents hommes» auxquels il donna le nom de voltigeurs corses ; ils étaient en garnison à Porto- Longone. Soit que la tentative leur parut trop aventureuse , soit tout autre motif, le plus grand nombre se débanda en mettant le pied sur le sol de la France, et déserta le drapeau impérial. Ils furent recueillis par les habitants. Tous avaient cependant reçu de trois à quatre cents francs de gratification anticipée, aussi bien que les vieux soldats de la garde.

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pas jeter le bandeau qui leur cachait la vérité ! Que vont-ils faire dans d'aussi graves circons- tances?...

Conserveront-ils leur sang-froid pour faire face à l'orage; sortira-t-il enfin de leur esprit pa- resseux quelque combinaison qui préviendra la catastrophe qui va peser sur la France ?<.. Non! Tout sera laissé au hasard; on agira sans ordre, sans but, sans appréciation des hommes et des choses! De là, cette incurie, cette impéritie qui mettront, en un jour, la paix de l'Europe en péril et placeront la France sur un abîme !

Hélas! il en a souvent été ainsi en France, la légèreté a plus d'empire que la froide raison, quelque jeu de mots efface le plus sage conseil, l'événement le plus probable l'esté énigme jusqu'au moment nul ne peut plus échapper à sa réalisation.

Ce ne fut que le 5 mars que la nouvelle du débarquement fut connue à Paris (a); il est vrai

(a) Un officier général nous a assuré 'avoir eu connaissance le 2 mars, chez M. le comte de Bombelles, chargé d'affaires d'Autriche, à Paris, du débarquement de Napoléon ; ce diplo- mate lui dit que le gouvernement voulait le tenir secret 11 en fut dit autant à cet officier général, par M. le général Gentil de Saint-Alphonse, alors chef d'état-major de la première di- yision militaire. Nous avons toutefois peine à nous expliquer cette célérité. Le télégraphe n'allant à cette époque que de Paris à Lyon : et si le gouvernement était informé de la prochaine tentative de Napoléon, et même par anticipation, du jour du débarquement, comment alors qualifier son in-

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qu'alors le télégraphe n'allait pas au-delà de Lyon. Mais on a assuré que le duc de Blacas conserva , pendant plusieurs jours , sans même la décacheter, une lettre confidentielle d'une au- torité supérieure du département du Var, qui lui faisait pressentir cet événement; comment justifier une pareille négligence , alors surtout que l'existence du gouvernement du Roi lui- même se trouvait remise en question?...

S. À. R. Monsieur, frère du Roi, partit de Paris, le 6 mars, à 5 heures du matin, pour se rendre à Lyon il ne devait arriver que peu d'heures avant Napoléon, qui, lui, y fit son entrée triomphale, le 10 mars à sept heures du soir.

Pendant que le gouvernement du Roi cher- chait à prendre , en toute hâte , des mesures , trop tardives hélas! contre la marche rapide de Napoléon, toutes les têtes étaient à l'envers; le Journal des Débats lançait, dans le numéro du 8 mars, son violent manifeste contre t Le tyran , te lâche guerrier de Fontainebleau * (a).

Ce document historique est trop curieux pour ne pas le rapporter ici textuellement, comme

curie? Mais l'entourage des Bourbons n'a jamais su les

entretenir que d'illusions, sans souci pour ce qui eût pu les troubler.

(a) Cette feuille s'est constamment arrogé le double privilège d'insulter aux pouvoirs déchus et de flatter les pouvoirs debout.

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un témoignage de la versatilité politique de Y ex- journal de l'Empire.

. . . c Bonaparte s'est évadé de l'île » d'Elbe, que l'imprudente magnanimité des sou- » verains alliés lui avait donné en souveraineté » pour prix de la désolation qu'il avait si » souvent portée dans leurs États. Cet homme, » qui, en abdiquant le pouvoir, n'a jamais abdi- » que son ambition et ses foreurs; cet homme, » tout couvert du sang des générations, vient au » bout d'un an, écoulé en apparence dans l'apa- » thie, essayer de disputer, au nom de l'usurpa- » tion et des massacres, la légitime et douce » autorité du Roi de France. A la tête de quel» » ques centaines d'italiens et de Polonais, il a » osé mettre le pied sur une terre qui l'a réprouvé » pour jamais ; il veut tenter de rouvrir les plaies » encore mal fermées qu'il nous a Eûtes, et que

* la main du Roi cicatrise chaque jour.

* Quelques pratiques ténébreuses , quelques » mouvements dans l'Italie, excités par son » aveugle beau-frère, ont enflé l'orgueil du lâche » guerrier de Fontainebleau. Il s'expose à inou- ïe rir de la mort des héros : Dieu permettra qu'il

* meure de la mort des traîtres. La terre de » France l'a rejeté ; il y revient , la terre de » France le dévorera!... Sur quels amis peut-il » donc s'assurer? Est-ce sur les pères et les* » frères de ceux qu'il poussait par milliers à ses » barbares et lointaines expéditions? Sur ces

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magistrats qu'il abreuvait d'avanies; ces juges qu'il insultait sur leur tribunal? Sur quels partisans? Est-ce sur les généraux dont il s'ef- forçait d'obscurcir la gloire pour faire briller la sienne de tout l'éclat qu'il leur dérobait; sur ces généraux qu'il délia de leurs serments et qui garderont mieux que lui ceux qu'ils ont faits depuis? Est-ce enfin sur cette armée, dont il se disait le père, quand elle le nommait son bourreau; sur cette armée qu'il abandonnait dans la détresse, et qu'il laissait périr pour se débarrasser des murmures; cette armée qu'il ne payait plus, et qui voit aujourd'hui sa solde assurée, et treize mois d'arriéré acquittés comme par enchantement au milieu des désor- dres où le Roi trouva les finances à son retour ? Ah ! toutes les classes le réprouvent , tous les Français le repoussent avec horreur, et se réfugient dans le sein d'un Roi qui ne nous a pas apporté la vengeance, mais l'oubli du passé. Cet insensé ne pourrait donc trouver de partisans, en France, que parmi ces arti- sans éternels de troubles et de révolutions. Mais nous ne voulons plus de révolution, et la juste rigueur de l'ordonnance du Roi suffît pour épouvanter ceux que nous venons de signaler.

> Ds désigneront vainement des victimes pour » leur tentative ; un seul cri sera le cri de toute > la France : Mort au tyran! Vive le Roi! Et qui

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* ne voit ici à découvert les voies de Cette Pro- » vidence dont Bonaparte méconnut la main,

> lorsqu'elle le conduisait sur les mers? Cet » homme qui , débarqué à Fréjus, contre tout

* espoir, nous semblait alors appelé de Dieu

* pour rétablir en France la monarchie légi-

> time; cet homme entraîné par sa noire des- » tinée, et comme pour mettre le dernier sceau

> à la Restauration , revient aujourd'hui pour

> périr comme un rebelle sur cette même terre, » il fut reçu, il y a quinze ans, en libérateur, » par un peuple abusé et détrompé depuis par

> douze ans de tyrannie. »

Ce débordement inqualifiable d'invectives, qui violait le respect au malheur, si sacré pour les cœurs généreux, trouva, le croirait-on, des imitateurs ardents dans presque toutes les som- mités militaires (a) qui, quinze jours après leurs chefs-d'œuvre de zèle et d'ingratitude, ram- paient dans les antichambres de Napoléon , rede- venu Empereur, et sollicitaient leur pardon, de ce même homme qu'ils eussent fusillé comme un misérable, s'il eût échoué dans son entreprise!..

Voici d'abord le fabuleux manifeste du maré- chal, duc de Dalmatie, que nous n'essayerons pas de qualifier , tant il tient du vertige , mais qu'il est cependant de notre devoir de consigner ici textuellement, à titre de document historique.

(a) Voir les pièces justificatives. ti.

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« Ministère de la Guerre.

» ORDRE DU JOUR A L' ARMÉE.

» Soldats!

» Cet homme, qui naguère abdiqua aux yeux de toute l'Europe un pouvoir usuryté dont il avait fait un si fatal usage, Bttonaparte est descendu sur le sol français qu'il ne devait plus revoir.

» Que veut-il ? La guerre civile. Que cherche-t-il ? Des traîtres. les trouvera-t-il ? Serait-ce parmi les soldats qu'il a trompés et sacrifiés tant de fois en égarant leur bra- voure ? Serait-ce au sein de ces familles que son nom seul remplit d'effroi ?

» Buonaparte nous méprise assez pour croire que nous pouvons abandonner un souverain légitime et bien-aimé pour partager le sort d'un homme qui n'est plus qu'un aven- turier. Il le croit, l'insensé ! Son dernier acte de démence achève de le faire connaître.

» Soldats ! L'armée française est la plus brave de l'Europe ; elle sera aussi la plus fidèle.

» Rallions-nous autour de la bannière des lys, à la voix de ce père du peuple, de ce digne héritier des vertus du grand Henri. Il vous a tracé lui-même les devoirs que vous avez à remplir. Il met à votre tête ce Prince, modèle des chevaliers français, dont l'heureux retour dans notre patrie a déjà chassé l'usurpateur, et qui, aujourd'hui, va, par sa présence, détruire son seul et dernier espoir.

» Paris, le 8 mars 1815.

» Le ministre de la guerre,

» Maréchal, duc de Dalmatie. »

Qui ne jse rappelle cet autre trait de frénétique transport de l'un des plus illustres lieutenants de l'Empereur (a), jurant au Roi t de lui amener

(a) Le maréchal tfey, que nous gémissons de rencontrer dans cette circonstance, car amener Napoléon dans une cage de

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mort ou vif dans une cage de fer » son ancien bienfaiteur et son ami ? Preuve incontestable du point de délire peuvent se porter des têtes françaises, lorsqu'elles se laissent aller à leur irréflexion naturelle!

Le général Maison', gouverneur de Paris , ne laissera pas non plus échapper l'occasion de se venger des reproches sanglants que lui avait adres- sés l'Empereur à l'occasion de son inertie en 1814.11 va donc, lui aussi, faire preuve de roya- lisme ; voici sa proclamation dont nous possédons un exemplaire imprimé à Gand, en avril 1815.

« Français !

» Cet homme (Napoléon) pour qui rien n'est sacré, celui » que la France a banni pour jamais de son sein, et que vous » avez, avec tant de justice, surnommé le bourreau de notre » espèce, après avoir abdiqué, et, par un acte solennel, re- » nonce à tous ses droits, a osé remettre le pied sur notre » sol qu'il n'aurait jamais revoir.

» Protégé par les Furies qui ne l'abandonnent jamais, il » parvint contre le vœu de la Nation entière à remonter sur » un trône qu'il avait déjà usurpé pour la seconde fois ; il » vient allumer la guerre civile, ramener la guerre étrangère » sur notre belle Patrie, et inonder de notre sang nos villes » et nos campagnes.

» Que ne doit pas craindre un peuple sous un Tyran qui,

fer n'était-ce pas une idée ignoble, une idée qui ne pouvait en- trer dans la tête du maréchal, ni sortir de sa bouché; une idée enfin comme celle qui présentait le plus grand génie, le meilleur et le plus généreux de ses amis, comme une bête fauve. *Disons-le : des paroles semblables ne peuvent être sincères ; elles ne peuvent sortir, tant elles sont exagérées, que d'un cerveau malade, et l'événement l'a bien prouvé.

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» à peine arrivé de quinze jours, met tous les Français à la » disposition de son Ministre de la Guerre, car ne vous y » laissez pas tromper, le nom de Gardes Nationales n'est » qu'un vain nom, c'est une levée en masse sous une autre » dénomination : l'insensé ! Croit-il que deux millions de » pères de famille vont ainsi abandonner leurs femmes, » leurs enfants, leurs propriétés ; enfin tout ce qui forme » leur existence , pour courir aux armes contre ceux qui » ne viennent que pour nous protéger, et faire restituer » au digne fils de saint Louis le Trône de ses ancêtres ?

» Français ! Celui qui a su nous faire goûter la Paix et le » Bonheur, après vingt années d'un despotisme inoui a seul » le droit d'attendre de nous des secours.

» Mais toi, Bonaparte, toi ! l'assassin d'un Prince dont les » vertus étaient aussi grandes que tes vices sont monstrueux, » prétends-tu que nous serons assez lâches pour seconder » tes desseins criminels ?

» Tu te trompes ; nous voulons pour toujours secouer le » joug de fer sous lequel tu veux nous écraser, le temps » d'un seul mot tu faisais trembler l'univers, n'est plus.

» Mais en admettant que la France entière se lève contre » ceux pour qui tu es le seul ennemi, quel fruit retirerions- » nous de la Victoire ? Nous t'aurions alors pour Maître, et » cette seule pensée nous fait frémir : Non, les Français te » repousseraient avec horreur ; ils appellent leur Roi légi- » time , il leur sera rendu, et fera leur bonheur, et nous » le bénirons tous ; c'est principalement vous, braves Habi- » bitants des campagnes, qui devez rester sourds à sa voix ; » car vous ranger aujourd'hui sous ses drapeaux sacrilèges » serait un crime que les nations futures ne vous pardonne- » raient jamais ! VIVE LE ROI! »

Qui croirait que sept mois après ce chaleureux manifeste, le général Maison se vit réduit à offrir au Roi de nouveaux témoignages de sa fidélité , et que Louis XVIII enlèverait à un serviteur aussi dévoué le gouvernement de Paris , auquel

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M. le général Maison paraissait tant tenir, d'après son rapport à S. M. en date du 15 octobre 1815 (a) ?... Triste preuve du peu de solidité des choses d'ici bas!

Personne ne contestera à Louis XVIII le droit qu'il avait de mettre Napoléon hors la loi, et d'user ainsi de la légitime défense.

L'ordonnance du 6 mars 1815 (6) était donc la réponse naturelle du Roi aux deux proclama- tions de Napoléon. Mais on ne sait comment caractériser autrement qu'en taxant encore de folie tous ces actes de pure fanfaronnade, dont les colonnes du Moniteur Universel , du mois de mars 1815, nous déroulent le triste tableau (c). De tous les signataires de ces protestations,

combien en resta-t-il de fidèles au Roi ?

Quels furent ceux qui le suivirent dans l'exil pendant les Cent-Jours ((/)?...

Mais, nous dira-t-on peut-être , « Vous faites c une étrange apologie de la défection de l'ar- « mée en 1815? » Non certainement, et nous répondons : L'armée, en 1815, faillit sans doute à ses serments envers Louis XVIII; c'est un fait

(a) Voir les pièces justificatives, 5. (6) Voiries pièces justificatives, 6.

(c) Voir aux pièces justificatives, 7.

(d) Plus tard, en 1830, quels sont ceux encore qui ont fait preuve de dévoûment à Charles X ?..t... La troupe, seule, a scellé de son sang son serment de fidélité au Roi !

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mais ayant dédié notre travail au soldat, nous devions lui prouver que son histoire fut aussi la nôtre; que, s'il eut, sous l'Empire, les joies du triomphe, en dédommagement de son sang et de ses sueurs, nous, au contraire, nous n'eû- mes , en quelque sorte , que les douleurs, que les mécomptes et les misères, sans compensa- tion, des quinze derniers mois de cette époque héroïque!!!

CHAPITRE XV

SOMMAIRE. Réorganisation de» grenadiers et de* chasseurs à pied de la vieille garde. Ce fut une faute de les envoyer à Metz et à Nancy. Le maréchal Oudinot qui les commande, reçoit l'ordre de se diriger sur Langres pour s'opposer à la marche de Napoléon.

A Toul, le lieutenant-général, comte Roguet, refuse d'obéir et se déclare pour Napoléon. Conséquences qui en résultent At- titude remarquable des grenadiers. Marche et actes du général Roguet. Il arrive devant Troyes; perplexité de son avant-garde.

La ville ouvre ses portes; accueil amical des citoyens. Arrivée

des grenadiers à Fontainebleau le 22 mars, et le 24 à Paris. Leur

enthousiasme à la vue de leur Empereur, qui, lui-même, en éprouve une profonde émotion. Historique de la marche de Napoléon depuis le golfe Juan, jusqu'à Paris.— Épisode à Sisteron— Obstacles qui s'élè- vent. — Dangers que court son expédition. Il est au moment d'en venir aux mains avec des troupes de Louis XVIII. Parole impru- dente du lieutenant R...., aide de camp du général Marchand.

Courage et dévoûment de Napoléon qui, par là, range sous ses aigles, des hommes prêts à le combattre. ^- Défection du colonel de La Bédoyère. -— Entrée de Napoléon dans Grenoble; enthousiasme des habitants. Revue des corps réunis qui, déjà, s'élèvent à 8,000 hommes. Napoléon se dirige sur Lyon se trouvent encore S. A- R. le comte d'Artois et S. A. S. le duc d'Orléans, aujourd'hui

Louis-Philippe. Départ de ces deux princes pour Paris Esprit

de la population ouvrière de Lyon. Entrée de Napoléon dans cette seconde ville du royaume. -*- Proclamation du comte de F argues, maire de Lyon. Le 15 mars, Napoléon rend neuf décrets remar- quables, et frappe les Bourbons de déchéance. La cocarde blanche et autres insignes, décorations et organisations de la royauté sont abolis. Il quitte Lyon le 13 mars ; ses adieux aux Lyonnais; émis- saires envoyés au maréchal Ney ; le prince de la Moskowa prend parti pour lui.

Les grenadiers et les chasseurs à pied de la vieille garde prirent , ainsi que nous l'avons dit , la dé- nomination de Corps Royal des grenadiers et chasseurs à pied de France , et formèrent deux

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régiments, chacun de quatre bataillons à six compagnies par bataillon.

Le régiment de grenadiers fut envoyé à Metz , et celui de chasseurs à Nancy. Us avaient con- servé tous leurs officiers-généraux et autres, et reçurent pour général en chef, celui qui fît tant de merveilles à la tête des grenadiers réunis, le maréchal Oudinot, duc de Reggio.

De telles troupes étaient dignes d'un tel chef ; mais elles méritaient mieux qu'un exil sur les remparts d'une place forte, comme si elles eussent eu besoin d'aller y faire l'apprentissage de leur métier. Pour un grand nombre ce fut un auront, et pour tous un mécompte sensible , puisque la solde avait été réduite d'un tiers par la nouvelle organisation : économie misérable qui, quelques mois plus tard , coûta deux milliards à la France ! ! !

Néanmoins, tous se résignèrent à leur sort, et nulle plainte n'arriva de Nancy ou de Metz au pied du trône.

Une conduite aussi irréprochable, nous dirons presque aussi généreuse , aurait appeler sur nous un peu plus de sollicitude, un peu plus de justice de la part des ministres d'alors, car tout a dépendu d'eux. Quelqu'un avait-il calculé déjà les conséquences du mécontentement qui germe- rait au fond de ces cœurs ulcérés , et cherchait-il à l'exploiter dans des intérêts personnels de quelque ambition déçue? On l'a souvent

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affirmé, mais c'est un fait que nous n'avons point à éclaircir ici ; nous nous bornons donc à émettre l'opinion que, de la conduite du gou-» vernement envers la vieille garde, a peut-être dépendu alors le sort de la monarchie.

Bientôt la nouvelle se répand que Napoléon a rompu son ban ; qu'il est débarqué sur le sol de la France ; qu'il marche même à la tête d'une poignée de sa vieille garde, à une nouvelle con- quête de ce trône qu'il couvrit de tant de lau- riers pendant dix ans.

Cette nouvelle jette aussitôt le trouble dans la nombreuse garnison de Metz. M. le maréchal duc de Reggio , arrivé depuis quarante-huit heures, reçoit bientôt de Paris des ordres pressés d'orga- nisation pour un corps de marche , pris dans les garnisons voisines, et qui devra se diriger immé- diatement sur Langres, le maréchal devra lui-même le rejoindre pour en prendre le com- mandement.

Cette colonne est formée; elle se compose de détachements de toutes armes; deux bataillons au grand complet de guerre sont également dési- gnés dans notre régiment, et le 44 mars, nous quittons Metz pour aller à la rencontre de Na- poléon, et nous opposer à son passage. Mais à Toul, le lendemain, M. le général Roguet, qui nous commandait, refusa d'obéir aux ordres de M. le maréchal Oudinot et se déclara haute- ment pour la cause de Napoléon, en présence

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de ces deux bataillons de grenadiers, rassemblés encore sur la place d'armes de cette petite ville de Lorraine.

Dès ce moment, en effet, nos deux bataillons marchèrent pour leur compte sous les ordres de cet officier-général, et le firent militairement, comme en présence de l'ennemi. Deux ou trois officiers seulement ne voulurent pas suivre la bannière nouvelle ; ils fusaient partie du cadre que Ton avait, par une mesure maladroite, impolitique et anti-militaire , placés à la suite de chacun de ces deux régiments de l'ex-vieille garde, bien qu'ils n'eussent jamais servi dans les rangs de l'armée française.

Cette détermination de notre général, en fa- vorisant l'entreprise de Napoléon, compromet- tait par la même raison la cause du Roi.

Si des officiers sympathisèrent par quelques démonstrations bruyantes et s'associèrent ainsi à ce qu'il y avait de criminel dans cette brus- que rupture de ses serments que venait de faire notre général, nos vieux grenadiers, au con- traire, conservèrent le calme et l'impassibilité de l'obéissance militaire : cette noble conduite leur fera honneur à jamais , et nous sommes heureux d'avoir à rendre cet hommage à d'aussi braves gens!

Pas un mot injurieux pour la Famille Royale ne sortit de leur bouche, et cependant on avait méconnu leurs anciens et glorieux services.

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Que ne pouvons-nous en dire autant des of- ficiers, dont plusieurs crurent sans doute qu'il était honorable de faire le contraire! Ces mêmes officiers nous les avons entendus , le lendemain du désastre de Waterloo, lancer contre Napo- léon les mêmes déclamations furibondes. Quelle confiance accorder à de tels hommes, toujours prêts à briser l'idole qu'ils encensaient la veille ! et cependant nous pourrions citer tel officier- général qui a gagné trois ou quatre de ses gra- des en sautant successivement, et a propos, d'un camp dans un autre.

Les pouvoirs nouveaux ont-ils donc toujours besoin de pareils hommes pour affermir leur puissance, et la trahison peut-elle jamais con- solider quelque chose!... et surtout l'honorer?.. Nous dirons, au contraire, honte et malheur à qui s'appuye sur des traîtres!...

À Nancy, le lieutenant-général, comte Pacthod, commandant la quatrième division militaire, con- sidérant sans doute comme un acte de folie, le débarquement de Napoléon, répondit à l'ordre du jour du duc de Dalmatie, par la dépêche ci-après.

« Nancy, le 10 mars 1815.

» Monseigneur,

» J'ai l'honneur de répondre à la lettre de Votre Excel- lence, en date du 7 courant, par laquelle elle me transmet la proclamation du Roi, en date du 6 suivant ; elles ont été également transmises aux généraux sous mes ordres et la

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pfus grande publicité a été donnée dans retendue de mon commandement

» J'ai d'abord réuni le corps d'officiers (corps royal des chasseurs à pied de France), et je me suis encore plus con- vaincu de la sincérité des sentiments de dévouaient et de fidélité que portent k la personne auguste de Sa Majesté toutes les troupes de ma division.

» L'ordre du jour du 8, donné par Votre Excellence à Farinée, a fait le plus grand effet sur l'esprit des soldats et du citoyen ; chacun y voit sa conduite tracée et se pénètr* de l'indignation à laquelle tout Français doit vouer l'homme dont C abdication avait atténué un juste ressentiment y mais que le projet tout à la fois ATROCE et INSENSÉ de porter la guerre civile dans notre belle patrie, doit rendre odieux à tout être doué de raison.

» Votre Excellence trouvera dans ma conduite le plus grand empressement à exécuter strictement les ordres qu'elle daignera me donner ; elle y verra que rien ne pourra me faire dévier de la fidélité de mes engagements envers Sa Majesté Louis XVIH, comme encore que je ne négligerai rien de ce qui pourra entretenir le zèle et la fidélité des troupes sous mes ordres.

» Daignez, Monseigneur, agréer le nouvel hommage de mon profond respect,

» Le lieutenant-général, » commandant la quatrième division militaire,

» Comte Pacthod. »

Nous verrons bientôt oe que valaient ces pro- testations d'amour et de fidélité à la cause royale. Reprenons notre récit.

En partant de Toul, nous primes la route la plus courte pour rejoindre Napoléon et nous ranger sous son drapeau. Nous traversâmes successivement plusieurs des champs de ba- taille où nous avions rendu > un an auparavant,

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les bonheurs militaires à tant de n*s braves compagnons d'armes, et que la garde Impériale avait elle-même arrosés de son sang en vingt combats différents.

D'après les calculs du général Roguet, nous devions, dans notre course à travers champs, rencontrer Napoléon à Sens; mais il avait déjà traversé cette ville la veille de notre arrivée.

Depuis Toul jusqu'à Vandœuvre, petite ville située sur la grande route de Bar-sur-Aube à Troyes, notre marche n'avait éprouvé aucun obstacle, la population même sympathisait par- tout avec nous. Mais le général Roguet, igno- rant quel pouvait être l'esprit des habitants de Troyes et s'il s'y trouvait une garnison nom- breuse, hostile ou amie, jugea prudent de coucher à Vandœuvre, et d'envoyer, pendant la nuit, une reconnaissance de vingt-cinq sous-officiers et grenadiers commandés par un officier, pour parlementer ou sommer, au besoin, la ville de Troyes d'ouvrir ses portes à la vieille garde.

Le hasard nous fit désigner pour cette péril- leuse expédition nocturne. Nous, partîmes de Vandœuvre à huit heures du soir par un temps affreux et une nuit des plus obscures. Ce début n'était guère séduisant; enfin, après six heu- res d'une marche fatigante, nous arrivâmes vers deux heures du matin devant la princi- pale porte de Troyes. Le moment était criti- que : c'était pour nous une question de vie ou

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de mort. Un factionnaire nous crie tout à coup, du haut du rempart : Qui vive ! . . . Que répon- dre?... — Qui vive!... A ce second com- mandement, l'officier riposte d'une voix forte- ment accentuée : Garde Impériale!!! Le fac- tionnaire se précipite aussitôt vers son poste, et quelques minutes après, les battants roulent sur leurs gonds rouilles et nous livrent la ville, ses habitants et sa garnison, tous plon- gés encore dans le sommeil, et ne se doutant pas de ce qui les attend ; ils sont au pouvoir de vingtrsix hommes de la garde de Napoléon.

Néanmoins la prudence nous prescrivait des mesures de précaution, afin d'éviter ce qui ar- riva à Àntibes aux trente grenadiers envoyés, sous le commandement du capitaine Lamou- rette, pour sommer la garnison de se ranger sous la bannière Impériale , et qui furent retenus prisonniers par le chef resté fidèle à ses ordres (a). Nos armes étaient donc chargées à tout événement.

Après quelques paroles affectueuses, échangées

(a) ils furent dirigés sur Toulon, et emprisonnés dans le fort Lamalgue, d'où ils ne sortirent que quelques jours après la rentrée de Napoléon à Paris, ils nous rejoignirent plus tard.

Le jour de leur délivrance fut aussi pour ces trente gre- nadiers, un jour d'ovations de la part de la population toulonaise.

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avec ce petit poste, il se réunit à nous et nous conduisit à l'Hôtel-de-Ville. En quelques minutes, la nouvelle de notre arrivée circula dans la cité, et bientôt nous fûmes enveloppés par une population entière qui se disputait à qui nous recevrait et nous offrirait à souper. Notre lieutenant fit in- viter le maire et ses adjoints à se rendre à l'hôtel- de-ville, afin de faire assurer des vivres pour les deux bataillons de grenadiers qui devaient arriver à neuf heures, et repartir après quelques instants de repos.

Au lever de l'aurore, tous les habitants étaient dans les rues, attendant, avec la plus vive impatience, nos deux bataillons, dont ils voyaient en nous l'avant-garde. Quelques extravagances furent commises par cette population en émoi ; elle se vengea sur les attributs du gouverne- ment et sur quelques-uns de ses agents , des vexations des Russes et des Prussiens , comme s'il avait dépendu d'une fleur-de-lys ou d'hom- mes qui peut-être ignoraient l'existence des Bourbons, de leur éviter des malheurs auxquels ils étaient tous si complètement étrangers; mais tel est le peuple dans ses moments de fièvre chaude, il frappe à tort et à travers, souvent même sur ses propres amis et sur ses bienfai- teurs.

Dans cet instant , nous étions de ses amis , tant il nous comblait de démonstration^ affec- tueuses, bien que nous eussions, un an aupara-

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vant et presque à pareille époque, incendié ses faubourgs en les disputant à l'ennemi.

L'entrée de nos bataillons fut une véritable entrée triomphale, tant était grand le prestige attaché à la vieille garde! Nous ne restâmes à Troyes que quelques heures, ayant Tordre d'aller coucher à Sens*

Le lendemain, nous saluâmes, en passant à Fossard, les six boulets que le maître de poste conserve comme un ornement de la façade de son hôtellerie, tels que nos artilleurs les lui avaient lancés des hauteurs de Montereau, alors que l'ennemi occupait cette ville et ses abords.

Le 22 mars , nous couchâmes à Fontaine- bleau, et le lendemain à Villejuif, nous re- çûmes Tordre de nous arrêter pour nous remettre de nos fatigues et opérer quelques changements dans notre tenue. L'écusson aux fleurs-de-lys qui décorait notre plaque de bonnet à poils fat coupé , ce qui leur donna un aspect étrange; quelques grenadiers remplirent cette lacune par une cocarde tricolore improvisée.

Le 24 mars , nous fîmes notre entrée dans Paris par la barrière d'Enfer; nous suivîmes tous les boulevards jusqu'à la rue de la Paix, re- cevant partout, sur notre passage, des témoigna- ges empressés, nous dirons même parfois extra- vagants , ce qui prouve l'inconstance de cette population parisienne, car quatre jours avant, elle protestait aussi de son dévoûment à Louis XVIII ;

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et Pairs et Députés juraient à 1 envi, et par accla- mation, de mourir pour la défense de son trône et de la charte constitutionnelle, et cependant pas une cartouche ne fut brûlée ni pour le Roi, ni pour la charte (a).

Arrivés devant la cour des Tuileries, les grena- diers, qui, jusque-là, avaient été calmes au milieu des démonstrations des populations que nous avions traversées depuis Metz jusqu'à Paris, de- vinrent fous à leur tour, à la vue de leur Empe- reur ; ce sentiment était naturel et n'avait rien que d'honorable pour eux ; aussi croyons-nous pouvoir rappeler ici ce moment do délire et d'ivresse. Na- poléon, lui-même, ne put contenir son émotion en revoyant ses vieux grognards. On se ftH précipité dans les bras les uns des autres, si on l'eût pu (6).

Après cette revue d'arrivée, nous allâmes nous installer dans la caserne du quai d'Orsay, nous trouvâmes ceux de nos camarades qui avaient

(a) Quelques-uns de ces mêmes hommes faisaient les mêmes protestations à Charles X, au 28 juillet 1830, et pas un ne brûla non plus une amorce, ni ne tira l'épée du four- reau pour défendre cette antique dynastie qui cependant les avait gorgés d'or, tous ces courtisans, sans cesse à l'affût des grades, des honneurs et des emplois lucratifs, mais que, de nos jours, Ton rencontre rarement sur cette route dont ne s'était jamais écarté Henri IV, et qu'indiquait son panache blanc à Ivry !...

(b) Nous sommes surpris qu'Horace Vernet n'ait pas re- tracé cet épisode de la vie militaire de vieille garde; Ce tableau eût été le digne pendant des adieux de Fontainebleau.

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accompagné Napoléon à l'île d'Elbe. Cette pre- mière entrevue fut touchante aussi ; mais bientôt il s'éleva entre eux et nous quelques dissenti- ments. Les faveurs pleuvaient sur eux, à juste titre, sans doute; car l'on ne doit jamais mécon- naître la fidélité au malheur, encore moins Y am- nistier (a) ; mais néanmoins un peu de mesure eût été politique. Dans un excès de zèle, par exemple, on était allé jusqu'à faire graver en lettres d'or, sur l'hôtel d'Elbeuf qu'occupa pendant les pre- miers jours le détachement de l'Ile d'Elbe :

Quartier des Braves.

Cette inscription excita des murmures dans nos rangs, et Ton dut la faire disparaître ; il eût été mieux de ne pas l'y établir.

Pendant les premiers jours, les entretiens en- tre nos camarades de l'Ile d'Elbe et nous ne furent qu'un échange de questions sur ce qui nous était réciproquement arrivé depuis la douloureuse sé- paration de Fontainebleau.

Le miraculeux voyage de Cannes à Paris exci- tait par dessus tout notre impatiente curiosité et J rien n'était plus pittoresque que le récit de ces ^ vieux compagnons d'armes, qui, malgré leur confiance dans l'étoile de leur Empereur , ne fu-

(a) Voir les pièces justificatives a* 8. L'ordonnance d'am- nistie signée par Louis XVIII pour récompenser le dévoûment de ses compagnons d'exil.

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rent pas toujours sans inquiétude sur le résultat de leur audacieuse entreprise. Nous croyons de- voir en faire le récit tel que nous l'avons en- tendu.

Le point de débarquement au golfe Juan était plus favorable de toute la côte de Provence ; Fac- tion de la forteresse d'Ântibes ne s'étendant pas au-delà de ses glacis, cet obstacle franchi, Napo- léon se trouvait sur la route la plus courte et la plus directe pour se porter sur Grenoble et sur Lyon, et le passage ne pouvait lui être intercepté que sur un seul point, à Sisteron, soit en s'empa- rant du pont, soit en le faisant sauter avant son arrivée ; mais , une fois maître de cette cita- delle, Napoléon eut déjà deux journées de marche sur les troupes qu'on eût pu faire partir de Mar- seille pour lui disputer ce passage.

Ce fut au moment de leur débarquement, nous dirent nos camarades, que le capitaine Loubers reçut Tordre de Napoléon de proclamer, avec le porte- voix qu'il tenait à la main , chevaliers de la légion-d'honneur tous les officiers , sous-officiers et soldats, qui faisaient partie du détachement des différents corps de troupe de la garde , au départ de Fontainebleau (a) , et d'annoncer qu'il accor-

(a) Gomme un très grand nombre étaient déjà légionnaires avant l'abdication de Fontainebleau, cette promotion en masse, ne s'étendait guère au-delà de trois cents.

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dait un grade d'avancement, dans cet ordre, aux officiers qui en étaient déjà revêtus.

Le 1er mars, à il heures du soir, Napoléon quitta son bivouac et prit la route de Grasse , à la tête de ses vieux compagnons. Le 2, à il heures du matin, il tourna cette petite ville de Provence, et alla prendre position au-delà , et sur une hau- teur qui la domine; là, il se fit apporter à dé- jeuner.

Des habitants de Grasse s'empressèrent de four- nir des vivres et du vin à la petite armée impé- riale qui ne les accepta toutefois qu'en les payant. La difficulté des chemins et l'importance, pour cette expédition , de n'avoir pas d'embarras de matériel engagèrent Napoléon à laisser son artille- rie à Grasse ; elle n'eût pu, en effet, franchir le col de Provence sans retarder sa marche.

Après quelques instants de repos à Grasse, Na- poléon se remit en route. Cette journée fut très pénible, obligé que l'on était de marcher un à un dans des sentiers bordés de précipices, dans lesquels plusieurs mulets tombèrent et ne purent être relevés, non plus que les bagages qu'ils por- taient (a).

(a) Un grenadier , nommé Trichery, qui, lors de l'organi- sation du premier régiment, fit partie de notre compagnie, remit ses armes et son équipement à l'un de ses camarades, «tse hasarda à descendre dans l'un des précipices, un mulet, chargé d'or, était tombé. Il revint, après avoir mis dans ses poches, dans son sae et jusque dans son pantalon, qu'il

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Entre Grasse et Sernon, Napoléon rencontra un ancien artilleur de sa garde, qu'il ne put détermi- ner à le suivre.

Partout, sur son passage, il faisait acheter tout ce qu'il pouvait se procurer de chevaux et de mulets. 11 tenait à monter le plus promptement possible son escadron de lanciers polonais dont les chevaux n'avaient pu être embarqués à Porto- Ferrajo, faute d'avoir pu les envoyer prendre dans l'île de Pianozza , ils étaient en liberté , l'île d'Elbe n'offrant pas de pâturages suffisants.

Napoléon tenait aussi à ne laisser personne en arrière, tant il lui importait d'entrer promptement à Grenoble, des amis dévoués l'attendaient.

Il arriva au village de Sernon, le soir, après avoir fait vingt lieues dans la journée, et alla loger au château du maire de Grasse, qui n'avait pas, dit-on, voulu le recevoir dans sa maison de ville.

Le lendemain, 5 mars, vers midi, et lorsque Napoléon eut réuni toute son armée de mille hommes qui s'était trouvée dispersée autour de Sernon, il se mit en route pour Castellanne, il déjeûna. Après une halte de trois heures, il con- tinua et vint coucher à Barrême. Son arrivée y avait été annoncée par un courrier parti de Cas- tellanne et qui arriva vers les quatre heures.

Entre Barrême et Digne, au village de La

avait ficelé aux extrémités, environ soixante mille francs qu'il gaspilla plus tard à Paris en quelques semaines.

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Clappe, Napoléon rencontra le courrier-piéton et lui prit lui-même ses dépêches.

Le général Cambronne, qui, pendant cette dan- gereuse expédition, précéda toujours Napoléon de plusieurs heures, arriva à Barrême une heure après le courrier, avec quelques officiers, et mit pied à terre devant la maison la plus apparente du bourg, celle de M. Tarlanson, juge de paix.

Napoléon s'y installa deux heures après, en attendant ses bagages.

Le ht mars, à sept heures du matin, Napoléon monta à cheval, et précédé de cinquante lanciers, alors montés, il se mit fcn route pour Digne, il arriva vers une heure après-midi. Il s'y entretint avec le maire, M. Duchafiaut, chevalier de Saint- Louis , son capitaine , alors qu'il n'était encore que lieutenant, et avait été détaché à Avignon, par ordre du gouverneur, pour prendre possession des États du Pape.

Le général Loverdo, commandant le départe- ment des Basses- Alpes, avait évacué la ville dans la matinée, avec la gendarmerie et les trois com- pagnies du 87e de ligne qui en formaient la gar- nison.

A trois heures et demie, Napoléon remonta à cheval, et ordonna au général Drouot de rester à Digne, avec quatre grenadiers, pour l'irtipression des proclamations, qui, jusque-là, n'avaient circulé que manuscrites.

Napoléon arriva à Malijai, à neuf heures du soir

209

<3t coucha dans le château. Il en repartit le len- demain dimanche, 5 mars, pour Sisteron, déjà Cambronne, à la tête d'une ayant-garde de quarante hommes, s'était heureusement emparé du pont et de la citadelle; car là, eût infaillible- ment échoué l'expédition, si Ton eût eu seulement la présence d'esprit de détruire l'unique arche

du pont de la Durance sur lequel il fallait absolu- ment passer.

Mais toutes les autorités royales avaient perdu la tête, agirent avec mollesse, sans ensemble, et peut-être encore sous l'inspiration de la crainte de se compromettre envers Napoléon, s'il venait à triompher.

Aussi, Cambronne fit-il son entrée à Sisteron, le dimanche 5 mars , à deux, heures du matin, à la tête seulement de sa faible avant-garde, harassée de fatigue.

A la pointe du jour, le général fit demander le chef de bataillon de Laidet, alors aide-de-camp du général Dubreton , et aujourd'hui lieutenant- général, ex-député des Basses- Alpes.

Ils déjeûnèrent ensemble, et s'entretinrent avec cette franchise, dépouillée même de toute rete- nue entre gens de guerre qui s'estiment réci- proquement.

Le général Cambronne se félicita d'avoir passé le pont sans obstacle, disant au commandant de Laidet : c Un défilé comme celui-là et quelqu'un comme vous, nous ne passions pas. » Il lui dit

14

2i0

encore : * Un homme comme vous ne se déter- » mine pas contre sa manière de penser» Je » m'abstiendrai de dire à Sa Majesté que vous » êtes ici ; et je regrette que vous ne puissiez être » des nôtres, puisque cela vous conduirait à la * fortune. »

Napoléon entra à Sisteron, à pied, ayant à ses côtés le maire et le sous-préfet de la ville, que le général Cambronne avait forcés à cette démarche. Il se fit conduire à l'auberge du Bras-d'Or.

Depuis le golfe Juan jusque-là, Napoléon n'avait encore recruté que deux hommes, un gendarme et un soldat d'infanterie. A Sisteron, cinq indivi- dus se dévouèrent à sa cause, et lui furent présen- tés par le sous-préfet.

Nous devons rapporter ici un épisode de la halte de Napoléon à Sisteron, parce qu'il fait honneur au général Bertrand et au général de Laidet.

Le général Cambronne, ayant reçu Tordre de partir, alla à l'auberge, accompagné du comman- dant de Laidet, pour y prendre quelques effets, laissés dans sa chambre. Ils y trouvèrent le géné- ral Bertrand qui s'y était déjà installé. M. de Laidet l'apercevant resta à la porte, attendant le général Cambronne , lorsque celui-ci lui dit : « Entrez, commandant , Monsieur te maréchal » du palais veut vous parler. >

En effet, après quelques paroles , le général lui dit : t Que comptez-vous faire, commandant? « Mon devoir, mon général; vous savez, et

2H

» personne ne l'ignore, que l'armée a contracté *> de nouveaux engagements et je tiens à remplir » scrupuleusement les miens. Je compte donc , » si je n'éprouve aucun empêchement, rejoindre » avec la plus grande célérité mon général à » Valenciennes* »

Le général lui répondit : « Que personne ne d l'empêcherait de rejoindre son général, dont » il lui fit Téloge ; que, dans ces circonstances, » chacun devait être à son poste; qu'il pouvait » même voyager avec eux; mais qu'il fallait » qu'il vît Sa Majesté et qu'il allait te pré- » senter. »

M. de Laidet répliqua : c Qu'il ne pouvait pro- » fiter de cette offre, et que ne voulant et ne » pouvant prendre ses ordres, il était inconve- d nant qu'il lui fût présenté. »

Le général Bertrand l'assura c que cela ne l'en- » gagerait absolument à rien et qu'il serait con- » tent de Sa Majesté, comme Sa Majesté serait * contente de lui. »

Pendant ce colloque, Napoléon s'entretenait avec le sous-préfet, et lui demandait ce qu'on di- sait de son apparition. D s'informa si la route de Grenoble, par la Croix-Haute était praticable, afin d'éviter Gap, dont il ignorait les dispositions, et d'arriver à Grenoble le plus promptement possi- ble. Ce sentier est devenu depuis une belle route royale. Le projet en avait été conçu sous l'Empe- reur qui affecta de se plaindre aux autorités

212

qu'elle ne fttt point encore faite, et la leur promit en les quittant.

Napoléon traversa Sisteron à pied et y laissa son cheval arabe exténué de fatigue, avec un pa- lefrenier pour le soigner. A deux heures après- midi, il remonta sur un autre cheval, et prit la route de Gap il arriva à neuf heures du soir, et mit pied à terre à l'auberge des Princes.

Le lendemain 6 mars, à une heure et demie du matin , Napoléon reçut un émissaire de Grenoble et quitta Gap à deux heures.

Le même soir, il coucha à Corps, premier vil- lage du département de l'Isère, toujours précédé par le général Cambronne qui s'avança jusqu'à La Mure, petite ville qui n'est qu'à huit lieues de Grenoble.

Si de Cannes jusqu'à La Mure Napoléon n'a- vait eu à surmonter que des difficultés de terrain, et à surprendre les autorités par ses marches pro- digieuses, ici commençaient pour lui de véritables difficultés , puisqu'elles devenaient décisives. Il allait se trouver avec ses anciens soldats, qu'il avait déliés de leurs serments et qui , dès-lors , étaient engagés d'honneur envers son successeur.

La Mure devait donc être le tombeau de Napo léon, ou témoin de sa première victoire sur Louis XVIII.

Informé que des troupes étaient parties de Gre- noble avec ordre de s'opposer à son passage à La A/wre, Napoléon prit aussitôt des dispositions de

*

21o

défense et forma sa petite armée de mille hommes en trois colonnes : la première, composée de trois compagnies de chasseurs, des lanciers polonais, montés ou non montés, de huit ou dix marins de la garde , forma l'avant-garde commandée par le général Cambronne, ayant sous ses ordres le lieu- tenant-colonel Mallet (a).

La seconde colonne, commandée par M. Lou- bers, chef de bataillon des grenadiers, Ait compo- sée de trois compagnies de grenadiers, des canon- niers et marins de la garde et d'environ trente officiers sans troupes, conduits par le major corse Pacconi ; avec elle , marcha Napoléon , tout son état-major et le trésor que portaient deux ou trois mulets.

La troisième colonne, formée par le bataillon corse, sous les ordres du chef de bataillon Guasco, formait l'arrière-garde.

À peu de distance de La Mure, le capitaine adju- dant-major Laborde reçut du général Cambronne Tordre de se porter en avant avec soixante chas- seurs, commandés par le lieutenant Jeamnaire (6) et quelques lanciers polonais, pour préparer le lo- gement de l'armée impériale .

(a) Le colonel Mallet, ancien soldat d'Egypte, grièvement blessé à l'épaule par un boulet, avait été transporté de Wa- terloo jusqu'à Charleroi, il mourut furieux, arrachant l'appareil de sa blessure, lorsqu'il apprit l'entrée de l'ennemi dans Paris.

(b) Aujourd'hui messager d'état à la Chambre des députés.

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Eu arrivant à La Mure, le capitaine Laborde trouva tout le conseil municipal assemblé, en reçut l'accueil le plus empressé, et tous ensemble se mirent à foire les billets de logement.

Pendant qu'ils s'occupaient du détail de cette opération , arriva un adjudant-major du 5e de li- gne, qui, de son côté, venait aussi préparer le logement pour un bataillon de son régiment, et une compagnie du génie. La cocarde blanche et la cocarde tricolore se trouvèrent donc en présence par ce singulier hasarda * A la cocarde que

* vous portez, dit le capitaine Laborde à son col- » lègue, je vois que vous êtes ici dans un autre » but que le mien ; cependant, dites-moi avec la

* franchise qui doit nous caractériser, sommes- » nous amis ou ennemis? » Il lui répondit : » Deux vieux compagnons d'armes seront tou-

* jours d'accord! ... » c Alors, faisons le loge- > ment ensemble » , lui répliqua le capitaine La- borde. Mais, saisissant un moment celui-ci était occupé, l'adjudant-roajor du 5e de ligne s'es- quiva , alla aussitôt rendre compte à son chef de bataillon de ce qui venait de se passer et ne re- tourna pas à La Mure.

Le bataillon du 5e de ligne prit alors position à une portée de fusil de la ville , et envoya une forte avant-garde vers les premières maisons du côté de Grenoble.

Instruit de la disparition subite de son col- lègue, l'adjudant-major Laborde prit des dispo-

215

sitions pour éviter toute surprise. Il venait de les prescrire au lieutenant Jeanmaire , lorsqu arriva le général Cambronne, à la tête de la première colonne. Il monta à l'hôtel de la mairie et lui demanda s'il aurait bientôt fini, c De suite, lui répondit le capitaine Laborde. » Et, en effet, ils sortirent aussitôt.

Le capitaine Laborde rendit compte au général Cambronne de ce qui se passait , et lui fit aper- cevoir le poste du 5e de ligne, placé aux pre- mières maisons d'une rue donnant sur la route de Grenoble.

Le général fit aussitôt établir un poste de la garde, commandé par un officier, à portée de pis- tolet de celui de 5e de ligne, et envoya le capitaine Raoul (a) de l'artillerie , accompagné d'un maré- chal des logis de mamelucks, auprès de l'officier commandant le poste du 5e pour l'engager à pac- tiser avec Napoléon, mais il ne put y réussir. Le général Cambronne se présenta lui-même : on lui répondit qu'il ne pouvait communiquer.

La conduite de cet officier du 5e de ligne fut, en cette circonstance, honorable; aussi, regrettons- nous sincèrement d'en ignorer le nom; nous l'eussions fait connaître au même titre que celui de M. le commandant de Laidet qui agit si noblement à Sisteron. L'homme loyal et qui remplit son

(a) Aujourd'hui maréchal de camp. -

216

devoir aura droit toujours à l'estime publique , comme à celle de ses adversaires.

Le général Cambronne, ayant échoué dans sa tentative d'embauchage, ordonna à sa colonne de prendre position, sur l'emplacement elle se trouvait, devant la mairie et se mit en mesure d'éviter toute surprise.

Cette opération terminée , le général et l'adju- dantrmajor Laborde entrèrent dans une auberge r située en face de la mairie , Ton avait com- mandé à dîner pour douze officiers. À peine étaient-ils à table, qu'un paysan qui avait été en- voyé par le général Cambronne pour connaître les mouvements de la troupe qui lui était opposée, entra et vint annoncer que cette colonne s'ébran- lait et semblait disposée, en tournant La Mure, à se porter sur le pont par lequel était arrivée la première colonne impériale, pour le faire sauter et lui couper toute communication avec Napoléon,

Il n'y avait donc pas un moment à perdre ; aussi, laissèrent-ils leur dîner pour aller s'éta- blir sur le pont qu'ils gardèrent militairement pendant toute la nuit.

M. Delessard, commandant ce bataillon du 5e de ligne , auquel on avait adjoint une com- pagnie de sapeurs du génie, sous la direction spéciale du chef de bataillon du génie Tournadre, avait reçu du général Marchand, commandant la division militaire dont Grenoble était le chef- lieu , l'instruction écrite ci-après :

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« Il est ordonné à un chef de bataillon du 5e » de ligne de partir aujourd'hui, 6 mars, » à deux heures après midi , de Grenoble » pour » se rendre à La Mure , pour protéger les ou- » vrages qu'une compagnie de sapeurs est char- » gée de faire, afin de faire sauter le pont de » Ponteau , au moment les troupes de Bonâ- » parte se montreraient.

» A compter de demain, 7, le commandant de » ce bataillon ne laissera plus passer personne » pour aller du côté de Gap , et laissera passer » ceux qui viendront. Il fera reconnaître le long * de la rive en remontant la rivière , les gués et » passages qui pourraient s'y trouver et tachera » de les faire rendre impraticables, s'il y a » moyen.

> Dans le cas les troupes de Bonaparte se » montreraient , M. le commandant du bataillon » ferait sauter le pont et se retirerait à Grenoble.

» On pourrait attendre quelque temps pour » observer le mouvement de ces troupes, dans le » cas il pourrait le faire sans se compromettre.

» Il prendra , du reste , toutes les précautions » qui lui seront suggérées par les circonstances » pour avoir des renseignements positifs sur la » marche de l'ennemi, ses projets, etc, et profiter » de toutes les circonstances pour me tenir in- » formé de ce qui se passera.

» le comte Marchand. »

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Les instructions du général Marchand ne purent pas s'exécuter, par les dispositions du général Cambronne à son arrivée à La Mure avant celle du bataillon du 5e de ligne et de la compagnie de sapeurs.

Si Tordre du départ de ce bataillon eût été de- vancé de deux heures seulement, sa mission s'ac- complissait, et à La Mure, échouait Napoléon ; ce qui prouve combien les instants sont précieux en pareilles circonstances, et combien aussi un géné- ral devrait être prompt à prendre une détermina- tion. On a peine à s'expliquer comment le général Marchand avait pu laisser à Napoléon le temps d'arriver de Gap à La Mure avant lui-même, car il eût s'y rendre en poste de sa personne, avec un régiment tout entier, et foire sauter le pont comme seul moyen d'éviter ce qui va se passer.

Le commandant Delessard, jugeant prudent d'éviter le contact de sa troupe avec celle de Na- poléon , se replia jusqu'à Lafrey , il arriva à cinq heures du matin.

Le général Cambronne ayant fait connaître à Napoléon ce qui se passait, il arriva avec les deux colonnes , le lendemain mardi , 7 mars , vers les neuf heures du matin, sur le pont même celle du général Cambronne avait fort heureusement pris position; se mit à la tête des troupes et ordonna à Cambronne de se porter en avant.

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Le colonel Mallet prit le commandement des trois compagnies de chasseurs, formant la. tête de co- lonne ; les lanciers polonais , commandés par le colonel Iermanwski , prirent la droite à côté de la route.

Les officiers sans troupes, commandés par le major Pacconi , prirent à gauche , et tous mar- chèrent droit sur le bataillon du 5e de ligne.

Quel moment solennel ! ! ! Dans quelques

instants, les destinées de Louis XVIII et de Napo- léon vont être tranchées ! . . . Des dispositions 9 en apparence formidables, se prennent à Grenoble pour soutenir la cause du Roi ; quarante-deux pièces sont déjà en batterie sur ses remparts ; le 7e et le 11e de ligne arrivent en toute hâte de Chambéry, et peu à près, deux escadrons du 4e de hussards, venant de Vienne, font aussi leur entrée dans cette place.

Le général Marchand court aussitôt passer en revue les deux régiments d infanterie, fait former le cercle aux corps d'officiers pour entendre la lecture de la proclamation ci-après, qui, la veille, avait été lue à la tête de chaque compagnie de la garnison , en même temps que des estafettes la transmettaient à toute la division. Voici cette pièce :

« Soldats!

» Bonaparte a débarqué sur nos côtes (et il » était déjà au même moment à quelques lieues

220 -

» de Grenoble), et s'avance dans l'intérieur de la » France. Souvenons-nous qu'il nous a dégagés » de nos serments et que nous en avons prêté » d'autres au Roi. Vous serez fidèles à l'honneur » et à votre devoir, et cet orage sera bientôt » dissipé. Nous verrons alors notre belle patrie » devenir puissante et heureuse. Si, au contraire, » vous vous laissiez aller à des conseils perfides , » tous les malheurs viendraient fondre sur nous ; » la France serait encore envahie par les armées » étrangères ; vos parents pillés ; vos villages ra- d vagés , et nos ennemis se partageraient notre » pays.

> Soldats! vous connaissez vos chefs; vous » savez qu'ils sont incapables de vous conduire » ailleurs que sur le chemin de l'honneur. Vos » chefs ont une entière confiance en vous ; écou- » tez nos voix , et la patrie ne deviendra point la » proie de l'ennemi! »

Le général Marchand ajouta quelques paroles à cette proclamation : bien qu'appropriées à la gravité des circonstances , elles ne produisirent cependant pas sur les troupes l'effet qu'il en avait peut-être attendu.

Nous sommes arrivés au moment décisif!

L'avant^arde des troupes royales se trouve en présence de l'avant-garde impériale ; c'est la vé- ritable crise du courage , de l'humanité ; c'est le devoir aux prises avec les passions politiques ; le sentiment en lutte avec le devoir ; le civisme ar-

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contre la discipline!... Une pensée triste, embarrassante , plane sur les deux camps ! ! ! En partira-t-il un terrible coup de fusil, qui décidera

cette grave question? La fidélité au serment

sera-t-elle plus forte, l'emportera-t-elle sur le culte des souvenirs?... Le village de Lafrey (a) de- viendra-t-il célèbre par une catastrophe politique, inouie dans les annales de l'histoire ?... Ne faut-il plus qu'un combat terrible , à outrance, pendant quelques minutes, pour décider enfin à tout jamais de la destinée et de l'avenir de ce géant des ba- tailles , de ce maître si impérieux de la victoire ? Cette fois , dépendra-t-elle du sort des armes ou d'un acte d'audacieuse confiance ?

La compagnie de voltigeurs du bataillon du 5e de ligne est en bataille à la sortie du village de Lafrey. Quelques centaines de pas séparent les deux avant-gardes. Il n'y a plus d'hésitation possible!... La retraite même n'est plus exécu- table! La nécessité entraîne la fatalité!

« Colonel Mallet, dit aussitôt Napoléon, laites » mettre l'arme sous le bras gauche à vos chas- » seurs. > « Mais, Sire, n'y a-t-il pas du danger » à faire un pareil mouvement en présence d'une » troupe, dont on ignore les intentions , et dont * la première décharge pourrait être si funeste ? »

(a) Lafrey est un village de quatre cents habitants, situé à six lieues de Grenoble, et à deux lieues de La Mure, petite ville de deux mille habitants.

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c Mallet! faites ce que je vous ordonne! * répliqua Napoléon avec vivacité.

Arrivé à portée de pistolet de cette compagnie de voltigeurs, Napoléon, entouré des généraux Bertrand, Drouot, Carnbronne, et de plusieurs autres officiers, fait encore quelques pas, mais seul de sa personne ; et là, d'une voix forte et tranquille, leur adresse ces paroles : « Soldats!

» VOILA VOTRE EMPEREUR ! QUE CELUI D'ENTRE VOUS » QUI VOUDRA LE TUER, FASSE FEU ! > Cet appel

à la générosité de ses anciens soldats, parmi les- quels il s'en trouvait encore qui avaient fait sous ses ordres, les premières campagnes d'Italie, cet appel à leur générosité, produisit un effet élec- trique, et le cri de vive l'Empereur! partit de tous les rangs. Le malheur ne peut être entouré jusqu'au bout, de plus de respect et de plus de gloire (a) !

Dans le village, le même cri retentissait ; là, le bataillon du 5e de ligne et la compagnie du 3e régiment du génie fraternisaient déjà avec

(a) Un témoin occulaire a assuré qu'un jeune officier, M. R..., parent et aide de camp du général Marchand, et en- voyé pour s'opposer au passage de Napoléon, aurait répondu à ses paroles : « Soldats ! le voilà ! faites feu ! »

Ce même témoin assure encore que M. R..., alors lieute- nant et aujourd'hui maréchal de camp en activité fut aussitôt poursuivi ,, et pendant l'espace de deux lieues, par le capitaine Schoultz, des lanciers polonais, et qu'il ne dut son salut qu'à ia vitesse de son cheval.

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les lanciers polonais, que l'armée aimait tant.

La garde et les soldats s'embrassent et dans le délire de leur enthousiasme, la cocarde blanche est arrachée, foulée aux pieds, et remplacée par la cocarde impériale, par cette cocarde qui avait fait un Empereur et détrôné tant de Rois.

Tel fiit le résultat du premier contact de Na- poléon avec ses anciens soldats ! . . .

Dès cet instant si solennel et qui n'eut pas d'exemple dans l'histoire, la petite armée impé- riale se grossit des sept ou huit cents hommes, qui, deux minutes avant, avaient ordre de croiser le fer contre elle.

Les soldats du 5e de ligne furent-ils traîtres, en cette circonstance? Le furent-ils surtout

avec préméditation? Non! Ils ne purent

résister au magique entraînement que leur inspira leur ancien général, et tous volèrent se ranger sous son drapeau et s'associèrent, dès ce moment, à toutes les chances de sa fortune (a).

(a) Des ministres habiles, prévoyants, et connaissant sur- tout la situation politique de la France, en 1814 et 1815, au- raient dû comprendre que si, à Paris, - s'ourdissaient déjà deux complots, dont l'un avait pris pour drapeau, le héros des Deux-Mondes, M. le ma rquis de Lafayette, «t l'autre, s'é- tait donné pour chef, le duc d'Orléans, ils auraient com- prendre, ces ministres, que le rival le plus redoutable pour la monarchie des Bourbons, était alors encore le souverain de l'Ile d'Elbe.

Ce n'étaient donc point des soldats de la Grande-Armée

224

Avant de continuer sa marche, désormais moins incertaine, sur Grenoble, Napoléon fit ran- ger ces troupes en bataille et leur tint ce dis- cours :

« Soldats !

» Je viens avec une poignée de braves, parce » que je compte sur le peuple et sur vous.

» Le trône des Bourbons est illégitime, puisqu'il > n'a pas été élevé par la nation ; il est contraire » à la volonté nationale, puisqu'il est contraire »aux intérêts de notre pays, et qu'il n'existe j> qu'au profit de quelques familles.

» Demandez à vos pères ; interrogez tous ces » habitants qui arrivent ici des environs : vous * apprendrez, de leur propre bouche, la véritable » situation des choses. Ils sont menacés du retour

qu'il eût fallu disséminer dans le Midi et dans le Dauphiné, comme pour servir d'escorte à Napoléon dans $a première tentative. Il fallait y échelonner les dix mille Suisses et la légion étrangère, que la France avait alors à sa solde, et certes il n'eût jamais essayé de franchir la Méditerrannée, et de venir à la tête de onze cents hommes, enlever au Roi une couronne qui n'aurait réellement pas tomber devant des moyens aussi faibles ! Mais les ministres des Bourbons n'ont jamais eu la main heureuse ; 1830 en est un autre exemple !... Le premier résultat de cette imprévoyance coupable, fut la défection instantanée, sympathique de l'avant-garde royale, la défection immédiate du colonel de Labédoyère, enfin, celle du maréchal Ney,qui, l'une et l'autre, précipitè- rent l'armée dans les bras de Napoléon.

2Î5

> des dîmes, des privilèges, des droits féodaux, et » de tous les abus dont vos succès les avaient dé-

> livrés. N'est-il pas vrai, paysans t Oui, » Sire, répondirent-ils tous ; on voulait nous atta- » cher à la terre. Vous venez, comme Fange du * Seigneur, pour nous sauver !... *

Ce discours était évidemment plus politique que militaire ; Napoléon voulut frapper l'imagi- nation ardente de la population dauphinoise, tout en sachant bien que ces accusations ne reposaient sur aucun fondement réel, car quel homme en France, eût été assez insensé pour proposer le ré- tablissement des dîmes et des droits féodaux ?..... Les conseillers du Roi furent sans doute bien maladroits, bien peu à la hauteur de leur mission ; nous ne les avons cependant jamais supposés ca- pables de telles aberrations mentales.

Mais le peuple des campagnes aime les images fortement tracées, le merveilleux, et surtout ce qui flatte ses intérêts et ses passions .

Napoléon, pendant les Cent-Jours> crut devoir foire usage de ce moyen d'action sur les masses, pour se les attacher, au moins pendant cette pé- riode de sa souveraineté, dans l'espoir de remédier ainsi à l'indifférence, à Féloignement et nous dirons même à l'opposition de la classe élevée. Ce fut une de ses foutes de cette époque, car profi- ta-t-il de l'élan de? masses?...

Bientôt, la petite armée de Napoléon se remit en marche sur Grenoble, ayant à sa tête les trois

i5

226

compagnies de chasseurs do la garde, le bataillon du 5e de ligne et la compagnie du 5e régiment du génie qui venaient de faire défection (a).

À cette nouvelle, les troupes que le général Marchand avait dirigées sur La Mure, reçurent Tordre de rentrer à Grenoble.

Le 7e régiment d'infanterie de ligne, com- mandé par le colonel de Labédoyère, ne s'y conforma pas, et marcha sur Yizille à la rencontre de Napoléon, brûlant aussi de se ranger sous le drapeau de l'Empereur. Déjà même un sous-lieu- tenant de grenadiers de ce régiment s'était porté au devant de la colonne impériale, et rencontrant les fourriers que conduisait l'adjudant-major La* borde, il lui demanda : « Si l'Empereur était en- » core loin? > « Non, lui répondit Laborde ; il est

(a) Ce fut en ce moment que M. Dumoulin arriva à franc étrier, ayant à son chapeau la cocarde tricolore, et se préci- pitant de son cheval à la rencontre de Napoléon : «A vous, » Sire, lui dit-il avec la plus grande émotion, à vous, ma » fortune et toute ma vie / » « Nous te savons, Dumoulin, » répondit Napoléon, c'est bien, c'est bien, vite a cheval et » causons 1... »

Le soir même M. Dumoulin fut nommé Capitaine, officier d'ordonnance de Napoléon qui de plus lui remit lui-même la décoration de la Légion -d'Honneur. C'est ainsi qu'il savait reconnaître le dévoûment Le lendemain, 8, Napoléon ac- cepta, sur les instances de M. Dumoulin, la somme de cent mille francs, qu'il lui remit Vingt-cinq hommes du &* de hussards, furent mis sous son commandement pour Pavant- garde, et pour faire les logements de Napoléon jusqu'à Paris.

227

»à une demi-lieue d'ici, vous ne tarderez pas » à le voir. » « Mon colonel, que vous allez » rencontrer dans vingt minutes, l'attend à la tête » de son régiment avec la plus vive impatience, » répliqua le jeune officier.

Et, en effet, une heure après, le colonel de Labédoy ère rompait ses serments de fidélité au Roi, et présentait lui-même son régiment à Na- poléon !

Que l'on nous permette ici quelques pénibles réflexions, non certes pour insulter à la mémoire de cet infortuné colonel, qui a payé de sa vie, son fatal entraînement *du 7 mars 1815, mais pour rappeler à l'autorité militaire toute la gravité d'un serment volontairement prêté, comme aussi tous les dangers de la félonie.

Dans le cours de cet ouvrage, nous avons consciencieusement et franchement signalé quel- ques-unes de ces trahisons qui ont frappé la patrie, en frappant l'Empereur; nous ne pouvons donc oublier celle qui pèse sur le colonel du 7e de ligne, qu'une faveur toute spéciale du Roi avait appelé au commandement de ce régiment par préférence à plusieurs concurrents, dont les droits reposaient sur des services plus anciens, mais qui n'eurent pas les mêmes appuis auprès des Augustes dispensateurs de cette époque.

Si nous avons cru pouvoir trouver des circons- tances atténuantes pour la défection du bataillon du 5e àe ligne et de la compagnie du 5e régi-

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ment du génie, nous regrettons de n'en pouvoir dire autant en faveur du colonel de Labédoyère, car il n'était pas soumis à l'action magnétique de Napoléon, lorsqu'il faillit à ses devoirs et qu»'il lui livra son régiment.

De leur côté, les conseillers du Roi furent plus tard trop inexorables ; il eût été plus politique, plus généreux surtout, de faire tomber la clé- mence Royale sur cet officier distingué, que de faire parade d'une vengeance inutile et qui ne pouvait du reste aboutir qu'à un blâme (a). La

(a) Non content d'avoir livré son régiment, le colonel de Labédoyère adressa à l'armée la proclamation ci-après qui décida son arrêt de mort :

« Les soldats du V de ligne à leurs frères d'armes.

» Soldats de tous les régiments, écoutez notre voix ; elle » exprime l'amour de la patrie 1

» Reprenez vos aigles, accourez tous vous joindre à nous !

» L'Empereur Napoléon marche à notre tête ; il nous a » rendu notre cocarde, ce signe de la liberté, que votre » gloire sera plus oubliée. «

» Camarades ! Vos faits d'armes étaient méprisés, des mo- » nûments devant apprendre aux siècles à venir vos victoires, » ils étaient interrompus ! notre Légion-d'Honneur qu'était- » elle devenue ?... Le dernier ordre de l'État

» L'Empereur Napoléon n'a pu supporter votre humiliation. » Pour la seconde fois, au mépris de tous les dangers, il tra- » verse les mers ; pour la seconde fois, il vient réorganiser » notre belle patrie, il vient lui rendre sa gloire !

» Camarades ! pourriez- vous l'avoir oublié ?... Vous, qu'il » a si souvent conduits à la victoire, accourez tous !... Que

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trahison du colonel de Labédoyère, car on ne saurait qualifier autrement sa conduite dans cette journée mémorable , décida le triomphe de la cause de Napoléon, qui lui dit, en le recevant dans ses bras : « Colonel, c'est vous qui me replacez

» SUR LE TRÔNE !... »

Nul corps, désormais, ne se mettra en bataille pour lui disputer le passage, et dès ce moment, Napoléon put répéter, en toute assurance, que » son aigle volerait de clocher en clocher jusque » sur les tours de Notre-Dame. *

En effet, depuis Grenoble jusqu'à Paris, ce ne fut plus pour Napoléon, qu'une suite non in- terrompue d'entrées triomphales dans toutes les villes ; les plus modestes hameaux voulurent aussi le fêter à son passage. Mais Grenoble et Lyon sur- tout (a), se firent remarquer par leurs démonstra-

» les enfants viennent se joindre à leur père ; il connaît vos » besoins; il sait apprécier vos services I...

» Soldats ! Avec lui vous trouverez tout r considération, « honneur, gloire ! Hâtez-vous ! Vous rejoindrez des frères, » et que la grande famille se réunisse !

» Le colonel du régiment, Ch. de Labédotèrs ; » les chefs de bataillon, Froment et Boissin ; » le lieutenant, Chauvot. »

(a) U est à remarquer combien Napoléon a laissé de sou- venirs profonds dans la mémoire du peuple. Voltaire avait dit, en parlant de Henri IV, ce Roi si grand et si digne de la célébrité :

« Le seul Roi dont le peuple ait gardé la mémoire 1 » Napoléon,' seul, a pu surpasser peut-être les impressions

Î30

tions et leur enthousiasme ; les populations ou- vrières de ces deux villes importantes , ont tou- jours été et sont encore impérialistes.

L'armée de Napoléon compte, en ce moment, environ trois mille soldats dévoués, mais son dra- peau ne flotte encore sur aucune place de guerre, qui puisse lui assurer, au besoin, un appui. Il avait donc grande hâte de se faire ouvrir les portes de Grenoble, dont le concours venait de lui être promis par M. Dumoulin.

Accablé de fatigue aussi bien que ses vieux compagnons de l'île d'Elbe, Napoléon voulut néan- moins y faire son entrée, dès le soir même. Il prit donc les devants, escorté seulement de son état-major et des lanciers polonais, et arriva sur les glacis de Grenoble vers huit heures du soir. Mai s. les portes en étaient fermées ; le commandant

qu'avait laissées le Béarnais. 11 n'était pas de hameau le soir à la veillée, le paysan ne racontât quelqu'histoire che- valeresque ou galante du Roi qui voulait pour tous la poule au pot.

Il n'est pas de hameau non plus, le plus minime et le plus reculé , Ton ne rencontre le buste de Napoléon, et il est plus d'une niche dont il a remplacé la madone. On peut le dire, Napoléon a un culte qui surpasse celui de tous les grands noms. Les batailles de France, de Waterloo et surtout son exil, n'ont fait qu'ajouter à sa grandeur. Sur le trône, il a été entouré de toutes les gloires ; sur le rocher de Sainte- Hélène, il a obtenu tout l'intérêt que pouvait commander son infortune. Il est vrai qu'il fut grand et fort dans ces deux points extrêmes.

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refuse de les ouvrir. Sur les remparts, se trou- vaient entassés pêle-mêle les sapeurs du 5e régi- ment du génie, les canonniers du 4e régiment d'artillerie à pied, dans lequel, vingt-cinq ans auparavant» Napoléon avait été nommé capitaine ; enfin, les deux autres bataillons du 5e de ligne, tout le 11e de ligne ainsi que le 4* régiment de hussards.

La garde nationale, et toute la population de Grenoble étaient placées derrière la garnison, et tous faisaient retentir l'air, des cris de vive C Em- pereur!!!...

Cependant les portes ne s'ouvraient encore pas! Quelle situation pour Napoléon ! Il tait nuit close ; Ton sait qu'il est sur les glacis, mais personne ne le voit, ni n'entepd ses paroles ! . . .

Le colonel de Labédoyère, témoin de son anxiété, et la partageant peut-être, s'élance sur le bord du chemin couvert, et crie d'une voix fortement accentuée :

« Soldats !

» Nous vous ramenons le héros que vous avez » suivis dans tant de batailles ! C'est à vous de le » recevoir et de répéter avec nous l'ancien cri de » ralliement des vainqueurs de l'Europe : Vive » l'Empereur ! »

Cette énergique harangue produisit son effet, non seulement sur les cinq mille soldats qui gar-

as*

nissaient les remparts, mais encore dans tous les quartiers de la ville bientôt elle retentit, comme par un fil électrique.

La foule s'élance aussitôt vers les portes ; les rues ne sont plus assez larges pour la contenir; on se presse à Fiptérieur comme à l'exté- rieur ; on s'amoncelle vers le pont-levis, au risque de se précipiter dans les fossés ; l'impa- tience est à son comble des deux cotés. On se parle, mais on voudrait s'embrasser et l'obstacle est encore infranchissable ! Le colonel du 5e de ligne, possesseur des clefs, avait donné, dit-on, sa parole au général Marchand, ainsi qu'au préfet, M. Fournier (a) de ne livrer la place à Napoléon

(a) Par une dépêche, en date du k mars, M. Fournier an- nonçait au gouvernement que Ton avait appris à Grenoble le débarquement de Bonaparte, et que « cette nouvelle, disait-il, » avait excité la plus vive indignation parmi les habitants des » campagnes voisines ; que les chefs de la force armée , » entre autres M. le générai Marchand, s'étaient réunis à » Cinstantà C hôtel de la Préfecture ; qu'ils y avaient combiné » tous les moyens de défense, dans le cas très improbable » le petit corps des brigands de Bonaparte songerait à se » dirige** sur la ville; qu'une partie de la garnison avait été » de suite mise en route pour marcher contre lui ; que tin-' » tention du général Marchand était de lui couper tout accès » sur ta route de Lyon, pendant que C autre, corps de ses » troupes mêmes le poursuivrait à outrance sur les autres » points. »

Voilà , oui, voilà ce qu'écrivait OFFICIELLEMENT , LE h MARS, M. le préfet de l'Isère, et le 7, à neuf heures du soir, Napoléon entrait dans Grenoble, porté sur le pavois par les troupes et par cette population que M. le préfet Fournier,

253

qu'après leur avoir laissé assez de temps pour assurer leur liberté. Ce colonel ne se décida même, vers neuf heures du soir, à les foire ouvrir qu'au moment Ton vint l'informer que les habitants du faubourg Très-Cloîtres s'avançaient avec des poutres pour les enfoncer.

Gomment peindre les scènes de délire qui se

passèrent alors autour de Napoléon? Cinq

mille hommes de toutes armes et de tous grades, s'étouffent, à la lueur des torches et des flambeaux,

représentait comme si VIVEMENT INDIGNÉE a la simple4

NOUVELLE DE SON DÉBARQUEMENT SUR LES CÔTES DE FRANCE !...

Fiez-vous donc, dans des moments de crise, aux illusions

comme aux rapports des autorités ! Mais il ressort pour

nous, du texte même de la dépêche officielle de M. Four- nies une très grave présomption contre cet administrateur : C'est qu'en récrivant, il trompait sciemment le Roi, car il lui mentait, lorsqu'il affirmait, LE U MARS, « qu'une partie de

» LA GARNISON AVAIT ÉTÉ MISE DE SUITE EN ROUTE POUR MAR- CHER contre Napoléon, » tandis qu'il résulte des instruc- tions écrites du général Marchand, remises au commandant Delessart, du 5e de ligne, que cet officier supérieur n'a reçu que le 6 mars (deux jours après), Tordre de partir, et encore a deux heures après-midi, pour La Mure, il no put arriver que le soir, alors qu'il était déjà trop tard pour remplir sa mission.

M. le préfet Fournier, aussi bien que M. le lieutenant-gé- néral Marchand, pouvaient donc bien rester à Grenoble, et même en offrir personnellement les clefs à Napoléon, car ils ne firent certes rien de ce qu'il fallait pour l'empêcher d'y arriver, et de plus l'histoire enregistrera le mensonge officiel de M. Fournier, comme un triste témoignage de son dévoû- ment au Roi, aussi bien que de son incurie administrative.

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pour approcher de leur Empereur, pour le tou- cher ou tout au moins l'apercevoir. La foule <«i tellement compacte, que l'on ne sait même plus comment garantir Napoléon, des dangers de pa- reilles démonstrations d'amour. Arrivera-t-il sain et sauf à l'hôtel Labarre, destiné à le recevoir ?... Il y parvient enfin, mais haletant, et porté, pour ainsi dire, par ses soldats, au milieu de vingt mille dauphinois ivres d'allégresse, et confondant leurs cris de vive l'Empereur ! avec ceux de la garnison.

Jamais on assista à pareil spectacle : sol- dats» citadins et paysans, tous fraternisent, et la nuit entière se passe au milieu de l'exaltation et du délire.

Napoléon, seul, conserva son calme habituel, au milieu de cette surexcitation populaire, car bien que son entrée triomphale dans la capitale du Dauphiné fut pour lui une éclatante victoire, remportée sur Louis XVIII, cent cinquante lieues le séparent encore de la capitale de la France.

Toute la matinée du 8 mars fut consacrée aux réceptions des autorités civiles et militaires, et à deux heures , Napoléon passa en revue les <sorps réunis à Grenoble formant alors , avec ce qu'il avait déjà, une armée d'environ huit mille hommes , sa garde comprise.

Napoléon employa donc toute cette nuit à faire réimprimer ses proclamations, et le 8, au matin, elles furent affichées et répandues par des

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émissaires expédiés sur tous les points du dépar- tement et jusqu'à Lyon , dont l'adhésion devait être pour lui une victoire plus importante encore. Voici l'adresse des habitants de Grenoble, telle qu'elle fut présentée à Napoléon par M. Renaul- don, maire de la ville :

c Sire,

c

Les habitants de Grenoble, fiers de posséder dans leurs murs le triomphateur de l'Europe, le » prince au nom duquel sont attachés tant de sou* ^ venirs glorieux, viennent déposer aux pieds de » Votre Majesté le tribut de leur respect et de leur » amour.

» Associés à votre gloire et à celle de l'armée, > ils ont gémi avec les braves sur les événements » funestes qui ont, quelques instants , voilé vos » aigles.

» Ils savaient que la trahison ayant livré notre » patrie aux troupes étrangères , Votre Majesté , » cédant à l'empire de la nécessité, avait préféré » l'exil momentané aux déchirements convulsifs » de la guerre civile dont nous étions menacés.

» Aussi grand que Camille , la dictature n'avait » point enflé votre courage, et l'exil ne l'a point » abattu.

» T&ut est changé : les cyprès disparaissent; les » lauriers reprennent leur empire ; le peuple fran- » çais, abattu quelques instants, reprend toute son

256

* énergie. Le héros de l'Europe le replace à son » rang : la grande nation est immortelle. » Sire , ordonnez ! Vos enfants sont prêts à.

> obéir ; la voie de l'honneur est la seule qu'ils

> suivront.

> Plus de troupes étrangères en France! Re- » nonçons à l'empire du monde, mais soyons mai- » très chez nous !

» Sire, votre cœur magnanime oubliera les fei- » blesses ; il pardonnera à l'erreur ; les traîtres , » seuls, seront éloignés et la félicité du reste de la » nation sera leur châtiment.

» Que tout rentre dans l'ordre et obéisse à la » voix de Votre Majesté ! Qu'après avoir pourvu à » notre sûreté contre les entreprises des ennemis » de l'extérieur, Votre Majesté donne au peuple » français des lois protectrices et libérales, dignes » de son amour envers le Souverain qu'il chérit !

> Tels sont, Sire, les sentiments des habitants » de votre bonne ville de Grenoble ; que Votre

> Majesté daigne en agréer l'hommage !

» Renauldon, maire. » (Suivent les autres signatures*)

Plusieurs décorations furent distribuées. Im- médiatement après , les troupes partirent pour Lyon à marches forcées. Avant de quitter Greno-

237

Me, Napoléon adressa aux habitante de l'Isère la proclamation suivante :

c Dauphinois !

» Lorsque , dans mon exil , j'appris tous les » malheurs qui pesaient sur la nation, que tous les droits du peuple étaient méconnus et qu'il me reprochait le repos dans lequel je vivais, je ne perdis pas un moment ; je m'embarquai sur un frêle navire, je traversai les mers au milieu des vaisseaux de différentes nations. Je débarquai sur le sol de la patrie, et je n'eus en vue que d'arriver avec la rapidité de l'aigle dans cette bonne ville de Grenoble, dont le patriotisme et l'attachement à ma personne m'étaient par- ticulièrement connus.

» Dauphinois ! vous avez rempli mon attente ! . . . J'ai supporté, non sans déchirement de cœur, mais sans abattement, les malheurs auxquels j'ai été en proie, il y a un an. Le spectacle que m'a offert le peuple siîf mon passage m'a vivement ému ! Si quelques nuages avaient pu altérer la grande opinion que j'avais du peuple français, ce que j'ai vu m'a convaincu qu'il était digne de ce nom de grand peuple, dont » je le saluai, il y a plus de vingt ans.

> Dauphinois ! Sur le point de quitter vos » contrées, pour me rendre dans ma bonne ville » de Lyon, j'ai senti le besoin de vous exprimer » toute l'estime que m'ont inspirée vos senti-

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* mente élevés ! Mon cœur est tout plein des » émotions que vous y avez lait naître ! J'en con- » serverai toujours le souvenir !

» Napoléon. »

Le 9 mars, Napoléon quitta Grenoble et alla coucher à Bourgoing avec la garde.

Le lendemain, 10, il se dirigea sur Lyon, et de Grenoble à Lyon son voyage ne fut qu'une marche triomphale (a) .

À Lyon se trouvaient encore, en ce moment critique pour la monarchie, S. A, R. le comte

(a) Arrivé à la côte Saint-André, un ancien officier d'or- donnance de l'Empereur se fait annoncer à Napoléon ; cet officier supérieur était le colonel Duchand, alors major au &' régiment d'artillerie à cheval, en garnison à Valence, et aujourd'hui lieutenant-général.

Plein d'amour et de dévoûment pour la personne de Na- poléon, le major Duchand profita d'une permission de quel- ques jours, dont il jouissait dans son château, situé non loin de là, pour courir à la rencontre de son ancien souverain, et se vouer aux hasards de sa fortune.

L'entrevue fut courte, car les moments étaient précieux, mais elle fut chaleureuse, et peu après le major Duchand se rendit en toute hâte à son régiment, qu'il trouva tout ému encore de la nouvelle du débarquement de l'Empereur. Aussi, le 4* régiment d'artillerie à cheval n'hésita-t-il pas à se prononcer pour lui et à marcher immédiatement sur Lyon, ayant à sa tête le major Duchand, son colonel étant malade et bien indécis encore peut-être sur le parti à prendre.

Le colonel Duchand fut dès lors attaché à l'état-major im- périal et voyagea de Lyon & Paris avec l'Empereur ainsi que le colonel Jermanwski et les capitaines Raoul et Schoultz.

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<r Artois, parti de Paris le 6 à cinq heures du matin et arrivé le 8* à dix heures du matin ; S. A. R. le duc d'Orléans, parti de Paris le 7 à dix heures du matin et arrivé à Lyon, le 9 dans l'après-midi, et enfin le. maréchal Macdo- nald, qui arriva également le 9, pour y prendre le commandement des troupes qui voudraient combattre Napoléon. Tous trois avaient reçu du Roi Tordre de se rendre à Lyon , à l'effet d!y arrêter la ijiarche de son terrible rival. Mais quel obstacle opposer désormais à son armée, à la- quelle venaient se rallier tous les régiments qui se portaient à sa rencontre?

S. A. R. le comte d'Artois fit néanmoins au- près des troupes de la garnison tout ce qu'il fut humainement possible, pour les maintenir dans la ligne de leurs devoirs envers le Roi ; le Prince voulut essayer de leur foire disputer le passage du Rhône; mais l'accueil glacial fait par les corps à ses allocutions affectueuses ne lui prouvèrent que trop l'inutilité de ses efforts.

L'esprit de la populace commençait aussi à se ressentir du contact électrique de la popu- lation dauphinoise , et menaçait de faire explo- sion.

S. A. R. le comte d'Artois avait cru sans doute rencontrer des sympathies dans les classes élevées et moyennes d'une cité, que son siège mémo- rable contre la République, et surtout les horribles exécutions qui en furent les fatales conséquen-

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ces, avaient royatisées, à en juger d'après leurs démonstrations de 1814; mais qu'eussent pu quelques centaines de personnes dévouées et ti- mides, comme le sont toujours les habitante des salons, contre ce torrent impétueux* se préci- pitant des montagnes des Alpes, contre l'hos- tilité des populations entières, et enfin contre la défection générale des troupes ?• . . Les royalistes de la société n'aiment à paraître qu'avec l'arc- en-ciel ! . . . L'orage les effraye.

Le Prince Royal dut donc suivre les conseils de quelques amis réellement dévoués , et , en première ligne desquels , nous aimons à voir figurer, dans cette périlleuse circonstance, l'il- lustre et vertueux Camille Jordan, qui, là, montra ce que sa belle âme renfermait de nobles et généreux sentiments. Ce courageux citoyen, dont la ville s'honore à si juste titre, ne voulut se séparer de M. le comte d'Artois qu'après avoir assuré ses moyens de départ. Honneur donc à Camille Jordan ! car il y avait danger pour lui à se conduire de la sorte en présence d'une popu- lace en pleine insurrection contre l'autorité Royale : c'était, en quelque sorte, braver ses fureurs !

Le Prince repartit précipitamment à cheval, le 10 mars, vers deux heures après-midi, et re- prit tristement la route de Paris, n'ayant pour escorte, pendant sa longue traversée de la ville et du faubourg de Vaise, qu'un seul Lyonnais,

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M. Verdun, avocat, et que nous aimons encore à citer ici, car l'on ne saurait trop rappeler les traits de courage civil, de dévoûment et de fidélité dans quelque parti qu'on les rencontre, et les présenter pour modèles aux générations futures.

Des zélés y comme il s'en trouve toujours sous les pas des vainqueurs , crurent mériter les bon- nes grâces de Napoléon , en venant lui dénoncer M. Verdun, comme royaliste et ennemi déclaré de sa cause. Mais Napoléon, qui connaissait les hommes, aussi bien que le mobile de leurs actions, reconnut, dans la conduite de M. Verdun, de no- bles et généreux sentiments et voulut l'en ré- compenser en le nommant chevalier de la Légion- d'Honneur. Get acte fit autant d'honneur à Na- poléon qu'à ce chevaleresque volontaire d'un Prince malheureux.

En même temps qu'il rendait cet éclatant hom- mage à la belle action de M. Verdun, Napoléon donnait une leçon d'honneur à tous ces fanfarons de royalisme qui avaient si lâchement abandonné le comte d'Artois au moment du danger , et qui eurent l'incroyable audace de venir lui offrir leurs services d'antichambre aussitôt après le départ du Prince Royal.

« Nos institutions, répondit l'Empereur à tous i ces royalistes défroqués, ne reconnaissent point » de garde nationale à cheval ; Vous vous êtes si

» MAL CONDUITS, D'AILLEURS, AVEC LE COMTE o'Afi-

16

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» TOIS, QUE JE NE VEUX POINT DE VOUS. » Et les I'On-

voya ainsi flétris dans l'histoire, les uns, à leurs sombres comptoirs, les autres, à leurs préten- tieuses bastides à tourelles.

Le duc d'Orléans, ainsi que le maréchal Mac- donald, reprirent également la route de Paris, pour n'être point exposés à devenir les prison- niers de Napoléon, peut-être même ses otages.

Le duc d'Orléans arriva à Paris, le 12 mars à deux heures après-midi.

À cinq heures du soir, en effet, la garnison tout entière s'élance au-devant de Napoléon , détruit et jette dans le Rhône les matériaux qui avaient servi aux barricades des ponts Morand et de la Guillotière, et se mêle aux avant-gardes qui arrivaient de Grenoble en toute hâte.

À six heures, la tête de colonne impériale prenait possession de la ville, et, à sept heures Napoléon y faisait, comme à Grenoble, son en- trée au milieu d'une populace en délire, menaçante même pour qui n'illuminait pas immédiatement pour éclairer la marche du cortège jusqu'au palais de l'Archevêché, que venait de quitter le comte d'Artois.

Pendant les soixante heures que Napoléon passa à Lyon, les quais, les rues avoisinant le palais épiscopal, ne cessèrent d'être encombrés par la populace lyonnaise; car, à de très rares exceptions près, l'aristocratie et le haut com- merce ne parurent ni dans les rues, ni sur les

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places publiques pendant cette crise ., tant ils redoutaient le reflux de ces flots populaires (a).

Le 11 mars, Napoléon passa sur la vaste place de Louis4e-Grand la revue des douze mille hommes de toutes armes, dont pouvait se com- poser alors son armée.

Le commandement en fut confié au lieute- nant-général Brayer, et, aussitôt après le défilé, toutes ces troupes se remirent en marche sur Paris , précédant Napoléon de quarante-huit heures.

Le 12 mars, M. le comte de Fargues, maire de Lyon, fit afficher la proclamation suivante ; cet acte était d'autant plus grave qu'il faisait, en quelque sorte, sanctionner par le premier ma- gistrat de la seconde ville du royaume, par un

(a) il est à remarquer que, dans les grandes agitations, quelles que soient leurs causes, c'est le peuple seul, qui se montre ; car c'est lui seul qui fait de l'enthousiasme, ou des émeutes ou des révolutions. Les autres parties de la société se contentent de veiller sur leur fortune ou sur leur position. Celles-là, d'ordinaire, la tourmente passée, ne craignent plus rien et se tournent toujours du côté du soleil levant ; le peuple, seul, s'est égosillé à crier vivat! ou s'est épuisé en versant son sang pour un résultat dont il ne profitera pas ; ce qui confirme cette réflexion de Napoléon ; « Dans les » révolutions, il n'y a que deux espèces de gens : Ceux qui » les font et ceux qui en profitent. » S'agit-il de grandes joies ?.~ On chante au peuple des Te Deum i ou on lui donne le spectacle gratis, des feux d'artifices au compte des contri- buables et il rentre dans sa maison Gros Jean comme devant*

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des hommes les plus considérables et les plus estimés (ïe cette grande cité , l'entreprise de Napoléon :

c Habitants de la ville de Lyon !

« Napoléon revient dans cette cité dont il » effaça les ruines dont il releva les édifices; » dont il protégea le commerce et les arts ! Il » y retrouve, à chaque pas, des monuments de » sa munificence ; sur le champ de bataille comme » dans ses palais , toujours il veilla sur vos in- » térêts les plus chers ; toujours vos manufac- » tures obtinrent des marques de sa généreuse » sollicitude.

» Habitants de Lyon! Vous revoyez dans » Napoléon celui qui vint, en Tan VIII, arracher » notre belle patrie aux horreurs de l'anarchie > qui la dévorait; qui, conduisant toujours nos » phalanges à la victoire, éleva au plus haut degré » la gloire des armes et du nom français ; qui , » joignant au titre de grand capitaine, celui de » législateur, donna à la France ces lois bien- » faisantes et tutélaires dont chaque jour elle » apprécie les avantages.

» Citoyens de toutes les classes , au milieu » des transports qui vous animent, ne perdez » pas de. vue le maintien de l'ordre et de la » . tranquillité. C'est le plus sûr moyen d'*)btenir * qu'il daigne vous continuer cette bienveillance

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particulière, dont il vous multiplia tant de » fois les gages.

» Le Comte De F argues. >

Depuis son débarquement jusqu'à Lyon, Na- poléon n'avait pas encore cru au succès com- plet de son audacieuse entreprise; aussi, ne recommençait-il à faire acte de souveraineté, qu'après avoir pris possession de la seconde ville de France, et s'être assuré des sympathies de l'immense majorité de la vigoureuse popu- lation lyonnaise.

Ce fut donc à Lyon qu'il rendit les neuf pre- miers décrets , par lesquels il annonçait à la France la déchéance des Bourbons et la rup- ture de ses engagements de Fontainebleau. Tous ces décrets portent la date du 13 mars (a).

(a) C'est bien le caractère tout entier de Napoléon : Audace et habileté ! Le Directoire le mit hors la loi, et il demande compte au Directoire de vingt millions qu'il a envoyés ; d'ac- cusé il devient accusateur, et finit par le 18 Brumaire.

Il quitte l'île d'Elbe, brise le traité de Fontainebleau, et aidé seulement d'une poignée de soldats, il reprend un trône qui lui avait été enlevé avec six cent mille baïonnettes. Qu'il connaissait bien les hommes ! Qu'il était habile à profiter des circonstances, même à les faire naître I Si l'on se rendait bien compte de tout ce qu'il a fait pendant les Cent-Jours, de tout ce qu'il y avait en lui d'activité, de prévoyance, de volonté et d'énergie, de patriotisme et de courage, on en serait pénétré d'étonnement et d'admiration I

Nous attendons nos lecteurs aux pièces inédites que nous donnerons bientôt

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Le premier décret annulait tous les change- ments opérés dans les cours et tribunaux in- férieurs , et rétablissait dans leurs fonctions le président de la Cour de Cassation , le procureur général et les membres qui avaient été injuste- ment et par esprit de réaction, disait le décret, renvoyés de ladite cour.

Il était intimé aux individus qui les avaient remplacés de cesser sur-le-champ leurs fonc- tions.

Par le deuxième décret, tous les généraux et officiers de terre et de mer, dans quelque grade que ^ce fût, qui avaient été introduits dans les armées depuis le iCr avril 1814 , qui étaient émigrés, ou qui n'ayant pas émigré, avaient quitté le service au moment de la pre- mière coalition, quand la Patrie avait le plus grand besoin de leurs services, devaient cesser sur-le-champ leurs fonctions, quitter les insignes de leurs grades et se rendre au lieu de leur domicile. Défense était faite au ministre de la guerre , aux inspecteurs aux revues , aux offi- ciers de la trésorerie et autres comptables, de rien payer pour la solde de ces officiers, sous quelque prétexte que ce fttt, à dater de la pu- blication de ce décret.

Le troisième décret abolissait la cocarde blan- che, la décoration du lys, les ordres de Saint- Louis, du Saint-Esprit et de Saint-Michel, et rétablissait la cocarde et le drapeau tricolores,

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et prescrivait le placement de ce drapeau sur lès maisons communes des villes et sur les clo- chers des campagnes.

Par son quatrième décret, Napoléon ordon- nait qu'aucun corps étranger ne serait admis à la garde du souverain, et rétablissait la garde impériale dans ses fonctions (a). Celle-ci ne pour* rait être recrutée que parmi les hommes ayant douze années de service dans les armées impé- riales.

Les' Cent-Suisses, les Gardes de la Porte , les Gardes Suisses, quelle que fut leur dénomination, étaient supprimés et renvoyés, immédiatement, à vingt lieues de la capitale et de tous les pa- lais impériaux jusqu'à leur licenciement et jus- qu'à ce que le sort des soldats eût été assuré.

La Maison Militaire du Roi, tels quelesGar- des-du-corps , les Mousquetaires , les Chevau- Légers, etc., étaient supprimés.

Les chevaux, armes, effets d'habillement et d'équipement devaient être mis sous la res- ponsabilité personnelle des chefs de corps.

Par un cinquième décret , le séquestre était apposé sur tous les biens formant les apanages des princes de la maison de Bourbon et sur

(a) Il est à remarquer qu'en matière d'organisation mili- taire, Napoléon avait suivi la méthode de Rome. Il est vrai que Napoléon connaissait parfaitement l'histoire, et qu'au- cune des bonnes leçons qu'elle enseigne ne lui avait échappé. (Voir Grandeur et Décadence des Romains.)

1

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ceux qu'ils possédaient à quelque titre que ce fut.

Tous les biens des émigrés, appartenant à la Légion-d'Honneur , aux hospices , aux commu- nes, à la caisse d'amortissement ou enfin faisant partie du Domaine, sous quelque dénomination que ce fut , et qui auraient été rendus depuis le 1er avril 1814, au détriment de l'intérêt na- tional , devaient être mis sur-le-champ sous le séquestre.

Le sixième décret abolissait la noblesse et remettait en vigueur les lois de l'Assemblée Constituante.

Les titres féodaux étaient supprimés , et les lois des assemblées nationales rétablies.

Étaient seuls autorisés à porter des titres, les individus qui en avaient reçu de l'Empereur comme récompense nationale, et dont les lettres- patentes avaient été vérifiées au conseil du sceau des titres.

Napoléon se réservait de donner des titres aux descendants des hommes qui avaient illustré le nom français dans les différents siècles , soit dans le commandement des armées de terre et de mer, dans les conseils du souverain, dans les administrations civiles et judiciaires, soit enfin dans les sciences et les arts et dans le commerce, conformément à une loi qui serait promulguée sur cette matière (a).

(<0 Napoléon a trouvé beaucoup de critiques de la création

249

Le septième décret ordonnait à tous les émi- grés qui n'avaient pas été rayés , amnistiés ou éliminés par Napoléon ou par les gouvernements qui l'avaient précédé, et qui étaient rentrés en France depuis le 1er janvier 1814, de sortir sur- le-champ du territoire de l'empire , sous peine, quinze jours après la promulgation de ce décret, d'être arrêtés et jugés conformément aux lois portées par les assemblées nationales, à moins toutefois qu'ils n'eussent pas eu connaissance du présent décret du 13 mars 1815, auquel cas ils devaient être simplement arrêtés et conduits par la gendarmerie hors territoire.

Le séquestre devait être mis sur tous leurs biens, meubles et immeubles.

Le huitième décret annulait toutes les pro- motions faites dans la Légion-d'Honneur par tout autre grand-maître que Napoléon , et tous les brevets signés par d'autres personnes que le comte de Lacépède, grand-chancelier inamovible de la Légion-d'Honneur.

Les changements faits dans la décoration de la Légion-d'Honneur, non conformes aux statuts

de sa nouvelle noblesse. Mous engageons les personnes qui auraient encore quelques préventions, à lire ce qu'il a dit lui-même dans le Mémorial de Sainte-Hélène. On comprendra alors comment et pourquoi, à peine en France, il s'occupe de cette question, tandis qu'il n'eût semblé devoir se préoc- cuper que de s'entourer de forces suffisantes pour se ga- rantir contre la nouvelle coalition.

280

de Tordre, étaient nuls et non avenus. Chacun des membres de la Légion devait reprendre la décoration, telle qu'elle était le 1er avril 1814 (a).

Néanmoins, comme un grand nombre de pro- motions , quoique faites illégalement , l'avaient été en faveur de personnes qui avaient rendu des services réels à la Patrie, leurs titres devaient être envoyés à la grande chancellerie, afin que le rapport en fût fait à l'Empereur dans le cou- rant d'avril et qu'il fût statué à cet égard avant le 15 mai.

Les droits politiques dont jouissaient les mem- bres de la Légion-d'Honneur, en vertu des sta- tuts de création, étaient rétablis.

Il était ordonné au grand-chancelier de se mettre en mesure de faire assister aux assem- blées du Champ-de-Mai tous les légionnaires qui y avaient droit.

Tous les biens qui avaient été affectés à l'or- dre de Saint-Louis devaient être réunis au do- maine de la Légion-d'Honneur.

Enfin, par un neuvième décret, la Chambre

(a) Comprendra-t-on qu'en conservant la Légion-d'Hon- neur, on ait placé l'effigie de Henri IV sur la croix ? En

vérité, il est de ces anomalies qu'on ne sait comment quali- fier ! Napoléon n'avait touché à rien de ce qui caractérisait les règnes qui l'avaient précédé ; il avait même fait rétablir les fleurs de lys sur des monuments auxquels elles impri- maient leur cachet historique. Pourquoi ne pas respecter ce qu'il avait fait de grand et de bien?

251

des Pairs était dissoute , ainsi que la Chambre des Communes. Chaque membre de celle-ci, arrivé à Paris depuis le 7 mars, devait retour- ner sans délai dans son domicile.

Les députés des collèges électoraux des dé- partements de l'Empire devaient être réunis à Paris, dans le courant du mois de mai, en as- semblée extraordinaire du Champ-de-Mai(a),a&n

(a) Champ-de-Mars, Ckamp-de-MaL C'étaient les noms que les Francs, sous les deux premières dynasties donnèrent à leurs assemblées nationales, parce que c'était dans un champ qu'ils s'assemblaient pour décider, à la majorité dés voix, les grandes questions d'intérêt national.

Ces réunions portèrent, chez les diverses nations germani- ques, les noms de Conciles, Vittenagemot, Diète, et plus tard d'États-Généraux, de Chambres, etc. En France, elles furent appelées Ghamp-de-Mars et Ghamp-de-Mai, parce que c'était dans ces deux mois de l'année, qu'elles avaient lieu. Plus tard, l'aristocratie et le clergé y figurèrent seuls.

Lorsque Pépin monta sur le trône, il s'occupa de redonner de la vie à cette institution qui avait à peu près disparu avec le règne des Mérovingiens. Il transporta au mois de mai ces réunions qui avaient eu lieu, d'abord, dans le mois de mars.

Leur caractère dominant est de rappeler la souveraineté du peuple, de ces hommes libres dont la juridiction s'éten- dait et sur les choses et sur les personnes sans exception, dans l'intérêt commun. Ce n'est que lorsque la noblesse eut acquis beaucoup de crédit et d'autorité, à force d'usurpa- tions, que ces droits furent contestés; car on les trouve reconnus dans plusieurs capitulaires , et les Rois s'engagent à exécuter ce que les citoyens assemblés auront résolu.

Pendant les Ceni-Jaurs, Napoléon tint un Champ-de-Mai dans le vaste terrain de TÉcole-Militaire, autrement appelé le Champ-de-Mars.

253

de prendre les mesures convenables pour cor- riger et modifier les constitutions impériales (a), selon l'intérêt et la volonté de la Nation, et en même temps pour assister au couronnement de l'Impératrice et à celui du Roi de Rome.

Tels furent les premiers actes par lesquels Napoléon annonça à la France la revendication de sa Souveraineté (b).

Reprenons maintenant la marche des événe- ments.

Depuis son débarquement jusqu'à Lyon , au- cun officier-général ne s'était encore rallié à la

i

(a) Ce fut véritablement une grande faute. Napoléon s'aliéna ainsi un grand nombre d'hommes très influents, qui l'abandonnèrent ou prirent même parti contre lui, car, par l'addition qu'il fit aux constitutions de l'Empire, il fit re- douter une tyrannie plus dure que celle qu'on l'accusait d'avoir fait peser sur la France. S'il se fût rapproché, au contraire, davantage des idées libérales, ainsi qu'on les appe- lait déjà, idées qui pourtant étaient* a-t-on dit, dans son cœur, dans ses principes, dans sa logique, il n'y a pas de doute qu'il eût rencontré beaucoup plus de sympathies et un plus utile et plus énergique appui.

(b) Singuliers rapprochements encore ! Les décrets que Napoléon rendit à Lyon, pour dissoudre le gouvernement Royal, sont du 13 mars, et ce même jour, Napoléon fut mis hors des relations civiles et sociales par le Congrès de Vienne.

Douze jours plus tard, un décret impérial du 25 mars re- nouvelle les lois de la République contre la famille des Bour- bons et ce même jour paraît un nouveau traité des puissances coalisées contre l'invasion de Napoléon.

253

cause de Napoléon ; le lieutenant-général Brayer fut le premier à accepter les chances de cette périlleuse entreprise et partit de Lyon à la lête de l'armée insurgée.

Quant aux autres officiers généraux, en hom- mes prudents, et surtout en hommes du lende- main , nous les verrons bientôt arriver en foule dans les antichambres du palais impérial , et leur dévoûment sera à nul autre pareil, car ils ne s'y montreront ni les moins zélés, ni les moins démonstratifs , ni les moins exigeants : c'est l'usage.

Profondément touché de l'accueil du peuple de Lyon et des campagnes environnantes, Napo- léon voulut le lui témoigner par la proclamation suivante :

c Lyonnais,

i Au moment de quitter votre ville pour me i rendre dans ma capitale, j'éprouve le besoin i de vous faire connaître les sentiments que vous » m'avez inspirés.

> Vous avez toujours été au premier rang » dans mon affection. Sur le trône ou dans » l'exil, vous m'avez toujours montré les mêmes > sentiments. Ce caractère élevé qui vous dis- 9 tingue spécialement vous a mérité toute mon » estime.

i Dans des moments plus tranquilles, je re-

254

» viendrai pour m'occuper de vos besoins , et » de la prospérité de vos manufactures et de » votre ville. » Lyonnais ! je vous aime ! ! ! %

» Napoléon. >

Napoléon quitta Lyon le 15 mars, vers midi; arrivé à Villefranche , à trois heures, à la tête de la garde et du 7e de ligne, il coucha le soir à Mâcon.

Pendant qu'il se rendait, le lendemain 14, de Mâcon à Châlons, il se passait, à vingt lieues, sur sa droite, un événement de la plus haute importance pour lui , puisque un maréchal de France abandonnait avec éclat la cause Royale pour embrasser la sienne.

Cet épisode des Cent-Jours fut trop grave par ses conséquences pour que nous ne le rap- portions pas ici avec quelques détails intéressants et inconnus que nous tenons de témoins oculaires.

Informé, pendant son séjour à -Lyon, que le maréchal Ney était parti de Besançon, à la tête des troupes de cette division militaire pour marcher contre lui, Napoléon se hâta de lui envoyer plusieurs émissaires confidentiels avec ordre de mettre tout en œuvre auprès du prince de la Moskowa pour en obtenir le concours.

Ces émissaires rencontrèrent le maréchal à Lons-le-Saulnier, et, dans la nuit du 13 mars,

255

eut lieu cette entrevue qui, plus tard, lui fui si fatale; car se décida sa défection du len- demain. Voici la lettre que lui fit remettre Napoléon :

« Mon Cousin,

» Mon major général vous expédie l'ordre de » marche. Je ne doute pas qu'au moment » vous avez appris mon arrivée à Lyon , vous » n'ayez fait reprendre à vos troupes le drapeau » tricolore. Exécutez les ordres de Bertrand et » venez me joindre à Chàlons. Je vous recevrai » comme le lendemain de la bataille de la Mos- » kowa. »

« Cette commotion électrique, » comme le dit Napoléon, « était trop forte pour une organisa- » tion comme celle du maréchal Ney. »

Homme d'un courage sans égal sur un champ de bataille (a), le maréchal Ney n'était pas doué du courage civil au même degré; et si l'odeur de la poudre en fit souvent un héros sublime, toute crise politique enlevait à cette âme exclu- sivement guerrière ce calme et cette présence d'espril qui ne l'abandonnaient jamais au milieu de la mêlée la plus sanglante.

On n'a point oublié que l'opinion publique

(a) Napoléon a dit de lui : « Qu'il avait toujours le bras » dans la mêlée. »

256

lui a reproché d'avoir été Tua des lieutenants de Napoléon les plus opiniâtres à lui arracher, dès 1814 , une abdication qui lui coûtait tant.

Que ne peut-on oublier aussi ce transport irréfléchi de dévoûment royaliste, dans lequel baisant la main de Louis XVIII , le maréchal promit au Roi, qui certes ne le lui demandait pas, de lui « ramener Bonaparte, mort ou vif, dans une cage de fer?... »

Après d'aussi solennelles manifestations contre son ancien bienfaiteur, sa conduite à Lons-le- Saulnier ne saurait trouver d'excuse que dans la trop grande mobilité du maréchal, dans son peu de capacité en face des commotions poli- tiques.

Après avoir donné ses ordres à toutes les troupes de son gouvernement militaire, le prince de la Moskowa , quitta Besançon pour se rendre à Lons-le-Saulnier , il arriva le H mars , à dix heures du soir ; il descendit à l'hôtel de la Boule d'Or.

Les lieutenants-généraux Lecourbe et de Bour- mont l'y rejoignirent dans la nuit avec leur état- major.

Le 12, au matin, les 60e et 77e régiments d'in- fanterie de ligne (ex«-64c et 95e de ligne sous l'Empire), arrivèrent de Besançon à marches forcées.

Les officiers furent aussitôt reçus par le ma- réchal, dans une pièce assez obscure, circons-

*- 257 .

tance qui lui servit à faire allusion au grand événement du jour, ajoutant « que sous peu on i y verrait plus clair.»

Ce fut après cette allocution du maréchal, que le colonel Dubalen, du 60e de ligne, ma- nifesta ses sentiments pour le Roi, et fit con- naître devant tous comment il comprenait ses devoirs ; le colonel Dubalen, ne prévoyant que trop ce qui allait se passer, se retira et résigna son commandement (a).

Le colonel Marchai du 77e ne l'imita point, mais en montrant ses officiers, il dit au prince de la Moskowa, c que tous plaçaient en lui leur > confiance, et qu'il les trouverait tels qu'il les » avait vus en Russie. »

Les débris de ce régiment avaient, en effet, été sous les ordres du maréchal Ney pendant toute la retraite ; plusieurs officiers étaient même personnellement connus de lui. Le 5e régiment de dragons et le 8e de chasseurs à cheval arri- vèrent le 13 et le 14 au matin.

Le 13 mars, le prince de la Moskowa écrivit au lieutenant-général Mermet commandant la di- vision militaire à Dijon :

a Vous voudrez bien, mon cher général, partir demain » matin pour vous rendre à Besançon et y prendre le com-

(a) M. Dubalen, ayant repris le commandement de son ré- giment après le départ du Roi pour la Belgique, ce brave co- lonel fut tué àSaint-Amand, le 16 juin, en combattant vaillam- ment à la tête du 6A' de ligne. Honneur à lui !

17

258

»

mandement de cette place. La garnison est composée des » 3" bataillons des 15' léger, 60* et 77* de ligne et du 4* es- » cadron du 5* de dragons. Le 3* bataillon du 76* régiment » que d'après mes ordres, vous avez dirigé de Bourg sur » Auxonne, se rendra également à Besançon, j'écris pour cet effet

» Tous les officiers à la demi-solde qui se trouvent dans » les quatre départements du sixième gouvernement ainsi » que tous les sous-officiers en congés limités et illimités, » reçoivent Tordre de se rendre à Besançon.

» L'inspecteur aux revues ne les fera payer que dans cette » place, et ils seront placés pour Tordre et la discipline, à » la suite des 3W bataillons des régiments ci-dessus désignés.

» Vous dirigerez sur Lons-le-Saulnier toutes les troupes » qui arriveront de la cinquième division militaire, en vous » assurant que chaque sous-officier et soldat est pourvu de » deux paquets de cartouches au moins, et sur Dijon tous » les hommes isolés et les troupes venant de la quatrième » division. Vous aurez soin de me prévenir de leur marche » et de Titinéraire que le ministre de la guerre leur aura » prescrit

» Vous choisirez parmi les officiers de Tétat-major de la » place celui que vous croirez le plus capable de bien rem- » plir les fonctions de ohef d'état-major provisoire.

» Vous communiquerez cette lettre au général Durand, » commandant d'armes et au général Mongenet, comman- » dant de l'artillerie de la place de Besançon.

» Vous rendrez compte au ministre de la guerre de tout » ce qui peut intéresser le bien du service du Roi*

» Je vous invite à donner Tordre au colonel Tassin, com- » mandant la gendarmerie, de faire établir des postes de » correspondance de gendarmerie, de Besançon & Lons-le- » Saulnier, de manière à ce que je puisse recevoir dans le » jour toutes les nouvelles qui pourraient m'être de » quelqu'utilité.

» Recevez, mon cher général, l'assurance de ma considé- » ration distinguée.

» Le maréchal, prince de la Moskowa, pair de France,

» Net. »

259

Ce que Ton remarque dans cette lettre, c'est surtout une réserve prudente , peu ordinaire au maréchal ; il est encore partagé entre son devoir et la crainte de le remplir ; mais bientôt le na- turel fougueux du prince de la Moskowa reprendra son essor.

Voici encore ce qu'il écrivait le même jour, 13 mars , au maréchal duc d'Albufera , gouverneur de l'Alsace ;

i

« Monsieur le Maréchal, je vieos d'expédier M. le marquis de Soran auprès de S. A. R. Monsieur, pour avoir de ses nou- velles et de celles de M. le maréchal Macdonald. Je les crois toujours à Moulins.

» Bonaparte a fait son entrée le 10 à Lyon, à sept heures du soir. Le 11 il a passé en revue les troupes provenant de ia défection de la septième division militaire, savoir : les 5% 7* et 11* régiments d'infanterie de ligne, le &• de hussards et une partie du 13e de dragons.

» Deux détachements sont sortis le même jour de Lyon pour se diriger sur Villefrancfee et sur Roanne. Je ne connais pas la marche de M. le maréchal prince d'Essling, qui ce- pendant a se diriger de Valence sur Grenoble.

» Je suis en mesure de marcher sur Lyon aussitôt que je saurai d'une manière positive la direction que prendra Bona- parte. Dans ces circonstances, il est bien important de hâter rarrivée des troupes dont me parle le ministre de la guerre. Nous sommes à la veille d'une grande révolution e% ce n'est qu'en coupant le mal à sa racine qu'on pourrait espérer encore de l'éviter. Il faudrait faire arriver les troupesen poste, c'est- à-dire inviter les préfets à faire préparer dans tous les lieux d'étapes, des voitures du pays et pouvoir ainsi faire parcou- rir aux troupes quatre à cinq étapes par jour; car ce n'est qu'à la vitesse de la marche de Bonaparte qu'il faut attribuer ses premiers succès.

» Tout Je monde est étourdi de cette rapidité et malheu- reusement la classe du peuple l'a servi en divers lieux de son

260

passage. La contagion est à craindre parmi le soldat ; les officiers se conduisent généralement bien, et les autorités civiles montrent du dévoûment au Roi.

» J'espère, mon cher maréchal, que nous verrons bientôt la fin de cette folle entreprise, surtout si nous mettons beau- coup de célérité et d'ensemble dans la marche des troupes.

» Recevez, Monsieur le maréchal, l'assurance de mon atta- chement et de ma haute considération.

» Le maréchal prince de la Moskowa, pair de France,

» Net. »

A la réception de cette lettre, le maréchal Suchet écrivit au maréchal duc de Feltre, qui venait de remplacer le duc de Dalmatie au minis- tère de la guerre, la dépêche ci-après :

« Monsieur le Duc,

» tin de mes soins a été de me mettre en relation avec les maréchaux prince de la Moskowa et duc de Reggio. Je n'ai point encore de lettres du dernier. Je viens d'en recevoir une du maréchal Ney, en date de Lons-le-Saulnier du 13 mars ; j'ai l'honneur de vous en envoyer copie.

» Mes précédentes dépêches vous ont fait connaître le mouvement des troupes que j'ai commencé sur Belfortet qui'sera terminé le 23.

» J'-ai fait part à Votre Excellence des motifs qui me font suspendre le départ du reste. Les mouvements qui paraissent se préparer dans tous les corps de troupes étrangères* vis- à-vis nous, et le défaut d'approvisionnements de nos places, rendent la situation de cette frontière importante très cri- tique, si on ne se met pas promptement en mesure contre une invasion brusque, surtout à Landau que la démarcation actuelle des limites- expose à. se trouver isolé en quelques heures. Je dois répéter à Votre Excellence, ce que je lui marque dans ma dernière dépêche : les corps qui sont déjà partis pour Belfort ont montré dans la route un esprit qui ne peut que faire présager leur défection à mesure qu'ils avan- ceront

261

» J'ai demandé à votre prédécesseur une réponse par le télégraphe sur la suite du mouvement de troupes commencé ; j'insiste de nouveau pour vous prier de me faire connaître les ordres de Sa Majesté à cet égard et quelques instructions sur la défense de l'Alsace.

» Agréez, Monsieur le Duc, l'assurance de ma haute con- sidération,

» le maréchal Duc d'ALBUFERA. »

Le 100e de ligne et le 15e léger avaient atteint déjà les petites villes de Cuiseaux et de Saint- Amour, sur la route de Lyon.

Dans le 100e, dès le 13, plusieurs compagnies, ayant à leur tête leurs officiers, avaient aban- donné leur drapeau pour aller se ranger sous l'étendard impérial.

D était donc déjà difficile de contenir l'élan des soldats.

A Lons»le»Saulnier, la présence du maréchal et des officiers généraux comprimait néanmoins encore de pareilles manifestations.

Mais des rations de vin ayant été distribuées aux troupes , elles furent bues à la fortune de l'Empereur.

Cependant une revue fut ordonnée pour le lendemain.

Pour mieux jouir de ce spectacle, les autorités de Lons-le-Saulnier avaient fait dresser des es- trades le long d'un grand bâtiment, appelé alors k Salle de la Chevalerie. Cette estrade se trouva bientôt garnie de l'élite de la ville. Presque tous

les hommes portaient à leur boutonnière la déco- ration du lys. Les dames royalistes de Lons-le- Saulnier s'y taisaient aussi remarquer.

Bientôt arriva le prince de la Moskowa ; tous les regards se portèrent sur lui. Peu de minutes après , on aperçut un mouvement dans l'état- major dont il était entouré : c'était le général baron de Grivel, commandant la garde nationale du département, qui venait rejoindre le maréchal, et prendre ses ordres ; mais sur la réponse qui lui fut faite, que Ton n'avait pas besoin de ses services , le baron de Grivel prit son épée , et la brisa de colère en se retirant.

Le 14 mars au matin, deux heures avant de mettre à exécution son projet arrêté pendant la nuit, le maréchal fit appeler les généraux Lecourbe et de Bourmont, dans sa chambre; là, il leur fit part de ses intentions et donna lecture de la proclamation qu'il se proposait de lire aux troupes. Le maréchal représenta :

« Qu'il n'y avait plus à balancer; que Lyon » avait ouvert ses portes; que tous les dépar*

> tements accouraient au-devant de l'Empereur, » et qu'ils courraient des dangers de la part

> des troupes, s'ils ne se rangeaient pas du côté

> de l'Empereur. »

Les généraux Lecourbe et de Bourmont lui firent des observations sur ce brusque chan- gement; mais alors le maréchal chercha à leur persuader « que c'était une affaire arrangée et

200

» que rien n'empêcherait Bonaparte d'arriver à i Paris (a). >

Les quatre régiments , ainsi que l'artillerie venue de Besançon, se trouvaient, en ce moment, réunis.

Tous ces corps reçurent l'ordre de se ranger en bataille sur l'esplanade et sur la route faisant face à la ville.

Les officiers furent appelés et formés en un seul carré, au milieu duquel vint se placer le prince de la Moskowa, ayant à ses côtés les lieutenants-généraux Lecourbe et de Bourmont, le colonel de la Gennetière, le chef d'escadron d'artillerie d'Esclaibes, et enfin tout son état- major.

Les troupes ne s'attendaient nullement à ce qui allait se passer. Un morne silence règne

autour du maréchal; un ban est ordonné!

A peine était-il terminé , que l'adjudant-sous- officier9 laissé pour contenir les trois escadrons du 8e de chasseurs , accourut au galop rendre compte au colonel Schnoit, < que des cris de > Vive l'Empereur! se Élisaient entendre , et » que déjà plusieurs chasseurs prenaient la route » de Lyon, en s'écriant qu'ils allaient rejoindre » Napoléon. »

Le maréchal sourit en entendant ce rapport

(a) Voir l'interrogatoire du général Lecourbe, dans le pro- cès du maréchal Ney.

266

Aussitôt des officiers s'approchèrent et reçu- rent successivement la fraternelle accolade du prince de la Moskowa.

Les généraux Lecourbe et de Bourmont res- tèrent calmes et silencieux. Un homme protesta hautement contre cette manifestation napoléo- nienne. Ce courageux royaliste -fut le chef d'escadron d'artillerie d'Esclaibes, commandant l'artillerie du corps confié au maréchal Ney. Il brisa son sabre à la rupture du carré. Hon- neur à ce vigoureux royaliste!

Les troupes défilèrent devant le maréchal, aux cris mille fois répétés de Vive l'Empereur! et le lendemain, 15 mars, elles prirent la route de Dijon pour se joindre à Napoléon et marcher avec lui sur Paris.

Le maréchal venant de brûler ses vaisseaux,

»

voulut aussi les faire brûler à. tous les officiers placés sous son commandement ; hier encore il recommandait au général Mermet « de rendre » compte au ministre de la guerre, de tout ce » qui pouvait intéresser le bien du service du » Roi; * aujourd'hui c'est un autre langage; écoutons le maréchal :

i

« 11 est ordonné au général de division Mermet de partir, » en tonte diligence, pour se rendre à Besançon, et y prendre » le commandement supérieur de cette place ; il assemblera » demain toutes les troupes dont cette garnison se compose, » savoir : lés bataillons des 15* léger, 60e et 77* de ligne, » le A* escadron du 5e régiment de dragons, l'artillerie à » pied et la garde nationale.

1

I

j

»

»

267

» 11 leur fera lecture du discours que j'ai tenu aujour- d'hui à la troupe assemblée.

» Le général de division Mermet aura eu soin de faire fermer les portes d'avance, de faire remplacer par un » officier supérieur le maréchal de camp Durand, comman- » dant d'armes, en l'invitant à sortir de cette place dans les » vingt-quatre heures.

» Il invitera le conseil de préfecture et les autorités civiles » à se rendre à la municipalité à l'effet de procéder de suite » au remplacement de M. le préfet* comte de Scey. Le comte » de Scey sera libre de rester ou de sortir de la place.

» Le général Mermet recevra toutes les troupes qui arri- » veront des quatrième et cinquième divisions militaires. » n les conservera à Besançon jusqu'à ce que l'Empereur ait » déterminé leur destination ultérieure. Le général Mermet » fera connaître à M. le maréchal duc d'Albufera, à Stras- » bourg, la détermination que j'ai prise de me réunir à S. M. » l'Empereur qui se dirige sur Paris.

» Le général Mermet fera une proclamation pour main- » tien de l'ordre et de la sécurité des personnes et des pro- » priétés, personne ne pourra être recherché ni arrêté » pour les vœux émis et les idées qui ont été développées » en faveur des Bourbons.

» Le général Mermet se fera appuyer par la gendarmerie » qui, d'ailleurs, continuera à faire son service comme par » le passé. Il se tiendra en relation avec le général Pellegrin » et le colonel du 7e d'artillerie à pied, à Auxonne, pour la » prompte exécution des ordres que S. M. l'Empereur pour- » rait lui transmettre.

» Le général de division Mermet fera imprimer et afficher » mon discours et enfin il adressera tous les jours un rap- » port à & M. l'Empereur à Dijon pour tout ce qui peut » intéresser le bien du service de Sa Majesté.

» Lons-le-Saulnier, le 14 mars 1815,

» Le maréchal prince de la Moskowa,

» Ney, »

268

Ces instructions, toutes formelles qu'elles fussent, ne paraissent pas avoir été exécutées par le gé- néral Menuet , au gré du prince de la Moskowa , car voici Tordre qu'il adressa au même général , six jours après :

« Il est ordonné au général de division Mer*

» met de se rendre à Besançon il restera aux » arrêts simples jusqu'à ce que l'Empereur ait

» décidé sur son sort.

» Montereau, le 20 mars 1815,

> Le maréchal prince de la Moskowa,

i Ney. >

CHAPITRE XVI

SOMMAIRE. Réflexions sur la défection du maréchal Ney. Continuation de la marche de Napoléon; ses félicitations aux Ghâ- lonnais à l'occasion de leur belle défense de 1814; il envoie la dé- coration de la Légion-d'Honneur au maire de Saint-Jean-de-Lôsne, pour récompenser, dans sa personne, le patriotisme de ses habitants, pendant l'invasion. Arrivée de Napoléon à Auxerre, le 17 mars; il y est reçu par M. Gamot, préfet du département et beau-frère du maréchal Ney; réunion du prince de la Moskowa et de ses troupes à celles de Napoléon ; entrevue du maréchal et de Napoléon ; trans- ports enthousiastes du maréchal, Embarquement des troupes d'in- fanterie sur l'Yonne. Arrivée de Napoléon à Fontainebleau ; son allocution au 6e régiment de lanciers. Napoléon quitte Fontainebleau le 90,. à midi et fait son entrée aux Tuileries à huit heures du soir. Aspect de Paris. Le 21 mars, il passe une revue dans la cour du château. Adhésions du maréchal Suchet, des généraux Foy, D'Erlon, Paclhod et du colonel Gordon. ~ Le général Merlin et la capitulation de Vincennes.

Tels forent les événements de Lons-le-Saul- nier, qui, huit mois plus tard (a), devaient foire traduire le prince de la Moskowa à la barre de la Chambre des Pairs sous l'accusation de haute trahison. Là, peu d'heures suffirent à cette cour suprême pour envoyer au supplice

(a) Le maréchal Ney fut fusillé le 7 décembre 1815, à à Paris, à l'extrémité du jardin du Luxembourg, près de l'Observatoire.

270

militaire le guerrier que la mitraille ennemie avait respecté si longtemps, et qu'à Waterloo même, elle respecta encore, malgré lui, car il fit tout pour mourir au champ d'honneur (a); mais le Dieu des combats en avait autrement décidé et dix balles françaises devaient en- lever, à ce brave des braves, une vie con- sacrée depuis tant d'années à la gloire de la France!!!

Qu'il est pénible pour nous d'avoir à reconnaître la justice d'un pareil arrêt, tout en blâmant hau- tement aussi sa trop rigoureuse exécution, comme nous avons blâmé précédemment celle du colonel de La Bédoyère!

Certes le prince de la Moskowa fut coupable à Lons-le-Saulnier ; il le fut d'autant plus encore qu'il ajouta l'insulte à la félonie; lui-même le reconnut dans ses interrogatoires (6). Mais, si en

(a) Le jeune colonel de La Bédoyère, également sacrifié en 1815 aux exigences réactionnaires, avait aussi cherché la mort dans cette dernière et si désastreuse campagne ; car per- sonne n'y montra plus de courage et d'intrépidité ; mais il devait succomber lui aussi quelques mois plus tard dans la plaine de Grenelle par suite d'un jugement

(6) Sur le reproche que lui adressa M. Decazes, alors préfet de police et chargé d'interroger le prince de la Mos- kowa, à la Conciergerie, d'avoir manqué à son devoir, le maréchal répondit ; « Cela est vrai> fax été entraîné ; fax eu * tort , il n'y a pas le moindre doute, » Et plus loin il ajouta : « Depuis cette malheureuse proclamation du lli je ne vivais *> plus; je ne désirais que la mort, etj'ai tout fait pour la

271

présence de pareils aveux , la condamnation devenait inévitable , la clémence royale devait être plus grande encore que le crime de cet illustre condamné ; si déjà même la convention du 3 juillet, dont nous parlerons plus tard, n'eût pas arrêter Tordre d'exécution. Et, dans ce cas, la mort du maréchal fat un crime dont la responsabilité pèsera à jamais sur les ministres de cette lugubre époque ! . . .

Ges détails , dans lesquels nous avons cru devoir entrer, expliqueront la position fausse du prince de la Moskowa pendant toute la période des Cent-Jours.

Mais revenons à la marche rapide de Napo- léon sur Paris.

Si , à Mâcon , il adressa des reproches aux habitants pour leur peu de résistance à l'en- nemi, en 1814; à Tournus et surtout à Châlons qui, pendant quarante jours, avait disputé héroï- quement le passage de la Saône aux armées étran- gères, Napoléon exprima toute ses sympathies

» trouver à Waterloo. Lorsque je suis venu de ma terre pour ♦» le Champ-de-Max y Bonaparte me dit : « Je vous croyais » émigré?... » «J'aurais le faire plus tôt , lui répondis- » je; maintenant il est trop tard! »

Il ajouta encore :

« Tai eu bien des fois envie de me brûler la cervelle; je ne » Cai pas fait, parce que je désirais me justifier. Je sais que » les honnêtes gens me blâmeront ; je me blâme moi-même. » Tai eu tort; je me le reproche; mais je ne suis pas un » traître ; fai été entraîné et trompé. »

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pour la bravoure éclatante des Chàlonnais , dont il voulut se faire raconter les principaux faits d'armes ; et ne pouvant se rendre à Saint-Jean-de- Lôsne, qui s'était aussi vaillamment défendu contre l'ennemi, il envoya la croix de la Légion-d'Qon- neur au maire en signe de sa satisfaction*

Le 15 mars, Napoléon coucha à Àutun ; le 16, à Avallon , et le 1 7 , il fut reçu , à Auxerre par M. Gamot , préfet du département et beau-frère du maréchal Ney. C'était le premier préfet, qui, jusque-là, eût encore osé rompre ses serments en sa faveur.

Napoléon, en descendant de sa calèche devant l'hôtel de la Préfecture , ne put se défendre d!un mouvement d'hilarité, à la vue des efforts de plu- sieurs ouvriers pour enlever les fleurs de lys pein- tes à la détrempe sur l'aigle , aux ailes déployées, qu'elles recouvraient d'une couche de badigeon, et déjà l'aigle reparaissait au moment de l'arrivée du César moderne.

Dans la soirée arriva le prince de la Moskowa, à la tête des troupes qu'il lui amenait à marches forcées. s'opéra la réconciliation, du moins en apparence.

Voici en quels termes M. Fleury de Chaboulon, témoin oculaire, raconte cette entrevue :

« Arrivé à Auxerre, à huit

heures du soir, le maréchal Ney fit demander le comte Bertrand. Ce dernier, après une courte en- trevue, vint trouver l'Empereur.

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« Le Maréchal, avant de se présenter devant » Votre Majesté, dit le général Bertrand, veut re* » cueillir ses idées, et justifier, par écrit, la con- » duite qu'il a tenue avant et depuis les événements » de Fontainebleau. Qu'ai-je besoin de justi- » fication? répondit Napoléon. Dites-lui que je

* l'aime toujours et que je l'embrasserai demain. > c Embrassez-moi , mon cher Maréchal , dit

» Napoléon, le lendemain, en apercevant le prince » de la Moskowa ; je suis bien aise de vous revoir. » Je n'ai pas besoin d'explication ou de justifica- » tion; je vous ai toujours honoré et estimé » comme le brave des braves. »

c Sire , les journaux ont avancé une foule » de mensonges que je voulais détruire. Ma con- » duite a toujours été celle d'un bon soldat, d'un » bon Français. Je le sais; aussi n'ai-je point » douté de votre dévoûment. Vous avez eu » raison, Sire, Votre Majesté pourra toujours » compter sur moi quand il s'agira de la Patrie. . . » car c'est pour la Patrie que j'ai versé mon » sang , et je suis encore prêt à le verser pour » elle jusqu'à la dernière goutte. Je vous aime, » Sire; mais la Patrie avant tout, avant tout! » répétait le Maréchal que poursuivait, en ce mo- ment, le souvenir des violences de Fontainebleau.

« C'est le patriotisme qui me ramène aussi

* en France, dit l'Empereur, en interrompant le » Maréchal. J'ai su que la Patrie était malheu- > reuse, et je suis venu pour la délivrer des

18

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» émigré» et des Bourbons ; je lui rendrai tout » ce qu'elle attend de moi. »

c Napoléon interrogea ensuite le Maréchal sur la composition et la force de son corps d'armée et sur l'esprit des généraux qui le commandaient; puis, après l'avoir engagé à écrire à Paris pour que les patriotes s'abstinssent de toute collision, il le congédia en lui disant : « Il faut que notre » triomphe soit pur comme la cause que nous » servons. »

Le Maréchal , ivre de bonheur d'un pareil accueil , se laissa aller à ses transports en apercevant les officiers qui faisaient partie de l'état-major de Napoléon en ce moment. Il les pressait, les embrassait, et ne savait comment leur exprimer sa joie de se retrouver au milieu d'eux.

Depuis Lyon jusqu'à Àuxerre, la célérité avec laquelle Napoléon avait voyagé n'avait pas permis qu'une escorte à cheval pût le suivre, les offi- ciers de son état-major voyageaient dans plusieurs voitures de suite, mais qui ne quittaient pas la calèche dans laquelle Napoléon n'avait admis que les généraux Bertrand et Drouot.

La sécurité de Napoléon pouvait être grande sans doute, en raison de l'enthousiasme qu'il rencontrait partout sur son passage; mais la prudei:ce, cependant, exigeait quelques précau- tions à mesure que l'on s'approcherait de Paris, l'on devait croire que le Boi avait des amis prêts à se sacrifier pour sa personne.!,..

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Le colonel Duchaûd , préoccupé de la pensée de la possibilité d'un "enlèvement de Napoléon ou d'une tentative d'assassinat, fit part de ses craintes au général Bertrand, et demanda qu'il lui fût permis, ainsi qu'à ses camarades Jer- manwski, Raoul et Schoultz, de suivre désor- mais à cheval aux portières de sa calèche. Cette proposition fut agréée.

Mais telle était cependant la confiance de Napoléon, que lors du départ des troupes (TÀuxerre, il fit donner l'ordre suivant au gé- néral commandant l'avant-garde :

Général Girard, on m'assure que vos trou- » pes, connaissant le décret royal du 6, ont » résolu par représailles, de faire main-basse » sur les royalistes qu'elles pourraient rencon- » trer. Vous ne rencontrerez que dos Français. » Je vous défends de tirer un seul coup de ftisil : » calmez vos soldats. Démentez les bruits qui les » exaspèrent; dites-leur que je ne voudrais pas » entrer dans ma capitale à leur tête, si leurs » armes étaient souillées du sang français. »

Les troupes, réunies alors à Àuxerre, formaient déjà quatre divisions. L'infanterie fut embarquée sur l'Yonne , de manière à pouvoir arriver à Fontainebleau le 20, dans la matinée. L'Em- pereur y fit son entrée à quatre heures du matin, et sa surprise fut grande , en voyant des lanciers en vedette à la grille du château ; c'étaient des lan- ciers du 6e régiment , commandé par le colonel

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Galbois et qui depuis Joigny, leur garnison, avaient battu en retraite devant les troupes im- périales.

Après s'être établi au château, Napoléon se mit d'abord au bain, et envoya le général Drouot et le colonel Desmichels prévenir le colonel Galbois de son arrivée et lui dire qu'il comptait sur lui, et désirait le voir ainsi que son brave régiment.

H était alors cinq heures du matin ; le colonel, après s'être remis de sa première émotion, fit sonner à cheval, et vers six heures, il entra dans la cour du château à la tête de ses six cents lanciers.

Napoléon s'avança, accompagné du petit nombre d'officiers qui avaient pu le suivre, et embrassa le colonel Galbois, en présence de tout son régiment qui en fut profondément impressionné et répondit à ce témoignage d'affection par des cris enthousiastes de vive l'Empereur !

Napoléon lui fit former le carré, l'inspecta dans les plus grands détails et félicita le colonel Galbois sur l'air martial et la bonne tenue de ce beau corps; raconta son retour de l'île d'Elbe et répéta qu'il aurait été suivi de toute la population qui se pressait sur son pas- sage, depuis Grenoble, s'il l'eut voulu, mais qu'il n'avait jamais eu l'intention d'entrer dans sa capitale par la force, mais par le vœu du peuple : « Braves lanciers, s'écria-t-il , vous * allez partir pour Paris; vous trouverez

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> peut-être des troupes qui voudront faire ré- » sistance; ne les attaquez pas; gardez vos v lances pour l'ennemi ; songez que ce sont

> vos frère» d'armes ; ici , il faut convaincre » et non combattre JE VOUS FAIS TOUS

> ORATEURS!,... >

Les lanciers prirent en effet, les paroles de Napoléon au pied de la lettre. Peu d'instants après, le régiment se mit en route pour Paris. Les lanciers, dans leur exaltation, ne cessaient de parler et de chanter , et lorsque leurs officiers voulaient les rappeler au silence, leur réponse était : « que l'Empereur les avait TOUS FAITS ORATEURS. >

A peu de distance de Paris , ils rencontrèrent des troupes , dont la mission était de défendre l'entrée de la capitale ; les lanciers coururent à elles , sans mettre le sabre à la main , et bientôt on se mêla et s'embrassa aux cris de vive ÏEm- pereur '

La contagion gagna tous les corps venus de Paris, et tous se joignirent au cortège impérial.

Le 1er régiment de chasseurs à cheval , com- mandé par le colonel de Saint-Chamans, réclama l'honneur d'escorter la voiture de l'Empereur,, mais Sa Majesté avait fait choix du 1er escadron du 6e de lanciers pour lui servir de garde jusque dans la cour des Tuileries, il bivouaqua (a) .

(a) Napoléon avait fait remettre deux francs it chaque lan~

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Ayant appris , à sept heures , que la famille Royale avait quitté Paris la veille , et que la ca- pitale était libre, Napoléon ^partit vers midi pour s'y rendre , et entra aux Tuileries à huit heures du soir, sous l'escorte du 1er escadron du 6e de lanciers, et le lendemain, 21 mars, il passait, à une heure après-midi, la revue d'une armée entière! L'histoire le croira-t-elle?...

Nous ne pouvons nous dispenser de donner ici une idée des sentiments qui animèrent les Pari- siens, à la nouvelle de l'arrivée de Napoléon.

Le 19 mars, au soir, ce n'était d'abord qu'une nouvelle vague, incertaine, et dont fort peu de personnes s'occupaient.

Le 20 mars, au matin, lorsque le bruit circula que le Roi et sa famille étaient partis, vers une heure du matin , on commença à croire, et chacun se regardait avec une sorte de surprise, sans trop oser cependant s'aborder.

Enfin, il parut sur différents points de la capi- tale, plusieurs individus qui, confirmant le retour

cierpourcoœpeBsersesfatigues, étant venu de Fontainebleau à Paris sans s'arrêter. Mais peu de jours après, l'Empereur envoya vingt-quatre décorations de la Légion-d'Honneur, dont quatre croix d'officier et une de commandeur pour le colonel.

Aussitôt après la revue que passa l'Empereur le 21 mars, dans la cour des Tuileries, le 6e de lanciers se remit en marche pour la frontière da Nord, sous les ordres du général fcxelmans.

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de Napoléon, annoncèrent même son entrée dans Paris pour huit heures du soir. Dès lors, tous les esprits s'agitèrent , chacun se visitait et s'inter- rogeait dans une espèce de recueillement reli- gieux cependant : c'étaient deux trop grands événements à une si courte dislance, un trône qui tombait et un autre qui s'élevait sur ses nou- velles ruines, pour ne pas commander l'étonne- ment et presque la stupeur ; car la joie des uns et les craintes des autres étaient dominées par les pensées sévères et inquiétantes de l'avenir vers lequel on se trouvait poussé , sans pouvoir le pénétrer.

A sept heures du soir, la population parisienne se porta vers les Tuileries ; à huit heures, le jardin et les cours étaient si remplis qu'il était impossible d'y faire un pas. On entendait par toutes les bouches que l'Empereur allait arriver par le Louvre, en passant sous l'Arc-de-Triomphe du Carrousel (ce qui rendait la pensée de tous en ce moment) ; mais c'eût été impossible , la foule y était trop compacte.

Tout à coup, on vit beaucoup de lumières dans les appartements du château ; on entendit répéter que l'Empereur y était arrivé presque incognito par le quai du bord de l'eau ; effecti- vement, Napoléon était aux Tuileries , et comme il l'avait dit : // n'y avait plus qu'une paire de draps à faire changer.

Voilà donc encore le Roi parti pour l'exil, et

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Napoléon assis de nouveau sur le trône de France ! Aussi, allons-nous assister au spectacle des plus in- croyables palinodies. Les adhésions , les procla- mations vont pleuvoir autour de l'idole du 20 mars , mais parmi celles-ci nous choisirons les plus caractéristiques de l'époque ; écoutons donc ces chaleureux défenseurs de la cou- ronne Impériale :

a A SA MAJESTÉ L'EMPEREUR DES FRANÇAIS.

Sire,

» Votre Majesté vient de rendre & la France, sa force, son énergie et sa dignité, qui lui sont irrévocablement garanties par l'enthousiasme du peuple et de l'armée. Nous nous écrions avec toute la France :

» Honneur, Patrie, Fidélité ! n Vîve l'Empereur! îl

« Nous sommes avec le plus entier dévoûment et le plus profond respect,

» Sire,

» De Votre Majesté impériale, » les très humbles, très obéissants et très fidèles sujets, les » officiers de l'état-major de la troisième division militaire.

» L'adjudant-commandant, chef de » Pétat-major de la division, » GORDON. n Le chef de bataillon , Beghot , ex-aide » de camp du général Bertrand. » Le capitaine adjoint, Jajis. n Le capitaine adjoint, Petit Grand. »

Groirait-on que le principal signataire de cette adresse ait été ce même colonel Gordon, qui, le 16 juin, étant chef d'état-major de la division Durutte, passa à l'ennemi, et qui le 20 du même

i

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mois, remettait au duc de Feltre, alors mi- nistre de Louis XVIII, à G and, un rapport encore inconnu que nous donnerons dans le second volume, et qui avait pour but de fournir les moyens de compléter nos désastres?...

Le lieutenant-général , comte Pacthod , dont nous avons fait connaître l'exaltation royaliste, ne sera point le dernier à protester de son dé- voûmentà l'Empereur; en voici la preuve irré- cusable :

» Nancy, le 24 mars 1815. » AS. i sérénfssime Monseigneur le Maréchal, » Prince d'EcJkmûlh, Ministre de la guerre. » Monseigneur, » Le Moniteur du 21 annonce rentrée de Sa Majesté l'Em- pereur à Paris, le 20 à huit heures du soir.

» Napoléon rendu à la France, aux vœux de l'armée !!!... Que Votre Altesse sérénissime daigne faire entendre nos cris d'allégresse à Sa Majesté.

» Des ennemis avaient élevé un trône à la place de celui de Napoléon ; ses formes gothiques ont frappé de stupeur la France entière ; un seul regard de l'Empereur Ta fait écrouler. » Les troupes qui composent la quatrième division mili- taire n'ont pas toutes pu concourir à la gloire de leurs frères d'armes, mais nos cœurs et nos vœux les ont suivis.

» Déjà nous avons repris ces aigles, ces couleurs qui nous ont si souvent conduits à la victoire. Par notre dévou- aient et notre inviolable fidélité, nous convaincrons l'uni- verff que nous n'avons jamais cessé d'être les soldats de Napoléon.

» Veuillez, Monseigneur, être l'organe de nos sentiments près de Sa Majesté et agréer l'hommage de notre profond respect. » Au nom des soldats de la quatrième division militaire.

» Le général de division,

» comte Pacthod, »

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Le maréchal Suchet, duc d'Albufera, lui, dont l'adhésion à la Restauration du trône antique des Bourbons, fut, on l'a vu {dus loin, si tendre, si passionnée même ; ce maréchal qui, le 50 avril 1814, écrivait au ministre de la guerre, comte Dupont, en parlant de S. A. R. le duc d'Àn- goulême : c Ce Prince nous a appris d'une » manière bien aimable tout ce que nous de- » vions attendre des descendants de Henri IV, » le maréchal Suchet, en un mot, va aussi re- tourner sa cocarde, et adresser son hommage au nouveau souverain, par la voix de l'ordre du jour :

« Ordre du jour. » Soldats!

» A la première nouvelle du retour de notre auguste Em- pereur, en France, vous avez éprouvé une vive joie ; vous avez témoigné Tardent désir de reprendre la cocarde na- tionale, que, pendant vingt-cinq ans, vous avez portée avec gloire, dans toutes les parties du monde.

» Je suis pénétré des marques de confiance que vous m'avez données et de la bonne discipline que vous n'avez pas cessé d'observer. Toutes vos demandes me sont par- venues et c'est au moment je puis vous assurer que l'Em- pereur Napoléon est rentré dans Paris, au milieu de l'enthou- siasme public, et sans qu'une seule goutte de sang ait été versée, que je me plais à partager vos vœux et à vous faire connaître le décret Impérial du 13 du courant, qui rend à la nation la cocarde de la victoire. L'Empereur vient pour éterniser le souvenir des grandes actions qui ont illustré l'armée et que l'on voulait effacer. Quatre-vingt mille soldats marchent avec lui ; de toutes parts ils accourent à sa voix et viennent se ranger sous ses aigles tutélaires.

» La cause de l'Empereur est celle de la Nation et la

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•nôtre. En Raffermissant sur le trône, Napoléon assurera à la France ses constitutions, son indépendance et la paix. Que jamais l'étranger ne puisse influer sur la forme de notre gouvernement ; que cette honte n'atteigne jamais un peuple généreux et brave ; c'est le gage le plus certain du repos des nations.

» Soldats ! et vous valeureux Alsaciens, qui avez fait de si grands sacrifices pour défendre votre province, vous ne souffririez pas que les étrangers vinssent porter une seconde fois le ravage dans vos champs. Nous ne franchirons pas nos limites, mais nous combattrons à outrance tous ceux qui viendraient dans notre belle France pour nous dicter des lois. Le patriotisme de la nation tout entière se déve- loppera ; chacun volera aux armes et combattra pour Tin- dépendance nationale et la paix.

» Braves gardes nationales, habitants de l'Alsace, vous avez partagé l'impatience des troupes de ligne; livrez- vous à vos vœux en arborant la cocarde tricolore, signe de ralliement de tout bon Français.

» Strasbourg, le 23 mars 1846.

» Le maréchal d'Empire, duc d'ALBUFERA. »

Quoi qu'il en ait été de cet ordre du jour et des sentiments qui l'avaient dicté, l'Empereur précipité de son trône pour la seconde fois , le maréchal duc d'Albufera sut conserver sa position et reconquérir la confiance de Louis XVIII. La conscience des grands seigneurs de tous les ré- gimes ne les trouble jamais, et toujours ils sont les bienvenus dans les antichambres royales. C'est immoral sans doute, mais ce sont des feits malheureusement trop avérés de nos jours , et que, seule, l'opinion publique ne ratifie pas.

Le lieutenant-général, comte d'Erlon, qui, au moment de l'entrée de Napoléon dans Paris , se

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trouvait détenu à Lille et à la veille d'être trans- féré à la Fère pour y être jugé , sous l'inculpa- tion d'avoir conspiré , non pour Napoléon , mais en faveur du duc d'Orléans, le comte d'Erlon adressa en ces termes, son adhésion au prince d'Eckmûlh :

« Monseigneur,

» Lorsque le duc d'Orléans fut arrivé à Lille, j'appris que je devais être transféré à la Fère pour y être jugé. Je pris alors le parti de me soustraire à mes gardes. Je me retirai chez le colonel du génie, M* Truessard, homme entière- ment dévoué à Sa Majesté impériale, et je concertai avec lui les moyens de m'enfermer dans la citadelle avec une partie de la garnison, dans le cas le Roi se rendrait à Lille et voudrait y introduire les Anglais. Plusieurs colonels m'avaient assuré de leur dévoûment pour le service de l'Em- pereur et je comptais sur leur promesse. Le Roi ast arrivé hier, 22, dans cette ville, mais rien ne faisant présumer que les étrangers dussent y entrer, le calme le plus parfait a continué de régner dans la place et je puis assurer à Votre Excellence que toute les troupes sont animées du meilleur esprit Le Roi est parti aujourd'hui vers les trois heures après midi, prenant la route de la Belgique.

» L'officier du génie qui est arrivé ce matin m'a commu- niqué la lettre de Votre Excellence. Je la prie d'agréer tous mes remercîments pour le souvenir qu'elle a eu la bonté de me conserver et de vouloir bien être mon interprète auprès de Sa Majesté Impériale en C assurant de tout mon dévoûment pour son service et pour son Auguste personne.

» Je me réserve de faire connaître à Votre Excellence les officiers qui, dans cette circonstance, ont donné des preuves d'un attachement sans bornes pour Sa Majesté l'Empereur.

» J'ai l'honneur de me dire avec le plus profond respect,

» Monseigneur, » Lille, le 24 mars 1815.

» De Votre Excellence, » Le très humble et très obéissant serviteur.

» D. comte d'ERLON. »,

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Enfin , pour borner la reproduction de cette partie des curieux documents historiques re- cueillis par nous depuis plusieurs années , nous allons donner de la publicité pour la première fois aussi à une lettre confidentielle du lieutenant- général comte Foy au prince d'Eckmulh.

D'abord indécis sur le parti qu'il prendrait dans d'aussi graves conjonctures , s'étant même refusé à une manifestation anticipée à laquelle l'avait convié de Rennes, le lieutenant-général comte Pire, le général Foy, voyant la partie GA- GNÉE par Napoléon, se décida à faire aussi preuve de zèle pour le service de Sa Majesté Im- périale ; mais laissons parler cet illustre orateur :

» Nantes, le 24 mars 1815.

. » Monseigneur,

» Inspecteur-général d'infanterie dans la douzième divi- sion militaire, j'étais à Nantes depuis douze jours, occupé de l'inspection du dépôt du 61e régiment d'infanterie. Nous avons été ici, pendant huit jours, avec trois ou quatre cents soldats en état de faire le coup de fusil, et entourés de chefs vendéens spécialement envoyés par le dernier gouvernement pour organiser la guerre civile.

» J'ai cru, dans de pareilles circonstances, devoir prendre aux affaires une part plus active que celle indiquée par mon emploi d'inspecteur général. L'intérêt de ma position et mon dévoûment à l'Empereur m'en faisaient la loi.

» Je suis parvenu à identifier notre poignée de soldats avec la masse des habitants de Nantes qui a horreur de la guerre de la Vendée, et qui, dans tous les moments, a voulu l'empêcher, quelle que fût d'ailleurs la nuance des opinions. M. le duc de Bourbon avait ordonné des distributions de poudre et de fusils aux bandes vendéennes et chouanes. J'ai

1

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fait arrêter les envois. Pas un paysan n'a reçu ni une arme, ni un paquet de cartouches.

» Les nouvelles de Paris ont été interceptées à Angers par les agents de M. d'Autichamp. Aujourd'hui au matin sont arrivées à Nantes les proclamations de S. M. l'Empereur. Aujourd'hui, à midi, j'ai fait arborer sur les tours du château le drapeau d'Austerlitz. Il a été salué de cent et un coups de canon. La garde nationale et les troupes ont foulé aux pieds la cocarde blanche et repris avec l'enthousiasme du bonheur la cocarde nationale.

» J'ai engagé M. le général Brouard, commandant le dépar- tement de la Loire-Inférieure, à exercer la plus grande sur- veillance sur les ports de mer, à empêcher le départ de quelque bâtiment que ce soit, & réorganiser la défense des côtes, & obliger les anciens nobles à rentrer dans la ville ou dans leurs châteaux, à assujetir les passeports au visa rigou- reux de l'autorité militaire, à arrêter tout transport d'argent et de munitions, à dissoudre tout rassemblement armé ou non armé autre que les cohortes urbaines de la garde natio- nale, à constituer sur-le-champ en arrestation tout provo- cateur à la guerre civile.

» J'ai écrit dans le même sens au préfet de la Vendée et au général commandant le département

» J'ai fait part au général commandant la division mili- taire de Rennes de ce qui s'est passé ici.

» L'esprit de la ville de Nantes est généralement bon ; plus qu'ailleurs, on craint la guerre civile, mais le commerce a de l'inquiétude. Nantes a en mer beaucoup de vaisseaux et de capitaux. Il importe de rassurer les armateurs et les capitalistes.

» Le temps des insurrections est passé pour la Vendée. Les agitateurs n'ont pu recueillir en faveur de la Maison de Bourbon que des hommages stériles ; les laboureurs et ceux qui ont fait les guerres de 1793, ont montré la forte intention de ne pas prendre les armes.

» Les hommes de journées, les artisans, les domestiques se sont rendus aux rassemblements ; mais ils ont déclaré ne pas vouloir se dépayser. La présence de M. le duc de Bourbon a plus nui au partf qu'elle ne l'a servi. Le Prince était encore

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avant- hier à Beaupréau seul, sans troupes, même sans es- corte. Il a partir cette nuit pour aller s'embarquer dans un des ports de mer de la rive gauche de la Loire.

» Inspecteur général et n'ayant pas de commandement, je continuerai à servir l'Empereur, MON MAITRE, par mon zèle et mon influence. J'attendrai à Nantes les ordres qu'il plaira à Votre Excellence de me donner pour le service de Sa Majesté Impériale. » Tai l'honneur d'être avec respect, » Monseigneur,

» De Votre Excellence, » Le très humble et très obéissant serviteur. » Le général de division, inspecteur général d'infanterie » dans la douzième division militaire,

» M. Foy. »

« P.-S. Le 1er avril 1814, les administrations de l'Ouest ont été remplies presqu'inclusivement par des chefs de Chouans et de Vendéens : il est essentiel pour le bien du ser- vice de Sa Majesté de faire de grands changements parmi les maires.

» La Maison de Bourbon a promis aux Chouans et Ven- déens, blessés pendant les guerres civiles, des récompenses, calculées d'après les mêmes bases que les gratifications et la solde de retraite de l'armée. Le travail de répartition de ces récompenses a été mal fait ; cependant il a produit un effet quelconque d'opinion dans le pays.- G'est le seul titre de re- connaissance que la dernière Dynastie se soit fondé dans les départements de l'Ouest Votre Excellence jugera peut-être bon pour le service de l'Empereur, d'annoncer la confirmation du travail des récompenses. Il est de notoriété publique que notre Auguste Souverain a eu le premier l'idée d'accorder des soldes de retraite aux Vendéens blessés à la guerre et hors d'état de subsister par le travail de leurs mains.

» M. Foy. »

Si le drapeau d'Austerlitz flotte sur le palais des Tuileries , le drapeau de Fontenoy flotte aussi sur le donjon de Vincennes; tous deux, il est

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vrai, sont dignes, l'un de l'autre, sous le rapport de la gloire militaire; pourquoi faut-il qu'ils servent de symbole à deux principes ennemis ?. . .

Aujourd'hui, le drapeau de Fontenoy devra s'incliner devant l'étendard impérial , sauf à prendre sa revanche, de même qu'à Fontenoy, cet antique drapeau français fit à l'armée anglaise le salut des armes et l'honneur de subir son pre- mier feu.

À Vincennes, commande pour le Roi, un noble chevalier, le général marquis de Puyvert. Soldat fidèle, intrépide et dévoué, la ruse et la défection pourront, seules, triompher de sa résistance.

Telles furent, en effet, les moyens mis en œuvre pour obtenir la capitulation de cette for- teresse, ainsi que le constate le rapport inédit ci- après sur la soumission de la garnison, le 21 mars 1815.

» A Son Excellence le comte Bertrand, major général. » Mon général,

» Hier, 20 mars, je m'étais rendu au château des Tuileries aussitôt que j'eus connaissance que le pavillon tricolore y était arboré; j'y trouvai M. le général Exelmans à qui je té- moignai mon vif désir de servir la cause de l'Empereur et de donner des preuves de mon éternel dévoûment à Sa Majesté.

» Le général Exelmans me donna aussitôt l'ordre de me rendre à Vincennes et d'y employer tous les moyens pour prendre le commandement du fort et en expulser le marquis de Puyvert, gouverneur nommé par le Roi, qui paraissait prendre des dispositions de défense.

» Le général mit à ma disposition quatre officiers et deux gendarmes, en sorte qu'à mon départ de Paris, ma petite

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troupe était composée de huit hommes montés, compris mon aide de camp et moi.

» L'opération était délicate, car il était à présumer que M. de Puyvert aurait pris des mesures pour para- lyser les bonnes dispositions de la garnison ; en effet, au moment j'arrivais à la vue du fort, deux bataillons de volontaires royaux de Paris étaient rangés en bataille sur le glacis, l'un à la droite, et l'autre à la gauche de la barrière qui était fermée ; les ponts étaient levés,

» A mon entrée dans le village, plusieurs habitants, à la vue de nos cocardes tricolores, firent éclater des cris de vive l'Empereur 1 qui mirent de l'hésitation dans le bataillon de gauche. J'en profitai et me portai au galop devant son front. Je m'adressai au colonel, marquis de l'Étang qui lecomman- dait, et lui ordonnai, au nom de l'Empereur, de faire mettre ses armes en faisceaux et de faire mettre desuite sa troupe en marche sur Paris. Ce colonel se mit sur-le-champ en devoir d'obéir, et tandis que j'envoyai mes officiers donner le même ordre au bataillon de droite, je m'approchai du fort pour parler aux soldats qui bordaient le haut de la muraille et pour faire demander le gouverneur.

» Les officiers qui se présentèrent au second bataillon furent très mal accueillis;' et des cris de vive le Roi ! se firent entendre. Plusieurs volontaires couchèrent en joue mes of- ficiers. Je fis appeler le commandant de ce bataillon, mais on me répondit qu'il était dans le fort. Je rendis alors le plus ancien capitaine responsable du moindre acte hostile que commettraient ses soldats, qui prirent une contenance plus pacifique, quoique restant sous les armes, et refusèrent de rentrer à Paris.

» Des officiers d'artillerie de la garnison qui avaient dîné dans le village, étaient devant la barrière qu'ils avaient trouvé fermée, lorsqu'ils avaient voulu rentrer. Ils me protes- tèrent de la bonne disposition de leurs soldats et me pro- mirent de les faire prononcer en faveur de l'Empereur, dans le cas le gouverneur refuserait de se soumettre et de me remettre le commandement.

» Après un quart d'heure d'attente, le chef d'état-major delà place se présente à la barrière, accompagné deM. leco-

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lonel Renaud, directeur des parcs d'artillerie, et m'invita à entrer dans la place et à me rendre chez le gouverneur.

» Malgré le danger que je pouvais courir, je ne balançai pas à me rendre à cette invitation, bien décidé à faire un appel aux troupes, dans le cas le gouverneur ne voudrait pas consentir à se démettre de son commandement

» Lorsque j'entrai chez le marquis de Puyvert, il était entouré de tous les officiers de la garnison ; les nouvelles que je lui annonçai et la sommation que je lui fis produisirent d'abord peu d'effet sur lui ; il me dit qu'en homme d'hon- neur il ne pouvait pas rendre une place forte sans com- battre; je lui objectai que l'honneur lui prescrivait de ne pas combattre des Français, et finis en lui déclarant que je le rendais personnellement responsable des calamités que pourrait entraîner son obstination. Cette dernière menace parut faire son effet, car il me demanda la permission d'assembler son conseil de défense pour prendre son avis.

» Je me retirai dans un appartement la majeure partie des officiers de la garnison vinrent me trouver. Ils firent alors éclater librement devant moi leurs sentiments et leur amour pour l'Empereur. Plusieurs qui avaient des cocardes tricolores cachées, les arborèrent; je les engageai à se rendre de suite à leurs troupes et à les faire se pro- noncer.

» Bientôt j'entendis dans les cours des cris de vive l'Empe- reur! qui venant à l'appui des représentations des membres du conseil de défense, qui partageaient les sentiments de toute la garnison, décidèrent sans doute M. de Puyvert à céder aux circonstances. Il me fit demander à faire une.ca- pitulation. Je pensai que, dans ce moment critique, il ne fallait pas marchander sur quelques conditions, au fond peu importantes, et la convention dont j'ai eu l'honneur d'adres- ser hier une copie à M. le général Exelmans fut signée à huit heures du soir. A neuf heures, M. de Puyvert sortit du château et partit pour Paris avec deux officiers qui voulurent le suivre, M. le chevalier des Gontis, chef d'escadrons, et M. Monticat, sous-lieutenant

» Aussitôt la capitulation signée, je réunis les troupes, les haranguai et leur fis prêter avec un enthousiasme diffi-

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cile à décrire, le serment de fidélité à l'Empereur et celui de mourir pour sa cause.

» M. d'Angibaut, chef de bataillon, commandant du 2* ba- taillon de volontaires royaux, exécuta Tordre que je lui donnai de rentrer dans Paris avec ses hommes désarmés. Il paraît que c'est au mauvais esprit de cet officier qu'on doit surtout attribuer la conduite hostile de son bataillon, qui, dans la journée d'hier, a fait faire feu sur des habitants de Gharenton qui criaient vive CEmpereur!

» Vers huit heures et demie, un convoi d'artillerie venant de la Fère, entra dans la place ; le conducteur me fit le rap- port qu'à son passage à Saint-Denis, vers six heures du soir, un bataillon de volontaires royaux de Paris avait arrêté son convoi, et s'était emparé d'une pièce de canon et de quinze caissons, et que ce n'était qu'avec une peine extrême qu'il était parvenu à sauver les neuf pièces qu'il a fait entrer dans le fort, Le dévoûment de ce conducteur est digne d'éloges. Votre Excellence trouvera ci-joint l'aperçu de l'artillerie qui existe dans le fort et l'état particulier du convoi venu hier soir de la Fère.

» J'ai fait mettre en sûreté les fusils provenant des volon- taires royaux: on n'en a trouvé jusqu'à ce moment qu'environ trois cents, mais j'ai écrit aux maires des communes envi- ronnantes pour qu'ils me fissent rapporter de suite les armes qui auraient été abandonnées dans leur arrondissement par les volontaires.

» Voici les noms des officiers qui m'ont, accompagné de Paris à Vincennes, savoir :

» Decourmont, capitaine. Il est mon aide de camp; il est décoré.

» Dechez, capitaine adjudant-major du 1" corps franc du département de la Seine; il est décoré.

» Manceaux, capitaine adjudant-major de la place de Pa- ris, en demi-solde; il n'a point la décoration.

» Delcamps, lieutenant de cavalerie au 1<V corps franc du département de la Seine, il n'a point la décoration, ni même la demi-solde.

» Poulet, capitaine au 6* régiment d'artillerie, en demi- solde; il n'est pas décoré.

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» Pusii-Rogier, Permont (Joachim-Golunas), gendarmes de la compagnie de chasseurs du Roi, ne sont pas décorés.

» Ci-joint l'état des officiers de la garnison : ils ont tous des titres à la bienveillance de l'Empereur, mais je dois parti- culièrement vous citer le dévoûment de MM. Hugo, adjudant- commandant, chef de l'état-major de la place ; Lasnow, ma- jor d'artillerie; Merle, chef de bataillon, ex-commandant de Blaye, qui ont puissamment contribué à faire prendre à M. de Puyvert le parti de la soumission, et qui ont provoqué la manifestation des sentiments de la garnison.

» Je vous envoie deux drapeaux laissés dans la place par les volontaires royaux des Écoles de Droit et Nationales de Paris.

» Je prie Votre Excellence d'agréer l'assurance de mon profond respect

« Le général de brigade, gouverneur par intérim « du fort de Vincennes,

» Baron Merlin.

» Vincennes, le 21 mars 1815. »

» CONVENTION.

» Place de Vincennes.

» Entre nous, Louis-Joseph Hugo, colonel, chef d'état-ma- jor de la place de Vincennes, nommé par M. le maréchal de camp, Marquis de Puyvert, commandant ladite place, d'une part,

» Et M. de Gourmont, aide de camp de M. le général de brigade Merlin, nommé par ledit général,

» Avons arrêté la convention suivante :

» Vu l'esprit de la majeure partie des troupes de la gar- nison en faveur de l'Empereur Napoléon, et considérant l'impossibilité de tenter la défense de la place qui a été confiée par Sa Majesté Louis XVIII, M. le marquis de Puyvert, ayant employé tous les moyens en sa puissance pour déter- miner les troupes à défendre le château et ayant reconnu l'impossibilité de pouvoir les y engager, consent à remettre la place, sauf les conditions ci-dessous :

295

» Article 1. M. le maréchal de camp, marquis de Puy vert, remettra les archives et clefs du château à M. le général de brigade Merlin,

» Art 2. Il lui sera délivré des passeports pour se rendre au lieu qu'il aura désigné, ainsi qu'à MM. les; officiers et aux troupes qui désireraient le suivre et à sa famille.

» Art 3. La présente convention, faite en triple expédi- tion, sera notifiée par MM. les généraux susnommés et mise de suite à exécution.

» Art 4. H sera accordé à MM. les officiers qui voudraient s'éloigner de Paris, un délai de huit jours pour terminer leurs affaires.

» Art 5. MM. les officiers qui voudraient quitter la place aux termes de la susdite convention en sortiront de suite.

» Art. 6. Les troupes qui voudront suivre M. le marquis de Puyvert , emporteront leurs effets et seront escortées jusqu'à la Loire.

» Fait triple au château de Vincennes, le 20 mars à huit heures du soir 1815.

» Le colonel, chef d'état-major, Hugo. » Le capitaine, aide de camp, de Gourmont.

»» J'approuve la présente convention dans tout son contenu.

» Le général de brigade, baron Merlin.

» Le maréchal de camp, marquis de Puyvert

LIVRE CINQUIÈME.

CHAPITRE XVII

LES CENT JOURS.

SOMMAIRE. Situation des partis. Napoléon, pourra-t-il, par son génie, triompher des difficultés de sa position ? Attitude mena- çante de la coalition. Courtes illusions de Napoléon sur l'assis- tance de la Cour d'Autriche. Il porte toute son attention sur la réorganisation de son armée . Il la fait défiler successivement sous ses yeux avant de la diriger vers les frontières. Enthou- siasme des soldats . Aura-t-il le temps de faire exécuter ses vastes plans militaires? —Lettres, instructions et ordres inédits de Napo- léon à ce sujet.— Sa sollicitude sur l'armement et le matériel de l'ar- tillerie. — Organisation d'un équipage de 150 bouches à feu, formant 650 voitures. Décret rappelant à leurs corps respectifs, tous les sous-officiers et soldats en semestre ou en congé illimité. Mission spéciale du lieutenant-général Mouton-Duvernet. Ordre de pré- parer à Paris, Versailles, Vincennes et laFère, des ateliers de répa- ration pour les 66,000 fusils qu'il fait venir de Montpellier, Perpignan, Toulouse et Bayonne.— Mêmes ordres pour toutes les grandes places

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du Nord et les grands établissements maritimes ; sa correspond au ce inédite à cet égard. Ordre de faire acheter 300,000 fusils en Suisse et en Angleterre. Mise en activité de tous les officiers en demi-solde. Ordre à des officiers généraux d'artillerie de partir immédiatement pour les frontières, pour y surveiller l' armement des places. Formation de 48 escadrons de cuirassiers en trois di- visions d'observation, et de 60 escadrons de dragons en quatre divi- sions de réserve, ayant chacune leur batterie. Ordre de former une batterie pour chaque division d'infanterie, et de préparer les batteries de 12. Formation des corps d'armée. Correspondance remarquable et inédite de Napoléon avec le prince d'Eckmuhl, sur la réorganisation de l'armée. Il se plaint que Ton n'ait retiré de la Maison militaire du Roi, que 500 chevaux, et en rend responsable le général Lauriston. Ses instructions concernant les corps de la Maison du Roi; ordre d'arrêter partout les hommes rouges. Ordre de remplacer le général d'Aigreroont, ainsi que les généraux mauvais, et de changer de lieux les douteux. Mêmes mesures pour les commandants des places importantes. Missions spéciales des généraux Pernetli, Foucher, Taviel, Charbonnel et Tirlet. Ordre qui met à la disposition du ministre de la guerre 68 compagnies d'ar- tillerie pour le service des places maritimes et celles du Nord, de l'Est, des Alpes et des Pyrénées. Insistance de Napoléon pour la prompte réparation et confection des armes : « Songez, disait-il au » prince d'Eckmuhl, que dans la situation actuelle, le salut de CÉtat » est dans la quantité de fusils donf nous pourrons nous armer! »

Mesure de précaution contre l'Angleterre. Formation de trois comités de défense pour les frontières : « Tout cela, écrivait Napo- » léon, est de la plus grande urgence, il faut s'en occuper sans » délai. » Plaintes de Napoléon sur la lenteur des travaux de ré- paration des armes : « On a perdu quinze jours, écrit-il, dans les » circonstances nous nous trouvons, la fabrication des armes est » le premier moyen de salut de l'État ; il faut calculer comme si * t ennemi devait nous déclarer la guerre à peu près du 1er au 15 » mai » « Prenez, disait-il au prince d'Eckmuhl, prenez tes Tui- » leries, les casernes, les anciennes salles de spectacle, et même » quelques églises ; il nous faut 240,000 fusils avant le 15 mai. »

Ordre d'armer, sans délai, la Fère, Soissons, Vilry et Château- Thierry. Exil et mise en surveillance du général Tirlet.

Nous marchons maintenant à grands pas vers la période fatale que l'histoire a enregistrée,

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dans ses fastes , sous le nom de Cent-Jours : période courte, mais cruelle, féconde en ensei- gnements utiles et terribles pour les peuples , comme pour les Rois , et qui causa plus de maux à la France que dix années de victoires ne lui avaient fait de bien. Noô ennemis eux- mêmes, tout vainqueurs qu'ils aient été, y ont- ils gagné ? Nous ne le croyons pas.

On peut assurer, sans crainte d'être contre- dit, que le retour de Napoléon, de l'île d'Elbe, ne fut point salué avec acclamation par la nation entière, et le Champ-de-Mai (a) est la

(a) En 1790 , après la destruction de la bastille et l'aboli- tion de la noblesse, la nation fût appelée à fraterniser dans une solennité publique, dont le lieu fût fixé à Paris. La réu- nion, composée de délégués du peuple et de l'armée, eut lieu au Champ-de-Mars, le 14 juillet, premier jour anniversaire de la prise de la Bastille.

En 1815, Napoléon, sentant la. nécessité d'en appeler à la nation, convoqua le Champ-de-Mai, antique fédération des Francs, sous les deux premières races. Cette fédération nou- velle eut lieu dans le Champ-de Mars, même 27 ans au- paravant, la nation avait élevé un autel à la Patrie. Mais, en 1815, le patriotisme et l'enthousiasme s'étaient refroidis parla défiance; Napoléon lui-même recula devant ces hommes, qu'il avait appelés, et qui ne tirèrent de leur mandat que des persécutions, et Dieu sait cependant si dans toute cette as- semblée bâtarde, il y eût même le germe d'un conventionnel au petit pied!...

Jamais corps législatif ou constituant ne fut, en effet, plus misérable, plus ridicule que la chambre des Cent-Jours ; elle ne méritait donc qu'un 18 brumaire et non certes les honneurs de la proscription !

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preuve que l'Empereur ne se l'était pas dis- simulé.

Plusieurs partis se groupaient , ainsi que nous l'avons démontré , sur le sol Napoléon reve- nait poser le pied; ici, le parti royaliste qui gémissait en secret d'une révolution aussi ins- tantanée; là, les partisans de la vieille répu- blique, auxquels on pouvait appliquer avec raison ce qu'ils disaient eux-mêmes des Bourbons : Ils n'ont rien oublié et rien appris ; et enfin un troisième parti qui venait d'éclore et d'entrer en lice par la conjuration de Lille , dite du Nord, au commencement de 1815 (a).

Partout donc une inquiétude manifeste, dont le silence n'était troublé que par les excès des fédérés. En un mot, l'armée seule était au com- ble de ses vœux ; mais il s'agissait bien moins pour elle alors de la Patrie , que de rendre un

(a) La conjuration du nord se continua jusqu'en 1830 par leséchauffourées successives de Didier, de la garnison de Paris, de Colmar, de Toulon, de La Rochelle, de Berton, etc., etc., qui, toutes étaient Orléanistes, à l'insu, nous n'en doutons pas, du prince auquel elles ont en définitive profité, car Napo- léon qui en était le prétexte, était absent ou prisonnier, et le roi de Rome était entre les mains de l'étranger.

Quant à Lafayette, on a su depuis, que son nom n'avait été qu'un en cas provisoire pour le moment de la crise. Mais, pour nous servir ici d'une expression textuelle de l'un des principaux adeptes de cette conjuration, alors colonel, et

aujourd'hui le lieutenant-général F •:

« On avait mieux qde cela. »

299

trône au chef illustre qui l'avait gagné à la pointe de son épée; à ee vaste génie qui lui semblait, seul, capable de donner à la France la suprématie sur toutes les nations de l'Europe.

Pour arriver à ce but , il fallait naturellement vaincre d'immenses obstacles.

Toutes les nations étaient encore en armes. Si elles marchent, elles ne feront plus la guerre à un seul homme , elles la feront à la France entière , qui , le supposent-elles, vient de protes- ter contre l'abus de la victoire, contre les spo- liations subies.

Cette guerre sera décisive : malheur au vaincu ! ! Ce sera donc à l'armée , qui a fait cette révolution, à dénouer tous les fils d'un drame qui va décider du sort de la France !

Bien que Napoléon eût fait publier qu'il était soutenu par l'Empereur d'Autriche , et que la guerre étrangère ne serait pas la conséquence de son retour , il ne s'abusait cependant pas sur la politique des souverains , et se mit en mesure de défendre son trône, reconquis, cette fois, d'une manière si fabuleuse.

Il ne s'écoulait pas de jours, qu'il ne passât, dans la cour des Tuileries, la revue de plusieurs régiments; ces revues étaient souvent de sept, huit et dix mille hommes. Toutes ces troupes, arrivées de la veille , et quelquefois le jour même, partaient aussitôt après, pour s'échelon- ner vers les frontières du Nord et de l'Est, pour

500

s'y organiser en divisions et en corps d'armée, prêts à les défendre, comme aussi à les franchir au premier signal.

Paris était donc devenu un vaste camp re- tranché, où chaque régiment venait puiser de l'enthousiasme, des armes et des équipements pour de nouvelles campagnes.

Maître absolu et sans coup férir du trône de Louis XVIII, il ne s'agissait plus que de s'en assurer la possession. C'est à cette grande œu- vre que l'Empereur va désormais consacrer tous ses instants, toutes les inspirations de son génie, toute sa prodigieuse activité.

Nul au monde ne l'égala dans l'art des orga- nisations militaires; nous allons en donner des preuves. On reconnaîtra l'inconcevable puissance de la tête de Napoléon : il a tout prévu, tout senti, tout jugé! Devant ce qu'il a fait et ce qu'il a voulu faire, pendant ce si court espace de temps des Cent- Jours, l'on comprend, mais tout en restant frappé d'étonnement et d'admi- ration à la manière dont il se prépare à la guerre, dont il en combine les moyens et les résultats, que s'il eût été secondé, que si, ni le temps , ni les ressources suffisantes ne lui eussent manques ; qu'enfin s'il eût rencontré par- tout des cœurs patriotes et fidèles, il eût con- solidé sa couronne et commandé de nouveau à l'Europe.

À peine l'Empereur a-1ril reçu les félicitations

301

de la foule qui encombrait les appartements du château, que sa première pensée fut d'envoyer chercher le lendemain soir le lieutenant-général Evain, directeur de l'artillerie au ministère de la guerre. Il s'entretint avec lui pendant presque toute la nuit, quelque barrasse qu'il dût être en- core, et lui fit mille questions sur la situation des arsenaux et sur les moyens de se créer de promp- tes ressources pour toutes les éventualités qu'il ne prévoyait déjà que trop. Mais aura-t-on même le temps de, mettre à exécution les plus urgentes de ses conceptions ?. . .

Dès le 22 mars , Napoléon se fait faire un rapport détaillé sur tout ce que peut offrir Far-* tîllerie, de même que l'état des manufactures d'armes en activité, et des arsenaux; ce rapport lui fut remis le 24.

Le 25 mars, il écrit au maréchal prince d'Eckmûhl, auquel il a confié le portefeuille de la guerre , pour lui annoncer qu'il a signé le décret pour la commande de fusils , proposée par lui la veille, en ajoutant : t Qu'il ne connaît rien de plus urgent. » Il témoigne le désir que le modèle 77 soit pour les troupes de ligne, et le 1 pour les gardes nationales ; il demande en même temps : S'il serait possible de fabriquer cent cinquante mille fusils 1 , indépendamment des deux cent cin- quante mille du 77, ce qui ferait quatre cent mille fusils pour cette année; Un rapport sur

504

les moyens de réparer les vieilles armes, et que Ton eût à lui en faire connaître les em- placements , pour qu'il les rectifiât ; D exi- geait que Vincennes eût constamment au moins cent mille fusils, et qu'il y en eût cent mille sur la Loire; que Ton eût à consulter le génie pour connaître le poste sur la Loire , Ton pourrait mettre ces armes, à l'abri d'un coup de main; il désirait que la manufacture de Tulle fût triplée, ainsi que celle de Versailles,

<r S' APPUYANT SUR CE QUE LES ÉVÉNEMENTS DE » 1814 DEVAIENT ASSEZ FAIRE CONNAITRE LA RAI- » SON DE CES DISPOSITIONS. *

D ne voyait aucune utilité à loger des trou- pes et des chevaux à Vincennes, tandis qu'jL voulait que tout remplacement fut converti en magasins d'artillerie, à l'exception du logement à réserver pour un bataillon , qu'il « jugeait

» SUFFISANT POUR LA DÉFENSE DE CE POSTE. » Le

général Evain était prié de s'entendre avec le général Decaux pour l'exécution de ces ordres. Le même jour, l'Empereur approuve la for- mation d'un équipage de cent cinquante bou- ches à feu, formant six cent cinquante voitures. Il a amené avec lui , dit-il , une quarantaine de bouches à feu; il y avait eu aussi de grands mou- vements d'artillerie pour former le camp que de- vait commander le comte d'Artois, et d'autres ordonnés quelque temps avant que l'on sût son débarquement; il demandait, en conséquence,

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un rapport sur ces objets; il lui fut remis le

lendemain.

Une ordonnance de Louis XVIII , en date du

9 mars, avait rappelé, à leurs corps respectifs,

tous les sous-officiers et soldats qui se trou- vaient dans leurs foyers en semestre ou en

congé; l'Empereur transforma celte ordonnance purement et simplement en un décret dont le premier article prescrivait, au nom de l'Empe- reur et de la Patrie , à tous les sous-officiers et soldats en semestre, on congé limité ou illimité, qui n'étaient pas dans le cas d'obtenir des congés absolus, de rejoindre sur-le-champ les dépôts des corps auxquels ils appartenaient, destinés qu'ils étaient à compléter les troisièmes bataillons et successivement à former les qua- trièmes bataillons, de ces régiments. Les conseils d'administration des dépôts étaient chargés de pourvoir à leur habillement et à leur armement. Les dépôts' étant immobiles et n'entrant pas dans le calcul des combattants , le ministre devait avoir tout le temps de prendre ses mesures.

Le 26 mars, l'Empereur ordonne au lieu- tenant-général Mouton-Duvernet de se rendre à Lyon pour se porter sur les frontières,s'il deve- nait nécessaire, avec les 56e et 49e régiments d'infanterie de ligne, le 1er bataillon du 5e de ligne, les flanqueurs et tout ce qu'il avait avec lui. Il lui ordonne également d'organiser deux batteries et de se. tenir prêt à partir.

504

27 Mars. Ordre au ministre de la guerre de faire venir c sans délai », à Vincennes, et à la Fère, qui en est la succursale, tous les fu- sils qui se trouveraient dans les manufactures d'armes, et qu'à compter de ce jour, tous les produits des manufactures reçussent la même destination; de foire venir de Corse à Toulon, pour y être réparés, les cinq mille neuf cents fusils qui se trouvaient à Bastia , que des ordres étaient donnés au ministre de la marine pour leur transport ; ordre également de faire venir à Paris les fusils à réparer qui se trouvaient ainsi entreposés :

à Montpellier. . . 14,600

à Perpignan. . . 20,600

à Toulouse. . . . 13,800 [ 00>zuu.'

à Bayonne. . . . 17,200 de faire disposer à Paris, Versailles et la Fère, des ateliers pour réparer promptement ces 66,200 fusils qui, provenant du désarme- ment des troupes, ne devaient avoir besoin que de peu de réparations, et par conséquent on pourrait en réparer deux mille par jour; mais, en attendant leur arrivée successive, on devait toujours commencer la réparation des quatre mille qui se trouvaient en magasin.

Ainsi , avant quarante jours , on devait avoir à Paris, calculait Napoléon :

305 ~~

Fusils réparés. . . . 70,000 \

Existant ou en route. 30,000

Id. dans les manuf . ou \ 144,000

fabriqués jusqu'au 1 er mai . 20,000

Fabrication. de mai. . 24,000

En ajoutant à ce nombre la fabrica- tion des sept derniers mois, à raison de 24,000 fusils par mois 168,000

»*■

On aurait. . . 312,000 pour le nombre total des fusils qui devaient exis- ter à Paris, à la fin de Tannée.

Le même ordre prescrivait de faire monter dans les grandes places du Nord, et dans les grands établissements maritimes, des ateliers pour les réparations d'armes; que l'Empereur ferait rendre, s'il était besoin, le grand commun de Versailles; qu'il fallait établir un atelier à Lyon ; et comme à Auxonne il n'y avait ni armes à réparer, ni armes neuves, il fallait y foire transporter dix mille fusils de Grenoble , moitié en état, moitié à réparer, de sorte que les soixante et un mille fusils de Grenoble seraient ainsi répartis :

A Auxonne 10,000

ALy°n «M*»

A Valence 5,000 / 01,UUU

A Grenoble .... 21,000 }

Des vingt-quatre mille fusils se trouvant à

Mézières , dix mille devaient être transportés à

20

_ 506

Soissons ; à Strasbourg , sur les vingt-trois mille fusils neufs qui y étaient, dix mille devaient être transportés à Phalsbourg; il en restait encore treize mille à Strasbourg et huit mille à réparer, qui devaient l'être en moins de quarante jours, ce qui porterait son approvisionnement à vingt et un mille fusils.

Il n'y avait à Metz que trois mille cinq cents fusils neufs, mais dix-sept mille quatre cents étaient à réparer ; ordre de le faire promptement. Il en aurait fallu dix mille neufs à Metz.

Ordre de faire établir, à Paris, des ateliers pour monter quatre cents fusils par jour avec des pièces de rechange , c ce qui procurerait du tra- vail a la ville. > Ordre de foire venir des ca- nons de fusils 'de tous côtés ; de faire monter un atelier de platines en cuivre et faire voir « si l'on pourrait avoir en Angleterre ou en Suisse

CENT MILLE FUSILS, ET EN FAIRE ACHETER MÊME DEUX CENTS MILLE. »

Le 27 mars, l'Empereur ordonne de renvoyer dans le Nord les compagnies du 6e et du 2e ré- giment d'artillerie à pied , et le 4e régiment à Grenoble ; un bataillon devrait partir dans huit jours; ordre aussi d'envoyer à Grenoble les trois compagnies du 4?e régiment d'artillerie à cheval restées à Valence.

L'Empereur approuve la mise en activité d'of- ficiers en demi-solde, et leur envoi dans les places pour y commander l'artillerie, et prescrit

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de faire partir des officiers généraux d'artillerie pour les frontières, afin d'y surveiller l'arme- ment, des places; et enfin ordonne que les bat- teries d'artillerie qui , de Douai et de la Fère , avaient été dirigées sur Paris, rétrogradassent et rentrassent dans leurs garnisons respectives. « Il y a en France , disait l'Empereur au mi-

> nistre , quarante-huit escadrons de cuirassiers, » je désire en former trois divisions d'observa- » tion ; que l'on me présente un projet d'orga- » nisation de ces trois divisions, et que l'on

> m'indique le lieu sont les régiments pour » les former.

» J'ai soixante escadrons de dragons : je de- » sire en former également quatre divisions de » réserve, ce qui ferait sept divisions de réserve » formant plus de cent escadrons.

» On attacherait une batterie d'artillerie légère » à chaque division.

» Mon intention est que chaque division d'in- » fanterie ait une batterie d'artillerie à pied, et » indépendamment de ce, quelques batteries de » réserve de 12.

» Napoléon. »

»

Après avoir donné ses ordres pour la mise en état de l'armement de l'infanterie et des gardes nationales qui devaient être appelées au service des places , pendant que l'armée active tiendrait la campagne, Napoléon porte son attention sur

308

la cavalerie, et enfin sur l'organisation des di- vers corps d'armée.

Déjà le deuxième corps est complètement or- ganisé et réuni sur la frontière du Nord , dans le voisinage de Valenciennes , et par sa lettre ci- après , il prescrit de presser celles des premier, troisième, quatrième, cinquième et sixième corps, ainsi que celle de quatre division* de réserve.

Ordre de l'Empereur au ministre de la guerre.

30 Mars.

« Mon cousin,

* Le corps du général Reille , qui se compo- sera de cinq divisions, est formé. Donnez des or- dres pour que le quartier général soit à Valen- ciennes.

> Donnez ordre que le premier corps d'obser- vation soit formé sans délai, et composé de quatre divisions. Attachez à chaque division une batterie d'artillerie. Faites former deux divisions de cavalerie légère; chaque division aura une batterie d'artillerie légère. Le général comte d'Er- lon qui commande ce corps, le réunira autour de

Lille.

La première division de ce premier corps portera le i, la deuxième le n^ 2, la troisième le 5 , le quatrième la 4.

» La première division de cavalerie de ce corps portera le 1 , et la deuxième le 2.

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> Les cinq divisions du deuxième corps (gé- rai Reille ) porteront les n08 5, 6, 7, 8 et 9; et les trois divisions de cavalerie porteront les n08 3 , 4 et 5.

» Le troisième corps sera composé de deux di- visions d'irtfenterie , qui porteront les n°8 10 et 11. T ic de Plaisance le commandera provi- soiiw ut,

* La divit i le cavalerie portera le n* 6, et aura une batterie d'artillerie à cheval. Ce corps se réunira à Mézières.

» Le quatrième corps sera commandé par le général Gérard , qui aura le commandement des troisième et quatrième divisions militaires. Ce corps sera composé de trois divisions d'infanterie qui porteront les nos 12, 13 et 14. Le quartier général sera d'abord à Metz. Chaque division aura une batterie d'artillerie à pied.

» La division de cavalerie sera la septième, et aura une batterie d'artillerie à cheval.

> Le cinquième corps formera trois divisions , qui porteront les n08 15, 16 et 17. Chacune aura une batterie d'artillerie. Le général Rapp com- mandera ce corps et le réunira à Strasbourg. Il aura en même temps le commandement de toute la cinquième division militaire.

» Il sera formé deux divisions de cavalerie; chaque division aura une batterie d'artillerie à cheval. Elles porteront les n08 8 et 9. Par ce moyen j'aurai dix-sept divisions d'infanterie et

310

dix-sept batteries d'artillerie à pied sur mes fron- tières du Nord et du Rhin.

» Vous formerez trois divisions de réservé de cuirassiers. Lapremière se réunira à Douai et sera sous les ordres du comte d'Erlon , elle sera com- mandée par le général Milhaud ; attachez-y une batterie d'artillerie à cheval.

» La deuxième division de cuirassiers se réu- nira du côté de Metz; elle aura également une bat- terie d'artillerie à cheval, et sera sous les ordres du général Gérard.

» La troisième division se réunira en Alsace. Il faudrait encore former une quatrième division de cavalerie près de Metz.

» Je pense que si vous faites partir de Paris des chevaux et du personnel du train , il faut laisser le matériel, puisque vous devez le trouver à Douai, Metz et Strasbourg.

» Proposez-moi actuellement la formation du sixième corps de réserve qui se réunira à Paris* Il le faudrait au moins de trois divisions.

» D fondrait aussi y attacher une division de cavalerie légère et une de dragons, qui prendraient lesn°»10 et il.

« Napoléon. »

Le licenciement de la Maison militaire du Roi n'ayant point produit le nombre de chevaux qu'il en "avait espéré , l'Empereur écrivit au Ministre de la guerre , en lui exprimant , en même temps ,

311

sa volonté sur la conduite à tenir à l'égard des officiers, sous-officiers et soldats qui avaient fait partie de ces corps licenciés.

30 Mars 1815.

« Mon cousin ,

» Il est très surprenant qu'on n'ait retiré de la Maison du Roi que cinq cents chevaux. Demandez des comptes au général Lauriston , et rendez-l'en responsable.

» Il faut de suite renvoyer les Ceîit-Suisses dans leur pays, et leur donner des feuilles de route sans qu'ils puissent passer par Paris.

» Ordonnez aux grenadiers à cheval de se ren- dre à Beau vais. Ordonnez au général Guyot de prendre les bons et de s'emparer des armes et des chevaux de ceux qui ne lui paraîtront pas di- gnes d'entrer dans la Garde.

» Vous donnerez l'ordre aux maires, aux préfets et sous-préfets, etc., d'arrêter partout les hommes rouges de la Maison du Roi, quels qu'ils soient, de prendre leurs armes et leurs chevaux, et de diriger sur Paris leurs armes et leurs chevaux.

» Cette opération se fera , soit qu'ils soient en route , ou chez eux , et sans avoir égard si les chevaux ont été fournis par eux ou par le Roi. Donnez aussi l'ordre de faire le dépouillement des officiers de la Maison du Roi, et que tous ceux qui seraient dangereux soient mis en arrestation. Vos circulaires devront avoir leur exécution par la

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voie de la gendarmerie, par celle des commandants de place, des commissaires des guerres, des mai- res, des préfets et des sous-préfets. Vous vou- drez bien ordonner au général d'Erlon de faire Êiire des patrouilles dans tous les lieux pour- raient se trouver des hommes de la Maison du Roi , afin de faire prendre leurs chevaux et de les foire désarmer.

» Enfin vous devez foire remplacer le général Daigremont qui est à Amiens et qui doit y avoir été mis par le Roi. Remplacez ceux qui sont mauvais , et changez de lieu les autres. Faites- vous rendre compte aussi des hommes qui com- mandent les départements et les divisions mili- taires, afin de déplacer ceux qui se seraient pro- noncés pour le Roi. Il en est de même pour les commandants de places importantes.

» Napoléon. »

Telles furent les mesures militaires ordonnées par Napoléon dans les dix premiers jours de son installation aux Tuileries. Si à ces travaux spé- ciaux on ajoute tout ce qu'il lui a fallu lire et dicter pour toutes les autres branches de son gouvernement ; ses revues et ses réceptions , on se demande s'il a pu prendre seulement une heure

de repos pendant cette décade?.... Mais aussi

quelle tâche ne venait-il pas de se donner ! ! ! En avait-il même calculé toutes les difficultés, ou compta-t-il sur son étoile pour les lui applanir ?. .

315

Le temps même ne fera-t-il pas défaut à sa for- tune , à ses veilles aussi bien qu'au zèle , à l'acti- vité et |t l'intelligence de ses chefs de service? Car, nous le répétons, la tâche est rude et le temps trop court.

Le 2 avril , Napoléon ordonne la formation à Paris , de la dix-huitième division d'infanterie, et en donne le commandement au général Girard. Cette division devait se rendre à Belfort aussitôt qu'elle aurait sa batterie d'artillerie et tout ce qui lui était nécessaire pour agir comme corps isolé.

Le même jour, il informait le Ministre que Condé n'ayant de poudre que pour huit mille coups de canon , il était urgent d'y envoyer de soixante à quatre-vingts milliers de poudre. * En » général, disait-il, toutes nos places du Nord me * paraissent avoir besoin de poudre* »

Cette journée du 2 avril paraît avoir été con- sacrée à l'artillerie : le général Pernetty était en- voyé en mission à Toulouse ; le général Foucher à Douai ; le général Taviel à Auxonne ; le géné- ral Carbonnel à Rennes et le général Tirlet (a) à Grenoble.

(a) Nous ignorons les motifs qui donnèrent lieu, quatorze jours après, à la lettre ci-dessous du ministre de la guerre :

« 16 avril 1815.

» Le général Evain donnera l'ordre au général Tirlet de se

314

Le ministre de la guerre était autorisé à dispo- ser de 20 compagnies d'artillerie pour les places maritimes ; de 15 du Nord;

de 15 de l'Est;

de 10 des Alpes;

et de 8 des Pyrénées ;

Total 68

Il devait rester quatre-vingt-douze compagnies d'artillerie à pied et vingt-quatre d'artillerie à che- val pour l'armée active.

» Je reçois votre rapport du 31 sur l'artillerie, écrivait Napoléon , et je vois que vous ne compre- nez pas les chevaux qui viennent de Grenoble et qui doivent se monter à trois ou quatre cents che- vaux.

» Pour le moment, il n'y a pas besoin d'état- major d'artillerie pour le sixième corps; il n'y a pas besoin non plus de double approvisionne- ment; un approvisionnement simple suffit.

» L'appel fait aux vieux militaires fera rentrer beaucoup de soldats du train , qui compléteront les cadres. Présentez-moi un projet de décret pour

rendre dans ses foyers. Il est suspendu de ses fonctions et sera mis en surveillance.

» On me fera connaître le lieu ce général se retirera pour que j'écrive au préfet de le faire surveiller.

Le maréchal prince d'Eckmuhl.

315

rappeler tous les chevaux qui ont été mis «hez les cultivateurs ; et un autre projet de décret pour acheter trois mille chevaux. Il me semble que toutes ces mesures suffiront.

» On a fait aux mousquets et aux pistolets quel- ques changements qui ralentissent la fabrication. Je pense que vous devez ordonner qu'on cesse de fabriquer des pistolets, afin d'accélérer la fa- brication des fusils. Faites faire des baïonnettes dans les coutelleries , telles que Langres et Mou- lins, etc., Présentez-moi un projet de décret pour créer sur-le-champ des machines pour pouvoir fabriquer des platines. Dites-moi si elles existent toujours à Roanne ?

» Je désire savoir la quantité de pièces de re- change en canons, platines, etc. Faites remettre en activité tous les ateliers de Paris , et ordonnez la fabrication de platines de cuivre , conformé- ment au modèle que j'ai adopté l'année dernière. Songez que dans la situation actuelle, le salut de CÊtat est dans la quantité de fusils dont nous pourrons nous armer. Faites-moi remettre deux fois par semaine un rapport sur 1^ fabrication et la réparation des armes. Il faut prendre des mesures pour encourager les manufacturiers d'armes à faire de grands approvisionnements d'acier.

* Il n'est pas suffisant que vous autorisiez les fabricants de mousquetons et de pistolets à cesser la fabrication de ces armes , il faut que vous leur en donniez l'ordre , vu , écrivait l'Empereur le G

316

avril, quils ont de l'avantage à fabriquer des pistolets et des mousquetons au lieu de fusils.

» Je donne ordre au ministre du trésor de payer les 1 ,500,000 fr. qui sont dûs aux entre- preneurs sur 1814. J'approuve que vous donniez aux ouvriers des manufactures d'armes les plus maltraités , et surtout à ceux qui fabriquent les pièces dont on manque le plus, >

Le 8 avril, Napoléon ne perdant pas "de vue l'Angleterre, notre implacable ennemie, fait partir des officiers-généraux avec mission d'inspecter toutes les côtes de France , et l'ordre de faire ar- mer les batteries de mouillage.

Le 10, il ordonne d'établir, sur le-champ, trois comités de défense pour les frontières du Nord, de- puis Dunkerque jusqu'à l'Alsace. En première ligne , pour la défense de Landau à Huningue ; en deuxième ligne , pour la défense des Vosges ; et en troisième, ligne , pour celles des montagnes du Jura et des frontières des Alpes (a).

Les généraux Dejean, Marescot et un autre général devaient présider ces comités. Ils de- vaient indiquer aussi les points et les débouchés des frontières qu'il faudrait occuper par les gre- nadiers et chasseurs de la Garde Nationale.

« Tout cela, disait l'Empereur, est de la plus

(a) Nous verrons un peu plus loin l'ignorance des membres de ces trois comités de défense, malgré tout le mérite de leurs présidents.

317

* grande urgence; il faut s'en occuper sans > délai. »

Le même jour, Napoléon nommait gouverneur de l'île d'Elbe le général Dalesme , avec ordre de faire embarquer, en même temps que lui, à Tou- lon , une compagnie d'artillerie complétée à cent vingt hommes ; de désigner un chef de bataillon d'artillerie et un capitaine du génie qui seraient envoyés à Porto-Ferrajo ; de désarmer entière- ment Porto-Longone , de le mettre hors de ser- vice et de laisser seulement six pièces de canon au fort Forcable , et six autres pièces sur affûts marins pour la défense de la côte.

« Envoyez, sur-le-champ, des officiers d'ar- tillerie pour inspecter les armes et les côtes, écrivait l'Empereur au ministre de la guerre.

» Les généraux Dedon, Saint-Laurent et Tu- gny, peuvent être utiles; si vous n'avez pasd'emploi à leur donner dans l'artillerie , vous pouvez leur donner des commandements de place de pre- mière importance ; des généraux d'artillerie étant plus propres que tous autres à ce genre de service.

« Je viens d'appeler près de cent mille gardes nationaux, grenadiers et chasseurs, pour garnir nos frontières ; une partie viendra armée, et vous devez donner ordre aux préfets de leur procurer toutes les armes dont on pourra disposer dans le pays. Il sera nécessaire de disposer en faveur de l'autre partie, des armes qui sont à réparer. On finirait de les réparer dans les places fortes,

518

pendant même que les places seraient bloquées, si la guerre avait lieu avant que ces réparations fussent terminées. »

L'Empereur s'étant fait faire un rapport sur les armes hors de service et sur les pièces exis- tant dans les établissements d'artillerie , le géné- ral Êvain remit à Sa Majesté, le 7 avril, en forme de rapport, des observations qui en formaient le complément (a).

Au bas de ce rapport Napoléon ajouta de sa main :

« Si l'on a besoin de locaux , on prendra les » Tuileries, casernes, anciennes salles de spec- » tacle et même quelques églises. On a perdu

> vingt jours ; dès demain, que cela prenne une

> meilleure tournure! Qu'on prenne les officiers » qui sont à Paris! Si le colonel Cotty n'a pas » assez de tête pour cette machine, qu'on en

> charge le général Neigre, qui sera plus facile

> à remplacer pour le matériel. Cotty sera chargé » sous ses ordres, de la surveillance. Faire tra- » vailler jour et nuit! >

Le 11 avril, il écrivait au ministre, en lui transmettant les observations du général Drouot, sur le rapport du bureau de l'artillerie :

t Les fusils 1 doivent être spécialement » pour les gardes nationaux. Les fusils trop courts

fa) Voir ce rapport aux pièces justificatives, 9.

519

» peuvent rendre cependant beaucoup de ser- » vices. H fout avoir égard à ces observations , » car, dans les circonstances nous nous trou- » vous, la fabrication des armes est le premier » moyen de salut de l'Etat.

» Vous ne m'avez pas encore remis un état de » situation des travaux. II me semble que cela » va bien lentement. // faut calculer comme si » l'ennemi devait nous déclarer la guerre à peu » près du 1er au 15 mai.

» A-t-on établi , dans toutes les places fortes , » des ateliers pour réparer les armes des gardes » nationaux? >

Les réparations des fusils n'allaient point, comme on le voit, au gré de la juste impatience de Napoléon; aussi, insistait-il, dans presque toute sa correspondance, sur cet objet, qu'il consi- dérait , avec trop de raison , comme le plus im- portant de tous.

« J'ai reçu votre lettre du 12 de ce mois, dans » laquelle vous me faites connaître que vous » manquez d'armuriers. Cependant, disait l'Em- » pereur, le préfet de police m'a rendu compte * qu'un grand nombre d'ouvriers s'est rendu aux » ateliers et y a été refusé. Il faudrait , dans ces » circonstances , aider un peu, et commander un » grand nombre de bois de fusils dans le fou- » bourg Saint-Antoine. Les ouvriers se procure- » raient le noyer, et dans le cas ce bois man- » querait, on pourrait en employer d'un autre.

520

» On m'assure également que beaucoup de pièces

> de rechange pourraient être faites par des » ouvriers chez eux. Il faudrait donner le plus

> d'extension possible à ces ateliers. Voici nos

> besoins d'armes :

» La Garde va être augmentée de 20,000 hom . » La ligne, en vieux soldats qui

» arrivent, de 100,000.

» Enfin, les 200 bataillons de gar-

» des nationales, de. . . . 120,000.

* Ce seraient donc .... 240,000 /«- -> sils qu'il nous faudrait avant le 15 mai.

> Je suppose que toute l'infanterie actuelle est » année. Si vous avez contremandé les pisto- > lets et les carabines , et si les réparations vont » avec une activité convenable, les ateliers doi- » vent pouvoir nous fournir cette quantité d'ar- » mes, vers la mi-mai. U y aura aussi quelques » gardes nationales à former.

> : NAPOLÉON. >

Le 14 avril, l'Empereur donnait au ministre des instructions spéciales, concernant le matériel et les poudres qu'il fallait laisser ou retirer de l'Ile-d'Elbe :

« Il y a à Porto-Ferrajo, écrivait-il, deux cent » milliers de poudre, une grande quantité de » bronze hors de service, que j'avais vendu, mais » qu'on n'a pas encore enlevé (il faut annuler

321

» cette vente), et une grande quantité de bom- » bes, boulets, mortiers, affûts inutiles à la » défense de la place. Le bureau de l'artillerie » peut demander ces états à Drouot. Je désire » que vous vous concertiez avec le ministre de » la marine, pour envoyer deux ou trois gabarres

> pour enlever ces effets, qui sont précieux. Il

> faut ne laisser que ce qui est nécessaire pour

* la défense de Porto-Ferrajo. Porto-Longone » peut être considéré comme non avenu. Je sup- » pose que cent cinquante bouches à feu de tout » calibre seront suffisantes pour Porto-Ferrajo ; » le reste doit être transporté à Toulon. Je sup- » pose que huit cents boulets par pièce et cinq

> cents bombes par mortier suffiront. Tout le

* reste peut être rapporté en France. Je suppose » que cent cinquante milliers de kilogrammes

> de poudre et trois cents milliers poids de marc » sont suffisants; tout le reste doit être rapporté

* en France. Toutes ces opérations sont très im-

> portantes à foire, il en résultera un matériel » important pour Toulon. Il fout que le ministre » de la marine tous donne un nombre de ba-

> garres suffisant pour ne foire qu'un voyage, » et que vous envoyiez avec plusieurs officiers » d'artillerie actifs et intelligents, afin que l'em-

* barquement puisse être terminé en cinq à six

* jours* Profitez du moment la mer est encore libre.

« Napoléon. > 21

saa

Talonné par l'Empereur, le maréchal prince d'Eckmfihl écrivit au général Evain :

c Monsieur le général,

» Toutes les ressources qui existent et les me- sures qui sont prises pour mettre une grande activité dans la fabrication des armes, seront suffisantes pour l'armement des troupes et de la garde nationale; ainsi contremandez tous les achats que vous aviez ordonnés à l'étranger. Fai- tes-moi de suite un rapport sur la répartition des armes que vous avez ordonnée, en vertu de celle de l'Empereur, afin que je prenne des ordres.

» Pour plus de eélérité , je vous communique une lettre de l'Empereur; prenez-en copie, pour vous seul; proposez des mesures d'exécution et renvoyez-moi l'original. Son contenu vous prou- vera cpïilfaut mettre de coté toutes les formalités qui pourraient/aire perdre du temps.

> Proposez-moi des mesures pour l'exécution de toutes ces dispositions, et faites-moi un rapport deux fois par semaine, que je mette sous les yeux de l'Empereur. Vous savez que vous pouvez venir, nuit et jour, prendre des ordres sur les difficultés que vous pouvez rencontrer.

» Le maréchal, prince d'Eckmuhl. »

Voici cette lettre de l'Empereur dont le prince d'Eckmuhl recommandait au général Evain de ne prendre copie que pour lui seul :

325

15 avril

m Mon cousin,

» Voilà quinze jours de perdus : les ateliers » d'armes ne vont pasi II faut faire travailler » à domicile. Il y a à Paris autant d'appareilleurs » et d'ébénistes qu'il en faut; donnez tous les » canons, baïonnettes, baguettes et platines, et » faites un prix avec eux pour qu'ils montent » chez eux les fusils. La proposition que vous » faites en premier n'a pas besoin de mon con- » sentement. Il serait ridicule de penser qu'un » colonel d'artillerie puisse , seul , mener une

* machine comme celle-ci ; ce n'est pas un ma*

* jor, c'est vingt officiers qu'il faut lui donner » pour le seconder^

» J'avais cru que votre bureau d'artillerie avait » commencé par là. Que le colonel Cotty reste à » la tête de cette opération : donnez-lui quatre ' » majors, quatre chefs de bataillon, huit capi- » Haines et seize lieutenants; que les officiers

* d'artillerie, dont vous ne manquez pas, soient » sans cesse à organiser les ateliers, à recevoir, » à vérifier, à préparer des locaux , à requérir » les ouvriers , les machines, les matériaux, tout » ce qui est nécessaire. Encore une fois, on n'a > encore rien jait. Tous les officiers d'artillerie » que vous attacherez ainsi à l'atelier : de Paris » et de Versailles seront sous votre main pour » être envoyés en mission partout ou il sera né-

524

» cessaire, pour activer le mouvement des armes » portatives, faire marcher les convois, et si

* l'ennemi s'avançait, faire évacuer les ateliers

* de Maubeuge et de Charleville sur Paris; » enfin, pour faire des inspections tous les huit » jours, dans toutes les manufactures, afin qu'on » expédie sur Paris à mesure qu'on aura cinq » cents fusils prêts.

- » Je suis cependant instruit qu'il y en a, en » ce moment, un plus grand nombre à Maubeuge : » la guerre pourrait éclater, et ces Jusils, ren- » fermés dans des places frontières, ne seraient

> d'aucune utilité. Ne m'écrivez plus, prenez » toutes les mesures qui sont nécessaires, et renr » dez-moi compte seulement deux fois par se- » inaine de ce que vous aurez ainsi ordonné.

» Vous sentez bien que vous n'avez pas besoin » de mon autorisation pour employer vingt ou. » trente officiers.

» Si le choix des locaux était un obstacle,

> prenez les casernes, prenez les églises, les an-

> ciennes salles de spectacles, etc. ; mais pour » tout cela, il faut de l'activité et du monde.

. » Chargez un bon quartier-maître et un bon com- » missaire des guerres de la comptabilité des » ateliers. » // est fâcheux que tout cela naît pas été

* fait il y a vingt jours. Le salut de l'Etat est

> attaché aux fusils, puisqu'avec les dispositions

* actuelles de la Nation, si nous avions un mil-

525

» lion de fusils, nous les emploierions sur-le- » champ]

* Il fout nous monter par jour plusieurs mil- » liers de fusils. Vous avez près de cent mille » canons , cela ferait donc dans cinquante jours » cent mille fusils de plus que vous auriez. Si

* les locaux de Versailles ne vous sont pas n&

* cessaires , faites-les préparer pour recevoir les » ouvriers de Maubeuge. Écrivez à l'entrepreneur » général , au commandant de la place, au com- » mandant de la division, qu'aux premières hos- » tilités, toute la manufacture de Maubeuge ait

> à s'en venir à Versailles. Ordonnez à l'entre- » preneur de tenir en arrière, dans les places, » ses magasins et ses matériaux précieux, et de » préparer toutes ses mesures pour pouvoir les » transporter.

> Napoléon. »

Enfin le même jour, 15 avril, il adressait encore au ministre l'ordre ci-après :

» Decaux verra Evain pour que la Fère , Sois- » sons, Vitry et Château-Thierry soient armés » sans délai.

* L'artillerie fera son armement comme si tous » les travaux étaient terminés, et fera transporter

> de suite canons et munitions.

* Decaux verra le ministre de la guerre pour y> envoyer des commandants dans chacune de ces » places ; il faut des hommes entendus et d'une

OjBD

* bravoure éprouvée. Celui de Château-Thierry, » quelque soit l'état du château, résidera de suite

* dans le château. Il y aura dans chacune de ces » places un commandant du génie et d'artillerie » du grade de capitaine , chef de bataillon ou » major.

» Napoléon. >

CHAPITRE XVIII.

SOMMAIRE Cours de tactique des trois armes résultant d'une cor- respondance inédite de Napoléon avec le prince d'Eckmûhl. Ré- organisation des différents corps de la garde impériale. Napoléo» la surveille et voit tout par lui-même : hommes, chevaux, canons, fusils et rapports ; sa correspondance prend un caractère de plus en plus grave et solennel. Mesures tendant à garantir les frontières des Alpes contre toute tentative d'invasion du côté de l'Italie. Ordres concernant les volontaires royaux du Midi. Ordre déporter à 72 bouches à feu, l'équipage de l'artillerie de la garde. Ordre de réunir à Vincennes, 200 bouches à feu de campagne pour l'ar- mement de Paris et les besoins imprévus, indépendamment des 300 destinées à la défense de Paris. Correspondance inédite de Napo- léon, et ses instructions aux généraux d'Erbn et Reille. Ordre télégraphique aux 4 batteries attelées qui se trouvent à Metz, de se diriger immédiatement sur le quartier général du comte Gérard. Motifs de cet ordre . Mêmes instructions expédiées au comte Rapp, à Strasbourg. -—Lettres remarquables de Napoléon au général Rapp. Les troupes destinées à former le 6e corps quittent Paris pour se rendre à Laon. Ordre de faire partir de huit, pour les places fron- tières, tous les officiers d'artillerie et du génie qui se trouvent dis- ponibles à Paris. Mission extraordinaire du maréchal duc de de Trévise; ses instructions. Lettre inédite de Napoléon sur le comité de défense. ~ Ordre de faire exercer l'École Polytechnique à la manœuvre et au tir au canon. Ordre de former quatre compa- gnies d'artillerie avec les élèves de l'École de Sainl-Cyr, et quatre autres avec ceux d'Alfort. Même ordre à l'École Vétérinaire de Lyon. Lettre curieuse et inédite de Napoléon sur les fortifications de Paris. 6es instructions concernant les populations ouvrières de Paris et de Lyon; il hésite à leur confier des armes; ses paroles à ce sujet. Instructions pour la défense de Lyon et de Paris. Courte réponse à un long rapport du prince d'Eckmûhl Trait

528

prodigieux de mémoire . Ordre au ministre de la marine de faire venir immédiatement à Paris, 300 bouches à feu, approvisionnées à 300 coups par pièce, et 100 a Lyon, approvisionnées de même.

Pendant que l'Empereur s'occupait activement des moindres détails concernant les ressources militaires de la France, la jeune, la moyenne et la vieille garde se réorganisaient, en quelque sorte , sous ses yeux à Paris et dans la banlieue.

On mettait à exécution son décret du 28 mars, qui créait six régiments de tirailleurs et six ré- giments de voltigeurs de jeune garde. Ces douze régiments devaient se former au moyen des hom- mes rentrant de congés illimités, réunissant, tou- tefois, les qualités requises pour foire partie de de la garde.

Un décret antérieur, et daté de Lyon, du 15 mars, avait, nous l'avons dit, rétabli la garde impériale dans ses fonctions.

Le 8 avril , Napoléon décréta la formation de quatre régiments de grenadiers et quatre régiments de chasseurs à pied de vieille et de moyenne garde.

Les deux magnifiques régiments du corps royal des grenadiers et chasseurs à pied île France forent le noyau de ces huit régiments ; mais pour arriver au complément de leur personnel, l'Empereur fit ordonner à chaque régiment d'infonterie de ligne ou légère, de diriger immédiatement, et à marches forcées, sur Paris, vingt-cinq à trente hommes, choisis parmi les sous-officiers ou sol-

329

dats, ayant au moins douze ans de services (a).

La précision de ces ordres prouvait l'impor- tance qu'attachait Napoléon à cette réserve d'élite : il n'avait pu oublier, en effet, les services que sa vieille garde lui avait rendus à Montmirail, à Montereau, à Craône, et pendant toute sa mémo* rable campagne de France, il déploya tant d'activité et de génie.

Dans les conjonctures politiques il se re- trouvait, 1$ garde était appelée à jouer encore le rôle le plus actif, le plus important. Aussi, ne négligea-t-il rien pour la rendre et nombreuse et formidable.

Pendant que les douze régiments de jeune garde s'organisaient à Paris et dans la banlieue, les casernes de Courbevoie , de Rueil , l'École- Militaire et les casernes de Pantemont et du quai d'Orsai , recevaient, à chaque heure du jour et de la nuit, les détachements de la ligne, désignés pour faire partie de la vieille ou de la moyenne garde.

Tous ces détachements arrivaient à la caserne du quai d'Orsai ; là, on les plaçait par rang de taille, et tous ceux qui n'atteignaient pas cinq pieds trois pouces, étaient aussitôt dirigés sur

(a) Napoléon avait également appelé au recrutement de sa vieille garde, tous les soldats qui précédemment y avaient servis, et qui étaient rentrés dans leurs foyersv

550

l'Écoie-Militaire, se trouvait le grand dépôt des chasseurs à pied.

Les hommes ayant aïKlessus de ciuq pieds trois pouces recevaient une destination immé- diate. Les adjudants sous-officiers, les sergents- majors et les sergents de la ligne, qui avaient renoncé à leurs grades pour être admis dans la Vieille-Garde, étaient placés au Ier régiment de grenadiers à pied.

Ce régiment, ainsi que le Ier régiment de chas* seurs à pied, furent composés :

Des grenadiers et chasseurs qui avaient suivi Napoléon à TIle-d'Elbe; ils formèrent la Ire compagnie de chaque bataillon de ces deux vieux régiments, ces compagnies furent complé- tées par des grenadiers et chasseurs de France;

Des plus anciens sous-officiers , grenadiers et chasseurs qui en avaient formé le noyau;

Enfin, des sous-officiers venus de la ligne.

Les autres soldats, destinés aux grenadiers, étaient répartis successivement dans les 2e, 5e et 4e régiments de% grenadiers qui se formaient à Gourbevoie. "

La même opération avait lieu pour les chas- seurs à pied.

Chaque régiment était de deux bataillons, chacun de quatre compagnies , mais l'effectif de celles-ci variait de cent cinquante à deux cents hommes. :

L'organisation de la cavalerie et de l'artille-

351

rie de la Vieille-Garde était poussée avec la même activité.

Si le personnel allait à souhait, il n'en était mal- heureusement pas de même de l'équipement, de l'armement, et surtout du matériel de l'artillerie.

Les 1er8 et %*** régiments de grenadiers et de chasseurs, et une partie des <5m* régiments de ces deux armes étaient , seuls , à peu près com- plètement habillés, équippés et armés, au moment de Içur départ pour les frontières; mais les 4^e§ régiments de grenadiers et de chasseurs avaient, par la bizarrerie de leur ternie, quelques rapports avec la garde nationale de la banlieue, moins les bizets.

Les uns,, en quittant Paris, emportèrent une capotte, un habit ou un pantalon coupés, mais qu'ils durent coudre ou foire coudre en arrivant à la première étape ; d'autres, avaient des giber- nes, suspendues à des ficelles , à défout de four- niement; ceux-ci avaient conservé leur coiffure de la ligne, bien que revêtus d'une capotte ou d'un habit de la Garde ; ceux-là , avaient un bon- net à poil hors de service; quelques-uns, des chapeaux : en un mot, il ne se trouvait peut- être pas vingt hommes par compagnie, dans ces deux derniers régiments, qui eussent une tenue complètement uniforme. Ces vieux soldats n'en sont pas moins tous arrivés et morts ainsi équipés à Ligny et à Waterloo, car «presque tous y ont succombé glorieusement.

,i

53Î

Chaque jour qui s'écoulait avait pour Napoléon une importance réelle (a) : avec son coup d'oeil d'aigle, il avait remarqué le signe précurseur de l'ouragan qui allait fondre sur lui, s'il ne parve- nait à le dissiper avant qu'il ne fut formé.

Ses revues ne discontinuaient pas; il en pas-' sait même dans les plus grands détails, et tou- jours dans la cour des Tuileries ou dans les Champs-Elysées. Le général comte Lobau, alors l'un de ses aides-de-camp , homme à la voix de stentor, était chargé de faire exécuter toutes les évolutions, et commandait le défilé. ,,

(a) En lisant la correspondance officielle et inédite dont nous allons continuer la publication, pièces que Ton devra étudier avec soin, tant elles sont attachantes, on aura occa- sion de voir que rien n'y était oublié ; que l'ensemble comme les détails les plus minutieux marchaient de front dans ce cerveau si prodigieusement organisé. Chaque chose est à sa place ; tout suit un ordre admirable et tel, que rien ne peut se heurter. Dans cet esprit si précis, tout est exact, point de choc possible, et une activité sans rivale, en garantit les résultats si elle est secondée.

Napoléon joint cependant la patience à la persévérance ; il connaît si bien les hommes, leurs défauts, qu'il sait les prendre, tels qu'ils sont, mais il les pousse, les presse, les avertit sans relâche, et ne cesse d'être bienveillant, patient, que lorqu'il voit que Ton met une lenteur coupable à exécu- ter ses conceptions et ses ordres. Quel homme 1 quel zèle ! quelle activité ! quel amour de la gloire ! quel dédain du repos l En vérité, on est forcé de l'admirer et de le plaindre ! De semblables qualités le rendaient digne d'un meilleur sort Mais qui peut compter sur les peuples et sur le destin ?...

555

Dans Tune de ces revues de détail de sa vieille garde, Napoléon resta à pied depuis six heures du matin jusqu'à six heures du soir, sans prendre autre chose que quelques croûtes de pain qu'il avait dans ses pochas; ce jour-là, il vit jusqu'aux chevaux malades ou blessés de la ca- valerie. Il n'avait point oublié que si, à Lutzen et à Bautzen, il eût eu de la cavalerie, il eût peut-être encore reconquis l'Europe (a) .

Mais laissons les corps de la garde s'occuper de leur organisation intérieure ; et revenons à la correspondance si curieuse, si pleine d'intérêt, et si instructive de l'Empereur, avec son ministre de la guerre , car chacun y pourra puiser d'utiles enseignements.

À mesure qu'on se rapproche du dénoûment , les paroles de Napoléon prennent aussi un caractère de gravité qui présage quelque chose de solennel, quelque catastrophe qui ébranlera l'Europe ; car, on le voit assez clairement , Napoléon ne se fait pas ^'illusions sur les intentions des Souverains ; il sait qu'il lui faut de promptes et d'éclatantes vic- toires ou succomber au premier choc de la Sainte- Alliance; il lui faut enfin vaincre ou mourir!...

Écoutons Napoléon : .

(a) La cavalerie, a dit le maréchal Gouvion-Saint-Cyr, est l'œil et les jambes d'une armée.

/

534

15 Avrîl.

« Mon cousin ,

» Je vous ai fait connaître mon intention de cen- » traKscr à Versailles tonte l'opération des remon- » tes; je vous en ai dit la raison .Réunissez vos chefe » de division pour que tout soit également pré- » paré dans la même hypothèse. Ils ont l'expé- » rience de Tannée passée. Je ne me p répare qu'à » la défensive. Il est donc convenable que si l'en- » nemi voulait nous attaquer, tout fut disposé » pour réunir nos munitions et notre artillerie

* sur Paris; pour faire venir tous les dépôts des » places fortes entre Paris et la Loire ; enfin pour » que, dans ce cas, aucun dépôt ne se trouve » renfermé dans les places. Tous les dépôts tant » d'infanterie que de cavalerie , tous les magasins » d'habillement et autres nécessairesau matériel de » l'armée, doivent pouvoir être réunis du côté de

* Paris. J'espère que cela ne sera pas nécessaire; » mais il faut que les ordres soient dressés d'a- > vance , pour que le moment arrivé, chaque dé- » pôt se mette en marche.

* Quelle est la situation de l'habillement des d corps? S'il y a de grandes fournitures à faire? Je » désire savoir quelle quantité sera fournie à cha- » que division , et quand cette fourniture y arri- » vera. Il est probable que , par le décret qui ap- » pelle les anciens militaires, l'armée va être

* augmentée de plus de cent mille hommes; il

555

»" est donc nécessaire d'avoir les moyens d'habil- » lement.

» Napoléon. *

L'Empereur prend des mesures pour garantir no6 frontières des Alpes contre toute tentative inopinée <pii viendrait du eôté de l'Italie :

17 AvriL

a Moncousiû,

> Donnez des ordres pour que la division du général Girard se rende à Chambéry. Qu'on prenne des mesures pour cantonner ces troupes au Ier mai; qu'on leur fournisse douze pièces d'artillerie de Grenoble , et une compagnie de sapeurs. Que le général Girard se tienne ainsi en avant de Chambéry. On donnera deux au- tres batteries d'artillerie au général Desaix. Que fet dixième division de cavalerie rejoigne cette armée. Que le général Desaix rejoigne sa divi- sion, dte manière qu'au 1er mai elle puisse ve- nir camper ou se cantonner en avant de Cham- béry.

» Que le général Grouchy porte son quartier- général à Chambéry; qu'une compagnie d'ar- tillerie légère du régiment qui est à Valence soit attachée à ce corps d'armée. Le corps du général Grouchy, ou le septième d'observation, sera donc ainsi composé de deux divisions d'infanterie de quatre régiments chacune (les vingt-deuxième

1

536

et vingt-troisième d'infanterie), de trois régiments de cavalerie (la dixième division de cavalerie), de trente pièces de canon, et de deux compagnies de sapeurs avec leurs outils. Ce corps de ligne sera composé de seize bataillons de grenadiers ou chas- seurs de la garde nationale du Dauphiné, qui seront cantommés autour du fort Barrault, commandés par le lieutenant-général Chabert, et ayant douze pièces de canons.

» Il sera formé en Provence un neuvième corps composé de trois divisions; chaque division sera forte de trois régiments. La troisième sera composée de douze bataillons de grenadiers de gardes nationales. On attachera à ce corps un régiment de cavalerie qui sera tiré du corps des Pyrénées.

> Le maréchal Brune commandera le neuvième corps, en même temps qu'il sera gouverneur de la Provence. On lui organisera à Antibes ou à Toulon le matériel de quatre batteries à pied, c'est-à-dire trente-deux pièces de canon , et il y sera attaché le personnel convenable.

» Ainsi, le huitième corps des Pyrénées se trouvera réduit à deux divisions d'infanterie (les vingt-sixième et vingt-septième) et une petite division de cavalerie (la onzième) composée de deux régiments de chasseurs.

» Napoléon. »

Le même jour l'Empereur fait ordonner aux

357

préfets de procéder à la rentrée immédiate dans les arsenaux , de toutes les armes qui avaient été délivrées aux volontaires royaux dans le Midi, et d'employer à cette opération, la gendarmerie qui se ferait, au besoin, seconder par les troupes.

Le 20, il ordonne de iaire armer, fortifier, ap- provisionner; enfin, de mettre à l'abri d'un coup de main , la ville de Langres , et demande qu'on lui fasse connaître la situation de Laon.

Du 24 avril au 1er mai, l'Empereur porta plus particulièrement son attention, sur l'artil- lerie et sur l'armement des places qu'il croyait le plus menacées; et, en effet, dans sept se- maines, plusieurs d'entre elles seront déjà insultées par les troupes légères de la coali- tion, et quelques-unes même investies.

« 24 avril.

> Mon cousin,

* L'équipage de l'artillerie de la garde doit être de soixante-douze bouches à feu, mais il feut que ce matériel soit fourni par les places, et non point par Vincennes. Je veux toujours avoir à Vincennes deux cents bouches à feu pour l'armement de Paris, et pour les besoins imprévus. J'approuve que vous fassiez acheter des chevaux pour compléter les attelages de la garde. Le principal est que cela soit

FAIT PROMPTEMENT.

22

1

338

» Il est nécessaire que l'artillerie du sixième corps soit prête le plus tôt possible.

» D faut avoir à Paris trois cents pièces de canon pour l'artillerie; avoir un double ap- provisionnement et plusieurs millions de car- touches. Ces trois cents pièces de canon seront destinées, à tout événement, à la défense de Paris, et indépendamment du parc de Vin- cennes , qui est destiné à augmenter l'artillerie de l'armée.

* Faites un rapport général sur la composition du neuvième corps d'observation.

> Cet état, en forme de livret, doit com- prendre la situation des différents corps au 15 avril ; indiquer les généraux qui com- mandent, etc.

» L'artillerie et le génie des corps.

» Le matériel de l'artillerie , ce qu'il doit y avoir, et ce qu'il manque ; quel arsenal doit fournir et quand cela sera arrivé.

» Quand chaque corps d'armée aura une com- pagnie d'équipages.

> le pense qu'il faudrait donner des ordres pour faire recruter pour les équipages du train. *

> Napoléon. »

« 26 avril»

> Il est à craindre, mon cousin, que, dans les places du Nord, on n'ait pas suffisamment

559

de fusils pour armer les gardes nationaux. Autorisez le comte d'Erlon, aussitôt qu'il pourra craindre que les hostilités soient im- minentes, à mettre toutes les places de la di- vision en état de siège. Veillez à ce qu'il y ait partout de bons commandants pour les défendre, de bons officiers du génie et d'artillerie.

» Napoléon.- »

Le 27 avril l'Empereur rendit le décret ci- après :

c Article 1 . La composition des batteries d'ar- tillerie est réglée de la manière suivante :

* Une batterie d'artillerie à pied sera com- posée de six pièces de 6, et de deux obusiers.

* Une batterie à cheval de quatre pièces de 6, et de deux obusiers.

* Une batterie de réserve de six pièces de 12. » Art. 2. Les détachements des compagnies

qui. restent dans les dépôts sur la côte ou dans les places, seront destinés à compléter les com- pagnies qui sont aux corps d'armée, de ma- nière que le service desdites batteries soit assuré.

» Napoléon. »

«27 avril.

* Mon cousin ,

» La dix-neuvième division partira, le 1er mai, avec sa batterie d'artillerie. La sixième division

540

de réserve de cavalerie, partira le même jour de Paris avec sa batterie d'artillerie.

» Ces deux divisions se rendent à Laon. Faites partir pour Laon , six compagnies d'équipages militaires pour le service des vivres.

» M. le général Ruty, commandant l'artillerie, faites-le partir.

» Qu'il y ait à Àvesnes , Guise , Soissons , Mau- beuge, Landrecies, Valenciennes, Condé, Phi- lippeville, toutes les cartouches et munitions nécessaires pour l'approvisionnement de ces places.

» Napoléon. »

« 27 avril.

* Mon cousin ,

» Vous ferez payer aux corps de la garde , pour le harnachement, savoir :

» Au train d'artillerie. . . 155,000 fr. » Equipages 40,000

»■■-<■!

> Total : 195,000 fr, » Napoléon. »

« 27 avril.

» Mon cousin,

* J'ai lu avec attention votre rapport du 26 avril sur l'artillerie. Vous me présentez la formation de trente-trois batteries pour les neuf corps ; mais le septième corps, au lieu de six bat-

1

541

teries, ne doit en avoir que trois. Le neuvième, au lieu de quatre batteries, ne doit en avoir que deux. C'est donc cinq batteries trop, et, au lieu de trente-trois, il n'en faut plus que vingt-huit ; ce qui, avec les deux de la jeune garde, fait trente.

» Les vingt batteries du parc de réserve de Vincennes ne seront servies que par l'École Po- lytechnique, par un bataillon d'artillerie de marine qui arrive à Paris, et par des compagnies d'équipages de marins qui s'y rendent éga- lement.

> C'est donc vingt compagnies qui deviennent disponibles. Cet équipage de réserve n'a pas besoin de trois batteries d'artillerie à cheval : ainsi, c'est trois autres compagnies disponibles, et je n'ai plus besoin que de vingt-une compa- gnies d'artillerie légère.

» Le 8e corps n'a besoin que d'une batterie de réserve; il en est de même du septième; ainsi, au lieu de vingt-neuf batteries, je pourrais donc en ôter six (y compris les quatre du parc de Vincennes), et je n'aurais plus besoin que de vingt-trois batteries. Il ne faudra donc que cin- quante-trois compagnies à pied, au lieu de quatre-vingts; il restera donc vingt-sept com- pagnies pour les parcs.

» Sur les soixante-dix compagnies que vous avez destinées pour les côtes et pour les places, vous pouvez en retirer quatre pour Soissons,

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Château-Tierry, Vitry et La on. L'artillerie de marine remplacera ces quatre compagnies, ainsi on aura du personnel pour servir encore quelques nouvelles batteries.

» Appliquez le même raisonnement au train. L'équipage de réserve de Vincennes, étant spécialement destiné à défendre Paris, n'a besoin que de quelques attelages. Le reste, on se le procurerait par des réquisitions Élites au moment; ainsi, comme au lieu de huit cent cinquante-six bouches à feu, il n'y en a que six cents d'attelées, il suffira de douze mille chevaux ; nous en avons douze mille six cents, ainsi nous avons le compte.

* Napoléon. *

« 27 avril.

»Mon cousin,

» Donnez les ordres les plus positifs , pour que le 3 mai, les quatre batteries du premier corps partent de Douai , ainsi que les trois batteries du deuxième corps , et rejoignent les généraux Reille et d'Erlon, aux lieux qu'ils auront choisis, der- rière Avesnes et Valenciennes , pour placer leur camp de réserve. Le général d'Erlon se trouvera avec cinquante pièces de canon, et le général Reille soixante.

> Pressez l'organisation de l'artillerie du troi- sième corps, et iaites recruter dans Paris et les

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départements, des hommes pour le train d'ar- tillerie.

» Écrivez au général Gérard et aux préfets de Metz et de Nancy, pour leur en faire sentir l'importance, et qu'ils concourent, de tous leurs moyens, à la levée des hommes et des chevaux, afin que le 5 mai, ce corps ait ses huit bat- teries attelées. Donnez ordre, par le télégraphe, que les quatre batteries attelées sortent de Metz, et soient dirigées sur le corps d'obser- vation de Gérard, qui les placera au lieu qu'il aura choisi pour son quartier-général. Mon in- tention étant que les gardes nationales soient placées dans les places , toutes les troupes qui s'y trouvent doivent être disponibles et can- tonnées en ayant derrière elles leurs parcs, etc.

» Écrivez la même chose à Rapp , ainsi qua l'ordonnateur de Strasbourg et de Golmar.

» Donnez l'ordre que tout l'équipage du sixième corps et de la cavalerie de réserve, ainsi que les batteries partent le 50, avec les divisions qui sont à Paris ; j'en passerai la revue aux Champs-Elysées.

> Napoléon. »

« 27 avril.

* Mon cousin,

> Faites remettre en état le camp retranché deMaubeuge. On palissadera les ouvrages avan- cés, les deux réduits, et successivement le

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reste. L'artillerie le fera armer de manière qu'il y ait , le plus lot possible , le nombre de pièces nécessaires. Les approvisionnements de bouche de Maubeuge seront de dix mille hommes.

* Faites construire à Avesnes six fours de plus ; Eûtes partir de nuit tous les officiers d'artillerie et du génie, nécessaires aux places frontières,

» Maubeuge étant une place importante, au lieu d'un maréchal de camp, il faut y mettre un lieutenant-général et deux maréchaux de camp, mon intention étant d'y mettre deux mille hommes de la garde nationale.

» Napoléon. »

« 27 avril.

» Mon cousin,

» Il faut encore donner Tordre, sur-le-champ, d'armer le Pont-Saint-Esprit. Je suppose que vous ayez déjà donné des ordres pour l'ar- mement de Sisteron. Prenez des mesures effi- caces pour que les petits forts de Lyon du côté de la Suisse , soient mis en état de défense. Je vous ai donné l'ordre de faire foire des tra- vaux à Langres. Je suppose que les pièces vont être mises en batterie.

* Ordonnez la mise en état d'Àuxonne et chargez le général qui commande le dépar- tement et les officiers du génie et de l'artil- lerie, de visiter les ponts qui se trouvent sur

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la Saône pour les mettre à l'abri des troupes légères ennemies.

» Il faut à Àuxonne de l'artillerie pour donner à la garde nationale qui sera chargée de dé- fendre tous les débouchés. Cette artillerie n'a pas besoin d'être attelée; des attelages de réquisition suffiront. Ordonnez aussi la formation d'artillerie de la garde nationale à Dijon, Saint-Jean-de-Lôsne , Châlons, Mâcon, Tournus et Villefranche ; que partout on soit en état de défense.

» Napoléon. »

« 27 avril

» Veillez à ce qu'il y ait des cartouches et des coups de canon à Soissons, à Guise, à Àvesnes, à Paris. Il en faut aussi à Maubeuge, Condé , Valenciennes , Landrecies , Philippe- ville, Il fout enfin tout prévoir et n'omettre

AUCUNE PRÉCAUTION.

* Napoléon (a). »

(a) Pour l'exécution de cette lettre, voici ce qu'écrivit le 28 avril le prince d'Eckmfihl au général Évain :

« Monsieur le général Évain, l'intention de l'Empereur est que vous fassiez de grands approvisionnements de cartouches à Soissons, Avesnes et Guise, pour fournir aux 1er, 2% 3e et 6* corps et à la garde. Gela est d'autant plus nécessaire qu'il n'y a avec lès corps d'armée qu'un simple appro- visionnement, et que vous n'avez point de parc de réserve.

» Il faut faire venir à la Fère, par voie accélérée, les cent caissons chargés que vous avez à Douai. Vous ferez di-

546

Le 29, l'Empereur ordonna, par écrit, au baron Gourgaud de voir le ministre de la guerre pour faire partir le lendemain, 30, la batterie de douze et les deux batteries à pied, total, vingt-deux bouches à feu avec le parc qui doit être attaché au sixième corps. Elles devaient se rendre à Laon avec la division de cavalerie et celle d'in- fanterie qui partaient ce jour même, 29 avril.

« 29 avril.

» Mon cousin,

» Il serait convenable d'envoyer le duc de Tré- vise en mission extraordinaire dans le Nord, et de lui adjoindre un officier du génie et un officier d'artillerie. Il parcourrait, depuis Calais, toute notre double ligne de places fortes jusqu'à Landau. Il se ferait rendre compte de tout , et prendrait toutes les mesures que prescrivent

riger sur Guise cinq mille coups de canon, quinze mille à Avesnes et vingt mille à Soissons et la Fère. J'entends par coups de canon, toute espèce de projectiles de différents ca- libres. Il est nécessaire aussi d'augmenter les cartouches d'infanterie. Vous dirigerez sur Avesnes, un million cinq cent mille cartouches d'infanterie; cinq cent mille à Guise; un million à Soissons, et un million cinq cent mille à la Fère, y compris ce que vous *vez déjà dans ces places.

» 11 est important que toutes ces mesures soient complète- ment exécutées pour le 5 haï au plus tard.

» Le général Ruty devant commander en chef l'artillerie, vous lui donnerez connaissance de ces dispositions, pour qu'il s'assure de leur exécution.

» Le maréchal prince d'bckmuhl. »

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les circonstances , pour compléter le système de défense des places ; assurer leurs approvi- sionnements ; accélérer les travaux du génie et de l'artillerie, et opérer tous les déplace- ments nécessaires dans les commandements de place, officiers, adjudants, gardes-magasins; enfin, il serait chargé de faire tout ce qu'il est convenable pour mettre nos places dans la meilleure situation possible. Il passerait la revue des gardes nationales. Il ramerait tout le monde au devoir (a). H ferait même des pro- clamations, et comme un des premiers ha- bitants des départements du Nord , il stimu- lerait LE ZÈLE DE SES CONCITOYENS, ET LEUR PATRIOTISME.

» Parlez-en au duc de Trévise, et présentez- moi , demain dimanche , au conseil , un projet de décret là-dessus.

» Napoléon. »

a 30 avril.

* Mon cousin,

* J'ai lu le mémoire du comité de défense. Il est indispensable de mettre Montbéliard à l'abri d'un coup de main, et que vous fessiez

(a) Le maréchal duc de Trévise, a-t-il rempli son devoir le 14 juin 1815?... Nous avons entendu lui prêter des pa- roles, ce jour-là même, que par respect pour sa mémoire, nous ne voulons point répéter ici.

"1

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armer et mettre en état, sous peu de jours, Pierre-Chatel, Salins, le passage des Échelles, l'Écluse.

> Cela me paraît de la plus haute importance ; je suppose que vous vous en êtes occupé. Envoyez des officiers du génie et d'artillerie avec les commandants que vous destinez pour ces forts , pour ne pas perdre une minute. Je vous ai écrit pour le château Saint-Esprit et Sisteron. Il faut qu'avant le 10 ou le 15 mai, tous ces forts soient en état de défense et approvisionnés pour trois mois. Envoyez-y des compagnies de vétérans , que vous pourrez tirer des places vont se rendre les gardes nationales. Mettez aussi dans ces forts des escouades d'artillerie. Dans l'état de distribu- tion des gardes nationales, il y a, pour chacun de ces forts, des bataillons de grenadiers ou de chasseurs, qui seront aidés par ces escouades . d'artillerie et par ces compagnies de vétérans. Il est de ces forts qu'il faut protéger par des redoutes sur des hauteurs, ou par des abattis. Faites foire ces travaux et donnez ordre, au commandant de la division territoriale ou du département, de se rendre sur les lieux , et de ne pas bouger que tout ne soit en état.

» Je dois vous avoir écrit pour les fortifica- tions à faire à chacun des passages des Vos- ges; je suppose que vous avez donné tous les ordres, et que le général Girard veille à ce

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que tout s9 exécute exactement. Tous les officiers du génie de son corps doivent y être em- ployés; on doit requérir tous le paysans qui sont nécessaires et faire travailler avec acti- vité.

» Il est probable que la Suisse sera neutre; mais les alliés pourraient violer son territoire. Il faut donc s'occuper de retrancher toutes les gorges du Jura. Le général Haxo connaît, mieux que personne, les défilés de ces mon- tagnes. Des retranchements et des redoutes pourraient être utiles, si nous employions de bonnes troupes; mais comme nous ferons défendre le Jura par les gardes nationales des sixième et dix-huitième divisions , qui ne sont flanquées , à droite, que par les chasseurs et les grenadiers de la dix-neuvième division, il faut les appuyer sur des ouvrages, et faire fortifier toutes les gorges. Il est indispensable qu'il y ait à Besan- çon des pièces de campagne et quelques pièces de montagne sur affûts de traîneau, qu'on puisse donner aux gardes nationales qui défendront les

défilés.

» Napoléon. »

« 30 avril.

* Vous avez, à Paris, trente batteries de canon de huit pièces chaque, qui seront au parc de Yincennes , ayant double approvisionnement» Cette artillerie n'aura pas de personnel ni d'atte-

550

lage, ni de soldats du train, et sera servie par un bataillon de marins, que le ministre de la marine doit diriger sur Paris et qui fournira :

6 batteries. 6 comp. par le batâil. de marins ;

2 par l'école polytechnique ;

2 par l'école d'Alfort ;

4 par l'école de Saint-Cyr ;

2 par les Invalides ;

8 par les équipages de matelots qui

vont être dirigés sur Paris*

24

» D y aura des redoutes sur les hauteurs pour contenir cette artillerie. Au besoin, on prendra des moyens de réquisition pour l'attelage de quelques batteries mobiles* Il faut désigner un général d'artillerie, pour être directeur du parc; il sera sous les ordres du général Neigre. Il faut aussi organiser un état-major d'artillerie pour diriger ces trente batteries.

» Le général Evain me présentera les ordres d'exécution pour toutes ces mesures.

* Napoléon. »

« l,r mai.

c Mon cousin,

» Donnez ordre qu'on fasse transporter, demain, à l'école Polytechnique, un obusier, une pièce de 12 et une pièce de 6, et que toute l'école soit .exercée à la manœuvre, de manière à pouvoir

351

servir seize pièces de canon, ou deux batteries. Aussitôt qu'ils sauront parfaitement la manœu- vre de force, vous les ferez aller deux fois par semaine, les mercredi et les vendredi, à Vin- cennes,où ils s'exerceront au polygone à tirer au boulet.

> Napoléon. »

Le même jour, Napoléon ordonna d'organiser : Une batterie d'artillerie de huit pièces pour la première division de grenadiers de la garde nationale qui devait être attachée au sixième corps;

Une batterie d'artillerie de huit pièces pour la deuxième division , attachée à l'armée de la Moselle;

Une batterie d'artillerie tle huit pièces pour la troisième division, attachée à l'armée du Rhin ;-

Une batterie d'artillerie de huit pièces pour les divisions, chargées de la défense du Jura ;

Une batterie d'artillerie de huit pièces pour les divisions, attachées à l'armée des Alpes.

Les gardes nationales devaient se rendre, sans armes, à leurs garnisons, l'ordre était qu'elles fussent armées à leur arrivée.

« Si la batterie de Saint*Cyr est désarmée, écri- » vait l'Empereur, donnez ordre qu'on y envoie, » demain, six pièces de canon et qu'on forme, » dans l'école, quatre compagnies, composées des » plus grands, qu'on exercera à la manœuvre, afin

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» qu'elles puissent servir quatre batteries (cha- » cune de huit pièces de canon), qu'on y fasse » l'exercice des pièces et que les élèves aillent » tirer au polygone de Vincennes.

> Donnez Je même ordre pour l'école vétérinaire » de Lyon. »

L'Empereur adressa au ministre de la guerre Tordre relatif aux fortifications à élever pour la défense de Paris. Cette lettre est un docu- ment trop précieux pour l'histoire, et surtout par la pensée qu'elle révèle, pour ne pas la publier ici textuellement. H est curieux aussi de constater ce fait, qu'une dynastie, élevée sur le pavois par une insurrection populaire, n'ait trouvé rien de mieux pour se maintenir sur le trône que les moyens proposés par un souverain absolu qui ne devait sa couronne qu'à son épée.

« l,r mai.

« Mon cousin,

» Vous donnerez ordre au général Haxo et au général Rogniat, accompagnés d'un colonel et de deux capitaines du génie, de se rendre de- main sur les hauteurs de Montmartre ; d'y tracer quatre redoutes de soixante à quatre-vingts toises de côté intérieur et battant les différents débou- chés de la montagne. Le colonel et les deux capi- taines seront chargés de la suite des travaux.

» Dès demain, ces deux généraux feront placer les jalons. Dès mardi, le colonel et les deux

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capitaines formeront les ateliers, et mettront cinquante travailleurs à chaque redoute, de sorte qu'avant jeudi, il y ait mille ouvriers qui travaillent.

» Mardi , les généraux continueront la visite des hauteurs; ils feront placer les jalons sur celles de Menilmontant, pour le tracé de tous les ouvrages qu'ils jugeront indispensa- bles d'élever. Ils ne perdront pas de vue que mon but est de favoriser des troupes inex- périmentées, et de les mettre à même de tenir contre de vieilles troupes. Quand ils auront tracé les ouvrages de Menilmontant et de Belleville, ils suivront par Saint-Denis et au- tres points les reconnaissances des positions à fortifier pour compléter la défense de Paris.

* J'ai deux buts : l'un de faire voir que nous ne nous dissimulons pas le danger, l'autre de

PROFITER DU MOMENT POUR AVOIR CES OUVRAGES,

qui, si nous avons la paix, SE TROUVERONT FAITS ET POURRONT, DANS DIFFÉREN- TES CIRCONSTANCES, ÊTRE UTILES.

» Vous autoriserez cette commission à se foire aider par un détachement de l'école poly- technique.

* Napoléon. »

Paris et Lyon préoccupaient l'Empereur d'une manière toute spéciale ; toutes les mesures qui les concernent sont judicieuses, mais l'on y re-

- 23

354

marque bientôt une sorte de défiance à l'égard des quatorze mille fédérés qu'il va laisser derrière lui , et auxquels il n'a point encore voulu confier des armes.

Napoléon regrettait-il déjà de les avoir appelés à son aide, dès les premiers jours de son arrivée? Ce fut alors une faute grave qu'il commit en débu- tant, car il s'était créé des embarras peut-être insurmontables suivant les circonstances !

« 2 mai.

> Mon cousin,

* Je vous ai mandé que je voulais trente batte- ries d'artillerie, sans attelage, ni personnel, pour le service de la défense de Paris. Mon intention est que vous fassiez sur-le-champ disposer un parc de dix batteries pour défen- dre Lyon. 0 n'y aura également ni personnel, ni attelage. Ces batteries auront un double approvisionnement. Nommez un général pour commander cette artillerie qui. sera servie : par un bataillon d'artillerie de marine de Toulon qui servira six batteries ; par la com- pagnie de l'école vétérinaire qui servira deux batteries, et par deux compagnies de gardes na- tionales qu'on formera et qui serviront les deux autres batteries. La compagnie d'ouvriers mili- taires, qui sera attachée à l'armée des Alpes, pourra travailler aussi aux fortifications de Lyon.

555

» Les troupes, chargées de défendre la ville, consisteront dans la division de grenadiers et chasseurs de la dix-neuvième division militaire, qui se réunissent d'abord du côté de l'Écluse, et se reploieraient sur Lyon ; dans huit à neuf mille de gardes nationales sédentaires de Lyon et des faubourgs ; enfin, dans les dépôts des trou* pes de ligne et détachements qui arriveraient de l'armée des Alpes.

» Le général Curial, qui commande la division, commanderait cette place. Il faut lui donner un maréchal de camp actif et vigoureul , comme commandant d'armes , et lui organiser le ser- vice du génie et de l'artillerie, afin que tout cela ait l'ensemble et l'activité nécessaires. Dans ce nombre, il est indispensable qu'il y ait au moins , trente à quarante pièces de 12 , et quand les ouvrages seront plus avancés, il sera nécessaire d'y envoyer huit a dix pièces de siège pour tirer d'un bord de la rivière à l'autre. Je suppose que vous avez donné des ordres pour l'armement et la mise en état de Grenoble.

» Napoléon. >

« 2 mai.

> Mon cousin,

» J'approuve que vous ayez fait revenir à Vin- cennes les dépôts des 6e et 8e escadrons du train d'artillerie. Veillez à ce que les dépôts d'équi- pages militaires ne soient pas enfermés dans

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les places, et donnez des instructions pour que les places étant dans le cas d'être bloquées, tout cela s'approche de Paris.

» Je vois par le rapport du général Neigre , qu'il y a à Vincennes, des pièces de 3, de 4, de 6 , de 8 et de 12 et des obusiers de ' deux calibres, ce qui fait Sept calibres dif- férents. Je pense qu'il serait plus convenable, pour la défense de Paris, de n'avoir que des pièces de 12, de 6 et des obusiers d'un seul calibre. Comme vous avez un équipage à Lyon, on pourrait n'y mettre que des pièces de huit et de quatre. Enfin si le bureau d'ar- tillerie persiste à conserver les deux calibres, il faudrait mettre le 8 et le 4 sur la rive gauche de la Seine et avoir un parc sé- paré qui pourrait être placé aux Invalides, et qui n'aurait rien de commun avec la rive droite seraient les principales forces , et qui n'au- rait que des pièces de 12, de 6 et des obusiers d'un seul calibre.

» Portez la plus grande attention à faire or- ganiser ET A FAIRE ACCÉLÉRER, PAR TOUS LES

moyens possibles , les défenses commencées.

> Napoléon. »

« 2vmai.

» Mon cousin,

> Un bataillon d'artillerie de la marine, ve- nant de Cherbourg et de Brest, se réunit à

557

Paris» Il sera composé de six compagnies de cent vingt hommes. Chaque compagnie pourra donc servir une batterie de huit pièces de canon, et avoir encore trente hommes pour la réserve.

> 11 arrive aussi, de Cherbourg et de Brest, un bataillon de cinq cents ouvriers de la marine , organisé en quatre compagnies, ayant leurs outils, et qui seront attachés aux parcs de l'ar- mée du Nord. Enfin, une compagnie de ces ouvriers viendra également de Toulon à Lyon. Cette compagnie sera attachée à l'artillerie de l'armée des Alpes.

» J'ai ordonné que toutes ces troupes vinssent sans séjour et doublassent les étapes toutes les fois qu'elles le pourraient. Aussitôt qu'elles seront arrivées à leur destination , ces troupes seront à votre disposition , mais elles continue- ront d'être payées par la marine.

» Napoléon. *

« 2 mai.

* Mon cousin,

» J'ai ordonné qu'un deuxième bataillon d ar- tillerie de marine, fort de six compagnies, vint à Paris. Il serait important qu'aussitôt que ces hommes seront arrivés , on les exerçât ,

AVEC LA PLUS GRANDE ACTIVITÉ POSSIBLE, aUX

manœuvres de campagnes. Donnez des ordres pour qu'un bataillon d'artillerie de marine se rende à Lyon.

558

» Il est impossible qu'il ne reste à Grenoble que les fusils nécessaires; ordonnez que le surplus soit envoyé à Lyon.

» Les bataillons de grenadiers et de chasseurs de la garde nationale, aussitôt qu'ils seront for- més, devront s'habiller et s'armer, s'ils le peuvent, dans leur département; mais le dé- faut d'armes ne doit pas les empêcher de se rendre dans les places fortes qui leur sont dési- gnées ; ils y seront successivement armés.

» Napoléon. »

À un long rapport du ministre de la guerre sur la composition des batteries de réserve, Napoléon fit cette laconique réponse :

« 5 mai.

» Mon cousin, » Je préfère six pièces de 12 et deux obusiers.

y Napoléon. *

Le 9, il témoignait son étonnement sur ce que , le fi mai, il n'y eut encore que quatre bouches à feu à Château-Thierry, et demandait qu'on lui fit connaître quel était l'armement de Château- Thierry, Soissons, Vitry, Laon, Langres, et de quel côté on faisait venir les pièces. Si l'on avait besoin de quelques secours, disait Napoléon, on pourrait foire venir des pièces en fer de la marine.

Voici une lettre qui prouve l'étonnante mémoire

559

de Napoléon et combien il était difficile de la sur- prendre :

«10 mai.

» Mon cousin,

» J'ai trois cent cinquante fusils à Montreuil , onze cents à Dunkerque, onze mille six cent quatre-vingt-six à Lille , cinq mille sept cent quatre-vingt-onzç à Douai. La majeure partie est en réparation ; mais le travail languit faute d'argent. Faites les fonds nécessaires pour que la mise en état de ces armes n'éprouve aucun retard.

» Il manque au deuxième corps , une batterie d'artillerie légère, et une à la réserve de cava- lerie. Le matériel est prêt , mais il manque de chevaux. Il faut y pourvoir, et de plus foire les fonds pour que les deux compagnies, destinées à servir ces batteries, soient montées au complet. Elles n'ont que trente chevaux en ce moment ; il manque des cordages pour les équipages de pont qui se préparent à Douai.

* L'officier du génie en chef à Âbbeville , n'a pas de capacité ; en outre , il se trouve dans sa ville natale, ce qui ne convient pas ; faites- le remplacer.

» L'officier d'artillerie est également d' Abbe- ville; changez-le, 11 n'y a que deux officiers du génie à Douai, ce qui n'est pas suffisant : en- voyez-en un troisième.

. 560

» Montreuil exige des réparations ; donnez des ordres, et faîtes des fonds pour les travaux les plus urgents.

» Abbe ville est dans le même cas.

» La plupart des places du Nord manquent du bois nécessaire pour les travaux de défense. Il faut assurer cette partie du service, et subvenir du moins aux besoins les plus pressants.

» Napoléon. *

Enfin, le même jour, l'Empereur prescrit lui- même, l'armement détaillé des petites places de l'intérieur, comme l'eût fait un simple directeur d'artillerie de la localité et revient toujours sur l'armement de Paris et de Lyon :

c Mon cousin,

» Voici ce que je désire pour l'armement des petiteâ places de l'intérieur :

1 4 pièces de 24 Armement de Château-Thierry ]d » de 12

5 » de 4

» Par ce moyen, les quatre pièces de seize de- viendront disponibles. Les pièces de vingt- quatre seront en fer et la marine les fournira.

361

>l 6 pièces de 24 en fer.

§1 4 » de 16 » (destiaées pour Châlfau-Tbierry.)

|) 4 » de 12 •> «1/ 6 > de 8 » §)l0 » de 4 » If 4 obusiers »

* \ 3 mortiers de 8 pouces .

. 37

» Il restera cinq pièces de 12, trois de 8, trois de 4 et les obusiers de six pouces que vous avez feit venir de Lille. Vous les gar- derez à Soissons, en réserve pour Laon, ou pour tout autre point, même pour Paris, si cela était nécessaire.

5710 pièces de 24 (en fer sur afffcts nariis ou de places.)

51 8 i de 8 |1 8 » de 4 <& \ 8 obusiers de 6 pouces. 4 mortiers de 8 pouces.

<

38 pièces.

> Armement du château de Guise ? pièces *e

| 1 » de lo

» On y mettra les neuf pièces que vous avez fait venir pour Laon, d'où on les retirera quand Laon sera en bon état et pourra s'en passer.

» Napoléon. »

362

« 10 mai.

» Mon cousin,

> Indépendamment des trois cents bouches à feu, des équipages de campagne, je pense qu'il est nécessaire d'avoir à Paris trois cents bouches à feu en fer. J'écris au ministre de la marine de nous envoyer du Havre, cent de 24, cent de 12 et cent de 16, avec un approvisionnement de trois cents coups par pièce, dont cinquante coups de mitraille , et tous les détails de l'ar- mement nécessaire , tels que leviers , coins , etc.; je lui demande, en outre, cent affûts marins.

» Il sera formé, sur l'emplacement des Inva- lides, un parc, toutes ces pièces et appro- visionnements seront déposés. Vous en donnerez la direction au général Sugny. La marine conti- nuera à en avoir la comptabilité. Les transports, ainsi que les dépenses du magasin des Invalides seront à ses frais.

> Ces trois cents bouches à feu en fer sont destinées, partie pour Paris et partie pour les autres places de l'intérieur, telles que Soissons, Reims, Vitry, La on, Château-Thierry, Langres, et j'ordonne également au ministre de la ma- rine de diriger sur Lyon :

» 50 pièces de 24 en fer. » 30 » de 12 > > 40 > de 6 *

363

avec le même approvisionnement de trois cents coups par pièce, et des affûts marins.

> parc viendra des<eôtes de la Méditerranée, et remontera le Rhône. Il sera pris des me- sures, POUR QUE CE SOIT LE PLUS PROMPTEMENT

POSSIBLE.

> La marine aura également la direction du parc de Lyon, et sera chargée de la compta- bilité de ce matériel et des transports. Ces bouches à feu serviront à la défense de Lyon. On pourra en tirer des pièces de 6 pour la garde du pont de la Saône. Il sera utile alors d'avoir une vingtaine d'affûts bâtards, mais à grands rouages, à peu près comme affûts de campagne pour les pièces de 6. Une trentaine de pareils affûts seraient utiles pour l'équipage de Paris. On confierait ces pièces de préférence aux gardes nationales et aux postes le long des rivières.

> Napoléon. >

CHAPITRE XIX.

SOMMAIRE . Cours de stratégie résultant d'une correspondance inédite de Napoléon. Sa prochaine et sanglante application dans les champs de la Belgique. Ordres concernant la formation .des équipages de ponts, el les mesures défensives à prendre sur les frontières. Reproches de Napoléon au prince d'Eckmûhl sur le vague de son rappport sur les pontonniers. Ordre de porter toutes les batteries de campagne et de réserve à 6 pièces et 2 obusiers, et de les diriger immédiatement sur leurs corps respectifs. Ordre à la division de la jeune garde du général Barrois, de partir pour Compiègne et d'amener avec elle trois batteries et quatre ambu- lances de la garde. Instructions au comte Lobau, commandant du 6' corps. Ordre relatif à l'approvisionnement de munitions de l'infanterie el de l'artillerie de l'armement de l'armée du Nord. Mission du général Rogniat. Ordre de mise en défense de la ville de Laon et de procéder à la levée en masse du département de l'Aisne. Note dictée par Napoléon sur les attributions du major- général de l'armée et de l'intendant-général Ordre de diriger sur Compiègne sept batteries de la vieille garde et deux de la jeune, et de presser l'organisation des huit autres batteries de la jeune garde. Lettre demandant un rapport détaillé sur la situation des équipages militaires, en soldats, chevaux, voitures et harnais ; re- commandations particulières de Napoléon à cet égard. Ordre d'armer tous les dragons et les lanciers d'un mousqueton, et le tiers au moins des cuirassiers, en attendant qu'on puisse leur en donner à tous ; ordre d'armer tous les chasseurs et les hussards de carabines. Remplacement de plusieurs directeurs d'artillerie. Leçon d'é- conomie administrative donnée par Napoléon au ministre de la guerre ; ses vifs reproches au prince d'Eckmûhl, pour avoir voulu disposer d'une partie des chevaux destinés à la garde; autres re- proches au maréchal, pour s'être permis d'envoyer, sans l'en avoir informé, le sieur Bresson de Valencôle à Londres, pour y acheter

365

des fusils. Graves symptômes d'insurrection dans la Bretagne et la Vendée ; réflexions à ce sujet Mesures énergiques ordonnées par Napoléon pour y couper court. Départ de deux régiments de la jeune garde sous les ordres du général Brayer. Formation d'une armée de la Loire sous le commandement en chef du général Lam arque Acte additionnel ; ses funestes conséquences ; protes- tation du colonel Cubières et des officiers du 1er léger. Lettres et ordres divers de Napoléon. Son opinion sur Marseille. Leçon de haute administration donnée par lui aux bureaux de la guerre. Lettre sur les mesures à prendre pour garantir Yincennes des tentatives de la malveillance ; dispositions particulières à cette forte- resse ; remise de son donjon à la police pour en faire une prison d'État. —Lettre inédite de Napoléon contenant toutes ses instruc- tions concernant l'armement des fortifications de Paris. Ordre de Napoléon pour la répartition des bataillons d'élite de la garde natio- nale, dans les places du Nord. Lettre du prince d'Eckmùhl à Na- poléon, en réponse à des reproches personnels. Lettre du prince d'Eckmùhl au général Evain, directeur d'artillerie . Opinion de Na- poléon sur la ligne de défense de Clichy à Montmartre. Ordres divers de Napoléon concernant les dernières mesures de défense du territoire.

Nous venons d'offrir à nos lecteurs deux le- çons de tactique à l'usage de la France ; leçons écrites ou dictées par Napoléon lui-même.

Dans la première , cet illustre professeur d'art militaire n'a fait, en quelque sorte , que poser les premières bases de son enseigne- ment ; dans la seconde , il y a mêlé la tactique des trois armes; et enfin, dans la troisième, à laquelle nous allons consacrer encore ce cha- pitre, le premier capitaine des temps moder- nes, le Dieu de la guerre, ainsi que l'ont appelé quelques-uns de ses admirateurs, élargit son cadre, et nous donne à tous de savants et utiles préceptes de stratégie. Suivons donc avec

306

la même attention ce qu'il va nous dire pour compléter ce cours mémorable, dont nous ne tarderons pas à foire la sanglante application dans les plaines accidentées de la Belgique; car un mois à peine nous sépare des journées de Charleroi, de Ligny, des Quatre-Bras, de Wavre et de Waterloo*

Pour qui, dans nos souvenirs, ne recherche que le dramatique, une simple analyse de cette remarquable correspondance eût sans doute paru suffisante; mais, comme sous la forme de l'apologue, nous croyons écrire pour l'histoire, nous demanderons bien pardon à nos lec- teurs impatients, si, pour leur complaire im- médiatement, nous ne voulons pas priver les hommes d'étude, les futurs historiens d'une épo- que, dont nous ne voulons esquisser que quel- ques épisodes, si, disons-nous, nous voulons, au contraire, leur laisser les précieux docu- ments qui nous ont été confiés.

Patience donc à nos lecteurs moins sérieux, bientôt nous serons à eux tout entier.

Maintenant écoutons Napoléon :

« il mai.

» Mon cousin,

> Présentez-moi le projet d'un équipage de pont pour l'armée du Nord. Qu'il y ait de quoi feire plusieurs ponts sur l'Escaut, sur la Sambre et sur les canaux de la Belgique.

367

> Il serait nécessaire d'avoir ces équipages % le plus tôt possible, et que le personnel et le matériel fussent promptement réunis. Il serait également convenable d'avoir un demi-approvi- sionnement pour le parc général de Farinée du Nord.

» Napoléon. »

« 12 mai.

> Mon cousin,

* Écrivez au général commandant la division de réserve de Golmar de presser l'achèvement des ouvrages de campagne, ordonnés le long du Rhin; au commandant de la division de Nancy, de s'occuper des retranchements à faire dans le passage des Vosges; au commandant de la division de Sainte-Ménehould, de veiller sur les retranchements à faire dans les défilés de l'Àrgonne; enfin, aux commandants des divi- sions de Vesoul et de Besançon, qui sont sous les ordres du commandant du corps d'observa- tion du Jura, pour les ouvrages à faire de leur côté, et pour la formation du camp de Bel- fort.

» Il est nécessaire que les généraux com- mandant les armées tiennent des conseils avec les généraux commandant les divisions* de ré- serve de gardes nationales pour que chacun sache bien ce qu'il doit faire, en cas d'inva- sion.

568

» Les officiers du génie et de l'artillerie de- vront assister à ces conseils pour assurer le . concours de leur arme dans l'exécution des mesures de défense qui seront arrêtées. Les préfets seront appelés également dans ces conseils

» On ordonnera aux villes qui ont une en- ceinte, de Étire des retranchements et de se mettre en mesure de ne pas recevoir la loi des troupes légères.

» Excitez le zèle des généraux; qu'ils pré- voient tous les cas, et que, d'avance, chacun sache ce qu'il faut faire pour arrêter l'ennemi.

» Napoléon. >

« 13 mai.

» Mon cousin,

» Je donne ordre au ministre du Trésor de tenir à votre disposition pour les travaux de l'artillerie une somme de deux millions , qui sera affectée sur la contribution de juin. Cette somme sera payable par avance sur ce mois- ci. Il est nécessaire que le bureau de l'artille- rie arrête le travail du budget de l'artillerie pour 1815, en faisant connaître ce qu'il a reçu, y compris sa distribution de mai, la différence sera ce qui reste à recevoir.

> Napoléon. >

369

a 13 mai.

» Mon cousin,

» Il parait que nous avons huit compagnies de pontonniers. Laissez-en une à Strasbourg, pour l'armée du Rhin; une autre à Metz, à la disposition du général commandant l'armée de la Moselle, et ordonnez aux six autres de se rendre à Douai, à Paris et à La on. Ces six compagnies , commandées par le meilleur offi- cier de pontonniers que vous ayiez, seront atta- chées à l'équipage de pont de l'armée du Nord.

» Votre rapport du 12 mai sur les équipa- ges de pontons me paraît un peu vague. Vous ne faites pas connaître le nombre de chevaux d'artillerie, qu'il faut pour atteler -ces pontons et quand ils seront attelés. Vous me dites que les baquets et les pontons sont réunis à Lille, la Fère et SainfrOmer; que vous faites orga- niser à Paris un équipage de même force que celui de Douai. Répondez plus catégoriquement. Quelle est la largeur des canaux de Coudé, de l'Escaut du côté de M on s, de la Sambre du côté de Charleroi? Du canal de Bruges, de celui de Bruxelles , et enfin de la Meuse du côté de Maëstrecht? Combien nous fout-il de pontons pour faire un pont sur chacune de ces rivières ? Combien ai-je de pontons sur haquets, prêts à partir de Paris? Quand pourront-ils être réunis dans une position entre Avesnes et Laon ? Com-

24

570

bien faudra-t-il de compagnies pour le service de ces pontons?

» Napoléon. *

« 14 mai.

» Mon cousin,

> Les batteries de réserve sont actuellement de quatre pièces de 12 et de deux obusiers; il faudrait les porter à six pièces de 12 et deux obusiers, ainsi que les batteries à pied. Toutes les batteries, tant à pied qu'à cheval , seraient alors composées de même.

» Je vois, par votre rapport du 13 mai, que la batterie de réserve du 1er corps doit rester à Douai, jusqu'à ce qu'on fesse un mouvement. Cette disposition est mauvaise. Il faut que les

CORPS PUISSENT REMUER VINGT- QUATRE HEURES

après les ordres. En conséquence, il est néces- saire que les batteries de réserve se rendent d'avance dans les lieux désignés pour rempla- cement du parc.

« Napoléon. »

« 14 mai.

* Mon cousin,

Donnez ordre que la première division de 1* jeune garde, composée du 1er régiment de volti- geurs et du 1er régiment de tirailleurs, commandée par le général Barrais et par le général de brigade

571

Chartrand, parte après-demain, mardi, pour Compiègne.

> Prenez des mesures pour que les deuxièmes régiments de tirailleurs et voltigeurs puissent par- tir jeudi , 18, sous les ordres d'un autre général de brigade.

> Les trois batteries d'artillerie que j'ai vues aujourd'hui à la revue, partiront également mardi. Faites partir aussi avec la division Barrois, qùa» tre ambulances de la garde, avec leur personnel , en administration et chirurgiens.

> Ces troupes seront cantonnées de manière à pouvoir facilement se réunir par bataillon.

» Donnez des ordres pour que l'artillerie sbit repeinte et complétée en pièces de rechange, con- formément à l'ordonnance et que les quatre am- bulances se composent de seize caissons garnis de tout ce qui est nécessaire. Donnez des ordres pour que tous les régiments de vieille et de jeune garde, qui seront formés, aient leur ambulance de pelo- tons. Il est nécessaire que chaque homme en par- tant d'ici ait ses quarante cartouches.

» Donnez ordre au 10e régiment de partir mar- di, pour rejoindre sa division du côté de Laon.

» Autorisez le comte Lobau à porter une de ses divisions d'infanterie du côté de Guise pour ménager Laon. Donnez des ordres pour que trois autres batteries, une à cheval et deux à pied soient prêtes à partir avec les régiments qui par- tiront jeudi.

372

» Faites-moi connaître quand le quatrième ré- giment de la division du corps de réserve sera ar- rivé à Paris, et quand je puis compter qu'arrivera la troisième division. Écrivez aux généraux pour qu'on ne retienne pas ce corps en route. *

» Napoléon. »

De Strasbourg , le général Rapp se plaignait , à la date du 12 mai, que tout le zèle déployé ne remplissait cependant pas ses cadres; le temps courait et les recrues n'arrivaient pas. Les alliés se concentraient sur la rive gauche ; ils pouvaient franchir le fleuve d'un instant à l'autre ; sa posi- tion devenait critique. Il fit passer ses états de situation à l'Empereur qui ne put cacher sa sur- prise. € Si peu de monde !... L'Alsace dont le pa- triotisme est si ardent! N'importe la

» victoire enfantera des bataillons. Tout n'est pas » désespéré ; la guerre a ses chances ; nous en » sortirons.

Il avait ordonné quatre jours auparavant au général Rapp de ne pas laisser un seul homme de troupes de ligne dans les places fortes, d'extraire des dépôts tout ce qui était en état de servir, d'inonder, de mettre en état les lignes de Weis- sembourg et d'assurer avec soin ses commu- nications avec Bi tche. Rapp était occupé de ces mesures, mais l'Empereur ne trouvait pas qu'il allât assez vite, il lui écrivit :

375

« Monsieur le général Rapp,

» J'ai reçu votre lettre du 12 mai. Je vois , par Tétat que vous y avez joint, que le 18e de ligne, qui a deux bataillons à votre armée, forts de douze cents hommes, peut vous fournir un troisième bataillon de six cents hommes ; faites- le partir sur-le-champ de Strasbourg pour venir vous rejoindre. Le 32e ne peut donner que deux cents hommes de renfort à vos bataillons de guerre, ce qui les portera à douze cents hommes. Le 39e peut vous fournir son 3e bataillon, faites-! e partir. Le 55e peut également vous fournir son 3e bataillon. Le 58e peut vous fournir deux cents hommes pour compléter ses deux premiers ba- taillons à douze cents hommes; le 104e de même. Le 7e léger peut vous fournir son 3e bataillon; de même le 10e léger. Vous pouvez donc, avec un peu d'activité, renforcer votre infanterie de quatre mille hommes. Je suis surpris qu'il n'y ait pas eu plus d'engagements volontaires dans l'Alsace pour ces régiments. Le 39e de ligne se recrute dans le Haut-Rhin; ce département doit avoir fourni au moins deux mille vieux soldats, qui % répartis en- tre les 39e, 32e et 18e, devaient porter les 3eg et même les 4e* bataillons au complet. Le 10e lé- ger, qui\se recrute dans la Haute-Saône, doit re- cevoir beaucoup de monde. Le 57e, qui se recrute dans le Doubs, doit en recevoir également beau- coup. Le 7e léger, le 58e et le 104° qui se recrutent

574

dans le Bas-Rhin , devraient être au complet. Fai- tes-moi connaître pourquoi tous les hommes que vous avez à vos dépôts ne sont pas habillés et n'augmentent pas vos cadres. Faites-moi connaî- tre aussi ce qui est annoncé à ces régiments des différents départements. Espérefe-vous qu'au 1er juin vos troisièmes bataillons soient complétés, et que chaque régiment soit à dix-huit cents hom- mes ; ce qui ferait sept mille hommes pour cha- cune de vos divisions? Êtes- vous content des gé- néraux de division et de brigade que vous avez? Quelle sera la situation du 2e de chasseurs , du 7e et du 19e de dragons, qui ont tous leur dépôt dans votre division, au 1er juin? Ces trois régi- ments avaient à leur dépôt quatre cents hommes et trois cents chevaux ; ils doivent en avoir reçu depuis* Au I* juin , avec des mesures actives , cette division doit être de quinze cents chevaux. La troisième division a également tous ses dépôts dans votre arrondissement; elle a douze cents hommes à son dépôt ; elle devra donc vous four- nir deux mille chevaux,

» Napoléon.

» Paris, le 14 mal 1615. »

Le général Rapp répondit sur-le-champ aux questions de l'Empereur. A lui exposa l'état dé- plorable dans lequel la troupe était tombée : les armes, la monture, l'habillement, il fallait tout remettre à neuf. Il ne pouvait pas avoir au delà de

375 -

de vingt-deux mille hommes disponibles an 1er juin. Le tableau n'était pas brillant; mais l'Em- pereur faisait un si admirable emploi de ses res- sources, qu'on ne devait jamais désespérer. H mit de nouveaux fonds à sa disposition ; il stimulait son zèle, l'engageait à ne rien négliger pour ac- croître ses forces, et à reconnaître tous les défilés. Sa dépêche mérite d'être connue :

« Monsieur le comte Rapp ,

» Je reçois votre lettre du 18 mai. J'ai accordé treize millions pour l'habillement dans la distri- bution de mai. Des ordonnances pour des sommes considérables ont été envoyées à chaque corps de votre armée : assurefrvous qu'elles soient sol- dées. Je ne puis réaccoutumer à l'idée que vous ne puissiez avoir de disponible au 1er juin que vingt-deux mille deux cents hommes , quand la force des dépôts est de quatre mille hommes. Ap- pelez à vous le 3e bataillon du 18% le 3e du 39% le 3e du 57e, le 3e du 7e léger, le ¥ du 10e léger, ce qui vous formera un régiment à quatre bataillons , quatre à trois bataillons , et quatre à deux batail- lons , ou vingt-quatre bataillons. Poussez l'habil- lement; l'argent est en expédition et ne man- quera pas. La situation que vous m'avez envoyée de votre cavalerie n'est pas bien faite. Gom- ment le 6e de cuirassiers n'a - 1 - il que ses 3e et 4e escadrons au dépôt? Qu'est donc devenu son 5e escadron ? Même observation pour

376

le 19e de dragons. Vous ayez mille sept cent qua- tre-vingt-sept hommes , et seulement quatre cent vingt-sept chevaux ; mais vous ne me faites pas connaître combien d'hommes il y a en détache- ment pour prendre les chevaux des gendarmes ; combien il y en a en remonte au dépôt de Ver- sailles; combien le régiment doit recevoir de chevaux par suite des marchés qu'il a passés; combien les départements doivent en fournir. Si vous y mettez l'activité convenable , vous devez , sur ces dix-sept cents hommes , en avoir bientôt quinze à seize cents montés, qui, joints à ceux qui composent aujourd'hui les escadrons, porteront votre cavalerie à près de quatre mille hommes. Vous voyez cela trop légèrement ; levez les obs- tacles par vous-même ; voyez les dépôts et aug- mentez votre armée. Montez un espionage pour savoir ce qui se passe au-delà du Rhin , et prin- cipalement à Mayence, à Thion ville , et connaissez bien tous les débouchés des Vosges.

* Napoléon.

» Paris, le 20 mai 1815. »

Ordre transmis, au nom de l'Empereur, au ministre de la guerre.

a 1* Mai

* Les soixante-dix-sept-mille coups de canon, dans les dépôts de Guise jusqu'à Paris ne parais- sent pas suffisants; il faudrait un plus grand ap-

577

provisionnement pour Tannée du Nord, y compris la garde. Il faudrait quatre-vingt-dix-mille coups à Paris, qui est le point central; et quatre-vingt- dix-mille coups sur la ligne jusqu'à Àvesne; à Vi- try vingt-mille coups; à Château-Thierry, vingt- mille coups; à Soissons, treize mille coups de plus, ce qui fera vingt-trois mille pour cette plaie.

» Il faudrait que ces munitions fussent en cais- se, pour pouvoir être transportées sur des char- rettes de réquisition jusqu'à un dépôt. On ne doit pas compter, dans ce nombre, les munitions en caissons.

» Il faut aussi organiser quelques coups de ca- non dans les places de Flandre qui serviraient en cas de siège, et en campagne, et laisser dans ces places quelques pièces de 12 et de 6; à défaut de pièces de campagne, on en donnerait en fer de la marine, et il serait fait défense de les employer, afin qu'elles soient toujours disponibles. L'inten- tion de l'Empereur serait donc qu'il y eût quatre mille coups de canon, dans chacune des places de Maubeuge, Landrecies, Le Quenoy, Valencienues, Gondé, Lille, Philippeville et Givet. Comme dans les places de guerre, on a le moyen de confection- ner , l'essentiel sont les projectiles et les sabots pour gargousses; mais il est probable qu'on en trouvera dans les places. Le général d'artillerie fera confectionner ces munitions, et il en aura la disposition.

» Pour Paris, il faut, à la rigueur, deux cents

578

coups par pièces; si l'on va jusqu'à quatre cents, Le surplus peut servir pour compléter les quatre- vingt-dix-mille coups demandés.

.> Dans l'état 2, il résulte qu'on ne porte les batteries de réserve qu'à quatre pièces de 12 et deux obusiers; il faut les porter à six pièces de 12 et deux obusiers, ce qui élèvera le total à trois cent quarante-quatre bouches à feu.

» Cent soixante-deux caissons d'infanterie ne représenteront que deux millions cinq cents mille cartouches; l'armée du Nord, étant de soixante-dix mille hommes d'infanterie, n'aurait que trente sept cartouches par baïonnette, la règle est d'en avoir cinquante, ce qui exigerait une augmen- tation.

» Il y a trop de charriots de munitions et de forges de campagne, surtout dans une guerre en France. Il faut réduire à cent les voitures d'atti- rail, et comme, par cette réduction, on trouve à placer huit à neuf cents mille cartouches, ce ne serait qu'une augmentation de dix à douze voitu- res qu'il faudrait; mais il serait nécessaire d'avoir un million de cartouches dans des caissons à cha- que réserve; les caissons n'auraient pas besoin d'être attelés; ils marcheraient par des chevaux de réquisition, qui feraient la navette.

» Même principe pour les coups de canon qui seraient en dépôt.

» Au moyen de ces réserves dans les dépôts, l'on ne perdrait pas de temps , et l'on trouverait

579

au jour de bataille, les approvisionnements com- plets, soit en ligne, soit chargés, dans les dépote.

« 15 Mai.

» Mon cousin ,

> Je suppose que vous avez donné des ordres pour la mise en état des places de la Somme. Je désire que le général Rogniat avec un officier dar- tillerie parte demain pour aller visiter Abbeville , Amiens, Ham et Péronne, et tous les postes inter- médiaires. Ils seront accompagnés par les géné- raux commandant les départements; ils reconnaî- tront tous les points qu'il faudrait garder ou cou- per. Le génie du deuxième corps enverra un officier pour mettre en état Saint-Quentin; il se concertera avec le sous-préfet et le maire pour que la place soit mise à l'abri de la cavalerie légère.

» Donnez ordre au génie du sixième corps de mettre, sur-le-champ, en état Laon. Faites-y diri- ger de l'artillerie, de manière que, le 10 juin, cette ville soit en état de défense, et à l'abri d'un coup de main.

Le général , commandant le département de l'Aisne, se concertera avec le Préfet, pour réunir, de la levée en masse, un nombre suffisant pour garder Laon, en cas d'événement. Le sixième corps enverra un officier du génie qui se rendra à Rheims pour taire travailler aux portes , et mettre la ville à l'abri d'un coup de main et de la troupe légère. On pourra fournir aux habitants quelques

A

380

pièces de canon, aussitôt quon verra quels sont

disposés à se défendre. »

« Napoléon. »

« 10 Mai.

» Mon cousin,

« Je reçois votre lettre , dans laquelle je vois que les équipages d'artillerie des premier et deuxième corps sont entièrement complets ; mais vous ne me faites pas connaître : si les batteries sont toutes à huit pièces , même celles de douze ; quand les équipages de pont pourront se mettre en mouvement pour prendre position derrière le deuxième corps?

> Puisque nous avons dix compagnies de pon- tonniers , je pense qu'il est utile d'en envoyer une à Lyon , qui y sera disponible pour l'armée des Alpes. On peut en garder deux à Strasbourg, et six entre Paris, Douai, et Laon. »

« Napoléon. »

Note dictée par l'Empereur, sur les attributions du major-général de l'armée, et de l'intendant- général :

« 16 Mai.

» Le major-général ne donnera des ordres qu'à l'armée du Nord , à moins qu'il ne mentionne qu'il transmet un ordre spécial de l'Empereur, présent à l'armée.

581

» Toutes les fois que Sa Majesté sera point présente à Tannée, le major-général ne donnera des ordres qu'à l'armée <lu Nord.

» L'intendant-général ne dirigera que l'admi- nistration de l'armée du Nord. Si par un décret , les armées de la Moselle et du Rhin venaient à être supprimées , et réunies à l'armée du Nord , elles rentreraient sous l'administration de l'in- tendant-général , mais jusques-là, elles doivent en être séparées.

» Chacune de ces armées doit avoir un ordon- nateur en chef, qui correspondra avec le ministre de la guerre directement, et un payeur qui corres- pondra avec le ministre du trésor.

» L'ordre sera donné aux officiers de santé en chefs , au payeur et à toutes les administrations de l'armée du Nord, de se rendre à Laon; ils devront partir dans la journée de demain.

» L'ordonnateur en chef de l'armée du Nord devra s'y rendre aussi. L'intendant-général se ren- dra à Soissons. »

* Napoléon. »

« 18 Mai.

» Mon cousin,

« Il y a à Douai , trente pontons et dix bateau^ ; cet équipage me parait suffisant. Il faut, pour atteler ces quarante voitures , deux cents à deux cent cinquante chevaux. Faites-les atteler, sans délai , non pas par des chevaux de réquisition,

38a

mais par de bons chevaux d'artillerie. Mettez-y cinq compagnies de pontonniers et faites-les ve- nir un peu derrière le parc de réserve du général Reille.

» Vous garderez l'ancienne compagnie de Vin- cennes , s'il en était besoin ; on attellerait plus tard ce parc avec des chevaux d'artillerie, ou même avec des chevaux de réquisition. >

c Napoléon. »

« 20 Mai.

» On me fera connaître quelle sera la situation de l'artillerie de l'armée, du 5 au 10 juin.

> J'entends que toute l'artillerie qui manque encore , soit rendue aux lieux seront les corps d'armée. On me fera connaître quelle sera la situation de l'équipage de la garde, au 5 juin , et quels sont les moyens à prendre pour que , di- manche , 28 mai , les sept batteries de la vieille garde et deux batteries de la jeune garde, partent de Paris après la revue et soient rendues à Com- piègne le 1er juin.

» Quand les huit autres batteries de la jeune garde seront-elles en état de marcher?

» Les soldats du train manquent; il faut me pro- poser les moyens de s'en procurer et en prendre dans les équipages (a). Les soldats du train qui

(a) Nous avons vu à Charleroi un grand nombre de voi-

385

existent manquent d'effets d'habillement; il ne faut les pourvoir d'abord que de ceux qui sont in- dispensables. On me présentera un projet de déeret pour former des régiments du train d'ar- tillerie, composés d'escadrons de deux compa- gnies chacun.

» On me présentera un rapport détaillé sur la situation actuelle des équipages militaires, en soldais, chevaux, voitures et harnais. On me pro- posera des mesures pour hâter l'organisation des compagnies et leur envoi à l'armée. Il faut éviter aux chevaux des marches inutiles.

» Combien de voitures d'équipages pourrai-je avoir à Laon, au 5 juin?

> Me présenter un travail semblable pour le ba- taillon des équipages de la garde, et voir M. le commissaire-ordonnateur Dufour.

» Il fout envoyer un officier muni d'instructions à Meaux , ChâteaurThierry , Châlons , Commercy et Sampigny, pour régularisa* les envois et faire connaître toutes les dispositions à prendre.

» On me remettra les états de l'armement de tous les corps de cavalerie , en indiquant les dispo- sitions faites pour les compléter.

* Les dragons doivent avoir tous des mousque- tons. Les chasseurs et les hussards seront bien-

tures d'artillerie conduites par des postillons en grande tenue, et cependant nous n'avons trouvé nulle part trace d'ordres ^ui eussent prescrit ce mode de recrutement

384

tôt à neuf cents hommes, et il leur faut des carabines.

» Les lanciers doivent être armés en mousque- tons. Les cuirassiers doivent avoir au moins le tiers de leurs hommes , armés avec des mousquetons , en attendant qu'on puisse en donner à tous.

» On me remettra un rapport détaillé sur la situation des armes, indiquant ce qui existe au 1er avril, ce que Ton a fait en avril, ce quia été gaspillé par les volontaires royaux y et les lieux se trouvent les fusils à l'époque de ce jour.

» Il faut envoyer des fusils à Nantes. Donner une autre destination au directeur d'artillerie, Rédouer de Sancé.

» Il faut envoyer dans les magasins d'armes qui ont plus de monteurs qu'il ne leur en faut , des platines en cuivre pour être employées dans la fabrication ou faire venir à Paris les monteurs qui sont en plus dans les manufactures. Il faut faire faire des canons de fusil à Paris. »

» Napoléon.

« 20 Mai.

» Mon cousin ,

> Le directeur d'artillerie qui est en Corse est mauvais; changez-le. Faites-le rentrer en France, et remplacez-le par un officier sûr. Il serait con- venable d'y envoyer de préférence un officier qui

585

ait servi plusieurs années en Italie, et qui sôtt Ah milier avec la langue du pays.

» Rappelez le directeur d'artillerie de Nantes ; il a émigré. Il faut un homme sûr.

» Napoléon »

« a* Mai > Mon cousin,

» J'ai reçu votre rapport sur la nécessité d'a- cheter deux mille sept cents cinquante chevaux pour compléter les équipages d'artillerie; mais il me semble : que la garde n'a eu ordre de n'augmenter ses chevaux que de mille sept cents ; trois cents chevaux suffisent pour les équipages de pont. J'ai donc pris un décret pour vous auto- riser à acheter deux mille chevaux.

> Napoléon. >

« 20 Mai.

» Mon cousin ,

» Je ne puis être que mécontent de la propo- sition que vous me faites d'employer pour les équipages militaires une partie des quinze cents chevaux qui étaient destinés pour la jeune garde. De sorte que nous sommes moins avancés que jamais ! Cependant , il me semble que la garde doit être la première servie, puisqu'elle a. une artillerie d'élite, attachée des troupes d'élite , et qu'il est indispensable que j'aie au 5 jum les

25

386

soixante-quatre pièces de fat jeune garde. Ne tou- chez donc en rien à toutes les dispositions qui ont été faites pour la garde, qui passe avant tout.

» J'approuve que le pont se rende à Guise, mais ne prenez pour cela aucuns des moyens destinés à la garde.

» Napoléon. »

« 20 Mai.

» Faites mettre quelques fonds à la disposition du génie et de l'artillerie en Corse pour les dé- penses. Il faut peu de choses à cette occasion. Je dois remarquer que la Corse n'a aucun système de défense. Mon intention est qu'on ne fasse au- cune espèce de dépense aux places d'Àjaccio, de Bonifacio. Tout le reste , si cela devient né- cessaire, doit être centralisé sur Calvi. Je pré- férerais à Calvi la ville d'Ajaccio , et c'est, je pense f sur Àjaccio qu'à l'avenir il faudra cen- traliser la défense de l'Ile ; mais ce ne peut être cette année , puisque les travaux à foire exigeront deux ou trois ans et cinq à six cent mille francs de dépenses.

» Le système du génie, en Corse, est absurde; tout le matériel est répandu dans cinq places, éêM aucune, Calvi excepté, nest tenable. Boni- fecio est tenable, mais, sa situation, par rapport à la France, la rend hors de considération.

587

» Résumé : donnez ordre au génie, à l'ar- tillerie, au commandant et à l'ordonnateur de tout préparer pour qu'après avoir défendu l'Ile, on dé- fende Galvi , et qu'on y réunisse tous les moyens devenus inutiles dans les autres places ; Élites faire le projet de trois à quatre cent mille francs d'ouvrages à faire en plusieurs années, pour occu- per les hauteurs d'Àjaccio, de manière que cette ville et son port deviennent le centre de la défense de l'île. Le port d'Ajaccio peut recevoir des esca- dres. Saint-Florent est la seule ville qui , après Ajaccio , puisse offrir cet avantage 9 mais Saint- Florent n'est qu'un petit bourg et l'air y est mal- sain.

» Napoléon. »

« 20 Mai.

» Mon cousin ,

* Est-ce que vous avez envoyé le sieur Bres- » son de Valencôle à Londres, pour y acheter des » fusils? Si cela est, vous auriez m'en parler a avant de rien faire .

* Napoléon. »

« 20 Mai.

» Mon cousin ,

» Vous ferez passer en Corse cinq à six ntflle » fusils de chasse que le général Açrigbi pourra » distribuer aux geus du pays qui les préfèrent > aux fusils de munition. Gela armera provisoi-

588

» renient les bataillons du département , jusqu'à » ce qu'on puisse leur fournir des fusils de mu-

» nition.

» Napoléon. »

« 21 Mai.

» Mon cousin ,

» Les fusils étrangers qui sont à Lyon sonten » bon état. Il fout les garder. On sera toujours à » même de les donner si les circonstances l'exi- » gent. Ces fusils, une fois donnés , il ne serait » plus possible de les ravoir, si l'on en avait r besoin.

» Je pense qu'il fout réunir à Lyon neuf mille » fusils à réparer, et des pièces de rechange; » que vous devez établir un atelier qui sera formé » des ébénistes et des ouvriers de la ville, de ma- » nière que ces neuf mille fusils soient en état » dans l'espace de deux mois. Ils feront un fond » d'arsenal destiné à armer la population au > dernier moment. Une fois cet atelier organisé , * on pourra l'alimenter par des pièces de rechange » provenant des démolitions des armes qui seront » portées comme étant à démolir.

» Napoléon. »

Suspendons un instant l'historique de ces der- niers préparatifs de guerre; de graves incidents surgissent, et vont compliquer encore une situa- tion déjà si critique.

389

Ce peuple, que le général Bonaparte refusa d'aller combattre , au risque de porter sa tête sur l'échafaud , pour récompense de ce trait de cou- rage civil; ce peuple que, devenu Empereur, il honora du titre de peupte de géants ; ce peuple, dont il voulut aussi se faire l'historien; ce peuple de géants, enfin, a froncé le sourcil à l'appari- tion de Vacte additionnel , cette pomme de dis- corde si imprudemment lancée, et, comme le lion menacé , sa crinière se redresse , son œil s'en- flamme, le rugissement va se faire entendre. Oui ! la Bretagne et la Vendée militaires s'agitent , et quelle diversion si elles éclatent et reprennent les armes !.. Que faire dans de pareilles conjonctures , alors que déjà les ressources effectives sont si peu en rapport avec l'énormitéde la tâche!... Il n'y a cependant point un moment à perdre : dans vingt-cinq jours l'armée sera aux prises, en rase campagne , avec deux cents mille soldats de dix peuples différents ; et peut-on laisser sur ses der- rières un peuple aussi redoutable , qui , lui aussi,

veut déclarer la guerre au Dieu des batailles?

Non ! et trente mille hommes, munis d'une artil- lerie formidable , vont être dirigés en poste et à marches forcées sur ces contrées belliqueuses, tenaces et à convictions profondes ! Mais quel vide dans nos rangs, et comment y pourvoir, comment surtout y suppléer, car ces trente mille hommes ne nous étaient que trop indispensables dans no- tre lutte contre l'Europe?...

890

Voici un témoignage éclatant de cette dis- corde, cause principale de nos désastres :

« 1" RÉGIMENT D'INFANTERIE LÉGÈRE.

n Ordre du jour dudit régiment en vertu duquel ses batail- lons de guerre se refusent unanimement à l'acceptation de l'acte additionnel aux constitutions de l'Empire, présenté par Napoléon, pendant les Geot-Jours, en 1816.

» Condé, le 2 mai 1815. » Soldats l

» Élevés dans les camps, destinés de bonne heure à la défense de la patrie, dont la gloire et le salut sont depuis vingt ans, l'objet de nos voeux, le prix de nos travaux et du sang que nous avons versé pour elle , il en est peu parmi nous qui soient capables d'apprécier dans son ensemble, de juger dans ses détails l'acte constitutionnel qui nous est soumis et dont vous venez d'entendre la lecture ; pour la première fois l'armée est appelée à délibérer, et, il faut l'avouer, l'exercice de ce pouvoir tout nouveau pour nous, ne serait qu'effrayant pour tous, si nous étions une armée moins nationale.

» Dans cette circonstance vous devez agir comme ci- toyens, il ne serait pas convenable de souscrire aveuglément à ce qu'on vous propose ; ce serait prouver votre dévoûment à un seul homme et non votre patriotisme. Ce serait mal répondre à la confiance du peuple et même à celle du chef de l'État, ce serait enfin justifier toutes les calomnies de la haine et de l'esprit de parti qui s'obstine à voir en vous les agens du despotisme, les instruments de tous les maux de la Franca

» Officiers, sous-officiers et soldats !... votre opinion est libre, mais votre chef n'hésite pas à vous donner l'exemple d'un refus fondé sur la conservation des droits que, comme citoyens, nous ne vous laisserons jamais ravir.

» L'on vous a dit que la noblesse ne s'acquérait que par des services rendus, qu'elle n'était pas transmissible et l'on vous propose l'hérédité des pairs, l'on vous parle d'une re-

591

présentation nationale, et l'Empereur s'arroge le pouvoir de nommer seul les membres de la Chambre des pairs, d'en rendre le nombre illimité, de dissoudre la Chambre des dé- putés ; il stipule un président inamovible à vie et à son choix dans chaque collège électoral ; enfin lorsqu'il s'agit de par- tager les pouvoirs, de fonder la liberté, l'on se contente d'une addition à l'ensemble incohérent des constitutions de l'Empire, et cette addition est présentée à une acceptation pure et simple, sans avoir été soumise à aueune discussion. » Officiers, sous-officiers et soldats 1... c'est par tant de motifs, c'est au nom de la patrie et des maux qu'elle a souf- ferts que je vous engage à refuser unanimement votre ac- ceptation à l'acte additionnel. Nous saurons défendre contre les ennemis extérieurs l'intégrité de notre territoire, mais nous voulons au-dedans tout ce qui peut affermir l'indépen- dance nationale et consolider un gouvernement équitable.

» Despans de Cubières, colonel. »

« Noos, soussignés officiers de Tex-I" régiment d'infan- terie légère, déclarons que les bataillons de guerre ont re- fusé, à l'unanimité, leur acceptation à l'acte additionnel des constitutions de l'Empire, et que les votes négatifs de ces bataillons ont été envoyés au ministre de la guerre, sous la date de Beaumont du 6 mai 1815.

» Paris, 22 novembre 1S16.

» Signés : Disfaxs dx Cvbièuks, colonel; » Boieettx et Burtin, chefs da » bataillon ; Laurent , chirur- » gien-im\Jor; Hdsson, Djslcchapt » et Hagard, capitaines; Bon- » tour et de Cossi , lieutenants; » Sicard, Rouisse, Boutier, De-

» FLAGNT, GAMBESEURE , et DUMBS-

» nil, sous-lieutenants. » Certifié par nous sous-inspecteur aux revues. '

9

\

» Paris, le 23 novembre 1815.

» Signé t Baddon. »

398

Ordre de l'Empereur au ministre de la Guerre.

a 20 Mai.

» Faites partir pour Angers, sur-le-champ, de l'endroit le plus près, deux batteries à pied, que vous enverrez au général Delaborde; qu'elles mar- chent en toute diligence; envoyez en poste deux officiers d'artillerie pour Saumur. Envoyez-y aussi de l'artillerie de l'endroit , vous en avez le plus près.

» Indépendamment d'une batterie qu'on fera partir de Rennes, faites lui envoyer d'ici une ou deux batteries d'artillerie en poste. Qu'une batte- rie de six pièces de canon et une compagnie d'ar- tillerie suivent le mouvement des deux régiments de tirailleurs qui vont en poste.

» Un chef de bataillon d'artillerie se rendra à Angers pour y organiser les attelages.

» Les harnais seront envoyés en poste.

« Il sera peut-être plus expéditif que vous en- voyiez six pièces de canon en poste à Saumur, à moins que vous ne soyez bien sûr d'en avoir de plus près.

» Tour l'exécution de ces mesures, Élites partir deux batteries de Paris, une qui partira cette nuit pour Versailles et suivra le mouvement de la colonne du général Brayer; les pièces et voitu- res avec les harnais iront en poste; les chevaux suivront le mouvement haut le pied. La seconde batterie partira également aujourd'hui ; elle ira

395

directement sur Chartres , et elle aura son appro- visionnement et six caissons d'infanterie; elle fera par jour ., deux ou trois étapes , en prenant des chevaux de paysans; ceux de la batterie iront haut le pied.

» Organiser les autres batteries avec les pièces que Ton a à Nantes. Il sera nécessaire de donner des fonds, et si cela est indispensable, pouvoir Êiire des réquisitions pour la formation des trois autres batteries. Il faudra se procurer sur les lieux les harnais, les soldats du train, etc», de Nantes et de Rennes. Faites de grands approvisionnements à Saumur et à Angers. Avec la colonne du géné- ral Brayer , il devra y avoir deux caissons d'in- fanterie. »

« Napoléon. »

« 21 Mai.

i Envoyez des fusils à Nantes; envoyez un gé- néral d'artillerie à Angers pour organiser quelques batteries. Il faut à Nantes quarante canons et trente pièces de campagne; la marine doit avoir des res- sources. Fournir à Nantes deux compagnies de canonniers de gardes nationales. Ordonner à qua- tre compagnies de partir de Toulouse pour Niort. Ordonner à quatre compagnies du 8e de se rendre de Rennes à Nantes et à Angers.

* Il y a deux mille fusils à Angers.

» Envoyer trente mille fusils à Angers, Nantes,

394

Niort, Saumur et Poitiers. Envoyer d'Qfaroii à Saumur six mille fusils avec un officier. » Ravichio à envoyer à Nantes.

> Fonds à mettre à la disposition du général Tirlet(a).

» Nawléo*. »

« 21 Mai.

> l°U sera envoyé aussi à Nantes des fusils; il n'y en a, en ce moment que onze cents. Ce nom- bre est insuffisant. Il est très important d'armer la partie de cette population qui est dévouée et sur laquelle on peut compter.

* Un général d'artillerie sera envoyé pour organiser à Nantes , à Saumur et à La Rochelle , quelques batteries d'artillerie.

» Le général Laférière-Levêque comman- dera à Saumur et fera journellement exercer les jeunes gens de son école à la manœuvre du canon.

* Il faut à Nantes quarante pièces de canon pour défendre la ville, et trente pièces de cam- pagne pour l'extérieur. La marine de Nantes doit avoir des ressources puisqu'on y armait des fré- gates.

Voir le ministre de la marine pour connaître

(a) II paraît, d'après cet ordre, que la surveillance du gé- néral Tirlet avait été levée; qu'il était même rentré en gr&oe.

595

ces ressources, et se concerter sur remploi qui peut en être fait pour la défense de Nantes et d'Indret.

» Il sera formé à Nantes, deux compagnies de canonnière de gardes nationales pour le ser- vice de k ville.

» Il sera, en outre, pris à Lorient, quelques compagnies de canonniers de marine pour être employées à Nantes.

» Quatre compagnies seront prises à Rennes pour être envoyées à Nantes et à Angers.

» Il faut s'assurer s'il y a assez de fusils à Angers pour armer la garde nationale, et faire les dispositions pour qu'il soit envoyé une tren- taine de mille de fusils à Nantes, Niort, Sau- mur, Angers et Poitiers pour le même objet. »

« 22 mai.

» Mon cousin,

» Par votre lettre de ce jour, il parait que vous avez suffisamment d'artillerie à Nantes. Il reste donc à ordonner l'organisation de trois batteries mobiles, et à diriger l'artillerie de Rennes* Envovez trois cadres du train sur Nantes, Vous y avez envoyé trois compagnies d'artillerie. Commandez les harnais à Nantes, et envoyez un officier d'artillerie pour requérir, dans la Loire-Inférieure , les chevaux néces- saires pour les attelages, ou les acheter. J'ai or- donné que six pièces de canon partissent de

396

Vincennes, en poste, cette nuit; je crois cette disposition utile pour avoir promptement à Angers et à Saumur quelques pièces de canon. Il faut armer le château de Saumur et celui d'Angers. Il faut avoir un bon nombre de pièces de canon pour garnir le pont de Ce. Il faut avant tout, mettre Saumur en bon état

» Napoléon. »

« 22 mal.

» Je vous ai fait connaître par le major-géné- ral que je désirerais qu'il fût formé une armée de la Loire, commandée par le général Lamarque. Envoyez-y un général d'artillerie et un général du génie qui partiront , dans la journée , pour se rendre à Angers avec quelques officiers d'artil- lerie et du génie.

* Aussitôt que le général Lamarque sera arrivé, vous organiserez son état-major. En attendant, le général Delaborde conservera le comman- dement.

» Faites mettre en état de défense les châteaux d'Angers et de Saumur. Envoyez-y de l'artillerie et les munitions de guerre nécessaires. L'artillerie aura besoin d'un matériel assez considérable pour l'armement de ces châteaux, et pour les di- visions actives. Je vous ai fait connaître qu'il était nécessaire d'armer le château de Nantes, et d'y nommer un gouverneur. Envoyez-y le gé- néral Ogendorf.

597

» La garde nationale de Nantes sera complétée à quatre mille hommes. Dirigez des armes pour les armer. Organisez, à Nantes, un atelier de réparations et faites-y parvenir cinq mille fusils en réparation, tirés de toutes les parties de la Bretagne.

» Il y aura donc à Angers une division de gar- des nationales, ayant une batterie de canons, etc ,

* Napoléon. *

« 2* Mai.

» Il y a des dispositions à prendre qui ne sont pas comprises dans celles du ministre : *

* Armer le pont de Ce; foire une tête de pont avec fraises et palissades et un blockaus au centre; disposer cet ouvrage de manière à ce que cinquante hommes puissent le garder.

» Armer la ville de Nantes ; c'est-à-dire , établir des têtes de pont à tous les ponts , et des barricades aux avenues; y placer des canons, comme si la ville devait être assiégée. Elle s'est trouvée, pendant la Révolution, dans plusieurs circonstances qui ont fait connaître les points qui devaient être retranchés. Il fout, dans cette ville, qu'il est sage de mettre dans un état respectable, une quarantaine de pièces de canon de tous ca- libres, indépendamment de l'artillerie de campa- gne qui doit servir à l'armée. ' * Armer les Sables.

» Prévenir la marine pour qu'elle mette

398

son artillerie et ses munitions à l'abri d'un coup de main , en les Élisant entrer à Nantes. Il convient aussi qu'elle ait deux petits bâtiments armés dans la Loire , afin qu'on soit mattre de la rivière jus- qu'à son embouchure.

» Napoléon. >

A cette note, le maréchal prince d'Echmûhl répondit :

« 25 Mai.

» Le génie a donné l'ordre au commandant - du génie à Nantes de faire toutes les dispositions nécessaires pour mettre la ville et le château de Nantes dans un bon état de défense, en suivant les mesures qui déjà ont été prises lors de la guerre de la Vendée , pour que Nantes soit sus- ceptible de faire une bonne résistence. M. le di- recteur des fortifications se rendra également sur les lieux pour arrêter les dispositions les plus convenables.

» J'avais donné des ordres pour défendre le pont de Ce par de petits ouvrages et des bar- ricades. Je vais prescrire la construction de la tête de pont et <ki blockaus que Votre Majesté vient de prescrire.

» Le maréchal prince d'EcHMim. >

Ce formidable déploiement de forces , les me- sures ordonnées pour en assurer la prompte concentration; tout, jusqu'au choix du général

599

en chef de cette armée , tout lut , de la part de l'Empereur, ua nouvel hommage rendu à la Ven- dée militaire. 11 lui fallait écraser ce nouvel N ad- versaire avant qu'il ne Ait debout , sous peine de voir ses soldats subir le sort de l'armée de Mayence qui, tout entière , y succomba.

Etouffée, en effet, à son début, l'insurrection vendéenne de 1815, signa la paix et ne se main- tint en armes que pour imposer aux armées étrangères, et se réunir aux nobles débris de la Grande Année, pour les chasser du sol de la patrie , si elles osaient abuser de la victoire : dé- voûment sublime de cette insurrection royaliste !

Laissons au général Lamarque, à ce nouvel Hoche, la patriotique mission de pacifier la Vendée, et revenons à Napoléon.

« 22 Mai.

» Mon cousin,

* Je reçois votre lettre par laquelle je vois que j'aurai dimanche sept batteries de la vieille garde.» J'en passerai la revue en détail, et le 29 elles par- tiront pour Compiègne. S'il manque quelque chose, il feut le faire fournir par Vincennes.

» J'avais demandé à Evain deux batteries de ré- serve pour la jeune garde. Je les passerai en re- vue dimanche , et elles partiront aussi pour Com- piègne. Faites-moi un rapport , et djites-moi si je puis avoir ces neuf batteries : tout cela est de la plus haute importance. Faites-moi connaître aussi

400

si chaque corps aura des batteries de réserve, et si elles se trouvent comprises dans le compte des chevaux que vous m'avez fait. »

«22 Mai,

» Je suppose que vous avez envoyé à Bouchain un officier d'artillerie.

» Il faut donner l'ordre d'exercer les gardes nationales qui forment les garnisons des places fortes aux manœuvres du canon.

» Envoyez un officier du génie et un officier d'artillerie à Dijon pour concerter ce qu'il y a à faire à cette place pour la mettre à l'abri d'un coup de main. Il ya-t-il un bon fossé, un parapet? J'ai idée qu'il y a une bonne enceinte; il ne fau- drait que l'armer et défendre les portes. Si le parapet est démoli , on pourrait le rétablir sur- le-champ, en commençant par les bastions.

> Faites-moi connaître sont les compa- gnies de vétérans. Il serait convenable de les placer dans des places de guerre.

Napoléon. »

« 22 mai.

» Mon cousin,

» J'approuve que vous fassiez présent à la commune de Tournus de cent fusils et de deux pièces de canon, que vous ferez venir d'Àuxonne. Faites ramasser tous les fusils de chasse que vous pourrez avoir, et donnez-en aux habitants

401

de l'Alsace, de la Lorraine , du Jura, des Vosges et à ceux des bords de la Saône.

» On me mande de Longwy, en date du 18, qu'il manque mille fusils aux quatre bataillons des gardes nationales qui s'y trouvent. Faites- moi connaître si, au 1er juin, ils seront armés. Il y a dans cette place huit cents fusils à répa- rer; il faut en activer la réparation.

» Napoléon. »

22 mai.

« Je vous ai mandé qu'il fallait mettre en état de défense le fort Saint-Nicolas et le fort Saint- Jean Marseille), ou au moins l'un de ces forts, s'il n'était pas possible de les mettre tous 4eux.

» Il est urgent de retirer du fort Saint-Nicolas les cent mille kilo de poudre , et les cinq cent mille cartouches qui s'y trouvent au-delà des besoins. Il faut les évacuer sur Toulon, et si Toulon en est suffisamment approvisionné, on les dirigera sur Lyon. Il est très important que des

MOYENS AUSSI CONSIDÉRARLES NE SOIENT PAS LAISSÉS

DANS UNE VILLE d'un SI MAUVAIS ESPRIT QUE

MARSEILLE.

» Napoléon. »

« 23 mai.

Les bureaux de la guerre ont oublié tous les principes, en faisant expédier des ordonnances pour des crédits qui n'étaient pas compris dans

26

40Î

la distribution mensuelle; cela est contraire à l'usage de tous les temps! Désormais, n'or- donnez plus rien que jusqu'à concurrence du crédit du mois, sans quoi le service du trésor serait entravé. Quand j'accorde un crédit men- suel, je le base sur les ressources et sur la re- cette. Le ministre du trésor est convenu qu'il a ces moyens, et dès lors, il doit pourvoir aux dépenses qui y sont proportionnées.

» Napoléon. »

« 23 mai.

» Mon cousin,

* Faites-moi connaître la situation de Mon- treuil ; on me mande, à la date du 14, que cette place n'est point armée ; qu'elle n'a point l'or- dre de l'être; qu'elle n'est point à l'abri d'un coup de main, et qu'il ne s'y trouve que douze cents kilos de poudre.

» On me mande, en date du 15, qu'il y a douze cents fusils à réparer à Dunkerque, mais qu'on ne travaille pas aux réparations.

> On me mande, à la date du 16, qu'il y a 4 Lille mille et soixante bouches à feu, cela est évidemment trop. Faites-moi connaître de quel calibre et de quelle matière sont ces bouches à feu. On pourrait en retirer une grande partie et les faire revenir sur les places de la Somme et sur Paris.

405

» On me mande que le 10 mai on n'avait pas formé de compagnies de canonniers à Landrecies. Ordonnez qu'on en forme de suite.

p On me mande de Maubeuge, le 13 mai y que la manufacture d'armes peut fabriquer par mois deux mille neuf cents fusils, et en réparer onze cents, total quatre mille , et qu'elle pour- rait porter ses produits au-delà, si les ouvriers étaient payés ; mais il paraît qu'ils ne le sont pas exactement. Faites-moi connaître quand il sera opportun de les faire évacuer , soit sur Paris, soit sur la Seine. Ne serait-il pas sage de commencer, dès ce moment, l'évacuation sur la Seine?..* Quelle indemnité doit-on donner aux ouvriers pour le déplacement? Combien sont-ils ? Enfin quel est le matériel ?

» On demande à Gharlemont trente-trois piè- ces de canon pour compléter l'armement ; faites- les diriger de Lille. On pense qu'il serait con- venable d'employer le général Charbonnier comme commandant d'armes à Givet.

» Au 15 mai, le bataillon de la garde natio- nale de la Marne, qui est à Rocroi, n'avait que deux cents fusils; il faut lui en faire donner d'autres.

» On me mande que la fabrique d'armes de Charleville fait quatre mille neuf cents fusils par mois, et peut, en outre , en réparer deux mille ; mais que les ouvriers ne sont point payés du mois d'avril et du courant de mai : il parait

404

que renirepreneur a de très mauvaises affaires.

» Il manque à Mézières douze bouches à feu. Il y a dans l'arsenal deux mille fusils en étal, et neuf mille fusils étrangers, dont deux mille sont susceptibles de faciles réparations. Ce nom- bre de fusils est beaucoup trop fort ; il faut les employer aux besoins de l'armée, ou en retirer une partie.

» Le bataillon suisse qui est à Mézières manque d'habillement et d'équipement ; faites-moi con- naître d'où cela vient?

* Il existe, à Saint-Omer, cent deux pièces de 24 ; quatre-vingt-dix de 4 ; vingt mortiers de 12 pouces; quinze de 8 qui ne sont point néces- saires à l'approvisionnement. Faites refluer cela sur Paris?

> Le 8 mai, Ardres n'étaits point à l'abri d'un coup de main. Il n'y avait que deux mille kilos de poudre et point d'approvisionnement de bou- ches à feu.

» Il y a quatre cent trente-deux bouches à feu à Douai, ne pourrait-on pas en retirer quelques- unes? >v

» Le travail des réparations de fusils va lentement ; il y en avait quatorze cents à répa- rer, combien en répare-t-on par jour ?

* Dans toutes les places du nord il manque des affûts. Il me semble qu'on pourrait en cons- truire. Remettez-moi mi rapport sur cet objet. Je préfère qu'il soit construit une partie des af-

405

fûts dans les places^ La construction se conti- nuerait au moins pendant leur blocus.

c Napoléon. >

« 26 mai.

> Général Évain,

» L'Empereur me dit que nous avons douze mille mousquetons ou carabines. Il ordonne, par un décret qu'il vient de signer, que j'en ôte deux mille trois cents aux dragons, que je donne- rai aux carabiniers et aux cuirassiers. Que sur les douze mille que nous avons en magasin, j'en envoie deux mille aux cuirassiers et carabiniers pour compléter leur armement à trois cents par régiment, sept mille pour les chasseurs et les hussards , afin que l'armement de ces régiments soit porté à neuf cents mousquetons par régiment, total neuf mille ; il en restera encore trois mille. S. M. appuie sur l'urgence de- cette mesure.

» 11 ordonne également que l'on complète l'ar- mement des dragons, en leur laissant cent cara- bines par régiment. 11 ordonne de faire connaître ces dispositions aux colonels de (jftvalerie, soit aux dépôts, soit à l'armée ; de foirelaire les ver- sements d'un corps à l'autre, entre les plus voi- sins, et de donner des ordres pour qu'on s'occupe tout de suite des réparations à faire dans le har- nachement, pour qu'aussitôt que les fusils arrive- ront, on puisse les poçjer.

» Le Maréchal Prince d'Eckmuhl. >

406

« 26 mai.

» Au 19 mai, il y avait dans la cinquième divi- sion, vingt-deux mille hommes des bataillons d'élite de gardes nationales ; sur ce nombre, qua- torze mille étaient armés, et huit mille sans armes. L'Empereur demande qu'on lui fesse connaître quand on peut compter qu'ils auront tous des armes.

* L'état des gardes nationales, indiquant l'ef- fectif de chaque garnison et présenté à l'Empe- reur le 22 mai , porte les forces de la cinquième division à dix-sept mille neuf cent quatre-vingt- seize hommes.

» L'état du directeur de Strasbourg, des ex- péditions et des délivrances d'armes dans la cinquième division seulement, présente au 16 mai une consommation de dix-sept mille quatorze fusils.

» L'Empereur porte le nombre des gardes na- tionales à vingt-deux mille hommes, mais il existait encore à Strasbourg, après délivrance ci-dessus, six mille qfuatre cent quarante-deux fusils, non compris les fusils qui pourraient exis- ter avant toutes ces expéditions, dans la division de Neubrisach. On ne parle pas des armes ap- portées par les bataillons des gardes nationales.

> Le maréchal, prince d'Eckmuhl. »

407

« 26 mai.

> Des avis indirects annoncent toujours que des malveillants ont des projets contre Vincennes, et nos magasins à poudre; donnez des ordres pour que la vigilance la plus active soit observée.

» Donnez des ordres à Vincennes, et que le commandant de l'artillerie à Paris se concerte avec le général Hullin pour faire placer des postes aux abattoirs et à tous les endroits nous avons des munitions. Qu'on ait touiours les yeux ouverts, et que les malveillante ne puissent pas exécuter leurs desseins. Ecrivez dans toutes les divisions militaires pour attirer d'une manière particulière l'attention des direc- te^ d'artillerie et des généraux commandant sur nos magasins et nos poudrières.

» Le maréchal, prince d'Eckmuhl. »

« 26 mai.

» L'artillerie remettra, le 10 juin, le donjon de Vincennes à la police ; en cas d'approche de l'ennemi, rien n'empêcherait l'artillerie de re- prendre le donjon pour profiter de ce qui est à l'abri de la bombe.

» L'Empereur a été hier à Vincennes ; il y a vu cent vingt pièces de canon sans afiftts. Il de- mande que je lui fesse connaître d'où on pourrait faire venir des affûts, et on pourrait en faire des commandes. Sa Majesté n'a trouvé que quatre

1

408 pièces de 12 pour la défense de Paris , et dit

QUE C'EST BIEN PEU.

» Au lieu de trois cents pièces de canon , il n'en a trouvé que deux cents. Il lui a paru que la réserve des outils était petite; il faudrait feire venir de nos places fortes, s'il y en a, une vingtaine de mille d'outils à pionniers.

» S. M. a trouvé peu de munitions confection- nées; au lieu de cinq millions de cartouches, il n'y en a que deux millions.

» La place n'est armée que de neuf pièces de 24 ; il y a , il est vrai , vingt petits mortiers à la Cohorn, mais ce n'est pas suffi- sant. Il faut à Yincennes , pour battre toute la plaine, dix mortiers de douze pouces à la Go- mer. S'il y en avait eu, l'ennemi n'eût pas pu placer son parc d'artillerie dans la plaine de Cbarenton.

» L'Empereur désirerait aussi qu'on y destinât quelques obusiersà très grande portée..

Deux tours sont rasées et contiennent des pièces de 24, il feu cirait raser les deux autres et les arranger. Dans l'état actuel, on ne peut pas y mettre d'artillerie. Quelques petites pièces de 4 longues qu'on a mises dans les casemates en bas ébranlent le bâtiment quand elles tirent. Il serait nécessaire, cependant, d'avoir les quatre tours parfaitement armées. Il faut faire racheter un morceau de jardin qui a été vendu et qu'il est nécessaire de reprendre.

409

> Avec le donjon, il y a de la place à Vincennes pour cent mille fusils ; sans le donjon ; il n'y en a que pour soixante-dix mille. Il faudrait con- vertir en salles d'armes une partie des loge- ments. Il faudrait également établir de nouveaux ateliers dans l'église. Il pourrait y avoir deux trois rangs de fusils, il n'y en a qu'un.

> L'Empereur pense que, dans l'église, on pourrait mettre vingt mille fusils de plus. Il ordonne qu'on fesse travailler , pour avoir , dans cet endroit , de quoi placer vingt mille fusils, Il faut que tout Vincennes soit en atelier d'artil- lerie, et qu'on n'y laisse que les logements indis- pensables. Il ordonne de faire faire, par des offi- ciers du génie et de l'artillerie, des projets de

. fortification et d'armemeht. Au lieu de vingt- quatre pièces de canon de 24 courtes , il en

FAUDRAIT DE LONGUES QUI VONT TOUJOURS PLUS LOIN.

» L'Empereur suppose qu'il faudrait vingt- quatre pièces de 24 à Vincennes, dix à douze mortiers ; cinq à six obusiers. Il me demande le projet d'un chemin couvert tout autour de la place, hormis du côté de la ville, ce ne serait pas possible ;>de sorte que cela donnera de l'em- placement pour contenir des troupes et même des dépôts d'artillerie.

» La tour du milieu , vis-à-vis la ville , a un grand commandement, mais elle est couverte par un toit qui doit être ôté en cas de guerre; il

410

faut établir une plate-forme voûtée pour recevoir des pièces de canon qui auraient un comman- dement jusqu'aux portes de Paris. L'action que Vincennes doit avoir sur la défense de Paris, rend tous ces changements nécessaires.

» Le maréchal , prince d'Eckmuhl. >

« 27 mai.

> L'Empereur pense qu'il est inutile que je fasse transporter des pièces de canon sur Vitry , Rheims, Châlons , Soissons, etc , puisqu'il y en a une grande quantité à Douai et à Lille, qui ne font rien.

» Ordonner sur-le-champ des mouvements d'artillerie à Lille et à Douai sur ces places.

» Ordonner également qu'on mette en cons- truction dans ces places quelques affûts de places. Il doit y avoir des ouvriers pour ces constructions, et comme elles pourront se faire pendant la , guerre, et même pendant le blocus, il est néces- saire qu'elles soient approvisionnées d'avance de tout ce qu'il faut pour faire des affûts.

> Le maréchal, prince d'Eckmuhl. >

u 27 mai, > Mon cousin,

» Il y a à Paris deux lieutenants-généraux, l'un, qui commande la garde nationale; l'autre, qui commande les tirailleurs. Le général Hullin

411

commandera la place. Il faudrait avoir un bon général pour commander la division à Paris, qui prendrait vos ordres pour tout ce qui est relatif à la défense de Meaux , de Melun , de Nogent, de Montereau, Château-Thierry, Sens, et en général de toutes les avenues de Paris, et qui puisse s'y porter selon les circons- tances , sans déranger en rien l'organisation de Paris.

> À Paris, la garde nationale est organisée; les bataillons de tirailleurs s'organisent; il faut maintenant organiser dans les deux sous-pré- fectures de la Seine une bonne défense , nommer les officiers, et savoir le nombre d'hommes que chaque village doit fournir. Défense du territoire qui couvre Paris. La défense de Meaux, de Me- lun, la tête de pont à établir à Trilport , la défense de Château -Thierry, de Montereau, d'Arcis- sur- Aube, doivent être sous votre commandement im- médiat et sous les ordres du lieutenant-général commandant la division.

» Chargez une commission d'officiers d'artil- lerie et du génie d'établir sur-le-champ la défense de ces différents points. Il faudra un commandant à Meaux et de l'artillerie. La sous-préfecture de Meaux fournira , sur la levée en masse , trois à quatre mille hommes pour y tenir garnison, quand l'alarme sera sonnée dans les environs.

» Le pont de Nogent est de la plus haute im- portance. La sous^préfecture y fournira trois mille

r

412

hommes de sa levée en masse. Celle de Montereau en fournira autant pour la défense de son pont ; la même ehose aura lieu pour Sens.

* La sous-préfecture d'Arcis-sur-Aube fournira également trois mille hommes de sa levée en masse pour la défense des redoutes qui seront con- struites sur ce point important. Il est donc néces- saire de faire former d'avance des compagnies d'artillerie de gardes nationales, etc., et d'envoyer le plus tôt possible un obusier et deux pièces dans chacun de ces endroits , pour que les canonnière puissent s'exercer aux manoeuvres.

» Je désire que les plans qui seront arrêtés pour la défense de Meaux, de Nogent, de Monte- reau, de Melun, d'Arcis-sur-Aube, etc., me soient remis.

» Napoléon. »

« 27 Mai.

» Le 1er bataillon du 2e régiment de la marine doit rester à Lyon ; il doit être attaché au service du parc. Les hommes doivent être employés sur- le-champ aux manoeuvres d'artillerie , et à com- mencer à armer les forts et les différentes pièces de fortification. Ce bataillon pourra se compléter par des enrôlements volontaires , jusqu'à la con- currence de cent quarante hommes par compa- gnie , ou huit cent quarante hommes pour le ba- taillon.

415

» A-t-on pourvu à l'armement des gardes na- tionaux de la division Clausel?

> Par votre état de situation , je vois que la batterie de réserve du sixième corps n'est point encore partie pour Laon. Je désire la voir à la pa- rade de demain. Mais il parait que je ne pourrai voir demain que trois batteries de la vieille garde et deux de la jeune garde ; je demande qu'on me fasse connaître quand je pourrai voir les autres? J'avais cependant fait sentir au général Evain combien il était important que ces batteries fus- sent prêtes!

» Je veux que toutes les batteries de la garde puissent être en mouvement au plus tard pour le 2 ou le 3 juin, afin qu'elles soient en ligne le 10. Je demande que l'on me fasse un rapport dessus.

» Napoléon. >

« 27 Mai.

y Mon cousin ,

* Donnez ordre que lundi prochain, huit pièces d'artillerie, savoir: deux pièces de 12, quatre pièces de 6 et deux obusiers soient transportés à Montmartre ; qu'une compagnie d'artillerie de la marine y soit casernée ; qu'un chef de bataillon soit nommé commandant de Montmartre ; qu'un capitaine et un lieutenant lui soient donnés pour adjudants ; qu'il soit choisi à Montmartre trois pe- tits magasins dans les lieux les plus à l'abri ; qu'il

i

414

y soit déposé des cartouches et deux cents coups à tirer par pièces. La compagnie et l'officier d'ar- tillerie travailleront à arranger les plates-formes, les mer Ions, les magasins, et à mettre tout leur service en état. Le général d'artillerie et le géné- ral Haxo choisiront l'emplacement des magasins. Il serait convenable qu'il y eût aussi dans ces ma- gasins des artifices, et tout ce qui est nécessaire pour éclairer, au besoin, les avenues la nuit.

» Donnez ordre que, lundi, les généraux du gé- nie et de l'artillerie divisent les ouvrages qui sont depuis la couronne de Belleville jusqu'à Charen- ton, en trois parties ; qu'il soit choisi des maga- sins à portée , et qu'on y place trois batteries d'ar- tillerie, chacune de huit pièces , savoir : deux de 12, quatre de 6 et deux obusiers, avec seulement deux compagnies d artillerie de marine , qui se- ront destinées à servir ces trois batteries. Nom- mez également trois officiers pour commander, chacun, le tiers de ces ouvrages. Les compagnies d'artillerie dirigeront les magasins et commence- ront à arranger les plates-formes pour mettre les pièces en batterie. Il est nécessaire que vous nom- miez un colonel ou un chef de bataillon , pour commander la place de Saint-Denis , et qu'une compagnie d'artillerie de marine s'y rende avec huit pièces de canon et y travaille à l'établis- sement des batteries. Le commandant prendra le commandement de la garde nationale, non-seu- lement de Saint-Denis , mais des villages voisins ,

415

de manière à réunir, en cas d'alarme, sans rien tirer de Paris, quinze cents à. deux mille hommes de la sous-préfecture de Saint-Denis.

» Donnez ordre qu'il soit formé, aux Invalides, deux compagnies de canonniers qui s'exerceront de manière que, le 10 juin, elles puissent aller caserner, l'une, à Montmartre avec huit autres pièces de canon, et, la seconde , s'établir dans la couronne du côté de Belleville.

Je croîs que trois grands chemins traversent le canal , depuis le bassin de l'Ourcq , jusqu'à son embouchure à Saint-Denis. On mettra, dès lundi 5 juin, des canons à chacune de ces routes et quatre pièces à l'embouchure du canal du côté de l'Ourcq. D'ici au 5 juin , il sera placé quatre pièces de canon. à la redoute de la barrière du Trône, entre Vincennes et Paris.

» Ainsi ces dispositions feront un premier em- ploi :

» D'une batterie à Saint-Denis ;

» Idem le long du canal de Saint-Denis ;

» Idem à Montmartre;

» Trois dans les ouvrages de Belleville ;

» D'une dans les ouvrages de Montreuil ;

» Et d'une dans les ouvrages de la barrière du Trône.

» Total, huit batteries, ou soixante - quatre pièces.

> Je désire voir toutes ces pièces en position , que les ouvrages soient faits ou non, et avec leurs

416

magasins établis, mardi 6, pour en passer la re- vue.

» Voyez si on ne pourrait pas former aux In- valides quatre compagnies de canonniers qu'on exercerait sur-le-champ au canon. Je désire que ce mouvement commence lundi prochain, 29, et soit achevé, comme je viens de le direy au 5 juin, parce que je voudrais que cela se Jît avant les hostilités , afin que l'opération se continuant en- suite jusqu'au 15 juin, il n9en résulte aucune inquiétude ni commotion dans l'opinion.

» Faites-moi connaître quand les pièces de la marine du Havre arriveront*

» Donnez ordre au général Hullin , au général Durosnel , commandant la garde nationale ; au gé- néral Darricau , commandant les tirailleurs , et aux généraux d'artillerie et du génie de se réunir et de dresser procès-verbal de l'armement qu'on doit établir sur chaque point; de régler ainsi l'em- placement de toute l'artillerie, et enfin d'arrêter la distribution des légions et des tirailleurs entre les postes qu'ils doivent défendre. Donnez ordre également que le lundi 5 juin, les pièces d'artil- lerie de 8 et de 4 . soient réunies sur l'esplanade des Invalides, l'on établira le parc de ces pièces irrégulières. Je pense que la première opération de l'armement doit être de placer à chaque sail- lant des pièces de gros calibre , supérieur à celui de i% et sur affûts marins ; ensuite de placer sur les flancs, des pièces de 6 de siège sur affûte ma-

417

rins ou autres; enfin, de disposer des batteries mobiles de campagne qu'on puisse porter le long de chaque ligne.

» Montmartre est à peu près à l'abri de toute attaque , de sorte que je pense qu'une batterie mobile de huit pièces y sera suffisante , avec une trentaine de pièces de siège. On n'y a besoin d'ar- tillerie que pour battre dans la plaine , et protéger des troupes qui se rallieraient sur la hauteur. Il n'en est pas de même des ouvrages de la Butte- Chaumont et de Ménilmontant : les ouvrages qui ont deux mille toises de développement sont fai- bles dans beaucoup de points. On ne pourra les bien défendre que par de l'artillerie. Il faut que tous les saillants et même les flancs soient armés de pièces de siège; qu'on ait, en outre, six batte- ries, ou quarante-huit pièces de canon mobiles qui puissent se porter sur les points qui seraient plus sérieusement attaqués.

» Saint-Denis doit avoir besoin au moins de vingt pièces de siège, et deux batteries mobiles. Indépendamment de l'artillerie de siège de la ma- rine, ou toute autre. On a besoin pour parcourir les lignes du canal au moins de quatre batteries.

» Indépendamment de l'armement de toutes les redoutes, depuis Charonne jusqu'à la Seine, qui seront armées avec de l'artillerie de siège, il faut aussi quatre batteries pour parcourir cette ligne. Cela fera donc l'emploi de dix-sept batteries mobiles ou environ cent trente-six pièces de canon,

27

418

Il faut, après cela, deux pièces de campagne à chaque barrière. Sur la rive gauche, il faudra aussi deux pièces de campagne à chaque barrière, mais on y mettra des pièces de 4 du parc des Invalides. » Nous avons à Yincennes cent cinquante pièces de campagne sans affûts, il faut s'en procurer, en faire venir des ports et autres lieux il y en a ; ou en mettre en construction , sur-le-champ , à Paris.

» Napoléon. »

« 28 Mai. » Mon cousin ,

» Il y a cent quatre bataillons destinés pour les places du Nord , qui formeraient un complet de cinquante-quatre mille hommes pour la garnison des places de première ligne. En général, ce nom- bre est trop considérable. Si tous les bataillons du Nord, du Pas-de-Calais et de la Seine-Inférieure rejoignaient, il y aurait trop de monde dans les places, surtout au Quesnoy, à Landrecies, Àves- nes et Maubeuge; mais la Seine- Inférieure ne fournira que sept bataillons, dont trois pour Dun- kerque, trois pour les places de la Somme , et un pour le Havre. On peut toujours porter le Nord pour quatorze bataillons; mais il n en fournira pas sept, Ce sera beaucoup si l'on en tire autant du Pas-de-Calais, Cela fera dope une diminution de vingt et un bataillons ou quinze mille hommes, ce qui joint à l'incomplet auquel il Jaut s'attendre,

419

dan» la plupart des autres bataillons, ne donnera plus que le nombre strictement nécessaire. Toute- fois, écrivez au général Frère, commandant la seizième division , de parcourir ses places et d'a- gir d'après les principes suivants :

Lille, au moins, 6,000 h.\

Il faut qu'il y ait au 5 juin

»

Il tautl égale- ment à

ïa

même

époque

Condé Valenciennes Landrëcies» Quesnoy. . Avesnes. . Maubeuge. Douai . . . Bouchain. . Dunkerque. Gravelines. Calais. . . Saint-Omev Aire. . . . Béthune . . Arras . . . Boulogne. . Hesdin. . .

2,500

3,500

1,500

1,500

1,500

2,000

3,000

500

4,000

500

1,500

1,500

500

500

1,500

500

500

26,000 h.

7,000 h.

> C'est donc au moins trente-trois mille hom- mes qu'il faut avoir au 5 juin dans ces différentes places, indépendamment de la garde nationale sédentaire. Si donc, par une raison quelconque, il y avait plus dans une place et moins dans une autre, le général Frère serait autorisé à &ire tas changements convenables pour qu'au 5 juin les

420

choses se trouvent au moins dans l'état que je viens d'indiquer.

» Vous chargerez le général commandant les places de la Somme de foire les dispositions con- venables pour avoir au M juin : i AÀbbeville .... 1,500 h.\

Doulens ..... 500 /

Ham 500 \ 4,500 h.

Sois6ons 1,000 \

La Fère 500

i Bien entendu que s'il peut y en avoir davan- tage, tant dans les places de première que dans celles de deuxième et de troisième lignes, cela vaudra vieux. Cependant comme je suis pressé de voir les places de première ligne , surtout Dunkerque, munies de leurs garnisons, vous or- donnerez , sur-le-cliamp, qu'outre les trois batail- lons de la Seine Inférieure , le bataillon de Seine- et-Marne qui est à Boulogne, celui d'Eure-et-Loire qui est à Soissons, et celui qui est à la Fère par- tent sans délai pour se rendre à Dunkerque, ce qui complétera sur-le-champ la garnison de cette place à dix bataillons, formant cinq à six mille hommes.

> 11 faut qu'il y ait à Dunkerque des armes pour compléter l'armement de ces cinq mille hommes, de manière qu'au 5 juin, cette place puisse être investie. Pour augmenter les autres garnisons , dirigez le bataillon de Seine-et-Oise qui est à Ham sur Douai ; les deux bataillons des Ar-

421

«

denaes qui sont à Maubeuge, sur Lille ; et enfin que le bureau d'artillerie prenne las mesures con- venables pour qu'au 5 juin toutes les places soient garnies de fusils nécessaires.

» Vous donnerez ordre que le 1er ou le 3 juin , le comte d'Erlon retire toutes les troupes qu'il a dans les places, afin que son corps soit tout-à- fait mobile. Vous remplacerez les bataillons que l'on retire de Soissons, de Ham et des autres places par des bataillons qui seront formés plus tard. Je suppose que chacun de ces bataillons a un chef de bataillon tiré de la ligne , et que , réunis par deux bataillons, ils ont un colonel ou un major pour commandant; enfin, qu'il y aàDunkerque, indépendamment du gouverneur, le nombre suf- fisant de généraux et d'officiers supérieurs pour commander une aussi forte garnison.

» Napoléon. »

« 29 Mai.

* Général Évain,

> L'Empereur me dit que je fais débarquer à Saint-Mâlo l'artillerie de la marine qui devait ve- nir par mer, et que le transport coûtera plus quelle ne vaut. Il me dit aussi qu'il avait ordonné que la marine devait faire tous les frais de ces transports , et qu'au lieu de cela , j'en ai chargé le ministère de la guerre.

4«2

» Je prie le général Évain de me faire connaître de suite si j'ai donné ces ordres-là.

» Le maréchal prince d'EcKMwiL. »

« 29 Mai.

» Votre Majesté me mande qu'elle vient d'ap- prendre par une dépêche télégraphique que j'ai fait débarquer à Sainfc-Mâlo l'artillerie de la ma- rine qui devait venir par mer. Votre Majesté n'est pas exactement informée. Je n'ai pas donné do pareils ordres. Je la prie de vérifier les faite. Ce n'est que par une lettre du ministre de la ma- rine que j'ai reçue hier, que j'ai appris qu'il Éli- sait venir de l'artillerie de marine de ce côté.

> Votre Majesté ajoute que j'ai pour principes d'administration que l'argent n'est tien, et, au contraire^ que , dans tes circonstances nous nous trouvons , l'argent est tout. >

» Je dois dire à Votre Majesté que ma conduite dans tous les commandements qu'elle m'a confiés, doit lui prouver que je mettais une grande impor- tance à ménager les fonds de l'État. Je conçois que l'on éprouvera de grands embarras pour la solde, et que des dépenses bien urgentes seront retardées par la pénurie des fonds, d'autant plus que les contributions rentreront difficilement, et que , dans plusieurs départements* elles seront à peu près nulles.

» Le dernier paragraphe de votre lettre sue dit

425

que Votre Majesté avait donné Tordre à la, marine de se charger de tous les frais de transport d'ar- tillerie ; qu'au lieu de cela , je m'en charge , et qu'aussi l'artillerie demande des millions pour son service. Je ne crois pas avoir mérité ce re- proche.

» Le maréchal prince d'EcKMUHL. >

4 (f 29 Mai.

> .Général Êvain,

» L'Empereur me mande qu'il est convenu que l'artillerie de la marine vient par eau , qu'elle ne coûtera rien à la guerre * et dit que la marine est chargée de la conduire et d'organiser son parc aux Invalides. La confection des munitions et af- fûts sera également aux finis delà marine. L'Em- pereur a déjà écrit qu'il y avait à Douai et à Lille une grande quantité d'artillerie inutile; il ordonne que l'on tire de ces deux places tout ce qui est nécessaire pour armer Laon, Soissons, Vitry, Lan- gres, etc. Il ajoute qu'il y a une grande quantité d'artillerie à Toulouse; qu'elle y est inutile, et il pense qu'il serait bon d'en diriger partie sur Lyon , et partie sur la Loire à Orléans et Àm* boise ; par ce moyen , il se trouverait réuni autour de Paris toute espèce de moyens d'artillerie.

» L'Empereur me demande un rapport là* dessus.

* Le maréchal prince cTEckmuhl. »

444

« 29 Mai.

» Général Évain ,

» L'Empereur voit qu'il y a quinze mille fusils dans les neuvième, dixième, onzième et douzième divisions militaires , ce qui n'est pas suffisant pour armer soixante bataillons , puisqu'il en faudrait au moins trente mille. On n'a donc que la moitié de ce qu'il faut. // ne veut pas que /'on désarme la garde nationale sédentaire. Il pense que c'est une nouvelle considération pour ménager les fu- sils en ne les donnant point aux ouvriers de Paris et de Lyon à qui on ne pourrait plus les retirer.

> Le maréchal prince (I'Eckmvhl. »

« 29 Mai.

» Général Évain ,

» Les cinq batteries que l'Empereur a passées en revue hier, partiront demain 50 pour Compiè- g ne. Sa Majesté a remarqué que plusieurs caissons n avaient pas leur petite boîte à graisse, ni tou- tes leurs pièces de rechange, comme le veut l'ordonnance; beaucoup n avaient pas leur pro- longe de rechange.

> H ordonne que tout cela soit complété.

» Donnez des ordres pour que le 5 ou le 4 juin, l'Empereur puisse avoir les quatre autres batteries de la vieille garde.

» Le maréchal prince (I'Eckmuhl. »

425

« 30 Mai.

» Général Évain ,

» L'Empereur demande que je lui fasse con- naître si l'artillerie est arrivée à Lyon. Il ordonne qu'avant le 5 juin on mette en batterie huit pièces de canon à la tête du pont Morand ; quatre au pont de la Guillotière; quatre à l'extrémité de Perrache près du pont, ce qui fera deux batteries ; deux batteries ou seize pièces dans les redoutes entre la Saône et le Rhône, et deux batteries ou seize pièces sur la vieille enceinte, ce qui fera l'emploi de six batteries ou quarante-huit pièces ; qu'on choisisse des magasins à portée des batteries , enfin , qu'on nomme des officiers d'artillerie et commandants pour tous ces forts.

> Recommandez qu'aussitôt que les pièces de siège seront arrivées on commence à en placer aux saillants.

» Le maréchal prince d'EcKMUHL. »

« 3 Juin.

» Général Évain ,

L'Empereur a vu par l'étal de la marine qu'il y a déjà d'arrivées cent cinquante pièces de canon à Rouen, que soixante-dix sont parties le 29 de Rouen pour Paris ; parmi celles-là il y en a trente de 8. Ceci me porterait à penser qu'il ne faudrait avoir aucun caisson de 8, et employer les pièces de 8 quoique sur affûts de campagne, comme pièces de siège, et

4*6

avoir les boulets et les gargousses en magasin , comme cela se faisait pour les pièces de siège. Il faudrait employer de même les pièces de 4, de manière qu'on n'aurait de pièces roulantes dans Paris que du 6, du 12 et des obusiers. Les au- tres calibres employés dans une position fixe, au- raient leurs munitions dans les magasins, et dès lors, il ne pourrait y avoir de confusion.

> Il désire que des mesures soient prises pour que le jour même de l'arrivée de ces soixante- dix pièces, elles soient portées aux batteries qui seront établies. On les placera d'abord sur affûte de place et de côte aussitôt qu'on en aura. Il dé- sire que je lui remette avant le 6 l'état de l'arme- ment de Paris sur les deux rives, en distinguant l'artillerie de fer, l'artillerie de campagne , avec l'emplacement, et un état de la réserve ; il faudrait aussi commencer bientôt le tracé des ouvrages de de la rive gauche.

» Le maréchal prince (TEckmuhl. »

« 3 Juin.

» Général Évain ,

» L'Empereur me dit : Il n'y avait à Toul , au 19 mai, que vingt pièces de canon et cent cinquante coups à tirer par pièces. » Il pense qu'il faudrait y avoir trois cents coups par pièces et doubler le nombre des pièces.

* L'Empereur me dit : « Le 23 mai, les gardes

_ 4*7

nationales du corps d'observation du Jura , n'é- taient pas encore armées* »

» L'Empereur veut avoir pour demain 4 , ou après-demain 5 , toutes les batteries qu'il a de- mandées de la jeune et de la vieille garde.

» Le maréchal prince d'EcKMim. »

« 5 Juin.

» Général Évain,

» On a rendu compte à l'Empereur qu'il y a à Dunkerque t provenant des évacuations d'Ànvei's etd'Ostende, plusieurs millions de boulets; beau- coup de pièces d'artillerie, dont un bon nombre de mortiers en bronze , à grande portée , et une quan- tité énorme de poudre à canon. Si cela est, il n'y aurait pas un moment à perdre pour répandre la poudre partout on en a besoin , et pour faire filer toute l'artillerie inutile sur les derrières.

» Le maréchal prince d'ËCKMUHL. *

« 5 Juin.

» Général Évain,

» L'intention de l'Empereur est que l'on fasse donner de suite à la garde nationale de Lyon deux mille fusils neufs et quatre mille à réparer* Sa Ma- jesté dit qu'il parait que la garde nationale de Lyon se propose d'en payer quatre mille qui se* rent distribués sur l'état que le sieur de C or celtes > commandant de cette garde> en remettra.

4i8

Faites-moi aujourd'hui , 5 , M. le général , un rapport indiquant les mesures à prendre pour l'exécution des ordres de Sa Majesté.

» Le maréchal prince d'EcKMUHL. »

« 5 Juin.

» Général Évain,

> L'intention de l'Empereur est de nommer le général Dulauloy gouverneur à Lyon , de lui don- ner la haute main , et qu'il préside à tous les pré- paratifs de défense. Les généraux Évain et De- eaux se réuniront pour les instructions à donner à ce général. Ils lui feront connaître l'état des travaux des fortifications et leur armement.

» L'intention de l'Empereur est qu'il y ait cent pièces en batterie et cinquante en réserve.

» Le général Dulauloy devra organiser et ar- mer la garde nationale , de manière à avoir dix mille hommes avec les faubourgs. Cette garde na- tionale ne devra être composée que de bons Fran- çais.

» On préviendra le général Dulauloy qu'on met sous ses ordres le général Puthod , chargé d'orga- niser les gardes nationales de cette division t et les maréchaux-de-camp qui y sont employés.

> H doit se trouver dans la division militaire beaucoup d'officiers qui ne sont pas employés. M. le maréchal duc d'Àlbuféra reçoit l'ordre de les envoyer au général Dulauloy pour qu'il les em-

429

ploie à l'organisation des gardes nationales et pour leur commandement.

> Faire connaître à ce général les ordres don- nés pour les munitions et bouches à feu qui ont être dirigées sur Lyon. Il accélérera leur ar- rivée.

» Il fout avoir un dépôt de munitions suffisant pour soutenir un long siège.

» Le général Dulauloy devra diriger les travaux de Lyon, de manière à fortifier d'abord la tête du pont des Brotteaux , les barrières et pont de la guillotière, le pont de Perrache, les hauteurs entre Saône et Rhône, et les hauteurs de la rive droite de la Saône.

» Prolonger ensuite la défense en couvrant la Guillotière par des postes avancés , de manière que si Ton était forcé d'abandonner le faubourg, on soit couvert par le Rhône.

» D faut que le général Dulauloy, aussitôt son arrivée , organise sa défense, de manière à ce que les gardes nationales et les autres troupes qu'il pourra employer connaissent le point elles de- vront se porter. On donnera à ce général l'état des différentes troupes qui devront être sous ses ordres.

» Le maréchal prince d'EcKMUHL. »

« 6 Juin,

> L'Empereur ordonne les dispositions suivan- » tes : J'apprends qu'il y a à Lyon cinq mille fusils à

450

réparer; faites-les remettre à la garde nationale de Lyon. Ordonnez qu'on établisse auprès de cette garde un atelier de réparations. Ou prendra le* frais sur le produit de la vente de ces fasils. » // n'y avait j le 1er juin, à Lyon que cinquante bouches à feu sur aflftts. Ordonnez qu'on mette en construction, dans cette ville des affûts de côtes et de places.

» Il n'y avait que dix mille kilogrammes de poudre et trois cent mille cartouches; Eûtes augmenter cet approvisionnement. » J'ai déjà autorisé qu'on travaillât à fortifier le faubourg de la Guillotière; bien entendu que la chute de ce faubourg n'influera en rien sur la défense de la place. Faites foire à Lyon de nou- veaux fonds pour les travaux des fortifications, > afin qu'on ne manque pas d'argent.

» Napoléon. »

c Le général Ê vain fera de suite les dispositions nécessaires pour la prompte exécution des ordres de l'Empereur. H communiquera au général De- eaux ce qui peut le concerner.

> Le maréchal prince d'Ecrans. »

« 6 Juin.

» L'Empereur me demande s'il peut compter qu'au 15 juin , la garde nationale de Lyon, qui doit offrir un corps de dix mille hommes, aura ses armes.

451

»

» L'intention de l'Empereur est qu'il soit pris des mesures pour qu'au 12 juin il y ait à Paris, en position aux différents ouvrages et aux différentes barrières, au moins deux cents canons.

> Il m'ordonne de lui faire connaître quand le premier convoi de pièces de la marine arrivera.

» Le maréchal prince d'EcKMCHL. »

» Général Évain ,

» En me renvoyant le rapport ci-joint , l'Em- pereur me dit que l'armement de Paris ne lui pa- rait pas bien détaillé. La ligne de défense ne doit pas s'appuyer à Clichy, mais à Saint-Denis. La li- gne de Saint-Denis a l'avantage d'être appuyée par la ville de Saint-Denis, qui , étant susceptible d'i- nondation , est un poste de la plus grande force. Ce poste qu'appuie la gauche, se lie aux hauteurs de Paris par un long canal , plein d'eau, ayant derrière un rempart, et en avant des flèches. Hien ne peut avoir ce degré de jorce entre Clichy et Montmartre, Clichy ne peut être inondé. Le ca- nal qui existe sur Saint-Denis ne peut puas exister là, et enfin la ligne de Saint-Denis met en deuxième ligne tout Montmartre, les quatre moulins à vent, etc. L'Empereur renvoie donc cet état pour que le général d'artillerie rectifie son armement en conséquence, nuinérotte "toutes les flèches en avant du canal, et les arme toutes.

* Avant de travailler à la deuxième ligne , en-

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tre Glichy et Montmartre, il faut que la rive gau- che soit fortifiée. Jamais armée ne s'engagera entre Montmartre et Saint-Denis , quand même te canal et les redoutes qui doivent le couvrir n9 existeraient pas. Une seconde ligne sur Glichy sera cependant nécessaire ; mais elle est d'un or- dre inférieur, et avant il faut travailler à la rive gauche. Il faut, dans ces arrangements, placer à chaque barrière de Paris deux pièces de canon, ces pièces flanqueront les promenades autour des murailles, battront les principales avenues de Paris, et d'ailleurs seront à portée , pour aller en avant sur les positions qui appuient les ou- vrages avancés.

» Le maréchal prince (TEckmuhl. »

« 7 Juin.

» Monsieur le général ,

» L 'intention de l'Empereur est qu'au dix juin les travaux de la rive droite de la Saône et sur les hauteurs de Lyon, soient tracés, et que le 25 il y ait déjà des pièces en batterie sur les hauteurs. Il fout que toute l'artillerie de Lyon soit en bat- terie du 15 au 20, et que les batteries soient ap- provisionnées.

L'Empereur me marque que les gardes na- tionales des sixième et dix-huitième divisions ne sont pas armées. Sa Majesté demande à connaître leur situation , sont leurs armes, quand elles

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pourront définitivement être armées, et quel sera l'état de leur armement au 12 juin.

» L'intention de l'Empereur est qu'il soit pris des mesures pour qu'au 15 juin il y ait des canons à tous les ponts de la Saône, et qu'on ait retran- ché et mis en état , et à l'abri de la cavalerie ennemie, les ponts de la Saône»

» Présentez-moi des lettres à signer pour l'exé- cution de ces mesures. Veuillez bien aussi com- muniquer au général Decaux ce qui peut le con- cerner dans ces mesures.

» L'Empereur demande un rapport sur la mise en état des forts Saint-Jean et Saint-Nicolas de Marseille: qu'elle est leur destination actuelle? Ce qu'il faudrait pour les mettre promptement à l'abri d'un mouvement populaire , et pour que lu garnison, ainsi que l'approvisionnement de poudres et d'armes qui se trouvaient dans ces forte fussent à l'abri de toute insulte.

» L'intention de l'Empereur est qu'il soit donné les ordres les plus précis pour qu'au 10 juin il y ait à Château-Thierry, à Langres, à Vitry, à Laon, à Soissons, au moins la moitié de l'artillerie qui est destinée à l'armement de ces places, sur les remparts, et que les batteries soient approvi- sionnées; que je m'assure que des mesures soient prises, pour qu'au plus tard le 20 juin, toute l'ar- tillerie destinée à ces places soit en batterie.

» On n'a pas encore commencé la défense de Meaux , Nogent-sur-Seine, Àrcis-sur-Aube , Mon-

28

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tereau et Sens. Sa Majesté demande que je lui fasse connaître en sont les projets.

» L'intention de l'Empereur est qu'on envoie des officiers d'artillerie à Lille.

> Je YOU8 invite à me proposer de suite des su- jets pour les envoyer à cette destination.

> Le maréchal prince d'EcRmm. »

«c 8 Juin.

» L'Empereur ordonne , qu'à dater d'aujour- d'hui y on travaille aux quatre principaux points de la rive gauche de la Seine , car il est indispen- sable de mettre un peu d'équilibre; que je lui fosse connaître quand ces ouvrages seront tracés , par- ce qu'alors il les parcourra à cheval; que l'on réitère ses ordres, pour que, tous les jours, on mette en batterie à Paris, afin qu'il n'y ait point de secousses, et qu'insensiblement tous les ouvra- ges soient garnis. Il serait a souhaiter qu'avant le 45, il pût y avoir quarante pièces en batterie sur les ouvrages de k rive gauche , et, qu'à cet effet,, les ouvrages soient assez avancés pour cela. »

« 9 Juin.

» Il est bien important qu'au 13 juin pour tout délai , toutes les gardes nationales des places de première ligne du Nord, du Rhin, du Jura, soient parfaitement armées, surtout ceHes du Nord et de la Meuse. »

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« 9 Juin,

» Sa Majesté désire avoir un compte détaillé des armes que nous avons, et les lieux elles se trouvent: Elle trouve que les derniers états ne sont pas clairs et ne font pas connaître sont ces armes. L'Empereur désire aussi savoir sont les ateliers de réparations. Il n'y .en a plus à Àntibes, et cependant il y a à Àntibes des armes à réparer. Les armes sont aujourd'hui la grande question. Avant de donner des armes aux fédérés de Paris , Sa Majesté voudrait en donner dans les Vosges , en Alsace, dans le pays Messin , dans Je Jura, dans le Dauphiné, puisque elles seraient d'un si grand résultat! Sa Majesté attend pour donner les derniers ordres , l'état exact des ar- mes.

» L'Empereur pense que rien ne presse encore de donner des armes aux fédérés. Sa Majesté désire avoir l'état de situation de ces régiments. Peut-être pourrait-on donner par bataillon cent fusils qui seraient chez le chef de bataillon , et qui passeraient alternativement entre ies mains des différents soldats, et serviraient à les dégros- sir. Ce serait l'emploi <fô deux mille quatre cents fusils.

» Actuellement que les fédérés sont orga- nisés, il faut charger un colonel d'organiser deux ou trois bons bataillons pour la défense de Saint- Denis, qui seront pris dans toute la sous*préfec-

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ture. Il faut aussi penser à organiser les gardes nationales à Meaux et s'occuper de tous les passa- ges de la Marne.

» Monsieur le général Évain est prié, de suite, de communiquer, comme ordre de l'Empereur très urgent, les articles qui les concernent, à M. le général Decaux et M. d'Àrgenvillers, et faire la lettre au général Darricau pour qu'il m'envoie demain la situation que demande Sa Majesté, des fédérés au 9 juin.

P. S. » L'Empereur demande à connaître si au 15 juin y il se trouvera encore des convois de poudre, armes, canons, etc., à portée des fron- tières du Nord, et qui soient exposés à être en- levés par des partis ennemis.

i Par ordre de l'Empereur.

» Le maréchal prince d'EcKMUHL. »

il Juin.

* L'Empereur désire - avoir l'état des fusils et l'endroit ils sont; il ordonne d'envoyer six mille à Soissons , qui seront à sa disposition ; trois mille à Guise, et trois mille à Àvesnes. Il faudrait qu'ils y fussent rendus promptement pour pouvoir armer les paysans , soit belges , soit lié- geois, si nous avons des succès.

» Sa Majesté me marque que son intention est qu'il ne soit pas donné, pour le moment , plus de trois mille fusils aux fédérés qui sont au nombre de quatorze mille hommes , ce qui fait que le

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quart est armé. Il n'en faut pas donner davan- tage, parce que nous aurons toujours le temps de les armer avec lesjusils qui se font tous les jours à Paris, et que nous avons besoin de fusils pour les trois cent mille hommes qu'on va lever.

> Sa Majesté demande qu'on lui donne l'assu- rance que vers le ibde ce mois, toutes les gardes nationales de l'Alsace , delà Franche-Comté et du Dauphiné seront armées.

» Cent cinquante-huit canons de la marine sont arrivés à Paris : l'Empereur désire qu'ils se trou- vent en batterie, vers le 20. D'ici au 20, il en arrivera quatre-vingts. S. M. attache une grande importances ce que ces deux cent quarante piè- ces de canon se trouvent en batterie, à peu près à cette époque, pour qu'elle soit sans sollicitude pour l'état de défense de Paris.

» L'Empereur recommande que l'on ne mette pas ensemble des pièces de 8 et de 6 en fer ; comme on a mis de préférence les pièces de 8 sur la rive gauche, il faut aussi mettre les pièces en fer.

» Le général Évain fera tout ce qui est conve- nable pour assurer la prompte exécution de cet ordre de l'Empereur, et en donnera communica- tion au général Decaux, qui y concourra en ce qui concerne le génie.

» Par ordre de l'Empereur,

« Le maréchal prince d'EcKMCHL. »

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« 12 juin.

3 II doit exister des reconnaissances de la Marne, depuis sa source jusqu'à son embouchure; jedé- sire que le comité de défense en fesse la recherche, et me présente un rapport à cet égard.

» Ce rapport devra firire connaître tous les ponts, ceux susceptibles de défense , ceux qui devront être détruits à l'approche de l'ennemi , et les dit férents points qui ont été retranchés sur cette ri» vière, les gués qui existent, etc.

» Le général Decaux joindra à la reconnaissance que je lui demande, la situation de l'armement et approvisionnement des différents ponts et têtes de ponts; il s'entendra avec le général Ëvain»

* Laon est beaucoup plus susceptible défaire une bonne place que Soissons. Avec cent cin* quante mille francs, on ferait à Laon ce qu'on ne ferait pas avec un million à Soissons ; mais l'avantage de Soissons est de se trouver sur l'Ais- ne. Le génie a demandé quarante pièces pour ar- mer Laon, il faut activer l'arrivée de ces pièces.

* Napoléon. »

« Indépendamment des sept bataillons qu'a fournisle département de l'Aisne , ce département a , prêts à entrer dans Laon, deux mille fusiliers , et à entrer dans Saint-Quentin , deux mille fusi- liers. // est hors de doute que, dans ce départe* ment, çn trouverait autant d'hommes qu'il y au- rait d'armes.

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» L'Empereur réitère la demande de douze mille fusils qu'on répartirait entre Avesne, Guise, Soissons et Laon. S. M. demande quand ils y se- ront rendus; elle ordonne qu'on établisse dans ces quatre places , une salle d'armes.

» Lies gardes nationales du Nord continuent à arriver ; le maréchal Soult, qui en fait la revue , mande à l'Empereur qu'il leur manque dix mille fusils ; il faut faire les dispositions pour en avoir le plus lot, car des gardes nationales sans fusils ne servent à rien. »

Voici enfin te dernier ordre qui ait été donné par l'Empereur au moment même il franchis- sait la frontière :

< Je recommande qu'il y ait dix mille fusils à Lyon, pour armer la garde nationale , et que les pièces soient en batterie. J'ordonne que l'on fasse mettre les trois cents pièces de la marine en batte- rie à Paris; qu'elles y soient avant le 25 de ce mois ; défaire instruire les compagnies de ca- nonniers des lycées; les faire aller au polygone à Vincennes, le Jeudi .

« 15 juin.

» Je dirige la manufacture de Maubeuge sur Pa- ris ; mais si vous la croyez mieux à Soissons, vous pouvez l'y retenir.

» Napoléon. >

CHAPITRE XX.

SOMMAIRE. Réflexion» «r le retour de Me d'Elbe, et réfutation des reproches que Ton pourrait m' adresser pour m'en être fait l'his- torien, et le panégyriste de Napoléon en lutte avec la mauvaise for- tune. — Organisation définitive de la vieille garde impériale; son ordre de marche et de bataille ; portrait physique et moral du itT ré- giment de grenadiers à pied. Napoléon croit utile de faire du pa- triotisme en plein air avec la garde nationale et les ouvriers de Paris ; banquet champêtre sur les tertres du Champ-de-Mars, offert par la vieille garde aux douze légions de Paris. —Les fortifications* de Paris : hommes, femmes et enfants y travaillent avec ardeur; ce patriotisme durera-t-il ? Les Parisiens sont-ils déterminés à renou- veler la défense de l'immortelle Sagonte? Ruse de Napoléon pour surprendre BKteher et Wellington ; elle eût réussi tans l'incurie de l'état-major-général. Napoléon a-t-il eu tort de s'arrêter à Paris le 20 mars, au lieu de continuer sa marche triomphale jusqu'à Bruxelles et Hayence ? Ouverture du Champ-de-Mai. Distribution des drapeaux à l' armée; attitude des grands dignitaires pendant cette solennité; réflexions des vieux grenadiers à leur passage. —Cri de de guerre ; appel aux armes ! Comment y répond la France. Napo- léon mis hors la loi des souverains; mesures -qui doivent appuyer ce traité conclu à Vienne. - Le temps presse, Napoléon prend son parti. Tableau général du personnel supérieur et situations des divers corps de l'armée du Nord* L'armée se concentre sur l'ex- trême frontière.— Ruse pour en dérober les mouvements à l'ennemi. Départ de la vieille garde : le 1er régiment de grenadiers et le 1er régi- ment de chasseurs à pied, seuls, restent à Paris pour servir d'escorte à Napoléon le jour de l'ouverture des Chambres. —Réflexions sur cette cérémonie. Départ, le 8 juin, de ces deux régiments pour l'armée. Départ de Napoléon. Son arrivée à taon ; sa sur- prise d'y trouver encore le maréchal Grouchy ; cause de ce retard; triste et fâcheux augure. Attitude et marche de l'armée vers la frontière.'— Réunion générale de la garde à Beaumont. —Les ar-

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mées sont en présence. Ordr« de marche; que «e fût- il ponctuel- lement exécuté!! !...

Bien des gens, nous no.us y attendons, nous blâmeront, nous en voudront même, d'avoir élevé à Napoléon un pareil piédestal , car per- sonne encore n'avait présenté cet être surhumain, sous un semblable aspect , et surtout aux masses dont il est et sera longtemps le rêve et l'idole , sous un aspect qui peut-être ajoutera quelque chose de plus à son immense popularité :

L'Empereur en lutte avec la mauvaise for" tune!!!....

m

Jusqu'à ce jour , l'historien , comme le poète , n'avaient vu et chanté dans Napoléon, que l'homme aux cent victoires ; le jeune vainqueur de l'Italie ; le conquérant de l'Allemagne ; l'ar* bitre souverain des destinées de l'Europe ! . . . .

Nous, au contraire, qui, par nature, aimons peu l'éclat des grandeurs de ce monde , encore moins l'atmosphère empestée qui les enveloppe , nous ne nous attachons qu'aux puissances dé* chues, parce que seulement, l'homme vérita- blement grand , reste grand ; l'adversité est pour lui , ce qu'est le feu pour l'or ; c'est aussi son épreuve '

Ce n'est point alors que la capricieuse for- tune emporte son favori vers les plus hautes régions , qu'il est possible de le distinguer et de l'apprécier ; mais bien alors qu'elle l'abandonne,

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et qu'il retombe sur cette terre d'analyse pour les hommes comme pour les réputations.

On s'étonnera de nous voir préférer les plus mauvais jours [de Napoléon ; ceux le soldat , presque seul , lui resta fidèle , poyr le présenter au monde comme le phénomène de la capacitéy le génie de l'intelligence iumaine. On ne nous pardonnera pas d'avoir ainsi éclipsé toutes ces constellations secondaires 9 si bouffie» d'orgueil et de prétention, qui n'eurent cepen- dant quelqu'éclat, aux yeux des peuples, que par le reflet de ce brillant météore ; car, une fois dis- paru dans l'espace,' qu'a-t-il laissé après lui ?...,r On ne nous pardonnera pas d'avoir choisi, dans l'existence de Napoléon, pour le déifier, en quelque sorte, l'époque il causa le plus de malheurs à son pays ; on nous reprochera , en termes très amers peut-être, d'avoir cherché à rendre intéressant le fatal retour de l'île d'Elbe.

On nous dira : c Oui, sans doute, Napoléon » avait mérité l'admiration du monde ! mais, à » Fontainebleau, l'Empereur avait deux grands » partis à prendre : l'un de se défendre jusqu'à la » dernière extrémité, jusqu'à la mort même* pour »ne pas abandonner volontairement la Frafcce et » son armée : l'autre de sacrifier sa personne et sa » dynastie, par une abdication franche et loyale, » dans le but de ne pas prolonger les horreurs » d'une guerre à outrance. Chacune de ces réso- » lutions était grandiose et lui méritait à jamais,

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» dans l'histoire, le titre de Grand Homme ! ... * « Mais, nous dira-t-on sans doute encore, avoir » trompé la France et ses serviteurs les plus dé- » voués, par une abdication feinte ; leur avoir » rendu leur parole, avec l'intention de venir la » reprendre, et de profiter de son ascendant sur

> eux pour les rendre parjures, certes, c'est la » un acte que l'histoire ne peut louer et ne doit » point admirer ! »

À d'aussi graves paroles , nous répondrons , nous, soldat de la vieille garde impériale , nous répondrons : c Si Napoléon n'a point terminé sa

* glorieuse carrière au champ d'honneur , et si » notre drapeau ne lui a pas servi de linceul

* sous les murs de Paris, ce n'est certes, ni sa » laute, ni la nôtre! mais bien parce que tout, oui »tout, autour de lui, ses soldats exceptés.

> n'étaient guère plus que des traîtres, ou des » hommes rassasiés de gloire !

» N'étionfr-nous pas en marche pour ce funèbre » et sublime dénoûihent , lorsque la trahison

* d'Essonne vint nous enlever les six mille braves 9 qui devaient former notre tête de colonne?... »

Si, plus tard, Napoléon put se croire autorisé à déchirer le pacte de Fontainebleau , à qui la faute encore?.;. A des traîtres, qui, sous les yeux même du Roi, travaillaient à lui enlever son armée, mais pour la livrer à tout autre que Napoléon!

Pourquoi Louis XVIII ne coupa-t-il pas court

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à cette conjuration, dont il eut entre les mains

tous les fils? Pourquoi cette faiblesse?

L'histoire la jugera ! . . .

Trois mois, six mois de plus, et l'armée échappait au Roi ; Napoléon le sut et prit les de* vants. Qu'il ait eu tort , qu'il ait eu raison , nous n'avons point à trancher ici cette question l Que son retour ait été une calamité pour la France?... Oui , sans doute , et mieux eût valu mille fois* et pour lui, et pour nous tous, soldats de la Grande Armée, qu'il nous eût laissés, tout entiers, à nos souvenirs, comme à nos devoirs ! Et si, dans cette histoire militaire des Cent' Jours , nous avons fait valoir des circonstances atténuantes en faveur de Farinée, nous avons aussi exprimé hautement le blâme sur les chefs qui nous entraînèrent vers I'Homme qui possédait encore toutes nos sympa- thies personnelles, car l'on n'a pas oublié ce que nous avons qualifié de mariage de raison ; nous les avons blâmés, ces généraux et ces chefs de corps, qui, eux, avaient prêté serment entre les mains du Roi de France, en avaient reçu des bienfaits, et ne devaient point les reconnaître par la félonie : ils furent et sont donc aussi cou- pables, aux yeux de l'inexorable histoire, que les traîtres d'Essonne et de Rambouillet!...-.

Mais n'ayant point eu pour but d'envisager la trop mémorable époque des Cent~Jours, sons le point de vue purement politique , nous n'in*

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sisterons pas davantage sur cette digression, échappée à notre plume.

Nous ayons voulu, en écrivant ce livre, appor- ter aussi notre modeste tribut personnel au mo- nument que Ton élève, en ce moment, à la glorieuse mémoire de Napoléon ; que Ton per- mette donc à nous, pauvre soldat de sa vieille garde, naufragé de Waterloo, comme lui, que l'on nous permette de déposer sur son cercueil, cet hommage de notre admiration pour le plus grand homme de guerre qu'ait encore connu le monde !

Cette histoire, c'est Napoléon, lui-même, qui nous l'a, en partie dictée; c'est donc une pierre qui de droit, appartient à son mausolée, et qui l'immortalisera autant et plus peut-être que ces marbres et ce bronze, que nos plus habiles ar- tistes travaillent à son intention; car, rien encore, que nous sachions du moins, a'a fait aussi bien connaître tout ce qu'il y avait de capacité, d'ordre, de méthode, de volonté, de génie enfin , dans cette tête si digne de commander au peuple le plus intelligent, le plus chevaleresquement brave de l'univers ! Non, rien n'a pu donner de Napo- léon l'opinion qu'on en conservera après avoir lu et médité les cent et quelques lettres que nous venons de dévoiler à la France ! . . . Quelle supério- rité sur tout ce qui l'entoure ! quelle aptitude qui s'étend à tout ! jusqu'aux moindres détails, rien ne lui échappe, rien ne se confond dans cette

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mémoire sans exemple! il sait tout, apprend tout, même avant son ministre! il a des cor- respondants particuliers sur tous les points, dans la première place de guerre, comme dans le plus petit fortin ; il reçoit tout et lit tout; et c'est lui, et lui toujours, qui, le premier, informe son ministre de la guerre, que telle chose manque ici ; que là, il y a excédent; que plus loin, les travaux ordonnés ne marchent pas ; que plus loin encore, on n'a pas compris ses instructions; qu'ici, Ton gaspille les deniers de l'État; que là, on emploie des incapacités ou des traîtres, etc.

Quels sujets de profondes méditations pour tous, pour les Princes, comme pour les ministres; pour les généraux comme pour les soldats ; oui ! que d'utiles leçons pour tout le monde à puiser dans ce prodigieux travail de Napoléon pendant ces quatre-vingt-cinq jours (du 20 mars au 15 juin, date de sa dernière lettre) Malheureusement, à cet immense travail , il manqua six mois pour que la France pût recueillir les fruits de tant de conceptions habiles, de tant de sollicitude souve- raine pour sa gloire et pour sa grandeur !...

La majeure partie de ces ordres admirables, restèrent à l'état de projet ou de demi-exécution, et dans un moment chaque ftisil neuf ou réparé, trouvait aussitôt un combattant, on ne put même pas, malgré les efforts si judicieux et si méritoires du lieutenant-général baron Évain, parvenir à armer cent mille gardes nationaux ou habitants

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dès départements frontières, qui en réclamaient à cor et à cri. L'armée même ne franchit la frontière qu'avec un simple approvisionnement de muni- tions de guerre, et faillit en manquer complète- ment à Waterloo.

Nous ne craignons donc pas d'être démenti par qui aura lu et médité nos souvenirs sur les der- niers jours de la Grande Armée, lorsque nous en concluerons que jamais Napoléon ne fat plus homme de guerre que dans la campagne de 1814, qui dura aussi centjours9 et plus homme de génie que dans lés Cent' Jours de 1815.

Mais Dieu avait fixé à Napoléon sa part et de gloire et de souveraine puissance ; rien ne pouvait aller contre cet arrêt, tandis que tout , oui, tout , jusqu'aux éléments, devait désormais concourir à l'accomplissement de cette volonté suprême!...

Maintenant, soldats, rentrons au camp, et voyons ce qui s'y est passé ; quels résultats y ont produit ces ordres si précis que nous venons de consigner dans ces annales !

L'infanterie de la vieille garde fut organisée pour la campagne, en deux divisions de trois ré- giments chacune, et d'une réserve, composée du 1er régiment de grenadiers et du 1er régiment de chasseurs.

Chacun de ces deux régiments servait de réserve à la division de son arme. Ainsi, les chasseurs for- mèrent une division, et les grenadiers, l'autre.

Le lieutenant-général comte Michel avait le

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commandement de la division de chasseurs, et le lieutenant-général comte Roguet, celui de la divi- sion de grenadiers.

Le lieutenant-général comte Friant, comman- dait en chef, toute l'infanterie de la vieille garde, et eut, sous ses ordres, le lieutenant-général comte Morand, colonel en premier des chasseurs»

Le commandement du général Friant s'étendait aussi sur la jeune garde, bien qu'elle eût pour chef immédiat, le lieutenant-général , comte Duhesme.

Aux deux divisions d'infanterie de la vieille garde, furent adjointes une compagnie de sapeurs, et une compagnie de marins (vieille garde).

Ces deux compagnies, marchaient ordinaire- ment en tête des deux divisions, et devaient se porter le service exigerait leur présence, mais elles étaient plus particulièrement attachées à la division de grenadiers.

Il était d'usage, dans la vieille garde, de mar- cher la gauche en tête (a) ; ainsi les chasseurs

* (a) Pour nos lecteurs militaires, cette expression de mar- cher ta gauche en tête, n'a pas besoin d'explication, mais pour les autres, nous croyons utile d'entrer dans quelques détails.

Pendant toute cette courte campagne, en route, comme sur le champ de bataille, ces deux divisions marchèrent et combattirent toujours dans Tordre ci-après :

Lorsque les deux divisions ne formèrent qu'une seule co- lonne de marche, en tête se trouvait le h" régiment de chas- seurs ; venaient en suite, et dans Tordre indiqué par nous,

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précédaient les grenadiers et les derniers régi- ments 'avant les premiers dans l'ordre suivant : les 4e, 3e, 2e et i*f de chasseurs ; les 4e, 5e, 2e et 1er de grenadiers; mais pour le combat, les deux armes se réunissaient ; c'est à dire que, s'il devenait nécessaire d'engager deux ou plusieurs régiments, c'étaient toujours les quatrièmes régi- ments de chaque arme qui marchaient les pre- miers ; les premiers régiments de chasseurs et de grenadiers ne donnaient jamais que les derniers.

Une batterie d'artillerie de la garde était atta- chée à chaque division.

L'Empereur, sentant le moment de la crise gé- nérale approcher, stimula l'ardeur martiale de la population ouvrière de Paris, en organisant la fédération de ses faubourgs, en ordonnant l'ouver- ture des travaux défensifs de la capitale.

Il nous fit aussi échanger des politesses en plein air avec la garde nationale. Les tertres du

Ghamp-de-Mars , servirent au dîner champêtre, que nous offrîmes aux députations des douze lé- gions parisiennes. L'on y trinqua à la gloire nationale, et à

les 3e et 2* régiments de chasseurs ; les 4% 3* et 2* régiments de grenadiers, et enfin la réserve dans Tordre suivant : les marins et les sapeurs de la vieille garde ; le 1er régiment de chasseurs, et cette formidable colonne de seize bataillons de vieux soldats était terminée par le 1er régiment de gre- nadiers à pied.

C'est également dans cet ordre, que nous fûmes tous en- gagés dans les sanglantes journées de Ligny et de Waterloo.

29

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l'auguste Empereur , car Napoléon brillait de trop de gloire, et la résumait trop bien dans sa personne, pour ne paa faire oublier les torts qu'il pouvait avoir eus, ou les craintes qu'il pou- vait inspirer pour la liberté (a). D'ailleurs, son retour, comme la chute des Bourbons, était un fait accompli ; sa présence attirait des me- naces à la France et le premier sentiment com- mandait d'y répondre. La France alors n'était pas encore déchue ; elle avait été battue, il est vrai , mais elle revoyait à sa tête cejui qui l'avait rendue si grande, si forte et si respectée !!!...

Une victoire donc pouvait rendre à Napoléon plus que sa force et son autorité première.

Plusieurs revues des fédérés avaient été passées par l'Empereur dans la cour des Tuilerie», mais toujours sans armes.

Les fortifications de Montmartre et des hau- teurs de Chaumont et de Ménihnontant, étaient poussées avec la plus grande activité. Un ha tmlloa de vieille garde, à tour de rôle, était

(a) M. de Chateaubriand a dit que le Grand Homme avait su nationaliser le despotisme, et il est vrai qu'il l'avait en- touré de tant de lauriers et de tant de créations sublimes, d'une administration si parfaitement organisée, que le de»* potisme marchait presque inaperçu, ou du moins on s'y accoutumait.

Sans ses revers de Waterloo, et s'il fût mort sur le trône, il ne manquait rien à la grandeur de Napoléon, et sa dynastie restait plus forte que les plus anciennes dynastie de l'Eu- rope.

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appelé, chaque jour, à y payer son tribut comme terrassier ; là, nous nous trouvions, en quelque sorte, pêle-mêle avec la population mâle et femelle des faubourgs, car des femmes même faisaient trêve aux soins du ménage ou de leur commerce, pour nous aider dans nos travaux militaires.

Mais bissons la population parisienne k ses dé- monstrations patriotiques dont elle aura bienfdt assez; nous, soldats, marchons à la frontière menacée , car c'est encore nous , seuls défenseurs de la patrie, qui courons la venger du premier mot insolent lancé contre elle par l'étranger ; c'est encore nous, et nous toujours, soldats ! qui, malgré ses dédains, et son ingratitude lorsque nous lui avons rendu le calme, la liberté et la prospérité; c'est encore nous, qui nous sacri- fions pour elle, sans calcul comme sans res- trictions !.... Mais il viendra un temps peut-être, le titre de soldat sera un titre honorable et envié, tel qu'il le fat jadis, au lien d'être domme dans ce siècle égoïste et tout matériel, considéré comme le dernier de toi». Patience donc! Le règne de la boutique et de la chicane ne sera pas toujours de mode dans notre glorieux, mais trop inconstant pays de France ! Notre étoile brillera de nouveau : Patience donc et bon courage, soldats (a)!...

(a) Nous n'entendons nullement placer l'armée au-dessus

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Une pose ici, soldats, voici le portrait de ce grenadier de la vieille garde, dont j'aurai bientôt à rappeler le trépas héroïque :

Si le type du courage est et sera toujours le soldat français, le type du grenadier de la garde a disparu pour toujours, de la scène militaire. Il n'existe plus que sur les toiles d'Horace Vernet, qui a su lui conserver son noble caractère, sans en faire, comme lant d'autres artistes, dis- tingués cependant, une sorte de charge frisant la caricature.

Qu'il nous soit permis d'en foire ici le portrait au moral comme au physique, à nous qui avons eu l'insigne honneur de combattre dans les rangs de ces immortels guerriers.

des citoyens, car nous n'ignorons pas que le soldat com- mence et finit toujours par être citoyen, et que, sous le baudrier ou sous l'épaulette, il ne peut, ni ne doit rester étranger au pays. Le soldat n'est point une exception dans l'État Ge que Ton appelle l'esprit militaire, n'a rien d'étran- ger à l'esprit du citoyen ; toute autre opinion serait une grave et dangereuse erreur ; mais nous entendons que le soldai qui consacre à la défense du pays, les plus belles années de sa jeunesse ; qui se trouve distrait de la profes- sion qu'il avait embrassée, ou à laquelle il se destinait ; qui voit les éléments de son bien-être particulier suspendus ; qui est obligé de se séparer de sa famille ; empêché provi- soirement de s'en créer une ; qui sacrifie, à son pays, son bien-être, et est prêt à verser son sang, à donner sa vie pour l'indépendance et le salut de tous, devrait trouver quelque compensation à tant de sacrifices; il ne devrait jamais sur- tout être exposé à accuser son pays d'ingratitude !...

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Nous allons peindre, d'après nature, le 1er ré- giment de grenadiers tout entier.

La taille moyenne des grenadiers du régiment était de cinq pieds six pouces ; très peu dépas- saient cinq pieds huit, mais aussi, on en comptait à peine cinq ou six par compagnie qui eussent moins de cinq pieds quatre pouces.

L'âge moyen du grenadier était de trente-cinq ans ; un petit nombre avait moins de trente ans, tandis que plusieurs centaines de grenadiers et les trois quarts des sous-officiers avaient dépassé quarante ans.

La. moyenne des services était de quinze ans et autant de campagnes ; beaucoup de sous-officiers et deux ou trois cents grenadiers avaient de vingt à vingt-cinq campagnes ; aussi, le régiment, comp- tait-il dans ses rangs, en partant pour Waterloo, environ mille décorations et quarante ou cin- quante dotations sur un effectif de treize cents et quelques hommes. La compagnie à laquelle nous avions l'honneur d'appartenir, avait pour sa part, cent trente-trois chevaliers, sur les cent soixante sous-officiers ou grenadiers qui la composaient.

Un cinquième des grenadiers avait été sous- officiers dans la ligne (a); de là, tous les caporaux

(a) Nous avions, nous-même, un brevet de sous-lieutenant lorsque nous y fûmes admis, en 181/», en qualité de sous- officier, et nous n'hésitâmes pas à lui préférer le noble galon

H

A&4

et sous-officiers titulaires du iGr régiment de gre- nadiers, qui voulaient échanger leurs galons contre une épaulette , n'avaient qu'à en témoigner le désir, et huit jours après , ils recevaient, pour la ligne, ou pour la jeune garde, le caporal, un brevet de sous-lieutenant, le sergent, celui de lieutenant , et le sergent-major, très souvent fut nommé capitaine (6).

Longtemps éprouvé par les marches , les fati- gues , les privations , les bivouacs , par le soleil , comme par les frimats , le grenadier de la Garde était sec et maigre ; l'obésité était inconnue dans nos rangs. Tout, chez ces hommes de fer, était à l'épreuve : le cœur, le corps et les jarrets ; aussi , eûMm fait le tour du monde avec de pareils hom- mes!...

La figure du grenadier était martiale et son atti- tude imposante; son teint, peu ou point coloré, mais hàlé; ses joues, creuses ; son nez, prédomi- nant et généralement aquilin; son front demi- chauve par l'effet de sa plaque de grenadier ou ra-

du sergent de la vieille garde. Un ambitieux n'en eût pas sans doute fait autant

En 1813, l'Empereur ordonna de prendre dans Tinfanterie de sa vieille garde deux ou trois cents sous-officiers et capo- raux pour en faire des lieutenants et des sous-lieutenants dans la jeune garde, et ce fut tellement à qui n'irait pas, que Ton dut faire tirer au sort à qui partirait comme officier,

» (a) En 1815, trois sergents-majors de notre régiment auront nommés capitaines dans la jeune garde.

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se à l'ordonnance ; ion œil vif et fier ; une épaisse et belle moustache , brunie par le soleil , et parfois grisonnante , ombrageait cette mâle figare : on n'avait point encore alors découvert la moustache en brosse, de LA PÀfX A TOUT PRIX. Une queue,* artistement tressée et poudrée chaque matin, com- plétait l'ensemble de cette tète modèle.

Un cachet particulier de la coquetterie du gre- nadier de la Garde , était la boucle d'oreille ; c'é- tait sa première dépense en arrivant au corps; elle était de rigueur. Un camarade lui perçait les oreilles et y introduisait un fil de plomb, jusqu'au jour son budget lui permettait l'anneau d'or du diamètre de l'écu de 3 francs , lorsqu'il ne pouvait aller jusqu'à celui de 5 francs (a).

(a) Aux yeux des gens étrangers aux moeurs militaires, cette particularité semblera bien futile ; nous avons voulu néanmoins la consigner ici, comme l'un des types du soldât de l'Empire, qui tenait à sa boucle d'oreille, comme il tint longtemps & sa queue. La boucle d'oreille qui, pour le soldat, fut souvent un tendre souvenir de garnison, était devenue si à la mode dans l'armée française, que, depuis le maréchal de l'Empire jusqu'au fifre, tous nous avions cet ornement ; le prince Murât les portait d'une grandeur remarquable, et l'on ne rencontrerait pas aujourd'hui, un général, un offi- cier, ni un vieux soldat, ayant servi soûs l'Empire, qui n'ait les oreilles percées, et beaucoup y ont conservé leurs anneaux. Cet usage s'était perpétué sous la Restauration et particulièrement dans la garde' royale; il disparut comme tant d'autres choses, lors de la révolution de juillet mais il commence à reprendre; quel mal, en effet, y aurait-il ?...

Ces 30 francs ne seraient-ils pas mieux placés à l'oreille

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Le perceur d'oreilles était ordinairement l'ar- tiste du tatouage, et après cette première opéra- tion, venait celle du bras ou de la poitrine , car chaque grenadier devait avoir aussi, sur le corps, l'empreinte ineffaçable des attributs de l'amour et de la grenade.

Ces dessins étaient variés suivant le goût et le ta. lent de l'artiste, à qui ces piqûres éternelles Éli- saient une certaine réputation .

Après la boucle d'oreille, cet indispensable bi- jou du grenadier, venait la montre en or, garnie de ses breloques ; mais il fallait , pour cela , au moins une année de privations et de constante éco- nomie , car, pendant les six premiers mois , le conscrit du 1er régiment de grenadiers devait se consigner volontairement au quartier, se conten- ter de son ordinaire , et ne boire que de l'eau , pour rétablir sa masse à son niveau normal , sa première mise ne suffisant pas à l'achat complet de ce que nous appelions : notre tenue de ville et de salon, c'est-à-dire la culotte courte de nankin, le bas de colon blanc , l'escarpin et sa boucle en argent, enfin le chapeau crânement retapé.

Soigné dans sa tenue, homme d'ordre et rangé comme une petite maîtresse, le grenadier de la Garde avait toujours, dans sa ceinture, ce qu'il

du soldat, que dans la tirelire du marchand de vins? Il les aurait au moins toujours à sa disposition pour ensuite en faire hommage à sa tiancée.

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appelait : sa poire pour ta soif; c'est-à-dire , de vingt à trente napoléons. Aussi, les paysans de Plancenois ,de Waterloo et de Mont-Saint- Jean, ont-ils trouver dans l'héritage si inattendu des quatre mille officiers, sous-officiers ou soldats de toutes armes de la vieille Garde, morts au champ d'honneur, d'amples compensations à leurs récoltes, ravagées par nous, pendant cette journée néfaste du 18 juin.

La salle de police était , pour le grenadier de la Garde, un hors d'oeuvre; et si, par hasard, un ami avait fait sortir un grenadier de ses habitudes de tempérance et de dignité personnelle , jamais il ne paraissait ainsi dans la rue ; l'uniforme de la vieille Garde devait toujours se porter la tête haute et jarret tendu; le grenadier qui chance- lait, était ramené en voiture au compte de son prêt ; se bornait le code pénal du régiment.

Les plaisirs du grenadier étaient de deux caté- gories; les plaisirs d'intérieur de famille, et les plaisirs de l'extérieur. Dans son quartier, c'étaient la partie d'impérial ou de piquet, mais surtout la partie de drogue ; la salle d'armes et parfois la salle de danse , lorsque le Vestris du régiment avait dé- couvert quelque pas nouveau, di^ne de figurer au ranelagh de l'époque.

La cantine recevait aussi régulièrement sa visite une fois par jour ; s'il y avait une politesse à ren- dre à un camarade, c'était la cerise à l'éau-de-vie, et non la goutte militaire. Sa visite était d'ail-

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leurs l'hommage du grenadier à la dame du comp- toir, qui lui permettait de venir, en bon voisin , et sans frais de toilette.

Hors du quartier, ses goûts étaient pour la pro- menade, la matelotte et le spectacle ; quelquefois Te café , mais rarement le cabaret ; celui-ci était de trop mauvaise compagnie pour lui.

Courbevoie, Saint-Denis, Surène, Rueil, Nan- terre , Boulogne et Saint-Cloud , telles étaient ses parties de campagne avec madame , ou ses buts de promenades solitaires; parce que là, il se repo- sait toujours au foyer domestique de quelque vieux compagnon de bivouac , devenu gendre d'une blan- chisseuse , ou simplement retiré , après avoir noblement payé son tribut à son pays.

Des théâtres de boulevards il faisait fi ; le gre~ uadier de la Garde aimait ce qui élevait l'âme à la hauteur de la sienne; le Triomphe de Trajan était sa pièce de prédilection!...

Le grenadier de la Garde avait toujours dans ses papiers de famille, son brevet de maître ou de pré- vôt d'armes , et cependant il n'était pas spadassin : le duel était aussi rare au régiment qu'un acte mé- ritant la salle de police, et la fraternité la plus fran- che , la plus cordiale , régnait entre toutes les ar- mes de ce corps admirable , et rien n'était plus comique que le dialogue d'un grenadier à pied et d'un grenadier à cheval, plaidant, l'un, pour le sous-pied de guêlre et l'autre pour tes gros talons; c'était à s'en tenir les côtés!

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Redoutable un jour de bataille, à Paris, au con- traire, un enfant faisait du grenadier de la Garde , tout ce qu'il voulait ; aussi , le joli dessin repré- sentant un enfant assis sur les genoux d'un grena- dier et lui tirant sa moustache, est-il un tableau peint sur nature.

La tenue de marche ou de combat du grenadier, était la capotte bleue à un seul rang de boutons à l'aigle; le pantalon bleu large, la guêtre noire et le bonnet à poil. Le chapeau enveloppé d'une toile cirée était suspendu au sac, et le plumet recou- vert de son étui, ficelé autour du sabre. Chaque grenadier avait aussi sa gourde de campagne en sautoir et à la portée de sa main droite. Sa gourde, comme son fusil, était sa fidèle et indispensable compagne de voyage ; car ses changements de gar- nison, à lui, n'étaient point de Paris à Gourbevoie, à Versailles, à Rouen, à Orléans, ni même de Pa- ris à-Brest, à Rayonne, à Toulon ou à Strasbourg; le grenadier de la Garde ne quittait son Quartier- Napoléon que pour ceux de Munich , de Vienne , de Dresde, de Madrid, de Varsovie, ou de Moskow, en faisant une halte de vingt-quatre heures à Au- sterlitz, à Iéna, à Friedland, à Wagram, à la Mos- kowa, etc., etc.

Sa grande tenue se composait d'un habit bleu à larges basques, à retroussisetjparements écarlates; ses revers étaient blancs , taillés en quart de cer- cle pour laisser voir le gilet de drap blanc qu'ils recouvraient en partie. La culotte courte en drap.

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blanc, la grande guêtre noire en hiver et de toile blanche en été ; le plumet rouge et le cordon jaune élégamment attaché au bonnet à poil, com- plétaient cette sévère mais belle tenue militaire.

Tout armé , tout équipé , habillé et porteur de ses quarante cartouches , le grenadier de la Garde avait sur lui, environ soixante-cinq livres pesant, car il emportait tout , et jusqu'à sa tenue de bal , qui était son luxe et la garantie de ses succès amoureux dans les capitales qu'il visitait en vain- queur (a).

Que Ton se figure maintenant l'aspect que de- vait présenter, de loin comme de près , un régi- ment composé d'éléments pareils!... Que Ton s'é- tonne du souvenir qui en est resté à tous ceux qui ont été à même de l'admirer sous les armes !

Si un régiment de grenadiers de la vieille Garde était magnifique au Champ-de-Mars , sur le champ de bataille, il était sublime!! , chaque grena- dier devenait un héros que, ni les boulets, ni les

(a) Si, le jour de la bataille, le grenadier de la garde était un terrible homme, en cantonnement ou dans ses quartiers d'hiver, il devenait amoureux et galant au suprême, et plus d'une grande dame n*a pas cru déroger, en acceptant , pour chevalier, un grenadier de la garde. Nous avons même eu, pour camarade de chambrée, un vieux sergent, nommé Gomichon, à qui il n'a tenu que d'épouser une marquise de l'orgueilleux faubourg, en récompense, comme en recon- naissance d'un beau trait de ce noble cœur.

Mais c'était alors le bon temps du soldat 1.... En France, alors, on savait cfe que vaut le cœur d'un soldat !...

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obus, ni la mitraille, ni les balles ne faisaient sour- ciller; le boulet, en le renversant, renversait une statue au cœur chaud. Mais, si dans l'impétuosité de sa charge, une colonne de cavalerie rencontrait sur son passage un carré de ces grenadiers, c'est alors qu'ils se montraient et faisaient payer cher à ces escadrons ennemis leur imprudente tenta- tive ! Quel calme ! quelle valeur froide et impassi- ble et quels ravages dans les rangs de ces cava- liers!.. Chaque balle atteignait homme ou cheval, tant qu'ils restaient à leur portée \ car reconnais- sant bientôt leur fatale erreur, ils disparaissaient avec la rapidité de l'éclair, pour se rallier derrière quelque abri de terrain ou de quelque bouquet de bois, sans prendre souci de ce qu'ils avaient lais- sés aux pieds de ces redoutables soldats !

A de telles troupes , il fallait aussi des officiers d'élite; tous l'étaient , en effet, pour la valeur et pour l'audace (a) .

Voilà, soldats, quels étaient ces hommes , dont la moitié fut démolie , à Waterloo par les boulets et par la mitraille, et écrasée par le nombre!.. Je devais vous les faire connaître avant la bataille.

Bien convaincu que les souverains et surtout leurs affidés secrets, avaient les yeux fixés sur lui

(a) Voir aux pièces justificatives 10 le contrôle nomina- tif des officiers des quatre régiments de grenadiers à pied, des quatre régiments de chasseurs à pied, des grenadiers à cheval, des dragons, des lanciers, dés chasseurs à cheval et de l'artillerie de la vieille garde en 1815.

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et sur sa garde, l'Empereur n'avait d'abord dirigé vers les frontières du Nord que les régiments de ligue , et sous le simple titre de corps d'observa- tion ; mais Napoléon savait les marches prodigieu- ses qu'il pouvait exiger de nous. Sa pensée était donc de persuader aux généraux ennemis qu'il n'a- vait nul projet de surprendre leurs camps , puis- qu'il conservait autour de sa personne tous les corps de la Garde. Les généraux anglais et prus- siens donnèrent dans le piège , n'en déplaise aux historiens étrtuigers qui ont prétendu le contraire; car il est certain que l'Empereur est tombé à l'im- proviste sur Bhicher et sur Wellington , qui bien qu'informés secrètement de tout ce qui se faisait à Paris , ne s'attendaient cependant point à une aussi brusque initiative ; qu'eut-ce donc été si l'avalan- che partie du sommet des Alpes ne se fut point si fatalement arrêtée aux pieds du trône renversé par elle?...

Blucher et Wellington pouvaient se tenir sur leurs gardes , militairement partent , mais ils ne supposaient pas qu'avec cent mille hommes, orga- nisés à la hâte, Napoléon osât prendre l'offen- sive contre les deux cents mille soldats qu'ils araient sous la main.

Nous rendrons cependant cette justice aux avants-postes alliés , qu'ils ne se sont pas laissés prendre en flagrant délit. S'ils ont eu un tort , s'ils ont été momentanément compromis, c'est pour avoir voulu se réunir sur l'extrême frontière ;

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et si leur concentration eût été ordonnée à dix lieues plus loin , elle eut peut-être pu s'opérer sans coup férir, et surtout grâce à un fatal accident, dont nous parlerons bientôt , car, en campagne , l'incident le plus infime en apparence , décide par fois des destinées d'un empire ; nous n'en au- rons que trop de preuves pendant cette courte lutte.

Mais, nous le soutenons encore , si , dès la fin de mars, Napoléon eût marché sur le Rhin et sur la Sambre , il eût surpris l'ennemi dans ses canton- nements , et en eût eu bon marché. . Pendant tous ces préparatifs de guerre, on s'oc- cupait, à Paris , de la confection des drapeaux destinés à l'armée, la Garde exceptée, car elle avait retrouvé les siens (a).

Une députation de chaque corps de l'armée avait reçu Tordre de se rendre en toute hâte à Pa- ris et de se servir des voitures publiques pour as- sister à la distribution des drapeaux, qui eut lieu au Champ-de-Mars le 1er juin, et le lendemain d'au- tres diligences furent chargées de les ramener à leurs corps respectifs.

C'était ainsi qu'agissait Napoléon dans les cas pressés; aussi, s'en trouva- tril souvent bien. Mais,

(a) Us lui furent remis par Napoléon, dans la revue qu'il passa, le 21 mars, dans la cour des Tuileries. Ils étaient portés par Cambronne et par plusieurs officiers venus de nie d'JUbe.

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en 1815, le temps lui manqua pour obvier à tout, ayant surtout à lutter, en même temps contre des symptômes hostiles de l'intérieur, et contre l'atti- tude plus menaçante encore de l'extérieur.

Il &isait9 néanmoins , marcher de pair ses im- menses travaux militaires, et ses travaux légis- latifs.

Le 1er juin, l'Empereur réunit les deux cham- bres, sous une vaste tente , au milieu du Champ- de-Mars , et en regard de l'École Militaire , dont l'élégante colonnade servait d'ornement et d'appui au trône impérial , ainsi qu'à l'amphithéâtre des- tiné aux grands dignitaires, qui , la veille encore, pour ainsi dire , étaient aux pieds d'un autre maî- tre , mais qui , ici , se courbaient sous la puissance nouvelle du vainqueur.

Nous ignorons ce qui se passait au fond de l'âme de ces hommes tout chamarrés d'or, de bro- deries et de décorations ; nous ignorons quels sen- timents ils inspiraient à Y Homme merveilleux , qui les avait élevés tous , du néant aux plus haut degré des honneurs et de la richesse; mais ce que nous pouvons dire , car nous en avons été le té- moin oculaire, c'est que la contenance de bon nombre d'entre eux parut peu digne et peu rassu- rée à tous nos vieux grognards , qui ne les flattè- rent certainement pas en les voyant défiler pour se rendre au poste que l'étiquette leur avait as- signé.

Le soldat n'est pas oublieux ; il tient compte de

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tout à son général, et le juge avec la plus juste, mais avec la plus sévère impartialité. Aussi , avait- il peu de confiance dans la plupart de ces chefs qui avaient été si lestes, peu de moi& auparavant , à abandonner l'Empereur à qui ils devaient tout.

Toute félonie rencontre, tôt ou tard, le fouet de l'opinion ; c'est en vain qu'elle se cache derrière des rideaux de soie et d'or! L'œil le moins exercé l'y découvre et la montre aux doigts : la justice humaine, juste et prompte, interprète de la justice Divine, le veut ainsi.

Pourquoi s'étonnerait-on maintenant de l'état de déconsidération dans lequel sont tombées les sommités sociales, lorsqu'on les trouve toujours prêtes à sacrifier à leur insatiable cupidité, toutes les glorieuses traditions de la France , tous les sentiments nobles , généreux , d'honneur comme de loyauté , qui placèrent jadis notre belle patrie si haut dans l'estime des autres peuples!!!

Elles n'ont donc que ce qu'elles méritent , car le vice, malgré toutes ses pompes , ne se placera jamais en face de la vertu : ce principe est la con- solation du soldat!. Un vieux brave, décoré du ru- ban militaire, et n'ayant pour toutes broderies que trois modestes chevrons en laine , est fier du salut bienveillant de ses concitoyens , lorsqu'il entend et voit couvrir d'opprobre et de malédictions le brillant équipage qui transporte au sénat, tel digni- taire, tour à tour, renégat ou félon!!

Mais laissons encore ces hommes ! La trom-

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pette sonne, le temps presse , Napoléon lui-même Va ceindre son épée !

A qui 1'Emperçur vient-il de confier les éminen- tes fonctions de major général de son armée d'inva- sion?... l'histoire le croira-t-elle?... à l'auteur de eet ordre du jour trop fameux du 8 mars 1815, au maréchal duc de Dalmatie (a) !. . .

Napoléon aura-t-il à se féliciter de son choix ; n'aura-t-il pas à regretter son trop magnanime ou- bli des injures ; ne sera-t-il pas dans le cas de s'é* crier pendant le cours de cette campagne décisive :

« Ah! Berthier! mon Berthier, es-tu? » Quoi- qu'il en soit, voici en quels termes le maréchal Soult , l'homme aux audacieuses palinodies , an- nonça à l'armée française son élévation au poste de major général et comment il lui parla en cette qualité :

« ORDRE DU JOUR.

» La plus auguste cérémonie vient de consacrer nos insti- tutions. L'Empereur a reçu des mandataires du peuple et des députations de tous les corps d'armée, l'expression des vœux de la nation entière sur l'acte additionnel aux consti- tutions de l'Empire, qui avait été envoyé à son acceptation, et un nouveau serment unit la France et l'Empereur; ainsi, les destinées s'accomplissent, et tous les efforts d'une ligue impie ne pourront plus séparer les intérêts d'un grand peuple DU HÉROS QUE LES PLUS BRILLANTS TRIOMPHES ONT FAIT ADMIRER DE L'UNIVERS.

» C'est au moment la volonté nationale se manifeste avec autant d'énergie, que des cris de guerre se font en- fendre ; c'est au moment toute la France est en paix avec toute l'Europe, que des armées étrangères avancent sur nos

(a) Voir, page 146, cet ordre du jour.

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frontières : Quel est l'espoir de cette nouvelle poalition? Veut-elle ôter la France du rang des nations? Veut^elle plon- ger dans la servitude vingt-huit millions de Français! À-t- elle oublié que la première ligue qui fut formée eontre notre indépendance servit à notre indépendance et à notre gloire ! Cent victoires éclatantes; que des revers momenta- nés et des circonstances malheureuses n'ont pu effacer, lui rappellent qu'une nation libre, conduite par UN GRAND HOMME, est invincible.

Tout est soldat en France quand il s'agit de l'honneur national et de la liberté : un intérêt commun unit aujour- d'hui tous les Français. Les engagements que la violence nous avait arrachés sont détruits par la fuite des Bourbons du territoire français, par l'appel qu'ils ont fait aux. armées étrangères pour remonter sur le trône qu'ils ont abandonné, et par le vœu tmanime de la nation, qui, en reprenant le libre exercice de ses droits, a solennellement désavoué tout ce qui a été fait sans sa participation.

» Les Français ne peuvent recevoir de lois de l'Étranger ; - ceux même qui sont allés y mendier un secours parricide tarderont pas à reconnaître et & éprouver, ainsi que leurs prédécesseurs, que le mépris et l'infamie suivent leurs fias, et qu'ils ne pedvent laver l'opprobre dont ils se couvrent qu'en rentrant dans nos rangs.

» Mais une nouvelle carrière de gloire s'ouvre devant l'armée; l'histoire consacrera le souvenir des faits mili- taires qui auront illustré les défenseurs de la patrie et de l'honneur national I Les ennemis sont nombreux, dit-on ; que nous importe ! Il sera plus glorieux de les vaincre, et leur défaite aura d'autant plus d'éclat : la lutte qui va s'en- gager n'est pas au-dessus du génie de Napoléon, ni au-dessus de nos forces ; ne voit-on pas tous les départements, rivali- sant d'enthousiasme et de dévoûment, former, comme par eoehantement, cinq cents superbes bataillons de gardes na- tionales,, qui déjà sont venus doubler nos rangs, défendre nos places et s'associer à la gloire de l'armée ? C'est l'élan d'un peuple généreux qu'aucune puissance ne peut vaincre et que la postérité admirera. Aux armes 11!.,.

» Bientôt le signal sera donné : que chacun soit à so*

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devoir ; du nombre de nos ennemis nos phalange» victo- rieuses vont tirer un nouvel éclat Soldats ! Napoléon guidera nos pas, nous combattrons pour l'indépendance de notre belle patrie ; nous sommes invincibles t

» Le maréchal d'Empire, major -général,

» Duc de Dâlmatic. «Paris, le 1er juin 1815. »

Tout, en France, se prépare à la guerre. Par son décret du 10 avril, Napoléon avait prescrit l'orga- nisation immédiate de trois mille cent trente ba- taillons de gardes nationales , destinés à protéger les frontières, et surtout à la défense des places. Le tableau de ces forces immenses présentait , à raison de sept cent vingt hommes par bataillon , un total de deux millions deux cent cinquante- cinq mille quarante gardes nationaux et indiquait le nombre d'hommes qu'ils devaient fournir pour la garnison de chacune des places fortes de France. Par exemple à Strasbourg, quinze mille hommes ; Landau , cinq mille hommes ; Huningue , trois mille hommes; Schelestadt, trois mille; Belfort, deux mille cinq cents; Neufbrisach, quatre mille; Montlouis, deux mille cinq cents; Perpignan, trois mille six cents; Rayonne, huit mille cinq cents; Maubeuge, trois mille six cents ; Dunkerque , huit mille; Douais six mille; Valenciennes, huit mille; Lille, douze mille; Longwy, deux mille; Thion- ville, trois mille cinq cents; Metz, dix mille; Phals- bourg , deux mille ; Cherbourg , cinq mille cinq

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cents; Besançon, six mille; Briançon, quatre mille, etc., etc. (a).

Toutes ces places devaient recevoir les batail- lons des départements voisins, en complément de leurs bataillons respectifs.

Un décret du 22 avril avait également ordon- né l'organisation des corps francs, dans chacun des départements frontières, lesquels devaient prendre la dénomination de leurs département*.

L'infanterie et la cavalerie de ces corps devaient être organisées comme les troupes légères, mais sans être tenues à aucun uniforme régulier. Le maximum de leur formation avait été fixé à mille hommes d'in&nterie et à trois cents pour la cava- lerie.

L'infanterie devait être armée indifféremment de fusils de guerre ou de fusils de chasse. La ca- valerie étant de l'arme des lanciers, devait avoir une lance sans banderolle. Tous devaient s'armer, s'équiper et se monter à leurs frais , et ne rece- voir aucune solde ni de guerre ni de paix ; mais ils auraient eu droit aux vivres de campagne, seulement au moment de la guerre. Chaque corps

(a) Le décret du 10 avril avait bien effectivement établi cette répartition des bataillons de la garde nationale, mais comme avec elle, il faut toujours demander le double pour n'en avoir pas même souvent la moitié, Napoléon se vit dans l'obligation, pour le Nord seulement, de modifier singuliè- rement ses premières prévisions ; que Ton se reporte à sa lettre du 28 mai.

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franc pouvait obtenir deux pièces de canon de 3 ou de 4, et, dans ce cas, le matériel leur eût été fourni par F État, mais ils auraient été tenus d'avoir, avec eux, de la poudre pour six mille coups.

En échange de leurs sacrifice* et de leur dévoû- ment à la patrie, tout ce que les corps francs au- raient pris, eût été de bonne prise à leur profit. Les canons, les caissons et effets militaires au- raient été achetés par l'État et au prix des trois quarts de leur valeur ; des primes devaient être accordées aux partisants pour les prisonniers qu'ils auraient faits, et en raison de leur impor- tance. Ainsi , les intérêts des personnes, comme ceux de la patrie, se trouvaient satisfaits et l'ému- lation même était fondée.

Toutes ces dispositions dénotaient l'étendue et l'imminence des dangers que courait le nouvel empire ; et, en effet, il était grand Forage qui allait fondre sur la France ! Quant à l'Empereur, c'était, désormais, un duel à mort, entre lui et les Souverains de l'Europe ! . . .

Par le traité d'alliance, conclu à Vienne le 25 mars 1815 , entre les puissances coalisées : « Toutes s'engageaient formellement à agir en » commun et dans le plus parfait accord, avec » toutes leurs forces, contre Napoléon, et contre » tous ceux qui pourraient se joindre à lui, pour > le forcer par là, disait le traité, à se désister de v son projet, et le mettre hors d'état de troubler,

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» à l'avenir, le repos de l'Europe et la paix géné- » raie, conclue pour protéger et assurer l'indépen-* » dance des nations. »

Toutes les puissances signataires de ce mani- feste, se mirent donc en mesure de remplir leur solennel engagement, et dirigèrent, à marches forcées, vers nos frontières, ce qu'elles avaient de troupes disponibles ; en sorte qu'à la fin du mois de mai, la France se trouvait déjà cernée par plus d'un million de baïonnettes.

Il n'y avait plus un instant a perdre ; il Cillait, ou surprendre l'ennemi sur un point et le culbu- ter, avant qu'il n'eût le temps d'appeler à son se- cours la nation la plus voisine, ou bien attendre F invasion.

L'Empereur prit le premier parti ; c'était le plus hardi ; mais, nous le répéterons toujours, il eût présenté plus de chances de succès deux mois plus tôt (a).

(a) On nous a assuré que Napoléon avait eu d'abord la pensée, en arrivant à Paris, de se jeter brusquement en Bel- gique avec trente mille hommes ; de délivrer cette popula- tion française de mœurs comme de langage, du joug de l'Anglais et surtout du Prussien qu'elle déteste encore. De culbuter tous les cantonnements de Blûcher, de noyer les Anglo-Bataves dans les bassins d'Anvers et d'embourber les autres dans les marais de la Hollande.

Que l'on nous permette, à cette occasion, de dire que la première faute, commise par Napoléon, en 1815, fut de n'avoir pas profité de sa fortune, qui, ainsi qu'il l'avait dit : « C avait conduit de clocher eh docker jusqu'à Paris » et de s'être arrêté aux Tuileries, au lieu de continuer sa marché

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Toutes les places de la frontière du Nord, depuis Dunkerque jusqu'à Charlemont, avaient été ar- mées et approvisionnées le plus complètement possible ; les écluses mises en état d'étendre les inondations au premier mouvement d'hostilité.

Des ouvrages de campagne avaient été ordon- nés dans la forêt de Monnaie ; les mesures avaient été prises pour Étire des retranchements dans les différents passages de la forêt d'Ârgone; toutes les places de la Lorraine se remettaient en état ; des retranchements avaient été construits aux cinq passages des Vosges; les forteresses de l'Alsace étaient en voie d'armement ; des ordres avaient été donnés pour la défense des passages du Jura et de toutes les frontières des Alpes.

sur le Rhin. Il est probable qu'il y serait arrivé, aussi faci- lement qu'à Paris. Dans des entreprises de ce genre, il faut tirer parti de l'étonnement, de la stupeur, et surtout ne pas laisser refroidir l'enthousiasme qu'inspirait à ses parti- sants, un succès qui tenait du prodige. Paris n'était pas pour lui sur les rives de la Seine, il était sûr le Rhin I...

Sans doute il avait besoin de réorganiser son armée et de se créer des moyens qui fussent en proportion avec toute l'étendue de sa tâche ; mais il pouvait le faire tout en s'avan- çant, et la conquête du Rhin facile alors, lui aurait donné un immense accroissement de ressources, dont il eût privé ses ennemis.

Mais Napoléon s'était inconsidérément laissé enlacer par les idéologues de constitutions, et se vit, pendant quelques semaines, pour ainsi dire à la merci de Benjamin Constant et de Lafayette, qui peut-être déjà servaient secrètement un autre maître en enchaînant Napoléon sur son trône, alors que son intérêt devait le placer à la tête de son armée.

475

En seconde et troisième lignes, c'étaient les mêmes ordres. Enfin, toutes ces dispositions de- vaient obtenir leur effet par le concours et par l'appui de huit armées actives, ou corps d'ob- servation , savoir : l'armée du Nord ; l'armée de la Moselle ; l'armée du Rhin ; le corps d'obser- vation du Jura , qui devait se réunir à Belfort; l'armée des Alpes, qui se réunissait à Chambéry; le corps d'observation du Var, à Antibes ; le corps d'observation des Pyrénées qui devait se rassem- bler à Perpignan et à Bordeaux, et enfin, l'armée de réserve qui s'était formée à Paris et à Laon.

Quatre cents bataillons de grenadiers et de chasseurs des gardes nationales actives, dont une partie était déjà rendue dans les places fortes, devaient, avec les cinq cents bataillons de ligne, former une force de plus de huit cent mille com- battants. Cent vingt régiments d'infanterie et soixante de cavalerie formaient les cadres de l'ar- mée active ; cent cinquante batteries de cam- pagne, étaient attelées et en marche pour les dif- férentes armées ; trois cents bouches à feu de- vaient être placées sur les hauteurs de Paris et sur les deux rives de la Seine et servies par douze compagnies d'artillerie de la marine ; deux com- pagnies de l'école d'Àlfort, quatre compagnies de l'école de Saint-Cyr, deux compagnies de l'école Polytechnique et enfin par six compagnies d'ar- tillerie à pied.

Par un décret du 15 mai, Napoléon avait cher-

400

si chaque corps aura des batteries de réserve, et si elles se trouvent comprises dans le compte des chevaux que vous m'avez foi t. »

o 22 Mai,

» Je suppose que vous avez envoyé à Bouchain un officier d'artillerie.

» Il faut donner Tordre d'exercer les gardes nationales qui forment les garnisons des places fortes aux manœuvres du canon.

» Envoyez un officier du génie et un officier d'artillerie à Dijon pour concerter ce qu'il y a à faire à cette place pour la mettre à l'abri d'un coup de main. Il ya-t-il un bon fossé, un parapet? J'ai idée qu'il y a une bonne enceinte ; il ne fau- drait que l'armer et défendre les portes. Si le parapet est démoli , on pourrait le rétablir sur- le-champ, en commençant par les bastions.

» Faites-moi connaître sont les compa- gnies de vétérans* U serait convenable de les placer dans des places de guerre.

« Napoléon. »

« 22 mai.

» Mon cousin,

» J'approuve que vous fessiez présent à la commune de Tournus de cent fusils et de deux pièces de canon, que vous ferez venir d'Àuxonne. Faites ramasser tous les fusils de chasse que vous pourrez avoir, et donnez-en aux habitants

401

de l'Alsace, de la Lorraine, du Jura, des Vosges et à ceux des bords de la Saône.

» On me mande de Longwy, en date du 18, qu'il manque mille fusils aux quatre bataillons des gardes nationales qui s'y trouvent. Faites- moi connaître si, au 1er juin, ils seront armés. Il y a dans cette place huit cents fusils à répa- rer; il faut en activer la réparation.

» Napoléon. »

22 mai.

Je vous ai mandé qu'il fallait mettre en état de défense le fort Saint-Nicolas et le fort Saint- Jean Marseille), ou au moins l'un de ces forts, s'il n'était pas possible de les mettre tous deux.

» Il est urgent de retirer du fort Saint-Nicolas les cent mille kilo de poudre , et les cinq cent mille cartouches qui s'y trouvent au-delà des besoins. Il faut les évacuer sur Toulon, et si Toulon en est suffisamment approvisionné, on les dirigera sur Lyon. Il est très important que des

MOYENS AUSSI CONSIDÉRABLES NE SOIENT PAS LAISSÉS

dans une ville d'un si MAUVAIS ESPRIT QUE MARSEILLE.

» Napoléon. »

« 23 mai.

Les bureaux de la guerre ont oublié tous les principes 9 en faisant expédier des ordonnances pour des crédits qui n'étaient pas compris dans

26

40Î

la distribution mensuelle; cela est contraire à l'usage de tous les temps! Désormais, n'or- donnez plus rien que jusqu'à concurrence du crédit du mois, sans quoi le service du trésor serait entravé. Quand j'accorde un crédit men- suel, je le base sur les ressources et sur la re- cette. Le ministre du trésor est convenu qu'il a ces moyens, et dès lors, il doit pourvoir aux dépenses qui y sont proportionnées.

» Napoléon. »

« 23 mai.

►> Mon cousin,

* Faites-moi connaître la situation de Mon- treuil ; on me mande, à la date du 14, que cette place n'est point armée ; qu'elle n'a point l'or- dre de l'être; qu'elle n'est point à l'abri d'un coup de main, et qu'il ne s'y trouve que douze cents kilos de poudre.

» On me mande, en date du 15, qu'il y a douze cents fusils à réparer à Dunkerque, mais qu'on ne travaille pas aux réparations.

> On me mande, à la date du 16, qu'il y a k Lille mille et soixante bouches à feu, cela est évidemment trop. Faites-moi connaître de quel calibre et de quelle matière sont ces bouches à feu. On pourrait en retirer une grande partie et les faire revenir sur les places de la Somme et sur Paris.

405

* On me mande que le 10 mai on n'avait pas formé de compagnies de canonniers à Landrecies. Ordonnez qu'on en forme de suite.

» On me mande de Maubeuge, le 13 mai ,* que la manufacture d'armes peut fabriquer par mois deux mille neuf cents fusils, et en réparer onze cents, total quatre mille , et qu'elle pour- rait porter ses produits au-delà, si les ouvriers étaient payés ; mais il paraît qu'ils ne le sont pas exactement. Faites-moi connaître quand il sera opportun de les faire évacuer , soit sur Paris, soit sur la Seine. Ne serait-il pas sage de commencer 9 dès ce moment, l'évacuation sur la Seine?... Quelle indemnité doit-on donner aux ouvriers pour le déplacement? Combien sont-ils? Enfin quel est le matériel?

» On demande à Gharlemont trente-trois piè- ces de canon pour compléter l'armement ; faites- les diriger de Lille. On pense qu'il serait con- venable d'employer le général Charbonnier comme commandant d'armes à Givet.

» Au 15 mai, le bataillon de la garde natio- nale de la Marne, qui est à Rocroi, n'avait que deux cents fusils; il faut lui en faire donner d'autres.

» On me mande que la fabrique d'armes de Charleville fait quatre mille neuf cents fusils par mois, et peut, en outre , en réparer deux mille ; mais que les ouvriers ne sont point payés du mois d'avril et du courant de mai : il paraît

404

que t entrepreneur a de très mauvaises affaires. » Il manque à Mézières douze bouches à feu. Il y a dans l'arsenal deux mille fusils en état, et neuf mille fusils étrangers, dont deux mille sont susceptibles de faciles réparations. Ce nom- bre de fusils est beaucoup trop fort ; il faut les employer aux besoins de l'armée, ou en retirer une partie.

* Le bataillon suisse qui est à Mézières manque d'habillement et d'équipement ; faites-moi con- naître d'où cela vient?

» Il existe, à Saint-Omer, cent deux pièces de 24 ; quatre-vingt-dix de 4; vingt mortiers de 12 pouces; quinze de 8 qui ne sont point néces- saires à l'approvisionnement. Faites refluer cela sur Paris?

» Le 8 mai, Àrdres n'était, point à l'abri d'un coup de main. Il n'y avait que deux mille kilos de poudre et point d'approvisionnement de bou- ches à feu.

» Il y a quatre cent trente-deux bouches à feu à Douai, ne pourrait-on pas en retirer quelques- unes? >

* Le travail des réparations de fusils va lentement ; il y en avait quatorze cents à répa- rer, combien en répare-t-on par jour?

i> Dans toutes les places du nord il manque des affûts. Il me semble qu'on pourrait en cons- truire. Remettez-moi u^ rapport sur cet objet. Je préfère qu'il soit construit une partie des af-

405

fûts dans les places. La construction se conti- nuerait au moins pendant leur blocus.

c Napoléon. »

« 26 mai.

» Général Évain,

» L'Empereur me dit que nous avons douze mille mousquetons ou carabines. Il ordonne, par un décret qu'il vient de signer, que j'en ôte deux mille trois cents aux dragons, que je donne- rai aux carabiniers et aux cuirassiers. Que sur les douze mille que nous avons en magasin, j'en envoie deux mille aux cuirassiers et carabiniers pour compléter leur armement à trois cents par régiment, sept mille pour les chasseurs et les hussards , afin que l'armement de ces régiments soit porté à neuf cents mousquetons par régiment, total neuf mille ; il en restera encore trois mille. S. M. appuie sur l'urgence de cette mesure.

» 11 ordonne également que l'on complète l'ar- mement des dragons, en leur laissant cent cara- bines par régiment. 11 ordonne de faire connaître ces dispositions aux colonels de Jtoralerie,. soit aux dépôts, soit à l'armée; de faireTaire les ver- sements d'un corps à l'autre, entre les plus voi- sins, et de donner des ordres pour qu'on s'occupe tout de suite des réparations à faire dans le har- nachement, pour qu'aussitôt que les fusils arrive- ront, on puisse les poçjer.

> Le Maréchal Prince d'Eckmuhl. *

406

« 26 mai.

v Àu 19 mai, il y avait dans la cinquième divi- sion, vingt-deux mille hommes des bataillons d'élite de gardes nationales ; sur ce nombre, qua- torze mille étaient armés, et huit mille sans armes. L'Empereur demande qu'on lui fesse connaître quand on peut compter qu'ils auront tous des armes.

» L'état des gardes nationales, indiquant l'ef- fectif de chaque garnison et présenté à l'Empe- reur le 22 mai , porte les forces de la cinquième division à dix-sept mille neuf cent quatre-vingt- seize hommes.

» L'état du directeur de Strasbourg, des? ex- péditions et des délivrances d'armes dans la cinquième division seulement, présente au 16 mai une consommation de dix-sept mille quatorze fusils.

» L'Empereur porte le nombre des gardes na- tionales à vingt-deux mille hommes, mais il existait encore à Strasbourg, après délivrance ci-dessus, six mille (Quatre cent quarante-deux fusils, non compris les fusils qui pourraient exis- ter avant toutes ces expéditions, dans la division de Neubrisach. On ne parle pas des armes ap- portées par les bataillons des gardes nationales.

» Le maréchal, prince d'Eckmuhl. »

407

« 26 mai.

» Des avis indirects annoncent toujours que des malveillants ont des projets contre Vincennes, et nos magasins à poudre; donnez des ordres pour que la vigilance la plus active soit observée.

» Donnez des ordres à Vincennes, et que le commandant de l'artillerie à Paris se concerte avec le général Hullin pour foire placer des postes aux abattoirs et à tous les endroits nous avons des munitions. Qu'on ait toujours les yeux ouverts , et que les malveillante ne puissent pas exécuter leurs desseins. Ecrivez dans toutes les divisions militaires pour attirer d'une manière particulière l'attention des direc- teurs d'artillerie et des généraux commandant sur nos magasins et nos poudrières.

» Le maréchal, prince d'Eckmuhl. »

« 26 mai.

» L'artillerie remettra, le 10 juin, le donjon de Vincennes à la police ; en cas d'approche de l'ennemi, rien n'empêcherait l'artillerie de re- prendre le donjon pour profiter de ce qui est à l'abri de la bombe.

» L'Empereur a été hier à Vincennes ; il y a vu cent vingt pièces de canon sans afiftts. Il de- mande que je lui fesse connaître d'où on pourrait faire venir des affûts, et on pourrait en faire des commandes. Sa Majesté n'a trouvé que quatre

K

408 pièces de 12 pour la défense de Paris , et dit

QUE C'EST BIEN PEU.

» Au lieu de trois cents pièces de canon , il n'en a trouvé que deux cents. Il lui a paru que la réserve des outils était petite; il faudrait faire venir de nos places fortes, s'il y en a, une vingtaine de mille d'outils à pionniers.

» S. M. a trouvé peu de munitions confection- nées; au lieu de cinq millions de cartouches, il n'y en a que deux millions.

» La place n'est armée que de neuf pièces de 24 ; il y a , il est vrai , vingt petits mortiers à la Cohorn, mais ce n'est pas suffi- sant. Il faut à Vincennes , pour battre toute la plaine, dix mortiers de douze pouces à la Go- mer. S'il y en avait eu, l'ennemi n'eût pas pu placer son parc d'artillerie dans la plaine de Charenton.

» L'Empereur désirerait aussi qu'on y destinât quelques obusiersà très grande portée..

Deux tours sont rasées et contiennent des pièces de 24, il faudrait raser les deux autres et les arranger. Dans l'état actuel, on ne peut pas y mettre d'artillerie. Quelques petites pièces de 4 longues qu'on a mises dans les casemates en bas ébranlent le bâtiment quand elles tirent. 11 serait nécessaire, cependant, d'avoir les quatre tours parfaitement armées. Il faut faire racheter un morceau de jardin qui a été vendu et qu'il est nécessaire de reprendre.

409

» Avec le donjon, il y a de la place à Vincennes pour cent mille fusils ; sans le donjon ; il n'y en a que pour soixante-dix mille. Il faudrait con- vertir en salles d'armes une partie des loge- ments. Il faudrait également établir de nouveaux ateliers dans l'église. Il pourrait y avoir deux trois rangs de fusils, il n'y en a qu'un,

* L'Empereur pense que, dans l'église, on pourrait mettre vingt mille fusils de plus. Il ordonne qu'on fasse travailler , pour avoir , dans cet endroit , de quoi placer vingt mille fusils. Il faut que tout Vincennes soit en atelier d'artil- lerie, et qu'on n'y laisse que les logements indis- pensables. Il ordonne de faire faire, par des offi- ciers du génie et de l'artillerie, des projets de . fortification et d'armemeht. Au lieu de vingt- quatre pièces de canon de 24 courtes , il en

FAUDRAIT DE LONGUES QUI VONT TOUJOURS PLUS LOIN.

» L'Empereur suppose qu'il faudrait vingt- quatre pièces de 24 à Vincennes, dix à douze mortiers ; cinq à six obusiers. Il me demande le projet d'un chemin couvert tout autour de la place, hormis du côté de la ville, ce ne serait pas possible ;-de sorte que cela donnera de l'em- placement pour contenir des troupes et même des dépôts d'artillerie.

» La tour du milieu , vis-à-vis la ville , a un grand commandement, mais elle est couverte par un toit qui doit être ôté en cas de guerre; il

410

faut établir une plate-forme voûtée pour recevoir des pièces de canon qui auraient un comman- dement jusqu'aux portes de Paris. L'action que Yincennes doit avoir sur la défense de Paris, rend tous ces changements nécessaires.

» Le maréchal , prince d'Eckmuhl. »

« 27 mai.

> L'Empereur pense qu'il est inutile que je fesse transporter des pièces de canon sur Vitry , Rheims, Châlons , Soissons, etc , puisqu'il y en a une grande quantité à Douai et à Lille, qui ne font rien.

» Ordonner sur-le-champ des mouvements d'artillerie à Lille et à Douai sur ces places.

» Ordonner également qu'on mette en cons- truction dans ces places quelques affiits de places. Il doit y avoir des ouvriers pour ces constructions, et comme elles pourront se faire pendant la x guerre, et même pendant le blocus, il est néces- saire qu'elles soient approvisionnées d'avance de tout ce qu'il fout pour faire des affûts.

> Le maréchal, prince d'Eckmuhl. »

a 27 mai, » Mon cousin,

» Il y a à Paris deux lieutenants-généraux, l'un, qui commande la garde nationale; l'autre, qui commande les tirailleurs. Le général Hullin

411

commandera la place. Il faudrait avoir un bon général pour commander la division à Paris, qui prendrait vos ordres pour tout ce qui est relatif à la défense de Meaux , de Melun , de Nogent, de Montereau, Château-Thierry, Sens, et en général de toutes les avenues de Paris, et qui puisse s'y porter selon les circons- tances , sans déranger en rien l'organisation de Paris.

» A Paris, la garde nationale est organisée; les bataillons de tirailleurs s'organisent; il faut maintenant organiser dans les deux sous-pré- fectures de la Seine une bonne défense , nommer les officiers, et savoir le nombre d'hommes que chaque village doit fournir. Défense du territoire qui couvre Paris. La défense de Meaux, de Me- lun, la tête de pont à établir à Trilport , la défense de Château -Thierry, de Montereau, d'Arcis- sur- Aube, doivent être sous votre commandement im- médiat et sous les ordres du lieutenant-général commandant la division.

» Chargez une commission d'officiers d'artil- lerie et du génie d'établir sur-le-champ la défense de ces différents points. Il faudra un commandant à Meaux et de l'artillerie. La sous-préfecture de Meaux fournira , sur la levée en masse , trois à quatre mille hommes pour y tenir garnison, quand l'alarme sera sonnée dans les environs.

» Le pont de Nogent est de la plus haute im- portance. La sous-préfecture y fournira trois mille

442

hommes de sa levée en masse. Celle de Moutereau en fournira autant pour la défense de son pont ; la même chose aura lieu pour Sens.

* La sous-préfecture d'Arcis-sur-Aube fournira également trois mille hommes de sa levée en masse pour la défense des redoutes qui seront con- struites sur ce point important. Il est donc néces- saire de faire former d'avance des compagnies d'artillerie de gardes nationales, etc., et d'envoyer le plus tôt possible un obusier et deux pièces dans chacun de ces endroits , pour que les canonnière puissent s'exercer aux manoeuvres.

» Je désire que les plans qui seront arrêtés pour la défense de Meaux, de Nogent, de Monte- reau, de Melun, d'Arcis-sur-Aube, etc., me soient remis.

» Napoléon. »

« 27 Mai.

» Le 1er bataillon du 2e régiment de la marine doit rester à Lyon ; il doit être attaché au service du parc. Les hommes doivent être employés sur- le-champ aux manœuvres d'artillerie , et à com- mencer à armer les forts et les différentes pièces de fortification. Ce bataillon pourra se compléter par des enrôlements volontaires , jusqu'à la con- currence de cent quarante hommes par compa- gnie , ou huit cent quarante hommes pour le ba- taillon.

413

» A-t-on pourvu à l'armement des gardes na- tionaux de la division Glausel?

* Par votre état de situation , je vois que la batterie de réserve du sixième corps n'est point encore partie pour Laon. Je désire la voir à la pa- rade de demain. Mais il parait que je ne pourrai voir demain que trois batteries de la vieille garde et deux de la jeune garde ; je demande qu'on me fasse connaître quand je pourrai voir les autres? J'avais cependant fait sentir au général Evain combien il était important que ces batteries fus- sent prêtes!

» Je veux que toutes les batteries de la garde puissent être en mouvement au plus tard pour le 2 ou le 3 juin, afin qu'elles soient en ligne le 10. Je demande que l'on me fasse un rapport dessus.

» Napoléon. »

« 27 Mai.

» Mon cousin ,

* Donnez ordre que lundi prochain, huit pièces d'artillerie , savoir : deux pièces de 12 , quatre pièces de 6 et deux obusiers soient transportés à Montmartre ; qu'une compagnie d'artillerie de la marine y soit casernée ; qu'un chef de bataillon soit nommé commandant de Montmartre ; qu'un capitaine et un lieutenant lui soient donnés pour adjudants ; qu'il soit choisi à Montmartre trois pe- tits magasins dans les lieux les plus à l'abri ; qu'il

414

y soit déposé des cartouches et deux cents coups à tirer par pièces. La compagnie et l'officier d'ar- tillerie travailleront à arranger les plates-formes, les nierions, les magasins, et à mettre tout leur service en état. Le général d'artillerie et le géné- ral Haxo choisiront l'emplacement des magasins. Il serait convenable qu'il y eût aussi dans ces ma- gasins des artifices, et tout ce qui est nécessaire pour éclairer, au besoin, les avenues la nuit.

» Donnez ordre que, lundi, les généraux du gé- nie et de l'artillerie divisent les ouvrages qui sont depuis la couronne de Belleville jusqu'à Gharen- ton, en trois parties ; qu'il soit choisi des maga- sins à portée , et qu'on y place trois batteries d'ar- tillerie, chacune de huit pièces , savoir : deux de 12, quatre de 6 et deux obusiers, avec seulement deux compagnies d'artillerie de marine , qui se- ront destinées à servir ces trois batteries. Nom- mez également trois officiers pour commander, chacun, le tiers de ces ouvrages. Les compagnies d'artillerie dirigeront les magasins et commence- ront à arranger les plates-formes pour mettre les pièces en batterie. Il est nécessaire que vous nom- miez un colonel ou un chef de bataillon , pour commander la place de Saint-Denis, et qu'une compagnie d'artillerie de marine s'y rende avec huit pièces de canon et y travaille à l'établis- sement des batteries. Le commandant prendra le commandement de la garde nationale, non-seu- lement de Saint-Denis , mais des villages voisins ,

415

de manière à réunir, en cas d'alarme, sans rien tirer de Paris, quinze cents à. deux mille hommes de la sous-préfecture de Saint-Denis.

» Donnez ordre qu'il soit formé, aux Invalides, deux compagnies de canonniers qui s'exerceront de manière que, le 10 juin, elles puissent aller caserner, l'une, à Montmartre avec huit autres pièces de canon, et, la seconde , s'établir dans la couronne du côté de Belle ville.

Je crois que trois grands chemins traversent le canal , depuis le bassin de l'Ourcq , jusqu'à son embouchure à Saint-Denis. On mettra, dès lundi 5 juin y des canons à chacune de ces routes et quatre pièces à l'embouchure du canal du côté de l'Ourcq. D'ici au 5 juin , il sera placé quatre pièces de canon à la redoute de la barrière du Trône, entre Yincennes et Paris.

* Ainsi ces dispositions feront un premier em- ploi :

» D'une batterie à Saint-Denis ;

» Idem le long du canal de Saint-Denis ;

» Idem à Montmartre;

* Trois dans les ouvrages de Belleville ^ » D'une dans les ouvrages de Montreuil ;

» Et d'une dans les ouvrages de la barrière du Trône.

» Total, huit batteries, ou soixante - quatre pièces.

* Je désire voir toutes ces pièces en position , que les ouvrages soient faits ou non, et avec leurs

446

magasins établis, mardi 6, pour en passer la re- vue,

» Voyez si on ne pourrait pas former aux In- valides quatre compagnies de canonniers qu'on exercerait sur-le-champ au canon. Je désire que ce mouvement commence lundi prochain, 29, et soit achevé ', comme je viens de le dire, au S juin, parce que je voudrais que cela se fît avant les hostilités , afin que l'opération se continuant en- suite jusqu'au lo juin, il n'en résulte aucune inquiétude ni commotion dans l'opinion.

* Faites-moi connaître quand les pièces de la marine du Havre arriveront.

» Donnez ordre au général Hullin , au général Durosnel, commandant la garde nationale; au gé- néral Darricau , commandant les tirailleurs , et aux généraux d'artillerie et du génie de se réunir et de dresser procès-verbal de l'armement qu'on doit établir sur chaque point; de régler ainsi l'em- placement de toute l'artillerie, et enfin d'arrêter la distribution des légions et des tirailleurs entre les postes qu'ils doivent défendre. Donnez ordre également que le lundi 5 juin, les pièces d'artil- lerie de 8 et de 4 soient réunies sur l'esplanade des Invalides, l'on établira le parc de ces pièces irrégulières. Je pense que la première opération de l'armement doit être de placer à chaque sail- lant des pièces de gros calibre , supérieur à celui de 12, et sur affûts marins ; ensuite de placer sur les flancs, des pièces de 6 de siège sur affûts ma-

417

rins ou autres; enfin, de disposer des batteries mobiles de campagne qu'on puisse porter le long de chaque ligne.

» Montmartre est à peu près à l'abri de toute attaque , de sorte que je pense qu'une batterie mobile de huit pièces y sera suffisante , avec une trentaine de pièces de siège. On n'y a besoin d'ar- tillerie que pour battre dans la plaine , et protéger des troupes qui se rallieraient sur la hauteur. Il n'en est pas de même des ouvrages de la Butte- Chaumont et de Ménilmontant : les ouvrages qui ont deux mille toises de développement sont fai- bles dans beaucoup de points. On ne pourra les bien défendre que par de lf artillerie. Il faut que tous les saillants et même les flancs soient armés de pièces de siège; qu'on ait, en outre, six batte- ries, ou quarante-huit pièces de canon mobiles qui puissent se porter sur les points qui seraient plus sérieusement attaqués.

» Saint-Denis doit avoir besoin au moins de vingt pièces de siège, et deux batteries mobiles. Indépendamment de l'artillerie de siège de la ma- rine , ou toute autre. On a besoin pour parcourir les lignes du canal au moins de quatre batteries.

» Indépendamment de l'armement de toutes les redoutes, depuis Charonne jusqu'à la Seine, qui seront armées avec de l'artillerie de siège, il faut aussi quatre batteries pour parcourir cette ligne. Cela fera donc l'emploi de dix-sept batteries mobiles ou environ cent trente-six pièces de canon,

27

4*8

Il faut, après cela, deux pièces de campagne à chaque barrière. Sur la rive gauche, il faudra aussi deux pièces de campagne à chaque barrière, mais on y mettra des pièces de 4 du parc des Invalides. Nous avons à Yincennes cent cinquante pièces de campagne sans affûts, il faut s'en procurer, en faire venir des ports et autres lieux il y en a ; ou en mettre en construction , sur-le-champ , à Paris.

» Napoléon. »

« 28 Mai.

» Mon cousin ,

» Il y a cent quatre bataillons destinés pour les places du Nord , qui formeraient un complet de cinquante-quatre mille hommes pour la garnison des places de première ligne. En général, ce nom- bre est trop considérable. Si tous les bataillons du Nord, du Pas-de-Calais et de la Seine-Inférieure rejoignaient, il y aurait trop de monde dans les places , surtout au Quesnoy, à Landrecies, Àves- ues et Maubeuge; mais la Seine -Inférieure ne fournira que sept bataillons, dont trois pour Dun- kerque, trois pour les places de la Somme , et un pour le Havre. On peut toujours porter le Nord pour quatorze bataillons; mais il n'en four ni râpas sept. Ce terck beaucoup si l'on en tire autant du Pas-de-Calais, Cela fera donc une diminution de vingt et un bataillons ou quinze mille hommes, ce qui joint à l'incomplet auquel il jaut s'attendre,

j

419

dans la plupart des autres bataillons, ne donnera plus que le nombre strictement nécessaire. Toute- fois, écrivez au général Frère, commandant la seizième division , de "parcourir ses places et d'a- gir d'après les principes suivants :

à Lille, au moins, 6,000 h.\

Il faut qu'il y ait au 5 juin

Il M

égale- ment à la

même époque

Condé.

Valenciennes

Landrecies*

Quesnoy. .

Avesnes.

Maubeuge.

Douai . . .

Bouchain. .

Dunkerque.

à Gra vélines.

Calais. . .

Saint-Omer

Aire. . . .

Béthune. .

Arras . .

Boulogne. .

Hesdin. . .

2,500

5,500

1,500

1,500

1,500

2,000

3,000

500

4,000

500

1,500

1,500

500

500

1,500

500

500

26,000 h.

7,000 ti.

» C'est donc au moins trente-trois mille hom* mes qu'il faut avoir au 5 juin dans ces différentes places, indépendamment de la garde nationale sédentaire. Si donc, par une raison quelconque, il y avait plus dans une place et moins dans une autre, le général Frère serait autorisé à feire les changements convenables pour qu'au 5 juin les

420

choses se trouvent au moins dans l'état que je viens d'indiquer.

» Vous chargerez le général commandant les places de la Somme de foire les dispositions con- venables pour avoir au 10 juin : » AAbbeville .... 1,500 h.\

Doulens ..... 500 /

Ham 800 S 4,500 h.

Soissons 1,000 \

La Fère 500

> Bien entendu que s'il peut y en avoir davan- tage, tant dans les places de première que dans celles de deuxième et de troisième lignes, cela vaudra vieux. Cependant comme je suis pressé de voir les places de première ligne , surtout Dunkerque, munies de leurs garnisons, vous or- donnerez , sur-le-champ, qu'outre les trois batail- lons de la Seine Inférieure , le bataillon de Seine- et-Marne qui est à Boulogne, celui d'Eure-et-Loire qui est à Soissons, et celui qui est à la Fère par- tent sans délai pour se rendre à Dunkerque, ce qui complétera sur-le-champ la garnison de cette place à dix bataillons, formant cinq à six mille hommes.

» Il faut qu'il y ait à Dunkerque des armes pour compléter l'armement de ces cinq mille hommes, de manière qu'au 5 juin, cette place puisse être investie. Pour augmenter les autres garnisons , dirigez le bataillon de Seine-et-Oise qui est à Ham sur Douai ; les deux bataillons des Ar-

421

«

tiennes qui sont à Maubeuge, sur Lille ; et enfin que le bureau d'artillerie prenne les mesures con- venables pour qu'au 5 juin toutes les places soient garnies de fusils nécessaires.

» Vous donnerez ordre que le 1er ou le 3 juin , le comte d'Erlon retire toutes les troupes qu'il a dans les places, afin que son corps soit tout-à- fait mobile. Vous remplacerez les bataillons que l'on retire de Soissons, de Ham et des autres places par des bataillons qui seront formés plus tard. Je suppose que chacun de ces bataillons a un chef de bataillon tiré de la ligne , et que , réunis par deux bataillons, ils ont un colonel ou un major pour commandant; enfin, qu'il y aàDunkerque, indépendamment du gouverneur, le nombre suf- fisant de généraux et d'officiers supérieurs pour commander une aussi forte garnison.

» Napoléon. >

« 29 Mai.

> Général Évain,

» L'Empereur me dit que je fais débarquer à Saint-Mâlo l'artillerie de la marine qui devait ve- nir par mer, et que le transport coûtera plus qu'elle ne vaut. Il me dit aussi qu'il avait ordonné que la marine devait faire tous les frais de ces transports , et qu'au lieu de cela , j'en ai chargé le ministère de la guerre .

4S2

» Je pria le général Êvain de me faire connaître de suite si j'ai donné ces ordres-là.

» Le maréchal prince d'EcKMUHL. »

« 29 Mai.

» Votre Majesté me mande qu'elle vient d'ap- prendre par une dépêche télégraphique que j'ai fait débarquer à Saint-Mâlo l'artillerie de la ma- rine qui devait venir par mer. Votre Majesté n'est pas exactement informée. Je n'ai pas donné do pareils ordres. Je la prie de vérifier les faite. Ce n'est que par une lettre du ministre de la ma- rine que j'ai reçue hier, que j'ai appris qu'il Éli- sait venir de l'artillerie de marine de ce côté.

> Votre Majesté ajoute que j'ai pour principes d'administration que l'argent n'est rien , et , au contraire, que, dans les circonstances nous nous trouvons , l'argent est tout. >

» Je dois dire à Votre Majesté que ma conduite dans tous les commandements qu'elle m'a confiés, doit lui prouver que je mettais une grande impor- tance à ménager les fonds de TÉtat. Je conçois que l'on éprouvera de grands embarras pour la solde, et que des dépenses bien urgentes seront retardées par la pénurie des fonds, d'autant plus que les contributions rentreront difficilement, et que , dans plusieurs départements* elles seront à peu près nulles.

» Le dernier paragraphe de votre lettre me dit

425

que Votre Majesté avait donné Tordre à la, marine de se charger de tous les frais de transport d'ar- tillerie ; qu'au lieu de cela , je m'en charge , et qu'aussi l'artillerie demande des millions pour son service. Je ne crois pas avoir mérité ce re- proche.

» Le maréchal prince d'EcKMUHL. >

* <r 29 Mai.

» .Général Êvain,

» L'Empereur me mande qu'il est convenu que l'artillerie de la marine vient par eau, qu'elle ne coûtera rien à la guerre , et dit que la marine est chargée de la conduire et d'organiser son parc aux Invalides. La confection des munitions et af- fûts sera également aux finis de la marine. L'Em- pereur a déjà écrit qu'il y avait à Douai et à Lille une grande quantité d'artillerie inutile; il ordonne que l'on tire de ces deux places tout ce qui est nécessaire pour armer Laon, Soissons, Vliry, Lan- grès, etc. Il ajoute qu'il y a une grande quantité d'artillerie à Toulouse ; qu'elle y est inutile , et il pense qu'il serait bon d'en diriger partie sur Lyon , et partie sur la Loire à Orléans et Am» boise ; par ce moyen , il se trouverait réuni autour de Paris toute espèce de moyens d'artillerie.

* L'Empereur me demande un rapport là- dessus.

» Le maréchal prince cTEckmuhl. »

42 4

« 29 Mai.

» Général Évaiu ,

* L'Empereur voit qu'il y a quinze mille fusils dans les neuvième, dixième, onzième et douzième divisions militaires , ce qui n'est pas suffisant pour armer soixante bataillons , puisqu'il en faudrait au moins trente mille. On n'a donc que la moitié de ce qu'il faut. // ne veut pas que l'on désarme la garde nationale sédentaire. Il pense que c'est une nouvelle considération pour ménager les fu- sils en ne les donnant point aux ouvriers de Paris et de Lyon à qui on ne pourrait plus les retirer.

» Le maréchal prince (VEckmuhl. »

a 29 Mal.

» Général Évain ,

* Les cinq batteries que l'Empereur a passées en revue hier, partiront demain 30 pour Compiè- gne. Sa Majesté a remarqué que plusieurs caissons n avaient pas leur petite boîte à graisse, ni tou- tes leurs pièces de rechange, comme le veut F.ordonnancei beaucoup n avaient pas leur pro- longe de rechange.

» Il ordonne que tout cela soit complété.

* Donnez des ordres pour que le 3 ou le 4 juin, l'Empereur puisse avoir les quatre autres batteries de la vieille garde.

» Le maréchal prince d'EcKMUHL. »

_ 425

a 30 Mai.

» Général Évain ,

» L'Empereur demande que je lui fasse con- naître si l'artillerie est arrivée à Lyon. Il ordonne qu'avant le 5 juin on mette en batterie huit pièces de canon à la tête du pont Morand ; quatre au pont de la Guillotière; quatre à l'extrémité de Perrache près du pont, ce qui fera deux batteries ; deux batteries ou seize pièces dans les redoutes entre la Saône et le Rhône, et deux batteries ou seize pièces sur la vieille enceinte, ce qui fera remploi de six batteries ou quarante-huit pièces ; qu'on choisisse des magasins à portée des batteries , enfin , qu'on nomme des officiers d artillerie et commandants pour tous ces forts.

» Recommandez qu'aussitôt que les pièces de siège seront arrivées on commence à en placer aux saillants.

» Le maréchal prince d'EcKMUHL. »

« 3 Juin*

» Général Évain ,

» L'Empereur a vu par l'étal de la marine qu'il y a déjà d'arrivées eent cinquante pièces de canon à Rouen, que soixante-dix sont parties le 29 de Rouen pour Paris ; parmi celles-là il y en a trente de 8. Ceci me porterait à penser qu'il ne faudrait avoir aucun caisson de 8, et employer les pièces de 8 quoique sur affûts de campagne, comme pièces de siège, el

«6

avoir les boulets et les gargousses en magasin , comme cela se Élisait pour les pièces de siège. Il faudrait employer de même les pièces de 4, de manière qu'on n'aurait de pièces roulantes dans Paris que du 6, du 12 et des obusiers. Les au- tres calibres employés dans une position fixe, au- raient leurs munitions dans les magasins, et dès lors, il ne pourrait y avoir de confusion.

» Il désire que des mesures soient prises pour que le jour même de l'arrivée de ces soixante- dix pièces, elles soient portées aux batteries qui seront établies. On les placera d'abord sur affûts de place et de côte aussitôt qu'on en aura. Il dé- sire que je lui remette avant le 6 l'état de l'arme- ment de Paris sur les deux rives, en distinguant l'artillerie de fer, l'artillerie de campagne , avec l'emplacement, et un état de la réserve ; il faudrait aussi commencer bientôt le tracé des ouvrages de de la rive gauche.

* Le maréchal prince d'EcKMUHL. »

« 3 Juin.

» Général Évain ,

> L'Empereur me dit : « Il n'y avait à Toul , au 19 mai, que vingt pièces de canon et cent cinquante coups à tirer par pièces. * Il pense qu'il faudrait y avoir trois cents coups par pièces et doubler le nombre des pièces.

» L'Empereur me dit : « Le 25 mai, les gardes

4*7

nationales du corps d'observation du Jura , n'é- taient pas eneore années* >

» L'Empereur veut avoir pour demain 4 , ou après-demain 5 , toutes les batteries qu'il a de- mandées de la jeune et de la vieille garde.

» Le maréchal prince d'EcKMim. >

« 5 Juin.

* Général Évain,

» On a rendu compte à l'Empereur qu'il y a à Dunkerc(ue f provenant des évacuations d'Anvers etd'Ostende, plusieurs millions de boulets; beau- coup de pièces d'artillerie, dont un bon nombre de mortiers en bronze , à grande portée , et une quan- tité énorme de poudre à canon. Si cela est, il n'y aurait pas un moment à perdre pour répandre la poudre partout on en a besoin , et pour faire filer toute l'artillerie inutile sur les derrières.

* Le maréchal prince d'EcKMUHL. »

« 5 Juin.

* Général Évain,

» L'intention de l'Empereur est que l'on fasse donner de suite à la garde nationale de Lyon deux mille fusils neufs et quatre mille à réparer. Sa Ma- jesté dit qu'il parait que la garde nationale de Lyon se propose d'en payer quatre mille qui se* vont distribués sur l'état que le sieur de Coreeltes, commandant de cette garde, m remettra.

448

Faites-moi aujourd'hui , 5 , M. le général , un rapport indiquant les mesures à prendre pour l'exécution des ordres de Sa Majesté.

» Le maréchal prince d'EcKMUHL. »

« 5 Juin.

* Général Êvain ,

* L'intention de l'Empereur est de nommer le général Dulauloy gouverneur à Lyon , de lui don- ner la haute main , et qu'il préside à tous les pré- paratifs de défense. Les généraux Évain et De- caux se réuniront pour les instructions à donner à ce général. Ils lui feront connaître l'état des travaux des fortifications et leur armement.

* L'intention de l'Empereur est qu'il y ait cent pièces en batterie et cinquante en réserve.

» Le général Dulauloy devra organiser et ar- mer la garde nationale , de manière à avoir dix mille hommes avec les faubourgs. Cette garde na- tionale ne devra être composée que de bons Fran- çais.

* On préviendra le général Dulauloy qu'on met sous ses ordres le général Puthod , chargé d'orga- niser les gardes nationales de cette division , et les maréchaux-de-camp qui y sont employés.

» Il doit se trouver dans la division militaire beaucoup d'officiers qui ne sont pas employés. M. le maréchal duc d'Àlbuféra reçoit l'ordre de les envoyer au général Dulauloy pour qu'il les em-

449

ploie à l'organisation des gardes nationales et pour leur commandement.

» Faire connaître à ce général les ordres don- nés pour les munitions et bouches à feu qui ont être dirigées sur Lyon. Il accélérera leur ar- rivée.

» Il feut avoir un dépôt de munitions suffisant pour soutenir un long siège.

* Le général Dulauloy devra diriger les travaux de Lyon, de manière à fortifier d'abord la tête du pont des Brotteaux , les barrières et pont de la guillotière, le pont de Perrache, les hauteurs entre Saône et Rhône, et les hauteurs de la rive droite de la Saône.

» Prolonger ensuite la défense en couvrant la Guillotière par des postes avancés , de manière que si Ton était forcé d'abandonner le faubourg, on soit couvert par le Rhône.

» Il feut que le général Dulauloy, aussitôt son arrivée , organise sa défense, de manière à ce que les gardes nationales et les autres troupes qu'il pourra employer connaissent le point elles de- vront se porter. On donnera à ce général l'état des différentes troupes qui devront être sous ses ordres.

» Le maréchal prince (TEckmuhl. »

« 6 Juin.

» L'Empereur ordonne les dispositions suivan- » tes : J'apprends qu'il y a à Lyon cinq mille fusils à

450

» réparer ; faites-les remettre à la garde nationale

* de Lyon. Ordonnez qu'on établisse auprès de » cette garde un atelier de réparations. On prendra » les frais sur le produit de la vente de ces fusils.

» // n'y avait, le 1er juin, à Lyon que cinquante » bouches à feu sur affûts. Ordonnez qu'on mette » en construction, dans cette ville des affûts de » côtes et de places.

» H n'y avait que dix mille kilogrammes de » poudre et trois cent mille cartouches; faites > augmenter cet approvisionnement*

» J'ai déjà autorisé qu'on travaillât à fortifier

* le faubourg de la Guillotière ; bien entendu que » la chute de ce faubourg n'influera en rien sur la t> défense de la place. Faites faire à Lyon de nou- » veaux fonds pour les travaux des fortifications, » afin qu'on ne manque pas d'argent.

» Napoléon. »

c Le général É vain fera de suite les dispositions nécessaires pour la prompte exécution des ordres de l'Empereur. Il communiquera au général De- eaux ce qui peut le concerner.

> Le maréchal prince d'EcKMUHL. »

« 6 Juin.

* L'Empereur me demande s'il peut compter qu'au 15 juin , la garde nationale de Lyon, qui doit offrir un corps de dix mille hommes, aura ses armes.

451

»

» L'intention de l'Empereur est qu'il soit pris des mesures pour qu'au 12 juin il y ait à Paris, en position aux différents ouvrages et aux différentes barrières, au moins deux cents canons.

» Il m'ordonne de lui faire connaître quand le premier convoi de pièces de la marine arrivera.

* Le maréchal prince d'EcKMUHL. »

» Général Évain ,

» En me renvoyant le rapport ci-joint , l'Em- pereur me dit que l'armement de Paris ne lui pa- raît pas bien détaillé. La ligne de défense ne doit pas s'appuyer à Clichy , mais à Saint-Denis. La li- gne de Saint-Denis a l'avantage d'être appuyée par la ville de Saint-Denis, qui , étant susceptible d'i- nondation , est un poste de la plus grande force. Ce poste qu'appuie la gauche, se lie aux hauteurs de Paris par un long canal , plein d'eau, ayant derrière un rempart, et en avant des flèches, tiien ne peut avoir ce degré de jorce entre Clichy et Montmartre,, Clichy ne peut être inondé. Le ca- nal qui existe sur Saint-Denis ne peut pps exister là, et enfin la ligne de Saint-Denis met en deuxième ligne tout Montmartre, les quatre moulins à vent, etc. L'Empereur renvoie donc cet état pour que le général d'artillerie rectifie son armement en conséquence, numérotte~toutes les flèches en avant du canal, et les arme toutes.

* Avant de travailler à la deuxième ligne , en-

452

tre Clichy et Montmartre, il faut que la rive gau- che soit fortifiée. Jamais armée ne s'engagera entre Montmartre et Saint-Denis , quand même le canal et les redoutes qui doivent le couvrir n'existeraient pas. Une seconde ligne sur Clichy sera cependant nécessaire ; mais elle est d'un or- dre inférieur, et avant il faut travailler à la rive gauche. Il faut, dans ces arrangements, placer à chaque barrière de Paris deux pièces de canon, ces pièces flanqueront les promenades autour des murailles, battront les principales avenues de Paris, et d'ailleurs seront à portée , pour aller en avant sur les positions qui appuient les ou- vrages avancés.

> Le maréchal prince (TEckmuhl. »

« 7 Juin.

* Monsieur le général ,

* Vintention de l'Empereur est qu'au dix juin les travaux de la rive droite de la Saône et sur les hauteurs de Lyon, soient tracés, et que le 25 il y ait déjà des pièces en batterie sur les hauteurs. H fout que toute l'artillerie de Lyon soit en bat- terie du 15 au 20, et que les batteries soient ap- provisionnées.

» L'Empereur me marque que les gardes na- tionales des sixième et dix-huitième divisions ne sont pas armées. Sa Majesté demande à connaître leur situation , sont leurs armes, quand elles

455

pourront définitivement être armées, et quel sera l'état de leur armement au 12 juin.

» L'intention de l'Empereur est qu'il Boit pris des mesures pour qu'au 15 juin il y ait des canons à tous les ponts de la Saône, et qu'on ait retran- ché et mis en état , et à l'abri de la cavalerie ennemie, les ponts de la Saône.

» Présentez-moi des lettres à signer pour l'exé- cution de ces mesures. Veuillez bien aussi com- muniquer au général Decaux ce qui peut le con- cerner dans ces mesures*

» L'Empereur demande un rapport sur la mise en état des forts Saint-Jean et Saint-Nicolas de Marseille: qu'elle est leur destination actuelle? Ce qu'il faudrait pour les mettre promptement à l'abri d'un mouvement populaire , et pour que lu garnison, ainsi que l'approvisionnement de poudres et d'armes qui se trouvaient dans ces forte fussent à l'abri de toute insulte.

» L'intention de l'Empereur est qu'il soit donné les ordres les plus précis pour qu'au 10 juin il y ait à Château-Thierry, à Langres, à Vitry, à Laon, à Soissons, au moins la moitié de l'artillerie qui est destinée à l'armement de ces places , sur les remparts, et que les batteries soient approvi- sionnées; que je m'assure que des mesures soient prises, pour qu'au plus tard le 20 juin, toute l'ar- tillerie destinée à ces places soit en batterie.

» On n'a pas encore commencé la défense de Meaux , Nogent-sur-Seine, Àrcis-sùr-Aube , Mon-

28

r

i

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tereau et Sens. Sa Majesté demande que je lui fesse connaître en sont les projets.

» L'intention de l'Empereur est qu'on envoie des officiers d'artillerie à Lille.

> Je vous invite à me proposer de suite des su- jets pour les envoyer à cette destination.

* Le maréchal prince (TEcrmjhl. »

« 8 Juin.

» L'Empereur ordonne, qu'à dater d'aujour- d'hui , on travaille aux quatre principaux points de la rive gauche de la Seine , car il est indispen- sable de mettre un peu d'équilibre; que je lui fesse connaître quand ces ouvrages seront tracés , par* ce qu'a/or* il les parcourra à cheval; que l'on réitère ses ordres, pour que, tous les jours, on mette en batterie à Paris, afin qu'il n'y ait point de secousses, et qu'insensiblement tous les ouvra- ges soient garnis. Il serait a souhaiter qu'avant le 15, il pût y avoir quarante pièces en batterie sur les ouvrages de k rive gauche , et, qu'à cet effet,, les ouvrages soient assez avancés pour cela. »

« 9 Juin.

» Il est bien important qu'au 13 juin pour tout délai , toutes les gardes nationales des places de première ligne du Nord, du Rhin, du Jura, soient parfaitement armées, surtout celles du Nord et de la Meuse. »

435

« 9 Juin»

» Sa Majesté désire avoir un compte détaillé des armes que nous ayons, et les lieux elles se trouvent. Elle trouve que les dernière états ne sont pas clairs et ne font pas connaître sont ces armes. L'Empereur désire aussi savoir sont les ateliers de réparations. Il n'y.en a plus à Àntibes, et cependant il y a à Àntibes des armes à réparer. Les armes sont aujourd'hui la grande question. Avant de donner des armes aux fédérés de Paris , Sa Majesté voudrait en donner dans les Vosges , en Alsace, dans le pays Messin , dans Je Jura , dans le Dauphiné, puisque elles seraient d'un si grand résultat! Sa Majesté attend pour donner les derniers ordres , l'état exact des ar- mes.

» L'Empereur pense que rien ne presse encore de donner des armes aux fédérés. Sa Majesté désire avoir l'état de situation de ces régiments. Peut-être pourrait-on donner par bataillon cent fusils qui seraient chez le chef de bataillon , et qui passeraient alternativement entre tes mains des différents soldats, et serviraient à les dégros- sir. Ce serait l'emploi de deux mille quatre cents fusils.

» Actuellement que les jédérés soni orga- nisés, il faut charger un colonel d'organiser deux ou trois bons bataillons pour la défense de Saint- Denis, qui seront pris dans toute la sous~préfec-

436

ture. Il faut aussi penser à organiser les gardes nationales à Meaux et s'occuper de tous les passa- ges de la Marne.

» Monsieur le général Évain est prié, de suite, de communiquer, comme ordre de l'Empereur très urgent, les articles qui les concernent, à M. le général Decaux et M. d'Argenvillers, et faire la lettre au général Darricau pour qu'il m'envoie demain la situation que demande Sa Majesté, des fédérés au 9 juin.

P. S. » L'Empereur demande à connaître si au 15 juin, il se trouvera encore des convois de poudre, armes, canons, etc., à portée des fron- tières du Nord, et qui soient exposés à être en- levés par des partis ennemis.

* Par ordre de l'Empereur.

* Le maréchal prince d'EcKMim. »

il Juin.

» L'Empereur désire. avoir l'état des fusils et l'endroit ils sont; il ordonne d'envoyer six mille à Soissons , qui seront à sa disposition ; trois mille à Guise, et trois mille à Avesnes. Il faudrait qu'ils y fussent rendus promptement pour pouvoir armer les paysans , soit belges , soit lié- geois, si nous avons des succès.

» Sa Majesté me marque que son intention est qu'il ne soit pas donné, pour le moment , plus de trois mille fusils aux fédérés qui sont au nombre de quatorze mille hommes, ce qui fait que le

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quart est armé. Il n en faut pas donner davan- tage, parce que nous aurons toujours le temps de les armer avec lesjusils qui se font tous les jours d Paris, et que nous avons besoin de fusils pour les trois cent mille hommes qu9on va lever.

» Sa Majesté demande qu'on lui donne l'assu- rance que vers le 15 de ce mois, toutes les gardes nationales de l'Alsace, de la Franche-Comté et du Dauphiné seront armées.

» Cent cinquante-huit canons de la marine sont arrivés à Paris : l'Empereur désire qu'ils se trou- vent en batterie, vers le 20. D'ici au 20, il en arrivera quatre-vingts. S. M. attache une grande importances ce que ces deux cent quarante piè- ces de canon se trouvent en batterie, à peu près à cette époque, pour qu'elle soit sans sollicitude pour l'état de défense de Paris.

> L'Empereur recommande que l'on ne mette pas ensemble des pièces de 8 et de 6 en fer ; comme on a mis de préférence les pièces de 8 sur la rive gauche, il faut aussi mettre les pièces en fer.

» Le général Évain fera tout ce qui est conve- nable pour assurer la prompte exécution de cet ordre de l'Empereur, et en donnera communica- tion au général Decaux, qui y concourra en ce qui concerne le génie.

* Par ordre de l'Empereur,

. . * *

* Le maréchal prince d'EcKMUHL. »

.438

« 12 juin.

3 II doit exister des reconnaissances de la Marne, depuis sa source jusqu'à son embouchure; je dé- sire que le comité de défense en fesse la recherche, et me présente un rapport à cet égard.

» Ce rapport devra faire connaître tous les ponts, ceux susceptibles de défense , ceux qui devront être détruits à l'approche de l'ennemi , ef les di£ férents points qui ont été retranchés sur cette ri- vière, les gués qui existent, etc.

> Le général Decaux joindra à la reconnaissance que je lui demande, la situation de l'armement et approvisionnement des différents ponts et têtes de ponts; il s'entendra avec le général Évain.

* Jjton est beaucoup plus susceptible défaire une bonne place que Soissons. Avec cent cin* quante mille francs, on ferait à Laonce qu'on ne ferait pas avec un million à Soissons ; mais t'avantage de Soissons est de se trouver sur l'Àis* ne. Le génie a demandé quarante pièces pour ar- mer Laon, il faut activer l'arrivée de ces pièces.

» Napoléon. *

c Indépendamment des sept bataillons qu'a fioumisle département de l'Aisne , ce département a , prêts à entrer dans Laon, deux mille fusiliers , et à entrer dans Saint-Quentin , deux mille fusi- liers. // est hors de doute que, dans ce départe* ment y çn trouverait autant d'hommes qu'il y au- rait d'armes.

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* L'Empereur réitère la demande de douze mille fusils qu'on répartirait entre Avesne, Guise, Soissons et La on. S. M. demande quand ils y se- ront rendus; elle ordonne qu'on établisse dans ces quatre places , une salle d'armes.

» Les gardes nationales du Nord continuent à arriver ; le maréchal Soult, qui en fait la revue , mande à l'Empereur qu'il leur manque dix mille fusils ; il faut faire les dispositions pour en avoir le plus tôt, car des gardes nationales sans fusils ne servent à rien. *

Voici enfin te dernier ordre qui ait été donné par l'Empereur au moment même il franchis- sait la frontière :

« Je recommande qu'il y ait dix mille fusils à Lyon, pour armer la garde nationale , et que les pièces soient en batterie. J'ordonne que l'on fasse mettre les trois cents pièces de la marine en batte- rie à Paris; qu'elles y soient ayant le 25 de ce mois ; défaire instruire les compagnies de ca- nonniers des lycées; les faire aller au polygone à Vincennes, le Jeudi .

« 15 juin.

» Je dirige la manufacture de Maubeuge sur Pa- ris ; mais si vous la croyez mieux à Soissons, vous pouvez l'y retenir.

» Napoléon. >

CHAPITRE XX.

SOMMAIRE Réflexion». sur le retour de Me d'Elbe, et réfutation

des reproches que l'on pourrait m' adresser pour m'en être fait l'his- torien, et le panégyriste de napoléon en lutte avec la mauvaise for- tune. — Organisation définitive de la vieiUe garde impériale; son ordre de marche et de bataille ; portrait physique et moral du !•» ré- giment de grenadiers a pied . Napoléon croit utile de faire du pa- triotisme en plein air avec la garde nationale et les ouvriers de Paris ; banquet champêtre sur les terlres du Champ-de Mars, offert par la vieille garde aux douze légions de Paris. —Les fortifications de Paris : hommes, femmes et enfants y travaillent avec ardeur; ce patriotisme durera-t-il ? Les Parisiens sont -ils déterminés à renou- veler la défense de l'immortelle Sagonte? Ruse de Napoléon pour surprendre Bhlcher et Wellington ; elle eot réussi sans l'incurie de rétaUnajor-généraL Napoléon a-t-il eu tort de s'arrêter à Paris le 20 mars, au lieu de continuer sa marche triomphale jusqu'à Bruxelles et M ayence ? Ouverture du Champ-de -Mai. Distribution des drapeaux à l'armée; attitude des grands dignitaires pendant cette solennité; réflexions des vieux grenadiers à leur passage. Cri de de guerre ; appel aux armes ! Comment y répond la France. Napo- léon mis hors la loi des souverains; mesures qui doivent appuyer ce traité conclu à Vienne. Le temps presse, Napoléon prend son parti. Tableau général du personnel supérieur et situations des divers corps de l'armée du Nord* L'armée se concentre sur l'ex- trême frontière.— Ruse pour en dérober les mouvements à l'ennemi. Départ de la vieille garde : le I « régiment de grenadiers et le 1er régi- ment de chasseurs à pied, seuls, restent à Paris pour servir d'escorté à Napoléon le jour de l'ouverture des Chambres. -—Réflexions sur cette cérémonie. Départ, le 8 juin, de ces deux régiments pour l'armée. Départ de Napoléon. Son arrivée à taon ; sa sur- prise d'y trouver encore le maréchal Grouchy ; cause de ce retard ; triste et fâcheux augure. Attitude et marche de l'armée vers la frontière/— Réunion générale de la garde à Beaumont. Les ar-

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filées sont eu présence. Ordr« de marche; que ne fût-il ponctuel- lement exécuté!! !...

Bien des gens, nous nous y attendons, nous blâmeront, nous en voudront même, d'avoir élevé à Napoléon un pareil piédestal, car per- sonne encore n'avait présenté cet être surhumain, sous un semblable aspect , et surtout aux masses dont il est et sera longtemps le rêve et l'idole -, sous un aspect qui peut-être ajoutera quelque chose de plus à son immense popularité :

L'Empereur en lutte avec la mauvaise for~ tune!!!....

Jusqu'à ce jour , l'historien , comme le poète , n'avaient vu et chanté dans Napoléon, que l'homme aux cent victoires ; le jeune vainqueur de l'Italie ; le conquérant de l'Allemagne ; l'ar- bitre souverain des destinées de l'Europe ! . . . .

Nous, au contraire, qui, par nature, aimons peu l'éclat des grandeurs de ce monde , encore moins l'atmosphère empestée qui les enveloppe , nous ne nous attachons qu'aux puissances dé- chues, parce que seulement, l'homme vérita- blement grand , reste grand ; l'adversité est pour lui , ce qu'est le feu pour l'or ; c'est aussi son épreuve '

Ce n'est point alors que la capricieuse for- tune emporte son favori vers les plus hautes régions , qu'il est possible de le distinguer et de l'apprécier ; mais bien alors qu'elle l'abandonne,

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et qu'il retombe sur cette terre d'analyse pour les hommes comme pour les réputations.

On s'étonnera de nous voir préférer les plus mauvais jours [de Napoléon ; ceux le soldat , presque seul , lui resta fidèle , pour le présenter au monde comme le phénomène de la capacitér le génie de r intelligence humaine, « On ne nous pardonnera pas d'avoir ainsi éclipsé toutes ces constellations secondaires , si bouffie» d'orgueil et de prétention , qui n'eurent cepen- dant quelqu éclat, aux yeux des peuples, que par le reflet de ce brillant météore ; car, une fois dis- paru dans l'espace,' qu'a-t-il laissé après lui ?....* On ne nous pardonnera pas d'avoir choisi, dans l'existence de Napoléon, pour le déifier, en quelque sorte, l'époque il causa le plus de malheurs à son pays ; on nous reprochera , en termes très amers peut-être, d'avoir cherché à rendre intéressant le fatal retour de l'île d'Elbe.

On nous dira : c Oui, sans doute, Napoléon » avait mérité l'admiration du monde ! mais, à » Fontainebleau, l'Empereur avait doux grands » partis à prendre : l'un de se défendre jusqu'à la » dernière extrémité, jusqu'à la mort même, pour »ne pas abandonner volontairement la France et » son armée : l'autre de sacrifier sa personne et sa » dynastie, par une abdication franche et loyale, » dans le but de ne pas prolonger les horreurs » d'une guerre à outrance. Chacune de ces réso- * lutions était grandiose et lui méritait à jamais,

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» dans l'histoire, le titre de Grand Homme ! ... » < Mais, nous dira-t-on sans doute encore, avoir » trompé la France et ses serviteurs les plus dé- » voués, par une abdication feinte ; leur avoir i rendu leur parole, avec l'intention de venir la » reprendre, et de profiter de son ascendant sur 9 eux pour les rendre parjures, certes, c'est

* un acte que l'histoire ne peut louer et ne doit » point admirer ! »

À d'aussi graves paroles , nous répondrons , nous , soldat de la vieille garde impériale , nous répondrons : « Si Napoléon n'a point terminé sa » glorieuse carrière au champ d'honneur , et si > notre drapeau ne lui a pas servi de linceul i sous les murs de Paris, ce n'est certes, ni sa » faute, ni la nôtre! mais bien parce que tout, oui »tout, autour de lui, ses soldats exceptés. » n'étaient guère plus que des traîtres, ou des » hommes rassasiés de gloire !

» N'étions-nous pas en marche pour ce funèbre » et sublime dénoûihent, lorsque la trahison » d'Essonne vint nous enlever les six mille braves

* qui devaient former notre tête de colonne?... »

Si, plus tard, Napoléon put se croire autorisé à déchirer le paete de Fontainebleau , à qui la faute encore?... A des traîtres, qui, sous les yeux même du Roi, travaillaient à lui enlever son armée, mais pour la livrer à tout autre que Napoléon !

Pourquoi Louis XVIII ne coupa-t-il pas court

A 'M 'M

à cette conjuration, dont il eut entre les mains

tous les flk? Pourquoi cette faiblesse?

L'histoire la jugera ! . . .

Trois mois , six mois de plus , et l'armée échappait au Roi ; Napoléon le sut et prit les de- vants. Qu'il ait eu tort , qu'il ait eu raison , nous n'avons point à trancher ici cette question i Que son retour ait été une calamité pour la France?... Oui , sans doute , et mieux eût valu mille fois*, et pour lui, et pour nous tous, soldats de la Grande Armée, qu'il nous eût laissés, tout entiers, à nos souvenirs, comme à nos devoirs ! Et si, dans cette histoire militaire des Cent-Jours , nous avons fait valoir des circonstances atténuantes en faveur de l'armée, nous avons aussi exprimé hautement le blâme sur les chefs qui nous entraînèrent vers I'Hommk qui possédait encore toutes nos sympa- thies personnelles, car l'on n'a pas oublié ce que nous avons qualifié de mariage de raison ; nous les avons blâmés, ces généraux et ces chefs de corps, qui, eux, avaient prêté serment entre les mains du Roi de France, en avaient reçu des bienfaits, et ne devaient point les reconnaître par la félonie : ils furent et sont donc aussi cou- pables, aux yeux de l'inexorable histoire, que les traîtres d'Essonne et de Rambouillet!

Mais n'ayant point eu pour but d'envisager la trop mémorable époque des Cent-Jours, sous le point de vue purement politique , nous n'in*

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sisterons pas davantage sur cette digression, échappée à notre plume.

Nous avons voulu, en écrivant ce livre, appor- ter aussi notre modeste tribut personnel au mo- nument que Ton élève, en ce moment, à la glorieuse mémoire de Napoléon ; que Ton per- mette donc à nous , pauvre soldat de sa vieille garde, naufragé de Waterloo, comme lui, que l'on nous permette de déposer sur son cercueil, cet hommage de notre admiration pour le plus grand homme de guerre qu'ait encore connu le monde !

Cette histoire, c'est Napoléon, lui-même, qui nous Ta, en partie dictée; c'est donc une pierre qui de droit, appartient à son mausolée, et qui l'immortalisera autant et plus peut-être que ces marbres et ce bronze, que nos plus habiles ar- tistes travaillent à son intention; car, rien encore, que nous sachions du moins, a'a fait aussi bien connaître tout ce qu'il y avait de capacité, d'ordre, de méthode, de volonté, de génie enfin, dans cette tête si digne de commander au peuple le plus intelligent, le plus chevaleresquement brave de l'univers ! Non, rien n'a pu donner de Napo- léon l'opinion qu'on en conservera après avoir lu et médité les cent et quelques lettres que nous venons de dévoiler à la France !... Quelle supério- rité sur tout ce qui l'entoure ! quelle aptitude qui s'étend à tout ! jusqu'aux moindres détails, rien ne lui échappe, rien ne se confond dans cette

r

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mémoire sans exemple! il sait tout, apprend tout, même avant son ministre! il a des cor- respondants particuliers sur tous les points, dans la première place de guerre, comme dans le plus petit fortin ; il reçoit tout et lit tout; et c'est lui, et lui toujours, qui, le premier, informe son ministre de la guerre, que telle chose manque ici ; que là, il y a excédent; que plus loin, les travaux ordonnés ne marchent pas ; que plus loin encore, on n'a pas compris ses instructions; qu'ici, l'on gaspille les deniers de l'État ; que là, cm emploie des incapacités ou des traîtres, etc.

Quels sujets de profondes méditations pour tous, pour les Princes, comme pour les ministres; pour les généraux comme pour les soldats ; oui ! que d'utiles leçons pour tout le monde à puiser dans ce prodigieux travail de Napoléon pendant ces quatre-vingt-cinq jours (du 20 mars au 15 juin, date de sa dernière lettre) Malheureusement, à cet immense travail , il manqua six mois pour que la France pût recueillir les fruits de tant de conceptions habiles, de tant de sollicitude souve- raine pour sa gloire et pour sa grandeur !...

La majeure partie de ces ordres admirables, restèrent à l'état de projet ou de demi-exécution, et dans un moment chaque ftisil neuf ou réparé, trouvait aussitôt un combattant, on ne put même pas, malgré les efforts si judicieux et si méritoires du lieutenant-général baron Ëvain, parvenir à armer cent mille gardes nationaux ou habitants

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des départements frontières, qui en réclamaient à cor et à cri. L'armée même m franchit la frontière qu'avec un simple approvisionnement de muni- tions de guerre, et faillit en manquer complète- ment à Waterloo.

Nous ne craignons donc pas d'être démenti par qui aura lu et médité nos souvenirs sur les der- niers jours de la Grande Armée, lorsque nous en concilierons que jamais Napoléon ne fut plus homme de guerre que dans la campagne de 1814, qui dura aussi cent jours, et plus homme de génie que dans les Cent' Jours de 1815.

Mais Dieu avait fixé à Napoléon sa part et de gloire et de souveraine puissance ; rien ne pouvait aller contre cet arrêt, tandis que tout, oui, tout , jusqu'aux éléments, devait désormais concourir à l'accomplissement de cette volonté suprême!...

Maintenant, soldats, rentrons au camp, et voyons ce qui s'y est passé ; quels résultats y ont produit ces ordres si précis que nous venons de consigner dans ces annales !

L'infanterie de la vieille garde fut organisée pour la campagne, en deux divisions de trois ré- giments chacune, et d'une réserve, composée du 1er régiment de grenadiers et du 1er régiment de chasseurs.

Chacun de ces deux régiments servait de réserve à la division de son arme. Ainsi, les chasseurs for- mèrent une division, et les grenadiers, l'autre.

Le lieutenant-général comte Michel avait le

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commandement de la division de chasseurs, et le lieutenant-général comte Roguet, celui de la divi- sion de grenadiers.

Le lieutenant-général comte Friant, comman- dait en chef, toute l'infanterie de la vieille garde, et eut, sous ses ordres, le lieutenant-général comte Morand, colonel en premier des chasseurs»

Le commandement du général Friant s'étendait aussi sur la jeune garde, bien qu'elle eût pour chef immédiat , le lieutenant-général , comte Duhesme.

Aux deux divisions d'infanterie de la vieille garde, furent adjointes une compagnie de sapeurs, et une compagnie de marins (vieille garde).

Ces deux compagnies, marchaient ordinaire* ment en tête des deux divisions, et devaient se porter le service exigerait leur présence, mais elles étaient plus particulièrement attachées à la division de grenadiers.

Il était d'usage, dans la vieille garde, de mar- cher la gauche en tçte (a) ; ainsi les chasseurs

(a) Pour nos lecteurs militaires, cette expression de mar- cher ta gauche en tête, n'a pas besoin d'explication, mais pour les autres, nous croyons utile d'entrer dans quelques détails.

Pendant toute cette courte campagne, en route, comme sur le champ de bataille, ces deux divisions marchèrent et combattirent toujours dans Tordre ci-après :

Lorsque les deux divisions ne formèrent qu'une seule co- lonne de marche, en tête se trouvait le A* régiment de chas- seurs ; venaient en suite, et dans Tordre indiqué par nous,

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précédaient les grenadiers et les derniers régi- ments 'avant les premiers dans l'ordre suivant : les 4e, 3e, 2e et 1er de chasseurs ; les 4e, 5e, 2e et 1er de grenadiers; mais pour le combat, les deux armes se réunissaient ; c'est à dire que, s'il devenait nécessaire d'engager deux ou plusieurs régiments, c'étaient toujours les quatrièmes régi- ments de chaque arme qui marchaient les pre- miers ; les premiers régiments de chasseurs et de grenadiers ne donnaient jamais que les derniers.

Une batterie d'artillerie de la garde était atta- chée à chaque division.

L'Empereur, sentant le moment de la crise gé- nérale approcher, stimula l'ardeur martiale de la population ouvrière de Paris, en organisant la fédération de ses faubourgs, en ordonnant l'ouver- ture des travaux défensifs de la capitale.

Il nous fit aussi échanger des politesses en plein air avec la garde nationale. Les tertres du Ghamp-de-Mars , servirent au dîner champêtre, que nous offrîmes aux députa tions des douze lé- gions parisiennes.

L'on y trinqua à la gloire nationale, et à

les 3e et 2* régiments de chasseurs ; les 4% 3* et 2* régiments de grenadiers, et enfin la réserve dans Tordre suivant : les marins et les sapeurs de la vieille garde ; le 1" régiment de chasseurs, et cette formidable colonne de seize bataillons de vieux soldats était terminée par le 1er régiment de gre- nadiers à pied.

C'est également dans cet ordre, que nous fûmes tous en- gagés dans les sanglantes journées de Ligny et de Waterloo.

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l'auguste Empereur , car Napoléon brillait de trop de gloire, et la résumait trop bien dans sa personne» pour ne pas. faire oublier les torts qu'il pouvait avoir eus, ou les craintes qu'il pou- vait inspirer pour la liberté (a) . D'ailleurs , son retour, comme la chute des Bourbons, était un fait accompli ; sa présence attirait des me- naces à la France et le premier sentiment corn* mandait d'y répondre. La France alors n'était pas encore déchue ; elle avait été battue, il est vrai , mais elle revoyait à sa tête celui qui l'avait rendue si grande, si forte et si respectée !!!...

Une victoire donc pouvait rendre à Napoléon plus que sa force et son autorité première.

Plusieurs revues des fédérés avaient été passées par l'Empereur dans la cour des Tuileries, mais toujours sans armes.

Les fortifications de Montmartre et des hau- teurs de Chaumont et de Ménihnontant, étaient poussées avec la plus grande activité. Un ha teillon de vieille garde, à tour de rôle, était

(a) M. de Chateaubriand a dit que le Grand Homme avait su nationaliser le despotisme, et il est vrai qu'il l'avait en- touré de tant de lauriers et de tant de créations sublimes, d'une administration si parfaitement organisée, que le de»* potisme marchait presque inaperçu, ou du moins on s'y accoutumait*

Sans ses revers de Waterloo, et s'il fût mort sur le trône, il ne manquait rien à la grandeur de Napoléon,, et sa dynastie restait plus forte que les plus anciennes dynastie de l'Eu- rope.

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appelé, chaque jour, à y payer son tribut comme terrassier ; là, nous nous trouvions, en quelque sorte, pêle-mêle avec la population mâle et femelle des faubourgs, car des femmes même Élisaient trêve aux soins du ménage ou de leur commerce, pour nous aider dans nos travaux militaires.

Mais laissons la population parisienne à ses dé- monstrations patriotiques dont elle aura bienflftt assez; nous, soldats, marchons à la frontière menacée , car c'est encore nous , seuls défenseurs de la patrie, qui courons la venger du premier mot insolent lancé contre elle par l'étranger ; e'est encore nous, et nous toujours, soldats ! qui, malgré ses dédains, et son ingratitude lorsque nous lui avons rendu le calme, la liberté et la prospérité; c'est encore nous, qui nous sacri- fions pour elle, sans calcul comme sans res- trictions !.... Mais il viendra un temps peut-être, le titre de soldai sera un titre honorable et envié t tel qu'il le fat jadis, au lieu d'être* comme dans ce siècle égoïste et tout matériel, considéré comme le dernier de tous. Patience donc! Le règne de la boutique et de la chicane ne sera pas toujours de mode dans notre glorieux, mais trop inconstant pays de France ! Notre étoile brillera de nouveau : Patience donc et bon courage, soldats (a) !...

(a) Nous n'entendons nullement placer l'armée au-dessus

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Une pose ici, soldats, voici le portrait de ce grenadier de la vieille garde, dont j'aurai bientôt à rappeler le trépas héroïque :

Si le type du courage est et sera toujours le soldat français, le type du grenadier de la garde a disparu pour toujours, de la scène militaire. Il n'existe plus que sur les toiles d'Horace Vernet, qui a su lui conserver son noble caractère, sans en faire, comme tant d'autres artistes, dis* tingués cependant, une sorte de charge frisant la caricature.

Qu'il nous soit permis d'en foire ici le portrait au moral comme au physique, à nous qui avons eu l'insigne honneur de combattre dans les rangs de ces immortels guerriers.

des citoyens, car nous n'ignorons pas que le soldat com- mence et finit toujours par être citoyen, et que, sous le baudrier ou sous l'épaulette, il ne peut, ni ne doit rester étranger au pays. Le soldat n'est point une exception dans l'État. Ge que l'on appelle l'esprit militaire, n'a rien d'étran- ger à l'esprit du citoyen ; toute autre opinion serait une grave et dangereuse erreur ; mais nous entendons que le soldat qui 'consacre à la défense du pays, les plus belles années de sa jeunesse ; qui se trouve distrait de la profes- sion qu'il avait embrassée, ou à laquelle il se destinait ; qui voit les éléments de son bien-être particulier suspendus ; qui est obligé de se séparer de sa famille ; empêché provi- soirement de s'en créer une ; qui sacrifie, à son pays, son bien-être, et est prêt à verser son sang, à donner sa vie pour l'indépendance et le salut de tous, devrait trouver quelque compensatioa à tant de sacrifices ; il ne devrait jamais sur- tout être exposé à accuser son pays d'ingratitude !...

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Nous allons peindre, d'après nature, le 1er ré* giment de grenadiers tout entier.

La taille moyenne des grenadiers du régiment était de cinq pieds six pouees ; très peu dépas- saient cinq pieds huit, mais aussi, on eji comptait à peine cinq ou six par compagnie qui eussent moins de cinq pieds quatre pouces.

L'âge moyen du grenadier était de trente-cinq ans ; un petit nombre avait moins de trente ans, tandis que plusieurs centaines de grenadiers et les trois quarts des sous-officiers avaient dépassé quarante ans.

La. moyenne des services était de quinze ans et autant de campagnes ; beaucoup de sous-officiers et deux ou trois cents grenadiers avaient de vingt à vingt-cinq campagnes ; aussi, le régiment, comp- tait-il dans ses rangs, en partant pour Waterloo, environ mille décorations et quarante ou cin- quante dotations sur un effectif de treize cents et quelques hommes. La compagnie à laquelle nous avions l'honneur d'appartenir, avait pour sa part, cent trente-trois chevaliers, sur les cent soixante sous-officiers ou grenadiers qui la composaient.

Un cinquième des grenadiers avait été sous- officiers dans la ligne (a); de là, tous les caporaux

(a) Nous avions, nous-même, un brevet de sous-lieutenant lorsque nous y fûmes admis, en 1814» en qualité de sous- officier, et nous n'hésitâmes pas a lui préférer le noble galon

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et sous-oflBciers titulaires du 1er régiment de gre- nadiers, qui voulaient échanger leurs galons contre une épaulette , n'avaient qu'à en témoigner le désir, et huit jours après , ils recevaient, pour la ligne, ou pour la jeune garde, le caporal, un brevet de sous-lieutenant, le sergent, celui de lieutenant , et le sergent-major, très souvent fut nommé capitaine (6).

Longtemps éprouvé par les marches , les fati- gues , les privations , les bivouacs , par le soleil , comme par les frimats , le grenadier de la Garde était sec et maigre ; l'obésité était inconnue dans nos rangs. Tout, chez ces hommes de fer, était à l'épreuve : le cœur, le corps et les jarrets ; aussi , eùUm fait le tour du monde avec de pareils hou- raesi...

La figure du grenadier était martiale et son atti- tude imposante; son teint, peu ou point coloré, mais hàlé; ses joues, creuses ; son nez, prédomi- nant et généralement aquilin; son front demi- chauve par l'effet de sa plaque de grenadier ou ra-

du sergent de la vieille garde. Un ambitieux n'en eût pas sans doute fait autant

En 1813, l'Empereur ordonna de prendre dans l'infanterie de sa vieille garde deux ou trois cents sous-officiers et capo- raux pour en faire des lieutenants et des sous-lieutenants dans la jeune garde, et ce fut tellement à qui n'irait pas, que Ton dut faire tirer au sort à qui partirait comme officier,

- (a) En 1&15, trois sergents-majors de notre régiment friront nommés capitaines dans la jeune garde.

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se à l'ordonnance; ion œil vif et fier; une épaisse et belle moustache , brunie par le soleil , et parfois grisonnante , ombrageait cette mâle figure : on n'avait point encore alors découvert la moustache en brosse, de LA PAIX A TOUT PRIX, Une queue,* artistement tressée et poudrée chaque matin, com- plétait l'ensemble de cette tête modèle.

Un cachet particulier de la coquetterie du gre- nadier de la Garde , était la boucle d'oreille ; c'é- tait sa première dépense en arrivant au corps ; elle était de rigueur. Un camarade lui perçait les oreilles et y introduisait un fil de plomb, jusqu'au jour son budget lui permettait l'anneau d'or du diamètre de l'écu de 3 francs , lorsqu'il ne pouvait aller jusqu'à celui de 5 francs (a).

(a) Aux yeux des gens étrangers aux moeurs militaires, cette particularité semblera bien futile ; nous avons voulu néanmoins la consigner ici, comme l'un des types du soldat de l'Empire, qui tenait à sa boucle d'oreille, comme il tint longtemps à sa queue. La boucle d'oreille qui, pour le soldat, fut souvent un tendre souvenir de garnison, était devenue si à la mode dans l'armée française, que, depuis le maréchal de l'Empiré jusqu'au fifre, tous nous avions cet ornement ; le prince Murât les portait d'une grandeur remarquable, et l'on ne rencontrerait pas aujourd'hui, un général, un offi- cier, ni un vieux soldat, ayant servi soûs l'Empire, qui n'ait les oreilles percées, et beaucoup y ont conservé leurs anneaux. Cet usage s'était perpétué sous la Restauration et particulièrement dans la garde' royale; il disparut comme tant d'autres choses, lors de la révolution de juillet mais il commence à reprendre; quel mal, en effet, y aurait-il ?...

Ces 30 francs ne seraient-ils pas mieux placés à l'oreille

Le perceur d'oreilles était ordinairement l'ar- tiste du tatouage, et après cette première opéra- tion, venait celle du bras ou de la poitrine , car chaque grenadier devait avoir aussi, sur le corps, l'empreinte ineffaçable des attributs de l'amour et de la grenade.

Ces dessins étaient variés suivant le goût et le ta* lent de l'artiste, à qui ces piqûres éternelles Éli- saient une certaine réputation .

Après la boucle d'oreille, cet indispensable bi- jou du grenadier, venait la montre en or, garnie de ses breloques ; mais il fallait , pour cela , au moins une année de privations et de constante éco- nomie , car, pendant les six premiers mois , le conscrit du 1er régiment de grenadiers devait se consigner volontairement au quartier, se conten- ter de son ordinaire , et ne boire que de l'eau , pour rétablir sa masse à sou niveau normal , sa première mise ne suffisant pas à l'achat complet de ce que nous appelions : notre tenue de ville et de salon, c'est-à-dire la culotte courte de nankin, le bas de coton blanc , l'escarpin et sa boucle en argent, enfin le chapeau crânement retapé.

Soigné dans sa tenue, homme d'ordre et rangé comme une petite maîtresse, le grenadier de la Garde avait toujours, dans sa ceinture, ce qu'il

du soldat, que dans la tirelire du marchand de vins? Il les aurait au moins toujours à sa disposition pour ensuite en faire hommage à sa fiancée.

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appelait : sa poire pour la soif; c'est-à-dire , de vingt à trente napoléons. Aussi, les paysans de Plancenois ,de Waterloo et de Monfr-Saint-Jean, ont-ils trouver dans l'héritage si inattendu des quatre mille officiers, sous-officiers ou soldats de toutes armes de la vieille Garde, morts au champ d'honneur, d'amples compensations à leurs récoltes, ravagées par nous, pendant cette journée néfaste du 18 juin.

La salle de police était , pour le grenadier de la Garde, un hors d'oeuvre; et si, par hasard, un ami avait fait sortir un grenadier de ses habitudes de tempérance et de dignité personnelle , jamais il ne paraissait ainsi dans la rue ; l'uniforme de la vieille Garde devait toujours se porter la tête haute et le jarret tendu ; le grenadier qui chance- lait» était ramené en voiture au compte de son prêt ; se bornait le code pénal du régiment.

Les plaisirs du grenadier étaient de deux caté- gories ; les plaisirs d'intérieur de famille , et les plaisirs de l'extérieur. Dans son quartier, c'étaient la partie d'impérial ou de piquet, mais surtout la partie de drogue ; la salle d'armes et parfois la salle de danse , lorsque le Vestris du régiment avait dé- couvert quelque pas nouveau, digne de figurer au ranelagh de l'époque.

La cantine recevait aussi régulièrement sa visite une fois par jour ; s'il y avait une politesse à ren- dre à un camarade, c'était la cerise à l'eau-de-vie, et non la goutte militaire. Sa visite était d'ail-

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leurs l'hommage du grenadier à la dame du comp- toir, qui lui permettait de venir, en bon voisin , et sans frais de toilette.

Hors du quartier, ses goûts étaient pour la pro- menade, la matelotte et le spectacle ; quelquefois Te café , mais rarement le cabaret ; celui-ci était de trop mauvaise compagnie pour lui.

Courbeyoie, Saint-Denis, Surène, Rueil , Nan- terre , Boulogne et Saint-Cloud , telles étaient ses parties de campagne avec madame, ou ses buts de promenades solitaires; parce que là, il se repo- sait toujours au foyer domestique de quelque vieux compagnon de bivouac , devenu gendre d'une blan- chisseuse , ou simplement retiré , après avoir noblement payé son tribut à son pays.

Des théâtres de boulevards il foisait fi ; le gre- nadier de la Garde aimait ce qui élevait l'âme à la hauteur de la sienne; le Triomphe de Trajan était sa pièce de prédilection!...

Le grenadier de la Garde avait toujours dans ses papiers de famille, son brevet de maître ou de pré- vôt d'armes , et cependant il n'était pas spadassin : le duel était aussi rare au régiment qu'un acte mé- ritant la salle de police, et la fraternité la plus fran- che , la plus cordiale , régnait entre toutes les ar- mes de ce corps admirable , et rien n'était plus comique que le dialogue d'un grenadier à pied et d'un grenadier à cheval, plaidant, l'un, pour le sous-pied de guêtre et l'autre pour les gros talons; c'était à s'en tenir les côtés!

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Redoutable un jour de bataille, à Paris, au con- traire, un enfant faisait du grenadier de la Garde , tout ce qu'il voulait ; aussi , le joli dessin repré- sentant un en&nt assis sur les genoux d'un grena- dier et lui tirant sa moustache, est-il un tableau peint sur nature.

La tenue de marche ou de combat du grenadier, était la capotte bleue à un seul rang de boutons à l'aigle; le pantalon bleu large, la guêtre noire et le bonnet à poil. Le chapeau enveloppé d'une toile cirée était suspendu au sac, et le plumet recou- vert de son étui, ficelé autour du sabre. Chaque grenadier avait aussi sa gourde de campagne en sautoir et à la portée de sa main droite. Sa gourde, comme son fusil, était sa fidèle et indispensable compagne de voyage ; car ses changements de gar- nison, à lui, n'étaient point de Paris à Courbevoie, à Versailles, à Rouen, à Orléans, ni même de Pa- ris àJBrest, à Rayonne, à Toulon ou à Strasbourg; le grenadier de la Garde ne quittait son Quartier- Napoléon que pour ceux de Munich , de Vienne , de Dresde, de Madrid, de Varsovie, ou de Moskow, en faisant une halte de vingt-quatre heures à Àu- sterlitz, à Iéna, à Friedland, à Wagram, à la Mos- kowa, etc., etc.

Sa grande tenue se composait d'un habit bleu à larges basques, à retroussisetjparements écarlates; ses revers étaient blancs , taillés en quart de cer- cle pour laisser voir le gilet de drap blanc -qu'ils recouvraient en partie. La culotte courte en drap

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blanc, la grande guêtre noire eu hiver et de toile blanche en été ; le plumet rouge et le cordon jaune élégamment attaché au bonnet à poil, com- plétaient cette sévère mais belle tenue militaire.

Tout armé , tout équipé , habillé et porteur de ses quarante cartouches , le grenadier de la Garde avait sur lui, environ soixante-cinq livres pesant, car il emportait tout , et jusqu'à sa tenue de bal , qui était son luxe et la garantie de ses succès amoureux dans les capitales qu'il visitait en vain- queur (a).

Que Ton se figure maintenant l'aspect que de- vait présenter, de loin comme de près , un régi- ment composé d'éléments pareils!... Que Ton s'é- tonne du souvenir qui en est resté à tous ceux qui ont été à même de l'admirer sous les armes !

Si un régiment de grenadiers de la vieille Garde était magnifique au Champ-de-Mars , sur le champ de bataille, il était sublime!! , chaque grena- dier devenait un héros que, ni les boulets, ni les

(a) Si, le jour de la bataille, le grenadier de la garde était un terrible homme, en cantonnement ou dans ses quartiers d'hiver, il devenait amoureux et galant au suprême, et plus d'une grande dame n'a pas cru déroger, en acceptant , pour chevalier, un grenadier de la garde. Nous avons même eu, pour camarade de chambrée, un vieux sergent» nommé Gomichon, à qui il n'a tenu que d'épouser une marquise de l'orgueilleux faubourg, en récompense, comme en recon- naissance d'un beau trait de ce noble cœur.

Mais c'était alors le bon temps du soldat!.... En France, alors, on savait ce que vaut le cœur d'un soldat !...

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obus, ni la mitraille, ni les balles ne faisaient sour- ciller; le boulet, en le renversant, renversait une statue au cœur chaud. Mais, si dans l'impétuosité de sa charge, une colonne de cavalerie rencontrait sur son passage un carré de ces grenadiers, c'est alors qu'ils se montraient et faisaient payer cher à ces escadrons ennemis leur imprudente tenta- tive! Quel calme! quelle valeur froide et impassi- ble et quels ravages dans les rangs de ces cava- liers!.. Chaque balle atteignait homme ou cheval, tant qu'ils restaient à leur portée , car reconnais- sant bientôt leur fatale erreur, ils disparaissaient avec la rapidité de l'éclair, pour se rallier derrière quelque abri de terrain ou de quelque bouquet de bois, sans prendre souci de ce qu'ils avaient lais- sés aux pieds de ces redoutables soldats !

À de telles troupes , il fallait aussi des officiers d'élite; tous l'étaient , en effet, pour la valeur et pour l'audace (a) .

Voilà, soldats, quels étaient ces hommes , dont la moitié fut démolie , à Waterloo par les boulets et par la mitraille, et écrasée par le nombre!.. Je devais vous les faire connaître avant la bataille.

Bien convaincu que les souverains et surtout leurs affidés secrets, avaient les yeux fixés sur lui

(a) Voir aux pièces justificatives 10 le contrôle nomina- tif des officiers des quatre régiments de grenadiers à pied, des quatre régiments de chasseurs à pied, des grenadiers à cheval, des dragons, des lanciers, des chasseurs à cheval et de l'artillerie de la vieille garde en 1815.

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et sur sa garde, l'Empereur n'avait d'abord dirigé vers les frontières du Nord que les régiments de ligne , et sous le simple titre de corps d'observa- tion ; mais Napoléon savait les marches prodigieu- ses qu'il pouvait exiger de nous. Sa pensée était donc de persuader aux généraux ennemis qu'il n'a- vait nul projet de surprendre leurs camps , puis- qu'il conservait autour de sa personne tous les corps de la Garde. Les généraux anglais et prus- siens donnèrent dams le piège , n'en déplaise aux historiens étrangers qui ont prétendu le contraire ; car il est certain que l'Empereur est tombé à l'im- proviste sur Blucher et sur Wellington , qui bien qu'informés secrètement de tout ce qui se faisait à Paris , ne s'attendaient cependant point à une aussi brusque initiative ; qu'eut-ee donc été si l'avalan- che partie du sommet des Alpes ne se fut point si fatalement arrêtée aux pieds du trône renversé par elle?...

Blucher et Wellington pouvaient se tenir sur leurs gardes , militairement parlant , mais ils ne supposaient pas qu'avec cent mille hommes, orga- nisés à la hâte, Napoléon osât prendre l'offen- sive contre les deux cents mille soldats qu'ils avaient sous la main.

Nous rendrons cependant cette justice aux avants-postes alliés , qu'ils ne se sont pas laissés prendre en flagrant délit. S'ils ont eu un tort , s'ils ont été momentanément compromis, c'est pour avoir voulu se réunir sur l'extrême frontière ;

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et si leur concentration eût été ordonnée à dix lieues plus loin , elle eut peut-être pu s'opérer sans coup férir, et surtout grâce à un fatal accident, dont nous parlerons bientôt , car, en campagne , l'incident le plus infime en apparence , décide par fois des destinées d'un empire ; nous n'en au- rons que trop de preuves pendant cette courte lutte.

Mais, nous le soutenons encore , si , dès la fin de mars, Napoléon eût marché sur le Rhin et sur la Sambre , il eût surpris l'ennemi dans ses canton- nements , et en eût eu bon marché.

Pendant tous ces préparatifs de guerre, on s'oc- cupait, à Paris , de la confection des drapeaux destinés à l'armée, la Garde exceptée, car elle avait retrouvé les siens (a) .

Une députation de chaque corps de l'armée avait reçu l'ordre de se rendre en toute hâte à Pa- ris et de se servir des voitures publiques pour as- sister à la distribution des drapeaux, qui eut lieu au Champ-de-Mars le 1er juin, et le lendemain d'au- tres diligences furent chargées de les ramener à leurs corps respectifs.

C'était ainsi qu'agissait Napoléon dans les cas pressés; aussi, s'en trouva- t-il souvent bien. Mais,

(a) Us lui furent remis par Napoléon, dans la revue qu'il passa, le 21 mars, dans la cour des Tuileries. Ils étaient portés par Cambronne et par plusieurs officiers venus de nie d'Elbe.

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en 1815, le temps lui manqua pour obvier à tout , ayant surtout à lutter, en même temps contre des symptômes hostiles de l'intérieur, et contre l'atti- tude plus menaçante encore de l'extérieur.

Il faisait, néanmoins , marcher de pair ses im- menses travaux militaires , et ses travaux légis- latifs.

Le 1er juin, l'Empereur réunit les deux cham- bres, sous une vaste tente, au milieu du Champ- de-Mars , et en regard de l'École Militaire , dont l'élégante colonnade servait d'ornement et d'appui au trône impérial , ainsi qu'à l'amphithéâtre des- tiné aux grands dignitaires, qui, la veille encore, pour ainsi dire , étaient aux pieds d'un autre maî- tre , mais qui , ici , se courbaient sous la puissance nouvelle du vainqueur.

Nous ignorons ce qui se passait au fond de lame de ces hommes tout chamarrés d'or, de bro- deries et de décorations ; nous ignorons quels sen- timents ils inspiraient à Y Homme merveilleux , qui les avait élevés tous , du néant aux plus haut degré des honneurs et de la richesse; mais ce que nous pouvons dire , car nous en avons été le té- moin oculaire, c'est que la contenance de bon nombre d'entre eux parut peu digne et peu rassu- rée à tous nos vieux grognards , qui ne les flattè- rent certainement pas en les voyant défiler pour se rendre au poste que l'étiquette leur avait as- signé.

Le soldat n'est pas oublieux ; il tient compte de

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tout à son général, et le juge avec la plus juste , mais avec la plus sévère impartialité. Aussi, avait- il peu de confiance dans la plupart de ces chefs qui avaient été si lestes, peu de moi» auparavant , à abandonner l'Empereur à qui ils devaient tout.

Toute félonie rencontre, tôt ou tard, le fouet de l'opinion ; c'est en vain qu'elle se cache derrière des rideaux de soie et d'or! L'œil le moins exercé l'y découvre et la montre aux doigts : la justice humaine, juste et prompte, interprète de la justice Divine, le veut ainsi.

Pourquoi s'étonnerait-on maintenant de l'état de déconsidération dans lequel sont tombées les sommités sociales , lorsqu'on les trouve toujours prêtes à sacrifier à leur insatiable cupidité, toutes les glorieuses traditions de la France , tous les sentiments nobles , généreux , d'honneur comme de loyauté , qui placèrent jadis notre belle patrie si haut dans l'estime des autres peuples! ! !

Elles n'ont donc que ce qu'elles méritent , car le vice, malgré toutes ses pompes , ne se placera jamais en face de la vertu : ce principe est la con- solation du soldat!. Un vieux brave, décoré du ru- ban militaire, et n'ayant pour toutes broderies que trois modestes chevrons en laine , est fier du salut bienveillant de ses concitoyens , lorsqu'il entend et voit couvrir d'opprobre et de malédictions le brillant équipage qui transporte au sénat, tel digni- taire, tour à tour, renégat ou félon!!

Mais laissons encore ces hommes ! La trom-

50

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pette sonne, le temps presse , Napoléon lui-même Va ceindre son épée !

À qui l'Empereur vient-il de confier les éminçâ- tes fonctions de major général de son armée d'inva- sion?... l'histoire le croira-t-elle?... à l'auteur de cet ordre du jour trop fameux du 8 mars 1815, au maréchal duc de Dalmatie (a)!...

Napoléon aura-t-il à se féliciter de son choix ; n'aura-t-il pas à regretter son trop magnanime ou- bli des injures ; ne sera-t-il pas dans le cas de s'é- crier pendant le cours de cette campagne décisive :

c Ah! Berthier! mon Berthier, es-tu? » Quoi- qu'il en soit, voici en quels termes le maréchal Soult , l'homme aux audacieuses palinodies , an- nonça à l'armée française son élévation au poste de major général et comment il lui parla en cette qualité :

« ORDRE DU JOUR.

» La plus auguste cérémonie vient de consacrer nos insti- tutions. L'Empereur a reçu des mandataires du peuple et des députations de tous les corps d'armée, l'expression des vœux de la nation entière sur l'acte additionnel aux consti- tutions de l'Empire, qui avait été envoyé à son acceptation, et un nouveau serment unit la France et l'Empereur; ainsi, les destinées s'accomplissent, et tous les efforts d'une ligue impie ne pourront plus séparer les intérêts d'un grand peuple DU HÉROS QUE LIS PLUS BRILLANTS TRIOMPHES ONT FAIT ADMIRER DE L'UNIVERS.

» C'est au moment la volonté nationale se manifeste avec autant d'énergie, que des cris de guerre se font en- tendre ; c'est au moment toute la France est en paix avec toute l'Europe, que des armées étrangères avancent sur nos

(a) Voir, page U6, cet ordre "du jour.

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frontières : Quel est l'espoir de cette nouvelle coalition? Veut-elle ôter la France du rang des nations? Veuille ploor ger dans la servitude vingt-huit millions de Français ! A-t- elle oublié que la première ligue qui fut formée contre notre indépendance servit à notre indépendance et à notre gloire ! Cent victoires éclatantes; que des revers momenta- nés et des circonstances malheureuses n'ont pu effacer, lui rappellent qu'une nation libre, conduite par UN GRAND HOMME, est invincible.

Tout est soldat en France quand il s'agit de l'honneur national et de la liberté : un intérêt commun unit aujour- d'hui tous les Français. Les engagements que la violence nous avait arrachés sont détruits par la fuite des Bourbons du territoire français, par l'appel qu'ils ont fait aux armées étrangères pour remonter sur le trône qu'ils ont abandonné, et par vœu unanime de la nation, qui, en reprenant le libre exercice de ses droits, a solennellement désavoué tout ce qui a été fait sans sa participation.

» Les Français ne peuvent recevoir de lois de l'Étranger ; ceux môme qui sont allés y mendier un secours parricide tarderont pas à reconnaître et à éprouver, ainsi que leurs prédécesseurs, que le mépris et l'infamie suivent leurs fias, et qu'ils ne pedvent laver l'opprobre dont ils se couvrent qu'en rentrant dans nos rangs.

» Mais une nouvelle carrière de gloire s'ouvre devant l'armée; l'histoire consacrera le souvenir des faits mili- taires qui auront illustré les défenseurs de la patrie et de l'honneur national 1 Les ennemis sont nombreux, dit-on ; que nous importe ! Il sera plus glorieux de les vaincre, et leur défaite aura d'autant plus d'éclat : la lutte qui va s'en- gager n'est pas au-dessus du génie de Napoléon, ni au-dessus de nos forces ; ne voit-on pas tous les départements, rivali- sant d'enthousiasme et de dévoûment, former, comme par enchantement, cinq cents superbes bataillons de gardes na- tionales,, qui déjà, sont venus doubler nos rangs, défendre nos places et s'associer à la gloire de l'armée ? C'est l'élan d'un peuple généreux qu'aucune puissance ne peut vaincre et que la postérité admirera. Aux armes 11!...

» Bientôt le signal sera donné : que chacun soit à ao»

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devoir ; du nombre de nos ennemis nos phalange» victo- rieuses ?ont tirer un nouvel éclat Soldats 1 Napoléon guidera nos pas, nous combattrons pour l'indépendance de notre belle patrie ; nous sommes invincibles (

» Le maréchal d'Empire, major -général,

» DUC de D4LM ATIE.

i Paris, le 1er juin 1815. »

Tout, en France, se prépare à la guerre. Par son décret du 10 avril, Napoléon avait prescrit l'orga- nisation immédiate de trois mille cent trente ba- taillons de gardes nationales , destinés à protéger les frontières, et surtout à la défense des places. Le tableau de ces forces immenses présentait , à raison de sept cent vingt hommes par bataillon , un total de deux millions deux cent cinquante- cinq mille quarante gardes nationaux et indiquait le nombre d'hommes qu'ils devaient fournir pour la garnison de chacune des places fortes de France. Par exemple à Strasbourg, quinze mille hommes ; Landau, cinq mille hommes; Huningue, trois mille hommes; Schelestadt, trois mille; Belfort, deux mille cinq cents; Neufbrisach, quatre mille; Montlouis, deux mille cinq cents; Perpignan, trois mille six cents ; Bayonne, huit mille cinq cents ; Maubeuge, trois mille six cents ; Dunkerque , huit mille; Douai, six mille; Yalenciennes, huit mille; Lille, douze mille; Longwy, deux mille; Thion- ville, trois mille cinq cents ; Metz, dix mille ; Phals- bourg , deux mille ; Cherbourg , cinq mille cinq

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cents; Besançon, six mille; Briançon, quatrt mille, etc., etc. (a).

Toutes ces places devaient recevoir les batail- lons des départements voisins, en complément de leurs bataillons respectifs.

Un décret du 22 avril avait également ordon- né l'organisation des corps francs, dans chacun des départements frontières, lesquels devaient prendre la dénomination de leurs départements.

L'infanterie et la cavalerie de ces corps devaient être organisées comme les troupes légères, mais sans être tenues à aucun uniforme régulier. Le maximum de leur formation avait été fixé à mille hommes d'infanterie et à trois cents pour la cava- lerie.

L'infanterie devait être armée indifféremment de fusils de guerre ou de fusils de chasse. La ca- valerie étant de l'arme des lanciers, devait avoir une lance sans bande rolle. Tous devaient s'armer, s'équiper et se monter à leurs frais , et ne rece- voir aucune solde ni de guerre ni de paix ; mais ils auraient eu droit aux vivres de campagne, seulement au moment de la guerre. Chaque corps

(a) Le décret du 10 avril avait bien effectivement établi cette répartition des bataillons de la garde nationale, mais comme avec elle, il faut toujours demander le double pour n'en avoir pas même souvent la moitié, Napoléon se vit dans l'obligation, pour le Nord seulement, de modifier singuliè- rement ses premières prévisions; que Ton se reporte à sa lettre du 38 mai.

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franc pouvait obtenir deux pièces de canon de 5 ou de 4, et, dans ce cas, le matériel leur eût été fourni par l'État, mais ils auraient été tenus d'avoir, avec eux, de la poudre pour six mille coups.

En échange de leurs sacrifice* et de leur dévou- aient à h patrie, tout ce que les corps francs au- raient pris, eût été de bonne prise à leur profit. Les canons, les caissons et effets militaires au- raient été achetés par l'État et au prix des trois quarts de leur valeur ; des primes devaient être accordées aux partisants pour les prisonniers qu'ils auraient faits, et en raison de leur impor- tance. Ainsi , les intérêts des personnes, comme ceux de la patrie, se trouvaient satisfaits et l'ému- lation même était fondée.

Toutes ces dispositions dénotaient l'étendue et l'imminence des dangers que courait le nouvel empire ; et, en effet, il était grand Forage qui allait fondre sur la France ! Quant à l'Empereur, c'était, désormais, un duel à mort, entre lui et les Souverains de l'Europe ! . . .

Par le traité d'alliance, conclu à Vienne le 25 mars 1815 , entre les puissances coalisées : « Toutes s'engageaient formellement à agir en * commun et dans le plus parfait accord, avec » toutes leurs forces, contre Napoléon, et contre » tous ceux qui pourraient se joindre à lui , pour > le forcer par là, disait le traité, à se désister de » son projet, et le mettre hors d'état de troubler,

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» à l'avenir, le repos de l'Europe et Ja paix géné- » raie, conclue pour protéger et assurer Findépen- » dance des nations. »

Toutes les puissances signataires de ce mani- feste, se mirent donc en mesure de remplir leur solennel engagement, et dirigèrent, à marches forcées, vers nos frontières, ce qu'elles avaient. de troupes disponibles ; en sorte qu'à la fin dti mois de mai, la France se trouvait déjà cernée par plus d'un million de baïonnettes.

Il n'y avait plus un instant à perdre ; il Cillait, ou surprendre l'ennemi sur un point et le culbu- ter, avant qu'il n'eût le temps d'appeler à son se- cours la nation la plus voisine, ou bien attendre; l'invasion.

L'Empereur prit le premier parti ; c'était le plus hardi ; mais, nous le répéterons toujours, il eût présenté plus de chances de succès deux mois plus tôt (a).

(a) On nous a assuré que Napoléon avait eu d'abord la pensée, en arrivant à Paris, de se jeter brusquement en Bel- gique avec trente mille hommes ; de délivrer cette popula- tion française de mœurs comme de langage, du joug de l'Anglais et surtout du Prussien qu'elle déteste encore. De culbuter tous les cantonnements de Blûcher, de noyer les Anglo-Bataves dans les bassins d'Anvers et d'embourber les autres dans les marais de la Hollande.

Que l'on nous permette, à cette occasion, de dire que la première faute, commise par Napoléon, en 1815, fut de n'avoir pas profité de sa fortune, qui, ainsi qu'il l'avait dit : « Cavait conduit de clocher eh clocher jusqu'à Parts » et de s'être arrêté aux Tuileries, au lieu de continuer sa marché

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Toutes les places de la frontière du Nord, depuis Dunkerque jusqu'à Charlemont, avaient été ar- mées et approvisionnées le plus complètement possible ; les écluses mises en état d'étendre les inondations au premier mouvement d'hostilité.

Des ouvrages de campagne avaient été ordon- nés dans la forêt de Monnaie ; les mesures avaient été prises pour faire des retranchements dans les différents passages de la forêt d'Argone ; toutes les places de la Lorraine se remettaient en état ; des retranchements avaient été construits aux cinq passages des Vosges; les forteresses de l'Alsace étaient en voie d'armement ; des ordres avaient été donnés pour la défense des passages du Jura et de toutes les frontières des Alpes.

sur le Rhin. Il est probable qu'il y serait arrivé, aussi faci- lement qu'à Paris. Dans des entreprises de ce genre, il faut tirer parti de l'étonnement, de la stupeur, et surtout ne pas laisser refroidir l'enthousiasme qu'inspirait & ses parti- sants, un succès qui tenait du prodige. Paris n'était pas pour lui sur les rives de la Seine, il était sur le Rhin I...

Sans doute il avait besoin de réorganiser son armée et de se créer des moyens qui fussent en proportion avec toute l'étendue de sa tâche ; mais il pouvait le faire tout en s'avan- çant, et la conquête du Rhin facile alors, lui aurait donné un immense accroissement de ressources, dont il eût privé ses ennemis.

Mais Napoléon s'était inconsidérément laissé enlacer par les idéologues de constitutions, et se vit, pendant quelques semaines, pour ainsi dire à la merci de Benjamin Constant et de Lafayette, qui peut-être déjà servaient secrètement un autre maître en enchaînant Napoléon sur son trône, alors que son intérêt devait le placer à la tête de son armée.

475

En seconde et troisième lignes, c'étaient les mêmes ordres. Enfin, toutes ces dispositions de- vaient obtenir leur effet par le concours et par l'appui de huit armées actives, ou corps d'ob- servation , savoir : l'armée du Nord ; l'armée de la Moselle ; l'armée du Rhin ; le corps d'obser- vation du Jura , qui devait se réunir à Bel fort; l'armée des Alpes, qui se réunissait à Chambéry; le corps d'observation du Var, à Ântibes ; le corps d'observation des Pyrénées qui devait se rassem- bler à Perpignan et à Bordeaux, et enfin, l'armée de réserve qui s'était formée à Paris et à Laon.

Quatre cents bataillons de grenadiers et de chasseurs des gardes nationales actives, dont une partie était déjà rendue dans les places fortes, devaient, avec les cinq cents bataillons de ligne, former une force de plus de huit cent mille com- battants. Cent vingt régiments d'infanterie et soixante de cavalerie formaient les cadres de l'ar- mée active ; cent cinquante batteries de cam- pagne, étaient attelées et en marche pour les dif- férentes armées ; trois cents bouches à feu de- vaient être placées sur les hauteurs de Paris et sur les deux rives de la Seine et servies par douze compagnies d'artillerie de la marine ; deux com- pagnies de l'école d'Àlfort, quatre compagnies de l'école de Saint-Cyr, deux compagnies de l'école Polytechnique et enfin par six compagnies d'ar- tillerie à pied.

Par un décret du 15 mai, Napoléon avait cher-

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ché à compléter la défense de Paris par la création de vingt-quatre bataillons de tirailleurs-fédérés à prendre parmi les ouvriers de Paris et de la ban- lieue, qui auraient voulu se faire inscrire pour la défense de la capitale, et pour le service sur les hauteurs au moment le besoin le requerrait. Chaque bataillon devait être de sept cent vingt hommes ; ils auraient reçu successivement l'orga- nisation régimentaire, puis devaient être formés en brigades et divisions.

Enfin, l'on avait préparer la levée en masse de l'Alsace, de la Lorraine, pays Messin, de la Franche-Comté, de la Bourgogne, du Dauphin é et de la Picardie, mais Napoléon la redoutait ; déjà même il tenait, à distance, les quatorze mille fédérés de Paris.

La marine, de son côté, portait ses ressources à son maximum, et devait réunir un effectif de soixante mille hommes, qui eussent été consacrés, tant au service des escadres, qu'à la défense des côtes. ,

Tous ces déploiements gigantesques devaient sans doute sinon rassurer, laisser quelques espé- rances de succès pour la cau&e de Napoléon ; mais lui-même avait-il une confiance entière dans l'effi- cacité de ces mesures extrêmes et exécutées si à la hâte? Nous verrons bientôt ce qu'elles produisirent en réalité, malgré les lettres et les instructions du ministre de la guerre, en date du 5 mai, adressées à tous les préfets, sous-préfets et maires de l'Em-

475

pire, et que Ton peut citer comme des modèles c|e prévision en ce genre; mais la grande difficulté consistait dans leur entière exécution.

Voici, quant au personnel, le tableau général de la composition des corps d'armée qui, pendant cette si courte et si désastreuse campagne, de- vaient croiser le fer avec les armées coalisées. Ce tableau est le plus exact que nous puissions joindre à cet ouvrage, encore avons-nous eu mille peines à arriver à ce résultat à peu près officiel, car il n'existe nulle part, ni même au ministère de la guerre, de situation générale de l'armée, établie au 15 juin, jour de l'ouverture des hosti- lités ; et si l'Empereur s'en était fait donner une avant son départ de Paris, l'original devrait exis- ter aux archives ; aussi prions-nous instamment nos anciens compagnons d'armes de cette époque néfaste, de vouloir bien, après avoir lu nos Sou- venirs sur les derniers jours de la Grande-Ar- mée de vouloir bien, dans l'intérêt de l'histoire, comme dans celui de cette armée, si malheureuse et si résignée, nous adresser pour les utiliser plus tard, toutes les rectifications, tous les documents qu'ils pourraient avoir à nous confier ; et en cela encore nous faisons un appel à leur patriotisme.

TABLEAU GÉNÉRAL

DE L'ARMÉE DU NORD

AU MOIS DE JUIN 1815.

S. M. L'EMPEREUR NAPOLÉON, commandant en personne.

Aide» de camp de t Empereur activement employés auprès

de Sa Majesté.

MM . les généraux : duc de Plaisance, comte Drouot, comte Corbineau,

comte Flahaut, comte Dejean, baron Bernard, comte de LaBédoyére.

Officier d'ordonnance : Te colonel Gourgaud, premier officier d'or- donnance.

Major général, le maréchal duc de Dalmatie.

Chef (Tétai -major général, le lieutenant-général comte Bailiy de Monthion.

Chargé du service des prisonniers de guerre, le maréchal de camp baron Dentzel.

A djudants-commandants . Baron Michal, baron Stoffel, Babut, d'Hincourt» Petiet .

Officiers supérieurs et autres attachés A r état-major général*

Desaix, ' colonel. Tessier de Mar-^ majors, guerittes,

Comte Gramont, Roui»

Comte Forbin de Janson, Hugo, Zenowicz, Duzaire,

Dalbenas, Laplace, Lefebure,

Grondai, Waleski, DesmarquelsdeCiré,

Gentet, Arnaud, Favelas, ) chefs de bataillon.

Bernard, Girard, Descbamps,

Fourchy, Hirne, Rollin,

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477

Clavet Gaubert(du *• du génie), Descri vieux, de Joly,

Dulnas de Saint-Léon, Noaillon, Coignet,

Baudisson, Gueltard wagme$tre, } caPlU,IM5,

Favier, Ramorino,

Garda, sous-lieutenant.

Grand état-major. MM. les maréchaux de camp : Lebel, baron Gressot, baron Couture.

ARTILLERIE.

le lieutenant général Ruty, commandant en chef.

Rtat-major général. ...

Le Heutenant-général Neigre, directeur général. Le colonel Triquenot, sous-directeur général. _.. . . , . j Le chef d'escadron Lechesne, adjoint. , < Le chef de bataillon Sesilly, id .

"*rc* I Le colonel Renaud, directeur.

Le, chef de bataillon Barré, sous-directeur . Le lieutenant Mariou, garde général.

Adjoints à l'élat-major général.

Les capitaines : Guillon, Lamy, Goussard, Bonnard, adjoints. Le lieutenant Érard, conducteur général. Les capitaines : Maurel» Taupin, Poulin, David, \ ,. .

Delamone, Grozet et Guyot )

GtHIE.

Le heutenant-général baron Rogniat, commandant en chef.

Etat-major général. ,

Service topographique. Le colonel Bonne, directeur .

Gendarmerie .

Le heutenant-général Radet, commandant . Inspecteur en chef aux revues, Lambert .

Administration générale. Intendant général Daure .

Le 16 juin, l'Empereur mit sous le commandement du maréchal Ney, prince de la Moskowa, les 1er et 2* corps, ainsi que la cavalerie de réserve du lieutenant-général comte de Valmy, et le 17 sous les ordres du maréchal comte Grouchy les 3e et 4e corps d'infanterie et les 1er et S" eorps de cavalerie.

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Le premier corps qui s'était organisé à Lille, et le deuxième corps à Valenciennes, reçurent Tordre de quitter brusquement leurs cantonne- ments et d'aller s'établir entre Avesnes et Mau- beuge.

Le quatrième corps, formé à Metz, partit de cette ville, le 6 juin, et arriva à Philippe- ville le 14.

Tous ces mouvements avaient été dérobés à l'ennemi, de manière à lui laisser croire qu'il serait attaqué par Mons. Du moins telles avaient été les intentions de l'Empereur* mais il a couru des bruits, qu'on a regardés comme fondés, qu'un <Jes hauts fonctionnaires d'alors, fort avant dans tous les secrets de l'État par sa position, traître déjà,* comme tant d'autres, envers son bienfaiteur, avait informé officieusement Wellington, du point réel de concentration de l'armée item- çaise(a) !!!

[a) Et pourquoi ne nommerions-nous pas cet intrigant sans pareil, qui s'était mis en communication avec Welling- ton et Metternick, pendant tout le temps qu* il fut , en 1815, premier ministre de Napoléon, et qui, au retour du Roi, devint aussi son ministre, en reconnaissance de ces trahi- sons?... Car en vain a- t-il «cherché à expliquer, dans ses mémoires, d'aussi odieux services, et ses rapports confi- dentiels avec ces deux ennemis de la France, en prétendant

qu'il les jouait, l'un et Pautrè, au profit de l'Empereur

Louis XVIII n'en eût certainement point fait son ministre, après les désastres de Waterloo, si ses services n'eussent point été réels : Ce traître, c'était Fôuché !.,.

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Le sixième corps, partit aussi de Laon et se di- rigea sur Àvesnes.

Les quatre corps de cavalerie de réserve, ne purent, grâce à l'incurie de l'état-majdr général, se concentrer sur la Sambre que par des marches forcées de vingt et vingt-cinq lieues.

L'Empereur, pour mieux surprendre encore l'ennemi, avait fait faire des abattis d'arbres, creu- ser des fossés et détruire les routes. Il avait ainsi l'air de se retrancher contre l'ennemi ,

Les Prussiens et les Anglais devaient donc camper dans la plus grande sécurité, quoiqù'en ait écrit le général Grolman. Ce ne fut que, dans la nuit du 14, que Napoléon donna l'ordre au général Bertrand d'envoyer tout ce qu'il avait sous la main, d'officiers du génie pour rétablir les routes qu'ils avaient défoncées deux jours avant.

Toutes ces dispositions étant prises, l'Empe- reur ordonna le départ de la majeure partie de sa vieille garde, et le 5 juin à quatre heures du matin, plusieurs régiments d'infanterie , toute la cavale- rie, et toute l'artillerie, se mirent en marche pour Laon j notre premier rendez- vous général. Il ne resta à Paris que le 1er régiment de chasseurs et le 1er régiment de grenadiers à pied : nous devions encore servir d'escorte à Sa Majesté , le 7 juin , lorsqu'EUe se rendrait au Corps Législatif pour en faire l'ouverture , et installer ces prétendus $at$- veursde la patrie, qui accueillirent l'Empereuravec

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des transports d'enthousiasme, parce qu'ils le croyaient encore puissant et protégé par son étoile d' Austerlitz , mais qui lui arrachèrent son épée , quinze jours après, la 'victoire lui ayant échappé à Waterloo!..

La postérité jugera cette chambre des Cent- Jours, qui non-seulement trembla au moment du péril, mais qui encore s'imagina de couvrir sa là-, cheté par des motions dignes des peuples bar- bares. Quelque dégoût que nous en éprouvions, nous en parlerons peut-être quand l'ordre des événe- ments nous replacera en face d'elle.

Le lendemain de l'ouverture des Chambres , e'estrà-dire le 8 juin , à 4 heures du matin, nous quittâmes , à notre tour, nos casernes , pour les champs de la Belgique , ne laissant à Paris qu'en- viron deux cents, hommes du régiment pour la garde des Tuileries.

L'Empereur partit, le 42 juin, à quatre heures du matin ; déjeûna à Soissons et nous rejoignit à La on, dont il visita les fortifications et donna ses derniers ordres pour l'armement de ce poste im- portant»

L'Empereur apprenant que le maréchal Grou- chy, au lieu d'avoir rassemblé toute sa cavalerie sur l'extrême frontière et de s'y être rendu de sa personne, se trouvait encore à Laon, le fit appeler et lui témoigna son étonnement de ce qu'il n'avait point exécuté les ordres qu'il lui avait Sût expé* dier par le major général ou le général Bertrand

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DEPUIS PLUS DE HUIT JOURS. Mais quel ne fut point le mécontentement de Sa Majesté, lorque le maréchal lui eut affirmé qu'il n'avait encore reçu aucun ordre de rasserhblement pour ses qua- tre corps de cavalerie /...Il enjoignit , en consé- quence, au comte Grouchy de taire partir sur-le- champ, en poste, tous les officiers de son état-ma- jor et ses aides de camp , afin de transmettre les ordres nécessaires pour faire arriver à temps les troupes à cheval aux points elles avaient à passer la Sambre. Quel a été le traître ou le coupable en cette circonstance?. . Que] fâcheux augure ! . . .

Le lendemain , Napoléon quitta Laon pour se rendre à Avesnes il coucha, ainsi que le premier régiment de grenadiers et le premier régiment de chasseurs à pied.

Nous remplacions dans chaque ville , comme dans chaque hameau, nos camarades partis trois jours avant nous. L'armée réellement était pleine d'ardeur, tout eu elle'annonçait les dispositions les plus belliqueuses, du moins quant aux soldats et aux officiers subalternes, car la plupart de nos généraux et beaucoup trop de nos officiers supé- rieurs, étaient las de gloire et n'avaient plus cette énergie, cette activité d'esprit et de corps et cette liberté de conscience, qui leur avaient conquis jadis une si brillante réputation militaire. Aussi, que de fois Napoléon n'a-t-il pas regretter , pendant son exil, de ne leur avoir pas, à quelques exceptions près , préféré « ces jeunes officiers

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pour lesquels il était venu de l'Ile d'Elbe, > dit-il dans une de ses revues (a) ?. . .

Les quinze mois de paix et de repos dont l'ar- mée venait de jouir, l'avaient remise de ses fati- gues; elle se croyait encore destinée à de nou- veaux triomphes sous l'étendard impérial; mais hélas! que l'illusion fôt courte!!!

Le 14 juin, nous arrivâmes à Beaumont, petite ville bâtie sur une éminence , dominant l'entrée des forêts des Ardennes.

Beaumont se trouvait être la limite de nos fron- tières d'alors.

Toute la Garde prit position , partie dans la place même , et partie en avant d'elle. Nous n'a- vions donc plus qu'un pas à faire pour nous re- trouver en présence de cette armée prussienne avec laquelle, pendant vingt ans presque consécu- tifs, la plupart d'entre nous avaient échangé, tour à tour, des balles , de la mitraille , des coups de sabre et parfois des poignées de main.

(a) Dans une lutte aussi inégale, aussi décisive surtout, Napoléon eût trouver encore du sang de sous-lieutenant dans les veines des hommes qu'il appelait à le seconder; là, l'expérience, le talent même n'étaient plus suffisants; à ces précieuses qualités, il fallait encore ajouter une valeur de &mbre-et-Meuse.

Il n'eût aussi fallu donner & tous que des grades et surtout des commandements provisoires et remettre au lendemain de la bataille la distribution des brevets. Agir autrement, dans d'aussi graves conjonctures, c'était s'exposer à des mécomptes!...

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Singulière destinée de ees deux peuples ! tous deux braves , tous deux essentiellement militaires et ne pouvant vivre en harmonie, que le temps dont ils ont besoin pour réparer leurs forces , et pour s'apprêter à se ruer l'un contre l'autre!...

De nouveau les Prussiens sont !... Le 14 juin, l'armée du Nord se trouvait réunie et presque en ligne , de Ham-sur-Eure à Beaumont, et de Beau- mont à Philippeville. Passons en d'abord la revue d'ensemble; entrons ensuite dans le camp de la coalition ; prenons notes de leurs divisions, et quel- qu'ensoit le nombre : demain, soldats ! en avant!.. L'Empereur va nous tracer à tous la voie qui doit nous mener au champ d'honneur.

Ordre de marche de l'Empereur :

« Demain, 15, à deux heures et demie du ma- tin, la division de cavalerie légère du général Do- mon montera à cheval et se portera sur la route de Gharleroi; elle- enverra des partis dans toutes les directions pour éclairer le pays et enlçver les pos- tes ennemis.

» A la même heure , le lieutenant-général Pajol réunira le premier corps de cavalerie et suivra le mouvement delà division du général Domon , qui sera sous les ordres du général Pajol.

* Les divisions du premier corps de cavalerie ne fourniront point de détachement ; ils seront pris dans la troisième division. Le général Domon laissera sa batterie d'artillerie pour marcher après

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le premier bataillon du troisième corps d'infan- terie.

» Le lieutenant-général Vandamme fera battre la diane à deux heures et demie du matin (a) ; à trois heures , il mettra en marche son corps d'ar- mée et le dirigera sur Charleroi ; la totalité de ses bagages sera parquée en arrière et ne se mettra en marche qu'après que le sixième corps et la Garde impériale auront passé ; ils seront sous les ordres du vaguemestre général.

* Chaque division du troisième corps d'armée aura avec elle sa batterie et ses ambulances; toute autre voiture qui serait dans les rangs sera brûlée.

» M. le comte Lobeau fera battre la diane à trois heures et demie, et il mettra en marche le sixième corps d'armée à quatre heures pour suivre les mouvements du général Vandamme et l'appuyer. Il fera observer le même ordre de marche qui est prescrit au troisième corps.

» La jeune garde se mettra en marche à cinq heures et suivra les mouvements du sixième corps.

> Les chasseurs à pied de la Garde battront la diane à cinq heures et se mettront en marche à cinq heures et demie, pour suivre *le mouvement de la jeune garde. Une heure après partiront les

(a) L'officier d'état-major porteur de cet ordre de marche au général Vandamme se cassa la jambe en route ; on en verra bientôt les trop déplorables conséquences.

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grenadiers à pied de la Garde. Le même ordre de marche pour les ambulances et les bagages près* dits précédemment , sera observé dans la Garde impériale.

* M. le maréchal Grouchy fera monter à cheval, à cinq heures et demie du matin, celui des trois autres corps de cavalerie qui sera le plus près de la route , et lui fera suivre le mouvement sur Char- leroi; les deux autres corps partiront successive- ment à une heure d'intervalle l'un de l'autre; mais le maréchal Grouchy aura soin de faire mar- cher la cavalerie sur les chemins latéraux de la route principale, que la colonne d'infanterie sui- vra, afin d'éviter l'encombrement , et aussi pour que la cavalerie observe un meilleur ordre. Il pres- crira que la totalité des bagages reste en arrière, parqués et réunis , jusqu'au moment le vague- mestre général leur donnera l'ordre d'avancer.

» M. le comte Reille fera battre la diane à deux heures et demie du matin, et il mettra en marche le deuxième corps à trois heures ; il se dirigera sur Marchiennes-au-Pont, il fera en sorte d'être rendu avant neuf heures du matin ; il fera garder tous les ponts de la Sambre, afin que personne ne passe. Les postes qu'il laissera seront successive- ment relevés par le sixième corps ; mais il doit tâcher de prévenir l'ennemi k ces ponts, pour qu'ils ne soient point détruits, surtout celui de Marchiennes par lequel il sera probablement dans le cas de déboucher, et qu'il faudrait faire

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aussitôt réparer, s'il avait été endommagé, * À Thuin et à Mar chiennes, ainsi que dans tous les villages sur la route, M. le comte Reille interrogera les habitants, afin de savoir des nou- velles des positions et forces des armées ennemies ; il fera prendre les lettres dans les bureaux de poste, et les dépouillera pour faire parvenir aussi- tôt à l'Empereur les renseignements qu'il aura obtenus.

» M. le comte d'Erlon mettra en marche -le premier corps à trois heures du matin, et il le dirigera aussi sur Gharleroi, en suivant le mouve- ment du deuxième corps, duquel il gagnera la gauche le plus tôt possible, pour le soutenir et l'appuyer au besoin. Il tiendra une brigade de ca- valerie en arrière pour se couvrir et maintenir par de petits détachements ses communications avec Maubeuge ; il enverra des partis en avant de cette place, dans la direction de Mons et de Binch jusqu'à la frontière, pour avoir des nouvelles des ennemis. Ces partis auront soin de ne pas se com- promettre et de ne point dépasser la frontière.

» M. le comte d'Erlon fera occuper Thuin par une division, et, si le pont de cette ville était dé- truit, il le ferait aussitôt réparer, en même temps qu'il fera tracer et exécuter une tête de pont sur la rive gauche. La division qui sera à Thuin gardera aussi le pont de l'abbaye d'Aines , M. le comte d'Erlon fera aussi construire une tête de pont sur la rive gauche. Le même ordre de

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marche sera observé aux premier et deuxième corps, qui feront réunir leurs bagages et marcher à la gauche du premier corps, sous les ordres du vaguemestre le plus ancien.

> Le quatrième corps (armée de la Moselle) a reçu ordre de prendre position aujourd'hui en avant de Philippeville ; si son mouvement çst opéré et les divisions qui composent ce corps d'armée sont réunies, M. le général Gérard les mettra en marche demain à trois heures du matin et les dirigera sur Charleroi ; il aura som de se teftir à la hauteur du troisième corps, avec lequel il communiquera afin d'arriver à peu près en même temps devant Charleroi ; mais le général Gérard fera éclairer sa droite et tous les débou- chés qui vont sur Namur ; il marchera serré en ordre de bataille, laissera à Philippeville tous ses bagages et embarras, afin que son corps d'armée, se trouvant plus léger, soit plus à même de ma- nœuvrer. Le général Gérard donnera ordre au lieutenant-général L'Héritier, commandant la onzième division de cavalerie, de suivre le mou- vraient de son corps d'armée sur Charleroi, cette division joindra le quatrième corps de cavalerie.

Les lieutenants-généraux Reille, Vandamme, Gérard et Pajol se mettront en communication par de fréquents partis, et ils régleront leur marche, de manière à arriver en masse et en- semble devant Charleroi ; ils mettront, autant

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que possible, à l'avant-garde les officiers qui parlait flamand pour interroger les habitants; mais ces officiers s'annonceront comme comman- dants de partis, sans dire que l'armée est en arrière.

» Ces généraux feront marcher tous les sapeurs de leur corps d'armée, après le premier régiment d'infanterie légère ; ils feront réparer les mauvais passages, ouvrir des communications latérales, et placer des ponts sur les courants d'eau l'infan- terie DEVRAIT SE MOUILLER POUR LES FRANCHIR.

» Les marins, les sapeurs de la garde et ceux de la réserve marcheront après le 1er régiment du troisième corps ; les lieutenants-généraux Rogniat et Haxo seront à la tête ; ils n'emmène- ront avec eux que deux ou trois voitures ; le surplus du parc du génie marchera à gauche du troisième corps. Si l'on rencontre l'ennemi, ces troupes ne seront point engagées. . > La cavalerie de la garde partira à huit heures pour Gharleroi ; l'Empereur sera à l'avant garde sur la grande route. MM. les lieutenants-généraux auront soin d'envoyer à S. M. de fréquents rap- ports sur leurs mouvements , et les renseigne- ments qu'ils auront recueillis. Ils sont prévenus que l'intention de S. M. est d'avoir passé la Sambre avant midi, et de porter l'armée à la rive gauche de cette rivière.

c Oxi jettera trois ponts sur la Sambre. Les ba- gages se tiendront toujours à une distance de trois

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lieues derrière l'armée, et ne pourront passer la Sambre sans un ordre formel du major-général. »

Cet ordre de marche est, sans contredit, un modèle de précision et de simplicité qui le mettait à portée de toutes les intelligences ; mais que de choses laissèrent à désirer dans son exécution!... On dirait en vérité, que les quatorze mois de paix dont nous sortions avaient été pour nos généraux, les délices de Gapoue; qu'ils avaient paralysé toutes leurs anciennes qualités militaires.

Cet ordre, pourtant si clair, si simple, fut exé- cuté mollement par les uns, de travers par d'autres, sans zèle et sans intelligence par ceux- ci, et enfin, pour couronner tant d'affligeants mé- comptes, la plus importante de ces prescriptions, celle d'où dépendait tout le succès des savantes combinaisons de l'Empereur , échoua par suite d'un accident dont nous parlerons bientôt.

Mais , ce dont on ne peut encore se rendre compte, c'est qu'au lieu de marcher sur le ventre du bataillon de Landwehr et des deux escadrons de dragons prussiens qui défendaient la petite ville de Thuin, le deuxième corps se soit amusé à batailler pendant une heure, comme s'il eût eu devant lui une force égale à la sienne ! Quelle lenteur aussi le général Reille ne mit-il pas pour parcourir la faible distance qu'il avait pour arriver à Marchiennes-au-Pont, son ordre était d'être rendu avant neuf heures dumatin. Il mit, le croirait-on, huit heures! Il n'avait donc

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pas rassemblé ou campé ses troupes dans la prévision, cependant bien indiquée, d'une entrée immédiate en Belgique ?.. . Quoiqu'il en soit, on verra bientôt les conséquences de cette mollesse coupable !

On peut aussi adresser de graves reproches à Tétat-major général, qui, bien que la Belgique nous eût appartenu , ignorait que sur la Sambre, se trouvaient d'autres passages que ceux de Chatelet, Charleroi et Marchiennes. On pouvait couper la retraite à la première brigade prussienne si Ton eût dirigé une division sur l'un des passages qui se trouvent au-dessus de Charleroi ; ce qui eût été un début de bon augure ; mais l'état-major général ignorait ces passages!. ..

Enfin, le quatrième corps, par suite d'une mo- dification dans son ordre de marche et l'état de la route, ne put arriver au rendez-vous général, que dans la soirée, au lieu de s'y trouver à l'heure in- diquée d'abord ! Ah ! que d'actions de grâces l'armée prussienne n'eut-elle pas à rendre ce jour-là et les suivants, à toutes ces malencon- treuses circonstances!....

FIN DU TOME PREMIER.

TABLE DES MATIÈRES.

Au soldat page vu

LIVRE PREMIER.

Chapitre i.

1812.

Causes politiques de la campagne de Russie ; but du système continental ; passage du Niémen ; coalition des puissances étrangères; causes des désastres de l'armée page 1

Chapitre ii.

1813.

Réorganisation de l'armée ; trahisons et défec- tions, etc page 9

Chapitre iii.

Retraite de l'armée; son arrivée à Mayence; son état page 16

Chapitre iv.

L'armée prend ses cantonnements sur la rive gauche du Rhin ; les coalisés se massent sur la rive droite. L'Empereur à Paris, etc page 19

Chapitre v.

Menaces d'invasion du territoire français; tableaux des forces de la France à, opposer à celles de la coali- tion, etc page 25

«^

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LIVRE DEUXIÈME. Chapitre vi.

1814.

Effectif de l'armée française; ses efforts pour disputer le terrain aux armées étrangères. Capitulation de Paris, etc. » . . . . page 39

Chapitre vu.

Dispositions de l'Empereur après la prise de Paris ; plan de campagne; sentiments de l'armée, etc. . . page 50

Chapitre vni.

Lettres inédites de Napoléon au comte Maison ; trahi- sons et défections d'Essonne, etc page &&

Chapitre ix.

Le trône impérial s'écroule ; état de l'armée ; projet de l'Empereur, etc page 62

Chapitre x.

Traité entre le gouvernement provisoire et les alliés ; abdication de l'Empereur ; traité de Fontai- nebleau, etc page 67

Chapitre xi.

Adieux de Fontainebleau ; départ de Napoléon ; ta- bleau du bataillon de l'île d'Elbe et de son voyage à travers la France, etc page 73

LIVRE TROISIÈME.

Chapitre xii.

Restauration.

Entrée de Louis XVIII dans Paris; attitude de la vieille garde impériale dans cette solennité; traité de paix; adhésions des généraux; réorganisation de l'armée page 107

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LIVRE QUATRIÈME.

Chapitre xiii.

Agitation des esprits ; Napoléon forme le projet d'en tirer parti ; son départ de l'île d'Elbe et son débarque- ment au golfe Juan, etc page 152

Chaptire xiv.

Incurie du gouvernement du Roi ; conduite de l'armée ; Napoléon mis hors la loi , etc ...... page 180

Chapitre xv.

Marche des grenadiers et chasseurs à pied de la vieille garde à la rencontre de Napoléon ; leur arrivée à Paris et leur enthousiasme à la vue de leur Empereur, qui lui- même en éprouve une profonde émotion, etc. . page 192

Chapitre xvi.

Itinéraire de Napoléon du golfe Jûan à Paris ; défec- tion du colonel de La Bédoyère ; entrée de Napoléon à Grenoble et à Lyon ; défection du maréchal Ney, etc page 269,

LIVRE CINQUIÈME.

Chapitre xvii.

Situation des partis ; attitude menaçante de la coali- tion ; courtes illusions de Napoléon ; sa correspondance inédite avec le maréchal prince d'Eckmûhl, ministre de la guerre ; réorganisation de l'arniée sur le pied de guerre, etc page 295

Chapitre xviii.

Cours de tactique des trois armes résultant d'une correspondance inédite de Napoléon avec le prince d'Eckmûhl page 328

Chapitre xix. Cours de stratégie résultant d'une correspondance

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inédite de Napoléon ; sa prochaine application dans les champs de la Belgique. Graves symptômes d'insur- rection dans la Bretagne et la Vendée ; mesures de Napo- léon pour y couper court ; ses derniers ordres pour la défense du territoire, etc page 364

Chapitre xx.

Réorganisation de la garde impériale ; portrait du 1er régiment de grenadiers à pied. Les fortifications de Paris et démonstrations belliqueuses de ses habitants ; ouverture du Champ-de-Mai ; distribution des dra- peaux; cri de guerre; appel aux armes; Napoléon mis hors la loi des souverains ; Napoléon ceint son épée; concentration de l'armée snr la frontière de la Belgique; ouverture des Chambres; départ de Napoléon; les armées sont en présence; ordre de marche, etc . page à!\0

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