Digitized by the Internet Archive in 2011 witii funding from University of Toronto littp://www.arcliive.org/details/lesfortsdelagaOOmaur LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L'ANCIENNE FRANCE OUVRAGES DE M. L. F. ALFRED MAURY. HI8T0IBE DES B£UGIONS DE LA GRÈCE ANTIQUE, depuiS leUT Origine jusqu'à leur complète constitution. 3 forts vol. in-8°, 1859. ESSAI SDR LES LÉGENDES PIEUSES DU MOYEN AGE, OU ExamCn (le 06 qu'elles renferment de merveilleux, d'après le.s connaissances que fournissent l'archéologie, la théologie, la philosophie et la physiologie médicale. 1 vol. in-S», 1843. LES FÉES DU MOYEN AGE, rccherches sur leur origine, leur histoire et leurs attributs, pour servir à la connaissance de la mythologie gau- loise. 1 vol. in-12, 1843. LA TERRE ET l'homme, aperçu historique de géologie, de géographie et d'ethnologie générale, pour servir d'introduction à l'histoire uni- verselle. 1 vol. in-12, 2^ édition, 18G1. LA KAGIE ET l' ASTROLOGIE duus l'antiquilé et au moyen âge. l vol. in-12, 3« édition, 1864. LE SOMMEIL ET LES RÊVES, études psychologiques sur ces phénomènes et les divers états qui s'y rattachent ; suivies de recherches sur le dé- veloppement de l'instinct et de l'intelligence dans leurs rapports avec le phénomène du sommeil. 1 vol. in-1?, 2* édition, 1865. CROYANCES ET LÉGENDES DE L'ANTIQUITÉ. — Essais de Critique ap- pliquée à quelques points d'histoire et de mythologie. 1 vol. in-12, 2« édition. 1865. LES ACADÉMIES d'autrefois, — L'ancicnne Académie des sciences et l'ancienne Académie des inscriptions et belles- lettres. 2 vol. in-t2, 2^ édition, 1864. rapports faits en 1856-57-58 et 59 à l'Assemblée générale de la So- ciété de géographie sur les progrès des sciences géographiques. 4 cahiers in-4°. MÉMOIRE sur le véritable caractère des événements qui portèrent Ser- vius TuUius au trùne, et sur les éléments dont se composait origi- nairement la population romaine. Imprimerie impériale. In-4°, 1866. LES FORETS DE L4 GAIILE ET DE L'ANCIENNE FRANCE Aperça sur leur histoire, leur topographie et la législation qui les a régies, D'UN TABLEAU ALPHABETIQUE DES FORÊTS ET DES BOIS PRINCIPAUX DE l'eMPIRE FRANÇAIS PAR L-F. ALFRED IVIAURY Membre de Vltistilut (Académie des inscriptions et belles-'ettres), Professeur au Collège de France, Hililiotliécaire du palais des Tuileries, Officier de ta Légiou d'honneur et Clievalier des ordres de Saint-Maurice et de Saint-Lazare d'Italie, De la société impériale des antiquaires de France, de l'institut aichéolngique de Rome, ■ le l'institut archéologique de la Grande-Bretagne, vice-président pour 1867 de la société de géographie de Paris, des acadéniies de Caen et Bordeaux, des sociétés de géographie de Saint-Pétersbourg, des antiquaires de Moscou, des antiquaires de la Suisse romande, de littérature néerlandaise de Leyde, de l'académie d'Archéologie de Madrid. PARIS LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE DE LADRÂNGE RUE SAINT-ANDRÉ-DES-ARTS, 41 1867 BIW.IOTHECA I ^Ch PRÉFACE. L'ouvrage que je soumets aujourdliui au pu- blic a paru dans le tome IV, '2' série, de&Mé- nioires présentés par divers savants à V Acadé- mie des inscriptions et belles-lettres de l'Institut impérial de France (Paris, 1860), après avoir obtenu une médaille au concours des antiqui- tés nationales, pour 1854. Mais je ne me suis pas borné à reproduire une œuvre dont la rédaction remonte à plus de douze années. Les limites dans lesquelles devait se resserrer un mémoire destiné à un concours académique m'obligeaient à supprimer certains développe- ments qui ont pu trouver place dans cette nou- velle publication. Je me suis, de plus, aidé d'ou- vrages et de documents qu'il ne m'avait pas été possible de consulter lors de mon précédent travail, soit parce qu'ils n'étaient pas à ma dis- position, soit parce qu'ils n'avaient point encore vu le jour. Sous sa forme actuelle, mon aperçu de l'histoire des Forets de la Gaule et de l'an- cienne France suffira pour donner une idée VI PRÉFACE. complète des révolutions qu'a traversées notre sol boisé et des cliaiigements successivement ap- portes dans l'esprit de notre législationforestière. Il n'aurait pas été inutile pour l'intelligence du livre que des cartes et des plans l'accompagnas- sent, mais c'est un atlas tout entier qu'il eût fallu y joindre. Ne pouvant songer à une pareille en- treprise, je me borne à renvoyer le lecteur au.\ cartes nombreuses que nous possédons de toutes les parties de la France. On devra consulter de préférence les feuilles de l'excellente carte de l'Etat-Major, auxquelles on fera bien d'ajouter celles de Belgique et de Suisse données par les ingénieurs militaires de ces pays. C'est là qu'on pourra suivre d'une manière précise les indications topograpliiques dont mon travail est semé. Quoique ce livre s'adresse avant tout aux géo- graphes, il est de nature à intéresserégalement les personnes qui s'occupent d'histoire générale, de mythologie et d'archéologie, et plus particulière- ment ceux qui cherchent à éclairer les diverses par- ties de notre histoire nationale. L'état de nos an- ciennes forêts, la condition des populations qui les ont habitées, les traditions et les croyances qui s'y rattachaient, les règlements dont elles furent l'objet, tout cela importe à la connaissance des PRÉFACE. Vil événements et des idées dans le passe de notre patrie. L'économiste et le propriétaire forestier pourront aussi puiser dans quelques-uns des faits ici consignés, des renseignements qui ne sont pas sans valeur. J'ai non-seulement étendu mes recherches antérieures, mais fait suhir au mémoire qui sert de base au livre, une refonte, sur certains points totale, en sorte qu'il peut se présenter avec le caractère d'un ouvrage nou- veau. Je l'ai fait suivre d'un tableau alphabé- tique des forets et des principaux bois de l'Em- pire qui, tout en servant de table des matières, donne un dictionnaire des forets françaises, ouvrage qui manquait aux géographes. Cela ne veut pas dire qu'on n'y puisse signaler bien des imperfections et des lacunes. Le sujet est inépuisable, et le cadre trop vaste pour qu'un seul auteur arrive à le remplir ; j'espère toutefois ([ue le public me tiendra compte de mes efforts, et n'oubliera pas que dans les œuvres d'érudi- tion, on ne saurait jamais se flatter de n'avoir point commis des péchés d'inexactitude ou d'omission. INTRODUCTION. La disparition des forêts se lie intimement aux progrès de la civilisation. Presque partout, avant d'être défriché, le sol se dérobait aux regards sous un épais manteau de feuillage. J'ai jadis montré, dans un ouvrage spécial (1), que dans le monde qui fut connu des anciens, les forêts sont d'autant plus éclaircies qu'on s'avance davantage au sud-ouest. Or, c'est précisément la direction suivant laquelle s'est propagée la civilisation. Les Espagnols, les Italiens, les Français, les Anglais, les Grecs, en un mot, toutes les nations des contrées européennes actuellement les plus déboisées, descendent de populations qui sont les aînées en civilisation. Les montagnes étant de leur nature plus difficilement accessibles que les plaines, le progrès social s'est plus lentement accompli chez leurs habitants; aussi leurs pentes sont-elles demeurées plus longtemps ombragées (2). Voilà pourquoi les idées de forêts et de montagnes étaient étroitement unies dans l'esprit de la (1) Voy. mon Histoire des grandes forêts de la Gaule et de l'ancienne France, Paris, 1850, in-8". (2) Le fait se produit aussi dans l'Asie centrale, où la civilisation est venue de la Chine. Depuis le milieu du xvu' siècle que les Chinois ont pénétré dans le royaume Ouniot, et notamment dans le pays des Gorges- contiguës, les montagnes se sont découronnées de forêts. Voy. Hue, Sou- venirs d'un voyage dans la Tartarie, le Thibct et la Chine, 2* édit., t. I, p. 13. i 2 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. plupart des peuples anciens. Chez les Allemands, le mot tcald signifie à la fois montagne et forêt, parce qu'il s'appli- quait originairement à des chaînes de hauteurs naturelle- ment boisées. Les Latins donnaient le nom de sahus à un défilé montagneux qu'ils se représentaient toujours comme couvert d'arbres, en sorle que cette expression s'entendait à la fois d'une montagne et d'une foret. Platon regarde comme un fait avéré l'existence des forêts sur toutes les cimes de la Grèce déjà découronnées de son temps (1). L'homme des bois, l'habitant des forêts est devenu le type du sauvage ; tant il est vrai que la disparition des forêts apparaissait comme l'œuvre de la civilisation. En alle- mand, le mot icild, sauvage, appartient au même radical que icald, forêt. Le mot français sauvage, en italien sel- vaggio, est dérivé du latin sylva (en italien se/i«), forêt. Chez les Hindous^, on donne le nom de djangli à un bar- bare, un sauvage; et cette appellation signifie proprement habitant des forêts, des jongles. Le moyen âge représentait le sauvage sous la figure d'un personnage velu et hideux commis à la garde des châ- teaux enchantés, des grottes mystérieuses que l'imagina- tion populaire supposait exister dans la profondeur des solitudes ombragées. On en a la preuve dans plusieurs monuments que couserventles cabinets d'amateurs et d'an- tiquaires (2). Les forêts ont été en effet de tout temps et en tout pays le refuge des proscrits, des brigands, don baiidit.s. C'était dans les forêts, aujourd'hui presque toutes déman- telées, de l'Angleterre, que se cachaient les indigènes d'Al- bion traqués par les Romains, et les restes de ces forêts (1) Kat ^z'i)lr,•^ ii tcI; ôpsiriv ôXr.v ei/.cv, r; y.%\ W-* oc4vîpà nx.u.r.oia,, (Platon, Critias, § 5, p. 384, éclilion Bekker.) (2) Voyez le riK-nioirc de M. A. de Longpérier, sur les Figures velurs du moyen âge. [Rciue arcliéolog., t. II, p. 507 et suiv.) INTRODUCTION. 3 fournirent encore un refuge aux insulaires, à l'arrivée des Saxons ; c'est là que plus tard se retrouvent les outlaws (1). Quand la paix avait enlevé aux soudards un motif légi- time de guerroyer, ils formaient des bandes pillardes qui s'embusquaient dans les bois, ainsi que cela a eu lieu, notamment au xiv^ et au xv siècle, en France et en Alle- magne. Robin Hood et Witikind ont dû leur nom à ce genre de vie (2). En Irlande, on donnait vulgairement le nom de coureurs des bois aux ivhiteboys qui, au milieu du siècle dernier, constituèrent une vaste association d'insur- gés contre la domination anglaise. En France, les Gami- sards cherclièrent un refuge dans les forêts des Céven- nes (3). En Corse, ce fut longtemps dans les maquis que s'établissaient les bandits ; et, de nos jours, dans le royaume de Naples, les forêts servent de places fortes aux brigands qui le désolent sous prétexte de défendre la cause de la famille royale déchue. La vie des forêts ramène forcément l'homme civilisé à (Ij L'empereur Sévère fit abattre ces forêts pour couper aux insulaires leurs retraites. (Dion Cassius, Excerpta Xiphilin., lib. LXXVl, c. xiii, édit. Sturz, p. 637.) Les Romains n'osèrent pendant longtemps attaquer les pays oîi des forêts profondes pouvaient servir de refuge aux habitants. En l'an de Rome 679, le consul Scribonius Curion s'avança jusqu'aux fron- tières de la Dacie; mais les forêts dont elle était couverte paralysèrent son courage : « Tenebras salluum expavit, » écrit Florus (III, 5), et trente-liuit années auparavant, G. Caton n'avait pu triompher des Scor- disques cantonnés dans leurs montagnes et leurs forêts (Florus, I. c). (2) Le nom du célèbre Robin Hood est une corruption de Robin of tlie wood, de même que celui de Witikind est dérivé de l'ancien teuton Wilu chincl, « fils du bois. » (Voy. la dissertatiou|de M. Th. Wright, intitulée Popular cycle of the Robin Hood ballads, ap. Essays on suhjects connec- ted with the literaiurc, popidar supersliiions and histonj of England, vol. II, p. 207, et un article de la Revue britannique, 6« série, t. XI, p. 132.) (3) Un bois de chênes verts, nommé la Lauzicres des Mas de Ilorles, servit de refuge à Ravauel et à sa troupe, qui se sauva plus tard dans la forêt de Lens. (Voy. D. Vaissète, Histoire de Languedoc ^ continuée par H. Dumége, t. X, p. 408.) 4 LES FORÊTS DE L.V GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. la barbarie. Un exemple curieux nous en est fourni par ce que rapporte le voyageur Caslren. Dans les forêts de la Touba, en Sibérie, quiconque s'établit, prêtre, cultiva- teur russe ou tartare, est contraint de se dépouiller de son costume et de revêtir le grossier accoutrement des Kirghises de la forêt. Les squattons et les coureurs de bois de l'Amérique du Nord ne tardent pas à devenir aussi sauva- ges que les tribus indiennes. C'est dans les jongles de l'Hindoustan qu'une partie des populations dravidiennes se sont réfugiées pour échapper à la conquête aryenne. Sur la côte de l'Orissa, la seule vue d'un étranger fait fuir l'indigène dans les bois (i). Les Bhils, les Waralis, les Cotes, les Katodis, les Chensuars, débris des tribus primitives de l'Inde, se sont retirés dans les forêts pour y garder encore leur indépendance et échapper à la haine et au mépris qu'ils inspirent (2). C'est ce que font plusieurs des dernières castes hindoues. A Ceylan, les forêts deBintenne et de Veddaratta ont servi de refuge aux Veddahs, descendants des Yakkas, abori- gènes de cette île, chassés par les conquérants étrangers ; ils conservent là leurs usages et leurs antiques supersti- tions (3). A Madagascar, les forêts sont presque exclusive- ment peuplées par les Djiolahi, sorte de caste de brigands établie dans les cavernes dont ces forêts sont remplies (4). En Amérique, les descendants des Muscogis ou Creeks sont allés se cacher dans les éverglades, forêts marécageuses (t , Journal of the royal Asiatic Society of Bengal, vol. VIII, p. 607, année 1839. (2) Jacquemont, Voyage dons l'Inde, t. III, p. 475. — Ritter, yl5î>>i, l. V,p. 1040; t. VI, p. 52G, 619. (Voy. sur les Chensuars, Newbold, dans le Journal of the royal Asiatic Soc. of Greal Drilain, vol. VIII, p. 271.) (3; Major Forbes, Eleven years in Ceylan, t. II, p. 75. (4) W. Eilis. History of Madagascar, vol. 1, p. 35. INTRODUCTION. 5 de la Floride, poursuivis qu'ils étaient de tous côtés ])ar les colons européens; et cette circonstance leur a valu le nom de Seminoles, c'est-à-dire réfugiés (1). Une des princi- pales causes de la disparition des forêts dans la Nouvelle- Angleterre, c'est qu'elles servaient de défense et de refuge aux Indiens (2). J'ai dit que les populations qui ont fixé leur demeure dans les épaisses forêts, y prennent des mœurs appropriées à cette sauvage patrie, et subissent dans leur caractère et jusque dans leurs traits l'influence de leur ténébreuse habitation. Dans les jongles, l'Hindou des castes inférieures offre cette physionomie maladive, cet air défiant, cette apparence grêle qui frappent surtout chez les Soudras du Sunderbunds. La force de la végétation absorbe, pour ainsi parler, tous les éléments de la vie et ne laisse à l'homme qu'une existence chétive et misérable. Au pied de l'Himalaya s'étend une longue bande d'un sol d'alluvions apportées de la montagne; c'est ce qu'on appelle le Teraï. De là on s'élève sur les premières pentes de la chaîne, que recouvrent de vastes forêts et notam- ment celle qui fournit en abondance l'essence appelée shorea robusta, forêt que les Anglais désignent sous le nom de Saul Forest. Dans cette région empestée par les mias- mes échappés du terrain humide, du détritus de végétaux et d'animaux qui s'accumule à la base des arbres, vit une race d'un aspect repoussant, et dont le teint hâve, la physionomie maladive dénotent la triste condition hygiénique; ce sont les Mechis, habitants des jongles (I) Voy. la notice de M. de Castelnau, dans le Bulletin de la Société de Géographie, 3^ série, t. XVII, p. 393. Cf. sur les éverglades G. Catlin, Letters and notes on the manners, cusloms and condition of Ihe Norlh American Indians, 4* édit., t. IV, p. 33. \Vj Voy. Ch. Lyell, Travelsin Norlh America, t. I, p. 12. b LES FORETS DE LA CAULE ET DE L ANCIENNE FRANCE. du Teraï et des pentes du Saul Forest, véritables types de la dégénérescence qu'une semblable demeure fait subir à l'espèce humaine (1). Cette influence fatale appa- raît aussi dans les forêts des îles de la Malaisie et de la presqu'île de Malaya. Là, comme dans les jongles de l'Hin- doustan, l'électricité dont est chargée l'atmosphère, le haut état hygrométrique, relâchent les organes et dépri- ment la vie. Les Tchcpang et les Kusunda, qui habitent le centre des forêts du Népal, sont, comme les Waralis des forêts du Konkan septentrional et les Chensuars des forêts des Ghàtes orientales, de petite stature et de maigre com- plexion (2). Les Sletas, les Sabimbas et d'autres tribus de la Malaisie fixées dans les forêts, ne s'élèvent guère, pour le genre de vie, au-dessus de ces autres hommes des bois, les ora7ig-outans dont ils partagent le nom et la patrie (3). Chez l'homme des forêts, le langage est plus guttural, (1) Le mol Teraï signifie, en persan, humidité. La zone ainsi appelée s'élend depuis le Suttledje jusqu'à Bralima-Koum dans le Haut-Assam. Voy. sur cotte région, dont la végétation présente une physionomie à part, et sur ïeSaul-Foresl, J.-D. Hooker, Himalayan Journals, 1. 1, p. 100 et 377 (Londres, 1854), et Hodgson, On llie physical geographij of Ihc Himalaya, dans le Journal of Ihe Royal Asialic Society of Denrjal, t. XVIII, p. 780. (2) Voy. sur les Tchepang et les Kusunda l'article de M. Hodgson dans le Journal of Ihe Roy. As. Soc. of Dengal, t. XVII, part, ii, p. G50. Sur les Waralis, l'article de M. J. Wilson, Journal oftheAs. soc.ofGreal Britain, t. VII, p. 24, et sur les Chensuars ou Chenchwars, rarticle du capitaine Newbold, déjà cité. (3) Voy. Nouvelles annales des voyages, 5* série, t. XX, p, 230 et suiv. Les Malais appellent ces peuplades hommes des bois, Orang-oulan. Les Dayaks, les Malais et les Bouguis regardent les singes de ce nom comme des hommes que Dieu a condamnés à la dégradation, et a privés de l'usage de la jtarole, en expiation de que^iue crime. Certaines peu- plades nègres de l'Afrique disent que les grands singes sont des hommes paresseux qui ont fui dans la forêt et qui refusent de parler pour n'être pas obligés à travailler. — (Voy. à ce sujet D. de Rienzi, L'Océanic, t. I, ]». 38.) — Il y a dans ces croyances un sentiment de l'influence dégradante du séjour des bois sur notre espèce. INTRODUCTION. / plus concis, plus passionné que chez celui des plaines, comme l'a observé pour les Indiens de l'Amérique méri- dionale Alexandre de Humboldt (1). Là où une humi- dité excessive, jointe à une haute température, ne vient pas énerver la vigueur musculaire, le froid piquant et âpre des forêts donne à la fibre plus de force, au caractère plus d'énergie. L'homme de ces forêts est aussi hardi, aussi attaché à son indépendance que celui des forêts ma- récageuses et des jongles est faible et timide. La même différence s'observe dans la Sibérie entre les tribus dites des bois et celle des steppes. La vie de chasseurs des pre- miers leur donne une énergie qui fait place, chez les seconds, à un caractère plus doux {%. Sans adopter les idées chimériques émises par Poinsinet de Sivry, dans son ouvrage sur l' Origine des premières so- ciétés, on peut cependant reconnaître avec lui que la dé- couverte du feu amena promptement l'incendie des fo- rêts (3), Ce fut un des premiers actes d'hostilité de l'homme contre la nature sau\age. Non pas qu'on doive croire avec Vico que cet acte ait été le résultat d'idées religieuses, que le désir de jouir plus librement de la vue du firmament, de mieux apercevoir les auspices en ait été la principale cause (4). Évidemment, ce furent les premiers progrès de l'agriculture qui amenèrent le commencement de la guerre déclarée aux arbres par l'homme, puisque, ainsi que je l'ai remarqué en commençant, la destruction delà végétation forestière est ordinairement d'autant plus com- plète en un pays que ce pays est plus anciennement civi- (1) Voyages aux régions équinoxiales, t. YII, p. 17. (2) Voy. Castren, Voyage ethnologique dans rintérieur de la Sibérie, dans les Nouv. Annales des Voyages, v^ série, 5« année, p. 126 et suiv. (3) Voy. Origine des premières sociétés, p. 72 et 73. (4) La Science nouvelle, traduction nouv. (Paris, 1844), p. 188. 8 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'ANCIENNE FRANCE. lise. Mais si les forêts étaient l'image de la vie sauvage, si par là l'homme policé éprouvait pour elles une aversion instinctive (1), elles étaient aussi l'emblème de cette vie primitive, de cette société primordiale dont le souvenir est demeuré, chez tous les peuples, associé à des idées re- ligieuses. Les forêts, par leur aspect lugubre, leur carac- tère silencieux, les arbres, parla majesté de leur port, la longue durée de leur existence, entretenaient dans l'esprit superstitieux des premiers hommes un profond sentiment de crainte et de vénération. Aussi les voit-on jouer un rôle dans le culte de presque tous les anciens peuples. A l'é- poque du fétichisme ou du naturalisme, état par lequel ont débuté les religions, les végétaux arborescents sont adorés comme des divinités, ou du moins regardés comme leur demeure. Cette terreur qui peuple les forêts d'êtres divins, mysté- rieux, de puissances cachées et terribles, est née du senti- ment d'effroi que les forêts font éprouver à l'homme ; en lui donnant, par leur [majesté, conscience de sa faiblesse, elles élèvent sa pensée vers la Divinité : « Si tibi occurrit » vetustis arboribus, écrit Sénèque (2), et solitam altitu- » dinem egressis frequens lucus, illa proceritas sylvae et » secretum loci et admiratio umbrœ fidem numini facit.» Le silence solennel qui règne au sein des forêts enga- geait l'homme au recueillement, et le portait au sentiment religieux plus que des simulacres brillants d'or et d'ivoire. » Hœc fuere numinum templa, priscoque ritu simplicia » rura, etiam nunc Deo praecellentem arborem dicant, nec (1) La loi de Manou interdit au Brahmane, maître de maison, d'en- trer jamais dans une forêt épaisse, impraticable, embarrassée de lianes, de ronces, de buissons et où peuvent être cachés des serpents et des voleurs. (Lois de Manou, IV, 77. J (2) Epislol. XLi. INTRODUCTION. 9 » magisaurofulgentiaatqueebore simulacra,quamlucos, » et in his silentia ipsa adoramus (1).» A ces motifs de respect pour les forêts et les bocages est venu se joindre chez l'homme le sentiment de l'utilité des arbres ; on comprit les services qu'ils pouvaient rendre, et de bonne heure la superstition ou la loi les défendit contre une imprudente et capricieuse destruction. Dans les lois de Manou, qui nous ont conservé tant de disposi- tions datant de l'antiquité la plus reculée, on voit déjà les arbres mentionnés comme devant servir de clôture et de limite. Le propriétaire doit entourer son champ d'une haie d'arbrisseaux épineux, au moins assez élevés pour qu'un chameau ne puisse regarder par-dessus (2). Le légis- lateur hindou prend soin d'énumérer les diverses essences de belle venue qui serviront de limite entre les champs (3). Abattre des arbres encore verts pour en faire du bois à brûler, est un acte criminel interdit à un sectateur de Brahma (4), et une pénitence sévère est imposée à celui qui arrache inutilement des plantes cultivées ou nées spontanément dans une forêt (5). Une peine est établie contre celui qui endommage de grands arbres (6). La plantation de ces arbres avait même, il semble, originaire- ment dans l'Lide le caractère d'un acte religieux qu'on devait accomplir uniquement pour honorer les dieux et servir les hommes, puisque le planteur d'arbres salarié était exclu, comme les criminels et les gens impurs ou de condition abjecte, du repas funèbre en l'honneur des (1) Plin. Ilist. nat. lib. XII, c. i. g 2. (2j Lois de Manou, VIII, 239. (3) Ibid., VIII, 246, 247. (4) Ibid., XI, 64. (h) Ibid., XI, 144. (6) /ttti., VIII, 285. 10 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. mânes (1). En beaucoup de contrées ce sont les arbres fruitiers dont la conservation imporle si fort au bien- être de la société, qu'on a regardes comme sacrés. Dans la Polynésie, le tabou protégeait l'arbre à pain et garantis- sait ainsi aux peuplades sauvages leur subsistance qu'elles tirent en grande partie de cet arbre. De nombreux témoignagesfournispar les plus anciennes traditions de tous les peuples confirment l'existence du culte des forêts, des bocages et des arbres que tant d'idées et de convenances tendaient à perpétuer. La Bible nous parle du culte rendu dans les bocages et sous les arbres verts au Très-Haut (2). C'est au bocage de Mamré qu'Abraham construisit un autel à Jehovah, et c'est là que ce Dieu se révéla à lui (3). Au iv^ siècle de notre ère, on continuait encore de venir là au pied des chênes touffus, adorer les génies et les anges, qui, suivant la croyance populaire, s'y rendaient vi- sibles (4). Avant l'établissement de l'islamisme, les habitants du Nadjran dans l'Yemen offraient leurs adorations à un énorme dattier, autour duquel ils célébraient, tous les ans, une fête solennelle et qu'ils chargeaient de vêtements et d'étoffes précieuses (5). Le culte des arbres en Perse, sur lequel Chardin et William Ouseley nous ont donné de si curieux détails, paraît remonter à l'antiquité la plus reculée. Les arbres vénérés y portent le nom de Dirakht i fazel, « les excellents (1) Lois de Matiou, III, 1G3. (2) Voy. par exemple Judith, III, 12. (3) Gènes, xiii, 18, xv, 7 et suiv. (4) Ce lieu portait le nom de TércbinlJic. (Voy. Sozomen,, Ilislor. ceci. lib. II, c. IV.) (5) W. Ouseley, Travels in varions counlrics of Ute Easl, l. I, p. 3G9, 370, London, 1819, ia-4». INTRODUCTION. 41 arbres; » on les couvre de clous, à' ex-voto, d'amulettes, de guenilles, et les derviches et les fakirs accourent se placer sous leur ombre (1). Ce sont généralement des pla- tanes ou des cyprès. Quelques-uns de ces arbres sont d'une extrême vieillesse. Près de Naklichivan, à Ardubad, en Arménie, est un orme vieux de plus de mille ans, qui est l'objet du culte des habitants (2). Les crédules Persans attribuent à leur vertu divine l'étonnante longévité de ces végétaux, sur lesquels la présence des hommes saints, qui viennent s'abriter sous leur feuillage, attire, disent-ils, les bénédictions. On brûle à leur pied de l'encens ou des cierges pour obtenir la guérison des malades ou l'accom- plissement de ses vœux. Ceux qui s'endorment à l'ombre de ces arbres s'imaginent, dans leurs songes, goûter les félicités réservées aux aoulia (3) ou bienheureux. On con- naît le célèbre cyprès de Passa, l'ancienne Pasagarde, qui était encore, il y a quelques années, l'objet d'un pèleri- nage célèbre de la part des musulmans. Ces arbres reçoi- vent le nom de Pb\ c'est-à-dire les anciens (4), et on les regarde comme le séjour favori des âmes des élus. Une croyance analogue fait des forêts du Mazanderan, derniei^s vestiges de la végétation forestière de ces contrées, la résidence, le lieu de retraite des clives (5). Ce dernier trait achève de démontrer que c'est là un des restes du maz- déisme qui se sont conservés à travers l'islamisme, ainsi que tant d'autres idées zoroastriennes. L'Avesta nous apprend que les anciens Perses adoraient les saints ferouers (1) Ouseley, oui', cit. t. I, p. 373. (2) Ibid., t. III, p. 434. (3) Ce mot signifie en persan, bienheureux . (4) Pir, en persan, ancien, vieillard. Voy. Pietro délia Yalle, Viaggi. lett. XVI. Luglio, 1629.. (5) Ouseley, ouv. cit. t. I, p. 313. 12 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L' ANCIENNE FRANCE. OU esprits de Peau et des arbres (1). Ces ferouers se pla- çaient au-dessus des arbres et bénissaient leurs fruits. Ils étaient dits puissants et immortels. Les Persans donnent encore à certains arbres l'épithète de muharek, c'est-à-dire sacré. De ce nombre sont l'olivier, le dattier, le naklil, le kharma (2). Un conifère porte dans leur langue le nom de dib-dar, div-dar, div-daru (3), c'est- à-dire ai'bre des dives ou des démons. C'est le même que les Arabes appellent schedjeret-al-djinn {l'arbre des djùms), et quelquefois schedjer et- Allah (l'arbre de Dieu), expres- sions qui remontent toutes également à la dendolâtrie maz- déenne. Quand l'islamisme eut pris la place de la religion d'Ormuzd, les génies bienfaisants furent regardés comme de méchants démons, et les dives ou dews, les djinns, se substituèrent (4) dans les superstitions populaires aux Amschaspands et aux Ferouers. Ce fait rappelle ce qui est rapporté par Gazwini, d'un arbre qu'on trouvait au pied du montSabalan, dans l' Azerbaïdjan, et où résidaient les djinns (5). Dans rilindoustan subsistent des vestiges nombreux de la dendolâtrie qui se sont greffés sur le brahmanisme et le bouddhisme; cette dernière religion en se répandant dans l'Asie les a propagés avec elle. Chaque village de l'Hindoustan a son ficus indica qui en est comme le sanc- tuaire et l'asile. Ces arbres parviennent à une vieillesse (1) Voy. Zend-Avpsfa, traduct. Anquetil du Perron, t. II, p. 257, "284, 286 et suiv. — E. Burnouf, Commentaire sur le Yaçna, p. 380. (2) Ouseley, ouv. cil. t. II, p. 330. (3) Le mot dar, daru, arbre, ajjpartient à la même racine que le russe dcrcvo, que le grec Jpûç, chêne, et ^o'pu, lance, l'anglais Iree, et les mots dard, dague, daguet, larière. Voy. G. Curtius, Grundziige dcr griechischen Elymologie, 2* édit. p. 215. (4) Ouseley, ouv. cil. t. I, p. 387. (5) Ouseley, ouv. cit. t. I, p. 386. INTRODUCTION. 13 prodigieuse, circonstance qui a beaucoup contribué à inspirer pour eux la vénération. C'est surtout sur les bords du Nerboudda qu'ils atteignent une extrême longévité; il n'est pas rare d'en rencontrer qui ont plus de 500 ans. Souvent un seul individu forme à lui seul une véritable forêt; quelques-uns ont pu abriter toute une armée. Les rameaux du figuier connu en Europe sous le nom de fi- guier des Banyans, et dans lequel il faut reconnaître le sijcê indicé dont nous ont parlé les compagnons d'Alexan- dre, se repiquent dans la terre et donnent ainsi naissance à une foule de rejetons qui ne se séparent pas de la tige mère(l). Il existe deux espèces de ficiisindica, l'une et l'autre en- tourées du culte et de la vénération des Hindous : \q ficus in- dica proprement dit, appelé par ces peuples vata ou nya- r/rôdha, et le ficus reUgiosa, qui porte le nom de açvattha, ou de pippala. C elui-ci présente de nombreux et flexibles rameaux qui se replantent dans le sol. Le pippala est le symbole de l'intelligence, bôdhi; c'est le hom des anciens Persans, l'arbre de la science du bien et du mal de la Ge- nèse (2). fl atteint, dans l'île de Ceylan, où il est fort abon- dant, d'étonnantes dimensions (3), et est, de la part des bouddhistes, l'objet d'une dévotion spéciale. Dans tous les pays de foi bouddhique, on rencontre des arbres de Bouddha, Pout ou Bodhi, qui répondent tous à la même idée symbolique (4). Le vata est regardé comme de sexe mâle. On le plante près de l'açvattha, qui est regardé, au contraire, comme de sexe femelle. Ces mariages d'arbres sont accompagnés de cérémonies religieuses, sur lesquelles (1) Ch. Lassen, Indische Alterthumskunde , t. I, p. 256 etsuiv. (2) Ibid. (3) Major Forbes, Elevenyears in Ceijlon, t. II, p. 108. (4) W. Ouseley, Travels in varions counlries ofihe East, t. I, p. 393. 14 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L ANCIENNE FRANCE. les voyageurs ont donné des détails intéressants (1). Dans le Sindh, l'islamisme a consacré ce culte des arbres, en transportant aux saints musulmans les hon- neurs primitivement rendus aux dieux forestiers. On y observe fréquemment des arbres surmontés d'une per- che et d'un drapeau, et au tronc duquel les dévots vont suspendre des ex-voto. C'est d'ordinaire à Abd-el-Kader Djelaui que l'habitant du Sindh dédie ces antiques objets de sa vénération (2). Déjà Quinte-Gurce signale, au temps d'Alexandre, le culte solennel rendu aux arbres par les peuplades des bords de l'Indus (3). Les jongles remplissent de crainte, par leur profon- deur et leur aspect lugubre, le timide Hindou. Il s'ima- gine rencontrer à chaque pas des monstres, des dé- mons, le banbh et le manu aux longues oreilles pen- dantes, à la chevelure semblable au pelage de l'ours, qui errent incessamment dans les solitudes des bois (4). Les Shingalais placent aussi dans leurs forêts la demeure des génies malfaisants. C'est dans la foret Yakgirri que Guadma, un des Bouddhas adorés par les insulaires, confina, lors de sa première visite à Ceylan, les démons et les enchanteurs qui s'opposaient à son apostolat. Telle est l'origine de l'opinion encore répandue aujour- d'hui que le roi des démons a fixé sa résidence dans cette foret (5). (1) \V. II. Slccman, Rambles and recollections of on Indian officiai, vol. I, p. 42 et suiv. (2) Richard E. Burton, Sind hand Ihe races Uiat iuhabit the valley of Ihe Indus. "Loniion, 1851, p. 177. (33 « Arbores maxime (colunt) , quas violare capitale est. (Quint. Curt. VIII, g 31,0. i.\.) (4) Richard E. Burton, Sindh, p. 175. (5) Voy.ù la suite du poëme shingalais intitulé : Yahkun yattannaua et publié par Callaway, le iioëme qui porte le nom do Kolan Nallannau'n , p. 54, no 118 (Londres, 1829). INTRODUCTION. 15 Le culte des arbres a rayonné de l'Hindoustan et de l'Asie centrale jusqu'en Europe. On vient de le voir en Perse; il a sans doute passé de là au Caucase^ où l'on adore Mesté, le dieu des forêts (1) ; des dieux analogues étaient révérés chez les Abkhazes avant leur conversion au chris- tianisme (2). On peut dire que toutes les populations indo-européen- nes ont été dendoîâtres. LesGrecsetles Pélasges leurs ancê- tres avaient pour les bois une vénération superstitieuse. Au berceau même de la société hellénique, nous trouvons à Dodone, l'antique centre de la civilisation pélasgique, une forêt de chênes consacrés au grand dieu Zeus ou Joii (3). On prêtait à ces arbres une vertu prophétique générale- ment attribuée aux forêts sacrées (4). Voilà pourquoi les oracles les plus célèbres, ceux de Claros, de Thymbra, d'Olympie, deCharax en Carie étaient placés au voisinage de bois sacrés (5) . Les Grecs donnaient le nom d'alsos, dans l'ancien dialecte du Péloponèse altis, et les Latins celui de Iucks aux bois ou bocages sacrés. Chez les premiers les noms de dr?/m'os, d^'ymôn s'entendaient des forêts plantées de main d'homme, des forêts de chênes surtout; on réservait le terme de hylê aux forêts naturelles, aux forêts vierges ou profondes (6). Les Romains distinguaient le nemus {!), qui (1) Ed. Spencer, Travels in Cvxassia, t. Il, p. 343. (2) "AXc-/) Ts )4al ûXaç èffs'govTo, dit Procope, De bell. goth., IV, 3. (3) Voy. Religions de VAniiquilc de Creuzer, trad. et refondu par G ui- gniaut. (4) Strabon, Géographie, "VIII, vu, p. 257 et suiv. (5) Voy. Vibius Sequester, éd. Oberlin, p. 25, et l'article Oracles, par M. L. Renier dans l'Encyclopédie moderne, nouv. édition. (6) Voy. J. Pollux, Onomasticon, I, 12. Cf. sur le sens d'iXoc;, S. Cyrill. Hierosol. Ilomil. IV in Jerem. (7) Nemora significant sylvas amccnas. Paul Diacon. Except. ex lib. Pomp. Fest. de signif. verhor. XII, p. 107, éd. Lindeman. 16 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. était pour eux un parc, un bocage, de la 5y/r« qui répondait hXdihjlê grecque, mot dont est dérivé le terme latin (l).Par ■ synecdoque, le mot Jtylè s'estappliquédansla suite aubois, à la matière, sens qu'il prit surtout à l'époque alexandrine; le bois étant à l'origine le type de la matière, materia, materies. C'est ce qui explique comment cette dernière forme, devenue en espagnol madera, a pris le sens de bois; elle fournit également l'étymologie du portugais mato, et du français madrier, madré. On sait que c'est au grand nombre de forêts dont elle était couverte que l'île de Ma- dère a dû son nom. {Madeira, en portugais, bois de cons- truction ; en espagnol, madera.) Par un rapprochement inverse, le radical latin hicus a fourni l'anglais log, lig, dans lesquels on retrouve la même racine que dans le la- tin lignum, l'italien legno. Les bocages étaient consacrés tantôt à des divmités rus- tiques, tantôt à des héros dont ils entouraient la sépulture, sur la tombe desquels ils avaient été plantés (2). Dans l'i- magination des Grecs, ces divinités choisissaient de préfé- rence pour leur demeure les lieux frais et ombragés, et s'y rendaient parfois visibles. De là la croyance, admise parmi eux, qu'on ne devait s'approcher des bois sacrés qu'en adressant des prières ou des offrandes à la divinité champêtre, au héros qui y résidait. L'accès de quelques- uns de ces bois restait même complètement interdit aux profanes et ils étaient pour ce motif entourés d'une en- ceinte en pierre (3) ; c'est ce qui avait lieu pour le bois (1 ) Interest auiem inter nemiis el sylvam et lucum ; hicus cnim est arbo- rum mnUihtdo ciim religione, 7iemus vero composila muUitudo arbonnn ; Sylva diffusa el inculta. Servius, in ^neid. 1, 310, 1. 1. p. Gl, éd. Lion. (2) Ainsi un bois fut planté au lieu où les Sept chefs avaient été enter- rés, comme on le voit par les paroles d'Athéné, à la lin de la tragédie des SupplianleSy d'Euripide. (3) Voy. ce que Pausanias dit d'un htcus de liera. Arcad. 37, g 7. INTRODUCTION. 17 des Euménides où, suivant la légende, Œdipe trouva la fin de ses maux (d). Les Hellènes donnaient le nom de Dryades, à^Hamadrya- des, de A'ff/jee^ aux divinités des arbres, des bois, des lieux ombragés (2j ; ils révéraient aussi des divinités spéciales des forêts, telles (\\\ Apollon Hylates, auquel on avait élevé dans l'île de Chypre (3) un grand nombre de sanctuaires, et Artemis-Agrotera (4), que l'on disait se livrer à la chasse dans les clairières, à la clarté de la lune. Ainsi que le font aujourd'hui encore les Hindous et quelques musulmans, les Grecs honoraient d'un culte par- ticulier certains arbres auxquels ils suspendaient des offrandes et des tablettes votives ; c'est ce que nous mon- trent les monuments (5). La vénération dont étaient en- tourés ces végétaux se rattachait d'ordinaire au souvenir d'un héros; tel était le cas pour l'olivier sauvage qu'on voyait à Olympie et qui, assurait-on, avait fourni à Her- cule la couronne du vainqueur ; le platane d'Apamée en Phrygie, oii, suivant la tradition, Marsyas avait été sus- pendu, était, pour un motif analogue, réputé sacré (6). Les Pélasges de l'Italie rendaient, comme leurs frères (1) Voy. la tragédie d'OEdipe à Colone, par Sophocle. (2) Les nymphes sylvestres recevaient les noms de 'AXay.i'^'e?, 'ïXyiwpot, Naralai, AùXoJvîa'îs;, AsûaS'ïç, 'AaaS'pûaJsç. (3) Voy. Engel, Kypros^ 1. 1, p. H 9. De Luynes, Niimismaliq. et ins- criptions cypriotes, p. 27. (4) Homer. Iliad. XXI, v. 471. Cf. Xénophon, Hisior. grxc. IV, p. 516, b. Pausanias, Attic.l^ 41, g 4. (5) Voy. à ce sujet Raoul Rochette, Peintures antiques inédiles, pi. VI, p. 403. (6) Voy. Plin, Ilisl. nal. 1. XVI, c. lxxxix. Le platane était souvent l'essence dont se composaient les bois sacrés. C'est ce qui avait lieu, par exemple, pour un âXuo; dont parle Pausanias, et oîi se trouvaient les sta- tues de Déméter Prosymna et de Dionysos, Corinth. c. xxxvii, § 2. Cf. sur un autre bois sacré de platanes à Phares en Achaïe, Pausanias. Achaic. c. xxii, § 1. 18 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. de Grèce, un culte aux arbres et aux bocages, culte dont héritèrent les Latins (1). De là les ex-voto que ceux-ci sus- pendaient aux arbres, et auxquels fait allusion Ovide en parlant du lucus de la Diane de Nemi (2). Au temps de Pline, s'élevait sur le mont Vatican, un chêne vert que l'on disait plus vieux que Rome, et oîi se lisait une inscription étrusque en lettres d'airain, indi- quant que cet arbre étai^t depuis longtemps l'objet d'un culte (3). Il est souvent fait mention, chez les auteurs la- tins, des lucus, dont les chênes éveillaient par leur vé- tusté un respect religieux (4); plus ordinairement ils étaient consacrés aux divinités forestières. L'un des plus célèbres, sans contredit, celui qui ombrageait la colline Cornée, près d'un faubourg de Tusculum, était dédié à Diane, depuis les âges les plus reculés (5). Si grande était la vénération pour les bocages, les bois sacrés, qu'on ne pouvait, au dire de Caton, y abattre un tronc qu'après un sacrifice solennel destiné à expier cette sorte de sacrilège (6) ; et c'est à cette vénération profonde (1) Cf. Pausanias, Corinth. c. ii, g 6. Ovid. Amor. III, 1-3. Le culte rendu, dans le bocage d'Aricie, à une divinité des arbres, tire sa source de l'ancienne religion pélasgique. (Voy. Yirg. .En. VII, 762; Ovid. Mc- tam.XY, 539.) (2) Ovid. Fasl. III, 2CG-2G7. Aux arbres de ce bois, les dévots allaient suspendre des tablettes votives : Licia dépendent longas vclanlia sepes, Et posita est mérita; multa tabella dea3. (3; Plin. Uist. nat. lib. XVI, lxxxvii. ( i) Sicut sacros vetustatc lucos adoremus in quibus grandia et antiqua robora jam non tantam habcnt speciem quantam religionem. (Quintilien, Instil. orat. X, 1.) (5) Pline, XVI, xci. C'était dans ce bois qu'on voyait l'arbre qui inspirai l'orateur Passienus Crispus une passion si bizarre. (Voyez Pline, ibid) Près de ce bois était un immense chêne vert (jui formait à lui seul une véritable forêt. « Sylvamque soia facit, » dit le naturaliste romain. (G) Caton nous donne la formule d'expiation usitée dans ce cas. (Caton, De re rmtico, c. clx, p. iSO. Cf. Plin. Ilid. nat. 1. XVII, c. xlvii, § 28.) INTRODUCTION. 19 des Romains pour les arbres que font allusion les vers bien connus d'Ovide : Ille etiara céréale nemus violasse securi Dicitur, et lucos ferro violasse vetustos (i). Des divinités analogues à celles que les Hellènes suppo- saient habiter les forêts, étaient adorées par les Italiotes. Elles recevaient des Latins les noms de Faunes, de Sijl- vains ; et de même qu'en Grèce Artemis était placée à la tête des dieux rustiques, en Italie, Diane, identifiée à la sœur d'Apollon, eut l'empire des forêts et des bêtes fauves. De là l'épithète de sylvarum potens Diana, qu'Horace lui donne dans son Carmen sœculare ; de là celle de S//Iva?'iwi virenthim saltimmque reconditorum domina qu'on trouve dans Catulle appliquée à la déesse. Le culte de Sylvain, associé parfois à celui de Mars (2), prit surtout faveur chez les populations pastorales de l'Italie, qui voyaient €n lui le protecteur de leurs troupeaux; de là le surnom •de Custos imposé à ce dieu champêtre (3). Les Romains paraissent l'avoir reçu des Pélasges (4), et ils le portèrent à leur tour à d'autres peuples qui l'assimilèrent à cer- taines divinités locales des bois et des champs. C'est ce •qui explique comment on rencontre l'adoration de Syl- •vain en Grèce (5), en Gaule (6), en Angleterre (7), en Da- li) Ovid. Metamorph. lib. YIII, 740, 741. (2) On voit, par Caton, que Mars-Sylvain était adoré dans les forêts •comme le protecteur des troupeaux. (M. Gato, De re ruslica, lxxxiii -, Lucil. ap. Nonn. ii, n° 324.) (3) Voy. Muralori, Inscript, p. 70, n» 0-, Gruter, Imcr. LXIV^ 4. (4) G'est ce que nous rappellent ces vers : Sylvano fama est veteres sacrasse Pelasgos, Arvorum pecorisque deo lucumque diemque. (ViRG. JEneid. VIII, 600.) (5) 2u>.€a-jû çiiXaxt, Bœclch, Corp. inscT. grsBC. t. III, n° 5963. (6) Voy. Ôrelli, Inscr. lai. sélect, n"^ 328, 333 etpassim. (7) Un autel découvert à Birdeswald porte : DEO SANGTO j SIL- 20 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. cie (1), dans toutes les contrées, en un mot, où les forêt abondent et qui furent jadis soumises à l'autorité de Romt On donna à ce dieu les surnoms les plus imposants : ceu d'Auguste (2), de Céleste (3), d'Invaincu (4), de Toul Puissant (5), de Salutaire (6) , de Dieu présent (7), d Saint (8), qui pourraient faire oublier son origine rusti que, si le retour fréquent des épithètes de Sylvestre (9^ de Dendropliore (10) ne la rappelait pas. Les Faunes furent moins cosmopolites ; leur culte n sortit guère des gorges de l'Apennin (11); ils finirent par s confondre avec les Sylvains et cette foule de génies inft rieurs, de démons familiers, qu'on retrouve à la fois dai: la Gaule, la Germanie, la Grande-Bretagne, sous les non de Gobelins, de Follets, de Trolls, de Kobolds, d'Elfs, d Banshee, etc., et dont les Sulèveset le St/lvamis domestia desLatins étaient comme le type (12); ils pénétrèrent menu sous le nom de Seirbn, dans les superstitions juives (13 VANOVE I NATORES 1 BANNE . S. S. (Voy. J. Gollingwood Briic The Roman wall, p. 413, London, 1851.) (1) Neigebaur, Dacien, p. 155, n° 230. (2) Voy. Orelli, Inscr. lai. seled. n"s 1598, 1599. (3) Orelli, n-'s 1119. 1611. (4) /nridui, Orelli, n° 1603. (5) Pollens, Orelli, n° 1611. (6) Salularis, Orelli, n°' 1596, 1609, 2518. (7) Deus prxsens, Orelli, n° 1008. (8) Sanclus, Orelli, n"1838. (9) Orelli, no^ 1609, 4490. — Neigebaur, Dacien, p. 152. (10) Dendrophorus, Orelli, n° 1602. (11) Apennicola3 fugcre ad httora fauni. (yil. Ilalic. lib. V, v. 620.) (12) Voy. Grimm, Deutsche Mytholorjie, 2' édit. p. 451. — W. Miille Geschichle und System der alldeulsrhen Religion, p. 379 (GoUingiv 1844). — Croflon Croker, Fairy legends of Ihe Soidh of Jrelani part. III, p. 84 ; Keightley, The fairy Mylhology, new edit. p. 3" et suiv. (13) Ces Seirim ou esprits des bois, que les Juifs se représentaient soi la forme de boucs ou d'hommes ayant des formes empruntées à un an mal, devaient leur origine à Azazel, le bouc émissaire, devenu j'our l( INTRODUCTION. 21 Les esprits des forêts, Waldgeister, Waldleuten, Holzleiiten des Allemands, comme les Trolls ou Trolds des Scandina- ves, appartiennent à cette vaste famille de demi-dieux qui personnifient à la fois les grands phénomènes atmosphé- riques, tels que les vents, l'action des eaux et du sol, et qui se confondaient avec les âmes des morts, identifiées au souffle que le mourant exhale dans l'atmosphère (d). Il n'est donc point étonnant de retrouver des dieux des bois chez toutes les anciennes populations de l'Eu- rope. Partout nous y voyons les arbres regardés pres- que comme des êtres animés et divins. Ce respect pour les rois de la végétation persista pendant des siècles malgré le progrès des lumières. Pline nous apprend que le culte des arbres était très-vivace de son temps dans les cam- pagnes (2). Ce fut un de ceux que les apôtres du christia- nisme eurent le plus de peine à déraciner. Aux portes de Rome, sur la via Ostiensis, un arbre consacré aux dieux attirait encore la vénération des habitants, quand saint Adaucte vint y prêcher la foi (3). En Sicile, le pâtre continua pendant bien des années à faire des libations de lait à Paies, divinité rurale qu'on supposait cachée au fond des bois (4). En Germanie et chez toutes les populations de race teu- tonique existaient des bocages et des forêts sacrés {Heili- Hébreux un malin esprit. Yoy. Hamburger, Real-Encrjclopœclie fur Dibel, art. Azazel. (l),Voy. la dissertation de A. Kuhn mtiiulée-. Vie Sprachverglcichung v.nd die Urgeschichte der indo-germanischen VOlker^ dans la Zeils- rJirifl fiir vergleichende SprachforscJning, t. IV, p. UG et suiv. et W. Mannhardt, Germanische Mxjthen, Forschungen, p. 709 (Berlin, 1858). (2) « Priscoque ritu simplicia rura etiam nunc deo praecellentem arbo- rera dicant. » (Pline, lib. XII, i, 1.) (3) Bolland. Ad. sancl. XXX, aug. p. 546, col. 2. (4) Silvicolam tepido lacté Païen (Ovid. Fast. IV, 746). — Paies a été regardée tour à tour comme un dieu et comme une déesse. 1 22 LES FORETS DE LA GAULE ET DE L ANCIENNE FRANCE. geforst, Haine). Tacite dit des Germains (1) : « Lucos ac nemora consecrant, » et il ajoute : Deorumque nomi- nibus appellant secrelum iilud quod sola reverentia vi- dent. » Ailleurs, il nous parle de la forêt des Semnons (2) et du Castum nemus consacré à Herta (3), Le poëte Glau- dien mentionne de son côté le caractère sacré qu'avait la forêt Hercynienne (4). Ce culte des forêts et des arbres a été signalé chez un grand nombre de nations issues de la souche germanique, les Francs (6), les Alamans (7), les Lombards (8), les Saxons (9), les Angles (10). En Gaule, même respect superstitieux pour les forêts où s'accomplissaient les cérémonies du druidisme (11). Les Celtes appelaient nemet ces sanctuaires forestiers où ils allaient solennellement cueillir le gui (12). Ce mot entre en composition dans le nom de quelques villes gau- loises, Nemetacum, Nemetocenna, Nemetobriga, Xemetodu- rum (13) et l'épithète de Nlmidœ appliquée, dans un dé- cret du concile de Leptines, aux forêts où se pratiquaient encore des rites païens (14), paraît en être dérivée. La (1) German. c. ix. (2) Ibid. c. XXXIX. (3) Ibid. c. XXXIX, xl. (4) Ut procul Hercyniae per vasta silentia silvaî Venari tuto liceat, lucosque velusta Relligione truces et robora numinis instar. (Glaudian. De Lmid. Slilich. I, 228, 230.) (5) Voy. Diefenbach, Cellica, I, p. 83. (6) Gregor. Turoa. Hislor. Francor. t. II, c. x. Cf. Epist. V, v. 5. (7) Agathias. (8) Viia S. Bertulfi Bobbiensis, ap. Ad. SS. Bened. sacc. II, p. l'ii. (9) Pertz, Mon. germ. histor. t. II, p. 67G. (10) Leges Canuli Magni, quas olim Anglis dedil, éd. Kolderup, p. 38. (11) GifiSâr,Dcbell.gall. YI, 13. (12) ApuvaîixeTcv , Strabon, XII, xvi, p. 507. — Vernemetis, fanum ingens gallicu lingua refeii. Fortunat, Carm. i, 9. (13) Voy. Diefenbach, .Cellica, t. YI, p. 33. (U) De sacris sglvarum qux Nimidas vocanl, disent les canons dv INTRODUCTION. ZÔ forêt des Ardennes était révérée comme une déesse que les Romains confondirent avec leur Diane (1). Le mont Vo- sège ou Vosge, ombragé d'épaisses forêts, fut, à la même époque, adoré comme un dieu (2). Une divinité du nom de Nemetona, visiblement dérivé du mot nemet, paraît avoir été honorée en qualité de déesse tutélaire du Palatinat(3), pays qui fut longtemps couvert d'épaisses forêts. Ainsi le culte des arbres était aussi répandu en Gaule qu'en Germanie, et une inscription découverte en France constate le fait de cette superstition chez les Gaulois nos ancêtres (4). Lucain a donné dans sa Pharsale une magnifi- que description de ces forêts divines dont la cognée res- pectait les rameaux et où les Romains n'osaient pénétrer qu'en tremblant, croyant voir dans les arbres autant d'êtres animés (5). Sed fortes tremuere manus, molique verenda Majestate loci, si robora sacra ferirent In sua credebant redituras membra secures. Les anciens Prussiens et divers autres peuples slaves re- concile. — Concil. Liptin. an. 743. — Reginon, De discqjlina ecclesiast. lib. II, p. 143, éd. Hildebr. (1) Voy. J. de Wal, Myihologix seplenlrionalis monument, epigraphic. lalina, n°' 20, 21. — Gruter, Inscripl. CGGXIV, 3. (2) Gruter, Insc. XGIV, 10. (3) Yoy. rinscription qui porte : MARTI NEMETON^, trouvée à Spire, et publiée par J. Becker dans les Jahrbilcher des Vereins von AUerthurnsfreudeniniRheinlande, t. XV, p. 97. Gette divinité rappelle le Deus nemeslrinus dont parle Arnobe. {Adv. genl. IV, 6.) (4) Orelli, Inscriplioncs lalinae selecta:, n" 218 -, cf.Muratori, .4n<(r/m'- tales italicœ medii cevi, t. V, p. 66 et suiv. Gette inscription, trouvée à Auch, porte : SEX ARBORIBVS Q. RVFIVS GERMANVS. V. S. (5) Lib. III, V. 399 sqq. Lucus erat longo numquam violatus ab lewo, Obscurum cingens connexis aéra ramis Et gelidas alte summotis solibus umbras. etc. Gomparez la description donnée par M. de Marchangy dans la Gaule poétique. 24 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. connaissaient également des dieux des bois et des chênes sacrés (1). Saint Adalbert, pendant son apostolat, fit abattre un de ces arbres (2). Les populations germaniques comme les Gre«îs donnaient lesarbres pour habitations aux esprits sylvestres. La viedes Waldleuten, des Holzleutoi était liée, dans leurs idées, à celle de ces végétaux. Venait-on à les écorcer, cela amenait la mort d'une de ces petites déesses mystérieuses nom- mées Waldweibchen (3). Pendant longtemps, en certains cantons de l'Allemagne, le bûcheron ne porta la hache sur un tronc qu'après s'être agenouillé devant lui, l'avoir imploré, les mains jointes et la tête nue (4). On attribuait une reine à ces êtres surnaturels, reine qui rappelle la Berchta des traditions germaniques et recevait le nom de Buschgrossmutter (5). Dans les contes populaires, ces esprits des bois se trans- formèrent en géants, en héros. On fit par exemple de Witolf, ^Vittich, Witugouwo, le fils du fabuleux forgeron Wieland, un hôte des bois, sijlvarwn satyrus, épithète donnée aussi au forgeron divin Mime (6). Dans le nord de l'Allemagne on prêtait jadis aux arbres une vertu fatidique, comme le faisaient les Grecs pour 11) Voy. Helmold, Chronic. slav. I, 53. Cf. J. L. von Parrot, Versuch einer Entwicklitng der Sprache iind Mythologie der Liwen, Lallen, Eesten, t. I. p. 321. (2) Radulph. Glaber. Chronic. I, 4. (3) Dans diverses traditions de l'Allemagne, les forêts sont repré- sentées comme ayant été habitées par un widdmscnnlein et une wald- iveiblein, qui, après leur défrichement, se mirent à hanter les maisons ainsi qu'étaient supposés le faire nos follets. Voy. Panzer, Deitrag ziir deutscher Mythologie, t. I, p. 08 (Munich, 1855). (4) Voy. K. Simrock, Handbuch der deulschen Mythologie, p. 4C0 (Bonn, 1864). (5) Jbid. (G) lUid. p. 40 1. INTRODUCTION, 20 les chênes de Dodone. On s'imaginait qu'ils annonçaient, par l'agitation de leur feuillage, la mort d'une personne('l). On retrouve dans toutes ces croyances, ainsi que pour une foule d'autres mythes, une communauté d'idées entre les Germains et les Scandinaves. A Upsal, était un chêne consacré à Thor, le dieu de la Ibudre; ce qui rappelle l'attribution à Jupiter par les Grecs du même arbre. En Scandinavie, on donnait aux forêts sacrées le nom de Liind (pluriel lunder), qui fournit l'étymologie du nom de Londres, London (2). Elles étaient placées, la plupart, sous l'invocation d'Odin ou Wodan. Ce dieu conduisait, au dire des Saxons^, sa bande mystérieuse, ses chasseurs, ses chiens^ à la clarté de la lune, dans la solitude des forêts : c'est ce qu'en Alle- magne on appela longtemps Wuotans Heer{^}, la troupe ou l'armée d'Odin. Dans la basse Saxe, le Holstein, le Mecklembourg, la Poméranie, lorsqu'un bruit soudain se fait entendre dans l'air, le peuple dit que c'est Odin qui passe (4). Comme ce dieu a été identifié avec le diable, depuis l'établissement du christianisme, le chasseur divin (1) Voy. Benj. Thorpe, Northern Mylhology, t. III, p. 161 (London, 1852). (2) En danois, lund signifie encore « un bois. » L'île do Seeland s'ap- pelait autrefois Siœlund, « bois entouré d'eau. » (GralT, Allhochdeidscher Sprachschatz, vol. II, col. 241, et Du Gange, Glossar. med. jEvi, v° Sylva,]). 468, éd. Henschel.) L'emplacement actuel de Londres était jadis occupé en effet par une vaste forêt, dont la forêt de Wesminster et celle dite Totehele ou Tothil, mentionnées dans le Domesday book, étaient des restes. On trouvait de plus, dans le Middlesex, la forêt de Fulehant ou Fulham, où l'on nourrissait 1,000 porcs, et une autre qui en avait 300. Voy. Ellis, A genercd inlroduclion io Domesday book, 1. 1, p. 97 et sv. Turner, The history of Ihe Anglo-Saxom, t. II, append. IV. Le nom de Londinium (Londres) est déjà cité par Tacite et Ptolémée, ce qui donne à penser que le mot lund avait dans le dialecte de la Bretagne le même sens qu'en danois. (3) Voy. J. Grimm, Deutsche Mythologie, 2* édit. p.. 871. (/k) Ou Odin qui chasse, qui entre en colère. (J, Grimm, ouv. cit.) 1 26 LES FORÊTS Dlil LA GALLE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. est devenu un chasseur infernal, Ilelljœfjer (1). On l'ap- pelle encore le chasseur sauvage, der wilde Jœger (2) ; et c'est sous ce nom que Bûrger (3j a décrit son appari- tion terrible. Les noms d'armée furieuse, das icûthende Heer (4), de chasseurs furieux, die ivûthendcn Jœrjer, lui sont également appliqués (5). A l'île de Moen, on désigne un bruit mystérieux qui retentit en l'air ou dans la soli- tude des forêts, par le mot grunjelte (G). Suivant les can- tons, le même personnage, ce revenant des forêts, appa- raît, dans la légende populaire, sous les noms divers de Eackelber(j j de Welt jœger, le chasseur éternel, de Wowijœger, Woejoijœge?', Joejœger, JSachtJœger, le chas- seur nocturne, de Bassjœger, le chasseur maudit, de Schwai'ze Jœger, le chasseur noir (7). En France et en Angleterre, on retrouve sous mille for- (1) Voy. Grimm, oui-. ci[. p. 871; Wilhem Mûller, Geschidite und System der alldeidschen Religion, p. 120; Klemme, Hundbuch der germanisclwn ÂUerthumskunde, p. 281 et 282. Dans les Pays-Bas et la basse Allemagne, le cortège mystérieux est aussi désigné par le nom du « char infernal, » Hœllenwagen, Spukwagen ; et pour être délivré de son apparition, le peuple dit qu'il faut faire le signe de la croix. (Voy. J. W. Wolf, Deutsche Mxhrchen und Sagen, n°» 203, 204, p. 314, 315.) (2) Voy. J. Grimm, op. cit. p. 881. De même, son cortège s'appelle la chasse sauvage, die wilde Jagd. Au xvii* siècle, on s'imaginait encore l'entendre dans les forets qui avoisinent Annaberg. (J. W. VVolf, Deutsche Mxhrchen und Sagen, p. 579.) (3) Grimm, loc. cit. (4) Grimm, Deutsche iMijlhologie, 2« édit., p. 890. — W. Mannhardt, Gcnnanische Mylhen, p. 262, 270, 709. — Panzer, Deilrag zur deuts ■ chen Mythologie, t. I, p. 66. (5) Grimm, ibid. (6) Voy. à ce sujet Grimm, W. MùUer, Simrock et Mannhardt. — Le nom de GrOnjette qui se retrouve sous diverses altérations dans le centre de l'Allemagne, s'est formé par corruption de yachtgejaid, Nachlgelaid, << procession nocturne, » appellation donnée encore en Bavière à la chasse infernale. (7j Tandis qu'en France ce sont les bergers que l'on regarde comme sorciers et faiseurs de charmes, en Allemagne, ce sont les chasseurs. Vov. E. "Willkomm, Sagen und Mxhrchen aus der Oberlausitz, part. I, p. 20. INTRODUCTION. 27 mes pareilles traditions. Gervais de Tilbury (1) nous ap- prend qu'en Angleterre, on prenait ce chasseur mystérieux pour l'ombre d'Arthur ; on croyait entendre le bruit de sa meute dans la forêt deCaerléon. Dans le midi de la France et dans les Pyrénées, c'était aussi à Arthur que se ratta- chait cette superstition populaire. Le héros breton avait, disait-on, une grande passion pour la chasse. Un jour où l'on offrait un sacrifice solennel, il fut averti qu'un san- glier monstrueux s'approchait du temple. La sainteté de la cérémonie, le respect dû à la religion ne purent retenir le roi; il sortit, saisit un épieu et courut après le sanglier. Le ciel irrité du peu d'attachement qu'Arthur avait mon- tré pour la religion, le condamna à chasser éternellement dans les plaines de l'air (2). En Angleterre, ce héros que les anciennes traditions celtiques représentent comme ha- bitant l'île d'Avallon ou Avallach et régnant sur les morts (3), est devenu le inqueur noir, le chasseur de la forêt de Windsor (4). En France on lui donnait jadis les noms les plus divers, quoique le caractère qu'on lui prêtât vaiiàt peu. En Provence, on l'appelait le chasseur blanc. Ailleurs le bruit mystérieux entendu dans les airs était regardé comme l'indice du passage de la chasse de saint Hubert, de celle du comte Thibaut, de la chasse du roi Hugon, de la chasse du veneur Gain (5) ou simplement (1) Oiia iinperialia III, c. lxix, p. 981, édit. Leibnitz. — Le lieu de la forêt de Caerléon où l'on entendait ce bruit mystérieux, avait en consé- quence reçu le nom de Laykibrait. (2; Dumège, Fragments (V archéologie 'pyrénéenne , p. 388. (3) Voy. à ce sujet Mannhardt, ouv. cit., p. 459. (4) Cette légende est rapportée par Shakspeare dans l'acte IV, scène iv, des Bourgeoises de Windsor. (5) Cette tradition avait cours encore à la fin du xvi^ siècle chez les paysans de Fontainebleau, et on racontait qu'Henri IV avait une fois rencontré le veneur mystérieux, en chassant dans la forêt (voy. le P. Mathieu, Histoire de France et des cJiasses mémorables sous le règne de Henri ÎV). 28 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'ANCIENNE FRANCE. du Grand Veneur, comme on disait en Auvergne (i). Chaque pays avait sa légende sur ce chasseur mystérieux. En Danemark, dans l'île de Seeland, on disait que c'était le roi Yaldemar condamné ainsi à chasser éternelle- ment. Dans l'ile de Fyonie, on l'appelait Paine le chasseur. A Aalborg, le peuple nommait ce mystérieux chasseur Jons Jaeger (2) et s'imaginait entendre son effroyable voix qui se mêlait aux hurlements de sa meule. Dans le Schleswig, ce bruit, qu'en certains cantons du Danemark on appelle le Chasseur volant^ est pour les paysans celui de la chasse d'un roi du xiii* siècle, le fratricide Abel, tombé dans un marais de l'Eyder, lors d'une expédition contre les Frisons, et qui dans l'autre vie continue les plaisirs qu'il prenait ici-bas (3), Quelques-uns des noms que je viens de citer montrent que la légende du chasseur infernal s'est pareillement associée en France à des tradi- tions locales. Dans les Vosges, elle a été appliquée au seigneur Jean des Baumes (4). Dans certaines parties de l'Allemagne, le dieu chasseur Odin a été trans- formé en un comte de Schulemburg (5), ou en un gé- néral Spar (6). Le nom de Jean, que les montagnards des Vosges donnent au chasseur éternel, pourrait être une (1) Entre les forêts de Siniq, de Malbo, de Vigoureux et de Brézous, au point d'intersection de quatre chemins, on a élevé une croix parce que, solon la croyance populaire, c'est là que ])assait à certains jours le Grand Veneur avec sa meule et sa suite infernale composée de piqueurs vêtus d'écarlate comme leur maître. On faisait de ce cortège infernal une description effroyable. Voy. Deribier du Ghàtelet, Dictionnaire historique et statistique du Cantal, 1. 1, p. 303. (2) C'est-à-dire Jons ou Jean le Chasseur. Voy. Thorpe, ouv. cit., t. II, p. 197, 198. (3) Thorpe, ouv. cit. (4) Voy. cette légende dans H. Lepage et Charton, Le Département des Vosges, l. II, p. 438. (5) Voy. Sagen aus der Mark, herausg. von A. Kuhn, ap. Ilaupt, Zeitschrifl, t. IV, p. 391. (6) A. Kuhn et VV. Schwartz, Norddeutschc Sagen, Mxhrchen und INTRODUCTION. 29 altération de celui de Joe, Joejœger, que nous venons de voir appliqué, par certaines populations du Nord, au chas- seur mystérieux. Dans le Bourbonnais, cette chasse s'ap- pelle chasse Gayère (1), mot qui semble être une altéra- tion de l'appellation danoise Grûnjette, ci-dessus men- tionnée(2), et cette épithètedeG«yère, s'est altérée dans la Saintonge en celle de Galerie. Un autre nom que notre chasse porte encore est celui de Mesnie Hellequin ou Hen- nequin, &Qtroi(pe d' Hellequin (4). Ce n'est vraisemblable- ment qu'une altération du mot allemand Erl-Konif/^ c'est-à-dire le roi des Erles ou des Elfes, qui a donné d'autre part naissance à notre mot arlequbi ; il nous ra- mène à la véritable origine de la tradition du chasseur sauvage^ du chasseur infernal. Les savants allemands qui se sont livrés dans ces derniers temps à l'étude compa- rative des mythologies, ont établi en effet que le point de départ de toutes ces traditions est la croyance répandue chez les diverses populations d'origine indo-européenne, GehrsBUch. p. 74, n° 7G. Il circule un grand nombre de légendes de ce genre en Allemagne et dans les Pays-Bas. (1) Acli. Allier, Voyage pilloresque dans l'ancien Bourbonnais, t. II, p. 12. (2) Nous venons de voir, en effet, que la chasse d'Odin était désignée, dans certains cantons de l'Allemagne, par un nom analogue. Les Suisses appellent la chasse sauvage Durslcngejeg, c'est-à-dire la troupe de Dûrst (ou du dieu infernal). (Voy. Grimra, 2" édit. p. 487, 872.) Le nom de Gayère paraît être une altération du Gejeg suisse. En effet, dans la Franche-Comté, pays intermédiaire entre le Bourbonnais et la Suisse la chasse infernale présente un caractère essentiellement germanique et est désignée sous un nom, l'homme sauvage, qui rappelle tout à fait l'appellation allemande. (3) Voy. A. Gautier, Slalist. du dép. de la 6harenlc-Inférieure, part. pe, p. 233. (4) Voy. Leroux de Lincy, Introduction au livre des Légendes, append. Plus tard, lorsque le souvenir des vacations nocturnes se fut tout à fait effacé, on transporte le nom de Mesnie Hellequin aux feux follets, qu'on appela ensuite par corruption arlequins. (Voy. Paulin Paris, Description des manuscrits français de la Bibliothèque royale, t. 1, p. 323.) 30 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. que les âmes des trépassés assimilées au souffle des vents, comme les Marouts du Véda (1), se réunissent dans les airs sous la conduite de la divinité qui règne sur l'empire des morts. Ces âmes divinisées sont, comme je l'ai déjà dit plus haut, les Elfes ou Elbes, transformées en diables ou en démons par le christianisme. L'orage n'est que le bruit fait dans les airs par cette troupe invisible; il devient ainsi le tumulte d'une troupe nocturne, Xachtvolk, confon- du bientôt avec celui des bandes de sorcières qui prati- quaient encore la nuit les rites païens proscrits par le nou- veau culte (2). Wodan ou Odin, comme dieu des morts, comme roi de l'Elysée, est placé chez les Saxons et les Scandinaves à la tête de cette troupe infernale. De là l'association de son nom et de celui d'Arthur à celte lé- gende d'origine asiatique où ils jouent le rôle d'Yama, le dieu des morts chez les Aryas. On rencontre en effet chez toutes les populations septentrionales la croyance que les Elfes se montrent parfois dans l'atmosphère et y font entendre des bruits mystérieux, quelquefois même une véritable harmonie (3). Sur eux régnent Odin et Freya, son épouse. Des peuples tels que les Germains, qui vivaient au milieu des forêts, attribuaient naturelle- ment la même résidence à la divinité suprême ; aussi plu- sieurs grandes forêts de l'Allemagne étaient-elles consa- crées à Odin (4). Freya fut, par le même motif, assimilée à (1) Voy. mon ouvrage intitulé : Croyances et Légendes de l'antiquité, 2« édit., p. 97 et suiv. (2) Voy. surtout Mannhardt, ouv. cit., p. 709, 710. (3) Mannhardt, ïfcfrf. On racontait que le bruit de la chasse mystérieuse se faisait surtout entendre la nuit de Noël. (Panzer, Deitrag zur deuts- chen Mijlholorjie, t. I, p. 2G0.; (i) Tels étaient l'Odenwald, petit grouj^e de montagnes voisin de la chaîne de la Forot-Noirc, et le Freyenwald, situé près de l'Oder, et où se sont retrouvés les restes d'un temple de la déesse Freya. (Voy. Eyriès et Malte-Brun, Xouvellcs Annales des Voyages, t. XllI, p, 288.) (Année 1822.) INTRODUCTION. 3i Ja Diane latine, la divinité des foiéts. C'est en son hon- neur ou en l'honneur d'une divinité analogue telle que Holda (1), que pendant longtemps les femmes de la Gaule et de la Germanie allèrent dans les bois accomplir des cérémonies mystérieuses (2). Le sabbat des sorcières du moyen âge n'a pas d'autre origine (3). Voilà comment la tradition de la Mesnie Hellequin asso- cia la croyance aux apparitions des Elfes dans les airs au souvenir des vacations nocturnes {utisetiir) où s'ac- complissaient les rites du seidr, qui offrent eux-mêmes plus d'une analogie avec les fêtes célébrées en l'honneur de Diane par les Romains, avec celles qui avaient lieu en l'honneur de Sabazius eL de Bacchus chez les Grecs (4). On retrouve du reste chez les Grecs des superstitions qui rappellent celle du chasseur nocturne (5). (1) Voy. sur la substitution de Holda, à Odin, dans la tradition de la chasse infernale, Mannhardt, oiiv. cit., p. 262. (2) Ce sont des cérémonies de ce genre accomplies en Gaule en l'hon- neur d'une déesse que lesGalIo-Romains identifièrent à Diane, que défen- dirent les conciles et lescapitulairesdes roisCarlovingiens. (Voy. Fragm. capit., c. xiii, édit. Baluze.) « Nulla mulierem se nocturnis horis equi- tare cum Diana profiteatur, hsec enim dœmoniaca est illusio. » — Cf. Walter Scott, Lellers on deinonoloyy and iviiclicraft, vu'' lettre. (3) Voy. mon ouvrage intitulé : La Magie et r Astrologie dans l'anti- quité et le moyen âge, 3^ édit., p. 176. (4) Le voyageur Pouqueville pense qu'il faut aller chercher l'étymo- iogie du nom de sabbat dans le grec aaSàî^siv qui s'appliquait à l'action de célébrer la fête de Sabazios (SaSa^îo?, SaêaS'toç), divinité solaire, vrai- semblablement d'origine phrygienne, assimilée par les Hellènes à leur Dionysos ou Bacchus. En efTet, les fêtes Sabaziennes se célébraient avec des rites qui rappellent à certains égards la cérémonie du Seidr et le culte de Diane dans les bois. (Voy. Pouqueville, Voyage de la Grèce, 2« édit., t. V[, p. 156.) Peut-être toutes ces fêtes avaient-elles une ori- gine asiatique commune. (5) Pausanias {Attic, c. xxxii, § 3) nous dit que les habitants de Ma- rathon s'imaginaient entendre parfois la nuit le hennissement des che- vaux, et un bruit semblable à celui que font les combattants. A Alexan- drie, on croyait entendre de temps en temps dans les airs le bruit du cortège ou thiase de Bacchus. Plutarque, Vie de Marc-Anloine, c. lxxvi, p. 231, édit. Reiske. 32 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. Que le roi des morts soit devenu un chasseur mysté- rieux, qu€ les âmes des trépassés aient été transformées en esprits des forêts, en sylvains (i), cela démontre que! rôle important jouaient les forêts dans les croyances re- ligieuses des populations germaniques et gauloises. Les esprits dont les Aryas peuplaient l'air se sont ainsi peu à peu métamorphosés en chasseurs, en habitants des bois ; ils se sont présentés à l'imagination des popula- tions germaniques et Scandinaves sous la forme d'hommes velus, d'êtres farouches, noirs et hideux ; tels étaient les Satyres, les Sylvains et les Waldieuten; vrais diables des bois, qui furent les prototypes des sauvages du moyen âge, de Volundr, le forgeron bois, aux formes de sa- tyre (2), de Vi(o?7i foresto de Pulci (3), enfin de ces" sau- vages qui ont fini par ne plus avoir d'existence que sur nos enseignes (4). Le souvenir des forêts sacrées, hantées par des dieux identifiés aux démons après l'établissement du christia- nisme, de ces forêts où se réunissaient les Druides, les Semnothées, les Eubages, les prêtres de Thor et de Jupi- ter, réduits plus tard à la condition de magiciens et de (1) Faimi, Sylvani, homines sylvestres, feminae sylvestrix. Voy. W. 'HLnWç.T, AUdeulsche Religion, p. 379. — On s'imaginait pour ce motii- que les Elfos aimaient à résider sous les arbres et dans les forêts. (Voy. Crofton Croker, Fairy legends ofllie soulli ofircland, part. 111'=, p. 84.) (2) Voy. la dissertation de MM. Depping et Fr. Michel, intitulée ; Veland le Forgeron. Paris, 1833. (3) Pulci, Morgante, v, 38. Cf. Grimm, ouv. cil. p. 44 et suiv. (4j En Suisse, en Allemagne et en France, on trouve encore beaucouji d'auberges ayant pour enseigne An Sauvage, Zum wilden Mann. Celles qui sont demeurées fidèles aux vieilles traditions, telles que je les ai rencontrées dans le pays des Grisons et en Allemagne, représentent le sauvage comme une sorte de satyre aux cheveux longs et à la barbe touffue. On sait du reste qu'on a cru longtemps, chez nous, à l'existence d'hommes sauvages habitant dans les bois. (Voy. Bonnaterre, Nolicr historique sur le sauvage de l'Avegron, Paris, an vni, j). 4.) INTRODUCTION. 33 sorciers, a fait imaginer ces forêts enchantées qui occu- pent une si grande place dans le merveilleux des épopées des temps de chevalerie, et qui ont fourni à l'immortel Torquato Tasso l'idée de la forêt qu'il décrit dans ces magnifiques vers : Sorge non lunge aile cristiane tende Tra solitarie valli alta foresta Foltissima di plante antiche, orrendo Che spargon d' ogni intorno ombra funesta. Qui neir cra che '1 sol più chiaro splende È luce incerta, e scolorita e mesta, Quando parte il sol qui tosto adombra Notte, nube, caligine ed orrore Che rassembra infernal, che gli occhi ingombra Di cecità. (Gante xiii.) Forêt sur laquelle Ismen semble étendre ses enchante- ments et où il évoque les mauvais esprits : Citadini d' Averno Prendete in guardia questa selva e queste Plante che numerate a voi consegno. Corne il corpo è dell' aima albergo e veste, Cosî d' alcun di voi sia ciascun legno. Veniano innumerabili, infiniti Spirti, parte che 'n aria alberga ed erra, Parte di quel che son dal fondo usciti, Galiginoso e tetro délia terra (1). Les idées de divination, de magie qui s'attachaient, chez les Celtes, aux arbres, objet de leur culte, paraissent avoir donné naissance à cet alphabet magique, à ces runes merveilleuses qui représentaient les différentes lettres par (1) Cette forêt, mentionnée par Le Tasse, n'a aucune réalité. C'est une pure conception poétique, et M. Michaud a vainement tenté, comme il le reconnaît lui-même, d'y retrouver les caractères d'une forêt de la Pa- lestine. (Voy. Correspondance d'Orient, t. IV, p. 105, 166.) 3 34 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L ANCIENNE FRANCE. des pousses, des scions. Ces signes recevaient chacun le nom de l'arbre sur le bois duquel ils étaient gravés par incision ; l'on agitait ces fragments taillés, de manière à en tirer des augures (1). Plus tard, cet assemblage de signes fournit ses éléments à l'alphabet dit rimirjue, qui prit en Irlande le nom à'Or/ham craobh, c'est-à-dire « d'ar- bre aux lettres (2). » Les faits que je viens de rappeler montrent à quel point avait pénétré dans les usages populaires de l'Europe le culte des forêts et des arbres. En France, il y a un petit nombre d'années, plusieurs arbres demeuraient entourés de la vénération inspirée par leurs ancêtres. Dulaure nous apprend (3) qu'on voyait non loin d'Angers, un chêne, nomme Lapalud, auquel les habitants rendaient une sorte de culte. Cet arbre, que l'on regardait comme aussi vieux que la ville, était tout couvert de clous jusqu'à la hauteur de dix pieds environ. Un usage, datant d'un temps immémorial, voulait que (1) C'était le mode de divination appelé Rhabdomantie, et dont il est déjà question dans la Genèse. (2) Ce genre d'écriture paraît avoir été un des plus anciennement usit '■.- chez les peuples du Nord, et un passage de Pline (Ilisl. nal. lib. XYI, c. XIV, ^ 9j semble se rapporter à son em])loi. L'irlandais fecidha, et le gallique cjwijdd, signifient à la fois arbre et lettre. Dans l'alphabet ogham, toutes les lettres, à l'exception du P [pelhovc) et du T {(inné), avaient des noms d'arbres ; c'est ainsi que A {ailm) s'appelait « ormeau, » B (beitli) « bouleau, » C (coU) << coudrier, » D [ditir) « chone, » E {eagli) « peuplier, » F {frarn) « aune, » etc. (Voy. E. Davies, Cellic researclics, ]). 246. — J. O'Donovan, A grammar of ilie irisli language, Dublin, 1845, p. XXXII. — E. Duméril, De l'origine des runes, dans ses Mé- langes archéologiques et Vdièraires, p. 77. Paris, 1850.) Les Scandinaves appelaient les lettres hâtons de hêtre, « Bok-stafir, » parce qu'ils gra- vaient les runes sur des bâtons faits de ce bois, qui étant sans filaments et sans nœuds se jjrète inioux aux incisions. C'est à la même étymoiogie qu'appartient l'allemand Ditchslabc « lettre, » proprement « bâton de hêtre. » (Voy. ce que dit Fry, Pantographia, p. 507, sur la manière dont les Bretons se servaient pour écrire de ces sprigs ou rods.) (3) Histoire abrégée des di/l'érents adtcs, 2« édit. t. I, p. 70. INTRODUCTION. 35 chaque ouvrier charpentier, charron, menuisier, maçon, qui passait près de ce chêne, y fichât un clou (1). Plusieurs de ces arbres vénérés avaient été consacrés à la Vierge ou aux saints, et décorés de petites statues, d'images de croix qu'apportaient les pèlerins. Tel a été le cas pour le célèbre chêne à la Vieivje, qu'on voit à l'ex- trémité du Ban-de-Mailly, dans l'ancien duché de Bar, et dans le tronc duquel est pratiquée une niche décorée d'une madone (2). Au Tyrol, la Vierge a recueilli, de même, l'héritage des antiques divinités forestières, et, en particulier, celui de Frigga, que rappelle l'épithète de diealteFrouica, qu'elle reçoit encore. Des chapelles en son honneur ont été cons- truites au milieu des bois (3), au pied des arbres (4), où accourent en pèlerinage les chasseurs tyroliens (5). La fête de la plantation des Mais, si générale en France , se rattache, sans contredit, à ce culte fétichiste (6). (1) Nous avons vu plus haut que le même usage existe en Perse poul- ies arbres sacrés ou Dirakhl i fazel. (2) H. Lepage, Le département de la Meurthe, slalistique historique et tidministrative, l. 11, p. 337. (3; Tels sont les pèlerinages célèbres de Waldrast, sur le Serloshercj , dans le Wippthal, de Maria Hilf, dans le Grùnwald, près de Brixlegg, de IJnsere liebe Froii, dans le Jochberg, et dans la forêt de Gampen. (Yoy. Ign. Vincenz Zingerle, Wald, Baume, Kràuler^ dans la Zeitschrift fïir (leutsclie Mythologie, her. von J. W. Wolf, t. 1, p. 325-326. Goettingue, 1854.) (4) Tels sont les pèlerinages de Sainte-Marie-du-Tilieul, sur le Geor- genberg, de Sainte-Marie-du-Melèze, de Sainte-Marie-du-Sapin, etc. Voy. Zingerle, oiiv. cit. p. 325.) (5) Cette circonstance fit imposer à une des forêts du Tyrol le nom «le Gnadenivald, à cause des grâces que valaient aux pèlerins les nom- l)reuses chapelles qu'on y avait construites. (Zingerle, ouv. cil.) (6) Voy. M"»^ Clément, Histoire des fêles du déparlement du Nord, p. 356 et suiv. Coremans, L'année de V ancienne Belgique, p. 21. Bruxelles, 1844. 11 est digne de remarque qu'en Angleterre celui qui préside à la fête de la plantation du Mai, reçoive précisément le nom de Robin Hood, <« Robin des Bois.» (Voy. plus haut. Conf. Revue britan- nique, 5e série, l, XI, p. 158.) 36 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. En Irlande, certains ifs d'une antiquité extraordinaire, qui encadrent le porche des églises (d), remontent à l'usage qu'avaient les Celtes de consacrer les arbres aux dieux, usage que les apôtres du christianisme ont dû accepter en le transformant, comme ils l'ont fait pour tant d'au- tres superstitions (2). Ils mirent sous le patronage de la Vierge et des saints ces arbres vénérés (3). Ce ne fut pas seulement de sanctuaires que les forêts do la Gaule et de la Germanie servirent aux populations, leurs clairières furent aussi les lieux d'assemblée , de réunion. En Gaule, c'était là qu'à certaines époques, les Druides tenaient leurs conciles, et quelques localités sont données par la tradition, comme ayant eu jadis cette des- tination. On l'a vu plus haut par le témoignage de Tacite, les Germains s'assemblaient dans les forêts pour certaines solennités religieuses. C'est sans doute pour ce motif que les massifs qui ombragent les sommets de l'Abnoba re- cevaient le nom du dieu Wodan ou Odin, et une forêt (1) Tels sont les ifs de Newry, dont la plantation est attribuée à saint Patrice, et ceux de Glendaborough qu'on dit avoir été plantés pai saint Kevin. (2) "Voy. ce qui a été rapporté dans la vie de saint Maurille, d'un lucus que détruisit cet apôtre au Payus commoninis fBolland. Ad. Sanct., xm septemb., p. 74, col. 2); ce qui est dit du cultf des arbres et des forêts chez les Gaulois, au temps de l'apostolat de saint Amand (Bolland. Act. I febr. p. 850} et du même culte chez les habitants du pays de Caux lois de l'apostolat de saint Valéry. (Bolland. Act. April., 1. 1, p. 617.) (3) En Irlande, les chênaies, appelées dans l'idiome de ce pays doire, furent consacrées au Christ. Lorsque saint Columba vint au vi* siècle prêcher la foi dans l'île, il fit élever deux monastères au milieu de ces forêts sacrées : l'un au lieu qui a longtemps gardé le nom de Doire, ot est devenu ensuite par corruption Dcrry ; l'autre à Doire-Magh ou Durrow dans le King's county. La présence du mot Doire comme élément composant dans le nom d'un grand nombre d'églises en Irlande, montre que les disciples de saint Columba en agirent de même. Tels sont Doire- mella, Doire-moor, Doire-inis, Dar-neagh, Dar-arda, Dore-bruchais, Dore-chacohain. Dore-cUiiiseriyh, Doredunchon, Kil-doire, A'il-derrff. (Voy. E. Ledwich, The anttquilies oflrhmd. 2"^ édil. p. 70,71. Dublin, 1804.) INTRODUCTION. 37 voisine de la Forêt-Noire doit à cette circonstance son nom d'Odenwald (1). Le Champ de feu ou Hochfeld, dans les Vosges, fut un de ces lieux de réunion. On y voit encore de nom- breux monuments qui semblent appartenir à l'époque druidique (2). Une enceinte de ce genre se trouvait au milieu de la forêt des Garnutes, et c'est là que se tenait l'assemblée générale des druides gaulois. Ces emplace- ments répondent aux Valplatzen des anciens Scandina- ves, lieux choisis spécialement pour les diètes religieuses, et qu'entouraient des blocs de pierre grossièrement taillés (3). Les Celtes aimaient à se faire enterrer à l'ombrage des hautes futaies. On a observé, dans plusieurs forêts an- ciennes, des tumulus et des tombelles gauloises. Au bois des Loges, reste de l'ancienne forêt de Fécamp, des fouilles ont révélé l'existence d'un grand cimetière gallo- romain, et des restes de sépultures antiques ont été re- trouvés au bois des Haulles, près Etretat (4). Dans la forêt de Garnoet (Finistère), fut récemment mise au jour une sépulture contenant divers objets de travail gau- lois (5). Dans la forêt de Duault ( arrondissement de Guingamp), où les ducs de Bretagne avaient jadis leur haras, et qui conservait, il y a une cinquantaine d'années, (1) Eginhard, Histor. translat. martyr. MarcelL et Pétri, édit. Teulet, l. II, p. ns. (2) Elie de Beaumont et Dufrénoy, Explication de la carte géol. de France, t. I, p. 272. (3) Voy. Chr. Keferstein, Ansichten ûber die keltischenAlteflhuiner, 1. 1, p. 283. (4) Cochet, Normandie souterraine, chap. vu. — Sépultures gauloises, romaines, franques, p. 45. (5) Annales forestières, t. II, p. 547 ; Revue archéologique, 1. 1, p. 133. Les antiquités découvertes à Carnoet ont été déposées au Musée de l'hôtel de Cluny, à Paris. 38 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIEN. NE FRANCE. encore tout à fait l'aspect d'une forêt primitive, est un monument appelé le Calvaire de la Motte, qui paraît avoir été le tombeau d'un haut personnage. Les habitants du pays croient que le dolmen qui le surmonte est la pierre sur laquelle saint Guénolé vint d'Angleterre en Bretagne (1). En diverses localités des Vosges, on a trouvé des cime- tières gaulois au milieu des bois. Sur le plateau, jadis couronné de forêts, que surmontent les ruines du chàtelet de Bonneval, furent découverts, au lieu nommé Goutte- des-Tomhes, un dolmen et de nombreux tumulus gaulois dont on a retiré des médailles et des armes gallo-ro- maines (2). Les forêts de Rixheim, de Schirrhein, de Bru- math, de Hatten, les bois de Niedernai, en Alsace, ca- chaient des tombes celtiques (3). La présence de tombelles celtiques a été signalée dans un grand nombre de nos bois (4). Le même fait s'est produit en Angleterre. Le canton du Lancashire qui s'étend entre Kirkby-Moor, Woodland et Dalton, jadis couvert de forêts, présente les restes d'un vaste cimetière celte (5). En Allemagne, c'est souvent dans les profondeurs des forêts, à l'ombre des bocages, sous de hautes futaies, que l'on retrouve ces antiques tombeaux, connus sous le nom de Hunenç/rœber, et qui remontent, pour la plupart, au (1) Habasquc, Notices historiques sur les Câtes-du-Nord, 1. 111, p. 3i. (2) H. Lepage et Charton, le Dëparlement des Vosges, t. II, p. 68. (3) Voy. M. de Ring, Tombes celtiques de V Alsace, 2« édit., p. 17 et suiv. (4) Ainsi on a trouvé des sépultures gauloises dans la forêt de Gartempe (Creuse) [Bulletin de la Société de la Creuse, 1843, p. 49), dans les bois de Martigny-lèz-Lamarche, dans le département des Vosges (Lepage et Charton, ouv. cit. t. II, p. 317). Voy. ce qui est dit à proi)OS de plusieurs forêts dans le cours de cet ouvrage. (5) Voy. le mémoire de M. Charles M. Jopling, dans le tom. XXXI de VArchxoloyia, p. 451 et suiv. INTRODUCTION. 39 temps des anciens Germains (i). De là les traditions qui représentent les géants comme s'étant retirés au fond des forets, où l'on croit rencontrer çà et là leurs tombeaux. Les géants sont, dans l'imagination des peuples germani- ques, la personnification de la vie rude et sauvage»de leurs ancêtres, dont la haute taille avait frappé les Romains. En Alsace on dit que, jadis habitants du pays (2), ils ont fui devant l'homme, et sont allés ensevelir leur existence mys- térieuse dans les retraites impénétrables des Wœlder (3). L'histoire des forêts si elle ne nous intéressait pas déjà à un haut degré sous le rapport de la géographie, de l'économie politique et agricole, si elle ne se liait pas à la connaissance d'une foule de faits curieux, devrait donc encore attirer notre attention, parce qu'elle éclaire l'his- toire des croyances religieuses de la vieille Europe. En disparaissant, elles ont emporté avec elles bien des Iradi- tions et des usages, des superstitions et des idées dont l'an- tiquaire, l'érudit aiment à ressaisir les traces. En suivant, époque par époque, province par province, la marche du déboisement dans la Gaule et l'ancienne France, en fouillant le sol où les vieux troncs ont laissé leurs racines, en écartant la mousse qui couvre les places où s'élevaient jadis tant de belles futaies, nous retrouverons des vestiges curieux de l'état primitif de notre pays ; ils nous serviront à refaire en imagination la patrie de nos pères. (1) Fr. Mûller, Die Hunengrxher di^n's>BQ\i\çn, Allgemeine Forst-und- Jagd-Zeitung, 1834, p. 240. (2) A. Stôber, Die Sagen des Elsasses, p. 88. (3) Voy. à ce sujet dans les Kindes-iond-Hausmsehrchen publiés par les frères Grimm, la tradlLion hessoise sur les colonnes de géants, celle de Brixen sur les géants venus de l'Unterberg. et celles de l'Odenwald sur les géants du Lichtenberg. On peut rapprocher de ces légendes la tradition poméranienne sur le bruit qui se fait dans le tombeau des géants. FIN DE L'INTRODUCTION. LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L'ANCIENNE FRANCE CHAPITRE PREIVIIER. ÉTAT FORESTIER PRIMITIF DE LA GAULE. On ne saurait douter que la Gaule, à l'époque de la conquête romaine, ne présentât encore sur beaucoup de points l'aspect d'une vaste forêt ; elle devait offrir alors à peu près la même physionomie que l'Amérique du Nord, il y a un siècle (1). Pomponius Mêla, qui écrivait au com- mencement de notre ère, qualifie ia Gaule : « (ÏAîJîœiîa lucis immanibus i^) ; » et tout ce que nous rapporte César en ses Commentaires est d'accord avec les paroles du géographe latin. Dans le pays des Belges, les habitations se trouvaient d'ordinaire au voisinage des bois^ et même parfois au milieu des forêts (3). C'était également là le caractère des bourgs ou villages de la Grande-Bretagne, moins avancée en civilisation, et où des populations belges avaient porté leur langue et leurs usages (4). Le centre et le midi de la Gaule avaient déjà subi, au temps de César, de nombreux et d'importants défrichements. Non- seulement les parties naturellement découvertes étaient (1) Voy. à ce sujet J. S. Springer, Foresl life and forest Irees (New- York, 1851). —Dlackwood's Magazine, 1855, p. 335. (2) Desilu orbis, III, 2. (3) Caesar, De bell. gall. VI, 30. (4) Caesar, De belL gall. V, 31. — Oppidum autem Britanni vocant, quum silvas impeditas vallo atque fossa munierunt. 42 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'ANCIENNE FRANCE. semées de blé, d'orge et d'autres céréales (1), mais de plus on avait pratiqué dans presque toutes les forets des clairières qui ne cessaient de s'agrandir. Les habitants, comme toutes les populations primitives (2), fertilisaient le sol, dépouillé de son ombrage, avec la cendre des arbres, seul amendement connu des populations sylvaines (3). Il est donc naturel de supposer que déjà plus d'un siècle avant notre ère, les forêts ne présentaient pas partout une ligne continue d'arbres, qu'en plusieurs cantons alternaient avec elles les champs et les bois ; mais à tout instant la végétation arborescente reparaissait, en sorte qu'au centre et au sud-ouest de la Gaule, le pays devait avoir sensi- blement la physionomie de ces cantons de la Norman- die, du Perche, de l'Anjou et du Poitou, désignés sous le nom de bocage. Les buissons, associés à quelques bali- veaux, constituaient pour \ager de chaque parjusy de chaque u/cî«, un enclos, une enceinte naturelle. Les haies dont César signale la présence chez les Nerviens (4), s'éle- vaient comme les témoins des forêts primitives dont elles étaient les débris. Mais sur les frontières du territoire des (1) Plin. Ilisl. nal. XVII, n. Voyez ce qui est dit ù ce sujet au cha- pitre IV. (2) Lorsque les Orang Gunong, (jui habitent les forets de l'île de Banka, ont fait choix d'un canton pour leur demeure, ils commencent par abattre les arbres, construisent une enceinte avec les petits troncs et les branches, brûlent les plus gros et les souches, puis sèment le sol et attendent sous leurs huttes le produit de leurs moissons. Les plan- tations ou enclos de ce genre sont appelais par ces peuplades Dartg. (Voy. Horsfield, Reporl on the island of Banka, dans Xa Journal of llie Imlian Archipelarjo, 1848, p. 333.) (3jDans le langage des tribus Bodo et Dhimal, races indigènes de l'Hin- doustan, le terme employé pour exprimer l'idée d'agriculture signitie : abattage ou éclaircissement de la foret. (Voy. B. H. Hodgson, On the aborigènes of India, p. 139.) C'est par l'opération de la roza ou défri- chement par le feu, que les colons espagnols ont mis en culture la ma- jeure partie de l'Amérique méridionale. (Voy. pour plus de détails à cet égard, Weddel, Voyage dans le nord de la Bolivie, p. 336.) (i) De bell. gall. II, 17. î CHAPITRE 1. 43 cités, le sol gardait clans toute leur épaisseur ses antiques ombrages. Les forêts formaient entre les territoires de vé- ritables frontières, comme un espace neutre ; car, à cette époque, les nations n'avaient pas l'habitude de tracer avec la rigueur d'aujourd'hui la ligne de démarcation de leur domaine respectif. Les marches ou frontières étaient lais- sées sans culture, suivant un usage commun à la Gaule et à la Germanie, et quand la région intermédiaire entre deux ou plusieurs civitates était favorable à la végétation des bois, elle se recouvrait bientôt de vastes forêts. Il subsiste en France, comme nous le verrons plus loin, quelques vestiges de ces grandes marches toutes boisées. C'est ainsi que la frontière méridionale de l'ancien pays des Tricasses, qui se trouve hors de la région de la craie, sur un sol profond et fertile, présentait à l'origine une longue bande arborescente d'une largeur assez considé- rable, et dont les forêts d'Othe, d'Aumont, deRumilly, de Chaource, de Chappes, d'Orient, de Soulaines, de Bliffeix et de Der sont les restes (1). Au nord de la Gaule, les forêts étaient toutefois trop étendues pour être prises comme frontières entre deux ou plusieurs peuples ; elles recouvraient souvent des terri- toires entiers, ainsi que cela avait lieu, par exemple, pour celui des Trévires, des Nerviens et des Sylvanectes(2). Et cette extension démesurée des arbres contribuait à perpé- tuer, chez plusieurs des populations belges, les habitudes de la vie sylvaine primitive que menaient encore à cette époque les Germains. Ceux-ci étaient de véritables no- mades de forêts ; ils trouvaient dans la chasse et l'élève des bestiaux leurs principaux moyens de subsistance, et (1) Voyez à ce sujet H. d'ArLois de Jubainville, Voyage paléogra- phique dans le département de l'Aube, p. 214. (Troyes, 1855.) {Vj Voy. ce qui est dit plus loin. 44 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L'ANCIENNE FRANCE. quand ils avaient épuisé le fourrage et le bois d'un can- ton de la forêt où étaient dressées leurs huttes, et récolté un peu de blé, ils se transportaient dans un autre, oîi leur séjour n'était également que temporaire (1). Ils agis- saient, en en mot, comme agissent encore aujourd'hui les débris des premières populations indigènes de l'IIindous- tan, du Kumaon (2), du Népal et de TAssam (3). La forêt fournissait à tous leurs besoins, comme elle fournit à tous ceux de diverses tribus sauvages de la Malaisie et de l'ar- chipel Indien (4). Ainsi, malgré les progrès de l'agriculture en Gaule, ce pays demeura pendant bien des siècles une contrée es- sentiellement forestière, dont le climat âpre et froid était (1) Tacit. Gcrma7i.,b, 15, IG, 26. — Kuivantune vieille traditionalle- maude qui a cours encore chez quelques paysans de l'Alsace, et que j'ai rappelée dans l'Introduction, les géants gouvernèrent d'abord les hommes ; mais peu à peu ils furent repoussés par eux et contraints d'aller ensevelir leur existence dans les forêts et les montagnes. [A. Stôber, Die Sagen des Elsasscs, p. 88.) Ces géants sont visiblement la personnification delà population sauvage vivant dans les bois, avant l'introduction de la civili- sation romaine. (2) C'est là l'existence que mènent les Radjis, race aborigène des pro- vinces de Kumaon et de Garhwal. Voy. Strachey, On llie physical gcogra- phy of ihe provinces of Kumaon und Garhwal dans le Journal of Ihe royal geographical society ofLondon, t. XV, p. 80. (3) Voy. A Sketch ofAxsani, ivilh some account ofthe hill-lribes by an officer (London, 1847), et B. H. Hodgson, On ihe aborigènes ofJndia, p. 151 et suiv. (Calcutta, 1847). (4) C'est ce qui a lieu pour les Mintiras, les Semang, les Dayaks, les Michmis. (Voy. Journal ofllie indianarchipelago andeasleniAsia, 1847, n" 5, suppL, ]j. 307, 1849, p. 109 et suiv.) Les Semang peuvent être con- sidérés comme le peuple des bois par excellence. Ils vivent au milieu des forêts sous un simple toit de ])ranchages, se vêtissent de feuilles et se distinguent entre eux jjar les noms des arbres sous lesquels ils sont nés. (James Low, Journal cité, août 1850, p. 425, 427.) Les Moi, tribu sau- vage, qui Jiabite entre la Cochinchine et le Camboge, vivent aussi comme les singes, sur les arbres, où ils construisent dus huttes de bran- ches, dans lesquelles ils demeurent confinés. (Voy. Gutzlaff, On Ihe Co- chinchine empire, dans le Journal oflhe royal geographical sociely ofLon- don. Tom. IX, part. 2, p. 190.) CHAPITRE I. 45 aussi redouté des Romains que nous redoutons maintenant celui de la Suède ou de la Norvège. Florus ne distingue pas entre le ciel de la Gaule et celui de la Germanie ; il les qua- lifie tous deux d'atrox cœlum'\\). En s'aidant du témoignage des anciens, il est possible de se faire une idée de la singulière extension des forêts dans la Gaule, lors de l'établissement de la domination romaine. Quand, débarqué sur la côte de Massilia, le Latin pénétrait dans notre pays, en suivant la direction du Nord, il rencontrait, à mesure qu'il s'avançait, des bois de plus en plus épaio, de plus en plus vastes. A peine, après avoir passé laDurance, était-il entré dans la Viennoise, qu'il lui fajlait traverser de grandes forêts, où subsistait encore, il n'y a pas deux siècles, le souvenir des cérémonies drui- diques (2). Au delà et à l'ouest s'allongeait la chaîne boisée des Cévennes, où l'abondance des arbres avait fait honorer d'un culte particulier le dieu Sylvain (3). Le même dieu comptait dans l'Hehétie, qui formait l'extrémité orientale de la Gaule, de nombreux adorateurs (4), en raison des épaisses forêts de ce pays, que nous décrirons plus loin, et qui allaient se joindre à celles de la Rhétie et de la Gaule cisalpine, lesquelles servaient de frontière septen- trionale à l'Italie (5). (1) Florus, III, 3. (2) Chorier, Histoire générale du Daupliiné, t. I, liv. 1, p. 60 (Gre- noble, 1661). (3j D. Martin, Religion des Gaulois, t. 1, p. 198. (4) Orelli, Inscr. lai. sélect. N°« 276, 328, 333. (5) Les Romains, au temps de César et do ses successeurs, tiraient des forêts de la Rhétie leurs bois de construction. (Plin. Hist. nat., lib. XVI, c. Lxxiv et Lxxvi.) Ces forêts s'étendaient jusqu'au lac de-Côme, que Pline le Jeune nous représente comme environné de forêts habitées par des bêtes fauves (lib. II, ep. 7). Des forêts de sapins ombrageaient la source du Pô (^Padus), et, suivant Mélrodore de Scepsos. elles avaient valu à ce fleuve son nom ; Padus signifiant pin en gaulois (Plin. JlisL nrtL 1. III, c. XX, g 16). 1 46 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L ANCIENNE FRANCE. Le pays des Arvernes et celui des Éduens ne pouvaient sans doute, à raison de leur sol généralement granitique ou trachytique, offrir sur tous les points ces essences vi- goureuses qui donnent naissance aux forêts les plus pro- fondes et les plus étendues. Mais les essences qui s'ac- commodent d'un terrain sec et aride, s'y groupaient en une multitude de bouquets et de buissons. La puissance de ces deux peuples, déjà grande à l'arrivée des Romains, fait supposer qu'ils avaient enlevé à la végétation forestier^ bon nombre de terrains pour les donner à la culture. La région du territoire éduen que traversait le Rhône était certainement, comme l'ouest du pays des AUobroges, couverte de champs de blé, dont le produit suffit et /lu delà à la consommation des habitants (i); les forêts en avaient donc, lors de la conquête romaine, en grande partie disparu. Les Sénons étaient séparés des Carnutes par les forêts de Fontainebleau et de Montargis, à travers lesquelles César dut opérer sa marche, quand il se dirigea sur Gena- biim (Orléans) et Bihracte. C'est au milieu de ces forêts qu'il faut aller chercher l'emplacement encore incertain de Vellaunodunum. Le centre de la Gaule, le pays des Lemovices, celui des Cadurques, celui des Bituriges, à en juger par l'espace borné qu'y occupaient les forêts au moyen âge, était loin d'offrir des ombrages aussi prolongés et aussi épais. Les Ca- durques avaient de grands champs de lin (2), Chez les Bi- turiges, le déboisement avait dû être amené par les besoins de l'industrie du fer : car ce peuple exploitait des mines importantes (3). Son agriculture était productive, puisqu'à (1) Voy. ce que dit César [De bell. fjall. I. 23, 28). (2) Strabon, IV, m, yi. 158, éd. Millier et Dubnor. (3) CEusar, De bell. gall. VIT, 22; Slrabon, 1. c. I CHAPITRE 1. 47 l'arrivée de César en Gaule, le territoire des Bituriges était regardé comme im des plus fertiles de cette con- trée (i); il comptait des villes nombreuses et nourrissait une population abondante. Ce que César rapporte d'une nouvelle que les habitants de Genabmn (Orléans) trans- mirent, en un seul jour, par des cris répétés de village en village jusqu'aux confins du pays des Arvernes (2), ne saurait s'expliquer, sans admettre au centre de la Gaule une population très-dense (3). Quoique le pays des Car- nutes fut couvert d'immenses forêts (4), dont nous verrons plus loin qu'il subsista des vestiges nombreux au moyen âge, Genabum renfermait cependant assez d'approvision- nements pour servir de quartiers d'hiver aux armées ro- maines (o).* Quant à l'Aquitaine et à la partie de la Narbonnaise qui y confinait, les forêts n'ont jamais dû y être bien étendues et bien profondes; la nature du sol s'y opposait, A part les pins, qui ombrageaient les dunes de la Gas- cogne (6), où ils formaient peut-être des fourrés d'un accès difficile (7), le littoral de l'Océan jusqu'au pays des San- tons ne présentait que peu d'essences réunies en bois. En général, l'altitude de l'Aquitaine dépasse rarement (1) De bell. gall.YU, 13, 32. (2) Ibid. VII, 3. (3) Ibid.Yïl, 15. Les Biluriges ne comptaient pas moins de vingt villes. (4) Les Commentaires de César nous représentent ces forêts comme peu accessibles, à raison des vents et des mauvais temps qui y régnaient, " nec sylvarum preesidio tempestatibus durissimis tegi possent. » De bell. Oall. VIII, 5. Voy. ce que je dis plus loin des forêts du pays chartrain. (5) De bell. (jall. VIII, 5. Cf. VII, ii. (G) Festus Avienus, Oramaritima,21\. (7) Le pin constitue, quand il est jeune, des bois très-fourrés où il est tellement serré que l'on a quelquefois de la peine à les traverser. Plus tard, s'il peut s'isoler, son tronc pei'd les branches, son écorce devient rouge, les rameaux supérieurs s'étendent ou se redressent, et son aspect n'est plus le même. Voy. Lecoq, Géographie bolanique, tome I, p. 456. 48 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. 300 mètres, et les essences alpestres ne se rencontrentguère qu'au-dessus de 1200 à 1300 mètres, dans les montagnes de l'Auvergne et la chaîne des Pyrénées. Ainsi bien des espèces ne pouvaient venir dans la plaine, et il fallait remonter dans les vallées qui s'étendent au pied des mon- tagnes, pour y trouver la forêt avec l'aspect imposant qu'elle avait plus au nord de la Gaule. César nous dit d'ailleurs que les Aquitains exploitaient les mines de fer (1); cette industrie, qui s'est perpétuée jusque de nos jours, employait une assez grande quantité de bois, et amena na- turellement dans la montagne un commencement de déboi- sement. Tout concourait donc à faire disparaître du sud- ouest de la Gaule cet amas démesuré d'arbres qui se re- trouvait au contraire avec sa physionomie primitive dans la plus grande partie de la Gaule belgique. Dans la contrée qui prit plus tard le nom de Provence, rétablisse- ment des colonies phocéennes amena de bonne heure la destruction des forêts. Celles qui ombrageaient le terri- toire de Massilia (Marseille), au vu" siècle avant notre ère, à l'arrivée des Grecs (1), avaient, au temps de César, fait place à des cultures et à des plantations d'oliviers. L'Armorique, comme le pays desAndecavi, des Abnn- catui, des Essid, des Diablhdes, présentait vraisembla- blement un état peu différent, sous le rapport forestier, de ce que nous observons au moyen âge. L'élément celti- que se fondit moins avec l'élément latin, dans cette partie de la Gaule, qu'au sud de la Loire. Les Romains y avaient établi plus de castella, de postes militaires, qu'ils n'y avaient fondé de villes. Le fleuve qui se jette dans l'Océan près de Nantes, étaitl'artère principale de communication (1) Quem i)rimum in terram agressi occupaverant locum, palenlibu sylvis, communirent. Tite-Live, V, 34. IS I CHAPITRE I. 49 avec le centre et le sud de cette vaste province et les rou- tes étant moins nombreuses et moins fréquentées^, la végétation forestière pouvait plus librement se maintenir et s'étendre. Nous verrons, en traitant de l'état forestier de la Bretagne, de l'Anjou, du Maine et de la Normandie, que, cinq ou six siècles plus tard, de grandes zones arborescen- tes recouvraient encore le sol de cette région de la France, Toutefois plusieurs forêts devaient avoir disparu, à l'épo- que carlovingienne, et de ce nombre est cerîainement la célèbre forêt de Scissy. L'extension et l'emplacement originels de cette forêt ont fait l'objet de recherches nombreuses. IMais récemment M. Laisné(l) a jeté sur cette question un jour nouveau, et nous résumons ici les résultats auxquels il a été conduit. La forêt de Scissy {Sessiacwu) (2), d'après un texte datant certainement du ix*" ou x*" siècle, entourait le mont Saint-^Iichel, sur une épaisseur d'environ six milles. Ce témoignage appuyé sur d'anciens souvenirs (3) est confirmé par le moine Guillaume de Saint-Pair qui reproduisit en vers, au xiv siècle, les mêmes traditions. L'auteur anonyme d'un manuscrit écrit du xiv^au xv siè- cle et donné par M. L. Delisle à la bibliothèque d'Avran- clies, fait aller la forêt primitive, du territoire de cette ville jusqu'à Aleth (Daletum), autrement dit Saint-Servan. (1) Voy. A. M. Laisné, Elude sur l'ancien étal de la haie du montSainl- Micltel d'après les manuscrits-dé l'abbaye de ce mont, dans les Mémoires lus à la Sorbonnc dans les séances extraordinaires du comité impérial des trav. historirpies en 1865. Archéologie {Vdt.rx'S,, 18G6), p. 81 et suiv. (2) Voy. mes Observations sur les origines du mont Saint-Michel, et en particidier sur l'existence de la forêt de Scissy, dans les Mémoires de la Société roy. des Anticpiair. de France, nouv. série, t. VII. p. 378 et suiv. (3) « Qui primumlocus, sicut averacibus cognoscerepotuimusnarrato- iibuSjOpacissima claudebatur sylva, longe abOceani, ut a?stimatur, sestu millibus distans sex, dptissima pnobens lalibula feranim. » Cf. G. de Saint-Pair, le roman du Mont Saint-Michel, éd. F. Micliel, p. 3. 4 50 LES FORÊTS Di: LA (.AILE Eï DE l'aNCIENNE FRANCE. Cette forêt, qui subsistait eno40, et quelques années plu> tard, fut graduellement envahie par les eaux; la mer la détruisit et des grèves en ont pris la place. On a découvert de nos jours, enfoncés dans le sable, d'antiques troncs en- core debout, qui en proviennent. Ce phénomène naturel fut représenté par la légende comme un miracle qu'avait opéré l'archange Michel. Il date de la fin du vi'' siècle ou du commencement du vu*"; mais la croyance à un événe- ment surnaturel qui serait lié à l'arrivée de saint Aubert en ces lieux, le fit reporter au viii' siècle ; on donna pour un cataclysme soudain ce qui était dû simplement à l'in- vasion successive de l'Océan. Cette forêt du mont Tombe formait une marche boisée entre le pays des A brincatui, des Redones et des Curio- solites; elle se réunissait vraisemblablement à d'autres dont nous retrouverons les vestiges, en recherchant l'an- cien état forestier du département d'IUe-et-Vilaine. La Seine et la ]\Iarne étaient regardées comme la frontière de la Celtique et de la contrée occupée par les Belges (1). Mais cette frontière n'était pas formée par deux simples rivières ; elle s'étendait en réalité de la Loire à la Seine. Du nord de Genahum jusqu'aux portes de Lutèce, du pays des Carnutes à celui des Veliocasses, régnait une de ces grandes marches forestières dont j'ai parlé tout à l'heure. Les forêts d'Orléans, de Montargis, de Fontaine- bleau, de Rambouillet, de Laye, en sont les derniers ves- tiges. Sans doute, ainsi qu'on le verra plus loin, cette marche boisée a été de bonne heure scindée en plusieurs forêts distinctes; mais avant l'arrivée des Romains, comme on ne voyageait guère que par les rivières, (1) CaDsar, De hell. cjull. I, 1; Sirabon, IV, i, p. 147, éd. Millier ot Dùbner. — Pomponius Mêla, III, 1, 1 CHAPITRE I, 51 il n'avait pas été nécessaire d'ouvrir un grand nombre de routes à travers cette zone d'arbres; elle gardait alors certainement sa physionomie originelle, et, après leur établissement dans les Gaules, les Romains respectèrent une partie ou peut-être la totalité de cette grande foret, comme ils le firent pour l'Ardenne. Le canton appelé jadis Deserre, Serre ou Desmirre, et qui s'étend au sud- est du département de l'Eure et sur la lisière de celui de Seine -et-Oise (canton de Iloudan), tire son nom de l'ex- pression Diana sylva. transcription latine du mot celte dean^ den, forêt. Là était la marche commune des Garnu- tes et des Aulerques-Eburovices. Gette marche fut dé- membrée de si bonne heure qu'il n'est plus possible au- jourd'hui d'en reconstruire, même approximativement, la topographie. Quand on avait passé la Seine, on entrait dans la Gaule Belgique; alors la profondeur, les dimensions des forêts augmentaient encore ; le pays n'était plus, pour ainsi dire, qu'une vaste nappe arborescente. 52 I.ES FORÊTS DE LA (lALI.E HT DE l'aNCIENNE FP.ANCI CHAPITRE II. 4 KTAT I-iiHi:sTlEU Hr NORIi DE L.V GAlLi:. — roUl!.T i:llAP.BON.Mi:iH:. — PAYS I»E TIIIÉRACIIE. — ÉTAT KOKESTIER ANCIEN HE LA BELHIUI ! — FORÊT DES AKKEXNES. — TRAHITIOXS ET SOUVENIRS (.lUl s'y HA . - TACHAIENT. I Un peu au nord-est de Lulècc existait une petite popu- lation gauloise que César n'a point mentionnée et que les géographes qui vinrent après lui, nomment \esSt/lvmiec-^ tes (i). Ce nom leur était attribué parce qu'ils habitaient une vaste forêt entrecoupée seulement de quelques clai- rières. Cette forêt s'avançait jusqu'aux confins du petit territoire des Parisii, qu'on appela au moyen âge le Parisis; elle a été désignée sous le nom de Silviacwn qui fut altéré plus tard en celui de Servais ou de Serval (2). A deux lieues de Louvres, se trouve un village qui porte encore le nom de La Cliapclle-en-S errais ; ce nom de Servais reparaît dans le Laonnais; il est celui d'un vil- lage appelé, dans les Copiliilairc^, Silvanon (3) et où les rois carlovingiens avaient un palais. Ainsi cette forêt s'éten- dait depuis les environs de Louvres jusqu'au milieu du département de l'Aisne; elle embrassait les forêts de Chantilly, de Compiègne, de Laigue, de Coucy, de Vil- '1) Ptolémée, Géograph. II, 9. Pline 'Ilisl. nal. IV, xvii, 31) écrit : l'imnneles. Les Sylvanecles étaient vraisemblaMenient clients des Bel- lovaques, avec lesquels César, qui nous parle des forêts du pays de ceux- ci [De brll. fjaU. VIII, 19), les aura confondus, (2) Hincmar, Annales, an. 8GÔ. ap, Pert/, Moniim. hisl. grrm. t. f. p. iG7, 477. — Cf. Carlier, Ifisloiir du duché de Valois, t, I,p. 12. ^.'î)Voy. ce que je dis plus loin. Cf. Hadr. Valesius. Noiilia Gollinr'n: p. 524. " CHAPITRE II, 53 Iers-Cottere!s, dont nous verrons plus loin (1) quelle était au moyen âge la topographie. La forêt des Sylvanectes recouvrait donc à la fois les frontières des Bellovaques, des Suessions et des Meldcs; elle se terminait sans doute aux marais tourbeux du Ponthieu et de l'Amiénois, où les eaux de la Somme (la 5'^/^*'/;'^ des anciens) apportaient les troncs déracinés et les rameaux que le vent avait arrachés (2). Au delà de la Somme et de l'Aisne, paraissait une forêt nouvelle dont les lignes ombragées couraient jusqu'aux bords de l'Escaut; c'est celle dont il est question, aux pre- miers temps de notre histoire, sous le nom de Carbonarht Sylra, Foret CJtarJionnièrcÇà), à raison des charbons qu'on en tirait (4). Les annalistes de l'époque carlovingienne en parlent plus d'une fois (5), et elle est citée dans la loi Salique (6). C'est près de la forêt Charbonnière qu'au dire de Sulpice Alexandre, cité dans Grégoire de Tours, les Francs furent vaincus par les Romains, qui avaient à leur tête Nannenus et Quintinus (7). Au v' siècle, cette forêt S3rvait de limite entre le rovaume de Neustrie et celui (1) Cette grande loiél garait avoir été simiilement désignée par les Gaulois sous le nom de coal, col (en latin, colia), c'est-à-dire la forci; nom d'où sont dérivés les noms de Cuise, Coucy, Cuisy, etc. Voy. ce que .je dis plus loin do cette forêt et de ces noms. Dans le dialecte gaélique, fo rcl se dit coill, et en comique, kclli. (2) Voy., sur les marais du Ponlhiou, le mémoire do M. Girard sur VlUsloirc phjisique de ht vallér de la Somme, dans le Journal des Mines, n" 10, p. 15. (3) Grégonc de Tours, Iltsl. eceles. franc. II, 9. (4) Belleforcst prétend, dans sa Cosmographie universelle , liv. Il, )). 4'i-'j, ({ue le nom de Charbonnière est une altération de Camhronicre, dérivé du nom de Cambron, le cliei" des Cimbres, ou peut-être de celui des Cimbres eux-mêmes. (5) Voy. I). Bouiiuel, llisloriens de France, t. III, p. 4, 308, 3 44, <;87, (G) Lrx saliva, tit. XLIX, p. 173, éd. Peyré. (7) Grégoire de Tours, Hislor. eceles. franc. II, 9. 54 LES FORÊTS DE LA (;AULC ET DE l' ANCIENNE FRANCE. d'Austrasie (i). Je parlerai plus loin des démembrements do cette grande marche sylvaine, au sein de laquelle fut fondé, au x^ siècle, le monastère de Lobbes ou Laubes (2). Qu'il me suffise de dire ici que les forêts de Soignes [Si/I- rn Soniacn) (Sonienbosch) (3), de Vicogne (4), de Fagne Cô) de Mormal et deSirault ou Tirant ((3), en faisaient partie Dans les anciennes chartes flamandes, il est question d'une foret de Carbonires qui était située dans lellainaut, près de Séneff, et qui ne pouvait être qu'une fraction de la grande forêt mérovingienne (7), laquelle s' avançai', comme l'observe Adrien de Valois, jusqu'aux alentour- do Louvain et recouvrait tout un pays que sa présence a . fait désigner sous le nom de Hat/elaud. fl La forêt Carbonnière occupait, on le voit, une grand partie de l'ancien territoire dosNerviensetdesMénapien> : (1) Annal, de Metz-, an C87, voy. Alfreil Jacobs, Gcorimpliie de Cri- j (joire de Tours et Frcdégaire, dans Gréiroire de Tours et Frédéiraiie. | n-ud. Guizot, nouv. édit. t. Il, p. 359, 405, 466. (•2) Folcuin, citi'- par A. Jacobs, Grégoire de Tours el Frcdégnire. t. 11. p. 3«9. Cf. H. Valesius, Nolilin GaUiurum. p. 126. (3) C'est-à-dire bois du soleil, peut-être parce que la fortH t'Iait consacrée à ce dieu. On a fait aussi dériver ce nom de sogne, eu wallon, eirroi. Yoy. A. Isabeau, les Forcis de l'Europe, dans les Annales forrs- lièrrs, t. XIII, p. 203. (4) La forêt de Vicogne ou de Saint- Amand (HVco» m Sijlca] s'étend i. l'enlour de Condé (Nord;. Elle est nommée dans les Annales de Saint- Wansl. Cc'ii là qu'en 872 l'abbé Hugues poursuivit les Normands, de concert avec Carloman. Voy. Historiens de Fronee. t. VIII, p. 83. Cette foret ou que^iue forêt voisine a été aussi, au moyeu âge, désigner sous le nom de forci du Ilainaul, appliqué par les compagnons de Guil- laume le Conquérant, qui transportèrent en Angleterre des noms d<' localités françaises, à une forêt du comté d'Essex voisine de la forêt d'Epping. (5) Fannia Sylva, plusieurs fois citée à l'époque carlovmgiennc Voy. Historiens de France, t. VII, p. 110. Cf. t. III, p. 524. (G) II. Valesius, Xulitia Galliarum. p. 12G. Voy. ce que je dis plii> loin de ces forêts. (7; Voy. J.-J. de Smet, lieeueil des ehroniiiws de Flmnlr' ^ lali'f lie- noms de lien.K (Hruxello-. 18.^7, iii-î"'. i CHAPITRE II. 55 César nous représente en effet ces populations trouvant un refuge dans la profondeur de leurs bois (l) ; un peu plus tard les Francs s'y cantonnèrent pour résister aux Romains (2). Près du littoral de l'Océan, les arbres n'offraient plus la môme élévation, les fourrés la même épaisseur; on rencontrait seulement une suite de buissons, de halliers poussant sur un sol marécageux. Les Ménapiens et les Mo- rins se logeaient dans ces forêts basses, ces espèces de jongles , pour harceler l'armée romaine (3). La Meuse et le Rhin charriaient incessamment comme la Somme, les troncs des arbres que leurs débordements avaient été chercher loin de leurs bords ou que les vents avaient poussés dans leurs flots. C'est ainsi que se sont formées les vastes tourbières de la Relgique, d'où Fou a extrait plusieurs fois des troncs ou de larges rameaux à peine décomposés de chênes, d'ormes, de bouleaux et de pins (4). Les eaux de la mer ont en plusieurs points envahi ces marais, et faisant irruption à travers les dunes, elles ont gagné les forêts elles-mêmes (5). Les forêts qui cou- raient d'Ostcndeà Boulogne paraissent avoir subsisté jus- (|ii"au temps deCharlemagne (6); elles recouvraient toute la vallée de la Liane, se prolongeaient sur le territoire ac- (1) Ih hcU. fjaU.U, 17. (2) Grégoire de Tours, 1. c. (3) Cajsar, De bell. gnll. III, 28 ; VI, 6. Dion Cassius, XXXIX, 44. (4) Voy. Belpaire, sur les changrmenls de la côte d'Anvers à Bou- logne, ûa,ns]es Mémoires couronnés par rAcadémie de Bruxelles, t. VI. p. 20 et i^issim, et un mémoire du même auteur, sur la. ville d'Ostende^ dans le Recueil de cette Académie, t. X. Dans les tourbières de Duren, près la frontière de Belgique, non loin d'Aix-la-Chapelle, on a trouvé des troncs entiers de pins. (5) Belpaire, mém. cilé, et Dumont, dans le Bulletin de FAcud. de liruxelles, t. V, p. 643. (0) Belpaire, 1. c. et Bulletin de l'Âead. de Bruxelles, t. X, p. 4. 56 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. tuel de Boulogne jusqu'à Hardelot, Samer, Desvres, La Capelle, et garnissaient la ceinture de montagnes qui environne lespace connu sous le nom de Fosse houlon- naise (1). Le diocèse de Térouanne dont dépendaient Aire et Saint-Omer, était en grande partie occupé par la forêt dite Tristiacensis sylva ou Vastus saltus, et le bois de Bey/d (Bailleulj, situé entre Budderwoorde et Thou- rout (2). La forêt où saint Léodegaire soufTrit le martyre, et qui s'étendait sur le territoire des Atrébates, se rattachait aux précédentes (3). Il en reste encore aujourd'hui un débris dans le bois de Luchcux, dont le nom est une cor- ruption de celui de Léodegaire. Plus à lest, les forêts d'Arouaise {Arida (jamantia sylva) et de Thiérache {Theoracia sf/lca) présentaient aussi à quelques égards le caractère de forêt marécageuse; elles furent défrichées de bonne heure sur plusieurs points (A); et voilà comment un y;/7^?/.s- tout entier, \q pcnjus (1) Voy. Bertrand, Précis de l'hisloire physique, citile et poliliquc de la ville de Boulogne-sur-}Icr,\. I, p. 22 (Boulogne, 1828;. (2) Voy. E. Bernard de Sainte-Marie, Recherches sur les anciennes foréls de la partie nord-csi de la France, dans les Annales forestirns, année 1850, p. 49 et suiv. (3 Silva san<:ii Leodryarii. Voy. Gestn episcop. Camerac. lib. I, pag. 409, ap. Pertz, Monumcnta yerman. hislor. tom. VII. (4) Voy. H. Valesiu?, Xolilia Oalliarum, p. 549; Cf. Uislorinis dr France, t. XI, p. 128. La fonH d'Arouaise {Arida Gamantia Silva), où fut fondé le monastère de ce nom, s'étendait du château appelé Dusla jusqu'à la Sambre (Voy. YHa Heldemari eremitx, dans 1rs Historiens de France, t. XIV, p. 157). L'abbé Gosse, qui avait compulsé )e cartulaire de l'abbaye d'Arouaise, dit que la forêt de ce nom allait d'Encre, au- jourd'hui Albert, jusqu'à la Sambre (Voy. Gosse, Histoire de l'ahbaye et de l'ancienne congrégation des chanoines réguliers d'Arouaise, p. 6 (Lille, 1786, in-4''). Il s'appuie sur le témoignage de l'abbé Gautier, qui a écrit, à la fin du xii* siècle, une histoire de la fondation de cette abbaye. Le nom d' Estréeen-Arouaise, (jue porte encore une localité voisine du Calolet, prouve qu'une voie romaine [strata] traversait déjà la forêt. — Voy. sur la foret de Thiérache, Li Itomans de Raoïd de Cambrai tt de Lcrnicr,\mhUéi>aT Ed. Le Glay, p. 341, 348 (Paris, t840), CHAPITRE II. 57 Theoracia ou pays de Thiérache prit son nom de la forêt ; il comprenait les cantons de La Fère, Guise, Ribemont, Rosoy, dans le département de l'Aisne, une partie de l'arrondissement d'Avesnes, et dépendait de l'évcché de Laon . Ainsi les anciennes provinces de Picardie, d'Artois, de Flandres (1) etdeHainaut étaient recouvertes, sur les trois quarts de leur superficie, de forêts se rattachant sans doute les unes aux autres par des lignes d'arbres sou- vent entrecroisées et formant de véritables plexm. Au moyen âge, ces anciennes retraites des Ménapiens, des Morins et des Nerviens étaient devenues le repaire debri- gands redoutés. Dans la forêt d'Arouaise, le lieu où fut fon- dée l'abbaye qui en prit le nom, était désigné sous le nom du chef d'une de ces bandes et s'appelait /e tronc Béran- ijCT (2). L'auteur de la vie de saint Arnulfe, évêque de Sois- sons, fait mention d'une tourbière située près deGhistelle, et qui servait d'asile aux brigands (3). Aujourd'hui les effets de l'érosion de la mer ne permet- tent pas de rétablir la topographie de cette marche fores- tière qui a disparu sous les flots; mais en sondant les es- tuaires des divers fleuves qui déchargent leurs eaux dans l'Océan, de l'Elbe, de l'Oder, del'Ost, del'Ems, du Weser, en visitant le delta du Rhin et les bords du Bies-Bos et du Zuyderzée, l'ancien lacFkco, on retrouve, dans la couche inférieure des terrains appelés en Hollande Moorei Veen, i3lJ. Lhcniiite, Excursion dan^ V Aisne, ûans la France liUéraire, 1832, p. 52G. (1) Voy. ce que je dis plus loin de l'élat des forêts d'Arouaise et de Thiérache au moyen âge. (1) Voy. Vila IJeldemari eremiUc, ap. Historiens de France, t. XIV, p. 157, et Gosse, Histoire de Vabhayc d'Arouaise, p. 9, 10. (3) Cf. Acla SS. ord. S. Dcned. sœc. vi, part. Il, p. 537, n" xvii. Saint Araulfe est mort à Oudenbours en 1087. 58 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. les traces du séjour de l'homme et des fragments de végé- taux arborescents qui ombrageaient ces contrées (1). On voit par ce qui vient d'être dit que la Belgique, actuelle- ment si peu boisée, le fut jadis sur presque toute sa super- ficie; l'on garde même le souvenir de plusieurs des forêts qui subsistaient encore aux viii''et ]x*"sièclcsde notre ère. Le mot lof) qui sert à former une foule de noms de localités cic la Belgique, et s'appliquait à des hauteurs boisées, témoi- gne de la disparition des forêts (2) dans les Flandres et le Brabant. La forêt de Ileinaerst-Trist, débris du Vasii'^ sdltus cité plus haut, s'avançait jusque dans le district y\>- Loo. D'après la chronique de S. Bavon, le forestier Li- derick II et son fils obtinrent d'Éginhard, au ix*" siècl' le droit d'y chasser, à condition de payer une dîn; de cerfs et d'autres gibiers (3). Le Shchleholt (for (I) On a reconnu des branches et des troncs de bouleaux, de hêtres et de chênes dans les tourbières du i)ays de Liège. (Cf. Davreux, Essai sur la roiistitulion grolorjique de In province de Liège, mémoire couronné ]iar l'académie de Bruxelles, 1833, in-4"', p. 51.) On a aussi trouvé des fragments des mêmes essences dans les tourbières de la Flandre. (Voy. Belpaire, mémoire cité, p. 34.) M. Galeotti soutient, il est vrai, que ces débris d'arbres n'appartiennent pas à la période géologique actuelle (Sur la conslilidion géologique de la province de Brabunl, mim. couronné par l'acad. de Bruxelles, t. XII, p. 16); mais ce qui va à rencontre de son opinion, c'est qu'on a découvert, au milieu de ces restes nombreux de végétaux, des traces de voies romaines, ainsi que cela est arrivé dans les tourbières de la province de Drenthe et dans celles de Kinardine et di' llatlield, dans la Grande-Bretagne. (Voy. Berghaus, Allgemrine Lxndcr- und-Vœlkerhunde , t. Il, p. 570.) Ces tourbières ont offert de plus dts débris de poteries romaines. (De Bast, Recueil d'antiq. t. II, pi. cm. p. 370.) Les restes de bois, de défenses, d'ossements qui y sont enfouis paraissent avoir appartenu aux cerfs, aux sangliers, aux chevreuils ilont étaient peuplées ces forêts. ('2j Ce mot Loo se retrouve dans les noms deLouvain {Looven) cl Ven- loo. Le motven, en llamand vehen, en hollandais vcen, signifie « loui- Itièrc; » le mot français /'«//?(f en est dérivé. Les noms do Looven, il- Venloo indiquent donc des lieux tourbeux et boisés. La même racme l ]K 240. (4) Voy. Annales foreslières, 1. c. (5) Aimales foreslières, l" année, 1808, p. 208, 219. —Le nom do Bruxelles, écrit dans les anciennes chartes latines Brosella. Bruolesihi, Brucsella, BniselUa, signifie wi pelil bois, un breuil. Un village situé près de Saint-Gilles garde encore le nom de Foresf, dénomination qui prouve qu'une forêt existait, dans le principe, au sud villes les plus importantes de l'Empire (5). Au temps do Charlemagne, elle se subdivisait en plusieurs forêts ; car en un diplôme de 802, où il est fait donation de deux localités peu distantes de Trêves [Ccrviam et Cerviaco), on interdit la chasse dans les forêts voisines (6). A l'époque mérovin- gienne, les rois francs avaient une habitation ro\a\e [vil/c ref/ia) en un canton de cette forêt appelé Bclsoncmcm, au- jourd'hui Bar-togne. C'est là que Childebert II réunit lc> {.nands de son royaume (7). Dans la partie de l'Ardennc qui s'avançait sur la fron- tière desMédiomatrices, les voies établies par les Romains déterminèrent de nombreuses éclaircies. Des traces d'une de ces voies apparaissent dans la forêt de Calonoven ou Cal- lenhoven,siseau suddeSiercketau nord-est de Thionville, et elles lui ont valu son nom, dérivé du latin cfdlis, qui fournit également Tétymologie du nom d'un village voisin, Calembourg (8). A la lisière de cette forêt se trouvait la (1, De bell.fjall.Y, 3; YI, 29. (2) Slrabon, IV, m, p. 161. Cf. Tacit. Annal. III, i-2. (3) Cœsar, De bell. yall. VI, 29. (4) Yoy. ce qui est dit, De bell. gall. VI, 33. (5) Voy. sur les limites anciennes de ÏAiilacnna Sijlca. H. Valesius, Notilia Galliaî'um, p. 37. (6) Voy. E. Bernard Sainte-Marie, Rerherclirs citées p. 49. (7) Grégoire de Tours, Hisl. cccles. franc. VIII, 21. (8) Verronnais, Siipplcineuf à la sifdistiqiir liisloriqur dr la Mosrilc, y. 129, 3G3. Il I CHAPITRE II. Cl station de Ricciacum (Ritziiig), par où l'on passait pour se rendre à Trêves. Comme certaines autres forêts, celles J'Othe, de Thiéraclie notamment, l'Ardenne devint un véritable pa donner une idée des fables dont la ténébreuse Ardeiiii» était l'objet. Au fond de celte forêt, les mœurs étaient restées ce qu'elles avaient éléau lemps desNerviens et de> (1) Voy. 490 cl suiv. éd. Crapelet, t. I, p. 18, 19. ' (î) Les romanciers du moyen àg« étaient généralement ^orligno^ant^ sur ce chapitre. C'est ainsi qu'Adenès, on son roman de Bcrlcaujc gramly pii'S, place un olivier dans la forèl du Mans : C'ert dans la forest du Mans, ce oy tosmoignier Lors se sont arrestés dessous un olivier. Édit. P. Paris, p. 34. CHAPITRE II. 63 Eburons. La forêt était un repaire de brigands. Le roman si I populaire des Quatre fils Aymon nous représente Renaud et ses frères s'y retirant pour mener la vie de brigand et y restant jusqu'au moment où leur mère \int à leur secours. Le christianisme ne pénétra que difticilement dans cette contrée. Les descendants de cesNerviens, que César nous représente comme les plus barbares d'entre les Bel- ges (1), résistèrent avec obstination à la prédication del'E- vangile (2), attachés qu'ils étaient au culte des divinités forestières dont la nature semblait prendre soin de renou- veler autour d'eux les monuments. Aux environs de Trêves, leculte de Diane se conservait encore au v'siècle(3). C'est seulement au siècle suivant, que saint Hubert et saint Bérégise réussirent à déraciner de ce pays, des supers- titions dont le caractère vivace est indiqué par ces paroles de Hariger dans la vie de saint Remacle (4). « Reperit ibi » manifesta satis inclicia, quod loca illa idolatriae quon- A dam fuissent mancipala, lapides scilicet Diana? et aliis » portentuosis nominibus eflfigiatos, fontes hominum » (juidem usibus aptos, sed gentilium errore pollutos ac » per hoc da3monum adliuc infestatione obnoxios. » Des superstitions d'origine païenne, celles surtout qui tiennent à la croyance aux esprits des bois dont j'ai parlé clans l'introduction de ce livre, ont cours encore dans l'Ar- (1) De belLgall.il, 15. (2) « Nam cum illis adhuc lomporibiis fanatico errore Austrasiorum (loimlus multis in locis horrende fœdarelur, per hune pra'cii)imm sacer- dolcm dsomonum pnestigia et idolorum fantasias maxime ab hoc Ar- Jennensi territorio, etc.» (Bolland. j4fL sanclnr. Il octob. p. 528, col. 2.) (3) Grégoire de Tours, Jlisl. franc. YIII, 15. Cf. A. Beugnot, Histoire de la dcslrucliondu jjaganisme en Occident, t. II, p. 319. (4)Lib. 1, 92. Saint Remacle, évoque de Maestriclit. fonda les abbayes do Staveiot et de Malmédy, au pays d'Ardenne. (Bolland. Act. III sep- teinb. p. GC9 ci, suiv.GSO.) Le pieux évoque eut soin préalablement d'exor- ciser les lieux. 64 LES FORÊTS DE LA (lAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. demie. Il y a peu d'années, les paysans s'imaginaient en- tendre le bruit du cor et de la meute du chasseur nocturne et \oir tout à coup tomber morts des sangliers, des daims et des cerfs frappés par son invisible épieu (1). D'autres disaient que c'était saint Hubert, apôtre de la contrée, qui continuait son ancien métier de chasseur (2). Une légende célèbre rapportait sa conversion miraculeuse dans la forêt des Ardennes (3). Dans la forêt de Soignes, le chasseur nocturne est devenu un jeune paysan maudit par son père pour avoir trop aimé la chasse, et condamné à chasser étor- nellement(4). Avantqu'on eût éclairci cette forêt, les char- bonniers assuraient en tendre souvent les aboiements de sa meute. Les vestiges de superstitions analogues ont longtemps persisté dans la Belgique; elles furent comme les dernières traces des forêtsdisparues. Le peuple croyait encore, jadis, aux Wondmannen ou BoscJifjoden, génies des bois qui viennent la nuit prendre leurs ébats sous les arbres. Le souvenir de ces divinités se retrouvait également dans Tusage de conjurer, la nuit de Noël, le diable qui faisait son apparition dans les forêts (5). Les V fuujsttanuvn ou Sapins (le In Pentecôte, longtemps en usag(M6j, ont été les héritiers des arbres sacrés et réputés prophétiques dont l'Ardenne élait sans doute originairement toute rem- plie (7). (1) Voy. la légende Die uildc Jagd in dcn Ardcnncn, dans l'ouvrage de J. W. Wolf, intitulé : Niederlacndische Saffrn, ]». 616, Leii)/ig, 1843. (2) Voy. J. W. Wolf, ouv. cU. p. 350, n° 259. (3) Boiland. Ad. sancl. II octob. p. 528, col. 2. (4) Voy. J. W. Wolf, ouv. cil. p. 350, n" 259. (5) Voy., sur un usage qui se rattache à la croyance aux Wahllcuf' ' A. Kuhn et W. Schwartz, XorddditscJtr Sagrn, Ma'hrchcn xmd i br/euchr^ p. 405. (6) Voy. Coremans, U année de l'ancienne Itrlgique, p. 22 et suiv {!) Pendant la nuit du dinianche au lundi de Dloeifest (Pâques fl I CHAPITRE II. 65 Au reste, cène sont pas seulement les forêts du nord de la Gaule dont l'ancien caractère sacré se reflète dans les traditions mythologiques de notre pays ; l'imagination populaire a attaché des idées de merveilleux à presque toutes nos grandes forêts; elles ont un rôle dans la féerie et les contes bleus. Raymondin rencontra la fée Mélusine dans la foret de Colombiers en Poitou (1). C'est dans celle de Léon en Bretagne, que Gugemer, étant en chasse, trouva la fée qui est le principal acteur de sa mystérieuse aven- ture (2). C'est dans une autre forêt que Gracient vit celle qui l'enleva au séjour d'Avallon (3). Les merveilles de la forêt deBrécheliant, dont nous reparlerons plus loin, ont occupé l'imagination des chroniqueurs bretons et se sont liées au souvenir de l'enchanteur ^lerljn, sorte de fée mâle dépeint par les traditions de la Grande-Bretagne comme un habitant des bois (4). J'ai montré dans un travail spécial que les fées descendent de l'union desFatcr^ déesses de la destinée des Romains, et des dresses Mères avec les druidesses, les prophétesses de la Gaule et de la Ger- manie (5). L'association des noms de bois et de fées peut donc être regardée comme un dernier vestige des forêts de la Gaule; et c'est là un fait qui n'est pas rare. Je me bor- nes, les paysans flamands étaient encore dans l'usage, au moyen âge. de planter autant d'arbres devant leurs étables qu'elles renfermaient de Ictes de bétail. Ces arbres avaient un caractère sacré, 11 en était de même ào?, sapins de la Pentecôte [Pfingsllanncn, Sinxeiulennen). Il n'y a pas eu d'exemple, suivant M. Coi-emans, qu'on les ait jamais endom- magés. Coremans, ouv. cil. p. 137. (1) Voy. F. Nodot, Histoire de Mchisine, \^. 19 (Paris, IG98). (2) Voy. le lai de Gugemer dans, lo?> Poésies de Marie de France, puljl. par de Roquefort, t. I, p. 54. (3) Voy. le lai de Gracient, dans les Poésies de Marie de France, t. 1, ]). 538, 539. (4) Voy. ce que je dis des forets delà Bretagne. (5) Voy. mon ouvrage intitulé : les Fées du moyen âge Paris, 1843}. 66 T.ES FORÊTS DF, LA GAUÎ^E F.T DE l'anC1F>NF FRANCE. lierai à quelques exemples. En Lorraine, un petit ])oi> situé sur la route de Tarquimpol à Marsal, porte en- core le nom de Hayc-des-Fées (li. Une dame blanche ou fée se montrait, au dire des paysans, près des forêts qui environnaient la 1lnrhc-aii-I)ifihIc, où un menhir, appelé Iv.nl.el, « la quenouille, » atteste l'existence ancienne du culte druidique (2). La célèbre Roche-aiix-Fées se trouvait jadis dans la forêt du Teil, en Bretagne; mais aujourd'hui son emplacement a été déboisé (3). C'était au pied des ar- bres que les fées aimaient à se montrer. Témoin cet arbre aux fées où, au temps de Jeanne d'Arc, les superstitieux habitants de Domremy faisaient chanter la messe pour éloisner les esprits malfaisants (4). (1) Voy. H. Lepage, le dcpartemenl df la Mnulhe. t. II. p. î'iT. (2} Ce lieu est près d'Abresch-willer. (Voy. H. Lepage, onv. cit. t. II. p. G.) (3) Mémoires de V Académie celtique, t. V, p. 379, 381. (4) Notices et extraits des majiuscrits de la Bibliotlièque du roi, t. III . p_ 300. — Procès dp Jeanne d'Arc, publié par Laverdy. — J. Quiclierai . Procès de Jeanne dWrr. t. I. p. 07 ol suiv.. t. II. y. 300 ctsuiv. CHAPITRE 111. 67 CHAPITRE III. i:tat forestfer bu .u:ra et du pays des helvètes. — fouets de la GERMANIE, GRANDES FORÊTS DE l'aLLEJIAGXE. CAUSE DU DÉBOISEMENT DANS CE PAYS. Quoique les Romains comprissent dans la Gaule le pays (les Helvètes, il se rattachait plutôt par sa configuration à la Rhétie et à la Vindélicie, contrées en partie occupées par des populations d'origine celtique. On peut dire que les forêts de la Germanie commençaient avec le Jura, puisque c'est la barrière naturelle qui ferme la France à l'est. La disposition orographique de cette chaîne, son sol calcaire éminemment propre à la croissance des arbres, la rapprochaient des TTVtVf/e?' allemands, et, il y a deux mille ans, son aspect devait présenter une ma- jestueuse horreur. Les six à huit lignes parallèles dont le Jura se compose, comprennent une longueur de quatre-vingts à quatre-vingt-dix lieues, sur une largeur de dix à quinze ; il se termine à l'ouest au mont Vouache, dans l'ancien territoire des Allobroges, et à l'est, au Rau- denberg, près de Schaffouse, non loin de l'ancien terri- toire des Rauraques. C'était naguère une suite de défilés impénétrables, bordés d'épaisses forêts. Des sommets de la Dole, du Chasserai, du Chaumont et du Weissenstein, ces forêts descendaient jusqu'au fond des vallées longitudi- nales qui, semblables à de larges ravins, séparent les crêtes parallèles ; elles garnissaient les cluses el masquaient les torrents (1). Des vents glacés, le Joran ou Juron et la (1) Yoy. J. Thurmann , Essai svr les soiilrrcmrnls jurassiqws tir Porentruy. Paris, 1832, p. 47. 68 LES FORÊTS DE LA (jAUl.E ET DE l'anCIENNE FRANCE. Montaine (1), qui soufflent encore dans ces contrées, du nord, du nord-ouest, de l'est, s'engouffraient dans les dé- filés et arrêtaient la marche des voyageurs assez osés pour s'y hasarder. Aujourd'hui, des villages ont remplacé les arbres qui tapissaient les vallons. Les petits cours d'eau qui traversent ceux-ci, la fertilité du sol ont appelé les habitants (2). A l'époque où les Romains pénétrèrent dans la Séqua- nie, les forets des pentes occidentales du Jura devaient se jl rattacher à celles des pays des Lingons et des Eduens. Un épais manteau d'arbres s'étendait entre l'Ognon, le ûoubs et la Saône ; mais bien des centres de population s'y étaient formés, favorisés par la nature du soi que la main de l'homme avait déjà éclairci. lies oppicla, des ficus y existaient en Séquanie_, et Vesontio (Besançon), situé au pied du Jura, était au temps de César non-seule- ment une ville importante, mais encore un lieu d'appro- visionnement (3). La domination romaine une fois établie, la Séquanie fut coupée par des voies dont on reirouve encore de nombreux tronçons. L'une d'elles passait à Gredisans, village de l'arrondissement de Dôle, et tra- versait une contrée qui conserve le nom de Vicux-f/mnd- cJieniin, ou de Chemin de la Poste; elle reliait Dôle à la ville détruite qu'a remplacée Dammarlin. Les forêts qui la bordaient en plusieurs points ont fait le sujet d'une foule de traditions féeriques qui se sont perpétuées jus- qu'à nous. La forêt de la Serre, notamment, a joui chez les conteurs d'une grande célébrité ; ils en firenl le théâtre (1) Voyez, sur ces vents, J. Thurmunn, Essai de Phyloslatique apjili- (jitée à lachalne du Jura, t. I, p. 69. Berne, 1849. (2) Voy. Girod-Chantrans, Essai sur la géographie physique du dèpur- Icmenl du Douhs, t. 1, p. 21 . (3) Dehrll. (joU, T, 39. CHAPITRE III. 69 de mille fictions : c'est là, disaient-ils, que l'empereur Frédéric allait tenir ses cours d'amour (1). La forêt de la Serre n'est qu'une petite fraction du Sal- ti(s sequanus que constituait le Jura. Dans cette chaîne vivent des traditions qui remontent jusqu'aux Ro- mains et aux Gaulois. Ainsi, au Champ-Dolent, lieu voisin de Villers-Farltiy, dans l'arrondissement de Poligny, se continuent des pratiques d'origine certainement païenne. Un autre débris du Salins sequamis était l'immense forêt qui s'étendait naguère entre la rive gauche du Doubs et le bassin de la Seille. Son sol est aujourd'hui complètement défriché ; mais on a retrouvé aux environs du village de Tassenière, en creusant la terre, des fragments d'an- tiques troncs que la pioche ne put déraciner. Un reste non moins important du même saltus est la forêt qui porte actuellement le nom de Chaux ou de LacJiaux^ et à laquelle se rattachent des traditions druidiques (2). A la même catégorie appartiennent la forêt de Colonne, peu- plée d'ermites au vi'^ siècle, et celle qui s'étend entre Sel- lières, Arlay et Bellevesvre, arrondissement de Lons-le- Saulnier. Un village de ce canton, Vers, s'appelait origi- nairement Warz, et tira son nom de sa position forestière ; car ce mot a le même sens que celui de Harz. Des souvenirs du culte des bois s'y sont conservés. Les paysans de Vers- sous-Sellières s'imaginent encore que les restes démantelés des vastes lucus de leurs ancêtres sont habités par des esprits mystérieux, des dames blanches , des dames vertes, (1) Roussel, Dictionnaire gcograpltiquc des communes du Jura, t. III, p. 283. (2) Dans cette forêt, dont le nom paraît dérivé du celte chod, bois, existe un grand nombre de mottes, de iumidus, où, suivant la croyance l)opulaire, venaient s'assembler descspritsmystérieux. Pareille superstition s'attache à la. pierre qui vire, vieille borne servant de limite du côté de la Laye. (Voy. Rousset, o. c. t. III, p. ^2G! ; l. 11, p. ^80-, t. T, p. 337. 70 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. (les lovps-ijarous et des .somer.ç(l), qui viennent la nuit y prendre leurs ébats. Pareille croyance se perpétue au village de Clialelneuf (arrondissement de Poligny); la superstition populaire peuple la forêt qui en porte le nom, et celle de Loulle, d'esprits, de sylphes et^de chagseurs sauvages (2). Les premiers défrichements opérés dans la contrée du Val de ^lièges (arrondissement de Poligny), datent très- vraisemblablement des Gaulois. Depuis cette époque jusqu'à Charlemagne, la grande forêt du Jura ne cessa de s'éclaircir. Dans une charte de l'an 793, rédigée à Reims, cet empereur fit don à l'abbaye de Saint-Oyen-de-Joux d'une grande partie de la forêt du Jura, dont il indique ainsi l'étendue : Depuis le lac de Brassus, nommé l'Orbe, et tout le long de Noirmont, en suivant le cours de cette rivière jusqu'aux Alpes et au chemin qui traversait le milieu de la Ferrière-sous-Jouarre; depuis le cours de la Valserinejusqu'au Bief-Brun, et dès ce Bief jusqu'à la Se- mine; de la Semine jusqu'au Bief-Noir ; la troisième partie d'Eschalon, et depuis la rivière d'Orbe, du côté du cou- chant, jusqu'aux Chaumes appelés J/e;-e«.sT5( les Marêchets), et de là, en tirant à l'est, jusqu'à la plaine de Segouciac (dans le pays de Vaud) (3). Les forêts du Jura étaient en divers points coupées par des lacs, des étangs, dont le fond incomplètement desséché s'est transformé en tourbières (4), où sont venus se pourrir les troncs qui s'élevaient jadis pleins de sève sur la pente des montagnes. Tel est le cas, par exemple, pour le village (1) Roussel, Bkt. f/éorjr. des romm. du Jura, l. YI, p. 43. (2) Ibid. t. II, p. io.' (3) Ibid. t. IV, p. 308. — Cf. Pyot, Slatisliquc générale du Jura. p. 441. (4) Voy. Giiyétant, Tableau de l'étai aelurl de l'économie rurale dans le Jura, p. 1.>. — J. Thurmann, Essai sur les soulèvemenls jurassiijues CHAPITRE 1)1. 71 de Fay-en-Bresse (arrondissement de Dole), construit au milieu d'une vaste forêt, traversée par de larges étangs qui s'allongent à perte de vue(l). Le territoire de Cour- iaoux (arrondissement de Lons-le-Saulnier) était autre- fois occupé par une forêt entrecoupée de marécages (2), A Biefmorin (canton de Poligny), et dans la contrée environ- nante, ces tourbières forestières sont singidièrement mul- tipliées ; une mousse épaisse les recouvre et en dissimule la profondeur. Le fond de ces flaques d'eau est consis- tant et retentit comme un pavé. Là sont venus se dé- poser des arbres et une foule d'objets que le temps y a entraînés (3). Plusieurs de ces lacs étaient consacrés à des divinités ; car chez les Celtes, les dieux des eaux voyaient souvent leur culte associé à celui des dieux des bois. Au nord de la Séquanie, aux environs de Luxeuil, célèbre par le culte de Luxovius qui présidait à la vertu de ses eaux thermales, s'étendaient des forêts sacrées oîi se pratiquaient encore au moyen âge des cérémonies païennes. « Ibi imaginum lapi- dearum densitas, écrit Jouas (4), vicina saltùs densabat quas cultu miserabili rituque profano vetusta pagano- rum tempora honorabant. » de Porenlruij, Paris, 1832, p. 47. Presque tous ces lacs ou tourbières sont situés à environ 800 mètres au-dessus du niveau de la mer ; on les trouve surtout dans les forêts d'épicéas. (1) Roussct, oiiv. cit. t. m, p. 92, (2) Piousset, ibid. t. III, p. 300. (3) On en a retiré des plats d'étain, des chaudrons, des ustensiles de cuisine et des objets beaucoup plus anciens. Rousset, ouv. cit. t. I, p. 228. Ed. Clerc, la Franche-Comté à l'époque romaine, p. 156 (Besan- çon, 184G). On a extrait de ces marais des chênes auxquels leur séjour dans les eaux avait donné l'apparence de l'ébène. C'est dans ces marais que se cachèrent les habitants pour échapper aux désastres de la guerre 1834. l CHAPITRE m. 79 sanglier^, le blaireau, le r-liat sauvage, le lynx {frlis hj)rr) et le renard. Les souvenirs du culte célébré dans les forêts de la Ger- manie se sont conservés au Brocken, dans le Harz et en d'autres localités environnantes, au Fichtelberg, dans la forêt de Zeitelmoos(l), comme dans les profondeurs du Riesengebirge. Le déboisement commença de bonne heure dans la Ger- manie; mais il ne s'effectua jamais sur une bien grande échelle. Les Gaulois qui accompagnaient Sigovèse durent opérerquelquesdrfrichementsdanslaforêtIiercynienne(2). Sur le Rhin et ses affluents, de nombreuses corporations de flotteurs, dont l'existence remonte aux Romains (3)^ conduisaient, attachés en radeaux, les arbres que leurs compagnons avaient abattus dans les forets voisines, et ce fut là sans aucun doute une cause active de déboise- ment (4). Mais la disparition des forêts, que les chapitres suivants nous montreront s'être rapidement opérée dans la FrancC;, à partir du xii'' et du x]ir siècle, ne s'effectua que (1) Voy. J. et W. Grimm, Tradilions allemandes^ trad. par Theil, t. I, p. 68. (2) Voy. Tit. Liv. lib. Y, 34. (3) Ces corporations sont plusieurs fois mentionnées dans les inscrip- tions sous le nom de Naidês. (Orelli, Inscript. Hclvclix^ p. 170, n" 174, p. 180, n° 212; Jnscripl. latin, sel. n°^ 4077, 4120, 6950, 7007, 7254.) (Voy. un mémoire de M. Max de Ring, intitulé : Notice sur les Nauta' du Rhin, dans le Messager des sciences historiques de Belgique, an 1842, p. 3:>2 et suiv.) Il y avait aussi des corporations (Vutrindarli (Orelli. Jnscripl. sel. n"* 7208, GO'Jl, 41 l'J) ([ui conduisaient des trains soutenus par des outres. (4) La corporation des flotteurs existe encore aujourd'hui à Ettingen ol dans les environs. Elle est désignée sous le nom de Schi/ferscliafl. mot qui répond tout à fait au eontxthcrnium naidarum des inscriptiolI^ latines. Celle corporation se partage en trois brandies, selon le métier de ceux qui en font partie : 1° les Waldschiffer, qui coupent dans les foret? le bois destiné aii flottage-, 2° les Mnrfisfhijfcr ou flotteurs de la Murg; 3° les Bheinschiffer ou flotteurs du Rhin. Voy. M. de Ring, mcm. cité. 80 LES FORÊTS DK LA GALLL LT DE e'aNCIENNE FRANCE. beaucoup plus leutement chez nos voisins d'outre-Rliin. Sans doute de magnifiques futaies tombaient journelle- ment sous la hache du bûcheron (1); le besoin de lumi- naire (2) amenait la décortieation des arbres préjudi- ciable à leur croissance (3j; on manquait, dès les x' et xr siècles, en certains cantons, de bois de chauffage (4); quel- ques forets, par exemple celle de Nuremberg, presque to- talement défrichée au xv" siècle (5), celle d'Allholt, située près deSoest, que l'archevêque de Cologne, Reinhold, ne regardait plus que comme un bois sans valeur (6), disparu- rent avec le temps; mais en une fouled'autreslieuxlaforce de la végétation forestière, des mesures intelligentes prise> (1) Voy. V. G. Anton, Gcscliirhlc der ihalsckcp Landuirllischafl. t. I, p. 459 et suiv. (Gœrlitz, 1799.) (•2) « Cortices arborum quilnis ad luminariautisolcmus. » Vit. Ludger. ap. Leibniz. Scriplor. Gcnnanic. \, 87. (3j Los arbres servant à cet usage recevaient le nom de Schleissbammc. Schleissiiolz, et les fragments que l'on Ijrùlait en guise de torches s'appe- laient SpcU. Anton, ouv. cil. l. I, p. 161. Dans certaines provinces d'' France, ia rareté de l'huile et du suif faisait qu'on s'éclairait avec de> torches, ce qui avait lieu encore en Brelagne au siècle dernier. Voy. C. , Dareste de la Chavanne, Ilisloire des classes agricoles oi France. 2^ éd. p. 491. (4) C'est ce qui résulte des termes de certaines chartes. Ainsi on voit. en 995, Othon lll donner à l'abbaye de VValdkirchen un bois {lucus) ap- pelé Hard, parce que les moines manquaient de bois. (Voy. Acia acad. Tlieod. Pal. III, p. 134, etSchœpflin cité ])ar Anton, t. II, p. 342. (5) Une charte de l'empereur Frédéric II fait donation de cette forêt :'i Henri Waldstromer et à son frère Gramlieb, pour services rendus idUi mare . Frédéric assure aux deux frères, à leur famillectà leurs descendant- la charge de forestier, avec droit de chasse et de couper du bois dans 1 forêt. (Voy. IIuillardBréholles, ///A'/o^'/a diploinatica Fedcrici Secuiidi. t. III, p. 41 .] — Une charte de 12GG de l'empereur Conradin accorde lad- ministration de la même forèl à Conrad Stromaer et à ses héritiers. (Vo\ . Moimmcnta ho'ica. nova coUect. t. XXX, part. I, p. 348.) — En 1309. l'emitercur Henri VII ordonna que la forêt de Nuremberg fût remise en état et plantée d'arbres. (Voy. Cott.i, Piincipes de la science foreslièri . 1" éd. trad. Nouguier, p. 9. > (6) Aussi cette forêt est-elle qualiiiéo ^Vureu ncraoris. (Voy. Kindlin- ger, .Miinsler. Beilr.rye, t. II, p. 9.} CHAPITRE Kl. 81 par les seigneurs, arrêtèrent cette destruction inconsidé- rée, et ce fut au wif siècle seulement que les guerres qui désolèrent T Allemagne, la dépouillèrent sur bien des points des majestueux ombrages dont elle était enveloppée depuis des milliers d'années. La Germanie garda donc plus longtemps ([ue notre pays cet aspect forestier qu'ofiTait la Gaule, lors de la conquête romaine. 82 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIEX.XE FRANCE. CHAPITRE 1\ . ESSENCES FORESTIÈRES DE LA GALLE. AMENAOEMIC.NT ET LMIIETIEN Hts FOhÈTS AU TEMPS UES HOMAIXS. — l'REMIEK fiÉBOlSEMENT. Les essences qui composaient les forets de notre pays, au temps des Gaulois, étaient généralement les mêmes qu'on y rencontre aujourd'hui, abstraction faite bien en- tendu de celles qu'y ont introduites les progrès de la sylvi- culture. Ainsi on y voyait déjà nos principales espèces de chênes (1 ), l'érable {acer) (2), le bouleau, dont les Gaulois tiraient une sorte de résine (3) , Torme (4), le saule (5); de magnifiques pins croissaient sur les hauteurs des Vosges, du Jura et des Alpes (6), et fournissaient une poix re- (1) Plin. Uisl. nal. XXI, 31. (l) Ibid. XYl, 26, 27. (3) Matlhiol. In Dioscorid. 1, c. xcni. Pline (XV-I, xvin, g 30) parle de la beauté des bouleaux de la Gaule: « Gallica ha?c arbor, écrit-il, » mirabili candore atque tenuitate, terribilis magistraluum virgis. x Le nom latin de cet arbre, hetula. parait être dérivé du nom celte, qu. était vraisemblablement beitha ou bel. Quant au nom de bouleau, lui- même, il est dérivé de fc. 175. (2) Plin. Ilisl. nal. XV, xxiii, 2J; XVI, 30. (3) Ihid. XVII, vu, 4. — Strabon, IV. p. 14î), éd. Muiler et Dùbner. (4) Varron, De re ruslica, I, c. vii; Pallud. De rr ruslica, I, .\xxiv; Plin. Ilisl. nul. XVII, viii ; XVIII, xxx, 72. (5) Strabon, IV, p. 158; Pline, XVIII, 20. CHAPITRE IV. 85 La plantation de la vigne, introduite d'abord aux envi- rons de Marseille (1), s'était peu à peu étendue dans la Gaule ; les piogrès de cette culture ont certainement con tribué à diminuer les forets, notamment dans le midi et la région répondant à la Bourgogne. Au temps de Grégoire de Tours, Dijon était déjà entourée, à l'occident, de mon- tagnes couvertes de vignobles en renom (2). L'industrie des tonneaux, d'origine gauloise(3), venait se joindre à l'exten- sion des vignes pour accélérer le déboisement. Les guerres des Romains contre les Gaulois,.et desFrancs contre les Romnins, furent pour les forêts une cause, une occasion de dévastation. César ayant attaqué les Belges, ceux-ci mirent pour se défendre le feu à leurs forêts (4); quand, au contraire, nos ancêtres choisirent les forêts comme retraite et y déposèrent leurs bagages, les Romains, à leur tour, y portèrent la flamme (5). Ces habiles domina- teurs renversaient tout ce qui pouvait s'opposer à leur au- torité, et, reconnaissant combien les forêts étaient dange- reuses par l'asile qu'elles fournissaient à l'indépendance des indigènes, ils employèrent ceux-ci à les abattre, non toutefois sans rencontrer de résistance. Aussi Tacite fait-il dire à Galgacus : « Sylvis emuniendis verbera inter contu- melias conterunt. » Les Romains n'abandonnaient pour- tant pas les forêts à une dévastation imprévoyante et sans pitié. On sait que des consuls nouvellement élus avaient, (1) Martial, lib. Il, opigr. lxxxii; lib. XII, epigr. cwiii. (2) Grcgor. Tur. Ilisl. Franc. III, 9. (3) Plin. Ilist. nul. XIV, xi, 27. (4) Dion Cassius, lib. XL, c. xlii, p. 030, cd. Sturz. (5) Au siège d'Avaricum, nous voyons Vercingétorix déposer son lia- gage dans une forêt voisine. (Ciosar, De bell. (jall. VII, IG sq.) Ce fut ilans les forêts qui occupaient les territoires des Bellovaques, des Am- biains,des Atrebates, que ces peuples, lors de biurs guerres contre César, cachèrent leurs provisions et leurs équipages. (Ca?sar, De hcUo {jalL, VTII, 0.) 86 LES FORÊTS DE L.V GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. entre autres fonctions, la surveillance des forêts, ce que l'on retrouve désigné par les mots provincia ad si/lvas et calles{\).'[)Qz les premiers temps de l'empire, les forêts furent soumises à l'ijnpôt. Le bois était sujet au vectir/al ou impôt indirect comme la plupart des objets de con- sommation (2). Dans le cadastre, on distinguait deux caté- gories de forêts^ les sylrœ iilandiferœ et les sylcœ vul- gares, ayant leur aménagement respectif (3). La sollicitude du gouvernement romain pour l'entretien des arbres utiles est marquée en vingt endroits. La loi des Douze Tables con- damnait à une amende de vingt-cinq as celui qui mutilait un arbre, amende autant de fois imposée qu'il y avait d'arbres mutilés (4). Des peines sévères furent édictées contre celui qui coupait^ en Egypte, un sycomore, es- sence dont le bois servait à construire les digues qui rete- naient le Nil (5). Une loi du Code (6) nous montre les em- pereurs Arcadius et Honorius interdisant la destruction des cèdres dont était planté le bois sacré d'Apollon da- phnéeU;, près d'Antioche, défense renouvelée des temps païens (7), et qui avait alors pour motif non le respect dû au dieu, mais la protection des arbres. La garde des (1) Sueton. Vil. Cxsar. c. xix. (2) Yoy. Bureau de la Mullc, Economie politique des Romains, t. II. IK 466. (3) Hygin. Gromatie. De timit. eonslitiiend. ap. Die Schriflen der Ro- mischen Fridmesser. hor. von Blumi', Lachmann, Rudorff, t. I, ]i. 205. ."ÎOe, Berlin, 1848. (4) Lex XII Tab. viii, ad calcem Elément, juris rom. Ilcineccii, éd. Giraud, p. kU.— PVm.Hisl. nal. XVII, 1 . Cf. Gaius, Z??*/. Comm.l\/^,\ 1 . (5) Digcst. 1. XLVil, Ut. xxi, 1. 10, ex Ulpian. De offte. proc. D«''jà. chez les Grecs, laction de couper un arbre chez autrui était regarder comme un acte d'hostilité. (Libanius, Orat. VII pi'O Arisloph. \^. iW- éd. Morell. — Xenojjhon. Ilistor. grxc. lib. IV, 1.) (6) Cod. lib. II, tit. lxxvii. (7) Le sophiste Heraclite, d'une famille de jirélres, l'ut condamné ;i une amende qui lui enleva une partie de son patrimoine, pour avoir CHAPITRE IV. 87 forêts publiques ou privées était remise chez les Romains à des agents spéciaux appelés saltuarii (1). Les nombreux termes relatifs à l'aménagement des fo- rêts que l'on rencontre dans les lois romaines, prouvent d'ailleurs que les Romains étaient fort avancés en écono- mie forestière. Par les expressions de sylvœ materanœ et de syhœ ceduœ, ils distinguaient les forêts de haute futaie des bois taillis. Ceux-ci suivant leur caractère respectif recevaient des noms spéciaux tels que sylva regerminans ^ Sylva repullulans, sylva ?'e)iasce?is, sylva stolones radicibus emittens. De même, des expressions particulières, comme celles Ôl' arbores grandes, arbores tonsiles, étaient en usage pour différencier les diverses classes d'arbres envisagées au point de vue de l'exploitation. Cette administration prévoyante des Romains empêcha la Gaule de trop se dégarnir d'arbres. Si l'extension de la culture amenait, en certains points, le déboisement, si les guerres furent une cause fréquente de dévastation des fo- rets, si l'accroissement des latifundia entraînait la des- truction de bien des futaies, le goût des parcs, des jardins de plaisance, que les Romains avaient à un haut degré, leur faisait respecter des ombrages qu'une industrie agri- cole aussi développée qu'elle est aujourd'hui, n'eût pas manqué de détruire. Quoique l'invasion des barbares ait désolé notre pays, quoique les Huns, les Goths, les Vandales, les Burgondes, les Francs aient entretenu sur son sol presque constam- ment la guerre, la végétation forestière en beaucoup de points y perdit moins qu'elle n'y gagna. La fondation d'un coupé des cèdres sacrés. (Voy. Philostrat. De Vil. sophislarum, lib. II, c. XXVI, p. 614, cd. Olearius. Cf. Philostrat. De VU. Apoll. Tyan. lib. I, C. XVI.) (1) Petron. Sadjric. c. lui. Digcsl. XXXII, 1. 36. 88 LES FORÊTS DE l.A CAULE ET DE l'a.NCIENNE I ^A^XE. «;rand nombre de villes et de villages sous la domination romaine avait nécessité de nombreux abattis; la destruc- lion de plusieurs de ces villes et de ces villages par les bar- bares en rendit le sol aux végétaux sylvestres. La foret re- poussée par la cognée du colon latin, reprit en plusieurs lieux ce qu'on lui avait enlevé, et les Francs, enfants des irabJar, grands amateurs de chasse, veillèrent à la conserva- tion de ces retraites ombragées qui servaient à leurs plai- sirs ; c'est ce que Ion verra dans le chapitre suivant. CHAPITRE. V 89 CHAPITRE Y. LÉGISLATION FORESTIÈRE DES POPULATIONS GERMANlùlES; INFLUENCE TiES IDÉES QUI ONT INSPIRÉ CETTE LÉGISLATION SUR l'ÉTAT DES FORÊTS EN GAULE APRÈS l'établissement DES GOTIIS, DES FRANCS ET DES BUR- G ON DES. Les populations qui envaliirent la Gaule aux v^ et \i' siècles, étaient sorties d'un pays encore plus boisé que n'était celui où elles venaient s'établir. J'ai dit plus haut que les Germains vivaient en majorité au milieu des fo- rêts, qui fournissaient à leurs besoins et qu'ils entouraient d'un respect religieux. Ignorant alors l'art de construire des demeures assez hermétiquement closes pour les dé- fendre contre le froid des hivers, obligés de se réfugier dans des cavernes, ils trouvaient dans la forêt, malgré son hu- midité, un abri contre les frimas, contre les vents glacés que rien n'arrêtait dans les plaines; ils devaient en agir un peu à la façon des rennes qui quittent en Sibérie les toundras, au commencement de l'automne, pour se réfugier dans la profondeur des bois (1). C'était là un premier motif pour que les populations germaniques prissent soin des forets; mais il en existait un autre ; elles avaient ap- porlé de l'Asie le respect de la végétation arborescente qui régnait à un haut degré chez les Perses (2) et d'autres po- pulations de même race. De plus la forêt nourrissait en (1) Voy. sur la inigralion des roniies eu Sibérie, et leur passage ailei- nalif des forêts dans les loundrns. grandes plaines de mousse et de lichen des bords de la mer, Bibliolhrque de Genève, n"* série, t. XXXIl, p. 288 (1841). (2) Ce respect, qui si' ratlacliail au ••ulto des arbres dont j'ai parlé 90 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. ' foule des animaux que le Germain aimait à voir se pro- pager dans l'intérêt de sa chasse. De là la législation pro- tectrice des forêts établie de bonne heure par l'usage, el qui fut définitivement sanctionnée par les codps que le- barbares rédigèrent sous Tinfluence de la civilisation de- Romains et dans la langue de ceux-ci. La loi saliqiu montre que le législateur, en protégeant les bois, s'étail surtout proposé la conservation des animaux domestique- qui y trouvaient une pâture assurée. En même temps qm- par ses dispositions elle garantit la propriété des porcs, de^ brebis, des chèvres, des oiseaux et même des abeilles (d), elle protège les arbres contre les abattis imprévoyants des usagers (2), Lorsque l'on compare les dispositions pénales établies dans la loi saliquedans l'intérêt des arbres et des bestiaux, à celles qui se rapportent à la protection desper- dans rinlroduction, ressort de ce que nous lisons dans la vie d'Artaxer- > ces. On y voit les soldats de ce prince n'osant couper, malgré le froid le plus vif, les grands arbres, les pins, les cyprès dont son parc ou paradis était planté, quoique Artaxercès le leur eût permis. Il fallut que le roi prît lui-même la cognée et leur donnât l'exemple. (Voy. Plularquf Artaxercès, c. xxxv, p. 494, éd. Reiske.) (1) Voici, par exemple, le titre de quelques-uns des chapitres de la lu. saliquo : c. ii. De furlis jjorcorum ; c m, De furlis animalntm : c. iv. De furtis oviiim ; c. v. De furlis caprarum; c. vi, De furlis cnmtm : c. vu. De furtis avium ; c. vm. De furlis arborum ; c. ix. De furlis apium. (Cf. édit. Pardessus, p. 4 et suiv. et quatrième texte, p. 121.) (2) Voici le texte delà loi salique relatif aux forêts : C. vin, De furlis arborum. 1. « Si quis pomarium, sive quamlibet arborem domesticaïu. extra clausuram excideril aut furatus fuerit, CXX dinariis qui faciuni solides m, culpabilis judicetur, cxcepto cajiitale et delalura. » 2. « Si quis vcro pomarium, aut quamlibet arborem domesticam, infra clausuram exciderit aut furatus fuerit, DC dinariis, qui faciuni solidos XV. culpabilis judicetur, excepte capitale et dclatura. » 3. « Hanc quoquelegem et de vitibus furatis observari jussinius. » 4. « Si quis in sylva aUerius materiamen furatus fuerit, aut inoendi- rit,velconcapulaverit, aut ligna alterius furaverit, DC dinariis, qui faciuiit solidos XV, culpabilis judicetur, excepte capitale et delatura » (éd. Par- dessus, p. 121, 282;. CHAPITRE V. 9i sonnes, une chose frappe surtout, c'est que les peines sont plus sévères en matière de délits forestiers et agricoles que pour les attentats contre les individus (i). Tandis qu'on payait 15 sous pour avoir coupé ou brûlé des arbres pro- pres aux constructions [materiamen) (2) ou au chauffage [ligna) (3), ou encore pour avoir volé un porc de deux ans [hinum porcum) {^) , plus cher même pour un verrat (ver- rum) (5), il n'en coûtait que 30 sous à celui qui avait frappé un homme à la tête assez fortement pour en faire sortir trois os (6j. Des dispositions analogues se rencontrent dans lés lois des autres peuples barbares d'origine germaine. La loi ripuairc condamne expressément le vol dans les forêts royales et communales (7). La loi des Lombards veut que celui qui abat un arbre de réserve, ou qui en enlève seule- ment la marque, ait le poing coupé ou perde la vie (8). Au motif d'utilité publique, qui engageait le législateur bar- bare à défendre l'abattage du bois, se rattachait sans doute le respect religieux dont, malgré la conversion de ces peu- ples au christianisme, les arbres demeuraient entourés. C'est ce que prouve l'existence des arbores sacrivœ (9). (Ij C'est ce qu'a remarqué M. Meaume dans son introduction au Com- mentaire qu'il a rédigé sur le Code forestier. (2) « Si quis in sylva materiamen alienum aut incenderit aut capula- vcrit, DC dinariis, qui faciunt solidos XV, culitabilis judicetur. « [Lex salico, c. XXIX, g 27, éd. Pardessus, p. 295.) (3) Lex salica, c. vui, g 4, p. 282, éd. Pardessus. (4) Si quis porcum bmum furaverit, DC dinariis, qui faciunt solidos XV, culpabilis judicetur, c.\ccpto capitale et delatura. (5) Lex salica, c. n, ^ 12. (6) Voy. Lex salica, c. mx, jJ 3, éd. Pardessus, p. 289. (7) Lex Ripuarioridn, til. LXXVI, p. 317, éd. Canciani. (8) Leges langobanlicr, 1. I, c. i, art. 138 et suiv. p. 71 et suiv. éd. Canciani. Ces lois défendirent aussi d'incendier les forets, p. 20G, éd. Canciani. (9) Cf. Lcfjes lanfjob. 1. VI, c. i, art, 30, p. 120, éd. Canciani; Du 02 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE 1- RANGE. La loi salique dit peu dechosedela propriété forestière. On trouve au chapitre viii quelques dispositions relativc> au vol des arbres; au chapitre x sontdéterminées les peines pour les dommages faits aux champs et la destruction dos clôtures. Ces dispositions ne paraissent dater que de l'épo- que de la conquête, alors que les Francs s'étaient distribué lesterresdontilss'étaientemparésetavaient pris l'habitude des demeures fixes. Il n'est rien dit dans la loi salique de- démembrements delà propriété forestière, des bois restésen indivision et des droits que certaines personnes pouvaient avoir sur eux (1). C'est seulement dans le Code des Bur- gondes, des Ripuaireset des Wisigoths, qu'il est parlé d'une manière circonstanciée des forêts indivises ou commune? (sykœ crmwmncs), c'est-à-dire des forêts dont les produit- inférieurs étaient considérés comme communs (2). Car chez ces barbares, la communauté n'impliquait pas l'idée que nous attachons aujourd'hui aux forêts coy;2mi/?w/f.s (3). Cha- cun avait le droit de prendre dans la forêt d'autrui du bois pour ses besoins, comme il ressort clairement d'un pas- sage delà loi Gombette (4). Ainsi, le droit de chacun était Cango, Glossar. sub. v"* Saciùvvs. (Voy. sur les Arhorrs sarrir.c, Muia- tori, Antiquitalrs ilalirœ mcdii xvi, t. V, y. 66 et suiv.) (1) Moaume, Introduction historique à la jurisprudence forestièn i 15. (2) « Si quis Burj,mndio aut Romanus Sylvain non liabeat, incidcndi ligna ad usus suos dcjacenlivis ot sine fruclu arboribus in cnjuslibet sylva habeat iiberam potustatem, neque ab ilio, cujus sylva est, repellatur. — Si quis vero arburem fructiforam in aliéna sylva, non pcrmittente donimo, ferlasse incident, per sinpulas arbores quas incidit singiilos solidos, do- mirio sylva^- inférai.... Quod si sorvub hoc fi'cerit, fusligetur et dorainus ejus nuUum damnuin aut calumniam patiatur. — Si quis vero qucm- quam di.'jacentivis et non frucliferis arboribus lignum usibus suis neces- sarium priT'sumere fortasse non permiserit, ac si ci pignora tulerit, reslitutis in triplum pignoribus, inférât muleta:! nomine solides sex. •■ {Lex Burgund. éd. Canciani, lit. xxxii, p. "I.) (3) C'est une confusion qu'a faite le jurisconsulte Proudhen, ainsi qii' la remarqué M. Meaumc. (4) Voyez le passage cité, note 1. i CHAPITRE V. 93 non un dioiL do propriété commune, mais un droit d'u- sage. Les produits secondaires des forêts, quel que fût le possesseur de celles-ci, étaient considérés comme faisant partie du domaine public (1), Le propriétaire faisait mar- quer les arbres dont il se réservait la disposition, et était supposé abandonner le surplus aux prolétaires. Les forets qui servaient de frontières entre les peupla- des de la Gaule, entre celles de la Germanie, conservèrent pendant longtemps ce caractère de marches ; elles n'appar- tenaient vraisemblablement à aucun particulier; c'était la propriété commune des nations qu'elles séparaient; voilà ce qui explique pourquoi en certaines contrées, dans les pays germaniques surtout, les forêts apparaissent gé- néralement comme propriétés communales, avant de tom- ber au pouvoir du seigneur; car elles avaient originaire- ment constitué des zones forestières. Une fois maître de la forêt, le seigneur n'accorda plus aux habitants des vil- lages voisins qu'un droit d'usage de plus en plus limité (2). L'extension de la législation romaine fit en grande partie cesser l'indivision, en matière de propriété forestière, par la tendance à individualiser la propriété qu'elle introduisit;, les marches forestières durent être souvent partagées entre les cités auxquelles elles confinaient. 4^ussi quand les Francs et les autres populations germaniques envahirent la Gaule, bien des forêts étaient-elles déjà devenues la pro- priétédesnoblesjd'hommes riches; cequi le prouve.c'est que toulesles lois barbares opposent constamment la forêt com- mune indivise à la forêt particulière ou partagée (3). Tou- (1) Méaumc, ouv. cit. Cf. Lcx salica, c. xxix, § 28, 29, éd. Pardessus, p. 295. (2j Voy. ce quo dit M. A. Boultiors. les Sources du Droit rural, p. 70' (Paris, 1865j. (3) Cf. LexWisifjolh. VIIL iv, 27; II, ii-, IH. viu-, Y, i ; X, i, G. Lej- 94 tES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FILVNCE. tefois la tendance à l'individualisation delà propriété fo restière était combattue par les habitudes des populatioi germaniques, qui avaient pour effet de ramener les chose en Gaule à ce qu'elles étaient avant César. M. A. Bouj thors, dans un ouvrage, où ce sujet est traité fort af long (1), fait observer que les termes : in sylva commui seu régis, de l'article 76 de la loi ripuaire, prouvent que 1^ déclaration de domanialité n'avait pas, à l'époque de \i rédaction de cette loi, altéré d'une manière bien sensiblj le droit préexistant de ceux qui jouissaient des forêts comj munales. Toutefois, cette jouissance tendit chaque jour se restreindre. Si l'on compare la loi salique à la 1( Gombette (2), on voit que dans celle-ci les dispositions sont moins larges àl'égard des usagers. Tandis que le législateui salien imposait aux propriétaires l'obligation delà marqu^ comme signe de réserve, le législateur burgonde ne per-j mettait à l'étranger de disposer que du mort-bois et di bois mort gisant, « dejacentivis et si)ie fructu arborions^ celui-ci ne pouvait toucher aux bois durs. Qu'ils fus sent marqués ou non, le propriétaire avait seul le droij de disposer des arbres sur pied et portant fruit. Le boi mort et le mort-bois étaient si essentiellement du domaial public (3), que la loi prononçait une forte amende (sex se lidos) contre le propriétaire qui en aurait interdit l'usagi aux colons. ' Quand les barbares pénétrèrent dans la Gaule, voyan| liipiiar. Lxxvi. Lex salica., VIII, iv. Lex Dojuv. II, xxi. Voy. Bouthoii ouv. cit. p. 7t. (1) Boulliors, ouv. cil. (2) La loi saliquo est antérieure à la loi burgonde, qui ne date que du V siècle. Le prologue des lois des Ripuaires et des Bavarois en attribui^ la composition à Théodoric ; mais ces lois ont été rotoucliées sous les Mr- rovingicns. La loi wisigothe a été rédigée à. la fin du vi* siècle. (3) Le droit au morl-hois est celui qui porto sui' les essences vives les moins ])récieuscs et les moins propres à la combustion. CHAPITRE V. 9o certaines forêts aux mains de propriétaires privés, les plus puissants d'entre eux durent chercher à s'attribuer la propriété d'une partie des forêts communes qu'ils y trouvèrent. En même temps ils dépouillaient souvent les propriétaires antérieurs. Voilà comment il arriva qu'une même forêt put appartenir à des hommes de race différente. Un titre de la loi wisigothe porte : De sylvisinter Gotlium et Romanion imUvisis relief is(i}. Le code buroonde, au titre xiii, traite des défrichements (2) et statue que si une forêt commune a été défrichée, soit par un Burgonde, soit par un Romain, le défricheur abandonnera en toute propriété, à son hôte copropriétaire, une étendue de la forêt égale à celle du sol défriché, laquelle demeurera la propriété exclusive de l'auteur du défrichement (2). €es défrichements se faisaient souvent en mettant le feu à la forêt, incendie qui se communiquait par- fois aux forêts voisines, et occasionnait de graves dommages, contre lesquels nous voyons la loi burgonde prendre des mesures (3). Au reste, cette communauté entre hommes de race différente n'existait pas seulement pour la forêt. Les consortes romains et burgondes possédaient en commun ou divisément, moitié par moitié, les forêts non délimitées, les champs, les pâturages, en ce sens qu'ils participaient également aux profits de la communauté jusqu'à ce qu'il leur plût d'essarter une partie de la forêt commune, de mettre en culture ou de planter en vigne une partie du champ indivis. Lorsqu'un défrichement avait lieu, la division de la forêt devait se faire de manière (1) Lex Wisigolli. X, v, p. 175, éd. Canciani. (2) Tit. XIII. De exariis : « Si quis taniBurgundio quam Romanus in Sylva communi exartum fecerit, aliud tanlum spatii de sylva hospiti siio consignet, et exartum, quem fecit, remota hospitis communione possi- deat » (éd. Canciani, p. 17). (3) Lcx Buvgund. ibid. Cf. la disposition de loi wisigothe citée n. 1. 96 LES FORÊTS Dt LA GALLE ET DE l'a>«CIE>'NE FRANCE. à ce que la moitié des essaits fût toujours attribuée auj Romains. L'étendue du champ cultivé ou l'importance d^ l'exploitation iiulividuello, servait à déterminer dans* quelle proportion les consortcs pourraient prétendre à lî jouissance de la forêt commune (1). Tandis qu'en Allemagne les forêts communes (2) onl persisté fort longtemps, en France les habitudes de la propriété romaine s'opposèrent à ce que la législation barbare en matière de forêts poussât de profondes racines. Le droit de propriété forestière fut de plus en plus ré- servé aux seigneurs, et ceux-ci en veillant, dans leur inté- rêt particulier, à ce que les usagers n'abusassent pas de leurs droits, coutriLuèrent à arrêter le défrichement. Nous allons voir même qu'ils étendirent souvent le domaine de la forêt. (1) Bouthors, oxivr. cité, p. 72. Jo crois utile de rappeler ceUe obser- vation du même auteur : « La loi des Wisigoths consacre aussi le principe de la liberté des dé- IVicheraents de la forêt indivise pour la convertir en culture ; mais c'est sous la condition que Ir Romain ou le Barbare co-propriétaire sera in- demnisé par l'attribution d'une partie de la forêt encore intacte, égale en valeur à celle de la paitie défrichée, ou s'il ne reste pas do forêt de conte^ nancc et de valeur suflisante pour lui offrir celte compensation, qu'il sera admis au partage, par moitié, de la portion mise en culture. » (2) Ces foiêts sont souvent désignées sous le nom d'Alemcnt, qu lépond à l'allemand actuel AlUjemeine , « générales, » et qui est rend' dans les chartes latines i)ar le mot aimnida. (Voyez IIuillard-BréhoUes, IHstoria diplomoika Frderki 11, t. III, p. 396, 442 oi passim.) CHAPITRE YI, 97 CHAPITRE VI. LÉGISLATION" FORESTIÈRE ET GRANDES FORÊTS DE LA FRANCE AU TEMPS DES CARLOVINGIENS. Quoique les forêts communes se rencontrassent sur- tout, ainsi qu'il a été dit, chez les populations germa- niques, qui leur ont conservé longtemps le caractère indivis, ce sont des princes d'origine teutonique auxquels est due l'introduction du nouveau droit forestier qui res- treignit la communauté des forêts. Les Carlovingiens, tout en laissant subsister dans les Gaules une partie des coutumes apportées par les Barbares, cherchèrent à for- tifier leur autorité et à s'attribuer exclusivement des avantages dont avait d'abord joui l'ensemble des conqué- rants. Certaines étendues de forêt furent destinées à l'usage spécial du roi et de ses officiers (i). On appela ces can- tons foresta, forestis, foreste, en allemand Bannforstei^}. Comme c'était surtout en vue de la chasse que les mo- narques francs se les réservaient, on les peupla de bêtes (l) Cet usage existait déjà en Asie, d'où il a peut-être été porté par les populations qui émigrèrent en Europe. La jouissance de certaines forêts était exclusivement réservée aux princes. L'empereur Khang-Hi, dans une de ses expéditions en Mongolie, s'attribua ainsi Ja jouissance exclusive, pour la chasse, d'une grande forêt qui s'étend sur plus de 100 lieues du nord au midi, sur plus de 80 de l'est à l'ouest, et qui a été depuis désignée sous le nom de Grande Forêt impériale de la Mon- golie. (Voy. Hue, Souvenirs d'un coyage dans la Tarlaric, le Tliibel et la Chine, \^èû. t. I, p. 38.) ■2) Behlen, Lelirb. der deulschen Forstc/eschichte, p. .50 et suiv. On a fait dériver tour à tour le mot forcsla de fonim, « droit de justice, dé- fens; » do fera, « bête fauve-, » de forehoka {fœhrenicakl), «forêt de pins. » 7 98 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. fauves, qu'il l'ut interdit de détruire. Les forêts moins importantes, celles qui demeuraient à l'abri des défens, finirent par tomber en la possession, soit des seigneurs, soit des principaux usagers. Et une fois qu'elles eurent perdu le caractère de propriété communale, il fut d'autant plus facile aux hommes puissants de les reSendiquer, en faisant valoir une sorte d'usucapion, de possession à long titre (1). Toute syka, tout ^yald devint con?équem- ment une foresta, un Forst. Le droit de forêt et de chasse fut un apanage obligé de la seigneurie. Nos rois se mon- traient alors fort jaloux d'un privilège qui assurait leur plaisir favori. On sait combien les Francs étaient amateurs de chasse. « Vix ulla in terris natio invenitur quae in hac arte Francis possit sequari , » écrit Eginhard (2). Cette passion que nos ancêtres avaient apportée de la Germanie (3), était très-vive chez Gharlemagne et ses suc- cesseurs (4). C'est ce que nous voyons par un capitulaire de Charles le Chauve, de l'an 877 (5). Le monarque y dresse une longue liste de forêts {forestœ regiœ) dans les- (1) Voy. Anton, Geschichle der deutschcn Landwirlliscliaft, t. 1, ].. '4G2 elsuiv.; t. II, \). 326 el suiv. (2) Eginhard, Vita Caroii Magni, ^ 22. Cf. Eginhard, Annal, ann. 819, 820, 822. (3) Quand les Germains ne font ]ias la guerre aux hommes, écrit Tacite (Gfr>nfl«. 15), ils la font aux animaux. Arrien nous apprend que les Gaulois avaient la même passion, et que leurs chiens de chasse étaient en grand renom. [De Venidione, c. m, xxxv.) Cf. Du Cange, (Hossar., \° Foresla, éd. Henschel, t. III, p. 350, et LaCurne de Sainte- Palaye, Méni. hisloriq. sur la chasse, dans le tom. III, p. 107 et suiv. des Mémoires sur l'ancienne chevalerie. (4) Voy. sur les chasses de Gharlemagne et de ses fds, un poëme attribué à Alcuin, ap. Alcuin, Oper. l. II, part, n, p. 452 (1777, Ratis- lionne, in-fol.). La moitié du i)oeme est consacrée à la description d'une chasse, après laquelle, suivant l'auteur, l'empereur franc, s'étant en- dormi, eut un songe qui lui annonça les maiiieurs dont le i)ape était menacé: Versus de Carlo Magno, ap. Historiens de France, t. V, p. 392. (5) Capilul. éd. Baluze, t. II, p. 208. CHAPITRE VI. 99 quelles il interdit expressément à son fils de chasser. Et même, pour les autres forêts, il ordonne que l'on s'en- qiiière ponctuellement {diUrjenter) du nombre des sangliers €t des autres bêtes fauves que celui-ci aura tuées. Les restrictions apportées à la faculté d^ chasser en cer- tains lieux, expliquent pourquoi on donna à ceux pour les- quels l'interdiction n'existait pas le nom particulier de Venabula, d'où est dérivé celui de Vénables que portent encore diverses localités (Eure, Seine-Inférieure). Les concessions de forêts accordées par les rois à des particuliers furent d'abord très-peu nombreuses ; elles n'étaient généralement obtenues que par des ecclésiasti- ques, en faveur de leur église, ou par des abbés, en fa- veur de leur monastère. La première donation qui se ren- contre à cette époque est consignée dans un capitulaire de l'an 804. Elle est faite, en toute propriété, par l'empereur Charlemagne à l'évêque et à l'église d'Osnabruck :1), Au prince seul appartenait le droit de laisser établir une foresta. C'est ce que l'on appelait forestare, afforestare ou inforestare (2). Lorsqu'un grand de la cour, un comte {co- mes), voulait établir une foresta, c'est-à-dire proprement une garenne, pour quelque forêt que ce fût, même pour celle dont il était propriétaire, il devait demander l'au- torisation au monarque (3). La foresta, même établie avec le consentement royal, pouvait être supprimée, aussi bien dans les domaines des particuliers que dans ceux du prince. C'est ce qu'on ap- pelait deafforestare ou d'iwfforestare. Pareillement, les fo- restoi détruites étaient susceptibles d'être reconstituées : (Ij Elle porte ]jour titre : Pr^cejHinn de scholis grœcis et laiinis iiuti- iiiendis in ecclesia Osnahrukgensi. (2) Voy. Du Gange, Gloss. s. vv. foreslagium et foresta. r3) Du Gange, ihid. BIBLIOTHECA 100 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. c'estce qu'on appelait reafforestare. Telle était lalégislatioii germanique; mais elle ne s'introduisit jamais complète- ment en France : le droit de supprimer les forestœ établies cum jussiojie régis n'ayant guère été exercé par nos rois. On en trouve, au contraire, de nombreux exemples dans les chartes anglaises et allemandes (1). La régie des forêts royales fait l'objet de plusieurs capi- tulaires de Gharlemagne et de Louis le Débonnaire. Elle fut confiée sous ces princes à des officiers appelés fores- tarii (2). Le capitulaire De villis, de l'an 800, nous apprend que ces forestiers avaient la garde générale des forêts de la couronne. Ils décidaient des défrichements à opérer dans les endroits propres à la culture, et veillaient à ce qu'on ne mît pas en labour ceux où le bois prospérait ; ils avaient sous leur garde tout le gibier et affermaient la glandée. Au-dessus d'eux étaient placés les veneurs royaux, qui visitaient de temps à autre les forêts, y tenaient con- seil et dressaient des règlements. La surveillance des pê- cheries du roi leur était spécialement dévolue (3). Les fo- rêts qui appartenaient aux comtes ou aux immunistos et qui se distinguaient des forestœ dominœ, avaient leurs forestarii particuliers (4). Quoique la propriété forestière fût devenue plus abso- lue sous Gharlemagne et ses premiers successeurs, elle n'excluait pas encore complètement le droit d'usage géné- ral, la communauté de produits secondaires qui existait dans la législation germanique. Les lites, les colons et gé- (1) Du Cange, siili v" Forcsla, ne cite aucuiil; charte (Je dcsoiJonsla- lion. (V. Anton, Gcscliiclile dcr deulschen Landuiiihschaft, t. II, ]•. 'M'>'^ et suiv.) '^2) Capilul. ann. 813, j! 18. Du Gange, Gloss. suh v° Fort-slariiis. (3) Capitid. ann. 813, jJ 18, 19, éil. Baluze, t. I, col. olO. CiipH. ann. 800. 1. 1, col. 338. (4) Du Cange, Gloss. sub v° Foreslarhis, \>. 353. CHAPITRE Yl. 101 iiéralement tous les cultivateurs en usaient, comme le font encore aujourd'hui les usagers qui prennent du bois d'af- fouage ou de construction, soit dans les forêts domaniales, soit dans les forêts particulières (1). Il ne semble pas qu'il ait existé en ce temps-là de règles de police relatives à la délivrance; on ne les voit apparaître que beaucoup plus tard, en 1:280, dans une ordonnance de Philippe le Hardi (2). Sans doule l'abondance des bois était alors assez grande pour qu'on ne se préoccupât pas toujours des coupes intempestives qui pouvaient être faites par les ayants-droit autres que le propriétaire (3). Mais, tandis que le droit de recueillir les produits en bois mort et en mort-bois restait à peu près, pour les usagers, ce qu'il avait été chez les Francs, les droits de glandée, de panage ou paisson, subissaient une notable réduction. Le porc demeurait, comme au temps des Gaulois, la principale nourriture, et la population augmentant, on devenait de plus en plus sévère sur l'exercice des servitudes usagères établies dans le but d'assurer la subsistance de cet ani- mal. Déjà, la loi des Wisigoths (4) nous offre des disposi- tions fort étendues sur le droit de parcours des porcs dans les forêts. Ce droit constituait une propriété privée, et ne pouvait être exercé par chacun que sur son propre ter- rain, ou entre copropriétaires du même lot [consortes) (5). (1) Voy. Meaume, Inlroduction historique à la Jiirispriidnicc fores- tière, g 25. (2) Voy. Saint-Yon, Ordonn. des eaux et forêts, liv. I, tit. xxix, p. 377. — Il ejîistc deux textes de cette ordonnance, l'un latin et l'autre français. Ce dernier porte : « Des livrées qui se doivent faire aux usa- gers. » On appelait livrées les délivrances de certains lieux et triages des forêts qui leur servaient de limites pour la perception des droits. (3) Voyez toutefois ce qui est dit ci-dessus des règlements établis [lar €harlemagne pour ses forêts particulières. (4) Lex Wisig. lib. VIII, éd. Canciani, p. IGl. (5) Les consortes étaient les copropriétaires d'un même lot de terre, ori- ginairement tiré au sort. Les lots gardèrent le nom de sortes, bien long- d02 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. Lorsqu'un propriétaire rencontrait dans les bois des porcs ne portant point sa marque, il avait le droit de les mettre sous le séquestre (1). Des dispositions analogues appar- tiennent à la loi des Lombards (2). Le droit depaisson n'é- tait pas entièrement synonyme de celui depanar/e. Il ne comprenait pas celui de glandée, c'est-à-dire qu'il n'auto- risait pas l'usager à emporter de la forêt des glands pour la nourriture de ses animaux domestiques. La glan- dée désignait uniquement le droit de panage dans les fo- rêts de chênes, parfois ce mot s'appliquait au simple droit de ramasser les glands tombés naturellement. Le droit de prendre et de couper du bois dans les forêts roya- les, jm capulandi (3), fut réglé avec une plus grande sévé- rité, preuve de l'observation plus rigoureuse du droit de propriété forestière. Charlemagne défendit les' coupes trop abondantes (4), et les serfs chargés du caplim, c'est-à-dire de la coupe du bois, furent assujettis à certaines obser- vances. Le capitulaire de ri/lis de l'an 812 porte en effet : « Ut sylvae vel forestes nostrae bene sint cusloditae, et » ubi locus fuerit ad stirpandum , stirpare faciant et » campos de sylva increscere non permittant. Et ubi y> sylvae debout esse, non eas permittant nimis cnpulare » atque damnare (5). » Le soin que Charlemagne prenait d'empêcher la dévas- tation de ses forêts, de veiller à leur conservation, semble difficilement s'accorder avec la défense portée dans cer- lemps après que la distribution no s'en faisait plus ainsi. Dans les Ardennes, on désigne encore aujourd'hui i)ar le mot sorts les portions de fonHs sur lesquelles se pratique l'opération du sarloge. (1) Leg. Wisig. 1. VIII, lit. v, g 4, p. 161. (2) Leg. Langobard. lib. I, tit. xxiii, g 7, éd. Canciani,p. 93, 138. (3) Capitular. éd. Baluze, t. I, col. 300 et /)a5Sîm. ? (4) Voy. Guérard, Polyptique de l'abbé Irminon, t. I, part, ii, p. 68. (5) Càpilul. éd. Baluze, t. 1, col. 510, art. 13. éd. Pertz, g 36, p. 183. i CHAPITRE VI. 103 tains capitulaires (1) d'établir des forêts nouvelles. M. Meaume explique cette apparente contradiction, en fai- sant observer que les dispositions des capitulaires ne sont applicables qu'à l'administration des biens royaux (2). Le prince si attentif, si ménager pour ses intérêts, et auquel n'échappe aucun détail dans le règlement du revenu de ses terres, ne négligeait pas de rappeler à ses intendants qu'on ne devait point laisser les forêts envahir les champs cultivés; recommandation d'autant plus nécessaire que lesjudices et les ?najores, qui avaient le droit de panage, étaient intéressés à l'extension du sol forestier. La plupart des auteurs ont interprété autrement le sens du passage du capitulaire ou cet avertissement est donné, et ils lui ont supposé une application beaucoup plus gé- nérale qu'elle ne doit lui être attribuée, quoique la même défense se reproduise en d'autres capitulaires et qu'elle se retrouve dans la loi lombarde (3) : circonstance qui mon- tre seulement que l'origine de cette mesure doit être cherchée dans les habitudes introduites par les popula- tions germaniques; elle se rattache au droit de garenne dont il sera question au chapitre suivant. Le droit de forêt {foresta) avait d'abord porté sur la ré- serve appliquée à tout ou partie d'une forêt. Plus tard, (1) Capilul. (le villis, g 36, édit. Baluze, col. 336; Capit. lib. lY, j{ 65, col. 788. (2) Meaume, Inlrod. histor, à la Jurisprud. forest. ^ 23. — L'argu- mentation de cet auteur contre le sens général appliqué aux défenses que publièrent les Garlovingiens, d'établir de nouvelles forêts, ne porte que sur le capitulaire De villis, dans lequel cette défense pourrait se ratta- cher à un simple fait de bonne administration des biens royaux. Mais il est à remaniuer que les successeurs de Charlemagne rendirent ces dé- fenses d'une manière générale, interdirent dans leur domaine toute nou- velle forêt, et prescrivirent le déboisement de celles qui avaient été établies sans leur permission. {Capitid. lib. IV, § 65, col. 788 ; Capilul, Ludovic. PU, ann. 819, g 7, col. 612; g 22, p. 617.) (3) Leg. Langobard. § 49, éd. Canciani, p. 193.. 404 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. on distingua deux espèces de droit : celui de forêt propre- ment dit : bannus si/lvestris, Forstbann, d'où naissait le forestarium {\), et celui de chasse (Wiklhann, forestum) qui comprenait aussi le droit de pêche {foreslaaquatica). Le premier était nécessairement contenu dans le second; mais l'inverse n'avait pas lieu; preuve que la j^ensée d'assurer la conservation du gibier, de réserver au seigneur les plaisirs de la chasse, était le principal motif de ces dispositions législatives (2). L'union étroite des droits de chasse et des droits de pêche explique pourquoi la surveillance des eaux et celle des forêts ont été, jusque dans ce siècle, confiées à une même administration, celle des eaux et forêts. Le pouvoir des rois ou des grands feudataires s'étant presque partout substitué au droit qu'exerçaient originairement les habi- tants des civitates, les grandes forêts [sylvœ) finirent par entrer dans le domaine de ces puissants barons. Le do- maine royal embrassa les principales forêts du nord de la France. Les petits bois ou breuils (boscits), les brosses [lucits), les forêts de peu d'étendue [nemus), appartinrent soit à des monastères, soit à des seigneurs de rang in- férieur. Les anciennes forêts communes de la Gaule, comme plusieurs de celles de la Germanie, furent enva- hies par les défens qui circonscrivirent ainsi chaque jour davantage la partie attribuée à l'usage commun. Les grandes marches forestières qui séparaient dans leprincipe les cités, furent dès lors partagées en divers districts, les uns concédés soit en propriété, soit pour l'usage, à des monastères ou à des villes, les autres réservés par les seigneurs pourleur jouissance j^ersonnelle. La conséquence de cette division fut le démembrement d'une foule de (1) Voy. Du Gange, Glossar. ?ub v» Forestagium. (2) Voy. Anton, Gcschichte der deutschen Landivirthschaft, t. II, p. 1 33. CHAPITRE VI. 105 grandes forêts en un certain nombre de forêts distinctes qui prirent chacune des noms particuliers et ne tardèrent pas à être séparées les unes des autres par des essarts, des champs découverts dont les progrès de la culture éten- daient graduellement la superficie. On voit parles Comptes de saint Louis {\) que pour certaines forêts, ces subdivi- sions étaient devenues singulièrement multipliées. Presque jamais la forêt n'y est désignée par son nom géographique et général. Il n'est question, le plus souvent, que de can- tons forestiers dénommés d'après l'époque de la coupe, le nom du propriétaire ou des usagers. Sous les Garlovingiens, les grandes forêts du nord de la France gardaient sans doute un développement consi- dérable; cependant elles avaient subi de notables dé- membrements et étaient déjà partagées en larges subdi- visions constituant encore des forêts importantes; plu- sieurs d'entre elles, devenues propriétés royales, sont men- tionnées dans un capitulaire de Gharlemagne et dans un autre de Charles le Chauve (2). Du Gange (3) en arecueilli les noms et a déterminé leurs équivalents modernes ; nous nous aiderons de son travail. La vaste forêt des Sylvanectes, dont j'ai parlé au cha- ])itre ïi, et qui s'étendait depuis les frontières du Parisis jusqu'à travers le territoire des Suessions et des Veroman- duens, avait été défrichée sur divers points, et un grand nombre de villas royales furent élevées sur son sol, villas ayant chacune à l'entour un parc de chasse, qui était une (1) Voy. les ComjHes de soinl Louis, t. XXI, p. 250 et suiv. des Hislo- riens de France. (2) Capilid. Carol. Magni, XLIII, 22. Cf. Capilul. éd. Baluze, t. 11, col. 2G8. Le capitulaire de Charles le Chauve, qui est de l'amiée 877, ('iDumère, comme il a été dit, un certain nombre de forêts où Louis, fils de ce monarque, ne doit pas chasser en l'absence de son père. (3) Glossar. \° foreste dominicum, t. III, p. 350, éd. Henschel, 106 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. fraction de la forêt primitive (1) ; celle-ci avait alors fait place à des forêts séparées que nous allons faire connaître. La forêt appelée Cotia ou Coatia, Caucia sylva (2), nom qui futplus tard altéré en celui de Guise, répondaità la plus grande partie de la foret de Compiègne actuelle. Son ap- pellation montre qu'elle comprenait la partie centrale et principale de l'ancienne forêt des Sylvanectes, désignée auparavant, comme je l'ai remarqué, par le nom seul de la forêt (Z). Car il est tout naturel de supposer que la partie centrale ou principale de la forêt des Sylvanectes avait gardé le nom imposé d'abord à la forêt tout entière. Ce nom se retrouve d'ailleurs altéré dans l'appellation d'un grand nombre de villages et de bourgs construits en divers points de l'ancien territoire de la forêt, tels sont : Coucy, Quincy, Cuissy, Cuisy, Choisy. Lès mêmes noms reparaissent en beaucoup d'autres régions de la France, et il faut leur rattacher ceux de Cuisance^ Cidseaux, Cuisei^ey, Cuisery, Cuisiat, Chessy^ Crécy ou Cressy (4) et Chaource (5) indiquant tous l'existence d'anciennes forêts. La forêt de Cuise se subdivisa elle-même en deux autres : 1" celle de Cuise, nommée dans la suite forêt de Com- piègne, et qui a valu leurs noms à Choisy-au-Bac (6), (1) L'une de ces villas, celle qui était située à peu près à son centre, prit le nom de Sylvanectis Palatium, et a été l'origine de Senlis. Voyez Du Cange, Glossar. t. V, p. 25. (2) Grégoire de Tours, Hislor. Franc. l\, 21. — Fredegar. chron. cont. g 104. Fortunat, Vil. S. Medardi, p. 405, cd. L. d'Achéry. Gesta regum francorum, ^ 29. (3) Voy. ce qui est dit plus haut, p. 53. (4) Le nom de Choisy est rendu dans les cRartes latines par Cauciacum : peut-être le nom de Crouy (en latin Croiciacwn), porté par un village où existait un palais royal, au moyen âge, a-t-il la même étymologie. (5) La forme latine était Catusiacum, nom d'une station romaine de la Gaule. Voy. Ilinerar. AtUonini, éd. Parthey et Pinder, n» 381, p. 183. Plusieurs bois portent en France le nom de Chaource. (C) En latin Cauciacus, Cociacus ou CUosiacus. Voy, sur le nom d'- CHAPITRE VI. 107 village dont la foret tira son nom de forêt de Choisyfl), et à Cuise-la-Motte, village situé à l'extrémité nord- est de la même forêt; 2° la forêt de Laigiie (Lisica), sise au nord de la forêt de Compiègne et dont j'aurai occasion de reparler en traitant des forêts de cette partie de la France, au moyen âge. M. S. Prioux, dans son ex- cellente carte de la Civitas Suessionum, a donné approxi- mativement la topographie de ces deux forêts, à l'époque romaine. Nul doute que la voie qui allait de la ville des Sylvanectes à Noviodiimim (Soissons), et qui coupait la forêt de Cuise au sud-est, n'ait amené de très-bonne heure dans cette direction un défrichement partiel. Des monnaies dont aucune n'est postérieure au règne de Gor- dien P*", découvertes en un lieu de la forêt de Compiègne, qui paraît avoir été une station de la voie allant de Senlis à Soissons (2), prouvent que, dès la moitié du iii^ siècle de notre ère, cette forêt fut traversée par une route. Toute la rive gauche de l'Aisne était dégarnie d'arbres entre Noviodwium et la petite rivière de Vandy . Selon M. Prioux, la frontière septentrionale était marquée dans cet espace par une ligne brisée passant par Dommies, Missy-au-Bois, Vierzy et Parcy. La forêt avait pour borne, à l'est, le ruisseau appelé Crise, et au sud, la petite rivière • d'Au- tonne. Quant à la forêt de Laigue, la carte du même au- teur la conduit jusqu'à l'Oise, qui doit lui avoir de tout temps servi de frontière. A l'est, elle s'arrêtait à une ligne cette localité, de Ponton d'Amécourt, Essai sur la numisynalique méro- vingienne, p. 77. (1) Ainsi le lieu de la forêt de Cuise, appelé Casjius, et plus tard le Chêne Ilerbelot, entre Chellea et Retheuil, où fut fondée une abbaye, après la mort de Charles le Chauve, est indiqué comme se trouvant dans la furêl de Choisy. Voy. Historiens de France, t. VIII, p. 544, 545. (2) S. Prioux, Civitas Suessionum, Mémoire pour servir d'éclaircis- sement à la carte des Suessions, p. 61. Voy. l'article de M. A. deRoucy, Revue numismatique, nouv. série, t. VIII, p. 463. 108 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. (jui unit Attichy, Saint-Crépin-aux-Bois, Tracy-le-Mont. \\ Cette forêt était traversée par une voie romaine allant de *' Ghoisy-au-Bac à Blérancourt. Elle dut originairement s'avancer jusqu'à la voie romaine qui conduisait de Soissons à Saint-Quentin, puisque nous trouvons, 'au delà de la frontière orientale qui lui est assignée dans la carte de M. Prioux, une localité ayant retenu le nom de la forêt primitive; c'est Cuisia in allô monte, aujourd'hui Cu'mj en Ahnont , où existait, au temps de Brunehaut, une villa que cette reine donna à l'abbaye Saint-Médard de Soissons (1). Ajoutons que l'extension pri- mitive de la Cotia sijlva dans cette direction est attestée par l'application de ce nom {Coda ou Cuisia) à un can- eton où l'on comptait plusieurs petites forêts (2). La forêt de Ver ou de Verncuil {Vernensis sylva) qui englobait peut-être celle de Villers-Cotterets (3), était contiguë à celle de Cuise ou en était au moins très-voi- sine(4;. Cet autre démembrement de la grande zone boisée (l; Prioux, ouv. cité, \). 80, 101. (2) On trouve mentionnés dans les Comiitos de saint Louis, Vendo Baornœ in Cuisia, Venda Haseii in Cuisia, — Hisloriens de France^ t. XXr, p. 275. (3) On pourrait croire de prime abord que le nom de Villers-Cotterols est dérivé de celui de Colin, mais ce nom est une abréviation pour Vil- lers-Coste-Rez [Villarc juxla Coslum Resli), Du Cange, t. V, p. 26. (4) CapH. Caroli Magni ann, 808, c. x. Quelques érudits ont regardé cette forêt comme étant celle de Verneuil en Normandie; il nous parait plus naturel d'y reconnaître celle qui entourait la ville de Verberie. jadis Vrrnbria, Vermeria, Verbrio, où Charlemagne avait fait bâtir un palais vaste et magnifique, et où les Mérovingiens possédaient déjà une maison de plaisance, forêt qui a sans doute laissé son nom au village de Ver, situé entre Compiègnc et Paris. Verberie n'a plus, il est vrai, de fonHs sur son territoire, qui ne présente que quelques bosquets (voy. Caml^ry, Description du dcparlemenl de l'Oise, t. II, p. 131) ; mais dans ses en- virons, on découvre des traces d'une forêt qui allait se joindre à celles de Compiègnc et de Halalte. Nous savons d'ailleurs que Ciiarlemagne avait, dans les environs de la forêt de Ilaiatte, une villa ajipelée Verncuil. C'était évidemment celle qui donnait son nom ù la forêt. Quant h la 1er- CHAPITRE YI. 109 des Sylvanectes est prolDablement la forêt que l'on trouve désignée dans certains documents par le nom de \'e- rwja (1). Tout donne à penser que la forêt de Coucy qui devait s'avancer au sud jusqu'à Crécy-au-Mont, que celle de Fère, contiguë à celle de Ris, avec laquelle elle ne fai- sait vraisemblaiilement qu'un, sont aussi des démembre- ments de la même marche forestière, représentée encore, au ix*" siècle, comme formant des retraites singulièrement profondes : densissimi saltus, dit un hagiograplie (2). Toutefois la présence de nombreuses antiquités gauloises et romaines à Fère-en-Tardenois, atteste qu'au nord de la forêt qui porte son nom, le pays, dès l'époque celtique, était cultivé et habité (3). La Cotiasijka ou forêt de Guise est d'ailleurs mentionnée sous les Mérovingiens comme une forêt particulière où allaient chasser les rois ; Glo- taire P' y fut saisi de la maladie dont il mourut (4). Elle s'était donc dégagée de la grande forêt des Sylvanectes antérieurement à l'arrivée des Francs. Du démembrement de la partie orientale de celle-ci sortirent un certain nom- bre de forêts. Le prompt développement de l'agriculture et de la richesse dans le Soissonnais, et le Laonnais, ex- plique pourquoi, de très-bonne heure, les défrichements prirent une notable extension de ce côté; d'ailleurs, le territoire des Suessions, quoique de médiocre étendue, était déjà fort peuplé à l'époque de César (5). Citons miuaison bria, elle appartient à un radical celtique [Briga, Bria) qui iinplicjuo l'idée de boue, de pays humide, et se retrouve dans les noms de Brie, Bray, Bresse, Brenne, etc. Voy. sur la position de la forêt de Ver et du Vernum Palaiium qui y avait été construit, Du Cange, Oloss. t. V, p. ■ 26. (1) Voy. Hisloriens de France, t. VI, p. 539. ("2) Vita S. Drausii, ap. Historiens de France, t. III, p. G 10. (3) Prioux, ouv. cil., p. 103. (4) Grégoire de Tours, Hisior. Franc. IV, 21. (5) Cecsar, De bcll. gall. II, 4. MO LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L ANCIENNE FRANCE. ies principales forêts formées du démembrement de la. partie orientale de la forêt des Sylvanectes : Celle de Sa- mouci {Salmotiacum foreste) {\), qui subit depuis de no- tables réductions; celle de Selve {Silvacum foreste) (2), dont le nom rappelle à la fois celui des Sylvanectes et celui de Servais donné, comme on l'a yu plus haut, à un démembrement méridional de la même forêt, nom qui n'est vraisemblablement que la transcription latine du mot Cûtia ; cette forêt fit imposer le nom de Silvacum (3) à un palais des Carlovingiens construit sur sa lisière et qu'il faut rapprocher de celui de Se7'vais porté par un village qui en occupa l'emplacement, près de La Fère ; la forêt de Voës ou de Y osa^e {Vosagus sylva, Vosagum fo- reste), située au sud de Laon, et (^ue la forme de son nom a fait mal à propos confondre avec les Vosges (4) ; c'est vraisemblablement dans cette forêt de Voës que le roi Ooutran allait chasser le bœuf sauvage {bubahis) (5) et que (1) Diplomal. Caroli Calvi, ap. Historiens de France, t. VIII, p. GGO. (;f. Du Gange, Glossar. éd. Henschel, t. III, p. 350. (2) Du Gange, Gloss. cit. t. III, p. 350. (3) Annal. S. Berlin, ap. Historie7is de France, l. YIII, p, 879; Cl", l. XII, p. 271. C'est dans cette résidence royale que Gharles le ChauM- ijij rendit en 865, venant d'Attigny, pour y passer le carême et les fêtes lie Pâques. Annal. S. Berlin, an. 865, dans les Historiens de France, t. VII, ]i. 89. On a identifié à tort la forêt de Ver avec celle qu'on trouve désignée sous le nom de Vedogiensis Sylva (Du Gange, Glossar. 1. III, p. 350); car cette dernière forèl, appelée aussi Sylva Videgonia, >o trouvait dans l'Amiénois. Voy. Gallia christiana, 2^ édit. t. X, col. 280. (4) Au centre do cette forêt s'élevait une habitation royale où Char- iemagne et son fils résidèrent en 80o, habitation que l'on plaça mal à jiropos dans les Vosges, à Champ-le-Duc, quand on eut confondu la forêl ih: Voës avec le Saltiis-Vogesiis. Voy. Lepage et Gharton, le Département (les Vosges, t. II, p. 95. Celte confusion a donné naissance à quelques- unes des traditions héroïques qui se rattachent, chez les Allemands, à la forêt des Vosges. Voy. W. Grimm, Die deutschc Hcldensage, p. 90. (5) Grégoire de Tours. Histor. Framor. X, 10. C'est dans cette forêi que fut foiidêf l'abbaye de Prémontré. « Tune cpiscopus duxit eum lu Sylvara Vosagum, ostenditque in i])sa locum quemdam qui Pratum mous- CHAPITRE VI. 111 Chundon fut pris avant d'être envoyé à Châlons. Louis le Débonnaire aimait aussi à s'y livrer à la chasse (1) ; la forêt de Kiersy ou Quiersy-sur-Oise {Karisiacwn foreste) était pendant l'automne le théâtre des exploits cyné- gétiques du même monarque ; elle s'étendait jadis entre l'Ailette et le chemin de Blérancourt à Noyon (2). Cette dernière forêt séparait l'ancienne Cotia sylva ou i'orêt des Sylvanectes de celle des Ardennes (3), sans doute bien considérable encore, mais dont s'était pourtant détaché un certain nombre de forêts distinctes qui ser- virent dépares à autant de palais royaux (villœ regiœ) (4), à savoir: les forêts d'Attigny {Attiniacum foreste) (5), d'Héristal ou Herstal (6) {Aristallmn foreste), de Wara ou Vavra Ci) autrement dit de Voivre (8), de Ste- iraUim vel Prfpmonstratum vocatur. » — Herman. Laudunens. ap. Histo- riens de France, t. XII, p. 271. — Les traducteurs de Grégoire de Tours ont confondu cette forêt avec celle des Vosges ; d'autres ont été la chercher près du Berry. Voy. A. Jacobs, Géographie de Grégoire de Tours, p. 415. (1) Eginhard, innrt^. an. 817, 821. (2) Eginhard, Annal, an. 808. Cf. Melleville, Dictionnaire hislorique du département de V Aisne, t. II, p. 260. Au siècle dernier, cette forêt ne contenait plus que 200 arpents. (3) Arduenna sylva. — Annales Francor. ann. 802, 804, 813. 819, 822, 823. Grégoire de Tours écrit : Ardoennensis sylva, et Frédégaire, Ardenna. (4) Ainsi la forêt d'Aix-la-Chapelle [Aquisgranensis foresia), canton de la forêt des Ardennes, était le parc de Gharlemagne et de ses succes- seurs. Voy. Du Gange, v Foresta, éd. Henschel, t. III, p. 350. Non loin . 110, note 1. Cf. D. Calmet, .Vo/ùv de lu Lorraine, t. II, \). 989. A. Jacobs, Géographie de Grégoire de Tours, p. 405. (1) Du Gange, Glossar. t. III, p. 350. (2) Cette forêt aurait pris son nom, selon d'autres interprètes, non il'Ur- ville près Doulens, mais d'Aire en Artois où ils placent la villa royak- dont parlent les Annales S. Dcrlini, ann. 863, 867, 873, 875. Cf. Eginhard, Episl. LIV. (3) Du Cange, Glossar. t. III, p. 350. v^Foresla. (4) Cette forêt est désignée dans Frédégaire par le nom de Criscecuin, forme qui indique qu'à l'époque carlovingienne, le mot (7o. D. iJoviquet, Ilisloriens de l'ranrr. t. V, p. 759. CHAPITRE YI. 113 En résumé l'état forestier de la Gaule, sous la première race et au commencement de la seconde, ne devait pas être bien différent de ce qu'il était sous les Romains. Le seul trait qui différencie les deux époques, c'est que, de plus en plus coupées par des chemins, les forêts anciennes encore subsistantes tendaient à se partager en plusieurs forets distinctes. 114 Li:S FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. CHAPITRE VIL KETOIH PAUTIKI, lUC LA FRAN'CE A SON ANCIK.N ÉTAT I-ORKSTIKI: . — l'i DROIT DE GAREX.NE, Les guerres dont la Gaule eut tant à souffrir, du m*' au VI'' siècle, amenèrent la dévastation d'un grand nomi)i(; de furets. Les armées ennemies y portèrent le fer et le feu. La profondeur des forêts gauloises, leur inextrica- bilité en faisaient pour les vaincus des retraites natu- relles; mais elles ne demeurèrent pas longtemps inex- pugnables. A la fin du iii^ siècle, les Bagaudcs (1), qui défendaient contre la cupidité romaine leur travail et leur indépendance, se réfugièrent dans les forêts et reprirent le genre de guerre propre à leurs ancêtres (2). La guerre de partisans rendit les campagnes peu sûres ; en une foule de lieux, les colons abandonnèrent leurs cultures pour se réfugier dans les villes ; les -champs laissés en friche se re- couvrirent peu à peu d'une végétation arborescente; la forêt ressaisit son empire (3). Plusieurs forêts s'élevèrent même lu où avaient existé des vicus et dts habitations. Quand les barbares, Alains, Suèves, Vandales, Gothsou Huns s'abat- tirent sur la France, ils détruisirent bien des centres de (1) Ce nom çst dérivé do Bagad, qui signifie, en celte, « rassemble'- ment. » Les Bagaudcs {Dagaudii) étaient des bandes qui infestaient le pays. (2) C'est ce qui résulte de la comédie de Querolus. (Voyez, ù ce sujet, les recherches de M. A. de Courson, Histoire des peuples bretons, t. I^ p. 137.) (3; « Adeo major esse cœperat nuincrus accipientium (juam (iaiilinin.. ut enormitate indictionum, consuniplis virihus colonorum, dt sererentur agri et culturjp, verterentur in sylvam. » dit Lactance, en parlant dos. provinces romaines à cette époque. (De mort, perscc. ^ 7.) •I CHAPITRE VII. 115 population, et sur les ruines qu'ils avaient faites, les forêts reparurent. Un hagiographe (l) nous rapporte un fait de ce genre. Sur la colline de Magdunum (aujourd'hui Meung), dans \e pagus d'Orléans, était une forteresse dont les Vandales s'emparèrent et qu'ils rasèrent jusqu'au sol ; aucun être vivant ne resta sur cet emplacement : les arbres y poussèrent, et ce lieu, auparavant rempli d'hommes renommés, fut réduit à n'être qu'une épaisse forêt (2). Les Sarrasins, dans le midi de la France, les Normands dans le nord, opérèrent des dévastations dont les conséquen- ces durent être les mêmes. C'est au premier de ces peuples ou aux Goths qu'il faut attribuer l'abandon des salines de Salces, exploitées jadis par les Romains avec un grand succès (3), et qui se changèrent en marais infects (4). Au temps de l'invasion des Arabes, des bois de pins et de chênes lièges remplacèrent sur le littoral méditerranéen, à l'est de Marseille, les plantations d'oliviers qu'y avaient établies les Phocéens, et dont l'existence est attestée par les souches que le sol recèle encore. « Ces souches, écrit un savant forestier (5), sont tellement nombreuses dans quel- ques cantons, que leurs rejetons recherchés dans les bois, détachés avec un peu de racine et plantés dans les champs cultivés pour être plus tard greffés en place, tiennent lieu de plants élevés en pépinières. » (1) L'autour de la Vie de S. Liphard. (2) a Est autem mons in Aurelianensi pago, qucui ejusdemincola^ rc- gionis Magdunum appellant; in quo ab antiquis castrum fuerat aîdilica- tum, quod crudcli Wandalorum vaslalione ad solum usque dirutum est. Nemine autem rémanente habitatoie, nemoribus hinc inde succrescenti- hus, locus idem qui elaris liominum xjonveulibus quondam replebatur, in densissimam redactus est soliludineni. » (Bolland. Acl. SS. III jmi. p. 300.) (3) Pomponius Mêla, De siiii orbis, III, "2. (4) Voy. J. J. Baude, Les Ctles du Roussillon, dan?, la Revue drs Deux- Mondes, ann. 1844, t. III, p. 1. (5; A. Ysabeau, dans /es Annales forestières , t. XllI, p. 301. 116 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. Lors de leurs incursions au diocèse de Reims et sur les bords du Rhin, les Normands abattirent une foule de vil- lages, brûlèrent des abbayes (1), et laissèrent partout le champ libre aux forêts, qui, déjà largement distribuées dansle pays, n'eurent qu'à étendre quelque peu leurs lignes pour englober dans leur domaine les points antérieure- ment habités. Des ruines romaines découvertes dans certaines forêts du Haut-Rhin, dans celles de Grand (Vosges), de Banville (INIeurthe), et où se reconnaissent de^ restes de bourgades, prouvent l'envahissement par la végétation forestière de lieux jadis haiiités et cultivés. D'autres ruines romaines ont été retrouvées à la Petite-IIoussaye, dans la forêt de Brotonne, en Normandie (2), dans celle de Beaumont-le- Roger (Eure) (3). Le plateau de Lcinenberg, prèsd'Abres- chwjller en Lorraine, aujourd'hui tout boisé, fut jadis cultivé (4). Ces causes de reboisement n'étaient pas les plus acti- ves, comparées à celles qu'amena l'établissement du ré- gime féodal. La propriété particub'ère et libre disparais- sait chaque jour davantage de notre patrie, pour faire place à la domination seigneuriale. Les forêts par leur impor- tance, à raison des droits qui s'y rattachaient, tombèrent toutes nécessairement, comme je l'ai noté plus haut, sous l'autorité du seigneur, qui se substitua à la propriété communale. Tandis que la majorité des grandes forêts conlinuaient à dépendre du domaine de la couronne, (|u'une foule d'autres étaient possédées par les abbayes, (1) Voy. Depping, Ilisl. des expéditions manlimcs des Normands, lîv. Il, c. VI; liv. m, c. I. (2) Annales forestières, t. III, p. 197, 546. (3) Hii(Jel)leiJ, Dictionnaire topof/raphirjue, slalisliquc et Iiislorifjiie du département de l'Eure, p. 37. Évreux, 18i0. (V H. Lf'pago, Le Département de la Meurtlir^ t. Il, p. 43, CHAPITRE Vir. 117 auxquelles elles avaient été concédées en relourdes défri- chements dus aux moines, ou pour des motifs de piété, le reste des forêts était graduellement englobé dans le do- maine seigneurial. C'étaient les seigneurs qui distribuaient et réglaient l'affouage, les droits de panage et de pacage ; et modelant leur autorité sur celle du prince suzerain, ils restreignaient de plus en plus les droits des usagerscomme les premiers rois carlovingiens l'avaient fait pour les fo- rêts de leur domaine. Telle était la liaison qui finit par s'établir entre les idées de seigneur et de propriétaire de forêts, qu'on en vint à exiger, jusqu'à un certain point, cette dernière qualité de celui qui était revêtu de la pre- mière, et que, dans plusieurs contrées, notamment dans l'Anjou, ce fut une règle que le justicier de certaine classe devait avoir forêt, comme si, dit Ghampionnière (i), la marque essentielle de la justice dût être l'effet le plus terri- ble de la conquête et de la désolation. Les prélats s'arro- gèrent aussi, à titre de seigneurs, les droits de forêts, qu'ils concédaient ensuite, en lout ou en partie, aux moi- nes, leurs subordonnés spirituels (2). Les droits de forêt et de garenne furent de véritables calamités établies par l'autorité du bannum (3). En Alsace, en Lorraine, comme dans les contréesgermaniques situées au delà du Rhin, l'existence traditionnelle des forêts com- munes s'opposa à ce que l'usurpation du seigneur devint aussi complète et aussi générale. C'est ce qui explique comment la plupart des forêts y purent conserver le caractère de propriété commune; mais les seigneurs con- (1) Ghampionnière, De la ■propriélé des eaux courantes, p. 68. (2) "Voyez, notamment, la concession faite en 1128 par Adelbcrt, ar- cliovèque de Mayence, et celle de Herman, archevêque de Cologne, on 1090, citée plus haut. (3) Voy. Çhampionnière, De la propriété des eaux courantes, p. 5G7. 118 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. fisquèrent parfoîs à leur profit les droits d'usage et ne les rendirent qu'à titre de concession volontaire et toute libé- rale (1). lis s'efforçaient de légitimer leur droit de pro- priété, en se donnant l'apparence d'octroyer aux usagers des droits dont ceux-ei étaient déjà en jouissance et que la charte de concession prétendue ne faisait que rappeler en réalité (2). Cette charte était souvent même rédigée en vue de les restreindre, faute de pouvoir les supprimer com- plètement; elle ne les accordait qu'en certains cantons de la forêt. Ces faits expliquent pourquoi en Alsace, en Lor- raine, aussi bien qu'en Allemagne, l'état forestier ne tra- versa pas les mêmes vicissitudes que dans le reste de la France. En même temps que les forêts primitives demeu- raient plus intactes, ce qui a été déjà remarqué plus haut (3), le droit de garenne ne fut pas aussi efficace pour opérer le reboisement des parties anciennement défrichées. L'usurpation était plus difficile, quel que fût son objet, soit que le seigneur voulût s'approprier la forêt, soit qu'il prétendit, pour ses plaisirs ou ses besoins, transformer en forêt des terres dont la population rurale avait lajouissance ou la propriété. Plusieurs nobles durent revenir sur les usurpations par eux tentées et rendre les forêts qu'ils avaient incorporées dans leur domaine (4). Le droit de garenne n'était au reste qu'une dérivation (1) Voy. Schœpflin, Alsatia diplomnlica, t. I, p. 230, n» 270. En Alsace, les droits d'usage forestiers demeurèrent toujours très-largos. En certains lieux, l'usager avait même le droit de vendre. (Yoy. Meaumi>, Comm. du Code forest. t. I, part, ii, p. 892.) (2) C'est ce (jui résulte de la charte émanant de l'abbesse d'Andlau, qui date de 1145, et que cilcSchœpllin. (3) Vpy. ce qui a été dit p. 79. (i) Ainsi, en 10G3, l'empereur Henri IV restitue au chapitre d'L'- Irecht une forêt qui avait appartenu à ce chapitrcj s'exprimant en ces termes: « In cnedendis lignls et venatione et pascuis ex omni utilitatc. » (Ileda, Ifistor. episc. l'ilraj. p. 130.) CHAPITRE VII. ' 119 du droit de forêt. Ce mot de garenna ou icarenna, déri\'é du germain icarcn, « défense, » avait originairement la même signification que le mot forestcUa, diminutif de foresta, ainsi que cela ressort du passage suivant d'une charte de 1209 (1) : « Forestella illa quae garenna vocatur, priori de Pargis extra partem meam et successorum meo- runi comitum Campania^, libéra i emanebit. » La législation carlovingienne, qui semble avoir interdit, en certains cas, dans l'intérêt de l'agriculture, l'établis- sement de nouvelles forêts, a complètement disparu au x*", au xi*" siècle, et dans les siècles suivants. Les seigneurs ne songent plus alors qu'à leurs chasses, et veulent avoir les forêts les plus étendues possible (2). La distinction des deux classes de bois est fondée sur leur destination purement cynégétique. Les grandes forêts sont celles où l'on chasse les ours, les buffles, les cerfs, les sangliers; les garennes sont les forêts de moindre venue où vivent les lièvres, les lapins, les perdrix, les faisans. Une charte d'Edouard III, roi d'Angleterre, statue sur la question de savoir si les chevreuils sont bêtes de forêt ou de ga- renne, et, de l'avis de ses seigneurs hauts-justiciers, le roi décide que le chevreuil est un animal de garenne et non de forêt : « Videtur tamen justitiariis et consiliodom. régis, quod caprioli sunt bestiae de warenna et non de foresta(3). » « L'établissement des premières garennes, dit M. Cham- pionnière, qui nous sert de guide ici (4), ne fut que la con- (1) Cliampionnièi-e, ouv. cî(. p. G4, et Du Gange, Glossar. sub v» Wa- renna. (2) Aussi, vers ceUe époque, le cor ou la corne, destiné à servir d'ins- trument d'appel à la chasse, devint-il le symbole de la possession d'une Ibrêt, en vertu d'un usage qui parait d'origine germanique ou au moins danoise. (Voyez, à ce sujet, le Mémoire de M. Pegge, dans ïArcItœologia vol. III, p. 3.) (3) Championnière, ouv. cil. Du Gange, ouv. cil. (4) Ouvr. cité, p. 05 et suiv. 120 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. tinuation des ravages de la conquête, mais plus odieuse peut-être que les incendies et les meurtres de l'envahisse- ment. Le soldat qui dévaste les récoltes et fait périr les habitants du pays où il pénètre, les armes à la main, trouve une excuse dans la nécessité de la guerre et les dangers que lui- même a courus; mais, lorsque les peuples vaincus ont déposé la résistance et que des traités ont permis aux vainqueurs de jouir des fruits de leur con- quête, l'abus de la force, au préjudice des populations qui ne se défendent plus, est un fait tyranniquedont le temps et la possession ne sauraient légitimer les conséquences. » Que les premiers établissements de garennes, de forêts et des banalités de diverses espèces, aient été le résultat habituel de la violence, c'est ce qui ressort d'un grand nombre de documents contemporains, surtout des monu- ments judiciaires. Pour preuve, il nous suffira de rappeler le procès élevé en 1259 entre un certain Jean de Moy et ses hôtes , qui avaient eu à souffrir des vexations de son père Drogon. Celui-ci, après avoir abusé de sa position, jier potentiam suam , pour établir une ga- renne sur les vignes, les blés et les jardins de ses hôtes, hospites sîios, puis obtenu d'eux une somme considérable sous la promesse d'y renoncer, était parvenu par violence, pe)' vim suam iterum lecarit , à la rétablir, malgré la foi du serment, hoc ipsisjuravit. Jean de Moy prétendait mainte- nir cette garenne au mépris de tout droit (1). Dans le plus grand nombre des procès de ce genre, les réclamants attri- buent à la même cause l'établissement de la garenne con- testée (2). Citons comme autre exemple le fait suivant : Il est dit, dans un cartulaire de l'abbaye de Saint- Ci) Oliin, éd. Beugnot, t. I, 83. Enquêtes, 1259. (2) Championnière, De lapropriclé des eaux couranies, p. 73. Cet au- teur cite encore plusieurs autres espèces curieuses. Il CHAPITRE YII. 124 Serge (1), qu'Adam, fils de Thibaud, avait, près de Braël {juxta Braellum), une terre nommée Ralée {Baleium) dont il avait hérité de ses ancêtres. Elle était environnée par des forêts appartenant à Widon , seigneur de Laval, et à André, seigneur de Vitré. Un jo?ir Hervé ayant fait obser- veràces seigneurs, dontil était leforestier, l'avantage qu'ils auraient à agrandir leurs forêts en envahissant le do- maine du sieur Adam, Widon et André s'en emparèrent aussitôt, sans forme de procès. En vain le possesseur dé- possédé protesta-t-il contre la violence dont il était vic- time; les récriminations et les plaintes furent inutiles: les seigneurs de Laval et de Vitré étaient gens puissants; il lui fallut se résoudre à perdre son bien. Il ne cessa pas toutefois de réclamer, durant plusieurs années. Devenu vieux, Adam tenta une dernière démarche; il alla, en- touré de tous les siens, supplier André de Vitré. Celui-ci se laissa fléchir; mais il ne consentit à rendre au vieillard son domaine, converti en forêt;, que sur la promesse d'en faire don à l'abbaye de Saint-Serge, dans laquelle Adam prit, ainsi que son fils, l'habit de moine. Le droit de garenne persista longtemps; on le trouve formellement consacré dans les Etablissements de S. Louis où il est dit : « Hons coustumiers si fet s^tixante sols d'a- mende, se il brise la sesine de son seigneur ou il chace en ses garennes ou. il pesche en ses étangs ou en ses defois (def- fens). » Une ancienne coutume de France, citée par Du Gange, au mot Feudum, faisait de la violation d'une ga- renne un cas de commise : « Le vassal perd son fief quand, par mal talent, il met la main sur son seigneur à tort, se il arme contre lui, se sans congié il pêche en ses étangs et (1) Voy. les preuves de V Histoire de Bretagne, do D. Lobineau, t. II, ann. 1073, col. 258, 122 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. OU il chasse en sa garenne. » Mais la civilisation avait déjà fait de notables progrès; la commise et l'amende de soixante sous ont remplacé les cruautés des seigneurs du xr siècle. Un arrêt de 4270, rapporté par Guénois (1), dé- clare également amendable celui qui prend cerf ou biche au lieu où il y a garenne. Enfin, dans les nombreux procès inscrits au registre des Olhn, la garenne est considérée comme un droit légitime, ayant le même caractère que le droit de corvée, de moulin banal ou tout autre élément de la puissance seigneuriale (2). Si les garennes ne comprirent pas des provinces entières, elles s'étendirent au moins sur de vastes possessions et des biens de toute nature. Moins destructives que les forêts, e'ies n'entraînaient pas nécessairement là ruine des popu- lations, l'abandon des terres et la dévastation du sol; mais elles nuisaient considérablement à l'agriculture et restrei- gnaient le droit du propriétaire : aussi devinrent-elles la source d'innombrables contestations entre les seigneurs et les vassaux , dès que ces derniers purent recourir à la justice royale. Le registre des Olbn contient une foule d'arrêts sur le sujet de garenne. L'exposé du litige montre qu'il s'agissait de garennes établies sur les terres d'aulrui, terres souvent fort étendues et qui pouvaient comprendre des fiefs, des censives, des communautés, des vignes, des jardins, des villages, etc. (3). Les rois normands transportèrent en Angleterre cet ini- que droit de garenne et de forêt. Guillaume le Conquérant donna le premier l'exemple de l'envahissement des ter- rains cultivés (4). Il contraignit, dans le Ilampshirc, des (1") Grandes conférences des ordonnances et cdils royaiur, t. II, p. 3/j4. (2) Championnière, De la propriété des eaux courantes, p. 70. (3) Jdnn, ibid. p. 08. (4) L'usage de planter des forêts pour se ménager des chasses n'a pas CHAPITRE VJl. 123 hommes à abandonner un espace de trente milles, où il détruisit toutes les habitations, sans môme épargner les églises. Les bêtes fauves devinrent bientôt si nombreuses, dans cette forêt de nouvelle création, que l'on prétendit qu'elles empesaient l'air. Voici ce qu'écrit à ce sujet Guil- laume de Malmesbury (1) : « Tradunt cervos, in nova fo- » resta terebrantem, tabidi aeris nebula morbum incur- » risse. Locus est quem Willielmus pater, desertis villis, » sûbrutis ecclesiis, per triginta et eo amplius milliaria in » saltus et lustra ferarum redegerat, infando prorsus spec- » taculo, ut ubi ante vel humana conversatio, vel divina » veneratio fervebat, nunc ibi cervi et capreoli et ceterae » illud genus bestia? petulanter discursitent : nec illœ qui- » dem mortalium usibus communiter exposita\ » La Chronique de Pldlippe Mousket attribue au fils du Conquérant, Guillaume le Roux, cet acte de tyrannie (2). Voici le naïf récit du chroniqueur gantois : Gis rois fu Guillaume li Rous D'Engletière et fut moult irous. Es abéies soujournoit En toutes les glisesreuboit. D'autre part Hanstone en I plain Avoit I liu moult biel et sain : XVII que capieles que glises I avoit-on pour Dieu assises été pratiqué par les seuls seigneurs du moyen âge; nous lisons dans le grand historien de l'Arménie, Moïse de Khorènc, que Chosroès II (Khosrow) planta, près du fleuve Éleuthère, une forêt qui porte aujour- d'hui son nom, et au centre de laquelle il lit élever un palais, afin d'ètro lilus à mémo de se livrer à la chasse, son passe-temps favori. (Moïse de Khorène, trad. par Levaillant do Florival, liv. III, c. vrii, t. II, p. 19.) (1) Lib. III, p. m, ap . Savile, Rer. anglic. scinplores. (2) Orderic Vital, XI. 13, p. 82, éd. Leprévost. Cf. sur l'histoire de l'aiforostation du Ilampshire, Henri Ellis, A geiirml introduction io Do- laesday book, London, 1833, t. 1, p. 105. L'établissement de cette forêt a inspiré à Pope une des plus belles tirades de son poëme sur la forêt de Windsor (vers 42 et suiv.). 124 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. Très le tans Artus, le bon roi. Cil rois Guillaumes, par desroi Les fit abattre et bos planter Des kaillos fist son ^art-muer, Et quant vint al ciel' de vu ans Si fu li bos créus et grans Ciers i mist et bisses et dains ; Pour, counins, livres et ferains Et manière de sauvagine Tant que plaine en fut la gaudine. La Ntieve-Foriés fu clamée, Encore est-ele ensi nommée (1). La forêt qui dut son origine au bon plaisir des Nor- mands est celle qui fut désignée depuis sous le nom de New-Forest (2) et qui constitua plus tard le parc de.Sou- thampton (3). On dirait que la Providence ait voulu faire expier dans cette foret même aux princes qui l'avaient établie l'iniquité de leurs procédés à l'égard des malheu- reux cultivateurs anglo-saxons. En effet, c'est dans Ne^v- Forest que Guillaume le Roux fut percé d'une flèche, et que périt Richard, le frère de Henri I"; Henri, neveu de (1) Chronique rimée de Pliiliiypr Mouskes, publiée par M. de RoifTcn- berg, tome II, vers 17710-717-729. Nous renverrons aux notes do celle édition pour l'explication des vieux mots français du texte que nous ve- nons de citer ; nous remarquerons seulement que le mot gaudine, em- ployé par Mouskot avec le sens de forêt, et qui se retrouve chez les écri- vains en langue vulgaire, du même temps, vient de l'allemand ti'ciUI. par la substitution ilu gnu w et de Vu ii 1'/. (Voy. Wachter, Glossarium gerniit- nicum, sub v" Wald.) Ce mot wald a donné naissance au bas latin gnaldum, gwdda, << forêt, » qui fui en usage en Italie au xi'= siècle, ainsi que le montre ce passage de la chronique du mont Cassin, écrite i)ar Léon Marsicanus : « Necnon et duo gualda in finibus Vicalbi, unum in loco qui dicitur sylva plana, alterum in monte Albeto. » (Lib. II, ap. Pertz, Momimenl. grnnan. iiistor. t. VIT, p. 032.) De gaudine on fit. par corruption, gaid. Voy. Roman dr la lUisr, v. 662.) (2) Elle est citée par Guillaume de Jumiéges (Recueil de Camden, liv. VU, c. ix) et Fr. Michel, Chroniques anglo-normandes, t. I, p. 51. (3) Chronic. Jlenr. Kngghion, ]). 2:573. L'ile de Wight fui aussi n/fo- restée; a. ce point «[ue, suivant les anciennes chroniques, un écureuil la j)0uvait parcourir tout entière en sautant d'arbre en arbre. CHAPITRE Vil. 125 Robert, fils aîné du Conquérant, y resta, comme Absalon, suspendu par sa chevelure à un arbre (1). Les successeurs de Guillaume, afin de se rendre la po- pulation favorable furent contraints d'abolir ce système révoltant d'oppression forestière, et c'est dans ce but que le roi Jean donna la charte des forêts, qui faisait partie delà grande charte. Les monarques anglais conservaient, en vertu de cette charte, leur juridiction forestière, mais des garanties y étaient accordées contre l'arbitraire dans tout ce qui se rapportait au droit de chasse, garanties re- nouvelées et étendues en 1225, par Henri III (2). Le droit de forêt et de garenne laissait seulement à celui qui en jouissait la faculté d'interdire de chasser ou de pêcher; à l'origine le seigneur ne s'appropriait, ni le sol, ni le fleuve auxquels s'appliquait sa défense; il se bor- nait à s'y réserver les avantages de la pêche et de la chasse et à empêcher tout travail pouvant nuire à la propagation du gibier (3). Les interdictions avaient pour effet d'entrete- nir et de favoriser la présence des bêtes fauves et des ani- maux nuisibles qui pullulaient souvent au point que les paysanssevoyaientsouvent réduits à abandonner la culture et à émigrer ailleurs, désertion dont le seigneur profitait pour s'emparer du territoire (4). L'exercice du droit dega- renne engendra donc un véritable droit dedépossession, une sorte de déshérence par voie d'abandon au profit du sei- gneur; mais ce qui démontre que tel n'était pas le droit primitif, c'est l'effet de la renonciation au droit de forêt ; (1) Cf. Roger de Hovedcn, Annal. P. I, p. 468, éd. Savile. (2) Yoy. Mathieu Paris, Chronic, an 1215, trad, Huiliard-Bréholles, t. III, p. 23. Cf. Haliam, Supplemenlcd lo Ihe views ofthe state of Eu- rope during Ihe middle âges, p. 278, London, 1848. (3) Mathieu Paris, Chronic. ann. 1225, trad. Huiliard-Bréholles, t. III, p. 283. ^4) Championnière, De la propriété des emix courantes, p. 5G9. 126 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. cette renonciation que les chartes du moyen âge expri- ment par le mot deafforcstare, rendait au propriétaire, que l'exercice du droit en avait faitévincer, la libre dispo- sition du domaine. Les résistances armées des possesseurs, et les procès auxquels la propriété d'un grand nombre de forets a per- pétuellement donné lieu, ne sont qu'une protestation du droit contrôla violence et le souvenir vague et traditionnel d'une spoliation. I CHAPITRE Ylll. 127 CHAPITRE YIII. INFLUENCE DES MOINES SUU LE HÉFRICIIEMENT DES FORETS. — ENVAHIS- SEMENT DES FORÊTS PAR LES MONASTÈRES. — ROBERT d'aRBRISSEL ET l'ordre de UTEAUX. La fondation des ordres religieux, le progrès de la yie monastique eurent une influence considérable sur la mise en culture des forêts. A l'instar des ascètes de l'Hindous- tan qui choisissaient les forets pour théâtre de leur \ie d'abstinence et de macération (1), de pieux solitaires cherchaient chez nous, au cœur de certaines forêts, une retraite où ils puisent se livrer librement à leurs médita- tions et à leurs pénitences. Ils vivaient là, respectés par les larrons, parles chasseurs dont les plaisirs venaient parfois les arracher au calme de leur solitude (2). Les ermitages fu- rent remplacés plus tard par des monastères qui devinrent autant de centres agricoles. Les moines défrichaient autour d'eux; leur règle leur faisait un devoir du travail manuel, et les besoins domestiques les obligeaient à chercher du bois. Ils éclaircirent de la sorte nombre de forêts; c'est ce dont témoigne la vie de plusieurs saints fondateurs d'or- dres monastiques, de divers abbés et ermites. • Nous lisons dans la vie de saint Fiacre (3), que les hau- (1) Voy. Lois de Monoii, XI, 72. (2) Voy. à ce sujet le roman de Doon de Mayence, qui nous raconle que le comte Gui de Mayence, père de Doolin, ayant tué un ermite dans la forêt d'Aideniie, en croyant atteindre un cerf qui s'était réfugié dans la cellule de cet anachorète, se fit, en expiation, ermite à sa place. — Voy. Doon de Mayence, chanson de geste, éd. A. Pey, p. 27 et suiv. (Pa- ris, !859j et ce (jui a été dit, p. 69, de la forêt de Colonne. (3) « Ad pia^dictum locum reversus est Fiacrius et avulso ncmore monastcrium in lionorem Beat;t- Mariœ construxit. » (Bolland. XX aug. 128 LES FORÊTS DELA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE leurs de la Brie, sur lesquelles se. retira ce solitaire, étaient couvertes d'une épaisse foret qu'il défricha en partie. C'est actuellement l'un des cantons les plus fertiles de l'ar- rondissement de Meaux. Cette forêt se rattachait, par celle du Mans et les bois de Meaux (1), à la forêt de Jouarre (Jora- )ius saltus) (2), où, au commencement du yii"" siècle, Adon (3), dégoûté des vaines pompes du monde, avait fondé le monastère de Jouarre (4i, On doit à saint Deicol ou Diel le défrichement d'un can- ton des forets des Vosges, celui de Luthre ou Ltiders, au- jourd'hui Lure, qu'iiifestaient alors les bêtes fauves. Il y fonda la fameuse abbaye de Lure, où vint le visiter Clotairell, que la chasse du sanglier avait amené dans la contrée (5). Aux VII*' et viir siècles, la forêt de llaguenau se peupla d'ermitages dont les habitants commencèrent à l'éclaircir ; le séjour de ces nombreux cénobites lui valut le nom de Eeilifje Vorst (Sylva sancta); c'est là que vécurent saint Arbogast auquel un vieux chêne, dit le gros C/i(hie, est consacré, et sainl Dcodat qui avait abandonné pour se p. 600.) Le lieu où s'établit sainl Fiacre sapjielait le BveuiL c'est-à-dire Le Bois, l't ai)partenait- à l'évèque Faron, qui le lui concéda pour sa re- traite. (Cf. Mahillon, Act. SS. Bened. t. II, p. 618.) '1) Ce sont vraisemblablement ces bois dans lesquels, au x"' siècle, le moine Richer raconte qu'il se perdit, en se rendant de Reims à Chartres. ^Richer, IJisl. 1. lY, c. ôO.) (2j Cf. Vit. S. Columbani. op. D. Bouquot, IJisl. de France, t. III-. p. 481, 513. (3) Adon et Dadoii étaient 111s d'Authaire, proche parent de saint Fa- ron, et auquel appartenait la forêt. Il avait été catéchisé par saint Coloni- ban. (Voy. Mabilion, Act. SS. Benedicl. t. II, p. 187, 612, et Toussaint Duplessis, Hist.de t' église de Meimx. pièces justificatives, ann. 835, p. 3.} Cf. ce qui est dit plus loin de cette foret. (4) Toussaint Duplessis, loc. cit. (5) Rolland. Act. SS. XVIII jan. Saint Diel, dont le nom a été altéré plus tard en celui de saint Dipy ou Dié, vivait au commencement du vu* siècle. Le lieu des Vosges où il se relira appartenait à Weifliar, sei- gneur de la cour de Thierry, roi de Bourgogne. 1 « CHAPITRE YIII. 129 retirer du commerce des hommes, son évéché de Nevers (1). De nombreux anachorètes de la Flandre occidentale vin- rent s'établir dans la vaste forêt appelée T/iigalmsco, qui s'étendit, jusqu'au yii' siècle, de Poperinghe à Rou- 1ers. Leurs cellules se multiplièrent, surlout dans le canton entrecoupé de criques et de marais, qui portait le nom de Rumetia, et où abondaient les oruieaux ou ypreaux (en flamand Y'epenboomen), ainsi que l'atteste le nom delà ville d'Ypres, élevée sur son sol, après qu'il eut été défri- ché (2). Au xr siècle, un des plus célèbres apôtres de la vie cé- nobitiquc, Robert d'Arbrissel, coniribua singulièrement au défrichement des forêts de l'Anjou et de la Bretagne. Il s'établit dans la forêt deCraon (3), et le nombre de ses dis- ciples s'étant considérablement accru, il se vit obligé de les envoyer dans les forêts voisines. Les solitaires qui avaient embrassé sa règle, se divisèrent donc par colonies et allèrent fonder des abbayes en divers points de l'est de la France. Robert s'était fixé dans la partie de la forêt de Graon qui portait le nom de LaRoë {Rota). C'est là qu'il fit bâtir, en 1094, un monastère [S. Maria de Bosco ou de Sylva) placé par lui sous la règle de saint Augustin (4). Ce canton, qui était alors tout boisé, est aujourd'hui entièrement ou- vert (5) ; il sépare la forêt de Craon de celle de la Guer- (1) Voy. Ristftlhuber, l'Alsace ancienne et moderne ou Dklionn. topo- r/raph. Idsloriq. et slalisliq. du Haut et du Bas-Rhin, p. 160. (2) Voy. J. J. tic Smet, Essai sur 1rs 7ioms des villes et des rominuncs de la Flandre occidentale, dans les Nouveaux Mémoires de VAcad. de Belgique, t. XXIV, p. 13. (3) Salins Credoniensis . (4) Baldoric. ep. Dolensis, Vil. B. Rohcrli, ap. Bolland. Ad. SS. XXV feb. p. 605. Cf. Gall. Christian, t. XIV, col. 716, Eccles. An- degav. (5) « Excisa tamen est magna pars illius sylva:;, » disent les Bollan- distes, oiiv, cit. p. 606, col. 1, note. 9 130 LES FORÊTS DE L\ GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. che: le petit bois de Laubrière et deux autres bou- quets sont actuellement les seuls débris de la foret de la Roë. Deux iocalités appelées les Bois, et une autrenommée les Saris (1) (les Essarls) rappellent encore la présence desl arbres qui ont disparu. Il y a tout lieu de penser que la fo- rêt de Craon ne faisait alors qu'un avec celle de la Gucrclie, et qu'elle se rattachait, par des lignes non interrompues d'arbres, à celles de Verzec, de Lourzé, d'Ombrée, de Juigné et d'Arraise (2). Une foule de noms de lieux des environs, qui se rencontrent précisément dans les parties intermé- diaires entre ces forêts, attestent la présence ancienne de bois en des points qui en sont aujourd'hui totalement dépourvus. Tels sont le Bois-Gyaitt, le Grand-Bois, le Bois- B lin, la Brosse, etc. Vital de Tierceville se retira avec une partie de? disciples de Robert, dans la forêt de Fougères, où ses compagnons se dispersèrent en plusieurs endroits. Raoul de Fougères, qui en était seigneur, les y souffrit quelques années ; mais, comme il aimait passionnément la chasse, et qu'il crai- gnait que les ermites ne dégradassent la forêt où il en pre- nait le plaisir, il préféra leur abandonner la partie de la fo- rêt de Savigny le vieux, où Vital tle Tierceville fonda l'ab- baye qui en prit le nom (3), et il la leur concéda par une charte on 4112. La carte de Gassini ne place plus à Savi- gné qu'un bois tiès-démantclé, (|ui a disparu de nos (1) Citons encore les localités, aujourd'hui défrichées, apijolées Bois- Sainl-Miclu'l et le Dois-DuUier. (Voy. la carte de Cassini.) (2) Ce nom d'Arraise, qu'on trouve aiipliqué à d'autres forêts, est peul- être dérivé du celte; à. savoir de l'article ar et de waz, gwas, « ruis- seau, » ce qui donnerait à penser ijuil a été attribué à des forêts traversées par des cours d'eau. (Voyez sur ces forêts, Bizeul. Drs Naiinèles aux (époques celliqurs et romaines, dans lo Revue des 2'>rovinces de l'Ouest. juin 1854, p. 392.) (3) Voy. Chronie. Malleac. ad ann. 1103, ap. Historiens de France, t. XII, p. i04. Orderic. Vital. VIII. 27, p. 449, éd. Lcprévost. CHAPITRE YIII. 131 jours. Il est à remarquer que la partie de la foréi <{ui, d'après les termes de la charte, fut cëdëe à Vital et à ses compagnons (1), ne correspond pas du tout, sur la même carte, à un canton boisé (2). Le défrichement de cette partie de la forêt de Savigny doit avoir été l'œuvre des moines. L'inspection des lieux montre qu'elle s'étendait jusqu'à la rivière de Galmont, près de laquelle on trouve encore une localité appelée le Bois (3). Un autre compagnon de Robert, Raoul de la Futaye, alla s'établir dans la forêt de Saint-Suipice, non loin de celle de Rennes, en un canton qui portait le nom de Nid- de-Merle, aujourd'hui en grande partie déboisé (4). Re- naud choisit pour retraite la forêt de Melinois ou Meli- nais(3), qui n'est plus actuellement représentée que par les petits bois dits de Melinais et de la Boverie, au sud de La Flèche. De l'inspection de la carte de Cassini on peut con- clure la forêt primitive se prolongeait jusque sur la rive que droite de la rivière appelée les Cartes, contre laquelle est une localité dite Savigné [Salviniacum), nom qui dénote la présence ancienne d'une forêt. A peu de distance de ce bourg, est un village appelé le Grand-Bols-Bicher. La forêt de Melinais s'étendait, au sud, jusqu'à Vau- landry, et, dans cette direction, on remarque une lo- calité déboisée appelée les Bois-de-Vaux. (1) « Foroslam de Savigneio siciU ex mia parte fluvius qui vocatur Chambn, ipsam forestam a Cenomannia disterminat et ex altéra parte Ghamb(>sneta fluviolus ab ipso vico séparât qui Savigneium appellatur. » (Lobineau, llisfoire de Dreiagne, preuves, liv. IV, col. 202.) (2) En olfet, la rivière appelée Chamba dans la charte est le Galmonf ; il faut reconnaître le Chmnhi'sneta dans un petit ruisseau qui se jette dans le Déron, entre l'Habit et la Prise-aux-Nonnes ; le nom de Cham- besnc s'étant conservé dans le nom d'une localité placée sur ce ruisseau. (3) Voy. la carte de Cassini. (4) Lobineau, Ilisl. de Drelagnc, preuves, col. 298. (5) Voyez, dans Cassini, la carte des environs de l'abbaye de Melinais. 132 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'a.NCIENNE FRANCE. Salomon, autre disciple du même solitaire, choisit pour retraite la forêt de Xfj-0/seau{\), ou Nid-d'Oiseau, qui allait de la i'orèt d'Ombrée à la rivière d'Oudou; elle a dû ori- ginairement se rattacher à la forêt de Graon; elle n'est plus indiquée sur la carte de Gassini que par de très-petits bouquets épars. Alleaume, sorti delà môme école monas- tique, bâtit l'abbaye d Estival ou Etival dans la forêt do Gharnie (2), au nord-ouest du Mans. Le canton où se trou- vait l'abbaye d'Estival est représenté comme déjà défriché dans Gassini, aussi bien que l'espace s'étendant, au midi, jusqu'au Bols-dii-Creiix; il dut fairedans le principe corps avec la forêt (3). André, compagnon des cénobites que je viens de nom- mer, fixa sa demeure dans la forêt de la Chausscre, sur les confins de la Bretagne et de l'Anjou. Or, au siècle der-* liier, la carte n'indiquait plus, au lieu où s'élevait l'abbaye, dont il fut le fondateur, qu'un bouquet sans im- portance. Un lieu voisin, dit Z-aForéV, rappelleseul l'exis- tence de cette forêt de la Ghaussère, qui devait s'étendre, d'un côté, jusqu'à l'Evre, et de l'autre jusqu'à la San- gueise. La forêt de Fougères, où alla habiter Engelger, subsiste encore aujourd'hui ; mais sa superficie a été fort réduite. D'autres disciples de Robertd'Arbrissd se retirèrent dans la forêt de Goncisc, placée au nord-est de celles de Graon et de Fougères. Partout où les élèves de ce pieux ascète bâtirent de> (1) Ny-Oiseau, Ni-Oisd {N idus Avis) o\\ Nid d'Oiseau. (Loliincau, ///.s/. tir Brdagne, preuves, eol. 183.) Cf. Goll. clmslian. t. XIV, coi. 70 i. ICccles. Andegavcns. (2) Lobineau, llisi. de iJrekif/nr, t. I, p. 115. (3) Dans la carte de Gassini, on remaniue deux fonHs de Ciiarnie. I^t grande et la petite, sèiiarées par la rivière de Palais; elles se rat- tachaient à la grande forêt du Mans. (Voyez ce que nous disons pins loin de cette forôt. CHAPITRE yill. loo monastères, les forêts disparurent ou s'éclaireirent, preuve que le défrichement fut l'œuvre des moines. Une autre école de cénobites joua aussi un rôle consi- dérable dans le défrichement des forets. L'ordre, qui eut pour fondateurs S. Robert et ses six compagnons, Albéric, Odon, Jean, Etienne, Létalde et Pierre, lesquels avaient établi leur retraite en unlieu couvert depierreset d'épines appelé Giteaux('l), donna naissance à une foule d'abbayes. La plupart furent élevées au milieu des bois, ainsi que l'attestent leurs noms (2). Telles sont : Sauvelade {Sylva lato), dans le Béarn, fondée en 1150 par Gaston, vicomte de ce pays, Talaise, sa femme, et Centule,son fils (3) ; Sauve- Benoite ou Sauve-Bénite (Stjlra henedictai^^)) en Vélay, à deux lieues de Monistrol, dans une partie actuellement en- tièrement déboisée; Saint-Benoît-dans-les-Bois, au diocèse de Verdun, fondée en 1131, et Haute-Selve (.4/^« sylva) ou Haute-Seille, fondée, en 1140, par Agnès, comtessedeSalm. Le clergé régulier a donc été un des grands agents du déboisement (o) ; le clergé séculier l'accéléra de son coté, (1) A. Manrique, Annal. Cisterc. an. 1098. c. m. (2; Entre les abbayes qui peuvent être citées comme étant dans ce cas. plusieurs avaient été fondées par des monastères issus eux-mêmes de Citeaux, et en particulier par l'abbaye de Morimond, la plus illustre des lilles de Citeaux. Voy. Chronic. Malleac. an 1120. p. 407. (3) A. Manrique, Annal. Cisterc. an 1 1 i'i, c. vu, p. 468. Cette abbaye était la première lille de celle de Gimond, fille de celle de Morimond. (4) Cette aljbaye de filles, diie de ï AssomjyiiôJi, fut construite dans une forêt dont le bois Bercarrie est le principal vestige et qui se rattachait, sans doute, au Grand-Bois, situé plus au nord. Les noms de Bois (le Friiges, de Bosc. etc., rappellent encore la présence des arbres là où ilsontcoBi|)lélemcnt disparu. Deux autres abbayes, l'une située dans le diocèse de Constance, et appelée en allemand Wald, l'autre, fille de la Grande-Chartrouse {Sylve-Bcnilr), fondée en Dauphiné (canton de Virieu) en 1 HiG par Thierry, fils de l'empereur Barberousse, portaient également l(î nom de Sijlva-Benedicta, destiné à rappeler leur construction au mi- lieu d'une foret. (Voy. Gallia christ, t. II, p. '777, Eccles. Anic.) (ô) Outre les abbayes de l'ordre de Citeaux, beaucoup d'autres rappe- laient par leur nom qu'elles avaient été établies au milieu des forêts. 134 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. poussé par l'intérêt qu'il avait aux défrichements. Ayant droit à la dîme (1) sur les parties mises en culture, il en- couragea les colons dans leur œuvre de destruction. Tout en veillant à la conservation des forêts qui fai- saient partie de leur domaine, les autorités ecclésias- tiques trouvaient avantage à abandonner, de temps à autre, certains cantons à la cognée et à la charrue du co- lon, pour les concéder ensuite, sous la réserve de dîmes et de redevances, à des couvents et à des abbés (2). Nous voyons, par exemple, en 1128, Adelbert, archevêque de Mayence, accorder aux moines de l'abbaye de Disiboden- berg une vaste étendue de forêt soumise à sa juridic- tion, ou dépendant de son domaine épiscopal (3). Le défri- chement avait été si considérable, que trois églises furent bâties sur des emplacements occupés auparavant parla fo- rêt (4). Adelbert, tout en attribuant aux monastères et à l'honneur du culte de saint Disibod ces champs nouvelle- ment cultivés, s'en réserva la dîme. Les termes précis dans lesquels sont faites les con- cessions, les délimitations rigoureuses des cantons à déboiser, prouvent que l'autorité eccjésiastique était aussi bonne aménagère des bois qu'instigatrice des défri- Telles étaient colles : de Sylva jntia, dans le dioc'^'-e do Tréguicr ; de Sylva regtilis ou d'Eaumet (i'ImrUim), dans le diocèse d'Arles ; de Sylva Me- lonis ou de Coeimaloen, dans celui de Quimper. (1) C'est ce qui ressort du passage d'une charte de l'an 1085 : « Universa decimatio inde terminata ex novalibus jjroveniens nostri? tcmporibns erutis sive cruendis. >> {Arta academ. Theod. 'pal. t. HT, p. 158.) (2) M. Léopold Delisle, dans ses Etudes siir la condition de ift classe agricole en Normandie au moyen âge (p. 392 ctsuiv.), adonné de nom- breux exemples de concessions de parties de forêts à défricher faites par le clergé, moyennant dîme sur les novalcs. En d'autres provinces de France, on en trouve également de fréquents exemples. (3) Gudenus, Codex diploinaticus, t. 1, p. G9. (4) C'étaient les églises de Bolenbach, Ilundisbach et MerckenJiaeli. (Gudenus, lieu cit.) CHAPITRE VIII. 135 chements utiles à l'agriculture. L'abbé, auquel était ac- cordé l'usage d'une forêt ou le défrichement d'un de ses cantons, ne pouvait, sans la permission de l'évêque, défri- cher là où il devait simplement couper du bois, et déraci- ner les arbres au delà de l'espace qui lui était assigné (1). Le rôle civilisateur, l'action agricole des moines (2), ne cessa que lorsque, enrichis par les efforts et les travaux de leurs devanciers, ils ne songèrent plus qu'à jouir paisiblement de leurs biens, et abandonnèrent à des serfs la culture du sol dont ils consommaient les produits. L'opulence amena la paresse, et les moines, en envahis- sant à leur tour les forets seigneuriales à titre d'usagers, en obtenant des seigneurs le droit d'abattre, dans les forêts de plus en plus restreintes, le bois nécessaire à leur con- sommation (3), vinrent grossir la troupe déjà nombreuse de ceux qui dévastaient les forêts, sans pour cela les trans- former en de fertiles guérets. (1) Voyez la concession faite par Ilermann, archevèquo do Cologne, à l'abbé de Bramveiler, en 1099. {Acla academ. theod. pal. 1. 111, p. 161.) (2) On doit aux moines divers travaux agricoles fort importants. Ce sont eux notamment qui ont créé une foule d'étangs dans la Brenne et dans la Bresse. (Voy. De Marivault. Précis de rhisloire générale de l'a- (jricidlure, p. 311, note. Paris, 1837.) (3) Ilexiste un grand nombre de chartes par lesquelles des seigneurs concèdent à des abbayes des droits d'usage étendus dans leurs forêts. Nous aurons plusieurs fois l'occasion, dans les chapitres suivants, de citer des chartes de ce genre. 436 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. CHAPITRE IX. DROITS D USAGE DANS LES FORETS SOUS LE REGIME FEODAL. — RÈGLEMENTS DE POLICE ÉTABLIS PAR LES ROIS ET LES SEIGNEURS AU TEMPS DES CAPÉTIENS. — LÉGISLATION DE SAINT LOUIS ET DE SES SUCCESSEURS EN MATIÈRE DE FORÊTS. On vient de voir que les défrichements opérés par les moines avaient été un premier contre-poids à la manie de l'afforestation. Une autre cause ne tarda pas à ap- porter de nouvelles bornes à l'invasion de la végétation arborescente. Les droits d'usage que les rois et les sei- gneurs concédaient dans leurs forêts, dégénérèrent sur plusieurs points en abus et amenèrent la détério- ration de celles-ci. Une foule d'individus et de commu- nautés obtinrent le privilège de ramasser et de couper le bois nécessaire à leur chauffage, à la construction et à la réparation de leurs demeures (1) , parfois même à la con- fection de leurs ustensiles, de leurs instruments aratoi- res (2); souvent on allait jus(ju'à autoriser les usagers à prendre des branches pour établir les haies destinées à protéger leurs propriétés contre les ravages du gibier (3). Aussi Philippe de Valois, par sa première ordonnance donnée àBrunoy, en mai 1346, déclarait-il qu'il ne serait (1) Voy. Léopold Delisle, Études sur la condiiion de la classe agricole el rélal de l'agriculture en Normandie, j). 374. Evreux, 1851. C'est ce Huon nomme en Alsace, en- Franclit'-Comté, et dans les Pyrénées, ]o mnronage ou marnage. (2) Ouv. cil., ibid. (3) On apjiolaitce droit ramage, et ramagers ceux qui en jouissaient. En Norraandii-, le ramage appartenait généralement aux habitants dos l)aroisses limitrophes des forêts. {Ouv. cil. ji. 37 j.) ij CHAPITRE IX. 437 plus accordé d'usage dans les forêts, à cause de leur dimi- nution et du préjudice que cela leur causait (1). La vaine pâture, les droits de panage, de glandée dont il a été question plus haut, quoique ordinairement moins étendus quecelui d'affouage, ouvraient, en dépit des règle- ments édictés à leur égard, la porte à une foule d'abus. Les concessions en étaient de plus si multipliées, que même en restant dans les limites prescrites, l'exercice de ces droits tendait à devenir préjudiciable à la bonne conservation des forêts (2). Au moyen âge, la consommation du bois étaitd'ailleurs assez considérable (3); car si, dans les mai- sons les feux ne s'allumaient point l'hiver en aussi grand nombre que de nos jours, en revanche les cheminées étaient bien plus spacieuses, et l'on y brûlait d'énormes souches; joignez à cela le bois qui, en certains lieux, servait au luminaire et que l'on allumait en guise de torche (4). Il faut pourtant reconnaître que nos ancêtres, (1) Voy. ce qui est dit dans les Conférences de V ordonnance de Louis XIV du mois d'août 1G69 sur le fait des eaux et forêts, n"'= éd. t. II, p. 44 (Paris, 1752). (2) Il exislc un grand nombre de chartes de concession de droits do paisson, panage, etc. {pastio, pastinacum porcorum, etc.). On efi peut lire notamment dans D. Lobineau, Preuves de VHistoire de Bretagne, col. 137, 290 et passim. C'étaient surtout les porcs que l'on nourris- sait dans les forêts. On y recevait aussi les juments, les vaches et les brebis ; mais les chèvres étaient habituellement écartées. (L. Delisle, Éludes sur la condition de la classe agricole et l'état de V agriculture en Normand'ie, p. 369, et Saint-Yon, Ordonn. des eaux et forêts, 1. I, t. XXIX, art. 5 et 6.) (3) En voici un exemple que nous empruntons au savant ouvrage de M. L. Delisle : « Pour chauffer leurs hôtes, les religieux Je Montebourg pouvaient, chaque semaine, enlever un arbre dans la. foret de Brix. Ceux de Saint- Taurin, pour lessiver leur linge, n'avaient pas à dépenser annuellement moins de vingt-six charretées de bois à deux chevaux. En vertu d'une concession faite en mai 1325, Nigaise le Veneur prenait en la foret do Lions, pour brûler en son manoir du Mesnil-Guilbert, autant de bois ([ue jjouvait en charrier journellement une charrette à deux ou trois chevaux. (L. Delisle, oui), cil. p. 371, 372.) (4) Voy. co qui a déjà été dit à ce sujet p. 80. 438 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'anCIENXE FRANCE. ])eaucoup moins avisés que nous sur le chapitre du con- fortable, ignoraient l'art de chauffer hermétiquement leurs maisons (i) : mais ces réserves faites, il n'en de- meure pas moins constant que la consommation du bois était au moyen âge déjà abondante, et le. besoin de com- bustible s'opposa plus d'une fois, sous les Capétiens, à un aménagement prévoyant et économique des forêts. Il n'existait pas d'ailleurs, dans le principe, en France, de lois générales applicables au régime forestier, et, aux XI* et xii^ siècles, les lois barbares qui y pourvoyaient à plusieurs égards, ayant cessé d'èire en vigueur, chaque seigneur établit un règlement local sur la police des droits d'usage. En Normandie, nous voyons à des époques pério- diques, certains officiers et certains tenanciers se réunir pour juger les délits, percevoir les droits, visiter les forêts et prendre les mesures nécessaires à leurconservation. Ces opérations s'appelaient le j:)knt et le m/wr/de la forêt. Les mentions en sont assez communes à partir du xi^ siècle. Mais dans ce pays la législation forestière était plus avan- cée qu'ailleurs (2), car les Normands, en deçà comme au (1) On lit dans la Conférence de l'ordonnance de Louis XIV, l. II, j). 44 : « Anciennement on faisait facilement des concessions de bois par la grande quantité qu'il y en avait alors en France et le peu de- monde pour le brûler ; mais depuis les forêts sont diminuées de plus des trois quarts; les peuples sont augmentés, et les hommes, devenus plus voluptueux en toute chose, se cliaufTant plus que ne le faisaient au- trefois nos pères, qui, s'ils se chaulfaient, ne se mettaient pas du moins en peine de quelle sorte de bois ce fûl... Au .lieu que présentement, il n'y a pas jusqu'au moindre petit bourgeois qui ne brûle du bois neuf, c'est-à-dire qui ait été coupé vif, parce que le feu en est plus ardent, cl qu'il rend jilus de chaleur, le bois mort, et même le bois flotté n'étant que pour les petites gens ou pour l'usage de la cuisine... Ce qui a encore beaucoup augmenté la consommation de bois, c'est le grand nombre de feux qu'on fait aujourd'hui dans les ménages de gens médiocres; au lieu qu'autrefois, même des gens distingués n'en faisaient qu'un seul ; ils re- cevaient et travaillaient dans une cliambre commune, comme faisail M. de Saumaise, conseiller au parlement. » (2) L'ancienne loi du ]»ays de Galbs inti'rdisait l'accès des forêts aux CHAPITRE IX. 439 delà de la Manche, sont sous ce rapport comme sous d'autres, demeurés plus que les Français fidèles aux tradi- tions germaniques qui ne dataient pas d'ailleurs pour eux d'une époque aussi reculée (i). La première règle de police à laquelle les usagers ont été soumis, les astreignait à demander la délivrance des produits auxquels ils pouvaient avoir droit. Les formes de cette délivrance ont varié suivant les temps et les lieux. Le plus ancien exemple connu de règlement forestier à cet égard, se trouve dans les archives d'Alsace. Schœp- flin (2) lui assigne la date de 1144. On y lit : « Omnes qui ibi aliquid incidere ad venclendum cupiunt, si mi- liter a custode petere debent. » Dans les chartes de Nor- mandie, la clause de ne s'approprier le bois que lorsqu'il sera livré aux usagers par la main des forestiers, est assez fréquemment énoncée (3). En général, les usagers n'étaient obligés à faire marquer par le forestier que les arbres dont ils avaient affaire. Si le forestier, mis en demeure d'indiquer ces arbres, ne l'a- vait pas fait, l'usager pouvait alors les couper, sans être pourceaux qui y venaient paître, depuis le troisième jour avant la Saint- Michel jusqu'au quinzième jour après l'Epiphanie, afin que ces animaux ne détruisissent pas les graines destinées à propager les arbres; en général, les forets étaient fermées durant cette période. Voy. Ancient laivi and instiliUes of Wales (1841, in-fol.j, Leges Wallica;, c. xxviu, art. 16, p. 801 ; c. lviii, art. 22, p. 845. (1) On retrouve dans les coutumes recueillies en 9'i0 par ordre d'Hoël le Bon, des dispositions fort analogues à celles que M J. Grimm a signalées dans les coutumes de la Marche. Chez les Bretons, les bois de haute futaie, ainsi que les taillis, étaient le privilège de toute une parenté. Dans la Marche, tout Germain libre, tout Erfexen avait le droit de porter la cognée. Un voyageur éloigné de toute habitation pouvait prendre dans le bois de quoi nourrir lui et son cheval, et celui qui traversait la forêt sur un chariot, y pouvait choisir une bille de bois pour réparer son véhi- cule. (2) Als.ilia diplomalico, t. I, p. 2211. (3j Voyez L. Delisle, om. cil. p. 372. 140 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIKNNE 1 UANCE. reproché de fraude. Cette di-position n'était applicable' qu'aux arbres de haute futaie; lorsqu'il s'agissait du bois de tond ou des taillis, les usagers étaient autorisés à les couper sans délivrance, même s'il les voulait vendre, pourvu qu'il n'en résultât ni déformation ni défjùt de laj forêt (1). C'est de Philippe-Auguste que datent les premières or- donnances sur les forêts. Par une ordonnance rendue à] Gisors en 1219, ce monarque règle la juridiction des] gardes de la forêt de Retz et la vente de ses bois (2). Mais, antérieurement à cette époque, la surveillance des forêts était déjà remise à de hauts personnages. Thibaud File- Etoupe fut revêtu de cette charge, sous le roi RobertO) ; les comtes de Flandres, à partir de Baudoin Bras-de-Fer, prirent le titre de forestiers (4). Les premiers maîtres des eaux et forêts ou forestiers royaux dont notre histoire fasse mention, sont Etienne Bienfaitc et Jean le Veneur(5). Cettecharge resta uniquejusqu'au règne de Henri III (6j. Ses attributions ne furent nettement déterminées qu'au xiu' siècle. Citons encore parmi les plus anciennes ordon- nances sur les forêts celle de 1280 établissant que les déli- vrances auxquelles les usagers peuvent avoir dioit dans les forêts royales, doivent leur être faites parles us"agers(7:, (1) Yoy. Imbert, Enchiridion, sub v° Usage : Papon, Arrêts notables, l. XIV, lit. III; Coquille, Sur la coutume du Nivernais, p. 57. (2) Saint-Yon, les Édils cl Ordonnances des eaux et forêts, j). 1137. La seconde ordonnance, aussi relative à la foret de Retz, est de Loufe YIU. Elle lut rendue à Monlargis en 1223. (3) Aiinoin, De Gest. Francor. 1. V, c. xlvi. (4j Et. Pascjuier, Les Recherches de la France. 1. Il, c. xv, p. 12G. (5) P. Anselme, Histoire gcnèalog. et chronolog. de la maison roijule de France, 3« éd. t. YIII, p. 841. (G) Il s'agit ici de la charge de maître des eaux et forêts près la cour-, car il existait, depuis le règne de Philippe le Bel, des maîtres et enquê- teurs des forets pour les diverses jirovinces. Yoy. dans L. Delisle. Eludes, p. 337 et suiv. la liste de ceux de Normandie.) (7j Saint-Yon, ouv. cit. Parfois c'était aux maîtres des forets qu'il CHAPITRE IX. 141 Dans quelques pays, on avait créé des scrç/enteries fief- fées. Ainsi UQ acte du duc d'Aquitaine, de 1273, nous montre des bois donnés en fief sous la condition de rendre foi et hommage de conserver les bois et la chasse. Des concessions analogues se multiplièrent tellement qu'on se vit plus tard, fréquemment, obligé de les révoquer (1). Les sergenteries étaient données à la charge de faire la garde du bois en personne. L'ordonnance de Philippe le Long de 1318 (2) organisa les sergents dans les forets royales. En Normandie, on ne trouve qu'à la fin du xiv' siècle des traces d'une juridiction supérieure s'étendant sur toute la province. C'était moins une cour particulière qu'une sorte de commission siégeant à côté de l'Echiquier ordi- naire de Normandie ; on l'appelait l'Echiquier des eaux et forets (3). Les baillis {hallm) et les justiciarU forestarum apparaissent pour la première fois dans un acte de 1283 (4). Mais l'acte n'indique pas que ces officiers aient été chargés de veiller, d'une manière spéciale, à la conservation des produits forestiers, et leur juridiction, qui fut abrogée par l'établissement des maîtrises fores- tières, demeure encore entourée pour nous d'obscurité. L'ordonnance de Philippe le Bel, d'août 1291 (5), men- tionnant pour la première fois les maîtres des eaux appartonait de fixer la valeur des bois, dont le prix seulement était aban- donné à des établissements religieux. Voyez, par exemple, l'ordre du maréchal d'Audenehan aux maîtres des forêts de la sénéchaussée de Beaucaire, d'assigner aux frères mineurs d'Uzès quarante livres de rente sur les bois du roi à Servies, pour la réédiflcation de leur couvent. (Mé- nani, JJisloire de Nismes, t. II, p. 289. Preuves.) (1) Ces sergents furent supprimés par l'édit de Charles YI de 1413, et (11' nouveau par un édit de Charles IX de 15G3. (Terrien, Coulume de yoniuuulie, 1. XIV, c. xi.) (2) Saint-Yon, Édkis li ordonnances des eaucs el forcsls, p. 121. (3) Édils el ordonn. des rois de France, t. IV, p. 141. (4) Delisle, Éludes, p. 330. (5) Ord. des rois de France, l. I, p. 684. 142 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. et forets, c'est à celte épofjue que l'on fait remonter l'organisation de la juridiction forestière q\ù subsista, sauf quelques modifications, jusqu'à la fin des Va- lois (J). Nous n'entrerons pas dans le détail de cette organisa- tion, qui n'intéresse pas directement l'état forestier de la France à cette époque. Disons seulement que Phili[)pc d( Valois revisa toute la constitution du service des eaux et forêts, divisé en 1333 entre les baillis et sénéchaux aux- quels était attribuée la surveillance des rivières et étangs, et les maîtrises qui ne conservaient plus dans leur dépar- tement que les bois, mais réuni de nouveau en 13-46. h domaine fut réparti en dix maîtrises. En vertu de cette organisation, les appels de la juridiction supérieure des maîtres devant être portés au Parlement de Paris, une Chambre nouvelle y fut créée qui jugea en dernier ressort de ces appels (2). Malheureusement une partie des mesures prises par nos souverains pour la conservation de leurs bois tourna contrôleurs intentions. Les friponneries et les malversa- tions des agents forestiers vinrent se joindre encore aux abus des droits d'usage. Louis IX, frappé de l'improbité des magistrats sous l'ins- pection desquels les forets étaient placées, avait expressé- ment défendu aux baillis, sénéchaux et autres officiers, de rien recevoir sur le produit de la vente des bois (3). Mais les éditsde Philippe de Valois, de Jean, deCharles V, prou- vent que, de tous côtés, les agents forestiersexploitaicnt lc> bois à leur profit et opéraient des achats et des ventes par (1) Saint-Yon, ouv. cil. (2) Voy. à ce sujet G. Dareste de la Chavanne, Histoire de l'admivis- Iration en Fiance, tom. II, p. 17, 18. (3) Ordonn. des rois de France, t. I, p. C8i. CHAPITRE IX. 143 personnes interposées (i). Dans rordoiinaiice de 1348, le premier de ces rois se plaint amèrement qu'un revenu considérable, celui des forêts, ait été comme mis à néant, et il cherche les moyens de le faire revivre. Les charges de sergent-fieffé ayant été partagées ou vendues par les titulaires, il arrivait souvent que les acquéreurs ou les nouveaux possesseurs pillaient en commun les arbres confiés à leur garde (2). Chailes V crut porter un remède efficace à tant de maux. Il réduisit le nombre des maîtres des eaux et fo- rêts (3). Les progrès de l'industrie rendaient alors le be- soin de bois plusurgentque jamais : de plus ce prince créait une marine et songeait à s'assurer des bois de construction. On le voit en effet dans l'ordonnance du 3 septembre 1376, régler la coupe du bois de la forêt de Roumare, située en Normandie non loin de Rouen, bois destiné, ainsi que nous l'apprend l'ordonnance, à la construction des vaisseaux et bâtiments du roi (4). Pendant la seconde moitié du xiv^ siècle, les abus du ). Les termes de bois mort et de mort-bois, dont le sens était si différent, avaient été abusivement confondus par les gens intéressés à ce qu'on ne les distinguât pas et qui voulaient étendre au boi-s vert les droits d'usage dont ils jouissaient sur le bois mort (6). (1) Ordonnances des rois de France, t. XV, p. xxxij, préface; Isain- hert, Becucil général des anciennes lois'françaises, t. V, ]>. 456 et suiv. (2) Voy. Meaume, Commentaires du Code forestier. (3) Ordonnance des rois de France, t. IV, p. 214. (4) Ibid. t. V, p. 218. (5) Ibid. t. II, p. 644. (6) Voy. la distinction étalilie par l'ortlonnance de Mclun de 1376. (Isamhort, neciicil général des anciennes lois françaises, t. V, p. 467.) 144 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. L'autorité luttait cependant en bien des lieux contre les usurpations des u:agers, et veillait à ce que les forêts ne fussent pas dévastées. En Anjou, dès le xf siècle, oi voit les seigneurs interdire l'enlèvement de la plus utile des essences, le bois de chêne (1). Philippe-Auguste fixî pour la Normandie un certain chifïVe que ne devaient pas' dépasser les ventes annuelles de bois (2), et il continua a étendre sur les forêts cette même protection vigilante dont les ducs avaient donné l'exemple (3). Ces mesures protectrices ne furent pas suffisantes pour arrêter le déboisement. On verra plus loin qu'elles durent être renouvelées sous les Valois. Les délinquants étaient plus forts et plus nombreux que les agents décidés à faire respecter les défenses émanées du roi. Les usurpations se produisaient de toute part. Dès le xii^ siècle, effrayés de leur audace, les ducs de Normandie faisaient rechercher avec soin celles auxquelles les droits d'usage avaient ou- vert la porte dans leurs forêts. (I) Marchegay, Archives cV Anjou, p. 3i4, 388. (1) A savoir : 2,000 liv. pour les bois du pays de Caux, 400 liv. iiour la forêt de Rouvray, 1 ,000 liv. pour les bois de Bur en Colentin, el 500 liv. pour la forêt de Vernon. 'Voy. l'indication de ce règlenionl dans Delisle, Éludes sur la rondilion de la classe agricole et Vêlai de l'ayrical- iure en Normandie, p. 303.) (3) En 1171, Henri II fait rechercher les usurpations qu'à la faveur (les guerres civiles, avaient commises ses sujets sur les forêts ducales. — Rob. du Mont, Appendix ad Sigebertinn. dans les Historiens de France, t. XIII, p. 315 On peut voir, dans l'ouvrage de M. Delisle, l'é- noncé de mesures semblables prises, dans la suite, en Normandie, jiar les souverains et les seigneurs iiarticuliers (p. 341 et suiv.). Ces curieuses indications montrent que les forêts étaient dans cette province l'objet do beaucoup plus d'attention qu'ailleurs. - Les rois de France, par les ordon- nances de juillet 137G, et de septembre 1402, prescrivirent aux adjudi- cataires de bois dans les forêts royales, de faire clore, le temps de vidange expiré, leurs ventes de bons fossés, de haies vives, afin d'empêcher les bestiaux de causer dommage aux semis de chênes qui y étaient faits après la coupe. (Voy. Conférence de l'ordonnance de Louis XIV y 1. 1, p. 305.) CHAPITRE IX. 145 Quand on parcourt les procès-verbaux de la réforma- tion des forêts royales opérée par ordre de Louis XIV, on est frappé du grand nombre d'usagers qui existait encore au XVII' siècle ; l'on peut alors se faire une idée de ce qu'il devait être, deux ou trois siècles auparavant, sous une administration moins éclairée et moins vigilante. Venaient d'abord les gros usagers : les seigneurs, les abbés, les prieurs ayant droit au baissée en estant et vert gisant, mort bois en estant et gisant avec pâturage, et qui prélevaient pour leur fouage un chiffre énorme de cordes, chiffre qui s'élevait souvent à près de la moitié du rendement total. Puis arrivaient les petits usagers, les paroisses limitro- phes de la forêt ayant droit de branches et remanants, droit de mort bois avec panage. De là, on le comprend, un affouage considérable et des abus qui menaçaient inces- samment les forêts de dévastation. 10 146 Li:S FORÊTS DE LA C.ALLI-: ET DE l'ANCIENNE [T.AN'CE CHAPITRE X. ÉTAT 1-ORESTlEB l'E LA FRANXE DU Xll" AL" XVl'= SIÈCLE, — l'OUtTS 1>E L'ÎLE- UE-1RANCe! FORÊTS DE SARRIS, DE ROUVRAY, DE LAYE, YVELINE. — I.K GATINAIS, FORÊT DE FONTAINEBLEAU. — FORÊTS DE LIVRY, DE BONDV, DE VINCENNES. — FORÊTS DE LA BRIE, DU VALOIS ET DU BEAUVAISIS. J'ai déjà présenté plus haut un aperçu sommaire de l'état forestier de la France au temps des Gaulois et donné quelques détails sur les grandes forêts à l'époque carlo- vingienne. Ce tableau serait insuffisant pour le moyen âge, car ce qui a été dit précédemment montre que de- puis, des révolutions partielles s'étaient accomplies dans le sol forestier. Il faut donc, pour se faire une idée de l'étendue et de la distribution de nos anciennes forêts, réunir, province par province^ les documents qui s'y rap- portent et chercher à en rétablir la topographie. Je commence par l'Ile-de-France, non pas seulement parce que c'a été le cœur de la nationalité française, mais encore parce que les environs de Paris subirent de très- bonne heure un déboisement considérable. La population s'étant fort agglomérée dans cette région de notre patrie, le besoin des subsistances accéléra le défrichement. Les forêts qui environnaient l'antique Lutèce, furent rapide- ment éclaircies et démembrées au profit du sol cultivé de sa banlieue. La consommation du combustible et des bois de charpente ne contribua pas peu à des abattis inconsi- dérés dans les forêts qu'avaient jusque-là ménagées le feu et la cognée (1) ; et elles étaient encore très-multipliées (l) Déjà, au temps de Suger, l'insuffisance des bois aux environs de Paris contraignit de faire venir les grosses charpentes des environs CHAPITRE X. 147 « aux xii" et XIII'" siècles ; elles se rencontraient presque dans toutes les directions. Cette ceinture arborescente de la capitale n'était interrompue que par des intervalles de quelques kilomètres. Aux portes de Paris, dans la direction du Nord , s'éten- daient les forêts de Sarris et de Saint-Denis. En 1193, la première de ces forêts occupait le territoire du village de Villeneuve-Saint-Denis, qui y fut construit, peu d'an- nées après, et dont la cure dépendit de l'abbaye royale. L'année suivante, Gauthier de Chàtillon, sénéchal de Bour- gogne, cédait à ce monastère la gruerie (1) et les autres droits qu'il avait dans la forêt de Sarris*, en faveur du nouveau village qu'on y voulait fonder. Plus tard, Mau- rice, évêque de Paris, autorisait la construction d'une église paroissiale au même lieu (2). C'est donc vers le xiii'' siècle que la forêt de Sarris com- mença à être défrichée ; deux siècles après, elle avait à peu près disparu. Elle devait recouvrir l'espèce d'isthme qui est compris entre les sinuosités de la Seine, d'Asnières à Argenteuil. La plaine de Gennevilliers, qui s'étend jus- qu'à Villeneuve-Saint-Denis, était également boisée, et voilà pourquoi ce dernier village s'appelait autrefois Vil- d'Auxerre : « Cumque pro trabium inventione lam noslros quam Paii- sienses lignoruni artifices consuluissemus, responsum nobis est, pro ooriim existimatione verum, in finibus istis propter sylvarum inopiam minime inveniri posse, vel ab Autissiodorensi pago necessario develii oportere. » (Suger, Libell. de vonsecralione ecdesiie S. Dioiiysii, dans les Ilisloriens de France, t. XIV, p. 314.) Les charpentiers exagéraient à ilessein, il est vrai, cette pénurie; l'illustre abbé, en visitant lui-même, à l'improviste, la forêt Iveline, y trouva des pièces de bois très-propres à faire de larges solives; mais l'allégation des ouvriers prouve au moins que le bois n'était plus, au xu* siècle, d'une abondance notoire dans les environs de la capitale. (1) Voyez, sur ce qu'on entendait par griicrîc, grairie ou grurie, l'ar- ticle de Baudrillart, DicUonnai) e général des taux cl foréls. (2) Voyez Félibien, Ilisloire de l'abbaye royale de Sahil -Denis, p. 210. 148 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. leneuve-la-Garenne (1). II y avait là des bois qui se ratta- chaient, dans le principe, à la forêt de Sarris. Le nom de forêt de Saint-Denis paraît s'être appliqué au canton de cette forêt touchant au territoire immédiat de l'abbaye. La forêt de Saint-Denis s'avançait originaire- ment dans la direction de Pontoise et recouvrait consé- quemment les frontières du Vexin français. De là le nom de forêt de Verrerie-en-Vexin qui lui est donné par un acte de 1202, dans lequel Jean de Gisors cède à l'abbaye royale une partie de ses droits sur la forêt (2). Celle-ci se continuait, selon quelques-uns, jusqu'à Xeuilly; car on a cherché l'étymologie du nom de Neuilly dans le mot lund, forêt (3). Peut-être ombrageait-elle dans le principe la rive droite de la Seine jusqu'au centre de Paris; on sait qu'à l'époque carlovingienne le quartier Sainte- Opportune était encore occupé par un bois (4). Il s'en- suivrait que le territoire répondant au Paris de la rive droite était anciennement enveloppé, à la fois par une épaisse ligne d'arbres et par un marais (5). Dans ce cas, on devrait considérer comme étant un démembrement de la forêt de Sarris, une forêt qui n'en était séparée plus (1) Ce nom de Garenne était précisément appliqué à toute celte partie de la banlieue de Paris ; il a valu le surnom de la Garenne à Clichy cl à Yilliers, dits jusqu'au xv* siècle, Clichy-en-la-Garenne et Villiers- en-la-Garenne. (Voy. Lecanu, Ilisloire de Clichy-la-Garenne, j). 15. — Paris, 1848.) (2) Félibien, Histoire de labbaye royale de Saint-Denis, p. 314. (3; Neuilly, en latin NuUiacitni, s'était d'abord appelé Lulliacuin el Lugniacwn. (Voy. Lecanu, Ilisloire de Clicliy-la-Garenne, p. 12.) (4} L'église de Ste-Opportune dut ce nom aux reliques do sainte Oji- portune, qui y furent apportées par Ilildebert, évèque de Séez, à l'occa- sion de l'invasion des Normands; elle s'appelait auparavant iV.-i^.-r/w- l'ois. (Voy. Lecanu, ouv. cil. p. 15.) (5) Voy, sur ce marais, qui existait encore à la lin du xu* siècle, el qui allait depuis le pont Perrin, situé rue Saint-Antoine, jusqu'à Chaillot. Félibien, Ilisloire de Paris, Preuves, t. III, p. 34. et Lecanu, ow. cil. p. 9. CHAPITRE X. 149 tard que par la Seine, celle de Rouvray {Rover itum) (1) qu'en 717 Chilpéric II avait concédée au monastère de Saint-Denis; elle s'avançait jusqu'à Chaillot (2). Le village de Boulogne, appelé d'abord Menus-lez-Saint-Cloud, s'é- leva sur l'emplacement des premiers larges abattis- qu'on y opéra (3). En 1358, la forêt de Rouvray, déjà fort ré- duite, ne s'appelait plus que le bois de Saint-Cloud (4). Le bois actuel de Boulogne en est le dernier reste. La forêt de Laye ou Leie, qui subsiste encore aujour- d'hui sous le nom de forêt de Saint-Germain, est désignée, dans le Polyptique d'Irminon, sous lé nom de Lida (5), d'où l'on a fait par corruption Lia, Lea, Laie ou Laye (6). Au xiii'^ siècle, il y existait de nombreuses clairières au milieu desquelles des habitations avaient été construites. Dans les Comptes de saint Louis , il est déjà question de Saint-Germain-en-Laye {Sanctiis Germaniis in Laya) (7), et l'on y mentionne également la Venda Layœ{8}. Réservée (1) Foresle nostra Roverilo eum omnemjure vel lermene suo ad inle- grum qnœ est in pago Porisiaco super fluvium Sigono, dit l'acte de concession. Historiens de France, t. IV, p. 694. (2) Challol, Challoel, Chail ou Cal, sont les noms sous lesquels, dans les anciens titres, le village est désigné. Le sens de ces noms est âestruc- tio arhorum ; et, en effet, Chaillot fut construit, vers le vii^ siècle, sur l'emplacement d'un abbatis opéré dans la forêt de Rouvray. Cette foret ne s'étendait pas toutefois jusqu'au territoire d'Auteuil, qui était, dès cette époque, occupé par des marais, des prés ou des cultures. (Voy. Le- beuf. Histoire de la banlieue ecclés. de Paris, p. 24.) (3) Lebeuf, ouv. cil. p. 18. C'est en 1343 que Menus-loz-Saint-Cloud prit le nom de Boulogne, de la chapelle de N.-D.-de-Boùlogne qui y fut élevée. (4) Lebeuf, ouv. cil. p. 24. (5) Polypt. d'Irminon, éd. Guérard, p. 90. (6) Lebeuf, Histoire du diocèse de Paris, t. VII, p. 210. (7) Historiens de France, t. XXII, p. 242. « Monasterium S. Ger- mani Parisiacensis cum ecclesia S. Vincenlii in sylva cognominata Ledia. » (Helgald. Flor. Epit. vit. Rob. reg. 31, ap. Historiens de France, t. X, p. 115.) (8) Histor. de France, t. XXII, p. 253. loO LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. aux chasses de nos rois, la forêt de Laye échappa pour ce motif aux défrichements qui firent promplemcnt dispa- raître la forêt de Sarris. Au xvii* siècle, elle continuait d'occuper une étendue très-vaste (1). L'abbaye de Saint-Dei>is possédait une forêt plus impor- tante encore que celle de Sarris, c'était celle qui s'éten- dait originairement sur les confins du pays des Caniutes et de celui des Parisii; on l'appelait au moyen âge la forêt Yveline {Aquilina sylva) (2), nom altéré plus tard en celui de forêt d'Yveline. Un démembrement de cette forêt a constitué la forêt de Chevreuse, dans laquelle Suger pres- crivit de couper les bois nécessaires aux constructions et aux agrandissements qu'il fit faire à l'abbaye de Saint- Denis (3). Les documents historiques et l'inspection de la carte prouvent que la forêt Yveline était originairement limi- tée au nord-ouest par la ligne de hauteurs qui part de Septeuil (Seine-et-Oise, arrondissement de Manies) et de la rivière de Yaucouleur, suivant une direction X. O.-S. E. ; sa limite septentrionale dépassait Néauphle-le-Chàteau (4) : en soite qu'elle a du, dans le principe, ne faire qu'un (1) Voy. 1 état de la Forêt de Laye en 1086 avec le plan manuscrit, indiqué dans le P. Lelong, Bibliothèque historique, tom. V, p. 353. n'° 34799. La Venda de Burgival ou bois de Bougival, mentionnée dans un document de la première moitié du xiu* siècle {Historiens de France. t. XXI, p. IbZ), doit avoir été un écart de la forêt de Laye. (2) Celte forêt est appelée Foresle equilina dans des chartes du viii* siè- cle. Voy. B. Guérard, Essai sur le système des divisions territoriales dr la Gaule, p. 139. (3) Félibien, Histoire de l'abbaye royale de Saint-Denis, p. 171. Celt<- forêt existe encore aujourd'hui, mais fort réduite-, elle a dû comprendre les bois de Sainte-Appolline, près Néauphle-le-Château, de Trappes c\ des bouquets environnants. (4) L'ancien bois de Néauphle est désigné dans les chartes sous le nom de Haya de Nie! fa. • CHAPITRE X. 151 avec la foret de Laye, et englober consëquemment la forêt (le Marly. Elle s'avançait certainement jusqu'à la voie ro- maine de Lutèce à Genabum, et renfermait alors la forêt qui reçut plus tard le nom de Palaiseau, de l'habitation royale qu'avaient en ce lieu les Mérovingiens (1). Les Comptes de saint Louis (2) font mention de celle-ci sous le nom de Venda de Palecel. Divers noms de localités situées à l'ouest de Montlhëry et de Longjumeau rappellent la présence de la forêt {Mlle- du- Bois, la Forest, etc.). Plus au sud, la forêt Yveline devait s'avancer jusqu'au voisinage d'Étampes ; car on trouve entre cette ville et Dourdan un village appelé laForest-le-Roi. Non loin de là est Allain- ville-au-Bois. Le bourg de Saint-Arnoult, situé entre les bois de Rochefort et ceux de Dourdan, portait jadis le nom de Saint-ihmoult-en-Yveline; ce qui démontre que les bois de Rochefort et de Dourdan étaient des dé- membrements de XAquilina sylva (3). Nous savons en effet que cette forêt, déjà mentionnée à l'époque mé- rovingienne (4), et dont Pépin fit donation à l'abbaye de Saint-Denis (5), avait subi, dès le xif siècle, de grands (1) Voy. Lebeuf, Histoire du diocèse de Paris, t. VIII, p. 1 etsuiv. et Disserlnl. sur l'Histoire de Paris, t. II, p. 215. — Ghildebert l" et Clo- taire III firent pendant quelque temps leur résidence à Palaiseau. (2) Historiens de France, t. XXI, p. 254. Le nom de Palaiseau, anté- rieurement Paleisol ou Palaisel, est une corruption de Palatiolum, « petit ])alais. » Cet endroit est cité ap. Translat. S. German. episc. Parisiens. dans D. Bouquet, Historiens de France, t. V, p. 427. (Voy. aussi Ex Vil. S. Ri(/omer. Jbid., t. III, p. 427, 428.) (.3) Cette forêt est aussi appelée ^quilina sylvn; peut-être l'étymologie de son nom est-elle la même que celle de la rivière d'Yvette, qui la tra- versait. Au moyen âge, il existait encore un bois d'Yvette [Haia de Evela) dans les environs de N.-D.-des-Vaux-de-Cernay, bois qui était certainement un démembrement de la forêt. (4) Grégoire de Tours, Histor. eccles. Franc, lib. X, ap. Historiens de France, t. II, p. 387, note K. (5) Voy. la charte de donation de l'an 768, dans D. Bouquet, Histo- riens de France, t. V, p. 707, 708. 152 LES FORÊTS DE LA GALLE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. cléfrichements et été scindée en plusieurs forêts. Ces dé- t'richemenls furent dus pour une bonne part aux moines de l'abbaye de Notre- Dame-des-Vaux-de-C ernay , fondée en 1118 dans le val de Bric-Essart, et dont l'impor- tance s'accrut rapidement. Dès cette époque, le terri- toire sur lequel s'éleva Gernay-la-Yille présentait un vaste essart que les chartes désignent sous le nom d'iss- sartwn Roberti (1). C'est là que fut construite une grande ferme qui a été l'origine du hameau iV Essart Robert, dont le nom s'est altéré ensuite en celui de Saint-Robert. A l'entour de Cernay-la-Ville, divers lieux-dits dénotent l'ancienne existence de bois qui n'étaient d'abord que des triages de la forêt Yveline ; tels sont : Choisel, la Grande- Hogne [Magna Haya), la Petite-Hogue {Parva Haya), le Cormier. Le village de Tyvernon, situé dans le même can- ton, donnait son nom à une forêt qui a disparu. Ce dé- membrement de la forêt Yveline contenait encore en 1511 une superficie de 200 arpents (2). Une autre forêt voisine de l'abbaye de Notre-Dame-des-Vaux-de-Cernay, qui ne subsiste pas davantage, la forêt deVaindrin, en contenait, à la même époque, 300 (3). Il y avait en outre une forêt plus petite, dite la Forêt du Prieur, close à fossés. Ainsi le bois de Trappes faisait originairement partie de V Aqtdlina sylva, et les noms de Hautes-Bruyères, les Es- ■sarfs-le-Roi, les Lays, la Brosse, la Grosse-Haye, toutes lo- calités voisines de ces bois, mais situées dans une partie maintenant découverte, en accusent l'ancienne extension. Entre les bois de Trappes et ceux de Sainte-Appolline, voi- sins de Néauphle-le-Château, existaient, il y a un siècle et (1) Voy. Merlet et Mou lié, Carlulaire de l'abbaye de Nolre-Dame-des Vaux-de-C ernay, t. I, p. 12 et 13, n"' 9 et 10. Paris, 1857, in-4°. (2) Merlet et Moutié, Carlulaire cité, t. II, appendice, p. 113. (i) Merlet et Moutié, Carlulaire cité, ibid. CHAPITRE X. 153 demi, de nombreux bouquets. La présence primitive des arbres est indiquée sur des points cultivés par les noms suivants : Dois-dArcy, le Buisson, les Gâtines, les Cou- drais, etc. La forêt de Rambouillet et celle qui conserve le nom de forêt d'Yveline, sont les principaux restes de (•ette grande marche forestière. Au nord- est de la seconde de ces forets se trouve la Celle-les- Bordes, qui, dans Cas- sini, est marquée comme un lieu découvert. Un petit bois voisin et un autre qui porte le nom de Foulleuse, formaient, au commencement du xvr siècle, une forêt (Sylva Follosii, Nemiis de Foillous) d'une étendue de 330 arpents (1); mais il y avait eu là antérieurement de grands défrichements, puisque les chartes mentionnent dès 1263 un large essart sous le nom d'Essarkim Che- nardi {^). Au xiii'= siècle, les forêts de Foulleuse et de la Celle-les-Bordes devaient donc s'être séparées depuis long- temps de la forêt principale. Les lieux-dits (3) indiquent que les défrichements avaient été opérés dans toutes les directions. La fondation de diverses abbayes y aida singu- lièrement. En 1031 fut construite l'abbaye de Saint-Léger, surnommée, à raison de son emplacement, en Yveline (Sanctus Leodegarius in Aquilina sylva) (4); elle donna son nom à un bois qui est un démembrement de la forêt Yve- line dont la sépare un vaste essart semé de noms rappe- lant la présence des arbres. Dès 1160, nous trouvons dans la même forêt Yveline, une autre abbaye, celle de Saint-Remi-des-Landes [Sanctus Remigius de Landis) ; (1) Merlet et Moutié, Cartulaire cité, ibid. (2) Merlet et Moutié, Caiiulaîre cité, t. I, p. 601, n» 643. (3) Voy. Féiibien, Histoire de l'abbaye de Saint-Denis, p. 176. (4) Voy. Ilelgold. Flor. Epitom. vil. Roberti reg. c. xxxi [Historiens de France, t. X, p. 115)-, Ohronic. Mauriniac. {Historiens de France, t. XII, p. 80.) 154 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. et cependant, à cette époque, malgré ces fondations pieuses qui multipliaient les éclaircies (l), YAquilimi sylva offrait encore une singulière étendue ; aussi était- elle le théâtre favori des exploits cynégétiques des rois et de leur cour. Louis le Gros, y étant à la chasse, fut pris de la fièvre dont il mourut (2). L'abbé Suger y diri- gea une chasse au cerf et y passa une semaine entièrr i^ous des tentes, avec plusieurs de ses amis et de ses vas- saux (3). Cette grande forêt Yveline doit, à une époque très-re- culée, s'être unie à l'est à la forêt de Bière ou de Fontaine- bleau, au sud à celles d'Orléans et de Montargis; car la région découverte qui sépare ces forêts prit le nom de GastinaisouGâtinais, en latin Vastinium{^), c'est-à-dire : lieu défriché. Cette désignation doit remonter aux Ro- mains; elle était certainement déjà en usage avant le xi^ siècle. Je reviendrai sur la partie du Gàtinais qui fai- sait partie de l'Orléanais, en traitant des forêts de cette province. Je ne parlerai ici que du Gàtinais français qui comprenait Dourdan, MontUiéry, Courtenay, Nemours et Moret, et occupait ainsi à la fois une fraction de l'ancien domaine de la forêt Yveline et une fraction de celui de Ja forêt de Bière iSijlva Bieria ou Biera) (5). Au xiir siècle, (1) Ajoutons tiue l'abbaye de Saint-Remi-des-Landcs, dont une légende, sans doute apocryphe, fait remonter la fondation au règne de Clovis, exis- tait déjà en 1160. {Gallia chrisl. l. VIII, col. 1299, Eccles. Camolens. (2) Voy. Orderic Vital, XIII, c. 32, t. V, p. 88, éd. Leprévost. (3) Suger, De rébus in adminislralione sua geslis, dans Duchesne. ffistor. de France, t. IV, p. 334, et Félibien, Hisl. de l'abbaye de Saint- Denis, p. 176. (4) On retrouve ce nom de Vaslinium, dont j'ai déjà parlé p. 124, ap- pliqué à bien d'autres contrées de forêts défrichées ; il a subi diverses altérations, par exemple, il est devenu Vauciennes dans la Champagne. Voy. ChaleUe, Précis de la statistique générale du départ, de la Marne, t. II, p. 195, et ce que je dis plus loin. (5) Ce nom est cité dans les Comptes de saint Louis i^Foresta Dicrra). CHAPITRE X, 155 :omme depuis, la forêt de Bière était la plus importante de l'Ile-de-France ; elle se rattachait à la forêt d'Emans ou Esmans, située dans le canton de Montereau, VAanan- tusoii VAgmantus des diplômes carlovingiens. Au ix^siècle, Emans était environné d'une lisière de quatre lieues de forêts qui suffisaient à l'engraissement de 500 porcs (1). La forêt d'Emans faisait corps à son tour avec la forêt d'Othe (2), dont j'ai parlé et sur laquelle je reviendrai, en traitant de l'état forestier de la Champagne. Il arriva [i:)ur cette forêt de Bière ce qui advint pour la forêt d"Othe; elle laissa son nom au canton ou pagiis dont elle avait auparavant recouvert le sol. En effet, l'épithète de en Bière, donnée à plusieurs villages, montre que le nom de Bière passa de la -forêt de Fontainebleau à un pays en quelque sorte conquis sur son territoire. Le pays de Bière ou de Bierre était jadis dans la circonscription du diocèse de Sens; il formait la limite septentrionale du Gà- tinais. Les villages de Ghailly-en-Bière, Villiers-en-Bière, existaient déjà au xiii^ siècle; celui de Fleury -en-Bière- date au moins du commencement du xii" (3). On ignore la date de la fondation de Saint-Martin-en-Bière. Ainsi le défrichement du pays de Bière est certainement antérieur au XI* siècle. Nous savons, d'autre part, que de très- bonne heure la forêt de Fontainebleau avait été cou- pée par de larges clairières oii furent bâtis des viens, dont Ilistor. de France, t. XXI, p. 174, et apparaît plusieurs fois dans le même document. De veteribus paliciis Bierix, de bosco caso in Bieriu, d>; esplelis Bierix. — Ifisloriens de France, t. XXI, p. 254.) Dans l'ordon- nance de Charles IX du 25 octobre 1573, la même forêt est appelée Forci de Bicre-lez-Fonknnebleau. Voy. Fontanon, les Édicls et Ordon- nances des Roys de France, 2e édit. t. II, p. 269. (1) Voy. Guérard, Polyplique d'Irminon, t. I, part, ir, p. 199, 207. (2) Voy. ce qui a été dit p. 43 et Gl. (3) Voy. F. Pascal, Histoire lopofjraphique, politique el statistique du départ, de Seine-et-Marne, t. I, p. 94, 97. 156 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRAN'CE. quelques-uns devinrent plus tard des villes ou des bourgj importants. Nemours, en latin Nemoracum, doit son noi à la forêt ou bois qui l'entourait {nemus) (1). A Morel {Moretus), se tint un concile dès l'année 850 (2). Dorj melles est peut-être encore plus ancien (3). Toutes 1( vraisemblances font donc admettre que, dès le temps de^ premiers Mérovingiens, la foret de Fontainebleau n'allai! pasau delà duLoing. S'il était prouvé queChâteau-Landon, qui fut dès le x^ siècle le chef-lieu du Gâtinais, répondît ai V^ellaKnodioiiwi de César, i\ faudrait faire remonter encore^ bien plus haut le défrichement de la partie méridionale de la forêt de Bière (4). Les Comptes de saint Louis mentionnent comme deux bois distincts, la Vendu Dianœ sylvœfii le Boscus Chapuis (5j . La première forêt est celle de Dian ou Dians, qui a laissé son nom à un village construit dans la vallée de l'Orvanne, à la hmite des départements de Seine-et-Marne et de l'Yonne, et fut jadis une résidence royale (6). On y voyait encore de petits bois en 1710 (7). Le nom de Dian ou Diane est visiblement une corruption du mot dean, forêt, que nous rencontrons ailleurs (8), et ayeut-être été l'ap- pellation primitive de la Sylva Bie?'a. Quoi qu'il en soit, la forêt de Dians est vraisemblablement un démembre- (1; Voy. G. Morin, Histoire générale du Gastinois, p. 302 et suiv. Paiij 1630. Le nom de Nemours n'apparaît guère que vers le xm* siècle. (2) Lupi Ferrariens. Episl. XLV, IJistor. de France, t. VII, p. 507. (3) F. Pascal, ouv. cil. t. Il, p. 423. Dormelles {Doromelhts) est men- tionné par Frédégaire [Chronic. 20) comme existant déjà au vi« siècle. (4) Voy. De bello gallico, VII, 11. (5) Voy. Historiens de France, t. XXI, p. 254. (G) Le château de Dians ou Dyan, après avoir appartenu aux rois de France, passa à la famille des Alégrains. (Vov. G. Morin, ouv. cil. p. 588.) (7) C'est ce qui est indiqué par Chalibert Dancosse, la Généralité de Paris, p. 328. Paris, 1710. (8) Voy. ce qui est dit p. 51. CHAPITRE X. 157 ment de la forêt de Fontainebleau, et l'on voit que ce dé- membrement est déjà fort ancien. Le bois Chapuis se trouve encore indiqué par la carte de Cassini, près Machault, qui fait maintenant partie du canton du Châtelet. C'est pareillement un reste de la forêt de Bière. La Chapelle-la-Reine avait déjà de l'importance au xi^ siècle : nouvelle preuve des réductions considéra- bles qu'avait subies la forêt, dès l'époque carlovingienne. A l'ouest, c'est-à-dire entre Melun et Gorbeil, les bois ont dû longtemps se continuer jusqu'à la forêt de Se- nart (1), mentionnée comme une forêt distincte dès 1308. Ainsi les arbres ne cessaienl guère alors qu'à quelques ki- lomètres de Paris. Divers noms de lieux, tels que Boissise- la-Bertrand, Boissise-le-Roi , Boissette montrent que la forêt des Rougeaux, sise sur la rive droite de la Seine, avait, antérieurement au xii' siècle, une extension bien autre qu'aujourd'hui, puisque c'est à dater de cette époque qu'apparaissent divers villages, tels que Vert (au- jourd'hui Vert-Saint-Denis), Le Mée (jadis Le Mas), Cesson, Savigny-le-Temple, construits sur des points où la forêt s'était jadis avancée (2). Sur la rive gauche de la Seine, les forêts disparurent de bonne heure entre Melun et Paris. Cependant on trouve mentionnée, jusqu'au commencement du xvii' siècle, une garenne dite du Louvre, qui s'étendait dans les environs de Bagneux et recouvrait une partie de la plaine située entre ce village, Vanvres et Issy (3). La forêt de Meudon n'a pas subi de bien notables ré- ,;^l) Voy. Historiens de France, t. XXII, p. 556. CeUe forêt s'étendait encore, au temps de Henri II,- des portes de Melun au port de Gharen- ton. Saint-Yon, Ordonnances des eaux el forcsls, p. 84. (2) Pascal, ouv. cit. t. I, p. 74 et suiv. (3) Saint-Yon, Ordonnances, p. 981. 158 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'ANCIENNE FRANCE. duclions, et, dès le vif siècle, Clamait [Clamanlum) exis- tait déjà. On trouve à cette époque et aux âges suivants, une foule de terres cultivées en cette partie de la ban- lieue de Paris, preuve qu'elle n'était pas envahie par la forêt. I\Ieudon est antérieur au xii" siècle, et Fleury exis- tait, dès le commencement du siècle suivant (1). La bande forestière qui longeait, de Melun à Paris, la rive droite de la Seine, en remontant plus au nord, allait se rattacher à une autre large bande sylvestre qui se par- tagea de bonne heure en trois grandes forêts, à savoir : la Sijlva Vilcena ou Vilcenna (2), aujourd'hui forêt de Vin- cennes, la Bungiacetisis sylva, aujourd'hui forêt de Bond y. et la Liber iacensis sylva, aujourd'hui forêt de Livry. Ces trois forêts , lorsqu'elles n'en faisaient qu'une seuio étaient désignées sous le nom commun de Lauchoniasyl" C'est là queChildéricIIfut assassiné en 673parBodiIlon(o). Le nom de Lauchonia disparut, dès que la forêt eut été démembrée; mais ces démembrements constituaient en- core des forêts très-considérables. La forêt de Livry ne por- tait déjà plus, en 1302, que la quahficalion de hoscus (4) ; celle de Bondy, qui devait son nom au village deBondics, plus anciennement Bonsies, existait déjà en 700 et approvi- sionnait de bois Paris au xv" siècle. Charles VI y alla piu- (1) Voy. Lebeuf, Histoire du cUoccsc de Ports, t. VIII, p. 366 lit suiv. (2) Cette forèl est désignée, dans les documents du xiii^ siècle, sous les noms de Vicenx boscus, Vicena' ou Vicenanim nemuS. Voy. Ili^' riens de France, t. XXI, p. 70, 223, 227 et possim. Lebeuf, ouv. ri p. 74, 75. (3) Voy. Frédégûire, Chronique, ap. D. Bouquet, Historiens de France, ', t. 1, p. 450. Cf. A. Jacobs, Géographie de Frédégaire, p. 458. (4) C'est ce qui résulte d'un traité i)assé entre Pierre de Chambly H Philippe le Bel, où le boscus de Livriaco est mentionné avec le boscus d' Alnelo (bois d'Anet'; et le boscus de Courbcron. Lebeuf, ouv. cil. t. VI. p. 200. •» CHAPITRE X. 159 sieurs fois chasser. Elle s'étendait jusqu'à la Marne et rejoignait la grande forêt des Sylvanectes jDar le canton actuel de Dammartin, dont l'ancien nom, jMiys de Goiielle, n'est sans doute qu'une altération du mot celte Coil, fo- rêt (1). En effet, il subsiste encore de nombreux bouquets dans tout ce canton. Au xiV' siècle, les bois de Moutgé {Nemus montis Gaï, boscus Rainaldi) touchaient à un bois appelé Gratuel, qui a disparu et qui s'avançait jusqu'aux environs de Pomponne (2). Au sud-est de Montgé, le village de Guisy, dont le terri- toire dépendait jadis de la paroisse de Plessis-l'Évêque, rappelle, par son nom, la présence d'une forêt à laquelle appartenaient les deux bouquets qui ont valu leur ap- pellation aux villages de Plessis-l'Évêque et de Plessis- aux-Bois'. Sans doute, la fondation, au xiii^ siècle, de l'abbaye de Chambre-Fontaine, de l'ordre de Prémontré, qui s'élevait originairement au sommet d'une colline d'où l'on dominait la forêt, en amena la finale destruc- tion (3). Dans la même région, mais plus au sud de Mont- gé, les noms de Choisy-le-Temple, Fresnes, portés par des villages sis en des lieux depuis longtemps découverts, accusent l'ancienne présence des bois. Ceux-ci s'unis- saient, selon toute vraisemblance, aux bois de Carnetin, qu'on doit considérer comme un démembrement de la forêt de Livry et de Montfermeil. Une localité située entre ce dernier village et Pomponne, garde encore le nom de Forcst. Le docteur F. Pascal, dans la carte qui est jointe à son Histoire du département de Seifie-et-Mame, a tracé la topographie approximative de toute cette région fo- (Ij Lebeuf, ouv. cit. t. VI, p. 169. (2) Voy. H. Cocheris, Notices et Extraits des documents manuscrits conserves dans les dépôts publics de Paris et relatifs à l'histoire de Picardie, t. I, p. 414, 417. Paris, 1854. (3) Pascal, ouv. cit. t. I, p. 430. 460 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. restière, qui constituait une marche septentrionale entre l'Ile-de-France et la Brie. Cette dernière province, aujourd'hui plus déboisée que les environs de Paris, était, à l'époque mérovingienne, encore puissamment ombragée. En parlant des défriclie- ments opérés par les moines, j'ai déjà dit quelques mots du Joranus saltus ou forètde Jouarre (1). Cette forêt n'était qu'une subdivision d'une forêt plus étendue qui entou- rait en partie la ville de Meaux (2), de l'est à l'ouest, en passant par le sud ; elle a laissé comme témoins de son antique existence les bois de Meaux et la forêt du Mans ou de Mant. Celle-ci s'étendait fort au sud-ouest, quand, au commencement du vu* siècle, saint Fiacre en com- mença le défrichement (3). Toutefois, les clairières n'y manquaient pas, et du massif principal s'étaient dé- tachés divers écarts, puisque c'est dans un petit bois ou breuil, peu éloigné de la forêt, que saint Fiacre fixa d'abord sa retraite (4). Les territoires de Boutigny et de Villemareuil ont été en partie formés aux dépens de la forêt du Mans ; ce dernier village ne futérigé en paroisse qu'en 1549(5). Dans la di- rection opposée, le village de La Haute-Maison, qui doit son (1) Voy. ce qui a été dit p. l'iS. Aclon jeta les fondements il l'abbaye de Jouarre, dans lo Joranus soUus, au vu* siècle. (Voy. Ton saint Duplessis, Histoire de l'Église de Meaux, t. 1, p. 34.) (2) En 1176, il est fait mention d'une forêt do Maham , en Hi ({ui devait se trouver dans les environs de Meaux, et qui servait d'; i traite à un ermite nommé Guérin. Elle fut cédée par l'abbaye de Saii;i Denis à l'abbaye de Notrc-Damc-dc-Chaage. (Félibien, Hisl. de l'abbayi de Sainl-Denis, p. 202.) En 1226, elle fut partagée entre cette abbaye ' et le comte de Champagne {Félibien, ihid. p. 224); son défrichemeni doit s'être opéré au siècle suivant. (3) Voy. Toussaint Duplessis, oxiv. cil. t. I, p. 53. (4) Toussaint Duplessis, Inc. cit. (5) Voy. Pascal, ouv. cil. t. 1, ]). 500 et suiv. CHAPITRE X. 161 origine à une chapelle fondée au xiii' siècle au cœur de la forêt, et quelques autres hameaux, sont aussi des con- quêtes de la culture. Il en faut dire autant du territoire du village de Pierre-Levée, des alentours du château de Mon- tebise, des paroisses deSigny et de Signets, réunies depuis 1489 (1). L'espace cultivé qui séparait^ à l'époque de l'in- vasion francque, le Joranus ou Jodrensis saltus de la forêt de Grécy-en-Brie, devait être peu étendu, en sorte que cette dernière forêt peut, ainsi que celle de Jouarre, être considérée comme n'ayant été qu'une simple subdivision de la Brigia sijlva ou grande forêt de Brie. La petite ville de Grécy remonte au delà du x^ siècle (2) ; on ne saurait dès lors attribuer une notable extension à la forêt dans sa région N. E., depuis l'époque de l'établissement des Francs; mais le nom de Grécy est la preuve qu'à l'époque gauloise, la forêt allait jusqu'à l'emplacement de cette ville. Plus tard, quand on eut oublié la signification du mot Grécy, dérivé, comme on l'a vu, du celte coat, la forêt prit le nom de forêt de Lubeton (3). L'inspection de la carte montre qu'elle a dû s'étendre originairement du grand Morin à la rivière d'Yères, suivant la direction nord-sud, et de la petite rivière d'Aubetin au ruisseau de Bréjon, suivant la direction est-ouest. Déjà antérieurement au xiii'' siècle, plusieurs paroisses et hameaux avaient été pris sur son territoire ; tels sont les villages de Touquin ou Toquin, de La Houssaie et de Fontenay-Tresigny , où Gharles IX eut une maison de plaisance. Le bois de Lu- migny est certainement un reste de la forêt primitive de (1) Toussaint Duplessis, Hisloire de l'église de Meaux, t. II, p. 650. (2) Pascal, ouv. cit. t. I, p. 529. (3) Dans un document de l'an 1308, cette forêt est encore appelée Foresta de Creciaco. Voy. Historiens de France, t. XXII, p. 556. il 162 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. Lubeton. Plusieurs lieux-dits du canton de Crécy rappel- lent d'ailleurs la présence primitive des arbres. Nous citerons : Choisiel, écart de la commune de La Gliapelle- sur-Crécy; Romainvilliers, dont le territoire réuni au- jourd'hui à celui de Bailly renfermait jadis un prieuré appelé de Bosco; Sylvelle,oîi s'éleva une maison religieuse des Trinitaires, et qui était compris dans la paroisse de Magny-le-Hongre ; un petit bois sépare encore cette der- nière commune de celle de Goutevroult (1); enfin Serris ou Sarris, nom dérivé du mot essart, et que nous avons vu plus haut avoir jadis désigné une partie de la forêt de Saint-Denis ; le hameau de Sarris devait son origine à des réserves faites dans la forêt de Crécy (2). Les forêts qui environnaient Lagny, l'ancien Latinia- r,wn, peuvent être considérées comme le dernier prolon- gement occidental de la forêt de Brie. Quand, en 64o, Erchinoald donna à Furcy l'emplacement où fut depuis construit un monastère, le lieu qui servit de retraite à ce pieux Écossais se trouvait au milieu d'une forêt, qui a valu son nom au village de Chessy situé à une lieue à l'.est de Lagny, au sommet d'un coteau qui borde la rive gauche (le la Marne. Les bois et le parc du château de Chessy, ([ue des peintures de Vouët ont rendu célèbre, sont les derniers et maigres vestiges de cette grande forêt (3). C'est au commencement du vif siècle, vers l'époque où saint Colomban visitait le diocèse de Meaux, où sainte Fare fondait l'abbaye du Pont, qui reçut plus tard le nom de Faremoutiers (4), que l'on peut faire remonter les pre- (1) Pascal, ouv. cil. l. I, p. 548. (2) Lebeuf, Histoire du diocèse de Paris, t. XV, p. 17. (3) Lebeuf, ibid. t. XV, p. 41. Cet auteur donne une fausse étymologii' <\\i nom de Chessy. (4) En effet, il est dit que sainte Fare alla s'établir dans la Sylva lirigifi, près d'un pont sur le Morin, qui valut à l'abbaye son nom. CHAPITRE X. 163 miers démembrements de la forêt de Brie; car c'est vers la même époque qu'il est pour la première fois question de la villa Calensis. Ce palais de Chelles, construit par les rois Mérovingiens (4), tire son nom des premiers abattis effectués dans la partie de la forêt de Brie^, la plus rapprochée de Paris (2). La région de la même forêt qui en- vironnait la nouvelle résidence royale, fut appelée la forêt de Chelles, et elle dut au plaisir de la chasse qu'elle four- nissait à nos rois (3), d'être préservée de la destruction; mais dans la partie orientale du Brigiensis saltus, les dé- frichements furent moins ménagés. Toutefois, l'importance <|u'a gardée jusqu'à nos jours la forêt de Crécy (4), prouve <|u'en cette région le déboisement n'a pas été fort étendu. Ce sont aussi les intérêts de la chasse plus encore que «eux de l'approvisionnement de bois, qui ont sauvé de la destruction une bonne partie de la bande forestière qui traverserait le sud de la Brie. Cette bande a laissé un im- portant vestige dans la forêt d'Armainvilliers dont dépen- daient jadis les bois de La Grange. Désignée d'abord sous le nom de forêt de la Ferrière, à cause du grand nombre de forges qu'elle contenait (5), cette forêt continuait au (Voy. Toussaint Duplessis, ouv. cit. t. I, p. 26, et Mabillon, Acia SS.Be- nedict. t. II, p. 117.) Cette forêt est désignée, dans la vie de saint Ouen, évêquf; de Rouen, sous le nom de Brigia sylva, Brigiensis saltus {cf. Aimoin, De gest. Francor. lib. IV, c. xli, p. 119, éd. Ducliesne). (1) Ce fut dans la villa Calensis que se retira* le roi Chilpéric I", après la mort de deux de ses fils. 11 venait de quitter la forêt de Cuise, et fit venir de Brennacum à Chelles, Clovis, le seul fils qui lui restât. (Voy. Grégoire de Tours, Hist. Francor. V, 40.) (2) C'est la même racine qui a donné le nom de Chaillot menlionné p. 149. — Voy. Lebeuf, oui;, c/ie, t. VI, p. 31. (3) Chilpéric pr fut assassiné dans cette forêt, comme il y chassait. Grégoire de Tours, Ilisl. Franc. VI, 46. (4) 11 y avait à Crécy, avant la Révolution, une maîtrise des eaux et forêts. (5) Ce nom est resté au village d'Ouzouer, dit: Ousouer-la-Ferri'cre . 164 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIE>'NE FRANCE. sud la marche boisée existant entre la Brie et l'Ile-de- France, dont il a été question plus haut. La ville de Brie- Gomte-Robert, jadis Bradeia, qui date au moins du vi" siècle, marque une limite inférieure de la forêt à cette époque ; Tournans, jadis Tournihamus,(\\x\ remonte aussi, suivant la tradition, à l'époque mérovingienne, nous fournit pour la même date sa limite à l'est (i). Au nord de Paris^ subsistaient au moyen âge bien des vestiges de l'ancienne forêt des Sylvanectes, dont j'ai fait connaître, dans un chapitre précédent, la prodigieuse étendue. Depuis la forêt de Montmorency jusqu'à celle de Cuise, autrement dit de Compicgne, se succédaient à courts intervalles des forêts considérables, tant dans leBeauvaisis méridional que dans le Valois. La grande forêt des Sylva- nectes n'avait cessé depuis l'époque gallo-romaine de se fractionner. J'ai déjà parlé plus haut de plusieurs des forêts- auxquelles elle avait donné naissance durant la période carlovingienne. Aux xif, xm^ et xiv^ siècles, son morcel- lement fut encore plus accusé. Le bois de Coye, appelé encore bois de Quaye [Boscus Coyœ, Qumjœ boscus), est mentionné dans différents do- cuments de ces époques, notamment dans les comptes de saint Louis (2), comme tout à fait séparé de la forêt de Cuise {sî/lva Cotia, devenu par corruption sylva Cuisin) dont il tirait pourtant son nom (3). Certaines circonstances, certains usages rappelaient l'unité primitive existant entre toutes ces forêts, isolées depuis. Ainsi, pour n'en citer qu'un exemple, les habi- (1) Voy. Pascal, ouv. cil. t. I, p. 184 et suiv. (2) Voy. Historiens de France, t. XXI, j). 275. — Cf. XXII, p. 507, 748. — On trouve aussi mentionnée une Veiula Coyœ. Voy. sur ce bois 00 que je dis jilus loin. (3; Voy. Historiens de France, l. XXII, j>. 507. CHAPITRE X. 165 taiitsde Servais enParisis, village qui devait, comme on l'a vu, son nom, Silvacum ou Silmacimi, à la forêt de Servais ou des Sylvanectes, avaient conservé le droit de panage et de pâturage dans la forêt de Goucy, démembrement le plus septentrional de la forêt primitive, et partageaient ce privilège avec les religieux de Prémontré (1), La portion de la forêt de Guise qui recouvrait la partie du canton de Vie située sur la rive gauche de l'Aisne, ne fut défrichée qu'aux xii*" et xiii^ siècles, tant par le chapitre de Soissons que par plusieurs autres communautés reli- gieuses établies aux environs (2). La célèbre forêt de Rest ou Retz (3), désignée aujour- d'hui sous le nom de Villers-Cotterets (4), peut être consi- dérée comme un des plus importants démembrements de l'ancienne sijlva Cotia (5) ; elle paraît même avoir, à une certaine époque, dépassé en étendue la forêt de Guise (6) (1) Voy. Forêts du département de V Ile-de-France. Bibl. imp. mss. fonds Versailles, n» 8037, 11. (2) Melleville, Dictionnaire historique du département de l'Aisne, 1. 1, p. 330. (3) Resti Foresia. Voy. Historiens de France, t. XXI, p. 253, 276; t. XXII, p. 526, 560, 567 et suiv. — Olim, éd. Beugnot, t. II, p. 206 (année 1282). (4) Villers-Cotterets n'existait pas encore au viu^ siècle, et tire sou origine d'une ferme autour de laquelle se groupa un hameau appelé d'a- bord Villers-Saint-George, et ensuite Villers- Col-de-Retz ou Coste-Retz, d'où Villers-Cotterets. (Melleville, ouv. cit. t. II, p. 456.) Cf. ce (Jue j'ai déjà dit sur l'étymologie de ce nom, p. 108.) (5) Ph. de La Marre, dans sa Vie de Languet (éd. Ludwig, p. 50, 51), s'exprime ainsi au sujet de cette forêt -. a Retise sylvse omnium fere quotquot in Gallia sunl praeter Compendiensem, vastissima3 et ferarum omnis generis refertissimse. » (6) L'ordonnance de 1575 veut qu'il soit coupé 100 arpents en la forêt de Retz, et 96 en la forêt de Cuise-lez-Compiègne. Si l'étendue des coupes réglées par cette ordonnance est, ce qui parait vraisemblable, proportionnelle à la superficie, il faut en conclure que ces deux forêts avaient alors une étendue de 22,000 arpents environ, puisque la forêt de la Neuville n'est comiirise que pour 23 arpents, c'est-à-dire pour 1/220* de sa superficie actuelle. 166 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. et était également le théâtre habituel des chasses royales. La fondation de l'abbaye de Longpont en 1131, à l'extré- mité orientale de la forêt de Retz, en amena le défriche- ment dans cette direction. Dès 1317, en était séparée la forêt de Dementart, qui commençait elle-même à se scinder en de plus petits bois, ceux de Longue-Roye, de la Croiz- le-Frison, de la Fautoye (1) qui ont eux-mêmes disparu. Nul doute que les bois que la carte de Cassini marque en- core dans cette région, au nord-est de la forêt de Retz, le bois desÉghses, un peu plus au sud celui de Vierzy, et en .s' avançant au midi, le bois deBlanzy,leboisLouisan,celui de Graine, ne soient d'anciens écarts de la forêt qui s'avan- çait vraisemblablement jusqu'à l'Ourcq. A l'est de la forêt de Retz s'étendait sur les confins de l'ancien pays des Suessions et de Tancien pays des Rêmes, entre la Vesle et la Marne, l'importante forêt de Dole {sylva Dola), mention- née au xi^ siècle. Elle a dû occuper les territoires des com- munes de Mareuil en Dole et de Nesle en Dole qui font partie du canton de Fère en Tardenois. La forêt qui a pris le nom de cette dernière ville, s'en était détachée à une époque fort ancienne ; d'autres lambeaux, les bois d'Or- mont, de Manières, s'en séparèrent dans un temps plus rapproché de nous. Aujourd'hui, toute la forêt qui a gardé le nom de Dole, n'offre plus qu'une superficie de 500 hectares, tandis que celle de Fère en présente environ 2000 ; mais au siècle dernier, la première occupait encore en bois taillis une surface de 2000 arpents (2). La forêt de Laigue appelée ensuite par corruption forêt de Laigle, et qu'on trouve désignée dans les anciennes chartes sous les noms de sylva Lisica, Lisgua, Esga (3), con- (1) Voy. Olim, éd. Beugnot, t. III, p. 114'2 (an. 1317). (2) Melleville, ouv. cit. t. I, p. 342. (3) Voy. Carlior, Ilisloire du Valois, t. II, p. 280. CHAPITRE X. 167 serva pendant tout le moyen âge une notable étendue ; plus visitée d'ailleurs pour les chasses que pour l'exploi- tation du bois, qui y est d'une médiocre qualité, elle était moins exposée aux ravages de la cognée (1). Au xvii'^ siècle, la forêt de Laigue était encore comprise entre l'Aisne et l'Oise. Plantée en futaies de chênes, elle offrait une super- ficie de 6432 arpents ; 300 arpents au sud avaient déjà été défrichés. Cet essart s'étendait au midi de la forêt de Saint-Pierre, qui avait à la même époque 740 arpents (2). Les forêts de Hez {Hecium, Hescium ou Hez) (3), celle d'Ageux (4), s'étaient détachées de la forêt de Cuise, dès le commencement de la seconde race (5). Mais celle de Guise qui avait subi, sous les Mérovingiens et les Carlovingiens, de notables défrichements, amenés par la présence à l'en- tour de, nombreuses habitations royales (6), ne paraît avoir éprouvé sous les Capétiens que de faibles réductions. Pendant des siècles, elle s'étendit sur la rive gauche de l'Aisne, depuis Pernant et Chaudun jusqu'à l'Oise, bien (1) Le nom de Lisgua ou Lisica est dérivé, selon quelques-uns, de Agua. aiguë (eau) ; et, en eiTet, cette forêt est tellement humide, qu'il a fallu la traverser en tous sens par des fossés, pour y rendre possible la production du bois de bonne qualité. Voy. ï Annuaire du départ, de VOise pour 1839, Slaiistique du canton de Ribccoiirt. (2) Voy. sur la forêt de Laigue, qui est encore une des plus belles de France, et a une contenance de 2,064 hectares, Fontânon, Edicts et Or- donnances, t. Il, p. 259, et Annuaire de VOise pour 1838, Statistiqur du canton de Clennont. (3) Voy. Historiens de France, t.^XXI, p. 507. Cette forêt, sise à rO. de Clermont, est aussi appelée forêt de la Neuville, du village de La Neuville qu'on dislingue, surnommé La Neuville-en-Hez. (4) Il faut aussi comprendre, dans ce vaste amas de forêts, les forêts d'Ourscamps, de Quierzy, sur la rive gauche de l'Oise. (5) M. Mclloville [ouv. cit.) n'admet pas cependant l'unité première de ces diverses forêts. (6) C'était dans la forêt de Cuise qu'allait chasser Chiipéric P'', qui s'y retira avec Frédégonde en 580, pour y donner cours au chagrin que leur donnait la mort de leurs deux fils, enlevés par l'épidémie. (Grégoire de Tours, Ilisl. Franc. V, 40.) 168 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. que des châteaux s'élevassent en quelques-unes de ses clairières. Tel est celui de Bétisy {Beslisiacum) où les rois de France ont plusieurs fois habité et qui est mentionné dès le XII® siècle (1). Un autre démembrement delà forêt desSylvanectes, ce- lui qui correspondait précisément au territoire occupé par le petit peuple de ce nom, donna naissance à la foret de Halatte {Halala, Halacta, Alatha, Harlata) (2), voisine de Senlis, et qui était encore souvent confondue, au xiv siècle, avec celle de Guise (3). Cette foret qui, plus tard, a pris le nom de la ville la plus importante qui l'avoisine (forêt de Senlis) (4), comme celle de Cuise a pris le nom de forêt de Compiègne (5), est déjà mentionnée dans les Comptes de saint Louis (6), et c'est à tort que Cartier, en son Histoire du duché de Valois Ci), dit que l'emploi de ce (1) Cette mention est consignée dans deux lettres de Louis VII, qui datent des années 1107 et 1168. (Cf. Hisloriens de France, t. XVI, \). 139, 140. Episiol. régis Ludovici VII ad var.) Le château de Bétisy est appelé Bistisiacensis recjia villa. Dans les Comptes de saint Louis (p. 275), on trouve mentionnée une Vente de la Chesnaye au-dessus de Bétisy {Vcnda Chesnaiœ super Beslisiacum). (2) Voy. Historiens de France, t. XXI, p. 253, 271. — Olim, éd. Beugnot, t. II, p. 223 (an. 1283). (3) Voy. V Annuaire de l'Oise pour 1834, Slalistique du canton de Ponl- Sainle-Maxence . (4) Elle est aussi' appelée forêt de Saint-Christophe. (5) En général, le nom de forêt de Compiègne a fini par être substitué à ces divers noms. Il a sa source dans l'institution des maîtrises, par l'ordonnance du 29 mai 1346, et dans la création de quatre de ces sièges pour le pays de Valois, dont l'un fut fixé à Compiègne. Cepen- dant l'appellation de forêl de Cuise subsista encore pendant plusieurs siècles. Sous Louis XIV, la plupart des actes disent forêl de Cuise-lez- Compiègne. (Voy. Statistique du canton de Compiègne, dans l'Ann. de l'Oise pour 1850.) (6) On y lit en effet les noms de Yenda Ilalate, Gruagium Halate. (His- toriens de France, t. XXI, p. 253, 271.) Dans un titre de 1165, cette fo- rêt est désignée par le nom de Lucus Halachius. (Voy. Carlier, ouv. cit. t. I, p. 57.) (7) Carlier, ibidem. CHAPITRE X. 169 nom ne date que du xiv^ siècle. Le mot Halatte paraît être une corruption du nom de Halta que portait une colline qui domine la foret et qu'on appela plus tard Mont Hal- tois (1). La forêt de Halatte s'est elle-même promptement réduite, et plusieurs bois et forêts s'en sont successive- ment détachés ; telles sont les forêts de Chantilly et d'Er- menonville. L'inspection de la carte montre que la forêt de Halatte devait, il y a cinq ou six siècles, être reliée à la forêt de Cuise par une succession de bois. Au xiv' siècle, il existait à Epinay-Champlatreux, près Luzarches, une forêt dite Foreste Hespyonie{^), qui n'était visiblement qu'un démembrement de la grande forêt de Senlis. Elle n'est plus représentée sur la carte de Cassini que par les petits bois, aujourd'hui à peu près disparus, du Tremblay et de Champlatreux. La forêt de Pontarmé et les bois d'Hervaux, situés au sud de Chantilly, sont pareillement un reste de cette forêt dont le village de CoyC;, en latin Cotia, rappelle le nom gaulois. Au xiv' siècle, la forêt d'Er- menonville était déjà distincte de celle de Perthes, qui avait fait originairement corps avec elle; elle s'avançait plus au sud et bordait la route qui va d'Ermenonville à Montagny. La forêt de Perthes elle-même se réduisait déjà à un bois contigu à un autre bois, celui de Coard ou Couard, mentionné à la même époque, et qui a disparu. Ce nom de Coard, que portent en France divers vihages construits sur un sol jadis boisé, paraît être une altéra- tion du mot coat. Sans doute que la fondation de l'abbaye (1) Voy. Annuaire de VOise pour 1841, Statistique du canton de Senlis. (2) Voy. le dépouillement du cartulaire de l'abbaye de Chaalis, donné dans H. Cocheris, Notices et extraits des documents manuscrits conservés dans les dépôts publics de Paris et relatifs à l'histoire de la Picardie, 1. 1, p. 384 (Paris, 1854). 170 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'anCIENNE FRANCE. (le Chaalis, qui devint propriétaire de plusieurs de ces bois, en hâta le défrichement (1). Un peu plus au nord-ouest de Paris, le déboisement était déjà très-étendu au commencement du xiii^ siècle. L'ancienne forêt de Beaumont-sur-Oise n'était plus qu'un bois (Boscus belli montis) (2). On doit donc regarder la frontière septentrionale du Parisis comme s'étant dégarnie d'une manière sensible aux xii^et xiii^ siècles. Le Valois {Vademis comitatus) res- tait sans doute encore très-boisé (3); mais une foule d(_ massifs d'arbres en avaient disparu; certaines essences mêmes ne s'y rencontraient plus (4). Le châtaignier, pai exemple, qui y dominait, comme l'attestent des noms de lieux et de vieilles charpentes, n'y existe plus aujour- d'hui (5). Dans le voisinage le plus immédiat de la capitale, le bois de chauffage commençait à manquer (6). Les forêts de la banlieue qui avaient d'abord suffi à la consom- (1) Cocheris, ouv. cit., p. 386. (2) Voy. Historiens de France, t. XXI, p. 253. (3) De vieux auteurs ont voulu mOme faire dériver le nom de Valois du grand nombre de vallées boisées qu'on y rencontrait, comme le rap- pelle le titre de cet ouvrage, imprimé en ICOO : « Le pais de Valois, ainsi appelé pour les belles vallées, boys ot buissons qui s'y trouvent, peint par Damiens de Templeux, sur ung mémoire et escript du feu sieur de Hurae- rolles. » 1600, in-fol. colorié. (4) Cette disposition de certaines essences des forêts d'un canton a été souvent le résultat d'une concession de droit d'usage accordé pour celte seule essence. Ainsi, dans la forèl de Mary, en Auvergne, le sapin a dis- [jaru des bois voisins de Salers, et le héu-e seul a survécu, parce que les habitants de Salers ne pouvaient couper que le premier bois. (Voy. J.-B. Bouillcl, Description histor. et scientif. de la haute Auvergne, p. 308.) (5) Voy., à ce sujet, les curieux détails consignés dans Brayer, .S'/^(- tistique du déparlement de l'Aisne. Laon, 1824. (6) Voy. Félibien, Pièces juslificatives à l' Histoire de Paris, p. 657. CHAPITRE X. 171 mation, devinrent tout à fait insuffisants (1). On dut recourir aux forêts de Crécy-en-Brie, de Fontainebleau, de Jouy, de Sourdun et à quelques autres plus éloi- gnées (2). C'est alors que Jean Rouvet, bourgeois de Paris, conçut l'idée du flottage, qui devait amener dans cette ville les bois de la Bourgogne et du Morvan (3). Déjà, au temps de Suger, l'insuffisance des bois contraignait d'envoyer prendre les grosses charpentes aux environs d'Auxerre(4). Ladisette du bois de chauffage s'était fait sévèrement sentir sous Charles VI. Pour y remédier, ce prince expédia, le 29 novembre 1418, aux trésoriers géné- raux des finances, des lettres patentes leur enjoignant de faire vendre extraordinairement, dans les forêts de Laye, de Senart, de Pommeraie (5), de Bondy et dans les bois les plus proches de Paris, jusqu'à 300 arpents. Plusieurs fois, sous ses successeurs, des mesures analogues furent or- données, afin de suppléer à la pénurie du combustible. Un arrêt du Parlement, du 26 novembre 1419, prescrivit (1) Voyez à ce sujet, dans les Annales forestières, en 1849, l'intéres- sant travail de M. Alfred Gerbaut, Sur le Bois de chauffage de Paris, depuis la fin du xm' siècle juscju'au règne de Louis XIV. (2) Baudrillart, Diciionn. général des Eaux et Forêts, au mot Bois de chauffage. Les forêts de Jouy et de Sourdun faisaient partie de la maîtrise de Provins. (Conf. sur ces forêts, Piganiol de la Force, Nouvelle description de la France, 3« édit. 1. 1, p. 18 et 19.) (3) Cette invention date de 1449. Jean Rouvet en fut le véritable au- teur; mais, dix-sept ans plus tard, Arnoul, bourgeois de Paris, s'en empara. (4) « Gumque pro trabium inventione tam nostros quam Parisienses lignorum artifices consuluissemus, responsum nobis est, pro eorum exis- timatione verum, iA finihus istis propter sylvarum mopiam minime inve- niri posse, vel ab Autissiodorensi pago necessario devehi oportere. -> (Suger, Libell. de consecratione ecclesix S. Dionysii, dans les Historiens de France, i. XIV, p. 314.) Voy. toutefois ce qui a été dit p. 147, au sujet de ce fait. (5) C'est le nom que l'on donnait à une partie dé la forêt de Villers- Cotterets, appelée, au siècle dernier, bois de Pommereau, et qui contenait alors 1,300 arpents. 172 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. une coupe extraordinaire dans les forêts de Bondy de Senart,et les forets des çnvirons de la capitale (1). C'était étendre les causes du mal pour en atténuer momentané- ment les effets. Au xvi" siècle, on se montra plus intelli- gent. Un édit de mai 1520, pour remédier à la pénurie du combustible, fit défense de défricher les terrains en nature de bois, bordant la Seine et ses affluents, et éta- blit un règlement pour la coupe des arbres et la conduite du bois de chauffage à Paris (2). Déjà à cette époque, au lieu de présenter un rempart quasi continu, comme au temps de l'invasion franquc, l'enceinte forestière de l'Ile-de-France avait été forcée en une foule de points et elle se réduisait à un certain nombre de grands massifs séparés par de larges éclaircies. (1) Voy. Belama^rejraité de la Police, t. III, p. 838 (Paris, 1770). (2) Isamberl, Recueil des anciennes lois françaises, t. XII, p. 173. CHAPITRE XI. 173 CHAPITRE XI. FORÊTS DE LA PICARDIE, DE l'aRTOIS, DE LA FLANDRE ET DU HAINAUT. Les forêts de la Picardie ne semblent point avoir été, au moyen âge, à beaucoup près, aussi nombreuses et aussi profondes que celles de l'ancien pays des Sylvanectes. La basse Picardie surtout était déjà, à cette époque, dé- pouillée de l'épais manteau arborescent, dont quelques lambeaux enveloppaient encore la partie orientale de cette même province. La plus célèbre des forêts de la Pi- cardie était celle de Cressy {Cresiaceusis foresta), que j'ai mentionnée en parlant des forêts de l'époque carlovin- gienne. Plus tard, on la trouve simplement désignée sous le nom de Sijlva foresteiisis ; elle avait certainement subi alors de notables réductions, surtout à l'est, où elle était traversée par une ancienne voie romaine qui a valu leur nom aux trois villages à' Estrées-lez-Cressy , Caiichy, Aoyelle-en-Chaussée. C'est dans cette forêt que vint s'éta- blir, au VH^ siècle, pour y terminer ses jours dans la re- traite la plus absolue, saint Riquier, qui avait quitté le monastère de Centule, connu depuis sous le nom de ce saint personnage (abbaye de Saint-Riquier). Le lieu de la Ibrèt où saint Riquier bâtit sa cellule lui fut donné par Gislemar, que la légende qualifie d'homme illustre et pieux, et par IMaurontus, préfet des forêts royales (jjro'fec- tus regiarum sylvarum). Cette dernière circonstance nous montre qu'au vii^ siècle la forêt de Cressy appartenait au domaine royal (1). D'autres cellules ^^s'élevèrent, après (IJ Voyez Gallia christiana. Ecdes, Amhian. t. X, col. 1307. 174 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. la mort de saint Riquier, dans cette même clairière de la forêt située au voisinage du village iWArgubius, aujour- d'hui Argenne, près de la Gauche. Au xi" siècle y était fondée une abbaye dite le Moùtier de la forêt ou Forêl- Montier {Fo?'esti monastermm) (1), dont la construction amena le défrichement de nouvelles parties de la forêt. Toutefois la surveillance active des officiers royaux et des agents des comtes de Ponthieu en fît respecter les hautes futaies (2), et sa superficie varia peu pendant plusieurs siècles ; c'est ce que démontre l'étude de la carte. Celle de Cassini place encore Forêt-Montier sur la lisière de la forêt de Gressy, à l'angle sud-ouest ; d'où il suit qu'il n'y avait pas eu d'essart de ce côté. A l'ouest et au nord, la petite rivière de Maye, qui traverse l'étang de Rue, a dû toujours présenter une limite naturelle à la forêt, et il n'y a que la plaine d'Auville qui ait pu être boisée. La forêt descendait vraisemblablement à forigine jusqu'à Saint-?sicolas-des-Essarts, dont le nom est très-significatif, et devait ainsi englober les bouquets du Plessiel et de Ha- loy (3). (1) Gallia chrùliana, t. X, col. 1307. (2) Voyez l'énoncé des amendes établies pour délits de chasse et vols commis dans la forêt de Cressy, dansV. de Beauvillé, Documents inédits concernant la Picardie, p. 132. L'activité de celte ancienne surveillance ressort des procès-verbaux de visite dressés lors de la réformation des forets de la province de Picardie, faite au xvii* siècle. (Voy. Dibl. imp. mss. fonds Saint-Germain, n" 27.) (3j Lors de la réformation des forêts de la province, en 1667, la forrt de Cressy renfermait, y compris le bois Biasset, 7,163 arpents 1/4 (nii - sures du roi). (Voy. ms. cité.) Les derniers déboisements de cette époqi. s'étaient opérés à l'est et au nord-est, près du village de Marcheuill' , dont les habitants avaient été réduits, par les dernières guerres, à trans- porter leurs cabanes dans ce canton de la forêt. La vallée dite desG/mei présentait déjà en 1667 une clairière entièrement dépourvue de bois, de deux journaux environ. La partie occidentale du bois Biasset avait servi, lors des mêmes guerres, de refuge aux habitants de Nouvion. De là la formotion de la clairière dite FInque. CHAPITRE XI. 175 Le grand nombre d'abbayes de la Picardie qui ont été fondées dans des bois aujourd'hui en partie disparus, montre que le Ponthieu et l'Amiénois doivent surtout les défrichements de leur sol forestier aux moines. C'est dans un bois au sud d'Amiens et voisin de Saint-Acheul, que fut fondée, en 1105, l'abbaye de Saint-Fuscien-aux- Bois {S. Fuscianus in nemore) (1). Près des bords de la Candie, existait, au milieu du xii^ siècle, un bois assez considérable où fut fondée l'abbaye de Saint-André, qui dut à cette circonstance son nom &q S . Andréas in nemore (Saint-André-aux-Bois) (2). Sur la carte de Cassini, l'empla- cement et tout le canton où se trouve Saint-André sont marqués comme déboisés. On ne rencontre plus, à cette heure, qu'une sorte de remise adjacente aux champs de Grémecourt; le bois a donc disparu depuis le xii" siècle. Vers la même époque, en 1125, une autre abbaye, celle de Saint-Josse-aux-Bois {S. Judociis in nemore) (3), dési- gnée plus tard sous le nom de Domp-Martin, était cons- truite dans une forêt, sise au nord de la forêt de Cressy, près de l'Authie et dont ne s'aperçoit presque aucune trace. A l'est de Saint-Just, dans le diocèse de Beauvais, exis- tait un autre bois qui valut à l'abbaye de Rurecourt son appellation vulgaire : Saint-Martin-aux-Bois (4). A peine un bouquet en reste-t-il aujourd'hui. Le déboisement est donc aussi, dans cette localité, postérieur au xii« siècle. On peut citer également parmi les forêts qui ont dis- paru delà Picardie, celle de Holmes subsistant encore au xin*= siècle et dont la destruction semble avoir été la con- (1) Gattia christiana, Eccles. Ambian. t. X, col. 301. (2) Gnllia chrisliana, t. X, col. 315. (3) Gallia christiana, Eccles. Ambinn. t. X, col. 303. (4) Ibid. t. X, col. 8-:G, Eccles. Dcllovac. 176 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. séquence de l'établissement par Philippe-Augusle d'une forteresse dans son voisinage (1). Le Boulonais, dont le sol forestier ne semble pas, au reste, avoir jamais été bien riche, subit de bonne heure de notables défrichements ; c'est ce qui se passa aussi dans l'Artois, qui était beaucoup moins découvert. Ces défriche- ments furent surtout l'œuvre des nombreuses abbayes élevées dans les diocèses de Boulogne et de Saint-Omer. L'abbaye de l'Ostine ou de Westine {Vastina), qui date de 1195 (2), tire son nom des défrichements qui lui don- nèrent son territoire. Le même motif fit imposer le nom de Wasùnum ou Guatamim à une autre abbaye, celle de Watten, fondée vers la même époque dans une forêt {fo- resta) (3). L'abbaye de Ruisseauville {Russellivilla), fon- dée, à la fin du xf ou au commencement du xii* siècle, dans le diocèse de Boulogne , porta d'abord le nom de Sainte-Marie-du-Bois {B. Maria in nemoré) (4). Et ce- pendant la carte de Gassini place Ruisseauville dans un lieu maintenant complètement déboisé. Le bois qui (<) Voy. Chroniques de Saint-Denis, 1. III, dans les Hisloi: de h'r. t. XVIII, p. 399, et Guillelm. Armorie. De geslis Philippi Augitsli, ilans les Hùlor. de Fr. t. XVII, p. 86, B. — Un grand nomlire de bois cl du forêts de la Picardie, aujourd'hui réduites à de simples bois ou même to- talement défrichées, sont mentionnées dans les actes. Nous nommerons notamment les forêts de Tirincourt et de Croy, dont parle la charte de fondation de la collégiale de Saint-Martin de Picquigny, de l'an 1066. {Galiia chrisliana, Ecoles. Ambian. t. X, col. 290.) Gassini n'in- dique plus près de Croy qu'un simple bouquet. (2) Gcdlia chi^istimia, Eccles. Audomar. t. III, col. 537. (3) Galiia cliristiana, t. III, col. 522. Eccles. Alreb. Ce monastère du diocèse de Térouanne ou Saint-Omer, passa ensuite au diocèse d'Arras. (4) Voy. Galiia chrisliana, l. X, col. 1607, Eccles. Bononens. La charte de fondation dit que l'abbaye fut élevée dans une clairière de la forêt. « Iiï vaciio arboribiis spalio ncmoris. » Au même diocèse de Bou- logne, deux autres abbayes furent fondées au milieu des bois, Samer-au\- Bois {Samcriwn in Bosco) et Saint-Sauguier-aux-Bois (Sanclit.s Salvivs in Bosco). fi CHAPITRE XI. 177 donna son nom à l'abbaye, a disparu depuis le xii" siècle. Il devait ne faire originellement qu'un avec ceux deFruges fort distants au nord de Ruisseauville, et englober divers bouquets épars depuis le bois de Créqui jusqu'aux bois de la Ternoise. Sur la route d'Hesdin à Fruges, on voyait jadis une chapelle Saint-Hubert, élevée pour la pro- tection de ceux qui venaient chasser dans la forêt. Une autre localité du même vocable se trouve près de Biès. Lors de la réformation des foréls du Boulonais et de la Picardie, en 1667, la forêt de Hardelot contenait encore i,220 arpents, 20 verges; celle de Guines, 1,788 arpents ; celle de Boulogne-sur-Mer, 4,432 arpents; celle de Desu- resmes, 2,242 arpents, non compris les bois des Monts et de Quesnet (1). Aujourd'hui la forêt de Boulogne ne ren- ferme plus que 3,300 arpents environ (2), et les autres ne sont pas moins réduites. On a des preuves certaines que les forêts d'Hesdin et celle du Forestel, située au sud du Vieil Hesdin, ont eu une extension fort supérieure à celle qu'elles présentaient au siècle dernier. La première s'a- vançait au nord-ouest jusqu'à la chaussée de Brunehaut; elle occupait, au xvii"' siècle, une superficie de 1,933 ar- pents. La seconde, qui tenait à la forêt d'Arguel, en avait 591 ; elle a dû recouvrir, dans le principe, les deux rives de la Canche et s'avancer jusqu'à l'Authie. Dans la région orientale de la Picardie, subsistaient les débris de la partie septentrionale de la forêt des Sylva- nectes et de la partie méridionale de la forêt Charbon- nière. Si quelques forêts royales gardaient la majesté et l'étendue qu'elles avaient à l'époque carlovingienne^ d'au- (1) Voy. 1(1 Réformalion des eaux et forets de Picardie, Artois, Bou- lenois et Pays reconquis. Biblioth. impèr. mss. fonds Saint-Germain, n" 26. (2) Voy. Bertrand, Histoire de Boulogne-sur-Mer, t. II. p. 170. 12 178 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE lUANCE. très s'étaient singulièrement réduites; tel fut le cas pour la Vosagus sïjlva dont le nom s'était altéré en celui àQ Syl- va Voesia (1), forêt de Voase ou Voëse. Nous avons dc^'à dit plus haut que c'est au milieu de cette forêt que fut fon- dée, au xii'" siècle, la célèbre abbaye de Prémontré {Prœ- monstraturn), chef-lieu d'ordre (2). Antérieurement une autre abbaye avait été élevée dans la même forêt, celle de Saint-Mcolas-du-Bois ou du Saut {S. Nicolaus in Bosco ou de Saltu) (3). La forêt de Voëse était, au xii' siècle, aussi désignée sous le nom de Vendogia ou Vedogia (4). A cette époque, elle s'étendait entre l'Ailette, l'Oise et la Serre jusqu'à A-sis et Laon (5); elle se divisa en plusieurs quar- tiers qui finirent par constituer des forêts séparées : la forêt de Goulommiers ou de Folembray, le bois de Fores- telle, du Tilleul, de Tranlois, etc. Le plus important de ses lambeaux est la forêt de Saint- Gobaiu; c'est surtout aux xii' et xiif siècles, que la forêt de Voës fut défrichée en partie, grâce aux moines de l'ab- baye de Saint- Vincent de Laon. La forêt de Goulommiers, déjà mentionnée sous le nom de Colombaria sylva en l'an 831, perdit ce nom, puis celui de Folembray, pour prendre le nom de Forêt basse de Coucy (6), du voisinage (1) Voy. ce qui en a été dit p. 110. (2) « Sed et aliud construxit monaslerium clericornm, in loco qui vo- catur Cuissiacus, abbatemque ibi ordinavit... Gum auteni vidisset mo- nachos Valclarenses qui prope manebant, contendere contra vicinos suos canonicos Cuissiaccnses pro quadam conligua sylva, etc. » Gesia Bartholomxi Laudunensis cpiscopi, dans les Historiens^ de France, t. XIV, p. 346. (3) Voy. Guiberl de Nogent, dans les Historiens de France, t. XIT, p. 249. Gallia chrisliona,i. IX, col. 010. Eccles. Laudunens. (4) 5. Nicolaus de sylva Vendogii Suessionis, lit-on dans une lettre de Samson, archevêque de Reims, à Innocent IL Voy. Historiens de France, t. XV, p. 404. (5) Melieville, Diclionn. histor. du départ, de l'Aistie, t. II, p. 4C8. (6) Melieville, ibid. 1. 1, p. 296. CHAPITRE XI. 179 4e cette ville, qui empruntait elle-même le ien à la grande forêt des Sylvanectes (1) ; elle ne présentait plus, au siècle dernier, que de faibles vestiges. L'inspection de la carte permet d'en retrouver les limites originelles. La forêt de Goulommiers englobait la foret Basse, placée dans Cassini au nord de Coucy, et les grands bois des Avow-s. Toute la contrée, jusqu'aux j:'ivières de Souche et de Serre, fut visiblement recouverte naguère d'arbres. Saint-Nico- las-du-Bois, dont il vient d'être question, se trouve dans une partie actuellement déboisée. A l'est du bois des Avours, on rencontre un lieu maintenant faiblement om- bragé, dit le Mont-de-Forêt, Les noms de Bussy-les-Ra- monts, Bois-Roger, Sart-Notre-Dame , témoignent de la présence ancienne des arbres sur des points qui en sont actuellement tout à fait dégarnis. Le nom d'Ardon, porté par un village situé entre Bruyères et Laon, n'est pas moins significatif; il rappelle celui de l'Ardenne, forêt dont celle de Voëse n'est qu'un antique démembrement, comme on le verra plus loin. Un autre village, sis au sud de Bruyères, s'appelle Vorges ; ce mot semble être une corruption du nom de Vosges, transcription française de Vosagus. L'épithète de Waste, que reçoit le village de Monceau, situé dans la grande plaine s'étendant vers la Souche, dénote l'existence d'une gâtine ou large défriche- ment opéré anciennement dans la partie de la forêt qui constitua le bois de Samoucy. Ce dernier bois représen- tait déjà, à l'époque carlovingienne, comme on l'a vu plus haut, une forêt séparée; le village de Coussij-les-Aipes (Cociaciis juxta Apiam), situé plus au sud, tire son nom, ainsi que Coucy, de la grande forêt primitive des Sylva- nectes. (1) Voy. ce qui a été dit p. ôQ, 1 10. 180 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L* ANCIENNE FRANCE. Le reste le plus septentrional de la forêt de Voëse qui sépare le territoire des Bellovaques, de celui des Sues- sions, semble être la forêt de Bouveresse, appelée jadis forêt de Boveresche ou de Beverisse, sise au sud de Saint- Quentin et au nord de Ribecourt. Nous possédons sur l'état de cette forêt en 1260, un document curieux (1) qui indique quelles étaient alors les parties boisées entre Guiscard, Montdidier et Nesle. Nous voulons parler d'un texte des Olim où sont mentionnés une foule de noms de bois et de forêts, dont bon nombre ont totalement dispa- ru (2). Il ressort de ce document que la forêt de Boveresse ne s'étendait pas alors beaucoup plus au nord que ne l'in- dique, 500 ans plus tard, la carte de Gassini. Les villages de Solente, d'Ercheu (Ilerchieu dans le document), d'O- gnoles, de Moyencourt, les hameaux de Wally, de Breuil (Breuille dans le document), existaient déjà. Seulement, on mentionne près de Breuil, un bois qui a disparu sur la carte de Gassini {Xe?)ius qui cUcitur Le Breuille). Le nom de^Gressy porté par un village situé au nord de la même forêt, au voisinage des lieux que je viens de rappeler, date (1) Voy. Olbn, éd. Beugnot, t. I, p. 115. (2) Nous extrayons de ce document le passage suivant, où se trouvent mentionnés bon nombre de ces bois : « Celerum dicebant ipsi milites et armigeri quod a nemore de Rovroy usque ad nemus quod vocatur les Conchis de Cavaignes, in omnibus terris arabilibus que sunt inter dicta nemora de Rovroy et de Conchis, usque ad rivum aque que vocatur "Verse ; item in omnibus nemoribus que vocantur les Conchis de Cavai- gnes et de Gratoil et nemoribus Pétri de Kilescort et nemore bastardi de MoUcncort et nemore Raboudi, militis, et nemore quod dicitur Le Fretoy et nemore quod dicitur les Conclus Sancli Clementis et a dictis nemoribus. in omnibus terris arabilibus et possessionibus silis inter dicta nemora et uquam (jue dicitur Verse, oxcepto molendino de Tyllencort... Ilem a ne- more quod vocatur les Conchis Sancli Clementis in terris arabilibus et nemore (luod dicitur Cauda de Bucliy et aliis terris arabilibus et posses- sionibus usque ad Plancham de Mevc... Item ab exitu nemoris des Crous de Boveresches versus Roienglese (Royoé'.dise ), usq\ie ad muriiloa dicte ville, etc. » CHAPITRE XI. 481 certainement d'une époque bien plus ancienne; car il doit avoir été imposé, peu après le défrichement de la partie de la forêt où il fut construit. Au sud de la forêt actuelle de Boveresse, les limites n'ont pas changé sensi- blement davantage, puisqu'on trouve déjà mentionnés dans le document en question les villages du Fretoy et de Campagne, d'où il suit que les deux essarts au milieu desquels ils se trouvent, sont antérieurs au xiii" siècle. Si, au midi et au septentrion, la forêt de Boveresse a gardé pendant cinq siècles presque les mêmes limites, elle devait en revanche s'étendre beaucoup plus à l'ouest et au sud-ouest, et s'avançait vraisemblablement jusqu'au ruis- seau deMareuil. Quand on rapproche les indications de la carte de celles de la pièce des Olim du Parlement, on voit que tout le pays au sud de Nesle, de Roye, en tirant sur Montdidier, a dû être déboisé; mais en 1260 ces bois depuis longtemps ne formaient plus une forêt continue; ils avaient chacun leur nom particulier (1). Gassini ne place en ce canton que quelques bouquets ; mais le grand nombre de lieux-dits formés avec le mot Rue révèle la présence de l'ancienne forêt. C'est ainsi qu'à l'est de Tilloloy, on rencontre la Rue de 3Iaiibinsso?iy la Rue des Puquettes, la Rue de l'Abbaye. Près de Gonchy-les-Pots, lo- calité mentionnée dans notre document, et au sud de Til- loloy, se trouve encore marqué dans Gassini un bois de quelque importance. Au midi de Plessier-de-Roye repa- raissent également en foule les lieux-dits formés avec le mot Rue ; Rue de la Plaine , Rue d'en haut, Rue du Rraij, etc. , et plus au sud, Rue du Rout, Rue du RJiosne. Les deux essarts dont sur la carte de Gassini, la Potière-Pezzé et La (I) Outre les bois cités dans le passage précédent, nous rencontrons encore le Nemus de Bonoil, le Nemus majus de Herchieu, le Nemus des llalois, le Nemus quod diciiur les Quesnmjs. etc. 182 LES FORÊTS DELA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. Toutelle occupent à peu près le milieu, sont \isiblement d'origine assez moderne. Tout concourt donc à nous faire admettre que, depuis le xiif siècle, la forêt de Boveresse a été largement défri- chée dans sa région occidentale. Au nord de la forêt des Sylvanectes, sur les confins de la Picardie, duCambrésis et de l'Artois, la forêt d'Arouaise, dont j'ai dcgà parlé plus haut, reçut, à partir du xii" siè^ cle, de larges éclaircies. Elles furent dues surtout à la fondation de l'abbaye de Sainte-Trinilé, autrement dit Saint-Nicolas-d'Arouaise, en l'an 1098 (1). La carte de Cassini marque cette forêt comme complètement distincte et séparée par un espace de plusieurs kilomètres, des bois de Liessies et d'Andigny. Or, dans la demi-lune défrichée qu'enveloppe le premier de ces bois, se trouve une loca- lité du nom de Vaux-en-Arrouaise. On doit donc regar- der ces deux bois, ainsi que les forêts de Bohain et de Beaurevoir, les bois de Tupigny, d'Hennechies, de Gui- sancourt et quelques bouquets voisins, comme autant de lambeaux épars de la forêt d'Arouaise (2). L'établis- sement de la voie romaine qui traversait celle-ci et qui a laissé son nom à Estrées-en-Arouaise (canton du Catelet), y appela les premiers défrichements (3)^ Au nord-ouest de Saint-Quentin, dans un canton actuellement très-dé- couvert et qui l'était déjà au siècle dernier, se trouve Montigny-cn-Arouaise. D'où il suit que l'ancienne Arida Gamantia devait recouvrir une bonne partie du Vermaii- (1) Voy. Chronic. Camcrar. dans les Historiens de France, t. XI, p. 128. — Gallia christiana, t. III. Ecoles. Airebaten.y col. 433. Cf. ce qui a été dit p. 56. (?) Voy. Melleville, Dictionnaire historique du départ, de l'Aisne, 1. 1, p. 40. (3) Voy. Cocheris, Notices et extraits relatifs à la Picardie, t. II, p. 504. Cf. ce quej'ai dit p. 56, note 4. CHAPITRE XI. 183 dois; elle n'était conséquemment sépare'e de la forêt de Thiéraclie que par un espace de quelques kilomètres. Un village appelé Pleinc-Selve rappelle par son nom la pré- sence, entre Ribemont et IMonceau-le-Neuf, de la forêt. Un acte de 1322 mentionne la foresterie de Wimy (1). Cette forêt, qui s'étendait aux environs d'Oliis, dans le canton d'IIirson, a disparu. Elle devait être un démembre- ment de la forêt de Tliiérache, puisque le village de Wimy, déjà existant au xii^ siècle, faisait partie du pays de ce nom (2). Sur la carte de Cassini, la forêt de Wimy n'est plus représentée que par de simples bouquets ; mais à l'entour de Wimy, sont tracés plusieurs chemins portant encore le nom de Rue [Rue de la Chasse, Rue des Cen- dreux, etc.). La forêt de Wimy se rattachait au nord à la forêt dite la Haie-de-Fourmies, jadis propriété de l'abbaye de Liessies et démembrement de la forêt de Thiérache. La fondation, en 940, de l'abbaye de Saint-Michel-en- Thiérache, qui a valu son nom à la forêt de Saint- Michel, celle de l'abbaye de Glerfontaine, non moins riche en bois que sa voisine (3), ont certainement hâté la des- truction des restes de la grande marche forestière du Vermandois. La constitution en forêts séparées des principales divi- sions de la forêt Charbonnière, explique pourquoi le nom de celle-ci disparut au moyen âge. Déjà, à la fin du xn'' siècle, elle n'est plus représentée que comme un bois, Nemus Carboneria (4). Dans sa partie nord- est, la forêt (1) Cocheris, ouv. cit.— Galliachristiana, t. IX, p. 600. Eccles. Audom. (2) McUeville, ouv. cit. t. II, p. 476. (3) Coclicris, ouv. cil. t. II, p. 517, 526, 592. Il est dit que l'abbaye de Saint-Michel fut élevée ad deseriiim locum in sylva Teoracia. (4) Voy. Gislebert. Montons. Ilannaon. Chronic. dans les Historiens de France, t. XVIII, p. 377. 184 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. Charbonnière avait, à la même époque, fait place à des bois et des forêts désignés par des dénominations spé- ciales. Il existait alors aux environs de Maubeuge quatre bois distincts, ceux de Tiloit, de Faiisc, de ('oui. 370. (2) Yoy. ce qui a été dit sur ce nom, p. 100. I 190 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE Rozoy en Thiérache; Sevigny, village situé au sud du bois de Voilep, et où il faut peut-être reconnaître le Sylvinia- cum mentionné dans une charte de 1380 comme se trou- vant au voisinage du bois de Valencourt (1). La forétde Thiérache s'était graduellement subdiviséeen plusieurs cantons qui devinrent des forêts distinctes, et parmi lesquelles il faut compter les forêts de Wattigny, de St-Michel, d'Origny, de Renneval, deNouvion, les grands bois de Ilonduin et de Ciny, les haies de Vigneux, de Ghaource, de Guise, d'Artaing(2). J'ai déjà parlé ci-dessus de quelques-unes de ces forêts. La haie de Ghaource {Ca- lusiacum, et par corruption Cadussa, Cûdurca, O/oursius) occupait jadis l'espace compris entre la Serre et le Gros- Dizy. Au xii" siècle, elle appartenait aux seigneurs de Rozoy, et l'un d'eux la donna en 12 10 aux moines de St-De- nis, avecledroitde l'essarter (3). La haie deVigneux s'éten- dait du village de ce nom jusqu'aux rives de la Serre; elle fut également défrichée par les moines de St-Denis qui en étaient propriétaires (4). Quant à la forêt d'Origny {Sylva Origniaci), elle s'étendait autrefois vers le confluent du Thon et de l'Oise (5). Ainsi encore au moyen âge, malgré des défrichements nombreux, surtout dans sa région nord-est, l'ancienne forêt Gharbonnière avait laissé des vestiges aussi étendus que multipliés. Tout l'ancien territoire des Ncrviens con- servait la plus grande partie de son manteau forestier. La forêt de la Fagne formait la lisière méridionale de la grande forêt qui recouvrait dans le principe le Ilainaut (1) Voy. V. J. Lecaipenlier, Histoire de Cambray. Preuves, p. 56. Peut-être était-ce Selvigny. (2) Melleville, ouv. cit., t. Il, p. 370. (3) Melleville, ouv. cit., t. I, p. 206. (4) Melleville, ouv. cit., t. II, p. 447. (5) Melleville, ouv. cit., t. 11, p. 185. CHAPITRE XII. 191 et le Brabant (1). De la Sambre à la Meuse, le réseau arbo- rescent devenait plus épais et plus serré; on entrait alors dans ce qui représentait à proprement parler la forêt des Ardennes. L'extension de la culture, due à l'introduction vers le xYi^ siècle, dans le nord de la France, des plantes oléagi- neuses, telles que le colza et la navette (2), donna plus de valeur aux terres arables et poussa au défrichement. Aussi est-ce à cette époque qu'il faut rapporter l'essartement de divers cantons des forêts qui viennent d'être passées en revue. (1) Voy. ce que j'ai dit de cette forêt, p. 54, 60. (2) Voy. G. Dareste de la Gtiavanne, Histoire des classes agricoles en France^ 2« édit., p. 491. 192 LES FORÊTS DE LA CAULE ET DE l'aNCIEN'NE 1 RANGE. CHAPITRE XII. FOKKT DES ARDEXNE?, — l'aRGO.VNE, FORÊTS DU BARHOIS, PE LA LORRAINE. La forêt des Ardeimes ne présentait plus, sans doute, au moyen âge, cette étendue gigantesque qu'elle avait au temps de César ; ses profondeurs, longtemps impéné- trables, avaient été maintes fois violées, et de vastes clai- rières devenues bientôt des cantons peuplés et cultivés, l'avaient fractionnée en plusieurs forêts distinctes. Ce- pendant le souvenir de la grandeur de son domaine vivait encore* dans les imaginations. C'était, comme l'appelle l'auteur du roman de Doon de IMayence : La grande forest qui moult fort verdoict (1), la grande forêt de la France par excellence. On a rappelé plus haut le rôle qu'elle joua dans nos vieilles chansons de geste, les légendes qui couraient à son sujet. Ajoutons qu'une des aventures romanesques imaginées sans doute par nos jongleurs, qui jouirent aux siècles derniers de plus de popularité, avait reçu un can- ton des Ardennes pour théâtre. Il s'agit de l'histoire si touchante de Geneviève de Brabant, que son époux Sige- froi, palatin d'Ottendinck, retrouva dans une des retraites les plus inaccessibles de la forêt, là où plus tard, suivant la tradition, s'éleva la chapelle de Fraucnkirchen, que visitent encore les pèlerins des provinces rhénanes. La victime de la scélératesse de Golo prit, dans la vénération des paysans ardennois, la place de la Diane Arduenna dont (1) Un des principaux éjtisodcs de cette chanson se passe a en chele grant forest qui Ardane a à nom. » Voy. Doon de Mayence, chanson de geste, publiée par A. Pey. p. 43 et suiv, (Paris, 1859). CHAPITRE XII. 193 le culte avait laissé des traces dans les superstitions lo- cales. Malgré la réduction notable de la forêt, on lui attri- buait encore au xvi« siècle une étendue gigantesque; on assurait qu'elle allait de l'Escaut au Rhin. En effet, André Thevet en fait, dans sa Cosmographie universelle^ la des- cription suivante (i) : «La forest d'Ardenne, ayant une grande estendue, va depuis Trêves du Rhin avant, jus- qu'aux limites de Trêves, jusqu'aux Nerviens (qui est le comté de Hainault et Artois), contenant plus de cent lieues de longueur. Quant à cette large forest tant célébrée, c'est peu de chose aujourd'hui, qu'il n'y a seigneur y préten- dant droit qui ne la fasse abattre et démolir, pour en ti- rer du profit. Jadis elle embrassait les pays de Hainault, Luxembourg, Bouillon, Bar, Lorraine, Limbourg, Metz, Namur, Mayence, Confluents et Cologne, voire encore à elle, soubz soy la plus part du pays de Liège, tirant à l'ouest... Et vers les Belges, l'extrémité de ceste forest est prise aux rivières de Meuse et d'Escault; car, quant à la Moselle, du côté de l'est, elle est encore ombragée de cette forêt de la part de Trêves. » Là où des villes, des villages n'avaient pas chassé les ar- bres, les moines se chargèrent de ce soin. Une foule d'ab- bayes, dont quelques-unes donnèrent naissance cà des villes, ont été fondées dans l'Ardenne. Déjà, à la fin du xii® siècle, existaient celles à^Eslam, appelée depuis El- lant {Ellantium) (2), de Signy {Signiacum) (3), à'Orval {Aiirea vallis) (4), de Saint-Hubert {Andagimim) (5), de (1) Livre XVI, c. 14. (2) Voy. G allia christ, t. IX, col. 310, Eccles. Bemens. Cette abbaye fut fondée en 1148. (3) G ail. christ, ibid., col. 304. Kccl. Remens. (4) Gall. christ, t. XIII, Eccles. Trevir. Cette abbaye date de 11-24. (5) Gall. christ, t. III, col. 966, Eccl. Leod. Cette abbaye dale de 087. 13 194 LES FORÊTS DE L\ GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. Saint-Trond OU Trityon [Sanctiis Trudo ou Sarcmium) (1). ' Quand on jette les yeux sur la carte, on reconnaît l'em- ))lacement de la plupart de ces monastères (2) à des es- sarts s' étendant parfois sur une longueur, une largeur de plusieurs myriamètres et dont ils occupaient le centre. Plusieurs ont laissé leur norn aux cantons de l'Ardenne où ils avaient été élevés. Malgré ces éclaircies, il subsistait encore, il y a deux siècles, une large zone forestière, orientée à peu près du sud-ouest au nord-ouest, et recouvrant la province de Namur, les principautés de Bouillon et de Luxembourg, les évôchés de Trêves et de Liège. Les nombreuses val- lées du Condros étaient alors, comme elles le demeurent aujourd'hui, tapissées de futaies (3), surtout multipliées aux environs de Dinant et de Bouvignes. Dans le pays d'Hervé et la Famenne, au contraire, les essences fores- tières semblent avoir été de fort bonne heure clairsemées. Dès l'antiquité, les vastes étendues marécageuses que l'on nomme Hautes-Fagnes (4) {HoJie-Wehen), analogues aux Hautes-Chaumes des Vosges, devaient interrompre çà et là les fourrés ; elles se sont seulement depuis agrandies. Les larges essartements subis par la forêt d'Ardenne expliquent pourquoi, dès le xii* siècle, on en mentionne des parties comme des forets distinctes, ayant des noms spé- (1) GaU. chrisl.iAW, col. 952, Eccl. Leod. Celte aLbayo date de Tan G62. (2) Ajoutons encore ù cette abbaye celle de Bellefaget [Ddlofagelum), lilacée au voisinage d'une forél qui était un démembrement de l'Ardenne et dont Robert, évèquc de Verdun, lui fil cession en 1215. Voy. GalUa christ, t. III, col. lOiO, Eccles. Leod. L'abbaye de Pruim, fondée en 720 à 10 lieues de Trêves, fut bùlie dans un lieu qui était déjà déboisé. GaUia Christian, t. Xlll, col. 58!J. Eccles. Trevirens. (3) Voy. d'Omalius d'IIaloy, Coupd'œil sur la géologie de la Belgique, 1». 27 ^Bruxelles, 1843). (4) "Voy. Dufrénoy et Elu de Beaumont, Explication de la carie géolo- Qiquc de la France, t. I, p. 243. CHAPITRE XII. 195 ciaux ; par exemple, on trouve citée dans le diocèse de Namur, près de Bromes, une sylva Cipeleis (i), et les An- nales de Saint-Bertin (2) parlent déjà de la fo.èt de la Fagne (3), qui s'étendait, au siècle dernier, de la rivière d'Epte au sud de Philippeville, et dont j'ai parlé plus haut. Cette forêt, ainsi que les bois de Signy, forme le trait d'union entre l'Ardenne et l'ancienne forêt Charbonnière, celles de Thiérache et du Laonnais. Un espace de quelques lieues séparait encore, au siècle ■dernier, les débris de la forêt de Thiérache de celle de Alazarin, l'un des grands tronçons de l'Ardenne, qui s'avance jusqu'à la Sémoy et se déploie au nord de Don- €hery et au nord-est de Charleville. La forêt de'Mortagne, sise entre la Sambre et la Meuse, représente un autre des plus importants débris de k partie de l'Ardenne qui recouvrait le diocèse de Namur. Sous le règne de Louis XIV, elle offrait une superficie de 14,530 arpents (4). C'est au milieu de cette forêt qu'avait été bâti le monastère de Bronium ou Saint-Gérard-de- firogne (5). Depuis l'an 928, auquel en remonte la fonda- tion, la forêt fut rejetée au delà du territoire du monas- ière. Toutefois, les abbés et les religieux de Saint-Gérard (1) Chronic. Valciodorens. cœnoh , dans les Ilisloricns de France. t. XIV, p. 515. (2) Ilistorieiys de France, t. VII, p. 110, p. 514 (3) Le nom de Fagne est encore donné aujourd'hui à des Lois qui sont les dé]>ris de cette ancienne forêt -. la Fagne-de-Trélon, la Fagne- dc-Suins. Dans un bréviaire manuscrit qui se conserve aux archives de .Saint-Omer, il est fait mention d'une Fagina sijlva. (Voy. Du Gange, Gloss. med. el infxm. latin, éd. Henschel, s. h. v. Dieudonné, Slatisl. du (lép. du Nord, t. I, p. 283.) M. Mougy {Mém. de la sociclê de Lille, 1850, p. lOG) remarque que le nom d'j Fagne paraît indiquer qu'à une «'ïpoque reculée cette forêt, dont le chêne est aujourd'hui l'essence domi- nante, n'était i)euplée que de hêtres. Voy. toutefois ce qui a été dit p. 54. (4) Féron, mss. cilé. (J)} Gall. christ, t. III, col. 540. Fcclrs. Namiirc. 496 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. conservèrent le privilège de choisir tous les ans trois hêlres dans la forêt (1). J'ai déjà dit que les bords delà Moselle avaient subi, dès l'époque de la domination romaine, un vaste défrichement qui dégarnit toute la marche septentrionale du pays desMédiomatrices. Le Sonnerwald, qui s'étend entre Bin- gen et Simmern,est le vestige le plus septentrional de celte foret. Ausone, qui l'avait traversé dans son voyage sur la Moselle, y fait allusion dans ces deux vers : L'nde iter ingrediens nemorosa per avia solum Et nuUa humani spectans vestigia cultus. (Au SON. MoseU. v. 5, 6.) Toutefois, l'extrémité orientale du pays Messin conserva son aspect forestier. Avant la cession du canton de Bit- che à la France, les forêts étaient presque ce qu'elles avaient été, six siècles antérieurement, et dans un espace de quinze années, le gouvernement en vendit 93,595 chê- nes (2). Actuellement, elles embrassent encore une super- ficie de 20,553 hectares (3,i. M. V. Simon, dans une intéres- sante notice sur leSablon, près Metz, a signalé l'existence d'un bois, situé sur le versant nord de la Raque, qui a envahi une voie antique; cette circonstance démontre clairement l'extension des forêts dans la contrt'C, après In domination romaine (4). Au xii* siècle, quand fut fondée près des bords de la Sarre, non loin de la ville actuelle de Sarrelouis, le mo- (1) Féron, mss. cilc. (2) Verronais, Slatisliqne du dcparlrmenl de la Moselle (Metz, 18-ii, in-8»), p. 62. (3; L'hiver de 1709 a amené dans ces forêts une grande dévastation, à laquelle sont venus se joindre, quarante ans plus tard, en 1750, les aballs de plus de cinquante mille arbres faits inconsidérément pour le fomptc de la Hollande. {\, \oy. Mémoire de l'acadcmic de Met:, an. 1848. 18i9. CHAPITRE XII. 197 nastère de Wadegotia {Wadegasscn), son emplacement était en partie couvert de bois (1). Or, on trouve encore indiqué sur la carte de Cassini, un bois au sud de l'abbaye; ce qui prouve que l'état forestier n'aurait pas sensiblement changé. Ce bois est certainement un démembrement de la partie de l'Ardenne qui longeait la rive gauche de la Sarre et qui a dû originairement comprendre au sud les forêts de Longeville (2) et de Saint-Avold, à l'est celle de Gueslanter. Peut-être englobait-elle celle de Remilly, beaucoup plus méridionale et qui fut longtemps une pro- priété des évêques de Metz. Au nord-ouest, ce prolonge- ment de l'Ardenne se rattachait à la forêt de Gallenho- ven (3), sise entre le Nied français et la Moselle; il courait ainsi parallèlement à la région, plus fortement boisée au- jourd'hui, qui s'étend sur la rive droite de la Sarre et où la grande forêt du prince de Nassau, indiquée dans Cas- sini, s'est formée d'un démembrement de l'Ardenne pri- mitive. Sur la rive gauche de la Moselle, aux confins du domaine des évêques de Metz et du comté de Briey, se rencontraient plusieurs forêts assez étendues ; c'est là que furent fondées, en l'an 1090, l'abbaye deSaint-Pierremont, et vers 1132 celle de Justemont (4). La première donna naissance à une clairière quasi-circulaire, au centre de laquelle s'éleva le village d'Avril. Les bois de Thionville, situés en face de cette ville, sur la rive opposée de la rivière, et la forêt de Mangienne sontles restes de ce prolongement de l'Ardenne. (1) Gall. Christian, t. XIII, col. 658. Ecoles. Trevirens. (2) C'est près de cette forêt que fut fondé, vers 587, le monastère de Longeville ou Glandièrcs dit Sainl-Marlin-aux-Chênes. Gallia. Christian. t. XIII, col. 841. Ecoles. Melons. (3) Voy. ce que j'ai dit plus haut de cette forêt, p. CO. (4) Gall. christ, t. XIII, col. 938, 949. Fccks. Melons. 198 LES FORÊTS DE LA GALLE ET DE l'anCIENNE FRANCE. Une autre zone forestière, beaucoup plus fractionnée, formait comme la bordure méridionale de la forêt des Ar- dennes et poussait au sud de longs rameaux presque per- pendiculaires à la l%ne principale. Ce réseau séparait jadis les territoires des Rèmes, des Médiomatrices et des Leuques; il embrassait les forêts des anciens évêchés de Verdun et de Toul, du Barrois et du diocèse de Nancy. La première grande forêt que cette zone nous présente est celle d'Argonne ; elle recouvre les deux versants d'une chaîne de petites montagnes dirigée du sud au nord dans le département de la ^leuse^ et pouvant être regardée comme la frontière naturelle entre la Champagne et la Lorraine. Cette chaîne constitue la ligne de faîtes qui sépare les eaux de la Manche de celles de la mer du Nord. La forêt d'Ar- gonne est mentionnée parle moine Richer (i), qui écri- vait au x^ siècle, et citée par divers chroniqueurs (2), Elle appartint longtemps aux comtes de Toul (3). C'est du vu"^ au \if siècle, qu'on en poursuivit activement le dé- frichement, surtout aux environs de monastères qui y avaient été fondés, et entre lesquels nous citerons l'abbaye de Beaulieu {BeUus /oci^s), dit Beaulieu-en-Argonne, élevée en 642 dans un lieu de la forêt infesté de bêtes fauves (4), rétablie en 1015 (5). Non loin de ce monastère fut bâtie plus tard une abbaye de femmes de l'ordre de Prémontré qui dut à sa situation dans la forêt, son nom de Si/lva domina- rum (6). En 1134, un autre monastère fut fondé, comme (1) Richer, Ilisior. III. 13, t. II, »28, éd. Guadet. (2) Voy. la Chronique rimée de Philippe Mouskes, 2i,987, t. IL p. 471, éd. ReilTenberg. (3) Yoy. Ilist. ecdés. et civile de Verdun, par un chanoine de la ville, p. 198. Paris, 1745, in-4°. (4) Gallia Christian, t. XIII, col. IIGO. Ecoles. Verdun. Il est dit rjiu- l'abbaye fut fondée in loco ubi erant lustra ferarum. (5) Beaulieu se trouve dans la partie méridionale de l'Argonne. (6) Gallia Christian, t. IX, col. 180. Eccles. Remens. CHAPITRE XII. 199 celui de Beaulieii, dans la partie méridionale de l'Argonne, mais plus à l'ouest; c'est celui de Sainte-Marie, généra- lement connu sous le nom de Moutier-en-^Argonne {Monas- terium m Argonna) (1). Ses religieux ont puissamment concouru à l'éclaircissement de la région de la foret dans laquelle il avait été édifié. Les défrichements dus à la présence de ces abbayes, bien que notables, laissèrent ce- pendant encore à la forêt d'Argonr<^ une étendue considé- rable, comme on en peut juger par la superficie qu'elle offrait au siècle dernier. Elle représentait alors une lon- gue bande dirigée du nord au sud, et sise à l'ouest de Gler- mont, dit Clermont-en-Argo7me. Sa limite septentrionale était plus anciennement la petite rivière d'Aire, dont les bords, à l'est de Grandpré, s'éloignaient peu de la lisière de la forêt; mais antérieurement la forêt devait s'étendre beaucoup plus au nord, et il n'est pas témé- raire d'admettre que la forêt de Dieulet, sise au sud de la Meuse, non loin de Mouzon (département des Ardennes), en a originairement constitué la tête. Cette forêt de Dieu- let, une des plus importantes du pays de Sedan (2), a subi, aux xiv et XY" siècles, de larges défrichements, comme le montre le vaste essartde Beaufort, marqué sur la carte de Cassini ; elle a dû former unemêmc chaîne avec l'Argonne, dont les anneaux aujourd'hui détachés se retrouvant dans les bois de Montigny, la forêt et les bois de BrieullC;, les forêts de Hesse, de Souilly, etc. A l'ouest, l'Argonne devait s'avancer originairement jusqu'à l'Aisne. Au sud, le nom de Villiers-en-Argonne , qui rappelle sa pré- sence, montre qu'elle se prolongea dans le principe jus- (1) Gallia Christian, t. IX, col. 9G7. Ecoles. Calalaunens. (2) Voy. le mss. de la Bibl. imp. intitulé : Procès-verbaux et autres actes touchant la forêt de Dieullet appartenant au roij à cause de sa sei- gneurie de Mouzon. 200 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. qu'à rOrnain. L'Aisne se retrouvait aussi comme fron- tière de la foret à l'angle sud-ouest, en un point qui fait face à l'emplacement de l'abbaye de Ghatries. Au delà de l'Ornain, les forêts reparaissaient de distance en distance; mais on n'était plus dansrArgonne,ou péné- trait en Champagne. Nous reparlerons de ces forêts, en traitant de l'état forestier de la province de ce nom. De la grande région de l'Argonne, s'était détachée à une époque déjà fort ancienne la Voëvre ou Voivre, en latin Vcpriu. ou Vabria, pays qui s'étendait entre la Meuse et la Moselle, de Longwy à Gommercy, et que Grégoire de Tours (i) désigne sous le nom depagus Vabrensis. C'était une antique conquête de la culture faite sur la Wara ou Vavra sylva encore subsistante, comme on l'a vu, au temps des Garlovingiens. Son nom qui est resté à un petit bois situé au nord-est de Colombey, près de la voie romaine venant de Neufcbâteau^, paraît indiquer une forêt couverte de buissons {Vêpres) (2). La Voivre doit avoir été une région de l'Argonne, où les bois taillis et les broussailles remplaçaient les arbres de haute futaie. C'est dans ce can- ton, en un lieu qui s'appelait d'abord Richismanilj que fut fondé en 1132 le monastère de Saint-Benoît, qui prit le nom de Saint-Benoît-en-Voivre {S. Benedictus in \ epria (3). En résumé, la région forestière et montagneuse, désignée (1 Grégoire de Tours, Ilisl. Franc. IX, Q.Lepagns Vahrensis tenait à l'est à l'Antenne, car le caslnnn Vabrense se trouvait à liuit milles d'Yvoy-Carignan. ,2) Voy. ce qui a été dit p. H 1 , note 8, des localités jadis boisées por- tant ce nom. On retrouve en Normandie une forêt de Vièvre (Vievra) (Ordcric-Vital, XII, p. 365, éd. Leprévost) voisine de Saint-Martin-Saint- Firmin. C'est la Vevrœ foresta ou Vevrse vendu dont il est question dans les comptes de S. Louis. Historiens de France^ t. XXII, p. 575, 602. (3) Gallia Christian, t. XIH, col. 944. Eccles. Metens. CHAPITRE XII. 201 SOUS le nom d'Argonne, commençait, au sortir delà grande plaine crétacée de Valmy, avec la forêt de Sainte-Mene- hould, encore considérable à la fin du xyi*^ siècle (1). Les sinuosités répétées, formées par les mamelons ombragés qui se présentent après qu'on a gravi la bande de grès vert, valurent peut-être à la forêt son nom (2). Celle-ci constituait la ligne principale du réseau forestier qui re- couvrait les anciens diocèses de Verdun et de Toul ; ce réseau a toujours été s'éclaircissant. Au x'^ siècle, les pentes escarpées que baigne la Meuse, près de Verdun, étaient tapissées d'une longue forêt (3). Au reste, l'inspection de la carte fait facilement découvrir quel a été l'état forestier primitif du pays entre la Meuse et la Moselle. Les bois de La Marche, de Foug, d'Ugny, qui se succèdent du nord au sud, celui d'Ocliey, placé au sud-est, apparaissent comme autant de lambeaux d'une grande ceinture de fo- rêts anciennement lacérée. Dans les forêts ou bois de la Reine, les rois d'Austrasie avaient une résidence {i^egia mansio) qui valut à Royaumex son nom ; ils se livraient à la chasse dans les fourrés environnants plus étendus et plus épais alors qu'aujourd'hui. Le souvenir d'une reine de ce temps s'attache encore à ces bois (4). Gommercy, qui donne son nom à une forêt voisine, située sur la rive gauche de la Meuse, était enveloppé d'une zone sylvestre. (1) Celte forêt est mentionnée comme importante en 1573. Voy. Fon- lanon, Les édicts et ordonnances des roys de France, 2* édit. t. II, p. •2(50. (2) Ce nom semble être formé du celtique yican, courbe, précédé de l'article ar. Peut-être aussi n'esl-ce qu'une altération du mot Arduenna. (3) Richer, Histor. lll, 101; t. Il, p. 125, éd. Guadet. (4) Suivant la tradition, elle fut ainsi appelée, en souvenir de Brune- haut; mais lo nom de Foresla regia Ermandia, sous lequel elle est dési- gnée au moyen âge, fait plutôt songer à une veine Ermengarde, sans doute la femme de Louis lo Débonnaire. Voy. Lepage, Le déparlemenl de la Mcurllie, l II, p. 497. 202 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. Au nord de cette ville, les noms de Cousances-aux-Bois, Lignières, Mesnil-aux-Bois, rappellent la présence des arbres. A l'ouest et au sud, les forêts du Saulcy et de Ligny sont d'autres tronçons détachés de la même cein- ture qui devait aussi englober les Bois-du-Roi sur la fron- tière du Barrois. Une déclaration royale de 1682, autorisant ceux qui avaient la jouissance de nombreux bois de propriété ec- clésiastique, à ne pas se soumettre aux règles imposées par l'ordonnance d'août 1669 sur la coupe et l'exploita- tion, atteste qu'à cette époque la végétation était encore si riche dans les évéchés de Metz, Tout et Verdun, qu'il y avait utilité à favoriser l'essartement et la création de- villages sur le sol forestier (1). Moins boisés que le pays d'Argonne et que l'évêclK' de Verdun, les évêchés de Toul et de Nancy présentaient cependant des forêts importantes. Dans un acte de 897, contenant une concession au monastère de Saint-Evre (2), il est question d'une forêt de Saint-Étienne et d'une autre de Saint-Evre {Sancti Stephani et sancti Api-i sijlva') comme étant situées le long de la Moselle. Une charte de donation de Conrad-le-Salique à la même abbaye (3) mentionne d'autres bois étendus. Une charte de con- cession de Gharles-le-Gros, renouvelée par Gharles-le- Simple, parle d'une forêt située près de l'église Saint - (1) Voy. les termes de cette déclaration dans Conférence de l'ordon- nance de Louis XIV du mois d'aoïU 1C69, sur le fait des eaux et forêts, nouv. édit. t. II, p. 179. On y lit : « D'autant plus que la plus grande liartie des dits bois sont situés en des pays presque déserts et inhabitables, i-X ne peuvent jamais être presque d'aucune utilité pour être trop éloi- gnés des villes, et qu'il serait même à souhaiter qu'il y eût assez de peu- ples pour se servir des dits bois pour bâtir des maisons et les essarter et défricher, etc. » (2) Voy. Historiens de France, t. IX, p. 397. (3) R. P. Benoit, Histoire ecclésiastique de Toul, preuves, p. xxv. CHAPITRE XII. 203 Etienne (1) qui doit être Tune de celles qui fut concédée au monastère de Saint-Èvre. Des débris de cette foret de Saint-Étienne se reconnaissent dans le bois de Villey- Saint-Étienne, qui allait rejoindre certainement, dans le principe, ceux de Fougues et de Blénod. Au même pays, la forêt de Haye occupait, sur les deux riyes de la Moselle, un espace beaucoup plus étendu qu'aujourd'hui, puisque sur la rive droite qui fait face à celle que couvre la forêt de Haye, sont des localités appelées Villers-en-Haye, et Rozière-in-Haije (2). Cette branche de la forêt de Haye, située sur la rive droite de la Moselle, devait aller rejoindre la forêt de Pont-à-Mousson, actuellement très-réduite. C'est dans un des bois dont étaient semés les bords de la Moselle, de Nancy à Metz, que fut fondée, en 1126, l'ab- baye de Sainte-Marie-aux-Bois {S. Maria in Nemore), au- trement dit Sainte-Marie-Majeure (3). Il est à supposer qu'une grande forêt existait aussi à l'extrémité nord-est du diocèse de Nancy, là où fut élevée l'abbaye de Haute-Seille ;\a.forme latine de son nom {A/ta sTjlva le donne du moins à penser (4). Il se pourrait tou- tefois que ce ne fût point à une forêt, mais à une rivière, que cette abbaye ait dû son nom; car la contrée où le monastère fut fondé eu 1140, paraît, dès cette époque, avoir été peu boisé (5). (1) Benoît, OUI', cil. p. x, xv. (î) On trouve aussi ViéviUe-en-Hmje, Vilaine -en- Haye. Tout le canton a gardé le nom de l'ancienne foret. (3) Voy. Gallia Christian, t. XIII, col. 1127. Eccles. Tullens. (4) Voy. Gallia chrislian. t. XIII, 1372. Eccles. Nanceiens., et ce qui a été dit plus haut, p. 101 . (5) Voy. la carte de Cassini. Il ne reste plus que les petits bois de la Haute-Seille et de Cirey, qui sont contigus. Entre ces derniers et la Sarre, on rencontre encore une localité appelée la Forêt, et, au sud d'une ancienne abbaye, sur la rive gauche de la Vezouze, on trouve des lieux appelés Dois-Coupé. Dois-de-la-Grange, laGrande-Uaye, là oùles arbres ont disparu. 1204 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. L'ancien diocèse de Nancy peut donc être considéré comme représentant une vaste clairière ouverte entre l'Ardenne, l'Argonne et les Vosges. Une partie de la région vosgienne dépendait de la Lorraine, mais comme d'autres de ses parties appartenaient à l'Alsace, et qu'on ne saurait scinder l'étude de l'état forestier de l'une et de l'autre, nous remettrons au chapitre suivant ce que nous avons à en dire. Nous ajouterons seulement qu'une marche forestière marquait la séparation entre la région vosgienne propre- ment dite et la Basse-Lorraine : marche formée par quel- ques forêts importantes, celles de Charmes, de Fraise, celle de Romont, qui se joignait à l'E. à une suite de bois taillis occupant un canton qui avait reçu, comme celui dont il a été question plus haut, le nom de Voivre (1) et où fut fondée au vii^ siècle l'abbaye d'Estival. (1) Un village au sud d'Estival a conservé le nom de La Voivre; un peu au nord d'Epinal se trouve aussi un bois de la Voivre qui s'est sans doute détaché de la forêt d'Epinal. CHAPITRE XIII. :205 CHAPITRE XIII. ANCIEN ÉTAT FORESTIER DES VOSGES ET DE L ALSACE. — DISTRICTS FORESTIERS DE LA SOUABE. Les sommets arrondis des Vosges^ comme une foule de chaînes de montagnes de l'Europe moyenne et septentrio- nale, devaient encore, au moyen âge, être enveloppés par l'épais manteau d'arbres que la carte dePeutinger désigne sous le nom de Srjlva Vosagiis. A en juger par ce qui en subsiste aujourd'hui, des amas de hêtres, de sapins blancs, de sapinettes recouvraient les pentes du Baren- kopf, du Bossberg, du Hohneck, du Gresson, du Ballon cV Alsace, du Grand-Ventron, du Ballon-de-Guebwiller (1). Toutefois, ces forêts étaient déjà interrompues par les grandes clairières naturelles qui s'observent dans les Vosges, là où sont des cimes élevées et qu'on appelle Hautes- Chaumes {Calvi montes) (2). En effet, la nature du sol dut, en certains points de la montagne, toujours s'op- poser à la végétation arborescente. Les géologues ont re- marqué que le grès vosgien donne naissance à un terrain léger et arénacé peu propre à la culture, mais où réus- sissent fort bien les arbres et les taillis, en sorte que les limites du sol boisé sont souvent indiquées par celles (1) Dufrénoy et Elie de Beaumout, Explicalion de la carie géologique de France^ t. I, pag. 278 et suiv. (2) Voy. H, Hogard, Descripl. du système des Vosges, p. 19. Epinal, 1837, et II. Lcpagc ctCharton, Le départemenl des Vosges, t. II, p. 121. Los forêts sont aujourd'hui plus abondantes à l'est et au sud-est de la chaîne des Vosges que dans l'ouest du déparlement, qui est plus cnlro- mclé de coteaux. ^OG LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIEMNE FRANCE. mêmes du grès vosgien. Le grès bigarré, au contraire, ne produit qu'un sol froid, impropre à la culture forestière : aussi, à son voisinage, voit-on disparaître peu à peu le liètre,qui se mêle au sapin sur le versant septentrional des Vosges, et au chêne sur le versant méridional (1). C'est surtout à dater du xv'^siècle, que la chaîne des Vosges s'est vue dépouillée de ses majestueux ombrages dont des lambeaux importants subsistent encore aux flancs des vallées de la Thur, de la Vologne, de Plancher et d'An- dlau. De petits lacs tout entourés de forêts {Waldseé), tels que ceux deGérardmer, de Longemer, de la Maix, de Sternsee, ajoutaient encore à l'humidité entretenue par les arbres qui sont maintenant éloignés de leurs bords; mais avant de les abandonner, ils ont jonché de leurs rameaux et de leurs feuilles le fond de ces lacs dans les tourbières des- quels ils se sont accumulés (2). La présence si multipliée encore de bois et de forêts explique pourquoi les traditions relatives à la disparition des arbres ne se rencontrent pas autant dans cette région de la France qu'ailleurs. Les wœlder, qui recouvrent des espaces assez considérables dans les parties nord et oue.-t du département du Bas-Rhin, s'avançaient, il y a quelquo siècles, jusqu'au voisinage du fleuve; en sorte que sur di- vers points, le Rhin semblait s'ouvrir un passage à travers une immense forêt. Les retraites ténébreuses des Vosges et celles de la Forêt-Noire ne formaient en réalité qu'un même tout^, un seul et même manteau arborescent. L'Al- (1) Voyez, sur tous ces faits, Daubrée. Description gc'olog. ol min> - lalog. du départemenl du Das-IViin, Strasbourg, 1852, p. 270 et suiv. (2) Voy. Dufrénoy et Élie deBeaumont, oitv. cit. ]>. 275. C'est ce qu'on ùliserve notamment au lac de Foudromey, où Ton voit beaucouj) d'ilols tourbeux, couverts de bouleaux, et qui changent déplaces. Ce lac estélevé ■I ]tlu^ do 200 mètres au-dessus du Rupt. CHAPITRE xi:i. 207 saceel une portion de la haute Lorraine, quoique séparées de l'Allemagne par un large cours d'eau, y appartiennent par l'aspect physique comme par l'histoire. Si ces deux provinces faisaient partie de la Gaule, si les frontières naturelles les donnent incontestablement à la France, la nature comme les événements du passé en font un prolongement des contrées germaniques ; elles consti- tuaient la marche qui séparait la race germanique de la race celtique. Dès une haute antiquité, en etïet, des popu- lations germaines avaient passé le Rhin et occupé sa rive gauche. Au nord de l'Alsace, les forêts de Haguenau, du comté deHanau, au sud, les bois du Roi, de Strasbourg, la longue bande quasi-longitudinale que trace la forêt de la Hartt, celle d'Ensisheim sont des appendices de la grande forêt vosgienne. Le sol de la plupart de ces forêts renferme de nombreuses sépultures attestant le séjour de populations celtiques ou germaines (1). Au moyen âge, bon nombre de ces forêts étaient encore communes, et la jouissance en appartenait à ce qu'on appelait des marches, groupes de villages et de hameaux ayant une administration, une justice, une constitution commu- nes (2). Ainsi, la forêt d'Aspruch, partie septentrionale de celle de Haguenau, dépendait de la marche de Hatgau, (|ui comprenait Hatten, les deux Betschdorf, Rittershofen et quatre autres villages (3). Certaines fractions de la ibrêt vosgienne appartenaient à des abbayes. Telle était la forêt de Hildenhusen, sise au s.id de la Zorn et (1) Voy. M. de Ring, Tombes celtiques de l'Alsace, 2^ édit., p. 3, 17, ■27. Ci'S lombes ont ôlé découvertes dans les forêts de Hatten, Seltz, Ha- guenau, Schirrheim, Brumath {canlon dû Sloclavinkel), Schelestadt, Rix- heim, delà Hartt, de l'Allmend ou d'Ensisheim, Voy. ce qui est dit, p. 38. (2) Voy. sur ce qu'on appelait it/arA; en Alsace, Hanauer, La conslilu- lio)i des campagnes de l'Alsace au moyen âge, p. 45 (1865, in-S*»). (3) Hanauer, ouv.cil. p. 127, 128. 208 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. qui était comprise dans les propriétés de l'abbaye de Marmoutier (1). Les seigneurs travaillaient déjà à s'en at- tribuer la possession. En 1527, le comte Philippe de Hanau tenta vainement de retirer aux habitants du Hatgau la jouissance de la forêt d'Aspruch. Un long procès s'ensui- vit devant la chambre impériale, qui ne fit que mieux mettre en lumière les droits de ceux-ci (2). Profitant des droits d'usage étendus que l'abbaye de Marmoutier avait concédés à ses ancêtres dans la forêt d'Hilden- husen, Pierre, comte de Lutzelbourg, prétendait s'em- parer de celle-ci. Son fils Reginold dut les rendre aux moines (3). Les habitants des Vosges prenaient un soin attentif d< leurs forêts communales; ils avaient des icaldmeisterchm- gés de surveiller les bois, de dénoncer les délits, de rendre compte des revenus à la communauté (4). D'autres fois, c'étaient les forestiers {Forsteier) du seigneur ([ui surveil- laient les usagers dans l'intérêt de la colonge ou de la marche, et les rotules que l'on a conservés déterminent en détail les droits de chaque village, de chaque indi- vidu (5). Cependant, malgré cette inteUigente administration, de- forêts furent dévastées, des parties en furent abattues. Cel;^ arriva surtout au xvr siècle, après la guerre des Paysans. Des traditions parlent de ces destructions. Des forêts recouvraient, dit-on, jadis les coteaux d'Attigny,auxquel'^ (1) Hanauer, om\ cil., p. 57. (2) Ibid., p. 127, 128. (3) Jbid., p. 57. (4) Ibid., p. 127. (5) Hanauer, les Paysans de l'Alsace au moyen âge, Etudes sur h' cours colonfjères de l'Alsace, p. 49, 50 (1865, in-8). On voit par rim]ior- tanle étude do M. l'abbé Hanauer que tout était réglé pour que les usa- ges n'outrepassassent pas leurs droits de simple usage. CHAPITRE Xlll. 209 se rattachent des légendes et des superstitions popu- laires (i). Les emplacements de Gérardmer et d'Auzain- villiers passent de même pour avoir été couverts de bois (2). La contrée qui comprend le département de la Moselle et le nord de celui du Bas-Rhin, liait la forêt des Vosges à celle des Ardennes. Dans ces deux départements, la région forestière est demeurée considérable. Les chênes, les char- mes, et parfois les hêtres dominent dans la partie occi- dentale de l'ancien pays messin (3); le pin sylvestre apparaît près de Greutzwald, en allant vers Bitche, et surtout aux frontières de l'Alsace. Cette dernière province est aujourd'hui, eu égard à son étendue, la plus forestière de la France. Malgré le dé- boisement qu'ont subi ses montagnes, la vallée du Rhin s'est aussi fort dégarnie. Le département du Haut-Rhin ne possède plus aujourd'hui que deux forêts domaniales en plaine, celles de Kusten {Kustemoald) et de la Hartt (4). La tradition orale et les témoignages écrits s'accordent pour représenter les forêts alsaciennes comme ayant été considérablement réduites. Les îles du Rhin furent jadis couvertes d'aunes, de frênes, d'ormes et de charmes. Le canton de Soultz, quoique encore fort boisé, a pourtant perdu ses massifs de mélèzes (5). Les forêts de Bienwald et de Haguenau dessinaient une zone étendue, avant que (1) Voy. Lepage et Charton. Le dcparlemenl des Vosges, tom. II, p. 19, 20. (2) Lepage et Charton, ibid. (3) Verronais, Slalislique du département de la Moselle (Metz, 1844, in-8°), p. 62. (4) Voy. Onimus, Mémoire sur Valiénation et le défrichement de la forêt, et sur les irrigations du territoire de la Harlh. Golmar, 18GG (Extrait de la Revue d'Alsace). (5) Laumond, Slalisl. du Uas-Rhiii, p. 38. La forêt de Soultz-sous-Fo- rêts présente encore un assez notable développement. On y observe une pierre énorme dite Hexenstein, la Pierre des Sorcières, qui jiaraît avoir U 210 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. les ravages des guerres de la première république les eus- sent resserrées entre des limites beaucoup plus étroites. La forêt de la Ilartl, qui, comme son nom l'indique, était la foret de l'/Vlsace par excellence (I), occupait une étendue de 22 lieues entre Bàle et ^larkolsheim (2). Les pins sylvestres qui constituent l'essence dominante dans la forêt de Haguenau, distribuent leurs bouquets sur un sable quartzeux provenant de la désagrégation du grès des Vosges; ceux-ci sont actuellement très-clair-se- més et alternent avec des essarts qui ne remontent pas à une époque ancienne. La forêt d'Obernlieim, qui occupe le versant oriental des Vosges, adù se joindre à celle du Bande la Roche et redes- cendre, sur l'autre versant, jusqu'au Champ-de-Feu, dont le sol, de nature amphibolique, présente une riche végé- tation arborescente (3). Le nom de Waklerbach rappelle la présence des forêts, et celui de Bruche dénote l'exis- tence d'un essart entre les bois du Gi^aml-Rond et celui du Bas-Orbois. 11 y a donc lieu de penser que ces deux bois ne formaient dans le principe qu'une seule et même forêt. Le Rhin séparait les centres forestiers de la Suisse des districts forestiers de la Souabe. LeBrisgau avait, comme l'Helvétie, ses quatre districts forestiers ou Waldstetteii : Rheinfeld, Seckingen, Laufenburg et Waldshut (4). La été jadis l'objet d'un culte. Voy. Bistelhuber, L'Alsace ancienne et mo- derne, p. 488. (1) Voy. ce qui a été dit plus haut, p. 207. (2) Schœpflin, Àlsalia illuslrala, t. I, xi, p. 8. Billing, Geschichle und Beschreibung des Elsasses (Bàle, 1782). (3) Voy. Daubrée, Description géologique et mxnéralog. du départe- ment du Bas-Rhin, p. 270. (4) Gerbort, Hisloria Nigrx syhx, t. II, p. 27 et suiv., 211 et suiv., 477 et suiv. CHAPITRE XIII. 211 Forêt-Noire, à laquelle ces villes servaient comme de portes et de garde, se développait sur les montagnes jusqu'à Pforz- heim, qui en constituait l'entrée septentrionale {Porta Nigrœ sijlvœ). Des forteresses, qui devinrent plus tard des villes, et qu'on désignait sous le nom de Waldeiiburg , c'est- à-dire Fort de la forêt (1) défendaient à l'ouest, près de Bâle, au pied de l'Ober-Hauenstein, et au nord-est, près d'Œhrigen, dans le territoire occupé ensuite par la sei- gneurie de Hohenlohe-Waldenburg-Scliillingsfûrst, la longue marche forestière de la Germanie. De même que les Burgondes, les Allamans s'étaient établis au milieu de vastes forêts qui formaient autant de rameaux de la sylva Marciana. Plus barbares que les conquérants de THelvé- tie, ils vivaient du produit de la chasse des bêtes fauves qui infestaient ces cantons; ils poursuivaient l'ours avec leurs limiers (w-saritu) afin d'en dévorer la chair (2) ; ils habitaient des chalets {vaçcaritia) et faisaient paître leurs taureaux sauvages {bisoiites). Les moines défrichèrent ces contrées; l'abbaye de Sec- kingen, fondée par saint Fridolin, auquel Clovis II avait fait don du district de la Forêt-Noire qu'elle occupait (3), les abbayes de Rheinau (4) et de Reichenau, devinrent les centres des grands travaux de colonisation de la Forêt- Noire et de la Thurgovie dont les solitudes ombragées s'étendaient jusqu'au lac qui baigne Uri. Les Waldstetten de la Souabe formaient avec les Vosges (1) Un grand ncrmbre de villes placées à l'entrée des forêts de la^ilésie €t de la Saxe (dans l'Erzgebirge) portent aussi ce nom, pour le même motif. (2) J. de Millier, ouv. cil. t. I, p, 158. (3) Gerbert, ouv. cit. t. I, p. 27. (4) Gerbert, Ilist. Nigrx sylvas, t. I, p. G9, 431. Ce nom de Forci sa- crée, qui rappelle celui de forêt d'Odin, Odemvald, donné à la forêt située sur l'autre rive du Rhin, provenait sans doute du culte qui était rendu aux arbres par les anciens Germains. L'Heiligenforst, Forcsla 212 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. une seule et même région dont le lit du Rhin représentait ea réalité la vallée principale. Une ligne de forêts bordait cette vallée du côté de la France. Au nord, la forêt Sainte, Heilifjenforst (4), appelée plus tard forêt de Haguenau, et que défrichèrent en partie les moines de l'abbaye de Saint-Walbourg, au sud le Harz ou forêt de la Hartt dont il a été question plus haut, et qui donna naissance par des démembrements aux forêts de Rouffach et de l'Allmend ou d'Ensisheim. De celle-ci se détacha plus tard le bois de Hùbehvaeldele (2). Les forêts du Rhin allaient rejoindre celles qui bor- daient le Danube par deux cantons forestiers, le Klekgau, semé de hauteurs ombragées entre lesquelles le mont Randen élevait sa cime altière, que couronna bientôt une forteresse, Randenburg, et le Hégau, dont le canton de Schafîouse occupe actuellement l'emplacement. De nombreux monastères , bâtis par Eberhard , comte de Nellenbourg, animèrent ces solitudes. Les moines des couvents d'Hirschau, de Saint- Sauveur, de Tous-les- Saints défrichèrent ces restes de l'antique forêt Hercy- nienne et dégagèrent les bords du Rhin et de la Durach (3). Le Rhin formait donc comme un magnifique Waldstroin entre les forêts des Vosges et celles de l'Odenwald. Cette dernière chaîne forestière, désiguéedans les chartes et par sancta, est mentionnée dans les chartes remontant au xii* siècle (Conl. Schœpflin, Alsatia iUustrala, t. III, p. 65, n" 800). (1) Voy. sur cette forêt mentionnée dans les chartes des ix* et xiv* siè- cles ce qui a été dit p. 128. (Cf. Schœpflin, Ahalia illuslr. t. Ill, p. 97, n" 123; t. IV, p. 256, n° 1142). (2) Voy. M. de Ring, Tombes celtiques de la forêt communale d'En- sisheim, p. 2, 14 (1859, in-fol.) (3) Voy. Ch. G. Reichard, Gnmanien tinter den Ramern. Nurnberp- 18!J"4, p. 19. Il CHAPITRE XIII. 213 les chroniqueurs latins sous le nom A'Othonia sylva{\), étendait sur toute la marche de Souabe ses lignes de pins ifohré) qui valurent à une partie de cette forêt le nom de Forhahum {Fohrheim, Fohrenwald), mentionné dans les Niebelungen. (1) Voy. Fr. Baader, Sagen des Neckarthals, der Berg^lrasse und des Odcwu'rt/des. Manheim, 1847, p. 416, 417. 214 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. CHAPITRE XIV. FORETS DE LA CIIAMI'AG.NE. La Champagne demeurait encore au siècle dernier une des régions les plus forestières de la France. « Il est peu de provinces dans le royaume, écrit l'abbé Expilly en son Dictionnaire des Gaules^ qui soient mieux fournies de forêts que la Champagne. » lien était ainsi également au moyen âge, car Huon le Roi, dans son charmant fabliau Du vair ;?«/e/m, s'exprime ainsi : Adonc estoient li boschage Dedans Champaingne plus sauvage E li païs que or ne soit (1). Cependant, déjà dès cette époque, de nombreuses forets y avaient été abattues ou démantelées. Le développement de l'industrie et du commerce dans la province (2) eut pour effet d'accroître la consommation du bois. Au XIII' siècle, il existait en Champagne des associations ou compagnies d'exploitations agricoles pour l'acquisition des grands bois et quelquefois pour leur défrichement et mise en culture (3). Un grand nombre de témoignages recueillis (1) Barbazan, Fabliaux cl Contes, l. I, p. 1G7. (2) Voy. le savant mémoire de M. F. Bourquelot, sur les foires dt Champagne et de Paris. Mém. de l'Acad. des Inscript. Sav. étrang. 2" série, part. I et II. (3) Ainsi on trouve mentionnée une association d'Eudes, abbé de Saint- Remy illy, Dictionnaire géographique des Gaidcs, art. Chalries. CHAPITRE XIV. 249 voisinage de bois qui s'étendaient au nord de Saint-Dizier et qui prirent le nom du monastère. Le diocèse de Reims était beaucoup plus boisé. Je ne parle pas de la partie occupée par la région sud-ouest de l'Ardenne, mais du voisinage même de l'ancien Dtirocor- torum. Quoique la cité des Rèmes fût depuis longtemps cultivée, une grande forêt, appelée sous la première et la seconde race, iSemus Rigetti ou Rigetius, Richetius saltus, occupait une vaste étendue (1). C'est là que fut fondé en 573 le monastère de Verzy (Virisiacian), autrement dit de Saint-Basle {S. Basohis), au pied des hauteurs que cette forêt ombrageait (2). Celle-ci n'est plus représentée que par les bois dits de la Montagne de Reims, appelés encore, il y a quelques siècles, la forêt de Route. Ville-en-Seke {Villare in Silva) existait déjà au ix*" siècle, dans une clairière de ces bois, maintenant fort clair-semés. Ainsi, dès cette époque, l'établissement dans la sylva primitive de nombreux centres d'habitations amena des défriche- ments (3). L'état forestier des cantons situés plus au sud de Reims ne paraît pas avoir subi des modifications bien marquées, durant le moyen âge. Peut-être les trois forêts d'Epernay, d'Enghien et de Vassy étaient-elles réunies en une bande unique, allant de l'est à l'ouest, s'arrêtant au nord à quelque distance de la Marne, au sud à la petite ri- vière de Surmelin. Mais Dormans {Duromannu7n), ancien (1) Frodoard, Hisi. Rkemcns., II, i, 3. Cf. H. Yalesius, Nolitia Gallia- rum, p. 614. (2) Gall. Christian, t. IX, col. 195. Ecdes. Remens. L'abbaye s'éleva dans la partie de la forêt où saint Bâsle ou Basile avait mené quarante ans la vie d'ermite. Voy. Baillet, Vies des Sai)Us, 2G novemb. p. 691. (3) B. Gnéi-urd, Polj/ptiqiic de l'abbaye de saint Rémi de Reims, p. 28. Voy. J. Chaletlc, Précis de la statistique de la Marne, t. II, p. 412. (Cha- lons, 1845.) 220 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. oppidum gaulois où ont été découvertes des antiquités cel- tiques, existait déjà (1). Dans la Champagne Pouilleuse, le premier rang appar- tenait, entre les forêts, à celle de la Traconne, situéeà l'ouest de Sézanne et qui fit originairement corps avec celle du Gaidt, sise plus au nord, ainsi que l'indique le Grand Essart placé entre les deux forêts sur la carte de Cassini. Elle appartenait au domaine royal et formait avec quel- ques autres bois voisins, en 1663, une étendue de plus de 7,000 arpents. Les Essarts-le-Vicomte indiquent que la forêt de la Traconne s'étendait plus à l'ouest, quelques siècles auparavant, sans doute jusqu'aux hauteurs de Saint-Bon et de Saint-Genêt. Le voisinage de la Seine rendait facile l'exploitation de ses bois, qu'on expédiait, par bresles ou bateaux, dans les petits ports de IMarsilly, Lure et Gonflans (2). Dans la partie de la Champagne qui confine à la Brie, les documents anciens témoignent de la disparition de ' plusieurs forêts. Une charte de Henri-le-Libéral, concé-i dant des privilèges au chapitre de Saint-Quiriacede Pro-' vins, mentionne la sylva flildonis, dont l'emplacement '-i occupé actuellement par la commune tout «à fait déboisée i de Bois-Don dans le canton de Nangis (3). La forêt de' Sourdun, dans l'arrondissement de Provins, ne forme plusi de nos jours qu'une longue bande; elle paraît s'être éten-! auK environs de Sens, et une date plus reculée, s'élen- dant au nord de Tonnerre el dont le bois de Saint-JMichel est un dernier reste. Elle dut naguère s'avancer jusqu'aux bords de l'Armance, où existe en face d'Ervy un lieu ap- pelé La Forêt. IMus au sud, sur la rive gauche du même cours d'eau, une localité du nom de Gliessy, et plus à l'est, deuxhnmeaux ôlis Le Bi-euil ei Bois-Lessif, en sont d'autres indices. Le bois de Gussangy est aussi vraisemblablement un écart nord -est de cette forêt, qui dut se rattacher, dans le principe, à celle de Chaource dont il a été question ci- dessus. Il est à croire qu'originairement tout le pays entre l'Armance et l'Armançon avait été boisé. Une charte de l'année 1239 mentionne comme bois de quelque importance : le Netniis de Va/eres, XeNeimtsde Dorso Asim et le Neums de Ikniloy. Or, aux environs des Vallières (Valeres), où la charte nous dit qu'ils étaient si- tués (i), la carte de Gassini n'indique que deux faibles bouquets. Les noms de localités voisines. Le Charme, Vil- liers-le-Bois, Bois-le-Comte, rappellent l'existence de bois graduellement détachés du grand voile forestier qui s'é- tendait jusqu'à l'Armançon, et dont la forêt de Mosne est le principal des lambeaux encore subsistants. Sur les bords du Serain, à la limite de la Ghampagne et de la Bourgogne, une foule de noms de lieux dénotent la présence de bois et de forêts Tels sont ceux de Chablis, de Sarry, de Lucy-le-Bois, etc. A Sainte-Vertus, sur ce cours d'eau, existait au moyen âge une villa que son voisinage des forêts fit appeler Silviniacus (2). (1) Voy. riiistoire de l'abbaye de Moutier-Saint-Jean, intitulée : Rcc~ mous seu IHsloria vionaslerii S.Johannis Reomacnsis, intractu Liniju- nensi, auctore Petro Rouerio, jt. 2G4. (Paris, 1637, m-4°.) La charte, eu l>arlanl de ces trois bois, dit : « Quibusdam iiemoribus sitis in territurio de Valeriis. » (2) H. Valesius. \vUli(i Gallionnn, p. Ô^'G. 13 22C Li:s Kuui-Ts i>i; i.\ (.aill ft dk i.'ancitnM'; iranck. Quoiquesitiiéeen réalité en Lorraine, la forêt de Passavant doit être comptée parmi les forêts de la Champagne, parce qu'elle s'étendait en grande partie sur une enclave de cette dernière province. Cette furet tirait son nom d'un bourg jadis ruiné (1) et qui ne faisait que commencer à j-e rele- ver dans les premières années du \\\f siècle (2). Elle fut, de 1574 à 1577, l'objet d'une transaction entre le roi de France et le duc de Lorraine, qui s'en étaient disputé la possession (3). On y planta une suite de bornes en pierre destinées à faire reconnaître les parties qui appar- tenaient respectivement aux deux princes. Au commen- cement du xvu*^ siècle, on y pratiqua de vastes cssarts qui furent également partagés. A dater de cette époque, on veilla avec soin à sa conservation; elle n'avait pas eu, au reste, à souffrir d'une exploitation inconsidérée; car lors de la réformation des forêts de Champagne (4;, il ne s'y était fait aucune vente depuis quarante ans; mais la guerre lui avait causé quelque préjudice. Sise aux confins du Barrois, de la Champagne et de la Franche-Comté, elle formait entre ces provinces une marche boisée; au xviii^ siècle, elle perdit une grande partie de son impor- (1) Passavant en Vosges, bourg Ju canton de Jussey (Haute-Saône). (2) C'est ce que nous lisons dans le mss. cité de la Réformation des forêts de Champagne. Ce bourg, aujourd'hui important, n'avait, en 16G0, que neuf huttes de bois, couvertes de paille. Ses habitants, ainsi que ceux de Vaugiscourt et LaCoste, jouissaient du droit d'usage dans la forêt, droit dont ils profilùrent largement pour la reconstruction du vil- lage, ce qui a dû singulièrement contribuer à l'amoindrissement de cette foret. {3) Voy. le manuscrit de la Biblioth. impér. intitulé : Proch-verbativ et autres actes touchant la forêt de Passavant en Vosges, 1577, La forêt fut partagée par parties égales entre Henri III et le duc de Lorraine. Lors de la réformation des forets de Champagne, une petite partie, sise près Selle, appartenait au roi d'Espagne. (4) Mss. cité f» 1C8. Quoique la Saône se trouvât au rein de la forêt, on n'oxpédiait sur celte rivière aucun bois par le flottage, quand eut lieu la réforniation. CHAPITRE XIV. 227 tance. En 1063, on estimait sa superficie à 10,000 arpents de haute futaie. Sur la carte de Cassini, la forêt de Pas- savant n'est déjà plus représentée que par une série de bouquets coupés de clairières. Elle bordait originairement la Saône et s'avançait au nord jusque vers Darney. Cette forêt doit avoir été un antique démembrement de la grande forêt des Vosges, dont j'ai parlé en traitant des forêts de l'époque caVlovingienne. J'avertis, en terminant cet aperçu des forêts de la Champagne au moyen âge, qu'il m'a été impossible de mentionner toutes celles qui présentaient une notable étendue; aussi ne me suis-je attaché qu'à parler de celles sur l'importance desquelles j'ai pu recueillir quelques données. 228 LES FOKKTS i)K LA (.AILL Kl UK l'aN( IK.N.M: IHANCF.. CHAPITRE XV. FOBf:T« m: i.v hoiiuiognf. et du mveknais. — état forestier m; MnUVANI» ET l>E LA BRESSE. Si la Champagne fut, durant la première période du moyen âge, ombragée par un réseau de forêts, le lacis recouvrait beaucoup plus serré la Bourgogne, qui de- meure encore, de nos jours, une des parties le plus riche- ment boisées de la France. D'ailleurs, les forêts de la Cham- pagne méridionale secoiitinuaient jusqu'en Bourgogne, et les frontières géographiques de ces deux provinces dis- paraissaient, pour ainsi dire, sous la bande forestière ser- pentant à travers les diocèses de Troyes, de Sens et d'Auxerre. Les documents anciens mentionnent en effet un assez grand nombre de forêts appartenant au territoire de l'ancien pagiis d'Auxerre. C'était d'abord la forêt d'Hervaux, auparavant forêt d'Erviel ou d'Arviail, qui oc- cupait la presque totalité du canton actuel de Guillon, et devait s'avancer à l'ouest jusqu'au Serain, et, au sud, au moinsjusqu'à une ligne dont nous connaissonsdeux points: Lucy-les-Bois et Sauviijny-lcs-Bois. La forêt de Maulne, qui subsiste en partie dans le canton de Crusy, n'était guère moins importante. Jusqu'aux portes d'Auxerre s'avançait la forêt de Bar {Banns sylva), qui n'avait, au commencement du siècle dernier, laissé d'autres vestiges que le petit bois de Monéteau, sis au nord de la capi- tale de l'Auxerrois. Une charte de l'an 1171 nous ap- prend que le comte Guy fit don à l'abbaye de Sainl-Marien de la partie de la forêt de Bar sise cnfie deux étangs ap- i ciiAiTiiu: w. 229 paitenant aux religieux (1). La même pièce nous apprend qu'au voisinage de cette forêt existait alors un' petit bois dit de Saint-Efiennc, et qui devait être un ancien écart. En 1181, la comtesse ^latliilde accorda au monastère de Pontigny, 40 arpents de bois dans la même forêt. Quel- ques années plus tard, on trouve l'abbaye de Crisenon en possession d'une partie de la forêt de Bar (2). Les reli- gieux de ces abbayes ont vraisemblablement été les principaux agents du défrichement de la Barrus sylra. Il y a quatre à cinq siècles, elle s'étendait jusque sur le territoire des communes de Charbuy et de Villefar- geau (3). Dans le diocèse d'Auxerre, un pays connu aujourd'hui sous le nom de Puisaie et appelé dans les chartes du moyen 'à^ePoisea, Puseya{A), est occupé par une succession de mi\~ récages et de bois. L'état physique de cette partie de la Bourgogne n'a sans doute pas beaucoup changé; mais il y a lieu de supposer que les bois y étaient naguère beau- coup plus étendus. Le Polyptique d'irininon mentionne même une forêt appelée Paciolus, qui tirait son nom delà Puisaie et devait se trouver dans les environs de Bitry. Au nord de Goulanges-sur- Yonne, entre Auxerre et Ve- zelay, s'étendait une forêt a;-€ez importante, celle deFretoy ou Frettey {Freteium)j actuellement réduite à un grand bois dont le territoire est divisé entre les communes de ]\lailly-le-Gliàteau,Mailly-la-Ville et Goulanges-sur- Yonne. (1) Quantiii, Carlulaire de l'Yonne, t. II, p. 472. — Lebeuf, Mémoire concernant L'histoire ecclésiastique et civile dWuxerre, t. II, p. 25,. n" 49. Celte partie de l'ancienne forêt s'étendait de l'étang Mxilsus à l'é- tang Del Borber. (2) Quantin, oui', cit. (3) On rencontre dans les environs diverses localités dont le nom dé- note la présence ancienne de bois : les Pclils-Bois, les Bries, Gâlines, Clunmoy. les Vareyincs., etc. (4; Quantin, 1. c. 230 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE I UANCE. Des traditions d'origine païenne se rattaclicnt encore au- jourd'hui à cette foret et en démontrent rantie a pu se rattacher oriiiiiiaii'cmeiit à ^ celle qui environnait Autun, l'antique Ain/ustodumtm, et que l'on trouve désignée dans une charte de Louis d'Ou- tremer sous le nom de Forêt de la montntjne (1). ( D'ailleurs, dans sa partie occidentale, le département de Saône-et-Loire occupe le sud du ^Morvand, légion qui j conserva encore, à beaucoup d'égards, l'aspect forestier de l'ancienne France. On y trouve en grand nombre de belles forêts, telles que celles de Gluàtillon et de la Gra- velle, et j'en ai déjà signalé quelques-unes, en parlant de l'Auxerrois. Ce n'est pas à dire cependant (jue dans le Morvand l'influence du déboisement ne se soit pas fait sentir. Plusieurs forêts ont subi des réductions notables; plusieurs ont à peu près disparu. Dès le milieu du xiii^ siècle, la forêt de Saint-Germain, située au voisinage de Brazey-en-Morvand, offrait de larges clairières, puisqu'on 1261 nous trouvons au centre de cette forêt un hameau nommé Tanoise et une chapelle dédiée à Saint-Germain (2), Cussy-en-M()rvand,qui faisait jadis partie de l'archiprètré d'Autun, tire son nom, corruption du mot cotiq,des forêts étendues dont il était environné. Dans ces forêts seigneu- riales, les habitants jouissaient, moyennant cinq sous par feu, du droit d'usage et de pacage; ils pouvaient, disent les anciennes chartes, prendre bois mort et mort-bois pourtour cha.uiïaige, bois de fol coupé à la serpe, pour bou- cher leurs héritages , pièces à bâtir et pour chaussure de charrettes et charrues et autres engins nécessaires, sans pouvoir toutefois en vendre, à peine de trois livres un sou par chaque contravenlion(3). On comprend que de si beaux (1) Cette charte a été publiée par la société éduemie [Méni. a». I83'.i, p. 34). (?) Voy. à ce sujet Baudiait, le Morrand. t. 11^ p. (>28. (3) Baudiau, oHf. vil. t. Il, p. 314. CHAPITRE XV. ZOO privilèges aient amené la dévastation de la forêt. Une autre forêt dite la forêt an Duc, parce qu'elle appartint jadis au duc de Bourgogne, occupe encore aujourd'hui une notable superficie (1,235 hectares); mais elle était beaucoup plus étendue, quand, en 1215, Eudes III en fit l'acquisition de Robert de Corbigny (i). C'est ce que montrent le grand nombre de villages qui y avaient droit d'usage et de pa- cage, moyennant une certaine somme (2). D'épaisses forêts environnent encore le village de Roussillon-en-Morvand, appelé jadis Blain; l'inspection de la carte de Cassini ac- cuse certains défrichements antérieurs (3). Au reste, leMorvand partageait avec le Nivernais, dans lequel se trouve la majeure partie de son territoire, ce caractère forestier.. Bien que l'établissement de forges en cette province ait été la cause de l'exploitation impré- voyante du bois (4), les forêts y sont encore étendues. Dans les temps anciens, elles couvraient cette partie de l'ancien territoire éduen d'un réseau serré d'arbres. Une forêt presque continue se déroulait au sud-ouest et au sud d'En- trains, localité (î'origiiie romaine, et s'avançait jusque vers Cosne, le Condnte des Itinéraires. Des lambeaux de bois , qu'indique Cassini sur la rive gauche de la Cure, semblent être les vestiges de la forêt qu'on trouve men- tionnée dans une charte de la fin du xii^ siècle, sous le nom de forêt de Callibus, autrement dit la forêt de Calz et qui empruntait son nom à un village ainsi appelé, et qu'a rem- placé le hameau de Chau, dépendant de la commune de (1) Baudiau, ibid. t. II, p. 433. (2) Les villages qui y avaient ce droit étaient Quarré-les-Tombes, Champlois, Montz, La Fouleticre, La Gorge, Villiers, Velars, Menemois, Montgaudier, Bousson, Iles-Menerier, Crot de Fou, Bonnaré etBonioux. (3) Baudiau, ouv. cil. t. II, p. 3-21. (4) Voy. Guy Coquille, Hisloire du pays cl duché de Nivcrnois, p. 349. 23C LLS l'OUÉTS DE LA (;ALLL; liT UE i/aNCIKNMJ FRANCE. DIlun-les-Places, canton de Lorme, arrondissement de Clamecy (i). Des souvenirs de l'âge celtique vivent encore dans plu- sieurs forêts nivernaises,{lont la présence est rappelée par des noms de lieux. Ainsi, près des Amogncs {AmaïKjiœ ou,4;?«o;?/œdans les chartes), dont le nom nous conserve un mot de la langue celtique, existe un hameau de La Forest. Près de Saint-Sauge, se rencontrent les lieux-dits La Forest, Bussières, Sahil-Iienin-des-Bois. Auprès de La Fermeté se trouve le bois de Gul-l'an-Xeuf, dans le prairies de Gormoranche (3j. Des bords de la Seille à ceux du Doubs, dans l'arron- dissement actuel de Louhans répondant en grande partie à la Bresse chalonnaise, régnait une succession de grands bois qui indiquait la séparation de la Bourgogne et de la Franche-Comté, et dont Lessard et Saint-Germain du Bois marquent le centre. Les bois de La Marche, la forêt de Malvèvre, ceux de Savigny en sont les restes (4). Ainsi au sud comme au nord, subsistaient au moyen âge des pans delà vaste muraille de forêts qui environnait la Bourgogne comme un rempart naturel. (1) Voy. à ce sujet Reinaud, Invasions des Sarrasins en France^ p. 302, 303. (2) II. Vales. Nutilin GalUarum, p. 98. Adrien de "Valois rapporte la passage du livre IV d'Aimoin. (3) Aug. Bernard, Gartulaire de Savigny et d'Ainay, U* partie, p. 1073. (4) Quelques autres forêts ont disparu de la Bresse, telle est celle rpa portait le nom de Sylva Pirela située près de Replonges (canton de Bagé le Chatel). Voy. sur cette forêt et sur plusieurs autres de la Bresse, du Maçonnais, du Charollais et du Brionnais, Ragut, Cartnlaire de Sainl- Vi7icent de Mâron, p. 249 et passim. CHAPITRE XVI. â39 CHAPITRE XVI. FiiRÊTS DE LA FKANCHE-COMTÉ. — LE JURA. — LE PATS DE VAUD. — ANCIENNES FORÊTS DE LA SAVOIE. — LES WALDSTETTEN. — INFLUENCE DES BURGONDES. — Df.KRICHEMENTS OPÉRÉS DANS l'hELVÉTIE. On a déjà vu, par ce que j'ai dit du Saltus Sequanus, quelle vaste étendue occupaient les forêts dans la partie de la France qui porte le nom de Franche-Comté. Durant la période du moyen âge, tandis que le défrichement se poursuivait sur certains points, en d'autres, ainsi que cela s'est passé pour diverses provinces, les arbres repre- naient le domaine dont ils avaient été chassés. La vaste forêt de Chaux, dont il a déjà été question, celles de Chailluz, de Ban, du Jura, la forêt de Lomont, au pays de Baume, formaient comme les diverses mailles du réseau forestier qui enveloppait les défilés conduisant de la Comté de Bourgogne dans l'Helvétie (1). Dans la partie de la Franche-Comté, qui répond au département actuel de la Haute-Saône, une foule de bois furent laissés debout et ils ont subsisté jusqu'au siècle dernier. La région, notam- ment, qui s'étend de Vesoul à la rive de l'Ognon, était toute boisée, mais on n'y rencontrait aucune grande forêt, et celle de Sorans, malgré son nom, n'était elle-même (|u'un de ces grands bois qui continuaient ailleurs de porter simplement cetle appellation générique. Du x^ au xvii* siè- cle, les mailles de ce réseau se sont graduellement élargies ; plusieurs forêts disparurent; je citerai notamment celle (1) Annuaire liistor. et stalisl. du Doubs, l'J* année, \k 201. (Voy. sur les forêts de la Franche-Comté, Gollut, Miim. hislor. de la répull. séqua- noise, p. 8G.) 240 LFS FOlllIlTS 1>F. l..\ i.Wl.T. ET DK LANCIF NNE IHANCE. qui environnait Dole et qui, s'avançant jusqu'à Auxonne, servait de nmrclie entre le duché et la comté (1). Cette forêt, ainsi que celle de la Serre, était un des principaux débris du Saltus Sequanus; là se pressaient les futaies de hêtres, d'aulnes et de frênes, comme l'indiquent les noms d'une foule de villages dérivés de celui de ces essences {2j : Faye ou Fai (du latin /ff/us, hêtre), Vernois, Vernay ou quelques noms commençant par le radical ver (vern, en celtique, aulne) (3), Frasne, Frasnée, Frasnois (du latin fraœinus^ frêne) (4). Bu xii" au xiv* siècle, toutlc territoin- qu'occupent actuellement les villages du Grand et du Pelit Abergement était entièrement boisé. Le défrichement date des constructions élevées en 1190 par l'abbé de Rosières, au hameau de la Tournelle, qui n'était alors qu'une simple ferme. Dans les siècles suivants, les colons ne ces- sèrent d'y arriver, attirés par les avantages qui leur étaient faits, et nous voyons encore, au xyii" siècle, le maréchal de Lorge, baron de Vadans, accorder aux nouveaux habi- tants des droits importants dans ses forêts (5). Au val i\c Miége, arrondissement de Poligny, les prieurés de Miég<' et de Sirod, colonies sorties du monastère de Saint-Oyan- de-Joux, devinrent des centres agricoles. Les clairières s'étendirent rapidement; au xii' siècle, les villages de (1) Roussel, Dictionnaire géographique des communes du Jura, l. lit, p. 141. (2) Roussel, 0. c. t. 111, p. 169. (3j V'ingt villages de la Franclie-Comtô s'appellenl le Ver'nois ou le Vernay. Le radical Ver ou Vaire se relrouve dans les dénoniinalioiis géographiques des t-nvirons de Cuisia, village do l'arrondissenioul di' Lons-le-Saulnier, dont le nom, d'origine celtique {roat, bois), dénote lu présence ancienne d'une foret. (Voy. Roussel, o. c. t. 11, p. 355.) (4) Roussel, 0. r. l. 111, p. 150. (5) Roussel, 0. c. t. 1, j). 4 et 5. Le nom d'Abergement commence à figurer dans les litres à jiartir de 1?C3. Les deuv villages, qui ne foi- niaienl dans le principe ; halins. CHAPITRE XVI. 24i Miége et de Molpré étaient déjà florissants. En possession de droits d'usage étendus dans les forêts d'Onglières et de la Haute-Joux que leur avait concédés un seigneur de No- zeroy, les habitants abattirent sans discernement, et la dévastation des arbres marcha rapidement (1). Toute cette partie de la Franche-Comté subit un déboisement tel cju'il ne restait plus, au xvf siècle, dans la seigneurie de Poli- gny, que deux forêts domaniales, celle de Vaivre (2), qui contenait de 800 à 1,000 journaux, et celle de la Mangette, d'une superficie de 500 arpents. A une époque plus recu- lée, existaient les forêts deBoichat, du Bois-Couronné, du Bois'-Fromont, des Champs-Rouges, de Dam-Rainaud, de Mont-Adelon, autrefois mont Oidelon {mous Odilonis) (3), de Devens et d'Outre-Bois (4). Ce n'est qu'au xv' siècle, que des mesures furent prises pour en régler l'aménagement et y limiter le droit d'usage (5). J'ai dit qu'au moyen âge la forêt reprit souvent le [do- maine dont elle avait été jadis chassée. On en a la preuve dans les antiquités romaines, telles que tuiles à rebords, médailles, débris de constructions, découvertes dans le climat nommé aux Vamwz, sur le territoire de Balay- Saux (arrondissement de Dôle); car l'origine de ce village (1) Roussel, 0. c. t. IV, p. 1G8. (2) Voy. sur ce nom, variante de celui de Voevre, ce qui est dit ]i. 200 et'204. (3) Cette forêt tira, dit-on, son nom du forestier Odilon, qui est men- tionné dans une charte de 1133. Voy. Chevalier, Mémoires historiques sur la ville cl seigneurie de Poligny, t. II, p. 91, note. (4) Rousset, ouv. cil. t. Y, p. 167. Yoy. sur la forêt de Devens, p. 248. (5) Le 4 juillet 1459, la ville de Poligny renonça au droit qu'elle avait de prendre librement dans la forêt de Vaivre les bois nécessaires pour les besoins jiublics. L'obtention de ce droit dépendit désormais du gruyer de Bourgogne ou de son lieutenant. Indépendamment des droits d'usage que les habitants de Poligny avaient dans les forêts de Vaivre et de la Mangette, ils possédaient de vastes forêts sur la montagne. Le maire en avait d'abord l'administration, mais celle-ci passa ensuite à la maîtrise le Poligny, puis aux ofQciers de la réformalion des forêts. Rousset, /. c. 16 :242 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. et des villages limitrophes est comparativement récente; ils ont remplacé des forêts qui existaient au moyen âge, et pourtant cette contrée forestière nous apparaîl comme défrichée pendant l'époque romaine (1). Ces re- tours de la forêt sont en certains points d'une dale assez moderne. Le village de Larnaud, qui appartient aujour- d'hui à l'arrondissement de Lons-le-Saulnier, avait déjà acquis assez d'importance, lorsqu'au xv* siècle les armées de Louis II le ruinèrent. La végétation arborescente s'em- para alors des champs qu'offrait le territoire de ce village, et elle transforma en forêt le pays auparavant ouvert et fertile compris entre l'Etoile, Montmort et Louhans. Les déirichements furent suspendus durant une courte pé- riode; mais ils reprirent en 1530, et les hameaux cons- truits à la suite de ces abattis, empruntèrent leurs noms aux essences forestières qui dominaient à l'entour. De co nombre furent le Frasnois, la Grande Verney, la Petite Verney. Au xvii^ siècle,, les guerres et les maladies conta- gieuses qui désolèrent ce canton ramenèrent le sol à l'état où il était du temps des Gaulois (2). Mais il faut le recon- naître, ces reboisements naturels ont été en somme moins nombreux que les défrichements. Dans l'arrondis- sement de Poligny, les vignobles prirent la place des forêts abattues, forêts dont les noms viennent d'être rappelés. Aux environs de Saint-Amour, dans le canton de Lons-le- Saulnier, grâce aux soins de Philibert de la Baume, de- venu acquéreur de la terre de Saint-Amour en 1548, les mûriers blancs plantés pour l'élève des vers à soie, les châtaigniers du Dauphiné, qui donnent les célèbres mar- (l) Roussel, 0. c. t. I, p. 139. Non loin de l'ancien château de Sainte- Marie existe une mare profonde d'où l'on a retiré d'énormes pieds df ohène. (-2) Rousset, 0. c. t. III, p. 374. CHAPITRE XVI. 243 ronsde Lyon, remplacèrent pendant un temps les essences purement sylvestres (1). Dans le Jura proprement dit, le sapin demeura l'essence dominante à partir d'une altitude de 700". Entre ce niveau et I.IOO"" environ, il forme surtout des forêts qu'il peuple seul de ses troncs élancés. Plus haut l'épicéa sou- vent le remplace (2). Un peu plus à l'est, dans la contrée qui constitue comme une vaste marche montagneuse entre notre pays, l'Allemagne et la Suisse, apparaissent au moyen âge des restes plus imposants de l'antique Saltus Sequanus ;yi^e\- vétie en est encore enveloppée sur une foule de points. Là, comme dans le Jura, le sapin continue à se montrer; mais il règne moins exclusivement. Aux environs d'Aarau et d'Olten, il fait place, sur le versant oriental de la chaîne jurassique, au hêtre, dont les teintes riantes contrastent avec la sombre couleur des épicéas prédominant dans le bassin suisse. Le hêtre descend en général dans cette <^.haîne plus bas à l'exposition du nord, ainsi qu'on peut l'observer au voisinage de Bade, Feri'ette et Porentruy, et se présente à une plus forte altitude dans les districts méridionaux de la même chaîne (3). La distribution des essences n'a pas changé depuis des siècles. Au moyen âge comme de nos jours, les forêts se continuaient de France en iSuisse et de Suisse en Savoie. Otte ténébreuse enveloppe qui dissimulait en partie la frontière dressée par la nature entre ces trois pays, est (1) Roussel, 0. c. t. I, p. 22. Saint-Amour est un des lieux les plu? anciens de la Franche-Comté. (2) Le sapin prédomine aux niveaux indiqués ici, à partir des chaînes sises à l'est du Stafelegg, et s'avance sans interruption jusque dans le Bugey. (3) .1. Thurm.mn, Essai de phytoslaliquc, t. I, p. 183. 244 LES FORÊTS DE L.V GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. toutefois devenue moins épaisse. Entamée par le temps et par l'homme, elle laisse maintenant percer à travers de nombreuses fissures faites à son ombre, la roche nue qu'elle recouvrait. Quelques forets ont totalement disparu. Dans un diplôme de l'année 862, où se trouve consignée une donation faite par Charles le Chauve à Richebert, abbé de Saint-Oyan {Sanctus Eurjendus) (i), il est fait mention d'une forêt s'étendant de la rivière d'Orbe {Orba) à la montagae Noire {terminationem Nigri montis). Cette forêt ombrageait donc les flancs de la Grande-Combe, ac- tuellement déboisés; elle allait certainement se joindre à l'épais rideau derrière lequel se dérobe la montagne qui court parallèlement au lac des Charbonniers. Deux lieux dits, Cliapelle-des-Dois et Bois-d' Amont, rappellent encore l'étendue de cette vaste forêt, jetée comme une muraille végétale entre la France et la Suisse. Le nom de Juris appliqué à cette forêt dans la charte précitée, semble être une altération de celui de Jura, par lequel on continua longtemps de désigner toute la chahie forestière qui recouvre les lignes du Jura (Juranus sal- ins) (2). Les noms que portent deux contrées princi- pales de la Suisse, en rappellent l'état forestier, à savoir : au nord-est, les Waldstetten ou Cantons forestiers, qui ont valu au lac de Lucarne une des appellations sous lesquelles il est connu; et au sud-ouest, le pays aujourd'hui canton de Vaud {pagus Waldensis) (3). Les cantons forestiers (1) Ilisloriens de France, t. VIII, p. 583. (2) Ce nom de Juranus salttis se trouve employé notamment dans Ai- moin, Z>e gestis Francorum. lib. III, c. xcvi. cd. D. Bouquet, p. 1 1-i. (3) J'ai déjà dit que ce mot Wald signifiait à la lois une forêt fl unt: chaîne de montagnes boisées, absolument comme cela arriva en latin pour le mot sylva. Diodorc de Sicile nous apprend, on elfel, que de son temps on appliquait ce nom aux montagnes évidemment i)arce qu'elles étaient boisées. TcjvAaTÎvuv To o5o; (jtXiv»xv ôvoaxîiivTMv. ^Diodor. Sicil. Exccrpl. cap. IV, p. 8, édit. C. Millier.,. CHAPITRE XVI. 245 étaient ceux de Lucerne, de Sch\vytz, d'Uri et d'Unter- waldeu. Ce dernier nom rappelle les forêts dont le pays tut jadis ombragé. Le pagus Waldensis, auquel les Burgondes avaient imposé cette dénomination tirée du mot Wald, s'éten- dait oiiginairement bien au delà des limites du can- ton de Vaud actuel (1) ; il comprenait une grande partie du canton de Fribourg. Au voisinage de cette ville, on trouvait, en remontant la Sarine, une vaste forêt, dont la tradition a conservé le souvenir et dans les solitudes de laquelle s'étaient jadis établies les hordes du roi Gun- dioch (2). La plaine qui s'allonge de l'Aar au Jura était dominée par la forêt de Gouggisberg, qu'une chanson populaire de la Suisse a rendue célèbre. Cette forêt recouvrait une partie de l'Aufgau, où Lutold de Rumligen bâtit un mo- nastère de l'ordre de Cluny, circonstance qui la lui fit ' donner en toute propriété par l'empereur Henri IV. Au- jourd'hui on ne trouve plus sur l'emplacement de la forêt de Gouggisberg, que des prairies, des champs, des bos- quets et des jardins (3). L'ancien pagns ou décanat d'Alinges, qui comptait, au XI* siècle, soixante-quatre églises paroissiales, et s'étendait entre le lac Léman et la Menoge, limite de la province de Faucigny, depuis le château de Troches à l'ouest jusqu'à Saint-Gingolph à l'est, était couvert de forêts, surtout dans sa partie orientale, appelée pour cette (1) Voy. le savant mémoire de M. Fr. de Gingins-la-Sarraz sur réta- blissement des Burgondes dans la Gaule, dans les Mémoires de l'Acadé- mie royale des Sciences de Turin, t. xl, p. 243, 253. (2) Voy. Gingins-la-Serraz, Mémoire cité, p. 247. (3) J. do Millier, Hist. de la Confédération suisse, traduite par Cil. Monnard, t. I, p. 335. 246 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. raison Gaw-Oti, c'est-à-dire le pays désert, d'où l'on a fait par corruption pays de Gavot. Ce pagus, qui a formé depuis la province de Chablais, est maintenant dépouillé de la presque totalité de ses bois (1). Les forêts qui valurent le nom de Waldstetten aux qua- tre cantons de Schwytz, d'Uri, d'Unterwalden et de Lu- cerne, entouraient d'une large ceinture arborescente le magnifique lac qui baigne ces cantons et dans les eaux duquel se réfléchissaient ses ombrages. Cette zone syl- vestre s'élargissait au nord du lac de Lucerne et allait se joindre aux forêts de l'Helvétie septentrionale. Quand, vers l'an lloO, le déboisement eut enlevé aux Waldstetten leur physionomie primitive et en eut fait disparaître les plus épaisses profondeurs, un seul canton conserva ses té- nébreuses forêts, ce fut celui de Stanz, et ons'habilua dès lors à Je distinguer des autres petits cantons par le nom d' Untencalden, comme nous dirions en français : Sous bois. Les deux vallées dont il est formé n'étaient alors en réalité que deux forêts : l'une placée au sommet des Alpes, l'O- berwalden, et l'autre à leur pied, le Nieder\valden (2). Le caractère forestier que présentait au moyen âge la partie de la Suisse qui répond aux petits cantons, la fit désigner par les chroniqueurs latins sous le nom de Sil- vania; ses habitants furent appelés SHvarài (3). De même que le lac des quatre cantons, celui de Zu- rich était entouré d'une forêt qui, sous Charlemagne, devint propriété royale. Cinq siècles de défrichement ont (1) Gingins-la-Sarraz, Mém. cit. p. 264. (2) Tscliudi, Chronicon Ihlvelicum, t. I, p. 3-4, 58, 71 el 72. (3) Le nom de Sylvain, Sijknus, fut aussi imposé à plusieurs mon- tagnes qui séparent la Suisse de l'Italie. Ainsi les monts Rosa et Cerviii reçurent successivement ce nom, mons Syliius, à cause de leurs cime? boisées. (Nouv. Annal, des Voilages, 1824, t. XXIII, p. 238.) CHAPITRE XVI. 247 substitué à cette ceinture forestière de nombreux vigno- bles (1). Les Burgondes apportèrent la culture et la vie dans ces solitudes, abandonnées auparavant aux bêtes fauves, aux chamois et aux aigles. Les villages s'élevèrent en grand nombre dans les clairières pratiquées sur les flancs des montagnes et gagnèrent jusqu'à leur cime, que les glaciers ont souvent envahie depuis. Les, bnœhes {^) , les neiireus{^ prirent la place des futaies de sapins et d'épicéas. Là où auparavant l'on se bornait à ouvrir par le feu un essart sur le sol duquel se semaient quelques maigres céréales, furent créés des vignobles et des jardins. Toutefois, malgré les progrès du défrichement, l'Helvé- tie, et en général les contrées qu'envahirent les Burgondes, conservèrent de vastes forêts dont la jouissance commune assurait aux populations voisines la satisfaction d'indis- pensables besoins. Les Burgondes apportèrent dans la Gaule les habitudes germaniques, et j'ai déjà dit plus liaut qu'en Allemagne, surtout dans la Saxe, l'existence des forêts communes s'est continuée fort longtemps. C'est seulement à dater de la fin du xii*" et du commencement du xiii^ siècle, que les princes commencèrent à s'en attri- buer la possession. Cette usurpation eut d'heureux effets pour la conservation des forêts. En perdant le droit dont (1) J. de Millier, Uisl. de la Conf. suisse, ti-ad. par Ch. Monnard, t. ], !>. 203. (2) C'est ainsi qu'on appelle, dans le Jura et les Alpes, les lieux défri- chés; ce nom vient de l'allemand brache, « friche. » En gaëlic, ces lieux s'appellent Frilh, Ftilhe (mot celle d'où parait dériver notre français friche, et qui avait désigné originairement une forêt). Les anciens Alle- mands, à l'époque carlovingienne, donnaient le nom de Bifange aux can- tons d'une foiôt qui étaient défrichés et livrés à la culture. (Behlen Lehrb. der deulsch. Forstgeschiclile), t. I, p. 56.) (3; Ce nom, porté par divers villages, signifie liexi nouvellement défri- rhé, de reule7i, « extirper.» Le nom de iVf'wrews s'est changé, dans cer- tains endroits, on celui de Nugerol. 248 LES FORÊTS DE L/V GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. ils avaient joui durant des siècles de couper du bois, de chasser, les paysans allemands furent mis dans l'impossi- bilité de dévaster les forêts. La possession devint plus mé- nagère entre les mains des seigneurs. Les établissements religieux envahirent aussi les forêts communes; des char- tes de donation firent passer de grandes étendues d'an- ciennes marches forestières entre les mains des moines avec tous les droits utiles qui eu dépendaient (1). Les mo- nastères devinrent alors, comme ils l'ont été en France, les grands centres de défrichement; c'est ce qui arriva également en Suisse. Les vallées du Jura et de l'Oberland se peuplèrent de solitaires; leur établissement en Helvétie remonte aux premiers temps de l'invasion burgonde. Protais s'était retiré dans les forêts qui bordaient le Lé- man. Il construisit au-dessus de l'ancien Lousoniwn quelques cabanes qui donnèrent naissance à Lausanne. Genève, l'antique Genaha, avait dû par son importance amener le défrichement de presque toute la contrée qui la sépare du Jura, et la colonie équestre de Xyons étendit encore de ce côté la zone cultivée. Aussi au xiii' siècle, ne restait-il plus de la forêt qui, dans le principe, s'avan- çait de la crête du mont Tendre au lac, que la forêt de Devens, qui ombrageait le district de Cossonay (2). Dans la haute vallée du Jura, Ponlius, Romanus et Lupicinus fondèrent des ermitages. Sigonius plaça sa cellule au haut des rochers de Balm ou Baulmes (3). Saint Germain appelait, au vif siècle, dans la vallée de Porentruy, les religieux qui défrichèrent la vallée de Mou tiers-Grand - (1) Voy. Boulhors, L>:s Sources du droit rural, p. 85. (2) Nemtts castelU quod dicilur Devens, dit une charte de l'an 1211. — Carlidaire de la Chartreuse d'Oujon, publ, par J.-J. Hisely, p. 10. [Mémoires de la Société d'Histoire de la Suisse romande, t. XII.) (3) J. do Millier, Ilisl. delà Conf. suisse, irad. parCh. Monnard, 1. 1, p. 119. CHAPITRE XYl. 249 Val (1). Vers la même époque, Ursinus allait bâtir sa cellule non loin de la source du Doubs, là où est au jour-, d'hui Sainte-Ursanne. La vallée arrosée par la Suze, qui n'était qu'un défilé couvert de forêts, circonstance à laquelle elle dut le nom de ISirjra Vallis (Nugerol),s'éclair- cissait sous la hache d'Imier et de son valet Albert (2). Non loin de Morat, Marins, par des travaux du même } habitées, cessèrent d'être le repaire des bêles fauves qui foisonnaient dans l'Helvétie ; car les dominateurs de ce> contrées, les comtes de Rapperschwyl,deTokenbourg, de Gruyère, de Lenzbourg, les seigneurs de Monlfort, le> comtes de Kibourg, les ducs de Zaehringen et cent autre^ nobles les poursuivaient journellement dans leurs chas- ses (4). Non-seulement le paysan lié à la glèbe transfor- mait pour son seigneur le sol forestier en terre arable, il ouvrait encore dans les taillis des clairières qu'il cultivait à son i)roûl{srmdî'umsimm}. Des pâtres s'établissaient dans les forêts les plus élevées, comme cela eut lieu au Sentis et au Kamor (o). Telle a été l'origine du canton d'Appen- zell. Le nom des deux divisions qu'on y reconnaît aujour- vation. Le chalet de !a Harideck, à 4,400 pieds, est caché au milieu «l'iin magnifique bosquet de sapins séculaires. (1) Fondé en 11 2G, par Conrad, comte de Biberek, évéque de Coire, et par Berthold et Siegfried, ses frères. (2) Le couvent de Notre-Danie-des-Ermites. (MùUcr, t. 1, p. 279; Goi - bert, Hisl. Silvx Nigrx, t. 1, p. 193.) (3) Voy. Mémoires et documents jnibliés par la société d'histoire de In Suisse romande, t. I, p. 120. (4; J. do Mùller, OMii. cit. p. 399 et suiv. (5) Jbid. p. 387. CHAPITRE XVI. 251 d'iîui, les rhodes (1) intérieurs et les rhodes extérieurs, rap- pelle les défrichements qu'on y a jadis opérés. L'antique Rhétie, que d'immenses forêts traversaient, ainsi que l'Hel- vétie, fut plus épargnée par la hache des moines et des serfs. Plusieurs de ses ténébreux massifs gardèrent pen- dant bien des siècles leur sauvage et primitif aspect ; et le chasseur seul se hasardait dans leurs inextricables défi- lés. Mais avec le temps, ces solitudes se laissèrent péné- trer. Les hardis montagnards de l'Allemagne gravirent le Monte d'Uccello et sillonnèrent, dans leurs courses aventu- reuses, le Rheinwald ou forêt du Rhin. Les paysans de la Souabe traversèrent la forêt qui occupait le canton de Curwalchen et parvinrent jusqu'au pied du Spliïgen (2). Les friches et les clairières qui avoisinent le lac de Wal- lenstadt furent mises en culture par les serfs des comtes de Bregenz et de Lenzbourg (3). Ceux du couvent de Saint- Hilaire, à Seekingen, se répandirent, en suivant sans doute les bords de la Limmat, de l'Aar ou du Rhin, dans le pays de Glaris, vallée moitié rhétienne, moitié allema- nique, et construisirent leurs habitations avec les arbres qui en tapissaient les flancs (4). Aux altitudes oii ne pouvaient atteindre les demeures des cultivateurs, celles des hommes de Dieu arrivaient encore, et comme à l'Engelberg, au comté de Zurich, les moines ne reculaient pas devant des forêts chargées toute l'année de frimas. Des villes s'élevèrent donc peu à peu dans les contrées qu'occupaient les forêts. Au milieu des épais ombrages (1) Ce nom est dérivé de roda, rode, qui répond au latin navale. (Voy. Scherzius, Glossar. german. s. v.) (2) J. de Millier, Ilist. de la conf. suisse, trad. par Ch. Monnard, t. I, ].. 150, 322. (3) Ibid. p. 154, 322. (i) Ibid. p. 150, 281, 325. 252 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. qui environnaient le château de Nidek, Cuno de Buben- berg ouvrit de vastes clairières qu'il ajouta au territoire, alors borné, de Berne, et, de simple bourgade, cette place devint une des métropoles de l'Helvétic (l). Le pied du Jorat, dont quelques habitations perçaient le rideau ar- borescent, vit s'élever la ville de Moudon. Jadis cette mon- tagne s'était confondue avec la chaîne du Jura, à laquelle la liait une ligne continuedeforèts dont un tronçon impor- tant [neinus de Jorat) subsistait encore au xiii" siècle (2). Enfin, au milieu des déserts ombragés de l'Uechtland, qui appartenaient à l'abbaye dePayerne, sur les bords de la Sarine, Berthold, duc de Zaehringen, fit construire Fribourg, qui devint, pour l'abbaye d'Hauterive, une ri- vale redoutable (3). Les forêts marécageuses de l'Uechtland (pays de Neu- châtel), vraisemblablementd'un aspect analogue à la vaste forêt de Dromling, dont les lignes irrégulières couvrent les bords de l'Ohre (4), furent asséchées ; à leur place on vit paraître des campagnes fertiles que des digues éle- vées préservaient des inondations dues à l'irruption des eaux des lacs (5). Les habitants de la Suisse jouissaient en commun de ces magnifiques forêts où ils faisaient paître leurs troupeaux et allaient recueillir du bois. Ainsi l'autorisait, comme je l'ai fait remarquer plus haut, la loi des Burgondes. « Syl- varum, montium et pascuorum unicuique pro rata sup- (1) J. de Millier, t. I, p. 168, 373. (2) Voy. Cartulaire de Vabbaye de llauteret, pub), par J.-J. Hisol\ . p. 202 (dans les Mémoires de la société d'histoire de la Suisse romande). (3) J. de Mûller, t. I, p. 164, 367 et suiv. (4) Cette forêt, qui recouvrait encore', il y a quelques années, une su- perficie de 130,000 arpents, s étend dans la Saxe prussienne, le Ilanoviv et le duché de Brunswick. (5) L'Aar, en débordant, inondait les bois de l'Uechtland. (Vo\ Millier, t. I, p. 254.) CHAPITRE XYI. 253 petit esse commimionem (1), » dit un de ses articles. Des restes de cette communauté se conser\èrent longtemps dans rUechtland ; on peut citer notamment l'association du liouchoyage, établie entre les barons-bourgeois de Pontar- lier (2). A leur arrivée dans le pays, les Burgondes avaient exigé des propriétaires riverains la cession de la moitié de leurs bois (3). Cet état de choses ne tarda pas à entraîner de graves abus, qui portèrent un coup funeste aux forets suisses. Les communiers commirent de nombreux dégâts. De plus l'exploitation naissante des mines hâta la des- truction des forêts du Mont-Julier (4) et d'autres mon- tagnes dont les flancs recelaient des métaux utiles. Les communiers se disputèrent, chacun pour son industrie particulière, le droit d'abattre et de mutiler les arbres. Les charbonniers, les tonneliers, les verriers entrèrent en lutte, et cette lutte se continuait encore au commence- ment du siècle dernier (5). Aussi, du moment que les usages se multiplièrent assez pour amener une exploita- tion abondante, vit-on les forêts péricliter rapidement. En 1576, les joux ou vastes sapinières de la vallée de Romainmoutier, sont dévastés par les communautés de risle, Villars-Boson et la Coudre (6), qui abattent par milliers les sapins pour en faire lavons (planches), ce qui (1) Lex iJurj/imrf. addit. pr. g 6. (2) Droz, Ilisi, de Ponta)iie)\ p. 120, 131. Voy. ce que je dis plus loin du bouchoyage, on parlant de l'extension des droits d'usage. (3) Millier, ouvr. cit. t. I, p. 114. (4) On y exploitait des mines de fer pour les Guelfes, comtes d'Altorf. (Voy. Mûller, oiiv. cit. p. 285.) (5) Yoy. les pièces justificatives de l'Histoire de la vallée du lac de Joux, par J. D. Nicole, dans le t. I, part, ii, p. 49(3. 440, 444, des Mé- moires et documents imbliés par la société d'histoire de la Suisse romande. ^6) Voy. les pièces justificatives des Annales de l'abbaye de Joux, jiubl. parFr. de Gingins-de-la-Sarraz, n° 86, 1. 1, part, m, p. 431, des .Uémoires de la société d'histoire de ta Suisse romande. 254 LES FORÊTS DELA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. donne lieu à de vives réclamations. La forêt de Risou, si>< entre la vallée de Joux et la Franche-Comté (1), la forêt d. Febeton (2), fort importante au xiii« siècle, perdireiii promptement une partie notable de leur étendue. Uuc pièce des archives de Cossonay, de l'année 1664, repré- sente les bois de Seppez, qui entouraient cette ville, comme grandement ruinés depuis plusieurs années (3). En 1618, un seigneur de Gorgier, dans la principauté de Neuchâlel, se plaint aux fji^mdsjoursou plaids de mai « du grand mésus qui se commet aux bois et forêts, tant de son altesse, de ses vassaux, que communs et particuliers, pour n'être châtiés suffisamment et extraordinairement ceux qui font le guet sur les arbres^, quand les autres mé- susants coupent et abattent du bois, ni ceux qui avec un corbet, couteau ou autres glaives qui n'appellent le fores- tier, font aussi dégât de jeunes arbres, plantes et arbres, qu'ils peuvent plumer et couper avec lesdites menus glaives (4). » Toutefois, la Suisse était assez riche de boi> pour pouvoir réparer les pertes et ne point souffrir de ces dévastations locales. D'autres contrées nous donneront If spectacle d'un gaspillage de la matière ligneuse ayant ou des conséquences bien autrement fâcheuses. [\) Mémoires el docum. de lu société d'hist. de la Suisse romande, t. I, part, in, p. 440. (2) Voy. Recueil de pièces concernant l'ancien évcché de Lausanne, Cartulaire de l'an 1277, Mém. et dociim. cités, t. VII, part, i, p. 69. (3) Pièces justificatives delà Chronique de Cossonay. publ. par L. dt* Charrière, Mém. el doc. cit. II* iivr. p. 435. (4) Matile, Travaux législatifs des plaids de mai, p. 42, Neufchàlel, 1837. En Allemagne, c'était aussi aux assises de mai i^Maigedinge) qu'é- taient portées les affaires de délits forestiers. CHAPITRE XVI. 255 CHAPITRE XVII. AMJIEN ÉTAT FORESTIER DE l'oRLÉANAIS. — FORÊTS d'oRLÉANS ET DE MON'TAR&IS. — LE GATINAIS. — FORÊTS DU PAYS CHARTRAI>", DU RLÉSOIS ET DU VENDOMOIS. — LA SOLOGNE. FORÊTS DU BERRY. L'ancien pays des Carnutes, qui répondait en grande partie au territoire de la province d'Orléanais, formait, ainsi qu'on l'a vu plus haut, comme la frontière entre les de César. (3) Valesius, Notilia GaUiarum, p. 270. c:ii.\pm;r: xvii. i57 Pour rc'tiouver raiieieiinc IVoiiLière se[)teiiLriuiiu!e de la Ibrèt d'Orléans, il l'aut donc réunir à son domaine toutes ces localités et tirer une ligne de Neuville jusqu'à Boyne, en la faisant passer par le Bois-de-Laleu, Saint-Michel, où se trouve encore un bouquet, Bouzonville, Mareau, et Bois-de-Luliy. Au sud, entre Boigny et Saint-Benoît, la forêt se rap- prochait beaucoup des rives de la Loire. Dans cette ré- gion, les noms de Ghessy et de Fay-aux-Loges sont suffi- samment significatifs. Le territoire de Saint-Benoit était, au VII'' siècle, occupé par la furet, quand oh y fonda l'ab- baye de Fleury {Floriacum) (4). Antérieurement, une autre abbaye fut élevée en un de ses cantons qui n'était plus au xiii^ siècle, ainsi que cela ressort des Comptes de saint Louis, qu'un simple bois {boscus sancti EvurtU){^) . Je veux parler de l'abbaye de saint Evurte, appelée par corruption saint Euverte, et qui se trouvait sur le bord de la Loire aux portes mêmes d'Orléans. L'existence, à cette époque, du bois de St-Evurte, ou comme l'on disait encore de Sain t-Eu verte, prouve que la foret s'était avancée à peu de distance de la banlieue de la ville. Sans doute qu'à la période gallo-romaine, la sylva Lagit s'étendait beaucoup plus loin au sud-est; elle allait re- joindre la forêt de Montargis dont un prolongement avoi- sinait Chàtillon-sur-Loing; car divers lieux-dits qui se trouvent entre Sury-aux-Bois (4) et cette dernière ville, accusent l'existence d'une suite de bois, tels sont Ste-Ge- (1) Ce monastère qui doit son oriyjne ù LéodeLode, abbé de Saint- Aniane {GalHa christiana, t. VIII, coi. 1538, Ecclesia Aurelùmensix), ('•tait situé à sept lieues à l'est d'Orléans. (2) Hisloriens de France, t. XXI. (3) Gallia chrisliana, t. YIIl, col. 1573, Kccles. Aurelianensis. (4) Sury-aux-Bois, en latin Siitnnkiciis ou Siriacus, existait déjà au X* siècle. (Voy. Gallia christ, t. VIII, Instnini. col. 48S, cliarle du Hugues Capet) de l'année 990.) 17 258 Li:s FûRi-Ts i>K LA (.AILE KT DE l'ancilnm; fi'.anci:. ncviève-des-Bois, CliatK/y-lcs-Iiola, La Forrst, /r Irra/tt/- Bois, le Boiit-dit-Iioia, etc. Il en est de même d'une foule de noms de lieux dans la partie comprise entre Ghàtillon- sur-Loing, et la forêt actuelle de Montargis, par exemple Jai Gmnde-Brossey Boisgcrmain, Cottereau, Bois-Franc, La Forest, etc. Au xiii* siècle, la Foresta Lagii éiaii subdivisée en plu- sieurs parties distinctes qui répondent aux Gardes que l'on y trouve établies au xviif, à savoir : la Venda de Gomet {{), qui est la Garde de Goiwias prèsMehuu; la Vetida Chomontessi , appelée quelquefois simplement Chomontesium (2), qui est la Garde de Chaumontuis, la- quelle s'étendait au-dessus de Saint-Martin ; le Boscus Sancti Lœti et S. Eviirtii (3), qui est le bois de Saint-Lyé, situé au nord-est de la forêt actuelle, dans le canton de Neuville-aux-Bois; le Boscus Curiœ Dei, qui est la partie de la forêt d'Orléans sise au nord de SuUy-la-Cha pelle où fut fondée eu H18 la célèbre abbaye de la Cour-Dieu de l'ordre de Cîteaux (5); cette abbaye qui lui valut son nom se trouvait sur le territoire actuel de la commune d'Ingranne (canton de Neuville-aux-Bois); la Garenna Cas- tri Novi, qui est l'ancienne Garde de Cluiteauneuf-sur- Loire, aujourd'hui presque totalement démantelée. D'au- tres parties, dont il n'est point aussi facile d'assigner l'exact emplacement, telles que la Venda Boorlii, le Boscus Pafjani de Villari et Venatoruin sont aussi mentionnées dans les Comptes de saint Louis, auxquels nous emprun- tons ces indications. (1) "Vov. Historiens de France, t. XXI, p. 254. (2) ma. p. 254, t. XXII, p. 574. (3) Ibid. t. XXI, p. 272. 14) Ihid. l. XXI, p. 272. (5) Gall. christ, t. VIII, col. 1582, Eccles. Aurelinn. (6) Historiens ilr Framr, t. XXI, p. 254. CHAPITRE xvn. 259 Le même document mentionne des parties de la foret d'Orléans plus éloignées de cette \ille et dont ellea aujour- d'hui abandonné le sol : telles sont la Venda Cantollii (4), qui est l'ancien bois de Chantaloue, la Venda Mellerii, qui est l'ancien bois de Melleroy, dans le canton de Châ- teau-Renard (arrondissement de Montargis); le Boscna Bableiœ, qui est le bois d'Arrabloy (Arre/dat/ioji), dans le canton de Gien (2). Pithiviers date au moins du x* siècle; circonstance d'où l'on doitconclurequedèscette époque, la Ibrét d'Orléans avait déjà été ouverte dans cette direction. L'indication de ces diverses parties de la forêt montre que les éclaircies n'y étaient pas encore très-multipliées, au commencement du xiii" siècle. Quatre cents ans plus lard, François Lemaire, dans son livre intitulé : Histoire et antiquités de la ville et duché d Orléans (3) a signalé en ces termes l'étendue considérable qu'avait eue antérieu- rement la forêt : « L'estendue de la forest d'Orléans estoit grande; le Gastinoisy estoit compris, Pluviers, Yenville, Nemours et autres qui en portent le nom; car Gastinois est appelé en latin Vastinimn, qui vient du mot vastuni « large et estendu. » Nemours^ A>wzo?-e « une forest; » que les bourgs et villes qui sont dans l'estendue de la dite forest, comme Vitry,Fay,NeufvilIe et au très, sont surnom- més aux-Loyes, à cause du relais que les princes et roys y mettoient, et Boigency a pris son nom de Bois-Joli y (4). » Les souverains et les seigneurs allèrent souvent chasser (1) Hisloriens de France, t. XXI, p. 254. (2) Ibid. t. XXI, p. 272. (.3) Chapitre XIII, p. 'ib et suiv. (4) Ces deux ùlyinoloj^ics proposées par Lomaire sont absolument inadmissibles. La forme latine Dolgenciacum exclut formellement la se- conde. (5) Belleforest, dans sa Cosmographie universelle, t. I, p. 331, qua- lifie cette forêt de tant renommée. Quelques auteurs admettent que c'est dans la forêt d'Orléans que se trouvaitune viilad'Arèle,oîi Bertoald, maire 2C0 I.nS FORÊTS DF LA C\ULF ET DK l'aNCIINM 1 H\M:i;. dans cetio mai^Miifiquc forùl (I), i\m lut, en loi.^, (Iiiniiil un mois entier, le théâtre des plaisirs cyné<(éli(|ucs de François F (2). Le même délassement y avait déjà, aux premiers temps de son règne, appelé le fils de Charles d'Orléan>. L'élat de dégradation où se trouvait la forêt le frappa. Il était la conséquence des coupes inconsidérées qui y avaient été faites. François!*' sentit la nécessité d'en régler l'aménagement. Il ordonna que la superficie de la forêt fùl exactement arpentée; celte superficie futlrouvée de 140,000 arpents. Mais les mesures prévoyantes, prescri- les par le monarque, ne furent guère mises à exécution. Lescoupesc^nlinuèrent sur une grande échelle. Une cause contribuait d'ailleursàréciaircissement de la forêt; c'était unebarrière incommode élevée entre Paris et la Loire, une des grandes artères commerciales à cette époque. On récla- mait des routes de plus en plus nombreuses qui missent en communication l'Ile-de-France et l'Orléanais; l'éta- blissement de ces voies amenait sans cesse de nouveaux abattis. Au milieu du xvir siècle, la foi et d'Orléans était déjà réduite à 70,000 arpents (3). Rabelais assigne à la forêt d'Orléans (/>), une longueur de trente-cinq lieues et une largeur d'environ dix-sept. Un siècle après, elle s'était considérablement réduite, car F. Lemaire, qui écrivait au xvirsièclejnelui attribue plusquedouzelieuesdelongueur. (lu palais du royaume de Hourgogno, se livrait aux plaisirs de la-chassf quand Clotaire envoya contre lui Mérovée, son lils, et son maire du palais Landry, avec un corps de troui)C pour l'accabler (Frédé{,'aire, Clno- niqve, ch. Ib). Ils se fondent sur ce que Herloaltl, qui n'était i)as en force pour résister, s'enfuit à Orléans. Mais, suivant l'abbé Cochet et M. Alfred Jacobs, il s'agirait ici d'une villa située dans la forél Arelau- num, autrement dit de Brolonnc, en Normandie. (Voy. A. Jacobs, Gré- goire de Tours et Frcdcgaire, t. II. p. 435.' (1) C'est ce que rapporte Paradin, cité par Lemaire, l. e. (î) Lemaire, /. r. Cf. Fonlanon, Ordonnuncrs, t. H, ji. 270. — Isam- bort, Recueil, t. XII, p. 107. [:\) Rabelais, liv. I, cli. xvi. CHAPITRE XVII. 261 Do la foiùt d'Oiléaiis, s'était détaclice depuis une époque déjà reculée, celle de Moiitargis, qui, unie à celle de Bière ou de Fontainebleau, dut constituer à l'époque gauloise la marche boisée séparant les Belges des Celtes. Le dé- veloppement de la puissance des Sénons, les progrès de l'agriculture sous la domination romaine, amenèrent des déiVicliements; les essarts, en s'agrandissant peu à peu, fractionnèrent en trois cette vaste zone sylvestre. On a vu plus haut que le Gàtinais est une conquête de l'homme sur le sol boisé; la distinction qui s'établit de bonne heure, entre le Gàtinais français et le Gàtinais Orléanais, montre que ce furent d'une part la forêt de Bière et ses dépendances, de l'autre les forets de Montargis et d'Or- léans qui cédèrent leur territoire au pays de ce nom. J'ai parlé ci-dessus du Gàtinais français (1); j'ajouterai quel- ques mots sur le Gàtinais Orléanais. x\ux xjii'' et xiv" siècles, ce dernier pays embrassait déjà une notable superficie ; plusieurs bourgs assez distants les uns des autres reçoivent dans les Comptes de saint Louis et do ses successeurs, l'épithète de in Gastinio (2). Tels sont Loriacum in Gastinio (Lorris en Gàtine); Ferrai'iœ in Vastinio, aujourd'hui Ferrières (arrondissement de Mon- largis), où existait au xiii'' siècle une abbaye; Foresta in pago Vastinend (Forest-lez-Milly-en-Gàtinc) où avait été bâtie une villa royale (3) ; Mormans en Gàtine, ou comme l'on dit plus tard, Mormans en Gàtinais, bâti en un canton qui fut totalement défriché. C'est principalement aux déj)ens de la forêt de Montar- ' (I) Voy. !>. iO, 15-i. r^l Hislorir)is (Ir Francr. I. XXI, p. 503. 505, '.')* Ilislijrirns dr Frii>choi, I. V. p. •;:l 2C2 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. gis et celle de Chàtillon sur Loing, qui n'en est qu'un dc- niembremenl, que le Gàtinais Orléanais a été agrandi. On trouve la première de ces forêts mentionnée au xiii^ siècle sous le nom de forèl de Poecourty Pouecourt ou Paiicourt, tiré de celui d'un bourg qui fait aujourd'hui partie du canton de Montargis. Cette appellation paraît être dérivée du latin : Pauca Caria. Les Comptes de saint Louis nous parlent de la Venda de Pouecourt, des Esplela de Pouecourt (1). Au xiii'= siècle, les rois allaient parfois chasser dans la foret de Montargis, dont Guillaume Morin, qui écrivait au xvii'' siècle, évalue sa contenance à 9733 arpents, et le circuit à sept lieues. La forteresse de Chas- lellier, ancien Caslellum romain, qui avait peut-être pris la place d'un oppidum gaulois, s'élevait en son centre et commandait aux diverses routes qui la sillonnaient. Au temps de cet historien, des vestiges du culte druidique, ou tout au moins des cérémonies païennes dont cette téné- breuse retraite dut être le théâtre, s'y conservaient encore. Les rites accomplis par les prêtres gaulois s'y répétaient sous la forme dégénérée du sabbat et des pratiques ma- gi([ues : l'on montrait au Chàteau-du-Chat , près de la pierre du Gros-Vilain, le lieu oîi se réunissaient les sor- ciers (2)! A l'ouest, la forêt d'Orléans allait rejoindre la grande foiêt des Carnutes, qui n'était plus au moyen âge repré- sentée que par les forêts de plus en plus clairsemées de la Beauce et du Drouais; car cette vaste nappe arborescente, depuis l'établissement des Francs, avait été incessamment lacérée. La multitude de noms de lieux qui rappellent la j)résence des bois dans le déj)artement d'Eure-et-Loir, est une preuve manifeste que des parties nombreuses de ^\) llislofirns de Frnnrr, (. XXI, y. '2ôi. (?/ ('•. Morin, llisinirr grni'iob du Gnidnois, y. 82, 83. CHAPITRE XVII. 263 celle antique forêt ont été délrichées; on ne compte pas moins de cent quarante localités qui, dans ce départe- ment, s'appellent Bois ou Boissy (1). Une vaste forêt, celle de Gaull, qui a valu leur nom au Gault {Gaudum Thesau- nirii] (canton de Droué) et au Gault en Beauce [Gaudum S. S tephani) (canton de Bonneval), recouvrait les frontières des départements actuels d'Eure-et-Loir et Loir-et- Cher (2), aujourd'hui presque complètement découvertes. Toute la commune d'Arrou (canton de Cloyes), située à l'ouest de Châteaudun, n'offre plus que des plaines sans un bouquet d'arbres. Au siècle dernier, le bois Ruffin, situé à l'ouest d'Arrou, et déjà mentionné au xiii'' siècle, était le seul vestige de la forêt de Gault. Elle s'étendait bien au delà et allait rejoindre au sud la forêt de Freteval, déhris important de cette zone sylvestre. A l'entour d'Ar- rou, on trouve des villages ou hameaux du nom de Bois- Besîiards, Forêt-Aii-diiiot, Bois-Gasson {Nermis GacJiojiis), Bois-Curvée. Au nord d'Arrou, le nom de Grande-Forest donné à un hameau autour duquel il n'y a plus nulle trace de bois, peut marquer le point où commençait cette forêt du Dunois, au temps où, quoique réduite, elle pré- sentait encore une notable étendue. La forêt s'avançait vraisemblablement jusqu'aux bords du Loir et avait de l'autre côté pour limite la petite rivière d'Yères. Presque en face de la forêt de Freteval, sur l'autre rive du Loir, se déployait la forêt de Marchenoir qui subsiste aujourd'hui, mais dont la superficie a été fort réduite. L'abbé Expilly lui assigne encore, au siècle dernier, une (I) Voy. L. Merlet, Diclionnairc lopographique du déporlnncnt d'Eiire-el-Loir, romprcnaM 1rs noms de lieux anciens et modernes. nmprim. inipér. 1861, in-4".) — E. de Lépinois c( L. Merlet, Carlu- hiirr dr y. J). de Chorlres, t I, p 182, t Tf, p. 134. 374. 264 LES FORÊTS DE LA GALLi: ET DE LANCIENNE FRANCE. étendue de 4230 arpcnls; d"où il suit qu'elle était alors la plus considérable du Dunois. IMais antérieurement sa su- perficie avait été plus que double; et c'est ce qui explique le nom de Sijlca Longa sous lequel elle fut désignée au moyen âge, nom altéré ensuite en celui de Sylva Lonia. La fondation, au xii'' siècle, de l'abbaye d'Aumône [Elcc- mosyiia) (4) n'a pas peu contribué à la faire défricher sur divers points ; elle a dû comprendre les bois de Rocheval qui s'en sont détachés au nord depuis plusieurs siècles. D'autres bois, tels que ceux de Saint-Claudp, des Bretons, de Reiiay, de Chiclieray paraissent en être également des débris épars. Entre la forêt de Freteval et celle de Marche- noir, plusieurs noms de lieux attestent l'existeuce des ar- bres. Tels sont : Notrc-Dame-des-Haiites-Forêts, le Jireinl, Liyiiières, les Souches, la Ches?iay, Tremblay, Gros-Chène, la Boissière, le Boisnormand. D'autres noms qu'on rencontre en des lieux actuelle- ment découverts, au nord de la forêt de INIarchenoir, La Brosse, St-Laiirent-des-Bois, Bois-d'Enfer, indiquent que la grande marche ténébreuse s'étendait autrefois beau- coup plus dans cette direction. Les forêts du Dunois se continuaient sur certaines lignes jusque dans le Vendomois. L'une des forêts de cette dei- nière province recouvrait la plus grande partie des can- tons de Saint-Amand et de Montoire (Loii-et-Gher), de Château-Renault et Neuvy-le-Roi (Indre-et-Loire). « Cette forêt, écrit le savant historien du Vendomois, M. de Pétigny, était connue sous le nom de Gastùies ou Wastines que porte encore une masse assez considérable de bois près de Montrouveau. J'ai donné ci-dessus l'étymologie (1) Ctûllin rhristiuno . i. VllF , --ijl. U'JT. Lui. BIcsrns. ]u^Uum. p. 420. cil Al itrf: XVII. 26r> tic ce iioiii, (Jérivé du radical vasl (1). La l'orèt do Gàtinos (Giiasl'mcmis ou Wastine?isis sTjlva, Waslhnum) s'avan- çait jusqu'en Touraine et se joignait à celle de Blémars dont je parlerai plus loin. La foret de Beaumont-la- Ronce, mentionnée dès l'an 1399, en constituait le can- ton le plus important. Elle comprenait aussi le Bois de Villedomcr {Foresta Villadoyneni) et la foret de Semblan-. çay {Foresta de Sempliacio) qui se rattachait à la pre- mière et recouvrait une partie du territoire des paroisses voisines de Semblançay (Serrain, CharenLilli, St-Antoine du Rocher, Bousiers) (2). La forêt de Gàtines n'a com- mencé à être défrichée qu'au xi*" siècle. La métaiiie de Grand-Mars, sur les confins de la commune d'Huisseau, semble indiquer sa limite primitive au nord; vers le midi elle s'étendait au moins jusqu'à la commune de Saint- Laurent- en-Gàti nés (Indre-et-Loire) ; son défrichement est un des faits les plus importants de l'histoire du Vendômois du moyen âge (3). Ronsard, qui était de cette province, a célébré dans ces vers la forêt de sa terre natale : Saincte Gastine, ô douce secrétaire De mes ennuis qui respons en ton bois. Ores en haute, ores en basse voix, Aux longs soupirs que mon cœur ne peut taire Loir, qui refreins la course volontaire Des flots roulans par notre Vendoniois (4). Ailleurs, il consacre à la forêt de Gâtines une de ses odes: Doni]ues forest c'est à ce jour Que nostre Muse oisive (1) Ce mot ost devenu Frt/, Vall en Normandie, et a donné naissance an nom do Vallevilte. (2) E. Mabille, Notice sur les divisions Icrrilnriaks de rancininf Touraine, p. 153, 150, 161. , (3) J. de l'éligny, Histoire arvhdvlofiiipir Ou VciuUiiiiois. l. 1, p. - 1 (','< /er /,,,,.^ ii^.f^ Ainoun, CLXI. — Cf. c xxiv, vers 2, 2GÔ LES FORÊTS DL LA (.ALLE ET DE LANCIENNE FKANCE. Veut rompre pour toy son st-jour; Aussi tu seras vive, Je le (ly vive pour le moins Autant que celles, voire De qui les Latins sont témoins Et les Grecs, de leur gloire. De quel présent te puis-je aussi Payer et satisfaire IMus grand que cestuy-là qu'ici Ma plume te veut faire! Toy qui au doux froid de tes bois Ravy d'esprit m'amuses, Toy qui fais qu'à toutes les f()is ' •' Me répondent les Muses. Toy qui devant qu'il naisse en moy Le soin meurtrier arraches : C'est toy qui de tout esmoy M'allèges et défasches. Toy qui en caquet de mes vers Estens l'oreille oyante Courbant en bas les cheveux vers De ta cime ployante. '" La douce rosée te soit Tousjours quotidiane Et le vent qu'en chassant reçoit L'alenante Diane. En toy habite désormais Des Muses le collège, Et ton bois ne sente jamais La flàme sacrilège. La destruction des magni fiques arbres don t Gâti nés était plantée, commençait au temps du poète; elle lui a inspiré d'autres yers où éclatent son indignation et ses regrets (1). Les forêts de Dreux, de Ghàteauneuf-en-Thimerais, de (I) Voy. notamment V Elégie XXX, commençant par ces vers : Quiconque aura premier la main embesongnée A te couppcr, forest. d'une dure cognée, f>l son églogue, commfnrant par ceux-ci ; Les ohesiios ombrageux que, sans art, la nature l'ar ses hautes lorcstï. nourrit à laventure. CHAPITRE XVII. 267 Lorges, la forêt Yveline, dont il a été question plus haut, sont autant de lambeaux de la forêt des Carnutes. Le Drouais ou pays de Dreux {pogiis Durocassinns)(\Q,\mi^\é\k être défriché en partie au xr" siècle; car à cette époque il formait un comté renfermant un grand nombre de vil- lages (1). La forêt de Dreux, deux ou trois siècles au- paravant, s'avançait jusqu'à la Vesgre; elle touchait vraisemblablement au village de Rouvres, construit au bord de cette rivière et dont le nom dénote l'antique pré- sence de chênes. Houdan, petite ville située à l'extrémité occidentale du département de Seine-et-Oise, et au voisi- nage de laquelle est un village appelé La Forest, fut cer- tainement construit sur un territoire originairement en- veloppé dans cette grande marche forestière (2). L'Eure traversait, selon toute apparence, de part en part cette région de la forêt des Carnutes, car sur la route de Dreux à Evreux, non loin de cette rivière, se trouve un village appelé Cussay, jadis Cmei, qui est désigné dans une charte de 1031 sous le nom de Campus sylvœ (3). Il y avait donc là une forêt dont le Bois- Von est un reste; elle allait de l'Avre au nord jusqu'à l'Eure au sud, et comme la forêt actuelle de Dreux s'étend aujourd'hui sur la rive gauche de cette dernière rivière, il faut en conclure que la forêt originelle en ombrageait les deux rives. Mais l'établisse- ment de la chaussée de Dreux à Paris, qui date de l'époque gallo-romaine, amena de nombreux abattis qui durent se continuer dans les âges suivants ; ils se multiplièrent surtout au sud; ce qui donna naissance à une gàtine, dont la création a fait donner à un village le nom de Sabit- Lau7'ent-de-Gâtine . (I) "Voy. Giiérari], Poli/plitiue d'Inninon, prolégomènes, p,. 69. (1) iioiulan (flodainim) existait «iéjà au x* siècle. f:r Moiiet, ouv. cit. 2G8 Li:S FORÊTS DE LA r.AULIC ET DE L ANCIENNE I HANCE. La forêt de Tliimerais {Sylva Timaricmis) consliUiait déjà une section séparée delà forêt des Carnules(l), quand y fut fondé, en l'an lOGG, un oratoire consacré à saint Vin- cent où se retirent Guimond et ses frères, et qui fut l'ori- jïine de l'abbaye de Saint-Vincent-aux-Bois [Suint- Viucen- t'uis in Ncmnrc) (2). D'autres abbayes s'dlevèreul au pays Cliartrain dans des parties boisées au défrichement des- quelles elles contribuèrent ; de ce nombre furent l'ab- baye des Ilauies-Bruyères {Allœ linieriœ) (3) et celle des Clairets, fondée dans un bois dit, dans la charte de dona- tion, Nemus A b. CHAPITRK XVH. 209 (clle-ei (Hail l;i |»liis importante clos trois; elle est men- iionnée sous le nom de Boulougne dans une ordonnance (le Charles IX de d573 (1). La forêt de Blois contenait, d'après Dernier, 5316 arpents; elle en avait 8000 au temps de Charles, duc d'Orléans et comte de Blois, père de Louis XH, qui en fit abattre une grande partie, nous dit encore le même historien, pour bâtir des maisons dans la ville à ses officiers et aux bourgeois, aimant mieux, par un motif d'humanité assez rare chez les grands, loger des liommes que des bêtes. Les comtes de Blois chassaient souvent dans cette forêt, et la maison de chasse que l'un d'eux fit construire dès l'an 1090, au nord de la forêt, a été l'origine du château de Chambord. La forêt de Blois ne parait pas avoir subi de bien no- tables réductions au moyen âge. Peut-être comprenait- elle originairement à l'ouest le bois de Raceon, et au nord- ouest ceux de Boulemer, Rougey et Chambon. Le nom de ChouHy, dérivé du latin Cociacwn, porté par une localité située entre la forêt et le bois de Raçeon, indique qu'ils ne faisaient qu'un, à l'époque gauloise. La Sologne, par la nature de son sol, n'a jamais com- porté une notable extension des forêts ; cependant on en trouve mentionnées plusieurs au moyen âge qui ont dis- paru ou sont singulièrement réduites. Il est question d'une Cosdrena sylvadans l'état des propriétés de l'abbaye de Micy {Miciacus), ainsi que d'une autre forêt qui en était voisine et qui prenait son nom du village de Cersy {Cer- cincum). Celle-ci est simplement désignée sous le nom de la Foi'-êt; elle s'étendait, ainsi que le bois de Saint-Agile {/iosciis S.Agill) sur la rive gauche de la Loire (2). Au (1) Yoy. Fonlanon, Les Edils el Ordonnances des rois de France, 2« (■■dit. t. II, p. 259. (2) Voy. les Micincensis monaslrrii possrssiones. dans lo? Historiens- de France, l. X, \>. COIJ. 210 UiS FOHÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. nord-est de Uomorantin subsistent encore les restes de h forêt de Bruadan, qui gardait quelque importance ai siècle dernier. Cassini marque au nord de cette forêt des localités du nom de Bois-Guilloji^ Bois^Gautier, Jiois-Azi- bert, Corhois; il est donc probable que la forêt de Bruadan s'étendait dans cette direction jusqu'aux bords du Beu- vron, là où sont les Hautes- Brosses, en face de LamoLte- Beuvron. En l'an 1153, il est question des bois de Cliau- mont près Mindré i|2), qui déjà lort éclaircis, présentaient cependant d'épais taillis «près de ce village. Le défriche- ment d'une partie de cette forêt de la Sologne avait donné naissance à un petit pays appelé le Gault, comme la forêt du Dunois (3), et qui a laissé son nom à Marcilly-en-Gault. Le Berry, comme la Sologne, n'offrait qu'un assez petit nombre de forêts dont la majorité a disparu. Dans la par- tie centrale de cette province, il ne semble pas qu'il ait jamais existé de forêts d'une bien notable importance ; toutefois on trouve citées dans les Comptes de saint Louis la forêt d'Aubigny-sur-Nère, qui se trouvait aux environs de Sancerre, et une forêt désignée sous le nom de forêt du Berry (Foresta Bittiricemis) (4), et dont l'emplacement n'est pas exactement déterminé. Peut-être cette forêt du Berry n'était-elle autre que celle qui existe encore au (1) «« Juxta Monticios Beuvronem fluvium, transmcantes nemorisque Calvinionlis raritalein considérantes atque spissiludinem sepium Min- driei vitanlcs, Incuni lolum transeunt. » Ex r/cslis Ambasiensis ilomitio- rum, dans les Uistorinu Oc France^ t. XII, p. 515. (2) Ce mot Guxdt^ dérivé de U'a/f/, rappelle la forme Gautier, qu'a prise en français le nom germanique de W'aidrr, Waller, « forestier, » et se rencontre fréquemment en Normandie, où l'on trouve Bois-dti-Gault. Mesnil-Gault; il s'est altéré ailleurs en Goull (Lande-de-Goultj. Voy. E. Lehéricher, Philologie lopoyrwph. de la Normandie, dans les Mém. de la société des anliquair. de Normandie, t, XXV, p. 239. Gf. ce qui a été dit p. 2,220, 203. (.3) Historiens de France, t. XXI, p. 239. (4) Historiens di Fnoicc, I. XXI, |). 253, l. XXII. p. 575. GHAI^ITRE Wir. 271 nord (leVieizoïi, nuqiiel elle emprunte son nom. Cette forêt de Vierzon a conservé quelque importance; elle était séparée par la petite rivière de Barangeon des forêts de Hmite-briine et cf Allogny situées plus à l'est. De ce côté du •Berry, en efïet, les forêts commencent à se montrer moins rares. Le duché de Cliàteauroux passait même pour assez boisé. Les bois en couvraient encore, il y a soixante ans, une notable superficie, ainsi qu'on en peut juger par la carte de Legendre (2). On trouve, au moyen âge, mentionnée la forêt de Chèvre peu éloignée d'Issoudun et que Eudes, seigneur de cette ville, concéda aux religieux du prieuré de Saint-Mar- tin (3). Une charte de 1323, émanée du roi Charles le Bel, accorde dans la même forêt des droits d'usage (4). Entre la petite et la grande Saudre, il dut jadis exister une forêt assez étendue, qui a laissé comme débris de nombreux bouquets et la petite forêt d'Yvoi. La fondation de l'abbaye de Loroy {Locus ret/ius), qui s'éleva dans un essart d'un grand bois situé de l'autre côté de la petite Saudre, a certainement contribué à faire disparaître les arbres dans cette région. Il est d'autant plus naturel d'ad- mettre que le Berry dans sa partie occidentale fut jadis très-boisé, que par ce côté il touchait à la Touraine, con- trée qui l'était également. La grande forêt de Brione {Briona sijlim) formait jadis une marche entre le terri- toire des Bitiiriges et celui des Tiirones ; ] en reparlerai plus loin. Une autre forêt, celle de Berohart ou Brouart, qui faisait suite à la forêt de la Tonne, marquait sur un (1) Cette carte a été copiée par Fricalet, voy. Monteil, Traité des via- iériaux manuscrits, t. I, p. 17. (2) Voy. Thaumasde la Thaumassière, Histoire du Berry, p. 357. (3) Thaumas de la Thaumassière, ouv. cit. p. 3GG. (4) H. Valpsius, Notitia Galliarum,v- 283. :272 i.i;s ror.îrrs df: la (.ali.f et de l'ancienne euance. ;ui(rc point la sépara lion do la ïouraine ot «lu Berry (ij Elle a laissé son nom à la lîrcnnc , contrée maintenai déboisée, qui s'étend entre la Creuse et l'Indre, dai l'ouest du départenrient qui porte le nom de cette rivière? L'abbaye de Landais près Levroux, de l'ordre de Cîtcaux, fut fondée en H15 dans cette grande contrée forestière (lui unissait la Touraine au Berry, et voilà pourquoi saint Sylvain y fut l'objet d'un culte tout particulier (2). D'autres abbayes s'élevèrent également dans cette région du Berry; celle de IMiserai (S. Nicolaus de Miseraïo), sise à l'O. de celle de Landais, commença par être un simpl< oratoire bâti en 1089, dans une forêt appelée Sijlva Oijncn- sis (forêt d'IIcugnes) qui comprenait celles de Saint-Paul el deCarsenland (3) encore existante, et dut ensuite à son vaste défrichement opéré surtout dans la direction du sud, le nom de forêt de Gàtines ; elle n'était séparéeque par le Nalion des forêts de Vernusse et de Vatan. Cette forêt de Gàtine, qui se trouvait à l'ouest et au nord- ouest de Valençay, dut s'avancer dans le principe au sud jus(|ue vers Argy; les bois qui prennent leur nom de cette dernière localité, en sont, selon toute vraisemblance le tronçon le i)lus éloigné dans la direciion méridional» La partie du Berry qui s'étend à l'ouest et au sud de Chàteauroux, présentait une succession de forêts et d'é- tangs. La partie la plus septentrionale de cette zone fores- (1) E. Mabille, Nolice sur les divisions Icrriloriales de Vancierni Touraine, p. 154. {2) Yoy. sur saint Sylvain, confondu ])arfois avec saint Sylvesli- lioliand. Acla Sonetor. xxii septemb. p. 404. Ce suint, dont la légend est en i)artie fabuleuse, fut regardé comme idi'nliiiuc au Zacliée de l'K- vangile. Yoy. Gallia clirisiiana, t. II, col. '200, licchs. liiluric. Cf. sm l'abbaye de Landais, Cliam]joliion-Figeac, Documents hislori(jues incdi! lires delà BiUiolkeqxir roytUe, t. I, p. 220. (^)\oY. Gallia chrisliana, t. Il, col. 188. Ecoles. Itilurie. La fonH , Vibrœitan) (1). Dans le nord-est du Maine, là oi^i cette province con- fine au Perche et à la Normandie, existaient d'autres forêts, qui comme celles de Vibraye et de Bersay, conti- nuaient celles du Perche et du pays des Carnutes ; telle était la grande forêt de Perseigne, située au nord-ouest de Mamers, et qui s'étendait sans doute originairement jusqu'à cette ville ; elle dut recouvrir en partie le Sonnois dont Mamers, déjà existant au xi' siècle, devint la capi- tale. Plus au sud, elle se rattacha peut-être originaire- ment à la forêt de Bonnétable, autrefois Malestable, qui est antérieure au xii^ siècle (2). Cette forêt de Perseigne, (jui a perdu beaucoup de son importance, faisait partie du domaine de la couronne. On la trouve désignée au moyen âge sous les noms de Perseingna, Persenia. En 4 145, une abbaye de l'ordre de Gîteaux y fut construite et contribua sans doute beaucoup à son défrichement. La concession faite aux moines par Guillaume, comte d'A- lençon, et renouvelée par ses successeurs, donna lieu à (1) Cauvin, oui', ril. p. 548. Vibraye a été aussi appelé Viens Brigix. (?) Cauvin, ibid. p. 391 . La forêt de Bonnétable a pu se rattacher elle- même à celle de Ilallais, située plus au nord. 286 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. de graves abus (1) auxquels on dut remédier par ui règlement en 1668 (2). En avançant plus à l'ouest, sur les frontières du Maini et de la Normandie, se trouvait une autre région égalemeiil boisée qui avait formé dans le principe la marche sepleu-» trionale du pays des Diablintes. C'était le Passais, pays qui s'étendait depuis Domfront, au nord, jusqu'au delà Sillé-le-Guillaume au sud. Le nom latin de cette dernière ville, Silviacus (3), dont la fondation date au moins in Uticensi saltu, angelica demonstratione doctus, monasterium instau- ravit et agrestes incolas qui rapinis et lalrociniis ante deservicrant. coi- rexil. » Surius, 1(7. Sonctor. XXIX decemb. p. 303. CHAPITRE XIX. 295 établir. La tbndation de l'abbaye n'entraîna pas immé- diatement des défrichements étendus. Le monastère ayant été presque entièrement détruit dans la suite, c'est seule- ment au XI'' siècle qu'il fut rétabli par Guillaume, sei- gneur d'Eschaufour (i). Les bois purent donc, pendant quelques siècles, reprendre leur empire; mais à partir de la réédifîcation de l'abbaye, la guerre aux arbres re- commença. La forêt a dû s'étendre jadis dans la direction du nord, depuis les Bois, localité située au septentrion de Noyer-Ménard, jusqu'au bord de la Rille, au delà de L'Aigle, en remontant vers les bois de Broglie (2), qui pa- raissent en être des débris. Les lieux-dits qu'on rencontre entre la forêt actuelle d'Ouche et le Noyer-Ménard, d'une part, et de l'autre entre cette forêt et la Rille, le prouvent clairement (3). Sur le territoire de la commune de Notre- Dame-du-Hamel (canton de Broglie) se trouve la gàtine de Pont-Éehanfré mentionnée dès le xni° siècle et qui rap- pelle un défrichement de la forêt plus ancien (4). (1) Mabillon, Acta SS. Bencdict. Sxc. I, p. 354. Orderic Vital, V, p. 576 et suiv. Orderic Vital était moine de l'abbaye d'Ouche. Cf. Andiii Duchesne, H islor. Norman, scripior., p. 279, 460, 575. Cf. VU. Orderic Vital, t. V, p. 5G. (2) Citons, dans la première de ces directions, La Gdline, Le Dois- Ilué, Le Buisson, Cisay (altération du nom de Coiiacum), Les Bois ; dang ia seconde, Bois-Normand, La Boissière, Bois-Derlre, Bois-au-Père, La Gdline, La Chenaye, Bois-Nouvel, Bosc-Boberl, Bois-Baril, Bois- Mahiard, Bois-André, Bois-Truel, Bois-Penlhon, Bois-B ranger, Boiil- (lu-Bois, Bois-Goul, Bois-Duclos, etc. (3) Le nom de Broglie n'indique pas ici la présence d'un bois ; il a été donné, en 1742, au village de Chambrais, quand la baronnie de Ferrières, dont il dépendait, fut érigée en duché-pairie pour le maréchal de Broglii;. Le nom de Broglie (italien, Broglio), comme notre français Breiiil ou Breul, est dérivé du mot brogilum, brogilus, par syncope broilum, d'o- rigine lombarde, et qui, signifiant d'abord un parc, un lieu fermé, a lini par s'appliquer à un petit bois-taillis ou à un bois clos de murs ou ' n'était conséquemment plus recouvert par la Sylva Pertica aux xi* d'Alençon, la forêt de Malèfre {Malafia sylva), dont parle Orderic Vital (2), et où fut tué en 1136 le chambellan de Geoffroy, comte d'Anjou. Cette forêt a totalement disparu, et son existence n'est rappelée que par quelques noms de lieux des environs de Malèfre-aiix-Moines : Bois-Loiivet, Bois-Margot, La Garenne, Lignerottes, etc. Si nous quittons maintenant la partie méridionale de la Normandie et nous nous avançons dans l'Avranchin, nous rencontrons de nouvelles preuves d'un boisement beaucoup plus considérable qu'on ne l'observe aujour- d'hui. Les forêts ont commencé surtout à s'y éclaircir à dater du xiv*" siècle. Au milieu de la forêt de Lande- Pourrie, les essarts devinrent alors si nombreux qu'ils formèrent un territoire suffisant à l'établissement de deux nouvelles paroisses. (1) Les lieux-dits, tels que le Bois-Massé, Grand-Bois-Ragam, Bois- Brûlé, Bois-aux-CIayes, Le Plessis, Les Brosses, indiquent que la forèl (le Thiron, qui n'est plus représentée que par de faibles bouquets, s'é- tendait de MaroUes, au nord, jusqu'à la Croix-du-Perche, au sud, et s'avançait ù l'ouest jusqu'aux abords de Nogent-le-Rotrou. (2) Orderic Vital, liv. XIII, p. 74, éd. Le Prévost. (3) Nous citons ici le curieux passage d'Orderic Vital (VIII, 27, p. 448. éd. Le Prévost) : « Denique post plures circuitus, ad venerabilem epi?- copum Ivonem divertit, et ab eo benigniter susceptus, in prœdio Carno- tensis ecclesiae cum fratribus quibusdam constitit et in loco silvestri, qui Tiron dicitur, cœnobium in honore S. Salvatoris construxit. lUuc multi- tudine fidelium utriusquo ordinis abundo confluxit et prœdictus pater omnos ad conversionein properantes, charitativo amplexu suscepit, et singulis artes quas noverant, légitimas in raonastcrio exercerc prœcepil. 36 I CHAPITRE XIX. 301 Cette forêt de Lande-Pourrie se rattachait, dans l'ori- gine, à d'autres bois qui en étaient des annexes, notam- ment à celui dont Nicolas-des-Bois occupait le centre et qui s'étendait, au nord-est, jusqu'à Saint-]\Iaur-du-Bois et dont la forêt de Saint-Se\er est le dernier reste (1). C'est près de ce bois que fut fondée, en 1143, l'abbaye de la Luzerne. La charte de fondation de cette abbaye, en partie reproduite dans la chronique de l'abbaye d'Ar- denne en Normandie (2), indique que la partie comprise entre Menidre, la Tanaise, et le Thar, était boisée (3). En remontant plus au nord, dans la presqu'île de Co- tentin, on retrouve sans doute aussi des traces de forets, mais moins étendues. La forêt de la Lande-cV Airou ou d'Hérould, qui s'étendait près de Villedieu, n'a laissé que d'insignifiants \estiges. Elle a valu son nom à la chapelle dite Sainl-Lconard-des-Boù . En revanche, la forêt de Beau- quenay, que la Saudre sépare de celle de Samt-Sauveiir- le-Vicomte, semble n'avoir perdu que peu de son an- ricjine extension. A l'extrémité septentrionale du dépar- Unde libcnter convenerunt ad eum fabri, tam lignarii, quam ferrai-ii, sculptures et aurifabri, pictores et ceementarii, vinitores et agricola", mul- tori'irque officiorum artifices peritissimi. Sollicite, quod eis jussio seiiio- ris injungebat, operabuntur et communem conferebant ad utilitatem qiuc lucrabantur. Sic ergo, ubi paulo anle in horribili saltu latrunculi solobant latitare, et incautos viatores repentino incursu trucidare, adju- vante Deo, in brevi consurrexit monasterium nobile. » Tiron n'est plus aujourd'hui qu'un hameau de la commune des Gardais (Eure-et-Loii-j. (1) Voy. L. Dclisle, Etudes sur la condilion de la classe agricole en Normandie, p. 416. (2) Cette charte et la Chronique de l'abbaye d'Ardenne parlent d'un bois situé près de la rivière de Thar, et qui s'appelait Molendinum. i^Voy. Neuslria Pia, p. 793, «t la Chronique manuscrife de Vabhaye dAr- dennc, que possède la Bibliothèque impériale, <>t que m'a signalée mon obligeant et savant confrère M..L. Delisle.) (3) Le nom de Sartilly, que porte une localité au sud de la Luzerne, parait indiquer un ancien essart. Au nord de cette abl.iayc, La Cour du Dois rappelle l'emplacement de la tète du bois. ^02 LES FORÊTS DE L\ GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. lement de la Manche, une autre forêt, celle de Brix (1), située près de Cherbourg, a été atteinte par le défriche- ment sur toute la lisière et réduite graduellement à l'état de simple bois (2). Jusqu'au siècle dernier, elle occupa un espace assez considérable. Dans l'ancien territoire des Baïocasses, plusieurs forêts très-importantes ont disparu. Ce sont celles de Mauper- tuis, TortevaljdeFoulogne, duQuênay,dontGuillaume-le- Conquérant avait fait concession aux religieux de l'abbaye de Saint-Etienne-de-Caen;, sous la condition de ne poinl la défricher et de n'en pas détruire le gibier (3). Il n'j a plus de traces de bois aux environs des trois dernières localités (4), et près de Maupertuis, dans l'arrondissemenl de Saint-Lô (canton de Percy), on ne trouve plus que le chétif bois de Mo von, sis au nord de ce village. La forêt de Cérisy, qui s'étend au sud-ouest de Bayeux, paraît avoii aussi subi de notables défrichements. La partie de la Normandie qui répond aux arrondisse- ments de Caen, de Pont-L'Évcque, dans le déparlemenl du Calvados, et qui embrasse la plus grande partie du territoire des deux peuples gaulois appelés les Viducasse; et les Lexoviens, ne semble pas avoir offert dans l'anti quité cette même abondance de bois qui caractérisai (1) Elle est mentionnée dans les Comptes de saint Louis sous le non 'le Venda de Bniies. Historiens de France, t. XXI, p. 257. (2) Voy. les passages dos cartulairos de Coutances, cités par L. De lisle, ouv. cil. p. 416, 417. (3) La donation rappelée par le registre des Olim jtour 1268 (t. I. p. 747, éd. Beugnot) porte : « Silvam de Malo-Pertuso, et de Torta-Valle. «t de Folonia, et de Casneto cum aquis et terris seu omnibus ad eas per- tinentibus hac conditione servata uL monachi ipsius cœnobii ipsas silva? nulle terapore destruant vcl destrui jubeant propter ipsani terram colen- dam sive inhabitandam, retenti* in suo dominio cervis,.caprcolis et apris silvestribus. » (4) Le bois du Vernay, au nord de Foulogne, peut élrt toutefois k reste d'une de ces forêts. CHAPITRE XIX. 303 d'autres cantons de la Normandie ; il n'y faut donc pas aller chercher les vestiges d'autant de forêts. A une lieue au nord de Gaen, fut fondée cependant, au xii*" siècle, une abbaye dont le nom indique la présence d'une forêt im- portante, nom que nous avons vu plus haut appliqué à l'une des plus grandes forêts de la Gaule : c'est l'abbaye d'Ardenne (1), qui joue dans l'histoire de la province un certain rôle. La forêt de Bur a jadis présenté une superficie bien su- périeure à celle qu'elle avait au xvii'' siècle. Elle est men- tionnée dans les Comptes de saint Louis {]^e?ida ou Foresta de Bîir) ; c'estle principal reste de la grande forêtdu Bocage normand (2). Sous Philippe-le-Bel, les bois de Foulogne s'en détachèrent. La carte de Cassini nous montre égale- ment qu'une bonne partie de la forêt de Touques, située à quatre lieues de Pont-L'Evêque, avait disparu au siècle dernier, car les noms de lieux annoncent un ancien boise- ment entre l'Orne et la Touques. La forêt qui emprunte son nom à cette rivière, et qui est située au nord de Pont-L'Evêque, a dû s'avancer dans le principe jus- qu'aux abords d'IIonfleur. Saint-Quentin-des-Bois marque un des essarts qui y furent ouverts au moyen âge. Elle <'onstitua sans doute la marche qui séparait les Lexoviens 'les Vi du casses. Les forêts redeviennent très-nombreuses, quand on s'approche de la haute Normandie ; elles l'étaient encore davantage au moyen âge. Les départements de l'Eure et (le la Seine-Inférieure conservent les débris de plusieurs des plys magnifiques forêts de la France. Nous sommes ici sur l'ancien territoire des Eburovices, des Lexoviens, des Véliocasses ci des Calètes. (I) Gallia chrislian. t. XI, col. /iàO. EccUs. Bajocem. (■2) lUsloriau dr Fronce, l. XXI, \). 258. C(?lte forêt de Bur recouvrait 304 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. A une époque qui n'est pas fort reculée, la contrée qu'a- vait occupée cette grande fraction des Aalerques, dont le nom se conserve dans celui du chef-lieu du départemeni de l'Eure, était couverte par plusieurs forêts très-étendues. Au centre et dans le voisinage immédiat de l'ancien MediolamimAulcrcorum, s'élevait la forêt d'Evreux(/v> prieuré de la Trinité de Bcaumont, notamment des dîmes sur les forèls d'Ouche et de Barc. (2) Le Prévost, t. I, ]). 98 et 14G. (3) Le Prévost, ouv. cil. t. II, part. ii,p. SU. (4) Voy. Rôles de V Echiquier, 1. 1, p. 08 et 14G. CHAPITRE XIX. 317 nos jours (1). Dans les Comptes de saint Louis, la forêt de la Londe n'est mentionnée que sous le nom de venda Londœ (2). En 1218, le bois de Rispeville qui s'en était détaché, commençait à être mis en culture. A cette date, un seigneur, du nom de Jean Gommin, dans une charte relative au bois ainsi appelé (3), et au manoir de Beaure- paire, prévoit le cas où le grand nombre de défrichements et l'établissement de nouvelles habitations dans ledit bois nécessiteraient la construction d'une église (4). La forêt de la Londe s'était, sans doute, d'abord confondue avec laforêtde Beaulieu qui, depuis, pritle nom àe forêt de Maumj. En 1225, on voit les moines du Bec se réserver les deux tiers des dîmes des essarts dans la forêt de Beaulieu et laisser le reste à l'église de Mauny (5). En 1266, les défri- chements exécutés dans les vingt dernières années obligè- rent Eudes Rigaud à fixer les limites de la paroisse d'Iville. Cinq ans plus tard, il dut ériger la chapelle de Mauny en église paroissiale (6). Le village de Bosnormand, qui est antérieur au xiif sièclCj occupe un territoire conquis sur la forêt de la Londe (7). Au y.is" siècle, cette forêt était i\) Une partie des bois de ce canton lurent essartés par les moines de l'abbaye du Bec. Voy. Le Prévost, ouv. cit. t. II, part, i, p. 231. (2) Uisloriens de France, t. XXI, p. 255. (3) C'est le hois ou hosc Bénard-Commin qui a laissé son nom ,i un village du canton de Bourg-Théroulde, et qui fut partagé en deux au xii« siècle ; le hosc Bénard-Commin et le hosc Bénard de Cressi. (Voy. Le Prévost, Mémoires et noies, t. I, part, ii, p, 3G9, 370.) Ces deux bois devaient être d'anciens écarts de la forêt de la Londe. (49 Carlul. de Saint-Georges, dans Delisle, p. 407. (r>) Carlulairc de 5ai«/-/mer, dans Delisle, p. 407. (6) Cartidaire deSaint-Imcr^l. c. (7) La forêt de Monlfort {foresla Mentis Forlh] est mentionnée dans les pièces du parlement de 1256 et 1258. Olim, éd. Beugnot, t. I, p. û et 69. Le bois qu'on coupait alors dans cette forêt était amené par eau à Pont-Audemer. 318 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. plantée en grande partie de hêtres, comme cela ressort de ce qui en est dit dans le Coutumier des forêts de Nor- mandie. La forêt de Montfort, qui s'étend au nord de Glos-sur- Rille, constituait déjà une forêt séparée au xi' siècle, époque à laquelle quelques essarts y avaient été ou- Terts. C'était une propriété des comtes de Montfort (1) ; les habitants de la ville et de divers villages voisins y avaient des droits étendus, ainsi qu'en témoigne le Coutu- mier des forêts de Norjnandie (2). Peuplée d'essenci variées, chênes, hêtres, bouleaux, frênes, trembles, etc. (3), cette forêt devait s'être détachée, quelques siècles aupara- vant, de la forêt de Brotoune. On peut donc la considérer comme en ayant formé à l'origine la partie méridionale. Elle n'en était, au siècle dernier, séparée que par le vaste essart dans lequel s'élevèrent les paroisses de Rougemon- tier et d'Eturqueraie, et où une foule de lieux-dits rap- pellent l'ancienne présence des bois. | La forêt de Bretonne {Brotona, Britonîs ou Brothon't" 5y/tY/)(4) apparaît déjà sous ce nom dès les viii'' et ix' siècle-, on la trouve notamment ainsi désignée dans Orderi( Vital (5). Elle le dut, suivant l'opinion commune, au Bre- ton saint Condé, auquel Thierry III avait donné la partie de cette forêt que posséda plus tard l'abbaye de Saint-Wan- drille. Elle portait antérieurement le nom de Arelaunum (t) Le Prévost, Mémoires et noies, 1. 1, part, ii, p. 369 et suiv. (2) Le Prévost, Mémoires et notes, t. I, part, ii, p. 412; t. II, part, i, p. 109, 187. Ces droits ont été parfois l'objet de procès qui furent portés au Parlement. Voy. Ûlim, t. I, p. 0. (3) Le Prévost, ouv. cit. t. I, Part, ii, p.- 412, t. II, Part, ii, p. 118. (4) Abbé Cochet, La Seine-Inférieure historique et archéologiqu époque gauloise, romaine et franque, p. 315. (5) Orderic Vital, lib. XI, 39, p. 456, éd. Le Prévost. CHAPITRE XIX. 319 sijlva ou de Salhis Arelaimensis, lequel est mentionné par l'auteur des Gesta reginn qui l'identifie avec la forêt où, selon Grégoire de Tours (1), se réfugia en 537, Glotaire I", roi de Soissons, poursuivi par son frère Childebert I°% roi de Paris, et son neveu ThéodebertP% roi de Metz. Jusqu'au xv'' siècle, les rois de France continuèrent à aller chasser dans la forêt de Brotonne, qui était alors par- tagée entre les communes de Vatteville-Ja-Rue et deGuer- baville-la-Mailleraye. Quoique très-importante sous nos premiers rois, cette forêt avait pourtant déjà subi, à l'époque romaine, de notables défrichements. A son voisinage s'élevait une villa romaine qui devint sous les Mérovingiens une. villa royale. On a trouvé dans la forêt de Brotonne des anti- quités romaines (2) ; on y a même observé des fosses de 4 à 5 mètres de profondeur et de 10 à 12 de diamètre, qui semblent remonter à l'époque celtique et que l'on nomme Puits du trésor (3) . Cette forêt n'échappa pas plus à la cognée que les au- tres forêts de la Normandie. Une curieuse charte, éma- née de Renaud, abbé de Saint-Wandrille, et qui porte la date de 1202, y mentionne des défrichements considéra- bles (4). Mais, quelque étendue qu'ait été avant cette épo- que sa superficie, quoique elle ait dû s'avancer au sud au delà de Routot, elle n'a jamais pu dépasser à l'ouest le Vieux-Port. Au reste, la physionomie de cette belle forêt (1) Grégoire de Tours, Ilisior. eccïes. Francor. III, c. xxviii. Voy. ce qui a été dit p. 259, note 5. (2) Gocliet, 1. c. CL AvcJiives de r Empire, Trésor des cliarles, P. 277, n° 241. — Dibliolhèque de l'Ecole des cliarles, t. IV, p. 587. (3) Cochet, oui\ cil. p. 311. (4} Voy, Cariulaire de Saint-Wandrillc, cité par Delisle, ouv. cit. p. 40G. 320 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. doit avoir peu changé, et au xiv= siècle, elle était plantée comme aujourd'hui de chêiies et de hêtres (1). La forêt de Rouvray dont le nom, Roveretwn, rappelle l'essence (/?o6wr) qui y dominait, doit avoir primitive- ment recouvert toute l'espèce d'île ou de presqu'île que dessine la sinuosité de la Seine, d'Elbeuf à La Bouille. Le nom de Saint-Élienne-du-Rouvray indique qu'elle s'est prolongée autrefois jusque sur le territoire de ce village. Un grand nombre de noms de lieux rappelant la présence des bois (2) donne à penser que naguère cette foret s'avan- ça beaucoup plus dans la direction de l'ouest et du sud- ouest. Elle ne faisait en réalité qu'un avec la forêt de la Londe, dont elle n'est encore séparée, sur certains points, que par un espace assez étroit. Les chartes parlent peu de la forêt de Rouvray. Il est question de trois cents acres de landes qu'accorda avec droit d'usage le roi d'Angleterre, Henri II, en des bois qui paraissent en avoir dépendu, aux hôtes établis par Martin de la Heuse (3). On sait d'autre part que ce fut dans cette forêt, où il était allé chasser, que Guillaume le Bâtard, dit depuis le Conquérant, apprit qu'Harold s'était fait proclamer roi d'Angleterre (4). Aux environs de Rouen existait une autre forêt qui n'a laissé que d'insignifiants vestiges. C'est celle de Silvei- son, qu'à partir du xv*" siècle, on commença à désigner le plus ordinairement sous le nom de Foret- Verte. Aux xu* et xiii'" siècles, les moines de St-Oucn qui l'avaient reçue en donation de Robert le Magnifique, y établirent des co- (1) Le Prévost, Mémoires et 7Wlcs, t. I, pari, ii, p. 379. ('2) "Voy. la carte de Cassini. (3) Cniiulaire de Sainl-hnri\ dans Delislo, oiii\ cil. p. 408, OUm, t. I, p. 50'2. (4) Edlrail de la Chronique de Sormandic, dans les IJislorirns de France, t. XIII, p. TH. CHAPITRE XIX. 321 Ions; ce qui fut l'origine des \illages d'Isneau ville et de Quinquempoist (1). Une charte de Renaud du Bois, de l'an i212, nous apprend que les religieux, à cette époque, essartaient un canton de la forêt yerte dit : la Housscuje- crisneauville. Des chartes d'une date antérieure mention- nent d'autres défrichements opérés par les moines dans les forêts aujourd'hui presque totalement détruites de Préaux et de Cailli (2). La forêt deRoumare {Romariœ for esta, Rotmarcmis sfjlva) citée dans les Comptes de saint Louis (3), tapisse les abords de la Seine au voisinage de Ducler (4) et fait face à celles de Rouvray et de La Londe sises sur la rive opposée. Forcé- ment limitée par l'isthme de la Seine où elle se trouve, elle n'a jamais pu occuper un espace plus étendu que cet isthme même. C'est au règne d'Henri II, roi d'Angleterre, que remontent les premiers défrichements importants qui y furent exécutés. Les abbayes de Bondeville et Saint- Georges enlevèrent des pai ties considérables de cette forêt pour les livrer à la culture (5). La forêt de Maulevrier, qui se confondait dans le prin- cipe avec celle du Trait, située au S.-E. de Caudebec, doit être également signalée comme l'une des plus impor- tantes de cette région de la haute Normandie. Elle subit de bonne heure de grandes réductions, par suite des travaux de défrichements dus aux moines de Rovau- (1) Voy. Delisle, ouv. cil. p. 402. (2) Voy. les passages donnés dans Delisle, p. 403. (3) Venda Romariic. -~ Ilisioriens de France, t. XXI, p. 255. (4) liomara sylva. Orderic Vital, éd. Le Prévost, t. V, p. 125. On retrouve dans ce nom de Rotmara la racine Rot, qui entre dans Ro- luvtagus, et qui appartenait sans doute au nom celtique du Rou- mois. (5) Delisle, ouv. cit. j). 403. CarUduire de Bondeville et des Em- murées. 21 322! LES FORÊTS DELA GAULE ET DE l'ANCIENNE FRANCE. mont (1). Le bois de Beauvoir en avait probablement dépendu à l'origine, et, au commencement du xnf siè- cle, Richard d'Yvetot fit dans cette forêt des essarts considérables où il bâtit une chapelle à saint Mi- chel (2j. Les ducs de la maison d'Anjou furent les auteurs de vastes défrichements dans la foret de Lillcbonne (3), où s'ouvrirent de telles éclaircies, qu'elle n'a pas tardé à dis- paraître complètement. Le rôle de l'échiquier de 1180 parle des nouveaux villages établis dans cette forêt, villa- ges dont la liste nous est exactement fournie par l'accord conclu, la môme année, entre les abbayes de Yallemont, de Moutivillicrs et de St-Georges, au sujet des églises et des dîmes de la forôt. L'abbaye de Vallemont obtint les églises de Saint-Gilles, de Saint-Thomas et de Saint-Blaise-du- Parc; les abbayes de Saint-Georges et de I^Iontivilliers eurent les deux tiers des gerbes de Saint-Jean-de-la-Neu- ville et de Notre-Dame-du-Herteley (4). Le village de la Remuée est d'une origine un peu plus récente: il eut pour fondateur Renaud, comte de Boulogne (5). Le nom de St- Antoinc-dc-la-Forct nous indique jusqu'où s'avançait la forôt; il en est de môme du nom de St-Jean-des-Essarts, village situé en aval de Lillebonne. Le petit bois de Tau- carville, sis plus au sud, était, au siècle dernier, avec quelques autres bouquets plus voisins de l'antique Julia- hûna, le seul vestige de cette large bande arborescente. L'inspection de la carte suffit pour faire reconnaître que tout le pays dut ôtrc originairement boisé jusqu'à Bolbec. (1) Delisle, ouv. cit. p. 404. (2) Voy. le grand Carlul-aire de Jumiéges. n» 380. (3) Voy. les Rôles de l'Ecltiquier, i. 1, p. 90, et les Rôles nornuinds, «)t<^s par M. Delisle, p. 405. (4) Olim, t. I, p. 733, cités par M. Delisle. (5j Carluluire de CrrariV/c, cité jtar M. Delisle, p. 405. CHAPITRE XIX. 323 La foret de Fécamp {Fiscanne.nsis sylva on solfiai) est une de celles que la hache du paysan normand a le pluséclair- cie. Elle recouvrait, au temps des rois francs et même sous les premiers ducs de Normandie, toute cette contrée maritime qui s'étend depais les Dalles jusqu'au delà d'E- tretat, et ses seigneurs s'y donnaient souvent les plaisirs de la chasse (1). Aux xi*" et xii*" siècles, Fécamp était en- core enveloppée de forêts ; telle Baudry, archevêque de Dole, nous dépeint cette ville (2). Le démembrement de la Fiscannensis sylva a été surtout le résidtat de la fonda- tion, sur son domaine, d'un grand nombre d'églises, de prieurés, de chapelles. Divers seigneurs s'en partr gèrent les tronçons. L'abbé de Fécamp se réserva les bois de Hogues {sylva de Hoyis) (3) déjà cités dans la Chroni- que de Normandie (4) ; la conservation de ceux des Loges est due aux Etoutteville, châtelains de Valmont, qui les possédaient depuis des siècles. Le bois de Bocquelon est un autre débris de cette grande couche forestière dont le souvenir subsiste encore au nord et à l'ouest de Fécamp, dans des lieux-dits tels que les Plantis, la Rue-sous- Bofs(^), etc. La forêt d'Eu subit, du xi" au xir siècle, des défriche- ments qui eurent pour effet de la scinder en deux forêts distinctes: la haute et la basse foret d'Eu. La partie située à l'est de Foucarmont fut mise, alors, en culture par (1) Ansegise, Lothaire cl Waninge chassèrent dans cette forêt. Xcus- ■ Iria iiia, p. 196, 198, 199. (2) « Al) hinc sylvulâ pralissimà circumsoptus. » Neustria pia, p. Û8. (3) L. Dclisle, ouv. cit. p. 400. (4) Historiens de France, t. XIII, p. 251, b. Cf. Robert, abb. de Monte, Appendix ad Sicjeherhnn, ibid. ]). 30G. (5) Cochet, La Seine-Infcrieure hislorique et archéologique, époques gauloise, romaine el franque, p. 200, 238. — La Xormandie souter- raine, ch. VII, p. 70. 324 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. les moines de l'abbaye fondée dans cette localité. Henri ÏI, roi d'Angleterre, confiima la possession qui leur avait été accordée du lieu appelé Beloi et celle du canton de la forêt qui l'avoisine et qu'ils devaient défricher (1). Ces religieux mirent également en rapport le quartier de la forêt d'Eu situé du côté d'Onnemesnil, et sur lequel ils conservè- rent le droit de lever la dîme (2). Sous le règne de saint Louis, les paroisses de Réalcamp et d'Aubignemont furent fondées dans la même forêt par la comtesse d'Eu (3), et voilà comment prit naissance la vaste clairière qui sépare les deux forêts d'Eu. A l'origine, la gronde forêt de ce nom dut aller jusqu'à la Bresle; celle-ci la séparait d'autres fo- rêts, qui peuvent aussi être regardées comme en étant d'an- tiques démembrements; telle est notamment celle d'Ar- gueil située près d'Aumale. Les noms de plusieurs localités sises entre ces deux forêts, Saint-Lé(jer-au-Hois, le Buis- son, la Hoitssaye, Saint-Mariin-fiu-ïïois, prouvent l'exten- sion originelle de la végétation arborescente dans cette direction. La forêt d'Arqués, qui avait encore, au siècle dernier, une certaine importance, et qui s'étend au sud-est ^de Dieppe, formait originairement une bande de plus de 30 kilomètres; car trois autres forêts, presque contiguës, n'en sont que d'anciennes subdivisions. La première de ces trois forêts est désignée dans Cassini sous le nom de forH des Ventes; elle s'avançait à l'ouest jusqu'à la rive droite de la rivière d'Arqués ; vient ensuite la forêt d'Eavi, dont j'ai d('^à parlé plus haut (4) et qui fut un des théâtres (1) Voy. Carhilnirc de Foucarmont. cité par Delisle, oiiv. cil. p. 398, noie. (2) Ibid. Delisle, p. ^96. (3) Carlulaire de Pliil. dWlcnçon, cil'i par Delisle, p. 399, noie. (4) Voy. ci-dessus, p. 31 i. I CHAPITRE XIX. de l'activité des religieux de Royaumont. Elle présentait déjà des essarts considérables au temps de Guillaume le ■Conquérant (1). La rivière d'Arqués en formait, comme pour la précédente, la frontière occidenlale. Sa plus grande extension au sud nous est indiquée par une foule de noms de lieux rappelant la présence des bois : Bosc- Mcmil, Neufbosc, Bosc-Bordel, BoHC-Kdeline, Rourraij, Bois(ji(ilbert, Bosc-Asselln, Bois-Hcroult, etc. Un ])etit bois marqué encore dans Cassini au nord-ouest de Sigy, sem- ble être le dernier vestige de la partie orientale de l'an- cienne forêt d'Eavi. La foret d'Alihermont, quand elle fut abandonnée par Richard Cœur-de-Lion à Gautier de Cou- tances, se confondait presque avec La Haye d'Arqués (2). En 1217, l'archevêque de Rouen transigea avec Robert de Saint-Valery et ses hommes de Saint-Aubin relativement au nouveau village fondé par le prélat entre cette localité et Envermeu (3). Un autre accord, conclu en 1255, prouve qu'à cette époque la foret était déjà fort démantelée. La forêt de Bray peut être regardée comme l'extrémité la plus méridionale de la bande forestière dont la forêt d'Arqués représentait la tête du côté de la Manche ; car au siècle dernier, elle se continuait encore à l'ouest et au nord-ouest, sauf quelques étroites interruptions, jusqu'à la forêt d'Eavi. L'ancien pays de Bray {patjus Ih-acim) avait été à l'origine très-boisé (4); ce n'était en réalité qu'une (1) Voy. Garlulairede Sainl-Amand, cité par M. Delisle, p. 401, note. (2) Roluli Norman, cités par M. Delisle, ouv. cilé p. 400. note. Cf. Le Prévost, Mémoires et noies sur le déparlcment de rEure, t. 1, Part, i, p. 104. (3) Carlul. de PIùl. d'Alençon, cité par Delisle, p. 400, note. (4) Ce nom, identique à celui de Brie, signifiait fangeux. Il a servi à former un grand nombre de dénominations de lieux : Folembray, Osem- bray, Tinchebray, Vibraye, etc. Voy. Lehéricher, Pliilologie de la Nor- mandie, dans les Mémoires de la Société des Anliq. de Normandie, t. XXV, p. î-29. Saulx-Tavanncs, dans ses Mémoires (t. II, p. 380, 32(5 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. forêt ; son défrichement amena, ainsi que nous avons vu que cela était arrivé pour d'autres, la création d'un pays, celui de Bray ; de là l'épithète de en Jhrnj, donnée à quel- ques localités {Eibeuf-en-Braij, Mortemer-en-Brcnj). Cette forêt formait vraisemblablement avec celle de Lyons ou Léon» la marche qui séparait le pays des Velio- casses de celui des Bellovaques. La forêt de Lyons est fré- quemment mentionnée au moyen âge sous le nom de Leonis ou Leonum sylva (1). Mais ce nom de Lyons est une corruption du vieux français : Li-IIons ou Li-Homs, c'est- à-dire « les hameaux. » La forêt avait été ainsi appelée à raison du grand nombre de petites habitations qui s'y élevèrent, après que le défrichement en eut été commencé. Les premiers défrichements doivent remonter à l'époque gallo-romaine, car on trouve sur le territoire de la forêt de Lyons des restes de construction datant de cet âge (2). De là les noms de Beauvoir-en-Lijons, La Ilaye-en-Lyonsi^). C'est dans la forêt de Lyons que fut fondée, au xii^ siècle, la célèbre abbaye deMortemer (•4) dont les moines établirent de nombreuses gronges en différents points de la Leonis sylva où ils jouissaient de droits étendus (5). A la fin du xiii" siècle, la paroisse de Beauficel (6) s'éleva sur une éd. Petitot), appelle le pays de Bray, un pays plein de bois, marais, fanges el broussailles. (Voy. sur ce pays A. Passy, Description géolo- gique du déparlement de lu Seine-hiférieitre, t. 1, p. 196. (1) Orderic Vital, éd. Le Prévost, t. IV, p. 35o, t. Y, p. 179, Voy. II. Valesius, Notilia Galliaruvi, p. 271. (1) Voy. A. Le Prévost, Mémor. el notes, t. Il, Part, ii, p. 313. (3) Voy. Noël, Essais sur le département de la Scine-fnférieurc. t. I. p. 31. (Rouen, 1795.) (4) Gallia chrislian. t. XI, col. 307. Ecoles. Bolomag. (5) Voy. Delisle, ouvr. cil. p. 395. A. Le Prévost, oui'. fi7. p.'3l9, relate ces droits. Les abbés de Morteiner avaient aussi des droits dans les forêts do Baqueville, d'Andely et de Portniort. (G) CaHuluir. de Pliil. d'Alençon, cité par M. Delisle, p. 401. CHAPITRE XIX. 327 partie défrichée de ce canton. A partir de la fin du xt' siè- cle, g-râce à la facilité de transport que présentait l'An- delle, les bois de la forêt de Lyons furent largement coupés et transportés à Paris (1). Aux xii*" et xiii^ siècles, il existait déjà dans la forêt de Lyons de vastes landes d'où les arbres avaient disparu. Telles étaient la lande de Mate?' ou Amara Herba, « l'herbe amère » (2), celle de Corcel, dont parle Robert Wace (3). A la fin du xiv^ siècle, les rois possédaient en cette forêt une maison de plaisance^, Folleye ou Fouillée, construite dans l'un des nombreux essarts qu'elle présentait dès cette époque (4). Bézu -la-Forêt s'éleva pareillement dans une des clairières de la forêt de Lyons ; les habitants de ce bourg y avaient, au xiv^ siècle, conjointement avec ceux de Fleury-sur-AndellC;, de Lisors, de La Haye-en-Lyons, de Lilly, de iMorguy, de ]\îartigny, des droits d'usage qui provenaient de ce que ces diverses localités appartenaient dans le principe au territoire occupé par la forêt (5). Au siècle dernier, la forêt de Lyons n'était plus qu'un assemblage de lambeaux disjoints portant de nombreu- ses traces de dévastation (6). Toutefois les débris qui en subsistent encore ne sont pas sans magnificence. La po- pulation sylvaine qui l'habite, et qui y vit de l'industrie de la saboterie, y a conservé en partie la simplicité et la rudesse des mœurs de nos ancêtres. (1) Voy. Baudrillart, Diclionnairc gênerai des Eaux et Forcis, art. Flottage. (2) Delisle, ouïr. cit. p. 370. (3) Roman de Rou, v. 5GG68. — En mai 1305, Enguerrand de Mari- gny reçut do Philippe le Bel les landes de la forêt de Lyons, situées près Longchamp. Le Prévost, ouv. cil. p. 361. (4) Du Gange, Glossarium, éd. Henschel, t. V, p. 21. (5,' Voy. Le Prévost, Mémoires et notes, t. I, Part, ii, p. 339; t. II, Part. Il, p. 313, 314, 356. (6) Voy. la carie de Cassini. 328 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. La foret dite des Sept- Villes a dû originairement ne faire qu'un avec la forêt ou buisson de Bleu, qui en est distante d'un kilomètre seulement, et constituait dans le principe un simple canton de celle de Gi;ors, mentionnée dans le Coutumier des forets de Normandie, et où le prieur de l'hô- pital df Néaufle-St-Martin jouissait des droits d'usage. Les trois noms finirent par se confondre. On appela forêt de Bleu celle qui s'étendait sur les sept communes de Mainneville, Ilébécourt, Tierceville, St-Denis-le-Ferment, Sancourt, Heudicourt et Amécourt, voisines de Gisors, communes désignées sous le nom des Sept-Villes'de-Bleu. Cette forêt, dont les lial^itants desdites communes étaient usagers, parait avoir été en grande partie déracinée par un ouragan en 1519. Le terrain de la forêt des sept communes de Bleu devint alors un objet continuel de contestation, et le défrichement s'en opéra graduelle- ment (1). La forêt de Long-Boël, qui s'étendait jusque sur la rive droite de la Seine, presque en face de la forêt de Pont-de- l'Arche, ombrageant la rive opposée, a dû toujours avoir pour limite ce fleuve et la petite rivière d'Andolle ; mais elle remontait jadis beaucoup plus au nord. Comme celle d'Eavi, elle dut aux moines de l'abbaye de Royaumont ses principaux défrichements (2), et, selon toute appa- rence, la paroisse de la Neuville-Champ-d'Oiicl fut prise sur le territoire déboisé de cette forêt (3). La forêt de Long-Boël est déjà mentionnée sous ce nom dans les Comptes de saint Louis (4) (l'e/ula lonr/i Boelli) ; (1) Le Prévost, ouv. cil. t. II, Part, ii, p. 36i, 'i45. (2) Voy. Delisle, ouv. ct7. p. 396. (3) Ld commune de Boos doit aussi être une conquête faite sur la Forêt. (4; Historiens de France, t. XXI, p. 271. CHAPITRE XIX. 329 elle le dut aux Bock ou masures qu'y avaient construites les colons qui la défrichèrent en divers points. Cette forêt est un des principaux tronçons de la grande zone forestière qui commençant aux environs d'Eu se con- tinuait, par le comtéd'Evreux, jusqu'auPerche, et dont je viens de passer en revue les nombreux segments. 330 LES FORÊTS DE LA GAULE Eï DE l' ANCIENNE FRANCE. CHAPITRE XX. KTAT FORESTIER DE LA BRETAGNE AL* MOYEN AGE. L'Armorique, par la naiiire de son sol, ne se prêtait pas, à beaucoup près, autant que la Normandie au déve- loppement des forêts. Les landes, où l'ajonc et le genêt chassent presque toute autre végétation, y ont toujours occupé des espaces considérables, surtout dans l'ancienne Domnonée. Toutefois, il n'y a pas encore bien longtemps que plusieurs des cimes de l' Arrhes se dérobaient sous un manteau arborescent, dont les progrès de l'agriculture et le besoin de combustible ont fini par les dépouiller. Dans la partie de la Bretagne confinant à l'Anjou, au Maine, à la Normandie, les forêts prenaient plus d'éten- due et de profondeur, et au siècle dernier, il subsistait de nombreux débris de la grande marche forestière qui sé- parait les territoires des Abrmcatui, des Diqblintes, des Andecavi^ de ceux des Nannetes et des Bédanes. En effet, quand on s'avance du bord de l'Erdre vers lés sources de la Vilaine, on rencontre sur une zone de peu de largeur, les forêts de Juigné, d'Araise, d'Ombrée et Graon, et à l'ouest celle de la Guerche, celle de Pertre, faisant corps peut-être dans le principe, par les bois de Pars, avec la fo- rôl de Concise dont j'ai déjà parlé. Ges diverses forêts qui occupent sur la carte de Cassini une superficie notable, sont aujourd'hui bien réduites. Entre toutes les forêts de l'Armorique, celle qui a vu lo plus se rétrécir son domaine, et qui jouissait au moyen âge du plus de célébrité, est celle de Quintin, connue CHAPITRE XX, 331 jadis sous les noms de Brocélian, Brocéliande, Brrchéliant, Brécilien, Bréchilien, de forêt de Barenton, et surnommée la forêt de la retraite montagneuse (1). Elle divisait jadis en deux parties, Tune septentrionale, l'autre méridionale, la presqu'île armoricaine. Quand les traditions galloises eurent pénétré en Bretagne, on la confondit avec la forêt de Calidon, où Geoffroy de Monmoutli (2) raconte que IMerlin s'était retiré. La légende d'outremer se localisa dans la forêt bretonne, et on la représenta en conséquence comme la demeure du fameux magicien (3). Elle s'offrit dès lors à la croyance populaire, comme un lieu d'enchaiiLements. Le trouvère Robert Wace y alla vainement chercher les fées qui, au dire. des Bretons de son temps, y faisaient leur séjour; il s'en revint, sans avoir rien pu voir, s'écriant avec un accent d'incrédulité : Fol y allais^ fol ni en re- vins. A la fin du xif siècle, Chrétien de Troyes, plus enthou- siaste, chanta les merveilles de la forêt armoricaine. Dans lepoëme qu'il a composé sous le titre du Chevalier au lion, Yvain le héros se rend à la fontaine de Baranton, située au milieu de la forêt de Brécilient et dont Calogrenaut lui a vanté les prodiges. Il y rencontre un géant auquel obéis- sent les bêtes du bois. L'eau qu'il puise dans la fontaine à l'aide d'un bassin d'or, et qu'il répand, excite une épouvantable tempête qui fait accourir le seigneur du lieu ; Yvain le combat, le blesse mortellement, le poursuit, entre avec lui dans son château, maisy est retenu pi-ison- (1) Tel est le sens du mot Brécilicn ou Brêxilie7i; car ce mot signifie proprement : les asiles de la monlagnc de Bré. Le mot A'/Z, Kill (pluriel, Killicn) se retrouve dans le nom d'I-Colm-Kill, dont le sens est : Brlrailc de Sainl-Colm (Columban), du7is FUe d'I. (2) Voy. Galfrid. de Monemuta, Vila MerUni, édit. Fr. Michel, v. 132, 23'J et suiv. p. 10. (3) Voy. Th. de la Villemarqué, L'Enchanteur Merlin {Myrdhinn), son histoire, ses œuvres, son influence, p. 71. (PariS; 1862.) 332 LES FORÊTS DE LA. GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. nier. Il est délivré par une demoiselle nommée Lunette, àj laquelle il a eu le bonheur d'être utile. Celle-ci le rend] invisible au moyen d'un anneau magique (i). Chrétien de Troyes, guidé par Robert Wace, nous a donné une description un peu fantastique de cette forêt (2). Elle a été copiée au siècle suivant par lluon dcMéry dans son Tournoiement de l'Antéchrist (3j, et cent ans plus tard, par l'auteur de l' Image du monde (4). Ces fables dont la forêt de Bréchéliant élait deve- nue le sujet, semblent avoir inspiré l'auteur du roman de Iluon de Bordeaux dans ce qu'il rapporte de la fo- rêt enchantée où habitait, avec ses chevaliers fées, le nain Obcron qui, comme le seigneur mystérieux de la forêt bretonne, commandait aux bêtes fauves, et au son de son cor, provoquait les tempêtes. Oberon donné comme le fils de la fée Morgane est une imitation affaiblie de Merlin (5). On trouve, dans un curieux documentdu milieu du xv"^ siècle, mais qui relate des usages et des données d'une date bien plus reculée (6), une description de la forêt de Bréchéliant. En voici quelques passages: «Ladicteforestestdegrant et spacieuse estandue, appe- (1) Voy. Th. de la Villemaniué, les Homans de la Table ronde, y Cd. p. 87 et suiv. (2) Voy. ce morceau donne à la suite du Tournoiement de l'Antc- chrisl, éd. P. Tarbé, ]>. I J 4 et suiv. Cf. Leroux de Lincy, le Livre des Légendes, introduction, p. 97, et l'appendice n° 1. (3) Voy. le Tournoiement de rAntcchrisl, par lluon de Méry, éd. Tarbé, p. 125. (4) La Villemarriué, les Romans de la Table ronde, p. 231. (5) Voy. ce qui est dit dans l'introduction de lluon de Bordeaus, chanson de geste, publiée par F. Guessard et G. Grandmaison, p. xxn, XXXI. (Paris, 18G0.) (6) Voy. Aurcl. de Gourson, Carlulaire de l'abbaye de Redon, Éclair- cissements, p. cccLxxxvi. Les usements et couslumes de la foresl de BvC- rilien. CHAPITRE XX. 333 lëe mère forest, contenant sept lieulx de long et de lèse deux et plus, habitée d'abbayes, prieurez de religieulx, et dames en grand nombre, ainsi qu'est décléré cy davant ou chappitre des usagiers, touz fondez de la seigneurie de Montfort et de Lolieac, qui leur ont donné le droiz et pri- vilé^ez dont davant est fait mencion. Item, en ladicte forest y a 'quatre chasteaulx et mesons fortes, grant nombre de beaulx estangs, et des plus bel- les chassez que on pourrait aultre part trouvez. Item, en la dicte forest y a deux cens brieuc de boays, chacun portant son nom différent de l'autre, et ainsi que on dit, autant de fontaynes chacime portant son nom. Item, entre aultres desbrieuc da la dicte forest, y a un breil nommé le breil au seigneur auquel james n'abite ne ne peult abiter aucune beste venymeuse ne portante ve- nin, ne nulles mouches, et quant on y apporterait au dit breil aucune beste venymeuse, tantost est morte et n'y peult avoir vie, et quand les bestes pasturantes, en ladicte forest sont couvertes de mouches, et en mouchant elle peut recouvrez le dit breil, soudaynémentles dictes mou- ches se départent et vont hors d'icelui breil. Item, auprès du dict breil, y a ung aultre breil nommé le breil de Bellenton, et auprès d'icelui y a une fontayne nommée la fontayne de Bellenton, auprès de laquelle fon- tayne, le bon chevalier Pontusfist ses armes, ainsi que on peult voir par le livre qui de ce fut composé. Item, joignant la dicte fontayne, y a une grosse pierre que on nomme le perron de Bellenton , et toutes les foiz que le seigneur de Monfort vient à la dicte fontayne, et de l'eau d'icelle arouse et mouUe le dit perron, quelque challeur temps assuré de pluye, quelque part que soit le vent, et que chacun pourrait dire que le temps ne serait aucunement disposé à pluye ; tantost et en peu d'espace 334 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. aucunes foiz plus tost que le dit seigneur ne aura peu re*' coupvrez son chasteau dcGomper, aulters foiz plus tart, et qui que soit aiiis que soit la fin d'icelui jour, pleut ou pays si liabnndamment que la terre et les biens estans en ycelle en sont arousez et moult leur proufite. » Telle était l'étendue de cctle forêt, qui allait des envi- rons de ^lontfort-sur-Meu aux portes de Corlay (Côtes-du- Nord), que dans Tenceinte qu'elle présentait encore au moyen âge, s'élevaient cinq abbayes : l'abbaye de Saint- Méen (\), fondée au vii^ siècle, détruite au viii% rétablie sous Cliarlemagne, et enfin détruite de fond en comble au x^ siècle par les ^'ormands ; l'abbaye de Plélan (2), fondée au IX* siècle par Salomon, roi des Bretons; l'abbaye de Gaël (3), détruite au x'' siècle par les pirates du nord ; l'ab- baye de Montfort (4), fondée en 1152 par Guillaume P', seigneur de Montfort-la-Canne et de Gaël, et, enfin l'ab- baye de Painpont (o;, originairement prieuré dépendant de Saint-Méen et érigé en abbaye de chanoines réguliers dans la dernière moitié du xii^ siècle (6). Il faut encore y joindre l'abbaye de Bosquien, fondée en 1137 par Olivier de Dinan, à l'angle nord d'un bois de ce nom qui est un démembrement de la forêt. Il existait en outre au xi'' siè- cle, en la forêt de Brécilien, de nombreux hennitages (7). La forêt de Catelun, qui n'est plus représentée que (1) Lobineau, 7/isL de Bretagne, l, II, col. 31, 33,58, \\0,1S0 ; j^rcu- vei, col. 312. (2) Plebtlanum ou Salomonis monaxlerium. vLobinoau, 1. 1, j>. G3.) (3) Gaelum. CeUe abbaye, fondée dans la seconde moitié du vi' siècle, a été ensuite confondue avec celle de Sainl-Méen, sous le nom de Saint- Méen ou Sainl-Mciaine-de-Ghé ou de Gacl. (Lobineau, t. I, p. 2'i.) (4J Monsforlis. MonIfort-la-Canne. (Voy. Lobineau, preuves, col. 301.) (5) L'abbaye de Saint-Judicael-de-Painpont. (Lobineau, t. I, p. 22.) (6) Voy. A. de (^ourson, oui', cil. (7) On lit dans la Cfironifjue de Bretagne : « El ali?c multae hercmi- tarum mansiones in BiX)choliam (Brieuré de Sle-Honorinc. (5) Voy. les intéressants détails donnés, sur cette forél, par M. Bizeul, qui cile la charte d( vim. Il CHAPITRE XX. 339 sait. C'est au xvir siècle que cette forêt fut définitivement abattue. Vers 1651, Marguerite de Rohan fit raser la futaie et effroger le sol qui demeura plus d'un siècle à l'état de broussailles et de vaine pâture. Des vestiges de bois, encore apparents, chênaies, broussailles, taillis aménagés, des noms de localités, des traditions, prouvent qu'en suivant la chaîne de collines serpentant du moulin à vent de la Bosse-des-Landes, près du bourg de Héric, vers la Praquelage, la forêt de Héric allait se réunir entre Vignieux et Toulières, à la forêt de Sautron (1). Celle-ci a subi le sort de sa voisine. En 1734, elle ne contenait plus que 30 arpents en futaies et 80 ar- pents en bois taillis. Ogée lui donne encore 200 arpents (2). Cette forêt paraît s'êlre étendue jadis jusqu'aux portes de Nantes. Les bois de Launay et des Dervalières en sont des restes, et sa présence est rappelée par les noms de diverses localités sises entre Nantes et Sautron (3). La forêt de Gavre, qui est, comme celle de Prince, un débris de la grande forêt nantaise, avait déjà subi de notables réductions en 1544, lors de la réformation des eaux et forêts de Bretagne (4). Les abus auxquels se lais- saient aller les usagers éveillèrent l'attention royale, et, en 1545, François F interdisait la vaine pâture dans cette forêt (5), qui avait eu particulièrement à souffrir des (1) C'est dans ce parcours qu'on trouve les noms significatifs de Laforest Rivaud, la Foresterie, le Haiil-Fay, le Breil, le Dreil-Renaud, Breil-Vain. Près de ce dernier village, un tronçon de la voie romaine de Blain à Nantes porte, pendant une lieue, du Breil-de-Loup à l'Epine-de-Fay, le nom de Cliaussée-de- Vieille -For est. En 1618, la Vieille-Forest consti- tuait encore quelques brosses et ragosses. (Voy.Bizeul, art. cité, p. 396.) (2) Diclionn. de Bretagne, art. Sautron. (3) Voy. la discussion intéressante à laquelle M. Bizeul s'est livré sur celte question, p. 397 et suiv. (4) Voy. Fontanon, Ordonnances, t. II, p. 239. (5) Saint-Yon, Ordonnances, p. 407. La forêt de Gavre ne couvre pas aujourd'hui moins de 5,000 hectares. Divers bois qui n'en sont qu'une 0-40 LFs FoniVrs de la r.AULïï i:t de l'ancienne France. ftoisiers dont elle dtnit peuplée. Une antre forêt voisine de Nantes, celle de Torfou, est mentionnée dans l'ëdit de 1544, qui avait également pour objet de porter remède aux dé- vastations dont se rendaient coupables les usagers (1). Le déboisement du pays nantais ne fut pas seulement le résultat de l'imprévoyance, de l'avidité de ceux qui avaient la jouissance de ses forêts^ il a été aussi Vœuvre des religieux. J'ai cité plus haut un grand nombre d'ab- bayes élevées sur le sol des forêts bretonnes. Je dois encore mentionner l'abbaye de Saint-Gilda?-des-Bois, qui fut fondée en i026, au cœur même du pays nantais, par Simon de la Roche-Bernard (2). Si maintenant nous nous approchons du littoral méri- dional de l'Armorique, nous y trouvons des preuves de la disparition de plusieurs forêts importantes. Une forêt existait entre Goncarneau et Fouesnant, qui a valu son nom à la haie de la Forêt. A l'est la forêt de Carnoet, placée sur la rive droite du Quimperlé, a dû s'avancer un peu au sud, là où fut fondée, vers 1170, l'abbaye de Saint- Maurice. Aux environs de Vannes, on chercherait vainement de nos jours la forêt de Goetloux, ou Goitlou, au milieu de laquelle s'élevait le château dans lequel se tint en 848 un concile qui déposa quatre évêques bretons (3). Le radical oonlinuation, et qui s'étendent sur la chaîne de collines entre le Don rt l'Isar, subsistent encore aujourd'hui. (Voy. l'article de M. Bizcul, Sur les Nannètes aux époques celtique et romaine, dans la Revue des prov. de l'Ouest (juin 1854), p. 393.) (1) Fontanon, lac. cil. (î) Voy. Lohinoau, Preuves de l'Histoire de Bretagne, liv. TV, col. 161. Le surnom de Saint-Giidas-des-Hois, Sanctus Gildasius de Nemore, distingue cette abbaye, de celle de Saint-Gildas-de-Hhuis. Le Cool-Sé ou Couossé, petit bois qui existait, il y a deux siècles, dans cette localité, a été le dernier vestige de la forêt de ce canton. (Bizeul, art. cité, p. 40.=^.1 (3) LobineaU; Ilislcirc de Brelofjne, t.l, ]>. 40, et Preuves, col. 5B. CHÂÎITRE XX.. 341 coet OU coat, qui entre dans le nom de Goetloux et dans celui de COijtmaloën rappelé ci-dessus 1), entre dans des noms de localités de la Bretagne situées dans des districts actuellement tout à fait découverts, Aux environs du Faou (Finistère), les noms de Goatmenec, Coatmeur, Goa- trian, Goatnan, Penarcoat accusent l'existence originelle d'une grande forêt dont la forêt du Grannou, sise à l'est du Faou, et le bois de Gars sont les débris (2). Gelte foret subsistait en partie au xvii^ siècle; elle s'étendait vraisem- blablement au nord du Faou et tapissait le bassin com- pris entre l'Aulne et FElorn. La partie supérieure de l'es- pèce d'isthme que forme l'Elez réunie à l'Hière et où se trouvent les deux exploitations plombifères de Huelgoat et de PouUaouen, devait être enveloppée par une autre lorét qui a laissé de nombreux vestiges, notamment les bois, encore importants au siècle dernier, de la Garenne et de Fréau. Le nom de Coatqueau, donné à une localité sise entre le premier de ces bois et i'Aulne, atteste égale- ment la présence originelle d'une épaisse agrégation d'ar- bres dans cette région. En Bretagne, l'incurie des habitants, l'absence de ca- pitaux chez le propriétaire ont été cause que le déboise- ment s'est continué activement jusque de nos jours. Une circonstance le démontre, c'est que dans les départements de la Loire-Inférieure, du Morbihan et de l'IUe-et-Vilaine, (1) J'ai montionné ci-dessus l'al>baye de Coetmalopn, qui s'Hlevaif au diocèse de Quimper, à trois lieues sud de Guingamj), dans un bois au- jourd'hui presque entièrement détruit. Les noms de localités situées fort au nord de ce bois, Coatpeul, les Bois-de-Fau, Couadout. Coetando, elc , suffiraient à établir que, dans le principe, il exista là une forêt. Les débris de celle-ci sont les bois des montagnes de Fromontel, qui so rat- tachaient sans doute à la fonH de Quintin ou Brechelien. (Voy. Lobi- ni'au, Hisloire de Bretagne, preu.ves, col. 1G45.,, (2) Voy. ce (|ui est dit dans la suite de cet ouvrage !;ur' les mesures pio[iùsées par Colbert rclalivemL-ut à !a l'or't du l'aou. 342 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. la plupart des propriétés rurales, éloignées des centres de ])opulation, comprennent, suivant leur désignation ca- dastrale, àes landes autrefois en bois. La disparition de ces bois, sur divers points, remonte à peine à cent ans (1). (1) A. Isabcau, les Forêts du Globe, t. XIII (1854), p. 299. Voy. no- tamment ce que dit cet auteur de la lorct de Pont, dans l'arrondisse- ment de Chateaubriand. CUM'ITRE XXI, CHAPITRE XXr. FOUtl;; ne l'UlTUL'. LA GATINE ET LE UOCAGE. Lorsqu'on jette les yeux sur la carte de l'ancieune pro- vince du Poitou, on y voit figurer une foule de localités dont les noms et remplacement annoncent des établisse- ments faits sur des novaies, dans des essarts, au milieu d'î clairières. Ces appellations réveillent le souvenir des in- dustries qui se développèrent au voisinage des bois, ou des manoirs édifiés à la liàte sur le sol éclairci. M. Redet (1) a compté dans le seul département de la Vienne 21 lieux habités s'appelant la Forêt, 9 le Foidllou (lieu planté de liêtres), 8 la Garenne^ 26 la Varenne, 42 le Breidl, 39 la iirousse, 47 la Touche iîl). Ce fait montre combien le pays fut jadis boisé. Le nord du Poitou s'est rapidement dégarni des forèls qui l'ombrageaient. L'une d'elles, la forêt de Gliàtelle- rauU, n'a pas toutefois diminué notablement de super- ficie. Resserrée entre la Lauvigne, le G'ain et la Vienne, elle n'a pu franchir les limites que lui a.signe Gassini ; c'est seulement au sud-ouest qu'elle a dû se raccourcir ; elle s'avançait vraisemblablement jusqu'à Ouzilly, près duquel existe un lieu appelé les Essarts. A l'est de Poitiers, près de Ghauvigny, dans l'arrondis- (1) Rodet, Observations sur les noms de lieux dans le départcmenl de la Vienne, dans Ic^ Mémoires de la Société des Anliquaires deiOuat, an I84G, p. 343. (2) La Touche; ce nom signilio un bouquet d. l>0. 352 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. En 1131^ lorsque fut fondée dons le diocèse de Lyon l'abbaye du Miroir {Miratorimn)^ il existait au voisinage du lieu où s'éleva le monastère» une forêt que les chartes du temps appellent Nemus Bikhnn (1), et qui n'est plus représentée que par quelques bouquets placés du côté de Saint-Amour. Tout le pays jusqu'à Saint-Trivier, à en juger par les lieux-dits (2), était boisé. Le Beaujolais ne paraît pas avoir possédé, depuis une époque très-ancienne, de forêts d'une étendue bien vaste; mais il était incontestablement, il y a sept ou huit siècles, beaucoup plus boisé qu'il ne l'est aujourd'hui . Les dévastations commises dans ses bois durant le xiv^ siècle ressortent des mesures que prit en 1407 Louis H, duc de Bourbonnais et seigneur deBeaujeu, pour porter un remède au mal (3). L'étude de la carte nous montre, en effet, que des forêts ont dû exister là où il n'y en a plus guère de trace. C'est ainsi que le bois de Place- Blanche, qui n'est déjà plus marqué dans Gassini que comme occupant une centaine d'hectares, parait être le reste d'une forêt assez considérable qui s'étendait entre la Vauzonne et le Morgon, deux affluents du Rhône dont le cours est à peu près parallèle. Cette forêt pouvait même remonter jusqu'au delà de la Vauzonne, dans les environs de Belleville, car on trouve près de ce bourg les bois de Manœuvre, qui doivent être un démembre- ment d'un bois plus considérable. Quelques noms du voi- sinage rappellent aussi la présence des arbres ; mais ces (1) Gallia christ, t. IV, col. 296. Eccles. Lugdun. — Historiens (h France, t. XIV, p. 402. (2) Citons les noms de Varenne, La Forest, Les Vernels, Dois-Bou- vier, La Varenne, Tremblay et un autre La Forest au nord de Cour- toux. (3) Voy. F. de La Roche la Carelle, Histoire du Beaujolais et des sirfs de Beuujeu (1853), t. I, p. 362. CHAPITRE XXII. 353 nomsdeviennent surtout plus nombreux entre la Vauzonne et le Morgon, Sans parler des hameaux de Bois-Robin, de la Varenne, de Clieissy, de Boisfranc, certains fiefs encore mentionnés dans les vieux actes portent des noms très- significatifs. Un des fiefs de Gogny s'appelait Epeisses-le- Bois (4). Saint-Georges de Reneins ou de Rogneins, cons- truit aux bords de la Vauzonne, sur la route de Lyon à Mâcon, avait entre autres fiefs Bmsy, Laye, Boistrait (2). L'emplacement de cette localité a donc dû être originaire- ment fort boisé. Vraisemblablement on doit attribuer la destruction des derniers débris de cette antique forêt aux moines du prieuré de Salles, de l'ordre de Gluny, et dont la fondation est très-ancienne. Dans la partie occidentale du Beaujolais, là où le sol de- vient plus montagneux, les forêts étaient certainement abondantes. On trouve encore en effet, dans la partie septentrionale de cette région, des bois a-ssez importants, comme ceux d'Aigueperse et d'Aujoux, et plus à l'est, tels que les bois de Pramenou et de Molières; mais au sud de Roanne, dans la partie qu'arrose le Reins ou Rhin, devait exister une forêt assez vaste qui n'est plus représentée que par le bois de Fêchier. Son nom est rappelé par celui de Lay que portait une ancienne chàlellenie et qu'emprunta le village de Saint-Symphorien, construit plus tard à quelque distance et qui finit par devenir le chef-lieu de la paroisse. Tout ce pays est actuellement déboisé, et cependant outre le nom très-siguificatif de Lay (3), nous trouvons parmi les anciens fiefs de la chà- tellenie un lieu appelé LaForest. A quelque distance, une (1) Voy. de La Roche la Garelle, out\ c'ilà^ t. II, p. 84. (2) Voy. de La Roche la Garelle, oiiv. cilé, t. Il, p. 108. (3) Voy. ce qui a été dit au sujet de la forêt de Saint-Giîrmain-en- Xaye, p. 149. 23 354 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. autre localité ScippeUe Jiafm-du-Bois. Les sires de Beaujeu devaient aller chasser dans cette antique forêt, maintenant effacée de la carte, car ils avaient encore au xiii* siècle une maison dechasscàPesselay, autre fief de Lay(l).Toutdonne donc à croire que la foret s'étendait du Reins à un autre petit cours d'eau appelé le Gand. Les montagnes du Fo- rez qui présentaient encore au temps d'Anne d'Urfé (2) d'épaisses forêts de sapins et de hêtres, sont aujourd'hui à peu près dégarnies. Plus au nord s'annoncent aussi des indices de déboise- ment assez notables. La célèbre abbaye de Souvigny, dans la province de Bourbonnais;, s'éleva, à trois lieues de Moulins, sur l'emplacement d'un courtil {no'fis Silvi- maci) (3) dont le nom rappelait l'existence antérieure d'une forêt qui devait avoir disparu bien avant lex* siècle, puisque l'abbaye date de cette époque. Dans l'Auvergne, le Vélay et le Yivarais, une multitude de forêts qui garnissaient le flanc des montagnes ont fait place à des cultures. Les roches volcaniques, qui y consti- tuent le fond du sol, étaient éminemment propres, par leur décomposition sous l'influence des agents atmosphériques, à la végétation arborescente (-4). Nous ne pouvons citer le nom et l'emplacement de tous ces ombrages; nous nous bornerons à en signaler quelques-uns. Entre Pionçat et Menât, sur les bords de la petite rivière deBauble, s'étendait, au tempsde Grégoire de Tours, une (1) De La Roche la Carelle, oitv. citc^ l. II, p. 143. (2) Aug. Bernard, Les d'Urfé. p. 444. (3) Gallia chmlian. t. II, col. 377. Le nom de Silviniacus (Souvigny) fut donné à diverses ccllw établies dans des forêts. Voy. H. de Valois, NotUia GaUiantm, p. 526. (4) C'est co qu'on peut observer au mont Elna, à la région dite Nemo- rosa. Voy. les observations de M, Élio de Beaumont dans le Journal des Savants, octolire 1839. Jl CHAPITRE XXII. 355 forêt que cet écrivain appelle Ponticiacensis sylva et dans la profondeur de laquelle saint Émilien et saint Bravi al- lèrent placer leur ermitage (i). Au siècle dernier, il ne subsistait plus de cette forêt que les bois de Pionçat et de Pierrebrune. Peut-être celui de Montaigu, situé plus au nord, en est-il aussi un vestige. En descendant plus au sud, nous rencontrons dans les montagnes d'autres indi- ces de la disparition des arbres. Les belles sapinières du Mont Dore, encore si touffues en 1669, se sont depuis bien éclaircies (2). Les progrès de l'agriculture ont aussi amené la des- truction des forêts dont était semée la contrée comprise entre le Tanargue et le Mézenc. La fertilité du sol, d'ori- gine volcanique, y appelait naturellement le colon, et, de cette vaste masse némorale, refuge de tant de bétes fauves, il ne reste plus que 40,000 hectares environ. Dans le pays qui répond aux départements de la Haute- Loire et du Cantal, le domaine de presque toutes les an- ciennes forêts s'est graduellement rétréci. Dans le premier de ces départements, la forêt de Geyroux, jadis une des plus belles possessions de la maison de Penthièvre, occu- pait encore au siècle dernier une superficie de 350 hec- tares ; elle n'est plus à cette heure qu'un amas de taillis de hêtres et de chênes (3). Elle dut naguère ne faire qu'un avec le bois de Montdésir et constituer la marche qui sépa- rait les Arvernes des Vellaves. (1) Voy. le DicUonn. géographique placé par M. Alfred Jacobs à la suite de la nouvelle édition de la traduct. de Grégoire de Tours par M. Guizot, t. II, p. 386.. Pionçat ou Pionsat est situé au nord-ouest de Riom. On y a trouvé un grand nombre de monnaies gauloises. (2) Voy. Depping, Correspond, adminislralive sous Louis XIV , t. III, p. 704. (3) Voy. Deribier du Chatelet, Description statisUq. de la Ilaule- Loire, p. 101. Cf. ce qui a été dit p. 133 de Sauve-Uenile. 3o6 LES FORÊTS DE LA GALLE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. Dans le Cantal, les forêts se sont sans doute moins éclaircies, elles ont pourtant cédé en bien des points la place aux cultures. L'ancien vicomte de Murât comprenait les bois de Murât, d'Albepierre, deMallet, deChàteauneuf, d'Anglards, les forets de Vigouroux et de Ciniq vraisem- blablement unies à l'origine. Les nombreux droits d'usage accordés aux habitants des villages limitrophes amenèrent le démembrement de cette dernière, qui fut dans le prin- cipe l'une des plus importantes de l'Auvergne et se lia aux forets de Brezons et de Malbo. Tous ces bois de la vicomte de Murât n'occupaient pas, il y a deux siècles, une superficie de moins de i5,090 ar- pents. Le sapin en constitua toujours l'essence dominante; il s'y trouve associé à quelques hêtres. Les magnifiques ombrages des pentes du Cantal avaient subi, lors de l'or- donnance de 1GT8, de graves dommages auxquels elle eut pour objet de porter remède (i). Le plateau de la Margeride, qui sépare la vallée de l'Allier de celle de la Truyère, était, il y a moins de deux siècles, ainsi que les pentes du Cantal, occupé par de vastes forêts de sapins, admirables de vigueur et d'énergie. Aucune route ne traversait alors cette région, le transport du bois étaitconséquemmentdifficile, cequi fitquelesforêlséchap- pèrent à l'avidité des exploitants. Les habiiants de Saint- Flour se contentaient d'aller chercher sur leur lisière un mauvais charbon et quelques provisions pour lechauflage et les usages domestiques. Aussi, malgré les droits d'usage concédésparlesanciensseigneurs, la partie centraledecette masse forestière demeura-t-elle fort longtemps intacte (2). (1) Dcribierdu Chatelet, Dictionnaire hisloriq. et slatisliq. du Caninl, t. IV, p. 92, 503. (2) Ibid. t. IV, p. 129. Entre antres forêts «le cotte partie de la France, ayant gardé de l'importance, il faut citer celle de Mercoire, où l'Allier prend sa sourcp. I CHAPITRE XXII. 357 A côté de ces forêts, maintenant plus ou moins réduites, il en faut citer d'autres ayant totalement ou presque tota- lement disparu. Près de Mauriac, il en existait, au moyen âge, une qui était le repaire de nombreuses bêtes fauves (1). Une charte de l'année 1119 renferme la donation faite par Odon, comte de La Marche, au monastère de Rocama- dour, de la forêt appelée Motis Salviiei de toutes les terres cultivées et incultes qui l'avoisinent (2). Cette charte marque d'une manière précise la poiition de la forêt (3), qu'il est possible de reconnaître sur la carte. Montsalvy est aujourd'hui non plus une forêt, mais un bourg, et les arbres ont presque complètement disparu de ses environs. Les noms du Fau, du Bousquet, de CJioisy, indiquent leur ancienne présence. Une localité appelée Arses, fait vrai- semblablement, par son nom, allusion à quelque dé- frichement opéré par l'incendie. Le petit bois désigné dans la charte sous le nom de Costa CJiapsis, dut oc- cuper les environs de l'endroit appelé encore aujour- d'hui la Coste. Mais il est impossible de retrouver la posi- tion du bois de Bézeus, dont le nom rappelle la présence d'une forêt (4); ce bois était situé à l'autre côté du grand chemin, a parte stratœ puhlico'^ qui ne saurait être que la route d'Aurillac à Montsalvy. Le Limousin a vu les flancs de ses montagnes se dégar- nir avec le temps ; ses forêts se sont éclaircies par suite (I) Voy. la chronique citée par le P.Dominique de Jésus, dans sa Vie de saint Marins. Deribier du Ghatelet, Diciionn. historiq. et slaiist. du Cantal, t. IV, p. 210. (2)Baluze, llistoria Tutelensis, lib. III, p. 138. (3) « Ilanc autem sylvam sciant qui scire voluerint sitam esse inter Nemus Bastutorum , ex altéra parte inter ipsum qui dicitur Nemus Omorum, ex altéra sibi adjacente nemus qui dicitur Nemus de Bezeus a parte stratœ publier», ex altéra vero nemus qui dicitur Costachapsis. » (4) En efTot, il existe en France plusieurs localités du nom de BézUy qui sont toutes au voisinage de bois ou de forets. Nous citerons notam- ment, dans le département do l'Eure. Bézu-la-Forèt. Voy. p. 327. 358 LES FORÊTS DK LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. des progrès de la culture. Au moyen âge, celles-ci avaient déjà été largement défrichées, car les pièces que nous a conservées Baluze attestent l'existence dans la pro- vince de nombreuses terres labourables, de vastes prai- ries et de champs multipliés (1). Toutefois jusque vers la fin du moyen âge subsistèrent quelques grandes forêts qui depuis ont disparu en tout ou en partie. La forêt dont l'abbaye d'Obasine, fondée au xiii^ siècle, occupa une clairière (2), n'a laissé aucune trace; la com- mune de ce nom où s'élevait la forêt donnée à saint Etienne par le vicomte Archambault, n'offre pas même un bouquet. Au sud d'Uzerchcs, sur la rive gauche de la Vézère, le déboisement date seulement d'un ou deux siè- cles (3). C'est là que se trouvait la forêt d'Espartignac, mentionnée dans une charte de l'an îOOi (4). Une autre charte quelque peu postérieure (de l'an 1 036) contient une donation faite par Guy, vicomte de Limoges, aux moines de la ville d'Uzerches. Et il y est parlé de l'église de La Fage {ecdesiam quœ vocatitr a La Fayd) (5), placée dans la forêt de Celom {quœ posita est in sylva quœ dicitur Celoiii). Or, le village de La Fage est peu distant d'Espartignac, et au sud-est se rencontre une localité du nom de Bois la Fage, mais où ne se montre aucune trace de forêt. Ce (1) La Gorrèze n'offre aujourd'hui que peu de forêts, si ce n'est dans" l'ancien duché de Ventadour, près Eglelon et aux confins de la Haute- Vienne où sont les forêts de Montar et de Poudras. "Voy. A. Firmigier, Essai de siaiisliq. de la Corrèze, p. 9 (1802). (2) L'abbaye d'Obasine fut fondée en 1152, sur l'emplacement d'une forêt à deux lieues noi"d-est de Brives. Voy. Gallia cJwisl. t. II, col. G35. Eccles. Lemov. (3) Le déboisement ne s'est pas autant étendu dans la Haute-Vienne, où plusieurs forêts, telles que celles de Rançon, Coutumes, Lastours, présentent encore sensiblement la même étendue qu'au moyen âge. Voy. 'Texier-Olivier, Slalistiq.de la Haule-Vienne.Y- 53, 54. (4) Baluzo, Ilisl. TuUi. col. 404. (5) Baluzi', ouv. cil. col. 808. CHAPITRE XXII. 359 point marque évidemment l'emplacement de l'ancienne forêt de Gélom, et effectivement, dans les environs, sont des lieux qui gardent les noms de la Farjearderie, la Page, le Bosc, le Bos-Pcirat. Le bois de la Fage était donc une dépendance de la forêt d'Espartignac, et tous deux ont été défrichés depuis le xf siècle. Une charte du X' siècle nous donne le nom d'autres forêts, celles de Mom- bresme et Malevalle, appartenant à la même contrée et qui n'ont pareillement laissé aucun vestige (i). M. Max DelochC;, en publiant le cartulaire de l'abbaye de Beauheu (2), a relevé le nom de plusieurs forêts du Limousin méridional, mentionnées dans des documents du ix*" au XII'' siècle, et qui ont été totalement ou presque totalement défrichées. Nous citerons notamment la forêt sei- gneuriale de Caumont, dans l'ancienne vicairie de Bri- ves, celles de Mollis Caparia^ de Palson {syka de Palsonis), de Surdoire {Siirdoira), dans l'ancienne vicairie de Puy- d'Arnac (3). Cette dernière forêt tirait sans doute son nom de la petite rivière qui la traversait ; elle dut originaire- ment s'étendre à l'est et au sud de Meissac. Quoique la contrée sise au midi et à l'ouest de Puy-d'Arnac, soit ac- tuellement découverte, nombre de localités rappellent par leur appellation l'ancienne présence des arbres [la Brousse^ le Bois, le Bois-Cailleau). Au nord-ouest du même bourg se trouve un endroit appelé le Bos. D'autres forêts, telles que celle du Doignon, située au nord-est de Limoges, sur la rive gauche du Thorion, ne sont plus représentées dans Cassini que par une très-petite bande (3). Au sud-est de (1) Baluzc, OUI', cil. col. 337. (2) Max. Deloche, Cartulaire de l'ahbaye de Beaulieii, en Limousin, p. cv, cvi. (Paris, 1859, in-4''.) (3) Ce nom du Dognoii ou Doignon parait avoir impliqué le sens de forêt. Toute la contrée désignée sous le nom de Dognon ou Doignon, ef qui s'étend au sud de la rivière du Thorion, contenait des bois épais. Di^ 360 LES FORÊTS DE LA. GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. Limoges, la forêt de Châteauneuf, qui ne constitue déjà plus sur la carte de Cassini qu'une étroite zone longitu- dinale, semble s'être, dans le principe, étendue de Châ- teauneuf jusque près de Ghambéret (1). Au sud-ouest de Limoges, la forêt des Gars, sise à l'est deChalus, doit avoir fait corps, il yn quelques siècles, avec la forêt de Fiavignac qui en est voisine. Entre la Vienne et la Grande-Briance, la contrée a été jadis manifeste- ment boisée. La forêt d'Aigueperse est un autre vestige du grand manteau forestier dont s'enveloppait le Limou- sin et que le temps a percé à jour. J'ai déjà rappelé l'existence d'une forêt du Bourbonnais à propos de la fondation de l'abbaye de Souvigny ; je dois revenir sur l'ancien état forestier de cette province dont je n'ai dit qu'un mot. Le recueil des cartes et plans des forêts du Bourbonnais que possède la Bibliothèque impé- riale (2), peut donner une idée de l'extension qu'avait dans le principe le sol forestier de cette province. Entre les forêts bourbonnaises qui sont mentionnées au xvn*" siè- cle, il faut d'abord citer celle de Molladier, d'une conte- nance de i,i52 arpents et qui ombrageait la rive gauche de l'Allier. Elle se terminait au nord aux bois taillis de Boze et des Billotz, et à l'ouest à d'autres bois également peu étendus, dits Ixns Ponmicrets, bois des Fours. Sur la lisière occidentale s'élevaient les hameaux de i\Iontaret, la Goutte elSanrondin. Au midi, la forêt était séparée par verses localités éloignées de la région qui porte plus spécialement ce nom sont aussi appelées Doignon : Chatenct-en-Doignon, dans la com- mune de Saint-Léonard (Ilaule-Yienne), Puy-de-Doignon, étaient égale- ment entourées do forols. (1) Voy. Deloche, Éludes sur la géographie hislorique de la Gaule, cl spècialemenl sur les divisions Icrriloriales du Limousin au moyen âge, p. 195 ot 190. (Paris, 1861.) (2) Mss. fonds Saint-Germain, n" 33. Ce curieux manuscrit renferme une belle collection de planches sur parchemin. CHAPITRE XXII. 361 quelques bois taillis des hameauxde laRoche et des Thierry. Le village des Ra.millons marquait la lisière orientale et le lieu-dit les Jean-Denis, sa frontière sud-est. C'est sur cette forêt que fut pris tout le territoire du prieuré qui porta son nom, le prieuré de MoUadier. Une seconde forêt, sise à l'est et au nord-ouest de celle- ci, la forêt de Messarge, devait à l'origine n'en être pas séparée; elle contenait 1,165 arpents plantés en chêne, et c'est à cette même zone sylvestre qu'il faut rattacher la forêt qui valut son nom à l'abbaye de Souvigny. La forêt de Bagnollet, sise au nord de la forêt de JMolla- dier, et sur la même rive de l'Allier, renfermait 1,600 ar- pents. Les cartes citées ci-dessus montrent qu'elle s'éten- dait depuis la Justice-de-l'Espine, à l'occident, jusqu'aux étangs et au village de la Terrasse, à l'est, depuis Channe, et les Gilletz au sud, jusqu'à une petite distance de l'Al- lier, au nord, présentant son plus grand allongement dans la direction sud-nord. Les alentours de Langeron étaient déjà déboisés. La forêt de Givrais, à l'ouest de celle de Ba- gnollet, contenait 1,926 arpents. La forêt de Tronçais, à l'ouest de celle de Givrais, ren- fermait 18^,300 arpents. G'était la plus vaste du Bourbon- nais; elle s'étendait depuis le village de Breton, au sud, jusqu'à l'étang près duquel s'élevait la tuilerie de Ganot au nord, depuis les hameaux de Barrière etdeSalle-Guérin à l'est, jusqu'à ceux de Douignost et de Vaux à l'ouest. Déjà, au xvir siècle, elle avait subi de larges défriche- ments ; la partie comprise entre les localités des Nigaidts, les Lo(/es, Chez-Cepij, le Montest, Bretoirc, et entre la Ver- natte^ le Metz et la Villette, était transformée en clai- rière. A l'ouest, la forêt était limitée par le Gher qui la longeait pendant plusieurs kilomètres, et par un ruisseau que reçoit cette rivière près du moulin de Vernil ; à 362 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. Meaulne, en allant vers le sud, la forêt reculait à l'est et avait pour lisière le cours d'eau que reçoit le Cher et sui lequel étaient construits le moulin d'Aglandebeuf et le vilJ lage du Creux. Il semble qu'au sud-est le village de la Rif- faudière ait formé l'angle originaire de la forêt, laquelle, au nord-est, s'avançait jusqu'à l'étang de Couillcuvre et s'élevait au nord, jusque près de Valigny, d'où elle re- montait jusqu'au château de Chandon et allait rejoindre la tuilerie de Jaccotz. Enfin, vers l'ouest, la forêt re- descendait au village de Braize et à celui de la Pacau- dière, qui était presque enclavé dans la forêt, dont il oc- cupait une clairière. La forêt prenait alors pour lisière le cours d'eau joignant deux étangs, sur lequel était cons- truit le moulin du Ris et qui se jette, à l'ouest, dans le Cher. Les forêts de Grosbois et de Dreuille, au sud de celle de Tronçais, contenaient, la première, 2930 arpents, et la seconde, 1917 arpents un quart, La forêt de Grosbois s'é- tendait à l'est depuis la tête de l'étang de Barachis et la Croix-de-Barachis jusqu'à Fonteneau à l'est; au sud, les bruyères des Touraults, les bois taillis de Saint-Pierre et de lïeregnières. L'inspection de la carte manuscrite dres- sée au xvip siècle et citée précédemment, montre (|ue la forêt allait jusqu'à la Menigodière; la Croix-des-Touraults occupait le centre du canton méridional de cette forêt, qui s'allongeait, dans la direction du sud-est, jusqu'à Gipsi. Au nord, le ruisseau qui sort de l'étang de Collombière devait en former depuis longtemps la frontière, comme le figure la carte. Du reste, la présence du prieuré de Grosbois, presque au centre de la forêt, dut en amener promptement sinon la dévastation, au moins le défriche- ment partiel. Au delà du ruisseau septentrional, les noms de Bois et de Forêt-du-Prieiir,de Bois-des-Jeunes-PalliangeSf CHAPITRE XXIII. 363 rappellent que la forêt dépassait, originairement, le cours d'eau. Au nord-est, une partie de la forêt dépendait du prieuré de Souvigny, qui dut aussi en hâter l'essartement et la mise en culture. De toutes les forêts du Bourbonnais^ celle de Grosbois, plantée en chênes et hêtres, présente les traces les plus visibles d'un défrichement graduel. L'espace compris entre la route de Cosne à Moulins et le village de Mérolles paraît avoir été déboisé, quelques siècles seulement avant la réformation des forêts de la province. Les forêts deBort, de Maulnay et de Laide durent dans le principe former une seule bande à l'Est de Moulins. La forêt de Dreuille affectait originairement la forme d'un triangle dont les sommets s'appuyaient : 1° sur le ruis- seau au bord opposé duquel est bâti le village de Perchatz; 2° à l'angle compris entre le Magnou et les Regnaux, et qui dépasse de 500 mètres environ la ligne joignant ces paroisses; 3° à Pilotas, vers l'occident. Au sud, Malicorne et Tortezay durent, dès le moyen âge, se trouver en dehors de la ligne de pourtour de la forêt. Même observation pour Bedun à l'ouest. Dans la direction Est sa ligne dépassait Perrière. La forêt de Lespinasse, que la petite tivière d'Œil sépare de la forêt de Dreuille, contenait, il y a un siècle, 1,733 arpents. Elle se terminait à l'est un peu en avant de la Forge et de la Varenne ; elle était bornée au sud par le cours d'eau sur lequel est bâti le hameau d'Ieu. Ce cours d'eau en suivait la lisière jusqu'à la route de Parrouy-au- Mont, hameau placé à l'occident, en avant de la forêt. Au Qord,les villages de Jobergère, Givrais, desPoyars traçaient son pourtour; Parsay le dépassait un peu. La forêt de Marsenac contenait jadis, avec ses annexes, 1,147 arpents. Elle était comprise entre Lonzat, Saint- 364 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. Didier et Villaine; s'avançant au sud de la première loc lité, elle avait été réunie originairement au bois des" Granges, dont la séparait le chemin des Baux à Lonzat. Le chemin du Pont-dc-Vichy à Saint-Remy formait la fron- tière méridionale. Au nord, le hameau d'Afière n'en était séparé que par un petit chaume, et Martillière touchait presque à sa lisière. Le nom de Champ-de-la-Petite-Forèt^ donné à une clairière, située à l'est, entre deux cours d'eau, et d'une étendue de 16 arpents et demi, représen- tait un écart de la foret de Marsenac. Un village, qui porte aussi le nom de la Petitc-Forèt, le rappelle également ; c'est évidemment de cette Petite-Forêt qu'avait dépendu la partie encore subsistante au delà du confluent des deux ruisseaux qui se trouve au sud du Champ-de-la-Petite- Forêt. La partie méridionale du Bourbonnais qui touche à l'Auvergne et au Lyonnais, offre encore diverses forêts de quelque importance qui sont visiblement les restes d'une zone forestière par laquelle était traversé l'ancien pays des Arvernes. La forêt de Marsenac, qui s'étend sur la rive gauche de l'Allier, en face de Vichy, n'est que le prolongement sep- tentrional d'une zone plus allongée qui boisait autrefois toute cette rive et pénétrait jusque dans l'Auvergne. Les bois de Randan et de Montpensier en sont des débris, et le village de Saint-Sylvestre doit sans doute son nom à s^ position au centre de ce canton forestier. Plus au nord, sur la rive droite de l'Allier, quand on se dirige de Varennes et de Vouroux, l'ancien Vorofjium^ vers le Bèbre, on rencontre la forêt de Voudelle, située au nord de Saint-Géraud, et qui était limitée à l'orient par cette petite rivière, ainsi qu'une succession d'autres bois (bois de Brosses, bois du Moutier, etc.). En remontant le CHAPITRE XXIII. 36S cours de la Bèbre, au sud de La Palisse, se trouvait un canton que l'inspection de la carte nous montre avoir été occupé naguère par des bois nombreux, maintenant défri- chés pour la plupart, et dontle bois de Champagne est le seul reste de quelque importance. L'ancienne Marche dont le territoire répond en grande partie au département actuel de la Creuse, était loin de présenter des forêts aussi épaisses et aussi nombreuses. Voilà pourquoi au siècle dernier on n'y rencontrait déjà plus qu'un très-petit nombre de bois. C'est la région qui s'étend à l'ouest de Guéret, vers le nord du département de la Haute-Vienne, et s'avance vers les anciens confins du Berry, qui a toujours présenté l'aspect le plus boisé. Le village de la Forest, situé à l'ouest de Bourganeuf, dé- note l'ancienne existence d'une forêt qui n'a laissé presque aucun vestige. Plus au nord, sur les bords de la rivière de Gartempe, au sud de Saint-Vaulry, existait encore, il y a un siècle, un canton très-boisédontlapetiteforêtdeSainte- Berthe représente le débris principal, et dont le centre était occupé par le village de Saint-Silvain, qui doit sans doute son nom à cette circonstance. La forêt de Cervelle, si- tuée au norddeDuu-Pailetcau, est, sans contredit, le reste le plus important de l'ancienne marche forestière qui sé- parait les Bituriges des Arvernes; elle a dû s'étendre dans le principe à l'est jusqu'à la Creuse, et elle n'était séparée de la petite forêt de Saint-Germain, autre débris de la même marche, que par un faible cours d'eau. De ce côté, au delà de la Creuse, on entrait dans le Berry, et les fo- rêts de Murât et du Temple annonçaient une zone plus boisée. En redescendant plus au sud, on trouve encore des bois qui peuvent être les débris d'une forêt de quel- que importance, tels sont ceux du Grand-Chapitre si- 366 I-ES FORÊTS DE L\ GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. tués au sud de Guéret et ceux de Pognat qui s'y rattaj chaient vraisemblablement. Certains noms de lieux moi trent que dans le principe les bois se continuaient jusqu' la Creuse. CHAPITRE XXIII. 367 CHAPITRE XXIII. ANCIENNES FORÊTS DE l'aNGOUMOIS, DE LA SAINTONOE ET DE l'aUNIS. Lorsque le voyageur quitte le Limousin et s'ayance vers l'ouest, il voit le pays s'abaisser et la végétation arbores- cente se rapprocher davantage du caractère qu'elle pré- sente plus au nord. L' Angoumois, célèbre par ses belles forets de chênes , avait conservé, jusqu'au milieu du siècle dernier, d'épais ombra- ges. La raison en est que dans cette province le sol forestier n'avait point été morcelé entre les communes. Il n'y exis- tait que des forêts royales ou seigneuriales. Toutefois ces forêts, mal tenues et mal exploitées, ne demeurèrent pas tout à fait ce qu'elles avaient été au vieux temps (1). L'édit de mars 1514 (2), relatif à la forêt d'Angoulême, nous montre que cette forêt avait encore à cette époque une grande importance. Un peu plus tard, en 1580, la forêt de la Braconne, qui se trouve au nord-est de cette ville, est re- présentée comme une des plus vastes de l'Angoumois. Sa superficie était alors évaluée à 14,500 journaux de terre (3). En 1778;, elle contenait 10,300 arpents (à la perche de 22 pieds). Mais, à cette époque, les besoins de la marine et de la forge de Ruelle y firent faire des coupes inconsidérées. (1) Voy. ce que dit l'ingénieur Munier dans son ouvrage intitulé : Essai d'une mélhocle générale pour étendre la connaissance des voyageurs, t. I, p. 280, 4G9. (Paris, 1779 ) (2) Voy. Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises, t. XII, p. 30. (3) Desvues, Ajitiquilés de la France, 'Z^ édition, p. 39'j, et Munier, Notice sur la forêt de Braconne, dans l'ouvrage cité t. Il, p. 435. 368 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. On aurait, suivant un statisticien (1), une idée assez juste de l'état forestier de cette province, avant l'époque des armes à feu, en se la représentant comme un archipel de forêts; ces forêts étaient la propriété d'une trentaine de châtelains qui relevaient des comtes d'Angoulême; là vivait toute une population sylvaine qui les défricha peu à peu et les sema en froment. Ces défrichements se mul- tiplièrent surtout aux xn" et xv* siècles, et la découvert de l'Amérique ayant donné une grande activité aux poi i de l'Aunis, du Médoc et de la Saintonge, de nombreux navires y furent construits aux dépens des forêts angou- moises. L'histoire de quelques-unes des anciennes forêts do cette partie de la France peut encore être établie. A quatre lieues au sud d'Angoulême, s'étendait, à la iin du xii" siècle, une forêt dite Gros-Bois, qui valut son nom à l'abbaye qu'on y fonda à cette époque {Sancla B. Marin de Grosso-Bosco) (2). En moins de deux siècles, ce Gros- Bois ou, comme on disait dans le dialecte de la province, ce Gros-Bas, avait été tellement défriché qu'il se trouvait fractionné en cinq forêts ou bois, à savoir : la fo7'(H de Horte, celle de Dirac, celle de Bois-Blanc, les bois de Venil et de Torsac. Divers noms de lieux indiquent que ces fo- rêts, maintenant fort réduites, présentaient originaire- ment une beaucoup plus grande superficie (3). La forêt de Horte notamment a dû s'étendre jusqu'au bord de la Hvière de Bandiat (4). (1) Quenot, Slnlislique de la Charente, p. 375. (2) Gallia christ, t. II, coL 1048. Eccles. Engol. (3) Ainsi, au nord du territoire de l'ancienne abbaye, on trouve un lieu nommé les Essarls. Au sud de la foret de Horte, dans une partie toute déboisée, sont deux localités appelées Dois-Verdun et la Forii-de- Laurière. Entre celte même forêt et celle de Dirac, est un village nommé Bouex. (4) Entre la forêt de Ilorlo et la rivière Handiat, on rencontre, au sud CHAPITRE XXIII. 369 Il est à supposer que dans le principe cette grande forêt allait se rattacher à celle de la Braconne, située plus au nord et qui, comme je viens de le dire, demeura longtemps l'une des plus importantes de l'Angoumois. L'inspection de la carte donne à penser qu'elle était originairement bornée à l'est par la Tardoire, car divers noms de lieux qu'on rencontre dans cette direction, rappellent la pré- sence d'anciens bois. Au nord de La Rochefoucauld jusqu'à la Sonnette et au cours supérieur delà Charente, se présentent une succes- sion de petites forêts, débris de la marche forestière qui servait de limite méridionale au pays des Pictaves. On y distingue les forêts de Quatrevaux et de Belair, que sépare la Dronne. D'autre part, l'ancien pays des Petrocorii était séparé de l'Angoumois par une grande marche forestière, mainte- nant déchiquetée en une foule de tronçons, à savoir : les grands bois de la Roche-Beaucourt, déjà très-éclaircis au siècle dernier, et qui devaient englober dans le principe les bois de Beaussat et de Rudeau, de façon à former une forêt continue qui s'avançait jusqu'à la rivière de Bandiat ; les petites forêts de Saint-James et de Paussac, situées au nord-est de Bourdeilles, et celle de Mareuil qu'on trouve plus au nord. Dans la Saintonge existaient également quelques larges lambeaux de l'antique manteau forestier qui le recouvrait au temps des Gaulois. La forêt de Saintes {Santonœ sylva) était très-impor- tante au xii' siècle; une charte curieuse de l'an 1129 nous fait connaître en partie les limites du territoire qu'elle oc- Souffraignac, une localité nommée la Grande-Forêt, et des lieux portant les noms de Grand-Breuil, Pelil-Dreuil, Breuil, etc. 24 370 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. cupait alors (1). Par cette charte, Guillaume VIII, comte de Poitiers et duc d'Aquitaine, abandonne aux moines du nouveau monastère de Poitiers tout ce qu'ils réclamaient dans la forêt de Saintes (2). Le canton revendiqué par les religieux commençait à la Groix-de-Tirmorins en sui- vant Pont-l'Abbé {Ponte Labium); il allait de la source de la Groix-aux-Seguins par la carrière jusqu'au Palet {Pale- twn) ; longeait les terres cultivées et le chemin qui con- duisait à Maleville {Malavilla) jusqu'aux confins de la Fraignée, et à la paroisse de Saint-Georges-aux- Gousteaux, près des fiefs de la Loubatre et de la Béraudière, s'avan- çant jusqu'à un endroit désigné sous le nom d'Enseigne- Biancheou de Marque-Blanche, puis revenait au fief Bau- douin, auquel est assignée une étendue de 30 journaux de terre, pour atteindre ensuite la route de Saintes à Pont- l'Abbé. Ledit canton forestier longeait cette route jusqu'à la fontaine Boudard et à Boutiraud (3), d'où elle allait re- joindre la Groix-de-Tirmorins. Lorsqu'on suit sur la carte cette description topogra- ])hique si minutieuse, on voit que la forêt s'étendait sur- tout à la droite de la route de Saintes à Rochefort. Toute la partie comprise entre Pont-l'Abbé, Saint-Georges-aux- Gousteaux (aujourd'hui Saint-Georges-des-Goteaux) et Saintes, n'offre d'autre trace de bois que de très-maigres bouquets d'arbres. Des localités du nom des Essarts, de Grand-Breuil, de Petit-Breuil, de la Forest, du Chail (ou Ghaillot, c'est-à-dire « bois tombé »), du Gros-Chêne et de (1) Cette charte est donnée dans Çhampollion-Figeac, Documents Ms- loriqups inédits, tires de la Bibliolltèque royale et des archives et biblio- thèques des déparlements, t. II, partie II, p. 12. (2) Documents cités. (3) Dutiraldus. Nous avons traduit ici en français quelques-uns des noms meniionnés. tels que Ponlelabium, etc. CHAPITRK XXIII. 371 Freuche (c'est-à-dire, « lieu défriché»), annoncent encore l'emplacement de bois qui ne sont plus. Les indications contenues dans la charte de Guil- laume VIII permettent de rétablir avec une assez grande approximation la li^ne de pourtour de la forêt; car on y trouve mentionnés divers lieux-dits ayant conservé jusqu'à ce jour leur nom, sauf de légères altérations. La Groix-aux-Séguins doit être la localité située au sud-est de Saint-Michel-de-la-Nuelle, qui porte actuellement le nom de La Croix. En effet, on rencontre à son voisii\age un endroit appelé La-Séguinière, nom qui indique qu'on est là sur l'ancien domaine des Séguins. Palet a gardé son nom ainsi que La Fraignée. Les fiefs de la Loubatre et de la Béraudière doivent être incontestablement identifiés aux lieux dits dans Gassini, la Loubatière, situé au nord- ouest de Saint-Porcliaire, et /«^roc/zère.Boutiraud, qu'on écrit aussi Boutireau, n'a pas changé d'appellation. La Croix-de-Tirmorins est vraisemblablement l'autre localité du nom de La Groix, sise à l'est et tout près de Saint- Porchaire. Gette forêt de Saintes, ainsi limitée au nord, devait renfermer, au sud, la forêt actuelle de Corme-Royal, qui dut elle-même s'avancer anciennement jusqu'au lieu ap- pelé la Forest, entre Gorme-Royal et la Glyce, et se ratta- cher aux débris de bois qu'on voit au nord de Nancras. Saint-Thomas-du-Bois marque un autre point septen- trional jusqu'où s'élevait la forêt de Saintes dont le bois de Sainte-Radegonde est sans doute un débris. Il est probable que cette forêt allait rejoindre, dans le prin- cipe, celle de Mortagne, par le bois de Ghatenay encore subsistant. Nous trouvons en Saintonge, mentionné, au xii^ siècle, un autre bois, celui de Sanzel [boscus de Sanzelia), qui 372 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. fut un objet de contestation entre le sénéchal Rodolphe et l'abbé d'Oléron fl). Ce bois n'existe plus aujourd'hui. L'Aunis dont le territoire fait maintenant partie du dé- partement de la Charente-Inférieure renfermait, à la fin du xvi^ siècle, quelques forêts importantes, entre lesquelles il faut citer celle d'Aulnay, dont j'ai déjà parlé ci-dessus (2). Dans l'arrondissement de La, Rochelle, la forêt de Benon est le seul débris de l'ancien yêtement forestier de la pro- vince. De vastes clairières dénotent l'extrême étendue qu'elle a jadis occupée (3). Une portion de la forêt qui entourait le bourg de Benon, fut donnée, en 1135, à Bernard, abbé de Glairvaux, pour y fonder un monastère qui reçut le nom de la Gràce-de-Dieu ou la Grâce- Dieu (4). Une charte de 1189 désigne comme appartenant à la forêt de Benon le canton compris entre le chemin de Mauzé à Gramahé et celui de Lalaigne à Benon (5), lieu maintenant tout à fait défriché, et qu'occupait, en 1839, une sucrerie (6). Les forêts de la Saintonge et de l'Aunis durent se lier naguère aux forêts de l'Angoumois, notamment à celles de Cognac et des Ombrets. La forêt de Cognac, mainte-^ nant réduite à un faible bois fort démantelé, formait, dans le principe, l'une des parties méridionales de la forêt de Jarnac, distante de la ville qui lui donne son (1) Voy. Jlisloriem de France, t. XII, p. 488. (2) Voy. ce qui a été dit p. 347. (3) Voy. A. Gautier, Stalislique du départemenl de la Charenk- Inférieure, part. I, p. 27 et 303. Celte forêt est célèbre par ses charbon- nages. (4) Gallia chrislian. t. II, col. 1397. Cette forêt ou plutôt ce bois s'appelait alors Bois-l'Abbé. Voy. Gallia clirislian. t. II, inslrum. col. 387. (5) Gall. christ, t. II, inslrum. col. 387. La forêt est désignée sous le nom de Foresla de Ariansum. C'est celle qui prit plus lard le nom de Bois-rAbbé. (G) Gautier, Slaiist. de la Cliarente-Jnfïr. p. 40. CHAPITRE XXIIl. 373 nom, de plusieurs lieues (1). Il y a là un indice que la forêt s'avança primitivement jusqu'au voisinage de Jarnac. Et en effet, l'inspection de la carte fait voir que cette forêt a été naguère très-étendue (2). Elle descendait jusqu'à la Charente, entre Jarnac et Cognac, allait se rattacher, à l'est, à la forêt de Marange (3), et, à l'ouest, à un bois ou une forêt qui ombrageait le canton situé entre l'Auteine et la Charente (4). (1) On trouve, entre la forêt actuelle de Jarnac et la Charente, des localités toutes découvertes, appelées cependant Bois-Clair, la Grange- du-Bois, le Buisson, Taveau-des-Bois, etc. (2) La forêt devait s'étendre à plusieurs kilomètres au sud de Ségon- zac, ainsi que le démontre une foule de noms de lieux qui annoncent tous des bois : le Bois-de-Pressac, Bois-Blanc, Bois-Bajaux, le Maine- Bois, Bois-Clavaux, le Bois, Bois-Charente^ la Brousse (la Brosse), Gri- iinoux (la Gàtine), les Bois, h Court, le Breuil, le Bois d'Angeac, etc. C'est au centre de cette partie de la forêt que fut fondée, au milieu du XII* siècle, l'abbaye de la Frenade, dont l'établissement contribua cer- tainement à son défrichement. (3) On rencontre, en effet, entre ces deux forêts, des localités dont les noms sont la trace du cordon d'arbres qui les unissaient autrefois; ci- tons : le Bois, Bois-Noble, Maine-Bois, la Brousse, les Brandes (lieux ^ défrichés par le feu}, etc. (4) Tout le pays au sud d'Escoveux, jusqu'à la route de Saintes, est semé de petits bouquets d'arbres ou de remises, et dans les intervalles découverts, on rencontre des lieux appelés : Villars-les-Bois, Sainl-Brice' des-Bois, La Forest, Bichou-des-Bois, La Brousse, Petit-Bois, Le Plessis- Gdtineau, etc. 374 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. CHAPITRE XXIV. FORÊTS DU DAUPHINÉ. — LA GRAXDE-CHARTRELSE. — DÉBOISEMENT DEi' ALPES. Le Graisivaudan, le Valentinois, le Briançoniiais gardè- rent plus longtemps que l'Auvergne et le Lyonnais, leur épaisse enveloppe forestière. Des forêts de pins laricio, de hêtres, de châtaigniers, disposées chacune à des étages différents, comme on l'observe aujourd'hui, unissaient le Dauphiné au Piémont et à la Savoie. Le dauphin Hum- bert ayant observé qu'elles arrêtaient les avalanches veilla par une ordonnance à leur conservation (i). Mais ce n'était pas seulement la chaîne des Alpes qui se dérobait alors tout entière sous un épais manteau d'arbres; les parties moins élevées de la province étaient également occupées par de belles forêts. En il93, celle de Baratier couvrait tout le territoire des Orres, de Baratier et d'Em- brun. Parmi les anciennes forêts du Dauphiné, celles do Lens et de Vergues sont les plus connues. Il en est fait mention dès 877, dans une ordonnance de Charles-le- Ghauve (2). Vienne était alors toute environnée de bois (3), les forêts de Limon, deSeptême, de Saint-Georges, deFala- vier et d'Eyrieu étaient à la même époque réunies. Sur les éminences qui entourent le vieux château de Pipet se dé- ( 1) Voy. Ladoucette, Histoire topographique des Haules-Alpes, 3^ édit. p. 766. (2) Voy. ce que rapporte à ce sujet Chorier, Histoire générale du Dauphiné, i. I, liv. i, p. 60. (3) Voy. l'extrait du Cartulaire de Saint-Pierre de Vienne, cité pai Chorier, 1. c. i I CHAPITRE XXIV. 375 ployait la forêt de Moiii\éa.ns{VancienMonsLugdimum),qm, *sous les Carlovingiens, appartenait au roi, comme l'in- dique le nom de Beureyel (hoh royal) qu'une partie de son territoire aconserYé.Elleestappelée,dansGirard devienne, forêt de Clermont (1). On rapporte dans ce roman que Vienne étant assiégée depuis sept années, par l'empereur Charles- Je-Ghauve, Girard le surprit dans la forêt, ayant été averti, le jour d'auparavant, que ce monarque devait y chasser : Demain ira l'erripere chasser Dedans Clarmont, vostre grand bois plener. Au dire du poëte, on pouvait alors se rendre, sans être aperçu, de la ville dans la forêt par une grotte ou galerie souterraine que traversa Girard. Dans la partie du Dauphiné qui confine au Lyonnais, les bois s'étaient éclaircis depuis la plus haute antiquité ; peut-être même n'y ont-ils jamais été abondants. Mais au sud de la Galaure, rivière qui tombe dans le Rhône près de Saint-Vallier, existait jadis une grande forêt, dont il ne subsistait, il y a deux cents ans, que d'étroits lambeaux ; elledutoccuper la presque totalité du territoire de Roybon et s'avancer plus au sud, dans la direction de Romans (Drôme). Cette forêt est mentionnée dans une charte de 1062, sous le nom de sijlva de Cambaran; un débris s'en voyait encore au commencement du xviif siècle dans le bois de Chamberan, maintenant presque entièrement dé- friché. La lisière de cette forêL longeait, selon toute appa- rence, la grande plaine de la Côte Saint-André. L'ancien bois du Vers et le hameau appelé Bois- Blanchard attestent son extension primitive en dehors des limites données dans la carte de Gassini au bois de Chamberan. A l'ouest de ce (1) Cborier, 1. c. ^76 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. bois, un autre bois, dilde Montailles, semble être aussi un démembrement de la sylva de Cambaran. • Sur la rive gauche de la Galaure, le déboisement a éga- lement laissé des traces. La petite forêt de Thivole présen- tait naguère une superficie beaucoup plus grande que n'en accusent nos anciennes cartes. La fondation de l'ab- baye de Saint-Antoine dans un essart de cette forêt eut pour effet de la scinder en deux parties; l'une, celle qui est dirigée vers l'Orient, se rétrécit graduellement de façon à ne plus former qu'une simple bande longitudinale. La charte citée ci-dessus prouve qu'au xf siècle la forêt de Thivole devait être bordée par le ruisseau appelé le Vaillet, et que l'espèce de delta compris entre ce ruisseau et le Mé- darel était déjà déboisé. En effet, c'est là que s'élève le village de Bessin dont parle la charte en question et au territoire duquel appartenait la forêt de Chamberan. Ainsi toute la partie du Dauphiné que traverse la Ga- laure, entre Bessin et la plaine de la Côte Saint-André, n'avait encore au xi'^ siècle, aucun centre de population, nouvel indice qu'elle était complètement boisée (1). Dans la partie orientale et haute du Dauphiné, les forêts demeuraient, à la même époque, singulièrement épaisses. Le mont Durbon en était tout recouvert. 'Les chartreux, auxquels les seigneurs du pays avaient abandonné ces pro- fondes solitudes, en défrichèrent une vaste étendue et y fondèrent un monastère qui devint un digne pendant de celui de la Grande-Chartreuse, dont il sera question plus loin (2). La forêt de Durbon offre encore vingt-neuf (1) Voy. le Cartulaire de Romans, n° 41, dans Giraud, Essai histo- rique sur l'abbaye de Sainl-Dernurd el sur la ville de Romans, t. II, p. 91. (2) Ladoucette, Hisloire topographique des Hautes- Alpes, 3* édition, p. 1348. CHAPITRE XXIV. 377 kilomètres de tour; mais ses futaies de hêtres et de sapins ne donnent qu'une faible idée de ce qu'étaient naguère ses majestueux massifs. Une des essences les plus élégantes qu'on y voyait autrefois, le mélèze, a presque totalement disparu de cette montagne et des cimes environnantes (1). Il en est de même de l'arolC: arbre plus modeste, mais qui a aussi son pittoresque ^â). La Grande-Chartreuse {Carthnsia ou Catorissium) , dont le nom rappelle la présence des bois à l'époque cel- tique, est trop connue pour qu'il soit besoin de rappeler qu'elle fut fondée en 1084, dans une des retraites les plus inaccessibles des Alpes dauphinoises (3). Ce mo- nastère est devenu le centre d'un déboisement qui n'a heureusement, jamais, pris de bien grandes proportions. Ses alentours sont encore garnis d'admirables futaies de hêtres croissant à une altitude de 1013 mètres et aux- quels succèdent plus haut des buissons de la même es- sence qui se mêlent à des érables, des sapins et des épi- céas (4). Ce magnifique manteau arborescent peut donner (1) D'^après la tradition, le mélèze recouvrait jadis les montagnes de Chaillût et de Saint-Bonnet ; on ne le trouve plus guère qu'au plateau d'Aureas, dans la forêt sise au nord-ouest du col de la Postérie, un peu plus haut que le Puy-Saint-Vincent, en Vallouise. (Voy. Ladoucette, ouv. cit. p. 765.) (2) Il y avait autrefois des aroles dans les montagnes du Dau- phiné, de la Provence ; on ne les trouve plus guère actuellement qu'en Suisse, par petits groupes, à une assez grande hauteur. (Voy. Ra?,thofer, Le Guide dans les forcis, trad. par Monney, t. I, p. 205 ; Porentruy, 1838,in-8o.) (3) Voy. B. Tromby, Sloria crilico-cronologica diplomatica del pa- Iriarca S. Brunone e del suo ordine, t. II, p. 43. (4) Martins, Géographie botanique de la France, dans Patrîa, t. I, p. 433. Les hêtres commencent sur le versant septentrional, au-dessus de Saint-Laurent-du-Pont, près du Martinet de Fourvoirie, à 454 mètres au-dessus du niveau de la mer, et la forêt règne sans interruption jus- qu'à la Grande-Chartreuse, c'est-à-dire à une hauteur de 1,013 mètres. Les hêtres cessent, en se rabougrissant, à 1,465 mètres. Les sapins et 378 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE. une idée de ce qu'étaient à l'origine les forêts du Dau- phiné. La région située au nord et à l'est de Grenoble, entre l'Isère et la Romanche, offre des vestiges manifestes de forêts. C'est dans ce canton tout couvert d'arbres que fut fondée l'abbaye de Domène. L'une des forêts voisines est désignée dans une charte du xi* ou xii* siècle sous le nom àesylva Rotunda (i). La forêt d'Uriage est le plus large lambeau de ce lacis arborescent oti les Romains qui exploi- taient les eaux minérales d'Uriage et lui donnèrent son nom {Auriacum), avaient déjà opéré de larges trouées. Quand on parcourt les vallées des Alpes françaises, on rencontre à chaque pas des restes des forêts qui les en- veloppaient dans le principe jusqu'au voisinage de la région des neiges. Des successions de pins et de hêtres, dont la croissance alterne souvent, ont laissé leurs em- preintes dans le sol. Ainsi dans le canton de La Grave, sur les bords de la Romanche, de larges ravins gardent enfouis des conifères qui ont cessé d'y croître. Des pièces de bois, déposées au fond des lacs, des cols, comme au col de Cris- taon, à celui de Galibier, à celui de la Croix-de-Queyras, sont, en quelque sorte, des ossements fossiles de ces an- tiques habitants du sol (2). Dans la vallée de Dévoluy, à l'ouest du département des Hautes-Alpes, non-seulement on déterre dans les tour- bières les troncs des arbres qui garnissaient les flancs de la montagne, aujourd'hui arides et désolés, mais on ren- ies érables ne dépassent pas le Chalet-de-Bouvines (1,031 mètres). Ar- rivé à celte hauteur, l'érable se rabougrit et disparaît à 1,G80 mètres. (1) L'éditeur du Cartulaire de Domène croit que cette forêt se trouvait sur le territoire de Saint-Martin-de-Miséré, commune de Montbonnot. Voy. Cartulare monaslerii beatorum Pétri et Pauli de Domina, p. 4S (Lyon, 1859). (2) Ladoucette, ouv. cit. p. 428. CHAPITRE XXIV. 379 contre dans les charpentes des vieilles habitations, d'énormes pièces de bois que ne pourrait actuellement fournir la contrée. Dans le département des Hautes- Alpes, plusieurs quar- tiers, maintenant exposés aux ardeurs du soleil, portent encore le nom de bois, bien qu'on y cherche vainement des futaies ou des taillis. Tel est le quartier du bois de Laye. Un vallon voisin, celui d'Agnères, est désigné dans les anciens titres sous le nom de Comha Nigra, à raison des obscures forêts qui tapissaient autrefois ses flancs (1). Les archives des bénédictins de Boscodon, conservées dans l'église de Notre-Dame-d'Embrun, renferment un grand nombre de contestations relatives à des dépréda- tions forestières qui s'exercèrent pendant près de cinq siècles (2). Le bois au milieu duquel fut construit cette abbaye, et qui lui a valu son nom (3), existait encore, en partie, au siècle dernier; mais il est maintenant presque détruit. La forêt de Boscodon se rattachait à celle delNIor- gon, et, plus anciennement, elle remontait jusqu'au pont Meale, comme l'indique une localité du nom de Laforest, qu'on rencontre au nord du bois de la Ville. Il est certain qu'une bonne partie des Alpes était déjà déboisée, quand parut, en 1669, l'ordonnance de Colbert, qui régla les eaux et forêts et interdit le défrichement aux communautés (4). Pendant tout le cours du xvii« au xvin° siècle, l'autorité judiciaire lutta contre le déboi- sement des montagnes (5). (1) Voy. A. Surell, Etude sur les torrents des Hautes-Alpes, p. 152. (2) A. Surell, Etude, note \b. (3) Yoy. Gallia christ, t. III, col. 1103, Ecoles. Ebrodun. (4) Voy. Surell, Etude, note 15. (5) Aliard {Dictionnaire du Dauphiné, art. Dois) cite plusieurs arrêts du parlement de Grenoble de 1651, 1655 et de 1672, qui interdisaient de couper, défricher, dégrader et essarter les bois des montagnes. Cf. les arrêts du conseil de 1729, 173b, 1749, 1753 et 1780. 380 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. Dans toutes les Hautes-Alpes, lé déboisement a com- mencé par le flanc des montagnes: il est descendu peu à peu au fond des vallées, puis a remonté ensuite jus- qu'aux cimes qu'il avait d'abord respectées. La natur< des essences dont les forêts alpestres sont peuplées a aidi' à ce déboisement. Les arbres résineux qui y prédominent, ne repoussant pas de souche, et le gazon étouffant ]> semis naturels, on ne saurait les exploiter par coup' réglées, ou, pour employer l'expression consacrée, à bla?v estoc; il faut les abattre çà et là dans les parties les plu- fourrées où de jeunes arbrisseaux sont prêts à les rem- placer. Ce mode d'exploitation, qu'on appelle jaivUner. ne peut s'effectuer, sans briser, sans mutiler beaucouf- déjeunes arbres (1). Cependant, en dépit du déboisement général des Alpes, quelques bois ont été épargnés, entre lesquels nous cite- rons celui qui occupe le versant du torrent de Gloizette, à l'est de Vey nés. Le respect qu'il inspire, les tradition? qui s'y rattachent, l'ont protégé contre l'ardeur de des- truction des habitants (2). La partie du Dauphiné qui répond au département actuel de la Drôme, moins montagneux que celle qu'oc-^ cupent les Alpes, n'offrait pas au moyen âge d'aussi vastes nappes de forêts; elle en renfermait pourtant quelques- unes assez importantes. Au temps des Mérovingiens, une grande forêt s'étendait entre Grenoble et Valence. Les (1) Surell, Elude citée, p. 141. (2) Ce Lois était vraisemblablement un lucus gaulois. Les jurats fai- saient jadis serment, à leur entrée en fonctions, de le respecter. Veynes (Hautes-Alpes) paraît être le Davianum de l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem, le Venelum du moyen âge. Cf. Ladoucette,out;. cit. p. 324. Un autre lucus, qui avait été consacré à Auguste {Lucus Auguslî), existait dans le pays des Voconces, et a donné naissance à un municipe romain mentionné par Tacite (//i5/. I, 66), quia été l'origine du bourg actuel do I-uc (DrOme, arrond. de Die). CHAPITRE XXIV. 381 Lombards la trayersèrent sous la conduite de Rhodan, lorsqu'ayant été défaits par Mummole, ils allèrent re- joindre Zaban qui assiégeait Valence (1). Il y a un siècle et demi, le mamelon prolongé d'une montagne parallèle au Rhône et située à un myriamètre de ce fleuve, était ombragée par une forêt qui n'occupait pas une superficie moindre de ^0,000 arpents. Cinquante ans plus tard, il ne subsistait plus de ce vert tapis, appelé forêt de Mar- sanne, que des halliers, des broussailles, et la roche cal- caire se montrait à nu sur tout le reste de son ancien do- maine (2). Dans l'ancien diocèse de Saint-Paul-Trois-Ghâteaux, une forêt, dont on cherche aujourd'hui vainement les traces, ombrageait, antérieurement au xii" siècle, le canton de Pierrelatte, au voisinage du village de Saint-Restitut (3). Tout le pays sis au sud du Roubion jusqu'au Lez (arron- dissement de Montélimart), paraît avoir été jadis boisé. Les forêts de Gharanibert et de Taulignan^ les bois de Luba, situés plus à l'est, ceux de Montjoyer, à l'ouest, ceux de Salles, au sud, sont des vestiges de cet immense rideau forestier. L'arrondissement actuel de Die garde également des traces assez apparentes de son ancien état forestier. La pe- tite chaîne du Vercors ou Vécors était au siècle passé en- veloppée par une forêt qui a été depuis, toujours en s'é- claircissant, et ne tardera pas à disparaître complètement par suite du percement de la nouvelle route qui traverse cette région du Dauphiné (4). (1) Grégoire de Tours, Ilistor. eccles. Francor. IV, 45. (i) Colin, Observalions sur la situation du dq^arlement de laDrôme. (3) C'est là que fut élevée l'abbaye du Bosquet (Doschetum). Voy. Gallia chrislian. t. I, col. 739, Eccles. Tricast. (4) Celte route a été ouverte, il y a quelques années, par M. de Mont- richer. 382 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. CHAPITRE XXV. ANCIENNES FORÊTS DE LA PROVENCE. — FORÊTS DE LA CORSE. La Provence, pays ouvert et brûlé, non plus que les au- tres régions du littoral méditerranéen, n'a jamais présenté les retraites ténébreuses si multipliées dans la France moyenne et septentrionale. Au siècle dernier, le Parlement d'Aix, dans ses remontrances au roi sur l'édit des eaux et forêts de 1773 (1), faisait remarquer que le sol aride de cette province se refuse à produire des arbres de haute futaie ; que des racines sarmenteuses, des bois en petit nombre e( résineux sont tout ce que son sol végétatif peut alimenter. Cependant, si au moyen âge, pas plus que de nos jours, l'an- cienne Province romaine n'a offert une végétation arbo- rescente bien riche, elle était moins dépouillée qu'aujour- d'hui. Les parties nord et est furent naguère ombragées par quelques forêts qui s'étendaient sur le flanc des montagnes, mais dont onn'aperçoit plus maintenant que des lambeaux. Ainsi dans le département des Basses-Al- pes, aux environs de Sisteron, on donne le nom de La Forêt à une contrée qui environne Aubignosc, et n'a plus un bouquet (2). Une inscription latine que l'on y a décou- (1) Cet édit supprimait la chambre des eaux et forêts du parlement d'Aix, et enlevait la Provence au grand-maitre des eaux et forêts du Lyonnais, pour en faire un département particulier. Voy. abbé de Corio- lis. Traité sur l'administration du comté de Provence, t. III, p. 106 (Aix, 1788). (2) Laplane, Histoire de 5/i/fron, t. I, p. 31. Il a dans le canton de Sisleron deux villages de ce nom. Le second n'est plus aujourd'hui qu'un hameau dépendant de la commune de Saint-Génies. Voy. Achard, Dictionn. géograpliiq. de la Provence et dit Comtal vefiaissin (Aix, 1777), art. Laforêt. CHAPITRE XXV. 383 verte (1) et qui sert maintenant de support au bénitier de l'église, nous apprend que la grande divinité des bois, Syl- vain, y était l'objet d'une dévotion particulière. Le récit de Pétrarque nous fait soupçonner et la tradition nous rapporte que jadis le mont Venteux était couvert de bois. La violence des vents a achevé l'œuvre de destruction commencée par l'homme (2). Lorsque au milieu du xi* siècle fut fondée, dans le dio- cèse d'Aix, l'abbaye de Sauve-Cane [Sylva Cand) (3), des massifs de peupliers argentés, d'oliviers tapissaient le lieu choisi pour son emplacement, et au siècle dernier, le nom de cette forêt blanche transporté au monastère était la seule trace de son existence. Au diocèse d'Arles, une autre forêt, encore en grande partie subsistante, occupait une vaste superficie; c'était celle que l'on appelait la forêt Roijale ou Sylva Real {sylva regalis), et qui est dite encore foret d' Al baron. En \ 194, Al- phonse II, roi d'Aragon, en fit cession à l'abbé Etienne (4). Le nom d'Eaumet {Ulmetum), que prit une abbaye bâtie sur son territoire, annonce qu'elle était partout plantée d'ormes. Actuellement la forêt de Silvéréal recouvre dans la petite Camargue une superficie nominale de 5000 hec- tares, mais les quatre cinquièmes sont occupés par des (1) SILVANO II G. IVL || F. HALLVS [1 EX VOTO. (2) Voy. Ch. Marlins, Du Spilzberg au Sahara, étapes cVun nalura- liste, p. 409. (3) Voy. Manrique, Aimai, cistercienses, t. II, p. 91, t. III, p. 87. Cf. Gallia christiana, t. I, p. 310. (4) Cotte foret était placée au sud de Saint-Gilles. Voy. GaUia chris- liana, t. I, instrumenta, p. 105. — La charte de donation concède à Etienne la forêt d'Albaron, franche et hbre de tous droits (francam, liberam et iinmnnem), avec les pâturages, cours d'eau, chasses qui en dépendent, et toutes les essences {omnibus arboribiis diversi gencris) dont les moines peuvent avoir besoin. On comprend qu'une concession aussi large ait ouvert la porte à des abus qui portèrent la dévastation dans la forêt. 384 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. marais, des étangs, des landes. L'orme en a disparu et le pin est actuellement à peu près la seule essence qu'on y rencontre (1). De là le nom de Pinède-des-Saintes-Marie< qui lui est souvent donné (2). En général le pin tend, en Provence, à chasser les autres essences forestières. Les différentes espèces de pin ont en- vahi toute la région littorale jusqu'à la partie inférieure et méridionale de la Durance (3). Au contraire, le hêtre et rif disparaissent, et le comte de Villeneuve écrivait, en 1824, qu'on ne rencontrait plus ces arbres qu'à Cuges et à la Sainte-Baume (4). Les chênes ont certainement cons- titué naguère des forêts dans des plaines où ne se voient plus maintenant que quelques individus isolés (5). On évaluait, il y a quarante ans, encore à 155,000 hec- tares l'étendue du sol forestier du département des Bou- ches-du-Rhône, mais on comprenait dans cette évaluation tout le sol boisé, et les forêts proprement dites y figuraient pour une faible fraction. Entre ces forêts, outre la Silve- real, celles de Suez et de la Taillade, aux environs de Lambesc, plantés de pins, de Cadarache, dans le canton dePeyroles, sur le territoire de Saint-Paul-lez-Durance, de la Palière, qui ne faisait jadis qu'un avec celle de Pa- leirotte, aux environs de Puy-Loubier, dans le canton de Tretz, toutes plantées de chênes verts, sont les plus con- sidérables. Mais leur étendue est relativement médiocre et l'État ne possède dans le département aucune de ces forêts domaniales dont les majestueux ombrages embel- (1) Voy. comte de Villeneuve, Slatisiique du département des liou- ches-du-Rlume, t. H, p. 730, 731, t. IV, p. 105. (2) Les habitants de cette commune avaient dans la forôt des droits étendus. {?,) Villeneuve, Statistique des Bouches-du- Rhône, t, IV, p. 103 (4) Villeneuve, ibid. (5) Villeneuve, ibid. I CHAPITRE XXV. 385 lissent tant l'aspect du pays. Il y a cinq ou six siècles, les pinèdes et les clienaies étaient beaucoup multipliées. La commune des Pennes, dans le canton de Gardanne, tire son nom des hautes forêts de pins qui l'entouraient. Un monument, découvert sur le territoire de cette commune, paraît indiquer que les forêts de Pennes avaient été consa- crées à la déesse Gybèle, dans le culte de laquelle ce coni fère jouait un grand rôle (i). La partie de la Provence qui répond aux départements actuels du Varet des Alpes-Maritimes, a subi, en beaucoup de points, un déboisement aussi étendu et aussi impi- toyable que celui dont a souffert le département des Bouches-du-Rhône ; mais dans sa zone montagneuse, l'état forestier est resté à peu près ce qu'il devait être en Provence au moyen âge. Les hauteurs de l'Esterel sont couvertes de chênes blancs, d'yeuses, de pins et de hêtres. Le mélèze et le sapin y ont jadis été abondants, mais ces deux essences reculent de plus en plus vers le nord (2), et on ne les rencontre plus guère dans l'ancienne Basse-Pro- vence. La forêt de la Sainte-Baume a conservé, à quelques égards, l'aspect que devait offrir, il y a cinq ou six siècles, le sol forestier de cette région de la France. Les traditions qui se rattachent en grand nombre à cette localité (3), nous la représentent comme ayant jadis été enveloppée de futaies d'érables, de hêtres, d'ifs, de tilleuls, qui ont disparu , ainsi que vingt autres forêts de cette même partie de la Provence, dont on a conservé les noms (4); (1) Villeneuve, ouv. cit. p. 105. — Orelli, Inscripl. lai. n» 1896. (2J Villeneuve, ibid. t. IV, p. 103. (3) Saint Honorât, avant de se fixer dans l'île de Lerins, s'était retiré à la Sainte-Baume. Bolland. Act. Sanclor. xvi Januar. p. 19. Cf. Bail- let, Vies des Saints, t. II, p. 207. . (4) Noyon, Statistique du Var, p. 7C. 25 386 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. la plus importante s'étendait de la Sainte-Baume à Tou- lon. De celles qui restent, l'incendie a anéanti ou au moins fort réduit plusieurs. La plupart des essences qui les peuplaient ont ainsi été expulsées du sol ; le chêne- liége, sur lequel la flamme est impuissante, quand il a dé- passé un certain âge, a seul résisté au feu (1). Mais une autre cause de destruction le menace. Le démasclage (2), qui constitue dans le pays une industrie fort ancienne, a fait périr des milliers d'individus privés trop jeunes de leur écorce, et actuellement des incendies consument les derniers débris de cette antique parure des montagnes de la contrée (3). Mais, si la main de l'homme a produit tant de dévastations, elle a, d'un autre côté, réparé le dom- mage causé par son imprévoyance. Plusieurs essences in- connues à nos pères remplacent maintenant les arbres détruits; l'arbousier, qui peuple aujourd'hui lesforêlsdcs Maures, l'oranger, le myrte, le laurier-rose, le pin d'Alep, acclimaté par les Arabes, le pistachier-lentisque ont doté la Provence d'une végétation pluschétive, il est vrai, que l'ancienne, mais plus gracieuse et plus odorante (4), à la- quelle se marie de plus en plus l'olivier, indigène en Pro- vence, ou du moins apporté par les Grecs dès une haute antiquité (5), et que la culture a été propageant sans cesse. Théophraste, Polybe, Diodore de Sicile, Denys le Périé- gète (6) parlent des magnifiques forêts qui couvraient les (tj Voy. l'arlicle de M. Ysabeau, sur les forcis du Globe, dans les Annales foreslières, t. XIII, p. 301. (2) Jbid. p. 620. (3) Voy., sur les incendies de ces forêts, l'article de M. Ysabeau, dans les Anncdes foreslières, t. III, p. 439 et suiv. Comparez ce que M. Al- bert de la Marmora dit des incendies des forets de la Sardaigne, dans son Voyage, 2* édit. t. I, p. 426. (4; Darluc, Hisloire nalurelle de la Provence, t. III, p. 309. (5) Cf. Am. Thierry, Hisloire des Gaulois, 3"= édit. t. Il, p. 5. (6) Dionys. Perieg. V, 4G0. Diodor. Sic. V, 13. (Cf. Mannert, Géogra- phie der Griechen und Rœmer, part. IX, t. II, p. 506 et suiv.) CHAPITRE XXV. 387 montagnes de la Corse. Ces forêts ont été, comme celles de la Sardaigne, détruites en grande partie par les dé- frichements et les incendies. Un petit nombre seulement rappelle la magnificence de la parure forestière de l'an- tique Cyrnos. Ces forêts sont, en majorité, formées de pins laricio, ou pins de Corse ; il n'y a guère d'autres espèces que les conifères. Aussi, depuis la réunion de l'ile à la France, ses forêts fournissent-elles de précieux bois de construction. Les plus belles tiges se rencontrent dans les forêts de Parma, Loma, Tretore, Libio, Aitone et Pietro-Piano. D'énormes pins faisaient l'admiration du voyageur dans la forêt de Vizzavona, avant le terrible incendie qui vient de la consumer (septembre 4866). Quelques forêts de la Corse sont encore tout à fait vierges et n'ont même point été exploitées; telles sont celles de Valdoniello, qui présente des pins de propor- tions colossales (1), de Rospa, dont l'exploitation avait été décidée, de l'Indinosa, qui n'est qu'une branche de la forêt d'Aitone (2). Ailleurs, de vastes défrichements ont. commencé à être opérés. La vallée de Cruzini, située sur la côte occidentale de l'île, et qui s'étend de Boccia- d'Oreccia à Uti, où elle confine à la mer, n'était an- ciennement qu'une vaste forêt dont la destruction a été presque achevée dans le xv^i*" siècle (3). Filippini, dans son Histoire de la Corse, écrite au xvr siècle, dit que la chaîne principale, qui traversel'îlediagonalementjdunord- ouest au sud-est, et à laquelle il assigne une étendue de 70 milles, formait une suite de montagnes couvertesde forêts. (1) On voyait, il y a quelques années, dans celte forêt, un pin de )i"',20 de circonférence, qui était connu dans le pays sous le nom du Roi drs arbres. (Voy. Robiquet, Rech. Idsl. etsiat. sur la Corse, p. 529.) (2) Robiquet, oui', cil- p. 524 et suiv. (3) H. J. Michiel von Kessenich, Manuscrit inédit sur les bois et les forêts, publié par son lils, p. 50, 51. 388 LES FORÊTS DELA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. A côté de ces forêts séculaires croissent des forêts naines, vrais carrascos de l'île, les maquis, qui sont pour Ja Corse ce que les jungles sont pour l'Inde, vastes éten- dues de broussailles que le feu dévore en vain et qui repoussent sans cesse sur le sol cent fois dévasté i^ar l'in- cendie (1). (1) Voy. De Beaumont, Observations sw la Corse, 2^édit. p. 11. Cl', l'article de M. Ysabeau intitulé -. La Corse et ses forêts. Annales fores- tières, t. XIII, p. 249etsuiv. I CHAPITRE XXVI. 389 CHAPITRE XXVI. l'ORÈTS DU LANGUEDOC ET DE LA GUYEXNE AU MOYEN AGE. — FORÊTS DES PYRÉNÉES, DU, COUSERANS. — FORÊTS DU ROUSSILLON, DE l'aLBIGEOIS ET DU ROUERGUE. — LES SAUBES. — FORÊTS DU BÉARN ET DU PAYS BASQUE. — ANCIENNES FORÊTS DU QUERCY ET DU PÉRIGORD. La chaîne des Corbières, qui traverse le Bas-Languedoc, était, dans le principe, fort boisée; on n'y rencontre plus maintenant que de rares taillis. Ce déboisement a com- mencé sans doute, il y a bien des siècles, mais il s'est con- tinué jusqu'à notre époque, et les vieillards du pays se rappellent encore avoir vu très-ombragées certaines mon- tagnes qui ne sont plus à cette heure recouvertes que de mousse. Là où subsiste une végétation plus élevée, on n'aperçoit guère que des arbrisseaux, des arbustes, tels que des genêts, des romarins, des bruyères auxquels s'associent sur quelques points des arbres rabougris, et que dévaste la dent des moutons et des chèvres (1). Dans les Montagnes-Noires, la végétation arborescente étant restée plus énergique, les dégâts dus à l'impré- voyance ou à la cupidité sont vite réparés. Toutefois, la sécheresse cause au bois de graves préjudices, et partout où il n'est pas abrité contre les ardeurs du soleil, il se dessèche et languit. Nous possédons divers documents qui témoignent de l'existence ancienne, dans le Bas-Languedoc, de forêts aujourd'hui totalement disparues. Dans un diplôme de l'an 864, daté de Compiègne, et contenant une donation faite par l'empereur Charles le (1) Voy. Duhamel, Notice sur l'état des bois et des furets en France, dans le Journal des Mines, n" 21, p. 49 (prairial, an iv). 390 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. Chauve à un nommé Adroarius (1), il est question de deux forets, l'une appelée Sylva Monîederna ou simplement Montedernus, et l'autre Sylva Bitoranda^ qui ont été depuis si longtemps défrichées qu'il est difficile d'en retrouver la position précise. Le texte de la charte porte: ert, roi des Anglo-Saxons, périt déchiré par un troupeau de ces animaux qui vaguait dans la foret d'Andred (Sussex), où il s'était ré- fugié après avoir perdu sa couronne. Voy. Camden, Drilannia, éd. Gib son, 3* édit., col. 151. (4) Voy.l^artet, Dissertation citée, passim. Il faut toutefois faire remar- quer que dans l'opinion dequehjues naturalistes, et notamment du célèbre paléontologiste Owen, le Megaceros hibeniicus appartiendrait à l'époqife antérieure aux tourbières d'Irlande, et que ses os proviendraient de la marne coquiliière qui leur sort de base. Voy. les mémoires de M. Lubbock, Ajinales dcsscintces valurelles, 5* série, t. 2, ji. 3o8, part, zoolog. (1864}. CHAPITRE XXVIU. 417 que César trouva encore dans la forêt Hercynienne (1). Pendant bien des années, l'homme dut faire une guerre incessante à ces bêtes fauves qui lui disputaient la jouis- sance des forêts et en rendaient l'accès dangereux ; sans doute il porta parfois la flamme pour les contraindre à sortir de leurs repaires. Si quelques espèces disparurent dès les temps anciens, les autres, plus multipliées ou plus vivaces, s'y maintinrent durant tout le cours du moyen âge. Le chasseur tenait d'ailleurs à ne pas détruire en- tièrement des animaux qui étaient la source de ses plaisirs, et nous avons vu que, seuls en possession du droit de chasse, les rois et les barons étendaient sans cesse leurs garennes pour s'assurer des chasses plus belles et plus variées. Le droit de garenne, en multipliant le gibier ou, comme on disait alors, la. sauvagine, entraînait pour l'agri- culture de graves préjudices. Le gros et le menu gibier oc- casionnaient dans les champs des pauvres paysans des dégâts considérables (2). Qu'on lise pour s'en convaincre ce passage d'une lettre du grand sénéchal de Sisteron, datée du 28 septembre d377 : « Invalescunt assidue cervi, y est-il dit, apri et alise bestiae, ferae in districtibus dicto- rum et locorum, quod in vineis, bladis et possessionibus aliis fructus edunt, dissipant inextimabiliter et consu- Quant au renne, il a non-seulement habité les Pyrénées, mais les Alpes, et l'on a retrouvé ses ossements associés à des silex travaillés de main d'homme et à des cendres dans la caverne de l'Échelle, entre le grand etle petit Salève, près Genève (Lubbock, ouv. cit., p. 360). (1) Cccsar, De hdl. galL, VI, 27, Plin., Ilist. nat., VIII, 17, p. 81, éd., Sillig en parle seulement comme d'un animal du Nord de l'Europe. (2) Dans les chartes qui accordent le droit de chasse dans les forêts royales, on distingua généralement, les salvalicx beslix et les sangliers {tt'pn), des animaux ([ui se prennent aux rets {ramerii, ramcria). Voy. notamment une charte du xiv^ siècle, citée par Beihomme, Nolice historique sitr le lieu cVOrfons, dans les Mémoires de la société or- chéolog. du Midi de la France, t. V, p. 263. 27 418 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. munt (1). » En 1364, les consuls, syndics et conseiller? de Revel en Lauraguais, se plaignaient amèrement des dégâts causés dans la grande forêt de Vaur {alla et lata foresta) par les bêtes fauves, qui infestaient la banlieue de cette \ille. « In quibus, écrivent-ils à propos de la forêt., multitudoluporumrapacium, aprorum, cervorum, caproUorum et aliarum diversarum ferarum cohabitant, permanent et nutriuntur, quae ipsis habitatoribus de Re^ vello et aliis locis circumvicinis magna et inextimabilia damna afferunt (2). » Pour parer à ces inconvénients graves, le roi Jean or- donna la suppression des nouvelles garennes (3); mai- ses bonnes intentions furent paralysées dans l'exécution, et Charles VI dut renouveler l'interdiction d'une manière toute spéciale. Dans son édit, ce roi reproche aux sei- gneurs d'abuser de leur puissance et de la faiblesse dt leurs tenanciers, pour leur imposer de nouvelles garen- nes, ce qui a pour résultat de dépeupler d'habitants le pays voisin et de le peupler de bêtes sauvages; « ce pourquoi les labourages et vignes des pauvres gens étaient telle- ment endommagés que les malheureux n'avaient plus de quoi vivre et s'étaient vus forcés d'abandonner leur de- meure (4). » En Angleterre, des plaintes analogues se fai- saient entendre (5). De pareils abus, faiblement réprimé:^. (1) Laplane, Histoire de Sisleron, 1. 1, p. 524, pièces justificatives. (2) Ordonnances des rois de France, t. IV, p. 448. (3) Jbid., t. 11. p. 395, 507, 530. 568. (4) Ibid., t. XVIII, préface, p. 25. (5) La réserve du droit de chasse aux seigneurs, a de même multipli extraordinairement les bêtes fauves dans la Grande-Bretagne. En Ecosse, les cerfs et les daims se sont ainsi accrus d'une manière prodigieuse-, par exemple, la forêt d'Atholl, située dans le Perthshire, entre les comtés- d'Aberdecn et d'Inverness, qui a quarante milles de long sur environ dix-huit de large, ne comptait guère, en 1770, qu'une centaine de cerf-, tandis qu'elle en renferme aujourd'hui cinq à six mille. La forêt de D CHAPITRE XXVIII. 419 se perpétuèrent jusqu'aux deux derniers siècles. Le 8 juin 1607, les habitants de Gérardmer adressèrent au duc de Lorraine une requête pour lui remontrer que ce lieu étant limitrophe de l'Allemagne et de la Bourgogne, couvert de forêts et environné de hautes montagnes, leurs bestiaux étaient en danger d'être mangés par les loups, ours et autres bêtes sauvages ; pour ce motif, ils demandaient qu,'il leur fût permis de continuer à chasser sans payer aucun tribut au receveur d'Arches (1). Le droit que ré- clamaient les habitants d'une ville de Lorraine, les bour- geois de Dole en Franche-Comté, sans doute pour le motif qui vient d'être énoncé, en jouirent en tout temps; il leur avait été concédé non-seulement dans tout le finage et le territoire de leur cité, mais encore dans la giboyeuse forêt de Chaux, où ils pouvaient chasser à la grosse et à la petite bête. Les règlements sur la chasse étaient faits par le mayeur, et les chasseurs étaient organisés en une confrérie qui portait le nom de Saint-Hubert (2). Mais on accordait rarement ces privilèges aux bourgeois, et dans la majorité des cantons de la France, la réserve du droit de chasse au seigneur continua à favoriser la propa- gation des bêtes nuisibles. « Le fléau le plus redoutable pour l'agriculture, disait le tiers-état de Paris en 1789, rimore, dans le comté de Sutherland, en Ecosse, est célèbre par l'abon- dance étonnante de son gros gibier, et notamment de ses cerfs à queue fourchue. (Voy. à ce sujet, James Wilson, A voyage round the coasls of Scolland, 1. 1, 345, Edinbufgh, 1842.) Les forêts de Mar, de Sutherland, de Corrichibah, de Glenartney, en nourrissent également un nombre con- sidérable. (Voyez, à ce sujet, un article de VEdinburgh Rcview, publié dans la. Revue bn'lcmnique, 4^ série, t. XXVIII, p. 39 et suiv.) Déjà, de son temps, Gervais de Tilbury signale la multitude de cerfs que l'on ren- contrait dans la forêt de Caerléon. (Voy. Otia imperiolia^ III, c. i.xxi, p. 984.) (1) Voy. Leiiage et Charton, le déparlement des Vosges, t. II, p. 235. (2) Rousset, Dictionnaire géographique des communes du Jura, t. II, ,p. 459. 420 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. dans ses cahiers, c'est l'excès du gibier résultant du pri- vilège de la chasse ; de là les campagnes dépouillées, les forêts dévastées, les vignes rongées jusqu'aux raci- nes, etc. Aussi vit-on, jusqu'au xviii' siècle, des ordon- nances spéciales prescrire la destruction des animaux nui- sibles. C'est ce que fit notamment Louis XIV par lettres- patentes du 2 mars 1671, pour les bètes fauves, dont l'abon- dance s'opposait au récépage des forêts du duché de la Val- lière, et portait préjudice aux cultures avoisinantcs (1). » Qui aurait pu prévoir alors que, soixante ans plus tard, le gibier deviendrait assez rare pour qu'on dût s'occuper de veiller à sa conservation? Qui aurait pensé que ces mêmes paysans, traités avec tant de rigueur et d'injustice lorsqu'il leur arrivait d'enfreindre la prohibition de chasser qui leur était faite (2), deviendraient, à une autre épo- que, d'incorrigibles braconniers, qui, d'un coup de filet, anéantissent tout le gibier d'une propriété particulière, et tirent même parfois, sans scrupule, sur un garde prêt à les surprendre. Au milieu des forêts, vivait au moyen âge une popula- tion sylvestre, livrée exclusivement aux industries qui naissent de l'exploitation des bois : les charbonniers, les cercliers, les cendriers, les tourneurs, les briqueticrs, les tuiliers, les fourniers, les forgerons, les potiers, les van- niers, les verriers, tous gens qui, sans mener une vie aussi sauvage que les Wood-cutters (3) de l'Amérique du Nord, (1) Voy. Correspondance administralive sous le rbgne de Louis XIV, puiîl. par Depping, l. IV, p. 706. (2) Les coutumes du Nivernais, de Vitry et d'Orléans, déclarent pu- nissables comme larrons ceux qui sont trouvés chassant en garennes ou connilières. (Voyez les lois de chasse. Isambert, Recueil, vol. XII, p. 381.) (3) Voy. le curieux ouvrage de M. John Springer, sur la vie des cou- peurs de bois dans les forêts du Maine, Forest life and forcst tnes (London, 1851, in-8°). Ces Woodnun établissent leur camp el leur hovel CHAPITRE XXVIII. 421 constituaient cependant une classe d'hommes plus rus- tiques que les habitants des bourgs et des villages. Dans la Franche-Comté, toute une population vivait dans les bois pour extraire des pesses ou épicéas la résine connue sous le nom de poix de Bourgogne, et les fours où elle la faisait cuire devenaient le point de départ des vil- lages dont le territoire se formait aux dépens de la fo- rêt (1). En certains lieux, ces artisans s'étaient constitués en des associations qui prirent quelquefois un caractère politique ou religieux, et offraient quelque analogie avec nos mo- dernes compagnonnages. Tels étaient, dans l'Artois, les bons-coiisins des bois et les fendeurs-charbonniers. Cette confrérie, composée de charbonniers, de coupeurs, de scieurs et de fendeurs de bois, s'était placée sous le patro- nage de saint Thibaud, solitaire de Provins, que la légende représentait comme ayant d'abord exercé, en Souabe, la profession de charbonnier. Plus tard, des gentilshommes verriers, des marchands de fer et quelques autres corps d'état s'agrégèrent à cette compagnie (2). Dans les montagnes de la Franche-Comté et les Alpes, existaient des corporations analogues, où l'on n'était ad- mis qu'après une sorte d'initiation. Dans le Jura, ceux qui en faisaient partie portaient le sobriquet de cousins-char- bonniers (3). dans la clairière qu'a faite leur cognée ; c'est là qu'ils bâtissent leurs- log-Iiouses destinés à les loger eux et leurs bestiaux. Cf. sur la vie des forêts du Nouveau Monde, Abr. Gesner, New-Brunsivick (London, 1847). (t) Voy. Tissot, Les Fourgs ou un village de la Haute-Comté, dans les Mémoires lus à la Sorbonne dans la séance extraordinaire du comilr impérial des travaux historiques en 1863, p. 220 et suiv. (Paris, 1864). (2) Voy. Cauchard d'ilermilly, des Carbonari et des fendeurs-char- bonniers. Paris, 1822, in-S". (3) Voy. GiUias de Marchand, Réflexions sur les sociétés secrètes et les usurpations, t. II, p. 248 et 19. Arbois, 1813 2 vol, in-8°. 422 I-ES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. Il est à noter qu'à toutes les époques, ceux que leur pro- fession retient au milieu des bois, ont constitué des associations particulières, et leur séparation des corpora- tions d'artisans des villes leur a donné quelque peu le caractère de sociétés secrètes. En Gaule et en Italie, les dendrophores^ ouvriers occupés à transporter le merrain nécessaire pour les constructions, le bois à brû- ler, le charbon et les planches, formaient déjà de vérita- bles confréries {collegia) (1), qui nous ont laissé çà et là des traces de leur existence (2). Dans les Pyrénées, les cagots, race méprisée et regardée par les montagnards comme d'origine païenne, presque exclusivement livrée au moyen âge aux professions sylvestres, et habitant au voisinage des forêts, formaient une société à part (3). Une classe qui contribua l)eaucoup au défrichement des forêts eut sa bonne part dans leur dévastation, et ce furent les hôtes {hospites) (4). On appelait ainsi ceux qui rece- vaient du seigneur, sur son domaine, une masure, une ca- bane, quelques acres ou journaux de terre pour les la- bourer ou y établir un courtil (5). Fréquemment ces hôtes étaient établis par le seigneur sur la lisière ou dans l'inté- rieur d'une forêt qu'il voulait faire défricher (6), et pour (t) Orelli, Inscripl. lalin. selecL, n°* 2177, 2322, 4082, 4160, 5113, 6031. (2) Voy. Rabanis, Recherches sur les dendrophores {BoTdea.ux, 1841), p. 25. (3) Voy. Francisque Michel, Ilisloire des races maudiles de la France (;l de l'Espagne, 1. 1, p. 81 et suiv. \ (4) "Voy. sur les hôtes Guérard, Pohjplique de l'abbé Jrminon, Pro- légom., p. 424. — L. Delisle, Eludes sur la cnndilion de la classe agri- cole en Normandie, p. 8 et suiv. (5) L. Delisle, 1. c. — Lehuerou, Inslilulions carolingiennes, t. 1, p. 179, 180. (G) Et ubicunique invenient utiles vilos homines, detur illis sylva ad stirpandum ut nostrum servitium imiuelioretur. Koroli Magni Capilul. Aguisgran. an. 813. CHAPITRE XXYIII. 423 compenser ce qui manquait aux faibles produits de leur tènement, ces colons entamaient souvent les parties de la forêt qu'il leur était enjoint de respecter. Loin de la sur- veillance des officiers seigneuriaux, il leur était facile de prendre en plus grande abondance qu'on ne leur avait con- cédé le bois placé à leur portée. En certaines provinces, les hôtes se multiplièrent sin- gulièrement, et, de la réunion de leurs masures dans les clairières des forêts, naquirent des villages qui finirent par chasser tout à fait les arbres. En Franche-Comté, bien des défrichements forestiers ont eu ces colons pour auteurs. Dans l'arrondissement de Lons-le-Saulnier, la forêt du Ver- nois, appelée sans doute ainsi à raison de l'abondance des aunes ou vernes, fut démantelée au xv*" siècle par les hôtes qu'avaient appelés les seigneurs du pays. Ceux-ci avaient reçu dans cette forêt, des ducs de Bourgogne, comme une annexe de leur fief, une superficie de deux cents arpents qu'ils firent défricher par des hôtes (1). Leur but était aussi vraisemblablement, en y amenant une population agri- cole, de faire disparaître les bêtes fauves qui désolaient le canton (2), Dans le même arrondissement de Lons-le-Saul- nier, le hameau du Bois-du-Ban, qui n'existait pas avant la fin du xvii" siècle, doit son origine à une agglomération de cabanes sous lesquelles vivaient les hôtes établis par le seigneur de Loisia. D'après le contrat passé en 1691 , ce bois, tenu en ban, devait êire défriché par huit individus aux- quels cent journaux de terre étaient concédés, le seigneur ne se réservait que les chênes des hautes futaies (3). Dans (1) Roussel, ouv. cit., t. VI, p. 176. (2) Un village qui touchait la forêt domaniale du Yernois, dut à la présence des loups le nom de Louverot. Rousset, ouv. cit., t. IV, p. 30. (3) Cette donation fut faite à la fille du célèbre Bussy de Rabutin.Voy. Rousset, owi\ cit., L. III, p. 451. 424 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENiNE FRANCE. l'arrondissement de Poligny, au bord du bois de Fraisse, Tundes plus beaux assemblages de sapins qu'offre le Jura, les seigneurs de Vers avaient accordé, dans le cours du xiii« siècle, de nombreux droits d'usage aux colons, ce qui eut pour effet de réduire singulièrement la forêt et l'amena peu à peu aux proportions de bois qu'elle offre aujour- d'hui (1). Même fait se passa au village de Bouchaud, qui prit naissance au milieu d'une vaste forêt où les colons étaient accourus de toutes parts (2). Dans l'arrondissement de Saint-Claude, à la fm du xii'' et au commencement du xnp siècle, les seigneurs de Saint-Sorlin divisèrent par lots le territoire actuel du village d'Uxel, et le concédèrent à des colons appelés de diverses contrées, et dont l'industrie se rattachait pour la plupart à l'exploitation des bois (3). Le petit village de Recanoz, dans l'arrondissement de Dôle, eut pour premiers fondateurs deux familles de charbon- niers qui s'établirent, en 1510, dans les vastes forêts de la baronnie d'Arlay (4). Le village de Bois-de-Gand doit pareillement son origine à des charbonniers et à des cou- peurs de bois, venus au xiv*" siècle pour exploiter la forêt qui ombrageait son territoire (5). Dans les Vosges, les choses se sont passées souvent de même; par exemple, le village d'Auzainvilliers a eu pour point de départ les cabanes construites par les sabotiers et les charbonniers qui vinrent se fixer dans la forêt dont ce village occupe l'emplacement (6). Gérardmer s'élève dans un canton jadis tout couvert de bois de haute futaie, (IJ Roussel, oiiv. cil. t. III, p. 3G7. (2) Roussel, t. I, p. 283. (3) Roussel, t. I, p. 100. (4) Roussel, l. V, p. 418. (5) Roussel, l, 1, 271. (6) H. Le page ctCharlon, le drparlemenl ihs Vosges, t. II, p CHAPITRE XXVIII. 425 et qui fut défriché par une population de sabotiers, de cuveliers, de boisseliers, de marcaires et de fromagers (1). Les cabanes faites a\ec l'écorce qu'ils enlevaient aux ar- bres, s'avancèrent peu à peu sur la rive orientale du lac et dans les clairières qu'ils avaient ouvertes (2). Cette population que renfermaient nos forêts au moyen âge, remplaçait sans doute avantageusement les animaux qui les hantaient, mais elle était pour.la végétation sylves- tre une cause plus grandededévastation. Elles'accrutd'ail- leurs non moins rapidement que ne l'avaient fait les bêtes fauves, quelques siècles auparavant. A partir du règne de François P"", les liùtea des bois avaient tellement grossi en nombre, que l'autorité dut songer à en arrêter les progrès. Elle renouvela, en les spécifiant davantage, les disposi- tions déjà consignées dans les ordonnances de juillet 1370, mars 1388, septembre 1402^ qui défendaient de souffrir ailleurs que dans les \entes ordinaires, aucuns attelages de tuiliers, briquetiers, potiers, verriers, forgerons, tonne- liers, charpentiers, boisseliers, cercleurs, jattiers, pelle- ronniers, cuilleronniers, tourneurs et autres sembla- bles (3j. Mais de nouvelles professions que les ordonnances n'avaient pas mentionnées, vinrent s'abattre sur les bois: les teinturiers, les chaufourniers, les plâtriers prirent dans les forêts la matière première nécessaire à leurs outils et leurs établissements. Les arrêts du parlement secondèrent l'action de l'autorité. Ce n'était pas toutefois au mépris des lois que cette po- pulation d'artisans s'était établie à l'intérieur ou sur la li- sière des forêts. Bon nombre avaient obtenu à cet égard (1^' Lepage et Cliarton, ouv. cil. (2) Voy. Annalf's foresticres, 1848, p. 190. (3) Conférence de l'ordonnance de Louis XIV de I6G9 sur le fail des eaux el forêls, t. II, p. 455. 426 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. des concessions. On chercha à mettre un terme à ces actes d'une libéralité imprévoyante; une ordonnance de janvier 1518 défendit aux maîtres gruyers, verdiers, maîtres des gardes ou maîtres sergents, et tous autres officiers des fo- rêts, de bailler congé et permission d'attelages (ateliers) à tuiliers, potiers, verriers, forgerons, cercleurs, tourneurs, sabotiers, cendriers et autres, et de prendre terre-mine en lesdites forêts (1). En 1536 cette défense fut renouvelée, et le roi interdit spécialement aux cendriers de faire cen- dres dans les forêts royales, sous peine d'amende arbitraire et confiscation des outils et ouvrages (2). En 1584 et en 1597, des ordonnances royales interdisent, pour les forêts de Normandie et pour celle de Villers-Gottercts, l'établis- sement des industries dont nous venons de parler (3). En- fin, comme ces défenses n'atteignaient pas leur but, l'or- donnance de 1669 interdit, sous peine de 100 livres d'a- mende, à tous ces artisans, d'établir leurs ateliers à moins d'une demi-lieue de la forêt, en même temps qu'elle pro- hibait formellement le transport du feu et l'établissement de cendreries dans les mêmes forêts. Les mesures de précaution pour empêcher le détourne- ment du bois dans les forêts royales, allèrent si loin que l'or- donnance de 1669 défendit à ceux qui demeuraient dans les forêts ou sur leur lisière, d'avoir plus de bois qu'il n'était nécessaire pour leur chauffage, à peine de confiscation, d'amende arbitraire et de démolition de leurs maisons, disposition déjà prise dès 1563 à l'égard de la forêt de Guise. Défense fut faite aux sergents et autres gardes des forêts de tenir taverne, ni d'exercer aucun métier où l'on emploie (i) Voy. Saint-Yon, Ordonnances des eaues cl forets, p. 408. (2) Fontaaon, Ordonnances, t. II, p. 223. (3) Saint-Yon, p. 1110 et 1111. CHAPITRE XXVllI. 427 le bois; disposition qui ne faisait au reste que généraliser (les mesures datant de saint Louis (1), et qui a été repro- duite dans l'ordonnance du 1" août 1827 pour l'exécution du Code forestier (art. 31). 11 n'y avait pas, du reste, que ces professions sylvestres (|ui portassent dans nos forêts leurs dégâts journaliers. Dans certaines villes, chaque corps d'état avait le droit d'aller chercher au bois la matière première dont il avait besoin. Les ferrons, les tourneurs, les charrons, les huchiers, les charpentiers abattaient les troncs nécessaires pour fabriquer des solives ou des moyeux, des brancards ou des planches (2). Les tanneurs prétendaient, en certains lieux, pouvoir s'approprier l'écorce de tous les arbres abattus. En Normandie, nous voyons les bouchers s'empa- rer dans les forêts, du bois qui devait servira la confection des crochets pour pendre la viande ; les boulangers allaient chercher de quoi faire les fourgons pour enfourner le pain; les tisserands abattaient des hêtres pour établir leurs mé- tiers; les forgerons ramassaient ou coupaient les grosses branches pour façonner les manches de leurs marteaux etle tronc de leurs enclumes (3). On a déjà vu plus haut que cer- taines forêts, par exemple celle de Lyons en Normandie, étaient occupées par toute une population sylvestre dont la présence a singulièrement hâté leur déboisement. Jusque dans ces derniers temps, en Bretagne, dans la partie ré- pondant au département du Morbihan, les bois de châtai- gniers ont été singulièrement réduits par l'exploitation à vide des tonneliers qui s'y venaient établir pour y faire des cerceaux qu'ils expédiaient au loin. (1) Conférence de Vordonnance de Louis XIV de 16G9. t. II, p. 466, 407. (î) Delisle, Eludes citées p. 377. (3) Delisle, JFiudeA- cit. p. 377. 428 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. Moins dangereux pour les forêts que \e& hôtes, mais beau- coujD plus pour ceux qui les traversaient, étaient les lar- rons qui y fixaient leur repaire, y construisaient quelque- fois de véritables forteresses. C'est ce qui a suggéré à l'auteur du roman de Gaufrey l'idée de ce château périlleux où s'engage l'intrépide Robastre, qui le prenant pour la demeure de quelque forestier , envoie son infortuné écuyer Aleaume demander pour lui un gîte. Trente lar- rons en sortent à l'improviste après avoir tué l'imprudent, mais Rabastre les met en pièces et s'établit dans cette de- meure, où son père, le lutin Malabron, met encore à l'é- preuve son courage (1). Ces brigands attaquaient les gens isolés ou ne voyageant qu'avec une très-faible escorte. A la suite des guerres civiles et intérieures qui dé- solèrent la France aux xiif , xiv et xv*" siècles, des parti- sans se cantonnèrent dans bon nombre de ces forêts, qui pour la plupart étaient coupées de grands chemins. C- furent notamment les Jacques, les Grandes Compagnies, les Pastoureaux. Les soldats débandés (2), jusqu'alors dé- signés sous le nom de brigands, devinrent si habituelle- ment des voleurs, que leur nom passa aux larrons, tout comme en Italie et en Corse l'épithète de bandit [han- clitio, c'est-à-dire banni), en Angleterre celle d'outlaw. est passée aux voleurs de grandes routes. Plusieurs forêts devaient aux brigands dont elles foisonnaient une véri- table célébrité : telles étaient celles d'Amboise, de Cer- cotte, de Gouffern, de Baconne. Telle fut à une époque moins ancienne celle de Bondy. Sous Louis XIII, plusieurs (1) Voy. sur ce roman du xiii» siècle, Gaufrey, chanson de geste, pu- blié par F. Guessard et Chabaille, p. xxxix et 1G4 (Paris, 1859). (2) Voy. S. Luce, Histoire de la Jacquerie, p. 8. (3) Voy. ce qui est rapporté dans les Mémoires de Pontis, livre II. p. 254, éd. Petitot, et ce que j'ai dit dans l'introduction, p. 3. CHAPITRE XXVIII. 429 des forêts traversées même par des routes très-fréquen- tées (3), étaient infestées de ces dangereux larrons, et jusqu'aux abords de la capitale, dans le bois, aujourd'hui transformé en parc, de Boulogne, les arrestations à main armée n'étaient pas rares (1). La fréquence de ces attaques dans les forêts fut le principal motif qui dicta la disposi- tion de l'ordonnance des eaux et forêts de 1669 (tit. 28, art. 3), imposant une largeur de soixante pieds aux •grands chemins là où ils traversent une forêt. (l) Voy. le curieux Journal cViui voyage de deux Hollandais à Paris, en 1657, publié par P. Faugère, p. 38 4. 430 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. CHAPITRE XXIX. i INFLUENCE DU DROIT d'uSAGE SUR LA DIMINUTION ET l'eXTENSION DES FORÊTS A DATER DU XV'= SIÈCLE. LÉGISLATION DE FRANÇOIS l^' ET DE SES SUCCESSEURS. Les chartes et documents du moyen âge nous offrent, sans cesse le tableau de la lutte des milites, des armigeriy des baillivi, des servientes reyis, contre les paysans. Ceux- ci se vengeaient des violences des nobles, en dévastant les forêts, objet de contestations et source de vexations fis- cales. Ils enlevaient sans scrupule le plus de bois possible et se mettaient peu en peine de respecter les baliveaux. A partir du xii'^ siècle, un grand nombre de villages nou- veaux furent élevés^ et comme le bois entrait alors pour une bien plus grande proportion qu'aujourd'hui dans les constructions, comme la plupart des maisons, même des villes, étaient en bois, cette matière prenait une impor- tance et une valeur croissantes. Les fréquents incendies qui désolaient les villages, les dévastations de la guerre, amenaient sans cesse des reconstructions. Toutefois cette cause de destruction des forêts était contrebalancée par la persistance du droit de garenne. Bien que la reconnaissance et le maintien de ce droit fussent soumis à la condition d'une possession immémo- riale (1), des usurpations se produisaient tous les jours, et les seigneurs continuaient à donner comme des con- cessions, des droits qui, ainsi qu'il a été remarqué plus haut, n'étaient, au contraire, que les derniers vestiges d'une propriété commune. (1) Voy. Championnière, De la propriété des eaux courantes, i\. 77. CHAPITRE XXIX. ^^31 Mais l'abaissement graduel de la noblesse, la substitu- tion du pouvoir royal, c'est-à-dire d'un régime plus éclairé et plus paternel, au pouvoir seigneurial, l'adoucissement des mœurs, l'énergie croissante des communes affranchies, I mirent fin à cet ordre de choses et en firent naître un nou- veau. Les deffens perdirent de leur rigueur. Les solitudes que la guerre avait faites étant devenues pour les no- bles de stériles domaines, ils furent contraints de pro- voquer le retour de la culture; de là l'établissement des hôtes dont il a été question au chapitre précédent. Au xv"" siècle, une multitude d'actes ont pour objet d'offrir à ceux qui voudraient s'établir dans une seigneurie autant de terres qu'ils en pourraient cultiver, le pâturage libre pour les bestiaux, et tout le bois nécessaire soit au chauf- fage, soit à la construction et à l'entretien des mai- sons (1). « De grande ancienneté, dit Guy Coquille (2), les seigneurs, voyant leurs territoires déserts ou inhabités, concédèrent des usages à œux qui voudraient les habiter, moyennant quelque légère prestation, plutôt en recon- naissance de supériorité qu'en profits pécuniaires (3). » Le droit de prendre du bois dans les forêts fut accordé de bonne heure par les seigneurs en échange de certains services que leurs sujets s'engageaient à leur rendre (4). En plusieurs parties de la France, le droit d'usage dans (1) Championnière, Be la propiiclé des eaux courantes, p. 341. (2) Coulume du Nivernois, quost. 303. (3) Cf. Honrion de Pansey, Des biens communaux, p. 72; du même, Bisseriations féodales, v° Communauté. Salvaing, rsacjc des fiefs. chap. xcvi. Boiitiior, Ohscrvalions sur la coutume de Bourges, cli. lxii. n° 30. (4) Pour en citer un exemple, nous voyons, en 1378, Gaston Phébus, comte de Foix, concéder aux cagots le droit de forêtage dans tous ses bois, pour prix de l'engagement qu'ils prennent d'exécuter tous les ou- vrages de charpente nécessaires au château de Montaner. (Toy. Francis- que Michel; Histoire des races maudites, t. I, p. 179.) 432 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. les forêts put être acquis sans titre et uniquement par l'effet d'une longue possession (1). Ce droit fut inégalement étendu suivant les lieux. En Alsace, en Franche-Comté surtout, ainsi qu'on l'a vu plus haut,làoù lesforêts abondaient, les seigneursse montrèrent à cet égard fort libéraux. Dans la seconde de ces provinces, le droit de bouchoyage dégénéra en une insupportable li- cence, et eut pour l'existence des bois des conséquences désastreuses. Suivant Droz (2), ce droit conférait à ceux qui* l'avaient obtenu, la faculté de couper les bois et les brous- sailles crus sur les prés des particuliers, en sorte que ceux qui voulaient laisser croître du bois sur leurs héritages, étaient obligés de recourir à l'autorité des magistrats municipaux pour les banaliser ou mettre en défem. Les hôtes qui venaient s'établir dans les clairières ou sur la lisière des bois, n'étaient pas seulement autorisés à couper et à ramasser pour le chauffage, ils pouvaient aussi prendre du bois pour bâtir (3), et, en certains cas, pour vendre (4). Aussi quand ces droits d'usage vinrent à (1) Voy. h ce sujet, le savant ouvrage de M. Meaume, intitulé : Des droits d'usage dans les forêts, t. I, p. 19 et 25. (2) Droz, Histoire de Pontarlier, p. 279. Voy. ce qui a été dit, p. 253. (3) Au village des Bouchoux, arrondissement de Saint-Claude, les ha- bitants pouvaient couper du bois dans une partie de la forêt de Cerne- trou, pour les besoins du chauffage -, dans l'autre ils pouvaient, avec l'au- torisation des échevins et messiers, prendre du bois pour bâtir. (Voy. Rousset, Dict. géographique des communes du Jura, 1. 1, p. 290.) (4) Les habitants du Latet, village de larrondissement de Poligny, avaient obtenu du seigneur de Vers le droit de couper dans la" foret de Fraisse du bois pour leur usage et môme pour en vendre aux sauneries de Salins ; il n'y avait d'exception que i)our les arbres forestiers, restriction qui rappelle celle de la loi des Bavarois {Lex Dajuvariot^m, VII, 21). Voy. Rousset, ouv. cit. t. III, p. 380. A Champagnole, ville de l'ar- rondissement de Poligny, les habitants avaient non-seulement, dans le bois de Taravant, le droit de prendre du bois de chauffage et de cons- truction, ainsi que la glandée, mais ils pouvaient encore couper du bois pour vendre dans les Joux qui dépendaient de la seigneurie de Montrivel, moyennant un droit de 4 deniers par charretée de bois vendu. (Rousset, CHAPITRE XXIX. 433 être restreints, des villages qui trouvaient là toutes leurs ressources, tombèrent-ils dans la misère^, et les cabanes perdirent-elles leurs habitants (1). Une fois cette extension des droits d'usage autorisée par les seigneurs, ce ne fut plus l'envahissement des forêts qu'on eut à déplorer, mais leur diminution trop rapide. Une guerre sourde et continue fut dféclarée à la végétation forestière; le besoin croissant de combustible et de ma- *tières premières pour les industries qui emploient le bois, fit abattre les arbr*es à profusion, et la France perdit peu à peu ses innombrables ombrages. Tant que le combustible demeurait assez abondant pour que le gaspillage du bois ne produisît pas un renchérisse- ment marqué, une disette véritable, on s'occupa plus, quand on cherchait à y porter remède, des droits des pro- priétaires que de l'intérêt des consommateurs, c'est-à-dire du public. Cette abondance était parfois telle que l'on ne payait pas la matière première plus cher que le trans- port (2). Il n'y avait qu'un remède à ces dévastations croissantes, c'était la concentration de l'autorité forestière en une seule main, l'établissement d'une administration, une et ouv. cil. t. I, p. 420.) — Dans la forêt de Saint-Aubin (arrondissement de Dôle), en vertu de droits conférés par Jean de Neuchàtel, les habi- tants du bourg du même nom jouissaient non-seulement de la faculté de prendre pour leur chauffage et leurs clôtures, mais quand ils voulaient bâtir, ils n'avaient qu'à en faire la déclaration pour recevoir tout le bois qui leur était nécessaire. (Voy. Rousset, ouv. cit. t. I, p. 106.) (1) Ainsi la restriction apportée par Louis XIV aux droits qu'avaient les habitants d'Aumur, dans l'arrondissement de Dôle, et qu'ils tenaient depuis 1390 de leurs seigneurs, d'un usage étendu dans les vastes forêts dites les Noues et les Grands Bois, amena la décadence de ce village. (Voy. Rousset, o. c. 1. 1, p. 126.) (2) Encore au xviii' siècle, dans une partie du Bourbonnais la corde de bois de chauffage coûtait trois livres prise dans la forêt, et six rendue 1 en ville. (Voy. Allier, Histoire du Bourbonnais, p. 284. Cf. Dareste de laChavanne, Histoire des classes agricoles en France, 2 édit., p. 458.) 28 434 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. simple, qui pût veiller également à la protection de toutes les forêts du royaume, et eût assez de force pour que cette protection fût efficace. Ou a vu que cette administration n'avait d'abord embrassé que le domaine royal; c'était, eu effet, dans les forets appartenant au roi, que s'étaient le plus multipliées les droits d'usage, et que les inconvénients qu'entraînait cette multiplication s'étaient fait le plus tôt sentir. Écoutons Pecquet, dans ses Lois forestières : « Les droits de pâturage dans les forets du roi sont, dit-il, une des parties sur lesquelles les temps reculés nous pré- sentent le plus d'abus préjudiciables à Sa Majesté. On peut dire qu'elles en étaient inondées ; il a'y avait personne un peu voisin des forêts qui n'y fût usager. Et cela ne pou- vait être autrement, puisque cela avait été originairement an des avantages accordés libéralement pour attirer des habitants dans les environs. L'on ne prévoyait pas alors que les bois deviendraient d'une valeur considérable, et que ces espèces de colons, qu'on cherchait à multiplier, seraient un jour fort à charge aux forêts par les facilités que l'ouverture de celles-ci donnait pour commettre les délits. Les communautés ecclésiastiques fondées par la piété de nos rois, y possédaient des droits excessifs. Il y en avait qui avaient droit de paisson, avec feu et loge, comme le couvent de Saint-Valery, en la forêt de Retz, re- connu par arrêt des juges, en dernier ressort, du 17 no- vembre 1537 ; les chartreux de Bourg-Fontaine, reconnus par arrêt du même tribunal, du 2 septembre 1549; le couvent de Saint- Jean-du-Moncel, en la forêt de Cuise, reconnu par arrêt des mêmes juges, du 26 octobre de la même année (1). » (1) L'usage d'accordor le droit de glandée et de paisson dans les bois, comme récompense de services rendus, existait déjà dans l'antiquité. Cela ressort d'une inscriiition découverte en Arcadie, où ce droit est dé- CHAPITRE XXIX. 435 L'autorité royale^ en matière de forêts comme dans les autres branches de l'administration, tendit à devenir de plus en plus générale. Effrayés de cette extension du pou- voir monarchique et craignant de voir soustraites à leur juridiction patrimoniale les forêts particulières, les sei- gneurs se la firent confirmer par lettres spéciales en 1355. Certaines villes, telles que Montauban, obtinrent la recon- naissance du privilège qui leur attribuait une juridiction forestière indépendante (1) ; mais ces concessions ne firent que retarder de quelques années une révolution devenue inévitable. Les règlements faits aux xiv" et xv*" siècles fu- rent repris, étendus, promulgués de nouveau par Fran- çois P^ Une ordonnance de mars 1515, rendue à Lyon, reproduisit en partie celle de 1376; elle prescrivit aux agents forestiers une inspection fréquente et régulière des forêts; elle réglementa leur aménagement, leur mode de conservation et de vente; institua et définit les fonctions de maîtres, verdiers, gruyers et sergents. On y trouve une disposition spéciale (art. 60) interdisant aux maîtres de vendre ni bailler aucunes rentes des forêts à aucun de son lignage, ni à gentilhomme ou officier, ni à clerc béné- ficier (2). L'ordonnance dejanvier 1518, intitulée : Edit sur la con- servation des forêts {^), signale la ruine et le dépeuplement non- seulement des forêts de la couronne, mais encore des signé par les mots rb iTzvrJ\i.wi /m fj'iXi'iwi 6psa[j.ocTtûv. (Voy. Ph. Le Bas, Inscr. grecq. et M. de Morce, col. I, p. 46.) (1) En 1367, les seigneurs stipulèrent que les maîtres des eaux et fo- rêts ne pourraient poursuivre les délits de pèche, sans l'assistance des justices locales. Voy. C. Dareste de la Chavanne, Histoire de V adminis- tration en France, t. II, p. 18. (2) Fontanon, Ordonnances, t. 11, p. 259; Isambert, Recueil, t. XII, p. 49 et suiv. (3) Voy. Fontanon, Ordonnances, t. II. p. 271; Isambert, /}ecwei7, t. XII, p. 16. 436 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. autres. Pour remédier à cet état de choses, des peines pé- cuniaires fixes et certaines y sont établies conlre les au- teurs des délits forestiers. L'article 24 interdit le défrichement des forêts royales et de celles où le roi avait droit de gruerie, de tiers et danger. Ce dernier droit, qui avait pris naissance en Nor- mandie, sous le gouvernement des ducs, autorisait à pré- lever le tiers et le dixième du produit des bois (1). Quant au défrichement des bois appartenant à des particuliers, l'ordonnance ne prit encore aucune mesure (2). L'édit de Foniainebleau du 17 juin 1537, s'immisça plus directement dans l'administration des forêts particu- lières. Il défendit aux évoques et archevêques de couper les bois de haute futaie dépendant de leurs bénéfices (3). Une déclaration de 1543 étend la compétence des tri- bunaux de maîtrise à toutes les forêts, sans distinction en- tre le domaine de la couronne et celui des princes, prélats et communautés. La même règle fut établie en 1545 dans la Bretagne. Déjà, en 1533, afin de mettre un terme à l'extension des droits des usagers, François L"^ avait fixé par un édit la signification des mots bois-mort et mort-bois (4). (1) Voy. le traité de Christofle Bérault, avocat au parlement de Rouen, intitulé : Des droits de tiers et danger, grurie et grairie ; Rouen, 1625, in-8. Le mot « danger « signifie, comme l'a fait voir M. L, Delisle, « sei- gneurie. » Ce droit n'était général qu'en Normandie ; il existait partielle- ment dans l'Orléanais, la Beauce, le Hurepoix et le Valois. (Voyez Massé, Dictioniwire des eaux et forêts, art. Gruerie) et était placé sous la sur- veillance des sergents dits dangereux. (Voyez Conférences de l'ordon- nance de Louis XIV, t. I, p. 601.) (2) Ordonnances citées. (3) Voy. Isambert, Becueil, t. XII, p. 540. (4) Le mort-bois était « le bois de saux, le mort-saux, esi)ines, prui- nes, seur, aulne, genêts et genesvre et non autres. » Le bois mort est défini : « bois sec en estant ou gisant. » (Fontanon, t. II, p. 270; Isam- bert, t. XII, p. 383.) I I I CHAPITRE XXIX. 437 L'établissement des forges était devenu une des causes principales des dégâts dans les forêts; la déclaration de Saint-Germain-en-Laye, du 18 mai 1543, porta règlement pour les mines de fer du royaume, afin d'apporter des en- través à l'établissement trop facile des usines (1). Fran- çois !*"■ encouragea aussi la" plantation des bois tendres, tels que peupliers, saules, marceaux, dans le but d'empê- cher les nombreux artisans qui faisaient usage de ces bois, d'aller les couper dans les forêts. L'ordonnance de Fontai- nebleau, citée ci-dessus, défendit, pour la même raison, d'employer le bois de chêne à faire les échalas des vi- gnes (2). Indépendamment de la juridiction des maîtrises, le fait des eaux et forêts, pour nous servir de l'expression jadis consacrée, ressortissait à la Table de marbre, dont le siège était à Paris. On ignore l'origine de celte juridiction, qui s'étendit delà capitale dans les provinces, et apparaît déjà au commencement du xvr siècle. Louis XII en créa une au parlement deRouenenl508. Henri II en institua, en 1554, dans ceux de Toulouse, Bordeaux, Aix, Dijon, Grenoble et Rennes. Gettejuridiction eut pour effet décentraliser tout ce qui touchait à la police forestière, car ce fut de la Table de marbre que découla toute l'organisation judiciaire des eaux et forêts. A sa tête était le grand-maître, au nom du- quel les sentences étaient rendues et dont les officiers des maîtrises recevaient leur institution. La Table de marbre jugeait sans appel les causes ordi- naires et en première instance celles qui as^aient plus d'im- portance. Ce fut l'édit du mois de mars 4558 qui établit (1) Voy. ce que nous disons au chapitre suivant. (2) Voy. ce qui est dit plus loin de l'ordonnance de février 1554. (3) L'ordonnance qui leur attribue cette extension est du 22 mai 1539. (Voy. Fonlanon. t. I, p. 979. Isamberl, t. XII, p. 559.) 438 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. des juges en dernier ressort au siège de la Table de mar- bre à Paris, édit confirmé par lettres d'attache du roi Fran- çois II, du 17 juillet de l'année suivante. Le parlement ne voulait pas se dessaisir de toute compétence dans cette matière, et les lettres de François II font réserve de tout ce qui louchait aux procès portant sur le fonds domanial, sur les droits de grurie, grairie et segrairie ; elles n'attribuaient à la Table de marbre que la connaissance des affaires tou- chant aux usages, délits, abus et malversations commis dans les eaux et forêts. Le parlement tenait à se réserver l'appel de la Table de marbre, et voilà pourquoi l'ordon- nance de Henri II, qui attribuait cet appel à une chambre mi-partie composée d'un président du parlement et d'un maître des requêtes, et de dix juges, ne put recevoir son application. L'édit ne fut enregistré sous le règne suivant qu'avec des modifications qui empêchaient la nouvelle ju- ridiction de se constituer d'une- manière indépendante. Ces résistances de la cour souveraine nuisaient, il faut le dire, à la bonne administration des forêts, en enlevant au conseil supérieur une partie de l'autorité dont il avait be- soin pour faire exécuter des règlements toujours trans- gressés. L'édit de décembre 1543, qui constitua définiti- vement les Tables de marbre et fixa leur juridiction, montre qu'à cette époque les officiers des forêts ne pou- vaient prendre connaissance des affaires concernantles bois des gens de mainmorte et des particuliers,] qu'en vertu de commissions spéciales données par le roi. Ainsi, l'au- torité royale n'avait agi qu'exceptionnellement, par me- sure de règlement, sur les forêts placées en dehors du do- maine, et c'est de François l" que date véritablement l'établissement d'une jui'idiction émanant du roi, appli- cable à tout le royaume. Les ordonnances de 1513, 1518, et l'édit de 1543, manifestent tous une tendance de plus CHAPITRE XXIX. 439 en plus marquée à réglementer d'une manière générale les forêts, quel qu'en soit le propriétaire. En voici notamment une preuve : Quoique les ordonnances anté- rieures à i543 n'eussent investi les officiers des forêts que d'attributions relatives aux bois royaux, le préambule de •cette ordonnance montre que les lettres de provision des forestiers étendaient leur surveillance et leur juridiction à toutes les autres propriétés boisées. Le principe de l'ins- pection par les agents royaux, des bois privés, que recon- naît et sanctionne l'ordonnance de 1515, que confirme redit de 1543, demeura depuis la base de la législation forestière. Les édits postérieurs à 1543 étendirent la ju- ridiction des forêts, en la distinguant nettement de la ju- ridiction ordinaire. Charles IX continua, par ses ordon- nances, l'établissement des mesures protectrices dont François P"" avait eu l'idée. Un édit de septembre 1563 interdit à tout particulier de couper les taillis avant l'âge de dix ans. En cas de contravention^ les bois coupés in- dûment étaient confisqués et le propriétaire puni d'a- mendes arbitraires. De plus, à l'égard des taillis exploités après l'âge de dix ans, il était enjoint de laisser un cer- tain nombre de baliveaux par arpent. Déjà, fort anté- rieurement, les ducs de Normandie avaient donné dans leurs p]taLs l'exemple de cette sage précaution et inlerdit de défricher les taillis (1). Ces dispositions étaient ailleurs traditionnellement consacrées; mais on les éludait trop souvent. Toutes ces mesures demeuraient cependant encore in- sufïisantes, aucune règle n'étant prescrite pour l'exploita- tion des futaies. La coupe à blanc estoc, que nous avons déjà signalée dans les Alpes comme si funeste, était d'un usage (1) Voy. C. Dareste de la Ghavanne, Ilisloire des classes agricoles en France, 2« édil., p. 'i59. 440 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. général, en sorte que les futaies se trouvaient bien vite réduites à de simples taillis. Ce mode d'exploitation in- considéré était même employé dans les forêts du domaine royal. Le bois se vendant alors beaucoup plus en fagots qu'en bûches (1), on trouvait un avantage momentané à multiplier les taillis. Une ordonnance de Charles IX, de 156J , prescrit de mettre en réserve, pour les faire croître en futaies, le tiers des bois taillis dépendant du domaine. La même disposition fut étendue aux bois des gens de mainmorte, bénéficiers et communautés, tant ecclésias- tiques que laïques (2). Les officiers des maîtrises étaient chargés de veiller à l'exécution de cette ordonnance sous peine de privation de leur office. Douze ans plus tard, en lo73, soit qu'on eût trouvé cette mesure trop rigoureuse pour les propriétaires de bois, soit que le besoin de combustible et de matière première se fît plus fortement sentir, on réduisit au quart l'étendue des bois à réserver pour croître en futaies ; mais il fut en- joint de choisir ce quart dans l'endroit où le fonds se trou- verait le meilleur et le plus propre à la croissance des arbres. Telle est l'origine des quarts en rcsei^ve existant encore aujourd'hui dans les bois des communes et deséta- (1) On trouve dans les mémoires de Claude Haton (éd. Bourquelot, 1. 1, p. IG, 1857) écrits, au milieu du xvi" siècle, quelques indications cu- rieuses sur le prix du bois à Provins en 1555. On y voit notamment que le cent des meilleurs fagots valait de "25 ù 30 sous, et le cent des moyens de 18 à 20. Quatre années plus tard, en 1559, le cent des meilleurs fa- gots dits de houp])icr, de 3 pieds et demi de long et autant de grosseur. SG vendait de 30 à 35 sous ; le millier d'échalas de chêne valait 50 sous . la jjlanche do chêne d'une toise de long et d'un pied de large, 5 sous; la paire de roues d'orme, 25 sous, et de lièlre, 20 sous. On ]»eut consulter sur le prix du bois en Normandie au moyen âge, deRobillarlde Beaure- ])aire, ISolrs et dorxnnenls conccrnnnl l'îlnt des camjiaanes de la hauh Normandie dans les derniers temps du moyen âge, p. 263, 2G5. (Evrc-ux. 1865.) (2) Voy. VOrdonnancc de Louis XIV pour les eaux et forêts : Des boi> appartenant aux ecclésiastiques, art. II, p. 114, éd. 1673. CHAPITRE XXIX. 441 blissements publics (1). L'ordonnance de 1573 établit, par son article 4, que les bois taillis se couperaient de dix en dix ans, mais par dixièmes, de manière à avoir chaque année une vente ordinaire. Les ordonnances de 1539 et lo66, renouvelées en 1597, avaient établi que les ventes extraordinaires^ c'est-à-dire des bois de haute futaie, ne pouvaient être aliénées que dans des cas de grande néces- sité, par exemple pour l'apanage d'un fils de France. L'é- tablissement des gardes-marteaux par Henri III, en l'année 1583, assura l'exécution de ces mesures conservatoires; les arbres destinés à la réserve eurent leur marque cer- taine. L'institution de ces agents se rattache, au reste, aux changements qui ne cessèrent de s'opérer dans la distri- bution des officiers des eaux et forêts depuis François P"" jusqu'à la fin du xvf siècle. Le règlement de février 1554 avait créé en titre d'office toutes les charges des eaux et forêts et supprimé les commissions précédemment données. L'article 2 établit dans chacun des palais des par- lements de Toulouse, Bordeaux, Dijon, Provence, Dau- phiné et Bretagne, un siège de grand maître et réforma- teur général des eaux et forêts. Chacun de ces sièges devait être occupé par un lieutenant avec quatre conseillers ou avocats et un procureur du roi. La Table de marbre de Rouen, créée en 1508, fut augmentée de quatre conseillers. Henri III supprima, en 1575, l'office unique de grand maître enquêteur et réformateur général, pour le partager entre six personnes. Les six offices ainsi créés subsistè- rent, malgré leur suppression nominale en 1579, et furent même rendus alternatifs, en 1586, ce qui porta leur nom- bre à douze. Par ces créations de nouveaux offices, on se (1) C'osl ce qu'observe M. Meaume dans son IntroducUoji au droii forestier. 442 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. proposait plutôt de faire de l'argent que d'arriver à une meilleure administration des forêts. Si même on crut aussi atteindre ce dernier but, on alla droit à l'encontre. La plupart des nouveaux officiers ayant acheté cher leur charge, s'indemnisèrent par le pillage; ce qui donna lieu à de nombreuses réclamations. Les heureuses réformes introduites par Charles IX res- tèrent ainsi sans effet. Les guerres de religion, les discordes civiles, frappèrent de stérilité la belle législation de Fran- çois I". Les abus reprirent comme par le passé. L'État, dont les finances étaient obérées, concédait facilement dans les forêts des droits d'usage, parce que ces concessions étaient un moyen d'accroître sqs ressources pécuniaires; aussi, quand Henri IV monta sur le trône, le désordre était-il arrivé à son comble (1). (d) Les arbres furent abattus, dans les temps de guerres civiles, par les mêmes motifs qu'ils avaient été détruits lors de l'établissement de la domination romaine : « Asseientium quod ex multitudine salicum et » aliarum diversarum arborum... locus predictus est adeo absconditus et » cohopertus quod hostes qui presentem patriam et alias circumvicinas » discurrunl et discurrere et equilare nituntur, inter dictas arbores abs- » condi possunt et se plures abscondere ceperunt de die et de nocte, etc. » est-il dit, à propos des habitants de Lates, près Montpellier, dans la permission que leur donne, en 13G3, le maréchal d'Audenehan, de cou- per les arbres qui couvraient les chemins. (Voy. Ménard, Histoire de Kismes. preuves, t. II, p. 271.) Les bois servaient constamment de re- traite aux partisans dans les guerres civiles. Divers mots français rap- pellent encore, par leur étymologie, le rôle qu'ils jouaient alors; tels sont les mots, embusque!', débusquer, embûche, où entre le radical fcu.sc, bois. (Voy. L. Delatre, La langue française dans ses rapports avec le samcrit, p. 1C9 et ce qui a été dit p. 428. j CHAPITRE XXIX. 443 CHAPITRE XXX. INÉGALITÉ DANS LA MARCHE DU DÉBOISEMENT EN FRANCE. — EFFET DU DÉBOISEMENT SUR LE RÉGIME DES EAUX ET SUR LE SOL; — PLAINTES A CE SUJET. COUP d'œIL RÉTROSPECTIF SUR LE RÉGIME DES EAUX AU MOYEN AGE. Ce qui a été dit dans les pages précédentes montre que, du xYi'' siècle au xvin% la dévastation des forêts marcha avec une extrême rapidité. La terre prenant chaque jour plus de valeur par l'accroissement de la population , le profit qu'on avait à la mettre en culture augmentait. Les seigneurs voyant qu'ils pouvaient retirer des sols cultivés en céréales de plus fortes redevances que des sols boisés, prêtaient eux-mêmes les mains à la destruction des forêts. Gollut se plaint de ce qu'ils « font raser leurs bois, par trop grande cupidité, pour avoir des subjets ou des cens, ou fournir leurs forges à fer (1). )) Durant les siècles antérieurs, le ramage, lepanage et la glandée, donnaient un prix particulier aux terrains plan- tés de bois; mais, plus tard, les procédés d'élève des bes- tiaux changèrent, on nourrit moins de porcs, et la glandée fut de moindre profit. On préféra les prairies ouvertes aux forêts, qui avaient l'inconvénient d'entretenir dans le voi- sinage un froid dont la cherté croissante du bois rendait plus difficile de se garantir. L'industrie métallurgique se développait et devenait une autre cause de déboisement, car une quantité croissante de bois était nécessitée pour (1) Mémoires liistorifjucs de la république Séquanoise^ p. 84. Les forges et les verreries l'uront les premières usines établies à la naissance (les arts industriels. 444 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. i alimenter les usines. Des forges, qui s'établirent de bonne! heure dans les forêts des pays riches en fer (1), ont été pour celles-ci une des causes les plus actives de destrifction.; La législation ne prit pas malheureusement en France, : comme elle l'a fait en Suède depuis une époque fort an-! cienne(2), le soin de lier par un système solidaire de con-j servation, la propriété forestière et l'industrie des mines 1 et des usines métallurgiques. | En Bourgogne et dans le Nivernais, les forges à bras da- 1 tent d'un âge reculé. De ces forges existaient très-ancien- nement au voisinage de la belle forêt de Narcy, dans le canton de La Charité ; ainsi que cela est attesté par les nombreux dépôts de laitiers qu'on rencontre dans les communes de Narcy et de Marlin, dépôts qui sont deve- nus par leur décomposition très-propres à la culture (3). (1) C'est ce qui a eu lieu notamment en Alsace dans les forêts du Bienwald et de Haguenau. Ces forêts s'élèvent surunsable marécageux-, le minerai de fer, précipité par les eaux dont le sol est arrosé, s'infiltre graduellement dans les sables ; il se réunit à l'oxyde de fer qui y a été amené de la même manière, et contribue à la formation de concrétions ferrugineuses, qui ont été exploitées à l'aide du bois qui pousse sur les lieux. (Voy. le mémoire de M. Daubrée, dans les Annales des mines, 4« série, t. X, p. 45 etsuiv.) (2) Cette législation conservatrice a créé ce qu'on nomme les Bergslags, c'est-à-dire des circonscriptions tracées autour des grands gîtes minéraux de la Suède. On a compris, en général, dans chacune d'elles toutes les forêts dont les produits peuvent servir à l'exploitation d'un groupe de gîtes et au traitement métallurgique de leurs minerais. (Voy. sur les Brrgslags, F. Le Play, Les ouvriers de l Europe, y>- 97. Paris, Impri- merie impér.) En d'autres contrées de l'Europe, comme en certains lieux des Alpes et de la Carinthie, des conventions entre les propriétaires de forges produisent ù peu près le même effet. (Voy. Le Play, onr. eil. p. 1 32.) (3) Voy. Née de la Rochelle, Mémoires pour servir à l'histoire du dé- parlemenl de la Nièvre, t. I, p. 355, 356. Cette forêt est mentionnée dans l'histoire du Nivernais ù une époque déjà reculée. Elle appartenait, ainsi que celle de la Bertrange, à Ermcngarde, femme de Hugues Dulys; la plus grande partie de l'une et l'autre fut donnée, en ll'Zl, aux religieux de La Charité qui possédaient aussi la forêt d'Artonne, dont Marguerite do Fontenay, dame de Champlemy, leur avait fait donation. CHAPITRE XXX. 445 Ou a vu par ce qui a été dit plus haut, que presque par- tout en France, au xvi® siècle, les usagers à divers titres ,se multiplièrent, que bon nombre abusèrent de leurs droits. La mauvaise constitution du régime de la propriété contribuait encore à ce fâcheux état de choses. On avait sans doute édicté, sous François P"", des peines sévères contre les délits dont les usagers se rendaient coupables; mais ces peines étaient éludées, à raison même de leur rigueur. Les lois répressives demeuraient inefficaces, et les provinces où il eût le plus importé qu'elles fussent appliquées^ étaient précisément celles où elles l'étaient le moins. Au contraire, en Franche-Comté, en Lorraine et en Alsace, où le régime forestier était plus doux, les forêts eurent moins à souffrir des déprédations (1). Ces diverses circonstances expliquent pourquoi la des- truction des forêts ne marcha point, dans toute la France, du même pas. Au nord, les forêts restèrent plus longtemps environnées du respect des populations. Au midi, au con- traire, le besoin de pâturages fît déclarer aux arbres une guerre acharnée (2). Dans les Basses-Alpes, le déboisement a été directement contre le but que l'on voulait atteindre. Les pâturages n'ont pas lardé à être entièrement détruits par les torrents que la disparition des arbres avait fait grossir, comme l'a observé un habile administrateur, M. Dugied (3). (1) Yoy. le mémoire de M. Noirot, dans les Annales foreslières, t. IV, p. 199 et suiv. (2) C'est l'usage de la Mesta qui a amené en Espagne la destruction de presque toutes les forêts, et qui tend à faire disparaître celles de l'Amé- rique du Sud.L"oisif colon espagnol préfère le soin facile des bestiaux à la culture pénible des terres, et conduit par son aphorisme favori : Crianza quita Idbrunza (l'élève des bestiaux dispense de toute autre occupation), il incendie les forêts vierges et prive ses descendants de ce qui eût fait leur richesse. (3) Dugied, Projet de reboisemenl des Basses-Alpes. 446 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. MU Dans les forêts des Pyrénées, on comptait encore, au xvii^ siècle, les sapins par centaines de mille, et il a fallu toute l'énergie de la végétation du sol pour résister quel- que peu à la fureur destructive des habitants (i). A ces causes, qui établissent, sous le rapport des vicissi- tudes forestières, une distinction marquée entre les pro- vinces du midi et celles du nord, il faut en joindre une autre. Les provinces méridionales n'ayantjamaisreconnula maxime: «NuUeterre sans seigneur; » les nobles nepurent, i dans cette partie de la France, envahir, comme ils le firent dans le nord, les communaux, sous prétexte qu'ils étaient sans propriétaires, et convertir en forêts destinées à leurs plaisirs les biens qui servaient aux usages communs des habitants. Dans l'est de la France, l'emploi des coupes som- bres ou système allemand fit conserver les grands arbres, à l'ombre desquels on plantait, et dont les rameaux rap- prochés protégeaient les jeunes plants délicats. Dans le midi, au contraire, la prédominance des coupes blanches, des défrichements à blanc estoc, anéantit les baliveaux ré- générateurs des forets. Les réserves, trop vite éclaircies, finirent par disparaître, et le sous-bois ne rencontrant plus l'abri nécessaire, le sol se dépouilla complètement. Enfin, (1) Ainsi qu'il a été observé p. 393, les forêts des Pyrénées paraissent avoir été mieux respectées du côté de l'Espagne que du côté de la France; de celui-ci, elles ont perdu, par les incendies, les défrichements, les abus de pâturages et le pillage, dans l'espace de cent quai'anle ans, les deux tiers de leur contenance. Si elles continuaient, écrivait un ins- pecteur forestier, M. Dralet, à être livrées ù la dévastation, dans cent vingt ans, il n'en existerait plus. Depuis que ces réflexions ont été publiées, des bandes de pillards ont, à la suite de la révolution de février 1848, (le nouveau porté la destruction dans les faibles restes de ces magnifi- ques forêts. En certains cantons des Basses-Pyrénées, l'on a tant défri- ché, tant extirpé, tant incendié et dilapidé, que les communes ne trou- vent même plus le combustible ligneux le plus indisi)ensabte, le simple nécessaire. Quantité de hameaux ont été abandonnés par les habitants, faute de bois. D'autres villages sont obligés de l'aller chercher dans les forêts éloignées, et jusqu'en Espagne. CHAPITRE XXX. 447 une dernière cause qui hâta, dans le midi, la dévastation des forêts, c'est que l'usage des constructions en bois s'y continua plus longtemps qu'au nord et au centre de la France, où la pierre calcaire abondait (l).Danslescontrées de sol granitique, de landes et d'alluvions, la rareté des pierres à bâtir nécessitait l'usage du bois et faisait abattre un grand nombre d'arbres. Ainsi, dans le Bordelais, pres- que toutes les maisons étaient en bois ou en torchis, comme les habitations des anciens Gaulois (2), et du mortier ne réunissait pas même les poutres. Les fenêtres et les portes étaient pratiquées à coups de hache dans les murs formés de solives superposées (3). La destruction des forêts a exercé en France, comme ailleurs, une influence notable sur le régimedes eaux. Pour les rivières qui, comme le Mississipi, en Amérique (4), pren- nent leur source dans des forêts, dans des cantons fort boisés, conséquemment là où le sol humide amasse lente- ment les réservoirs qui les alimentent (5), le volume moyen (1) On continua longlemps, cependant, dans certaines villes du Nord, à construire les maisons en bois. A la fin du xiv* siècle, la ville de Gand n'offrait que des maisons de cette matière, plâtrées d'argile et cou- vertes en paille. (Diericx, Mém. sur Ga?id, t. II, p. 10.) A Rouen, les maisons en bois n'ont complètement disparu que dejouis trente ans en- viron. (Voy. Behlen, Lehrh. clev deuischen Forst-Geschichle, p. 35.) (2) CsRsar, de bell. GalL, Vil, "23. Yoy. ce que dit Vitruve desêBdificia des Gaulois. (3)* Jouannet, Slcdisliq. de la Gironde, t. I, part, ii, p. 284. (4) Le lac Ilasca, où le Mississipi prend sa source, est entouré de hau- teurs couvertes de conifères et dites haideurs des terres; ces hautq^irs, où se tamise l'eau des pluies qui alimente le lac, s'étendent à une grande dislance et jjrésentent i)lusieurs branches dont la principale est dite Coteau du fjrand bois. Voy. Nicollct, Beporl on the hydrographical ba- sin of the upper Mississij)i river., p. 238. (Washington, 1843, in-8.) (5) Nous citerons, comme étant de ce nombre, l'Aff qui prend sa source dans la forél de Paimponl (lile-et-Viiaine), la Brevonne qui prend la sienne dans la forêt d'Orient (Aube), l'Allier qui prend sa source dans la foret de Mercoire (Lozère), l'Huisne qui prend la sienne dans.la forêt de Bellesme (Orne), le Vrin qui sort de la forêt de Bontin (Yonne). 448 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. des eaux a diminué; en revanche, sur les montagnes dé- boisées, l'eau n'étant plus lentement tamisée, les torrents sont devenus plus impétueux et plus irréguliers. Il ne faut sans doute pas trop généraliser ce fait. Les forêts ne sont pas la source unique, ni même principale des rivières. Ainsi que l'a remarqué un ingénieur auquel on doit des recherches approfondies sur les inondations, M.Vallès, les sources qui se produisent aux environs des forêts sont gé- néralement d'un débit peu important; c'est aux sources profondes que les grands cours d'eau empruntent leur ali- mentation; et les sources résultent des infiltrations sou- terraines qui amènent les eaux pluviales tombées sur une vaste surface en un point où l'inclinaison et l'imperméa- bilité d'une couche géologique les oblige à se créer une issue (1). Cette réserve faite, on doit admettre, avec Alex, de Humboldt, que l'absence de sources permanentes, la destruction des forêts et l'existence des déserts sont trois phénomènes étroitement liés (2). Les anciens avaient déjà été frappés de l'influence des bois sur le régime des eaux (3). Le déboisement d'un canton a parfois suffi pour amener le dessèchement d'un torrent (4). Un grand nombre de ri- vières autrefois navigables ne le sont plus actuellement, à (1) Voy. à ce sujet dans la Revue contemporaine (30 avril 1866) l'article de M. E. Tisserand, sur la question des forêts, p. 599. (2) Voy. sur les effets du déboisement Revue britannique, 5' série, t. VJII, p. 391. — Boussingault, Mémoire sur Vinfuence des défriche- ments dans la diminution des cours d'eau, dans le tome LXIV des An- nalesde physique et de chimie (1837). — W. H. Parish, On tlie influence of forests on climate dans le Journal of the asiaiic society of Dengal, t. XVIII, p. 791 et suiv., enlin le curieux chapitre de l'ouvrage do Schacht, sur les arbres, intitulé . La forêt et sa vie, trad. Morron, p. 380 et suiv., et surtout le chapitre suivant intitulé: La forci el son vn- portance, p. 410 et suiv. (3) Pline, Hist. nat. XXXI, 4. (4) A. Surell, FAude sur les torrents des Hautes-Alpes, p. 134. CHAPITRE XXX. 449 cause de leurs bas-fonds. Ceux-ci sont déterminés par le sédiment qui se dépose dans leur lit et que les eaux ont charrié avec d'autant plus de facilité, que le sol était moins consolidé sur les rives par la végétation (i). Au temps des Romains, sur la partie la plus haute de la Durance, il existait une corporation de bateliers et de flot- teurs, tandis qu'aujourd'hui la pénurie des eaux s'oppose à ce que le flottage s'y puisse effectuer; c'est là un des effets du déboisement qui s'est principalement opéré sur la rive gauche de cette rivière torrentielle depuis Savines jusqu'à rUbaye (2). De semblables corporations de nautœ existaient aussi dans l'antiquité sur le Rhône, le Rhin, la Saône et la Seine. Il dut vraisemblablement y en avoir sur d'autres rivières de la Gaule, et elles subsistèrent jusqu'à l'établissement des barbares (3). Ces collèges de bateliers et de flotteurs ont eu leur part dans l'œuvre du déboisement, en facilitant et accélérant l'expédition des bois coupés, absolument comme depuis deux siècles, les (1) Surell, OUI', cil. p. 125, note 17. (2) Voy. Orelli, Inscription, latin, sélect., n°1993, 4077, 4243, 4244, 4245, 6950, 7007, 7254, 7256, 7257. Cf. dans le Messager des sciences historiques de Belgique, an. 1842, une notice de M. de Ring sur les Nau- tol du Rhin et ce que nous avons dit plus haut, p. 79. (3) « On voit dans les Gaules des corporations multipliées de bateliers pour transporter les marchandises et pour faciliter le passage des rivières. Une inscription, trouvée sous le chœur do Notre-Dame de Paris, parle des nantie Parisiaci. La notice des dignités de l'empire, le recueil des • historiens de Franco, par D. Bouquet, offrent la preuve qu'il existait de ces corporations pour la Seine, la Sambre, la Loire, la Saône, le Rhône, la Durance, etc., et que chacune avait un préfet ou patron. Toute cette organisation disparut pendant l'invasion des barbares et l'anarchie qui lui succéda. Mais on ne peut douter que, lorsque les voies de terre furent devenues impraticables, faute de police et d'entretien, les rivières présentant des chemins tout faits qui pouvaient à la rigueur se passer de la main des hommes, servirent au transport des matériaux, des produits du sol et des autres objets de première nécessité, dont le commerce ne peut être absolument anéanti, même dans l'état social le plus barbare. » (Vignon, Etudes historiques sur l'administration des voies publiques en France, t. I, p. 30.) 29 450 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. trains qui descendent l'Yonne et la Marne, dépeuplent les forêts du Morvand, de l'Auxcrrois et du Bassigny (1). La disparition des essences forestières dont étaient couvertes les chaînes de montagnes qui longent le Rhône, depuis Tournon jusqu'au delà de Bourg-Saint-Andéol, a gra- duellement grossi les torrents qui versent leurs eaux dans ce fleuve. Ceux-ci ont raviné les pentes des Gévennes, occasionné d'incessants éboulemenis, et, avec le temps, la terre qui garnissait le versant tourné vers le Rhône, a été précipitée dans son lit et charriée, par ses flots rapides, jusqu'à son embouchure, où elle élève les bords, môme le fond, et détermine la formation des canaux latéraux (2). Ces attérissements continuels ont apporté des modifica- tions sensibles dans le delta du Rhône ; ses bras se sont notablement restreints. C'est ainsi que Saint-Gilles, qui était, au xi" et au xii* siècle, un port important, ne peul plus actuellement recevoir de navires, qu'Aigues-Mortt n'offre plus, depuis plusieurs siècles, un chenal assez large pour donner accès à des vaisseaux tels que ceux qui ser- virent à l'embarquement de saint Louis, à l'époque des croisades (3). Si le déboisement exerça sur le régime des eaux une fâ- cheuse influence, le mauvais état de ce régime réagit à son tour sur la végétation ; il multiplia les étangs, les eaux stagnantes, et convertit en c'ontrées malsaines des lieux qui avaient été précédemment boisés. Le séjour des eaux amenait rapidement la destruction des arbres (4) et chas- (1) Voy. à ce sujet Deiaraaro, Traité delà Police, t. III, p. 475. (2) Elle de Beaumont, Leçons de (jéolocjie pratique, t. I, p. 373. (3) Ibid., p. 384. (4) Voy. ce que dit M. Isabeau de la forêt de Pont (Loire-Inférieure où depuis un siècle des centaines d'hectares de bois ont été détruii par l'accumulation des eaux stagnantes: Annales forestières, t. XII. p. no. f CHAPITRE XXX. 451 sait la végétation. Dans des intérêts de fiscalité, dans le but de multiplier les moulins ou de grossir les produits de la pêche, les seigneurs retenaient les eaux par des per- tuis ou des barrages, plantaient au milieu des rivières des pieux, ou y élevaient des digues qui nuisaient à leur cours; et, afin de lever péage plus fréquemment, rapprochaient les écluses. Ces usurpations se rattachaient à toute une invasion d'abus de la ])uissance seigneuriale contre les- quels Richelieu et Golbert luttèrent plus tard énergique- ment(l). Au commencement du xvi'^ siècle, ces abus étaient arrivés au dernier degré, et ils furent, de la part des habi- tants, lésés dans leurs intérêts légitimes, l'objet de vives réclamations, auxquelles fit droit l'ordonnance du 29 mars 1515 (2). C'était surtout dans le nord de la France qu'une suite d'usurpations persévérantes avait donné aux sei- gneurs plus de facilité pour s'approprier les rivières. L'abondance des eaux fit dans le principe attacher peu d'importance au détournement ou à l'obstruction de quel- ques cours d'eau. En certaines provinces même, toute li- berté était accordée aux justiciers d'établir des étangs et de retenir les eaux des rivières. Ailleurs, on allait plus loin. D'après les coutumes de Tours, du Maine, de l'Anjou, du Perche (3), le seigneur bas-justicier pouvait, à sa conve- nance, établir moulins et barrer les rivières. Cette faculté abusive laissée aux seigneurs portait la désolation dans les propriétés riveraines, sans cesse exposées à être sub- mergées. Dans le Vendômois et le Blésois, on constate en- core aujourd'hui les conséquences de ce déplorable sys- tème. Des étangs occupent l'emplacement sur lequel (1) Voy. à ce sujet J. Caillet, U administration en France, sous le ministère du cardinal de Richelieu, 2e édit., t. II, p. 11 et suiv. H. Do- niol, Histoire des classes rurales en France, 2" édit., p. 404 et suiv. (2) Fontanon, t. II, p. 622. Isambcrt, necueil, t. XII, p. 43. (3) Voy. Saint-Yon. ]). 444, 448. 452 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'ANCIENNE FRANCE. j s'élevaient jadis des villages (1). La multiplicité de ces abus éveilla pourtant la sollicitude des villes. Les cou- tumes de Montargis et de Blois renferment des dispositions destinées à empêcher qu'en retenant l'eau des moulins, on » ne submerge les terres d'autrui (2). On mit certaines res- trictions aux privilèges qui tout d'abord avaient été in- considérément concédés aux nobles (3). Dans certaines coutumes, le droit d'établir un moulin à étang ne peut être accordé à tout autre que celui auquel il appartient, sans un congé exprès du seigneur (4). La coutume de Norman- die dénote plus de prévoyance encore, et l'on reconnaît aux mesures qu'elle prescrit, un pays où l'agriculture, à ■ raison même de ses progrès, attirait davantage la sollici- tude de l'autorité. Cette coutume défend formellement do retenir les eaux des rivières pour en faire des étangs (5). En revanche, d'autres coutumes, celle du Nivernais par exem- ple, accuse à cet égard une négligence complète, et dé- clare qu'il est loisible à chacun de faire étang dans son domaine et d'y asseoir bonde ou pilon (6;. Dans le midi de la France, le régime des eaux était beaucoup plus avancé. Les traditions de l'administration romaine, si vigilante à ce sujet, comme le montre le cé- lèbre traité de Frontin sur les aqueducs, ne s'étaient pas complètement perdues. Aussi tandis que dans les pro- \inces de droit coutumier, tout était livré, en matière do régime des eaux, à l'arbitraire du seigneur, qui se mon- (1) Je dois la connaissance de ce fait à feu mon confrère J. de Pé- tigny. (2) Saint-Yon, p. 444. (3) Le principe que le droit d'établir moulin ot étang appartient exclu- sivement au seigneur, est posé par la coutume de Bretagne. (4) C'est ce qui est formellement dit dans la Coutume de La Ferté-Im- baut (c. V, art. 10). (5) Saint-Yon, p. 452. (0) Saint-Yon, y. 449. CHAPITRE XXX. 453 trait moins préoccupé des intérêts de la navigation et de la culture, que de se créer des fiefs productifs, dans la partie du royaume qui gardait le droit romain, le prin- cipe de cette législation « aqua publica nullo modo reti- neri potest, » continua à être en vigueur. D'ailleurs la nécessité des canaux d'irrigation pour l'agriculture, dans un pays où le sol est plus sec et la température plus chaude, avait appris à régler de bonne heure l'usage des eaux. L'établissement d'un grand nombre de canaux par les Visigoths et les Arabes, canaux qu'alimentaient des torrents (1), obligeait à veiller plus attentivement à ce que rien n'arrêtât ou ne diminuât, dans leur volume, les eaux destinées à fertiliser les champs. On peut citer divers can- tons de la France comme ayant subi, sur une assez vaste échelle, la fâcheuse influence de cette extension démesurée des étangs et du barrage inconsidéré des cours d'eau. Dans la Brenne, jadis couverte de forêts, des étangs pri- rent la place des arbres, et les poissons celle du gibier. Cette révolution, opérée surtout à la fin du xv® et au mi- lieu du xvi" siècle, se continua dans le siècle suivant. La multiplication des eaux stagnantes finit par être portée à un tel pomt, qu'en 1714 la seule terre du Bouchet, en Brenne, comptait trois cent neuf étangs (2). La Dombes, naguère pays riche et peuplé^ fut aussi, à partir du xv" siècle, si encombrée d'étangs que des vil- lages entiers disparurent. L'insalubrité chassa ceux des habitants qui n'avaient point été déjà expulsés par l'in- vasion des eaux. La pêche devint presque l'unique res^ (1) Tels sont le canal d'Alaric, qui est dérivé de la rive droite de l'A- dour, ceux du Yernet, d'Els, Molis, dans les Pyrénées-Orientales, etc. (2) Piganiol de la Force, Descript. de la France, t. XIII, Cf. Raynal, Hisl. du Berry, t. I, p. xii. Ces marais abondent surtout dans la partie de la Brenne qui reçoit le surnom de Désolée, laquelle s'étend entre Nou- ziers et Vendœuvre. 454 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. source du pays. Tous les cliamps qui présentaient quel- que humidité naturelle furent graduellement transformés en étangs. Lorsqu'on parcourt la Bombes, on est surpris du peu d'importance des villages, eu égard à l'étendue et à la grandeur de leurs églises(l). Cette circonstance prouve que la population a notablement diminué, et la cause en est à l'établissement des étangs. Les rois de France cherchèrent à porter remède à cette extension déplorable des eaux dormantes et à la multipli- cation fâcheuse des barrages et des mouhns. Dans le man- dement déclaratif de l'édit de 1544, sur la réformation des eaux et forêts en Bretagne (2), on ordonne la destruction des écluses qui arrêtent l'écoulement des eaux et la navi- gation. L'ordonnance de Charles IX, de 1570, interdit les écluses, pêcheries, nasseries, moulins, plantations d'ar- bres, de paux et de pieux, et autres choses étant dans les rivières et les fleuves, qui empêchent leur navigation (3). Ces défenses soulevèrent beaucoup de réclamations. En diverses provinces, dans le Midi surtout, les intérêts des propriétaires se coalisèrent pour faire obstacle aux plans de Colbert qui s'efforçait d'augmenter le nombre des ri- vières navigal)les et flottables (4). Dans l'ouest, les inter- dictions ne semblent pas avoir eu grand efiet, puisque l'abus s'était perpétué jusqu'au commencement de la ré- volution française. Il faut le dire aussi, l'arrêt des eaux (1) Ainsi, les églises de Versailleux, Marlieiix, Saint-Paul, Houli- gneux, le Montellier, contiendraient une population triple do celle qui se trouve aujourd'hui dans ces localités. (Voy. Becquerel, Des climats el cU l'influence qiCexercenl les sols boisés et non boisés, p. 277.) (2) Fontanon, t. II, p. 268. (3) Fontanon, t. II, p. 421. (4) Voy. à ce sujet la Correspondance administrative sous le règne de Louis X/V publ. par Dcpping, passim et notamment T. 111. p. 70'j, T. IV, ]). 75, el Vignon. Etudes historiques sur l'administration des voies publiques en France. T. L p. 97 et suiv. I CHAPITRE XXX. 455 avait parfois son avantage ; il produisait une sorte de col- matage; car le limon charrié par la rivière était forcé de se déposer, quand les eaux étaient retenues, et le sol ga- gnait alors en fertilité. C'est ce qui s'est produit surtout dans le midi de la France; l'établissement du barrage ne s'y faisait plus dans l'intérêt tout personnel du seigneur, c'était un avantage concédé à tous les agriculteurs. Les statuts des comtes de Provence et de Forcalquier per- mettent « à chacun, ayant droit et faculté de moulin et engin, de conduire les eaux, faire fosse, levée et écluse par les propriétés de ses voisins, là où il lui sera conve- nable, moyennant indemnité (!). » Les chartes de la Pro- vence et du Languedoc nous fournissent des exemples de transactions qui intervenaient entre les usagers dans le but d'assurer aux terres de chacun l'irrigation et le col- matage. Telle est la transaction passée, en 1204, entre les usagers des eaux de Vaucluse, et qui réglait le partage et la proportion dans laquelle chacun devait subvenir à l'entretien et aux réparations (2). Telle est encore la coa- cession faite, en 1235, par Tévéque de Cavaillon, aux habi- tants de cette ville, de se servir des eaux de la Durance qui étaient dérivées par le canal Saint-Julien (3). L'établissement des étangs et le mauvais régime des eaux conspirèrent donc avec les dévastations des forêts pour amener le déboisement de notre patrie. Le danger était déjà visible au xvi" siècle, pour des yeux clair- voyants, puisque Bernard Palissy écrivait, dans son style naïf : « Et quand je considère la valeur des plus moindres gittes des arbres ou espèces, je suis tout émer- (1) Saint Yon.p. 449. (2) Nadault de BulTon, Traite lliéoriquc et prcdique des irrigations, t. I, p. 163. (3) Ibid. p. 177. 4o6 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. veillé de la grande ignorance des hommes, lesquels il semble qu'aujourd'hui ils ne s'estudient qu'à rompre, couper et déchirer les belles forêts que leurs prédéces- seurs avaient si précieusement gardées. Je ne trouveray pas mauvais qu'ils coupassent les forests, pourvu qu'ils en plantassent après quelque partie ; mais ils ne se sou- cient nullement du temps à venir, ne considérant point le grand dommage qu'ils font à leurs enfants à l'advenir. Je ne pu ys assez détester une telle chose et ne la puys appeler faute, mais une malédiction et un malheur à toute la France, parce qu'après que tous les bois seront coupez il faut que tous les arts cessent, et que les artizans s'en aillent paistre l'herbe, comme fit Nabuehodonosor (1). » Sous Henri IV et sous Louis XIII, on commença pourtant à s'occuper du dessèchement des étangs, en vue de rendre à la culture des terres en grande partie improductives (2), et les champs remplacèrent sur divers points les eaux stagnantes qui avaient auparavant pris la place des arbres. (1) Recepl vériluble pour multiplier les thrésors dans les OEuvres de n. Palissy. éd. Cap, p. 88, 89. (2) Voy. à ce sujet J. Caillet, rAdminislraiion en France sousle mi- nistère du cardinal de Richelieu. 2*édit.. t. Il, p. 12. CHAPITRE XXXI. 457 CHAPITRE XXXI. LÉGISLATION FORESTIÈRE SOUS HENRI IV ET LOUIS XIV. ABOLITION HE l'ancienne LÉGISLATION FORESTIÈRE A LA RÉVOLUTION FRANÇAISE. Lexvir siècle fut, pour les forets de la France, une ère de réparation. Sully était aussi occupé que Bernard Pa- lissy du danger que faisait courir au pays leur disparition, alors qu'il annonçait que la France périrait faute de bois. Henri IV, qui subissait l'influence des idées de son mi- nistre et en concevait lui-même souvent de plus élevées et de plus étendues, comprit l'insuffisance des mesures jus- qu'alors adoptées; et par une réglementation plus sévère, plus prévoyante, il s'efforça sur ce point, comme sur bien d'autres, de cicatriser les plaies faites par les guerres civiles. On peut dire que, pendant plus d'un quart de siècle, les forêts avaient été livrées à la dévastation et au pillage. Les unes avaient été incendiées par les parti- sans; dans les autres, on avait inconsidérément et au dé- triment des futaies et des taillis les plus nécessaires à conserver, ouvert des chemins et des sentiers qui devin- rent à leur tour le point de départ de nouveaux abattis (1). Le besoin d'argent avait multiplié les ventes, et beaucoup avaient été opérées dans les forêts domaniales au préju- dice du trésor royal. A la faveur de ce désordre, les usagers usurpèrent des droits nouveaux. En un mot, les mêmes motifs qui appelaient, plus d'un demi-siècle aupara- (1) "Voy. ce qui est dit, dans le règlement de Chàtellerault, du 1"' dé- cembre 1601, pour les forêts de Chizé et d'Aulnay . «Aussi tantà cause (les guerres que du grand désordre qu'il y a eu par ci-devant es dites fo- rests, chacun s'élant licencié de faire des chemins et sentiers nouveaux partout OÙ hon leur a semblé, elc.« Saint- Yon, p. 1112. 458 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. vant, la sollicitude de François 1" pour la conservation des forêts, se représentaient avec plus de force que jamais. L'administration était à régénérer et des mesures conser- vatrices devaient être prises avec vigueur. Un édit, donné à Rouen par Henri IV, interdit toute coupe extraordinaire et révoqua les droits d'usage, con- cédés à titre gratuit depuis François I", prescrivant en même temps la révision et le rachat des droits con€édé> i titre onéreux. En tête de l'édit de Rouen se trouvent ces paroles remarquables : « Considérant que les grands dégâts et ruines des fon i - de notre royaume, tant de celles de notre domaine et au- tres baillées en douaire^, usufruit et engagement, que de celles des ecclésiastiques, commanderies et communautés, procèdent principalement des ventes extraordinaires qui se font contre les règlements et ordonnances de nos pré- décesseurs et de nous; du grand et excessif nombre d'offi- ciers, grands et petits, qui prennent gages et taxations, chauffage et autres droits es dites forêts, que de l'extrême quantité d'usages et chauffages qu'il y a en icelles, et des délits, abus et malversations qui s'y commettent ; et dé- sirant, à l'exemple des rois nos prédécesseurs, Philippe et Charles, très-amateurs de forêts, remédier à la ruine évi- dente de nos dites forêts et conserver ce qui y este et les traverses d'aucuns de nos dits officiers ayant causé une licence si effrénée à tous débordements es dites forêts qu'il semble qu'on en ait conjuré l'entière ruine et dépopula- tion... ne pouvant plus tolérer ni laisser aller le mal plu? longtemps..., etc. » Les charges d'officiers des eaux et forêts, créées depuis la mort de Charles IX, furent supprimées, afin de rendre l'unité à la direction. Mais, à cette époque, la vénalité des offices opposait de graves obstacles aux réformes adminis- CHAPITRE XXXI. 459 Iratives. On se heurtait sans cesse contre le droit de pro- ipriété, qui était regardé comme sacré. L'édit de Rouen dut garantir aux possesseurs des offices supprimés le remboursement de la somme qu'ils avaient payée pour se les faire conférer; toutefois l'état des finances ne permit le remboursement que des deux grandes maîtrises de l'Ile- de-France et de Normandie. Quoique on n'eût pas toujours iautant de respect pour la possession du droit d'usage dans les forêts, on craignait cependant d'y porter atteinte, quand il appartenait à des nobles, à l'Église, et on n'avait pas encore imaginé^, en vue d'affranchir de ce droit les forêts de la couronne, de recourir au cantonnement, comme le fit le code forestier (tit. 3, art. 63). La même année, 1597, qui venait d'être inaugurée par l'édit de Rouen, vit paraître un règlement général des eaux et forêts, oîi sont contenues un grand nombre de dispositions sur les officiers, sur les coupes et les ventes ordinaires. L'article premier est ainsi conçu : « Voulons que sur l'avis qui nous en sera donné par nos officiers es sièges des tables de marbre, être par eux commis et pris arpenteurs jurés pour faire borner de hautes et apparentes bornes le circuit et reins desdites forêts et par peintres être faites cartes et figures desdites forêts, oîi seront dénotées lesdites bornes. » La mention d'arpenteurs des forêts n'est point ici nou- velle. La nécessité d'évaluer rigoureusement leur conte- nance et d'établir l'assiette des coupes, avait déjà obligé de recourir à des arpenteurs ; mais leurs plans ou cartes étaient fort grossiers. Il y eut longtemps, en titre d'office, un grand arpenteur ordinaire, pour arpenter tous bois, buissons, forêts, garennes, terres, eaux, îles, pàtis, com- munes, prés, ventes, asseoir bornes, faire partages et di- visions, et rapports de toutes choses, circonstances et dé- 460 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. peiidances desdites mesures, soit qu'elles fussent du do- mai ne du roi ou des princes, potentats, gens d'église, com- munautés, seigneurs et autres sujets du royaume (1). Henri II avait porté à six le nombre des arpenteurs placés sous la direction du grand arpenteur et mesureur général du pays. En juin 1575, Henri III arrêta pour chaque juri- diction le chiffre de quatre arpenteurs-mesureurs et pri- seurs-jurés. Le personnel du cadastre forestier ne se trouva donc pas, sous Henri IV, en rapport avec l'étendue des travaux qui leur étaient imposés. Aussi son projet de faire exécuter la topographie complète de nos forêts ne reçut-il qu'une exécution très-imparfaite. Déjà, en 1571, la formation d'un terrier des eaux et forêts avait été inu- tilement décrétée. C'était à Louis XIV qu'il était réservé de reconstituer sur des bases meilleures la propriété forestière dans notre pays. L'ordonnance d'août 1669, qui est à elle seule tout un code forestier, demeurera un des plus beaux monu- ments législatifs de son règne. Le préambule de cette or- donnance nous apprend que le désordre qui s'était glissé dans les eaux et forêts du royaume, était si universel, si invétéré que le remède semblait presque impossible. Aussi Louis XIV ne négligea-t-il aucunsoinpour arriver à guérir tant de plaies; il se fit représenter les ordonnances de ses prédécesseurs, qui s'étaient plaints à diverses épo- ques de la désolation et de la ruine des forêts ; il fit exa- miner dans son conseil les procès-verbaux de vingt et un commissaires qui avaient été envoyés dans les provinces, et qui, durant huit ans, en avaient visité les forêts (2). (1) Yoy. P. Neol Duval, siourde laLissandrière, Traité universel des eaux et forêts de France, Paris, 1G99. (2) Voy. Conférence de l'ordonnance de Louis XI V du mois d'août 1669 sur le fait des eaux et forêts, Nouvelle édition. Préface (Paris, 1752, t. Ij. CHAPITRE XXXI. 461 Cotte idée avait été suggérée à Louis XIV par Colbert, qu'on peut regarder comme le véritable promoteur de l'ordonnance d'août 1669. Golbert, frappé comme Sully de l'importance de la surveillance des forêts et de leur bon aménagement, en même temps qu'il prenait des mesures générales, apportait dans le détail de l'administration des soins tout particuliers pour arrêter le déboisement. On trouve dans la CoiTesjJondance administrative sous Louis A'/r, des instructions précises adressées par lui à ' Froidour, qui avait été chargé de la réformation des forêts dans les Pyrénées (1). Golbert voulait aussi qu'on lui si- gnalât les forêts dont l'État pouvait utilement faire l'ac- I quisition. C'est ce qui ressort d'une lettre qui lui est i adressée par Colbert de Terron, où celui-ci appelle son attention sur l'utilité qu'il y aurait à faire acheter par le roi la forêt du Faou, en Basse-Bretagne, forêt toute peu- plée de chênes et qui avait alors une lieue de long sur en- viron trois quarts de lieue de large, et qui, comme il a été dit plus haut, devait offrir antérieurement une plus vaste étendue. La forêt du Faou était, il y a deux siècles, la seule qui existât dans les environs de Châleaulin ; car la plus grande partie des bois qui avoisinaient Brest, avaient été coupés depuis peu pour les besoins de la marine (2). Les progrès de toute nature faits par le commerce et l'in- dustrie, l'accroissement de la population avaient doublé, triplé la consommation du bois, et le développement pro- digieux que Louis XIV donnait à ses flottes, en rendait le besoin plus impérieux. (1) Voy. Correspondance adminislralive sous Lotus XIV, recueillie et mise en ordre par G.-B. Dopping, t. IV, p. 75. (2) Ibid., t. IV, p. 13. Le nom de plusieurs localités des environs de Brest, rappelle encore la présence de forêts qui ont disparu-, on peut citer notamment l'endroit api)elé La Forest, non loin de Landerneau. (Voy. au reste ce qui a été dit au sujet des forêts de la Bretagne, p. 341.) 462 LES FORÊTS DE LA. GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. L'ordonnance de Louis XIV introduisit dans la législa- tion forestière la même unité que ce souverain s'attachait à faire régner dans toute l'organisation du royaume ; elle mit un terme aux aliénations du domaine, objet de vives réclamations aux états de 1614. Je viens de remar- quer que le désordre était arrivé à son comble dans cette branche de l'administration. « Depuis que nous avons pris nous-même la conduite et direction de nos princi- pales affaires de finances, dit le monarque dans son édit du 1" mars 1663, nous n'en avons trouvé aucune où les désordres du temps passé nous aient paru plus considé- rables que dans l'état des forêts à nous appartenant. >> Dans l'exposé des motifs qui avaient nécessité la réforma- tion des forêts de Champagne, on lit ce passage caracté- ristique : « Et parce que le mauvais état des forêts tant du domaine royal, que des ecclésiastiques et commu- nautés, a principalement été causé par là mauvaise admi- nistration des grands maîtres et des officiers es maîtrises particulières qui, non contents de les dégrader eux-mê- mes par des coupes forcées et par l'emploi de leurs plus beaux arbres à leurs maisons et bâtiments, ont traité avec les riverains, usagers, rentiers, liénéficiers, syndics et principaux habitants des lieux, pour permettre et souffrir les abus, moyennant sommes notables et pensions an- nuelles, qu'ils ont exigées par composition, outre les droits inclus, exorbitants, qui ont souvent absorbé le prix des ventes et l'application des amendes à leur profit par- ticulier, en sorte que ceux qui étaient prépesés pour la garde et la conservation des forêts ont été les véritables auteurs de la ruine où elles se trouvent (1). » Le régime forestier sortit du chaos dans lequel il était (1) Voy. Réformaliondcs forctsde Champa(jne,ïnzs. Bibl. impr. foiKlf fr. n° 16686, f. 14. CHAPITRE XXXI. 463 plongé. Un système à peu près uniforme d'aménagement et de pénalité fut adopté pour toutes les provinces. L'or- donnance de 1669 prescrivit la constatation rigoureuse de la contenance et de la superficie des principales lorêts; elle détermina leur mode de conservation et d'a- inénagement, ainsi que les précautions et les formalités relatives aux coupes et à la vente de leurs produits. Les règlements de 1561, 1573 et 1579 avaient pour but d'empêcher l'exploitation trop précoce du sous-bois et de faire établir des réserves en bois de fortes dimensions. Dans ces ordonnances, il était prescrit de mettre en dé- fends certaines parties des forêts pour la production des arbres de gros brin, et il était interdit d'exploiter en taillis les peuplements ainsi réservés. L'ordonnance de 1669 fut plus explicite; elle défendit d'exploiter des taillis âgés de moins de 25 ans, limite inférieure qui fut même fixée à 35 pour les forêts dont la superficie dépasserait 50 arpents et dont le bois pouvait être livré à la consom- mation de Paris (1). On enjoignit aussi de laisser des ba- liveaux en nombre déterminé dans les cantons où se fe- raient des abattis, ces étalons servant à repeupler par le gland les parties dégarnies (2). La nouvelle législation s'appliquait non-seulement aux bois de l'État, elle devait aussi régir les bois des com- munautés et des établissements publics; elle reproduisit sur les bois des particuliers certaines dispositions des or- donnances antérieures : « Les règles qu'elle trace pour (1) Voy. Duhamel du Monceau, De r exploitation des bois, p. 139. (2) En Allemagne, il y avait un siècle qu'on avait déjà pris pareille mesure. En 1568, le duc Louis de Wurtemberg prescrivait la réserve d'un nombre suffisant de baliveaux, et en 1585, la célèbre ordonnance fo- restière de Mansfeld renouvelait les mêmes injonctions. Voy. l'analyse de la Théorie de l'aménagement des taillis sous futaie, parPfeil, dans les Annales forestières, t. XIII, p. 155. 4(54 LES FORÊTS DE LX GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. l'assiette, le balivage, le martelage et la vente des bois, les recolements, et, en général, les conditions de l'exploita- tion, écrit l'éminent jurisconsulte DujDin (1), sont digni de servir de modèle à l'administration du père de familli le plus éclairé sur ses intérêts particuliers. » Cette réforme administrative fut annoncée, dès 1667, par la réorganisation du personnel des eaux et forêts, la réduction du nombre des officiers en chaque maîtrise, la mise sous l'inspection d'un gruyer spécial, des forêts, qui par leur position écartée pouvaient échapper à la sur- veillance. Une réforme si radicale blessait trop d'intérêts privés, elle portait remède à trop d'abus dont profitaient des gens puissants, pour ne pas provoquer des résistances. Elle fut repoussée par quelques parlements, et notamment par le parlement de Paris, dont l'opposition intempestive et inintelligente s'est manifestée en tant d'occasions. Cette cour ne l'enregistra le 13 août, qu'en vertu de lettres de jussion, le roi séant à son lit de justice. Les usurpations auxquelles la nouvelle législation pro- mettait de mettre un terme, étaient si anciennes et devenues si tenaces, qu'elles se présentaient à beaucoup d'esprits, surtout aux intéressés, avec le caractère de vé- ritables droits ; les usagers, les seigneurs, propriétaires de bois se prétendaient injustement dépouillés. Dans beaucoup de coutumes avait passé une doctrine favorisant singulièrement les usurpations; elle admettait que la pos- session immémoriale en matière de servitude discontinue peut tenir lieu de titre. Les chartes de propriétés et le payement d'une redevance étaient placés sur la même ligne, en dépit de la règle : Ntdlc servitude sans titre. On comprend qu'il était facile, en l'absence de pièces écrites, (I) Lois forestières, p. 0. CHAPITRE XXXI. 465 et une foule de ces pièces avaient été détruites pendant les guerres (1), de prétendre à une longue possession. Les coutumes deChaumont (art. 102), de Nivernais (titre des Bois, chap. 9 et 10), de St-Miliiel (titre xiii, art. 9), de . Meaux (art. 76), d'Auxerre (art. 271), de Sens (art. 147), consacraient ainsi la substitution d'une jouissance immé- moriale à un titre véritable. Les usages en matière de forêts sont si divers et si mul- tipliés, que, pour empêcher les abus auxquels ils ouvrent la porte, une surveillance de tous les instants était néces- saire. La nouvelle législation le comprit. De là le soin qu'eut le monarque de n'en confier la préparation qu'à des hommes possédant une parfaite connaissance de la ma- tière. Les règlements exigeaient d'autant plus d'attention que le sens des mots, la valeur précise des termes variaient suivant les provinces. Par exemple, le mot affouage était entendu tantôt de l'usage du bois destiné au chauffage [ad focum) (2), tantôt de la portion afférente à chaque ha- bitant dans le partage du produit en bois de chauffage des forêts concédées à plusieurs communes ; cette dernière acception est celle qui a été adoptée dans notre Gode fo- restier; d'autres fois, le droit à' affouage s'entendait aussi du droit de couper du bois pour les usages domestiques : Jus cœdendœ sylvœ domesticos in usus, dit Du Gange ; ce qui (1) Il est dit dans des lettres patentes de Louis XII, conllrniant à Jacques de Ghambray ses droits dans les forêts de Eeaumont-lo-Roger, de Conches et de Breteuil : « Mais, pour ce que, durant les guerres des Anglois et autres divisions qui, par cy-devant, ont eu cours en nostre royaume, les prédécesseurs de nostre dit chambellan, tenant le party des François, ont perdu plusieurs Chartres, lettres, papiers et écritures fai- sant mention des droitures de sadite terre de Thevray et en spéciale celle des franchises desdites forets, etc.» (Le Brasseur, Ilist. civile et ecclé- siastique du comté (VEvreux, preuves, p. 126.) (2) Voy. Du Gange, Gloss. V Affuagium : u. Jus excidendi ligni in ne- more ad focura suum. » 30 466 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. conduisait à confondre l'affouage avec l'usage au hois d'œuvre, qu'on appelait en Lorraine maronafje, et en Al- sace tnarnarje (1). Gomment pouvait-on distinguer, en effet, entre le bois propre aux ouvrages de petite char- pente, par exemple, celui qui devait servir à réparer un petit appentis, de celui qui était employé pour des besoins domestiques? Et alors se posait la question de savoir si le bois pris pour façonner quelques ustensiles domesti- ques (2), était de la classe de celui que l'usager, ou, comme on disait aussi, le réager avait le droit de ramasser ou de couper. La législation de Louis XFV fit disparaître, en grande partie, l'incertitude et la confusion qui régnaient en cette matière difficile. Les embarras d'argent où se trouvait le gouvernement menacèrent, sous les successeurs de Colbert, la réforme opérée par cet homme illustre dans l'organisation du per- sonnel. Le nombre des grandes maîtrises fut porté à seize, en 1689, et à dix-huit, en 1720. En 1691 , on créa des receveurs particuliers près des tables de marbre. Un édit royal de 1704 enleva à ces tables le droit de juger en dernier ressort, jusqu'à concurrence d'une certaine somme. Une chambre des eaux et forêts fut instituée dans chaque parlement, pour statuer en dernier ressort sur les contestations forestières. Mais cet édit ne reçut qu'une incomplète exécution. Les parlements de Besançon et de (t) Toutefois, CCS expressions ne s'appliquaient, dans les doux provin- ces, qu'aux bois de service destinés aux constructions. Le maronage se distingue du droit au bois de travail ou d'ouvrage et droit au bois de fonte. (2) Aussi Fournel, dans son Trailé du voisinage (4' édition, t. II, p. 530), a-t-il soin de distinguer l'usage aux bois d'étais , c'est-à-dire le droit de prendre les branches pour clôture ou pour ramer les légumes, de l'affouage. J'ai déjà parlé plus haut du ramage, qui entre dans cette ca. tégorie et que certaines ordonnances s'attachent à distinguer de tous les autres droits usagers. r CHAPITRE XXXI. 467 Douai furent les seuls auprès desquels les nouvelles cham- bres fonctionnèrent ; ceux de Rennes et de Toulouse se bornèrent à augmenter le nombre de leurs conseillers aux chambres des requêtes. Les tables de marbre de Paris et de Bordeaux furent rétablies dans leurs droits en 1704 et 1705 ; celles des autres villes ne cessèrent jamais de les exercer. Le règne de Louis XV n'apporta aucun changement sé- rieux au système inauguré paj" son prédécesseur. Louis XVI s'efforça de suivre les principes qu'avait con- sacrés son ancêtre. Une déclaration du 14 décembre 1777 organisa une nouvelle régie des domaines et bois. La science, qui avait jadis réclamé contre la destruction des forêts, par la bouche dePalissy, réclamait de nouveau, et avec plus d'autorité, par celles de Réaumur et de Buffon. Turgot écouta les avis éloquents de ce dernier et voulut marcher sur les traces de Golbert. Il prépara un arrêt du conseil obligeant les propriétaires à planter un vingtième de leurs biens, sous peine d'une surtaxe d'imposition. Mais ce projet partagea le sort de son auteur. La révolution, en renversant tout l'ancien édifice social, abaissa les barrières que l'autorité opposait à la destruc- tion des forêts. Si le décret du 15-29 septembre 1791 soumit au régime forestier, non- seulement les bois des communes et des sec- tions de communes, des établissements publics^ mais en- core ceux dans lesquels l'Etat, la couronne, les communes ou les établissements publics avaient des droits de pro- priété indivis avec les particuliers, en retour il émancipa la propriété forestière privée. Tandis que l'ordonnance d'aoûtl669 avait astreintau régime forestier, outre les bois royaux, ceux qui étaient tenus en gruerie, grairie, ségrai- rie, tiers et danger, apanage, engagements par indivis, 468 LES FORÊTS DELA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. les bois appartenant aux ecclésiastiques et gens de main- morte, ceux appartenant aux communautés et habitants des paroisses, le décret de septembre 1791 déclara que les bois appartenant aux particuliers cesseraient d'y être soumis, et que chaque propriétaire serait libre de les administrer et d'en disposer à l'avenir comme bon lui semblerait. On reconnut plus tard le péril de cette soudaine éman- cipation, et l'on revint à u*i système qui apportait dans l'intérêt général quelque restriction à la libre disposition individuelle. La loi du 9 floréal an xi (29 avril 1803) sou- mit les bois des particuliers à un régime spécial et prohiba tout défrichement sans autorisation. Par la proclamation de Louis XVI du 3 novembre 1791, les bois avaient été placés sous la protection des munici- palités. C'était, il faut le dire, livrer les forêts, dans les communes rurales, précisément à ceux qui les dévas- taient. Déclarer la nation, les assemblées administratives, les municipalités, les communes et les gardes nationales, gardiennes des forêts, comme l'avait fait auparavant le décret du 11 décembre 1789, c'était placer sous une au- torité impuissante et entre les mains d'un dépositaire mal défini, un de nos plus précieux trésors. L'abolition des maîtrises fut une calamité publique, et, bien que protégées par le principe de l'inaliénabilité que proclama l'Assemblée nationale, les forêts domaniales éprouvèrent, à cette époque, les plus fâcheuses dévastations. Les villa- geois, et surtout les montagnards, profitaient de l'anarchie pour se ruer sur les arbres ; on les brûla, on les abattit inconsidérément. La haine pour les seigneurs fit porter la hache dans les bois qui avaient été leur richesse ou le théâtre de leurs plaisirs. Les arbres disparurent de tous côtés. En un siècle, la France perdit la moitié de ses CHAPITRE XXXI. 469 forêts; car le marquis de Mirabeau, dans sa Théorie de l'impôt (1), évalue à trente-quatre millions d'arpents les forêts qui couvraient la surface de la France, et aujour- d'hui elle ne présente que huit millions et demi d'hec- tares boisés (2). Au reste, il ne faut pas s'effrayer outre mesure de ce mal ; la plus-value d'une matière première d'une indispensable utilité ramènera le bois là où le sol n'est pas propre à donner des produits plus avanta- geux, et un temps viendra où s'établira de soi-même l'équilibre entre la culture et les boisements, sans que le gouvernement ait besoin de continuer un système de pro- tection, utile en des âges d'imprévoyance et d'inégalité, dangereux, impuissant pour des peuples libres et juges éclairés de leurs intérêts (3). La végétation forestière tend, sans doute, chaque jour à perdre de son domaine, mais elle ne saurait être expul- sée complètement sans de graves dangers, sans de funestes conséquences; elle est le symbole de ces instincts puis- sants et de ces sentiments naïfs qui prédominent dans les sociétés primitives, s'affaiblissent avec le temps, mais ne peuvent être complètement détruits au sein des sociétés civilisées, sans tarir chez celles-ci les sources les plus fé- condes de l'activité et de la vie. Dépouillé totalement de ses épais ombrages, le sol, quelque cultivé qu'il fût par la main des hommes, souffrirait d'une désolante sécheresse ou serait exposé à des inondations terribles. De même chez (1) Ed. 1760, p. 211. (2) Suivant les dernières statistiques, 8,900,000 h., c'est environ 1/6 de la superficie de la France. Les forêts produisent annuellement 35 mil- lions de stères de bois de construction et de chauffage, valant près de 4,000,000 fr., chiffre insuffisant pour nos besoins, puisqu'on importe en France une grande quantité de bois. (3) Voy. à ce sujet le savant et curieux article de M. Eugène Tisse- rand, intitulé la Quesiion des forêts, dans la Revue contemporaine du 30 avril 1866. 470 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. les nations dans le cœur desquelles les instincts sponta- ■ nés et la naïveté des premiers âges n'auraient plus laissé aucune trace, rien ne saurait tempérer, arrêter la tyran- nie des intérêts matériels qui dessèche les âmes, ou le re- "^ tour périodique des révolutions politiques qui les boule- versent et les énervent. TABLE DES CHAPITRES, papps. Préface v Introduction 1 Chapitre l*=f. — Etat forestier primitif de la Gaule 41 Chapitre II. — Etat forestier du nord de la Gaule. — Forêt char- bonnière.— Pays de Thiérache. — État forestier ancien de la Bel- gique.— Forêt des Ardennes. — Traditions et souvenirs qui s'y rattachent 52 Chapitre III. — Etat forestier du Jura et du pays des Helvètes. — Forêts de la Germanie. — Grandes forêts de l'Allemagne. — Causes du déboisement dans ce pays 67 Chapitre IV. — Essences forestières de la Gaule. — Aménagement et entretien des forêts du temps des Romains. — Premier déboi- sement 82 Chapitre V. — Législation forestière des populations germaniques-, influence des idées qui ont inspiré cette législation sur l'état des forêts en Gaule, aprèsl'établissement des Goths, des Francs et des Burgondes 89 Chapitre VI. — Législation forestière et des grandes forêts de la France au temps des Carlovingiens • 97 Chapitre VII. — Retour partiel de la France à son ancien état fo- restier.—Du droit de garenne 114 Chapitre VIII. — Influence des moines sur le défrichement des forêts. — Envahissement des forêts parles monastères. — Robert d'Arbrissel et l'ordre de Citeaux 127 Chapitre IX. — Droits d'usage dans les forêts sous le régime féo- dal.— Règlements de police établis par les rois et les seigneurs au temps des Capétiens. — Législation de saint Louis et de ses successeurs en matière de forêts 136 Chapitre X. — Etat forestier de la France du xii^ au xvi® siècle. — Forêts de l'Ile-de-France. — Forêts de Sarris, de Rouvray, de Laye, Yveline. — Le Gàtinais, forêt de Fontainebleau. — Forêts de Livry, de Bondy, de Vincermes— Forêts de la Brie, du Valois et du Beauvaisis 1 46 Chapitre XI. — Forêts de la Picardie, de l'Artois, de la Flandre etduHainaut 173 Chapitre XII. — Forêt des Ardennes, — l'Argonne. — Forêts du BarroiSj de la Lorraine 192 Chaphre XIII. —Ancien état forestier des Vosges et de l'Alsace. — Districts forestiers de la Souabe 205 Chapitre XIV. — Forêts de la Champagne 214 472 TABLE DES CHAPITRES. pages. Chapitre XV. — Forêts de la Bourgogne et du Nivernais. — Etat forestier du Morvand et de la Bresse 228 Chapitre XVI. — Forêts de la Franche-Comté. — Le Jura. —Le pays de Vaud. — Anciennes forêts de la Savoie. — Les Waidstetten. — Influence des Burgondes. — Défrichements opérés dans l'Hel- vétie 230 Chapitre XVII. — Etat forestier de l'Orléanais. — Forêts d'Or- léans et de Montargis.— Le Gâtinais. — Forêts du paysChartrain, du Blésois et du Vendomois. — La Sologne. — Forêts du Berry. 255 Chapitre XVIII. — Anciennes forêts de la Touraine, du Maine et de l'Anjou 274 Chapitre XIX. — Ancien état forestier de la Normandie et du Perche 291 Chapitre XX. — Etat forestier de la Bretagne au moyen âge. . 330 Chapitre XXI. — Forêts du Poitou. — La Gàtine et le Bocage. . 343 Chapitre XXII. — Forêts du centre de la France. — Séparation des deux grandes zones forestières de ce pays. Végétation du châtaignier. — Les anciennes forêts du Lyonnais, du Bourbon- nais, de la Marche 350 Chapitre XXIII. — Anciennes forêts de l'Angoumois, de la Sain- tonge et de l'Aunis 367 Chapitre XXIV. — Forêts du Dauphiné. — La grande Chartreuse. Déboisement des Alpes. . . . ■ 374 Chapitre XXV. — Anciennes forêts de la Provence. — Forêts de la Corse 382 Chapitre XXVI. — Forêts du Languedoc et de la Guyenne au moyen âge. — Forêts des Pyrénées, du Couserans. — Forêts du Roussillon, de l'Albigeois et du Rouergue. — Les Landes. — Forêts du Béarn et du pays Basque. — Anciennes forêts du Quercy et du Périgord 389 Chapitre XXVII. — Arbres célèbres par leur vétusté et leurs grandes dimensions. — Derniers habitants des anciennes forêts. 407 Chapitre XXVIII. — Animaux qui habitaient les anciennes forêts de la Gaule. — Plaintes auxquelles ils donnent lieu. — Population des forêts. — Associations parmi les habitants des forêts. . . 414 Chapitre XXIX. — Influence du droit d'usage sur la diminution et l'extension des forêts, à dater du xv* siècle. Législation de François P"' et do ses successeurs 431 Chapitre XXX. — Inégalité dans la marche du déboisement en France. — Efl'et du déboisement sur le régime des eaux et du sol. — Plaintesà ce sujet. — Coup d'œil rétrospectif sur le régime des eaux au moyen âge 443 Chapitre XXXI. — Législation forestière sous Henri IV et Louis XIV. — Abolition de l'ancienne législation forestière à la révolution française 457 TABLE GENERALE DES FORÊTS ET DES BOIS PRINCIPAUX DE LA FRANCE ANCIENNE ET MODERNE ET DES AUTRES FORÊTS CITÉES DANS CET OUVRAGE. N.-B. — Les numéros qui suivent le nom de chaque forêt renvoient aux pages ou il en est parlé. La lettre n indique que la citation se trouve dans une note. Les noms de forêts qui n'ont pas été mentionnées dans l'ouvrage ne sont suivis d'aucun numéro. AbrescMviller (Bois d') (Meurthe, arr. de Sarrebourg). Acmanli sylva, 155, Ageville (F. d'| (Haute-Marne, arr. de Chaumont). Ageux (Forêt d') (Oise, arr. de Sen- lis), 167. Aigueperse (F. d') (Haute-Vienne, arr. de Limoges), 360. Aigueperse (B. d') (Rhône, arr. de Villefranche), 353. Aigues-Vives (F. d') (Loir-et-Cher, arr. de Blois), 276, 277. Aisances (F. des) (Saône-et-Loire). Aitone (F. d") (Corse), 387.. Aix-la-Chapelle (F. d') (Prusse Rhé- nane), 111 (?i). Aixe (F. d') (Haute-Vienne, arr. de Limoges). Aizenay (F. d') (Vendée, arr. de Napoléon-Vendée), 347. Ahitlia stjlva, 168. Albepierre (B. d') (Cantal, arr. de Murât), 356. Albis (F. de 1') (Suisse), 249 {n). Aliermont (F. d') (Seine-Inférieure, arr. de Dieppe), 325. Alix (B. d') (Rhône, canton du Bois- d'Oingt^. Aile (B. d') ^Côte-d'Or\ 232. AUiers(B.des)(Côle-d''Or), 232. Allmend(F. de 1') (Haut-Rhin, arr. de Colmar), 207 (n), 212. Allogny (F. d") (Cher, arr. de Bourges), 271. Alluets (F. des) (Seine-et-Oise, arr. de Versailles), Alneto (Boscus de), 158 (n). AUa sylva, 133. Aitholt (F. d') (Allemagne), 80. Amboise (F. d') (Indre-et-Loire, arr. de Tours), 275, 276, 428. Ameillon (F. d') (Deux-Sèvres). Amont (F. d') (Jura, arr. de Lons- le-Saulnier). Ancenis (F. d') (Loire-Inférieure, arr. d'Ancenis), 338. Ancerville (F. d') (Meuse,' arr. de Bar-Ie-Duc), 216. Andaine (F. d') (Orne, arr. de Dom- front), 286, 287. Andeliaci foresla, 309. Andely (F. d') (Eure, arr. d'Andely) , 309, 326 (n). Andena sylva. 286. Andernay (F. ou B. d') (Meuse, arr. de Bar-le-Duc), 216. Andigny (B. d') (Aisne, arr. de Ver- vins), 182, 180. Andlau (F. d') (Bas-Rhin, arr. de Schélestadt). Andred (F. d') (Angleterre, Sussex), 416 (n). Anet (F. d') (Eure-et-Loir, arr. de Dreux), 158 (71), 307. Anglards (B. d') (Cantal), 356. Angles (F. d") (Tarn, arr. de Cas- tres), 401. Angoulême (F. d') (Charente, arr. d'Angoulème), 367. Angoutte (B. d') (Aisne, arr. de Laon), 189. 474 TABLE GÉNÉRALE. Anost 'F. d"; (Saône-et-Loire, arr. d'Autun). Auguien (F. d') (Marne, arr. d'E- pernay), vov. Enguien. Antoniboul (F" d') (Tarn). Anlremonl {F. d") (Meurthe, arr. de Nancy, canton de Nomeny). Anville (F. d') (Charente, arr. d'Angouléme). Any (B. d') (Orne, arr. de Dom- frontj. Apollon daphnéenfBois sacré d'), 86. AquUina sylva, 150, 151, 152,154. Aquilonarium nemus, 282. Aquisgranensis foresla, 111 (n). Aquosis {foresla de), 314. Aralse ou Arraize (F. d") (Loire- Inférieure, arr. deChateaubriant;, 130, 330. Aran (F. d") (Basses -Pyrénées), 396. Arbailles ou Arbalhe (F. d') (Basses- Pyrénées), 394. Arbois (F. d') (Jura, arr. de Poli- gny). Arc (F, d') (Doubs). Arc-en-Barrois (F. d') (H. -Marne, arr. de Chaumoni et Aube, arr. de Bar- sur- Aube). Arche (F. de 1"). Yoy. L'Arche. Archevêque (B. de 1') (Indre-et- Loire;, 277 (n). Ardenna sylva, 60 (n), 111 (n). Ardennes (F. des) (Ardennes), 23, 52, 59. 61,64, 111 (n), 127 (n), 179,189, 191, 192,193,194,195, 197, 198,209, 416 (n). Ai'claunum sallus, 260, 319. Arelaunum sylva, 318. Argenton-le-Château (F. à' i (Deux- Sèvres, arr. de Bressuire), 273. Argenlonii foresla, 273. Argonne (F. d') (Meuse, arr. de Montmédy et de Verdun), 192, 198, 199, 200, 2)8. Argoulais (F. d') (Nièvre, cant. de Montsauche). Argueil ou Arguel (F. d') (Somme, arr. d'Abbeville), 177, 324. Aricie (Bocage d') (Italie), 18 {n). Arida Gainanlia sylva, 56. Arislallinn foreste^ 111. Armainvilliers (F. d") (Seine-et- Marne, arr. de Melun), 163. Armes (B. des) (Lozère, arr. de Florac, canton de Monlverl). Arnaud (Bois) (Eure), 31 3. Arne (F. d') (Jura, arr. de Dole). Arouaise ou Arrouaise (F. d') (Aisne, arr. de Yervins et St-Quentin), 56, 57, 182, 185, 186. Arques (F. ou B. d'J (Seine-Infé- rieure, arr. de Dieppe), 324, 32ô. Arrablav (B. d') (Loiret, arr. de Gien);^ 259. ^ Arlaing (la Haie d') (Aisne), 190. Artigues-Telline (F. d') (Basses- Pyrénées), 396. Artonne (F. d") (Nièvre), 444 (n). Arus (B. d'J (Ardèche), 403. Arviail (F. d') (Yonne), 228. Aspruch (F. d") (Bas Rhin, arr. de Wissembourg), 207, 208. Astenay (F. d'J (Meuse, arr. de Montmédy). Vov. Stenay, 112. Asie nidum for esle, 112. Atholl (F. d') (Ecosse), 418 (n). Altigny(F. d') (Ardennes), 111. AlUniacum foresle, lit. Aubenton (la Haie d') (Aisne, arr. de Yervins), 189. Aubignosc (F. d") (Basses-Alpes, arr. de Sisteron), 382 (n). Aubigny (F. d') (Cher, arr. de San- cerre). Aubigny (F. d') (Deux-Sèvres, arr. de Parthenay), 344. Aubrac (F. d") (Aveyron, arr. d'Es- palion et Lozère). Aubusson (F. d') (Puy-de-Dôme, arr. de Thiers). Audriaca sylva, 112. Aujoux (B. d") (Rhône, arr. de Vil- lefranche), 353. Aulnay (F. d") (Deux-Sèvres, arr. de MelïeetCharente-Infér., arr. deSt- Jean-d'Angély), 3 18, 370, 457 (n). Aumône (B. d') (Nord, arr . d'Aves- nes), 184. Aumont (F. d") (Aube, arr. de Troyes), 43, 224. Autrey (F. d') (Hauie-Saône, arr. de Gray). Autun ou Autin (F. d") (Deux- Sèvres, arr. de Parthenay). TABLE GENERALE. 475 Availles (F. d') (Deux-Sèvres). Avesnes (la Haie d'). Voy. La Haie d'Avesnes. Avignon (F. d') (Jura, arr. de St- Ciaude). Avaize (F. d') (Saône-et-Loire, arr. de CharoUesJ. Avours (B. des) (Aisne, arr. de Laon), 179. Bacenis sylva, 75. Baconne. Yoy. Bouconne. Bacquet (B. de) (Eure), 306. Baduhennœ lucus, 75. Bagnoliet (F. de) (Allier, arr. de Moulins), 361. Bailleul (B. de) (Nord, arr. d'Haze- brouk), 56. Balan (B. de) (Indre-et-Loire), 277. Balismi foresta, 298. Balnot (F. de) (Aube, arr. de Bar- sur-Seine), 224. Ban (F. de) (Jura), 239. Ban de la Roche (F. du) (Vosges, arr. de Saint-Dié), 210. Baornx Vendu in Cuisia, 108 (n). Baqueville (B. de) (Eure, arr. dAn- dely), 326 (n). Bar (F. de) (Yonne, arr. d'Auxerre), 228, 229. Baratier (F. de) (Hautes-Alpes), 374. Barbançon (F. de) (Nord, arr. d'A- vesnes). Barc(F. de) (Eure), 316. Barenton (F. de) (Côtes-du-Nord, arr. de Saint-Brieuc et Loudéac), 331. Baronnies (Bois des) (Meurthe, arr. deSarrebourg). Barr (F. de) (Bas-Rhin, arr. de Schélestadt). Barrade (F.) (Dordogne, arr. de Pé- rigueux). Barriis sylva, 228, 229. Bas (F. de) (Loire, arr. de Roanne). Bas-Orbois (B. du) (Vosges, arr. de Saint-Dié), 210. Basqui (F. du) (Ariége, arr. de Foix). Basse (F.) (Aisne), 179. Bassine (F. de la) (Tarn). Baslulorum nemus, 357 (n). Baugé F. de) (Maine-et-Loire), 288, 289 [n], 290. Bauzon (F. de) (Ardèche, arr. de Largentière, cantons de Montpe- zat, Concouron, Saint-Etienne de Lugdares), 403. Bazoge (B. de la) (Sarthe, arr. du Mans). Beaufort (F. de) (Maine-et-Loire, 288, 289 (n). Beaufort (B. de) (Nord, arr. d'A- vesnes), 184. Beaugerais (B. de) (Indre-et-Loire, arr. de Loches), 278. Beaulieu (F. de) (Deux-Sèvres, arr. de Bressuire). Beaulieu (F. de) (Seine-Inférieure, arr. de Rouen), 317. Beaulieu des Marchais (F. de) (Maine-et-Loire, arr. d'Angers), 290. Beaulieu (B. de) (Loire^ arr. de Roanne). Beaumont (F. de) (Indre-et-Loire, arr. de Tours), 279. Beaumont (F. de) (Marne). Beaumont la Ronce (F. de) (Indre- et-Loire), 265. Beaumont le Roger (F. de) (Eure, arr. deBernay), 116, 315, 465 (?i). Beaumont-sur-Oise (F. de) (Seine- et-Oise, arr. de Pontoise;, 170. Beaupré (F. de) (Oise, arr. de Beau- vais). Beauquênay (F. de) (Manche, arr. de Valognes), 301. Beauregard (F. de) (Saône-et-Loire, arr. de Châlon),' 233. Beaurevoir (F. de) (Aisne, arr. de Saint-Quentin), 182. Beaussac (B. de) (Dordogne, arr. de Nontron), 369. Beauvoir (B. de) (Seine-Inférieure), 322. Bécon (F. de) (Maine-et-Loire, arr. d'Angers), 288. Beffou (F. de) (Côtes-du-Nord, arr. de Guingamp) . Belair (F. de) (Charente, arr. de Confolens), 369. , 476 TABLE GÉNÉRALE. Belchamp (F. de fHaut-Rhin). Belenot [Sijlva de), 224 (n). Belesta (F. de) (Aude, arr. de Cas- tel naudary). Bella valle [nemusde), 275. Bellechassagne (F. de) (Corrèze; arr. d'Ussel). Belle-Perche (F. de) (Haute-Vienne, arr. de Bellac). Belle-Poule (F. de) (Maine-et- Loire), 289, 290. Bellesme (F. de) (Orne, arr. de Mortagne), 297, 288. 410, 447 (?i). Bellevaivre (F. de) (Haute-Saône, arr. de Gray). BcUevau (F. de) (Indre-et-Loire), 275, 277. Belli-Forlis (nemus), 288. Belli-mo7itis bosciis, 170. Beloi (F. de) (Charente, arr. de Confolens). Benard-Commin (Bosc) (Eure), 317 (n). Benard de Cressi 'Bosc) (Eure), 317 (n). Benedicla sylva, 133. Bénite (Sylve), 133 [n). Benney (F. de) (Meurthe, arr. de Lunéville, canton d'Haroué). Benon (F. de) (Basses-Pyrénées). Benon (F. de) (Charente-Inférieure, arr. de Rochefort et de La Ro- chelle), 370. Bercarrie (Bois) (Haute-Loire, arr. d'Yssingoaux), 133 («). Berger (F. du) (Indre, arr. du Blanc), 273. Berohart (F. de) (Indre-et-Loire). Voy. Brouart. Bersay (F. de) (Sarthe, arr. de Saint-Calais), 284, 285, 290. Bersx {vpixda), 294. Bersch (F. de) (Bas-Rhin, arr. de Schélestadt). Beureycl (F. de) (Isère), 375. Beverhout (F. de) (Flandres, Bel- gique), 59. Beyla (B. de) (Nord), 56. Bezeus {nnnus de), 357 (n). Bezeus (B. de) (Cantal, arr. d'Au- riilac), 357. Bibiche (F. de) (Moselle, arr. de , Thionville). Bielsa (F. de) (Basses-Pyrénées), 396. Bienwald (F. de) (Bas-Rhin, arr. de Wissembourg), 209. Biera sylva, 154, 156. Bière (F. de) rSeine-et-Mai"no, arr. de Fontainebleau), 154, 155, 156. 157, 261. Bilcium nemus, 352. Blllotz (B. des) (Allier), 360. Bimars ou Blémars (F. de) (Indre- et-Loire), 265, 280, 281,282. Bioncourt (F de) (Meurthe, arr. de Château-Salins). Biloranda sylvn, 390. Biluricensis foresla, 270. Bizy (le Parc de) (Eure, arr. d'An- dely). Blanf/inrus Sylva. 187. Blangv (F. dn) (Nord, ou Pas-de- Calàis), 187. Blanzy (B. de) (Aisne, arr. de Sois- sons), 106. Blasset(B.) (Somme), 174 (n). Biémras (F. de). Voy. Bimars. Blénod (B. de) (Meurthe, arr. de Toul), 203. Bliffaix(F. de) (Aube), 43. Bleu (F. de^ Œurc), 328. Blimardi sylva, 280. Blimarcium nemus, 280. Blois (F. de) ('Loir-et-Cher, arr. de Blois), 268,^269, 281. Bocquelon (B. de) (Seiue -Infé- rieure), 323. BœJimenvald, 73. Boemica sylva, 73. Bohain (F. de) (Aisne, arr. de Saint- Quentin), 182. Boichat (F. de) (Jura), 241. Bois-Blanc (F. de) (Charente), 368. Bois - Couronné (F. du) (Jura), 241. Bois-Fromont (F. du) (Jura), 2 il. Bois-l'Abbessc (F. de) fSaône-et- Loire, canton de Saint-Léger sous Beuvray). Bois-Oger (F. de) (Indre-et-Loire). 277. Bois-royal (Loir-et-Cher, arr. de Blois). TABLE GÉNÉRALE. 47Y Ijoisseaux (F. de) (Indre\ Boland (F. de) (Belgique), 59. Bommiers (F. de) (Indre, arr. d'Is- soudun). Bondré (Buisson de) (Maine-et- Loire), 290. Bondy (F. de) (Seine-et-Oise, arr. dePontoise), 146, 158, 171, 172, 428. Bonne (F. de) (Aisne, arr. de Chà- toau-Tliierry). Bonnétable (F. de) (Sarthe, arr. de M amers), 285. Bonnevaux(F. de) (Vienne), 344 (n). Bonnevaux (B. de) (Isère, arr. de Yienne). Bonoil {nemits de), 181 (n). Bontin(F de) (Yonne), 447 (n). Bocjuien (F. de) près de Gollinée (Gôtes-du-Nord, arr. de Lou- déac). Bord (F. de) (Allier, arr. de Mou- lins, cant. de Neuillv le Real), 303. Borey (B. de) (Haute-Saône, arr. de Yesoul). Bornacq (F. de) (Cher, arr. de Saint- Amand). Borne (F. de) (Cote-d'Or, arr. de Beaune), 233. Bornus foresla, 280. Bort (F. de) (Indre-et-Loire et Vienne), 280. Bort (F. de) (Allier?), 363. Bort ou Borz (F. de) (Eure), 312. 313, 314 n). Boscodon (F. de) (Hautes- Alpes", 379. Boshion(B. de) (Eure), 311 (n). Bossican (F. de) (Aube, arr. de Bar- sur-Seine et Bar-sur-Aube), 231. Boucharde (F.) (Allier, arr. de Can- nât, et Puy-de-Dôme, arr. de Riom). Bouche-Clause (B. de) Hautes- Alpes). Bouchot (B. du) (Indre-et-Loire; 275. Boucheville (F. de) (Aude, arr. de Limoux). BouclansouChauley (F. de)(Doubs, arr. de Baume-les-Dames). Bouconne (F de) (Haute-Garonne, arr. de Toulouse, canton de Le- gnevin, au N. de Legnevin), 39G, 428. Bougival (B. de) (Seine-et-Oise), 150 (?!)• Bouhey (F. de) (Côte-d'Or. arr. de Beaune). Boulay (B. du) (Haute-Marne, arr. de Vassy;, 217. Boulemer (B. de) (Loir-et-Cher\ 269. Boulogne (F. de) (Loir-et-Cher, arr. de Blois), 268. Boulogne (F. de) (Pas-de-Calais), 177. Boulogne (B. de) (Seine), 149, 429. Bouloij {nemiis de), 225. Bourcier (F. de) (Saône-et-Loirc). Bourdonnais (F. de la) (Morbihan, arr. de Ploermel, cant. de Guer). Bourgon (F. de) (Mayenne, arr. de Mayenne). Bourgueil (F. de) (Indre-et-Loire, arr. de Chinon), 280. Boursault (F. de) (Marne, arr. d'E- pernay"). Bourse (F. de) (Orne), 294. Bourth (F. de). Vov. Bort ou Borz (F. de). BourzoUes (F. de) (Dordogne, arr. de Sarlat, sur la frontière du Lot- et-Garonne), 404. Boittivant {venda de), 309. Bouveresse ou Boveresse (F. de) (Oise, arr. de Compiègne, front. de la Somme), 180, 181, 182. Boverie 'B. de la) (Sarthe, arr. de La Flèche), 131. Braconne (F. de) (Charente, arr. d'Angouléme), 367, 369. Bragny (Grandj (F. du) (Saône-et- Loire). Voy. Grand-Bragny. Bragny-la-Ferté (F. de) (Saùne-et- Loire). Braie (B. de) (Indre-et-Loire), 276. Braigne (F. de) (Saône-et-Loire\ 232. Braigneaul (nemiis de), 232. Braium nemiis, 276. Brandon 'B. du) 'Indre-et-Loire), 277 (n).' Brassac (F. de) (Ariége. arr. de Foix). Bray (F. de) (Seine-Inférieure, arr. 478 TABLE GÉNÉRALE. de Neufchâtel), 277 (n), 325, 326. Brécélien (Voy. Brécheliant). Brécheliant T. de) (Côtes-du-Nord), 65, 330,331,332, 334, 335, 336, 341 (n). Brecheuav (F. de) (Indre-et-Loire), 277. Brenne (F. de) (Indre-et-Loire), 279. Bretèche (F. de la) (Loire-Inférieure, arr. de Savenay). Bretons (B. des) (Loir-et-Cher), 264. Bretonne (F. de) Voy. Bretonne. Breton (F. de) (Tarn), 400, 403. Brextil {nemus le), 180. Brezons (F. de) (Cantal), 28 (?;), 356. Bride et Queken (F. de) (Meurthe, arr. de Château-Salins). Brie (F. de la) (Seine-et-Marne), 128, 146, 161, 162, 163. Brieulle(F. de) (Meuse), 199. Brigueil (F. de) (Charente, arr. de Confolens). Brigia sylva ou Brigiensis sallus, 161, 162 (n) 163. Brione (F. de) (Indre), 271. Brionna sylva, 279. Brion (F. de) (Belgique), 59. Briquebec (F. de) (Manche, arr. de Valognes). Brisiaci sylva, 290. Brissac (F. de) (Maine-et-Loire, arr. d'Angers), 290. Britolii parcus, 313. Briionis sylva, 318. Brix (F. de; (Manche), 1 37 (n), 302. Brixhis sallus, 238. Brocéliande (F. de). Voy. Bréche- liant. Broësse (B. de) rCôte-d'Or), 232. Broglie (B. de) (Eure), 295. Brossay (F. de) (Maine-et-Loire, arr. de Saumur). Brose (F. de) (Tarn). Brosse (F. de) (Indre), 345. Brosses (B. de) (Allier), 304. Brothonix sijlva, 318. Brotonne (F. de) (Eure) (Seino-In- férieurei, 116, 260, 318, 319, 410. Brouart ou Berohart (F. de) (Indre- et-Loire, arr. de Loches, et Indre, arr. de Châteauroux), 271, 27- 279. Brouis (F. du), sur le mont Broui au-dessus de La Martre (Vâr). Bruadan (F. de) (Loir-et-Cher, an . de Romorantin), 270. Brueix ( Venda de), 302 (/()• Brugny (F. de) (Marne, arr. d'E- Ijernay). Brullé (B.) (Saône-et-Loire), 233 in). Bmmath (F. de) (Bas- Rhin), 38, 207 (?i). Bruni ssiacum nemus, 277. Brussenay (F. de). Voy. Bréchenay. Buisson (B. du) (Eure), 306. Bungiacensis sxjlva, 158. Bur (F. de) (Calvados), 144 (n)j 303. Burgudii foresla, 280. Burseiwn sylva, 284. Bussy (F. de) 'Loir-et-Cher, arr. d« Blois), 268. ■ Cabarède (F. de la) (Tarn, arr. de Castres)^ 400. Cadarache (B. de) (Bouches-du- Rhône, arr. d'Aix, canton de Pey- rolles), 384. Caerléon (F. de) (Angleterre), 27, 419 (n). Cailli (F. de) (Seine-Inférieure); 321. Calcadis (F. de). Voy. Goille (F. de). Galdenoven ou Cailenhoven (F. de (Moselle, arr. de Thionville), 60, 197. Calidon (F. de) (Ecosse), 331. Callibus {foresla de), 235. Cahnnnia [Boscus de), 84. Calz (F. de) (Nièvre), 235. Camors (F. de) (Morbihan, arr. de. Lorient), 336. Cambaran (sylva de), 375. Campuzan (F. de) (Hautes-Pyré- nées, arr. de Bagnères). Candeil (B. de) (Tarn), 401. Canevosa sylva, 279. Canlollii venda, 259. Cantoris nemus, 277 (n). Cap de la Bielle (F. de) (Basses-Py- TABLE GÉNÉRALE. 479 rénées, canton de la Barthe de Neste). Capduana sylva, 277. Captionne nemus, 238. Caput cct^'inum sylva, 273. Carbonaria sylva, 53, 183. Carbonnière ou Charbonnière (F.) 52, 53, 54, 59, 177, 183, 184, 187, 188, 189, 190, 195. Carneta sylva, 283, Oarnida sylva, 283. Carnetin (B. de) (Seine-et-Marne, arr. de Meaux), 159. Garnoët (F. de) (Finistère, arr. de Quimperlé), 37, 340. Carnutes (F. des) (Eure-et-Loir, Loiret) 37, 262, 267, 268, 285, 300. Gars (F. des) (Haute-Tienne, arr. de Saint- Yrieix}, 3G0. Cosnelo {sylva de), 302 (n). Castcllis (nemus de), 280. Catelaine (Laliave) (Nord), 186. Castres [F. de) (Tarn), 400. Caslum Jiemiis, 22. Catelun (F. de) (C6tes-du-Nord, arr. de Loudéac^, 334. Caucia sylva, 106. Caumont (F. de) (Corrèze), 359. Caux (F. de) (Seine-Inférieure). Caynonis sylva, 274. Celle-lez-Bordes T. de) (Seine-et- Oise), 153. Celles (F. de) (Deux-Sèvres), 348. Cellier (F. de) (Loire-Inférieure, arr. J'Ancenis). Cleom (sylva de), 358. 359. Cercottes (F. de) partie de la forêt d'Orléans (Loiret^, 248. Cerisy (F. de) (Calvados\ arr. de Vire), 302. Cernetrou (F, de) (Jura, arr. de Po- ligny), 432 (n). Cersy (F. de) (Loir-et-Cher), 209. Cette (F. de la montagne de) ^Hé- rault}, 391. Cevennes (F. des), 3. Ceyroux (F. de) (Haute-Loire, can- ton de la Voûte), 355. Chaanne ou Chasnes (Buisson de) (Maine-et-Loire), 288, 289 («). Chabet (F. de) (Nièvre, arr. de Ne- vers). Chagny ,F. de) Saône-et-Loirè, arr. de Châlon). Chailluz F. de) (Doubs, arr. do Besançon), 239. Chaîne (B. de la) (Indre-et-Loire, arr. de Tours\ 280, 281. Chaise ou Chaize (F. de la) fVendée, arr. de Napoléon- Vendée), 347. Chaize (B. de la) (Indre), 273. Chalonge (B. de) (Sarthe), 284 (n). Chambaran (B. de) (Drôme), 375.' Chamberceau (F. de) (Haute-Marne, arr. de Langres, canton de Prau- thoy). Ghambiers ou Chambières (F. de) (Maine-et-Loire, arr. de Baugé"», 288. Chambon (B. de) (Loir-et-Cher), 269. Chambres (B. des) (Marne), 218. Champ d'oiseau (B. de) (Indre-et- Loire), 278. Champfromier (F. de) (Ain, arr. de Nantrou). Champlive (F. de) (Yonne, arr. d'A- vallon). Champlatreux (B. de) (Seine-et-Oise, arr. de Pontoiseï, 169. Champlitte (B. de) (Haute-Saône, arr. de Grayj. Champs rouges (F. des) ''Jura), 241. Chancay (F. de) (Indre-et-Loire), 28 î, 282. Chandelais (F. de) (Maine-et-Loire, arr. de Beaugé), 289, 290. Chantaloue (B. de) (Loiret), 259. Chantemerle (F. de) (Deux-Sèvres, arr. de Parthenay>, 344. Chantillv (F. de) (Oise, arr. de Sen- lis), 52, 169. Chantre (B. du) (Indre-et-Loire), 277 (n). Chanveaux (F. de) (Loire-Infé- rieure). Chaource(F. de) (Aube, arr. de Bar- sur-Seine), 43,^222, 225. Chaource (la Haie de) Aisne), 190. Chapaize F. de) (Saone-et-Loire, arr. de Mâcon), 232. Chapelle Sainte-Marie Magdelaine iB. delà) (Indre-et-Loire\ 281. Chappes (F. ou B. de) (Aube), 43, 224. Chapuis {boscus),\b(i, 157. 480 TABLE GÉNÉRALE. Charbonnière (F.}. Yoy. Carbon- nière. Cliardin (F. de) (Charente, arr. d'Angoulème). Charmes (F. de) (Vosges, arr. de Mirecourtj, 204, 411. Charnay (B. de) (Rhône, arr. de Yillefranche). Cliarnie (F. de) (Sarlhe^ arr. du Mans), 122, 283. Charnouveau (F. de) (Nièvre, arr. de Cosnc). Charolles (F. de) (Saône-et-Loire, arr. de Charollesj, 233 (?i>. (Chartreuse (la Grande) (F. de la) (Isère), 377. Chaste-lloulle (B. de la) fEurc), 306. Chateaulin (F. de) (Finistère). Château la A'allière (F. de) (Indre- et-Loire, arr. de Chinon), 280. Châteauncuf (F. de) (Haute-Vienne, arr. de Limoges), 3G0. Châteauncuf (B. de) (Cantal), 356. Châteauneuf en Thimerais (F. de) (Eure-et-Loir, arr. de Dreux), 2G6. Château-Renault (F. de) (Indre-et- Loire), 280. Châteauroux (F. de) (Indre). Château-Salins (F. de) (Meurthe). Châteauvert (F. de; (Creuse, arr. d'Aubusson). Château-Villain (F. de) (Haute- Marne, arr. de Chaumont). Chatellerault (F. dej (Vienne'), 343. Chatelneuf (F. de) (Jura), 70.' Ghatenay (B. de) (Charente-Infé- rieure), 37i. Chatillon (F. de) (Loiret), 262. Chalillon-sur-Seine (F. de) (Côte- d'Or, arr. de Chàtillon-sur-Seine), 234. Chatillon en Bazois (F. de) (Nièvre, arr. de Château- Chinon). Châtres (B. de) (Indre-et-Loire). 277. Chaume-Gennigny (F. de) (Saône- et-Loire). Chaumont (F. de) (Loir-et-Cher), 270, 276. Chausse-Moreau (F. de) (Jura, arr. dq Dôle), sur la frontière du département de Saône-et-Loi Chaussère ou de Leppo (F. de II (Maine-et-Loire), 132. Chauvigny (F. de) (Vienne), 3^ (?i). Chaux (F. de) (Jura, arr. de Dôlc),| 69,239,419. Chazetle (F. de) (Haute-Loire, can- ton de Saugues). Chedon (F. de) (Indre-et-Loirf . 277. Clief-Boutonne (F. de) (Deux.-S - vres, arr. de Molle), 348. Chelles (F. de) (Seine-et-Marne 163. Chemasson (B. de) (Mayenne), 287. Cheminon (B. de) (Marne, arr. il • Vitrv), 216. Chenevole (F. de) (Indre), 279. Chenue (F.) (Nièvre, canton do Montsauche). Clœpdone sylva, 277. Cherbourg (F. de) (Manche). Chérimont (F. du) (Haule-Saôn arr. de Lùre). Chesnaix vendu, 1 68 (n). Chessy (B. de) (Seine-et-Marne, arr. de Meaux), 162. Chétif (B.) (Ain), 238. Chétif (B.) (Indie-et-Loire), 275. Chèvre (F. delà) (Indre), 271. Chevreuse (F. de) (Seine-et-Oisc . 150. Chinon (F. de) (Indre-et-Loire\ 27?, 274, 275, 276. Chizay ou Chizé (F. de) (Deux-Sè- vres, arr. de Niort et de Melle), 345, 349, 457 (n). Chœurs (F. de) (Cher, arr. de Saint- Amand). Choisy (F. de) (Oise), 107. Chollet (F. de) (Maine-et-Loire), 288. Chomontesio (Vcnda de), 258. Choussy(F. de) (Loir-et-Cher), 276. Cinglais (F. de) (Calvados, arr. de Lisieux). Ciniq (F. de) (Cantal), 356. Ciny (B. de) (Aisne), 190. Cipeleis sylva, 195. Cirey (B. de) (Meurthe), 203. Cîteaux (B. de) (Côte-d'Or, arr. de Beaune et Dijon), 221. TABLK GÉNÉRALE. 481 Civens (F. de) \,Tarn). Givrais (F. de) (Allier), 361. Clairmarais (F. de) (Pas-de-Calais, arr. de Saint-Omer). Clairvaux (F. de) (Aube, arr. de Bar-sur-Seine et Bar-sur- Aube) , 221, 224. Clarascencis sylva, 224. Clay (F. de) (Isère). Clermont (F. de) (Isère), 373. Cluny (B. de) (Saône-et-Loire), 232. Coard ou CouartfB. de) (Oise), 169. Coat-an-noz et Coat-an-nay (F. de) (Côtes-du-Nord, arr. de Guin- gamp). Cœsia sylva, 76. Goet-Lorges (F. de) (Gôtes-du-Nord, arr. de Saint-Brieuc), 335. Goet-Loux (F. de) (Morbihan), 340. Goet-Maloen (B. de) (Côtes-du-Nord, arr. de Guingamp), 336. Golettes (F. des) (Allier, arr. de Gannat). Colombaria sylva, 178. Colombe (F. de) (Aube). Colombiers (F. de) (Vienne ou Deux- Sèvres). 65. Colonne (F. de) (Jura). 69. Coly ou Labal (F. de) (Dordogae, arr. de Sarlat), 404. Comhanigra [sylva), 379. Commercy (F. de) (Meuse), 201. Gompiègne ou Guise (F. de) (Oise), 52, 106, 107, 108 {il), 164, 168, 409. Voy. Cuise (F. de). Goncarneau (F. de) (Finistère), 340. Concharum foresta, 310. Couches (F. de) (Eure), 304, 310, 311, 312, 313, 314. Conchis S.Clemenlis [nermis] 180 (n) . Conchis de Cavaignes [nemus) 180 (n). Concise (F. de) (Mayenne, arr. de Laval), 132, 330. ' Gondé (F. de) (Nord), 186. Gootsé (B.) (Loire-Inférieure), 340 (n). Gorbeny (F. de) (Aisne, arr. de Laon). Corbières (Forêts des), 389. Corgebin (F. de) (Haute-Marne, arr. de Chaumont). Cormaranche (F. de) (Ain, arr. de Belley). Corme Royal (F. de) (Charente-In- férieure), 371. Corneau (B. de) (Saône-et-Loire), 281. Corneau (B. de) (Indre-et-Loire, arr. de Tours). Cosdrena sylva, 269. Costa Chapsis (Boscus), 257. Colia sylva, 106, 108, 109, 111. Couarde (B. de la) (Indre-et-Loire ">, 281. Couard (B. de), voy. Coard. Couassé (B. de) (Loire-Inférieure), 340 (/?). Goucy (F. de) (Aisne, arr. de Laon), 52, 109, 165, 178. Coudane (B. de la) (Eure et Eure- et-Loir), 308. Gouisans (B. de) (Nord), 184. Coulommiers (F. de) (Aisne), 179. Coulon (F. de) (Côtes-du-Nord), 335. Courheron (Boscus de] 158 (n). Coutumes (F. de) (Haute-Vienne), 358 {n). Gouvaux (F. de) (Morbihan, arr. de Napoléonville). Coye {Boscus de), 164. Coyœ {Venda), 164 (n). Graine (B. de) (Oise), 166. Crannou (F. de) (Finistère), 341. Craon (F. de) (Mayenne, arr. de Ghâteau-Gontier),"'l29, 130, 132, 288, 330. Creciaco {for esta de), 161 (n). Crécy (F. de) (Seine-et-Marne, arr. de Meaux et Coulommiers), 161, 162, 168, 171. Créqui (B. de) (Pas-de-Calais, arr. de Montreuil), 177. Cresiacum foreste, 112, 173. Crespin (B.) (Eure), 306. Gressy (F. de) (Somme, arr. d'Ab- beville), 112, 132, 173, 174. Crissay (F. de) (Indre-et-Loire, arr. de Chinon), 275. Croc (F. du) (Seine-Infér., arr. de Dieppe). Croiz-le-Frison (B.) (Aisne), 166. Gronilhac (F. de) (Haute-Loire, com- mune de Tence, arr. d'Yssin- geaux). 31 482 TABLE GÉNÉRALE. Croie (Veyula de), 308. Croteis {foresla de), 307, 308. Croth ou Crot (F. de) (Eure), 268, 307, 308. Crolois (B. de). 308 (n). Crolois, voy. Croth (F. de). Crous de Boveresche (nemus), 180 (n). Crov(F. de) (Somme), 176 (/î). Cuise (F. de) (Oise). 106, 107. 108, 109, 164, 165. 107, 168, 169, 434. Voy. Compiègne (F. de). Cw'siasylva, 164. Cunexv (F. de) (Moselle, arr, de Metz). Ciiria Dei (Dosais), 258. Cussangy (B. de) (Aube, arr. de Bar-sur-Seine), 225. Cussey-les-Forges (F. de) (Côte- d'Or, arr. de Dijon). Dambach 'F. de) (Bas-Rhin, arr. de Schélestadt). Dambray (B. de) (Orne), 298. Dames (B. des) (Indre-et-Loire), 281. Dam-Ravnaud (F. de) (Jura), 241. Danville^F. de) (Meurthe), 116. Dauzon (F. de) (Ardèche, arr. de Largenlière), 403. Dementart (F. de) (Aisne), 166. Denervense salins, 216 (n). Der, Ders ou Derve (F. de) (Haute- Marne, arr. de Yassy), 43, 216, 217, 412. Dervalières (B. des) (Loire-Infé- rieure), S 39. Descouardes (B. de) (Eure), 306. Désuresmes ou de Desvres (F. de) (Pas-de-Calais, arr. de Boulogne;, 177. Devons (F. de) (Jura), 241, 248. Devez (F. de) (Haute-Loire, canton de Saugues). Desvres (F. de). Voy. Desuresnes, arr. de Boulogne). Dian ou Dians (F. de) (Seine-et- Marne), 156. Dianx sijlva, 51, 156. Dieuiit (F. de) (Orne, arr. de Dom- front). Dieulet (F. de) (Meuse, arr. de Mont- médv), 199. Dinan (B. de) (Côtes-du-Nord), 334. Dine (F. de) (Vienne), 345. Dirac (F. de) (Charente, arr. d'An- gouléme), 368. Dirimore (F. de) (Angleterre), 419 (n). Dissey (F. de) (Saône-et-Loire, arr. de Louhans). Doignon (F de) (Haute-Vienne, arr. de Limoges), 359. Dola sylva, i 66. Dole (F. de) (Aisne, arr. de Châ- teau-Thierry), 166. Domenéche ou Domnaiche (P. de) (Loire-Inférieure, arr. de Châ- teaubriant). Dormont (B. de) (Aisne, arr. de Chî'iteau-Thierry). Dorso asini (nemiis de), 225. Dourdan (F, de) (Seine-et-Oise, arr. de Rambouillet), 151. Douvereau (F. de) (Mayenne), 288. Dreuille (F. de) (Allier, arr. de Montluçon), 362, 363. Dreux (F° de) (Eure-et-Loir), 266, 267, 268, 307. Dromling (F. de) (Allemagne), 252. Drouille (F. de) (Creuse, arr. d'Au- busson). Duault (F. de) (Côtes-du-Nord, arr. de Guingamp), 37. Duc (F. au) ou Bois du Roi (Yonne, arr. d'Avallon, canton de Quarré- les-Tombes), 235. Ducis sijlva, 78. Durbont (F. du Mont), 376. Durtal (F. de) (Maine-et-Loire, arr. de Baugé), 289. E Eaumet (F. d') CBouches-du-Rhône), 383. Eavi (F. d') (Seine-Inférieure, arr. de Dieppe et Neufchàlel), 314, 324, 32o, 328. Ehroicensis foresla, 304. Eburovices (F. des) 314, 315, 316. Echallon (F. d') (Ain, arr. de Nan- tuaj. TABLE GÉNÉRALE. 483 E couves (F. d') (Orne, arr. d'Argen- tan), 298, 299. Edohola sylva, 404. Eglises (B. des) (Aisne), 166. Emans (F. d") (Seine-et-Marne), 155. Embeyre (F, d') (Ariége, arr. de Foix). Enfers (B. des) (Var, arr. de Dra- guignan). Enghien ou Anguien (Marne, arr. d'Epernay), 219. Engoudsent (F. d') (Pas-de-Calais, arr. de Moritreuil). Ensigné (F. d') (Deux-Sèvres), arr. de Melle). Ensisheim (F. ouB. d') (Haut-Rhin), 2Û7 (n), 212. Epernav (F. d') (Marne), 219. Epinal (F. d") (Vosges), 204 (n). Epinat (F. de 1') (Indre-et-Loire), 278. Epinay (B. d') (Indre), 273. Epinoy (B. de 1') (Indre-et-Loire), 277. Epoisses (B. des) (Doubs, arr. de Besançon). Epping (F. d') (Angleterre), 54 (n). Equilina foresla^ 150 in). Ennandia regia foresla, 201 (n). Ermenonville (F. d') (Oise), 169. Erviel (F. d') (Yonne), 228. Escout (F. d') (Basses-Pyrénées), 394. Esga sylva, 166. Esmans (F. d') (Seine-et-Marne), 155. Espartignac (F. de) (Gorrèze), 358, 359. Epinasse (F. de 1') (Allier, arr. de Montluçon), 363. Essarts (F. des) (Eure et Seine-In- férieure), 316. Essarts (F. des) (Vendée, arr. de Napoléon- Vendée) . Estrapes (Bois des) (Aube), 224 {n). Etampes (F. d') (Deux-Sèvres j, 349. Etang-Neuf (B. de 1') (Vendée), 347. Etangs (B. des) (Indre-et-Loire), 275. , Etoile (F. de 1') (Haute-Marne, arr. de Chaumont). Etusson (F. d') (Deux-Sèvres, arr. de Bressuire), 348. Eu (F. d') (Seine-Inférieure), 323, 324. Evêque (Bois de 1') (Nord), 185. Everla {Haiade), 151 (n). Evreux (F. d') (Eure), 304, 305, 307, 313, 314. Evroux, voy. S. Evroux (B. de). Evuriii {S.) (Boscus), 257. Explenta {nemiis), 278. Eyrieu (F. d') (Isère), 374. Fage (B. de la) (Gorrèze), 359. Faget (B. du) (Gôte-d'Or), 224 (n). Fagina sylva, 195 (n). Fagne ou La Fagne (F. de) (Nord et Ardennes), 54, 184, 189, 190, 195. Fagne de Sains (B. de la) (Aisne, arr. de Vervins), 195 {n). Fagne de Trélon (B. de la) (Nord, arr. d'Avesnes), 195 (n). Fa igné (B. de la) (Gôtes-du-Nord), 335. Fains (Buisson du Breuil de) (Maine- et-Loire), 290. Fajel (sylva de), 395 (n). Falavier (F. de) (Isère), 374. Falise (B. de) (Nord), 184. Falempin (B. de) (Nord), 186 (?i). Fannia sylva, 54 (n). Faou (F. du) (Finistère), 341, 461. Farschwiller (F. de) (Moselle, arr. de Sarreguemines). Fauge (F. de) (Aude). Fautoye (B. de la) (Aisne), 160. Faux (F. de) (Gôte-d'Or, arr. de Beaune). Faye (F. de la) (Jura, arr, de Poli- gny). Faye de Valempoulière (F. de la) (Jura. arr. de Poligny). Febeton (F. de) (Suisse), 254. Ft'camp (F. de) (Seine-Inférieure), 37, 323. Féchier (B, de) (Loire, arr. de Roanne), 353. Fère en Tardenois (F. de) (Aisne, arr. de Ghiteau-Thierry), 109, 166. 484 TABLE GÉNÉRALE. Perrière (F, delà) (Seine-et-Marne^, 163. Ferrière (F. de là) (Deux-Sè\Tes, arr. de Bressuire), 344. Fertans (F. de) (Doubs, arr. de Be- sançon). Ferté (F. de la) (Indre-el-Loire). Voy. Bragny (F. de). Ferté-Vidame (F. de la) (Eure-et- Loir, arr. de Dreux). Feytaud (F. de) (Dordogne, arr. de Périgueux). Fiscannensis sylva, 323. Flavignac (F. de) (Haute-"Vienne), 360. Fléteau (B. de) (Indre-et-Loire, arr. de Tours). Flines (F. de) (Nord, arr. de Douai). Foilloiis {nemus de), 153. Folembray(F. de) (Aisne), 178. Folin (F. de) (Saône-et-Loire). Follosii sylva, 153. Folonia sylva, 302 (?i). Fûkrenioald, 213. Fontainebleau ou de Bière (F. de) (Seine-et-Marne), 27 (n), 46, 50, 146,154, 155, 156, 157,171,201, 296, 410. Yoy. Bière (F. de). Fontaine-Française (F. de) (Côte- d'Or, arr. de Dijon). Fontainé-Milon (B. de la) (Maine- et-Loire, arr. de Baugé), 278. Fontevrault (F. de) (Maine-et-Loire, arr. de Saumur). Fondfroide (F. de) (Aude), 391. Fontpéron (F. de) (Deux-Sèvres). Forahwn sylva, 213. Forbach ^F. de) (Moselle, arr. de Sarreguemines). Forêt Noire (Allemagne), 30 (n), 72, 206,211,250. Foret Noire. Voy. Hunaudaye (F. de la). Forestel (F. du) (Somme), 177. Forestelle (B. dej (Aisne), 178. Fossart (F. de) (Vosges, arr. de Re- miremont). Foucaudière (F. de la) (Maine-et- Loire, arr. de Chollet). Fuugaron (F. du) (Haute-Garonne, arr. de Saint-Gaudcns). Fougères (F. de) (lile-et-Vilaine), 130, 132. Fougereuse (F. de la) (Deux-Sèvres, arr. de Bressuire), 348. Fougues ou Foug (B. de) (Meurthe, arr. de Toul), 201, 203. Foulleuse (B. de) (Seine-et-Olse), 153. Fouiognes (B. et F, de" (Calvados, arr. de Bayeux), 302, 303. Fourges (B. de) (Eure), 306. Fours (B. de) (Nièvre, arr. de ISe- vers), 360. Fourmies (La Haye de). Voy. Haie de Fourmies. Fousseaux (F. de) (Indre), 273. Fraise (B. de) (Vosges;, 204. Fréau (B. de) (Finistère), 341. Fresne (F. de) (Meurthe, arr. de Chàteau-Salins). Fresse ou La Presse (P. de) (Jura, arr. de Poligny), 424, 432 {n\ Fretieum sylva, 229. Freley ou Fretoy (F. de) (Yonne, arr. d'Auxerre), 229. Fretoy [nemus de), 180 [n). Fretteval (F. de) (Loir-et-Cher, arr. de Vendôme), 263, 264. Freyenwald, 30 (n). Fricourt (F. de) (Somme, arr. de Péronne). Frisia foreslensis, Ib. Froidmont (F. de) (Ardennes, arr. de Mézières). Fromontel (B. des Montagnes de) 'Côtes-de-Nord), 34 (n). Fruges (B. de) (Pas-de-Calais), 177. Fuluhant(F. de), 25 (n). Fursl (B. de) (Moselle, arr. de Sar- reguemines). G Gabas (F. de) (Basses-Pyrénées, arr. d'Oloron), 394. Gahrela sylva, 72, 73. Gajon (P. de) (Gers, arr. de Lec- toure). Gampen(F. de) (Allemagne), 35 (n). Ganac (P. de, (Ariégc, arr. de Foix). Garde (B. de la; (Vendée), 347. Garenne (B. de la) (Finistère), 341. Garrigue (F. de la) (Tarn-et-Ga- ronne, arr. de Montauban), 402. Garnache (F. de la) (Vendée), 347. TABLE GÉNÉRALE. 485 Gars (B. de) (Finistère), 341. Gars (F. du) (Haute-Garonne, arr, deSaint-Gaudens). Garsenland (F. de) (Indre), 272. Gartempe (F. de) ^Creuse, arr. de Guéret), 38 (n). Gastines ou Gâtines (F. de) (Loir- et-Cher), 264, 2G5. Gatey (F. de) (Jura, arr. de Dôle). Gâtine (F. dej (Indre), 272, 278. ■Gâtine (F. de) (Vienne), 344. Gats (F. des) (Vendée, arr. de Na- poléon-Vendée). Gault (¥. de) (Marne, arr. d'Eper- nav), 220. •Gault (F. de) (Eure-et-Loir), 263. Gavre (F. de) (Loire -Inférieure, arr. de Savenay) , 339, 411. Gehan (F. du) (Vosges, arr. de Re- miremont). Gennes (B. de) (Doubs, arr. de Be- sançon). Gergy (F. de) (Saône-et-Loire, arr. de Chalon). Gervelle (F. de) (Creuse), 365. Gesse (F. de) (Aude). Gétel (F. de) (Orne, arr. de Dom- front). Giroussens (F. de) (Tarn, arr. de Lavaur), 400. Gisors_(F. de) (Eure), 328. Givereio (for esta de), 232. Givreium [foresta de rupins), 233. Givry (B. de) (Saône-et-Loire, arr. de Chalon),. 233. Gnadenwtdd (Tyrol), 35 (?i). Godesque (Forêt), 392 (?i). Goille ou des Goilles (F. de) ou de Cal- cadis (Gard, arr. du Vigan), 400. Golferni sylva, 292. Gomet {Venda de), 258. Gondrecourt (F. de) (Meuse, arr. de Commercy). Gorze (B. de) (Moselle, arr. de Metz). Gouffer ou Gouffern (F. de) (Orne, arr. d'Argentan), 292, 293, 296, 428. Gouggisberg (F. du) (Suisse), 245. Gouline (F. de) (Saône-et-Loire, arr. de Mâcon). Gralas (F. de) (Vendée, arr. de Napoléon- Vendée). Grand (F. de) (Vosges, arr. de Neufchâteau) , 116. Grand-Bragny (F. du) (Saône-et- Loire), 1 32. Voy. Bragny. Grand-Bois (B. lïu) (Marne), 217. Grand-Chaiily (F. du) (CùLe-d'Or, arr. de Chatillon-sur-Seine). Grand-Chapitre (B. du) (Creuse), 365. Grandes Vendres (F. de) (Hé- rault). Grandis sylva, 305, 391. Grand Lande (F. de) (Vendée, arr. des Sables d'OIonne). Grand-Fayet (B. du) (Côte-d'Or), 224. Grande -Vèvre (B. de) (Haute - Saône, arr. de Vesoul). Grand Selve (F. de) (Haute-Ga- ronne), 398. Grandvaux (B. de) (Saône-et-Loire, arr. de CharoUes). Grange (B. de la) (Seine-et-Marne, arr. de Coulommiers', 163. Granges (B. de) (Allier), 364. Grange (F. de) (Haute-Saône, arr. de Lure). Grantsœuvre (B. de) (Eure), 306. Grata (F. de) (Vendée). Graloil {nemus de], 180 (n). Gratuel (B. de) (Seine-et-Marne), 159. Gravelle (F. de la) (Nièvre, arr. de Château- Chinon), 234. Gravelle (B. de la) (Isère, arr. de Grenoble). Grésigne (F. de) (Tarn), 400. Grosbois (F. de) (Charente), 368. Grosbois (F. de) (Indre-et-Loire), 276. Grosbois (F. de) (Allier, arr. de Moulins), 362, 363. Grosme (B. de) (Saône-et-Loire, arr. d'Autun). Croulais ou La Croulais (F. de) (Loire-Inférieure, arr. de Save- nay), 330. Gitanapii foresla, 347. Guasiinensis sylva, 265. Guerche (F. de la) (Ille-et-Vilaine, arr. de Vitré), 129, 130. Guerche (F. de la) (Vienne, arr. de Chatellerault). 486 TABLE GÉNÉRALE. Gueslanter (F. de) (Moselle), 197. Guinegault (B. de) (Mayenne, arr. de Laval). Guillaumard (F. de) (Aveyron, arr. de Sainte-AfTriquej, 399. Guines (F. de) (Pas-de-Calais, arr. de Boulogne), 177. Guirbaden (F. de) (Bas-Rhin, arr. de Schélestadt). Guisancourt;B. de) (Aisne ou Nord), 182. Guise (Haie de) (Aisne, arr. de Vervins), 190. Guyon(B.) (Eure-et-Loir), 2C8. H Haartwald (F. de) (Bas-Rhin, arr. de Wissembourg). Ilaguenau (F. d') (Bas-Rhin, arr. de Strasbourg), 128, 207, 209, 210, 212. Hainaut (F. du), 173, 184 (n). Haira (F. de) (Basses-Pyrénées). Ilaîachhis lucus, 168 (n). Halacla sylva, 168. Hallais (F. de) (Sarthe), 285 (n). Ilallatte (F. de) (Oise), 108 (n), 168, 169. Hallois (nemiis de), 181 (n). Halouze (F. d') (Orne, arr. de Dom- front). Ilanau (F. de) (Bas-Rhin), 207. Handeck (F. de la) (Suisse), 249. Hardelot (F. de) (Pas-de-Calais, arr. de Boulogne), 177. Harlala s'jlva, 168. Hartt ou Harth (F. de la) (Haut- Riiin, arr. de Mulhouse et Col- mar), 207, 209, 210, 212. Harz(F. du) (Allemagne), 77,78,79. Haseii (Venda) in Cuisia, 108 (n). Hasta comilis {nemus), 211 (n). Hatten (F. de) (Bas-Rhin, arr. de Wissembourg), 138, 207 (?i). Ilaulles (B. des) fSeine-Inférieure), 37. llaule-Brune (F. de) (Cher), 271. Haute Forêt (F. de la^ (Côte-d'Or, an-, de Beaune, canton de Nuits et de Seurre). Jlautes-Joux (F. des) (Jura), 241. Haute-Seille (B. de la) (Meurlhe\ 203 («). Haute-Sel ve (P. de) (Ille-et-Vilainc, arr. do Rennes et de Fougères). Haye (F. de) (Meurthe, arr. de Nancy), 203. HayefB. delà) (Eure-et-Loir), 3 11(«). Haye des Fées (B. de la) (lUe-et- Vilainc), 66. Haye de Fourni les (la) (Nord, arr. d'Avesnes), 183. IIayed'Avesnes(la)(Nord), 184, 188. Ilecium sylva, 167. Heilige-Forsl, 128, 212. Heilly (F. d') (Somme, arr. d'A- miens). Heinart-Trist (F. de), 58. Hellet (F. du) (Seine-Infér., arr. de Neufchatel). Hennechies (B. d') (Nord, arr. de Cambray), 182. Herbeys (F. des) (Isère et Hautes- Alpes). Herchieu{nemusde), 181 {n). Hercynia sylva, 22,73, 74, 75(n), 77, 212, 416. Héregnières (B. d') (Allier), 302. Héric(F. d") (Loire-Inférieure), 338, 339. Hénstal(F. d'), 115. Hérival (F. d') (Vosges, arr. de Re- miremonl). Hermitain (F. de 1') (Deux-Sèvres, c. de Souvigné, arr. de Niort), 348. Hervaux (F. d') (Yonne, arr. d'A- vallonj, 228. Hervaux fB. d') (Oise), 169. Hesdin (F. d') (Pas-de-Calais), 177. Hespyonia foresla, 169. Hesse (F. de) (Meuse, arr. de "Ver- dun), 199. Heugnes (F. d') (Indre), 272. Hez (F. de) (Oise), 167. Hildenhusen (F. d') (Haut-Rhin), 207, 208. Hildonis syFva, 220. Ilircauus sallus, 75. Hœwald (F. d") (Bas-Rhin). I/ogis {sylva de), 323. Hogue (B. de) (Seine-Inférieure), 323. Holmes (F. de) (Somme), 175. Honduin(B. de) (Aisne), 190. TABLE GÉNÉRALE. 487 Hôpital (F. de 1') (Côte-d'Or, arr. de Chatillon-sur-Seine). Horte (F. de) (Charente, arr. d'An- goulème), 368. Houssière (F. de) (Nièvre, canton de Montsauche). Houvre (F. de la) (Moselle, arr. de Thionville). Hubelwaeldele (B. de) (Haut- Rhin), 212. Hunaudaye (F! de la) ou Forêt Noire (I Ile-et-Vilaine), 335. He-Bouchard (B. de 1") (Indre-et- Loire), 277. Indinosa (F. de 1') (Corse), 387. Insulanus nemus, 111 . Iratv (F. d') (Basses-Pyrénées), 394, 396. Isneauville (La Haie d') (Seine- Inférieure), 321. Isseaux (F. d') (Basses-Pyrénées, arr. d'Oloron). Issoudun (F. d') (Indre). Iveline (F. d'). Voy. Yveline (F). Ivry (F. d') (Eure), 307. Jailly (F. de) (Côte-d'Or, arr. de Chatillon). Jarnac (F. de) (Charente, arr. de Cognac), 370. Javernandus sylva, 124. Jeumont ^B. de) (Nord, arr. d'A- vesnes), 184. Jeune (F.) (Dordogne, arr. de Non- tron). Jocourt (B. de) (Aube), 221. Jodrensis saillis, 161. Jonchère (F. de) (Saône-et-Loire). Joranus snllus, 128, 160, 161. Jorat {nemits de), 252. Jouarre (F. de) (Seine-et-Marne), 128, 160, 161. Joux (F. de la Haute-) (Jura, arr. de Poligny). Joux (F. de) (Jura, arr. de Saint- Claude), 240. Jouy (F. de) (Seine-et-Marne, arr. de Provins), 171, 221. Jugny (F. de) (Côte-d'Or, arr. de Dijon). Juigné (F. de) (Loire-Inférieure, arr. de Châteaubriant), 130, 330. Jura (F. royale de) (Doubs, arr. de Ponlarlier). Jura (Forêts du), 70, 239. Juranus sidlus, 244. Juris sylva, 244. K Karisiacum foresle ,111. Kasten (F. de) (Haut-Rhin, arr. de Colmar), 209. Katzenwald (F. de) (Bas-Rhin, arr. de Wissembourg). Kiersy. Voy. Quiersy, 111. Kilescort {nemus de), 186 (n). Kintzheimer (F. de) (Bas-Rhin, arr. de Schélestadt). Labal (F. de). Voy. Coly. L'Absie (F. de) (Deux-Sèvres, arr. de Parthenay). Lagii foresla, 255, 257, 258. Laide (F. de) (Allier, arr. de Mou- lins), 363. L'Aigle (F. de) (Orne, arr. de Mor- tagne). 296, 313. L'Aigle ^F.' de). Voy. Laigue. Laigue (F. de) (Oise), 52, 107, 166, 167. Laigue (F. de) (Isère). Laie [sylva), 149. Lalonde (F. de) fSeine-Inférieure\ 296 (?î), 315, 316, 317, 320, 32h I;amandes (F. de) (Haute-Loire, caut. de la Chaise-Dieu). Lamarche (B. de) (Saône-et-Loire, arr. de Louhans), 238. Lamarche (B. de (Meurlhe), 201. Lamballe (F. de) '(Côtes du Nord), 335. Lambert (B. de) (Vaucluse, arr. d'Apt). Lanceia sylva, 223. Lancy (F. de) (Yonne, canton de Villeneuve-l'Archevôque), 223. Lande-d'Airou (F. de la) (Manche), 301. 488 TABLE GÉNÉRALE. Lande-Pourrie (F. de) (Manche, arr. de Mortain), 300, 301. Landes-Ruchart F. de) (Indre-et- Loire, arr. de Ghinon), 275. Voy. Ruchart. Langeais (B. de) Indre-et-Loire, arr. de Ghinon). Lanière (B. de ia) (Nord, arr. d"A- vesnes). Lanmur ou Lanmor (F. de) (Gôtes- du-Nord), 335. Lanoé ou Lanouée (F. de) (Mor- bihan, arr. de Ploermei), 336. Larçay (F. de) (Indre-et-Loire, arr. de Tours). Larche (F. de) (Loire-Inférieure, arr. d'Ancenis), 338. Laruns (F. de) (Basses-Pyrénées, arr. d'OIoron), 396. Lastol (F. du Val de) (Basses-Pyré- nées). Laubrière (B. de) (Loir-el-Gher, arr. deBlois), 130. Laiichonia sylvo, 158. Launay (B. de) (Loire-Inférieure), 339. Lavardin (F. de) (Sarthe, arr. du Mans), 283. Lmj3e vendu, 149. Laye (F. de) ou de Saint-Germain en Lave (Seine-et-Oise, arr. de Versailles), 50, 146, 149, 150, 151, m. Laye (B. de) (Hautes-Alpes), 379. Lea ou Lia sylva, 149. Léaux (B. de) (Ardèche), 403. Lens (F. de) (Pas-de-Calais, arr. de Béthune), 112. Leodegarii {sylva S.), 56 (n). Leodia sylva, 326. Léon (F. de) (Finistère), 65. Léons (F. de). Voy. Lyons. Leppo (F. de) (Maine-et-Loire, arr. de GhoUet). Voy. Ghaussère (La). Lescar (B. de) (Basses-Pvrénées), 393. Lésine (F. de) (Jura, arr. de Po- ligny). Lezin (F. de) (Loire-Inférieure, arr. de Savenay). Liberiacensis sylva, 158. Libio (F. de) (Corse), 387. Licques (F. de) (Pcs-de-Calais, arr. de Saint-Omer). Lida sylva, 149. Liessies (B. de) (Nord, arr. d'Aves- uesj, 142. Liffré (F. de) (Ille-et-Vilaine, arr. de Rennes), 337. Ligny (F. de) (Meuse, arr. de Bar- le-Duc), 202. Liheu ou Lihus (B. de) (Oise, arr. de Clermont et Gompiègne). L'Ile- Adam (F. de) (Seine-ct-Oise, arr. de Pontoise). Lillebonne fF. de) (Seine-Inférieure, arr. du Havre), 332. Limon i F. de) (Dauphiné), 374. Lisganaw (F. de) (Belgique), 59. Lisgua sijlva, 166. Lisica sylva, 107, 166. Liriaco (Doscus de), 158 («)• Livry (F. de) (Seine-et-Oise, arr. de Pontoise), 146, 158, 159. Lochère (F. de la) (Gôte-d'Or, arr. de Dijon). Loches (F. Ae) (Indre-et-Loire), 278, 279. Lochets (F. des) (Vosges, -commune de Sauville, arr. de Neufchâteau). Lochix nemus, 278. Lodes (B. de) (Haute-Garonne, arr. de Saint-Gaudcns). Loges (B. des) (Sarthe). 285. Loges (B. des) (Seine-Inférieure), 37, 323. Loma(F. de) (Corse), 387. Lomont (F. de) (Doubs), 239. Londse venda, 317. Long (B. du) (Eure), 306. Lonrja sijlvu, 264, 276. Longaunay (F. de) (Maine-et-Loire), 284,290. Long-Boël (F. de) (Eure), 328. Longegoulte (F. de) (Vosges, arr. de Remiremont). Longeron (F. de) (Maine-et-Loire, arr. de Chollel). 288. Longeville (F. de) (Moselle, arr. de Sarreguemines). Longue roye (B. de) (Aisne), 106. Longus-Alnetus [sylva), 284. Lonia sylva, 264. Lorez(B. de) (Indre), 273. Lorges (F. de) (Eure-ot-Loir), 207. TABLE GÉNÉRALE. 489 Lorges (F. de) (Gôies-du-Nord, arr. de Saint-Brieuc et Loudéac). Voy, Coet-Lorges. Lornie (F. de) (Nièvre, arr. de Cla- mecy). Loroux (F. de)(Côtes-du-Nord), 235. LoubiUé (F. de) (Deux-Sèvres, arr. do Melle). Loudéac (F. de) (Gôtes-du-Nord), 335. Louisian (B.) (Aisne), 166. LûLille (F. de) (Jura, arr. de Poli- gny), 70. Lourzé (F. de) (Maine-et-Loire, arr. do Segré), 130. Louvaux (F. de) (Morbihan), 336. Louvre (Garenne du) (Seine-et-Oise), 157. Lulia (B. de) (Vaucluse, arr. d'Aptl, 381. Luljoton (F. de) (Seine-et-Marne), ICI, 162. Luclieux (B. de) (Pas-de-Calais), 56. Lumigny (B. de) (Seine-et-Marne), IGl. Luna sylva, 73. Lure (B. de) (Basses-Alpes, arr. de Forcalquier et Sisteron) . Lussac (F. de) (Vienne, arr. de Montmorillon). Lyons (F. de) (Eure et Seine-Infé- rieure), 137 (îi). 326, 327. Lys (F. du) (Oise, arr. de Senlis). M Maalel fovesla, 224. Mably (B. de) (Loire, arr. de Roan- ne). Machecoul(F. de) (Loire-Inférieure, arr. de Nantes). Macretet (F. de) (Ain, arr. de Nan- tua). Magdelaine (B. de la) (Allier, arr. de La Palisse). Magnac (F. de). Voy. Meuzac (F. de). Magnat (F. de) (Creuse, arr. d'Àu- bussdn). Magot (B. de) (Deux-Sèvres, arr. de Parthenay) Maham (F. de) (Seine-et-Marne), 160 (n). Mairc-Rogier(B. de la) (Eure), 306. Maisonrouge (B. de) (Ardennes, arr- de Vouziers). Major {sylva), 218. Malachère (B. de la) (Haule-Saône), 409. Malapa sylva, 300. Mdlay-le-Roy(F. de) (Yonne), 224. Maibo (F. de) (Cantal, arr. de Saint- Flour), 356. Malbosc (B. de) (Ardèche, arr. de Privas), 403. Maldabide (B. de) (Basses-Pyrénées, arr. de Bayonne). Malefre (F. do) (Orne), 300. Malestable (F. de) (Sarlhe), 2S5. Malevalle (F. de) (Haute-Vienne), • 359. Malissard (F. de) (Isère, arr. de Grenoble). Malleroye (F. de) ^Saône-et-Loire, arr. de Ghalon), 233. Mallet(B. de) (Cantal), 356. Malmaison (B. de la) (Aisne, arr. de Laon), 189. Malnoue (B. de) (Jura, arr. de Dôle). Malo Perluso {sylva de), 302 {n). Malpayre (F. de) (Sarthe, arr. de La Flèche), 289. Manières (B. des) (Vendée), 346. Malvèvre (F. de) (Saône-et-Loire, arr. de Louhans), 238. Mangette (F. de la) (Jura), 241. Mangienne (F. de) (Meuse, arr. de Montmédy), 197. Manœuvre (B. de) (Loire et Rhône), 352. Mans (F. du) (Sarthe), 283 {n), 284. Mans ou Mant (F. du) Seine-et- Marne), 128, 132fn), 160. Ma range (F. de) (Charente, arr. d'Angouléme). Maquis de la Corse, 388. Marchenoir (F. de) (Loir-et-Cher, arr. de Vendôme), 263, 264, 276 (n), 411. Marciana sylva, 72, 74, 211. Maréchats ou du Marchât (F. de) (Haute-Marne, arr. de Chau- mont), 112 (??). Mareuil ouMarealhe (F. de) (Vienne, arr. de Montmorillon), 344. Mareuil (F. de) (Dordogne), 369. 490 TABLE GÉNÉRALE. Mariage (F. de) (Belgique), 59. Marmiesse (F. de) (Cantal, arr. d'Aurillac). Marly (F. de) (Seine-el-Oise), 151. Marloux (F. de) (Saûne-et-Loire, arr. de Chalon). Marsenac ou Marcenat (F. de) (Allier, arr. de Gannat), 363, 364. Martigny-les-Lamarche (B. de) (Vosges, arr. de Neufchâteau) , 38 (n). Marsois (F. de) (Haute-Marne, arr. de Chaumont). Martin (B.) (Indre-et-Loire), 277(n). Martinville (F. de) (Vosges, arr. de Mirecourt». Mary (F. de) (Cantal, arr. de Mau- riac), 170 (n). Mas d'Agenais et de Senestis (F. de) (Lot-et-Garonne, arr. de Mar- mande). Matte (F, de la) (Pyrénées-Orienta- les, arr. de Prades). Mauboussin (F. de) (Haute-Ga- ronne, arr. de Saint-Gaudens). Maulevrier (F. de) (Seine-Infé- rieure), 321. Maulnay (F. de) (Allier), 363. Maulne et Grailly (F. de) (Cher, arr. de Saint-Amand). Maulnes (F. de) (Yonne, arr. de Tonnerre). Maumusson (F. de) (Loire-Infé- rieure, arr. d'Ancenis). Mauny (F. de) (Seine-Inférieure, canton de Ducler), 317. Maupertuis (F. de) j Manche, arr. de Saint-Lô), 302. Maures (F. des) (Var, arr. de Dra- guignan), 386. Mauzé (F. de) (Deux-Sèvres). Mayenne (F. de) (Mayenne, arr. de Laval et Mayenne). Mazarin (F. de) (Ardennes, arr. de Mézières), 195. Meaux (B. de) (Seine-et-Marne), 128, 160. Mediana sylva, 397. Meilleraic (F. de la) (Deux-Sèvres, arr. de Parthenay). Mélinais (F. de) (Sarlhe, arr. de La Flèche), 131. Melle (B. de) (Deux-Sèvres), 34 Mellerii venda. 259. Melleroy (B. de) (Loiret), 259. Mercoire (F. de) (Lozère, arr Mende, cant. de Langogne), 35i (»), 447 (n). Mercoires (F. de) (Basses-Alpes, arr. de Sisteron et Forcalquier). Méré (F. de) (Eure), 306. Merevant (F. de) (Vendée), 345. Merssan (B. de) (Indre), 273. Mescleuve (F. de) (Moselle, arr. de Metz). Messarges (F. de) (Allier, arr. de Moulins\ 361. Meudon (F. de) (Seine-et-Oise), 177. Meuzac ou Magnac (F. de) (Haute- Vienne, arr. de Saint- Yrieix). Meynac (F. de) (Haute-Vienne, arr. de Bellac). Miderche (F. de) ou Muyderswald (Meurthe, canton de Fenestrange). Milihtm landa, 277 (n). MiramJDel (F. de) (Corrèze, arr. d'Ussel). Mirebeau (F. de) (Côte-d'Or, arr. de Dijon). Misedon (B. de) (Mayenne, arr. de Laval). Moidons-Viblanche et des Moidons- Papillard (F. des) (Jura, arr. de Poligny) . Moines iB. aux) (Mayenne, arr. de Lavai). Moines (B. aux) (Loir-et-Cher, arr. de Romorantin), et Loiret (arr. d'Orléans). Moiadier ou Molladier (F. de) (Al- lier, arr. de Moulins), 360, 361. Molendmwn boscus, 301 (n). Molières(F. de). Voy. Meulières. Molières (B. de) (Loire), 353. Mollencori îiemus, 180 (n). Mollis caparia (sylva), 359. Mombresme (F. de) (Corrèze), 359. Mondon (F. de) (Meurthe, arr. de Lunéville). Mondragon (B. de) (Côte-d'Or, arr. de Dijon). Moiiela sylva, 288. Monc'loau (B. de) (Yonne, arr. d'Au.\erre), 228. 1 TABLE GÉNÉRALE. 491 Monnaie (F. de) (Maine-et-Loire, arr. de Baiigé), 286, 288, 290. Nlùnpeje (F. de) (Indre). Mon que (F. de) (Côte-d'Or, arr. de (Ihatillon-sur-Seine). Mont (F. du) (Jura, arr. de Poli- gny)- Montaigu (B. de) (Puy-de-Dôme, arr. de Riom), 355. Montagne (F. delà) (Saône-et-Loire, arr. d'Autun), 234. Montagne de Reims (B. de la) (Marne), 219. Montailles (B. de) (Drôme, arr. de Valence), 376. A[ontar (F. de) (Gorrèze), 358 (n). .Mintargis (F. de) (Loiret), 46, 50, 154,255,256,257,258,261,262. Montauriol (B. de) (Aube), 390. Montbessy (F. de) (Saône-et-Loire\ Montclus (B. de) (Ardèche, arr. de Largentière). Montcoutant (F. de) (Deux-Sèvres, arr. de Parthenay), 344. ]Montdésir (B. do) (Haute-Loire, arr. ilo Brioude, cant. de La Voute\ 355. MonLech (F. de) (Tarn-ot-Garonne, arr. de Castel-Sarrazin). Mnntederna sylva, 390. Montfermeil (F. de) (Seine-et-Oise), 159. Montferrat (B. de) (Var, arr. de Draguignan). Muntfort (F. de) (Eure), 316, 317 :«), 318, 410. Monlgé (B. de) (Seine-et-Marne, arr. de Meaux), 159. Mont de Hère (B. de) (Orne, arr. de Domfront). Montiers(B. de) (Yonne), 230. Montier-sur-Seaux (F. de) (Meuse, arr. de Bar-le-Duc), 217. Montignon (F. de) (Saône-et-Loire). Montigny (B. de) (Aisne, arr. de Château-Thierry), au S. de La- ferté-Milon. Montigny (B. de) (Meuse, arr. de Montmédy), 199. Monlis foriis foresta, 3 17 (n). Montis Gaii nemus, 159. Monlis Odilonis srjlva, 241. Monlis Salvii foresla, 357. Montison (B. de) (Indre-et-Loire), 275. Montjoyer (B. du) (Drôme, arr. de Montelimart), 381. Mont-Julier (F. du) (Suisse), 253. Montléans (F. de) (Isère), 375. Montmajour (B. de) (Var, arr. de BrignoUes). Montmeillant (F. de) (Ardennes, arr. de Réthel). Montmirad (F. de) (Sarthe, arr. de Mamers). Montmorency (F. de) (Seine-et-Oise, arr. de Pontoise), 164, 2l7. Montmorency (F. de) (Aube, arr. d' A rcis-sur-Aube) . Mont-Oidelon ^F. du) (Jura), 241. Montoulieu (F. de) (Ariége, arr. de Foix). Montpellier (F. de) (Hérault), 391 Montpensier (B. de) (Puy-de-Dôme arr. de Riom), 364. Montpmçon (F. de) (Calvados, arr de Lisieux). Montrauves (F. de) (Haute-Garonne arr. de Saint-Gaudens). Montréal (F. de) (Ain, arr. de Nan tua). Montrichard (F. de) (Loir-et-Cher) 276. Monts (B. des) (Pas-de-Calais), 177 Morgon (F. de) (Hautes-Alpes), 379 Morin (B.) (Eure), 311 {?i). Morley (F. de) (Meuse, arr. de Bar- le-Duc). Mormal (F. de) (Nord, arr. d'Àves nés), 54, 184, 185, 187. Mortagne (F. de) (Belgique), 195. Mortagne (F. de) (Charente-Infé- rieure), 371. Mortain (F. de) (Manche). Mosne (F. de) (Aube, arr. de Bar- sur-Seine ; Yonne, arr. de Ton- nerre), 224 (n), 225. Motte (B. de la) (Indre-et-Loire, arr. de Tours). Mouère (F. de) (Indre). Meulières ou Mollières (F. de) (Vienne, arr. de Poitiers), 345. Moulins (F. de) (Orne, arr. d'Ar- gentan). 492 TABLE GÉNÉRALE. Moultonne ou Mullonne (B. de) (Mayenne, arr. de Mayenne), 288. Moussières (F. des) (Ain, arr. de Nantua). Moutier(B. du) (Allier), 364. Moyeuvre (F. de; (Moselle, arr. de Thionville). Movon (B. de) (Manche, arr. de Saint-Lô), .302. Mozun (F. de) ''Haute-Loire, arr. de Brioude, cant. de La Chaise-Dieu). Mundat (F. de) (Bas-Rhin, arr. de Wissembourg). Munet [F. de) (Allier, arr. de Mou- lins). Munière (B. de) (Aisne, arr. de Château -Thierry), 166. Murât (F. de) (Indre, arr. de La Châtre), 365. Murât (B. de) (Cantal), 356. Murs (F. de) (Vaucluse, au S.-O. de Vénasque). Myonne (F. de) (Haute-Loire,' arr. du Puy, canton de Vorey). N Naharvales (Bois sacré des) (Germa- tia), 76. Nainglet(F. de) (Saône-et-Loire). Nant (B. de) (Haute-Saône, arr. de Lure) . Nantaise (F.) (Loire-Tnférioure), 337, 339. Nappes (F. des) (Seine-Infér. arr. de Dieppe). Narbonnaise (F. de la) (Aude), 400. Nassau (F, du Prince de) (Bas- Rhin), 197. Neauphle (B. de) (Seine-et-Oise), 150 (n). Nesle (F. de) (Côte-d'Or, arr. de Dijon). Neubourg(F. de) (Eure), 315, 316. Neuf-Cantons (F. des) (Saône-et- Loire), 306. Neuve (F.) (Loire-Inférieure). Neuville (F. de la) (Oise), 168 (n). New forest (Angleterre), 124. Nidoiseau (F. de). Vov. Ny-Oiseau. Niedernai(B. de) (Bas-Rhin), 33. Niederwald, 246. Nieppe (F. de) (Nord, arr, d'Ha brouck). Nielfa (flaia de), 150 (n). Nigrx vallis sijlva, 397. Nimègue (F. de) (Pays-Bas), 76. Nogent-l'Arlault (Aisne, arr. de Château -Thierry, et Seine-et- Marne, arr. de Meaux), Noirs (Les B.) (Loire, arr. de Roan- ne). Noire (F.). Voy. Forët-Noire. Noire-Bouze (F. de) (Doubs, arr. de Baume-les-Daraes, canton de Rou- gemont). Nossoncourt (F. de) (Vosges, arr. d'Epinal). Nouart (B. de) (Ardennes, arr. de Vouziers) . Noues (F. des) (Jura), 433 {n). Nouvion (F. de) (Aisne, arr. de V'T- vins,\ 185, 186, 188, 190, 412. Xoviburgi foresla, 315. Xoviomagensis sylva^ 76. Nuremberg iF. de) (Allemagne), 80. Ny-Oiseau où Nidoiseau (Maine-et- Loire, arr. de Segré), 132, 288. Obemheim ou Obernay (F. d") (Bas- Rhin, arr. de Schélestadt), 210. Occa Sylva, 3 16. Occidenlalis sylva, 77. Ochey (B. d") (Meuse), 201. Ode7iwald,Z0 (n), 37, 211 (?i), 212. Odriaca sylva, 112. Odemvald (F. d") (Bas-Rhin, arr. de Strasbourg). Ogerii boscus, 277. Ognensù sylva, 272. Ombrée (F. d') (Maine-et-Loire, arr. de Segré), 130, 132, 289, 330. Ombrets (F. des) (Charente), 370. Omont (B. d') (Ardennes, arr. do Vouziers). OmorUm nemus, 357. Onglières(F. d') (Jura), 241. Orbestier (F. d") (Vendée), 345, 346, 348. Orcynia sylva, 73. Ordesa (F. d') (Basses-Pyrénées), 396. TABLE GÉNÉRALE. m (irient (F. d') (Aube, arr. de Troyes et de Bar-sur- Aube), 43, 221, 447 (n). Oiig7iiaci sylva, 190. Oi'i^iTly (F. d') (Aisne, arr. de Ver- vins), 190. Orléans (F. d') (Loiret), 50, 154, 255, 25G, 257, 258, 259, 260, 201, 262, 268. Ormont (B. d') (; Aisne), 166. Orville (F. d') (Somme, arr. de Doul- lens), 112. OUa sylva, 222. niluv venda, 223. Ollionia sylva, 213. Othe (F. d') (Aube, arr. de Troyes, et Yonne, arr. de Joigny), 43, 61, 155, 222, 223. Ouche CF. d') (Orne), 294, 295. r)uche (F. d') (Eure), 314. Ourscamps (F. d') (Oise), 167 (n). Outre-Bois (F. d') (Jura), 241. Paciolus sylva, 229. Pact (F. du) (Basses-Pvrénées). iMcy (F. de) (Eure), 306, 307. l'iigani boscus, 258. l'aganorum sylva, 73 (n). Pail (F. de) (Mayenne, canton de Yillaine), 286, 287, 288, 293. Paimpont (F. de) (Morbihan, arr. de Ploërmel, et Ille-et-Vilaine, canton de Plélan), 335, 447 (n). Paisson (F. de) (Yonne, arr. de Tonnerre), 224 (n). Pal {Sylva de), 287. . Palaiseau (F. de) (Seine-et-Oise), 151. Palanges (F. des) (Aveyron, arr. de Rhodez). Palbion (F. de) (Yonne). Palecel{Venda de), 151. Paleirotte (F. de) (Bouches-du-Rhù- ne), 224 (n), 384. Palière (F. de) (Bouchos-du-Rhônb), 384. Pallium sylva, 287. Palson (F. de) (Corrèze), 350. Panderemia sylva, 402. Parc (F. du) (Maine-et-Loire, arr. de Chollet). Parc-Chàlon (F. du) (Deux-Sèvres)* Parc-Soubise (F. du) (Vendée, arr* de Napoléon-Vendée). Pargues (F. de) (Aube, arr. de Bar- sur-Seine), 224 (n). Parma (F. de) (Corse), 387. Pars (B. du) (Mavenne, arr. de La- val), 320. Passavant (F. de) (Vosges, arr. de Mirecourt), 226, 227 {n). Pâtis (B. des) (Sarthe), 284. Paucourt (F. de) (Loiret), 262. Paussac ou Peaussac (F. de) (Dor- dogne, arr. de Riberac), 369. Pavée (F.) (Loire-Inférieure). Pavillon (F. du) (Haute-Marne, arr. de Vassy). Pelouses (F. des) (Indre-et-Loire), 277. Pennes (F. de) (Bouches-du-Rhône), 285. Perche (F. du) (Orne, arr. de Mor- tagne), 283', 297, 299. Perray (F. du) (Nièvre, arr. de Ne- vers). Perreux (B.) (Eure), 306. Perseigne (F. de) (Sarthe, arr, de Mamers), 285, 289 (n), 294 298, 299. Pcrseigna sylva, 285. Periica sylva, 297, 298. PerUcits sallus, 297. Perthes (F. de) (Oise), 169. Perthes (F. de) (Haute-Marne), 215, 216, 218. Pertre (F. de) (Ille-et-Vilaine, arr. de Vitré), 330. Pinède de l'Abbé (Gard), 392. Pierrebrune (B. de) (Puv-de-Dôme), 355. Pietro-Piano (F. de) (Corse), 287. Pionsat (B. de) (Puy-de-Dôme, arr. de Riom), 355. Pireta sylva, 238. Place-Blanche (B. de) (Rhône), 352. Plana sylva, 397, 406. Planèse ou Planoise (F. de) (Saône- et-Loire, arr. d'Autun), 233, 234. Plante (F. de) (Indre-et-Loire), 278. Plasnes (F. de) (Eure), 316. Plalanensis sylva, 316. Pleine-Selve (Gironde, arrond. de 494 TABLE GÉNÉRALE. Blaye, et Charente-Infér., arr. de Jonzac), 406. Pleisseiz-Hébert (B. du} (Eure), ^ 306. Pleumartin (F. de) (Vienne, arr. de Châtellerault). Pognat (B. de) (Creuse), 366. Poiseux (F. de) (Nièvre, arr. de Ne- vers) . Poligny (F. de) (Jura). Pologne (B. de) (Marne), 218. Pommeraie (F. delà) (Aisne), 171. Pommeraie (F. de la) (Maine-et- Loire), 411. Pommerets(B.) (Ailier), 360. Poni (F. de) (Loire-Inférieure, arr. de Chàteaubrianl), 342 (n). Pont-à-Mousson (F. de) (Meurthe, arr. de Nancy), 203. Pontarmé (F. de) (Oise), 169. Pontcallec (F. de) (Morbihan, arr. de Lorient). Pont-de-l'Arche (F. de) (Eure), 316, 328. Pont-l'Evêque (F. de) (Calvados). Ponliciacensis sylva, 355. Pontoise (F. de) (Seine-et-Oise). Port d'Ablevoie (B. du) (Indre-et- Loire), 280. Portmort (F. de) (Seine-Inférieure), 326 (n). Pouecouri (Vendu de), 262. Poudras (F. de) (Corrèze), 358 (n). Pourîans (F. de) (Saône-et-Loire, arr. de Châlon). Pramenou (B. de) (Rhône, arr. de Yillefranchc), 353. Pravols (F. de) (Ariége, arr. de Foix). Préaux (F. de) (Seine-Inférieure, arr. de Rouen), 321. Prondeignes (F. de) (Lot, arr. de Figeac), 402. Preuilly (F. de) (Indre-et-Loire, arr. de Loches), 279. Prieur (F. du) (Seine-et-Oise), 152. Prieuré (F, du) [Allier, arr. de Mou- lins;. Prince (F. de) (Loire-Inférieure, arr. de PaimbeuO, 339. Puleus Arlesii (sylva), 338. Puzarlès (F. de) (Bretagne), 338. Quatrevaux (F. de) (Charente, ai de Confolens), 369. QuayaB boscus, 164. Quaye (B. de) (Oise), 164. Quesnays {nemus les), 181 (n). Quênay (F. du) (Calvados), 302. Quènet (B. du) (Pas-de-Calais , 17' Quenecan (F. de) (Morbihan, ai de Pontivy). Queue (la) de Buchy [Cauda de Dit- chy nemus), 180 (n). Queue (B. de la) (Eure), 306. Quierzy (F. de) (Aisne, arr. de Laon), 167 (n). Voy. Kiersy. Quimperlé (F. de) (Finistère). Quintin (F. de) (Côtes-du-Nord), 330, 335, 341 (n). Quirin (B. de) (Meurthe, arr. de Sarrebourg). R liabiosa sylva , 223. Bableise boscus, 259. Rab ourdi nemus, 180 («). Raches(B. de) (Nord), 188. Raçeon (B. de) (Loir-et-Cher), 269. Rahon (F. de) (Jura, arr. de Dôle). Rainaldi boscus, 179. Raismes (F. de) (Nord, arr. de Va- lenciennes). Rajeuse (F. de'' (Aube, canton d'Ar- ces), 223. Rambouillet (F. de) (Seine-et-Oisu), 50, 153. Ramiex (F. de) (Gers). Ramodeins (F. de) (Aude, arr. de Carcassonne). Rançon (F. dej (Loir-et-Cher, arr. de Blois). Rançon (F. de) (Haute-Vienne, arr. de Bellac). Randan (B. de) (Puy-de-Dôme, arr. de Riom), 364. Ranegros (B. de) (Lozère, arr. de Mende). Rascuine (B. de) (Drôme, canton de Rémuzat). Regnaval (F. de), voy. Renneval. Reine (B. de la) (Meuse, arr. de Commercy), 201. TABLE GÉNÉRALE. 495 U(3lanvaux (F. de) (Haute-Marne, arr. de Chaumont), 112 [n). Remberviller (F. de) (Vosges, arr. d'Epinal). Remich (F. de) (Moselle, arr. de Metz) . liomiliy (F. de) (Moselle, arr. de Metz), 197. Renay (B. de) (Loir-et-Cher), 264. Renève (B. de) (Côte-d'Or, arr. de Dijon). Rennes (F. de) (Ille-et-Vilaine), 131, 337. Renneval ou Regnaval (F. de) Aisne, arr. de Laon), 186, 190. Reno (F. de) (Orne. arr. de Morta- gne), 298. Rt'tz ou Rest (F. de) (Aisne), 140, 165, 166. 434. Reunchy (B. de) (Saône-et-Loire), 233. Ilheinwald, 251. liieuines (F. de) (Haute-Garonne, arr. de Muret). Richelius saUus, 219. Rigambat (F. de) (Aveyron, arr. d'Espalion), au N. de celle d'Au- brac. Rigeihis 7}emiis, 219. Ris (F. de) (Aisne, arr. de Cliàteau- Thierry), 109. Risou (F. de) (Suisse), 254. Rispeviile (B. de) (Eure ou Seine - Inférieure), 317. Rixlieim (F. de) (Haut-Rliin), 38, 207 (n) Roche (F. de la) (Puy-de-Dôme, arr. de Clermont). Roche (F. de) (Puy-de-Dôme, arr. de Riom). Roclie Boaucourt (B. de la) (Dordo- gne). 369. Roche-Bernard (F. de la) (Loire-In- férieure et MorlMhan). Rochechouart (F. de) (Haute- Vienne). Rochefort (B. de) (Seine-et-Oise), 151. Roche-Servière (F. de) (Loire-Infé- rieure, ai'r. de Nantesi, 264. Roclieval(B. de) (Loir-et Cher), 264. Roc ou Rouée (F. de la) (Mayenne, arr. de Chàteau-Gontier), 130. Roi (B. du) (Nord), 187. Roi (B. du) (Meuse), 202. Roi (B. du). Voy. Duc (F. au). Romainville (B. de) (Seine). Romara sylva, 321. Roniarixvenda, 321 (n). Romilly (F. de) (Moselle, arr. de Metz). Romont (F. de) (Vosges, arr. d'E- pinal), 204. Roorlii vencla, 258. Roseux (F. dej (Eure), 307. Rosheim (F. de; (Bas-Rhin, arr. de Schélestadt). Rosny (B. de) (Seine-et-Oise, arr. de Mantes). Rospa (F. de., (Corse), 287. Rotmariensis sylva, 321 . Rolunda syhm., 378. Rouffach (F. de) (Haut-Rhin), 212. Rougeaux (F. de) (Seine-et-Oise, arr. de Corbeil), 157. Rougey (B de) (Loir-et-Cher), 269. Roumare ou Romare (F. de) (Seine- Inférieure), 143, 321, 410. Route (F. de) (Marne), 219. Routot (La Haie de) (Eure), 408. Rouvray (F. de) (Seine-Inférieure), 144 (n), 306, 320. Rouvray (F. de) (Seine-et-Oise), 146, 149. Rouvray (B. de) (Meuse, arr. de Montmédy) . RoverUum sylva, 149, 320. Rovroy {nemus de), 180 (n). Roze (B. de). Voy. Roseux, 360. Roze(B. de) (Allier). Ruban (B.) (Indre), 273. Rubra {sylva}, 221. Hucharl [nemus de), 275. Ruchart (Voy. Lande Ruchart). Rudeau (B. de) (Dordogne), 369. Ruffec (F. de) (Charente). Ruflin (B.) (Loir-et-Cher), 263. Rumcira sylva, 188 [n). Rumetre (F. de) (Belgique), 188 (n). Rumilly (F. de) (Aube), 43, 222, 224. Rupt (B. de) (Haute-Marne, arr. de Vassy), 216. 496 TABLE GÉNÉRALE. S Sablonne (B. de) (Orne), 298. Sacerge (F. de) ^Indre), 273. Sacrée (F.) (Allemagne), 211 (/i). Safré ou Saffré (F. de) (Loire-Infé- rieure, arr. de Châteaubrianl), 338. Saignelte (F. de) (Haute-Loire, cant. de Pinols, . Saint-Agile (B. de) (Loir-et-Cher), 269. Saint- Amand ;F. de) (Nord), 54 (?;), 186, 197. Saint-Amand de Bouex (F. de) (Charente, arr. d'Angoulême). Saint- Arnoult (F. de) (Seine-Infér., arr. d'Yvetot). Saint-Aubin (F. de) (Jura, arr. de Dole), 433 (n). Saint-Aubin de Beaubigné (F. de) (Deux-Sèvres, arr. de Bressuire). Saint- Aubin du Cormier (Ille-et- Vilaine, arr. de Rennes et Fou- gères). Sainl-Avold (F. de) (Moselle, arr. de Sarreguemines), 197. Saint-Benoit (F. de) (Vosges, arr. d'Epinal). Saint-Benoît du Sault (F. de) (Indre, arr. du Blanc), 411. Saint-Céré (F. de) (Lot, arr. de Figeac), 402. Saint-Christophe (F. de). Yoy. Sen- lis(F. de) (Oise), 168. Saint-Claude (B. de) (Loir-et-Cher), 264. Saint-Cloud (B. de) (Seine-et-Oise), 149. Saint-Cyr (Haie de) (Indre-et-Loire) . 281. Saint-Dagobert (F. de) (Meuse, arr. de Monlmédy). Saint-Denis (F. de) (Seine), 147, 148, 162. Saint Eloy (B. de) (Pas-de-Calais). Saint-Engrace (F. de) (Basses- Pyrénées, arr. de Mauléon). Saint-Etienne (F. de) (Meurthe), 202. Saint-Etienne (B. de) (Yonne), 229. Saint-Euverte (B. de) (Loiret), 257. Saint-Evrc (F. de) (Meurthe), 202. Saint-Evroult (F. de) (Orne), 293. Saint-Evurte(B. de) (Loiret). 257. Saint-Gemme (F. de) (Vendée, ari'. de Fontenay), près Luçon. Saint-Georges (F. de) (Isère), 374. Saint-Georges (F. de) (Haute-Saône). Saint-Germain (F. de) (Côte-d'Or, arr. de Beaune, cant. de Lier- nais\ 234. Saint-Germain (F. de) (Creuse, arr. de Guéret), 365. Saint-Germain en Laye (F. de). Voy. Laye (F. de). Saint-Germier (F. de) (Deux-Sèvre^ Saint-Gobain (F. de; (Aisne, arr. i. Laon), 178. Saint-James (F. de) (Dordogne, ai r. deNontron), 369, 404. Sainl-Jean-Fontaine (F. de) (Meur- the, arr. de Chàteau-Salins). Saint-Laurent (F. de) Vov. Vierzon (F. de). Saint-Léger (F. de) (Deux -Sèvres). Saint-Léger (B. de) (Seine-et-Oise,^ arr. de Rambouillet). Saint-Loup (F. de) (Aube, canton de Brienne), 223. Saint-Lyé (B. de) (Loiret), 258. Saint-Mars (F. de) (Loire-Inférieure, arr. d'Ancenis; Maine-et-Loire^ arr. de Segré), 411. Saint-Martin (F. de) (Ardennes, arr. de Mézières). Saint-Martin du Fouilloux (F. de) (Deux-Sèvres, arr. de Parthenay), Saint-Maurice (B. de) (Ardèche, arr. de Privas), 403. Saint-Maurice (B. de) (Indre-et- Loire), 275. Saint-Méen (F. de) (lUe-et-Vilaine, arr. de Montfort\ 335. Saint-Michel (B. de'; (Yonne). 225. Saint-Michel (F. de) (Indre et Indre- et-Loire), 279. Saint-Michel (F. de) (Aisne, arr. de Vervins), 183, 190. Saint-Ouen-les-Parey (F. de) (Vosges, arr. de Neufchàteau), 411. Saint-Palais (F. de) iCher, arr. de Sancerre). Saint-Paul (F. de)(Indre\ 272, 278. Saint-Pierre (B. de) (Allier), 362. Saint-Pierre (B. de) (Sarlhe), 285. TABLE GÉNÉRALE. 49V Saint-Pierre (F. de) (Oise), 167. Sdint-Porchaire (F. de) (Deux- Sèvres, arr. de Bressuire , 348. Saint-Remy (B. de) (Aube), 214 (n). Saint-Reslitut (F. de) (Drùme, arr. de Montolimart), 381. Saint-Saens (F. de) (Seine-lnfér., arr. de Neufchalel). Saint-Saturnin (F. de) (Saône-et- Loire\ Saint-Sauveur (F. de (Deux-Sèvres, arr. de Bressuire). Saint-Sauveur (F. de) (Manche, arr. de Valognes), 301. Saint-Sever (F. de) (Calvados, arr. de Vire), 301. Saint -Sulpice (F. de) ( 111e -et - "Vilaine, arr. de Rennes), 131. ëaint-Waast (F. dei. Yov. Waasl (F. de S.-). Sainte (F.) ou de Ilaguenau (Bas- Rhin), 212. Sainte-Apolline (B. de) (Seiue-ct- Oise), 150 (?j), 152. Sainte-Baume (F. de la) (Var), 385, 3.(3. Sainte-Berthc (F. de) (Creuse), 365. Sainte-Dode (B. de) (Gers, arr. do Mirande). Sainte- Geneviève (F. de) (Meuse, arr. de Bar-le-Due). Sainte-Menehould (F. de) (Marne), 201. Sainte-Radegonde (B. de) (Charente- Inférieure), 371. Saintes F. de) (Charente-Inférieure), 309,370,371. Salabert (B. de) (Tarn), 401. Salagiiac(F. de) (Dordogne, arr. de Périgueux), 404. Salerons (B. des) (Indre), 273. Salmotiacvm foresle, 110. Salmoucy fF. de) (Aisne, arr. de Laon), 110, 179. Sancla foresla, 211 (n;. Sancti Apri sylca, 202. S. Lœii hoscus, 258. S. Liipi nemus, 223. Sanlonx sijlva, 3G9. Sanzel (B. de) (Charente-Inférieure), 371. Saon (F. de, (Drùme). Sapet (F. de) (Haute-Loire, an-, du Puy, canton d'Allègre). Sarris (F. de] (Seine et Seine-et- Oise), 146, 147, 148, 150. Salanacum foresle, 112. Saulnot (B. de) (Haute-Saône, arr. de Lure). Saul foresl (Hindoustan), 15. Sault de Grillet (F. du) (Vendée, arr. de Fontenay). Saulcy (F. de) (Meuse, arr. de Com- mercy], 202. Saulve-Slajour, 404. Saurais (F. de) (Deux-Sèvres, arr. de Parthenay). Saussey (F. de) (Côte-d'Or, arr. de Beaune). Sautron (F. de) (Loire-Inférieure), 339. Sauve-Cane (F. de) (Bouches-du- Rhône), 383. Sauvestre (F. de) (Basses-Pyrénées). 305. Savigneio {foresla de), 131 {n). Savigny (B. de) (Saùne-et-Loire), 238. Savigny le Yieux (F. de) (Manche, arr. de Mortain), 130, 131. Savoie (Forêts de li), 245, 246. Scay (F. du) (Doubs, arr. de Pon- tarlier). Scévolle (F. de) (Vienne, arr. de Loudun). Schélesladt (F. de) (Bas -Rhin), 207 [n). Schirrheim (F. de) i Bas-Rhin, arr. de Strasbourg), 38, 207 (n). Schwarzwald, 72. Scissy (F. de) (Gaules), 40. Secondigné (F. de) (Deu.x-Sèvres, arr. de Melle). Seillon (F. de) (Ain, près Bourg). Seltz (F. de) (Bas-Rhin, arr. de Wissembourg), 207 in). Selve (F. de^, (Gaule Belgique), 110. S:-lve(B. de'la) (Aude), 390. Scmblancay (F. de) (Indre-et-Loire, arr. de Tours), 265. Semnons (F. des) (Germanie), 7G. Sempliaco {foresla de), 265. Senart(F. de) (Seine-ct-Oise\ 157, 171, 172. Senlis(F. de) (Oise), 168, 169. 32 498 TABLE GÉNÉRALE. Senonches (F. de) (Eure-et-Loir, arr. de Nogent le Rotrou), 299. Seppez (B. de; Suisse), 254. * Sept-Cantons (F. des) (Saône-et- Loire). Sept-Viiles (F. des) (Eure), 328. So]Jtême (F. de) (Isère, arr. de Vienne),' 374. Sequanm saillis, 60, 239, 240, 243. Sermaize (B. de), 'Marne, arr. de Vitryle Français), 216. Servais (F. de^ (Oise et Seine-et- . Oise), 165. Serveirin (F. de) (Isère). Sessiaciim sylva. 49. Signy-le-Grand (F. de) (Ardennes, arr. de Mezières), 195, Signy-le-Pelit (F. de) (Ardennes, arr. de Rocroyj. Silié (F. de) iSarthe. arr. du Mans), 286, 293. Silvacum ou Silviacum foresla, 52, 110. Silve (B. de la) (Hautes-Alpes). Silveison (F. de) (Eure), 320. Silveline (F. de). Vov. Andaine (F. d'), 286. Silveréal (F. de) (Bouches - du - Rhùne), 383, 384. Simiane (B. de) (Basses-Alpe?, arr. de Forcalquier, cant. de Banon). Sirault ou Tirault(F. de) (Belgique), 54. Sonnenvald. 196. Soignes (F. de) (Belgique), 54, 64. Soniaca sylva, 54. Sorans (F. de) ,'Haute-Saône, arr. de Vesoul, canton de Rioz), 239. Sorans-les-Cordiers (B. de) (Haute- Saône, arr. de Vesoul). Sorcy (B. de) (Ardennes, arr. de Réthel). Soudrin (F. de ) ( Cher, arr. de Bourges). Souillv (F. de) (Meuse, arr. de Ver- dun), 199. Soulaines (F. de) (Aube, arr. de Bar-sur- Aube), 43. Sourdun (F. de) (Seine-et-Marne, arr. de Provins), 171, 220. Souiz-sous-Foréts (F. de) (Bas-Rhin, arr. de Wissembourg), 209 («). Spesshart, 77. Spîendida foresla, 278. Splenla foresla, 278. Stenay (F. de) (Meuse, arr. do Montmédy), 111. Strasbourg (B. de) (Bas-Rhin), 207. Suez (F. de) (Bouches-du-Rhône), 384. Surdoira sylva, 359. Surdoire (F. de) (Corrèze), 350. Sutherland (F. de) iEcosse), 419 (n). Si/lcacana, 383. Sylva Ma, 133, 394, 395. Sylva regalis, 383. Sylva major, 404. Svlvanecles (F. des), 53, 105, 106, 109, 110. 111, 159, 164, 165, 1G8, 177, 170, 182. Sylveslris pagus, 395. Tancarville (B. de) (Seine-Infé- rieure, arr. du Havrel, 322. Tahy iF. de) (Haut-Rhin). Taillade (B. de la). (Hérault, arr. de Montpellier). Taillade i^F. de) (Bouches-du-Rhône) , 384. Tanoise (F. de) (Gôte-d'Or. arr. de Beaune, canton de Liernais). Taulignan (F. de) (Drùme. arr. de Montelimart, au N -0. de la ville de ce nom). Teil (F. du) (Ille-et-Vilaine, arr. de Vitré). 66. Teiilay ou Tellier (F. du) (Indre-et- Loire\ 275. Teille F. de) (Loire-Inférieure, arr. de Châteaubriant et Ille-et-Vi- laine, arr. de Redon). Temple (F. du) (Indre), 365. Teoracia sylva, 56, 183 (n), 189. Ternoise (B. de la) (Pas-de-Calais), 177. Toutoburg (F. de) (Germanie). 76. Tharlet ( B. de) (Ain, arr. de Bourg) . Thel (F. du) (Oise). Thibaut ou Thibault (F. de) ^ndre), 273. Thiérache fF. de) (Aisne et Somme], 56, 57 (n), 61, 183, 186, 189, 190, 195. TABLE GENERALE. 499 Thigahitsca si/lva, 129. Thimerais (F. de) (Eure-et-Loir, arr. de Dreux), 268. Thionville (B. de) (Moselle), 197. Thiron (F. de) (Eure-et-Loir), 300. Thivole (F. de) (Drôme, arr. de Valence], 376. Thoraldi syiva, 59. Thuringenrald, 72, 73, 77. Tiberge (F. de) (Isère). Tilleul (B. du) (Aisne), 178. Tilliacum nemus, 275. Tillots (F. des) (Moselle, arr. de Briey). Tiloit (B. de) (Nord), 184. Timariensis sylva, 268. Tirant (F. de\ Voy. Siraut (F. de), 54. Tirincouit (F. de) (Somme), 176(??). Toilloux (B. du) (Aisne ou Nord), 185. Tombe (F. du Mont) (Manche, Ille- et-Vilaine), 50. Tonne (F. de la) (Indre, arr. de Châteauroux, et Indre-et-Loire, arr. de Loches), 271, 278. Torfou (F. de) (Loire-Inférieure), 340. Torsac (B. de) (Charente, arr. d'An- goulême), 368. ToriavaUe sylva, 302 (?!)• Torteval (F. dej (Calvados, arr. de Bayeux), 302. Tolehèle ou Tothil (F. de) (Angle- terre), 25 (n). Touques F. de) (Calvados, arr. de Pont-l'Evêque), 303. Tournehem (F. de) (Pas-de-Calais, arr. de Saint-Omer). Tournelles (B. des) (Aisne, arr. de Château-Thierry). Touvois (F. de) (Loire-Inférieure, arr. de Nantes). Traconne (F. de la) (Marne, arr. d'Epernay), 220. Trait (F. du) (Seine-Inférieure, près Gaudebec), 321. Tranlois (B. de) (Aisne), 178. Transylvanie (F. de), 73 (n). Trappes (B. de) (Seine-et-Oise), 150 •(n), 152. Trasselangue (B. de) (Eure), 306. Tregarou (F. de) (Lot), 401. Trélon (La Haie ou F. de) (Nord, arr. d'Avesnos). Trémonts (F. des) (Ardennes, arr. de Réthel). Tremblay (B. du) (Seine-et-Oise\ 169. Tresgonus sylva, 40 1 . Tretore (F. de) (Corse), 387. Trisliacensis sylva, 56. Trode (B. de) (Aube), 221. Trois-Fontaines (B. ou F. des) (Haute-Marne, arr. de Vassy), 216. Tronçais (F. de) (Allier, arr. de Montluçon), 361, 362. Troncay iF. de) (Nièvre, arr. de Clamecy et de Nevers, canton de Saint-Saulge). Tronquel (B. de) (Aisne, arr. de Château-Thierry). Tronqueux (B. de) (Eure), 306. Trouhart(F. de) (Calvados), 410 Truche (F. de la) (Haut-Rhin). Truchy (F. de) (Saône-et- Loire, àrr. de Louhans). Tul ou Tuleau (B. de) (Yonne), 230. Tupigny (F. de) (Aisne, arr. de Vervins), 182. Tusson (F. de) (Charente, arr. de Ruffec), 348. U Uchon (F. d') (Saône-et-Loire, arr. d'Autun). Uechtland (F. de 1') (Allemagne), 252. Ugny (B. d') (Meuse, arr. de Com- mercyl, 201. Uriage(F. d') (Isère, arr. de Gre- noble), 378. Usia sylva, 222. Ulicensis sylia, 294. Vaast (F. de) (Somme). Voy. Saint- Vaast. Vacquies (F. de) (Haute-Garonne, arr. de Toulouse, canton de Le- gnevin, au N. de Legnevin). Vaindrin (F. de) (Seine-et-Oise), 152. 500 Vaivre (F. de) 'Jura, arr. de Po- ligny)- Val (F. du) (Haute-Marnp, arr. de Va?sy), 218. Valbonne (B. de) (Ardèche\ 403. Val.loniello (F. de) (Corse), 387. Valençay (F. de) (Indre). Valence (F. de) (Tarn). Valence F. de) (Seine-et-Marne). Valencuurt B. de) (Ardennes), 190. Vallée-Noire (F. delà) Gers), 397. Vallès (F. de) (.Mayenne, canton de Ghâteau-Gontier). Valeres [nemiis de), 12b. Valois, F. de), 146. Vaour, Vaur ou La Vaur F. del, (Tarn, arr. de Gailiac), 402, 41.8. Vassy (F. de) (Haute-Marne), 219. Vaslus saillis, 56, 58. Valin F. de) (Indre), 272, 278. Vauclairon (F. de) (Cùte-d'Or ou Nièvre), 224 (n). Vaucouléurs (F. de) (Meuse, arr. de Commercy). Vaucré B.) ^\in ou Saône-et-Loire), 238. Vautel.is F. de) (Deux-Sèvres, arr. de Parlhenay). Vaux ou de Vaudeville (F. du) (Meuse, arr. de Commercy). Vavra srjlva, 111, 200. Vedogiensis ou Vedogia sylva, 110 {n\ 178. Veillon (B. de) (Vendée>, 347. Velour (F. de) (Côte-d'Or, arr. de Dijon, au N. de Bèze). Veluze (F. de) (Côte-d'Or, canton Sombernon). Vendogia sylva, 178. Vendôme (F. de) (Loir-et-Cher). Ventes (F. des) (Seine-Inférieure), 324. Venil (B. dej [Charente), 368. Vèpre (F. de) (Meuse, arr. de Montmédv). Ver (F. (\o\ 108, 109 (n), 110 (»). Ver (F. de) (Dordogne), 404. Vercors (F. ou B. du) ^Drùme, arr. de Die), 381. Verdun-sur-Garonne (F. de) (Tarn- et-Garonne, arr. doCastei-Sar- razin), 399. Vcrgnes (F. de) -Isère), 374. TABLE GÉNÉRALE. Verneuil (F. de) (Eure), 108. Vernon (F. d.-) (Eure), 309. Vcrnensis sylva, 108. Vernusse(F. de) (Indre), 272. Véron (F. de) (Somme). Verrières (B. de) (Seine et Seine-et- Oise). Verrières (F. de) (Vienne, arr. de Poitir^rs et Montmoriilon). Vers (B. du) (Drùme), 275. Veriign sylva, 109. Verzec i,F. de) (Maine-et-Loire, arr. de Se gré). Vesvre F. de) 'Saùne-et-Loire). Vevncs (B. de) (Haulcs-Alpcs, arr. de Gap), 378. Veyrac F. de) (Haute-Vienne, arr. de Limoges). Vialavert (F. de) (Tarn\ 400. Viautreau |F. de) (Loire-Inférieuro, arr. d'Ancenis). Vibraye (F. de) (Sarlhe, arr. de Saint-Calais). Vico (F. do) (Corse, arr. d'Ajaccio). Vicogne (F. de) (Nord), 54, 188. Voy. Raismes (F. de). Vieillecour (F. de) (Haute-Vienne, arr. de Saint-Yrieix). Vienne (F. de) (Isère), 374. Vierzon et de Saint-Laurent F. de) (Cher, arr. de Bourges), 371. Vigneux (Haie de) ;Aisne), 191. Vilcenna sylva, 158. Villandry (F. de) (Indre-et-Loire). Villard (F. du) (Ain, arr. de Bourg). Vil'.e (B. de la) Hautes-Alpes). Villecartier ou Villegardier (F. de) (Ille-et-Vilaine, arr. de Fougères et Saint-Malo). Villefermoy ;F, de) (Seine-et-Marne). Villemur (F. de) (Haute-Garonne, arr. de Toulouse). Villeneuve-le-Roi (F. de) (Yonne). Villers (F. de) (Moselle, arr. de Metz). Villers-Cotterets eu de Retz (F. de) (Aisne, arr. de ChàteuU-Thierry\ 108, 420. Voy. Retz. Vincence (F. de) (Nièvre, arr. de Chùteau-Chinon). Vincennes (F. de) (Seine), 158, 40i). Vitrcmont (F. de) (Meurthe, arr. de Lunévillo). TABLE GENERALE. 501 Vi/.7,avone (F. de) (Corse), 387. Vue?, Voëse ou Voas ^F. de) (Aisne\ 110, 178. Voevre ou Voivre (F. de) (Meuse), ■2G0. Voilep (B. de) (Ardennes, arr. de Rélhel), 190. Vonc (B. de) (Ardennes, arr. de Youziers). Vnsagus sylva, 1 10, 178. Yusège (F. de) (Aisne). Voy. Vocs F. de). Vtisi (/lis salins, 110 (n). Youdelle (F. de) (Allier, arr. de La Palisse), 364. VoulUé (F. de) (Vienne, arr. de Poitiers). Vouvant ou Merevant (F. de) (Ven- dée, arr. de Fontenay), 345. ViT Waes (F. de) (Belgique), 59. Waldeck (F. de) (Moselle, arr. de Sarreguemines). Wara sylva, 111, 200. Warèse ^F. de) (Moselle, arr. de Metz). Wasda sylva, 59, Wasiinensis sylva, 265. ' "Wastines ou Gastines (F. de) (Loir- et-Cher). Voy. Gastines, 204. Watten (B. de) (Pas-de-Calais, arr. de Saint-Omer). Wattigny (F. de) (Nord), 190. Westminster (F. de) (Angleterre), 25 («). Westenvald, 77. Wimy {F. de) (Aisne, arr. de Ver- vins), 183. Windsor (F. de) (Angleterre), 27, 123 («). Ylles (F. des) (Maine-et-Loire), 290. Yon (B.) (Eure et Eure-et-Loir\ 267, 268. Yveline ou des Yvelines (F.)(Seine- et-Oise), 146, 147 {n\ 150, 151, 152, 154, 267. Yvettes (B. d') (Seine-et-Oise), 151 (n). Yvoy (F. d') (Cher), 271. Zang (F. de) (Moselle, arr. de Sar- reguemines) . Zeitelmoos (F. de) (Allemagne), 79. LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE DE mum RUE SAINT-ANDRÉ-DES-ARTS, 41. OEUVRES D'ARISTOTE TRADUITES EN FRANÇAIS ET ACCOMPAGNÉES DE NOTES PERPÉfLELLES PAR H. BARTHÉLÉMY S&INT-HILMRE, De l'insliliii. Seize volumes grand in-8°. — 137 fr. 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