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Dumaniant, Antoine Jean Bourlin

Les français en Alger

LES FRANÇAIS

EN ALGER,

MÉLODRAME

EN DEUX ACTES, EN PROSE,

Représenté , pour la première fois y sur le théâtre de la Forte- St. -Martin y le ^Jloréal an xii,

PAR M. DU MANIA NT.

Musique de M. Alexandre P i c c i n i fils. Eallers de M. âvmsr , artiste de l'Opéra.

A PARIS,

CUez Barba, Libraire, palais du Tribunal , gallerie derriàr» le Théâtre Français de la République , ii"*. 5i.

AH X I r. (i8o4-)

PERSONNAGES. ACTEURS.

ALI, pirate Algérien. M. Dugrand.

ORAM, compSJgnon d'Ali. M. Dkerbonville. VALCOUR , i français , j M. PJnLppe. FLORVAL, ami de Va'.cour,/ prisonnier >M. ^dnet-.

ÉLISE, épouse de V;ilcour, (^ d'Ali. )W^^ Quénay.

ZULIME , épouse d' Ali. M^e Pelletier.

FATMÉ , esclave de Zulime. M'ie Berville.

IBRAIM y algérien. M. Fusil,

SÉLIM, esclave d'Ali. M. Lequien^ UN FRAMÇAIS, esclave d'Ali. M. Odri.

Prisonniers français. Estlayes algériens. Danseurs.

La scène est à Alger.

Nota. Les acteurs sont en tète de .chaque scène tels qu'ils doivent être au théâtre. Le premier inscrit tient la droite. La droite est cellçides acteurs.

On trouvera la musique chez M. Frauieii , rue Vi vienne ■n°. 63.

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LES FRANÇAIS

EN ALGER.

fclU llllli.1l II fl I Hl»f . » " ' "• " "r .IM'UMIf

ACTE PREMIER.

Zi<? théâti'e représente une salle hasse , (leiix portes de chaque côté y une dans 1er fond , qui est la grande porte d'entrée. Au lever du il' deauy des esclaves ornent de Jleurs le pour- tour de la. salle. 1j' appartement d'Ali est à sraiiche ; celui de Zulime est à droite des ac- teurs»

S C E N E P R E M i E R E.

Z U L I M E , sortant de son appartement , aux esclaves.

J E suis contente de votre zèle; ces lieux sont disposf^s comme je le desirais. On a signalé, depuis deux heures , le vaisseau qui ramène mon époux. Il sera sans doute ici dans

seule manquait pour endjtllir la fête , il en sera témoin. Puisse- t-il enfin a[»précier la tendresse de celle qui ne vit que pour lui ( M. )

SCENE II. Z U L I M E, S É L I M, Esclaves.

s É L I M. ..,.,..,,

Madame , votre époux et son arai Oram , viennent, de dé* barquer dans le port.

z u I, I BI E.

Je vaiô 4t>nc revoir mon époux î

(4 )

s i L I M.

La fortune a secondé son courage j il a fait une prise fort riche y il conduit plusieurs esclaves.

z u L r M E.

Je plains ces malheureux. Y a-t-il des femmes dans le «ombre l

s i I, I M.

Une seille.

z u I, I M E.

Jeune ?

s É L I M E.

Et fort belle , à ce que m'a dit un des compagnons de notre maître.

z u L I M E. Jeune et belle ? infortunée ! la beauté, ce présent si flat- teur de la nature , ne sera pour elle peut-être qu'un malheur de plus. ( on entend quelques mesures d'une marche dans /V- loignement. )

s É L I M. Entendez-vous la marche triomphale de votre époux ? son succès va faire bien des jaloux, (/a viarche continue tt s'ap- proche. ) "

S C E N E I I I,

VALCOUR, ÉLISE, ZULIME, ALI,ORAM,FL0RVAL,

Soldats, Esclaves, Algériens, prisonniers française ZULIME, allant à Ali. Enfin je vous revois après une absence si longue î

, . JilA'^ ALI. .u,(,:i'i;)!\:

Je croyais , -au Contraire, que vous me félibiteri^z de mon prompt retour. Il y a à peine douze jours que je suis sorti du port. Je n'ai pas perdu mon tems , j'ai fait une prise fort riche \ mais ce n'est pas sans peine ; jamais victoire ne fut si long-tems disputée ; cela ne doit pas vous surprendre, j'ai eu des Français à combattre : heureusemtnt ils montaient un vaisseau bien moijis fort que le nôtre j mais ce succès me flatte : nous nous sommes vus de près^ et si je rer.ds justice à leur valeur, je crois qu'ils rendront également justice à la mienne.

F L o R v A L.

Il ne tient qu'à vous, seigneur ^ que nous allions publier TOtre vaillance dans notre patrie. Je ferai mettra dans les

(5)

journaux le récit du combat et votre générosité ; cela vous fera un honneur infini.

A I. I.

Je ne me sépare pas ainsi des bravos que j'estime. J'ai par- tagé les fruits du combat avec mes conijjaononsj je crois qu'ils sont aussi contens de mon courage que de ma loyauté.

OR A M.

Contens ? c'est une autre affaire.

ALI.

De quoi te plains-tu ?

o R A M.

Tu retiens pour toi cette femme, ces deux hommes et tous les Français.

ALT.

Je t'aband(}nne tous les Anglais que nous prîmes il y a un mois, et qui sont deux fois plus nombreux.

o R A M.

Je ne les aime pas, tes Anglais.

A JC I.

Ils ont de l'apparence ; ils sont de défaite. Enfin, comme chef, j'ai le droit de choisir. I^a femme est belle.

o R A M.

C'est à cause de cela que je la voulais.

ALI.

C'est à cause de cela que la garde : elle est intéressante j on lui doit des égards; j'en aurai pour elle,

o R. A 1,1 , montrant VaLour. Mais , ce jeune homme ?

ALT.

Il est brave ; la bravoure me plaît.

QRAM.

Il est leste, YÎgoureux, intelligent; j'en eusse tiré cinq centfi sequins.

ALI.

Et moi je prétends l'attacher à mon service. S'il adopte nos lois, s'il se conduit bien , j'en ferai peut-être un jour mon successeur ou mon compagnon d'armes, o R A M , montrant TlorVaL

Et cet autre qui prend son Jiarti ji gaîment ?

A ït I.

Ils sont amis , je ne veux point les séparer 5 il console en

(6 )

riant son camaracle d'inforiune : son humeur me plaît ; j'ai;'' quelquefois des momeris de mélancolie, il les dissipera. *

F L Ô R V A !..

C'est bien assez des maux de la nature et des revers de la fortune, sans les agraver encore par un chagrin innlilc. Le sage doit prendre son parti sur tous les évènciiieris qu'il ne peut empêcher.

ALI.

J'aime ta morale.

F I. o R V A r. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour défendre ma liberté.

ALI.

Vous vous êtes fort bien battus l'un et l'autre.

F L O R V A L.

Accablés par le nombre, il a fallu céder ; à quoi servirait la plainte ?

A X I.

A rien du tout qu'à m''ennoyer.

F L o K y A t.. Il ne nous reste donc qu'à nous soumettre à notre destinée, et. ^ mériter les bonnes grâces de notre patron.

ALI.

Engage ton ami , et surtout cette belle , à t'iniiter , et vous n'aurez pas à vous plaindre.

z u I, I M E. Faites ôter les chaînes de ces infortunés.

ALI.

J y consens} elles sont inutiles ici, ils ne peuvent s'é- cliapper,

F I, o R V A r.

Je vous remercie pour mon ami , pour sa sœur et pour moi de cette générosité.

ALI.

Tu. m'assures qu'ils sont frère et sœur ? F I, o R v A L.

Oui , seigneur ; ne ie voyez-voua pas à leur air de famille.

ALI.

Cela est fort heureux pour ton ami : s'il eut été son époux ou son amaat , je les eusse séparés j je me serais défait de lui.

C 7 ) FLORVAt, d part. O foituné mensonge !

ALT.

Que dis-tu ?

F I. o R V A r.

Que nous renJons grâces au ciel d'être tombés en la puis- sance d'un seigneur si humain et si bientaihaat. A t. I. Oh ! moi, Je suis le meilleur homme du monde lorsque rien ne me contrarie et qu'on fait toutes mes volontés. Mais, avant d'aller me reposer , je voudrais prendre quelc^ues ra- fraichisseuieus.

z V L I M E.

Le sorbet est préparé.

ALI.

Eh ! laissez-là votre sorbet : insipide boisson ! Le saint Prophète permettra que nous lassions usage de quelques flacons enlevés aux vaincus. Oraiii, si tu as des scrupules, tu peux te retirer ; je ne veux pas. scandaliser un fidèle croyant,

o R A M. \

Ne fais pas trop d'honneur à ma conscience j je reste et je bois.

ALI.

Esclaves, servez, {plusieurs esclaves sortent et rentrent en portant des carreaux , des pipes , des flacons de vin , etc. cju'ils placent à droite près de l' avant- scène. ) Et vous, jeune beauté qui , ainsi que votre frère , chantez si bien , à ce que m'a dit votre ami,

F L o R V A L.

Oui , ce sont deux virtuoses. Ils étaient allés en Italie pour se perfectionner dans le goût du chant 5 ils repassaient en France ; ils ont eu le malheur de s'embarquer sur un vais- seau napolitain.

ALI.

Ce n'est pas le récit de leur histoire que je te demande : les esclaves ont toujours u~ roman tout |«rèt. Je veux qu'ils chantent. {ZtUtme ^ Ali ^ Oram vont s'asseoir sur les car- reaux. )

F L o R V A L.

Ils vont vous obéir. ( bas àElise. ) Il faut faire contre for- tune bon cœur.

(8)

A I. I.

Que la belle commence.

£ I. I s E.

Air.

Dans la saison des amours, Une teiulie tourterelle , Près d'un tourtereau fidèle , Coulait ses heureux jours.

Un oiseleur inhumain , Dans ses filets los arrête ; A son ami , la pauvrette, Dit , rendons grâce au destin.

Tout fut commun entre nous , Le même sort nous rassemble , Et si nous souffrons ensemble Le trépas nous sera doux.

A r, I.

Sa voix enctanteresse porte le trouble dans mes sens !

o R A M , d part. Une esclave si belle me serait enlevée !

A I. I.

Que dis-tu ?

O K A M.

Qu'elle chante à ravir.

ALI.

Je suis content du morceau que je viens d'entendre ; mais, comme je ne me pique pas d'être connaisseur en musique , je voudrais qu'elle chantât quelque chose dans un genre plus réjouissant , plus facile , nous pussions faire chorus avec elle.

F I. O R Y A L.

Sur quel sujet ?

A I. r. Je voudrais une chanson de table.

F L o R V A I-.

Je crois qu'elle n'en sait point \ mais , vous le permet- tez , je vais en essayer une dont vous pouvez répéter après moi le refrain.

A z. I.

Tu chantes donc aussi ?

( 9 )

F I. O K V A L.

Je fais tout ce qu'on veut.

A L r.

Excellent moyen pour plaîre à tout le monde et dans tous les pays. Allons, chante ; ta chanson viendra à propos; il nous reste encore quelques flacons a vuider.

^^ F L o R V A L.

Premier couplet. Parcourez et la terre et l'onde ,

Voyez les petits et les friands,

Dans tous les coins du inonde Vous trouverez «les niéronténs ; L'iMi se lasse de sa misère ,

L'autre de sa grandeur;

Mais voit-on sur la terre

S'ennuyer un buveur? Vive le vin , c'est le remède

A qui tout chacun code , Vive le vin Ct<^r.) et le buveur.

Second, couplet. Si ma maîtresse est inlidelio, Auiieu de pousser des soupirs

£t d'accuser la b«dle , Do causer tous mes déplaisirs , Je bois de la liqueur vermeille,

Eienlôt plus de langueur ;

Au fond de la bouteille

Est le calme du cœur. Vive le vin , c'est le remède

A qui tout chagrin cède , Vive le vin Cter.J et le buveur.

Troisième couplet. Aucnn péril ne nous arrête Pour courir après le bonheur,

L'un brave la tempête, B'autre s'eXpose au champ d'honneur. Ah ! pauvre gens courez moins vite ,

N'embrassez plus l'erreur j

R%ste2 dans votre gîté

Et buvez du meilleur. Vive le vin , c'est le remède

A qui tout chagrin cède , Vive le vin (ter.J et le buveur. Les. Français en Al" ut. B

( lo )

2 U t I M E.

Permettez que mes esclaves exécutent une petite fête qu'ils ont concertée entre elles, pour célébrer votre retour et votre anniversaire.

ALI.

Qu'elles dansent , j'y consens , si cela les amuse. ( Les femmes esclaves d' Ali exécutent un ballet. ) ALI, après le ballet se levant. C'est assez de plaisir pour aujourd'hui 5 il est tems d'aller prendre du repos.

o R A M , à part. Du repos I il n'en est plus pour moi que cette femme ne soit en ma puissance. ( haut, ) Adieu , je me retire. (^ il sort par la porte du fond et rentre un instant après et se coule dans le second appartement d droite des acteurs. )

S^C E N E IV.

Les précédées, excepté O R A M. A L z. Ztilimej je vous recommaude cette jeune personne; j'en- tends que tout le monde ici s'empresse à lui plaire ; celui qui osera lui causer le moindre déplaisir, j'en jure par le Saint Prophète , la punition la plus terrible suivra de près l'of- fense. Esclaves , retirez -vous j fermez exactement les portes. V^alcour.') Suis moi ; tu dormiras auprès de mon appar- tement. ( Valcour regarde Elise en levant les yeux au ciel. ) IVlarche donc ; tant d'intérêt pour elle commence à me dé- plaire. (M.)

SCENE V. ZULIME, ÉLISE.

ÉLISE.

Quel contrainte ! ah ! malheureuse Elise !

ZULIME.

Calmez, s'il est possible, le trouble de votre ame; regar- dez-moi sans frayeur, jeune étrangère 5 croyez que tous les cœurs ne sont pas fermés à la pitié : votre situation me touche et m'intéresse; je ne vous promets point de changer votre sort , le ciel m'en refuse les moyens ; mais je ferai tout pour l'adoucir, et j'y réussirai sans doute.

ÉLISE.

Ah ! j'avais besoin de trouver quelqu'un dans le sein de q^ui je pusse répandre le chagrin qui m'oppresse.

( 11 )

Z U L I M E.

Parlez, parlez sans crainte} en confiant ses maux , on les soulage.

ÉLISE.

Si je souffrais seule , je ne me plaindrais pas.

z u I. I M £.

Votre frère.

ÉLISE.

Mon frère ! hélas !

z u L I M E.

Vos yeux m'ont appris votre secret : un sentiment plu» tendre vous parle en sa faveur j ce jeune français est votre amant.

ÉLISE.

11 est plus, madame , il est mon époux. Dans les premiers instars de l'union la plus fortunée , nous sommes arrachés à notre patrie et au bonheur ; les plus doux sentimens de la nature nous sont interdits : cet amour c]ui devait faire le charme de notre vie, est un crime aux yeux de nos barbares ravisseurs.

z u L I M E. Que je vous plains ! Mais ne vous laissez point abattre par la douleur ; votre sort peut changer. Jusqu'à piésent j'a- vais régné seule sur le cœur de mon époux, je puis recou- vrer mon empire : en vous voyant , je ne m'étonne point des nouveaux sentimens que vous pouvez lui inspirer. Nos lois admettent dans l'hymen un partage odieux; mais la na- ture le repousse. Ali connaît mon cœur, il ne m'a peint causé ce déplaisir mortel , j'ose espérer encore qu'il ne le voudra point : ma tendresse , votre amour pour un autre , la pitié qu'on doit au malheur , attendriront son ame ; craignez cependant d'irriter son orgueil ; il est fier , impétueux j son cœur, autrefois sensible, s'est endurci parmi ses compagnons féroces 5 mais nous le fléchirons, nous le rendrons à lui-mê- me: ah ! si je n'avais point cette espérance, je cesserais à l'ins- tant de vivre, en adorant l'ingrat qui causerait ma mort !

ÉLISE.

Votre bonté me rassure.

z u I. I M E

Rendez grâces au ciel de n'être point tombée dans les mains du farouche Oram.

ÉLISE.

Son aspect. seul me fait frémir !

z XJ L I M E,

Venez goûter les douceurs du repos»

, ( 12 )

É t I S E.

Du repos î en est- il encore pour moi.

z r r. I M E , indiquant la deuxième porte à droite.

Cet appartement que vous voyez sera le vôtre ; vous pou- vez vous y retirer quand vous le vouf^rez. Vivez ici sans con- trainte 5 j'y commande encore : c'est à moi que l'on vous con- fie , et î,i j'exige quelque chose de vous , c'est de m'aimer comme votre meilleur amie.

ÉLISE.

Oh ! toujours î combien je suis touchée de vos bontés gé- néreuses .

z u r I M E.

Point de réraercimens 5 la félicité des âmes sensibles est d'être secourable àl'infortune : calmez-vous, et croyez que ei les soins de l'amitié adoucissent les jcines du cœur, vous sentirez les vôtres s'atfaiblir près de moi •, j'en juge par le tendre sentiment que votre aspect m'inspire. ( e//e sort par la première porte à droite, ) {Musique )

SCENE VI.

£ L I S £ , seule. Hélas ! à quel sort devons nous nous attendre ! ô dieu ! ne nous abandonne pas 5 tu dois ton secours à l'innocence qui t'implore ! (M,) Elise adresse ses prières au ciel. On voit sortir Qram de l'appartement oîi il s'était caché ^ il ouvre la porte du fond pour s'' assurer si tout le monde s'est éloigné , et vient à Elise. )

SCENE VII. *

ÉLISE, O R A M.

ÉLISE.

Grands dieux 1 que vois- je ?

o K A M.

Vous voyez l'amant le plus passionné !

ÉLISE.

Osez-vous .^ perfide ?

o R A M. J'ose tout pour briser voire chaîne.

ÉLISE.

Ah! fuyez, laissez-moi.

o R A M , xoulant l'cnmener. Venez.

4 X. ISS.

Jamais.

( i3 )

o R A M , Tdpidement. Avant Je m'opposer une résistance iléplacée et même inu- tile , écoiitez-iuoi 5 réfléchissez à votre position. L'escla- vage le plus affreux vous attend dans la maison d'Ali. Ve- nez cliez moi, vous y commanderez en souveraine : vous êtes la première de votre sexe qui m'ayez fait connaître l'amour: vous n'aurez jamais de rivale ; la fortune , les plaisirs embel- liront votre existance ; l'instant est favorable , profitez-en , venez.

ÉLISE.

Laissez-moi, laissez-moi 5 éloignez- vous , ou je remplis la maison de mes cris.

o R A M , tirant un poignard.

S'il l'en pcliappe un seul , tu meurs à l'instant, (// la prend par la main.) Esclave , il faut me suivre.

ÉLISE.

Non 5 donne-moi la mort !

o R A M.

Tu résistes en vain.

ÉLISE.

Dieux I grands dieux ! (M.)

SCENE VIII.

ÉLISE, VALCOUR,ORAM.

( Valcour sort de l'appartement il était entré : Oram tient Elise de la main gauche , le bras droit élevé; Valcour arrive rapidement et lui arrache son poignard j Elise va tomber évanouie sur les carreaux qui sont à droite. )

VALCOUR.

Scélérat î armé contre une femme !

DRAM.

O rage ! et je ne puis te punir !

VALCOUR.

Fuis , monstre I fuis ; j'ai peine à retenir le courroux qui m'enflamme I

OR A ^î.

Oui, je sors; mais je me vengerai de cet excès d'audace. (M.)

' SCENE IX.

ÉLISE, VALCOUR.

VALCOUR.

Ma femme ! mon Elise ! ah .' grands dieux I elle ne m'en- tend plus ! Serait-elle la victime des fureurs de ce monstre I

(i4)

(M.) Elise ! dieux puissans î quels secours pourront la rap- peller à la vie ! (M.) Ah I ciel ! (M.)

S C E N E X.

ELISE , ZULIME , VALCOUR , SÉLIM , ALI , Esclaves.

(^Sélim entre avec plusieurs esclaves^ saute sur Valcour ^ lui arrache le poignard. )

K lu ï.

Que signifie ce tapage ?

s É t I M.

Ce traître avait formé le projet de la ravir.

V A L c o u R. O ciel ! et c'est moi qu'on accuse !

SÉLIM.

Les portes sont ouvertes, son camarade a fui.

V A L c o u K. Je la défendais contre un vil ravisseur.

SÉLIM.

L'évasion de son ami éveillait mes soupçons ; ce que vous voyez les confirme.

A X. I.

Tremble de ma fureur !

VA t c o u H. Dispose de ma vie 5 mais veille sur la sienne.

ZULIME, qui dès son entrée a couru à Elise* Ses yeux se rouvrent à la lumière.

ÉLISE, revenant à elle. donc est mon époux ?

ALI.

Son époux î

ÉLISE.

Ah ! malheureuse I qu'ai-je dit ?

ZULIME, allant à Ali, Seigneur , ayez pitié...

ALI.

Ils m'ont trompés 5 qu'on les enchaîne l'un et l'autre,

qu'on les enferme dans la tour. (M.)

( Scène pantomime analogue à la situation. Zulime court se jetter aux pieds d' Âli qui la repousse. Les esclaves ar- rachent Valcour et Elise des bras l'un de l'autre. Ali or" donne d Zulime de rentrer dans son appartement y et la toile tombe, )

Fin du premier acte.

( i5 )

ACTE II.

La scène esthoi^s la ville. Des arbres bordent les coulisses ; on voit au fond une tour , deux fe- nêtres grillée s y au premier étage , voisine l'une de l'autre. A la tour sont joints des murs ; on peut faire le tour de cet espèce de châ- teau fort ^ le côté gauche laisse un passage. Il fait nuit.

SCENE PREMIERE.

ELISE , VALCOUR, aux fenêtres de la tour , IBRAHIM , en faction au bas.

V A I. C O U R.

\J MON Elise !

£ L I s £.

Infortuné Valcour !

IBRAHIM.

Heim I n'entends-je pas du bruit ?

VALCOUR.

Ma voix n'arrive point jusqu'à ton oreille.

IBRAHIM.

Je ne dors point ; on a parlé.

V A I. c o u ».

i L I s £. IBRAHIM. VALCOUR.

Elise ! Elise ! Valcour. Encore ? Est-ce toi ?

IBRAHIM.

Oui , vraiment , c'est moi-même.

ÉLISE.

Nous pouvons donc au moins nous entretenir.

IBRAHIM.

Non, cela m'est expressément défendu.

VALCOUR.

Sois sensible à notre malheur.

( »6 )

I B K A H I M .

Ail bien , oui ^ sensible ? est-ce que je suis le maître de cela? cent coup de bâtons , ici , sous la plante des pieds , au subalterne qui s'attendrit. Comme je serais sûr delà gratifi- cation ; tous aurez pour agréable c^ue je ne m'expose point à la mériter.

ÉLISE.

Quel sera notre destinée?

IBRAHIM.

La belle au harem , et l'amant aux carrières.

V A I. c o u R. Qu'on nous donne la mort.

IBRAHIM.

Les Algériens ne tuent point les jolies femmes et les jeu- nes liommes qui peuvent travailler,, , O ciel ! si quelqu'un m'avait entendu causer s.vec les prisonniers?... Qui vive ?... personne. Je me sens rassuré.

ÉLISE.

O Valcour ! ô mon époux..

V A L c o u R.

Armons-nous de courage.

I B R A H I M.

Taisez-vous donc , maudits infidèles , taisez-vons donc y ou si vous ne voulez pas vous taire , jasez ensemble 5 mais y j'en rendrai compte , je vous en avertis. Quant à moi je ne vous réponds plus, ( M. ) ( z7 vient à l'avant- scène y bat le briquet y allume sa pipe. )

S C E N E I î.

FLORVAL, IBRAHIM, ÉLLSE , VALCOUR, aux fe- nêtres de la tour.

TLORVAi. , il arrive le long du mur du fond à droite , il a un pxtnier nu- bras. Voilà donc la tour ou ils gémissent tous les deux. Com- ment pouvoir les délivrer ? je suis sans argent , je ne puis employer la force 5 s'il m'était au moins possible leur faire passer ces provisions dont je me suis saisi au moment de ma fuite.

IBRAHIM.

Qui va là?.

Fi,oRVAi.,c part. Payons d'audace.

I E R A H I M j le couchant en joue. Qui va , réponds ?

( >7 )

A L , <

Un esclave ijui veut faire ta fortune.

IBRAHIM..

Un esclave faire ma fortune.

F L G R V A r.. J'ai de l'or, tles pierreries.

IBRAHIM.

Un malheureux qu'on a dépouille , laissé nud comme la main ! j'étais sur le vaisseau lorsque l'on vous a [^is j jo le re<:onnais , tu ne m'en feras pas accroire. F L o B V A t.

Ali , charmé de mon courage.

IBRAHIM.

Il aime les braves gens. ^'^f^

F L o R V A L.

Ali m'a fait rendre mes habits.

IBRAHIM.

Tu vas vouloir me persuader que ton or et tes pierreries étaient cachés dans tes vètemens? je les ai tournés et retour- rés, je n'ai rien laissé à prendre à ceux qui m'ont succédé j puis on t'a mis à fond de cale de ton vaisseau. F r. o R V A L.

C'était qu'était mon trésor, je l'y avais déposé avant le combat. Tu sens qu'il m'a été facile de me saisir de mes ri- chesses sans que personne s'en apperçut.

IBRAHIM.

Ah ! si je m'étais douté de ta friponnerie y comme je t'au- rais fouillé de nouveau.

F L o R V A L.

Tu n'en serais pas plus riche puisque je viens t'oftrir tout, ce que je possède, sans que tu sois obligé de partager avec qui que ce soit.

IBRAHIM.

Je te remercie , donne. Est-ce que ta fortuné est de- dans.

r L o R V A L.

Non , se sont deux flacons d'un excellent Tin. 1 B R A H I w. Du vin 1 je le confisque , il est ici de contrebande.

F I. o R v A L. Pour les imbéciles; mais, toi, tu n'as point de ces scrupu- les déraisonnables ; nous allons vuider ces deux flacons en- Ziiis français en Aî^^er. C

( i8 ) semble, et convenir de nos faits 5 tu sens bien que je ne te donnerai pas ma fortune sans exiger de toi quelque petit ser- vice. Jasons un instant.

V A I. c o u a

Elise , tu ne me parle plus.

IBRAHIM.

Encore ces maudits prisonniers ! si tu as quelqu'empîre sur eux , prie les de se taire.

F L O R V A t.

Sois tranquille. ( M. ) ( // va à la tour. ) Valcour ? Elise ?

V A I, c o u R. C'e-ît toi , Florval ?

ÉLISE.

O notre unique ami !

r L o R V A t. Silence , je vous en conjure , vous compromettriez cet honnête homme.

IBRAHIM.

Qu^îls se tiennent en repos dans la tour.

F I. o R V A t. Retirez-vous l'un et l'autre pour quelques instans. ( M. ) ( il revient à Ibrahim. ) Veux-tu boire.

IBRAHIM

Il fait nuit, le prophète ne le verra pas, {il boit.)

FLORVAL.

Je n'ai point balancé à venir ici quand j'ai su que tu étais de garde à la tour. Un second coup.

IBRAHIM.

Je le veux bien. ( il boit. ) Il est bon , très-bon ! ( il boit encore. ) Ah ça ! est-ce que tu me connais , toi ?

FLORVAL.

Parbleu ! qui ne te connaît pas ? tu te nommes...

IBRAHIM.

Oui, Ibrahim Saleski.

FLORVAL.

C'est cela, Ibrahim Saleski. Ton nom est célèbre ; je suis fâché qu'un homme tel que toi languisse dans les grades in- férieurs 5 est-ce que tu ne devrais pas commander au lieu d'o- béir ? Ali ne te rend pas justice.

IBRAHIM.

C'est un ingrat. ^ ,,

( 19 )

0 R V .

Qui ne se connaît pas en mérite. Je veux te mettre à la place qui te convient.

IBRAHIM.

Es- tu fou ?

F L O R V A L.

Comme on accueillerait en France un personnage de ton caractère, de ta bravoure.

IBRAHIM.

Je me bats joliment, mais je bois encore mieux. (// boit.)

F L O R V A L.

Que dis-tu de nos vins ?

IBRAHIM.

Délicieux , mon ami , délicieux.

F L o R V A L. Tu en auras à discrétion.

IBRAHIM.

Diable ! c'est tentatif !

F I. o R V A L.

Et des femmes ?

IBRAHIM.

Elles me plaisent assez quand elles sont gentilles

F L o R V A L.

Tu n'auras qu'à choisir.

IBRAHIM.

Et sont-elles fidèles ?

F L o R V A L.

Si elles sont fidelles? en France personne n'en doute , pas même les maris.

IBRAHIM.

Des femmes belles et fidelles , du bon vin , et un petit grade , n'est-ce pas ?

F L o R V A t.

Une fortune immense , des plaisirs de toutes les espccesl songe à ce que tu es j et vois ce que tu peux être. IBRAHIM, avec gatté ^ sans ivresse.

Ton vin m'a donné une gaité , une résolution !... vous au- tres qui en buvez , je ne m'étonne plus que vous soyez si braves. Dans ce moment , je me sens un autre homme , j'af- fronterais une armée ! partons , mon ami , partons porr ce charmant pays les femmes sont si belles, les vins ontuu parfum si doux.

( ^o )

T l O K V A t.

Ouï , partons J mais auparavant il faudrait quelques petits préparatifs.

I B R AH I M.

Quant à moi , mes préparatifs sont tous faits ; comme ne possède rien , je n'ai rien à emporter, ni femmes , ni pa» ^ens f ni amis ^ je ne dis adieu à personne.

F I, O R V A L.

Il s'agit d'une bagatelle , qui n'aura rien d'embarrassan^ ^i tu veux me seconder.

IBRAHIM.

•^ Je suis prêt à tout.

FLORVAL.

Ilfaut enmener mon ami et sa femme,

IBRAHIM.

Qu'avons-nous besoin d'eux?

F L O R V A L.

Mon ami est un bomme puissant, c'est lui qui te donnera le poste auquel je veux t'élever.

A IBRAHIM.

Enmenons ton ami.

F L O R V A L.

Quant à son épouse elle a une sœur plus belle qu'elle en- ' ' core , et je te la destine.

IBRAHIM.

] Oui ? eh bien enmenons la femme.

F L o R V A t.

Il nous faut un vaisseau pour la traversée.

^ I î? R A H r M.

Enmenons le vaisseau... Ah I que je suis bête î je n'y pen- ' sais pas.

~ ■•■ F I. p R V A r.

Je pense à tout, moi; celui qui nous appartenait esta l'en- cre , à cent pas d'ici.

IBRAHIM.

Sous la garde de quatre hommes.

F L o R V A L.

On s'en défera.

~, IBRAHIM.

'^ ^ Comment , à nous deux ? cela n'est pas possible.

~" ^ F L o R V A L.

Si tu le veux , dans un quart-d'heure nous serons t rente

( 21 )

IBRAHIM.

Comment cela ?

F L O R V A L.

Mes compagnons d'infortune sont , tont près , enfermée dans ce pavillon qui touche à la tour ; il ne s'agit que de m'indiquer celui c]ui a la clef du pavillon j le connais-tu ?

IBRAHIM.

Oh ! certainement , je le connais.

F R O R V A L.

Eh bien , faisons sauter la tète a cet imbécile là.

IBRAHIM.

Ah ! je dis à cela , doucement , car cet imbécille-la , c'est moi.

F r o R V A L , lui sautant au cou.

Ah ! quel heureux hasard , c|ue je t'embrasse ; le succès de notre entreprise est assuré , ta fortune est faite. Tu £<s sans doute les clefs de la tour ?

IBRAHIM.

Non , elles sont entre les mains d'Ali.

F L o R V A I..

Quel contretems !

IBRAHIM.

Tu vois bien qu'il faut renoncer à enmener ton ami et son épouse.

F L o R V A L.

Et le poste brillant qui t'es promis ) et la belle femme que tu dois avoir !

IBRAHIM.

Diable î c'est vrai !... mais comment donc faire !

F L o R V A r. Ali a peu de monde chez lui , ses esclaves dorment ou sont dispersés } ne peut-on pas s'introduire dans sa maison.

IBRAHIM.

Oui , par le côté de la mer.

F t o R V A L. On escalade , on pénètre dans l'intérieur par quelque fe- nêtre.

i B R A H I M

J'en connais une du côté de l'orient.

F L o R V A L.

Ne perdons pas une minute \ tu serviras de guide à une partie de mes camarades pour surprendre Ali 5 on lui arra- che la clef.

( 22 ) IBRAHIM.

On le tue s'il résiste.

F L O R V A I.

A la tête du reste de nos gens, je me rends maître du vais- seau ; tout s'exécute à la fois ; avant que le jour ait paru , nous sommes hors de tout danger et de toute inquiétude.

IBRAHIM.

Le vent souffle du côté de terre.

F L o R V A t.

Pour nous pousser au large. Tu le vois , le ciel se déclare pour nous j courons délivrer nos amis , armons les.

IBRAHIM.

Je m'en charge 5 mais peut-on laisser la tour sans garde ?

F I. o R V A t.

■,j Non f sans doute ; si quelqu'un des tiens venait à roder par ici...

IBRAHIM.

Il donnerait l'alarme.

F L o R V A r.

Je reste à la tour.

IBRAHIM.

Prends mon fusil; éloigne tous les indiscrets. De la pa- tience et du courage , tout pourra réussir. En délivrant les français , je vais enfermer tous les nôtres. Sans adieu, tu me verras bientôt. ( M. )

SCENE III.

FLORVAL, ELISE et VALCOUR , dans la tour.

F I. o R V A L.

Cet homme a de l'intelligence et du zèle : c'est par son in- térêt que je l'ai séduit j je ne pourrai pas lui tenir tout ce que le besoin que j'ai de son secours m'a fait lui promettre j mais si nous réussissons dans notre entreprise , Valcour , que j'ai fait passer pour un simple artistej a de la fortune , il récom- pensera Ibrahim , de manière qu'il ne se repentira point de nous avoir servis.

VALCOUR.

Je ne vois plus Florval.

FLORVAL.

Me voilà , me voilà , je travaille à votre délivrance ; mais silence , une indiscrétion peut tout perdre 5 nous touchons sans doute au moment de voir tomber vos fers.

( ^3 )

V A I. C O U R.

Malheureux, ton amitié t'égare , ne vas point t'exposer à un* mort certaine.

F L o R V A L.

Ne parle point de mes périls j il faut que je vous sauve ou que je meure 5 voilà ma destinée. Rassurez-vous , vous allez être libre 5 le besoin qui fait entreprendre , l'audace qui fait exécuter sont pour moi les garants du succès ; mais silence , encore une fois , silence , ne vous montrez plus , restez pai- sibles dans la tour jusqu'au moment l'on viendra vous en tirer. (// s'éloigne de la tour et vient à l'avant-scène.) N'en- tends-je pas des cris? mon imagination allarmée se crée des phantomes. Je sèche d'impatience 5 que les momens s'écou- lent avec lenteur ! ô nuit favorable ! prolonge ton obscurité, épaissis les ténèbres. Ah ! si le jour allait nous surprendre avant l'exécution de nos projets !... Que cet Algérien tarde à revenir !... S'il m'avait trahi ? un supplice affreux me se- rait réservé... Non, je suis armé, je puis disposer de mon sort. J'entends marcher , je ne me trompe pas 5 on s'avance , ce sont eux , ce sont nos amis i ( M. )

SCENE IV.

UN FRANÇAIS , FLORVAL , IBRAHIM , les Français

armés.

IBRAHIM.

Voilà tous tes compagnons , tu n'as rien à craindre des nô- tres 5 leurs armes sont entre les mains de tes français} nos soldats reposent ; je les ai renfermés. F I, o R v A L.

Etes-vous disposés à servir mon projet.

tEFRANÇAIS.

Peux-tu nous faire cette question ? F r. o R V A r. Valcour , votre ami , votre frère d'armes , gémit avec son épouse dans cette affreuse tour.

tE FRANÇAIS.

Il faut les délivrer. Mais , sans perdre le tems en discours inutiles, explique ton projet et nous l'exécutons.

FLORVAL.

Ah ! j'étais sûr de vous , partageons nous en deux partis , toi , Ibrahim, qui connais les moyens de pénétrer chez Ali, mets-toi à la tète de ce peloton j moi, avec ceux-ci, je

( 24 )

cours au vaisseau, je m'en empare. Dans un quart-d'Iieure le rendez -vous ici. Notre mot d'ordre est la victoire. (M.) ( Ceux qui sont guidés par Ibrahim s'en -vont par le fond à droite , les autres par le passage à gauche de la tour, Florval qui a entendu du bruit à gauche , reste au bas de la tour.) Allez toujours, je votis suis. Il m'a semblé entrevoir quelqu'un qui s'avançait vers ces lieux. (M.)

SCENE V.

F L O R V A L , O R A M. o R A M , // entre par la seconde coulisse de gauche. Restez-là , mes amis. (M.)

FroRVAL, à part» C'est Oram. Ah! s'il était seul.

OR A M , c part. Je vols quek^u'un au pied de la tour,

FLORVALjû part. Quel est son dessein I il faut l'éloigner promptement , ou l'amuser ici jusqu'au retour de mes compagnons, o R A M , à part. Il faut corrompre cet esclave. S'il balance, il est mort.

FtORVAL, à part. De l'intrépidité, {haut.) Qui vive?

o R A M.

Moi , Oram , l'ami de ton maître , ne crains rien.

F LORVAL, s'avançant. Ali ! c'est vous ! j'en suis enchanté.

ORAM.

Qui es-tu , toi ?

F L o R V A L.

Cet esclave français dont vous avez éprouvé la valeur , et qui , depuis sa défaite , a quelquefois eu l'honneur de méri- ter vos bonnes grâces.

ORAM,

C'est toi dont la gaité , dans le malheur, t'a valu de« traitemens plus doux.

F L o R V A L,

C'est moi 5 toujours le même.

ORAM.

Que fais-tu là?

( 25 )

F L O a V A L

J'ai obtenu d'un esclave d'Ali la permission d'être garde cette nuit au j)ît;d de cette tour , je chantais pour cal- mer la douleur de uiou ami.

o R A M.

Que je le hais , ton ami. Il est cause que la belle étran- gère n'est pas en mon pouvoir.

r L o R V A t. Ali vient de l'en punir.

o R A M.

J'ai tout vu. Esclave, veux-tu vivre heureux?

F t o R V A L.

N'est-ce pas ce que chacun désire.

QRAM.

Je t'en fournirai les moyens.

F I. o R V A' t.

Parlez ; mais on pourrait nous surprendre } point de longs discours.

QRAM.

Je ne les aime point. J'adore cette Elise ; je ne puis sup- porter l'idée de la voir posséder par Ali.

F L o R V A L.

Vous voulez la lui ravir.

o R A M. C'est mon dessein.

F I. o R v A L.

Je l'approuve. Avez-vous quelques moyens de pénétrer dans la tour ?

DRAM.

Tu as de l'esprit : sache m'en fournir un et ta fortune est faite.

F I. o R T A I,.

Je vais y rêver. Çà part.) Comment l'éloigner. (M.)

SCENE VI.

FATMÉ, ZULIME, FLORVAL,ORAM.

Z U L I M E.

Il y a du monde, cache ta lumière. (Fatmé tourne sa lanterne ; elles vont se cacher l'une et

l'autre â droite et écoutent la conversation de Florval et

Qram.') Les Français en Alger, D

'àm

( 2'

cours au vaisseau, je m'en ern re. Dans un quart-d'lieure le rendez -vous ici. Notre mot ordre est la victoire. (M.) ( Ceux qui sont guidés par II him s'en 'vont par le fond à droite , les autres par le p sage à gauche de la tour, Florval qui a entendu du bruit gauche , reste au bas de la tour.) Allez toujours, je vous is. Il m'a semblé entrevoir quelqu'un qui s'avançait vers < lieux. (M.)

h^'^.

S C E N i V.

florva: oram.

o R A M , // entre par la se> ide coulisse de gauche, Restez-Ià , mes amis. (M.)

F I, o R v A , a part» C'est Oram. Ah! s'il était se .

QRAM, part. Je vois quelqu'un au pied d a tour,

FLORVA , a part. Quel est son dessein ! il fau 'éloigner promptement , ou l'amuser ici jusqu'au retour de 3s compagnons, o R A M , z part. Il faut corrompre cet esclave S'il balance, il est mort.

FLORvA , à part. De l'intrépidité. (//a«/.; Qui ve ?

o R > /I.

]Moi , Oram , l'ami de ton m :re , ne crains rien.

F L o R V A r s'avançant. Ah ! c'est vous ! j'en suis en inté.

o R I. Qui es-tu , toi ?

F r- o R AL. Cet esclave français dont voi avez éprouvé la valeur qui, depuis sa défaite , a quelc .'fois eu l'honneur de ter vos bonnes grâces.

o R / .1. C'est toi dont la gaité, da le malheur, t' traitemens plus doux.

F r. o R AL,

C'tst moi ; toujours le même

o R ; M.

Que fais-tu ?

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(5)

F I. O l V A I,

J'ai obtenu d'un esclave l'Ali la permission d'être de garde cette nuit au pied de tte tour , je chantais pour cal- mer la douleur de mon ami.

o I 4. M.

Que je le hais , ton ami. est cause que la belle étran- gère n'est pas en mon pouvi .

r h 0 V A r. Ali vient de l'en punir. .

o ] A M. J'ai tout vu. Esclave , vei -tu vivre heureux?

F L O VAL.

N'est-ce pas ce que chacu désire.

O A M.

Je t'en fournirai les moyf .

F L o V A I,.

Parlez} mais on pourrait us surprendre} point de longs discours.

o A M.

Je ne les aime point. J'at e cette Elise } je ne puis sup- porter l'idée de la voir poss 3r par Ali.

F L o VAL.

Vous voulez la lui ravir,

o A M.

C'est mon dessein.

F r, c . V A L. Je l'approuve. Avez-vou quelques moyens de pénétrer dans la tour ?

o A M. Tu as de l'esprit : sache en fournir un et ta fortune est faite.

;. V A L. _ . - on^- ' 4er. (M.)

iJOl--

Je vais y rêx'

T TJ

.ORVAL, ORAM.

iU E.

umière.

elles vont ; la conv

?

( a6 )

QRAM.

Que (lis-tu ?

F L O R V A L.

Je songe à un expédient immanquable.

QRAM.

. J'ai quatre hommes ici près , résolus à tout j je puis en armer d'autres.

F L o R V A L. Employer la force ? fi donc ! moyen impraticable dans cette circonstance •, c'est à la ruse qu'il faut avoir recours.

o R A M.

Explique toi proinptement.

F L, o R -V A r,.

La clef de la tour est dans l'appartement d'Ali ; je puis y pénétrer sans peine : je la dérobe. Ali couche seul dans sa chambre ; s'il veille , je suis armé , je le mets hors d'état de vous causer jamais la moindre jalousie. Cela serait déjà fait si j''eusse su ou conduire mon ami et me retirer moi- même.

ô R A M.

Je vous offre un asyle à l'un et à l'autre} mais Elise...

F I, o R V A L.

Est à vous si mon ami et moi sommes rendus à la liberté.

o R A M.

Je vous la donne. Pars , je t'attends ici.

F L o R V A L.

Non , non , on pourrait vous appercevoir : tout serait per- du. Cachez vous avec vos quatre hommes là-bas, sous ces palmiers , je vais bientôt vous y rejoindre, o R A M , d part.

Je me défie de cet esclave. Sa chaleur à m'éloigner de la tour m'est suspecte.

F L o R v A L.

Que dites vous?

o R A Ivl.

Si tu me trahissais !

F t o R V A t.

Mon intérêt vous répond de ma fidélité ; que puis-je sans vous? rien. Partez , tous les momens sont précieux : si je laisse échapper celui-ci, je ne réponds pas du succès.

o R A M , « part. J'observerai tout.

( 37 )

F L O R V A t.

Si VOUS douiez de mon zèle.,.

o R A M.

Kon, je n'en doute pas 5 je me relire. Ne me fais pas trop attendre.

F L o R V A !..

Eh! allez, allez, je suis plus impatient que vous. (M.).

' '—

S C E N E V I I.

FATMÉ et ZULIME , ioujours écoutant^ FLORVAL , à l' avant-scène,

FLORVAL.

Comîiie les projets les miei:x conçus peuvent être renver- sés par un événement qu'on n'a pu prévoir , courons au vaisseau dont mes compagnons se sont déjà peut-être empa- ré. Ramenons-les oii ce barbare Oram va im'attendre. Qu'il soit puni de ses cruautés. O Dieu , Dieu puissant ! ne nous abandonne pas ; prête-nous ton secours dans cette périlleuse entreprise. (M.) {IL sort par le passage à gauche de la tour.)

S C E N E V I I I.

F A ï M É , Z U L I M E. .

ZULIME.

O ! ma obère Fatmé, cjuand j'ai trompé la vigilance d'Ali , quand je m'expose à tout pour sauver ces français, quand je leur ai , à prix d'or, trouvé un aayle impénétrable jus- qu'au moment ils pourraient avoir l'espérance de re- tourner dans leur patrie j un d'eux conspire avec le barbare Oram 5 il en veut aux jours de, mon épaux. En cet instant il vole pour exécuter son projet homicide. Ah ! courons , cotirons sauver Ali. Tout autre, intéi-ot cède à la crainte de le perdre. Tout ingrat qu'il est, je sens qu'il m'est encore plus cher que la vie.

F A T M 1:.

Calmez vos craintes, madame , ce français n'a point pris la route de notre demeure j il s'en éloigne au contraire.

z u LIME.

Je me sens rassurée; oui, ce français est généreiix , il aime son ami , il ne peut point vouloir son malheur , osons trahir Ali pour son propre intérêt 5 prends cette clef,, tu

( s8 )

connais les détours de cette tour obscure 5 ras délivrer ces infortunés. Deux escaliers différens mènent aux apparte- m en s ils gémissent vséparés l'un de l'autre. Hâte-toi, les momens sont chers 5 sauvons à mon époux le tardif remords d'un crime irréparable. (M.)

SCENE IX.

( Le jour commence à paraître , la rampe monte peu-à-peu. )

Z U L I M E, seule. Dieu de bonté , daigne me prêter ton secours I c'est pour protéger l'innocence que ma voix t'implore dans ce moment. Tu lis dans mon ame ; en délirant Elise , ce n'est point une rivale que je veux éloigner de moi , je veux arracher une in- fortunée au sort affreux qui la menace; je juge de son ame par la mienne , on veut la ravir àl'époux quelle adore, et mon «nique vœu est de les réunir, ( M. )

SCENE X. FATiyiÉ, ÉLISE, ZULIME. iSlise } courant se jetter aux pieds de Zulime. C'est vous , généreuse Zulime , qui brisez mes fers j ah ! je dois tomber à vos pieds, les baigner de mes larmes, z u I, I ?1 E. Non f,lion , dans mes bras 5 o Fatmé , ô ma digne amie y cours à son époux , hâtes-toi , le tems presse ; si nous étions surprises avant leur délitrance , j'en mourrais de dooleut. {Fatmé retourne à la tour.) (M)

. ii*::r '■ -.

*%^ Ê N E XI.

ELISE, ZULIME , OR;t*»li.et les quatres Algériens , dans

le fond, z u L I ME.

Votre époux va vous «'tre rendu.

li L I s E,

Ce que vous faites pour nous...

z u L I M É.

Serait bien peu de chose si je n'âssul-àiô^ point votre sort pour l'avenir.

(49)

ÉLISE*

Comment reconnaître ?...

z U L I M E.

En gardant toujours le Souvenir d'une amie qui ne vous oubliera jamais.

o R A M.

Saisissez-là.

z V L I M E.

Que vois-je?

ÉLISE.

Ah ! grands dieux !

o R A M.

Enmenez-la , étouffez ses cris. ( Morceau de musique vif. Zulime se précipite sur Elist qu'elle %>eut arracher à ses ravisseurs ; Orarn la repousse avec violence. Elle tombe un genou en terre appuyée sur son bras gauche. Les Algériens en enlevant Élise prennent le chemin qu'à pris Florval, )

SCENE XII.

FATMÉ , ZULIME , VALCOUR.

V A L C o u R.

Quel bruit ai- je entendu ? serions-nous découverts?

FATMÉ.

Madame ^ en quel état ?

ZULIME.

A peine je respire^

VALCOUR.

Je ne vois point mon épouse.

ZULIME.

O malheureux étranger , en voulant te servir , je viens de mettre le comble à ton infortune.

VALCOUR,

Grands dieux ! Elise?

ZULIME.

Le barbare Oram vient de l'arracher de mes bras trop fai- bles, hélas ! pour la défendre.

VALCOUR.

Quel chemin a-t-il pris ?

z U L I M Ei

Malheureux ! que peux-tu seul et sans armes.

( 3o )

VAL COUR.

La sauver ou mourir. Venez, guidez mes pas dans des lieux qui me sont inconnus.

z u L I M E.

Ah ! je forme un autre projet ; je cours aux pieds de mon époux , je lui avoue ce que j'avais osé entreprendre. ( M. )

S C E N E X I I I.

VALCOUR , ZULIME , ALI , les Français.

V A L c O u K.

Quel tumulte effroyable î

ZULIME.

Quelque nouveau malheur nous menacerait-il ? A I. i^ entrant par le fond , à droite , se battant en retraite* Perfides , quoique seul j'ose encore vous braver.

VALCOUR.

Arrêtez j c'est à la bienfaisance de Zulime que je dois ma liberté.

ALI.

Qu'en tends- je ? *

V A L c o u R.

Epargnez l'époux de cette femme intéressante etgénéreuse. Elle voulait me conduire aux pieds d'Ali j elle espérait le fléchir 5 elle l'adore , ne la rendez point aussi à plaindre que moi en la privant de celui qui seul peut faire son bon- heur.

UNFRANÇAIS.

Tu nous es rendu, tout dèsîr de vengeance est éteint dans nos cœurs } mais hâtons-nous de quitter ce fnneste ri- Tage.

V A t c o u R.

Ah ! partez, partez sans moi j mon malheur me condamne à rester en ces lieux.

LE FRANÇAIS.

Qui ? nous ? l'abandonner ?

z u L I BI E.

Son épouse , son amante vient de lui être enlevée.

ALI. Quel est le ravisseur.

z u L I M K. C'est le perfide Oram ?

( )

ALI.

Oram ! qui? ce lâche? Braves français , vous êtes armés, souffrez que je vous guide vers la demeure de ce traître , il ne jouira pas long-tems du fruit de sa trahison. Suivez-moi tous j allons , que notre cri de guerre soit Elise.

TOUS.

Elise , Elise. ( M, ) ^ ils se disposent d sortir lorsque l'on l'Oit arriver Elise. )

SCENE XIV ET DERNIÈRE.

FATMÉ, VALCOUR, ÉLISE, ZULIME , FLORVAL, ALI, IBRAHIM, les Français , Esclaves, Turcs.

TOUS.

La voilà, la voilà.

V A t C O U R.

O mon Elise !

ÉLISE, montrant Florval. Voilà mon libérateur.

F L o R V A X.

Je revenais du port avec mes compagnons lorsque les cris d'une femme éplorée ont frappé mon oreille ; je reconnais la voix d'Eiise 5 j'accours en devançant mes camaraclos 5 les sa- tellites d'Oram prennent la fuite ; il veut conserver sa proie, il m'attaque avec furie , je me défends de même} mais plus heureux ou plus adroit que lui, je lui porte un coup terrible, qui le met hors d'état de pouvoir désormais nuire à qui que ce soit.

ALI.

Il n'est plus?

' FLORVAL.

Mais quittons ces lieux avant que l'on songe à nous en Ôter le pouvoir.

ALI.

Seul , j'en aurais le droit , vous m'apparteniez ; vous avez brisé vos fers , je souscris à votre liberté ; mais avec elle je veux vous rendre tout ce que vous possédiez ; et c'est moi qui prétends vous conduire au rivage français.

FLORVAL.

Vous êtres un brave homme , je l'avais bien jugé. Il faut encore nous accorder une grâce.

A L X.

Parle.

( 32 ) F 1 O R V A t.

La liberté de cet esclave. ( montrant Ibrahim. ) Il nous servait ; mais il vous a trahi , vous vous en défieriez et nous lui devons de la reconnaissance.

A I. t.

Quoi ! Ibrahim ?

IBRAHIM.

Il me fait boire de bon vin , il me promet une jolie femrac} on ne résiste point à de pareilles offres.

ALI.

Qu'il vous suive , je le veux bien , et que cette journée 6f passe en réjouissance.

( Les esclaves exécutent un ballet. )

F I N.

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Pi^ Dumaniant, iintoine Jea

1981 Les français en Alg

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