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LITTÉRATURES POPULAIRES TOME X

LES

LITTERATURES

POPULAIRES

DE

TOUTES LES NATIONS

TRADITIONS, LEGENDES

CONTES, CHANSONS, PROVERBES, DEVINETTES

SUPERSTITIONS

TOME X

PARIS MAISONNEUVE ET C-, ÉDITEURS

25, QUAI VOLTAIRE, 25 1882

Tous droits rcser\'és

TRADITIONS ET SUPERSTITIONS DE LA HAUTE-BRETAGNE

TOME II

r

TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

DE LA

HAUTE-BRETAGNE

PAUL SÉBILLOT

TOME II

PARIS MAISONNEUVE ET C", ÉDITEURS

25, QUAI VOLTAIRE, 25 1882

Tous liroits réservés

DEUXIEME PARTIE

LES ANIMAUX, LES PLANTES ET LES MÉTÉORES

CHAPITRE I

LES MAMMIFÈRES DOMESTIQ.UES

§ I. GÉNÉRALITÉS

^=^^LUSIEURS mammifères ont été domestiqués 1^^ dès les temps préhistoriques, ainsi que le ^'^^^ constatent de nombreuses découvertes, et les plus anciens documents écrits que nous ayons les représentent comme les compagnons de l'homme. « Les animaux, ces machines dédai- gnées par Descartes, défendues par La Fontaine, élevées par la science moderne à la dignité de personnes vivantes et intelligentes, ont joué un rôle capital dans la destinée humaine. Le chien, le bœuf, le cheval, le mouton, le porc, un grand

4 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

nombre de poissons et d'oiseaux, ont été les compagnons, souvent les victimes et toujours les instruments de notre grandeur. Notre langage est plein de nuances empruntées à leurs formes, à leurs aptitudes, à leurs services et à leurs mœurs... Les animaux ne vivent pas seulement dans la nature; ils ont vécu et vivent encore dans l'iiu- manité en statues, en idées, en symboles. »

(A. Lefévre, Religions et mythologies comparées, p. Ji etsuiv.)

Les anciens poètes les font parler, verser des larmes, et ce n'est pas seulement une fiction poétique qu'ils expriment ainsi. De nos jours, si l'on ne croit plus guère qu'ils puissent prendre la parole, sauf peut-être le chat, animal diabo- lique, — dans nombre de contes on leur prête un langage, et même en certains cas, ainsi qu'on le verra ci-après, on interprète et l'on traduit leurs cris.

Voici un petit conte les animaux domes- tiques dialoguent d'une façon assez plaisante.

Une bonne femme qui avait une vache, un cochon, un poulain, un coq et une cane, alla à des noces, elle s'amusa tellement qu'elle y resta trois jours.

Comme personne ne soignait ses bêtes, elles avaient faim, et la vache disait :

Jeanne ! Jeanne !

DE LA HAUTE-BRETAGNE

Le cochon :

bien ! bien ! Le poulain :

La vois-tu veni', veni', veni' ? Le coq :

O s'en viendra tantôt. Et la cane répétait :

Quand ? quand ? quand ?

(Conté en 1878 par Constant Joulaud, de Gosné.) Cf. dans Laisnel de la Salle, t. I, p. 222, la manière dont les paysans berrichons traduisent le langage des bêtes, principale- ment celui des oiseaux.

Dans les monographies qui suivent, j'ai donné les noms patois des mammifères domestiques de la Haute-Bretagne, les proverbes, les dictons et les devinettes ils figurent, les cris usités pour les appeler ou pour les commander, les supersti- tions et les croyances dont ils sont l'objet, etc. A la suite, j'ai brièvement indiqué les contes, publiés ou inédits, de ma collection oiJ ils jouent un rôle, et j'ai noté aussi celui qui leur est attribué par les quelques contes gallots publiés avant mes recueils par divers auteurs.

J'ai du reste suivi la même marche pour toutes les monographies des animaux de la terre, de l'air et de l'eau, qui composent la plus grande partie de ce volume.

§ II. MONOGRAPHIES

L'ÂNE (Eduus ASiNus)

Noms patois (i)

ES paysans emploient presque toujours le mot âne au féminin.

Voici d'autres noms patois : hardoQA., Plouvara), fém. ; bardoche (M., Plouvara), fém.; bardiche (Tréveneuc); mais en réalité ce sont plutôt des espèces de surnoms, et la plupart du temps on y attache un sens moqueur.

Proverles

Cela li est défense (défendu) comme le Pater es ânes.

Cf. Rolland, t. IV, p. 227 (Côte-d'Or).

Bête comme un âne de trois écus (Dol).

(l) Abréviations : E. Ercé-près-Liffré (lUe-et-Vilaine) ; M. Matignon; S.-C. Saint-Cast ; D. Dinan ; P. Penguily ; S.-D. Saint-Donan (Côtes-du-Nord); G. g. glossaire gallot inédit dont j'ai eu communication autrefois.

TRADITIONS ET SUPERSTITIONS ^

Faire l'âne pour avoir du bran (M., E.).

Cf. Rabelais, livre li, et Rolland, t. IV, p. 227.

Traître comme un âne rouge. Cela se dit d'une personne méchante qui frappe ses sem- blables et les animaux (S.-C).

Jaune comme du pissot (urine) d'âne (E.).

Têtu comme un âne.

Cf. Rolland, t. IV, p. 214 (Creuse).

Elle folle comme un âne (P.). Cela se dit d'une personne qui n'est pas trop dégourdie.

Brèr (crier) comme un âne (S.-D.).

Saoul comme une bourrique (E.).

Saoul comme la bourrique à Robespierre (M.).

Cf. Rolland, t. IV, p. 242. Robespierre est substitué au diable.

Superstition. L'àne dans la Littérature orale

L'âne, de même que le bœuf, s'agenouille à minuit sonnant la nuit de Noël (E.).

Le rôle que les contes gallots attribuent à l'âne est assez important ; dans la Hotih du Groiiin, no X, 2e série, les fées empruntent un âne à leurs voisins sans leur permission, et la fréquentation des bonnes dames le rend sorcier. C'est sur un âne que voyagent le bon Dieu et saint Pierre (cf. Misère, lu, 2^ série). C'est l'âne de Jean h

8 TRADIXIONS ET SUPERSTITIONS

Diot, no XX, ire série, qui passe sur son dos le bon Dieu et saint Jean. Le héros de VOiseau Heu, no XIV, ayant mangé du céleri, est transformé en âne, comme le héros du conte de Lucien. Dans le conte des Jagiiens, i^e série, no xxxviii, les Jaguens forment le projet d'aller porter un poisson au roi; ils se rendent aux pêcheries, et lèvent dans leurs filets quelque chose qui leur semble un poisson gigantesque. Or, c'était un âne crevé. Cette facétie avait été rapportée au xviiie siècle par Chevignard de la Pallue, qui l'attribuait aux gens de Beaune.

Cf. Rolland, t. IV, p. 248.

Dans le conte de la Fève, no xii, i^e série, le bonhomme qui est grimpé au ciel tout le long de sa tige reçoit en présent un âne qui fait des écus. Cet âne figure aussi dans les autres versions de cette légende que j'ai recueillies (cf. Litt. orale,: p. 215).

Le conte de la Citrouille, 2^ série, no xlviii, met en scène un paysan qui fait couver une citrouille, croyant que c'est un œuf d'âne. Dans les similaires cités par Rolland, t. IV, p. 202-203 (Loiret, Côte-d'Or, Lorraine, etc.), l'œuf couvé est un œuf de jument, et non un œuf d'âne.

Dans un conte inédit de ma collection, il est question d'un âne « à sept lieues le pas », gardé

DE LA HAUTE-BRETAGNE t^

par trois géants, et dont le héros doit s'emparer avant de conquérir le merle blanc qui rajeunit.

La marraine de Petit-Jean (conte inédit de ma collection) vient clierclier son filleul sur un âne. Il lui désobéit en ramassant une couronne; alors elle l'abandonne, mais lui laisse l'âne. Grâce à ses conseils, le jeune garçon vient à bout de toutes les difficultés.

Dans une autre version du précédent, aussi intitulée Petit-Jean, la Vierge, qui est sa marraine, vient le chercher sur un âne et lui défend de cueillir des fleurs; il désobéit. L'âne reste avec lui, et par son conseil, après avoir triomphé de plusieurs obstacles, il épouse la plus belle prin- cesse du monde.

Un jour les Jaguens, habitants de Saint- Jacut-de-la-Mer (Côtes-du-Nord), ont la guerre avec un village voisin. Ils hissent un canon sur le dos d'un àne et y mettent le feu ; mais, après la détonation, l'âne se retourne du côté des Jaguens, qui l'accusent d'être du parti de leurs ennemis et le jettent à la mer pour le punir.

Quelques chansons mettent aussi l'âne en scène. Dans ma Littérature orale de la Haute- Bretagne, p. 272, j'ai publié L'Ane changé, dont je possède trois variantes inédites, et qui se retrouve en beaucoup de pays (cf. pour les similaires Rol- land, t. IV, p. 253, qui reproduit deux versions).

10 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

J'ai aussi une variante de L'Ane retrouvé par mor- ceaux, chanson recueillie aux environs de Bain (lUe-et-Vilaine) par M. A. Orain, et publiée avec la musique par Rolland, t. IV, p. 263.

Plusieurs pays de l'Ille-et- Vilaine et des Côtes- du-Nord ont des sobriquets le nom de l'âne entre en composition. On dit :

Les ânes de la Malhoure (canton de Lam- balle). Jadis, assure-t-on, ils mangèrent un âne, et le nom leur en est resté.

Les ânes de Pleudihen (près Dinan). On se sert beaucoup d'ânes en ce pays.

. Les ânes de Saint-Suliac (Ille-et-Vilaine). On dit aussi les ânes de Rigourdaine. Ces deux sobriquets tirent leur origine d'une légende que rapporte M^e de Cerny, et que voici, un peu abrégée.

« Saint Suliac avait établi un monastère autour duquel il avait semé du blé et planté des vignes. La Rance n'était alors qu'un faible ruisseau qu'on traversait sur deux mâchoires d'ânes, et en face de Garot se voyait la métairie de Rigourden, dont les ânes vinrent un jour brouter l'enclos des moines. Ceux-ci s'en aperçurent et les chassèrent. L'abbé alla reprocher au fermier sa négligence ; mais celui-ci ne garda pas mieux ses bêtes, et un matin l'abbé les trouva broutant sa vigne, et il les frappa de sa crosse en les maudissant.

DE LA HAUTE-BRETAGNE II

« Le propriétaire alla à la recherche de ses ânes, qu'il retrouva immobiles près de l'enclos des moines, la tète retournée sur le dos. Il supplia saint Suliac, qui les délivra de cette position incommode ; mais les ânes en s'en allant firent un tel bruit que le saint, pour ne plus en être incommodé, élargit la Rance et lui donna la largeur qu'elle a aujourd'hui.

« On voyait naguère dans les caves du pres- bytère un tableau sculpté en relief, fort vieux d'après la grossièreté du travail, et représentant les ânes la tête retournée sur le dos. »

Q/lme de Cerny, Saint-Suliac, p. 13.)

Cette légende est citée par Manet et par Habasque, t. III, p. 323.

LE BÉLIER (Aries)

'Noms patois

Le mâle s'appelle hourd(V.,S.-D.) (cf. le gallois howrd); hourdet (M., S.-D.); chourdet (S.-D.) ; houro (S.-D.); la femelle berbis (M., E.) ; mou- tonne (E.) ; l'ensemble du troupeau les berbis, d'où herbiouXy qui se rapporte aux brebis, qui aime les brebis; les agneaux, agnè (S.-D.) ; agnaou (S.-D.) ; igiiiau (E.); igné, égné, fém. (M.); égnite (S.-D.); agnite (Tréveneuc) ; aignelle (M.). La brebis en chaleur est dite en lue; on la conduit au hoiiri

12 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

qui la luette (P.). Les brebis qui mettent bas ai- nellent (M.); aindellent (P.). Les béliers qui cornent doupent (M.); tossent (P.). Le rhume des brebis se nomme hallo (Tréveneuc); goétron (S.-D.).

Les brebis n'ont point en général de noms propres; cependant on les désigne d'après des circonstances extérieures : celle qui a des cornes se nomme Cornette ; celle qui a la tête de plu- sieurs couleurs Moquarde (P.); la brebis qui n'a qu'une oreille Sorine (P.).

Pour appeler les moutons, on leur crie :

Quiens I quiens ! (P.)

Bara, bara, bara, (Tréveneuc).

Comme en breton.

Quéto, quéto, quéto, bée (P.). Koto, Koto, Koto, bée (P.).

Pour les détourner :

Chom' la 1 chôme ici (S.-D.). Taï-ci, taï-ci (P.). Chaboul (S.-D.) Cf. le breton chaboiich.

Pour faire battre les béliers, les ^atous (bergers) leur crient :

Tosse, tosse (P.). Ou:

Doupe, doupe (M.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE IJ

Pour que les brebis, que plusieurs bergers ra- mènent ensemble, se séparent, ils crient le soir : Trie, térias ! La plus belle de mon haras (P.)-

Proverbes

Faut point appeler sa mère jambe de berbis (P.). Il ne faut pas se moquer des siens, car cela retombe sur vous.

r se laisse tondre comme un mouton (E.).

Têtu comme un houro (S.-D.).

Berbis qui cloche n'a pas de mérienne (sieste, repos) (P.).

Manger sans boire, c'est flxire un repas de mouton.

Dicton similaire en Poitou (cf. Desaivre, Croy., p. 22). Croyances et Superstitions

Les brebis sentent le loup de cent lieues loin (P.).

Pour obtenir que les moutons jouissent d'une bonne santé, on offre de la laine à saint Jean (S.-C).

Les moutons jouent, ainsi qu'on le verra dans les dépositions ci-après, un rôle assez important <ians la superstition, et les lutins empruntent

14 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

souvent leur apparence pour se moquer des gens crédules et peureux.

Quelquefois, lorsque le pâtre croit avoir fait rentrer tous ses moutons à l'étable et qu'il vient de fermer la porte, il aperçoit dans le bas de l'aire un mouton à moitié couché, et qui semble fatigué. Il va à lui, croyant qu'il fait partie de son troupeau ; alors le mouton se met à fuir, et le pâtre court après sans pouvoir l'atteindre.

De temps en temps, quand la bête a un peu d'avance sur le pâtre qui la poursuit, elle s'assied de nouveau, mais pour repartir dès qu'on approche. Après avoir couru vainement, le mal- heureux berger revient à la ferme fatigué et chagrin, et s'il lui arrive de compter son trou- peau, il s'aperçoit que pas une bête n'y manque.

C'est un lutin, c'est le mouton-errant qui s'est amusé à le faire courir.

(Conté en 1863 par Emile Frostin, de Matignon.)

Le mouton-errant va se promener à l'époque des pleines lunes, de onze heures du soir à quatre heures du matin. Il affectionne les avenues et les clairières. Si on s'approche de lui, il se précipite sur l'imprudent et le frappe de ses cornes. Si on ne lui dit rien, il reste tranquille. C'est une bête tout à fait redoutée : jadis, à Saint-Brieuc-des-Iffs, les habitants faisaient de grands détours pour ne

DE LA HAUTE-BRETAGNE 1$

pas passer par les endroits se tenait le mouton- errant.

(Conté en 1880 par J. Legendre, de Saint-Brieuc-dcs-Iffs.)

« Ils (les lutins) s'offrent aux regards sous la forme d'un mouton égaré qui suit les gens, et semble implorer le retour au bercail. Malheur à celui qui se laisse attendrir, le charge sur son cheval ou le met sur ses épaules ! L'animal devient si pesant que celui qui s'en est chargé est forcé de le mettre à bas. Alors le lutin railleur se transforme et paraît en feu follet ; il manifeste sa joie par de grands éclats de rire et s'enfuit vers les eaux. »

(M™^ de Cemy, p. 54 et sqq.)

Un soir un homme qui s'en revenait de Mon- contour vit un hourd qui semblait fatigué. Il se dit:

C'est le hourd du Bourneuf; vantie'^ (peut- être) qu'i' sont en peine de H.

Il le chargea sur ses épaules pour le rapporter à la ferme; mais plus il marchait, plus l'animal devenait lourd, et il fut obligé de le laisser tomber, bien heureux d'en être débarrassé.

(Communiqué par M. E. Hamonic, de Moncontour.) Cf. Rolland, t. IV, p. 159.

Un nommé B... et son frère étaient partis tous

l6 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

deux un soir pour aller chercher une sage-femme. Comme ils allaient franchir un échalier pour prendre un sentier, ils virent un mouton qui se tenait auprès ; pensant que c'était un lutin déguisé, ils ne voulurent pas essayer de passer en employant la force. Ils prirent un autre sen- tier ; mais au premier échalier qu'ils rencontrè- rent, le mouton se montra encore devant eux. Cette fois ils ne retournèrent point sur leurs pas, et le mouton ne leur fit aucun mal.

(Conté en 1878 par Angèlc Quérinan, d'Andouillé.)

Il y a des pays où, dans la belle saison, les chevaux passent la nuit dehors, et, pour les garder du loup et des voleurs, un garçon couche dans une sorte de loge construite exprès et d'où il peut surveiller ses bêtes. A côté de lui est une trompe faite de la corne d'une vache, et dans la- quelle il souffle quand il a besoin de secours.

Un garçon de ferme, de la commune d'An- douillé, qui couchait dans une de ces loges, se sentait toutes les nuits foulé et pressé jusqu'à en perdre la respiration ; mais il avait beau regarder et tâter avec la main, il ne voyait et ne sentait rien.

Cela dura quelques nuits, au bout desquelles il déclara à son maître qu'il ne reiournerait plus garder les chevaux ; il lui raconta en même temps ce qu'il éprouvait chaque nuit.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 17

Le fermier lui conseilla d'aller se confesser ; le recteur donna au gardien une bouteille pleine d'eau bénite, et lui dit d'en jeter des gouttes tout autour de la cabane, ce qui fut accompli.

Le garçon ne ressentit plus d'oppression ; mais il vit un mouton qui tournait tout autour de la loge, en se tenant en dehors du cercle arrosé d'eau bénite. C'était le lutin, qui ne pouvait franchir cette limite, et qui devenait visible au lieu d'être caché comme auparavant.

(Conté en 1S78 par Angèlc Quérinan, d'Andouillé.)

En Basse-Bretagne (cf. Le Men, p. 419), les lutins prennent aussi la forme d'un bélier. J'ai traité, p. 159 et suiv. du tome I, des transformations des lutins en bêtes.

Il était une fois un homme qui allait au bourg de Corseul. Sur sa route il vit, pas bien loin de lui, une bête qui ressemblait à un rnouton, et ils se trouvaient tous deux sur le point de passer un pont qui n'avait que la largeur d'une personne. L'homme se dit :

Je vais toujours passer le premier.

Il coupa une branche d'arbre, et justement le mouton et lui se rencontrèrent sur le pont, et comme aucun ne voulait céder à l'autre, l'homme poussa le mouton, qui était Mourioche ; la bête tomba à l'eau et se mit à rire.

Ah ! lui dit l'homme, tu t'es baigné le derrière 1

Il 2

l8 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Oui, répondit le mouton, mais tu vas baigner le tien aussi.

Ils firent route ensemble et arrivèrent au bord d'une petite rivière. Mourioche sauta par dessus, et quand l'homme voulut passer, il le jeta dedans et se sauva ensuite à toutes jambes.

(Conté en 1881 par Isidore Poulain, boulanger, âgé de vingt- six ans.)

Cf. sur Mourioclie le tome I, p. léz.

Aux Moulins - Neufs, le bonhomme Pierre Lenoir alla un jour pour chercher son cheval, et il monta dessus, non sans remarquer qu'il paraissait en bon état. Arrivé au ruisseau, il passa par le milieu au lieu d'aller par le côté, comme c'était son habitude, et il fit tomber le bonhomme à l'eau. Alors celui-ci, se doutant de quelque maléfice, retourna à la pâture et vit son vrai cheval qui paissait tranquillement dans le champ à côté, et il monta dessus après avoir fait Je signe de la croix entre ses oreilles.

Le lendemain, il chargea son fusil et mit dedans une miette de pain Unit, et comme un mouton paraissait le suivre, il l'ajusta; dès que le mou- ton eut été touché, il se mit à se plaindre comme une personne, et le bonhomme Lenoir y pensa de longues années après, en regrettant son coup de fusil.

(Conté en 1879 par Françoise Dumont, d'Ercé.)

DE LA HAUTE-BRETAGNE I9

En Berry on se sert de balles qui ont été bénies (cf. Laîsnel, t. I, p. 187).

A Bréhand, il y avait un bonhomme surnommé Vieux-Loup. Tous les soirs cinq moutons, les uns blancs, les autres noirs, venaient chez lui à la tombée de la nuit, et ils attendaient dans le foyer le maître de la maison, qui souvent ne rentrait que tard. Alors ils passaient avec lui dans une pièce à côté. Les domestiques étaient habitués à eux, et ils ne leur disaient rien.

Le bonhomme, qui était riche, passait pour ne jamais coucher chez lui ; à l'église il tournait le cul à l'autel (ceux qui tournent le cul à l'autel ou aux processions ont commerce avec le diable). Il ne voulut pas se confesser avant de mourir, et ses moutons suivirent sa châsse jusqu'au cime- tière; les porteurs assurèrent qu'il n'était point dans sa châsse.

(Communiqué par M. E. Hamonic.)

Il est souvent question de moutons dans les Contes populaires de la Haute-Bretagne, soit comme personnages importants, soit comme personnages épisodiques. Voici le titre de ceux ils figurent : l^e série, La Brébietle blanche, n" LViii ; 2e série. Le Bélier courant et la Bergère aux champs, L (ici le mouton est une forme du diable) ; Le petit Mouton Martinet, xxix ; La Houle du Grouin,

20 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

no X (les fées les tondent) ; Les Fces du Gulldo, no XI ; La Houle de Beauçais (moutons noirs des fées), no XIV ; Le Mouton sorcier, dans Lilt. orale ; La Houle de la Corbière, p. 6.

Dans un conte inédit de ma collection, qui appartient au groupe des houles, une fée donne des moutons à conduire à un jeune pâtour afin qu'il les mène paître, et elle lui fait présent d'une baguette à l'aide de laquelle il peut à volonté faire disparaître son troupeau.

Un conte non encore publié, recueilli vers Moncontour, fait de trois moutons les gardiens de trois trésors composés d'or, d'argent et de cuivre, et ils sont blancs, gris et noirs ; l'un d'eux adresse la parole à un tailleur qui a trouvé le moyen de pénétrer dans la grotte.

LE BŒUF (Bos domesticus)

Noms patois. Langage qu'on adresse aux hœufs et aux vaches

Dans le patois gallot, on donne souvent le nom de hœu', soit au taureau, soit au bœuf proprement dit, car on les distingue assez rare- ment. Le taureau se nomme aussi tore (M., S,-D.); toriau (M.), pi. toriaoïix (M., S.-D.); tore banal ou toriau banier ; en ce dernier cas il est considéré

DE LA IIAUTE-BRETAGXE 21

comme ctalon; loueilk (vers Gahard, Ille-et- Vilaine; ce mot vieiHit). Quand il est encore jeune, il s'apelle torin (E.) ; ioriUon (S.-D.).

Voici quelques noms propres des boeufs : Si l'animal n'a qu'une couleur, il porte le nom de sa robe, le Rouge, le Nèir, le Blanc, etc. (M., E., P.), Rougeaud, Noiraud (Loire-Inférieure, Sou- vestrc). S'il est de deux couleurs, on l'appelle Gdre, et c'est le nom de celle des deux couleurs qui est dominante qui sert à continuer le nom : un bœuf rouge et blanc, si le rouge domine, s'ap- pelle Gdre rouge ; blanc et noir, si le noir domine, Gdre noir (P.).

D'autres noms leur sont donnés à cause de quelque circonstance particulière ou de leur con- formation : Tête Manche, Grosse épaule, Cou nèir.

Cf. sur les noms des bœufs en Berry, Laisnel de la Salle, t. II, p. 140, et sur les noms des bœufs en général, Rolland, t.V, p. 24-29.

Vers Moncontour, surtout dans les communes de Plessala et de Saint-Gouéno, le bœuf est employé aux travaux des champs, le joug se nomme le jeue ; la paire de courroie, ks conraîe ; la croix en paille, une locqtie (ou n'y attache aucune idée superstitieuse; c'est simplement pour que le joug fasse moins de mal). La cheville sert au conducteur à tirer ou à pousser les bœufs du côté qu'il veut les faire marcher. La hard en

22 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

chêne s'appelle engUe ou emhiée; la chaîne (quand on veut mettre deux couples de bœufs), le cro.

Pour aller à droite, on dit : Guia'har.

Pour aller à gauche, on dit : Hard ! hard !

On chante des chansons aux bœufs pour les encourager, mais je n'ai pu m'en procurer aucune.

En voici une que Souvestre recueiUit, dans la Loire-Inférieure, d'un paysan qui la répétait dans un mode plaintif et sur le ton élevé ordinaire aux chanteurs de la campagne :

« 1

Mon rougeaud.

Mon noiraud, Allons ferme à Vhoustcau (le logis) ; Vous aurez du renouveau (regain). L'bon Dieu aira' les chrétiens I L'blé a graine ben, Mes mignons 1 c'est vot'gain 1 Les gens auront du pain ; Nos femm's vont ben chanter. Et les enfants s'ront gais 1 Hél

Mon rougeaud.

Mon noiraud, Allons ferme à Vhousteau ; Vous aurez du r'nouveau. »

(Les derniers paysans, p. 8o.)

Cf. Laisnel de la Salle, t. II, p. 140, Les chants des Brioleux berrichons, et Rolland, t. V. p. 30.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 23

Quand les taureaux viarent (frappent) la terre avec leurs cornes, on leur crie :

Tore, bugne, bugne ! (S.-D.)

par imitation du beuglement du taureau en colère.

En parlant d'une vache aux enfants, on leur dit que c'est une caunette (E.).

La vache stérile s'appelle taure (E.). On dit aussi d'une vache qui est menée au tore et qui ne retient pas qu'elle est enveruée (S.-D.).

La jeune génisse est un g'nisson (E.). Le pis de la vache se nomme (M., E.), les trayons des tériants (M., S.-D.), des trèyans (Trévencuc).

D'une vache en amour on dit qu'elle est en bœii\ en chasse, en cour ou qu'elle est entorinée. En ce cas on la mène au bœu', c'est-à-dire au taureau, qui la chasse (P.).

La joubarbe donnée aux vaches les rend amou- reuses.

Cf. au chapitre des Plantes, le mot Joubarbe.

Il y a des jours l'on ne doit pas mener les vaches au taureau, dans les Trécoles par exemple, qui sont ou les trois premiers jours de mai, ou les trois derniers, ou les trois du milieu du mois. Le veau qui naîtrait de cet accouplement serait tortu ou bossu (E.).

24 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

D.ius le Jura (cf. Laisnel de la Salle, t. I, p. 45), il y a les jours de la vieille qui sont les trois derniers jours de mars elles trois derniers jours d'avril. Cf. aussi KollauJ, t. V, p. 85-84.

Si, avant d'être menée au taureau, et le jour qui suit la saillie, une vache pâturait dans un endroit a passé un hérisson, elle serait enhêrissonnée et vêlerait difficilement. C'est pour cela que ce jour et le lendemain on évite de la mettre aux champs

(E.).

La vache pleine est dite evihovinèe (M.).

Quand les vaches sont prêtes à vêler, on dit qu'elles sont ameillanks, parce qu'elles commencent à donner du lait (M.).

Le veau que la vache a vêlé, respé de vous, s'appelle : viati (E., M.) ; vachel (M.) ; vachot (E.) ; Ucho (S.-D.).

Quand il tette, on le nomme laitron (S.-D.) ; sevron (S.-D.) quand on est en train de le sevrer et qu'on l'a mis en kellîon (M.). ^

Les vaches qui composent un troupeau ont chacune leur nom propre; il est tiré de la couleur de la bête ou de quelque circonstance particulière à elle. Parfois aussi la vache porte un nom de fantaisie, ou bien celui de son premier proprié- taire ou du pays dont elle vient.

La vache noire se nomme Ir. Nah'e (M.); la Nêre (P.) ; la Brennc (P.) ; la Taupin (P.) ; la Châ- taigne (E.) ; la rouge, la Rotige (P.) ; la rouge et

DE LA HAUin-HRETAGNE 2$

blanche, la Gdre rou^e (P.) ; la Piolce, tachée de noir et de blanc ou de rouge ; rouge avec des petits points blancs, la VergeUe (P.) ; la Vêrèe (E.); la grise : la Grise; celle qui a sur la tête du rouge et du blanc, la Moqmrde ; celle qui a du rouge en petites taches sur le blanc, la Papillon ; la Piellêe (E., G.), qui est d'un blanc taché de noir ou de rouge ; la Friiiqiielle, celle qui est fringante et trappe du pied; la Nagiietle, qui a la corne rabattue; la Grand' Venlre, qui a le ventre gros; la Gran'- Cornée, qui a de longues cornes (P.)- D'autres s'appellent Roiigetle, Corndle, etc. ; Marie pisse trois gouttes, c'est le surnom donné à celles qui ne donnent pas beaucoup de lait (E.).

Échoupichcr une vache, c'est la traire pour en avoir jusqu'aux dernières gouttes de lait (S.-C).

Si on oublie de traire les vaches, leur pis se gonfle; elles sont enipissées (M.).

La vache qui est épessée, c'est-i\-dire dont le pis grossit, est sur le point d'hneilkr, d'avoir du lait en abondance (S.-D.).

Quand les vaches sont difficiles à traire, on tâche de les enj'noiiillelter. On plie le genou de la bête ; on place sous le jarret un bois long, et on noue solidement avec une corde le genou recourbé (S.-D.).

On appelle bcrhagne (Plouvara) la vache qui, depuis un an, ne donne que peu ou point de laif.

26 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

la vache anouillére (M.); en-oulière (S.-D.) est celle qui n'a pas de lait.

On leur attache aussi la corne au pied avec une corde; cela s'appelle ensep' 1er (S. -D.); ensépèter {P.); eiihender (M.).

Les vaches qui passent facilement en dommage s'appellent des passardes, ou des vaches îarronnes, ou coquines (P.).

Les vaches qui beuglent Inglent.

Quand une vache est méchante, on se hâte de Vemlaogner (E.) en lui mettant sur les yeux un morceau de bois ou d'étoffe qui l'empêche de voir devant elle.

Les vaches qui ruminent sont à gouher (S.-D.); coher (M.).

Si elles se battent, elles se boinent (E.); quand elles cornent, elles hoidlhnt (Tréveneuc) ou can- nent (E., M.).

La vache qui est écornée est dite écaunée (M., P.) ou cornette (Plouvara).

On dit qu'une vache a les pigeons quand elle a à la hanche une grosse excroissance sous-cutanée <S.-D.).

Une vache météorisée est empansce, d'où em- pansement, météorisation (M.).

Si elle a mangé trop de pommes, elle est etn- pommée ou enipâinie (E.).

On appelle hérisson une maladie des jambes

DE LA HAUTE-BRETAGNE 2/

dont les vaches crèvent souvent; on assure que c'est le hérisson qui la leur communique (P.)- Pour appeler les vaches, on dit :

Tieu ! tieu ! (S.-D.) Quieu I quieii ! quieu ! (Tréveneuc.) Quéva ! quéva I (M.) Haïsse quio ! (P.)

Pour les détourner :

Alou ici ! (S.-D.)

Pour les chasser :

Hait'si !

Houache que ! (P.)

Pour les faire boire :

Volé ! volé ! volé 1 (S.-D.) V'iau ! v'iau ! v'iau ! (M., P.) Voleu ! voleu ! voleu ! (P.) Jou la ! jeu la 1 jou la 1 (Tréveneuc.) Hol ! hol 1 liol ! (Tréveneuc.)

On appelle les veaux en leur criant :

Kécho ! kécho ! (S.-D.) Vachet ! vachet 1 (M.) Vichil vichi ! (P.)

Pour faire moucher les vaches, on dit aux taons :

Petit bourdon de saint Laurent, du'a piqué mon petit viau blanc.

28 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Sous le pé, sous la queue,

Pour le faire moucher plus doux.

Ta kss, ta kss (E.).

On leur crie aussi pour les faire ouider, c'est-à- dire moucher, mot employé à Plouvara :

Oui déda ! oui déda ! G'zz, gzz, gz (S.-D.).

Cette dernière syllabe contrefait le bruit des ailes du taon. Ou: Tan-gzz, tan-gzz, gzz ! gzz 1 gzz ! (Tréveneuc.)

Pour les empêcher de moucher, on leur crie : Kio ! kio ! kio ! (P.)

Le jour de Saint-Sylvestre, on dit aux pâtours d'aller dans les étables couper une touffe de poils entre les cornes des vaches, en leur assurant qu'elles ne moucheront plus dans l'année. C'est une attrape analogue à celle du poisson d'avril (E., P.). A Penguily, c'est sous l'oreille gauche.

Proverbes et Dictons

Si bœuf savait. Si sourd entendait. Si taupe voyait. Homme sur terre ne vivrait (E., M.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 29

L'œil du bœuf, dit-on, lui fait voir les hommes gros comme des montagnes (Morbihan).

Cf. Souche (Poitou), p. 25, et Mél., col. 555 (environs de Nantes).

Il vaut mieux entendre un bœuf parler Qu'une fille subler (siffler) (P.),

Fille qui subèle (sifBe), vache qui heilh (beugle comme un taureau), poule qui chante le coq, sont trois bêtes qui méritent la mort (Ille-et- Vilaine).

Rolland, t. V, p. 16, cite un !>i-oilaire wallon.

Il est malséant à une fille de siffler.

Donner un œuf Pour avoir un bœuf (D.).

Tore du hié néer, ou tore housoux. Taureau de blé noir ou taureau couvert de bouze, terme injurieux (S.-D.).

Il est sorcier Comme une vache qui bouze un genêt (E.). Cf. Rolland, t. V, p. 8î.

y voudras êt'e dans ,V vent' e d'une vache diqu'à (jusqu'à) Pâques (E.). On emploie ce dicton en hiver, quand le temps est rigoureux et qu'on voudrait bien être au chaud.

Jeter le pot après les vaches (E.). Jeter le manche après la cognée.

30 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Les vaches donnent le lait par la goule (S.-C, P.).

Le (pis) de la vache est tombé dans le plate (M.). Se dit quand on a fait une maladresse.

Avec lui, il n'y a ni petite vache, ni petit veau (E.). Il exagère.

r n'faut pas boire le lait comme la vache le donne (S.-C). Il faut économiser.

Méchant comme une vache enragée (M.).

Je ne m'y fie pas p'us qu'dans eune vache écônée (écornée) (M.).

Ce sont les viaux qui veulent mener les vaches es champs (Calorguen).

Allongé comme un viaou (S.-D.).

Braire comme un viau.

Similaire en Poitou (cf. Desaivre, Croj., p. 23).

A l'Ascension, On laisse le veau, on prend le mouton.

D'après Habasque, qui cite ce proverbe, t. II, p. 197, il ferait allusion à la coutume des bouchers, qui ne débitent guère de viande de mouton que lorsque l'hiver est passé.

On li frait croire que les nues sont de peaux d' viaux (E.).

Devinettes

Quatre allants, quatre tirants. Fouette au eu et broc devant.

Une vache.

Cf. Mélus., col. 24s ; Rolland, D. 43.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 3I

Quatre qui démêlent le bouillon, Quatre qui portent le petit rainssion, Et quatre qui regardent en haut.

Une vache.

Quatre qui vont,

Quatre qui viennent,

Quatre qui battent la charrière.

Une vache et son pis.

Cf. Rolland, D. 44.

Quatre petites bouteilles dans un pré, r pleuvrait toute la journée Elles ne seraient pas encore mouillées (D.).

Le pis d'une vache.

Cf. Rolland, D. 4;, et le t. V de la Faune populaire, p. 113-114. Qui est couché sur la paille et qui n'y touche pas? (P.)

Un veau dans le ventre de sa mère.

Cf. Rolland, D. 46.

Superstitions et Croyances

Pour que les vaches aient leur veau en jour, il faut que la dernière fois qu'on leur tire du lait soit un dimanche.

A Saint-Cast, pour empêcher les vaches d'être malades, et pour que leur veau arrive à bon terme, on offre à saint Jean le beurre de la première barattée ; ailleurs, c'est à la Vierge que l'offrande est faite.

32 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Le lait de vache noire passe pour avoir la vertu d'éteindre les incendies (E., P.).

Croyance analogue dans les Vosges (cf. Mil., col. S02).

La main de la Vierge est marquée sur les côtes d'une vache écorchée (E.). C'est le grand pectoral, qui dessine la forme grossière d'une main.

Un bâton de baratte en ajonc empêche les sor- ciers d'ensorceler la baratte.

En Poitou (cf. Desaivre, Croy., p. 20) existe la croyance à cet ensorcellement; mais le remède n'est pas indiqué.

Si on croit que le lait des vaches a été soutiré, on va trouver le devin, qui ordonne de faire bouillir des épingles dans du lait de la bête ensor- celée : les épingles piquent celui qui a ensorcelé, et il se hâte d'accourir pour enlever le sort (E.).

Quand une vache ne donne plus de lait, et qu'on suppose qu'elle a été ensorcelée ou qu'un mendiant lui a jeté un sort, il faut lui faire faire le tour d'un champ à trois cornières (aiighs) .

Sur les sorciers qui soutirent le lait, cf. le t. I. du présent livre, p. 183 et 276, et Rolland, t. V, p. 94.

Parfois, si une vache ne donne plus de lait, c'est qu'elle a été mise à l'étable « dans une maison bénite » (Plouër).

Une croyance analogue existe en Franche-Comté (cf. Mél., col. 371).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 55

On accuse aussi les i/lins (reptiles) de tarir les vaches en leur suçant le pis; le môme préjugé -existe à l'égard des hérissons. (Voyez plus loin les mots : Hérisson, Serpent, Couleuvre, etc.)

On met du sel sur les litières neuves, pour chasser les v'iins (reptiles), qui ne peuvent souflFrir le sel (E.). A Penguilly, on met du seù ou haut- bouée (sureau) sur le sol et à tous les coins de l'étable, pour arriver au même résultat.

Autrefois il y avait des lutins qui prenaient la forme de boeufs et f;iisaient l'ouvrage tout de travers, pour jouer des tours aux bouviers.

C'est pour conjurer ces maléfices qu'on lie les jougs en croix.

Un homme avait cinq bœufs dans une pâture. Il alla pour les chercher ; mais il n'en trouva que quatre. Le lutin avait caché le cinquième, qui était un petit bœuf gare. Après l'avoir cherché longtemps en vain, l'homme entendit dans un champ voisin le lutin, qui riait de sa déconvenue.

(Conté en 187S par Jean Bouchery, de Dourdain.)

La croyance que le lutin peut prendre la forme d'un bœuf ou

-d'un taureau existe aussi en Basse-Bretagne (cf. Le Men,

p. 419).

Un homme avait perdu sa génisse. Pensant qu'elle s'était adirée, il se mit à sa recherche, et il l'aperçut dans un chemin creux. 11 courut après elle; mais le chemin s'emplit tout à coup de feu.

" 3

34 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

L'homme entendit un beuglement à faire trembler, et jamais depuis il ne revit sa vache (P.).

A la croix de Retiers, à Ercé, on voit passer des vaches qui ont sur le dos un panne (sorte de selle). Elles ne disent rien à personne; mais il ne faudrait pas les déranger (E.).

Les loups-garous pouvaient aussi prendre la forme de bœuf, ainsi qu'on le voit dans le conte qui suit :

Il y avait une fois aux Baulets des gens qui battaient de l'avoine; pendant que les autres étaient à dîner, l'un des batteurs resta à garder l'aire. Tout à coup survint un beau bœuf qui se mit à cornailler l'avoine et à la répandre par monceaux dans l'aire. L'homme lui lança ua gavelot (fourche de fer) dans la tête et le lui en- fonça si profondément que la fourche resta fichée dans le front du bœuf, qui se sauva à toutes jambes en beuglant.

Le lendemain, cet homme étant allé à la foire à Plénée, entra dans une auberge et y vit son gavelot à la porte. Il y avait dans le coin du foyer un homme qui lui demanda s'il ne connais- sait pas cet instrument.

Non, répondit le batteur d'avoine.

Si, dit l'autre, c'est le vôtre, et c'est vous qui m'avez délivré en me le lançant à la tête. Pour votre récompense, je vais vous mener à un

DE LA HAUTE-BRETAGNE 35

endroit que je sais, et se trouve une barrique d'argent.

Les deux hommes allèrent au Chalonge et virent la barrique, qu'ils se mirent à monter en haut ; ils y étaient bientôt arrivés quand l'un d'eux s'écria : « Tiens bon ! nous l'avons. »

Mais il ne fallait pas parler, et aussitôt la barrique retomba dans le fond du trou. Le lende- main, on la vit passer au bas des Couets.

(Conté en 1881 par J. M. Comanlt, du Gouray.)

Le Chalonge, colline au-dessus de Boulet, commune du Gouray. Les Couets sont deux petites rivières. Le trou était cette barrique, et qu'on montre encore, est d'une assez grande profondeur.

Il était une fois un jeune homme qui demeurait avec ses parents ; comme ils étaient pauvres et que l'ouvrage manquait dans le pays, il se mit à voyager pour chercher à exercer son métier de tireur de pierres. Il marcha longtemps, longtemps, sans trouver à s'employer.

Un jour qu'il passait près d'un bois, il lui sembla entendre des vaches beugler. Il traversa le bois pour voir ce que c'était et pour demander à ceux qui, à ce qu'il pensait, gardaient le trou- peau, s'il n'y aurait pas de l'ouvrage pour lui dans le pays. Quand il fut sorti du bois, il vit plus de quarante vaches qui s'attiraient de dessous terre et s'envolaient aussitôt, car elles avaient

36 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

des ailes. Il s'approcha de l'endroit d'où il les avait vues sortir ; il vit une carrière des car- réyeurs étaient à extraire des vaches. Ils lui crièrent de venir leur aider, s'il connaissait quelque chose au métier.

Il descendit dans la carrière ; mais comme il était plus fin que les autres, dès qu'il les avait extraites, il leur coupait les ailes, de sorte qu'elles ne pouvaient s'envoler. Il eut ainsi un nombreux troupeau, et au bout de trois mois il alla les vendre et en retira cent mille francs.

Le lendemain de ce marché, il descendit dans la carrière, et quand il eut extrait une vache, au lieu de lui couper les ailes, il monta sur son dos et dit adieu à ses camarades.

La vache se mit à voler dans les airs; mais comme elle ne se pressait pas de descendre à terre, il lui coupa les ailes. Il la conduisit dans son pays, et le seigneur de son village, qui n'avait jamais vu de vache ailée, la lui acheta cent mille francs. Le carréyeur se mit alors à son aise et resta à demeurer avec ses vieux parents.

(Conté en i S82 par Isidore Poulain, de Pluduno, boulanger à Saint-Cast.)

La nuit de Noël, les boeufs se mettent à genoux quand minuit sonne ; mais il est dangereux d'aller vérifier le fait à cette heure-là.

Un fermier, qui avait entendu dire que les

DE LA HAUTE-BRETAGNE 37

bœufs s'agenouillaient, voulut entrer dans son étable pour les voir. Il alluma une chandelle de résine, qui fut éteinte par deux fois par un souffle au moment il entrait. Il la ralluma encore ; mais au moment il passait le seuil, il reçut d'une main invisible un coup de poing sur la tête, et il comprit que c'était un avertissement pour ne pas aller plus loin.

Croyance analogue en Poitou (cf. Souche, Croy., p. i), en Nor- mandie (cf. A. Bosquet, p. 221).

Jadis on ne donnait point à manger aux bœufs pendant la nuit de Noël, ni le lendemain jusqu'à midi.

M. L. Desih're, Essai de mytholcaie locale, ■p. 5, rapporte presque dans les mêmes termes les superstitions du Bas-Poitou sur la nuit de Noël.

Pendant la nuit de Noël, un maître entendit converser ses bœufs. L'un d'eux disait : « Qu'est- ce que je ferons demain ? » Un autre répon- dit : « Je porterons demain notre maître en terre, car c'est demain qu'il doit trépasser. »

L'homme effrayé fut bien vite à confesse. Il mourut le lendemain, et les bœufs l'accompagnè- rent, selon leur prédiction, à sa dernière demeure.

(Communiqué par M. Bourie.)

Cf. dans Laisnel de la Salle, t. I, p. lé-i", un conte berri- chon similaire. Cf. aussi Souche, Prmerhes, etc., p. 8, un récit poitevin analogue.

38 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Voici les titres des contes gallots les bœufs, taureaux ou vaches jouent un rôle :

Contes populaires, i^e série: Le Taureau bleu, III ; La Houle de Chêltn, no xv ; 2e série : La Houle Saint-Michel, v; La Houle du Chdtelet, no I (vaches invisibles des fées) ; La Houle du Grouin, no x (vaches ensorcelées) ; Les Bœufs des fées, no XXXIII (bœufs qui ne doivent travailler que d'un soleil à l'autre et qui meurent si, après le crépuscule, on les fait tirer la charrue). Litt. orale, La Houle de laCoj-bière et les notes, p. 12-13.

Pour récompenser du lait qui leur a été donné gratuitement, les fées des houles (conte inédit) accordent à toutes les vaches de fournir du lait en abondance.

Le domestique loup-garou du conte du Loup- garou, xlvii, i^e série, n'a pas attaqué le pre- mier homme qui a passé, parce que sa mère, étant enceinte de lui, avait mangé un cœur de veau ; mais il lutte avec le troisième, parce que sa mère avait mangé un cœur de bœuf.

D'après un récit de la série inédite des Margot, les fées viennent la nuit manger la vache d'un homme. Il leur en demande un morceau ; au matin, sa vache était intacte, sauf ce qu'il avait lui-même mangé.

Cf. tome I'^'' du présent ouvrage, p. i'6, un récit les lutins remplissent le rôle attribué ici aux fées.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 39

Une allégorie qui se retrouve dans plusieurs contes populaires fait des vaches des emblèmes ; j'ai en portefeuille un conte intitulé Le mariage du soleil, le héros voit des vaches grasses dans •des prés maigres, et des vaches maigres dans des prés gras. Il demande l'explication, et on lui répond que les vaches grasses dans les prés maigres sont les riches qui, après leur mort, ne sont point heureux; les vaches maigres dans des prés gras sont au contraire les pauvres qui, après leur mort, sont allés en paradis. Cette allégorie a été trouvée avec une addition pour le purga- toire — en Gascogne par M. J. F. Bladé.

LE CHAT (Felis catus)

Noms patois

Le mâle s'appelle niarlou ou marcou (E., M.); marcaon (cf. le breton tnar-kas); maloud (S.-D.); tnaloar (Tréveneuc).

On appelle inahon ou mahonnet les chats noirs (S.-D.).

On donne aussi à tous les chats le nom de pitaon (S.-D.) quand on ne sait pas leur nom propre. La chatte qui met bas chatonne.

40 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Proverbes

Jamais chat ganté n'a fait bonne prise (M., E.).

Cf. RoUand, t. IV, p. 102.

yétieris comme les chats : je parliens toutes les langues (S.-C).

C'est de la bouillie pour les chats (E.). C'est du temps perdu.

Comme les chats, il retombe sur ses pattes (D.).

Cela arrivera ; la quoue à not'chat est bien venue (E.).

Cf. Rolland, p. 96.

Se mirer comme un chat dans une andouille (E.).

Vous n'arez point un bel homme ; vous n'aimez point les chats (D.).

Cf. un dicton similaire dans Souche (Deux-Sèvres), Croy., p. 14.

On ne donne pas au chat comme il miaule (Calorguen).

Il a l'air d'un petit chat écorché.

A vieux chat Jeune souris (E.). Cf. Rolland, p. 102.

Il a les yeux comme un chat foiirgoté (agacé, en colère) (S.-D.).

Le jeu de chien va devenir jeu de chat (Mon-

DE LA HAUTE-BRETAGNE 4I

contour), c'est-A-dire : au lieu de s'amuser sans se faire mal, on va se griffer.

Cf. Rolland, p. 99.

Se débarbouiller par les chats trottent (E.).

Donner à manger aux chats (Tréveneuc) : avoir de la chance.

Il est parti avec les chats (Tréveneuc) : il n'a dit ni bonjour ni bonsoir.

On donne le nom de chatfoinsè (E.) aux boutons qui viennent sur la main, le bras, etc., et qui parfois pourrissent.

D'après Souche, Prmerbes, p. 7, en Poitou, on appelle iin bobo d'enfant « un p'tit maou d'chat ».

On appelle les chats en criant : Piss ! piss 1 piss ! (S.-D.)

Cf. le même mot en breton ; ou :

Pitaou ! Ou:

Mignon I mignon 1 (E., P.)

Devinettes

Quatre pattes sur quatre pattes,

Quatre pattes attend quatre pattes.

Quatre pattes ne vient point,

Quatre pattes s'en va et quatre pattes reste (E.).

Un chat sur une chaise, qui guette une

42 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

souris et qui quitte la chaise après l'avoir attendue en vain.

Cf. Rolland, D. 40. Qui a sept pieds, quatre oreilles et une quoue? (E.)

Un chat dans une marmite.

Cf. Rolland, D. 40, 42.

Superstitions et Croyames

Si on avait le courage de tuer un chat et de manger sa cervelle toute chaude, on deviendrait invisible (D.).

En Normandie, d'après A. Bosquet, p. 218, ce sont certains os de la tête qui rendent invisible ; en Eure-et-Loir (cf. Rolland, t. IV, p. 114), c'est l'os frontal d'un chat noir.

Enterrer un chat crevé au pied d'un pommier qui souffre fait redevenir l'arbre florissant (S.-D., E.).

Si on donne du pain bénit à un chat, il entre en fureur et devient comme enragé (M.).

Jadis les chats avaient des cornes ; mais ils les ont vendues pour acheter du poisson, qu'ils aiment beaucoup (S.-D.). On dit aussi parfois qu'ils les ont vendues pour boire.

Cf. Rolland, p. io6.

Si on voit quelqu'un embrasser un chat, on dit :

Laisse-le, vilain sale; i' va t'donner des

DE LA HAUTE-BRETAGNE 4}

dettes. On croit en effet que les chats peuvent communiquer des dettes ou dartres (P.)-

Cf. Rolland, p. iio.

Les chats de mai sont mangés par le vieux mâle (P., S.-C). On dit qu'ils ne valent rien.

Cf. dans VEvangiU îJcs quetiouilhs, p. 148, une superstition «natoguc.

Les chats dUfouyer ne réussissent pas, c'est-à-dire ne vivent pas (S.-D.).

On dit que pour qu'un chat soit bon à prendre les souris, il faut qu'il soit voleur (S.-C).

Cf. Souche (Poitou), Croyances, p. n.

Si on coupe les moustaches à un chat, il ne sent plus les souris (S.-D., E.).

Cf. Rolland, p. 107 (Loiret).

Un chat adulte retrouve son chemin si on l'emporte même loin de la maison il est né.

Superstition analogue dans les Vosges (Alt/., col. 453), en Poitou. Cf. Souche, Croy. (Poitou), p. 52.

On perd le chat ou on le noie en lui attachant une pierre au cou ; il est rare qu'on le tue autre- ment.

Le chat, qui mange toutes sortes de viandes et de poissons a, dit-on, répugnance de l'ormée (ormier), d'où le proverbe : « Les ormées ne passent point par le eu es chats » (S.-C).

44 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Quand on voit les chats passer leur patte par dessus leur nez, c'est signe de pluie prochaine (S.-C, S.-D.).

Cf. Rolland, p. m (Beauce, Gâtinais).

Le chat se venge quand on lui fait du mal.

Une de ses vengeances favorites, c'est de monter dans le grenier et de pisser sur la personne à laquelle il en veut.

A Saint-Cast, un chat battu monta dans le grenier pendant que celui qui l'avait frappé était au lit, et il lui pissait sur la tête.

A Saint-Glen, un autre chat, pour se venger, pissait sur les galettes que mangeait celui qui l'avait battu.

On coupe le bout de la queue des chats en certains pays, pour « tuer le ver » qui s'y trouve. Ce ver n'est autre chose qu'un petit nerf.

Le même usage existe pour les chiens.

Cf. Souche Crcf^. (Poitou), p. 6; Rolland, p. 107.

Tjrs chats sorciers

Si on ne coupait pas le bout de la queue des chats, ils seraient sorciers ; c'est un serpent qu'ils ont dans le bout de la queue (S.-C).

Même croyance, quant à la sorcellerie, en Normandie (cf. A. Bosquet, p. 218), dans le Loiret (cf. Rolland, p. 107).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 45

Le soir du mardi gras, les chats vont faire le sabbat à tel ou tel endroit.

Cf. Souche, Croy., p. 17.

On n'aime pas les chats noirs ; on dit qu'ils atnènent le diable dans la maison (P.).

Sur les chats noirs et le diable, cf. Ch. Louandre, p. 52 et 89, cf. aussi Ducora, Nouvelles gasconnes, p. 59,

Ils se rassemblent ordinairement aux carrefours , autour des croix et dans les champs à trois cor- nières.

A la Croix-de-Retiers, on voit un champ à trois cornières les chats se réunissent pour faire leur sabbat. On les voit attelés, c'est-à-dire à la file les uns des autres (E.).

Les croix de Saint-Cast, surtout celles qui sont en schiste et d'une forme particuUère, passent pour avoir été plantées par les sorciers ; elles sont auprès de champs à trois ou cinq cornières, et les sorciers se réunissent autour.

A la Croix-Bra, à la Croix-Renaud, les chats se rallient, surtout en mars, quand ils sont en amour ; jadis les sorciers y venaient (S.-C).

« Les chats courtauds sont des chats de taille extraordinaire, qui tiennent conseil vers minuit sur les èchaUcrs de la Haute-Bretagne. Ils sont méchants et n'aiment point à être dérangés. Qjjand un intrus trouble leur grave entretien, ils

4.6 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

l'entourent et lui font subir mille avanies. Ensuite le président du conseil se munit d'une longue aiguille et l'enfonce dans le cœur du patient, qui devient hypocondriaque et dépérit lentement. »

(Paul Féval, Les dernières fées, p. 178, note i.)

Les chats sorciers étaient rouges ; il y en avait un à Hénon sur lequel on a maintes fois tiré sans pouvoir l'atteindre ; tous les dimanches, à la même heure, il cassait une rihotte (baratte) ou quelque autre objet. Quand on voulait le tuer, il allait se cacher dans un bassin et avait l'air de narguer les gens.

On vient chercher les chats sorciers pour dèmiilotter les pourceaux ; on met le chat sous l'animal, et on lui fait gratter le ventre du cochon avec ses griffes.

(Communiqué par M. Bourie.)

Interprétation du sabbat des chats par une femme de Loudéac : Marca...ou, a.>.ou, pourqua qu'tu viens chez nou-ous ? Que qu'ça t'fout? qu'e qu'ça t'fout ?... Et i' s'ent' sautent à la cri- gnassc.

(Communiqué par M. E. Ernault.)

Un pauvre honmie qui s'en revenait de sa journée passait un soir par le chemin des Noes, non loin de la Croix-du-Meurtel, lorsqu'il vit un

DE LA HAUTE-BRETAGNE 47

petit chat qui paraissait égaré. Il eut pitié du pauvre abandonné, et l'ayant pris dans ses bras, il l'emporta à sa maison.

Sa femme, qui était aussi bonne que lui, caressa le chat et lui donna à manger. Quand le chat eut mangé son content, il sauta sur les genoux du bonhomme et lui donna de tels coups de griffe, qu'il ne savait se fourrer, puis il lui dit :

Reporte-moi tu m'as pris, ou je vais t'étrangler; cela t'apprendra une autre fois à ne pas t'occuper de ce qui ne te regarde pas, et à ne rien dire à qui ne te dit rien.

Un autre homme qui s'en revenait de couper des ajoncs passa auprès de la Croix-du-Meurtel et y vit une centaine de chats qui s'étaient réunis pour danser. Comme ils ne paraissaient pas contents d'avoir un étranger auprès d'eux, et qu'ils le menaçaient déjà en lui montrant leurs griffes, il eut peur et lança au milieu des chats sa faucille, qui en coupa un par le milieu et le tua.

Aussitôt tous les chats disparurent en s'écriant :

Renault est mort ! Renault est mort ! L'homme, de retour chez lui, raconta à sa

femme comment il avait rencontré les chats, et comme, après qu'il en avait tué un, tous les autres s'étaient écriés : « Renault est mort ! »

48 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Son chat, qui était couché dans le foyer et avait écouté avec attention, se leva tout à coup, en s'écriant :

Ah ! Renault est mort !

Et il disparut par la cheminée avec une rapidité étonnante (i).

Quelques jours après, comme l'homme passait par le même chemin, il vit encore les chats sorciers qui dansaient. Il courut bien vite à la maison et revint avec son fusil chargé pour les tuer. Mais sur sa route, qui peu d'instants auparavant était très-unie, il trouva tant d'échaliers dressés et tant de fossés à sauter, qu'il était harassé de fatigue quand il arriva à l'endroit il avait aperçu les chats. A sa grande surprise, il vit qu'ils avaient tous disparu : à leur place était un cercueil autour duquel se tenaient des prêtres avec des cierges allumés.

(Conté en 1880 par Élie Ménard, de Plévenon.)

Un soir un homme de Plénée s'en revenait avec son harnèe (attelage) ; en passant près d'une croix, il vit des chats sorciers qui dansaient autour; ils s'enfuirent à son approche, excepté un qui resta et grimpa sur le haut de la croix, qui n'était pas très-élevée. L'homme lui frappa sur la

(i) A Saint-Cast, j'ai trouvé la même légende, au nom près du chat, qui s'appelle Robert.

DE LA HAUTE-BReTAGNU 49

tùtc un coup de pied de fouet, et le chat tomba. Les autres s'approchèrent de leur camarade et s'écrièrent :

B.ilthasar est mort !

Quand le fermier fut de retour chez lui, il raconta à sa femme qu'en passant auprès d'une croix, il avait viy danser des chats, qu'il en avait tué un d'un coup de pied do fouet, et que les autres avaient dit : « Bahhasar est mort ! »

Son chat, qui se chauffait dans le foyer entre ses jambes, se retourna vers lui et dit :

Bahhasar est mort ! Bahhasar est mort ! L'homme leva son sabot et écrasa la tête de

son chat en disant :

Et vous aussi.

(Conté en 1880 par François Mallet, du Gouray.)

Cf. dans Plui]uct, p. 14, une légende normande assez

semblable ; mais It rôle des chats est rempli par des loups. Dans une légende rapportée par G. Sand, Lcg. rusl,, p. 155

et suiv., un lapin atteint au cœur par une balle bénite s'écrie en

mourant : « La lune est morte ! la lune est morte I » (Cf. aussi

A. Bosquet, p. 13S; Le Mcn, p. 240.)

Près d'une croix, à la Rochevin en Saint-Cast, un garçon qui venait de voir les filles tomba au milieu d'une danse de chats. Il était perdu sans son propre chat, qui le reconnut et lui dit :

Sauve-toi, mon maître !

Un fermier du Guildo venait de finir de battre.

50 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

et il ne lui restait plus de cidre pour donner à ses hommes. Il prit un pot pour aller en chercher à l'auberge; en passant à côté de la Croix-aux- Mèles, il vit une danse de chats, et il fut entouré par eux. Son chat le reconnut, et il lui dit :

Nous allons à Bordeaux boire du vin ; quand nous en aurons bu et que tu auras rempli ton pot, ils diront : allons-nous maintenant ? Tu répondras : D'où nous venons.

Le fermier se trouva transporté à Bordeaux, il goûta du vin et en remplit son pot. Les chats demandèrent alors :

allons-nous?

D'où nous venons, répondit le fermier.

Il se trouva aussitôt auprès de la Croix-aux-Mêles avec son pot rempH de vin. Il retourna à la ferme et dit aux batteurs :

Voilà du vin de Bordeaux.

Mais ils ne voulurent le croire qu'après en avoir bu.

(Conté en 1880 par Jacquemine Nicolas, de Saint-Cast.) Cf. dans la Littérature orale de la Haute-Bretagne, p. 188, une légende analogue.

Fanchon Poilpré, qui s'en revenait un soir seule de sa journée, entendit une dévorcrie de chats; elle voulut les éviter et passa dans un champ, elle s'assit auprès d'un échalier. Ils passèrent tous par là, et ils disaient :

DE LA HAUTE-BRETAGNE 5I

Bique, bouc, va s'asslre (s'asseoir).

Et ils levaient la jambe et pissaient sur elle. Le dernier de la bande avait sur le dos une grande poêle de cuivre, et il clochait en marchant; elle lui donna un coup de pied, et il jeta à terre la poêle, qui était noire comme la cheminée.

(Conté en 1879 par Rose Renaud, de Saint-Cast.)

Oiielque temps avant la Révolution, il y eut sur le Mené un combat de chats, et il en resta plus de dix mille sur la place. Mon père, qui gardait ses chevaux, les vit aller à la bataille; trois chats seulement survécurent. Il y avait un chariot au milieu des chats. Parmi ceux qui revinrent, il y en avait un qui parlait, et il racontait le combat.

(Conté en 1879 P'^'' Rose Ren.iud, de Saint-Cast.)

Ailleurs, on raconte aussi la bataille des chats.

Ils se battirent sur la lande de Mcslin ; quelque temps avant d'y aller, ils pleuraient. Il y avait au milieu d'eux un chat noir bien plus fort que les autres, et qui fut le seul à ne pas être blessé. Tous ceux qui s'en revinrent étaient estropiés. Ils prédisaient ainsi la Révolution.

(Conté en i88o par François Mallct, du Gonray.)

Il y avait une fois une bonne femme qui aimait beaucoup son chat. Un jour il disparut; elle se mit à sa recherche, et comme elle passait auprès d'une croix de bois, elle le vit qui dansait

52 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

en rond autour de la croix, en compagnie de beaucoup d'autres chats. Parmi eux il y en avait qui étaient estropiés ; d'autres étaient borgnes ; la plupart n'avaient plus que la peau et les os. La bonne femme s'en alla sans rien dire, et les chats ne lui firent aucun mal.

Un soir qu'elle prenait une vieille marmite pour la mettre sur le feu, elle vit sortir de derrière un chat qui ressemblait au sien, mais qui n'avait plus que la peau et les os, et encore sa peau était déchirée en maints endroits, car il revenait de la guerre des chats. Elle le soigna de son mieux, et le chat mangeait à table avec elle ; mais un jour qu'elle avait de la compagnie, elle ne voulut pas le laisser sur la table, suivant son habitude, et pour se venger le chat étrangla la bonne femme pendant la nuit.

(Conté en iS8o par M"' Batliilde Delasalle, de Matignon, qui tient ce récit de sa grand'mère.)

Une légende irlandaise rapportée par Gubernatis, t. II, p. 67, parle d'une bataille de chats dans laquelle tous les combattants périrent, en laissant seulement leurs queues sur le théâtre de la lutte.

Il y avait une fois un homme qui s'en revenait de sa journée. Auprès d'une croix il vit un chat.

Le joli petit chat! dit-il. Je vais l'emporter à la maison.

En rentrant, il dit à sa femme de lui donner des

DE LA HAUTE-BRETAGNE 53

peux (bouillie de blé noir); le chat en mangea, puis il s'écria :

Ah ! sont-ils bons I

Tu parles, toi, dit l'homme ; sors d'ici !

Rapporte-moi tu m'as pris, répondit le chat.

L'homme prit le chat et emmena avec lui sa petite fille. Quand le chat eut été déposé auprès de la croix, il dit à l'homme :

Si lu n'avais pas ta petite fille, tu verrais bien d'autres choses, et tu ne t'en irais pas comme tu t'en vas.

Une bonne femme avait un chat. Quand elle était partie pour la messe, il prenait ses plus beaux habits, se fliisait de la soupe qu'il allait manger sous la met (huche), puis se déshabillait. La bonne femme sut le manège que faisait son chat, et elle en parla au recteur, qui lui con- seilla de f.ùre mine de sertir pour la messe et de revenir regarder par la fenêtre.

Elle fit ce que le recteur lui avait dit; elle vit le chat s'habiller dans ses habits, et elle rentra en disant :

Ah ! c'est comme cela que vous faites !

Et elle se mit i frapper le chat, qui était empêtré dans ses cotillons. Il se sauva dans le solier (grenier), et il disait :

54 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Pierre danse mieux que Jean, Vère, vère, yan !

La nuit, quand elle fut couchée, il descendit et l'étrangla.

(Conté en i8Si P'ifJ- M- Comault, du Gouray.)

Une vieille dame avait un chat sorcier qui par- lait. Un jour elle invita le recteur àdîner et lui dit :

Vous allez voir comme mon chat parle et comme il mange à table.

Mais dès que le matou vit le recteur, au lieu de se mettre à table, il se réfugia dans la che- minCe ; le recteur lui dit :

Par veu.K-tu t'en aller ? Par feu ou par vent?

Par vent, répondit le chat sorcier ; je ferai moins de dégât.

En s'en allant, il abattit pourtant un coin de la maison.

(Conté en 1881 par J.-M. Comault du Gouray.)

Ici le chat est une des formes du diable ; cf. sur les maisons ainsi abattues le t. I, p. 179 et 193.

Les Chats dans les Contes populaires

ire série : Le Chai, i\° LVii ; Les Chats sorciers, no Li; La Danse des chats, n.° Lii (dans ces deux contes, les chats sont des chats sorciers) ; 2*; sé- rie : Les Chats sorciers et les Bossus, no lx (les chats

DE LA HAUTE -URETAGKE 55

dansent en chantant les jours de la semaine) ; La, Houle du Grouin, x (chats des fées : hommes métamorphoses) ; Ceiidrousc, n" xxxi (chat qui devient cheval) ; Les trois pelilcs Poules, n" lxii ; L'Enfant qui va chercher des remèdes, no xxxn' (ren- contre d'un gros chat noir).

Dans La fille qui devient mère d'un chat, conte que j'ai recueilli à Saint-Cast, le chat parle; il va chercher du pain à sa mère, et il la venge de ceux qui l'avaient chassée de chez eux.

Dans un conte inédit dont j'ai trois variantes, un garçon hérite d'un chat. Il va dans un pays les rats dévoraient tout, et avec son cluit il fait fortune. Dans la plus complète de mes versions, le seigneur qui achète le chat ne paie le prix que lorsque le garçon lui a amené une chatte.

Le grand géant Grand-Sourcil (Contes de Marins) a à son service un gros chat noir qui aide au capitaine, héros du conte, à se débarrasser du géant et à conquérir sa bague magique.

LE CHEVAL (Eauos caballvs)

Noms patois

Le cheval, sans désignation de sexe ou d'âge est appelé cheva', ch'va (M.) ; g'va (E.) ; bète decVva (M.); bêle chevaline, ou simplement bète; chevau.

\^ 56 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

pluriel des chevaJs (P.). L'étalon se nomme èt'Ion (M., P.) ; on conduit les ét'îons aux assemblées pour les montrer;— la jument ;')»««/ (P., S. -D.); jeumeiit (Saint-Brieuc) ; le poulain poitlicho (S.- D.); laitron (M.), quand il est encore sous la mère.

On dit d'une jument en amour qu'elle est « en saut ».

Faire saillir une jument, c'est la foire sauter. Quand une jument a mis bas, on dit qu'elle a pomielé (M.).

Hennir se dit ouiner (M.); hérer (Tréveneuc).

Quand les chevaux hennissent avant de ruer, on dit qu'ils oinsent (E.).

Quand ils ruent, ils u jettent le cul » ; s'ils se cabrent, ils « se matent ».

Le crottin se nomme couannée (M., S.-D.).

L'ensemble des chevaux est désigné sous le nom de chevalerie (E.) ; avoir une belle chevalerie est un honneur pour les gros fermiers, qui s'en montrent très-glorieux. Quand un paysan dit simplement « nos bêtes », c'est des chevaux qu'il parle, et non d'une autre espèce d'animal.

Le cheval est un animal noble ; quand on parle de lui, on n'emploie point toujours : « en vous respectant », ou : « respé de vous », comme on ne manque jamais de le faire s'il s'agit des vaches, des cochons, etc.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 57

Noms des chevaux

Pcchard (M., E.), fleur de pêcher; Bleu, gris de fer ; Soi/pe de lait. Souris, gris foncé ; Biard, de deux couleurs; P'iil-na (M.), petit noir; Blond, rouge jaune; les juments ont des noms analogues.

D'autres portent le nom du pays ils viennent, de leur ancien propriétaire, etc. Parfois ils reçoivent celui de personnages politiques ou autres peu aimés de leurs maîtres. Il y a eu des chevaux qui s'appelèrent Polignac, Badinguet, etc.

Langage employé pour parler aux chevaux

Pour les faire avancer : Hei ! (Tréveneuc) ; Jme ! (partout).

A droite : Huho, hue ! (E.)

A gauche : Dia ! (E.)

Doucement : ! ta ! (S.-D.)

Pour qu'ils s'arrêtent : Ouô! chôme ! (i) (Tré- veneuc); hoiidh! (M., E.)

Pour faire reculer : Su ! (M., E.); rri'o (E.).

L'attelage et ses noms

Quand il y a quatre juments attelées à une charrette, voici les noms qu'elles portent, en

(i) Cf. le breton chom, rester, demeurer.

58 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

commençant par la Umonière : la jument d'pn'e, la jument de faoute, la jument de devant ; on dit aussi la. j' ment (S.-D.).

L'ensemble des chevaux attelés à une charrette s'appelle harnois, harnas (M., E.); harnêe, masc.

(P.).

Les traits sur lesquels tire la jument s'appellent pUronnes ; on donne encore ce nom à l'équipement complet, moins le collier, de la jument qui est dans les traits ; il se compose de la paronne proprement dite, de la frutaiUe, pièce de bois qui est sur le collier et à laquelle sont attachés les traits, et de la sourvente (sous-ventrière) ou soiir- venterière (S.-D.).

Les chevaux de labour, quand ils sont montés par un cavalier, ne portent généralement pas de selle, mais une sorte de bât qu'on appelle un pané (M.).

Proverbes et Dictons

Bon Dieu d'en haut,

Prends ma femme; laisse mes chevaux (E.).

Cf. des similaires messins, anglais et allemand, dans Rolland, t. IV, p. 145.

Un poulain. Une charretée de fain (D.).

De tout poil bonne bête. Le rouge est l'mait'e (E.). Cf. Rolland, p. 137.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 59

Le clieval dit ù son maître :

En montant, ne me pousse pas ; En descendant, retiens mon pas ; En place droite ne m'épargne pas ; A l'écurie, ne m'oublie pas (Ploubalay).

Il y a deux bêtes à Paris qui parlent. Le cheval dit :

Je me ferre, je me déferre ;

Je ne demande que la guerre.

Le bœuf :

Je me lie, je me délie ;

Je ne demande que la vie (P.)-

Devinettes

En vie du devant. Mort du mitan, Baptisé du dère (E.).

Une charrue qui est traînée par des chevaux et dont un homme tient la queue.

Cf. Mélus., col. 251, D. 97; Sauve, D. 51.

Un vivant entre deux morts (P.).

Un clicval en limon.

Un peillu (poilu) entre deux raides et un raide entre deux peillus.

Un cheval entre deux brancards et une charrue entre deux chevaux.

Cf. Rollma, D. 32.

60 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Les chevaux malades

Voici quelques noms de maladies des chevaux, ainsi que plusieurs remèdes employés par les empiriques qui les soignent. S'ils ne sont pas consignés ici en plus grand nombre, c'est que cette médication est pour ainsi dire secrète^ et ceux qui la pratiquent ne la révèlent pas vo- lontiers.

Le cheval poussif s'appelle cheval coti (S.-D.) ; à Ercé, la pousse, maladie du cheval poussif, s'appelle la poûe.

Pour guérir les chevaux malades, principale- ment des coHques d'urine, il faut les mener se promener dans trois communes diflférentes (E.).

Cf. Souche (Poitou), Croy., p. 20.

On conduit les chevaux aux pardons. Voici quelques détails sur la manière dont cela se pratique.

« A la fontaine de Saint-Éloi en Landébia, des pèlerins viennent baigner leurs chevaux. »

(Ogée, nouvelle édition.)

Mais il y a nombre de fontaines on les conduit ; je trouve dans Ogée deux descriptions de pardons de chevaux, l'une du siècle dernier, l'autre contemporaine.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 6l

Le pardon de Saint-Eloi avant ijSçf

« A un quart de lieue Je Plcrin est une chapelle dédiée à saint Éloy, dont la fête se célèbre au mois de juin. Les paysans des environs ont rendu ce saint le patron des juments et des chevaux. Tous les ans, au jour de la fête, les habitants des paroisses de dix lieues à la ronde y viennent en pèlerinage. Après leurs prières faites à la chapelle, ils vont à la fontaine qui se voit auprès, y puisent de l'eau avec une écuclle, et la jettent dans la matrice et sur les oreilles de leur jument, et en arrosent les testicules de leur cheval dans la persuasion que cette eau a des vertus prolifiques. Cette opinion est si gravée dans l'esprit de ces bonnes gens, qu'il seroit impossible de l'en déraciner. Ce n'est pas le seul abus de cette assemblée : les hommes s'enivrent, et lorsqu'on voit quelqu'un en cet état, tout le monde s'écrie : « Il a la goutte. » Celui qui est à cheval, pour montrer qu'on se trompe, se met à courir à toute bride, et il n'est pas surprenant de voir suivre des accidents très-fâcheux de ces excès. Outre l'ivro- gnerie, on pourroit mettre encore au rang des abus le libertinage et le désordre qui se commet- tent en cette assemblée. Il n'est pas rare de voir des filles que la fontaine de saint Éloy rend aussi fécondes dans l'année. C'est à ceux qui dispensent

62 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

la loi d'appliquer le remède ; c'est aux recteurs à veiller avec soin sur ces pieux pèlerins, ou plutôt à recourir à l'autorité pour obtenir la suppression de ces fêtes. Mais n'y aurait-il point d'indiscré- tion à exiger d'eux ce sacrifice ? Avec cela, le recteur met la poule au pot. »

Le pardon en i8$o

« Le pardon de Saint-Éloi, qu'Ogée a, contre sa coutume, assez durement traité, est loin d'être ce qu'il était autrefois. Ce pardon, qui se tient tou- jours le 24 juin de chaque année, n'a pas cesse d'être fréquenté par un assez grand nombre d'éleveurs ; mais peu d'entre eux croient réelle- ment à la vertu des eaux de la fontaine de saint Éloy. Ils y voient pour la plupart, avec le bon sens qui caractérise le paysan des Côtes-du-Nord, un rendez-vous chacun est fort aise de montrer ses pouliches et de faire valoir leurs qualités. Quand aux vicieuses coutumes dont parle Ogée, elles ont disparu aujourd'hui, et le clergé de la paroisse ne pousse à la création d'aucune autre réunion de ce genre. >■>

(Marteville, sur Ogêc, article Pleriii.')

« Près de l'ancienne chapelle de Saint-Éloi en Plaine-Haute, sur la limite des deux langues, se trouvent deux étangs les cultivateurs font

DE LA HAUTE-BRETAGNE 65

baigner leurs chevaux en les recommandant à l'assistance du saint. Cette cérémonie, qui se termine par des courses telles que plus d'un cheval court risque de devenir poussif, est telle- ment enracinée dans le pays, que le paysan qui n'y aurait pas mené son cheval attribuerait à cette négligence tous les malheurs qui arriveraient à cet animal. »

(Ogée, nouvelle éd., art. Plaine-Haute.)

En pays bretonnant, on mène ks chevaux à nombre de pèlerinages ; presque toutes les chapelles sous l'invocation de saint Éloi sont, à certaines époques de l'année, entourées de che- vaux que leurs m.ùtres y conduisent. Souvent il y a auprès un étang dans lequel on les b.iigne. Parfois aussi on leur fait franchir d'un bond le ruisseau qui avoisine la chapelle. « L'animal qui a subi cette épreuve l'emporte en vigueur sur tous les autres. Une partie de sa crinière est déposée sur l'autel, et le cavalier s'en va couvert d'honneur. » (Guionvac'h, p. 59.)

Rolland, t. IV, p. 197, parle de pèlerinages nombreux en Eure-et-Loir, Belgique, Bretagne, etc. D'après AL Desaivre, Croyances, p. 7, en Poitou on dit des messes pour le bétail. Dans la Creuse (cf. L. Duval, Esquisses marchoiscs, p. 39), on fait boire les chevaux atteints de tranchées dans une espèce d'auge portant des empreintes de polissage, où, d'après la tradition, saint Martin fît boire son cheval.

En beaucoup de pays on mène les étalons aux pardons, non pour les guérir, mais pour les montrer.

« A l'assemblée de Cesson, qui a lieu chaque année le lundi de Pâques, on promène de beaux

64 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

étalons dont la tête et la queue sont ornées de fleurs et de rubans ; mais cet usage n'est pas restreint à la commune de Cesson : il a lieu dans toutes les assemblées du même genre. »

(Habasque, t. II, p. 311.)

Croyances et Superstitions

Les chevaux, de même que le bœuf et l'âne, parlent la nuit de Noël.

Il y avait une fois un homme qui ne voulait pas croire aux contes de bonnes femmes. Il ouït dire que les bêtes parlaient la nuit de Noël, et il résolut d'éprouver par lui-même la vérité de ce dicton. Il alla dans son écurie et entendit un de ses chevaux qui disait à l'autre :

Dépêche-toi de manger, camarade.

Pourquoi? répondit l'autre.

C'est pour aller demain conduire ton bour- geois au cimetière.

La prédiction se réalisa, car l'homme mourut aussitôt, et il fut porté en terre par ses bêtes.

(Conté en iSSi par J. M. Comault, du Goura)'.) Ordinairement, dans l:s similaires, c'est le boeuf qui parle de la sorte (cf. la page 37 du présent volume.)

Si une jument en chaleur perd les poils de sa queue, ils deviennent serpents au bout de quelque temps, s'ils tombent dans une marc et que le soleil les chauffe (environs de Saint-Brieuc).

(Communiqué par M. E. Ernault.)

DE LA HAUTE-URETAGNE 6s

Cf. une superstition analogue du Finistère (Rolland, t. IV, p. 195). Elle existe aussi en Poitou (cf. Souche, Prot'irbes, p. 7). Elle avait déjà été constatée en ce p.iys par Guerrj' au commen- cement du siècle (cf. Soc. des anliq., t. VIII, p. 457).

Quand un cheval revient, il va plus vite qu'en allant; on dit qu'il sent son écurie.

Le cheval a le gosier moins grand qu'une poule ; il ne peut avaler un grain d'avoine sans le mâcher (S.-C, E.).

Il vaut mieux trouver un fer de cheval qu'une pièce de monnaie; cela porte plus chance (P.).

Les lutins et les chevaux

Souvent le lutin, pour jouer des tours aux laboureurs et les mieux tromper, emprunte la forme des chevaux et s'amuse à les cacher.

Un cultivateur avait laissé à pâturer, dans une prairie, trois chevaux, l'un rouge et les deux autres blancs.

Le lutin cacha le cheval rouge dans un buisson, et, prenant sa forme, sa couleur et sa taille, il vint paître avec les deux autres.

Quand le laboureur vint le soir pour emmener ses bêtes à l'écurie, il monta, comme d'habitude, sur le cheval rouge, qui, arrivé à un ruisseau, fit un écart et laissa choir son cavalier dans l'eau.

Le paysan se releva tout mouillé et remonta sur le cheval, qui se laissa faire ; mais quand on

n 5

66 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

fut près de la ferme, il ne voulut pas s'arrêter, et le malheureux fut pendant trois jours et trois nuits promené sur le dos du cheval rouge, dont il ne pouvait descendre.

A la fin le lutin se lassa et ramena chez lui le fermier, qui se coucha ; car il était, comme bien on pense, fatigué. Mais, pendant la nuit, le lutin vint s'asseoir sur sa poitrine, et le laboureur se ressentit longtemps de cette course et de la nuit qui l'avait suivie.

(Conté en 1878 par Jean Bouchery, de Dourdain.)

Cinq jeunes filles partirent un soir pour aller chercher un des chevaux de la ferme qui était dans la prairie. L'une d'elles monta sur le dos de la bête, puis une seconde ; alors le cheval s'allongea, et il y eut place pour la troisième, et les cinq filles finirent par s'asseoir sur son dos, qui s'allongeait à mesure.

La monture des filles se mit en marche, et quand elle fut arrivée au milieu du ruisseau, elle disparut comme si elle s'était évanouie en fumée, et laissa les filles tomber dans l'eau. Le vrai cheval était déjà rendu à la porte de son écurie (E.).

« Si le voyageur monte sur sa croupe (du cheval blanc), il ne tarde pas à s'en repentir, car il va par les chemins, cherchant tous ceux qui

DE LA HAUTE-BRETAGNE 67

marchent de nuit et les invitant à prendre place près du premier voyageur. Trois, quatre, et par- fois quinze personnes, se trouvent sur son dos, et plus il est chargé, plus il va vite, et ils ont beau crier. Q.uand il est lassé, il s'arrête court et jette sa charge dans un ravin et disparaît en fumée. Ce lutin porte en Ille-et-Vilaine le nom de Gobino. »

(M"' de Cerny, p. 55 sqq.)

Souvestre, dans le Conte de Jean Rouge-Gorge, Foyer hrelon, t. I, p. Il), cite un cheval dont le dos s'allongeait à mesure qu'on le chargeait, si bien qu'il pouvait porter à lui seul autant de sacs qae tous les chevaux de la paroisse.

Jadis, à Plévenon, le petit cheval Pacoret se plaisait à jouer des tours aux garçons qui allaient voir les filles. Il se couchait près d'un échalier et se laissait monter d'abord par un, puis par deux garçons. Son dos s'allongeait à mesure qu'il en montait sur lui, et parfois il se chargeait de vingt ou trente garçons. S'il passait auprès d'un ruisseau, il les jetait dedans et se mettait à rire.

(Conté en 1880 par Élie Ménard, de Plévenon.)

Vers Ploërmel, le cheval qui s'allonge se nomme le Cibino.

Le petit cheval Pacoret a pour similaire le cheval Bayard (bai,

de couleur rousse) en Normandie (cf. A. Bosquet, p. 128-129) ;

en Poitou le cheval Malet (cf. aussi Georges Sand, Lég. rust., et

Monnier, 242 (Jura).

A Ercé, on voyait autrefois errer près du pont

68 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

de rislette un cheval blanc dont la vue était fort redoutée.

Aux environs de Saint-Brieuc, un cheval blanc se promenait aussi la nuit près d'une roche aux fées. Pas un paysan de la commune et des environs n'aurait osé, pour tous les trésors du département, aller à minuit dans cet endroit hanté. M. le chanoine R. D. L., propriétaire d'une ferme peu éloignée de la roche aux fées, y conduisit une nuit ses fermiers. Ils ne virent rien, mais ils eurent néanmoins très-peur.

(Communiqué par M""^ P. Guyot.)

Il y avait des chevaux blancs qui hantaient les champs à trois cornières. Un homme de Hénon, qui en voyait souvent un, et qui même avait été enlevé par lui, alla consulter son recteur, qui lui dit de prendre une pièce de monnaie marquée d'une croix, de la mettre dans un bois fourchu et de la présenter au cheval. Le soir venu, l'homme alla dans le champ, et quand le cheval se présenta à lui, il lui montra son morceau de bois avec la pièce à la croix. Le cheval partit aussitôt en reculant; mais à l'autre extrémité du champ un autre homme lui montrait aussi une semblable pièce d'argent. Le cheval blanc alla pendant toute la nuit de l'un à l'autre; au jour, il disparut, et on ne le revit plus jamais.

(Communiqué par M. E. Hamonic.)

DE LA HAUTE-BRETAGNE 69

D'après le conte qui suit, le cheval jouerait le rôle d'un lutin appelé Mourioche (cf. vol. I, p. 162 et suiv.).

Il y avait une fois à Corscul un couturier qui s'en revenait de sa journée. Sur sa route il vit une bête qui avait l'apparence d'un poulain, et comme il était si lassé qu'il ne pouvait presque plus marcher, il se dit :

Si je pouvais attraper ce poulain, je monte- rais sur son dos, et je le ferais me porter.

Il courut après, et il finit par le rejoindre; alors le poulain se coucha pour que le coutu- rier pût plus facilement monter sur lui. Quand il l'eut sur le dos, il se mit à galoper, et il frottait son cavalier sur les ronces et les épines du chemin. Le couturier était bien marri d'être écorché ; il prit ses ciseaux et les fit résonner, zig zague, comme s'il voulait s'en servir, puis il dit au poulain :

Si tu fais le diot, et si tu ne me portes pas tout droit à ma maison, je te couperai les oreilles. Mais si tu fais le joli garçon, je te donnerai de l'avoine quand noUjS serons rendus.

Le poulain, qui était Mourioche, eut peur, et il porta le couturier tout droit chez lui. En rentrant ù la maison, l'homme lui dit ;

Reste ; je t'ai promis de l'avoine, et je vais t'en chercher.

Il monta dans son grenier, et quand il regarda

70 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

par la gerbièrc, il vit le poulain qui riait. Il descendit ; mais quand il ouvrit sa porte pour donner l'avoine au poulain, celui-ci était plus grand que la maison. Alors le couturier referma sa- porte et dit :

Tu es trop grand ; tu n'auras pas d'avoine, car si tu mangeais à proportion de ta taille, il t'en faudrait trop.

(Conté en 1881 par Isidore Poulain.)

Le cheval lutine ne mange pas, parce qu'il a été pansé par le lutin (D.).

Sur les chevaux lutines, voyez le chapitre des Lutins, I" partie de ce livre.

Le cheval dans les contes

Le cheval joue un rôle dans plusieurs des contes de la Haute-Bretagne ; en voici l'indica- tion :

série : La demoiselle en hlanc, xxxi ; D'un vieux cheval et d'une vieille femme, xxxvi ; Le Chat, LVii (association avec le chat); série : Le Fersé, no lv (lutin qui a la forme d'un poulain) ; La Houle de Saint-Briac, xiv Us (poulains des fées) ; Litt. orale : Le Merle d'or, p. 63.

Un des attributs du diable est d'avoir un pied de cheval dans tous ses déguisements.

Cf. le chapitre du diable, t. I, p. 177-202.

DE LA HAUTE-BRETAGNE "Jl

Dans un conte inédit, un cheval blanc vient au secours d'un jeune homme qui ne savait que devenir, et il lui aide X surmonter des obstacles, tels que d'aller chercher la belle aux cheveux d'or, ses clés, son château. Grâce à lui, il y par- vient, et le cheval blanc « eut de l'avoine jusqu'à la fin de ses jours. •>

Dans un conte inédit, le diable ordonne à son domestique de frapper tous les jours sur une jument; un jour elle parle au garçon, qui se sauve sur son dos après une poursuite acharnée; par son conseil il entre au service du roi, gagne des batailles et finit par épouser la princesse.

Le héros de La Belle aux clés d'or (Contes de Marins, no xv) doit bien nourrir un cheval gris et frapper sans relâche une jument blanche ; celle-ci lui parle, et il fuit sur son dos, jusqu'à la terre sainte, son patron qui était le diable. La jument le fait s'engager au service du roi, qui lui ordonne plusieurs choses qu'il accomplit à l'aide de la jument. Après cela, il veut épouser la prin- cesse aux clés d'or; mais la jument lui déclare qu'auparavant il faut qu'il la tue et coupe son cœur en deux morceaux. Q.uand il l'a fait, il voit devant lui une belle dame qui le maudit et lui dit ■qu'il aurait pu être heureux avec elle, mais qu'il sera malheureux avec la princesse.

72 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Dans un conte de marins intitulé Jean le Tei- gnons ou Jean le fin, n" ix, le diable a un cheval qui parcourt dix lieues à l'heure et saute par dessus les plus hautes murailles. Jean doit avoir soin de deux chevaux du diable et battre sa mule.

Pour l'étude du rôle du cheval au point de vue mythologique, on pourra consulter Gubernatis, Mythologie \oologiqiie ; Max Jaehns, Ross und Reiter in Leben und Sprache, Glaiiben und Geschichte des Deiitschen. Ein hiltur-historische Monographie. Leip- zig, 1872, dont Rolland analyse le premier vo- lume, et la monographie du cheval dans le IV^ vo- lume de la Faune populaire de la France.

LA CHÈVRE (Capra hircus) Noms patois

Le mâle s'appelle bouc, parfois hou' ; la femelle chieuve ou cheuve (M.) ; les petits, hichets, biquiojts, hiquetons (M., E.); biquins (S.-D.); la chèvre qui met bas, hiquionne (P.) ; biquctoune (E.).

Proverbes et Dictons

C'est un bouc hanné (en culottes) (E.). C'est un débauché.

C'est comme les chèvres, qui ont la graisse (ailleurs l'esprit) en dedans (S.-C).

DH LA HAUTE-BRETAGNE 75

C'est une mauvaise chieuve(M.). C'est une personne m(^chante.

C'est la route aux chèvres (E.). C'est un mauvais chemin.

Superstitions et Croyances

On prétend que les enfants qui ont été élevés avec du lait de chèvre sont lestes et sautent comme des chèvres (Montauban, D.).

En plusieurs pays de l'IIle-et-Vilainc, on met un bouc dans les étables à vaches et dans les écuries. On prétend qu'il les assainit en prenant pour lui le mauvais air (environs de Rennes). Le bouc et la chèvre enflent, parce qu'ils prennent tout le venin des étables (E.). Pour les ùire désenfler, on leur donne du tabac.

Une superstition analogue existe en Franche-Comté (cf. Mélusine, col. 371), en Poitou (Souche, Croy., p. 31).

Le diable prend assez souvent la forme d'un bouc. Cette croyance est générale en France.

C'est la chèvre qui a appris aux tailleurs à faire les ailidtes (aiguillettes). Un jour un tailleur était bien embarrassé ; la chèvre lui cria : « De biais ! de biais ! » Et le tailleur suivit son conseil (P.).

Quand on mène une chèvre au bouc, il faut mettre à l'envers son bonnet ou son chapeau ; si

74 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

on a sur soi une peau de bique, il faut aussi la mettre à l'envers ; sans cela, la chèvre ne conçoit pas (E.).

Quand un galant a reçu son congé d'une jeune fille, on dit qu'il a reçu sa chieuve.

Il la jette dans un champ, et elle reste jusqu'à ce qu'un autre aille la chercher.

On dit du bâton qui a servi à un porteur de chausses naïres (c'est le nom donné aux entre- metteurs de mariages) qu'il apporte la chieuve (P.).

Voici, parmi les contes gallots, ceux il est question du bouc et de la chèvre : i^e série: Le Chat, no Lvii (il fait société avec la chèvre) ; 2^ série: Les Boucs de Saint-Brieuc-des-Iffs, n" LXii; La Chèvre de Trigavou, lxvi ; La Biquette et ses petits, n" Lxviii; La Chèvre Manche, no xlii; Le Pertus es Fêtes, ix ; Le Pillotous, xxvin (princesse métamorphosée en chèvre verte ; dans un conte de marins (Contes de marins, iv), il est aussi question d'une princesse emniorphosée en chèvre, et que le matelot Tribord-Amures finit par délivrer). Litt. orale, La Chèvre, p. 242.

D'après un autre conte de marins inédit, le héros, un soldat nommé Décampe, délivre une princesse emniorphosée en chèvre verte.

Plusieurs chansons mettent en scène des chèvres ; telles sont : La Bique à Jacques André,

DE LA HAUTE-BRETAGNE 7$

dans Littiratiire orale, p. 288, et La Chèvre de Trétnaudan, ibid., p. 293.

Dans un conte inédit, qui est une variante du Petit roi Jeannot, v^ série, i, c'est une chèvre qui sauve, du puits ses frères l'avaient jeté, le jeune garçon qui a conquis l'oiseau mer- veilleux.

Dans l'un des contes facétieux les Jaguens sont mis en scène, ils prennent une chèvre pour le diable.

LE CHIEN (Canis famiuaris)

Noms patois

A Saint-Donan on donne à tous les chiens dont on ne sait pas le nom le nom amical de chutaou.

Attainer ou attèner un chien, c'est l'agacer pour le faire houamer, c'est-à-dire aboyer (M., E.) ; Yégripier ou lui chercher grigne, c'est l'exciter pour qu'il s'êgrignache (S.-D.).

Pour appeler les chiens, on leur crie :

Quien 1 quicn 1 (S.-D.) due 1 que 1 (P.)

Pour les chasser :

1 kéa 1

La nuit, les gros chiens disent :

76 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Ah 1 si je me leuve, leuve, leuve, J'vas mord'e dans tes hannes, hannes, hannes

(culottes) (E.).

Proverbes et Dictons

J'étiens comme les mauvais chiens; je houawions (aboyions), et je rCavanciens point

(S.-C).

Un chien regarde ben un évêque et s'er» retourne cor o sa tête (Saint-Coulomb).

Cf. Rolland, t. IV, p. 63.

r sent sa gamme; la mer monte (S.-C). On croit que les chiens enragés viennent prendre leur écume au bord de la mer. Le mot game, synonyme de rage, est usité en argot.

Cf. Halbert d'Angers, cité par Rolland, t. IV, p. 75.

r n'vaut pas les quatre fers d'un chien (M.).

Cf. Rolland, t. IV, p. 24.

J'aimeras mieux être chien Et aboyer dès demain (M.).

Cela se dit pour exprimer la répugnance qu'on éprouve à faire un ouvrage.

On ne tue point son chien pour une mauvaise année (E.).

Dicton similaire en Poitou (cf. Souche, Prov., p. 6).

Quat' pieds quat'e pouces, la taille d'un chien (M.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 77

Quand ou compare quelqu'un à un chien, on dit : sans comparaison, puisqu'il (un tel) a été baptisé.

Gras comme un petit chien qui tette (E.).

Garder un chien de sa chienne. Garder rancune.

Cf. le prov. contraire breton, dans Rolland, t. IV, p. 35.

Cela ne vaut pas une merde de chien.

Cf. Rolland, t. IV, p. 21.

Cela n'est pas de la merde de chien.

Trembler des fesses comme un chien de mercier (D.).

Cf. Rolland, t. IV, p. 31.

Nager comme un chien de plomb (M.).

Cf. Rolland, t. IV, p. 41, et Souche, Prov., p. 6.

Il faut toujours trouver des chiens morts pour tuer le sien (P.).

Ah ! dame ! i^i étaint douie, et in'n'ont tous ^u leur content, et cor un chien qui n'î'a pas fini (P.).

Cela se dit ironiquement d'un repas chichement servi.

Mieux vaut trouver un chien enragé Qu'un lima dans l'mois d'janvier (P.).

On se sauverait d'un chien enragé, au lieu qu'en janvier la limace serait précoce, et le froid qui viendrait ensuite ferait périr les récoltes.

78 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Adlè-{i (sot) comme un chien en careinme (en carême) (S.-D.).

Bas les pattes ! les chiens donnent des puces (D.). Cela se dit à quelqu'un qu'on trouve trop familier.

Dicton similaire eu Poitou (cf. Souche, Prov., p. 6).

Superstitions et Croyances

Quand on voit dans les champs des broussées d'herbe bien touffues et que le bétail ne veut pas manger, on dit que les chiens ont pissé dessus (P.).

Si les chiens aboient avec force, c'est signe de mort pour quelqu'un de la maison (P.)-

Quand on est mordu par un chien, il ne faut pas le tuer, ou bien la morsure ne se guérit pas (E.).

En Poitou (cf. Desaivre, Croy., p. 11) existe la superstition inverse. Si le chien enrageait par la suite, l'homme mordu enra- gerait aussi.

En certains pays, on coupe le bout de la queue des chiens pour « tuer le ver » qui s'y trouve.

« Année de hannetons, année de chiens en- ragés », dit un proverbe des environs de Rennes. C'est parce que les chiens mangent les hannetons et qu'ils enragent.

Superstition analogue en Poitou (cf. Souche, Ptot'., p. 5).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 79

On prétend que les chiens enrages ne s'arrêtent point sur la commune d'Ercé ni sur celle de Vendel. Cela tient à ce que les églises de ces deux endroits sont sous l'invocation de saint Jean.

Par contre, tous les chiens enragés qui se trouvent dans le pays viennent à la statue de saint Hubert, qui est dans une des cours du fort La Latte en Plévenon. C'est très-exact, m'affirmait une femme du pays ; si on peut embrasser la statue du saint, on est guéri de la rage.

En Seine-et-Manie existait une croyance analogue (cf. Fourtier, Diclovs de 5ti»t-f/-A/arn«).

Les chiens surouglcs n'enragent point. On appelle ainsi ceux qui ont à la patte de devant une sorte d'ongle recourbé (P.).

Cf. Rolland, t. IV, p. 75.

Ce n'est qu'au bout de treize lunes qu'un chien mordu ou un homme est à l'abri de la rage (P.).

A Gaël, on distribue des eaux qui sont, dit-on dans le pays, un spécifique contre la rage (Ogée).

Cf. dans Rolland la description du pèlerinage de Saint-Hubcri (Belgique), p. 77-80 (cf. aussi Galerie breloiine, t. II, p. 49). A une fontaine de saint Hubert, dans la Creuse (cf. L. Duval, Esquisses marchoises, p. 92), on puise de l'eau dont on arrose ou pain qu'on fait manger aux bestiaux pour les préserver de la rage.

Quand on aperçoit un chien suspect, on crie : Au chienn' enraigé 1

80 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Voici une conjuration pour en préserver :

Noter dame et ses enfants.

Préservez-nous du loup et des serpents,

Et du chien qui court le vent (Moncontour).

Cf. dans Sauvé, Proverbes, § 904. une conjuration contre les chiens enragés.

Le chien dans les contes populaires

Il en est souvent parlé, bien que la plupart du temps il ne joue pas le rôle principal.

Le Chien capitaine, no xxx, i^^ série, est un prince métamorphosé qui commande un navire et qui, après une série d'épreuves, redevient homme. Le début de ce conte présente des ressemblances avec un roman de Jules Verne. L'auteur, qui a fréquenté les marins, leur avait peut-être entendu faire ce récit, qui est populaire sur les côtes de la Manche.

Voici d'autres contes figurent des chiens : Le roi des poissons, no xviii (des boyau.K du roi des poissons naissent trois chiens dont les deux premiers sont, comme leur maître, métamorpho- sés par une vieille qui déteste les chiens) ; Le Merle et le Renard, no lix (le merle appelle le chien de la ferme pour l'aider à se venger du renard) ; 26 série : Le Pertus es Fêtes, ix (c'est un chien qui vit avec les fées) ; La Fille aux bras coupés, no XXXIX (un chien vient lui apporter à manger

DE LA HAUTE-BRETAGNE 8l

dans la foret) ; Misère, n" lu (il voyage en compagnie de son petit chien Pauvreté) ; Lenfant qui entend le langage des bètes, xxv (les chiens, mal nourris par leur maître, déclarent qu'ils ne le défendront pas contre les voleurs).

Dans L'Oiseau de vérité, conte de marin inédit, un chien vient donner à manger à une jeune fille réfugiée dans un arbre. Un marin, dans un autre conte, sur le point de faire un pacte avec le diable, le grise, et sur le papier met « chien » au lieu de « âme ». Le chien est donné à l'é- poque fixée, mais il noie le démon.

LE MULET (Eauus Mulus)

Le Mulet dans la littérature orale

Il y a fort peu de ces animaux en Haute-Bre- tagne, et ils sont, je crois, tous importés. On dit en proverbe : « Têtu comme un mulet ».

Mais il est assez souvent parlé de mules dans les contes ; dans l'un de ceux que j'ai en porte- feuille, le héros, pour arriver à son but, doit sauter à une certaine heure sur une mule blanche et ne pas réveiller les géants qui gardent la fontaine se trouve l'eau qui rajeunit, et cette eau n'a d'efficacité que si la mule chante.

Jean le Teignons (Contes des Marins, no ix) fuit

Il 6

82 TRADITIONS ET SUPERSTITIOÎIS

le château du diable sur une mule qui, comme la jument des contes similaires, devait être maltraitée par lui ; il échappe à toutes les poursuites, et sa mule lui fait épouser une princesse.

LE PORC (SusscROPHA domesticus)

Xoins patois

Pouer, poiiëï (M., S.-D.) ; potiâs (M.); poiircé (S.-D., M., E.); pourciaii (M., E.), pluriel /'owr- ciaoux (M., S.-D.). Ces deux derniers mots s'ap- pliquent en général aux moyens cochons et aux petits.

On dit aussi un quiou qiiiou (M., Tréveneuc) : c'est un terme enfantin. Le mâle se nomme vêrot (M., S.-D.); la femelle trée (M., E., S.-D.).

La truie en chaleur est en ni; on la mène gibier (couvrir) au verrat (P.). Quand elle met bas, eWo. pour celle (P.).

On donne le nom de nouri'tiirc (M., E.) aux cochons de six mois environ; quand le porc est bien gros, on dit : Il est raisonnable, le v'ià bon à tuer (U.).

Les appendices charnus qui sont placés à l'ex- trémité des mâchoires de certains cochons, vers la naissance du cou, se nomment margelies (S .-U) \ le groin, guéroiiin.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 83

Le cochon a plusieurs surnoms plaisants : iwi' monsieii, noC ticb'e, iiot' syndic, not' rohan.

On le nomme aussi un Anglais.

A Dinan, l'endroit se tient le marché aux cochons s'appelle le parc aux Anglais.

Cf. des appellations analogues dans Laisnel de la Salle, t. II, p. 116.

En Basse-Bretagne, le cochon est surnommé Mab Rohun (fils de Rohan).

Qiiand on engraisse le porc, on dit qu'on le met en paisson ou en palsson (M., E.). Son étable se nomme sou.

Pour appeler les cochons, on leur crie : due, que ! (M.)

Quiou ! quiou ! (S.-D., M., Tréveneuc.) Niquia ! niquia ! niquis ! (Tréveneuc.)

Pour les chasser :

Chiéna! chiem I chiem 1 (comme en breton) (S.-D.). Sou! Sou ci! (S.-D., M.)

Pour empêcher les cochons de passer en dom- mage, on leur met au cou une sorte de triangle en bois, qu'on appelle batigeret (P.) ; bar) taux (M.).

Le porc qui gratte la terre avec son grouin revutige (M.); dérttiige (P.).

Proverbes et Dictons

Braire comme un cochon pris entre deux portes.

84 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

r chante, respé d'vous, comme un pourcé qu'a la quoue prise sous eune porte (E.), ou comme un pourcé prin' enter deu' port' (S.-D.).

Ça n'est pas la graisse de cochon qui l'em- pose (empêche) de couri'.

Gros comme un pourcé de cinq sous (E.,

M.).

S'acouter comme un pouer qui pisse (E.).

Cf. Noël du Fail, t. II, p. 46, éd. Assczat.

Sale comme un pouer (M.).

Sau (ivre) comme un pouer (M.).

S'y prendre comme une trée à ramer des feuves (M.).

Tu t'y prends comme une trée à ramer des pées (pois) (S.-D.).

Cf. Perron, p. 132 (Franclic-Comté) ; Bladc, Prov., p. 100 ( Age n. ai s).

Les cochons n'ont point d'amis (S.-C). C'est la contre-partie du proverbe « amis comme cochons. »

Quar.d on parle d'un cochon, on dit toujours : en vous respectant, respé de vous, ou respé de la compagnie.

Croyances, Usages et Superstitions

Si une musaraigne passe sur le dos d'un cochon, elle le fait crever (P.).

A Saint-Cast, on tue fc coclion à la Cateline

DE LA HAUTE-BRETAGNE 85

(25 novembre). On dit qu'à cette époque le lard est meilleur.

La tuerie de cochon est une occasion de fêtes et de politesses entre voisins.

Il on est de même en Basse-Brct.ignc (cf. Galerie brct., t. II, F- 69)

Pour que le cochon profite, on ofi"re un mor- ceau de lard à divers saints. A Saint-Cast, l'offrande se fait à saint Jean ; à Plurien, c'est à saint Antoine.

Dans le charnier est le lard, on met un morceau de fer à cause de l'orage.

Le cochon ne prend (de sel) que ce qu'il lui en faut, le bœuf tant qu'on en veut lui donner (M.). Cela se dit en parlant du lard qu'on sale.

Le lutin prend parfois la forme d'un cochon; toutefois il figure assez rarement dans la supers- tition.

Une femme d'Ercé, un soir qu'il y avait eu foire aux environs, vit sur la banquette un cochon qui était couché et ne remuait pas. Elle se dit :

Il est à un marchand de cochons qui vient d'entrer à l'auberge ; il faut aller le prévenir.

Elle était avec une de ses amies. Après avoir fait quelques pas, elle se retourna : le cochon avait disparu. C'était le lutin.

(Conté en 1880 par Françoise Dumont, d'Ercé.)

86 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Dans le récit qui suit, il est questiou d'un homme mctamor- phosé en cochon à cause de son impiété.

Il était une fois un homme qui voulait tuer son cochon le lendemain. Dans la nuit, il alla chercher le prêtre pour le confesser et lui apporter le bon Dieu. Il frappa à la porte du presbytère, et le prêtre se leva. L'homme lui dit qu'il avait à la maison une personne sur le point de mourir, et qui avait besoin de recevoir les derniers sacrements.

Est-ce qu'elle est bien malade ? demanda le prêtre.

Oh! oui, monsieur le recteur; je pense qu'elle ne passera pas la journée de demain.

Le recteur se décida à suivre l'homme, qui l'emmena chez lui et prit une lumière, puis sortit de la maison . Ils marchèrent encore, et le prêtre de- mandait toujours s'ils n'étaient pas bientôt arrivés.

Enfin ils s'arrêtèrent devant une petite hutte. L'homme ouvrit la porte et dit au recteur :

Nous y voici; entrez.

Malheureux ! s'écria le recteur.

Dès qu'il eut dit ces mots, l'homme fut changé en cochon, et il était si semblable à l'autre qu'on ne pouvait le reconnaître. Les deux cochons de- vinrent si méchants que, huit jours après la métamorphose, on fut obligé de les tuer tous les deux et de les encaver.

(Conté en 1881 parj. M. Comault, du Gouray.)

DE LA HAUTE-BRl.TAGNE 87

Ce conte n'est pas particulier à la Haute-Bretagne ; il se retrouve dans les Komtlles réalistts de M. Pouvillon, qui semble l'avoir entendu dans Ij Midi.

Voici les contes le cochon joue un rôle :

2e série : La Houle Saint- Michel, no v (les fées volent un cochon) ; lui Houle du Long-Val, no w'iii (truie des fées) ; La Charrette moulinoire, no LUI (elle est traînée par des cochons); La Houle de la Teii^notise, no m (une fée métamor- phose en cochon un homme qui avait dédaigné sa filleule).

Dans un conte inédit recueilli aux environs de Moncontour, des fées se plaisent à nourrir les petits cochons d'un fermier.

Une fin de conte très-fréquente est celle-ci, qui décrit une grande ripaille:

Les petits cochons couraient par les rues, tout rôtis, tout bouillis, la moutarde au derrière ou au eu et la fourchette sur le dos, et qui voulait en couoait un morceau.

CHAPITRE II

LES MAMMIFÈRES SAUVAGES

§ I. GÉXÉKALITÉS

^^\ retrouve en Haute-Bretagne la plupart des mammifères sauvages qui vivent dans la partie moyenne de la France, et dont les uns habitent les champs, d'autres les forêts. Celles-ci, bien qu'assez nombreuses, n'occupent pas, comme celles de l'Est et du Centre, de vastes étendues ; elles sont médiocrement peuplées, et les animaux de grosse espèce qu'on y rencontre le plus fréquemment sont le loup, le sanglier et le chevreuil. J'ai fait une enquête assez longue, principalement sur la lisière des forêts de Haute-

TRADITIONS ET SUPERSTITIONS 89

Sève et de Rennes (Ille-el- Vilaine), de Bosqucn (Côtes-du-Nord); j'ai interrogé nioi-même nombre de gens, bûcherons, charbonniers, cuhivateurs, et j'ai prié mes correspondants de me commu- niquer ce qu'ils pourraient recueillir. Le nombre des faits de superstition qui ont été ainsi cons- tatés est, en somme, assez peu considérable. Les légendes aussi sont peu nombreuses, et cela concorde tout à fait avec ce qui résulte de l'en- semble des contes gallots ; les animaux qui sont les compagnons de l'homme y interviennent fréquemment, tandis que les mammifères sauvages ne s'y montrent que rarement, et la plupart du temps à titre de personnages épisodiques.

Les bêtes sauvages ne vivent pas avec l'homme comme les animaux domestiques; les rencontres sont fortuites, et, de part et d'autre, ne sont pas toujours volontaires. Il est donc naturel que les documents soient moins nombreux que pour les bêtes qui sont les compagnes de l'homme, et vivent parfois sous le même toit que lui.

Ceux qui s'étaient occupés avant moi des fauves et des mammifères sauvages en général avaient, eux aussi, trouvé un assez petit nombre de faits. M. de Gubernatis leur consacre 174 pages, moins du quart de sa Mythologie :(oologique, et M. Eugène Rolland a pu consigner en un mince volume le résultat de ses inves-

90 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

tigations personnelles et de celles qu'avant lui avaient faites dans toute la France, et même en dehors, les auteurs qui se sont occupés de ce sujet, alors qu'il avait peine à faire tenir en deux gros volumes les riches matériaux qu'il trouvait sur les mammifères domestiques. Il n'est pas surprenant que mon enquête, bornée à une seule province, comprenne, elle aussi, un nombre de pages assez restreint.

On trouvera ci -après la monographie de chacun des animaux au sujet desquels j'ai pu me procurer des renseignements.

Il est question de bêtes sauvages, sans désigna- tion d'espèce, dans les contes suivants de ma collection : La Princesse Félicité, xxil, 2^ série, est gardée par des bêtes féroces qui ne s'endorment que de midi à une heure ; L'Enfant qui va cher- cher des remèdes, x\° xxxiv, est obligé, pour parvenir au but de son voyage, de tuer à coups de flèches une multitude de bêtes qui gardent un château par lequel il faut qu'il passe.

Dans le grand Géant Grand-Sourcil, Contes de Marins, xxii, il s'agit d'aller dans un pays oiJ le roi des bêtes et ses sujets dévorent les naviga- teurs, à moins que ceux-ci n'apportent des vivres en quantité suffisante pour contenter l'appétit des bêtes.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 9I

Plusieurs contes, L'Enfant qui entend le langage des hèles, 2= série, no xxv, dont j'ai d'autres va- riantes, mettent en scène des personnages qui com- prennent le langage des animaux; dans un conte encore inédit que j'ai recueilli à Saint-Cast, Petits- Yeux-voit-clair entend aussi le langao-e de toutes les bêtes, et ce don lui sert à éviter plusieurs em- bûches.

Dans les récits gallots, il est parfois parlé d'ani- maux fantastiques, tels que la Licorne (conte inédit le héros doit ramener Licorne prisonnier (c'est un nom propre masculin) ; le Dragon, moitié bête, moitié serpent : celui qui figure dans Les quatre fils du meunier, i^e série, viii, retient prisonnière la fille du roi sur un rocher au milieu de la mer.

Mais la bête à sept têtes est celle qui se repré- sente le plus souvent (cf. i^e série, xi, Jean- sans-Peur ; xviii. Le roi des poissons ; no xxv, La Princesse Dangohert, etc.), et le héros doit couper toutes ses tètes avant d'arriver au but de son entreprise. Cette bête fantastique, que la mythologie grecque faisait rencontrer à Hercule dans les marais de Lerne, se retrouve dans nombre de contes français ou étrangers.

§ IL MONOGRAPHIES

LA BALEINE (Balsna mysticetus, L.)

Superstition

«A baleine ne peut pas avaler de poisson plus gros qu'un hareng ; depuis qu'elle a avalé Jonas, la gorge lui a apetissé (S.-C).

LA BELETTE (Mustela vulgaris, L.)

Noms patois Belette (P.) ; belette (M.) ; liron (M.).

Proverbe Tête de belette, c'est-à-dire étourdi.

Superstitions Les belettes portent bonheur dans les maisons.

TRADITIONS ET SUPERSTITIONS 95

Cette sup.;rstition, déjà constatée par Habasquc, t. I, p. 504, «xiste aussi eu Poitou (cf. Souclié, Croy., p. 3) ; l'antiquiti la connaissait aussi (cf. Plautc cité par Gubernatis, t. II, p. 54).

En Basse-Bretagne, au contraire (cf. Galerie bretonne, t. II, p. 156), le regard de la belette porte malheur.

Les belettes viennent super (avaler) les œufs dans les poulaillers (E.).

LE BLAIREAU (Ursus mêles, L.)

Noms patois Biéieau (P.); tesson (Morbihan; G. g.)-

Proverbes

Crier comme un blaireau (M., E., P.).

Dormir comme un blaireau (P.)- Le blaireau passe pour dormir six mois de suite.

r pue comme un tesson (Morbihan ; G. g.).

Cf. Rolland, t. I, p. 49.

Superstilioii

Si on prend la graisse d'un blaireau tué et qu'on en frotte les souliers d'une jeune fille, tous les chiens viennent lui pisser sur les pieds. C'est de cela qu'on menace les jeunes filles en disant : « Je ferais bien tous les chiens pisser ^ur toi » (P.).

94 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LE CERF (Cervi's elapuus)

Le Cerf dans la Ullèraturc orale

Je n'ai aucune superstition locale sur cet animal, qui est rare en Bretagne ; mais dans un de mes contes, Les sept garçons et leur saur, 26 série, no xxvii, les sept frères sont changés en cerfs, et leur métamorphose doit cesser quand leur sœur pourra leur placer un mouchoir entre les cornes.

LA CHAUVE-SOUKIS (Vespertiuo)

Noms palais

Souris-chaude ou souris-chauve (M.); souris- chaoude (S.-D.).

Superstitions

Si une chauve-souris s'accroche aux cheveux, on ne peut l'ôter, ;\ moins de couper les cheveux (E.).

Cette superstition existe en Alsace et à Lille (cf. Rolland, t. I, P- 7)-

On les cloue vivantes sur les portes, après les avoir martyrisées.

On dit qu'elles perdent les murs ; c'est pour cela qu'on les tue (E.).

DE LA HAUTE - BRETAGNE 95

Les chauves-souris passent pour être aveugles (P.).

Quand les chauves-souris volent le soir, c'est signe de beau temps pour le lendemain (P.).

Jusqu'à ce qu'on ait vu le soir les souris- chauves, le beau temps n'est pas revenu (S.-C).

Cf. Rolland, t. I, p. 4.

L'ÉCUREUIL (SciuRus vulgaris, L.)

Noms patois

Chat d'écureuil^ chat écureii, écureu, chat ccurous, l'cutieu (hl., E.); éciirieux, chat d'êqueurc (S.-D.); chatf-écurè, masc. (P.),

Pro^'erhe Grimper comme un chat d'écureuil.

Superstition. Conte.

D'après Mnie de Cerny, le lutin prend parfois la forme d'un écureuil. Je n'ai pas personnelle- ment trouvé trace de cette superstition.

Dans La Princesse aux pèches, fe série, no xiii, le héros, au moyen d'une baguette, métamorphose en chevaux rouges deux écureuils qu'il fait descendre d'un arbre.

96 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LA FOUINE (Mlstela ioina, L.)

Novis patois Fouéne (P.) ; de fouine viennent : fouiner, foiiinasser (finasser), fouinassier, qui agit de ruse.

Dicton

Vers le Mené, pays montagneux du centre de

la Bretagne, les animaux ont des noms, la

fouine se nomme Jacques, ainsi que le constate ce

dicton, qui fait allusion à la malice de cet animal :

Glaume le Leu, Pierre le Renard Et Jacques la Fouène

Sont treis bons gâs.

LE FURET (MusTELA furo, L.)

Superstition

Le furet suce le sang des lapins ; il dort ensuite sept heures. Pour le faire s'éveiller, il faut mettre à l'entrée du trou il est endormi des feuilles de parelle (M.).

LE HERISSON (Erinaceus europ.ïus, L.)

Noms patois Hurusson (S.-D.); bo^ue de hérisson (E.). Ce

DE LA HAUTE-BRETAGNE 97

dernier nom lui vient de sa ressemblance avec la bogue, enveloppe épineuse de la châtaigne.

Superstitions

On tue les hérissons, parce qu'on prétend qu'ils vont téter les vaches (E., P.). Cette croyance, qui paraît être générale dans l'IUe-et-Vilaine, avait été déjà constatée. « On accuse le hérisson de détruire la santé des vaches, de les téter, de les faire avorter, et après le part d'empêcher la déli- vrance de sortir. Si on rencontre cet animal, on le brûle à petit feu. »

{Bull, de la Soc. prot. desanim., t. V, p. 324.)

On prétend que le hérisson va se rouler sur les tas de pommes pour les emporter sur ses épis et les manger ensuite (P.).

On dit aussi que si une vache, avant d'être menée au taureau et le jour suivant, pâturait dans un endroit a passé un hérisson, elle serait enhcri s sonnée et ne se dépécherait point de vêler. Aussi on évite de la mettre aux champs la journée qu'on la mène au taureau et le lende- main (E.).

Le hérisson donne aux vaches des hérissons, maladie des jambes, dont elles crèvent (P.).

Le hérisson passe aussi pour venir manger les canards (P.).

Il 7

98 TRADITIONS HT SUPERSTITIONS

L'HERMINE (Mustei.* grminea, L.)

Noms patois Laitiche (E.) ; hèlette (environs de Lamballc).

Superstitions

L'hermine passe pour s'introduire dans les poulaillers et super les œufs. Elle est si hardie que, pendant que la poule pond, elle se glisse sous elle pour être prête à gober l'œuf (E.).

On dit qu'elle dort tout l'hiver (P.).

I.E LAPIN (Lepus CUNICULU3, L.)

Noms patois Lapaïn (P.). Son trou se nomme taine. tènîère (M., P.); hahl (Morbihan, G. g.)-

Proverbes

Propre comme un petit lapin.

Cf. Rolland, t. I. p. 91.

Beau comme un petit lapin.

Cf. Rolland, t. I, p. 90.

Les lapins dans les contes

Dans un conte de marins (Le bateau qui va sur

terre et sur mer, vu), un jeune garçon a pour

tâche de garder trois cents lapins. Il essaie de le

faire à l'aide de l'homme qui, les jambes attachées,

DE LA HAUTE-BRETAGNE 99

attrapait les lièvres ;\ la course ; mais il no peut y réussir. Alors une vieille (éc ;\ qui il avait donné un morceau de pain lui présente un sifflet qui fait les lapins se rassembler et marcher au pas comme des soldats ù l'exercice. Il eut encore d'autres aventures avec ceux qui voulaient les lui acheter; mais il en vint i\ bout et épousa la princesse.

Le lapin figure aussi, mais comme personnage épisodique, dans Le Taureau bleu, i^e série, n-^ m (lapin qui est envoyé pour faire la cuisine).

Dans un conte inédit de ma collection qui appartient à la série des houles, quatorze frères protégés des fées, s' étant un jour amusés à se changer en lapins, sont tués par des chasseurs.

LE LÉROT (Mïoxus nitf.la, L.)

Noms patois GU. On l'appelle aussi un sepl-JoDtiaut (prononcé sédormant), parce qu'il passe pour dormir sept heures de suite. On confond ;\ la campagne les différentes variétés du genre myoxus.

Proverbes

Dormir comme un glé (M.). Dormir comme un loir.

Cf. Rolland, t. I, p. 37.

Gras comme un loir (E.).

100 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LE LIEVRE (Lepus timidus, L.)

Noms patois

Lieuvc, llcve, femelle, licvresse (E.); (S.-C, M., E., S.-D.).

Proverhcs

En v'k un biau lieuve ! (M.) Cela se dit ironiquement.

Il n'y a point de vilain lièvre ni de beau loup (E.).

Cf. dans Rolland, p. 86, un proverbe lorrain similaire.

Je suis comme le lièvre : je perds ma mémoire en courant (S.-C).

Dicton analogue en Poitou (cf. Desaivre, Croy., p. 22).

Avoir une mémoire de lièvre. Cf. Rolland, p. S;.

Il en faut cinq jours (deux hectares et demi) pour nourrir un lièvre. Cela se dit en parlant d'un mauvais terrain.

Mâtiné (matinal) comme un lièvre (M.).

Il a attrapé un hiau lieuve (S.-D.). Cela se dit plaisamment de quelqu'un qui est tombé.

Fin comme un lièvre (S.-C).

DE LA HAUTE-BRETAGNE lOI

Devinettes

Quatre courettes.

Deux aiguilles,

Bistourette au ras du eu (E.).

Un lièvre.

Deux petits aigus.

Et bistourette au ras du eu (P.).

Un lièvre.

Superstitions et Croyances

Rencontrer un lièvre le matin ou le jour d'un mariage porte malheur (E.).

Cette superstition est ancienne; cf. les textes cités par Rolland, p. 87, et VÉvangiU des quenouilles, p. 33.

Porter sous l'aisselle gauche une patte de lièvre ou de lapin est un préservatif contre le mal de dents (M.).

En temps de neige, le lièvre ne voit pas devant lui (P.).

Le lièvre passe à la campagne pour sorcier.

Un meunier de Hénon, qui était braconnier, tira un jour sur un lièvre. Il le vit culbuter et courut pour le ramasser ; mais le lièvre se releva. Le meunier tira un second coup, puis un troisième', et toujours le lièvre faisait le même manège.

Q.u'est-ce que cela veut donc dire ? s'écria l'homme.

102 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Tu n'as qu'à d'couri, courte quette (courte- jambe), répondit le lièvre ; tu ne me tiens point.

(Communiqué par M. E. Hamonic.)

Un soir, à la tombée de la nuit, un homme vit un lièvre qui se traînait comme s'il avait été pris au lacet. Il courut à lui pour s'en emparer ; mais quand il approcha, le lièvre s'enfuit. Pour- tant il s'arrêtait de temps en temps, et l'homme courait encore après. Q.uand le lièvre eut bien lassé et bien essoufflé celui qui le poursuivait, il disparut, et l'homme comprit alors qu'il avait eu devant lui un lièvre-lutin.

(Conté en 1879 par Jean Boucherj-, de Dourdain.)

Au Gouray, il y avait autrefois un lièvre qui passait pour sorcier. On racontait des légendes à son sujet, et on prétendait que les balles passaient à travers son corps, et qu'arrivé à un certain endroit il s'évanouissait.

Un chasseur, qui savait que ce lièvre, après s'être laissé poursuivre par les chiens, dispa- raissait à un endroit, toujours le même, alla se cacher près de là, et il vit en effet le lièvre prendre son élan et sauter dans le creux d'un vieux chêne.

Un homme qui était à l'affût vit venir un lièvre ; il tira dessus, et presque aussitôt après il

DU LA HAUTH-BRETAGNE IO3

■sentit sur sa bouche comme une poupée de filasse. Il mourut quelques jours après (E.).

D'après M^c de Cerny (Saint-Siâiac, p. 26), le lièvre à Campion était une sorte de lièvre-lutin sur lequel les chiens n'avaient point de pouvoir, qui se moquait des hommes et paraissait avoir le don d'ubiquité. Il courut bien des histoires sur son compte, entre autres celle de Campion.

« Campion était un jeune marin qui, voyant un soir les Suliacais terrifiés, leur reprocha leur couardise et promit de rapporter le lièvre mort ou vit sous trois jours. Campion ne vit point le lièvre et perdit son pari... Mais un soir qu'il marchait en rêvant à sa bonne amie, il heurta quelque chose du pied et tomba sur le lièvre, qui s'échappa et alla à dix pas se frotter les oreilles... Campion poursuit le lièvre, qui se nargue de lui. Arrivé près du bourg, il saisit une trique et frappe le lièvre, qui tombe sur le flanc ; mais au moment Campion veut le ramasser, il grandit et, arrachant la trique des mains de Campion, il le fit s'enfuir sous une grcle de coups. Le pauvre Campion entra dans un veillois et tomba évanoui. Il fut malade ; mais depuis ce temps-là le lièvre ne reparut plus dans le pays. »

En Berry (cf. Laisnel de la Salle, t. I, p. i;-)), le lièvre blanc hante les carrefours ou se plait à jouer des tours (cf. aussi ib., p. 177, lièvre-lutin). En Franche-Comté, le lièvre errant d'Auge-

104 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

rans, sur les bords de la Loire, se plaît aussi à faire endêver les chasseurs; on le retrouve aux environs de Valenciennes (cf. Monnier, p. 677).

Dans plusieurs contes gallots, le lièvre joue un rôle: Le Merle d'or. Littérature orale, p. 58; i^e série, Le Géant aux sept femmes, \i° ix ; 2^ série, Le corps sans âme, xxvii.

Le domestique loup-garou du conte du Loiip- garoîi, 2^ série, no XLVii, ne lutte pas avec un passant, parce que sa mère, étant enceinte de lui, avait mangé un cœur de lièvre.

Dans La Belle aux clés d'or (Contes des Marins, xiii), un chasseur poursuit toute la journée un lièvre qui s'arrête quand il s'arrête, se remet en marche quand il marche, et qui, à la nuit tombante, finit par disparaître dans une caverne.

Le héros d'un conte inédit de ma collection est forcé à garder un troupeau de lièvres qu'il doit ramener le soir à la maison sans qu'un seul se soit égaré.

LE LION (Léo)

Les contes populaires en font le gardien des trésors ou des princesses : c'est entre ses jambes qu'est la Belle aux cheveux d'or (cf. Le petit roi Jeannot, i^e série, no i); dans une autre variante

DU LA HAUTE-BRETAGNE IO5

inédite, il s'endort à minuit sur le giron de « mam'zelle aux cheveux d'or ».

Dans Jean le soldat (Contes des Marins, no xxi), sa mère désirant le perdre, le prie d'aller lui cher- cher du lait de la lionne qui est dans la forêt. Cf. aussi La princesse Dangobert, ire série, no xxv, les aventuriers qui veulent délivrer la princesse, enfermée dans un château suspendu entre le ciel et la mer par quatre chaînes d'or, saoulent le lion avec de l'eau-de-vie.

LE LOUP (Canis lupus, L.)

Noms patois

Leu (E., P.). On l'appelle aussi: vilaine hécte âeIeù(P.).

Surnoms du loup

Quelle (ipané) grise; Glawne (Guillaume) (P.).

Proivrbes

Fait comme un loup de brousse (de buisson) (M.), c'est-à-dire mal peigné et mal habillé.

C'est un loup de brousse.

Sauvaïge comme un loup de brousse.

Connu comme le loup blanc.

Cf. Rolland, t. I, p. 114; Dcsaivre, Croyances, p. 21.

I06 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Quand on conte (parle) du loup, on en voit la quoue (E.).

Cf. dans Rolland, p. Ii8, plusieurs similaires; cf. aussi Desai^Te, p. 21 ; Souche, Prov., p. 3.

Il n'y a point de vilain lièvre ni de beau loup.

Cf. un proverbe messin identique, Rolland, p. m.

Avoir une faim de loup ; manger comme un loup.

Cf. Desaivre, Croy., p. 21.

Le temps au loup (E., P.) : le brouillard.

Glaume le Leu,

Pierre le Renard

Et Jacques la Fouéne

Sont trée (trois) bons gâs (P.).

C'est comme à Trigavou,

la chieuve print le loup.

Voj-ez dans les Contes populaires de la Haute-Bretagne, 2' série, La Chh'te de Trigavou, l'origine de ce dicton est expliquée. Il n'est pas d'ailleurs particulier à la Bretagne.

Cf. Rolland, t. I, p. 135, une histoire picarde sur « Papleux, la Cabre a pris le leu. »

Superstitions et Croyances

L'haleine du loup enroue les personnes qui crient sur lui. Si ceux dont le loup emporte les brebis crient sur lui, il se détourne, et son ha- leine les fait enrouer.

DE LA HAUTE-BRETAGNE IO7

Quand on voit un loup dévorer les brebis, si on met dans sa bouche une gousse de cheveux, on n'enroue pas (P.)-

Si le loup aperçoit quelqu'un le premier, celui qu'il voit attrape un rhume ou une extinction de voix.

On dit à quelqu'un qui est enroué : T'as veù rieù ! Nonna ; 'était lu qui m'a veù l'per- mier. Arait mieux faillu que j'I'aréc veù l'per- mier (environs de Lamballe).

(Communiqué par M. E. Ernault.)

En Berry, si le loup voit la bergère avant d'en être vu, elle est enrouée ; si elle le voit la première, il perd tout pouvoir sur le troupeau (cf. Laisnel de la Salle, t. II, p. 129, et aussi VEvangilt des quenouilles, p. 47).

Quand une personne est enrhumée à ne pou- voir parler, on dit qu'elle a ouvert la bouche au moment passait un loup, et que le loup lui a soufflé dedans (P.).

Cf. Rolland, t. I, p. 117-118.

Le loup sent la poudre, mais non les cartouches (P.).

On pendait autrefois les loups tués à l'entrée des forêts; il y a quelques années, j'ai vu un loup pendu sur la lisière de la forêt de la Hunaudaye.

A Plénée-Jugon, il y a un loup de Bosquenqui fait sa tournée le dimanche des Rameaux en suivant toujours la ligne droite.

I08 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Le loup sent les brebis de cent lieues loin (P.)-

Les loups sont de plusieurs espèces. Il y en a qui n'aiment que les brebis : on les appelle îotips berhionx ; d'autres s'attaquent aux chevaux : ce sont les loups chevalins.

Il y a des mois de l'année le loup ne vit que de vent, et alors il laisse les moutons tran- quilles ; d'autres il vit de sang : il les saigne sans les manger ; enfin d'autres il vit de viande, et c'est alors qu'il dévore les moutons (P.).

Ils vivent trois mois de chaque manière : trois sur la viande, trois sur le sang, trois sur l'herbe,, et trois sur le vent (P.)-

En Berrj- (cf. Laisnel de la Salle, t. II, p. 129), le loup est pendant neuf jours affamé, et pendant neuf jours il ne peut desserrer les dents. En Poitou (cf. Souche, Proi'., p. 3), le loup n'a pas toujours la gueule ouverte ; dans ces moments, il ne peut dévorer les moutons.

Il y a des conjurations contre les loups (E.). Voici la seule que j'aie pu me procurer :

Notèr-Dame et ses enfants, Préservez-nous des loups et du serpent, Et du chien qui court le vent.

(Environs de Moncontour.)

Cf. dans Rolland, p. 124 et suivantes, des conjurations de divers pays; en Berry, Laisnel, t. I, p. 229.

Quand on aperçoit le loup, on crie : Gare le loup 1 et il s'en va (P.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE IO9

Ou:

Harzez l'ieù (Tréveneuc).

Cf. le breton Imri ar blel-{ : sus au loup ! Cf. aussi pour les cris : au loup ! Koll.ind, t. I, p. 108.

On raconte nombre d'histoires sur les loups.

Un jour que mon grand-père revenait de Saint- Aubin, oij il s'était un petit encbaudeboiré, il se coucha dans une châtaigneraie et se mit à dormir. Un loup arriva et regarda si le bonhomme* était mort ; celui-ci ne remua pas. Alors le loup pissa sui lui et le cacha avec de la feuille morte, puis il partit et se mit à hurler. Le bon- homme se leva et grimpa dans un chêne. Bien lui en prit, car cinq ou six loups arrivèrent et se mirent à chercher, et comme ils ne trouvaient rien, ils battirent celui qui les avait fait venir à peine de rien.

(Conté en 1878 par Aimé Pierre, de Liflré.)

Un joueur de violon qui traversait la lande de Baugé tomba dans une cave qui avait été creusée pour prendre les loups; peu après, un loup y tomba à son tour. Le musicien se mit alors à jouer du violon, et il joua toute la nuit, car, dès qu'il cessait, le loup s'élançait sur lui. Quand vint le matin, il ne restait plus qu'une corde à son violon.

(Conté en 1879 par Françoise Duraont, d'Ercé.) Cf. le Biniou, Contes fiop., 2' série, n" i.xvii.

IIO TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Mais les loups ont parfois un rôle qui touche de près à la sorcellerie ; il y a des gens qui ont le pouvoir de les faire servir à leurs desseins et de leur commander ce qu'ils veulent. On les appelle des meneurs de loups.

Un homme qui revenait de travailler en journée s'égara dans la forêt ; comme il essayait de retrouver son chemin, il aperçut un grand feu près duquel était un bonhomme qui gardait les loups.

Que cherchez-vous ? lui demanda le meneur de loups.

J'ai perdu mon chemin, et j'ai grand froid.

Asseyez- vous à vous chauffer sur l'un de ces escabeaux. Il désignait par un des loups.

Il s'assit en effet sur l'un d'eux, qui ne bougea pas. Q.uand il voulut s'en aller, le gardeur de loups lui demanda il désirait se rendre.

Chez moi, dit-il.

Je vais te donner deux de mes loups pour te guider ; mais tu leur fourniras un pain ou quelques galettes de blé noir.

Le journalier eut si peur qu'il tomba mort à sa porte. Les loups y grattaient avec fureur, et la bonne femme dut, pour les faire s'en aller, leur donner du pain.

(Conté en 1879 p.ir Aimô Pierre, de LifTré.)

DE LA HAUTE-BRETAGNE III

Cf. au sujet des meneurs de loups en Haute-Bretagne le conte du Meneur de loups, i' série, n" ii.

Une superstition analogue existe dans le Centre (cf. Rolland, t. I, p. IS9, et Martinet, p. 3).

Le loup joue assez fréquemment un rôle dans les contes gallots; mais en général il n'est pas des plus fins, et il est souvent dupé. (Cf. \^^ série, Le Géant aux sept femmes, ix; Le Loup et h Renard, LVi ; Littérature orale. Le Rat et la Râtesse, p. 232; Les Loups, p. 237; La Chèvre, p. 242.)

Dans un conte encore inédit que j'ai recueilli à Saint-Cast, une fée métamorphose un petit gar- çon en loup; mais un jour il surprend celle qui l'avait emmorphosé et la force à lui rendre sa première forme.

LA LOUTRE (Mustela Lutra, L.)

Noms patois

Loutre (masculin, M., E.); chien d'eau (P.);. JotUr (P.).

LE MULOT (Mus stlvaticus, L.)

Superstition. Présage Il y a une herbe qui chasse les mulots et qui porte le nom de chasse-mulot. Elle a de grosses graines et est puante (E.).

TI2 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Quand les nids de mulots faits sur les sillons dans le glé (paille qui reste debout après que le blé a. été scié) sont très-élevés au-dessus du sol, cela annonce de la pluie; si au contraire ils sont au ras du sol, c'est signe d'un temps sec (PO- LE MARSOUIN (Delphinus phoc*na, L.)

Dicton. Conte

Voilà encore les coquins de marsouins qui arrivent ; il n'y a pas besoin de quêter du poisson après eux (S.-C, Tréveneuc).

Dans un conte intitulé Le Marsouin, 2^ série, no XVI, un faitaud (fée mâle) qui a pris la forme de cet animal sauve des pêcheurs en danger de 5e noyer et les amène à terre, il quitte sa forme pour redevenir faitaud.

LA MUSARAIGNE (Sorex araneus, L.)

Noms patois Méserangne, méserange (P.)-

Superstition

Lorsque la musaraigne passe sur le dos d'un cochon, elle le fait crever. C'est pour en préserver les bestiaux qu'on met du haut bouée (sureau) dans les étables (P.).

Cf. sur le rôle milf.ns.int Je cet animal Rolland, t. I, p. 18-19.

DE LA HAUTE-BRETAGNE II3

Si une musaraigne passe par un sentier se trouve un homme, elle crève aussitôt (P.)-

L'OURS (Ursus arctos, L.)

Nom patois Ourse. Ce mot est toujours féminin. L'ours n'existe plus en Bretagne, probablement depuis les temps préhistoriques.

L'Ours dans les contes

Il figure dans plusieurs contes populaires : dans Blanche nei^e (Contes des Marins, no xiv), un ours, qui est un jeune homme métamorphosé, vient se chauffer au feu l'hiver.

La Peau d'ourse, autre conte de marins inédit, est un jeune prince qui, pour se déguiser, a revêtu une peau d'ours.

Dans un conte inédit de ma collection, une femme qui va chercher sa fouée au milieu des bois, emportant avec elle ses enfants, voit un ours ; elle se sauve et laisse tomber l'un d'eux, qui est élevé par l'ours, et devient fort et velu comme une bête.

LE PUTOIS (MUSTELA PtTORIUS, L.)

Noms patois Chat-pi lois, pi toi s.

u 8

114 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LE RAT (Mus rattus, L.)

Nom patois

Le féminin est parfois rdtesse (E.) ; le piège à rats s'appelle ratouère ou couyè (E.).

Proverbes

Puer coinme un rat pourri-mort.

Cf. Rolland, t. I, p. 22.

Gros comme un rat, Méchant comme un chat (D.).

Pris comme un rat dans un coîiyé (E.).

Cf. dans Rolland, t. I, p. éi, un proverbe poitevin similaire.

Superstitions et Croyances

Il y avait jadis des gens qui menaient les rats et les souris (E.).

Il y a du monde qui mènent les rats. Ils vont à leur besogne et ne paraissent pas les mener; mais ils vont, les rats viennent.

Un homme des environs d'Ercé avait, dit-on, ce pouvoir. Un soir qu'il passait, une femme lui dit:

N'est-ce pas, Hongrie, que vous ne menez point les rats? Ce sont des meniirics, pas vrai?

Hongrie ne répondit pas ; mais les rats man- geaient tout chez la bonne femme.

DE LA HAUTF.-BRETAGNE II)

Un an après, Hougric passa par là, emmena les rats, et ils ne revinrent plus.

(Conté en 1880 par Françoise Dumont, d'Ercé.)

Dans la Manche, la même croyance existe (cf. Rolland, Mamm. sauv., p. 23 ; A. Bosquet, p. 283). EU; existait au moyen âge, et au XVII' siècle Thiers la citait comme superstition courante.

Le rat figure comme personnage dans plusieurs contes gallots (cf. Le Rat et la Rdtesse, dans Litt. orale, p. 232, et La mort du Rat, no LVides Contes populaires, i^e série). Dans ces deux contes, le rat étant mort, tous les objets de la maison, ainsi que les animaux, se mettent à se réjouir.

D'après un conte inédit de ma collection, un petit garçon ne doit pas grandir jusqu'à ce qu'il ait fait sa marraine et son parrain se tenir le ventre à brassées à force de rire. Cela arrive un jour où, monté sur un rat, il veut le mener boire à la rivière.

Dans un conte de marin que j'ai recueilli à Saint-Cast, les rats et les souris, ayant ouï dire qu'il n'y avait point de chat en Alger, s'y font porter par un capitaine; mais comme ils ne savaient pas le langage des rats du pays, ceux-ci les tuèrent jusqu'au dernier.

Dans Le château suspendu dans les airs, Contes des Marins, xviii, le héros arrive au royaume des rats et des souiis. C'est un rat qui, en fourrant

Il6 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

sa queue dans la bouche de celui qui avait dé- robé la tabatière magique, permet au héros de la reprendre.

Plusieurs contes gallots que j'ai en portefeuille parlent de pays les rats et les souris étaient si nombreux, qu'on ne savait comment s'en dé- barrasser ; survient un garç-^n qui apporte un chat et fait fortune en les détruisant. C'est, avec des variantes assez importantes, le thème du cé- lèbre conte de Grimm : Les trois héritiers chanceux.

LE RENARD (Canis vulpes, L.)

Noms patois

Rend (S.-D.); goupil, petit renard (G. g.); renarder (M.), agir avec ruse.

Proverbes

Faire le renard (M., E.) ; faire l'école buissonnière.

Cf. Rolland, t. I, p. 165 ; cf. aussi Souche, Proverbes, p. 4.

Dans sa piau mourra le renard, à mains qu'i' ne set écorché tout en vie (M.).

Cf. dans Rolland, p. 168, plusieurs proverbes similaires.

Glaume le Leu, Pierre le Renard Et Jacques la Fouène Sont trée bons gàs (P.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE

117

Cnyaitces et Contes

Quand on voit le renard rôder autour des poulaillers, on lui crie :

Ta renard I ta renard 1

Et il s'en va bien vite (P.).

Le renard jouait déjà un rôle dans les récits gallots du xvie siècle, ainsi que le constate un passage de Noël du Fail.

« Et ainsi occupés à diverses besongnes, le bon- homme Robin... commençoit le conte de la cigogne, du temps que les bestes parloient ou comme le renard desroboit le poisson [aux poissonniers] ; comme il fit battre le loup aux lavandières lorsqu'il l'apprenoit à pescher. »

(Propos rusllqius et facétieux, p. 41.)

Le premier passage fait sans doute allusion à un conte encore très-populaire en Haute-Bretagne : le renard, voyant des charrettes chargées de morues, court devant et fait le mort ; les charre- tiers, pour avoir sa peau, le jettent sur les morues; alors le renard en foit tomber quelques-unes par terre et saute dextrement de la charrette pour aller les manger.

Je n'ai pas trouvé trace du deuxième conte cité ; mais le renard joue souvent des tours à son compère le loup. Cf. dans mes Contes populaires, Ji-e série, le no lvi, dont voici une variante :

Il8 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Il y avait une fois un renard et un loup qu jouaient ensemble à se faire tourner. Le renard tira sur la queue de son compère si fort qu'il la lui écourta.

Le loup se mit en colère, et le renard lui dit :

Je sais il y a une forge l'on remet les queues. Viens avec moi.

Le maréchal fit chauffer un fer, et quand il fut bien rouge, il le mit sous la queue du loup, qui s'enfuit en hurlant.

Quelque temps après, le loup rencontra le renard et lui dit :

Tu m'as joué un mauvais tour ; aussi, si tu ne me trouves pas à manger, je te croquerai à mon dîner.

Je sais bien, répondit le renard, un endroit il y a des andouilles.

Quand ils se furent emparés d'une andouille, le renard la portait par un bout, et le loup par l'autre.

Tout d'un coup, le renard s'écria :

Voici des chasseurs !

Et il tira violemment sur l'andouille que le loup avait dans la gueule ; il la lui enleva et monta dans un arbre.

Il se mit à la manger, et le loup, qui était au pied, ramassait les miettes et disait :

Oh ! que ces miettes sont bonnes !

DE LA HAUT1--BRLTAGNE Il6

Les grosses sont encore meilleures, répon- dait le renard du haut de son arbre.

Le loup se mit en colère, et il alla chercher ses compères pour se venger du renard. Ils accouru- rent, et comme ils ne pouvaient grimper, il fut convenu que Courtaud c'était celui qui avait la queue écourtée se mettrait dessous, debout et les pattes de devant appuyées sur le tronc, et que les autres grimperaient sur ses épaules jus- qu'à ce qu'ils fussent arrivés à l'endroit se tenait le renard.

Il n'en manquait plus qu'un pour l'atteindre, quand le renard se mit à crier :

Maréchal d'ahaut,

Apporte vite un fer chaud

Pour le eu à Courtaud.

Le loup, qui croyait encore sentir le fer rouge qui l'avait brûlé, eut une telle peur qu'il se laissa tomber sur ses pattes et se sauva à toutes jambes. Les loups tombèrent les uns sur les autres, et ils attrapèrent le pauvre Courtaud, qui fut étranglé par ses compères.

(Conté en iSSo par Jean Piou, de Gosné, Igc de treize ans.) Cf. parmi les contes franjais le loup et le renard sont mis en scén.' : Webster, Achéria, Le Renard, et Bladé, Lou lou peujat, conte ds IWrmagnac. On peut aussi consulter les curieux cha- pitres de La Mythologie ^oologique de M. de Gubjrnatis, t. II, consacres au loup et au renard, et La Faune populaire de M. E. Rolland, Les Mammifères sauvages, se trouve dans un conte (lorrain ?) l'épisode final du conte gallot.

120 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Mais le renard est aussi dupé à son tour, et assez fréquemment (cf. Le Merle et le Renard, ire série, no lix ; Le Colimaçon et le Renard, dans Litt. orale, p, 237).

Le renard figure encore, mais à titre de personnage épisodique, dans Moitié de coq, 2^ série, no LXi.

Le petit roi Jeannot, i^e série, i, met en scène un renard secourable qui n'est autre que l'âme d'un pauvre que le héros du conte a fait en- terrer. Dans une variante inédite, le renard est, non plus une âme, mais une fée. Un autre conte du même type fait secourir le héros par un renard auquel il a donné un morceau de pain.

Un de mes contes inédits, intitulé Le marquis de Carahas, diffère en plusieurs points importants de celui de Perrault ; le rôle ordinairement dévolu au chat y est rempli par un renard.

LA SOURIS (Mus musculus, L.)

Expression patoise

Souricer veut dire tromper (M.), et aussi prendre des souris (en parlant des chats) (M.).

Proverbes

Éveillé comme une souris, ou éveillé comme une pochée de souris (M.).

DE LA HAUTE- BRETAGNE 121

Les souris enterrant (entreront) dans la Tnet (la huche). Cela se dit d'un ménage l'homme couvercle de la met est plus petit que la femme (E.).

La souris dans les contes

Dans un conte inédit, une fée se transforme en souris grise pour se venger; elle touche à un morceau de lard, et aussitôt il se forme autour d'elle une tente qui est fermée à clé. La fille de la maison l'ouvre par curiosité, et la souris grise s'en échappe. Elle avait pouvoir sur la fille jus- qu'à ce que celle-ci eût dix-huit ans accomplis. Elle essaie de la faire pécher par curiosité; mais n'ayant pu y réussir, elle doit rester encore mille ans en souris grise.

Plusieurs contes parlent du royaume des rats et des souris (cf. la page 1 1 5 du présent volume).

LA TAUPE (Talpa europ* a, L.)

Nom patois. Formitlette

Taôpe (P.).

Les taupes chantent, dit-on : Suce mon eu.

Quand les taupes font leur taupinière, on dit qu'elles houtent.

122 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Dictons

Il sera bientôt labouré par les taupes. II mourra bientôt, ou : Les taupes vont lui passer sur le dos.

Cf. dans Rolland, t. I, p. ii, des dictons analogues.

Noir comme une taupe (S.-C.)-

Cf. Rolland, p. 1 1 (Saintonge et Suisse romande).

Si taupe voyait. Si sourd entendait,

Homme sur terre ne resterait (M., E.). Cf. Rolland, p. 13, et Mél., col. 555 (Nantes).

Si taupe verrait,

Si sourd oyait,

N'y aurait pas d'homme sur terre (P.).

Croyances et Superstitions

Les taupes sont sorcières ; elles ne se laissent pas prendre, et elles font endéronner (enrager) les fermiers (Hénon). On dit à la campagne : « Ceux qui les attrapent les mènent bien. » Si un fermier ne fait pas prendre les taupes de son champ quand le taupier est dans le champ voisin, son champ en est écrasé (E.).

Les branches de sureau chassent les taupes. II y avait jadis des gens qui menaient, c'est-à-dire amenaient les taupes dans les champs de ceux auxquels ils eu voulaient (E.).

DH LA HAUTE-BRETAGNE I23

Le sang de taupe guérit les cors, les verrues et les loupes, si l'on se frotte avec. J'ai connu des personnes qui y croyaient fermement (E.).

Cf. sur les vertus curatives du sang de taupe, Souche, Croy., p. 26 ; Desaivrc, Croy., p. S (Poitou), et Rolland, p. i;.

Cluand les taupes poussent en hiver, c'est signe de dégel.

Pour avoir de la chance au jeu et gagner à tous coups, il faut tuer une taupe en amour, lui ôter tous ses os un à un, et les mettre dans un ruisseau qui vient d'une fontaine; l'un de ces os remonte à la source, et c'est celui-là qui porte chance (P.).

En Berry (cf. Laisnel de la Salle, t. I, p. 284), un os de taupe placé sous l'aisselle gauche préserve des maléfices.

CHAPITRE III

LES OISEAUX DOMESTIQUES

§ I. GÉNÉRALITÉS

l'inverse des mammifères, dont les plus ■MW riches au point de vue légendaire sont ^ceux qui vivent avec l'homme, les oiseaux domestiques m'ont fourni bien moins de faits que les oiseaux sauvages. Il est juste d'ajouter qu'ils sont en plus petit nombre, et le coq est le seul qui, en raison du rôle qu'il joue dans la sorcellerie rustique et dans les contes populaires, soit le sujet d'une monographie un peu étendue. Il est plus rarement parlé des autres.

Presque tous cependant servent à présager le

TRADITIONS ET SUPERSTITIONS 125

temps qu'il fera, et les paysans ont confiance en ces pronostics. Ce rôle de baromètre n'avait pas échappé à Noël du Fail, judicieux observateur des coutumes de la campagne, et il le constatait en ces termes :

« Quand les poules ne se retirent sous le cou- vert pendant la pluye, d'assurance elle continuera. Les oyes et canes se plongeant continuellement en l'eau sentent la pluye prochaine. »

(Koël du Fail, t. I, p. 32.)

Ainsi qu'on le verra ci-après, ces pronostics, auxquels croyaient les Gallots du xvie siècle, sont encore des articles de foi pour leurs descendants actuels.

A Matignon, on désigne sous le nom de volterre (vole à terre) l'ensemble des oiseaux de basse- cour.

^.-'CfSJ'toy'. à.^^tf^„ç^, à, .-<r;sft:^^/^

'^^.J&''^:^^^^J&''^^^'^^&''^^''^

§ II. MONOGRAPHIES

LE CANARD (Anas domestica)

Noms patois

Aux environs de Dinan, les jeunes canards se nomment cani, canon, les jeunes canes canettes.

On donne aussi aux canards les noms de : gouri, gourè, gotirin (D.).

Pour désigner les canards en général, on dit : « les canes ».

Pronostic

Quand les canards se plongent à plusieurs reprises dans l'eau, c'est signe de pluie (S.-C).

Langage dont on se sert pour leur parler

On dit aux canards pour les appeler : Gouri, gouri, gouri (M., E., P.).

Ou:

Hattaï, mon gourin, Mon gouri, mon gouré; Hattaï, mon coco (Calorguen).

TRADITIONS ET SUPERSTITIONS llj

Pour les faire se coucher :

Musse, musse, musse. Musse, mes petites. Musse (S.-C).

A ma connaissance, le canard ne joue dans les contes populaires gallots qu'un rôle épisodique; dans plusieurs récits la fille du diable, de Togre ou du sorcier est poursuivie par son père parce qu'elle se sauve avec un homme, elle se change en cane et transforme l'homme en canard.

LE COQ. (Gallus domesticus)

2^oms patois

Co', pouJidu, poulet, fluriél pouliaoîix (E., M.); piopio (P., M.).

En chantant, les poules cadaquent (M.) ; trocolent (E.); quédaquent (Plouvara). Elles disent alors: Cot I cot 1 cot ! cotas ! (M.) Ou:

Quédac I quédac (Plouvara).

Quand elles viennent de pondre, elles s'êcoqail- letit (M.). Lorsque le coq fait : quel ! qiiet ! pour appeler la poule à pondre dans un nid qu'il vient de faire, il se met à écod'lochcr (S.-D.).

Le coq chauche les poules (M.).

L'œuf qu'on laisse pour que la poule retourne

128 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

pondre se nomme l'ênija (S.-D.), Vanijoir, le nichet ; fixer la poule dans un nid en y laissant un œuf se dit enijer (S.-D.).

Par suite de trop grands eflforts pour pondre, la poule perd parfois sa. ponoère (S.-D.) ou ponasse (E.); son boyau se retourne et devient pendant.

La pépie se nomme poupie (E.).

Pour empêcher les poules de gratter la terre, on les eng'llaoïinetle en leur mettant aux pattes des entraves faites avec des ronces. Ces entraves se nomment des g'Uaoïmés (S.-D.).

Les poules i^rabellent le fumier pour y trouver leur vie (S.-D.).

Les poules ont des noms d'après leur aspect extérieur : on appelle Petite chiipée celle qui a sur la tête une huppe ; Petite nère, la noire ; Petite poule hassette, celle qui est basse sur jambes; Poulette jaune, la jaune ; la VergeUe, celle qui est chinée ; la Vêrée, la Gdre, la noire et blanche ; la Favoris, celle qui a une sorte de barbe, etc.

Pour appeler les poules, on leur dit : Petit ! petit ! petit I

Pour les chasser :

Cheù ! cheù 1 (P.) Cliou 1 chou-ci I (S.-D.)

D'où cchouter les poules, les chasser.

DE LA haute-bretagnl: 129

Pour les faire se coucher :

Joug, joug, joug, Mes petites. Joug, joug ! (S.-C.)

Quate, quatc, quate (P.).

On appelle nijotis de poules ou anijotous de poules les hommes qui s'occupent à des ouvrages de femme.

Langage du coq et de la poule

Trois coqs sont chacun dans l'aire de fermes différentes :

Ah ! que l'hiver est long ! s'écrie le coq d'une moyenne ferme.

Nous le passerons, répond d'une grosse voix le coq d'un fermier cossu .

Ben en ahanant, dit d'une voix grêle le ccq d'un petit fermier (E,) .

Cf. Sauvé, Proverbes bretons, 264.

Qiie l'hiver est long,

Qui qui l'pass'ront ?

Ceux qui pourront (P.).

Dialogue entre deux coqs :

Que l'hiver est long I

^ T'ébahis pas,

J'ai du blé dans mon gâspas (débris de paille)

[(S.-C).

II 9

130 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

J'embrasse quand je veux.

Tu es bien heureux ! (E.)

I' y a des filles à marier sez nous ;

r s'marieront tantôt (P.)- Cf. Laisnel de la Salle, t. I, p. 203.

On traduit le langage de la poule par :

Je ponds pour Pâques.

En Berrj', la tiaduction est la même, sauf que Jacques est substitué à Pâques (Laisnel de la Salle, I, p. 222).

Proverhes et Dictons

Au temps jadis les poules pissaient par la patte (E., M.).

Au temps jadis les poules pissaient dans n'un bassin (E.).

Ces deux dictons, qui désignent une chose invraisemblable, sont assez fréquemment employés comme commencement de contes.

Les poules donnent les œufs par le bec (Penguilly).

Le labour d'une poule : un petit champ (E.).

Emprunté comme une poule do iun (un seul) poulet (M., E.).

r fait d'z yeux comme une poule qui perce un sas (E.).

Tendre comme une poule de deux jours (E.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 131

Le champ oit chanter le coq. Il est près de la maison.

Un bon coq vaut sept poules.

Jamais bon coq ne fut gras.

La poule n'ennoblit pas le coq (M.).

A la campagne, le coq est souvent employé comme désignant le mâle qui féconde, d'où les dictons suivants :

On dit à une femme qui n'a pas d'enfant : Vot' co' ne vaut ren. Vous n'ez point l'air d'avaï un bon co'.

D'un homme qui a beaucoup d'enfants, on dit au contraire : C'est un bon co' (E.).

Il n'est ni de coq ni de pie (Calorguen). Il n'a pas d'opinion, ou il ne veut pas la dire.

Honteux comme une poule mouillée (E.).

Dicton similaire en Poitou (cf. Desaivrc, Croy., p. 25).

Poule qui chante,

Fille qui subie (siffle)

Et coq qui pond,

A la maison tout y fond (E.).

Poule qui chante,

Coq qui pond. Amène le diable dans la maison (P.).

Fille siffler.

Poule chanter.

Et coq qui pond, Trois diables dans la maison (P.).

132 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Devinettes Je ne suis pas cavalier, et j'ai des éperons ; j'ai une couronne, et je ne suis pas roi; je déclare la guerre, et je signe la paix (S.-C).

Le coq.

Cf. Rolland, D. 51.

En m'en revenant du bourg d'Ercé, J'ai trouvé un eu renversé Qu'avait un peigne sur la tête. Devinez quelle bête (E.).

Un coq.

Qui a plus de mille pièces sur le dos sans une seule couture ?

Une poule.

Qiii n'a ni chai' ni os,

Et qu'a une petite chemise blanche

Qui n'a ni couture ni manche ?

Un œuf.

Cf. Rolland, D. 66 (Dordogne).

Une petite maison qui n'est ni liée ni che- vronnée, et qu'est pleine diqu'au faîte.

Un œuf.

Cf. Rolland, D. 64-65 ; Ccrqu.inJ, t. II, p. 7;, E. .J5 ; Sauvé, D. 44;Bladé, D. 97, 120.

Qui est-ce qui entre blanc et qui sort jaune ?

Un œuf.

Cf. Thuriault, p. 215; RolLind, D. 61.

DE LA HAUTE-BRETAGNE I35

Croyances, Superstitions et Présages

Les œufs pondus le vendredi saint doivent être mangés pour se dècarémer (S.-C).

Si les poules mangent de la graine do chanvre, elles cessent de pondre et se mettent à couver

(£.)■

Si on jette les coques d'œufs dans le feu, cela empêche les poules de pondre (P.).

Croyance analogue en Poitou (cf. Souche, Prcn\, p. 14).

Il y a des moments de l'année l'on ne met pas les poules à couver. En mars par exemple, on prétend que la coque des œufs est trop dure et que les œufs ne peuvent édore.

Le nombre d'œufs qu'on met à couver ne doit pas être pair.

Superstition analogue en Poitou (cf. Soucliè, Croy., p. 6; Dcs.-iivre, p. i6).

Les poulets mis à couver le jour de la Saint- Jean sont plus beaux que les autres, et ils profi- tent mieux (E.).

Les coqs couvés par des pies chantent toutes les heures (S.-C). Les poules couvées par les pies sont méchantes (E.).

On met un morceau de fer sous les nids pour empêcher les poulets d'être tués dans l'œuf par le tonnerre (E.).

134 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Si les couvées ne réussissent pas, on dit que c'est à cause des orages.

Cf. des superstitions analogues en Franclie-Comté (Aft/., col. 371); en Poitou (Souche, p. 6).

Q.uand les poulets cor\imencent à devenir grands, la poule va caqueter avec le coq et délaisse ses petits, auxquels elle répète :

Troquons, troquons.

Les poussins répètent ;

Ça fait pitié ! ça fait pitié 1 (E.)

Si on donne du pain bénit à une poule, cela la rend enragée (E., P.).

Si on donne du pain aux poules, on prétend qu'elles sautent à la figure de celui qui le leur a donné (P.).

Quand on voit la poule faire la poudrette, c'est- à-dire se rouler dans la poussière, c'est signe de pluie (S.-C). Si, au moment commence la pluie, les poules se hâtent de se ramasser, la pluie sera de peu de durée (P.).

Pendant les avents, les coqs follent, c'est-à-dire qu'au lieu de chanter aux heures habituelles, ils chantent à toute heure. Ce changement d'habi- tudes est d'un mauvais augure, et on croit y voir un présage de mort. Cette superstition existe aussi dans le Morbihan gallot ; voici, un peu

DU LA HAUTE-nilETAGNU I35

abrégée, la partie du conte intitule Clémence de Caiicoël elle est rapportée.

Clémence était une jeune fille qui servait comme femme de chambre au château ; ordinai- rement gaie, elle tomba en langueur et dépérit. La cause de son mal était bien petite pourtant : elle avait entendu chanter le coq à minuit, ce qui, dans sa croyance, était une signifiance de mort, et elle n'avait osé confier cela à personne.

Une nuit que la cuibinière la veillait, le coq chanta.

Allons, dit la Fanchon, v'ia cor nol' coq qui folle ; on voit hen qu'on est dans l's avents. . . Heureu- sement que ça va finir ; demain f tenons H'dernier dimanche, et nol' coq va s' régler.

C'est'i sûr? demande Clémence.

Sûr, répond la cuisinière.

Et à preuve elle lui raconte une histoire à la fin de laquelle elle ajoute que, si pendant les avents les coqs chantent à toute heure, c'est la mort des maîtres qu'ils annoncent, et non celle des domestiques.

(Fouquet, LégetiJes du Morbihan, p. 138-146.)

En pays bretonnant, le chant du coq avant minuit est "d'un

sinistre augure ; il annonce la mort ou quelque calamité

(Galerie bretonne, t. I, p. 159).

Quand les poules chantent le coq, c'est d'un mauvais présage. La poule qui chante ainsi chante

136 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

sa mort ou celle de son maître ; on doit la tuer ou il arrive malheur (P., S.-C).

Quand une poule chante le co',

Il faut la tuer aussitôt,

Ou elle crève comme un pot (S.-C).

Superstition connue aussi en Normandie (cf. A. Bosquet, p. 219 ; Mélusine, col. 47); en Poitou (cf. Desaivre, Le Coq, la Poule et l'Œuf , 1876); dans les Vosges {Mél., col. 498); en Franche-Comté (Perron, p. 19); dans le Berry (Laisnel de la Salle, t. II, p. 238). Voyez aussi à ce sujet Roulin, Hist. nat., ?■ 337) Gubernatis, Mythologie ^oologique, t. II, p. 299.

« Cette superstition, dit-il, est très-répandue en Italie, en Allemagne et en Russie, et l'on croit généralement qu'il faut tuer sur-le-champ la poule, si on ne veut pas mourir avant elle. La même croyance existe en Perse. »

On prétend que certains œufs plus petits que les autres sont pondus par les coqs ; si une poule les couve, elle fait éclore des serpents (E., M.). A Saint-Brieuc, on dit que ce sont des dragons.

Cette superstition est connue dans les Hautes-Pyrénées (cf. E. Cordier, p. 34); en Normardie, cet œuf se nomme codrille (voyez de curieux détails dans A. Bosquet, p. 207); en Berry (cf. Laisnel de la Salle, t. I, p. :96-i98).

duand un coq pond un œuf, il faut que celui qui voit l'œuf le premier crie : « Basélic ! basélic ! » Si c'est le coq qui voit l'œuf le premier, il sort de l'œuf un hasélic ; c'est une sorte de bête qui mange les gens auxquels le coq appartient (S.-C).

Si un v'Un (reptile) attrape un œuf de coq et

DE LA HAUTE-BRETAGNE I37

qu'il le couve, il en sort une bête qui a des yeux tout autour du corps. Si elle voit un homme la première, il meurt immédiatement ; si au contraire un homme la voit, elle crève aussitôt.

Il y avait une fois une de ces bêtes qui était dans le fond d'un puits, et toutes les personnes qui allaient y puiser de l'eau mouraient sur-le- champ. Un monsieur des environs, qui en enten- dit parler, fit faire une glace qu'il plaça sur le puits ; il regarda dedans et vit la bête, qui creva aussitôt.

(Conté par J. .M. Comault, du Gonray.)

Quand on tremble les fièvres, il faut casser un œuf par un bout et le porter dans une fourmilière : à mesure que les fourmis le mangent, la fièvre passe (P.).

Le coq et la poule dans les 'superstitions et dans les contes

Certaines poules noires sont fées. Voici, à ce sujet, une histoire que j'ai entendue en 1872.

Les enfants d'un fermier qui venait de mourir se partageaient à l'amiable sa succession. Pendant qu'on faisait les lots, une poule noire rôdait autour des héritiers et chantait d'une façon assez distincte ces mots: « Q.ui qui m'prenra? qui qui m'prcnra ? » (qui est-ce qui me prendra ?).

138 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Un des enfants entendit le langage de la poule et comprit qu'elle était fée ; aussi s'empressa-t-il de la faire mettre dans son lot. Il la nourrit avec soin et n'entreprend, dit-on, aucune affaire sans la consulter (S.-C).

On dit aussi que les poules noires qui sont fées ou sorcières pondent tous les matins un œuf et une pièce de cent sous.

Les poules noires à crête rouge chient l'argent. Si quelqu'un a perdu de l'argent, les poules noires lèvent la tête en haut pendant la nuit ; le diable vient leur fourrer cet argent dans le eu ; les sorciers la rattrapent, et ils l'emmènent chez eux.

On dit en proverbe : « Tu es comme une poule noire; tu chies l'argent », ou bien : « Il a une poule naïre qui lichie l'argent », ou : « Il a la poule noire ».

(Conte par Joseph Legendre, de Saint-Brieuc-des-Iffs, 1880.)

La croyance au pouvoir surnaturel des poules noires existe aussi dans les Hautes-Pyrénées (cf. Cordier, p. 69) ; en Basse- Bretagne (cf. Souvestre, p. 187); en Berry (cf. Laisnel de la Salle, t. II, p. 240).

D'après CoUin de Plancy, cité par Monnier, p. 672, le juif Samuel Bernard, banquier de la cour, mort à quatre-vingt-dix ans en 1759, avait, dit-on, une poule noire qu'il soignait extrêmement. Il mourut peu de jours après sa poule, laissant trente-trois millions.

Un homme qui passait dans un champ à trois

DK LA HAUTE-BRdTAGNE I59

cornières, il y avait deux échaliers à franchir, vit une poule noire qui se montrait devant lui chaque fois qu'il voulait passer un des échaliers. Cela lui fit très-peur (S.-C).

Quand on lève la charpente d'une maison, on tue un coq qu'on mange ; s'il n'y a pas de coq à la maison, c'est une poule qu'on tue (E.)-

A la NeuviUe-Chant-d'Oisel, on sacrifiait jadis un coq pour consacrer l'édifice (cf. Baudry, ap. Mélusine, col. 12). Cette coutume existe aussi dans l'Allier, (Me/., col. 72).

Voici ceux de mes contes publiés le coq et la poule jouent un rôle : fe série. Le Chat, no LVii ; 2*: série, Moitié de Coq, no lxi ; Les trois petites Poules, no lxii.

Dans un conte inédit que j'ai recueilli à Saint- Cast, un petit garçon ayant mangé une poule qui appartenait aux fées de la Corbière, est changé en coq pour sa punition.

Dans deux contes inédits, semblables quant au dénoûment, mais qui diffèrent par les détails, un garçon, qui n'a pour héritage qu'un coq, va dans un pays on allait chercher le jour dans des charrettes; il dit aux gens que sa bête a le jour dans le gosier, et il la vend un bon prix.

140 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LE DINDON (Meleagris gallo pavo)

Nom patois. Proverbe. Conte

Co' d'Inde.

On dit : Orgueilleux comme un dindon. C'est pour cela que lorsqu'on veut le faire agacer, on lui crie :

Plus rouge que toi 1

Dans Césarine, no xxvii, fe série, l'héroïne garde les oies et les dindons.

L'OIE (Anas auser domesticus)

Noms patois. Langage

On dit une houds, au pluriel des hoiids en aspirant 1'/;. Ceux qui se piquent de bien parler disent une :(pie\ on dit aussi des casaques (M.). Le mâle se nomme ;fl5; les petits àes piratons; les oies adultes des pirottes ou pivots (S.-C); de piroton vient le verbe ^ïVo/o«Ker(E.), tourner tout autour.

Les oies couaquent quand elles crient (M.); caqiient (S.-C).

Pour appeler les oies, on leur dit :

Piro, mes petites,

Piro, piro, mes petites (S.-C).

DE LA HAUTK-BRETAGNE 141

Les oies chantent :

Casaque, saque, saque,

La grand'mère à Jacques (S.-D.).

C'est pour cela qu'on les appelle parfois des casaques.

Proverbes

Bête comme une oie.

Cf. Souche, Prov., p. 14.

Les pirotons mèneront vantiez (peut-être) les houàs ès-champs (M.). 'Sont les pirotons qui veulent mener les houàs.

Les oies de Bécherel et les piquots de Dinan.

Je ne sais à quelle circonstance fait allusion ce dicton.

r touche les houâs : il va de travers ; il est ivre (M.).

Ce que les houàs n'entendent pas, les murs le répètent (E.).

Quand une personne allonge le cou et qu'elle a la figure niaise, on dit qu'elle a « l'air oie » (M).

Marcher comme un piroton (M.).

r court comme un p'tit piroton (S.-D.)-

142 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Pronostic. Fonnuîettes

Quand on voit les oies battre des ailes et caquer, on dit : « J'arons du vent » (S.-C, P.). Quand il neige, on dit : V'ià la petite bonne femme qui plume ses houâs.

Ou :

V'ià saint Nicolas

Qui plume ses houâs (M.).

Saint Thomas qui plume ses houâs,

Saint Christophe

Qui les met à la broche.

Et saint Crépin

Qui les mange au matin (D.).

L'Oie dans les contes

Dans mes contes populaires, il est assez rare- ment parlé des oies, qui n'y figurent que comme personnages épisodiques ; c'est ainsi que dans Césarine, no xxvii, re série, les oies tournent autour d'elle en chantant :

Casaque, saque, saque I

La jolie petite pâturettede houâs que j'avons.

Les fées du Guihlo, xi, 2^ série, ont des oies.

Dans un conte du type, très-fréquent, il s'agit de remonter sur terre sur le dos d'un oiseau, l'oiseau est une grosse oie, qui est ici substituée à l'aigle ou nu corbeau.

DU I.A H AUTK-IJRETAGNE I45

LE PAON (Pavo)

Proverbes

Fier comme un paon.

On dit d'une personne orgueilleuse : C'est un paon.

J'ai connu sur le littoral de la Manche bre- tonne deux personnes, le mari et la femme, qui étaient appelés, l'un le Paon et l'autre la Paonne (panne), parce qu'ils avaient fait une rapide fortune dont ils étaient quelque peu glorieux.

LE PIGEON (CoLUMBA domestica)

Noms patois

Le pigeon domestique s'appelle ^a/cV/tr (E.) ou pigeon de palette; la iemcUc pigeonne (Morbihan, G. g.).

Pronostic. Chant

Quand ils roucoulent beaucoup, c'est signe de beau temps (E.).

Le pigeon a un chant peu varié ; il dit :

Couc ! coue I Coue ! coue I Fou ! (P.)

144 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Le pigeon dans les contes

Voici quelques contes le pigeon joue un rôle: ire série, no xiii, La Princesse aux pèches (pigeons employés comme courriers) ; no LX, Les Souliers rouges (la Vierge fait avec les os d'un petit garçon un pigeon blanc) ; 2^ série, no xxvi, Petite ba- guette, grand pigeon auquel il faut toujours donner à manger ; no xxxvm. Point du jour (pi- geons reconnaissants).

CHAPITRE IV

LES OISEAUX SAUVAGES

§ I. GÉNÉRALITÉS

i^ UAND les oiseaux qu'on nomme en patois olsê et oisiati (au singulier, on pro- nonce comme s'il y avait un /; aspiré), ou un :;^oiiea!i, un goêio, au pluriel des hoisimix, ou des gaiiaux font entendre leur cri, on dit qu'ils cuitent (M.) ou cuîqnent (S.-D.), et l'on entend les mères dire à leurs enfants : « Écoute les oisiaux qui font cuit ! cuit ! »

« Tout oiseau a son langage », disent les paysans, et ils l'interprètent à leur manière... Ils attribuent à chacun de ces chanteurs ailés des phrases qu'ils récitent ou qu'ils modulent, en

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10

146 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

imitant leur chant ; mais ils se contentent d'ap- proximations. Presque toutes ces interprétations sont en vers, faiblement rimes, souvent pauvres d'idée; pourtant il en est qui, comme une des formulettes de l'alouette, sont de véritables prières et ne sont pas dépourvues d'une espèce de poésie rustique. D'autres sont moqueuses ou font allusion aux contes dont les oiseaux sont les liéros. ^Ainsi qu'on le verra ci-après, ils jouent un rôle important dans les légendes et aussi dans la superstition, et l'on tire de leurs manières d'être des pronostics et parfois de véritables augures.

Les oiseaux présagent le temps, et leur altitude est observée par les gens de la campagne. Noël du Fail l'avait déjà (îonstaté en ces termes :

« Les oyseaux... vous monstrent d'aucuns signes futurs, avec autres pronostiqz, que avez de nature et par commune coustume aprins, comme le liercn, triste sur le bord de l'eau et ne se mouvant, signifie l'hyver prochain ; l'arondelle volant près de l'eau prédit la pluye, et volant en l'air le beau temps. Le geay, se retirant plus tost que accoustumé, sent l'hyver qui approche. Les grues volans haut sentent le beau temps et serain. Le pivert infailliblement chante devant la pluye. La chouette chantant durant la pluye signifie temps beau et clair. »

(Noël du Fail, t. I, p. 31, éd. Assézat.)

DE LA HAUTE-BKETAGNE I47

Le jour de Saint-Joseph est celui les oiseaux des champs se marient (E.).

Dans les chansons populaires, les petits oiseaux sont souvent cités; les ccntes les mettent fré- quemment en scène. J'ai indiqué à la mono- graphie de chacun les contes ils figuraient nommément; en d'autres, ils sont désignés sous le titre général de petits oiseaux ; le rôle qu'on leur prête est presque toujours S3'mpathique. Dans Rodoniorit, i^e série, no XLViii, ce sont eux qui révèlent au mari de Mariton le nom que le diable lui avait fiiit oublier ; dans Les petits souliers rouges. Lut. orale, p. 224, ils crient à la petite fille :

Tu cuis ton petit frère.

Ce sont eux qui découvrent (Le Taureau hiru, no m) la supercherie de la fille qui s'était coupé les pieds pour entrer dans la petite pantoufle.

Dans un conte de marins inédit, tous les petits oiseaux, en voj'ant Décampe arriver, se mettent à crier : ! ! ! te voilà. Décampe.

L'oiseau bleu qui figure dans le conte de ce nom, fe série, no xiii, se laisse mettre en cage, et il porte écrit sur ses ailes en lettres d'or : « Celui qui mangera ma tête sera roi; celui qui mangera mon cœur trouvera tous les matins de l'or sous son oreiller. »

Une variante inédite de ma collection parle

148 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

d'un petit oiseau qui avait sur son aile : « Celui qui mangera mon cœur aura tous les matins cent écus sous son oreiller. »

Dans Le château suspendu dans les airs (Contes des Marins, xviii), le marin, héros du conte, a pour beau-frère le roi des oiseaux, qui lui indique est le château suspendu dans les airs, et le fait transporter par un aigle vorace.

Dans un autre récit, le prince garde des oiseaux qui ont sur la tête une épingle ; quand on la leur ôte, elles deviennent de belles demoiselles.

Sur Its traditions relatives aux oiseaux sauvages, on peut con- sulter Gubernatis, Mythologie ^^oologique, et RollanJ, Les Oiseaux sauvages.

§ II. MONOGRAPHIES

L'AIGLE (Aqvila, Brisson)

Nom patois

^^^^OUR les paysans gallots, aigle est toujours «^^ féminin.

Croyances

On dit que le roi des oiseaux, c'est l'aigle; pour- tant, ainsi qu'on le verra plus loin à l'article Troglodyte, cette royauté lui est contestée.

Quand un pâtour en aperçoit un, il se hâte de s'enfuir avec son troupeau; mais l'aigle court après lui, et en descendant il lui crie :

Sauve-toi ou ne te sauve pas, Tu vas être bientôt en fricot Sur une souche de bois (S.-C).

L'aigle dans les contes

L'aigle figure dans plusieurs de mes contes gallots (cf., i""*: série : Le capitaine Pierre, i\° v,

I jO TRADITIOXS ET SUPERSTITIONS

une vieille aigle ramène le héros à la surface de la terre).

Dans le conte inédit de Décampe, c'est un vieil aigle vorace qui transporte le héros par dessus les mers jusqu'à la ville de la princesse des Mon- tagnes-d'Or.

L'ALOUETTE (Alauda arvensis, L.)

Fonnuleltes

Les formulettes de l'alouette sont assez nom- breuses, et quelques-unes sont de véritables prières; aussi on assure qu'elles prient le bon Dieu le matin (E.).

Les pâtours disent aux alouettes :

Alouette, alouette, Moute eu haut. Pour dire à Notre-Seigueur D'nous accorder un peu de son chaud, Pour nos pauv' petits pâtouriaux. Qui n'ont ni robes ni mantiaux, Ren qu'la quoue de lous p'tits agneaux, Qui n'est pas encore toute à eux, Qui est à Robin Piedcvache, Qui nous m'nit, qui nous m'nace. Qui nous dit que la verge était su' le bauc

Pour nous fouetter jusqu'au sang. Et que la mailloche était dans la feuêt'e Pour nous cotir l'os de la tête.

DE LA HALTE-BRETAGNE IJI

Je m'fourris dans un p'tit pertus ; Je croyais que le bon Dieu y fût. Mais non, i' n'y avait que madame Sainte qui trope Qui m'a battu de coups de sa poche (cuiller), Et qui me dit, si j'y retournas,

Cheveux j'y laisseras.

Et j'y retournis,

Cheveux j'y laissis (S.-C).

Cf. une formulette du pays de la Hague dont le commence- meut est analogue (A/e/., col. 538).

Alouette, alouette,

Monte en haut, Pour attirer le temps chaud Su' les p'tits pâtouriaux. Qui n'ont ni cotte ni mantiaux (E.).

Alouette, monte en haut ;

Amène une brouée de ton chaud Pour tes petits pàturiaux

Qui n'ont ni robes ni manteaux, Qui n'ont que la queue de leurs agneaux.

Qui n'est pas encore à elles. Qui est à la pie qui est sur le banc,

Qui défouit jusqu'au sang, A la corneille qui est sur l'hussé (la porte) •Qui dit que c'est un bienfait (P.)-

Amène du chaud

Pour nos p'tits pàturiaux

Qui n'ont ni robe ni mantiaux,

Ren qu'la quoue des p'tiis aiguiaux

152 'IRADIIIONS ET SUPERSTITIONS

Qui n'est pas encore à eux ; 011e est aux filles du roi Kin, kerli, kerli, kerli, ki. (Environs de Moncontour.)

Les alouettes disent en volant en l'air :

Tu m'oublies, Tu m'oublies, Tu m'oublies 1

Quand elles sont bien haut, elles disent :

Ouvrez-moi la porte du paradis, Je ne pécherai plus {1er).

Quand elles sont descendues :

Mille diables, que j'étais haô (haut) 1 (E.)

Si elles sont haut, elles crient : Je n'jurerai p'us {ter). Je jurerai cor {ter), disent-elles quand elles sont descendues (E.).

En montant elles disent :

Mon petit soleil, aide-moi à monter.

Mais en descendant, elles répètent :

Couyon I couyon I (S.-C.)

Cf. Rolland, t. II, p. 209, plusieurs formulettes relatives k l'alouette sont rapportées. Laisnel de la Salle, t. I, p. 224- 22$, dit qu'en Berry l'alouette s'élève dans les airs et demande à saint Pierre d'entrer dans le paradis :

Pierre, laisse-moi entrer;

DE LA HAUTE-BKETAGNE I55

Jamais plus ne faut'rai, Jamais plus ne faut'rai.

Mais il paraît que l'entrée du paradis lui a été refusée, parce que quand elle descend, elle chante de dépit : J'faut'rai, j'faut'rai, j'faut'rai !

Cf. aussi dans Desaivre une formulettc de l'alouette (Myth. tocalt, p. 9); quelques pages de cet ouvrage sont consacrées k l'alouette.

On assure encore qu'elles disent :

Dieu a bon soin des champs dans c'pays-ci ; Chez nous la récolte est mangée par les souris (S.-C).

LA BÉCASSE (Scolopàx rusticola, L.)

Noms patois Bégasse (E., M., P.).

Les grosses bécasses, qui se trouvent en général dans les fossés remplis de feuilles, se nomment feuillardoires (M.).

Piovci-he Année de bégasses, année de coucous (E.).

LE BOUVREUIL (Loxu pvrrhula)

Nom patois Bouvreu (M., P., E.),

Formnlette

Cet oiseau picote les boutons des pommiers et

\

154 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

les arrache ; c'est pourquoi il dit aux personnes qui sont à le regarder :

Trinque, trinque,

Je tire le cidre, moi 1

Je tire le cidre, moi 1 (P.)

Nicolas Guillau, Qu'a vendu sa femme pour un maquériau. Et l'a à racheter pour un brin de porée,

Nicolas Guillau (S.-C).

LA CAILLE (CoTURNix communis, Bonnaterre)

Proverbe Chaud comme une caille.

Cf. Rolland, t. II, p. 336.

FormuletUs et Croyances

t

Les cailles disent :

Bout pour bout I

La caille a appris aux maçons à mettre les

pierres en place. Un maçon était à faire un mur,

et il ne savait comment s'y prendre pour faire

tenir une pierre; une caille qui était derrière lui

cria :

Bout pour bout I

€t le maçon sut comment faire tenir sa pierre (E., Plévenon).

DE LA HAUTE-BRETAGNE I55

Elles disent encore :

Sème du blé na (noir), Pour que je m'régale une fa (fois) (S.-C).

Chique taba' (tabac), Chique taba' (S.-C).

Paye tes dettes, Paye tes dettes (P.). Identique en Berry (Laisnel de la Salle, t. I, p. 222).

En pays breton :

Pemp guennek I

Dialogue entre deux cailles :

Paï (poil) d'carottc, Paï de carotte.

L'autre répond :

Mais ouah I Mais ouah !

La première reprend :

Ah ! garce !

Ah ! garce I

5"

Autre

N'y a pas d'taba'. Ah I dame, sia (oui), Ah ! dame, sia.

L'autre répète toujours :

Mais ouah 1 Mais ouah 1

IS6 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Ali ! garce ! Ah 1 garce I Ah ! dame, sia 1 Ah! dame, sia 1 (P.)

Dicton et Croyances

Plus la caille carcaille.

Plus chère est la semaille (Ille-et- Vilaine).

Le grain (i) vaut dans l'année autant de francs le demeau que la caille répète son chant de fois. Quand elle chante pendant les foins, c'est ce que le foin vaudra (E.).

Plus il y a de cailles, moins le grain est cher (E.).

La tnême croyance existe en Toscane (cf. Gubematis, t. II, 292); en Poitou (cf. Desaivre, M-,th. locale, p. 13); dans le Maine, les Hautes-Alpes, etc. (cf. Rolland, t. Il, p. 342); en Berry (Laisnel de la Salle, t. I, 222).

On dit que la caille « bannit » le prix du blé ; autant de fois elle répète son chant, autant de fois le blé vaudra de pièces de cent sous. L'année le blé monta jusqu'à 45 fr., me disait une bonne femme, la caille chantait neuf fois (S. -G.).

LE CANARD SAUVAGE (Anes boschus, L.)

Nom patois Morette (S.-C).

(i) Gros grain : elles chantent davantage à ce moment que quand il y a du blé noir.

DE LA HAUTE-BRETAGNE I57

La Cane de Montfort

Le canard sauvage ne joue, à ma connaissance du moins, aucun rôle dans les superstitions; mais il figure dans une des légendes les plus populaires de la Haute-Bretagne, celle de la Cane de Mont- fort.

Montfort fut surnomme Montfort-la-Cane jus- qu'en 1790. Officiellement, la ville s'appelle Montfort-sur-Meu ; mais beaucoup de personnes disent encore Montfort-la-Cane. Chateaubriand donne une version du miracle de la cane, auquel la ville doit, dit-on, son nom: « Certain seigneur avait renfermé une jeune fille d'une grande beauté dans son château de Montfort. A travers une lu- carne, elle apercevait l'église Saint-Nicolas; elle pria le saint avec des yeux pleins de larmes, et elle fut miraculeusement transportée hors du château. Mais elle tomba entre les mains des serviteurs du félon, qui voulurent en user comme ils supposaient qu'aurait fait leur maître. La pauvre fille éperdue, regardant de tous côtés pour chercher du secours, n'aperçut que des canes sauvages sur l'étang du château.

« Renouvelant sa prière à saint Nicolas, elle le supplia de permettre à ces animaux d'être témoins de son innocence, afin que, si elle devait perdre la vie sans pouvoir accomphr son vœu à Saint-

158 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Nicolas, les oiseaux le remplissent eux-mêmes à leur façon, en son nom et pour sa personne. Par la permission divine, elle échappa des mains des soldats sans aucune offense, mais elle mourut dans l'année. Or, voici qu'à la fête de la trans- lation des reliques de saint Nicolas, le 9 de mai, une cane sauvage, accompagnée de ses petits canetons, vint à l'église de Saint-Nicolas. Elle y entra et voltigea devant l'image du bienheureux, pour l'applaudir par le battement de ses ailes, après quoi elle retourna à l'étang, ayant laissé un de ses petits en offrande. Quelque temps après, le caneton s'en retourna sans qu'on s'en aperçût.

« Pendant trois cents ans, et plus, la cane, tou- jours la même cane, est revenue à jour fixe, avec sa couvée, dans l'église du grand saint Nicolas de Montfort, sans qu'on ait jamais pu savoir ce qu'elle devenait le reste de l'année. »

(Mémoires d'OuIrc-Toinhc.")

Cf. aussi Oresve, Histoire de Moniforl. Mor.tfort, 1858.

Dans la jeunesse de Chateaubriand, on chantait une chanson dont il cite quelques vers. Elle a été recueillie par le docteur Roulin, et figure à la page 13 des Inslriictions relatives aux poésies populaires de la France. Celle que j'ai recueillie est très-différente de celle du docteur Roulin :

DE LA HAUTE-BRETAGNE 159

LA FILLE DU PAYS DU MAINE

C'est une fille du pais (pays) du Maine : Voilà les soldats qui l'emmènent. Sa mère était à la coiffer ; Elle ne fut pas plutôt coiffée Que les soldats l'ont emmenée.

Le père s'en va les poursuivant.

Soldats, rendez-moi va ma fille ; Je vais vous compter cinq cents livres.

Non, ta fille tu n'auras pas, Les compterais-tu mille fois ; J'I'ons promise à not' capitaine; Il faut donc qu'on la lui mène.

Quand l'capitaine la vit venir, De rire ne pouvait se tenir.

Est-ce ici donc la jolie fille

Qj-ie mes soldats m'ont tant promise?

Tenez, capitaine, la voilà ; Faites-en ce qu'il vous plaira.

Portez-va la dedans ma chambre ; Ce soir nous parlerons ensemble.

A toute marche que la belle montait. Son petit cœur il soupirait.

Est-ce ici la maudite chambre il faut que mon Dieu j'offense?

l60 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Ton Dieu tu n'oflFenseras pas ; Not' capitaine est un brave homme ; Il ne fait de peine à personne.

Quand elle fut seule dans ce lieu, Elle se mit à prier Dieu, A prier Dieu et Notre-Dame, Ah ! que de fille elle devînt cane. La belle elle a tant prié Dieu Qu3 sa prière a eu aveu : S'est envolée par une grille Dans un étang plein de lentilles.

Le capitaine dit aux soldats :

Allons voir si elle est là-bas !

On lui tira cinq cents coups d'armes : N'ont jamais pu tuer la cane. Le capitaine dit dans le lieu :

Si j'avais su ma mie si sage, Je l'aurais prise en mariage.

(Chantée en 1880 au château de la Saudraie par Joseph André, de Trébry.)

LE CANIARD (Stercorarius, Brisson)

Nom patois Caniâs (M).

DE LA HAUTH-BRETAGXE l6l

Proverbes

Estoma' d'caniâs (M.).

Manger comme un caniâ (M.).

Le caniard est à juste titre renommé pour sa voracité et la capacité de son estomac.

Croyance.

Le caniâ coasse (poursuit) les mauves pour manger leur fiente (S.-C).

LE CHARDONNERET (Fringilla carduelis)

Noms patois

Cherdotinetle, chardonnette (M.) ; cherdomwet (E.) ; chierdonnet (P.) ; echerdomielte (M.) ; chardon- nadorè (Tréveueuc).

Formule tic

Le chardonneret dit :

Mélie,

Quiou ! quiou ! (S.-C).

Conte

Dans un conte populaire, 2^ série, xliv, L'instruction et le Jugement, il est question d'une fée qui a été changée en chardonneret.

II II

l62 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LE CHAT-HUANT (Strix otus, L.)

Natns patois Chouhan, chouan (M., E., S.-D.).

Proverbe

r sont environ li comme la pie après le chouhan. C'est peut-être à cause de son mauvais cœur que l'on dit cela.

Cf. le Rouge-Gorge.

Formulettes

Le chat-huant dit à la chouette ; Coucherai-je avec vous ?

Elle répond :

Je le souhaite, je le souhaite, je le souhaite (S.-C). Cf. le Petit-Duc.

Veux-tu que j'irais coucher o ta ? Oui, oui, oui (P.).

Parfois la chouette lui répond : Mais ouah, mais ouah.

Après elle change ; elle dit :

Qu'éoui, qu'éoui. Après cela, je ne sais s'il y va.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 163

Ou encore elle dit aux gens en hiver :

Coucherai-je o (avec) vous ? {bis)

Ah ! haie, coucherai-je 0 vous, vous, vous? (P.)

Croyances et Présages

Les chouans sont des oiseaux de mauvais augure; leur cri répété annonce la mort.

Ronsard constatait cette croyance : « Les chouans annonceurs de mauvaises nouvelles ». Même superstition en Basse-Bretagne, le chat-huant est surnommé hucheur de nuit (cf. Dulaurens de la Barre, Veillées de l'Armor., p. 20 et suiv.).

On les cloue à la porte des granges pour dé- tourner les maléfices.

Cf. Rolland, t. II, p. 43.

Le chant du chat-huant annonce le froid. Il en est de même de celui de la chouette (Plédran).

Chouan est synonyme de blanc ou légitimiste. Dans riUe-et-Vilaine, pour désigner un légitimiste, on dit parfois qu'il « a de la plume aux pattes ». En 1877, je faisais partie d'un bureau électoral, et un paysan, après avoir voté, me demanda s'il y avait « beaucoup de plume dans l'urne », voulant par désigner les bulletins du candidat réactionnaire.

On appelle aussi chouan un homme sournois (S.-D.).

164 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Facétie de marin. ConU

Il y avait à la houle de Chêlin un chat-huant qui criait : Houhou !

Un capitaine qui passait auprès avec son navire crut qu'on lui demandait il allait.

A Bréhat, répondit-il.

Houhou ! répéta le chat-huant.

Chargé de triques et de fagots pour le gou- vernement.

Houhou !

Abrc au trou ? (Je ne sais ce que cette ligne veut dire ; mon narrateur ne le savait pas davantage.)

(Conté par F. Marquer, de Saint-Cast.)

Dans L'enfant qui va chercher des remèdes, 2^ sé- rie, no XXXIV, l'herbe qu'il s'agit de conquérir est gardée par un chat-huant.

LE CHEVALIER CU-BLANC (Totanus ochropus, Temminck)

Nom patois. Pronostic

Cu-Uanc (S.-C.).

Quand les cu-blancs rasent la terre, c'est signe de vent.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 165

LA CHOUETTE (Strix ulula, Leach)

Dicton. Pronostics

Malin comme une chouette.

Quand les chouettes chantent le soir, c'est signe de beau temps (E.). Si la chouette chante, c'est qu'elle a. fret es pieds (P.)-

Superstitions

Quand les chouettes viennent sur les cheminées, elles disent :

Coudre I coudre 1

indiquant que c'est pour coudre l'homme dans son linceul. A chaque fois qu'il y a une personne malade, elles vont sur la cheminée (S.-C).

Superstitions analogues en Normandie, dans le Limousin, etc. (cf. Rolland, t. II, p. 47-48).

« Dans les campagnes aux environs de Cha- teaubriand, on croit que les vieilles filles sont chan- gées en chouettes après leur mort. Un soir, un paysan qui s'en revenait d'une partie de grillons (cretons) entend une chouette qui s'envole à tire- d'ailes. Je parie que c'est Tiennette qui perchait là, s'écrie-t-il. Je lui avais toujours dit : « Tiennette, marie-toi; marie-toi donc, ma Tien- « nette. » Si elle m'avait cru pendant qu'elle

/'

l66 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

vivait, elle ne serait pas toutes les nuits à chouette.r dans le brou des vieilles troènes. »

(Histoire et légendes de Châteauhriand, p. 37-38.)

Dans les Vosges, on dit que les filles qui arrivent à trente ou

quarante ans sans être mariées vont crier la chouette (cf. Mcl.,

col. 4i4).

CORBEAUX ET CORNEILLES (Corvus, L.) Noms patois

Corbiaou (Tréveneuc) ; corhin (S.-C), ce mot vieillit; cônilU (M., E.) ; coniilh (S.-D., P.).

On appelle morelh ou cornllU morelU (P.) une espèce de gros corbeau qui vit isolé et qui pour- suit les corbeaux qui vont par bandes. Ceux-ci n'osent pas l'attendre et s'enfuient (S.-D.).

Proverbe

N'y a point d'cônille qui ne trouve ses cô- nillons biaux (M.).

Superstitions. ■^— Langage

Si les corneilles parvolent (volent çà et par groupes), c'est qu'elles demandent de la pluie.

Cf. Rolland, t. II, p. no (Franche-Comté, Gironde, etc.).

Quand un seul corbeau vient dans un champ se trouvent des corneilles, elles s'enfuient, car elles ont peur de lui (Hénon, près Moncon- tour).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 167

Quand les corbeaux restent longtemps à chan- ter dans un endroit, qu'ils picotent autour de la maison, c'est signe que quelqu'un mourra dans les environs (S.-C, E.). Ils crient : Tagar ! tagar !

On dit que les corneilles, quand elles sont dans le voisinage d'un malade, disent :

J't'areu, j't'areu (je t'aurai). J't'attends. Couac ! bougre ! bougre I

Si quelqu'un est mort, elles disent : Est-i ben gros î I n'a qu'Li piau Et les rouchiaux (E.). est gras ?

Les pies répondent :

N'y a que du sieu (suif).

Quand elles font entendre une sorte de grin- cement, on dit « qu'elles scient des châsses » (bières).

Quand elles sont à grabaler l'avoine, l'une dil : Que c'est gras ! que c'est gras !

Pas là, répond une autre.

Mais sia ! (oui)

disent les autres (P.).

l68 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

On trie aux corneilles dans les champs : Cônille pigaloue, Le feu est sous ta quoue. Vaci (voici) Guimolet, Do son pistolet. Cônille pécaloue, Fourre-li l'feu sous la quoue.

Dans les environs de Brest, on dit aux corbeaux

pour les chasser :

Corbeau, corbeau,

Le feu est d.ins ta maison.

Cf. dans Rolland, t. II, p. H3-115, plusieurs formulettes qui diffèrent de celles-ci.

A Landébia, canton de Plancoët, existe la croyance que les corbeaux ne grattent jamais ni ne mangent les blés de Landébia, tandis qu'ils ra- vagent ceux des communes voisines. Cela tient, disent les gens du pays, à ce que jamais les veuves de Landébia ne se remarient. Et ils content à ce sujet la légende d'une veuve à qui il arriva malheur pour avoir voulu convoler à de secondes noces.

Il y avait une fois un galant qui était trop petit pour embrasser une fille. Une corneille qui passait lui cria : « Camber-la ! » (courbe-la), ce que fit le galant (P.).

Le corbeau dans les contes Dans un conte inédit de ma collection, le roi

DE LA HAUTE-BRETAGNE 169

des corbeaux, pour rticompenser le héros d'un service rendu, lui donne une plume de son aile, et il vient A son secours quand il en a besoin.

Mme de Cerny a recueilli à Saint-Suliac une légende dans laquelle Satan, pour tourmenter les habitants du village bâti dans la forêt de Scicey, autour du tombeau de saint Colomban, leur envoya des corbeaux. J'ai reproduit cette légende en l'abrégeant, t. I, p. 363-365 du présent ou- vrage.

LE CORMORAN (Carbo cormoranus, Meyer)

Superstition

" Le cormoran est un oiseau de mauvais présage ; certains pêcheurs disent :

Quand on les voit sur les rochers, La marée est manquée.

Plusieurs rochers sur les côtes de la Manche se nomment la Cormorânière.

LE COUCOU (CucuLvs canorus, L.)

Nom patois

Cocu (P.), rarement employé. Surnom : le pa- rent (S.-C).

170 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Proverbes et Dictons

Maigue (maigre) comme un coucou.

Cf. Rolland, t. II, p. 8S.

C'est un bric-à-brac à faire descendre les cou- cous des chênes (M.). C'est une invention inutile.

On dit d'une personne qui a les yeux rouges et malades, qu'elle a les yeux rouges comme un coucou (S.-C).

«

Croyances. Superstitions. Forinulettes

La gomme que distillent certains arbres se se nomme merde de coucou (M.).

Même nom en Poitou (cf. Desaivre, Croy., p. 27).

L'époque arrive le coucou se nomme cahée (pluie de peu de durée) du coucou (S.-D.). On lui dit :

Coucou, coucou. Ramène le temps doux. (Recueilli en Bretagne par M. E. Rolland.)

Quand on l'entend, c'est signe qu'on est tiré d'hiver (P.).

A l'arrivée du coucou, on dit : Le coucou est venu; qu'est-ce qui' dit ? Ah ! i' n'a ren appris de nouviau (P.).

A l'époque des foins, on lui dit : Méfie-toi de ma faux,

Coucou ; Je te coupe le cou.

DE LA HAUTE-BRETAGNE I7I

Ou:

Va-t'en aller, coucou, Ou gare ma f;iux; je te coupe le cou (S.-C).

Quand le coucou étend ses ailes, on lui crie :

José, Mets tes voiles au se (sec).

Le ramier et le coucou parlent ensemble (E.). Le coucou dit :

Coucou, coucou, Quat' coucou (P.)- Ou:

Cocu, cocu, Quat' cocu (P.).

Coupe tout ! coupe tout ! Sac et tout (Le Gouray).

Quand le coucou est prêt à partir, on dit :

A la Saint- Jean, Cocu, va-t'en.

Il répond :

Donnez-ma encore cin' jou's d'aller ; A la Saint-Pierre je m'en irai (P.).

Si, la première fois qu'on entend le coucou chanter, on est à jeun, on mourra de faim dans l'année (S.-C); quand on l'entend avant de déjeûner, on ne mange pas de caillihotcs (caille- botes) de l'année (P.). Si, la première fois qu'on

Î72 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

l'entend, on est à faire ses besoins, on aura pendant toute l'année un dérangement de corps

(S.-C).

Quand on entend chanter le coucou pour la première fois, on regarde combien on a d'argent dans sa poche, car on dit qu'on aura toute l'année autant d'argent qu'on en a sur soi ce jour- (M., E., etc.).

Si l'on n'a pas de monnaie dans sa poche, on est gueux toute l'année (S.-C).

Croyance analogue dans les Vosges (cf. Mél., col. 452), en Poitou (cf. Desaivre, Myth. locale, p. 11), et un peu partout (cf. Rolland, t. II, p. 92).

Lorsque les pêcheurs partent le matin pour la pêche et qu'ils entendent chanter le coucou avant qu'ils n'aient déjeuné, ils disent :

Nous pouvons nous en aller.

Car nous somm' bien faînes (ensorcelés) ;

Nous avons ouï l'parent chanter.

Et nous n'avons pas déjeuné (S.-C).

La première fois que le coucou vint en Bretagne, il fit son nid comme les autres oiseaux ; puis, tout joyeux, il alla se promener dans une prairie. Une charretée de foin lui passa sur le corps et lui cassa les reins : c'est pour cela qu'il a le derrière cassé et qu'il vole lourdement. Depuis ce moment, il s'en va quand les foins sont mûrs (M.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE IJJ

A Ercé, on dit en proverbe : «< Les coucous n'aiment point entendre battre les faux. »

Ou bien : « Le coucou n'est pas heureux ; n'ûu va batt'e les faux ; ça leus agace les dents ; les coucous vont s'en aller » (E.).

Quand le coucou entend les faux qu'on aiguise, il s'en va, de peur d'être sané (châtré) par les fiiucheurs (environs de Bécherel).

Le coucou a peur des faux, et il s'en va parce que jadis il a été blessé d'un coup de faux (S.-C).

Cf. sur le départ du coucou une légende assez semblable à la première dans la Mylh. locale de L. Desaivrc, p. lo.

Facétie

Deux marchands qui allaient à Rennes, enten- dirent le coucou chanter :

Le coucou chante pour ta, dit l'un à son compagnon.

Non fait, 'est pour ta, répondit l'autre.

Si fait, 'est pour ta.

Nonna, 'est pour ta.

Ils continuèrent à se disputer, et quand ils furent arrivés à Rennes, ils allèrent chez un avocat auquel ils demandèrent de les mettre d'accord. Quand ils eurent expliqué leur affaire, l'avocat leur dit :

Ce n'était point pour vous que le coucou chantait ; c'était pour moi.

174 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Ah ! nous en sommes bien aises. Combien est-ce pour votre consultation ?

C'est six francs, répondit l'avocat, pour qui le coucou avait chanté (E.).

Dans plusieurs des facéties les Jaguens sont mis en scène, il est question du coucou.

L'ÉPERVIER (AcciriTER nisus, Pallas)

Noms patois

Éprévier, espervier, èpurvier, épruvier (E.); es- pervelier (Tréveneuc, cf. le breton sparfeT); espri- vier (P.) ; fatix-iiioucbet (Trigavou).

Superstitions

De même que tous les oiseaux de proie, les épen,ders sentent la poudre (E.).

En Périgordeten Limousin (Rolland, t. II, p. Ji6), cii Poitou (cf. Souche, Croy., p. 30), c'est le corbeau.

Ils disent aux petits oiseaux :

Sauvez-vous, petits oiseaux, Ou je vous mange tous en fricot.

Plus un épervier est haut dans les airs, mieux il voit les petits oiseaux qui sont sur la terre (S.-C). Il leur dit :

Sauvez-vous vous voudrez ; Plus je serai haut, mieux je vous verrai (S.-C).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 175

Les éperviers battent des ailes pour endormir les oiseaux (P.).

L'ÉTOURNEAU (Sturnus vulgaris, L.)

Noms patois Etouriiiati (M., E.); êtournien (S.-D.).

Proverbe. Pronostic

C'est la grand' bande qui rend les étour- niaux maigres.

Cf. Lespy, p. 108, Prov. 6.

Quand les étourneaux sont en bande, c'est signe que l'hiver sera rude; on dit qu'ils se réunissent pour ramasser des provisions (E.).

LA FAUVETTE (Motacilla orphea)

Dans un de mes contes, Point du jour, 2^ série, no xxxviii, le héros sauve les petits d'une fau- vette qui, en récompense, lui donne une plume de son aile, et vient à son secours quand il en a besoin.

LE GEAI (GARRUtus olandarius, Vieillot)

Noms patois Jaye (M.) ; jat-ye (Tréveneuc) ; jo (Plouër).

lyô TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Proverbes

Ebouriffé comme un jaye en colère (M.).

Mo et to,

La téet' (tête) d'un jo (Plouër).

Fait comme un geai marri.

Il a l'air d'un geai en colère.

En voilà un beau jaye !

Cf. Rolland, t. II, p. 145 (pa3'S messin).

Dans les mariages de mai, La pie bat le geai (E.).

Croyances

Les geais qui font leurs nids dans les chênes ne s'apprivoisent pas, parce qu'ils tombent du mal caduc (sorte d'épilepsie) (S.-C).

A Matignon, on dit la même chose des geais du mois de mai : « qui cheycnt du mal cadu' ».

Langage des geais

Quand on déniche leurs petits, les geais miau- lent comme des chats (M., P.).

Au mois de mai, les geais disent : On traîne de la rame !

Les autres qui sont par derrière : Ahaïte ! aliaïtc ! (dépêche-toi).

DE LA HAUTE- BRETAGNE I77

D'autres en grinçant rcpctent : Maracan ! maracan 1

Quand les geais se marient, ils disent :

r n'pleurera pus demain, Parce qu'il est cor ché (tombé) ent' nos mains (E.).

On dit encore qu'ils crient :

Ma' (mal) aux reins I Ma' aux reins I

Ou Ou

Jacques, Jacques (P.)-

Appuie, Jacques, appuie, Jacques, J'ai ma' aux reins.

L'autre répond :

Tu plains toujours. Tu plains toujours.

Lorsque les geais vont demander une femelle en mariage, ils se rassemblent au nombre de sept à huit. La femelle passe devant tous les mâles et se met à voler en criant :

Qui m'attrapera m'aura 1

Aussitôt tous les geais prennent leur volée; celui qui tient la tète dit : De rang en rang.

Celui qui vient après :

Les plus délibérés vont devant.

n 12

178 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Celui qui vient le dernier de tous crie : Vieille bougresse ! (bis)

Le geai qui le précède dit :

Ce n'est pas de tant pis.

C'est celui qui attrape la femelle qui se marie avec elle (S.-C.)-

Quand les geais s'en vont par bandes, ils font du bruit en se rassemblant ; puis ils se mettent sur deux files, les jeunes en tête, les adultes au milieu et les vieux à la queue.

Les jeunes disent :

Va qui peut I Va qui peut 1

Les adultes :

Ran' à ran' I (rang à rang). Ran' à ran' 1

Les vieux :

Pitié d'ia vieillesse I

Pitié d'ia vieillesse ! (Hénon, près Moncontour.)

Le premier dit :

J'ai ma' aux reins I J'ai ma' aux reins 1

Le deuxième :

Tu plains toujours 1 Tu plains toujours I

DE LA HAUTE-BRETAGNE I79

Le premier reprend :

J'ai biau plaindre,

Ren ne me plaint (P.).

Q.uand les geais voient des demoiselles, ils leur disent :

Garce, salope, ordouse, Tacré couyon, couyon (P.).

Lorsque les geais sont à manger les pois, un des leurs, perché sur un arbre, est en sentinelle, et il dit aux autres :

Jacquot, écoutez-les.

Ils lui répondent, en les becquetant : Ils repousseront (S.-C).

Selon les paysans, ces oiseaux, qui ont la réputation d'être sorciers, imitent tous les cris des animaux : ils aboient comme les chiens, bêlent comme les moutons, miaulent comme les chats, etc. Ils savent aussi contrefaire les bruits de divers métiers.

Par exemple, comme les tessiers (tisserands) :

Trie trac de olu, Trie trac de olu. Tire les vênes de mon eu.

Comme les scieurs de long :

Hire o zigne, Hire o zigne, etc.

t8o traditions et superstitions

Ils parlent comme les conducteurs de chevaux et les toucheurs de bœufs quand ils commandent pour faire la charrue recommencer un nouveau sillon (P.).

Guia, gris, Tire-là, debout à la latte. Tire la barre 1 Gouch' i' !

Rue ha lia, gai, gai, Sait gai, tire à té. Déboute à té. Hai' ho', biar {bis), Guia gar (bis). Déboutez la latte (bis).

Celui qui dans leur attelage tient la queue de la charrue crie :

Sacré charretier de merde.

On dit alors qu'ils sont à guéretter ; c'est quand ils volent çà et dans les champs (P.).

Il y avait une fois une jument aveugle qui pâturait dans les champs sur le bord d'un fossé profond ; un geai la vit et se mit à crier :

Sue, biard ! sue ! Sue, biard ! suc 1

La jument, croyant qu'on lui commandait de reculer, s'en allait à reculons; elle finit par arriver

DE LA HAUTE-BRETAGNE l8l

au bord du fossé, elle tomba et se tua. Qiiand le geai la vit morte, il s'écria : T'a la bonne heure. (Conté en 1881 par Am.-iteur AuJct, de Saint-GIen.)

LE GOELAND (Larus canus, L. ; Larus marinus, L.)

Formnieite

Goéland, Va-t'en aux bruments (hannetons). Si tu n'y vas pas, Je te couperai ton sang (S.-C).

Au Croisic, d'après Cambry cité par Rolland, t. II, p. 387, jadis les filles et les femmes récitaient aux goélands la formulette suivante :

Goélands, goélands, Ramenez-nous nos maris, nos amants.

LE GREBE (Podiceps cristatus, Lathani)

On appelle les grèbes voleurs de coups de fusil ou sacs à plomb (M.).

LE GRIMPEREAU (Certhia famiuaris, L.)

Noms patois. Pronostic. Langage Grippe-chêne, mesurons de fetives (E.) ; raclous

l82 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

d'feuves (M..); monte en bouée (S.-D.); rocenhois (vers Bécherel).

Quand les grippe-chêne picotent et font du bruit, c'est signe de pluie.

Ils disent :

Greu ! greu ! greu ! (gros) (E.).

LA GRIVE (TuRDUs musicus, L.)

Noms patois. Proverbes

Trâ (cf. drask, bret. de Belle-Ile-en-Mer) ; trée (Tréveneuc, P., E.).

Malin comme une grive.

Saoul comme une grive.

Cf. Rolland, t. II, p. 235 ; Desaivre, Croy., p. 26.

Gras comme une trce (P.).

Langage de la trâs ou grive Oliulio ! houpe aïe !

Si la trée est perchée en haut d'un arbre, c'est signe de beau temps; si elle est au milieu, signe de mauvais temps (P.). La trée dit :

Coupe du bois, Tu te rôtiras, Gros comme ma cuisse, Cuisse, cuisse (P.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 185

Coupe du bois. Tu t'rôtiras, Chauftc ton eu après cela.

Elle dit aussi :

Cu rôti, eu rôti, Tu l'rôtiras cor, Tu verras pire, pire, De pire en pire. Pire, pire (P.)-

L'HIRONDELLE (Hirundo, L.)

Nom patois

Hérondelle (M.).

Formulettes

Quand j'étais chez mon père. Il me logeait dans sa guérite. Guérite.

Et elle s'envole en répétant :

Guérite, guérite (P.).

EUe dit :

Chez nous on n'se chauffe que de gros bois. Gros comme ma cuisse, cuisse, cuisse.

Elle ècouàbouil (écrase) les mouches, puis elle appelle ses petits. On prétend qu'elle dit :

Je les écouabouis. Je les tue, je les cuis. Petits, petits (P.).

l84 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS Croyances et Superstitions

L'hirondelle est la chance des maisons.

Cf. Souche (Poitou), Cro^:, p. 27 ; Laisuel de Li Salle (Berry), t. II, p. 263.

On emploie pour le mal d'yeux la pierre d'hirondelle : c'est une pierre que les hirondelles vont chercher quand leurs petits ont mal aux yeux. On défait leur nid pour la trouver.

Cf. sur les pierres d'hirondelle, Rolland, t. II, p. 317-318; A. Bosquet, p. 217.

Quand les hirondelles volent en rasant la terre, c'est signe de pluie.

Cf. Souche (Poitou), Croy., p. 4.

La fiente des hirondelles, si elle tombe sur les yeux, fait perdre la vue.

Cette croyance existait un peu partout à la fin du XVI« siCcle (cf. Rolland, Mamin. sauvagis, p. 7).

Les hirondelles arrivent toujours avant le vendredi saint, pour assister à la passion.

Cf. dans Rolland t. II, p. 320, une légende saintongeoise l'hirondelle passe pour avoir essayé d'arracher les épines sur I.1 tête de Jésus-Christ.

LA HUPPE (Upupà epops, L.)

Nom patois. Dicton Houpe (P.).

DE LA HAUTE-BRETAGKE l8>

C'est une huppe : c'est une personne mal- propre (E.).

Huppe est synonyme de femme de mauvaise vie.

Superstition. Langage. Conte La huppe trouve toujours moyen de déboucher son trou (E.). En d'autres pays, c'est le pivert qui a ce privilège. Elle répète :

Mon nid pute ! (bis) Mon nid pute, pute ! (D.)

C'est sans doute à cause de son chant qu'en nombre de paj'S on la nomme putjrnt ou pupuli (cf. Rolland, t. II, p. 99 et 103).

La huppe est la compagne du pivert. Le pi- vert et la huppe avaient résolu de quitter leur pays natal pour aller à l'étranger; mais il leur fallait traverser la mer. Quand ils furent rendus à mi-chemin, le pivert, qui était lassé, s'endor- mait, et la huppe, pour empêcher son compagnon de tomber à l'eau, lui criait : « Houpe ! houpe ! » Il se réveillait et prenait un peu de courage. A force de le ranimer ainsi, la huppe lui fit faire la traversée sans encombre. Le pivert, qui savait le service que sa compagne lui avait rendu, voulut lui montrer aussi sa reconnaissance, et il se mit à percer dans les arbres des trous pour servir d'abri au nid de la huppe. C'est depuis cette époque seulement que les piverts creusent les arbres.

(Conté en 1881 par J. M. Comault, du Gouray.)

l86 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LA LINOTTE (Fringilla camnibina)

Noms patois. Langage

Linot, masc. (M.) ; linro (Trigavou). Autrefois on sonnait la messe avec de toutes petites clochettes ; la linotte veut ramener cette mode qui a disparu, et elle dit : Tein ! tan ! Tein ! tau ! (P.)

LA LAVANDIÈRE (Motacilla, L.)

Formiilettc. Langage

Lavandière, ma jolie lavandière. Va me chercher un poisson dans la rivière ;

Quand tu arriveras,

Tu auras des pois ;

Si tu n'y vas pas, Je t'assommerai avec un fusil de bois (S.-C).

Elle dit :

Fourre ton nez dans mon drère. Flau, flau ! je m'fous de té, té.

Puis, en frétillant de la queue, elle répète : Flau ! nau ! (P.)

LE LORIOT (Oriolus galbula, L.) Noms patois Lorieux; doucloariou (E.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 187

Cro)'aiice. Langage

Le loriot dit :

Tu déniges mon nid ; Tu seras pendu.

II arrive presque toujours quelque chose à ceux qui dénichent les loriots (E.).

Mettez les viaux dehau (dehors),

Fermez la hachette.

Mettez les viaux dehau,

Je les garderai du loup.

Cf. une forraulette analogue en Berty (Laisncl, t. I, 223). Ea ce pays, le loriot est appelé garde-veaux.

Le traquenard, sorte de loriot, chante : Fils de garce ! (bis)

LE MARTINET (Cypselus apus, IlHger)

Nom patois. Croyances

Oiseau Saint-Martin (E.).

On laisse, pour qu'il puisse se reposer, le plus beau brin de chanvre (E.) (cf. le mot Chanvre).

Si les martinets volent bas, c'est signe de pluie ; s'ils volent haut, signe de beau temps (E.).

LE MARTIN-PÊCHEUR (Alcf.do hispida, L.)

Noms patois. Croyance Paissonnier (E.); coq saint Martin (G. g.). Les

l88 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

martins - pêcheurs sont aussi appelés mesurous d'feuves.

La nuit, leur tête éclaire presque comme les feux follets ou éclairons (E.). Ils jurent (E.).

LE MAUVIS (Tlrdus ilucus, L.)

Noms patois. Langage

Maovis (P.). Une petite espèce se nomme lus- tugai (M.).

Les mauvis disent :

étais-tu, eu grillé ? Tu ne m'as pas appelé Dans le coin de ton fouyer. Queue bête ! (E.)

Jambes rôties, Cu kait (cuit) (E.).

Cuit ! cuit ! fit 1 fit ! Fait mon nid avec des couanes (crottin). Et des œufs Tout bleus. Tout pigassés (parsemés de taches), cinq ou six (P.).

On leur dit :

Mauvis, Va-t'en chercher des chenilles, Pour donner à tes petits; Si tu n'y vas pas. Ils crèveront de faim et n'deviendront pas gras. (S.-C).

DE LA HAUTE-BRETAGNE I89

LE MERLE (Turdus merlla, L.)

Noms patois

Mêle (M., E., S.-D.) ; melh (P.). La femelle se nomme itiêlesse ou merloche (E.).

Proverbes

Siffler comme un merle.

Le vilain merle !

Promettre un merle blanc.

Cf. Rolland, t. II, p. 249.

Tout mêle qui chante avant de déjeuner.

Est plumé avant qui set (soit) net (nuit) (S.-C).

Pronostics. Formulettes Quand les merles galopent le long des haies en criant, c'est signe de froid (E.). Quand le merle chante, c'est signe de pluie (S.-C). Si on déniche son nid, il crie au dénicheur : Couyon I couyon !

Au printemps, les merles disent :

11 y aura bien des maladies, Colérique (Jer). Faudra p'tit bois su' d'I'onguent gris. Pour les guéri', 'Lày est-i' bétel (E.)

r fait beau temps Pour le printemps, J'en suis sûr (P.).

190 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Le merle dit :

Dors-tu, Tantine, Le tonton Turlute.

Cu rôti, Tu n'en mangeras pas c't'hiver-ci (£.)• Cu 'ôti (bis). Tu 'ôtiras cor (P.)-

Au printemps, Lis disent :

J'étas su' la haie d'mon courti', Tu n'm'as pas pris (E.).

J'ai perdu ma femme Et cinq petits Tout petits (P.).

Ceux qui sont montés sur la maison disent :

Il pleut, il vente, il grêle Su' la maison aux mêles ; La mèlesse est dedans Et dit qu'i' fait biau temps. Le mêle est dessus; r dit qu'i' pleut p'us.

J'ai tiré d'hiver Ma femme et mes petits En filant des étoupes, toupes, toupes, toupes (P.)'

J'ai tiré cinq petits d'hiver

Et la mère aussi, Tous en fils, fils, fils (P.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE I91

Quand la merlesse n'agit pas au grc du merle, il lui dit :

Godiche ! bougresse !

Faut filer brin et téture,

Tout ça pour nos p'tits enfants.

r y a mérite,

Brin têturé {bis) (P.).

Quand il y a des fruits, le merle chante, et il dit:

Ma petite fille aime bien tous les fruits, Surtout les figue' et les badies (cerises) (S.-C).

Il est souvent parlé du merle dans les Contes po- pulaires ; c'est lui qui, sous le nom de merle blanc, du « zoizeau merle blanc », du merle d'or (cf. Le petit roi Jeannot, fe série, 1; Le Merle d'or, dans Litt. orale, p. 56), est gardé par des lions ou des géants, et dont le héros doit s'emparer après avoir surmonté plusieurs obsta- cles. J'ai nombre de variantes de ce thème.

Dans Le Merle et le Renard, l'e série, no ux, le merle se venge du renard et joue un rôle fa- cétieux.

LA MÉSANGE (Parls, L.) Noms patois

Mésille (E.) ; tnédrangc (M.) ; merdrange (G. g.) ; chéri hibi (Ille-et-Vilaine). La mésange noire se

192 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

nomme hrunetle (M.) ; la mésange à longue queue (J)arus caudatiis, L.); queue de pêlette (poêlon).

Formulettes

En courant après les mouches, les mésanges dialoguent ainsi :

La tueras-tu ? (qualer et très-vite)

Olle est étètée.

Dans l'hiver, les mésanges, qui sont des oiseaux très-rusés, vont auprès des ruches, et il y en a une qui frappe à la porte avec son bec pour tâcher d'attirer dehors une abeille. Près de se tient sur un arbre une autre mésange qui chante : La tiens-tu ? la tiens-tu ?

L'autre répond :

Elle est étctée.

Et ce dialogue se poursuit longtemps (E.). Si la mésange voit pisser quelqu'un, elle lui

crie :

Cuttc (cache) ta bibite (bis) Ou je vas l'ététer (P.).

Elles disent aussi :

Virginie, Toupie (E.).

Tirez vite ! Tirez vite !

DE LA HAUTE-BRETAGNE I95

Qjaand elles aiguisent leur bec, elles disent :

Petit nu, petit nu. Tétinus ! tétinus 1 Cf. Rolland, t. II, p. 305.

LE MOINEAU (Passer domesticus, Brisson)

Noms patois. Proverbe

Pigri (M.) ; pêche, pilleri (environs de Rennes) ; fiéri, fiyeri (Tréveneuc).

Pillard comme un moineau.

Langage du moineau

Mettez l'pain dans l'four, Parce qu'i va ferdi', ferdi', ferdi' (froidir) (E.).

Le bois est gros comme des colonnes dans ce pays-ci ; Chez nous il n'est pas plus gros que le bout de mon bec

[(S.-C). Ramassez votre ble.

Ou bien je vas le manger (S.-C).

LE MOUCHET (Accentor modularis, Bechstein)

Noms patois. Langage

Pêche de hd (haie) ; à Nantes, paisse de haie et moineau de haie.

Quand la pêche de vole haut, elle dit :

Ouvrez-moi la porte du ciel ; Je ne pécherai p'us.

Il 13 .

194 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Quand elle est redescendue, elle dit :

Bougre, que j'étas haut 1 Cf. VAlouettt.

LA MOUETTE (Larus ridibundus)

Nom patois Maoufe (Tréveneuc); viauve, maôve (S.-C).

Croyances, Fornnilettes

Si on entend les mauves crier : « Caré, carc, caré », on peut caretter les lignes, c'est-à-dire les replier; on ne prend pas grand 'chose.

Quand une mauve a un brin de lançon, les autres lui crient :

Goulue, goulue, goulue.

Quand on voit un équéré (hirondelle de mer),

on dit :

C'est un équéré, Prends ta ligne et va au macré (maquereau) ;

'Est une mauve. Serre ta fouée et te chauffe.

Quand une mauve bat des ailes au-dessus d'une maison, c'est signe de vent.

Lorsqu'elle vient sur la terre picoter les vers, c'est signe de pluie ou de froid.

Quand une mauve voit un bateau, elle va

DE LA HAUTE-BRETAGNE I95

auprès ; elle chante, et on assure qu'elle dit aux matelots :

Je suis venue près de vous Pour vous annoncer une nouvelle; Posez, virez, tournez vot' chique de bord : Je vous donne deux minutes.

Et après les deux minutes, elle dit :

Carettez vos lignes, matelots,

Vous n'prenrez pas d'maquereaux (S.-C).

L'ORFRAIE (Stryx flamme*, L.)

Xonis patois. Proverbe

Fer^d (M., E.); fer saie.

r s'ébrait (crie) comme eune ferzaie (P.)-

Superstitions

L'orfraie ou fresaie est un oiseau de mauvais augure. Si elle fait le chêne piqué au-dessus d'une maison, c'est-à-dire si elle vole les pattes en l'air, quelqu'un y mourra le jour ou le lendemain.

Superstition analogue en Poitou (cf. Souche, Croy., p. 9); en Normandie, Franche-Comté, etc. (cf. Rolland, t. II, p. 47 et suiv.).

Qiiand la fer^â vole les pattes en l'air, c'est signe de mort pour celui qui l'aperçoit (E.).

196 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LE PERROQ.UET (Pittacls)

Le perroquet est un oiseau exotique ; mais il est de longue date connu en Haute-Bretagne, il a été apporté par les marins. Voici un petit conte il figure :

Il y avait une fois un perroquet qui, étant ennuyé dans son pays, voulut voyager. Il prit à son service Jean le Merle, et tous les deux entreprirent de faire un tour de France. Che- min faisant, ils rencontrèrent un épervier. L'oiseau de proie se précipita sur le perro- quet comme pour le dévorer. Le perroquet se défendit quelque temps; mais comme l'épervier était plus fort que lui et lui avait déjà arraché quelques plumes, le perroquet prit son vol et arriva jusqu'à un bourg il trouva la porte de l'église ouverte. Il y entra, et il alla se placer derrière la tête de saint Pierre. Une bonne femme qui venait faire ses prières était agenouillée aux pieds de saint Pierre, lorsqu'elle entendit une voix qui disait :

Ah ! le fils de garce, qui me plumait pendant qu'il me tenait !

La bonne femme en fut saisie de frayeur ; elle alla chez le recteur et lui dit :

Comment ! monsieur le recteur, saint Pierre est damné : il jure.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 197

Vous radotez, répondit le recteur ; allons donc voir.

Tous les deux entrèrent à l'église et entendirent encore une voix qui criait :

Garce! putain! couyon, couyon I

En vérité ! dit le recteur. Restez ; je vais aller chercher de l'eau bénite.

Quand il fut arrivé auprès de saint Pierre, il se mit à lui jeter de l'eau bénite avec son aspergesme ; mais il le lançait tant avec force que le goupillon se brisa, et le pied alla frapper dans la tête à saint Pierre et la lui cassa. Le perroquet, qui était derrière, dit encore :

Crc fils d'ene garce, je se ti' tiré d'une belle ! Alors le recteur leva les yeux, et il vit le

perroquet qui s'enfuyait à tire d'aile en criant : Couyon 1 couyon ! (Conté en 1881 par J. M. Comault, du Gouray.)

LE PERROQUET DE MER (Alca arctica, L.)

Xom patois. Croyance. Fonnulette

Cordonnier, calculo, usité aussi dans le Finistère.

On lui dit :

Cordonnier,

Tu me fas (fais) chier.

On prétend que son bec est venimeux.

igS TRADITIONS tT SUPERSTITIONS

LE PETIT-DUC (Stryx scops, L.)

Langage du petit-duc

Il dit à sa femelle :

Coucher do (avec) ta ?

La femelle répond :

Ah ! que uenni (E.). Cf. la Chouette et le Chat-huant.

LE PÉTREL (Procbli.aria pelagiga, L.)

Croyance Le pétrel, qu'on appelle aussi l'oiseau sa tanique (cf. Oiseau du diable, Finistère), suit les navires en mer. A bord des longs courriers, on prétend que les pétrels sont les âmes des capitaines qui ont été méchants envers leur équipage et qui, pour leur punition, sont condamnés à errer. D'autres disent que ce sont les âmes des matelots morts en mer qui viennent implorer des prières.

D'après La Chasse illustrée, citée par Rolland, selon la croyance des marins, un pétrel est un matelot naufragé changé en oiseau, et le meurtre d'un pétrel rend impopulaire à bord d'un navire.

LA PIE (PiCA CALDATA, L.)

Noms patois Agace, cgace (M., E.) ; surnoms : niargo (S.-D.) ; karaga (Saint-Juvat). Les objets noirs et blancs

DE LA HAUTE-BRETAGNE I99

sont Appelés pigassês (M., E.) ; on nomme le piège à pie cdotoiière (E.).

Proverbes et Dictons

Fripon comme une pie.

Voleur comme une pie.

Les lavandières prétendent que les pies sont friandes de savon, et que si, quand elles s'absen- tent d'auprès de leur pierre, elles n'avaient soin de le cacher, les pies viendraient le leur voler (E., S.-C).

Conter (parler) comme une pie borgne (M.,E.).

Cf. Rolland, t. II, p. 135 ; Desaivre, Croy., p. 24.

En v'ia cor eun d'enterré ; les pies ne li ker- v'ront pas l's zieux (ne lui crèveront pas les yeux) (M.). C'est une plaisanterie que l'on fait parfois au retour d'un enterrement (M.).

r sont environ li (autour de lui) comme la pie après le chouan.

Devinettes

a) J'ai vu blanc, j'ai vu na (noir)

J'ai vu châ (tomber) dans mon geneta (genêts).

b) Qui est tout gare, tout noir, Et qui tombe dans mon blé noir ?

Une pie.

200 TRADITIOXS ET SUPERSTITIONS

c) Noir dans la (haie) Et blanc dans la (raie). Un merle et une pie.

Cf. Rolland, D. 71.

Formulette. Croyances et Superstitions

La pie chante :

Petit couyon, petit couyon. Cré petit couyon (P.).

Si les pies font leur nid dans le jardin d'une ferme il y a des filles à marier, il y en aura une qui se mariera dans l'année (S.-C).

Si on déniche les nids de pie, cela porte malheur aux gens de la maison, ou les bestiaux crèvent, parce que la pie maudit les dénicheurs. Il en est de même si l'on tue le père ou la mère avant que les petits soient grands (S.-C).

Si les pies font leurs nids à l'extrémité la plus élevée d'un arbre, c'est signe d'une année mouillée ; si au contraire ils sont placés bas, cela annonce de la sécheresse (P.).

« En Berrj-, quand l'année doit être orageuse, les pies construisent leurs nids dans les basses branches des arbres ; lorsque l'année doit être calme, elles nichent, au contraire, tout à fait au sommet. » (Laisnel de la Salle, t. II, p. 282.)

Si on suspend dans un grenier une pie tuée dans le décours d'août, on est préservé de la vermine (P.).

I

DE LA HAUTE -BRETAGNE 201

On pend les pies dans les champs pour chasser les corbeaux (E.).

Si en partant on voit une pie seule, c'est mauvais présage : il faut rebrousser chemin.

Voir une pie qui s'envole à gauche quand on va faire une visite, c'est signe qu'on sera mal reçu (E.).

Si une pie passe à droite, c'est signe de male- chance ; si elle passe à gauche, c'est signe de chance (S.-C).

Croyance analogue en Vendée (Desaivre, Myth. locale, p. 12).

Si une pie a la mine renfrognée, c'est signe qu'on aura prochainement du chagrin ; si elle a l'air joyeux et qu'elle chante, c'est signe de nouvelle agréable.

Si de bon matin on voit une pie, c'est signe qu'on aura une lettre (S.-C).

En Basse-Bretagne (cf. Perrin, Galerie oretonne, cité par Rolland, p. 140), les pies sont des oiseaux de mauvais augure.

A Saint-Cast, quand les petits enfants vont à l'école, ils tirent des augures de l'aspect des pies, pour savoir s'ils arriveront à l'heure. S'ils voient le blanc, ils se disent : « Nous serons à l'heure « ; s'ils voient le noir, ils disent : « Nous serons en retard ».

Une femme qui était jalouse de son nuirf consultait les pies pour savoir s'il la trahissait;

202 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

elle disait : « La pie m'a viré le noir; il est cor (encore) à voir les filles » (S.-C).

Cf. sur k pie consultée : Mélusiiie, col. 518.

Contes figure la pie

Il y avait une fois un petit pinson qui était perché sur une épine blanche, et qui s'exerçait à chanter ses plus beaux airs pour fêter le prin- temps. Il fut abordé par la pie, fière de son plumage noir et blanc; elle s'avança en lui disant d'un ton orgueilleux :

Apprends-moi une chanson, petit pinson,

Oh ! madame la pie, vous jasillei si bien que vous n'avez pas besoin d'apprendre à chanter.

La pie mal reçue s'en alla, et sur sa route elle tuait tous les petits oiseaux qu'elle rencontrait.

(Conté par François Marquer, de Saint-Cast, mousse, âgé de treize ans.)

Sur la lande du Mené, il y a des sillons tracés qui sont maintenant couverts de bruyères; chaque année les gens des pays voisins vont les tondre, pour les brûler pendant l'hiver. On dit que c'est une duchesse de Rohan qui avait fait défricher ces landes. Elle ne savait pas qu'on devait mourir, et le défrichement était bien avancé quand un jour elle vit sur la lande une pie crevée.

DE LA HAUTE- BRETAGNE 203

Qu'est-ce que cela? demanda-t-elle.

C'est une pie morte, répondit un des ouvriers; tout ce qui a vie doit mourir.

Puisqu'on meurt, dit la duchesse, je ne ferai plus défricher d'autres landes,

(Conté en 1881 par J- M. Comault, du Gouray.)

A la Poterie, près Lamballe, un dolmen à demi- renversé se nomme le Coffre de Margot la fée. La fée Margot portait sur sa tête la pierre et tricotait en cheminant ; elle rencontra une pie morte et demanda à une bonne femme :

Q.u'est-ce que cette bête immobile?

C'est une pie morte.

Les oiseaux meurent donc dans ce pays-ci ? Il y a-t-il d'autre chose à mourir ?

Mais oui, tout meurt, et les gens aussi.

Et moi qui portais cette pierre-là pour un monument; ce n'est pas la peine de le construire.

Et elle jeta sa pierre.

(Conté par M. Méheust, maire de la Poterie.)

Cette légende de la pie morte se retrouve souvent en Bretagne (cf. le t. I du présent livre, p. 86).

Dans La Fille aux bras coupés, ire série, xxv, la pie joue un rôle secourable.

204 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LA PIE-GRIÈCHE (Lanius excubitor) Xovi patois. Langage

Pie maraïge (P.), Ce nom lui vient de ce qu'elle habite souvent près des marais.

Elle chante :

Pie huit ! pie huit 1 Célestin 1 Cêlestin I

LE PINSON (Fringilla cœlebs. L.)

Noms patois

Pinso (Plaine-Haute) ; glaiimi (M.) ; moustron (Ploubalay) ; moistron (P.) ; cyprien (Le Gouray).

Proverbes

Gai comme pinson .

Cf. Rolland, p. 178.

Chanter comme un pinson.

Langage du pinson

Veux-tu m'enseigner le chemin Pour aller à Saint-Citoyen, Failli chien ? (S.-C.)

Veux-tu m'dire le ch'min D'Châteaugiron, toi, citoyen ? (E.)

Cf. dans Rolland, t. II, p. 179, plusieurs interprétations du chant du pinson.

DE LA HAUTK-URHTAGNE 20)

Veux-tu m'prêter ta civière Pour porter du fien (fumier) dans un jardin, Toi, citoj'en ? (P.) Ou:

Cyprien, Cyprieuî (P.)

LE PIVERT (Picus viridis, L.)

Noms patois

Pivé (S.-D., P.), ^\. piviaoux (P.).

On appelle le pivert râtelons d'feuves, parce qu'il est très-friand de fèves (M.). Les viibrequins se nomment becs de pivert (E.).

Superstitions. Pronostics

Les piverts chantent pour appeler la pluie ; c'est à cause de cela qu'on les nomme les avocats des meuniers (E.). Ce nom leur est donné en Nor- mandie, en Bourgogne, dans le Centre, etc.

Quand le pivert chante, c'est signe de pluie ; il dit en chantant :

Pleut ! pleut! (S.-C.) Ou:

Pic, pic 1

Cf. Desaivre, Myth. locale, p. 8 (Poitou) ; Rolland (Eure-et- Loir, Sud-Est); A. Bosquet (Normandie), p. 217; Laisnel de la Salle, t. I, p. 224 (Berry).

Le pivert trouve toujours moyen de déboucher

206 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

le trou qu'il a creusé dans les arbres (E.). Il va aiguiser son bec sur des tiges d'anis, et il perce ensuite mieux les arbres. On prétend que dès que le pivert a donné un coup de bec dans un arbre, il va de l'autre côté regarder s'il est percé (P.).

Cf. la Huppe, un conte la huppe et le pivert font société.

LA POULE D'EAU (Fulica chloropus) Noms patois Poule d'iau (P.); poule d'ève (d'eau) (E.).

Devinette Qui passe sous l'ève sans s'naye? (E.) Une poule d'eau.

LE RAMIER (Columba palumbus, L.)

On dit au ramier :

Tu ne pousses p'us,

Tonton I

Tonton. Paies-tu un pot? (E.)

LE ROSSIGNOL (Sylvia luscinia, Latham) Noms patois RoussignoJ (M., P.) ; rossigmlet.

DK LA HAUTE-BRETAGXE 207

Croyances et Superstitions

Il ne dort que deux heures par nuit. Si on mange le cœur d'un rossignol, on ne dort non plus que deux heures par nuit. Mais c'est dan- gereux, car si le vent vient à changer dans les vingt-quatre heures, on s'expose à foléicr, c'est- à-dire à devenir fou (E.).

Si une personne mange son cœur, elle chante aussi bien que lui (Saint-Brieuc-des-Ifts).

Pendant que sa femelle couve, le rossignol chante pendant quarante jours. On dit qu'il ne sait pas que sa femelle couve, et que quand les petits sont éclos il s'écrie :

Ah ! que j'étais bête !

Cf. une croyance analogue dans Desaivre, Croy., p, 26.

Formulettes du rossignol On dit au rossignol :

Rossignol, rossignol, Va-t'en à Rome chercher du pétrole.

Pour mettre le feu Dans la ville de Saint-Brieuc (S.-C).

Le rossignol dit :

Tire, tire, tire, Tiens bon. Cf. une interprétaticn du chant dans Desaivre, p. 26.

En m'en revenant de Broons,

J'ai trouvé une petite bonne femme

208 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Qui avait un nez si long, si long, si long.

Qu'il lui pendait sur son menton ;

J'ai pris mes ciseaux, et je le lui ai coupé.

Puis je l'ai jeté. Et il a passé un p'tit bonhomme par Qui l'a pris et qui l'a ramassé, Et qui l'a fourré dans sou pertus, tue, tue, tue, tue, tue

[(S.-C). Le rossignol et son chien

Autrefois le rossignol avait un chien qu'il aimait beaucoup. Un jour il l'attacha au pied' d'un sicot (chicot de bois) pour aller se promener. Le chien, pendant son absence, arracha le sicot, et le rossignol se mit à crier :

Kaie va ! kaie va ! Fuit, fuit, sicot, sicot !

D'autres racontent que le rossignol était chasseur, et qu'il avait quatre chiens ; il les attacha à un sicot, et pendant qu'il était à l'au- berge, ils l'écourtèrent.

(Conté par J. M. Comault, Ju Gouray).

Le rossignol est un des oiseaux que chantent le plus volontiers les chansons populaires.

LE ROUGE-GORGE (Sylvia rubecula, Latliam)

Noms patois Rutasse ou érutasse (S.-D., Trévencuc); roulasse.

DE LA HAUTE-SRETAGNE

209

fcm. (P.); daudrette, fém. (M.); daudettc, fém. (Jugon); houhu,iém. (vers Bécherd); hourlou, masc. (M.); gorge-rouge (M.).

Croyciices. Langage. Légendes Si les rouges-gorges chantent de bon matin dans les arbres, c'est signe de beau temps, et ils aver- tissent l'homme du danger, s'il veut bien écouter leurs chansons (E.).

Quand il couche dans son lit, avant de s'en- dormir il dit :

Pisse pour aller te coucher, Vite, vite.

Puis, si on l'a entendu, il dit : duitte, quitte (P.).

Les gorge-rouge disent des préfaces en latin ; ce sont eux qui ont été chercher le feu. On dit qu'ils parlent latin. Ils disent :

Cusse, eusse, eusse, eusse :

Lstine spiritum sanctum tuutn,

Il y a dix bons dieux (S.-C.;.

On dit aussi qu'ils répètent : Glorieux d'chouan ! Glorieux d'chouan 1

Quand le gorge-rouge alla chercher le feu, ses plumes furent toutes brûlées; alors les oiseaux en eurent pitié, et ils résolurent de lui donner

14

210 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

chacun une plume pour le rhabiller. Seul le cliat- huant, oiseau orgueilleux et peu compatissant, refusa. C'est pour cela que, lorsqu'il se montre au jour, tous les petits oiseaux crient après lui, et le rouge-gorge en particulier qui, par son cri, lui reproche son orgueil (E.). Vers Bécherel, on dit que le rouge-gorge alla chercher un tison dans l'enfer.

Cf. dans Luzel, quatrième rapport, p. 203, une légende bre- tonne analogue; elle existe aussi en Normandie (cf. A. Bosquet, p. 22o) ; mais le rôle du rouge-gorge est attribué au roitelet.

La boulou et la fauvette chantent pitié auprès des corps morts, et l'on dit qu'elles se tiennent auprès jusqu'à ce qu'ils aient été ensevelis (vers Bécherel).

Cf. dans Rolland une légende irlandaise analogue, t. II, p. 264.

Le rouge-gorge est rarement déniché.

LA TOURTERELLE (Columba turtur, L.)

Noms patois Teurte (M.) ; tourte (P.).

Croyances et Légendes

On dit qu'elle bâtit l'arche de Noé, Rien qu'à regarder son nid, on la fait l'aban- donner.

DE LA HAUTE-BRETAGN'E 211

Elle répète toujours la même chose :

Toure ! toure ! Ou:

Troue, troue, oue !

La tourterelle revient en Bretagne au moment de la récolte des foins, vers la Saint-Jean.

Au temps jadis, quand elle arriva, elle prit le coucou à son service pour ramasser son foin. Au moment de passer une barrière, le coucou resta embourbé avec sa charretée. La tourterelle se mit à crier sur lui en criant :

Troue ! troue ! oue !

Le coucou fît de si grands efforts qu'il faillit se casser les ailes. C'est depuis ce temps que quand il chante il a les ailes élargies, tandis que les autres oiseaux les ont resserrées. Maintenant, dès que le coucou entend la tourterelle, il s'enfuit tant qu'il peut.

(Conté par J. M. Comault, du Gouray).

LE TROGLODYTE (Troglodytes europ/eus, Vieillot)

Xoms patois

Berrtichet (M.) ; birrucJx)t (E.) ; berrichet (S.-C.) ; bèrè (Ploubalay) ; bérée, fém. (Tréveneuc, P.); mussot (E.), ainsi nommé parce qu'il cache soi- gneusement son nid.

212 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Langage Le berruchct chante en dansant sur les branches :

C'est-i' solide ici ? Chez nous il n'est pas plus gros Que ma cuisse, cuisse, cuisse (S.-C).

Il y a dans mon pays des fagots

Q.ui sont gros Comme ma cuisse, cuisse, cuisse (E.).

Cf. dans Desaivre, Croy., p. 17, un dialogue similaire entre

le roi-breteau et le moineau.

Un gros fût de persoué (pressoir) Gros comme ma kaisse fendue en trois, Ça craquille {bis).

C'est-à-dire : cela va peut-être casser sous moi.

Sez mon père il fait biau;

Iz ont des fagots Qui sont gros comme ma kaisse Fendue en quatre quartiers,

Kerli ki cui (P.).

Le bois n'est pas gros dans c'pays-ci ; r n'est pas pus gros qu' ma petite cuisse,

Cuisse, cuisse,

Fendue en quat',

Quat', quat'.

Quand j'étais chez mon père. J'avais des laiorccaux d'iard Qu'étaient gros comme ma cuisse, Cuisse, cuisse, cuisse (P.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 213

C'est dans mou paie (pays)

Qui' y a de biau bouée

Fendu en quat' quartiers

Et gros, gros comme des kesses (P.)-

Le roitelet se met sur la grosse poutre d'un

pressoir et dit :

Ne te casse pas !

Me port'ra-tu ben ?

En Basse-Bretagne et dans le Forez, le roitelet fait un cliant analogue (Rolland, p. 295). Cette facétie du roitelet a peut-être son origine dans inie redevance féodale l'on apportait au seigneur une bûche de Noël dans une charrette à laquelle était attaché un roitelet lié avec un gros câble (cf. Desaivre, Myth. locale, p. 6, et Rolland, p. 297 ; Laisnel de la Salle, t. II, p. 249).

Voici une autre explication qui m'a été fournie par mon ami, M. Eugène Rolland, l'auteur de la Faune populaire: « Tous les jours, m'écrit-il, je vois le roitelet troglodyte, posé sur un fagot ou sur une branche, se hausser et se baisser alterna- tivemeni sur ses pattes, ayant l'air d'essayer si la branche est assez solide pour le porter, lui tout petit ! Le roitelet troglodyte seul a cette spécialité, »

Chez mon père i' y a des gloses (morceaux de bois) Fendues en quat'e, quat'e, quat'e (P.).

Dans mon pays,

Les vire de pressoué

Sont gros comme ma cuisse Fendue en quat'e, quat'e, quat'e.

Fendue en quat'e (P.).

^1:4 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Croyances et Légendes

On dit qu'il ne faut pas faire de mal aux. berruch^ts, parce que ce sont eux qui ont apporté le feu sûr la terre (S.-C). Le gorge-rouge alla éliei'chèT''-l&'feu du ciel, et le berruchet l'alluma (E.).

La même croyance existe en Poitou (cf. Desaivre, Myth., p. 6); eu Normandie (cf. Rollaud, p. 29;).

lUi.'.'.'j II'.: ;itî ;o!-^;i

3iiDâQfi,Lesbtieavirons de Dol, ou croit que le (5êrfîc}iè'ffi" d'é- bierruchets reste estropié des doigts qtt.ii;P|itvgÊj?lor^)le nid et enlevé les œufs ou les pëtifs/^'j-'ètaîs'' d'ans mon enfance un intrépide dénicheur; mais cette croyance m'a toujours Hùt ^^i3^é<5tèi=-l€9'riids'^des berruchets.

(Communique par M. B. Robiûou.) aj ,li-;n"./j rr; ,a-i;joi , jjgA.(.S^ip|;-pof)^ny,"|:^n prétend que si les enfants

ti}ijcb,Ç{].l;]ç§,,j).Çjtitgs.^«-^'£.f dans leur nid, ils attra-

£fnjt^ l^._^e^^^jii}ij;-'^a,u4rent : ce sont des boutons

qji^^C(9ijvreny^figurg,]és,j^mbes, etc. (P., S.-D).

,, Si:pi|-mçt,jâmai^,,daii;54^[ fiente de bérée, on

attrape des panaris (P.)-

Les bérees rrjàngent de? araignées ; quand elles nentent ensuite sur des oros d épines, si on se pique avec ces épines/ oii 'resté estropié (P.).

Quand le béré ^^la^ chercher feu, il demanda une plume 4ç.l'âilç-;fîer,cl)<iq'r^ .oiseau ; ils la lui donnèrent tous, .s^uf iQ;.Glvit.-]iiA»^nt; qui dit : « Mes

DE LA HAUTE-BRETAGNE 21$

plumes sont trop belles pour être brûlées. » C'est pour cela que les autres oiseaux, et surtout la pie, sont toujours après lui (P.)-

Lorsque Jésus-Christ était sur la terre, il assembla tous les oiseaux et leur dit que celui qui aurait volé le plus haut aurait été leur roi. C'est l'aigle qui s'éleva à la plus grande hauteur. Mais la petite bérée s'était mise sur sa tète, et quand l'aigle fut à bout d'haleine, elle s'éleva en l'air bien plus liaut que lui.

(Conté par J. M. Comault, Ju Gouray.)

Cf. une légende bretonne similaire dans Rolland, t. II, p. 29;.

CHAPITRE V

LES REPTILES

§1

GÉNÉRALITÉS

g'^s^^ES paysans gallots ont horreur et crainte h des reptiles de toute sorte, même de ceux W'-^^d qui^ comme l'orvet et la couleuvre, sont inoffensifs. Dès qu'ils les voient, ils les tuent. Il n'y a guère que le lézard qui trouve grâce devant eux. Ils les désignent sous le nom générique de serpent, et plus généralement de v'îin ou v'ntn.

J'ai mis avec les reptiles tous les animaux à sang froid. Cette propriété est bien connue des paysans qui, pour exprimer que quelqu'un a très-

TRADITIONS ET SUPERSTITIONS 217

froid, disent en proverbe : « fret comme un v'iin, » ou : « fret comme un p'tit v'Iin. »

On dit d'un couteau qui a le tranchant bien affilé : « r coupe comme un v'Iin » (E.), ou : « Mo coutiau coupe comme un v'Iin « (S.-D.).

Croyances relatives aux reptiles eu général

L'aspic a un A marque sur la tète, la vipère a un V, la couleuvre un C (P.).

On assure que les reptiles tettent les vaches ; si on ne peut tuer le serpent qui les tette, elles dépérissent.

Cf. Souche, Croy., p. 28 ; Rolland, t. III, p. 29; Légier (So- logne), p. 205.

Les arbres meurent quand ils ont été piqués par un v'Iin (E.).

Le sureau chasse les serpents (E.).

Les œufs des coqs passent pour donner naissance à des serpents quand ils éclosent sur du fumier.

Cf. Rolland, t. II, p. 41-43.

A la mi-août, les couleuvres et les vipères s'assemblent à de certains endroits, et l'une d'elles apporte une petite pierre. Si on peut la trouver, on est toujours chanceux (E.).

Une superstition analogue existe en Sologne ; seulement l'assemblée des serpents a lieu le 13 mai (cf. Légier, Métn. de l'Âcad. celtiqut, t. II, p. 202).

2l8 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

A une certaine époque, ou quand ils ont fini leur vie, tous les reptiles vont à Babylone ; ils montent dans la grande tour, qui est si haute, si haute qu'elle n'en finit plus, et quand la cloche sonne, ils retombent dans un trou.

On raconte que naguère les anciens l'avaient vu il y avait un serpent ailé à sept têtes, qui était gros comme le bras d'un homme. Ils le virent s'envoler et lui tirèrent un coup de fusil sans l'atteindre. Une autre fois, quelqu'un lui coupa une tête; mais elle repoussa aussitôt.

(Recueilli à Hénou, près Moncontour, par M. Bourie.)

Quand les serpents n'ont pas vu de monde pendant sept ans, ils allongent comme des pieds de mare (houe) ; c'est à ce moment qu'ils vont à la tour (P.).

Cf. une superstition de la Sologne analogue, Lcgier, p. 204, €t une superstition berrichonne. Laisnel de la Salle, qui la rapporte, t. I, p. 222, fait de curieux rapprochements.

Si trois personnes boivent ensemble dans une fontaine ou dans un ruisseau, l'une boit le cra- paud, l'autre la grenouille, et la troisième la couleuvre (P.).

Quand un individu a été piqué, c'est-à-dire mordu par un reptile, tous les ans, à pareille époque, il se ressent de la morsure (E.).

Quand on a une enflure produite par la morsure d'un serpent, on prend une branche de

DE LA HAUTE-BRETAGNE 219

groseillier, et on frappe sur l'enfluro avec les piquets (E.).

Les enfants nés le 25 janvier, jour de la Con- version de saint Paul, pansent du v'iin et peuvent impunément manier tous les reptiles (E.).

La peau de serpent guérit les blessures. En 1881 , à Dinan, des gens de la ville achetaient encore des morceaux de peau de serpent au directeur d'une ménagerie.

Cf. dans Rolland, p. 33, des croyances analogues.

Le v'iin (venin) et le bro (dard) des serpents portent bonheur à tous ceux qui les ont sur eux ; mais il faut qu'ils n'en sachent rien.

Un liomme avait réussi à s'emparer du v'iin et du bro d'une vipère, après l'avoir tuée. Le dimanche suivant, il alla avec un de ses amis à une assemblée, et pendant la route il lui glissa adroitement dans la « pouchette » du gilet les débris du reptile. Celui qui avait les dépouilles de la vipère joua à toutes sortes de jeux, et tou- jours il gagna.

Le conscrit qui, sans le savoir, a dans la pou- chette de ses bannes (culottes) un bro et un v'iin de reptile est assuré de tirer un bon numéro, si le talisman se trouve dans la poche du même côté que la main qui puisera dans l'urne.

(Recueilli aux environs do Moncontour par M. Bouric.)

220 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

QLiand on parle de la grosseur d'un v'iin, il faut bien se donner garde de montrer un de ses membres comme terme de comparaison : le mem- bre indiqué pourrait devenir semblable (comme peau) à l'animal dont on parle (E.).

Une superstition analogue existe en Franche-Comté. On ne doit pas montrer sur soi, ni surtout toucher pour le faire voir, l'endroit d'un mal dont on parle, de peur de le voir paraître à l'endroit même (Me!., col. 348).

En Poitou, il ne faut pas dire que le serpent est gros comme la jambe, le bras, parce que le serpent entendrait et viendrait se mesurer au membre indiqué (Desaivre, Croy., p. 29).

Quand on a sur soi un reptile, on voit les choses telles qu'elles sont.

Un homme faisait passer une brouette sur une corde tendue, ce qui émerveillait tout le monde; seule une bonne femme ne s'en étonnait pas et voyait que la brouette passait sur un fût de pressoir. Elle avait dans sa poche un crapaud mort (E.).

Un jour il y avait nombreuse compagnie autour d'une société de saltimbanques qui mon- traient une charrette traînée par un coq.

Par vint à passer une vieille qui portait un faix de bois sur son dos ; on voulut lui faire admirer la merveille.

Ma foi, dit-elle, ce n'est pas la peine de m'arrêter pour me faire regarder un coq qui traîne une paille de blé noir.

DE LA HAUTH-lîRIîTAGNE 221

Bonne femme, repartit un des saltim- banques, faites bien attention en rentrant chez vous à ce qui est dans votre paquet.

En le défaisant, elle y trouva une vipère.

(Conté en 1878 par Jean Bouchery, de Dourdain.)

Cf. dans Rolland, t. III, p. 12, une superstition recueillie

aux environs de Lorient, et p. 80, une historiette analogue du

pays de la H.igue (Normandie).

Le dimanche des Rameaux, les trois coups frappes à la porte avec le bâton de croix font retomber dans les enfers Lucifer et toutes les bêtes venimeuses (P.).

Voici une prière qui préserve du serpent :

Noter Dame et ses enfants. Protégez-nous des loups et du serpent, Et du chien qui court le vent.

Dans les contes populaires gallots, les reptiles, même étrangers ou fantastiques, figurent parfois. La princesse Dangobert, U'^ série, no xxv, a été métamorphosée en scorpion ; dans le même conte il est aussi parlé d'un serpent ailé. Dans Les petites Coudées, 2^ série, xxiii, un serpent vert est un prince métamorphosé ; il redevient homme dès que la princesse Crépuscule a con- senti à le prendre pour mari.

Dans un conte inédit intitulé Louis, roi de France, le héros sauve la vie à un serpent qui assemble toutes les couleuvres pour savoir quelle

222 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

récompense il donnera à son libérateur, et lui fait présent d'un gilet magique au moyen duquel il devient roi de France. Le héros est tué ; alors le serpent le change en un beau cheval normand, puis en poirier ; enfin il finit par le faire revenir à la vie.

« Un moine de la suite de saint Samson, qui venait visiter saint Suliac, fut surpris de la pauvreté des mets des cénobites, et il trouva leur pain si mauvais qu'il en cacha une partie dans sa robe, pour ne pas le manger. Mais bientôt il fut pris de convulsions : c'était un serpent qui lui déchirait la poitrine. Saint Suliac l'exorcisa, lui passa son étole au cou et le fit précipiter dans la mer, son trou, qui s'appelle trou de la Guivre, se voit sous Garot. »

Q/[me Je Ceniy, Saint-Suliac, p. 16-17 (abrégé).

« La drague de Sérent, sur la limite du breton et du français, mais dans la partie galaise du Morbihan, était un serpent que les seigneurs de Sérent tuèrent, et ils instituèrent une procession commémorative, tout le monde devait laisser passage à la Drague. »

(Fouquet, Légendes du Morbihan, p. 54 (très-abrégé). Cette procession rappelle celles de la Gargouille de Rouen, de la Tarasque de Tarascon, etc.

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5 II. MOXOGRAPHIES

LA COULEUVRE (Coluber natrix, L.)

Nom patois. Proverle

Cakuve (M., E., S.-D.).

Faignant (fainéant) comme une couleuvre (S.-D.).

Crêyances et Superstitions

La couleuvre est amie de l'anguille (E.).

C'est probablement un dicton qui fait allusion à une croyance que je trouve précisée par Viaud-Grandmaison cité par Rolland, p. 104 : « Quand l'été l'anguille s'envase par suite du dessèche- ment des canaux, le maraîcher croit qu'elle mène la vie des serpents et qu'elle s'accouple avec eux i> (Loire-Inférieure).

Si une couleuvre reste sept ans sans voir âme, c'est-à-dire sans voir un homme ou une femme, elle devient serpent (S.-C).

Cette croyance, dont je ne connais pas de similaire en France, existe en Sicile (cf. Castelli, Crtdtnxe ed usi fojiolari siciliani, -p. 9. Païenne, 1878).

La couleuvre tette les vaches, et sa morsure

224 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

passe pour être aussi dangereuse que celle de la vipère (P.).

Si un homme ou un animal boit dans une fontaine une couleuvre s'est désaltérée, il devient malade ; pour le guérir, on lui fait avaler du beurre fondu (P.)-

Il y avait une fois un cheminiau (un ouvrier ter- rassier) qui logeait chez une vieille bonne femme qui passait pour être sorcière. Un jour il lui apporta une couleuvre qu'il avait tuée. La vieille la prit, la mit à cuire et l'arrangea propre à être mangée. Le matin, quand la bonne femme se fut absentée, il en mangea un petit bout. Il sortit ; mais il fut bien surpris d'entendre le langage des oi- seaux. Il s'en retourna dire cela à la bonne femme, qui s'avisa qu'il avait mangé de sa couleuvre ; elle lui souffla dans la bouche, et depuis ce moment il n'entendit plus le langage des oiseaux.

(Conté par J. M. Comault, du Gouray, 1881.)

Si on a sur soi un hro (langue) de couleuvre, on est sûr d'avoir de la chance (S.-D.).

Il faut ramasser le piquet sans tuer la couleuvre, l'envelopper dans un drap, le mettre dans sa" poche, et si on joue, on a de la chance (P.).

Pour confondre les charlatans, il faut prendre le piquet d'une couleuvre, sans lui faire de mal, et le mettre dans la poche d'un ami, sans qu'il

DE LA HAUTE-IJRETAGNE 225

s'en aperçoive ; on le coud entre la doublure et l'étoffe (P.).

La peau de couleuvre appliquée sur une bles- sure amène une prompte guérison (E.).

La couleuvre dans les contes

La Couleuvre, irc série, n^ xxiv, est une fée qui a pris cette forme.

Dans un conte inédit de ma collection, une couleuvre vient à bord d'un navire ; elle donne des conseils au capitaine, et un jour que le vais- seau était attaqué par des sauvages, elle leur jette son venin, et ils en meurent tous. Un autre récit inédit parle d'une fée métamorphosée en cou- leuvre, qui est tuée par un bûcheron au moment elle allait piquer un homme qui dormait.

D'après un autre conte inédit que j'ai recueilli aux environs de Moncontour, une Margot la Fée a une tille qui, à un certain jour de l'année, est condamnée à passer toute la journée sous la forme d'une couleuvre. Sa mère va trouver un paysan et lui dit de se placer à un endroit qu'elle désigne, et de tenir d'un soleil à l'autre la cou- leuvre cachée sous son bassin ; il le fait, et au soir, à la place du reptile, il voit une belle prin- cesse.

II 15

226 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LE CRAPAUD (Bufo, Laurenti) Noms patois

Crapé, crapiau (M., E.); crapaô, pi. crapaoux, crapaoû, crapiaoïix (S.-D.); grape, fém. (P.).

Labourer, c'est, en certains pays, soulever les crapiaiix. Dire de quelqu'un qu'il soulève les cra- piaux, c'est dire qu'il est laboureur (S.-D.).

Proverbes et Dictons

r bouze des barbes comme un crapaud qui va aux frases (fraises) (E.).

Sauter comme un crapaud d'Uzé (M.).

Les crapauds de Pless'la.

Ce sobriquet vient de ce que les gens de Plessala s'appellent entre eux « crapaud », comme d'autres diraient : « mon gars » ou « mon ami ».

r n'est pas si mal à tuer qu'un crapaud : cinq jours après qu'il a sa tète coupée, n'on li voit les yeux comme à un luzard (M.).

Croyances et Superstitions

Les crapauds passent pour annoncer la pluie ; on leur dit alors:

Saute, crapaud ; Nous aurons d'I'eau (M.). Cf. Rolland, p. 49.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 227

Ils chantent :

Clouk ! clouk 1 pour l'annoncer (P.)-

Ainsi que tous les animaux à sang froid, le crapaud est un objet d'horreur et de crainte. Vers Bccherel, on prétend qu'il est moitel pour l'homme. A Plévenon, on raconte qu'une femme ayant baratté du lait dans lequel se trouvait un crapaud, tous ceux qui en mangèrent moururent.

De même que la couleuvre, il passe pour téter les vaches (P.).

Aussi, quand un paysan en voit un, il se hâte de le tuer. D'après le Bulletin de la Société protec- trice des animaux, V, 258, cité par Rolland, « en Ille-et- Vilaine, lorsqu'on rencontre un crapaud, on l'exécute de la manière suivante : on le place sur l'extrémité d'une planche, et le patient est ainsi lancé à une grande hauteur. Comme il a la vie très-dure, il n'est pas mort du premier coup ; on recommence deux ou trois fois, puis on le perce d'un bois bien pointu, et, ainsi empalé, on l'expose au soleil pour terminer sa malheureuse existence. » Je me suis assuré que cette exécution avait lieu fréquemment.

La même coutume cnielle existe dans le Finistère, le Centre, la Loire, etc. (cf. Rolland, p. 50; Desaivre, Croy., p. 28).

Voici un jeu qui porte le nom du crapaud et qui avait lieu naguère :

228 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Quand la tâche, auxfilouds, était finie de bonne heure, on demandait aux nouveaux venus :

Sais-tu comment on mène le crapaud à son pertus (trou) ?

Non.

Monte sur mon dos.

Quand le garçon était monté sur le dos de celui qui devait lui enseigner le jeu, celui-ci se mettait à quatre pattes et disait à l'autre de tâcher d'allonger aussi ses mains et d'appuyer sur la terre pour le soulager. Un troisième garçon avait embrené un bâton et le passait entre les jambes de celui qui faisait le crapaud. Le naïf qui était sur son dos n'apercevait pas le bâton embrené; il mettait la main dessus, et les autres se moquaient de lui en se bouchant le nez.

(Conté par J. Legendre, de Saint-Brieuc-des-Ifls.)

Si on coupe un crapaud avec une faucille, le tranchant de l'instrument sera en meilleur état pendant toute la moisson (E.).

Quand on voit un crapaud, il faut le tuer; sinon, à quelque distance que soit enterrée la per- sonne qui l'a vu, il va sur sa tombe jeter du venin (P.).

Si on blesse un crapaud sans l'achever, on dit : Tas hêeté (fait une sottise), mo vieux, t'arée

DE LA HAUTE-BRETAGNE

229

dèu l'échuer bien, pasce qu'V vienra coucher 0 d'ser (S.-D.).

En Basse-Bretagne (cf. Galcie bret., t. III, p. iji), si on blesse un crapaud sans l'achever, on a la fièvre, et l'on ne peut s'en débarrasser que si on le tue.

Mais sa vengeance n'est pas toujours aussi anodine ; aussi dit-on qu'il faut bien se garder de ne pas le tuer tout à fait. La même croyance existe dans la Loire-Inférieure (cf. Mêl, col. 555).

Le crapaud qui a été martyrisé se traîne jus- qu'à la maison de celui qui Ta blessé, et il l'étouffé dans son lit (P.).

Un homme avait coupé les deux cuisses d'un crapaud. Trois ans après, comme il dormait sous un chêne, le même crapaud vint lui monter sur les jambes. Les compagnons du dormeur riaient comme des fous; mais quand le crapaud fut arrivé aux reins, il s'écria, et l'homme mourut (S.-C).

Un faucheur avait par mégarde coupé avec sa faux la patte de derrière d'un crapaud. Le lende- main matin, il trouva auprès de sa maison le crapaud, qui était venu de la prairie, assez éloignée, pour se venger, mais n'avait pu entrer.

Un homme était couché dans une forière, pour dormir. Ses camarades, qui étaient éveillés, vi- rent un crapaud monter sur lui. Quand il fut arrivé à l'endroit du cœur, il s'écria trois fois, se

230 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

dressa sur ses pattes de derrière, et l'homme ne se réveilla plus : il était mort.

Cette histoire se trouve eu d'autres pays, et on la raconte un peu différemment à Saint-Brieuc-des-Itfs. On dit que l'homme avait fait exprès de couper la patte au crapaud eu claupinant sa prairie, et qu'au moment de la faucherie le crapaud vint pour se venger. Sur les vengeances du crapaud, cf. Gubernatis, t. II, p. 401.

il y a de gros potirons (champignons), il y a de gros crapauds (E.).

Cependant on paraît lui accorder quelque uti- lité : il passe pour prendre le mauvais air (S.-C), ou ramasser le v'iin de la terre (P.).

Cf. A Luchet, Souvenirs de Jersey, p. 150. On trouve la même croyance dans le Loiret, le Poitou, etc. (cf. Rolland, p. 51, et Souche, Croy., p. 28).

Dans un de mes contes intitulé : Le roi des Crapauds, le crapaud, auquel la grenouille re- proche sa laideur, lui répond :

Si je suis laid, je ramasse le venin de la terre, et je purifie l'eau qui te nourrit.

Si on applique un crapaud vivant sur un cancer, il le suce, et l'homme qui l'a est guéri (E.).

Cf. une croyance analogue dans Rolland (Charente), p. 82.

Si l'on veut qu'une personne s'endorme, il faut mettre un crapaud mort à sécher aux rayons du soleil, prendre un de ses os, le moudre et en introduire la poudre dans une tabatière; ceux qui

DE LA HAUTE-BRETAGNE 2$l

priseront resteront vingt-quatre heures sans se réveiller (P.).

Le crapaud dans les contes

Il est question de crapauds dans plusieurs de mes contes : Le Crapaud à bord (Contes des marins^ II) est une princesse métamorphosée en crapaud, et qui cesse de le devenir en passant la patte dans un anneau magique. Le roi des Cra- pauds et la reine des Grenouilles (2e série, no xxx) n'a rien de commun avec une légende recueillie dans riUe-et-Vilaine par M. Orain et reproduite par Rolland, p. 56 et sqq., sous le titre du Crapaud qui se marie.

Voici deux autres contes le crapaud a une apparence diabolique :

Le crapaud qui parle

Il y avait une fois deux garçons qui allaient voir une fille ; un soir ils rencontrèrent sur leur route un gros crapaud qui sautait à côté d'eux, et qui ne se sauvait pas à leur approche. Ils se mirent à jurer; mais plus ils juraient, plus il sautait.

allez-vous, malheureux? leur dit le cra- paud.

Voir les filles.

Vous allez voir une fille qui est damnée ;

232 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

elle a eu trois enfants qu'elle a tués à leur nais- sance.

Les garçons continuèrent leur route et allèrent chez la fille; mais ils entendirent sous terre un bruit de tambours et de violons qui faisait trembler la maison ; alors ils eurent peur et par- tirent à s'en retourner. Ils trouvèrent encore le crapaud qui leur dit :

Eh bien ! retournerez-vous encore chez cette fille damnée?

Il disparut, et le lendemain un des garçons alla raconter au recteur ce qu'il avait vu :

Le crapaud, c'est le diable, répondit le prêtre ; si vous retournez encore, il percera la terre et vous emportera (S.-C).

La fille maudite

Il était une fois une petite fille qui avait été maudite par ses parents. Tous les jours, quand elle allait aux champs, un gros crapaud s'attirait de dessous terre et la suivait partout. Elle avait beau lui jeter des pierres et tâcher de l'effrayer; il ne se dérangeait point, et il la suivait aux champs comme son ombre.

Elle alla à confesse et raconta au recteur que tous les jours elle voyait un gros crapaud qu'elle ne pouvait chasser.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 233

N'avez-vous point été maudite ? demanda le prêtre.

Si, monsieur le recteur.

Eh bien ! venez demain à dix heures au presbytère.

Le lendemain, elle arriva à l'heure dite. Le prêtre prit son étole et un vase d'eau bénite, et dit à la petite fille de sortir dans le jardin. Dès qu'elle y fut, le gros crapaud se mit à la suivre en sautillant ; mais le recteur passa son étole au cou du crapaud et lui jeta de l'eau bénite. Le crapaud disparut, et on ne le revit plus.

(Conté en 1880 par François Marquer, de Saint-Cast, mousse, âgé de quatorze ans.)

Dans un autre conte identique à celui-ci comme trame et comme dénoûment, le crapaud suit, non une petite fille qui a été maudite par ses parents, mais une fille mère qui s'est déb.-irrassée de ses neuf enfants en les tuant.

Cf. dans Luzel, Lég. chrét., t. II, p. 179, une légende le crapaud poursuit un fils ingrat.

Dans un conte inédit de ma collection, il est parlé d'un château tout le monde est malade, parce qu'il y a un crapaud sous un lit. Le héros du conte. Petits- Yeux, tue un coq et répand son sang auprès du lit, et le crapaud s'éloigne en sautillant. J'ai pu constater l'horreur que la présence d'un de ces animaux sous un lit inspirait à des marins.

234 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LA GRENOUILLE (Rana, L.)

Noms patois Guernoutlle (E., M); le têtard se nomme tèeta; hatoué, à cause de sa forme, qui rappelle celle du battoir (S.-D.); palette (Plaine-Haute, Saint- Brieuc) ; petite, loge (P.) ; clabochè (D.) ; les œufs de grenouille, couvin d' grenouille (S.-D.) ; couvan (E.).

Interprétations du. langage des grenouilles

Un homme passait sur la chaussée d'un étang ; il entendit les grenouilles l'appeler par son nom

et lui dire :

Malard, D'où t'en viens-tu si tard ?

D'où j'ai affaire, bougresse ! répondit-il.

Et les grenouilles de répéter très-vite :

Affaire, affaire, affaire, etc. (E.).

J'ai perdu mon rosaire : Qui qui l'a trouvé ? Ce n'est pas ma, Ni ma, ni ma, ni ma, etc. (Saint-Brieuc-des-Iffs).

Le roi est kué ; qui qui l'a kué (tué) ?

Ce n'est pas ma.

Ni ma, ni ma, ni ma (très-vite).

Qui qui f ra la cuisine ?

Ce ne s'ra pas ma.

Ni ma (plusieurs fois et très-vite).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 235

Qui est-ce qui ira es noces ?

Ce sera ma (plusieurs fois et très-vite).

Qjni lavera l'z êcuelles î

Ce n'scra pas ma.

Ni ma, etc. (ut supra).

Qui a cassé la baratte ?

Ce n'est pas ma.

Ni ma, ni ma, ni ma, etc. (très-vite).

Quand elles sont toutes ensemble, il y en a une qui demande :

Qui qu'a cassé la ribotte? (bis)

Elles répondent toutes ensemble : Ni mé, ni (moi).

Les bourgeoises disent aux cuisinières :

Pèle les œufs (bis), Tu auras la coque et les moyeux.

Autre langage :

Apperche-té, apperche-té ; Monte sur mon dos.

Tu m'écrases.

Mais ouah I mais ouah I

Quand les grenouilles parlent ce dernier lan- gage, on peut s'assurer qu'il fera beau temps (P.).

236 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Croyances. Superstitions. Jeux Quand on entend chanter les grenouilles, c'est signe de beau temps (E.).

Cf. Souche, Croy., p. 4 (Poitou).

Si on entend au mois de mars les grenouilles chanter le soir, c'est signe de beau temps ; si elles chantent au midi, c'est signe de pluie (S.-C).

La grenouille dit au crapaud : « Il fera beau temps demain. » Le crapaud répond : « Tempête dans huit jours » (S.-C).

Habasque, t. II, p. 45, cite un texte d'où il appert que dans les Côtes-du-Nord on faisait par- fois battre l'eau pour faire taire les grenouilles. Vers 1688, au jour de la Vigile de saint Jean- Baptiste, les propriétaires de deux maisons étaient obligés de battre l'eau d'un ruisseau près de la résidence seigneuriale en disant ces paroles :

Renouesselles, taisez- vous (trois fois). Monsieur dort; laissez dormir monsieur.

Ils étaient tenus ensuite de se transporter au manoir et d'y déclarer qu'ils avaient fait leur devoir ; que Us grenouilles ne disaient plus rien^ et qu'elles ne faisaient plus de hruit.

Cette servitude s'appelait le dèpry des grenouilles.

Cf. dans Rolland, p. 72, un autre texte il est question de cette servitude féodale.

A Ercé, il est de tradition que les anciens

DE LA HAUTE-BRETAGNE 237

seigneurs du Bordage obligeaient les paysans à frapper l'eau des fossés du château pour empêcher les grenouilles de coasser.

Quand il y a besoin d'eau, les grenouilles mon- tent dans les chênes pour en demander, et elles crient : Coax ! coax ! (P.)

Il y a en Haute-Bretagne un jeu qui se nomme icaisser (déchirer) la grenouille. Il a été décrit dans un conte de Paul Féval intitulé La Gre- nouille {Contes bretons, p. 149, 155, 158).

Si on peut se procurer une grenouille verte, il faut la mettre dans une pannette percée de petits trous. Ensuite on met la pannette et la grenouille dans une fourmilière. Mais comme on ne doit pas entendre la grenouille jeter un cri, on s'éloigne de ce lieu le plus tôt possible. Elle est aussitôt dévorée par les fourmis ; on prend tous ses os ; on les met dans un ruisseau. Parmi eux, il y en a un qui remonte le courant ; c'est celui-là qu'on doit ramasser; on l'écrase et on le réduit en poudre qu'on mêle dans du tabac à priser, et on en offre à la jeune fille que l'on veut enchanter. Une fois qu'elle a aspiré la prise, elle ne se connaît plus, et elle suit celui qui l'a enchantée.

(Conté par J. M. Comault, du Gouray.)

La grenouille dans les contes Plusieurs contes populaires mettent en scène

238 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

les grenouilles, entre autres : Le roi des Crapauds et la reine des Grenouilles, 2^ série, no xxx; L'enfant qui entend le langage des bêtes, xxv (grenouille qui a avalé une hostie). Dans un autre conte inédit, variante de celui-ci, une gre- nouille a avalé l'hostie qu'une dame a vomie dans un étang, et pour ravoir l'hostie on ouvre la grenouille, qui était plus grosse que les autres.

LE LÉZARD (Lacerta ag:lis)

Noms patois. Proverbes et Dictons

LouisarâÇE.) ; veurdet (Bécherel) ; luiard (Sa'mt- Briac, D.) ; lée:(a (S.-D.). Le lézard vert se nomme vert-creux.

Le luzard aime ben l's hommes, mais i' saute à la crasse (visage) es femmes (Saint-Briac).

Des yeux de luzard vif (D.). '

Superstitions et Croyances. Conte

Aux environs de Moncontour, le lézard vert est redouté à l'égal de la vipère.

Une superstition analogue existe dans l'Yonne (cf. Rolland, p. is).

Si le lézard pique les vaches au nez, elles crèvent (E.).

Le lézard passe pour sucer le sein des femmes et les faire ainsi maigrir. Une bonne de ma belle-

DE LA HAUTE-BRETAGNE 239

mère, nommée Gabrielle Leray, de Gosné, ra- contait qu'ctant petite et gardant les vaches, elle avait apprivoisé un lézard qui venait familièrement sur elle et entrait sous son « mouchoir de cou ». La petite maigrissait ; on lui demanda si elle n'avait rien d'extraordinaire, et elle raconta qu'elle mettait souvent un lézard sur sa poitrine, mais qu'il ne lui flusait rien. Les parents dirent que sûrement le lézard suçait les seins à la petite fille ; ils le tuèrent, et aussitôt elle engraissa.

Le lézard est l'ami de l'homme, mais non de la femme. Un jour une jeune fille qui gardait ses vaches vit un lézard vert à qui elle jeta des miettes de pain ; le lendemain, elle en fit autant, et le lézard était habitué à elle. Mais un jour qu'elle n'avait pas de pain, il lui sauta à la figure, et il allait la dévorer, quand des gens survinrent qui chassèrent le lézard.

Une autre fois un homme dormait dans l'herbe, et il y avait un aspi' mortel (vipère) qui s'appro- chait pour le mordre. Un lézard, qui vit le danger, se mit à courir sur l'homme et lui chatouilla les oreilles, et le dormeur se réveilla à temps pour n'être pas piqué.

(Conti en 1880 parj. Legendre, de Saint-Brienc-des-Iffs.) En bc.iucoup de pays de France, le lézard passe anssî pour ctre l'ami de l'homme. La même croyance existe en diverses contrées d'Europe, et même en dehors (cf. Rolland, Les reptiles.

240 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

t. III, p. II el 15; Gubernatis, Mythologie xpotogique, t. II, p. 409 ; Souche (Poitou), Croy., p. 27).

Dans les contes populaires, le lézard se montre reconnaissant quand l'homme lui a rendu service (cf. Point du jour, 2^ série, no xxxvin).

L'ORVET (Akguis fragilis, L.)

'Noms patois

Anva, anvain, anvaï, anvs (M., E.); lanvert (Saint-Brieuc).

Cf. le breton atïv (serpent), et dans Rolland tout une série de mots patois le radical anv entre en composition.

Superstitions

A la campagne, on tue cet inoffensif petit rep- tile, qui passe pour dangereux; on croit qu'il est aveugle, d'où ce dicton :

Si anva vayait (voyait), Si sourd entendait. Homme su' terre ne vivrait.

Il se retrouve à peu près dans toute la France (cf. Rolland, p. 20-21 ; Laisnel de la Salle, t. I, p. 245, et t. II, p. 199)-

« Dans certains cantons, on ne croit pas que l'orvet soit aveugle, puisqu'on assure que son regard peut donner la mort. On dit aussi qu'il a deux têtes, dont l'une veille tandis que l'autre dort. »

(Journal d'Agriculture d'Ilh-ct-Vilaiiu, cité par Rolland.)

\

DE LA HAUTU-BRETAGNE 24I

LA SALA^L\\DRE (Salamanora. maculosa, Liureuti)

Noms patois. Proverbes

Sourd (E., M.); sourd-gare (Ille-et- Vilaine) ; gendarme (S.-D.).

Il est comme un sourd, i' ne démord pas (M.).

Jaune comme un sourd (S.-D.).

r oit (entend) dur comme un sourd (M.).

Si anva vayait. Si sourd entendait, Homme sur terre ne vivrait.

Cf. des dictons analogues dans Rolland, p. 20 et 78.

Croyances et Superstitions

Les sourds et les taupes sont les deux plus mauvaises bètes de la terre (E.).

Cette croyance, qui se retrouve dans Pline (liv. xxix, ch. 23), existe aussi en Berr)' (cf. Laisnel de la Salle, t. I, p. 199).

Le sourd passe pour s'introduire dans les écuries pour pomper le lait des vaches (Calorguca).

Un homme dormait dans un champ pendant l'été; ses compagnons aperçurent un sourd qui tournait autour de lui plusieurs fois de suite.

Regardons, dirent-ils, ce qu'il veut faire. Et de peur qu'il ne fit du mal à leur camarade,

ils le couvrirent de leurs habits.

n 16

242 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Tout d'un coup, ils ne virent plus le sourd, et quand ils voulurent réveiller l'homme, il était mort. Ils allèrent chercher un médecin (?) qui leur dit que, lorsque le sourd faisait le tour de l'homme, c'était pour chercher l'endroit piquer le cœur.

(Conté en 1880 par Scolastique Durand, de Plévenon.)

Une superstition analogue existe en Normandie (cf. Rolland,, p. 80).

Si une femme qui a ses règles se couchait et s'endormait au-dessus d'un endroit une sourde- chaude (femelle de sourd) est sous terre, elle serait estropiée de quelque membre, si la sourde n'était pas à plus de sept pieds sous la terre.

(Conté en 1 880 par Joseph Legendre, de Saint-Brieuc-des-Iffs.)

11 est dangereux de se coucher sous des châtai- gniers et surtout sous des noyers, car il y a des sourds entre leurs racines.

Un homme qui s'était ainsi couché avait eu mal au bras; il alla trouver un reboutous, qui lui dit que si le sourd avait été un pied plus près de la terre qu'il n'était, son bras aurait été estropié.

Les sourds n'ont pas besoin de toucher pour faire du mal (E.).

Une femme avait avalé un sourd ; elle enfla, et le devin qu'elle consulta lui conseilla de placer dans son solier (grenier) un bassin plein de lait et

DE LA HAUTE-BRETAGNE 245

t

de se mettre au-dessous d'un trou pratiqué dans le plancher. Dès que le sourd sentit le lait, il quitta la femme et sauta dans le grenier (P.).

LA TORTUE (Testudo)

Nom patois, Superstition. Contes

Teurtue(S.-C.).

Une charrette peut passer dessus n'importe comment, sans l'écraser (E.).

Dans un de mes contes populaires de la Haute- Bretagne, La Bergère des chainpi, no ii, une prin- cesse est métamorphosée en tortue; dans la 26 série, La vieille qui veut rajeunir, n" XLi, est aussi changée en tortue pour avoir insulté les fées.

L.\ VIPtRE (Pelias berus, Merrcm)

Noms patois. Superstitions. Contes

Vipère, masc. aspi' mortel (E.); espi (P.).

Quand on a blessé une vipère et qu'elle n'est pas tuée, il faut mettre du lait devant elle. Elle siffle ; alors toutes les autres vipères accourent pour boire le lait, et on les tue (E.).

Si on peut écraser la tête de la vipère qui a

244 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

mordu et la mettre sur la morsure, on est bientôt guéri (S.-C).

La même croj-ance existe eu beaucoup de pàj's (cf. Rolland, p. 29).

Un aspi' était sauté au sein d'une fille et la tétait; elle ne savait comment lui faire lâcher prise. On lui conseilla de monter à cheval sur une jument; quand la jument pissa, l'aspic lâcha la fille, croyant que c'était du lait, et elle en fi.it ainsi débarrassée (P.).

CHAPITRE VI

LES POISSONS

A. LES POISSONS DE MER

$ l. GÉNÉRALITÉS

jN s'est jusqu'à présent peu occupe du rôle que les poissons de mer jouent dans les superstitions et dans les contes, des for- mulettes qu'on leur adresse, des proverbes ils sout nommés, soit comme sujet principal, soit comme point de comparaison. Dans la Mythologie loohgiqite de M. de Gubernatis, on trouve pour- tant quelques passages ils figurent ; mais, outre que leur rôle est restreint, quelques-uns seulement y sont indiqués, tels que le crabe.

246 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

l'oursin, etc. M. Eugène Rolland, dans le tome III de sa Fautie populaire de la France, a relevé avec beaucoup de soin les noms patois des différents poissons de mer, et il a fouillé avec une grande conscience de nombreux livres pour y trouver tous les dictons, les formulettes, les superstitions, etc., que les pêcheurs y attachent; mais comme l'exploration a été jusqu'à ce jour très- peu tentée, dans son livre, excellent par ailleurs, on voit beaucoup d'articles figurent seuls les noms des poissons.

Ils tiennent cependant leur place dans la litté- rature orale : outre les contes dont ils sont, sinon les héros, du moins des personnages épisodiques importants (cf. Le roi des Poissons, i^^ série, no XVIII ; Le Marsouin, série, n" xvi, etc.), des fables ils sont mis en scène (cf. le présent cha- pitre, et dans les Coiîtes des Marins la série inti- tulée Fables et petites légendes), ils partagent avec les autres classes d'êtres animés le privilège des superstitions et des erreurs d'histoire naturelle : on leur adresse des formulettes et des incantations. Le chapitre qui suit, et dont les matériaux ont été presque entièrement recueillis en 1880 et 1881 dans la commune maritime de Saint-Cast (Côtes- du-Nord), peut donner une idée de ce qu'on pourrait trouver ailleurs en poursuivant l'enquête plus à fond que je n'ai pu le faire.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 247

Voici, avant de passer à la monographie de -chaque poisson, quelques généralités qui se rapportent à l'espèce en général.

Quand on ne prend rien, on dit : « Il n'y a pas ici plus de poisson que dans les landes du Mené I » (Montagne des Côtes-du-Nord).

Lorsque la ligne touche le fond, les pêcheurs disent : « Si on pouvait au moins ramener l'Antéchrist ! «

Sur le banc de Terre-Neuve, on prétend qu'il faut laisser de vieilles tripes de poisson dans les bateaux, pour que la morue sente leur odeur et soit plus disposée à approcher. C'est pour la même raison que, sur le littoral de la Manche, on prétend qu'il ne faut pas tenir les bateaux trop propres.

Les œufs de squale, qu'on nomme diables à cause des cornes qui les terminent et de leur cou- leur noire, passent pour être la gamme du diable, c'est-à-dire l'écume de sa bouche en colère.

Quand le pêcheur met l'amorce à son haim (hameçon), et qu'il jette la ligne à l'eau, le poisson regarde la bouette (l'appât) et lui dit :

Qui t'a mis ici, toi qui n'es pas d'ici ?

La bouette répond :

Celui qui m'a mis ici n'es pas loin d'ici ; Si tu me mords, il te mangera.

248 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Les poissons dans les contes

Dans Ls château suspendu dans les airs (Contes des Marins, 11° xviii), le marin, qui possède une taba- tière magique, a pour beau-frère le roi des poissons, qui, en interrogeant ses sujets, lui fait connaître est le château suspendu dans les airs (c'est un vieux marsouin qui le lui dit).

C'est le roi des poissons qui permet à ses sujets de retrouver au fond de la mer les clés que la Belle aux clés d'or y avait jetées (Contes des Marins, xiii). Dans Petit-Jean (Contes des Ma- rins, n° XIII his^, le roi des poissons, au moyen d'un marsouin, rapporte les clés d'or de la plus belle princesse du monde.

Dans Les fées de la mer et les marins (Contes des Marins, \\° v), une fée de la mer fait présent à des matelots d'un petit poisson doré qui leur accordera tout ce qu'ils lui demanderont en répétant une certaine formule.

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§ II. MONOGRAPHIES

L'ANATIFE (Amatifa lsvis, L.) Nom patois. Croyance

Bernache (S.-C).

On croit encore que les anatifes sont des œufs de l'oiseau appelé bernache.

Cf. Rolland, t. III, p. 222.

L'ANÉMONE (Actikia, Brown) Noms patois. Dicto»

On appelle les anémones poissards (poisseux), culs de cheval, culs de jument ou bonnets basqves, gamme de chien; ces derniers sont, dit-on, l'écume des chiens enragés.

Quand on mouille sur un fond les petits cailloux sont parsemés d'anémones, on dit :

Bonnet basque et eu de jument, Nourriture du flétan.

Le flétan est une sorte de grosse limande commune à Terre-Neuve et rare dans la Manche.

250 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

L'AKE DE MER (Gadus ^eglefinus, L.)

Croyance

H a été maudit par Dieu, qui lui a dit : « Va, tu ne seras jamais qu'un àne. »

LE BAR (Labr;uc lupus, Cuvier)

Nom patois. Proverbe

Les petits bars se nomment barcets.

Fier comme un bar.

Quand il fait clair, le bar passe à côté des appâts sans les regarder ; de le dicton sur sa fierté, qui par extension est appliqué aux hommes.

LE BERNARD-L'ERMITE (Pagurus bernhardus, Fabricius)

Nom patois. Proverbes

Cocanlin (S.-C).

Crochu comme un cocantin (cela se dit d'une personne mal bâtie).

Il s'en va de travers comme un cocantin.

LA BONITE (ScHOMSER bomito, L.)

Nom patois, Formulette

Bonisse ou poisson de bois (S.-C). Elle passe pour se nourrir sur le bois ; elle dit au matelot :

DE LA HAUTE-BRETAGNE 2$!

Matelot,

Je suis à flot ; Prends ta ligne et me prends ; Mets-moi dans ton cachot.

Et elle se met à rire.

LA BREME (Abramis brama, Cuvier)

Formulette. Conte

On lui dit :

Brème, brème. Mors sur l'hameçon. Ou tu auras des coups de bâton.

Dans un conte de marins inédit, il est parlé d'une brème si gigantesque qu'elle pouvait faire concurrence à la célèbre sardine qui boucha jadis l'entrée du port des Martigues.

LE CALMAR ou ENCORNET (Loligo vulgaris, Lamarck)

Noms patois. Croyances

Lencornet (S.-C); caiinet (Tréveneuc).

A Terre-Neuve, dès qu'on pêche un encorné, on crie : K"uic ! kouic !

Les lencornés adiotent dans le mois de mars ; quand ils sont fous, ils viennent se jeter sur les cailloux et crèvent comme des loups. Il y en a

252 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

qui font chavirer les navires. On raconte la même chose des minards (pieuvres), et on dit qu'il y en a qui pèsent plus de vingt barriques (S.-C).

LE CAPELAN (Gadus minutus, L.)

Nom patois. Proverbe

Capian (Tréveneuc).

Sec comme un capelan (M.).

LE CHIEN DE MER (Carcharias glaucus, Cuvier; Galevs CANis, Bonaparte ; Mustelus, Cuvier)

Noms patois

Chien roiissé, chien bro (peau lisse), lice la tête plus ronde), arcasson (noir aux ouïes), haû (ces deux dernières espèces ont la peau presque lisse), roiisseîette (S.-C.) ; orhiche (Cancale).

On appelle les chiens de mer coquins, parce qu'ils coupent les filets et les avançons.

La marache, qui est une sorte de haû plus petit qu'un requin, et qui a quatre rangées de dents, a un poisson qui la conduit; sa femelle s'appelle /'mu bleue.

Proverbes. Croyance. Conte

Roudche (rêche) comme une orbiche (Can- cale).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 2J5

Dur comme une piau d'rousselette (S.-C).

Dur comme une piau d'roussette (Trcve- neuc).

Les chiens font peur aux autres poissons; quand on en voit, on dit : « V'ià les maudits chiens qui arrivent; la marée est perdue: nous pouvons nous en aller. »

Dans un conte de marins inédit on raconte qu'un jour il y eut tant de chiens bros que les bateaux échouèrent dessus.

LE CLOPORTE DE MER (Oniscus)

Nom patois, Croyance

Trée (truie).

On appelle les trccs rongeurs de navires ou noyeurs de chrétiens, et les marins, surtout les calfats, les maudissent.

LE CONGRE (Conger vulgaris, Cuvier)

Xoni patois. Proverbe. Croyances

Congre est toujours féminin ; le petit congre se nomme congucriau. A Tréveneuc, on appelle con- guériau une espèce d'anguille ; elle n'est pas grosse et ne vaut rien. Quand les pêcheurs en prennent sur leurs lignes, ils les laissent sur le sable sans les ramasser.

254 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Avoir des yeux de congre mort.

Le roi de la Basse (banc l'on pêche), c'est la congre : elle mange tous les autres poissons.

Le homard est l'ami de la congre ; toutefois, la congre le mange quand il est mou.

LA COQUILLE SAINT-JACaUES (Pecten maximus, L.)

Noms patois Ricardeau (S.-C.) ; dahin (Saint-Jacut, Saint- Bneuc) ; grenelle (Saint-Brieuc). On dit aussi des cordilles de ricardeau (M.) ou des crodilks (S,-D.).

Formulettc. Conte On dit au ricardeau : Ricardeau, Clisse donc que je te prenne I Ricardeau, Clisse en haut, Que je te trouve ; Si tu n'y clisses pas, Tu seras mangé adesa (ce soir).

Le ricardeau, qui souvent est caché sous l'herbier de mer, décèle en effet sa présence par l'eau qu'il jette en l'air en ouvrant ses valves.

Dans un conte de marins, no lui, le courlieu ayant fourré son bec dans les valves d'un ricar- deau, celui-ci, malgré les supplications de l'oiseau, le tue.

DE LA HAUTE- BRETAGNE 255

LE CRABE (Cancer, L.)

Noms patois

Grappe (fém.); les petits crabes se nomment grapillons; l'étrille (Portunus, Fabricius), grappe pelue (crabe poilu) ; le dormeur (cancer pagurus, L.), poinchs.

Proferbe. Conte

r va de travers comme une grappe.

Le grapillon dit un jour au brigot (vignot) :

Brigot, toi qui n'as rien pour te retenir à l'ancre, comment fais-tu à soutenir la tempête ?

Ce que je fais ? Je ferme mon écoutille, et je vais au gré des flots. Quand le beau temps revient, je remonte, et je me promène sur le sable. Et toi, comment fais-tu, grapillon ?

Je jette tous mes grappins dehors, et je résiste au mauvais temps.

Ah ! grapillon, ta maison n'est pas forte ; tu n'as qu'une faible coquille, et on peut t'écraser avec le doigt de pied.

Toi, brigot, tu es comme le colimaçon: tu portes ta maison sur ton dos, et tu ne peux aller loin, et à moi tout pays m'est bon, car je vais je veux.

(Conté en 1880 par Etienne Piron, de Saint-Cast, pécheur, âgé de cinquante-liuit ans.)

256 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LA CREVETTE (Crangon vulgaris, Fabricius)

Noms patois. Croyance

Chevrette, chtetivrette (M., S.-C).

On prétend que le bopyre parasite que l'on trouve incrusté sur la tête de la chevrette contient une petite plie ou limande, parfois une sole.

Ce préjugé e>dste ailleurs qu'en Bretagne (cf. Rolland, p. 10; ; Desaivre, Croy., p. 29).

La crevette grise, qu'on appelle bouc, est peu estimée sur la côte bretonne de la Manche.

LA DORADE (Sparus aurata, L.)

Croyance

La dorade change sept fois de couleur en mourant (S.-C).

LE GRONDIN (Trigla gurnardus, L.)

Noms patois. Formuklte. Croyance

Grondin ou gourneau.

Q.uand on prend un grondin, il grogne, et l'on dit qu'il répète :

Ma femme est grosse 1 Ma femme est grosse 1

DE LA HAUTE-BRETAGXE 257

Ou:

Fous-moi dehors. Ma femme est grosse.

Celui qui mangerait la tête d'un grondin en mourrait. Ceci est une plaisanterie : il n'y a pas de chair sur la tète de ce poisson, qui est très- cartilagineuse et très-dure.

LE HARENG (Clupea iiarengus, L.)

Proverbe Sec comme un hareng.

LE HOMARD (Astacvs marinus, Fabricius)

Noms patois. Croyante. Fonntilette

Hotna ; la nasse se nomme cavelte, casier. A l'intérieur de la tète du homard se trouve une sainte Vierge avec deux anges. Homard ! Qui es plus fin que le renard, Hâte-toi de venir dans nos casiers; Tu seras un de nos lottiers (tu auras ton lot).

L'HUiTRE (OsTREA, L.)

Noms patois. l'orinnlette Huit'e, hit'e, Mire (S.-C).

n 17

258 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Quand on jette la drague pour les huîtres, on dit :

Va au bon Dieu ;

Prends garde de te perd'e,

Et reviens-t'en pleine.

Les Fées âc Lûla, xiii, 2^ série, vont manger les huîtres dans les parcs.

On ne mange pas d'huîtres pendant les mois qui n'ont pas d'r.

Les hanards (fausses huîtres) ont été maudits, car ils détruisent les huîtres.

LE LANÇON (Ammodytes tobianus, Cuvier)

Foniuikitcs. Conte On appelle lançonnicrs, fém. îançontiouère, les pêcheurs de lançon (S.-C). On dit au lançon :

Lançon, petit lançon tout rond,

Fais-moi prendre du poisson ; Si tu ne veux pas me faire prendre du poisson, Je te pilerai à grands coups de bâton.

Lançon, Prends ton bond ; Si tu ne prends pas ton bond. Tu auras du bâton.

Quand on ne trouve pas de lançons, on dit :

Lançon, petit lançon. Fais bondir le sable, que je te prenne ; Ou déserte à Compiègne.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 259

Dans le Pêcheur de lançons (Contes des Marins, no LVi), une fée fait présent à un pêcheur d'un lançon merveilleux, grâce auquel il prenait tout le poisson qu'il voulait, en lui adressant quelques mots.

LE MANCHE DE COUTEAU (Solen, L.)

Noms patois. Fonnulettes

Manço, manceau, plur. manceaiix (S.-C).

On l'emploie comme appât; le fil de fer recourbé au bout avec lequel on le prend se nomme mançôtotiè. On les prend aussi en leur présentant auprès de leur trou une pincée de sel blanc.

On dit aux manceaux :

Manço, sers-nous à boitter (i), Ou si tu n'y sers pas,

Tu ser.-is haché

Comme chair à pâté (S.-C).

On donne le nom de puron de mer à un manço recourbé qui ne devient pas aussi gros que le manço ordinaire; quand il fait du soleil, il s'attire sur le sable, et on le prend avec la main.

(i) Faire de l'appât pour les poissons : on pile les manches de couteau, et on les jette auprès des canots pour attirer le poisson.

200 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

On lui dit :

Puron, sors de ton trou,

Ou je te coupe le cou (S.-C).

LE MAQUEREAU (Scomber scomber, L.)

Noms patois. Formiileftes

Macré, maquériaii.

En jetant les lignes dehors, on dit :

Les ch'loupes Qui sont dans la Guadeloupe ;

Les séchards Qui sont dans l'afl'are (appât) ;

Les maquériaux

Qui sont dans l'iau : Mords du plus petit au plus gros.

Quand les pêcheurs jettent leurs filets pour pêcher le maquereau, ils disent :

Sainte Marie, mère des flots, Faites la grâce que nous prenions quelques maquereaux,

Des petits et des gros (S.-C).

Quand il y a beaucoup de séchards (ripons), on

leur dit :

Séchard,

Pars de l'aflare ;

Maquereau,

Reviens aussitôt.

Et ne t'en vas d'ici que tantôt.

On prétend que cela fait s'en aller les séchards.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 261

Dorade, Prends ta rage.

Séchard, Pars de l'affare.

Maquereau, \'iens sur l'eau.

Maquereaux, Prenez-vous sur le manceau.

Le maquereau dans l'iconographie et dans les contes

« A Saint-Briac, l'ornementation architecturale de l'église révèle une origine populaire : des maquereaux sont sculptés en sautoir dans les bénitiers, sur la paroi intérieure des murailles et sur les pignons des chapelles, qui portent la date de 1688. La pêche de ce poisson étant alors très- abondante, les lots fournis par chaque bateau fu- rent employés pour la reconstruction de l'église. »

(B. Robidou, Histoire et panorama d'un beau pays, f. 234.) Depuis, l'église a été rebâtie ; mais une partie de ces ornements ont été détruits par le clergé, qui ne comprenait plus cette tou- chante symbolique d'autrefois.

Dans La Houle du VdU {Contes des Marins, no xi), les fées donnent à un pêcheur le pouvoir de pêcher des maquereaux autant qu'il voudra.

Un autre conte de marins, no lix, met en scène le roi des maquereaux et le roi des brèmes, qui, mécontents de leurs sujets, prennent la réso- lution de les quitter.

202 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LE MAQUEREAU BÂTARD (Caranx trachurus, Cuvier)

Noms patois

Séchard ; même mot à Lorieiit (Rolland) ; ripon (S.-C); chinchar (vers la côte bretonne).

Formulettes

Quand il est pris, il fait entendre une sorte de plainte; on prétend qu'il dit :

Tu me fais mal. Ou:

Je chante, {bis) Je me plains.

On prétend qu'il dit aussi en se plaignant :

Je viens d'un beau pays. sont des arbres remplis de fruits ; Mets-moi dans l'eau à y retourner ; Je vais aller t'en chercher. Et je t'en rapporterai (S.-C).

Place, place. Ma fille est grosse d'un pape.

On lui dit :

Ripon, Mors sur l'hameçon, Ou tu auras du bâton.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 265

LA MÉDUSE (Medl-sa)

Noms patois

Pèlerine (Saint-Bricuc) ; gluant d'eau (S.-C), sougale. On prétend que la méduse est la crasse de la mer (S.-C.) ; vers l'île de Ré, on la nomme gale de mer.

La méduse passe, comme la sèche, pour donner mal aux yeux à ceux qui se les frottent après l'avoir touchée (S.-C).

LA MORUE (MoRRHUA vulgiris, Cuvier)

Formulette. Croyances. Superstitions

Mords, morue, mords. Cent ans après ma mort, Je crierai cor : Mords, morue, mords.

On récite cette formulette à tous les poissons, sans changer le mot morue.

La morue a auprès des ouïes deux arêtes qui ressemblent à des lames courbées; on les appelle x}s de vérité, et les pêcheurs en tirent des présages ; voici comment :

On jette en l'air l'os de vérité, sans le regarder ; il ne faut gas qu'avant de tomber il touche la

264 IKADITIONS HT SUPERSTITIONS

moindre chose ; celui qui consulte l'os de vérité prononce en même temps ces paroles :

« Si tu ne me dis pas si je prendrai (dix, vingt) poissons, je vais te hacher avec mon couteau. »

Si l'os de vérité tombe les deux extrémités recourbées vers la terre, c'est qu'il répond non ; si au contraire elles sont en l'air et que le milieu touche la terre, cela veut dire oui.

Quand l'os de vérité répond non, on le frappe à coups de botte, puis on l'interroge de nouveau. Il y a à Terre-Neuve des marins qui conservent pendant plusieurs mois des os de vérité, et qui les interrogent souvent.

On demande aussi aux os de vérité s'il fera beau ; quand la réponse est défavorable, on ne se tient pas pour battu, et on les rejette jusqu'à ce qu'ils aient dit oui.

LA MOULE (Mytilus edulis, L.)

Noms patois. Croyance

Manque (S.-C.) ; corbin (S.-D.); Nfiii, moule d'Erquy; moulièrc, lieu les moules sont abon- dantes.

On prétend que la neige les engraisse et les blanchit (S.-C).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 26$

L'ORMIER OL- OREILLE DE MER (Haliotis, L.)

Noms patois. Dictons

Onnce, f. (S.-C.) ; oiinnier, m., orinaie, f., or- meau, m. (Tréveneuc) ; ourmiées,i. (Saint-Brieuc).

Les ormées ne passent point par le eu es

chats.

Jamais ormée n'a passé par eu de chat

(S.-C).

L'OURSIN (EcHiNus, L.) Noms patois. Proverbes. Formiihtte

Doiicine (S.-C); œuf de mer, pluriel des œufs de mer (Tréveneuc).

Poilu comme un oursin.

Avoir le poil debout comme un oursin.

Petit oursin, deviens gros ; Tu serviras à m'faire un pot.

LE PAGEL (Pagellus, Cuvier)

Noms patois. Formulettes

Pironneau, pironniau. On dit au pironneau :

Pironneau,

Saute en haut,

Hors de l'eau. Que je te tue o mon fusi' chassepot l

266 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Il répond :

Je n'y sauterai pas, Que si tu veux me donner de ton appât (S.-C).

LA PATELLE (Patella, L.)

Noms patois. Proverbes. Croyance

Béni, b'tii, berni (S.-C); herni, bernin (Tréve- neuc) ; bernic (Saint-Brieuc) (cf. le breton brinic).

Se coller comme un h'ni.

Collé comme un b'ni sur un caillou (en parlant des jeunes gens et des jeunes filles).

On emploie les bernis bouillis pour les cochons malades.

LA PLIE (Platessa vulgaris, Cuvier)

Formulette

Plie, plie ! Viens dans not' pêcherie; Nous t'éclairerons avec de la bougie (S.-C).

LE POISSON SAINT-PIERRE (Zeus paber, L.)

Nom patois. Contes

Poule de mer (S.-C).

Quand le bon Dieu prit la poule de mer, il lui

DE LA HAUTE-BRETAGNE 267

marqua ses cinq doigts sur le dos, puis il la remit à la mer en lui disant :

Va, croîs et multiplie (S.-C).

Cf. deux légendes le rôle du bon Dieu est rempli par saint Pierre (RoIKind, p. léi).

Un jour le bon Dieu, qui voulait manger du poisson, s'embarqua dans un petit bateau pour aller en pêcher, et il prit une poule de mer; mais il ne voulut pas la manger, car il n'y en avait pas beaucoup dans ce temps-là, et il la trouvait trop belle. Il la prit entre deux de ses doigts et la remit à l'eau en lui disant :

Fuis, Fannie, Croîs et multiplie.

Depuis ce temps, il y a toujours eu des poules de mer, et elles portent toutes aux côtes la marque des doigts du bon Dieu (S.-C).

Cf. Contes des Marins, n" LVii, La Poule de mer.

LE POULPE (OcTOPUS, Cuvier)

« Noms patois. Croyances

Minard (S.-C, Tréveneuc) ; terpied, plus usité que minard (Tréveneuc).

Les minards sont une race maudite; on les injurie en les appelant mangeurs de moules, coquins ou enfants du diable. Parfois les pêcheurs

268 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

s'amusent à leur crever les yeux ou à leur passer un bois dedans, puis ils les rejettent à la mer.

On disait à Saint-Cast, d'un pêcheur qui prenait beaucoup de poisson, que sa chance tenait à ce qu'il avait toujours un mlnard dans le fond de son bateau.

Formulettes. Conte

On maudit le minard, et on lui dit :

Maudit minard, Tu viens toujours trop tard ; Viens donc dans le mois de mar', Ou déserte dans l'département du Var ; Et que Dieu fasse la grâce De ne plus jamais te revoir (S.-C).

Maudit minard, Tu arrives toujours trop tôt ou trop tard ; Si tu n'arrives ou ne vas pas à mon gré.

Je te faucillonnerai.

C'est-à-dire je te frapperai à coups de faucillon.

On emploie le minard à faire de la hoitte (appât) ; s'il n'y en a pas, on prend peu de chose; s'il y en a trop, ils détruisent le poisson ; alors les pê- cheurs les maudissent.

Trop tôt, c'est quand en avril ils font peiir aux maquereaux; trop tard, quand il n'y en a pas pour boitter pour les congres.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 269

Le niinard dit à la margate (sèche) :

Comment f-iis-tu, toi, margate, qui as les filets si petits, à te tenir bon pendant les tempêtes ?

Je ramasse mes petits filets dans ma coque, et je me laisse aller; et toi, minard, comment fais-tu ?

Je mets tous mes grappins dehors, et je tiens bon.

Ah I minard, tu es mou comme un gant ; tu n'as de dur que le bec ; moi j'ai un os qui me conserve (S.-C).

LA RAIE (Raja, Cuvier)

Noms patois. Croyances

Rd, étique (raja, pastenaca, L.), fd (grosse raie qui a le nez plus pointu que la raie commune) (S.-C); (Tréveneuc).

Sur les bancs de Terre-Neuve, on maudit la raie; on lui coupe le nez, et on la rejette à l'eau.

On dit que sa figure ressemble à celle du bon Dieu. Dans la tête de la raie, comme dans celle du homard, se trouve une sainte Vierge avec deux, anges.

On appelle esprit de raie deux petits os qui 5ont dans sa tète; ils se trouvent aussi dans k morue : c'est Vesprit de morue.

270 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LE ROUÉ (Cyclopterus lampus, L.)

Croyances. Contes

Le roué a un poisson qui le conduit. Quand on le voit battre de la queue sur l'eau, c'est signe de vent.

D'après un conte de marins, no liv, le roué de mer est un pêcheur enimorphosé par les fées aux- quelles il avait désobéi.

Dans un autre conte de marins, no lviii, le homard, pour se venger du roué de mer, saisit avec sa pince le poisson qui lui sert de guide, et le roué de mer, livré à lui-même, vient s'échouer sur les cailloux.

LE ROUGET (Mullus barbatus, L.)

Croyance

Le rouget, qu'on nomme aussi poisson royal, est le roi des poissons; on dit que les autres lui obéissent (S.-C).

LA SARDINE (Clupea sardina, L.)

Noms patois. Proverbe

Sardrine (S.-C, Tréveneuc), serdrinc. La petite espèce de sardine se nomme haguette (S.-C).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 27 I

Pressés comme des sardines (M., E., Tré- veneuc).

LA SÈCHE (Sepia officinalis, L.)

Noftis patois. Proverbe. Croyances

Margate(S.-C.); morgate (D., Tréveneuc, Saint- Suliac). Cf. le breton môrgaden.

Sec comme une margate.

La margate a, dit-on, la figure d'une personne.

Si on se frotte les yeux après avoir touché une méduse ou une margate, on peut devenir aveugle (S.-C).

LA SOLE (SoLEA vuLGARis, Cuvier)

Formulette

Sole, sole, Mors sur l'hameçon qui est attaché à nos cordes. Ou nous te f'rons bouillir dans not' casserole (S.-C).

LE TALITRE (Talitrls saltator, Mont.)

Noms patois. Croyances

Puce de mer, pusseau.

On maudit les pusseaux, parce qu'ils viennent sucer le poisson ; on les injurie en les appelant « curés en retraite ».

272 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Quand on les voit sauter sur le sable, le di- manche, on dit qu'il fera beau pendant huit jours.

LE TURBOT (Rhombus >uximus, Cuvier)

Formulette

Mors sur nos lignes, turbot ; Tu ne s'ras pas un diot (sot), Car il y a un bon morceau d' maquereau (S.-C).

LA VIEILLE (Labrus variegatus, L.)

Noms patois. Croyance

Le mâle se nomme vraichot ou moiûard. La vieille a le commandement sur tous les poissons, petits ou gros, qui sont sur la basse.

LE VIGNOT (Turbo littoreus, L.) Noms patois. Formulette

Brtgot, brigand (S.-C.) ; fariii, bergeau, fali (Tréveneuc) ; bernigot, biguerneau (D.). Cf. le breton bigornen.

On dit au briTOt :

Petit brigot,

Tu es bien petit ;

Mais que tu es beau

DE LA HAUTE-URETAGNE 273

LA VIVE (Tracuinus vipera, Cuvier)

Noms patois. Croyances. Formtilette

Giiigri (S.-C); 5îom (Saint-Brieuc); à Tréve- neuc, marte-piquant.

Le guigri a sur le dos une arête bleue qui se redresse et pique. Le venin qu'elle contient est assez subtil pour que la piqûre en soit très- redoutée des pêcheurs de la Manche. Si on est piqué par un guigri, il faut le tuer et baigner la partie atteinte dans de la soupe grasse. On pisse aussi dessus.

Les guigris sentent la tempête, et ils piquent bien plus quand souffle nord-est que lorsque régnent d'autres vents.

Si on est piqué par un guigri, on souffre d'une marée à l'autre ; on peut rendre sa piqûre inof- fensive en écrasant dessus le fiel du poisson ou en se frottant avec ses tripes.

Toutefois, quand la piqûre a été profonde et faite par un gros guigri, on prétend qu'on s'en ressent pendant toute sa vie.

On maudit le guigri, et on lui dit, pour le chasser :

Va-t'en, maudit guigri, Et ne viens pas mordre sur nos lignes ; Va-t'en dans les eaux ou dans les airs.

Il 18

B. LES POISSONS D'EAU DOUCE

\'Ai peu de détails sur les poissons d'eau douce, bien que j'aie fait de mon mieux pour m'en procurer. On trouvera ci- après ma récolte.

Si on veut prendre beaucoup de poisson, il faut étouffer des petits chats aussitôt qu'ils sont nés, les renfermer dans un pot, puis les hacher avec de la graisse, et se frotter ensuite avec quand on va à la pêche. Le poisson accourt aussitôt (E.).

L'ANGUILLE (Anguilla \ulgaris)

Proverhes et Dictons

Les anguilles sont les mères des fontaines (S.-C).

Bougeant comme une anguille. Il se faufile comme une anguille.

Croyances L'anguille est la cousine germaine de la cou-

TRADITIONS ET SUPERSTITIONS 275

leuvre ; elle court après elle et fraie avec. Elle passe pour être venimeuse (E.).

« Quand l'été l'anguille s'envase par suite du dessèchement des canaux, le maraichin croit qu'elle mène la vie des serpents, et qu'elle s'ac- couple avec eux. »

(Loire-Inférieure, Viaud - Grandmarais, cité par Rolland, p. 104.)

LE BROCHET (Esox mcius, L.)

Notns patois. Croyance

On appelle « goule de brochet » les gens qui ont la bouche en avant et très-fendue. L'épinoche se nomme petit brochet (E.). Le brochet est le compère de la carpe (S.-C).

LA CARPE (Cyprinus carpio, L.)

Proverbes. Croyances

Faire des yeux de carpe frite.

Bâiller ou dormir comme une carpe au soleil.

Si la carpe frappait, étant dans l'eau, la main de l'homme avec sa queue, elle pourrait le para- lyser (E.).

Les carpes font mauvais ménage avec les tanches, et on prétend qu'elles les mangent.

276 TRADITIOXS ET SUPERSTITIONS

LE DARD (Lel'ciscos vulgaris, Cuvier)

Croycitice

Le jour Saint-Pierre d'Antioche (22 février), c'est la montée du dard, qui monte au rebours de l'eau pour aller frayer (E.).

LA SANGSUE (Hirudo, L.)

Nom patois. Proverbe

Sungsure. Même nom en beaucoup de dialectes. Se coller comme une san2:sue.

i^^s^^.'^?^;

'«c^V^T^iMT,

CHAPITRE VII

LES INSECTES

§ I. GÉNÉRALITÉS

4E nombre des insectes que les paysans connaissent n'est pas très-considérable : en Haute-Bretagne, je ne crois pas qu'ils puissent en désigner plus d'une quarantaine par un mot patois. Pour eux les nombreuses variétés des coléoptères à corsage foncé se réduisent à trois. Les espèces de papillons sont confondues sous le même nom ; la plupart du temps, ils n'indiquent même la couleur que des blancs ou des jaunes. Ce sont d'ailleurs ceux qui jouent dans la superstition populaire le rôle le plus important, ainsi qu'on le verra à la monographie du papillon.

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§ IL MONOGRAPHIES

L'ABEILLE (Apis, L.)

Noms patois

(OUCHE à mié, mouche à miel (M., E.) ; avette, mouche à mié, ruche (P.); mouche, monche de niche (S.-D.). I-a ruche s'appelle cave, cavette (M.); cachot (P.)'» son couronne- ment, un calibournet ÇP.); la ruchée, une cavelèe (M.) ; l'essaim qui en sort, jet ou jtet (P.) ; jict d'monches, jiet d'ruches (S.-D.).

On donne le nom de pillardes aux abeilles vagabondes (S.-D.). Quelquefois les mouches sont saisies d'une sorte de panique: c'est Véverdin (E.).

Devinette

Qui est fait comme un fou' (four), qui n'est pas fou', il y a cent mille habitants Qui volent comme le vent? (E.)

Une ruche d'abeilles.

Cf. Bladé, D. 80.

TRADITIONS ET SUPERSTITIONS 279

Croyames et Superstitions

Si les mouches essaiment beaucoup, c'est signe -que l'année sera bonne ; si elles ne profitent pas, c'est un présage de guerre ou de mauvaise année

<E.).

Si on peut attraper le premier papillon blanc qu'on voit, on trouve un essaim dans l'année (E., S.-C).

On met entre la pierre et la ruche un morceau de cierge bénit pour empêcher les abeilles de s'en aller.

Cf. Rolland, t. III, p. 267 (Vosges).

Un morceau d'acier mis sous une ruche préserve Iq% abeilles du tonnerre (P.).

Quand les abeilles sont sur le point d'essaimer, elles se parlent ; si on va les écouter de près, on entend la mère qui dit :

Kan, kan, kan.

Ce bruit s'arrête un peu, puis il reprend (P.)-

Si les abeilles essament le jour Sainte-Anne (26 juillet), il y a un cierge dans le milieu des ruches; c'est la ruche du roi. Si elles essaiment un des jours consacrés à la Vierge, les railes (rayons) sont en croix, et c'est la ruche de la reine. Si on fait périr ces ruches, les autres périssent aussi (E., P.). Si les abeilles essaiment

28o TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

un jour de fête d'un grand saint, il y a un roi dans la ruche (P.).

Cf. dans Rolland, p. 268, des croj'ances analogues.

Après la Saint-Laurent, les abeilles n'essaiment plus (E.).

Pour rassembler les essaims, on frappe sur un bassin, ou l'on heurte deux fers à cheval l'un contre l'autre, et on dit aux mouches en chan- tonnant :

Alia (i), mère, alia, mère (ou mé), Alia, alia, mère (P.). Allie, allie. Alliez-vous, mes petites, en ménaïge (E.).

En ménage, mes petites. Montez, mes petites, en ménage, En ménage, en ménage (E.).

Sia, sia, mes mouches, sia ;

Ne va pas par les montagnes.

Et viens t'enfermer dans les ruches (S.-C).

Ali meur ! Ali meur ! (Tréveneuc) O la méère ! ô la méère ! (S.-D.)

Snr les formulettes de l'abeille, cf. Rolland, t. III, p. 267 ; Desaivre, Essai de mythologie locale (Poitou et Vendée), p. 4.

En plusieurs pays, il y a un homme dont le métier est de partager les essaims ou de les faire

(i) Allier ou aller est en ce pays un terme technique et veut dire rallier.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 281

rentrer; il n'a aucun vêtement pour le préserver des piqûres. II envoie ceux à qui sont les mouches lui chercher diiTcrcnts objets, et c'est pendant leur absence que l'opération a lieu (P.)-

Certains hommes qu'on appelle des micïîiers savent arrêter les mouches à miel. C'est un don qui se transmet de père en fils ; mais l'aîné de la famille peut seul le posséder. Le mieillier dit une oraison particulière, tient son chapeau derrière son épaule gauche et a l'œil fixé sur le milieu de l'essaim se trouve la mère, qui ne tarde pas à venir se poser sur sa main (E.).

Les sorciers, pour faire reformer les conscrits, leur font piquer les testicules par des abeilles (Ille-et- Vilaine).

Quand il meurt un proche parent, on met les ruches en deuil. Si c'est le père, la mère ou le chef de la maison, le deuil est blanc ; on attache à la ruche un morceau du drap qui a enseveli le défunt, ou on coupe dans ses chemises propres un petit gtiénillon qu'on met sur la ruche. Sans cela, les abeilles s'en iraient ou périraient (E.).

Quand la mort a enlevé le chef de la maison, presque toujours elles meurent dans l'année, ou elles ne profitent plus (E.).

Si le maître des ruches est mort, les abeilles portent le deuil six mois et ne chantent plus. Quand le père de famille est défunt, on leur

282 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

porte un morceau d'un chapeau de laine lui ayant appartenu (P.)-

A Saint-Cast, on leur met un drap noir.

En Basse-Bretagne (cf. Galerie bretonne, t. I, p. 172); en Picardie (cf. Mél., col. 72) ; dans l'Orne (Jb., col. 9; ; Amélie Bosquet, p. 217) ; dans la Franche-Comté (Jb., col. 346, note) ; dans les Vosges (Jb., col., 451); dans le Poitou et dans la Vendée (cf. Souche, Croy., p. iS, et Desaivre, Mythol. locale, p. 4), on met aussi les ruches en deuil.

Si la personne la plus chanceuse de la maison vient à mourir, elle emporte avec elle la chance des ruches (P.).

Les mouches à miel vendues après le décès de quelqu'un profitent rarement ; mais celles qui ont été volées réussissent (E.).

Cf. Rolland, t. III, p. 268.

Vendre une ruche porte malheur à celles qu'on ne vend pas.

L'ARAIGKÉE (Aranea, L.)

Noms patois. Dicton

Irangne, iraiignêe, d'où irangner, araigner (E., S.-D.) ; les toiles se nomment tèles d'iraiignes (S.- D.); fi' d'irangne (E.); arantèle (pa3'S de Retz, G. g.).

Araignée du matin, Chagrin;

DE LA HAUTE-BRETAGNE 283

Araignée du midi,

Plaisi' ; Araignée du soir,

Espoir (P., S.-C).

Se retrouve presque exactement dans les Vosges. Cf. Mél., col. 4)1, et Rolland, p. 241, pour les nombreux similaires.

Quand il y a des toiles d'araignée dans une maison, on dit qu'il y a des jeunes filles à marier (M.), mais s'il y en a trop, on les appelle des chasse-galants.

Croyances et Superstitions

Quand les araignées travaillent plus que de coutume, c'est signe de pluie ; si elles essaient de s'approcher de la fenêtre, c'est signe de beau temps (E.,P.).

Les araignées sont d'un mauvais augure.

Q.uand le temps change, elles disent : « Tac- tac, » comme un balancier d'horloge (P.).

En filant leur toile, les araignées chantent une chanson ; en tuant les mouches qu'elles ont prises, elles en disent une autre, mais je n'ai pu m'en procurer le texte (E.).

Si certaines araignées de grosse espèce passent sur la figure d'une personne, elles lui donnent un cancer (P.).

C'était une croyance du moyen âge (cf. Deschamps cité par Rolland, p. 238).

284 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

On croit à la campagne que les panaris sont produits par une araignée qui s'est introduite dans le doigt (Calorguen).

LE BOURDON (Bombus)

Croyance

Le bourdon passe pour être le mâle de l'a- beille (E.).

LE BOU2IER (Meloe)

Nom patois

Marguerite (M.); sangvinsang (S.-C); sergent de merde (S.-D.); diable, fouille-merde (P.).

Jeu et Formitlettes

Les enfants crachent sur les bouziers et leur disent :

Marguerite, Marguerite,

Donne-moi du sang rouge,

Et je te donnerai du sang blanc (M.).

Sangvinsang, Donne-moi de ton sang rouge ; J'te donnerai du sang blanc (S.-C).

Sur la limite de l'Anjou et de la Bretagne, on leur dit :

Morelle, morelle,

DE LA HAUTE-BRETAGNE 28$

Vends-moi de ton sang rouge ; J'tc donnerai du vin blanc. Cf. dans Rolland, p. 345, des formulettes similaires.

LE CERF-VOLAMT (Lucanus cervus)

Noms patois

Diable (P.); ^^^j f^'"- cer-rêsse (S.-D.); cerf volante (P.).

Croyances. Formulette

Quand les cerfs-volants volent le soir en bour- donnant, c'est signe de changement de temps (E.).

On a de la chance si on porte dans sa pochette une téete de cer ; mais une tête de cer-rêsse ne ferait pas le même effet (S.-D.).

Même superstition dans le Loiret (cf. Rolland, p. 328) ; ea Berry (cf. Laisnel de la Salle, t. I, p. 284), un cerf-volant mis au chapelet préserve des maléfices.

Cerf-volant, Donne-moi de ton sang ; J'te donnerai du bran. Si tu ne veux pas, J'te donnerai des coups de bois (S.-C).

LA CHENILLE

Noms patois. Croyances

Char pelouse QA., E.) ; cherpélouse (P.); tête-naïre (Hénon).

286 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

On les tue, parce que leur rencontre est d'un mauvais présage (E.). En beaucoup d'endroits on ne croit pas que les chenilles soient les larves du papillon.

LA COCCrKELLE (Coccinella)

Noms patois Bête à ton Dieu, parvole, pervole (E.).

Croyances. Fonnulettes

Quand on tue une bête à bon Dieu, on perd un de ses meilleurs chevaux (P.).

La coccinelle est la chance des champs ; plus elle s'envole facilement, plus les enfants sont sages (S.-C).

Parvole {his') ; Si tu m'aimes, que tu t'envoles (E.).

Petit ange du bon Dieu,

Envole-toi. Si le bon Dieu ne veut pas de toi, Tu viendras à moi (S.-C).

Bête à bon Dieu

Monte au ciel.

Et m'apporte du miel ;

Si tu vas en enfer,

Tu m'apporteras de la bière ;

DE LA HAUTE-BRETAGNE 287

Si tu vas en purgatoire, Tu m'apporteras des poires (S.-C). Cf. Souche, Croyances, p. 16.

Petit ange, vole, vole.

Si le bon Dieu m'aime, t'envoie ;

S'il ne m'aime pas.

Ne t'envoie pas (S.-C).

Cf. dans Rolland, p. 350 et suiv., les formulettes de U coccinelle. Cf. aussi Desaivre, Form., p. 4, et sur la coccinelle en général an article de M. Mannhardt, intitulé La Coccinelle el Holda Freya, dans Mel., col. 441-446.

Les criocères (crioceris), qu'on appelle petits violons, merciers (E.), sont souvent confondus avec les bêtes à bon Dieu.

Si on tient longtemps un petit violon auprès de ses oreilles, on ne devient jamais sourd, parce que le petit violon prie le bon Dieu de conserver l'ouïe à celui qui l'a écoulé (E.).

LE COLIMAÇON (Hélix, L.)

Noms patois

Coliniaçm, lima à coque. On l'appelle aussi

mercier, parce qu'il porte sa maison sur son dos,

comme le mercier sa hotte. On ne distingue pas

toujours le lima du colimaçon.

Proverbes Aller comme un lima.

Cf. Rolland, p. 212 (Côte-d'Or).

288 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

A Noël les limas,

A Pâques les grouas (E.).

C'est-à-dire : s'il fait chaud à Noël, à Pâques il y aura de la glace.

Il vaut mieux trouver un chien enragé Qu'un lima en janvier (P.)-

Devinettes

fl) Qui est-ce qui peut se promener sans quitter sa maison ? (S.-C.)

b) Qui est-ce qui porte sa maison sur son dos ?

Le colimaçon.

Quel est celui qui ne va pas vite à la messe ? (E.)

Le colimaçon; mais il est tout de même rendu à la Saint-Jean avec les autres.

Superstitions. Formulettes

Quand on trouve un lima qui a l'œil tourné du côté gauche, c'est signe que l'année sera bonne ; si au contraire il est tourné du côté droit, c'est d'un mauvais présage (P.).

Calimaçon (his), montère tes cônes ; Je te dirai sont ton père et ta mère : r sont dans le bois de Fosses (S.-C).

Calimaçon borgne, Montère tes cornes (M.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 289

Calimaçon, montcre tes caûnes, ou bien ton père et ta mère vont v'ni' do un grand coutiau d'bois pour te couper le keu (cou) (Saint-Briac).

Lima, lima, Montère tes cônes ; Ton père et ta mère sont dans la terre jaune (D.).

J'ar. : Ton père et ta mère sont dans la Basse-Corne

(Moncoutour).

Calimaçon, attire tes cônes,

Ou j'vas t'casser ta maison (Ploubalay).

Les enfants prétendent que le colimaçon a peur et qu'il s'attire quand on lui répète ces formulettes. Cf. dans Rolland, p. 19e et suiv., une nombreuse série de formulettes françaises et étrangères dont quelques-unes sont très-voisines de celles du pa3sgaUot; cf. aussi Desaivre, Form., p. 5.

Dans le conte Le Colimaçon et le Renard {Litt. orale, p. 237), le colimaçon trouve moyen d'arriver avant le renard à un but déterminé. Cf. dans Rolland, p. 20S, un conte similaire de la Côte-d'Or, et les citations à la suite. M. Souche, Prorerbes, p. 19, l'a également recueilli en Poitou. Sur le colimaçon, ■voyez aussi 2' série, xlix, le conte du Mercier.

LA DEMOISELLE (Libelllla)

Noms patois

Lavandière (S.-C.) ; inonsieu, pi. monsieux (P.) ; d'mouëielle (S.'D.); lavandière d'eau, (E.); cheva' d'cakuve (S.-D. ; cf. le breton marc'h aër, dont ce nom est la traduction); dame, gendarme (P.). La grosse espèce se nomme à Saint-Donan

11 19

290 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

aiguille ou aiguille du diable (cf. nadox_ aër, aiguille- serpent, Bretagne).

Croyances et Superstitions On appelle les demoiselles les agents du diable, et l'on a peur d'être piqué par elles. Quand on les voit autour des doués, on dit :

Prenez garde aux agents du diable !

Pour les chasser, on leur crie : Zi, zij zi I

Et elles s'en vont (S.-C).

Si on peut attraper une demoiselle, on se marie dans l'année (E.).

Si les demoiselles volent en rasant l'eau, c'est signe d'eau pour le lendemain ; si elles volent haut en courant après les mouches, le temps est au beau.

LE DYTIQUE (Dytiscus, L.)

Noms patois Chei'al d'anguille (M.) ; mère anguille, chevau du diable (S.-D.) ; poule d'éaiou (Trévencuc).

L'ÉPHÉMÈRE (Ephemera, L.)

Noms patois. Pronostic Guibette, fém. (M.); guïbet, masc. (E.,P.); cf. le breton gwibeden, hibe, fém. (S.-D.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 2C)l

Les guibets piquent les gens quand le temps est à la pluie; s'il est à l'orage, ils piquent plus dur; s'il est au sec, ils laissent le monde tranquille. Lorsqu'ils sont en troupe, s'ils volent haut, le temps est au sec; s'ils volent bas et près de terre, il fera de l'eau (P.).

Les hibes piquent de séer ; j'arons dla piée d'main (S.-D.).

LE FAUCHEUX (Phalangium opilio) Nom patois. Superstitions Fauchoux (M., E., P.).

On leur coupe les pattes et on les met dans sa main; si, après avoir été détachées du tronc, elles remuent, c'est signe qu'on aura de la chance (E.).

Cf. Rolland, p. 245 (Poitou) ; voir une superstition vosgienne dans Mcl., col. 498-

Quand les faucheux montent sur l'épaule d'une personne, c'est signe qu'elle mourra dans peu de temps. On entend dire à quelqu'un qui a sur lui un faucheux : « Veut-i' me mener dans le cimetière ? J'vas li casser une patte ; i' périra avant ma » (E.).

LA FOURMI (Formica) Noms patois. Proverbes Frotni, masc. (M., E., P .) ; frotimi (E., P.);

292 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

fourgnon, petit barse (Plouvara); la fourmilière s'appelle /ro;?u7/è?-e (M., E.); four minière (P., Tré- veneuc).

r n'a pas la force d'un fromi (M.)-

Cf. dans Rolland, p. 27S, un proverbe similaire.

Quand on s'asseoit sur une fromilièrc, on ne sait pas quel est \q fromi qui vous pique (E.).

Croyances et Superstitions

Plus la fourmi s'enfonce dans la terre, plus l'hiver sera rigoureux (E.).

Si les abeilles ne veulent point sortir d'un tronc d'arbre, on met des fourmis dans le tronc, et elles sortent (P.).

Pour faire les filles péter, on n'a qu'à prendre du pain de fourmi (ce sont les œufs) et à en mettre dans le manager ou dans la boisson de la personne à qui on veut faire cette farce. Sitôt le pain de fourmi avalé, la personne se met à péter (P.).

Dans les contes, la fourmi joue en général un rôle secourable (cf. Le géant aux sept femmes, 1" série, n" ix ; L'enfant qui va. chercher des remèdes, série, xxxiv).

LE FRELON (Vespa crabo, L.)

Noms patois. Superstitions Fragon (M., E.); fringon (P.) ; frcegon (S.-D.,

DE LA HAUTE-BRETAGNE 293

P.); fningon, fnîlon (P.); frûlon, frtigon (S.-D.). Le nid aux frelons s'appelle fragonnière (E.);fré- gonnière (P.)-

Quand le frelon mord, on dit qu'il emporte le morceau (E.-D.). Les paysans disent « qu'i' mord 0 la goule et i' pique o l'eu ».

Il ne faut que sept frelons pour tuer un cheval, trois pour un homme. Les morsures du frelon sont, dit-on, mortelles (P.).

LE GRILLON (GRaLvs)

Noms patois. Dictons

Grés m on (M., E.); g uer sillon (M., E., P.).

Il a le ventre rond Comme un guersillon (P.)-

Le grillon d'amour est dans le foyer (D.) : c'est une maison il y a des amoureux.

On appelle gueriiîlon d'fourneèse l'enfant qui aime trop le foyer (S.-D.).

Croyances et Superstitions

Quand on a un grésillon dans son foyer, il ne faut pas le tuer, car c'est la chance de la maison (S.-C, E., P.).

Cf. Rolland, p. 290; Mé!., col. 457 (Vosges); A. Bosquet, p. 219; L. Desaivre, Croy., p. 30; Monnier, p. 669.

294 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

On dit au grésilloii : Guersillon, Viens dans ma maison; Chante ta petite chanson, Et répands ta bénédiction (S.-C).

Si le chant du grésillon vient à cesser, c'est un présage de mort ou de pertes (P.).

Cf. Rolland, p. ^90.

Lorsqu'il meurt quelqu'un, le grillon, en signe de deuil, reste six mois sans chanter (P.).

Si on met, sans les regarder, deux grésillons sous un chapeau, ils se battent, et il ne reste plus que les pattes (E.).

LA GUÊPE (VespiV vulgaris, L.)

Noms patois. Proverhe. Croyance

Gtieèpe; son nid se nomme guêpinière (P.).

C'est une fine guêpe : une rusée.

La guêpe hait l'homme qui lui a fait la chasse; elle le reconnaît même au bout de plusieurs jours (E.).

LE HANNETON (Melolontha. vulgaris)

Noms patois

Brument (M.) ; bruant (D.) ; brundon (P.) ; brunda (S.-D.); vache de chêne (E.) ; poule de

DE LA HAUTE-BRETAGNE 295

chêne (Callac, Morbihan). Les hannetons blancs se nomment des nionniers (meuniers) (M., E.). La larve du hanneton, locreux (E.) ; turc (M.). Brunder (P.) ; hrumcnier (M.), désigne le bruit que les hannetons font avec leurs ailes.

Proverbe. Pronostics. For mulet tes

Année de bruments, année de chiens enragés (S.-C). On prétend que si les chiens mangent des hannetons, ils enragent.

Si les hannetons mangent les feuilles des chênes, il y a à craindre pour la récolte de l'année suivante, parce qu'il y aura beaucoup de -vers blancs (E.).

Quand la larve ne sort point de terre, l'année est mauvaise en sarrasin.

Avant de s'envoler, les hannetons comptent leurs écus; ils en ont autant que de taches .blanches sur le ventre.

Cf. Rolland, p. 334.

On les attache eu à eu plusieurs avec des moyetles (c'est un brin d'herbe pointu), pour les faire brunder (E., S.-D.).

Cf. dans Rolland, p. 23 ; Souche, Prov., des jeu.\ similaires.

On leur chante, pour les faire envoler : Brument, vole, vole ; Mon grand-père Nicole r m'a dit qu'si tu n'allais pas à l'école,

296 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

r fallait couper ta tête

Avec ma grande serpette (S.-C).

Petit chandelier doré,

Petit paille en eu,

Du cocu, cocu, cocu (D.).

Sur les formulettes des hannetons, cf. Rolland, p. 335 et suiv.; Desaivre, Forin., p. 6.

LA MOUCHE (Musca)

Noms patois

Mouche (P.); la mouche araignée se nomme îangousse, langoute (E.) ; langourde (vers Bécherel)..

Dirions et Proz'erhes

r bérouine (bruine) ; voilà les mouches qui pissent (E.).

Les mouches pissent tout blanc (E.). Il neige.

Noir comme une mouche dans un pot de lait (E.).

Cf. Rolland, p. 307.

A la Saint-Simon, Les mouches valent chapon (P.)- Cf. dans Rolland, p. 305, un dicton similaire.

La procession de la Saint-Marc (25 avril) a pour but de faire crever les langousses d'eau. Avant que cette procession eût été inventée.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 297

elles fiiisaient périr les chevaux et même les hommes; elles étaient grosses comme des têtes de cheval et pouvaient tramer des pierres. Depuis, elles sont revenues à la grosseur qu'elles ont main- tenant (environs de Bécherel).

Cf. sur le Pardoti des mouches à Qutmper, qui a lieu le même jour, une note de Sauvé, ap. Rolland, p. 310.

LA MOUCHE D'EAU (Gyrinus, L.)

Noms patois. Croyance

Couturier (E., S.-D.).

On prétend que ce sont les couturiers d'eau qui ont appris à coudre aux tailleurs (E.). On appelle aussi tailleurs les araignées d'eau.

Les g}Tins se nomment aussi couturières (cf. le bret. ketnenerès).

LE PAPILLON

Nom patois Papion (E.) (assez peu employé).

Pronostics. Superstitions. FormuJettes

Quand les pâtours voient les papillons, ils leur disent :

Papillon jaune, Fais du feu et t'chauffe ;

298 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Papillon blanc. Prends ta quenouille et va en champs.

Les papillons jaunes paraissent avant les blancs.

Cf. dans Rolland, p. 515, un proverbe normand analogue.

Quand on les voit pour la première fois, on leur chante :

Papillon rouge

Et papillon blanc.

Voleras-tu cor ? (bis)

Papillon rouge

Et papillon blanc, Voleras-tu cor jusqu'à la Saint-Jean ?

Voleras-tu cor {bis), Voleras-tu cor jusqu'à la Saint- Jean? (P.)

Si on peut attraper le premier papillon blanc ■qu'on voit, on trouve un essaim dans l'année <E., S.-C).

Superstition analogue dans les Vosges (cf. Mélusine, col. 478) ; en Poitou (Desaivre, Croy., p. 30; Souche, Croy., p. 7).

Noël du Fail constatait au xvr siècle le rôle chanceux du papillon, t. I, p. 112 ; « Qjii veult estre marié en l'an prenne le premier papillon qu'il verra ».

Voir un papillon le soir, c'est signe que pro- chainement on aura des nouvelles.

Quand on voit voltiger des papillons de nuit, on les tue, parce qu'on prétend qu'ils sont veni- meux (E.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 299

On dit aux papillons :

Papillons, papillons,

Allez à Bron (Jîroons)

Nous chercher du son ; Quand vous serez arrivés chez nous, On vous donnera des choux.

Si vous n'y allez pas, On vous écrasera à grands coups de bois (S.-C).

La croyance que l'âme prend la forme de papillon est encore assez répandue à la campagne.

Quand on voit le soir de petits papillons blancs voler dans la maison, cela annonce la mort de quelqu'un de ses habitants. Aussi quand il y en a beaucoup dans une maison, les gens en sont tout chagrins. Ils pensent que ce sont des âmes de revenants qui viennent chercher quelqu'un pour l'emmener avec elles (P.).

En Poitou, cf. Souche, p. 15, un papillon passe aussi pour être l'ime d'un mort qui visite. Les Grecs appelaient le papillon Yv^ nSTQ^ivYl, âme volante. Cf. A. Pictet, Orig. indo- européennes, t. I, 661 : le papillon.

Le conte qui suit est relatif à cette croyance.

Le papillon et le pauvre

Il y avait une fois un pauvre qui désirait, à ce qu'il disait, voir mourir quelqu'un, pour savoir comment on mourait. Un jour il arriva à une maison un homme était sur le point de tré-

300 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

passer. Il y entra, et il lui sembla qu'aussitôt que l'homme eut rendu le dernier soupir, il sortit de sa bouche un papillon tout gris qui se posa sur la poitrine du défunt.

Le pauvre ne le perdit pas de vue. Q.uand on mit le mort dans le cercueil, le papillon se plaça sur le bout, et quand on déposa le cercueil en terre, il voltigea çà et là, puis il prit son vol. Le pauvre le suivit jusqu'à une lande il le vit s'arrêter. Il dit au papillon :

Pourquoi es-tu venu jusqu'ici sans t'arrèter?

Ah ! répondit le papillon, c'est que je n'ai trouvé que cet endroit pour me reposer, car depuis celui d'où je suis parti jusqu'ici, tout est couvert d'âmes qui sont à faire pénitence.

Et toi, petit papillon, dit le pauvre, en as-tu encore pour longtemps ?

Pour sept ans.

N'y aurait -il pas moyen d'abréger ce temps ?

Non, à moins que pendant un an tu ne veuilles jeûner au pain sec et à l'eau.

Je veux bien, dit le pauvre.

Eh bien ! fais-le, et tu n'y perdras pas.

Le pauvre s'en retourna, et pendant un an il jeûna au pain sec et à l'eau. L'année suivante, il revint sur la lande et demanda au papillon s'il était quitte.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 301

Non, répondit le papillon, qui était presque blanc, mais encore gris, il faut que tu jeûnes encore une autre année pour que ma pénitence soit accomplie.

Le pauvre s'en retourna, et pendant un an il jeûna au pain sec et à l'eau. L'année terminée, il retourna sur la lande et vit le papillon qui, cette fois, était blanc comme la neige.

Ce papillon blanc était l'àme du -défunt que le pauvre avait vu mourir, et qui avait été délivrée grâce à lui ; mais de soti côté il avait fait la péni- tence du pauvre, et il lui dit avant de s'envoler :

Je te remercie bien ; mais tu n'as pas perdu ton temps, car tu as une place préparée à côté de moi dans le ciel.

Huit jours après, le pauvre mourut, mais, ainsi que le lui avait dit le papillon, il avait une place dans le paradis à côté de lui.

(Conté en 1881 par Jeanne Hervé, du Gouray, âgée de soixante ans.)

Dans un autre conte qui est une variante de celui-ci, c'est un jeune garyon et non un mendiant qui voit le papillon s'envoler ; il le suit et le voit s'arrêt:r à l'extrémité du champ d'ajoncs, parce qu'il n'y avait pas d'autre place pour lui.

LE PERCE -OREILLE (Forficula auricularis) Noms patois. Croyance. Superstition Cu-fourché (E.) ; aire-oreilles.

302 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Si les perce-oreille pénétraient dans l'oreille d'une personne, ils la feraient mourir en mangeant sa cervelle pour sortir par l'autre oreille.

Lorsqu'on trouve des perce-oreille dans un appartement, on les tue (E.).

Cf. dans Souche, Prov., p. 23, une croyance poitev-ine ana- logue ; dans l'historiette qu'il raconte, le perce-oreille ayant mangé la cer\'elle d'une jeune fille était devenu énorme.

LE POU (Pediculus cervicaus)

Noms patois Poué, pi. pouces, berdin, loulou (terme enfantin.) L'œuf de pou se nomme lenJe. Si on se trémousse parce qu'on a des poux, on dit qu'on se helute (JE.), qu'on se limorgne, ou qu'on les fait « chan- ger de pâturage » (S.-D.).

Proverbes et Dictons

Il est de la race des pouées, qui ne kervent (crèvent) que quand on les tue (S.-C).

Gratter un pou pour en avoir la peau (M.), c'est-à-dire être extrêmement avare.

Cf. Rolland, p. 254, proverbe similaire.

Faix d'pouées (S.-D.), terme injurieux.

Croyances et Superstitions Quand on rêve dans les poux, c'est signe d'argent (S.-C).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 305

On prétend à la campagne que les poux man- gent le mauvais sang. J'ai connu des fermières très-propres, qui peignaient régulièrement leurs enfants, mais avaient soin de leur laisser deux, ou trois poux sur la tête (E.).

Cf. Rolland, p. 255, et Desaivre, Croy., etc., p. il.

Quand les petits enfants ne veulent pas se laisser peigner, les mères leur racontent l'histoire d'enfants pouilleux que les poux ont traînés à la rivière par les cheveux pour les noyer (M., P.).

Cf. dans Rolland, p. 255, deux dictons analogues (Lorient et Côte-d'Or) ; cf. aussi Souche, Proverbes, p. 20 (Poitou).

En Anjou, on croit qu'il y a des gens qui peuvent donner des poux par ensorcellement, sans qu'on puisse s'en débarra.sser. Cette croyance existait jadis en Haute-Bretagne.

Cf. Rolland, p. 256 (Champagne).

11 y a nombre de plaisanteries sur les poux. A Ercé, on appelle les résilles des cages à potiées, ce qui fait un calembour, poils et poiix se pronon- çant presque de la même façon que poux.

Av'ous cor des poiie-^. Vère, je n'en ai pas tant comme l'an passé, mais i' sont hen p'us bianx (M.).

Dans ma Litléi attire orale, p. 398, j'ai raconté comment la ville de CoUinée fut pavée avec des poux ramassés dans une commune voisine.

304 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LA PUCE (PULEX IRRITANS, L.)

Proverbes et Dictons

Il n'y passerait pas une puce à genoux (M.).

Donner son cœur au bon Dieu et son eu es puces (E.) (aller se coucher).

Cf. Rolland, p. 261.

r n'vaut pas les quat'e fers d'une puce.

Fort comme une puce.

Cf. Rolland, p. 258.

Garder une vannée de puces au soleil (M.); faire un ouvrage difficile.

Cf. Rolland, p. 260 (pays basque, Corse). Croyances. Conte

Si on rêve de puces, c'est signe de dispute (S. -C).

Quand elles piquent dur, cela annonce la pluie.

Lorsqu'on est piqué par les puces, on les maudit, et on dit :

Va-t'en à la bonne sœur qui t'a inventée I

On raconte qu'une bonne sœur, qui n'avait rien à faire, inventa les puces pour se distraire (S.-C).

Dans Le grand Coquelicu {Contes des Marins, no xv), il est parlé du grand roi des puces, qui vire le soleil avec son chapeau.

DE LA HAUTE-BRETAGME 305

LE SCARABÉE (Carabus)

Nom patois. Formulette

Câlosse (S.-C).

On dit aux scarabées en les retournant avec un brin de paille :

Calosse, Si tu càlosses bien, Tu auras du pain ; Si tu càlosses mal. Tu auras de la hallebarde.

LE STAPHYLINX (Staphylixus)

Noms patois. Croyances. Formulette

Pique de v'iin, fém. (S.-C.) ; tanchdaie (E.).

Qjiand la tanchelaie se colère, sa queue devient blanche; la vache piquée par elle crève (E.),

En l'écrasant, on dit :

Pique de v'iin,

Tu cherches ton pain ; Tu es infernale dans mon jardin. Quand je te vois, tu me fais frémi' ; Pique de v'iin, j'vas t'faire mouri' (S.-C).

Cf. dans Rolland, p. 32e, une légende irlandaise et les noms le staphylinx est qualifié d'animal diabolique.

II 20

306 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LA TIQ.UE (IxoDES ricinus, Latreille) Noms patois. Proverhes et Dictons

BerMon (S.-D.); taragtie (M.) ; iaraque (S.-D.) ; nouvette (M.); pass (S.-D.).

Plein ou rond comme une tarague (M., S.-D.).

Raide (saoule) comme une taraque (S.-D.), en parlant des vaches.

Ela (cela) est foutu comme eun pass au eu d'un chien (S.-D.), c'est-à-dire mal fait.

La nouvette se nourrit sur la fougère ; on dit d'un pays pauvre qu'on y fait des pâtés de nou- vettes (D.).

LE VER DE TERRE (Lumbricus, L.)

Noms patois

Bu\in (Tréveneuc) ; hiyin (Plérin); dchée (E.).

Les marins appellent par plaisanterie les labou- reurs des coiipoiix i'hiiins (Tréveneuc). Cf. le breton troifher bu^uk.

VER LUISANT (Lampyris noctiluca)

Notns patois

Chandelle de nuit (E.) ; vée éclairons (Saint- Aubin) ; luré (P.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE

307

Superstitions

Les vers luisants servent de chandelle, sans bouger de place, à l'Éclairous. C'est un prêtre qui a perdu une hostie dans le ruisseau, d'où elle est allée dans un étang. Quand on voit un feu follet, on dit : « Voilà encore le prêtre qui court après son hostie » (vers Béchérel).

Cf. Le chapitre des Lutins, t. I, p. ijo du présent livre.

On croit que ce sont les chenilles vertes et non les lampyres qui éclairent la nuit (P.).

Les lurés font peur aux peurous (peureux), ce qui veut dire qu'ils ne sont pas bien redoutés (P.)-

CHAPITRE VIII

LES ARBRES

§ I. GÉNÉRALITÉS

sjANS la première partie de cet ouvrage, j'ai déjà parlé du culte des arbres. Mais ils figurent aussi dans la superstition, dans les coutumes et dans les contes, ainsi qu'on le verra aux monographies.

Voici quelques croyances relatives aux arbres en général. Ils meurent quand ils ont été piqués par un reptile. On peut aussi les faire périr en enter- rant au pied un chat crevé, en versant du sang menstruel de femme ou du lait baratté.

En patois gallot, le mot arbre, comme le latin arbor dont il dérive, est la plupart du temps féminin.

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§ II. MONOGRAPHIES

L'AJONC (Ulex, L.)

ATow^ patois

Jan (M., S.-D., E.); piquets de jan (P.); Mm (Morbihan, G. g.) ; lande (lisière du pays bretonnant). La pièce de terre semée d'ajoncs se nomme jânnaie (M.) ; iaônèe (S.-D.) ; jeannette (M.); }aô nette (P.).

Superstition et Croyance. Contes

Si ie manche du pilon de la baratte est d'ajonc, les sorciers ne peuvent ensorceler le beurre (E.).

Mieux fleurit l'ajonc, meilleur sera le blé noir dans l'année (P.).

Il est parlé d'ajonc dans deux de mes contes : Celui qui coupa la tète d'un jan, no XLix, 2e série, et Le Pertus es Fêtes, ix.

LE BOULEAU (Betlla, L.)

Noms patois. Croyance Boula (M.) ; boulé, houliau, pi. bouliaoux (E.).

310 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Quand un enfant est faible, on met des feuilles de bouleau à dessécher dans le four, puis on les place dans son berceau (E.).

LA BRUYÈRE ( Erica, L.)

Noms patois. Pronostic

Bruère (M.); hèrière (S.-D.) ; Uruère (E., P.) ; hricane (E.).

Plus la bruyère est rose, meilleure sera l'année en blé noir (P.).

LE CERISIER (Cerasus, T.)

Noms patois

Badier, hadilier, hadoîier (M., P.); hadusier, hadisicr (Saint-Briac, P.) ; hadinier (Tréveueuc) ; cerisier de gogue (E.). Le fruit de la cerise douce se nomme badie (M., Saint-Brieuc) ; hadue, haduses (Saint-Briac) ; badein (Tréveneuc). Cf. le breton hàbuen, pi. babue.

Avec les cerises sauvages, on fait une sorte de confiture d'un noir violet, d'un goût assez agréable. Elle est connue sous le nom de badiolet (D.) ou lohofi.

Dictons

Peser des badies; s'endormir.

C'est le panier aux cerises : les plus fins y

DE LA HAUTE-BRETAGNE 311

sont pris (E.). Ce proverbe est appliqué aux gens qui essaient infructueusement de restreindre leur famille.

LE CHATAIGNIER (Castanea, T.) Noms patois. Proverbes

Chdtean-nier (M., E., P., Tréveneuc) ; chd- tenier (Tréveneuc) ; le fruit, chdtangne (M.) ; chan- tatigne (S.-D.) ; l'enveloppe s'appelle bogue (E.); bobe (P).

Année de châtaignes, année de blé noir (E.).

Il a les yeux gros comme des bogues de châtaignes (E.).

Croyance

Si on mange des châtaignes crues, on aura des poux (E.).

Croyance analogue en Poitou cf. Souche, Croy., p. 30.

duauJ i' pleut le jour Sainte-Anne, r n'vient point d'châtangnes (P.).

LE CHÊNE (QuERCus, L.) Noms patois. Proverbes et Dictons

Chêène (P., M.); chêno, petit chêne (E.). On nomme chênaie un heu planté de chênes.

Abattre un chêne pour faire une cuiller (E.). Être prodigue.

312 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Année de glands, Année de pomm' en suivant (P.)-

Haut comme un chêne (E., P.).

On dit que le chêne est le roi des arbres, parce qu'il vit le plus vieux, d'où ce dicton : Cent ans à venir. Cent ans sur pied, Cent ans à s'en retourner (D.).

Médecine champêtre. Croyances On préserve les vaches de la cocotte en leur mettant au cou des colHers de chêne (E.).

Quand on a mal au ventre, on rôtit des glands, et on les prend comme du café (S.-C).

Il y a un jeu qui s'appelle //fl/z/er le chêne, faire le chêne fourché, ou le chêne piqué. Il consiste à se planter sur la tête et à s'y tenir le plus longtemps possible, en ayant les jambes écartées de manière à ce qu'elles forment un V.

LE COUDRIER (Corilus, T.)

Noms patois. Proz'crhcs et Dictons Keude, féin. (P.); kcndre, fém. ; queute, fém. (S.-D.); la noisette se nomme petite ncoué (M.); noe' d'queute (S.-D.).

Année de noisettes, année de bâtardiaux (bâtards) (E.).

Cf. Souche (Poitou), Crcyanccs, p. 6.

DE LA HAUTE-BKETAGNE 315

Le jour Saint-Jean, la pluie Rend la noisette pourrie (E.).

Croyances et StipcrsUtions

duand on brise avec le petit doigt de la main gauche une baguette de coudrier, on se marie dans l'année.

La baguette de coudrier est très-bonne pour conduire les vaches méchantes.

Quand les ruches ont été frottées avec de la feuille de coudrier, les mouches y entrent plus volontiers (E.).

Si on prend une baguette de coudrier en forme de fourche, et qu'on la tourne du côté l'on a sa bonne amie ou son bon ami, si on est aimé, elle baisse d'elle-même vers la terre (E.),

Les sourciers, ou gens qui ont le don de décou- vrir les sources, vont dans les champs couper une baguette de coudre, la placent sur le bout de leur petit doigt et la balancent; à l'endroit elle tombe, il y a une source (P.).

Pendant la nuit de Noël, dans chaque hroussèe (buisson) de coudre il y a une branche qui se transforme en rameau d'or; mais pour la cueilHr, il faut pouvoir la couper avant que l'heure de minuit ait achevé d'être sonnée. Si on ne réussis- sait pas, on serait enlevé. Cette baguette égale, dit-on, en pouvoir celles des.plus grandes fées (P.)'.

314 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

L'ÉGLANTIER (Rosa camina, L.)

Noms patois. Jeux

Rose de chien (M., S.-D.); pisse de chien (S.- D.); ergancié (P.).

La baie rouge de l'églantier s'appelle bœuf ou bœu, à cause de sa couleur. Les graines qui sont dedans sont, disent les enfants, des poux (S.-C). Ils s'amusent à en tirer les graines, qui sont armées de petites pointes, et à les introduire entre la chair et la chemise, pour faire les personnes se gratter (M.).

Ils s'amusent aussi à les mettre en ligne et à se disputer à qui aura le plus de bœufs (P.)-

L'ÉPINE (Crat.ïgus, L.)

Croyances et Superstitions

L'épine blanche préserve de la foudre. Quand il tonne, il faut se réfugier dessous (S.-C). Au moment il commence à tonner, on va cueillir des branches qu'on porte dans la maison (P.).

Cf. une croyance analogue dans Laisnel de la Salle, 1. 1, p. éo.

Qjjand les vaches ont des pourritures aux pieds, il faut les conduire avant le lever du soleil devant une épine blanche (Plénée-Jugon).

Cf. le tome I", p. 63 du présent livre.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 315

On mène aussi devant des épines blanches les personnes atteintes de la fièvre (P.)-

Cf. Monnkr, p. 389.

L'épine dans les contes La méchante belle-mère d'Euphrosine (La fille aux Iras coupés, i^e série, n" xv) force sa belle- fille à grimper dans une épine ; mais elle s'en- fonce dans le genou une épine. Elle s'alite, et l'épine croît et finit par traverser le toit de la maison, elle fleurit.

LE GENÊT (Genista, L).

Noms patois L'enveloppe des graines de genêt s'appelle gueussiaux de gènes (P.) ; un lieu planté de genêt, genetaie (M.) ; geneta (E.). La sève qui sort du genêt se nomme copié de coucou (P.) ; crache de coucou (S.-D., P.). On croit que c'est le coucou qui crache et la fait venir (P.).

Proverbe. Croyances et Superstitions

r n'frappent point es contre-hus (portes extérieures) de genct (Ploubalay). Ce proverbe, qui s'applique aux prêtres, veut dire qu'ils visitent plus volontiers les riches que les pauvres.

Les sorciers ne peuvent ensorceler le beurre quand le pied de la baratte est en genêt (E.).

3l6 TRADITION'S ET SUPERSTITIONS

La pellicule du genêt la plus rapprochée du bois est bonne pour guérir les coupures (E.) ou pour étancher le sang (P.)-

Deux saints populaires en Haute-Bretagne ont maudit le genêt : saint Melaine, parce qu'il avait été fouetté avec par sa mère; saint Quay, après avoir été battu avec des bâtons de genêt. Aussi il n'en pousse plus ni à Brain, ni à Saint-Quay.

Cf. Guillotin de Corson, Redon, p. 19-20; Jollivet, t. I, p. 107.

LE GUI (ViscuM, T.) Nom patois. Superstitions d Coutumes

Giien (Saint-Aubin-du-Cormier).

Le gui qui croît sur les épines noires guérit ceux qui tombent d'un mal (les épileptiques).

Le plus recherché est le gui de chêne. On dit qu'il se vend au poids de l'or (S.- C). Il y en a qui viennent de bien loin pour en chercher (P.).

Le gui mélangé à la nourriture des chèvres et des vaches leur fait donner du lait (E.).

Cf. Pline, cité par Gaidoz, p. 8.

Le gui d'épines blanches passe la fièvre (E.) ou la colique (P.). On le fait bouillir.

En Haute-Bretagne, on met au-dessus de la porte des auberges une branche de gui de pom- mier; il est d'usage en plusieurs pays de la renou-

DE LA HAUTE-BRETAGNE 317

vêler à chaque tonneau de cidre nouvellement mis en perce. Si le cidre est nouveau, on met une pomme au milieu du gui.

Le gui cueilli sur les épines passe îe jaunisse. On le met à sécher au-dessus de la crémaillère et, quand il est complètement sec, la maladie est passée (E.).

Sur le gui, on peut consulter H. Gaidoz, la Religion gauloise et le gui de clxite. Paris, 1880.

LE HOUX (Ilex, L.)

Noms patois. Croyances

Heussâ (S.-D.); haussa (M.); houssard (P.).

Le houx est consulté pour savoir si on se mariera ou non. On dit en touchant chacun des piquants : « Fille, femme, veuve, religieuse, » ou : « fils, homme, veuf, religieux ». C'est le dernier piquant qui donne la réponse (M.).

Les enfants de la campagne s'amusent à cueihir des feuilles de houx ; ils disent que ce sont leurs vaches. Autant de feuilles, autant de vaches ; ils les attachent à la queue les unes des autres et les traînent (P.).

LE LAURIER (Laurus, T.)

Kotn patois. Superstitions On dit assez souvent roUier au lieu de laurier. Si, après avoir récité un Pater et un Ave, on

3l8 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

prend une feuille de laurier-palme, et qu'on la mette sous son oreiller, on voit la nuit celui ou celle qu'on épousera; mais il ne faut parler à per- sonne (E.).

Pour se guérir de la fièvre, il faut, le dimanche, au moment le prêtre se lève pour l'évangile, faire une croix avec du laurier et la mettre sur la poitrine de celui qui tremble la fièvre (P.)-

Pour préserver les bestiaux des maladies, on suspend à la porte des étables une branche de laurier béni (P.)-

LE LIERRE (Hedera, L.) Noms patois. Proverhe. Médecine populaire

Lîéri (P., E.) ; Uri (P.); Uyère (P.); i>'Ou (E.) ; lieras, accumulation de lierre (E.).

Se coller comme un lierre.

Quand une personne veut faire sortir le mau- vais sang, elle n'a qu'à prendre du lierre de muraille et à le mettre sécher dans un four. Quand il est bien sec, elle s'enveloppe dans un drap parmi les feuilles séchées (P., E.).

LE NOYER (JuGLANs, L.)

Noms patois

Notiyer (E., M., P.); certaines grosses noix se nomment cadrolles (M.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 319

Supeistitiotis et Croyantes

La feuille de noyer chasse les puces (E.). Si on en met dans son lit, les puces sont attirées par l'odeur ; mais dès qu'elles les ont touchées, elles meurent.

Croyance analogue en Poitou (cf. Souche, Croy., p. 27, et Desaivre, Le Koyer et le Pommier, l'on trouve de curieux dé- tails sur ces deux arbres).

Sous les noyers il y a des sourds (E.).

Les cochons dont les étables sont trop proches des noyers périssent ou ne profitent pas (P.).

Si les noyers ne rapportent pas, on les gaule violemment quand ils sont en sève (E.).

Quand les vaches sont caquines, c'est-à-dire ont la courée (chorée) tachée, on les frotte avec des feuilles de noyer, et leur caqtUnerie n'est plus apparente (P.^.

Dans Jean des Merveilles (Contes des Marins, no xii), une fée qu'il a protégée lui donne une coque de noix qui devient à volonté navire, coffre rempli d'or, etc. Misère {Litt. orale, p. 177) demande que son noyer soit à l'abri des pillards.

LE POMMIER (Malus, Lamarck)

Noms patois

Poumier, ente (E.). Les pommes qui tombent les premières s'appellent chdtunes (M.).

520 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Proverbes

Si l'soula ra la veille de Noué, Des pomm' à volonté.

Année de glands, Année d'pomm' ensuivant.

A la Saint-Jean, Qui voit une pomme en voit cent (M.).

Si pendant la procession des Rameaux le vent vient du bas, il n'y aura pas de pommes.

Si le vent est dans le haut

Le jou' des Ramiaux,

Faut rincer les tonniaux;

S'il est soulair (sud).

Faut baïre à plein verre ;

Et s'il est dans l'bas,

Fout' les tonnes dans n'un tas (E.).

Superstitions

Pour savoir de quel côté on a sa bonne amie, on met des pépins dans un chapeau ou dans sa main, et on les secoue ; le côté pointu du pépin indique est la bonne amie ; on dit :

Pépin, pépin, Tourne-toi, vire-toi. Par le pépin tournera La bonne amie sera (S.-C).

On le serre aussi entre les doigts, et on dit : Pépin ici, pépin-ilà,

DE LA HAUTE-BRETAGNE 32I

que l'pctit pépin -là ira Ta bonne amie y sera (P.).

Si on mange des pommes vertes, on attrape des poux (P.)-

Vers la mi-septembre, on cueille dans les champs une tronchée de cinq ou six pommes, et on les suspend dans le cellier pour qu'elles attirent à elles le venin. A mesure que les pommes se détachent de la branche, on les jette dans le feu. Si quelqu'un en mangeait, il deviendrait malade, car elles sont venimouses (Plénée-Jugon).

Ailleurs on ramasse une Irochée de pommes. Si elles se tiennent ensemble et ne tombent qu'à l'hiver, c'est signe qu'il n'y aura personne de malade à la maison (P.).

Pour se guérir des verrues, ou prend une pomme aigre; on la coupe en deux, puis on se frotte avec la main qui a des verrues. On jette les morceaux dans le fumier, et, à mesure qu'ils pourrissent, les verrues tombent (P.).

Cf. Souche, Proi'., p. 48.

Le cidre fait dans le décours est le meilleur.

Il y a des pommes qui font pousser des cornes, que d'autres détruisent (Les Cornes enchantées, ire série, v). Dans Le mariage de Jean le Diot, no XX, le roi remet à son petit-fils une pomme 3.VQC laquelle il doit découvrir son père.

Plusieurs contes parlent de pommes difficiles à

II 21

322 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

cueillir; telle est la pomme qui chante, dans un conte inédit intitulé L'Oiseau de vérité. Jean le soldat (CotUes des Marins, xxi), doit aller cueillir des pommes dans un verger gardé par des géants.

LA RONCE (RuBus, L.)

Koms patois. Dicton Éronce (M., P.); les fruits se nomment mores (M.) ; moules (P.)

Les moule' en au (août) Valent des pruneaux ; Les moule' en s'temb'e (septembre) Valent des irangnes. On n'en mange pas après août, car il y a des vers dedans.

Superstitions et Croyances

Si une ronce s'accroche à la robe d'une femme, c'est qu'un veuf pense à elle (D.).

Quand les premières moules ne valent rien, le blé fait après ne vaut rien non plus ; si les deuxièmes sont bonnes, le blé fait la seconde fois sera bon (P.)-

Jadis les ronces tenaient auberge; mais elles firent crédit à tant de monde qu'elles ne purent payer leurs créanciers et furent obligées d'aller chercher leur pain. C'est depuis ce temps que les ronces accrochent les gens pour tâcher d'être payées (P.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 323

LE ROSIER (RosA, L.)

Le rosier dans les contes

La Rose (Contes des Marins, no m) a dans une boîte d'argent une rose qui fait ressusciter les morts si on la leur passe sous le nez.

Dans Blancbe-Ncige (Contes des Marins, no xiv), qui au début seulement ressemble au célèbre conte de Grimm, chacune des jeunes filles a son rosier, et elles les transportent partout avec elles, même à bord des navires.

LE S.\ULE (Salix, L.)

Noms patois Superstition Sandre, saud'e, fém., saule (P. ^■, seiide (S.-D.). Les chatons se nomment chats (Plouvara).

Pour voir avec qui on se mariera, il faut mettre sous son oreiller un mcrceau de la seconde pelure du saule, la plus rapprochée du bois (E.).

LE SUREAU (Sambucus, T.)

Noms patois Su (M.); seû (P.); haoïihouée (S.-D., P.).

Superstitions Si on met des branches de sureau dans les endroits oij les taupes boutent, cela les chasse (E., P.).

324 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Le sureau planté autour des maisons les préserve des maléfices et écarte les serpents. Quand on fait une litière neuve, on met sur le sol, en dessous de la paille, des branches de sureau pour garantir le bétail des maladies et des sorcelleries (P.)-

Si on frappait les bêtes avec des branches de sureau, elles ne feraient jamais bien après, et si l'on en frappait les cochons, ils crèveraient (P.)-

En frottant les verrues avec de la graine de sureau, on les fait s'en aller (P.).

C'est avec la tige de sureau dont la moelle a été préalablement enlevée que les enfants font des jouets qu'ils appellent tapoiinouère, taconnoire. Cet instrument, connu en beaucoup de pays, était populaire du temps de Rabelais, qui l'appelle une « sarbataine de seu ».

LE TREMBLE (Populus tremula, L.)

A'fi)« patois. Superstition

Tremhlier (P.).

Si la feuille du tremble cessait de trembler, la fin du monde viendrait.

Tant que le tremble tremblera, Le monde existera (E.).

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CHAPITRE IX

LES PLANTES

§1-

GÉNÉRALITÉS

|E ne crois pas que les paysans gallots ^jJ connaissent par leur nom plus de trois -*v^ cents plantes. Je n'ai pu me procurer que ceux de deux cents environ, dont une partie seulement est l'objet de superstitions ou est em- ployée pour la guérison des bêtes ou celle des gens. C'est en effet leur côté le plus important ; toutefois on tire des augures de plusieurs plantes, et même parfois on croit qu'elles peuvent aider ou gêner la sorcellerie.

Si une personne a été tuée et que son sang ait

326 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

rougi la verdure, l'herbe ne repoussera plus à l'endroit il a coulé.

Cf. sur cette croyance le t. !■=', p. 38.), du présent livre.

Les plantes marines ne sont, à ma connaissance du moins, l'objet d'aucune superstition.

Dans un conte (a- série, no xvi), l'homme de mer est couvert de varechs verts et de libères (fucus). Le pilote de mer (Contes des marins, xix) est aussi couvert de varechs.

LES HERBES MAGIQUES

Marcher sur l'herbe d'oubli ou d'ohli est une locution fort employée à la campagne. J'ai connu plusieurs personnes qui affirmaient qu'elles s'étaient égarées pour avoir marché dessus. A Plévenon, l'herbe d'oubh se trouvait sur la lande du cap Fréliel. A Ercé, c'est dans l'épaisseur des forêts qu'elle est cachée.

Cf. Rei'ne germanique, t. XV, 1861, p. 26, article de M. Bau- dry. Sur cette croyance, qui est très-répandue en Basse-Bre- tagne, cf. Le Men, p. 422 ; elle passe pour être la demeure d'un esprit malfaisant. En Normandie (cf. A. Bosquet, p. 58e ; Melusim, col. 13, 46, 172); en Poitou (Soudié, Prov., p. 24); en Franche-Comté (Me/., col. 349), elle est aussi connue.

D'autres font entendre le langage des bêtes.

Les deux chiens Il y avait une fois deux métairies voisines qui

DE LA HAUTE- BRETAGNE 327

chacune étaient gardées par un chien; l'un des fermiers nourrissait bien le sien, au lieu que l'autre lui donnait plus de coups de bâton que de morceaux de pain.

Un jour un homme qui s'était arrêté dans un champ avait pris une poignée d'herbes pour se torcher le derrière, et au moment il la tenait dans la main, il entendit les chiens qui se par- laient :

Ton maître, disait le chien qui était bien nourri, va être volé cette nuit.

Cela m'est bien égal, répondait celui qui ne recevait que des coups de bâton ; je ne le défen- drai pas : il ne m'a pas donné à souper.

L'homme à ce moment jeta sa poignée d'herbes et, au lieu de comprendre ce que disaient les chiens, il n'entendit plus que leurs aboiements.

Les voleurs survinrent dans la nuit, et comme le chien n'avertissait pas ses maîtres, ils furent volés.

(Conté en 18S0 p.v François Marquer, de Saint-Cast.)

J'ai recueilli aux environs de Moncontour une légende assez semblable ; mais l'hoiDrae avait pris l'herbe d'oubli qui fait en- tendre le langage des animaux, si on ne sait pas qu'on en a pris. Il cessa de comprendre quand on lui eut dit qu'il avait touché l'herbe d'oubli.

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§ IL MONOGRAPHIES

L'AIL (Allium, L.) Médecine populaire gi\ met au cou des enfants un collier de V^Sl'Ifi gousses d'ail pour les préserver des vers. Si les vers « leur pissent au cœur », on leur fait manger de l'ail (E.).

L'ANIS (Pimpinella anisum, L.) Croyances et Superstitions

L'anis fait péter ceux qui en mangent ou qui le prennent infusé.

L'anis a la vertu de couper le fer. Le pivert, qui a le bec si dur, va se frotter le picot sur cette herbe, et après il traverse facilement le bois (P.).

Cf. Laisnel de k Salle, t. I, p. 207.

L'AVOINE (AvENA, L.)

Noms patois. Proverbe

Avène, avoine, aveine. La folle avoine (aveim slerilis, L.) se nomme havron (M.).

A la Madeleine,

La faucille .i l'aveine.

TRADITIONS ET SUPERSTITIONS ^2<)

Superstition

Un sorcier, pour faire du mal aux hommes, avait demandé du lait de femme. On lui donna de la bouillie d'avoine; il jeta le sort sur les avoines, et elles séchèrent sur pied cette année-là (E.).

Cf. t. I, p. 33e, nn conte cette sorcellerie est attribuée aux. moines.

LE BLÉ (Triticum, L.) Noms patois Bié (P.) ; bien (Plouvara).

Supcrstitiojis

En regardant un grain de blé, on y voit la figure de Jésus-Christ (E., D.).

Pour savoir le prix du blé, on consuhe la caille (voyez ce mot). On peut aussi le savoir le jour du premier de l'an en mettant du grain à chauffer sur la touniette qui sert à retourner les galettes. Si le grain saute, c'est qu'il sera cher l'année qui vient (E.).

Pour avoir du blé, les vieux allaient arroser leurs champs avec des bouleiUées d'eau bénite. Cela ne se fait plus (P.).

Avec les chaumes de blé vert ou d'avoine, les enfants de la campagne font une sorte de petite musique qu'ils appellent sonnette ou boutée; ils lui disent :

330 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Sonnette, sonnette, Si tu dis. Je te donnerai du pain et du lait.

Si tu ne dis pas,

Je te couperai Avec un grand couteau d'acier (S.-C).

Petite sonnette, Si tu ne sonnes pas. Je te couperai nette, nette, Par la moitié (P.)-

Sonne, ma petite sonnette ; Sonne, tu auras du beurre et du lait ; Si tu n'sonnes point, tu n' n'aras point (P.).

Cf. dans Desaivre, p. 3 et 4, Formai., deux formulettes que les «nfants du Bas-Poitou récitent en frappant sur l'écorce de frêne pour faire des sifflets.

Le blé dans les contes

Dans un conte intitulé Vadoyer, ire série, no LXiv, un homme qui n'a qu'un grain de blé en tire un singulier profit.

Dans un conte inédit de ma collection, les fées, pour dédommager un fermier du tort que leur troupeau lui a fait, font repousser le blé mangé en trois jours, et « sur le haut des épis viendront de nouvelles tiges qui porteront encore des épis. »

Le blé joue aussi dans les usages de moisson un rôle dont je parlerai longuement dans mon livre des Coutumes.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 331

LE BLEUET ( Centaurea cyanus, L.) Noms patois. Médecine populaire

Bleuvet (P.); hleu bleu (S.-C.) ; bluvet (Tré- veneuc).

Si on fait boire à quelqu'un une infusion de bleuet, on lui donne la colique (E.).

L'eau-de-vie Ion a infusé du bleuet est bonne pour les yeux (D.). Une infusion de bleuet, de séneçon, de cresson, de sauge, etc., renouvelle le sang (P.).

LE CHAMPIGNON (Agaricus;

Noms patois. Proi-erbe. Superstitions

Potiron (iM.) ; Jean-gorin (S.-D.). Jaune comme un potiron (S.-C). On appelle les champignons des « ronds de sorcières » (E.).

Sous les gros potirons se trouvent des cra- pauds (E.).

LE CHANVRE (Cannadis, L.) Noms patois

Chanv'e, fém. ; chambe, fém. (M..,E.); fumelle (P.) ; c'est le chanvre qui fleurit et graine avant

332 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

l'autre et qu'on arrache le premier. Le che- nevis se nomme chantiée, fém. (Tréveneuc) ; chanevé (G. g.) ; le lieu l'on met le lin ou le chanvre à rouir ro/oné; (S.-D.); rouitouère (M.).

Superstitions

Le chanvre fait enrager les gens qui ont été mordus par les chiens.

Quand les poules ont mangé de la graine de chanvre, elles cessent de pondre et se mettent à couver.

Il est d'usage de laisser le plus beau brin de chanvre pour l'oiseau Saint- Martin ; c'est le martinet.

D'après Florent Richomme, cité par A. Bosquet, p. 219-220, le premier qui cultiva du chanvre voyait les oiseaux le manger ; il implora saint Martin, qui enferma pendant les offices tous les oiseaux dans une grange, excepté le martinet, qui ne faisait point de mal.

Il faut chanter en le cucillissant. Ou les filandières s'endorment en le filant.

De même pour le lin ; il y a des chansons qu'on chante en faisant cette besogne (E., S.-C).

Si on mélange au cidre de la graine de chanvre, celui qui en boit « dort comme une motte ».

Pour se faire passer le lait, les femmes boivent de l'eau dans laquelle on a mis du clienevis à infuser.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 333

LE CHARDON (Carduus, Gaertner)

Noms patois. Médecine populaire

Chardron (M.); cherdon, chierdon, chierdroitÇP.').

Les chardons bénis (ce sont ceux qui ont la feuille blanche et verte), piles et mis sur les bras pendant neuf jours ou neuf nuits, coupent la fièvre (E.).

LE CHOU (Brassica, L.) No7n patois Dicton cl Croyances

Cheii (G. g.).

On dit d'un homme qui est séparé de biens ou dont la femme a la maîtrise sur la maison : « Il est coiffé de la feuille de chou » (E.).

On prétend que les choux plantés après la Saint-Jean ne pomment point (E.).

Quand une vache est passée en dommage, on dit par plaisanterie à celui à qui elle appartient : « Les choux vont manger ta vache » (P.)-

LA CITROUILLE (Cuccrbita, L.) Croyances

Les citrouilles piquées, c'est-à-dire mises en terre, le vendredi saint deviennent grosses comme des ragoles (chênes d'émonde) (E.). Il en est de même du jour Saint-Georges (23 avril).

334 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

On porte des citrouilles à l'autel de la Vierge^ quand elles ont bien réussi (E.).

La soupe faite avec les citrouilles se nomme soupe de jotte (E.).

Il est parlé de citrouilles dans deux de mes contes, 28 série : La Citj-oiiiUe, xLViii, et Ccftdrouse, no xxxi (citrouille devenant carrosse).

LE COQUELICOT (Papayer rmas, L.) Noms patois. Superstition

CocoJicot (M.) ; feu sauvage (E.). Si on s'amuse à trop prendre des coquelicots dans sa main, on gagne le mal appelé feu sauvage.

LE CRESSON (iMASTVRTiuM, De Candclle) Noms patois. Croyance Crasson (E.) ; hcrle (Morbihan, G. g.). Il y a des paysans qui croient que le cresson ne vient que dans les ruisseaux l'on a roui du lin, et que c'est la graine de lin qui le produit.

LA CUSCUTE (CuscuTA, L.) Noms patois. Croyance

Fi' d'alouette (S.-D.) ; Jiî en diable (E.) ; fil de la Vierge, fi' de coucou, fi' d'alouette (P.) ; teigne (E.).

On prétend que c'est le diable qui a filé la cuscute pour perdre les trèfles (E.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 335

LA DIGITALE (Digitalis, T.)

Noms patois. Prcuerbe. Croyance Gantelet (E.) ; colillac (Bccherel) ; cotissoué, co- tissiau (E.) ; numi, nounou (P.); coti, Jîoquet (M.); berlîi (S.-D.) (cf. le breton berlu); la fleur seule, coqtiion (vers Loudéac).

r chante comme un bourdon dan' un berlu

(S.-D.).

Les petits bergers s'amusent à faire cotir les fleurs des digitales ou à les enfiler dans des branches de fougère pour faire des croix (M.).

Si on met deux gouttes de digitale dans la boisson de quelqu'un, on le fait mourir (E.).

L'EUPHORBE (Euphorbia, L.)

Nom patois. Croyance Flauga (E.).

Si on se frotte les yeux après avoir touché de l'euphorbe, on perd la vue (S.-D.).

LA FÈVE (Faba, T.)

Noms patois. Proferl^e Feuve (M., E., P.); la tige se nomme fava.

Il a mangé de la soupe de fèves : il voit double (S.-C).

En Poitou (cf. Souche, Proverbes, p. 25), on tiit d'une femme enceinte qu'elle a mangé de la soupe aux fèves.

336 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

La fève, c'est le grain du diable (S.-C).

Dans les contes, il est .'plusieurs fois question ■de fèves qui grimpent jusqu'au ciel (cf. La Fève, ire série, 11° xii, et Lilt. orale, p. 213).

LA FOUGÈRE (Pteris AauiLiNA, L.)

Notns patois Croyances

Feugière (S.-D., M.); foiigière (M.); feùgueère (Tréveneuc) ; feugière (P.).

Si on étête avec les dents le premier brin de fougère qu'on voit pousser, cela préserve des fièvres (E.).

Si l'on veut découvrir les trésors cachés, il faut la nuit de la Saint- Jean, vers minuit, ramasser de la graine de fougère. Le dimanche des Rameaux de l'année suivante, on répand cette graine dans l'endroit l'on suppose que des trésors sont cachés (P.).

LA FllAISE (pRAGARiA, L.)

Nom patois. Médecine populaire

Frase (M., E.).

Si on se lave deux ou trois fois les mains avec du jus de fraise, on n'a plus d'engelures (D.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 337

LA JARNOTTE ou TERRE NOIX (Bunium

BULBOCA.STAKLM, L.)

Noms patois. Croyance

Jednnotte (M.); jernotte (S.-D.). On dit aux petits enfants : « N'en mange pas trop, ou tu auras des poux » (M.).

LA JOUBARBE (Sempervivum, L.)

Nom patois. Croyances

Joubarde (E.).

Trois ou neuf feuilles de joubarbe données aux vaches à jeun, pendant trois matins de suite, les rendent amoureuses (E.).

La joubarbe guérit les ampoules des pieds ; on la pile avec de la graisse douce; on l'applique sur le mal, et on lui dit :

Joubarbe, Guéris mes pieds du mal, Je te donnerai de la salade; Si tu ne les guéris pas, Je te hacherai avec mon couteau En plus de mille petits morceaux (S.-C).

Un jeune homme qui mettrait de la joubarbe dans sa poche, et la ferait sentir à une fille, la forcerait à courir après lui (Saint-Aubin-du- Cormier) .

Jadis la joubarbe était employée comme aphrodisiaque, ainsi II 22

,38 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

que le constate Thiers, Traité îles superstitions, ch. xv : « On ne saurait exempter de péché... ceux qui mangent de la jouharhe ou joubarde, afin de rompre le nouoment de l'aiguillette dont ils sont affligez. »

LA JUSQ.UIAME NOIRE (Hyoscyamus higer, L.)

Noms patois. Croyance

Herbe chevaline ou herbe es chevaux.

Pour faire les vaches se mettre en chasse, on n'a qu'à leur donner à manger de l'herbe cheva- line. Elle agit aussi sur les autres animaux (PO- LE LIN (LiNUM, L.)

Dicton

Si la plée (pluie) ii'tonibe pas Pendant les jours gras, Point de lin c't'année tu n'auras (E.).

Croyances. Coiite

Si on pile le lin sur le seuil de la porte, le cidre aigrit dans les celliers (S.-C).

On laisse parfois une poignée de lin dans un coin du champ, sans l'arracher: c'est pour la chance (E.).

Dans plusieurs contes des Jaguens, les Jaguens se baignent dans du lin qu'ils prennent pour la mer verte et bleue (d. LUI. orale, p. 253).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 339

LA MARGUERITE (Bellis perennis, L.) Nom patois. Superstition

Pàqiie (L.).

On l'effeuille pour savoir son sort, et l'on dit :

Fille, femme, veuve, religieuse; Gars, homme, veuf, religieux.

Suivant les sexes, c'est la dernière feuille qui donne la réponse (E.).

LA MERCURIALE (Mercurialis anxua, L.)

Noms patois. Croyances

Rmnherge (M., E.) ; lamberge (P.).

Si les pommes ont traîne sur la ramberge, le cidre ne vaut rien ; il en est de même si les pom- miers sont plantés dans un sol il en vient beaucoup (E.).

Quand les vaches mangent de la lamberge, cela les fait pisser du sang (P.).

LA MOUSSE (Till.ea) Nom patois. Médecine populaire

Meûsse (P.)-

Lorsqu'une personne s'est blessée, qu'elle a fait une chute ou qu'elle est enflée, elle se guérit en appliquant sur la partie malade un cataplasme de mousse bouillie dans du lait (P.)-

340 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LE NAVET (Brassica napus, L.) Noms patois. Proverbe Naviau, pi. des naviaoux (M., E., P.). Pâle comme un navet.

Jardinage. Conle

Le jour Saint-Barnabe (ii juin), on plante les navets de quarante jours (E.). A la Sainte-Anne (26 juillet), faut faire des naviaux; \ viennent gros comme on les demande (E.).

Dans quelques contes gallots, il y est question de quatre-vingt-dix-neuf auberges qui se trouvent sur la route du paradis, et l'on vend an poiré de naviaux à quatre sous le pot. Il est aussi parlé de cette plante dans le conte du Navet (Litt. orale, P- 135)-

L'ORTIE (Urtica, L.) Noms patois. Médecine populaire

Ourtie, or trie (Tréveneuc).

Quand on a des rhumatismes, on se frotte avec un paquet d'orties. De même pour empêcher les enfants de pisser au Ut.

Si on voit quelqu'un s'approcher des orties en prenant de grandes précautions, on lui crie : « Les orties ne piquent pas aujourd'hui ; elles piqueront demain » (E.).

Si on a des ampoules au pied, on les frotte avec des orties pour les faire passer (P.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 341

Le jus d'ortie mêlé au lait de vache préserve du mal de ventre (S.-C).

Pour calmer les maux de dents, on pile des orties, puis on y mélange du gros sel, et l'on applique ce cataplasme sur la dent malade (P.).

LA PARELLE (Rumex crispus , L.) Nom patois. Médecine populaire

Vinette (oseille) de crapaou (Tréveneuc).

Si on a la gale, on pile de la parelle, du beurre frais, du sel, et l'on se frotte bien avec ce mé- lange. On guérit aussitôt; mais il paraît qu'il faut dire aussi une prière de conjuration (Saint-Aubin).

LE PERSIL (Petroselinum sativum, HoflF) Superstitions

Le persil fait casser les verres. Planter du persil porte malheur; il faut le semer (P.).

Superstition analogue en Poitou (cf. Souche, Proverbes, p. 2$).

La graine de persil fait mourir les poux (P.).

LE PISSENLIT (Taraxacum, Jussieu, ou Taraxaclm OFFICINALE, Viljars)

Nom patois. Proi'erhe. Superstitions Pissenlel (M.).

342 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Jaune comme un pissenlit.

Quand le pissenlit est en graine, on en cueille un brin, et on souffle dessus pour savoir si on est aimé. Si toutes les graines s'envolent, c'est signe qu'on est très-aimé; s'il en reste quelques-unes, on l'est un peu moins; s'il en reste beaucoup, l'affection est faible (M., E.).

On s'y prend de la même manière pour savoir combien on aura d'années à vivre : autant de graines qui restent sur le pied, autant on a d'années à vivre (M.).

Pour savoir l'heure qu'il est, on souffle trois fois sur la graine du pissenlit; le nombre de graines qui restent donne la réponse ; s'il y en a de cassées, ce sont des demi-heures ou des quarts- d'heure (S. -C).

Quand on ne se rappelle plus si on a dit ses prières le matin, on souffle sur la graine du pissenlit. Si on les enlève toutes, c'est qu'on les a dites (D.).

LE PLANTAIN (Plantago lanceolata, L.) Médecine populaire

Pour guérir les plaies, on emploie le plantain lancéolé, dit herbe aux cinq coutures.

Si pendant trois matins de suite, étant à jeun,

DE LA HAUTE-BRETAGNE 343

■on pisse sur du plantain, on est guéri de la iîèvre (E.).

Quand une personne a un dragon de sang sur un œil, elle doit, pour se guérir, piler du plan- tain mêlé à du gros sel, et s'en faire un cataplasme pour l'œil malade (P.).

LE POIS (PiSSUM SATIVUM, L.)

Nom patois. Dictoii Pas (M.).

Le jour de Sainte-Cécile, si on plante des pas, i' \nennent comme des mâts (E.).

Médecine superstitieuse

Pour faire passer les verrues, on jette des pois dans une fontaine au soleil levant. Quand les pois sont pourris, les verrues s'en vont (E.). Ailleurs, on prend une poignée de pois; on en frotte la verrue, puis, quand on ne voit personne, on va les jeter dans un puits en fermant les yeux (S.-C).

Cf. un remède analogue dans Laisnel de la Salle, t. I, p. 297. Cf. aussi Thiers, Supers., ch. xxx, p. 321.

LE SAIGNE-NEZ (âcuillea millefolium, L.) Jeu

Les enfants se grattent l'intérieur des narines

344 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

avec des feuilles de saigne-nez et produisent ainsi une sorte de saignement. Parfois aussi ils se frottent la langue avec le côté rugueux de la plante pour la faire rougir et saigner (M., E.).

Ce jeu est connu en Poitou (cf. Souche, Proverbes, p. 26), et sans doute ailleurs.

LE SARRASIN (Polygonum fagopyrum, L.) Noms patois. Dictons et Proverbes Blé noir, bU na, hié né, blé iia. Débris de blé noir vanné, freù.

Année de châtaignes, année de blé noir.

N'y a pas de bonne fouée sans freù (Plou- vara).

Le blé noir fait dans le cressent ne réussit jamais.

Sème ton blé noir quand tu voudras, En quat' incis (mois) tu Vkeudras (cueilleras) (P.).

LE SERPENTAIRE (Polygokum uistorta, L.) Noms patois. Croyance Pain de cakuve (M.) ; mangea ille an serpent (P.). On croit que les couleuvres s'en nourrissent et qu'on trouve toujours dessous un reptile.

Au pied du pain de couleuvre, il y a une espèce de navet avec lequel on se frotte quand on est atteint de la goutte ou de quelque autre affection semblable (P.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 34J

SERPOLET (Thymvs serpyilum, L.)

Notn patois. Croyance

Cher poulet (P.).

Quand une ménagère a du lait qui ne s'apprête pas comme elle veut, elle prend du serpolet et frotte la panne avec la fouille ; aussitôt le lait s'apprête (P.).

Le parfum du serpolet chasse les puces (D.).

LE TRÈFLE (Tkikoulm, L.) Superstition. Croyances

Le trèfle à quatre feuilles fait gagner à tous coups aux jeux de hasard ; mais il ne faut pas savoir qu'on l'a sur soi.

Quand on en trouve, on se marie dans l'année (E.).

Cf. Guyonva'ch, p. 212.

Si on a sur soi un trèfle à quatre, cinq ou sept feuilles, on est préservé des enchantements.

Cf. Laisnel de la Salle, t. I, p. 284.

Il ne faut pas semer la tremène (trifoUuvt repens, L., trèfle rose) un jour de la semaine il y a un r, car elle ne viendrait pas (S.-C).

346 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LA VERVEINE (Verbena, L.)

Croyances

La verveine sert à attraper le poisson (E.). Elle porte malheur (P.).

VIOLETTE (Viola, T.) Médecine populaire. Conte

La feuille de violette guérit les blessures (E.).

Dans le Bœuf d'or, 2^ série, no XL, la jeune fille que son père veut épouser lui demande une robe en fleurs de \'îolettes sans couture.

Les chansons parlent assez souvent de la violette.

.^,^'MItï.

CHAPITRE X

LES MÉTÉORES

L'ARC- EX -CIEL

Noms patois

Arcancié (M., E.); ergancU (P.); carcanciè (S.- C); arcancielle, fém. (Hcnon).

Proverbes et Pronostics

S'il paraît plusieurs arcs-en-ciel au matin, la pluie continuera; s'ils se montrent le soir, le temps changera (E.).

L'arc-en-cicl du soir

Met la pluie en retard (E.).

Arc-en-ciel du matin, Pèlerin, file ton chemin.

348 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Arc-eti-ciel du sa (soir), Pèlerin, défie- ta.

L'arc-en-ciel du matin indique qu'il fera beau temps ; celui du soir, au contraire, présage du mauvais temps et de la pluie (S.-C).

. L'arc-en-ciel du matin Met la paix en chemin. Celui du sa (soir) La met dans son bissa' (besace). Le sien du midi Fait combler la pluie (E.).

Le lendemain du jour l'on voit un arc-en- ciel, il y aura mauvais temps (P.).

Superstitions et Croyances

Quand on voit un arc-en-ciel, on le coupe; mais il faut que celui qui le coupe ne l'ait pas vu ni qu'il ait été prévenu par un autre (S.-C, E.). Voici comment on s'y prend :

On crache dans sa main; on y met un petit brin d'herbe parallèle aux doigts; on frappe sur lui de manière à ce que la main qui frappe forme une croix avec l'herbe, et on dit :

Je te coupe en croix; Tu n'reviendras pas.

A Saint-Cast, parfois on ne dit rien ; il faut que le crachat le plus près des doigts saute de la

DE LA HAUTE-BRETAGNE 349

main. En Ille-et-Vilaine, on le coupe en frappant trois fois dans sa main gauche avec le coupant de la droite.

On coupe l'arc-en-ciel par des procédés analogues en Poitou (cf. Souche, Croy., p. 20), vers Saint-Brieuc, Sarzeau et Morlaix (cf. Mél., col 502).

Voici quelques formulettes que l'on récite pour couper l'arc-en-ciel ;

Carcancié, carcancié, Si tu mets tes vaches dans mon blé,

J'te coupe par la moitiii Avec mon grand couteau d'acier (S.-C).

Arcanciel, Ne mets pas tes bœufs dans ma luzerne ;

Je te donnerai du miel.

Si tu les y metSj. Tu auras des coups de fouet (S.-C).

Ergancié, ergancié. Si tu mets tes vaches dans mon blé, J'te couperai par la moitié (P.).

Arc-en-ciel, Ta vache a passé dans mes choux. Si tu n'vas pas la ramener. Je vais t'couper tes petits cochons par la moitié (P.).

C'est quand il commence à se former qu'on lui dit cela.

Sur les nuages assimilés aux vaches, cf. Gubematis, Myth. XpoL, t. I, p. 15, 17, 81.

350 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Arc-en-ciel,

Descends du ciel, Les deux bouts dans une fontaine; Si tu n'y descends pas. Je te couperai par la moitié Avec mon grand sabre d'acier.

Et de vrai ça le coupe, si on ne Ta pas vu (E.).. On prend un petit grain de blé dans sa main, et on dit :

Arcanciel, arcanciel, Par la vertu de mon petit grain de blé, Je veux que tu sois coupé (S.-C).

On croit que c'est l'arc-en-ciel qui donne de l'eau. Si l'une de ses extrémités est dans la direction d'un étang, et que l'autre y soit aussi, c'est signe certain de grande pluie : l'arc-en-ciel est allé boire. S'il ne prenait pas d'eau, les nues brûleraient ; s'il boit, c'est pour calmer sa soif (Saint-Aubin-du-Cormier, E., etc.).

En Poitou (cf. Souche, Croy., p. 28), on croit que les nuages vont puiser l'eau de la pluie dans la mer. D'après Tylor, Civili- sation primitive, p. 356, chez les Karens de Birmanie et chez les Zoulous, existe une croyance similaire. Les Latins disaient : Bihii arcus.

LES AURORES BORÉALES

Les aurores boréales, qui sont assez rares en Haute-Bretagne, passent pour annoncer une guerre ou un changement de gouvernement (E.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 3)1

LE BROUILLARD

Noms patois

Hare (Plouvara, P.) ; brime, brimasserie (M.) quand il mouille un peu.

On donne au brouillard le nom de temps au loup, parce qu'on prétend que c'est le moment que le loup choisit pour ses promenades (E.).

LES COMÈTES

Pronostics

Elles pronostiquent une guerre ou un change- ment de gouvernement. Si la queue de la comète est tournée vers le couchant, le gouvernement ne tardera pas à changer; si elle est virée vers le levant, il durera encore longtemps (E.).

Vers Moncontour, elles annoncent une guerre ou la fin du monde.

Même croyance en Poitou (cf. Desaivre, Croy., p. 37).

LES ÉCLIPSES

Xom patois. Présages et Pronostics

Esclipe (Hénon, P.).

Si la lune passait sur le soleil, de manière à le couvrir entièrement, elle se collerait dessus et l'é- teindrait ; jamais on ne re verrait sa lumière (E.).

En beaucoup de pays les éclipses annoncent des événements funestes (cf. Mcl., col. 456).

352 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

LES ETOILES Noms patois Éteïîe (E.); étèle (S.-D.); éfaïh (M.).

Devinettes

a) Devine, devinaille,

J'ai perdu mes mailles ;

Je ne peux les retrouver

Que quand le soleil est couché.

b) Dans le chemin des quat' caillettes, J'ai perdu mes maillettes : J'y ai été le jour, Je ne les ai pas trouvées ; J'y ai été la nuit, Et je les ai trouvées.

Les étoiles.

Cf. Mél., coL 2)9, D. 72 ; Rolland, D. 115.

Gros comme une pomme qui n'est pas pomme Que cent mille hommes ne mettraient pas dans une tonne.

Une étoile.

Croyances et Superstitions

Une étoile filante indique la sortie du purga- toire de l'âme d'un mort (M., E.).

Croyance analogue en Poitou (cf. Souche, Cnjy., p. 23); dans les Vosges (cf. Mél., col. 457).

Si on dit un Pater et un Ave quand passe une

DE LA HAUTE-BRETAGNE 353

étoile filante, on sauve une âme du purgatoire (S.-C.)- A Monconiour, il suffit de faire le signe de la croix. Au Gouray, il faut avoir le temps de nommer trois saints avant que l'étoile ait dis- paru.

La vue d'une étoile filante annonce la mort de quelqu'un; chaque homme a son étoile, qui a de l'influence sur sa destinée (voir le conte intitulé : La mauvaise étoile, lxv, 2^ série) (P.). Tou- tefois, cette croyance fataliste n'est pas absolu- ment générale.

La même croyance existe dans les Vosges (cf. Mél., col. 457).

Quand les étoiles scintillent beaucoup, c'est signe de vent, généralement de nord-est.

Si on voit la voie lactée, appelée Chemin de Saint-Jacques, c'est un présage de beau temps.

On dit qu'au temps jadis, pour être pape, il fallait voir une étoile en plein midi ; pour être cardinal, une à onze heures du matin.

Actuellement, celui ou celle qui peut voir une étoile entre neuf et dix heures du main se marie dans l'année (H.).

LE FEU FOLLET, LE FEU SAINT-ELME

Le feu follet c'est le feu Saint-Elme à bord des navires est un signe de naufrage. Dans un conte de marins, L'équipage révolté y

II 23

354 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

11° XLV, le capitaine et un de ses matelots, qui ont été assassinés, poursuivent le navire sous la forme de deux feux follets.

Sur le rôle des feux follets dans la superstition, cf. le chapitre des Lutins, et spécialement les pages 150 et suiv. du i^J" volume.

LA LUNE

Noms patois

Leune (S.-D., E., M.); elle est dite lune perdue quand on ne la voit plus. Le croissant se nomme créssent, le décours décoû.

Dictons et Pronostics

Jamais cerne (cercle) à la lune

N'abattit mât de hune;

Mais quand il est au soula.

Il abat le mât et l'éta (Plévenon).

Si le cerne est dans le créssent, C'est signe de beau temps ;

Si c'est dans l'décoû, C'est d'ia plée sous tras joûs (S.-C).

On dit que la lune mange les nuages (S.-C).

Croyance analogue en Poitou (cf. Dcsaivre, Cioy., p. iS).

Si la lune porte des cornes en égouttant, |c'est signe de pluie prochaine (S.-C, M.).

Xlème croyance en Poitou (cf. Desaivre, p. iS).

DE LA IIAUTE-BRETAGME 355

La lune a, disent les marins, une chaloupe ; c'est une étoile qui en est plus ou moins éloignée. Quand il doit faire mauvais temps, on ne voit plus la chaloupe de la lune (S.-C).

La lune passe aussi pour manger les pierres.

Superstitions et Croyances

Les phases de la lune sont observées par les paysans qui, en général, ensemencent ou fument leur terre dans le décours. C'est aussi à cette époque qu'on fait le meilleur cidre.

Cf. des superstitions similaires en Poitou (cf. Souche, Croy., p. 12 et 23) ; dans l'Orne (A/i;/., col. 95) ; dans les Vosges (ibid., col. 458).

Si on coupe les ongles dans l'crêssent.

Faut les couper souvent.

Coupez-les dans rdccoû, Vous ne les couperez pas beaucoup (S.-C).

On coupe aussi les cheveux dans le crêssent de la lune.

Superstition analogue dans les Vosges (Afe/., col. 45 3).

Le pain est meilleur dans l'crêssent de la lune.

Les verrues suivent les phases de la lune; elles grossissent avec elle et disparaissent en lune perdue (E.).

Pour voir en songe la personne que l'on doit épouser, il faut, le premier vendredi du crêssent, dire cinq Paler et cinq Ave dans le premier en-

356 IKADITIONS liT SUPERSTITIONS

droit venu, en regardant le crêssent, puis jeter sans regarder dans la direction du crêssent ce qu'on trouve sous sa main, en disant :

Petit crésseut,

Verbe blanc, Fais-moi voir en mon dormant Qui j'aurai en mon vivant.

On se met ensuite au lit en y entrant du pied gauche ; on se couche sur le côté gauche, et on récite, jusqu'à ce qu'on s'endorme, des prières pour les âmes du purgatoire (E.).

Cf. dans Mél., col. 220, une formulette assez semblable de Saône-et-Loirc.

On montre aux petits enfants, lors de la pleine lune, l'homme qui porte sur ses épaules un fagot d'épines. C'est en punition de vols commis qu'il a été condamné à se promener ainsi jusqu'au jour du jugement. D'après certains récits, il aurait volé des fatinilles ou faguilhs (fagots de menu bois), du beurre, etc.

Cf. L'homme dans la lune, Lxiv des Contes des paysans el des pêcheurs; cf. aussi Bladé, Sei^e sup., L'homme dans la lune, et les contes de Cerquaud, Carnoy, portant le même titre.

LA NEIGE Noms patois. Devinettes Nage(E., P.);mge(M.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 557

a) Qui est-ce qui couvère (couvre) ben la ville de Paris, Et qui n'sarait couvri' le haut d'un puits? (Trélivan.) Cf. Rolland, D. 12 ; Sauvé, D. 19.

b) Qui couvère Paris et Nante

Et qui n'peut pas couvri' l'eau courante ? CE.)

La neige.

Pronostics. Formulettes

Quand on a fret (froid) au talon, c'est signe de neige (E.).

S'il neige, on dit :

Voilà saint Nicolas Qui plume ses houâs.

V'ià la petite bonne femme Qui plume ses houâs (M.).

Saint Thomas qui plume ses houâs,

Saint Christophe Qui les met à la broche,

Et saint Crépin Qui les mange au matin (D.).

A Saint-Cast, on dit que c'est le bon Dieu qui plume ses oies. Quand il tombe des marteaux ou viartiaux (gros grêlons), on dit que ce sont leurs os que le bon Dieu jette.

Cf. le breton mar^oliou, qui a le même sens.

S'il neige beaucoup, on dit : « Ah ! cela chet ben; il a d's ouvriers à li aider » (P.).

558 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Les hiancs vont gagner, i' couvèrent les arb'es.

C'est une plaisanterie que l'on fait quand la neige tombe beaucoup (E.). On dit aussi : « Tous les diables sont habillés en blanc » (E.).

Si la neige ne fond pas, on dit qu'elle attend celle qui doit venir (E.).

L'ORAGE

Nom patois. Dicton

Atirage. Le verbe s'aurager existe aussi (E.).

Quand il tonne ent' la Cateline et Noué, L'hivée est avorté (M.)-

Devinette

Dans mon pré j'ai un puits, dans mon puits j'ai un seau, et dans mon seau j'ai un coq ; quand il chante, on l'entend par toute la France (P.).

C'est le tonnerre.

Croyances et Superstitions

On prétend qu'un orage d'été dure neuf jours.

Quand le temps est à l'orage, les éphémères piquent plus dur (E.).

Le tounaire est très-redouté des paysans ; aussi ont-ils pour s'en garantir nombre de préservatifs,

DE LA HAUTE-BRETAGNE 35c;

les uns orthodoxes, d'autres d'origine préhis- torique.

Quand il tonne, on allume dans la maison un cierge bénit à la Chandeleur (M., D.).

Même coutume en Franche-Conuc (cf. A/i:/., col. 346).

Le laurier ou le buis des Rameaux préserve aussi du tonnerre (E.).

Croyance analogue dans les Vosges (cf. Met., col. 454).

Les tisons ramassés dans les feux allumés à la Saint-Jean ou à la Saint-Pierre préservent aussi de la foudre. Qu;md il tonne, on leur dit :

Tison de Saint-Jean et de Saint-Pierre, Garde-noui du tonnerre. Petit tison. Tu seras orné de pavillon (S.-C).

On ramasse aussi un fragment de la bûche de Noël, qui a la même vertu préservatrice que les tisons de la Saint-Jean (P.).

On prend aussi à la main une chandelle bénite qu'on allume en récitant la formulette de Sainte- Barbe, etc., et l'on met une feuille de laurier bénit sur le bénitier (Moncontour).

Il existe contre la foudre des conjurations assez nombreuses :

Sainte Barbe, sainte Fleur, La couronne de Notre-Seigneur, Quand le tonnerre tombera, Sainte Barbe nous gardera (S.-CV

360 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Sainte Barbe, Sainte Claire, Préserve-moi du tonnerre (D.).

Sainte Barbe, sainte Fleur,

La couronne de Notre-Seigneur,

Quand le tonnerre tombera.

Sainte Barbe me conduira

A la porte du paradis.

Pour avoir du pain bénit (Saint-Brieuc).

Ce dernier vers est ajouté par quelques per- sonnes ; d'autres, après « quand le tonnerre tom- bera », se contentent de dire : « Sainte Barbe nous préservera ».

Cf. Mél., col. 369.

Il y avait autrefois des gens qui mettaient dans leurs poches des pierres de tonnerre quand le temps était à l'orage et qui récitaient, s'il tonnait, une oraison en l'honneur de la pierre. En voici deux qu'on leur adresse encore maintenant :

Pierre, Pierre, Garde-moi du tonnerre (S.-C).

Sainte Barbe, sainte Fleur A la croix de mon Sauveur, Partout l'tonnerre ira Sainte Barbe nous gardera : Par la vertu de cette pierre, Que je sois gardé du tonnerre (E.). Cf. sur les pierres à tonnerre l.i p. 50 du t. I.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 361

Le tonnerre ne tombe jamais sur une maison se trouve une femme enceinte (M.).

La soie préserve aussi de la foudre. Quand un paysan a une cravate de soie et qu'il tonne, les autres lui disent : « Le tonnerre ne va pas te frapper; tu as de la soie sur toi » (environs de Bécherel).

Si on a sur son chapeau une branche de laurier bénit, on peut se promener sous l'orage en toute sécurité (Hcnon).

Le tonnerre ne tombe pas sur l'épine blanche, parce que c'est avec ses épines qu'a été faite la couronne de Notre-Seigneur (P., E.) ; c'est à cette circonstance que fait peut-être allusion l'oraison : « Sainte-Fleur à la Croix, etc. »

Même croyance dans les Vosges (cf. Mél., col. 478).

Lorsqu'il se trouve près d'un village une épine blanche placée A côté d'une croix, au commence- ment de l'orage les gens vont chercher une branche de l'épine qu'ils placent dans leur maison pour empêcher le tonnerre de tomber dessus (P.).

LA PLUIE

Noms patois

Plée (M., E., V.);piée (P., S.-D.).

On appelle cahée (P.) une ondée violente;

362 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

gtiiUe (M.), brimasserie, une petite pluie ; ime vmê& (vesse) de mère (P.)> une pluie qui ne du- rera pas.

Proverbes et Dictons

Quand i' pleut et que nordée vente, C'est un hasard si ça y étanclie.

Plée en lévrier Vaut du fumier.

Pluie du matin N'empêche pas l'moine d'aller au grain (S.-C).

Quand il fait de la pluie et du soleil en même temps, on dit: « V'ià le diable qui bat sa femme » (M., S.-D.). Quand il pleut fort, on dit : « La pouche (le sac) est déliée ».

Aux articles Ephémères, Grenouilles, Crapauds, Chats, Canards, Hirondelles, Merles, Corneilles, Araignées, Piverts, Demoiselles, j'ai parlé des pro- nostics de pluie.

Si on a ses poches, sa chemise ou sa jupe à l'envers, il faut se hâter de les retourner ; sans cela, il ne tarderait pas à pleuvoir (S.-C). Si le tabac sort de la pipe allumée, si l'horloge sonne d'un air enroué, la pluie est prochaine.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 363

LE SOLEIL N'oins patois

Sonia (M.); souU (P.); sourè (S.-O.); s'essou- reilkr, se chauffer au soleil (S.-D.).

Dicton et Pronostics

Quand on parle du soleil, on en voit les rayons.

Le soleil rouge signifie vent ; le soleil blanc, de la neige ; s'il a des jambes, c'est signe d'eau.

On dit que le soleil a des jambes ou des tirants, quand il y a en dessous des rayons qui semblent toucher la terre.

LES VENTS

Noms patois

Nord, naure (S.-C.) ou mistrau; Sud, su; Est, eèste ; Ouest, houaste, du houaste ; Nord-Est, nordèe ; Nord-Ouest, norouds ; Sud-Est, suée ou suète; Sud- Ouest, surouds; à Ercé, ce vent s'appelle vent de galène.

Dcfinette

Qui va de branche en branche Et de Paris en France ? (E.)

Le vent.

Cf. Bladé, D. 38-41.

364 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Proverbes

Surouûs est charretier pour tous marins (S.-C).

Oiiand le vent saute du sud au nord.

Plie ta voile et dors ; Mais quand il saute du nord au su'.

Prends garde à lu (Plévenon).

Q.uand i' pleut et qu'nordée (nord-est) vente. C'est un hasard si ça y étanche (S.-C, P.).

Sec comme le vent de nordée (nord-est) (E.).

Vent du nord perdu, Cherche-le dans le su (S.-C).

Le vent tourne le eu en galère ; i' fera vilain demain (E.).

Norouâs mange l'orage (S.-C).

Quand le vent vente, il faut venter (ventiler) (P.).

Croyances et Superstitions

On envoie les enfants chercher la corde à tourner le vent (E., M.).

Le vent qui règne les douze premiers jours de l'année est celui qui régnera pendant chacun des douze mois, janvier correspondant au ler, février au 2, etc. Il en est de même pour le brouillard (E.).

DE LA HAUTE-BRETAGNE 365

En KornunJic, ce sont les douze jours après Noël (cf. Mél., col. 14) ; mais dans la Suisse allemande {Mél., col. 128), ce sont les douze premiers jours de l'année.

A la Saint-Denis, le vent se couche le soir, les trois quarts de l'année il est (E.).

Le vent qui souffle le dimanche des Rameaux pendant l'évangile est celui qui dominera le reste de l'année; aussi beaucoup de gens sortent à ce moment pour voir de quel côté est tourné le coq du clocher (S.-C, E.).

Ailleurs le vent tourne au moment l'on frappe les trois coups à la porte avec le bâton de croix.

Quand on voit les oies battre des ailes et càquer (S.-C), si les cu-blancs rasent la terre (S.-C), quand les mouettes battent des ailes au- dessus des maisons (S.-C), on peut cire sûr qu'il y aura du vent.

Les trombes de vent sont l'œuvre du diable, qui les pousse avec ses cornes (P.).

Les grands vents sont un présage de malheur.

Dans mes contes de marins, il y a tout une série de légendes figurent les vents personnifiés. C'est en général quelqu'un dont le vent a en- levé la récolte ou les filets, qui va trouver l'auteur du mal, et, en lui faisant peur, obtient de lui des présents.

En 18S0, les Tcrre-neuvats avaient vent debout

366 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

pour revenir; depuis longtemps ils étaient en mer, et l'inquiétude était grande dans les ports de la Manche. J'ai vu des hommes cracher du côté soufflait le vent contraire, lui adresser les noms les plus injurieux et lui montrer leurs couteaux en le menaçant de l'étriper. A l'exemple des hommes, les petits enfants en faisaient autant.

ADDITIONS ET CORRECTIONS

P. 6. Au lieu de: bardo, fém.; bardoche, fém.; lire: barJo masc; bardoche, bardiche, fém.

P. 21. Au lieu de : conraie, lire : conraies.

P. 26. Au lieu de : euhenJer, lire : enheuder.

P. 29. Au lieu de : heille, lire : beilU.

P. 87. Note, au lieu de : Nouvelles réalistes, de M. Pouvillon, lire : Césette. M. Rolland, dont la monographie du cochon a paru pendant l'impression de ce livre, et que je n'ai pu utiliser pour mou commentaire comme celle du bœuf, dont j'avais eu les bonnes fenilleo, dit aussi avoir entendu ce conte.

P. 99. Loir est aussi un des noms du lérot.

P. 148. Au lieu de : elles deviennent, lire ; ils deviennent.

P. 179, I. 10. Au lieu de : écoute:^, lire : écaurte^.

P. 209, 1. 9. Lire : Quand l'homme est sur le point de se coucher, le rouge-gorge lui dit...

*"*

TABLE DES MATIÈRES

DU DEUXIÈME VOLUME

DEUXIÈME PARTIE

LES ANIMAUX, LES PLANTES ET LES MÉTÉORES

CiiAP. I. Les Mammifères domestiques j

Chap. II. Les Mammifères sauvages 8S

Chap. III. Les Oiseaux domestiques 124

Chap. IV. Les Oiseaux sauvages 145

Chap. V. Les Reptiles 216

Chap. VI. Les Poissons 24;

CuAP. VII. Les Insectes 277

CiiAP. VIII. Les Arbres 308

Chap. IX. Les Plantes 32;

Chap. X. Les Météores 347

Additions et corrections 367

n 24

PRINCIPAUX OUVRAGES CONSULTÉS

POUR LES RÉFÉRENCES

Adam (Lucien). Les patois lorrains. Maisonneuve, 1881, in-8.

A.MEZEUiL (Cil. d'). Légendes hrefomies, souvenirs du Morbihan. Dentu, 1863, in-i8.

Babou (Hippolyte). Les païens innocents. Charpentier, 1878, in-i8.

Barbey d'Aurevilly. L'Ensorcelée. Lemerre, 1879, petit in-i2.

Baron Dutaya. Brocéliande, ses chevaliers et quelques légendes. Rennes, 185g, petit in-8.

Bl.\dé (J. F.). Contes populaires recueillis en Agenais.Bacr, 1874, in-8.

5t'/-(; superstitions populaires de la Gascogne. Agen, 1881 . (Tiré à 50 exemplaires.)

Profi'crles. Champion, 18S0, iu-8.

Bosquet (Amélie). La Normandie romanesque et vie:~ivil- leusc. Techener, 1845, petit in-8.

Calmet (Dom). Dissertation sur les apparitions, les reve- nants et les vampires. De Bure, 1756, in-12.

Cambry. Voyage dans le Finistère, éd. Fréminville. Brest, Lefournier, 1836, in-8.

372 TRADITIONS ET SU X'ERSTITIONS

Carnoy (Henry). Contes populaires picards, petites légendes et croyances populaires. (Dans Romanla, 30, p. 253- 263.)'

Cartailhac (Emile). L'âge de pierre dans les souvenirs et superstitions populaires. Reinwald, 1878, in-8.

Cayla (J. M.). Le diable, sa grandeur et sa décadence.

Dentu, 1864, in-i8. Cerxy (Elvire de). Saint-Suliac et ses traditions. Dinau,

Huart, 1861, in-8. Cerquand. Légendes et récits populaires du pays basque (en

trois parties). Pau, 1874- 1878. CoRDiER (Eugène). Les légendes des Hautes-Pyrénées. Ba-

gnères, Cazenave, 1878, petit in-12. D.iLEAU (F.). Observations sur les légendes des monuments

préhistoriques. Congrès pour l'avancement des sciences,

tenu au Havre, 1877. Dan'JOU de la Garexne. Statistique des nioinumnts cel- tiques de l'arrondissement de Fougères, dans Méin. de la

Soc. arch. d'Ille-et-Vilaine). 1862.

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DuLAURENS D2 LA Barre. Lcs vcHlées dc VAmior. Vannes, Cauderan, 1857, in-12.

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DuvAL (Louis). Esquisses marchoises. Champion, 1879, in-8.

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FivAL (Paul). Les dernières fées. M. Lévy, in-12.

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Des monuments celtiques dans le Morbihan. Vannes, 1853, in-8.

Galerie bretonne. Nantes, Charpentier, in-i8.

GouuÉ (le chanoine). Histoires et légendes du pays de Chd- teaubriant. Chateaubriant , Drouart-Frémont, 1879, in-8.

GuBERNATis (A. de). Mythologie ■:^oologique. Pedone-Lau- riel, 2 vol. in-8.

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Habasque. Xotions historiques sur les Côtes- du -Xcrd. Saint-Brieuc, Guyon, 1833-1837, in-8.

JoLLiVET (B.).Les Côtes-du-Nord, histoire et géographie. Guingamp, B. Jollivet, 1854 et suiv., in-8.

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Légendes chrétiennes de la Basse-Bretagne. Maison- neuve, 1882, 2 vol. petit in-8 écu.

Martinet (L.). Légendes et superstitions du Bcrry. Bour- ges, 1879, i"-i2.

Matériaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'homme. Reinwald, 1865-1881.

Mélusine. Recueil de mythologie, littérature populaire, tra- ditions et usages, publié par H. Gaidoz et E. Rolland. Viaut, 1878, in-4 à 2 colonnes.

M0NNIER (Désiré) et Vingtrinier. Croyances et tradi- tions populaires recueillies dans la Franche-Comté, le Lyonnais, la Bresse et le Bugey. Lyon, Georg, 1874, in-8.

MoRiN (A. s.). Le prêtre et le sorcier. Le Chevalier, 1872,

in-i8. Noël du Fail. Œuvres facétieuses, éd. Asseicat. Jannet,

2 vol. in-i6, 1874.

Ogée (J. B.). Dictionnaire géographique de la province de Bretagne. Nouvelle édition. Rennes, Molliex, 1843- 1853, 2 vol. grand in-8.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 37)

Perron (D'). Proverbes de la Franche-Comté. Champion, 1876, in-8.

Réalité lie la magie cl des apparitions ou contre-poison du Dictionnaire infernal. Brajeux, 1819, '""S-

Restif de la Bretonne. Les contemporaines par grada- tion. Lemerre, 1875, in-i6.

RoBiDOU (B.). Histoire et panorama d'un beau pays. Dinan, Bazouge, 1855, 2 vol. in-8.

Rolland (Eugène). Faune populaire de la France (t. I''', Les mammifères sauvages; t. II, Les oiseaux sauvages; t. III, Ij:s reptiles, les poissons et les insectes ; t. IV et V, Les mammifères domestiques). Maisonneuve, 1878-1882, in-8.

Devytcttes. Franck, 1878, in-12.

Salmon. Répertoire archéologique de l'Yonne (^Mém. de la Société archéologique de l'Yonne).

Sand (Georges). Légendes rustiques. Michel Lévy, in-12,

Sarcaud. Contes et légendes du Bassigny-Champenois.]. B.

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1" série. Charpentier, 1880, in-i8.

Littérature orale de la Haute-Bretagne. Maisonneuve,

1881, petit in-8 écu.

Contes des paysans et des pêcheurs, 2" série des Contes populaires de la Haute-Bretagne. Charpentier, 1881, in-i8.

Contes de Marins, série des Contes populaires de la Haute-Bretagne. Charpentier, 1882, in-i8.

Souche (J. B.). Croyances, présages et superstitions diverses, i88o. Proverbes, traditions diverses et conjurations,

1882. 2 broch. in-8. Niort, Clouzot. (Extrait des

376 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

Bulletins de la Société de statistique, etc., des Deux- Sèvres. )

SouvESTRE. Le foyer Ireton. M. Lév}', 2 vol. in-12.

Les derniers Bretons. M. Lévy, 2 vol. in-12.

Les derniers paysans. M. Lévy, in-12.

Theuvenot. Notes sur quelques monuments anciens de la Manche, de rille-et-Vilainc,etc. (Extrait des Comptes- rendus de la Société française d'archéologie. Congrès du Mans et de Laval, 1878.)

Thiers (J. B.). Traité des superstitions. Antoine Desso- liers, 167g, in-12.

Webster (W.). Basque Legends. London, Griffith, 1877^

TABLE ANALYTIQUE

DES MATIÈRES CONTENUES DANS LES DEUX VOLUMES

Introduction.

PREMIERE PARTIE

L'HO>rME, LES ESPRITS ET LES DÉMONS

Chapitre I. Les monuments préhistoriques. 3-44 5 I. Noms que portent les mégalithes S

5 II. Les constructeurs des mégalithes. (Les fées. Gar- gantua. — Les saints. Le diable.) 9-

5 III. Légendes et croyances qui s'y rattachent. (Les géants. Les fées. Les lutins. Les re- venants. — Personnages enterrés. Pierres qui grossissent. Il est dangereux de le.s détruire. La roche Saint-Guillaume. Pierres qui vont boire certains jours. Le diable et les méga- lithes. — Les trésors enfouis; quand et com- ment ils se découvrent.) 26

Chapitre II. Le culte des pierres, des

ARBRES ET DES FONTAINES 4)-72

5 I. Culte des pierres. (Il est clandestin; pierres sur les- quelles on se laisse glisser pour se marier pronip-

378 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

tement. Saints, tombeaux auxquels on se frotte ou sur lesquels on marche. Les pierres à ton- nerre préservent des maladies et de la foudre.). . 48

§ II. Culte des arbres. (Arbres vénérés ; arbres dont l'écorce guérit; Le chêne rosé (i). Arbres de la liberté. Arbres qui, en raison de leur espèce, ont des vertus curatives ou prophylactiques. . 58

§ III. Culte des fontaines. (Fontaines on lave les en- fants; qui guérissent de la fièvre, etc.; qui sont consultées comme augures ; auxquelles on se rend pour obtenir de la pluie. La fontaine près de laquelle on élisait les chefs.) 6$

Chapitre III. Les fée.s 73"i25

Leurs noms, leur portrait, leur costume, leur race; fées e.xorcisées ; à quelle époque elles ont disparu ; La honne femme qui a vu les fées; quand elles reviendront. 73

§ I. Les demeures des fées (les tertres, les mégalithes, les gros blocs naturels, les eaux, les houles ou grottes de la mer) 80

5 II. Les travaux des fées (étang creusé, château et

chapelle qu'elles ont bâtis) 86

5 III. Les fées et les hommes. A. Les fées des houles. (Importance de ce groupe; résumé des contes qui s'y rattachent, montrant leur manière de vivre, les services qu'elles rendaient aux hommes, et comment elles punissaient ceux qui leur avaient manqué ; raison de la conservation de ces lé- gendes. — Les fions qui vivaient avec elles. Les fions du pont es Hommes nées. Les fées de

la mer et les sirènes.) 88

B. Les Margot la fée. (Elles habitaient des grottes ou des mégalithes, venaient étaler leurs trésors,

(i) Les mots en italique désignent les contes et les récits de quelque importance.

DE LA HAUTH-BRETAGNE J79

danser la nuit, etc. La fie et les deux filles. Elles avaient besoin du secours des hommes ; ce qu'on leur offrait. La filleule des Margot. Elles étaient secourables et faisaient des présents ; elles punissaient ceu.\ qui étaient trop avides. Jean Renier et la fée. L'homme qui les vit vanner de l'or. La Fée lavandière de nuit. La fée à la maison. Enlèvements d'enfants : L'enfant

change. Les Bœufs des Margot.) lOJ

C. Autres fées terrestres. (Fées accouchées. La fée qui aide la fermière. Les fées de Saint-Di- dier étaient secourables, mais ensorcelaient parfois les gens.) 120

Chapitre IV. Les lutins 126-176

Bien qu'ils n'aient pas entièrement disparu, on ne les voit plus guère ; leurs noms ; ils se montrent. Les lutins sont capricieux ; parfois ils rendent service à certaines conditions : Le lutin dont il faut deviner h nom. Méfaits des lutins dans les maisons. Les follets et les vieilles filles. Le lutin qui se chauffe. Les follets qui entèi'ent l'odorat. Les follets et la vache. Le paquet de fil lutin. Les lutins voleurs de pommes de terre 126

§ I. Les différentes espèces de lutins. Le lutin des écu- ries ou Petit-Jean; ses espiègleries; il brouille les crins des chevaux et foule les garyons 141

Le Faudoux se couche sur la poitrine des gens. Moyens de le chasser. Comment une bonne femme s'en débarrassa. Roulié et le Faudoux, etc. . . 144

Le Houpou.\ se plaît à attirer les gens par son cri, 148

L'Eclaireur ou Eclairous ; c'est un prêtre qui a perdu son hostie; plus généralement un lutin qui se venge si on ne lui parle pas poliment 150

Nicole ou le lutin de la mer, ancien garde-pêche qui, après sa mort, se plaît à faire cndèvcr les pê-

380 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

cheurs ; et comment il apparut ; quelques-uns

de ses tours ijj

Lutins divers : le Ronjous, le Faux singe, le Veau

blanc, la Bète blanche, la Guenne 157

5 II. Les animaux lutins. (Ils peuvent, de même que ceux du pays breton, prendre une multitude de formes ; voir pour les détails les monographies des mam- mifères (2"= vol.) ; Mourioche, lutin-protce. Contes il iîgure : L'ivrogne et Mourioche. Mourioche blessé. Mourioche et le tailleur. Mourioche et le fermier, etc. La Fausserole, forme voisine de Mourioche. La marte et les paysans. L'homme de Calorguen et la bète blavchc. Malfiiiteurs qui e.\ploitent la croyance aux lutins.) 159

5 III. Comment on se préserve du lutin (par l'eau bé- nite ; en lui donnant un ouvrage qu'il ne peut accomplir avant le chant du coq ; en le brûlant ; en lui montrant la fourche à charrue, etc.). . . 174

Chapitre V. Le diable 177-202

Ses noms et surnoms ; sa bonne foi; ses déguisements; comment il s'en va ; contes cités . 11 est dangereux de l'invoquer 177

5 I. Le diable parieur et lutteur ; est trompé par saint Michel; mais dupe Gargantua. Le diable et le charretier 181

5 IL Les pactes; comment ils se font; comment le diable compte. Le fermier qui promit impru- demment. — Le diable qui doit porter dans l'air, ou transporter oti l'on voudra. Le diable fa uclieur : les pactes sont rompus quand le démon ne peut rem- plir une des conditions. Le diable à la Garaye. Le diable et les marins 184

5 III. Le diable et les danseurs. Le diable et le rec- teur. — Le diable à l'auberge, etc. ; quand il est exorcisé, il s'en va en vent ; ses ravages 192

DE LA HAUTE-BRETAGNE 381

§ IV. Les descentes aux enfers. Contes cités. Le mari qui alla loir sa femme en enfer. La fiancée par- jure. — Le reçu cherché en enfer. Les chanteuses enlevées. Le mort emporté par le diable 197

Chapitre VI. Les apparitions nocturnes. 203-220

La crainte de la nuit ; esprits qui s'y montrent ou qui parlent. Le paysan et le poteau télégraphique. , . , 203

§ L Le char de la mort; par qui il est traîné; il \'a et comment il se présente ; la Grand' Cher- rée, la brouette de la mort 208

§ n. Les châsses et les cierges errants. Ce que présa- gent les châsses posées sur les échaliers. La lavandière et la châsse. Les châsses elles garçons. . Les cierges errants : Le cierge brisé 211

§ in. Les hommes blancs et les dames blanches. La

dame blanche de Moncontour 215

§ IV. Les filandières de nuit. Jeanr.e Malobe. La

fille qui veille trop tard 217

§ V. Les chasses fantastiques : le chariot de David, la

chasse Saint-Hubert, la chasse Arthu' 219

Chapitre VII. Les revenants 221-272

ils apparaissent : près des anciens châteaux, sur les champi. de bataille, près des croix. L'honune qui est brûlé par tes m>rts. La nuit de la Toussaint : Celui qui frappa une châsse le jour des Morts 221

§ I. Pourquoi et comment se présentent les revenants. 228

A. Revenants qui viennent demander des messes ou l'accomplissement à leur place d'un vœu. (Le valu à Sainte-Anne. La ncuvaine promise. La messe demandée.) 230

B. Revenants qui viennent demander qu'on paie une dette contractée par eux. (Z.« mort et ta fille

de sailli Sulpice. /..« reretiaul à la messe). . . . 23;

382 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

C. Revenants qui demandent la sépulture. (L'enfant enterré sous le moulin.'). . 258

D. Revenants qui viennent accomplir une promesse. (ie souper de la morte. La promesse. Le mort

aux noces.') 24O

E. Revenants condamnés à une pénitence posthume. (Les prêtres qui n'ont pas dit les messes payées; ceux qui ont déplacé des bornes. La pénitente.). 245

F. Les lavandières de nuit. Pourquoi elles revien- nent. (Jj> lavandière qui avait une tète de mort. La femme qui se noya. Les enfants qui ont frappé leur mère.) 248

G. Revenants qui viennent avertir. (Ai. de la Ga-

raye et son beau- frère .) . 252

§ II. Les morts qui se vengent. ( Le respect des morts en général. La pénitence interrompue. La coiffe enlei'ée. ia morte décoiffée. L'os. Le beau squelette. L'invitation imprudente. La

tète de veau changée in tète de mort.) 25}

§ III. Les avènements et les avisions (exemples; les

enterrements en effigie) 267

Chapitre VIII. Les sorciers, les i.oups-

GAROUS ET les ANIMAUX SORCIERS. . . . 272-304

Les jeteurs de sort; les mendiants rebutés 272

5 1. Le pouvoir des sorciers, (ifs habits qui se déchi- rent. — Les mendiants qui se vengent. Lj cochon et la femme qui meurent. Les enfants contrefaits. Les muets de Tréx'érec. Les sor- ciers qui soutirent le beurre. Les gens trans- portés par les sorciers : Celui qui alla chercher du vin à Bordeaux. La mère qui va au sabbat et son enfant. Les sorciers et les carrefours. L'enfant enlevé par les sorciers. Ceux qui font métier de conjurer les sorts. Robert qui défaîne. Ix Defnlnous, I-a petite fille qui avait eu une

I

DE LA HAUTE-BRETAGNE 383

hrouie de vent. Moyen de se préserver des sorts; d'en obtenir des avantages. Les somnambules.) 274 5 n. Les loups-garous et les hommes transformés en bêtes. (Pourquoi et comment on devient loup- garou ; comment on cesse de l'être. L'homme qui prend toutes sortes de formes. Le Bouchier du Prâ. Les gens qui vomissent des pattes de chien.

Le domestique loup-garou. La truie noire. Le coureur de guérou. Les meneurs de loups.

Les bouteilles qui transforment.) 289

§ IIL Les animaux sorciers 298

§ IV. Les livres des sorciers. (Le livre de Salomon. Le Petit Albert. La servatile du recteur. Le diable et le Petit Albert (deux récits) 300

Chapitre IX. Dieu et la Vierge. . . 305-318

Rôle de Dieu et de Jésus-Christ dans les contes; analyses du Mariage de Jean te Diot et de Saint Pierre en voyage. Contes analysés. Légende de Rieux. La Vierge a pris la place des fées; la substitution est plus ou moins apparente. Contes cités sont montres les degrés dans la manière dont les conteurs substituent la Vierge aux fées : Les deux frères. Le pas de la Vierge. La Vierge et tes lavandières de Josselin 50;

Chapitre X. Les saints et les moines. 319-344

§ I. Les saints. (Il y a moins de saints populaires qu'en Basse-Bretagne ; pourtant il circule des légendes à leur sujet. Le fossé de saint Aaron ; la Légende de saint Mauron (extrait). Saint Roux. Le chemin de sainte Blanche, le chemin de saint Jacques. Statues qui reviennent d'elles-mêmes.

Saint Michel it te diable. Les vengeances des saints. Saints canonisés par le peuple : saint Lénard, la sainte de Chasné, saint Carapibo, la

384 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

tombe à la fille, la tombe de l'émigré. Divinité païenne devenant un saint : Vénus et saint Vénier.

Les empreintes de saints : saint Cast, saint Mi- chel, saint Cieux, etc.) 319

5 II. Les moines. (Ils sont représentés comme débauchés et impies. Les moines de Bosquen. Les moines et !a jeune fille. Trésors des moines.) .... 337

Chapitre XI. Les souvenirs historiques. 345-384

Leur petit nombre; leur confusion 345

§ I. Personnages populaires : Arthur, Gilles de Bre- tagne, Duguesclin, la duchesse Anne ; anecdotes relatives à celte princesse 347

j II. Anciens châteaux, anciens seigneurs. Les trésors cachés ; les souterrains énormes ; revenants des châteaux ; souvenirs de seigneurs cruels : Le sire de l'Angevinais. Le moine de Saint-Aubin. Légende de Gourmalon. Les droits féodaux . . 351

5 IIL Villes englouties, cataclysmes, villes disparues. L'engloutissement de la forêt de Scissey. Le Juif- Errant 561

5 IV. Guerres avec l'étranger. Souvenirs confus; la descente des Anglais en 1758. ia Vierge du Temple. Les Prussiens. Les corsaires : chan- son. — Les pontons ; les évasions. Légende napoléonienne 367

§ V. Guerres civiles. La Ligue. Les Fondebonds ; li- gueurs et huguenots. La chouannerie ; récit.

Pétaud. Motiligné 381

Les chouans. Piètres fusillés ; l'herbe ne pousse plus sur le lieu de l'exéciition 381

DE LA HAUTE-BRETAGNE 38$

DEUXIÈME PARTIE

LE» ANIMAUX, LES PLANTES ET LES MÉTÉORES

Chapitre I. Les mammifères domestiques. 3-87

§ I. Généralités 3

§ II. Monographies. L'âne. Noms. Proverbes. Su- perstitions. — L'âne dans les contes 6

Le bélier. Noms patois. Proverbes. Supersti- tions.— Les moutons lutins. Le moiiim errant.

Le moulon et l'eau bénite. Mourioche-mouton .

Vieux loup et ses moulons ii

Le bœuf. Noms patois. Langage qu'on lui adresse. Noms propres. Proverbes. Devinettes. Superstitions et cro)ances. Bœufs lutins. La carrière de vaches. Les bœufs et la nuit de Noël.

Le bœuf dans les contes zo

Le^chat. Noms patois. Proverbes. Devinettes. Superstitions. Les chats sorciers : Renault est mort. Balthasar est mort ! Le vin de Bordeaux.

La bataille des chats. Contes de chats. . . 59

Le cheval. Noms patois et noms propres. Langage. L'attelage et ses noms. Proverbes. Devinettes.

Les chevaux malades ; les chevaux aux pardon».

Croyances. Le cheval et la nuit de Noël . . 55

Le mulet dans la littérature orale 81

Le porc. Noms patois. Proverbes. Croyances et superstitions. Le cochon lutin. L'homme changé en cochon 82

Chapitre II. Les mammifères sauvages. 88-123 § I. Généralités. Les fauves dans les contes. , . 8S

II 25

386 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

§ II. MoKOGRAPUiES (i). La baleine. La belette.

Le blaireau. Le cerf. La cbauve-souris.

L'écureuil. La fouine. Le furet. Le

hérisson. L'hermine. Le lapin. Le lérot.

Le lièvre. Les lièvres sorciers. Le ItèxTc à Campion. Le lion. Le loup. U joueur de violon. Le meneur de loups. La loutre. Le mulot. Le marsouin. La musaraigne. L'ours. Le putois. Le rat. Le renard. Le re- nard et son compère le loup. La souris. La taupe. 92

Chapitre III. Les oiseaux domestiques. 124-144

5 I. Généralités **4-

§ II. Monographies. Le canard. Le coq ; son rôle important dans la superstition. Le dindon. L'oie. Le paon. Le pigeon «26

Chapitre IV. Les oiseaux sauvages . 145-21 S § I. Généralités. Les oiseaux dans les contes. . . 14$ 5 II. Monographies. L'aigle. L'alouette. La bécasse. Le bouvreuil. La caille. Le ca- nard sauvage. La cane de Mcntfort, légende et chanson. Le caniard. Le chardonneret. Le chat-huant. Le chevalier cu-blanc. La chouette. Corbeaux et corneilles. Le cormo- ran. — Le coucou. Pourquoi il s'en va. I-acctie. L'épervier. L'étoumeau. La fauvette. Le geai. Le goéland. Le grèbe. Le grimpe- reau. La grive. La huppe. La huppe et le pivert. La lavandière. La linotte. Le mar- tinet. — Le martin-pcchcur. Le mauvis.

(i) Je donne systcmatiquement : le nom patois; le lan- gage des bétes ou celui qu'on leur adresse; les proverbes; 40 les devinettes; les croyances et les superstitions; le rôle dans les contes. Sauf pour les monographies importantes, je ne répéterai pas ces sommaires.

DE LA HAUTE-BRETAGNE 38;

Le merle. La mésange. Le moineau. Le mouchet. La mouette. L'orfraie. Le perroquet. Le perroquet et l, curé. Le perroquet de mer. Le petit-duc. Le pétrel. La pic. La pie et la dame. La fie et la fée. La pie- grièche. Le pinson. Le pivert. La poule d'eau. Le ramier. Le rossignol. Le rossignol et son chien. Le rouge-gorge. Le rouge-gorge et le chat-huant. La tourterelle. La tourterelle et le coucou. Le troglodyte. Le troglodyte elle chat- huavt. Le troglodyte et l'aigle 14g

Chapitre V. Les reptilf.s 216-244

5 I. Généralités. Crainte des reptiles. Croyances. Les reptiles à Babylone. Les reptiles préservent

des charmes; leur rôle dans les contes 2i6

§ II. Monographies. La couleuvre. Superstitions et rôle dans les contes. Le crapaud. Superstitions. Jeu. Vengeances du crapaud. Le crapaud qui parle. La fille maudite. La grenouille : inter- prétations de son lang.ige. Superstitions. Jeux.

Le lézard. Superstitions ; rôle secourabic.

L'or\'et. La salamandre. Superstitions. La ' salamandre et le dormeur. La tortue. La vipère 223

Chapitre VI. Les poissons 245-276

A. Les poissons de mer. § I. Généralités. Supers- titions et contes 24;

§ IL Monographies. L'anatife. L'anémone.

L'âne de mer. Le bar. Le bernard-l'hermite.

La bonite. La brème. Le calmar. Le capelan. Le chien de mer. Le cloporte de mer. Le congre. La coquille Saint-Jacques.

Le crabe. Le crabe et le brigot. La crevette.

La dorade. Le grondin. Le liaren"-.

Le homard. L'huître. Le lançon.

.e

388 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS

manche de couteau. Le maqueieau. Le maquereau bâtard. La méduse. La morue. L'esprit de morue. La moule. L'ormier. L'oursin. Le pageL La patelle. La plie.

Le poisson Saint-Pierre. Lt bon Dieu et te poisson Saint-Pierre. Le poulpe. Le poulpe et la sèclie. La raie. Le roué. Le rouget. La sardine. La sèche. La sole. Le talitre.

Le turbot. La vieille. Le vignot. La

vive 249

B. Les poissons d'eau douce. L'anguille. Le brochet. La carpe. Le dard. La sangsue. 274

Chapitre VII. Les insectes 277-307

5 I. Généralités. Petit nombre de noms connus. . 277

^j n. Monographies. L'abeille. Superstitions. Les ruches et les morts. L'araignée. Le bourdon. Le bouzier. Le cerf-volant. La chenille. La coccinelle. Le colimaçon.

La demoiselle. Le dytique. L'éphémère.

Le faucheux. La fourmi. Le Irelon. Le grillon. La guêpe. Le hanneton. La mouche. La mouche d'eau. Le papillon. Le papillon et le pauvre. Le perce-oreille. Le pou. La puce. Le scarabée. Le staphylinx.

La tique. Le ver de terre. Le ver luisant. 278

Chapitre VIII. Les arbres 308-524

5 L Généralités. Moyens de les faire périr. . . . 308 5 II. MoNOGRAi'HiES. L'ajonc. Le bouleau. L.i bruyère. Le cerisier. Le châtaignier. Le chêne, Le coudrier. L'églantier. L'épine.

Le genêt. Le gui. Le houx. Le lau- rier. — Le lierre. Le noyer. Le pommier.^ La ronce. Le rosier. Le saule. Le sureau.

Le tremble 509

DE LA HAUTH-BRETAGKE 389

Chapitre IX. Les plantes 325-3^6

§ I. Générautéï. Les herbes magiques. Les deux

chiens ... , , , )-)

S II. Monographies. L'ail. L'anis. L'avoine.

Le blé. Le bleuet. Le champignon. Le chanvre. Le chardon. Le chou. La citrouille. Le coquelicot. Le cresson. La cuscute. La digitale. L'euphorbe. La fève. La fougère. La fraise. La jamotte.

La joubarbe. La jusquiame noire. Le lin.

La marguerite. La mercuriale. La mousse.

Le navet. L'ortie. La parelle. Le persil. Le pissenlit. Le plantain. Le pois.

Le saigne-nez. Le sarrasin. Le serpentaire.

Le serpolet. Le trèfle. La verveine.

La violette ,2g

Chapitre X. Les météores 347-366

L'arc-en-ciel. Comment on le coupe. Les aurores

boréales. Le brouill.ird. Les comètes.

Les éclipses. Les étoiles ; les étoiles et les âmes. Le feu follet. La lune ; son influence.

La neige. L'orage : moyens de se pré- server de la foudre. La pluie. Le soleil.

Les vents.

347

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