■*-t*"^

i

1

F!9

1

ji^K»

1

MP^#ffi||0|

St^S

^5|9

si

m.

m

BOSTOT»^ PUBLIC UBRARY

LES LUMIERES ET LES OMBRES

SPIRITUALISME

r

/ ^^ ^ D. D. H O M

LES LUMIÈRES

ET

LES OMBRES

DU SPIRITUALISME

TRADUIT DE l' ANGLAIS, AVEC PREFACE PAR HeNRY LA LUBERNE

« Licht mehr licht. » Goethe.

PARIS E. DENTU, ÉDITEUR

LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES

PALAIS-ROYAL, 15-17-19, GALERIE d'oRLÉANS

1883

')

K^

Nice Iiup. Anglo-Française Malvano-Mignon, rue Gioffredo, 62.

JE DÉDIE CET OUVRAGE

A MA FEMME

E T

A NOTRE BIEN-AIMÉ ONCLE

Son Exe, NICKOLflS TIMOFEIVITCH D'AKSAKOF

Parti de ce monde à Pétersbourg le 13/25 Mars 1882

Hommage bien faible en retour des preuves constantes d'estime et d'affection qu'il m'a toujours données. J'étais fier de son amitié d'autant plus qu'il alliait à la noblesse du nom cette autre noblesse qui vient de la grandeur de l'esprit et la bonté du cœur. Qu'il veuille bien recevoir ici, de moi, l'assurance de tnon éternelle reconnaissance.

D, DuNGLAS Home.

[Niice. Janvier 188^.

PRlïlF^^OB

Un savant illustre, M. William Crookes, joignant sa méthode scientifique à une large et haute portée philosophique, est venu démontrer qu'il existe en dehors des lois qui régissent le monde matériel toute une série de phénomènes d'ordre psychique ou ecténique, dont un être raisonnable ne peut admettre l'explication par l'imposture, le hasard ou l'erreur.

Ce serait une lâcheté morale de lui refu- ser notre témoignage, sous prétexte que les causes de ces phénomènes nous échappent, ou qu'il faut avoir recours, pour les expli- quer, à la théorie dite spiritualiste.

Les phénomènes examinés par M. Crookes sont d'un caractère tel que, même à cette heure, il y a antagonisme dans son esprit

II LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

entre sa raison, qui dit que c'est scientifi- quement impossible, et le témoignage de ses sens, témoignage corroboré par les sens de toutes les personnes présentes au moment des manifestations.

Force nous est donc de croire nos sens comme d'honnêtes et sincères témoins, sous peine de nous abîmer dans le doute préco- nisé par Phyrron et Berkeley.

Quant à admettre qu'une sorte de folie ou d'illusion serait venue fondre sur toute une réunion de personnes intelligentes, saines d'esprit partout ailleurs, qui sont d'accord sur les moindres particularités et les détails des faits dont elles sont témoins, il n'y faut point songer ; en tout cas ce serait quel- que chose de plus incroyable que les faits mêmes qu'elles attestent.

Le sujet est plus vaste qu'il ne parait au premier abord.

Cette force est probablement possédée par tous les êtres humains, quoique les in- dividus qui en sont doués avec l'énergie extraordinaire de M. Daniel Dunglas Home soient sans doute fort rares.

De même que dans les expériences d'élec-

PREFACE m

tricité certaines conditions sont indispensa- bles à la production du phénomène, de même aussi certaines précautions sont es- sentielles pour obtenir les manifestations spirituelles. On a fait des objections dérai- sonnables à la force psychique parce qu'elle ne se développe pas dans des conditions contraires dictées par des expérimentateurs qui, cependant, repousseraient avec vigueur les conditions qu'on leur imposerait à eux- mêmes pour la production de quelques-uns de leurs propres résultats scientifiques.

Les conditions requises sont, toutefois, très peu nombreuses, et elles ne portent en aucune sorte obstacle à l'observation la plus parfaite et à l'application du contrôle le plus rigoureux et le plus exact.

L'obscurité n'est pas essentielle. M. Wil- liam Crookes affirme que tout ce dont il a été témoin a été produit par M. Home en pleine clarté.

Quant à l'enlèvement de corps humains, M. Crookes atteste que bien des fois ce genre de fait s'est produit en sa présence. Il y a eu au moins cent cas bien constatés à l'actif de M. Home, qui se sont produits

IV L.V LUMIERE ET LES 0:iIRRES DU SPIRITUALISME

en présence de beaucoup de personnes dif- férentes et des mieux connues. Rejeter l'évi- dence de ces manifestations, dit ce savant physicien, revient à ne tenir compte d'aucun témoignage humain, quel qu'il soit, car il n'est point de fait, dans l'histoire sacrée ou dans l'histoire profane, qui s'appuie sur des preuves plus imposantes.

Galvani disait : « Je suis attaqué par deux sectes bien opposées, les savants et les ignorants. Les uns et les autres se rient de moi et m'appellent le maître de danse des grenouilles. Eh bien! soit. Mais je sais que j'ai découvert une des plus grandes forces de la nature. »

Ce qui était vrai de son temps, l'est encore aujourd'hui.

Notre véritable ennemi, c'est le pseudo- savant, celui qui fait profession de tout con- naître, surtout s'il a un système, une théo- rie. Concevoir une force nerveuse n'est pas plus difficile que de concevoir le 7nécanisme intime de V atome, et toute recherche, digne ou non de ce titre, s'exerçant sur un sujet en lequel des hommes éminents font l'aveu de croire, qui est au premier rang des ques-

PREFACE

tions sociales du jour, et qui compte ses adhérents par millions, a certainement au- tant de mérite et est aussi instructif que les investigations à coup sûr un peu hypothé- tiques sur les atmosphères interatomiques et la gyration des atomes interatoiniques. M. Daniel Dunglas Home a rempli le monde du bruit de son nom. C'est un enfant de la brumeuse Ecosse, pays peuplé de spec- tres et de fantômes. Il y a chez lui du barde, du prophète et du rêveur. Son visage, dont l'angle facial est anormalement développé, exprime la plus exquise douceur ; il éveille cette impression intellectuelle d'une force nerveuse dont le foyer setait dans la tête et le cœur, et qui aviverait ceux-ci aux dépens de l'économie. Dès sa plus tendre enfance, il prélude par des phénomènes extraordinai- res à ses destinées futures. Il est bercé par des mains m siérieuses. A l'âge de trois ans, la seconde vue, faculté dont jouissait sa mère, se réveille chez lui : il voit mourir une petite cousine à 30 lieues, et nomme les personnes qui entourent son lit. Il parait converser avec des êtres invisibles, et ses joujoux viennent le trouver d'eux-mêmes.

VI LA LUMIERE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

Souvent une musique céleste se fait enten- dre. Il quitte à neuf ans l'Ecosse pour l'Amérique, il échangea avec un de ses camarades, du nom d'Edwin, le serment de lui apparaître après sa mort. Quelques mois après, une forme se manifeste à lui, disant : « Daniel, me reconnaissez-vous? » Le lendemain, il apprend le décès de son ami. Une autre fois, le même phénomène d'apparition a lieu, mais celte fois, c'est sa mère qui est partie de ce monde. Bientôt les esprits envahissent la maison de sa tante il demeure ; sa tante, croyant qu'il est possédé du démon, le chasse de chez elle. De cruels crachements de sangl'ayant obligé de quitter l'Amérique, il part pour l'Europe et s'établit à Florence, qu'il affole par l'étran- geté des phénomènes que sa présence opère. On le prend pour un sorcier. On assiège sa maison pour le massacrer. C'en était fait de lui sans l'intervention du comte Alexandre Branicki, qui le conduit à Naples, sa faculté médianimique l'abandonne entière- ment pendant une année. Il vient à Paris, donne un grand nombre de séances aux Tui- leries. Les merveilles de Florence se renou-

PREFACE VII

vellent; la chronique, chaque jour, enregis- tre un prodige nouveau. Il va en Russie; les mêmes miracles se manifestent devant le Czar et la Cour. Partout il est reçu, fêté, acclamé; les souverains, les sommités litté- raires et scientifiques de tous les pays sont à même de voir et de contrôler des prodiges qui semblent empruntés aux légendes an- ciennes.

Il est des hommes, ou plutôt des zoophy- tes à figure humaine, dont Fexistence n'est que végétative ; leur mission est de naître, de croître et de mourir. Retranchés dans leur moi absolu, ils s'inquiètent peu des autres ; les événements roulent sur leurs âmes sans y laisser de traces ; comme les dieux d'Epicure, ils se bercent dans leur mollesse, et regardent à leurs pieds se dé- ployer le tableau du monde. Ils ont dit : après moi le déluge! Que le déluge vienne, même de leur vivant, peu leur importe, du moment qu'il les respecte. Qu'esl-ce que cela vne fait ? Voilà le résumé de leur phi- losophie.

D'autres, au contraire, et M. Home est de ce nombre, n'éprouvent que des émotions

Vm LA LUMIERE ET LES OMBRFIS DU SPIRITUALISME

vives et profondes. Leur sensibilité, encore perfectionnéeparl'éducation, les rend pareils à ces plantes dont les feuilles, au moindre contact, se ]-eplient sur elles-mêmes. Jadis, les payons voyaient des dieux dans chaque objet ; aujourd'hui bien des gens n'en voient plus même un dans tout l'univers. Partout, comme au temps de Constance et de Galère, partout on crie : « Les dieux s en vont ! » Mais tandis que la multitude se vautre dans ce chaos d'indifîérence, quelques hommes placés dans une sphère supérieure, la con- tagion ne peut les atteindre, fixent un regard mélancolique sur ces tableaux à soulever le cœur. Haletants d'indignation et de pitié, ils jettent des cris qui ne sont point enten- dus ; et ne vous méprenez pas sur les motifs de leur colère : l'amour aussi déborde à longs flots de ces cœurs inépuisables. C'est que celui qui voudrait rendre les hommes meilleurs pour les rendre plus heureux, mais qui voit reculer l'objet de son espérance à mesure qu'il le poursuit, celui-là, dis-je, ne peut s'entourer du manteau de l'égoïsme, et l'excès de sa philanthropie doit le pousser sans cosse à de nouveaux efforts.

PREFACE IX

M. Home n'est point de ceux qui ne con- naissent d'autre horizon que le cercle de leur coterie. C'est un spiritualiste dans toute l'acception du teime. Une idée grande et fixe le domine. Cette idée, toujours debout dans sa tète, est comme une colonne qui soutient ce vaste édifice dont il est le presti- gieux défenseur; cette idée, c'est que les dogmes de toutes les religions relèvent de la communication qui existe entre l'homme et le monde des esprits. « L'Eglise de Rome, « dit-il, a, de tout temps, admis la diversité « des dons spirituels; il en est de môme de « l'Eglise grecque, qui nous en concède « davantage et est beaucoup plus tolérante u à cet égard. » Ainsi donc, il veut le ral- liement de toutes les consciences à la morale chrétienne. C'est là, selon lui, que gît l'ave- nir de la civilisation. Alors le genre humain doublera le pas vers ce bel avenir qui, dans le lointain, se montre à nous, comme au législateur des Hébreux se montrait la terre promise.

Henry La LuiiERNE.

LA LUMIERE ET LES OMBRES

SPIRITXJAIjIS]^E

Croyances des peuples anciens

On retrouve encore, au milieu des tem- ples brisés et des villes croulantes, quelques documents épars , qui attestent la gran- deur des peuples disparus.

Ces pages, taillées dans le granit, témoi- gnent aussi de quelle vive lumière, l'homme, aux premiers âges, a être frappé; son esprit semble imprégné d'une clarté surna- turelle — véritable émanation d'un autre monde.

2 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

Le plus simple phénomène spiritualiste qui, de nos jours, inquiète la chrétienté n'était, aux yeux du payen d'Orient, qu'une manifestation à lui familière depuis des siècles.

Toute la théogonie des temps anciens re- pose sur une foi commune, celle de la venue des esprits parmi nous.

Les vertus pour ainsi dire surhumaines des hommes de Chaldée, de Phénicie et d'Egypte, les plus belles actions , les plus hauts faits du Juif, du Grec et du Romain, de même que leurs crimes les plus mons- trueux, ont leur source dans cette croyance.

Alors, comme aujourd'hui, cette vérité que l'homme ne peut «mourir pour revivre» mais qu'ayant une fois vécu, il vivra éter- nellement, cette vérité, disons-nous, a été non seulement reconnue, elle a été aussi de tout temps tournée à profit et à mal.

A côté de nobles êtres, de beaux ca- ractères, que le commerce des purs esprits élève et ennoblit, on aperçoit les démons obéissant à d'autres démons malignes créatures des deux sexes, de tout âge, de

CROYANCES DES PEUPLES ANCIENS

toute condition qui, poussés par la per- versité du cœur ou des doctrines, travaillent sans relâche à verser le sang et à remplir le monde d'impudicité.

C'est par le commerce des esprits que la joyeuse certitude de l'immortalité s'est per- pétuée jusqu'à nous, et que le sombre dé- filé de la mort s'est illuminé d'une gloire extraterrestre.

Mais il faut bien le reconnaître , c'est aussi par le commerce des esprits que s'est établi le rite épouvantable des sacrifices humains l'homme cherchant à apaiser la colère de dieux imaginaires par la mort de ses frères.

Lorsque au toucher de ceux qui ne sont plus, les nuages qui nous dérobent l'avenir se furent dissipés, l'homme, à la vue de cette terre virginale qui s'offrait à ses yeux, sentit s'enflammer son imagination ; les idées s'élevèrent jusqu'au sublime de la nature, et les paroles jusqu'aux idées.

Il crut voir des dieux qui marchaient devant lui.

A partir de ce jour le pouvoir des esprits

4 LA. LUMIERE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

fut saiivS mesure, pour le bien comme pour le mal.

La vaillante petite phalange des Grecs, lorsqu'elle se mit en marche pour attaquer l'innombrable multitude des Perses à Ma- rathon, est un exemple heureux d'effusion spiritualiste. Ce jour-là, du côté des Grecs, chaque poitrine tressaillait à l'idée que les mânes de leurs aïeux et les dieux de leur pays se pressaient autour d'eux pour les ins- pirer, les encourager au combat, et on lisait sur chaque figure, comme dans une page héroïque, le dédain suprême delà vie, l'âpre soif du sacrifice, et cet inéluctable amour de la patrie qui font les Décius et les d'Assas.

Par contre, aussi, lorsque ces mêmes Grecs se disposent solennellement à hacher menu, à enterrer vivants de misérables pri- sonniers, dans le but de se concilier des êtres pervers et à tort divinisés, nous avons un exemple funeste de cette influence spiri- tualiste.

Quoi qu'il en soit, nous voyons, dans l'un comme dans l'autre cas, avec quelle foi ar- dente l'homme primitif afliirme l'existence de ce monde invisible.

CROYANCES DES PEUPLES ANCIExNS

Pour peu qu'un peuple soit connu, nous constatons communément que la pierre an- gulaire de sa théogonie est une croyance au retour de ceux qui sont morts.

On ne versait pas d'inutiles larmes sur la bière du héros, du juste, et du sage ; c'eût été témoigner qu'ils avaient à jamais dis- paru. Leurs mânes, au contraire, planaient après le trépas sur le pays qu'ils avaient aimé et servi ; parfois même ils se rendaient visibles àceux qui chérissaientleur mémoire, pour les avertir d'un danger ou les mener à la victoire. Si ces apparitions se renouve- laient et si les services rendus étaient de haute portée, ils ne tardaient pas à être ado- rés pour des dieux.

On découvrit que les esprits étaient à même de manifester leur présence, mais seulement par l'intermédiaire de certaines personnes.

Ces personnes, qu'on appelle aujourd'hui médiums, furent dès lors investies de fonc- tions qui leur étaient spécialement attri- buées, et le sacerdoce fut institué.

Mais comme l'homme immortel est de

b LA LUMIERE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

tout temps ambitieux, qu'il est trop enclin ou à se laisser mener ou à vouloir mener les autres, le pasteur ne tarda pas à devenir évêque. Alors, l'appétit venant en man- geant, il aspira à être le fondateur d'un ordre religieux, à édifier quelque système de théologie ou de gouvernement. Bientôt, comme en Egypte, nous le voyons au faîte de la puissance, régissant tout, tant au temporel qu'au spirituel ; il est intronisé grand archichancelier de la terre et des cieux. Nous le voyons marcher parmi les hommes, non pas avec eux, mais à côté, voire même au-dessus d'eux; se vêtir d'ha- bits qui le différencient notablement de ses concitoyens ; se retrancher derrière la sain- teté de son ministère; se faire une haie vive de rites mystérieux. Parmi les êtres invisi- bles qui le servent, il choisit pour gar- diens et pour guides spirituels ceux dont les conseils plaisent à son âme.

Il y a lieu de faire ici la part des esprits purs et des esprits impurs.

Ces autels, qui dégouttent de sang hu- main et que nous retrouvons dans tous les

CROYA^•CES DES PEUPLES ANCIENS

pays ; ces prisonniers de guerre massacrés sans pitié, en guise d'offrandes agréables aux dieux; ces temples souillés par le libertinage, le vice éhonté, la cruauté sys- tématique ; toutes ces horreurs et bien d'au- tres encore peuvent laisser dans l'esprit une impression fausse qu'il importe de dissiper.

Dans les rapports qui se sont établis en- tre le monde visible et le monde invisible, il y a eu des abus dont les esprits ne sont pas plus exempts que les hommes.

Et d'abord, les êtres pervers qu'on ado- rait autrefois comme des dieux, étaient-ce réellement des démons ?

Si par démons l'on entend des êtres hu- mains dépravés au suprême degré, alors assurément bon nombre parmi ces dieux méritent cette qualification.

Tout fait supposer que les messagers de Dieu ces princes d'un autre univers veillaient avec un soin jaloux sur les meil- leurs d'entre les enfants de la terre, et qu'ils se mettaient, alors comme aujour- d'hui, en rapport constant avec eux.

Mais, pour établir ce rapport, le médium était indispensable.

8 LA LUJIIERE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

Or, le plus souvent, cet intermédiaire était ambitieux ou dépravé, quand il n'était pas l'un et l'autre. Dédaigneux de se voir attribuer le rôle effacé de serviteur auprès des esprits, le médium eut l'outrecuidance de leur vouloir commander en maître. Les exhortations restèrent sans effet. Les aver- tissements furent méprisés. Alors, détour- nant leurs regards de la terre, qu'ils sem- blèrent un instant avoir à jamais abandon- née, les esprits se retirèrent au-delà des limites qui circonscrivent leur immuable sérénité.

Aussitôt le mal fît irruption.

De beaux esprits perfides, qui conseil- laient d'agréables choses, et qui, tout en paraissant se plier aux moindres désirs de leurs victimes, les tenaient fermement en- doctrinées au service du mal, régnèrent en souverains sur le reste des hommes.

Ils poussèrent plus loin leur impénitente malignité.

Habitants des ténèbres, ils tramèrent les plus noires perfidies dans l'intention de rendre accessible à certaines âmes encore de la terre et gangrenées d'une lèpre aussi

CROYANCES DES PEUPLES ANCIENS

profonde que la leur, le royaume des clairs esprits.

Grâces à ceux qui semblaient être leurs maîtres et qui, de fait, n étaient que leurs serviteurs les ministres de la religion chaque peuple se vit peu à peu détourné du culte d'un seul Dieu pour aboutir au culte de la créature. La tradition de leurs taux dieux est venue jusqu'à nous. On nous les dépeint à Timage de l'homme, avec les pas- sions et les attributs de la démonialité. C'était un point cardinal de toute croyance théogonique que le sang versé pouvait seul détourner leur colère. On édicta, contre ceux qui offensaient ces pseudo-divinités, des pénalités terribles, tant en ce monde que hors. Les peuples du midi, d'un carac- tère mobile et léger, se représentaient la peine qui les attendait après cette vie comme une sorte d'emprisonnement dans la nuit et le silence éternels; chez les peu- ples plus sévères du nord, c'était une vision de visages suppliants qui regardaient du fond d'une tombe embrasée. Les infamies qui souillent notre siècle, les doctrines qui enlèvent à l'amour ce qu'il a de sublime et

10 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

de caressant pour y substituer la dégra- dante image de la luxure, tous les faux principes dont nous avons tant de peine à nous défaire, étaient habilement prônés par ces déités terrestres, inculqués dans leurs temples avec force préceptes et exemples à l'appui, et disséminés au sein des peuples qui arrivaient, à travers les souffrances et les crises, aux convulsions de l'agonie.

L'histoire dit trop ce qu'était la société il y a deux mille ans.

Le bien, cette perfection de l'être, sem- blait s'être enfui de la terre avec les purs esprits. On ne voyait partout que les servi- teurs du mal. Les temples et leurs dieux fléaux plus redoutables que la guerre, la famine et la peste étaient un outrage à la face du ciel, car le meurtre et des iniquités sans nom s'y voyaient journellement. Le plus grand nombre acceptait, comme de tout temps, les divinités qui leur étaient offertes, et, soumis, recherchaient le mal et négligeaient le bien. Quelques-uns, doués d'intelligence et de réflexion, se rendaient bien compte de ce fait que, vivants ou non, les êtres auxquels le peuple élevait des tem-

CROYANCES DES PEUPLES ANCIENS 11

pies n'étaient pas des dieux, et que, loin d'être les créateurs de l'univers, c'étaient des monstres de l'imagination ou des créa- tures d'une nature inférieure. Mais, crainte d'ennuis ou de pis encore, ils se retranchaient dans une espèce d'épicurisme qui, même dans sa pureté primitive, effaçait l'idée du devoir. Indifférents à tout, ils regardaient à leurs pieds se dérouler le tableau du monde.

Le mal ne tarda pas de revêtir une forme repoussante.

Lorsque les Romains étaient à Tapogée de leur gloire, l'homme était arrivé au péri- gée de la morale et du bonheur.

A cette heure sombre les forces vives du bien se mirent de nouveau en mouvement, et le monde invisible manifesta encore une fois sa présence.

Aussi, que voyons-nous ?

Sur une terre couverte d'opprobres, éner- vée par les passions et bouleversée par les luttes ; sur un peuple qui, sans vergogne, af- fiche les vices les plus honteux ; sur une nation le bûcher, la croix et les verges,

12 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

sont à l'ordre du jour, et l'homme met son orgueil à être le plus inhumain envers son semblable ; au siècle de Tibère, Cali- gula, Néron, de Messaline, Agrippine, Locuste, nous voyons tout à coup s'éle- ver, pure et sereine, cette douce flamme du christianisme qui projette au loin, sur le néant des choses humaines et par-delà les horizons visuels, l'aube immense de sa vi- vifiante et fécondante clarté.

Fondée dans le miracle, attestée par les prodiges, portée aux extrémités du monde par des apôtres dont le doigt guérissait les malades, faisait se redresser les paralyti- ques et les mourants, et dont les yeux avaient entrevu la radieuse lumière de l'Irrévélé, la religion du Christ et son code subhme ne tardèrent pas de conquérir à eux toutes les nations. Bravant la méchanceté des hom- mes, le Nazaréen nous a démontré par des preuves brûlantes que l'échelle de Jacob n'est qu'une pâle image de cette échelle im- mortelle sur laquelle de tout temps montent et descendent les ombres des trépassés.

CROYANCES DES PEUPLES ANCIENS 13

A l'aurore des âges le monde visible, avons-nous dit, était en rapport avec le monde invisible. Nous en voyons la preuve dans les annales fragmentaires des peuples anciens, le fait transparaît en plus d'un endroit.

Parmi les quelques rares légendes se rapportant au peuple mystérieux des Etrus- ques, il en est une qui leur attribue le culte de la magie et le pouvoir de ressusciter les morts.

Une race congénère et non moins mys- térieuse, les Phéniciens, croyait fermement aux esprits bienfaisants et malfaisants, et à l'évocation de ceux-ci par des rites terribles et compliqués.

D'autres peuples, dont la théogonie ne nous est parvenue que par bribes les Scythes, les Gaulois, les Teutons, les Sar- mates semblent avoir partagé cette croyance générale. En France et dans la Grande-Bretagne, les druides connaissaient à n'en pas douter, le phénomène de la clair- voyance et celui du magnétisme animal ; ils se livraient à l'extase, et cherchaient à scruter l'avenir par le moyen des visions.

14 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

L'Egypte, l'Assyrie, la Chalclée et la Perse, la Grèce et Rome, l'Inde et la Chine, sont des peuples dont les annales translui- sent les vérités du spiritualisme.

S'il n'est guère possible de construire, avec les restes imparfaits des vieilles chro- niques, un récit dont le poids égal en certi- tude celui que fournissent les riches maté- riaux des temps modernes, il en reste assez, toutefois, pour étayer l'authenticité de cette partie de notre travail.

Nous nous efforcerons de démontrer que les faits reçus avec la plus opiniâtre incré- dulité au dix-neuvième siècle étaient des lieux communs déjà au premier siècle et peut-être bien antérieurement à l'ère chré- tienne. La foi aux choses surnaturelles caractérise les plus puissantes intelligences de ces âges reculés. Parmi les croyants au spiritualisme , nous voyons figurer les géants de la pensée, Homère, Hésiode, Pindare, Alexandre et César, Virgile et Tacite, Cicéron, Sénèque, Pline, Plutarque, et cent autres.

Après avoir indiqué le rapport d'identité

CROYANCES DES PEUPLES ANCIENS 15

entre les phénomènes spiritualistes du présent et ceux du passé, nous appellerons l'attention de chacun sur ce fait significatif, c'est que le démon du mal, lors de sa première irruption, fut annoncé par un nuage précur- seur qui, tout d'abord gros comme la main, ne tarda pas d'envahir l'horizon spirituel tout entier.

C'est ce qui arrive aujourd'hui.

16 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

II

L'Assyrie, la Chaldée, l'Egypte et la Perse

Les années sans nombre qui se sont écoulées depuis que Ninus partagea son sceptre avec Sémiramis, et que le premier mage monta au sommet de la tour de Bel, ont enseveli, on peu s'en faut, l'histoire du royaume d'Assyrie le plus puissant du monde ancien.

Les recherches de Layard et de Smith ont, il est vrai, ajouté à nos connaissances relativement à cet ancien peuple. Ninive, déterrée, offre ses peintures et ses sculp- tures, où nous déchiffrons son passé. Nous y voyons la représentation de ses puissants guerriers assyriens la terreur des nations

l'assyrie, la chaldée, l'Egypte et la perse 17

environnantes et jusqu'aux portraits des hommes cfui dévastèrent T Egypte et me- nèrent en captivité les dix tribus d'Israël.

Mais, si formidable qu'ait été la soldates- que assyrienne, les prêtres ou interprètes sacrés détenaient une puissance bien autre- ment terrible. Ils formaient de véritables collèges sacerdotaux, et se transmettaient leurs secrets et leur science oralement, de génération en génération, en sorte que la théologie astrologique formait en Assyrie le patrimoine de certaines familles. On avait pour eux le plus grand respect, parce qu'ils s'adonnaient à la pratique de la divination et qu'ils savaient lire dans l'avenir.

Nos renseignements augmentent au mo- ment du démembrement de l'empire d'Assy- rie. C'est à cette époque qu'il faut rapporter un cas épouvantable de puissance spirituelle, que les Hébreux ont consigné dans leurs annales. Nous apprenons en effet qu'un ange passa silencieusement au-dessus du camp assyrien et qu'il anéantit en une seule nuit l'armée entière de Sennachérib, c'est-à-dire cent quatre-vingt mille hommes.

Si nous en croyons Hérodote, Diodore de

2

18 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

Sicile, et autres historiens, l'influence exer- cée par les mages chalcléens était toute- puissante à Babylone. L'étude approfondie de toutes les connaissances humaines sem- ble avoir été leur apanage exclusif. Ils tenaient dans l'Etat babylonien une place égale à celle des magiciens au pays d'Egypte. Ils dirigeaient les jeunes à leur entrée dans la vie ; ils préparaient les vieillards à franchir les portes d'ivoire de la mort. L'avenir était leur étude préférée. Aussi avaient-ils fini par établir ce qu'ils regar- daient comme un système complet de divi- nation. Ils s'astreignirent à une contempla- tion journalière du firmament et découvri- rent ainsi plus d'une des lois qui le régissent. Les astronomes modernes reconnaissent des prédécesseurs dans les astrologues de ces temps anciens, esprits inquiets qui, du haut de la tour de Bel, fouillaient chaque nuit les splendeurs du ciel assyrien. Et alors même que le colosse babylonien s'écroula sous les traits du Mède, le mage survécut. Depuis Fore de Cyrus jusqu'à celui de Darius qu'Alexandre soumit, le mage avait été tout -puissant à Babylone et celui-ci fit

l'assyrie, la chaldée, l'Egypte et la perse 19

encore au héros macédonien une des plus curieuses prédictions que l'on connaisse.

A 300 stades de la grande ville, Alexan- dre fut arrêté par une députation de mages, qui l'avertirent de ne pas entrer à Babylone, les dieux ayant décidé qu'une fois dans les murs, il allait infailliblement mourir. Cette prophétie émut à tel point le conquérant d'Asie, que tout en voyant ses meilleurs amis dans Babylone, lui-même campa à une portée de 200 stades en dehors des murs. Mais les philosophes grecs qui l'accompagnaient, les disciples sceptiques d'Anaxagore, lorsqu'ils se trou- vèrent en la présence du roi, se moquèrent si spirituellement de la chose, qu'ils effa- cèrent momentanément dans l'esprit du monarque tout respect pour la sagesse des Chaldéens. Alexandre entra à Babylone, et quelques mois après, il se coucha pour ne plus se relever.

Plusieurs autres présages avaient an- noncé la disparition prochaine de ce royal météore. Peu de temps après les magnifi- ques funérailles qu'il fît à son favori Hé- phestion, un Babylonien qu'on avait mis en

20 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

prison, fut trouvé par le roi habillé du cos- tume royal et assis sur le trône. Alexandre, étonné, demanda à l'intrus qui l'avait poussé à commettre cet acte audacieux. L'hom.me répondit simplement qu'i[ ne sa- vdiit pas comment il se trouvait là. Les devins opinèrent qu'il fallait mettre cet homme à mort, ce qui fut fait ; mais l'au- gure n'en pénétra pas moins bien avant au cœur du belliqueux monarque.

A quelque temps de là, il mit à la voile avec une flottille pour visiter le port de Ba- bylone. Une tempête survint, et le vaisseau d'Alexandre se trouva séparé du reste delà petite flotte. Après avoir été battu des vents pendant plusieurs jours, l'équipage parvint à prendre refuge au fond d'une anse envahie par les arbrisseaux. Au mo- ment d'aborder, la couronne du roi fut en- levée de son front par une des branches faisant saillie sur la rive, et projetée dans les vagues. Un matelot plongea du vaisseau ot recouvra Tornement, mais il dut s'en coiffer pour mieux nager au retour. Les Chaldéens et surtout Alexandre regardèrent ce deuxième pronostic comme de plus

l'assyrie, la chaldée, l'egypte et la perse 21

mauvais augure encore. On lui conseilla d'offrir des sacrifices aux dieux . A une fête donnée à l'occasion des rites proposés, le conquérant but d'un trait une large coupe pleine de vin; il chancela, soupira, et parut envahi tout à coup d'un malaise irrémédia- ble. On le mit sur sa couche il ne tarda pas à rendre l'âme.

Deux jours auparavant, Calanus, un phi- losophe hindou, au moment de monter sur son bûcher funéraire, avait annoncé à Alexandre que celui-ci eût à se préparer pour le suivre bientôt au royaume des ombres.

L'Egypte partage avec la Chaldée Thon- neur d'avoir possédé la plus ancienne phi- losophie. Il est difficile de décider entre ces deux peuples, tant de siècles se sont écoulés seulement depuis leur décadence. L'ensem- ble des preuves semblerait indiquer l'Egypte comme la plus anciennement civilisée. D'au- tre part, l'historien Zonaras assure que les Egyptiens tiennent leur cosmogonie des Chaldéens, mais cette assertion est contre- dite par les recherches des modernes. En

22 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

tout cas, l'on peut dire, sans crainte d'être démenti, que les prêtres d'Egypte étaient les mieux instruits et les plus magnifiques de l'antiquité. En dignité, ils égalaient leurs frères de la Chaldée ; ils les surpas- saient en sagesse. Ce qu'étaient leurs tem- ples, les ruines formidables de Karnak, la ville des autels, sont encore pour l'attes- ter. Les avenues de sphinx s'étendent sur une longueur de plusieurs kilomètres ; le désert est jonché de colonnes dont la masse solide ne s'est vue chez aucune autre na- tion. Au fond de ces temples gigantesques se cachait une somme de connaissances, une sagesse, dont seulement quelques par- celles, malgré la vigilance des gardiens, ont pu être rapportées chez eux par des g^mmo- sophistes grecs et incorporées dans leur merveilleuse philosophie. La splendeur du peu que nous avons, nous fait à juste titre regretter la perte irréparable de semblables doctrines. Chérémon, qui fut bibliothécaire d'Alexandrie, et qui se livra particulière- ment à la connaissance des antiquités égyp- tiennes, leur rend cet important témoignage « qu'éloignés des affaires et des soins de ce

l'assyrie, la chaldée, l'Egypte et la perse 23

monde, ils se tenaient toujours renfermés dans leurs temples, ils n'étaient occupés qu'à chercher la cause et la nature des choses, que le temps qu'ils ne consacraient pas aux cérémonies sacrées, ils l'employaient aux études, et qu'ils étaient si occupés à faire des découvertes et des expériences qu'ils passaient les nuits à ces sortes d'exercice. )> Nul doute que la caste sacerdotale des Eg-yptiens n'eût un dépôt des plus vastes connaissances, fruit de l'expérience des âges, du hesoin de soutenir un ascendant fondé en grande partie sur la supériorité "des lumières, et des loisirs qu'une vie exempte de tous les soins vulgaires livrait aux méditations du génie. De ce concours d'étrangers, de philosophes grecs surtout, avides d'aller puiser la science égyptienne à sa source antique. C'est la plus haute preuve que l'on puisse alléguer en faveur de la réalité des lumières attribuées par les anciens aux Eg^'ptiens.

Malheureusement, au lieu de chercher à répandre leurs connaissances dans le corps du peuple, ils se les réservaient avec jalou- sie. Ils vivaient entre eux, loin du monde;

24 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

ne se montraient aux foules qu'aux jours de solennités publiques. Ils ne faisaient part de leurs connaissances qu'à ceux de leur caste^ et il fallait que les étrangers, en outre qu'ils fussent de classe sacerdotale dans leurs pays, se fissent encore initier à leurs mystères avant d'y participer. C'est ainsi qu'un petit nombre d'hommes éclai- rés, dans tous les grands empires de l'O- rient, détiennent la science et la sagesse des temps ; seuls, ils possèdent la lumière, qui disparaît avec eux, et ils laissent le m^onde extérieur en proie aux ténèbres, à la plus noire ignorance. Quant au reste de la na- tion, ils l'envisagent comme autant de bêtes de somme, comme des êtres bons tout au plus à adorer des singes ou des scarabées. Ce sont des jouets aux mains des nobles et des mages .

Dans le temple, au contraire, règne une activité intellectuelle sans égale. Les fres- ques, les peintures murales que Denis et Montfaucon ont copiées, prouvent que le magnétisme et la clairvoyance leur étaient connus, à ces magiciens d'Egypte, qu'ils se mettaient en rapport avec le monde des es-

l'assyrie, la chaldée, l'Egypte et la perse 25

prits et pratiquaient l'art de guérir par l'intervention de ceux-là. On plaçait dans le temple des tableaux retraçant les plus mer- veilleuses cures, et ces cures semblent, pour la plupart, avoir été obtenues par le moyen de l'extase somnambulique, l'o- pération des esprits se fait sentir pour une proportion au moins égale à celle des hom- mes. Pour déterminer l'extase , on avait recours aux encens et aux doux accords de la lyre. Dégagée, pour ainsi dire, de son enveloppe charnelle, l'âme se mettait en rapport avec le monde spirituel. « Les ma- ges d'Egypte assurent, dit Hérodote, que, grâce à ce moyen, le roi Rhampsinit des- cendait au royaume des morts, conversait avec les dieux et remontait ensuite au grand jour. )>

Pythagore alla en Egypte pour y puiser aux sources vives de la sagesse et ajouter aux connaissances qu'il avait acquises dans son pays. Il dut passer d'un temple à un autre et subir pendant vingt-deux ans les plus dures épreuves. Ce n'est qu'au bout de ce nombre d'années qu'il put enfin pénétrer les derniers mystères. Il revint en Grèce

26 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

pour être le martyr des vérités spirituelles dont il émerveillait ses concitoyens. Délos, Sparte, Elis et Crète le rejetèrent tour à tour. On le regardait partout comme un fou. Il visita l'Italie, puis erra par cette magnifique colonie de la Grande-Grèce, faisant des miracles et enseignant partout il passait : à Crotone, à Rhégium, à Mé- taponte. Le sort réservé à tout prophète fut le sien jusqu'au bout. A Crotone, la foule brûla son école, et quarante néophytes pé- rirent dans les flammes. A Métaponte, harcelé par ses ennemis, qui en voulaient à sa vie, il s'enferma dans le temple des Muses, on le laissa mourir de faim.

Mais ses doctrines, fruit des longues années passées en exil auprès des Egyp- tiens, nous ont été transmises. Nous y trouvons cette théorie de la métempsycose qu'il apprit chez eux. Il nous la donne telle qu'elle est enseignée dans les livres sacrés d'Hermès Trismégiste. D'après cette étrange métaphysique, ébauche imparfaite du dogme de l'immortalité de l'âme, le principe vital passe à la mort dans quelque autre corps. C'est la conception d'une autre vie encore

l'assyrie, la chaldée, i/égypte et la perse 27

mêlée d'un alliage d'erreurs. Les disciples de Pythagore enseignèrent que l'esprit, lorsqu'il est affranchi des liens du corps, va dans l'empire des morts attendre dans un état intermédiaire d'une durée plus ou moins longue, puis ensuite animer d'autres corps d'hommes ou d'animaux, jusqu'à ce que le temps de sa purification et de son retour à la source de la vie soit accompli. On passait trois mille ans dans ce purga-- toire anticipé; après quoi, si la purification s'était complètemeni effectuée, on remontait auprès des dieux immortels, au séjour des bienheureux. Dans les derniers siècles de cette probation posthume, l'âme élisait do- micile dans le corps d'un animal d'une espèce tenue par les Egyptiens pour parti- culièrement sacrée. C'est ainsi que le chat représente un esprit touchant de fort près à la félicité éternelle ; un scarabée y touche peut-être de plus près encore. Pythagore, lui, enseignait la même religion, mais atténuée , expurgée , modifiée ; ses disci- ples renchérirent si bien sur la vieille doc- trine égyptienne qu'elle finit par tomber sous le ridicule suscité par ses propres

28 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

absurdités. Notre siècle, parait-il, a vu la résurrection de cette étrange folie. Dans une autre partie de ce travail, nous aurons soin d'appeler l'attention sur la croyance d'une secte qui, sous le nom de réincarna- tionnistes, s'est avisée de reprendre en sous main le système pythagoricien, et, tout en écartant les animaux, de revêtir ce dogme antique d'un vernis moderne. Cette fantaisie, que répudie le sens commun, a été d'ailleurs réprouvée par son auteur, Allan Kardec, dans une com.munication d'outre-tombe qui clôt le débat, de l'aveu même de ses par- tisans.

Nous sommes mieux renseignés à l'égard des oracles de la Grèce que nous ne le sommes à l'égard de ceux d'Egypte. Le plus fameux d'entre ceux-ci fut le temple de Jupiter- Ammon. Perdu au fond des sables du désert lybien, était-ce bien un oracle égyptien? Le Macédonien, à l'apogée de sa puissance, y alla consulter la divinité. Nous ne savons rien, quant à la question qu'il lui posa, ni quant à la réponse qu'il en reçut ; mais celle-ci dut être favorable, car il fit au temple des dons magnifiques. Les Grecs

l'assyrie. la chaldée, l'Egypte et la perse 29

nous ont transmis quelques-unes des pré- dictions attribuées à ces oracles, parmi lesquelles il y en a deux qui méritent d'être rapportées.

Lorsque Séthos, prêtre de Vulcain, suc- céda à Anysis au trône d' Egypte, il fut terrifié à rapproche de ce formidable Sen- nachérib, dont l'invasion en Judée devait être si inopinément arrêtée par le ciel.

Abandonné de sa tribu guerrière, Séthos se réfugia dans le temple de Vulcain, et implora contre les Assyriens l'aide de la divinité qu'il avait servie. Comme il se tenait devant l'idole, il eut une vision dans laquelle Vulcain lui parla pour l'encourager et lui dit : « Ne crains rien, Séthos, je combattrai pour toi. » Alors Séthos, reprenant courage, marcha à la rencontre du redoutable fils de Salmanasar, suivi par le rebut de son peuple. A la vue de cette foule, l'Assyrien se prit à rire, escomptant à fort peu le prix de la victoire. Mais le matin du jour ûxé pour le combat, Sennachérib dut s'avouer vaincu avant d'avoir frappé un seul coup. La nuit des milliers de rats étaient venus dévorer les cordes des arcs et les carquois dans le

30 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

camp des Assyriens, de sorte que l'armée entière se trouvait à la merci de l'ennemi. Aussi la victoire des Egyptiens fut-elle aussi facile que complète.

Voici la seconde prédiction. Hérodote raconte qu'à la mort de Séthos, douze rois régnèrent dans les différentes provinces de l'Egypte. Un oracle prédit que celui des douze qui; dans le temple de Vulcain, ver- serait une libation dans un vaisseau d'airain, celui-là expulserait ses rivaux et régnerait seul à leur place. A l'occasion d'un sacrifice, Psammétique, l'un des douze, se trouvant dépourvu de la coupe d'or habituelle, rem- plit de vin un casque d'airain et fît sa liba- tion. Alors les autres rois le bannirent aux marais de la côte. Brûlant d'indignation, il consulta l'oracle sur ce qu'il avait de mieux à faire pour venger cette injure. « Sa ven- geance, lui fut-il répondu, aurait lieu quand des hommes d'airain sortiraient de la mer.» Psammétique crut à une raillerie. Peu après, toutefois, des pirates couverts d'ar- mures en cuivre vinrent d'Ionie et de Carie en Egypte . Psammétique prit à sa solde ces étrangers, et s' étant fait, grâce à eux, seul

l'assyrie, la chaldée, l'Egypte et la perse 31

monarque des Egyptiens, la prédiction se trouva assez singulièrement réalisée.

Mais laissons les splendeurs un peu sombres de la race qui bâtit les pyramides, et passons à Zoroastre, en Perse. Avant même l'arrivée de ce puissant iconoclaste, l'histoire de son pays révèle d'intéressants rapports avec le monde invisible. Tant en Perse que chez les Juifs, Cyrus, qui subju- gua l'Asie, fut annoncé et soutenu par des oracles. Astyage, son grand-père, vit, en songe, sortir du sein de sa fille Mandane, une vigne qui couvrait toute l'Asie. Les mages expliquèrent ce songe en disant que Mandane aurait un fils dont la puissance s'étendrait sur tous les royaumes d'Orient. Dans la crainte de se trouver lui-même parmi ceux qui seraient dépossédés, Astya- ge, en homme prudent, donna sa fille, non à un prince des Mèdes comme c'était la coutume, mais à Cambyse , homme de grande maison parmi les siens, mais dont il ne s'inquiétait point, estimant que le pre- mier des Perses ne valait pas le dernier des Mèdes. Il vit en songe une seconde fois la

32 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

vigne qui couvrait l'Asie^ et qui, au dire des interprètes, indiquait la venue d'un grand conquérant dont le pied foulerait toutes les nations. Le roi résolut alors de détruire le fruit de ce mariage, sitôt que Tenfant serait né. Cyrus naquit. Le roi manda aussitôt Harpagus, son parent et le premier de ses capitaines, et lui remit l'enfant pour le met- tre à mort. Mais Harpagus, à qui répugnait pareille besogne, envoya l'enfant pour être élevé loin de la cour, dans les montagnes de la Perse. Arrivé à l'âge adulte, Cyrus ne manqua pas de donner raison aux devins, car il déposa Astyage , et régna sur la Perse et la Médie à sa place. Il vainquit Crésus, roi des Lydiens, et, renversant Pempire de Babylone, permit aux Juifs cap- tifs de retourner en Palestine. Josèplie ex- plique cette délivrance des Juifs à Baby- lone en disant que les captifs mirent sous les yeux de Cyrus le quarante-cinquième chapitre d'Isaïe, se trouve la prophétie concernant ce prince. Voici cette prophé- tie : « Ainsi a dit l'Eternel à son oint, à Cyrus, que j'ai pris par la main droite, afin que je renverse les nations devant lui, et

i/assyrie, la chaldée, l'Egypte et la perse 33

que j'ôte la force aux rois, afin qu'on ouvre devant lui les portes, et qu'elles ne soient point fermées : j'irai devant toi, et je dres- serai les chemins tordus ; je romprai les portes d'airain, et mettrai en pièces les barres de fer; et je te donnerai les trésors cachés, et les richesses les plus secrète- ment gardées, afin que tu saches que je suis l'Eternel, le Dieu d'Israël, qui t'ap- pelle par ton nom. Pour l'amour de Jacob^ mon serviteur, et d'Israël, mon élu, je t'ai appelé par ton nom, et je t'ai désigné, bien que tu ne me connusses point. »

Cyrus, ajoute Josèphe, lorsqu'on lui eut fait voir cette prédiction, et celle non moins remarquable que renferme le vingt-huitième verset du chapitre précédent : « C'est lui qui dit de Cyrus, c'est mon pasteur ; i] accomplira toute ma volonté, en disant à Jérusalem : Tu seras rehàtie et au tem- ple : Tu seras fondé ;>^ Cyrus, disons-nous, reconnut que le Jéhovah des Hébreux était bien le Dieu des nations, et qu'il recevait le sceptre du monde de sa main.

La fin de sa carrière, à ce puissant con- quérant, ne fut pas non plus exempte de

3

34 L.\ LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

prodiges. Sur le point d'envahir la Scythie^ il rêva que Darius, le fils d'Hystaspe, se tenait devant lui avec des ailes éployées aux épaules, dont l'une couvrait l'Europe, et l'autre l'Asie. Croyant que les dieux l'aver- tissaient ainsi d'un complot contre son trône, il renvoya Hystaspe en Perse pour veiller sur Darius jusqu'à son retour. Mais, quoique en effet le fils d'Hystaspe devait lui succéder, aucune conspiration ne s'était produite. La vision lui avait été accordée pour l'admonester de sa fin prochaine. Il fut vaincu et tué dans une bataille contre Tomyris, reine des Messagètes, et le scep- tre persique échut à Cambyse, son fils. A la mort de Cyrus, l'empire fut en proie à l'anarchie, et Darius, poussé par des pré- sages, se mit en avant pour contester le trône. Renversant son rival Smerdis, il se vêtit de la pourpre impériale, et inaugura un règne d'une prospérité sans exemple dans les annales de son pays.

Au temps de ce même Darius surgit Zarathustra, Vétoile cVor de la Perse.

Zoroastre fut le plus grand réformateur de l'antique Orient. Par deux lignes d'ancê-

l'assyrie, la. chaldée, l'Egypte et la perse 35

très incontestées, celle de sa mère Dogdo et celle de son père Porochasp, il des- cendait des anciens rois de son pays. Poro- chasp, dit la tradition, était un descen- dant de ce Djemscliid, le fameux embel- lisseur d'Istakhar qu'Ormuzd doua de la puissance créatrice, et qui, d'après les lé- gendes persanes, était le cinquième de la lignée de Noé. Les Orientaux racontent de merveilleuses histoires quant aux pré- sages qui précédèrent et suivirent la naissance du grand mage. Sa mère en- ceinte de lui, eut un rêve elle vit un être glorieux comme Djemscliid repousser les djinns ou devs avec un écrit sacré qui les mit tous en fuite pleins de terreur. Ce songe, suivant rexplication qui en fut don- née à Dogdo par un mage, signifiait qu'elle allait être favorisée entre les mères par la naissance d'un fils auquel Ormuzd ferait connaître ses lois, et qui les transmettrait à son tour à tous les peuples de l'Orient. Toutes les puissances du mal devaient se liguer contre lui. Après bien des peines et des périls sans nombre, le prophète serait appelé à chasser comme paille ses adver-

36 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

saires devant lui, et recevoir, même en son pays, les plus hautes dignités. Un roi vien- drait qui recevrait ses écrits sacrés comme parole de vérité, et en ferait la base des lois de la Perse ; partout devait prévaloir la nou- velle religion ; Zoroastre irait se mettre à côté d'Ormuzd au plus haut du ciel, et ses ennemis seraient précipités avec Ahriman dans les enfers.

Effrayés par l'oracle, quelques mages, qui craignaient que le nouveau prophète ne détruisit leur ordre, se concertèrent pom^ le tuer à sa naissance. Darius, dont ces mages avaient l'oreille, écouta leurs mauvais con- seils, et se mita la recherche de l'enfant. Il trouva l'objet de sa haine ; mais moins heu- reux qu'Hérode, ayant levé son sabre pour frapper le futur prophète, son bras se dessé- cha jusqu'à l'épaule, et il s'enfuit plein d'an- goisses et d'épouvante. Déçus en cette oc- casion, les mages complotèrent à nouveau le meurtre de l'enfant. Cette fois ils ne char- gèrent personne du soin de la besogne. Ils allumèrent un grand feu et y jetèrent le petit Zoroastre qu'ils avaient dérobé à sa mère. Dog-do s'étant mise à la recherche de

son fils le trouva tranquillement étendu sur sa couche embrasée, comme en un berceau, et le rapporta sain et sauf à la maison. A mesure qu'il grandissait on essaya à main- tes reprises de le faire périr. On le mit de- vant un troupeau de taureaux sauvages, on le jeta aux loups, on mit du poison dans sa nourriture. A travers toutes ces épreuves, les esprits auxquels le futur législateur avait été consacré veillèrent constamment sur lui. A trente ans il se mit en devoir d'accom- plir sa mission. Quittant sa ville natale, il s'en alla vers la cour d'Iran ; mais averti en songe d'une attaque qu'ensemble les mages et les devs lui réservaient, il se détourna de sa route et se réfugia dans les montagnes d'Albordi. des choses que l'oeil n'avait jamais vues lui furent révélées. Il monta au plus haut du ciel, et vit Ormuzd dans tout l'é- clat de sa gloire, entouré des milices céles- tes. On lui donna une nourriture douce comme le miel, et lorsqu'il en eut mangé, ses yeux se dessillèrent, et il vit tout ce qui se passait dans le ciel et sur la terre. Les ténèbres du futur devinrent pour lui claires comme le jour. Il apprit les secrets intimes

138 LA LUMIÈRE ET I,ES OMT-îlES DU SPIRITUALISME

de la nature, les révolutions des mondes, l'influence de& étoiles, la grandeur des six principaux anges de Dieu, la félicité des béatifiés, le sort terrible réservé aux per- vers. Il descendit aux enfers, et contem- pla face à face l'infernal Ahriman, dieu de la mort, de la misère, et de la nuit. Enfin, lorsqu'il eut reçu des mains d'Ormuzd l'é- vangile divin qui devait illuminer l'Orient, il fut chargé de revenir sur la terre et de faire connaître les préceptes du livre à toutes les nations. Un feu céleste lui avait été remis pour être entretenu, comme symbole de la gloire de Dieu, dans chacune des villes qui accepteraient ses enseignements.

Placé à nouveau sur les montagnes d'Al- bordi ou Balkan, Zoroastre dans une caverne éleva un autel au Créateur et y alluma les premières flammes du feu sacré. Se remet- tant en voyage, une foule de mages et de devs furieux l'assaillirent, cherchant à dé- truire le Zend-Avesta évangile qu'Ormuzd avait commis à sa garde. Quelques versets du livre sacré qu'il prononça suffirent pour les mettre en fuite. Il continua son voyage vers Ba!kh, et comme on refusa de l'admettre

l'assyrie, la chaldée, l'Egypte et la pecse 39

en présence du roi, il i'endit en deux le plafond du palais, et descendit au milieu de la cour. Tous, à l'exception du roi, s'enfuirent épouvantés. Le roi les fit revenir, et Zoroas- tre, entouré de mages et de courtisans, exposa en termes éloquen-s les doctrines qu'il avait pour mission de propager. Les magiciens qui se trouvaient essayèrent alors de le confondre, mais le prophète, à toutes leurs questions, répondait avec la plus grande aisance, résolvait les problèmes les plus abstrus de leur science, et ne s'em- barrassait nullement des sopliismes auxquels avaient recours ses adversaires dans cette mémorable discussion. Là-dessus le monar- que se déclara ouvertement pour la nouvelle religion, exemple que suivirent les gens de sa cour, pour la plupart. Toutefois les mages et beaucoup de Perses enragèrent à l'idée qu'un seul réformateur entreprenant et heu- reux eût ainsi révolutionné des croyances qui remontaient à une antiquité pour ainsi dire immémoriale. Longtemps encore l'his- toire du prophète n'ofiVe qu'une série de tentatives ses ennemis cherchent par tous les moyens à le tuer ou à ruiner son

40 LA lu:mière et les ombres du spiritualisme

crédit, et nous voyons par quels miracles il put échapper à leurs embûches. Enfin, la bonne cause finit par avoir le dessus. Les opposants furent écrasés, et Zoroastre fut pour les Perses ce qu'à une date plus ancienne, Moïse avait été pour Israël.

Sa loi, comme celle du prophète des Hébreux, était à la fois théologique et civile. Cette partie du Zend-Avesta, ou parole vivante^ qui est parvenue jusqu'à nous, comporte trois grandes divisions : L'Izeschné, le Visfered, le Vendidad. Celles- ci se subdivisent en sections trop nombreu- ses pour être énumérées ici. On y voit, avec des litanies et une liturgie, un code général de lois. Les prières visent les faits les plus infimes de la vie; il y en a de toutes sortes : pour se couper les cheveux, les ongles; avant de faire de la pâtisserie; après avoir éternué; à l'aspect d'un lépreux, d'une mon- tagne, d'un cimetière, d'une ville, de la mer; lorsqu'on abat des bestiaux, qu'on tue la vermine; et mille autres cas, pour chacun desquels de longues prières doivent être dites par les dévots.

La théologie de Zoroastre est de beau-

l' ASSYRIE, LA CHALDÉE, l'ÉGYPTE ET LA PERSE 41

coup plus tolérante que celle, par exemple, des calvinistes. Les flammes éternelles de cet enfer auquel sont voués tous les hom- mes hormis les seuls élus ne se trouvent point dans cette religion. Même Ahriman et ses démons doivent à la longue obtenir leur pardon et leur réhabilitation dans le ciel. « Le Créateur, y est-il dit, forma en même temps que le monde les deux principes du bien et du mal, c'est-à-dire Ormuzd et Ahriman, qui, avec leurs milices respectives, lutteront sur le champ de bataille de l'univers pendant l'espace de douze mille ans. Ce temps écoulé, il y aura un conflit sembla- ble à l'Armageddon chrétien, dans lequel Ahriman et ses subordonnés seront totale- ment défaits. Ce dernier alors doit se repentir et, en présence de l'Eternel, faire un pacte solennel d'amitié avec Ormuzd. L'enfer m3me est expurgé, tandis qu'il ne restera plus trace du péché et de l'antique douleur dans tout l'univers. » J'ajouterai que Zoroastre condamne tous les hommes à son inferno, même les meilleurs, mais pour un temps seulement. Nul être ne sera châtié au-delà de ses mérites, et nul.

42 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

fût-il le plus vil, ne doit encourir une peine éternelle.

C'était une révélation spirituelle et su- blime, assurément. Comme fondateur de re- ligion, Zoroastre occupe une place bien au- trement élevée que Mahomet. Les disciples du Cor'an ont, il est vrai, souQiis à une autre croyance les disciples du Zend-Avesta, mais il n'y avait aucun miracle à cet événement. Lorsque cette conquête eut lieu, au sep- tième siècle de l'ère chrétienne, le système zoroasi'iien existait déjà depuis près de douze cents ans. Dans la conception de son auieui, la moralité de cette doctrine était pure et belle, son idée de la divinité grande et juste. Mais avec les siècles survinrent des abus qui, comme des parasites, s'ajou- tèrent à l'édifice et détruisirent l'imposante noblesse de ses lignes. De môme que pour tous les autres systèmes du monde ancien, la masse perverse des êtres invisibles qui nous environnent, après l'avoir sourdement miné pendant longtemps, finirent par ren- vei'ser l'ouvrage si péniblement édifié par les justes. Avec l'appui des serviteurs indi- gnes qu'on retrouve au pied de tous les au-

l'assyrie, la chaldés, l'Egypte et la perse 43

tels, ils défigurèrent la doctrine et souillè- rent de vices le temple brûlait sans cesse le feu sacré. La sensualité contre laquelle Zoroastre avait formulé ses plus terribles anathèmes, gagna comme une lèpre le cœur de ses descendants ; au culte offert tout d'abord à l'être invisible, créateur de l'uni- vers, succéda le culte des objets visibles créés par lui ; le soleil, les étoiles, le feu sacré, devinrent par la suite les dieux de cette nouvelle idolâtrie. C'est ainsi que les institutions, comme les hommes, arrivent au marasme, à l'atonie. Les mauvaises in- fluences extérieures travaillèrent puissam- ment et avec succès. La licence avait en- vahi les temples ; les sacrifices humains commençaient à souiller les autels. Enfin, lorsque l'hypocrisie avait remplacé la piété, et que la sensualité et la paresse avaient usurpé la place du zèle spirituel, cette ar- dente multitude de fanatiques que Mahomet électrifiait de son intolérant enthousiasme s'abattit comme une avalanche sur l'empire de la Perse. Il fallut alors choisir entre le Coran ou la mort. Sapé de toutes parts par la corruption intérieure, l'édifice érigé par

44 L.V LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

Zoroastre précipita aussitôt sa chute. Ceux qui refusèrent cV abjurer la religion de leurs pères durent s'enfuir et ne plus jamais revoir leur patrie. Les Parsis, qu'on rencon- tre à ce jour dispersés dans l'Inde et autres pays de l'extrême Orient, sont les seuls re- présentants de cette puissante nation qui révérait autrefois les préceptes de l'Etoile d'Or.

l/lM)E ET LA CHINE 45

III

L'Inde et la Chine

(( J'ai VU, dit Apollonius de Tyane, les brahmes de Tlnde, qui habitent sur la terre et n'y habitent pas^ qui ont une citadelle sans murailles, et qui ne possèdent rien et cependant possèdent tout. )> Ces mots, (( qui habitent sur la terre et n'y habitent pas », se rapportent au phénomène si fré- quent chez eux appelé la lévitation. Apol- lonius fit le voyage de l'Inde dans le but de pénétrer les lumières que les Hindous avaient sur toutes choses. La science sur- naturelle des brahmes lui fut démontrée aussitôt qu'on apprit le but de sa visite. Lorsqu'il parut devant les sages, le chef de

46 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

la caste lui adressa la parole en ces termes : (( Les autres hommes demandent aux étrangers qui ils sont et pourquoi ils vien- nent. La première preuve de notre science, c'est que nous savons qui nous arrive. Ju- gez-en tout d'abord. » Sur ce, notre clair- voyant se mit à raconter à Apollonius les événements marquants de sa vie ; il donna des détails sur la famille du père et de la mère du thaumaturge, sur tout ce qu'il avait fait à Egées, sur la manière dont Da- mis s'était attaché à lui, sur ce qu'ils avaient enseigné ou appris dans leur voyage : on eût dit qu'il les y avait accompagnés. Apol- lonius demeura stupéfait. Il supplia qu'on voulût bien l'initier dans les mystères d'une science aussi surhumaine. Les brahmes ac- cédèrent à ses désirs, et, le temps des épreu- ves passé, il revint pour étonner l'Europe de sa pénétration clairvoyante et des gué- risons sans exemple qu'il fit autour de lui. Au cours d'une conférence à Ephèse, il se tut tout à coup. Il se pencha en avant et re- gardant dans l'espace, s'écria : « Frappe le tyran, frappe ! » Puis, se tournant vers les Ephésicns étonnés, il ajouta : « Domitien

t/inde et la chine 47

n'est plus ; le monde est délivré de son plus exécrable oppresseur. » Au jour, à l'heure même x\poilonius avait cette vision à Ephèse, le despote était assassiné à Rome.

Si, par un séjour aux temples desbrahmes, l'étranger pouvait acquérir en majeure par- tie de pareils dons, quelles ne devaient pas être les richesses spirituelles que possé- daient les brahmes eux-mêmes ! Leur culte avait pour objet d'affranchir l'âme de l'em- pire des sens, à tel point qu'elle pût s'élever jusqu'à s'identifier avec l'unité de la subs- tance en Dieu. De même que les platoni- ciens, ils croyaient que l'esprit est enve- loppé d'une forme éthérée, lumineuse, d'nnesûkshonasarîra, ou corps plus idéal, suivant les livres des Védas. Une foule de sensations que nous éprouvons rendent no- tre esprit perplexe ; c'est pourquoi bouddhiy la raison, nous a été donnée pour les régir.

Envoyée pour s'identifier à la vie terres- tre, l'âme émigré de corps en corps d'une manière merveilleuse et tout à fait pytha- goricienne. Ces incarnations finies, l'esprit parait devant Yamas, le Minos de la cosmo- gonie brahmanique. Suivant que ses actes

48 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

auront été justes OU répréhensibles, Tesprit sera admis au paradis d'Indra ou condamné à Fun ou à l'autre des purgatoires variés de cette religion, pour y expier ses fautes.

L'ultime béatitude, chez le brahme comme chez le bouddhiste, consiste en Fabsorption divine, en l'union éternelle avec Dieu. Les européens envisagent cette sorte de croyance comme impliquant une espèce d'anéantisse- ment. Quoique ces esprits orientaux sem- blent ne devoir jamais encourir d'éternelles douleurs ni être appelés d'éternelles félici- tés, chacun d'entre eux reste à jamais iden- tique à lui-même. Il n'y a qu'une route qui conduise à la joie céleste du nirvana, c'est la mortification incessante de l'esprit et du corps. Les lois de Manou prescrivent minu- tieusement les infiictions corporelles que le dévot doit endurer. L'été, il se laissera gril- ler près d'un brasier intense ; l'hiver, il s'exposera, nu, au froid des eaux courantes ; il passera des heures ente; dans des ibur- mihères ou se tordant sur des couches gar- nies de clous acérés ; se vêtir avec l'écorce des arbres, ne manger que des feuilles et des racines, ne boire que de l'eau impure,

l/iNDE ET LA CHLNE 49

perdre à ne pas parler jusqu'à F usage de la langue, se balancer suspendu à des crocs par la peau du dos : ce sont quelques-uns des tourments auxquels les Hindous se sou- mettent volontairement depuis un temps immémorial. Cette macération de la chair se voyait à l'époque d'Alexandre le Macédo- nien, comme elle se voit encore en pleine vigueur de nos jours.

Les brahmes et les bouddhistes ont éga- lement enseigné que la divinité est descen- due à plusieurs reprises pour prendre la forme humaine et purifier le monde. Les brahmes se refusent, toutefois, à reconnaî- tre dans Bouddha l'un de ces avatars. Ils envisagent cette divinité adorée des boud- dhistes comme une espèce de démon, auquel, lorsque la terre était pleine d'iniquités, on a permis de se produire ici-bas^ et qui main- tenant cherche à égarer davantage les mé- chants. C'est ainsi qu'un ennemi irréconci- liable se dresse entre les partisans de l'une et l'autre de ces deux croyances. « Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. »

50 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

Nonobstant la sainte horreur des brah- mes, il faut admettre que la foi des boud- dhistes est de beaucoup supérieure à la leur. Elle est d'une portée infiniment plus élevée, plus spirituelle. Si c'est un démon qui l'a inspirée, il y a lieu de dire que ce démon avait totalement oublié sa condition origi- nelle, et qu'il jouait de propos délibéré le le rôle d'un ange. Les chrétiens ne sau- raient voir dans ses enseignements autre chose que des préceptes sages et purs. On y défend formellement tous sacrifices humains, et sous aucun prétexte ne doit-on verser le sang, même c?lui des animaux.

Les croyants doivent s'efforcer de vivre en paix avec tous, et d'être, suivant l'expres- sion de saint Jacques, en ce monde purs et sans tache. On ne doit point se nourrir de viande, et le moindre mal qu'on fera à la plus petite créature de Dieu sera regardé comme un péché. Bouddha rejette entière- ment les Védas et les Puranas des brah- mes ; il réprouve ces écrits parce c[u'on y voit l'apologie impie des sacrifices humains. La secte plus ancienne des brahmes fut transportée de rage lorsquelle apprit qu'on

l/iNDE ET LA CHINE 51

dénonçait ainsi les préceptes un peu som- bres de sa croyance. Elle chassa les parti- sans de la nouvelle hérésie hors de THin- doustan, et persécuta sans merci ceux qui osaient remettre les pieds dans la pénin- sule. Mais au-delà du Gange, de même qu'à Test et au nord des montagnes Ilimalayes, le bouddhisme devint tout-puissant. îl s'é- tendit de plus en plus, et devint bientôt la religion d'Etat dans le Népaul, au Thibet, dans l'Afghanistan, puis dans le Birman, la Chine, la Mongolie, le Japon. Aujour- d'hui, si nous considérons le nombre de ses disciples, nous devons l'envisager comme une des grandes religions de la terre. Que cet édifice splendide est plus imposant par ses proportions qu'il n'est réellement so- lide, et que dans quelques pays notam- ment la Chine et le Birman certains sys- tèmes hideux et cruels aient usurpé la place du pur bouddhisme, ce sont des faits qu'on ne saurait nier. Mais une croyance dont rinfluence s'est étendue si loin sur les destinées des peuples de l'Orient mérit- qu'on s'y arrête, ne fût-ce que pour résumer brièvement les faits saillants qui se rappore

52 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

tent à la question que nous étudions, c'est- à-dire le spiritualisme.

C'est un article de foi chez tout bon bouddhiste que, de tout temps, l'âme est revenue sur la terre. Des légions sans nombre d'être spirituels vont sans cesse de la terre au ciel et réciproquement, pour servir d'intermédiaires entre les dieux et nous. Les uns ont pour mission de garder les villes ; les autres doivent veiller sur les personnes ; d'autres encore, la nuit, han- tent les cavernes, les forêts, les lieux décriés et solitaires. Toutes les ressources d'une imagination orientale sont mises à contribu- tion pour décrire ces êtres invisibles. Ils se glissent parmi nous enveloppés d'un voile éthéré, de manière à dérober aux yeux des mortels leurs formes mille fois plus belles que les plus beaux enfants des hommes; ils sont couronnés de fleurs toujours fraîches et leur front brille de toutes les gloires du paradis. Les plus claires étoiles sont moins radieuses que leurs yeux, et les blancs vête- ments dont ils sont recouverts projettent sur leur passage d'enivrants parfums. Les uns sont débonnaires, les autres farouches,

l/iNDE ET LA CHINE 53

et tous ont une influence des plus puissantes sur les destinées humaines.

Comme on devait s'y attendre, la masse du peuple finit par adorer pour des dieux ces êtres qu'on décrivait en couleurs si attrayantes et dont la présence devait être continuellement révélée par des phénomè- nes d'ordre spirituel. Il est probable qu à cette heure on compte plusieurs centaines de millions de divinités placées dans les niches du panthéon bouddhiste ; car, dans la secte congénère de Brahma, on estime à trois cent trente millions le nombre des faux dieux qu'on y adore.

Dans le Thibet, le bouddhisme se voit dans toute sa vigueur, nous trouvons une analogie frappante entre leur culte et le ri- tuel de l'église catholique à Rome. Ainsi, les prêtres portent la tonsure. Les fidèles ont des rosaires et débitent leurs prières avec un zèle qui ne le cède en rien à celui du plus fervent espagnol. Les monastères se sont accrus à tel point que prêtres et moines représentent aujourd'hui presque la moitié de la population entière. Les prêtres,

54 LA LUMIÈRE ET LES OMHIIT.S DU SPIRITUALISME

chamarrés d'or et de pourpre, défilent aux jours de fête vers les temples au son d'une musique pompeuse, avec bannières dé- ployées, enveloppés du lourd parfum des encensoirs. Les fidèles, à la vue du cor- tège, se prosternent dans la poussière. L'eau bénite abonde dans les temples, les baptêmes s'y multiplient, les reliques bien avérées de saints personnages se voient partout. Les prêtres peuvent avoir auprès d'eux une femme de charge, autour de la- quelle, assure M. Howitt, dans son History of the Supernatural, toute une famille d'esperlucats et de futures rosières surgit sans qu'on sache comment, et qu'on décore du nom de neveux et de nièces. A dire vrai, il y a, tant au point de vue social qu'au point de vue ecclésiastique, une telle ana- logie entre l'église de Rome et le culte thi- bétam que lorsque les pères Grliberet Maf- fie pénétrèrent dans cette partie de l'Asie centrale, ils écrivirent au saint-père une let- tre indignée dans laquelle ils accusaient le diable d'avoir, dans ces régions lointaines, érigé un simulacre impie des rites et des coutumes de la vraie foi.

L IXDE ET LA CHINE OO

Le culte crun seul Dieu parait avoir eu bien des partisans en Chine dans les siècles passés. Abandonnant peu à peu ce théisme original, les habitants du Céleste Empire adorèrent par la suite les objets visibles de la création et une légion de forces invisibles. On admit des esprits cjui présidaient aux éléments, et on leur bâtit des temples. On mit les ancêtres au rang des dieux; on ins- titua des fêtes annuelles pendant lesquelles ies aïeux du monarque régnant reçurent l'hommage du puissant empire qu'autrefois leurs sceptres avaient régi.

L'idolâtrie devint générale et entraîna à toutes sortes d'abus. La Chine finit par être un foyer d'erreurs et de corruption. Vers la fin du VIL siècle avant l'ère chrétienne apparut le réformateur Lao-tse. Toute foi spirituelle était éteinte ; on ne prêtait d'at- tention qu'aux choses de ce monde. Lao-tse attira autour de lui les quelques rares per- sonnes qui cherchaient encore à résoudre les problèmes de l'avenir, et, fort de leur appui, chercha longtemps à éveiller une soif de choses spirituelles dans l'âme de ses conci- toyens. Persécutéavec acharnement, comme

56 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

Font été les prophètes de toutes les époques dans tous les pays, il prit en dégoût sa mis- sion, et, secouant la poussière des villes, alla passer le restant de ses jours dans le calme et l'isolement d'une vie religieuse. Le laboureur, il est vrai, s'était détourné du champ qu'il avait ensemencé, mais on ne tarda pas de voir surgir la moisson que ses etïorts avaient préparée. Un réveil religieux, s'ensuivit; l'esprit sceptique et vicieux du peuple en fut profondément troublé.

Alors apparut Confucius, le grand puri- ficateur des mœurs de l'empire, comme Lao-tse l'avait été de sa métaphysique. Il inculqua la nécessité d'honorer ses parents, d'être intègre dans les transactions, de rem- plir tous les devoirs de la vie, de ne jamais manquer de bonne foi envers autrui, d'obéir aux lois des hommes et de Dieu. Les plus remarquables des anciennes légendes chi- noises nous ont été transmises par ses écrits. Ces traditions parlent comme les livres hébraïques de la chute de l'homme ; elles racontent aussi que des anges, ayant voulu renverser l'Etre suprême, furent précipités dans un abime de misères et de ténèbres.

L INDE ET LA CHINE O é

Lao-tseetConfucius sont également cF ac- cord pour affirmer leur croyance quant à la proximité du monde spirituel. « Toute vérité se rapportant à la vie à venir, dit le premier, a été apportée à l'homme par les messagers de Dieu. La prière, l'abnégation, sont les charmes qui ouvrent les yeux de l'esprit et nous permettent devoir les êtres spirituels qui nous entourent. Il y a eu des revenants depuis que le monde est monde. Invisibles aux yeux troubles de la chair, les esprits, bons ou mauvais, planent constamment au- dessus de la terre, pour aider ou entraver Fessor de l'homme. Le monde illimité ne renferme qu'une seule famille ; la terre, le ciel, les esprits encore revêtus de la chair, les esprits de ceux qui sont morts, ne for- ment qu'un seul empire régi par la raison éternelle deSchang-ti. Les êtres qui sont toujours auprès de l'homme,- veillent cons- tamment sur ses acles. Si nous nous lais- sons aller au mal, les êtres pervers entrent et se retranchent en nous, en raison de leur affinité avec les ténèbres de notre âme. Si, méprisant la tentation, nous chassons loin de nous ces démons, les anges tutélaires

5S LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

nous accompagnent, et entretiennent' dans notre sein une lumière qui se fait de plus en plus brillante, jusqu'au jour de la perfec- tion divine. )>

Tels furent les hauts enseignements des deux principaux chefs de l'Empire du Mi- lieu. Ils réussirentà implanter dans le cœur de leurs concitoyens une croyance au sur- naturel qui, à notre gré, est devenue de plus en plus robuste avec les siècles qui se sont succédé. On cherche encore aujourd'hui à se mettre en communication avec les esprits dans les temples de ce vaste empire, le plus vaste de l'Asie.

Mais, quel qu'ait été l'état de santé spiri- tuelle à l'avènement des deux grands réfor- mateurs, la dégradation présente de cette race infortunée semble à peu près irrémé- diable. Les anges gardiens ont à coup sûr abandonné les Chinois, tout au moins pour un temps ; car la voix insidieuse des dé- mons trouve seule aujourd'hui un écho dans le fond de leur cœur. L'européen se rend difficilement compte de cette corruption, lorsqu'il est en Chine ; mais on sait que, pour être cachée, elle n'en est pas moins hideuse. C'est dans les villes avoisinant le

l'inde et la chine 59

littoral de F océan Pacifique chaque année viennent s'abattre des milliers de Chinois que s'étalent leurs vices mons- trueux et leurs petites vertus. Le quartier le plus infect et celui qui tend chaque jour le plus à s'agrandir, à San-Francisco, est pré- cisément le quartier habité par eux. Là, les vices sans nom, loin d'être cachés s'affi- chent en plein jour. Le meurtre y est une chose trop commune pour arrêter l'atten- tion. La probité chez l'homme, la chasteté chez la femme, y sont également inconnues. Les habitations y sont à ce point infectes que des pourceaux n'en voudraient pas pour étables. Les enfants y succombent en nom- bre effrayant; l'infanticide y est à l'ordre du jour. Et avec tout cela le Chinois est frugal, doux, travailleur; il est bien d'appa- rence et dans ses manières. Mais sous cette couche de vernis extérieur se cache un puits d'iniquités. La soif de l'or attire vers la Ca- lifornie et l'Utah le rebut de l'Europe et des Etats-Unis ; mais le blanc le plus vil s'arrête épouvanté devant l'abîme de débor- dements où se plonge sans remords son ri- val jaune du Céleste-Empire.

60 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

IV

Le inonde gréco-romain, juif et chrétien

Passons à la civilisation occidentale qui est venue s'implanter au bord du Tibre et de la mer Egée.

Cette gloire, qui fut la Grèce, est à jamais éteinte, et Rome aujourd'hui penche vers son déclin. Ce ne sont pas, d'ailleurs, les seuls empires qui se soient élevés pour dis- paraîtie ensuite ; plus d'un s'est éclipsé de- puis que la pythie de Delphes obtint l'au- mône d'un dernier oracle auprès des es- prits dont elle dépendait^ et le nombre de siècles est grand entre l'avènement de Mahomet et la dernière lecture publique des livres de la sibylle de Cumes dans les tem- ples romains.

LE MONDE GRÉCO-ROMAIN, JUIF ET CHRÉTIEN 01

Mais les belles intellig'ences qui brillè- rent d'un si vif éclat dans la ville aux sept collines, de môme que dans les autres cités et Etats placés sous la domination grecque et romaine, nous ont légué d'immortels ou- vrages où nous retrouvons tout entiers ces peuples qui existaient il y a deux et trois mille ans. C'est à peine si, parmi tant de poètes et de philosophes, on rencontre un seul incré- dule ; tout en s'occupant très-sérieusement des choses de cette vie, il n'en est pas un qui ne soit en même temps animé d'une foi yirile quant à un autre monde et de l'ardent désir d'en pénétrer les mystères. Les grands historiens: Hérodote, Xénophon; les grands poètes: Homère, Hésiode, Eschyle, Sopho- cle, Pindare; les grands penseurs : Pytha- gore, Socrate, Platon, et tant d'autres ; tous ceux qui ont fait la Grèce superbe par la pensée, nous ont transmis le récit d'ap- paritions et d'oracles merveilleusement ac- complis ; ils n'en parlent point comme de paradoxes qu'il faut enregistrer avec dé- fiance, mais comme vérités reçues de tous et de tout temps. Il serait fastidieux de rapporter ici mémo les plus célèbres parmi

62 LA. LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

les milliers de prédictions qui nous ont été transmises par Plutarque, Pausanias, Dio- dore de Sicile, Hérodote, etc. Disons seule- ment qu'il y avait des lieux d'élections les prophéties étaient rendues avec plus de perfection que dans tout autre endroit. Il y avait Dodone, déjà les Pélasges avaient leur chêne ou leur pin prophétique ; Del- phes, que sa liaison intime avec le tribunal des amphictyons de Pyles rendit bientôt le plus célèbre de tous ; on consultait Jupi- ter à Elis, à Pise, dans une grotte de la Crète ; Apollon à Délos, le bruit des arbres agités par le vent répondait aux questions ; à Milet, était une source sa- crée ; à Claros, près de Colophon, l'ins- piration sortait d'un puits sacré. Il faut ci- ter encore l'antre de Trophonius, Epidaure, Esculape répondait, l'oracle de Bacchus à Amphiclée, celui d'Hercule à Bura, etc. Les réponses étaient rendues de diverses manières : par le bruit du vent, par des co- lombe^, par des femmes.

A Delphes, les arrêts du destin étaient rendus par une pythie à laquelle des vapeurs sortant de terre communiquaient la fureur

LE MONDE GRÉCO-ROMAIN, JUIF ET CHRÉTIEN 63

prophétique. Ce fut le hasard qui les fît dé- couvrir. Des chèvres qui erraient parmi les rochers du mont Parnasse, s' étant appro- chées d'un soupirail d'où sortaient des exhalaisons malignes, furent tout à coup agitées de mouvements singuliers et con- vulsifs. Le berger et les habitants des lieux voisins accourus à la vue de ce prodige res- pirent la même vapeur, éprouvent les mê- mes efïets et prononcent dans leur délire des paroles prophétiques. La vapeur de l'antre était un souffle divin qui dévoilait l'avenir. C'étaient des femmes qui s'as- seyaient sur le trépied placé au-dessus du soupirail et qui rendaient les oracles. Ces vapeurs exerçaient sur leur système ner- veux un effet irrésistible et dont les suites étaient si douloureuses qu'elles redoutaient ce moment. Les prêtres étaient obligés d'a- voir recours à la force et à la violence pour les obliger à rester exposées à ces émana- tions jusqu'à ce que l'inspiration fût venue, c'est-à-dire jusqu'à ce que, sous l'influence de cette excitation, les cheveux en désordre^ l'écume à la bouche, elles prononçassent les paroles qui étaient la réponse de l'oracle.

G4 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

Elles descondaiont du trépied brisées et à moitié mourantes ; des secousses semblables les épuisaient rapidement et elles payaient bientôt de leur vie l'honneur d'avoir servi d'interprètes aux esprits. Auprès de la pythie se tenaient les prophètes qui étaient chargés d'interpréter les paroles qui sor- taient de sa bouche; ils les transmettaient à d'autres ministres qui les mettaient en vers.

Mais ce qui est resté surtout célèbre, c'est cette locution : Le grand Pan est viort, qui signifie à proprement dire : le monde ancien n'existe plus, il est menacé par l'éclosion d'un monde nouveau. Plutar- que nous donne l'origine de cet oracle. Il rapporte que, sous le règne de Tibère, quel- ques années après l'apparition du christia- nisme, un certain pilote, nommé Thamas, qui naviguait dans la Méditerranée, enten- dit ces mots retentir au milieu de la nuit : Le (jrand Pan est mort ! puis de tous côtés s'élevèrent des plaintes et des gémisse- ments, comme si la nature entière, à l'ins- tar des payons eux-mêmes, était glacée d'épouvante.

LE MONDE GRÉCO-ROMAIN, JUIK ET CHRÉTIEN 65

Terminons ce trop rapide aperçu des croyances spiritualistes chez les Grecs par quelques lignes sur la plus belle intelli- gence de toute l'antiquité payenne, Socrate. Les commentateurs ont écrit des volumes sur son démon familier. Suivant les uns, cet espi'it tutélaire n'était autre chose que les révélations intérieures et instantanées de sa conscience et de sa raison sur les ma- tières les plus hautes de la philosophie. Consulter son démon familier, c'était, pour Socrate, consulter sa divinité intérieure, son jugement, sa raison, qu'il regardait non seulement comme un don, mais comme une émanation et une portion de la divinité. Suivant les autres, ce n'était qu'un artifice au moyen duquel Socrate espérait réaliser une grande réforme politique. Mais il paraît évident que l'illustre philosophe l'a pris lui-même pour un guide réel, distinct de son sons intime et organe d'une divinité. Son langage lorsqu'd en parlait, sa véra- cité, qui ne s'est jamais démentie, lo prix dont il a payé sa croyance, puisqu'elle fut un des principaux motifs de sa condamna- tion, la conviction et la bonne foi de ses

66 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

disciples, ne permettent aucun cloute à cet égard. Avec la forte imagination dont la na- ture avait doué Socrate, imagination d'ail- leurs contenue par une raison ferme et puis- sante, il avait conçu l'univers comme formé d'une double substance : l'une matérielle, dont les êtres organisés sont des formes partielles ; l'autre spirituelle, dans le sein de laquelle les esprits jouent le même rôle que les êtres organisés dans la subs- tance matérielle. Non, ce n'était pas seule- ment la voix vive et pressante de la cons- cience, comme quelques-uns l'ont prétendu, que le démon familier de Socrate ; c'était quelque chose de plus; elle prenait un caractère prophétique, et enfin par mo- ments elle était de l'extase. Platon nous rapporte, dans le Banquet, que l'on vit ce grand génie se tenir vingt-quatre heures debout dans la même situation, plongé dans une contemplation mystique. Reconnaître et faire le bien, cultiver la vertu et la perfec- tion mo!;ale, pratiquer la piété envers les dieux, adorer un Dieu suprême, regarder l'âme comme divine et immortelle : telles étaient les doctrines de cet homme extraor-

LE MONDE CRÉrO-ROMAIN, JUIF ET CHRÉTIEN 67

dinaire. Cependant, Socrate parait devoir à Anaxagore l'idée de mettre à la source de l'être, et comme cause de l'origine et de la conservation du monde, une intelligence souveraine, gouvernant son œuvre avec sa- gesse. Mais il donna des attributs moraux à cette intelligence souveraine , comme la bonté, lajustice, la sagesse, la prudence, etc. C'était créer une théologie, et, de fait, la théologie a conservé les attributs créés par Socrate et inconnus avant lui en Orient. La résignation morale n'était guère dans les habitudes de l'antiquité grecque. Il la créa de concert avec le stoïscisme, et prépara ainsi d'avance la révolution religieuse qui devait s'accomplir seulement quatre siècles plus tard.

Passons maintenant au monde latin.

Les Romains avaient les oracles sibyllins de Cumes, d'Albunée, de Faunus, de Pré- neste ; ils avaient aussi les oracles étrus- ques, qui gardèrent leur crédit pendant un grand nombre de siècles.

(( Néron, nous dit Suétone, consulta la

68 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

pythie pour savoir ce qu'il avait le plus à craindre. Il en reçut cette réponse :

(( Défie-toi des soixante-treize ans. »

L'empereur se rassura, croyant qu'il s'a- gissait pour lui d'un danger qu'il courrait dans sa soixante-treizième année. Mais quand Galba, âgé de soixante-treize ans, le renversa, on comprit alors le sens de l'oracle.

Lucain constate, dans de beaux vers, que la foi aux oracles était grande encore du temps de l'empire, assez grande même pour exciter la frayeur des princes.

« Les oracles sont muets, dit-il, depuis que les princes craignent l'avenir ; ils ont dé- fendu aux dieux de parler, et les dieux ont obéi. »

On peut lire dans Pline le Jeune une let- tre fort curieuse, il est question d'une maison hantée par un esprit, et ce narra- teur, un des hommes les plus sensés de son temps, ne met nullement en doute l'authen- ticité de l'aventure. Un nouveau posses- seur, Athénodore le Piiilosophe, s'installe dans une maison depuis longtemps déserte et sur laquelle courent de mauvais bruits qu'il a dédaignés. La nuit, il est réveillé

LE MONDE GRÉCO-ROMAIN, JUIF ET CHRÉTIEN 69

par des gémissements, un bruit de chaînes traînées sur le plancher ; il se hasarde, la lampe d'une main et l'épée de l'autre, à tra- vers les corridors et rencontre un vieillard tout décharné, chargé de fers, qui lui fait le plus lamentable récit ; il a été assassiné par des voleurs et son corps est resté sans sé- pulture. Après ce récit, la forme disparaît. Athénodore, pour marquer l'endroit le spectre a disparu, jette quelques feuilles d'arbres, et retourne à ses études. Il re- tourne au jour, creuse à la place indiquée, et trouve un squelette chargé de chaînes. Il lui fait alors donner une sépulture convena- ble, et l'âme en peine ne revient plus trou- bler les vivants.

Le spiritualisme, à l'envisager dans ses résultats, est un culte des plus poétiques; expansif et lumineux, il ne sait pas avoii* d'idées sinistres. L'apparition ci-dessus n'est pas un revenant pour lui, c'est plutôt un revivant, si l'on peut s'exprimer ainsi. Il porte l'homme à aimer, non pas seulement ses frères, mais ses frères inférieurs, les animaux, et à se sentir moins seul en pré- sence de l'immense nature.

70 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

Comme morale, il est essentiellement chrétien, parce que celle qu'il enseigne n'est que le développement et l'application de celle du Christ, la plus pure de toutes, et dont la supériorité n'est contestée par personne, preuve évidente qu'elle est la loi de Dieu.

La Bible est une mine tellement féconde en exemples de manifestations spirituelles, qu'il faudrait un volume seul pour en épui- ser la matière.

L'Ancien Testament nous apprend que Satil, vaincu, chassé de toutes ses vil'es, épuisé, à bout de ressources et de forces, alla trouver à Endor une pythonisse et lui demanda de faire revenir Samuel, et qu'en efifet l'ombre de Samuel apparut pour lui annoncer sa mort prochaine.

La transfiguration de Jésus-Christ nous montre encore deux esprits : Moïse et Elie, qui viennent s'entretenir avec Jésus- Christ; cette fois, nous avons l'exemple d'esprits matérialisés, car saint Pierre dit à Jésus :

Maître, il est bon que nous demeurions

LE MONDE GRÉCO-ROMAIN, JUIF ET CKRÉTIEN 71

ici ; faisons-y trois tentes, une pour toi, Taulre pour Moïse, et l'autre pour Elie.

Il y a lieu crinsister sur l'étrangeté du phénomène et de sa vraisemblance, d'au- tant plus qu'Elie, au dire de T Ecriture, n'é- tait point mort, mais qu'il avait été enlevé au ciel dans un char de feu, et qu'on ne sait point l'Eternel enterra Moïse. Il se peut donc que leurs corps ne soient point séparés de leurs âmes, ou qu'il leur soit plus loisible de revêtir l'enveloppe charnelle qu'au commun des mortels.

A la mort de Jésus, les Evangiles disent que les sépulcres s'ouvrirent et que des hommes morts depuis longtemps, des pro- phètes et des saints, sortirent de leurs tom- beaux et parlèrent au peuple.

Les empereurs chrétiens abolirent les oracles, mais ils ne purent empêcher que, dans les premiers siècles, on eût toujours foi aux livres sibyllins, sans cesse augmen- tés de versets prophétiques.

La croyance des chrétiens dans ces pro- phéties spirituelles est attestée dans une hymne célèbre, le Dies ivce :

Bies irœ, dies illa

Solvet sœctum in famlla Teste David, cuni sibylla.

72 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

Les gens les plus éclairés du moyen âge; les érudits, les lettrés de la Renaissance abondent en récits qui mettent hors de doute la possibilité de revenir d'un autre monde pour communiquer avec les vivants.

C'est ainsi que Marsile Fecin raconte le fait suivant. Il disputait avec Michel Mer- cati, son disciple, sur l'immortalité de la- me, et, comme ils ne s'entendaient pas, ils convinrent que le premier qui partirait pour l'autre monde en viendrait donner des nou- velles à l'autre. Un soir que Michel, bien éveillé, s'occupait de ses études, il entendit le bruit d'un cheval qui venait en grande hâte à sa porte, et en même temps la voix de Marsile qui lui criait :

Michel, rien n'est plus vrai que ce qu'on dit de l'autre vie.

Michel ouvrit la fenêtre et vit son maître Fecin monté sur un cheval qui s'éloignait au galop. Il lui cria de s'arrêter, mais Mar- sile continua sa course jusqu'à ce qu'on ne le vit plus. Le jeune homme stupéfait envoya aussitôt chez Fecin et apprit qu'il venait d'expirer.

Des membres de familles seigneuriales^

LE MONDE GRÉCO-ROMAIN, JUIF ET CHRÉTIEN 73

morts depuis longtemps, apparaissaient à leurs enfants, soit pour annoncer un événe- ment sinistre, soit pour révéler un crime, soit pour demander des messes. Les bords du Rhin et l'Ecosse sont peuplés de châ- teaux auxquels s'attachent encore des lé- gendes analogues.

74 LA. LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

V

Le Spiritualisme moderne

Depuis bien des années je vois avec amertume une foule d'abus envahir une cause au service de laquelle j'ai voué ma vie.

Lorsque j'ai été poussé à écrire ce livre, j'ai voulu faire voir la stricte vérité, et exposer les abus qui ternissent le spiritua- lisme. Il y a entre cette belle doctrine et les noirceurs dont on l'accable le même rap- port qu'entre une perle fine et la boue qui la souille.

Une expérience de trente-quatre ans peut, j'ose l'espérer, me donner un titre suffisant pour être écouté.

Je n'ai aucun intérêt pécuniaire à la pu-

LE SPIRITUALISME MODERNE 75

blication de cet ouvrage. Le désir de faire parler de moi m'est également étranger. J'accepte la tâche comme un devoir qui m'est imposé par une volonté en dehors de la mienne. Tous ceux qui aiment la vérité seront avec moi, les autres me sont indif- férents.

Lorsque j'entrepris ce travail, je dus re- courir à certaines sources pour avoir des renseignements qui me faisaient défaut. Je n'avais pas encore cité un seul nom, ni fait la plus légère allusion à qui que ce soit, et sans même sortir des généralités de mon sujet, j'étais assailli d'une grêle d'invecti- ves, d'allégations mensongères, telles que n*en dut jamais essuyer de plus violentes l'ennemi d'un partisan acharné. Parmi ces envois, il s'en trouvait d'ouvertement hosti- les ; il y en avait aussi d'anonymes. Mais, je m'y attendais. J'avais été prévenu. Si ces attaques m'ont un peu émotionné tout d'abord, j'en ai bien vite pris mon parti. D'autre part, les témoignages d'amitié que je recevais de tous côtés, ont vite fait diver- sion à ces amertunes. Quant à mes ennemis déclarés, j'ai été toute ma vie assez indiffé-

76 LA LUMIÈRE ET LES OMKRES DU SPIRITUALISME

rent à lu médisance. J'ai le boiihoar d'avoir un grand nombre d'amis, dont plusieurs me connaissent depuis mon enfance. Tant que j'aurai leur estime, je n'en demande pas davantage. Il n'y a pas de crime ni de honte qui ne m'aient été imputés. Aussi, tantqu'on ne fait que s'attaquer à mon caractère privé, je méprise l'agresseur; mais il n'en est point de même si l'on porte atteinte à la cause à laquelle je me suis dévoué. En ce cas, je me considère le défenseur d'une vérité qui compte des millions d'adhérents dans tou- tes les parties du globe. Serviteur d'une puissance que je ne m'explique pas, je me vois, dans l'intérêt de la cause même, obligé de défendre cette face de mon caractère contre l'erreur ou la médisance. Je n'ai ja- mais manqué d'en démontrer la fausseté, chaque fois que j'ai pu remonter à la source du libelle.

Je dois dire que j'ai toujours aimé à me rencontrer avec un sceptique honnête et intelligent. Les questions qu'il vous adresse sont, en général, pertinentes et naturelles. Sarépugnanceà accepter sans contrôle pour véridiques des phénomènes extraphysiques

LE SPIRITIAI.ISME MODERNE 77

est naturelle à tout être qui raisonne, qui ne veut pas se commettre à une foi aveugle en présence de l'inconnu, mais cet éloigne- ment se dissipe bien vite lorsque l'inconnu devient pour lui une réalité. Je n'ai jamais vu le monde des esprits s'émouvoir d'un incrédule de ce genre. On a tort etje re- garde comme souverainement illogique ce désir qu'on manifeste aujourd'hui d'éloi- gner ceux que le doute entraine.

« Les esprits n'ont pas besoin de con- vertis )), disent les uns.

(( Il faut exclure de nos séances tous ceux qui n'ont pas su manifester l'enthou- siasme nécessaire se laisser duper) », s'écrient les autres.

Ces insanités ont pour résultat d'éloigner les vrais spiritualistes, et de provoquer les abus que je vais essayer d'expliquer. Les hommes de science qui ont examiné ou qui voudraient examiner les phénomènes du spi- ritualisme, sont arrêtés par l'attitude de ces enthousiastes gobe-mouches et en même temps par la masse de folies et d'impostures que, dans leurs recherches de la vérité, ils ont découvertes.

78 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

Avant de mettre la main à cette œuvre je tire une ligne de démarcation entre le vrai et le faux spiritualisme. J'ai consulté plusieurs de mes amis, en les invitant de me donner leurs opinions et j'ai eu la satisfac- tion de voir qu'on était généralement du même avis que moi, et qu'il fallait à tout prix tenter de mettre le spiritualisme en garde contre tant d'abus. Je ne puis que re- mercier mes nombreux correspondants de l'empressement qu'ils ont montré à me répondre. Je leur en exprime ici mes remer- cîments sincères.

Voici quelques citations de lettres éma- nant de spiritualistes dont la réputation n'est plus à faire.

M. S.-C. Hall, m'écrit à la date du 11 janvier 1876 : « Je suis heureux d'ap- prendre que vous entreprenez ce travail. Personne mieux que vous ne le sauraii faire. Le spiritualisme est à cette heure dans un état pitoyable de désordre. On met toutes les supercheries sur le compte des esprits, qui, assure-t-on, trichent, font des tours, des espiègleries. Ce qu'il y a de certain c'est que ces esprits, ces séan-

LE SPIRITUALISME MODERNE 79

ces, ces soi-disant médiums, on doit les éviter. »

Et M"^^ S.-C. Hall ajoute : « Il est clair, mon cher Daniel, que Dieu, en vous conservant la vie, vous a donné pour mis- sion de démontrer que le spiritualisme dans sa pureté est servante de la chrétienté. Quant à moi, je l'ai toujours regardé comme tel. »

M. William Howitt, écrivain célèbre et éloquent défenseur du vrai spiritualisme, m'écrit ce qui suit : « Voici, mon cher M. Home, ce qui me navre surtout chez les spiritualistes. Ce sont les petites cliques, les basses ambitions, les ressentiments, les cabales qu'on rencontre chez eux ; les mé- diums menteurs qui parlent par leur bou- che ; tout cela, voyez-vous, confirme de plus en plus cette idée qu'on a du spiritua- lisme, qui, au dire de nos adversaires, se- rait une doctrine émanée du diable. Que Carpenter, G. -H. Lewis, l'organe anglais le Times, les matérialistes, écrivent contre le spiritualisme, c'est dans l'ordre des cho- ses ; la doctrine s'impose en dépit d'eux Mais, s'il y a au monde une chose qui la

80 LA LUMIÈRE ET LBS OMBRES DU SPIRITUALISME

puisse tuer, ce sont les folies et les basses- ses des spiritualistes eux-mêmes. Le doc- teur Sexton m'avise que vous comptez abandonner l'idée de publier votre livre. Est-ce vrai? J'espère qu'il n'en est rien. Le besoin d'un tel ouvrage se fait sentir davantage chaque jour. Il y a lieu de crain- dre que le charlatanisme ne ruine notre cause, si l'on n'y met ordre. Le pire c'est qu'on tolère encore dans le mouvement des médiums convaincus de supercherie ; ils sont même défendus par des hommes dont l'unique souci devrait être de les voir ex- pulsés de nos rangs. J'ai eu beaucoup à souffrir de m'être engagé dans cette voie. Grâce à ma dénonciation des exploiteurs et à ma défense du christianisme, je me vois abandonné d'un grand nombre et dénoncé comme traître à la cause. Je n'en continue- rai pas moins à faire selon ma conscience; pour le reste, je m'en rapporte à Dieu. »

J'ai reçu de M'"" M. Sunderland-Cooper, de M. Iludson Tuttle, et de bien d'autres, de charmantes lettres qui, toutes, m'encou- ragent à ce travail. Mais je dois dire que plus d'un parmi mes amis m'en dissuadent.

LE SPIRITTALISME MODERNE 81

Plusieurs d'entre eux se méprennent quant au but que je me suis proposé, et M. Wil- liam Crookes, Téminent physicien anglais, est de ce nombre. Voici ce qu'il m'écrit le 21 janvier 1876 :

« Je doute qu'un livre comme le vôtre soit appelé à rendre de grands services. Les médiums, vous le savez, sont fort jaloux les uns des autres. Or, une accusation si bien prouvée soit-elle, du moment qu'elle est portée par un médium contre un autre mé- dium, devient par ce seul fait douteuse; elle est mise d'emblée au compte de la ja- lousie et reste sans portée. Et alors même que deux partenaires se prennent de que- relle, et que Tun di't tout ce qu'il a sur la conscience à l'égard de l'autre, en d'autres termes, lorsqu'un médium avoue qu'il y a eu tromperie, et explique comment le tour se joue, il y a fort peu de spiritualistes sincè- rement dévoués à la cause (thorough-going spiritualists) qui les croiront; ils accuse- ront plutôt les mauvais esprits d'interven- tion, ou bien ils mettrontce genre de malen- tendu au compte de l'extase, etc.

« Il y aune chose qu'il ne faut pas perdre

6

82 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SI'IRITUALISME

de vue. Vous, ou moi, ou tout autre obser- vateur, nous pouvons être d'accord lorsqu'un médium chercha à nous en imposer; il se peut même qu'il ait fait l'aveu de sa super- cherie; mais la diffficultô d'établir la preuve de sa culpabilité n'en reste pas moins presque insurmontable , et il y a fort à craindre que vous ne vous donniez après tout bien du mal et de l'ennui en pure perte. »

Avant de clore ce chapitre, qu'il me soit permis de dire que je n'ai jamais été un médium de profession. Je n'ai rien à dire contre ceux qui se font un gagne-pain de leur faculté médianimique, à condition, toutefois, qu'ils demeurent honnêtes. C'est le moins qu'on leur puisse demander. Quant à moi j'ai toujours éprouvé, une répugnance invincible à trafiquer de cette faculté que je possède. On m'a souvent offert de grosses sommes pour une seule séance. Ces offres je les ai invariablement déclinées. Je ne me vante pas du fait, et si j'en parle, c'est qu'il me donne un peu le droit d'élever la voix contre les abus sans nombre qui déparent le spiritualisme et contre ceux qui l'exploitent.

ILLUSIONS

83

VI

Illusions

Il est difficile de porter un jugement sur ceux qui, étant eux-mêmes illusionnés, cherchent à illusionner les autres hommes. Ces sortes de gens peuvent ne pas être en- tièrement malhonnêtes. Il se mêle souvent, et sans qu'ils s'en doutent, de la folie à leurs actes. C'est un orgueil immodéré, parfois l'ambition, le désir de commander, qui, au fond, sert do mobile à leur conduite.

Aussi, nous ne chercherons pas à analy- ser les causes subtiles et variées qui pous- sent ces insensés, et qui entraînent toujours à des effets désastreux. Cela nous mènerait trop loin. Leurs exploits ont couvert d'é- paves la grève historique de toutes les reli-

84 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

gions, de tous les gouvernements. Prêtons- leur une attention, non pas curieuse, ni mé- prisante, mais judicieuse, et convertissons tous ces tombeaux s^nt ensevelies les erreurs du passé en phares lumineux, pour éviter les écueils qu'on rencontre sur l'o- céan vaste et sans borne du spiritualisme moderne.

Chaque fois qu'on verra quelqu'un cher- cher à s'arroger une dictature, surtout en matière spirituelle, il importe d'y résister. C'est à coup sûr un ambitieux, et le pouvoir qu'il veut s'attribuer est contraire aux meil- leurs intérêts de la cause. Le faible est toujours prompt à s'agenouiller devant les statues d'or aux pieds d'argile. Aussi, son frère plus sensé a-t-il pour premier devoir de le mettre en garde contre l'erreur, en dénonçant la laideur et l'impuissance de l'idole.

S'il existait un critérium qu'on pût invo- quer pour mettre à néant les fausses reven- dications de ceux qui cherchent à égarer l'esprit et à surprendre la bonne foi du pu- blic, certes on eût vite fait d'arrêter à son début plus d'un mouvement à tort appelé

ILLUSIONS 85

religieux. Il y a des hommes voire des femmes qui se croient lésés si on leur dit qu'ils ne sont pas nés pour porter la tiare ou une couronne. Chez tous ceux qui veulent fonder une secte ou une commu- nauté, et se faire nommer les grands-prêtres de ces sortes d'institutions, l'ambition do- mine, alliée à un certain enthousiasme, qui sert à capter la confiance d'esprits moins puissants, mais plus ardemment épris de mysticisme que le leur. Ceux-ci se soumet- tent en aveugles à l'énergie qui les fascine, et ne tardent pas à rendre un véritable culte au soi-disant prophète qui les subjugue.

Souvent ces êtres forts se croient inspi- rés, et sont de bonne foi dans leurs rêves insensés. Il n'en faut point douter. Mais on peut dire qu'ils sont sincères aussi ceux qui, plus avancés dans leurs idiosyncra- sies, passent pour des ibus furieux, et sont enfermés comme tels. Et pourtant la fré- nésie de l'un est, en réalité, bien plus dan- gereuse que le trouble fonctionnel del'autre, qui est totalement dénué de raison.

Charenton ne fait pas de prosélytes, et si tous les asiles de fous de la terre mettaient

86 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

en liberté leurs pensionnaires, à vrai dire le mal n'en serait pas plus grand.

Mais il n'en est pas de même quant aux autres, moins fous en apparence, plus fous en réalité. Les exemples fourmillent du mal que peuvent faire à des natures faci- lement impressionnables certains individus qui, à un esprit mal équilibré, allient une volonté énergique et une ardente soif de domination. Chaque siècle de l'ère chré- tienne nous en fournirait un grand nombre. Sans aller si loin, n'avons-pas, pour ne citer q'ue ces deux noms, Joanna Southcote et Joe Smith, qui vécurent et s'évertuèrent à faire le mal dans le siècle nous vivons ?

Le spiritualisme est de toutes les croyan- ces celle l'homme qui s'attribue un ca- ractère prophétique peut s'attendre à trou- ver le plus d'adhérents. Nous avons des preuves de l'existence continue de ceux que nous avons perdus; ils ne sont que déliés des liens qui les retenaient à la terre. Faut-il pour cela regarder ceux par qui cette preuve nous est fournie, c'est-à-dire les médiums, comme doués d'une qualité d'âme supérieure ?

1 L L L" s I O N S 87

Nullement.

Nous qui sommes médiums, nous savons fort bien n'avoir en partage qu'une nature semblable à celle des autres hommes. La sensibilité plus grande peut-être de notre organisme fait que nous sommes plus facile- ment influencés, voilà tout.

Tout phénomène obtenu par l'entremise d'un médium doit être soumis à un examen .sévère, passé au crible de la raison, puis accepté ou rejeté suivant la conscience de •chacun. Un esprit, lorsqu'il se met en rap- portavec nous^peut sedonuerpour M. Jean- Jean ou se dire être Socrate. L'humble anonyme qui a nom Jean-Jean nous trouve k coup sûr moins défiants quant à sa per- sonnalité que celui qui vient avec un nom pompeux. Il y a aussi à dire en faveur de Jean-Jean qu'il pourra, sans prétendre à une valeur intellectuelle, donner à sa mère, si elle est présente, ou à quelque autre membre de sa famille, des preuves acca- blantes de son identité. Ceci est un avan- tage réel. En tout cas les étrangers n'ont rien à y voir. Mais sitôt qu'il s'arroge un nom, un titre, qu'il se pose en maître, qu'il

88 LA LUMIÈRE ET LES OMRKES DU SPIRITUALISME

assure être un personnage, alors ce n'est plus la mère seulement, ni un parent, c'est tout le monde qui est admis à se prononcer si ces prétentions sont vraies. Il importe à chacun de savoir si, revenant sans cesse sur la scène du monde et subissant des trans- formations aussi nombreuses que l'arlequin d'une pantomime, l'homme est appelé ap?-ès le trépas à jouer plus de rôles que Shakes- peare n'en a rêvés; en un mot, si les esprits et les soi-disant médiums doivent être ad- mis à empoisonner le cerveau et le cœur de ceux qui sont assez faibles pour les écouter et les admirer; car pour tous ceux qui ont la joie de croire que la mort est un réveil et non le néant, ce sera une grande conso- lation d'être fixés à cet égard.

Le mal n'est pas l'apanage exclusif de la cause que nous défendons. Nous n'avons qu'à regarder autour de nous. Il serait in- juste de mettre au compte du spiritualisme tous les vices et tous les crimes qui souil- lent l'histoire des différentes sectes qui se partagent l'empire du monde.

On nous reproche ajuste titre ce manque de cohésion qui doit unir des hommes pro-

ILLUSIONS 81>

fessant une foi commune dans la possibilité de s'entretenir avec les esprits. On dit même qu'il existe entre certains membres de cette foi spirituelle une haine mortelle. Hélas ! cela est vrai, et je le déplore.

Mais aussi, n'en dirons-nous pas autant de ceux qui professent différentes croyances ?

Cette sentence si belle et si vraie à son origine : Voyez comme les chrétiens s'ai- ment entre eux, n'est-elle point devenue depuis au moins mille ans une moquerie, un mensonge ? Dominique et Montfort ont- ils jamais prêché aux hérétiques autrement qu'avec le glaive et le feu? Ces noms n'évo- quent-ils pas dans la mémoire la moins prévenue des images de haine, de sang versé, de tortures sans nom ? Et n'est-ce pas Arnold, le légat du pape, qui, ayant pris d'assaut une ville de trente mille âmes, dit à ses capitaines : « Tuez-les tous, tuez- les tous, Dieu saura bien reconnaître les siens? )> Cela parce qu'on avait, parait-il, quelque peine à distinguer entre un Romain et un Albigeois, entre un chrétien et un hérétique ! Et Torquémada, homme doux^ mais convaincu, n'a-t-il pas tenaillé d'abord

90 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DL" SPIRITUALISME

et brûlé vifs ensuite, en moins de dix ans, pins de cinq mille êtres humains, sans comptM^ ceux qu'il a simplement tourmen- tés et embastillés, dont le nombre est dix fois plus grand? Et ce pontife de l'église qui fît chanter le Te Deum quand il apprit que soixante mille créatures de Dieu, mais hérétiques, avaient été massacrées en France! Et Cranmer, qui fit brûler Jeanne Bouchier! Et Calvin, qui fit brûler Servetus! Et Elisa- beth d'Angleterre, qui faisait pendre ou écarteler tous les prêtres catholiques qui lui tombaient sous la main. Les catholiques, n'ont-ils pas persécuté les protestants? Les calvinistes, n'ont-ils pas persécuté les lu- thériens? Les puritains, n'ont-ils pas per- sécuté les papistes? Et cela, avec une fureur en tout contraire aux enseignements du Christ. Ne trouve-t-on pas dans toutes les éghses des gens qui, aujourd'hui enco:e et pour la plus grande gloire de Dieu, ne se feraient point scrupule d'allumer en place de Grève des bûchers pour rôtir à petit feu ceux qui ont la hardiesse de ne pas penser tout à fait comme eux?

Il va sans dire que personne ne déplore

ILLUSIONS 91

plus que moi les méfaits qu'on reproche au mouvement spiritualiste. Cette doctrine s'estétablie il y a plus d'un quart de siècle. Depuis lors, bien des scélératesses ont été commises en son nom. Mais n'en dira-t-on pas autant de toute autre secte, de toute autre classe de la société ? Pourquoi faut- il que le spiritualisme seul fasse exception à cette rèo;'le g-énérale : errarehurïianumest? Il existe entre toutes les églises chrétien- nes une certaine analogie de doctrine. Les uns et les autres nous sommes exposés aux mêmes tentations nous voulons trancher du maître, alors que notre mission est de ser- vir. Les mêmes devoirs incombent à celui qui explique la parole divine et au médium dont la mission est d'anéantir cette erreur qu'il n'y a rien au-delà du tombeau, de rendre pour ainsi dire tangibles aux vivants les réalités d'un monde en dehors du nôtre.

« Dans la maison de mon Père il y a beaucoup de demeures, dit le Christ; j'y vais préparer une place pour vous. » Les chrétiens, à quelque dénomination qu'ils appartiennent, ne considèrent pas assez

\JZ LA LUMIERE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

toute la portée de cette vérité fondamen- tale. Ce sont des paroles d'inspiration di- vine, qui expliquent et concilient les appa- rentes contradictions de renseignement spi- rituel. Rappelez-vous à quel moment so- lennel ces mots furent prononcés. C'était à l'heure la plus sombre de la vie terrestre de « celui qui n'avait aucun lieu oi^i reposer sa tôte. » Le grand crime des Hébreux allait s'accomplir; déjà sur le Messie se profilait l'ombre de la croix. A l'heure su- prême où la terre était pour lui sans lueur d'amour ni d'espérance, le Christ se réjouis- sait à la pensée qu'il allait vers la maison de son Père pour y préparer les places d'é- lection réservées aux élus. Si tous les hom- mes sont égaux dans la mort, quel besoin avons-nous de tant de demeures dans le royaume du ciel? Le dogme qui veut que les élus partent de ce globe pour se réunir de- vant le trône de Dieu, tous vêtus des mê- mes robes blanches, le front orné des mê- mes couronnes d'or, et qu'ils n'aient, au terme du voyage, d'autre occupation que celle qui consiste à agiter des palmes, pen- dant une interminable éternité, le dogme

ILLUSIONS 93

qui veut que les réprouvés partent vers des ténèbres avivées par la lueur des flammes, pour y être tourmentés à jamais; alors le sens des mots prononcés par le Messie nous est perdu. Que ces paroles si consolantes sont d'une grande portée, nous en avons la preuve dans les révélations spirituelles de Tépoque nous vivons. Dans le monde avenir nous voyons une diversité de condi- tions égale à celle qui existe sur la terre. Nous voyons aussi partout le bien et le mal en activité incessante, partout l'humanité s'éloignant ou se rapprochant de son Dieu. Pourtant il y a réaction un peu partout. Il y a aussi progrès. La sagesse, la vertu s'étendent davantage. Avec chaque année qui s'écoule, le cri triomphal : « Plus près de toi, mon Dieu ! » trouve son écho ici-bas comme dans l'éternité, car le mot d'ordre de l'humanité sera toujours : « Excel- sior ! »

« Toute discorde, ditun poète anglais, est de l'harmonie incomprise. » A Dieu do réta- blir l'accord momentanément rompu. Ceux qui méconnaissent les avertissements d'en

94 LA LUMIÈRE ET LES OMUUES DU SPIRITUALISME

haut sont assurés d'une chose, c'est qu'ils ne tarderont pas à être éclairés dans un avenir prochain. La philosophie devient niaise lorsqu'elle se donne pour arbitre et qu'elle s'arroge la suprême intelligence. C'est à cette fausse science que le Christ faisait allusion lorsqu'il dit : « Vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents, et vous les avez révélées aux petits. » La Judée était pleine de ces aveugles qui, trop fiers pour obéir à Dieu, s'arrogeaient le droit de commander à leurs frères. Le spi- ritualisme en a compté plus d'un. Révoltés d'une égalité qui les gênait, la plupart se sont vus arrêtés au début de la carrière; au moment de prendre leur essor, le ridi- cule leur a coupé les ailes. D'autres, que rien n'arrête, ont poussé cet esprit de do- mination assez loin pour faire plus ou moins de mal. Ils ont su s'adjoindre des partisans, établir des sectes ; mais^ dans leur impa- tience de bâtir, ils n'ont point pris garde au terrain, de sorte qu'au premier vent, Té- trange construction s'est effondrée, couvrant le sol de débris informes. Les insanités de ces enthousiastes ont fait plus de tort à no-

1 L L U s 1 () N S 95

tre cause que les attaques les plus enveni- mées de nos ennemis déclarés. Leur con- duite, leurs prétentions, leurs pseudo-révé- lations font la honte des vrais spiritualistes et sont la risée du monde sceptique.

Deux prophètes de ce genre surgirent aux Etats-Unis en 1850. L'un, le révérend J.-D. Scott, avait été une lumière dans la secte des anabaptistes de New-York ; l'autre, le révérend T.-L. Harris, prêchait dans la secte des universalistes. Leur conversion au spiritualisme semble dater de la même époque. Il y avait à Auburn, petite ville du comté de New-York, un cercle appelé TJie Aj:)ostolic, dont le médium était une dame Benedict. Les esprits qu'on y évoquait ap- partenaient au meilleur monde, mais une clause du règlement limitait singulière- ment les manifestations, en ce sens qu'elle défendait à ses membres de se mettre en rapport avec d'autres esprits que ceux nés en Judée ou après la première année de l'ère chrétienne. Mais les affaires de la pe- tite communauté n'étant pas prospères, on dut se mettre en quête d'un nouveau di-

9(') LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

rocteur pour attirer la clientèle. C'est alors qu'on choisit le révérend J.-D. Scott, au- quel lut bientôt adjoint le révérend T.-L. Ilarris. Ces messieurs fondèrent un bulletin intitulé : Dlsclosures froiii the Interior (révélations de l'intérieur). Ils se donnaient pour des êtres surnaturels ; tout ce qu'ils pensaient ou écrivaient, devait être accepté comme d'inspiration divine. On ne tarda pas à pousser les hauts cris à Auburn. C'était faire preuve d'une effronterie par trop gTandc, même pour les Etats-Unis ; aussi, l'association dut-elle abandonner la place, et aller s'établir à Mountain-Cove, dans le comté de Fayette, en Virginie. Là, tous les biens devaient être la propriété commune de chacun ; l'âge d'or de la li- berté, de la fraternité et de l'égalité était arrivé. Une centaine de croyants suivirent Scott vers la nouvelle demeure. Harris, lui, resta en arrière, n'y trouvant pas son compte. Scott prit donc la haute main sur le trou- peau ;il administra avec pleins pouvoirs, tant au temporel qu'au spirituel. Ses prétentions s'accrurent avec le temps ; son ambition bientôt ne connut plus de bornes. Il assem-

ILLUSIONS

bla ses fidèles, et leur dit qu'il avait vu Dieu face à face. Il s'intitula dès lors médium absolu. Ses affaires cependant ne prospé- raient guère mieux qu'à Auburn. Il dut s'en retourner à New-York et renouer avec son ancien acolyte, Harris. Les confédérés réussirent à capter la confiance de quel- ques personnes, qui apportèrent des fonds à l'entreprise. Il était temps. En mai, 1852, Harris à son tour se dirigea avec sa famille et ses dupes vers la Montagne Sainte, la Nouvelle Jérusalem. C'est ainsi qu'on bap- tisa la colonie naissante à Mountain-Cove. L'arrogance des propliètes-réunis s'accrut avec la crédulité des fidèles. Ils proclamè- rent Mountain-Cove la porte du ciel, et leur demeure, la maison de Dieu. La ré- demption de la créature ne se pouvait effec- tuer nulle part ailleurs. Ceux qui faisaient la moindre opposition aux deux parfaits prophètes devaient être chassés de l'en- ceinte sacrée. Il n'y avait plus de salut pour celui qui encourait cette peine. Ni Scott ni Harris, ne pouvait jamais plus lui ouvrir les portes de l'éternel séjour. C'était l'anathème suprême, l'excommunication majeure. Il va

7

98 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

sans dire que toute acquisition faite osten- siblement au nom de la communauté deve- nait en réalité la propriété personnelle et inaliénable de ces deux prophètes, car les titres passaient entre leurs mains et n'é- taient revêtus que de leurs signatures. Ils se proclamèrent en outre les deux témoins dont il est parlé dans l'Apocalypse, au cha- pitre onze, et s'attribuèrent comme tels la Aiculté de vomir par la bouche des flammes qui consumaient leurs ennemis, de fer- mer les portes du ciel en sorte que la pluie ne pouvait tomber sans leur permission, de convertir en sang les eaux de la terre, et d'envoyer des plaies aux humains. C'était le comble du blasphème. Enfin le dégoût vint aux adeptes que ces imposteurs menaient en laisse. Le désaccord se mit dans la colonie. Une dissolution était imminente. La Nou- velle Jérusalem devint un Pandémonium. Les membres s'éclipsèrent un à un, et de la fortune des fidèles on n'en a trouvé aucune trace.

Tel est le récit d'une des plus vilaines fo- lies qu'on puisse reprocher au spiritualisme moderne.

ILLUSIONS 99

Vers Fépoque ces choses se passaient aux Etats-Unis, un mouvement analogue se dessinait à Genève. Les fondateurs de l'association genevoise se signalèrent par des abus qui ne le cédaient en rien aux blas- phèmes de Scott et Harris. Ils firent des du- pes dont la crédulité était plus grande, s'il est possible, que celle des disciples de Moun- tain-Cove. La petite table au moyen de la- quelle les saints de la Judée donnaient les ordres nécessaires à l'organisation de la Nouvelle Jérusalem était le prototype d'une autre table, également petite, que vénérait en aveugles une fraction des habitants de la ville de Calvin.

Tout le monde en 1853 s'intéressait à voir tourner ou autrement se mouvoir les tables. Le professeur Faraday venait de rendre son verdict, qui, disons-le tout de suite, était absurde au point de vue de l'ensemble de la doctrine. Sa théorie, néanmoins, nous pa- rait juste si nous l'envisageons par rapport au genre de phénomènes qu'il a examinés. En effet, plus il nous a été donné devoir ces soi-disant tourneurs de tables, moins il nous a été permis d'attribuer les mouvements de

100 LA. LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

ce meuble et les messages obtenus à autre chose que les muscles du médium lui- môme. Toutefois, nous devons l'avouer, l'intention préméditée de tromper n'entrait pour rien dans leurs calculs. Le plus souvent c'était quelque brave homme dont le système nerveux, excité outre mesure, remplaçait la faculté médianimique qu'il croyait avoir, et rien ne pouvait dissiper l'hallucination qui l'obsédait.

Nous avons connu une dame qui, chaque jour, avant de prendre ses repas, s'instal- lait devant son guéridon pour en obtenir une consultation. La table, pour elle, repré- sentait l'esprit de son défunt mari. Lorsque sous ses mains le guéridon venait à bouger, elle formulait ses questions.

Mon cher Charles, disait-elle, pour- rai-je manger du poisson aujourd'hui?

Bientôt la table esquissait un mouvement afïîrmatif : c'est que la pauvre dame avait grande envie de poisson ce jour-là. Si, au contraire, elle ne tenait pas à avoir du pois- son, la réponse était négative. En d'autres mots, la réponse était toujours en accord avec ses désirs. Cette illusion se môlait à tous les actes de sa vie.

ILLUSIONS 101

Je me souviens cruii autre cas.

Je dînais chez lord Iloughton. Un baron- net, sir R., au cours d'une conversation se rapportant au spiritualisme, nous demanda tout à coup si je pouvais obtenir des mani- festations à volonté. Je lui répondis que je ne le pouvais pas.

Alors, dit-il, en souriant, je suis meil- leur médium que vous, attendu que je peux faire bouger la table quand je veux.

A cela j'ai répondu que je ne doutais nul- lement de son savoir-faire, et j'ajoutai :

Peut-être voudrez-vous bien nous don- ner tout à l'heure un échantillon de votre talent.

Au salon, il s'installa devant un guéridon qui se mit aussitôt à exécuter des mouve- ments, mais il étaitimpossibledenepas voir que c'était lui-même qui bougeait la table. Alors je lui dis :

C'est fort bien, mais, si vous le per- mettez, nous allons mettre une feuille de papier entre vos mains et le guéridon.

A quoi il accéda de fort bonne grâce. La table alors n'obéit plus comme avant, tandis que le papier se mouvait très-visiblement.

102 LA. LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

Il m'a été rapporté depuis à tort, sans doute que sir R. s'est dépité de sa dé- convenue en cette occasion jusqu'à dire :

C'est égal, Home est furieusement ja- loux de ma faculté comme médium.

Mais à quoi bon multiplier les exemples. La force déployée venait plus souvent des muscles que des esprits. On en peut dire autant des médiums écrivains. Dans ma jeunesse j'avais ce don, mais les communi- cations me parurent tellement en rapport avec ma manière de penser que j'ai cessé d'écrire. Depuis lors, je n'écrivais que lors- que ma main se mouvait automatiquement et que mon attention était détournée par un sujet étranger.

Pour en revenir à l'incident de Genève, disons tout d'abord que la table dont on se servait avait été consacrée à Dieu. C'était le Messie, et non l'un de ses saints, qui la faisait mouvoir. Un siège avait été mis à part pour le Christ et on supposait que les jours de séance, il venait l'occuper, invisible aux yeux des mortels. On alla jusqu'à faire intervenir Dieu le Père dans ce bizarre

ILLUSIONS 103

tabernacle ; on lui attribuait une piteuse homélie empruntée à différentes parties de la Bible. Les communications, reçues avec une aveugle confiance, étaient gardées pieusement pour être ensuite publiées sous forme de volumes. Je possède deux exem- plaires de ces précieux ouvrages. L'un est intitulé :

I*ost Tenehras Lux ROME, GENÈVE

ET

L'EGLISE DU CHRIST

Dicté au moyen d'une table

PAR

LE FILS DE DIEU

Le Sauveur du monde

Seul médiateur entre Dieu

et les hommes

1856

Les malheureux dont on exploitait ainsi la trop naïve crédulité ont perdu, avec leurs illusions, les uns une certaine aisance, les autres une réelle fortune.

Nous avons eu aujourd'hui ^^^ un entre- tien pénible avec Tune des victimes les plus cruellement éprouvées par cette triste illu-

(1) 5 octobre 1876.

104 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

sion. C'est une pauvre femme qui, à l'âge de soixante-douze ans, est encore jeune de patience et d'espérance. Tout en nous ra- contant ses angoisses, un sourire illumine ses traits.

« C'est une triste histoire, monsieur, dit- elle. Peut-être serait-il mieux de l'oublier ; mais, comme vous le dites bien, cela peut servir d'avertissement à d'autres. Je ne sau- rais préciser la date au juste, mais c'est en 1853 qu'une nouvelle assez singulière vint nous disiiaire de nos occupations ordi- naires. Il s'agissait de quelques jeunes filles qui, chez un ami commun, avaient développé la faculté étrange de médiums écrivains. Le père aussi, disait-on, avait le don de se mettre en rapport avec les esprits, par le moyen d'une table. C'était un professeur de musique, homme fort pieux et d'ailleurs parfaitement honnête. Oui, monsieur, hon- nête, — nous l'étions tous.

« Or, j'eus la curiosité bien légitime de voir si, réellement, des fl^its merveilleux comme ceux qu'on rapportait pouvaient avoir lieu. J'allai donc à une séance, et comme tout ce qu'on y faisait me parut de

ILLUSIONS 105

bonaloi, j'engageai mon mari à y venir avec moi. Depuis lors, combien de fois ne m'a-t-il pas dit : « C'est toi qui m'a poussé à y aller.» Il ne disait pas cela pour se plaindre, non. Nous pensions faire la besogne de Dieu, et je le dis encore aujourd'hui, si nous nous sommes trompés, j'ai le ferme espoir que Dieu nous pardonnera, car notre seul but était de le glorifier. Mon mari , homme d'une grande intelligence, était professeur de mathématiques au collège de cette ville. Il est vrai qu'à l'époque en question, il ne professait plus. Grâce à une série de spécu- lations heureuses, il s'était acquis une assez belle fortune, et nous vivions dans une ai- sance presque luxueuse. Oui, je m'aper- çois, vos yeux se portent sur la pauvre chambrette que- j'occupe maintenant. Que voulez-vous ? c'est la volonté de Dieu, et cela me console.

« Donc, nous allâmes chez le médium, qui nous dit que l'esprit de Dieu parlait par sa table. Je m'étonne à cette heure que nous ayons jamais pu être assez simples pour croire une pareille chose. Or, de fil en aiguille, la table finit par nous donner à

106 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

entendre que nous devions sans plus tarder installer chez nous le médium et sa famille, et partager avec eux la fortune qu'il avait plu à Dieu de nous donner. Les communi- cations faites par la table étaient sensées venir directement de Notre-Sauveur Jésus- Christ. Je dis à mon mari : « Donnons-leur « plutôt une somme d'argent ; leurs goûts et « les nôtres sont difTérents, et je ne saurais « vivre heureuse avec eux. » Mon mari alors me reprit, disant : « La vie de Celui que (( nous adorons fut une vie d'abnégation, et « nous devons chercher à l'imiter en toutes « choses. Surmonte tes préjugés, et ce sacri- « fîce prouvera au Maître la bonne volonté « que tu as à le servir. » Je consentis, et une famille de sept personnes s'ajouta à notre maison. Aussitôt commença pour nous une vie de dépenses et de prodigalités. On jetait l'argent parles fenêtres. La table nous commanda expressément d'acheter une autre voiture, quatre autres chevaux, ensuite un bateau à vapeur. Nous avions neuf domes- tiques. Des peintres vinrent décorer la maison du haut en bas. On changea plusieurs fois l'ameublement pour un mobilier chaque

ILLUSIONS 107

fois plus somptueux. Cela, monsieur, dans le but de recevoir le plus dignement possible Celui qui venait nous voir, et d'attirer l'attention des gens du dehors. Tout ce qu'on nous demandait, nous le faisions. C'était coûteux, nous tenions table ouverte. Peu à peu des personnes convaincues arrivèrent en grand nombre, jeunes gens des deux sexes pour la plupart, auxquels la table prescrivait le mariage, qui se faisait alors à nos frais, et si le couple venait à avoir des enfants, on nous les confiait pour les élever. Nous avons eu jusqu'à onze enfants à la maison. Le médium à son tour se maria, et les membres de sa famille s'accrurent ; si bien que nous ne tardâmes pas à compter trente personnes à table. Cela dura trois ou quatre ans. Nous étions déjà presque à bout de ressources. Alors la table nous dit d'aller à Paris, et que le Seigneur aurait soin de nous. Nous partîmes. Sitôt arrivé dans la grande capitale, mon mari reçut l'ordre de spéculer à la Bouise. Il y perdit le peu qui nous restait. C'était la misère cette fois, la misère noire, mais nous avions toujours la foi. Nous vivions, je ne sais comment.

108 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

Bien des jours je me suis vue sans nour- riture, sinon une croûte et un verre d'eau. J'oubliais de vous dire qu'à Genève nous avions été enjoints d'administrer le saint sacrement aux fidèles. Or, il y avait parfois jusqu'à quatre cents communiants et com- muniantes. Un moine d'Argovie quitta son couvent il était supérieur et abjura le catholicisme pour se joindre à nous. Ainsi, monsieur, vous le voyez, nous n'étions pas seuls dans notre aveuglement. Enfin, nous pûmes quitter Pciris et revenir à Genève. C'est alors que nous réalisâmes toute l'éten- due de notre malheur. Ceux avec qui nous avions partagé notre fortune furent les premiers à nous tourner le dos. Mais j'ai tort de me plaindre. Que la volonté de Dieu soit faite ! Entre autres choses nous avions acheté une usine en France, mais l'entre- prise n'eut aucun succès. Nous dûmes revendre pour dix mille francs ce qui nous avait coûté dix fois cette somme.

« Vous regardez cette belle gravure, et vous vous demandez, n'est-ce pas, comment un pareil chef-d'œuvre peut orner une chambi'e comme la mienne ? Voici la chose.

ILLUSIONS 109

Au plus fort de notre folie, le médium, se sentant tout à coup inspiré par des idées artistiques, mais ne pouvant, chose étrange ! peindre lui-même, eut recours aux services d'un artiste, et celui-ci s' efforça de traduire sur la toile ce que le médium voyait en vision. Cette gravure n'est que la reproduc- tion du tableau qui représente dans l'idée de **'" (( la Crucifixion. )) Le moment qu'il dépeint est celui le Sauveur dit: « J'ai soif. 0 C'est un souvenir qui m'est resté de temps meilleurs. L'original a été vendu,

avec la maison et tout ce qui nous restait, pour satisfaire les créanciers.

(( !Si nous avons revu le médium ? Non, monsieur. Il épousa chez nous ma nièce, et en eut quatre enfants ; mais elle a été rap- pelée à Dieu, et son mari a épousé une autre femme. Il est revenu à Genève, mais il n'est pas venu me voir. Et pourquoi vien- drait-il ? Il est aussi pauure que viol !

« Mon mari^^^ ne se plaint jamais du passé. Oh ! ce n'est pas cette affaire qui lui a en- levé la raison. Ce sont ses travaux de tête ; il commença très jeune, et les mathémati-

(1) Le malhenreux était alors eufermé dans une maison d'aliénés.

110 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

ques fatiguent tant l'esprit! C'est dur de ne pas l'avoir ici, près de moi, pour le soi- gner ; mais il était parfois difficile à garder. »

Nous quittâmes cette demeure le cœur serré.

Quelle chose incompréhensible que la na- ture humaine ! Voilà donc un homme qui, devant une table, débite une série de blas- phèmes à l'appel lent et difficile de l'alpha- bet, et c'est assez pour jeter une famille pieuse et honnête dans un délire d'extrava- gance dont elle ne revient que lorsqu'elle est ruinée. Et alors même qu'ils sont rui- nés, ces pauvres gens n'en restent pas moins aveugles. Quant à celui qui a causé leur ruine, il n'est pas le seul que j'aie ren- contré. Ces êtres étranges, moitié fourbes, moitié convaincus, qu'on rencontre à toutes les époques, tout en illusionnant les autres hommes, finissent par prendre au sérieux leur rôle d'emprunt, et deviennent plus fa- natiques que les personnes qu'ils abusent.

Tout cela, ce n'est point du spiritualisme. Autant admettre comme sérieuse l'extra-

ILLUSIONS 111

vagancede ces pauvres fous qui soutenaient que la lune descendait chaque nuit pour leur donner le fouet. Les seuls esprits qui produisent ce genre de monomanie reli- gieuse sont les vaniteux et les orgueilleux. On en peut dire autant des rêveries d'Allan Kardec, dont les partisans se recrutent sur- tout dans les classes bourgeoises de la société. C'est leur consolation à ces braves gens, qui ne sont rien, de croire qu'ils ont été un grand personnage avant leur nais- sance et qu'ils seront encore une chose importante après leur mort.

Il y a deux erreurs également funestes dont chacun doit se garder, La première consiste à repousser systématiquement toute évidence d'une manifestation spiri- tuelle, môme si ce phénomène est scienti- fiquement démontré. L'autre erreur con- siste à tout accepter sans contrôle. De nos jours encore, sous le nom de réincarnation, on cherche à ressusciter, pour notre plus grand bien, toutes les théories de Pytha- gore. que chacun croyait si bien enterrées.

112 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

VII

La doctrine d'AUan Kardec.

Je classe la doctrine crAllan Kardec parmi les illusions de ce monde, et j'ai de bonnes raisons pour cela, comme on va voir. J'ai connu l'initiateur, ou plutôt le rénovaleur de cette phase moderne du vieux paganisme. Je ne mets nullement en doute sa parfaite bonne foi. Certes, en fouillant trop avant dans le tombeau de Pythagore, il croyait avoir déterré une lampe dont la flamme devait illuminer le monde. Cette conviction le domina, lui et les autres. Sa sincérité se projeta, nuage magnétique, sur l'esprit sensitif de ceux qu'il appelait ses médiums. Leurs doigts confiaient au papier les idées qui s'imposaient ainsi forcément à

LA DOCTRINE d'aLLAN KARDEC 113

eux, et Allai! Kardec recevait ses propres doctrines comme des messages envoyés du monde des esprits. Si les enseignements fournis de cette manière émanaient réelle- ment des grandes intelligences qui, selon lui, en étaient les auteurs, auraient-ils pris la forme que nous leur voyons? donc Jamblique apprit-il si bien le français d'au- jourd'hui? Et comment Pythagore a-t-il pu si complètement oublier le grec, sa langue natale? Si, d'ailleurs, ces communications étaient l'œuvre* d'esprits dématérialisés, pourquoi trouvons-nous ces mots « par Al- lan Kardec » au frontispice de chaque vo- lume publié par lui? Et puis, les enseigne- ments qu'on y voit, sont-ce bien des vé- rités? Alors qu'on nous donne bien vite quelques faits à l'appui de ces vérités. Les folles visions d'un croyant, les révélations même d'un clairvoyant ne peuvent suffire. Je suis connu pour être ce qu'il est con- venu d'appeler un clairvoyant ; aussi ai-je le droit de parler en connaissance de cause quant à cette phase particulière de la psycho- logie. Ceux qui ont étudié la question sa- vent qu.'il y a deux sortes de clairvoyance :

8

114 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

celle dite naturelle et celle déterminée par le magnétisme. Or, je n'ai jamais rencontré un seul cas de clairvoyance magnétique le sujet ne reflétât directement ou indirec- tement les idées du magnétiseur. Ceci est démontré d'une manière frappante par Al- lan Kardec lui-même. Sous Tempire de sa volonté énergique, ses médiums étaient au- tant de machines à écrire, qui reprodui- saient servilement ses propres pensées. Si parfois les doctrines publiées n'étaient pas conformes à ses désirs, il' les corrigeait à souhait. On sait qu'Allan Kardec n'était pas médium. Il ne faisait que magnétiser ou psychologiser (qu'on nous pardonne ce néologisme) des personnes plus impression- nables que lui.

J'atteste la vérité du fait suivant.

Avant même que j'eusse pu savoir la mort d'Allan Kardec, je reçus de lui, en présence du comte de Dunraven, alors le vicomte Adare, un message ainsi conçu :

a Je regrette d'avoir enseigné la doc- trine spirite. Allan Kardec. »

Comparaison faite à une minute près de l'heure à laquelle Allan Kardec est

LA DOCTRINE d'aLLAN KARDEC 115

mort et de celle je reçus cet avertisse- ment, on trouva l'intervalle trop court pour permettre même riiypothèse d'une dépêche télégraphique. Comme, d'autre part^ son décès n'avait été précédé d'aucune maladie, d'aucun signe précurseur, on admettra bien que cet événement était de ceux auxquels je m'attendais le moins.

La très remarquable communication sui- vante a été fournie par M. Morin, que, de son vivant, Allan Kardec regardait comme un de ses meilleurs médiums.

ALLAN KARDEC M. Morin, médium, somnambule parlant

Communication donnée chez M. Caussin, rue Saint-Denis, 345, da 6 novembre, 1S69 (1).

Allan Kardec, parlant par la bouche de Morin, sa confession posthume.

« Dans les dernières années, j'ai tra- vaillé avec soin à éloigner toutes les intelli- gences, tous les hommes entourés de l'es- time publique, et qui , travaillant à la science

(1) Cette communication a été copiée sur le manuscrit qu'a remis M. Véron, l'éminent journaliste, présent à la séance.

116 LA LUMIÈRE ET LES OMRRES DU SPIRITUALISME

spirite, eussent pu accaparer pour eux une partie des bénéfices que je voulais pour moi seul.

« Cependant, plusieurs d'entre eux, pla- cés très haut dans les sciences et les lettres, se seraient contentés, en se dévouant au spiritisme, de briller au second rang. Mais, dans mon effroi d'être éclipsé, je pré- férai toujours rester seul à la tête du mou- vement spirite, en être à la fois la tête qui pense et le bras qui agit.

(( Oui, je l'avoue, c'est ma faute si le spi- ritisme n'a jusqu'à ce jour compté dans ses rangs aucun de ces champions, princes de laparole ou de la pensée. Chez moi, l'homme avait dompté l'esprit. »

Sur l'avenir du spiritisme, tel qu'il l'avait conçu, et sur ses conséquences actuelles, Allan Kardec ajoute :

« De mon vivant, le spiritisme, tel que je le concevais, me paraissait ce que l'homme pouvait rêver de plus grand, de plus vaste. Ma raison s'égarait.

« Maintenant, que débarrassé de l'enve- loppe matérielle, je regarde l'immensité des mondes, je me demande comment j'ai pu

LA DOCTRINE d'aLLAN KARDEC 117

me draper clans mon manteau de demi-dieu, me croire un deuxièm^e sauveur de l'huma- nité. Orgueil insensé que je déplore amère- ment !

(( Je vois le spiritisme tel que je l'avais conçu, si petit, si restreint, si éloigné, dans ses parties même les moins imparfaites, des perfections qu'il doit atteindre.

« Considérant les résultats produits par la propagation des idées spirites, que vois-je à présent?

« Le spiritisme, traîné dans les bas-fonds du ridicule, représenté par d'infimes per- sonnalités, que j'ai trop élevées moi-même.

« En voulant produire le bien, j'ai motivé beaucoup d'aberrations, qui enfantent le mal.

« Au point de vue de la philosophie, peu de résultats. Pour quelques intelligences, combien d'ignares !

(( Au point de vue religieux, que de su- perstitieux sortis d'une superstition pour tomber dans une autre !

« Conséquences de mon égoïsme.

<( Si je n'avais pas écarté les intelligences transcendantales, le spiritisme ne serait pa&

118 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

exclusivement représenté, dans la majorité des adhérents, par des adeptes pris au sein des classes laborieuses, les seules chez les- quelles mon éloquence et mon savoir ont pu avoir accès. »

(( Allan Kardec. »

Tel est le message fourni à M. Morin par son ancien hiérophante.

Je vais maintenant brièvement examiner la philosophie si la doctrine d' Allan Kardec mérite ce nom développée dans son Livre des Esj)rits

« D. Sur quoi est fondé le dogme de la « réincarnation ?

(c R. Sur la justice de Dieu et la ré- « vélation.

« D. Quel est le but de la réincarna- tion ? ))

(( R. Expiation, amélioration progres- sive de l'humanité ; sans cela serait la justice ?

La Justice et l'Expiation, voilà la tonique et la dominante de cette fantaisie sur les Vérités éternelles, si brillamment exécutée

LA DOCTRINE d'aLLAN KARDEC 119

par Allan Kardec, aux applaudissements d'une foule d'égarés. Son idée de la création est un plagiat des écoles plus sévères de la chrétienté, mais un plagiat qui omet à des- sein la figure centrale du Christ. Il substitue au Messie un rêve de changements sans fin. Il écarte de la théorie de Pythagore cette partie de la métempsycose qui se rapporte aux animaux, mais il fait siennes d'autres parties du système, et raffine sur le tout. Comme les théologiens, pour la plupart, il trouve plus de colère que d'amour dans la divinité. Son Père est le Père de Knox et de Calvin. Mais au moins ceux-ci ensei- gnent-ils que la colère de Dieu fut apaisée par la mort de son Fils sur la croix. Allan Kardec, lui, nous enseigne que l'ère céleste ne saurait se calmer qu'en brouillant à ja- mais l'identité de ses créatures. L'ordre qui règne dans la nature ne trouve sa contre- partie nulle pa^'t dans le monde des esprits. L'harmonie qui préside à l'évolution d'un système autour d'un autre système, dans les abîmes de l'espace, ne sert, selon lui, qu'à railler l'inextricable confusion qui existe pour les âmes au profit desquelles, pour-

120 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

tant, ces systèmes ont été créés. C'est à croire que, dans le ciel d'Allan Kardec, la félicité du juste dépend de la conscience qu'il a d'être soi-même et non un autre. Cette théorie de la réincarnation donne un caractère nouveau et passablement inquié- tant à la sentence biblique, qu'il n'y a jjoint de répit pour les méchcints. De malheureux esprits perdent un temps infini à démêler l'écheveau de leur personnalité déjà pas mal embrouillé, et qui peut s'embrouiller davan- tage. Une inquiétude constante les domine, celle d'oLiblier leur expérience terrestre, car s'ils perdent le souvenir d'un seul incident^ on lesrenvoie ici-bas pour leur donner unpeu plus de mémoire. Ils subissent, par consé- quent, de nombreuses incarnations. L'âme, toutefois, ne perd jamais sa personnalité. Si nous avons bien saisi l'ensemble de cette étrange doctrine, il y a lieu de conclure que l'âme est contrainte de perdre la cons- cience de son individualité pour retrouver son identité.

Les perplexités que suggère cette doc- trine monstrueuse sont incalculables. On n'en peut voir la fin. La grand' mère y de-

L.\ DOCTRINE d'aLLAN KARDEC 121

vient sa propre petite-fille. Le Néron du premier siècle de l'ère chrétienne peut se métamorphoser en la mystique M™^ Guyon du siècle dernier. L'âme d'un criminel peut se transformer en celle d'un saint Vincent- de-Paul, et alors sa nouvelle incarnation est la récompense d'efforts louables en vue de s'amender.

A cette question : « L'esprit qui a animé (( le corps d'un homme, peut-il, dans une (c nouvelle existence, animer celui d'une (( femme, et réciproquement?» il a été ré- pondu : (( Oui. »

Avec de pareilles propositions, on peut déduire une suite interminable de corollai- res révoltants. Il en est d'un genre que nous ne pouvons qu'indiquer. Prenons, par exemple, ce cas-ci. Deux personnes s'unis- sent par les liens du mariage. Ils ont des enfants. Les parents meurent et sont réin- carnés. L'homme est devenu la femme, la femme est devenue l'homme. S'ils s'unis- sent à nouveau par le mariage, comment expliquer l'énigme de leur parenté, et la parenté de leurs enfants ?

La doctrine de la réincarnation détruit

122 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

toute consanguinité. Elle abolit les liens de la famille, de la société ; elle étouffe en nous les meilleurs sentiments. En effet, que reste- t-il lorsque tout ce que nous aimons a perdu jusqu'à la conscience de son identité? Con- damnés à passer une éternité dans l'in- certitude de ce que l'avenir nous réserve, les réincarnés doivent être plus malheu- reux que ces vieux héros de la Bible, qu^ n'avaient point de demeures sur la terre. Au moins ciux-ci avaient- ils la perspective d'arriver un jour au sein tranquille de la béatitude divine, tandis que les disciples selon l'évangile d'Allan Kardec ne possè- dent, à vrai dire, la certitude d'un séjour quelconque ni sur la terre ni dans le ciel. Innocents du péché de Caïn, ils n'en sont pas moins condamnés à errer partout, éter- nellement. Et ils n'ont plus de sexe ; ils n'ont plus ni femme, ni mari, ni mère, ni père, ni soeur, ni frère, ni fils, ni fille. Pour eux, ces noms ont perdu leur sens. Même leurs âmes ne sont plus à eux. Le monde réincarnationniste est comme un théâtre des marionnettes apparaissent, pirouettent et disparaissent au gré de celui qui tient les

LA DOCTRINE d'aLLAN KARDEC 123

fils. A chaque scène nouvelle, les marion- nettes sont mises en pièces, jetées en tas, et la défroque sert à fabriquer de nouveaux pantins qu'on habille au hasard. Allan Kar dec, assure, néanmoins, dans son bréviaire que c'est une doctrine à la fois éminem- ment consolante et strictement conforme k la plus rigoureuse justice, et nous voyons des milliers d'enthousiastes qui sont de l'avis du maître.

La nature humaine se révolte devant des exagérations semblables. Aussi, les plus chauds partisans de cette doctrine n'en ac- ceptent-ils que tout juste ce qu'il faut pour satisfaire aux aspirai ions, aux sentiments de chacun. Le cœur d'une mère y trouve facilement son compte si elle néglige le principe pour ne voir que les détails.

C'est ainsi qu'une malheureuse femme perd sa fille unique, encore enfant. Une autre lui est née. Celle-ci reçoit le nom de la première, et on lui demande pourquoi. La mère explique que sa seconde fille n'est autre que la première, qui lui a été rendue. Elle raconte qu'un jour l'enfant, qu'elle fai-

124 LA Lu:\riÈRE et les ombres du spiritualisme

sait sautiller sur ses g-enoux, lui dit tout à coup :

Mamam, sais-tu bien qui je suis? Surprise et même effrayée, la mère no

put que balbutier :

Non, ma mignonne.

Je suis ta petite Mimi, répondit l'en- fant, et je suis revenue auprès de toi. Regarde-moi, chère maman, tu verras que je suis bien ta petite Mimi.

Et la mère vit, en effet, que les traits de l'enfant étaient ceux de sa fille perdue.

Outre la confusion révoltante à laquelle cette doctrine conduit logiquement, il y a des impossibilités matérielles dont il faut tenir compte, si enthousiaste qu'on soit. Une dame peut croire tant qu'elle voudra qu'elle a été la compagne d'un empereur ou d'un roi dans une existence antérieure. Mais comment concilier les choses si nous ren- controns, comme il arrive souvent, une bonne demi-douzaine de dames, également convaincues, qui soutiennent avoir été cha- cune la très-chère épouse du même auguste personnage? Pour ma part, j'ai eul'honneur de rencontrer au moins douze Marie-Antoi-

LA DOCTRINE d'aLLAN KARDEC 125

nette, six ou sept Marie-Stuart, une foule de saint Louis et autres rois, une vingtaine d'Alexandre et de César, mais jamais un simple Jean-Jean. Je donnerais quelque chose pour attraper et mettre en cage ce merle blanc, d'une rareté excessive.

Les mesmérisés d' Allan Kardec affirment que les esprits ne dégénèrent jamais. A cette question : « Un homme, dans ses (( nouvelles existences, peut-il descendre « plus bas qu'il n'était »? On a répondu : « Comme position sociale , oui ; comme « esprit, non. )> Si l'âme ne dégénère point, les Alexandre, les César, dont on nous inonde, doivent atteindre aujourd'hui à un degré d'intelligence bien autrement élevé que celui qu'ils avaient lorsqu'ils mirent en déroute les armées de Darius ou chassèrent Pompée de la plaine de Pharsale. Et alors pourquoi font-ils si peu parler d'eux ? Et tout dernièrement, étaient-ils, ces héros, les Turenne, les Bayard, les Condé, au jour d'angoisse de leur pays, quand les aigles françaises ne voyaient autour d'elles que ruines et désastres, et qu'une armée alle- mande campait sous les murs de Paris ?

126 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

étaient ces héros le jour d'agonie de leur patrie? Ou bien le manque de patrio- tisme est une vertu dans la doctrine de Kardec, ou bien toute grandeur d ame « est « une impureté dont les esprits doivent se « dépouiller. )>

Peut-être aussi l'âme finit-elle par être ef- farée de la multiplicité de ses existences. Si, après avoir vécu ici-bas sous des noms tels que Néron, Constantin, Mahomet, Charle- magne. Bacon, un esprit se voit tout à coup incarné dans le corps du premier venu, la vie entière ne lui suffira plus pour se décider à adopter Tune ou l'autre des quatre propo- sitions suivantes :

Mettre le feu aux quatre coins de Paris, et jouer du violon au plus fort de l'incendie ; transporter la capitale des rives de la Seine aux bords du golfe du Lion ou à ceux du golfe de Gascogne ; réunir sous la bannière d'un même culte, d'une même religion, catholiques, voltairiens, protes- tants et positivistes ; inventer une matière propre à tuer les hommes, qui sera, relati- vement à la poudre à canon, ce que la poudre elle-même était aux lances et aux

LA DOCTRINE d'aLLAN KARDEC 127

masses d'armes de nos ancêtres au quator- zième siècle. Celui qui, parmi nous, résume en lui l'expérience variée de tant de grands hommes, doit même éprouver quelque diffi- culté à choisir une ligne de conduite con- forme à ses aptitudes.

El dans tout cela, que deviennent donc les âmes ordinaires, celles qui n'ont point de nom marquant, les anonymes, les Jean- Jean? Shakespeare et Sophocle reviennent sans cesse sur la scène du monde, mais l'humble plébéien, on ne le voit jamais re- venir y jouer un rôle quelconque. Il meurt, le chétif, et personne n'entend plus parler de lui. Ce n'est sans doute qu'un vil com- parse, un de ces vulgaires esprits qui, selon la bible d'Allan Kardec « n'ont à l'origine « qu'une existence instinctive; à peine ont- (( ils conscience d'eux-mêmes et de leurs (( actes ; leur intelligence ne se développe (( que peu à peu. » Mais donc se déve- loppe-t-elle cette intelligence? car à coup sûr, ce n'est pas l'esprit du premier venu qui revient, quelques mois après sa mort, sous les traits de Jules-César. C'est dame Nature qui, dans une lointaine planète, pos-

128 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

sède, sans doute, l'usine spéciale à ce genre de fabrication. On y doit prendre une cen- taine de bouchers et de boulangers, qu'on broie et qu'on pétrit, et de cette matière brute on forme l'être doué de raison qui revient sur terre pour y jouer le rôle de conquérant, de protecteur ou de providence ! Pauvres esprits souples et erratiques, dont les âmes caméléoniques se perdent, et qui revenez régir sous le masque de Cicéron- Jean-Jean !

Une femme, passionnera eni éprise de la doctrine de Kardec, a eu l'idée d'y greffer une théorie nouvelle de l'émanation. Les êtres désincarnés qui attendent leur tour pour revenir à la vie matérielle se com- posent d'âmes s'adaptant, suivant elle, les unes dans les autres, comme les boules d'ivoire de la Chine. Si l'un de ces êtres dé- sire communiquer avec les humains, il pro- jette au dehors d'abord une âme, qui en pro- jette une autre, et ainsi de suite, jusqu'à ce que, d'âme en âme, la série fasse une chaîne pour atteindre la terre. Cette étrange chaîne transmet comme un fil électrique ses com-

LA DOCTRINE d'aLLAN KARDEC 129

munications aux personnes qui sont en communication avec elle ; ce devoir une fois accompli, lac haine se défait et les âmes ren- trent les unes dans les autres. Dire qu'une telle fantaisie trouve encore des adhérents.

Il va sans dire que les contradictions four- millent dans la doctrine des kardecistes, et celui qui les accepte ne peut être que bien crédule. Considérons les théories suivantes :

D. c( Les esprits mettent-ils un temps « quelconque à franchir l'espace?

R. (( Oui, mais leur mouvement est « rapide comme la pensée.

D. (c La pensée n'est-elle pas l'âme « elle-même qui se transporte ?

R. (( Quand la pensée est quelque part « l'âme y est aussi, puisque c'est l'âme qui « pense. La pensée est un attribut.

D. « L'esprit, proprement dit, est-il à « découvert, ou est-il, comme quelques-uns <c le prétendent, environné d'une substance « quelconque ?

R. « L'esprit est enveloppé d'une subs- « tance vaporeuse pour toi, mais encore « bien grossière pour nous : assez vapo-

9

130 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

« reuse, cependant, pour pouvoir s'élever (f dans l'atmosphère et se transporter il « veut. ))

Ainsi, est l'âme, est la pensée. Alors, qu'ont-ils besoin de voyager ? Se déplacer implique une dépense de temps, et la pensée est instantanée. Comment sortir de ce dilemme? On nous dira, sans doute, que la durée d'un voyage peut n'oc- cuper tout juste que le temps nécessaire pour la pensée qu'on en a. Fort bien. Un esprit veut-il se transporter à quelques millions de lieues du point il se trouve ? Crac ! c'est fait. La pensée et l'action ne font qu'un. Mais alors, pourquoi dire que (( le mouvement des esprits es! aussi rapide « que la pensée ? » La formule n'est pas juste. L'éloignement d'un lieu, la distance est inappréciable pour la pensée. En d'autres mots, il ne m'en coûte pas plus d'aller à Saint-Ouen ou à Pékin, si je m'y transporte par la pensée ; qu'un endroit se trouve à trois cent trente-trois millions de lieues ou à trois kilomètres, l'effort intellectuel qu'il me faut déployer pour y aller en pensée est le môme. On ne peut dire d'une chose qu'elle

LA. DOCTRINE d'aLLAN KARDEC 131

se transporte d'un lieu à un autre, sans francliir successivement tous les points géométriques de la route. Or, le mouvement implique une progression, si rapide soit- elle, qui est étrangère aux lois de la pensée. Celle-ci ne connaît rien, ni du temps, ni de l'espace. D'ailleurs Kardec ne dit-il pas que Fesprit est enveloppé d'une substance vapo- reuse? Or, il faut à la vapeur la plus ténue un temps appréciable pour aller d'un point à un autre, et ce temps augmente suivant la distance à parcourir. Ou les esprits d'Allan Kardec sont revêtus de matière et alors ils ne sauraient se transporter avec la rapidité de la pensée, ils peuvent ainsi voyager, et alors ils ne sont revêtus d'aucune enve- loppe matérielle. Il faut choisir, car la pro- position formulée par Kardec est contra- dictoire.

« Les espiits sont créés égaux, assure (( Allan Kardec, mais ne sachant pas d'où (( ils viennent, il faut que le libre arbitre « ait son cours. Ils progressent plus ou « moins rapidement en intelligence, comme « en moralité. L'état de l'âme à sa première « incarnation est analogue à celui de l'en

132 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

i< lance. A mesure qu'ils avancent, les v< espriiô comprennent ce qui les éloignait «, de la perfection. Un esprit peut rester « stationnaire, mais il ne rétrograde pas. » A ce compte, la Grèce d'anjourd'hui se- rait plus intelligente qu'aux temps d'Homère et de Socrate, et la France, moins immo- rale qu'elle n'était il y a quinze cents ans. D'autre part, peut-on raisonnablement qua- lifier de progrès le changement qui s'est opéré dans l'un et l'autre pays ? Nous ne le croyons pas. Or, s'il est admis que des nations entières peuvent déchoir, se dégra- der, tomber et disparaître, que vient-on nous dire en affirmant que les esprits peu- vent rester stationnaires, mais qu'ils ne rétrogradent jamais ? L'auteur du Livre des Esprits se fait une idée fausse quant aux causes réelles de notre civilisation. Il y a progrès, en effet, si nous envisageons l'ensemble des faits se rapportant à la vie moderne, mais il n'a pas su voir la source de ce progrès. C'est aux vérités acquises, à l'action lente des siècles, que nous sommes redevables des bienfaits de la civilisation, et non à l'influence des esprits

LA DOCTRINE d'aLLAN KARDEC 133

qui reviennent parmi nous plus éclairés à chaque nouvelle incarnation. C'est le fruit de l'expérience des temps, et l'héri- tage des peuples qui se succèdent les uns aux autres. C'est la somme de connaissances léguée par nous à nos enfants, somme plus grande que celle qui nous a été transmise par nos pères. La civilisation morale ne peut être considérée que comme le but même de la durée des nations; ceux qui la nient ou qui voudraient entraver sa marche, méconnaissent l'humanité dans son carac- tère distinctil, le perfectionnement, et outra- gent le ciel même dans son plus noble ouvra- ge, l'homme. Quant à la civilisation maté- rielle, autrement nommée l'industrie, les moralistes la redoutent, les philosophes la dédaign nt, les économistes l'exaltent, mais ils sojit loin de s'entendre encora sur les moyens d'assurer ses progrès, de régula- riser ses écarts, de prévenir ses vicissitu- des, et même, il faut le dire, de prouver ses bienfaits.

Allan Kardec pousse la hardiesse jusqu'à prétendre que la moralité des parents n'in-

J34 LA LUMIÈRE ET LES 0MBRE:3 DU SPIRITUALISME

flue en rien sur celle de l'enfant, que l'hé- rédité, l'atavisme sous ce rapport, n'existe pas. C'est ainsi qu'il dit :

D. « Les parents transmettent souvent c( à leurs enfants une ressemblance physique. K Leur transmettent-ils aussi une ressem- c( blance morale ?

R. (( Non, puisqu'ils ont des âmes ou « des Esprits différents. »

Ainsi, les plus savantes recherches ne comptent pour rien. Les milliers de cas bien avérés, et qui prouvent à n'en plus douter, que les caractères moraux et intel- lectuels se transmettent aussi bien que les caractères physiques; que l'ivrognerie chez le père peut déterminer un penchant ana- logue chez l'enfant; que l'effroi chez la mère enceinte peut amener chez l'enfant une timidité nerveuse excessive; que certains talents descendent de père en fils, de même que certaines formes particulières de la folie ; tous ces faits sont nuls et non avenus pour Kardec. Je doute que ceux qui se sont livrés à l'étude de la pathologie mentale ou à l'anthropologie s'inclineront devant une doctrine qui soutient que les parents ne

LA DOCTRINE d'aLLAN KARDEC 135

peuvent transmettre qu'une ressemblance physique. Dans la famille de Bach il y eut trente-deux musiciens : d'où viennent les vocations. Les dispositions moi'bides se transmettent parfaitement bien, quoi qu'en dise le chef reconnu des réincarnationnistes. Tout se réduit à une transmission de modifications anatomiques primitives ou acquises, par n'importe quel procédé, par l'éducation entre autres.

Ailleurs, le maître enseigne à S3s élèves que les esprits incarnés ne conservent aucun souvenir du passé. Toutefois, nous trouvons, dans une autre partie de s^on catéchisme, renonciation du dogme suivant :

D. « L'esprit d'un enfant mort en bas « âge est-il aussi avancé que celui de <( l'adulte?

R. « Quelquefois beaucoup plus, car il « peut avoir beaucoup plus vécu et avoir « plus d'expérience, si surtout il a pro- « giessé. ))

Ici, la contradiction est flagrante. Si, comme Kardec l'assure, l'esprit incarné ne conserve aucun souvenir du passé, à quoi

136 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

donc peut bien lui servir l'expérience d'une vie antérieure? Cela revient à dire que l'enfant peut-être plus avancé que l'adulte, parce qu'il sait quelque chose qu'il a oublié!

D. (( Les êtres que nous appelons anges, «archanges, séraphins, forment-ils une (( catégorie spéciale d'une nature différente (( des autres Esprits?

R. c( Non, ce sont les purs esprits : « ceux qui sont au plus haut degré de « l'échelle et réunissent toutes les per- ce factions. »

Que reste-t-il donc à Dieu quand ces enfants atteignent le dernier échelon du progrès, qu'ils réunissent en eux toutes les perfections? La créature se fait l'égale du Créateur. Ce qui n'empêche pas notre auteur d'ajouter dans une autre partie de son ou- vrage : (( Les esprits sont l'œuvre de Dieu, « absolument comme un homme qui fait (c une machine. La machine est l'œuvre de « l'homme, mais elle n'est pas l'homme. » Depuis quand donc l'œuvre du mécanicien est-elle prise en aussi haute estime que l'homme qui a fait la machine? Et depuis

LA DOCTRINE D^ALLAN KARDEC 137

quand voyons-nous l'œuvre de ses mains s'améliorer au point qu'on la puisse compa- rer à l'homme lui-même?

Mais notre étonnement redouble lorsque Kardec nous apprend que la réincarnation n'est autre chose que la résurrection dont parle l'Ecriture. Il dit : « Les paroles mêmes de Jésus ne peuvent laisser de doute sous ce rapport. Voici ce qu'on lit dans l'Evangile selon Saint-Jean : « Jésus « répondant à Nicodème, dit : En vérité, en y( vérité je te le dis, que si un homme ne « naît de nouveau, il ne peut \'oir le royaume « de Dieu. Nicodème lui dit : Comment un « homme peut-il naître quand il est vieux? « Peut-il rentrer dans le ventre de sa mère, « et naître une seconde fois? Jésus répondit : « En vérité, en vérité je te dis que si un (( homme ne naît d'eau et d'esprit, il ne peut « entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui « est de la chair est chair, et ce qui est « de l'esprit est esprit. Ne t'étonne point « de ce que je t'ai dit : il faut que vous « naissiez de nouveau. )>

Et voilà sur quoi repose cette nouvelle

138 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

théorie de la pluralité des existences. Voilà les textes qu'on produit à l'appui de cette singulière doctrine. Et lorsque nous nous avisons de demander une preuve, une seule, à condition qu'elle soit concluante et bien attestée, voici le genre de pâture spirituelle qu'on s'empresse de nous servir : « Quand je vis Katie pour la première lois, une sympathie spontanée, extraordi- naire, nous attira l'un à l'autre. Je ques- tionnai mes guides spirituels. J'appris que nous nous étions liés d'étroite amitié en Turquie, elle était esclave. Il y avait de cela une centaine d'années. Elle s'appelait alors Sulmé, et était morte jeune, de mort violente... Sans lui faire part de ces faits, j'essayai de réveiller en elle ces souvenirs anciens. Je la suppliai de se reporter en arrière par la pensée, de fouiller son exis- tence passée, et de chercher à se ressou- venir de moi dans un pays très-lointain (dont je lui marquai les aspects saillants, le caractère exotique), lui demandant, par la même occasion, si le nom de Sulmé ne réveillait aucun écho dans son cœur ou son esprit. Voici la réponse qu'elle m'adressa :

LA DOCTRINE d'aLLAN KARDEC 139

Mon cher ami, je désire beaucoup vous voir avant mon départ. Pouvez-vous venir? Je ne me rappelle rien quant à une existence antérieure, mais il me semble que je vous ai connu. Tâchez devons rappeler et com- ment. Le nom que vous me citez ne m'est pas inconnu, mais je ne sais plus je l'ai entendu. Pourquoi ne puis-je me rappeler?)) C'est le prince E. de W. qui parle. Katie la dame soi-disant médium est la Sulmé que le prince avait connue si intimement au cours d'une incarnation précédente et qui fut exposée dans des frauds. Depuis qu'on lui a enlevé son prestige, elle s'est retirée des affaires.

J'ai connu un homme qui, à une époque antibabylonienne, croyait avoir séjourné de longs siècles au sein de la terre, sous la forme d'un métalloïde, le soufre. C'est à cette circonstance insolite, et à celle d'avoir été subséquemment incarné dans le corps d'un tigre royal, qu'il attribuait son tempé- rament fougueux, emporté. J'en ai connu un autre qui se rappelait fort bien avoir été une lame d'acier. Je me permettrai aussi

140 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

d'assigner ici une place toute spéciale à une blanchisseuse, qui a un vague souvenir d'avoir été une fois reine...

La doctrine d'Allan Kardec n'a-t-elle donc rien à offrir en dehors de pareilles illusions pour justifîei ses insignes préten- tions ?

Rien.

C'est un rêve, une hallucination comme tant d'autres. Son étrange captive tout d'abord les esprits enthousiastes ; mais, sitôt qu'on en recherche les principes, elle apparaît alors dans tout l'éclat de sa pitoyable insuffisance.

Kardec nous fait l'effet d'un écolier du moyen âge, disciple convaincu de saint Thomas d'Aquin, qui reviendrait au dix- neuvième siècle troubler les recherches d'un groupe de savants positivistes parce qu'on ne voudrait pas disputer avec lui suivant les règles d'Aristote, Il tient en sa main dextre un parchemin superbement enluminé et qui porte en gros caractères ces mots énigma- tiques: «Ma mission est double: je prends la, place du Christ, et je confonds V identité

LA DOCTRINE d'aLLAN KARDEC 141

de la créature.^) Vous vous hasardez, timide- ment, à demander au prophète : « Comment puis-je savoir ces choses ? Quelle preuve avons-nous de cette vie antérieure que vous nous annoncez ? Pourquoi l'esprit incarné perd-il le souvenir du passé ? » Le spectre alors prend son Liure des Esprits, le feuil- lette, et vous montre du doig't cette vieille, vieille formule, aussi vieille que l'antique superstition : « L'homme ne peut et ne doit pas tout savoir ; Dieu, dans sa sagesse, l'a ainsi ordonné. »

142 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

VIII

La manie

Nous touchons au domaine de la méde- cine. On a beaucoup étudié les maladies mentales? Or, en sommes-nous de tant d'efforts? A l'heure qu'il est, plus la lumière se fait grande pour nous aider, plus l'ombre nous envahit de toutes parts.

A quel moment précis commençons-nous et à quel moment précis cessons-nous d'être moralement responsables de nos actes ?

Nous raisonnons, quant aux autres, par induction ; nous leur prêtons les qualités d'esprit que nous avons ou ce qui est tout un que nous croyons avoir. Par malheur, l'absence de données peut intro- duire à une conclusion erronée et souvent

LA MANIE 143

nous sommes entraînés dans les recherclies l'esprit humain est facilement induit en en orreui'.

La métapîiysique, ce roman de l'âme, a de tout temps fasciné l'esprit de mirages décevants. Elle livre la clef des champs au royaume du doute. On s'égare dans ses froids brouillards, on s'épuise sous ses cieux torrides. C'est un arbre à frondaison magnifique, mais sans fruit, dit Bacon, parlant de ce que nous appelons aujourd'hui la philosophie. Les recherches purement- métaphysiques restent et resteront toujours lettre morte si elles ne sont soutenues par les révélations d'un autre monde.

On a cherché de nos jours à pénétrer le plus avant possible dans le labyrinthe touffu de la folie ; plus on y avance, moins on y voit clair, de l'aveu des meilleurs guides. L'âme est trop subtilement, trop merveil- leusement faite pour qu'il soit jamais donné à l'hom.me d'expliquer môme ses carac- tères purement morbides. Si le cas est très accentué, les praticiens sont tout de suite d'accord. Quand un homme fait sans raison du tort à un autre homme, on se rend assez

144 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

vite compte s'il est ou non responsable de ses actes.

Mais lorsqu'une quantité de faits et de symptômes se heurent et se croisent, dont quelques-uns semblent établir d'une manière certaine que la raison n'a nullement abdiqué son empire, alors que d'autres viennent non moins sûrement attester sa perte, c'est alors que les médecins aliénistes sont peu d'accord pour décider jusqu a quel point l'équilibre est rompu dans le fonctionne- ment normal d'un cerveau humain.

Chez les uns, quelque brillante qualité de l'esprit va toujours en augmentant, tandis que le reste du cerveau reste atrophié ; chez les autres, pour peu que le ver soit dans le fruit, la partie malade s'étend de plus en plus, gagne la raison toute entière, et finit par affecter tous les actes de la vie. C'est ici que l'humaine philosophie est le plus sou- vent en défaut. Les personnes ainsi atteintes semblent vivre de la vie ordinaire. Aucun magistrat ne rejetterait le témoignage de ceux dont je parle ; ils peuvent se marier, hériter, se livrer au commerce, et faire toutes les affaires de la vie quotidienne.

LA MANIE 145

Leurs plus proches parents et amis peuvent ne rien voir en eux qui soit d'une nature exceptionnelle. Et pourtant, il est là, le poison, invisible, mais agissant sûrement au-dessous de la surface, exerçant son in- fluence néfaste sur tous les actes de la vie. Lorsque enfin la crise se produit, quelque action terrible vient épouvanter le monde, et alors mille langues et autant de plumes commencent inutilement à discuter quant à la condition mentale de celle qui a fait l'éclat. Et c'est généralement par le suicide que cette maladie de 1 ame finit.

Je ne sais si en Angleterre ou sur le con- tinent d'Europe aucun cas de suicide ait été mis au compte du spiritualisme. Même aux Etats-Unis le nombre de ses victimes n'est pas grand. C'est un sujet dangereux, toutefois, que cette doctrine, pour ceux qui sont affectés cérébralement. Elle entraîne aune espèce de faux enthousiasme qui, avec les années, devient de plus en plus désor- donné et inconscient. Pour cette classe d'esprits, les périls qu'elle offre sont spé- cialement à craindre lorsqu'il y a commu-

10

146 LA. LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

nion réelle avec l'autre mondo. L'imagina- tion exaltée du voyant le porte à embellir ce monde des plus brillantes couleurs. A chaque fois qu'il est assailli des misères de la vie, il n'a qu'une aspiration, celle de se réfugier dans l'idée du bonheur qui existe pour lui dans une autre sphère. Aussi, cette aspiration continuelle vers les joies entre- vues de l'immortalité, et l'espoir d'y attein- dre par le suicide, fait que, par la suite, l'être obsédé n'a plus qu'un désir irrésisti- ble, celui d'attenter à ses jours. Il se peut qu'une grande douleur, quelque épreuve difficile à supporter vienne, à ce moment, assombrir sa vie. Alors un intérêt public s'attache au nom de l'homme ou de la femme qui s'est donné la mort. Dans ce cas il n'est pas besoin d'une intervention spiritualiste. Dans les quelques rares suicides attribués à des gens qui professaient le spiritualisme, nous ne trouvons pas un seul exemple de fin prématurée qui s'explique d'une manière satisfaisante par cette théorie que la mort aurait été provoquée par les suggestions pernicieuses d'êtres dématérialisés. L'hy- pothèse, je l'admets, est plausible; mais je

LA MANIE 147

ne la considère nullement probable en géné- ral, et clans les cas spéciaux (dont je fais grâce au lecteur, en raison de leur carac- tère tragique), j'ai iieu de croire que les témoignages sont insuffisants et que la preuve n'en a pas été faite. Les noirs déli- res, poussés jusqu'à l'exagération dans une direction spéciale au prix des autres attri- buts, et jusqu'à détruire l'équilibre de l'in- tellect, de sorte que le malade n'est plus responsable de ses actes, voilà les véritables instigateurs qui poussent au suicide leurs tristes victimes. Cet élan vers un autre monde, source ineffiible de divine consolation pour tant de personnes, n'a été pour eux qu'un moyen de pousser jusqu'à la frénésie le malaise premier de leur cerveau. L'espoir farouche départager sans retard les joies de l'autre monde a fait qu'ils ont déserté avant leurs compagnons d'infortune, passant de la vie à trépas par ce sombre carrefour du suicide, exemple attristant du mal, qui est le résultat d'un esprit faible et enthousiaste s'abandonnant trop exclusivement à une idée absorbante.

148 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

IX

Les Sceptiques et les Preuves

Certains spiritualistes ont étonné bien des personnes, ces temps derniers, en disant que la meilleure manière d'établir la vérité du spiritualisme, c'est d'empêcher tout con- trôle relativement aux faits qui s'y ratta- chent. Aucun examen, disent-ils, ne doit être admis lors d'une séance. Il n'y aura pas de lumière ; on n'admettra comme specta- teurs que ceux dont la crédulité est connue, dont l'enthousiasme n'est pas feint.

Les défenseurs de phénomènes suspects, et les médiums plus suspects encore, nous viennent pour .la plupart de cette classe nombreuse de gens.

Ceux qui désirent faire le plus de mal à

LES SCEPTIQUES ET LES PREUVES 149

notre cause n'ont qu'à propager autant que possible de pareilles doctrines, dont Ténor- mité saute aux yeux.

Le spiritualisme est en général si peu à l'unisson des idées populaires, que cent écoles diverses ne s'entendent en rien quant à leurs croyances respectives, l'ac- cord le plus parfait se met tout de suite dans les rangs s'il s'agit de faire opposition à la doctrine nouvelle. Ses partisans ne doivent donc bâtir que sur le granit. La parabole des deux maisons trouve ici son application. Ceux qui n'acceptent aucun fait que le moindre doute entache ; qui soumettent, .tant les médiums que les esprits, à l'examen le plus sévère ; qui ne se laissent entraîner ni à l'enthousiasme ni par l'esprit de parti ; qui recherchent la vérité, et rien que la vérité : voilà les spiritualistes dont le monde des esprits a lieu d'être fier. Leurs efforts tendent sûrement à bâtir une maison sur le roc.

Il y en a d'autres, au contraire, dont le seul but semble être de bâtir sur le sable. Ils nous disent qu'ils ontà cœur d'avancer la

150 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

cause de la vérité, et leur vie se passe à faire un tort considérable à la cause. Rien n'est trop mauvais comme matériel à cette classe d'entrepreneurs. Ils bâtissent, grâce à quelques séances obscures, à quelques phé- nomènes douteux, dont on a parlé avec un enthousiasme sans bornes, une maison qui, pourvu que l'aspect en soit ébl uissant, tiendra toujours, suivant eux, assez long- temps debout, si fragiles qu'en soient les fondations. En tous cas, la crédulité du public sera pour la cimenter à nouveau en cas d'accident.

Ce spectacle fait la honte et le dégoût de ceux qui s'efforcent vainement de prémunir les dupes dont on exploite ainsi la trop facile bonne foi. Plus obstinés que l'homme des Ecritures, les spiritualistes en question ne sont pas même convaincus de leur folie alors que la rafale a balayé la frôle construc- tion qui leur a coûté tant d'efforts. Ils se remettent bien vite à édifier quelque autre maison aussi instable que la première, et la montrent du doigt sitôt terminée, en vous demandant assez naïvement quel mal on a pu leur faire.

LES SCEPTIQUES ET LES PREUVES 151

D'autres encore vont plus loin, si c'est possible. On la peut détruire, leur maison, de fond en comble ; cela ne les empoche pas pour s'éviter l'ennui d'en bâtir une nouvelle, d'affirmer impudemment, à qui veut les écouter, que l'ancienne bâtisse est toujours là. Ceci revient à dire que l'enthousiaste trouvera tout de suite les meilleures raisons du monde pour défendre son médium, s'il y a eu supercherie, et prouver quand même la valeur de sa théorie, alors que celle-ci aura été renversée. Et ce sont les personnes qui s'efforcent d'éloigner de leurs séances ceux qu'on appelle « les ennemis scientifi- ques et les amis chicaneurs. » C'est-à-dire qu'au lieu de laisser se g-lisser l'imposture comme un voleur la nuit, on ne trouve rien de mieux à faire que de lui faciliter l'accès de la maison en lui ou vivant toutes grandes les portes.

Il y a aussi un peu de bassesse dans leur manière d'expliquer l'imposture, car ils ont, ces philosophes, une façon peu chevaleres- que d'attaquer ceux qui ne peuvent se défen- dre. En effet, pour blanchir quelque nègre de médium, ils noircissent le monde des

152 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

esprits. Ainsi, une supercherie se produit. Nul être n'y est pour rien. On s'empresse^ néanmoins, d'incriminer les esprits qui sont condamnés sans même avoir été entendus, sans l'ombre de preuve contre eux.

Nos adversaires ne se sont pas fait faute de voir la faiblesse et l'injustice de s«3mbla- blés théories. Y a-t-il eu mensonge lors d'une séance? ce sont tout de suite les mau- vais esprits. La forme matérialisée corres- pond-elle par trop à la forme passive ? ce sont les mauvais esprits. Rallumo-t-on trop vite le bec de gaz pour nous faire voir le médium non plus assis, mais debout, et cherchant à se débarrasser de ses liens? encore les mauvais esprits. L'être sensitif et favorisé est-il un ivrogne? toujours les mau- vais esprits. De même pour le reste. La cré- dulité aveugle est la seule voie qui s'offre à eux. Pour ce qui est d'une preuve, vous n'en aurez jamais.

Il n'en est pas ainsi pour la doctrine prise dans son ensemble, heureusement. Ceux qui soutiennent efficacement la cause n'ac- ceptent point la foi aveugle pour seul guide.

LES SCEPTIQUES ET LES PREUVES 153

A cet égard, un écrivain éminent, M. Hudson Tuttle, exprime fort bien les vues de ceux qui recherchent la vérité en matière de spiritualisme. Voici ce que dit cet éloquent défenseur dans un article inti- tulé Le Sacerdoce des Médiums :

« La Banner, dans son numéro du 26 fé- vrier 1876, contient un article de T. R. H. qui tend aux conclusions les plus erronées. Le pis, c'est que M.... dit tout haut ce que chacun pense tout bas. Il a été cent fois répété que les phénomènes spirituels avaient pour but de convaincre Tincrédule. Pour convaincre, il faut que les phénomènes puis- sent se produire, et qu'on en ait la preuve, sans troubler les lois qui président à leur manifestation. Or, M...., à l' encontre de toute science, dit :

« Le jour n'est pas éloigné, j'espère, « les médiums auront, en général, une « valeur, une indépendance sutîisante pour « dénier à tous le droit d'exiger une preuve « quelconque quant à leurs pouvoirs di- vins. »

c( C'est la première fois que nous voyons attribuer aux médiums un pouvoir trop

154 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

sacré pour admettre la contradiction. cela nous mènc-t-il? Au culte du médium. Doit-on, comme chez les anciens Lévites, créer une classe spéciale, qui se mettra au-dessus des lois régissant la généralité des hommes, et devons-nous, lesyeux fermés, accepter tout ce qu'il leur plaît d'appeler spirituel? Mais le pape se fait pygmée au- près du colosse qui veut ainsi s'ériger au- dessus du jugement de tous, mettre un bandeau aux yeux de la raison, et faire que des marionnettes, partisans de sa doctrine, dansent au gré du médium qui tient les fils! Si c'est la but du spiritualisme, nous en verrons bientôt la fin.

« Nous osons avancer que les épreuves strictement scientifiques imposées par le professeur Crookes, et la rectitude de ses observations, ont fait plus pour impression- ner le monde savant, que toutes les lettres de louanges d'un nombre quelconque de chercheurs ordinaires. Il n'y a pas de spi- ritualiste qui ne parle avec un légitime orgueil des magnifiques investigations du célèbre professeur.

« Mais toutes les preuves sont inutiles

LES SCEPTIQUES ET LES PREUVES 155

pour l'incrédulo ; elles ne pèsent pas une once dans son appréciation des manifestations, qui, assure-t-on, sont données au monde surtout à son profit.

ce J'ai quelque peu étudié les phénomènes spirituels, et personne ne m'accusera de rechercher systématiquement à faire du tort à la cause qui m'a pris les meilleurs mo- ments de ma vie, ni de vouloir chercher à imposer des conditions contraires au fluide spirituel. C'est parce que j'aime le spiiitua- lisme que je voudrais le voir dépouillé de tout mensonge, affranchi de toute accusation de fausseté.

« Le professeur Crookes, comme chacun sait, a placé une cage autour des instruments de musique, qui jouèrent néanmoins des airs ; ce fait prouve suffisamment que le pouvoir spirituel peut agir au travers de ces cages. Pourquoi dès lors ne pas toujours placer une cage pareille autour des instru- ments, laquelle sera scellée à une table? Si, dans ces conditions, des airs se font enten- dre, il n'y aura lieu à aucune dispute. Ou bien, pourquoi ne pas isoler le médium delà niême manière? Pourquoi laisser un pré-

156 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

texte à ceux qu'il faut convaincre ? Et pour- quoi, surtout, qualifier de (aux frère celui qui propose des mesures de contrôle aussi sûres ?

(c Lorsqu'un médium se dérobe à une épreuve que ma propre expérience, alliée à celle des autres, sait ne faire aucun tort aux manifestations, je m'empresse de mettre un terme à toute espèce d'entretien avec lui.

« J'avoue ne point comprendre pourquoi l'honnête médium résisterait à l'idée de cer- taines conditions d'épreuve qu'on veut lui imposer. A coup sûr rien ne saurait lui être plus important que la complète élucidation de la cause qu'il défend ; la cause ne peut qu'y gagner et il doit tenir à honneur de placer toute observation sur un terrain absolu. Et alors même qu'on aura une fois contrôlé les manifestations d'un médium, ce u'est pas une raison pour que d'autres mani- festations soient admises comme vraies, si les mêmes précautions de c>.ntrôle n'ont pas été adoptées. »

La science est la classification des faits correctement observés. Le spiritualisme revendique une place parmi ceux-ci, et la

LES SCEPTIQUES ET LES PREUVES 157

tâche desspiritualistesestde légitimer cette prétention. Le but ne sera atteint que si on soumet au plus strict contrôle les conditions qui président aux manifestations. Il va de soi que, sans môme en faire la preuve, toute autre manifestation collatérale acquiert d'em- blée une valeur, une conséquence qui dé- pend, non d'elle-même, mais des manifesta- tions analogues déjà reconnues.

Le Spmtual Scientist de Boston démas- que M. T...-H..., qui, dans un article inti- tulé Matérialisation, va jusqu'à dire :

« Celui qui préside à la séance du côté des esprits (sic) veut bien admettre les scepti- ques de profession, et leur octroyer le droit d'inspecter l'intérieur de la chambre et du cabinet les phénomènes de matérialisa- tion auront lieu, mais à condition qu'un spi- ritualiste de confiance les accompagne dans leurs recherches ; il leur permettra, en outre, d'assister à la séance, mais en dehors du cercle, à dislance du fil de fer, s'ils consen- tent au préalable à se laisser fouiller, et à se placer ensuite pieds et poings liés dans une forte cage en fil de fer, avec une corde ou

158 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

chaînette serrée autour du cou, et passée dans un anneau scellé au mur. )>

C'est à coup sûr le comble do la démence. Aussi ai-je peine à croire qu'un homme dans son état normal puisse aller jusqu'à formuler une proposition comme celle qu'on vient de lire. Quoi ! le professeur Huxley, par exem- ple, s'il désire assister à une séance, ne sera admis à le faire que s'il consent tout d'abord à se laisser fouiller! Quoi! le docteur Car- penter ne sera admis à vérifier sa théorie de la céi'ébration inconsciente que dans une cage, pieds et poings liés et une chaîne au cou! Et c'est ainsi que, comme les martyrs, nous sommes livrés aux bêtes. Si l'on croit avec de pareilles âneries avancer la cause du spi- ritualisme, c'est tant pis pour ceux qui se l'imaginent.

Le Spiritualist, dans son numéro du 23 juin 1876, contient des aperçus un peu plus éclairés sur la question qui nous occupe. Il y est dit, entre autres choses :

« Pour ce qui est des manifestations physiques lors d'une séance, l'expérience nous a démontré qu'il y a lieu de regarder

LES SCEPTIQUES ET LES PREUVES 159

de très près, avant de livrer les laiis à la publicité... Les faits qui se rattachent à la matérialisation sont trop innportants pour être publiés sur le seul témoignage d'une observation douteuse. Aussi lesspiritualistes expérimentés se gardent-ils de reconnaître comme véridiques les manifestations physi- ques (full-form) qui se produisent chez un médium, lorsque celui-ci se sert d'une chambre ordinaire en guise de cabinet. »

Fort bien. Mais les raisons données par l'écrivain, à l'appui du contrôle sérieux qu'il réclame en matière de manifestation, ne sont pas valides. Il dit :

« Les esprits qui produisent les phéno- mènes de matérialisation sont pour la plu- part espiègles. Il arrive souvent que des esprits arriérés (un-progressed) se présen- tent à une séance et parviennent à s'impo- ser. C'est un fait non moins curieux que si le médium à son tour se met en tête de faire des farces, il y aura des esprits pour le seconder. »

Est-ce bien vrai,- tout cela? En tout cas, nous en demandons la preuve. Ici le pour et

160 LA. LUMIÈRE ET LES OMBRES DU S P IRITUA.LLSME

le contre se coudoient. C'est depuis peu d'années qu'on entend parler de ces esprits espiègles. Il y a quinze ou vingt ans, un char- latan, sous prétexte de produire des phéno- mènes spirituels, était pris en flagrant délit de supercherie, il se résignait à subir en silence les conséquences qui résultaient pour lui de sa fourberie. Si les fraudes ré- cemment découvertes doivent se rapporter à l'influence perverse de certains esprits, pourquoi alors dans les commencements historiques du spiritualisaie ces fraudes n'étaient-elles pas attribuées à la même in- fluence? Et si les médiums trompeurs des premiers jours avaient été des instruments inconscients aux mains d'esprits pervers, n'aurait-on pas découvert ce fait, et ne l'au- rait-on pas proclamé sur tous les tons ? Ou bien, faut-il admettre que les gens qu'on démasquait ainsi, forts de leur conscience, qui ne leur reprochait rien, faisaient volon- tiers le sacrifice de leur bonne réputation pour sauvegarder celle de leurs gardiens? Ce n'est pas probable, et d'ailleurs, c'eût été absurde, théoriquement. Non. C'est qu'on n'avait pas trouvé, il y a quinze ou vingt

LES SCEPTIQUES ET LES PREUVES 161

ans, ce prétexte commode, ou, l'ayant trouvé, n'osait-on pas encore espérer rencontrer des spiritualistes assez ineptes pour admettre la possibilité de pareilles calomnies sur le compte du monde des esprits.

On a prétendu qu'une matière colorante pouvait être transmise au médium par la main ou la forme matérialisée. C'est la pre- mière découverte qu'on ait faite dans l'in- térêt du médium. Malheureusement c'est encore une fable. Certains comités se sont avisés de mettre, en cachette, de la peinture sur les instruments de musique dont on se servait dans les séances sans lumière. Habi- lement brandillés et vigoureusement secoués pour en faire jaillir des sons, ces instru- ments laissaient, en effet, aux mains du médium, ou de celui qui s'intitulait tel, des taches de peinture qu'on regardait comme, autrefois, les stigmates de saint François. Spiritualistes et sceptiques dénoncèrent l'imposture. Plus tard, quelque gobe-mou- ches fit les délices de ses partisans enthou- siastes en leur donnant une explication quel- conque de ce phénomène hyperphysique.

11

162 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

C'était la première fois qu'on leur servait ce plat d'un nouveau genre ; aussi le reçurent- ils avec ravissement.

Le succès éveilla des imitateurs.

Alors s'établit toute une race nouvelle de spiritualistes, dont l'unique préoccupation se bornait à soutenir cette théorie para- doxale, que lorsqu'il y avait supercherie, et que les médiums intéressés semblaient de- voir être les coupables, ils étaient certaine- ment innocents; et réciproquement lorsque les esprits paraissaient être innocents, ils étaient certainement coupables. Ces subtiles faux-fuyants nous arrivent aujourd'hui en nombre pareil à celui des feuilles d'automne à Valombreuse. En voici un échantillon, que nous trouvons dans la Banner ofLight, Ce titre bannière de lumière ne sem- ble-t-il pas une amère ironie ?

(( L'emploi des organes physiques d'un médium dans ce qu'il est convenu d'appeler une manifestation spirituelle, peut faire croire à des intentions ou à des actes frau- duleux de sa part, mais il ne s'ensuit pas, rigoureusement, que le médiun soit coupa- ble ; il se peut même qu'un esprit ait pro-

LES SCEPTIQUES ET LES PREUVES 163

duit le résultat obtenu. Examinons ensem- ble le cas et raisonnons logiquement.

(( Il est généralement admis qu'une per- sonne ayant l'usage de ses sens, doit être considérée comme responsable de ce que dit sa langue et de ce que fait ses mains ; c'est un axiome si bien recon- nu, qu'il est accepté sans contestation. La proposition est indéniablement juste pour ceux qui ne sont pas doués médiani- miquement ; de même que pour tous ceux dont les organes physiques ne sont soumis à aucune force volitive, si ce n'est celle qui leur appartient en propre. Mais aussi cette classe n'embrasse pas le genre humain ; il y a lieu de craindre qu'en la généralisant, cette proposition n'englobe des êtres qui ne soient point du tout soumis' aux mêmes lois physiques que celles qui régissent leurs semblables.

(( Que les mains d'un médium soient em- ployées à semer des fleurs dans une cham- bre, à saisir des poupées, à obtenir des moules à la paraffine, ou autrement occu- pées, de manière à éveiller des doutes quant à la réalité des phénomènes, voilà (quoi

164 LA I-UMIÈKE ET LES OMBRES DU SPIRITT ALISME

qu'on en dise) des faits un peu en dehors de la question, surtout s'il s'agit d'un vrai médium. Si un esprit fait usage des mem- bres d'une personne en crise somnambuli- que, l'œuvre, quelle qu'elle soit, sera aussi bien l'œuvre d'un esprit dominateur, que si celui-ci faisait la même chose sans avoir recours aux membres de cette personne, et le médium sera très bien admis à déclarer qu'il n'est pour rien dans l'œuvre produite, qu'il n'y a pas eu consentement de sa part et qu'il ne saurait être tenu pour responsable de faits commis en dehors de son librearbitre. »

Par malheur, ce fin morceau de logique captieuse n'a qu'un défaut. Il pèche par la base. Le bel échafaudage s'écroule devant une seule petite objection, qui se trouve formulée dans cette phrase qui ouvre la ci- tation : (( L'emploi des organes physiques d'un médium, etc. )> L'argumentateur voit la faiblesse de son raisonnement, et il cher- che à s'en tirer en disant : « Que les mains d'un médium soient utilisées à faire ceci ou cela..., voilà des faits en dehors de la ques- tion...» Vraiment! Eh bien! oui, admet- tons que le médium soit si bien endormi.

LES SCEPTIQUES ET LES PREUVES 165

que l'action de ses mains se produise mal- gré lui. Je ne vois pas que cette supposi- tion suffise pour le disculper de la super- cherie qu'on lui reproche. D'où viennent donc, s'il vous plait, les fleurs, les poupées, les moules à la paraffine, les masques, les châles, etc., qui constituent les objets du dé- lit? Est-ce aussi quelque esprit dominateur qui les aura fabriqués et apportés ? Ou bien, ne viennent-ils pas plutôt des coins lo prétendu médium les aura cachés avant la séance ? Et l'imposteur, lorsqu'il les a ainsi cachés, étail-il en crise somnambulique? Je ne le crois pas. Et je crois même que si on eût fouillé le médium avant la séance, on eût trouvé tous ces petits appareils soigneuse- ments dérobés aux yeux du public dans les replis de ses vêtements, ou bien dans quel- que coin de la pièce il opère.

Il y a donc deux catégories de spiritualis- tes : ceux qui recherchent la vérité, et ceux qui la déguisent.

Le premier dit à l'incrédule : «Voyez, examinez par vous-même, et, si la preuve vous est suffisante, croyez. »

1G6 LA LUMIÈRE ET LES OMBRE&i DU SPIRITUALISME

Le second dit : « Croyez, et lorsque vous nous aurez donné des gages suffisants d'en- thousiasme et de crédulité, nous vous ad- mettrons à examiner un peu ; mais n'allez jamais jusqu'à en exiger davantage. »

Le premier dit : (( Ces phénomènes doi- vent être soumis à des conditions d'examen scientifiques. »

L'autre dit : « Le jour n'est pas éloigné où, je l'espère, les médiums refuseront à qui que ce soit le droit d'exiger une preuve quelconque de leurs pouvoirs divins.»

Le spiritualisme, dans de telles condi- tions, ne représentera qu'un vaste champ de corruption et de ridicules absurdités.

Il est triste de voir qu'une grande et consolante vérité soit souillée par des abus ; mais je suis sûr qu'en abolissant les séances sombres, et en insistant sur les recherches scientifiques, le mal tombera et les fraudes cesseront. Tant qu'il y aura mystère, il y aura soupçon.

ABSURDITÉS 167

X

Absurdités

Sous prétexte de spiritualisme, il y a des gens qui se livrent à toutes les folies.

C'est surtout aux séances l'obscurité est de rigueur, qu'on voit s'épanouir les pa- rodies qu'on décore du nom de manifes- tations surnaturelles. La plupart sont comi- ques, et généralement taillées sur le même patron. On y évoque le plus souvent une forme matérialisée de quelque grand person- nage devant un petit groupe de spectateurs ébahis. Et quels singuliers costumes ils endossent pour la circonstance, ces esprits ! Cromwell, par exemple, y affecte surtout une calotte de mousseline blanche, un com- plet de velours noir, des bottes jaunes à

168 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

i'écLiyère. Et si son tailleur s'entend si peu à l'habiller, son cordonnier s'entend encore moins aie chausser; car, une fois, en frap- pant du pied comm'^ pour dissoudre le Par- lement britannique, il perdit sa botte et dut se baisser pour la remettre. Notre héros se dandina quelques instants autour d'une table, assez gauchement d'ailleurs, embrassa l'un après l'autre tout le m.onde, hommes et femmes, puis s'en retourna gravement d'où il était venu.

L'Italie semble rivaliser avec l'Angle- terre et les Etats-Unis à ce genre de mani- festations spirituelles. C'est ainsi que, dans les Notes cVune séance tenue à Najoles, parmi les esprits qui se présentèrent devant trois personnes, on y voit Margherita Pus- terla, Denis de Syracuse, Cléopâtre, Richard Cœur-de-lion, Aladdin, Belcadel, Guer- razzi, Manin et Vico ; puis, Abraham, M el- chisédec, Jacob, Moïse, David, Sennachérib, Elisée, Joachim. Judith, Jaël, Samuel, Da- niel, Marie-Madeleine, saint Paul, saint Pierre et saint Jean, sans compter les au- tres, car on assure dans ces Notes que « les

ABSURDITÉS 1 69

esprits de la Bible vinrent tous les uns après les autres se présenter devant le Naza- réen, précédé par Jean- Baptiste. »

La présence réelle n'est plus seulement un article de foi. On se matérialise solide- ment aujourd'hui, assez solidement pour ne plus craindre la pleine lumière du jour et les regards curieux des mortels. Qu'on en juge par l'exemple suivant. La chose se passe dans une ville du Nord, en Angleterre. C'est une séance unique en son genre, qui eut lieu devant onze personnes, et qui dura trois heures vingt minutes. Nous en résu- mons brièvement les points saillants.

L'esprit, du fond du cabinet, annonce qu'il va se matérialiser; qu'en attendant, l'on veuille préparer le thé. Aussitôt chacun s'empresse. On place la table près des rideaux qui masquent l'entrée du cabinet, à l'endroit ils s'écartent, c'est-à-dire au centve. Sur une nappe, on dépose un service à thé, avec bouilloire, sucre, lait, tartines bien beurrées. Puis on se met à chanter.

« Au son des voix, les rideaux s'écarte-

170 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

rent comme par enchantement, et nous vîmes John King, notre frère céleste, qui était là, debout devant nous, vêtu pour la circonstance. Un grand silence s'ensuivit. L'esprit salua, et alors chacun lui fit le plus joyeux accueil. Il se mit à table avec nous, et tout en causant avec l'un et avec l'autre, mangea des mets qui étaient sur la table. Nous ne pouvions rassasier nos yeux de le voir ainsi prendre comme nous les choses so- lides de la terre. Il servit les uns et les autres tour à tour, et se servit lui-môme. Les tasses se vidèrent, et à la seconde tournée, John King versa à M. Petty qui lui demanda :

« Frère, est-ce que vous dématérialisez le thé et les tartines à mesure que vous en mangez, ou bien, êtes-vous tout à fait maté- rialisé ?

(( Il répondit :

« Je suis en ce moment tout à fait ma- térialisé.

« Quelqu'un ajouta :

« Cela se dissipera, sans doute, quand la forme redeviendra spirituelle.

« Le repas terminé, on desservit la table. John King n'en continua pas moins à rester

ABSURDITÉS 171

parmi nous, sans paraître éprouver le moin- dre malaise de son enveloppe charnelle. A la tombée de la nuit, nous lui demandâmes s'il pouvait soutenir la lumière, et sur sa ré- ponse affirmative, on ouvrit la porte. Il se promena de long en large, et s'écria :

« De la lumière, encore de la lumière. Les hommes de nos jours demandent plus de lumière. Je fais comme eux. Donnez-moi encore de la lumière, le plus de lumière que vous pourrez, Monsieur Petty.

« Et M. Petty, le maître de la maison, ouvrit les rideaux de la fenêtre, et l'esprit matérialisé se promena encore avec or- gueil. ))

Ce compte rendu, rédigé par un des spec- tateurs pour un journal enthousiaste, nous donne, par approximation, une idée de la gravité spécifique des dix autres cerveaux creux qui assistaient à la séance.

Celui qui a trempé sa plume dans la bou- te ille à l'encre, tant au propre qu'au figuré pour nous donner l'échantillon ci-dessus de sa verve spirituelle, peut se vanter d'avoir un confrère par le monde aussi bien inspiré

172 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

que lui. Quon en juge par Textrait sui- vant :

(( 0 teinpora, ô mores viutantur! s'écrie notre rhapsode. Qui donc, à me voir, il y a quelques années, venir tous les dimanches prendre ma place accoutumée dans la vieille église paroissiale, aurait pu deviner qu'un pareil changement se serait fait en moi ! Ce n'est plus à l'église qu'on me trouve main- tenant, mais, par invitation spéciale, dans le salon de M'"*^ X... C'est dcins cette sacris- tie nouvelle que nous attendons l'arrivée solennelle de l'officiant, qui pourtant ne met ni surplis, ni camail, ni rabat. Sans qu'elle soit annoncée par une cloche, l'heure du service arrive, et nous nous rendons, deux à deux, comme des enfants de chœur, dans la salle à manger, qui est notre église pour la soirée. Notre unique autel aujourd'hui, c'est la table, autour de laquelle nous nous as- seyons. Après un moment d'attente, l'hôte et l'hôtesse se lèvent, se retirent un moment, et reviennent avec de blanches fleurs, pures comme la prière. C'est leur première of- frande à M""® X..., comme prêtresse de la nouvelle communion. On les reçoit, ces

ABSURDITÉS 173

fleurs, non pas seulement avec des remercî- ments formulés par les lèvres, mais avec les bénédictions d'un coeur sincère. Notre petite congrégation attend alors que le monde des esprits veuille bien la diriger. Les esprits viennent. Nous entonnons un chant suave. On abaisse les lumières, et la dame médium se retire au fond du cabinet. Bientôt un visage paraît à Fouverture des rideaux. C'est une ravissante figure de femme, pleine de vie et de beauté. Un sourire d'ange entr'ou- vre ses lèvres ; l'œil est avivé par une dou- ceur exquise ; ses traits décèlent l'amour, un amour infini. Une étoile faite de pierres précieuses, le diamant, le rubis, le sa- phir, le chrysolite, la perle d'Orient, marient leurs feux, rayonne sur son front, symbole étincelant.

(( Cette forme radieuse et d'une beauté surnaturelle paraît et disparaît à nos yeux éblouis. La voici qui revient. Sa main salue avec grâce ; le bras, divinement moulé, s'étend vers nous, sous les plis de la drape- rie, comme pour nous bénir. Elle nous montre du doigt l'étoile qui scintille à son front, et se dresse devant nous, reine décou-

174 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

ronnée. C'est Marie-Stuart. Faut-il s'étonner si pareille beauté subjugua le cœur des hom- mes ? Si un Bothwell chercha à se rendre maître d'un corps semblable ? Si un Norfolk porta sa tête sur l'échafaud pour avoir voulu en faire sa femme? Y a-t-il lieu de s'étonner si un laideron de reine, comme Elisabeth, fut jalouse d'une sœur aussi merveilleuse- ment belle? Elle était là, devant nous, dans toute sa grâce princière. Après bientôt trois siècles de vie spirituelle, elle avait repris un instant sa forme matérielle pour nous faire honneur. Ecoutez, elle parle. Des pa- roles tombent de ses lèvres, sur lesquelles se pâment encore les sourires de l'amour. Elle dit :

« Moi, Marie-Stuart, dont la tête se posa (( sur un billot, et dont le sang fut léché par (c un chien, je ne suis point morte, mais à (( jamais vivante. »

C'est le comble de l'aberration. Aussi, nous ne fatiguerons pas l'attention du lec- teur à suivre Marie-Stuart plus avant, ni à rechercher si la charmante personne, qui jouait si bien son rôle de reine, a su dérna- tériciliser avec autant d'adresse le joyau

ABSURDITÉS 175

qu elle avait au front. Ces questions indis- crètes ne sont pas de notre ressort.

Voici un nouveau genre de médium, le médium sauveur, qui est à coup sûr moins rare que le carlin, dont la race, comme cha- cun sait, est à peu près perdue. Les consciences chargées recherchent surtout le ministère de ce soi-disant serviteur des es- prits, surtout si c'est une dame qui officie, comme dans l'exemple suivant. Celui qui s'adresse à elle pour être soulagé est un Egyptien.

(( Il m' apparaissait, dit la dame médium, vêtu d'une longue robe. C'était un grand esprit à l'air sombre ; ses yeux étincelaient, et son visage gardait une impassibilité fa- rouche, sauf lorsqu'il se laissait aller au ri- canement qui lui était habituel. Ce fut men- talement que je m'entretins avec lui, c'est- à-dire sans recourir à la parole. Mon attitude était empreinte de sollicitude, d'une bien profonde pitié. Je ne dirai pas tous les moyens auxquels, inspirée par mes guides, je dus avoir recours, pour l'inciter à une vie meilleure. Au bout de quelque temps, il me

17G LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

sembla qu'il était touché. Il s'adoucit peu à peu, se rapprocha de moi, et me regarda avec intérêt. Mais il ne s'abandonna pas tout d'un coup aux sentiments de douceur et de reconnaissance qui l'influençaient ainsi gra- duellement.

« Un jour que mon âme entière, apitoyée sur son sort, était remplie d'un ardent désir de venir à son secours, il m'a écrit par ma main, comme transporté hors de lui-même :

« Chère, chère femme, merci. Je vous « aime. »

(( A cette parole, je reculai, un peu ef- frayée, mais je repris :

(c Je suis heureuse, bien heureuse que vous m'aimiez, cela vous fera du bien, Thoth. Mais il vous faut aussi aimer mon guide.

« Votre guide ? Eh bien! soit. Je vous aime, vous et votre guide.

(( Le connaissez-vous seulement? Pou- vez-vous le voir ?

(( Oui, je le connais et le vois.

« Si ta conversion est réelle, Thoth, si tu aspires à de plus hautes destinées, je t'ai- merai, mon ami.

ABSURDITES

« Je ferai de mon mieux. « J'en suis bien aise, Thotli. Je suis bien joyeuse. J'ai tant à cœur ton bonheur ! (c L'esprit égyptien se confesse alors à la clame de ses pensées.

(( Je suis en ce monde, dit-il, depuis plus de trois mille ans. Je n'ai point progressé parce que j'aimais le mal. Je suis un endurci, et ce n'est pas chose facile de se refaire après trois mille ans de perversité. »

La chère femme y arrive tout de même, comme nous voyons, en moins de trois jours. 0 puissance du charme !

(( Je me repens, s'écrie Thoth. Ce qu'il m'en coûte de dire ces mots, vous ne le saurez jamais. C'est aujourd'hui que pour moi l'épreuve commence. S'il faut endurer l'enfer, je m'y résigne, l'étincelle a jailli. Cette voix de l'amour, à laquelle j'ai résisté durant les âges, je l'écoute enfin, grâce a vous. Donc, il me faut être un ange. Vous êtes le sauveur de Thoth. »

Il y a des gens qui acceptent comme pa- roles d'Evangile ce dévergondage, et qui ne peuvent croire à la divinité du Christ. Il leur

12

178 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

semble tout naturel qu'un entretien comme celui que nous venons de rapporter suffise pour dissiper trois mille ans de ténèbres, qu'un bavardage de commère idiote soit plus efficace à l'âme que la révélation divine, que toutes les milices du ciel depuis trente siècles. Ce sont nos établissements péniten- ciers qui réclament surtout le ministère d'un médium de cette taille. Si le sauveur de Thoth vient si facilement à bout d'un pareil renégat, combien facile sera sa tâche auprès des pick-pockets et autres malfai- teurs qui n'exercent que depuis quelques années !

On attribue aux esprits certaines commu- nications Lfui, lorsqu'elles ne poussent pas au mépris public et scandaleux des bien- séances, sont simplement ineptes. Qu'on en juge par ce nouvel Essai sur la. Sagesse, qui débute ainsi :

« La sagesse, c'est ce qui est sage. La sagesse n'est pas la folie, et la folie n'est pas non plus la sagesse. La sagesse n'est point le mal, et le mal n'est point la sagesse. » Et ainsi de suite. Notre philosophe inspiré est

ABSURDITÉS 179

sûr au moins de ne jamais se compromettre avec aucune école.

Il en est d'autres, toutefois, qui sont plus téméraires dans leurs enseignements. Un soi-disant esprit familier dénonce le nœud gordien du système planétaire, avec la même désinvolture. Les quelques données scientifiques que nous soumettons à l'appré- ciation du lecteur, nous ont été fournies sous forme de brochure. C'est un recueil pré- cieux qui ferait les délices du monde savant. On y voit, par exemple, que le verre joue un grand rôle dans la planète Jupiter; c'est une matière indispensable, le complément nécessaire à toute existence aisée dans ces parages. Les morts sont mis dans des cais- ses en verre, et celles-ci placées à titre d'orne- ment dans les habitations. Les maisons aussi sont en verre, de sorte qu'il ne faitpasbon lan- cer des pierres dans cette planète. Il y a des rangées de ces palais de cristal qui s'appellent Séraéna. On y pratique une sorte de céré- monie mystique, et à cette occasion, c'est- à-dire une fois tous les sept ans, on promène le saint sacrement par les villes en verre

180 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

sur un char en verre. Les habitants sont de taille gigantine, comme dit Scarron; ils ont de sept à huit pieds de hauteur. Ils ont pour animaux domestiques une race spéciale de grands perroquets. On en trouve invaria- blement un, lorsqu'on entre dans une mai- son, derrière la porte, en train de tricoter des bonnets de nuit.

Un autre médium en rapport avec les esprits nous assure qu'il y a une sphère in- terastrale, où la classe la plus riche accuse une prédilection toute spéciale pour les hari- cots au lard. Les pauvres gens, sans doute, y sont réduits à manger des truffes.

Si nous en croyons un autre médium, non moins bien renseigné, c'est le riz qui s'ac- commode le mieux au sol de la planète Mer- cure, si je ne me trompe. Mais là, il ne pousse pas comme sur la terre sous forme de plante ; grâce à des influences climatéri- quos et à une manipulation entendue, il s'élance dans les airs à une hauteur qui dé- passe la cime des plus grands chênes. Le citoyen mercuriel qui désire jouir à la per- fection de Votium cum dignitcite doit, lors- qu'il est jeune, mettre tout son avoir dans

ABSURDITÉS 181

une rizière. Il choisit parmi les plus altières de son domaine, une tige pour y grimper jusqu'au faite; puis, à l'exemple du rat dans un fromage, il s'introduit à l'intérieur de l'énorme cosse, pour en dévorer le fruit dé- licieux. Quand il a tout mangé, il recom- mence la même besogne sur une autre tige. C'est, à n'en point douter, quelque esprit hindou qui aura révélé ces détails à l'hallu- ciné auquel nous les devons.

C'est ainsi qu'il y en a, de ces prétendus ouvrages sur le spiritualisme, des milliers et des milliers, qui discréditent au plus haut point la doctrine. On y donne pour des faits les rêveries de l'auteur, ou des bagatelles qui favorisent des vues adoptées par lui. On y supprime toute vérité gênante, ou on la déguise.

Que de gros livres pleins de petites cho- ses ! Que de faits sans importance, et dont aucun n'est appuyé sur une démonstration évidente ! Que de mensonges timbrés à l'es- tampille de la vérité ! Pourquoi faut-il que tous les genres de travaux, quelque sérieux qu'ils soient par eux-mêmes, dégénèrent

182 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

en futilité ? Il serait temps d'appliquer un novum organum aux vérités du spiritua- lisme. Nous n'en sommes pas là, tant s'en faut. Cette masse de livres, qui sans cesse roule et grossit, tombera-t-elle, comme une avalanche, sur la postérité gémissante?

Voici, pour clore ce chapitre d'absurdités sans pareilles, un exemple rapporté tout au long dans Torgane TJie Mediiun, du 13 août 1875. Il s'agit d'un esprit qui se matérialise une dernière fois pour venir faire ses adieux à son frère. Comme Diogène, il se présente à la séance une lampe à la main.

(c Sa voix était plus forte, son éloquence plus entraînante, plus véhémente que de coutume. Nous en fûmes tous profondément impressionnés. C'est surtout lorsqu'il dicta à son frère ses volontés dernières que ses paroles prirent un accent de mâle fierté qui électrisa son auditoire. Il s'approcha de nous, mit un genou en terre, et prenant par la main deux des spectateurs les plus rap- prochés, nous fit la révélation suivante :

« Il me reste à vous faire part d'un se- /)ret terrible. Ma dernière vie sur la terre

ABSURDITÉS 1 83

fut une réincarnation. J'étais un prince per- san, et je vivais entouré de l'estime de mes concitoyens. C'était aune époque antérieure de quelques siècles à l'avènement du Christ. J'étais alors le propriétaire d'une collection unique de joyaux magnifiques. Il y a dans cette ville de Londres, je le sais, plusieurs de ces mêmes joyaux qui m'appartenaient. Ce sont des diamants de la plus belle eau, mais ce n'est pas à cause de leur valeur que je vous en parle. C'est que ces brillants sont des pierres enchantées, et d'une valeur par conséquent inestimable à celui qui les pos- sède. Mais celui qui les a actuellement, et qui cherche à s'en défaire à vil prix, n'en connaît point la vertu magique. Je désire, mon cher frère, que vous vous rendiez acqué- reur de ces pierres précieuses. Ce sont cinq diamants sertis dans le chaton d'une bague en or. Hâtez-vous, mon frère, car si vous n'arrivez pas à temps pour vous rendre possesseur du joyau, ce talisman sera perdu pour vous à jamais. »

Il donna les renseignements les plus pré- cis de la boutique et l'omnibus qu'il fallait prendre pour y arriver, en ajoutant : « Il

184 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

faut acheter la bague avant 11 heures, car un autre veut l'avoir, et je désire, mon cher frère, que tu fasses cadeau de ce bijou à notre médium qui m'a servi pour m'aider à me matérialiser. Vous ne pouvez vous ima- giner combien un médium sacrifie pour ce genre de manifestation, et je désire qu'il ait cette bague. » Le soi-disant médium l'a eu; quant à sa vertu magique, nous en dou- tons fort, d'autant plus que les pierres, loin de venir du royaume des Mille et Une Nuits et de remonter à une époque antérieure à Tère chrétienne, avaient été taillées à Amsterdam.

Ce serait méconnaître la valeur des termes que d'appliquer le nom de spiritualisme à toutes ces folies et à tous ces abus, qui sur- gissent à chaque instant. se rencon- tre tant d'aveuglement, on verra toujours s'abattre des \ autours sur une proie aussi facile. C'est ainsi que le spiritualisme se trouve entre deux feux. D'une part, il est livré à de faux amis, et d'autre part, à un monde qui lui est systématiquement hos- tile. Je n'ai aucune crainte pour le résultat

ABSURDITÉS 185

de la bataille; ce sont les épisodes qui m'at- tristent, en attendant la victoire.

Ce n'est point pour boire du thé et jouer du violon, blasphémer le nom du Christ et de ses aoôtres, faire des révélations sur les habitants de la lune et des autres planètes, ce n'est point pour ce genre de niaiseries que les esprits reviennent sur la terre. Leur mis- sion est plus grande et plus sacrée, et leur pouvoir de se manifester est limité. Si le spiritualisme ne servait qu'à garnir la bourse des nécessiteux et à satisfaire les curieux, autant vaudrait tourner le dos au passé, marcher en tâtonnant dans le labyrinthe de l'avenir, laisser au hasard la destinée des peuples, ou s'endormir sur le chaos en atten- dant la lumière. Grâce à eux, la doctrine n'est plus qu'un vaste gouffre de sottises, joint à quelques vérités rares, mais fécondes. Et c'est pourtant qu'il faut puiser! C'est dans cette bourbe qu'il faut chercher des matières solides, distinguer le vrai du faux, séparer le bon grain d'avec l'ivraie.

Espérons, redoublons d'efforts, et sachons attendre.

186 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

XI

Les Supercheries expliquées

« Les plus durs assauts qu'ait eu à sup- porter le spiritualisme viennent de médiums rapaces et sans principes, qui, lorsque les manifestations ne se produisent pas aussi li- brement que les circonstances l'exigent, ont recours à l'imposture pour se tirer d'af- faire. ))

Ainsi s'exprime M""^ Hardinge, dans son Histoire du Spiritualisme américcùn. A chaque année qui s'écoule viennent s'ajouter de nouveaux faits, qui confirment la vérité de cette citation. Partout, à côté de preuves indéniables quant à l'existence du spiritua- lisme, on rencontre des travestissements de ces mêmes preuves. Les coupables sont nom-

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 187

breux, de l'un et de l'autre sexe, et de tout âge. On peut les diviser en trois classes. La première comprend ceux qui, quoique réel- lement doués sous le rapport médianimique, ont néanmoins recours à la fraude, dès qu'ils en éprouvent la moindre tentation. La deuxième classe renferme aussi des médiums, mais tous plus ou moins dénués de sens moral ; ils préfèrent tricher, mentir, trom- per, cela pour le seul plaisir de le faire. Cette classe fournit le plus grand nombre d'imposteurs.

La différence entre le vrai et le faux dans les phénomènes spirituels est trop évidente pour échapper à quiconque n'est pas absolu- ment aveuglé par la prévention ou la folie. Aussi, on n'a pas longtemps à attendre ; il arrive toujours qu'un cas manifestement frauduleux vient dessiller les yeux de ceux qui veulent bien, le cas échéant, faire la part du mensonge et celle de la vérité. Le fourbe ne manque pas, il est vrai, de recommencer ses vilaines pratiques dès que l'orage con- juré par lui s'est éloigné. Cependant notre cause n'en a pas moins reçu une atteinte de plus.

188 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

Je place dans la troisième classe ces nom- breux charlatans qui, ne pouvant prétendre au titre de médium, trouvent leur profit à se faire passer pour tel auprès de trop crédu- les spiritualistes, et à imiter les phénomènes par des artifices plus ou moins habiles. Cette catégorie d'imposteurs se donne de temps à autre la satisfaction d'expliquer au public comment ils font leurs tours. Les gobe- mouches se trompent de bonne foi, tandis que les charlatans savent bien quand ils font des dupeS; et lorsqu'ils révèlent leurs moyens déshonnêtes, ils affichent bonne- ment leur propre honte et non celle du spi- ritualisme.

De ces trois classes, la première seule ofi're quelques chances de salut. Les mé- diums qui se laissent tenter sont, en géné- ral, assez disposés à reconnaître l'inconsé- quence de leur conduite. Ils ne sont pas sans avoir encouru le blâme des honnêtes gens, mais il y a lieu de distinguer entre cette sorte de pécheur et le misérable qui s'arroge une puissance médianimique qu'il n'a nullement, pour mieux tromper. Ceux qui recherchent honnêtement la vérité doivent

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 189

s'armer contre de pareils drôles et stigma- tiser leurs actions par tous les moyens en leur pouvoir.

Car, il faut bien l'avouer^, le mal a pris une extension inquiétante. Lafourberie s'est liguée contre la vérité ; les ténèbres se sont alliées contre la lumière. Cela fait plaisir de voir poindre, par-ci, par-là, de véritables tentatives d'organisation, pour mettre un terme à tant d'abus. Nous voyons enfin des spiritualistes et des médiums, soucieux de leur dignité, s'associer entre eux dans le but de démasquer ceux dont l'unique objet con- siste : à opérer dans une chambre sans lu- mière, à bannir avec soin toute espèce de contrôle. C'est en partie pour aider à cette œuvre devenue nécessaire que ce livre a été écrit. Le combat auquel je me livre, avec d'autres, n'est pas près de nous donner la victoire. La supercherie est si expérimen- tée, et les dupes sont si nombreuses ! Que ceux qui aiment la vérité apportent toute la lumière qu'ils pourront sur les ombres qui avilissent le spiritualisme ! J'ai puisé à des sources accréditées pour savoir com- ment se font certaines impostures, et je

190 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

considère comme étant de mon devoir de les rendre publiques.

II y a une fraude très en vogue à l'heure qu'il est, c'est celle qui consiste à simuler la forme matérialisée. L'entreprise exige sur- tout, pour réussir, un local mal éclairé, un cabinet le médium puisse se cacher aux yeux des spectateurs, et quelques autres conditions analogues. Chaque fois qu'on s'avise d'enfreindre les règlements imposés à ces sortes de séances, il en résulte des découvertes parfois fort piquantes. Si, par exemple, on dissipe un peu trop tôt les ténè- bres dans le local, on entrevoit tout simple- ment la forme du médium. Parfois, en tou- chant un peu fortement la forme dite matérialisée, on est étonné d'entendre un grognement non équivoque de ce dernier. Mais, si les indiscrets de ce genre sont en minorité, tout se passe à merveille, et les crédules assistent à un spectacle dont ils ont lieu d'être satisfaits. On voit surgir des êtres en robe flottante, de couleurs variées ; il y a des mètres et des mètres d'étofî'e, mais on n'en retrouve nulle trace

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 19!

si Ton touille le médium à l'issue de la séance. Qu'est-elle devenue, cette étoffe? Personne n'en sait rien. Les adeptes vous diront, si on les interroge, que les esprits l'ont dématérialisée. Les moins crédules vont jusqu'à faire des recherches dans le cabinet, et s'étonnent de ne rien trouver.

Essayons de pénétrer ce mystère.

Mais avant d'aborder ce sujet plein d'en- seignements, qu'il me soit permis de donner au préalable les appréciations de mon ami, M. Cox, docteur en droit civil, homme d'une haute position sociale et d'un grand sens. Voici ce qu'il m'écrit :

« Mon cher Home, Je suis convaincu qu'on use de toutes sortes de supercheries ; les uns, sans aucun doute, de propos déli- béré ; le sautres, quand le médium est en état de somnambulisme, et dès lors inconscient. Tous ceux à qui les phénomènes de somnam- bulisme ne sont pas étrangers savent que la personne endormie joue à la perfection tout rôle qu'on suggère à son esprit, mais qu'elle n'en a nulle perception sur le moment, et qu'elle n'en garde aucunement le souvenir. Mais une telle explication ne sert qu'à dis-

192 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

culpor le médium de rintention délibérée de tromper ; elle ne touche en rien au fait que la manifestation n'est pas vraie.

(c L'i production et la présentation de formas soi-disant spirituelles a ouvert un vaste champ, la tromperie s'est donné libre carrière. Les conditions imposées pa- raissent à l'avance désignées dans le but de frauder, s'il y a fraude, ou d'inciter à l'im- posture. Des amis montent la garde à chaque extrémité du rideau. L'éclairage est à ce point faible qu'on ne peut distinctement voir les traits de ceux qui vous entourent. Un voile blanc est jeté sur le corps qui le recou- vre de la tête aux pieds, et qui peut être à l'instant enlevé, ce qui, à celui ou celle qui s'en pare, est une apparence suffisante de spiritualité. Une bande de la même étoffe passée autour de la tête et sous le menton cache incontinent les cheveux et déguise le visage. Il s'écoule un temps assez long avant que la forme ne s'offre aux yeux des spectateurs, ni plus ni moins qu'il n'en faut à une personne qui aurait à s'attifer ainsi ; il se passe de même un temps assez long quand la même forme se retire, avant qu'on

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 193

soit admis à visiter l'intérieur du cabinet, c'est-à-dire autant de temps qu'il en faudrait à quelqu'un pour remettre ses habits. Tant que les préparatifs se font derrière le rideau, on exhorte vivement l'auditoire à chanter. Ceci aurait pour effet d'empêcher tout bruit dans les mouvements d'arriver au dehors pendant ces préparatifs. On fait promettre aux spectateurs de ne point chercher à voir derrière le rideau, et de ne pas saisir la forme avec la main. On leur dit avec un air de solennité que si, par aventure, ils saisis- saient ainsi l'esprit, ils entraîneraient la mort du médium. Ceci est un artifice évi- dent, qui a pour objet d'empêcher le spec- tateur de faire quoi que ce [soit pouvant amener la découverte de la supercherie. D'ailleurs, l'assertion est inexacte.

« On a attrapé plusieurs esprits, et aucun médium n'en est mort, mais on a trouvé chaque fois que l'esprit supposé n'était au- tre que le médium. Qu'un médium ainsi pris sur le fait se sente quelque peu mal à son aise, la supercherie étant flagrante et le public instruit à son endroit, il n'y a rien qui doive étonner. Pourtant, des cinq

13

194 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

médiums ^^^ qu'on a su ainsi démasquer, chacun est à cette heure et vivant et bien portant. On peut les mettre à l'épreuve sans crainte des conséquences.

« Mais j'ai appris comment le tour se joue. J'en ai eu l'explication, grâce à une lettre fournie par un médium à un autre médium qui avait besoin d'éclaircissements à ce sujet. Tout dans la lettre, aussi bien le style que l'écriture, qui est celle d'une dame, dénote son authenticité.

« Cette dame dit à son amie que pour aller à une séance, elle met une robe qui s'enlève facilement. Tout au plus lui faut-il deux minutes pour tout ôter. Elle met deux che- mises — pour se prémunir contre le froid, sans doute. Elle apporte un voile de mous- seline légère (l'étoffe porte un nom que j'ou- blie). Ce voile, elle le met dans ses caleçons. En le pressant, il ne tient que peu de place, mais il se développe ensuite de manière à recouvrir la personne tout entière. Un mou- choir épingle autour de la tête retient les

(1) Le nombre s'en est considérablement accru depuis que M. Cox a écrit cette lettre. Je doute qu'il en reste aujourd'hui deux de ces médiums soi-disant matérialisateurs, dont la fourbe n'ait été publiquement démontrée.

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 195

cheveux. Elle se débarrasse de tous ses vê- tements, à l'exception des deux chemises. Elle arrange soigneusement la robe sur le sofa ou la chaise de manière à sir^iuler le corps de quelqu'un, puis, ainsi accoutrée, s'otïre aux yeux des spectateurs. Elle se moque bien des spiritualistes qu'elle dupe, et les termes dont elle se sert pour les carac- tériser sont des moins flatteurs.

« Voilà qui nous explique la chose d'un bout à l'autre. La question si souvent posée : Mais donc cache-t-on le voile ? trouve ici sa réponse.

« On nous objectera que certaines per- sonnes sont allées derrière le rideau, la forme étant en scène, et qu'elles affirment avoir vu ou tout au moins avoir senti le médium. Malheureusement la confession à laquelle je fais allusion déclare, sans ré- serve, que ces personnes connaissaient la supercherie et s'y prêtaient. Je ne puis, quanta moi, me prononcer catégoriquement à cet égard. Ce qui est certain, c'est que le document en question est une communica- tion toute confidenlielle et qu'il émane d'un

196 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

soi-ilisani médium à un médium réputé tel, à qui on demande des éclaircissements pour faire ce tour. Ayons la charité de croire qu'on a trompé ces personnes. Il est facile de voir comment la chose a se passer. On a certainement pris toutes les précau- tions qu'inspire la défiance pour ne pas se trahir soi-même. Le visiteur qu'on favorisait était un ami sûr, quelqu'un qui, s'il voyait du louche, se garderait bien d'aller crier tout haut qu'on était joué. Une seule per- sonne était admise à entrer. On ne permet- tait aucune lumière. Le gaz étant baissé dans la salle, une clarté plus que douteuse filtrait seule au travers du rideau. J'ai remarqué qu'on ne laissait jamais voir le visage du médium. Sa tête était toujours (( enveloppée d'un châle. » Les mains du visiteur sentaient une robe, et l'imagination suppléait au reste. Lorsque la dame ôta sa robe pour se parer du voile blanc, ajoute celui à qui nous devons ces révélations, elle étendit sa robe sur un sofa ou une chaise, plaça dessous des coussins ou quelque chose d'analogue, et voilà ce qu'au toucher, l'on avait pris pour son corps !

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 197

« La morale de tout ceci, c'est qu'on ne doit accepter pour véritable aucun des phé- nomènes qui se seront produits sans con- trôle, et que ceux qui recherchent sincère- ment la vérité doivent en toutes circonstances exiger la meilleure preuve qui se puisse fournir sur les lieux. Pourquoi accepter le témoignage douteux d'une personne tâton- nant dans l'obscurité, lorsqu'il est si facile de trancher la question, une fois pour tou- tes, en ouvrant le rideau quand l'esprit soi- disant est en scène, et en faisant voir aux spectateurs le médium installé au fond du cabinet? Défions-nous d'une expérience sans contrôle suffisant, et n'y prenons point part, surtout si les conditions imposées sont pré- cisément celles qui empêchent de reconnaître la tricherie quand elle a lieu.

(( Lors des expériences auxquelles vous avez bien voulu vous soumettre devant moi, il n'y avait rien de ce genre de précaution et de mystère. Vous vous asseyiez près de moi partout, à toute heure; dans mon jardin, dans ma maison, le jour et la nuit ; mais toujours, sauf une fois dans une occasion mémorable, en pleine lumière. Vous ne

198 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

refusiez de vous soumettre à aucun contrôle; au contraire, vous invitiez ce contrôle. II m'était donc permis de faire usage de tous mes sens. Les expériences furent de toutes sortes, et telles que toute mon adresse pou- vait m'en suggérer. Vous étiez à coup sûr aussi désireux que je l'étais moi-même de pénétrer, s'il est possible, le sens des phé- nomènes produits. Vous vous installiez seul avec moi, et il se passait des choses que les efforts réunis de quatre confédérés n'eussent pu obtenir. Parfois des phénomènes avaient lieu, parfois pas. Lorsqu'ils se produisaient, les résultats étaient d'un tel caractère que la main humaine n'y aurait pu suffire; il eût fallu tous les appareils de Robert Houdin. Et ceci se passait dans mon salon, dans ma bibliothèque, dans mon jardin, tout mé- canisme était impossible. C'est ainsi que j'ai pu me convaincre d'une chosejusqu'alors à l'opposé de toutes mes idées et de tous mes préjugés, c'est-à-dire qu'il y a autour de nous certaines forces, douées de pouvoir et d'intelligence, qui agissent, impercepti- bles à nos sens, ou du moins sous l'empire de conditions qui nous sont encore impar-

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 199

faitement connues. Je ne suis pas arrivé à la même conclusion que vous au sujet de ces manifestations, et mes recherches ultérieu- res ne me portent point non plus d'admet- tre que ces agents invisibles soient les esprits des morts. Au contraire, plus j'examine de près leurs opérations, plus j'arrive à la conviction qu'il n'en est pas ainsi. La solu- tion qui s'impose le plus à mon esprit, c'est que cette terre est habitée par une autre race d'êtres, que nous ne voyons pas sous des conditions normales, qui nous sont pro- bablement inférieures par l'intelligence, mais auxquels nous devons attribuer les phé- nomènes dont nous avons été les témoins. S'il n'en est pas ainsi, c'est qu'alors l'agent serait l'esprit du médium plus ou moins sé- paré du corps. Quel que soit cet agent d'ail- leurs, le véritable médium par l'intermé- diaire duquel l'agent est à même de mani- fester sa présence et d'agir sur la matière moléculaire, c'est la force psychique (c'est- à-dire de l'âme) des personnes réunies. Aujourd'hui que les phénomènes, ou quel- ques-uns d'entre eux, sont généralement acceptés comme des faits naturels, il y a

£'00 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

lieu d'espérer que des esprits observateurs chercheront à expliquer d'une manière pré- cise leur nature et leur étendue, en les sou- mettant toutefois à un contrôle absolu. Alors il nous sera permis de rechercher ce qu'ils sont, d'où ils viennent, ils ten- dent.

« Il y a lieu de regretter, dans l'intérêt même de la vérité, que votre état de santé vous empêche d'aider à cette grande œuvre. J'espère toutefois, qu'en recouvrant la santé, vous ferez encore quelque chose pour aider ceux qui recherchent honnêtement la solu- tion du plus grand et du plus beau mystère que recèle l'esprit humain.

« Edward- William Cox. « Le 8 mars 1876. »

Le récit que nous venons de lire a surtout une valeur qui résulte des faits se rappor- tant à la confession en question. On y trouve même les conditions exigées par ces enthou- siastes qui préfèrent calomnier le monde des esprits plutôt que de croire à la culpabilité de médiums pris en flagrant

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 201

délit. « La seule preuve qui soit concluante, lorsqu'on impute quelque acte frauduleux à un médium, c'est de démontrer, dit ailleurs un de ces croyants quand même, que les organes physiques du médium agissent conformément à sa volonté, à ses inten- tions, lorsque les actes en apparence frau- duleux se sont produits. » Cette preuve, le médium, qui est une dame, nous la fournit elle-même dans le cas ci-dessus.

Mais il y a un grand nombre d'autres moyens à l'usage des imposteurs, pour ca- cher les objets dont ils se servent lorsqu'ils préméditent une déception de ce genre.

« L'appareil dont se prémunissent les faux médiums pour imiter une manifestation spi- rituelle peut si bien être caché sur la per- sonne ydiileReligio-PhilosophicalJourncil, que les recherches les plus minutieuses n'arrivent pas toujours à en révéler la pré- sence. Une simple cravate de soie attachée au cou sur un col en papier suffit pour déro- ber à tous les yeux une étoffe de gaze, un fichu en soie blanche, etc., et il n'en faut pas plus pour produire, selon le cas, votre sœur, votre mère ou votre fille. Les plus

202 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

habiles cachent également ces objets dans la doublure de leurs pantalons, gilet ou habit, avec des points de fil si bien disposés qu'ils trompent les yeux , et qu'on peut en un instant les enlever et les replacer. Ceux qui n'ont jamais vu ces choses de près se- raient étonnés du peu d'espace qu'il faut pour les objets nécessaires à matérialiser un esprit de première classe.

« Le papier de soie joue aussi un grand rôle dans ces prétendues matérialisations; on s'en sert pour coiffer la tête et compléter le costume. Il se cache dans la doublure du gilet, de l'habit, des pantalons, et vous aurez beau chercher, vous arriverez difi^icilement aie découvrir. On peut aisément induire en erreur trois personnes sur cinq, dans ces sortes de séances. Il y a même des gens qui consentent à ce qu'on se moque ainsi d'eux; ils s'en divertissent, comme font ceux qui assistent aux séances données par Gordon à New- York. «

Tels sont quelques-uns des moyens dont on se sert pour amener ces prétendues ma- térialisations. La plupart du temps on cache

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 203

sur soi le costume éihéré, mais ce n'est pas toujours le cas. Un charlatan éméiite, dont la presse s'est beaucoup trop occupée, avait une autre façon à lui d'opérer. En entrant dans le local des séances, il demandait tout d'abord à voir le cabinet, qui contient le plus souvent une chaise ou un divan. Le médium, après avoir jeté un coup d'œil autour de lui, s'asseyait et entamait une conversation quel- conque. Tout à l'heure il se levait, et faisait une remarque comme celle-ci : « Il se fait tard; si nous commencions la séance? » Puis il ajoutait : « Je voudrais me retirer avec quelques-uns d'entre vous, pour qu'on voie que je n'ai rien sur moi. » On s'empresse de souscrire à ce désir, et on revient n'ayant rien trouvé. Alors le médium rentre dans le cabinet, et la séance com- mence. Les rideaux s'écartent bientôt pour livrer passage à une forme drapée de la tête aux pieds. Pareil prodige peut-il s'expliquer par un tour de passe-passe? On a répondu affirmativement à cette question après que - ques séances. Ce bout de conversation dans le cabinet avait sa raison d'être : il détour- nait un instant l'attention, et pendant que

204 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

le médium esquissait un geste de la main droite, la main gauche cachait furtivement derrière le siège un petit paquet renfermant sa robe éthérée. Cela fait, on pouvait le fouiller à loisir; le médium s'y prêtait d'au- tant plus volontiers que son travestissement était resté dans le cabinet.

Le nombre est étonnant de ce genre d'abus. Le mal qu'il fait à notre cause est incalculable.

« De la lumière, encore de la lumière », s'est écrié Goethe sur son lit de mort. Ce doit être également le cri de tout spiritua- liste digne de ce nom. C'est le seul contrôle nécessaire, qu'on peut, qu'on doit toujours donner. A ce prix, mais à ce prix seule- ment, l'homme de science finira par se ren- dre compte des vérités que renferme notre doctrine. l'obscurité est de rigueur, dans une séance, il y a fort à craindre que l'imposture ne s'en mêle ; en tout cas, l'on ne sauraitêtre à l'abri du soupçon. L'imposture est plus difficile en pleine lumière; l'incré- dule peut alors faire usage de toutes ses fa- cultés, et s'il n'applique pas en ce cas un con- trôle rigide, il n'aura à s'en prendre qu'à lui.

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 205

Voici ce qu'en octobre 1875, j'écrivais à mon ami, le docteur Sexton :

« Je vous supplie de conseiller partout la suppression des séances obscures. Tous les phénomènes qui se sont produits par mon intermédiaire dans les quelques séances obscures que j'ai données, je les ai obtenues à satiété en pleine lumière, et je regrette profondément d'avoir jamais eu recours à une seule séance de ce genre. Nous entendions par obscurité, celle produite dans une pièce lorsqu'on éteint les lumières ; on ouvrait alors les rideaux, ou bien, ce qui arrivait souvent, on allumait le feu ; en tout cas, on ne l'éteignait jamais. On distinguait alors parfaitement la silhouette des personnes présentes et les objets qui se trouvaient dans la pièce. )>

On a recours aujourd'hui à des séances bien autrement obscures. Vous vous trouvez plongés dans les plus noires ténèbres ; le bruit d'instruments discordants se fait en- tendre, accompagné de beuglements poussés à travers des cornets de carton. Des attou- chements qu'on attribue à des mains in- visibles sont ressentis par les personnes

206 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

présentes. Quant au moindre contrôle, on ne vous en offre même pas; la mystifi- cation est grossière; cela n'empêche pas qu on félicite celui qui s'intitule le médium sur le succès de la séance, et que l'audi- toire s'en va content. La séance a-t-elle eu pour objet la production de formes ou de vi- sages matérialisés? Alors elle est réglée suivant le caractère des personnes présentes. Le cercle est dit inharmonieux. On a l'oeil sur le cabinet, qui est soigneusement gardé par des sentinelles choisies. Un tout petit filet de lumière apparaît, et le phénomène semble se produire. On entrevoit bien quel- que chose de blanc, mais on ne distingue ni la forme ni le visage. Ce serait trop de- mander. Et voilà la description stéréotypée de presque toutes les séances l'on pré- tend évoquer les esprits matérialisés. Dans ces sortes de petites réunions, on se ferait couper le poignet plutôt que de saisir la forme qu'on après de soi. L'esprit est tout à fait chez lui ; il peut entrer dans le cabinet et en sortir à sa guise, sans craindre la plus petite indiscrétion.

l'incrédulité règne, on a soin de

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 207

prendre toutes les précautions imaginables pour lui faire la part de spectacle aussi mi- nime que possible. Pour faire face à cet état de choses, on a imaginé plusieurs moyens de contrôle. On a recours le plus souvent à une corde pour attacher le médium. C'est un moyen désagréable, et comme on ne sait généralement pas attacher celui qui veut bien s'y soumettre, c'est un moyen inutile. Les prestidigitateurs acceptent volontiers. Plusieurs d'entre eux, comme Maskelyne et Cooke, les fameux jongleurs de Londres, se débarrassent des liens les plus étroits avec autant, sinon plus de rapidité, que les soi- disant médiums les plus experts. On s'est alors avisé de faire courir le bruit que ces deux honnêtes professeurs de tours n'étaient pas du tout des escamoteurs, mais de véri- tables médiums; et en dépit de tout ce qu'ils pouvaient dire, protestant même de leur innocence par la voie des journaux, on n'en continua pas moins à les traiter de vrais médiums, et de médiums pouvant produire les manifestations physiques les plus puis- santes. Certes, le spiritualisme est tombé bien bas pour que deux prestidigitateurs de

208 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

profession soient acclamés à leur corps dé- fendant comme représentants de la doctrine et cela par les spiritualistes eux-mêmes.

Voici un autre échantillon de ce même genre d'imposture grossière. Il s'agit d'un médium somnambulique « qui se promène de long en large, et qui exhibe l'esprit maté- rialisé aux regards des spectateurs, à la lu- mière d'un flambeau qu'il tient à la main. Puis, toujours endormi, et en pleine lumière, il se baisse comme pour enlever du tapis une longue bande de gaze rose, dont le vo- lume augmente visiblement sous ses doigts; il matérialise et dématérialise l'étoffe qui flotte, ondule et tournoie, et qui, en fin de compte, disparaît aux yeux des spectateurs.» Un journal américain raconte qu'un jour « une personne demande à la dame person- nifiant la forme éthérée si elle peut dispa- raître aux yeux des spectateurs, comme à une séance précédente, et qu'alors l'esprit en effet s'évanouit peu à peu dans l'air ambiant, sans laisser aucune trace de la forme visible un instant auparavant pour les personnes assemblées. »

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 209

Quel prodige ! Mais ce qu'il y a de plus prodigieux encore, c'est la simplicité des moyens dont on se sert pour arriver à ces résultats mirifiques. La disparition de la forme spirituelle a lieu le plus souvent de la manière suivante :

Le médium est caché derrière les rideaux du cabinet. Il tient à la main une longue bande d'étofïe légère arrangée de façon à si- muler une robe et ramassée à sa partie su- périeure sous forme de tête, ou surmontée d'un masque. Il avance avec précaution cette espèce de grande poupée à travers l'ouver- ture pratiquée dans le cabinet, jusqu'à ce qu'elle soit bien en vue des spectateurs. Qu'on essaye d'en faire autant, le gaz baissé; on sera étonné de voir à quel point ce paquet d'étoffe ressemble à une forme humaine. Pour peu qu'il y ait dans la salle quelques enthousiastes, les uns reconnaî- tront un ami ou un parent, les autres affir- meront que c'est un visiteur envoyé par le monde des esprits.

Supposons maintenant que le prétendu médium tienne ainsi quelque temps cette poupée devant son auditoire. La première

14

210 LA LUMIÈRE ET LES OMRRES DU SPIRITUALISME

impression de frayeur ou de respect émous- sée, quelque hardi spectateur ira jusqu'à demander : « L'esprit peut-il se dématé- rialiser devant nous? » Il y ajuste assez de lumière pour révéler un signe de tête affir- matif de la part du fantoche, qui commence par décroître peu à peu et finit par disparaî- tre tout à fait. Le vêtement et l'esprit sem- blent se fondre dans les airs.

Voici comment le tour se joue. Le soi- disant médium est sans doute assis au fond du cabinet. La poupée qui sert à simuler la forme éthérée est maintenue debout à côté de lui; elle peut même être avancée en dehors des rideaux. L'opérateur a toute l'ha- bileté voulue pour faire marcher, saluer, danser sa poupée, et plus d'un s'y trompe- rait. S'il n'est pas bien habile, qu'importe ? Le mal n'en sera pas grand, à moins qu'un incrédule à tout crin soit présent. Les gobe- mouches qu'on rencontre à ces réunions ne se démontent pas pour si peu. Leur croyance au surnaturel est trop vivace. J'étais un jour spectateur à une séance l'on évo- quait des visages. Ces visages n'étaient en réalité que des masques qui s'offraient aux

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 211

regards par des ouvertures pratiquées dans le cabinet. J'en fis la remarque à mon voisin, disant que les orbites étaient sans yeux. « C'est que les chers esprits, dit-il, n'ont pas encore eu le temps de matérialiser les yeux! » Fciut-il s'étonner qu'il y ait de tels individus pour exploiter une telle crédulité ?

Pour en revenir à notre médium maté- rialisateur, nous ajouterons qu'il y a au moins deux autres moyens qui permettent à l'esprit et au mortel de paraître simulta- nément. Le premier est suffisamment ex- pliqué dans la lettre de M. Cox. Dans le second cas, le médium se tient un peu à distance du visiteur angélique. Les deux avancent quelques pas, saluent les specta- teurs et se retirent après avoir exécuté la pantomime habituelle. On ne tient pas compte du rideau qui sépare le fantôme et le médium, et qui, si on le soulevait, décè- lerait le bras de celui-ci, allongé par der- rière, tenant la poupée et la faisant ma- nœuvrer.

Pour se prémunir contre toute superche- rie, on s'est avisé, dans un cas comme celui qui précède, de clouer au plancher la robe

212 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

de la dame-médium, de m.anière qu'elle ne puisse sortir du cabinet. Or, que fait la dame? Elle dégrafe tout simplement la jupe de sa robe pour venir personnifier l'es- prit, et, la séance terminée, rentre dans sa jupe qu'on trouve clouée au plancher, com- me si de rien n'était. Les mystificateurs doivent rire sous cape quand ils songent à la simplicité de ceux qui contrôlent ainsi leurs petites opérations.

Si le médium est un homme, une fausse barbe qu'il aura tenue cachée, suffit dans bien des cas. Les masques en caoutchouc très mince peuvent être facilement dissi- mulées dans les plis de la robe ou dans les cheveux. Si les manifestations se bornent à la figure, on se sert souvent de gravures coloriées. La tête de Wellington exhibée un jour à l'ouverture du cabinet fut prise par un enthousiaste pour le portrait de sa grand'mère, tandis qu'une autre personne non moins enthousiaste y voyait le visage de sa tante. J'ai assisté à maintes séances de ce genre et j'atteste qu'il n'y a pas la moindre exagération dans tout ce que j'avance.

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 213

En démasquant ainsi ceux qui déshono- rent la cause du spiritualisme, on ne doit pas supposer que je considère la matériali- sation comme une chose impossible. Loin de là. J'ai, tout au contraire, la ferme con- viction que ce phénomène a lieu pour d'au- tres que pour moi, qui, le premier, ai obtenu ce genre de manifestation. Ceci remonte à 1852, 1853 et 1854. Il se peut qu'auparavant des formes spirituelles soient apparues aux jeunes filles de la famille Fox, mais je n'en suis nullement assuré. A cha- que fois que ces phénomènes se sont jyro- cluits par mon intermédiaire , on ne s'y était nullement préparé, et quant a moi, f étais, en ma qualité de médium, assis au milieu des personnes présentes. C'est dans la maison de mon ami, M. S.-C. Hall, qu'eut lieu la première matérialisation pour laquelle on peut dire qu'un rideau ait été employé. On vit distinctement paraître une forme au-dessus de ce rideau. A partir de ce moment, l'usage d'un rideau devint gé- néral, avec le beau résultat que nous ve- nons de voir. Mais il y a, dans cette séance, deux points essentiels que les

214 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

imitateu7^s ont garde de copier : le pre- mier, c'est que la, séance eut lieu dans une chambre parfaitement bien éclairée ; le second, c'est que j'étais, m,oi, comme me- dium, de ce côté-ci du rideau, et bien en vue de tous ceux qui étaient là. Je n'ai pas besoin de dire à quel point devient inutile, quand la séance a lieu dans ces conditions, l'opération qui consiste à atta- cher le médium, à le coudre dans un sac, etc. Aussi, je ne cesserai de dénoncer ces soi-disant médiums que lorsqu'ils auront les mêmes manifestations dans les mêmes conditions, c'est-à-dire en pleine lumière, et eux-mêmes assis au milieu de leur audi- toire.

Ce titre de spiritualiste, jadis entouré de tant d'honneur, a perdu tout son prestige, et tend chaque jour à devenir plus discré- dité. Que ceux qui aiment sincèrement la vérité se liguent pour essayer de mettre un terme à de telles indignités.

Je n'ai encore rien vu qui soit de nature à me faire croire qu'une substance maté- rielle puisse passer au travers d'une autre substance matérielle. Je ne dis pas que ce

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 215

phénomène soit impossible. J'ai toute ma vie pensé comme Arago, qu'il faut être bien hardi pour décréter le monde impossible en dehors des mathématiques pures. Je dis seu- lement qu'il ne m'a été, jusqu'à présent, rien donné de voir à cet égard, qui ne se puisse tout aussi bien expliquer d'une ma- nière rationnelle. Je ne crois pas trop de- mander à ceux qui soutiennent le contraire de faire en sorte que les objets fleurs ou fruits envoyées par les esprits dans une séance de ce genre, au lieu de venir jus- qu'aux spectateurs, s'arrêtent à moitié che- min, dans l'intérieur du plafond, par exem- ple, ou dans la muraille de la maison se trouve le médium. Un bloc de glace qui, venant du dehors, s'attarderait dans le mur, d'où on serait obligé de l'extraire, serait pour moi, quand à la possibilité du phéno- mène, une preuve des plus convaincantes. Si, comme on nous l'assure, ce sont les esprits qui apportent ces belles choses au cours d'une séance roses encore emper- lées de rosée, régimes de bananes, etc., etc., nous sommes en droit de leur demander d'où ils tiennent ces fleurs et ces fruits, car

216 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

il n'en pousse pas clans l'autre monde, et l'on n'a jamais vu, que nous sachions, un esprit acheter quoi que ce soit au marché ou dans la rue. Les auraient-ils volés?

Je ne puis me défendre d'un certain scep- ticisme au sujet de cette puissance attribuée aux esprits. Je pense qu'une théorie moins abstruse que celle formulée par les adeptes peut être donnée pour expliquer la présence d'un lapin vivant dans la chambre la réunion a lieu, et cela sans avoir recours à « la disposition de la matière par l'action de l'aura spirituelle. »

Voyons comment on s'y prend pour ap- porter des fruits, des fleurs, etc., dans une chambre sans lumière. Nous supposerons que les personnes invitées sont assises au- tour d'une table, comme à l'ordinaire, et qu'on nage dans des flots d'harmonie. Tout à coup le médium c'est généralement une dame, à cause des jupes qui sont si bien faites pour cacher tout un arsenal d'ob- jets, — le médium, dis-je, sent et aussitôt annonce la présence des esprits.

Vovons, dit la dame-médium ; h notre

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 217

dernière séance, les esprits nous ont ap- porté des choux. Si les chers esprits nous apportaient ce soir du muguet, ce serait charmant. Ma foi, non, s'empresse d'ajouter la même dame, ne demandons pas du mu- guet. Mesdames, que voudriez-vous ?

Il y a toujours quelqu'un qui voudra ce qu'une autre ne veut pas, naturellement, et une voix s'élèvera pour dire :

Mais pourquoi pas? C'est délicieux, le muguet ! Moi, je voudrais du muguet.

La médium proteste. Pourquoi toujours demander des choses si difficiles ? Et puis les chers esprits ne pourront peut-être pas.. .

Au même instant, un bruit de fleurs qu'on éparpille sur la table se fait entendre, et une voix, qu'on prend pour celle d'un esprit, s'écrie :

Voici du muguet, puisque vous en avez tant envie !

On apporte une lumière, et la table se trouve, en effet, couverte de l'asparaginée.

Ce n'est la d'ailleurs qu'un des mille et un expédients dont dispose le soi-disant mé- dium pour faire accepter l'objet qu'il a caché sur lui avant de venir à la réunion. Mais,

218 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

dira-t-on, il n'y a qu'à fouiller la personne au début de la séance, pour s'assurer qu'elle n'a rien dans les vêtements. Ce n'est pas si facile qu'on le croit, même en usant de ce moyen, de prévenir la supercherie. Le mé- dium s'attend toujours à un examen de ce genre, et s'en arrange. Un monsieur de mes amis, étant arrivé trop en retard pour être admis dans la pièce mystérieuse l'on dématérialisait les murs et les fenêtres pour livrer passage aux fleurs, attendit la fin de la séance. Les portes s'ouvrirent, mon ami put entrer, et pendant que chacun compli- mentait la dame-médium sur les résultats extraordinaires qu'elle venait d'obtenir, une parente de mon ami vint à lui et lui montra une des tiges fleuries que les esprits leur avaient apportées. A ce moment, la dame- médium s'étant délournée, l'attention de mon ami fut attirée par quelques feuilles au bas d'un manteau rouge que portait cette dame. Il se baissa, saisit le pan du manteau, et compara les feuilles qui s'y trouvaient avec celles des tiges en question. Tout le monde put voir que les productions spiri- tuelles avaient été cachées dans la doublure

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 219

de ce manteau. On se rappela alors que la dame qu'on avait parfaitement bien fouillée au début s'était plainte du froid au cours de la séance, et qu'elle avait inci- demment demandé son manteau pour se garantir les épaules. On n'attacha tout d'abord aucune importance à ce fait, mais il prenait maintenant une importance capi- tale. On lui paya toutefois sa séance et on la mit en voiture, mais on ne manqua pas d'ébruiter l'affaire, et la cause du spiritua- lisme auquel on s'en prend toujours dans ces cas-là dut encore une fois être rendue responsable d'un acte dont elle n'a que faire.

Dans les séances obscures l'on joue du tambourin et l'on fait des farces avec des cornets en carton, il y a une superche- rie qu'on peut déjouer si l'on est prévenu et s'il n'y a pas de confédérés dans la salle, ou que ceux-ci ne soient point placés de cha- que côté du médium. Voici la chose. L'im- posteur, que nous désignerons par la lettre B, se trouve entre deux personnes A et C. La main gauche de B saisit la main droite de A, tandis que de la main droite, il tient

220 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

la main gauche de C. Le médium se livre bientôt à une série de petits mouvements convulsifs, tressaillements, soubresauts, qui ont pour objet de rapprocher le plus possible les quatre mains sur la table vers un seul point en face de lui. Cela fait; B prétexte une raison quelconque, dit par exemple qu'il fait bien chaud, et qu'au lieu de tenir la main, on peut tout aussi bien ne tenir qu'un des doigts. Si A et C se refusent à la petite modification demandée, les esprits ne tardent pas à déclarer que ces deux personnes ne sont pas en harmonie, et qu'il y a lieu de changer de places ; s'ils accep- tent, la représentation continue de la ma- nière suivante. Les mouvements convulsifs reprennent de plus belle ; B rapproche da- vantage les mains de A et de C; puis, par un mouvement convulsif plus accentué que les autres, B dégage, comme par accident, l'une de ses mains, généralement la droite. Celui qui tenait la main de B, c'est-à-dire C, cherche nécessairement à la ressaisir; il avance la main, rencontre un doigt qu'il croit être celui qu'il vient de lâcher et s'en empare. A ce moment les mouvements con-

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 221

Yulsifs cessent, et les instruments commen- cent à danser une sarabande, à jouer des airs qui jettent le trouble dans Tâme des assistants. Au lieu de rejjrendre la main droite de B par le petit doigt, C s'est emparé du pouce ou de Vindex de la viain dont A tient V auriculaire , en d'autres termes, A et C tiennent chacun un doigt delà même main du médium. Lorsqu'une atten- tion un peu trop soutenue de la part des assistants empêche le médium de dégager sa main, il se sert souvent de ses dents pour faire aller les instruments. J'en ai eu des preuves à Amsterdam et à Paris.

Un de mes amis m'a fourni les détails d'une séance qu'il avait eue avec deux gar- çons, séance qui l'a beaucoup étonné, et plus tard il s'est fait expliquer les moyens na- turels par lesquels cela pouvait se faire.

« Il s'est fait attacher de la même manière que les jeunes garçons ; on le met dans un sac, dont les cordons, passés autour de son cou, sont ensuite ramené au dossier de la chaise contre lequel il s'appuie. On cingle également avec des cordes ses jambes au- dessous des genoux.

222 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

« Pendant qu'on le transporte clans le ca- binet, ou derrière le rideau, il déboutonne une de ses manches avec les doigts de la main opposée. Il baisse le bras le plus qu'il peut, de manière à faire remonter cette manche et les coutures au-dessus du coude. Il peut alors ramener devant lui la main et le bras, et, malgré T étoffe du sac qui se trouve entre lui et les objets, saisir, en plis- sant un peu l'étoffe, une sonnette placée sur ses genoux, et l'agiter. Si l'on met un plateau avec des verres et une carafe sur ses ge- noux, il peut verser de l'eau dans les verres. Avec un peu d'adresse, il arrive même à faire monter petit à petit un verre plein d'eau jusqu'à ses lèvres et à en boire le contenu ; il laisse ensuite glisser en bas le verre jusqu'à ses genoux. De même, il fait arriver jusqu'à sa bouche des bagues également placées sur genoux; il prend la bague entre ses dents, passe sa main par l'ouverture du sac de façon à saisir l'anneau qu'il se met ainsi au doigt, ou qu'il met dans sa poche en ramenant la main. M. M... a pu faire ce tour en un espace de temps très-court, de neuf à

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 223

douze minutes. C'est ainsi que les tours de ce monsieur, de miraculeux qu'ils parais- sent au premier abord, deviennent fort sim- ples quand on sait comment s'y prendre pour les faire. »

Dans les séances obscures il y a mille ma- nières de mystifier les gens. On forme un cercle, par exemple; le médium s'installe au centre, avec ses instruments, guitare, clo- che, etc. On éteint les lumières. Le médium commence par battre des mains d'une ma- nière uniforme, rhythmique. La guitare se met à jouer, la cloche à sonner, on perçoit des attouchements de mains éthérées, et pourtant on n'a pas cessé un instant de battre des mains d'une manière régulière, le médium tout comme les autres. Alors, direz-vous, comment fait-on ? Du moment, n'est-ce pas, que le médium bat des mains, il ne peut les employer à faire autre chose ? Voici l'explication. On imite à s'y mépren- dre le bruit du battement des mains en frappant, avec une seule main la joue, ou le front, ce qui laisse une main complète- ment libre.

S'il faut à certaines supercheries le man-

224 LA. LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

teau de l'obscurité pour être pratiquées, il en est quiréclament^ au contraire, beaucoup de lumière. Examinons un instant la photo- graphie de formes éthérées, qu'on appelle « des photographies spirites » (7""" chambre, 16 et 17 juin 1875), on vit tout un personnel impayable. Un photographe Buguet, associé à un soi-disant médium américain du nom de Firmann, se faisait fort d'évoquer les ombres des personnes décédées et d'en livrer, au prix de vingt francs, la photo- graphie. Le client entrait dans la boutique; on le priait de penser fortement à la per- sonne dont il voulait posséder l'image; Fir- mann opérait des passes magnétiques sur la tête de Buguet; Buguet hérissait sa che- velure d'un air inspiré, faisait poser le client devant l'appareil, et, quelques minu- tes après, on montrait à la dupe émerveil- lée sa propre image, derrière laquelle appa- raissait celle d'une forme vague et indécise, ayant l'apparence d'un spectre enveloppé d'un suaire, dont la tête seule se dégageait plus ou moins confusément.

Ce qu'il y a de plus merveilleux, c'est que les clients, pour la plupart, reconnais-

y

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 225

saient parfaitement, clans ce spectre, un frère, un oncle, une tante, et se retiraient avec la précieuse image, parfaitement con- vaincus de la puissance évocatrice du pho- tographe.

Quelques-uns, dont les indications sans doute avaient m.anqué de précision, furent tout étonnés, ayant voulu évoquer l'ombre d'une tante, de voir derrière leur image celle d'un sapeur, et, moins crédules que les autres, flairèrent une escroquerie. La justice eut à intervenir. Buguet fît des aveux et dévoila tout le mystère.

L'évocation des esprits se faisait à l'aide de poupées sans têtes, drapées à l'avance d'un morceau de mousseline en guise de suaire, et renfermées dans un coffre; des têtes de toutes sortes, découpées dans de vieilles photographies, têtes d'enfants, de jeunes filles, de vieilles femmes, d'hommes à barbe, étaient rangées par catégories dans divers compartiments du coffre. Quand un client se présentait, la caissière le faisait préalablement causer un peu dans l'anti- chambre et en tirait, sans avoir l'air, des indications suffisantes sur l'ombre à évo-

15

226 LA. LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

quer. D'après ces indications, la photogra- phie du client étant obtenue, on transportait le cliché dans une chambre voisine, comme pour le soumettre aux manipulations ordi- naires, et en réalité pour y ajouter l'image spectrale obtenue à l'aide d'une des poupées à laquelle on ajoutait une tête prise au hasard dans le tas des tètes de femme. Quand les témoins apparurent, ils montrè- rent la même conviction inébranlable même après qu'on leur eut dévoilé la supercherie de Buguet et de ses confrères. Quelques ci- tations des déposants méritent d'être con- servées à titre de curiosité.

M. LE COMTE DE BuLLET (46 ans). Je suis allé chez Buguet et dans l'image qu'il m'a livrée, j'ai très positivement reconnu le portrait de ma sœur ; je suis parfaitement convaincu que c'est son image.

M. LE SUBSTITUT. Mais on vous a montré la tête découpée à l'aide de laquelle on a obtenu cette image.

Le témoin. Pour moi, cela n'est rien. La ressemblance est incontestable ; je suis con- vaincu de la réalité du portrait.

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 227

M. LE SUBSTITUT. Mais, dans l'enquête, on a fait l'opération devant vous, on a ma- nœuvré la poupée en votre présence.

Le témoin. Ce n'est pas le même cliché.

Le président. Que dire pour combattre votre crédulité ? La preuve est acquise que les procédés n'ont rien de surnaturel, que les moyens sont frauduleux, qu:^ vous êtes dupe de vos illusions. Voici la tête à l'aide de laquelle on a obtenu le portrait de votre sœur.

Le témoin. Non ; cela ne ressemble pas à ma sœur.

Le président. Ne vous a-t-on pas fait apparaître un prince indien ?

Le témoin. Non ; un Inca.

Le président. Et l'empereur Maximi- lien?... Cela vous a coûté 4,000 ou 5,000 francs.

M. Jacques Dessenon, marchand de ta- bleaux Ccinquante-quatre sans). Je ne vou- lais pas croire aux photographies spirites ; pour en avoir le dernier mot, j'allai chez M. Buguet, et h deux reprises, il me donna des épreuves très mauvaises. Je manifestai mon mécontentement à un certain M. Sci-

228 L.V LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

pion qui se trouvait et qui me dit être un très fort médium. Eh bien ! lui dis-je, deman- dez à M. Buguet de me faire poser une troi- sième fois et ajoutez vos forces magnéti- ques aux nôtres pour l'évocation. Il y consentit. L'épreuve fut des plus extraordi- naires. L'image était double et les deux n'étaient pas semblables ; dans l'une, j'avais une tête de mort sur les genoux. La res- semblance de ma femme était telle que ma cousine, qui était à son lit de mort, jeta un cri de surprise et d'admiration en voyant l'image. Mes enfants s'écrièrent : « C'est maman ! »

Le président. Buguet, est-ce que vous n'avez pas employé vos procédés ordinai- res?

Buguet (sourmnt). Si cette ressem- blance existait, c'est l'effet du hasard. Quant à la tête de mort que monsieur a vue, c'est le pli du voile qui a produit confusément cet effet.

Le président. Vous avez abusé de la crédulité du public.

Buguet. Je n'ai jamais cherché à faire rien croire à personne. Je me suis borné à

I-ES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 229

flatter la manie des croyants. Au surplus, il n'y avait pas à les contredire. Une fois leurs idées arrêtées, ils n'en veulent plus démordre. Je n'avais donc qu'à dire comme eux.

Les nombreux crédules présents à l'au- dience levaient les épaules de pitié en voyant la boite aux esprits, et leurs regards semblaient reprocher à Buguet de renier sa puissance de médium. Ils voyaient dans les accusés des hommes surhumains, qu'on allait envoyer au martyre. On se contenta de les envoyer en prison.

La nature frauduleuse de ces cartes a été suffisamment prouvée. Le baron Kirkup, de Florence, qui s'est beaucoup occupé de ce genre de produits, et des prétendus médiums qui les obtiennent, m'écrit à ce sujet une lettre datée du 3 août 1876, il dit :

(( J'ai conservé un échantillon de chacune des fausses cartes. C'était quatre coquins qui les fabriquaient. On y voyait des formes éthérées en grand nombre. Deux d'entre eux, sinon tous les quatre, sont de francs fripons. Ils ont se servir d'un double cliché. D'ailleurs, j'ai fait la connaissance

230 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

de ceux qui ont posé pour les formes pré- tendues spirituelles. )>

Mais l'histoire la plus étonnante en ce genre nous vient des Etats-Unis. Les faits qu'elle révèle doivent être mis au compte desspiritualistes de New-York. Un médium qui fait du moule à la paraffine une spécia- lité vint en 1876 donner une série de repré- sentations dans cette ville.

« Il y avait une trentaine de personnes à la réunion, dit le Spiritualist Scientlst, numéro du 30 mars 1876. On se servait d'une petite table en bois de sapin avec une ouverture pratiquée au centre, à sa partie supérieure; une planchette s'adaptait à cette ouverture au moyen d'une rainure. Une main suffisait pour enlever la planchette, mais il en fallait deux pour la remettre. Le seau renfermant l'eau chaude et la paraffine était fixé sur l'un des bras d'une balance qui, à son tour, était suspendue au bâtis de la table, de sorte que le seau se trouvait au-dessous de celle-ci, tandis que l'autre bras de la balance se voyait parfaitement bien au dehors, passé qu'il était à travers

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 231

une fente clans la housse enveloppant la table et son contenu. Les coutures de cette housse avaient été cousues à la nnécanique, et l'on avait jeté sur la table des couvertures pour exclure complètement la lumière.

Un des spectateurs offrit de la paraffine de couleur qu'il avait apportée, mais on ne vou- lut pas s'en servir. On éteignit les lumières, à l'exception de celles dans une pièce voi- sine; l'obscurité était grande, les esprits, paraît-il, s'étant plaints que les conditions n'étaient pas favorables. Bientôt un léger mouvement imprimé au bras extérieur s'ac- centua au point qu'il déplaça les poids, ce qui, malgré l'obscurité, attira l'attention de tout le monde. La personne qui avait offert la paraffine et deux autres messieurs s'aper- çurent alors que la dame-médium passait très souvent la main gauche sous la couver- ture. Elle se leva à plusieurs reprises, se pencha même sur la table comme pour voir de plus près ; un mouvement violent du bras extérieur de la balance se communiqua au seau sous la table; au même instant on en- tendit un léger bruit, celui d'un corps tom- bant à l'intérieur sur le tapis; alors la dame-

232 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

médium retira sa main de dessous la couverture, et l'on sut bientôt que l'œuvre dite spirituelle était achevée. Le spectateur dont nous avons déjà parlé ôta la couver- ture et constata que la mousseline à la par- tie supérieure de la table était épinglée autrement qu'il ne l'avait fait, que l'étoffe à l'endroit la main gauche de la dame s'était glissée offrait un aspect tendu, et que la planchette était déplacée. On trouva au fond de la housse un moule à la paraffine, non pas dans la cuvette, mais au dehors, un pe.u sous le rebord extérieur. )>

Mais pourquoi nous attarder plus long- temps à décrire les manèges de cette dame soi-disant médium? Qu'il nous suffise de dire qu'on acquit bien vite la certitude de ses supercheries.

Voici l'explication de ce tour ingénieux. Le moule peut être fait à l'avance; il n'y a dans ce cas qu'à tremper la main d'une per- sonne quelconque dans la cire. Ce moule, le médium a soin de le bien cacher sur lui avant de venir à la séance. Comme la housse est cousue à la mécanique, il n'a qu'à rompre un fil pour obtenir une ouverture de la di-

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 2'A3

mensioii qu'il veut, et grâce aux ténèbres, il glisse à l'intérieur le moule préparé à cet effet. Il a tout le temps nécessaire pour refaire une couture à la housse, s'il le juge nécessaire. Pour parer à la différence de poids, il n'a qu'à prendre une petite quantité d'eau dans le seau au moyen d'une seringue ou autrement. De cette manière, le premier venu, sans être sorcier, pourra faire des moules à la paraffine aussi souvent qu'il le voudra.

La presse de New-York s'est beaucoup divertie ces temps derniers au sujet d'un médium qui, comme bien d'autres, prétend répondre, sans les ouvrir, à des lettres ca- chetées. Il a, dit-il, recours à l'intervention des esprits. On a prêté cette faculté au baron Kirkup, de Florence ; mais il a répu- dié la chose, comme il répudie toutes les manifestations frauduleuses auxquelles on a voulu lui faire croire. « Quelques-uns de mes amis que la question du spiritualisme intéressaient l'ont abandonné, m'écrit-il, pensant que c'est une illusion complète. Mais non pas moi. J'ai vu assez de prodiges en

23-1 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

vingt ans. J'ai beaucoup vu, de même que des milliers de témoins compétents. C'est la trahison des faux médiums qui nous est fu- neste. » Loin de déranger les esprits pour ce genre de supercherie, le médium a plus tôt fait de soumettre l'enveloppe au jet de vapeur qui sort d'une bouillotte, d'ouvrir la lettre, la lire, y répondre, et de recoller l'en- veloppe comme elle était avant.

S'il fallait exposer toutes les fraudes, tous les tours dont on se sert pour tromper la crédulité du public, il faudrait, non pas un chapitre, mais cent volumes. Aussi bien le sujet me répugne-t-il foncièrement. Nous en avons assez dit pour dévoiler les abus sans nombre qui déparent le spiritualisme.

Est-ce à dire que notre cause se voit uni- quement livrée aux misérables jongleries en question ? A Dieu ne plaise qu'il en soit ainsi. Détournons nos yeux de ces ténèbres, pour regarder les hauteurs sereines se trouve la vraie lumière, qui est notre espoir. Marchons droit dans le chemin clair et large de la vraie science, et attachons-nous aux principes fondés sur l'infaillible tém.oi-

LES SUPERCHERIES EXPLIQUÉES 235

gnage de tous les siècles, de toutes les générations et de tous les pays. Que les experts s'unissent pour curer ce fleuve ma- gnifique du spiritualisme et en dégager les issues ; qu'ils le dirigent à travers la société ; et, comme l'Alphée traversant les étables d'Augias, ils balaieront toutes les im- puretés.

236 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

XII

Lumière du Spiritualisme

C'est surtout en parlant du spiritualisme qu'on peut dire : « La vérité est plus étonnante que la fiction. )> Les récits merveilleux que d'enthousiastes croyants propagent sont bien faibles quand on les compare aux faits que le monde des esprits fournit de temps en temps avec une telle perfection que le doute est impossible.

Le premier incident dont je vais entrete- nir le lecteur eut lieu à Hartford, dans le Connecticut, aux Etats-Unis, il y a environ vingt-quatre ans. Je cite ce fait pour répon- dre à ceux qui demandent pourquoi les esprits viennent nous visiter et pourquoi ils prennent tant d'intérêt anx trivialités d'une

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 237

vie terrestre. N'est-ce pas déroger que de gaspiller ainsi l'éternité?

Ce serait, en effet, déroger, si nous de- vions croire à ce vieux, vieux mythe qui n'a jamais été enseigné par le Christ que la mort est un magicien dont l'attouche- ment puissant nous transforme avec la rapi- dité de l'éclair en anges ou en démons. A quoi bon la terre s'il en est ainsi? Les cou- ronnes d'or sont sur nos têtes, les'lyres d'or sont entre nos mains. Et le passé? Un rêve qu'on néglige. L'avenir? Un sommeil pai- sible au sein d'une paresseuse béatitude, le refrain berceur d'une éternelle chanson. Que nous importent les chutes, les angoisses de nos frères et sœurs qui sont encore sur la terre? Si profondes que soient les ténèbres qui les étreignent, n'avons-nous point la lu- mière infinie ? Et reviendrons-nous pour consoler d'un mot affectueux, d'une assu- rance de plus beaux jours, ceux qui font aujourd'hui ce pèlerinage que nous trouvâ- mes dans les temps écoulés si douloureux et si triste? L'égoïsme sanctifié frémit à cette pensée. Enveloppons-nous plutôt des robes sans tache qui masquent la laideur de nos

238 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

pensées et remercions Dieu, comme le pha- risien, de nous avoir fait autre que les vers de terre. Nous oublions, toutefois, que nous aussi, nous faisions partie de ces mêmes vers de terre si méprisés aujourd'hui.

Pendant bien des années, j'ai examiné et collectionné avec soin les moindres inci- dents qui témoignent de la continuité de notre identité après la mort. Toute théorie doit être étayée par des faits. Je choisis donc, parmi les récits en ma possession, ceux qui sont du plus grand intérêt. Les événements qui se rapportent au premier récit remon- tent à 1852 ou à l'année suivante, et la ville ils eurent lieu est, comme nous l'avons dit, Hartford.

A cette époque, le médium qui joue le rôle principal dans cette histoire demeurait à Springfield, dans le Massacliusets; il était malade et alité. Son médecin venait de lui rendre visite, comme à l'ordinaire. La porte ne se fermait pas sur la personne en ques- tion, qu'un esprit révélait sa présence au malade, et lui faisait la communication sui- vante : (( Vous prendrez cette après-midi le train pour Hartford. Il importe pour

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 239

votre présent, pour votre avenir et pour l'avancement de la cause que vous partiez. Ne nous questionnez point; faites comme nous vous indiquons. » On fît part du fait à la famille, qui rappela le médecin. « Qu'il parte )>, dit celui-ci, voyant que le malade était résolu d'agir suivant le message qu'il avait reçu « qu'il parte, mais comme il y va pour lui de la vie, qu'il ne s'en prenne à personne des conséquences de sa conduite. « Le médium se mit en route sans même sa- voir quel pouvait être le but de son voyage ni comment ce voyage allait se terminer. En descendant du train à Hartford, un étranger vint à lui : « Je ne vous ai jamais vu qu'une fois, dit ce monsieur, mais je ne crois pas me tromper : vous êtes M., n'est- ce pas? » L'autre répondit affirmativement, et ajouta : « Je suis venu ici, à Hartford, mais j'ignore absolument dans quel but. » « C'est singulier, riposta son interlocu- teur, j'attendais, moi, le train pour Spring- field, j'allais vous chercher.

Il expliqua alors qu'une famille influente et connue avait à cœur d'examiner la ques- tion du spiritualisme, et qu'elle serait aise

£'40 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

de voir le médium dont le départ de Spring- field s'est effectué comme nous venons de le dire. On commençait donc à entrevoir le but du voyage, mais tout ce qui devait ar- river restait enveloppé de mystère.

Une agréable promenade en voiture nous amena chez cette famille. Le maître de maison se trouvait par hasard sur le seuil de la porte et ainsi souhaita la bonne venue à un convive sur lequel il ne comptait que pour le lendemain. Le médium entra dans le vestibule, et au même moment crut entendre le frôlement d'une robe de soie. Naturellement il regarda autour de lui, et fut quelque peu surpris de ne voir personne. Sans faire autrement attention à cet inci- dent, il pénétra dans un des salons. en- core le même son frappa son oreille ; c'était comme le lourd frou-frou d'une robe de soie, mais il ne put rien voir qui expliquât ce genre de bruit. Il semble que la surprise qu'il en éprouva se lisait toutefois sur son visage, car l'hôte lui dit : «Vous semblez ef- frayé. Que vous est-il arrivé?» Le médium s'excusa en disant qu'il était fatigué du voyage et un peu nerveux, mais que cela se

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 241

dissiperait. Il ne voulait pas donner de rimportance à un événement gui ne tarde- rait sans doute pas à s'expliquer d'une ma- nière toute naturelle.

A ce moment, le médium se tourna vers le vestibule et aperçut une petite femme, d'un certain âge, mais alerte et à la mine intelli- gente, qui était vêtue d'une grande robe de soie grise. « Voilà donc le mystère expliqué, se dit le visiteur; c'est sans doute quelque membre de la famille que je viens de voir. » Le bruit de la robe arriva cette fois, non pas seulement à l'oreille du médium, mais à celle de Thôte, qui demanda ce que ce bruis- sement insolite voulait dire.

(( Oh! dit le visiteur, ce n'est que le bruit de la robe de cette dame que je vois dans le vestibule. Qui est-ce donc? »

L'hôte ne répondit pas à cette question, et l'arrivée de la famille à ce moment dé- tourna le courant de la conversation.

On annonça le diner. Une fois à table, le visiteur éprouva un peu de surprise de ne point voir parmi les convives la dame en robe de soie grise, et sa curiosité en fut vi- vement piquée.

16

242 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

Au moment chacun se levait de table pour quitter la salle à manger, le médium entendit encore le frôlement de la robe . Il vit rien cette fois, mais une voix lui dit dis- tinctement :

Il me déplaît qu'un autre cercueil soit placé sur le mien, et de plus, je ne le souffrirai point.

Cette étrange communication fut répétée au chef de la famille et à sa femme, qui se regardèrent un moment avec toutes les mar- ques d'un muet étonnement. Le monsieur alors rompit le silence:

(( Nous reconnaissons parfaitement le genre de robe, dit-il, jusqu'à l'étoffe et la couleur; mais ce que nous ne comprenons pas, c'est ce qui a trait au cercueil placé sur le sien; c'est absurde et inexact. »

Le médium ne sut que répondre. Il appre- nait pour la première fois que la vieille dame en robe de soie grise n'était plus au nombre des vivants. Quant à la parenté qui pouvait exister entre elle et son hôte, il l'ignorait absolument.

Une heure s'écoula et la môme voix répéta

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 243

textuellement les mêmes paroles, ajoutant toutefois :

« De plus, Seth n'avait pas le droit de faire abattre cet arbre. »

Le médium dit ce qu'il venait d'entendre, et le maître de la maison parut de plus en plus perplexe :

« Voilà, certes, qui est étrange, dit-il. Mon frère Seth a, en effet, abattu un arbre qui masquait un peu la vue devant la vieille demeure, et nous lui avons tous dit que celle dont vous entendez les paroles ne l'au- rait pas souffert, si elle avait été de ce monde. Quant au reste du message, c'est tout à fait absurde. »

Avant de se retirer le médium reçut une troisième fois la même communication et l'assertion quant au cercueil fut encore une fois positivement contredite. Le médium en fut très troublé, car jamais message inexact n'avait été transmis par lui, et il ne put en dormir de la nuit. Au matin, il ne manqua pas de faire savoir à son hôte toute la peine qu'il en éprouvait, et celui-ci lui fît savoir, que pour en avoir le cœur net, ils iraient ensem- ble au caveau de famille. « Vous verrez,

244 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

ajouta-t-il, que si nous en avions eu l'inten- tion, il serait impossible de le faire, car il n'existe pas assez de place pour mettre un cercueil au-dessus du sien. )>

L'hôte et le visiteur s'acheminèrent aus- sitôt vers le cimetière. On envoya chercher le gardien, qui avait la clef du caveau. Ce- lui-ci arriva, et se mit en devoir d'ouvrir la porte.

Au moment de mettre la clef dans la ser- rure, le gardien parut se rappeler quelque chose, et se tournant vers M..., lui dit :

(( Pardon, monsieur, de ne vous avoir pas prévenu, mais hier, comme il y avait un peu d'espace au-dessus du cercueil de ma- dame, nous y avons mis le petit cercueil de l'enfant de L... Ce n'est que depuis hier, et je n'ai pas encore eu le temps de vous le faire savoir. »

Le médium n'oubliera de sa vie l'expres- sion qui se peignit sur le visage de son hôte lorsque celui-ci se retourna pour lui dire .

(( Mon Dieu, tout est donc vrai! »

Le même soir, l'esprit revint et nous fit la communication suivante :

(( Ne croyez point qu'une pyramide de

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 245

cercueils entassés sur le mien m'importerait aucunement. J'avais à coeur de vous con- vaincre de mon identité une fois pour tou- jours, de dissiper en vous toute espèce de doute quant à savoir si je suis réellement un être vivant, raisonnable, et la même E... que j'ai toujours été. Je n'ai agi ainsi que pour cela. )>

Celui à qui elle a fait ces visites l'a rejointe depuis dans un autre monde. Ses actions étaient belles comme son caractère, et toute sa carrière a été pure comme sa vie. Le spiritualisme fut pour lui une gloire et une joie. Il l'avait éprouvé; il savait que c'était la vérité. Il n'était ni enthousiaste ni crédule, et se voiia tout entier au culte du bon et du vrai.

Ma très estimée amie, M™^ S.-C. Hall, a bien voulu me communiquer le récit sui- vant ;

« Il y a plusieurs années, alors que bien des personnes regardaient le spiritualisme comme un mythe, d'autres comme une farce, d'autres encore comme un piège du malin, et que bien des amis cherchaient à nous dé-

246 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

tourner de cette grande vérité, nous fîmes la connaissance de Daniel D. Home et aussi de miss Andrews, que nous appelions fami- lièrement L. M... La conviction alors entra dans nos cœurs, et c'était pour nous un vé- ritable privilège de jouir de la société de ces deux médiums, lorsque les occupations de la vie de chaque jour leur en laissaient le loisir.

Un matin que miss Andrews était notre hôtesse, et que nous étions en train de réca- pituler au soleil les plaisirs de la veille, un do- mestique annonça la visite d'une sommité du monde littéraire, de Colley-Grattan, auteur de plusieurs livres estimés et pendant quel- ques années consul à Anvers et à Boston.

Après les civilités d'usage, il demanda à miss Andrews des nouvelles de sa santé, et continua sur un ton enjoué de l'apostropher à peu près en ces termes :

Eh bien! mademoiselle, avons-nous eu ces temps derniers quelque visite du monde des esprits? ou avez-vous été obligée de vous contenter de nous autres pauvres misérables mondains que nous sommes? Voyons, ne restons pas silencieuse ; et

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 247

avouez que vous n avez rien vu ni rien en- tendu qui vaille la peine d'être raconté.

Je vois, dit-elle, de ce ton lent, réfléchi qui lui allait si bien, je vois en ce moment même, un esprit qui se tient debout à vos côtés, et qui me dit s'appeler Emma.

Colley-Grattan se leva précipitamment de son siège. Il répéta ce nom, et ajouta :

Eh bien! oui, que savez-vous d'elle? Il se tenait debout, tremblant.

Miss Andrews reprit :

Elle me dit qu'elle veille sur vous pour vous protéger, parce que vous et votre femme, vous avez été bons pour elle, et que vous l'avez arrachée aux mains d'un mari brutal. Vous rappelez-vous, par une sombre nuit d'orage, lui avoir porté secours sur le pas de votre porte, et l'avoir fait entrer dans votre maison? Lorsqu'elle s'évanouit, votre femme la prit dans ses bras comme pour la réconforter, et vous fites chauffer du vin épicé qu'on lui donna à boire quand elle reprit ses sens. Vous rappelez-vous avoir provoqué le mari pour sa conduite lâche et inhumaine?

Lorsque miss Andrews lui eut ainsi parlé

248 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

un moment, Colley-Grattan, dont le trouble augmentait visiblement, s'écria tout à coup :

Oui, pauvre Emma, pauvre femme, oui, c'est vrai. Ce monstre, quoique membre du parlement, avait mérité l'échafaud. Mais, je n'en puis entendre davantage. Il faut que je sorte. Adieu. Jamais plus on ne me verra railler votre doctrine.

M. Grattan sortit de la pièce en proie à la plus vive agitation. Je le suivis et le trouvai sur un divan dans le corridor.

Sans doute qu'elle en sait davantage ; mais je ne puis l'entendre. Cette pauvre créature était la meilleure amie de ma femme. Et quant à l'incident de la porte, il n'était connu que de ma femme et de moi.

Je revins au salon, et miss Andrews ajouta :

Elle l'a suivi pour l'assister... Voulez- vous lui dire que la pauvre Emma est morte d'un cancer, chose qu'il sait d'ailleurs, mais, ce qu'il ne sait pas, c'est que le cancer a été causé par un coup du mari?

A quelques jours de là, M. Grattan re- vint nous voir, mais miss Andrews était retournée chez elle.

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 249

Il me pressca de questions pour savoir ce que miss Andrews avait dit après son dé- part. Sa surprise fut extrême lorsqu'il apprit le fait en question.

Nous savions que sa mort avait été causée par un cancer, mais elle ne nous a jamais dit, pauvre chère créature, que ce fût son mari qui eût provoqué chez elle cette douloureuse maladie. Faites-moi Tamitié, lorsque vous verrez miss Andrews, de lui répéter qu'on ne m'entendra plus jamais railler le spiritualisme.

Dans le Blackwood's Magazine du mois de mars 1876, se trouve un fort remarquable article intitulé : Puissances de Vair, Le texte se rapporte à certains phénomènes qui se sont produits en ma présence, et j'ai prié la dame de m'en donner les détails.

(c Ma première expérience fut aussi frap- pante qu'elle était inattendue. J'étais des- cendu dans un hôtel d'une ville d'Europe personne ne me connaissait et je n'étais connu de personne. On ne parlait au salon que des étranges phénomènes qui s'étaient produits lors d'une séance donnée

2Ô0 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

récemment par M. Home. J'exprimai le désir d'être présenté au fameux médium, qui m'invita à une séance pour le soir même.

Nous étions sept, tous étrangers les uns aux autres, et tous n'ayant fait la rencontre de M. Home que quelques jours aupara- vant. On se mit autour d'une grande table sur laquelle nous posions négligemment les mains, tout en causant de choses indiffé- rentes. Au bout d'un quart d'heure environ, une vibration se fit parfaitement bien sentir, et plusieurs des assistants subirent les attou- chements de mains invisibles. On entendit frapper cinq coups sur la table pour de- mander l'alphabet, que M. Home se mit en devoir d'épeler. Alors, délaissant la table, les coups furent frappés sur mes genoux, mais avec une telle rapidité qu'il était impos- sible de noter les lettres. Il y avait comme deux influences en opposition, chacune cherchant à s'exprimer; M. Home demanda qu'on voulût bien frapper plus lentement, et sur la table. Rien n'y fit. Enfin il posa cette question :

Voulez-vous répondre sur l'accordéon?

Aussitôt l'instrument qui était sur la

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 251

table se gonfla de son propre mouve- ment, et rendit trois sons clairs et nets pour exprimer l'afl^rmative. Le reste de la soirée les réponses à nos questions furent toutes données par des coups frappés sur le bois de cet instrument. Avec l'assentiment de M. Home, je mis la main sous la table, et demandai qu'on voulût bien me toucher. Les cinq doigts furent alors touchés l'un après l'autre, et une main chaude vint se poser dans la paume de ma main. Je repliai tout doucement les doigts comme pour l'étreindre. La main resta ainsi tranquille- ment placée dans la mienne pendant l'espace d'une minute peut-être, et puis, elle ne s'y trouva plus; comment, je ne saurais le dire. Elle ne fut pas retirée, et elle ne me sembla point diminuer graduellement de volume. Depuis lors, j'ai plus d'une fois, dans la rue, lorsque M. Home m'accom- pagnait, éprouvé le même étrange attou- chement, et dans des conditions d'entou- rage telles, qu'il n'aurait pu réussir s'il s'était avisé d'employer un moyen mécani- que ou artificiel.

M. Home bientôt, pour obéir aux coups

252 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

frappés, prit l'accordéon d'une main et de telle façon que les touches se trouvaient renversées vers le plancher. L'instrument se mit à jouer d'une manière ravissante; on eût dit les accords qu'on entend parfois en rêve, et qui font le désespoir de ceux qui les veulent noter. M. Home nous conseilla de mettre deux flambeaux sur le parquet, pour mieux voir les mouvements de l'instrument qui se gonflait, se contrac- tait, et dont les touches se mouvaient comme sous l'action d'une main invisible.

Lorsque la musique cessa, M. Home retira sa main; mais l'accordéon n'en con- tinua pas moins à se mouvoir un temps et alla se plaquer, comme par une espèce d'at- traction, contre le genou de la personne assise auprès de M. Home, il resta, ballotté comme un ballon, pendant tout le restant de la séance.

Je dois dire que la pièce nous nous trouvions, depuis le commencement jusqu'à la fin de la séance, resta non pas éclairée seulement, mais éclairée à giorno.

J'obtins de faire mentalement plusieurs questions qui, chacune a son tour, reçut

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 253

une réponse correcte , accompagnée des noms et j)rénoms d'amis on de parents décédés, et de détails à couj^ sûr ignorés des assistants, qui, tous, comme je Vai dit, m'étaient parfaitement inconnus vingt- quatre heures auparavant.

Enfin M. Home, entrant en extase som- nambulique, se mit à décrire minutieu- sement la personne, les incidents de la maladie et la mort d'un parent de l'un des assistants.

Grâce à l'obligeance de M. Home, j'as- sistai le lendemain à une séance chez un artiste de ses amis, les phénomènes eurent un caractère un peu différent. Nous étions en tout sept personnes comme la veille, inconnues les unes aux autres. Le premier incident remarquable de la soirée fut que la table, autour de laquelle nous étions assis depuis vingt minutes, com- mença de s'élever lentement du plancher, avec un mouvement qui imitait le tangage d'un bateau en mer, les mains de six per- sonnes étant sur la table, et M. Home s'étant retiré un peu hors du cercle, mais restant assis, les bras croisés. A un pied du

254 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

parquet, la table sembla reprendre son équilibre, puis s'éleva posément dans les airs, nos mains restant appuyées sur le rebord tant que nous pouvions y atteindre. La table s'éleva jusqu'à un pied du plafond, et se mit ensuite à descendre lentement. La dame de la maison, prise de frayeur à l'as- pect d'une lampe au pétrole qui semblait sur le point de perdre son équilibre sur la table maintenant penchée, se précipita en avant pour la saisir, mais M. Home l'arrêta en lui disant :

Ne craignez rien, aucun accident ne saurait arriver.

La table tomba alors lourdement contre le parquet, mais aucun des objets qui s'y trouvaient ne fut dérangé. Elle s'éleva de nouveau jusqu'à un pied du plafond, et redescendit cette fois légère comme une plume sur le plancher. Elle s'éleva une troi- sième fois, et revint se poser si doucement à terre qu'on eût pu entendre une épingle tomber au même moment.

Bientôt après, plusieurs des assistants virent des mains paraître au bord de la table. J'avoue n'en avoir pas vu, mais je sentais

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 255

Lien leurs attouchements. A quatre reprises différentes on me mit dans la main des fleurs qui se trouvaient dans un vase. Comment?je ne saurais le dire, l'agent étant pour moi invisible. Une main tenant une fleur se posa sur mon front, et un mouve- ment de va-et-vient fut imprimé à la fleur contre mon visage. Une chaîne de montre que portait un des assistants fut tiraillée avec tant de violence que le propriétaire dut se pencher pour obéir à la force invisible qui le tirait ; il s'aperçut le lendemain que les anneaux avaient été tellement écartés que la chame était réduite en pièces.

Le tout se passait en pleine lumière.

Au cours de la séance, un accordéon placé à terre se mit à jouer d'une manière char- mante, mais au même instant un train de chemin de fer, passant non loin de l'hôtel, fit entendre un sifflement prolongé, qui se termina par trois appels aigus de la sou- pape. La musique cessa brusquement, et- l'accordéon reprit, comme un écho, le cri démoniaque de la locomotive, avec les trois notes finales d'avertissement; puis, l'instrument se remit à jouer sa première

256 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

mesure douce et plaintive, qui alla s'étei- gnaiit graduellement, ainsi qu'une musique qui s'éloigne.

Bientôt la chaise M. Home était assis fut comme tirée en arrière par une force invisible, de sorte qu'il se trouva à une dis- tance de deux pieds environ en dehors du cercle. Presque aussitôt une main vint se placer sur le genou d'un des assistants, une main large et puissante, avec des doigts allongés sans cesse en mouvement, s'ouvrant et se refermant sur le genou, ainsi qu'un éventail. Cette manifestation persista pen- dant trois ou cinq minutes, je crois, mais le temps nous parut beaucoup plus long. Cha- cun se leva pour observer le phénomène, M. Home comme les autres. Lorsque la main disparut, personne ne put dire com- ment; elle ne s'évanouit pas peu à peu, mais d'un seul coup.

Ce ne sont que quelques-uns des inci- dents les plus remarquables des deux séan- ces; une quantité défaits intéressants, mais d'un caractère trop personnel, ont été négli- gés à dessein.

C'est ainsi que M. Home, lorsqu'il se

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 257

trouva sous l'empire de l'extase somnam- bulique, se tourna vers moi et me dit :

Il y a un portrait de sa mère.

Je ne fis aucune réponse, mais je me dis en moi-même : a Non, il n'y en a pas. » Cette pensée s'était à peine formulée dans mon esprit que M. Home répliquait :

Pardon, il y en a un.

J'étais résolu de ne fournir 'aucune indi- cation, et je continuai à garder le silence, tout en me disant intérieurement : « Si étrange que soit tout ce qui est arrivé jusqu'ici, vous vous trompez. »

Mais non, répliqua M. Home, comme répondant à ma pensée intime; nous ne nous trompons nullement; il y a un por- trait d'elle avec une bible ouverte sur ses genoux.

Je me rappelai alors seulement qu'il avait été fait, en effet, un daguerréotype de sa mère, mais il y avait bien trente ans de cela.

A coup sûr M. Home n'a jamais vu ce portrait, et l' eût-il vu, qu'il n'aurait pu dire le genre de livre que la personne tient sur ses genoux, et qui ressemble autant à une bible qu'à tout autre volume.

17

258 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

M. S.-B. Brittan, écrivain célèbre, rap- porte le fait suivant :

« C'était en 1852. La faculté médianimi- que de Daniel D. Home venait d'attirer sur lui l'attention de tout le monde. Je consacrai alors quelques semaines à l'examen des faits étonnants qui se passaient sous nos yeux. Nous voyageâmes de concert dans le comté de New-England, nous visitâmes plusieurs localités. Nous étions ensemble à toutes les heures du jour et de la nuit. J'occupai avec lui la même chambre, afin d'avoir le plus d'occasions possibles pour me rendre compte des phénomènes en question. Souvent, lors- que le médium était profondément endormi et qu'il ignorait à coup sûr ce qui se passait, j'ai eu avec les esprits de longues et inté- ressantes conversations.

« Mais le fait le plus étrange eut lieu à Greenfield, dans le Massachusets. Un matin que nous avions organisé une petite séance et qu'on épelait l'alphabet, au milieu d'une série de manifestations exceptionnellement variées et bizarres, nous fûmes surpris sou- dain d'entendre des coups frappés avec une très grande force, accompagnés de Tordre

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 259

d'épeler à nouveau l'alphabet. Quelqu'un fit la remarque que c'était un non-sens de de- mander l'alphabet alors qu'on était en train de l'épeler. Alors la table fit un mouvement d'une violence inusitée. Voyant ce qui se passait, je dis qu'il n'y avait sans doute au- cune confusion, mais qu'un autre esprit était venu interrompre la communication précé- dente, parce qu'il avait quelque chose de plus important à nous transmettre. Aussitôt des coups retentirent par toute la pièce, et la table fut violemment secouée en signe d'assentiment. J'épelai alors l'alphabet, et je reçus le message suivant :

« On vous demande chez vous ; votre enfant est très malade; partez tout de suite ou ce sera trop tard.

(c Je saisis ma valise et je partis. Dans la rue, j'entendis le sifflet de la locomotive : c'était le dernier train ce jour-là pour me rendre chez moi. La station se trouvait à un huitième de mille, de sorte qu'en courant de toutes mes forces, je pus arriver au moment le train allait partir. Je n'eus que le temps de grimper à l'arrière du dernier wagon ;

260 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

sans quoi j'aurais été trop tard, comme l'avait dit le message.

(( Arrivé chez moi, je constatai l'absolue vérité du fait que l'esprit m'avait annoncé. »

Le 23 janvier 1869, j'allai à Brighton. La comtesse de Caithness m'invita à son hôtel, et une séance eut lieu après le dîner, le soir de mon arrivée. Etaient présents : lady Louisa Kerr, lady Gomm et son neveu, l'honorable Edward Douglas, M. S.-C. Hall, M""' Edward Jones, notre hôtesse, et moi.

Voici comment la comtesse elle-même rend compte de cette séance qui eut lieu dans son salon.

« Nous commençâmes par une prière, qui fut dite à haute voix par M. S.-C. Hall, et à laquelle chacun s'associa mentalement. Presque aussitôt les esprits manifestèrent leur présence. La table fut déplacée; elle s'éloigna notablement de l'endroit elle est d'ordinaire, c'est-à-dire au centre de la pièce, au-dessous du lustre. Le salon était fort bien éclairé : deux becs de gaz brûlaient à demi-jet, et plusieurs bougies répan- daient une vive clarté.

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 261

« Lacly LoLiisa Kerr était très désireuse de voir apparaître une main. Son désir ne tarda pas à être pleinement exaucé. Chacun de nous, d'ailleurs, subit des attouche- ments, mais de mains différentes. On épela l'alphabet, et plusieurs communications nous furent adressées, l'accordéon à mainte reprise donnant le signal de la communica- tion par quelques notes de musique. Puis vint une communication que je ne puis transcrire, à raison d'un accident qui est survenu au papier sur lequel cette commu- nication avait été écrite. Voici la cause de l'accident.

« M. Home entra tout à coup en extase somnambulique. Il se promena de long en large, joua du piano, et se tint debout un moment derrière la chaise de M. Douglas. M. Home semblait s'entretenir avec quel- qu'un près de lui et le magnétiser, disant que c'était pour son bien et que cela dissi- perait son mal de tête.

« Ensuite M. Home se dirigea vers la cheminée brûlait un grand feu, plongea ses mains dans l'âtre, et en retira une masse de charbon embrasé. Il se promena quelque

262 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

temps, soufflant dessus pour en attiser la flamme, puis, venant vers lady Louisa, il fit le geste de vouloir lui remettre ce brasier ardent. Lady Louisa recula, effrayée.

(( Non, dit M. Home, n'ayant pas la foi, vous ne sauriez tenir ce charbon.

« A ces mots, lady Gomm avança les deux mains :

(( En ce cas, donnez, dit-elle; je les prendrai sans crainte.

« M. Home plaça alors la masse enflam- mée et fumante dans les mains de cette dame, qui n'en éprouva aucun dommage, même après l'avoir tenue pendant au moins deux bonnes minutes. Le charbon fut en- suite placé sur la feuille de papier dont il est question plus haut, laquelle flamba aussitôt, brûlant un grand trou à l'endroit même la communication avait été écrite. J'ai con- servé ce papier à moitié détruit par le feu, comme souvenir de cette intéressante soirée. »

L'année 1858, j'allai en Russie, accom- pagner mon futur beau-frère, le comte Grégoire Kouchelefl*-Besbarodko et sa fa-

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 263

mille, ainsi que mon vieil ami, Alexandre Dumas père. Arrivés à Pétersbourg", nous sommes descendus à Paloustreva, demeure princière du comte, située sur les bords de la Neva, et à vingt minutes de la capitale. Ce beau domaine fut donné au prince Bes- barodko, grand-père du comte Grégoire, par l'impératrice Catherine IL Quelques jours après notre arrivée, S. M. l'empereur Alexandre II me pria de me rendre auprès de lui à Péterhoff, résidence de la cour en été. Pensant que l'Empereur voulait se rendre compte des phénomènes qui se pro- duisent en ma présence et n'ayant point de manifestation pour le moment, je fis part de cela à Sa Majesté, ajoutant qu'à la pre- mière indication d'un retour, je me tiendrais entièrement à ses ordres.

Le lendemain, un nouveau message de l'Empereur me fit savoir que ce n'était pas seulement comme médium qu'il désirait me voir, mais comme gentilhomme privé. Ces gracieuses paroles du monarque resteront toujours gravées dans mes souvenirs, ainsi que la bienveillance dont il m'a toujours honoré depuis.

264 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

Je me suis rendu à son appel, et j'étais heureux aussi d'annoncer à Sa Majesté que le don médianimique m'était revenu. Arrivé au palais, un appartement m'était ré- servé, on m'annonça le comte Alexis Tolstoï, aide de camp de service de Sa Majesté. Il s'est écoulé un quart de siècle depuis lors et voilà sept ans que le comte n'est plus de ce monde. Je vois néanmoins encore à cette heure son regard se reflète toute la beauté de son âme, l'ensemble de ses traits si éner- giques où respire à la fois une douceur de caractère, une bonté, un charme irrésistible allié à une flamme intérieure qui ne se ren- contre que chez les hommes doués d'un réel génie. Il a laissé, comme poète et comme écrivain, un nom immortel. Je ne puis lui rendre ici qu'un faible tribut à sa mémoire ; j'avais une profonde estime pour lui et une afl'ection sincère qui n'a fait qu'augmenter en voyant le courage de ses opinions et la persévérance avec laquelle il investiguait et constatait les phénomènes du spiritualisme. Il a assisté aux huit premières séances chez l'Empereur; ensuite je suis allé à Pousti- neka, charmant séjour que le comte pos-

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 265

sède aux environs de Pétersbourg, les manifestations les plus variées se sont produites. J'étais toujours l'hôte bienvenu dans sa maison, et je garde un souvenir bien doux de l'amitié qu'il me témoigna jusqu'à son départ de ce monde, séparation pénible mais non éternelle. Je regrette de n'avoir pu retrouver son récit des sécinces de Péterhoff, mais je donne ici textuellement deux de ses lettres adressées de Londres à la comtesse sa femme, et qui parlent des phénomènes auxquels il a assisté.

« Londres, dimanche 17 juin 1860.

« Dans ce moment, il est 2 heures de la nuit, je reviens de chez Home et malgré le mal que me fait notre séparation, je ne regrette pas mon voyage à Londres, car cette séance a été renversante. Botkine (frère du docteur) converti, veut s'enfermer demain et ne pas sortir de la journée pour méditer sur ce qu'il a vu. Nicolas, l'imbé- cile, indisposé, n'a pas voulu assister à la séance. Il y avait moi, Botkine, M™'' Home, ]yjme Miiner Gibson (femme du ministre du

V

266 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

commerce), le comte Alexandre Stenbock- Fermor et une dame de compagnie. D'abord il y a eu toutes les manifestations que tu connais, ensuite on a opéré dans une demi- obscurité. Tous les meubles se sont dépla- cés : une table s'est placée sur une autre table, un canapé est venu au milieu de la chambre, une sonnette s'est promenée en l'air dans toute la chambre en sonnant, etc. Ensuite on a fait une obscurité presque complète : il n'y avait que la fenêtre, faible- ment éclairée par le gaz de dehors. Le piano a joué tout seul ; un bracelet a été ôté de la main de M'"^ Milner Gibson et est venu tomber sur la table en répandant de la lumière. Home a été enlevé de terre et j'ai palpé ses pieds pendant qu'il volait en l'air au-dessus de nos têtes. Des mains sont ve- nues me prendre les genoux et se poser dans mes mains, et quand j'ai voulu en saisir une, elle s'est fondue. Il y avait sur la table du papier et des crayons; un papier est venu se fourrer dans ma main, et l'alpha- bet a dit que je devais le remettre à Home. Il y avait dessus : « Aimez-la toujours, « N. Kroll. » L'écriture était tout à fait sem-

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 267

blable à celle de la mère de M™" Home, et nous l'avons comparée avec celle de ses lettres. Une voix très faible s'est fait enten- dre pendant que le piano jouait. Des coups aussi forts que ceux cVun mai^teau ont frappé dans la table, sous les mains de Botkine, un coussin est venu tomber sur ma tête. Ce qui m'aurait surtout convaincu, si j'étais incrédule, ce sont les mains que j'ai senties, qui m'ont frappé dans les mains et qui se sont fondues quand j'ai voulu les saisir. Un vent froid a circulé très sensible- ment autour de nous, des parfums se sont fait sentir. Home, après la séance, avait la main brûlante et les larmes lui coulaient des yeux. Sa femme et lui voyaient constam- ment une étoile sur une des chaises, mais je ne l'ai pas vue. Des mains visibles ont passé devant la fenêtre faiblement éclairée par le gaz du dehors. Les rideaux des fenêtres ont été tirés. M™^ Milner Gibson m'a engagé à venir demain soir chez elle à une nouvelle séance, mais malheureusement Botkine, cette fois, n'a pas été invité à cause de trop de monde. »

^'i

268 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

« Londres, 19-7 juin 1860.

« J'ai eu hier un mal de tête de la grande espèce, c'est-à-dire à donner de la tête contre le mur. Néanmoins, j'ai mis mon frac avec cravate blanche, et suis allé chez M""' Milner Gibson à une séance. J'aurais fait 1,000 lieues pour voir ces choses. Il y avait lord and lady Clarence-Paget, lord Dufferin, lord de Tablet, le docteur Ashbur- ner, médecin célèbre, athée converti par Home, M"'' Galer, dame de compagnie ; miss Alice, fille de M™' Milner Gibson (15 à 16 ans), son frère, un garçon de l'âge de George, très bon, et M""^ Home. Les deux enfants et M""" Home étaient dans la cham- bre, mais non à la table il y avait trop peu de place pour tous. La séance a été beaucoup moins bonne que la première, mais il y a eu un nouveau phénomène. J'ai vu l'harmonica jouer tout seul, et après chaque phrase il y avait un écho très loin- tain, mais très distinct et très agréable qui la répétait. Lord Clarence, se sentant saisi par le genou, voulait me faire palper la main qui le tenait, et comme je lui mis la mienne

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 269

sur le genou sans rien trouver, il sentit à travers ma main l'autre qui le pressait tou- jours. Cette fois, Home n'a pas volé dans l'air (en ma présence). Les trois lords assis- taient à la séance pour la première fois et ne se sont pas fait faute de se mettre sous la J(

table à V invitcttioii de Home, tandis que nous autres nous observions ce qui était dessus.

(( A. ï. »

Le salon fut éclairé par deux lampes et plusieurs bougies, et quand la séance fut terminée, tout le monde a passé dans un autre salon; il n'y avait que lord et lady Clarence-Pagetet moi qui restions à causer, quand tout d'un coup j'ai senti que j'étais soulevé et je l'ai dit à lord Clarence, qui s'est mis à genoux et passa ses mains entre mes pieds et le tapis.

Nous terminerons ce chapitre par un récit que la comtesse Caterina Lugano di Panigai a bien voulu me fournir et qui est écrit tout entier de sa main. Cette dame demeurait 8, via Jacopo da Diacceto à Flo-

270 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

rence. Son récit est aussi complet qu'il est intéressant, et je lui cède bien volontiers la parole :

« Un soir de juillet 1874, j'ai eu le bonheur d'assister à une séance donnée par M. Daniel Dunglas Home, médium célèbre, dont je ne ferai point ici le portrait; M. D.-D. Home étant trop connu pour ses qualités distin- guées et pour cette loyale et franche con- duite qui distingue le vrai gentilhomme.

« La séance commença à 8 heures du soir. Les personnes invitées étaient : M""*" la com- tesse Bartolomei Passerini, M™^ Webster, le chevalier Soffietti, M. Monnier, M"'^ et M. Home, et moi.

« Le salon avait lieu la réunion était au premier étage d'un hôtel à Florence.

(( Une table ronde, très grande, se trou- vait au milieu de la salle; dans un coin, mais à l'autre bout de la pièce, était aussi une petite table, et non loin de celle-ci un piano.

« Une lampe à pétrole avait été placée sur la grande table et deux bougies allumées sur le piano, de sorte que le salon était par- faitement bien éclairé.

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 271

« M. Home nous pria de prendre place autour de la grande table. La marquise Passerini était à la droite du médium, moi à sa gauche. A peine étions-nous assis et la chaîne formée, qu'un léger bruissement se faisait entendre dans la table, indice que les ;>^'

manifestations allaient commencer.

« Ce fut d'abord comme un frémissement imperceptible, qui alla croissant, de sorte que la table ne tarda pas d'être secouée bientôt avec une certaine violence.

« Puis elle devint tout à coup lourde au point que toutes nos forces réunies ne purent l'ébranler; elle était comme ûgée au par- quet. Quelques minutes après, elle devenait si légère, que nous la pouvions soulever d'un doigt.

<( Des coups se firent entendre et des mouvements eurent encore lieu, après quoi l'esprit de ma petite Stellina se manifesta, un cher petit ange qui m'avait été ravi par une cruelle maladie à l'âge de cinq ans et dix mois. J'ai tout de suite reconnu sa petite main, qui me caressait et me tirait en jouant les manches de ma robe, prenant tantôt mon éventail, tantôt mon mouchoir, puis

272 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

laissant tomber ces objets sur mes genoux. Tout à coup j'ai parfaitement senti sa gra- cieuse petite personne appuyée contre moi, et sa tête chérie se poser sur l'un ou l'autre de mes genoux, tandis que ses mains conti- nuaient à me faire des caresses et à jouer. Je ne saurais décrire toute la joie, toutes les émotions que j'éprouvai à ce moment; aussi le courage me manqua lorsqu'on me dit de regarder sous la table : je craignais de faire disparaître le cher petit ange qui reprenait ainsi une forme matérielle pour venir me consoler.

« M. Home est aussi médium voyant, et il nous donna des preuves bien éclatantes de ce don. A peine tombé dans une transe, il s'adressa à M. le chevalier Sofïietti et lui dit : (( Votre vieille bonne est auprès de «vous; » et comme il semblait ne pas se souvenir, M. Home continua : « Elle dit que « vous ne devez pas avoir oublié la négresse « qui vous a sauvé la vie quand vous êtes (( tombé dans une écluse et l'eau vous empor- te tait vers la roue du moulin. )> Ces détails firent tout de suite se ressouvenir le cheva- lier d'un accident dont sa mère lui avait

LUMIÈRE DU SPIRITUALISIME 273

souvent raconté l'histoire et dont il a failli être victime à l'âge de quatre ans. Il fut frappé d'entendre ces détails de la bouche de M. Home qui le voyait ce soir pour la première fois. Durant ces communica- tions, j'avais les affectueuses démon^-îtra- v*^ tiens de ma Stellina qui ont cessé dès que M. Home, toujours en transe, s'est adressé à moi, disant qu'il voyait un autre esprit à côté de moi, et qu'il portait l'habit militaire. La description qu'il m'en donna me fît bientôt reconnaître mon père. C'était lui en effet, car , pour me prouver son iden- tité, mon père imita une fanfare sur un accordéon que j'avais apporté moi-même. Il exprima ensuite le désir de me parler. M . Home se mit à épeler l'alphabet, et à chaque fois que lalettre devait être marquée^ il frappait un coup sur la table à l'endroit même se trouvaient mes doigts, ou bien il me tirait par la robe.

(( Grâce à ce moyen, mon père me fit sa- voir des choses d'un haut intérêt pour moi, et dont moi seule pouvais réaliser toute la portée.

« La communication terminée, je regardai

18

274 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

avec intérêt les personnes autour de moi, et mes yeux s'arrêtèrent sur la comtesse Hen- riette Passerini, qui avait une fort belle rose à son corsage. Je priai alors mentale- ment mon père de prendre à ma chère Henriette et de m' apporter cette fleur. Cette prière mentale était à peine formulée dans mon esprit, qu'une main, visible pour moi comme pour tout le monde, prit la rose et me la mit prestement dans la main. Ce fait, que je regarde comme un prodige, s'accom- plit si vite que j'en demeurai toute interdite.

(( Le célèbre médium vit bientôt qu'un nouveau phénomène allait s'accomplir. Son fauteuil et le mien se rapprochèrent subite- ment, et la petite table isolée, k l'autre bout de la salle, se dirigea tout a coup précipi- tamment vers moi. Craignant quelque choc, j'avançai la main comme pour me garantir, mais l'invisible force qui la faisait se mou- voir avait aussitôt deviné ma pensée, et la fit s'arrêter juste à proximité de moi, comme par enchantement.

« Ce phénomène m'impressionna vive- ment, de même que tous les assistants, la pièce étant parfaitement éclairée.

LUiMIÈRE DU SPIRITUALISME 275

« ^lais les merveilles de cette mémorable soirée sont loin d'être épuisées. A plusieurs reprises les assistants subirent des attouche- ments. L'accordéon, placé sous la table, se mit à jouer tout seul; on prit une bougie pour suivre le phénomène, et alors chacun put voir une main sur les touches de l'ins- trument, qui en tirait des accords très doux, très harmonieux .

«Vers la fin de la séance, M. D.-D. Home tomba dans un sommeil extatique, comme il arrive souvent. Il raconte alors, parlant à tout le monde et avec une grande rapidité d'élocution, des événements se rapportant à la vie de chacun, des faits d'une nature per- sonnelle ; il cite des noms et fait part de cir- constances qui, le plus souvent, ne sont connues que de la personne à qui il s'adresse. C'est ainsi qu'inspiré par l'esprit de mon père, il m'avertit de certains faits qui, en grande partie, ne tardèrent pas à se réahser pour moi par la suite.

« Un vif désir s'empara alors de mon es- prit, le désir d'apprendre quelques détails sur la cruelle maladie qui m'avait enlevé le petit être si cher à mon cœur. Aussitôt,

■^

276 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

sans en rien dire au médium, l'esprit de ma Stella me fit par son intermédiaire la com- munication suivante :

(( Ma chère petite maman, tu as fait «tout ce qui était possible pour me sauver, «mais l'heure avait sonné, et le poison de cette « maladie avait apporté déjà la mort dans mes « veines. Je ne veux pas que tu pleures, et je « veux quetumepromettesde ne plus t'aban- « donner à la douleur lorsque tu regardes « ma robe blanche et ces petites bottines, les « dernières que j'ai portées et que tu tiens «enfermées avec tant de soin. »

« Cette communication de ma Stellina m'émut jusqu'aux larmes, et me donna la plus grande preuve de toutes celles four- nies jusqu'alors quant à son identité, car tout le monde ignorait, et ma mère elle- même, l'existence de cette robe, de ces bot- tines, et l'endroit je les tenais cachées.

« Je dois ajouter que Stellina, après avoir écrit son nom, m'avoir touchée et caressée plusieurs fois, du côté opposé à celui se trouvait le médium, promit de me donner encore une preuve de sa présence, mais à une condition : c'est queje n'ouvriraisle cof-

LUMIÈRE DU SPIRITUALISME 277

fret se trouvaient enfermés les objets en question que lorsque j'entendrais des coups frappés sur le coffret même.

« Arrivée chez moi et me trouvant seule dans ma chambre à coucher, je pensais avec ^

bonheur aux faits extraordinaires qui ve- naient de se passer ; les douces paroles de ma chère enfant résonnaient encore à mon oreille et me donnaient la plus grande des '^

consolations.

(( J'écrivis le lendemain matin à une amie pour la prier de venir passer la journée avec moi, car j'éprouvais le besoin d'épan- cher dans le cœur de quelqu'un la trop grande joie qui m'inondait.

« Elle accourut aussitôt. Je l'embrassai et me mis tout de suite à lui conter tout ce qui m'était arrivé la veille.

« Je n'avais pas fini mon récit que des coups retentirent dans le meuble se trouvait le coffret. Saisies l'une et l'autre d'une émo- tion bien compréhensible, je ne pus pro- noncer un mot, mais je me précipitai dans une pièce voisine pour prendre la clef du meuble et retournai bien vite auprès de mon amie, qui attendait au salon.

278 LA LUMIÈRE ET LES OMBRES DU SPIRITUALISME

^< J'ouvris le meuble d'une main fébrile. Ensuite, détachant une petite clef que je portais toujours au cou et qui ne m'aban- donnait jamais, j'ouvris le cofïret. Quelle k ne fut pas ma surprise en soulevant le cou-

vercle de voir nettement tracée sur une des élastiques en soie blanche de la petite bottine la forme d'une étoile! Le dessin en était ' noir et se composait de deux triangles su-

perposés, de manière à former une étoile à six pointes. Il y avait un œil au centre et une lettre à chaque angle. Les lettres réu- nies formaient son nom, Stella.

(( Je croyais rêver. Personne au monde, je le répète, ne savait ni pouvait savoir que j'eusse ces bottines de mon enfant ; elles étaient d'ailleurs enfermées à double clef.

(c Non ! c'est ma Stella, mon ange adoré, qui, du sein d'un monde invisible, a bien voulu me donner, à moi, sa mère, une preuve éclatante de son amour.

« Que le saint nom de Dieu soit béni !

« Catherine de Panigai. »

■''^'

.1

NICE TYP. ET LITH. MALVANO-MIGNON. RUE GIOFFRKDO, 58-0"^

Genève. Imprimerie Wyss & Duchene

LIBRAIRIE DU MAGNÉTISME, 23, RUE St-MERRt

TRAITÉ EXPÉRIMENTAL DE MAGNÉTISME. Cours professé à l'Ecole pratique de Magnétisme et de Mas- sage, par H. DuRviLLE.

Cet ouvrage, avec deux sous-titres différents, est divisé en deux parties indépendantes, et ciiaque partie comprend deux s'olumes in-l-S reliés. Prix de ciiaque volume ; 3 fr.

1* Physique magnétique, avec Portrait, Signature au- tographe de l'Auteur, Têtes de chapitres, Vignettes spév ia- les et 56 Figures dans le texte.

C'est un véritable traité de physique spéciale, dans la- quelle l'auceur démontre que le magnétisme qui est '.eut différent de l'hypnotisme s'ex[)lique parfaitement par la théorie dynamique, et qu'il n'est qu'un mode vi- bratoire de l'éther, c'est-à-dire une forme du mouvement.

Des démonstrations expérimentales, aussi simples qu'in- gënieuses, démontrent que le corps humain, qui e&t polarisé, émtt des radiations qui se firopagent par ondulations om- me la chaleur, la lumiè*"e, l'électricité, et qu'elles j euvent dé- terminer des modifications dans l état pnysique et morald'una personne quelconque placée dans la sphè.e de leur action.

Par une méthode expérimentale à la portée de tout la iMonde, i'auteur étudie comparativement tous les corps et agents de la nature, depuis l'organisme humain, les anl- m ux et les végt-taux jusqu'aux minéraux, sans oublier l'ai- mant, le magnétisme terrestre, l'électricité, la (halcir, la lumière, le mouvement, le son, les actions chimiques et même les odeurs. 11 démontre que le mognélisme, qui sa trouve partout dans la nature, n'a rien de mystérieux, comnf.e on l'a pensé jusqii'à présent, et qu'il est soumis à des 'ois que l'on p-iïut réduire à des formules précises.

Avec la polarité pour base, le magnétisme, tant discuté depi is trois siècles, sort enfin de l'empirisme pour entrer dans le domaine de la science posi'ive.

2 Théories et Procédés, avec Portraits, Têtes de cha- pitres. Vignettes et Figures dans le texte.

le premier volume expose la pratique des principaux Maîtres de l'art magnétique dcpui?; trois siiHdes Leur théorie estfidèlement anal-ysée, leurs procédés sont minutieusement décrits, et de longues citations de chacun d'eux sont re- ^,roduites.Dans V Introduction, on a une idée des frictions, attouchements et autres procédés de l'antiquité; puis on étu- die les écrits des auteurs classiques : Ficin, Pomponace, Agrippa, Paracelse.Van llelmont. Fludd, Maxwel, Newton, Mesmer, de Puységur, Deleuze, du Pt-tet, Lafcntaine.

Le second volume contient la théorie »t les procédfs de l'auleur, la théorie des centres nerveux, avec de nombreu- <5es figures ; la façon d'établir le ilia.i^nostic des maladies, ai. s rien demander aux malades ; la marche des traitc- .iiei'ts et tous les reaseignemenls nécessaires pour appll- (|uer avec succès le maguét;siHe au traitement dds maladies.

Le Traité expérime-^tal de Magnétisme du profes- seur 11. Durville, écrit dans un ï^tyle Concis, clair et par- fois poétique, qui amuse autant qu'il Instruit, est âlafior- tee lie toutes les intellijiences. Il constitue le manuel le p'us sinipl-^. le plus pratique et le plus c''ni[)!et que l'on posséile Si. r l'ensemble tle la doctrine magnétique. 11 e.st indispensable à toi. s cei.x qui veulent exercer le magné- tisint' au foypr domestique, comme à (;eux qui veulent exercer la profession de masseur ou de mngnéti:ieur.

HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DU MAGNÉTISME, avec Portraits et Figures dans le texte. Cours pro- fessé à VÊcole pratique de Magnétisme et de Mas- sage, par RouxEL, 2 vol. in- 18. Prix du volume, 3 fr.

Comprend deux volumes qui forment deux par ies distinc- tes : /. Che.:; tes Anciens, étudiant minutieu einent les doc- trines de la magie chez tous les peuples civil'sé= d*> l'antiquité l'histoire des sibylles, des voyants, des prophètes et des in>pi- rés, les guérisoDS miraculeuses opérées dans hs temples et chez les profanes ; l'évolution du magnétisme à ttaveis les siècles, en passant par la sorcellerie du moyen-âge, la cabale et la philosophie hermétique, sans en excepter le» treuibleurs des Cévenres, les miracles du diacre Pans, la baguette divi- natoire, jusqu'aux prodiges accomplis par Caglirslro 8. Chez les Modernes, analysant Mesmer, le marquis de l'iiyjégur, Deleuzf^, du Potet, Lafontaine, etc., jusqu'à rhy|jnntisiiie con- temporain.

Tout ce oui touche à la question du magnétisme, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours : hommes doctrines, théories, tout est étudié avec une rare érudition.

Ces deux volumes sont illustrés de portraits, figures, vignettes. Les portraits des Sibylles, d'Apollonius de Thy- ane, Agrippa, Roger Bacon, Paracelse, Van Helmont, Kircher, Gréatrakes, Cagliostro, Mesmer, Court de Gébeiin de Puységur, Pétetin, Lavaler. Deleuze. Bertrand, Noizct, Ricard, Charpignon. Teste, du Potet, Hébert (de Gernay), Lafontaine, Cahagtiet, Braid, Charcot, Durand (de Gros), Luys, Allan Kardec, etc., suffiraient, à eux seuls, pour assurer le succès de l'ouvrage.

L'Histoire et Philosophie du Magnétisme laisse fort loin derrière elle tout ce qui a été écrit sur ce sujet.

LA PSYCHOLOGIE EXPERIMENTALE. Manifeste adressé au Congrès Spiritualiste de Londres en juin 1898, par le Sy.vdicat de la Presse spiiutualiste France. In-cS' de 32 pages. Prix : 30 cent. A côté de l'ancienne psychologie philosof hico-religieuse, une branche nouvelle, la Psi/ehologie expérimentale, prit naissance il y a 50 ans, et tlonna des résultats d'une im- portance considérable. L'ancienne psychologie n"a aucune preuve matérielle de la survivance de l'ànip, tandis que Ih nouvelle en possède de certaines, d'in<iiscutables, acquises spontanémert ou par voie expérimentale.

Expérimenter avec l'àme humaine pour sujet, voilà une étude qui paraîtra au-dessus des forces humaines à | lus d'un psychologue de l'ancienne é-ole; et pouitnnt, rien n'est plus certain. On l'éiudie dans ses mn lifcstations extra-corporelles et l'on acquiert la certitude absolue, non- seulement de son existence, mais aussi de sa si;rvivance au-delà du tombeau : la mort n'est qu'un cli^inon de l'im- mortalité; le mort vit et on peut communiquer avec lui.

Cet opuscule n'est. pas un traité qui enseigne (es moyens d'acquérir cette preuve ; c'est un exposé niétliodiquc de tous les faits psychiques. Les incrédules trouveront des argu- ments sans réplique et apprendront que d'illustres savants ont patiemment expérimenté, résolu lo proijl-^me et publie le fruit de leurs travaux qui j' tte un jour tout noiixeaii sur nos destinées, en nous indi(|U8nt d'où nous venons. ce que noussommes et nous ailotis.

A titre de propagande, cette brochure est expédiée franco, aux conditions suivantes : 100 excmpL; 12 fr.; 50 ex , 7 fr.; 25, 4 fr.; 10 ex. 2 fr.

PRINCIPES GÉNÉRAUX DE SCIENCE PSYCHIQUE

par Albert Jounet. Broch. de 86 pages. Prix : 2U cent.

Contient l'énoncé des lois et propriétés fondamentales de la Joree psychique, que l'auteur considère comme un agent physique. Cet agent est dans tous les êtres; à des degrés di- vers, il est une force Juniverselle que peuvent soumettre, diriger et manier les êtres pensants, visibles et invisibles. Les phénomènes psychiques so nt d'ordre naturel, m ai» influen- cés ou pouvant l'être par un surnaturel mauvais on nn sur- naturel diviiVy et.snivant l'intention, l'agent psychique peut être bienfaisant ou nuisible. Il dépend de nous, de notre savoir, de nos aspirations, d'en user en bien ou en mal. M. Jounet lui reconnaît six propriétés, qui ont pour base la polarité, d'après les travaux de Reichenbach, de Rochas, Uurville.En elTet, la polarisation parait expliquer xes faits psychiques d'une manière claire et précise.

Quand on aura lu cet ouvrage avec toute l'attention qu'il mérite, on sera frappé de rimi>ortanco des découvertes magnétiques. La polarité expliquerait donc aussi les phé- nomènes spirites et occultes.

C'est d'ai'Ieurs la conclusion qui se dégage de ce re- marquable travail. A titre de propagande, la brochure esl expédiée franco aux conditions suivantes : 100 exempl., 7 fr. ; 50 exenip , 4 fr.; 25 ex , 2 fr. .oO ; 10 ex., 1 fr. 25.

LA TERRE. Evolution de la Vie à sa Surface. Son

Passé, son Présent, son Avenir,2gros vol. in-8de372-o87 p. avec 66 fig. et un tableau en couleurs du règne végétal et du règne animal, par Emmanuel Vauciiez. Prix 15 fr.

Ouvrage d'enseignement populaire. On y trouve exrosés et synthétisés tous les résult^ts des prodigieuses décou- vertes scientifiques et spiritua istes de noire époque.

Dans un style clair, à la portée de toutes les intelligen- ces, l'auteur explique la formation du gl.be terrestre. Il a interrogé d'abord, résumé ensuite, l'astronomie, la physi- que, la chimie, la géologie, la biologie, l'anthr-' poiopie et la sociolr.gie, sans oublier le Magnétisme et même le Spi- ritisme,pour nous présenter une «ynthèse de l'évolution de la vie matérielle et spirituele à la surface de la tfrre. C'est un livre des plus intéressants, des i lus instru* til's, pour tous ceux qui veulent se familiari'«er sans efforts avec les vérités principales du inonde scientinaue.

L'ENSEIGNEMENT DU MAGNÉTISME, DU SPIRI- TISME ET DE L OCCULTISME à VEcole ■pratique de Magnétisme et de Massage, à l'Ecole Libre des Scien- ces hermt tiques et à l'Ecole libre des Scierices spiri- tes.— RèKlements statutaires. Organisation, Programme des Etudes et Renseignements divers. In-18 de 108 pages. Prix : 60 cent.

Le titre de cet opuscule indique suffisamment son objet. Rédigé avec le plus grand soin par le directeur de chaque Ecole, pour ce qui concerne son enseignement, il cons- titue le guide indispensable des élèves qui trouveront tous les renseignements nécessaires, depuis l'inscription à cha- que Ecole jusqu'aux examens, en pa.-Nsant |)ar le pr-o- gramme détaillé de toutes les matières enseignées dans les diiïërents cours. La paitie qui concerne l'Ecole prati//ue de MatjnéLlsme et de MassaQe est pamiculièreinent déve- loppée. On y voit jusqu'à la reproduction des Dijtlôii,es, desi Prijc et Certificats dcliviés aux élèves.

LE MAGNÉTISME ET LE MASSAGE MENACÉS PAR LES MEDECINS. Le Procès Mouroux à Angers. Néces- sité d'un amendement à la loi sur l'exercice delà méde- cine, par H.DuRviLLE. 72 pages in-I8. Prix 20 centimes.

La pratique du massage et du magnétisme est sérieuse- ment menacée par les médecins des syndicats qui, ti*ans- formant peu à peu la pratique médicale en un vulgaire métier, voudraient parvenir, au détriment de la santé pu- blique, à posséder le monopole exclusif de l'art de gué- rir. Poursuivant leur œuvre d'industriels sans scrupules, aprèsf avoir vaincu les rebouteurs, masseurs et magnéti- seurs des campagnes, ils s'attaquei'aient certainement aux praticiens de Paris; et peut-être, enhardis par le succès, s'ils le remportaient, tàcheraient-ils de porter atteinte aux droits et prérogatives que le Diplôme de Magnétiseur- praticien, et surtout celui de Masseui\pi'aticien confèrent aux élèves de VEeole pratique de Magnétisme et de Massage.

Après avoir délibéré, les médecins syndiqués, qui ne re- présentent réellement qu'une insignifiante minorité, on dé- cidé de poursuivre tous ceux qui guérissent les malades sans être docteurs en médecine. Mais, s'ils poursuivent, certains tribunaux condamnent, tandis que d'autres ac- quittent ; et la Cour d'appel d'Angers, devant laquelle trois affaires de cegenre ont été portées, a acquitté les accusés.

Cela ne fait pas l'affaire des médecins qui en appellent à la Cour de cassation. Mais, sûrs d'être condamnés, ils parlent déjà de porter la question devant le Parlement, afin d'obte- nir amendement â la loi en leur faveur. C'est pour cela qu'ils ont intenté un procès â Mouroux, sachant bien que celui-ci serait acquitté en première instance et en appel.

Après avoir donné des considérations du plus haut inté- rêt sur la pratique du massage et du magnétisme, et sur les prétentions injustifiées des médecins, l'auteur publie les débats du procès, analyse la plaidoirie des avocaJs, reproduit le jugement d'acquittement du tribunal correc- tionnel et l'arrêt de la Cour d'appel. Il y a des faits qui montrent l'immease avantage que le magnétisme pos- sède sur la médecine, et des arguments qui prouvent le bien-fondé des justes revendications des magnétiseurs. On voit par quels moyens indélicats les médecins veulent arri- ver à leur but. Enfin, une lettre de Mouroux, un appel aux masseurs-magnétiseurs ainsi qu'à leurs partisans, pour or- ganiser un pétitionnement dans le but d'obtenir un amen- dement à la loi les droits de ceux-ci seraient établis.

On sait que les masseurs et les magnétiseurs guérissent des maux que les médecins sont impuissants à sou'ager.

Chaque malade doit pouvoir se faire traiter comme il veuf; et pour lui conserver ce droit indiscutable, ce petit ou- vrage, tiré à un nombre formidable d'exemplaires, doit être répandu jusque dans les plus humbles familles. Pour arriver ace but, {^Librairie du Magnétisme l'en voie franco en gare ou par la poste aux conditions suiva ites : 100 exemp, 7 fr. ; 50 exempl. 4 fr. ; 25 exemn., 2 fr. 50 ; Mi exemp. 1 fr. 25 ; 5 exemp. 75 centimes

LES HALLUCINATIONS.— Etude synthétique 3es Etals physiologique et psychologique de la Veille, du Soui- meil naturel et magnéliqu'^, de la Médiuuinilé et du Magisme, par Alban Dubet. In-18 de 180 pages. 2 r.

Paris. Imp. A. Malverge, 171, rue St-D^nls

D. D. HOME

Le Médium le plus remarquable du sièele

SOCIÉTÉ D'ÉTUDES PSYCHIQUES DE GENÈVE

LE

Médium D. D. Home

SA VIE ET SON CARACTERE

d'après des documents authentiques

PAR

Louis Ga r dy

F»FIIX : 1 fr.

PARIS LIBRAIRIE DU MAGNÉTISME

'23, RUE SAINT-MERRI, 23

INTRODUCTION

Parmi les propagateurs du spiritualisme mo- derne, ainsi que l'appellent les Anglais, du spiri- tisme, suivant le terme plus explicite employé par AUan Kardec, il n'en est point sur lequel la légende se soit plus exercée que sur D. D. Home. Sa vie mouvementée et vraiment merveilleuse était bien digne, d'ailleurs, de fixer l'attention et d'exciter la verve de ceux qui aiment à parler de tout ce qu'ils savent et aussi, malheureu- sement, de ce qu'ils ne savent pas.

(( Le vrai n'est pas toujours vraisemblable. » Cet axiome trouve dans la carrière de Home une application singulièrement frappante ; faut-il s'étonner si, dans notre siècle de scepticisme, la négation l'a emporté sur l'affirmation, le men- songe sur la vérité, en ce qui concerne ce célèbre médium ? Il serait facile, cependant, de s'assurer si Home mérite ou non la confiance ou le blâme ; il existe, en effet, de nombreux documents et

6 INTRODUCTION

pes attestations de témoins, dont la compétence et l'honorabilité sont également incontestées, qui établissent irréfutablement ses facultés extraor- dinaires.

De son vivant. Home a publié deux ouvrages, dans lesquels il raconte quelques-unes des péri- péties de son existence. Mais, d'un caractère plutôt timide et poussant la délicatesse à ses ex- trêmes limites, il ne voulut jamais nommer, sans leur autorisation, les nombreuses personnes qui, ayant assisté à ses séances, avaient obtenu des preuves absolues de la réalité de son pouvoir médianimique. Aussi, sauf quelques rares excep- tions, ne trouve-t-on, dans les deux éditions de ses Incidents of my Life (i), (traduites sous le titre : Révélations sur ma vie surnaturelle) ^ au lieu des noms complets de ceux qui auraient pu attester l'exactitude de ses récits, que des ini- tiales qui ne permettent pas de reconnaître les personnes en cause. Dans Lights and Shadows of Spiritualism (i), ouvrage qui parut plus tard et fut, comme le premier, traduit en français, il ne s'est pas départi de sa réserve, quoiqu'on l'eût accusé d'avoir avancé des faits qu'il ne lui était pas possible de prouver par des témoins dignes de foi.

(') Librairie Galignani, Paris.

INTRODUCTION 7

]\/jme Dunglas Home, sa veuve, a entrepris sa réhabilitation et dans deux volumes : D. D. Home, his Life and Mission (0 et The Gift of I). D. Borne {^), publiés, le premier en 1888, le second en 1890, elle fait la biographie complète de son mari. Ses récits sont appuyés sur les affirmations de centaines de témoins dont elle possède les lettres. C'est un recueil de documents des plus intéressants ; il servira, dans l'avenir, à ceux qui voudront faire l'histoire du spiritisme et des dif- ficultés qu'il a rencontrées à son début.

La (( Society for Psychical Research, » de Lon- dres, eût désiré entrer en possession de ces ma- nuscrits, mais M™^ Dunglas préfère les garder, en attendant de trouver une bibliothèque pré- sentant toutes les garanties qu'elle juge néces- saires, à l'abri également de l'incendie, et des détournements ou détériorations, toujours pos- sibles.

La c( Society for Psychical Research » n'a pu, en conséquence, que déléguer deux de ses mem- bres : son secrétaire, M. Myers et M. le prof. Barrett, auxquels M"^*^ Dunglas a soumis sa pré- cieuse collection ; ces Messieurs ont fait, après examen, une déclaration catégorique, dont voici le résumé :

(•) Librairie Galignani, Paris.

8 INTRODUCTION

(( D. D. Home : Ris Life and Mission, ouvrage dans lequel M"i<^ Home, la seconde femme de D. Dunglas Home, a raconté la carrière média- nimique de feu son mari, est un livre qui mérite l'attention de tous ceux qui s'intéressent aux phénomènes supra-normaux. Si nous avons at- tendu une année pour en rendre compte, c'est, d'une part, dans l'espoir, aujourd'hui réalisé, qu'il nous serait permis d'examiner les originaux des lettres importantes citées dans ces pages et, d'autre part, parce que nous pensions pouvoir réunir des preuves, en nombre suffisant, venant ou appuyer ou contredire les témoignages appor- tés. M'"*^ Home a bien voulu se rencontrera Paris avec l'un de nous, M. Myers, et l'a autorisé à examiner en toute liberté les autographes sur lesquels se fonde la valeur de ce livre. La con- clusion est, que ces lettres doivent être considé- rées comme authentiques. M. Myers a reconnu dans un certain nombre l'écriture des correspon- dants ; pour d'autres, il a pu s'assurer des dates et de leur provenance par les timbres-poste, les sceaux officiels, les monogrammes, etc. ; il n'y a absolument rien trouvé qui fût de nature à éveiller le soupçon. Les lettres sont reproduites aussi textuellement que possible, les seules cor- rections apportées étant celles nécessitées par la suppression des quelques fautes qui se rencon-

INTRODUCTION 9

treut volontiers dans des correspondances, faites parfois à la hâte. )>

(( A part les rapports concernant M. Grookes, les comptes rendus des phénomènes publiés du vivant de Home ont été fort incomplets et insuf- fisants. Les plus circonstanciés se trouvent dans Incidents in my Life, et cet ouvrage ne contient lui-même que bien peu de noms des témoins de ces expériences. Des récits anonymes sur un su- jet aussi exceptionnel ne peuvent pas convaincre le monde scientifique ; aucun critique n'oserait ga- rantir l'authenticité de témoignages de ce genre. De son côté, Home affirmait que ce n'était que par égard pour les intéressés qu'il n'avait pas di- vulgué leurs noms, beaucoup d'entre eux crai- gnant d'être ridiculisés, si l'on venait à savoir dans le public qu'ils admettaient la réalité des faits. (( Il est certain )), dit M"^^ Home, ce qu'il y avait de la part de mon mari un véritable Don Quichottisme à ménager ainsi la timidité de ses amis, mais on ne peut pas nier qu'il ait fait preuve de générosité et de désintéressement en agissant ainsi. » Aussi la publication de la Vie et Mission de Home a-t-elle eu pour but principal de prouver la vérité de tout ce qui était raconté dans les Incidents^ qu'elle complète par un certain nombre de faits qui y avaient été omis. C'est pour cela que M"^^ Home a fait connaître ceux qu'elle

10 INTRODUCTION

a pu retrouver, des noms supprimés par son mari et qu'elle y a joint les lettres d'autres témoins qui viennent confirmer les premières (^).

■k

C'est donc en s'appuyant sur des documents irrécusables que M'"^ Dunglas Home raconte, dans les deux ouvrages ci-dessus mentionnés, les péripéties de la vie de son mari; le lecteur verra plus loin qu'il était de toute nécessité d'ap- porter à l'appui de cette biographie des témoi- gnages d'une évidente sincérité. C'était le seul moyen de réduire à leur juste valeur les appré- ciations injustes et les calomnies de toute sorte, par lesquelles la malveillance a cherché à ternir la mémoire de cet intéressant médium.

(') The Gift of D. D. Home, p. 376-376.

NOTICE BIOGRAPHIQUE M

CHAPITRE PREMIER

Notice biographique.

Daniel Dunglas Home est près d'Edimbourg, le 20 mars 1833; ses parents descendaient d'an- ciennes familles écossaises. Dans celle de sa mère la famille Mac Neill on possédait le don de double vue, traditionnel en Ecosse, et sa mère était elle-même douée de cette faculté.

Home fut adopté, dès son bas âge, par une tante qui n'avait pas d'enfants et qui l'éleva à Portobello jusqu'à l'âge de neuf ans. A cette époque, elle émigra en Amérique avec son mari. L'enfant suivit ses parents adoptifs dans leur nouvelle résidence. Il était très sensitif, d'un tempérament extrêmement nerveux et d'une santé si délicate qu'il semblait destiné à une fm prématurée. Malgré sa frêle constitution, toute- fois, il avait un heureux naturel et une gaîté de caractère qu'il conserva au cours de sa carrière, en dépit des dures épreuves par lesquelles il eut à passer, ce Je me souviens de lui, » écrit un de ses anciens condisciples, M. Carpenter, maire de

12 NOTICK BIOGRAPHIQUE

Norwich (Connecticut), « comme du meilleur garçon du monde; de tous mes camarades, je n'en ai pas connu de plus gai, de plus affectueux, de mieux disposé à rendre service; il avait du goût pour l'étude, mais, en dehors des heures de classe, il aimait à courir la campagne et les bois en compagnie d'un ou deux amis préférés. Personnellement, je ne crois pas au spiritisme, ne m'en étant jamais occupé ; mais je sais que mon ancien ami était foncièrement honnête et sincère dans ses convictions (^). »

Après avoir habité Norwich pendant un certain temps, il vint avec son oncle et sa tante résider à Troy, ville de l'Etat de New-York. Ce fut que sa faculté médianimique se manifesta pour la pre- mière fois. Il avait pour ami intime un camarade nommé Edwin. Ils se promenaient fréquemment ensemble dans les bois et s'y installaient pour des lectures, dont l'un et l'autre étaient égale- ment friands. p]dwin ayant lu, pendant une de ces excursions, le récit d'une apparition très roma- nesque, une discussion s'engagea sur ce sujet entre les deux amis. Après s'être demandé quelle

(') D. D. Home : Ilis Life and Mission, p. 2.

NOTICE BIOGRAPHIQUE 13

créance il convenait d'accorder à un tel fait, ils conclurent par la mutuelle promesse que celui des deux qui mourrait le premier viendrait l'an- noncer au survivant. Quelques semaines après, Home partait pour Troy, distant de trois cents milles environ de Norwich. Il avait alors treize ans.

Au mois de juin suivant, il rentrait un soir, un peu tard, de chez un ami. Craignant d'être ré- primandé par sa tante, il se retira sans bruit. La nuit était bell^, et la lune éclairant suffisamment sa chambre sans rideaux, il ne prit pas la peine d'allumer sa bougie ; au moment il se mettait au lit, un fait se produisit, qu'il raconte ainsi dans Incidents : ce Pendant que je m'installais sous ma couverture, la chambre me parut s'as- sombrir subitement, ce qui m'étonna d'autant plus, que je n'avais pas aperçu le moindre nuage au ciel. Regardant du côté de la fenêtre, je dis- tinguai très bien la lune, mais au travers d'une ombre qui devint de plus en plus intense et qui laissait passer une lumière, que je ne saurais comment décrire, semblable toutefois à celle que moi et bien d'autres avons vue depuis lors, quand une présence spirituelle vient éclairer une chambre. Cette lumière étant devenue plus vive, mes yeux se portèrent vers le pied de mon lit et j'y vis mon ami Edwin. Je le voyais comme en-

14 NOTICE BIOGKAPHIQUE

veloppé d'un nuage brillant qui illuminait son visage, lui donnant une netteté que n'a pas celui des naortels. Il me regardait avec un sourire d'une douceur ineffable et, levant le bras droit, il en traça trois cercles; la main commença alors à se dissoudre, puis le bras; après quoi le corps entier s'évapora peu à peu. La chambre avait repris sa clarté naturelle. Je restai sans voix et sans mouvement, quoique j'eusse conservé toutes mes facultés intellectuelles. Aussitôt que j'eus recouvré l'usage de mes membres,^je sonnai ; on accourut, pensant que j'étais malade, et mes pre- miers mots furent : « J'ai vu Edwin, il est mort il y a trois jours. » Un jour ou deux après arri- vait une lettre, annonçant qu'il était mort après une très courte maladie (^). »

Quatre ou cinq ans plus tard en 1850 Home eut une seconde vision de même ç^enre. Il habitait de nouveau Norwich, il était re- tourné avec sa tante ; ses parents, qui avaient aussi émigré en Amérique, étaient domiciliés à une douzaine de milles de là, dans la ville de Waterford. M"^'^ Home, étant un jour seule avec

(') Life and Mission, p. 4.

NOTICE BIOGRAPHIQUE 15

son fils, lui annonça qu'elle le quitterait dans quatre mois ; sa petite sœur Mary, disait-elle, lui était apparue et le lui avait prédit. Quelque temps après, M"'^ Home alla faire un séjour chez des amis ; juste à l'époque fixée pour son retour, sa famille recevait un télégramme, annonçant qu'elle était tombée gravement malade. Son mari dut partir immédiatement pour aller la rejoindre ; le fils, alité lui-même, ne put pas l'accompagner. Le même soir, la tante, s'entendant appeler par le jeune malade, s'empresse de se rendre auprès de lui et le trouve dans un état de grande sur- excitation. (( Tante, » dit-il, « maman est morte à midi ; je viens de la voir et elle me l'a dit. » Croyant qu'il avait du délire, sa tante chercha à le calmer; mais le fait n'était que trop vrai : sa mère était morte le même jour, à midi, précisé- ment quatre mois après la prédiction qu'elle lui en avait faite.

Les premières manifestations par coups frappés, dont Home fut l'intermédiaire, amenèrent entre sa tante et lui de sérieux dissentiments ; son ca- ractère et les visions qu'il avait eues le prédis- posaient à l'examen des problèmes de l'au delà ; sa tante, au contraire, avait sur ces questions

^6 NOTICE BIOGRAPHIQUE

une manière de voir bien différente ; persuadée que les bruits insolites qui se faisaient entendre en présence de son neveu dans la chambre duquel avaient débuté ces bruits tout spontanés étaient provoqués par une intluence diabolique, elle s'adressa aux trois clergymen de Greeneville, ils habitaient alors, membres de trois sectes différentes, un congrégationaUste, un baptiste et un méthodiste, dans l'espoir que l'un ou l'autre trouverait le moyen de mettre un terme à ces fâcheuses manifestations. Mais l'effet produit ne fut pas ce qu'ils en attendaient. Le ministre baptiste avait proposé de chasser Satan par la prière : ce Pendant que nous nous y li- vrions, )) dit Home, (( de légers ra2)s se firent en- tendre sur sa chaise et sur plusieurs points de la salle et, chaque fois que nous implorions la mi- séricorde divine, soit pour nous, soit pour nos semblables, des raps bien accentués semblaient intercéder aussi avec nous. Je fus tellement frappé de ces manifestations, que je me promis alors, à genoux, de me consacrer entièrement à Dieu et de suivre les directions qui m'étaient ainsi don- nées en tout ce qui me paraîtrait juste et bon, car tel devait bien être le but des témoignages d'approbation donnés à ces périodes spéciales de la prière. Cette circonstance décida en réalité de ma vie tout entière et je n'ai jamais regretté

NOTICE BIOGRAPHIQUE 17

d'avoir pris cette détermination, malgré les nom- breuses épreuves qui en résultèrent pour moi pendant bien des années (^). »

A partir de ce jour, les raps devinrent plus fréquents, mais on n'avait encore fait aucune ex- périence pour chercher savoir si ces bruits devaient, être attribués à une intelligence quel- conque; ce fut €hez une veuve qui habitait dans le voisinage qu'on s'en rendit compte pour la première fois ; on se servit de l'alphabet, et des réponses aux questions posées furent obtenues par ce moyen. Les habitants de Greeneville com- mencèrent alors à s'émouvoir et à envahir la maison, ce qui mit le comble aux perplexités religieuses de M'"*^ Mac Neill Gook. Au nombre des assistants se trouvait une dame Force. La table dicta par des raj^s le nom de sa mère. Elle reçut ensuite un message, dans lequel on lui re- prochait d'avoir oublié une sœur partie pour l'Ouest avec son mari une trentaine d'années au- paravant et dont on n'avait eu dès lors aucune nouvelle. Le nom de la ville qu'habitait actuelle- ment cette sœur ayant été donné, M'"^ Force

(') Life and Mission, p. 7.

18 NOTICE BIOGRAPHIQUE

écrivit à l'adresse indiquée et, à sa grande sur- prise, elle obtenait, bientôt après, une réponse à sa lettre.

Bien loin de ne voir comme tant d'autres qu'une chose ridicule dans ces communications par la table, la tante de Home en admettait par- faitement la réalité, mais elle les considérait comme impies, et l'invasion de sa demeure par la foule des curieux lui causa une véritable ter- reur. Elle déclara, en conséquence, que puisque les Esprits ne voulaient pas quitter la maison, c'était à son neveu de la quitter, et elle le mit à la porte.-

Home trouva chez un ami, dans la ville voisine de Willimantic, un asile temporaire. Il aurait pu garder rancune à sa tante de cette manière d'agir à son égard, mais il avait le cœur haut placé et ne conserva que le souvenir des soins qu'elle lui avait prodigués dans son enfance ; aussi, le premier usage qu'il fit de sa fortune, lorsque Mrs. Lyon comme nous le verrons plus loin mit à sa disposition une somme considérable,

NOTICE BIOGRAPHIQUE 19

fut-il de lui faire don d'un cottage dans lequel elle passa le reste de ses jours et elle mourut, en 1876, à la suite de l'émotion qu'elle éprouva, à la fausse nouvelle de la mort de son neveu.

La publicité donnée par les journaux aux ma- nifestations qui continuaient à se produire en sa présence lui attirèrent à Willimantic, comme ailleurs, un si grand nombre de visiteurs, qu'il se décida à quitter cette localité pour aller se fixer à Lebanon, dans une propriété rurale ap- partenant à la famille Ely. Ce fut à cette époque en 1851 qu'il opéra sa première guérison médianimique. Le récit qu'il en fait dans Incidents est assez curieux pour mériter d'être rapporté : (( Pendant la seconde semaine de mon séjour à Lebanon », dit-il, (c j'étais allé passer un jour ou deux dans une famille qui demeurait à environ trois milles de là. Une après-midi, je tombai en trance. Lorsque je revins à moi, la dame de la maison me dit que je m'étais entretenu avec un Esprit qui m'ordonnait de me rendre sur-le-cbamp chez un M. B... Connaissant à peine ce monsieur, il me semblait fort étrange d'avoir à me présen- ter chez lui, sans savoir ce que je venais y faire et sans autre prétexte que ce message de mes

20 NOTICE BIOGRAPHIQUE

amis invisibles. C'était à six milles de l'endroit je me trouvais et j'étais obligé de faire à pied la moitié du trajet. »

Après bien des hésitations et de nouvelles ex- tases dans lesquelles ses guides lui reprochèrent de manquer de foi, il se décida à partir pour Lebanon et de là, à cheval, pour la destination in- diquée. (( Au moment de mettre pied à terre, » ajoute-t-il, «un orage s'annonçait et, avec la pre- mière goutte de pluie qui tomba sur ma main, il me vint à l'idée que la mère de M. B... était dangereusement malade. Je sonnai et ce fut M. B... lui-même qui vint m'ouvrir. (c Madame votre mère est malade, » lui dis-je, «j'ai été en- voyé pour prescrire le remède. » « Comment,» fit-il, (( pouviez-vous la savoir malade, lorsqu'elle ne l'est que depuis une heure et que nous avons envoyé chercher un médecin dans une direction opposée à celle d'où vous venez ? Mais je crains qu'il n'arrive trop tard, car ma pauvre mère s'en va rapidement. )) Ayant attendu quelques instants qu'il me vînt une impression quelconque, je tombai tout à coup en extase et, dans cet état, je me dirigeai vers la chambre de la malade ; là, quelques passes faites sur elle, de ma main, calmèrent ses douleurs aiguës et, peu d'instants après, elle dormait tranquillement. Durant mon état de somnambulisme, j'avais ordonné l'usage

NOTICE BIOGRAPHIQUE 21

immédiat de quelques herbes et l'emploi régulier de quelques autres. Je fus fort surpris de ce qui s'était passé lorsqu'on me le raconta, à mon re- tour à l'état normal. Quand, une heure plus tard, le médecin arriva, il trouva sa malade hors de danger et déclara, après l'avoir examinée, que, d'après la nature de l'attaque, les conséquences en auraient été probablement fatales si l'on n'eût pris des mesures immédiates pour en combattre les symptômes. « Ma mère ne s'est jamais aussi bien portée depuis dix-huit ans, » écrivait M. B..., quelques semaines plus tard, à un de ses amis; (( elle suit strictement les instructions données par Daniel et l'effet en est magique (•). »

La santé de Home s'améliora pendant son sé- jour à Lebanon ; il savait que la pratique de la médiumnité lui causait une déperdition de force vitale, et ses amis Ely, qui avaient fait la même remarque, l'engageaient à se ménager et à ré- sister aux instances de ceux qui, abusant sans scrupule de sa bonne volonté, réclamaient de lui des séances trop multipliées.

Il n'en fut pas de même à Springfield (Massa-^

(^) Révélations sur ma vie surnaturelle, p. 20-22.

22 NOTICE BIOGRAPHIQUE

chusetts) il vint demeurer, en 1852, chez M. Rufus KImer, un des notables de l'endroit. <( Pendant le temps que j'y séjournai, )) dit-il, (( les manifestations attirèrent une foule de gens désireux de voir de leurs propres yeux les phéno- mènes; la force était alors considérable et je tins SK)uvent jusqu'à six ou sept séances dans un seul jour. On venait de fort loin, même du Far- West, les journaux avaient parlé de moi l'année précédente. ))

On lit à ce sujet dans Life and Mission (^) un compte rendu signé du célèbre poète Bryant, du prof. Wells, de l'Université d'Harward et de MM. Bliss et Edwards, donnant les détails d'une séance à laquelle ils ont assisté et des phéno- mènes intéressants qu'ils y ont observés en pleine lumière ; ils concluent à l'impossibilité de toute mystification dans les conditions ils se trou- vaient.

Les merveilleuses cures qu'il avait opérées suggérèrent à Home l'idée de se vouer à la car- rière médicale ; il avait alors i9 ans et, n'accep- tant jamais de rémunération, sa position était fort précaire. Il fit part de son projet à ses hôtes;

(') Pages 14 et 15.

NOTICE BIOGRAPHIQUE 23

mais ceux-ci, sans le désapprouver absolument, lui firent une proposition bien inattendue: n'ayant pas d'enfants, ils désiraient faire de lui leur fils adoptif et leur héritier, à la seule condition qu'il remplacerait son nom de Home par celui de Elmer. Il y avait de quoi tenter un jeune homme sans aucune fortune et cependant, après y avoir sérieusement réfléchi et avoir consulté ses amis Ely, il se décida à décliner l'otfre qui lui était faite. « Vous devez être très reconnaissant envers M. Elmer de la bonté qu'il vous témoigne, » lui avait-on écrit de chez les Ely, « mais prenez garde toutefois de prendre une détermination hâtive que vous auriez peut-être à regretter les uns ou les autres. Pourquoi ne fe riez-vous pas votre chemin sous votre propre nom? » Ce con- seil répondait au sentiment intime de Home, qui tenait à son indépendance et n'aurait pas voulu engager les Elmer dans une démarche dont ils se seraient peut-être repentis plus tard. Il partit peu après pour New-York, mais il ne conserva pas moins d'excellentes relations avec ceux qui avaient désiré devenir ses parents adoptifs.

Il fit à New-York la connaissance de plusieurs personnages célèbres, celle entre autres du prof.

24 NOTICE BIOGRAPHIQUE

Hare, chimiste et électricien éminent, du prof. Mapes et du juge Edmonds, qui tous trois se convainquirent, non seulement de la réalité des phénomènes, mais aussi de leur origine spiri- tuelle.

De 1852 à 1854, Home passa par bien des pé- ripéties. Le D'' HuU, mis en éveil par une séance à laquelle il avait assisté, l'invita à venir séjour- ner quelque temps dans sa résidence de New- burgh, sur les bords de l'Hudson, lui offrant une somme importante que le médium refusa, décla- rant qu'il n'avait jamais fait payer ses séances et qu'il était résolu à en agir toujours de même; et il se tint parole. On aura de la peine à com- prendre que, dépourvu de ressources comme il l'était, il ait fait preuve d'un si complet désinté- ressement. Cela n'a pas empêché, d'ailleurs, ses détracteurs de l'accuser de vénalité à bien des reprises ; le trait que je vais rapporter suffira, je pense, pour mettre à néant de telles accusations.

Etant à Paris en 1857, on s'occupait beaucoup de lui et, dans un certain cercle de la jeunesse

NOTICE BIOGRAPHIQUE 25

dorée, le Club de l'Union, on ne voulait pas croire qu'il refusât toute gratification ; convaincus que c'était une question de plus ou de moins, quelques-uns de ses membres, après s'être con- certés, lui offrii'ent 50,000 francs pour une seule séance. Cette offre fut déclinée comme toutes les autres. Home, cependant, sachant que le public croit volontiers que tous les médiums, sans ex- ception, sont disposés à vendre leurs services, et voulant laisser après sa mort une réputation in- tacte, profita de l'occasion qui se présenta, long- temps après, pour se faire délivrer par un ami, membre de ce Club, M. Bodiska, fils du consul russe à New-York, une attestation écrite sur ce qui s'était passé à cet égard. (( J'ai raconté cette histoire, » lui dit-il, « mon cher Bodiska, mais on l'a traitée de fable. Gomme justice ne m'est pas souvent rendue et qu'on prétend constamment que je fais payer mes séances, il est probable que, lorsque je ne serai plus là, on dira que j'ai ac- cepté les 50,000 francs qui m'étaient offerts pour cette séance ; peut-être même doublera-t-on la somme. » M. Bodiska se rendit volontiers à la demande de son ami et lui remit la déclaration suivante, qui se trouve entre les mains de ^/[me Dunglas Home :

(c C'est à Paris, chez mon beau-père, le comte Alexandre Komar, il demeurait alors, que je

26 NOTICE BIOGRAPHIQUE

me suis rencontré pour la prennière fois avec M. D. D. Home ; j'ai eu l'occasion d'apprécier aussi bien son caractère, que les phénomènes ex- traordinaires qui se produisent en sa présence et je déclare franchement, que rien dans les prin- cipes de la nature ne peut expliquer ce que moi et d'autres avons constaté, non pas une, mais bien une centaine de fois. Jamais il n'a été incité, par un motif de lucre, à user de sa merveilleuse faculté, car, à ma connaissance, il a refusé bien des offres, dont une, en particulier, du Club de l'Union, qui lui avait offert 50,000 francs pour une séance. Un parent de ma femme lui a même proposé de l'adopter et de lui assurer une rente viagère, ce qu'il a aussi refusé.

(( B. BODISKA. (1) »

Home, ayant décliné les propositions du D'" HuU, en ce qui concernait la question finan- cière, consentit toutefois à aller passer quelque temps chez lui et à y donner des séances ; les résultats en ayant été très intéressants, le doc- teur s'entendit avec un certain nombre d'amis pour trouver le moyen de vaincre ses suscepti-

(') Life and Mission, p. 87.

NOTICE BIOGRAPHIQUE 27

bilités. Ils lui proposèrent alors comme son éducation avait été passablement négligée de se charger de lui et de lui donner collectivement l'instruction préparatoire qui le mettrait à même d'étudier la médecine, à laquelle il désirait se vouer. Home accepta; mais, assailli de divers côtés par des demandes de séances qu'il ne sa- vait pas refuser, ce ne fut qu'en J853 qu'il put profiter de la bienveillance de ses amis. Sous la direction du D'" Hull, il commença alors à ap- prendre le français et l'allemand et fut bientôt en mesure d'entreprendre ses études de médecine ; il quittait dans ce but Newburgh, en automne 1853, pour se rendre à New- York.

Destiné, toutefois, à être l'apôtre du nouveau spiritualisme, diverses circonstances vinrent se mettre à la traverse des plans que ses amis avaient formés pour lui; d'une part, son caractère ne se prêtait pas à la vie sédentaire qu'exigeaient des études suivies ; d'autre part, sa santé en soutfrait à tel point, qu'en janvier 1854 il tomba sérieuse- ment malade et dut suspendre tout travail; une année après, il se voyait obligé de renoncer défi- nitivement à la cai'rière qu'il avait ambitionnée. Son poumon gauche étant attaqué, le D"" Gray, ainsi que d'autres médecins de ses amis qu'il consulta, furent d'avis que le seul moyen d'en- rayer le mal était d'entreprendre un voyage en

28 NOTICE BIOGRAPHIQUE

Europe. Après avoir consacré deux mois à faire ses adieux aux nombreuses relations qu'il laissait en Amérique, il s'embarquait pour l'Anglelerre en avril 1855.

(( Je n'oublierai jamais, » écrit-il dans Incidents, (c les sentiments qui m'assaillirent, lorsque je me vis sur le pont au milieu d'une foule de pas- sagers, dont la plupart étaient heureux d'un voyage qui les ramenait dans leur famille ou vers des amis par lesquels ils étaient impatiemment attendus, tandis que moi je me trouvais seul, malade et complètement déçu dans mes espé- rances. Il ne me restait pour toute consolation que l'espoir d'entrer, après quelques mois de souffrances, dans un monde meilleur. L'étrange pouvoir que je possédais me faisait passer chez quelques-uns pour un pauvre illuminé, un sup- pôt de Satan envoyé pour la perdition des âmes, tandis que d'autres me considéraient comme un vulgaire imposteur. L'isolement dans lequel je me sentis alors, me plongea dans un tel état de prostration, que je perdis tout courage. Me reti- rant alors dans ma cabine, j'adressai à Dieu une fervente prière, lui demandant de m'envoyer quelque rayon d'espérance. J3lentôt je sentais la

NOTICE BIOGRAPHIQUE 29

paix descendre dans mon àme et lorsque je me relevai, de tous mes compagnons de voyage, il n'en était pas de plus heureux que moi ('). »

Dès son arrivée à Londres, il se vit recherché dans la meilleure société. Il était loin, bien loin de pouvoir accorder toutes les séances qu'on lui demandait. Parmi les personnages de marque qui firent avec lui des expériences suivies se trouve Lord Brougham. En compagnie de Wil- liam Cox, il obtint en plusieurs circonstances de remarquables résultats consignés dans plusieurs lettres. Lin autre savant bien connu, sir David Brewster, après avoir assisté à quelques séances, avait déclaré que ce qu'il avait vu lui était abso- lument inexplicable, soit par la fraude, soit par les lois physiques connues. Mais il se rétracta plus tard, dans la crainte de compromettre sa réputation et alla même jusqu'à prétendre que les phénomènes n'étaient que le produit de la supercherie. Nous verrons plus loin que cette frayeur du qu'en dira-t-on n'était pas spéciale à ce philosophe.

(*) Life and Mission, p. 36.

30 NOTICE BIOGRAPHJQUE

Pendant que les journaux anglais s'occupaient de Home, attaqué par les uns, défendu par les autres, dans une polémique entamée au sujet de sir Brewster, polémique racontée avec de nom- breux détails dans Life and Mission ('), le mé- dium avait quitté l'Angleterre et passait l'automne de 1855 à Florence. C'est dans cette ville qu'eut lieu un incident dont les suites n'eurent, heureu- sement, d'autre gravité que l'émotion qu'il lui causa. Rentrant un soir chez lui, il fut assailli par un inconnu qui lui porta trois coups de poi- gnard. Sauf une égratignure, pourtant, ils ne firent de tort qu'à ses vêtements, en particulier à la fourrure qu'il portait ce jour-là.

]1 serait trop long de raconter en détail les pé- régrinations de Home, dont la vie entière se passa en voyages perpétuels exigés, tantôt par sa santé qui l'obligeait à des changements de cli- mat suivant les saisons, tantôt par les invitations qu'il recevait des nombreux amis qu'il se faisait dans chaque endroit il séjournait. De 1857 à 1870, nous le trouvons presque chaque année en Angleterre, d'où il se rend soit en France et en

(') Pages 37 à 43.

NOTICE BIOGRAPHIQUE 31

Italie, soit à Genève, il fait d'assez longs sé- jours, soit en Piussie, pays dont les deux épouses qu'il a eues étaient originaires.

Il se marie une première fois en 1858, à Saint- Pétersbourg, avec M^^^ Alexandrina de KroU, dont il avait fait connaissance à Piome, chez sa sœur, M™6 la comtesse de Koucheleff ; mais cette union, de courte durée, est brisée en i86"2 par la mort de M"'^ Home.

A la fin de cette même année, il se rend de nouveau à Rome dans l'intention d'y étudier la sculpture. Le 2 janvier 1863, il recevait une lettre l'invitant à se rendre à la direction de police. Il y subit un interrogatoire, au cours duquel l'ins- pecteur lui demanda comment les Esprits se ma- nifestaient à lui. Des raps aussitôt se firent en- tendre, tant sur la table voisine, qu'ailleurs. A la suite de cette entrevue, il lui fut enjoint d'avoir à quitter dans trois jours la ville éternelle. Il dut se soumettre, non sans avoir protesté contre cette mesure arbitraire, auprès du gouverneur et du consul anglais.

Ce curieux épisode est raconté tout au long dans la préface de son ouvrage : Révélatioîis sur ma vie surnaturelle.

■k

32 NOTICE BIOGRAPHIQUE

En 1867 et 1868, des difficultés bien plus sé- rieuses lui furent suscitées par Mrs. Lyon qui, après l'avoir pris momentanément en affection, exigea le remboursement de la fortune dont elle s'était dépouillée en sa faveur; ce fut l'occasion d'un procès qui fit beaucoup de bruit et dont le lecteur trouvera plus loin les détails circonstan- ciés.

5^ ^

En 1870, Home suit dans le camp allemand, en qualité de correspondant d'un journal anglais, les péripéties du siège de Paris et, au milieu de ces scènes de carnage, il fait preuve de cou- rage et de dévouement en plus d'une circons- tance.

Resté veuf jusqu'en 1871, il fait connaissance à cette époque de sa seconde femme, avec laquelle il passa quelques années aussi heureuses que le permettait une santé toujours chancelante ; il en eut une fille qui ne vécut que quelques mois. La dépouille mortelle de cette enfant repose à Saint-Germain, dans un caveau le père, qui ressentit un profond chagrin de cette perte, fut

NOTICE BIOGRAPHIQUE 33

placé à son tour, selon le désir qu'il en avait ex- primé.

Pendant les dix dernières années de sa vie, il passe presque tous ses hivers à Nice et, dans la belle saison, par contre, on le trouve tantôt dans un pays, tantôt dans un autre. Vers la fin de 1884, il annonçait à sa femme que la maladie approchait d'une crise, qu'il prévoyait longue et pénible; les dilYérentes phases qu'il en avait dé- crites se réalisèrent parfaitement et après dix- huit mois de souffrances, mitigées par des pé- riodes de calme relatif, il s'éteignait paisiblement le 21 juin 1886.

34 MÉDIUMNITÉ

CHAPITRE 11

Médiumnité.

Les manifestations obtenues en présence de Home offrent incontestablement un caractère d'une puissance et d'une variété qui ne se re- trouvent peut-être chez aucun autre médium. On peut dire de lui qu'il était une véritable batterie électrique et l'accumulateur au moyen duquel opéraient les Esprits. Dans la sèche atmosphère de la Russie et du nord des Etats-Unis, on ob- serva fréquemment des phénomènes ayant un caractère électrique bien déterminé, émanant de son organisme exceptionnel. Des étincelles jaillis- saient parfois de ses doigts, lorsqu'ils se trouvaient en contact avec certaines substances. Le Spiritual Magazine de septembre 1863 rapporte qu'à New- York il alluma un jour successivement trente- six becs de gaz en leur présentant simplement le bout de ses doigts. Aussi peut-on dire qu'il n'est pas un des genres de manifestations produits par d'autres médiums qui n'ait aussi été obtenu par

MÉDIUMNITÉ 35

Home('). Nous en citons quelques exemples, choi- sis tant pour l'intérêt qu'ils présentent en eux- mêmes qu'à cause des noms de ceux qui en affirment l'authenticité ; ils donneront au lecteur une idée de la variété de ses facultés médiani- miques et de son pouvoir vraiment extraordinaire.

Quelques amis de Russie l'avaient engagé, en 1860, à leur rendre visite, mais comme le voyage ne lui était pas possible à ce moment, deux d'entre eux, le comte Alexis Tolstoï et le comte Steinbock-Fermor, se décidèrent à venir à Lon- dres, où Home demeurait alors. Il avait son do- micile chez Mrs. Milner Gibson, et c'est que se tenaient les séances. Si certains personnages en vue témoignaient d'un vif désir d'y être intro- duits, la crainte de voir leurs noms cités en re- gard des merveilles qu'ils avaient constatées était plus vive encore. Des lettres du comte Tolstoï à sa femme viennent heureusement combler quel- ques lacunes résultant de cette inexcusable lâ- cheté morale ; elles rendent compte de deux séances et sont reproduites dans Life cmd Mis- sion (^) :

if- *

(') Peut-être le phénomène d'écriture sur ardoise fait-il exception. C-) Pages 1G2 et 163.

30 MÉDIUMNITÉ

17 juin 18G0.

« Il est deux heures du matin, » écrit-il ; (( je viens de quitter Home et malgré le chagrin que j'éprouve à être éloigné de vous, je ne regrette pas mon voyage, car cette séance a été renver- sante. Botkine (un matérialiste de leurs amis) est converti et veut s'enfermer demain toute la journée pour méditer sur ce qu'il a vu. J'étais en compagnie de Botkine, Mrs. Home, Mrs. Milner Gibson, épouse du président du Conseil de Com- merce, du comte Steinbock-Fermor et d'une dame de compagnie. Les manifestations furent d'abord semblables à celles que vous connaissez ; puis, la lumière ayant été diminuée, tous les meubles de l'appartement se mirent en mouve- ment de leur propre chef. Une table vint se placer sur une autre; un sofa s'avança jusqu'au milieu de la chambre ; une sonnette voltigea autour de l'appartement en sonnant tout le temps.

« On éteignit enfin le reste des lumières et nous restâmes alors dans une obscurité presque complète, n'étant plus éclairés que par la faible lueur qu'un réverbère de la rue projetait à tra- vers la fenêtre. Le piano se mit à jouer sans que personne s'en fût approché ; un bracelet se dé- tacha du bras de Mrs. Milner Gibson et vint tom- ber sur la table, il resta enveloppé d'une au-

MÉDIUMNITÉ 37

réole lumineuse. Home fut enlevé de sa chaise et je lui pris les pieds pendant qu'il flottait au- dessus de nos têtes. Des mains touchèrent mes genoux et vinrent se placer dans les miennes ; je cherchai à en retenir une, mais elle se fondit sous ma pression. Il y avait sur la table du papier et des crayons ; une feuille de papier vint se placer dans ma main et il me fut dit par l'alpha- bet de la donner à Home. Cette feuille portait ces mots : a Aimez-la toujours. N. KroU. » L'écri- ture était identique à celle de la mère de Mrs. Home; nous l'avons comparée avec ses let- tres. On entendit une voix très faible se joindre au piano et l'accompagner. Des coups de la force de ceux d'un marteau furent frappés dans la table, sous les mains de Botkine.

« Ce qui m'aurait convaincu plus que toute autre chose, si j'avais été sceptique, ce sont ces mains qui, après être venues se placer dans les miennes, se sont dissoutes, alors que je cherchais à les retenir. Un vent froid très appréciable se fit sentir sur le groupe et des parfums furent ré- pandus autour de nous. Après la séance, les mains de Home étaient brûlantes et il avait les yeux pleins de larmes. Sa femme et lui virent constamment une étoile sur une des chaises, mais moi je ne la vis pas. Lorsqu'on eut ouvert les rideaux, on put voir des mains qui se dessi-

38 MÉDIUMNITÉ

liaient contre la fenêtre, faiblement éclairée par la lumière de la rue. »

Deux jours plus tard, le comte Tolstoï écrit que la seconde séance a été moins réussie que la première, mais qu'il s'y est pourtant produit un phénomène nouveau : il a vu l'accordéon jouer sans être tenu par personne ; chaque note était reproduite par un écho fort lointain, mais bien distinct et harmonieux. Les autres personnes présentes étaient Lord et Lady Clarence Paget, Lord Dufferin, Lord de Tablet, le D»" Ashburner, médecin renommé, Miss Alice, fdle de Mrs. Milner Gibson et son frère Georges et Mrs. Home. Les deux enfants et Mrs. Home n'étaient pas à la table, trop petite pour tout le monde.

Home fut reçu à plusieurs reprises par l'em- pereur Alexandre H, qui lui témoignait beaucoup d'affection ; une manifestation peu ordinaire eut lieu dans une séance donnée à la cour de Piussie : En pleine lumière, une main d'Esprit ouvrit un médaillon qui se combinait avec un des boutons de l'uniforme porté par l'empereur et renfermant

MÉDIUMNITÉ 39

le portrait du czaréwitch décédé; une communi- cation dictée par petits coups frappés sur le bou- ton vint ensuite démontrer à l'empereur que l'Esprit qui se manifestait était bien celui auquel il avait pensé (').

C'est encore en Ptussie, chez la baronne Taoubé, à Saint-Pétersbourg, que se passèrent les faits suivants : Tous les assistants, sauf la baronne, étaient inconnus de Home; l'un d'eux, le D'' Kar- povitch, médecin russe de renom, après avoir fait le procès-verbal de cette séance, le soumit à l'approbation des autres personnes et c'est de ce document, qui est en possession de M"^^ Dunglas Home, qu'elle donne les passages les plus sail- lants, rapportés ici :

(( L'appartement dans lequel nous nous trou- vions, » écrit le D'' Karpovitch, « était éclairé a giorno^ indépendamment de deux grandes lampes, dont l'une était placée sur la table carrée autour de laquelle nous étions assis, au nombre de neuf: M. Home, la dame de la maison, sa fille, ses trois fils, la princesse Havanschky, le général PhilosopholY et moi. Le tapis qui recouvrait la table ne tombait d'aucun côté jusqu'au parquet ;

(^) Life and Mission, p. 363.

40 MÉDTUMNIÏÉ

on avait mis sur ce tapis un crayon, du papier, la lampe mentionnée et un accordéon que j'exa- minai minutieusement sans y rien remarquer de particulier, si ce n'est qu'il était d'assez médiocre qualité ; cet instrument appartenait à la baronne. Toute la société était entièrement inconnue de M. Home qui, le soir de cette mémorable séance, entrait pour la première fois chez M"i® Taoubé.

Au moment nous prenions nos places, M. Home nous dit que, les manifestations ne dépendant pas de lui, il ne pouvait rien nous garantir. Après dix minutes d'attente, nous sen- tîmes vibrer la table et des raps bien nets se firent entendre dans le bois; puis la table se pen- cha presque perpendiculairement. Chacun des côtés s'inclina ainsi tour à tour en face des sit- ters; lorsqu'elle se pencha vers moi, j'avançai involontairement la main pour empêcher la lampe de tomber, mais M. Home me dit qu'il n'y avait pas lieu de craindre, que rien ne tomberait.

M. Home nous ayant ensuite invités à deman- der mentalement des modifications dans le poids de la table, chacun de nous obtint à son tour satisfaction, en posant tacitement sa demande ; les différences de poids étaient remarquables; un moment la table était légère comme une plume, bientôt après elle devenait étonnamment lourde.

^[ÉDIUMMTÉ 41

M. Home prit alors l'accordéon d'une main et le tint, les clefs en bas, en vue de tout le monde; après l'avoir ainsi tenu pendant deux minutes, il retira sa main. L'instrument resta sus- pendu en l'air, puis alla de lui-même se placer doucement sous la table, il resta, toujours en l'air, et commença à donner des sons. On vit alors les clefs se mettre en mouvement et l'ac- cordéon jouer pendant près d'une demi-heure une douce mélodie dont nous fûmes tous ravis. Chacun de nous put examiner l'instrument pen- dant qu'il jouait, ainsi suspendu en l'air. Vers la fm du morceau, les sons se perdirent graduelle- ment. M'étant baissé à ce moment, je vis distinc- tement une petite main de femme qui jouait. Elle disparut alors et l'accordéon tomba sur le plancher. Pendant la production de ce phéno- mène, les mains de M. Home étaient sur la table, ainsi que celles de tous les sitters et M. Home se tenait tout à fait tranquille.

Aucune manifestation n'avait eu lieu depuis quelques instants, lorsque le général Philoso- phoff dit qu'on tirait le pan de son uniforme. M. Home l'ayant engagé à mettre sa main sous la table, je m'aperçus, au mouvement de son

42 MÉDIUMNITÉ

bras, qu'elle était secouée ; il nous déclara avoir, en eiïet, senti une main qui, par trois fois, avait serré la sienne affectueusement. M. Home lui dit que trois de ses amis étaient présents des camarades morts depuis des années et il lui en donna les noms de famille et de baptême...

*

Un fauteuil qui se trouvait à quelque distance de la baronne s'éleva alors à six ou huit pouces de hauteur et vint se placer entre sa chaise et celle de M. Home, qui nous pria, les uns après les autres, de bien examiner le fauteuil pour nous convaincre qu'il se tenait réellement en l'air, sans point d'appui. Un instant après, nous voyions le mouchoir de la baronne sortir de sa poche, se pelotonner et rester suspendu entre le fauteuil et M. Home, à un mètre environ au-des- sus du parquet.

Puis, M. Home annonce qu'il se sent lui-même soulevé; son corps prend la position horizontale et il est transporté, les bras croisés sur la poi- trine, jusqu'au milieu de la salle; après y être resté quatre ou cinq minutes, il est ramené à sa place, transporté de la même manière.

« J'affirme, » écrit le D'" Karpovitch en -termi- nant, « l'exactitude de tous les détails que je viens

MÉDIUMNITÉ 43

de donner détails confirmés par tous les assis- tants. Le général dit avoir été d'autant plus sur- pris en entendant les noms de ses trois anciens camarades, qu'à ce moment il ne songeait nulle- ment à eux. C'est en témoignage de mon estime et de ma reconnaissance que j'ai rédigé ce rap- port sur les phénomènes étonnants de cette soi- rée ; je déclare que les conditions dans lesquelles ils se sont produits mettaient les assistants à l'abri de toute supercherie ('). »

Il est à remarquer que le phénomène de lévi- tation, si fréquent chez Home, fut constaté ici en pleine lumière.

Ces cas de lévitation, dont M"^^ Dunglas Home cite de nombreux exemples, se produisirent, dit- elle, une centaine de fois, peut-être davantage. Celui de ces faits dont on a surtout parlé et qui a été l'objet des plus violentes polémiques, en rai- son de son caractère merveilleux entre tous, se passa le 46 décembre 1868 à Ashley House, à Lon- dres, dans une séance obscure, en présence de lordLindsay, de lord Adare et du capitaine Wynne, son cousin. Lord Lindsay, qui fut appelé à témoi- gner de ce prodige devant la Société dialectique,

(^) Life and Mission, p. 368 à 370.

44 MÉDIUMNITÉ

en publia plus tard une relation minutieuse, dont voici le résumé :

c( Home, qui était entrancé depuis un certain temps, après s'être promené par la chambre, se dirigea vers la salle voisine. A ce moment, une communication vint effrayer lord Lindsay : « J'en- tendis, )) dit-il, (( une voix murmurer à mon oreille : Il va sortir par une fenêtre et rentrer par l'autre. Tout ahuri à la pensée d'une expé- rience aussi dangereuse, je fis part à mes amis de ce que je venais d'entendre, et ce ne fut pas sans anxiété que nous attendîmes son retour. Nous entendons alors la fenêtre de l'autre cham- bre se soulever et, presque immédiatement, nous voyons Home flotter en l'air en dehors de notre fenêtre. La lune donnait en plein dans la chambre, et comme je tournais le dos à la lumière, l'appui de la fenêtre faisait ombre con- tre la paroi en face de moi, et je vis les pieds de Home qui vinrent se projeter au-dessus, à une distance d'environ six pouces. Après être resté dans cette position pendant quelques secondes, il souleva la fenêtre, glissa dans la chambre les pieds en avant et vint s'asseoir. Lord Adare passa alors dans l'autre pièce et remarquant que la fenêtre par laquelle il venait de sortir était en- tr'ouverte à 18 pouces seulement de hauteur, il exprima sa surprise de ce que Home eût pu pas-

MÉDIUMNITÉ 45

ser par cette ouverture. Le médium, toujours entrancé, répondit : « Je vais vous montrer. )> Tournant alors le dos à la fenêtre, il se pencha en arrière et fut projeté dehors la tête la pre- mière, le corps entièrement rigide, puis revint tranquillement.

« La fenêtre est à 70 pieds au-dessus du sol ; les deux fenêtres sont éloignées l'une de l'autre de sept pieds six pouces environ et n'ont chacune qu'une saillie d'une douzaine de pouces, servant à recevoir des vases. »

*

Les deux autres témoins de ce fait extraordi- naire en ayant donné des déclarations parfaite- ment concordantes, Crookes en tire les conclusions suivantes, dans le Quarterly Journal of Science de janvier 1874 :

(( On cite cent exemples au moins des lévita- tions de Home au-dessus du sol, en présence de tout autant de différents sitters. Je tiens de la bouche des témoins eux-mêmes le comte de Dunraven, lord Lindsay et le capitaine G. Wynne les détails les plus circonstanciés de ce qui lui arriva de plus étrange dans ce genre. Si l'on ne veut pas se rendre à l'évidence à cet égard, il faut alors se refuser à admettre tout témoignage

46 MÉDIUMNITÉ

humain quel qu'il soit ; car aucun fait, ni dans l'histoire sacrée, ni dans l'histoire profane, ne repose sur des preuves plus positives que celui-ci.

« Les témoignages multiples, constatant la réa- lité des lévitations de Home, sont écrasants. 11 serait à désirer qu'une personne, dont les déclara- tions seraient tenues pour valables par le monde scientifique si toutefois il existe une célébrité quelconque offrant des garanties tenues pour suf- fisantes, lorsqu'elle témoignera en faveur de cette sorte de phénomènes voulût bien se décider à les étudier sérieusement et avec toute la pa- tience nécessaire. ))

Il n'a malheureusement pas été satisfait par ses savants collègues au désir, pourtant si légitime, de M. Crookes (').

Parmi les assistants aux séances que Home donna à Florence, en 1874, se trouvait la comtesse Panigai, qui en a rédigé un rapport, duquel j'ex- trais les faits suivants :

(( J'ai eu la bonne fortune d'assister, le 7 juil- let 1874, à une séance donnée par M. Home. Sa réputation n'est plus à faire ; il compte de trop

(') Life and Mission, p. 298 à 307.

' MÉDIUMNITÉ 47

nombreux amis dont le témoignage, en raison de leur position sociale, ne saurait être suspecté, et qui apprécient assez le caractère et la parfaite honorabilité de ce médium, pour que je puisse me dispenser de le dépeindre ici.

0 A huit heures du soir, nous prenions place autour d'une grande table, au centre du salon logeait M. Home. Etaient présents : la marquise Bartolomei Passerini, M'^^ Webster, le chevalier Soffietti, M. Monnier, M. et M'"e Home et moi. Outre deux bougies placées sur notre table, il y avait une lampe à pétrole sur une petite table carrée, dans un des angles de la salle, qui était ainsi très bien éclairée.

(( M"i6 Passerini et moi étions à côté de M. Home, elle à sa droite, moi à sa gauche. A peine étions- nous assis le médium n'avait pas même pris sa place que nous remarquions déjà un léger frémissement de la table. Des coups, dont quel- ques-uns assez violents, s'y firent entendre. Il en partait aussi de tous les points de la chambre, du parquet et même de nos chaises. Puis cinq coups faibles, mais bien nets, furent frappés directement sous mes mains. M. Home nous dit que ces coups étaient le signal demandant l'alphabet et il se mit à l'épeler, tandis qu'une autre personne inscri- vait les lettres dictées. Quel ne fut pas mon éton- nement en voyant que le nom indiqué était celui

48 MÉDIUMNITÉ

de ma Stella! J'étais entièrement inconnue de M. et M"i<^ Home qui, n'étant à Florence que depuis peu de jours, avaient entendu pour la pre- mière fois mon nom une heure ou deux aupara- vant, lorsqu'un ami avait demandé la permission de m'introduire à cette séance. Et c'est un nom chéri qui m'est communiqué de cette étrange manière le nom d'une fille tendrement aimée, que j'avais perdue après quelques jours de cruel- les souffrances à l'âge de cinq ans et dix mois. Dès lors, les années s'étaient écoulées et rien dans ma toilette n'indiquait l'épreuve par laquelle j'avais passé. Je demandai à mon enfant si c'était elle de me dire à quel âge elle était morte et ma question obtint une réponse parfai- tement exacte.

« Les raj^s continuant, l'alphabet dicta un nou- veau message, qui disait : « Ne pleure pas, chère maman. » Sentant alors mon genou touché comme par une main d'enfant, j'y plaçai instinctivement la main. Une petite main s'empara de la mienne; elle correspondait si bien à celle de l'enfant que j'avais perdue, que j'eus la certitude d'avoir réel- lement auprès de moi ma petite chérie. Pourquoi les cœurs de toutes les mères qui ont été frap- pées comme moi ne peuvent-ils ressentir le rayon de bonheur que j'éprouvai alors? Je n'avais pas été prévenue d'un tel attouchement et ne m'y

MÉDIUMNIÏÉ 49

attendais nullement; je n'étais donc pas le jouet de mon imagination surexcitée. ))

« Quoique le nom de M. Home ne me fût pas inconnu auparavant, j'ignorais les conditions de ses séances et croyais qu'elles avaient lieu dans une profonde obscurité, ainsi qu'il en est souvent avec les médiums. J'avais donc été agréa- blement surprise de me trouver dans une salle bien éclairée, je pouvais faire, tout à mon aise, usage de mes yeux...

« Un accordéon , qui n'appartenait pas à M. Home, il avait été apporté par un des sit- ters, était sur la table. M. Home m'eneai?ea à le prendre d'une main, pour voir si les esprits pourraient en jouer. A peine l'avais-je pris qu'il préluda, puis joua un air militaire, personne autre que moi ne le touchant. »

*

(( L'alphabet ayant été demandé de nouveau, il nous fut dicté une communication, dans laquelle il était question d'un incident qui n'était connu que de mes plus proches parents et dont aucune des personnes présentes avec moi à cette séance

50 MÉDIUMNITÉ

ne pouvait rien savoir. Au moment je venais d'obtenir ce message, mes yeux se fixèrent sur une rose que portait M'^^^ Passerini. « Si vous êtes réellement l'esprit que vous prétendez être, » dis-je mentalement, <( veuillez prendre cette rose sur Henriette et me la donner. » A peine cette pensée avait-elle surgi dans mon cerveau, qu'une main d'homme, grande et nerveuse, visible de tous les assistants, vint détacher la rose et la met- tre dans ma main. C'est dans une salle très bien éclairée, alors que les mains des sittei^s sont tou- tes sur la table, que nous voyons une main hu- maine parfaitement conformée planer en l'air, en face de nous; cette main était douée d'intelli- gence, puisqu'elle obéissait à une demande expri- mée mentalement. En détachant la rose de la dentelle à laquelle elle tenait et en la transpor- tant à une distance de deux ou trois pieds, elle témoignait aussi de sa force physique. Le fait, j'en conviens, est fort étrange, mais je déclare solennellement qu'il est absolument vrai. »

*

a Ces êtres, en présence desquels nous nous trouvions, pouvaient non seulement lire dans nos pensées, mais, en outre, ils nous parlaient par- fois d'incidents sortis de notre mémoire. En voici

MÉDIUMNITÉ 51

un exemple : M. Home tombe en trance et dit au chevalier Soffietti : « Je vois près de vous une vieille bonne, une négresse. » Le chevalier ne se souvient pas de cette femme. « Elle dit que vous ne devez pas l'avoir oubhée, » poursuit-il, a car elle vous a sauvé la vie, quand vous n'aviez que trois ans et demi. Etant tombé dans une rivière près d'un moulin, vous alliez passer sous la roue lorsqu'elle vous a retiré. » Le chevalier qui, trois heures auparavant, était absolument inconnu de M. Home, se souvint alors de la circonstance et en confirma Texactitude; aucun des assistants n'en avait jamais entendu parler. »

*

La comtesse Panigai cite ensuite un message personnel qu'elle a reçu, qui lui a apporté une singulière preuve de la persistance de la vie au delà de la tombe.

« Après la communication faite au chevalier Soffietti, M. Home s'adresse à moi et m'assure que Stella est présente ; il me dit ensuite des choses qui, quelque valeur qu'elles eussent pour moi, ne seraient pas comprises par d'autres; il est donc inutile de les rapporter.

« Mais l'intérêt du message se trouve surtout dans ce qu'il dit en terminant : « Je sais, maman, que tu

52 MÉDIUMNITÉ

as soigné ma dernière paire de bottines et qu'elle se trouve avec ma petite robe blanche dans un coffret que tu as fait faire tout exprès... Je veux te donner une preuve positive de ma présence ; tu l'auras demain. N'ouvre pas l'armoire se trouve le coffret qui contient tes trésors comme tu les appelles avant d'avoir entendu des coups frap- pés distinctement sur le bureau. »

(( Personne, même dans ma famille, ne con- naissait l'existence de ce coffret et des reliques que j'y conservais.

« Je rentrai chez moi tout heureuse, quoique bien impatiente de savoir quel genre de preuve d'identité allait m'être donné. De bonne heure, le matin, j'écrivis à une amie intime, la priant de venir chez moi le plus tôt possible. Lorsqu'elle fut là, je me mis à lui raconter tout ce que j'avais vu et entendu de merveilleux le jour pré- cédent. J'en étais à peine à la moitié de mon récit, que mon amie me dit, en me montrant le bureau : « N'entendez-vous pas des coups frap- pés sur ce meuble? » A l'instant même ils se répé- tèrent. (( C'est le signal, » m'écriai-je, « et c'est ici que je tiens le coffret. » Je cours à mon cabi- net de toilette se trouve la clef de tiroir du bureau contenant mon trésor et j'en sors le cof- fret qui était aussi fermé. D'une main trem- blante, je tourne la seconde clef et soulève le

MÉDIUMNITÉ 53

couvercle. Les petites bottines sont là, des bottines d'été claires, l'élastique de soie blan- che en haut. Sur un de ces élastiques se trouve une étoile admirablement imprimée, avec un œil au centre de l'étoile. L'empreinte est faite d'une ' substance noire ; elle a dès lors un peu passé, tout en restant encore bien marquée. Ce dessin est d'une précision si mathématique qu'il faut une main habile pour le reproduire exactement. A chacune des six extrémités se trouve une let- tre, dont la réunion forme le nom de ma chérie (Stella).

« Je fis atteler immédiatement et me rendis chez M. Home. Je dois dire, en passant, qu'il n'avait jamais mis les pieds chez moi et qu'au moment je rédige ce rapport, d'après mes notes prises deux ans auparavant, à l'époque même ces faits se passaient, il n'a peut- être jamais vu ma maison.

(( Pendant que je lui montrais mon petit trésor doublement cher maintenant de nouvelles manifestations se produisirent. Je m'attendais naturellement à ce qu'elles émaneraient de celle qui venait de me donner une preuve si évidente de son existence et de son alîection. Au lieu de cela, je reçus une singulière ordonnance médi- cale, qui me prescrivait un traitement pour mes yeux. Je me faisais soigner à cette époque |)Our

54 MÉDIUMNITÉ

une inflammation des paupières, dont je souffrais depuis longtemps ; j'essayai du remède qui m'était ordonné d'une manière si étrange et eus lieu de m'en féliciter, car j'obtins au bout de peu de jours une amélioration, que de fréquentes consul- tations chez des oculistes renommés n'avaient pas pu me procurer, w

(( Si je proclame ces faits, c'est uniquement dans la conviction qu'il est de mon devoir de le faire. Ils répondront, j'espère, à la question si souvent posée : Cui hono? La visite de ma petite chérie m'a fait entrevoir un rayon de la gloire du royaume il n'y a plus ni séparation, ni cha- grin, où toute larme est essuyée et la lumière vient de Dieu seul. Je n'ai pas la croyance, j'ai la certitude (*). »

Voici une autre guérison, bien plus surpre- nante que celle citée ci-dessus ; elle est racontée par Home dans Incidents et reproduite dans Life and Mission (^) avec les noms que le médium n'avait désignés que par des initiales :

(1) Life and Mission, p. 380 à 385. {^) P. 80 à 82.

MÉDIUMMÏÉ 55

Le 19 mars 1857, au moment il se prépa- rait à partir de Paris pour l'Amérique, il rece- vait une lettre d'une personne, à lui inconnue, M"^6 de Cardonne, 233, rue Saint-Dominique. Cette dame lui écrivait que, dans un rêve elle avait vu sa mère et celle de Home, celle-ci l'avait engagée à venir lui rendre visite immédiatement, si elle voulait obtenir la guérison de son fils qui, depuis quatre ans, était devenu sourd, à la suite d'une fièvre typhoïde. Elle avait été si impres- sionnée de ce rêve, qu'elle s'était décidée à venir le voir le lendemain matin, à dix heures.

Le médium avait été importuné par un si grand nombre de personnes, demandant à être admises auprès de lui, qu'il avait les refuser impitoya- blement. Mais, ce jour-là, occupé de ses prépa- ratifs, il avait négligé de répondre à cette lettre. En conséquence, à l'heure dite, M™^ de Cardonne se présentait chez lui avec son fils ; elle l'y trou- vait en compagnie de la princesse de Beau veau et de Miss Ellice.

(c Cette visite tombait mal, » dit-il, « nous étions l'un et l'autre assez embarrassés, la mère désirant la çjuérison de son fils et moi ne sachant comment je pourrais faire cesser une surdité qui datait de si loin, d'autant plus que comme je l'appris plus tard des opérations avaient été pratiquées sur ce jeune homme par d'éminents

5G MÉDJUMNITÉ

docteurs de Paris et qu'ils l'avaient déclaré incu- rable.

« Elle s'assit sur une chaise près du sofa, je fis asseoir son fils à ma gauche. C'était un garçon de 15 ans, grand pour son âge et de tempérament délicat. Sa mère commença alors à me raconter les phases de sa maladie; au fur et à mesure que je l'écoutais, je sentais s'éveiller ma sympa- thie pour cet enfant; j'avais passé machinalement mon bras autour de lui et l'attirais à moi, en sorte que sa tète reposait sur mon épaule» Pen- dant que nous étions dans cette position et que M'"<^ de Gardonne me dépeignait les tristes cir- constances dans lesquelles son fils se trouvait, je m'étais mis à caresser doucement la tête du jeune homme, lorsque soudain il dit d'une voix émue : « Maman, je t'entends. » La mère, tout étonnée, lui dit : « Emile! » ce Quoi? » répond-il immé- diatement. La mère fut alors saisie d'une telle émotion qu'elle s'évanouit, et je fus le témoin, lorsqu'elle reprit ses sens, d'une scène des plus touchantes ; elle ne se lassail pas d'interroger son fils, pour le seul plaisir de se convaincre qu'il entendait bien ses questions. Il put, en effet, reprendre dès lors ses études et son ouïe est restée excellente jusqu'à ce jour (1863). »

Dans une lettre, en date du 30 mai 1857, que

MÉDIUMNITÉ O/

Home recevait à son retour d'Amérique de M""^ de Gardonne, on lit ce qui suit :

((. Permettez-moi de me compter au nombre de ceux qui vous aiment et sont lieureux de vous voir revenir. Messager de la divine Providence ! je vous bénis, car vous avez accompli un mira- cle pour mon fils. J'ai inspiré à tout mon entou- rage un sentiment de vénération pour vous, Mon- sieur, dont la mission grandit d'heure en heure.»

*

Il n'est pas d'expériences psychiques qui aient fait autant de bruit que celles de William Croo- kes, et il serait superflu de raconter ici en détail ses séances avec Home; mais son opinion sur le médium et sur la méthode qu'il avait adoptée,, mérite d'être connue; je pense donc bien faire en citant quelques fragments des lettres que l'émi- nent professeur écrivait à ce sujet, en 1871 et d874, dans le Quarterly Journal of Science :

(( M. D. D. Home, » dit-il, ce est la plus re- marquable de toutes les personnes douées d'un développement inusité de cette Force psychique, et si je suis en mesure d'affirmer absolument l'existence de cette Force, c'est à l'obligeance avec laquelle il m'a permis de poursuivre en sa pré- sence mes investigations, que j'en suis rede- vable...

5cS MEDIUMMÏÉ

(( Il a été reconnu que, lorsque la force est peu énergique, une lunaière éclatante nuit à quelques- uns des phénomènes. Le pouvoir de M. Home est assez fort pour réagir contre ces influences contraires; en conséquence, il se refuse généra- lement à donner des séances dans l'obscurité. Sauf en deux occasions, nous avons éliminé la lumière, pour certaines expériences spéciales que je désirais faire, tout ce que j'ai obtenu avec lui s'est produit à la lumière.

(( Il V a une o-rande différence entre les tours

il ~

d'un prestidigitateur, travaillant sur sa propre estrade, avec l'aide de ses appareils et de ses compères et ce que l'on peut constater en pré- sence de Home, tenant ses séances en pleine lumière, dans une demeure privée, les invités n'ont pas cessé de circuler en toute liberté et ces invités sont mes amis qui, bien loin de se prêter à la moindre supercherie, surveillent, au contraire, de leur mieux, tout ce qui se passe. En outre, M. Home a souvent été fouillé avant et après les séances, et il engage toujours les sitters à prendre cette mesure de précaution. Il m'est arrivé d'obtenir des manifestations tout à fait surprenantes, alors que je lui tenais les deux mains et que mes pieds étaient sur les siens. Il ne s'est jamais refusé à aucune des modifications que je suggérais, avec l'idée de parer à la possi-

MÊDIUMNITÉ 59

bilité d'une supercherie, et il a souvent attiré mon attention sur les moyens qu'il croyait les plus efticaces, pour me mettre à l'abri de toute mystification. »

Parmi les faits racontés par M. Grookes, j'en choisis un seul qui est singulièrement suggestif :

(( Nous étions allés un dimanche à la campa- gne et en avions rapporté quelques fleurs, qui furent mises dans un vase au milieu de la table de la salle à manger, d'où la nappe avait été en- levée. M. Home, qui venait d'arriver, voyait ces fleurs pour la première fois. Etant entrés en séance, nous avions déjà obtenu diverses manifes- tations, lorsque la conversation vint à tomber sur certains faits, qui ne semblaient pouvoir s'expli- quer qu'en admettant que la matière pût passer à travers une substance solide. A ce propos, le message qui suit nous tut donné par l'alphabet : (( Il est impossible à la matière de passer à tra- vers la matière, mais nous allons vous montrer ce que nous pouvons faire. » Une apparition lumi- neuse vint alors planer sur le bouquet; puis une tige d'herbes de Chine, de quinze pouces de long, s'éleva lentement du milieu des autres fleuus et descendit ensuite sur la table, entre le vase et

<30 MÉDIUMNITÉ

M. Home. Arrivée sur la table, cette tige ne s'y arrêta pas, mais elle passa droit à travers et nous la vîmes tous, jusqu'à ce qu'elle l'eût entière- ment traversée.

« Aussitôt l'herbe disparue, ma femme, qui était assise à côté de M. Home, vit entre elle et lui une main sortant de dessous la table, tenant la tige, dont elle la frappa deux ou trois fois sur l'épaule, avec un bruit que tout le monde en- tendit ; cette main disparut, après avoir déposé l'herbe sur le plancher. 11 n'y eut que deux per- sonnes qui la virent, mais tous les assistants aperçurent le mouvement de l'herbe. Les mains de M. Home reposaient tranquillement sur la table et l'endroit l'herbe disparut en était à dix-huit pouces. La table était à coulisses, mais non à rallonges ; elle s'ouvrait avec une vis et la réunion des deux parties laissait au centre une étroite fente, d'un huitième de pouce tout au plus ; c'est à travers cette fente que l'herbe avait passé. La tige était beaucoup trop grosse pour pouvoir traverser sans se briser et cependant elle n'offrait pas, après examen, la plus légère trace de pression ou d'érosion (') ».

*

[') Life nnd Mission, p. 345 et 340.

MÉDIUMNITÉ 61

Ces apparitions de mains sont fréquentes. Les ouvrages de Home et de sa veuve en fournissent de nombreux exemples, mais ce qu'il y a de plus curieux dans ce phénomène, c'est la différente manière dont il est perçu par les assistants. 0 Les mains et les doigts, » écrit encore Crookes, (( ne m'apparaissent pas toujours sous la forme de corps solides et vivants. Ils se présentent par- fors plutôt comme une vapeur, ayant la vague ap- parence d'une main, et cette apparition n'est pas visible pour tout le monde uniformément. Si l'on voit, par exemple, remuer soit une fleur, soit un autre petit objet, telle des personnes présentes verra au-dessus un nuage lumineux, telle autre apercevra la forme vaporeuse d'une main, tandis que d'autres ne verront que la fleur en mouvement. J'ai eu plus d'une fois l'occasion de remarquer le mouvement de l'objet d'abord ; puis un nuage lumineux se formait tout autour ; en dernier lieu, ce nuage se condensait en une main parfaitement naturelle (').

Puisque l'occasion s'en présente, je dirai que c'est un des phénomènes les plus remarqua-

(^) Life and Mission, p. 347.

02 MÉDIUMNITÉ

bles dont j'aie été le témoin personnellement; dans une séance que Home avait bien voulu don- ner chez moi, pendant un de ses séjours à Ge- nève, dans l'été de 1873, je vis un doigt un joli doigt rose de taille moyenne passer rapide- ment en face de moi, en rasant le bord opposé de la table ; d'autres sitters le virent aussi, plus ou moins bien, tandis que mon vis-à-vis, M. le pas- teur T , le plus rapproché de l'apparition,

déclara avoir vu la main entière. Ce phéno- mène, qui avait été précédé et fut suivi de divers autres, tels que trépidation du plancher et des chaises, attouchements, promemide de sonnette, etc., m'est présent, aujourd'hui encore, comme s'il avait eu lieu hier et non il y a 23 ans.

Les différences dans la manière de percevoir ce genre d'apparitions sont, ainsi que le fait remarquer avec raison M'"^ Dunglas, la preuve la plus évidente qu'il ne pouvait pas être ques- tion dans ce phénomène de l'emploi d'un truc quelconque, par exemple d'une main ou d'un gant manœuvré au moyen d'un fil, comme on l'a parfois ingénieusement suggéré.

Gomment expliquer, en outre, la disparition de la main dont parle Crookes lorsqu'il dit encore : « J'ai serré une de ces mains dans la mienne, bien décidé à ne pas la lâcher; elle ne fit aucun effort pour se dégager, mais parut se résoudre

MÉDIUMMTÉ 63

peu à peu en vapeur et échappa ainsi à mon étreinte. (') »

La séance dont je viens de citer un incident est la seule à laquelle j'aie eu la bonne fortune de me trouver avec Home ; une personne de Genève, qui fut plus privilégiée, est M'"^ Lamu- nière, chez qui se tinrent plusieurs séances, dans lesquelles il se produisit des manifestations fort intéressantes, qu'elle a consignées dans des pro- cès-verbaux que M">6 Dunglas Home a utilisés et dont voici les traits principaux :

(( L'accordéon s'étant mis à jouer, une bougie fut mise sous la table. M. Verrier regarda, mais ne vit que l'accordéon s'ouvrir et se fermer alter- nativement. Regardant à mon tour sous la table, je vis distinctement la forme d'une main animée qui manœuvrait les clefs avec rapidité. Tous les sitters reo^ardèrent à leur tour et M. Lio- det, M"i« Bourdin, M"'^ Franel et M^i^ Lamunière virent la main; les autres personnes ne purent rien voir.

« L'alphabet ayant été demandé, le nom de George, un de mes parents décédé l'année pré-

(') Life and Mission^ p. 348.

64 MÉDIUMNITÉ

cédente, nous fut dicté ; puis M. Home, tombant en trance, nous délivra une communication de George. »

Novembre 1873.

Nous restons une demi-heure sans manifesta- tions ; puis M"^6 Lamunière sent tout à coup pas- ser sur elle un fort courant d'air froid; une main bien nette apparaît à plusieurs reprises et presse fortement la sienne. Un parfum impossible à dé- finir, parce qu'il ne ressemble à aucun de ceux connus des sitters, se répand ensuite dans la salle et fait l'objet d'une communication de Home ou- trance.

(( Après avoir enlevé la lampe, » poursuit M"*^ Lamunière, « nous vîmes tous apparaître et circuler tranquillement autour de nous des for- mes lumineuses. Une forme d'enfant, très dis- tincte, vint à moi et me toucha le visage; puis elle alla des uns aux autres, nous donnant des fleurs, qu'elle prenait dans un vase placé sur la table. On vit une apparition lumineuse se poser sur la tête de M"^^ Franel. Une main vint se met- tre devant M. Liodet, qui la saisit et la garda dans la sienne pendant quelques minutes. En même temps, des raps disaient : « Pas adieu, mais au revoir. » Un air d'accordéon, fort bien

MÉDIU.ArXITÉ 65

joué, termina cette belle séance ; nous entendîmes alors les sons de la musique s'évanouir dans le lointain, comme pour accompagner les Esprits dans leur retraite. »

7 décembre 1873.

(( Le plancher tremble et des coups sont frappés. L'accordéon se met à jouer et, un train venant à passer, l'instrument en imite admirablement le bruit et le sifflet; puis il reprend l'air com- mencé...

« Des fleurs sont prises sur la table et données à Mrs. Peck, à. qui plusieurs messages sont adressés en anglais; elle est aussi touchée par des mains que nous distinguons très bien. »

Mrs. Peck, dont il est ici question, était une dame américaine qui, arrivée à Genève depuis deux ou trois jours seulement, avait fait connais- sance du spiritisme et de Home en même temps. Invitée à deux séances, dont la première eut lieu à l'hôtel et la seconde chez M"'^ Lamunière, elle a conhrmé, dans un rapport rédigé sur la demande du médium, les faits rapportés ci-dessus, qu'il a publiés dans Ombres et Lumières, sans indiquer le nom de cette dame; on le trouve en revanche dans Life and Mission. Les nombreux phénomè-

(M) MÉDIUMNITÉ

lies cités par Mrs. Peck ont le mérite d'avoir été obtenus en pleine lumière : apparitions, attou- chements et dégagements de mains, jeu d'accor- déon sans moteur apparent, table s'élevant jus- que près du plafond, transport de fleurs et ré- ponses à des questions mentales, avec les noms précis de ceux qui sont censés manifester leur présence ; tous ces faits sont relatés avec soin par Mrs. Peck, y compris celui du singulier écho de l'accordéon imitant le roulement du train et le sifflet de la locomotive, dont parle M"^^ Lamu- nière.

Je me borne à ces indications, suffisantes pour confirmer les phénomènes de même genre mentionnés dans cet opuscule, et renvoie à Life and Mission (') les personnes désireuses de mieux connaître les détails de ces séances.

Quittons la Suisse et retournons en Angleterre, qui fut le principal théâtre des manifestations obtenues par le célèbre médium.

Dans une séance tenue chez M. H. D. Jencken, à Kilmory House, Norwood, et à laquelle assistaient lord Grawford cettte époque lord Lindsay) et un

(^) Pages 374 à 378.

MÉDIUMNITÉ 67

autre électricien distingué, M. J. Hawkins Simpson, on fit des expériences avec la table, dont le poids fut modifié, de telle sorte qu'elle devint alternative- ment lourde à ne pas pouvoir être soulevée, ou si légère qu'elle s'enlevait sans le moindre effort ('). Bien d'autres phénomènes se produisirent; mais, ne pouvant tout citer, je m'en tiendrai à ces attestations de lord Lindsay :

(( J'ai vu un grand piano à queue se soulever en l'air, sans aucun bruit, à environ quatre pouces de hauteur, puis faire entendre des notes, alors qu'il était fermé et qu'on en avait ôté la clef...

(( Je me trouvai, il y a quelques semaines (en 1869), à une séance avec huit autres sitters; sept d'entre nous tinrent un charbon ardent sans en ressentir aucune souffrance, tandis que les deux autres ne purent pas en supporter la chaleur. Quatre de ces sept personnes étaient des dames. Le même soir. Home, s'étant mis au piano, com- mença à jouer; comme il nous avait engagés à nous approcher, j'allai me placer auprès de lui; j'avais une de mes mains sur sa chaise et l'autre sur le piano; pendant qu'il jouait, sa chaise et le piano s'élevèrent à une hauteur de trois pouces, puis se remirent en place (^). »

(') The Gift of D. D. Home, p. Uh\. {^) P. 265.

68 MÉDIUMNITÉ

Miss Douglas a confirmé, devant la Société dia- lectique, l'assertion de lord Lindsay, en ce qui concerne les charbons :

(( Je les ai touchés, » déclare-t-elle, « et, au premier moment, ils me brûlaient, mais immé- diatement après, ils devinrent froids comme du marbre ('). i)

Ce remarquable phénomène d'innocuité du feu a été souvent constaté en présence de Home. Le journal Light, du 21 mars 1896, revient sur un fait de ce genre qui se passa à une séance, tenue en 1855, chez M. Luxmore. Il est raconté par un autre médium fort avantageusement connu , M. Everitt :

(( Hyme étant tombé en trance, )) dit-il, « lit, sous l'influence des agents invisibles, placer les sitters en cercle autour de lui, puis il alla de l'un à l'autre, en faisant sur chacun des passes magné- tiques. Il sembla ensuite entrer en conversation avec les Esprits. Mrs. Hardinge, qui était pré- sente, nous les dépeignait en même temps, tels que sa double vue lui permettait de les voir. Venant alors vers la cheminée, il jeta de côté les charbons noirs et, plongeant sa main dans la

(») The Gifl of D. D. Home, p. 255.

MÉUTUMNITÉ 69

braise ardente, en tira un charbon allumé, qu'il »prit dans ses doigts et alla mettre sur les mains de plusieurs des sitters. Une dame s'étant refusée à le prendre, je demandai s'il me serait permis de le faire. ^( Non, » répondit Home, ce il vous brû- lerait; la cause n'en est pas dans un manque de foi de votre part, mais que les conditions ont été rompues. »

(( Après avoir fait de nouvelles passes magné- tiques, il prit un autre charbon ardent, qu'il fit circuler comme le précédent. M. Luxmore apporta alors une feuille de papier, qu'il plia en quatre et, ayant pris des mains du médium le morceau de charbon, il le plaça sur le papier, dont les quatre doubles furent brûlés, laissant un trou autour duquel les sitters inscrivirent leurs noms; ce document existe encore. Ptelativement à cette singulière immunité, l'épisode le plus dramati- que est peut-être celui il mit sa tête dans le foyer et laissa les flammes jouer autour de lui. Une dame ayant alors poussé des cris de frayeur. Home vint à elle et lui dit avec emphase : (( Oh! femme de peu de foi, regarde, pas un cheveu de sa tête n'a le moindre mal. » Effectivement, non seulement sa tête n'avait nullement souffert, mais on n'y voyait même aucune trace de cendres, ni de charbon. »

M. Everitt parle ensuite de l'élongation et du

70 MÉDIUMNITÉ

raccourcissement du médium, et rapporte que, de cinq pieds, huit pouces, sa grandeur nor-» maie, il s'était allongé jusqu'à près de sept pieds; en revanche, sa taille avait parfois diminué à tel point, qu'il ne mesurait plus guère que cinq pieds. Ses jambes, ses bras et ses mains partici- paient aussi de ces variations.

Le D'' Hawksley, qui jouissait d'une grande ré- putation pour les affections des poumons, avait traité la première femme de Home dans sa der- nière maladie. Il a bien voulu décrire, pour l'au- teur de Life and Mission, les circonstances dans lesquelles il étudia les phénomènes.

Voici quelques passages de son intéressant récit :

(c J'avais été appelé chez M. Home pour soi- gner sa femme qui était phtisique. M'ayant invité à passer la soirée chez M. Gox : « Vous connais- sez, « me dit-il, ce les phénomènes qui se produi- sent en ma présence; vous allez en juger vous- même; je vous préviens, toutefois, que je ne peux jamais rien garantir. » Je croyais assister à une de ces séances de prestidigitation comme on en voit tant, mais je m'aperçus bientôt que c'était tout autre chose ; que ces faits ne pouvaient absolument pas s'expliquer par des trucs, ni

MÉDIUMNITÉ 71

mécaniques, ni scientifiques. Assis autour d'une table, en compagnie de Robert Chambers, de Mr. et Mrs. Cox et de Mr. et Mrs. Home, nous obtînmes d'abord des coups frappés par toute la chambre et sur tel ou tel objet que nous avions désigné. Des révélations concernant des amis décédés, s'adressant ensuite à M. Chambers, homme inteUigent, de bon jugement et de beau- coup d'expérience, vinrent lui causer une pro- fonde surprise. »

M. Hawksley cite aussi les faits suivants : Un accordéon, qu'il avait acheté le jour même et apporté avec lui, pour se mettre en garde con- tre toute supercherie, joua, tenu sens dessus dessous c'est-à-dire avec les clefs tournées contre le tapis soit par lui-même, soit par M. Chambers, des airs mélodieux et, en par- ticulier, un morceau demandé par M. Chambers, morceau pour lequel celui de ses amis, dont il venait d'obtenir des communications, avait une préférence marquée.

Ayant fait route ensemble à leur retour chez eux, M. Chambers lui avait avoué que, venu comme lui avec l'idée de se divertir, cette soirée lui inspirait de sérieuses réflexions.

72 MÉDIUMNITÉ

Dans une autre séance, une grosse sonnette était près de lui ; quelqu'un ayant demandé que cette sonnette fût transportée ailleurs, il vit dis- tinctement une main bien formée apparaître sur la table, y rester quelques instants et empor- ter la sonnette. Il avait examiné cette main de près, sans la toucher cependant, et elle lui avait semblé faite d'une substance grisâtre, comme une gaze, avec la forme d'une main humaine s'arrêtant au poignet.

*

Vers la même époque, M. Hawksley se trouva un jour chez Mrs. Parkes, dans un salon qui se composait de deux grandes salles contiguës. Des branches de plantes et de fleurs, qu'on venait d'entendre briser dans la pièce voisine, furent apportées par des agents invisibles et vinrent tomber du plafond, les unes sur la table, d'au- tres entre les mains mêmes des personnes aux- quelles elles étaient destinées. On entendit en- suite un bruit assez fort, causé par la chute de huit à dix divinités indiennes en métal, tombées d'une étagère; arrivés sur le tapis, ces objets furent projetés à travers la salle jusque sous la table, ils s'arrêtèrent aux pieds des sitters.

MÉDIUMNITÉ 73

Personne n'avait bougé et la salle était suffisam- ment éclairée.

*

Une autre fois, un jeune monsieur de ses amis homme très intelligent l'avait prié de le présenter à Home. « Venez, » lui dit-il, « je me rends justement chez lui. » Le médium était tout disposé à satisfaire à la requête du docteur, mais, comme à l'ordinaire, ne garantissait pas la réussite. « Mettez-vous sur cette table, » dit-il alors à l'investigateur. Celui-ci étant monté sur la table, qui était forte et lourde, cette table s'éleva immédiatement, avec sa charge, à huit pouces au moins de hauteur. M. Hawksley se baissa et passa aisément la main entre les roulet- tes et le tapis; puis, cet examen terminé, la table redescendit et le monsieur quitta son poste.

Ce ne sont que quelques exemples des nom- breux phénomènes constatés par M. Hawksley, qui en avait commencé l'étude avec l'idée que ses connaissances en sciences physiques lui en fourniraient une explication satisfaisante, comme il en avait obtenu précédemment, alors qu'il avait eu affaire à des trucs de prestidigitateurs ;

74 MÉDUJMNITÉ

mais il se trouva en face d'une difficulté qu'il n'avait pas prévue; elle consistait en ceci : que les phénomènes se produisaient aussi facilement dans une maison étrangère, Home n'avait jamais mis les pieds, que dans son propre domi- cile et qu'il n'avait besoin ni de préparatifs, ni d'engins spéciaux. Une pi'euve évidente lui en avait été fournie, un jour qu'il avait amené Home, pour dîner, chez un des membres les plus éminents du ministère, au pouvoir il y a une trentaine d'années ; le médium n'avait jamais mis les pieds dans cette maison et n'y connais- sait absolument que son introducteur, qui passa en revue toutes les poches de son costume de soirée; il s'y produisit, néanmoins, les phéno- mènes les plus étonnants, et les assistants, mal- gré toute leur intelligence, ne purent en trouver l'explication, quoique les plus grandes facilités leur fussent accordées pour examiner tout à leur aise (').

Une manifestation spéciale, par laquelle Home fut préservé d'une façon vraiment merveilleuse, est racontée dans Incidents par le médium.

Etant en séjour chez M. Tiedemann, au châ-

(') Life and Mission, p. I8G à 188.

MEUIUMMTÉ /a

teau de Cerçay, non loin de Paris, il avait l'habi- tude, en partant pour la promenade, qui lui avait été recommandée pour sa santé, de s'armer d'un fusil, plutôt par contenance que par goût de la chasse, à laquelle il ne tenait guère. Ce châ- teau est situé au centre d'un superbe parc, abondent les arbres de grandes dimensions ; un des plus élevés un peuplier du nord, placé à un angle du parc, à un demi-kilomètre du châ- teau — était séparé des champs avoisinants par une haie, le sribier venait souvent chercher un refuge, lorsque la chasse battait son plein. Le 16 septembre 1860, Home, qui connaissait cette circonstance et qui, dit-il, n'était pas un tireur de première force, s'était dirigé vers cet endroit, dans l'espoir de pouvoir y tirer une perdrix et de ne pas rentrer bredouille. Au moment où, s'appro- chant de la haie avec précaution, il levait la tête pour voir s'il apercevrait quelque victime, il en- tendit une voix à sa droite qui disait : « Hère, hère. » Surpris de s'entendre interpeller en anglais, mais plus préoccupé, à ce moment, de sa chasse que de toute autre chose, il continuait à inspecter la haie, lorsqu'il se sentit empoigné au collet et ra- mené en arrière. En même temps, un violent craquement se faisait entendre, puis plus rien. Il eut d'abord l'idée que, par suite d'un accident quelconque, son fusil venait de sauter et qu'il se

76 MÉDIUMNITÉ

trouvait dans le monde des Esprits ; mais, la pre- mière émotion passée, il vit qu'il n'en était pas ainsi et aperçut, en face de lui, un objet qu'il prit pour un arbre, à une place où, un ins- tant auparavant, il n'y en avait aucun, mais qui se trouva être une énorme branche tombée du peuplier; la distance à laquelle lui-même avait été transporté était de six ou sept pieds. Il ren- tra alors au château, en courant aussi vite que le lui permettait son état de surexcitation.

La branche détachée mesurait seize yards et demi de longueur et un yard de circonférence à la partie rompue; elle était tombée d'une hau- teur de quarante-cinq pieds et avait pénétré d'au moins un pied dans le sol, sur la place même il s'était arrêté. Un de ses amis fit le lendemain une esquisse de l'arbre et de la branche. Quel- que temps après, M. Tiedemann, sur la demande de Home, fit scier un morceau de cette branche, du côté le plus large, et le lui expédia à Lon- dres, où il fut conservé pendant longtemps par le médium, en souvenir de la mort à laquelle il était convaincu de n'avoir échappé que grâce à l'intervention des Esprits.

Dans une lettre de ce même ami, écrite en janvier 1858, se trouvent les lignes suivantes, qui prouvent combien il appréciait les résultats des séances tenues chez lui :

MÉDIUMNIÏÉ 77

a Château de Gerça y.

(c Mon cher ami,

(( Je ne veux pas différer de vous exprimer tout mon bonheur et ma reconnaissance. Vous avez converti ma femme et ma famille

(( Je suis, pour la vie, votre ami dévoué,

(( J.-N. TiEDEMANN ('). ))

Un fait tel que celui qu'on vient de lire est bien de nature à démontrer l'évidence de la part que le monde spirituel prend aux affaires de notre globe; mais la vie extraordinaire de Home en fournit des preuves plus convaincantes encore et l'aventure suivante, qu'il raconte dans Lùjhts and Shadoivs (^), pourra donner à réfléchir à ceux qui ne veulent voir dans ces phénomènes que le résultat de forces inhérentes à la seule nature de notre être incarné. J'ai dû, toutefois, apporter quelques changements à son récit, soit parce que l'auteur, avec sa réserve habituelle, ne désigne que par des initiales les membres de la famille dont il est ici question, soit parce qu'il

(') Life and Mission, p. 17 1 à 1 74. p) P. 37 8 à 381.

78 MÉDIIIMNITÉ

cite cet épisode en le donnant comme étant arrivé à lin médium qu'il ne nomme pas. Or, outre que M"^^ Dunglas, en reproduisant cette étrange aven- ture ('), dit qu'elle se passa chez M. Ward Che- ney, grand manufacturier à South Manchester, et que son mari était le médium en cause, je crois d'autant plus volontiers à son authenticité, que je l'ai entendue raconter par Home lui-même, il y a de cela fort longtemps.

« J'ai eu soin de noter scrupuleusement, pen- dant bien des années, tous les faits pouvant prouver la persistance de notre identité après la mort, car ce n'est que sur les faits que les théories doivent être basées. En voici un qui se passa en 1852 :

(( Pendant que j'habitais Springfield (Massa- chusetts), je fis une grave maladie, qui me retint au lit pendant quelque temps. Un jour, au mo- ment où le médecin venait de me quitter, un Esprit vint se communiquer à moi et me délivra ce message : « Vous prendrez cet après-midi le train pour Hartford (Connecticut) ; il s'agit d'une affaire aussi importante pour vous-même que pour les progrès de la cause. Ne questionnez pas, faites simplement ce que nous vous disons. » Je fis part à ma famille de cet ordre étrange, et le

(*) Life and Mission, p. 19 à 22.

MÉDIUMiMTÉ 79

docteur fat appelé de nouveau; celui-ci, me voyant bien décidé à agir conformément à la com- munication reçue, conseilla de me laisser partir, disant qu'en cas d'issue fatale j'en aurais assumé moi-même toute la responsabilité. Je pris donc le train, ignorant complètement ce que j'allais? faire et le but d'un tel voyage.

« Arrivé à Hartford, je suis abordé par un étranger, qui me dit : (( Je n'ai eu l'occasion de vous voir qu'une seule fois et pendant quelques instants à peine; je ne crois pourtant pas me tromper, vous êtes bien M. Home? » Je répondis affirmativement, ajoutant que j'arrivais à Hart- ford sans aucune idée de ce qu'on y voulait de moi. (( C'est drôle ! )) reprit mon interlocuteur, « je venais justement prendre le train pour aller vous chercher à Springfield. » Il m'expliqua alors, qu'une famille influente bien connue, me faisait inviter à lui rendre visite et à lui prêter mon con- cours pour les investigations qu'elle désirait faire en matière de spiritisme. Le but du voyage com- mençait donc à se dessiner; mais le mystère res- tait tout aussi profond, quant aux suites de cette aventure.

(( Une charmante promenade en voiture nous amena bientôt à destination. Le maître de la maison, M. Ward Cheney, était justement devant sa porte et il me souhaita la bienvenue, disant

80 MÉDIUMNITÉ

qu'il n'avait pas espéré me voir arriver avant le lendemain au plus tôt. Gomme j'entrais dans le vestibule, mon attention est attirée par le bruis- sement d'une lourde robe de soie. Je regarde autour de moi et suis surpris de ne voir per- sonne ; mais nous passons alors dans un des salons et je ne nie préoccupe plus de cet inci- dent. Là, cependant, le même bruit se fait enten- dre de nouveau, sans qu'il me soit possible de comprendre quelle en est la cause. Peut-être mon étonnement se lisait-il sur ma figure, car mon hôte me dit : « Vous avez l'air effrayé, que vous arrive-t-il donc? » A. quoi je répondis ne voulant pas paraître prendre au sérieux une circonstance qui s'expliquerait peut-être tout na- turellement — que je relevais de maladie et que mon système nerveux laissait sans doute à dési- rer, mais qu'avec un peu de repos j'aurais bien- tôt repris le dessus. A peine avais-je fait cette réponse, que j'aperçus dans le vestibule une petite dame âgée, vêtue d'une robe de forte soie grise et paraissant très affairée. était donc l'explica- tion de cette espèce de mystère; j'avais entendu, sans la voir, cette personne qui allait et venait par la maison.

(( Le frôlement de la robe s'étant fait entendre de nouveau et M. Gheney l'ayant alors remarqué en même temps que moi, il me demanda d'où

MÉDIUMNITÉ 81

ce bruit pouvait bien venir, ce Oh ! » répondis-je, « c'est du costume de soie grise de cette dame âgée que je vois dans le vestibule. Qui est donc cette personne? » L'apparition était, en effet, si distincte que je ne mettais pas en doute que cette dame fut une créature en chair et en os.

(( Le reste de la famille arrivant à cet instant, les présentations empêchèrent M. Cheney de me répondre, et je n'eus pas l'occasion d'en appren- dre davantage pour le moment; mais, le dîner ayant été servi, je fus surpris de ne pas voir à table la dame à la robe de soie; ma curiosité en fut éveillée, et cette personne devint dès lors pour moi un sujet de préoccupation.

(( Lorsque la société quitta la salle à manger, j'entendis de nouveau le frôlement de la robe de soie. Je ne voyais rien, mais j'entendis distincte- ment une voix qui disait : « Je suis fâchée qu'on ait placé un cercueil sur le mien; en outre, je ne veux pas qu'il y reste. ))

« Ayant communiqué au chef de la famille et à sa femme cet étrange message, ils se regardè- rent tous deux avec stupéfaction; puis M. Che- ney, rompant le silence, me dit qu'il reconnais- sait parfaitement ce costume, sa couleur et même son genre de soie épaisse; (c mais, » ajouta-t-il, (( ce qui concerne le cercueil placé sur le sien est absurde et erroné. » Cette réponse me

8:2 MÉDIUMNITÉ

rendit fort perplexe; je ne savais que dire, d'au- tant plus qu'avant la communication je ne m'étais pas douté d'avoir eu atïaire à une désincarnée ; je ne connaissais pas même les rapports de famille ou d'amitié qui pouvaient exister entre la vieille dame et les Cheney.

« Une heure plus tard, j'entendis tout à coup la même voix, prononçant exactement les mômes paroles, mais en y ajoutant ceci : ce En outre, Seth n'avait pas le droit de couper cet arbre. » Ayant fait part à mon hôte de ce nouveau mes- sage, il en devint tout soucieux, (c 11 y a là, » me dit-il, « quelque chose.de bien étrange; mon frère Seth a fait couper un arbre qui masquait la vue du vieux manoir, et nous avons toujours été d'avis que la personne qui est censée vous par- ler n'aurait pas permis de l'abattre si elle eut encore été de ce monde. Quant au reste du mes- sage, il n'a pas l'ombre de bon sens. »

(( La même communication m'ayant été donnée dans la soirée pour la troisième fois, je me heur- tai de nouveau à un démenti formel, en ce qui concernait le cercueil. J'étais sous le coup d'une impression fort pénible lorsque je me retirai dans ma chambre. Je n'avais jamais reçu de message mensonger et même, en admettant le bien-fondé de son grief, une pareille insistance, de la part d'un Esprit désincarné, à ne pas vou-

MÉDIUMNITÉ 83

loir qu'un autre cercueil fût placé sur le sien, me semblait absolument ridicule. J'aurais été moins scandalisé s'il m'eût parlé de couronnes d'or, de vêtements resplendissants ou d'intermi- nables jeux de barpes ; tout cela m'eût paru plus admissible que la fantaisie en question. Je passai, en conséquence, toute une nuit d'insomnie à réfléchir sur ce désagréable incident.

(( Le matin venu, j'en exprimai à mon hôte mon profond désappointement; il me répondit qu'il en était lui-même fort chagrin, mais qu'il allait me prouver que cet Esprit si c'était bien celui qu'il prétendait être s'était gravement trompé, (c Nous allons nous rendre à notre caveau de famille, )) me dit-il, « et vous verrez que, l'eussions-nous voulu, il n'aurait pas été possible de placer un autre cercueil au-dessus du sien. ))

(( Etant venus au cimetière, nous fîmes deman- der le fossoyeur qui avait la garde de la clef du caveau. Au moment ou il allait ouvrir la porte, il parut faire une réflexion et dit, d'un air un peu embarrassé, en se retournant vers M. Che- ney : (( Je dois vous avertir, Monsieui», que, comme il restait justement une petite place au- dessus du cercueil de M"^^ ***, j'y ai mis le petit cer- cueil de l'enfant de L Je pense que cela n'a

pas d'importance, mais peut-être aurais-je mieux

84 MÉDIUMNITÉ

fait de vous en prévenir. Ce n'est que depuis hier qu'il est placé là. »

« Jamais je n'oublierai le coup d'œil que me lança M. Cheney lorsqu'il me dit, en se tournant vers moi : « Mon Dieu, c'est donc bien vrai! »

(( Le soir même, nous eûmes une nouvelle manifestation de l'Esprit, qui vint nous dire : « Ne croyez pas que j'attache la moindre importance au cercueil placé sur le mien; on y empilerait toute une pyramide de cercueils que cela me serait parfaitement égal. Mon unique but était de vous prouver une fois pour toutes mon identité, de vous amener à la conviction absolue que je suis toujours un être vivant et raisonnable, la

même E que j'ai toujours été. C'est la seule

raison qui m'a fait agir comme je l'ai fait. »

HISTOIRE APOCRYPHE 85

CHAPITRE III

Histoire apocryphe.

Si les pliénomènes authentiques obtenus par la médiumnité de Home sont nombreux et variés, les faits apocryphes, qui ont été publiés sur son compte, le sont peut-être plus encore. La légende s'est donné libre carrière à son sujet; il y a tant de gens au monde qui se font gloire d'être au courant de chaque événement et suppléent, par la fertilité de leur imagination, aux renseigne- ments qui peuvent leur faire défaut. Le nombre des assistants aux séances de Home était néces- sairement restreint, et comme la majeure partie •de ces privilégiés se renfermaient dans un pru- dent mutisme, les amateurs de récits merveilleux avaient beau jeu pour lancer leurs racontars aux quatre vents des cieux. Ces histoires avaient d'au- tant plus de prise sur le public, que leurs propa- gateurs se présentaient invariablement comme témoins oculaires des faits qu'ils inventaient.

C'est probablement dans les journaux français, que ceux qui voudraient être édifiés sur la fécon-

86 HISTOIRE APOCRYPHE

dite d'imagination déployée àcetégard, pourraient faire la plus ample moisson. En général, ce n'était que de ridicules anecdotes; mais il en était aussi la calomnie dépassait à tel point la mesure que, soit Home lui-même, soit ses amis, durent intervenir en plus d'une occasion, pour protester contre des rapports qui portaient atteinte à son honneur. Une de ces calomnies fut celle répan- due dans le public en 1858, pendant son séjour à Rome : on affirma alors qu'il était enfermé à Ma- zas, en prétendant l'y avoir vu, mais sans pouvoir dire pour quel délit il avait été incar- céré (').

*

Voici quelques-unes des légendes dont M^^^ Dun- glas donne de nombreux exemples dans ses ou- vrages :

En 1870, un télégramme celui qui fut cause de la mort de la tante de Home annonçait au près et au loin que le médium venait de mourir subitement en wagon, sur la ligne de Berlin à Cologne; les journaux s'empressèrent de colpor- ter cette fausse nouvelle, et ce fut, pour plusieurs d'entre eux, l'occasion de ressusciter d'anciennes anecdotes ou d'en ima^ilier de nouvelles.

C^) Life and Mission, p. 107,

HISTOIRE APOCRYPHE 87

Celle-ci a fait le tour du monde et était ré- cemment encore sérieusement racontée dans la Tribune de Genève. Home l'a reproduite dans Incidents, il a cru devoir la démentir et dire comment elle avait pris naissance.

Le médium était parti subitement pour l'Amé- rique, après avoir donné à Fontainebleau quel- ques séances, en présence de l'empereur, de l'im- pératrice et du roi de Bavière; le but de ce voyage était d'aller chercher sa sœur, que l'im- pératrice avait gracieusement offert de prendre à sa charge, et qu'elle plaça, en effet, dans une mai- son d'éducation, la jeune fille séjourna pen- dant plusieurs années. Les bruits les plus divers coururent au sujet de ce départ inattendu, et un journal anglais, le Conrt Journcd, en trouva l'ex- plication ingénieuse, sinon véridique, que voici :

(( Trois personnages, que Home n'avait pas voulu admettre à une séance, parce qu'il se mé- fiait d'eux et de leur scepticisme, s'étaient ven- gés, en le faisant tomber dans un piège habile- ment tendu. Les trois héros de cette prétendue aventure étaient le maréchal Baraguay-d'Hilliers, le feuilletonniste Eugène Guinot et Nadaud, le chansonnier. Aidés d'un compère, ils avaient ima- giné de faire évoquer par Home (qui jamais n'évoquait un Esprit) les mânes de Socrate, de Frédéric-le-Grand et d'Alcibiade. ))

88 HISTOIRE APOCRYPHE

« C'était dans les salons d'un haut fonctionnaire de la Cour que cette prétendue séance devait avoir eu lieu. L'évocateur, en voyant apparaître les fantômes de Socrate et de Frédéric, qui n'étaient autres que Nadaud et le maréchal Bara- guay-d'Hilliers, travestis pour la circonstance, avait perdu son sang-froid et ne s'était aperçu que trop tard de la mystification dont il était victime. Telle était la cause de sa fuite précipi- tée. Malheureusement pour l'honnête Journal^ tout éta,it faux dans son récit : les faits, les noms, les personnes et les détails ('). »

*

Certains esprits, féconds autant que sceptiques, trouvaient aussi des explications aux mystérieux phénomènes, et leurs théories, quelque absurdes qu'elles fussent, rencontraient néanmoins des adhérents. Un reporter, par exemple, avait dé- couvert que, dans les séances des Tuileries, Home se servait d'une ligne télescopique, dissimulée sous ses vêtements et au moyen de laquelle il projetait à distance les objets destinés à illusion- ner les assistants. Si l'auteur de cette invention eût assisté à une seule de ces séances, auxquel-

(') Révélations sur ma vie surnaturelle, p. 166 à 1C2.

HISTOIRE APOCRYPHE 89

les n'était admis qu'un cercle restreint des per- sonnes de la Cour, il aurait su qu'elles avaient lieu en pleine lumière et qu'il n'aurait pas été facile à Home d'user de ce stratagème, ni d'enle- ver ses chaussures, comme le disait ce véridique Français, et de faire prendre ses pieds pour des mains d'Esprits.

Quelque ingénieuse que fût cette découverte, elle fut encore surpassée par celle du correspon- dant anglais d'un journal de Cincinnati, qui annonçait qu'à Florence on avait trouvé le mé- dium sur le toit d'une maison, occupé à poser des fils de fer, au bout desquels se balançaient des éponges phosphorées. Il s'abstenait, cela va sans dire, d'indiquer la raison pour laquelle ces engins étaient mis à une telle distance, ni quel rôle les éponges phosphorées pouvaient bien y jouer («).

Il serait oiseux de s'étendre davantage sur ces inepties ; mais certaines aventures drolatiques qui survinrent à Home, en plusieurs occasions, dans ses rencontres avec des personnes qui, ne le connaissant pas, se permettaient de raconter sur lui des histoires plus ou moins bien imagi-

(1) The Gift, p. 202.

90 HISTOIRE APOCRYPHE

nées, trouveront ici leur place. Une des plus amu- santes se passa en mai 1857.

Home avait reçu, peu après son retour d'Amé- rique, un télégramme, par lequel l'impératrice l'invitait à se rendre au château de Fontainebleau, résidait alors la Cour. Partant le soir de Pa- ris, il se trouva voyager en compagnie de trois inconnus, entre lesquels la conversation s'engagea sur les nouvelles du jour.

(( Home est de retour, à ce qu'il paraît, » dit l'un des trois messieurs; « on assure même qu'il n'est jamais parti. »

(( Et moi, je vous garantis, » reprend le second, « qu'il est bien loin à l'heure qu'il est et que quoi qu'en puissent dire les journaux Paris ne le reverra jamais. »

(( Il serait donc vrai que l'empereur lui a sis^nifié son cons^é ? »

« Parfaitement vrai ; l'impératrice a été si épouvantée de ce qu'elle a vu dans certaine séance je tiens mes renseignements de première main que l'empereur s'est décidé à interdire ces scènes diaboliques; aussi notre sorcier a-t-il quitter la France du jour au lendemain. »

(( On dit qu'il a reçu des sommes folles! »

(( Il était payé à raison d'un million par année ! »

Ici Home se joignit à la conversation, et bien-

HISTOIRE APOCRYPHE 91

tôt il était au mieux avec ses compagnons de voyage. Il eut alors l'occasion d'apprendre sur son propre compte un certain nombre d'incidents intéressants, dont il ne se doutait en aucune façon. Sur ces entrefaites, le train arriva à Fon- tainebleau. Un laquais en livrée impériale se trouvait sur le quai. Home, s'adressant à lui :

(( Qui attendez-vous? » dit-il.

(( M. Home, Monsieur. ))

(( Je suis M. Home. »

Saluant poliment, il descend de wagon, laissant ces trois messieurs assez stupéfaits (').

*

Une autre fois, il voyageait avec un monsieur âgé et un jeune homme; le premier ayant parlé de Home, le plus jeune prétendit immédiatement qu'il le connaissait aussi.

« Je ne suis pas précisément lié avec lui, » dit-il, (( mais il nous est arrivé de nous rencon7 trer chez mon amie, la princesse de Beauveau, qui aime à lui voir faire ses tours d'adresse. »

« On affirme pourtant, « répartit Home, « que la princesse passe pour croire au concours qu'il dit lui être prêté par les Esprits. »

« Il ne faut pas croire tout ce qu'on dit !

(*) Life and Mission, p. 1 19 et l'iO.

92 HISTOIRE APOCRYPHE

Elle n'y a pas plus foi que moi-même et tient Home pour ce qu'il est en réalité. »

c( Vous parlez d'une personne que je con- nais fort bien, » reprend Home en sortant une lettre de son portefeuille, « car la princesse de Beauveau veut bien m'honorer de son amitié ; mais quand je l'ai entendue parler de Home, elle ne le traitait pas de charlatan. »

« Je peux pourtant vous affirmer que telle est bien son opinion. »

« Puisque vous vous êtes trouvé avec lui, vous le reconnaîtriez, sans doute, facilement. »

« Assurément. »

(( Et cette lettre, » dit Home en la sortant de son enveloppe, « en connaissez-vous l'écri- ture. »

Le jeune homme ne la connaissait pas.

a Eh bien! » reprit Home, « cette lettre m'a été adressée par la princesse de Beauveau et, si vous voulez bien en prendre connaissance, vous verrez qu'elle croit fermement au pouvoir spirituel de M. Home. »

Mais le jeune homme, assez confus, ne voulut pas lire la lettre et affirma qu'il s'en rapportait à son interlocuteur.

(( Veuillez, au moins, » poursuivit le mé- dium, (( jeter un coup d'œil sur l'envelopjie, pour voir à qui elle est adressée. »

HISTOIRE APOCRYPHE 93

L'ayant regardée, il n'ouvrit plus la bouche et, au premier arrêt, s'empressa de quitter le wagon (').

*

Les journaux charivariques, pour lesquels ce thème était assez attrayant, n'ont pas manqué de s'en emparer aussi. Ici, une caricature représente l'Esprit de César, cirant les bottes du médium qui vient de l'évoquer dans ce but; à l'aide de sa baguette magique, il fait raser et coif- fer l'honorable société par des mains isolées. Ail- leurs, on voit le sorcier faire ses préparatifs de départ et emballer sa collection de démons; mais, lorsque vient le tour du chef de la bande un diable à la queue et aux cornes fort imposantes celui-ci le supplie de le laisser à Paris, il se trouve en si bonne compagnie (~).

En voilà assez sur le côté burlesque d'une question trop sérieuse pour être traitée sur le ton de la plaisanterie. On comprendra, cependant, que l'opinion publique ait pu faire fausse route, lors-

(1) Life and Mission, p. 120 et 121. (2) P. 7 I .

94 HISTOIRE APOCRYPHE

qu'on saura qu'il ne se publiait aucun compte rendu des séances tenues aux Tuileries. Les quelques faits réels dont pouvait avoir parié l'un ou l'autre des sitters se transformaient, en con- séquence, en passant de bouche en bouche, et s'exagéraient dans d'étonnantes proportions; aussi, malgré les protestations de Home, qui affirmait, chaque fois que l'occasion s'en présentait, n'avoir, en réalité, aucun pouvoir sur les phénomènes et ne pouvoir jamais garantir, au début d'une séance, si, oui ou non, il s'en produirait, il n'en passait pas moins, auprès de bien des gens, pour un magicien, ayant à ses ordres un bon nombre d'Els- prits familiers.

LA CRAINTE DU (( QU'EN DIHA-T-ON ? )) 95

CHAPITRE IV La crainte du « Qu'en dira-t-on ? »

Grâce à l'appui que lui ont prêté les amateurs de racontars et les journaux ceux même qui passent pour les plus sérieux la vie légendaire de Home a eu une rare notoriété, tandis qu'il en était tout autrement de sa vie réelle. La crainte de se compromettre fut, pour l'immense majorité de ceux qui auraient pu témoigner de l'authen- ticité des phénomènes, obtenus en présence de ce médium, la principale, sinon l'unique cause, du silence qu'ils gardèrent à son sujet.

On sait que William Crookes s'est plaint, en mainte occasion, de l'apathie de ses savants col- lègues ; il affirmait que la réalité des phénomè- nes psychiques serait bientôt admise, s'il se trou- vait quelques hommes de science disposés à en faire, avec lui, un examen sérieux, poursuivi pendant un certain nombre de séances. Mais le mauvais vouloir et le scepticisme qu'il rencontra rendirent impossibles des constatations, appuyées de signatures en nombre suffisant.

7

96 LA CRAINTE DU (( QU'EN DIRA-T-ON ? D

Dans une des séances les plus intéressantes rapportées par le savant chimiste, il se trouvait en compagnie de son frère, M. Walter Crookes, de M. Gox, avocat très honorablement connu, qui a aussi été un ardent défenseur des faits et de leur authenticité, et du D'" Huggins, membre delà Société royale. Celui-ci était au nombre de ceux qui redoutent le « Qu'en dira-t-on? » ce qui don- nait à Crookes l'occasion de dire à Home, dans une lettre qu'il lui écrivait le 18 juillet 1871 : (( Huggins, que j'ai vu hier, a bien travaillé delà langue ; il est poltron de la plume^ mais, dans la conversation, il est, en revanche, brave comme un lion (').

Le monde scientifique ne veut tenir pour vala- bles que les expériences faites par les savants eux-mêmes; cette prétention n'est pas admissi- ble, en présence de l'obstination dont a fait preuve jusqu'ici la grande majorité de ces mêmes savants, à ne pas vouloir contrôler les phé- nomènes psychiques ou spirites. On a vu, par exemple, les deux secrétaires de la Société royale les professeurs Sharpey et Stokes refuser

(') Life and Mission, p. 355 et 356.

LA CRAINTE DU (( QU'eN DIRA-T-ON ? )) 97

de prendre part à des séances avec Home, aux- quelles M. Grookes les invitait. La Société royale elle-même, ne voulut pas entrer en matière sur les rapports que lui présentait Crookes touchant ses expériences.

Le D^' William B. Carpenter, qui a été un des antagonistes les plus acharnés du spiritisme, mé- rite une mention spéciale : Dans un grand nom- bre d'écrits, il a contesté, soit la réalité des phé- nomènes, soit la bonne foi des médiums ; le fait de lévitation attesté par le vicomte Adare, lord Lindsay et le capitaine Wynne, dont il est parlé pages 43 à 46, a été tout particulièrement de sa part l'objet d'une violente opposition. Comment ce même D'" Carpenter concilie-t-il ses démentis et ses accusations de fraude avec les déclarations suivantes, qu'il adressait, en date du 27 novem- bre 1877, à un jeune journaliste en relation avec Home :

« ... Je n'ai jamais nié que les Esprits partis ne pussent continuer à exister ou à exercer leur

influence sur les cerveaux des vivants Rien

ne m'empêche de croire à la possibilité, ni même à la probabilité de telles intluences spirituelles; c'est un domaine absolument distinct de celui concernant la réalité des manifestations physi- ques. Car, lors même que M. Home et beau- coup d'autres me croient matérialiste, -ma philo-

98 LA GRAINTb: DU (( QU'eN DIRA-T-ON?ï)

Sophie est plutôt un spiritualisme universel.... V toujours considéré M. Home comme un honnête homme, ayant foi en lui-même; si, d'un côté, ma contiance en lui a été ébranlée par le procès Lyon ('), son livre Ombres et Lumières m'adonne de lui une opinion plus favorable, et vous aurez remarqué que ce que j'ai pu dire de désagréable sur son compte n'avait trait qu'aux mmiifestations

physiques »

Venant, après les violentes attaques, publiées en octobre 1871 dans la Quarterly Review, contre Grookes et d'autres, cette lettre est assez origi- nale. En public, le D^' Garpenter attribuait les phénomènes physiques du spiritisme à la fraude et expliquait par sa théorie favorite de la céré- bration inconsciente les phénomènes mentaux, tandis que dans cette lettre privée, il ne voit rien d'impossible ou même d'improbable à l'exercice d'une influence des Esprits de ceux qui sont par- tis sur ceux qui restent ici-bas. Il se contredit, en outre, lui-même lorsqu'il dit, d'une part, qu'il croit le médium honnête et, d'autre part, que les manifestations physiques observées aux séances de Home sont le produit de la supercherie (^).

*

(') Voir p. 102 à 111. (^j Life and Mission, p. 308 et 309.

LA CRAINTE DU (( QU'eN DIRA-T-ON ? )) 99

On a prétendu que Home craignait d'inviter des savants à prendre part à ses séances ; cela est inexact, il ne les recherchait, ni ne les évi- tait; il lui était indifférent que la science offi- cielle s'occupât de ses facultés médiumniques ou qu'elle ne s'en occupât pas ; mais il lui répugnait de se trouver en face d'hommes qui le considé- raient comme un charlatan ; c'est la raison pour laquelle les séances qu'il devait tenir avec Tyn- dall ne purent avoir lieu. Des amis de ce savant désiraient le voir étudier la question, mais Home ayant appris, par une lettre que lui adressait en 1868 M. Bertolacci, que Tyndall avait déclaré que « si ses propres sens venaient à le convaincre de la réalité du spiritisme, il renierait ses propres sens, )) il se refusa à lui donner des séances, qui, en face d'un tel parti-pris, n'avaient aucune chance de succès (').

*

Le professeur Balfour Stewart émettait de son côté la théorie que la faculté de Home r^idait simplement dans une force électro-biologique, qui lui permettait d'hypnotiser toutes les per- sonnes réunies en séance, a Quelque suscep- tibles que puissent être les sitters de céder à

(') Life and Mission, p. 336.

100 LA CRAINTE DU (( QU'EN DIRA-T-ON?»

cette inlluence, » répliqua Grookes, « on fera difficilement admettre que la puissance du mé- dium ait été jusqu'à hypnotiser les instruments dont je me suis servi pour mes expérimenta- tions (1). »

<l

(') Life and Mission, p. 339 et 340.

ÉPREUVES 101

CHAPITRE V

Epreuves.

Si la carrière de Home a été bénie sous bien des rapports, les tribulations ne lui ont pas non plus manqué, car, indépendamment de sa santé délicate, qui l'obligeait à de grands ménagements, sa position financière fut fréquemment pour lui une cause de sérieux embarras. Ayant re- noncer, ainsi que nous l'avons vu, à la vocation de médecin, pour laquelle il se sentait des apti- tudes, ce fut principalement par des conférences qu'il donna soit en Amérique, soit en Angle- terre, qu'il put se créer des ressources. Il avait, comme récitateur, un talent fort remarquable et ses productions obtinrent beaucoup de succès devant le public.

Les deux mariages qu'il contracta améliorèrent bien sa position, mais il n'en eut pas moins des phases fort difficiles à traverser et dut montrer parfois une grande énergie pour se tirer d'alfaire.

Les principales causes de ses soucis furent dues à deux procès qu'il eut à soutenir. L'un

102 ÉPREUVES

d'eux lui fut intenté par la comtesse Pouchkine, la riche héritière de son beau-frère, le comte Koucheleff-Besborodka, qui lui contestait ses droits à la petite fortune que lui avait laissée sa première femme; ce procès se termina en 1871 par un verdict en sa faveur.

L'autre, bien plus important, fut très préjudi- ciable au médium, parce que le public, peu ex- périmenté en ces questions litigieuses, apprenant qu'il l'avait perdu, put croire à sa culpabilité ; aussi est-il nécessaire d'entrer à ce sujet dans quelques détails.

Vers la fin de l'année 1866, pendant laquelle la santé de Home avait été de plus en plus chan- celante, on lui offrit le poste de secrétaire dans une association qui, sous le nom d' « Athenaeum, » venait d'être fondée par quelques spiritualistes anglais, désireux d'avoir un lieu de réunion pour les partisans de la cause. Le médium accepta cette proposition qui lui assurait une existence plus tranquille et mieux en rapport avec sa cons- titution délabrée. Il n'occupait que depuis peu ce poste, lorsqu'il reçut un jour la visite d'une veuve, vieille et riche, Mrs. Lyon, qui désirait se faire recevoir membre de 1' « Athenasum. »

ÉPREUVES 103

Au cours de la conversation, cette dame lui fit l'éloge de son ouvrage : Incidents of my Life et lui apprit qu'elle aussi avait cru aux manifestations spirites dès son enfance, qu'elle était médium et sujette à des visions. Ce qui, toutefois, paraissait l'intéresser avant tout, c'était de savoir jusqu'où allait l'intimité du médium avec certains membres de l'aristocratie et de la famille royale et elle posa à Home différentes questions à cet égard. Peu de jours après il apprenait, à sa grande surprise, que Mrs. Lyon s'était prise pour lui d'une telle affection, qu'elle avait résolu de l'adopter et de placer sur sa tête une somme importante. Elle n'avait pas d'enfants et détestait les parents de son mari ; ils pourraient donc, disait-elle, vivre comme mère et fils ; il ajoute- rait à son nom celui de Lyon et cet arrange- ment ferait deux heureux, lui par la fortune qu'elle lui apporterait, elle par les entrées dans le grand monde qu'il lui faciliterait. « Que vous le vouliez ou non, )) lui dit-elle un jour, ce je vous léguerai ma fortune et il faudra bien que vous l'acceptiez. Vous êtes un gentleman et avez des amis dans la meilleure société. J'y serai reçue avec vous et vos amis seront reçus chez nous ; j'aurai ainsi devant moi des jours de bonheur pour ma vieillesse. » Il lui exprima ses crain- tes de ne devoir sa démarche qu'au pouvoir

104 ^ ÉPREUVES

extraordinaire qu'il possédait, mais elle le nia et dit que lors même qu'elle devait à ce pouvoir d'être entrée en rapport avec lui, c'était bien pour sa personne même qu'elle avait de l'affection, main- tenant qu'elle le connaissait. Malheureusement pour lui, il n'y avait pas de témoin à cet entre- tien et il n'eut plus tard que sa parole pour prouver sa bonne foi, ce qui était insuffisant de- vant la loi anglaise.

Quel but poursuivait, en réalité, Mrs. Lyon, en offrant ainsi à Home de partager sa fortune ? Il est difficile de le savoir ; cette dame était fantas- que ; à ce qu'on apprit plus tard, elle avait déjà fait et révoqué cinq testam.ents au moins, en faveur de différentes personnes. On a pu supposer qu'elle désirait en venir au mariage avec son fils adoptif ; quoi qu'il en soit, ce fut lorsqu'elle vit que celui-ci était un valétudinaire, qui exigeait des soins plu- tôt qu'il n'en pouvait donner, qu'elle passa subi- tement de l'affection à la haine et qu'elle lui intenta une action en remboursement de la somme dont elle lui avait fait don, somme qui, de 24,000 qu'elle était primitivement, avait été portée d'abord à 30,000, puis à d 60,000.

Home avait beaucoup hésité avant d'entrer dans les vues de Mrs. Lyon; à plusieurs reprises déjà il avait refusé, dans le passé, des offres de même genre et il tenait toujours à ne rien sacrifier

ÉPRKUVES 105

de son indépendance. Pressé, toutefois, par les amis qu'il avait consultés, il se décida à ac- cepter ces propositions qui, de pauvre qu'il était, faisaient de lui un homme riche, mais il ne fut pas longtemps avant de s'en repentir.

*

En mai 1867, Mrs. Lyon consultait un avocat retiré des affaires sur le meilleur moyen de se faire rembourser la moitié de la somme cédée. Home se trouvait alors à Malvern, d'où il revint à Londres en juin ; son docteur lui ayant ordonné une cure de bains en Allemagne, il écrivit à Mrs. Lyon pour l'en aviser, lui disant qu'il serait bien aise qu'elle voulût l'y accompagner.

(( Mon cher Daniel, » répondit-elle, « je viens d'apprendre par votre lettre votre détermination que j'approuve entièrement ; j'espère que la cure vous sera profitable et vous souhaite que vous y ayez du plaisir et surtout que vous y trouviez la santé. » Elle terminait sa lettre en le priant de venir la voir, ce qu'il fit immédiatement. Mais alors, loin de se montrer envers lui aussi affec- tueuse que les termes de sa lettre auraient pu le faire supposer, ce fut d'un ton grossier qu'elle réclama la restitution des ^ 30,000 qu'elle lui avait données en dernier lieu. Cette demande le

100 ÉPREUVES

jeta dans une grande perplexité; il se rendait bien compte, en effet, que s'il cédait et restituait le titre réclamé d'une manière si outrageante, on ne manquerait pas de dire qu'il n'agissait ainsi que par crainte d'un procès. Après avoir consulté ses amis de Londres, qui tous l'enga- gèrent à n'en rien faire, il se décida, malgré leurs avis, à satisfaire aux exigences de Mrs. Lyon, en posant toutefois pour condition que cette dame qui avait attaqué sa loyauté et celle de ses amis se rétracterait par écrit. Il ne se doutait pas qu'elle eût déjà déposé à la Chancellerie une plainte en règle. Etant malade, il ne demandait qu'une chose, c'est qu'on le laissât tranquille ; il n'en voulait pas à Mrs. Lyon, à qui il avait écrit de son propre mouvement ; mais si, à ce moment, il avait eu connaissance du dépôt de sa plainte, il ne se fût certainement prêté à aucun compromis. Sur ces entrefaites, Mrs. Lyon ne tenant compte ni de ce que le départ de son fils adoptif était ordonné par le médecin, ni de ce qu'en la prévenant de ce dé- part il lui avait demandé de l'accompagner obtint contre lui un mandat d'arrêt qui fut mis à exécution le 18 juin 1807. Home était relâché le lendemain ; ce ne fut, toutefois, qu'après avoir livré les titres de donation des 00,000 livres ; ses amis, lord Adare et lord Lindsay, ne le quittèrent

ÉPREUVES 107

pas pendant ces vingt-quatre heures, témoi- gnage de sympathie auquel il fut très sensible ; mais une telle secousse, survenant dans un mo- ment où il était déjà miné par la maladie, faillit lui porter le coup fatal ; il fut trois mois avant d'être suffisamment rétabli pour pouvoir s'occu- per d'atfaires et s'entendre avec ses avocats au sujet de ce malheureux procès.

La cause Lyon contre Home vint en avril 1808 devant le vice-chancelier Giffard, sans le concours du jury. Les prétentions de la plaignante étaient basées sur ce qu'elle avait été entraînée à adop- ter M. Home par des communications qu'elle croyait émaner de son mari défunt. Elle affirmait que, lors de leur première entrevue, les paroles suivantes avaient été dictées par coups frappés sur la table : « Ma bien-aimée Jeanne, je suis Charles, votre cher époux ; je vis pour vous bénir. )) Et, cependant d'après sa propre déposition elle était, lors de cette première rencontre, absolument inconnue de Home, qui ne pouvait donc pas savoir que son mari s'appe- lait Charles. Elle prétendait que c'était par des communications successives qu'elle avait été poussée à adopter Home et à le doter, en diffé-

108 ÉPREUVES

rentes fois, des sommes qu'elle lui avait remises. Ces prétendues communications auraient été invariablement données dans des moments Mrs. Lyon se trouvait en tête-à-tête avec le médium, ce qui rendait impossible toute preuve par témoins, en faveur de l'un ou de l'autre des plaideurs. Home affirma sur serment que la pre- mière de ces communications ainsi que d'au- tres — était pure invention ; il produisit, en outre, témoin après témoin qui déclarèrent que Mrs. Lyon ne leur avait jamais parlé de ces com- munications comme ayant été la cause détermi- nante de sa manière d'agir vis-à-vis de lui et qu'elle avait toujours assuré que ce qu'elle en faisait était par pure affection. L'avocat de Home, surtout, M. Wilkinson, avoué d'une parfaite hono- rabilité, témoigna énergiquement de l'obstination que Mrs. Lyon avait mise dans ses décisions en faveur de Home, malgré les nombreux conseils qu'on lui avait donnés, de ne pas agir sans rétlexion et sans avoir consulté d'autres hommes d'affaires. « Si c'est par des communications spi- rites qu'elle a été influencée, à l'époque elle signa sa donation, » déclare-t-il entre autres dans sa déposition, « non seulement elle ne me le dit pas, mais bien au contraire, elle le nia péremptoirement, m'affirmant que son affec- tion pour M. Home et son désir de le rendre

ÉPREUVES 109

indépendant étaient les uniques mobiles de sa conduite. »

Malheureusement pour le médium, la bonté de sa cause ne pouvait prévaloir, ni contre les préventions du juge, ni contre les subtilités de la loi anglaise qui, dans cette circonstance, contrairement aux maximes ordinaires de la ju- risprudence, exigeait que le défendeur fût tenu pour coupable aussi longtemps qu'il n'avait pas fait la preuve absolue de son innocence. Or, les faits dont Mrs. Lyon l'accusait s'étant nécessai- rement passés sans témoins, Home n'avait que sa parole pour toute ressource et lors même que sa partie adverse s'était évidemment rendue cou- pable de faux serment, sur certains points de sa déposition, cela ne suffisait pas pour faire ab- soudre un médium, considéré comme le repré- sentant du spiritisme, qui, à cette époque, était vu de fort mauvais œil, bien plus qu'il ne l'est encore de nos jours.

Malgré ces circonstances fâcheuses, cependant, tout en se croyant obligé de rendre un jugement défavorable à Home, le vice-chancelier Giffard prononçait ces paroles, qui montrent bien en quelle petite estime il tenait Mrs. Lyon : (c Les frais (du procès) ont été notablement augmentés, d'abord par le fait de l'attaque inexcusable de la plaignante contre M. Wilkinson ; ensuite par les

110 ÉPREUVES

innombrables dépositions erronées sur plusieurs points importants dépositions sous serment, si méchamment fausses, qu'elles ont mis la Cour dans un grand embarras et ont complètement discrédité le témoignage de la plaignante. »

« Je comprends votre chagrin, mon cher Da- niel, )) écrivait à Home Mrs. S. G. Hall, « de n'avoir pas eu du vice-chancelier quelques mots en votre faveur qui auraient écarté tout soupçon de fraude en votre qualité de Spiritualiste ; mais qu'auriez-vous dit,- s'il eût tlétri votre caractère comme il l'a fait pour Mrs. Lyon, qu'il a si car- rément accusée de parjure ? »

La meilleure preuve, du reste, que Home n'avait nullement songé à abuser de la crédulité de cette dame, c'est qu'il aurait facilement pu comme on le lui avait suggéré échanger les titres an- glais qui lui avaient été donnés et mettre leur contre-valeur à l'abri à l'étranger. Mais il eut toujours en horreur tout ce qui avait la moindre apparence d'indélicatesse et il ne se permettait pas volontiers des soupçons injurieux envers qui que ce fût.

Peut-être dira-t-on qu'il aurait du restituer immédiatement la somme qui lui était réclamée; s'il ne l'a pas fait, c'est qu'il pensait qu'il y allait de sa dignité, dont il avait un sentiment très net et dont il était le meilleur juge.

ÉPREUVES Hi

En cédant, il aurait craint qu'on ne l'accusât d'avoir eu peur et de s'être servi de moyens peu délicats pour s'approprier cette fortune. Mais une fois condamné, il ne voulut pas en rappeler, malgré les conseils de quelques-uns de ses amis pas tous, car plusieurs étaient persuadés qu'en sa qualité de spirite et de médium, il n'obtien- drait jamais d'un tribunal anglais un verdict con- forme à l'équité.

Quiconque prendra la peine de lire les nom- breux documents de ce procès, tels qu'ils sont consignés dans Life and Mission (\), pourra se convaincre que les attaques auxquelles ce mé- dium a été en butte, étaient principalement diri- gées contre les doctrines qu'il proclamait et dont la base fondamentale les phénomènes était combattue par tous ceux dont elles compromet- taient les théories ou les intérêts.

(M p. 252 à 274.

112 APERÇU PHILOSOPHIQUE

CHAPITRE VI

Aperçu philosophique.

Ce travail serait incomplet, si nous n'abordions pas ici la question de doctrine. Les idées philo- sophiques de Home, en effet, prêtent, à certains égards, le liane à la critique.

Tout en reconnaissant ses facultés médiani- miques supérieures, on peut trouver excessives les accusations qu'il porte contre les médiums en général. Ses appréciations sur la majeure partie de ses collègues en médiumnité, telles qu'on les lit dans Lumières et Ombres du Spiri- tualisme, ont été l'objet de critiques qui nous semblent justifiées. Bien qu'exceptionnellement doué, il ne paraît pas s'être rendu compte de l'extrême diversité qui existe entre les différents médiums, ni des erreurs qui prennent leur cause dans la variété infmie des Esprits qui se commu- niquent. Il ne comprenait pas, semble-t-il, que les désincarnés avec lesquels il est permis aux médiums de se mettre en rapport, offrent une diversité de connaissances et d'élévation morale.

APERÇU PHILOSOPHIQUE 113

semblable à celle que nous constatons chez les incarnés. Partant de là, il se montre trop enclin à dénigrer ceux qui professent d'autres opinions que les siennes ou dont les expériences pré- sentent des résultats moins caractéristiques. Mais c'est surtout contre la réincarnation et contre ceux qui professaient cette croyance que ses cri- tiques ont pris un caractère acerbe qui contraste avec sa bonhomie habituelle. A considérer ce qu'il a lui-même publié à ce sujet et ce qu'en dit de son côté M^^ Dunglas Home, dont les opi- nions sont les siennes, ils ne semblent avoir, ni l'un, ni l'autre, examiné la question assez sérieu- sement pour pouvoir la juger en pleine connais- sance de cause.

«Le Spiritualisme, )) lit-on dans Life and Mis- sion (^), n'existe pas en France, il a été rem- placé par le Spiritisme, qui est tout autre chose. La conception fondamentale du spiritualisme, c'est l'immortalité individuelle de l'àme et la réalité du monde invisible. Home a prouvé que la mort est une seconde naissance et que la vie de ceux qui quittent la terre ne subit pas d'interruption. Que peut-il y avoir de plus consolant qu'une telle croyance? 11 n'y a aucun antagonisme avec la foi chrétienne, tandis que le spiritisme prétend

(') p. 112 el 113.

114 APERÇU PHILOSOPHIQUE

être une religion anti-chrétienne enseignée par les Esprits si on peut donner le nom de reli- gion à une superstition aussi grossière. Ce n'est pas mênae une hérésie nouvelle ; c'est sim- plement l'application au XIX'^^^ siècle de l'antique

superstition de la transmigration des Esprits

Ceux qui acceptent cette doctrine s'appuient uni- quement sur de prétendues révélations faites par des Esprits. La raison est mise de côté et les preuves d'identité sont remplacées par des écarts d'imagination dénotant plus d'incohérence que de grandeur. Si cette superstition fait des adeptes en France et rien qu'en France parmi la classe dépourvue d'intelligence ou d'éducation, elle ne compte pas une seule célébrité intellec- tuelle. »

■k

Ces affirmations sont étranges. Les adhérents à la doctrine de la réincarnation se recrutent dans tous les pays et dans tous les rangs de la société ; il s'en trouve, en grand nombre, parmi les personnages les plus éminents ; nous nous bornerons à citer quelques-uns des auteurs qui ont traité, dans des ouvrages remarquables, la question des existences successives : Pezzani, La Pluralité des Existences ; Flammarion, La Pluralité des Mo7ides et tout particulièrement

APERÇU PHILOSOPHIQUE 145

Allaii Kardec, Le Livre des Esprits, VEvangile selon le Spiritisme, le Ciel et l'Enfer, etc. Tous ceux qui ont pesé les arguments, si logiques et si concluants, qui témoignent en faveur d'un nombre indéterminé d'existences corporelles, plutôt qu'à une existence unique dans les liens de la chair, savent combien il est difficile d'ad- mettre que l'Etre Suprême nous ait placés ici- bas pour quelques courts instants et nous ait pourvus d'organes corporels éphémères, s'ils n'étaient pas nécessaires au développement de notre être intellectuel et moral.

Que signifieraient ces existences matérielles si courtes, en regard d'une existence éternelle à l'état d'Esprit? D'où viendraient ces aptitudes si diverses, des idiots d'une part, des génies d'autre part? Pourquoi ces tendances au bien chez quel- ques-uns, au mal chez le grand nombre? Des destinées si variées, la fortune et le bonheur pour les uns, toute une vie de misère et de souffrance pour les autres ?

Si on admet que nous avons déjà vécu, car la préexistence est en corrélation intime avec la réincarnation on comprend que les uns naissent supérieurs et les autres inférieurs. On ne com- prend pas moins que tel, qui a failli plus ou moins gravement dans une vie antérieure, doit, pour se réhabiliter, expier dans une vie ultérieure, au

116 APERÇU PHILOSOPHIQUE

lieu que d'autres, moins coupables ou plus avan- cés, bénéficient aujourd'hui des acquits précé- dents. Les problèmes troublants du passé et de l'avenir trouvent ainsi leur explication dans cette antique, mais sublime doctrine des existences successives, qui nous fait comprendre les inéga- lités choquantes qui avec une vie unique feraient, non sans raison, douter de la justice divine. Elle remplace désormais, à notre entière satisfaction, les dogmes surannés de la prédesti- nation, du péché originel et de la grâce.

On peut juger, par cette courte analyse des ou- vrages mentionnés, si les spirites font bon marché de la raison. Tous ces arguments et bien d'autres sont développés avec une logique ir- réfutable par Allan Kardec. Ceux qui s'intéressent à ces problèmes feront bien de les approfondir en lisant les nombreux livres pubhés par cet éminent penseur.

Deux objections principales sont faites à cette théorie par les adversaires de la réincarnation :

lo (( Si nous avions préexisté, )) disent -ils, (( nous devrions avoir conservé le souvenir de nos vies antérieures; comment réparer nos torts, si nous ne savons en quoi nous avons failli'? »

APERÇU PHILOSOPHIQUE 1J7

2<^ « Les Esprits ne s'accordent pas entre eux sur cette importante question ; comment expli- quer que leurs communications à cet égard soient contradictoires ? »

Quant à la première objection, nous ferons observer que les états de veille et de sommeil, par lesquels nous passons alternativement, nous fournissent chaque jour la preuve que nous pou- vons oublier momentanément notre existence normale, sans perdre pour cela notre personna- lité. N'avons-nous pas aussi, dans le somnambu- lisme et l'hypnotisme, de fréquents exemples d'une perte de mémoire plus ou moins prolon- gée? Qu'v aurait-il d'extraordinaire dans le fait d'un oubli analogue, mais de plus longue durée, dans chaque vie terrestre, par rapport à celles qui l'ont précédée?

Pouvons-nous, au reste, affirmer que cette perte de mémoire soit absolue? Si nous n'avons pas, pendant la vie corporelle, le souvenir précis de ce que nous avons été et de ce que nous avons fait de bien et de mal dans nos existences anté- rieures, n'en avons-nous pas conservé une cer- taine intuition? Ne serait-ce pas le désir que nous avons conçu de ne plus commettre les

M8 APERÇU PHILOSOPHIQUE

mêmes fautes, qui se manifeste dans la conscience et nous engage à y résister?

En y réfléchissant, nous reconnaîtrons, en outre, que l'ignorance de notre passé est, en réa- lité, une nécessité absolue et un véritable bien- fait. Dans certains cas, en effet, le souvenir in- cessant de nos anciennes fautes pourrait nous humilier étrangement, tandis que d'autres cir- constances pourraient exalter notre orgueil et en- traver notre libre arbitre.

Il est, toutefois, une considération plus péremp- toire : Si nous nous souvenions de notre passé, nous nous souviendrions, vraisemblablement aussi, du passé d'autrui, et cette connaissance risquerait d'avoir les plus fâcheux effets sur les relations sociales, dans le cas nous serions mis en contact avec des individus, dont nous sau- rions avoir eu à nous plaindre ou qui sauraient avoir eu à se plaindre de nous. Si nous ressen- tons de l'antipathie pour telle ou telle personne

fait qui se présente fréquemment, sans cause apparente, et qui peut provenir de dissentiments qui nous ont divisés dans une existence antérieure

au moins n'ayant pas de griefs précis à énon- cer, pourrons-nous lutter efficacement contre un sentiment malveillant, qui ne repose sur aucun motif plausible. Des rapports affectueux peuvent -ainsi se rétablir entre d'anciens ennemis, sans

APERÇU PHILOSOPHIQUE 119

que leurs susceptibilités, plus ou moins justifiées, viennent se mettre à la traverse d'une réconcilia- tion. Plus tard, l'Esprit rendu à la liberté, se rendra compte du chemin parcouru et bénira Dieu de lui avoir fourni l'occasion de surmonter sa haine. C'est un pas de plus fait dans la bonne voie.

^ ^

Pour ce qui est des théories diverses des Es- prits, nous convenons qu'il y a une difficulté sérieuse ; mais cette difficulté est une preuve de plus de l'erreur dans laquelle on tombe généra- lement, lorsqu'on s'imagine que l'àme humaine acquiert instantanément des connaissances excep- tionnelles, par le fait seul de son passage à tra- vers la mort. Tout semble prouver, au contraire, qu'elle n'en sait pas davantage dans l'au delà, que dans l'en deçà. Ce n'est que par le travail que le progrès se réalise dans les deux mondes terrestre et spirituel.

Une autre erreur consiste à représenter cette doctrine comme anti-chrétienne; il n'en est rien. M. Daniel Metzger l'a fort bien démontré dans

d20 APERÇU PHILOSOPHIQUE

ses belles conférences (*) ; c'est bien plutôt le christianisme traditionnel qui a fait fausse route, en se refusant à suivre la voie tracée par les premiers chrétiens et à croire aux phénomènes médianimiques tant à ceux des siècles passés qu'à ceux de notre époque qui sont pourtant identiques à ceux racontés dans les Evangiles.

La doctrine de la réincarnation elle-même ne peut-elle pas se déduire de quelques-unes des paroles de Christ, et en particulier de celles-ci :

(( Il est vrai qu'Elie doit premièrement venir et rétablir toutes choses; mais je vous déclare qu'Elie est déjà venu et ils ne l'ont point connu, mais ils l'ont traité comme il leur a plu. C'est ainsi qu'ils feront souffrir le Fils de l'Homme. Alors ses disciples comprirent que c'était de Jean-Baptiste qu'il leur avait parlé {^). »

(( En vérité, en vérité, je vous le dis : Personne ne peut voir le royaume de Dieu, s'il ne naît de nouveau {^). »

Si les conciles soi-disant infaillibles de Chalcé- doine, de Constantinople et de Nicée n'eussent pas condamné, avec Origène, sa croyance à la pré- existence et aux vies successives, peut-être le monde chrétien, dans son ensemble, admettrait-il

(^) Conférences qui ont été données à Genève, à l'AuIa de l'Uni- versité, les 22 et 2î) novembre 1895.

(2) Saint-Marc IX, v. lO à 12. i^) Saint-Jean III, 3.

APERÇU PHILOSOPHIQUE 121

aujourd'hui cette doctrine, et la foi des masses ne serait-elle pas si profondément ébranlée par les théories inacceptables qu'on leur présente. Car, ne l'oublions pas, s'il reste des points obs- curs dans la doctrine que nous défendons, au moins ne s'y trouve-t-il rien d'illogique, rien qui soit en opposition avec l'idée que nous nous fai- sons de la bonté de Dieu et de sa justice. Pour- rait-on en dire autant des théories touchant le péché originel, la grâce, le paradis ou l'enfer, qui ont fait verser des Ilots de sang dans le passé et qui, aujourd'hui encore, font le sujet de dis- cussions interminables entre théologiens ?

N'abdiquons jamais le droit, qui appartient à tout être humain, d'user de l'inteUigence qui nous a été départie. Donnons, entre des sys- tèmes opposés, la préférence à celui qui nous paraît le plus conforme à la saine raison. Le pro- blème subsiste sans doute ; mais il y a lieu d'es- pérer que la science spirite toute jeune encore parviendra, avec le temps, à le résoudre, comme elle a déjà résolu celui de la persistance de l'être au delà de la tombe.

En ce qui concerne le médium qui fait l'objet de ce travail, il esta remarquer que si les Esprits qui le dirigeaient lui ont fourni des preuves in-

122 APERÇU PHILOSOPHIQUE

contestables de leur intervention et ont, en mainte occasion, démontré l'identité des désincarnés qui venaient se manifester à leurs parents ou amis, ils ne paraissent pas, néanmoins, avoir été fort avancés en matière religieuse ou philosophique. Si Home s'est laissé guider par leurs conseils, ainsi qu'on est en droit de l'admettre, ses tergi- versations ne dénotent pas des convictions forte- ment assises. protestant, nous le voyons, en ettet, passer au catholicisme, à l'âge de 23 ans, et manifester des velléités d'entrer au couvent, velléités auxquelles, heureusement, il renonce à temps, (( doutant de trouver dans la cellule du moine la paix à laquelle il aspire. » Il ne cède plus, dès lors, aux sollicitations des prêtres qui, à plusieurs reprises, cherchent le détourner de sa mission et à lui persuader que l'œuvre qu'il poursuit est une œuvre diabolique. A sa mort, il est enterré, selon le rite grec, dans le cimetière russe, aux environs de Paris, dans le caveau qui avait déjà reçu la dépouille de la fille qu'il avait perdue bien des années auparavant, et auprès de laquelle il avait désiré reposer. «Notre Seigneur ne s'attache pas à la forme, mais aux œuvres, » dit M'"^ liome, et son mari avait, sous ce rapport, la même largeur d'idées.

APERÇU PHILOSOPHIQUE li23

Il est donc permis de croire qu'il ne sentait pas le besoin d'approfondir la question ardue des destinées ultérieures des àrnes, et qu'il se contentait, à cet égard, de sa foi en l'immortalité, sans chercher à en scruter les détails. S'il eût désiré s'éclairer à cet égard, il lui eût été facile d'interroger ses guides spirituels. Une communi- cation reçue d'un de ses amis américains, M. Ward Cheney (^), peu après la mort de celui-ci, aurait tout au moins attirer son attention sur cette question de l'au delà. Cet ami d'outre-tombe fai- sait les réflexions suivantes : (( Eh bien ! Dan, c'est encore la vieille histoire ; que nous la ré- pétions sur la terre ou dans le séjour éternel, on en est toujours au même point ; le même mystère nous enveloppe. J'avais espéré en savoir davan- tage et je vois que la vérité est toujours insaisis- sable J'ai vu ceux que j'aimais, nous nous

sommes reconnus mutuellement ; à cet égard, il n'y a pas l'ombre d'un doute. Je n'ai pas vu de Dieu personnel et ne sais ce qu'il me sera donné de voir. J'élève mes pensées vers un Créateur grand et bon, car je suis convaincu qu'il existe un pouvoir qui crée et dirige tout avec intelli- gence ; je ne suis cependant pas au clair sur ce qu'il est. J'attends d'être renseigné ; il me reste

(^) Ward Cheney, chez qui avait été obtenue la preuve d'identité si intéressante, mentionnée p. 78 à 84.

124 APERÇU PHILOSOPHIQUE

à apprendre pourquoi l'imperfection se trouve côte à côte avec la perfection, le Bien avec le Mal. Le même pouvoir les a-t-il créés tous deux? Voilà, avec bien d'autres, les questions que je me pose ; ce sont les mêmes que je me posais déjà auparavant ; j'espère pourtant que la réponse

ne se fera pas trop attendre H y a une chose

dont je suis sûr dès à présent, c'est que je suis toujours le même Ward Cheney ('). »

Cette communication, qui contenait, en outre, certains renseignements, donnant à sa famille des preuves de l'identité de celui qui l'envoyait, est en parfaite concordance avec bien d'autres, qui toutes démontrent péremptoirement, que le pas- sage de l'existence corporelle à la vie spirituelle n'est pas accompagné d'un progrès anormal im- médiat, mais que les connaissances des Esprits restent ce qu'elles étaient et qu'il n'y a pas lieu de leur accorder, sur bien des questions, plus d'autorité que nous n'en accordons aux incarnés. Qu'il y ait, pour parvenir à la connaissance, des difficultés inhérentes à toute créature, difficultés que notre passage à un autre genre d'existence laisse subsister, en tout ou en partie, c'est ce qui résulte des expériences faites dans ce domaine.

(') Life and Mission, p. 403 et 404,

APERÇU PHILOSOPHIQUE 125

Il y a, dans la manière de voir de Home, une lacune qui mérite aussi d'être signalée. Quand il parle d'un Esprit qui a quitté notre terre, il l'envisage invariablement comme étant dans des conditions relativement favorables, et il semble tenir fort peu compte de ceux qui, ayant grave- ment contrevenu aux lois divines pendant leur existence terrestre, doivent avoir, par conséquent, à expier leurs méfaits dans l'au delà. Que fait-il de ces âmes et quelles sont leurs destinées ? Cette question, qu'il laisse dans l'ombre, a cependant une importance majeure, et on peut se demander de nouveau, si la théorie réincarnationniste, qui permet aux âmes déchues de se réhabiliter dans les existences ultérieures, n'offre pas, sous ce rapport, une solution des plus satisfaisantes.

i'IC) UN BEAU CARACTÈRE

CHAPITRE VII

Un beau caractère.

Quelles qu'aieat été les idées du médium en matière philosophique, elles ne peuvent, toute- fois, porter aucune atteinte à l'honorabilité de son caractère, et il nous reste, pour terminer cette biographie, à parler de ses remarquables qualités morales et à montrer en quelle estime il était tenu par tous ceux qui avaient été à même de l'apprécier.

Le lecteur comprendra aisément, que les contes ridicules et les attaques auxquelles il était cons- tamment en butte, avaient pour principal objet de saper le spiritisme, en dénaturant les phéno- mènes qui sont à sa base et en représentant comme un persoimage ne méritant aucune con- fiance un des principaux apôtres de cette doctrine.

A la suite des expériences citées p. 70 à 74, le D'" Hawksley faisait la déclaration suivante, par

UN BEAU CARACTÈRE 127

laquelle on verra que, tout en différant de Home pour l'explication des phénomènes, il n'en rend pas moins témoignage à sa parfaite loyauté :

(( En consentant à faire ce rapport, je me suis réservé la latitude d'exprimer mon opinion sur la cause de ces phénomènes ; ce n'est pas celle qui a cours généralement. Après un sérieux examen, j'en suis venu à la conclusion, que ces manifestations étaient provoquées par un Esprit intelligent, qui s'emparait du corps de mon ami et pouvait le quitter pour opérer, à distance, certains actes, jouer d'un instrument, par exemple, soulever et projeter des objets matériels, lire dans la pensée ou répondre d'une manière intelligente, par des raps^ aux questions qui lui étaient po- sées. Les cas de possession dont il est parlé dans les Ecritures donnent lieu de croire que ces phé- nomènes sont identiques à ceux qui se passaient au temps du Sauveur; ces possessions, suivant l'Evangile, ne prouvaient pas qu'elles fussent, ni une preuve de la culpabilité de ceux qui en étaient victimes, ni une punition ; il fallait plutôt y voir une épreuve ou un malheur, qui doit avoir sa raison d'être, mais nous est resté jusqu'ici tout à fait incompréhensible. En ce qui concerne M. Home, quoique je sois porté à croire qu'il était possédé, ce que j'ai connu de sa vie et de ses qualités me laisse absolument convaincu de

d28 UN BEAU CARACTÈRE

sa véracité, de son honnêteté, de sa bienveillance et de la noblesse de son caractère.

(c Thomas Hawksley (i). »

Les déclarations de Crookes sont tout aussi ca- tégoriques :

(( De même que tant d'autres hommes, qui s'occupaient peu de ces questions, )) écrivait-il dans le SphHtualisme vu à la lumière de la science modenie^ ce je pensais que toute cette affaire n'était que superstition, ou tout au moins truc inexplicable. » Mais, après avoir commencé avec Home ses expériences, dans l'intention de prouver aux spiritualistes la folie de leur foi, il lui écrit, le 12 avril 1871 : c( Ne vous gênez pas pour me citer comme un de vos plus fermes adhérents. Une demi-douzaine de séances dans le genre de celle de hier soir, avec quelques hommes de science bien qualifiés, suffiraient pour faire ad- mettre scientifiquement ces vérités, qui devien- draient alors aussi incontestables que les faits de l'électricité (-). »

(') Life and Mission, p. 189. (2) The Gift, p. 96.

UN BEAU CARACTÈRE,. 129

Ce qui, en 1870, était superstition ou truc, était devenu vérité en 1871 .

En 1853, Home avait fait la connaissance d'un théologien, prédicateur distingué, le D^' Thomas Clark, qui fut plus tard évêque de Rhode-Island. C'était un ami de la famille Cheney ; il habitait Hartford, non loin de South-Manchester, ce qui lui avait permis de faire des expériences et d'arriver à se convaincre de la réalité des rapports entre incarnés et désincarnés. Resté en relation avec Home, auquel il écrivait fréquemment, le pas- sage suivant d'une de ses lettres, en date du 2 juin 1854, prouve le cas qu'il faisait du médium et de son œuvre : « Vous pouvez vous flatter d'avoir été pour bien des gens l'instrument d'un bonheur et d'une paix inestimables ; il en est dont vous avez complètement transformé l'exis- tence, et vous avez porté la lumière dans des demeures, auparavant plongées dans les ténè- bres (1). »

Que répondre de plus concluant à ceux qui demandent à quoi sert le spiritisme V

(1) The Gifl, p. 39.

130 UN BEAU CARACTÈRE

A côté de ces attestations, dont le dossier de ^|me Home fournit bien d'autres exemples, la vie même du médium le présente sous un jour sin- gulièrement sympathique. On rencontre dans sa biographie plus d'un trait à son honneur, qui n'a vu le jour que grâce aux accusations calomnieuses dont il était fréquemment l'objet et qui appelaient une réfutation.

Un de ces faits assez curieux par son point de départ avait trouvé créance dans les jour- naux américains, sans qu'on ait pu savoir de qui il provenait : on prétendait, qu'en reconnaissance des bienfaits de la famille Piymer, dans laquelle il avait été reçu à Ealing, en 1855, Home s'était permis de commander, au nom de M. Pivmer, une fourrure du prix de 50 livres sterling et de se l'approprier. Or, il y avait bien un fond de vérité dans ce racontar, mais, au lieu de s'être approprié indûment un objet de la valeur de 50 livres, c'était lui qui avait fait don de cette somme. Voici comment :

Quelques années après son séjour à Ealing, M. Rymer avait perdu tout ce qu'il possédait; désespérant, en sa qualité de spirite, de se re- lever en Angleterre, il partit pour l'Australie dans le but d'y refaire fortune, si possible. Sa femme et ses enfants désiraient l'y aller rejoindre, mais n'en ayant pas les moyens, Mps. Rymer

UN BEAU CARACTÈRE- 131

s'adressa à Home, qui lui avança ces 50 livres. Le 1er novembre 1859, elle lui écrivait une lettre dans laquelle se trouve ce passage, qui prouve l'inanité de l'accusation portée contre le médium : (( Mon cher Dan. Je ne trouve pas de paroles pour exprimer ma reconnaissance de l'affectueuse libéralité qui me permet de suivre mon cher mari dans son nouveau pays. Je vous remercie cordialement et sincèrement de votre don et aussi de vos prières et de vos vœux. Croyez à mon affection et à mes prières pour vous, et soyez sûr, mon cher Dan, que toujours, dans les pays lointains comme dans celui-ci, je resterai votre sincère amie. Emma PlYMEr. »

C'est une des mille calomnies par lesquelles on a cherché à ternir sa réputation (').

Malgré toutes les difficultés auxquelles il se heurta au cours de son existence, son cœur, ni sa main ne restaient jamais fermés, lorsqu'il s'agissait de soulager les souffrances de plus malheureux que lui. Ici, il trouve de l'emploi pour la palette d'un jeune artiste ignoré ; là, ses soins et ses subsides sauvent la femme malade d'un pauvre ouvrier ; ailleurs, c'est une mère qui

(^) Life and Mission, p. 4 8 et 49.

132 UN BEAU CARACTÈRE

le remercie de ce qu'il a fourni à son fils les moyens de se faire une place au soleil. Ce sont des circonstances, dans les détails desquels il n'est pas convenable d'entrer, soit, comme le dit M"^^ Home, parce qu'ils pourraient faire de la peine aux personnes qu'ils concernent, soit parce qu'il aurait répugné à la modestie du médium lui-même, de les voir livrer à une trop grande publicité. Citons-en cependant quelques traits, pour bien faire connaître le caractère de l'homme dont nous nous occupons ici.

En 1870, Home recevait d'une personne malade à la campagne et qui, probablement, mourut sans avoir eu l'occasion de faire sa connaissance, une lettre, dont voici quelques lignes :

(c Monsieur, (( J'ai appris journellement de Londres, par mon fils, de quelle bonté paternelle vous avez fait preuve à notre égard et comment vous avez été un sauveur pour mon pauvre fils dans sa la- mentable situation. Je ne saurais assez vous té- moigner la reconnaissance que j'éprouve pour vos bontés ; vous avez fait voir en cela combien votre cœur est compatissant. Mon pauvre fils s'efforcera de vous en récompenser, et j'ai la

UN BEAU CARACTÈRE 133

conviction qu'il se montrera, avec le temps, cligne de ce que vous avez fait pour lui. Recevez de nouveau, je vous prie, l'assurance de la gratitude d'un père éprouvé, qui n'oubliera jamais vos bien- faits vis-à-vis de son pauvre garçon ; sans votre aide, il ne se serait jamais tiré d'affaire (*). ))

L'empereur Alexandre II, qui avait Home en grande affection, lui avait demandé plus d'une fois en quoi il pourrait lui être agréable ; le seul usage qu'il fit des offres de Sa Majesté fut d'intercéder, un jour, en faveur d'un individu, dont le pardon lui fut accordé sur le champ ; un des parents du coupable, connaissant l'intérêt que l'empereur portait à Home, l'avait prié de présenter cette requête (-).

Une phase bien douloureuse pour Home fut celle qu'il eut à traverser pendant la guerre franco-allemande. Il était arrivé au quartier-gé- néral allemand, en qualité de correspondant d'un journal anglais, quelques heures avant la bataille de Sedan. Le lendemain, il en parcourait le théâtre. Les scènes de souffrances dont il fut alors témoin étaient plus que n'en pouvait supporter

(') Life and Mission, p. 325. (^j D., p. 303 et 364.

134 UN BEAU CARACTÈRE

sa nature sensitive et compatissante; muni d'un sauf-conduit qui lui permettait de suivre les opé- rations des armées allemandes, il eut souvent l'occasion de venir en aide aux victimes de la guerre, et les mois de septembre, octobre et novembre 1870 portèrent à sa santé un coup ir- réparable. Il faut au spectateur d'une grande guerre un cœur et des nerfs d'acier, qui faisaient absolument défaut chez Home.

Le correspondant du Daily Telegraph, présent un jour à une rencontre du médium avec le roi Guillaume, écrivait à son journal : (( Le roi eut bientôt reconnu M. Home ; il s'adressa à lui avec bonté, lui rappela les miracles auxquels il lui avait été donné d'assister par son moyen et s'in- forma des (( p]sprits » sur un ton qui n'avait rien de sceptique. (( Il y avait, » ajoute M"^^ Home, (( quelque chose de dramatique dans cet entretien de quelques minutes entre le représentant cou- ronné de la force triomphante et l'homme qui avait été pour ses contemporains l'instrument de conviction à l'existence, tout autour d'eux, de forces dont ils ne s'étaient fait jusque-là aucune idée (^). »

(') Life and Mission, jj. 327 et 328.

UiN BEAU CARACTÈRE 135

Une lettre d'un lieutenant de réserve westpba- lien, R. Sauer, adressée de Beyrouth (Syrie) à Home, en date du 21 novembre 1871, renferme des témoignages de reconnaissance fort touchants; son auteur s'y excuse du retard qu'il a mis à donner de ses nouvelles au bienfaiteur, sans les soins duquel la mort aurait fait une victime de plus (*).

^ if-

Plusieurs autres épisodes de l'année terrible témoignent du dévouement déployé par notre médium en diverses circonstances ; ne pouvant tout citer, je renvoie aux ouvrages, publiés par sa veuve, le lecteur désireux de connaître d'une manière plus complète cette vie si intéressante.

Tel fut l'homme que, dans des conférences faites à Genève en décembre 1895 et janvier 1896, M. Aloïs Berthoud, professeur en théologie, n'a pas craint de représenter comme ayant renié, sur la fm de sa vie, sa croyance aux Esprits et à leur influence sur toute son existence. Le confé- rencier s'appuyait, il est vrai, sur un ouvrage publié sous le pseudonyme du D»' Philip Davis,

(«) Life and Mission, p. 328 et 329.

136 UN BEAU CARAGTÈKE

ouvrage qui n'avait qu'un but à part la ques- tion financière le dénigrement et l'anéantisse- ment du spiritisme (').

Mais cette admirable doctrine est aujourd'hui trop solidement assise, pour pouvoir être ébranlée par les arguties de ses détracteurs, et il est diffi- cile de comprendre comment le savant professeur a pu prendre au sérieux des affirmations aussi manifestement contraires à la vérité ; comment surtout il a osé publiquement s'en prévaloir. Faisant, à ce qu'il a dit, depuis deux ans, des recherches dans ce domaine, M. Berthoud aurait avoir connaissance de la polémique, engagée en janvier 1893, dans la Semaine religieuse (^) et la Feuille d'avis (^), touchant l'identité de ce prétendu docteur. Il y était affirmé que l'auteur de ce pam- phlet était Louis JacoUiot, déjà connu par ses ouvrasses anti-chrétiens : La Bible dans VInde, Christ et Chrishna, L'Histoire des Vierges et Les Fils de Dieu, que la presse chrétienne s'est bien gardée de porter aux nues, comme elle l'a fait de La Fin du Monde des Esprits.

(') Le prétendu Di' Philip Davis aflirmait et M. le professeur s'autorisait de cette affirmation avoir obtenu de Home la confi- dence en question, sous la condition de ne pas la divulguer avant sa mort. Moyen commode, sinon honnête, de ne pas s'attirer un dé- menti de la personne calomniée.

(^) 14 et 21 janvier. .

(3) Pages 1021 à 1024.

UN BEAU CARACTÈRE 137

En ce qui concerne Home, il eût été facile à M. Berthoud d'être renseigné de première main, la veuve du célèbre médium étant domiciliée à Genève à l'époque il faisait ses conférences. Mais il est des personnes même des professeurs en théologie qui se garderaient bien de pousser trop loin leurs investigations, dans la crainte de se heurter à des découvertes pouvant les mettre dans la nécessité de modifier des conceptions qui leur sont chères. Fermer les yeux à la lumière leur paraît préférable.

L'accusation portée contre Home était trop grave pour rester sans réplique. J'avais pensé que le plus simple était d'en demander une ré- futation à sa veuve.

(( Les absurdités et les calomnies répandues sur le compte de mon mari, » me répondit M"'6 Dunglas Home, ce ont été tellement nom- breuses et variées, que j'aurais eu trop à faire, si j'avais voulu entreprendre de les démentir chaque fois que le cas s'est présenté. J'ai publié deux ouvrages, dans lesquels sa vie est racontée avec des détails circonstanciés, et le lecteur impartial peut juger de son caractère et de ses mérites. »

Après m'avoir montré le portefeuille dans le- quel sont renfermés les précieux documents qui lui ont permis la publication de la biographie

io8 UiN BEAU CARACTÈRE

analysée dans ces pages : « Sa vie, y> na'a-t-elle dit, « a été celle d'un saint ; il est mort comme un saint et, jusqu'à ses derniers instants, il n'a cessé d'affirmer la réalité de ses relations avec le monde des Esprits. »

Tout en admettant qu'il puisse y avoir quelque exagération dans l'enthousiasme des souvenirs d'une épouse qui portait à son mari une affection profonde, j'ai lieu de croire, après avoir pris connaissance des ouvrages mentionnés, que l'es- pèce de culte qu'elle rend à sa mémoire se jus- tifie par toute une vie de dévouement à sa mis- sion et à ses semblables.

Ses derniers moments, tels qu'ils sont racontés dans Life and Mission (i), sont le digne couron- nement d'une si belle carrière.

(( En juin 188G, » y est-il dit, « survint la com- plication dont il avait prédit le danger ; les deux poumons étant attaqués, le mal fut bientôt irré- médiable f^). Nous savions tous deux, pendant les trois derniers jours, que tout était fini pour nous sur la terre. Conservant jusqu'au bout pleine conscience de lui-même, la résiç^nation une

{') P. 41G.

(^] Il n'est donc pas mort d'une maladie nerveuse, comme l'ont prétendu ses détracteurs.

UN BEAU CARACTÈRE 139

résignation ineffable illuminait ses traits, tan- dis que le lien fragile qui reliait l'ànie au corps s'en détachait lentement. Son unique pensée ten- dait à m'inspirer la force de lui survivre et de me faire comprendre qu'il ne partait que peu avant moi. Il me parlait surtout de la grande bonté de Dieu envers nous et de nos amis dans les cieux. Ceux-ci l'entouraient; il les voyait, les nommait ; ses traits étaient rayonnants et il ten- dait ses mains vers eux. Il ne souffrait plus; la mort vint sans nulle agonie, comme il l'avait prédit. Durant ces dernières heures, il semblait ne plus être de notre monde ; l'àme, dégagée de la matière, anticipait déjà sur son union avec l'Etre Suprême, et la vie éternelle cette vie qui, pour lui, n'était ni un songe, ni une simple espérance, mais à laquelle il s'était préparé par toute sa vie terrestre en cet instant, au moment d'une mort glorieuse et paisible, il la voyait s'ouvrir lumi- neuse devant ses yeux, tandis que peu à peu, sans soutïrance, les derniers liens entre l'Esprit et le corps se relâchaient doucement. En aban- donnant sa dépouille terrestre, l'Esprit y avait déposé l'empreinte de la félicité des cieux, une paix qui semblait répéter, avec l'apôtre : « 0 mort ! est ton aiguillon? 0 sépulcre ! est ta vic- toire ? »

*

140 UN BEAU CARACTÈRE

Il fut déposé dans le caveau qui avait déjà reçu la fille qu'il avait perdue ; ses funérailles furent, selon le désir exprimé dans son testament, aussi simples que possible, et tout signe de deuil en fut supprimé. Les prêtres qui officièrent à l'église russe avaient revêtu leur chasuble de fête, blanche et or, au lieu de la tunique noire conventionnelle, et le cercueil, tout couvert de fleurs, placé sur un dais brillamment éclairé, n'avait absolument rien de lugubre. Ayant toujours considéré la mort comme une délivrance et non comme une malédiction, il avait tenu à manifester sa foi jusque dans cette cérémonie suprême.

Son tombeau est à Saint-Germain. Une croix de marbre blanc se dresse au-dessus d'un cal- vaire. On y lit ces mots : « Daniel Dunglas Home. à la vie terrestre, près d'Edimbourg (Ecosse), le 20 mars 1833. à la vie spirituelle : ce A un autre de discerner les Esprits » (I Corinthiens, ch. 12, V. 10) : le 21 juin 1886. »

CONCLUSION 141

CHAPITRE VIII

Conclusion.

Si j'ai réussi à démontrer, dans cette notice, l'entière bonne foi du médium dont je viens de raconter la vie, on devra reconnaître que le spi- ritisme, dont il fut un des principaux propaga- teurs, a droit à un examen sérieux de la part de tous ceux que préoccupe le problème de l'au delà.

En présence des nombreux faits cités et des témoignages irrécusables et désintéressés qui se pressent dans les ouvrages dont j'ai fait mention et dont, je le répète, je n'ai donné que quel- ques exemples que devient cette affirmation de M. le prof. Aloïs Berthoud, que Home aurait avoué, à la fin de sa carrière, n'avoir jamais cru à l'intervention des Esprits, dans les étonnantes manifestations constatées en sa présence ? Les faits sont là, et une déclaration du médium lui- même, l'eùt-il réellement faite ce qui n'est pas ne pourrait nullement infirmer les attes- tations des centaines de témoins dont les lettres sont entre les mains de sa veuve.

142 CONCLUSION

L'argumentation du savant professeur reposait principalement sur deux points :

William Crookes, le célèbre chimiste quelque incontestables que soient sa loyauté et ses mérites comme savant s'est laissé mysti- fier par une jeune iille, qui lui avait été envoyée d'Amérique avec cette mission spéciale. Le spiri- tisme était alors agonisant et ses adeptes avaient pensé qu'ils lui donneraient une vie nouvelle, s'ils parvenaient à entraîner dans leurs rangs un homme de si haute valeur. Cette histoire serait, selon le conférencier, la plus colossale mystifica- tion du siècle.

Home était un vrai médium affirmation de M. Berthoud, précieuse pour ses adversaires mais les Esprits ne sont pour rien dans les phénomènes ; la cause en est ailleurs.

On a vu ce qu'il en est de ce second point. Quant à la prétention de faire passer pour un naïï un savant qui a étonné le monde par ses admirables découvertes, il suffira de dire qu'elle est, comme celle concernant Home, tirée de La Fin du Monde des Esprits, ouvrage ne méri- tant, ainsi qu'on l'a vu plus haut, aucune con- fiance. Ceux qui savent que Miss Florence Cook

CONCLUSION - 143

était anglaise n'ayant vraisemblablement jamais vu l'Amérique qu'elle est actuellement mère de famille et habite le pays de Galles ; qu'elle n'avait que quinze ans lorsque Grookes, ayant entendu parler de ses facultés exceptionnelles, désira faire sa connaissance ; que les manifesta- tions se prolongèrent pendant trois années con- sécutives et que c'est chez lui que se tenaient les séances, ceux-là diront de quel côté se trouve la naïveté ; du côté de ceux qui examinent et se rendent compte par eux-mêmes, ou du côté de ces directeurs des âmes et de ces soi-disant sa- vants qui refusent de se rendre à l'évidence, admettant sans hésitation les faits les plus éton- nants, à condition seulement qu'ils se soient pas- sés il y a deux mille ans, mais fermant obstiné- ment les yeux pour ne pas voir les faits contem- porains similaires, de crainte d'être obligés de reconnaître les erreurs dont leur enseignement est entaché et d'avoir à modifier leurs croyances en conséquence.

Mais en quelle médiocre estime ne faut-il pas tenir l'intelligence de ses auditeurs pour oser, après des assertions si peu fondées, conclure de la façon étonnante que voici : « Du moment qu'un homme aussi éminent que M. Grookes s'est laissé mystifier, nous pouvons nous dispenser d'exami- ner les autres preuves fournies par les spirites ! »

10

444 CONCLUSION

Et M. Berthoud s'est étonné de la verte répli- que qui a été faite à ses sophismes !

Si le, spiritisme n'eût pas reposé sur des bases plus solides que celles indiquées par M. Berthoud, il n'eût certes pas recruté les millions d'adeptes qu'il compte aujourd'hui dans ses rangs. Ce ne sont pas quelques personnages, fussent-ils des plus haut placés, qui auraient pu provoquer un mouvement de cette importance ; les constatations d'innombrables témoins ont été nécessaires pour produire un tel résultat. C'est chez des centaines et des miniers d'individus que la médiumnité s'est manifestée, depuis le jour les coups étranges frappés à Hydesville dans la famille Fox ont mis sur la voie de la possibilité des communications entre incarnés et désincarnés. Dès lors en moins de cinquante ans des millions de per- sonnes ont obtenu, par le moyen de ces manifes- tations, la preuve de la réalité de l'existence au delà de la tombe et y ont trouvé des consolations que la foi chrétienne était impuissante à leur donner.

L'immense majorité de ces médiums se ren- contrant dans les familles, les communications qu'ils obtiennent sont, le plus souvent, trop inti- mes pour être divulguées. On a remarqué que les expériences faites en petit comité, à l'abri des sceptiques et des farceurs, étaient les plus pro-

/

CONCLUSION ''' 145

pices au succès, et ce sont celles aussi qui ont entraîné le plus grand nombre d'adhésions. Elles inspirent nécessairement plus de confiance, car il serait puéril de croire à la tromperie, et sur- tout à la tromperie pratiquée jour après jour, des années durant, dans des milieux aucun inté- rêt n'est en jeu.

Les médiums qui se sont faits comme tels une réputation sont néanmoins fort nombreux. Le Light, de Londres, a publié, depuis deux ou trois ans, une série de récits de son représentant, M. Heywood, concernant des médiums qu'il a interviewés et sur lesquels il donne des détails extrêmement intéressants, avec de nombreuses preuves à l'appui. Voici les noms de ces médiums :

j\jmes Everitt, EUen Green, Florence Cook, Russell Davies, Titford, Stansfield, Vincent Bliss; M*ie Rowan Vincent ; MM. Morse, Duguid, An- dersen, Slater, Spriggs, Wallis, Champernowne et général Lorrison.

Le Messager (^), de Liège, a donné, de 1894 à 4896, la traduction de quelques-uns de ces arti- cles ; ils concernent Morse, Brown et Clarke, et ;^mes Everitt, Stanslield et Titford. Ce journal avait aussi publié antérieurement des articles sur les

(^) Le Messager, Liège, bi-mensuel, 5 fr. par an.

146 CONCLUSION

médiums Armitage et Melchers (tirés du Light et des Spiritualistische Blaetter, de Berlin).

En parcourant ces différents rapports, on est frappé de l'étonnante variété des manifestations qui y sont mentionnées et, en même temps, de la similitude des phénomènes, dans lesquels on est souvent obligé de reconnaître une même origine.

Qu'on veuille bien se reporter aux difficultés que présente l'étude de l'histoire, tant profane que religieuse, des mystères bibliques ou de cer- tains faits affirmés dans les temps anciens, tels que le démon de Socrate ou la mission de Jeanne d'Arc. Qu'on les compare aux manifestations de nos jours : Maisons hantées qui semblent se mul- tiplier, sans que les efforts de la police parvien- nent — le plus souvent à découvrir les causes des perturbations ; apparitions entraînant l'effa- rement de populations nombreuses ; désarroi des corps scientifiques et religieux, provoqué par la clairvoyance d'une jeune fille W^^ Gouësdon au sujet de laquelle surgissent autant d'opinions que d'examinateurs. En présence de toutes ces étrangetés, on se convaincra, sans doute, qu'il y a comme dit Hamlet sous la voûte du

CONCLUSION ,. 147

firmament, plus de choses que notre philosophie n'en peut concevoir.

Il est, heureusement, des hommes qui ne pen- sent pas que le meilleur moyen de parvenir à la connaissance de la vérité, soit de travestir les faits ou de les ignorer. Aussi, à côté des maté- rialistes et des chrétiens, ou soi-disant tels, qui, depuis près de cinquante ans ont rivalisé de vio- lence vis-à-vis du spiritisme lequel ne s'en est pas plus mal porté, au contraire s'est-il trouvé une phalange de plus en plus nombreuse de savants pour se vouer à l'étude de ces problèmes mystérieux. La science ne peut décidément plus se dérober au devoir de les approfondir.

Nous nous bornerons à mentionner le remar- quable ouvrage d'Alfred Piussell Wallace, l'émi- nent naturaliste : Les Miracles et le Spiritualisme moderne; celui d'Aksakow, conseiller d'Etat à la cour de Russie : Animisme et Spiritisme, et ceux du colonel de Rochas : L Extériorisation de la Sensibilité et V Extériorisation de la Motricité.

Dans ce dernier volume, le colonel de Rochas s'applique à démontrer la réalité des facultés médianimiques d'Eusapia Paladino, le célèbre médium napolitain, en présence de qui César

148 CONCLUSIOxN

Lombroso a constaté des phénomènes si évidents, qu'il n'a pu s'empêcher de déclarer « être tout confus et au regret d'avoir combattu avec tant de persistance la possibilité des faits dits spirites (*). »

Quoique l'éminent aliéniste fasse des réserves quant à la cause de ces faits, il est permis d'es- pérer que ce premier pas l'amènera un jour ou l'autre à passer du matérialisme au spiritualisme. Bien d'autres, qui ont étudié la question, ont trouvé leur voie par ces communications d'outre-tombe, alors qu'ils n'avaient cru qu'à des trucs et à des illusions.

Dans un précédent ouvrage, publié en 1890 (^), l'auteur de cet opuscule a cherché à prouver, par de nombreux exemples, appuyés sur les témoignages les plus irrécusables, l'évidence do phénomène spirite ; dès lors, les faits se sont, multipliés et les différentes écoles qui, sous les noms d'occultistes, de théosophes, de swedenbor- giens, etc., travaillent à percer ces mystères, y jetteront de jour en jour une plus vive lumière.

Aucune science n'est parfaite ; celles même

(^) Lettre à M. Erneslo Ciolfi, à Naples, du 26 juin 1891 (^) Cherchons !

CONCLUSION 149

qu'on croit les plus sûres sont sujettes à d'inces- santes modifications. S'il en est ainsi dans le domaine de la matière, s'étonnera-t-on des diffi- cultés que présente l'étude des choses de l'Esprit ?

*

Puissent ces pages contribuer à lever quel- ques préventions et à réaliser quelque progrès !

150 APPENDICE

APPENDICE

M. le prof. Aloys Berthoud. Ses concessions et ses réticences.

Ce livre était sous presse, lorsque nous avons appris que M. le prof. Berthoud avait publié ses trois conférences ('), qu'il fait suivre de réponses aux critiques qui leur avaient été faites.

Laissant à des plumes plus compétentes le soin de réfuter si elles le jugent bon les théories théologiques de M. Berthoud, nous ne pensons pas pouvoir nous dispenser de présenter quelques observations sur les points en rapport avec notre sujet spécial.

Le savant professeur se demande s'il n'aurait pas été trop large et trop généreux vis-à-vis de sa partie adverse (-). Nous ne partageons pas ce

(M Le Surnaturel chrétien en regard de r hypnotisme et du spiri- tisme.

p) Le Surnaturel, p. 71.

APPENDICE 151

scrupule ; mais nous aurions mauvaise grâce à nous plaindre d'une polémique qui ne peut être que favorable à notre cause.

Voilà bientôt cinquante ans, en effet, que les spirites luttent pour faire admettre les phénomè- nes qui sont à la base de leurs convictions. M. Berthoud leur a apporté l'appui de témoigna- ges dont la valeur est considérable ; il y aurait ingratitude de notre part à ne pas le reconnaître.

Nous sommes convaincu que beaucoup de ceux dont le scepticisme aura été ébranlé par ses affirmations, voudront en savoir davantage. Il en résultera des séances, dont les unes ou les autres ne pourront manquer d'apporter leur part de preuves et d'attirer à nous ceux qui se seront trouvés en face de manifestations qui ne s'expli- quent logiquement que par l'intervention des désincarnés. M. Samuel Guppy un Anglais, à ce que nous croyons, et non un Américain, comme le dit M. Berthoud (i) dont la femme est un médium hors ligne, est un de ces exem- ples, plus nombreux qu'on ne croit, des conver- sions opérées par les inattendus qui viennent, parfois, ouvrir les yeux des plus prévenus.

*

(^) Le Surnaturel, p. 98.

152 APPENDICE

Passant à la critique, nous féliciterions M. Ber- thoud de s'être effacé, autant que possible, de- vant les hommes les plus compétents en ces ma- tières ('), s'il s'était vraiment adressé à ceux qui pouvaient le plus sûrement le renseigner. Mais comment n'a-t-il pas compris qu'il faisait fausse route, en prenant pour guide le prétendu D'" Phi- lip Davis? Comment expliquer que le savant professeur, si méticuleux lorsqu'il contrôle les affirmations des Wallace, des Crookes, des Zôll- ner, des Aksakof, des de Rochas ou des Metzger, accepte, avec une si incroyable légèreté, les dires d'un homme qui n'a pas osé appuyer de son vrai nom les mensonges et les calomnies qu'il publiait? On affirme et M. Berthoud paraît l'admettre (^) que c'est Louis Jacolliot, bien connu par ses écrits contre le christianisme, qui est l'auteur de La Fin du Monde des Esprits. Sont-ce ses ou- vrages antérieurs, La Bible dans Vlnde, ou Christ et Chrishna, qui ont inspiré à M. Berthoud tant de confiance en Louis Jacolliot, qu'il ait puisé chez ce pamphlétaire la majeure partie de ses arguments?

*

(^) Le Surnaturel, p. 72. (2) D% p. 49.

APPENDICE 153

M. Berthoud en puise aussi, il est vrai, chez ses adversaires ; il cherche à donner le change, en citant certaines phrases soigneusement triées, qui séparées de leur contexte sembleraient lui donner raison. Elles démontrent simplement, toutefois, aux lecteurs impartiaux, que les auteurs cités ont poursuivi leurs recherches sans parti- pris et avec la ferme volonté de parvenir à la dé- couverte de la vérité.

En résumé, le prétendu D^" Philip Davis, en écrivant son livre de mauvaise foi, s'est heurté à une difficulté : La médiumnité incontestable de Home. En faisant renier au célèbre médium sa croyance aux Esprits, la difficulté était tournée, et l'auteur de La Fin du Monde des Esprits n'a pas hésité à lancer cette calomnie, après avoir attendu, pour plus de sûreté, que celui qu'il atta- quait ne fût plus pour le démentir.

Les pages qui précèdent font justice de cette infamie, impardonnable de la part d'un homme qui se dit l'ami de celui qui en est l'objet. Mais cette prétendue amitié est un mensonge de plus; peut-être l'auteur du pamphlet en question ne connaissait-il pas même le médium.

La fausseté de l'assertion concernant Home

154 APPENDICE

donne la mesure du degré de confiance que mé- rite son livre.

Nous ne comprendrions pas l'importance que M. Berthoud prête à un écrivain si peu recom- mandable, si nous ne savions combien est vraie la théorie chère à notre contradicteur : celle de la suggestion et de l'auto-suggestion, dont il nous parait inconsciemment subir l'influence.

Expliquons-nous :

Nous savons, par expérience, combien il est dif- ficile de renoncer à des croyances qui nous ont été inculquées dès notre bas âge. Ce qui a péné- tré dans le cerveau de l'enfant et de l'adolescent ne s'en extirpe qu'à grand'peine. est l'expli- cation du petit nombre des conversions; là, les efforts faits, par ceux appartenant à des confes- sions différentes, pour se convaincre mutuelle- ment, sans, d'ailleurs, y parvenir, si ce n'est en des cas très rares. Tous demeurent dans leurs croyances respectives, sincèrement persuadés d'être dans le vrai, à l'exclusion de tous les autres.

Elevé dans les principes orthodoxes, appelé par sa vocation à les affermir de plus en plus, M. le prof. Berthoud s'imagine très loyalement avoir des convictions personnelles, et ne se doute pas qu'elles sont le fruit de son éducation pre-

APPENDICE 155

mière, dans laquelle la suggestion joue un rôle des plus importants.

Aussi affirme-t-il, sans ambages, que (c sa foi reste absolument réfractaire à ce svstème d'ex- ploitation régulière des morts, qui fait le fond du spiritisme, et que, toutes les séances auxquelles il pourrait assister, n'y changeraient rien ('). »

Fondé sur l'excellence de sa cause, il s'assi- mile aisément tous les arguments qui sont en faveur de ses idées, tandis que ceux qui les con- tredisent rencontrent une barrière infranchissable.

*

C'est une ténacité. semblable qu'on a pu obser- ver chez M. le pasteur Huet, qui, malgré les preuves les plus concluantes de la réalité des manifestations, après avoir été, pendant cinq ans^ un ardent propagateur du spiritisme, a fait mi- sérablement défection à la suite d'un entretien de deux ou trois heures avec quelques collègues orthodoxes. La brochure qu'il a pubUée cette occasion est des plus curieuses (^).

(>) Le Surnaturel, p. 73.

(2) Après cinq ans de Spiritisme.

156 APPENDICE

Ah ! c'est que la crainte de Satan et de ses anges subsiste encore dans bien des esprits sans que cela paraisse et, lorsqu'on a été élevé dans la persuasion, qu'il n'y a que la foi qui sauve, on craint de perdre cet unique moyen de salut. C'est pourquoi les conversions in extremis^ plus ostensibles chez les catholiques que chez les protestants, sont encore relativement fréquentes.

*

Signalons, en passant, les cas de folie, si sou- vent causés par l'état d'exaltation et les terreurs religieuses, et dont nos adversaires n'ont pas l'air de se douter, lorsqu'ils prétendent que les spi- rites peuplent les maisons de santé, affirmation qui est loin d'être démontrée.

Nous n'en dirons pas davantage.

Après les déclarations de M. le prof. Berthoud, il serait plus que présomptueux de penser qu'il puisse jamais renoncer aux croyances qu'il estime être seules légitimes. Qui sait, pourtant? On voit des choses si extraordinaires ! C'est donc moins pour lui, que nous présentons les observations

APPENDICE 157

ci-dessus, que pour les lecteurs sérieux, auxquels les mystères de la vie donnent parfois à réfléchir.

A ceux-là, nous disons :

(( Examinez toutes choses et retenez ce qui est bon. )) Voyez si, dans les phénomènes cités, ou dans ceux qui viendront à votre connaissance, soit que vous les éprouviez vous-mêmes, soit que vous les rencontriez dans des écrits spéciaux, il n'en est pas qui, absolument avérés, ne trouvent aucune explication logique et vraie de nos jours comme dans tous les temps sinon dans le fait de l'intervention des soi-disant morts.

Choisissez entre les affirmations loyales de ceux qui ont examiné, et dont beaucoup sont des sa- vants de premier ordre, et celles du prétendu D'' Philip Davis.

FIN

TABLE DES MATIÈRES

Pages

Introduction I

CiiAPiTKE 1. Notice biographique Il

Chapitre II. Médiumnilé 34

Chapitre III. Histoire apocryphe 85

Chapitre IV. La crainte du « Qu'en dira-t-on ? » . . . 95

Chapitre V. Epreuves lOI

Chapitre VI. Aperçu philosophique 112

Chapitre VII. Un beau caractère 129

Chapitre VIII. Conclusion 141

Appendice. M. le prof. A. Berlhoud. Ses concessions

et ses réticences 150

REVUE DES LIVRES

Comment on se défend de la Migraine et du Mal <le tète

par le docteur Bhbur. Broch. de 36 pages, 2' édit. Prix; 1 fr., a la Librairie du Magnétifme, 23, rue Saint-Merri. Paris.

Ouvrage du même auteur très bien étudié et résumé en aussi peu de pages que possible.

Après avoir décrit l'étiologie des diverses migraines, leur diagnostic, leur pronostic, il traite des différentes sortes de maux de tête, qui se présentent presque toujours comms symptômes de certaines maladies que l'on doit d'abord cher- cher à faire disparaître ou tout au moins à améliorer; puis il indique le traitement médical que sa longue expérience lui fait considérer comme devant donner les meilleurs résultats.

Comment on défend Mon I\ez. Lutte contre les Rougeurs, l'Oeène, les Polypes et autres Infirmités, par le dodeur R. Bonnet, chef de cli- nique des maladies du nez, de la gorge et des oreiller. Broch. de 48 pa- ges, 2' édit. Prix : 1 fr., même librairie ^

Depuis la congestion du nez (nez rouge, bo^urgeonné) et les comédons (vers du nez) qui ne sont pas dangereux^ jusqu'aux polypes et au saignement de nez, en passant par le coryza (rhume, de cerveau), l'ozène, les végétations adénoides, et d'autres cas encore, qui sont successivement étudiés ici, le 'Nez et les fosses nasales sont exposés à un grand nombre de maladies dont plusieurs présentent une certaine gravit-é. C'est pour les éviter et ensuite pour les guérir que l'auteur a écrit cet excellent petit ouvrage qui se recommande a l'at- tention de tous.

BOSTON PUBLIC LIBRARY

3 9999 05676 951 4

'■'fW ^^^^^

J)^

i?

^\ ^ ^

■m m^

%\ ;^

M m

4 * % ^\:..

y'

I

% "* "*^

^^: •■■4'

?s