Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa http://www.archive.org/details/lesmammifresdeOOdion w ^ii;:^* ^(. LES MAMMIFÈRES DE LA PROVINCE DE QUÉBEC PAR / W^^ C. E. DION NE Conservateur du Musée Zoologique de l'Université Laval Membre associé de 1' " American Ornithologist Union "' Auteur de " Les Oiseaux du Canada " ^ du " Catalogue (annoté) des Oiseaux de la BIBLIOTHÈQUES * Province de Québec " O tIBRARieS «^j «'«y <Â O^N^ 7sÙ QUÉBEC DussAULT & Proulx, Imprimec^^A^ 1902 ^^1 PREFACE La Faune mammalogique de la province de Qué- bec était encore à faire et, depuis longtemps, on désirait une description technique de tous nos Mam- mifères indigènes avec l'historique de leurs mœurs ; en effet, à l'exception de certains articles de revues sur quelques-unes de nos grandes espèces, rien de complet n'a été publié sur ces animaux pourtant si intéressants à étudier dans leurs habitudes et si importants au point de vue économique. J'ai donc essayé de combler cette lacune en publiant ce petit ouvrage, qui est le résultat de plus de vingt années de recherches et d'observations sur nos Mammifères. Je n'ai rien épargné dans ces recherches, et tout en demeurant dans les limites du vrai, je me suis efforcé de rendre ce travail aussi intéressant qu'utile. A cet effet, je l'ai illustré de citations de naturalistes et autres dont l'autorité, quant aux extraits que j'en cite, ne saurait être mise en doute. Afin de faciliter l'intelligence des descriptions techniques contenues dans cet ouvrage, j'ai inclus dans l'introduction une petite étude anatomique et physiologique des Mammifères considérés au point de vue du squelette, de leurs organes et de leurs fonctions. La classification et la nomenclature adoptées sont des plus récentes ; toutefois je dois ajouter que je n'ai attaché qu'un intérêt secondaire à quelques sous- espèces ou variétés d'espèces que certains auteurs se plaisent à créer. Ces créations sont regrettables, dans la plupart des cas, car ces variétés, le plus sou- vent basées sur de légères différences de teintes dans le pelage, comme aussi sur la grandeur ou la peti- tesse de la taille (quelques lignes à peine parfois) dues, en maintes circonstances, aux milieux dans lesquels ces animaux se développent, ne me sem- blent pas assez sérieuses et sont, je crois, de nature à rendre aux débutants l'étude des sous-espèces très laborieuse, surtout si l'on considère que les noms que l'on a ainsi adoptés sont susceptibles d'être remplacés par d'autres. Enfin on trouvera quelques petites clefs destinées à faire reconnaître, de suite et en quelques mots, les différents ordres et familles énumérés dans le corps de l'ouvrage ; ces clefs ne s'adaptent qu'aux Mam- mifères de la province. Les gravures sont des reproductions extraites de divers ouvrages. Malgré tout le soin que j'ai apporté à ce travail, je ne saurais toutefois me flatter d'avoir fait un ouvrage complet. Notre province est si vaste et nos animaux ont été si peu étudiés et, par suite, sont si peu connus, qu'il n'est pas improbable que certaines espèces, — vil parmi les petites surtout, aient échappé à nos recher- ches et qu'une étude postérieure n'ajoute encore à l'histoire de leurs mœurs et à la découverte probable de nouvelles espèces. Néanmoins j'ose espérer que ce travail sera utile à ceux qui désirent avoir une idée plus complète des Mammifères qui peuplent nos immenses forêts, aussi bien que de ceux qui habitent les profondeurs de notre beau fleuve. C.-E. DIONNE. INTRODUCTION Les Mammifères appartiennent à la grande divi- sion des animaux vertébrés et, dans cette catégorie, ils occupent le rang le plus élevé, puisque chez eux l'organisation acquiert son plus haut degré de per- fection ; ils jouissent, en effet, des sensations les plus délicates et les plus multiples, comme ils font preuve des mouvements les plus variés ; mais c'est surtout par leur instinct, qui est souvent porté jusqu'à ses dernières limites de développement, qu'ils se font particulièrement remarquer, si bien que, chez un grand nombre d'espèces, on serait tenté de croire que ces êtres sont doués d'une certaine lueur d'intel- ligence. " Sans nier, dit Clans, l'abîme profond qui sépare l'intelligence humaine de l'intelligence des Mammi- fères les mieux doués, on peut cependant affirmer que les conditions élémentaires de l'entendement et de la sensibilité se rencontrent aussi dans ce qu'elles ont de plus essentiel chez ces animaux. Le Mam- mifère possède le discernement et la mémoire, il peut former des idées, juger et faire des inductions ; il témoigne du penchant et de l'amour pour celui qui lui fait du bien, de l'aversion, de la haine et de la colère contre son ennemi. Les facultés intellec- tuelles des Mammifères sont susceptibles de déve- loppement et de perfectionnement, restreints cepen- dant dans des limites relativement étroites, suffisam- ment indiquées par l'absence du language articulé. La docilité de certains ]\Iammifères, la faculté avec laquelle on les dresse et on les élève, ont fait d'eux les animaux domestiques, les compagnons de l'homme. Toujours le penchant naturel et inconscient, l'ins- tinct, en un mot, joue un grand rôle dans la vie des Mammifères. C'est lui qui pousse de nombreuses espèces à construire de vastes galeries et des édifices, dont le perfectionnement nous étonne. " (i) Les Mammifères se distinguent facilement des autres classes de vertébrés par l'ensemble des princi- paux caractères ci-après énumérés : par leur sang chaud et rouge, leur circulation double, leur vivi- parité, leur corps recouvert de poils, en tout ou en partie, sauf chez quelques espèces qui en sont tota- lement dépourvues ; mais ils sont surtout caracté- risés par la présence d'organes de lactation propres à la sécrétion d'un liquide qui doit servir à l'alimen- tation des petits durant leur première période d'exis- tence. Les Mammifères possèdent tous une charpente osseuse qui se compose de pièces solides et réunies les unes aux autres au moyen de ligaments, Tassem^ blage de ces os constitue le squelette. Il sert à sou- (i) Claus, Traité de Zoologie, p. 1458. — 3 tenir les parties molles qui le recouvrent, à protéger les organes les plus essentiels à la vie, à déterminer les formes et les proportions des animaux. Organe FiG. I.— Squelette du cheval. I, Maxillaire inférieur ; 2, vertèbres cervicales ; 3, vertèbres dor- sales ; 4, vertèbres lombaires et sacrées ; 5, vertèbres caudales j 6, apophyses épineuses ; 7, omoplate ; 8, humérus ;9, cubitus et radius; 10, carpe ; 11, métacarpe ; 12, phalanges ; 13, bassin ; 14., fémur ; 15, 16, péroné et tibia ; 17, calcaneum ; 18, taise ; 19, côtes ; 20, rotule. passif de la locomotion, le squelette, muni de ses muscles qui en forment la partie active, sert encore au transport de l'individu d'un lieu à un autre, et la réunion des deux constitue ce que l'on appelle organe de la locomotion. Les os sont formés d'une substance organique, 1 ^osseine^ et de substances inorganiques telles que le carbonate et le phosphate de chaux ; ils s'accroissent et s'entretiennent par — 4 — l'extérieur, au moyen du périoste^ membrane qui les enveloppe. Chez les Mammifères le squelette se compose de trois parties, la tête^ le tro7ic et les membres ; la tête se partage elle-même en deux sections, le a^âne et la face. Le crâne, placé à la partie supérieure et postérieure de la tête, a la forme d'une boîte ovalaire, et se compose des os suivants : en avant, au-dessus des yeux, \ç:fro7ital; en haut et sur les côtés, les ^^n^ pariétaux ; en arrière, V occipital ; sur les côtés à la partie inférieure, les temporaux ; en bas et en avant, Vethmdide ; également en bas et au centre, le sphèndide. La face est située en avant et au-dessous du crâne ; elle se divise en mâchoire ou maxillaire supérieur et en mâchoire ou maxillaire inférieur ; la première est formée par les os maxillaires supkrietirs^ palatins^ malaires^ nasaux^ lacrymaux^ les cornets i7îférieurs et le vomer^ ce dernier seul étant impair ; la mâchoire inférieure est formée d'un seul os. L'os hyoïde^ qui est situé à la base de la langue, peut être considéré aussi comme faisant partie de la face, de même que les dents qui garnissent les mâchoires. Les dents se partagent en incisives^ en canines et en molaires ; ces dernières se divisent ordinairement en vraies et qw fausses molaires om prémolaires. Les os de la tête sont solidement liés ensemble, à l'excep- tion de la mâchoire inférieure qui s'articule avec le temporal. Le tronc ou colonne vertébrale est formé d'an- neaux osseux traversés par la moelle et hérissés d'apophyses plus ou moins développées parmi les- quelles se distinguent surtout, par leur grande éten- due, les apophyses épineuses situées sur le dos et les apophyses transverses, sur les côtés. Le tronc est divisé en régions ce^-vicale^ dorsale ou thoracique^ lombaire, sacrée et caudale ou coccygien?ie. La région cervicale se compose toujours de sept vertèbres, quelle que soit la longueur du cou, à l'ex- ception toutefois du Lamantin qui n'en a que six et des Bradypes dont le nombre est de huit ou neuf. La première vertèbre qui s'articule avec la tête à l'occiput, par deux condyles, a reçu le nom à^atlas^ et la seconde, celui à^^axis ; ces deux vertèbres sont les plus mobiles et suffisent à tous les mouvements de la tête. La région dorsale comprend de dix à douze vertèbres, mais on en rencontre ordinaire- ment douze ; ces dernières se distinguent par le grand développement de leurs apophyses épineuses. La région lombaire se compose de deux à neuf vertèbres, mais en moyenne il y en a de cinq à sept ; ces ver- tèbres présentent un corps plus considérable que les autres, avec des apophyses transverses très dévelop- pées. Les vertèbres sacrées se soudent de très bonne heure, de manière à ne former qu'une seule pièce appelée sac mm. Enfin la région coccygienne ou caudale, qui ter- mine la colonne vertébrale, prend chez quelques mammifères un très grand accroissement et les ver- tèbres se chiffrent parfois jusqu'à quarante. La poitrine ou le thorax est une grande cavité — 6 — osseuse de forme ovoïde, occupant la partie anté- rieure du tronc et renfermant les organes essentiels à la circulation et à la respiration ; cette cavité est formée sur les côtés, par les côtes, qui sont unies aux vertèbres dorsales d'où elles se dirigent tranver- salementen voûte, pour s'articuler avec le sternum^ os allongé et aplati d'avant en arrière, placé à la partie antérieure et moyenne de la poitrine, et qui résulte lui-même de la jonction de plusieurs pièces ; il porte, chez quelques espèces, une crête au milieu. Un certain nombre de côtes, à la partie postérieure? ne se rendent pas au sternum, mais elles s'unissent entre elles à leur extrémité par des cartilages ; on les nomme alors fausses côtes. Les côtes corres- pondent toujours en nombre égal aux vertèbres dorsales. On appelle bassiii une vaste cavité osseuse située à la partie inférieure du tronc, s'articulant en arrière avec le sacrum ; le bassin est formé de deux os irréguliers, larges et plats, nommés os illiaques^ i7ino7nmès^ ou os des hanches, et chacune de ces pièces est elle-même formée de trois os : Vilezim^ le pubis et ViscJiiiun. Le bassin sert de point d'appui aux membres postérieurs, et lorsque ces derniers manquent, com- me dans les Cétacés, le bassin n'existe pas. On y remarque cependant, situés dans les chairs, deux os représentant les ischions. Les membres antérieurs ou thoraciques compren- nent : V épaule^ formée par V omoplate^ et unie au — 7 — sternum par la clavicule, lorsqu'elle existe ; Vhume- rus^ le cubitus et le radius, le carpe et le ynétacarpe. Le carpe est formé de deux rangées de petits os ; la première rangée comprend le scaphdïde, le senti- hcnaire, le pyramidal et le piciforme ; la seconde, le trapèze, le trapèzdide, le grand os et Vos crochu ; puis le jnétacarpe composé de quatre ou cinq os, par- fois d'un seul, auxquels s'ajoutent les doigts variant en nombre de un à cinq et munis de trois phalanges chacun ; cependant le cinquième ou le pouce, lors- qu'il existe, n'en a ordinairement que deux. Les membres postérieurs comprennent \^ fémur, qui s'articule avec le bassin, le tibia et le péroné ou Jibula, et le tarse, lequel comprend deux ran- gées de petits os, qui sont V astragale, le calca- neum ou talo7i, le scaphdide, les trois os cunéiformes et le cubdide. Le métatarse correspond aux parties analogues des membres antérieurs. Au devant de l'articulation, entre la jambe et la cuisse, se trouve enclavé dans les tendons, un os aplati que l'on ap- pelle rotule. Les divers mouvements exécutés par les animaux ont tous pour résultat le déplacement de quelques os du squelette, qui est revêtu d'organes essentielle- ment contractiles, appelés muscles et solidement fixés aux os par des fibres blanches serrées dont l'assemblage prend le nom de tendons ; il existe dans les chairs des membranes de même nature appelées aponévroses. Sous l'action du système nerveux, les muscles ont la faculté de se contracter ou de s'allonger pour faire mouv^oir ensemble ou séparément les différentes parties du squelette. Les muscles que l'on appelle communément la chair^ sont composés de fibres charnues groupées en faisceaux, de grandeur et de formes variables, généralement de couleur rouge, conséquence du sang dont elles sont imprégnées. La direction des muscles est ordinairement paral- lèle, perpendiculaire ou oblique à l'axe du corps ou à celui des membres, et leurs fonctions varient sui- vant la place qu'ils occupent. Distribués dans toutes les parties du corps, ils sont en nombre con- sidérable et quelques anatomistes en comptent plu- sieurs centaines qui tirent leurs noms de leur posi- tion, de leur forme ou de leur usage. Leur énumé- ration serait trop longue à faire ici. Les pertes incessantes occasionnées dans l'écono- mie animale par l'action des organes du mouve- ment, sont réparées au moyen de matières animales ou végétales qui, par suite de certaines modifica- tions, s'assimilent à l'individu qui se les approprie. C'est à ces diverses transformations des aliments qu'on a donné le nom de digestion^ et les organes qui contribuent à l'accomplissement de cette fonc- tion se nomment appareils digestifs. L'appareil digestif se compose d'un tube de lon- gueur variable qui forme, dans l'intérieur du corpSy plusieurs détours ; il présente sur son parcours des renflements plus ou moins considérables dans les- quels les aliments subissent leurs transformations* L'orifice antérieur du canal digestif s'ouvre par une large cavité nommée bouche^ dans laquelle se trou- vent les appareils de la mastication^ de Vinsaliva- tio7i et de la dèghititioit^ et où les aliments subissent leur première préparation. Organe de préhention, la bouche, toujours fendue transversalement, est munie à l'extérieur de deux lèvres mobiles et char- nues et à l'intérieur, de deux mâchoires garnies de dents, à l'aide desquelles les matières alimentaires sont divisées et broyées ; c'est ce qu'on appelle la mastication. On y rencontre aussi des glandes dont la fonction est de sécréter la salive, liquide alcalin qui sert à humecter et à réduire en pâte les aliments divisés par les dents ; c'est l'insalivation. La déglutition ou le passage des aliments dans l'es- tomac s'opère au moyen de la langue qui, en s'ap- pliquant à la voûte du palais, chasse ces matières dans le pharynx^ commencement du canal intes- tinal proprement dit, puis de là dans Vœsophage et enfin de ce dernier dans Vestoniac qui y fait suite» Ce transport des aliments est effectué par les con- tractions successives des muscles du pharynx et des fibres de l'œsophage. Comme le pharynx se trouve situé près de l'épine dorsale, en arrière du larynx, les aliments, dans leur trajet, passent au-dessus du tube respiratoire. L'ori- fice de ce tube se ferme par une valvule, Vèpiglotte^ qui empêche les aliments d'y pénétrer ; les fosses nasales sont également protégées contre les matières lO alimentaires par le voile du palais, repli de la peau interne, qui en ferme momentanément l'entrée. L'estomac est une sorte de sac déterminé par une dilatation plus ou moins considérable de l'intestin, dont l'orifice supérieur, le cardia^ communique avec l'œsophage, et l'inférieur, \^ pylore^ avec le duode- mim. Il est situé à la partie supérieure et gauche du ventre au-dessous du diaphragme^ membrane musculaire mince, très large et placée obliquement entre le thorax et l'abdomen. A peine les aliments sont-ils entrés dans l'estomac qu'ils sont pressés de toute part par les contractions de ses parois, s'im- prègnent du suc gastrique, sécrété par ses follicules, puis transformés en une pâte homogène et grisâtre, qu'on nomme le chyme^ ils passent par petites por- tions dans le duodénum ou commencement de l'in- testin grêle, pour y subir une seconde digestion au <:ontact de la bile et du suc pancréatique sécrétés par deux glandes, le foie et le pancréas. Le foie, qui sécrète la bile, est partagé en lobes ; il occupe le haut de l'abdomen vers la droite, s'appuyant contre l'estomac. Le pancréas est une glande oblon- gue placée transversalement dans un repli du duo- dénum ; le suc qu'il sécrète a beaucoup d'analogie avec la salive. La seconde digestion achève de transformer la masse alimentaire en substance nutritive et la sépare en deux parties, les excrème^its et le chyle ; les premiers sont rejetés au dehors après avoir par- couru toute la longueur du canal intestinal, et le I — I r — chyle est absorbé sur son parcours par les vaisseaux chylifères pour se mêler au sang et porter dans toutes les parties de l'être, l'aliment nécessaire à l'entretien de la vie. Les intestins sont maintenus en place par le péritome^ membrane qui les recouvre en partie ou les embrasse dans ses replis. A la suite de l'esto- mac, l'intestin se divise en deux parties : l'une anté- rieure, plus étroite et plus longue, est Vintestin grêle ; l'autre postérieure, plus large et plus courte^ est le gros hitestiii. La longueur du canal intestinal varie ; il est, en général, plus long chez les Herbi- vores que chez les Carnivores. L'estomac n'est pas conformé de la même ma- nière chez tous les Mammifères ; il est très simple chez les Carnassiers et plus encore chez les Phoques et les Marsouins, tandis qu'il est beaucoup plus compliqué dans les Herbivores et surtout les Rumi- nants, comme on le verra plus loin. Chez tous les Mammifères la respiration est aérienne, même chez ceux qui vivent dans l'eau ; elle consiste dans l'acte par lequel le sang noirâtre ou veineux est mis en contact, dans les poumons, avec l'air atmosphérique qui le transforme en sang rouge ou artériel ; elle s'effectue à l'aide des pou- mons qui en sont les principaux organes ; ces der- niers sont au nombre de deux, inégaux, celui de droite étant le plus gros, de forme conoïde, entourés d'une membrane séreuse nommée plèvre ; ils sont de nature spongieuse, de couleur rosée, et sont divisés — 12 — en un ou plusieurs lobes. Ils occupent, avec le cœur, toute la cavité thoracique. L'air qui est amené aux poumons, passe par la bouche ou les narines et pénètre dans un canal qui s'ouvre dans le gosier à la base de la langue et an devant de V œsophage ; ce canal, à son ouverture, forme le larynx^ organe de la voix, puis se continue jusque dans la poitrine par la trachée artère ; cette dernière est formée de plusieurs anneaux cartilagi- neux et élastiques, excepté en arrière oii elle est simplement membraneuse, puis elle se bifurque en deux tubes appelés broncJies^ qui pénètrent dans les poumons en se ramifiant. Dans l'inspiration, les poumons se dilatent par suite de Pair qui les pénètre ; la cavité de la poitrine s'agrandit et le diaphragme, qui a la forme d'une voûte, se contracte et refoule en bas les viscères abdominaux ; l'air est ensuite expulsé au dehors par les contractions des poumons, qui reviennent sur eux- mêmes, par celles des muscles de la poitrine qui en diminuent la capacité, et aussi par celles des mus- cles de l'abdomen qui refoulent les viscères avec le diaphragme. Si la respiration est une des conditions essentielles à l'entretien de la vie, la circulation n'en est pas moins une fonction également indispensable de l'existence. En effet, c'est par la circulation que les principes nutritifs sont transportés dans toutes les parties de l'organisme. Le cœur^ les artères et les veines^ voilà ce que l'on appelle appareil de la circu- — 13 — lation, et le sang en est le liquide qui l'alimente. Le cœur est un organe musculeux, de forme conique, entouré d'une membrane séreuse nommée péricarde ; il est placé dans la poitrine sur la ligne médiane, dans l'espace qui sépare les deux poumons ; sa pointe est considérablement inclinée vers la gau- che. Cet organe est creux et offre quatre cavités : deux supérieures, les oreillettes^ et deux inférieures, les vejitricules ; une cloison médiane et imperforée sépare le ventricule et l'oreillette droite de ceux de la partie gauche. On appelle artères les vaisseaux qui partent du cœur, et on nomme veines ceux qui ramènent le sang au cœur. Le tronc principal des artères, 1 ^aorte^ sort du ventricule gauche du cœur, se recourbe à une courte distance en forme de crosse, et descend le long de la colonne vertébrale, distribuant des artères plus petites qui se ramifient elles-mêmes dans toutes les parties du corps ; une autre artère sort du ventricule droit pour se ramifier dans les poumons, après s'être divisée en deux bran- ches. Les artères sont formées de tuniques résis- tantes et très extensibles, leur permettant de suppor- ter sans se rompre les mouvements des liquides qui s'y précipitent. Les veines, également distribuées dans toutes les parties du corps, ont pour fonction de ramener le sang noir au cœur par la vei7ie cave supérieure et la veine cave inférieure. Les veines sont d'une texture moins résistante et moins exten- sible que les artères, aussi le sang y coule d'une manière plus uniforme ; elles ont aussi des ramifica- — 14 — lions plus nombreuses et sont situées moins profon- dément. De l'extrémité des artères, le sang passe aux veines à travers de fines ramifications que l'on nomme réseau capillaire. La circulation est double chez les Mammifères, Le sang est toujours rouge ; il est composé du plasma^ de gaz en dissolution et de globules ; ces derniers sont des corps solides, microscopiques, et se partagent en globules rouges et en globules blancs ; le plasma, qui est la partie liquide, est incolore et renferme les éléments réparateurs des organes ; on y rencontre dissouts de V albicmiiie^ de XdL fibrine., des sels et autres matières ; dans les gaz en dissolution se retrouvent de Voxigène^ de V azote et de V acide carbonique. C'est à la présence des globules rouges que le sang doit sa coloration. Sous l'action des contractions musculaires du ventricule gauche, le sang est lancé dans l'artère aorte qui le distribue dans tout l'organisme, puis il est ramené par les veines caves dans l'oreillette droite du cœur ; il descend alors dans le ventricule droit qui se contracte et le repousse dans les poumons par l'artère pulmonaire, où il vient en contact avec l'air atmosphérique qui lui communique de l'ôxigène, et le débarrasse de l'acide carbonique dont il est chargé. C'est alors qu'il reprend sa cou- leur vermeille. Des poumons, le sang revient par les quatre veines pulmonaires dans l'oreillette gau- che pour descendre dans le ventricule du même côté qui le pousse de nouveau dans l'aorte. — 15 — Entre les oreillettes et les ventricules, il existe une valvule qui se ferme au moment où les ventri- cules se contractent pour empêcher le sang de re- monter dans les oreillettes ; il en existe également une à l'entrée des artères afin que le sang ne puisse revenir vers le cœur, lorsque ce dernier se dilate. Si Ton compare ensemble le système nerveux chez les vertébrés, cet agent indispensable des fondions de la sensibilité et du mouvement, on constate qu'il est construit absolument d'après le même plan dans tous les animaux de cette catégorie, mais son volume acquiert un développement et une perfection d'au- tant plus grands que l'on se rapproche davantage des animaux supérieurs. Le système nerveux préside aux fonctions de rela- tion comme à celle de nutrition ; c'est par lui que les impressions reçues par les organes des sens sont communiquées au cerveau ; c'est également par lui que les ordres sont transmis à l'organisme ; en un mot, il préside à toutes les attributions de ce que Ton appelle la vie animale^ c'est-à-dire la sensibilité^ la volonté et l'instinct. L^ ; oreilles 3. (2) Le Lièvre, que tout le monde connaît, est très commun dans toutes nos forêts, mais il choisit de (i) Les chiffres de la ligne supérieure indiquent le nombre de dents de chaque côté de la mâchoire supérieure ; ceux de la ligne inférieure correspondent à celles de l'autre mâchoire. 7 = inci- sives ; c = canines \ pm = prémolaires ; m = molaires. (2) Toutes les mesures sont en pouces, à moins d'indication con- traire. - 32 — préférence celles dont le bois est très touffu, parce qu'il y trouve probablement plus de sécurité. Il préfère aussi les endroits élevés et secs aux terrains bas et humides ; il ne quitte jamais la forêt pour se répandre dans les terres cultivées, comme le fait son congénère d'Europe ; ce n'est qu'accidentellement qu'il s'en écarte ; il évite même de se trouver dans Fig. 2. — Le Lièvre d'Amérique. des clairières où il pourrait plus facilement devenir la proie des oiseaux carnassiers ; aussi ce pauvre animal a-t-il besoin de veiller à sa conservation, car il a à craindre bien des ennemis, comme les oiseaux de proie, les belettes, les martes, les lynx, les re- nards. Mais celui qui exerce le plus de ravages chez lui, est sans doute l'homme, qui en détruit — 33 — considérablement, soit au fusil soit au moyen de collets. Pour se garantir en quelque sorte de tant d'enne- mis, il a été doué par la nature d'une grande agilité et d'un bon instinct ; la longueur de ses pattes pos- térieures ajoute encore à la rapidité de ses mouve- ments, surtout lorsqu'il franchit quelque hauteur. Ivorsqu'il est poursuivi, son instinct le guide à se réfugier au plus épais de la forêt et à revenir plu- sieurs fois dans le même chemin afin de dépister son agresseur, et, par ce subterfuge, il réussit sou- vent à lui échapper. Le Lièvre est d'un naturel timide et craintif. Si à cela l'on ajoute qu'il est doué d'une ouïe excessivement développée, on com- prend aisément qu'il ne peut jouir longtemps d'un doux repos ; aussi le moindre bruit lui fait-il peur ; une feuille sèche qui tombe près de lui, le croasse- ment d'une grenouille, la brise qui souffle à travers le feuillage, suffisent souvent pour le mettre en fuite • mais il revient l'instant d'après, car il quitte rare- ment l'endroit qui l'a vu naître, à moins qu'il n'en soit chassé. Le Lièvre est nocturne, il cherche sa nourriture la nuit, le soir ou le matin de bonne heure ; ce n'est que pressé par la faim ou chassé de son gîte, qu'on le voit durant le jour. Toutefois il n'est pas rare, au printemps, à l'époque des amours, de le rencon- trer tard dans la première partie du jour. Il se nourrit de plantes tendres et succulentes ; mais lorsque la neige recouvre le sol, il se contente (3) — 34 — de l'écorce du saule, du peuplier, du bouleau, ainsi que des bourgeons de pins. A l'automne, sous notre latitude, le changement de couleur du pelage s'effectue vers le commence- ment de novembre, à la tombée des premières neiges. Au printemps, c'est en avril qu'il reprend sa livrée d'été. La femelle met bas en mai de quatre à six petits. Il est probable cependant qu'elle a encore des jeunes une deuxième fois en juillet. Elle les dépose dans un nid qu'elle prépare sous un tronc d'arbre renversé ou dans un enfoncement quelconque qu'elle tapiSvSe d'herbes sèches ; les petits peuvent quitter le nid après dix ou douze jours et pourvoir eux-mêmes à leur nourriture. Le mâle prend également soin des jeunes. La chair du Lièvre, quoique sèche et d'un goût particulier, est cependant très recherchée. 2. Famille ERETHIZONTID^. Porcs-Epics. Formule dentaire. — z. ^— ^ w. ^— ^ I— I 4—4 Les molaires sont pourvues de racines à la base ; les membres antérieurs sont terminés par quatre doigts et les postérieurs par cinq, munis d'ongles longs, comprimés et recourbés ; le museau est recouvert de poils courts. Les Porcs-Epics sont des rongeurs d'assez forte taille, au corps lourd et trapu, dont la peau est hérissée de longs piquants que l'on aperçoit à travers le poil ordinaire. — 35 — Genre ERETHIZON, F. Cnvier. Jambes courtes et fortes ; ongles forts ; queue courte, épaisse, déprimée et recouverte de poils et de piquants. Erethizon dorsatus, (Linné). 1/6 Porc-iEpic du Canada. Poil long, d'un noir brunâtre mélangé de blanc jaunâtre sur le dos ; les piquants qui recouvrent tout le corps, à l 'ex- ception des parties inférieures, sont d'un blanc jaunâtre avec la pointe brune, et d'une longueur variant depuis un pouce jusqu'à quatre ; les poils les plus longs atteignent une longueur de cinq à six pouces. Longueur totale, 35 à 40. Les jeunes sont d un noir uniforme et n'ont pas de pi- quants. Le Porc-Epic habite l'est de l'Amérique septen- trionale. On le rencontre dans les forêts où il n'est point rare,surtout vers le nord. Son corps est ramassé, sa démarche est lourde et, sans cette terrible armure dont sa peau est recouverte, il deviendrait une proie facile pour les carnassiers ; mais il est rare que ces derniers l'attaquent. Si l'un d'eux cependant s'élan- ce sur lui, il s'en retourne bientôt avec le museau et la bouche garnis de piquants qui se sont détachés de l'animal ; car il est faux que le Porc-Epic lance ses piquants à distance, comme quelques personnes le croient ; mais ils tiennent peu à la peau et l'extré- mité, qui est pointue et finement barbelée dans la direction de la base, pénètre facilement dans les chairs et n'en sort que difficilement, de sorte que ces piquants se détachent plutôt de leur base. -36- Lorsque le Porc-Epic prévoit quelque danger, il cherche à se réfugier dans un trou, et s'il ne peut en trouver, il hérisse alors ses piquants, baisse la tête entre ses pattes de devant, et attend son agres- seur qui presque invariablement s'en retourne en poussant des cris de douleur. Fig. 3 — I,e Porc-Epic du Canada. Quoique d'habitudes nocturnes, cet animal se rencontre assez souvent pendant le jour. Il vit — 2>7 — d'herbe en été, mais en hiver il se nourrit de l'écorce des arbres, particulièrement de celle de la pruche, dont il dépouille le tronc jusqu'à une grande hau- teur. Toutefois les ormes, les peupliers et les sa- pins, souffrent aussi de ses attaques. On peut aisé- ment retracer sa présence par l'examen des arbres dont l'écorce a été ainsi enlevée. Les jeunes arbres sont ceux qu'il préfère d'avantage. Armé d'on- gles forts et acérés, il grimpe bien facilement sur les arbres, où on peut le voir souvent. Audubon nous a donné quelques détails intéres- sants sur un Porc-Epic, qu'il a gardé en captivité pendant l'espace de six mois. « Dans plusieurs occa- sions, dit-il, nous fûmes témoin de la manière dont il se servait de ses piquants formidables pour se rendre invulnérable contre les attaques de ses enne- mis. '< Il sortait fréquemment de sa cage pour se prome- ner dans le jardin. Il était devenu très doux et ne montrait aucune inclination vicieuse ; quand nous l'appelions en lui présentant une pomme ou autre fruit, il tournait lentement la tête vers nous, nous regardait d'une manière suppliante, puis il venait prendre le fruit de notre main, se levait debout et le portait avec les pattes à sa bouche. S'il trouvait la porte de notre étude ouverte il y entrait, s'appro- chait lentement de nous, se frottant à nos jambes, nous regardait comme pour nous supplier de lui donner d'autres friandises ; souvent nous cher- chions à le mettre en colère, il ne fit jamais usage -38- de ses piquants contre nous ; mais à peine nn chien avait-il fait son apparition, qu'aussitôt il se mettait sur la défensive, il baissait le museau, hérissait ses piquants, remuait la queue d'une manière mena- çante, montrant ainsi qu'il était prêt à se défendre. « Un gros chien querelleur et féroce du voisinage, avait l'habitude d'entrer dans notre jardin par un trou pratiqué sous la clôture. Un matin, de bonne heure, nous le vîmes s'élancer sur un objet dans un coin du jardin, c'était sur notre Porc-Epic qui était sorti de sa cage durant la nuit. Le chien ne sem- blait pas tenir compte de l'attitude menaçante du Porc-Epic, et supposant probablement qu'il avait affaire à un animal pas plus fort qu'un chat, il s'é- lança sur lui la gueule ouverte. A l'instant le Porc-Epic sembla doubler de taille, et lui asséna un fort coup de queue, qui lui fit lâcher prise et pousser des cris de douleur. Il avait la gueule, la langue et le museau garnis de piquants ; il ne pouvait fer- mer la gueule et il s'empressa de quitter le jardin. Ce fut une leçon qui lui servit, et rien ne put le décider à revenir dans cet endroit où il avait été si mal reçu. Quoiqu'on lui enlevât de suite les pi- quants, nous remarquâmes que sa tête resta enflée pendant plusieurs semaines, et ce ne fut que deux mois plus tard qu'il guérit." (i) Audubon ajoute encore que son captif souffrait beaucoup de la chaleur, et qu'il finit par ne plus sortir (i) Audubon & Bachman, Quadrupeds of North America, lyondon, 1847-54. Vol. i, pp. 280 81. — 39 — de sa cage ; il gémissait et ne faisait plus aucun mouvement ; finalement il refusa toute nourriture. Le voyant en cet état, on le porta à son arbre fa- vori : l'animal commença par en ronger l'écorce, mais le lendemain il était mort. La femelle met bas deux fois dans l'année et de deux ou trois petits chaque, fois, qu'elle dépose soit dans un arbre creux, soit dans un enfoncement de rocher. La première portée à lieu vers le com- mencement de mai ou à la fin d'avril. 3. Famille DIPODIDJE. Mériones. Formule dentaire. — i. î^ m. ^^ ou ^^^ i-i 3-3 3-3 Queue, plus longue que le corps, déliée et peu velue ; les incisives supérieures sont comprimées et cannelées ; les doigts sont au nombre de cinq à chaque membre. Ces petits mammifères se distinguent par la lon- gueur excessive des membres postérieurs comparés à ceux de devant qui sont très courts, aussi pro- cèdent-ils plutôt par sauts. Genre ZAPUS, Coues. Taille petite ; oreilles moyennes ; yeux assez petits ; membres postérieurs trois fois plus longs que ceux de de- vant, très grêles ; le pouce des membres antérieurs est rudimentaire ; la queue est très longue, arrondie et peu recouverte de poils courts. 1. Zapus hudsonius, (Zimm.) I/a Mérione de la Baie d'Hudson. Molaires supérieures, quatre de chaque côté ; pelage d 'un brun jaunâtre clair, entremêlé de poils noirs ; ces der- — 40 — niers sont plus abondants sur le dos et forment une large bande longitudinale plus foncée ; le dessous du corps et les pieds sont blancs. Longueur, 3 ; queue, 5. Cette petite Souris est distribuée dans presque toute l'Amérique Septentrionale, surtout vers le nord. Dans plusieurs endroits de la province on la Fig. 4,— Mérione de la Baie d'Hudson. nomme Souris sauteuse, à cause des bonds prodi- gieux qu'elle exécute lorsqu'elle est poursuivie ; ces sauts atteignent une longueur de trois à huit pieds. Aussi est-elle très difficile à capturer même sur un terrain uni. Lorsqu'elle n'est pas inquiétée, elle marche comme une autre souris, sans faire de bonds. La longueur de sa queue ne saurait la faire ' 41 - " confondre avec les autres rongeurs de même taille. Cette petite Souris se plaît dans les endroits cou- verts de buissons, à la lisière des forêts, au bord des ruisseaux, ainsi que dans les prairies et les terres cultivées. A l'automne, je l'ai souvent sur* prise abritée sous des gerbes de grain ou sous des amas de foin, et elle s'éloignait avec tant d'agilité et de rapidité qu'elle semblait à peine toucher la terre à chaque saut. C'est au crépuscule, quelque- fois même durant le jour, qu'elle cherche sa nour- riture, qui consiste en bourgeons, faînes, noisettes, herbes, baies et graines de toutes sortes. Elle met bas trois fois dans la saison et de deux à quatre petits chaque fois ; elle pose son nid sous des racines d'arbres, dans des trous sous terre à une faible profondeur, dans de petites fentes de rochers, etc. Ce nid est tapissé d'herbes sèches, de plumes d'oiseaux et de poils d'animaux. A l'automne, dans les régions froides, elle se creuse dans le sol, à une certaine profondeur, un nid qu'elle tapisse de feuilles, puis elle s'y endort enroulée en boule, pour ne s'éveiller qu'au printemps. Dans les endroits plus au sud on peut la voir active pen- dant toute l'année. Plusieurs sous-espèces ont été créées, dont une se trouve dans notre province, au Labrador et à God- bout ; elle a pour nom Z, h. ladas^ Bangs. Elle diffère de l'espèce précédente par une taille un peu plus forte ; la bande du dos est ordinairement moins apparente. — 42 — 2. Zapus insignis abietorum, Preble. I/a Mérione des bois. Cette variété ne possède que trois molaires supérieures de chaque côté ; son pelage est d'un jaune chamois teinté de gris foncé sur les côtés du corps ; dessous blanc; les joues, le partie antérieure du cou et une petite ligne qui sépare la partie colorée du blanc du dessous du corps, sont d'un jaune plus vif que les parties supérieures. La bande du dos se rétrécit à mesure qu'elle se rapproche de la queue. De taille plus forte que la précédente. Cette sous-espèce a été remarquée au lac Edouard, à Godbout et dans Ontario. Elle se plaît dans les forêts, les buissons et surtout près des cours d'eau' 4. Famille MURID.^. Rats, Campagnols, etc. Formule dentaire. — z. — ^ m. — "*. I— I 3—3' Ces animaux sont surtout caractérisés par l'absence de prémolaires sauf un genre exotique, de sorte que le nombre de dents se trouve réduit à seize en tout. Ce nombre aussi minime est peut-être le seul caractère important qui puisse les faire reconnaître avec certitude. Les Muridés sont très nombreux en espèces et sont répandus sur tout le globe ; c'est parmi eux que l'on rencontre les espèces les plus petites à l'exception peut-être des Musaraignes. I. Sous-famille MICROTIN^. Corps ramassé ; mouvements lents ; yeux petits ; oreil- les peu apparentes en dehors du poil ; jambes courtes ; incisives très larges, souvent plus larges que longues. — 43 — 1. Genre FIBER, Cuvier. Ce genre comprend les mammifères les plus gros de la famille ; la queue, qui est presque aussi longue que le corps, est comprimée latéralement, et est presque dépour- vue de poils ; les pieds de derrière affectent une position oblique et les doigts sont réunis entre eux par une mem- brane. Fiber zibethicus, (Linné). I/e Rat-Musqué. Pelage très fourni, lustré et doux au toucher, d'un brun foncé lavé de roux en dessus, passant au gris cendré en dessous ; yeux petits ; oreilles garnies de poils et en partie cachées dans le pelage. Longueur ii ; queue lo. Fig. 5.— Le Rat-Musqué. Le Rat-Musqué habite l'est de l'Amérique du Nord et, comme ses habitudes sont aquatiques, c'est près des cours d'eau, des étangs, des écluses de moulins, etc., qu'on le rencontre. Il se montre commun partout, et chez nous, il n'y a peut-être — 44 — pas de petits ruisseaux ou étangs qui ne tarissent pas, sur le bord desquels ne vivent quelques familles de Rats-Musqués. Cet animal est nocturne ; il se nourrit de racines et de plantes aquatiques et autres ; cependant à l'automne, lorsqu'il se trouve à proximité des habi- tations et qu'il peut pénétrer dans les caves, il aime à s'y repaître de carottes, navets, patates, etc., qu'il transporte même dans son réduit. Il visite égale- ment les vergers à cette époque de l'année pour manger des pommes tombées à terre ; il est aussi friand des grandes espèces de mollusques d'eau douce, dont on retrouve les coquilles accumulées aux alentours de sa retraite. A l'arrière saison, sur une des rives qu'il fré- quente, il creuse une ou plusieurs galeries obliques dont la principale peut atteindre une longueur de huit à douze pieds, avec issue sous l'eau et à l'ex- trémité de laquelle il pratique un élargissement ou chambre, qui peut avoir de quinze à vingt pouces de diamètre et même[plus ; c'est dans cette chambre, tapissée de feuilles sèches, qu'il habite en famille durant l'hiver, pour l'abandonner ensuite au prin- temps. C'est là également, ou dans un des couloirs, qu'il accumule ses provisions d'hiver. Cette chambre est située parfois si près de la surface du sol, qu'elle est souvent enfoncée par les animaux domestiques qui fréquentent ces parages. Dans les endroits où l'eau atteint une profondeur de deux à six pieds, le Rat-Musqué se construit — 45 — souvent une hutte avec des roseaux, des racines, des joncs ou autres plantes aquatiques et terrestres, qu'il accumule et entrelace avec celles qui émero^ent du fond, de manière à former une espèce de dôme au dessus de l'eau. Il arrive aussi qu'il place cette hutte à travers des racines de troncs d'arbres qui s'y ren- contrent ; au centre de cet amas d'herbes, il pratique un trou avec une entrée sous l'eau et une sortie sur un des côtés à sa partie supérieure. Quelques naturalistes prétendent qu'il mêle de la boue à ces accumulations de végétaux, qui sont sans doute des provisions qu'il amasse pour l'hiver et qu'il vient ensuite ronger à loisir. Quoique nocturne, le Rat-Musqué se montre assez souvent durant le jour, surtout dans les jour- nées sombres. Quelque lourds et taciturnes que pa- raissent ces animaux, ils ne manquent pourtant pas d'agilité et de gaîté, lorsqu'ils sont dans l'eau et qu'ils se croient en sécurité. Audubon nous a laissé une intéressante page sur leurs mœurs : « Par une belle nuit, dit-il, on peut les voir dans les étangs des moulins, dans les pièces d'eau profonde et tranquille ; ils jouent, ils nagent de tout côté, laissant dans l'eau de longs sillons ; ils s'arrêtent près des touffes d'herbes, sur les pierres d'où ils peuvent atteindre un point d'appui au-dessus de l'eau ou sur les bords de l'étang ; ils s'asseyent sur la rive et de là ils sautent à l'eau l'un après l'autre. De temps à autre on en voit un couché, immobile à la surface de l'eau, le corps paraissant - 46 - très aplati, il donne par intervalles un léger coup avec sa queue comme le fait le castor, puis il dis- paraît subitement. . . A une distance de dix ou vingt verges, le Rat-Musqué, reparaît de nouveau, pour recommencer le même manège ou se joindre à ses compagnons. Pendant ce temps, d'autres sur la rive se nourrissent d'herbes, arrachent des ra- cines de différentes espèces de plantes pour les transporter ailleurs. On dirait que ces animaux forment une petite communauté joyeuse et ne de- mandent autre chose pour être heureux que le re- pos et la tranquillité. Un coup de feu tiré dans ce moment les fait tous fuir avec précipitation ; à la flamme du fusil tous plongent à l'eau et se réfu- gient dans leur demeure. Durant le jour, la vue leur fait défaut et il est alors possible de les tuer lorsqu'ils nagent, mais pendant la nuit il est très difficile de les atteindre ; pour réussir il faut que le chasseur soit placé de telle sorte que l'animal ne voit pas la flamme que fait le fusil en partant. » (r) Dans les terres cultivées, lorsque les Rats-Musqués se montrent communs, ils causent souvent des dom- mages par le grand nombre de galeries qu'ils creu- sent sous terre et que les animaux défoncent, ainsi que dans les écluses de moulins où l'eau pénètre dans ces galeries et cause souvent des inondations sur les terrains avoisinants. La femelle met bas de cinq à sept petits, en avril ou mai. (i) Audubon. Quadrupède of N. A., Vol. i, pp. 112-113. — 47 — On capture facilement les Rats-Musqués au moyen de pièges tendus sur leur passage. Outre l'homme qui lui fait la guerre, le vison est encore pour lui un ennemi redoutable : il le poursuit sous Peau et pénètre même dans sa* retraite pour l'égorger. Lors- qu'il est attaqué il se défend vigoureusement. On a donné à cet animal le nom de Rat-Musqué, parce qu'il répand, au printemps surtout, une forte odeur de musc que sécrètent des glandes spéciales. Dans quelques écrits français, le Rat-Musqué porte le nom à.^ Ondatra^ mais j'ai préféré lui conserver le premier nom sous lequel il est particulièrement connu et qui le caractérise si bien. 2. Genre SYNAPTOMYS, Baird. Les animaux de ce genre tiennent lieu d'intermédiaires entre les Lemmings et les Campagnols ; leurs incisives sont cannelées. Synaptomys fatuus, Bangs. 1/6 Campagnol lemming. Poil long et doux au toucher, d'un brun grisâtre, plus foncé en dessus et plus clair en dessous ; tête large ; moustaches longues. Longueur 4 ; queue }( . Cette espèce a été capturée au lac Edouard ; elle se voit aussi dans le Nouveau-Brunswick, le Maine, etc. Les forêts et les lieux marécageux ou humides semblent être les endroits qu'elle affectionne davan- tage. 3. Genre MICROTUS, Schrank. Oreilles petites, plus ou moins cachées dans le poil ; - 48 museau obtus ; tête large, -corps gros ; membres courts en arrière. front bombé ; yeux petits ; quatre doigts en avant, cinq Microtus pennsylvanicus. (Ord.) Le Campagnol des champs. Pelage d'un brun grisâtre, plus foncé sur le dos, pas- sant au cendré clair en dessous ; ongles des membres anté- rieurs pas plus longs que ceux des membres postérieurs. Longueur, 4 ; queue, i yi . Fig. 6- — Le Campagnol des champs. Ce petit animal que tout le monde connaît sous le nom de Miilot^ est commun dans la province ; comme il l'est également dans Test de l'Amérique du Nord ; il habite de préférence les prairies et les terres cultivées où il trouve en abondance, dans les racines des jeunes plantes, une nourriture qu'il pré- fère à toute autre. Pendant la belle saison, il vit sous terre dans une petite galerie de quelques pou- — 49 — ces de profondeur, que souvent la charrue du labou- reur met à découvert au printemps et à l'automne. Lorsque la saison froide se fait sentir et que la terre commence à geler, le Mulot abandonne alors son trou pour se construire, avec des herbes sèches, une petite cabane qu'il place sur le sol dans un léger enfoncement, et dans laquelle il ménage une ouver- ture sur le côté. Lorsque la neige tombe, elle s'accu- mule autour du nid et finit par se durcir au contact de la chaleur qui s'échappe du petit animal, à travers sa cabane, de sorte que cette petite couche de glace le protège suffisamment contre le froid. Si, à l'époque de la moisson, le cultivateur laisse dans son champ des gerbes de grain pendant un certain temps, il est sûr, lorsqu'il les enlève, d'y trouver des IMulots qui y ont établi domicile et qui se nourrissent à même le grain qu'elles contiennent. Lorsque la neige recouvre le sol, il vit encore aux dépens des racines d'herbe en se frayant des sentiers sous la neige ; il ronge même l'écorce des arbres fruitiers ou autres qui se trouvent à proximité de sa demeure et cela à plusieurs pieds de hauteur quand il le pent. Le Mulot met bas plusieurs fois dans la saison d'été, et de quatre à huit petits chaque fois. Ses ennemis sont nombreux ; outre le renard qui le chasse même en hiver, tous les petits carnassiers et les oiseaux de proie lui font la guerre, la nuit comme le jour, car il sort aussi bien le jour que la nuit, et ses movens de défense sont absolument (4) — 50 — nuls. Lorsque ce petit animal se montre en quan- tité, il devient souvent nuisible pour le cultiva- teur. Deux sous-espèces ont été décrites : l'une, Vacadi- cîis. se trouvant dans la Nouvelle-Ecosse, et l'autre, \2. font Lge nus ^ qui se rencontre dans quelques en- droits du Canada. 4. Genre EVOTOMYS, Coues. Oreilles bien visibles excédant le pelage ; molaires pour- vues de racines. Evotomys gapperi, (Vigors.) I^e Campagnol à dos roux. Pelage d'un brun roux ou roux marron en dessus for- mant une bande longitudinale sur le dos, passant au gris jaunâtre, entremêlé de poils bruns sur les côtés du corps ; les parties inférieures sont d'un blanc jaunâtre sale. Lon- gueur, 3><; queue, i. Par sa coloration rousse du dos, cette espèce est facile à distinguer de la précédente. On la rencon- tre dans la province, au sud jusqu'au Massachusetts et dans la Pennsylvanie. Je l'ai souvent trouvée dans les bois près de Québec et des chasseurs m'ont assuré en avoir vu pendant l'hiver, à plusieurs lieues au nord de cette ville, pénétrer la nuit dans leur cabane pour se nourir aux dépens de leurs provisions de bouche. Ce Campagnol vit dans les bois, il recherche sa nourriture aussi bieu la nuit que le jour ; elle consiste dans les fruits du hêtre, les graines de — 51 — toutes sortes, baies, racines, etc. En hiver, il se contente de l'écorce des arbres. Il habite un trou sous terre. La femelle met bas plusieurs fois dans la saison et ordinairement de deux à quatre petits ; elle place son nid sous les racines des arbres, dans des souches à demi pourries, ou autres endroits analogues. 5. Genre PHENACOMYS, Merriam. Molaires grandes et fortes, munies de deux racines. Sans roux sur le dos. Phenacomys latimanus, Merriam. IM '^' Fig. 9. —La Souris commune. C'est également à l'ancien continent que nous devons la Souris. A l'exemple du rat, dont elle a les habitudes, elle recherche le voisinage de l'homme ; mais c'est surtout dans les greniers, dans les vides des planchers, dans les lambris, derrière les boiseries des appartements, qu'elle fixe sa demeure. Grâce à sa petite taille, elle pénètre par les moindres trous dans les appartements, s'in- troduit dans les armoires, dans les tiroirs de meubles, - 58 - OÙ l'on est souvent embarrassé de savoir comment elle est entrée. Elle se nourrit des mêmes aliments que ceux de rhomme, mais elle préfère le pain, le lard, le fro- mage, le sucre, les fruits, les farines, les grains de toutes sortes, voire même la chandelle, et pour arri- ver à son but, elle désagrège le mortier des murs e^ perce des trous dans du bois souvent très dur. Cependant si la Souris ne se bornait qu'à sa nour- riture, ses dégâts seraient encore assez insignifiants ; mais pour le plaisir de ronger, elle s'attaque aux livres des bibliothèques, aux pièces des musées, au linge et aux marchandises de toutes sortes, qu'elle réduit souvent ^n poussière et qu'elle salit, de telle sorte que ses déprédations peuvent amener des pertes considérables. En dehors de ces méfaits, la Souris est pourtant un joli petit animal. Sa peau est tendre et son pe- lage doux- ; ses membres sont d'une grande déli- catesse, ses yeux sont vifs et animés ; elle court et grimpe à merveille, elle est douce et inoffensive, elle est gracieuse dans tous ses mouvements, elle est prudente et observe tout. Si on la tolère elle finit par s'habituer à l'homme et à courir sous ses yeux ; elle vient même manger ce qu'on lui offre, et on finirait par l'aimer, si on pouvait oublier ses méfaits. Il est pourtant des personnes qui ne peuvent jamais s'habituer à ce petit animal et sa vue leur inspire toujours de l'effroi, particulièrement aux — 59 — femmes qui souvent poussent des cris et s'enfuient avec précipitation. La Souris produit plusieurs fois dans Tannée et de six à huit petits chaque fois. Elle compte parmi ses ennemis les chiens, les chats, les belettes et les pièges que l'homme lui tend. 5. Famille CASTORIDJE, Castors. Formule dentaire. — /'. ^^ m. ^^— ^ I— I 4—4 Les animaux de cette famille se distinguent par une forte taille, un corps lourd et vigoureux ; leurs membres antérieurs sont munis de cinq doigts adaptés pour creuser le sol et pour saisir fortement les objets ; les doigts pos-^ térieurs, également au nombre de cinq, sont unis entre eux par une peau membraneuse ; la queue est très forte, très aplatie en forme de rame et écailleuse ; les oreilles sont courtes ; la clavicule est persistante ; les incisives sont saillantes et très fortes, pouvant servir à ronger le bois le plus dur ; elles repoussent fortement à mesure -qu'elles s'usent ; les molaires sont à couronnes plates. Les Castors sont pourvus de deux sacs glandu- leux qui sécrètent une matière grasse, à odeur forte, peu agréable, au goût acre et de couleur rou- geâtre ; elle est connue sous le nom de castorcum^ -et on l'emploie en médecine. Les organes génitaux dans les deux sexes abou- tissent au rectum, de sorte qu'il n'y a qu'une seule ouverture commune à l'extérieur. Cette famille est peu nombreuse en espèces, et son parcours géographique ne s'étend qu'à l'Amé- que septentrionale et au nord de l'ancien continent. — 6o — Genre CASTOR, Linné. • Mêmes caractères que ceux de la famille. Castor canadensis, Kuhl. I'W.V^ Vig. II. — L,e Tamias rayé. blanche sur chaque côté du corps ; le dessous de ce dernier est blanchâtre ; la queue est noirâtre, mélangée de roux clair ; une bande blanche se voit au-dessus et au-dessous de l'œil. Ce gentil petit animal, que l'on nomme vulgai- rement le Suisse, est commun dans presque toutes nos forêts ; la beauté de son pelage, ainsi que la légèreté et la vivacité de ses mouvements, en font un des plus jolis mammifères de nos régions boisées. Il habite un terrier qu'il creuse sous des souches, des troncs d'arbres renversés, sous des amas de bran- ches et autres endroits où il puisse se trouver en sûreté. D'ordinaire il ne grimpe pas, mais lorsqu'il est poursuivi par un animal, s'il ne peut trouver de trou pour se cacher, il grimpe sur un arbre, à une certaine distance de terre ; mais dans cette position, il se trouve si mal à l'aise que souvent il commence à descendre lors même qu'on le guette encore, et c'est alors qu'il tombe dans la gueule de son ennemi qui l'attend au pied de l'arbre. Le Suisse est curieux ; il aime à se rendre compte de ce qui se passe autour de lui ; mais au moindre bruit, il court se réfugier au milieu des broussailles, dans un trou ou autres endroits. Lorsqu'il est sur- pris, il jette un cri que l'on peut traduire par ces notes : Chip^ /r, r, r, r, puis il se sauve avec toute la rapidité dont il est capable. L'automne est pour ce petit animal l'époque du travail ; aussi avec quelle activité transporte-t-il dans ses magasins les provisions qu'il y amasse pour la saison de l'hiver. L'observateur peut alors le voir se diriger prestement et avec une certaine satisfac- tion vers son trou, les abajoues distendues et rem- plies de graines, souvent de grain volé dans les. — 72 — champs voisins, lorsque la forêt ne lui en fournit pas suffisamment. La quantité de graines qu'il s'amasse est considérable, souvent beaucoup plus qu'il ne peut en consommer durant l'hiver. Non content d'en remplir les chambres de son terrier, il fait encore des amas ailleurs, sous des feuilles sèches, des racines, etc., pour les oublier la plupart du temps. Ces provisions consistent en glands, faînes, noix, noisettes, céréales et autres. Tard à l'automne, il ferme l'entrée de son terrier et passe l'hiver à l'intérieur, sans souci du froid et des ouragans qui se déchaînent au-dessus de lui ; il n'en sort qu'au printem.ps suivant. On dit qu'en captivité le Suisse devient morose et méchant. Il ronge tout et mord au moindre agacement et il ne vit pas longtemps ainsi privé de sa liberté. Il met bas en mai de quatre ou cinq petits. Ses ennemis sont les petits carnassiers, les oiseaux de proie et les renards. On le capture facilement au moyen de trappes ou de pièges. Comme les teintes de ce petit animal varient, on en a fait deux variétés, dont la sous-espèce, lysteri (Richardso7i)^ serait celle qui habite l'est et le nord de l'Amérique ; elle est de coloration plus pâle et de taille plus forte. 3. Genre SCIURUS, Linné. Corps élancé ; tête courte, très large entre les 3-eux ; oreilles longues ; incisives comprimées ; abajoues nulles ; — iz — queue ordinairement aussi longue ou plus longue que le corps avec les poils dirigés sur les côtés ; dos sans bandes. 1. Sciurus hudsonicus, Erxleben. L'Bcureuil roux. Pelage d'un gris fauve pâle, lavé de roux jaunâtre vif sur le dos, la queue et le devant des pattes ; les parties inférieures blanches ; une étroite bande noire se voit sur les côtés du corps à la jonction du blanc et du gris fauve ; la plupart des poils de la queue sont, à leur extrémité, de couleur fauve pâle, précédée d'une bande noire. Longueur, 634:' ; queue, 6. L'Ecureuil est bien le petit animal le plus agile et le plus gracieux des hôtes de nos forêts, en même temps qu'il en est le plus connu et le mieux aimé. II nous plaît par l'élégance de ses formes, par la finesse de sa physionomie, la vivacité du regard, la grâce et la rapidité de ses mouvements ; tout enfin nous intéresse, tout est beau en lui, soit qu'il folâtre avec ses semblables, soit qu'il cherche sa nourriture. On le voit grimper le long des arbres, sauter de branche en branche, glisser pour ainsi dire sur l'écorce avec une rapidité telle que l'œil peut à peine le suivre dans ses évolutions. De temps en temps on peut l'entendre jeter son petit cri joyeux en imprimant à sa queue un brusque mouvement. L'Ecureuil décèle souvent sa présence par un cri assez fort et perçant que l'on peut traduire par ces notes : tchir-r-r-r-r. Ce petit animal n'est pas absolument sauvage ; la vue de l'homme ne l'effraie pas, on dirait même — 74 — qu'elle excite sa curiosité ; si on fait semblant de le poursuivre, il s'éloignera peu à peu en sautant d'arbre en arbre, se cachant souvent derrière leur tronc ; mais si on se tient immobile, il finira presque toujours par s'approcher de bien près de la personne qui fait l'objet de sa curiosité, et même il poussera la hardiesse jusqu'à sauter sur elle ; si à ce moment cette dernière fait un mouvement, à l'instant le pauvre petit animal est déjà rendu bien loin. L'Ecureuil fait son nid dans des troncs d'arbres creux, dans des souches à demi pourries, dans des trous creusés dans la terre, au pied des arbres. Il le façonne suivant ses besoins. A l'automne, il s'amasse une provision de noix, de faînes, de noiset- tes et autres fruits durs ou graines de diverses sortes^ qu'il entasse dans son magasin, après en avoir enlevé les écales, et qu'il sait retrouver au besoin. Il com- mence de bonne heure à faire sa récolte ; il n'attend pas toujours que les fruits soient tombés de l'arbre pour les transporter dans son magasin, il va lui-même les détacher de la branche en coupant la tige qui les retient. Il ne s'enferme pas dans son gîte durant l'hiver, comme le fait son cousin le suisse ; on peut le voir folâtrer sur les arbres et marcher sur la neige pen- dant cette saison, excepté dans les tempêtes où il se tient caché dans son nid. Quelque gentil que soit l'Ecureuil, il ne laisse pas cependant d'être nuisible lorsqu'il se trouve en grand nombre, car il consomme non seulement des grains — 75 — de tontes sortes, mais il détruit encore beanconp d'œnfs d'oiseanx. Il n'est pas essentiellement arbo- ricole pnisqu'il marche très bien et sonvent sur le sol. L'Écureuil se fait facilement à la captivité surtout lorsqu'il est pris jeune ; il se familiarise bientôt jusqu'à venir prendre sa nourriture dans la main de ses maîtres, à recevoir leurs caresses, même à sortir de sa cage et prendre ses ébats dans les apparte- ments. Un exercice qu'il aime est de faire tourner un rouleau posé dans sa cage. Cependant la perte de sa liberté lui enlève beaucoup de sa gaieté et de son activité. La femelle met bas de bonne heure au printemps de quatre à six petits. L'Ecureuil compte au nombre de ses ennemis tous les carnassiers, et surtout les ois.^aux de proie. 2. Sciurus carolinensis, (Gmelix). L'Ecureuil gris. Couleur générale d'un gris blanchâtre, teinté de jaune brunâtre sur le dessus du dos et souvent sur la tête ; le dessous du corps est blanc ; les poils de la queue sont, à la base, d'un jaune brunâtre, suivi d'un anneau noir, leur extrémité est blanche. Longueur, io}4 ; queue, lo à 12, de la base jusqu'à l'extrémité des poils. Cet animal varie beaucoup dans la coloration de son pelage qui offre toutes les gradations depuis le gris jus- qu'au noir profond. On rencontre cette espèce dans le sud de la pro- vince, dans celle d'Ontario et dans le nord et Test des Etats-Unis. Ce bel Ecureuil a à peu près les mêmes mœurs que le précédent, mais comme sa taille est plus forte il est aussi un peu plus lourd et moins vif. Dans certains endroits des Etats-Unis où il se montre <:?, %, Fig. 12.— 1,'Ecureuil gris, commun, il a souvent causé des dommages considé- rables aux moissons, car lorsque les fruits de la forêt se font rares, il visite les champs cultivés comme le font d'ailleurs ses congénères. Un fait digne de remarque chez cette espèce, c'est son déplacement en masse d'un endroit à un autre ; il est probable que ces migrations sont dues au manque de nourriture dans les lieux où ils se trou- — 11 — vent. Toutefois on remarque que ces animaux sont gras au moment de leurs migrations, ce qui laisse- rait supposer qu'une autre cause pourrait motiver ce déplacement. L'Ecureuil fait son nid dans un arbre creux, mais on dit que vers le sud des Etats-Unis, où il n'a pas à redouter les rigueurs atmosphériques, il cons- truit ce nid à découvert sur une branche, comme le font les oiseaux. La femelle met bas deux ou trois fois dans Tannée et de trois à cinq petits chaque fois. Trois variétés de cette espèce ont été faites dont une, la .S', c. leiicotis^ appartient au nord et serait la nôtre. 4. Genre SCIUROPTERUS, F. Cuvier. Le principal caractère de ce genre consiste dans une extension considérable de la peau des flancs, qui enve- loppe les membres de chaque côté, de manière à former une sorte de parachute qui sert à soutenir ces animaux lorsqu'ils sautent d'un arbre à un autre; la prémolaire supérieure d'en avant n'est point caduque; la queue est touffue et aplatie. Sciuropterus sabrinus, (Shaw). I/e Polatouche du Canada. Pelage fourni et très doux au toucher, d'un brun jaunâtre ou brun canelle lustré en dessus ; dessous du corps blanc lavé de jaune crème vers les côtés. Longueur, 7 ; queue, Le Polatouche, plus communément connu sous le nom à.'' Ecureuil volant^ est commun dans nos - 78 - forêts. C'est un animal essentiellement nocturne, qui dort tout le jour, pour ne s'éveiller qu'au crépus- Fig. 13,— Groupe de Polatouches. cule et prendre ses ébats sur les arbres ou recher- cher sa nourriture. Il vit eu société dans un arbre — 79 — creux ou dans des nids abandonnés par les pics, et qu'il tapisse d'herbes et de feuilles sèches. Il est essentiellement arboricole et ne descend à terre que très rarement, car il marche difficilement sur le sol ; mais sur les arbres il ne manque pas d'agilité ; il se montre actif et gai. Un exercice qui lui est familier est de grimper au sommet d'un arbre et de s'élancer dans l'espace, les pattes et la queue éten- dues, pour aller tomber sur une des branches infé- rieures d'un arbre voisin ; c'est aussi un des moyens de salut qu'il met en pratique pour échapper à un ennemi qui le poursuit. Audubon, qui a été témoin de l'un de ces exer- cices que tout le monde n'a pas l'avantage de voir, nous le raconte ainsi, en parlant de l'espèce com- mune qui habite les Etats-Unis : « C'était au commencement de l'automne, la tem- pérature était chaude et calme comme à cette saison de l'année. Une demi-heure avant le coucher du soleil, la nature silencieuse semblait se reposer ; les oiseaux s'étaient retirés dans la forêt ; l'engoulevent avait déjà commencé son vol nocturne ; çà et là la chauve-souris rouge prenait ses ébats dans l'air, et cependant aucun Ecureuil n'avait encore fait son apparition. Tout à coup on en voit un qui sort de son trou et grimpe jusqu'à la cime de l'arbre, un autre le suit bientôt, puis des douzaines surgirent et commencèrent leur vol gracieux des branches supérieures de l'arbre aux branches inférieures ; de temps à autre, on en voyait un qui s'élançait des — 8o — plus hautes branches d'un grand chêne, ses membra- nes déployées et la queue tendue, glissant en diago- nale dans l'air jusqu'à ce qu'il eut atteint la base d'un arbre voisin à cinquante verges de distance, et au moment où on s'attend à le voir toucher terre, soudainement il remonte et va se poser sur le tronc de l'arbre, pour grimper à son sommet et se préci- piter de nouveau des plus hautes branches dans les inférieures de l'arbre qu'il venait de quitter. Des multitudes de ces petites créatures prenaient part à cet exercice, il n'y en avait pas moins de deux cents ; un grand nombre quittaient les arbres en même temps, s'entre-croisaient, glissant comme des esprits dans l'air, semblaient n'avoir d'autre objet en vue que de s'abandonnera cette joyeuse inclination.» (i) Lorsque ces animaux sont dans leurs nids, il suffit de frapper sur le tronc de l'arbre pour les faire tous sortir ; quelques-uns montent à la cime, se tapissent sur une branche et attendent là que le danger soit passé ; d'autres sautent sur un arbre voisin. L'Ecureuil volant dort enroulé sur lui même, le nez entre les pattes de derrière et la queue ramenée sur ces dernières. Sa nourriture consiste en fruits analogues à ceux des espèces précédentes. Il fait aussi à l'automne une provision de ces mêmes fruits qu'il entasse dans les compartiments de son nid qu'il ne quitte pas de l'hi- ver. (i) Audubon, Quadrupeds of N, A., Vol, 1er., p. 218, — Si — La femelle met bas de quatre ou cinq petits, aux- quels elle est fort attachée et qu'elle protège autant qu'elle en est capable. On rapporte qu'une femelle ayant ses petits dans un arbre que le feu menaçait de détruire, les transporta un à un au péril de sa vie dans un lieu plus sûr. Audubon mentionne un fait qui montre également combien l'amour maternel peut l'emporter sur la douleur physique. On avait capturé un jour une mère avec ses petits que l'on avait mis en cage : « Pendant une nuit un ou plusieurs rats étaient parvenus à atteindre les petits, et avaient pu ronger leur chair à travers les barreaux de la cage, laissant la peau et la tête presque intacts ; la mère elle-même avait eu les os des cuisses broyés et la chair mangée jusqu'à l'os ; de bonne heure le lendemain, nous fûmes témoin d'un fait vraiment touchant : la mère qui faisait pitié à voir ainsi muti- lée, oubliant ses souffrances, essayait encore de nour- rir ses petits qui n'étaient plus que des cadavres à demi rongés. » (i) Privé de sa liberté, l'Ecureuil volant se montre doux et il s'apprivoise aisément, mais il dort tout le jour enroulé sur lui-même, de sorte que ce n'est pas un animal bien intéressant à garder en captivité. (i) Audubon. Qiiadrupeds of N. A., Vol. 3, p. 204, (6) — 82 — 2. Ordre INSECTIYORA.— Taupes, aiusaraigxes. Les Insectivores sont tous de petite taille et sont pourvues de trois sortes de dents, les incisives, les canines et les molaires ; ces dernières sont hérissées de tubercules coniques ; leurs membres sont confor- més pour la progression plantigrade et dans la plupart des cas, leurs doigts sont munis d'ongles propres à fouir. I^a présence de canines chez eux ne saurait les faire confondre avec les espèces précédentes de même taille. Cette famille se rapproche des Chéiroptères par le nombre et la structure des dents. Les Insectivores sont nombreux et sont répandus sur toute la surface du globe, excepté en Australie. Chez nous, ils se réduisent à deax familles seulement représentées par un petit nombre d'espèces. Ce sont des animaux timides qui creusent, pour la plupart, des galeries souterraines, se nourrissent d'insectes et de vers qu'ils détruisent en quantité ; leurs habitudes sont nocturnes. On les rencontre dans les champs, le long des haies, dans les bois, au bord des lacs et des rivières. Ces petits êtres sont très voraces, et, si leur taille secondait leur rapacité, ils seraient aussi à craindre que les Carnassiers ; mais ils sont si petits qu'ils ne peuvent guère détruire que des petits invertébrés, pour la plupart nuisibles à l'agriculture. - 83 - CLEF POUR LA DISTIXCTIOX DES FAMILLES D'INSECTIVORES Pieds antérieurs de grosseur moyenne ; oreilles externes bien apparentes Soricid.e Pieds antérieurs très larges ; sans oreilles externes apparentes Talpid.î: I. Famille SORICID^. Musaraignes. Les Musaraignes sont bien les mammifères les plus petits qui existent sur la terre et leur taille exiguë ne saurait être surpassée en petitesse, si ce n'est peut-être par la souris naine de l'ancien continent. Leur forme extérieure rappelle quelque peu celle de la souris ordinaire ; leur museau est pointu et allongé en forme de trompe ; leurs oreilles sont visibles et assez grandes ; les pieds de devant sont à peine plus gros que ceux de derrière ; tous sont terminés par cinq doigts munis d'ongles ; leur démar- che est presque entièrement plantigrade ; leurs yeux sont petits et ordinairement cachés dans le poil ; les dents varient en nombre de vingt-huit à trente-deux en tout, dont douze pour la mâchoire inférieure. Les Musaraignes détruisent un grand nombre d'in- sectes, de larves et de limaces ; elles s'attaquent parfois aux vertébrés de petite taille. Elles ne sont pas sujettes au sommeil hibernal. 1. Genre SOREX, Linné. Dents coloriées, au nombre de trente à trente-deux ; queue plus courte que la tête et le corps ; oreilles grandes ; 3-eux petits ; ongles courts et recourbés. 1. Sorex albibarbis, (Cope). La Musaraigne à înoustaches blanches. Parties supérieures d'un gris ardoise foncé, un peu plus - 84 - clair aux parties inférieures, avec le menton grisâtre ou blanchâtre. Pieds longs. Longueur, t,}4, queue, 2>^. Cette espèce, dans la province, a été rencontrée à Godbout ; elle se voit aussi au sud jusqu'à la Penn- sylvanie. 2. Sorex personatus, (Geof. St-Hilaire). 1,3. Musaraigne commune. Pelage d'un brun châtain foncé en dessus, se modifiant en un gris cendré en dessous ; pieds de longueur ordinaire ; dents, trente-deux. Longueur, 2}^ ; queue, i. C'est la plus petite de nos Musaraignes ; elle est commune dans nos bois, ainsi que dans tout le Canada et le nord des Etats-Unis. On la rencontre souvent sous les feuilles desséchées à la recherche de sa nourriture. Elle est très active et très vive. 3. Sorex hoyi, Baird. IfSL Musaraigne de Hoy. Pelage d'un brun châtain foncé, passant au gris cendré en dessous, à l'exception de la gorge et de la poitrine qui sont teintées de brun jaunâtre ; dents, trente ; pieds petits. De taille un peu plus forte que la précédente. Cette espèce a été remarquée à Godbout sur la côte nord ; elle se montre également dans la Nou- velle-Ecosse, le Manitoba, la Colombie britannique ainsi que dans le nord des Etats-Unis. 2. Genre BLARINA, Gray. Oreilles petites, cachées dans le poil ; pieds de forme -85 - ordinaire ; queue courte, à peine aussi longue que la tête ; dents, trente-deux. Blarina brevicauda, (Say). I^a Musaraigne à queue courte. Pelage épais et soyeux, d'un gris cendré foncé, plus clair aux parties inférieures ; 3'eux très petits. Longueur, 3^ ; queue, i. Cette espèce se montre assez commune dans cer- tains endroits de la province ; elle habite aussi le nord des Etats-Unis. C'est la plus grosse de nos Musa- raignes, et par cela même, la plus facile à reconnaître des précédentes. Elle fréquente les terrains secs des champs, des prairies et des forêts ; mais elle semble préférer ces dernières puisqu'on la trouve plus fréquemment près des troncs d'arbres vermiou- lus, sous les racines où elle fixe ordinairement sa demeure. Elle se nourrit de vers de terre, de limaces, de larves d'insectes ou autre petits invertébrés, qu'elle cherche dans les souches et les racines des arbres à demi pourris, dans l'herbe, sous des amas de feuil- les mortes, ou encore en creusant sous terre des gale- ries, afin de découvrir les vers qui se cachent dans le sol. Les galeries qu'elle creuse sont nombreuses et sont ordinairement situées à une faible profon- deur. S'il arrive qUe cette Musaraigne rencontre un obstacle, tel qu'une roche ou une racine, au lieu de faire une courbe et passer par le côté, elle creuse davantage et passe en dessous. Elle tra- — 86 — vaille aussi bien le jour que la nuit, et demeure sous terre ou sous les feuilles desséchées la plus grande partie de son existence. En hiver, on peut voir cette Musaraigne allant d'une souche à l'autre pour se nourrir des insectes et des vers qui y font leur demeure, et souvent, pour atteindre ces souches, elle est obligée de passer à travers la couche de neige qui les recouvre, guidée en cela par son instinct qui ne lui fait jamais défaut. On afhrme que cette espèce s'attaque aux mulots et aux souris des bois qu'elle finit quelquefois par tuer et manger. La forte odeur qu'elle répand empêche souvent les oiseaux de proie de la dévorer après l'avoir tuée, c'est ce qui explique pourquoi on trouve parfois son cadavre abandonné par ces animaux. Il est probable que la femelle met bas deux ou trois fois dans l'année. 2. Famille TALPIDJE. Taupes. Ces animaux ont un corps lourd, allongé et cylindrique, sans distinction apparente du cou ; le museau est allongé ; les yeux sont très petits et plus ou moins cachés dans le pelage ; les oreilles sont également peu visibles ; la queue et les jambes sont courtes ; les pieds sont robustes, larges et armés d'ongles très forts, disposés pour fouir ; les mem- bres antérieurs sont plus forts que les postérieurs ; le pelage est épais et doux au toucher. La nourriture de ces animaux consiste en vers, insectes, limaces, larves et autres petits animaux analogues. 87 1. Genre SCALOPS, Cuvier. Le nombre de dents se chiffre à trente-six ; le museau est allongé, flexible et cartilagineux, sans frange à l'extré- mité ; la queue est courte et presque dénudée de poils. Scalops aquaticus, (Linné). 1,3. Taupe ordinaire. Pelage lustré, d'un gris de plomb foncé, moins intense sous le corps et lavé quelquefois de brun ; pieds et ongles de couleur chair claire ; les membres sont situés quelque peu sur les côtés du corps ; ceux de derrière sont plutôt faibles et déliés ; les doigts sont réunis entre eux par une petite membrane. Longueur, 4)4 ; queue, i. Fig-. 14.— La Taupe ordinaire. Cette espèce est généralement commune dans notre province ; quoique ses habitudes soient noctur- nes on la rencontre cependant durant le jour. Sa nourriture consiste en insectes, larves, vers et lima- çons, qu'elle recherche en remuant la terre, en pra- tiquant des galeries dans toutes les directions. Ces — 88 — galeries sont généralement creusées à une profon- deur de trois ou quatre pouces ; l'animal pénètre rarement plus bas à moins que ce ne soit pendant les sécheresses ou encore en hiver, alors que les vers s'enfoncent plus profondément dans le sol, afin d'évi- ter la gelée. Cette Taupe est presque constamment occupée à creuser de nombreux chemins souterrains qui attei- gnent souvent plusieurs centaines de pieds de lon- gueur, et, semblable à la précédente, si un obstacle se rencontre en poursuivant sa chasse, elle creusera en dessous pour l'éviter. On remarque sur le par- cours de ces galeries un nombre plus ou moins considérable de monticules formés de terre molle, qui atteignent ordinairement un diamètre de sept à dix pouces et une hauteur de trois à six pouces. Il est probable, comme le pensent quelques natu- ralistes, que cette Taupe rencontre là quelques colo- nies de vers ou de larves d'insectes, et qu'elle remue alors la terre en tout sens afin de se nourrir de ces animaux. Elle peut sans doute causer des dommages à la végétation en coupant les petites racines des plantes qui se rencontrent sur son passage, dans les sentiers qu'elle creuse journellement, et par ces monticules de terre, surtout dans les jardins, où les fleurs sont arrachées et renversées, la symétrie des plates-bandes détruites, ce qui fait souvent le désespoir des jardi- niers qui la poursuivent à outrance ; mais le nombre considérable de vers et de larves nuisibles qu'elle - 89 - détruit, compense amplement ces petits méfaits in- volontaires. L'opinion émise que cet animal ronge les racines des plantes pour s'en nourrir est erronée, puisqu'il est essentiellement insectivore, et ne peut par consé- quent se nourrir de matières végétales. Cette Taupe met bas probablement deux fois durant l'année, de cinq à neuf petits, qu'elle dépose dans un nid creusé dans la terre, et situé pres- que toujours sous un tronc d'arbre à une profon- deur d'environ un pied ; ce nid est tapissé de feuilles et d'herbes sèches. On peut capturer ce petit animal en lui tendant un piège à l'entrée de sa galerie principale. 2. Genre CONDYLURA, Illiger. Dents, en tout quarante-quatre. Museau allongé termi- né par une excroissance charnue et frangée en cercle ; queue presque aussi longue que le corps et recouverte de poils. Condylura cristata, (Linné). La Taupe à museau étoile. Corps lourd et épais ; mains larges ; membres posté- rieurs plus faibles que ceux de devant, quoique robustes ; pelage soyeux, noirâtre. Longueur, 4 ; queue, 2 3/. Cette espèce, facile à reconnaître par les appendi- ces charnus de son museau, habite l'est du Canada et des Etats-Unis du nord. Elle se montre assez commune dans la province, quoique distribuée irré- gulièrement. — 90 — Elle fréquente les terrains bas et humides, le bord des cours d'eau, aussi bien que les terrains Fig. 15. —La Taupe à museau étoile élevés et secs ; semblable à la précédente, elle se nourrit des mêmes petits invertébrés ; elle en a d'ail- — 91 — leurs les habitudes. Toutefois ses galeries sont moins longues, mais on remarque que les monticules de terre sont de plus grande dimension. Comme cette espèce vit sous terre et échappe ainsi à nos observations, on ne connaît que peu de chose de ses m.œurs. 3. Ordre CHIROPTERA.— Chauves- Souris On peut facilement reconnaître à la simple ins- pection de leurs membres transformés en ailes, ces singuliers animaux que les anciens naiuralistes clas- saient même parmi les oiseaux, avec lesquels ils n'ont pourtant de commun que la faculté de pouvoir voler. Leurs membres antérieurs qui sont très déve- loppés, sont réunis aux postérieurs par une mem- brane mince et nue, formée par une extention con- sidérable de la peau des côtés du corps ; leurs dents ressemblent beaucoup à celles de la famille précé- dente ; leurs yeux sont petits. Les Chéiroptères ou Chauves-Souris, comme on les nomme toujours, se nourrissent d'insectes ou de fruits. Leurs sens sont bien développés, particulière- ment celui du toucher, aussi savent-elles se diri- ger avec une rare adresse dans les endroits les plus difficiles sans jamais se heurter aux obstacles qu'elles rencontrent. Leurs pieds sont pourvus d'ongles — 92 — crochus, qui leur permettent de s'accrocher et se sus- pendre à un objet quelconque, car il est rare qu'elles se posent à terre, puisqu'elles ne peuvent marcher que très difficilement, et encore cette progression ne 5'exécute que par une sorte de reptation. Les Chauves-Souris recherchent leur nourriture au crépuscule et durant la nuit. Quant aux espèces canadiennes, c'est à la pour- suite des insectes nocturnes que nous les voyons voltiger dans l'air durant les soirs de la belle saison. Elles fréquentent de préférence la lisière des bois, volent autour des bouquets d'arbres, autour des granges ; rasent parfois la surface de l'eau ; mais lorsque le jour commence à poindre, elles se retirent dans des lieux tranquilles et sombres, où ne pénètre pas la lumière du jour ; ainsi les cavernes, les crevas- ses de rochers, les vieux murs, les clochers, les vides entre le bois et son écorce, sont les endroits qu'elles choisissent pour se reposer et dormir tout le jour; elles se suspendent aux parois de ces demeures som- bres, par les pieds de derrière à l'aide de leurs ongles crochus, la tête en bas, et enveloppées de leurs ailes. Dans les régions froides, les Chauves-Souris pas- sent l'hiver engourdies ; elles adoptent pour cette fin les mêmes lieux que ceux où elles se reposent durant le jour, et prennent également la même position. Cependant il est quelques espèces qui émigrent dans des contrées plus chaudes, lorsque la tempé- rature commence à se refroidir. - 93 — Famille VESPERTILIONIDiE. Chauves- Souris Les animaux de cette famille sont caractérisés par la membrane de l'aile qui s'étend jusqu'à la queue, l'envelop- pant dans toute sa longueur ; les narines sont sous-ellipti- ques. Tous sont insectivores. Cette famille compte un grand nombre d'espèces dont trois seulement existent dans notre faune. Fig. i6.— Chauves-Souris. 1. Genre MYOTIS, Kaup. lyC nombre total de dents se chiffre à trente-huit, dont quatre incisives supérieures et six pour les inférieures ; les oreilles sont aussi longues que la tête ; cette dernière est recouverte de poils jusque sur le museau qui est étroit ; la membrane alaire est mince. — 94 — 1. Myotis subulatus, (Say). lya Chauve-Souris commune. D'un brun jaunâtre ou olivâtre, terne en dessus et un peu plus clair ou plus jaunâtre en dessous ; le pelage à la base est d'un gris de plomb foncé; la membrane de l'aile est très délicate et presque transparante, les oreilles sont déli- cates et longues, dépassant le bout du museau lorsqu'elles sont ramenées en avant ; les membres antérieurs sont plutôt petits et faibles. Longueur, 3 ; extension des ailes 8 — 9 ; queue, 1%. Cette espèce est commune dans la province, comme elle l'est également dans l'est de l'Amé- rique du Nord. Qui ne l'a remarquée dans les beaux soirs d'été, alors que les ombres de la nuit enva- hissent les dernières clartés du jour, qui ne l'a vue, dis-je, de son vol incertain et tremblotant, passer et repasser devant nos yeux à la recherche de sa nourriture? En effet, dès que le soleil a disparu de l'horizon, la Chauve-Souris sort de sa retraite en quête d'insectes ailés, qu'elle recherche et capture en voltigeant autour des maisons, des granges, des clochers, des arbres isolés, à la lisière des bois ; elle pénètre même dans les appartements par les fenêtres Testées ouvertes. La Chauve-Souris n'est pas aimée d'ordinaire, et de fait, sa forme singulière et laide, ainsi que ses habitudes nocturnes, contribuent en quelque sorte à inspirer une certaine répugnance mêlée d'une crainte superstitieuse, chez quelques personnes ; et pourtant, s'il est un petit animal que nous devons — 95 — aimer pour son utilité, c'est bien la Chauve- Souris, puisqu'elle nous débarrasse de ces myriades d'insec- tes nuisibles, et surtout des papillons de nuit, dont la larve cause des dommages considérables dans les champs comme dans les jardins. De plus, elle est tout à fait inoiïensive pour nous et ne peut nous faire aucun mal. 2. Myotis lucifugus, (Le Comte). IfSL Chauve-Souris brune. Pelage d'un brun terne lustré, oreilles courtes et poin- tues, atteignant à peine le bout du museau, lorsqu'elles sont dirigées en avant. Pieds plus gros et plus forts que ceux de la précédente ; membrane des ailes plutôt épaisse. Longueur environ un demi pouce de plus que celle de la subidatus. Cette espèce est commune dans tout l'est de l'Amérique du Nord. 2. Genre LASIONYCTERIS, Feters. Dents, trente-six en tout ; museau presque nu en avant des yeux ; oreilles courtes presqu 'aussi larges que longues. Lasionycteris noctivagans, (Le Comte). La Chauve-Souris grise. Pelage long et soyeux, noir ou presque noir, avec l'ex- trémité des poils d'un blanc d'argent ou blanchâtres. Longueur, 3j^ ; extension des ailes, 12 ; queue, i//. Cette espèce est facile à reconnaître par le nombre de dents, qui se chiffrent à trente-six. Elle habite l'Amérique du Nord, de l'Atlantique -96- au Pacifique, et d'après le Dr Hall et l'abbé Pro- vaiicher, elle aurait été rencontrée dans la province. 3. Genre LASIIIRUS, Gray. Dents, trente-deux ; dont deux incisives supérieures et six à la mâchoire inférieure. Des petites touffes de poils se voient sur les ailes. Lasiurus cinereus, (Beauvois). lya Chauve-Souris cendrée. Pelage d'un brun chocolat vif entremêlé de blanc ; lèvres et oreilles maculées de noir. Longueur, 2 ^4 '. exten- sion des ailes, 14 ; queue, 2^4. Cette Chauve-Souris, qui est rare, se rencontre dans le nord de l'Amérique septentrionale. En 1898, je me suis procuré un spécimen de cette espèce, capturé dans la ville, et deux ans plus tard, on m'en a apporté deux autres également capturés dans Québec. Il paraît que cette espèce émigré vers le sud à l'automne pour se soustraire aux froids de l'hiver. 4. Ordre CETACEA.— Cétacés Les Cétacés sont des animaux essentiellement conformés pour la vie aquatique, et leur apparence extérieure rappelle tellement celle des poissons, que les anciens auteurs les avaient classés parmi ces derniers. Cependant l'étude plus approfondie de — 97 — leur organisation a démontré qu'ils appartiennent véritablement à la classe des Mammifères. En effet, chez les Cétacés comme chez les Mammifères ter- restres, la circulation est double, le sang est chaud et de couleur rouge ; la respiration s'effectue au moyen de poumons, ce qui les oblige à venir respirer à la surface de l'eau ; enfin ils sont vivipares, comme les autres Mammifères. Le corps des Cétacés est plus ou moins fusiforme ; la tête est ordinairement grosse, sauf chez quelques espèces, et le cou qui la supporte est si court exté- rieurement que, dans la plupart des cas, on ne le distingue pas toujours du thorax. Les membres antérieurs, dont les os sont analogues à ceux des Mammifères terrestres, sont transformés en nageoires larges et aplaties, sans distinction extérieure de doigts ni d'ongles, à l'exception de quelques espèces qui portent des traces d'ongles. Les membres pos- térieurs n'existent pas, et il n'y a absolument rien qui en tienne lieu. Le corps est terminé par une queue, large, aplatie en forme de rame, et disposée horizontalement. Cet appendice très puissant est le principal moteur de ces animaux ; une nageoire dorsale, qui n'est qu'une modification de la peau, existe chez un certain nombre d'espèces. Les sens des Cétacés sont très obtus ; l'oreille ex- terne ou plutôt le pavillon de l'oreille est nul ; les yeux, très petits, sont presque toujours placés dans le voisinage de la commissure de la bouche ; les narines sont situées à l'extrémité du museau, ou sur (7) - 98 - le dessus du front à la partie la plus élevée, ce qui permet à l'animal de respirer sans émerger la tête de Peau. Le cerveau est très petit comparativement à la taille de l'animal, mais il ofïre de nombreuses circonvolutions à sa surface ; ainsi, dans une baleine d'une longueur de dix-neuf pieds et du poids de onze mille livres, on a constaté que le cerveau pesait à peine quatre livres. La peau est lisse et dépourvue de poils ; toutefois, chez certaines espèces, on remarque quelques poils dans la région du museau. Il existe d'ordinaire, sous le derme, une épaisse couche de graisse qui empêche la déperdition de la chaleur de l'animal, le rend plus insensible au froid et contribue aussi à diminuer sa pesanteur. Les Cétacés sont distribués dans toutes les mers du globe ; ils sont oïdinairement de forte taille ; c'est parmi eux que se voient les géants de la créa- tion ; tous nagent avec une grande facilité, et la plupart d'entre eux avec beaucoup d'élégance même ; ils sont rapides dans leur course et se jouent avec grâce au milieu des flots. Ils se rencontrent d'or- dinaire en troupeaux plus ou moins nombreux. Certaines espèces sont carnivores, tandis que les autres sont herbivores. Ces dernières fréquentent les fleuves et les grandes rivières pour rechercher sur leurs bords les végétaux dont ils se nourrissent ; les espèces carnivores, au contraire, et yarticulière- ment celles de grande taille, habitent la haute mer ; toutefois quelques petites espèces se plaisent à pren- — 99 — dre leurs ébats à rembouchure des fleuves ou des grandes rivières, et les remontent même souvent à de longues distances. La femelle, dans les grandes espèces, met au monde un seul petit chaque fois, tandis que les petites espèces en ont ordinairement deux. On affirme que la femelle témoigne beaucoup d'affection pour ses petits, et qu'elle expose même sa vie pour les sauver du danger. On chasse les Cétacés, surtout ceux de forte taille, pour se procurer l'huile que fournit cette épaisse couche de graisse dont ils sont recouverts. Les Cétacés se divisent en deux grandes catégo- ries ou sous-ordres : les Cétacés carnivores ou souf- fleurs et les Cétacés herbivores. C'est parmi les pre- miers que se rencontrent les espèces qui fréquentent nos eaux, tandis que les herbivores, auxquels se rat- tache l'histoire fabuleuse de la sirène, sont tous étrangers à notre faune. Quelques naturalistes ont cru devoir faire de ces sous-ordres deux ordres distincts, mais la division en sous-ordre me paraît plus rationnelle. Sous-ordre CETACEA CARNIVORA. Cétacés carnivores Ces animaux se distinguent surtout par leurs nari- nes situées sur le front, et que l'on nomme évents. Chez eux l'inspiration et l'expiration s'opèrent tou- jours avec plus ou moins de bruit, de là le nom de -^^Av\^'y lOO souffleurs qu'on leur donne. X'opinion répandue que les Baleines lancent l'eau au dehors par les évents est fausse ; pendant l'expiration, la vapeur d'eau se condense par l'effet du refroidissement et s'élève en colonne, c'est ce qui a donné lieu à cette opinion. Il n'y a aucune trace extérieure d'ongles aux membres antérieurs chez ces animaux. Quel- ques espèces ont les mâchoires garnies de dents, d'autres en sont entièrement dépourvues ; une rangée de lamelles cornées et frangées au bord inférieur et à l'extrémité, est fixée verticalement au palais et en tient lieu. Ces lamelles sont connues sous le nom de fanons. Les poumons atteignent de fortes dimensions et permettent d'emmagasiner de grandes quantités d'air atmosphérique, ce qui explique pourquoi ces ani- maux peuvent demeurer très longtemps sous l'eau sans respirer. L'eau est leur élément naturel et essentiel ; la terre leur est funeste puisqu'ils sont incapables de se mouvoir sur le sol, et, s'ils échouent soit pendant une tempête, soit dans la poursuite d'une proie, ils sont dès lors voués à une mort certaine ; aussi, ins- tinctivement évitent-ils toujours les côtes. Ces animaux vivent de poissons, de crustacés, de mollusques, de méduses et autres invertébrés marins ; ils sont très voraces et n'épargnent même pas les individus de leur espèce plus faibles qu'eux. Ils poursuivent leur proie avec ardeur et lorsqu'ils s'a- venturent trop près du rivage, ils s'échouent et — lOI — deviennent ainsi victimes de leur voracité. Les petites espèces sont généralement celles qui se nour- rissent des plus grosses proies et les grandes espèces, des plus petites ; l'œsophage, très étroit chez ces der- nières, ne permettant pas le passage de grosses pièces. Cette catégorie est divisée en deux groupes dis- tincts, les Denticete et les Mysticete. Les premiers sont caractérisés par la présence de dents coniques aux deux mâchoires ou à une seulement ; les évents ou narines sont réunis en un seul orifice à l'extérieur, s'ouvrant en forme de demi-lune, tandis que les Mysticete se reconnaissent par l'absence de dents, qui sont remplacées à la mâchoire supérieure par une série de fanons implantés verticalement, et les évents sont séparés. CLEF POUR I.A DISTINCTION DES FAMILLES DE CÉTACÉS Events réunis en un seul orifice extérieur ; tête de moyenne grosseur ; museau se terminant plus ou moins en pointe ; les deux mâchoires garnies de dents qui, dans le genre Grampus, disparaissent à la mâchoire supérieure ; yeux situés en arrière de l'angle de la bouche. Denticete Delphinid^ Events réunis en un seul orifice extérieur ; tête très grosse ; tronquée à l'extrémité ; mâchoire infé- rieure très aplatie, rétrécie et garnie de dents ; yeux situés au-dessus de l'angle de la bouche. lyongueur 60-80 pieds. Denticete Physeterid^ Events distincts ; mâchoires dépourvues de dents ; mâchoire supérieure munie de lames cornées ou fanons. Mysticete Bal^nid^ — I02 — I. Famille DELPHINIDiE. Dauphins, Marsouins. Les deux mâchoires sont garnies de dents coniques, ex- cepté dans un genre où celles de la mâchoire supérieure tombent chez les adultes ; les yeux sont placés en arrière et quelque peu au-dessus de l'angle que forme la bouche ; le museau est plus ou moins pointu ; les narines sont réunies en un seul évent extérieurement. Cette famille a des représentants dans presque toutes les mers du globe. Tous ces animaux nagent et plongent avec une grande vitesse et aussi avec beaucoup d'aisance ; quelques-uns s'amusent souvent à bondir et à faire mille évolutions différentes à la surface de Tonde. Bien des fables ont été brodées sur l'intelligence de quelques espèces qui appartiennent à cette famille et notamment sur celle du dauphin commun de l'Océan Atlantique et de la Méditerranée. Les livres des anciens sont remplis d'anecdotes où l'on mentionne le goût de cet animal pour la musique, son affection pour l'homme, et une foule d'autres choses analogues. Trois espèces de dauphins, y compris cette der- nière, habitent le nord de l'Océan Atlantique et se rencontrent du côté de l'Amérique, vers le sud, jus- que vis-à-vis le nord des Etats-Unis. Mais je ne sache pas qu'aucune de ces espèces ait encore été signalée dans nos eaux, quoiqu'il ne soit pas impos- sible toutefois qu'on puisse en rencontrer quelques- unes accidentellement. — I03 — 1. Genre PHOC-ENA, Cuvier. Tête arrondie en avant, à maxillaires courts ; dents com- primées et nombreuses, aux deux mâchoires ; nageoire dorsale de moyenne longueur et de forme triangulaire. Phocaena phocaena, (Linné). I/C Marsouin commun. Couleur d un noirâtre uniforme en dessus, devenant gri- sâtre sur les côtés du corps inférieurement, et se transfor- mant en blanchâtre sous le corps ; nageoires pectorales noirâtres. Longueur, 4-5 pieds. Fig. 17. — Le Marsouin commun. Cette espèce habite également les océans Pacifique et Atlantique nord. Elle se montre très commune dans le golfe St-Laurent, où on la rencontre fré- quemment, surtout à l'approche des ouragans ; elle remonte souvent le fleuve à de grandes distances. Les marins la connaissent sous le nom de Pourcil. — 104 — On ne fait guère la chasse à cette espèce, car le peu d'huile qu'on en retire ne compense pas toujours le trouble qu'elle donne. 2, Genre GLOBICEPHALA, Lesson. Front large et globuleux, nageoires pectorales très étroi- tes et longues ; la dorsale petite et située quelque peu en avant du milieu du corps ; dents aux deux mâchoires, plutôt faibles et moins nombreuses que dans le genre pré cèdent. Globicephala mêlas, (Traill). I/']5paulard à tête ronde. Couleur noire. Longueur, 20 pieds ; nageoires pectorales, 4 pieds. Cette espèce habite en troupes nombreuses l'Océan Atlantique boréal ; elle se rend vers le sud jusque vis-à-vis des côtes du New-Jersey. Stearns la men- tionne comme étant commune dans le golfe ou au moins à l'entrée du détroit de Belle-Ile. (i) 3. Genre OECA, Gray. Nageoire dorsale très longue, terminée en pointe, et plus longue que les pectorales ; dents peu nombreuses, mais très grosses et fortes, en forme de cône ; elles sont au nombre de six à douze paires à chaque mâchoire. Ce sont les cétacés les plus gros de la famille des delphinidés. (i) Stearns, Notes on ihe Nat. Hist. 0/ Labrador, p. 6. — 105 — Orca orca, (Linné). I/' Orque épaulard. Couleur noire en dessus passant au blanc sous le corps. Longueur, plus de 20 pieds ; nageoire dorsale, 5 pieds ou plus. Cet animal se trouve également dans l'Océan Paci- fique comme dans l'Atlantique. Il est très vorace et s'attaque à toutes les grandes espèces de poissons, comme aux Cétacés ; les baleines de grande taille mêmes ne sont pas à l'abri de ses atteintes. Son courage et sa voracité sont tels qu'il finit par vaincre des ennemis d'une taille beaucoup plus forte que la sienne. Aussi est-il une cause d'ennui et de désap- pointement pour les pêcheurs lorsqu'il se rencontre dans les parages oii se fait la chasse à la baleine ou autres animaux analogues, parmi lesquels il sème la terreur. Cet animal est si agile et si vif dans ses mouve- ments qu'il est presque impossible de le harponner avec succès. On préfère le tuer au fusil. Il fournit une grande quantité d'huile. Il est connu dans le bas du fleuve, oii il se montre commun, sous le nom de Gibbar. Semblable aux espèces précédentes, il se nourrit de poissons, de céphalopodes et autres animaux sans vertèbres. 4. Genre DELPHINAPTERUS, Lacépède. Pas de nageoire dorsale, les pectorales sont courtes ; les dents sont peu nombreuses ; la tête est obtuse et large. — io6 — — 107 — Delphinapterus leucas, (P allas). I/C Marsouin blanc. Dents courtes et obtuses, environ huit ou neuf paires à chaque mâchoire. Couleur générale d'un blanc de crème chez les adultes et d'un gris bleuâtre chez les jeunes ; ce n'est que lorsqu'ils ont atteint les trois quarts de leur taille qu'ils deviennent blancs. Longueur, 15 pieds ou plus. Au printemps, la femelle met au monde ordinai- rement deux petits, qui sont l'objet de toute sa solli- citude, et qui raccompagnent dans tous ses déplace- ments. Sa nourriture principale consiste dans diverses sortes de petits poissons, qu'il capture en les pour- suivant. Comme toutes les grandes espèces, le Mar- souin détruit un nombre incalculable de poissons et se rend par là même très nuisible. Il habite l'Océan Atlantique boréal, et se voit souvent en bandes considérables dans les eaux du St-Laurent, qu'il remonte en troupeaux jusqu'à l'Ile- aux-Coudres, quelques uns se rendant même à la poursuite des bancs de petits poissons jusque vis-à- vis de Québec. C'est le printemps seulement qu'on fait la pêche aux Marsouins lorsqu'ils remontent le fleuve ; ils sont alors capturés en grand nombre, à l'Ile- aux- Coudres, à la Rivière-Ouelîe, et, l'automne, à Tem- bouchure du Saguenay où un grand nombre séjourne durant l'hiver. Cet animal est très gras et fournit une grande quantité d'huile d'excellente qualité. C'est vraiment un beau et intéressant spectacle — io8 — que de voir, par une mer calme, ces immenses trou- peaux de Marsouins, aux formes élégantes, et aux teintes variant depuis le blanc crème jusqu'au gris bleuâtre prendre leurs ébats, jouant, se poursui- vant l'un l'autre au milieu des flots. 5. Genre GRAMPTJS, Gray. Dents de la mâchoire supérieure caduques ; mâchoire inférieure munie de six à quatorze dents émoussées ; na- geoire dorsale courte, située plutôt à l'arrière du corps qu'au milieu. Grampus griseus, (Cuvier). I/C Grampus gris. j Tête sensiblement renflée, couleur ardoise avec taches \ blanches irrégulières. Longueur, 15 à 20 pieds. Cette espèce est commune dans l'Océan Atlanti- que nord. Stearns dit qu'elle n'est pas rare le long des côtes de Belle-Ile et peut-être plus loin, (i) I 2. Famille PHYSETERID^, Cachalots. Tête d'une grosseur énorme, atteignant environ le tiers de la longueur du corps ; la mâchoire inférieure est étroite et très aplatie; elle est munie d'une rangée de dents nom- breuses, de forme conique ; la mâchoire supérieure est très épaisse et dépourvue de dents ; les 3-eux sont placés bien J au-dessus de la commissure de la bouche ; les évents sont \ réunis en une seule ouverture extérieure. Les Cachalots, si l'on en excepte une espèce de (1) Stearns, No/es on the Nat. Hist. of Labrador, p. 7. — 109 — petite taille, comptent parmi les plus grands Cet acé des mers. Ils fournissent à l'industrie une substance appelée spennaceti ou cétine^ que l'on nomme aussi blanc de baleiiie. Cette substance est contenue surtout dans les cavités de la tête ; elle est cristallisable et de cou- leur blanche, et on l'emploie à faire d'excellentes bougies. Dans une grosse espèce, on peut en retirer jusqu'à trois tonnes. La quantité d'huile que fournit leur graisse est évaluée à cent tonnes d'après Figuier. Outre ces deux produits importants, on retire encore des intestins du Cachalot une substance odo- rante employée dans la parfumerie, et que l'on nom- me ambre gris. Cette matière, assez dure, flotte sur l'eau et, lorsqu'elle est expulsée du corps de l'animal, les vagues la rejettent sur le rivage où on peut la trouver. L'ambre gris est le résultat d'une affection morbide du Cachalot, produite par une partie des aliments mal digérés. Genre PHYSETER, Linné. Tête très longue et très grosse, tronquée au bout, et dont la cavité antérieure est remplie de blanc de baleine et d'huile ; les dents, grosses et émoussées, sont au nombre de quarante à cinquante. La nageoire dorsale manque. Physeter macrocephalus, Linné. I/C Cachalot à grosse tête. Une protubérance charnue, espèce de nageoire adipeuse, apparaît à la partie postérieure du dos, et remplace en quelque sorte la nageoire dorsale. Couleur noirâtre en IIO — •dessus et blanchâtre sous le corps. Longueur, 80 pieds. La femelle est plus petite. Ces animaux se nourrissent de petits poissons, de seiches, de méduses et autres invertébrés marins. Cette espèce, qui est la plus connue, est l'objet ■d'une chasse constante à cause des produits consi- dérables que l'on en retire. Le Cachalot est moins farouche que la baleine ; il ne fuit pas d'ordinaire à l'approche de ses ennemis. « La pêche du cachalot, dit Brehm, est bien plus dangereuse que celle de la baleine. Il est rare que celle-ci tienne tête à ses ennemis ; celui-là, au con- traire, quand il est attaqué, non seulement se défend, mais encore s'élance courageusement sur ses agres- seurs, faisant arme de sa queue vigoureuse et de sa terrible denture. L'histoire rapporte plusieurs sinistres causés par les cachalots. « Des matelots de VBssex^ qui avaient blessé im de ces animaux, durent regagner leur navire, car l'animal, d'un coup de queue, avait avarié leur canot. Tandis qu'on cherchait à le radouber, un autre ca- chalot apparut à peu de distance du navire, le con- sidéra pendant environ une demi-minute,et s'enfonça dans les flots. Un instant après, il reparut à la sur- face, s'élança contre le bâtiment, le frappa d'un tel coup de tête, que les matelots crurent avoir touché à un récif. L'animal furieux se dégagea, se re- tourna, et fit une seconde attaque, enfonça la proue et fit sombrer le navire ; une partie de l'équipage fut seule sauvée. Un autre bâtiment américain. — III — VAlexander^ fut de même coulé bas par un cacha- lot ; un troisième, la barque Cook^ ne dut son salut qu'à un coup de canon bien pointé. Quatre mois après le naufrage de VAlexaiider^ l'équipage de la Rebecca captura un énorme cachalot, qui se laissa prendre sans résistance. On trouva dans son corps deux harpons avec le nom Alexajider ; sa tête était fortement blessée, et dans ses plaies horribles étaient enfoncés de grands morceaux de planches de na- vire. » (i) Le Cachalot habite la haute mer où il vit dans la société de ses semblables ; il est plus commun dans les mers australes que dans celles du nord. La femelle ne met bas que d'un seul petit pour lequel elle montre beaucoup d'attachement. Stearns, sur la foi des habitants des côtes du La- brador, dit qu'il a été capturé quelquefois dans ces parages. 3. Famille BALiENID^. Baleines. Tête très grosse ; évents séparés ; bouche largement fendue ; mâchoires dépourvues de dents ; la supérieure est munie de chaque côté d'une rangée de nomljreux fanons, implantés verticalement et disposés à peu de distance entre eux, se terminant en franges ; yeux très petits placés tout près de l'angle de la bouche. Quoique ces animaux soient, pour la plupart, d'une taille énorme, ils ne se nourrissent cependant que de petites espèces marines, telles que petits (ij Brehm. Les Mammifères, Vol. 2, pp, 849-850. — 112 — poissons, méduses, mollusques, crustacés, etc., leur œsophage, très étroit, ne leur permettant pas l'en- trée de plus grandes espèces. Lorsque la Baleine veut assouvir sa faim, elle s'avance, la bouche ouverte, au milieu des bandes de petits poissons ou d'invertébrés ; puis lorsqu'elle a fait une provision suffisante de ces animaux, elle referme la bouche et avale sa proie, après avoir chassé l'eau à travers les espaces qui séparent les fanons. Elle recommence ainsi le même manège jusqu'à ce qu'elle soit rassasiée. La pêche des grands cétacés de cette famille ainsi que de celle du cachalot, fait l'objet d'un commerce important, et bon nombre de personnes sont intéressées chaque année dans cette industrie si dangereuse et qui pourtant n'est pas toujours pro- ductive, car il arrive parfois que cette pêche man- que complètement, et les pêcheurs malheureux en sont alors pour la perte de leur temps et de leur argent. Ce sont surtout les grandes espèces que l'on chasse d'ordinaire, soit pour l'huile qui est plus abondante, soit pour les fanons qui ont une plus grande valeur. On les préfère encore aux petites espèces parce que celles-ci, grâce à leur faible taille, et douées d'une grande souplesse et d'une grande rapidité de mou- vements, sont d'une capture encore plus difficile et plus dangereuse. Une courte description d'une expédition de chasse à la Baleine, qui est la même que pour le cachalot, — 113 — ne se lira pas sans intérêt. Je l'emprunte de Brelim : « Quand les navires sont arrivés dans les parages que fréquentent les baleines, ils croisent ou se met- tent à l'ancre, explorant continuellement l'horizon tout autour d'eux. Le cri de la vigie " un souffleur ! " émeut tout l'équipage. On met à la mer des canots parfaitement équipés, montés par six ou huit vigou- reux rameurs, un pilote et un harponneur, et tous se dirigent rapidement et silencieusement vers la baleine. Le harpon est un fer acéré, très pointu^ muni d'un crochet et attaché à une corde très lon- gue et très flexible ; celle-ci est enroulée à une bobine placée à l'avant du canot. En approchant de l'animal, on redouble de prudence, et lorsqu'on est arrivé tout auprès, le harponneur lance son har- pon sur le colosse. Au même instant, les rameurs se penchent sur leurs avirons, pour éloigner le plus rapidement possible le canot du voisinage de l'ani- mal blessé. (( Ordinairement la baleine plonge au fond de l'eau, en dévidant la corde avec une telle rapidité qu'on est obligé de la mouiller pour qu'elle ne prenne point feu. ]Mais bientôt sa fuite est moins rapide, elle nage plus lentement, et les pêcheurs peuvent la suivre. Souvent aussi ils sont entraînés loin de leur navire par une baleine harponnée, à plusieurs heures, à une demi-journée même. Cependant le colosse, après la prem.ière attaque, n'est jamais plus d'un quart d'heure à reparaître à la surface de l'eau pour respirer. Abordée de nouveau, elle reçoit un (S) — 114 — second harpon. On ne pourrait, dit un témoin oculaire, imaginer un spectacle plus horrible. La baleine effrayée se roule dans les vagues ; dans son agonie, elle bondit hors de Peau, la mer est cou- verte de sang et d'écume. L'animal disparaît, un tourbillon indique la place où il a plongé ; il re- vient à la surface, mais c'est pour recevoir une nouvelle blessure mortelle ; de quelque côté qu'il se dirige, un nouveau fer s'enfonce dans son corps. En vain redouble-t-il d'énergie, en vain fait-il bouil- lonner l'eau autour de lui ; un tremblement a saisi son corps monstrueux ; on dirait Vulcain ébranlant les montagnes. Il a perdu tout son sang, il se cou- che sur le flanc, ballotté par les vagues. » (i) Lorsque la Baleine est morte, des chaloupes la remorquent jusqu'au navire ; là on enlève le lard par lanières que l'on fait immédiatement fondre pour en extraire l'huile qui est mise en quarts ; on détache les fanons, et, si c'est un cachalot, on recueille le spermaceti de sa tête, puis on aban- donne la carcasse aux oiseaux de mer, aux ours blancs ou autres animaux marins. Il peut arriver quelquefois que le canot soit sub- mergé, si la corde ne se déroule pas assez vite, de même si le colosse se trouve trop près de l'embar- cation, il peut, d'un coup de sa formidable queue, faire sauter hommes et barque à plusieurs pieds au- dessus des flots ou bien les submerger. (i) Brehin, Les Mammifères. Vol. 2, p. 860. — 115 — Comme on le voit, cette pêche offre toujours de graves dangers, mais l'appât du gain fait fermer les yeux aux baleiniers et leur fait oublier les périls aux- quels ils s'exposent. C'est ordinairement au printemps, en mai, juin et même en juillet que se font les expéditions de pêche à la Baleine franche dans les régions du nord. L'endroit le plus propice pour harponner la Baleine est en arrière de la nageoire pectorale, d'abord parce que la peau y est plus mince et ensuite parce qu'on a plus de chance de pénétrer jusque dans les poumons, le foie ou le cœur. A cause des grands dangers qui accompagnent généralement le harpon- nage à la main, on a cherché à le remplacer par des balles explosives ou par le harpon lancé par un mousquet. Mais ces diverses tentatives ont eu si peu de succès qu'on en est revenu au harponnage à la main qui donne plus de satisfaction. 1. Genre BAL^NOPTERA, Lacépède. Museau large à peine bombé ; corps allongé ; ventre offrant de nombreux sillons longitudinaux ; nageoires pectorales plus courtes que la tête ; fanons petits ; na- geoire dorsale petite, mais bien développée. 1. Balaenoptera physalus, (Linné). 1/6 Rorqual commun. Parties supérieures d'un gris ardoise foncé, blanchis- sant sous le corps ; nageoire dorsale située à la partie postérieure du corps ; fanons de couleur ardoise, mélangée de brunâtre. Longueur, 70 pieds. — ii6 — Ce Rorqual habite le nord de TOcéan Atlan- tique, et se rencontre fréquemment dans le golfe. De tous les balénidés qui se voient dans les eaux du St-Laurent, celui-ci est sans aucun doute le plus commun. Il remonte parfois le fleuve à des dis- tances considérables pour un animal de sa taille et, l'an dernier, un de ces individus est venu s'échouer en face de la ville de Montréal où il fut tué ; ce spécimen n'avait que trente-trois pieds de longueur. Ce fait n'est pas unique, puisqu'il y a une trentaine d'années, un autre individu est venu se faire tuer sur les rivages de l'Ile d'Orléans. Le Rorqual se nourrit de petits poissons, particu- lièrement de harengs. Par son agilité il est, de tous ceux de son espèce, un des plus difficiles à harpon- ner ; aussi les pêcheurs ne tiennent-ils pas à s'en emparer, car il fournit peu d'huile et sa capture offre trop de dangers. 2. BalsBîioptera musculus, (Linné). I/e Rorqual gris. Couleur générale d'un gris bleuâtre foncé ; de petites taches blanchâtres se remarquent sur la poitrine ; nageoires pectorales très longues ; nageoire dorsale très petite, et située très loin à la partie postérieure du dos ; fanons noirs, Longueur, 80 pieds. MM. Fortin et St-Cyr font mention de ce Rorqual comme se trouvant dans les eaux du golfe St- Laurent, et, c'est sur leur autorité que je le consi- gne ici. Il vit dans l'Océan Atlantique nord. — 117 — Cet animal, comme le précédent, est agile et vif dans ses mouvements, et les pêcheurs n'aiment pas non plus à lui faire la chasse. On dit que ce Rorqual "fait beaucoup de bruit lorsqu'il respire et que le jet de vapeur d'eau qu'il lance atteint une hauteur plus considérable que celui projeté par la baleine ordinaire. 2. Genre MEGAPTERA, Gray. Nageoires pectorales aussi longues que la tête ; nageoire dorsale remplacée par une bosse charnue ou espèce de petite nageoire adipeuse ; ventre avec des sillons longitu- dinaux. Megaptera nodosa, (Boxnaterre). Iva Baleine à bosse. Corps court et épais, avec une protubérance dorsale ; corps de couleur noire. Longueur de 60 à 75 pieds. Cette Baleine vit dans le nord de l'Océan Atlan- tique où elle était autrefois commune, et se voit aussi dans le St-Laurent. C'est cette espèce que nos pêcheurs recherchent ordinairement ; elle est plus lente dans ses mouvements et aussi plus facile à tuer que celles dont il a été parlé précédemment ; elle donne aussi beaucoup plus d'huile ; les grosses en fournissent jusqu'à deux mille quatre cents gal- lons. On dit qu'elle vient fréquemment à la surface de l'eau pour respirer. — ii8 - 3. Genre BALiENA, Linné. Dessous du corps lisse, sans sillons ; point de nageoire dorsale ; fanons très longs et de couleur noirâtre ; museau rétréci en avant et fortement bombé. Corps lourd. Balaena glacialis, Bonnaterre. 1,3. Baleine franche. Couleur générale noire, blanchissant parfois sous le. ventre. Longueur, 40 pieds. Cette espèce est commune dans TOcéan Atlantique nord. Elle n'était pas rare autrefois dans le golfe St- lyaurent, d'après M. Fortin. Il rapporte qu'en 1845, trois individus de cette espèce firent leur apparition dans le fleuve qu'ils remontèrent jusque vis-à-vis de Kamouraska ; plus tard on en vit apparaître cinq autres dans ces mêmes parages. Mais elle est main- tenant devenue très rare. On dit que cette espèce donne au delà de sept mille gallons d'huile. Malgré sa taille prodigieuse et sa grande force, cet animal est des plus timides et des plus inoffen- sifs ; le moindre bruit l'effraie et il fuit au lieu de se défendre contre les attaques de ses ennemis. Il est étonnant que cette masse puisse se mouvoir avec vivacité. « Autant la Baleine est lourde, dit Scoresby, autant ses mouvements sont adroits et rapides. En cinq ou six secondes, elle peut être hors de l'atteinte de ceux qui la poursuivent. Mais elle ne peut conserver une telle vitesse que pendant — 119 — quelques minutes. Parfois elle s'élance avec tant de force qu'elle bondit hors de l'eau. » (i). Les Baleines sont des animaux stupides et lâches, qui ne déploient de courage que pour défendre leur progéniture. Une Baleine vient d'ordinaire respirer à la surface de l'eau toutes les deux ou trois minutes, mais lorsqu'elle est harponnée ou inquiétée, elle peut demeurer une vingtaine de mi- nutes submergée avant de venir respirer de nou- veau. La Baleine est incommodée par de nombreux parasites, des milliers d'invertébrés, entr'autres les cirrhipèdes et les pous de baleine^ qui se fixent sur sa peau et s'y nourrissent. Avec cette dernière espèce se termine la liste des cétacés que l'on donne comme se rencontrant dans les eaux du fleuve et du golfe St-Laurent. Comme ils ont été jusqu'ici peu étudiés, quant à leur pré- sence dans nos eaux, il peut se faire que des recher- ches et des études ultérieures en augmentent ou en restreignent le nombre. 5. Ordre UKGULATA.— Mammifères à SABOTS. Ces animaux, nombreux en espèces, sont distri- bués sur toute la surface du globe. On les rencontre dans tout l'ancien continent et, dans le nouveau (i) BTehm, Les Mammifères, Vol. 2, p. 858. — I20 monde, depuis les régions arctiques jusque vers le sud de l'Amérique méridionale. Ils offrent dans leur taille, leur structure,ainsi que dans leurs mœurs, des variations très diverses. En effet, on trouve parmi eux des animaux terrestres et aquatiques, ou du moins qui passent à l'eau la plus grande partie de leur vie ; quelques-uns ont la tête ornée d'une excroissance cornée qui prend, chez certaines espèces, des dimensions énormes ; d'autres ont le museau allongé en forme de tube, d'autres enfin sont munis d'estomacs multiples dans lesquels les ali- ments, après avoir été concassés dans la bouche, des- cendent dans un de ces estomacs pour remonter de nouveau dans la bouche de l'animal afin d'y subir une seconde mastication, puis ils passent définitivement dans un autre estomac, oii ils viennent en contact avec divers sucs qui les rendent assimilables à l'or- ganisme. Les otigulés sont essentiellement herbivores, à l'exception du cochon qui peut manger de tout ; ils font entrer dans leur nourriture des herbes, des feuilles, des fruits, des écorces d'arbres et des mousses. Le caractère distinctif et essentiel de cet ordre repose dans la conformation du pied dont le ou les doigts sont enveloppés dans un sabot, espèce de gaine cornée qui met l'animal dans l'impossibi- lité de rien saisir et lui enlève à cet endroit le sens du toucher. Les doigts se nombrent de un à quatre à chaque membre. — 121 — Ils sont, par conséquent, incapables de grimper ou de creuser dans le sol. Les molaires sont à sur- face large et sont conformées pour broyer les ali- ments ; les canines manquent chez la plupart, et les incisives, qui sont larges, font défaut chez un bon nombre à la ixiâchoire supérieure ; leur pro- gression est digitigrade. Les ongulés se recrutent parmi les plus grands mammifères terrestres ; cependant il s'en rencontre quelques-uns dont la taille est au-dessous de la moyenne. De tous les IMammifères, ce sont sans aucun doute ceux dont l'homme retire le plus grand avantage ; il les utilise comme bêtes de somme, se nourrit de leur chair et se sert de leur dépouille pour les con- vertir en habillements. Notre faune n'est représentée que par quelques espèces indigènes. Famille CERVîD^, Cerfs, Elans. Formule dent. — i. °^ c. (d'ordinaire) "—^ pin. ^^ m. ^-^ 3-3 ^ ^ i-i ^ 3-3 3-3 Ces animaux sont bien caractérisés par la forme parti- culière de leurs prolongements frontaux qui prennent un développement plus ou moins considérable. Ces bois ou cornes sont pleins sur toute leur longueur, et portent des ramifications ou andouillers plus ou moins nombreux ; ils tombent annuellement et sont remplacés par d'autres qui, dans les premiers temps de leur croissance, sont re- vêtus d'une peau recouverte de poils courts ; cette peau finit par se dessécher et tomber après quelques mois ; le — 122 — panache a alors atteint son entier accroissement. Ces bois sont l'apanage exclusif des mâles, à l'exception toutefois de quelques espèces où ils sont communs aux deux sexes. Un large espace existe entre les incisives et les molaires, cependant un bourrelet cailleux remplace les incisives supérieures qui manquent ; les pieds sont terminés par deux doigts enfermés séparément dans un sabot ; et en arrière se trouvent deux petits ergots, vestiges de doigts latéraux ; le cou est bien développé et musculeux ; les yeux sont grands et expriment la douceur ; des larmiers se voient presque toujours extérieurement au-dessous de l'œil. Les Cervidés, de même que les bœufs et les moutons domestiques, ont la faculté de ramener dans la bouche, pour les mâcher de nouveau, les aliments qu'ils ont déjà avalés une première fois, c'est ce que l'on appelle rtu^iiner ; à cet effet, ils sont pourvus de quatre estomacs qui ont reçu les noms ^ç: panse ^ de bonnet^ d^Ç: fetcillet et de caillette. Le premier et le plus grand des estomacs est la panse, qui reçoit les aliments grossièrement con- cassés par une première mastication ; de là, ces ali- ments passent dans le bonnet où ils sont imprégnés d'un liquide sécrété par ses parois ; puis, transfor- més en petites pelottes, ils remontent dans la bou- che pour subir une dernière mastication, et enfin, descendent de nouveau dans l'œsophage en péné- trant de suite dans le feuillet, puis dans la caillette,, qui correspond à l'estomac des autres mammifères, et dont les parois sécrètent un liquide analogue au suc gastrique. — 123 — Ces animaux sont presque tous de grande taille ; leur corps est élancé, leurs mouvements sont aisés et leur course rapide. Ils vivent en troupeaux dans les grandes forêts ; ils sont d'un caractère timide, ce qui contribue à leur faire aimer la solitude. 1. Genre ODOCOILEUS, Rafinesque. Taille ordinaire ; panache chez les mâles seulement et plutôt petit que grand, à ramures dirigées en avant ; queue plutôt longue ; museau petit avec un large espace nu au bout ; oreilles grandes. Odocoileus americanus, (Erxleben). Le Cerf d'Amérique. Pelage fauve ou châtain roux en été, avec le dessous du corps blanc, depuis le ventre jusqu'à l'extrémité de la queue en dessous, ainsi que le dedans des jambes anté- rieures ; en hiver le poil est plus long et plus fourni ; il est d 'un roux grisâtre supérieurement. Longueur, 4 pieds. 6 pcs ; queue, i pied. Les jeunes sont roux canelle avec taches de blanc sur tout le corps. Le Cerf d'Amérique, communément nommé Che- vreuil^ est certainement le plus élégant et le plus beau des grands mammifères qui peuplent nos forêts. On le rencontre dans l'est des Etats-Unis] et du Canada ; mais dans notre province, son parcours géographique ne s'étend pas aussi loin que celui de son voisin le caribou ; il ne paraît pas dépasser la limite nord du fleuve St-Laurent en bas de Québec. Il était autrefois très commun sur toute cette éten- due de l'Amérique du Nord ; aujourd'hui on l'y ren- — 124 — contre bien encore en grand nombre dans certaines régions, mais il est disparu de plusieurs endroits) et cette espèce s'éteindra dans un avenir peu éloigné si on ne la protège par des lois plus efficaces. Le Chevreuil vit par bandes plus ou moins nom- breuses dans les endroits qu'il chosit et qu'il ne quitte guère. Sa nourriture varie suivant les.saisons : en été, il mange des feuilles de divers arbres, des herbes les plus délicates, des plantes aquatiques, des baies, telles que bluets, ronces et autres ; mais en hiver, il se contente des bourgeons de pruche, de cèdre, de bouleau, des mousses et des lichens. Lorsque la neige, dans la forêt, atteint une certai- ne épaisseur, les Chevreuils se fixent dans un endroit plus restreint et y demeurent jusqu'au printemps, c'est ce que l'on appelle en terme de chasse, leur ravage. Le panache tombe en janvier ou février et pousse de nouveau en mai ; en septembre, le velouté qui le recouvre tombe, c'est alors qu'il a acquis son com- plet accroissement. .( Le Cerf de Virginie, nous dit Audubon, est un animal nocturne, mais il faut ajouter que, dans les prairies, et là ovl il est peu troublé, il sort aussi le matin et l'après-midi pour chercher sa nourriture. Il ne se repose alors qu'au milieu du jour. r( Dans les contrées de l'Atlantique, oi^i il est con- tinuellement chassé, il ne quitte que rarement son gîte avant le coucher du soleil. On le voit, de jour, plus souvent en été ou au printemps qu'en hiver. — 125 — '( Dans les pays où cet animal est l'objet de pour- suites incessantes, il laisse le chasseur approcher de son gîte plus près que là où il est peu chassé. Il reste couché, non qu'il dorme, mais par crainte de se montrer et dans l'espoir d'échapper à l'œil de son ennemi. J'en ai vu qui étaient couchés, les jambes de derrière ramassées, prêts à sauter, les oreilles rabattues sur la nuque, les yeux ne quittant pas l'importun. Dans ce cas le chasseur ne peut espé- rer un succès qu'en tournant lentement l'animal, sans faire semblant de l'apercevoir, et en tirant subitement, pendant qu'il est encore dans son gîte. Avant d'avoir été poursuivi, le cerf cherche, à l'approche du chasseur, à s'échapper en glissant dans le fourré. « La démarche du cerf de Virginie est variable. Lorsqu'il court, il baisse la tête, avance silencieu- sement et avec prudence, en agitant continuelle- ment la queue et les oreilles. L'individu le plus fort conduit la bande, les autres le suivent un à un ; rarement on en voit deux de front. Quand ces animaux ne sont pas effrayés, ils vont lentement et au pas. Surpris mais non épouvanté, le cerf saute deux ou trois fois en l'air, et retombant avec une sorte de maladresse apparente sur trois jambes, se retourne vers l'endroit suspect, lève sa queue blan- che et l'agite. Puis, il fait quelques bonds, tourne la tête de côté et d'autre, et cherche ce qui a pu le troubler. Tout cela s'exécute avec une élégance qu'on ne peut assez admirer. — 126 — « Si, par contre, l'animal aperçoit, étant dans son g-îte, un objet de terreur, il s'élance rapidement, la tête et la queue étant tendues dans la même ligne que le reste du corps, et parcouru ainsi plusieurs centaines de pas, comme s'il voulait rivaliser de vitesse avec un cheval de course. Mais il ne soutient pas cette allure ; plus d'une fois, je l'ai vu atteint et dépassé par un cavalier bien monté ; au bout d'une heure de chasse, une bonne meute s'en empare, à moins qu'il n'ait rencontré un étang ou une rivière dans les eaux de laquelle il cherche immédiatement un refuge. Il va d'ailleurs volontiers à l'eau et nage avec une grande vitesse, le corps submergé, n'élevant que la tête au-dessus de la surface. J'ai vu des cerfs traverser de larges fleuves, parcourir à la nage une distance de deux milles anglais, et avec une telle rapidité, qu'un canot avait peine à les joindre. Sur les côtes du sud, le cerf poursuivi et pressé par les chiens s'élance dans les flots, s'éloi- gne à un ou deux milles du rivage, et revient ensuite d'ordinaire à l'endroit d'où il est parti. « En traversant, de nuit, les forêts, j'ai souvent entendu un cerf frapper du pied à notre appro.che ou pousser un fort soupir. Puis toute la bande s'é- lançait, s'arrêtait, frappait du pied et soupirait de nouveau. Mais cela paraît n'arriver que la nuit. » (i) La femelle met bas en mai ou juin de un ou deux petits, qu'elle cache dans un buisson ou dans de (i) Audubon. Voy. Brehm. Les Mammifères. Vol. 2., pp. 509-510. — 127 -- hautes herbes ; aussitôt que les petits peuvent mar- cher, ils suivent leur mère. En hiver on chasse le Chevreuil de deux maniè- res, soit en le surprenant dans son ravage, soit en le poursuivant dans le bois ; on choisit à cet effet le moment où la neige est abondante et molle, ou bien celui où elle est couverte d'une couche de ver- glas ; dans ces conditions l'animal enfonce beau- coup ou se blesse les jambes en passant à travers la couche de verglas, et ne peut aller bien loin sans se fatiguer. Alors le chasseur monté sur ses raquettes peut l'atteindre facilement et le tuer. Il arrive même quelquefois que l'animal est tellement épuisé que le chasseur le saisit par les cornes, et lui coupe la carotide avec un couteau, sans qu'il offre beaucoup de résistance. En été en peut encore le chasser la nuit, au bord de l'eau, au moyen d'un flambeau ; à cette fin, on alume un feu que l'on pose sur le devant du canot, de telle sorte que le chasseur reste dans l'ombre, puis, lentement et sans bruit, on côtoie le bord du bois ; la vue de cette lumière inaccoutumée excite la curiosité du Chevreuil, qui s'approche de l'eau, et on peut alors faire le coup de feu. Cette manière de chasser le Chevreuil a quelquefois occasionné des erreurs regrettables, car en croyant faire feu sur cet animal, on a tué des animaux domestiques, que la lumière avait également attirés à cet endroit. Aubudon, parlant des diverses manières de chas- ser le Chevreuil, dit que celle qui consiste à aller — 128 — tuer l'animal dans son gîte est la plus destructive, et, dans son style toujours pittoresque, il la décrit de la manière suivante : '< La chasse aie repos est considérée comme un métier par nombre d'hommes de nos frontières. Pour être pratiquée avec succès, elle réclame une grande activité, une adresse consommée dans l'usage de la carabine, et une connaissance approfondie de tous les réduits de la forêt. Ajoutons qu'il faut que le chasseur soit parfaitement au courant de chaque habitude du cerf, non seulement aux diverses sai- sons de l'année, mais encore à chaque heure du jour, pour savoir exactement quelles sont les diffé- rentes remises que le gibier préfère, et dans lesquelles, à tout moment, on a le plus de chance de le rencon- trer .... '( Toute scène pour frapper a besoin d'être pré- sentée, s'il est possible, en pleine lumière ; je sup- poserai donc que nous sommes maintenant sur les pas de notre chasseur, du vrai chasseur, comme on l'appelle aussi, et que nous le suivons au plus fourré des bois, à travers les marécages, les précipices, et là partout o\x le gibier peut se rencontrer plus ou moins abondant, au risque quelquefois de n'y rien trouver du tout. Le chasseur, cela va s'en dire, est doué de toute l'agilité, de toute la patience,de toute la vigilence enfin qu'exige sa délicate profession ; et nous, nous marchons à l'arrière-garde, épiant chacune de ses manœuvres, ne perdant aucun de ses mouvements. — 129 — '( Son équipement, comme vous pouvez le voir, consiste en une sorte de blouse de cuir, avec panta- lon à l'avenant ; ses pieds sont chaussés de mocas- sins solides ; une ceinture lui relie les reins ; sa pesante carabine repose sur sa large épaule ; à l'un de ses côtés pend son sac à balles surmonté de la corne d'un vieux buffle, autrefois la terreur du trou- peau, et qui sert maintenant à mettre une livre de poudre de chasse superfine. « C'est là aussi qu'il a fourré son grand couteau ; il n'a pas même oublié son tomahawk, dont le mar. che est passé derrière lui, dans sa ceinture ; et il marche d'un tel pas, que peu d'hommes probable- ment, si ce n'est vous et moi, pourraient le suivre ; mais nous avons résolu d'être témoins de ses san- glants exploits, et d'ailleurs le voilà qui s'arrête ; il examine sa pierre à fusil, son amorce, la pièce de cuir qui recouvre sa platine ; puis il regarde en haut, il s'oriente et cherche à reconnaître dans quelle direction il fera le meilleur pour le gibier. f( Le ciel est clair, le vif éclat du soleil levant rayonne à travers les basses branches des arbres ; les gouttes de rosée, perles liquides, scintillent à l'extrémité de chaque ram^eau. Déjà la couleur émeraude du feuillage a fait place aux teintes plus chaudes des mois d'automne ; une légère couche de gelée blanche recouvre les perches qui enclosent le petit champ de blé du chasseur, et lui, tout en marchant, a les yeux sur les feuilles mortes qui jonchent à ses pieds la terre ; il y cherche les traces — 130 — bien connues du sabot de quelque cerf. Maintenant, il se baisse vers le sol où quelque chose vient d'atti- rer son attention . . . Regardez, il change d'allure, hâte le pas ; bientôt il atteindra, là-bas, cette petite montagne. A présent, comme il marche avec pré- caution, faisant halte à chaque arbre, jetant les yeux en avant comme s'il était déjà à portée du gibier. Il avance encore, mais lentement, lentement ; enfin le voilà sur le penchant de cette éminence qu'éclaire le soleil dans toute la pompe de son réveil . . . Voyez, voyez ; il prend son fusil, découvre la platine, nettoie avec sa langue le tranchant de la pierre ; maintenant il se tient debout et fixe comme une statue ; peut-être mesure-t-il la distance entre lui et le gibier qu'il couve de l'œil ; puis sa carabine se relève tout doucement, le coup part, et le voilà qui court ! courons aussi . . . Lui parlerai-je, pour lui demander comment a réussi son début ? Certes oui, car c'est une de mes vieilles connaissances. « Eh bien ! l'ami, qu'avons-nous tué ? (lui dire - qu'avons-nous lïré f ce serait supposer qu'il a pu manquer, et risquer de le mettre en colère.) — Ah ! pas grand'chose, un cerf. — Et où est-il ? —Ah ! il a voulu faire encore un ou deux sauts ; mais il n'est pas loin, je l'ai trop bien touché ; ma balle a dû lui traverser le cœur. » • Nous arrivons au lieu où l'animal s'était molle- ment couché parmi les herbes, sous un bosquet de vignes d'où pendent des grappes enlacées aux bran- ches du sumac et des sapins touffus. C'est là que,dans - 131 — lin doux repos, il espérait passer le milieu du jour ! La place est couverte de sang, ses sabots se sont pro- fondément enfoncés dans le sol lorsqu'il bondissait dans l'agonie de la douleur. ]\Iais le sang qui lui dégoutte du flanc trahit le chemin qu'il a pris. Enfin le voilà, gisant sur la terre, la langue pendante, les yeux éteints, sans mouvement, sans souffle . . Il est mort ! . . . « Si la saison eût été chaude, c'est du côté de la montagne où l'ombre donne, que le chasseur aurait cherché les traces du cerf. Au printemps, il nous eût conduits au plus épais d'un marécage couvert de roseaux, sur les bords de quelque lac solitaire où vous eussiez vu le cerf plongé jusqu'au cou, pour échapper aux insupportables piqûres des cou- sins. Si l'hiver, au contraire, eût recouvert la terre de neige, il se serait dirigé vers les bois bas et humides que tapissent la mousse et le lichen dont les cerfs se nourrissent en cette saison, et qui parfois encroûtent les arbres jusqu'à plusieurs pieds de hauteur. En d'autre temps, il eût remarqué les endroits où l'animal, frottant ses cornes contre les branches des arbrisseaux, les débarrasse de leur enveloppe veloutée ; ceux où il a coutume de creu- ser la terre de ses pieds de devant ; ou bien, il l'eût attendu au lieu où abonde le pommier sauvage et le plaqueminier sous lesquels il s'arrête de préfé- rence, parce qu'il aime à mâcher leurs fruits. Au printemps, dès les premiers beaux jours, notre chas- seur, imitant le bramement de la femelle, parvient — 132 — souvent ainsi à s'emparer de la mère avec son faon.. . . » (i) En captivité, le Chevreuil s'apprivoise facilement et il s'attache même à la personne qui en prend soin. 2. Genre CERVUS, Linné. Bois, chez les mâles seulement, grand, arrondi, très rameux, et renversé en arrière avec les andouillers dirigés en avant. Animaux de grande taille ; sabots grands et arrondis ; queue très courte. Cervus canadensis, (Erxi.ebex\.) 1/6 Cerf du Canada. Pelage d'un roux marron clair, plus foncé sur le cou et les jambes, presque blanc jaunâtre dans la région du crou- pion, et noirâtre sur la gorge et la ligne médiane du ventre ; menton noirâtre. Grande taille, cinq pieds de hauteur à l'épaule. Le Cerf du Canada, plus communément appelé Wapeii^ était autrefois distribué dans toute l'Amé- rique du Nord, de l'Atlantique au Pacifique, comme l'attestent ses restes enfouis dans le sol. Mais il a dû, à l'exemple de bien d'autres habitants de nos bois, restreindre son parcours géographique, et recu- ler devant les déboisements successifs des forêts, de telle sorte que dans bien des localités, il est entiè- rement disparu, surtout dans l'est de l'Amérique du Nord, où aujourd'hui on ne le retrouve plus que dans certaines régions des Etats-Unis, ainsi que dans l'ouest canadien. d,' Audubon. Trad. de Bazin. Scènes de la nature dans les E, U. Vol. I, pp. 294-299. — ^33 — Jadis, sur les rives du St-Laurent, ce bel animal n'était point rare, s'il faut en croire ce qu'en disent certains auteurs. Toutefois, il ne paraît pas y avoir plus d'une centaine d'années qu'il soit disparu, car ses restes trouvés dans la terre ne dénotent pas un plus long séjour ; ainsi des bois et des fragments»de bois ont été trouvés dans le sol végétal, immédiate- ment sous la couche de feuilles et de mousse en décomposition qui recouvre le sol. En creusant le canal Rideau, on a découvert un squelette entier possédant encore son panache ; ce dernier mesurait cinq pieds de longueur. Le Wapeti est de haute stature, il dépasse celle du cerf d'Europe, avec lequel il a beaucoup d'analo- gie ; voilà pourquoi on a cru pendant longtemps que ces deux individus appartenaient à la même espèce ; mais on admet aujourd'hui que ce sont deux espè. ces distinctes. Le panache de cet animal tombe dans le mois de février ou au commencement de mars ; il croît de nouveau en quelques mois, recouvert d'un velouté qui tombe plus tard. Le Cerf du Canada vit d'herbes, de branches de saules, d'écorce d'arbres, de mousse et de lichens. En hiver il gratte la neige de son pied pour attein- dre la mousse, les herbes et les jeunes pousses dont il se nourrit à cette saison de l'année. Pendant les fortes chaleurs de l'été il va souvent à l'eau, pour de se débarrasser des insectes qui le tourmentent. — 134 — Cet animal est d'un naturel farouche et par cela même difficile à atteindre ; mais lorsqu'il est blessé, il devient furieux, dit-on, et il défend sa vie avec beaucoup de courage. Son odorat est très subtil. « L'air est à peine im- prégné de l'odeur de son ennemi, qu'il lève vive- ment la tête, incline les oreilles dans toutes les directions, afin de percevoir le moindre bruit, et son grand œil brun brille d'un vif éclat, exprimant l'inquiétude la plus grande. Aussitôt qu'il aper- çoit le chasseur, le Wapeti bondit en avant, fait quelque pas comme s'il voulait essayer ses forces, puis il s'arrête, fait un demi tour, et toise son enne- mi d'un regard ferme, puis il rejette en arrière son gros panache, avançant son fin museau, il s'élance aussitôt avec une telle vitesse qu'il laisse bientôt loin de sa vue l'objet de sa frayeur. » (i) La femelle met bas en mai ou en juin de un ou deux petits. 3. Genre ALCES, Gray. Animaux de grande taille, hauts sur jambes ; corps lourd; tête longue ; museau cartilagineux, renflé et velu, à l'ex- ception d'un petit espace nu au bout ; yeux comparative- ment petits, fossettes lacrymales petites ; oreilles longues et larges ; bois chez les mâles seulement, très large, en forme de palettes et à nombreuses dentelures ; queue courte. (i) Cayiadian Nat. and Geol. Vol. i, p 85. — 135 — Alces americanus, Jardine. I/'Blan d'Amérique. Pelage d'un gris noirâtre mélangé de jaunâtre ; cette dernière teinte domine en dessous et vers le museau. La. crinière est de longueur moyenne. C'est le plus grand et le plus robuste des animaux de nos forêts. Il atteint parfois une hauteur de huit pieds et son bois, qui prend des dimensions énormes, pèse jusqu'à soixante livres, et la distance entre l'extrémité de ses cornes peut aller jusqu'à soixante- quatorze pouces. L'Elan ou Orignal^ comme on le nomme ordi- nairement, habite la partie nord de l'Amérique sep- tentrionale. A l'exemple des autres animaux de nos forêts, il diminue peu à peu ; toutefois on le retrouve encore plus ou moins commun dans cer- taines régions boisées du nord des Etats-Unis comme dans celles de la Puissance. L'Orignal est loin d'avoir l'élégance de formes et la légèreté du chevreuil et du caribou. Sa haute stature, son corps gros, sa tête allongée qu'il porte presque toujours basse, son museau épais, ses grandes oreilles, son poil long et grossier, tout con- tribue à lui donner un air de stupidité et de gau- cherie. M. J. E. Powell, qui a étudié en détail les mœurs de l'Elan, nous en a laissé l'intéressante description suivante : « Lorsque la neige est entièrement disparue de la - 136- surface de la terre, ce qui a lieu, dans les retraites favorites da^s Elans, vers le milieu de mai, ils quittent ce gîte d'hiver pour se rapprocher des étangs, des marais et des rivières où croissent, dans ces endroits, diverses plantes aquatiques qu'ils man- gent. Néanmoins leur nourriture favorite consiste surtout dans les nénuphars et les joncs de diverses espèces ; à cette saison, ils les broutent aussitôt qu'ils apparaissent et ils les rongent jusqu'à la racine, se tenant la tête sous l'eau durant l'espace d'une minute ou quatre-vingt secondes ; ils vont même dans l'eau à une telle profondeur que, lors- qu'ils plongent la tête pour y atteindre les jeunes pousses et en arracher les racines de nénuphars (qu'ils mangent souvent à cette saison de l'année) avant que les feuilles soient nombreuses, on ne leur aperçoit qu'une partie du dos. C'est aussi vers cette époque que les femelles s'éloignent des mâles, cher- chent les bois les plus touffus de la forêt et le plus près de l'eau possible, pour y mettre bas. Les femelles de trois ans ou plus ont invariablement deux petits. Néanmoins, j'ai vu quelquefois une portée de trois, mais c'est très rare ; celles de deux ans n'en ont jamais plus d'un. « C'est également vers cette période de l'année qu'ils quittent leurs poils longs et grossiers pour se revêtir d'un beau poil doux et court, de couleur brun foncé, qui devient bientôt d'un noir lustré sur les côtés et le dos, et gris sur les jambes. . . A me- sure que la saison avance, les Elans fréquentent — ^?>7 pig ig —Les Elans dans leurs quartiers d'hiver. - 138 - l'eau davantage, et y restent plus longtemps chaque fois. Vers la fin de mai ou au commencement de juin, ils demeurent dans l'eau rarement plus d'une demi-heure, mais en juillet et en août, ils y passent quelquefois des heures entières ; même la nuit, ils vont souvent se baigner, surtout lorsque la tempé- rature est chaude, sèche et suffoquante, ou pendant les orages accompagnés de tonnerre. Dans ces circonstances, ils semblent prendre un plaisir parti- culier à nager çà et là, et manifestent des signes de la plus grande joie. « Lorsque les femelles vont à l'eau, elles cachent leurs petits avec beaucoup de soin, afin de les pro- téger contre la férocité des vieux mâles qui les tueraient. A cette fin, elles choisissent d'ordinaire une touffe de gros arbrisseaux ou un massif de sapins ou de m.élèzes qui, par sa densité, empêche les mâles de les atteindre, arrêtés qu'ils sont par leurs cornes qui commencent à pousser en avril. Ces cornes, qui croissent rapidement, sont alors très tendres et peuvent facilement se casser à cette époque. Au mois de septembre, le velouté qui les recouvre disparaît, et c'est alors qu'elles acquièrent toute leur dureté. A la fin du même mois, les Elans quittent le bord des eaux pendant deux ou trois semaines, pour se retirer dans les monta- gnes. Les mâles sont alors très gras (j'en ai tué qui avaient presque trois pouces de graisse sur le croupion). Ils sont souvent très sauvages, très féroces, et attaquent même parfois le chasseur. — 139 — « Dans l'espace de quelques semaines, ils devien- nent maigres, par suite de leurs courses vagabondes^ des nombreux combats qu'ils se livrent entre eux, et aussi parce qu'ils négligent de prendre de la nour- riture. A cette époque, les mâles font entendre des mugissements qui, durant les nuits silencieuses, peuvent être perçus et reconnus par le chasseur attentif, à une distance de deux à trois milles. « Les mâles produisent aussi un autre bruit parti- culier, que les chasseurs appellent bûcher ; ce bruit est produit par les mâchoires qui s'ouvrent et se ferment avec force, d'une manière spéciale, qui res- semble, comme son nom l'indique, au bruit que fait une hache entendu à une grande distance ; ils émet- tent aussi divers autres cris et sons singuliers. « Lorsqu'ils reviennent vers l'eau, ils se baignent souvent, et demeurent longtemps dans l'eau, et cela, pendant une couple de semaines ; mais après, ils y diminuent graduellement leurs visites jusqu'au moment de la gelée, et même ils se baignent encore parfois jusqu'à ce que la glace atteigne une épaisseur d'un pouce en une seule nuit. « Ils retournent alors dans les montagnes, où ils choisissent leurs quartiers d'automne et d'hiver, errant d'abord de côté et d'autre, se nourrissant de l'écorce de petits arbres, qu'ils pèlent ou rongent, ainsi que des rameaux de sapins et autres arbres. Lorsque la neige devient épaisse, ils se choisissent un endroit bien adapté à leurs besoins, et commen- cent à ronger et à brouter autour d'eux, c'est ce que — 140 — l'on appelle ravage. A mesure que la neige aug- mente et qu'elle se durcit, ils se contentent de pe- ler les arbres et de dévorer les jeunes arbrisseaux les plus proches, plutôt que de se frayer un chemin dans la neige, à la recherche d'une nourriture plus choisie. « Un ravage occupe fréquemment un espace d'en- viron une centaine d'arpents; mais dans les dernières semaines de la saison des neiges, cet espace est beau- coup plus restreint, et ne comprend guère plus d'une douzaine d'arpents. Les vieux mâles et les femelles n'hivernent jamais ensemble, mais les jeunes pas- sent quelquefois l'hiver avec les vieux, quoiqu'on ne les trouve pas en société bien intime ; les femel- les et leurs petits passent l'hiver ensemble ; ces derniers demeurent avec leur mère pendant un an. « Les vieux mâles hivernent invariablement seuls, ils aiment la solitude et se choisissent quelque lieu écarté ou quelque montagne isolée ; de fait, à mesure -que l'Orignal vieillit, il devient de plus en plus soli- taire dans ses habitudes, et évite la société de ses semblables, fréquentant en été quelques petits lacs ou étangs solitaires. Les jeunes de deux ou trois ans font aussi bande à part ; mais ceux de trois à dix ans, vont ordinairement par troupeaux plus ou moins nombreux. J'en ai vu jusqu'à neuf dans le même ravage. « Lorsqu'ils sont poursuivis par les chasseurs, ils vont à la file, chacun marchant dans la piste de son prédécesseur, de sorte qu'il n'y a qu'un chasseur — 141 — expérimenté qui puisse reconnaître qu'il y en a plus d'un, lorsqu'en réalité il peut y en avoir six ou sept. Sont-ils cernés de près, le premier, dès qu'il sent ses forces faiblir, par suite de la neige profonde et durcie qu'il est obligé de fouler, fait un pas de côté et laisse passer les autres qu'il suit à son tour ; ils se relèvent à tour de rôle, les mâles aidant ainsi les femelles ou les jeunes ; s'il arrive qu'ils rencontrent, dans leur course, un arbre ren- versé et qu'ils soient traqués de très près, chacun franchit l'obstacle en rompant l'ordre de la marche, pour la reprendre après comme auparavant. Ce sont les daguets ou les mâles de deux ans, qui offrent la chasse la plus longue et la plus fatiguante ; mais les vieux mâles combattent avec beaucoup de vigueur. De fait, ils refusent souvent de fuir et attendent le chasseur qu'ils ne craignent pas d'atta- quer parfois. « Un ravage d'Orignal avec ses arbrisseaux cassés et ses arbres pelés, offre un spectacle singulier à voir pour celui qui n'y est pas habitué. Souvent même, lorsque la neige est profonde et durcie, rendant par là leurs courses plus difficiles, ils cassent, à cinq ou six pieds de terre, et dévorent entièrement les jeunes têtes des sapins, lorsque ces derniers n'ont pas un diamètre de plus de deux à trois pouces. Quant aux arbres, s'ils ne peuvent les abattre, ils les pèlent jusqu'à la hauteur de dix à douze pieds du sol, appuyant leurs pieds de devant sur le tronc de l'arbre, leurs membres postérieurs supportant ainsi — 142 — tout le poids de leur corps. Quoique l'Orignal soit très friand de bourgeons de sapins, il ne mange jamais Técorce de cet arbre, qui est cependant le seul qu'il détruise pour se nourrir. Les autres arbres survivent généralement, car il ne les pèle que d'un côté ; de sorte que le chasseur, pour peu qu'il ait d'expérience, peut toujours se rendre compte de la direction prise par l'Orignal. « Lorsque leur bois tombe, les mâles se frottent la tête contre les troncs des sapins, leur instinct les guidant à se servir des propriétés de la gomme de cet arbre pour cicatriser la plaie que laisse le bois lorsqu'il se détache. « La nourriture favorite de l'Orignal, durant l'hi- ver, se compose de rameaux de sapins, de l'écorce de frêne, d'une espèce d'érable nain et des jeunes rameaux du viorne, vulgairement appelé bois d ^ori- gnal. « Pendant l'été, la femelle est ordinairement accompagnée de ses deux petits, mais en hiver on en voit rarement plus d'un, d'oii je conclus que les jeunes de l'Orignal sont sujets à beaucoup de dangers dans le jeune âge... L'Orignal est doué d'une grande force et de beaucoup de persévérance ; il peut supporter de très grandes fatigues. Il consomme peu de nourriture proportionnellement à sa taille, et il boit peu en hiver, n'ayant souvent que la neige pour étancher sa soif . . . « L'Orignal ne vit pas vieux. Je ne sache pas que l'on en ait trouvé âgé de plus de vingt ans. — 143 — « Les sens de l'ouïe et de l'odorat sont très déve- loppés chez cet animal, ce qui, joint à sa défiance naturelle, le rend très difficile à approcher. » (i) L'hiver est la meilleure saison pour chasser rOrignal ; le chasseur, monté sur ses raquettes^ se dirige avec beaucoup de précautions vers leur retraite d'hiver, et s'il peut y parvenir sans en être aperçu, il peut alors faire le coup de feu. Mais s'il attire l'attention de ces animaux par le bruit d'une bran- che cassée ou qu'il soit aperçu par eux, toute la bande prend la fuite, et la chasse est finie ; car si la neige est molle, leur grande force musculaire triom- phe de cet obstacle et ils parviennent toujours à s'échapper. Le mois de mars est préférable à tous les autres pour cette chasse, la neige est alors recou- verte d'une couche plus ou moins épaisse de verglas, et l'énorme pesanteur de l'animal le fait enfoncer. De plus il se blesse les jambes au contact du ver. glas, de sorte qu'il finit par se fatiguer, et le chas- seur, après une course de deux ou trois heures et souvent plus, a une chance de l'approcher. Au mois de septembre, les mâles se recherchent pour se livrer des combats acharnés. Ils font alors entendre un cri particulier, et le chasseur met à profit cette ardeur belliqueuse pour les tuer. A cette fin, deux chasseurs, par un clair de lune, montent en canot et, sans bruit, suivent le bord de l'eau, se tenant sous l'ombre que projette le feuillage (i) Canadian Nai. & GeoL Vol. i, pp di-^^l — 144 — à ces endroits ; puis l'un d'eux imite alors le cri de l'Orignal mâle. S'il s'en trouve un dans le voisi- nage, il répond aussitôt en se dirigeant vers l'en- droit d'où vient ce cri, dans l'espoir de rencontrer un de ses semblables. Un chasseur habile peut alors facilement le tuer. La vue d'une lumière, la nuit, le fascine, le met en fureur, et il se précipite sur elle ; si on l'éteint, sa rage cesse. Il attaque son ennemi ou se défend avec son panache, mais surtout avec ses pieds de devant qui sont des armes terribles. Il est maintenant reconnu que l'élan d'Europe est une espèce distincte de la nôtre. 4. Genre RANGIFER, H. Smith. Animaux de grande taille ; bois délié, lisse, et à ramures palmées, existant dans les deux sexes ; museau assez petit, entièrement recouvert de poils ; gorge portant des poils allongés ; sinus lacrimal extérieur. Rangifer caribou, (Gmeijn). Le Renne caribou. Pelage variant suivant l'âge et les saisons ; ordinaire- ment d'un brun grisâtre en dessus pendant l'été, et d'un gris blanchâtre en hiver ; le dessous du corps et la gorge, blancs. Longueur. 6 pieds ; queue, 6 pcs. Hauteur à l'épaule, 3>^ à 4 pieds. Il pèse environ 250 à 300 livres. Le Caribou, ainsi qu'on le nomme d'ordinaire, vit par bandes dans les épaisses forêts de l'Amérique du Nord ; on le rencontre depuis le nord des Etats- Unis et, dans le Canada, jusqu'à la limite du bois — 145 — au nord, où il est remplacé par une sous-espèce, Varcticus^ qui est de taille plus petite et qui, en été, se voit jusqu'aux régions polaires ; mais en hiver, elle descend au sud jusqu'à la latitude de la Baie d'Hudson, et peut-être même plus bas encore. Le Caribou est un animal aux formes sveltes, aux mouvements aisés et vifs ; il est remarquable par la vitesse de sa course. Il est timide et farouche, un rien le met en éveil et le fait fuir ; aussi le chas- seur qui veut l'abattre a-t-il besoin de toute son énergie et de toute son habileté pour l'approcher sans bruit sans en être vu ni flairé. En effet, aussi- tôt que le Caribou s'aperçoit de la présence de son ennemi, il part avec une telle vitesse, qu'en un instant une grande distance sépare déjà le chasseur de l'objet de sa convoitise ; il est alors inutile d'essayer de le poursuivre s'il y a peu de neige, car il marchera des heures et des jours sans qu'il puisse l'atteindre. On trouve dans le Forester les notes suivantes sur les mœurs du Caribou : « Quant à ses habitudes, tandis que le renne de la Laponie ou de la Sibérie, est le moins farouche et le plus docile du genre, le Caribou d'Amérique en est le plus farouche, le plus agile, le plus sau- vage, le plus soupçonneux et le plus indomptable ; de sorte que les chasseurs blancs le poursuivent rare- ment et ne l'abattent que par hasard. Les Sauvages seuls semblent être doués de la patience et de l'adresse nécessaires pour approcher le Caribou sans en être aperçus, car le flair de cet animal est si subtil (10) — 146 — qu'il peut reconnaître la présence d'un être humain à une distance de deux milles, du côté du vent, sans que le chasseur lui-même soupçonne qu'il est là. Il est inutile d'essayer de le poursuivre quand la peur le fait fuir : c'est comme le vent qui passe .... C'est en vain que le chasseur monté sur ses ra- quettes se mettrait à sa poursuite, car le caribou monté lui-même sur les grandes raquettes natu- relles de ses jambes longues et élastiques, sur ses larges sabots longuement fendus et raisonnants, vole plutôt qu'il ne court sur la croûte de la neige qu'il effleure à peine de ses pieds. Là oij le noble et gigantesque élan s'enfoncerait jusqu'aux épaules et se débattrait en vain, et où le cerf à la course légère tomberait désespéré, implorant en vain la pitié du chasseur, le Renne, ce navire des solitudes glacées, fuit avec célérité parmi les pins et les mélèzes de ces vastes régions. On dirait le droma- daire, fuyant devant le simoun brûlant du Sahara. Une fois que le caribou est lancé, le chasseur le plus endurci à la fatigue et le plus agile peut renoncer à l'atteindre, car la chasse pourra durer un jour,, une semaine et même deux, jusqu'à ce qu'une couche de neige vienne dérober les traces du caribou à la vue du chasseur, qui n'est pas plus près de l'animal que le premier jour ; il ne lui reste plus que la fatigue, le désappointement et le sou- venir de sa folle tentative. « Voilà pourquoi les chasseurs blancs ou sauvages n'entreprennent cette chasse que lorsque la neige, — 147 — déjà à une grande hauteur, est recouverte d'une mince couche de verglas, insufhsante pour suppor- ter le poids du caribou ; la fuite devient alors telle- ment fatiguante, que l'animal est obligé de s'arrêter souvent pour se reposer ; le chasseur peut alors l'atteindre. . . " L'époque la plus propice pour chasser le caribou est la fin de février ou le commencement de mars ; on peut choisir le moment où une petite couche de neige récemment tombée est venue recouvrir l'an- cienne ; cette neige molle amortit le bruit des raquettes, tandis que la croûte de l'ancienne lui offre un pied sûr ; il peut alors poursuivre le gibier à la piste avec silence et rapidité. Le chasseur penché en avant se glisse silencieux, à travers les arbres, traversant les collines et les vallons, suivant la trace du caribou qu'il trouvera errant ou brou- tant les lichens ou les bourgeons de jeunes arbres. Le chasseur vieilli dans cette chasse juge à certains indices inconnus du novice, de la distance ou de la proximité du gibier. Il a le plus grand soin de se tenir sous le vent, car la moindre odeur donnerait l'alarme au caribou. Il approche toujours avec plus de précaution encore, surprend le troupeau et en fait un massacre, ou bien il découvre bientôt que l'animal a pris l'alarme et s'est échappé. » (i) Le bois du caribou tombe ordinairement en jan- vier, et commence à pousser de nouveau en mars ou avril. (i) Voy. Can. Nat. & Geol. Vol. i, pp. 79-80. — iaS — Le Caribou se nourrit des mêmes végétaux que ceux de ses congénères. Il met bas au printemps de un ou deux petits. 6. Ordre FERAE.— Carnivores. Les Carnivores sont, après les rongeurs, les ani- maux les plus nombreux en espèces, et leur distri- bution est très vaste ; on les rencontre en effet depuis les régions glacées jusque sous les zones tem- pérées et tropicales ; mais c'est particulièrement dans ces deux dernières zones qu'ils sont le plus communs. D'un naturel féroce et d'un appétit sanguinaire, secondés par des forces musculaires très grandes, les Carnassiers sèment le carnage et la mort partout où il y a des victimes à immoler. Aussi leur présence seule inspire-t-elle la terreur et l'efïroi aux animaux plus faibles. Quoique instinctivement l'on éprouve une certaine crainte en présence de ces animaux altérés de sang, il faut pourtant admettre qu'ils ont aussi un rôle providentiel à remplir dans la nature, rôle qui consiste à restreindre la trop grande multi- plication des herbivores, qui, sans cette barrière, causeraient des dommages incalculables. Dans les endroits oii les Carnivores n'existent pas, on a sou- vent eu à enregistrer des dégâts fort considérables. — 149 — causés par certaines espèces de rongeurs. Mais d'un autre côté il faut reconnaître que là où ils sont nombreux, ils prélèvent trop souvent de lourdes rançons sur les animaux domestiques. Quoiqu'il en soit, ce sont des voisins fort incommodes. On reconnaît les Carnassiers à leurs mâchoires garnies de dents puissantes et aptes à saisir et déchirer une proie ; chaque mâchoire est armée de six incisives, quelquefois moins, de deux canines fortes et très développées, et d'un nombre variable de molaires. Les membres, terminés par quatre ou cinq doigts, sont armés d'ongles très forts et crochus, qui constituent, pour le plus grand nombre, d'excel- lentes armes offensives et défensives. Les Carnas- siers sont, pour la plupart, également propres à grimper ou à saisir les objets, ou encore à creuser des terriers. Leur cerveau est pourvu de circonvo- lutions à la surface des hémisphères ; l'estomac est simple et le canal digestif court. De tous les Mammifères, ce sont les mieux doués sous le rapport de l'instinct ; leurs sens sont tous très développés, surtout ceux de l'odorat et de l'ouïe, chez certaines espèces. Comme leur nom l'indique, ils se nourrissent exclusivement de chair ; ce n'est qu'exceptionnelle- ment que quelques-uns mangent des fruits ou autres substances végétales. Ils vivent solitaires, par couples, ou se réunissent en bandes pour chasser en commun ; plusieurs élisent domicile dans des antres de rochers ou dans des — I50 — troncs d'arbres creux, ou bien se creusent un ter- rier ; d'autres vivent constamment dans l'eau ou y passent une grande partie de leur vie ; d'autres enfin n'ont point de gîte et errent continuellement. Tous sont monogames. ' L'habitat et les mœurs des Carna3siers,dit Brelim, sont naturellement en rapport avec leur organisation et leurs besoins. Ils se trouvent partout et domi- nent toujours, sur le sol comme sur la cime des arbres, dans l'eau et sous la terre, dans la montagne et dans la plaine, dans la forêt et dans les champs, au nord comme au sud. Ils sont à la fois diurnes et nocturnes, ils poursuivent leur proie pendant le crépuscule aussi bien qu'à la clarté du soleil ou dans les ténèbres de la nuit. « Les plus intelligents forment des sociétés, les autres vivent solitaires ; les plus forts attaquent ou- vertement leur proie, les autres se mettent en embus- cade et sautent à l'improviste sur leur victime. « Les uns vont directement à leur but, les autres emploient des chemins détournés ; tous se dissimu- lent le mieux et le plus longtemps qu'ils peuvent dans l'intention de ne pas effrayer trop tôt leur proie ; quelques rares espèces ont le sentiment de leur pro- pre faiblesse et se sauvent dès que quelque chose leur inspire de l'inquiétude. Ils évitent d'autant moins la clarté du jour, ils sont d'autant plus gais, vifs, animés et aimables, qu'ils sont bien doués du côté de la force ; ils sont, au contraire, d'autant plus nocturnes, moroses, méfiants, farouches et soli- — 151 — taires, qu'ils sont moins favorisés au point de vue physique. La manière dont ils se nourrissent con- tribue aussi à les unir ou à les séparer, à former leur intelligence ou à Témousser. » (i) Les Carnassiers se divisent en deux sous-ordres qui se reconnaissent aux caractères suivants : Membres courts, dirigés en arrière et propres à na- ger ; doigts enveloppés par une extension de la peau ; aquatiques Pixnipedia Membres de longueur moj-enne, disposés pour la progression terrestre Fissipedia I. Sous-ORDRE PINNIPEDL^, Pinnipèdes. Les Pinnipèdes sont des animaux organisés pour la vie aquatique ; leur corps est allongé et recouvert de poils ras et couchés sur la peau ; la colonne ver- tébrale est mobile sur toute son étendue ; leurs pieds, courts et disposés en nageoires, sont envelop- pés dans la peau du corps qui est très distendue à ces endroits ; les doigts sont réunis entre eux par une palmure ; l'oreille externe est nulle ou rudi- mentaire ; les yeux sont grands et vifs ; leur système dentaire est simple ; les incisives supérieures sont ordinairement au nombre de six, parfois de quatre ou même de deux seulement ; les inférieures ne dépas- sent jamais le nombre de quatre ; les canines sont bien développées et atteignent chez quelques espèces des proportions énormes. Ces animaux vivent en troupeaux plus ou moins (i) Brehm, Les Mammifères. Vol. I, p. i8i. — 152 — nombreux. On les rencontre dans presque toutes les mers et les grands fleuves du globe. Ils nagent et plongent avec la plus grande facilité, pouvant demeurer sous l'eau un temps assez long, une ving- taine de minutes à peu près, sans respirer. Leur nourriture consiste en poissons, mollusques, crustacés et autres productions animales de la mer. CLEF POUR LA DISTINCTION DES FAMILLES DE PINNIPÈDES Canines supérieures de longueur moj-enne Phocid.î: Canines supérieures très développées Odob.enid.îî Famille PHOCIDiE, Phoques. Formule dentaire. — i ^^, ?^" ou -— ; c. ^-— î 7n. 5^^. 2 — 2 2 — 2 I — I I — I 5 — 5 Les Phoques ont un corps effilé aux deux extrémités; une tête petite et arrondie ; les canines sont courtes ; les molaires sont à tubercules aiguës ; les membres, courts et aplatis, ne peuvent supporter le poids du corps et sont terminés par cinq doigts très courts et enveloppés dans un des replis de la peau ; tous les Phoques sont recouverts de poils jusque sous la plante des pieds. Ces animaux recherchent le voisinage des côtes ; ils aiment à se reposer sur le rivage, sur les rochers, ou bien ils viennent sur les glaces pour y dormir ou se chauffer au soleil. Autant leurs mouvements dans l'eau sont souples et rapides, autant ils sont pénibles et disgracieux à terre ; ils ne peuvent, en effet, avancer que par bonds et, pour ainsi dire, en rampant. «L'eau est et reste leur véritable élément, dit — 153 — Brehm. Sur terre, ils sont étrangers et maladroits ; dans l'eau, ils se meuvent avec la plus grande rapi- dité. Ils se traînent avec peine sur les falaises et sur les glaçons flottants, et s'y étendent nonchalam- ment, pour se chauffer au soleil ; au premier danger, ils se hâtent de chercher un refuge dans l'eau. Ils plongent et nagent avec la plus grande habileté, sur le dos comme sur le ventre, en avant comme en arrière. Dans l'eau, ils vont, viennent, tournent, se retournent avec facilité ; sur terre ils n'ont qu'un moyen d'avancer ; ils rampent en quelque sorte, comme le font certaines chenilles. Ils se courbent à la façon d'un chat qui fait le gros dos, s'appuient sur le ventre, puis allongent rapidement le corps. Cet acte répété les fait progresser assez vite. Les pattes ne leur servent que quand ils gra- vissent une pente. Sur un sol plat, ils s'appuient dessus, mais si faiblement que l'aide qu'ils en reti- rent est plus apparente que réelle. » (i) Les Phoques sont des animaux sociables que Ton rencontre toujours en bandes. Ils recherchent ordi- nairement leur nourriture durant la nuit. La plu- part sont intelligents, pleins de vivacité, et leur regard est doux et expressif. Réduits en captivité, ils s'apprivoisent assez facilement et on parvient même à leur faire exécuter divers jeux en rapport avec leur capacité physique. La femelle met bas en avril de un ou deux petits, qu'elle dépose sur la glace dans un enfoncement. (i) Brehm. Les Mammifères. Vol. 2, p. 787. — 154 — Les petits naissent revêtus d'une abondante four- rure laineuse ; la mère se montre pleine d'affection pour eux et elle les défend contre ses agresseurs au péril même de sa vie. Les Phoques sont fort nombreux et l'huile que l'on retire de ces animaux, ainsi que leur dépouille, font l'objet d'un commerce considérable, car au- delà d'un million d'individus sont tués annuelle- ment. On les chasse de diverses manières, soit avec des armes à feu, soit en les harponnant, ou encore en les tuant lorsqu'ils viennent se reposer sur les glaces, et c'est de cette dernière façon que le plus grand nombre de ces animaux sont immolés. Outre l'homme, le Phoque a encore pour ennemis quelques gros habitants des mers, et surtout l'ours polaire qui le chasse également sous l'eau comme sur les glaces. Les Phoques sont ordinairement connus sous le nom de Loups marins. I. SoUS-FAMILLE PHOCIN/E. Les phoques appartenant à cette sous-famille sont carac. térisés par six incisives supérieures et quatre inférieures ; chaque pied est pourvu de cinq ongles bien développés. 1. Genre PHOCA, Linné. Incisives petites et coniques, molaires tranchantes, à plusieurs lobes et à racines simples, à l'exception de la première; le premier doigt des membres antérieurs est plus long que les autres. — 155 — Phoca vitulina, Linné. 1/6 Phoque commun. Pelage variable, ordinairement d'un gris jaunâtre en dessus, marbré de brun foncé ou de noir ; le dessous du corps est d'un blanc jaunâtre presque toujours tacheté de brun foncé; certains individus sont d'un jaune brunâtre uniforme en dessus, un peu plus pâle en dessous, ou encore blanc jaunâtre avec le dessus du corps d'un gris foncé, sans aucune tache nulle part. Longueur, 5 à 6 pieds. La femelle est plus petite. C'est le plus commun et le mieux connu des Phoques qui fréquentent le fleuve St-Laurent. Il est aussi un de ceux que l'on voit le plus souvent près de terre ; on le désigne toujours sous le nom de Loup marùi d^ esprit. Sou aire de distribution est considérable, elle s'étend, dans l'Atlantique, de- puis le New Jersey, au nord, jusqu'aux régions arcti- ques et, dans le Pacifique, depuis la Californie et le Kamtschatka jusqu'à la Mer Glaciale. Il aime sou- vent à remonter les fleuves et les grandes rivières ; de temps en temps, il se montre à Québec et à ^lontréal ; on l'a m.ême rencontré dans les lacs Ontario et Champlain. La femelle met rarement bas de plus d'un petit. 2. Phoca fœtida, Fabricius. I — tendu qu'il fait partir lui-même en tirant sur un appât fixé par une corde à la détente du fusil. Un autre moyen de le capturer consiste à tendre une forte trappe qui Técrase lorsqu'il s'empare d'un appât qui y est placé. Pour cela on coupe deux gros morceaux de bois de longueur raisonnable, on en couche un sur le sol et on fixe l'autre au-dessus, dans la même direction, à une hauteur suffisante pour que l'animal puisse passer dessous, puis on charge fortement cette pièce de bois qui doit être disposée de telle sorte que l'Ours, en saisissant l'ap- pât, fait basculer la poutre qui, en tombant avec sa charge, écrase l'animal. Il arrive assez souvent que l'Ours vit encore lorsqu'on le trouve ainsi captif ; il est alors prudent de se tenir à distance de ses griffes comme de ses dents, car il ne ménage aucu- nement ses caresses dans cette circonstance, et plus d'un chasseur a été victime de son imprudence. Audubon nous raconte ainsi les péripéties d'une chasse à l'Ours qu'il fit dans les Etats-Unis du Sud : (, On convînt d'un plan d'attaque : les barrières à l'en- trée ordinaire du champ devaient être abaissées sans bruit ; et de là, hommes et chiens, après s'être parta- gés, s'avanceraient pour cerner les ours ; enfin, au son de nos cornes, on chargerait de tous côtés vers le centre du champ, en criant et faisant le plus de tapage possible ; ce qui ne pouvait manquer d'ef- frayer tellement les animaux qu'ils s'empresseraient de chercher un refuge sur les arbres morts dont le champ était en partie couvert. — 174 — « Notre plan réussit ; les cornes sonnèrent, nos chevaux partirent au galop, les hommes se mirent à crier, les chiens à aboyer et à hurler. Les nègres à eux seuls faisaient assez de vacarme pour épouvanter une légion d'ours. Aussi ceux qui étaient dans le champ commencèrent-ils à détaler ; et quand nous nous rencontrâmes au milieu, nous les entendîmes qui grimpaient en tumulte vers la cime des arbres. On fit immédiatement allumer de grands feux par les nègres ; la pluie avait cessé, le ciel s'était éclairci, et l'éclat de ces flammes pétil- lantes nous fut d'un grand secours. Les ours avaient été pris d'une telle panique, que nous pûmes en apercevoir quelques-uns qui s'étaient blottis entre les plus grosses branches et le tronc. On en abat- tit deux sur le coup : c'était des oursons de petite taille ; et comme ils étaient déjà plus d'à demi- morts, on les abandonna aux chiens, qui les eurent promptement dépêchés. « Nous ne cherchions qu'à nous amuser le plus possible. Ayant remarqué l'un des ours qu'à l'ap- parence nous jugeâmes être la mère, nous ordon- nâmes aux nègres de couper par le pied l'arbre sur lequel elle était perchée. Il avait été préalable- ment convenu que les chiens auraient à s'escrimer avec elle, et que nous, nous les appuyerions et vien- drions à leur aide, en blessant l'animal à l'une des jambes de derrière pour l'empêcher de s'échapper. Et déjà retentissait dans les bois le bruit de la hache répété par les échos d'alentour ; mais l'arbre était gros, d'un bois très dur, et l'opération menaçait d'être longue et fatigante. A la fin pourtant, on le vit qui tremblait à chaque coup ; il ne tenait plus que par quelques pouces de bois ; et bientôt, avec un effroyable craquement, il tomba sur la terre avec une telle violence, que sans doute commère l'ourse dût en ressentir un choc aussi terrible que le serait pour nous la secousse de notre globe produite par la collision subite d'une comète. (( Les chiens s'élancèrent à la charge, harassant à l'envi la pauvre bête ; et nous, étant remontés à cheval, nous la tenions enfermée de tous côtés. Comme sa vie dépendait de son courage et de sa vigueur, elle déploya l'un et l'autre avec toute l'éner- gie du désespoir ; tantôt, saisissant l'un des chiens, qu'elle étranglait à la première étreinte ; tantôt, d'un coup bien appliqué d'une de ses pattes de devant, vous en envoyant un autre brailler au loin d'une façon si piteuse, qu'on pouvait dès lors le regarder comme hors de combat. L'un des assaillants, plus rude que les autres, avait sauté au nez de l'ourse et y restait bravement pendu ; tandis qu'une douzaine de ses camarades faisaient rage à son derrière. L'ani- mal, rendu furieux, roulait autour de lui des regards altérés de vengeance ; et nous, de peur d'accident, nous songions à en finir lorsque, tout à coup et avant que nous pussions tirer, d'un seul bond il se débarrasse de tous les chiens et charge contre l'un des nègres qui était monté sur un cheval pie. L'ourse saisit le cheval avec ses dents et ses griffes, et se - 376- colle contre son poitrail ; le cheval, épouvanté, se met â renifler bruyamment et s'abat. Le nègre, jeune homme d'une force athlétique et excellent cavalier, avait gardé la selle qui ne consistait pourtant qu'en une simple peau de mouton, mais heureusement bien sanglée, et il priait son maître de ne pas faire feu. Nonobstant tout son sang-froid et son cou- rage, nous frémissions pour lui, et notre anxiété redoubla quand nous vîmes homme et cheval rou- ler ensemble sur la poussière. Mais ce ne fut que l'affaire d'un instant ; Scipion s'y était pris en maî- tre avec son redoutable adversaire ; d'un seul coup de sa hache, bien assené, il lui avait fendu le crâne ! Un sourd et profond grognement annonça la mort de l'ourse ; et déjà le vaillant nègre était sur ses pieds, triomphant et sain et sauf. « L'aurore commençait à poindre ; nous conti- nuâmes nos recherches. Les deux ours qui restaient furent bientôt découverts ; ils étaient juchés sur un arbre, à environ cent pas de l'endroit où le dernier venait de succomber. Quand nous les eûmes cernés, nous reconnûmes sans peine qu'ils n'étaient pas d'humeur à descendre. En conséquence, on réso- lut de les enfumer. Un tas de broussailles et de grosses branches fat apporté au pied de l'arbre qui, sec comme il Tétait, ne tarda pas à présenter l'appa- rence d'une colonne de feu. Les ours grimpèrent à l'extrémité des branches. Quand ils furent tout à fait au bout, on les vit un moment hésiter et chan- celer ; puis les branches craquant et enfin ayant — ^11 — éclaté, ils dégringolèrent, en entraînant avec eux une niasse de menu bois. Ce n'étaient non plus que des oursons ; les chiens les eurent promptement mis à mort. )> (i) Lorsque l'Ours est pris jeune, il s'apprivoise assez facilement et on parvient même à lui faire exécuter certains exercices. 2. Genre THALARCTOS, Gray. Corps allongé, surtout en avant ; haut sur jambes ; pieds robustes ; plante des pieds garnie de longs poils ; tête un peu plus petite que chez le genre précédent. Thalarctos maritimus, (Phipps.) L'Ours polaire. Pelage blanc, parfois teinté de jaunâtre. L,ongueur, 8 à 9 pieds; pesanteur, environ looo Ibs. L'Ours polaire ou Ours blanc, habite les régions glacées du cercle arctique et, si loin que l'homme ait pu pénétrer dans le nord, il a toujours rencontré ce singulier animal, qui semble se plaire au milieu des neiges et des glaces éternelles et que les froids les plus intenses et les tempêtes les plus violentes n'importunent nullement. L'Ours blanc est commun dans ces contrées déser- tes et, sur notre continent, il se montre au sud jus- qu'aux environs de la Baie d'Hudson et celle de Baffin, où il est encore assez commun. Il arrive quelquefois qu'il se laisse entraîner par les glaces (i) Audubon. Trad. de Bazin. Scènes de la nature. Vol. I, pp. 374-377, (-0 - 178 - vers le sud jusqu'au milieu de l'océan, où il trouve la mort. On l'a rencontré quelquefois sur la côte nord du Labrador, vers le détroit de Belle-Ile, et même plus haut. Cependant ce n'est que par accident qu'il quitte sa solitude pour descendre vers le sud. Fig. 24.— Ours polaires. Il se nourrit particulièrement de phoques qu'il surprend ou poursuit sur les glaces, favorisé autant par sa couleur blanche que par la facilité avec laquelle il peut marcher sur cette surface glissante ; à l'occasion il se contente de ronger les carcasses de baleines, de phoques ou de poissons, que les vagues rejettent sur la plage ; en un mot, il mange de tout — 1/9 — ce qu'il peut rencontrer dans ces régions désertes. L'Ours blanc marche avec autant de rapidité sur la glace que sur la terre ; il nage et plonge avec une grande aisance. En été, il chasse les phoques et les poissons qu'il poursuit sous Peau et qu'il réus- sit souvent à capturer. En hiver, si l'Ours aperçoit des phoques se repo- sant sur les glaces, aux alentours d'un trou d'eau libre, d'oii ils sont sortis — et prêts à s'y précipiter au premier danger — il nage sous la glace dans cette direction, puis tout-à-coup il émerge du trou, au grand effroi de ces pauvres animaux qui voient s'évanouir leur unique chance de salut, se trouvant ainsi à la merci de l'un de leurs plus terribles en- nemis, qui en fait alors un massacre. Les sens de l'odorat et de la vue sont très déve- loppés chez l'Ours polaire ; il perçoit les objets de très loin, comme il flaire également les cadavres à des distances incroyables. Il est bien rare que l'Ours blanc se montre agressif pour l'homme si ce dernier ne le provoque. « Il faut, dit Brehm, que sa faim soit bien vive pour qu'il attaque l'homme sans y avoir été provoqué ; d'ordinaire il s'enfuit à son approche. Mais si on le pousse au combat, il fait front et se retourne contre son ennemi. C'est l'adversaire le plus terrible que l'homme puisse ren- contrer dans ce pays. Celui qui l'a défié ne peut se sauver qu'en le tuant. Une balle qui ne l'atteint pas au cœur ou à la tête ne fait qu'augmenter sa rage et grandir ainsi le danofer. Il saisit une lance entre — i8o — ses dents, la brise ou l'arrache des mains de son assaillant. On raconte bien des malheurs qu'il a causés, et plus d'un baleinier a payé de sa vie la témérité qui l'a poussé à combattre l'ours blanc. » (i) La femelle met bas de un à trois petits ; elle a pour eux la plus grande sollicitude, les soigne et les défend au péril même de sa vie. Les auteurs nous ont laissé le récit de plusieurs exemples touchants de cet amour maternel dont les femelles font preuve pour leur progéniture. Je n'en citerai qu'un qui a été rapporté par l'équipage du navire La Carcasse : « Pendant que le bâtiment était emprisonné dans les glaces, on signala du haut des hunes trois ours blancs qui s'acheminaient vers le bâtiment, attirés par l'odeur de la viande de morse que les matelots fai- saient cuire sur la glace. C'était une ourse condui- sant deux oursons déjà presque aussi forts que leur mère. Ils se précipitèrent sur le foyer, saisirent un grand morceau de viande que le feu n'avait pas encore consumée, et le dévorèrent. L'équipage leur lança d'autres morceaux, la mère les ramassa et fit la distribution, donnant à ses petits la plus grosse part. Au moment oii elle prenait le dernier mor- ceau, les matelots firent feu sur les deux oursons qui restèrent sur la place ; ils tirèrent aussi sur la mère, qui fut atteinte mais non abattue. Son déses- poir eût ému les cœurs les moins accessibles à la compassion ; sans faire attention aux blessures dont elle était couverte, au sang qu'elle répandait, elle (i) Brelini. Les 3fainmi/ùres. Vol. i. p. 693. — i8i — ne s'occupait que des deux oursons, les appelait par des cris lamentables, plaçait devant eux la part de nourriture qu'elle s'était réservée et la leur dépe- çait ; comme ils restaient immobiles, ses gémisse- ments devinrent encore plus touchants ; elle essaya de relever les pauvres créatures, et reconnaissant l'impuissance de ses efforts, elle s'éloigna de quel- ques pas, renouvela ses appels, revint auprès des deux morts, lécha leurs blessures et ne les quitta que lorsqu'elle fut bien convaincue qu'ils avaient perdu la vie. Alors, elle tourna lentement la tête vers le navire, avec des rugissements de colère et de désespoir qui semblaient accuser les meurtriers. Les matelots lui répondirent par une nouvelle décharge ; elle tomba à côté de ses petits et mourut en léchant leurs blessures. » (i) La chasse à l'Ours blanc se fait au fusil, et est très dangereuse. Une fois blessé, il marche droit sur son assaillant, et si ce dernier ne peut lui envoyer une seconde balle au cœur, il est perdu, car doué d'une force extraordinaire cet animal triomphe tou- jours de son ennemi. Capturé jeune, l'Ours polaire s'apprivoise assez facilement, mais en vieillissant il devient méchant. Il souffre beaucoup de la chaleur. Son attitude haletante et le balancement continuel de sa tête, lui donnent une singulière apparence. (i) Brehm. Les Mammifères, Vol. i., p. 69= — l82 — 3. Famille MUSTELID-Sl. Loutres, Hermines, etc. Ces animaux ont les oreilles courtes et arrondies ; leurs pieds sont terminés par cinq doigts ; ils sont plantigrades ou digitigrades ; la plupart sont pourvus de deux glandes anales spéciales sécrétant un liquide fétide qui, chez cer- taines espèces, peut leur servdr de moyen d'attaque ou de défense ; leurs dents sont au nombre de trente-deux à trente-huit ; ils possèdent une paire de dents tuberculeuses à chaque mâchoire. C'est parmi les petites espèces que se recrutent les animaux de cette famille, bien que cependant certaines d'entre elles soient de taille moyenne ; tous sont bas sur jambes et leur corps, ordinairement allongé, leur a valu, pour la plupart d'entre eux, la dénomination de vermiforme. Quoique petits et faibles et en apparence inofïen- sifs, ces animaux sont pourtant cruels et féroces ; ils se montrent altérés de sang, et égorgent souvent beaucoup plus de victimes qu'il ne peuvent en man- ger ; ils sont méfiants, rusés et courageux. On les rencontre dans toutes les parties du monde, excepté en Australie. Ils vivent par bandes, par couples, ou isolément ; tous peuvent grimper et, au besoin, peuvent égale- ment nager ; quelques-uns même sont d'excellents nageurs ; ils se creusent des terriers ou s'emparent des trous creusés par des animaux plus faibles, qu'ils égorgent ; ou bien ils se fixent dans des troncs d'ar- bres creux, sous des racines, dans des fentes de - iB5- rochers, sous des amas de roches. Ils voient égale- ment bien le jour comme la nuit ; mais c'est surtout pendant la nuit qu'ils recherchent leur nourriture. Ils vivent de petits mammifères, d'oiseaux, d'œufs, de reptiles, d'insectes, quelques-uns de poissons ; d'autres sont omnivores. Leur fourrure, pour la plupart, est très estimée, et par le haut prix qu'elle commande sur le marché, elle fait l'objet d'un commerce considérable ; voilà pourquoi on sacrifie chaque année, un très grand nombre de ces animaux, afin de se procurer leur dépouille. Ainsi dans une seule année, en 1868, la compagnie de la Baie d'Hudson a vendu plus de 100,000 peaux de martes ; 73,000 de visons ; 14,000 de loutres ; 6,000 de moufettes ; i, 100 de carcajous ; 1,500 de blaireaux; 123 de loutres de mer, sans compter toutes celles qui ont été vendues par d'autres compagnies, des chasseurs et trappeurs isolés. I. SoUS-FAMILLE LUTRIN.-E. Formule dentaire. — /. 5^ c. ^-^ pm. ^-^ m. ^-^ 3-3 i-i 3-3 2-2 Corps gros, allongé, cylindrique ; pieds courts, forts ; doigts palmés, adaptés pour la vie aquatique ; queue longue, conique et déprimée ; tête petite ; museau obtus ; oreilles petites. Genre LUTRA, Linné. Mêmes caractères que ceux de la sous-famille. — i84 — Lutra canadensis, (Schreber). La lyoutre du Canada. Pelage d'un brun noirâtre lustré, moins foncé aux par- ties inférieures, particulièrement sous la gorge et le dessous du cou ; le fond du poil est d'un blanc jaunâtre. Tête arrondie ; j-eux petits. Longueur, 30 ; queue. 15. La Loutre habite l'est de l'Amérique du Nord. On la rencontre sur les bords de presque tous nos lacs et rivières, près desquels elle établit sa demeure dans un terrier qu'elle creuse à cet effet. Comme ses congénères d'Amérique et de l'ancien continent, elle est essentiellement organisée pour la vie aqua- tique, et elle nage et plonge avec la plus grande facilité, pouvant même demeurer sous l'eau un temps assez long. Sa nourriture consiste surtout en poissons qu'elle saisit fort adroitement ; elle mange aussi des grenouilles, des crustacés, des petits mammifères, etc. Lorsqu'elle a capturé un poisson, elle l'emporte sur la rive ou dans son trou, pour le manger ; Sur terre sa démarche est loin d'être embarrassée, mais c'est surtout dans l'eau qu'elle montre le plus d'élégance dans ses mouvements. Elle peut nager, dit-on, un quart de mille avant de venir respirer à la surface. En hiver, la Loutre parcourt souvent de grandes distances a&n de trouver, dans les chutes ou dans les rapides, quelque place d'eau libre. Dans ses pé- régrinations, si elle est rencontrée par des chasseurs qui la poursuivent, elle se sauve en s'élançant sur i8 — i86 — la neige, glissant ainsi sur le ventre l'espace de plu- sieurs verges et exécutant ces mouvements avec tant de rapidité que son agresseur peut à peine la suivre. Il arrive même souvent qu'il ne peut s'en emparer. Un fait singulier à noter dans les habitudes des Loutres ce sont ces glissades qu'elles entreprennent sur les pentes inclinées des rivières et des lacs, ou bien en hiver sur la glace et la neige, et cela dans le seul but apparent de s'amuser. Même là où la pente est rapide, et qu'elles ont beaucoup de peine à parvenir jusqu'au sommet, cette difficulté ne les empêche pas de se livrer à cet exercice favori. Audubon, entie plusieurs auteurs qui rela- tent ce fait, nous dit qu'un jour, alors qu'il se reposait sur le bord d'un ruisseau qui se décharge dans l'Ohio, près d'Henderson, il vit deux Loutres qui, ne le remarquant pas, firent l'ascension de la. rive et commencèrent à s'amuser en glissant sur cette surface vaseuse n coulante comme du savon, '> et cela avec la rapidité d'une flèche ; elles firent ainsi vingt-deux glissades avant qu'il ne îes déran-^ geât. Lorsque la Loutre est prise jeune, elle s'appri- voise aisément et finit par suivre son maître comme un chien ; elle est intelligente, enjouée et se montre docile. M. A. Dickson, qui a gardé une Loutre en capti- vité et en a étudié les mœurs, nous donne les ren- seignements suivants : « La Loutre vit principale- - i87 - ment de poisson, mais elle mange également toute espèce de chair ; il est surprenant de voir la quan- tité de chair qu'elle mange dans l'espace de vingt- quatre heures ; nuit et jour elle marche, soit pour chercher sa nourriture, soit pour s'amuser. Ses habitudes diffèrent beaucoup de celles du castor, car ce dernier a une habitation locale, tandis que la Loutre voyage sans cesse d'un étang ou d'un lac à un autre, quoique toutefois elle visite régulière- ment ses endroits favoris, où elle a ce que l'on appelle ses glissoires, qui sont situées sur le bord d'une rivière ou d'un lac, où elle roule ou glisse le ventre contre terre ; c'est aussi sur la rive, près de ces lieux, qu'elle fait son terrier. J'ai vu une Loutre,ce qui peut paraître singulier,mettre bas dans un tronc d'arbre mort, à environ un mille de l'eau..... « On capture ordinairement la Loutre au moyen d'un piège placé, soit dans l'eau, soit sur terre, à l'entrée de son trou ou aux alentours de sa glissoire ; il doit être recouvert de feuilles. Lorsqu'elle est prise au piège par une patte de devant, elle ne la coupe pas pour recouvrer sa liberté, comme le font le castor et le rat musqué. K Dans ses courses vagabondes, elle tombe souvent sous les coups du chasseur lorsqu'il la rencontre dans le bois, surtout s'il est accompagné d'un bon chien. « Lorsque la Loutre est poursuivie et qu'elle échappe à son agresseur en se précipitant dans un étang ou dans un lac, presque toujours elle en sortira — I«« — immédiatement sur la rive opposée pour se rendre à ■quelqu'autre lac, et si le chien a l'habitude de la chasser, il la suivra en contournant le lac jusqu'à ce qu'il retrouve sa piste. Il est à ma connaissance qu'une Loutre traversa cinq petits lacs et qu'elle se réfugia dans un arbre creux où elle fut tuée. Il faut un bon chien pour terrasser une Loutre, car elle a des dents plus aiguës qu'aucun autre qua- drupède du Canada, et aussi parce qu'elle possède une peau épaisse et lâche qui la protège. (! Lorsque la Loutre est prise jeune, elle aime à jouer et montre beaucoup d'attachement. J'en avais une aussi domestiquée qu'un chien ; elle me suivait partout autour de la ferme et dans le village, mais elle préférait parcourir le bord d'une rivière. Lorsque je faisais une excursion en canot, elle sai- sissait parfois un poisson. Le nombre de grenouilles qu'elle tuait était étonnant ; cependant je ne lui en ai jamais vu manger ; mais elle semblait prendre plaisir à les capturer, pour les laisser de côté dès qu'elle en apercevait une autre. Dans une de ces excursions, elle parut tout à coup inquiète et elle faisait beaucoup de bruit ; je me retournai pour voir ce qu'il y avait et je m'aperçus qu'elle était en présence d'une grosse tortue qui se trouvait dans les joncs sur la rive ; elle sembla contente lorsque j'allai vers elle, car elle ne pouvait rien faire de cet animal. Elle se régala de sa chair lorsqu'elle fut coupée par morceaux. Je ne crois pas qu'une loutre puisse tuer une grosse tortue. — i89 — « Lorsque je prenais ma ligne pour aller pêcher^ elle paraissait tout à fait joyeuse ; je n'ai jamais vu un chien aimer plus un fusil qu'elle n'aimait à voir une perche de ligne. Elle allait peut-être une dou- zaine de fois par jour pêcher pour son propre compte, étant toujours accompagnée d'un jeune chien de berger, qui se tenait sur le haut d'un radeau, suivant tous les mouvements de son amie au milieu de la gente poissonneuse. Avant que la Loutre eût songé à se faire un trou pour s'y réfugier, elle et le chien couchaient en- semble enlacés. « Je coupais fréquemment un poisson par mor- ceaux que je jetais dans la rivière, du pont où je me trouvais ; aussitôt la Loutre s'élançait en ligne droite dans l'eau, mais avant qu'elle y fut arrivée, un grand nombre de petits poissons se disputaient ces morceaux ; Nekeek — c'était son nom — mettait bientôt fin à ces disputes en saisissant le premier des poissons qui se présentait. Si ces derniers se sauvaient, elle s'emparait toujours des morceaux du poisson jetés à l'eau, et, pour les manger, elle nageait vers la rive, tantôt sur le dos, tantôt sur ses pattes. Lorsqu'elle mangeait, elle se tenait la tête élevée et elle fermait les yeux ; c'est ce qui explique le succès que j'obtenais quand je tuais au fusil des Loutres au moment où elles prenaient leur nourri- ture. « Quand celle que je gardais avait fini de pêcher, on était sûr qu'elle viendrait se rouler sur les tapis — iço -si elle pouvait pénétrer dans la maison, et quand •elle ne le pouvait pas, elle venait se frôler le long des jambes de quelques amis ou sur n'importe quel chien de la maison s'il dormait . . . (( Elle se creusa un trou dans le jardin et se con- fectionna un logis confortable sous le perron de la porte de derrière, où elle passa ensuite ses nuits sur un lit de paille qu'elle y avait transporté. a Comme tout être animé, Nekeek eut une fin et, à l'instar de plusieurs d'entre eux, elle périt dans l'élément qui faisait ses plus grandes délices. Elle avait, dans un moulin, des amis qui souvent lui donnaient une anguille pour son déjeuner, puis elle passait là une partie de la journée ; lorsqu'un jour elle se trouva engagée dans une des roues du moulin où elle se noya . . . Après cet accident, le petit chien passa bien des heures sur le radeau, cherchant des yeux s'il verrait dans l'eau son amie disparue. » (i) La Loutre met bas, vers le milieu d'avril, de deux petits qu'elle dépose dans son terrier, sur un lit d'herbes et de feuilles. La Loutre est très recherchée pour sa fourrure, et chaque année on en tue un nombre considérable. 2. Sous-FAMiLLE MEPHITIN^. Molaire de la mâchoire supérieure quadrangulaire, large, très forte ; ongles non rétractiles ; ceux des doigts anté- rieurs aptes à creuser la terre; démarche plantigrade; habitudes terrestres. (i) Canadian i\at. and Geol. Vol. i, pp. 230-231. — 191 — Sous l'empire de la crainte ou de la colère ces animaux répandent, au moyen de glandes spéciales très développées, une odeur fétide qui les distingue suffisamment de ceux des autres genres de la famille et même de tous les quadrupèdes. Leurs mouve- ments sont lents. Genre MEPHITIS,, Cuvier. Formule dentaire. — /. ^^ c. lll^^ pm. 5^; m. ^— ^ Taille mo3'enne ; museau allongé et comme tronqué ver- ticalement au bout ; queue longue et touffue, relevée en panache ; ongles des pieds de devant longs, peu recourbés ; oreilles courtes et rondes ; pieds courts. Mephitis mephitica, (Shaw). La Mouffette commune. Pelage noir, ordinairement long, surtout à la queue ; une étroite bande blanche sur le front et une large tache de même couleur sur la nuque, qui se prolonge en deux bandes sur les côtés du dos jusque près de la queue ; cette dernière est noire, avec du blanc au bout, presque tous les poils de la queue sont blancs à la base. Longueur, 14K ; queue, 8j^ Cette espèce commune habite Test de l'Amérique du Nord, depuis la baie d'Hudson jusqu'au Texas. La Moufette est un joli petit animal timide et peu farouche, aux mouvements lents, et que l'on prendrait à première vue pour un petit chien ; mais elle possède un moyen de défense que n'oublient pas ceux qui en sont les victimes. C'est ce qui la fait détester et fuir par tous ceux qui la connaissent. — 192 — Sous rinfluence de contractions musculaires, les glandes anales projettent au dehors, à une distance de dix à quatorze pieds, un liquide jaunâtre qui répand une odeur si fétide que nul animal ne peut en supporter les émanations sans en être pour ainsi dire suffoqué ; voilà pourquoi elle est connue sous la dénomination bien méritée de Bête puante. Fig. 26. — L,a Moufette commune. Lorsque la ^Moufette aperçoit son ennemi, au lieu de fuir, comme le feraient les animaux faibles, elle s'arrête, présente son train de derrière, relève sa queue touffue, laissant apercevoir l'orifice de deux — ^93 — glandes anales, puis lorsqu'elle juge son agresseur suffisamment proche, elle lance sur lui son liquide fétide en deux jets, qui s'étendent à mesure qu'ils s'éloignent. La ^loufette est connue depuis longtemps, et Sagard qui, le premier, en fait mention, la désigne sous le nom de Enjaii du diable. Comme la plupart des mammifères, la Moufette est nocturne ; mais on la rencontre souvent aussi le jour. Elle se nourrit de petits mammifères, de gre- nouilles, d'oiseaux, etc., et lorsqueile se trouvera à proximité des fermes, elle égorgera des poules, volera des œufs, boira du lait et cela sans trop se soustraire à l'œil du fermier, qui la tuera invariablement ; aussi est-elle souvent victime de la trop grande confiance que lui inspire son unique moyen de défense, qui ne réussit pas toujours à éloigner ses ennemis, car les loups et certains chiens la tuent en dépit de sa mauvaise odeur ; il en est de même du grand duc, qui en fait quelquefois sa proie. Audubon nous dit « qu'il n'y a aucun quadrupède sur le continent de l'Amérique du Nord dont la présence soit plus généralement détestée que celle de la Moufette ; de là nous pouvons conclure que, quoique nous ayions à craindre des animaux qui sont gros et forts, cependant ceux qui sont faibles et insignifiants en apparence, peuvent avoir le pou- voir de nous importuner au delà même de ce que nous pouvons supporter. (13) — Î94 — (( Dans l'espèce humaine nous constatons quelque- fois qu'une faculté spéciale a reçu un développement .extraordinaire, résultat d'une étude constante d'un sujet spécial, tandis que, d'un autre côté, l'intelli- gence de l'individu peut être bien ordinaire. La même remarque s'applique également à n'importe quel organe du corps qui, par un emploi constant, (tels que les organes du toucher chez les aveu- gles) se perfectionne jusqu'à remplacer ceux qui font défaut. Mais chez les animaux inférieurs, ce développement dans un organe particulier résulte de sa conformation spéciale ou de l'instinct ; ainsi la force du rhinocéros repose dans sa corne nasale ; celle du sanglier, dans ses énormes défenses ; la sécu- rité du kangaroo dépend de ses membres postérieurs qui, non seulement lui permettent de faire des sauts prodigieux, mais encore de donner de forts souf- flets ; le bœuf attaque ses ennemis avec ses cornes ; le venin mortel du serpent à sonnettes est communi- qué au moyen de ses crochets, et l'abeille avec son aiguillon peut tuer quelques-uns de ses ennemis. <- D'un autre côté pour attaquer ou se défendre, ces animaux sont comparativement faibles. « Quoique armée de griffes et de dents assez fortes et assez aiguës pour capturer sa proie, la Moufette ne court pas vite et, d'apparence timide, elle serait incapable d'échapper à ses ennemis, si elle ne pos- sédait pas un moyen de défense qui fait fuir les animaux même les plus féroces, leur fait frotter le nez contre la terre et se rouler ou culbuter sur le — 195 — sol, comme s'ils étaient en convulsions. Assez sou- vent même, le plus brave de notre fière espèce est forcé par ce petit animal à changer d'idée, à se boucher le nez, et à courir comme si un lion était sur ses talons. t Parmi les premiers spécimens d'histoire natu- relle que nous avons essayé de nous procurer, ce fut la Moufette et, cette fois-là, c'est par le sens de l'odorat que fut gravé dans notre esprit le sage conseil qui dit de regarder devant soi avant de marcher. « Un soir, au temps où nous étions écolier, le soleil venait de se coucher. Comme nous revenions tran quillement de chez un voisin, nous vîmes devant nous, dans le sentier, un beau petit animal, gentil comme un petit chat, marchant doucement ; il s'arrêta comme s'il eût voulu nous attendre, levant en l'air sa queue touffue, se détourna et nous regarda comme de vieilles connaissances. Nous nous arrêtâmes et le regardâmes fixement. Qu'est-ce que c'est ? ce n'est pas un jeune chien ni un chat, il est plus gentil que cela ; il semble désireux de nous tenir compagnie et, semblable à un caniche favori, il paraît très heureux lorsque nous avançons vers lui. Quel beau petit animal à emporter dans nos bras à la maison î il semble trop gentil pour mordre, prenons-le. Nous courons vers lui, il ne fait aucun pas pour fuir, il nous attend et il lève sa queue comme pour nous inviter à la prendre ; nous la sai- sissons à l'instant, l'empoignant avec l'énergie d'un — 196 — avare qui s'empare d'une cassette de diamants, et . . . Pouah ! nous sommes suffoqués, les yeux, le neZ) la figure sont soudainement arrosés avec le fluide le plus horrible et le plus fétide. Imaginez vous-même, lecteur, notre surprise, notre dégoût et cette odeur qui nous rendait malade ; nous laissâmes là le petit animal et prîmes notre course, trop entêté pour crier, mais trop alarmé et déconfit dans le moment pour songer à nous rendre compte de ce qui était la cause de notre infortune, effective- ment désabusé, quant au caractère de douceur et de gaieté apparentes de cette petite bête, (i) » La INIoufette fait quelquefois son nid dans un arbre cre^x, dans des crevasses de rochers ; mais le plus souvent elle creuse, près de la surface du sol, un terrier de six à huit pieds de longueur qui se ter- mine par un agrandissement capable de contenir plusieurs individus. Les Moufettes, à l'instar des animaux hibernants, s'engourdisent en hiver, mais ce n'est que tard à l'au- tomne qu'elles s'enferment dans leurs gîtes. Elles se réunissent en famille pour cette fin, et l'on en a rencontré jusqu'à quinze qui avaient passé l'hiver dans un seul terrier Dans le sud, où l'hiver est peu rigoureux, elles ne s'endorment point à cette saison de l'année. Lorsque la Moufette est prise jeune, elle s'appri- voise facilement ; elle est joyeuse, manifeste beau- Ci) Audubon, Quadriipeds of N. A. Vol. i. p. 321. — 197 — coup d'attachement pour son maître et le suit comme un petit chien. Elle met bas en mai, de huit à dix petits. On utilise sa fourrure sous le nom de Marte d'' Alaska. 3. Sous-famille MELIX^. Molaire de la mâchoire supérieure très grosse, sub-trian- gulaire, tuberculeuse ; ongles des doigts antérieurs très allongés, disposés pour fouir ; doigts non-rétractiles. Ces animaux ont une démarche presque ram- pante ; leurs habitudes sont nocturnes ; ils ne grim- pent pas ; ils se creusent des terriers. La longueur démesurée des ongulés des doigfts antérieurs les distin- guent facilement des autres espèces de cette famille. Genre TAXIDEA, Waterhouse. Formule dentaire. — i. ''-^ c. ~ pm. ^—^ m. ^^ 3—3 i-i ^ 3—3 2-2 Corps court et trapu, bas sur jambes ; pelage long et lâche ; queue très courte. Taxidea araericana, (Boddaert). I c. ^-^ tm ^—^ 7n. ^^ 3-3 I— I. ^ ' 4—4 2-2 Corps allongé ; museau pointu ; queue touffue, plutôt longue, cylindrique ou terminée en pointe ; digitigrades ; plante des pieds recouverte de poils à l'exception d'un endroit nu sous les doigts ; ongles longs, recourbés et aigus ; un petit tubercule sur le côté interne de la première molaire inférieure ; pelage long et so3-eux. Les Martes sont légères et souples dans leurs mouvements ; elles grimpent avec une grande agi- lité et passent une bonne partie de leur vie sur les arbres. 1. Mustela americana, Kerr. I/a Marte d'Amérique. Pelage très variable suivant l'âge et la saison ; ordinai- rement d'un jaune rougeâtre ou brun orangé, entremêlé de noir, ce qui lui donne parfois une teinte brune ; plus clair ou jaunâtre aux alentours de la tête, sous la gorge et sous le ventre ; les jambes et la queue sont noirâtres. Longueur 14-16 ; queue, S. La femelle un peu moins. La ]\Iarte est commune dans l'Amérique septen- trionale, depuis la limite nord des régions boisées jusque dans le nord des Etats-Unis, et de l'Atlan- tique au Pacifique. Dans certains endroits, elle^est même très com- mune. Elle se plaît au milieu des épaisses forêts •qu'elle ne quitte jamais, et oii elle trouve une ample — 212 — nourriture dans les lièvres et autres petits iiîammi- fères, qu'elle poursuit aussi bien à terre que sur les arbres, et Técureuil, tout agile qu'il est, n'est pas toujours à l'abri de sa dent meurtrière. Elle fait beaucoup de ravages chez les perdrix et autres oiseaux qui nichent à terre ou sur les arbres, et dont elle dévore les petits ou les œufs ; elle s'approche de ces oiseaux en rampant, et s'en empare avant même qu'ils aient pu soupçonner sa présence. Elle ne dédaigne pas non plus les charognes, ni le poisson. ^î*\t Fig. 29. — La Marte d'Amérique. Lorsqu'elle est molestée, elle se défend éuergique- ment avec ses griffes et avec ses dents, qu'elle montre en se contractant les lèvres ; elle hérisse son poil, se courbe le dos et gronde comme un chat. Elle établit son eîte dans des troncs d'arbres — 213 — creux, dans des nids d'écureuils qu'elle agrandit selon ses besoins, ou encore sous des racines. On capture bien facilement la Marte au piège ou au moyen d'une trappe quelconque, dans lesquels on place comme appât des morceaux de chair, du poisson, ou une tête d'oiseau quelconque. Dans les endroits où se fait la chasse à la Marte, les carcajous, les loups et même les pécans causent beaucoup d'ennuis aux trappeurs, en s'emparant des Martes captives et détruisant en même temps les trappes, tout en enlevant les appâts. Il est des exemples oii, sur une longueur de cinquante milles, 150 trappes qui avaient été tendues furent détruites soit par les loups soit par les carcajous, au grand désespoir de leurs propriétaires. La femelle met bas vers la fin d'avril de quatre à six petits. 2. Mustela pennantii, Erxleben. I/a Marte de Pennant. Le pelage varie suivant l'âge et les saisons, mais il est ordinairement noirâtre ou brun noirâtre aux parties postérieures, 3^ compris la queue, le ventre et les jambes ; le reste du corps, aux parties antérieures, de couleur plus claire. Queue touffue ; doigts armés d'ongles forts et cro- chus. Longueur, 20 à 22 ; queue, 14. Cette Marte, appelée aussi Pècan^ est bien moins commune chez nous que la précédente, et sa fourrure atteint aussi un prix beaucoup plus élevé. Elle se rencontre sur une grande partie de l'Ame- — 214 — rique septentrionale, mais elle est moins rare vers le nord où on la retrouve jusqu'au 65° de lati- tude. L,a forte taille de cette Marte, sa queue touffue et sa tête allongée la feraient prendre, à première vue, pour un jeune renard. Le Pécan aime la solitude des épaisses forêts, et préfère les terrains bas et humides à ceux qui sont secs et élevés. Il se nourrit de petits quadrupèdes, tels que liè- vres, souris, mulots, et autres ; il ne dédaigne ni les perdrix, ni les grenouilles, pas même la Marte d'Amérique, sa voisine, qu'il poursuit sur les arbres, ainsi que l'attestent les observations des chasseurs. Sir John Richardson dit que cet animal détruit beaucoup de grenouilles ; et qu'il s'empare du porc- épic en le mordant sous le ventre, seul endroit où il n'y ait point de piquants ; mais cette assertion est mise en doute par Audubon. Cependant M. Gilpin, de la Nouvelle Ecosse, dit avoir trouvé des piquants de porc-épic dans l'estomac d'un Pécan. Cet animal ne se gène nullement de visiter les pièges et trappes tendus pour les martes, qu'il dévore lorsqu'il en trouve. A ce sujet, on rapporte qu'un instituteur s'occupait, dans ses loisirs, à tendre des trappes aux martes, et que, pendant plusieurs jours de suite, il trouva ses trappes brisées et les appâts disparus ; il constata même qu'une marte capturée y avait été détruite ; il se procura alors un piège de plus grande dimension, et le lendemain il aperçut — 215 — un Pécan pris dans le piège ; l'animal se défendit avec acharnement contre un chien que l'on avait lancé sur lui. Les trappeurs sont souvent témoins d'incidents analogues. Un individu qui tendait des trappes pour les martes, à l'embouchure de la rivière de l'Esclave, à environ 15 milles du fort Résolution, voyant ses trappes dérangées et ses appâts disparus, et cela durant quinze nuits consécutives, résolut de capturer l'animal qui venait ainsi entraver ses chances de succès. Il fit une forte trappe qu'il tendit ; mais le Pécan car — c'en était un — au lieu d'entrer dans la trappe par le bas, grimpa par dessus, y entra et dévora l'appât. Un fusil fut tendu, mais sans succès ; alors le chasseur résolut de placer, au milieu du sentier, un gros piège qu'il dissimula soigneusement ; il disposa ensuite des appâts de chaque côté, de dis- tance en distance. D'après la grandeur des pistes, il était sous l'impression que ce pouvait être un petit carcajou qui lui causait tout ce trouble, aussi il fut très surpris de trouver le lendemain un Pécan pris au piège. L'animal se défendit comme un chat enragé, mordant le piège, et essayant de mordre le chasseur à la jambe, (i) On dit que le Pécan, doué d'une grande force mus- culaire, s'attaque au raton ; on prétend même que là où il se rencontre, les ratons sont rares et que, lorsque ces derniers sont communs, on est sûr de n'y point trouver de Pécans. (i) Coues. Fur-bearing animais, p. 73. — 2l6 — Le Pécan est d'une nature morose, intraitable et, lorsqu'il est fâché, il gronde, mord, montre ses dents et crache ; il hérisse son poil et fait le dos rond à la manière du chat domestique. Il est nocturne, mais on peut le voir aussi durant le jour. On prétend qu'il ne met bas qu'une fois dans l'année, de deux à quatre petits ; il recherche à cet effet un arbre creux dont l'entrée est située souvent à trente ou quarante pieds du sol ; c'est là aussi qu'il fait sa demeure. 3. Genre LTJTREOLA, Wagner. Formule dentaire. — i. — c. pm. - — ^ m. — 3-3 I— I ^ 3-3 2-2 Taille petite, corps allongé et cylindrique ; queue ordi- nairement longue ; jambes courtes ; oreilles courtes et ron- des ; museau court ; molaire antérieure d'en bas sans tuber- cule interne. Digitigrades ; partie nue du dessous des doigts peu apparente ; doigts palmés ; queue touffue ; pelage ordinairement court et fourni. Lutreola vison, (Schreber). 1/6 Vison ordinaire. Pelage épais, lustré et soyeux, d'un brun foncé presque noir sur la queue ; une tache blanche au menton ; de petites taches également blanches se voient souvent sur la gorge, la poitrine et le ventre. Doigts adaptés pour la vie aqua- tique. Longueur, 17 ; queue, 8 ^. Le Vison habite l'Amérique du Nord. On le ren- contre dans tous les endroits où il peut se procurer — 217 — ■de la nourriture ; il fréquente le bord des rivières, des lacs et des étangs ; il est excellent nageur et il plonge avec la plus grande facilité ; il peut demeurer sous l'eau un temps assez long. Cet animal répand une odeur fétide, sécrétée par des glandes spéciales. Il se nourrit d'oiseaux, de grenouilles, de poissons, •d'œufs, de mollusques, de petits mammifères, et de rats-musqués qu'il poursuit sous l'eau jusque dans leurs terriers oii il les tue. Lorsque le Vison se trouve dans le voisinage de ■quelque ferme, il ne manque pas de rendre visite aux petits animaux de la basse-cour, et il arrive souvent que des méfaits imputés aux belettes ont eu le Vison pour auteur. Il détruit beaucoup de poisson dans les rivières et dans les lacs. Audubon a vu un Vison poursuivre sous l'eau une grosse truite, et quelques minutes plus tard, reparaître avec le poisson dans sa gueule. Le même auteur a également vu un Vison chasser des rats et les traîner par le cou, à la manière des chats ; il a même été témoin qu'un de ces carnassiers s'était attaqué à des canards domestiques qui prenaient leurs ébats dans un étang. Un fermier de l'état de l'Illinois rapporte qu'en 1887. un Vison s'introduisit dans son poulailler et, dans une seule nuit, y tua dix-huit poules ; ce pou- lailler était situé à environ quarante verges d'un •grand marais où ces animaux étaient communs ; l'hiver précédent le fermier avait perdu plus de cent volailles égorgées par ces maraudeurs. — 2l8 — Il avait mis couver une poule cochinchinoise, dans une étable, et un matin il vit rôder un Vison près de cet endroit ; quelques jours plus tard, visitant le nid de la poule, il ne trouva plus qu'un seul œuf, les autres étaient disparus ; le lendemain c'était le tour de la poule. Cherchant alors où elle pouvait se trouver, il l'aperçut bientôt à l'entrée d'un trou : elle était morte et portait au cou une profonde blessure. Le Vison fut tué le lendemain, à cet endroit. On trouva non loin de là, dans un nid, cinq petits Visons, et presque tous les œufs volés et qui étaient encore intacts, (i) Comme la plupart des carnassiers, le Vison est un animal nocturne, qui chasse tout de même aussi bien le jour. C'est un fin voleur, et plus d'un pêcheur s'est fait enlever le poisson qu'il capturait lorsqu'il ne prenait pas le soin de le mettre hors de son atteinte. Le Vison est très fort pour sa taille, et par con- séquent, il est plus à redouter des fermiers que la belette, quoique toutefois cette dernière ne soit pas une voisine à tolérer. Kn effet, tandis que le Vison cesse de tuer lorsque sa faim est apaisée, la belette au contraire, toujours altérée de sang, tue sans jamais se rassasier. Il est étonnant de constater combien le Vison a la vie dure, comparé aux animaux de sa taille. « Il vit plusieurs heures, dit Coues — dans quelques cas (i) Report of Ihe Coynmissio fier of Agriculture^ Washington. 1889, p. 489. — 219 — à ma connaissance, plus d'un jour et une nuit — sous la pression d'un bloc de bois très pesant, le tenant enserré comme dans un étau, et ayant le milieu du corps complètement aplati. Néanmoins, dans ces conditions, il montra encore beaucoup de résistance quand on l'approcha. '( Lorsqu'il est pris par une patte, dans un piège^ il ronge et déchire le membre captif, le lacérant d'une manière pénible à voir; mais ce qui est. sin- gulier à constater, c'est qu'il mord le membre au delà des mâchoires du piège ; ce fait ne paraît pas être un moyen bien intelligent de recouvrer sa liberté, mais c'est plutôt un acte de furie aveugle déterminée par le fait de se sentir prisonnier. .. « Les efforts de violence et de résistance que fait p3ur s'échapper ce pauvre animal ainsi torturé, sont démontrés par l'état de ses dents fréquemment cas- sées contre le piège ; c'est plutôt la règle que l'ex- ception. Celui qui n'a pas pris de Vison au piège, peut à peine se faire une idée de la terrible expres- sion que prend la face de l'animal à l'approche du trappeur. Cela m'a toujours frappé comme étant à peu près l'expression la plus diabolique que j'aie encore vue dans la physionomie animale ; un regard fixe et so:nbre de l'animal accroupi et sans mouve- ment, fait place à un nouvel aspect de surprise et de crainte, accompagné des contractions du corps les plus violentes, avec un nouvel essai de mordre le piège, jusqu'à ce que, épuisé, haletant et la gueule ouverte, écumante de bave, l'animal s'abat de nou- — 220 — veau et surveille d'un regard de haine concentrée, mêlé de rage impuissante et de désespoir horrible. « La physionomie du Vison, sa tête large et aplatie ses oreilles courtes, ses petits yeux, son nez pointu, ses dents formidables, offrent toujours l'expression des passions les plus basses et les plus brutales, qui se montrent surtout dans ces moments-là. Comme on peut le supposer, lorsqu'il est dans une telle colère il faut l'approcher avec précaution.» (i) Audubon dit que le Vison s'apprivoise facilement, qu'il est très gentil, et qu'il est susceptible d'atta- chement à ses maîtres. Il peut être laissé en liberté ; il fait alors des excursions au dehors, dans les marais, et revient toujours vers son maître. Il s'accorde bien avec les chiens et les chats du foyer, et il n'attaque jamais les oiseaux de basse-cour. La femelle met bas de bonne heure en mai de quatre ou cinq petits ; son nid, qui est ordinairement tapissé de plumes d'oiseaux, est placé dans un tronc d'arbre creux ou autre endroit analogue. Les petits accompagnent leur mère jusqu'à l'automne. Lorsque cet animal est dans l'eau, on dit qu'il plonge aussitôt qu'il aperçoit la flamme d'un fusil, et avant que le plomb soit arrivé à lui ; mais comme il se capture bien facilement au piège ou à la trappe, c'est de cette manière que l'on s'en empare, afin de ne pas détériorer par le plomb la peau qui a une certaine valeur commerciale. (i^ Coues. Fî^r-bearing animais, pp. 175-176. — 221 — 4. Genre PUTORIUS, Cuvier. Endroit nu du dessous des doigts apparent ; doigts libres ; queue déliée. Les autres caractères sont les mômes que ceux du genre précédent. Ces petits animaux sont les plus féroces de toute la famille et, si leur taille secondait leur appétit sanguinaire, ils se rendraient plus redoutables que les félins ; leurs ongles forts et acérés leur permettent de grimper sur les arbres et de marcher le long des murs. Ils rôdent souvent autour des habitations, cherchant à pénétrer dans les basses-cours, et une fois qu'ils y sont entrés, tout ce qui a vie est immolé : poules, canards, pigeons, lapins, et rats même, rien n'échappe à cette soif innée de destruction. 1. Putorius noveboracensis, Emmoxs. I/a Belette hermine. Parties supérieures d'un brun châtain ou roussâtre, en été, avec le dessous du corps blanc, lavé parfois de jaune souffre. Dans les régions froides, en hiver, tout le pelage devient blanc, plus ou moins teinté de jaune souffre aux parties postérieures, et, au printemps, l'animal reprend sa livrée d'été. Le bout de la queue est noir en toute saison. Longueur, S ; queue, 3. Cette Belette se rencontre dans l'Amérique sep- tentrionale, depuis le nord où la vie des petits mammifères est possible, et au sud jusque dans les Etats-Unis du nord. Le Dr Coues prétend que cette espèce se rencon- tre également en Europe et en Asie. 222 Elle se plaît dans les lieux habités et les champs, aussi bien que dans la forêt ; grâce à sa petite taille, elle trouve partout un abri contre ses ennemis, en se logeant dans un tronc d'arbre creux, dans des tas Fig. 30.— I^a Belette hermine. de pierres, dans des trous de rats, dont elle égorge les habitants, dans des granges, des greniers, des caves ; elle est partout chez elle et partout en sûreté. Lorsque tout est tranquille dans son canton, elle — 223 ~ sort souvent le jour à la recherche de sa proie ; c'est alors qu'on peut la voir parfois « se glisser à travers les herbes, les buissons, entre deux sillons, s'arrêter le cou tendu, la tête haute, regardant, écoutant, disparaissant subitement dans un trou pour se mon- trer presque aussitôt un peu plus loin à moitié engagé dans un autre trou. )) Pas un petit animal n'est en sûreté dans le voisi- nage d'une Belette ; elle poursuit sa proie jusque dans sa retraite ; elle égorge les oiseaux, surtout les gallinacés, qu'elle surprend à terre ou dans le feuil- lage à la faveur des ténèbres de la nuit. « Gracieuse dans sa forme, dit Audubon, vive dans ses mouvements et d'une ardeur infatigable, elle est en même temps une petite créature brave et intrépide ; confiante et se croyant en sécurité à tra- vers les sinuosités de sa retraite, au milieu des blocs de bois ou des tas de pierres, elle nous laisse appro- cher jusqu'à quelques pieds d'elle et alors subite- ment retire la tête ; nous demeurons encore un mo- ment, et elle revient de nouveau à l'endroit de ses ob- servations, surveillant avec curiosité chacun de nos mouvements, semblant vouloir se plaire en notre compagnie aussi longtemps que nous nous abste- nons de lui faire aucun mal. « Néanmoins, avec tous ces attraits extérieurs, cette petite Belette est féroce et sanguinaire, ayant une inclination naturelle de détruire tout animal qu'elle rencontre, dont quelques-uns, tels que le liè- vre d'Amérique, la perdrix des bois francs, les pou- — 224 — " les domestiques, ont dix fois sa taille. Ce petit ani- mal est un destructeur notoire des habitants des pou- laillers, et il est à notre connaissance que quarante volailles furent tuées en une nuit par une seule her- mine. Rassasiée probablement avec le sang d'une poule, ce qui reste, semblable au troupeau égorgé par le loup dans la bergerie, est détruit par elle pour satisfaire un instinct de destruction inné chez cette espèce. Nous avons suivi sur la neige l'empreinte des pas de l'un de ces petits suceurs de sang, à la poursuite d'un lièvre d'Amérique ; bien qu'elle ne pût le rejoindre par une vitesse supérieure, le ti- mide lièvre dut toutefois se réfugier bientôt dans le creux d'un arbre ou dans un trou creusé par une marmotte ou par une moufette. Là il fut atteint par la belette qui le tua ; le peau et autres restes du lièvre trouvés à l'entrée du trou attestaient la véracité de ce fait. '( Nous avons constaté qu'une hermine, après avoir capturé un lièvre de l'espèce ci-dessus mentionnée, lui enleva d'abord la tête et traîna ensuite le cada- vre sur la neige nouvellement tombée, dans laquelle elle le cacha, et qu'elle foula cet endroit. Par cet acte, le petit maraudeur nous fit découvrir une habi- tude que nous ignorions jusque là, et pour éviter un chien qui la poursuivait de près, il monta dans un arbre à une hauteur de vingt pieds, et se blottit sur une branche, où il fut tué. « Nous avons plus de cent fois constaté avec suc- cès, par des expériences, que l'Hermine, estsuscep- — 225 — tible d'être utilisée à la manière du furet d'Europe, pour faire sortir le lièvre d'Amérique du terrier dans lequel il s'est réfugié. Dans une de ces occa- sions, l'Hermine dont on s'était servi avait été cap- turée depuis quelques jours seulement ; on lui avait limé les canines afin de l'empêcher de tuer le lièvre ; on lui avait aussi attaché une corde au cou pour s'as- surer son retour. Elle poursuivit le lièvre à travers les sinuosités de son trou et le força à revenir à l'entrée du terrier où il put être capturé avec la main ou dans un filet. « En hiver, la perdrix a l'habitude de s'enfoncer dans la neige molle et d'y demeurer parfois un ou deux jours ; l'Hermine la découvre souvent et la met à mort. « Malgré ces habitudes destructives et nuisibles, il est douteux si l'Hermine n'est pas plutôt une bienfaitrice qu'une ennemie pour le fermier, chas- sant de ses greniers et de ses champs un grand nombre de destructeurs des produits de son travail, qui dévoreraient dix fois la valeur des volailles et des œufs que, à la longue et par intervalle, dans l'occasion, elle peut détruire. Elle semble avoir un rôle à remplir, assigné par la Providence : celui de restreindre la trop grande multiplication des souris et autres petits rongeurs .... (( Là où une Hermine a fixé sa demeure, on s'aperçoit de suite que les souris et autres rongeurs diminuent rapidement, et cela jusqu'à un demi (15) — 226 — mille à la ronde ; leur active ennemie, avec son corps fin et délié, est apte à pouvoir pénétrer dans leurs trous ; aussi elle les poursuit jusqu'à l'extrémité de leurs galeries et elle détruit la famille entière. En plusieurs occasions, après une légère couche de neige, nous avons pu suivre la piste d'une Belette à travers les champs et les prai- ries, et nous avons été témoin de l'immense des- truction de petits animaux opérée par elle en une seule nuit. Elle pénètre dans chaque trou situé soit sous des souches, sous des tas de bois, sous des amas de roches ou sous les clôtures, et on constate ses actes sanguinaires par les restes mutilés des rongeurs que l'on trouve épars sur la neige. Le petit suisse T. lysteri^ fixe sa demeure dans le voisinage des champs de grain, et l'on sait qu'il transporte dans ses abajoues, de grandes quantités de blé et de sarrasin pour sa provision d'hiver. Instinctivement l'Hermine découvre ces retraites confortables, et dans l'espace de quelques minutes elle détruit toute la famille de ces beaux petits Tamias^ sans même se reposer un instant, jusqu'à ce qu'elle ait consommé cette abondante nourriture du moment ; sa soif ardente de sang n'étant pas encore satisfaite, comme si elle était poussée par une destinée irrésistible, elle cherche d'autres sujets sur lesquels elle puisse satisfaire cette soif insatiable de sang. « Le rat et la souris de maison se logent dans nos granges, sous des tas de gerbes de blé, dans les greniers, et détruisent de grandes quantités de grain. — 227 — Dans certains cas, le fermier est forcé malgré lui de payer plus qu'une dîme, pour contribuer à la nourriture de ces petits malfaiteurs ; mais qu'une Hermine pénètre dans ces granges ou ces greniers et qu'elle y fasse son séjour d'hiver, la destruction des rats et des souris sera bientôt chose apparente. L'Hermine les poursuit jusque dans leurs retraites les plus profondes et, dans quelques semaines, ces lieux sont entièrement débarrassés de ces animaux. « Un jour nous avions mis une Belette à demi apprivoisée, dans une bâtisse isolée qui était infes- tée par des rats, et nous avions bouché toutes les issues afin de les empêcher de s'échapper. Le petit animal commença son œuvre de destruction. Les cris des rats furent entendus pendant toute la jour- née, et le soir elle sortit de là se léchant la bouche comme un chien courant, après une longue chasse ; elle semblait très fatiguée. On enleva une planche du pavé, afin de constater le résultat de notre expé- rience et nous vîmes un nombre considérable de rats qui, quoique tués dans différentes parties de la bâtisse, avaient été traînés à un seul endroit, for- mant ainsi un amas compact. Dans ces circons- tances l'Hermine est certainement très utile aux fermiers, (i) L'Hermine vit solitaire dans son gîte. On aiïïrme qu'en hiver elle fait des chemins sous la neige afin de communiquer d'un trou à l'autre, et x\udubon ''i) Audubon. Qiiadriipeds of N. A. Vol, 2. pp. 5S-60. — 22« — entr'autres, dit qu'il a fréquemment vu des galeries pratiquées dans la neige, communiquant d'un trou à un autre, et cela sur une longueur de vingt à trente verges, préférant passer à travers la neige plutôt que de voyager à sa surface. Quoique l'Hermine se voit très souvent durant le jour, elle n'en est pas moins un animal nocturne, et c'est vers le soir surtout qu'elle fait preuve d'une grande activité ; elle examine tous les endroits de son canton, s'arrête devant un trou de mulot ou de souris, inspecte les tas de roches, les amas de bois, en quête de nourriture, et si un petit animal s'y rencontre il est bien vite étranglé. Elle se nourrit de petits mammifères, de poules, de lièvres, d'œufs, d'oiseaux, etc. Audubon prétend que la Belette fuit l'eau et que si elle est forcée de nager, elle le fait avec la mala- dresse d'un chat ; il dit aussi qu'elle ne poursuit point les animaux dans les arbres, elle n'y grimpe que lorsqu'elle est serrée de près, comme par le chien,, son implacable ennemi. Toutefois, l'opinion con- traire est pourtant maintenue par des naturalistes,. qui citent à ce propos plusieurs faits établissant que la Belette nage et grimpe avec facilité. La femelle met bas en avril ou mai dans un trou sous terre, sous des racines d'arbres,J dans un tas de pierres ou encore dans un tronc d'arbre ; ses petits sont au nombre de quatre ou cinq. On prétend que la mère défend sa progéniture avec beaucoup d'éner- — 229 — gie et qu'il est bien difficile de la chasser ; elle suit même très longtemps le ravisseur de ses petits. On capture bien facilement la Belette avec des pièges ou des trappes de différentes sortes. L'Hermine, prise jeune, s'apprivoise facilement ; on cite des exemples d'individus qui suivaient leurs maîtres comme de petits chiens ; on leur laissait leur entière liberté et elles sortaient et entraient à volonté. 2. Putorius cicognani, (Bonaparte). La petite Belette. Coloration à peu près semblable à celle de la précédente, d'un brun roux en dessus, et blanc pur en dessous, rare- ment teinté de jaune ; la queue est déliée, C3iindnque avec l'extrémité à peine noirâtre. Longueur, 6 à 8 ; queue, 2. On assigne à cette petite espèce, comme sphère d'habitation, le nord de l'Amérique septentrionale, au sud, jusqu'au Long Island, et le Dr Coues dit qu'elle se voit depuis le nord des Etats-Unis vers le nord, ainsi que dans le nord de l'Europe et de l'Asie. Cette Belette a à peu près les mêmes mœurs que la précédente. DeKay et Audubon nous disent qu'elle possède le même instinct carnassier qui distingue sa famille ; mais il faut avouer qu'on ne connaît que bien peu de choses sur ses habitudes. Faute de connaissances suffisantes de cette Belette par des auteurs américains, je citerai ce qu'en dit un naturaliste européen, M. Bell, qui a étudié les — 230 — mœurs de cette espèce. « Je ne voudrais pas certi- fier, dit cet auteur, que la Belette, pressée par la faim, ne s'attaquera pas avec audace aux volailles,. ou dans l'occasion, qu'elle ne s'emparera pas d'un jeune lièvre ou d'une perdrix endormie, mais sa proie ordinaire consiste en animaux d'une nature plus humble, ce qui est prouvé par des observations constantes. Souris de toutes espèces, campagnols ter- restres et aquatiques, rats, taupes et petits oiseaux font sa nourriture ordinaire. « D'après des rapports d'observateurs non préju- gés, il paraîtrait que ce joli petit animal devrait être protégé comme destructeur de vermine, plutôt que d'être exterminé comme déprédateur nuisible. Mais surtout il ne devrait pas être molesté dans les granges, les greniers et les amas de gerbes de grain, où il rend de grands services en détruisant des colo- nies de souris qui les infestent. Ceux-là seulement qui ont été témoins du nombre prodigieux de ces petites pestes qu'on trouve surtout dans les tas de gerbes de blé, et qui ont vu de quelle manière l'inté- rieur en est troué dans toutes les directions par leurs galeries, peuvent comprendre toute l'étendue de leurs déprédations, et sûrement le vol d'occasion d'un poulet ou d'un petit canard, même en suppo- sant qu'on pourrait l'attribuer à la Belette plus sou- vent qu'on ne le peut réellement, ne serait qu'une bagatelle comparée au bénéfice qu'on en retire par la destiuction de ces multitudes de petits voleurs. « La Belette grimpe sur les arbres avec une grande — 231 — facilité ; elle surprend les oiseaux daus leurs nids, enlève les jeunes, ou mange les œufs. On a prétendu qu'elle attaquait et détruisait les petites couleuvres, mais je crois que ceci est erroné. J'en ai fait l'ex- périence en mettant une Belette avec une couleuvre ordinaire, dans une grande cage, dans laquelle la première pouvait se retirer dans une petite boîte oii elle avait l'habitude de dormir. La crainte mutuelle des deux animaux les tint à une distance respec- tueuse l'un de l'autre. Néanmoins, la couleuvre montrait tout autant de disposition à attaquer que son fort compagnon ; la Belette donnait de temps à autre de légers coups de dents à la couleuvre, soit sur un côté du nez, soit sur l'autre, sans trop la blesser et sans aucun désir évident de s'en nourrir. Enfin après les avoir laissés ainsi pendant deux ou trois heures ensemble, voyant qu'en définitive ils paraissaient indifférents l'un à l'autre, je pris le pauvre serpent et le tuai. (( La conduite de la Belette fut bien différente lorsque je mis une souris dans sa cage : elle sortit à l'instant de sa petite boîte et d'un seul coup de dents sur la tête, elle fit jaillir la cervelle de la souris, la ■faisant mourir à l'instant, sans qu'elle fit aucune résistance. J'ai remarqué que quand la Belette s'em- pare d'un petit animal, au moment où elle inflige la blessure fatale, elle exerce avec son corps long et souple, une pression sur sa proie, comme pour s'en assurer, dans le cas où le premier coup de dents — 232 — n'aurait pas réussi ; incident que je n'avais encore jamais remarqué. " La faculté qu'a Belette d'incliner la tête à angle droit avec son cou long et flexible, quoique fort, lui est d'un grand avantage dans son mode de tuer de petites proies. Elle prend aussi fréquem- ment cette position lorsqu'elle s'élève sur ses pattes de derrière pour regarder autour d'elle. « L'habitude qu'on a attribuée à la Belette de sucer le sang de sa victime est, je crois, beaucoup exagérée ; quelques personnes ont nié l'existence d'un tel penchant, et suivant moi, en autant que j'ai pu le constater, mes expériences tendraient à confirmer cette réfutation de la croyance générale. Le premier coup est donné sur la tête ; dans les cas ordinaires, les dents pénètrent dans le cerveau, et le premier acte d'épicurisme de la Belette est de manger toute la cervelle ; la carcasse est alors cachée près de son domicile, afin de pouvoir la retrouver au besoin ; mais il arrive souvent qu'une partie de cette carcasse demeure là jusqu'à ce qu'elle commence à se putréfier. « La Belette poursuit sa proie avec facilité, dans les petits trous et à travers les herbes épaisses des buissons et des haies ; elle poursuit la taupe et la souris des champs jusque dans leurs galeries sou- terraines ; elle passe à travers les dédales que font, dans les meules de blé, les colonies de souris qui les infestent. « Son corps allongé et souple, la longueur extra- — 233 — ordinaire de sou cou, sou pelage serré, sou extrême agilité et la vitesse de ses mouvemeuts, tout est combiué pour s'adapter à de telles habitudes, aux- quelles sou flair aide beaucoup, qualité qu'elle par- tage à un égal degré avec Thermine. " Voilà pourquoi, en poursuivant un rat ou une souris, la Belette ne le poursuit pas seulement aussi longtemps qu'elle le voit, mais elle continue encore â le poursuivre lors même qu'il est disparu de sa vue, élevant quelque peu la tête au-dessus du sol pour suivre la trace de la proie qu'elle convoite. Vient-elle à perdre sa trace, elle retourne au point où elle l'a perdue, elle cherche en flairant dans les environs jusqu'à ce qu'elle la retrouve, et ainsi, à force de persévérance, elle finira par rejoindre un animal d'une plus grande vitesse qu'elle. INIais ceci n'est pas tout ; dans la ténacité qu'elle déploie à la poursuite de sa proie, elle n'hésitera pas à se lancer à l'eau, car elle nage avec facilité. '( Néanmoins elle est quelquefois la proie de l'éper- vier. Mais le fait suivant démontre que la violence et la rapine, même quand elles sont accompagnées d'une force supérieure, ne sont pas toujours l'égal de l'ingénuité d'un ennemi inférieur. Un individu du nom de Pinder, résidant alors à Bloxworth, dans le Dorsetshire, parcourant à cheval ses terres, vit, à une petite distance de lui, un milan se lancer à terre sur quelqu'objet, et s'envoler avec cet objet dans ses serres. Cependant, quelques minutes après, le milan commença à manifester des signes d'inquié- — 234 — tude, s'élevant rapidement dans l'air ou s'abaissant avec la même vitesse, tournoyant d'une manière irrégulière, essayant en même temps avec ses pattes à se débarrasser de quelque chose de désagréable. Après une lutte courte mais vigoureuse, le milau tomba subitement à terre, non loin de l'endroit où M. Pinder observait attentivement ce spectacle; il se rendit aussitôt sur les lieux et vit une Belette quitter le milan et s'enfuir en courant, sans blessure apparente, laissant l'oiseau mort, avec un trou dans les chairs, sous l'aile. » (i) Un autre fait analogue, raconté par John Franklin, fut constaté en Ecosse par des cultivateurs, qui virent un aigle tenant une Belette dans ses serres, s'élever dans l'espace ; mais bientôt après ils remarquèrent que l'oiseau agitait ses ailes d'une manière inaccoutu- mée, lis continuèrent à l'observer jusqu'à ce qu'ils l'eurent perdu de vue; peu après, il le virent des- cendre avec vitesse vers la terre frappant l'air de ses ailes avec des mouvements rapides et irréguliers ; puis s'affaissant sur le sol, près des observateurs qui, curieux de savoir ce qui se passait, se rendirent auprès de l'oiseau qui venait de rendre le dernier soupir. Au même moment ils virent une Belette se dresser sur ses pattes de derrière, les regarder, puis tout à coup quitter l'oiseau et se sauver dans un buisson voisin. La Belette avait réussi à s'échapper des serres de l'oiseau, et lui avait fait une profonde blessure au cou, d'où le sang jaillissait encore. (i ) BeU. Hlst. of British qicadrupeds. pp. 142-145. — 235 — La femelle met au monde de quatre ou cinq petits^ qu'elle dépose dans un nid tapissé d'herbes et de feuilles desséchées ; ce nid est ordinairement situé dans un tronc d'arbre creux, dans un trou creusé en terre ou sous des racines d'arbres. On dit qu'elle met bas deux ou trois fois dans Tannée. 4. Famille CANID-^. Loups, Renards. Formule dentaire t\'pique — i. ^-^ c . ^^^ pm. ^^ m. ^^ 3-3 I— I 4—4 3—3- Les Canidés sont des animaux digitigrades ; leurs mem- bres antérieurs sont terminés par cinq doigts dont un, le pouce, est rudimentaire, et les postérieurs, par quatre ; les ongles sont non rétractiles, à pointe émoussée, résultat de leur contact habituel avec le sol, ne pouvant servir à l'attaque ni à la défense ; leurs membres sont de lon- gueur ordinaire ; le museau est allongé ; la langue est douce et molle ; le poil est long ; la queue est plus ou moins touffue. Ces animaux ne grimpent point ; ils vivent pour la plupart en société et ils capturent leur proie à la course ; ils se nourrissent particulièrement de chair animale ; ils ne dédaignent pas les charognes et dans certains cas, ils se contentent d'une nourri- ture végétale. • Les Canidés ont en général des mœurs sociables ;. ils sont sans contredit les plus intelligents de tous les carnassiers ; ils font preuve, dans toutes leurs actions, d'une prudence extrême que la faim même ne saurait leur faire oublier. Leurs sens sont très développés, particulièrement celui de l'odorat. Sans — 236 — parler des preuves manifestes de sagacité que nous •donne le chien domestique, qui ne connaît les ruses du loup et l'astuce du renard lorsqu'il s'agit de s'assurer d'une proie, ou pour se soustraire à un danger? On rencontre parmi les Canidés des espèces diur- nes, crépusculaires et nocturnes. Tous se plaisent dans des endroits solitaires, se creusent des terriers profonds ou se cachent au milieu d'épaisses brous- sailles d'accès difficile, quelques-uns même n'ont pas de gîte et rodent presque continuellement, ne séjournant dans un endroit que pour donner des soins à leurs petits. On les rencontre dans toutes les parties du monde. 1. Genre VULPES, Brisson. Tête assez grosse ; museau allongé ; queue longue et touffue ; corps plutôt délié ; pupille elliptique, 1. Vulpes pennsylvanicus, (Boddaert). Le Renard roux. Pelage de couleur fauve ou d'un brun roux vif et lustré, un peu plus foncé sur le dos et blanchissant sous le ventre, la gorge et l'extrémité de la queue ; le devant de la poi- trine est gris ; le dessus des oreilles et la partie antérieure des pattes sont noirs, Longueur, 30 ; queue, 15. On distingue deux variétés chez le Renard roux : l'une que l'on appelle Renard croisé, var. deciissa- tus^ (Desm.), porte une large bande de couleur foncée ou d'un brun noirâtre sur le cou et le dos, dans le sens de la longueur, et une autre de même teinte. — 237 — qui la traverse à l'endroit des épaules ; les parties inférieures ainsi que les pattes, sont noires. La seconde, le Renard argenté ou noir, var. argentatus^ (Shaw), est de couleur noire avec le bout de la queue blanc. On voit souvent chez eux des individus dont la robe est plus ou moins parsemée de poils d'un gris argenté. Fiof. 31. — I,e Renard roux. On rencontre parfois des pelages intermédiaires entre ces deux variétés et celui du Renard roux. Le Renard roux habite l'Amérique septentrionale, depuis le nord jusqu'au Texas. — 238 — Notre Renard offre une ressemblance frappante avec le renard vulgaire de Tancien continent, et il n'est peut-être pas illogique, comme le pensent certains auteurs, de supposer que cet animal, ainsi que le loup, le castor et quelques autres habitants du nord des deux continents, aient eu primitive- ment une origine commune et que dans la suite, en se répandant vers le sud, leur taille comme leur pelage, se soient quelque peu modifiés sous les influences climatériques. Depuis très longtemps le Renard jouit d'une répu- tation de finesse qui a été redite sur tous les tons, et de fait, il n'y a peut-être pas un animal plus défiant, plus rusé et plus fécond en ressources. « Il est fameux, dit Buffon, par ses ruses et mérite sa répu- tation ; ce que le loup fait par la force, il le fait par adresse, et réussit plus souvent ; il emploie plus d'esprit que de mouvement, ses ressources semblent être en lui-même, ce sont comme l'on sait, celles qui manquent le moins. Fin autant que circonspect, ingénieux et prudent, même jusqu'à la patience, il varie sa conduite, il a des moyens de réserve qu'il sait n'employer qu'à propos. » (i) Le Renard a des habitudes nocturnes, il faut que la faim le presse beaucoup pour le décider à chasser durant le jour ; il préfère plutôt se reposer de ses courses de nuit, dans d'épais fourrés à proximité de sa retraite, ou dormir dans son terrier ; il arrive (i) Bufïon. Œuvres compl. Bruxelles, 1856, Vol. 7, p. 27. — 239 — •quelquefois qu'on le surprend couché dans des endroits découverts, se chauffant au soleil. C'est ordinairement à la tombée de la nuit que ce maraudeur se met en quête de proies ; il parcourt sans bruit les buissons, les haies, les petites touffes de bois, rôde dans les champs ou dans la forêt avec l'espoir de surprendre quelques petits rongeurs noc- turnes ou une perdrix sur ses oeufs, ou bien encore de petits oiseaux qui dorment sur les branches infé- rieures des arbres ; dès qu'il a aperçu ou flairé une proie, il s'en approche avec prudence et s'en empare avant même que celle-ci ait pu soupçonner la pré- sence de son ravisseur. Sa nourriture habituelle consiste en souris, mu- lots, lièvres et autres petits mammifères dont il sait très bien découvrir la retraite, guidé en cela par les sens excessivement développés chez lui de la vue, de l'odorat et de l'ouïe, qui le servent aussi bien dans la recherche de sa nourriture que pour éviter un danger. Il mange aussi des grenouilles, des insectes et autres invertébrés, mais il ne touche que très rarement aux animaux morts ; il en est de même d'un appât qu'on lui tend : il n'y touchera qu'après l'avoir flairé plusieurs fois, et s'il soupçonne quelque chose d'anormal, il le laissera plutôt pour courir à une autre proie. I i C'est particulièrement près des habitations, lors- qu'elles sont à proximité de sa demeure, qu'il aime à rôder, cherchant là des proies plus sûres et plus faciles à capturer, car il évite toujours de se mesurer — 240 — avec un animal de sa taille et capable de lui résister ; toutefois, s'il arrive qu'il soit obligé de se défendre contre des^ animaux plus forts que lui, il le fait avec beaucoup de courage et d'acharnement. C'est un grand destructeur de volailles ou autres petits ani- maux de basse-cour et si, dans ses courses nocturnes, le chant matinal d'un coq vient frapper son oreille, il se dirige de suite et avec précaution vers l'endroit d'où lui viennent ces sons, puis il fait le tour du poulailler ou de la grange, cherchant un passage pour pénétrer à l'intérieur, et s'il y a un trou, on peut être certain qu'il le trouvera, dût-il passer le reste de la nuit à le chercher. Si le passage est trop étroit, il l'agrandira ou se fera petit pour se glisser à l'intérieur, et une fois qu'il y est entré, il égorgera toute la gent emplumée, puis il transpor- tera une à une ses victim.es et les cachera à différents endroits dans la forêt, près de son gîte, pour se repaître de leur chair lorsqu'il aura faim. Le Renard ne tue pas, à l'exemple des belettes, pour le seul plaisir de tuer, mais seulement par prévoyance et dans l'unique but de s'assurer une nourriture qu'il utilisera plus tard. Souvent aussi il se contente d'une seule proie qu'il saisit au pas- sage pour la dévorer à loisir en lieu sûr, sauf à revenir au même endroit le lendemain ou quelques jours plus tard, se mettre à l'affût pour s'emparer d'une autre victime, car si rien ne le dérange il détruira ainsi petit à petit tous les oiseaux d'une basse-cour. Rien n'égale sa patience, il peut attendre — 241 — pendant des heures, tapi dans sa cachette, suivant des yeux tous les mouvements de sa victime, attendant l'occasion de s'en emparer ; ou bien il se traîne le long d'une haie, se glisse derrière un buisson, un tronc d'arbre, puis, parvenu à proximité, il s'élance sur sa proie et l'emporte dans le bois pour la dévo- rer à loisir. Audubon parlant de la manière de chasser du renard gris, dit que le Renard roux emploie les mêmes moyens. «Par une journée pluvieuse et froide, dit-il, lorsque nous voyagions dans les Carolines, ayant vu dans un champ de genêt, un renard gris courant contre le vent et chassant comme un chien d'arrêt, nous nous arrêtâmes pour observer ses mouvements ; sou- dain l'animal s'assit sur son train de derrière, puis aussitôt il continua de nouveau à marcher, mais plus doucement et avec précaution, de temps en temps élevant le nez et sentant de côté et d'autre. Enfin, il sembla sûr de sa proie, avança en ligne droite et très doucement, se traînant parfois à terre ; de temps à autre il se trouvait caché par les herbes, de sorte que nous ne pouvions pas le voir bien dis- tinctement. Cependant nous le vîmes s'arrêter enfin complètement ; il ne faisait aucun mouvement horizontal de la queue comme le fait le chat domes- tique lorsqu'il se prépare à s'élancer sur sa proie, mais sa queue semblait toucher la terre tandis que ses oreilles étaient couchées en arrière et sa tête élevée de quelques pouces de terre ; il demeura dans (i6) — 242 — cette attitude presque une demi-minute, puis d'un bond il s'élança sur sa proie. A l'instant même nous entendîmes des battements d'ailes d'une couvée d'oiseaux effrayés, comme s'ils s'envolaient avec beaucoup de précipitation ; deux ou trois cris per- çants se firent entendre, et l'heureux maraudeur s'enfuit immédiatement à travers le champ avec une infortunée perdrix dans la gueule, dans l'intention évidente de chercher un endroit plus solitaire pour faire son friand repas. » Puis le même auteur, con- tinuant, fait la réflexion suivante : •« Nous avions un fusil et le renard passa à portée ; mais pourquoi le blesser ou le tuer ? Il nous a mis à même, pour la première fois, de constater qu'il n'est pas seulement un chien, mais aussi un bon chien d'arrêt ; il a obéi à une impulsion de la nature, et il s'est procuré un repas suivant le moyen dont le Créateur l'a doué pour pourvoir à sa subsistance. Il a saisi une seule perdrix ; tandis que l'homme qui se vengerait sur ce voleur de gibier, n'est satisfait qu'après avoir tué la moitié de la couvée avec son fusil meurtrier, ou avoir capturé toute la couvée dans une trappe, puis lui avoir tordu le cou en signe de triomphe. Ne condamnez pas trop vite le Renard : il a une dent carnassière beaucoup plus prononcée que vous- mêmes, faisant voir par là le genre de nourriture qu'il est obligé de chercher ; il ne détruit pas les oiseaux pour le plaisir de tuer et n'exhibe pas à ses compagnons les trophées de son adresse ; mais il se contente d'un repas, tandis que vous n'êtes peut- — 243 — ^tre pas satisfaits, lors même que votre gibecière est remplie d'oiseaux. » (i) Le Renard vit dans un terrier profond, à plusieurs issues, qu'il creuse le plus souvent à la lisière du bois, dans les taillis, et dont l'entrée principale se trouve presque toujours située sous des troncs d'ar- bres ou à travers des tas de roches ; mais toujours sur un sol en pente afin d'éviter les inondations et l'humidité. Le Renard se chasse de différentes manières : en le tuant au fusil à l'affût, en l'appâtant avec de la chair empoisonnée, ou encore au piège. Mais cet animal est si fin et son flair est si subtil, qu'il faut toute la tactique d'un habile chasseur pour s'en emparer. L'hiver est le meilleur temps pour lui faire la chasse, parce qu'alors la nourriture est beau- coup plus rare qu'en été, et il donne plus facilement dans les pièges qu'on lui tend. La femelle met bas dans son terrier de quatre à six petits, de bonne heure au printemps. Les jeunes ont un poil laineux d'un gris roux pâle. Pris jeune, le Renard s'apprivoise facilement, il joue même avec son maître si celui-ci s'occupe beaucoup de lui. 2. Vulpes lagopus, Linné. I/e Renard arctique. Le Renard arctique a les oreilles courtes et arrondies ; la queue très touffue ; le pelage, qui varie, est ordinaire- ment brun ou gris de plomb en été, et entièrement blanc (i) Audubon. Quadrttpeds of N. A. Vol. i. p. 16= — 244 — en hiver, pour la plupart. Sa taille est plus petite que celle du précédent. Cet animal habite les régions arctiques des deux continents, et, en Amérique, il émigré au sud jusqu'au 53e degré de latitude ; on l'a même vu en hiver en grand nombre jusque sur la côte du Labrador. Le Renard arctique que l'on nomme aussi Renard bleu et Renard blanc^ diffère de l'espèce précédente par sa forme, ainsi que par ses habitudes ; ses pattes sont courtes ; son museau est obtus, et son pelage est plus fourni. Ses oreilles courtes et rondes le feraient prendre, à première vue, pour un petit chien plutôt que pour un renard. Ses habitudes, dont il est l'esclave, sont aussi différentes. Tandis que le renard roux est farouche, difficile à capturer, fin, sachant profiter de son expé- rience pour éviter un danger ou pour se procurer une proie, le Renard arctique, au contraire, est sot et importun ; il se fera tuer à coups de bâton ; il retournera de nouveau dans les mêmes pièges, les mêmes embûches d'où il se sera échappé une pre- mière fois ; et s'il faut en croire les récits de certains voyageurs, on aurait même fait feu sept fois, à la brunante, sur un individu qui suivait des chasseurs, avant qu'il songeât à changer de direction. Le navigateur Steller rapporte que, lors de son séjour à la terre de Behring, ces animaux étaient — 245 — d'une audace incroyable, qu'ils pénétraient dans leurs habitations, dévoraient ou enlevaient, pour les cacher dans la terre ou dans la neige, suivant le cas, tous les objets qu'ils rencontraient, alors même que ces objets ne leur étaient d'aucune utilité, et que rien ne pouvait être placé en dehors de leur atteinte ; ils grimpaient sur leurs cabanes, sur des tonneaux ou autres endroits élevés pour en dérober les provisions de bouche, et cela avec un ttl art que tout d'abord Steller ne songeait pas même à les accuser de rapine. Ils étaient sur pied aussi bien le jour que la nuit. Fig. 32. — Le Renard arctique. Lorsque Steller et ses gens dormaient en plein air, les Renards venaient les flairer pour s'assurer s'ils vivaient, et lorsqu'ils retenaient leur respira- tion, ils essayaient de les mordre à la figure. Armés — 246 — de couteaux ou de bâtons, ils allaient se placer près d'un cadavre de phoque ou autre animal que la mer rejetait sur le rivage et aussitôt que les Renards en flairaient les émanations, ils arrivaient en grand nombre pour les manger. Alors avec ces armes ils les tuaient tous sans qu'aucun prit la fuite. « Nous creusions un trou, dit-il, dans lequel nous jetions de la viande ; à peine avions-nous les talons tournés, que déjà le trou était plein de renards qu'il nous était facile d'assommer à coups de bâton. Nous ne tenions aucun compte de leur belle fourrure, nous ne les dépouillions même pas, cependant nous étions avec eux en guerre continuelle comme avec nos plus grand ennemis. Tous les matins, nous traînions par la queue, devant la caserne, sur la place d'exécu- tion, ceux que nous avions pris vivants ; aux uns, on leur coupait la tête, aux autres on leur brisait les membres, à d'autres encore on leur crevait les yeux, ou bien on les pendait deux à deux par les pieds, et ils se mordaient alors l'un l'autre jusqu'à la mort ; on brûlait les uns, on faisait périr les autres à coups de fouet. Le plus amusant était d'en tenir un par la queue, et de la lui couper tandis qu'il tirait de toutes ses forces pour se sauver, il faisait alors quelques pas et tournait plus de vingt fois en rond. Cela ne ne les éloignait cependant pas de nos habitations, et finalement on en vit dans l'île un grand nombre sans queue, ou courant sur deux ou trois pattes. » (i) (1) Brehm. Les Mammifères. Vol. i. pp. 525-526. — 247 — Cette manière cruelle et barbare de martyriser ainsi de pauvres animaux, trouve encore trop sou- vent des imitateurs. Comme ces Renards se trouvaient là en si grand nombre, ils devaient nécessairement souffrir beau- coup du manque de nourriture dans ces parages inhospitaliers, et c'était sans doute l'extrême besoin qui les rendait si audacieux et si tenaces à se procu- rer de la nourriture. Voici ce que nous dit encore le capitaine Lyons sur les mœurs de cet animal. « Le Renard arctique est un animal extrêmement propre, faisant bien attention de ne pas salir l'endroit où il mange et oii il couche. Il n'exhale aucune mauvaise odeur, même chez le mâle, ce qui est un fait remarquable. Sur- prendre un de ces animaux est, dans mon opinion, chose impossible ; car même lorsqu'ils dorment, au moindre bruit fait près deux, ils ouvrent les yeux, quoique toutefois ils ne fassent pas attention aux bruits produits à une faible distance. D'ordinaire, ils se reposent le jour, pendant lequel ils semblent inattentifs ; mais à peine la nuit arrive-t-elle que toutes leurs facultés sont éveillées, ils commen- cent leurs jeux et vont rapidement de côté et d'au- tre, cherchant leur nourriture, et restent en activité jusqu'au matin. Ils sont muets lorsqu'ils chassent, mais lorsqu'on les réduit en captivité ou quand ils sont en colère, ils font entendre de courts grogne- ments semblables à ceux des jeunes chiens. Un fait singulier à constater chez eux, c'est leur gla- — 248 — pissement qui est modulé de manière à nous donner l'idée que l'animal est à distance, tandis qu'au mo* ment même, il est couché à nos pieds. » (i) La femelle met bas vers le mois de mai de sept ou huit petits. 2. Genre CANIS, Linné. La tête et le museau forment un cône tronqué au bout et assez régulier ; la pupille est de forme circulaire ; les incisives supérieures sont lobées des deux côtés ; la queue, de longueur moyenne, est touffue ; dents, quarante en tout. Canis nubilus, Say. I