QE | Car LLO: k % er re ni Cr pa de ka he \ ae de er Konsert cr lee ; 4 EE Smithsonian Institution Libraries Purchased from the ALICE E. KENNINGTON RARE BOOK FUND et [ » PTT £ À Autor: B ali an i Que el € Eugeue : 123 barb rev lt, 792 LES PAPILLONS, LEUR HISTOIRE, LA MANIÈRE DE LEUR FAIRE LA CHASSE ET DE LES CONSERVER. À em, G N ARR LONS à 4 LR 44 sue _) ur: AAA 7 AA de _. nr TR = | a Po A = Es t OUVRAGE AMU SANT DE dÈ Je STRE CTI, PTE e de LS Hies 1 fcsenlent ut - ds 277772 plié D Œ pe KO LRR û he ennesse SU HAS on _… d : DE —E D) L L ) TE a en. ( PARIS > ? D 6 2 { PBLANCHARD, VAR 77 774 Gateri € 7 cntesguen 10° au 17 Chez - ; ; A NS ; 2 LECERF, Graver = Clirus te ce 7. : Lule des (Dts NN F) AVERTISSEMENT. Ex composant cet ouvrage, je n'ai pas doulé un seul instant de son succès : oui, jeunes lecteurs, j'étais certain qu'il vous plairait ; vous êtes au printemps de la vie, et les papillons sont l'ornement du printemps de l'année. Ce rapport, mille autres encore ; votre impatient désir d'apprendre, et quelques notions vraies et inslructives que j'ai mélées à mon récit; votre goût pour tout ce qui brille de quelque éclat, et les riches couleurs des objets que j'avais à meltre sous vos yeux; votre légèreté, et celle du papillon ; tout enfin semblait concourir au débit de ce recueil, qui sera désormais le compagnon assidu de vos promenades champêtres. Je deviens donc, pendant la plus belle saison de l’année, votre auteur favori; et si d’une main vous agitez dans l'air cet échiquier , arme et bannière tout à Ja fois de la guerre que vous allez entreprendre, de l’autre main vous tenez l'Histoire naturelle des Papillons , que B. Allent, votre ami, votre auteur tout dévoué, a consacré à votre instruction et à vos plaisirs, Il m'a fallu éviter tout ce que la science a d’aride : ses mots techniques, plutôt grecs que français, ont été rem- placés par des dénominations plus ordinaires ; mais plus tard, jeunes lecteurs, lorsque des études plus avancées vous permeltront de vous servir de ces mêmes mots que j'ai dû m'interdire, vous n'aurez plus qu'à changer les noms, car les objets vous seront bien connus; et ce travail ne vous donnera aucune peine. Dans l'impossibilité de faire entrer en un cadre aussi resserré toutes les espèces de papillons connus, j'ai d’abord donné une préférence presque exclusive à ceux qui se trouvent en France ; et parmi ceux-ci, J'ai choisi les individus les plus remarquables, et en même temps ceux que l'on rencontre le plus fréquemment. J'ai divisé les papillons en trois classes : les papillons de jour, ceux des crépuscules et ceux de nuit, ou ce qui revient au même, les papillons, les sphinx et les phalènes : quant aux genres, comme tous ne pouvaient trouver place dans le choix que j'ai fait, je n’en ai tenu aucun compte ; enfin, j'ai laissé des lacunes dans un ouvrage pour les jeunes gens ; mais plus tard ces jeunes gens sauront eux-mêmes les remplir. Si quelques-uns d’entre vous, mes jeunes amis, plus sérieux que leur âge ne le comporte, allaient trouver ce EN 4 ke . , . . n . . , x 2 s MArorle sujet trop frivole, je leur répondrais d’abord que rien n’est indifférent dans l’ordre admirable de la nature ; etsils 1 semblaient douter que le papillon, qu'un insecte'si faible pût mériter leur attention , j'empruntérais à l’auteur des Études , à Bernardin de Saint-Pierre ; un passage dans lequel ce papillon qu'ils dédaignent est présenté comme une des merveilles les plus étonnantes de la création. « Le papillon, dit cet auteur, est plus beau et mieux organisé que la rose. Voyez la reine des fleurs, formée de portions sphériques, teinte de la plus riche des couleurs , contrastée par un feuillage du plus beau vert, et balancée par le zéphyr; le papillon la surpasse en harmonies de couleurs, de formes et de mouvemens. Considérez avec quel art sont composées les quatre ailes dont il vole, la régularité des écailles qui les recouvrent comme des plumes, la variété de leurs teintes brillantes, les six pattes, ornées de griffes, avec lesquelles il résiste aux vents dans son repos, la trompe roulée dont il pompe sa nour- riture au sein des fleurs, les antennes, organes exquis du toucher, qui couronnent sa tête , etle réseau admirable d'yeux dont elle est entourée , au nombre de plus de douze mille. Mais ce qui le rend bien supérieur à la rose, il a outre la beauté des formes, les facultés de voir, d’ouir, d’odorer, de savourer, de sentir, de se mouvoir, de vouloir, enfin une âme douée de passions et d'intelligence : c’est pour le nourrir que la rose entrouvre les glandes nectarées de son sein; c’est pour en protéser les œufs, collés comme un bracelet autour de ses branches, qu'elle est entourée d’épines. La rose ne voit ni n'entend l'enfant qui accourt pour la cueillir ; mais le papillon posé sur elle échappe à la main prête à le saisir, s'élève dans les airs, s’abaisse , s'éloigne , se rapproche, et après s'être joué du chasseur, il prend sa volée , et va chercher sur d’autres fleurs une retraite plus tranquille. » Ce petit tableau reconciliera sans doute avec le papillon, ceux qui lauraient regardé avec un injuste mépris. I! PaPp d 5 J P Déjà toutes les boîtes sont préparées ; Les divers caractères de l’insecte, renfermés dans ce cahier, sont lus et ap- pris par cœur ; les épingles sont acérées , et les échiquiers flottent dans l'air... un léger zéphyr vient de courber la tête des épis ; c’est le signal de la chasse ! c’est le zéphyr lui-même qui bat la plaine, et ramène vers vous les insectes que vos gazes attendent... Allons, chasseurs , bonne chance... , adieu ! [ Le) , LES PAPILLONS, LEUR HISTOIRE, LA MANIERE DE LEUR FAIRE LA CHASSE ET DE LES CONSERVER. RAA AAA AA AA AAA AA AS AAA RAA ALU AR AAA AU UE AAA AA ARR LEA AAA AAN AA AAA AA AAA AURA AA AR AR AA AA AURAS LR RAA ALES DES INSECTES EN GÉNÉRAL, ÎL nous semble qu'avant d'entrer dans l'étude des papillons, il est à propos de nous occuper d’une manière générale des in- sectes, parmi lesquels ils tiennent une place si distinguée, etpar la richesse de leurs couleurs, et par la grâce, l'étendue et la légèreté de leur vol. Les insectes sont le plus souvent méprisés, et ce n'est qu'à un certain âge que l’homme leur accorde vo- lontiers une attention que dans sa jeunesse il réserve pour les animaux qui le frappent par leur grosseur, par les dimensions gigantesques de leurs formes : alors il ne trouve pas d’expres- sions assez fortes pour rendre toute l'admiration que l'éléphant lui parait mériter; mais une chenille, un papillon , une mou- che, illes écrase sans se douter que chez ces petits animaux brillent, plus souvent encore que dans les autres, la sagesse et la puissance infinies de la Nature. Le tigre, le lion, par leur aspect imposant ; le perroquet, le paon, par la beauté de leur plumage , attirent toute son attention ; mais ces ressorts cachés dans l'espace d’un point et qui font mouvoir et digérer un ciron, à peine visible à l'œil, lorsqu'il n’est armé d'aucune lunette, ne le touchent point : c’est que, avant de vivre par l'intelligence , l'homine vit par ses sens, et que tout ce qui frappe ceux-ci lui demeure moins étranger que ce qu'il ne peut distinguer qu'a- vec les yeux de la raison , que cequi demande chez lui du calme et de la réflexion. Mais quand les années l'ont fait homme , il cherche dans les infiniment petits des merveilles qu'il y dé- couvre sans peine , et il n’est pas moins étonné à J'aspeet des actes que remplit un insecte, qui par sa petitesse échappe sou- vent à sa vue, qu'il ne l'est toutes les fois que son œil suit à travers l’espace immense des cieux ces globes majestueux qui roulent sur sa tête. Ces astres décrivent dans le vide une courbe qu'une main divine leur a tracée ; mais l’insecte caché sous l'herbe, va, vole, marche, attaque sa proie , combat où évite ses ennemis , mange et fait toutes les fonctions animales : son 1 ° . } éducation étonnante ne le laisse jamais dans l'embarras ; il est né avec l'instinet de ces ressources qui doivent suflire à tous ses besoins : met en œuvre, de parens qui meurent le plus souvent avant sa naissance ; ses semblables instruits comme lui, par un ordre secret, ont exécuté les mêmes choses depuis la création, et tou- il n'a point appris les ruses, les travaux qu'il jours sans aucun trouble, sans aucune erreur. Ici tout de- vient égal, et soit que l’homme élève ses yeux vers la voûte céleste , soit qu'il les abaisse sur l'humble ciron , il admire : Dieu ! s'écrie-tl, dans son enthousiasme , et, cette exclama- tion est le seul hymne de louange et de reconnaissance que l'é- motion lui permet de trouver. Mot sublime , élan du cœur , hommage le plus pur et le plus sûr de plaire à la Divinité! L'insecte est parmiles habitans du globe, celui dont le nom- bre est le plus considérable ; etles espèces le plus variées. Tout ce qui existe , tout ce qui respire, est soumis à son empire. La mer, les rivières , les étangs, en contiennent une quan- üté prodigieuse, et la goutte d’eau, soumise aux expériences microscopiques, en offre parfois toute une légion qu'il serait dificile de compter. La terre, dans son sein et à sa surface, n’en contient pas moins, et ils voltigent par milliers dans l'air qui nous environne. Il n'est pas de déserts pour eux , et les sables brülans, comme le terrain humide et fangeux , ont leurs insectes naturels. Tous les animaux en portent , et l'homme lui-même , comme les quadrupèdes , leur sert souvent et d’a- sile et de nourriture. On pourrait les croire nés du hasard et de quelque circonstance de température qui les développerait; mais chaque jour alors nous découvririons des espèces nou- velles, et la face du globe, changerait d’habitans et de végétaux. Au contraire, l'insecte, comme tout animal , a été créé par une volonté suprème, selon des lois fixes, invariables; la figure de chaque espèce lui sera conservée; etsinous ne voyons point naitre de nouveaux animaux , c'est que Dieu a créé un monde LES PAPILLONS, aussi parfait qu'il pouvait l'être , et qu'il n'a pas eu besoin de retoucher à son ouvrage, parce qu'il n'avait rien à en soustraire, ni rien à y ajouter. Ce qu'il y a de plus étrange , c’est la manière dont plusieurs insectes tirent leur nourriture : ils vivent aux dépens d’autres corps organisés : ainsi la mite elle-même, si petite qu'à peine si notre œil peut la suivre , est attaquée par d’autres petits in- sectes qui s'attachent à son corps, et viventen parasitesaux frais de sa faible organisation. Comment s'imaginer que les animal- cules qui vivent sur la mite ont des sens et des organes ? Rien cependant n'est moins douteux. Ils ont tous les organes néces- saires à la vie, et il est probable qu'ils ont des yeux , puisque parmi les insectes que nous avons observés, et qui nous sont bien connus, il n’en est point d'aveugles. Les insectes semblentmêmeprivilégiésquand on regardeleurs yeux : ils ont des yeux pour voir de près, et d'autres en forme de lunettes pour voir les objets placés au loin. Les grands animaux n'ont que deux yeux à surface plane; les insectes, s'ils n'en ont que deux, les ont à faceties, et chacune de ces faces rassemblant des rayons qui viennent de différens points, ils voient plus autour d'eux et sans avoir besoin de mouvoir leur corps. On appelle ces yeux à facettes, yeux à réseau. Nous n'avons parlé ici des petits insectes qui sont, à bien dire, des insectes d'insectes, que pour que nos jeunes lecteurs ne pensent pas qu'il n'existe de ces petits animaux que ceux que nous apercevons à l'œil nu ,; et que nous soumettons à nos expériences, à nos observations. Il est bon qu'ils aient une idée vraie de toutes choses, et nous leur apprenons l'existence d'êtres qu'ils n'avaient pas mème soupçonnés. Engramelle définit l'insecte un petit animal, soit qu'il vole ou qu'il rampe, dont le corps est-composé de plusieurs an- neaux qui, attachés par une membrane, peuvent s'éloigner ou se rapprocher, etexécuter plusieurs mouvemens , d'où ré- LEUR HISTOIRE, src. sulte un déplacement ; ou de plusieurs lames coupées qui glis- sent les unes sur les autres ; ou enfin , de deux ou trois parües bien distinctes, attachées les unes aux autres par une espèce de filet que l'on appelle étranglement. Dans la première espèce se trouvent rangés tous ceux qui sous forme de ver, pourvus ou non pourvus de pieds, peu- vent se portier d’un endroit à un autre. Lorsqu'ils veulent changer de lieu, ils fixent un de leurs anneaux près de la tête, sur le sol. Cet anneau sert de point d'appui à la membrane qui, se resserrant , rapproche l'anneau suivant : la membrane qui sépare le second anneau du troisième, exécute encore le mème mouvement, et lorsque plusieurs anneaux sont ainsi réunis, ces membranes se détendent, et les anneaux portés en avant, l'animal a changé de place, quelquefois d’un espace presque égal à la longueur de son corps. C'est par ce seul mé- canisme bien simple, comme on le voit, que ces petits êtres vont et viennent, avancent et reculent, sorient de terre ou y rentrent à l'aspect du moindre danger. Dans la seconde espèce, sont les mouches, les hannetons, et une infinité d’autres insectes dont le corps ressemble assez à l'armure d’un ancien chevalier : il est tout formé de petites lames qui s’alongent en se déployant, ou se raccourcissent en se recouvrant les unes les autres. Dans la troisième espèce, enfin, sont les araignées, les four- mis, et beaucoup de petits individus partagés, comme celles-ci, en plusieurs parties distinctes , qui sont réumes entre elles par des liens très-faibles allant d’une portion à l'autre, et ca- chés dans l'espèce d'étranglement qui les sépare. Le Créateur s'est plu à orner les insectes des plus riches parures ; les couleurs les plus variées leur sont prodiguées. La chenille offre des anneaux ou tigrés ou unis, mais où le plus beau noir, le vert et l'oraugé sont distribués avec une parfaite symétrie. Des plumets en poil sont dressés par tout son corps, 3 et lui servent à la fois de défense et d'ornement. Le papillon a les ailes peintes avec un art que les hommes ne peuvent qu'imiter, et n'auraient point inventé. Le ’ulcain, si bien nommé à cause de sa couleur, semble , à ses nuances noir et feu, sortir des ateliers et de la forge des Cyclopes. L’Ærgus à les ailes ornées d’yeux du plus bel azur; le Damier, plus mo- deste, présente un dessin très -compliqué et d’une parfaite exécution. Les mouches ne sont pas moins bien partagées : c'est l'or, l'argent et le bronze qui ont recouvert leur corcelet, et la gaze la plus fine et la mieux brillantée n’est rien en com- paraison de leurs ailes. Les franges , les aigrettes, les couleurs changeantes, et produisant les reflets les plus brillans, tout a été prodigué pour ces êtres dont l'existence devait être si courte. Ce sont beaucoup de richesses perdues, dira-t-on , mais c'est la magnificence de la toute-puissance, e’est la libé- ralité de celui qui ne peut s’'apauvrir jamais, quelques présens qu'il fasse. | Les armes des insectes devaient être en assez grand nombre : plus l'être est faible, et plus il a besoin de moyens de défense. Aussi sont-ils armés de toutes pièces pour faire la guerre, pour aitaquer et pour se défendre. Les armes de la plupart d’entre eux sont de fortes dents, des doubles scies, des aiguil- lons, des dards, des pinces vigoureuses. Ceux qui n'auraient point la force nécessaire pour se servir de ces armes, sont couverts de longs poils, d'épines qui empêchent leur ennemi de les saisir, ou de cuirasses à écailles qui les préservent des coups imprévus : d'autres aussi ont la faculté de se replier sur eux-mêmes , de manière que, prenant la forme d’une petite boule, ils semblent à l'œil du chasseur ou de l'animal, qui les prend pour nourriture , la graine de quelque arbre ; et cette métamorphose prudente les sauve du péril. L'agilité départie aux insectes leur sert beaucoup; c'estun moyen puissant de conservation, Ceux-ci se sauvent par le secours de leurs ailes, : LES PAPILLONS, ceux-là à aide d'un fil avec lequel ils se suspendent en Fair ou se jettent brusquement loin de l'ennemi qui les cherche ; d’autres enfin, par les ressorts de leurs pieds de derrière , dont la détente les élance loin du danger. Le détail des organes qu'ils ont recus pour vivre, et des outils qui conviennent à leur profession , serait plus surpre- nant encore. Chaque espèce d'insectes est destinée à une profession parti- culière, et ses premiers travaux sont toujours des chefs-d'œuvre. Il y en a dans tous les arts et dans tous les métiers : rien ne leur manque de ce qui est nécessaire à leurs ouvrages. Ils les exécutent avec un ordre et une précision admirables. On voit parmi eux des architectes qui forment le plan d'un édifice capable de contenir plusieurs centaines d'habitans : les appartemens en sont bien distribués, et il n’est pas un recoin de perdu ; en sorte que chaque individu qui doit les occuper y est logé séparément, dans un espace suflisant. D'autres, plus solitaires, se construisent des cellules séparées, où règnent la propreté el la commodité. Les uns bâtissent en bois ; ils sont munis de serpes pour faire les abatis et de scies pour les débiter. D’autres bâtissent en pierres : ils ont la truelle pour les unir avec du mastie, et le talent nécessaire pour les bien appareiller. Il y en à qui travaillenten cire; leurs ateliers sont pourvus des instrumens qui leur conviennent. Les uns savent filer, d’autres faire de la toile : ils sont montés en quenouilles et en navettes, et la matière première ne leur manque pas. La plupart sont doués d’une trompe plus merveilleuse encore par ses usages, que celle de l'éléphant. C'est un alambic qui disüille un sirop que l'homme n'a jamais pu imiter ; c'est une vrille qui perce les fleurs et les jeunes branches ; c’estun chalumeau qui aspire les sucs et la rosée. Nous n'entrerons pas dans les détails; nous ne suivrons pas la fourmi dans sa république, l'abeille dans son empire ; les miracles seraient bien autres, alors qu'il faudrait Joindre aux travaux les plus merveilleux les règles les plus sages, et à côté d’une adresse physique bien prouvée, placer une intelli- gence admirable qu'on voudrait pouvoir refuser à l'insecte, et qui est prouvée par tant d’eflets. Nous nous rappellerons que nous ne parlons des insectes que d’une manière générale et concise, pour servir d'introduction à l'histoire des papillons ; et nous éviterons des longueurs qui nous éloigneraient du but que nous nous sommes proposé. Îl est des insectes qui sortent tout vivans du sein de leur mère, il en est d’autres qui sortent de l'œuf qu'elle a déposé. Les pucerons des jardins , les clo- portes et quelques mouches sont du petit nombre de ceux qui ne sortent point de l'œuf, qui sont par conséquent vivipares : les ovipares sont beaucoup plus nombreux ; le germe de l'in- secte se développe dans lœuf, où il nage au milieu d’une liqueur dont il fait sa première nourriture, jusqu'à ce que, se sentant 1r0p fort pour demeurer enfermé en un si petit espace, il brise l'œuf, et se trouve à portée de nourritures qui conviennent mieux à son nouvel état; car la mère a eu la précaution de pondre aux endroïis qui fournissent les alimens nécessaires aux jeunes insectes qui doivent un jour , lors- qu'elle-mème aura cessé d'exister, éclore de ses œufs. Il est des insectes qui produisent beaucoup de petits, mais qui ont aussi, pendant leur existence, beaucoup plus de causes de destruction à éviter ou à combattre. La femelle du papillon du ver à soie dépose jusqu'à cinq cents œufs, qui tous pro- duisent un ver. Au sortir de la coque, il est des petits qui se trouvent sous leur forme parfaite, pour la conserver tant qu'ils vivront. Telles sont les araignées qui, dorénavant, n'essuieront plus de changement que celui de leur peau et de leur volume ; Les limaçons qui sortent de œuf avec. leur coquille sur le dos, coquille qu'ils conservent toute leur vie; si ce n'est qu'en gros- LEUR HISTOIRE, erc. ae sissant ils l'augmentent de volume en y ajoutant de nouveaux cercles : mais la plupart des autres insectes passent par plu- sieurs états, tous diflérens les uns des autres. Îls prennent suc- cessivement la figure de deux ou trois animaux, qui n'ont entre eux aucune ressemblance extérieure. Les insectes qui sont à leur naissance dépourvus de pieds, sont nourris par leur père et leur mère, qui vontleur chercher des alimens, qu'ils leur apportent où ils ont été déposés, sur des viandes qui doivent les nourrir, sur des étoffes à long duvet, ou sur le corps même des animaux. Ceux qui ont des pieds vont chercher leur nourriture; mais elle est toujours à leur portée, car, par une prévoyance merveilleuse, ceux qui les ont produits, les ont toujours placés sur la plante qui peut davantage leur convenir. Nous verrons plus tard, en parlant du ver à soie, tous les états par lesquels il passe : d’abord ver, ensuite nymphe, chrysalide ou aurélie (ces trois mots exprimentle mème état), et enfin papillon. Beaucoup d’autresinsectes, ainsiquele ver àsoie, passent par ces trois états; mais il en est, s'il faut en croire les récits de M. Le Bossu, et si ce nom estimable peut rendre jusqu'à un certain point crédule, il en est dont les métamor- phoses sont plus singulières encore, M. Le Bossu prétend que pendant un voyage qu'il fit dans les Indes occidentales , il a vu un ver blanc qui se nourrissait dans le tronc des vieux arbres, se transformer en un arbrisseau qui prit racine en terre, porta tige et feuilles, et monta à plus d'un pied de hauteur. Ce fait peut être vrai, mais assurément il ne paraît point vraisemblable. - : : Fr : Nous ne pouvons, à cause du petit volume de l'insecte, à cause de son étrange mobilité, le soumettre à un examen bien rigoureux; mais toujours a-t-1l été bien observé qu'il n'y a pas deux espèces différentes d'insectes, qui n'offrent sur leur conduite et dans leur caractère des différences non moins tran- chées, que celles que l’on remarque dans leur figure, dans leur conformation extérieure. Dans la mème espèce, il est aussi de légères variations qui se remarquent parmi les individus au premier coup dæil'les plus semblables. Comme il n'est point dans toute la nature deux feuilles dont les nervures soient exactement distribuées de la même manière , il n’est pas deux insectes, deux papil- lons, par exemple, dont les couleurs, dont le dessin soient exactement pareils. Les usages des insectes, ceux que le hasard et les recherches ont fait découvrir, doivent aussi nous rendre cette classe d'êtres fort intéressante. Nous devons au ver à soie les plus belles étoftes ; l'abeille nous fournit le miel et la cire; la cochenille et le kermès deviennent, une fois convenablement préparés, des couleurs précieuses pour teindre nos tissus. Les cantarides, les limacons, les vers de terre, ont été utilement employés par la médecine. Le nombre de ces individus dont nous re- tirons quelque avantage est déjà considérable; mais nous avons encore beaucoup à découvrir dans cette étude, dans cette ap- plication à nos besoins journaliers des êtres qui nous entourent. La cigale a été un mets délicieux et très-recherché par les Romains, et nous trouverons peut-être, parmi les insectes, beaucoup d'assaisonnemens , où même d'alimens dont aufoux- d'hui nous n'avons pas même l'idée. 6 LES PAPILLONS, NAS DAS ELA A LA LATE LA DELLE EAU RL SE DURE DURAND EVER TL EUA RE ERANLAE VE LENTILLES AMIE SUPER UULEUEUNEEEEUMERUELENLERERE RER LEBRURLAUUERLUTALEL LAURE TE ULELLAUEUUT LEE DES CHENILLES. De tous les insectes, les papillons sont ceux qui ont obtenu près de tous les amateurs, le premier rang. La beauté de leurs couleurs et l'aspect riche et varié qu’ils donnent aux collec- tions, voilà les motifs bien justes, sans doute, de l'espèce de prédilection dont ils sont l'objet. Le premier état du papillon, au sortir de l'œuf, est celui de chenille. On connait beaucoup d'espèces de chenilles; mais on en découvre encore tous les jours. Cependant, quelle que soit leur espèce, elles ont toujours avec les vers, qu'au premier abord on confondrait avec elles, Les différences suivantes qui servent à les distinguer. Toute chenille devant produire un papillon, est composée de douze anneaux, non compris la tête : ce nombre est cons- tamment le même, que la chenille soit grosse ou petite, naïs- sante ou parvenue à son état le plus parfait. La tête des chenilles est formée par deux calottes semi-sphé- riques, écailleuses, etsur lesquelles on remarque des petits points noirs qui sont ses yeux. À la partie antérieure de sa tête est sa bouche, qui est armée de deux fortes mächoires, dures , ai- guës et destinées à couper sa nourriture. Au-dessous de la bou- che, à la lèvre inférieure, est un petit trou appelé/ilière , parce que c’est par-là qu’elle file sa soie. Les douze anneaux dont nous venons de parler, sont assezsemblables; le dernier , cependant, PAPILLONS. sur lequel on remarque l'anus de la chenille, esttronqué et en forme de prisme. Sur les deux côtés de l'animal, on voit de petites ouver- tures oblongues, au nombre de dix-huit, neuf de chaque côté, ce sont les stigmates ou organes de la respiration. Chaque anneau en porte deux, excepté le second , le troisième et le dernier qui n'en ont pas. Le papillon ne conserve que deux de ces ouvertures pour respirer; ce sont les deux que porte le premier anneau, et que l'on retrouve sur le cor- celet. Les chenilles se divisent ensuite par classes , et on se sert, pour caractère distincuüf de ces divisions, du nombre de leurs pattes, qui varie de huit à seize, jamais plus, mais jamais moins. On appelle fausses chenilles des vers d’où naissent des mou- ches et non des papillons : on les reconnaitra en ce qu'ils ont une seule calotte écailleuse sur la tête, au lieu de deux, et qu'ils ont plus de seize pattes, où moins de huit. Les six premières pattes de la chenille du papillon , celles qui sont attachées aux trois premiers anneaux sont écailleuses : elles servent d’enveloppe aux six pattes que le papillon doit avoir. Les autres pattes de la chenille, espèce de mamelons mous et larges, que l’on a distingués par le nom de pattes membra- neuses, ne sont pas conservées après la métamorphose. Les chenilles naissent des œufs déposés sur les plantes : il en est que l'on ne trouve jamais que sut telle plante qui leur LEUR HISTOIRE , Erc. 7 convient, à l'exclusion de toutes les autres, mais beaucoup aussi se rencontrent indifféremment sur plusieurs arbrisseaux d’es- pèce et de feuillage différens. Il en est aussi, qui nées sur une plante s'en nourrissent pendant un certain temps, puis vont en chercher une autre , et, comme par un instinct médical, passent de la plante émolliente à celle qui est douée d'une grande astringence, et vice versä. Les espèces sont plus ou moins voraces : il est telle chenille dont trois nids sufhraient pour détruire un arbre entier; feuilles, fleurs et fruits, tout serait enlevé. Elles grossissent et changent de peau à difiérentes époques ; le premier changement à lieu dix ou douze jours après la naissance , les autres à des époques plus ou moins rappro- chées , jusqu'au moment où , cessant de manger, elles devien- nent immobiles , et filent divers nids ou coques dans lesquelles elles passent à l'état de chrysalides. Nous ne nous appesantissons pas sur ces différens états de la chenille , nous ménageant d'en reparler lorsque nous nous occuperons de son éducation , et lorsque nous en viendrons au papillon du ver à soie. Le fil qui sort du trou que les chenilles portent à la lèvre infé- rieure, et qui estappelé filière, comme nous venonsde le dire, s’alonge à volonté, et leur sert à divers usages. D'abord il les environne d’une espèce de Jlambris et toiture fourrés qui les mettent à l'abri du froid , du vent et de la pluie. On voit, sous ces remparts, des chenilles aussi petites qu'une fine aiguille ré- sister à l’action des frimas qui font périr les oiseaux et souvent des quadrupèdes. Leur fil de soie leur sert encore à éviter le danger et à prévenir les chutes. L'oiseau fond-il sur elles ? Elles se laissent tomber le long de ce fil, qui s'alonge et les soutient en l'air. Ce qu'il y a de plus étonnant dans la fabrication de ce fil, qui prend sur-le-champ assez de consistance à l'air pour porter, sans se rompre, tout le poids du corps de l'insecte , 7 c'est que la matière dont il est fabriqué n’est qu'un fluide qui s'écoule lorsqu'on écrase la fileuse. Les poils dont nous avons dit que quelques chenilles étaient pourvues, les empèchent aussi d'être écrasées dans leur chute, parce qu'ils amortissent le coup. Les oiseaux sont les plus cruels ennemis des chenilles : ils se servent de leur chair tendre pour nourrir leurs petits ; mais celles-ci, qui connaissent le danger qu'elles courent, se cachent toujours sous la feuille etla mangent sans paraître des- sus. Sont-elles observées par l'oiseau , elles feignent d'ètre mortes , puis elles profitent de la moindre distraction de l'en- nemi , de sa moindre négligence pour s'enfuir et se cacher. NYMPHES ou CHRYSALIDES, C'est de tous les états par lesquels passe le papillon, le plus étrange. Il ne semble plus exister, il ne prend aucune nour- riture , et ses couleurs ternes et presque toujours sombres ne lui donnent point d'autre aspect que celui d’un peu de ma- tière inerte, d'un débris auquel on n’accorderait aucun es- poir d'existence. C’est cependant de ce sac lourd et brut, que sortira le papillon, merveille de magnificence et de légèreté. Quelqueschrysalides sont entourées de coquesque la chenille file avant de passer à cet état, d'autres chenilles se transfor- ment sans cette précaution : on les voit s'attacher par les pattes de derrière à l'extrémité d’un pieu , d’une branche , au bord d'un toit, et rester suspendues deux et trois jours avant de quitter leur peau. Leur corps se raccourcit, leur tête semble s’en séparer : elle tombe bientôt avec la peau qui s'est fendue , et on est étonné de voir une chrysalide suspendue à la place de la chenille et presque toujours plus grosse qu'elle. La chenille s'était attachée par les pattes aux fils qui étaient fixés au bord du toit ou à la branche ; cette peau, venant à tomber , il faut 3 LES PAPILLOSS, que la chrysalide qui n'a point de pattes se raccroche à ces mêmes fils. C'est aussi ce qu’elle fait à aide de petits crochets dont sa queue est armée, et si à propos, qu'au moment où elle laisse tomber sa peau, elle enfonce par un soubresaut dans les fils les deux crochets dont nous parlons. Les chrysalides, ainsi attachées, sont absolument nues et sans autre couverture qu'une membrane écailleuse : il en est de plus industrieuses et qui sont renfermées dans des espèces de tombeaux qu'elles construisent avec un art admirable et qui souvent leur demandent plusieurs jours de travail. Plüsieurs entrent en terre, d’autres s'y font seulement un treu suffisant pour les contenir ; mais il en est qui, après avoir fait le trou convenable pour les recevoir, attachent toutes les petites mottes qui pourraient s'ébouler : ensuite elles choisissent tous les grains de terre dont elles ont besoin , en forment un amas à demi-pétri, et les prenant les uns après autres , elles les cimentent avec leur fil et leur glu : s’il arrive que l'humidité fasse fléchir leur ouvrage en dedans ; elles le relèvent à coups de tête, pour donner à l'intérieur la forme d’une sphère creuse. Lorsque l'ouvrage est avancé et qu'il ne faut plus que lui donner la dernière main, elles filent et font sur l'ouverture par laquelle elles s'étaient introduites, une espèce de plancher au-dessus duquel elles font passer des petits grains de terre qu'elles ont amassés dans cette intention , puis elles foulent à coups de tête, et le tombeau est achevé et ta- pissé dans tout son intérieur : ce travail terminé elles chan- gent de forme. D'antres chenilles font un pareil travail, mais sur la terre, au lieu de pénétrer dessous. Elles rassemblent des petites pierres réunies par de la glu et des fils de soie, et tapissent ensuite l’intérieur Ges chambres qu'elles se pratiquent ainsi. D'autres enfin, réduisent du bois en poudre, et en y mêlant dela glu, font une pâte dans laquelle elles se roulent, et qui, séchant autour d'elles, prend la forme de la chrysalide qu'elle ne tarde pas à renfermer. Le plus grand nombre file des coques plus ou moins parfaites, avec ou sans le secours de feuilles d'arbres qui servent d'attache et de soutien aux voiles qu'elles tendent autour d'elles. Nous renvoyons encore nos jeunes lecteurs au ver à soie, où ce dernier travail est plus au long expliqué. Enfin il en est qui, ayant rassemblé des feuilles et du bois, s'entourent de ces matériaux comme d’une espèce de manchon auquel elles ménagent une ouverture. Toute chrysalideestune espèce d'œuf qui contient l'embryon du papillon, avec les liqueurs propres à le nourrir et à le perfectionner. [y reste jusqu'à ce qu'il soit assez formé pour en pouvoir sortir. On peut, comme on fait éclore les che- nilles d'une manière artificielle plus tôt qu'elles n’écloraient , faire éclore les papillons plus tôt et par un moyen semblable , comme on pourrait aussi retarder leur transformation en mettant la chrysalide dans un lieu frais: mais on perd tou- jours quelques-unes des qualités de l’insecte que l’on soumet à de telles expériences. L'art, dans ce cas, nuit toujours à la nature. Les chrysalides nues appartiennent le plus souvent aux pa- pillons de jour; les papillons de nuit sortent de chrysalides enveloppées de coques. Cependant cette distinction souffre quelques exceptions. PAPILLONS. Lorsque la chaleur est arrivée au degré suflisant pour que le papillon éelose, la tête se dégage la première, les antennes s’'alongent, les pattes et les ailes s'étendent et se fortifient ; il voleenfin, et neconserve plusrien de son premier état. Figure, industrie , tout est changé de telle manière, qu'il est à peine reconnaissable aux yeux du naturaliste, qui cependant à suivi LEUR HISTOIRE , erc. 9 toutes ses parties dans leurs différens degrés d’accroissement. Ce n'est plus cet animal vilet pesant qui n'avait que des incli- nations terrestres, condamné au travail, réduit à ramper et à brouter avec avidité la nourriture la plus grossière ; sujet à des maladies continuelles et périodiques , n'offrant enfin à la vue qu'un extérieur hideux et dégoûtant : le papillon, au con- traire , est l'agilité même ; il ne üent plus à la terre ; il paraît mème la dédaigner : orné des plus magnifiques parures et couvert des plus belles couleurs, il ne vit plus que de miel et de rosée : enfin il ne connait que le plaisir, il en jouit sans réserve et sans contrainte. Au sortir de la chrysalide, le papillon est encore tout couvert de l'humidité de sa prison; ses ailes sont mouillées et chif- fonnées : tout son corps paraît plus gros qu'il ne le sera par la suite. Il reste pendant quelques instans immobile, et pendant ce temps , l'air qui l’environne le sèche et l’affermit : ses ailes se déploient et prennent de la consistance : il les essaie, et s'envole aussitôt qu’elles ont acquis la force nécessaire ; mais si quelque cause s'oppose à l'extension de ses ailes pendant qu'elles sont encore humides, la sécheresse en empêche le développement, et elles restent contrefaites. Et le papillon meurt sans avoir pu jouir de cette nouvelle vie, de cette destinée brillante que la nature lui réservait! Comme il est toujours fort utile de combattre les préjugés, et de mettre l'esprit à l'abri de ces mensonges populaires qui finissent par lui nuire en l’accoutumant à l'erreur, nous trouvons bon, chemin faisant, de dire que le papillon , arrivé à cet état de dépérissement, laisse écouler par l'anus des gouttes d’une liqueur rougcâtre, assez semblable à du sang, et que les murs sont couverts de ces taches ou stries de sang, lorsqu'une cir- constance atmosphérique a jeté dans le mème moment beau- coup de papillons dans cet état de maladie. Or, à la vue de ces gouttes répandues dans toute la longueur des murs sur lesquels les insectes se sont trainés avant de mourir et de tom- ber, les gens de la campagne ne balancent pas à croire qu'il a plu du sang; et les papillons ont aussi-bien accrédité dans les villages la croyance des pluies de sang, quele pollen (1) jaune de certaines plantes, les pluies de soufre : ainsi s'expliqueraient, d'une manière fort naturelle, tous les prétendus prodiges dont le merveilleux semble d’abord fait pour étonner; on verrait les causes les plus simples produire les effets les plus singu- liers. Nous recommandons à nos jeunes lecteurs un ouvrage de M. Salgues, qui a pour titre : Des Préjugés etdes Erreurs populaires. Sa lecture les amusera, et les mettra en garde contre les récits mensongers des personnes trop crédules. Le papillon n'est pas plutôt aflermi, qu'il voltige de fleurs en fleurs, parcourt les monts, les bois et les plaines : il est inconstant dans ses goûts, ne s'attache à rien, et change de place à tout moment. Mais il est très-occupé de sa postérité ; et comme s'il n'était arrivé à l’état de papillon que pour pro- duire des œufs, et assurer l'existence de l'espèce au moment où l'individu va s’'anéantir, il ne semble plus absorbé que par cette fonction importante, et sur laquelle repose tout le sys- ième du monde. Il en est même qui ne sont oceupés que de leurs œufs, et qui ne prennent aucune nourriture, privés de la trompe et de tout appareil nécessaire à la digestion : ceux-là meurent les premiers, ou du moins passent les premiers à cet état d’engourdissement dans lequel ils restent jusqu'au prin- temps suivant , où ils retrouvent encore un peu de vigueur, et quelques jours d'une vie que le premier souflle d’un vent frais, que le moindre rayon d’un soleil plus direct et plus brü- lant va leur enlever. Il est beaucoup d'objets qui, offrant un aspect délicieux dans ER APT CENT RP ER OR EEE Se ee (1) Poudre fécondante que porte l'extrémité de létamine dans un petit sac appelé anthère. o 10 une certaine vue de perspective, perdent beaucoup à être examinés de près et détaillés avec attention. Le papillon, dont les couleurs nous flattent à quelque distance que nous l’aperce- vions, supporte cet examen avec succès, et quelque rapproché qu'il soit de nous, il offre à notre admiration une beauté d'arrangement et de symétrie bien capable de la produire. Ses ailes surtout, ses ailes ne sont plus deux faibles mem- branes semées d'une poudre brillante que le doigt enlève par le plus léger toucher ; ce sont des écailles arrangées avec beaucoup de symétrie, qui se recouvrent les unes les autres comme les ardoises d’une maison. Ses yeux, qui semblaient deux petits points noirs brillans et demi-sphériques, sont taillés à facettes comme un diamant, et avec une précision dont l’art du lapidaire ne donne qu'une bien faible idée. Cette cornée de l'œil du papillon a été placée dans le microscope , au lieu de la lentille, et l'objet regardé au travers a été répété dix-sept mille fois. Nous ne pouvons au reste affirmer ni nier des faits de cette nature, parce qu'il faudrait tenter ces expériences, pour dire avec certitude jusqu'à quel point il a été possible d'en ürer des résultats. La trompe du papillon est composée de deux lames en forme de gouttière, appliquées l'une sur l'autre, et ayant leur partie creuse en dedans. C'est avec cette pompe aspirante que le papillon extrait le miel placé dans le calice des fleurs et délayé des pleurs de l'Aurore, de cette rosée dont la goutte sphérique et limpide semble une double pierre précieuse lorsqu'elle est éclairée par les rayons du soleil. Si la rosée n’a pas été assez abondante, le papillon à une autre ressource, il laisse couler ane humeur fluide qui se mêle au miel, et le rend plus facile à aspirer. Présentez du sucre à cet insecte, et vous le verrez devant vous exécuter cette opération de liquidification. Trois parties distinctes se font remarquer dans tout pa- pillon : la tête, le coreclet et le ventre. LES PAPILLONS, La tête est cette partie supérieure qui, outre les yeux , porte encore la trompe, les barbes et deux antennes. Le corcelet, partie intermédiaire entre la tête et le ventre, enveloppe le dos, contient l'estomac, et donne attache aux six pattes et aux quatre ailes. Le ventre vient ensuite, et il est plus mou et toujours plus alongé que les deux autres parties. Voici les divisions principales du corps de l'insecte; entrons maintenant dans quelques détails. Les pattes ne sont pas toujours attachées toutes les six au corcelet : parfois les deux premières sont fixées à l'entour du cou comme une palatine, et ne semblent d'aucun usage au papillon : ainsi, ce caractère a servi à partager en deux classes les papillons de jour, selon qu'ils se servent de quatre ou de six pattes, car les mêmes espèces rappellent constamment la mème disposition. Les antennes sont deux petits corps presque toujours fili- formes, et que le papillon porte au devant de lui pour inter- roger les lieux qui l'environnent; c’est la sonde du marin, c'est une avant-garde pour le militaire, c'est la main de l’homme qui cherche sa route au milieu d’une profonde obs- curité. Ces organes admirables ont long-temps partagé les naturalistes, qui leur reconnaissaient plusieurs usages, mais ne voulaient point s’accorder sur celui qu'ils étaient surtout destinés à remplir. On s'accorde aujourd'hui à les regarder comme chargés du sens de l'odorat. Les antennes sont creuses d'un bout à l’autre; c’est par ce conduit que les particules odorantes s'introduisent, et une fois perçues, avertissent le papillon, des alimens qui sont à sa portée, des qualités bien- faisantes ou nuisibles des fleurs qu'il approche. Il est de re- marque en effet que l'insecte, que l'animal en général, sera moins facilement trompé que l'homme, et se méprendra beauconp moins que lui entre la plante salutaire et l'herbe LEUR HISTOIRE, erc. 1i vénéneuse. Jamais, lorsqu'il vole, le papillon ne tient ses an- tennes recourbées; elles sont dirigées en avant, et elles flairent la fleur avant qu'il ne s'y pose. Les antennes servent encore au papillon, comme les cornes au bélier, d'armes pour ses querelles : voyez deux de ces insectes se diriger dans l'air pour se disputer une fleur, ou les faveurs d’une femelle, ils voltigent l'un près de l'autre, se tournent toujours tète contre tète; les antennes sont des mas- sues qui, tour à tour, portent les coups et savent les parer. Le motif le plus ordinaire de leurs disputes est la propriété d’un terrain, que deux ou plusieurs d'entre eux désirent à la fois s'approprier. Papillons et rois sont donc guerriers et con- quérans : les papillons se battent eux-mêmes, les rois font combattre leurs sujets. Nous arrivons insensiblement à parler des œufs du papil- lon ; de sa manière de les déposer, de leur faire un lit ; mais d’autres articles semés dans cet ouvrage, qui viennent y rompre la monotonie, et y égayer la sécheresse des descrip- tions, nous donneront à cet égard tous les renseignemens que l'on peut désirer lorsqu'on étudie, non point comme un sa- vant, mais comme un homme du monde qui désire trouver, au lieu de veilles laborieuses qui le fatigueraient, d’agréables loisirs, qui, sans travail, ont le pouvoir de le distraire. On distingue cinq espèces principales d'antennes; et d’après ces différences dans un même organe, cinq subdivisions ont été formées parmi les papillons. Nous n'entrerons pas dans ces détails de classification, et nous ne verrons que trois papil- lons : celui qui vole en plein jour, celui qui, à la fois ami du jour et des ténèbres, s’élance dans les airs au crépuscule du matin et du soir, et enfin le papillon de nuit, qui sort de sa demeure lorsque la chouette et l'orfraie parcourent les cam- pagnes. Ici, comme Engramelle, nous emprunterons à M. Geoffroy ces paroles qui terminent le discours qu'il a mis en tête de son Histoire des insectes : « Peut-être, dit-il, cet abrégé pourra-t-il donner plus de goût pour observer les manéges singuliers et merveilleux de ces petits animaux, dont la perfection doit nous fare admirer la grandeur de celui qui les a créés. » C’est ainsi que chaque pas que nous faisons dans l'étude de la nature nous découvrant des ressources infinies dans les œuvres de la création, nous pénètre d’admiration, nous confond par un retour inévitable sur notre faiblesse, et nous convainc d'une Providence suprème qui a pesé, dans sa sublime sagesse , les mondes qui peuplent l'espace, et qui est demeurée motrice de l'Univers qu'elle a créé. ca LES PAPILLONS, AAA RAR A AAA AU AR RAR BAL LR AUD AA BRL LRARALRAARAUBRAALR BAS RAR AA AE LL RAA LAURE ABLE LUS AA AAI ALT AAA AE PREMIÈRE PARTIE. PAPILLONS PROPREMENT DITS, où PAPILLONS DIURNES. Cerre classe nombreuse renferme les papillons de jour, ceux que la nature paraît avoir privilégiés : leurs riches cou- leurs doivent briller de tout leur éclat sous les rayons du soleil, et ils peuvent sucer le suc des fleurs au moment où l'air plus chaud se parfume de leur odeur. C'est leur sort qui serait envié de tous les papillons, si dans les autres espèces que la nôtre ces individus n'étaient dirigés par un sage instinct qui les porte à user de tous les avantages de leur condition, sans en désirer une autre, sans penser même qu'ils auraient pu naitre différens, et obtenir du Créateur unautre loten partage. Les papillons qui composent cette classe, sont à quatre ou à six pieds; leurs chenilles sont ou lisses où épineuses ; et quand elles passent à l'état de chrysalides, elles sont suspendues ou par le milieu du corps, ou par la queue. Les Entomolo- gistes (on donne ce nom aux naturalistes qui s'occupent plus particulièrement de l'étude des insectes) ont, d’après ces ca- ractères, fait deux premières classes des papillons de jour. Dans l'une sont les papillons à quatre pieds, à chenille épi- neuse, et chrysalide suspendue par la queue ; dans la seconde, sont les papillons à six pieds, dont les chenilles lisses sus- pendent leur chrysalide par le milieu. Mais nous ne tiendrons point compte de ces subdivisions; nous ne voulons point parler en savans, nous ne voulons qu'occuper quelques loisirs : nous n'avons pour but que de nous amuser. Nos jeunes lecteurs penseraient peut-être qu'il est aisé de reconnaitre les papillons de jour, puisqu'ils volent de jour ; ce serait trancher par trop la dificulté, et il ne serait pas toujours juste de raisonner ainsi; car il est des papillons de nuit qui volent aussi de jour, et on rencontrerait d’ailleurs souvent les papillons désignés sous le nom de sphinx, dont nous parlerons dans notre seconde partie, et qui ne craignent pas la clarté, quoiqu'ils voltigent plus volontiers à l'approche des ténèbres. Les papillons de jour ont leurs heures de vol: les uns paraissent à midi, rentrent à deux heures, les autres sortent ensuite jusqu à quatre, et sont remplacés par d’autres qui ne rentrent qu'à la nuit. Ainsi, la prairie est toujours visitée ; et les heures des repas étant différentes, les convives sont réduits plus rarement à se disputer les fleurs qui parent la table du festin, et qui en sont à la fois et les mets et l'ornement. LE MORIO©O. (Planche tC — Fig. TRS US EL. 41) Cette première figure est une copie très-ressemblante de la chenille du Morio, au moment de son entier développement. D ) : Er (7 «) 4 te LLnche 72 A lit A HEC ) UNE AU LEUR HISTOIRE, Erc. 13 Son corps est recouvert de poils fins de couleur bleuätre, et ses épines , qui ne se remarquent ni au cou ni sur les deux premiers anneaux, sont simples et garnies de plusieurs petits poils. Chacun des deux anneaux qui suivent les deux pre- miers portent six épines, les six autres en ont sept, tandis que le dernier etl'avant-dernier n'en ont que quatre. Soixante- deux épines servent donc de rempart à cette chenille contre le toucher de l'homme et contre la morsure des insectes. Ces défenses ne lui viennent cependant que très-tard, et seulement lorsque ses dimensions, venant à s'étendre, elle est davantage exposée aux insultes des animaux dont elle attire les regards par un plus grand volume et par des couleurs plus prononcées. La première peau présente, au lieu d'épines, des taches rousses qui deviennent plus sensibles à la seconde, mais qui ne sont armées de poils qu'après la troisième mue. On rencontre cette chenille vers la fin de juin et au com- mencement de septembre. Elle vit en société, et ses nichées, très — peuplées , sont cependant soutenues par l'extrémité des branches les plus élevées, et par conséquent par les ra- meaux les plus faibles. Les feuilles du bouleau, du saule et de losier composent sa nourriture ordinaire. Elle émigre du nid lorsque le moment d'être transformée approche ; et c’est par troupes qu'elle va chercher un lieu propre à ce change- ment d'étar. La chrysalide du Morio, que représente la figure 2, est d'une forme assez ordinaire, etne présente aucune singularité remarquable ; seulement elle est recouverte d'une poussière bleuätre. Nous avons choisi cette nymphe de préférence , parce que , semblable au plus grand nombre, elle remplissait mieux notre but, qui était d'offrir aux yeux de nos Jeunes lecteurs la chrysalide dans son état le plus ordinaire. C'est après quinze jours de séjour dans Ja fève, que le pa- pillon Morio sort pour porter dans les parterres cette brillante parure dont il est revêtu, et que rend avec une très-grande vérité la figure 3 de cette même planche. Cette couleur rouge foncé, à la fois riche et sévère; cette bande qui de chaque côté” règne sur les ailes, et présente, sur un fond noir, des taches bleues, où quelquefois aussi violettes ; enfin cette bordure jaune qu'un eflilé en poils vient accompagner, tels sont les agrémens qui ont fait regarder ce papillon comme lun des plus beaux de nos contrées. La femelle, comme il arrive presque toujours parmi ees in- sectes, est plus grande que le mâle ; et son ventre, à cause des œufs qui le remplissent, parait toujours plus gros. Quelques naturalistes ont indiqué pour différence une tache bleue qui se trouverait en plus sur la bande noire des ailes; mais cette remarque peut être considérée comme minutieuse , et le signe qu'elle indique comme très-peu constant. Notre figure 4 fait voir le dessous des aïles du mâle et de la femelle, qui, sous cette face, n'offrent plus aucune dissem blance. Le dessous des ailes du Morio n'est pas, à beaucoup près, aussi riche que le dessus, et c’est presque de mème chez tous Les papillons : toutefois il faut en excepter quelques-uns qui sont plus beaux lorsque leurs ailes, ainsi dressées, laissent voir leur face inférieure que lorsqu'elles sont étendues. Il est une variété du Morio qui a la bande noire des ailes beaucoup plus étroite, et qui porte sur la bande jaune qui est alors plus large et plus foncée des taches noires et irrégulières. Les taches bleues ne sont aussi qu'au nombre de trois. On a aussi voulu donner comme variété un Morio à bandes blanches ; mais c’est le même individu, qui seulement a passé l'hiver. Surpris par les premiers froids, ils se retirent dans des creux d'arbres ou dans des greniers de la campagne, où ils restent sans mouvement pendant tout l'hiver. Ceux qui ont pris le creux des arbres pour refuge, perdent plus tôt leurs couleurs. La bande jaune devient blanche; et ce changement 14 LES PAPILLONS, que l'on remarque en eux lorsqu'ils reprennent leur vol au commencement de mars les a fait prendre pour une espèce différente. Ce n'est point un jeu de la nature, mais un effet de l'humidité. Nous n'offrirons que ce seul exemple à nos jeunes amateurs, de l’erreur dans laquelle on peut tomber quand on se laisse abuser par les effets, sans remonter aux causes. Ce superbe papillon se trouve dans toute l'étendue de l'Europe. Bien loin de ressembler à certaines espèces qui ne quittent jamais le parterre ou la prairie qui les voit naître, il aime à voyager. Parfait modèle de cette inconstance dont tous les papillons sont devenus le symbole, celui-ci est tantôt sur les montagnes, tantôt dans la profondeur des vallées ; c’est en rase Fee. c’est dans le plus touffu du bois qu'on le rencontre. La chasse du Morio est difficile, craintif, et se laisse peu approcher : aussi sa capture en est car il est très- plus glorieuse. Il ne faut tenter de le saisir que lorsqu'on est presque assuré de le prendre, car autrement il s'envole avec une extrème vivacité, et on ferait de vains eflorts pour l’'ap- procher de nouveau. Le souvenir du danger devient pour lui un moyen de salut. LE PAON DE JOUR. (Planche X°.—Fig. 5, 6,7et8.) Deux fois dans l’ânnée on rencontre la chenille du Paon de jour; en mai et en juillet. Cinquante-six épines composent toute l'armure de ce ver. Le cou et le premier anneau en sont dépourvus ; ; le second en a deux, les suivans chacun six, l'avant-dernier quatre et le dernier deux. Sa défense est plus assurée encore par la propriété qu'il a de verser par la bouche une goutte de liqueur verte aussitôt qu'on le touche, liqueur corrosive, et qui détermine de très-vives inflammations. Ces chenilles présentent une particularité assez remarquable , c'est qu'elles ne filent de nid que dans leur premier âge, et qu'une fois assez fortes pour ne plus craindre le froid, elles cessent de s’en garantir au moyen de leur soie, et se cachent seulement sous les feuilles, continuant de vivre en société comme au temps où elles n'avaient qu'une seule demeure. Elle est noire dans tous ses états, mais à chaque mue cette couleur semble prendre un vernis plus luisant. Des points blancs viennent trancher sur cette couleur sombre ; c’est la chenille du deuil, et nous l'avons vue très-bien employée dans un trophée funéraire que l’élève d’un homme très-savant en Entomologie avait peint pour en faire hommage à la famille de son maitre. Cette chenille, représentée ici figure 5 , se rencontre sur presque toutes les orties dont elle mange les feuilles. La figure G représente la chrysalide du Paon de jour. Elle est d'abord d'un vert clair; puis cette couleur devient plus foncée et plus parsemée de taches d'or opposé cette chrysalide à nous avons EXprès la précédente, afin que nos lecteurs ne s'imaginent point que tous les papillons arrivés à cet état sont d’une teinte sombre et de couleur feuille morte. C’est à la vérité la livrée du plus grand nombre ; mais quelques-uns cependant laissent deviner, par les nuances de Fenveloppe, les nuances plus brillantes qu'elle dérobe-encore aux yeux, mais qui pareront le papillon qui doit en sortir. La femelle du Paon (jig. 7), n'offre, avec le mäle, que cette seule différence, que les deux petits points que l'on re- marque sous les yeux des ailes inférieures sont bleus, tandis qu'ils sont noirs chez les mâles. Au reste, c’est la même dis- tribution de couleurs, le mème dessin. Voyez-la en dessous (Jig. 8): son beau luisant ne saurait mieux être rendu par le pinceau, LEUR HISTOIRE, rc. 15 On ne trouve pas de variétés de ce papillon ; il est assez constamment le mème par toute l'Europe : il habite les forèts, les jardins, les environs des prairies. Bien différent de celui dont nous nous sommes d’abord occupés, il est attaché à son berceau , ne quitte qu'à regret le lieu natal; il ne parcourt encore qu'une enceinte très-circonscrite ; et comme s'il en était le propriétaire, ilen chasse les papillons étrangers, et les traite comme un maitre avare qui refuse de donner l'hospitalité ! Osent-ils le combattre ; eet ennemi cruel leur arrache la vie pour punition de leur imprudence. Ce papillon tyran de l'air vous semble, n'est-il pas vrai, aussi ridicule qu'un sou- verain qui prétendrait à l'empire des mers. Le vol du Paon, quoique rapide, est majestueux ; il plane presque toujours. Cette manière de voler lui est au reste com- mune avec les plus beaux papillons. Ils semblent connaitre tout le prix de leurs ornemens, et le mouvement de leurs ailes est plus mesuré : ils se garderaient bien de voltiger en tourbillon comme les papillons dont la parure est moins re- cherchée : le Paon est un petit-maitre bien paré, qui étudie sa marche et calcule tous ses pas. LA GRANDE-TORTUE. (Planche 1°.—Fig. 9, 10, 11 et 10.) Afin de ne rien laisser ignorer de ce qui regarde les che- nilles, il nous faut dire encore que beaucoup n'offrent point de différences sensibles dans la même espèce, qu'elles doivent produire un papillon mäle ou un papillon femelle. Cette dis- tinction a cependant lieu quelquefois, et c'est ce qui arrive pour la Grande-Tortue. La figure 9 représente la chenille du mâle; la figure 10 la chenille de la femelle. Quoique toutes deux conformes quant aux ornemens qu'elles portent, on remarque cependant entre elles une différence de nuances. La première est beaucoup plus brune : hé bien, à cette seule dif- férence, on peut juger le sexe des papillons , et d’une manière infaillible. Les chenilles plus claires produisent des femelles, celles qui sont plus foncées des mâles. D’autres espèces présen- tent encore des différences plus tranchées entre leurs chenilles : ainsi, il en est dont les ornemens sont tout-à-fait différens d'un sexe à l’autre. Les chenilles de la Grande-Tortue paraissent deux fois l'année : la première au mois de Juin, et la seconde au mois d'août. Elles sont très-peu délicates dans le choix des alimens : elles se nourrissent des feuilles du saule et de celles de l'orme; elles mangent aussi la feuille de presque tous les arbres frui- tiers, surtout de ceux qui produisent des fruits à noyau , €L parmi ces derniers, elles paraissent distinguer le cerisier. C’est assurément à ce peu de délicatesse qu'il faut attribuer leur énorme multiplication en quelques années. Comme l'espèce précédente, ces chenilles vivent en nichée, puis se dispersent et cessent de filer, dès qu’elles ont acquis quelque développement. Elles ont soixante-neuf épines. Re- marquons que nous voyons ici, pour la première fois, les épines en nombre impair. La figure 11 fait voir une chenille que l'on refuserait de reconnaitre pour appartenir à la même espèce, tant elle est diflérente. C’est cependant une chenille de la Grande-Tortue qui en à fourni le dessin; mais elle était attaquée par une Ichneumone, et elle allait périr victime de cette mouche ear- nassière. Malgré les épines dont elle est couverte, la mouche a déposé ses œufs sur sa peau; et à peine éclos, ces petits insectes, introduits dans son corps, ont vécu à ses dépens, et lui ont fait prendre l'accroissement difforme que l'on voit ici. Elle n'est point morte cependant avant sa métamorphose; et 56 LES PAPILLONS, malgré ces tortures que les morsures continuelles des petites mouches Ichneumones devaient lui faire endurer, et que l’on devinait assez aux couleurs livides qui couvraient son corps, elle est encore parvenue à se métamorphoser (fig. 12). Mais elle n'a point changé d'étaten changeant de forme; et toujours dévorée , elle est altérée, chrysalide aussi bien que chenille, et dans ses couleurs et dans ses proportions. Vous vous inquiétez, jeunes amis, du sort du papillon qui doit naître de la chrysalide, et vous craignez qu'il n'arrive au jour malade et souffrant et portant avec lui les insectes ron- geurs. Il n’est plus de papillon, et au bout de dix jours cette chrysalide, au lieu de l'insecte brillant et léger que l’on atten- dait, restera vide après que deux cents petites mouches ichneu- mones en seront échappées. Il est une autre espèce de Tortue, désignée sous le nom de Petite- Tortue, et qui vit également en famille et se nourrit de feuilles d'orties. Les chenilles de la Petite-Tortue sont très- différentes entre elles, quoique fournissant constamment le mème papillon. Au premier abord on serait tenté de n'admettre, entre ce papillon et le précédent, qu'une différence de taille, et de refuser d'en faire une autre espèce; mais en se livrant à un examen plus sévère on remarquera que ses ailes ne sont pas frangées, et on observera aussi, et cela sans la moin- dre variation, une tache blanche vers l'extrémité des aïles su- périeures, tache qui jamais ne se remarque dans la Grande- Tortue. Comme la grande espèce, celle-ci n’est pas voyageuse et s’écarte rarement de la plante où elle a vécu à l'état de che- nille. Le vol de ce papillon est rapide; il parcourt les prairies, les jardins, et fréquente les promenades. L'homme ne l’effraie pas, il s’en repose, pour éviter ses atteintes, sur la vivacité de ses ailes. Il s'élève aisément dans l'air en suivant une ligne presque droite : hors de la main il plane et parait insulter à son ennemi. LE VULCAIN. (Planche X°°,.—Fig. 13.) Les chenilles qui produisent ce papillon sont très -diflé- rentes, et l’on aurait peine à s'imaginer, si les expériences ne le démontraient, qu’elles doivent donner naissance au même individu ; Fune est brune, avec deux bandes jaunes interrom- pues par des taches brunes et régnant le long des pattes; l'autre est vert-päle, avec une bande pareille ; une troisième est gris-ardoise; une quatrième carmélite-clair. Il est vrai que l'on à cru remarquer entre ces différences de la chenille, et des différences de dessin et de couleur sur le dessous des ailes du papillon, quelques rapprochemens. La chenille du Vulcain parait depuis le commencement du printemps jusqu'à l'automne, mais surtout dans les mois de juillet et de septembre. Celles qui viennent dans ce dernier mois réussissent toujours beaucoup mieux que les autres, étant moins exposées à être attaquées par les mouches ichneumones, qui à cette époque ont déjà pondu leurs œufs. Cette chenille doit peut-être aussi sa conservation à une in- dustrie particulière : non encore rassurée par les épines dont elle a le corps entièrement couvert, elle se forme, avec la soie qui s'échappe de sa filière et les feuilles terminales des plantes sur lesquelles elle se pose, un abri sous lequel les mouches et les insectes ne peuvent l’apercevoir : elle est d'ailleurs au pied des murailles sur l'ortie; et cette plante sombre et peu élevée pro- tége encore sa sûreté en n'attirant que peu d'animaux destruc- wurs. Elle ronge toujours, sous la loge qu'elle s’est construite, toutes les feuilles qui sont à sa portée, puis elle construit une autre loge sous laquelle elle reporte la table du festin. La loge LEUR HISTOIRE, Erc. , qu'elle quitte trouve de suite un locataire : une araignée vient ordinairement: S'y établir. On trouve, en étudiant l'histoire naturelle, beaucoup d'exemples semblables d'espèces qui ne construisent jamais d'habitation, mais qui viennent occuper cellé que d’autres espèces savent établir, après qu'elles l'ont quittée, ou après les avoir forcées de fuir ou les avoir im- molées. C'est donc à peu près partout de même, des querelles, des usurpations; et le bien reste au plus fort. Notre figure 13 représente la femelle du vulcain ; la tache blanche et ronde que l'on remarque dans la bande rouge des ailes supérieures n’est pas constante; et comme elle manque chez plusieurs individus , elle ne peut servir de caractère dis- uncüf. La nuance des ailes inférieures varie beaucoup dans les deux sexes : tantôt plus claires et tantôt plus obscures; elles sont 17 ordinairement bigarrées par le milieu, et les lignes de bistre qui les traversent ont la forme du chiffre 98 plus ou moins dis- tinct. Cette particularité à fait appeler ce papillon /e papillon à numéros : il a encore reçu les noms de Aars et d' Amiral. Il méritait d'entrer dans cette collection, non à cause de sa rareté, car on le rencontre partout, mais à cause de ses belles couleurs : c’est d’ailleurs la plus ancienne connaissance des enfans qui ont fait la chasse aux papillons, et ils aimeront à le retrouver ici. Il connait peu le danger, et souvent après avoir été manqué par le chasseur, il revient se poser sur son filet; on a vu le prendre avec la main. Cette intrépidité est la marque d'un grand courage; aussi le vulcain combat-il avec ardeur, défendant, à tous les papillons d’une autre espèce que la sienne, l'approche des lieux où il a établi sa demeure, ses chasses et ses promenades. ARR LA AAA AAA PAR LATE UE LR LE LADA AAA LULU TITLE BLEUE EEE EEE EEE LEE LEE LEEEEIEEMEEVEEEEELERAEEEEEEVEEVEEEEEE VER DE L'ÉDUCATION DES CHENILLES. L'anresse et l'agilité sont les deux qualités essentielles au chasseur. Ce sont elles qui mettent en son pouvoir le gibier qu'il poursuit. Aussi les mêmes qualités font -elles de l'enfant qui a l'échiquier en main la terreur des papillons. Il faut, il est vrai, qu'il brave les ardeurs du soleil, qu'il sache traverser le long espace des plaines et gravir les escarpemens des rochers. C'est un métier parfois très-fatigant, et pour les plus faibles ou les plus paresseux, il serait souvent plus agréable de faire la guerre aux chenilles. L'insecte, qui dans cet état est dé- pourvu d'ailes, qui à peine a des pieds et qui rampe plutôt qu'il ne court, est facile à rejoindre et à saisir. Il sera donc agréable à quelques-uns de ceux qui nous lisent de trouver ici des renseignemens sur la manière de conserver et d'élever les chenilles jusqu'au moment où elles deviendront papillons. Ce chapitre, s'il manquait à notre ouvrage, nous serait rap pelé par nos jeunes lecteurs eux-mêmes, qui souvent ont con- quis par hasard de très-belles chenilles, et les ont vues mourir dans l'obscurité du pupitre, faute d’avoir appris quel régime de vie il fallait leur imposer, quels soins leur offrir, quelle demeure leur assigner. Ce sont tous ces points importans que nous allons passer en revue, en accordant à chacun le degré d'attention qu'il peut mériter. à J 10 De tous les insectes, les chenilles sont Les plus faciles à élever : on sait qu'elles vivent de plantes, et c'est un grand point sans doute, l'aliment ordinaire de beaucoup d’autres insectes nous étant inconnu, et cette ignorance rendant leur éducation presqu'impossible. Mais si, d’après l'éducation de la chenille, du ver à soie, que nous exposerons au long dans cet ouvrage, on peut prendre une idée exacte de la manière d'élever les chenilles de toute espèce, il faut ajouter qu'il est nécessaire de découvrir la feuille de chaque chenille, ear chacune affec- tionne une plante, comme le ver à soie le mürier. Vers la fin de Pautomne, ou au commencement de liver, il faut recueillir les jeunes chenilles engourdies par le froid, et les œufs qui ne sont pas encore éclos, afin de les nourrir et de les élever quand vient la pousse des feuilles, éducation qui dure depuis la pousse des feuilles jusqu'au commencement d'octobre, Dans l'impossibilité de deviner, quand la chenille n'est pas connue, la feuille qui convient le mieux à ses besoins, la première indication à suivre est de lui offrir celle de l'arbre sur lequel on la trouve : il est bon , avant de la saisir, d’exa- miner si elle mange et d'attendre qu'elle le fasse, s'il est pos- sible, parce qu'alors tous les doutes sont levés. On consulte aussi leur goût en leur offrant tour à tour de jeunes feuilles et des fenilles bien formées. Les unes désirent le bourgeon , les autres mangent la feuille la plus dure; cette différence dé- pend de leur plus ou moins d'accroissement, de leur plus ou moins de voracité. Mais il suffit de cinq ou six repas pour dé- couvrir ce qui convient le plus à leur appétit : on continue ensuite de leur servir la feuille qu'elles ont choisie. Quelquefois on rencontre les chenilles sur plusieurs plantes diflérentes, et c’est souvent une preuve de leur indifférence sur le choix des alimens ; car on les voit, peu délicates, manger la feuille de chacun des arbres qui les environnent. Ces che- nilles, nous n'avons même pas besoin de le dire, sont d'une s LES PAPILLONS, éducation beaucoup plus facile et presqu'immanquablement couronnée de succès. D’autres sont bien plus embarrassantes à nourrir, et ce sont celles qui , venant de changer de peau, re- fusent tout à coup la nourriture qui leur à convenu jusqu'au jour de leur nouvel habit. On place alors autour d'elles di- verses feuilles, et des feuilles dans leurs différens degrés de développement, Elle vont se poser sur celle qu'elles préfèrent etqu'on continue ensuite de leur fournir. Une espèce de paon est dans ce cas : la chenille vit de pimprenelle; mais aussitôt qu'elle a changé de peau, ce sont des feuilles d’ormeau qu'elle désire, et la pimprenelle lui cause une répugnance extrême. Nous voudrions pouvoir indiquer où le chasseur qui cherche la chenille doit surtout porter ses pas. S'il était pour ces in- sectes des demeures de choix, des habitudes, nous lui indi- querions la marche qu'il aurait à suivre; mais rien de plus varié que l'habitation des chenilles : elles sont dans le trou des arbres , sous les écorces les plus rugueuses, au pied des plantes à souche, au sommet des arbres les plus forts; à découvert sur les feuilles ou blotties au-dessous d'elles ; à la surface du sol ou sous la terre dans laquelle elles se creusent des trous. Il faut un peu attendre de sa persévérance et du hasard les rencontres de cette chasse; c'est au moment où nous ÿ pensons le moins que les plus belles chenilles se trouvent sous nos eux, sous notre main. Il est une attention qu'il faut surtout recommander à ceux qui entreprennent l'éducation des chenilles, c’est de ne laisser C3 jamais, en société d’autres chenilles, une chenille inconnue , parce qu'il arriverait, dans le plus grand nombre des cas, que l'une ou les autres seraient dévorées. Il ne faut élever ensem- ble que les chenilles que l'on a trouvées vivant en société. Celles-ci sont réunies sans aucun inconvénient; on ne les voit jamais s'attaquer ni se détruire : seulement il faut encore avoir soin de ne pas laisser celles qui ont acquis un certain point de LEUR HISTOIRE , rc. 19 développement avec les moins avancées, parce qu'elles pren- draient la nourriture de ces dernières , qui finiraient par périr. Il faut les séparer par lits de même force et de même âge, si les œufs sont éclos en plusieurs temps. Il faut bien se garder d'enlever avec les doigts les jeunes chenilles des branches ou des feuilles sur lesquelles elles sont posées : très-faibles dans le premier âge, le moindre choc les blesse et les blesse à mort; on se sert d’une barbe de plume un peu ferme, que l’on passe sous leur corps; et si elles se tiennent trop fortement appliquées sur l'arbre pour qu'il soit possible de passer la plume dessous , toujours avec les barbes on leur chatouille les extrémités : ce prurit les fait marcher, et l'on saisit le moment où leur corps se crispe pour les en- lever. Quant aux chenilles velues et fortes, qu'une plume ne pourrait enlever, on les saisit avec des pinces à ressort très- faible , appropriées à cet usage, et dont les branches n’ont ni piquans ni tranchans. On se servira pendant tout le temps de leur éducation des pinces ou des barbes de plume, et en évitant de les toucher, on les préservera d’atteintes trop fortes, eton se mettra soi-même à l'abri des piqüres de leurs poils, qui sont imprégnés assez souvent d'une liqueur corrosive. Outre les grandes causes de destruction, telles que les diffé- rens degrés de température, le chaud, le froid, les inondations, la grêle, les tempêtes, la foudre, les incendies , les maladies et la vieillesse qui atteint tous les êtres, les végétaux comme les animaux, celui qui a créé l'Univers, et qui a voulu que sa face füt changée par un mouvement continuel , que sa matière fût sans cesse épuisée et sans cesse féconde ; celui qui seul est immuable, parce qu'il est créateur au milieu des changemens, des révolutions qui poursuivent la créature, à commandé, et tous les êtres sont devenus les uns pour les autres des causes de destruction. L'homme détruit pendant son passage sur cetie terre, des milliers d'animaux de tout genre : quadrupèdes , poissons, oiseaux, coquillages, sa table est un goufre im- mense pour toutes les espèces; chacune de ses promenades esi un arrêt de mort pour des milliers d'insectes qu'il écrase sous ses pas; mais cet homme meurt, et des vers viennent en nombre considérable se rassasier de ses chairs et se nourrir de son cadavre. Tout est soumis à cette loi suprême d’anéan- tissement et de reproduction. Les chenilles que nous avons vues, assez voraces quelquefois pour se manger entre elles, ont un ennemi redoutable qui vit de leur chair : c’est le vermis- seau produit par la mouche Ichneumone. Cette mouche dé- pose ses œufs sur le corps mème de la chenille : précaution meurtrière, car ces œufs seront à peine éclos, que les vers qui en naitront traversant la peau de la chenille, se logeront dessous, et se nourriront de ses chairs jusqu'à ce qu’elle meurc. On a donc grand soin, avant d’enfermer une chenille, de regarder si elle a des œufs d'Ichneumone sur le corps, petits points blancs ou jaunâtres, que dans ce cas on écrase avec l'extrémité d’une pince, afin de les rendre stériles. On dépose les chenilles dans des boîtes de sapin, des bocaux de verre ou des pots de terre non vernissée, ayant soin de ne fermer ces objets qu'avec un papier auquel on fait plusieurs piqures d’épingle pour procurer de Fair à linsecte. Au lieu de papier , il est plus agréable de placer sur les boîtes une gaze qui ne convient pas moins cel qui permet > par sa Lrans- parence , de voir le travail de la chenille et de suivre ses mou- vemens sans découvrir sa demeure à chaque instant. On place loin de l'humidité et du soleil les vases où les chenilles sont renfermées , ordinairement à un air frais, et que l'on peut établir en courant. On donne toujours aux chenilles une nourriture fraîche, une fois par jour, et deux fois si les chaleurs sont extrèmes : le matin et le midi sont les époques de la journée consacrées au repas, Quant aux chenilles des papillons de nuit, c’est le 20 ‘ . LES PAPILLONS, soir qu'on leur donne la seconde nourriture, car elles mangent la nuit. Si on oublie par hasard de les servir, et qu'elles aient jeuné , il faut, comme on ferait pour l'homme qui aurait souffert de la faim, ne leur donner que peu d’alimens à la fois, autrement elles mourraient en se gorgeant de nourriture : petit à petit on les ramène à leur ordinaire. Ce qui aide à distinguer les chenilles des papillons de jour de celles des pa- pillons de nuit, c’est que les premières ne mangent jamais dans les ténèbres. Si on a des chenilles qui se retirent ordinairement sous terre , il faudra leur rendre, par un moyen artificiel, leurs habitudes : les mettre ainsi dans un pot de terre, en jetant au fond du vase de la terre fine, humectée, mais sans gru- meaux. On voit alors ces chenilles s’y retirer lorsqu'elles ont pris leur nourriture. La propreté est une des conditions les plus essentielles de l'éducation des chenilles : tout ce qui pour- ait vicier l'air qui les environne, comme les feuilles trop vieilles, leurs excrémens abandonnés à la moisissure, leur serait funeste, et le plus souvent mortel. Il faut prendre bien garde aussi de laisser tomber dans leur boîte de la poudre de tabac, c’est un poison qui les tue en très-peu de temps. On n'ôte jamais les anciennes feuilles qu'on n’en ait déposé de fraiches , et par-là on évite d’arracher et de manier la che- nille : la faim la conduit à l'aliment le plus frais, et sans obstacle on enlève alors celui qu’elle abandonne. Quand les chenilles changent de peau, elles changent aussi de mächoires, car tout se renouvelle : alors leurs mâchoires qui viennent de se dépouiller, sont parfois trop faibles pour briser la feuille, et elles jeûnent : il faut leur présenter des feuilles plus jeunes, ou attendre qu’elles soient poussées par la faim, sans s'inquiéter d’un jeûne qui ne dure jamais assez long- temps pour leur devenir funeste. Un moment arrive où les chenilles, ayant acquis tout leur accroissement, cessent de manger : alorselles vont et viennent, font de nombreux cireuits, et cherchent par toute leur de- meure un endroit où elles puissent filer un cocon, ou simple- ment un lit de soie ou tenture sous laquelle elles se changent en chrysalides. 1 faut bien prendre garde de les troubler dans cette opération importante ; car, fatiguées par les obstacles , elles fileraient quelque toile imparfaite, la quitteraient, jette- raient quelques nouveaux fils ailleurs, et finiraient par mourir sans se métamorphoser. I faut donc les laisser en repos quand elles semblent disposées à filer, et seulement mettre quelques petites branches d'arbre à leur portée, et avoir soin de les choisir fourchues pour qu’elles trouvent plus de facilité à y attacher leurs fils. Mème après avoir acquis la certitude de la métamorphose de la chenille en chrysalide , il faut encore lui laisser quatre ou cinq jours d'un entier repos pour qu'eîle soit tout-à-fait con- solidée ; carla chrysalide, assez molle au commencement, pour- rait périr par le moindre choc. Elles font, pour peu qu'on les touche, des mouvemens très-vifs qui amusent beaucoup les enfans qui sont étonnés de voir un signe de vie, aussi re- marquable que le mouvement, chez une masse informe qui n'a plus rien en apparence d’organisé ; mais ce plaisir qu'ils se procurent en chatouillant ou en piquant la chrysalide , tue fort souvent le papillon, et leur ôte le fruit de leurs soins , la récom- pense de leur longue patience. La chrysalide , en terre, à besoin de quinze jours de repos au lieu de quatre. Nos lecteurs n'ont pas oublié que ces chrysalides fournissent les papillons de nuit. On ne saurait fixer le temps précis où l'on doit trouver les chenilles; il en est qui paraissent une fois, et d'autres deux fois. Elles restent aussi plus où moins de temps dans chacun des diflérens états par lesquels elles passent. Quinze jours sont un temps assez long dans la vie d'une chenille , et cependant quelque changement dans Ja température peut avancer ou re- “ ' Perle VAE D, 4 ns A LEUR HISTOIRE, rre. 21 tarder de quinze jours sa sortie de l'œuf ou son entrée dans le cocon : il est inutile de dire que le cocon est la coque que file la chenille; le motest universellement employé et doit étre connu. Quand la chenille ne se métamorphose qu'en automne, elle reste en chrysalide tout l'hiver, et ne devient papillon que le printemps suivant. Il est vrai qu'avec la chaleur du poële où la chaleur du corps de l’homme on peut avancer l'époque de sa transformation ; mais comme le légume arrivé en serre à une maturité hâtive est sans saveur, comme l'enfant qu'un acci- dent arrache avant le terme voulu du sein de sa mère, estsans force et presque mourant, de même le papillon qui sort ainsi par artifice, et avant que la nature y invite, de la coque où il est enfermé, est pâle et n’a point cette vigueur et cet éclat qu'il aurait eus en ne voyant le jour qu’au moment que les cir- constances naturelles avaient marqué pour lui. Ainsi, l'homme qui tous les jours donne la mort à des êtres animés comme lui par un souflle divin, ne saurait avancer l’époque de la vie pour aucun d'eux : Dieu seul s’est réservé le bienfait de donner la vie, et il n’a laissé à notre espèce, d’ailleurs si ambitieuse et si aveugle, que le dangereux pouvoir de frapper de mort ce qu'une main puissante a animé. Dieu, comme un roi qui seul a le droit de faire grâce, a conservé pour lui seul le pouvoir du bien, il nous a laissé celui du mal. Nous allons une fois encore quitter la chenille pour revenir au papillon, et l'œil du lecteur sera plus flaité des couleurs brillantes de cet insecte léger que des formes et des nuances peu variées de l’insecte rampant qui lui donne le jour. LA BELLE-DAME. (Planche 11. — Fig.1, 2, 3 et 4.) La beauté des couleurs et l'élégance des formes ont fait don- ner à ce papillon le nom de Belle- Dame : ce nom lui con- vient d'autant mieux que chenille, chrysadide ou papillon , dans ses trois états, il a obtenu de la nature une parure re- cherchée, et qu'il est pour ainsi dire toujours en toilette. C'est pendant l'été que ce papillon parait dans les prairies ; cependant il n'est point rare de le voir encore en grand nombre pendant les premiers jours de l'automne. Il aime les lieux fréquentés ; les chemins et les jardins cultivés sont ses promenades habituelles. Il s’écarte peu de l'endroit qui le vit éclore ; son vol est lent, et il se laisse assez facilement appro- cher. Bien que papillon de jour, il se retire très-tard dans sa demeure, et souvent il est nuit sombre qu'on le rencontre encore voltigeant au milieu des phalènes. La figure 3 représente le mâle vu en dessus, la figure 4 le fait voir en dessous. Ses couleurs sont plus vives, plus éelatantes que celles de la femelle, exception à une règle contraire que déjà nous avons fait observer. Cette plus grande richesse de parure nous a fait préférer le mâle à la femelle pour loffrir aux regards de nos lecteurs. Les chenilles de la Belle-Dame paraissent deux fois l'an. On en voit au mois de juin; mais c'est au mois d'août qu'on les rencontre en plus grand nombre : c’est aussi à ces deux épo- ques.qu'il faut les recueillir. Elles vivent solitaires et séparées, et au sortir de l'œuf s’enveloppent dans un lit de soie, d'un tissu très-blanc. Peu de temps après, devenues un peu plus fortes, elles rassemblent des feuilles en forme de toit de pa- gode, les cimentent, ou les réunissent avec des brins de soie, et y établissent leur demeure, après y avoir ménagé une porte pour en sortir et aller chercher leur nourriture. Elles batis- sent plusieurs de ces cabanes, quittant l'une pour lauire, et se promenant comme les princes qui ont plusieurs châteaux ou plusieurs résidences. Lorsqu'elles se trouvent trop gènées , elles quittent le toit hospitalier, renoncent à leur bâtisse, et vivent en plein air. 39 LES PAPILLONS, La chenille male (fig. 1), est diversement colorée, mais plus brune que la chenille femelle, (fig. 2.) La tte et le cou sont, comme on le voit, sans épines ; les autres anneaux en por- tent au nombre de soixante-dix. Très-ornées et de dimensions moyennes et élégantes, ces chenilles promettent bien de don- ner naissance à un papillon très-paré. La Belle-Dame a encore porté le nom de chardonneret, à cause du goût très-prononcé de sa chenille pour toutes les espèces de chardons. LE GRAND SYLVAIN. (Planche WE. — Fig. 5.) Le papillon femelle du Grand Sylvain, que nous offrons ici (fig. 5), est sans contredit, parmi les plus beaux de ces insec- tes, celui qui est le plus imposant par ses dimensions et par la nuance fraiche de ses couleurs. Ces bandes bleues qui vien- nent surmonter des bandelettes pourpres et ces ailes brunes semées circulairement de taches blanchâtres, sont constam- ment dessinées de la mème manière, et la plus parfaite régu- larité est observée dans leurs rapports. La seule variation que l'on puisse remarquer, c’est que les taches blanches ont quel- quefois une teinte bleuâtre. Ilest en Europe beaucoupde cantons quine connaissent point le sylvain , il est assez fréquent en Allemagne, et on le trouve aux environs de Francfort et de Nuremberg : les montagnes de l'Alsace le présentent aussi aux recherches du natura- liste. Très-sauvage, le sylvain se laisse difficilement approcher, et nest pas par celte raison facile à attrapper. Il se pose sur les grands chemins où il est attiré par l'humidité et par quelques excrémens d'animaux, Son vol est rapide et ses ailes ne cessent de battre tant qu'il est en l'air. H annonce qu'il va se poser en faisant plusieurs circuits autour de l'endroit où il doit s’abattre. Quand on lui voit exécuter ces circonvolutions, il faut s’arrèter et attendre qu'il soit fixé. Le filet à la main, élevé à la hauteur d’un pied du sol, le chasseur se précipite alors sur lui, et le couvre de la gaze sous laquelle une épingle cruelle doit lui donner la mort. La chenille de ce beau papillon ne parait qu'une fois l'an- née, au mois de juin. Elle vit solitaire et sur la feuille mobile et sans cesse agitée du tremble ; on serait porté, en voyant cette chenille, à ne pas croire le papillon de la même famille que ceux que nous venons de décrire; en eflet elle ne paraît pas épineuse : ornée de diverses nuances qui forment une cou- leur fort agréable , sa tête, échancrée par le haut, est terminée par deux petites pointes en forme de cornes, tandis que son dos est couvert de petites éminences assez dures qui remplacent les épines. La chrysalide du Sylvain se distingue par une éminence aussi très-remarquable qu'elle porte sur le dos. Nous avons en France, aux environs de Fontainebleau et dans la forèt de Senars, un papillon sylvain de moindres dimen- sions que le grand sylvain, mais présentant absolument le mème habit, le même vol, les mêmes habitudes et le mème caractère. Nous ne connaissons point sa chenille; pourquoi, vont demander nos jeunes lecteurs ? Sans doute on la confond , par sa ressemblance, avec d’autres déjà connues, ou les œufs qui lui donnent naissance sont profondément cachés, et les chenilles ne sortent point au dehors et vivent dans le creux des arbres, ou peut-être encore les savans naturalistes ne font-ils pas assez d’excursions dans les bois, laissant à ceux dont les recherches ne peuvent être utiles, à cause de leur ignorance en histoire naturelle, tous les soins de Ja chasse aux papillons. Toujours est-il, par l'une ou l'autre de ces causes et peut-être LEUR HISTOIRE, Erc. 23 par toutes réunies , qu'il est un grand nombrede papillons de nos pays dont nous ne connaissons ni la chenille, ni la chry- salide. Il ya plusieurs espèces de Sylvains : outre les deux dont nous venons de parler, on connait encore le Sylvain Cénobite; il se distingue des autres par cinq taches de forme irrégulière au milieu des ailes supérieures, au lieu de quatre ; le dessous de ses ailes, au lieu d’être gris, est d’une couleur fauve très -rouge. Une autre espèce, le petit Sylvain , dont la chenille se nour- rit de chèvre-feuille, n’a point de taches blanches sur les ailes, mais des taches grisàtres, et par une bizarrerie assez remar- quable, trois d’un côté et quatre de l'autre. . On trouve le petit Sylvain aux environs de Paris. Ordinai- rement il plane, quelquefois aussi il voltige avec grâce. On le rencontre par troupes dans les lieux ombragés. Le Sylvain azuré, plus petit que les précédens, et toujours reconnaissable aux taches blanches qui sont le caractère de cette famille, a ses ailes noires, mais sous un certain jour et vues en reflet d'un bleu foncé : ce changement de couleur la fait surnommer l’azuré. Ce magnifique papillon est très-nombreux en Suisse ; on le trouve aussi en Provence; mais beaucoup de cantons de l'Eu- rope en sont privés. LE TABAC D'ESPAGNE. (Planche W. — Fig. 6.) La vie de cette chenille est triste ; toujours rampante et sous les buissons, elle ne mange que des feuilles de pied de vio- lette, et elle est constamment solitaire. Comme elle se perd dans les mousses et sous l'herbe même la moins élevée, elle est dificile à trouver. Soixante-deux épines lui servent de dé- fense; deux beaucoup plus longues que toutes celles que l'on rencontre ordinairement s'élèvent au - dessus de son cou , comme deux dards parfaitement dressés. Ici nous donnons ( /g. 6) la femelle en dessus : en dessous son aspect est tout diflérent ; les ailes inférieures sont d’un vert pâle, et les ailes supérieures, d’un jaune plus clair et ta- chetées de noir, ont leur angle supérieur du même vert que les petites ailes. On connait une variété de ce papillon dont le dessin est absolument pareil ; mais la couleur du fond, au lieu d’être fauve, est verte en dessus, et le dessous diffère en cela seulement que les grandes ailes sont dans leur moitié antérieure vertes à taches jaunes, et dans leur seconde moitié, rouges à taches noires. Le papillon Tabac-d'Espagne est un des mieux tachetés que nous connaissions. Il est toujours sur le bord des eaux : on le voit sur les jones en fleur et sur l'herbe des prairies qui sont traversées par de nombreux ruisseaux ou inondées une partie de l’année. LE CHIFFRE. ( Planche W. — Fig. 7.) Ce petit papillon, pour le dessin de ses ailes et même pour les nuances, a beaucoup de rapport avec l'espèce précédente, Ici (fig. 7) on voit le dessus d'un papillon chiffre mäle. On a voulu lire le chiffre 1376 sur le bord de ses ailes supérieures , et de là vient son nom. Ici toutefois la vérité n’a plus été le guide du naturaliste, mais bien le désir de trouver du merveilleux ; il n’est pas plus aisé de lire 1376 sur les ailes de cet insecte, quand on le regarde avec des yeux non prévenus, que de dé- couvrir dans les veines d’un marbre des têtes de lion, de chat, un lapin, un grand prêtre ou des ornemens d'architecture. 24 LES PAPILLONS, Tout dépend alors de Fillusion que l'on veut bien se faire ; et pour peu que l'on se prète aux images que limagination vous offre à défaut de celles que l’objet ne présente pas, on voit dans les nuages des chars, des guerriers, et on y verrait au besoin des batailles rangées. Il en est de même de la face de la lune que les uns trouvent tout-à-fait semblable à une figure hu- maine, tandis que plusieurs n'y voient qu'une arabesque, et que d'autres enfin n’y reconnaissent que des taches sans aucun ordre, sans aucune imitation. La femelle du Chiffre est un peu plus grande que le male ; mais cette différence de taille est si légère, qu'il devient par- fois dificile de les distinguer l’un de l'autre. C'est au mois de juillet, et dans les montagnes que l’on ren- contre ce papillon qui ne descend jamais en plaine, et que l'on voit très-rarement aussi dans les vallons. LE DAMIER A TACHES FAUVES. (Planche W.— Fig. 8.) La chenille et la chrysalide de ce papillon nous étant incon- nues, nous passons de suite à son état parfait, que nous don- nons ici sous l'a figure 8. On la nomme à taches fauves, à cause de cette bande transversale qui se remarque vers le milieu des quatre ailes, et qui est composée de taches fauve-clair. Le fond de la couleur est fauve tirant sur le ronge, marqué de taches et de nervures noires : le dessous des ailes est couleur canelle- clair, les taches de ce côté paraissent jaunes ou citron. Ce petit papillon se rencontre fréquemment dans nos cam- pagnes , et le chasseur , qui ne tarde pas à le posséder dans sa collection, est souvent impatienté de le voir sans cesse sous ses pas, lorsque dans le jour d’une chasse malheureuse , il ne rencontre pas des individus qu'il cherche, et dont la rencontre Jui serait beaucoup plus précieuse. On connait plusieurs espèces de damier ; l'une s'appelle à taches blanches, parce qu'en eflet, les taches dont nous ve- nons de parler sont d’un blane perlé, au lieu d’être fauves. Plusieurs autres espèces, qui n'ont pas d’ailleurs de noms particuliers, sont encore désignées par une description diflé- rente; mais c’est aux nuances etaux couleurs, bien plus qu'à la forme des papillons, qu'il faut avoir égard pour ne pas les confondre entre elles. Cette forme est toujours à peu près la mème, tandis que les couleurs sont très- différentes ; une de ces espèces ressemble un peu à notre figure 8, c’est encore le fauve tirant un peu sur le rouge; l'autre est à fond jaune par- semé de taches brunes; enfin il est une variété où le jaune, le bleu et le rouge coupent les ailes par bandes de chacune de ces couleurs. Parmi les petits papillons, le Damier est un des plus jolis et l'un de ceux qui présentent le plus de va- riétés. # LE SILVANDRE. (Planche WE. — Fig. 9.) La couleur brune et presque noire de ce papillon est changeante, et surtout dans les ailes supérieures ; les reflets de lumière changent, à l'œil, l'aspect de linsecte, qui tantôt sem- ble d'un beau vert, tantôt d’une teinte bleuâtre. Ici nous avons donné ( fig. 9) la couleur locale, la couleur la plus vraie et la plus ordinaire, seul moyen de la rendre reconnaissable au moyen de la planche colorée; et d’ailleurs il est impossible au pinceau de rendre ces accidens de lumière qui vinrent chan- ger à chaque instant l'aspect des ailes, à mesure qu elles exé- cutent le plus léger mouvement; tout ce qui serait possible} ce serait de peindre une aile d’une des couleurs, l'autre d'une seconde; mais outre que la vue de l'insecte ne serait plus LEUR HISTOIRE, erc. 25 agréable, on n'aurait encore que deux des diverses nuances par lesquelles il passe successivement. Le bord des quatre ailes est accompagné par une bande transversale de couleur brune, et l'angle extérieur de l'aile supérieure est marqué d'un œil brun à prunelle blanche; à la base de ces mèmes ailes sont deux yeux semblables : un quatrième se remarque sur les petites ailes. La femelle du Silvandre est moins brune que lui, mais ses reflets sont aussi brillans : chez elle Ja bande transversale est d'un blanc jaunâtre tirant sur le ventre de biche, Ce papillon ne paraît qu'une fois l'an, vers la fin de juillet. On le trouve dans les forèts, particulièrement dans celles qui sont situées sur de hautes montagnes; jamais il n'est en grand nombre dans un même endroit. Son vol est rapide, et pour- tant ses ailes s’agitent peu et il plane volontiers. Il est plus connu eu Provence qu’en aucune autre contrée. On a confondu avec le Silvandre un autre papillon qui a le plus grand rapport avec lui, le Silène. C'est la même bande sur les ailes, les mêmes taches ayant la forme d’un œil; mais les naturalistes ont reconnu que le Silvandre et le Silène étaient deux papillons différens, et non point le mäle et la femelle d’une même espèce comme on l'avait avancé, en don- nant alors le Silvandre pour femelle. Il y a, il est vrai, beaucoup de contrées où ces deux papillons sont comme amis, fréquentent les mêmes lieux, y vivent sans querelle, et paraissent se rechercher ; mais souvent aussi on ne trouve que l’un des denx, ce qui ne l'empêche pas de se reproduire, et ce qui prouve que chaque espèce a ses mâles et ses femelles. On trouve, par exemple, près de Lyon et sur les bords du Rhône, le Silvandre , tandis qu'on n'y à jamais vu le Silène. Ce fait est sans doute concluant. Les œufs du Silvandre, comme ceux du Silène, sont assez bien garantis et assez consistans pour n'avoir rien à redouter des froids de l'hiver mème pendant les saisons les plus rigou- reuses. C'est sans doute là la cause qui protége ces espèces, peu nombreuses en individus, contre la destruction qui sem- blerait devoir les faire disparaitre. On pourrait, au premier abord, confondre avec le Silvandre d'autres papillons qui ont avec lui beaucoup de ressemblance. L'Hermite serait dans ce cas, mais il est beaucoup plus petit, et les bandes blanchätres de ses ailes ne sont pas ondulées sur leurs bords, mais interrompues tout-à-fait sur les ailes supé- rieures, où elles n'offrent que des taches disposées sur une même ligne. Le Faune, qui est aussi habillé de brun, sera également distingué du Silvandre, avec lequel les taches bru- nes, espèce d'yeux sans prunelle, que portent ses ailes, pour- raient le faire confondre, parce qu'on remarquera de suite que les deux bandes transversales et blanches lui manquent entierement. Enfin l'Æigrette ne sera non plus pris pour le Si/- vandre, parce que les bandes , interrompues comme dans l’Hermite, sont en outre jaunes au lieu d’être blanches. Quant au Grand Nègre des bois, entièrement brun, il n’a presque au- cun rapport avec notre papillon, si ce n’est qu'il porte aussi des yeux; mais ces yeux sont aurore fauve et ornés d’une prunelle, du plus beau bleu azur, entourée de noir. On voit donc qu'il n'y a aucune ressemblance à établir entre eux. En lisant le nom de tous les papillons que nous venons de citer, on voit que nous ne donnons pas, à beaucoup près, 165 figures des nombreux insectes que l'on désigne sous ce nom ; mais nous l'avons déjà dit, et nous le répétons , noire but n’est point de faire entrer dans ce recueil tous les papillons con- nus, mais seulement les plus intéressans, et un choix qui soit fait de telle manière, que les individus offerts à nos jeunes lec- teurs puissent leur servir de jalons pour diviser ensuite tous les papillons qu'ils pourront trouver ou acquérir, et les placer dans leur ordre véritable, d'après leur ressemblanée avec ceux 4 °6 LES PAPILLONS, qu'ils connaitront par cet ouvrage. Le nombre des planches qui devaient être joinies à ce livre était d'ailleurs fixé, et tout ce qu'il nous reste à faire pour rendre notre travail un pen plus complet, c’est de dire quelques mots sur quelques espèces dont nous n'offrirons pas les figures, mais qui seront assez remarquables pour mériter d'être mentionnées. Dans la famille dont nous nous occupons on trouve aussi des papillons connus sous le nom de Carte Géographique, et qui ont quelque rapport avec le chiffre, mais qui sont beaucoup plus petits. Il y en a deux espèces que, d’après les couleurs, on distingue par les mots de fauve et de brune. La Carte Géogra- phique brune n’a de taches qu'une ligne blanche et deux lignes fauves placées en dehors de la première, et qui toutes trois suivent le contour circulaire des ailes ; la Carte Géographique fauve présente deux yeux blancs à prunelle noire près l'atta- che de ses grandes ailes, et tout le reste du corps est tacheté brun et fauve. Beaucoup de papillons, formant une espèce sous le nom de Vacrés, sont reconnaissables à leurs ailes fauves marquées, en allant du corps de l'insecte vers leur circonfé- rence, de zig-zag noirs, puis d'une ligne de points noirs par- faitement ronds, et enfin de trois lignes noires qui forment comme un feston sur le bord des ailes. La grande et la petite Violette sont encore des espèces voisines de celles dont nous venons de nous occuper. Ces derniers papillons out le plus grand rapport avec les Nacrés pour le fond de la couleur et la disposition des taches : ils en différent cependant en ce que la naissance de leurs ailes inférieures est de couleur plus foncée. On leur trouve en outre beaucoup plus d'éclat en considérant le dessous de ces mêmes ailes qui sont nuancées de jaune, de rouge, de brun, de violet, de blanc et d'argent. Nous cessons cette revue d'individus dont les figures ne se trouvent point ici, car nous nous apercevons que nous ne donnerons jamais des descriptions assez exactes pour qu'on puisse les reconnaître sans le secours du dessin. PRIE EE EEE REA EEE AE ALU ALU PEAU ETUI TILL LUE LATIN ELU TUE D AURA TLAVTATIAUIUIRUTELEAUANAIBUIILILIE CHASSE AUX PAPILLONS. D Nous avons indiqué la manière de se procurer les chenilles et de les élever; c’est un grand moyen sans doute pour se pro- curer des papillons lors de la métamorphose ; mais l'éducation de la chenille ne réussit pas toujours ; ensuite le papillon que l'on obtient ainsi, n’a pas toujours cet éclat de couleurs, cette force de développement que possèdent ceux qui ont vécu dans l’état de liberté, choisissant les fleurs qui leur plait, et étendant leurs ailes sous les rayons du soleil qui donne à tous les êtres une force, une beauté qu'ils ne sauraient jamais obte nir loin de son influence ; enfin, cette considération est plus ma- jeure sans doute, on ne trouve pas les chenilles de tous les pa- pillons, il est beaucoup de ces insectes intéressans dont la chenille nous est tout-à-fait inconnue. Ceux-là ne peuvent donc entrer dans la collection dont ils doivent faire partie, qu'autant qu'ils sont poursuivis et attrapés dans leur vol. Nous allons passer en revue les armes qui servent à cette chasse. Fr LEUR HISTOIRE , Etc. 2n C'est dans le frontispice de cet ouvrage que nos jeunes ama- icurs trouveront figurés plusieurs des objets dont nous allons parler. C'est au printemps que les papillons viennent diaprer les prairies et mêler leurs couleurs errantes à celles moins mo- biles des fleurs. Ainsi le champ n’est pas seulement orné des couleurs les plus brillantes, il est encore orné, à chaque ins- tant, d’un dessin différent, le vol inconstant de ces insectes formant à tout moment diverses combinaisons, et traversant de mille manières le tapis de verdure au-dessus duquel ils vol- tigent. Le mois de mai est surtout le plus propice au chasseur : c'est le mois où naissent les feuilles, et l'insecte se lance dans l'air au moment où sa nourriture vient de paraitre; admirable rapport qui révèle la sagesse du Créateur, et prouve lordre admirable qui préside à son chef-d'œuvre, ordre sublime qui trahit partout sa main toute-puissante. En juin, juillet et août on trouve encore beaucoup de papillons; mais ils sont déjà moins nombreux; et si dans Les autres mois de l'année on en voit encore, ce sont des individus plus forts qui, malgré l'hiver, trainent encore une existence pauvre , cachés dans le tuyau de la cheminée, dans le creux d’un arbre ou derrière le four du paysan. Il faut, pour aller à la chasse de ces insec- tes, être muni d'un échiquier : c’est une poche en gaze atta- chée autour d'un cercle de laiton, et fixée au bout d'un manche léger et long de trois ou quatre pieds. C'est l'instru- ment que porte, dans le frontispice, un jeune garcon qui le promène au-dessus des blés en sens contraire du vent : aus- sitôt que le papillon se sera jeté dans ce piége, il tournera lé- sérement le manche de l'échiquier (c'est le nom de ce filet), et il l'enfermera en le tenant de manière qu'un des côtés de la poche vienne s'appliquer sur la demi-circonférence du côté opposé, lermant ainsi l'ouverture qui est, comme on se le rappelle, un cercle complet. Une jeune fille, sa sœur, prend part à ce ] mème amusement, mais elle a un filet autrement préparé. Ce sont deux espèces de raquettes dont les manches, très-longs, sont croisés et fixés par un petit clou, de manière à ce qu'on puisse les rapprocher face à face comme on ferait des deux branches d’une mouchette ou d’une paire de ciseaux. Les deux filets sont parcillement en gaze ou en filet de soie à mailles extrémement fines et attachés assez lâches, afin que les deux raquettes rapprochées, ils negätent pas le papillon par une trop forte pression. Il faut aussi, afin que les deux raquettes soient exactement fermées, que les fers joignent bien et soient comme à charnière. Il est encore d’autres filets, mais qui ne diffèrent que par quelque changement de forme, etne pré- sentent aucun avantage que ceux-ci ne puissent offrir; nous n'en parlerons done point. Ce n'est pas tout encore que d'avoir les filets, un chasseur qui n'aurait qu'un fusil et point de carnassière pour emporter son gibier, pourrait être adroit, mais il passerait toujours pour très-peu prévoyant. Aussi faut-il emporter avec ces instru- mens plusieurs boites de différentes grandeurs, afin d’enfer- mer les papillons dans les grandes : dans les petites on met les chenilles qu'il faut loger séparément dans la peur qu'elles ne se détruisent, beaucoup d'espèces étant très-voraces. Toutes ces boîtes se mettent dans une carnassière, comme celle qui est à terre près du jeune amateur que nous représeutons , prépa- rant ses papillons, ou dans une boite à herborisation en fer- blane , et qui se porte comme le fait notre petit chasseur dont nous avons déjà parlé, et que lon aperçoit dans le fond du tableau. Le fond de ces boîtes est garni de liége, afin qu'on y puisse plus facilement piquer les papillons dont on a percé le corcelet avec des épingles, ou mieux encore avec des aiguilles. On fait une tête à celles-ci avec de la cire d’Espagne, afin de pouvoir plus aisément les enfoncer, et même on les achète tout armées de têtes en émail. Il est des émailleurs qui les pré- 28 LES PAPILLONS, parent à cet effet et qui les vendent à très-bon compte. On choisit l'aiguille de préférence à lépingle, parce qu'elle est plus aiguë, mieux trempée, plus fine, et qu'elle abime moins le corcelet de l'insecte. On à soin aussi de les enduire de pom- made, de suif ou de quelque corps gras, afin qu'elles ne se rouil- lent point dans le corps du papillon, la rouiile empêchant, lorsqu'elle a lieu, de les pouvoir détacher. Il faut enfin être muni de trois pinces qui sont sur la table de notre jeune ama- teur ; l’une est platte et sert à piquer les papillons dans la boite, la seconde, en se rapprochant du bord de Ja table, est en fer, et sert à les étourdir, et celle qui est encore plus près du bord est de cuivre, et destinée à saisir les chenilles lorsqu'on en ren- contre. Comme certaines fleurs s'ouvrent à diverses époques de la journée et ne sont épanouies que depuis telle heure jusqu’à telle heure, de mème il est des papillons qui paraissent dès l'aube du jour, d’autres qui ne prennent leur vol qu'à dix heures du matin, d’autres enfin qui ne parcourent les cam- pagses que pendant l'extrème chaleur du jour, et lorsque le soleil est au plus haut de sa course. Il y a aussi des heures fixes auxquelles ils rentrent dans le lieu ordinaire de leur de- meure. Beaucoup, et les mâles surtout, voltigent toute la Jour- née, et rentrent au coucher du soleil. Il y a des p: pillons que l’on approche fort aisément, d’autres qui sont très-rusés et que l’on ne saurait saisir qu'avec beau- coup d'adresse : les uns voltigent presque toujours au lieu mème où ils habitent, où ils sont nés, tandis que les autres, tout-à-fait errans, conduiraient le chasseur sur leurs traces pendant des heures entières, et traverseraient des espaces con- sidérables. Quelques-uns ont un vol qui sans cesse tourne sur lui-même et embrouille ses détours au point de fatiguer l'œil de celui qui les poursuit, tandis qu'on en voit suivre pres- qu'une ligne droite et disparaitre avec fa même rapidité qu'une flèche ou qu'une balle. Cette dernière espèce est bien rare, et le peu de poids que ces insectes présentent à l'air est sans doute la cause de cette difliculté qu'ils éprouvent à suivre une ligne droite à travers l’espace. Quand le chasseur poursuit le papillon, il faut qu'il s'ar- range toujours de manière que l'ombre de son corps et du filet qu'il porte ne soit pas en avant de lui, mais derrière; auire- ment cette ombre cffraierait linsecte qui prendrait son vol. Le papilion à la vue extrèmement bonne, et l'ombre leflraie et lui cause une très-vive impression. Lorsqu'on l’a par hasard manqué, il ne faut point le poursuivre, le meilleur est de rester à la mème place parfaitement immobile. H revient sou- vent à la fleur qu'il a quitiée, se pose au même endroit, quel- quefois sur le filet ou sur le chasseur lui-même. Nous parlons ici des papiilons de jour , ceux de nuit fuient dès qu'on les à mançqués , er s'éloignent du théâtre de la guerre : ils sont, comme lon voit, beaucoup plus prudens. Si le papillon est posé sur une plante disposée de télle manière qu'on ne puisse se servir du filet, il faut Fapprocher le plus possible, et puis, excitant son vol, par un léger bruit, le prendre en Fair. C'est plus difficile que de le saisir lorsqu'il est posé, mais ce n’est point impossible quand on a déjà quelqu'habitude de se servir de léchiquier. Dès que le papillon est pris dans le filet, il faut le presser lorsqu'il a les ailes étendues entre les deux côtés du filet, et pour l'étourdir lui donner un léger coup sur la tête, ou se ser- vir de la pince de fer dont nous avons parlé, et lui presser le corps en travers à l'endroit du corcelet; on le tue ou on le rend assez faible de cette manière pour qu'il ne puisse plus re- mur ses ailes, ni abimer, par conséquent, leur velouté. On pique le papillon pendant qu'il est étourdi. Le point à choisir est le milieu du corcelet, et l'aiguille sort par-dessous entre les pattes, qu'il faut bien prendre garde de détacher. il | L Ê LEUR HISTOIRE, rc. 29 L'insecte est ensuite déposé dans une des boites, et si d’autres y sont déjà, on fait bien attention qu'ils ne soient pas assez près pour se toucher. [ne faut point, comme le chasseur vulgaire, attacher sa proie à son chapcau. La pluie, le veut, le moindre accident enlève à l'imprudent qui en agit ainsi tout le fruit de sa chasse, Les petits papillons demandent d'autres soins ; il ne faut pas les piquer par le corcelet, mais par la partie postérieure du corps qu'on nomme le ventre. Il faut aussi prendre garde de les tuer, parce qu'ils se dessécheraient trop tèt, et leurs cou- leurs ne tiendraient pas aussi solidement que celles des papil- lons plus forts. Le soir, le chasseur enlèvera les papillons de ses boîtes, afin de les développer, ou, s'il ne peut se livrer le soir même à cetie occupation, il entourera les boites de linge mouillé, et les déposera à la cave pour empècher Le dessé- chement. Les petites phalènes ou papillons de nuit ne se piquent pas; elles ne sont point assez vives pour qu'on ail rien à redouter de leurs mouvemens. On se contente donc de les enfermer séparément dans de petites boites, et le lendemain on les là- che dans un appartement dont les fenêtres sont fermées, et on va les rejoindre aux vitres vers lesquelles elles ne man- quent jamais de voler. Un léger coup sur la tête les étourdit, et on Îles pique avec une aiguille, graissée auparavant comme nous l'avons déjà dit. Il y a plusieurs appas pour attirer les papillons. Plusieurs de ces jolis insectes sont pourtant atürés par l'odeur des ex- crémens qui se trouvent dans les chemins qui bordent les prairies : on peut alors les y atiendre; ils viennentse poser sur la terre dont on a eu soin de recouvrir les ordures qui les atti- rent, et d’un seul coup de filet on en prend alors un assez grand nombre. Veut-on prendre des papillons mâles ? c’est d'attacher sur une Jeune branche, avec une épingle, une femelle; tant qu'elle bat des ailes et donne quelques signes de vie, les mâles viennent la visiter, voltiger autour d'elle et se poser sur les feuilles voisines. Pour se procurer beaucoup de phalènes, il faut, la nuit, approcher les arbres avec un falot ou lanterne, et on est assailli par un nombre considérable de ces insectes que la lumière attiré. On peut aussi étendre une nappe sous l'arbre qu'elles fréquentent et les faire tomber dessous en se- couant les branches à l’aide de bätons armés de crochets. Les chasseurs adoptent lun ou autre des filets que nous avons indiqués ; mais le filet simple présente, sans contredit, plus d'avantages; il prend à terre et au vol. Il peut se rou- ler sur le cercle de laiton , qui lui-même se ferme, étant à charnière, et quant au manche on en fait une canne. Nous avons suflisamment appris à nos petits amis com ment on s'armail pour aller à la chasse aux papillons, com- ment on s'y prenait pour saisir ces insectes ; mais nous leur avons parlé de dévelop, er les papillons ; nous nous sommes servis de celle expression développement, et beaucoup d'entre eux, qui s'instruiront parce qu'ils sont curieux, nous de- mandent ce que ces mots veulent dure : nous ailons de suite les satisfaire. DU DÉVELOPPEMENT DES PAPILLONS. On entend par développement d'un papillon lacton de l'étendre dans la position la plus favorable pour qu'on ne perde aucune de ses grâces, de ses couleurs. Ainsi, comme les ailes inférieures sont Le plus souvent cachées sous Les su- périeures, bien qu'elles soient parfois de couleur et de des- sin différens, on les étend, on les développe de manière qu'elles soient aussi en vue. On conçoit que, pour faire exécuter aux ailes du papillon ces mouvemens, il faut qu'il soit mort, mais qu'il soit encore humide et qu'il ait conservé 30 LES PAPILLONS, cette flexibilité nécessaire à l'opération dont nous nous occu- pons. Comme on recoit quelquefois des papillons desséchés et mal préparés , il faut, par la mème raison, les ramollir. Que fait-on alors ? On plonge une boîte de sapin dans de l'eau bien propre, en la liant de manière à ce qu'elle ne puisse se déjeter, ensuite on la laisse égoutter, puis on fixe au fond le papillon desséché. On la ferme, on l'enveloppe d'un linge mouillé, et vingt-quatre heures après l'insecte est facile à dé- velopper, et ses membres sont redevenus flexibles. On se sert du même moyen pour enlever, sans briser Pinsecte, les épin- gles ou les aiguilles qui se sont rouillées dans son corps. Il est préférable de s’y prendre ainsi plutôt que de faire couler quel- ques gouttes d'esprit de vin le long de l'aiguille, l’alchoo! pou- vant endommager les couleurs. La vapeur de l'eau chaude et la rosée ont aussi été employées avec quelque succès, mais le moyen que nous avons décrit a paru préférable à tout autre. Les papillons qu'en n’a point tués avec la pince, et qui pa- raissaient ne devoir l'être que si on les écrasait, sont tués en Allemagne par le procédé suivant. Nous le recommandons ici, car il ne faut point oublier que la mort du papillon est très-utile ; tant qu'il vit, il se débat et abüme ses ailes. On a donc une petite boîte en fer-blanc bien soudée et pouvant fermer bien hermétiquement. On place le papillon dans le fond sur le liége qui la garnit, et on la jette ensuite dans l’eau bouillante : l'insecte périt étoulfé, eten peu de temps, sa mort devient infaillible. Une épingle rougie au feu porte aussi un coup mortel au papillon , mais il faut avoir soin de loter, il ne serait plus temps s'il séchait piqué de cette facon. Quelques personnes emploient du soufre pour tuer les pa- pillons. Le moyen est sur, mais l'action de la vapeur du sou- fre détruit tout-à-fait les coulcurs où au moins les change de nuance, et le but n'est pas d'avoir des papillons singuliers, mais reconnaissables, mais naturels. Le but est donc manqué. On est parvenu , mais tout le monde n’a pas cette adresse, à vider le ventre, toujours assez gros, des phalènes femelles de forte dimension ; et des amateurs, à la place des intestins qu'ils retirent avec une grande dextérité, ont introduit dans le corps de l'insecte du coton imprégné d'une dissolution d’alan : c’est un très-bon préservatif contre les mites qui détruisent les papillons, qui sont la terreur des collections; mais il n'est pas donné à beaucoup de personnes d’avoir la patience et Fadresse que cette opération exige. Le petit amateur, qui occupe le premier plan de notre fron- tispice, est occupé au développement d'un papillon. Il l'a en- levé de la boîte où 1l l'avait attaché la veille, et il vient de le fixer sur une planche de liége, introduisant son corps dans une rainure plutôt plus large que trop petite, et destinée à le recevoir. Îl vient avec une épingle de faire prendre, aux deux ailes supérieures dont il a percé la plus forte nervure, une direction convenable, en élevant leur angle supérieur un peu au-dessus de la tête de l’insecte et en découvrant ainsi les ailes inférieures. Deux épingles ont été piquées, etrecourbées sur ces ailes pour les empécher de reprendre leur première place. Les deux ailes d’un côté ont été développées avant les deux ailes de l'autre; ensuite, et c'est ce qu'il est occupé à faire en ce mo- ment, il applique, pour plus de sûreté encore, des bandes de papier fort, qui, fixées sur le liége au moyen d’épingles, as- surent encore l'appareil. El a grand soin, comme vous le voyez, de ne pas frotter le papier en lappliquant, afin de ne point en- lever les couleurs. Quand les papillons sont très-forts on pi- que la nervure de Faile pour la fixer; mais c'est un moyen toujours dangereux, car on s'expose, dans le desséchement, à ce que l'aile se brise en se retirant sur l'épingle. Sur ja table est un petit vase dans lequel lrempe un pinceau. C'est une précaution sage de notre amateur ; quelles que soient LEUR HISTOIRE, Erc. 31 son adresse et l'habitude qu'il a de son travail, il craint de rompre quelques membres, et il a dans ce vase de la colle forte détrempée dans l'esprit-de-vin , afin de les rattacher aus- sitôt. Il sait très-bien recoller ces membres fracturés, qu'il a bien soin de prendre avec une pince et non pas avec ses doigts. Il y a même, dans le cadre suspendu devant lui, un papillon qu'il a composé par ce moyen des débris de trois papillons sem- blables ; l'œil du naturaliste même ne découvre pas cette ruse. Ainsi développés , les papillons offrent aux regards toutes les richesses de leurs couleurs; il est vrai que leurs ailes ne sont point dans leur pose naturelle, que leur attitude est for- cée : oui sans doute, mais c’est l'attitude du vol; et d'ailleurs, comment ne pas pardonner un peu d'inexactitude à une mé- thode qui nous fait jouir d'un aspect aussi agréable ? Trois jours suflisent pour que le papillon ne puisse plus quitter la pose que le développement lui a fait prendre, Au bout de trois jours on l'enlève donc de la planchette sur la- quelle il a été placé. On pose ensuite l'extrémité de l'aiguille sur un corps dur; et comme elle a été graissée, en appuyant sur le corcelet avec une pince, on fait glisser l’insecte le long de la petite tige de fer qui le transperçait, et on Fa immobile, libre de toute attache et parfaitement étendu. Pour transporter les papillons, plusieurs personnes les mettent séparément dans un papier ployé en deux et plus grand que l'individu , collent les bords du papier, et les su- perposant dans des boites, les font voyager ainsi, ayant soin cependant de remplir de coton le vide qui pourrait exister dans la boîte, afin d'éviter tout ballottement. Il vaut mieux les piquer dans des boites sur le fond , sur les côtés et sous le couvercle. Ce moyen est plus volumineux , mais on est encore plus sûr qu'ils n'éprouveront aucun dommage. Le papillon, dans la collection, est fixé sur le fond des boites qui sont couvertes de verres, et dont les bords se ter- minent en avant par un cadre, tandis que le fond s'ouvre à charnière. Les amateurs ont deux manières d'arranger les pa- pillons dans leurs collections ; les uns les renferment dans de trés-grands cadres comme ceux dont nous venons de parler, eune semblent avoir en vue que de les disposer symétriquement en cherchant des oppositions dans les couleurs des individus qu'un même cadre rassemble; d’autres séparent chaque espèce dans autant de petits cadres dont la profondeur et la longueur sont proportionnés à la grosseur du corps et à l'étendue des ailes de linsecte, mais dont la hauteur est égale; de facon que, rapprochés les uns des autres sur de petites tablettes dis- posées le long des murs, ils ne forment qu'un tout. Cette réu- nion forme l’ensemble le plus agréable ; il plaît aux amateurs comme aux personnes qui ne le sont pas, et cet arrangement a été adopté pour la belle collection du Jardin des plantes. Les grands cadres sont en forme de boîte, de quinze à dix- huit pouces de long sur douze à quinze de large, et de douze à quinze lignes de profondeur. Le fond est recouvert d’une plan- che de liége ou d’une feuille de uülleul, à défaut du liége qui est de beaucoup préférable. La boîte s'ouvre ou par son fond , comme nous l'avons dit, ou par son verre qui alors, fixé à un des côtés du cadre, entre dans une coulisse pratiquée aux trois autres CÔtés. Les petits cadres ont toujours trois pouces de hauteur ; ils sont à deux verres, celui de dessous est mastiqué, celui de dessus peut fort bien ne pas l'être, seulement on le colle avec du papier sur ses bords. Un grand avantage de ces cadres sur les premiers, c'est que si un insecte y pénètre, on peut le tuer en échauffant le verre que lon approche graduellement du feu, et ensuite c'est que cet insecte n'étant pas aperçu , il ne dévorera qu'un seul individu, tandis que, dans un grand cadre , il peut, avant d'être vu, causer les plus grands dommages, et un jour on voil 52 tomber les ailes de tous les papillons dont les corps ont été minés, sans que rien en ait averti. Nous laissons à penser le chagrin de l'amateur qui perd en un instant le fruit de tant de recherches, de tant de courses , de tant de patience. C’est la grèle qui prive le laboureur de sa récolte , c’est le désespoir. Dans les grands cadres on fixe les papillons par l'aiguille qui les traverse ; dans les petits, comme le fond est en verre, on les fixe, on les colle avec la gomme arabique, mélangée de coton, réduit en poudre. Ce moyen d'attache est très-s0- lide, et le coton, ainsi mêlé à la gomme, empêche qu'elle ne s’écaille dans la sécheresse, qu'elle ne coule dans humidité. Pour enlever un papillon ainsi retenu , il faut l'exposer à la va- peur de Peau chaude. ; On réunit la femelle et le mâle dans les grands cadres, on les place dans les petits, dans des cadres voisins, On à soin aussi de placer sur les petits cadres un numéro qui répond à un autre numéro d'un catalogue écrit par l'amateur, et dans lequel se trouve le nom de linsecte, qui quelquefois aussi est écrit sur le cadre, mais sa description et son histoire qui ne sauraient y ètre. C’est aussi une attention à avoir, si on est riche par le nom- bre des individus, d'offrir le même papillon sous les deux faces, dessous et dessus. Plusieurs papillons s’altèrent par l'éclat du soleil et mème à un très-grand jour. Les couleurs rouges et vertes sont parti- culièrement dans ce cas; aussi en Hollande et en Allemagne les véritables amateurs ont leurs collections dans leurs tiroirs, et s'il les exposent contre les murs de leurs cabinets, ce n’est qu'avec le soin de les couvrir d’un épais rideau, qui ne se tire que lorsqu'on vient les visiter. On enduit le corps du papillon d'arsenic pour le préserver des insectes; mais si ce moyen est infaillible, il ne doit ce- pendant pas ètre employé à cause de l'énergie de ce poison, LES PAPILLONS , dont la plus légère quantité cause d'affreuses tortures qui n'ont plus pour terme que la mori. De ambre à été employé avec succès, et cette odeur à paru très-désagréable aux mites. Beaucoup de conseils que nous avons donnés ici pour les amateurs de papillons peuvent servir de même à ceux qui font collection d'insectes. Pour les cadres, pour les aiguilles, pour les filets c’est presque la même chose, et même, à la rigueur, on pourrait entreprendre de faire une collection d'insectes en ne tenant compte que des indications que nous avons pres- crites. Puaissent ces détails encourager nos jeunes lecteurs à faire des collections de papillons. Hs apprendront à se plaire dans des plaisirs simples et innocens , ils reconnaitront aussi, par tous les soins que nous venons de leur indiquer , qu'il ne suffit point d'acquérir, qu'il faut encore savoir conserver; et c’est une vérité qui pourra souvent leur servir pendant tout le cours d'une vie qu'ils ne font encore que commencer. LE GRAND MARS CHANGEANT. (Planche WE. — Fig. 1, 2.) Linnéditquela chenillede ce beau papillon vit sur le chêne ; depuis lui, aucun naturaliste n'a parlé de cette circonstance, et le silence que l’on a gardé sur la chenille du Grand Mars, fait qu'on la range aujourd'hui parmi celles qui nous sont in- connues, Peut-être Linné mème, qui ne l'aurait pas vu plus qu'un autre, a-t-il avancé ce fait seulement par analogie, et parce qu'on trouve ce papillon sur le haut des chênes les plus élevés, lieu habituel de son sommeil, où il se retire dès que le soleil est près de se coucher. Cette opinion acquiert mème une grande probabilité, parce que la chenille, ne quittant pas la cime de ces arbres élevés, et y éprouvant toutes ses métamor- A LIT, VE 44e € AZ 2 ‘e LEUR HISTOIRE, rc. 33 phoses, devrait encore, dans ce cas, nous demeurer inconnue. Jetez les yeux sur le mâle du Grand Mars (fig. 1°), et vous serez convaineus qu'il est un des plus beaux des papillons d'Europe, et par l'élégance de ses formes et par la vivacité de ses couleurs. Il est brun foncé, mais cet habit sombre, lors- qu'il est frappé sous un certain angle par la lumière, devient tout à coup brillant, et se change en violet foncé tirant sur le bleu d'outre-mer. Ce changement de couleur, qui produit le plus bel efet, provient de ce que les petites écailles qui re- couvrent ses ailes sont noires d’un côté et violet foncé de l'autre; en sorte que si un côté est davantage éclairé que l'au- tre, on ne voit que sa couleur, tandis que s'ils le sont égale- ment, il en résulte une couleur mélangée dont l'aspect est brun , et telle qu'on la voit ici sur les ailes gauches. Nous ne pouvions pas négliger de donner ceite fois la nuance du pa- pillon lors du reflet , le surnom de changeant devenant l'un des principaux caractères qui aident à le reconnaitre. Les ailes supérieures de ce Mars portent dix taches blanches de différentes grandeurs et figures. Les deux premières sont près de l'angle d'en haut. Au-dessous il y en à cinq, dont trois près du bord supérieur, et deux vers le bord extérieur. Les trois autres sont vers le milieu de l'aile. La première de ces trois est ronde et assez grande ; la seconde à la forme d’un €, et la troisième n'est qu'un point. Au milieu.des ailes inférieu- res il y a une bande blanche transversale entrecoupée parles nervures ; et près de l'angle d’en bas, on trouve un œil noir en- touré d'un cercle aurore. Les quatre ailes sont d’ailleurs bordées d’un large trait noir, au-dessous duquel il y en a un brun clair coupé par les nervures : les inférieures sont fran- eées de blanc. x Le papillon retourné, on aperçoit sous ses ailes supérieures une grande tache aurore chargée d'un œil noir à prunelle vio- lette : des taches blanches et noires sont répandues sur un fond marbré de brun, de vert et de fauve. Les petites ailes, toujours en dessous, présentent le même œil que les grandes, mais il est plus petit et dépourvu du cercle orangé dont nous avons parlé. La femelle présente cette différence très-grande, comparée au mâle, qu'elle n'est point d’un aspect changeant; le fond de ses ailes est en outre moins foncé. Quelquefois toutes ces taches que nous venons de décrire avec quelque soin ne sont pas aussi sensibles chez l’insecte, et ne sont qu'imparfaitement marquées. Dans ce cas, les yeux du dessous des ailes sont les signes qui manquent les premiers. Vers la mi-juin ce papillon parcourt les bois dans leur pro- fondeur, aflectionnant les endroits où le feuillage est le plus épais et l'air le plus humide. Il suit les bestiaux et rase l'eau des rivières. C'est un papillon qu'il ne faut point poursuivre lorsqu'on l’a manqué; car, très-peu farouche, il ne s’écarte jamais beaucoup du chasseur. On trouve le Grand Mars changeant en Alsace; en France, il est connu dans la forêt de Villers-Coterets. Il n’agite presque point ses ailes, et plane plutôt qu'il ne voltige. On désigne sous le nom de Grand Mars changeant un pa- pillon plus grand encore que celui-ci, marqué des mêmes taches, mais toujours brun, et ne prenant jamais la couleur violette. Ou est exposé, comme l’on voit, à le confondre avec la femelle du Grand Mars changeant ; dans le doute, il faut recourir aux avis d'un naturaliste dont l'œil est exercé par une longue expérience, dont le savoir est acquis par une étude sérieuse de cette classe d'insectes. Un Petit Mars changeant sera facilement reconnu par nos jeunes lecteurs, car, s'il a le même aspect que le Grand Mars, une suite de petites taches aurores , placées entre chaque nervure et remplaçant la ligne brune qui borde les ailes infé- rieures, servira à le faire distinguer de la grande espèce. Æ [e) 34 LES PAPILLONS, Enfin on trouve aussi un Grand Mars orangé; ce dernier nom nous indique la couleur dominante des ailes. Une bande jauneclair, qui commence au milieu des ailes supérieures et con- nue jusqu'aux deux tiers des ailes inférieures, entièrement noires à partir de ce point, voilà le caractère le plus pro- noncé et qui peut servir le plus sûrement à le distinguer des espèces que nous venons de décrire. Cet autre papillon (fig. 2) est encore un Mars, nommé par Engramelle le Mars bleu - foncé changeant. On le voit le plus souvent noir, mais il prend aussi, sous l'influence des rayons lumineux, une nuance de bleu-turquin d'un éclat très-bril- lant. Toutes ses nervures se détachent du fond par une cou- leur plus claire ; ses ailes supérieures ne sont point coupées de taches blanches, comme celles des autres papillons du même genre. On y trouve quelques petits points blanchätres vers l'angle supérieur : des taches pareilles se remarquent au mi- lieu des ailes inférieures qui portent l'œil commun à toutes les espèces précédentes. En dessous, les ailes supérieures pré- sentent un assemblage bizarre de diverses couleurs et un des- sin inextricable qu'il serait très - difficile de décrire ; et les in- férieures, d’un fond jaune-citron , ont une bande grise près leur bord extérieur, et une antre vers le milieu accompa- gnée des deux côtés par une bande rouge. On ne connait non plus ni la chenille ni la chrysalide de ce papillon, et l'on ne sait encore sil faut en faire une espèce particulière, ou le regarder seulement comme une variété de l'une des espèces que nous venons d'examiner. LE GRAND PORTE-QUEUE. (Planche HT. — Fig. 3, 4 et 5.) Le Porte-Queue, que nous avons fait copier ici (fig. 3 ), est un des plus grands papillons de l'Europe ; 1 est quelquefois d’un brun jaune-citron ; d'autrefois d'un jaune de sonfre pale, et on l'a vu aussi d’un jaune roussâtre et sale, Lei il est coloré de la nuance sous laquelle il s'offre le plus ordinairement. Peut-être ces différences de couleur sont-elles dues aux épo- ques diverses auxquelles il parait. Dans tous les cas , il est de remarque constante que la couleur des ailes inférieures est plus päle que celle des ailes supérieures. Celles-ci ont, à leur naissance, une grande tache noire parsemée de poussière jaune, et terminée, vers le tiers de l'aile, par une petite bande tout-à-fait noire. Trois taches noires de forme irrégu- lière coupent leur bord supérieur. Au bord extérieur se re- marquent encore deux bandes noires séparées par huit taches jaunes : celle qui est en dedans a un de ses bords ondulé. L’aile inférieure a moins de taches que l’autre, sa nais- sance est, de même, noire etsablée de jaune; son bord extérieur est traversé par une bande noire chargée de six taches pique- tées de bleu et de taches du mème jaune que le fond. Enfin, sa partie extérieure présente sept pointes dont les intervalles sont fortement échancrés. Le corps de ce papillon est assez gros; son dos, sa trompe et ses antennes sont noirs, recouverts d’une poussière jaune. Le dessous des’ ailes ressemble assez au dessus, si ce n'est que les taches noires sont beaucoup moins étendues; les ner- vures qui, en dessus, sont très-marquées et traversent le fond jaune par des lignes noires , sont ici moins apparentes : enfin les autres taches perdent également de leurs contours et de leur couleur. Le Porte - Queue femelle est plus petit que le mâle, ce qui est presque une exception parmi les papillons ; du reste, ce sont les mêmes taches, les mêmes couleurs et le mème dessin. IL est assez difficile de les distinguer, leur taille étant sujette à beaucoup varier. La figure que l'on voit ici représente un LEUR HISTOIRE, re. Porte-Queue d'une taille moyenne : il en est de beaucoup plus grands comme de plus petits. Pour se procurer des Porte-Queues mâles, il suffit d’atta- cher une femelle sur le fenouil ou le chardon fleuri, plantes qui ont déjà le pouvoir de les attirer ; on les voit bientôt ac- courir au bruit et au mouvement qu'elle fait en se débattant. La chenille de ce magnifique papillon varie beaucoup; les figures 4 et 5 représentent deux chenilles de la couleur et de l'aspect le plus ordinaires. Ainsi nos jeunes lecteurs, s'ils ren- contrent des chenilles pareilles à celles-ci, seront assurés de voir sortir des chrysalides , des papillons Grands Porte-Queues ; mais ils pourront aussi en voir, produitspar des chenilles tout- à-fait différentes. Il y en a d’un beau vert clair, d'autres d’un vert jaunatre ; mais un caractère qui leur est commun, c’est de porter une bande transversale noire sur chaque anneau , bande toujours chargée de taches rondes d’un fauve plus ou moins rouge, selon que leur couleur dominante est plus ou moins fauve. Cette chenille a seize pattes; elle est grande, lisse, et sa beauté semble annoncer l'éclat du papillon qu'elle doit pro- duire. Elle offre une singularité remarquable, ce sont deux espèces de cornes pulpeuses qui sont renfermées dans son cou. Ce sont ces cornes qui, lorsqu'elle est inquiétée, paraissent sous la forme d'un Y de couleur fauve, et qui sont figurées sous notre numéro 5. Elle les retire dès que la cause qui lui a ins- piré des craintes vient à cesser. Cette chenille se nourrit sur toutes les plantes dont les fleurs se disposent en ombelle ou parasol; mais parmi celles-ci le persil, la férule et la carotte semblent Jui plaire davantage. On la voit paraître en mai, et en septembre on la rencontre encore. La chrysalide de la chenille du Grand Porte-Queue est nue comme toutes celles de cette classe, et suspendue horizontale- 35 ment par un lien de soie que la chenille à soin de filer avant sa métamorphose, et qu'elle s'attache au milieu du corps vers le quatrième et le cinquième anneau. Ce lien sert à assujettir l’étui de la chrysalide au moment où le papillon s’en débarrasse ; il est composé de plusieurs fils doubles. Vient-on à rompre ce lien en enlevant la chrysalide, il faut, pour que le papillon se retrouve dans les circonstances naturelles qui doivent précéder sa sortie de Ja nymphe, le rétablir avec de la soie, et suspen- dre cette nymphe comme elle l'était lorsqu'on l'a découverte. Le papillon se développera alors aussi aisément que si la chrysa- lide n'avait pas été dérangée. Il y a encore plusieurs Porte-Queues : le Porte-Queue bleu à bande blanche, le Porte-Queue brun à taches aurores, le Porte-Queue brun à deux bandes de taches blanches, le Por- te-Queue brun à taches bleues, evenfin le Porte-Queue brun à taches fauves. Nous n'entreprendrons point de décrire toutes ces espèces, ce qui nous mènerait beaucoup trop loin, il suf- fira d’abord de leur air de famille pour que le chasseur les reconnaisse pour Porte-Queues ; ensuite leurs différens noms indiquent assez les différentes marques qui leur servent de caractère pour les distinguer les uns des autres. L'ARGUS BLEU-CÉLESTE. (Planche VX. — Fig. 6.) Nous ne connaissons pas les deux premiers états de ce pa- pillon, et nous passons de suite à son état parfait, que nous représentons ici par la figure d’un mäle (Ji. 6) présentant le dessus de ses ailes. Les Argus bleus sont en très-grand nombre, et il est assez dificile de distinguer les variétés des espèces. Ce qu'il y a d'assez singulier, c'est que les Argus bleus sont bruns, et que 36 c'est à la couleur de leur femelle qu'ils doivent ceite dénomi- nalion , qui, lorsqu'on la leur applique, ne semble plus qu'un contre sens. Ce qui distingue les màles des femelles, c’est une tache noire, longue, et qui occupe le milieu des ailes su- périeures; les femelles ne Pont point. Les ailes inférieures sont presque toujours tachetées de fauve, et chaque tache se termine par un point noir. Le dessous des ailes, chez pres- que tous les Argus, est grisätre, ‘avec des yeux noirs entourés de cereles blanes et ordinairement au nombre de sept. Les ailes inférieures de ce côté offrent des taches fauves, se termi- nant en fer de lance, et des yeux, semblables aux sept des ailes supérieures, occupent leur milicu. Nous entrons dans le détailde ces signes parce qu'ils sont constans chez presque tous les Argus bleus, qu'ils soient mäles on femelles. L'Argus bleu-céleste se distingue des autres Argus, en ce que les taches fauves de ses ailes supérieures sont moins sen- sibles, et que celles des ailes inférieures sont accompagnées en dedans de teintes bleues. La femelle, qui lui a fait donner le nom qu'il porte, est toute couverte d'une teinte de bleu-céleste, qui n'est interrompue que par des nervures noires peu sensibles, et par une rangée de petits points noirs au bord des ailes inférieures. On désigne encore quelques papillons sous les noms d'Argus bleu -nacré, d'Argus bleu- pile, d'Argus beu-violet, d'Argus vert, d'Argus bronzé, d'Argus satiné, d'Argus à bandes bru- nes et dArgus bleu à bandes brunes et à lignes blanches, et dout les diflérences, avec celni que nous avons décrit, repo- sent, comme on le voit, sur des variations de nuances, sur des changemensde couleur. ya encoreun Demi- Argus qui estgris- brun en dessus sans aucune tache et dont la femelle est bleue, et un Argus #yope qui est brun et tacheté de noir; des pe- üits points noirs suivent le bord extérieur de ses quatre ailes, et sont surmontés en dedans d'un filet orangé. Ces petits pa- LES PAPILLONS, pillons offrent beaucoup de variétés, et les nuances qui ser- vent à les distinguer sont très-fugitives. L’'APOLLON. (Planche WI. — Fig. 5 et 8.) Ce nom est Le plus beau sans doute qui pouvait ètre accordé à un insecte, Il rappelle les souvenirs mythologiques, et le pa- pillon qui en est décoré peut devenir l'emblème des poëtes qui ne cultüvent sur l'Hélicon que les fleurs les plus modestes, et qui se consacrent à ce genre de poésie, que l’on est convenu d'appeler poésie légère. On ne trouve guère l’Apollon que dans les pays montagneux, sur les Alpes, où il semble se rapprocher du ciel, sur les som- mets des montagnes de la Savoie, dans les Cévennes et dans les Vosges ; mais nous avons été séduits par le nom, et peut- ètre n'est-il pas indifférent de placer l'Apollon dans ee recueil; sa figure et ses couleurs devant faire contraste avec la plupart des papillons qui y sont déjà, et pouvant jeter quelque variété dans des planches où la répétition d'insectes semblables finirait par produire une ennuyeuse monotonie, Le papillon Apollon a les ailes si peu couvertes de plames, qu'elles semblentune membrane transparente ; elles sont blan- ches (fig. 7) et légèrement teintes de gris ou de jaune. Les ailes supérieures sont chargées de cinq taches noires, dont quatre sont placées le long du bord supérieur et une au milieu du bord inférieur; celle-ci est souvent pointillée de rouge. Les ailes inférieures ont chacune deux grandes taches rouges avec un gros point blanc au milieu ; ces taches sont entourées de noir et placées, lune près du bord de l'aile supérieure, et l'autre au milieu de Faile qui les porte. Les quatre ailes sont tranchées par une bande noirâtre composée d'une infinité de LEUR HISTOIRE, #rc. 37 petits points noirs placés très-près les uns des autres. Le corps de tous les papillons de cette espèce est couvert de longs poils grisätres, et leurs antennes, courtes et grosses, sont noires à l'endroit où elles forment la massue. Vu en dessous, le mâle est de même couleur qu'en dessus ; les cinq taches de l'aile supérieure paraissent de ce côté; mais elles sont plus petites et de forme plus arrondie. Le contraire se remarque pour les ailes inférieures, où les taches parais- sent au contraire plus grandes et offrent dans leur milieu un point blanc. La femelle ressemble beaucoup au mâle, qui est celui des deux qui a été figuré ici : elle a de plus que lui, à l'extrémité du ventre, un petit sac ayant la consistance de la corne, et sur l'u- sage duquel lesnaturalistes n’ont encore rien donné de précis. L’Apollon est lent dans son vol et il ne parait qu'en été, lorsque le dieu dont il porte le nom rapproche davantage de nous le char brülant du jour. Un papillon plus petit, mais en tout point pareil à celui-ci, a reçu le nom de Demi-Apollon. Un jeune amateur d'insectes, auquel nous parlions de ces papillons, trouva cette dénomina- uon de Demi- Apollon assez malheureuse, et ne se réconcilia avec elle que, lorsque jouant surles mots, ilse rappelaque la fa- ble compte des demi-dieux. La chrysalide de Apollon est parvenue, au bout de six jours, à son état parfait. D'abord la couleur qu'elle prend est un vert noirâtre, ensuite elle semble saupoudrée de blanc puis de bleu : c'est sous cette dernière couleur qu'elle est re- présentée ici (f1g. 8). Elle est courte et grosse, sa forme ar- rondie ne lui donne aucune ressemblance avec celles des au- tres papillons de jour qui sont toutes anguleuses. La chenille n'existe plus, mais on voit encore sa dépouille qui reste à la chrysalide, comme on l'a figuré sur cette planche. Quelquefois ceci a lieu, mais le plusordinairement les tuniques de la che- nille, poussées en avant par les efforts de la chrysalide, tom- bent au moment où elles arrivent à sa tête; dans ce cas, la planche ei-jointe fera concevoir plus aisément ce qui arrive, et donnera une idée juste de la situation des parties au mo- ment où l'insecte se sépare de son ancien habit. 38 LES PAPILLONS, ANS ARR AURA A AAA AAA AR AR BAL BALE WU LEVEL TUEUR TUE LURLE LULU AL LAURE LUI LEA VER LULU LAN LUI LL LES LAN SECONDE PARTIE. SPHINX, où PAPILLONS CRÉPUSCULAIRES. Ces papillons ont été long-temps confondus avec les papil- ions phalènes, et compris en mème temps que ces derniers sous le titre général de Papillons de nuit. Un auteur, En- gramelle, a fait judicieusement observer que les papillons que l'on ne rencontre ni de jour ni de nuit, mais au moment où l'obscurité commence ou à se faire senür vers le soir, ou à se dissiper lorsque va paraitre l'aurore, devaient former une classe intermédiaire entre les papillons de jour et les papillons de nuit, Des naturalistes modernes, se servant de cette obser- vation, et en reconnaissant toute la vérité, ont formé des Sphinx une grande et troisième division parmi les papillons, et leur ont donné le nom de papillons crépusculaires, nom très-bien approprié, puisque nous avons vu qu'ils paraissaient au crépuscule du jour et de la nuit. Nos jeunes lecteurs diviseront donc les papillons en trois grandes classes. Dans la première ils rangeront ceux dont nous avons parlé sous le nom de Diurnes où papillons de jour ; les Sphinx composeront la seconde sous le nom de Crépuscu- laires, et dans la troisième sous la dénomination de Nocturnes ou papillons de nuit, paraitront les phalènes qui nous occupe- ront en dernier lieu. Le fameux Linné, si célèbre parmi les botanistes, et dont le génie éminemment observateur et philosophe trouva, dans les pistils et les étamines des fleurs, un moyen simple et exact de classer toutes les plantes, tous les arbres qui couvrent l'im- mensité du globe, Linné est le premier qui ait indiqué les ea- ractères distinctuifs du Papillon-Sphinx. Il adopta aussi la dé- nomination de Sphinx, due à l'attitude de la chenille qui pro- duit ce papillon : en effet sa partie antérieure, presque toujours dressée , lui donne quelque ressemblance de pose avec le Sphinx, animal fabuleux des Égyptiens , ce Sphinx qui pro- posa à OEdipe l'énigme fatale qui devait le conduire au lit de sa mère. Ce nom, comme on le voit, ne convient, au plus, qu'à la chenille. Quelques naturalistes ont désigné, sous le nom de Papillons-Bourdons, ces mêmes papillons, à cause du bourdonnement qu'ils font entendre en volant. Voici à quels signes nos jeunes lecteurs reconnaitront les Sphinx : ils marchent tous sur six pieds; leurs antennes sont en forme de prisme et terminées comme de petites massues, mais constamment plus grosses au milieu qu'à leurs extré- mités. Leurs ailes inférieures sont toujours plus petites que les supérieures, qui sont en général à trois côtés inégaux et fort alongées. Leur angle supérieur est ordinairement très- aigu. Outre les yeux ordinaires, les Sphinx ont deux points JAI UT USE L 4 ju £ ADR Nes RAS 1 TNENRS D TOR | PALAU è 5 n TE dy ALLIE AT ni + 4 TENTE. 26 / CTI 1 — LEUR HISTOIRE, £rc. 39 demi-sphériques et très-brillans quileur servent, à ce que l'on croit, à voir les objets les plus éloignés. Lorsque le Sphinx est dans un entier repos, il semble fatigué de porter ses ailes ; elles traînent à terre ou descendent au-dessous de son corps s'il est sur une plante. Le gris, le noir, le fauve sont les cou- leurs qui couvrent le plus souvent le Sphinx dont l'habit est, comme l’on voit, très-peu brillant. Des chenilles, sans aucun poil et à seize pattes, fournissent les Sphinx ; leur peau est très-lisse ou couverte d'un nombre infini de petits points rugueux qui la font ressembler au cha- grin, avec lequel les gainiers font des boites. Toutes portent, sur le onzième anneau de leur corps, une corne dont la pointe se recourbe en arrière, et qui, flexible à sa base qui n'est autre chose qu'une petite membrane, peut exécuter plusieurs mouvemens. On a cru, mais à tort, que c'était un instrument de défense : c’est une erreur; et le venin qu'on lui a gratuite- ment supposé n'est pas mieux prouvé. Au moment où ces chenilles vont se métamorphoser, elles changent de couleur et deviennent päles, livides et verdätres, comme si elles étaient malades: elles vont et viennent , ne mangent plus, et se changent en chrysalides dans l'intérieur de la terre, où elles se plongentsans avoir presque filé. Leurs co- ques, lorsqu'elles en forment, sont grossières, et il est de re- marque que toutes les chenilles qui ont sur le corps la corne dont nous venons de parler, sont de très-mauvaises fileuses. C'est en août eten septembrequeles chenilles des Sphinx pren- nent la forme de chrysalides, dont le marron est la couleur or- dinaire. Les papillons paraissent l’année suivante. Comme dans toutes les sciences, dans celle qui a pour objet l'étude des insectes et qu'on appelle l'Entomologie, il a fallu , après les grandes divisions, faire des subdivisions pour ensuite arriver jusqu'au genre, à l'espèce et même aux variétés. Ainsi on a divisé les Sphinx en trois classes, les Sphinx proprement dits, les Sphinx éperviers, et Les Sphinx béliers. On a donné des caractères distinctifs de chacune de ces classes ; nous n’en- trerons pas dans ces longs détails, ear notre but est plutôt d’amuser que d'instruire, et ce serait imposer à nos jeunes amis un travail qui, aujourd'hui peut-être, les brouillerait avec nous , tandis qu'eux-mèmes , plus tard, se l’imposeront, aidés dans une étude plus sérieuse par quelques idées exactes que nous leur offrons ici sous la forme la moins scientifique qu'il est possible. On divise aussi, et cette division leur paraîtra plus aisée, les Papillons - Sphinx en trois classes; dans la première sont rangés ceux dont les quatre ailes ont les bords unis; dans la seconde ceux qui ont le bord de leurs ailes inférieures seule- ment, dentelé ou festonné , et dans la troisième les Sphinx dont les quatre ailes sont festonnées. Mais hâtons-nous de passer à la description des papillons d'une famille aussi riche, et qui nous offre le fameux Sphinx à tête de mort, la pièce curieuse du cabinet de l'amateur- écolier. SPHINX DU TROËNE. (Planche IV.— Fig. 1,2, 3et 4.) Nous donnons l'honneur du pas à cette espèce, parce que c’est celle dont la chenille à été le plus généralement connue sous le nom de Sphinx : ce nom lui vient d'une ressem- blance exacte où fausse que les naturalistes, et entre autres Réaumur, ont cru lui trouver avec le Sphinx de la fable, res- semblance qui repose sur ce que la chenille tient la pre- mière moitié de son corps en l'air, et dressée verticalement. Presque toutes les chenilles des Papillons-Bourdons prennent cette attitude et la conservent souvent pendant des heures en- uères. La plupart des papillons de cette nouvelle classe sont dési- fo LES PAPILLONS, gnés par le nom de leurs chenilles et le nom de celles-ci est composé du nom générique chenille, et du nom de l'arbre sur lequel on les trouve le plus ordinairement. Celle dont nous nous occupons en ce moment se rencontre donc surtout sur le troëne. Cette chenille est une des plus belles et des plus grosses de cette famille. Avant sa dernière mue sa peau est chagrinée ; mais dans les derniers jours de son existence, cette mème peau , devenue lisse, est noire et douce au toucher. Sa cou- leur est alors (fig. 1) d’un beau vert coupé par sept bandes moitié violettes, moitié blanches, posées obliquement sur sept anneaux du corps, depuis le quatrième jusqu'au dixième. Ces bandes, un peu renflées vers leur milieu, se terminent en pointe; une ligne de trois ou quatre petits points blancs les termine du côté du ventre; les stigmates sont de couleur orange; la tête est ornée d’un turban noir ; la corne est re- courbée vers la partie inférieure, jaune en dessous, elle est noire sur sa face supérieure ; les pattes sont noires, tachetées de blanc; celles qui sont membraneuses sont vertes et de la même nuance que le corps. Cette chenille paraît au mois de juillet, et met six semaines à prendre son entier accroissement. Elle mange beaucoup; si elle quitte le troëne, c’est pour se porter sur le frène et sur le lilas. Vers le commencement de septembre, lorsqu'elle est prète à se métamorphoser, ses belles couleurs s’altèrent, le vert Jjaunit, et cet état d'étiolement, qui dure quatre Jours, annonce que bientôt elle va prendre une autre forme. Elle s’agite beaucoup à cette époque, marche en sens divers, et enfin se cache sous la terre. Cette chenille est de celles qui ne se filent point de coques, mais qui pratiquent une cavité dont elles foulent les parois qui prennent bientôt quelque consistance, enduites d’une liqueur qu'elles ont la propriété de produire pour ce travail. Parvenue à l'état de chrysalide (fig. >), cette chenille, con- tre tout ce qui est observé ordinairement, conserve une sen- sibilité extraordinaire sous une forme aussi bizarre. Elle s'a- gite au moindre contact, et les anneaux qui la composent conservent une sorte de mouvement : on l'a vue changer de place. Ce n'est qu'au mois de juin suivant qu'elle produit le papillon qui est un des plus grands et des plus beaux de nos campagnes. La figure 3 fait voir le dessus de la femelle, que l'on ne trouve pastoujours aussibelle que le mäle. Ses ailes ont plus de peine à s'étendre lors de la sortie de la coque, et beaucoup res- tent estropiées. Au reste, quandelles ont acquis, comme celle-ci, tout le développement dont elles sont susceptibles, elles sont beaucoup plus belles que le mâle, dont les dimensions sont de beaucoup moindres, Les ailes de la femelle sont minces et unies ; les supérieures mélangées de plusieurs nuances de brun, à travers lesquelles perce une légère teinte de rouge; leur bord supérieur est brun ; il est plus clair chez le mâle : ces ailes sont traversées par plusieurs raies noires dans leur lon- gueur, et leur bord externe est couleur de chair. Les petites ailes sont nuées de rose et traversées par trois bandes noires parallèles entre elles. Ce papillon n'est pas, à beaucoup près, aussi joli dans les collections que dans les boites où on le dé- veloppe : quelque soin que l'on prenne d’empècher les cadres qui le renferment de donner passage à l'air, il est impossible qu'il n'y pénètre pas, et les couleurs rose et de chair dont les ailes du Sphinx du troëne sont nuancées, sont si peu solides qu'elles changent aussitôt. Des ailes d’un gris sale remplacent ses ailes brillantes, et l'amateur n'a plus qu'un moyen de parer à cette facheuse métamorphose, c'est, chaque saison, de faire la chasse au Sphinx et de renouveler l'individu de sa collection. La femelle, vue par-dessous (fig. 4),a le corps brun clair sur LEUR HISTOIRE, zrc. 41 les côtés, et gris-blanc dans son milieu. Ses yeux sont noirs, ses pattes sont velues, et les poils qui les couvrent sont gris. Les ailes supérieures, mélangées de brun et de rose, ne sont traversées que par deux bandes noires, et ont leurs angles et leurs bords beaucoup plus clairs que leur partie moyenne, Les ailes inférieures n’offrent qu'une raie noire sur un fond de brun et de blanc mélangés : de ce côté, les quatre ailes sont frangées de brun. Le Sphinx est un des papillons dont les couleurs, sans être monotones à l'œil, ont le plus d'harmonie. Il doit à sa cou- leur de chair d’intéresser le chasseur qui le surprend. Il semble que cela lui donne quelque rapport avec des animaux d'une autre classe, et alors on a pour lui toute la compas- sion qu'inspirerait un oiseau trop jeune encore pour être couvert de ses plumes, et dont un enfant cruel aurait fait sa proie. LE GRAND SPHINX GAZÉ. ( Planche IV. — Fig. 5, 6 et 7.) Au premier abord on refuserait le nom de Sphinx et même celui de papillon à l'insecte que nous offrons ici (/g. 5); on lui accorderait tout au plus de l'appeler mouche ou bourdon, et la transparence de ses ailes qui l’a fait surnommer le gazé, etla petitesse de celles-ci et celle de tout son corps sembleraient venir à l'appui de son exclusion; et cependant cet insecte est un papillon, et ce papillon est un Sphinx. Une chrysalide effilée de couleur brune, et le corps coupé vers sa partie in- férieure par des cercles rouges, produit le Sphinx gazé; et of- frant avec les chrysalides de cette famille les plus grands rap- ports, se conduit d’ailleurs de la même manière dans son exis- tence et dans sa métamorphose. La chenille est verte, longue, armée d'une corne sur le dernier anneau, et tachetée d’une grande quantité de points blancs. Elle se promène sur le caille- lait et sur le chèvre-feuille, et parait préférer les feuilles de ce dernier arbuste : on la trouve aussi, mais moins souvent, sur la scabieuse. On appelle encore ailes vitrées ses ailes transparentes ou membraneuses, comme elles sont figurées ici. La tête et le corcelet du Sphinx sont couverts de poils longs et olivâtres, entremèlés de quelques poils noirs. Au bas du corcelet est une large bande de rouge-brun qui se remarque mieux encore sous son ventre où elle occupe la mème place; le reste du corps est jaune-verdâtre, etun peu plus clair sur les côtés. Deux touffes noires se remarquent à l'extrémité de la queue. Les antennes et la trompe sont noires. Les quatre ailes sont bordées d’une frange rouge chez quelques-uns, verdàtre chez celui que nous avons copié et chez beaucoup d’autres. Les ailes ne sont traver- sées que par des nervures brunes très-faibles qui se ploient sur leur longueur en filets courbes et très-tenus. Nous joindrons à cette description celle d’un second indi- vidu (/ig.6) bien différent du Sphinx gazé, mais que nos jeunes lecteurs, familiarisés déjà avec le premier, n'auront pas manqué de reconnaitre pour un Sphinx à la forme de son corps et de ses antennes. Ce papillon est le Sphinx du caille-lait blanc. On trouve sur cette plante la chenille qui le produit. Trois semaines suflisent à son accroissement : elle offre, comparée aux chenilles des Sphinx, cette particularité que ce n’est point toujours dans la terre qu'elle opère sa métamorphose; elle construit quelqe- fois, à la surface même du sol, une cabane artistement tra- vaillée avec des feuilles et les branches les plus tendres, Îles plus faciles à tailler et à transporter. Les chrysalides de ce pa- pillon sont tellement transparentes que l'on peut suivre aisé- ment sous leur enveloppe tous les changemens qui s’y passent 6 42 et prédire le jour, et pour ainsi dire l'heure où le papillon doit éclore. Nous désignons cette chrysalide , afin de procurer à nos lecteurs le plaisir de suivre cette métamorphose du pa- pillon arrivant à son dernier état, et d'assister, pour ainsi dire comme initiés, aux mystères de cette transformation , l'une des plus grandes merveilles de la nature. La figure 6 ne présente pas le Sphinx du caille-lait, comme on le rencontre le plus souvent; elle n'offre qu'une variété. Le Sphinx, dans son état le plus commun, est moitié plus fort ; sa tête est plus alongée, ses yeux plus gros, et ses ailes supérieures sont plus teintées de rouge, comme les inférieures sont aussi beaucoup plus claires. Les taches qui, placées des deux côtés du corps, sont blanches dans cette variété, sont jaune-pâle dans le papillon qui sert de type à l'espèce. Si nous avons choisi de préférence la variété, c’est qu’elle offrait davantage de rapports avec le Sphinx gazé, et que nous voulions habituer les jeunes amateurs à ne pas mépriser, comme mouches, une classe nombreuse de papillons. Nous conduirons enfin nos lecteurs jusqu'au plus petit pa- pillon ; car chaque espèce des animaux créés a ses infiniment grands et ses infiniment petits. I y a certes une grande dis- tance entre l'éléphant et la souris, entre le vautour et l'oiscau- mouche, pourquoi n'y aurait-il pas une distance non moins grande entre le plus grand papillon et le Sphinx tipuliforme qui est ici représenté, figure 7. Ces Sphinx tipuliformes, que l’on distingue en grand et en petit (c'est ce dernier que nous offrons ici), ont le corps long etmince, surtout les mâles, la tête petite, les antennes lon- gues, et les barbillons qui accompagnent les yeux, assez longs pour former une espèce de cornes. On trouve le plus grand rapport entre les deux espèces, le grand et le petit, et si ce n’est leur taille quidifière, on aurait peine à dire en quoi ils sont dis- semblables. Au premier abord on n’en ferait volontiers qu'une LES PAPILLONS, espèce; mais comme il est des endroits où le grand parait seul, tandis que le petit y est absolument inconnu, on à été forcé de convenir que chacune des espèces offrait des mâles et des femelles, et qu'il fallait les différencier dans une nomencla- ture. Il y a peut-être aussi entre eux une légère différence, c'est que le petit n’a pas de point noir au-dessous de la couleur orangée, qui est à la pointe supérieure de ses ailes, caractère constant chez le grand. Ea femelle, dans les deux espèces, diffère du male par l'absence des lignes jaunes qui traversent le corcelet de celui-ci. La chenille des tipuliformes se trouve sur le groseiller ; la petitesse du papillon suppose une organisation très-faible, di- sons mieux, très-délicate chez celle-ci; aussi elle ne se nour- rit pas de feuilles, mais de la moëlle des jeunes pousses. Il y a toujours la mème harmonie à observer entre l'organisation des animaux, leurs besoins et leurs actions. LE SPHINX DE LA PILOSELLE,. ( Planche AN. — Fig. 8.) Encore une petite espèce : c'est nous arrêter long-temps sur les papillons les moins apparens; mais celui-ci, entre autres, est si commun , qu'il fallait bien en parler. La chenille qui le produit nous est inconnue. Quelques naturalistes ont cependant écrit qu'ils l'avaient possédée et vue se transformer sous leurs yeux; mais ils n’ont jamais désigné les plantes sur lesquelles on la trouve, et n'ont pas décrit quelle était sa forme ni sa couleur. Le papillon a le corps etles antennes noirs. Les antennes sont longues, arquées, et terminées en massue. Leurs proportions sont très-grandes par rapport à l'exiguité du corps et des ailes. Le corps présente cette singularité, que resserré au-dessous du LEUR HISTOIRE, corcelet, il prend un nouvel accroissement à sa partie infe- rieure. Le reflet bleuàtre du corps est assez visible, etles raies noires qui le coupent en travers paraissent davantage lorsque l'insecte est exposé à la lumière, de manière à ce que le re- flet se fasse sentir chez la femelle. C'est le mâle qui est repré- seuté ici; les taches brunes qui se remarquent sur ses ailes su- périeures sont vertes, mais d'un vercbile mélangé de brun. Les peuites ailes sont un peu plus chez la femelle, mais frangées de mème par de petits poils noirs, grandes Les lignes noires qui traversent les taches rouges sont les nervures de l'aile. En dessous elles paraissent beaucoup moins, mais en général l'aspect du papillon est à peu près le mème. Le Sphinx de la piloselle, plante que lon nomme plus vul- gairement oreille de rat, se nourrit encore de l’épervière et de plusieurs végétaux de la même famille. SPHINX À TÊTE DE MORT. (Planche IV. Fig. 9, 10, 11 et 19.) Une seconde fois, et sans abandonner la famille des Sphinx, nous revenons à des individus de la plus grande taille. Iei se confirme encore la vérité de ce vieux proverbe : les extrêmes se touchent. Ce Sphinx est classé tout près de celui de la pilo- selle, et l'étonnement du jeune entomologiste n’est pas moindre que celui du marin qui, comparant , à cause de leur ressem- blance, la sèche, dont l'os sert de nourriture aux serins , avec le poulpe colossal , le plus grand de tous les monstres marins , dit que le poulpe est à la fois le plus grand et le plus petit de tous les poissons. La chenille du Sphinx à tête de mort parvenue à sa perfec- tion (fig. O), existent. Depuis long-temps elle est connue en Italie, et nous est une des plus belles et des plus grosses qui ETC. 43 pensons qu'elle s'est répandue en France et en Allemagne, depuis que l’on cultive dans ces pays la pomme de terre, sa nourriture favorite. Linné avait désigné à cette chenille un aliment plus délicat, en la placant sur le jasmin; mais il par aît prouvé que si elle se rencontre sur cet arbuste, c'est au mois de juillet et lorsqu'elle est prète à se métamorphoser. Or, à cetie époque elle ne mange plus. and on obuent cette chenille très-jeune, où presque à sa sortie de l'œuf, il faut la nourrir de racines tendres et bul- beuses, comme de raves, de pannais, de jeunes pommes de terre, ou encore de tiges de laitue romaine. Elle amollit les plantes qui lui servent d’'aliment en les humectant d’une Hqueur qu ‘elle répand en si grande quantité que l’on est sur- pris de Ja voir couler si abondamment du corps d’un si bé tit insecte. D'abord assez semblables au ver de terre, on n’a- percoit chez les chenilles de ce Sphinx que trois anneaux por- tant chacun une tache noire, une tête aplatie et pointue, des pattes extrémement courtes. Presque constamment cachées en terre, elles n’en sortent que de midi à trois heures. C'est vers le commencement de juillet que, plus fortes et plus déve- loppées, elles quittent leur retraite. Le fond de leur couleur est alors, comme nous l'avons représenté ici , d’un beau jaune citron, des deux côtés du corps sont des bandes d'un vert uni qui traversent obliquement chaque anneau, si l'on en xcepte les trois premiers. Sa corne est plus longue que celle : toutes les autres chenilles ; vue à la loupe elle semble com- posée d’une infinité de petites rocailles. Au moment de sa mé- tamorphose, cette chenille comme toutes les autres voit ses couleurs se changer, mais elle n'en est pas moins brillante et acquiert plutôt en beauté. En effet, le jaune prend une teinte Élus ferme, et les bandes dont nous avons parlé, se teignent de pourpre et de bleu. C'est le moment où elle rentre en terre pour y construire son de 44 LES PAPILLONS, La coque (fig 10) est de couleur marron-clair. Elle renferme le papillon pendant deux mois; mais à peine délivré de ses entraves, le captif peut prendre son essor. Il ne lui faut, au plus, qu'une heure, une heure et demie, pour se préparer à prendre possession de l'empire des airs. Le Sphinx à tête de mort diffère de ceux de la mème famille par la forme de son corps qui est extrèmement gros et aplati. Ses antennes sont moins longues que le corcelet et très-épais- ses , elles sont noires d'un côté et blanches de l'autre. Ses yeux sont gris et la nuit aussi brillans que l'œil du chat, ce qu'on explique en admettant qu'ils ont la propriété d’absorber de la lumière, ou fluide lumineux, et de le rendre ensuite dans l'obs- curité. La tête de mort est assez bien figurée sur son corcelet, pour lui avoir mérité le nom qu'il porte; etce n'est pas ici une illu- sion des yeux , une fiction de l'imagination , cette tête existe. Voyez la figure 11, ce caractère singulier vous paraîtra fort exact et le papillon fort bien nommé. Le corps d'un fond jaunätre, est traversé dans sa longueur par une large bande noire; dans sa largeur, par des bandes transversales qui ne sont autres que les anneaux. Sa partie inférieure est toute noire. Les ailes su- périeures sontgris-de-fer, couvertes de points et d'ondes noires ; les ailes inférieures sont du même jaune que le corps, et tra- versées par deux bandes noires qui ont les mémes contours que le bord extérieur. Nous ne nous arréterons pas d’ailleurs à une description détaillée de ce papillon, un seul caractère, la tête de mort qu'il porte sur son corcelet, suflisant pour le faire reconnaître. La figure d’une variété (fig 12) que l'on rencontre aussi quelquefois, sufhira pour compléter ce qui manque à notre description, en offrant les seules différences qui pourraient faire douter le chasseur qui, surprenant ces deux Sphinx , ne saurait plus lequel est le type de l'espèce. Lorsqu'il agite ses ailes le Sphinx fait entendre comme un cri lugubre : ce bruit sinistre, joint à la principale pièce de sa li- vrée, l'a fait considérer par la superstition des paysans comme l'avant-coureur des événemens funestes. Ce bruit, pour le natu- liste, n'est que la conséquence toute natureile du froissement de plusieurs écailles placées entre les ailes et le corcelet. Dé- pourvus de ces écailles des Sphinx ont volé, et n'ont plus fait entendre cette prétendue voix qu'ils avaient avant l'opération. Le Sphinx n’est pas rareen France. I] y parait de juin en septembre, et c’est contre les murailles, sur le tronc des vieux arbres, qu'on le trouve ordinairement posé, On l'attire la nuit aumoyen d’un fanal allumé, etlorsqu'il approche le bruit de ses ailes peut le faire confondre un instant avec la chauve-souris, dont le cri se trouve par-là assez bien imité. Ce papillon, déjà d'une si belle dimension, est deux fois plus grand en Chine et dans l'Égypte. LEUR HISTOIRE, Erc. 45 * A AAA AA AURAS A AAA A AAA AA LUS AL ALU ARUBA LUI AALS ALU LAURE ALT LULU UE WUTAAI VUS LUR TROISIÈME PARTIE. PHALÈNES, o PAPILLONS NOCTURNES. IL est quelques oiseaux qui ne volent que la nuit, les hi- boux, les chouettes ; mais le nombre de ceux-ci, comparé à ceux qui cherchent la lumière du soleil et ne volent que lors- qu'elle nous éclaire, est infiniment petit. Au contraire , dans les papillons, les Nocturnes sont en plus grand nombre que les Diurnes et les Crépusculaires. Nous employons ces termes parce que nous pensons que nos jeunes lecteurs sont familia- risés avec eux, autrement nous eussions dit que les papillons de nuit ou phalènes formaient une classe très-considérable parmi les insectes qui nous occupent, et, que ni les papillons proprement dits ou papillons de jour, ni ceux qui paraissent au crépuscule ou les Sphinx, ne pouvaient leur être comparés en nombre. La plupart de ces papillons de nuit restent tran- quilles pendant le jour, et se couchent dans le creux des ar- bres, dans les broussailles, dans les corniches et les entable- mens des vieux édifices ; beaucoup aussi se réfugient dans les bergeries , dans les étables, enfin, dans les endroits ou som- bres ou peu fréquentés. La nuitune fois bien sombre, ils s’en- volent etse répandent dans les campagnes, où le chasseur, armé de l'échiquier fatal, en fait une ample provision , s'il a eu soin de se munir d’une lanterne dont l'éclat les attire par milliers. Ce que nos petits amis auraient deviné, ne füt-ce qu'en se rappelant ce vieux proverbe : Papillon vient se prendre à la chandelle. Quelquefois, cependant, on rencontre les phalènes, de jour, mais alors, c'est par troupes que ces papillons volent et tou- jours au fond des bois et dans les endroits écartés ou solitaires. Nous avons, en commençant à parler des Sphinx, détaillé leurs principaux caractères et leurs habitudes, nous allons suivre cette marche qui sans cesser d'être agréable est instruc- tive, et mettre sous les yeux de ceux qui nouslisent des notions fournies par les auteurs qui se sont occupés de l'histoire natu- relle des papillons, et leur donner ainsi quelques connais- sances solides qui, plus tard, pourront les aider dans une étude plus complète et plus sérieuse. Le soleil, comme on peut s'en convaincre en visitant les fleurs, les fruits, et même les feuillages d’un jardin, donne à tout ce qu'il frappe de ses rayons, une couleur plus vive, plus brillante; il n'est pas jusqu'aux animaux qui sont changés de couleur ou du moins de nuance par son influence, et notre teint prend une couleur plus foncée lorsque nous avons quitté la ville pour passer une saison aux champs. Les papillons de nuit n'ont point ces nuances variées et si éclatantes qui dia- prent si magnifiquement les papillons de jour; ils ne volent 46 LES PAPILLONS, qu'aux pales rayons de la lune. Leur livrée est done sombre et très-peu d’entre eux présentent ces banderolles si bien colorées qui ornent les ailes des individus des deux autres classes. Toutes les chenilles des phalènes sont laborieuses; et ce se- rait une source infinie et intarissable de jouissances, que de suivre dans leurs travaux les chenilles de chaque espèce, et que d'observer , en tenant par écrit compte de loutes ses observa- tions, les différens états par lesquels chacune passe pour par- venir à former sa coque : ce serait aussi se rendre utile à son pays, en soumettant à divers procédés la soie qu’elles four- nissent , afin de la faire servir à un but d'utilité. La chenille du ver à soie ne doit pas être, parmi les chenilles de cette classe si nombreuse, la seule qui puisse nous procurer des fils et des tissus; la nature n’est pas si avare et elle n'enrichit pas un seul être : d’autres chenilles doivent avec plus où moins de magni- ficence avoir été dotées par elle de Ta même fécondité. On est déjà parvenu à faire du papier avec la soie de la chenille com- mune, et de bons bas ont été fabriqués avec la soie du nid de la chenille du pin. Voici deux essais qui doivent encourager à des expériences plus nombreuses, et inviter les savans à des recherches qui peuvent leur mériter par leur succès le ütre si flatteur de bienfaiteurs de l'humanité. Comme les Sphinx , les phalènes ont deux petits crochets à chaque articulation de leurs jambes postérieures, organes qui ne se remarquent point chez les papillons de jour. Leurs an- tennes sont comme formées par beaucoup de filets ; et vont en s'amoindrissant de la base au sommet. Quelques-uns ont ce- pendant au milieu de l'antenne un léger renflement. À l'oeil nu les antennes semblent des filets très-lisses ; mais examinées avec une loupe, ce sont des petits grains comme articulés et placés à la suite les uns des autres, de manière que ceux qui sont le plus près de la base sont les plus gros. Les antennes sont aussi parfois velues ; et dans tous les cas elles doivent à leurs nom- breuses articulations de pouvoir exécuter mille mouvemens et d’allersonder l'air et le terrain dans tous les sens, pour rendre le vol et la marche du papillon plus sûrs et moins périlleux. Les antennes sont donc des organes protecteurs. Nous avons vu que les papillons ont une trompe qui leur sert à pomper le suc des fleurs, et il semblerait aussi diflicile de supposer un papillon dépourvu de trompe qu'un homme sans bouche et sans sosier, puisque c’est là le moyen qui leur esi donné pour se pourvoir de leurs alimens ; eh bien, les phalènes ont une trompe parfois si petite, qu'on a peine à la distinguer, etbeaucoup mème paraissent en manquer absolument. Quand la trompe manque il est assez ordinaire de ne point trouver deux petits corps velus qui sont placés le plus souvent à ses côtés , et que Réaumur prétend destinés à lui servir d’étui. Ces deux petits corps, qu'on appelle barbes, sont cependant si di- versement configurés , tantôt en arcs, tantôt en équerre, lantôl en corne, qu'on ne saurait ne leur supposer qu'un seul usage. Il faut mieux avouer que leur utilité ne nous est point encore assez connue. Certaines familles de phalènes portent sur leur corcelet des petits bouquets de poil, les unes n'en oni qu'un, celles-ci en ont deux, trois , ou quatre, d’antres un plus grand nombre et parfois accolés deux à deux. Ces huppes de poil ont servi, comme elles sont constantes dans leur position et dans leur nombre, à différencier les phalènes entre elles et à former des divisions. Le papillon de jour, quand il est en repos, a les ailes dres- sées et appliquées l'une conire Fautre, les Sphinx ont les leurs étendues etpenchant par leurs extrémités vers la terre. Les pha- lènes ne les portent pas autrement que les Sphinx, on à cher- ché à établir des divisions d’aprèsle port des ailes. On concoit combien est diflicile, pour l'usage, un système de classification fondé sur des caractères aussi fugitifs. Un mouvement de l'in- LEUR HISTOIRE, erc. 43 secte, causé par un besoin qu'il a senti, et dont nous ne pouvons avoir la conscience , va changér la position de ses ailes , et ilde- vient impossible de les retrouver dans leur situation perpendi- culaire, horizontale ou déclive que l’auteur a indiquée. I faut, pour établir une classification, des caractères permanens que l'individu présente dans tous ses états. Nous avons vu jusqu'ici , que dans presque tous les genres la femelle était plus grosse que le mâle, avait des ailes plus grandes etun corcelet plus étendu. La même disproportion se fait remarquer entre les phalènes mâles et femelles. Ces derniè- res sont si abondamment pourvues d'œufs qu’elles sont quel- quefois doubles du mâle en grosseur. Moins favorisées d'un autre côté on en a vu manquer d'ailes, ou plutôt n'avoir à leur place que de petites ailes à peine visibles à l'œil nu, et garnies de poils. Les chenilles, dites arpenteuses, à dix pieds, donnent des phalènes de cette espèce. Après l’accouplement, le mâle emporte la femelle et va la placer sur la feuille la plus favorable pour la nourriture des jeunes chenilles qu'elle doit produire. Admirable instinet! Prévoyance surhumaine chez l'insecie, et qui révèle un Dieu créateur , conservateur du chef-d'œuvre de sa toute-puissance. Les papillons de nuit déposent leurs œufs par plaques dans les feuilles, ou quelquefois aussi en anneaux autour des bran- ches; ces anneaux, que l’on croirait formés, comme le bracelet, par des grains d'émail contiennent quelquefois jusqu'à trois cents œufs. Rien de plus intéressant que le soin du papillon femelle pour ses œufs, il met des poils entre eux pour empé- cher qu'ils ne se touchent, il va même jusqu'à envelopper chaque œuf et recouvrir toute sa ponte d’une dernière couche pour la garantir des injures de l'air et des insectes qui vien- draient pour la manger. Et que devient l'observateur lorsqu'il voit uni à l'industrie déjà si merveilleuse de ce travail un dé- vouement plus admirable encore. C’est en s’arrachant à elle- même les poils roux qui couvrent une partie de son corps, que cette mère tendre et craintive fait un lit et un rempart à cette lignée qu'elle ne verra point éclore. On distingue plus aisément le papillon de nuit du papillon de jour, que la chenille du premier de celle du second. Les chenilles phalènes sont toutes lisses, toutes velues ; ellesont dix, douze, quatorze, ou seize pieds , toujours comme l’on voit un nombre pair. Ce que l'on remarque de plus fixe et de plus certain à cet égard, c’est que les chenilles velues et qui roulent les feuilles des arbres, produisent des papillons de nuit. Parmi ces chenilles, les unes vivent solitaires, les autres en société, tandis qu'il en est aussi qui passent moitié de leur vie seules, et l'autre en communauté; le temps réservé à ces deux exis- tences parait d’ailleurs fixé par cetie horloge plus fidèle encore que les nôtres, et que les animaux consultent sans jamais se tromper, horloge immuable à laquelle une main toute-puis- sante sert de balancier , et dont les mouvemens d’une régula- rité sublime, impriment à la fois à l'insecte l'activité dont il a besoin pour ses travaux, et au globe qui nous porte, cette impulsion qui le fait incessamment rouler dans l’es- pace. Les chenilles du chène, par exemple, vivent constamment en société. La solidité de l'habitation de ces chenilles, l’ordre de leur marche le long du tronc de l'arbre qu’elles habitent, sont également admirables. Elles vont comme en procession, ce qui même leur a valu le nom de processionnaires. Ici nous rapporterons une observation que nous avons faite il y a peu de temps à la campagne. Nous revenions d'une promenade au parc de Mousseaux, lorsque nous remarquàmes des fourmis qui voyageaient sur deux lignes parallèles, du haut d’un mur au bas ; et comme ce mur était blanc, que la fourmillière était au pied, il était facile de suivre dans sa marche le plus prévoyant de tous les insectes. Nous ne fûmes point long-temps sans dé- 48 LES PAPILLONS, couvrir que le but était d'aller de l'habitation commune dans le jardin auquel le mur appartenait; et sans doute que de l’au- tre côté du mur il existait une promenade pareille à celle qui fixait notre attention. Un fait particulier nous occupa d'abord beaucoup, nous nous apercevions que chaque fourmi, quittant le chemin de celles qui sortaient de la fourmillière, venait à la rencontre de celle qui était en route pour y redescendre, et s’ap- prochait d'elle de manière à ce que leurs deux têtes se touchas- sent. D'abord l’idée nous vint que c'était une ignorance de l'in- secte qui, ne se reconnaissant qu'en se touchant presque, allait vers son semblable comme vers un corps étranger, dans l'espoir du butin; mais cette pensée fut vite abandonnée , car pourquoi celles qui descendaient sans être chargées, evil y en avait quel- ques-unes, n'auraient-elles pas été mues par le même désir, et n'auraient-elles pas été à la rencontre de celles qui mon- taient? Était-ce un nouveau mot d'ordre apporté de la com- munauté, et dont on avertissait les absentes ? Ceci prêtait trop au merveilleux pour être admis, sans examiner de plus près encore, l'effet qui piquait notre curiosité : nous continuämes donc à observer. Enfin nous découvrimes une fourmi qui montait , et, quiau milieu deson chemin ayant rencontré une fourmi qui descendait avec un morceau de ver trop lourd pour ses forces , se mit à ses côtés et redescendit à la fourmilliére, marchant avec elle côte à côte, et portant la moitié du fardeau. Il nous demeura prouvé que c'était pour offrir, si besoin en était, un pareil service, que les fourmis se rencontraient et s'appro- chaient sur la route du jardin à la fourmillière. Non assurément nous ne ferions pas mieux. IL faut bien prendre garde, jeunes lecteurs, à ces chenilles du chène, que nous venons de vous offrir comme si curieuses. Leurs poils sont comme ceux de l'ortie, ils piquent, ils brü- lent, et leurs nids aussi sont construits avec une soie qui pro- duit des démangeaisons et des ampoules. On a même vu des piqüres de ces insectes produire des inflammations qui du- rérent pendant plusieurs jours. Les chenilles des phalènes comme toutes les chenilles en gé- néral, changent plusieurs fois de peau. On les voit aussi man- ger les peaux qu'elles viennent de quitter, ce qui doit peu surprendre, chez des insectes si voraces qu'ils se mangent en- tre eux. Rien de plus curieux que les travaux des chenilles: les unes avec leurs poils lient les feuilles des arbres en paquet et comme pour en faire une botte. Les autres les roulent et restent ca- chées sous ce rouleau, s'étant ménagé une sortie par lune de ses extrémités. D’autres moins habiles ou moins soigneuses de leur conservation, se contentent de plier ou courber les feuilles, et vivent sous cette toiture, qui les met à l'abri de l’eau, de la poussière et du vent. Les mineuses, appelées ainsi, parce qu'elles se glissent en- tre les deux lames de la feuille comme dans une mine, ont en- core plus de précaution ; elles filent dans le parenchyme même qui les nourrit, protégées par les deux lames de la feuille qu'elles écartent, et qu'elles se gardent bien d'attaquer. Les unes construisent en grand et s'étendent dans toute la feuille, les autres y ouvrent seulement des galeries ou routes tortueuses , et s'arrêtent après plusieurs détours dans une espèce de cul- de-sac. Ces dernières extrémement agiles éprouvent des convul- sions dès qu'on les touche. Si elles s'apercoivent qu'on les poursuit, elles se laissent tomber en ayant soin d'attacher un fil de soie auquel elles restent suspendues à une certaine distance du sol. La plus surprenante de toutes ces chenilles, est, sans con- tredit, celle qui a été observée par M. de Riville, comman- deur de Malte. Elle est absolument dépourvue de jambes, et cependant elle exécute un travail fort ingénieux , et chargée de sa coque elle parcourt un espace quelquefois considérable. : Mit: | 4 Ride E “H LS Pl D ‘ CIO A 2. llanche 7 — Afhaleren L Hi TIENNE ECG PT ETS ENS EE bal LE D CPÉPRÉCRE 4 0. 6 LEUR HISTOIRE, erc. 49 Expliquons-nous. Elle coupe , sur la feuille de vigne où elle éta- blit sa demeure, deux lambeaux semi-cireulaires , les amin- cit, et les lie ensemble pour en faire comme une coquille; puis lorsqu'elle juge à propos de changer de place, elle file une pe- tie pelote ou petit monticule en soie, le saisit avec ses dents, et s'en servant comme d’un point d'appui, elle tire sa coque à elle ; file un second monticule, le saisit encore, et répétant le mème mouvement, parvient sans pattes à changer de lieu et à emporter sa maison avec elle. Des descriptions plus dé- taillées des ouvrages exécutés par d’autres espèces , nous mè- neraient beaucoup trop loin. Si les bornes resserrées de ce recueil nous avaient permis d'entrer dans cette observation minutieuse, nous eussions rempli nos jeunes lecteurs du sen- üiment de l'admiration la plus profonde, pour celui qui a donné l'être à tous ces petits animaux , et qui a varié les moyens de les faire subsister de tant de manières différentes , toutes égale- ment sûres, également remarquables. Les chenilles portent différentes odeurs, mais comme ces parfums de l'insecte ne se font sentir qu'au moment où il va filer, on pense que c’est l'apprèt dont il se sert pour sa soie qui en est imprégné. Îl est des chenilles qui dans ce moment ré- pandent autour d’elles l'odeur embaumée de la rose. La plupart des chenilles phalènes filent des coques, coques plus où moins parfaites, mais dans lesquelles elles subissent leur transformation. Les unes entrent en terre, d’autres s’en- veloppent d'une gomme épaisse. Les unes ne se changent en chrysalides qu'au printemps de l’année suivante et restent engourdies pendant tout l'hiver; les autres sont transformées dans l’année même. La chrysalide est presque toujours immobile et comme un corps inerte. Cependant Bonnet raconte avoir vu une chrysa- lide fuir d’une extrémité à l’autre de sa coque, lorsqu'on tou- chait l’un des bouts de celle-ci. Le temps que les chenilles ren- fermées dans leur coque emploient pour se changer en n ymphe est extrèmement variable. Les unes se métamorphosent pres- que aussitôt après leur coque achevée, d’autres y restent un mois, et il en est une, observée par le savant de Geër, qui y demeure pendant neuf à l'état de chenille sans prendre aucune nourriture, et qui changée en chrysalide au bout de ce temps, n'en fournit pas moins un mois après un papillon parfait. On a séparé la classe des phalènes comme celle des papillons et des Sphinx en plusieurs subdivisions, en familles , en gen- res et en espèces ; nous n'entrerons pas dans ces détails, car notre but n'est point d'écrire une histoire complète, mais de présenter seulement les aménités de l'histoire des papillons. On appelle les classifications dont se sert le naturaliste des mé- thodes ou des systèmes; les meilleurs systèmes, les meilleures méthodes, ofirent des inexactitudes, des exceptions, et plu- sieurs inconvéniens, comme si l’auteur de la nature, vou- lant nous faire voir qu'il est le maitre des lois et des règles qu'il a établies, s'en était parfois écarté lui- même comme à des- sein, LE GRAND PAON DE NUIT. (Planche N.— Fig. 1.) Cette espèce qui, pour la grandeur , tient le premier rang parmi nos papillons, est fort commune dans plusieurs dépar- temens de la France et dans toutes les parties méridionales de l'Europe : on la trouve même aux environs de la capitale, mais elle est absolument inconnue vers le nord. Ses œufs sont ordi- nairement déposés sur une branche d'arbre, serrés les uns con- tre les autres, et empilés sur plusieurs lignes, comme les alvéo- les d’un rayon de miel, Des naturalistes se livrant à l'éducation de ces chenilles, ont obtenu d’un seul couple cent cinquante œufs fécondés; ceux qui ne létaient pas étaient remplis d'une 7 5o LES PAPILLONS, liqueur verdâtre. Les chenilles qui éclosent au commencement de juin, ont environ dans leur premier état deux lignes , deux lignes et demie de longueur. Cette chenille mange les feuilles de tous les arbres fruitiers ; mais comme elle marque quelque préférence pour celles du poirier, c'est le nom de cet arbre que l'on a choisi pour la dé- signer. On l'appelle en outre chenille à tubercules, parce qu'elle porte sur le dos et sur les côtés, très-symétriquement rangés sur quatre lignes, des tubercules couverts de poils d'un brun-clair. D'abord brune, elle devient d’une belle cou- leur bleue dès qu'elle à atteint son quinzième jour. Ses métamorphoses sont assez remarquables. Après la mue qui arrive vers le dix-huitième jour, son corps prend une teinte d’un vert pâle, et bleuâtre, les tubercules bruns sous la première peau, sont bleus, et après avoir passé à la couleur rouge finissent par devenir lilas. Chaque muë qui a lieu ( et les mues se succèdent à onze jours de distance), on remarque des changemens de couleurs. Enfin , après la dernière, la che- nille revètue d’une peau qu'elle ne doit plus quitter que pour passer à l’état de chrysalide, a le corps d’un vert un peu jau- nâtre, et les tubercules du plus beau bleu saphir. Sa taille est alors de quatre pouces environ. Chaque tubercule est entouré de cinq poils courts, disposés en étoile, et du centre desquels s'élève un poil plus long, terminé par un petit bouton. La chenille du poirier met quatre jours à filer son cocon, et ce n'est que trois jours après qu'elle se change en chrysalide, En ouvrant des coques le cinquième et le sixième jour, on la retrouve encore à l’état de chenille. Le tissu qu'elle file est d’une soie grossière, plus ou moins brun, très-serré et enduit de gomme : son mécanisme est admirable. Il est fait en forme de poire , rond par un bout et pointu par l'autre. Cette pointe est formée par la réunion d'une quantité de bouts de fil très- forts, gommés, élastiques, mais non adhérens ensemble, et qui représentent parfaitement la nasse d’osier dont on se sert pour prendre le poisson. L'autre extrémité qui est, comme nous venons de le dire, arrondie, est tissue sans entre-mailles et la gomme a joint de ce côté tous les fils pour en composer une espèce de parchemin. Ces coques si bien formées sont fixées à une branche d'arbre, sous les égouts des murs, ou des toits, et dans le creux des vieux troncs. L'insecte y reste quelquefois pendant deux ans, c’est encore une sigularité que présente cette espèce. La chrysalide qui sort au bout de ce temps, est d’une cou- leur rouge mélangée de brun, et garnie, à son extrémité posté- rieure, de poils courts et roïdes. Le papillon de la chenille à tubercules du poirier, ou Grand Paon de nuit , offre peu de différences d’un sexe à l’autre. On a obtenu des males aussi grands que les femelles ; mais , si une remarque repose sur une observation exacte, c'est que les antennes du mâle sont constamment larges et bien fournies , tandis que celles de la femelle sont longues, effilées, et peu gar- nies de barbes. Ce qui frappe d’abord en regardant cette phalène (c’est le premier papillon de nuit dont nous nous occupons), ce sont les taches rondes en forme d'œil , dont chacune des quatre ailes est ornée vers son milieu, et qui ressemblent à celles que l'on admire sur la queue du paon : elles paraissent des deux côtés. La prunelle noire dans laquelle on remarque un trait blanc, est environnéc d'une bande jaunâtre, cernée du côté in- terne par deux demi-cercles, lun blanc, l'autre rouge, et toute sa circonférence estentourée d’une bande noire. Ces détails de description pourront sembler inutiles à quel- ques personnes qui nous objecteront que les gravures sont sous les yeux du lecteur, mais nous ne pensons pas comme elles. Ces descriptions habituent le jeune amateur à exanuner Vinsecte au Jicu de le regarder, elles arrêtent son attention sur les carac- LEUR HISTOIRE , erc. en ières qui servent à le distinguer , et comme il n'est point de science de nomenclature sans descriptions, elles lhabituent à donner une idée précise du papillon qu'il n'aurait pas sous les yeux etqu'il voudrait désigner. Le fond de couleur des ailes est gris cendré, pointillé de noir (fig. 1), et tirant sur le rouge dans les inférieures. Des fran- ges fauves et blanches, et des taches brunes traversent les ailes. Ces taches , ces franges , sont moins sensibles sur les ailes infé- rieures. Le corps et le corcelet sontcouverts de poils bruns ; la partie postérieure est coupée d'anneaux d’un blanc souvent jau- nâtre. La tête paraît enfoncée dans le corcelet dont le haut est marqué par une bande blanche ; les antennes sont jaunätres et les pieds bruns. Vusen dessous, le male et la femelle présentent les mêmes taches , la mème distribution de couleurs, seulement lesteintes sont plus ou moins claires. La femelle de la chenille du poirier vole peu, et toute sa vie, qui est très-courte d’ailleurs , se passe sur le tronc d’un arbre où elles’attache, où elle dépose ses œufs et meurt. Le mâle est d’une inconcevable agilité. Quand il voit sa femelle il se précipite sur elle avec toute l’ardeur d'un oiseau qui fond sur sa proie. La chauve-souris est leur ennemi le plus dangereux, et il n'est pas rare qu’elle tue le mäle au vol, et dévore la femelle pendant que celle-ci est retenue par le travail de la ponte. Le Grand Paon de nuit parait dans nos climats, vers les mois de mai et de juin. On désigne aussi, sous le nom de Paon moyen, un papillon phalène produit par la chenilleà tubercules de l'épine noire. Ce papillon présente les quatre yeux que lon remarque dans le Grand Paon. On trouve entre les males et les femelles la même différence que nous avons tirée des antennes. Les di- mensions beaucoup plus petites de cette phalène, empèchent de la confondre avec la précédente. Le fond des ailes est d’ail- leurs beaucoup plus clair, et les raies rouges de l'angle d'en haut des ailes supérieures, sont ici remplacées par des taches d'un rouge carmin. ; Quant à la chenille elle est très-différente : brune elle a des tubercules jaunes et rouges, el ses poils en bouquet jaune, ne présentent pas la particularité très-remarquable que nous offrent ceux de la chenille du poirier. LA FEUILLE MORTE. (Planche V.— Fig. 2 et 3.) La phalène Feuille Morte est produite par la chenillegdu poi- rier. Cette chenille que nous représentons ici figure 2, est de la première grandeur , et quelquefois a plus de quatre pouces de long. Elle se plait sur les poiriers , sur les pruniers, et les pèchers. Elle est très-vorace, ne mange que la nuit, et fait beau- coup de tort aux plantations, sa couleur grise empêchant de la découvrir et de sauver l'arbre qu’elle détruit. De chaque côté de son corps il part des appendices charnus , terminés par une pointe mousse, horizontalement dirigés et bordés de grands poils roux. Ces appendiçces charnus beaucoup plus longs sur le premier anneau, y forment comme deux oreilles. La tête est bleuâtre, mais la quantité de poils roux qui la garnissent em- pèchent de voir cette nuance qui parait aussitôt que les poils sont arrachés. Le tissu de la coque que se file cette chenille est mou, mais une poudre blanche bouche les interstices des fils, ei lui donne toute la solidité nécessaire. C'est vers le commen- cement de juillet, trois semaines environ après son entrée dans la coque, que l'insecte en sort sous la forme du papillon Feuille Morte. 52 LES PAPILLONS, Ce papillon (fig. 3), ressemble parfaitement à un paquet de feuilles mortes , et l'œil y est aisément trompé. Le brun jau- nâtre de ses ailes, leurs nervures, leurs dentelures, et leur position, concourent à le faire méconnaitre par celui même qui le cherche, Le màle se distingue de la femelle ( que nous avons fait copier de préférence), par la petitesse de son corps. et la moindre dimension de ses ailes, et parce que celles-ci sont lavées de noir vers leur bord supérieur. Dans les deux sexes, des lignes noires ondées traversent les ailes dans leur lar- geur. Les antennes sont à barbes très-courtes , mais plus serres chez le mâle que chez la femelle. Le ventre de celle-ci contient beaucoup d'œufs et lui devient si lourd, qu’elle ne vole pres- que jamais. Ses œufs une fois pondus, éclosent quinze jours après environ ; les jeunes chenilles prennent une partie de leur accroissement avant l'hiver, restent engourdies pendant cette saison, et reprennent vie au printemps suivant. LA CHENILLE DU SAULE. (Planche V.— Fig. 4 et5.) Ce ne sont ni les feuilles ni les fruits qu'attaquent les che- nilles de cette famille, mais les arbres qu'elles rongent et mi- nent par le pied, et parfois de manière qu'au moindre coup de vent ils sont renversés. Nous nous contenterons d'indiquer la chenille du saule à nos lecteurs ( fig. 4), nous réservant au lieu d'écrire son histoire, de leur offrir celle très-détaillée que nous devons à M. Lyonnet. Passons au papillon. La phalène de cette chenille est un Cossus. Elle est figurée ici (fig. 5), c'est le male vu en dessus : en dessous , les ailes sont les mêmes, mais le Corps est Loujours brun et sans reflet jaune. La femelle est un peu plus forte que le male, et lui ressemble beaucoup. Le corcelet de ces phalènes est recouvert d'espèces de plaques , dont la forme est à peu près celle des pinceaux lar- ges ct aplaus dont se sert le doreur, pour appliquer les feuilles d’or. # Les antennes offrent aussi cela de très-remarquable, qu'elles n'ont pas la forme usitée parmi les phalènes, mais qu'elles donneraient au papillon une ressemblance assez grande avec les Sphinx ; elles n’ont pas de barbes, et ce qui en tient lieu, ce sont des lames transversales qui sont attachées aux articula- tions , et qui s'élèvent en se recouvrant les unes les autres. La gravure et Ja couleur ne peuvent tenir compte de cette diffé- rence d'organisation, et l’on croirait en regardant notre planche, voir des antennes à barbe ; la loupe prouve le con- traire. Mais revenons à la description de la chenille. C'est cette chenille qui a fourni à M. Lyonnet le moufdes tra- vaux les plus difficiles, qu'il a poursuivis avec une admirable patience etune étonnante sagacité. Ce savant, l'œil armé d'un microscope et les aiguilles à la main, à entrepris la dissection de cet insecte, et il entre dans les détails les plus curieux sur les parties qui le composent , pensant, comme il l'a fait eflec- tüivement, rendre un grand service à la science, en donnant une description anatomique et exacte des organes de la che- nille. Les muscles, les nerfs, les bronches et la trachée-artère, le cœur, les reins, l'œsophage et les intestins, rien n'a été omis, et chacune de ces parties a été l'objet d'une étude par- üculière. M. Lyonnet a fait précéder l'anatomie de l'insecte de son histoire. Nous entreprendrons après lui cet abrégé historique de la chenille du saule, pour donner à nos jeunes lecteurs une idée de ce que devrait être l'histoire des papillons, dans un ou- vrage d’une plus grande étendue que celui-ci, et où le but prin- LEUR HISTOIRE, #rc. 53 cipal ne serait pasde distraire les yeux par la vue de quelques planches colorées. De toutes leschenillesil en est peu qui soient aussi nuisibles aux arbres qui les nourrissent, que celles de cetteespèce. La cam- pagne oilre sur presque tous les chemins, des marques de ses dégats, mais peu de gens en connaissent la cause. On est si ac- coutumé à voir les chenilles se nourrir d'herbes et de feuilles, que lorsqu'on voit des arbres sécher, criblés de trous et mor- celés, on est loin de s'imaginer que ce soit là l'ouvrage des chenilles. Cependant il suflit, pour causer ce dommage , d’un très-petit nombre de celles qui nous occupent en ce moment. Par bonheur c’est le saule qu'elles attaquent de préférence, et le peu de cas que l'on fait de cet arbre, la facilité avec laquelle il pousse et répare ses pertes, rend leur ravage moins funeste. Elles se logent donc sur Îe tronc du saule, et y creusent des trous , ayant une certaine profondeur, et assez larges pour y passer le doigt et même le pouce, Ainsi cerné dans sa circon- férence, l'arbre offre moins de résistance, et finit par se rom- pre lorsque le vent vient à s'élèver. Les ormes et les chênes ont été attaqués par cette même chenille, mais plus rarement, et la dureté du tronc de ces ar- bres a résisté à ses dents qui n'ont pu l’entamer aussi facile- ment que le saule dont le bois lui sert d’aliment. Elle trouve donc dans cet arbre le vivre et le couvert. Cette chenille, comme toutes les autres, doit sa naissance à un œuf. C’est une humeur visqueuse qui soutient celui-ci con- tre le tronc de l'arbre sur lequel la phalène le dépose. Bientôt cette humeur se durcit par le contact de l'air, et les pluies ne pourraient plus faire couler l'œuf retenu par un lien aussi puissant. L’œuf est oblong et à peine s’il est de la grosseur d’un grain de millet. Examiné à la loupe, il semble strié dans sa longueur par plusieurs sillons inégaux , qui s’entre-croisent de taniére à représenter assez bien un tissu d'osier. r Ces œufs, sont d'un blanc de lait sous le corps de la phalène ; une fois pondus, ils deviennent grisätres, et de larges raies d'un brun-rouge très-foncé , effet de la liqueur visqueuse dont ils ont été couverts, colorent le dedans des sillons : ils offrent à l'œil un fond rouge traversé par une grande quantité de li- gnes noires. C'est au mois d'août que l’on fixe la naissance de la chenille, et le moment où l’œuf vient à éclore, et à lui donner passage. En septembre ces chenilles ont à peine une ligne et demie de longueur, beaucoup même naissent pendant ce mois. Très- petites encore, elles n’en parviennent pas moins à traverser l'écorce de l'arbre sur lequel elles habitent, et à pénétrer jus- qu'au bois. Un saule, quelque fort qu'il soit, ne pouvant nourrir la dixième partie des chenilles que peut produire la ponte d’une seule phalène, ce papillon, par suite de cet instinct merveilleux, que nous retrouvons partout , a l'attention de ne pondre qu'une quinzaine d'œufs environ sur chaque arbre, et il les place en tas, afin que leurs efforts réunis triomphent plus aisément des obstacles que la dureté de l'écorce doit pré- senter à leurs dents encore jeunes. En prenant de l'accroissement, plusieurs de ces chenilles changent beaucoup. Elles deviennent brunes, de vertes qu’elles étaient; velues, après avoir été rases; mais la plupart n'offrent toutefois qu'une légère différence dans leurs nuances. Dès leur naissance les chenilles du saule laissent échapper des fils. Avant de parvenir au terme de leur accroissement, elles changent plusieurs fois de peau. ” Des mues si fréquentes doivent paraître d'autant plus singu- lières, que lorsqu'une chenille mue, elle ne change pas sim- plemient de peau , mais qu'elle quitte une dépouille toute com- plète, dans laquelle se trouvent son crâne, ses machoires , la cornée de ses yeux, toutes ses parties extérieures, les mem- branes qui composent ses lèvres supérieures et inférieures, 54 LES PAPILLONS, ses barbillons , ses antennes, sa filière, ei enfin les pièces écailleuses qui sont renfermées dans sa tête, et qui don- nent un point fixe à un nombre infini de muscles. On trouve les ongles et les encore dans cette dépouille, ses stygmates, écailles de ses jambes antérieures, les crochets de ses autres jambes, ses poils , Son anus, en un mot tout ce qui était vi sible de la chenille : lorsqu'elle se dispose à cette opération, elle est toujours quelque temps sans prendre de nourriture ; alors ses chairs et les autres parties intérieures de sa tête, quine sont point écailleuses, se détachent du vieux crâne et se retirent dans le cou : elle se revêt de nouvelles parties sem- blables à celles qu'elle a abandonnées, mais plus grandes et d’abord molles. Lorsque ce changement a lieu, la vieille peau doit s'ouvrir, et la chenille {par une opération difficile pour elle, puisqu'elle est alors composée de toutes parties molles et par conséquent faibles) , est obligée de retirer sesmembres de cette enveloppe, qui est devenue corps étranger , et qui est re- jetée au loin. Ce travail pénible, cette perte fréquente, devraient fatiguer, ruiner l’insecte ; et l'on croirait à sa mort prochaine, l'expérience ne pronvait qu'il a contre ces causes d’affai- blissement des ressources infinies, qu'il doit à sa nature même. Comme toutes les chenilles, celle du saule accroît à chaque mue en forces et en dimensions. Si la chenille du saule passe l'hiver sans manger, elle le passe aussi sans agir. A l’approche de cette saison rigou- reuse , elle se fait une coque assez légère, tapissée de soie en dedans, et couverte en dehors de petits étançons en bois, qu'elle a préparés pour cet usage. Gêle-1-il à quelques degrés, la che- nille exécute encore plusieurs mouvemens, la gelée devient-elle plus forte, elle reste tout-à-faitimmobileet onla croirait morie. Trois pouces, trois pouces et demi de longueur, voilà la taille des chenilles du saule , au moment où elles filent leur co- que pour se changer en chrysalides. Il en est qui cependant n'ont atteint que deux pouces lorsqu'elles se livrent à ce travail: mais il faut alors supposer, que le manque d’alimens se faisant sentir, elles ont filé plus tôt qu’elles ne l’auraient fait dans une circonstance plus favorable. M. Lyonnet entrainé, par l'habi- tude d'expérimenter, au désir de tout apprenüre, a pesé une chenille naissante, et une chenille sur le point de filer, pour apprécier la différence de poids entre ces deux états : ayant en- suite répété la même expérience entre Fœuf et une chenille qui avait pris tout son accroissement , il a trouvé que cette dernière pesait autant que trente-six mille œufs, et il s'est convaincu qu'il fallait pour représenter le même poids, un nombre double de chenilles naïssantes. Aïnsi au moment de s'enfermer dans sa coque , la chenille du saule est soixante-douze mille fois plus pesante qu'à-sa sortie de l'œuf. La mouche Ichneumon est l'ennemie la plus dangereuse de notre chenille, qu'elle va chercher jusque sous l'écorce des arbres : au moyen d’une piqüre elle introduit son œuf dans le corps de l’insecte qui languit, et qui, perdant tout appétit, finit par filer; mais ce n’est plus un lit qu’elle construit alors et dont elle sortira parée des plus brillantes couleurs et sous la forme légère du papillon, c’est un tombeau où elle achève sa vie, décomposée dans toutes ses humeurs et dévorée par son ennemie. Ainsi l'homme languit et meurt incessamment détruit par le ver solitaire qui se développe dans ses intestins, ct qui déchiré par morceaux, se régénère pour le fatiguer par ses mou- vemens et par sa cruelle avidité. Le ver qui a produit l'œuf de la mouche Ichneumon perce la peau de la chenille qu'il a dé- vorée, et se file une coque très-bien fabriquée dans l'intérieur de la coque de cette chenille ; il s'y change en nymphe, et c'est une mouche Ichneumon qui sort à la place du papillon. De tous les ennemis de la chenille du saule, car les Ichneu- mons ne sont pas les seuls insectes qu'elle ait à redouter, les poux sont les moins dangereux. Ceux-ci, d'une espèce parti- LEUR HISTOIRE, erc. 55 culière, ont un quart de ligne de longueur, et sont armés de deux bras articulés, assez longs, qu'ils sortent et cachent à volonté. Ce sont deux sucoirs qui, introduits dans les pores de la chenille, aspirent ses humeurs ; maïs, quoique nuisible à l'insecte, cette succion n'est jamais mortelle ni même assez funeste pour empêcher ses transformations. C'est en mai que la chenille se dispose à changer de forme : elle cherche alors si l'arbre n’a pas quelqu'ouverture pour donner issue à la pha- lène qu'elle doit mettre au jour : si elle n’en trouve point, elle en fait une, le plus souvent de forme ronde, et d’une di- mension calculée d’après la grosseur de la chrysalide qu'elle doit former. Près de cette ouverture ou trouvée ou faite, elle ‘commence à construire sa coque avec des petits morceaux de bois qu'elle taille très-menus, et qu'elle joint avec dela soicde manière à en former une loge assez régulière. Après s'être ainsi renfermée dans cetie charpente, elle en tapisse le dedans d’une tenture gristre, épaisse et très-serrée, à l'exception de l’ex- trémité qui fait face au trou de l'arbre par où elle doit opé- rer sa sortie, et qu'elle couvre légèrement afin d’avoir plus de facilité à la percer après sa métamorphose. Elle va plus loin, son ouvrage une fois achevé , elle se place toujours de manière que sa tête soit aussi tournée du côté de l'ouverture de l'arbre, précaution fort sage, car la phalène aurait beaucoup de peine à se retourner dans une coque sèche, dont les parois n’obéi- raient pas à ses mouvemens. Ensuite, si le changement de position lui devenait impossible, comment percerait-elle sa coque par l'autre extrémité qui est, comme nous l'avons vu, beaucoup plus résistante® Tout est donc prévu par cet ins- tinct admirable que déjà nous avons eu tant de fois l'occasion de signaler. Dans la situation que la chenille sait ainsi choisir, elle de- meure en repos durant quelques jours. D'abord son rouge s'eflace et devient päle, son corps commence ensuite à être parsemé de points bruns ; ces points s'étendent et prennent le nom de taches ; les taches se réunissent, et tout son corps est d’un brun foncé. C'est pendant que ces symptômes se ma- nifestent à l'extérieur, que les parties de la tête se détachent du eràne , que celles des jambes se retirent vers le corps , enfin que toute la partie antérieure de l'insecte enfle prodigieuse- ment, el que la peau est chassée par cet accroissement vers l'extrémité de la queue : la chrysalide, par un mouvement subit, parvient à s’en débarrasser, et on remarque aussitôt en elle les rudimens du papillon qu'elle doit produire. C'est le marron, couleur commune à tant de chrysalides, qui est aussi celle de la chrysalide du saule. Cette chrysalide se divise en deux parties bien distinctes, l'une antérieure, assez grosse, et immobile ; l'autre postérieure, exécutant quelques mouvemens et terminée en pointe. Dans la première sont les linéamens de la tète, des jambes et des ailes du papillon ; dans la seconde, les anneaux qui formeront son corps. Plusieurs pointes se remarquent sur le corps de la chrysalide; les deux qui sont à sa tête Jui servent d'instrumens pour percer sa co- que, les autres de points d'appui quand elle veut se mouvoir. Aussitôt que la chrysalide a percé la coque qui la contenait, elle se cramponne à ses débris, et continue de se pousser en avant et vers le trou qui a été trouvé où préparé par la che- nille à l'écorce de l'arbre; puis, avec un instinct non moins prudent, elle s'approche de ce trou et ny passe juste que cette portion d'elle-même, qui ne doit pas lui faire perdre l'équi- libre et la faire cheoir. Sans pattes, et cette précaution omise, comment éviterait-elle une chute qui assurément la tuerait. C'est ainsi, à demi-passée par le trou pratiqué dans l'écorce du saule, qu’elle se repose quelque temps. Après quoi, la pha- lène, pour ouvrir et se dégager de la chrysalide, fait des ef- forts très-violens qui durent jusqu'à ce qu'enfin les liens qui tenaient ses membres assujettis soient tout-à-fait détachés. f La phalène, d'abord imparfaite, se fixe contre le tronc de l'arbre et y reste quelques heures sans changer de place. Au soruür de la chrysalide ses ailes sont loin d'avoir l'étendue nécessaire; ce ne sont que de petits chiffons mous et épais qui n'ont pas le sixième des dimensions qu'ils acquièrent en quelques minutes, au grand étonnement de ceux qui obser- vent pour la première fois cette espèce de phénomène, com- mun à tous les genres de papillons. ei tout se fait à vue d'œil ; à mesure que l'aile se développe, on la voit se rouler, se con- tourner sur elle-mème, et prendre des figures si difformes, que l’on à paine à s’imaginer qu'il doive en résulter quelque chose de bon. Si pendant ce travail le papillon n'est point placé de manière à étendre ses ailes sans qu'elles rencontrent d'obstacles, il reste infirme, car l'aile, encore trop tendre, ne pouvant vaincre la résistance qui s'oppose à son développe- ment, se sèche et reste pour toujours ployée. Les ailes, mème étendues, ne pourraient encore porter la phalène ; elle reste donc immobile jusqu'à ce que quelques heures d'exposition à l'air aient donné à toutes les parties qui la composent la consistance qui leur suflit pour exécuter les fonc- tions qu’elles sont destinées à remplir. Elle s’allége par de gran- des évacuations, et peu après prend l'essor et s'envole. Dans cet état, qui est le plus parfait auquel insecte puisse arriver, il n'a plus qu'un désir, qu'un besoin, celui de pro- pager son espèce. La femelle et le mâle se recherchent, se ren- contrent, s'accouplent : le mâle périt le premier, et peu de temps après la femelle finit également sa vie après avoir pondu des œufs qui doivent produire d’autres chenilles du saule et d'autres phalènes. Cette histoire est le modèle qui doit être suivi lors de l’ob- servation d'une chenille ou d'un insecte quelconque. Tout ce que l'expérience a montré à M. Lyonnet il l'a noté avec pré- eision, avec clarté, et il a évité tout ce qu'il pouvait ajouter de 56 LES PAPILLONS, merveilleux en se livrant à ceite coutume suivie par beaucoup de naturalistes qui donnent des suppositions pour des vérités, et qui se croiraient perdus de réputation parmi les savans s'ils n'avaient vu que ces phénomènes ordinaires que la nature per- met de voir aux yeux de tout observateur. LA COQUETTE. (Planche N.— Fig. 6 et 7.) La Coquette est produite par la chenille du marronnier d'Inde. Celle-ci, très-délicate en apparence ( fiz. 6), se trouve beaucoup plus souvent sur les jeunes pousses que sur les gros- ses branches. Le marronnier est son aliment de prédilection. Cependant elle mange également bien le jeune bois du pom- mier et du poirier. Elle est, comme on le voit ici, jaune et rose, Deux taches noires se remarquent sur sa tête, et sont pla- cées comme le seraient deux yeux. Elle cache ces deux corps noirs dans son premier anneau, et retire celui-ci sous une écaille dure et luisante qui semble destinée à lui servir de bou- clier. Les autres anneaux sont couverts de tubercules d'un brun noir. C'est au mois de septembre, et après leur première mue, qu'on trouve les chenilles coquettes. Les trous qu'elles font aux arbres qu’elles habitent servent à trahir leur passage et leur présence. Quand elles s’établissent sous l'écorce, elles ont l'attention de rejeter leurs excrémens et toutes leurs ordures par ces mêmes trous dont nous parlons. Quand elles jugent en- suite nécessaire de les boucher, elles les ferment avec des ro- gnures de bois, liées par des brins de fil. La phalène sort d’une chrysalide d’un brun rougeàtre. Ce ne sont encore que la taille et les antennes qui servent à distin- guer le male de la femelie. Le premier (fig. 7), a les antennes LEUR HISTOIRE, #rc. 57 fournies de barbes en éventail, depuis la base jusqu'à la moitié de leur longueur, et le reste filiforme. Chez la femelle les antennes sont entièrement filiformes. À la sortie de la chrysa- lide les ailes sont d’un beau blanc, mais elles ne tardent pas à prendre une teinte grisâtre dans les collections ; on ne les trouve même.que couvertes d’un enduit jaunâtre, espèce d'huile qui coule du’ corps du papillon pendant qu'on le prépare. On a conseillé alors de poser le papillon sur un lit de craie pulvérisée, pour que celle-ci s'emparàt de cette huile qui exsude de tout son corps ; mais nous pensons, avec le savant M. Gerning, que la terre de pipe remplacerait la craie avec avantage. Pour cela on racle, avec un couteau, assez de cette terre pour en couvrir le fond d’une boîte; on pique le papillon dessus, de manière que toutes ses parties posent sur cette couche de poudre; on le recouvre d’une seconde couche obtenue par le même moyen que la première, et on le laisse en ‘cet état deux ou trois jours. Cette opération sèche les parties imprégnées d'huile : en soufflant légèrement la poudre, elle quitte insecte, et si quelques brins restent engagés dans les ailes, il suflit d’un pin- ceau de poils très-fins pour les enlever. 4“ LA PHALENE DU HOUBLON. (Planche V. — Fig. 8.) La phalène du houblon est un petit papillon de la couleur la plus tendre (724. 8}: il a la tête et le corps d’un jaune clair, les yeux et les antennes roussâtres, les quatre ailes d'un blanc argenté et luisant. La femelle est très-diflérente du mâle que nous avons copié ici; elle a les ailes supérieures jaunâtres, et les inférieures brunes; elle est en outre beaucoup plus grande, mais c'est le même port, la mème forme d'ailes, et il est difficile de ne pas reconnaître, en les voyant, qu'ils doi- vent s’accoupler pour produire leurs semblables. Les œufs de la phalène du houblon sont ovales, blancs à leur sortie du corps de la femelle, mais noirs quelque temps après. Déposés par tas et très-petits, ils ressemblent à des amorces de poudre très-fine que l'on aurait placées de dis- tance en distance, où qui resteraient d’une trainée de poudre interrompue par le vent ou par quelque accident. La chenille qui sort de ces œufs est extrèmement nuisible et armée de dents très-aigués. Elle ronge les racines, et son travail souterrain n'est souvent découvert que lorsque Île houblon, attaqué dans les sources mème de la végétation, dépérit et meurt. Quand on poursuit la chenille du houblon, elle se retire à reculons comme les serpens. Toutes les chenilles n’exécutent pas cette marche rétrograde. LA VOILE. (Planche NV. — Fig. 9.) La phalène, désignée sous le nom de Voile, est produite par la chenille du chène. Nous en parlons ici, non point qu'elle soit très-remarquable , ni qu'elle mérite par elle-même d'être choisie entre tant d’autres que les bornes de cet ouvrage nous font un devoir de négliger, mais elle a choisi le chêne pour résidence; elle s'attaque au prince de la végétation, et, sous ee point de vue, elle méritait une distinction. Un nain, füt-il sans qualités physiques et morales, n'oceupe-t-l pas l'attention publique et quelques-unes des voix de la renom- mée, dès qu'il est sur un trône et qu'il habite un palais. Les chenilles du chène sont lisses, luisantes, d’un vert jau- nâtre : quand elles s’alongent elles paraissent encore arrondies en dessus, mais plates en dessous. Leur corps, demi-transpa- rent, est orné de deux lignes jaunes fines et rapprochées : leur ventre est vide, leur tête grosse, ornée de quelques poils courts, leurs pattes sont membraneuses. Elles mangent les 8 58 LES PAPILLONS, feuilles et ne quittent chacune d'elles que lorsqu'elle est entiè- ment disséquée. On dirait qu'il y a des réglemens pour leur manière de prendre leur repas; elles mangent en commun, et on n'en voit pas d'éparses pendant le festin et allant dérober le meilleur des feuilles qui doivent plus tard rouvrir la co- lonie. Après l'institution si bien ordonnée des abeilles, les travaux si prodigieux des fourmis, on peut croire aisément que les chenilles du chène reconnaissent des chefs et obéissent à une discipline. LE FLOCON DE LAINE. (Planche V.— Fig. 10 et xx 5 La chenilie de Faune a mérité, par les poils blancs et assez longs dont elle est couverte (fig. 10), de porter le nom de #o- con de laine, et ce nom est resté au papillon qu’elle produit, et qui n'a plus, avec un flocon de laine, d'autre rapport qu'une extrème blancheur. Il est difficile de trouver des chenilles plus velues que cel- le-ci. On la prendrait plutôt pour la substance soyeuse qui en- veloppe les graines de quelques plantes, que pour un insecte. Une variété laisse passer à travers ses poils une teinte verdàtre qui vient du corps dont la couleur est verte. Si on écarte les poils, on voit, et dans l'espèce que nous offrons ici, et dans la variété, des taches noires sur les quatrième, sixième et onzième anneaux. Le dessous du corps et les pattes sont noi- râtres. Les poils ne sont pas droits par rapport à leur plan d'insertion , comme il arrive le plus souvent; ils sont cou- chés vers l’une des extrémités de la chenille, et ne se redres- sent, encore imparfaitement, que lorsque l’insecte est in- quiet ou irrité. Ces longs poils, qui abandonnent la chenille alors qu'elle est prête à filer, lui aident à fabriquer sa coque, qui est d’un tissu très-solide : des parcelles de bois et d’écorce sont coupées , préparées à l’aide de ses dents, et réunies à ces poils déjà si propres à solidifier le travail. La chrysalide n'offre rien de remarquable. La phalène est à peu près la même dans les deux sexes ; la femelle offre cela de particulier, que le dessus de ses ailes est tacheté de quelques points noirs qui ne se représentent point sur le male; du reste, ils sont tous deux exactement semblables (fig. 11) lorsqu'on les regarde en dessous. SAS A AA SL LUE AAA VA ERA ARE LA RAR LL LR D RAA LL RE BAL LR LU LE LEE LA LES LA LLE LUE LU LE LEE LEA ELLE LA LA VALLE LA LEE EE LL EE LA LUE LA LEGER LULU L LUULEUEELETAIUEN “ QUELQUES PARTICULARITÉS SUR LES CIHENILLES. Nous avons rassemblé ici plusieurs particularités que Bonnet, tout à la fois naturaliste et philosophe, a consignées dans ses œuvres, et dans lesquelles les chenilles remplissent le principal rôle. Des chenilles ont été nommées Avrées, à cause des bandes de couleur dont elles sont bariolées, et qui donnent à leur habit quelque rapport avec les galons des laquais ; ce sont ces chenilles qui nous fourniront notre première observation. HER . "8 EE PA. SPP D ER, ? ? / HT GLASS SOC LE LEUR HISTOIRE, Erc. 6 5 “Vers le 25 avril 1538, Bonnet rencontra un nid de Livrées qui paraissait nouvellement construit ; il était formé de plu- sieurs couches de soie très-minces, qui ressemblaient à des toiles d’araignée. Ce nid était construit dans les angles que quatre ou cinq petites branches d'aubépine formaient avec la branche principale; les toiles étaient assez transparentes pour ne pas dérober aux yeux du savant les chenilles qu'elles abritaient. Les chenilles Livrées étaient petites, traversées en long par des bandes noires et jaunes, et couvertes d’un poil roux qui m'était visible qu’en les regardant de côté; la tête était mar- quée de deux petites taches noires. Bonnet coupa la branche principale et la fixa sur une des fenêtres de son cabinet. Pendant la nuit, les chenilles se tenaient ordinairementdans l'intérieur du nid; mais, le jour, elles se rendaient à la sur- face, et s’y arrangeaientles unes au-dessus des autres, commesur une terrasse, pour prendre Pair. S'il venait à pieuvoir sur le nid, elles savaient très-bien se retirer sous la face opposée. Lorsque le naturaliste, voulant les examiner le soir, appro- chait une bougie, elles semblaient se réveiller, et plusieurs se mettaient en marche; Ôôtait-il sa lumière, elles rentraient dans le repos et dans l’inaction : battait-on la caisse dans la rue, clles étaient incommodées par les vibrations de l'air, restaient en place, et agitaient leurs têtes dont elles frappaient l'air à coups réitérés. Par le même mouvement, elles mirent en fuite une guêpe qui était venue voliiger au-dessus du nid. Quand on touchait du doigt leur extrémité postérieure, elles y por- taient la tête comme pour mordre et se défendre. Deux jours s’écoulèrent, dit toujours M. Bonnet, sans que nos petites républicaines s’écartassent de leur habitation ; mais le troisième jour je vis une compagnie qui avait commencé à se mettre en marche, et qui montait le long de la fenêtre ; elles allaient en procession à la suite les unes des autres, par 99 toutes marchaient d'un pas égal et tranquille, en promenant la tête à droite et à rangs de deux , de trois et de quatre : gauche. Souvent elles faisaient halte, et parfois, interrompant la procession, elles retournaient au nid. Elles mirent environ quatre heures à monter un espace de six pieds environ. Après avoir fait au haut de la fenêtre une petite station, elles redes- cendirent par le même chemin et rentrèrent dans leur nid. La route était si fidèlement suivie que le naturaliste, qui avait observé les yeux de la chenille, mais qui ne pouvait lui supposer ni beaucoup de force ni beaucoup d'étendue, traça une ligne afin de bien s'assurer qu’elles marchaient constam- inent sur les mêmes pas, et prenaient le même chemin pour descendre que pour monter. Cette attention acheva de le con vaincre de l'exactitude presque géométrique de a marche des processionnaires. Bientot il trouva le mot de cette énigme; il reconnut que chaque chenille qu'il avait vue, dans sa marche, porter sa tête tantôt à droite et tantôt à gauche, laissait échap- per des fils de sa filière, et que ces fils réunis formaient un tapis, qui leur devenait en mème temps un guide et leur indiquait fidèlement les chemins par lesquels elles avaient passé et par lesquels il fallait se rendre pour retrouver leur nid. Les jours suivans elles firent plusieurs promenades dans d'autres directions ; mais toujours elles revenaient au nid par la même précaution que nous venons d'indiquer. Un jour M. Bonnet s'étant avisé d'enlever avec le doigt un peu dü tapis de soie qui couvrait le chemin, il remaArqUa , lorsque la chenille qui conduisait la procession fut arrivée à l'endroit où la trace était interrompue, qu'elle rebroussa che- min aussitôt, comme si elle eût été effrayée : celle qui la suivait immédiatement fit de mème, et toutes, lorsqu'elles arri- vaient à l'endroit où la trace était enlevée, interrompaient leur marche, paraissaient plus où moins embarrassées , et n'osaicnt se hasarder à continuer leur route. Enfin l’une Go LES PAPILLONS, d'elles, plus hardie que les autres, osa franchir ce pas redouté, tendit des fils qui déterminèérent quelques autres moins timides à marcher sur ses traces; les fils de celles-ci se joignirent à ceux de l'héroïne, et la route peu à peu réparée, la foule se pressa vers les communications qui venaient d’être rétablies. Peu de temps après, les chenilles dites Communes fourni- rent au même naturaliste le motif d’une observation qui a le plus grand rapport avec celle que nous venons de communiquer à nos jeunes lecteurs; seulement les chenilles , dans leurs pro- menades, ne suivaient pas le mème ordre, et ne marchaient point enfin en procession ; mais elles se rencontraient et ve- naient s’'entre-baiser comme les fourmis. La plus grande dis- cipline paraissait établie dans le nid; les heures de sortie étaient précisément les mêmes, et sur le soir toutes rentraïent au logis come pour y subir un appel. Elles redoutaient le bruit, et le son d’une petite cloche les rendait inquiètes. Comme on n'accorde pas le sens de FPouïe à ces insectes, on expli- que par le toucher cette impression que leur font éprouver les corps sonores : Pair est ébranlé, et la commoton se commu- niquant à leurs corps, composés de parties molles , les incom- mode ei les effraie. Rien de plus agréable à voir que l'ordre avec lequel ces chenilles communes se disposent pour disséquer les feuilles de l'arbre qu'elles habitent : elles se placent circulairement (moyen de contenir en plus grand nombre dans un espace donné), puis, leurs têtes rapprochées les unes des autres, elles attaquent lPépiderme et le parenchyme de la feuille, ménageant les nervures qui leur servent d'appui. En très-peu de temps, la feuille qui les porte en un certain nombre est disséquée comme par la main du temps. Les chenilles qui habitent le pin farent soumises anx mê- mes expériences, et ce qu'elles offrirent de diflérent des deux ï : : pere espèces dont nous venons de parler, c'est qu'elles marchaientde deux manières : l'une, qui est commune à toutes les chenilles, l'autre qui a Heu par secousses de tout le corps en même temps : elles allaient de cette façon lorsque quelque circonstance étrangère les tourmentait ; mais loin de regagner le nid plus vite par cette allure, elles y arrivaient plus lentement ; ce qui donne à penser que cette succession de secousses n'est point pour elles une espèce de course, mais une sorte de mouve- ment convulsif causé par des contrariétés ou par la frayeur. Nous avons parlé, en nous occupant des chenilles en géné- ral, dans un des chapitres de ce recueil, du fil qu'elles ten- dent et après lequel elles se laissent tomber pour se meure en garde contre linsecte qui les menace, où pour éviter une chute lors de lébranlement de la branche qui les soutient. Les chenilles du pin ont également ce fil; mais lorsqu'elles se laissent cheoir avec lui, elles ne remontent pas par le mème procédé que les autres, qui ramassent le fil et arrivent au point de départ, l'ayant pelotonné en petits paquets entre leurs pattes de devant: celles du pin ne Je ramassent poini, et il reste suspendu, quoique en le remontant elles Faient par- couru dans toute sa longueur. M. Bonnet, ayant mis à découvert la matière soyeuse que contient Île corps de la chenille, essaya de la tirer en fils comme linsecte le fait Jui-mème ; mais bien que parvenu à ürer des fils d'une longueur assez considérable, 11 s'apercui bientôt qu'ils n'avaient pas la consistance de ceux qui sorient de Ja filière, et qu'ils n'étaient pas susceptibles de prendre le mème éclat. Par un autre procédé, il tcha d'extraire de la chenille du pin une liqueur qui put être employée comme ce vernis admi- rable que les Mexicains retirent de certains vers ; mais un accident vint arrêter l'expérience, de laquelle 1} m'atiendait pas, à ce qu'il parait, des résultats bien satisfauisans , puisqu'il négligea de la recommencer. LEUR IHISTOIRE , erc. Gi Couvertes de poils, les chenilles du pin sont dangereuses , et leur contact, sans faire éprouver de piqüre, cause au bout de quelque temps un engourdissement qui est suivi de dé- mangeaisons, de cuissons très-violentes et même d’enflures. M. Bonnet a éprouvé ces accidens, et nous saisissons cette occa- sion de rappeler à nos jeunes lecteurs qu'il n’y à que les che- nilles sans poils qu'ils peuvent toucher sans précautions et sans danger. Les chenilles sont surtout curieuses à observer quand lé- poque de se construire une coque est arrivée pour elles. La chenille du frène est fort petite, mais elle n’en parvient pas moins à rouler la feuille de cet arbre en un cornet dans lequel elle file une petite coque à cannelures régulières et de la forme d'un grain d'avoine. Ce qui est surtout remarquable dans ce travail, c'est qu'un fil, partant des extrémités de la coque , la suspend dans le cornet formé par la feuille, de ma- nière à ce qu'elle ne touche à aucune de ses parois. Une petite ouverture, parfaitement circulaire , est pratiquée à lune des extrémités du cornet, et la feuille disséquée de la quantité qu'il faut précisément pour que le papillon puisse sortir; mais la pièce qui est détachée, est jointe et retenue en place par de légers fils de soie : ainsi la chenille à pratiqué une porte pour la sortie du papillon, mais elle l'a tenue fermée jusqu'au jour où il doit la culbuter, afin de ne pas laisser aux in- sectes malfaisans une ouverture toute faite qui les aurait en- gagés à des recherches dans l'intérieur de la feuille. Hei l’homme esi encore égalé. Enfin, et je crois voir mes lecteurs stupéfaits d'étonnement et d'admiration, un fil est préparé qui conduit le papillon, qui pourrait s'égarer dans la vasic étendue du cornet, juste vers l'endroit où se trouve cette porte qui doit céder À ses moindres mouvemens. La feuille de frêne , sous laquelle se passent Lous ces prodiges est constamment roulée de dessus en dessous. Une autre chenille, dont nous avons déjà parlé sous le nom de chenille à tubercules du poirier, n'est pas moins industrieuse dans sa manière de construire sa coque. Celle-ci est très-grosse, fabriquée d'une soie très-forte, très-gommée et d'un tissu très- serré et très - épais. Une de ses extrémités est arrondie, l'autre est efilée, En dedans Île travail est admirable; les fils sont dis- posés en entonnoirs, qui, entrés les uns dans les autres, ont leurs ouvertures dirigées vers le bout ellilé de ja coque. Les in- sectes ne peuvent ainsi entrer dans ces espèces de nasses de poisson qui préservent la nymphe de leurs attaques. Dans une histoire des insectes, on lit le passage suivant, sui une chenille qui se construit une coque d'une forme bizarre. « Cette chenille, dit Fauteur, est de grandeur médiocre et a seize jambes; elle est rase; sa peau est d'un beau vert. sur lequel on démèle des raies obliquement transversales d’un vert un peu plus jaunàtre. Sa partie postérieure est plus dé- liée que sa partie antérieure. Sa tête est petite, son corps a la forme d’un poisson. » Cette mème chenille file, au lieu de coque , deux murs de soie qui se réunissent, comme le toit d'une maison, par un comble, et elle se loge dessous. Ensuite, comme ces murs ont une forme de segmens de cercle plus hauts à leur partie moyenne, et allant en pointe vers leurs extrémités, ils ressemblent aux deux flancs d'un bateau que l'on aurait renversé, son pontcouire terre. L'en- droit où devrait se trouver la quille du bateau, reste d'ailleurs ouverte par une fissure qui donne passage à la phalène. Ainsi toutes ces prisons que se filent les chenilles ont toujours une porte pour rendre le papillon à la liberté; ainsi, mais averu par un instinct moins sûr, un peuple ménage une porte aux tom- beaux quil élève, ei a soin de l'ouvrir du côté de lorient, « Dans le milieu de juin 1739, dit M. Bonnet, on me remit une chenille assez grande, velue et à seize jambes. Je n'en avais jamais vu Lravailler à leur coque avec plus d'activité : en 62 LES PAPILLONS, peu de temps tous les contours en furent tracés, et déjà elle avait pris sa forme; elle était fort transparente. Je voyais la tête de la chenille se promener de tous côtés dans l'intérieur, la filière s'alonger comme un bec, et laisser couler le fil de soie dont les circonvolutions formaient le tissu destiné à servir de fondement à tout l'ouvrage. J'étais toujours frappé de la rapi- dité de l'exécution : on eût dit que la diligente ouvrière sen- tait qu'elle n'avait pas un instant à perdre. Quand elle eut donné à son tissu un certain degré de consistance, et qu'il fut devenu assez serré, j'aperçus de très-petits poils fort courts qui s'élevaient à sa surface. Peu de momens après j'observai que la chenille répandait de tous côtés une matière grasse. Cette matière paraissait sortir de sa bouche, ou au moins c'était sa bouche qui la distribuait de tous côtés. Elle se répandait dans le tissu soyeux, comme une goutte d’eau ou d'huile dans le pa- pier brouillard. » « La chenille distribuait sa matière graisseuse avec autant de célérité qu'elle filait; mais après qu'elle en avait distribué une certaine quantité, ou qu'elle en avait enduit une certaine porüon du tissu, elle cessait d'en répandre, et je ne voyais plus sortir que le fil de soie. Il s’écoulait un certain temps avant qu'elle répandit une seconde dose de son enduit graisseux, et je ne remarquais pas qu'elle observât un ordre quelconque dans sa distribution ; qu’elle enduisit d'abord un des bouts de la coque, puis le bout opposé, etc. Aussi la coque prit-elle bientôt un œil marbré qui la fit ressembler aux œufs de quel- ques oiseaux. La marbrure était produite par le mélange de la couleur de la soie avec celle de l’'enduit; mais peu à peu la coque devint entièrement de la couleur de l'enduit, » «Je m'attendais (c’est toujours M. Bonnet qui parle) à voir ma chenille coucher de leur long les petits poils qu'elle avait fait pénétrer dans les mailles du tissu soyeux, et qui s'éle- vaient perpendiculairement à sa surface. J'avais vu d'autres chenilles coucher ainsi leurs poils et les incorporer si bien dans le tissu, qu'ils composaient avec ni une sorte d’etoffe assez unie, mi-soie et mi-poils. Mais cette pratique ne fut point celle de ma chenille; elle laissa les poils dans la si- tuation qu'ils avaient prise au moment où ils avaient pénétré le tissu : ils étaient roides et fort pressés; lorsque J'appliquais le doigt sur la coque, il y restait attaché : les poils s'enga- geaient dans la peau de mon doigt. Le travail de la chenille donna à la coque beaucoup de consistance et elle résistait à une forte pression : sa forme était agréable, elle semblait vernie, tant l'enduit en avait été , à la fin, proprement et uniformément distribué. Les chenilles ne mettent pas toutes la même activité à se construire une coque ; il en est qui ne procèdent à ce travail qu'avec lenteur, et qui, interrompant plusieurs fois leur ou- vrage, ne le reprennent chaque fois qu'après d’assez longs in- tervalles. Plusieurs même, lorsqu'on les dérange pendant le jet des premiers fils de leur édifice, se dégoûtent de touttravail et ne filent plus, mais jettent une boure imparfaite, sans finesse et sans ordre. D’autres au contraire semblent acquérir d’au- tant plus d'énergie, que lon trouble davantage leur travail ; il en est qui ont filé jusqu'à deux et trois coques, lorsqu'on le leur enlevait, avant qu’elles ne fussent achevées. Sous le nom de chenilles à brosses, on a réumi des chenilles qui oni l'extrémité inférieure de leur corps, et parfois le corps entier, couverts de petits paquets de poils disposés en aigret- tes. Ces chenilles, en filant, unissent souvent au fil leurs poils qu'elles s’'arrachent elles-mèmes : portant à chaque instant la iète vers ces bouquets de poils, que l’on voit disparaître à vue d'œil, 1l en résulte que de chenilles velues, elle sont devenues chenilles rases à la fin de leur travail. Les coques, ainsi tissuesde poils et de soie, sont plus résistantes et plus solides. Il est des chenilles , et celle du Sphinx est de ce nombre, qui LEUR HISTOIRE, Erc. 63 construisent leurs coques de terre et de colle. Ces chenilles, privées de la faculté de filer, laissent échapper une humeur visqueuse qu’elles emploient à réunir, en une sorte de cloison en pâte, des petits brins de terre. Flles les disposent ensuite en sphère, ét se logent au dedans ; mais cet abri est peu so- lide, et si au lieu d'être en terre il était exposé à l'air, au vent et à la pluie, la chrysalide ne serait point formée, que sa re- traite serait déjà détruite. . Nous ne nous étendrons pas davantage sur les diverses cons- tructions des coques. À quelques légères différences près, toutes celles dont nous aurions encore à parler se rapporteraient à une de celles que nous venons de décrire. LE PAPILLON. DU VER A SOIE. (Planche NE, — Fig. x » 2 et 3.) Nous désignons ce papillon par le nom qui lui est généra- lement donné lorsqu'il est à l’état de chenille : nous aimons à le présenter de suite sous le point de vue le plus intéressant, et rappelant ainsi ce qu'il nous procure de richesses et de jouissances par son titre même , nous l’offrons à la reconnais- sance de nos jeunes lecteurs; à peu près comme on présente un général à la nation qu'il a défendue ou sauvée, en Jjoi- gnant à son nom celui du champ de bataille où il a été vain- queur. Dabord n'ayant eu pour but que de traiter des papillons d'Europe, nous avions balancé à faire entrer parmi eux celui dont nous allons nous occuper, et qui est originaire des climats brülans de l'Asie; mais par des services on obtient des lettres de naturalisation, et cet insecte a bien mérité sans doute de devenir européen par les services importans qu'il rend chaque jour à notre industrie. On sait combien l'Espagne et l'Italie ont dù de richesses au papillon du mürier, et en France, dans nos provinces du midi, n'avons-nous pas élévé des fabriques nombreuses qui font vivre une population con- sidérable, et qui reposent sur le travail et sur l'éducation du ver à soie. Nos petits amis seront d'ailleurs satifaits, je pense, de re- trouver ici ce compagnon de leurs études qui les occupa pen- dant les heures de recréation, et dont le travail si admirable et si bien suivi leur devint un exemple à l'heure de leurs tra- vaux, et peut-être parfois aussi un reproche tacite de leur paresse. Aïnsi cette place ne pouvait être mieux occupée que par celui en faveur de qui nous la réclamons. Quels soins la chenille du mürier, qui n’est autre que le ver à soie, n’exige-t-elle pas des enfans qui se chargent de l'é- lever ? I faut, lorsqu'elle n’est encore qu’en œuf, lexposer au soleil afin qu’elle puisse éclore. D'abord elle n’est qu'un point noir, si petit encore, qu'on l’écraserait sans s’en apercevoir si l'espérance qu'elle recèle ne rendait l'œil avide de la trouver et adroit à la garantir de tout danger. Trop jeune, elle ue saurait manger des feuilles de mürier ; il faut acheter des cœurs de salade bien tendres et bien nettoyés; les feuilles en sont ou- vertes , c’est le lit et la table du festin de la jeune couvée. Mais chaque jour la chenille grandit, et enfin, après avoir épuisé son jeune maître par les sacrifices que l'achat des feuilles du mürier ne manque point de lui imposer, elle le récompense en cessant tout à coup de prendre aucune nourriture, comme pour se recueillir avant d'entreprendre le travail admirable qu’elle va composer. Des filets d’or sont déjà préparés, qui ser- vent de soutiens au lit de soie qui se forme, et dont les ri- deaux, entièrement fermés , s'épaississent tous les jours sous nos yeux. Le travail cesse, le dévidoire reçoit le premier bout de la soie, il tourne; et l'écheveau tordu et attaché, la chry- 64 LES PAPILLONS, salide est déposée sur une couche de son où elle restera jus- qu'au moment où, transformée en papillon, elle fournira de nouveaux œufs d'où sortiront autant d'ouvriers pour les tra- vaux d'une autre année. Je ne crois point déplacé de faire entrer ici une observation que J'ai eu occasion de faire sur deux de mes camarades de classe: le ver à soie figure dans la scène que je vais offrir aux réflexions de mes jeunes lecteurs. J'étais en elasse entre deux jeunes gens de mon âge, qui tous deux consacraient leur temps et une partie de leur pupitre à l'éducation des vers à soie. Nous étions éloignés de tout mürier; une seule personne en apportait à la pension, et cette année-là les feuilles de cet arbre se vendaient assez cher. L'un de mes voisins se privait, pendant les promenades, de toute espèce de collation, et ses balles, ses dessins, ses livres d'agrément furent vendus pour amener ses élèves jusqu'à l'époque où ils devaient filer. I ne pouvait se résoudre à voir mourir de faim ces innocens et la- borieux insectes dont il avait entrepris l'éducation. Mon autre voisin, moins inquiet pour ses vers à soie, plaisantait beau- coup de ce trait de sensibilité, et comme un de nos externes ne lui avait offert qu'un échange peu avantageux pour ses che- nilles lorsqu'il ne savait plus comment les nourrir ; personne ne les aura, avait-il dit, et il les avait écrasées sous son pied. Depuis, j'ai revu ces enfans dans le monde: ils sont hom- mes aujourd'hui. Le premier, par la douceur de son carac- tère , est parvenu à une situation de fortune qui peut le mener un Jour jusqu'à l'opulence, A la tête d'une manufacture dans laquelle on vient de lui accorder un intérèt, il est chéri des ouvriers qui ont tous les jours à se louer de sa Justice et de son humanité ; tandis que le second, dont le caractère n'a non plus changé, vient de refuser à son frère, qui depuis long-temps était absent, de le reconnaitre et de lui donner sa part dans l'héritage de leur père mort il y a quelques an- nées. Un procès scandaleux , pendant les débats daquel il n'a cessé d'employer pour armes la fraude et Fa calomnie, vient en- fin de le faire condamner; et aujourd'hui, connu de tous ecux qui l'entourent, couvertde honte, il n'a pour ressources qu'une rente que ce frère qu'il a si imdignement méconnu à consenti à lui faire, Cette preuve n'est point la seule que Pon pourrait donner à l'appui de ce jugement déjà consacré par plusieurs observations, que la cruauté envers les animaux est toujours la preuve d'un mauvais naturel. Nous venons de voir à peu près comment s'élève le ver à soie dans le collége ; mais il exige plus de soins lorsqu'il doit devenir la base d’une spéculation et non le motif d'un simple amusement, Nous allons donc traiter, sommairement cepen- dant, de cette éducation en grand de la chenille du mürier. La première attention qu'il convient d'avoir pour élever des vers à soie avec succès, c'est de chercher un logement conve- nable : le batiment dans lequel on les place doit ètre à l'abri de toute humidité et d’une extrème chaleur, et, s'il est possible, sur le haut d'une colline, où la température est plus fraiche et l'air plus sec. Ces bätimens sont d'ordinaire de forme rectangulaire, un peu plus longs que larges; ils sont, par une extrémité, tournés vers le nord, par l’autre vers le midi. On n’y ouvre point de fenêtres ; un rez-de-chaussée et un étage composent toute l'élévation. La feuille est déposée au rez-de chaussée, où deux portes diamétralement opposées permettent d'établir un cou- rant d'air qui la préserve de se gâter où mème de s'échaufler. Le premier étage est divisé en une grande et une petite pièce. La première pour les vers à soie qui ont acquis quelque dé- veloppement; la seconde pour ceux qui sont dans leur pre- mier àge. Des trous pratiqués dans la toiture servent à purilier l'air et donnent passage aux vapeurs. Tant que les vers sont petits, on les dispose sur des espèces LEUR HISTOIRE, rrc. 65 claies que l'on pose ensuite à des espaces assez rapprochés sur des bâtons disposés à cet effet: Cet appareil peu embarrassant se dresse le long du mur comme une échelle; mais lorsque les vers ont déjà quelque grosseur, on les reporte dans la grande chambre et on les dépose sur des tables de six pieds de largeur environ, et placées les unes au-dessus des autres comme les rayons d’une bibliothèque. On met un certain nombre de ces tables les unes au-dessus des autres, et on réserve un passage libre à l’entour, de manière à pouvoir agir sur tous leurs côtés. Voici déjà nos insectes logés; mais ce n’est pas tout, il faut pourvoir à leur nourriture. La feuille du mürier est le seul aliment qui convienne au ver à soie; c’est donc le mürier qu'il faut cultiver en mème temps que l'on élève ses couvées. Le mürier noir serait bien préférable , et le ver qui se nourrit de ses feuilles fournit une soie plus forte et parfois aussi plus brillante ; mais la culture du mürier blanc est plus facile, moins longue à rapporter, et c’est l'espèce que l’on a préférée. Il serait, par exemple, fort dangereux de changer la nour- riture du ver à soie, et de passer de la feuille du mürier noir à celle du mürier blanc. On a vu des insectes mourir par cette seule cause. La feuille mouillée leur est aussi très-dange- reuse, et quand ils sont en nombre considérable, il faut pré- férer leur jeûne à cette nourriture, ou si on la leur sert, il faut fermer toutes les ouvertures de la chambre, y faire aux quatre coins un feu de flammes, et enlever, aussitôt qu'ils ont mangé, les débris des feuilles ; il faut encore, pour tenter ce repas, qu'ils soient tous forts et bien portans. Tous ces soins deviennent souvent très-embarrassans, car pour une once de graine que l’on veut faire éclore et élever, il faut jusqu'à vingt et vingt-deux quintaux de feuilles. Nous venons d'employer le mot de graine; c'est le nom que l'on donne aux œufs du ver à soie. Le spéculateur est fort heureux lorsqu'il se sert constamment de la graine qu'il a fait pondre et féconder ; car s’il l'achète, il peut très-bien éprou- ver une perte réelle, les œufs n'étant pas toujours sains et ne fournissant pas alors l’insecte que l’on croyait se procurer en les achetant. On donne pour renseignemens dans la recherche de la bonne graine , qu'elle doit pétiller sous l’ongle, être de couleur gris-de-lin foncé ou pourpre sale, et tomber au fond de l'eau par son propre poids ; mais on a vu de mauvaises grai- nes offrir tous ces signes. La graine n’est avantageusement transportée que sur des vases noirs et couverts de mousseline : dans les sacs elle s'échaufle et devient stérile. On l’enferme, lorsqu'elle est détachée, dans des tubes de roseau, dont on à fermé les deux extrémités avec une mousseline claire. C'est au printemps que l’on entreprend avec le plus de suc- cès l'éducation du ver à soie; il est à craindre qu'une tem- pérature trop chaude ne fasse ouvrir la graine avant que le mürier ne porte ses feuilles , car c’est autant de perdu; il n’est pas moins fàcheux que le froid de Fhiver retarde le moment où les vers doivent éclore, car alors ils ne paraissent que les uns après les autres, et c’est un grand embarras, chaque âge exigeant des soins particuliers. La même contrariété aurait lieu si on laissait la graine éclore par la couvée naturelle; il faut donc recourir à une couvée artificielle pour régulariser le tra- vail. C’est un ouvrier qui couve les œufs, c'est-à-dire qui leur procure la chaleur convenable à leur développement. Il place la graine dans un peut sac de toile dont les dimensions sont déterminées d'après la quantité des graines, etil le place au pied de son lit, dans la paille brisée sur laquelle il couche, ce qui l'environne d’une chaleur de quinze à seize degrés. Trois ou quatre jours après il porte le petit sac que l’on appelle nouet, entre sa peau etsa chemise, à la hauteur de sa poitrine; comme dans la première époque, il retourne les œufs plusieurs fois dans la journée, et renouvelle l'air du sac. La nuit, le nouet 9 65 LES PAPILLONS, est déposé entre le drap et la couverture. Au bout de dix jours la graine vient à éclore. On verse alors les petites chenilles dans des boites de sapin garnies d’un couvercle. Le grand point, comme nous l'avons déjà dit, est de faire éclore le tout en mème temps; et pour cela, lorsque les œufs semblent de- voir offrir plusieurs temps dans cette opération, on les ap- proche d’un four, et la chaleur les amène promptement au mème degré de maturité. Nous risquons cette expression qui d'ailleurs s'entendra très-bien , puisqu'on a appelé les œufs du ver à soie du nom de graine. Depuis sa naissance jusqu'au moment où il file sa coque , le ver à soie change à vue d'œil de forme et de proportions. Il grossit assez promptement pour que les yeux de celui qui est chargé de son éducation s'apercoivent du changement d'un jour à l’autre. Dans quelques ouvrages spécialement consacrés à cet insecte, on voit jusqu'à sept, huit et neuf figures qui le représentent de quatre en quatre jours. Cette étude serait ap- pliquée à l'homme et entreprise par un artiste habile qu'elle de- viendrait pour les peintres un monument précieux où ils pour- raient aller chercher des renseignemens fort utiles. Il faudrait qu'un médecin, parfait anatomiste , indiquàt les époques à prendre pour exécuter chaque modèle ; on sent en outre qu'à certains âges de l'individu cesmêmes époques seraient plus rap- prochées. Ainsi, dans les premiers jours de la naissance, il faudrait beaucoup de figures ; et plus encore, à l'âge où com- mence la puberté, qu'en aucun autre temps. C'esi au reste uuc idée que je livre à la méditation des artistes. Pour en revenir à nos élèves qui ne font que naître et qui sont déposés dans la boîte de sapin, il convient de leur fournir des feuilles de romaine extrémement tendres , ou des bourgeons de muürier. Cette dernière nourriture leur est très-agréable, mais elle prive l'arbre de beaucoup de feuilles que contient le bourgeon, et sous ce rapport elle est très-dispendieuse. On donne à manger à ces couvées naissantes quatre fois par jour, et on a soin de placer les plus jeunes couvées sur les rayons ou planches du haut, parce que la chaleur est toujours plus élevée vers le plafond d’un appartement que dans sa par- tie moyenne. Si on établit le degré de chaleur an moyen du feu, les vers croissent rapidement, et c’est en très-peu de temps qu'ils arrivent au point où ils doivent ètre pour com- mencer leur travail. I y a dans toute la nature des harmonies parfaites ; les jeunes chenilles doivent être nourries des feuilles des plus jeunes müriers. La lumière contrarie les vers à soie, et souvent ils s’entas- sent, pour la fuir, dans l'endroit le plus obscur des rayons. Ce rassemblement nuit à leur développement, et pour éviter ceci, 1l est avantageux de les élever dans l'obscurité et de les soigner à la clarté d’une lampe. On appelle litière les débris de feuilles qui restent après leur repas; il faut bien prendre garde que cette litière deve- nant trop épaisse, ne se moisisse. On enlève, dans cette crainte, la moitié de la litière, ce qui s'appelle déliter. A diflérens âges le ver change de peau, c'est ce qu'on ap- pelle sa mue. Rien de plus ingénieux que la manière dont il opère ce travestissement. Comme l'acteur qui change de costume en scène, fait saisir par une main qui sort d’une trappe pratiquée sur le plancher du théâtre le costume dont il veut se débarrasser, et fait un mouvement contraire à la main qui le déshabille pour en sortir, le ver commence, après s'être préparé par des repas plus copieux à ce travail, par en- tourer la partie postérieure de son corps de fils extrêmement fins, mais bien attachés au papier sur lequel ilest déposé : ce sont ces fils qui retiennent son ancienne peau dont il se dé- pouille en se portant lui-mème en avant. La mue a lieu qua- tre fois pendant la vie du ver à soie. Ainsi la nature, féconde en moyens, procède de diverses manières à l'accroissement des LEUR HISTOIRE, pre. 6 individus. Celui-ci, à mesure qu'il grandit, voit la peau qui l'enveloppe croitre dans la même proportion que le corps qu'elle doit recouvrir; cet autre abandonne sa peau sous la- quelle une nouvelle peau se forme toutes les fois qu'il ac- quiert en forces et en grosseur. Nous avons représenté (/ig. 1) trois vers ; le plus petit a quatre jours, le second en grosseur vingt-quatre jours, et le troisième trente-deux jours : c’est à peu près lorsqu'il a ac- quis ce dernier développement qu'il commence de filer. L'appétit que nous avons vu se développer chez l’'insecte lors du travail de sa mue parait alors avec une grande ar- deur, et les feuilles disparaissent en un instant sous sa dent avide. Il faut lui donner six repas au lieu de trois, et le faire manger à la fois et moins et plus souvent. C'est aussi le mo- ment de rafraichir l'atelier, en y répandant de l'eau avec l'arrosoir, d'ouvrir la fenêtre que nous nous rappelons avoir été percée au nord. Cet état du ver, que l'on appelle frèze, dure quelques jours, et il court sur les tables en laissant après lui des traces de soie. Quelque temps auparavant il est resté immobile, et la tête dressée, participant à l'immobilité du reste du corps, est devenue à demi-transparente. On choisit promptement des rameaux d'arbre dépouillés de feuilles et rendus lisses à l’aide du couteau ; on les prend les plus droits possibles avec le bouquet terminal bien fourni de petites branches. On plante le long des tables ces rameaux ainsi préparés, et on les courbe comme en berceaux sur les tables même. On pose ensuite le ver à soie qui va filer sur les rameaux ; et, avant de s'entourer de sa coque précieuse, il prélude à son travail en jetant au dehors des fils imparfaits et laineux qu'il serait très-difiicile de filer. Comme les vers sont de trois couleurs, blanes, noirs-tigrés ou verdâtres, les coques ou cocons qu'ils filent sont blancs, incarnat pale ou vert pomme. C'est au bout de quatre jours 7 que les cocons sont fabriqués, et que l’insecte métamorphosé a pris la forme de la chrysalide représentée figure 2. On détache les cocons au jour où le travail doit en être terminé, et les plongeant dans l’eau , on attache leurs fils à un dévidoir. Cette partie du travail se fait absolument dans les manufactures comme dans le collége, avec cette différence que l'appareil est plus considérable, et que beaucoup de cocons sont dévidés en même temps. É Le cocon incarnat produit la plus belle soie, et celui qui spécule sur le ver à soie choisit de préférence les coques de cette couleur pour réserver à la ponte l’insecte qu’elles con- üennent; dans l'espoir que la graine produira des vers qui fileront lincarnat plutôt qu'une autre couleur : c’est ce qui arrive quelquefois ; cependant ce n’est pas invariable. Quelquefois deux vers s'associent et filent côte à côte. Les deux cocons ne donnent alors qu'une soie mélée et inférieure à celle des cocons simples, et ce qui pourra paraitre étrange dans cette réunion des deux fileurs, c’est qu'ils sont toujours mäle et femelle ; et cependant ce n'est que lorsqu'ils au- ront passé par l'état de chrysalide, et qu'ils seront devenus papillons, qu'ils auront entre eux les rapports qui nécessite la différence des sexes. D'où vient leur prescience à cet égard? C’est encore là un des mystères de la création. Ce qui n’est pas moins singulier, c'est que le mâle et la femelle, ainsi rapprochés, filent toujours la même couleur de soie. Quelle en la cause ? nous l’ignorons encore. Le spéculateur qui vendrait moins cher la laine des cocons doubles, qui en outre est certain, en les gardant, d'avoir mème nombre de màles et de femelles, ce qui est important pour la reproduction de l’insecte, gardera ces cocons de pré- férence. On les enfile par le petit bout en forme de guir- lande , et on les suspend en l'air. Lorsque le papillon s'est dé- barrassé de son enveloppe, etqu'il a quitté l’état de chrysalide 68 LES PAPILLONS , pour passer à son élal parfait, représenté ici (fig. 3), il perce le cocon, et son poids l'aidant à sortir, on le tire hors de la coque : c’est pour vivre peu de jours et pour reproduire son semblable qu'il sort de sa prison. La femelle, plus grosse que le mâle, se promène sur lé- tofe où elle est déposée, y répand une liqueur visqueuse, y dépose ses œufs et meurt. On a fait ici une remarque extrème- ment curieuse, qui prouve que chez tous les individus créés la sollicitude maternelle se manifeste toujours. La femelle du ver à soie est-elle dans l'obscurité, elle pond ses œufs en un seul tas comme pour les pouvoir garder près d'elle, et dans la crainte de ne plus les retrouver si elle les étendait ; fait-elle ce travail, éclairée par une lampe toujours allumée ou par la clarté du jour, elle les dispose sur un assez long espace dont elle fait continuellement le trajet en divers sens. Ce passage de notre ouvrage est à coup sûr le plus intéres- sant, et il nous semble entendre plusieurs de nos jeunes lec- teurs faire le projet, pour les jours de leur pleine liberté et pour cet âge où ils seront hommes, d'aller visiter la Provence pour suivre dans ses travaux celui qui ayant entrepris d'élever ces insectes, nous procure cette soie qui forme les plus riches de nos tissus. Ils vont mème jusqu'à étendre cet espoir de voyager jusqu'aux fabriques de Lyon, où la soie est si admi- rablement travaillée, et déjà ils concoivent qu'il serait aussi instructif qu'amusant de suivre le trésor que le ver à soie a filé jusqu'au moment où, changé en tissu, il part pour notre capitale et nos principales villes de province dans lesquelles il fait vivre encore une quantité considérable de commis, de de marchands et d'ouvriers de toute espèce. Nous ne quitterons pas ce ver à soie qui déjà nous à tant in- téressé, sans nous inquiéter un peu de ses maladies et du moyen de le guérir lorsque sa santé est altérée. Le ver à soic, après sa première mue, est quelquefois at- taqué d’une espèce de consomption ; il devient maigre, päle, efilé, et après avoir quitté sa liuère, il vient mourir sur le bord du clayon. Il est peu de remède à cet état. Des feuilles très-tendres et souvent renouvelées, un air toujours frais, guérissent quelquefois cependant l’insecte d’une affection à la- quelle on donne pour cause une chaleur trop forte et étouffée. Après la seconde mue, la maladie contraire se manifeste assez souvent. Le ver devient d’abord très-gras, son corps est gonflé, luisant, il répand une liqueur visqueuse qui salit ses voisins , et bientôt il dépérit et meurt. Cette maladie, que l'on nomme grasserie , à cause de l'état de plénitude du ver, est produite par des feuilles gelées qui lui ont été imprudemment offertes pour lui servir d’aliment, ou à la sueur de l'ouvrier chargé de faire éclore la graine, et qui ne laura pas re- muée avec assez de persévérance. Quelquefois aussi le ver est jeune dans cet état, et on a fait de la jaunisse, qui n’est autre que la grasserie, une maladie particulière. Des bains froids ont été employés dans ce cas avec succès, et l'air est avanta- geusement purifié par du vinaigre répandu sur une pelle rouge. La muscadine, la touffe sont deux autres maladies non moins funestes, mais dont nous ne parlerons pas, afin de dire un mot de la chute des vers qui au moment de filer, tombent des rameaux, s'il survient un orage. On avait attribué cet acci- dent aux coups de tonnerre et à la peur, et on avait été jusqu'à faire de la musique dans l'atelier, pour distraire le ver du bruit que l’on pensait pouvoir l'effrayer. C'était se tromper sur la cause ; l'air trop chargé, dans un temps d'orage, causait seul la chute des fileurs, et on a avec succès remplacé la musique par les soins suivans : on ferine toutes les issues de l'atelier à l'air extérieur, et on raréfie l'air en brülant des herbes sèches et aromatiques. Ce petit tableau offre à nos lecteurs le ver à soie dans toutes les circonstances de son éducation. LEUR HISTOIRE, rrc. 69 LA FRANGÉE. (Planche NL — Fig. 4.) La chenille de cette phalène vit dans la terre la plus humide; elle est d'un naturel très-vorace ; elle se nourrit de racines fa- rineuses comme celles de la pomme de terre, et mange le bois pourri; elle est même portée, par son appétit extfème, à manger des insectes , des chenilles rases et souvent mème eelles de son espèce. Comme parmi les hommes, il est aussi parmi les chenilles des cannibales. Les chenilles couvertes de poils ou d'épines sont, par leur habit, à l'abri de ses attaques, elle est repoussée par ces défenses, et sa proie qu'elle sent et qu’elle poursuit, lui échappe au moment où, plus près d’elle, elle croit la tenir, Alors elle s'arrête comme désappointée, et dresse une partie de son corps dans une situation verticale, prome- nant sa tête dans l'air, mouvement que nous avons déjà re- gardé chez l’insecte comme le signe d’une vive émotion. Si on élève la chenille de la Frangée, on peut lui offrir la feuille de pomme de terre, le blé de Turquie et les fèves, elle sera très-bien nourrie de ces alimens. Il faut avoir soin de garnir de terre la boîte qui la conserve; car c’est en terre qu'elle habite, et elle ne parait à sa surface qu'aux heures de ses repas, et lorsqu'il faut qu'elle pourvoie à ses besoins. Les grandes chaleurs ont aussi le pouvoir de l'attirer hors de son trou : soit qu'elle dorme ou qu'on la touche, elle se roule en cercle et conserve assez long-temps cette attitude. Elle passe l'hiver à l’état de chenille, ce qui fait qu'on la trouve en automne et au printemps. Sa demeure souterraine est profonde de dix-huit pouces environ. Son corps est mou, visqueux , dégoûtant, et n'annonce par aucun signe la beauté de la phalène qu'il doit produire. Son habit, d'un gris sale, est marque de taches d’un gris plus foncé , et sur le milieu du dos, on y observe une ligne un peu plus claire. Voici sa triste livrée. La chrysalide est brune-et n’a rien non plus qui la dis- tingue. Le mâle de la Frangée ( fig: 4) est, comme l'on voit, un très-bel insecte. Le beau fond jaune des ailes inférieures, et la large bande noire qui les termine, contribue par le con- traste des couleurs à l'éclat de cette phalène , et sont d’ailleurs des signes constans qui aident à la reconnaitre. Quant aux au- tres couleurs dont elle est si bien bigarrée , elles sont très-va- riables, et il n’est pas rare de trouver huit et dix individus chez lesquels elles sont combinées ou disposées d’une manière toute différente. Le corcelet n’est pas non plus toujours vert, il est aussi jaune , brun ou earmélite. La Frangée habite les bois, LA FIANCÉE. (Planche VI. — Fig. 5 et 6.) Engramelle désigne cette phalène sous le nom de Promise , mais nous préférons , en traduisant le mot latin, Sponsa, qui sert à la distinguer, l'appeler la Fiancée, bien que ce nom puisse la faire confondre avec une autre espèce appelée ainsi par le même auteur. Au reste le danger n’est pas grand , car les deux phalènes ont entre elles le plus grand rapport, et long- temps elles ont été confondues d’après l'autorité du savaut Linné. La chenille de la Fiancée présente beaucoup de variations dans ses couleurs; le plus souvent elle est bleuätre , mais d’un bleu très-päle, et par conséquent presque blanche. Ses taches sont fort irrégulieres et posées sans ordre ; plusieurs anneaux en sont couverts, d'autres en sont libres, et cela sans aucune fixité. Quand l'insecte se contracte, les anneaux rapprochent des taches qui, éloignées, paraissent peu, mais qui, venant à se confondre, la font paraître à moitié noire, Chaque anneau 70 LES PAPILLONS, est tacheté en dessous de rouge ou de noir, et les côtés du ventre sont garnis de franges auxquelles la chenille a dû le nom de Chenille frangée, que lui ont donné quelques entomolo- gistes, Cette chenille vit sur le chène, et se tient cachée pen- dant l'hiver. C'est dans les premiers jours de juin et lorsque les arbres ont repris toutes leurs feuilles, qu'elle commence de paraître, Jusqu'à ce qu'elles aient pris toute leur crois- sance, les Fiancées habitent les branches les plus élevées des vieux arbres, et n’en descendent pas. Il suffit, pour se les pro- eurer , de secouer les principales branches d’un vieux chêne, et elles se laissent tomber. Il faut les saisir pendant qu'elles sont étourdies de leur chute, autrement elles fuient avec rapi- dité, et mème elles font de véritables sauts en étendant tout à coup Les espaces membraneux qui séparent leurs anneaux. Vers le milieu de juinelles se construisent un nid de feuilles, et vingt-quatre heures est le temps qu'elles emploient à ce tra- vail, dont rien n’égale la solidité, si l’on tient compte des faibles moyens de l'insecte. La chrysalide est rouge et de forme alon- gée ; elle exécute des mouvemens très-vifs dès qu'on la touche. Rien de plus joli que cette phalène (fig. 5). Sa tête avancée, ornée de deux antennes filiformes et de deux yeux fort appa- rens , est en harmonie avec le corps dont les proportions sont aussi des plus gracieuses. Il n’est pas rond et court comme chez beaucoup d’autres individus, il n’est non plus grèle, ef- filé et sans consistance, Ses proportions sont aussi bien calcu- lées, que le mélange de ses couleurs est agréable. Des raies gris de lin sur un fond carmélite; on ne peut rapprocher deux nuances mieux assorties. L’harmonie cesse peut-être lorsqu'on regarde les ailes; les supérieures semblent appar- tenir à un papillon etles inférieures à un autre ; mais si l'har- monie n'existe pas ici, au moins on n'est point disposé à penser à elle ni à la regretter ; car le contraste est si grand, qu'il occupe seul et qu'il devient une beauté. Cette superbe mo- saïque de l'aile supérieure est aussi belle d’ailleurs dans son genre, que le rideau pourpre, bordé de noir et frangé en or de l'aile inférieure est riche, noble et magnifique. Cette phalène est, sans contredit, l'une des plus libéralement par- tagées par l’auteur de la nature, et celle qui attire une des pre- mières les yeux de l'amateur qui visite une collection. La Mariée (fig. 6) devait avoir les plus grands rapports avec la Fiancée; c’est aussi ce qui arrive et ce dont nos lec- teurs peuvent se convaincre en portant les yeux sur notre planche. On remarquera cépendant entre elles quelques dif- férences. La Mariée est plus forte, plus grande, ses anten- nes sont aussi filiformes qu'il est possible, et plus longues que celles de la Fiancée. Ses ailes supérieures présentent une tache jaune en forme de rognon, tache qu'on ne voit pas chez la seconde, et leur teinte est aussi plus sombre. Le brun ré- gnait sur les ailes de la précédente, ici c’est le bleu. Du reste il y a beaucoup de ressemblance, mais ceci rentre dans le plan qui a présidé au grand œuvre de la création. Point de chaines brusquement interrompues, mais une succession d'individus qui offrent entre eux des transitions presqu'in- sensibles. Il serait possible de connaitre et de rassembler tous les êtres créés, depuis le quadrupède le plus gros jusqu'au plus faible ciron, et on pourrait les établir sur une échelle , de manière que l'œil, en comparant chaque animal à ceux qui lui seraient les plus voisins, ne découvrirait entre eux aucune différence. L'INSÉPARABLE. (Planche VE. — Fig. 7 et 8.) La phalène que nous avons fait graver sous le numéro 7 de notre sixième planche, est une des plus jolies par la vi- LEUR HISTOIRE, rrc. vacité de ses couleurs. Elle a encore quelque ressemblance avec la Mariée et la Fiancée, mais les teintes sont plus en harmonie, ont un caractère plus décidé, et des signes qui lui sont propres la distinguent d'ailleurs des deux autres. Les voici : Le fond des ailes supérieures est noirâtre ; une ligne au- dessus de la tache en rognon part du bord d’en haut, monte vers le côté extérieur, et après avoir formé un che- vron, redescend jusqu’au bas de l'aile, et s'y perd en for- mant quelques ondes. L'Inséparable est rare. Sa chenille et sa chrysalide ne sont point connues. On connait une variété de l'Inséparable (f3. 8), chez la- quelle une-couleur souci remplace dessus et dessous le rouge des ailes inférieures. La teinte générale des quatre ailes est alors moins brune. Il est très-peu d'exemples d’une aussi grande dégradation de couleurs de l'espèce à la variété, et peut-être l’insecte étant assez rare, faudraitl attendre en- core avant de prononcer que ce changement si remarquable est dans la nature, il n'est peut-être que l'effet de quelques circonstances ou de quelques causes étrangères. LA PARANYMPHE: (Planche NI. — Fig. 9, 10 et 11.) De toutes les phalènes à ailes inférieures aurores avec ban- des noires, et leur nombre est assez grand, celle-ci a été la première connue, la première décrite : elle est fournie par la chenille du prunier (fig. 9). D'une couleur gris-de-cen- dre, elle parait au moment où l'arbre prend ses fleurs. Elle à beaucoup de rapport, pour ses mœurs, avec la chenille de la Fiancée. Une élévation charnue très-alongée, et qui part, comme qi on le voit, du huitième anneau , est le caractère distinctif de cette chenille, et sert à la faire reconnaitre, Dabord droite, cette excroissance se recourbe en forme de crochet lorsque la chenille a atteint l’âge de maturité, ce qui a lieu au com- mencement de juin. Elle choisit de nées pour sa nour- riture, les feuilles du prunier, et se trouve sur les plus bel- les branches de cet arbre. Des chasseurs l'ont aussi ramassée dans les haies, où elle mange la feuille de l'aubépine. Sa mé- tamorphose à lieu sous le voile très-mince des feuilles sous lesquelles elle habite, Sa chrysalide est d’un brun rouge, et couverte, comme toutes celles de la mème famille, d’une poussière bleuàtre. Le fond des ailes supérieures de la phalène Paranymphe n'est pas d’une couleur uniforme : assez brun du côté du corps et dans quelques parties du milieu , il est plus clair dans d’autres et coupé de blanc (fig. 10); quelquefois aussi, ce qui n'a poini lieu chez cet individu, il est mélangé de jaune. Le bord extérieur est gris, mais la teinte en varie également; elle est plus où moins claire. Les lignes qui traversent les ailes supé- rieures se retrouvant presqu'en tout point semblables chez des espèces toutes différentes , c'est des ailes inférieures qu'il faut retirer les caractères distinctifs de la Paranymphe. Celles-ci ont le fond d’une couleur orange très-vive : deux bandes noires l’occupent ; celle du bord extérieur est coupée, et celle du milieu forme un ovale. Les deux sexes m’offrent entre eux aucune différence qui : mérite d'être notée. La figure rr représente done le dessous du màle, comme celui de la femelle. On voit, et c'est ce qui frappe d'abord, que les ailes supé- rieures ont tout-à-fait changé, et qu'elles présentent la plus parfaite harmonie avec les ailes inférieures ; et mème, ce qui n'arrive pas ordinairement, on ne trouve pas de correspon- dance entre les taches qui paraissent en-dessous et celles que nous avons observées dessus, Ainsi, il nous resteprouvéqueceite 72 aile du papillon, lame si mince et si légère, offre un travail très-compliqué, et qu'elle est composée de plusieurs couches. Homme si vain de tes chefs-d’œuvre, humilie-toi ! Nous venons de faire voir à nos jeunes lecteurs la Para- nymphe; et, comme ils sont habitués à réfléchir, ils nous demandent s'il est une phalène que l’on appelle la Nymphe, ce que le nom de celle-ci semble annoncer. En effet, on appelle Nymphe une autre phalène qui a les plus grands rap- ports avec celle que nous venons de décrire, mais qui en diffère en ce que les ailes supérieures sont encore plus bigar- rées, et portent deux yeux bleus sans prunelle; du reste, les deux phalènes ont le mème aspect. LE VERT DORÉ. (Planche NI.— Fig. 12 et 13.) Le Vert doré vient de la chenille de l’ortie, chenille solitaire et de peu d'apparence. Son corps alongé est vert pâle, tra- versé dans toute sa longueur par des raies extrèmement fines. Pour se transformer, elle se fabrique un cocon gris blan- châtre, assez volumineux et assez transparent pour lusser voir la chrysalide qui, d'abord brune, prend ensuite la cou- leur verte de l'olive. Ces phalènes sont plus ou moins brillantes. Les unes n’ont LES PAPILLONS, que deux raies transversales dorées sur chaque aile supé- rieure; les autres, comme le mâle, ont leurs ailes presque enuèrement couvertes d'or. Enfin, il en est aussi qui ont les ailes supérieures traversées de deux larges raies d'or, qu'une plus petite vient réunir comme le lien qui joint les deux branches de l'H. C’est ce qu'on remarque sur une femelle représentée ici figure 12. Pour donner une idée des variations que le F’ert doré ne manque jamais d'offrir, nous avons fait copier le dessus des ailes d’une autre femelle (fig. 13): les raies dorées, chez celle-ci, paraissent, à cause de leur reflet vert, des raies d'argent. Le dessous de cette phalène est à peu près le même dans les deux sexes : peut-être, chez la femelle, est-il moins brun et un peu plus jaunâtre ? La phalène Fert doré vole avec rapidité. Le soir, on la voit occupée , dans les jardins, à aspirer , avec sa longue trompe, le suc des fleurs; mais jamais elle ne se pose sur leur corolle : elle n’ajoute point l’outrage au larcin, et pen- dant qu’elle dérobe le parfum, elle se soutient en Fair par un mouvement très-précipité de ses ailes. Cette phalène se rencontre dans beaucoup de parties de l'Europe; mais elle manque en Italie : on la trouve en Allemagne, et elle est commune en France. PA AUS BAS AA EIRE EE EE LR RL ARE AREAS EE PRES LEE LA RARE ARLES VUE LU AU ELA LATE RME BAR DE L'IMITATION DES PAPILLONS. IL est assez difhcile de se procurer, à moins de, consacrer trop de temps aux chasses et trop d'argent aux acquisitions, toutes les espèces de papillons, quelques-unes étant rares et coûtant très-cher; aussi, comme ce qui doit être un plaisir LEUR HISTOIRE, ere. 73 ne ‘doit pas devenir une occupation laborieuse ; il faut que ceux auxquels nous avons fait aimer les papillons , qui déjà ont commencé à faire collection de ces insectes, n’espèrent point réunir une collection complète, et ne se livrent pas à ce goût au point d'en faire une passion dont ils seraient possédés au détriment de leur propre éducation. Il est plus utile de con- naitre son Horace lorsqu'on est dans les classes, de prendre des notions vraies et assez étendues sur l'algèbre et la géomé- tie, que de connaître le nombre de pieds des papillons de telle famille, la couleur de telle chenille, et les taches que, dans telle espèce, le mâle doit avoir en plus ou en moins que la femelle. L'application de ces connaissances dans le monde est bien moins fréquente que celle des connaissances littéraires ou des sciences exactes. Ainsi nos jeunes amis doivent aban- donner une étude par trop sérieuse d’une matière trop frivole, pour songer au but principal de leur éducation : ils doivent laisser aux savans, qui prennent pour carriére l’étude de l'histoire naturelle, een particulier l'entomologie ou l'histoire des insectes, l'ambition de posséder les papillons des diverses contrées du monde, et d'en orner les murs de leur cabinet d’études. Dans l'impossibilité de se procurer tous les papillons, je verrais cependant avec un grand plaisir mes jeunes lecteurs, se bornant à la collection des papillons de France, désirer les posséder complets ; ei voici les conseils que je leur donnerai pour imiter ceux que leurs chasses ne leur auront pas pro- curés. Ils imagincront de figurer avec de la cire et du laiton, le corps du papillon tel qu'ils lauront vu dans leur auteur, puis ils remplaceront les yeux avec des petits grains d'émail. Ensuite, imitant l'antenne au moyen de poils teints de la cou- leur voulue, ils découperont sur les barbes d’une plume les ailes, et les peindront dessus et dessous des couleurs les plus vraies, en se conformant à une grande exactitude de dessin, et en suivant le modèle avec une scrupuleuse attention. Un marchand de bronzes et de cristaux , établi à Paris sur le bou- levard Bonne-Nouvelle, leur vendra des papillons ainsi figu- rés, qui sont d’une vérité telle, que Pœil y est trompé; et ces modèles, bien mieux que mes descriptions, les mettront à mème d'en faire de semblables. Ce petit travail aura en outre l'avantage inappréciable d’oceu- per leursdoigts, et de les exercer à des diflicultés qui, pour être vaincues, exigent beaucoup d'adresse : exercice très-utile etque dans la vie on trouve à toutmoment l'occasion de mettre à profit. Les papillons ainsi imités, le sont d'une manière si agréable, qu'on peut les poser dans les boites, à leur place, entourés de vrais papillons , et que la ruse n’est découverte que par le na- turaliste, Quelle jouissance d'amour propre pour le jeune amateur qui à imité la nature de manière à tromper l'œil du curieux! C’est une véritable création! Nous inviterons ceux qui, ne manquant pas d'un individu séparé , mais de toute une famille, voudraient la posséder au moins en cahier, à la dessiner. Le dessin est le premier des arts d'agrément , et ce sera unir, au goût pour l'entomologie, une étude recommandée par les maîtres, et qui entre dans le plan d’une éducation soignée. Alors il faudra choisir de pré- férence la mine de plomb pour premier crayon, et repasser ensuite à l'encre de Chine, et avec la plume de corbeau, le papillon dessiné d’une manière correcte. Toutes les teintes devront être indiquées à la plume, de manière qu'en passant de simples eaux au pinceau l'effet soit aussitôt produit. Quelquefois aussi le corps du papillon a été détruit par le temps ou par accident : si lon veut Jui rendre sa forme, les ailes étant restées intactes, voici comment on peut s’y prendre : On étend de l'eau gommée, qui a reçu , en dissolution, du sel marin purifié et en quantité suflisante pour quelle ait perdu son brillant ; puis on applique sur le papier, à leur 10 [ 74 distance ordinaire, les ailes du papillon, en commençant par les inférieures, si on veut le présenter en dessus, et par les supérieures si au contraire On veut le faire voir par-dessous. Ensuite on appuie avec la paume de la main, sur un second papier qui a recouvert ce travail, pour bien fixer les ailes par tous leurs points ; mais on se garde bien de frapper, ce qui leur ferait perdre leurs couleurs. On place ensuite dessus et dessous plusieurs feuilles de papier bien uni, et on fait passer le tout sous un cylindre de bois, On ouvre le papier à la sortie du cylindre, et avec des LES PAPILLONS, LEUR HISTOIRE, rrc. couleurs, bien choisies comme nuances, on peint le corps, les pattes, la tète et les antennes, et l'on a un papillon complet. Ce moyen, fort ingénieux, a été employé pour toute une col- lection, ce qui la préserve des insectes destructeurs, ear le corps et les parties qui manquent ici, sont, à cause de leur épaisseur et de leurs humeurs, ce qui attire le plus volontiers les insectes. Les papillons, imités de cette dernière manière, s'ils sont sur des feuilles de papier de mème dimension, peu- vent être conservés en un même volume, et la reliure sert encore à les protéger. FIN. TABLE. Pag. Pag DESRSEGRES ENICÉNÉRALN Me ee Me ea NO à Per IWPAPRELONS.CRÉPUSCUTAIRES. UP RENTE 38 DESÉPAPITLONS: M ER RP ER G Le Sphinx dutroëne.s . . + : « Se LS 0e 39 De, Grand Sphinx paz68e 2 CITE RER 4x PAPIPLONSEDIURNESIRT.. et. PUS. APN 12 Le Sphim