1 E SPECTACLE _ DE LA NATURE. TOME HUITIÈME. Seconde Partie. ARORE DOME TA : * ALT TULPE 00e At: LEE ve) ei 1 '#haaax Le sh bn J si LR” 4 Sri : ES Asa chaire at nr: st sos: SA “rire DRE og Abris À “æ “ PREN PRE LRTSC, De Tor. VII Part.2, Grave par DeMeuse. b Lexecution 2 la na. Par une Ambassade immortelle qui devoit porter la parole et la porte encore a toutes les Nations. Matt. 28:19 et 20. Marc 16 15. _— | | FLE SPECTACLE LA NATURE. TOME HUITIEME, Contenant ce qui regarde L'HOMME EN SOCIÉTÉ AVEC DIEU. SECONDE PARTIE. v À FRANCFORT , es Poire, + F. BassomnierRe, Libraire, à Liéce. Chez J J ? ww = L J- VANDEN BERGHEN, Libraire, à Bruxelles. EE M. DCC. LIL LE SPECTACLE DE LA NATURE. | OOODCOOOOODDDOOOOOOOE S'AOTEE EI ER SR, LA DÉMONSTRATION ÉVANGELIQUE. CHAPITRE PREMIER. - Examen de l'Alliance Chrétienne par la preuve commune de tous les Traités. =] Uanp nous foumettons l’an- SE] nonce de l’Alliance Evan- HS] selique à un examen, n'al- RE] lons-nous pas contre la régle =] à laquelle nous avons vû que | tous les efprits, même les plus éclairés, Tom. VIII, Part, I]. A 4 L'ENSBRÉCTACLE La DE- connue? les attendoit-on? ont-ils des let- MONSTR. tres de créance ? produifent-ils des té- EVANGEL, . . . moignages fatisfaifans ? Lestémoi® [1 y a deux fortes de témoignage, ce- Pb JE que nous nous rendons à nous-mêmes , & celui qu’on nous rend. Le premier, qu’on peut appeller le perfonnage per- fonnel , eft recevable à proportion des bonnes qualités de celui qui le rend. Mais en général le témoignage qu’on fe rend à foi-même , s'il eft feul, eft une foible preuve ; parce que les déguifemens de l'amour propre infpirent une jufte dé- fiance. Il n’en eft plus de même, quand à ce premier témoignage il s’en jointun autre naturellement plus digne de foi. C’eft le témoignage extérieur, le témoi- gnage pañlif, qu’on reçoit de dehors ,ou celui que les hommes rendent à d’autres hommes de les connoître pour gens fans reproche, ou de les avoir trouvé véri- diques dans un rapport, ou d’avoir ap- pris par des moyens non-fufpeéts qu'ils font chargés d’une commiflion qui les doit faire écouter. Ce témoignage extérieur eft fort & va- lide à proportion du nombre & des bon- nes qualités des perfonnes qui le rendent foit aux auteurs d’une action, foit aux porteurs d’une commiflion. J'ajoute que pe LA NATURE. ce témoignage devient convainquant à proportion des circonftances qui ap- puient les dépofitions des témoins d’un évènement, ou qui donnent à une com- miflion la notoriété requife, & de com- mun ufage. Le concours de ces diverfes indications d’une même chofe éloignée de nous par la diftance du lieu, ou du tems , devient pour nous tout auffi für que le rapport de nos yeux , ou la vie de l’objèt. Et fi nous y prenons garde, les rapports même de nos yeux & de tous nos fens , ne font que des témoigna- ges rendus à l'excellence & aux qualités des objèts qui font hors de nous. Nous ne connoiflons point le foleil en lui-mé- me , ni par aucun examen que nous ayons fait de {a nature. Comment nous y pren- drions-nous pour faire un pareil examen ? C'’eft la perfévérance & l’uniformité des rapports de nos yeux & de tout notre corps qui nous affure de la préfence & du pouvoir du foleil. C’eft de même la perfévérance & l’uniformité des rapports qu’on nous fait d’un Parlement établi à Paris qui nous détermine à y porter nos affaires fans crainte de méprife, Cette no- toriété fondée fur la multitude des cir- conftances , & fur la qualité des rémoi- guages extérieurs, eft la plus grande cer- À ii] La DE- MONSTR, EVANGE Le 6- Le SPECTACLE La DE- ticude que l’homme puifle défirer pour MONSTR. régler fa conduite. Quelle fera donc fa EVANGEL. fécurité & fa reconnoiffance ; fi Dieu a rendu le miniftère qui lui apporte l’al- liance du falut auffi durable & aufli no- toire que l’eft le miniftère confié par la République de Venife à fon Sénat, ou par les Provinces-Unies à leurs Etats- Généraux ? N'entreprenons pas cependant de le prouver fans avoir pris d’abord dans la fociété une idée nette & füre de ces té- moignages extérieurs, dont le défaut dé- céle ceux qui s’arrogent un pouvoir qu'ils n'ont pas, & dont l’exhibirtion montre ceux qui en fonc vraiment revêtus., Ce moyen de certitude eft facile, & il nous mèt dans le plus parfait repos. Le défaut : Trois politiques, je le fuppofe, après “tu avoir médité fur la conjonéture des affai- pied Es de | Europe, en cette année 1748, pouvoirs, 1e font mis en tête de former chacun à part , & de faire recevoir un fiftême d’ar- rangement général, qui réglera par des compenfations équitables le partage des Princes & le fort des peuples de notre continent. Tous troismontrent du génie, & ont eù communication de quelques bons mémoires qui expolfent les intérêts, ou même les intentions des Puiffances. DE LA NATURE. 7 Celles-ci fe font déja expliquées par leurs Agens, & ont envoyé leurs Plénipoten- tiaires à un Congrès. Il y a plufieurs ar- ticles convenus, dont les peuples ont pris connoiffance. On confent en bien des lieux à recevoir le traité qui mèt fin à une guerre ruineufe. Mais Martin, l’un de nos trois poli- tiques , n’en eft point content , & y veut changer différens articles. Jean y fair de nouvelles réformes : & Faufte va encore plus loin. Celui-ci conferve les termes du traité, & y fubititue des fens auxquels on ne penfoit pas, des fens tout différens de ceux qu'un ufage univerfel y avoit atta- chés : en forte que ce qui dans l’ufage fignifioit un Roi, n’eft plus dans fon ex- plication , qu'un premier Miniftre; ce qui fignifioit un héritier, un propriétaire ; n’eft plus. qu’un ufüfruitier , ainfi du ref- te. Le traité de la forte fe trouve tout différent de ce qu’on avoit Cru. Tous trois d’ailleurs fe difent mécon- tens des envoyés qui avoient commiflion de faire l’accommodement , ou de figni- fer les volontés de leurs Maîtres. Ils les accufent de prévention , & de défauts par lefquels ils prétendent la commiffion anéantie. Et comme ils croient mieux entendre les matières , nos trois raifon- F A üiil ? La Dr- MONSTRe EVANGELe 8 LE SPECTACLE La DE- neurs fe mettent fans façon à la place MONSTR, EVANGEL, de l’Ambaffade. Ils feront les Plénipo- tentiaires. Pour fe procurer cependantuneappa- | rence de commiflion, une ombre d’auto- rité ; ils vont jufqu’à établir un principe fort fingulier pour l’avenir, qui eft que quand un peuple fera mécontent des Ambafñfadeurs d’une Cour étrangère, il peur les deftituer , & choifir dans fon pro- pre corps des fujèts qui les remplacent. Ainfi l’Angleterre mécontente de l’Am- baffadeur d’'Efpagne, peut le renvoyer, donner cette qualité à Mylord Harrin- gron, & l’inftruire bien & dûment des réfolutions de la Cour de Madrid. Si cette conduite eft extraordinaire, la raifon dont ils l’autorifent ne l’eft pas moins. Toute fociété, difent-ils, eft en droit de fe choifirelle-même les Miniftres néceflaires à fa confervation. Elle peut donc nommer les Envoyés d'une autre Puiffance, les choifir elle-même, & les prendre où elle veut, même chez elle. Martin, Jean, & Faufte couvrent la bizarrerie de ces nouveautés par un air d’érudition & d’affurance. Ils en impo- fent, & trouvent quelques partifans que la fédution des raifonnemens , ou l’a- mour de l'indépendance échauffe en leur DE LA NATURE. 9 faveur. Mais le refte de l’Europe les laiffe dire & battre l’air ; parce que n'ayant reçu des Puiffances aucuns pouvoirs pour agir, ni aucuns témoignages qui les au- torifent , ileft inutile de les entendre : ils n'opéreront rien , n'étant porteurs de rien. Ces trois hommes n’influent pas davantage dans les affaires de l'Europe que trois nouvelliftes qui attroupent au- tour d’eux des auditeurs dans la grande allée des Tuileries, & qui la canne à la main leur tracent leurs idées fur le fable. Comme il eft aifé de connoître ceux qui n’ont ni pouvoirs ni témoignages ; il ne l’eft pas moins de difcerner fans mé- prife ceux qui en font pourvüûs. Ici on ne court rifque de s’égarer , ni dans les rapports compliqués d’une géo- métrie profonde ; ni dans la diverfité des vûes fous lefquelles la métaphifique peut confidérer une même chofe ; ni dans les détours de l'amour propre & de l’efprit particulier. La certitude des témoignages eft communément attachée à des moyens dela plus grande fimplicité, à une fimple proclamation, à une prife de poffeffion , à la cérémonie d’une réception. Ceux qui compofent les congrès pañfagers, ou les compagnies permanentes, ont d'abord préfenté les marques du pouvoir qui les La De- MONSTR. EVANGEL+ Moyens infaillibles pour con- noître les envoyés. 10 LE SPECTACLE La De- en a rendu membres. Par la fuite, fans svances, demander l’exhibition de leur premier titre , le Public les reconnoît pour ce qu'ils font avec la plus entière fécurité, & leur rend lui-même un témoignage fu- périeur à tout foupçon. Le moindre doute à cet égard feroit capable de rendre un homme ridicule. On ne fait point de vains raifonnemens contre le miniftère public, & contre les établiffemens con- nus : mais on s’égare en des doutes & en des difcuflions fans fin contre le mi- niftère Evangelique , dont la notoriété eft la même que celle des établiffemens humains. Cette injuftice étant crès-gran- de, & cependant très-commune, on la fera mieux fencir, en la montrant fous les traits d’une autre qui lui reffemble, . Que penferoit-on d’un habitant de Dieppe qui refuferoit de porter fon pro- cès au Parlement de Normandie en vertu de ce raifonnement ? Pour lier mon af- faire à un Tribunal & m'en rendre dé- pendant , il faut d’abord que je fois per- fuadé de l’exiftence & du droit de ce Tri- bunal. Or ceux qui paffent pour rendre la juftice à Rouen , & qui prennent la qualité de Préfidens ou de Confeillers au Parlement de Normandie , n’ont aucun titre légitime pour le faire. Car nos Rois DE LA NATURE. 11 n’ont jamais fait un établiffement qui au- roic été entièrement contraire à leurs pro- pres intérêts. Erqu’yavoit-il de plus con- traire aux intérêts des Rois de France, que d’aliéner la nobleffe d’une province riche & maritime, en la dépouillant du droit honorable & de la poffeffion immé- moriale où elle étoit derendrela juftice, pour en revêtir des hommes de loix ? a- t'on oublié le dépit de ces Seigneurs de Baffe-Normandie qui favorifèrent la def- cente des Anglois en France, & qui ven- gèrent leur mécontentement perfonnel par l’ébranlement de tout l'Etat ? Ce qu’on nomme Parlement de Normandie dérogeant au droit commun & à la faine politique , eft donc un établiffement fa- buleux, ou une entreprife infoutenable. Avec cela je voudrois bien favoir fi les loix qu’on y fuit font juftes, & fi elles font émanées du fuprême tribunal de la raifon. Mon parti eft pris : & je portera mon procès devant les plus fenfés de l’ancienne nobleffe de la province; jamais ailleurs. - Que vous fert-il, diroit-on à cet hom- me, de difpurer contre un fait attefté des petits & des grands ? penfez-vous y don- ner atteinte par la liberté de vos doutes ? Les premiers Juges délégués par le Roi La Dr- MONSTRe EVANGELs 12 LE SPECTACLE La De- quiontfiégéen 1501.dansce Parlement, MoNsTR. montrèrent leurs lettres fignées en 1499. EVANGEL. . par Louis XIL. avec toutes les marques d'un pouvoir légitime & émané du Trô- ne. C’eft la nobleffe même, qui pour s’ac- quitter mieux du fervice militaire , peu compatible avec l’étude des loix , & avec la longueur des difcuffions, demanda cet établiffement. Elle le regarda comme un à décharge pour elle, & de falut pour les particuliers, dont les intérêts fe décidoient auparavant trop à la légère dans les courtes féances de l’Echiquier. Depuis ce tems, même fans exiger la vüe des Lettres patentes de la nouvelle Compagnie , ni la lifte fuivie des Ma- giftrats qui s’y font fuccédés; tout le Pu- blic rend témoignage à ceux d’aujour- d’hui qu’ils font les fucceffeurs des pré- cédens. Joignez à ces atteftations la fuite des réglemens publics & des arrêts ren- dus d'année en année par ce corps, les bâtimens dont il a toüjours été en poffef- fion pour exercer les mêmes fonctions , les habits & toutes les marques de fa di- gnité , les charges confervées dans certai- nes familles , les offices fubalrernes, les droits honorifiques, & les ufages rélarifs aux fonctions de la Compagnie: tout en démontre le pouvoir & la perpétuité. DE LA NATURE. 13 Ce qui diftingue ici l'efprit fupérieur La De- avec les efprits du commun, n'eft pas nos de pouvoir difputer contre ce qui eft pu- di: blic & notoire ; mais de fentir mieux que les autres toute la force de la preuve tef- timoniale. Or cette preuve fi courte & fi décifive dans la fociéré pour difcerner ceux qui font revêtus de pouvoirs légitimes , efl le moyen aufli expéditif que peu fufpeét auquel Dieu nous renvoie dans l'affaire de l'Alliance qu'il daigne faire ayec nous par fon Meffie. Il a confié fes pouvoirs au defcendant d'Abraham , à quiles béné- diétions étoient promifes, & a commu- niqué ces bénédiétions à tous les peu- ples par un miniftère à jamais reconnoif- fable, & toûüjours environné des mar- ques de la divinité de fa miflion. En forte que comme c’eft Dieu qui a fait & mon- tré de loin la Préparation de l'Evangile, Ceft lui-même qui en a fait la Démonf- tration ; & cette démonftration eft aufli fimple que celle qui nous aflure des éta- bliffemens qui fe font dans la fociété. Si l'Evangile n’étoit qu'une hiftoire, on pourroit le confidérer fous différens points de vûe, &en produire différentes preuves également folides, fans entrer dans la queftion du miniftère porteur des Genef. 22, 18. La DE- MONSTR. EVANGEL. 14 Le SPECTACLE biens promis. Il y auroit, femble-t'il, quelque prudence à s’abitenir d’en par- ler; parce que dans cetre multitude de fociétés qui ont rejettéle miniftère >ouen Ont introduit un nouveau, ou ont rompu les liens des Eglifes en rompant ceux du corps facerdotal ; cette queftion peut of- fenfer les efprits, à la réunion defquels nous devons toûjours tendre. Affurément nous n’avons rien de plus à cœur que d’applanir felon notre pou- voir les obftacles qui nous féparent, ni rien de plus en horreur que d’avoir bleiTé ceux que nous voudrions ramener à la concorde. Mais ce feroit les fervir fort mal, de nous étendre fur ce qui eft in- fuflifant, & de fupprimer ce quieft indif- penfablement néceffäire. La fin du Traité de l'Homme où la fuite des matières nous a conduit, ne doic pas être différente de la fin même de l’hom- me qui eft fon union avec Dieu. L’Evane gile eft pour lui l’heureufe annonce de cette alliance éternelle à laquelle Dieu l'invite. Il étoit en la pleine liberté du Tout-puiffant de faire cetteinvitation par des Anges, ou par des hommes ; commeil l'écoic de ne laïffer aucun exercice ànotre liberté, en nous fauvanr fans aucune invi- tation. Son choixnous fixe , & nous n’a- DE AL'A NATURE. 26 vons pas à délibérer fur le moyen de com- munication. Si pour y avoir part il s’agif- foit uniquement d’être convaincu de la réalité de l’hiftoire Evangelique, ilyena cent preuves , & l’on pourroit choifir. Mais de l'alliance Evangelique'‘il n’y en a qu’une , & c’eft notre bonheur que cette preuve foit unique, fenfible, & auf fatisfaifante pour les efprits les plus fins , qu’intelligible pour les plus bornés. C'’eft même ce qui coupe pied aux vaines railleries , à l’érudition déplacée, aux dif- cuffionsqui multipliencles difiicultés, plû- tôt que de les éclaircir. C’eftun faitpu- blic, & fubfiftant fous nos yeux , qu'il y a une Compagnie d'hommes qui fe di- fenc chargés par exclufion d'annoncer à toute nation la nouvelle du falut. Or tous ceux qui viennent à nousavec commiffion , montrent leurs pouvoirs, Tout fe réduit là. On connoïît donc le miniftère Evangelique comme toutautre miniftère. La certitude en roule fur ce qui eft de néceflité & d’ufage dans tous les traités; fur les moyens très-fimples & très-palpables par lefquels les hommes fe procurent une jufte fécurité dans tout ce qui fe traite entr'eux pas des agens. Le droit de jouir du repos que donne là certitude s’acquiert de deux façons, La Dr- MONSTR. EVANGEL, Première régle de fécurité. 16: Er SrecaacLE | à & felon deux maximes du fens commun | evancer, di tranquiliffent tous les efprits. La pre- mière régle de fécurité, régle univerfelle- ment reçue, eft que, guand les Envoyés d'une Pui[fance abfente ont fait connofire leurs pouvoirs, on peut alors être sûr des intentions de cette Puiflance , & ce n’eff que par [es Envoyés qu'on peut contraiter avec elle. Par une fuite néceffaire de la même maxime, il eft clair que ceux qui fans une commiflion exprefle auroient pris connoiffance ou copie du traité qu’on propofe, ne font pas autorifés pour cela à fe dire envoyés , ni ne peuvent mettre en correfpondance les parties qui vou- droient contracter. En un mor, le traité foit verbal , foic écrit, n’eft point ce qui fert à faire connoître les Envoyés ; mais les Envoyés connus fervent à garantir le traité, & à communiquer la réalité de l'Alliance. : Re Tous les hommes font ufage d’une fécurité. autre maxime également fimple, que, quand une compagnie de Juges ou d'au- tres perfonnes qualifiées, ne peut [e tranf- porter dans un lieu, f? elle y envoie un de fes membres, avec une commiffion pr'é[en- tée dans la forme quil'autorife ;ontraite, on agit auffi shrement avec le commiffio- naire qu'avec tout le corps qui l’a envoyé. Je - Je n'ai befoin que de la première maxime pour démontrer la vérité de l'E- vangile aux perfonnes cultivées par l’u- fage du monde , & des affaires de la fociété. Cette maxime qui contente les meil- Jeurs efprits , eft intelligible & facisfai- fante pour les plus bornés. Elle les éclaire tous, & rend leur condition égale. | Jen’aibefoinque d'yjoindre la feconde régle pour faire voir aux plus fimples, à ceux, par exemple, qui ne connoiflent que leur Curé, qu'ils ne doivent pas croire leur condition pire ou moins cer- œaine à l'égard du falur, que celle des perfonnes les mieux inftruites. L'unique affaire des petits & des _ grands, eft de favoir,, sy 4 un Apoftolaë | adrelfé à toutes les nations, & à tous les | fiécles. Mais il ne faut demander ni s’ik _yenaun,ni s’il n’y en a qu'un, ni où il eft. Deux ambaflades s’entre-détrui- roient, & on ne va pas au devant d'une ambaffade. Il eft feulement vrai que ceux qui en ont entendu parler ne peuvent raifonnablement négliger de la connoi- tre , ni de la recevoir. Mais on n'eft pas en peine de la chercher. C’eft elle qui vient à nous. L’Apoftolat de Jefus-Chrift s’eft mis en marche il y a dix-fept cens Tom. VIII. Part. IL. B pE LA NATURE. 17 La DE- MONSTR. EVANGEL» 18 LE SPECTACLE La Dr- ans. Depuis cetems-là les Envoyés n’ont MONSTR. 1 EVANGEL, ie . \ voici. Ils continuent à nous annoncer la! parole de vie, & à nous montrer les! preuves de la miflion dont ils font re- vêtus. De cete forte les ignorans font | inftruits , & les favans font fixés. Voilà donc la preuve qu'il eft indifpenfable de | faire valoir dans un traité tel que celui-ci; puifque feule elle fufic à tous ; & que fans elle ous les moyens généraux de | prouver le Chriftianifme ne nous ren- | dent pas Chrétiens. DE LA NATURE. 19 RE GA PIERRE IL Les Témoignages rendus au Minifière Evangelique. I j'avois à faire l’hiftoire de la paix de Munfter, ou d’Aix-la-Chapelle; je ne produirois pas en nature les pouvoirs des Plénipotentiaires, ni les actes fignés. Je n’en donnerois que des copies, qui par elles-mêmes ne pourroient faire foi, mais qui deviendroient certaines par les témoignages poftérieurs des différentes Cours qui ont reconnu ces actes, & des peuples qui y ont conformé leur conduire. Nous pouvons de même prendre dans les livres des premiers Miniftres de l’Evan- gile le récit des merveilles par lefquelles le Tout-puiffant a manifefté & fcellé fon œuvre. Nous n’avons pas befoin de prou- veren ce lieu nil’infpiration de ceslivres, ni laréalité des miracles qui ont fervi de lettre de créance aux ouvriers Evangeli- ques. Ce que nous en affurons n’eft que conditionnel. L’efprit de Dieu s’eft com- muniqué au genre humain , fi les faits font atreltés. Jufqu’à la produétion de ces témoignages , tOU es en fuf- 1] La Ds- MONSTR, EVANGEL» 20 LE SPEecracze La DE- bens, Mais il ne refte plus de doute ni! me pue fur l’œuvre de Dieu, ni für les livres qui ‘la rapportent, quand on montre la fociété pleine des atteftations rendues avec EXa- men , avec difcernement, & en connoif-} fance de caufe à l’œuvre, aux livres évan-| geliques, & au miniftère à jamais porteur | de l'alliance. Nous pouvons, felon le langage des | premiers Chrétiens, Partager cette ma- | tière en trois témoignages , qui font ce- | lui de l’efbrit, celui de l’eau, & celui du fang. Les témoignages de l'efprit, fonc les ! caractères de Divinité par lefquels l’efpric de Dieu a illuftré fes Envoyés. Nous ne les avons pas vûs:maisils font remplacés Pour nous par les autres témoignages qui les conftatent. Le témoignage de l’eau eft celui qui étoit rendu à l'Evangile par le Baptême, & par la vie nouvelle des premiers Chré- tiens. Quoique le premier baptême des Chrétiens eût acquis par fà nouvelle inf. dtution un mérite fort différent de celui d'une fimple cérémonie, il rentroit dans l’idée commune de purification. Toute l'Antiquité eft pleine de traits qui nous montrent que ceux qui vouloient changer de vie, ou expier de grands crimes, fe | DE LA NATURE. o1 Mmettoient fous la conduire de quelque perfonnage refpectable par fa place 0 fpar fa doctrine , & commençoient par june purification , qui étoit COMME Ja pro- Ifefion publique de leur renonciation à [eur vie précédente. Cette purification , A ‘nous l'avons vû ailleurs, étoit connue chez Îles Payens comme chez les Juifs: | & l’ufage en étoit fi univerfel, qu'on en | trouve des exemples fréquens ju fques | dans les fables , comme dans celle d’Her- | cule, qui fut purifié par Eumolpe , (4) dans celle d’Apollon, qui fut purifié par Carmanor, (b) de Théfée, qui le fuc par les Pycalides, (c) & de Bellerophon, qui pour un meurtre ; quoiqu’involontaire , fe fic purifier par Prætus, Roi & Grand- Prêtre d'Argos. (4) | Au témoignage de l’eau ou du chan- gement de vie par le Baptême, les pre- Miers Chrétiens ont ajoûté celui du fang ou du martire , le plus fort de tous : ÔC ces trois témoignages n’en font propre- ment qu’un. C’eft l'efprit de vérité qui rend témoignage à l'Evangile, parce que Ja nouvelle vie des Chrétiens & leur mar- tire ont fufifamment conftaté le témoi- (a) Diod. Sicul. lib. 4. () Paufan. Hb. 10. (c) Plutarcb. in Thefeo. (4) Apollodor. lib. 2. : B ii La DE- u MONSTR. EVANGELe | 22 LE SPECTACLE se dE gnage des œuvres de l’Efprit faint, com- | evanceL, Me les actes du Parlement & la perfuafon! où eft le public de l’exiftence de ce Par- lement, font pour nous la même chofe que la vûe des lettres de fon établiffement. Ce font trois témoignages qui n’en font | qu'un. 18 Le témoignage de l'Efprit. Il y avoit des promeffes : on en at- tendoitl’exécution. Dieu fitparoîtreenfin | le Miniftre de la grande alliance, & ren- dit le témoignage le moins équivoque à la Mliffion Evangelique, par les traits d’un pouvoir fort au-deffus de l’homme , par différens dons qui de leur nature font {u- périeurs aux forces de toutes les intelli- gences créées, & qui par leur concours font encore fupérieurs à toutes les illu- fions imaginables. Avec la réfurreétion du Sauveur, qui eft la grande preuve du Chriftianifine & le fondement de l’efpérance chrétienne , Y'Efprit de Dieu a misen œuvre des dons qu'il a diverfifiés felon fes vûes. Lesuns étoient fpécialement deftinés à l’édifica- tion de l'Eglife déja formée , comme la fa- gefle ou la profondeconnoiffance des mif- | pe LA NATURE. 93 Läres dont on n’avoit pas Encore entendu La DE- parler. l'elle eft la doctrine toute nouvelle AUS que S. Paul prêche aux Juifs d’Antioche, 4 de Rome & de Galatie, {ur la deftina- tion de la loi & du facerdoce d’Aaron, doctrine fi différente de celle qu’il avoit \apprife aux pieds du Doéteur Gamaliel. Du même genre étoient les révélations fpéciales & rélatives au bien de quelques particuliers , ou d'une Eglife entière ; le | difcernement des efprits , & fur-tout des | ouvriers qui s’offroient à la prédication de l'Evangile , les uns de bonne volonté & par conviction, les autres par intérêt & avec déguifement. Il y avoit d’autres dons qui tendoient fpécialement à con- vaincre ceux qui ne connoifloient pas l'Evangile ou qui refufoient d’y croire. Nous nous bornerons à rappeller en peu de mors les plus diftingués , ceux qui ont proprement formé l'Eglife , en autorifant très-publiquement les Envoyés. Ce font les dons des guérifons , celui des langues, & le don de prophétie. Celui des guérifons , qui de fanature Le don étoit le plus propre à attirer les yeux Se td par le vif intérêt qu’on y pouvoit pren- dre ,aétéauflile plus univerfel. Il accom- pagnoit par-tout le Sauveur & fes Difci- ples. Le fimple attouchement de larobe B ii A —— EVE le =s- —, 04 LE SPECTACLE La De- de Jefus-Chrift, l'ombre de Pierre , les MONSTR, EVANGEL, mouchoirs que la main de Paul avoit tou- chés, guérifloient fubitement les mala- des. (z) Ces guérifons miraculeufes fe trouvèrent fi multipliées & fi notoires, que les incrédules tant Juifs que Gentils, jugèrent plus commode de les attribuer à la magie, que de nier ce qui étoit public & univerfel. Mais cette attribution étoit vuide de fens, &n'’avoicrien d’intelligible que l’a- veu des faits. Elle devienc ainfi une des preuves du Chriftianifme. Inutilement croiroit-on en éluder la force , en confondant la doûtrine des Chrétiens & celle des Payens für les ef- prits, & en tâchant de répandre fur le tout la même incertitude & le même ri- dicule, C’eft imicer les Pyrrhoniens qui jettent dans la même Catégorie les fon- ges de ceux qui dorment , & la fuite des idées de ceux qui veillent. Mais on laiffe dire les Pyrrhoniens, & l’on fait la diffé- rence qui fe trouve entre veiller & dor- mir. On ne s’y méprend pas:ils ne S'y méprennent pas eux-mêmes. Ce que les Ehrétiens admettent fur le miniftère des Anges, & fur la malignité des efprits déchus de la juftice , eft fondé, Ce) Matib. 14. 36. A8. 5, 15. 40. 19. 12, pE LA NATURE. 25 comme le refte de la révélation, fur l’uni- formité des faits qui confpirent à un même but. L'Evangile étant donc prouvé par des faits de cette efpéce, il devient la régle de ce qu'il eft permis d'avancer fur les pouvoirs que Dieu accorde , foit aux bons, foic aux mauvais efprits : & les bornes très-éroites que Dieu a mifes à fa révélation fur ce point, font auffi celles dans lefquelles les Chrétiens fe renfer- ment. Îls ne tirent point leurs preuves de ce qui eft obfcur ; mais en hommes droits & fenfés, ils voient dans ces mer- veilles uniformes, dontlestrois continens fonc témoins, non des Puiflances indé- pendantes qui brouillent librement tout l'Univers: mais le deffein unique du Mai- tre de la nature qui faic entendre par-tout la même voix, & annonce le falut à fa créature. Au contraire, la doctrine des Payens fur la nature des efprits, & fur leursopérations, n’avoitni certitude dans fon origine , ni mefure dans fon étendue, ni conformité dans fes principes. La magie, la chéurgie, les fortiléges ; routes les fortes de divinations par les oifeaux, par les ferpens, par les feuilla- ges & autres prétendus moyens ; avec tous les enchantemens, ont eù la même origine que l'idolätrie , & n’avoient pas La De- MONSTR, EVANGEL. 26 LE SrEcTacLre La De- plus de réalité. Dès que la cupidité & Re l'ignorance eurent pris les figures de l’an- VANGEL, . - . : Cienne inftruétion pour des Etres puif- fans, & les formules de chant qui les ac- Compagnoient, pour des moyens d’obte- nir tout ce qu’on vouloir ; l’efprit de l’homme n'ayant plus de régle, fa dévo- tion devint auf terreftre que fes défirs, & fe porta pour les fatisfaire à toutes les pratiques abfurdes qui découloient de la première méprife. Touces les parties de l'Univers étant devenu autant de petites divinités bien ou mal faifantes, & de gé- nies dont le moindre talent étoit de pro- phétifer, on ne laiffa pas ces Puiffances oifives ; & en leur adreffant les offrandes, les victimes , & l’encens, on y joignic les anciennes formules de chant & de prières qui n étoient plus entendues : ce qui don- na lieu aux vifions des enchantemens , & aux prétentions de la magie. La feconde fource des progrès de ces folies font les récits des merveilles opé- rées par les Prêtres les plus entendus, difoit-on, dans la connoiffance des dieux & des cérémonies religieufes. La cupidité aidoit à imaginer ces contes. Elle n’aidoit Pas moins à les faire recevoir. Le dernier moyen qui les accrédita fonc les fuffrages & les explications dont les #4 pE LA NATURE. 07 Philofophes les honorèrent à leur Propre confufion. Ces hommes qui avoient beau- coup médité , & communément beau- coup voyagé , avoient trouvé par-tout des reftes de vénération pour la chafteté , pour la fobriété, pour la prière, pour l’abitinence & le recueillement, comme éranc autant de moyens de perfectionner l’homme , & de ie préparer aux aétes de religion. Telles éroient les traces ineffa- cables des régles & des leçons de l’an- cien culte, que le genre humain rendoit à Dieu dès le commencement. Mais les hommes, & les Philofophes encore moins que lecommun deshommes , n’ontjamais voulu s’en tenir à un favoir borné & ré- glé fur leur befoin. Il faut qu’ils s’affran- chiffenc : il faut qu'ils percent : & après que les peuples eurent par toute la terre changé les idées de la première révéla- tion en y en fubftiruant de monftrueufes, puifque c’étoient celles de leur imagina- tion guidée par leurs convoitifes ; ils vou- lurent encore mettre le tout en ordre. Les Philofophes, comme les plus fuffi- fans, fe chargèrent de la commiflion. Pouvoit-il y avoir quelque chofe d’inac- ceffible pour ceux qui entendoient l'é- galité des trois angles d’un trian gle à deux droits ? La DE- MONSTR. EVANGEL: 28 LE SPECTACLE LaDE- Ja raifon qui les éclairoit fur les rap- MONSTR, EVANGEL. ports & fur les mefüures de ce qui étoit autour d'eux fur la terre, leur parut les autorifer à embraffer tout dans leurs con- noïflances. Aufli parlèrent-ils de ce qui étoit en haut, & de ce qui étoic en bas: ils diftribuèrent par claffes les dieux & les déeffes, les demi-dieux & les génies : ils étudièrent le goût de chacun d’eux de enfeignèrent très-férieufemenr par quels facrifices & par quelles cérémonies on Pourroiït leur plaire, ce qu’on pouvoit leur demander | & quel dégré d’abfti- nence pouvoir conduire les ames privilé- giées à s’unir à eux Extatiquement, Tels écoienc, difoient-ils les heureux fruits de leur expérience, & de leurs Voyages. Auroient-ils cant médité & can COutU pour n’arriver à rien ? Telle fut la profondeur du favoir d’Apollonius, d'Eu- napius, de Porphire , & de Julien. C’é- toient des efprits avides de nouveautés, & qui couroient fans régle après le mer- veilleux, De pareils hommes n’étoient pas Propres à captiver leur entendement fous le joug de Ja foi, qui ne nous montre que le néceffaire. On fenc combien la religion Chrétienne devoirleur déplaire, & il n’eft pas plus étonnant de VOir tant de beaux efprits qui fe font infatués des DE LA NATURE. 29 extravagances de la théurgie , (4) que d’en voir d’autres qui en grand nombre, & depuis trois mille ans perdent leur re- pos & leur bien, dans la penfée qu'on peut trouver le moyen de vivre plufieurs fiécles , & de faire de l’or avec ce qui n'eft pas or. Le crédit & l’éloquence des Philofo- phes retardèrent autant l’œuvre du falut, que le firentles perfécutions. Chacun fe tranquilifoit dans fon incrédulité, en di- fant : Il faut que le Chrift aicété un grand Philofophe, & qu’il air eù à fa difpofition des génies fort puiffans pour obtenir cant de guérifons , & peut-être fa réfur- rection. Mais nous avons nos dieux & nos génies dont nous fommes contens : il y a crop peu de profit à honorer les génies du Chrift & des Chrétiens. Ce raifonnement qui étoit très-com- mun parmi les Gentils infatués des pro- mefles de la magie , nuifit beaucoup à l'Evangile : mais ce qu'il y avoit de né- buleux dans ce raifonnement, fe diflipa peu-à-peu. Ce qui en fubfifta fut l’aveu de la réalité des faits, & le tems dévoila tout aux yeux même les moins attentifs. On s’apperçut que les fatras d’Apollo- nius, publiés fur la foi de l’avanturier Ca) Les opérations des dieux & des génies. La DE- MONSTR. EVANGEL, 30 Le SrEecracze La DE- Damis plus de cent ans après l’évène- MONSTR. EVANGEL, ment , n’avoient aucunes fuites; qu’il en étoit de même des dieux & des génies tant vantés par les Philofophes poftérieurs ; que toutes ces dévotions bizarres étoienr fans témoignages ; & que cette philofo- phie anti-Chrétienne fe réduifoit à beau- coup de füfifance & de bruit. On comprit de plus en plus ce que les cœurs fimplesavoient compris dès la pre- mière annonce de l'Evangile, qu'il n’y avoit aucune Comparai{on à faire entre les miracles de la mifion Evangelique, & les opérations , foit de la magie ; foit de la théurgie qui ne différoient que de nom. Ici on ne trouvoic qu’un tas de fables bizarres, qui n’avoient ni aucun but rai- fonnable, ni aucun lien ; un tas de mer- veilles adoptées par la crainte, accrédi- tées par la fuperftition, mifes à profit par l’avarice , débitées par la charlatanerie. Ce qu’on rapportoit de la force des en- chantemens, & de l'opération des génies ; fe pafloit dans les ténèbres. Rien n'étoit ni ne pouvoit être examiné, moins en- core approfondi. Faire defcendre la lune du cielen terre ; faire crever les ferpens par la pronon- Ciation d’une formule réquife ; dégraiffer DELA NATURE, 81 les campagnes voifines au profit de la fienne ; envoyer la pefte, ou détourner la grêle ; en un mot maïtrifer la nature & la changer d'un tour de main ; c'étoient les pouvoirs ordinaires , les menus plaifirs des enchanteurs : c'eflà-dire, qu'ils n’a- voient pouvoir de rien. Tout le réel de la magie fe réduifoit communément à des maléfices & à des empoifonnemens. Pour punir des ames pleines d’orgueil & de pañlions , Dieu paroît avoir quelquefois permis qu’elles fuffent frappées ou de la vüe d’un fpec- tre , ou d’une apparence d’accompliffe- ment de quelque prédiction. Mfais ce que les démons ont pû mettre du leur dans tout ce qui fe nomme fcience occulte, n’a jamais formé rien de fuivi. Tout y eft borné , plein d'équivoques, d’impuif- fance, & de menfonge. Tout y eft plein de rufes ; d'indécence, de petitefle , de cruauté : & ce qu’on ne fauroit trop re- marquer , c’eft que ces œuvres n’établif- fent rien de conftant, la puiffance ma- gique invoquée en Afie ne fe mettant aucunement en peine de celle qui opère en Europe. Il ne faut pas une mer pour dérober à un génie la connoiffance de ce qu’un autre aflure. Une muraille fuffit pour mettre deux démons en défordre., La DE- MONSTR, EVANGEL» Différen- ce des œui- vres de la magie & des mira- cles de l'E- vangile. LA DE- MONSTR,. EVANGEL,. 32 LE SrEcTAacLe ou deux fourbes en contradiction. (a) Les œuvres du Chrift & celles de fes’ Difciples difperfés Par-tout, avoient une même fin, & MOntroient un Auteur qui ne fe démentoit point, toüjours égale- ment puiflant & bienfaifant. Ce qui fe difoit, ce qui s’opéroit de miraculeux en Alie & en Europe, tendoit également à la fanctification des cœurs, & à la gloire - de Dieu par les mêmes vérités. Les ma- ladies des corps n’étoient guéries que Pour convaincre les efprits des intentions de celui qui étoit annoncé comme le deftructeur du péché & de Ja mort. Tout fe pañloit à découvert: f les Chré- tiens cherchoient quelquefois les ténè- bres, C’étoit ou pour prier en filence, où. pour fe fouftraire à la perfécution. Mis les miracles de l'Evangile s’opé- roient fous le foleil , & dansles places pu- bliques. Chacun en étoit juge : & com- me les Chrétiens fans concert & en une infinité de lieux tout à la fois rapportoient ce qu'ils avoient appris- par leurs yeux, & touché de leurs mains ; leur témoi- gna8€ ne pouvoit raifonnablement fe ré- cufer. Ainfi ces guérifons étant fi diflinguées des (a) Voyez-en les preuves fans nombre dans le fe- cond livre de Ciceron, de Divinar. DE LA NATURE. 93 des preftiges de la magie par leur dé- cence, par leur publicité, & par leur réalité palpable, elles ont toùjours eû le double avantage d’incliner les cœurs à la vertu, & de prouver puiffamment la mé- me vérité. Faur-il s’étonner après cela, fi les petits ont vù clair , tandis qu’une fauffe fcience aveugloic les grands & les favans ? Il n’eft pas inutile d’obferver que ce pouvoir de maîtrifer la nature a quelque- fois été accompagné dans les premiers Apôtres, de celui de frapper par des pu- nitions fubites ceux en qui ils voyoient un profond déguifement. Mais l’ufage de ce pouvoir terrible a été forcrare. Nousne le voyons que dans les mains deS. Pierre, qui frappa de mort Ananie & Saphyre; puis de $. Paul, qui frappa Barjefus d’a- veuglement ; & l’inceftueux de Corin- the d’une maladie qui lui fut falutaire. Au don des guérifons Dieu joignit ce- lui des langues, pour réparer ce qui man- quoit aux Envoyés du côté des talens. Ils étoient la plüpart pêcheurs & artifans. A peine étoient-ils capables de parler leur propre langue. Ils paroifloient con- féquemment hors d’état de faire entendre la nouvelle du falur, & la doctrine du Sauveur aux nations étrangères. Ces Pré- Tom. VIII, Part. IL. E La De- MONSTR. EVANGEL. AË. 55 A6.13> F'Cor. 5. VC MU 1 À Cor. 2. Le don des lan- gues. a LA DE- MONSTR. FVANGEL, | 94 LE SPECTACLE dicateurs furent cependant entendus par- tout. Ils introduifirent la foi & formèrent promptement des Eglifes nombreufes dans des villes où les Philofophes les plus éloquens avoient à peine réuni quelques difciples defœuvrés , ou amis de la dif- pute , & dans des provinces où l’ambi- tion Romaine n’avoit pù pénétrer. Le don des langues dans les Miniftres de l'Evangile , quoique néceffaire pour ouvrir la porte à la prédication, femble d’une autre part contredire la première intention qui les avoit choïifi fimples, grofiers, & fans lettres. L’incention de ce choix étroit que la conquête des ames ne parüt point l'ouvrage dé l’éloquence & du favoir; mais qu’elle parût ce qu’elle étoiteneffèc, l’œuvre manifefte du Tout- puiffant. Auffi voyons-nous que le don des langues n’a été donné qu'avec réferve. . Ceux que l'Efprit merttoit en état de par- ler une langue étrangère pouvoient être entendus : mais ce don ne faifoit d'eux ni des Ecrivains polis, ni de grands Ora- teurs. Il leur laifloit le tour de leur lan- guc Hébraïque ou Syriaque, & la fimpli- cité de leuréducation. La merveille fe ré- duifoit à annoncer intelligiblement la mif- fion du Sauveur, & la leur, à des peuples dont ils n’avoient pas appris la langue, Fr PRE TL ANA T URE, 3 Ils entendoient les Etrangers, & ils en _ éroient entendus. Mais la force étoit dans leurs œuvres, plücôt que les graces & la beauté dans leurs difcours. & L’extrême modicité de leurs talens, jointe à un extérieur qui n’annonçoit ni rafinement, ni culture, faifoit cout attri- buer à Dieu, rien à l’homme, La DE- MONSTR. EVANGELe Souvent celui qui pouvoir, fous l’im- preflion de l’Efprit, parler à des Etran- gers un langage qu'ils entendiflent, ne comprenoit pas lui-même les paroles que . Dieu metroit dans fa bouche , ou ne les pouvoit pas faire entendre à ceux des afliftans qui parloient un autre langage. Souvent il avoit befoin d’un autre inter- préte , pour inftruire & édifier fa propre Eglife de ce qu'il avoit dit d’intelligible à des Etrangers préfens. Souvent le don d'interprétation étoit fubitement donné à un autre Difciple, non-feulement afin que tout pùt être entendu ; mais pour mieux marquer l’aétion de l’'Efprit, qui exerçoit fon pouvoir par des inftrumens pleins de foibleffe & d'incapacité. Le Prédicateur n'attiroit point l'admiration : l’on n’étoit occupé ni de fa perfonne , ni de fon ef- prit; mais du grand objèt de fa miflion, & de la force des preuves qu’il en pro- duifoit, Ci C4 La DEr- MONSTR. EVANGEL, Z. Cor. 14. 36 Le SPECTACLE Les Epîtres de S. Paul, & fur-tout les Aétes des Apôtres, font un récit per- pétuel des effèrs de ce don des langues ; par lequel des hommes fans fcience in- troduifirent par-tout la Foi, & réunirent en très-peu de tems des nations incon- nues les unes aux autres, dans la perfua- fion des mêmes vérités, & dans un même efprit. Saint Paul qui écrivit fes deux lettres aux Corinchiens, tant pour répondre aux divers éclairciffemens qu'ils lui avoient demandés, que pour réformer des défor- dres qui s’introduifoient parmi eux , leur donne des régles pour ufer avec difcer- nement & avec édification des dons mi- raculeux. Il recommande en particulier, & établit pour régle, que celui qui a le don des langues étrangères , fans celui de l’interprétation, garde le filence dans leur Affemblée ; à moins que le don de l'interprétation n'ait été donné à quel- qu'un des affiftans , afin qu’on ne cherche pas à montrer fans fruic fes avantages perfonnels ; mais uniquement à édifier l'Eglife de Dieu, par la communication de quelque lumière, en facilitant à tous l'intelligence de ce qui a été dit. Au furplus, quelque profitables que puflent être à l’Eglife naiffance ces dons | 4 1 | | | | DE LA NATURE. 3 | miraculeux des langues inconnues , & des | guérifons fubites , P Apôtre fait bien voir | l'efprit qui le mène en inculquant forte- | ment qu'il eft des dons plus précieux | pour le bien des Eglifes, tels que le dif- | cernement des vrais & des faux Prédica- teurs ; la connoiffance des chofes cachées | dans le fond des cœurs ; & l'intelligence | des Ecritures. Il leur reléve enfuite des | dons encore plus défirables pour l’Eglife | & pour eux; la foi, l’efpérance, l’amour | de Dieu & du prochain. C’eft ce qui lui donne lieu de déveloper l’excellence & les caraétères de la charité, l’unique don durable, & qui fubfiftera à jamais après la ceffation de tous les autres. Ces lertres deS. Paul aux Corinchiens portent donc les preuves de leur vérité, par la naïveté même des circonftances fur: lefquelles ces fidéles avoient demandé les inftructions de leur Maître. Eft-il naturel ou poflible de faire re- cevoir deux lettres à une grande Société , pour lui reprocher différens défordres qui ne feroient pas réels, ou pour lui don- ner des régles fur le bon ufage du don des langues , & de l'interprétation, fielle n'en avoit aucune connoiffance? Cette preuve eft fimple : elle démontre tout enfemble l’exiftence & l’économie des C ii] La DE- MONSTR. EVANGEL, 38 Lie SEC D'ACTE La De- dons miraculeux, qui laiffoient les Mi- AIONSTR, EVANGEL, niftres dans un état d’imperfeétion, pour ne montrer dans leurs progrès que Îa puiflance de la main invifible qui les di- rigeoit tous. On ne peut pas d’ailleurs douter tant foit peu de la réalité de ces lettres, qui furent citées peu d’années après par faint Clémentle Romain, écrivantaux Corin- thiens même. Sur la fin de la première, S. Paul informe les fidéles de cette Eglife de ce qui fe pafle en Macédoine, en Ju- dée , à Ephèfe, à Ancyre, & dans toutes les Eglifes d'Afie. Toutes ces circonftan- ces fe trouvent juftes. C’eft dans les mé- mes lieux que fe font formées tout d’a- bord les Églifes les plus célèbres : elles ont tout d’abord montré les lettres qu’el- les avoient pareillement reçues de faint Paul : elles fe les communiquoient réci- proquement, & n’ont jamais difcontinué d’en faire la leéture dans leurs Affemblées. Ces lettres ne peuvent être fauffes qu’en un cas ; qui feroit que ces Eglifes fe fuf- fentexpofées à la perfécution, pour avoir le plaifir de publier que S. Paul avoit été leur Maître, quoiqu’elles ne l’euffent ni vü, ni entendu. Mais ne prévenons point les témoignages poftérieurs , qui onc garanti & perpétué les témoignages DE LA NATURE, 39 | de lJ’'Efprit. Si ces dons ontété réels ; le La De- miniftère eft divin. Cette conféquence FE eft chaire, & elle nous füuffit pour le pré- 4 fent. Ce qui n’eftici que conditionnel fera démontré par la fuite. Le don de la prophétie a achevé d’il- Le don de Juftrer la miflion du Sauveur , & des Apô- 12,P'°P#E tres ; foit en révélant par eux la jufte ap- plication qu’il falloit faire des anciennes -prophéties aux évènemens, foi en met- tant dans leur bouche, & dans leurs écrits, des prophéties nouvelles dont l’ac- compliflemenc fe perpétue fous nos yeux. Ce dernier don eft vraiment le fceau at- taché à la lettre de créance. Ilarendu les Envoyés parfaitement reconnoiffablesdès l'ouverture de leur miflion, & il fe mon- tre encore en entier, dans les derniers fiécles. Le tems même y ajoûte une force nouvelle, en mettant fucceflivement fous les yeux du gerire humain, des révolu- tions & des traits manifeftement prédits, & écrits , dès avant l'empire de Titus. Là eft la marque de l’Efprit de Dieu. » Il eft nécefläire, dit Jefus-Chrift, Zrc.rs. » Que tout ce qui a été écrit de moi dans # » le livre de Moïfe, dans les Prophétes, » & dans les Pfeaumes, s’accomplifie. Plufieurs des prophéties de l’ancienne . Ecriture, à quelques-unes defquelles Je- C ïiij 40 L'EMSPECTACLE La De- fas-Chrift a fait une attention diftincte, MONSTR. EVANGEL, font moins des difcours que des actions repréfentatives , ou des crayons de l’ave- nir. Tel eft le facrifice auquel [faac a fur- vécu : celle eft la vie de Jofeph vendu par fes freres , livré aux étrangers, & élevé en gloire, diftributeur des graces & de la vie, fauveur des Etrangers, & enfin de fon peuple. Tel eft le figne de vie élevé par Moïfe au défert : tels font les traits du nouveau Prophéte qui doit fuccéder à. Moife , être légiflareur comme lui, pren- dre la qualité de Sauveur, & mettre le peuple de Dieu en poffeffion des biens promis. Telles font tant d’autres images des miftères de Jefus-Chrift, tracées par avance dans la foibleffe & dans la victoire des foldats Gédéonites ; dansles fouffran- ces de David calomnié, rejeté, puis cou- ronné ; dans la gloire de Salomon le Roi de paix & le fondateur d’un tabernacle permanent ; dans la prédication de Jonas qui évite de parler aux Gentils, & qui ne leur porte la parole qu'après une forte de réfurrection. Plufieurs de ces prophéties font ver- bales & expreffes. Nous ne rappellerons plus celles qui ont éré faites à Abraham, à Ifmaël , à [faac, à Jacob, à Juda, à Da- vid , & bien d’autres dont il eft vifible, DE LA NATURE. 41 que l’accompliflement n’a été connu qu'après la publication du livre qui les contient. Nous nous abftiendrons de toucher ici aux célèbres prophéties d’'Ifaïe , fur l'homme de douleur ; d’Aggée, fur la gloire que devoit recevoir le fecond tem- ple en recevant le Défiré des nations qui leur apporteroit la paix; de Daniel , fur le tems où le Fils de l'Homme recevroit l'Empire fur tous les peuples. Au lieu d'infifter davantage fur ces “traits, & fur d’autres qui ont été fi heu- reufement, & très-récemment éclaircis par le travail de tant d’habiles interpré- tes ; nous nous arrêterons à quelques-uns des Pfeaumes que Jefus-Chrift s’eft ap- pliqués. La manière même dont il fe les applique eft une preuve de vérité. Ïi nous invite généralement à le cher- Cher dans les Pfeaumes , parce qu'il y eft parlé de lui. Jefus-Chrift aide notre tra- vail en citant un mot de l’un, un mot de l'autre: mais il ne fait rien valoir, comme feroit un favant qui femble fe défier de fon ieéteur ou de fa preuve, en dévelopant laborieufement la conformité des menues circonftancesprédires avec lesévènemens réels. Le Sauveur cite ce qui le regarde dans les Pfeaumes avec la fécurité & la La DE- MONSTRe EVANGEL. Luc. °4 44 La DE- MONSTR. EVANGEL, IMait. 22. AT. Pf[. 109. Tlebr. 110. Analife du Pfeaume 109. 42 LE SPECTACLE dignité d’un Seigneur qui connoît fes ti- tres, & qui fe contente d'indiquer le dé- pôt public où ils ont été mis long-tems avant fa naïiflance. L’accès en eft libre aux Gentils comme aux Juifs : & il fait que la fimple lecture en eft fufifante pour mettre fes droits au plus grand jour. Jefus- -Chrift excite la curiofité des Juifs & la nôtre, en leur demandant quelle eft la génération du Chrift, & de qui il doit defcendre. Les Juifs répondent :Ilett fils de David : ‘ Pourquoi donc, dit Jefus- » Chrift,Davidl’appelle-r'il fon Seigneur? Nous ouvrons le Pfeaume 109. auquel il nous renvoie , & qui commence par ces paroles :‘ Le Seigneur a dit à mon » Seigneur, &c. Voici ce que nous y trouvons. 1°, Dieu partage fa puiffance avec ce- lui que David apperçoit dans l’avenir , & qu’il appelle fon Seigneur. Le Prophéte le voit aflis dans la gloire au même rang que le Tout-puiffant , & regnant malgré des ennemis fans nombre és lui font fou- mis tour-à-tour, & renverfés à fes pieds par des défaites fucceflives. 20. C’eft à Jerufalem que l’on verra commencer fon empire, & il l’exercera au milieu même de ceux qui s’étoient li- gués pour le perdre. DE LA NATURE. 49 39. Sa fuprême puiffance fera mani- . feftée aux yeux de cout l'Univers par la mulricude des juftes qui lui obéiront , non- feulement comme à un homme admira- ble, mais comme à un Dieu. En hono- rant en lui le defcendant de David , on lui reconnoîtra une autre nature, une autre naiflance , qui a devancé & fa mere, & l'aurore , & les fiécles. (4) 4°. C’eft ici l'œuvre durable. Dieu fait ferment de ne la jamais rétraéter ni chan- ger. Celui qu'il a mis à fa droire, avec la qualité de Roi, portera aufli celle de Pré- tre, non felon l’ordre d’Aaron dans lequel on verfe le fang des animaux , dans lequel les Prêtres meurent & fe fuccédent; mais felon un ordre différent ; dans lequel une feule ofrande remplace toutes les autres; dans lequel on ne‘connoît ni devanciers ni fucceffeurs: en forteque déformais c’eft . par lui feul & pour toûjours que les hom- mes auront accès auprès du Pere. 5°. Celui qui eft Roi & Pontife éter- nel , eft aufli devenu Juge de tous les hommes. Il n’a paru fur la terre que comme Sauveur : il n’a jugé perfonne, & a été condamné lui-même. Mais re- (a) Hebr. Præ utero & pre aurora tibi eff genituræ tua. Ce tour Hébraïque revient à ceci: eras pris/queæ effet mater sus, & ante condisam lucew. La Ds- MONSTR.. EVANGEL, _ LE SPECTACLE La De- vêtu de la puiffance du Pere, il exercera MONSTR, EVANGEL, Luc, 23. 46. un jugement terrible fur les Rois & fur les Nations. Tout fera foumis ou brifé de- vant lui. 6°. Il aura ainfi paru dans deux états d’une extrême différence ; l’un dans le- quel fes fonctions lui auront couté des fa- tigues & une altération femblable à celle d’un voyageur qui boit dans fon paflfage l’eau bourbeufe du torrent; l’autre dans lequel il fera grand & élevé engioire. La Sinagogue a chanté ce Pfeaume &c l'Eglife le chante : mais au lieu que les Juifs en refpectoient le fens & les pro- meffes fans lescomprendre ; il eft dans la bouche des Chrétiens un vrai chant triom- phal , que l'évènement rend intelligible , & qui eft l’expreflion de leur bonheur. Parmi les différentes paroles forties de la bouche de Jefus-Chrift, arrêcons-nous à celles qu’il proféra fur la Croix : Mon Pere, s’écria-v'il prêt à rendre les derniers foupirs, je remets mon efbrit entre vos mains. Le Pfeaume trentième d’où ces mots font tirés eft d’un bout à l’autre la prière la plus conforme à fon état aétuel. On y trouve une vive peinture de fes fouf- frances, & celle de l’attente où il eft d’une délivrance promte. Il propofe même la vie nouvelle qui lui eftaccordée , comme DE LA NATURE. $ le puiffanc motif de la confiance de tous La DE- les juftes qui foufrent. ae Ce fentiment peut faire trouver ces pa- roles citées par Jefus-Chrift fur la Croix, peu compatibles avec celles qu'il avoit proférées peu auparavant : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi n'avez-vous AbAN- Marty. donné ! | ete Celfe & les autres ennemis du nom Chrétien , loin de difconvenir que ces paroles foient forties de la bouche du Chrift attaché au bois, les ont relevées comme la honte de notrereligion. Voilà, difent-ils , des paroles de défefpoir. Il n'y a ni grandeur ni patience dans celui que les Chrétiens honorent : & bien loin d’a- voir l’efprit de Dieu, il ne montre pas même la cranquilité d’une homme conf- tant. Nous ne répondrons pas à Celfe, que celui qui a été fait viétime pour nous tous , portoiten ce moment tout le poids de la Juftice Divine. Celfe n'entendroit pas d’abord ce langage : mais nous lui ferons remarquer que ces paroles étoient fort connues des Juifs qui les entendi- rent, & qu’elles fervirent à toucher les uns, & à convaincre les autres de l’opi- niâtreté la plus criminelle. Depuis mille ans leurs peres chantoient ces paroles 46 LE :SPECTACLE La DE- dans leursafflemblées. Les [fraglites en les ms ED récirant avec tout le cantique dont elles 7" fontlecommencement, s’occupoientdes deux états d'un homme extraordinaire Analife au qui devoit être traité comme un impof- Pfeaume teur, & réduit au plus horrible accable- beaucoup ment, puis être élevé en gloire pour an- plus d'é- noncer avec les fiens le vrai Dieu à roues dance les Nations, & pour établir la Juftice ct dans un peuple que Dieu devoic faire que dans MAIlre. la Vulsae. … Queleft l’homme, queleft l'évènement où l’on puiffle trouver la réunion des deux _traits qui partagent tout le Pfeaume :je veux dire l’état d’un homme pourfuivi jufqu’à avoir les pieds & les mains percés comme un malfaiteur, & le paflage du même homme à une vie nouvelle, où il fera mis à la cêce des adorateurs qui re- viendront à Dieu de toutes les Nations ? Ces deux caraétères ne concourent qu'en Jefus-Chrift. Ses Difciples ne tar- dèrent pas à avoir & à faire fentir aux autres l’accord fingulier de tout ce can- tique avec les circonftances qui accom- pagnèrent & fuivirent la mort de leur Maître. Mais fes ennemis que la citation conduifoit à l'intelligence du refte, loin d’en faire l'application à ce qui évoit fous leurs yeux, enchérirent par mille infultes DEULA NATURE. 4 exprimées dans le Pfeaume, fur les trai- temens des foldats Romains qui avoient exécuté les ordres du miniftère public, & fair entr'eux le partage de fes habits. Les foldats du Gouverneur , & les Juifs accompliffoient ainfi , fans le favoir, tou- ces les particularités qui font détaillées dans la première partie de la Prophétie auffi nettement que dans l’hiftoire Evan- gelique. La propagation de la doétrine de cet homme pourfuivi à mort, & l’adoration du vrai Dieu, que les Envoyés du Chrift ont fait connoître à tous les peuples, font les évènemens aufli clairement mar- qués dans la feconde Partie. Il ef diftinc- tement parlé dans celle-ci du repas qui fe donne dans l’affemblée de Religion, auquel les petits & les grands viendront prendre part, où les pauvres trouveront l'excellente nourriture , & où les Puiffans du fiécle s’abaifferont profondément de- vant l’Auteur de tous leurs biens. Celui qui au commencement de cette prière éprouve l'excès de trifteffe conve- nable à la nature humaine, dans l’obli- gation de mourir fous l’eflort de fes en- nemis victorieux, & à l’érar de victime qui le charge de la malédiction dûüe à nos péchés ; glorifie enfuice fon Pere de la LA D£- MONSTR: EVANGEL, 48 Le: SPECTACLE La DE- nombreufe poftérité qu’il lui accorde; MONSTR. EVANGEL, enfin de la communication qui fe va faire des vrais biens par fes Prédicateurs dif- perfés d’un bout de la terre à l’autre. Quel autre efprit que celui de Dieu a pù par avance arranger dans ce détail, 1°. les circonflances précifes de la mort du Chrift ; 2°. le cri le plus conforme à fon impuiffance apparente qui fait le triom- phe de fes ennemis; 3°. fa délivrance & fon recour à la vie; 40. les articles les plus diftingués de fa doctrine ; 5°. le culte du vrai Dieu qui alloit être étendu par fes Envoyés dans toutes lespartiesdela terre; 60. la naiffance d’un peuple auquel Dieu va donner l'être, avec un nom auparavant inconnu? Tout cela eft arrivé. Quel autre efprit que celui de Dieu a pü dans le tems conduire la langue d’un homme raffafé d’opprobres & d’angoif- fes à la jufte citation des premiers mots d’un Pfeaume dont tour le refte eft l’abré- gé fidéle de fon hiftoire, & le tableau de tout avenir. Il falloic pour cela que Jefus- Chrift eût la vraie intelligence des Ecri- tures. Difons mieux : il en eft lui-même la clef : c’eft pour lui que cout eft dir. N'omettons pas qu'on voit en toute rencontre combien les Evangéliftes font véridiques, par le foin qu'ils ont pris de rapporter | | DE LA NATURE. 4 | rapporter des circonftances qui font au | premier afpeét ou indifférentes ou nuifi- bles à l'intention de préconifer l’œuvre du Chrift. Il s’en faut bien qu'elles y foient | ni nuifibles niindifférentes dans la réalité. | Quand elles n’apprendroient rien d’im- | portant aux leéteurs ; elles caraétérifent les hiftoriens : elles atteftent leur candeur & leur aflurance. Leur candeur paroît en ce qu'ils ne s’érudient pas à plaire par le choix des faits. Ils les rapportent comme ils font. Leur affurance paroîten ce qu’au lieu d'inventer ou de fupprimer des cir- conftances par intérêt, ils s'engagent dans des récits qui ne leur fonc pas avanta- geux , & dans des détails fur lefquels une foule de témoins pouvoient les convain- cre de faux. De ce nombre eft la méprife de quelques affiftans qui n’entendoient pas l'Hébreu des Pfeaumes, & qui fe figu- rèrent que Jefus en proférant ces premiers mots du Pfeaume 2 1 Eli, Eli, mon Dieu, mon Dieu, appelloit Elie à fon fecours. Mais ce crait ingénu & d’un fi petit profit pour l'Evangile, même defavan- tageux, felon les idées humaines ; prou- ve également & que l’hiftorien n'a pas imaginé cette expreflion de décourage- ment, & que Jefus fur la Croix fit ufage de ces premiers mots du Pfeaume 21, Tom. VIIT. Part. IL. La De- MONSTR. EVANGELe 50 LE. SPECTACLE La De- qui donnèrent lieu à la méprife des étran- MONSTR, EVANGEL, rers. Or, employer ces mots dans fon accablement, c’éroit nous expliquer tout le refte de la Prophétie & toute l’écono- mie de l’œuvre du falut. Le même efbrit qui avoit révélé à Da- vid les différens états du Meffie, a mon- tré aux Apôtres, quoique fans culture & fans fcience, à diftinguer dans les Pfeau- mes tous ces traits prophétiques. Avant l’effufion de l’Efprit-Saint, ils compre- noient à peine les difcours les plus clairs. Après cet évènement , ce ne font plus ces matelots du lac de Tibériade, qui ne connoifloient que leurs filèts, leurs bar- ques, & le Décalogue. Avant cette effu- fion Jefus leur avoit cout dit: maisils n’en comprirent le fens qu’à la réception de l’Efpric au jour de la Pentecôte. Le voile eft ôté de deffus leurs yeux en ce mo- ment. Ils confulcent, ils citent avec intel- ligence le recueil des Pfeaumes & toutes les Ecritures. [ls y diftinguent comme dans un dépôt public, & produifent en- fuite les titres du Sauveur qu’ils annon- cent. Leur prédication eft fortifiée en toute rencontre par les traits qu’ils en tirent, & qui n’ont jamais eu un fens jufte & parfait qu’étant appliqués aux di- vers étais de leur Maître : de forte qu’en DE LA NATURE. 51 lui feul fe trouve l’accompliffement de tout. Ils voient dans le deuxième Pfeaume l’inutilité des efforts de ceux qui l'ont op- primé ; la manifeftarion de /4 vie nouvelle qu'iliient du Pere par fa réfurreétion ; & la toute-puiffance de Dieu, qui exécute fes promefles & fes volontés , par les com- plots des plus méchans hommes, Ils voient dans le quinzième la prière de Jefus-Chrift mis au tombeau , & la prédiétion la plus diftincte de fa réfur- rection. ‘“ Le fépulcre de David, difent- » ils aux Juifs, eft au milieu de vous. Son » corps y eft en pouflière, ,, C’eft à un autre que la fortie du combeau , & la pré- fervation de la pourriture eft promife. Ils reconnoiffent dans le trence-neu- vième l'infufhfance des facrifices de la loi, dont ils avoient eû dès l’enfance une idée fi avantageufe. Et ceux d’entre eux qui ont montré le plus de zèle pour la loi, jufqu’àa perfécuter le Chriftianifme avec fureur ; font à préfent ceux qui publieng le plus hautement ,quela loi cérémonielle n'étoit qu'une économie proportionnée à la grofièreté de leurs peres, & prépa- ratoire à une loi plus parfaite. Ils cicent le quarantième comme une peinture admirable de la m — de Jefus: 1 La De- MONSTR. EVANGEL. AG, 4.25. Hebr. 1.5. Hodie ge- nui te. A@. 4. 26. A. 2. 25e & 12. 35. HRbr. 10, 5e 48. 1. 59 Le SPECTACLE La De- Chrift & de la noirceur, tant de celui qui Manors, La livré à fes perfécuteurs , que de fon " peuple qui l’a méconnu & condamné. Le Meffie qu’ils voient communé- ment repréfenté comme un homme de douleur , eft le même qu’ils voient plein de beauté , & revêtu de gloire dans le quarante-quatrième Pfeaume. Mais l'Em- pire dont il eft mis en poffeflion , n’eft point ce regne terreftre que le Juif char- nel attendoit. C’eft l’Empire de la vérité, de la concorde, & delajuftice. La durée en fera éternelle : & celui que Dieu a fa- cré pour faire regner la vérité dans les cœurs, eft lui-même au-deflus de tout. Toutes les intelligences céleftes lui font foumifes & l’adorent. Il eft Dieu comme Lebr.x, 8. Celui de qui il a tout reçu. . Les mêmes Difciples nous ont fait re- connoître dans le Pfeaume 68 le zèle du Meffie pour l’établifflement de la vraie juftice ; le refus que fon peuple feroit de l'entendre ; les traitemens affreux que les fiens lui feroient fouffrir comme à un étranger & à un impofteur ; l’amerrume geans.17. & le fiel qu’ils lui feroient avaler ; & la Matt. 27. ]ongue difperfion qui feroit le châtiment ur. 9. de leur infidélité. Ces applications des Pfeaumes , & beaucoup d’autres faites par Jefus-Chrilt, DE LA NATURE. ou par fes Envoyés, tirent une nouvelle force des circonftances du tems où ils les firenc, & des évènemens qui y ont répon- du d'âge en âge. Il s’y trouvoit des traits fans nombre actuellement reconnoiffa- bles pour le tems des Apôtres. Mais ce- pendant le temple, l’ancien facerdoce , & la nation fubfiftoient en un corps de Ré- publique. Quoique le nom du Dieu d’A- braham , les bénédiétions promifes , la religion du cœur commençaffent à être prêchés par-tout ; quoiqu’avec les focié- tés Chrétiennes les exemples d’une cha- rité toûjours bienfaifante & d’une pureté parfaite fe multipliaffenc de toute part; on pouvoit douter fi certe œuvre fe fou- tiendroit, & l’accompliffement des pré- dictions pouvoit devenir plus entier. Ce puiffant témoignage de l’efprit pro- phérique acquit donc un éclat nouveau quand les Juifs furent difperfés , comme le Pfeaume 68 l’annonçoit, & que fui- vant le même Pfeaume, Dieu eût fubfti- tué aux anciens facrifices un culte plus parfait ;.qu’il eût remplacé l’ancien peu- ple par des fociérés qui confefloient le nom de Dieu; (z) qu'il eût enfin établi une nouvelle Sion, où tout homme in- (4) Pfeaume 68.32. Juda fignifie la confeflion, Ia louange, le culte rendu à Dieu, D ii La De- MONSTR. EVANGEL. 54 LE SPECTACLE La De- diftinétement devenoit citoyen & poffef- MONSTR. EVANGEL. feur paifible , en joignant l’amour du nom de Dieu à la profeflion extérieure, Jufques-là les [fraëlites avoient récité le quatre-vingt-fixième Pfeaume , fans le pouvoir entendre. [ls connoïfloient à la vérité la gloire qui avoit été accordée à la Ville fainte par préférence aux autres établiffemens de Jacob. Mais ils ne com- prenoient pas comment les Egyptiens, les Perfes, les Africains , & les Afiati- ques deviendroient chers à Dieu ; com- ment ils feroient mis au nombre de ceux qui l’honorent. Moins encore compre- noient-ils comment les Philiftins , les Tyriens, & tous les Etrangers, pour- roient être enfans de la Ville de Dieu; ni comment lé Seigneur, en parcourant ha lifte de tous les peuples , y recon- noîtroit tels & tels devenu habitans de fa Cité. La prédication Apoftolique a dévoilé Pénigme, & la chute de la Jerufalem terreftre l’a éclaircie pour les Juifs mé- me, s'ils vouloient l’entendre. Tous les peuples peuvent recevoir lanouvelle vie, être incorporés au peuple adorateur du vrai Dieu, & avoir part aux avantages ineftimables de la Cité fainte , que le Très- haut a lui-même fondée. DE LA NATURE. On n’eft pas étonné après cela de voir l'Eglife perpétuellement occupée de la récitation des Pfeaumes : elle connoît la perfonne qui parle dans la plüpart de ces Cantiques ; & au lieu de nous égarer avec certains Incerprétes qui nous y font voir uniquement ou David , ou Salomon , où Ezéchias , ou Zorobabel ; elle éloigne de notre efprit des évènemens bornés, & peu dignes d'occuper tousles adorateurs dans la durée des fiécies. Elle chante l’homme de fouffrances, celui qui a pris fur lui nos péchés, & qui s’eft fair viéti- me pour nous. Elle chante le Roi de paix & de juftice , le Libéraceur. Elle nous le montre, & veut que nous le voyions dans les diverfes circonftances qui ré- pondent exactement aux exprellions des Pfeaumes, & qui en rempliffent le fens. 1ls n’en ont plus en effèt la plüpart, & dégénèrent en une emphafe outrée , lorf- qu'ils n’ont plus de rapport aux miftères du Sauveur. L'application communé- ment n’en eft heureufe qu’à lui. Ces Cantiques fonc évidemment les prières du Chrift dans les différentes cir- conftances de fon œuvre, & fes fentimens qui deviennent ceux des fidéles, font de la forte la nourriture & le foutien de leur piété, D iii La De- MONSTR. EVANGEL. Raifon de lufage perpétuel que l’Egli- fe fait des Pfeaumes. La De- MONSTR. EVANGEL, 56 LE SPECTACLE Mais comme tous les Pfeaumes n’ont pas un rapport immédiat à fa perfonne; quelques-uns étant feuiement des leçons de morale, d’autres n'étant que l’expref- fion des gémiflemens d’une ame péni- tente , & vivementtouchée de fes chutes; enfin d’autres étant la peinture des divers états que la Providence réfervoit au peu- ple Juif; les Pfeaumes fe diverfifient felon tous les befoins. Ils font le vrai langage de la piété, & le précis des preuves de la religion. Elle n’en a point de plus touchante que la promeffe faite par le Sauveur, de con- ferver les reftes d'Ifraël difperfés aux qua- tre-vents , & de les rappeller un jour à lui. Mais il a donné un reliefadmirable à cette preuve, en nous montrant dans les Pfeau- mes la prédiétion des mêmes évènements. La vérité ne fe feroit trouvée ni dans les Pfeaumes , ni dans la bouche de Jefus- Chrift, fi le temple & la nation fe fuf- fent confervés en place. Même preuve de faux, fi les foibles reftes de cette na-° tion euffent fuccombé à la haine uni- verfelle qui les pourfuit par-tout. Mais nous allons voir que c’eft le Verbe in- carné qui a infpiré David, & qui con- ferve aujourd'hui Ifraël contre toute vrai- femblance. DE LA NATURE. , Jefus-Chrift après avoir verfé des lar- mes fur l’endurciffement de fon peuple obftiné à le rejetter , déclare à plufieurs reprifes aux habitans de Jerufalem, qu'ils vont perdre leur ville & leur temple; qu'il ne reftera pas pierre fur pierre de celui-ci ; qu'ils vont être contraints d’a- bandonner la terre qui leur a été accor- dée par un don fpécial ; & qu’il n’a plus de vifite ni de bien à leur faire en com- * munjufqu'au tems où ils Zereconnoftront pour la pierre angulaire & fondamentale qui avoit été mile au rebut par les archi- telles: & qu'ils diront en revenant à lui: Béni foit l Envoyé du Seigneur. Jefus-Chrift fuirencore ici fa coùtume fort remarquable de citer l’Ecriture par un trait comme échapé, qui laiffe les in- différens dans l'ignorance , mais quiirrite les défirs de ceux qui cherchent la vérité. Il leur indique où eft la preuve: mais il la leur laiffe déveloper : il en fait la ré- compenfe de leur recherche. Onn'ignore pas que c’eft dans le Pfeaume 117 qu’il eft parlé de la pierre de rebut qui fera l’appui des deux murs. Nous.recourons à ce cantique ; & après ces paroles, nous y trouvons de fuice l’acclamation avec la- quelle l’'Envoyé du Seigneur fera reçu de toute la nation. Mais en mettant cette La D E- MONSTR, EVANGEL, Luc. 13. 35. € 19. 44 Matt.21. Mure. 14, 10. Luc.2e. 58 LE SPECTACLE La DE- bénédiction publique dans la bouche des MONSTR. EVANGEL. Juifs revenus à celui qu’ils ont rejetté, Jelus-Chrift nous apprend la circonftance précife où cout ce difcours aura lieu. Ceux qui parlent dans l’acclamation ne font point différens de ceux qui reconnoiffent la pierrerejertée. Ce font les mêmes qui parlent dans le refte du Pfeaume. Ils nous y apprennent les châtimens affreux que Dieu leur a fait éprouver parmi toutes les nations, & l’heureux rappel qui amènera leur acclamation & l’effufion de leur joie, Lorfque Jefus-Chrift ciroit ce Pfeau- me, & yjoignoit une prédiction exprefle de la longue féparation qu’il devoic met- tre entre lui & le peuple Juif, il fäifoit rouler fa prophétie & celle de David fur quatre grands évènemens, dont aucun n’étoir accompli, favoir, 1. La réprobation de l’'Envoyé de Dieu par les Docteurs de fon peuple; 2. La difperfion de ce peuple, avec la chute de fon temple ; 3. Sa longue perfévérance dans le mê- me aveuglement ; 4. Enfin fa future converfion. Il ya plus de feize cens ans que les trois premiers évènemens ont commencé & continuent de s’accomplir. Ils nous ré- pondent du quatrième , qui eft la vifice de , | DE LA NATURE. 59 | miféricorde que Jefus-Chrift leur réferve. | Plaçons-nous dans ce moment où les | Ifraëlites convertis chanteront le Pfeau- me de leur reconnoiffance. Le fens d’un bout à l’autre en eft alors fimple & fuivi. | | | | Les [fraëlites rappellés, commencent | | | par yrendre graces de la miféricorde qui vient d’éclater fur eux. Après avoir été haïs, pourfuivis, & écrafés par desenne- mis fans nombre ; après avoir éprouvé les mauvais traitemens de toutes ces nations icritées contr’eux comme des abeilles en furie, ou comme des épines en feu; ils remercient le Seigneur qui les délivre en- fin de l’oppreffon. Ils reconnoiffent que leur longue mifère eft un châtimencjufte, quoique févère; &ils le glorifient de ne les avoir pas livrés à une entière deftruc- tion. Mais quelle eft leur faute ? quel eft le crime qu'ils ont à fe reprocher , & auquel ils ont tous pris part ? Depuis la captivité de Babyloneils n’ont montré aucun efpric de retour vers l’idolâtrie. Ils ont toùjours fait profeffion d’honorer le Dieu d’Abra- ham, le Créateur & le Confervateur de tout, le vrai Dieu. Quel eft donc celui qu'ils confeffent, & qu'ils reconnoiffent enfin pour leur Seigneur & leur Dieu? La grande méprife, le grand crime La DE- MONSTR, EVANGEL, Analife du Pfeaums 117. 60 LE SPECTACLE La De- dont ils s’avouent coupables, eft d’avoir MONSTR, EVANGEL, méconnu celui qui étoit la porte par la- quelle on parvient à lajuftice. Ils avouent que cette porte eft unique, & qu’en s’é- loignant de celui qui eft la porte, ils étoient bien loin de la juftice, qu’ils ne | cherchoient qu’en eux. Ils s’adreffent à | celui qui les a prévenus, & quieftenfin | lui-même leur falut; à celui qui après | avoir été rejetté par .ieurs peres comme | une pierre de rebut & inutile à l'édifice | de l’Eglife de Dieu, eft devenu la princi- | pale pierre de l’angle, pour donner la fermeté à cout l'ouvrage. 5 Cette grande vérité à laquelle ils ont | été fi long-tems & fi opiniâtrémentoppo- | fés, devient pour eux ce qu’elle eft en ef- fèc, l'œuvre du Seigneur la plus admira- | ble, & le fujèt de leur furprife. Cette œu- | vre ne leur étoit point connue, & c’étoit |! leur malheur. Elle leur eft enfin révélée ; & cette connoiffance le remplit tour-à- | tour de repentir & de raviffement. Ils fe livrent aux acclamations & à la joie la plus vive, en demandantieur falut à celui qu'ils ont rejetté. Ils ne peuvent contenir leurs tranfports. Ils annoncent le même falut à toutes les nations, & publient que celui qu’ils ont méconnu eft l’Envoyé de Dieu : ils les invitent à connoître l’objèt | | DE LA NATURE. 61 | de leurs bénédi@ions. Les ombres font | enfin diffipées pour eux, & le Seigneur a | fait luire fureux lumière. Ils prennent | partaux folemnités & au feftin de l’Eglife. | Ts ne fe peuvent laffer de dire & de redire | avec admiration , que celui qu’ils ont mé- | connu eft leur Dieu & leur Sauveur. : Jefus-Chrift nous montrant dans la | prédiction de David ce qui n’a ceflé de . s’accomplir depuis fon avertifflement, mèt = au grand jour certe vérité que le paflé & l'avenir lui obéiffent. C’eft à l’école du Docteur de toute vérité que l’Eglife a pu apprendre ainfi à s'occuper d’un avenir éloigné comme s’il étoit déja. Elle en jouit par avance, & elle ne doute non plus de la future converfion d'Tfraël que de l’endurciffement où il perfévére. Elle prévient le moment de l’heureux retour de cette nation défolée comme elle l’y invite en d’autres tems en la provoquant par la peinture de fa mifère, & par la prédiction de fon changement. Ÿerw/a- dem, Ÿeru[alem convertere. Le Sauveur ne s’eft pas contenté de produire les preuves de fa miflion , enin- diquant les traits prophétiques des an- ciennes Ecritures qui la promettoient au peuple Juif. Jefus-Chrift reconnoiffable par l’accompliffement des anciennes pro- La Dr- MONSTR:, EVANGEL, D La De- MONSTR. EVANGEL. Prophéties de Jefus- Chrift. 62 Le, ASPEE TAC LE phéties, l’eft encore par l’accompliffe- ment des fiennes. Il y a joint fur la forma- tion de fon Eglife, & fur la perpétuité du miniftère de fes Envoyés, d’autres prédic- tions, dont l’accompliffement fidéleilluf- tre à jamais leurs pouvoirs. Ceux qui ont des doutes fur la réalité des prophéties de Jefus-Chrift, convien- nent qu’on ne gagne rien à dire que les livres de l'Evangile ont été fabriqués après coup; parce qu'ils font indubitable- ment antérieurs à la ruine de Jerufalem, & qu’en quelque tems qu’ils aient été écrits, ils ne peuvent être que divins s'ils annoncent des évènemens qui foientarri- vés poftérieurement à la publication des livres ; & qui aient été de nature à ne pouvoir être prédits fans une exceflive témérité. Mais ils prétendent qu’un peu de connoiffance des affaires du monde fufffoit à Jefus-Chrift pour fentir fans être Prophéte, que l'inquiétude des Juifs les conduiroit bientôt à la perte de leur ville; & que fes Envoyés , après quelque réfif- tance, établiroient enfin fon fiftême de religion, parce qu’ilétoit d’un caraétère à êcre bien reçu. Voyons fi la chofe éroit fi facile à faire, & à prédire. Après avoir là l'Evangile , ou feule- ment les crois chapitres qu’on nomme, DE LA NATURE. 63 le Sermon fur la montagne , où Jefus- Chrift a rapproché les plus beaux traits de fa doctrine ; effayons d’en faire, pour ainfi dire , l’horofcope: fervons-nous de notre expérience & de la connoiffance que nous avons des difpofitions du cœur humain, pour prévoir comment cette re- ligion fera reçue dans le monde. Nous comparerons enfuite notre prédiction avec celle de Jefus-Chrift, & routes les deux avec l’évènement. La religion Chrétienne peut être an- noncée la force en main, ou être aban- donnée à elle-même, & laiflée fans fup- port. Qu’arrivera-v'il dans le premier cas ? Si un Prince qui a un grand nom & des armées à fon commandement, pre- noit foin d'introduire cette religion dans le monde , peut-être y prendroit-elle pied en quelques lieux à proportion des fuccès du conquérant. Encore peut-on penfer que ce ne feroit pas fans de grands obfta- cles ni d’une façon durable, parce qu’ellé condamne les idées reçues & les préju- gés de l’enfance, la religion publique & l'intérêt des Villes les plus floriffantes. Qu'on porte cette religion , par exemple, à Ephèfe. Cette ville eft pleine d’orfé- vres qui font un aflez grand trafic des La De- MONSTR. EVANGEL. Prophétie de Jefus- Chrift fur les perfé- cutions. 64 Lé SPECTACLE La DE- repréfentarions qu’ils débitent en argent MONSTR. EVANGEL. & en cuivre, du magnifique remple de leur grande Déeffe. Ruiner le culte de la Déeffe, c’eft ruiner leur forcune. On peut prévoir que la même religion pré- fentée à Eleufis , à Epidaure , ou dans Cithère, & à Paphos, allarmera les Pré- tres de Cerès, d'Efculape, & de Vénus. Même incompatibilité par-touc ailleurs. On peut juger des obftacles qu’un Prince auroit trouvés en établiffant de force le Chriftianifme , par les réfiftances opinià- tres, & par les fureurs auxquelles fe por- tèrentles Normands, ou les peuples voi- fins de la Mer Baltique aigris par la févé- rité des loix que Charlemagne & Louis fon fils, avoienc établies pour les rendre Chrétiens. Même conduite au douzième fiécle de la part des Pruffiens envers Bo- leflas le Crêépu, Roi de Pologne, qui leur portoit l'Evangile les armes à la main. Que fi fuivant la prédiétion & l’inten- tion de Jefus-Chrift, fareligion eft laiffée à elle-même ; fi elle eft annoncée par des Miniftres qui ne fe mettent en peine ni de faire provifion d'argent , ni de prépa- rer leurs difcours & leurs réponfes , ni de fe ménager des protections , ni d’em- ployer l’épée contre ceux qui leur réfif- tent; DE LA NATURE. 65 tent ; ( & c’eft le cas où le Chriftianifime s’eft trouvé; ) effayons de prédire quelle fera fa deftinée. Il en fera de certe reli- gion comme des idées de Diogène, de Zénon , d’Ariftore, ou de Platon. Elle fera fortune dans quelques écoles, ou peut-être cout au plus dans la tête d’un petit nombre de contemplatifs. Le peu- ple qui eft groflier & changeant, ou fera peu touché d’une religion fi fage, ou n’y perfévérera pas, & le cout s’en ira en fumée. Si cependant la nouvelle religion, mal- gré la force des préjugés & des pañlions, peut acquérir quelques partifans ; comme ils font profeflion d’aimer les hommes & de prier pour leurs propres perfécuteurs ; comme ils imicent celui qui fait lever fon foleil fur les bons & fur les méchans, fans jamais maltraicer ceux qui ne penfent pas comme eux; une telle douceur ne peur que les rendre aimables. On leur paffera fans peine quelquesidées fingulières fur la réfurrection & fur les récompenfes qu'ils atrendent. Ces fpéculations n’incommo- dent perfonne: & l'on fera même fortaife dans la fociété d’avoir des voifins fi peu dificultueux, fi juftes, & fi bien-faifans. Ainfi notre prudence nous conduit à faire deux prédictions , l’une que cette Tom. VIIL, Part, IL, E La De- MONSTR. EVANGEL, La DE- MONSTR. EVANGEL, 66 LE SPECTACLE religion étant fans fupport, loin de fe répandre, s’en ira promptement à rien; l’autre que fi elle trouve quelques feéta- teurs, on les verra de bon œil , ou du moins on les laiffera en paix, en confi- dérarion de leur petit nombre, & de ce caractère bien-faifant qui eft le grand lien de la fociété. Telles font nos deux prophéties, entièrement conformes à ja façon de penfer & d’agir qu’on éprouve par-tout. Jefus-Chrift en fait deux rou- tes contraires ; l’une, que le royaume des Cieux ou la prédication de la bonne nouvelle, après des commencemens foi- bles, prendra de grands accroiïflemens, & durera autant que le monde; l’autre, que fes Difciples feront par-tout haïs, pourfuivis, & traités cruellement. Com- ment pouvoit-il efpérer d’être cru , en prédifant que fon Evangile , qui eft la condamnation des ufages univerfels , profpéreroit par-tout quoique fans fup- port; & comment s’eft-il flatté de trou- ver des Difciples & des Prédicateurs , en débutant par ne leur annoncer à tous que des perfécutions & des fupplices ? Voilà certes l’entier renverfement de nos idées. Par l'évènement on peut voir de l'Efpric de Jefus-Chrift , ou du nôtre, quel eft le prophétique. DE LA NATURE. 67 Voici un autre trait du même Efpric La De- qui démontre que Jefus-Chrift à vû l’a- pr venir, parce que l'avenir lui étoic foumis, d & que c’eft lui-même qui en difpofe les Prophétie de Jefus- évènemens. RER Au tems Où l'Evangile a été prêché, l: vocation ë des Gen- puis écrit, l’idolâtrie étoit fi univerfelle cs. & fi dominante, par les différens rapports qu'elle avoit avec voutes les convoitifes de l’homme, que la philofophie la plus éclairée n’avoir ofé la contredire. Socra- te , Plaron , & Ciceron penfoient bien autrement que le peuple : cependant, ils avertifloient leurs Difciples de s’en tenir aux réglemens publics, d’honorer Bac- chus , Vénus , Cupidon, Flore, & des dieux encore plus infâmes; d’agir en un mot comme le peuple. Ils fentoient l’in- convénient terrible qu'il y avoit à le con-. tredire : & aucun d’eux ne rifqua l’en- treprife. Leur complaifance alla jufqu’à prendre en main la défenfe du Polycheïf- me en le déguifant comme le firent Arifto- te , Plutarque & Pline. Ils crurent l'avoir merveilleufement fpiritualifé , en atta- chant l'idée du feu à une divinité, de l’eau àune autre, de la végétation à une troifiè- me , de la génération , & de routes les pro- duétions delanature , à uelques- uns des noms révérés par la coùtume : comme fi E ji 68 LE SPECTACLE La De- Ja fubfticution d’une phyfique triviale aux MONSTR. EVANGEL, idées populaires, pouvoit ou racheter les délordres que ces idées roûjours fubfif- tantes autorifôient également ; ou difcul- per les adorateurs d’avoir transféré à des êtres inanimés la gloire quih’eft dûe qu'à Dieu. Les génies dont les Platoniciens peuploient toute la nature, fans avoir la moindre connoiffance de ce qu'ils affu- roient, laiffèrent fubfifter toutes les folies précédentes, & y en ajoûtèrent de nou- velles. Ils remplirent la fociété de mi- fantropes, roüjours pleins de l’efpérance de pouvoir converfer face à face avec les démons, toüjours occupés de facrifices magiques, de fpectres , & d’apparitions. Telle fut l’imbécilité de l’ancienne phi- lofophie. L’idolitrie, le matérialifime , & la ma- gie, ces trois fiftêmes également perni- cieux, que les plus beaux efprits, quoi- que protégés & adinirés, n’ofèrent {eu- lement attaquer, & dont plufieurs firent l’apologie tour-à-tour, Jefus-Chrift en- treprit de les ruiner par la prédication de douze Marelots. [len prophétifa la réuf- fite, & l’évènement a fuivi. Dans fa prédiétion il égala l'étendue de fon œuvre à celle de la terre & des fiécles. Depuis le départ des Pêcheurs de Galilée, DE LA NATURE. 69 devenus , felon fa parole fi farprenante, autant de Pécheurs d'hommes , l'Evangile a acquis des cœurs fidéles dans toutes les nations. Îl a percé jufques dans le nou- veau monde, & il porte les derniers coups à l’idolâtrie. Si le choix des Envoyésrend fa prédic- tion peu vraifemblable, les moyens qu’il leur recommande achévent de la rendre incompréhenfible. Il leur recharge d’être comme des agneaux au milieu des loups; de n’employer ni l’argent, ni la protec- tion , ni les difcours; je ne dis pas étu- diés, mais feulement réfléchis ; ni la moindre réfiftance. Autant ces moyens font peu propres à ébranler une opinion univerfeliement fondée fur les cupidités du cœur humain , autant la trifte annon- ce que Jefus-Chrift fair à fes Difciples de contradictions & de perfécutions vio- lentes , femble peu propre à lui attirer des partifans. Il fait exaétement tout ce qu'il faut pour ne trouver ni qui veuille entendre l'Evangile , ni qui le veuille annoncer. | Entreprendre par de pareils moyens de renverfer une religion, qu’on ne fé- paroit nulle-part de l'intérêt de l’Etar & du bonheur des particuliers, c’eft être Dieu ou extravagant: l'alternative eft iné- La Dr- MONSTR. EVANGEL»e Mart. 4, 19. La DE- MONSTR. EVANGEL, O)- Le: SeECTACLE vitable. C’eft être extravagant d’annon- cer la deftruétion de l'idolâtrie, fion n’eft pas le maître de l’opérer, n’y ayant rien eù ni de fi fort que l'idolâtrie, ni de fi dénué de tout fupport humain que Je- fus-Chrift & fes Envoyés: c’eft être Dieu , fi l'évènement répond à la promeffe. Mais depuis cette prédication , que font devenus l'Ofiris & l'Ifis des Egyp- tiens, le Michras des Perfes, la Mylicta des Arabes, la grande Déeffe de Svrie & d’'Ephèfe, la Vénus de Paphos, la Cybèle & l’Achys de Phyrgie, les puiffans Dieux protecteurs des Grecs & des Romains, le Teutates des Gaulois, l’'Herminful des Saxons, & tant d’autres ? Ces idoles n’é- - toient rien, je l’avoue : mais elles oppo- foient aux attaques du Chriftianifine les préjugés, le brillant des fêtes , l’entête- ment, la féduétion, l'éloquence, la phi- lofophie la magie, ‘labarbarie. Rien n’a tenu contre l'Evangile. Et qu'eft-ce donc dans la réalité que l’Evangile? Une pa- role, un fouffle ; mais un foufile forti de la bouche de Jefus- Chrift. Il y a ici quelque chofe de plus tou- chant. Le Sauveur a été mis à mort fous l'Empereur Tibère , fans avoir quitté la Judée , ni adreflé la parole aux Gentils: & aufli-côt après la mort du Chrift fon | DRALANNATURE. \ 7] Evangile fut reçu parmi eux. Mais c’eft précifément la prédiétion que l’Evangé- lifte $. Jean mèc dans la bouche de fon Maître. Il lui fait dire fans la plus petite ombre de vraifemblance, que l'empire de l’Efprit de ténèbres qui fe faifoit ado- rer à la place du vrai Dieu , alloit tom- ber, & que la mort du Chrift feroit fui- vie d’un ébranlement univerfel parmi les nations, qui alloient renoncer à l'idolä- trie pour s’actacher à lui. » C'eft maintenant, dit Jefus-Chrift, que le monde va être jugé. C’eft main- » tenant que le Prince de ce monde va » être chafté dehors ; & pour moi, quand » J'aurai été élevé de la terre, j'atirerai » tout à moi. Ces paroles qu’on fuppo- feroit inutilement avoir été inventées par l'Evangélifte , ont été reconnues dès le premier fiécle ; & cela nous fuffit, puif- que l’idolâtrie écoit encore dominante au troifième. Mais le coup mortel lui étoit porté. Ses pertes fe peuvent compter comme les années : & la prédiction fi defticuée de vraifemblance avoit devancé fa première chute. Laiffons à part l’infuffifance de fes En- voyés, & la folie de la croix , qui natu- reltement devoit leur ôter toute créan- ce. Quel privilége peut avoir, je vous E iii] n° La De&- MONSTR. EVANGEL. Jean 12. 31. La DE- MONSTR, EVANGEL. Mort. 8. 11. & Lac, 18.29. 72, NUE: :SPECTACLE prie, le moment de fon fupplice ou de fa retraite , pour engager les hommes, qui jufqu’à préfent n’ont cru ni en fa fa- geffe ni en fes œuvres, à venir à lui tour- à-tour, & à écouter fes Envoyés plutôt que lui? Ou il n’y a pas l’ombre de fens, ou il y a une préfcience toute divine à attacher à un moment précis la libre con- verfion des cœurs, au milieu des circonf- tances les plus propres à l’empêcher. Cette prophétie eft fans contredit le plus fort témoignage que l’Efprit de Dieu ait rendu à l’œuvre évangelique. Elle atta- choiït à la miflion de fon fils un fi puif- fantmotifde crédibilité, que Jefus-Chrift l’a inculquée en cent façons , & fous une multitude de paraboles également propres à la rendre préfente à rous les efprits. Toute la Judée a entendu de fa bouche, & tous les peuples ont appris de fes Envoyés, avant que les Evangé- liftes euffent écrit, que le Fils de l’'Hom- me, le Chrift, alloit donner fa vie, & qu’enfuite à la prédication des fiens, il alloit venir de l'Orient & de l'Occident, du Septentrion & du Midi, une foule d’adorateurs qui auroient place au feftin du royaume des Cieux, & honoreroientle vrai Dieu à la compagnie d'Abraham , d'I- faac, & de Jacob ; au lieu que les enfans | DE LA NATURE. 79 | ingrats qui le rejettoient feroient mis de- La De- | hors. Cette prophétie eft proprement le FA | fond & l'économie de l'Evangile , qui" ” n’a jamais exifté fi cette prophétie n’eft pas réelle. Il porte ainfi avec lui une preuve immortcelle de vérité. | Sila prédiction du renverfement de l’i- | dolitrie infpire à rous les fiécles fuivans | un jufte refpeét pour le livre qui l’a fans contredit annoncé bien avant l’accom- pliflément ; rien n'étoit plus capable de ‘faire refpeéter dès le commencement la prédication des Apôtres, que la prophé- tie des circonftances qui devoient fuivre immédiatement la mort du Sauveur, & commencer le renverfement de li- dolâtrie. Jefus- -Chrift annonce en toute rencon- Prédi&ion tre à fes Difciples, que fon œuvre étoit; MCE 1°. d'amener les hommes à la pénitence, cis qui ont dont Jean-Baptifte avoit fait l'ouverture, mme 2°, D’établir le royaume des Cieux, ou fuivi a la vraie fainteté dans les cœurs. 3°. De mc ruiner l'empire de l’idolâtrie, que l’efprit de ténèbres avoit étendu par-tout où il y avoit des hommes. En un mot, con- vaincre l’homme de fa mifère, former des juftes, & ruiner l’œuvre de l’ancien, féduéteur , voilà la miffion de Jefus-Chrift. Mais dans le moment le plus propre à - La De- MONSTR. EVANGEL,. Foan. I 6. 6. LE SrEeEcTAcLE rendre fes Difciples attentifs, il leur fait obferver qu'aucune de ces trois opéra: | tions ne devoit s’accomplir de fon vivant, | que l’exécution en étoit réfervée souteen- | tière à l’efprit qu'il alloit faire defcendre fur eux pour les dédommager de fa perte. | Il va jufqu’à leur déclarer que ces srois | changemens infignes | qui étoient lobjèc | de fa venue, & dont aucun n’avoit encore | paru, alloïient éclater incontinent ; qu'ils | commenceroient às’opérer ous trois dans | très-peu de jours , & 44/}i-10 après fa retraite. | » Parce que je vous ai, leur dit-il, an- | » noncé le moment de mon départ vers , mon Pere, la triftefle s’eft emparée de | » Votre cœur : cependant, je vous dis la | » vérité : il vous eft avantageux que je » m'en aille. Car fi je ne m’en vais pas, | » l'Efprit confolateur ne viendra pas à » Vous : mais fi je m’en vais, je vous l’en- | » voyerai. C’eft lui qui après fa venue ma- | » ifeftera parmi les hommes le péché , la » juftice, & le jugement. C’eft à l’efpric » confolateur qu’il eft réfervé de manifef- » ter le péché (& de convaincre les hom- mes de leur corruption: )car vous voyez | #» qu'ils n’ont point cruen moi. ( Le mon- | » de eft encore dans fon impénitence , } | » C'eft l'Efprit confolateur qui (en ma | | DE LA NATURE, 75 Ê place ) manifeltera la juftice, (& re |» mera la fociéré des faints: )car pour moi |, je m'en recourne vers mon Pere, & 19 vous ne me verrez plus. C’eft lui enfin » qui manifeftera le Jugement ; car la fen- » teuce eft portée contre le Prince de ce | monde. Perfuader aux hommes que le péché eft en eux ; former au milieu de cette corruption un peuple de Juftés; ruiner enfin le culte des dieux pour faire adorer le feul Etre adorable, voilà autant d’en- treprifes peu vrailemblables pour un hom- me aufli foible en apparence qu’eft Jefus- Cbrift. Mais affurer comme il fait que ces trois chofes pour lefquellesileft venu, & dont aucune n’eft exécutée, commen- ceront à s’accomplir précifémentauffi-tôt qu'il ne fera plus fur la terre , eft une har- dieffe encore plus inconcevable. Or dès les premiers Jours de fa retraite l’effèt pa- rut, & il dure encore. Celui qui ne proféroit que des paroles de fagefle, ne fut point reçu des fiens. 1 eur des auditeurs, & des témoins en foule; mais il eut peu de difciples. La crainte les retint, & rendit fon œuvre juf- ques-là inutile. Il difparut fans avoir ni introduit nulle-part le repentir & le chan- gement de conduite ; ni rendu la fainteté La DE- MONSTR, EVANGEL, 76 LE SPECTACLE La De- plus commune parmi les peuples ; ni livré MONSTR. Ja moindre attaque à la tirannie del’erreur EVANGEL, Rare , : : qui faifoit adorer cout, excepté Dieu. Si Jefus-Chrift n’en a pastenté l’entreprife | dans une feule ville idolâtre, parexem- | ple à Tyr & à Sidon , des hommes auffi dépourvüûs de talens que le font les Apô- tres ® feront-ils plus heureux que lui ? Il ne leur refte qu’à fe cacher : & fa mort , comme l’abfurdité de la prédiction, doit fuffire pour les détromper. Mais loin de fuir comme ils avoienc fait lorfque leur Maître vivoit encore , ils fe montrent publiquement , & l’annoncent dans le temple. L’Efprit qui leur a été promis en fait fubitement des hommes nouveaux. Aux deux premières prédications d’un matelot groffier qui fe dit le Difciple du Chrift , huit mille hommes embraflent la pénitence, & font pénétrés de dou- leur d’avoir demandé fa condamnation au Gouverneur. Malgré le dépit & les me- naces de l’ordre facerdoral, les exemples d’une foi conftante , & d’une fublime pié- té, fe multiplient à Jerufalem & dans toute la Judée. L’Eglife & les mêmes vertus s'étendent à Damas, à Antioche, à Paphos, & à Corinthe : c’eft-à-dire, dans les villes les plus débordées. L’Evan- gile donne la première fecouffe à l’ido- | DE LA NATURE, 77 | lâtrie jufques dans Rome, jufques dans | la Cour de Néron, & dans la famille de Narcifle, c’eft-à-dire, dans le centre de | tous les excès. * Il n’eft point de jour dans les fix fié- cles fuivans, où l’autel de quelque dieu, difons plütôt, de quelque monitre, ne _ foi renverfé. Par-rouc l’idolâtrie perd fes | partifans. Elle fe fauve dans les campa- | _gnes, & dégénère en rufticité. Enfin la Barbarie en rougit elle-même : & dans * les quatre continens le vrai Dieu a des adorateurs. Jefus-Chrift n’a donc exécuté par lui- même aucune des trois parties de fon œu- vre: & en les accompliffant toutes trois fuivant fa promelfe , auffi-tôc après fa re- traite , par des hommes incapables de tout; il n’a laiflé voir que l’Æ/prit tout- puiffant qui évoit en lui, & qu’il avoit mis dans fes Envoyés. On ne peut oppofer à cette preuve que des ténèbres. Peur-être Jefüus-Chrift n'a-c'il pas fait cette prophétie: On a bien de la peine à croire qu’il ait dit ces paro- les. On elt perfuadé qu’il ne les a jamais dites. On trouve dans fa raifon la régle infaillible de la conduite que Dieu a dû tenir. En attendant que nous produifions les LA DE- MONSTR. EVANGEL. *Rom, 16. 11, 78 LE SPECTACLE La De- témoignages que les Apôtres ont rendus MONSTR. EVANGEL, aux prédictions de Jefus-Chrift , & les témoignages fans nombre qui ont été ren- dus tant à la prédication qu'aux écrits des faints Apôtres ; arrêcons-nous un inftant fur le caraétère de l'Evangélifte de qui nous apprenons la dernière prophétie, Regardons l'Evangile qui la contient | comme tout autre écrit, Comme tOutaus | tre témoignage humain , qui devient | croyable à proportion des marques de vé- rité quilerelévent. Il n’y a rien quirende fon récit fufpect:& toutes les préfomp- tions lui font favorables. On fait par les rapports du martyr S. Polycarpe , deS. Irénée , & d’Eufebe, que l'Evangélifte Jean faifoit fa réfidence à Ephèfe , où il éroit connu & honoré de toutes les Eglifes d’Afie. Ce n’eft point fon Evangile qui a introduit le Chriftia- nifime dans ces quartiers : mais c’eft ia connoiffance de la Doctrine Apoftolique, & l’eftime fingulière des vertusdeS. Jean, qui ont fait recevoir avec vénération fon Evangile , écrit le dernier des quatre. C’étoit toujours la même hiftoire, (4) qu’on tenoit de la bouche des témoins oculaires qui en avoient été les prédica- (a) Sicut tradiderunt qui ab initio ipf videruns € minifiri fuerunt fermonis. Luc 1.2. | | DE. LA NATURE. 79 | teurs ; mais mieux circonftanciée en plu- | fieurs points. | Il n’y avoit point de témoignage qui füc humainement plus croyable que le | fien. Dansla difperfion des Apôtres conf- | ternés par la crainte, il étoit refté feul aux | | pieds de fon Maître jufqu’après fa mort : ce qui nous a procuré le récit plus dé- | taillé de l’infcription mife fur la Croix; | du fortjerté fur la robe de Jesus; & du | | | | vinaigre qu'on lui fitboire. C’eft lui qui * nous rapporte les dernières volontés du + Sauveur, & le foin qu'il prit de fa Mere, _ enluiaffürant l'entretien néceffaire fur le _ bien & fur l’amicié de Jean , dont ce tefta- ment fait lagloire. Il nous rapporte auffi la circonftance de l’ouverture du côté de Jesus après fa mort; &il y fait l’applica- tion de la prophétie qui prédit que le Chrift fera percé de coups par les fiens, & qu’un jour ils reconnoîtront celui qu'ils ont percé. L’Evangélifte Jean eft le feul Apôtre qui ait éré exactement témoin de tout. Mais il n’étoit point feul. Il s’y trouvoit avec une multitude d’affiftans, ou curieux de nouveauté, ou ennemis zèlés de Je- fus-Chrift, & plus ardens à lui ôter l’hon- neur que la vie. Toutes ces circonftan- ces dont ils avoientété inftruits par leurs LA De- MONSTR. EVANGEL. Zachar. 12.10, LA DE- MONSTR. EVANGEL, 80 Le: SPECTACLE yeux , les mettoient en état de confondre le récit de l’Evangélifte s’il s’écartoir de. la vérité. Il y avoit pour lui des hommes plus à | craindre encore que les ennemis de l’E- vangile. Dans la recherche que nous fai- fons ici des moyens humains qui pou- voient naturellement faire recevoir fon récit, nous devons pareillement faire état de ce qui pouvoit le décréditer dans la fuppoñition d’impofture. Son hiftoire de- voit offenfer la délicateffe ou la jaloufie des autres Difciples , en s’atiribuant, comme il fait par-tout, la qualité de Di/- ciple bien-aimé ; en fe glorifiant d’avoir recu chez lui cette Mere vénérable dont Jesus lui-avoit fait le leg fpécial ; enfin en couvrant tous les Apôtres de la honte d’a- voir fui, accufation peu néceffaire au pro- grès de l'Evangile. Mais vous voyez par-tout dans les ré- cits de S. Jean, la confiance d’un homme qui ne craint ni les réfurations, ni les defaveux, ni les plaintes. Vous y trouvez l’exacticude d’un témoin parfaitementinf- truit, qui rapporte fans apprêt & fans choix ce qui fait pour fa caufe , ce qui y paroît indifférent , même ce qui y femble contraire, par cette unique raifon qu’il yévoit, & qu’il dit les chofes naïve- ment , DE LA NATURE. SI ment , comme elles fe font paflées fous fes yeux. Selon les régles de la plus faine criti- que, l’exacte conformité du récit des ex- péditions de Céfar avec les circonftances des lieux & des affaires d'alors en démon- tre la vérité, quoique le témoin n'eût , au rapport de Ciceron & de Sallufte, ni droiture ni religion. À plus forte raifon, cette exactirude à rapporter les plus petits détails, & à fe foutenir fans méprife dans ces noms de lieux, de perfonnes , & d’af- faires publiques, eft-elle une démontftra- tion de vérité, quand le témoin eft d’une probité reconnue, Si cette preuve pouvoit acquérir quel- que nouveau degré de force, c’eft parèe que l’Evangélifte ajoûte à la vertu la plus éminente une fimplicité d'enfant. On en peut juger par la candeur de fes lettres. Commentun homme aufli fimple auroit- il été l’inventeur d’un récit dont il feroit impoffible au fourbe le plus confommé d’affembier les circonftances fans bron- Cher dans fa marche à tout inftant , & fans être fréquemment convaincu de faux? Il n’y a donc aucun témoignage qui raffem- ble plus de caractères de vérité, que le récit de l’'Evangélifte Jean. D'où il Auit que fi l’on a réfolu de - Tom. VIII. Part. IL. F La DE- MONSTR. EVANGEL. La DE- MONSTR. EVANGEL, 82 LÉ SPECTACLE foupconner de la fourberie dans la fin- gulière prédiétion des trois œuvres ré- fervées à l’efprit dont les Apôtres feroient remplis aufli-côt après le départ de leur Maître, l'Evangélifte en eft déchargé. Tout au plus il peut avoir été trompé par un homme plus fin que lui, & avoir rap- porté fes paroles avec trop de crédulité: mais puifque le fait eft réel, & que ces pa- roles font forties de la bouche de celui à qui on les attribue ; comment veut-on qu’un fourbe life jufte dans l'avenir le pius prochain, & dans un avenir très-éloigné ? Les trois points prédits , ou très-ancien- nement couchés dans l'Evangile de faint Jean, ont commencé à s’accomplir auffi- tôtaprès la retraite de Jefus. On vit auffi- tôt des fociétés de pénitens & de juftes à Jerufalem, à Samarie, & chez les Payens eux-mêmes. Le Dieu d'Abraham, c’eft-à-dire , le Créateur qui avoit promis à Abraham de bénir en fa poftérité toutes les nations, leur eft annoncé au nom de fon defcen- dant ; & la décadence de l’idolâtrie com- mencée à cette prédication va toùjoursen augmentant de fiécle en fiécle. C’eft fur- tout la perfévérance de cet accompliffe- ment dans un avenir éloigné , qui fait con- noîre de quelefprit l’Evangélifte & fon DE LA NATURE. 83 Maître étoient animés. Il n’yadoncici aucune fourberie, ni dans celui qui ra- conte , ni dans celui qui prophétife , & la Mifion Chrétienne eft divine. Une dernière remarqué mèt encore mieux cette prophétie au-deflus de tout foupcon. Saint Jean ne la publia d’abord que de bouche comme le refte de la vie de fon Maïtre. Il n’écrivit que tard , & lorfque le premier fiécle étroit fort avancé. Les deux premières parties de la prédic- tion, nous l'avons vû , s’accompliffent de toute part. Mais ces commencemens de pénirence & de fainreré pouvoient n'être pas durables. Le troifième point de la prédiction qui écoit le plus important, & le plus vifiblement réfervé au pouvoir de Dieu feul , n'avoit pas à beaucoup près fon accompliffement marqué. Du vivant de l’Évangélifte l’idolâtrie fubfiftoit, & avoit écrafé les Avôtres même. Les ef- forts de la philofophie & de la puiffance temporelle durantles fiécles fuivans, fem- bloient devoir anéantir le Chriftianifme. Il fut réfolu plufieurs fois de convaincre de faux les prédictions du Meflie: mais ces efforts rendent témoignage à la pro- phétie & la conftatent. L’idolâtrie n’eft plus, & la parole de Jefus-Chrift a fon efFèr. F ï La De- MONSTR. EVANGEL. La DE- MONSTR. EVANGEL. Les obf- tacles fuf- cités à l’ac- compliffe- ment des prophé- ties, ont été pro- phétifés. - 84 Le, SpEcTrACuE Ces obitacles qui ont rendu la pro- phétie plus célèbre en la contredifant de’ deffein prémédité ; ont été prophétifés eux-mêmes. Jefus-Chrift a prédit à plu- fieurs reprifes, & d’une façon très-mar- quée , que la doctrine du vrai Dieu & les bonnes mœurs alloient s’introduire dans la fociété ; que l'Evangile feroit porté d’une ville à l’autre , & s’y foutiendroit malgré des combats perpéruels. Quand un homme qui n’a point recu l’efprit prophétique fe mêle d'annoncer l'avenir, il faut du moins qu'’ilne fe mette pas en contradiction avec la plus conf tante expérience. On pouvoit prévoir hu- mainement que la doctrine de l'Evangile trouveroit des oppofitions. Maisilne fal- loit pas fe flatter que les fuccès feroient conftans comme les perfécutions. La con- noiffance du cœur humain montre bien le contraire : & il eft d’une infigne témé- rité, de prédire qu’une doétrine fera toû- jours traverfée & toûjours floriffante. Il fuffit même que des opinions ceffent d’é- tre protégées pour tomber dans un difcré- dit général. Les Dieux des Grecs & des Romains n’ont point d’abord fouffert de perfécutions. Jamais les Empereurs de- venu Chrétiens ne firent mourir ni les prêtres des idoles ni les Idolâtres. Lorf- DE LA N'ARUR'E. 8 que la police ferma les temples des Dieux dans les villes, le culce Sen maintint dans les campagnes, 7 Pagis : d’où eft venu le nom de Paganifme. Peu après cepen- dant le feul défaut de protection y fit enfin renoncer totalement. On plaida fans fruic pour la confervation de l’autel de la paix & du temple de la vitoire. Bacchus & Vénus , ces divinités enjouées , pour qui tout l’univers devoit prendre parti, font combées comme les autres ; & fans nos théâtres elles n’auroient plus nulle- part ni autel ni afile. Toutes les fois qu’on a voulu attaquer les religions dominantes, renverfer l’an- cienne police, ou changer les coûtumes des peuples ,ona trouvé, ileft vrai, plus ou moins de réfiftance. Mais cout céde avec le tems. On fe laffe de lutter contre le torrent. L’amour du repos amène infen- fiblement des idées nouvelles: & il n’eft poincde changemens que ladurée des per- fécutions n’aitintroduits. Il n’a été donné qu’à la foi des promefles & à la fainteté des mœurs chrétiennes d’éprouver des attaques perpétuelles, foit du dehors, foit du dedans, & de ne pas fuccomber. La prédiction en eft donc d'autant plus tou- chante qu’elle étoit fans vraifemblance ; & que pour l’accomplir dans fa plénitude, Fij La De- MONSTR, EVANGELe 86 LEt SPECTACLE La Dr- les hommes qui font naturellement doux MONSTR. envers ceux qui ne leur font point de EVANGEL. AE ENDELS : mal, font fortis de leur caraétère dans l’acharnement qu'ils ont montré à pour- fuivre le Chriftianifme. D'une autre part , ileft naturel à l’hom- me de fe détacher de ce qui ne lui attire que des difgraces, quand elles ne font compenfées par aucun dédommagement réel. Mais quoique la confervation de l’'Eglife au milieu des fecouffes que les Puiffances temporelles & l’efprit humain lui ont toûjours fufcitées , foirune preuve fenfible de la Providence qui veille fur elle, & lxioûtient contre toute vraifem- blance, cette preuve tire uneilluftration parfaite de la prédiétion qui a été faite d’une chofe fipeu croyable. Jefus-Chrift ne fe montre pas aétuellement lui-même : mais fa parole n’en paroît que plus puif- fante : & par l’accompliffement immortel de fes promeffes univerfellement publiées Heb. 13.8. avant l’évènement on fent “ qu'il étoit » hier, qu’ileftaujourd’hui, & qu’il fera » dans tous les fiécles. La confer- S'il fe trouve après la religion Chré- Re. tienne une fociété perpétuellement mal- Tuifpr traitée & cependant indeftructible, c’eft dite par J. Ja religion & la nation Juive. Mais la C.&égale- ; RAT. < . mentfans Confervation de celle-ci n’eit pas moins DE LA NATURE. 8 l'ouvrage de celui qui a immortalifé le Chriftianifime ; & qui à côté de fon Eglife a confervé l’ancien dépôt des preuves qui la manifeftent , en confervant l’au- tenticité de l’ancienne écriture avec le peuple à qui il l’a confiée. Enfin ce qui démontre pleinement la divinité de cetre longue & peu vraifemblable confervation dans l’adverfité , c’eftencore la prédiction célèbre que Jefus-Chrift en a faite. Qu'on retufe tout établiffement aux Juifs; qu'on les contraigne à fuir dans d’autres climats, ou à fe tenir cachés dans le nôtre ; qu’on les admette à fe montrer parmi nous à des conditions à peine fup- portables ; qu'on les dépofféde enfüite, comme il eft arrivé prefque par-tout, du peu de terrain qu’on leur avoit accordé À comme une faveur fingulière ; qu’on les haïffe ; qu’on les écrafe:ils fubfifteront. David, Zacharie, & Jefus-Chrift ontan- noncé que les habitans de Jerufalem bé- niront un jour l’Envoyé du Seigneur, après l'avoir mis au rebut ; & qu'ils re- connoîtront celui qu’ils ont crucifié. Quoique ce foic un grand fujèt de fur- prife , de voir tout un peuple confentir perfévéramment pendant une très-longue faite de fiécles à être malheureux, quand il peut ceffer de l'être en renonçant à quel- F ii] La DE- MONSTR. EVANGELe vraifem- blance, La Des- MONSTR. EVANGEL, 88 LE SPECTACLE ques opinions; ce n’eft pas uniquement la durée de ce peuple coupé par pelotons, qui donne droit de recourir au miracle: & nous ne difons point que toute opinion perfécutée {oic pour cela même une doc- trine célefte. Par exemple, on a vû les Gaures (4) qui ont eu pour maître Zo- roaftre, qu’on croit avoir vêcu fous Da- rius fils d'Hyftafpes , (2) fubfifter long- tems dans la Perfe, puis fe fauver dans d'Inde plütôt que de renoncer à leurs pra- tiques nationales. On les retrouve encore au Mogol; & il fembie conféquemment qu'on puiffe être dans l’humiliation & fubfifter long-tems. Mais quoiqu’on doive remarquer que les perfécutions fufcitées aux Gaures ont été pañagères, & qu’ils jouiffent paifible- ment dans l’Inde d’une liberté qui ne s’y refufe à aucune religion ; il y a une autre raifon de difparité, qui ne fouffre point qu’on mette leur confervation en paral- lele avec celle des Chrétiens ou des Juifs perfécutés. Nous ne féparons pas les deux marques des deffeins de Dieu fur un peu- ple, qui font de fe conferver malgré les attaques les plus perfévéramment réité- (a) Ceux qui fe difent adorateurs d’un feul Dieu fous:le fimbole du feu. C’eft le fentiment que leur at- tribue M. Hyde, de Relig. Perfar. (b) Humphrei Prideaux, Hiff, of the Fews, DE LA NATURE. 89 rées , & d’en produire la prédiction dif- cinéte. Ce n’eft ni la profpérité ni l’adverfité qui fait preuve des intentions fpéciales de Dieu : mais c’eft la profpérité ou l’ad- verfité prédire & fidélement accomplie qui porte le carattère de l'Efprit divin. Ïl n°y a que Dieu qui puiffe favoir la def- tinée future des Chrétiens , des Juifs & des Gaures. Il n’y a que Dieu qui puiffe dire ce qu'ils deviendront deux mille ans après la prédiétion. Mais Dieu ne nous a rien annoncé fur les Gaures ; nineles a difperfés parmi le genre humain pour y être témoins & confervateurs de quel- qu'infigne vérité : au lieu qu'il a prédic par Daniel & par Jefus-Chrift la longue dif- perfion des Juifs ; & par les Apôtres ,com- me par la bouche de leur Maître, la per- pétuicé fi peu vraifemblable de la doctrine évangelique , malgré des traverfes toù- jours nouvelles jufqu’à la fin des généra- tions humaines. Ils ajoürent à cette pro- phétie la réunion d’Ifraël à l'Eglife Chré- tienne dans les derniers tems : & c’eft un évènement qui n’eft pas encôre fous nos yeux, parce qu'il eft le dernier. Tous ces évènemens qui ont été dès le commencement de l’Eglife Chrétienne la preuve lumineufe de la miflion de Je- LA DE- MONSTR: EVANGEL. La DE- MONSTR. EVANGEL. 90 LE SPECTACLE | fus-Chrift & de fes Prédicateurs, ont ac- | quis un nouvel éclat avec la fucceffion des | tems ; puifque l'étendue & la force de la preuve augmentent comme la fidélité & ! l'étendue de l’accompliffement, En ef. | fèt, aux perfécutions des trois premiers | fiécles ont fuccédé des combatsintérieurs encore plus redoutables, les difputes, l'intrigue , l’avarice , le fafte. Avec les Princes & la multitude des peuples, tous les vices font entrés dans l'Eglife. Elle eut une infinité de membres qui la des- honorèrent..Elle en eut qui travaillèrent à la ruiner, & qui ceflèrent d’être fes mem- bres. La raifon humaine toûjours enne- | mie ou peu contente de la régle de foi qui la tient en captivité, attaqua tour-à- tour la divinité du Verbe, puispeu-à-peu | tous les articles de la commune &inva- | riable créance. La philofophie furprifeel- | le-même des maux qu'elle a caufés,aen- ! core l'injuftice de les reprocher au Chrif- tianifme, L’Eglife eut à fouffrir de la barbarie des peuples du Nord, qui fem- bloient fe relayer pour la tenir dans des allarmes perpétuelles. Elle n’eut pas moins à foufrir de l'ignorance du moyen âge & de routes les paflions qui l’ont dé- chirée : en un mot, elle devoit toûjours fouffrir & toûjours fubfifter. pe LA NATURE. 91 Cette démonftration eft principale- ment pour nous. À cet égard, la condi- tion des derniers rems de l'Eglife acquiert un avantage fur celle des premiers. Ou plücôc il fe trouve une juite compenfa- tion de lumière , qui mèt tous les fiécles en état de fe convaincre de la révélation évangelique. Les premiers fiécles ont vû les œuvres de l’efprit tout-puiffanr : les fuivans & les deniers fentent de plus en plus que Jefus-Chrift & fes Envoyés font le centre où viennent fe rendre les pro- phéties précédentes, & d’où il part d’au- tres prédictions qui fe juftifient d'âge en âge. De certe forte, l’efprit de vérité n’a ceffé & ne cefle de juftifier par fon té- moignage immédiat , la réalité de la mif- fion chérienue. Nous avions promis de montrer qu’elle eft divine, fi l’Efprit faint l’a juftifiée par les preuves que rapportent les Evangé- liftes. Mais nous avons déja fait plus. La condition n’eft plusincertaine, & les faits fe trouvent réels. Sans faire aucun effort pour prouver la divinité des Ecritures ; il nous fuffit que ce foient d'anciens livres publiés par-tout avant l’accomplifflement d’une multitude d’événemens très-peu vraifemblables qui s’y trouvent prédits. Voilà le fceau de l'Efprit faint; & la mif- | La DE- MONSTR. EVANGEL. "LaIDEs MONSTR. EVANGEL, | Joan. 20. 29. 92 LE SPECTACLE fion dont ces livres annoncenc la perpé- tuité , ne va point fans fes preuves. Mais rous les hommes n'étant pas éga- lement à portée ou d’avoir vû les œuvres miraculeufes , ou de faire la comparai- | fon des prophéties anciennes avec les évè- nemens ; ces premières lettres de créance que les Envoyés produifoient, & qui peuvent encore être examinées par des! yeux attentifs, ont été fortifiées ou rem- placées pour tous par d’autres témoigna- ges très-nombreux les plus dignes de foi que les hommes puiffent rendre à ce qu'ils ont vûü ; & qui, de la forte, ne faifant qu’un avec les témoignages précédens, | » rendoient ceux qui avoient cru fans » Voir les œuvres , aufli heureux que ceux » qui les avoient vüûes. ( | 1 | | | EE Le témoignage du Bapiéme. Je paffe donc du témoignage de l’Ef prit à celui de l'eus, c'eft-à-dire , au | changement de ceux qui recürent d’a- bord le baptême : parce que ces deux té- moignages reviennent au même, le fe- cond fuppofant le premier , & devant en cenir lieu. | | DE LA NATURE. 9 | Quoïqu’on n’ait pas vû les lettres-pa- tentes de l’éreétion d’un fiége Préfidial , G pu d’une Cour fouveraine , on en ft également für par les atteftations de ceux “qui en ont pris connoiffance : on l’eft par | la perfévérance de la République à main- jrenir ces Tribunaux; & par l’acquie{ce- ment des Provinces qui y portent leurs affaires. Un témoignage peut donc être remplacé par unautre , fans crainte d’illu- fion. C’eft ainfi que le témoignage rendu [par le Pere à fon Fils au jour de fa tranf- figuration, & les témoignages rendus par l’'Efpric fainc à la miflion des ouvriers Evangeliques , ont été fuppléés par les témoins de ces œuvres en faveur de ceux qui crurent fans les avoir vûes : & bien loin que ceux-ci foient blâmables d’avoir cru ; leur acquiefcement à la prédication & aux Ecritures Evangeliques fur le fon- dement du témoignage des premiers Fi- déles , étoit une conduite infiniment rai- fonnable ; puifqu’ils avoient, pour y ajoücer foi, des motifsincomparablement plus forts que ceux qui déterminent tou- tes les démarches de la fociéré dans les affaires les plus importantes. Nous fai- fons avec la plus parfaite tranquilité un contrat de vente, dans la perfuafion qu'une terre nous appartient; que l’aéte La De- MONSTR. EVANGEL« La DE- d’acquifition en eft dans nos mains; que | l minute en eft chez tel Notaire; que : MONSTR. EVANGEL. 04 LE SPECTACLE nous l’avons toûjoursaffermée fans trou- ble ; quoiqu'il fe pourroit faire, fi quel- qu'un avoit entrepris de nous jouer par | des apparences adroitement préparées, | qu'il y eûc de l’illufion dans le tout. Cette ! illufion devient impoñlible dans les faits | qu'on nous propofe à croire; à propor- tion du concours des trois ou quatre ca= raétères fuivans. 1°, Que les objèts & les faits qu’on nous rapporte n'aient pas été vüs dans l’obfcurité par manière de preftiges, mais au grand jour; ni une feule fois en paf- fant, mais en plufeurs lieux, & d’une façon durable qui permette à l’œil de S’aflurer de ce qu'il voit. 2°. Que les faits rapportés foient liés entr'eux en forte qu'ils fe confirment mu- tuellement , que les feconds fuppofent les premiers, & qu'avoir vû les uns foit au- tant qu'avoir vû les autres. 3°. Qu’ilne puifle y avoir eû de con- cert entre les témoins qui rapportent ces chofes aux perfonnes qui ne les ont pas vûes. 4°. Que les témoins donnent toutes les aflurances qu’on peut exiger de leur exactitude & de leur defintéreffement. | DE LA NATURE. Ces caraétères n'ont aucun befoin d'é- tre développés. Il ne faut que les appli- : quer. Ce que l'Évangile préfente n’eft pas une opinion imaginaire, créée dans tune tête , & arrangée à avec art. C’eftune füice de faits bien atreftés. Les œuvres Ée l’'Efprit de Dieu qui ont été produites ‘en preuves de la miflion Evangelique, & publiées par les premiers Chrétiens, m'éroient nullement fujetres à ilufion , foit qu’on les confidère en elles-mêmes, foit qu’on les confidère par les difpofi- tions de ceux qui les rapportent. Pouvoit-on fe méprendre avec d’au- tres , avec douze autres, avec cinq cens autres, en attendant la voix de JEsus après fa réfurreétion, en touchant fes ci- catrices, en le voyant agir & manger au milieu de fes Difciples ? Les Eglifes pouvoient-elles fe mépren- dre fur le fait de la réfurrection, lorf- qu'on les avertifloit trente ans après cet évènement, que la plüpart des cinq cens freres qui avoient vû le Sauveur reffuf- cité, écoient encore en vie? Ceux qui n'avoient pas vû le Chrift reflufcité , avoient pù être témoins de l'effufion de fon Efprir. Ceux qui n’a- voient pas vü les miracles de Pierre, avoient vü ceux d’un autre Difciple. Les La De- MONSTR. EVANGEL, La De- derniers faits tenoient lieu des premiers: | MONSTR. EVANGEL, Eufeb. FHiff, Ec- clef. 96 Lie: (SPEETAE HE & tous étoient preuve foit de la vérité de Ja réfurreétion , foit de la divinité de la., miflion & de l’Ecriture Evangelique. | Toutes ces chofes étoient inféparables : | une feule prouvée, tout étoit prouvé. Les témoins qui les avoient vûes, tous | chées ,ou entendues, fe préfentoient par | tout fans concert, fans foupçon, ni ap | parence, foit de crédulité, foit d’impof: | ture. Les fidéles du fecond fiécle étoientcon- | vaincus tant par les faits dont ils étoient | témoins eux-mêmes, que par les faits | qu'ils tenoient des premiers témoins les plus refpectables de tous. La Gréce & Jltalie , très-probablement la Gaule & l’'Efpagne avoient vü & entendu S. Paul, ou $S. Marc, ou $. Clément. Les habi- | tans de Lyon joignoient leurs connoif- fances perfonnelles au récit qu'Irénée leur faifoit de ce-qu'’il avoit vû & entendu du vénérable Polycarpe fon maître. Ce- lui-ci rapportoit aux Eglifes d'Ionie les converfations qu’il avoit eùes avec faint Jean l’Evangélifte, & avec d’autres Dif- ciples, fur les actions & fur les paroles du Seigneur. Ces feuls exemples nous en font concevoir dix mille , qui étoient les mêmes par-tout. Cat | | tre écoutés. C’éroient des hommes faits | & avec connoifflance de caufe. Les Juifs | | DE LA NATURE. | Ceux qui rendoient aux Miniftres de La De- l'Evangile le témoignage d’avoir vû leurs MONS re ; Ë ,4 EVANGEL, œuvres écoient parfairement dignes d'é- qui étoienc devenu Chrétiens par choix, convertis avoient , Conformément aux avis des Apôtres, comparé les promef- fes & les prophéties avec les évènemens. Les Genti!s avoient vü un concourséton- ZI. Perr. nant d'œuvres merveilleufes qui écablif- ‘foient la même miflion. : Perfonne n’ignore combien il y avoit peu à gagner pour les témoins de ces merveilles : & cette preuve de leur pro- bité a été maniée trop de fois pour avoir befoin d'être retouchée. Au lieu de mon: trer de nouveau toutes les paffions,& tous les intérêts humains réunis, pour écrafer les premiers Fidéles ; arrétons-nous à ce qu'ils eurent à éprouver de la part de leur propre cœur : nous comprendrons par leurs combats intérieurs que la feule force de la vérité en a fait des témoins. Si vous exceptez une efpéce de gens Force du qu'on a de bonne heure accoûrumés aux témoisna- entreprifes hazardeufes par l'attrait du parlespre- pillage , & en qui le grand ufage des cri Rs. mes a ruiné la confcience, ou éteint le refpeét des loix ; tous les hommes font Tom. VIIL. Part. IL. G 98 Le SPECTACLE La De- fortement attachés à la religion dans la- MONSTR, EVANGEL. quelle ils ont été élevés. Ils ne tiennent pas moins fortement à leur patrie & aux intérêts de leur famille. I] n’eft pas aifé | non plus de rompre les liens qui les atta: | chent à une demeure , à des poffeflions, | à des plaifirs ou à des pratiques dont ils ont contracté une longue habitude. Ce | font tous ces liens enfemble qui arrêtent | . ceux à qui l'Evangile eft annoncé , & qui | les retiennent d'autant plus fortement | que: ce font des liens agréables. Com- | ment réfifter à une femme éplorée qui | remontre à fon mari le défaftre inévitable que fa créance va faire tomber fur tout | ce qu'il a de cher. On conçoit ici mille obftacles également terribles qui doivent | naturellement rendre l'Evangile infruc- | tueux., Je ne vois point d'hommes fur la | terre quine doivent yapporter une oppo- | fition invincible, s'ils écoutent leursinté- | rêts, ou feulement leurs préjugés. , Les pré Annonce-t’on l'Evangile aux Juifs? tugés des Juifs, en- Ils font pleins de vénération pour leurs | tièrement pratiques extérieures, pour la loi qui les | contraires ‘y: c | il'Evangi. ditingue des autres peuples, pour la fa- le. mille qui exerce le facerdoce, pour le pays que Dieu leur a accordé en propre. | Leur temple eft le lieu que le Seigneur | a choifi pour y faire fa demeure. Ils fe- | il s - DE LA NATURE. ront à jamais le peuple de Dieu. Ils font les enfans d'Abraham & d’Ifaac ; la pof- térivé chérie. L'avenir le plus “brillanc leur eft réfervé. Ils attendent un Meflie qui les mettra en honneur en leur fou- mettant les nations. Comparenc-ils ces idées avec la doctrine Evangelique ? On leur déclare que la loi, le temple, le fa- cerdoce , & la conceflion du pays de Cha- naan , ne font que des préparatifs ; divins à la vérité; mais paffagers , qui fervoient à régler & à contenir la nation dépoñitaire des promefles jufqu” à la manifeftation du Mefie ; qu'il doit être mis à mort; que fon facrifice fera déforimais le feul que Dieu agrée ; qu’on n'en célébrera plus d'autre ; qu'après certe œuvre accomplie le temple va être fupprimé , & le facer- doce anéanti ; que le Meflie au lieu d’être le conquérant des Narions , en va être le Doëteur & le Sauveur ; qu'il va leur com- muniquer par {es Envoyés le culte du vrai Dieu, & en faire des enfans d’A- braham par la foi ; que les Juifs qui fe croyoient le peuple de Dieu par exclu- fion , ne feront plus fon peuple ; & que la nation qui a abreuvé de fiel & crucifié fon propre Roi , felon la parole des Pro- phétes , va être, felon les mêmes pro- phéties, arrachée de fa terre natale, pour G ï s* La De- MONSTR, EVANGEL, La DE- MONSTR. EVANGEL, plus < qu’une paflion brutale, fe convertit | en fureur : & au lieu d'écouter les faits, | des prophétiess ils fe bouchent les yeux æent contre la loi de leurs peres. Ce font! 100 LE SSPECTACLE demeurer efclave & vagabonde parmi routes les nations. Quelles impreffions une telle annoncé! doit-elle naturellement faire fur les Juifs? Leur premier mouvementeft de ne vou- | Joir ni rien examiner, ni rien voir, ou entendre de ce qu'on leur dit, ou qu’on | leur montre au doigt. Leur zèle qui eft | déréglé par l'amour propre, & qui n'eft | ou de voir le rapport des évènemens avec | & les oreilles : ils commencent par pour- | füivre, même par lapider les Prédicateurs. On fent ici quelles révolutions ont dùû | fe faire dans le cœur d’un Juif, pour le! détacher de fes premières penfées, & pour! lui en faire prendre de fi différentes. Qu'un! témoignage a de force quand il eft rendu! à une vérité de fait par des cœurs qu'elle! gagne au milieu de fes préventions ! Un! Paul , un Silas, un Barnabé convertis de Ja forte, ne font ni des fanatiques échauf-! fés dès l enfance par les difcours de leur! famille , ni des indépendans qui fe révol-| des hommes prudens & de fens raflis,| qui comparent les promeffes qu’on eur a faires avec les.effèrs qu'ils voient, & quil L | DE (L'AT NATURE Toi ien loin de méprifer la loi de leurs pe- res, commencent à en fentir la vraie ex- cellence , en recevant les biens réels dont elle étoic la préparation & l’annonce. Delà le foin extrême que prend faint Paul dans toutes fes lettres adreflées aux Eglifes où il y avoit beaucoup de Juifs convertis, comme dans celles aux Ro- mains & aux Galares, à plus forte raifon aans l’épicre aux Hébreux ; de leur faire obferver dans la loi dont ils avoientcon- noiflance , une économie & des defleins que ni lui, ni eux n’y avoient vûs; mais que les évènemens leur mettoient nette- ment fous les yeux. Porte-r'on l'Evangile chez les fchifma- tiques de Samarie? Ils refpeétenr Moife , & ont la nation Juive en horreur. Ilsne pourront donc ni entendre dire-que da loi de Moife n’a plus d'exercice ; ni fou- tenir la penfée de recevoir des Juifs l’ac- compliflement des promeffes , & l'an- nonce du falur. L'Evangile eft-il porté aux Gentils ? Tlsboiïvent l’iniquité comme l’eau. Point de régle qui les gêne. Leurs plaifirs au contraire , fonc autorités par la religion publique, & -confacrés comme des ac- tions agréables à autant de divinités fpé- ciales , qui prennent foin de les récom- G ii La De- MONSTR, EVANGEL» Oppoñition- des Sama ritains à l'Evangile, Préver- tions des Gentils contre l’E- vangile. LA DE- MONSTR. EVANGEL: Difpofition des Philo- fophes. 10% Le: SPelCTacLEe penfer. Les nations les plus puiffantes fe font toures préoccupées très-forrement de cetre pentée, qu'il falloit être fcrupu- léufement fidéles aux Dieux auteurs de leur profpérité, & fermer févérement la porte à toute religion étrangère. Porte-r’on l'Evangile dans les écoles des Payens ? Les Philofophes malgré leurs divifions fe réuniflenc tous en un point; qui eft d’idolâtrer leur raifon, & d’efti- mer peu Îe rapport des fens. Comment recevront-ils une doctrine dont le pre- mier but eft d'humilier la raifon ? com- ment recevront-ils une doctrine qui git en faits , & qui n’eft point l’ouvrage de leur intelligeuce? À coup sûr ils rejette- ront l'Evangile , & préféreront leur juge- ment aux atteftations les plus claires, dont ils fe débarrafleront en traitant les - rapports les plus uniformes de tous nos fens , de moyens illufoires, & peu pro- pres à inftruire un Philofophe. Prenez les hommes dans telle nation & dans celle façon de vivre, ou de penfer qu’il vous plaira : il faut en leur adreffant l’Evan: gile, les réfoudre à refondre routes les idées qu’ils ontprifes, pour s’en former de neuves ; à renoncer à cout ce qu'une lon: gue habitude & l’applaudiffement de la coûrume paroifloit rendre aufli eftimable DE, LA, NATURE, 103 que néceflaire. Il falloic cout enfemble les réfoudre à embraffer une religion pleine de gravité, une régle impitoyable, qui pour remédier au libertinage des fens, & à la fierté de la raifon, réduifoit la rai- fon & les fens en captivité. Par un nou- veau furcroît d’obftacies , il falloir rece- voir des leçons de créance & deconduites d'une nation qu’on favoit deftituée de phi- lofophie , & à laquelle fon extrême fingu- larité avoit attiré un mépris univerfel. Mais de quoi les Emiflaires de certe nation font-ils porteurs ? Ilsannoncentau genre humain qu’il faut reconnoître pour Sauveur & pour Maître, un homme qui s’eit dit plus grand que les Prophétes ; antérieur à Abraham; mis fous les veux. d'Abraham comme paffant par avance de la mort à la vie ; né avant cous les tems dans le fein du Pere ; le Fils de l'Homme tout enfemble, & le Fils de Dieu ; l'héri- tier de toutes chofes ; qui s’eft dit la Sa- gelé venue d'en haut; qui en un mot s’eft dir Dieu ; mais qui a œpendant ha- bité parmi nous dans un corps mortel, & a foufferc la mort. Il eft vrai qu’on l'annonce revenu à la vie : mais il ne pa- roi pas ; & les biens qu’on promèt de fa part font éloignés & invifibles. Veut-on qu'à propos d’un évènement G iii] La DE- MONSTR. EVANGEL« | La DE- MONSTR, EVANGEL, 104. Lr SrecracrE incroyable dans la difpofition où font tous” les-efprits, & fur la parole de quelques diféoureurs fans talent, les hommes re- noncent à leur façon de vivre , à leurs plaifirs, à tous les agrémens d’une reli- gion brillante & fenfuelle? Les hommes ne fe mettent pas à l'étroit de gayeté de cœur. [l n’y a rien fur-tout dontils foient plusjaloux que de l'indépendance de leur raifon. Et fi peu, fi peu qu’elle leur ait produit par leurs recherches perfonnel- les, ils ont peine à fouffrir ce qu - ne peuvent concevoir. Tels font cependant les facrifices qu'on fairpar-tout en devenant Chrétien. Préju- gés , habitudes, poffeflions , raifonne- mens, liberté de fentimens, voilà ce que les hommes metcent par-rout fous leurs pieds. Il faut qu’il y ait eû des évènemens bien finguliers , pour produire de tous côtés cette révolution : & l’on peut juger de la force des motifs qui ont couché les Juifs, les Gentils, les Barbares , les Phi- lofophes même, par le renouvellement univerfel qui s’eft fair en eux. Nouvelles idées, nouvelles efpérances manifeftées au dehors par une vie toute nouvelle. Jefus-Chrift fait entendre à un Doéteur de la loi qui le confulcoit, quelle eft la nature de ce renouvellementintérieur que DR DATINATUNE FOX l'Evangile doit opérer danslescœurs:& La De- il compare cette opération fpiricuelle au Ft fouflle de l’air dont on entend la voix, ; & dont on reflent les fecoufles, quoi- , 2” 3 qu’on ne fache ni d’où il part, ni où il fe porte.ft Ce n’eft pas aflez, dit-il, que » l’homme renaifle d’eau ,(en faifant par une purification extérieure la déclaration publique de vouloir changer de vie, }) » mais il faut qu’il renaifle de l’Efprit; qu'il change d’idées & d’inclinations ; que l’Efprit en faffe un homme nouveau. On ne voit ni d'où provient en lui ce changement, ni le terme & les efpéran- ces où il le conduit. Maïs la force de l’ef- prit qui le touche, & la conviction des biens que le fidéle attend, fe montrent au dehors par'une réforme qui embrafle toutes fes attions & fa vie entière. Cette vie admirable qui après les liber- tés & les énormités précédentes füuivoit perfévéramment le Baptême , éroit donc l’expreflion la moins équivoque du chan- gement que la vüe des miracles & la grace venoit d'opérer en eux. Ainfi quoique la raifon fût confondue dans les objèts de la révélation , & ‘que les biens promis fufflentinvifibles ; Dieu honoroit l’intelli- gence de l'homme , & vouloit qu'il fût Chrétien par une détermination fage,, en LA De- MONSTR. EVANGEL. 106 LeE.SpEceTACLE le frappant au dehors par des motifs aux- quels la prévention ou les paflions feules pouvoient réfifter. ILE Le témoignage du Sang. Je m'apperçois que j'ai fait fencir par avance tout le mérite du troifième té- moignage , qui eft celui du fang. Car l’homme n'ayant rien de plus à cœur que fa vie, s’il la facrifie plûrôt que de defa- vouerce qu'ila vü, entendu , & touché, c'eft le plus fort témoignage qui fe puiffe produire d’une chofe fenfible. Cette at- teftation fe nomme fimplement LE Mar- TIRE , le témoignage. Le martire eft en effèc la preuve par excellence, parce que fi celle-là n’eft pas reçue en matière de fait, ou de chofes palpables & foumifes au commun rapport des fens, il ne faut plus recevoir ni dépofitions , ni actefta- tions. Il eft impofñlible de rien conftater. Lettres de noblefle, chartres , titres d’ac- quifiion , prife de poffeflion , lectres- parentes, fceaux, promulgations de loi, notoriété, tous ces moyens d'être inftruics de ce qui a été vü, de ce qui a été dit ou réglé, deviennent frivoles & fans vali- dité. Ce fonc routes chofes fenfibles : il | DE LA NATURE. 107 | n’y fauc plus faire fonds. Il n’y a donc | plus de certitude, ni de jufte fécurité en rien. Car fur quoi comptera ’on donc, fi l’on ne reçoit pas le témoignage que plufieurs hommes fages & de fens raflis, que des hommes de tout âge , de tout érat, de tour caractère , & de tout pays s rendent fans fe connoître , en différens tems, en tous lieux, à des chofes qu’ils ont vûes, on entendues ; fans être ébran- lés ni par linfamie , ni par les rigueurs, ni par la perte de la vie. Nous n’avons rien de comparable à ce témoignage. Il peur y avoir des fous : mais la folie ne fut jamais un mal épidémique. Rien n'eft fi peu à fa place que le dif- cours qu’on a coùtume de rebattre à l’oc- cafion des Martirs du Chriftianifme.“ Les fauffes religions , dit-on, fe vantent ; d'avoir eù les martirs, Je fais qu’on peut mourir pour le Ma- hométile , & pour toute opinion dont on s’eft laiflé prévenir. Mais mourir pour une chofe qu’on n’a ni vûe, ni apprife par des rapports certains, c’eft attefter fa perfuafion , non la chofe même. Celui qui meurt plütôt que de defa- _ vouer le voyage de Mahomèt au Ciel, dont qui que ce foit n’a éré témoin, n "at tefte que fa propre prévention en faveur La DE- MONSTR. EVANGEL Ce qu'à faut pen- fer de ceux qui meureit pour une opinion. 108 LE SPECTACLE La Dr- de ce célèbre Arabe. Il n’y a point de MONSTR, EVANGEL, Mahométan qui fe foit jamais donné pour: témoin oculaire d'aucune partie de la miflion du prétendu Prophéte. Quelqu'un l’a-r'il accompagné fur l’efcalier de lu- mière? quelqu'un a-v'il vû le grand coq, & exactement pris fes dimenfions ? quel- qu'un au défaut du mefurage des Cieux fait par lui-même , a-r'il entendu des Ex- perts qui lui aient certifié cet arpentage, & ces curiofités fi peu importantes à la fanctification des ames? C’eft trop infif- ter fur des chofes ridicules. Le Maho- métilme, & toutes les révélations qui fe font paflées dans le fecrèt, peuvent bien avoir des confefleurs : mais elles n’ont point de martirs. Au contraire quelqu’incroyable que paroiffe un évènement , il y a lieu à le démontrer par un témoignage vraiment juridique & convainquant , lorfque les témoins ont pü faire ufage de leurs yeux, de leurs oreilles, & du concours de tous leurs fens , fur-rout s'ils l’ont fait fans con- cert, fid’autres qui ne les connoiffent pas y joignent de femblables rémoignages , même au péril de leur vie. L'homme ne peut donner une plus grande preuve de fa fincérité, ou de fa perfuafion. Mais comme cette perfuafion pE LA NATURE. 109 n’eft rien quand on n’a nivû, ni appris les faits par le témoignage de ceux qui les ont vôs ; cette perfuafion d'avoir vû & fuivi les faits, quand elle eft atteftée par la perte de la vie même , eft la plus forte preuve de la réalité des faits qui fe font paflés fous le foleil. C’eft de la forte que le Martire eft la grande preuve du Chriftianifme , & l’équivalent de rous les autres témoignages. Ceux qui par des motifs que nous nous difpenferons d'approfondir, ont eflayé de réduire les témoins de la véritéde l’'E- vangile à un très-petit nombre 5 Ont été parfaitement réfutés par les faits infinis, & par les autorités refpectables que Dom Thierry Ruinard a rapprochés dans la célèbre préface qu'on lit à la tête des Vrais Aëtes des Martirs. Ces paradoxes ne font pas moins réfutés par un nombre infini d’Écrivains contemporains, & par une foule de monumens réels, qui pour n'être pas des piéces par écrit , ou des faits détaillés, ne laiflent pas d’être des preuves ingénues des exécutions barbares que le Chriftianifime occafionna par-tour. On mettoit les Chrétiens aux prifes avec les bêtes dans toutes les arènes que cha- que grande ville ambitionnoit d’avoir à limitation de Rome. Les prifons, les La De- MONSTR. EVANGELe 4 Co 110 LE"SPECTACLE La DE- galères, les carrières, & les mines étoient NMONSTR, EVANGEL, remplies de Chrétiens. [l y a même plu- fieurs faits qui démontrent que la haine du Chriftianifme , malgré la douceur & des précautions de plufieurs Empereurg modérés, avoit dégénéré par-tout en fu- reur, & occafionné le maflacre de plu- fieurs familles à la fois. Je n’en produirai qu'un trair. On retrouve dans les cimeriè- res qui étoient autrefois hors des portes de nos anciennes villes , des lieux que la piété des fidéles a roùjours diftingués par Je nom de Cimetières des Martirs. En y creufañt pour faire des fondations, ona fouvent trouvé des combeaux de tuf, de pierre , ou de craie , dans lefquels font couchés des fquélertes , avec des clous enfoncés dans les coudes & fur la tête , ou avec des broches de fer qui les traverfent par les épaules en fe croifant fous la poi- trine. Quelques-uns de ces tombeaux fe font trouvé affez fpacieux pour contenir à la fois plufieurs grands corps, & plu- fieurs petits d’une taille inégale. (4) Pref- que tous portent les marques d’une fem- blable cruauté. On voit ce que cela figni- fie. On n’ajamais fait fouffrir aux enfans des malfaiteurs, la peine dûe aux crimes (a) Voyez Rom. fubterr. Gallonius, & Pref. Hiffor. Merropel. Remenf. Domsi Marlot. | | | | DE LA NATURE 11 de leurs peres :& la fépulture honorable qui fe refufe aux fcélérats a vifiblement été procurée à ces familles , par le même Efpric qui eut la force de demander à Pi- lace le corps de Jesus, & de le dépofer avec diftinétion dans un caveau qui n’a- voit pas encore fervi. Les Auteurs des trois premiers fiécles, & les trois anciens continens, font pleins non de veltiges équivoques , mais de mo- numens très-exprefMifs de la conftance & du nombre de ceux qui ont donné leur fang plücôt que de defavouer les faits dont ils étoient partaitement inftruits. D'habiles critiques (4) en ont recueilli & fair valoir les preuves, en écartant non- feulement le faux, mais même l’incertain. Cette preuve qui eft proprement le té- moignage des témoignages ,.s'eft accrue . comme le nombre des Chrétiens, & s’eft fortifiée crois cens ans de fuire. L'œuvre du falut avoir déja ceffé d’être locale,» par l’univerfalité de la prédication : mais comme toute la terre a entendu les Pré- dicateurs , & vérifié leurs écrits ; route 14 terre a vû couler le fang des témoins: & Jefus-Chrift avoir donné par avance à ce témoignage une force invincible, en prophétifant contre toute vraifemblance, (a) Adrien Baïllet, & les Bollandiftes, : LA Dr- MONSTR. EVANGEL, ro Le ;SPECTACLE La DE- qu'il lui feroit rendu devance les tribunaux Evancer. des Juifs, & des Gentils. | "Par tout ce qui précéde il eft fenfible qu'on ne peut raifonnablement douter de la coexiftence des livres du Nouveau Tef- | tament , & des Eglifes qui nous les ont | uniformément atteftés & tranfinis. Les | témoignages rendus par le Pere à fon Fils | & à fes Envoyés, font également sûrs, | puifqu'’ils fonc rapportés par ces livres, & en même-tems remplacés aux yeux de ! toute la terre , tant par le changement des nations converties, que par la mort conftante d’un foule de témoins. O-BHJHE-C, T0 Voici ce que j'ai oui avancer de plus fpécieux pour infirmer cette preuve, par | des perfonnes qui avec beaucoup de juf- | tefle & de conféquence dans l’efprit, ne « laifloient pas d’héficer fur la certitude de | la révélation, par un effèt de l'habitude | où nous fommes tous de perdre de vüe | des preuves claires quand notre raifon y | oppofe une demi lueur, ou feulement | quelques obfcurités. Nous ne difconvenons nullement, di- | foient-ils ,que l'Evangile n’aitune parfai- | te proportion avec les befoins de l'hom- | me, | DEL AL/AS NrauT'U RE ‘119 me, foit pour humilier fa raifon préfomp- tueufe en l’affujètiffant à la régle de la ré- vélation ; foit pour incliner fon cœur à la pratique de toutes les vertus néceffaires à la fociété , en lui en préfentant les exem- ples les plus forts, & les motifs les plus touchans. En ce fens nous applaudirons toûjours au Chriftianifme. Nous n’avons point d'amis plus folides que les vrais Chrétiens. Nous avouons encore à la gloire de l'Evangile, qu’en le mettant en _ parallele avec la doétrine des hommes les plus judicieux, tels qu’ontété Socrate & Confutius ; celle-ci eft froide & deftituée d'encouragement , n’ayant rien de plus pour animer nos efpérances que quelques raifonnemens conformes au goût d’un petit nombre de perfonnes qui réfléchif- fent ; mais fupérieurs à la portée du com- mun des hommes. Or qu'eft-ce qu'une morale qui n’eft que pour les Philofo- phes ; pour des gens qui fe croient rous capables d’en faire une autre encore plus belle? Au lieu que la morale de Jefus- Chrift eft incelligible aux plus petits. Il ne fe pouvoit rien concevoir de plus po- pulaire que de nous montrer l’un d’entre nous déja placé dans la gloire qui ef ré- fervée aux autres. Mais ce n’eft pas affez que l’annonce de cette œuvre foit belle Tom, VIIT. Part. IT. H La De- MONSTR. EVANGEL» 114 LE SPECTACLE La DE- & touchante : il faut pouvoir en admi- mr ne niftrer les preuves dans tous les tems ; & FTANSEL c’eft ce qui ne paroït pas facile aujour- d'hui. Si l’Evangile s’annonçoit comme une fimple hiftoire, ou comme un traité de philofophie ; nous ne ferions pas éconnés d’en voir paroiître des interprétations dif- férentes , ou des preuves plus ou moins viaifemblables. Mais on nous préfente l'Evangile comme une alliance que Dieu fait avec l’homme. Et dans la vérité il le faut pour le befoin de la multitude qui fe perd dans une opinion difputable , mais qui entend crès-bien les promefles faites à Abraham , & l'alliance préfentée par fon defcendant à cout le genre humain. Or il n’y a point d’alliance fans ambaf- fade; & cette ambaflade doit néceffaire- ment être une comme l'intention de celui qui l’envoie. Comment donc accorde- rons-nous l’indifpenfable unité de la mif- fion avec la multiplicité des miniftères qui changent la doctrine, qui s’entre-con- damnent, & qui cependant nous difenc tous avec une égale confiance : Venez & nous : nous fommes les Envoyés ? Quand enfin il refteroit dans la fociété un miniftère qui s’y montrât avec des marques plus avantageufes que n’en ont DELLA UNATURE -115 les Auteurs des nouvelles fetes ; il fau- droit que ce miniftère pût prouver fon envoi comme le Parlement de Paris prou- ve fa Royale inftitution ; ou par fes Let- tres-patentes, ou en remplaçant la lecture de celles-ci par fon Grelfe, par fes privi- léges , & par les atteftations perpétuelles de tout ce qui l’environne, En cela le Par- lement ne fe rend pas témoignage à lui- même ; il n'eft que porteur des témoi- gnages qu'ila d’abord reçus, & continué de recevoir. Mais en eft-il de même du miniltère Evangelique ? peur-il aujour- d’hui faire revivre les témoignages des œuvres de l’Efpric, & les témoignages humains qui ont été rendus à l’œuvre Evangelique? Quand il feroit réel qu’ils ont été rendus; ce n’eft plus qu’une très- ancienne renommée : il n’eft plus poffible de les difcuter , ni de les comparer avec ce quien pouvoic sûrement montrer la force , ou l’invalidité. Le tout eft fi loin denous, que c’eftcomme s’il n’étoit plus. Mais fi l'éloignement & la difficulté d'éclaircir les preuves de la miffion en ont ruiné la certitude, les Porteurs de l’allian- ce , quels qu'ils foient , n’ont plus que des owi-dire | pour alléguer les droits qu'ils s’accribuent. Ils fe rendent témoi- gnage à eux-mêmes, au lieu " {e préfeu- ïj La DE- MONSTR. EVANGEL. La DE- BIONSTR, EVANGEL. bu LE SPECTACLE | ter à la fuite d’un témoignage qui les pré vienne : & l'Evangile n’étant plus qu'une affaire de raifonnement , nous ne lui voyons plus d'autre mérite que la fingu- lariré des hazards. Il en fera comme de la métempfycofe de Pythagore, qui à trouvé grace chez les Bramines; ou de cette beauté intellectuelle de la vertu, qui roucha Socrate , & après lui quel- ques fectareurs capables de penfer. Il ne fuffit donc pas, ajoüre-r’on, de ‘produire comme l’ont fait tant d'Ecri- vains, les preuves de la religion Chré- tienne. Le commun des hommes ni ne lit, ni ne peut entendre ces difcuflions : :& ceux qui y trouvent le plus de vrai- femblance , ne font pas beaucoup plus avancés. Le principal point leur manque. La religion Chrétienne fe donnant en effèr pour être effentiellement l'alliance de Dieu avec les hommes, c’eft de cette | alliance qu'il faut adminiftrer la preuve toüjours vivante , toùjours intelligible | aux moins inftruits, comme aux plus fa- vans. Il faut leur montrer une commiffion donnée & clairement perpétuée : car on ne peut être sûr, ni des vrais articles de l'alliance que par ceux qui ont la com- miflion de l’annoncer; ni fur-tout de la réalité de leurs pouvoirs que par des }| ; | DE LA NATURE, 117 | témoignages qui fe puiflent coñjours vé- rifier. Mais fi les lettres de créance , ou | les témoignages équivalans ne fubfi itenc plus , Comment nous les produira-t’on ? Nous n'avons point vü les œuvres de | l’Efprit qui pouvoient prouver la miffion: nous n'avons point vü couler le fang des témoins qui en étoit comme le rempla- cement. Les actes de leur martire font perdus , & des légendes communément - fabuleufes en ont pris la place. Le mi- niftère reftant fans preuve , l'Evangile peut-il paffer pourune alliance réelle ; & n'avons-nous pas un jufte fujèc de crain- dre que le tout ne dégénère en illufion ? Pour répondre à cette difiiculté qui eft crès-preffante, & qui fuppofe notre propre divifion de matières ; c’eft une né- ceflité indifpenfable de montrer la perpé- tuité duminiftère qui eft porteur de j’al- La De- MONSTR. EVANGEL. liance ; & la perpétuité des témoignages . qui garantiflenc l’un & l’autre à toutes les générations. \ &, En RS H ii La DE- MONSTR. EVANGEL, 118 LE SPECTACLE CORTE CRE LE MEL La perpétuité des Témoignages rendus au Minifière Evangelique. Ette multiplicité de fectes détachées du corps de l’Eglife, qui indifpofe tanc de perfonnes , ne deshonore que l'efbrit particulier qui en eft l’auteur , & n’affoiblit en rien la certitude du Chrif- tianifme. Le gouvernement d’un Etat ceffe-t’il d’être unique & reconnoiffable, parce qu'il fe montre dans quelques Pro- vinces des troupes de mécontens, qui fans avoir entre elles aucuns liens ; ont chacune à part leur bannière, leur nom, & leur méthode? On peut divifer le nom Chrétien : Mar- cion , Manès, & Arius fe peuvent dire Chrétiens : mais on ne peut non plus di- vifer le Chriftianifme qu’on ne peut divi< fer l’Apoftolar. Il n’y a qu’un Dieu, qu’un Médiateur , qu’une alliance, une foi, & un corps très-connu d’Ambaffadeurs qui fera le même pour tous les fiécles. Où fera l’Apoftolat, là fera le Chriftianifime, Les auteurs & les fauteurs des fchifimes fonc voir qu'ils ne connoiflent pas, ou be LA Navmums. | 11 n’exécutent pas la volonté de leur Mai- tre, qui n'a pas mis dans la bouche de fes Envoyés des paroles de contradiétion , ni faic partir plufieurs Ambaffades au lieu d’une. Il faut donc que les Miniftres fchif- matiques ou n'aient point recu de pou- voirs, ce quirend leurs plus beaux talens inutiles pour le falut de ceux qui lesécou- tent; ou qu'ils aient perdu à notre égard le droit d’être écoutés , en exerçant à l’é- cart & dans l’indépendance , une miflion qui devoit s’adrefer en tout tems à l'U- nivers entier, & s'exercer folidairement. Les deux grands objèts qui ont occupé le Sauveur fur la terre, font la rédemption du genre humain par fon fang ; & le foin d'établir un miniftère capable par les le- çons & par la forme qu'il lui donna de porter à ous les peuples les mêmes do- gmes avec les preuves de cer envoi. C’eft pour prévenir toutes les démarches arbi- traires de la raifon humaine; c’eft pour fiser à jamais les fidéles par le moyen le plus familier, & le plus sûr, que Jefus- Chrift a adreffé à toutes les nations & à tous les fiécles fon Apoftolar, c’eft-à-di- re, un corps d’Ambaffadeurs indiffloluble & immortel. Dans le deffein de former fon Egjlife de Juifs & de Samaritains , de Grecs & H ïiij La D£- MONSTR. EVANGEL, Précau- tions de J. C.pour rendre fa mifion toûjours reconnoi£=- fable. La De- MONSTR. EVANGEL, Luc. 6. 13. 190 # LE TSPECTACLE de Barbares, il ne commença point par leur préfenter un livre, parce qu’un livre peut être fufpect aux uns , intelligible pour d’autres, & différemment entendu. T ne jugea pas à propos de leur préfenter un Prédicateur unique, parce que cet Envoyé n’auroit pü être préfent par-tout, & qu'il auroit pû abufer de fon pouvoir fe voyant feul chargé de l’œuvre. Mais il leur adreffa un corps de Députés, aux- quels il avoit commandé d'annoncer con- joinrement, & jufqu’à la fin des fiécles, ce qu'il leur avoit prefcrit ; foit en le pu- blianc de vive voix, foi en le mettant par écrit. Ce miniftère auquel Jefus-Chrift lui- même a donné le titre d'Ambaffade , gu0s © Apoftolos nominavit , coupe pied à tou- tes les entreprifes del” efprit de l’homme: puifqu’# ef? comme les autres minifières, ‘anflitués par manière de compagnie ; inf- titution dont l'effét comme l'intention no- toire ef? de prévenir , ou de fupprimer les nouveautés & les vües perfonnelles. faut en même-tems, puifque ce miniftère doit être perpétuel , que fes preuves laccom- |! pagnent & le rendent toûjours recon- ! noiffable. Le moyen de juitifier la per- | pétuité du miniftère & de fes preuves eff fous nos yeux. Ileft dans toute la fociété. DE LA NATURE. 1o1 Les exemples s’en trouvent dans chaque nation, dans chaque province, & dans chaque ville. Quand nous lifons dans l’hif- toire de France, quel Roï a rendu le Par- lement de Paris fédentaire, qu’on ajoûte à quelle intention il fit cet établiffement, à la décharge de qui , avec quelles obliga- tions & quelles attributions ; nous deve- nons certains de la vérité de cettehiftoire, en voyant le même corps fe foutenir juf- qu'aujourd'hui avec toutes les marques publiques de fa royale inftitution. Cette hiftoire par elle-même ne fait point preu- ve : mais elle eft prouvée par les témoi- gnages fubféquens & permanens. De mê- me, nous trouvons la miflion Evangeli- que dans une hiftoire aufli ancienne que l'Eglife, & avouée de toutes les fociétés qui fe font dit Chrétiennes dès le premier fiécle. Nous ne produifons point cette hiftoire pour preuve de l’établiffement du miniftère Apoftolique : moins encore avons-nous recours à l’infpiration des li- vres qui la contiennent. Indépendamment de l’efprit qui en a dirigé les Ecrivains, leur hiftoire ne peut manquer d’accufer juite à l'égard du miniftère unique & im- mortel , fi cet établiffement qu’elle rap- porte fe perpétue dans;tous les fiécles ; tobjours dans fa première forme ; toûjours La Dr- MONSTR. EVANGEL. “ 122 LE SPECTACLE La De- accompagné des témoignages qui le ren- MONSTR. ÊVANGEL, dent reconnoiffable, & qui n’autorifent que lui. Commençons par les traits qui caractérifent la million dans le récit de tous les Evangéliftes. Nous en verrons enfuite les effèts juftificacifs & perpétuels dans la fociété. 1°, Jefus-Chrift en quittant la terre, n’adreffa rien aux hommes par écrit: mais il leur adreffa l’Apoftolat. Auffi l’'E- glife fuc-elle formée avant que la parole de la prédication füc écrite ; & jamais aucune Églife n’a été formée par la lec- ture d’un livre, mais par la prédication des Envoyés. La foi vient de l'ouïe & de Rem. 10. la parole qui a été préchée. 37. Quand bien même les Prédicateurs au- roient préfenté d’abord un traité écrit, encore auroit-il fallu préalablement faire connoître leur perfonne, & certifier le traité par la juftification de leur envoi. Cela fe pratique chez les peuples policés, & chez les peuples barbares : parce que tous veulent être sûrs des perfonnes avec qui ilstraitent. L’Apoftolat devance donc l'Ecriture. 29, Jefus-Chrift en écabliffant le minif- tère n’a point parlé à un feul Miniftre, mais à plufieurs enfemble. 74e. Docete. C’eft donc un corps d’Ambaffade qu'il | | DE LA NATURE. 123 envoie, & qu'il nous faudra retrouver. 3°. La commiflion de ce corps em- braffe touteda terre. Docete omnes genies. Le miniftère n’eft donc point local dans fa toralité. Il n’eft point comme le facer- doce Lévitique attaché à une ville & à un temple unique. Il eft univerfel. | 49. Quoique difperfé par-rout, ce mi- niftère eft étroitement aftreint à une doc- :trine unique, & porteur précifément des ’ mêmes intentions, comme doivent l’être tous ceux qui compofent une ambaffade, ou une magiftrature. On ne les mèt en corps , on ne les affüujettit à la loi des cor- refpondances & de la fubordination, que pour empêcher le partage & les caprices de l’efprit particulier. Docentes eos fer- vaie ommia quecunque mandavi vobis. | [yaura donc concert & folidité dans le miniftère : fans quoi nulle uniformité dans la commiflion , nulle certitude dans | le traité; chacun le pouvant interpréter à fa façon , s'il fait fon œuvre à part, & fans en être comptable envers fa compagnie, 5°. Jefus-Chrift en établiffant des Paf- teurs & des Docteurs, leur promit fon .afliftance pour tous les jours jufqu’à la confommation des tems. Æcce ego vobif- cuin [um omnibus dicbus ufque ad confum- maïionem [æculi, C’eft donc une légation La DE- MONSTR, EVANGEL» 102 LE) SPEC TAC ue à La DE- permanente & une œuvre immortelle. ane. Si la légation ne fubfifte plus , toute cette VANGEL. 2 = pe dr œuvre eft fans réalité : & fi cette œuvre dure jufqu’à la fin des tems, elle fe per- pétue par une ambaffade qui ne peut être qu’une d’un bout du monde à l’autre, En füivant littéralement les paroles de l'Infticuteur, voilà une compagnie mife en régle, qui a pour objèt le falut des hommes par la participation de la doc- trine & des mérites du Chrift; pour dé- partement toute la terre ; pour durée tous les fiécles; pour premier devoir de ne dire que ce que la première légarion a recu de fon Infticuteur. Mais on apper- çoit qu'il faut ici quelque chofe de plus. Puifque le Miniftère Chrétien eft une compagnie établie à demeure & pour toû- jours, elle doit , comme toutes les autres, avoir les moyens de créance qui autori- feat & fonc connoître , même long-rems après l'infticution, toutes les compagnies permanentes. Ces moyens font deux. 10. La publicité du Miniftère & de fes preuves. 2°. L’unité des Miniftres ,ou leur fubordination qui n'en fait qu'un corps. La publicité mèc au grand jour les té- moignages qui font rendus : à la miffion: & l’unité ou la fubordination régulière des membres qui agiffent chacun à leur DE LA NATURE, 195 | manière , au nom d’une compagnie & de La De- »| a part du légiflateur qui l’a autorifée, pes | | manifefte le légitime ufage d’un même | pouvoir, quoiqu'exercé par différentes | perfonnes, en différens tems & en diffé- rens lieux. Ceux qui font hors de cette unité, ou n’ont rien reçu, OU abufent de tout. Ici rien n’eft arbitraire : ces régles font faites avant nous : elles font avant l'Eglif Chrétienne, & fonc les mêmes par-tout. Ce font les loix de l'humanité: c'eft par elles que les hommes font sûrs de leur étac : & le Verbe en fe faifant homme , a conformé l’établiffement de fon Eglife aux moyens qui notifient tous les établiffemens. Il s’eft bien gardé de foumettre fon alliance & fes volontés à l'examen des Philofophes, ou à la déci- fion des beaux efprits , qui fonc à cet égard auffiignorans que le refte des hommes , & plus dangereux, parce qu’ils font plus fuf- fifans & plus fufceptibles de vûes paffion- nées : mais il a préfenté fon alliance & les vrais biens à tous les hommes par la voie qui fait leur sûreté , par un miniftère pu- blic & autorifé. Qu’un homme s’érige en ambaffadeur, ou entreprenne d'établir une chambre de judicature , en s’affociant des collégues & des fubalternes : on n’y a point d'égard, | | | | 1260 Lx,SpecTacLE … La De- parce qu’on fait d’où il vient; ou qu'on Évances, jait même très-certainement par le fimple EVANGEL,. défaut de témoignage qu ’ils’eft arrogé ce pouvoir , & qu'il n’en a point de réel qu'il puifle communiquer à qui que ce foit. D'une autre part, qu’un membre légi- time du Sénat de Gênes, ou de quelqu'au- tre confeil public ,entreprenne de former un tribunal à part, pour régler d’une fa- con nouvelle les affaires d’une vallée ou d'un bourg, & qu'il veuille pour cela fe rendre indépendant du corps dont ils’eft détaché : fon entreprife eft vaine. L’hom- me le plus ignorant peut en fentir l’in- fufifance. Chacun fair la nouveauté de ce démembrement. Il porte un nom dif- férent du Sénat de Gênes, & il n’eft ni avoué ni fouffert : ou s’il fe prévaut de quelques fupports pour fe maintenir, il ne peut ni anéantir l'autorité de l’ancien Sénat, ni tranfinettre à d’autres un pou- voir légitime. L'auteur de la première entreprife s’ar- roge ce qu'il n’a point reçu : l’auteur de la feconde abufe vifiblement de ce qu'ila. Le premier ne pouvoit devenir juge qu’é- tant incorporé à la compagnie qui a les pouvoirs ; & l’autre , quoiqu’envoyé, perd le fruit de fa miflion, parce qu’il ne DE LA NATURE 197 l’exercepas conjointement avec lesautres Envoyés , & conformément à l’inftitution du miniftère commun. On faic le lieu & le jour où il a commencé à faire bande à part. Depuis ce jour-là fon œuvre a ceffé d'être celle du corps dont il s’eft retiré. Par une fuite néceffaire de ces régles univerfellement reçües , il nous eft à rous aufli aifé de favoir s’il y a un traité d’al- liance qui nous réconcilie avec Dieu , que de favoir s’il y a un traité de paix entre la France & la Hollande. Ce n’eft point pour nous une recherche pénible de fa- voir où eft le miniftère qui mèt l’homme en fociété avec Dieu par Jefus-Chrift. IL eft public:il fe préfente avec tous fes té- moignages dans l’Eglife qui a notoire- ment étendu fa foi à tous les tems & à tous les lieux. Nous n'avons pas befoin de montrer en détail que telle & telle fociété , comme celle des Ebionites, celle desManichéens, celle des Arriens, ne font point l’Eglife de Jefus-Chrift ; puifquele miniftère qui les a affemblées eft de nouvelle intro- duétion , & qu’il a prétendu , contre toute régle, dégrader le miniftère ancien qui étoit immortel, pour fe mettre en fa pla- ce. Nous n’avons pas befoin de montrer que la fociété des Coptes, ou celle des La De- MONSTR. EVANGEL, | | La DE- MONSTR. EVANGEL. Parc. 1 6 . 15. 198 LE SPECTACLE Arméniens n’eft pas l’Eglife de Dieu, puifque le miniftère qui îles gouverne, quoique provenu de la vraie Eglife, a rompu avec le corps de l° ambaflade uni- verfeile, & condamne comme anéanti un miniflère qui continue jufqu’à la fin des fiécles à fructifier d’un bout du monde à l’autre. L’Eglife Catholique eft celle qui fait porter la parole de vie 4 route créa- ture; celle qui montre l’ancienne & im- mortelle ambaffade, toüjours reconnoif- fable par ce qui a toûüjours caractérifé toute ambaffade ; je veux dire par la pu- blicité des témoignages qui l’accompa- gnent, & par l’unité quiélève les actions de plufieurs miniftres à la gloire de deve- . nir les attions du corps entier. I. La publicité du Minifière Catholique; & de l'Eglife Catholique. C’eft un langage finonime de dire que l'Eglife Catholique, ou que le Miniftère Catholique fe montre en tout tems & à | toute la terre, avec des témoignages par- faitemencclairs & certains. Eneffèr,quoi- que l’Eglife foic fort différente du Minif- tère ; quoique les fidéles qui compofent l'Eglife DE.LA NATURE 129 l'Eglife n’aient reçu ni conféquemment pû donner de pouvoirs à perfonne; & que le miniftère lui vienne néceffairement de Dieu qui a daigné traiter avec elle, c’eft pour elle qu’eft le miniftère : c’eft pour elle que font les Envoyés & le Chef de la mifion : Omnia vefira [unt , [fve Apollo, five Cephas. C’eft par ce minif- tère qu’elle jouit de tous fes titres. Elle n’eft sûre des biens qui s’acquièrent chez elle, & ne les promèt avec confiance , que par la certitude où elle eft de la fainteté de fon miniftère. Elle confeffe que c’eft Jefus-Chritt qui ef l’auteur & le confom- mateur de fa foi ; qu’il eft le Maître uni- que de qui elle tient fa doétrine ; qu’il eft le modèle de fes mœurs & le principe de fa juftice : c’eft par lui qu’elle eft fainte, & que la fainteté eft en tout tems com- muniquée au moins à un nombre de fes membres. Mais comme iln’yauroit point d'alliance pour elle ni pour perfonne, s’il n’yavoit point d'Envoyés ; elle eft aurori- fée à fe dire l’Eglife fainte , unique , & catholique, s’il eft notoire qu’elle a recu l'unique ambaffade qui apporte aux hom- mes la bonne nouvelle & les biens de l'alliance. De cette forte, elle a la fainteté intérieure que l’Efprit faint communique aux juftes , & qui ne fe voit pas. Elle a en Tom. VIII. Part. IL, Ï La Der- MONSTR. EVANGEL, I. Cor. 3e 22e 150 . (LE SPECTACLE La De- même-tems la fainteté extérieure & fenfi- svances. Die qui eft l'avantage de tout le corps, & ” ” ‘à laquelle tous les particuliers, même les mauvais Chrétiens, ont part; étant no= coirement unis au Miniftère qui a lespou- | voirs. Elle connoît & annonce les titres | qui la diftinguent, parce que c’eft chez elle, & uniquement chez elle quefe re- | trouve la forme conftante de la première & irrévocable miflion. Perfonne ne peut ignorer que la forme régulière & conf- tante des établiffemens publics eft ce qui en maintient le fond & quien montre les pouvoirs, tant qu'ils ne font point révoqués. Cette forme ôtée, la fociété ne fait plus à quoi s’en tenir. Si donc il y a un Apoftolat immortel, nous de- vons par la forme extérieure du minif- tère qui perpétue le premier envoi , re- ‘trouver fans équivoque la vraie Eglife que ce miniftère eft venu former & fervir. A côté du miniftère nous devons retrou- ver la perpétuité très-fenfible des preu- ves qui ont d’abord manifelté la miflion, | & érabli le Chriftianifme. Ajoûtons que les progrès de certe perpétuité qui fe retrouve uniquement dans l’Eglife Ca- | tholique , font les mêmes que dans une compagnie de judicature , & dans une | Chambre fouveraine qu’on reconnoiît | DE LA NATURE 131 long-tems après fon établiffement fans ambiguité & fans crainte de méprife. Certe efpéce de tradition , ou de tranfmif- fion , quine demande nilivres , nilectures pour être entendue, n’eft pas feulement publique, maisinfaillible. Elle cient à des élections, à des réceptions , à des attes pu- blics, à des bâtimens dont chacun fait l’u- fage ; à ranc demoyens confpirans & per- manens, qu’il ne fe peut rien trouver de plus certain dansla fociété. La lecture des lettres d’établiffemenc ne fe réitère pas tous les jours : elle n’a même été faite qu’au commencement, & ne fe demande plus. Cinq cens, ou cinq mille témoins , la chofe eft indifférente, ont d'abord entendu faire cerre lecture. Leur témoignage eft enfuice remplacé par l’acteftarion de ceux qu'ilsenontinftruits; par l'exercice même des Miniftres qui commencent l’établiffement ; par l’incor- porarion publique de ceux qui leur fuccé- dent, & qui rempliffent les places vacan- ces ; par l’acquiefcement des peuples qui portent leurs affaires à ce Tribunal ; par la diftinétion des Chambres, & des affaires dont elles connoiffent ; par la diverficé des fonctions affignées aux différens meme bres qui les compofent;, par la perpé- ruicé des lieux, des ufages, des habits, & I ïj La De- MONSTR. EVANGEL. “La De- MONSTR. EVANGEL. Perpétuité des témoi- gnages de J'Efpricqui a formé l'Eglife Catholi- que. 192% L'EUSTECTACLE des priviléges qui leur font affe&tés. Le concours de ces circonftances eft équiva- lent à la réitérarion journalière des témoi- gnages de l’établiffement : il y fupplée. Les pouvoirs accordés par la puiflance léciflative dans les affaires temporelles, ne font pas plus vifibles que les droits & l'envoi du miniftère Catholique : & comme ces pouvoirs temporels font at- teftés extérieurement par des marques durables, les droits de l’Eglife Carholi- que fe produifent avec la même évidence par la confervation de fon extérieur, & par la publicité des témoignages rendus d’un jour à l’autre à fon miniftère. Suivons cette comparaifon dans quelque détail. Les cinq cens Difciples qui eurent le bonheur d'entretenir en Galilée le Sau- veur refflufcité , & les huit mille Juifs qui fe convertirent aux premières prédica- tions de S. Pierre , appuyées des mer- veilles de l’'Efprit faint, voilà avec les Apôtres les premiers garants de la mif- fion de Jefus-Chrift. Les autres fidéles qui grofirenc bientôt l’Eglife de Jerufalem, conjointement avec ceux qui dans toute la Judée dépofoient ce qu'ils avoient vû & entendu : voilà les nouveaux témoins de l’œuvre du Meflie, & des pouvoirs Apoftoliques, C’eft par eux que com- HELAUNATURE 195 mence la publicité. Cinq cens ou cinq mille témoins de la réfurreétion, huit mille ou quatre-vingt mille témoins de la defcente du faint Efpric, c’eft la même chofe pour les fiécles fuivans ; parce que les uns & les autres étant morts, leur témoignage a dû être remplacé par ceux qui les ont ouïs : or nous fommes aufli sûrs d’une atteftation univerfellement rendue au rapport uniforme de cinq cens témoins , que de celle qui auroit été ren- due à cinq mille. Si cependant on veut qu’il yait, même pournous, plus de certitude dans lesat- teftations rendues par les Fidéles du pre- mier âge au récit de cinq mille témoins de la réfurrection , qu'à celui de cinq cens; & à quatre-vingt mille témoins des merveilles de lEfprit fainc qu’à huit mil- La DE- MONSTR. EVANGEL, le ; je dis que l'Eglife jouit de cet avanta- - ge, & d’un avantage fort fupérieur. Elle a publié & tranfmis par des moyens sûrs à tous les âges fuivans, les dépofitions non de quelques centaines, ou de quelques milliers de témoins de la première mif- fion, mais d’une vraie nuée de témoins non-fufpeéts. ; Ils ne font point fufpeéts , parce qu’il ne peut y avoir ni illufion dans ce qu’ils ont vü publiquement, ni FondEo dans ii} LA DE- MONSTR, EVANGEL, 134 Le SPECTACLE le rapport de gens quine fe connoifloient pas. Ce n’eft pas un évènement unique, actéfté par les habitans d’une feule ville, À mais divers évènemens que des témoins L fans nombre affürent avoir vûs en diffé- rens pays dans des villes célèbres, dans ! une longue fuite d’années ; & tous évè- | nemens qui fuppofent le même pouvoir , | qui cendent à la même fin. Il eft égal d'avoir vû Lazare forti du tombeau après quatre jours de fépulture , ou d’avoir vû le Sauveur reffufcité. Plufieurs ont vûles merveilles & lespremiers dons del’Efprit: l d’autres ont vü les réfurrections opérées à | Joppé & à Troade : d’autres des miracles auffi peu équivoques : plufieurs les ont vûs la plüpart. Orattefter par troupes les faits poftérieurs, c’eft actefter la réfurrettion & l’effüufion des dons de l’Efprit fainc, | dont ils font les effèts & les preuves. De ! cette forteles premiers témoins non-feu- ! lement ne font point fufpeéts, mais fe | trouvent réellement innombrables. La ré- furreétion du Sauveur, & la miflion Evan- gelique , acquièrent par ce moyen une ! illuftration qui s'étend & fe perpétue de toute part. L'Eglife formée à Jerufalem ne ceffe de communiquer fes témoignages & fes preuves aux autres Eglifes naïflantes qui | | Il | DEULANNADUREZ 19 lui en rendent d’aufii couchans. Tour s’oppole à certe correfpondance : & elle s'établit avec une facilité qui eft elle-mé- me un prodige. La haine n’empêche pas les Samaritains de recevoir des Juifs le falut que ceux-ci annoncent. La jaloufie n'empêche pas l’Eglife de Jerufalem de fe réjouir à la nouvelle que l’Efprit faint qui avoit manifefté parmi eux fa préfen- ce, s'étoit communiqué de même aux nouveaux fidéles de Samarie. Quand on connoît les préjugés & les dédains des Ifraëlires à l'égard des nations idolâtres, on fent que la feule force de la vérité a pù porter les Juifs & les Samarirains con- vertis , à glorifier Dieu de ce qu’il avoit fait part aux Gentils du don de la péni- tence pour les conduire à la vie; au lieu qu'auparavant ils s’attendoient que leur Meffie n’auroit affaire aux autres nations que pour les écrafer , ou pour les mettre en fervitude. Les Grecs d’Antioche quoiqu’accoü- tumés à un langage poli, & à des difcours favans, ne s’offenfent point de la fimpli- cité de ceux qui leur apportent l’heureufe nouvelle. La vérité leur fufic, avec ce qui en eft la marque. L’évidence des faits l'emporte donc par-tout fur les haines nationales , fur le mépris qu'on faifoit I iïij La DE- MONSTR. EVANGEL» AG.1I.18. La DE- MONSTR. ÉVANGEL. P/clm. 86. 801, P'EMVSPEC PACTE des Juifs, & fur la doctrine de la Croix, qui féparée de fes preuves paroifloit une extravagance. Tous ne font plus qu'un peuple , une même ame, un même nom. Leur gloire n’eft plus d’être habitans de Jerufalem ou d’Antioche. L’Eglife eft formée. En quelque lieu qu'on foit, on peut prendre naiffance dans cette ville, & en être citoyen. Une telle publicité eft incomparable- ment plus grande que n’auroit été celle : d’une apparition du Sauveur, vü après fa réfurreétion dans le temple de Jerufalem en préfence de vingt mille habitans. Ce n’eûc été qu’un fait : & pour éluder une rencontre unique on allégueroit les illu- fions des fens , la magie, la fafcination. Nous ne ferions pas à beaucoup près auffi couchés aujourd’hui du témoignage rendu dans le fiécle fuivant au récit de cette apparition par les enfans des pre- miers témoins ,que nous le fommes des té- moignages rendus fans concert à la prédi- cation Apoftolique par ces Eglifes nom- breufes contre leurs inclinations, mal- gré leurs préjugés, malgré leurs querel- les, malgré l’intérêtle plus capital. Et de peur que vous ne vous teniez fur la dé- fiance à l'égard du Livre qui raconte quel- ques-uns de ces faits arrivés à Lydda, | DE LA NATURE. 137 à Joppé, à Damas, à Salamine, à Ico- nium, à Troade , à Philippe, à Theffa- lonique , à Corinche, à Malte, ou à Ro- me ; c’eft précifément dans ces lieux que fe forment fubitementdes Eglifes que les profanes y ont connues & arteftées, qui fubfiftent encore, & qui ont garanti tant les faits , que l’hiftoire qui les rapporte. C’eft ainfi que les Duché & Comté de Bourgogne font encore la preuve juftifi- cative de l’hiftoire qui établit les Bour- guignons dans ces quartiers. C'eft ainfi que le changement du nom de Gaule en celui de France, juftifie l'hiftoire qui in- corpore les Rois Francs aux armées Ro- maines, & qui nous en montre l’agran- diflement dans la décadence de l’Empire. Quand on parle devant certains efprits de l’établiffement de l’Eglife, il femble qu'on leur conte une avanture d’inven- tion , dont on a mis la fcène où l’on a voulu, par exemple, à Theffalonique, à Corinche, & à Rome, plûtôc qu’à Tor- neo de Laponie: & que pour la rejetter il fufife de dire: Nous n’y étions pas. L’Eglife étoit formée en Italie, con- formément au récit de S. Luc, fous les premiers fucceffeurs de Tibère ; puifqu’au rapport des Payens même, on brüloit fes enfans enduits de poix pour fervirde La De- MONSTR, EVANGEL, Faveual, 138 LE SPECTACLE La DE- fanaux; illumination digne des jardins & evances. des fêtes d’un Néron. L'Eglife éroit très- . nombreufe dès-lors dans toute l’Afie-Mi- neure, puifqu’un Magiftrart Romain en- voyé par Trajan en Bichynie , fut bleffé de voir conduire une telle multitude d’ha- bicans au fupplice , & d’être contrainc lui-même par l’ufage à les y envoyer, fans leur connoître d’autre crime que le nom de Chrétien. L'Eglife qui va fe perpétuer comme le Miniftère de qui elle a tout reçu, ne ceffera plus d’en atrefter les œuvres & les pouvoirs. Tous les nouveaux actes , tous les établiffemens que nous allons voir pa- roîitre dans ce corps difperfé par-tout, vont devenir non de fimples monumens hiftoriques, propres à exercer les favans, mais des témoignages populaires univer- fellement rendus au miniftère, auffi vifi- bles à rous , & auf immortels que lui. La première boucle de cette chaîne de témoignages qui tientaux premiers fidé- La feel Les & s’allonge jufqu’à nous, eft l'Ordi- publique nation publique. Ce fut en effèc la pre- Layer mière démarche des Apôtres à leur retour de la montagne des Oliviers , lorfqu'ils étoient encore tout pleins des régles que le Seigneur venoit de leur donner avant fon départ , & des promeffes d'un Mi- Pline le jeune. DE LA NATURE. 159 niftère qui dureroit comme la fucceflion des fiécles. , Le premier des Apôtres * fe léve au milieu de l’Eglife, qui confiftoit alors en fix-vingt perfonnes. Il y propofe l'élec- tion d'un homme parfaitement inftruit de la vie publique du Sauveur depuis le bap- tême de Jean jufqu’à la réfurreétion, & capable de remplir la place qui étoit va- cante dans le Collége Apoftolique. Toute l’Eglife fe mèt en prière, & Matthias re- çoic les pouvoirs de l’Apoftolat. Telle fut la première fucceffion dans le Minif- tère. La notoriété n’en pouvoit être plus grande, puifque toute l'Eglife y étoir : & c'eft avec la même sûreté que l'Eglife a toüjours reçu depuis & connu les nou- veaux Miniftres à qui les anciens com- muniquoient les pouvoirs & les fonctions pour la perpétuer elle-même. Nous voyons par plufieurs autres traits du livre des Aëtes ; parles régles que faint Paul donne à Tite & à Timothée; par l’ancien recueil des Conftitutions qui ve- noient la plüpart des tems Apoftoliques ; & par la pratique de tous les tems qui ont fuivi, que l’Eglife a toûjours employé limpofition des mains de fon Clergé, avec le jeûne folemnel & les prières de tout le peuple, afin de rendre la fuccef- LA De- MONSTR, EVANGEL, * A8. 1, 15. 140' Le USRECTACLE La De- fion dans le miniftère très-publique & rvancer. très-refpeétable. Le peuple y a coûjours pris part ; non pour donner aux nou- veaux Envoyés des pouvoirs qu'il n’a point reçus, mais pour obtenir la béné- diétion du Ciel fur l’œuvre Evangelique; pour rendre témoignage à la probité de ceux qui y fonc appellés ; & pour mon- rer à tous la ligne de ceux qui font char- gés de l'alliance , & de la communication des vrais biens. La publicité de la réception des nou- veaux Magiftrats n’eft pas une vaine cé- rémonie, mais une nouvelle atteftation des pouvoirs de la compagnie dans la- quelle ils prennent place. On ne peut s’y méprendre : & dans l’Eglife Chrétienne, comme dans l’Etac civil, cette forme d’inftitution n’a été mife en ufage que pour prévenir les entreprifes illégitimes, en noüifiant le vrai miniftère fans en re- nouveller davantage les premières preu- ves. Mais puifque ces preuves font rem- placées, elles font perpétuées. LeMini Nous voyons l’adminiftration des pre- ais mières Eglifes entre les mains des Apô- trois or- tres, des Prêtres, & des Diacres. Tous dres & * enfemble felon le dégré de leurs pouvoirs chie. & de leurs fonctions, ils veilloient au bien A2,2028: commun, L’Efbrit faint vous a établi inf- DE LA NATURE. I4I peëteurs pour gouverner l'Eglife de Dieu, eft-il dit aux Prêtres de l'Eglife de Milèr. Mais ce mot d’/n/heËteurs n’exprime vi- fiblementici que les devoirs généraux du Clergé, & la vigilance néceflaire à tous les ordres : il n’eft niuntitre, ni un nom diftin@if : il le devint enfuite par la ré- ferve fpéciale qui en fut naturellement faire au premier ordre. Les Apôtres & ceux qui leur furent afociés, comme Matthias , Barnabé, Paul, & Silas fe tranfportoient par-tout où ils éroient appellés par l’occafion , ou par le befoin. Ilsétoientnéceffaires pour fonder les Eglifes, pour ordonner le Cler- gé, pour confirmer les Néophytes, pour juger définitivement les queftions fur la foi. Mais bientôt après lorfque ceux qui compofoient le premier ordre furent at- cachés à demeure au gouvernement fpé- cial d’un troupeau , ils prirent uniformé- ment , & s’approprièrent le nom modefte de Surveillant ,(a)quienlesdiftinguant les avertifloit de la follicitude paftorale dont ils avoient la principale part. Ainf tous les premiers aflociés & fucceffeurs des Apôtres, fur-tout à mefure qu’ils devinrent fédentaires, furent diftingués dans le Clergé par ce nom d’Evéque, (a) Ericxor@, Evêque. LA Dr- MONSTR. EVANGEL, La DE- MONSTR. EVANGEL, 149 Le SPECTACLE comme Timothée & Onéfime à Ephèle, Tite en Créte, Marc à Alexandrie, Evo- dius à Antioche , Polycarpe à Smyrne, Lin & Clément à Rome. Cette diftinc- tion des trois ordres, chargés des diffé- rens fervices néceffaires aux Eglifes , n’a jamais difcontinué nulle part , & nous montre en fe retrouvant encore la pri- mitive hiérarchie. Le nom de Pape ou de Pere, qui a été commun à tous les Evêques, fur par la fuite réfervé à celui qui remplit la pre- mière chaire, & qui continue la primauté de Céphas, centre néceffaire de l’Apofto- lac difperfé. Ce titre exprime la jufte vé- nération des Fidéles pour celui qui étant le premier dans l’Epifcopar, le chef du miniftère & de l’Eglife univerfelle, n’a pas feulement l'infpeétion particulière du diocèfe de Rome, maisembraffe le main- tien du Chriftianifme univerfel dans l’é- tendue de fes devoirs & dans lag Bénéra- lité de fa jurifdiétion. Le miniftère s’écoir montré au premier fiécle avec toutes les opérations extraor- dinaires de l’efprit qui l’autorifoit : il en montra de nouvelles au fuivant : mais par la notoriété qu’elles avoient acquifes les unes & les autres, ilcommencça à n’avoir plus befoin de les réitérer. La publicité DE LA NATURE. 1489 des preuves précédentes fe tranfmit com- me le miniftère, & ne s’en fépara en au- cun tems. Comme il fe montroit fufl- famment par l’ordination & par la dif- tinétion invariable des trois ordres d’ou- vriers , il n’attiroit pas moins les yeux par les aétes avoués & continuellement réitérés de fes différens pouvoirs. Il n’en eft pas des aétes d’une comp1- gnie comme d’un monument à demi ron- gé, ou d’une médaille qu’on peut foup- çonner de faufleté, & dont l'explication peucêtre conteftée. Les aétes d’une com- pagnie font auffi vivans qu’elle, & n’ont pas befoin d'explication. Ils produifent en tout tems deux effèts ; l’un de remplir l’objèt dont la compagnie a les pouvoirs ; l’autre de la montrer elle-même tous les jours & d’en entretenir la notoriété. La longue inaétion la feroit perdre de vûe: au lieu que ja réalité de fes titres fe fait toûüjours fentir par la perpétuité de fes fonctions. De même les différens aétes du miniftère Evangelique, & toutes les pratiques ou les érablifflemens émanés de ce pouvoir, ont le double effet de fanc- tifier les ames , & de nous tranfmettre les témoignages d’un Apoftolat immortel. C’eft aux Pafteurs & aux Théologiens à nous apprendre l'excellence & l’appli- La De- MONSTR. EVANGEL» Le Minif- tère connu par fes ac- tes. La DE- MONSTR. EVANGEL. Nouvelle preuve de Ja perpé- tuité de la miflion, ti- rée de l’é- tabliffe- ment des fêtes Chré- tiennes. 144. Le iSpEc racxrz cation régulière des moyens par lefquels le miniftère communique aux Fidéles les effèts de l’alliance. Ce que nous confidé- rerons ici dans ces pratiques auffi ancien- nes que l’Eglife même, c’eft l’avanrage qu’elles ont par leur vifibilité, d’être les monumens aufli indeftructibles que pu- blics de la doctrine apoñftolique & de la légitime autorité. Car il eft aifé de voir que ces pratiques étant fignificatives &c permanentes comme le miniftère qui les emploie fans interruption ; elles font une vraie perpétuité de témoignages coûjours rendus tant aux dogmes qu'elles expri- ment, qu’à la miflion de Jefus-Chrift & aux pouvoirs de fes Envoyés dont elles font l'exercice. C’eft de cette forte que les aétes , lesréglemens , & le cérémonial même d’une compagnie de députés ou de fénateurs atteftent la réalité de fes pou- voirs & la nature de fon département. Après l’ordination qui devoit perpé- tuer le miniftère & fes fonétions, le pre- mier établiflement apoftolique fut celui d’une fête hebdomadaire, qu’on nomma le jour du Seigneur, & d’une fête annuelle qu’on nomma /4 Péque ou la Réfurrec- tion. La célébration de ces fêres étoit une profeffion claire de la création de tout par un feul Dieu, de l’iacarnation du Verbe éternel Een an ere DE LA NATURE 148 éternel, de la mort du Mefie pour no- tre falut, & de fa réfurreétion pour ga- rantie de nos efpérances. Ces fêtes par leur nom, par l’inftruétion des Pafteurs, & par le fens de la prière publique, ont toüjours été le Catéchifme vulgaire de la doétrine Evangelique, & un exercice toûjours nouveau de tous les fentimens de la piété. Mais les mêmes fêtes perpéruées portoient avec elles d’une femaine à l’au- tre, & d’un fiécle à l’autre, les preuves de la million falutaire. Elles en conti- nuoient fans interruption les rémoigna- ges, parce que la certitude de la miflion eft inféparable de l’acceftation des faits dont on glorifie Dieu dans chaque fo- lemnité, & de la fonction de préfider aux Affemblées. 1°. Nous ne pouvons effectivement refufer aux fêres Chrétiennes les témoi- gnages qui réfulrent chez les autres peu- ples de leurs fêtes annuelles , fur-touc quand elles font liées d’ailleurs à des mo- pumens connus. Jl en réfulte d’abord l’acteftation la moins ambiguë, & la plus grande célébrité d’un fair. Le Collége des Prêtres d’Augufte , & les facrifices qu'ils lui faifoient en cer- tains jours, écant liés avec les actes & les divers monumens de ce Prince , attef- Tom. VIII. Part, IL, K La DE- MONSTRe EVANGEL, La DE- MONSTR. SVANGEL. 146 LE SPECTACLE toient d’une façon très-marquée qu'il avoit vêcu, & qu’on l’avoit déclaré Dieu après fa mort. Voilà les deux faits qui réfulrent de l’établiffement du Collège Auguftal , & de fes fêtes : mais rien de plus. Ni les Pontifes du premier âge, ni leurs fuccefeurs , n’arteftoient qu'Au- gufte eût été vû parmi les dieux. Les Ifmaëlites d'Arabie, d'Afrique, de Perte, & de divers autres pays, n’ont pû confpirer dès le commencement & malgré leurs divifions , à célébrer l'hégi- re , ou la fuice de Mahomèt hors de la Mecque fa patrie, pour fe rendre à Mé- dine, fans garantir d’une façon incon- teftable la réalité de ce fait. Or nous ne demandons autre chofe pour le Chriftianifine. Les faits font réels de part & d'autre, parce qu’ils ont été vûs & atreftés par-tout fans concert ; ou que fi un peupleen a célébré la mémoire à l'exemple d’un autre peuple, c'eft par un effèc de la conviction où ils étoient | également de la vérité du fait, couchant } les uns comme les autres à la fource de | cette connoiflance. Mais attefter qu’on a vû fuir un hom- | me hors de fa patrie, & qu’on l’a sû ar-| rivé, puis établi ailleurs, où il s’eft effec- | tivement montré en bien des rencontres | DE LA NATURE. 147 les armes à la main ; ce n’eft pas atteiter qu'on l'ait vû revenir du Ciel avec les marques de fa miflion. Ce n'eft pas at- tetter qu’on ait oui la voix de Dieu qui le déclaroit fon Prophéte. Mahomèt a voulu être cru fur {a parole, & s’il n’a pas prouvé fon ambaflade, il n’a pû la perpétuer. Ceux qui viendront après lui pourront dire qu'il a cout vû dans le Ciel: mais comme les premiers n’ont été té- moins de rien, ceux qui leur fuccédenr n'atteftent rien de plus que l’exiftence, la fuice, & les guerres de Mahomèt d’u- ne part, & de l’autre leur vaine confiance en fon apoftolat : au lieu qu'artefter qu’on a vù le Sauveur reflufcité, ou qu’on a été témoin de l’effufion de fon Efpric, & des merveilles par le concours def- quelles les Envoyés ont établi la foi de la réfurrection & l'Eglife, c’eft divinifer l'Evangile , & c’eit le faire avec droit. Attefter enfuice, comme ont fait les fidé- les qui célébroïenc les mêmes fêtes au fecond fiécle , qu’ils avoient entretenu lesinftiruteurs de ces fêtes, entendu leurs témoignages, connu leursintentions , vû leurs œuvres admirables ; c’étoit tranf- mettre autroifième fiécle & aux fuivans, des affurances de la vérité des faits, & le droit de la publier. Les témoignages reu- K i La DE- MONSTRSs EVANGEL» La DE- MIONSTR. EVANGEL. 148 LE SpEcTaAcLe a d'abord aux faits Evangeliques, & à la divinité de la miflion qui en eft infé- parable , fonc donc très-publiquement perpétués par la célébration annuelle & hebdomadaire des fêtes Chrétiennes. El- les fonc dans leur durée l’exaéte répéri- tion des mêmes témoignages. C'eft la même certitude & la même valeur. S'il yavoit en Orient & en Europe des fêtes annuelles ou hebdomadaires de la diétature de Céfar, infticuées par Auguf- te , & toûjours célébrées depuis , au moins dans les deux mois qui portent leursnoms; ou fi les Allemands, les [ta- liens, & les François avoient conftam- ment renouvellé d'année en année des tournois & une fête générale en mé- moire du couronnement de l'Empereur Charlemagne en l’an 800 ; ce feroit alors apparemment que l’efpric humain trouveroit qu'il eft beau de n’ajoûter foi ni à la diétarure de Jule-Céfar, ni à l’o- rigine de la dénomination des mois de Juillèc & d’Août, ni au couronnement de Charlemagne. 20, Ces fêtes & le miniftère font in- féparables. On n’a jamais livré ni le mi- piftère, ni la préfidence des fêres au pre- mier bourgeois, ou au premier artifan qui voudra ouvrir fa porte, & attrouper DE LA NATURE. 149 le monde pour les célébrer. Le Pafteur La De- qui les annonce & qui y préfide, a toù- mb jours été pris dans la ligne très-connue * " qui perpétue les pouvoirs. Ainfi ces fé- tes , en nous confervant la confeflion des fais, & en montrant le Pafteur, perpé- tuent les preuves de fon miniftère, com- me l'exercice réglé de la judicature per- pétue la notoriété du pouvoir des Juges. L'Eglife a faic plus que d'entretenir la Témoigns- première confeflion des faits effentiels à &5 PEPE fa foi par les mots de ZW], ou Dieu rextérieur avec nous, de Réfurreëion , de defcente du S$ $acre- Paraclèt , d'Epiphanie, & autres noms crès-fignificatifs qu’elle donne à fes fêtes. Avec les objèts de fa joie & de fa créance que ces noms expriment fommairement , l'Eglife a cranfmis à rous les âges fuivans, les motifs de fa perfuafon & la réalité de l'envoi de fes Miniftres , par des moyens qui ajoûtent une force infinie aux témoi- gnages précédens. Elle n’a pas inftitué les facremens : mais elle en a réglé l’ad- miniftration felon l'intention de Jefus- Chrift, de manière à en faire une nou- velle école où les mêmes vérités fe répé- tent, & ne vont point fans leurs preuves. On fait par tous les monumens hifto- riques, & par la lettre de Pline à Tra- jan , que l’'Eglife Chrétienne tenoic fes K ii 150 LE SPECTACLE La De- affemblées au jour du foleil, “ pour perpirt ren ,, Chanter des himnes au Chrift comme ",, à un Dieu, puis pour s’entr’exhorter , à la vertu & à la haine de toute infi- » délité dans le commetce de la vie. On fait par les premiers Apologiftes du nom Chrétien, que l’Eglife afflembloit fes enfans le jour du Seigneur, qui eff celui qu’on nommoit #z/oleil, pour leur lire les écrits de fes premiers miniftres, pour les encourager à la pratique de ce qu'ils venoient d'entendre, & pour leur diftribuer les préfens qu’elle avoit reçus pour eux de fon Inftituteur. Jamais ni ce miniftère , ni ces letures, ni cette diftribution , ni le choix de ce jour n’ont difcontinué. C’eft la raifon naturelle qui nous prouve que ces livres qui, fe re- trouvent par-tout les mêmes, comme le miniftère , les affemblées, & les com- munes pratiques, font indubitablement auffi anciens que l'Eglife , & qu’ils con- tiennent la véritable hiftoire des rémoi- gnages univerfellement rendus par les premiers Chrétiens à la miflion Evan- gelique. Mais à côté de ces livres, dont nous tâcherons dans peu de faire con- noîrre l’excellence, l’Eglife en préfente d’autres plus courts auffi incelligibles, & en un fens très-véritable , encore plus DE LA NATURE 151 précieux pour les fidéles ; puifque fi les Livres Saints contiennent la doétrine fa- lutaire ; les Sacremens qui font les livres dont je parle avec la doctrine qu'ils ex- priment, contiennent la grace & la réa- lité des biens promis. Parmi tant de pratiques & de fêtes commémoratives , arrétons-nous à celle de Pique. D'abord l’antiquité en eft la même que celle de l’Eglife, puifqu'il y avoit partage pour le choix du jour en- tre les Gentils convertis & les premiers fidéles Juifs qui fuivoient encore les ufa- ges de la finagogue. La Pâque Chré- tienne étoit accompagnée de la célébra- tion du baptême ; de l’impofition des mains de l'Evêque fur les nouveaux bapti- fés, pour leur communiquer les dons du faint Efprit; & enfin de leur première participation au repas du Seigneur. Quoique les Sacremens inftitués par Jefus-Chrift tirent leur force & leur va- lidité de fon infticution ; remarquons que l'Eglife en demande cependant l’effèt par des prières folemnelles, qui de la forte fe trouvent être une excellente expofition de fa foi : comme la prière que Jefus- Chrift nous a enfeignée, ou la demande que font tous les jours les fidéles du pain qui eft aétuellement fous leurs mains, eft K iïiij La Der- MONSTR. EVANGE Le Les prié- res de l’E- glife font l’expof- tion de fa foi, 159 Le SPECTACLE La DE- une excellente confeflion de leur difette nav naturelle , & de la gratuité des préfens que leur fait la Providence. C’eft ainfi que l'Eglife confefloit & confefle encore l’état malheureux qui précéde le baptême Chrétien, en deman- dant pour les Caréchumènes la délivrance de la tirannie jufques-là exercée fur eux par les efprits de ténèbres. Cérémo-. La foi qui fe trouvoit nettement dé- nes inf veloppée dans les formules de fes prières ctives. L É . ne l’étoit pas moins dans fes faintes céré- | monies. Elle publioit ainfi légale puif- fance des trois Perfonnes divines, en con- férant le pardon des péchés & lajuftice, par l’égale invocation de toutes les trois ; & en joignant en bien des lieux la triple immerfion à la triple invocation. Les nouveaux Chrétiens éroient mis dans un état de mort fous les eaux du bap- tême. Ils en fortoient comme des hom- mes régénérés , ou rehdus participans d’u- ne vie nouvelle. L’adtion même extérieure | étoit donc une profeflion claire de mou- ar 3- 1. rir au péché, pour ne plus vivre que de | gx la vie de celui qui étant mort & reflufcité | sr n'éprouve plus la mort. Cette peinture | extérieure qui retraçoit vivement en EUX | Ja mort & la réfurreétion du Sauveur, | n’étoit donc pas moins une déclaration | | | |: | DELA NATURE 139 publique de la commune croyance de la réfurrection, qu'un engagement à vivre dans l’éloignement du péché. La réception du baptême étoit par fa forme le précis de toutes les inftruétions quiavoient précédé ; & toutes ces inftruc- tions n'étant que les fimples conféquen- ces d'autant de faits très-publics, le bap- tême étoit un témoignage rendu, non à des opinions fiftèmatiques & fuggérées, mais à des évènemens faciles à juftifier. L’Eglife ne reçoit dans fes affemblées ni des vifionaires , ni des entoufiaftes, ni des philofophes prévenus d’une doétrine par des raifonnemens. Elle favoit que tou- tes ces voies conduifent par l’incertitude à la confufion & à l’égarement. Elle ra- menoit avec foin la raifon à l’excellent moyen qui la fixe en tout tems, & dont Dieu a fait choix pour fe manifefter fans équivoque au genre humain. Ce moyen c’eft la preuve teftimoniale, & la parfaite notoriété des faits. Tous les jours l’hom- me fage fe rend malgré fes préventions à ce qui a été vû & atrefté par destémoins oculaires & defintereffés. L’Eglife n’ad- mettoir fes Caréchumènes au baptême qu'après de longs préparatifs , donc le moindre dégré , ou le préalable néceffaire _ étoit , que les Catéchumènes priffent foin La De- MONSTR. EVANGEL, 154 LE SPECTACLE La Dr- de s'informer des faits Evangeliques, &c Au puffentc fe répondre à eux-mêmes comme aux autres , qu'ils avoient vüs les premiers miracles, ou qu’ils en avoient vü d’équi- valens, ou que les premiers & les fuivans leur avoient été affurés par des témoins non- récufables. L'Eglife ne craignoitrien tant qu’une crédulité légère , & une con- feflion chancelante. Elle aimoïit mieux compter un moindre nombre d’enfans, que d’avoir à déplorer leurs chutes. Les Néophytes eux-mêmes favoient que la réception du baptême devenoit la condamnation du Judaïfme, & de la vie des Payens. Cette démarche lescondui- foit aux avanies , aux infultes, à la perte de leurs biens, au martire. Le danger du témoin le mettoit dans la néceflité d'aller exaétement aux enquêtes , & ajoütoit à fon témoignage le mérite de la prudence. La Con La Confirmation qui fuivoit le bapté- ou me atteftoit tout enfemble la première ge rendu effufion des dons du faint Efprit, & la aux dons Gun Continuation fenfible de ces dons, qui Efpri. venoient de former tant d’Eglifes où le fouvenir en étoit encore récent. L'Euch Le Néophyteétoit enfin admis au repas sie. Pl qu Seigneur, & par cette action qui étoit immortel- le grand obièt de fes défirs, comme le lé kR grand motif des épreuves préparatoires ; pe LA NATURE 155 ilatteftoic nettement tous les faits Evan- geliques. Il devenoit vraiment le Prédi- cateur de l’œuvre du falut, & en perpé- tuoit la prédication d’un fiécle à l’autre, jufqu’à l’avènement du Fils de Dieu. Le baptême éroit la peinture la plus vive de la nouvelle vie de Jefus-Chrift ref- fufcité, & du renouvellement intérieur du Catéchumène. C’étoit l’abjuration de fà vie précédente pour pafler à une con- duire oppofée. Mais ce Sacrement ne fe téiréroic pas. Au lieu que le repas Eucha- riftique érant la participation à la Viétime faince, & devenant la nourriture ordi- naire du Chrétien ; il ytrouvoit fans cefle l'avertiffement de fa vocation, & les mo- tifs les plus couchans, ou même les plus terribles . de fe maintenir dans une extré- me pureté. L'Euchariftie de la forte de- voit à jamais & vous les jours, montrer le Miniftère qui a droit de la difpenfer; répéter la doctrine dont elle eft la prédi- cation , & animer les mœurs dont elle eft le plus fort encouragement. C'étoit per- pétuer le Chriftianifme en entier & fans variation. En effèc, les variations n’ont point d'accès dans les compagnies qui ont leurs formules réglées , & leurs fonc- tions connues de tout un royaume. À plus forte raifon les diverfes parties de l’Eglife La DE- MONSTR. EVANGELe Evangeli- que. 156 LE SPECTACLE La DE- Carholique fi defunies d'intérêt, & fi dif= evances. Perfées fur la terre habicable , nous ont- ‘elles fidélement tranfimis les témoignages & la confeflion des premiers fidéles, en. continuant à s’aflembler fous la préfiden- ce du même Miniftère, & en attachant toüjours à fes fonétions des idées unifor- mes. On les retrouve les mêmes jufque dans ces fociétés dont laProvidence a très- anciennement permis la féparation d’avec le corps de l’Eglife Catholique. L’Inftitu- teur a vifiblement attaché la certitude au moyen de tranfmiflion dont il a fair choix dans l’établiffement de l'Euchariftie. Voyons de quoi toutes ces anciennes fociétés glorifient unanimement le Sau- veur dans cetre importante aétion. Voyons le préfent qu’il nous y fait, & les vérités que confeffent de tout temms rous ceux qui le reçoivent. Le repas Euchariftique ne confiftoit pas feulement dans l’ancienne offrande de quelques fruits de la terre, pour remer- cier Dieu de la création des êtres & des moyens qui les confervent. Telle étoit l’Euchariftie de l’homme innocent. Cet hommage prefcrir avec tant de juftice au premier homme, fut continué après fa chute, & fe continue encore, comme! les préfens que la Providence continue! | | DE LA NATURE. 157 | d'année en année à lui départir. Tous les peuples y ont anciennement ajoûté ce qu'ils avoient appris d’Adam & d’Abel par Noé, je veux dire, l’effufion du fang | des bêtes qu'ils metroient en la place du leur, & qui éroit non l’expiation , mais la confeflion de leurs péchés. Le repas Euchariftique des Chrétiens érantenfin la participation à la viétime de l'alliance éternelle, à l'agneau de Dieu qui Ôte les péchés du monde , c’étoit toû- jours l’hoftie d’Abel & l’'Euchariftie du pécheur, mais du pécheur enfin récon- : cilié : c’éroir tout enfemble le plus grand de tous les préfens, & l’aétion de graces du fidéle intimement uni au facrifice pro- pitiatoire. Ce repas érant ce que la religion avoit de plus grand , & ce qui intérefloit le plus les Fidéles, n’en prenons pas les idées dans nos raifonnemens, mais dans les rapports des premiers témoins. Recevoir ce que l’Eglife diftribuoit dans ce repas, ce n'étoit plus fe nourrir d'un pain & d’un breuvage commun. L’Apologifte du Chriftianifme S. Juftin qui nous le dit aufli-bien que S. Ignace d’Antioche , &S. Irénée de Lyon fes con- temporains , ajoûte comme eux , que c'é- voit recevoir le corps & le fang même de La De- MONSTR. EVANGEL, La DE- MONSTR. EVANGEL, 158 LE SPECTACLE Jefus-Chrift. L’Eglife étoit très-certai- »ne , felon l’énergique expreffion du faint » Martir , que la toute-puiffance du Ver- be divin, qui avoiréclaté dans l’Incarna- » tion, en fe revêtant d’un corpshumain, , étoit la même qui agifloit dans l’'Eucha- »riftie, en nous nourriffant de fa chair. Cette confeflion, qui eft du commen- cement du fecond fiécle, eft parfaitement - d'accord avec les épreuves exigées des fidéles : & c’eft la nature de la doctrine qui étoit le fondement de la rigueur des régles eccléfiaftiques. Otons pour un moment cette confef- fion du premier âge: réduifons le pain & le vin euchariftiques à un fimple figne, à un fimbole inftitué felon des idées mo- dernes , pour nous avertir de penfer à celui qui a été brifé, & qui a verfé fon fang pour nous. Ce figne fera un mé- morial d'infticution. Nous pourrons en le voyant & en le recevant exciter en nous un fentiment de reconnoiflance. Mais cette action ne demande ni de grandes épreuves, nin’occafionne des régles févè- res, ni n’attire aucunes conféquences ef- frayantes. On peut voir un fimbole, & même un beau tableau de la mort de Je- fus-Chrift fans courir le rifque de deve- nir plus criminel , faute d'une épreuve DE LA NATURE. 159 précédente, On feroit encore plus touché de la lecture déraillée de la mort du Sau- veur , ou d’un difcours pathétique fur fes fouffrances. Le figne , la leéture, & la prédication peuvent être confeillés aux plus grands pécheurs. Cette aétion peut bien leur être inutile: mais loin de leur nuire, elle peut les rappeller au milieu de leurs délordres, & il n’y a perfonne à qui il ne faille l’accorder. Il n’en eft pas de même de l’Euchariftie , & elle n’eft pas fimplement un tableau. Les termes dont S. Paul s’eft fervi pour en régler les approches & la participation , jettent l’é- pouvante dans tous les cœurs. Si cependant il a plu à l’Inftituteur d’exiger l'épreuve & l’aflurance raifonna- ble d’une bonne conduite pour recevoir ce figne ; alors la néceflité de ces faintes difpofirions découlera de la volonté ex- prefle & de l’ordre marqué du légifla- teur, non de la nature même ,du préfent qu'il nouÿ fair. Or c’eft de la nature mé- me du don que recevoient les fidéles, & du changement opéré dans l Eucharij- tie par la toute-puifjance de la parole de Dieu , que provenoient leurs frayeurs, & les allarmes où l’Eglife éroit pour eux. Pour nous en convaincre, il ne faut que reprendre la confeflion que nous La DE- MONSTR. EVANGEL, La De- MONSTR. EVANGEL. I. Cor. 10. 17. MACON TX 20.621. I. Cor. 10. 18. 160 LE SPECTACLE tenons des premiers Chrétiens, felon la- quelle la coute-puiffance du Verbe agit autant en nous donnant fon corps qu’elle a agi en s’en revétant. Voici les confé- quences naturelles que nous en tirons néceffairement. » D'abord puifque ce pain eft unique, » étant plufieurs nous ne fommes plus » qu'un feul corps ; car nous participons 3» (ous au même pain. Delà la tendre charité qui dait nous unir tous : delà légalité qui nous place comme les enfans d’un même pere à une même table : delà l’incompatibilité des diftinctions dans l’affemblée eucharifti- que avec la charité & l'égalité infépara- bles du repas du Seigneur. , Jetronsles yeux fur les Ifraëlites, & » même fur les facrifices de la Gentilité. » Ceux qui mangeoïent de la victime ne » participoient-ils pas au facrifice ? C'eft ainfi que nous avons part à celui de Jefus- Chrift; ce qui ne feroit pas, fi ce que nous recevons n'étoit pas ce qui a été offert en expiation. … De cette forte l’Euchariftie eft l’aflo- ciation à l’alliance nouvelle & éternelle. C’eft le don du Ciel : c’eft le don par excellence. Mais quoique la réception en doive pénétrer le fidéle de joie & de re- connoiffance, DE LA NATURE. 161 connoiflance, il ya une jufte crainte infé- parablement attachée à l'excellence mé- me du don qu'il reçoit. Cette aétion inf- pire la frayeur à l’Eglife entière aufli-bien qu’à chaque particulier. La follicitude de l’'Eglife pour fes enfans a dû conféquem- ment produire des régles, prefcrire des épreuves, des délais, desrefus. L’effèr de Ja frayeur des fidéles a dû être de s’éprou- ver, de fe juger eux-mêmes avant de re- cevoir leur juge ; parce que fe préfenter indignement, & fans apporter à une ac- tion fi fainte les difpofitions que l’Eglife demande, “ c’eft fe rendre coupable de » la profanation de fon corps & de fon » fang. Ce défaut d’épreuve & de changement de conduite eft une difpofition femblable à l'indifférence de celui qui n’y connoi- troit qu'un pain commun, & qui “ n’y » difcerneroit pas le corps du Seigneur: , mais ne l’y pas difcerner lorfque le tout- » puiffant l’y mèt, comme dans l'Incar- » ation, certes c’eft manger fon propre » jugement, & boire fa propre condam- #» Nation. L’Euchariftie eft de cette forte, & par une fuice néceflaire de ce qu’elle con- tient , /4 plus grande œuvre du Miniftère chrétien, le grand objèt de la difcipline Tom. VIII. Part. IL, L La Dee MONSTR. EVANGEL. I. Cor. 10e 1% Ibid. ‘’ 162 LE SPECTACLE La De- de l’Eglife, le fujèc de l’effroi des pé- MONSTR. LVANGEL, cheurs, aufli-bien que de la reconnoif- fance des juftes, le motif d’une vigilance perpétuelle, l'ame des bonnes mœurs, l’action de graces de tous les bienfaits , la confeflion de tous les miftères : difons tout en un mot, C’ef? la perpétuité de la Prédication Chrétienne. (a) Tous les Chrétiens en ce fens deviennent à jamais Z. Cor. 13. par la réception de l’Euchariftie les prédi- 26, cateurs du Chrift, puifque routes les fois qu'ils la reçoivent, ‘ ils annoncent par » leur aétion l’œuvre du Seigneur & l’at- » tente de fon dernier avènement. Pfalm. 44. … Ces paroles, #%mores erunt nominis tui, ne fignifent pas un fimple fouvenir , mais la confeflion publique du nom de Dieu, & l'emploi honorable de le faire .connoître à toute la terre : de même ces paroles, 22 mei memoriam facietis, ne fignifient pas feulement : vous vous fou- viendrez de moi : mais en recevant mon corps rompu pour vous, autant de fois vous publierez mon facrifice. Votre ac- tion fera la prédication de ma mort, de ma réfurreétion & de vos efpérances.() Toutes ces conféquences qui fe tirent de la doctrine de l’Euchariftie, même parles Ça) In memoriam mei facietis. C2) Morrens Domini annunciabitis donec veniat. DE LA NATURE. 163 plus fimples , en font néceffairement la plus expreflive confeffiondes vérités évan- geliques , & la plus puiffante exhortation à la vertu. Quelle différence entre un fim- bole froid ou un fouvenir paffager de la mort du Sauveur, qui laifle l'homme à toute fon indifférence, & un mémorial qui nous donne le bien qu’il annonce, & tient rous ceux qui s’en approchent fa- lutairement émus des recours qu'ils font fur eux-mêmes, fans pouvoir être raffurés que par l'accord de leur vie avec leur confeffion ! Mais ce commentaire de la doctrine des faints Martirs Juftin, Ignace, & Îré- née , n'eft pas le mien, C’eft une explica- tion qui les a précédés : c’eft une expli- cation auffi ancienne & auffi étendue que l’'Eglife même , puifque c’eft celle de faint Paul, Elle n’étoit point particulière à l’E- glife de Corinthe, qui atteftoit l’avoir re- cûe de lui, comme il l’avoit lui-même reçüe du Seigneur. Les autrés Eglifes ont trouvé cette doctrine & la foi des Corin- thiens conforme à celle qu’on leur avoit annoncée. NiS. Juftin , niS. Ambroife, niS. Cyrille * ni l’Eglife Catholique n’au- roit eu recours dans ce miftére à l’opé: ration de la toute-puiffance pout y trou- ver une repréfentation , un avis. Îl ne faut L ÿ La De£- MONSTR, EVANGEL:s * Hierofof, Catechef. 41 La DE- MONSTR. EVANGEL. 164: RE SPECTACLE point de coute- puiflance pour établir un figne nud : & jamais la raifon des fidéles , dans fon obéiffance à la foi, n’a été blef- fée d'entendre demander ,comme le font toutes les anciennes licurgies gréque & latine ; que le pain & le vin deviennent le Corps & HD de Fefus-Chriff : jamais la raifon des fidéles n'a reproché à lEglife Cacholique de lui faire illufion , ni de ruiner dans fon dogme la vérité du rap- port de nos fens qui voient un figne & reçoivent une réalité différente, parce qu'il n’eft point fait d'illufion à nos fens quand nous fommes avertis. Or Jefus- Chrift nous avoit avertis qu’il nous don- neroit fa propre chair à manger, & nous aflocieroir à fon facrifice. Il le répéte dans les paroles de l’infticution. S. Paul le redit après lui. Tous les Docteurs, toute l'Eglife nous en ont avertis. L° Eucharif. tie Carholique nous pénétre donc de ref- pect, de reconnoiflance & d’une falutaire frayeur fans nous tromper en rien. C’eft au contraire une économie vifiblement proportionnée à notre état ; & les mêmes témoins de la foi primitive qui nous ont atefté l’action de la toute-puiffance dans l'Euchariftie n’ont pas moins relevé la charité tendre qui nous communiquoit la chair & le fang de la victime excellente, no TE mn A es DE LA NATURE 165 fous le voile invariable d’une nourriture La De- ordinaire. AE Ces fublimes vérités ne font point une tradition de quelques bruits populaires qui fe diverfifient de bouche en bouche, ou d'opinions fcholaftiques abandonnées au jugement des particuliers. C’eft une foi générale à laquelle une Eglife ne peut toucher que les autres ne la réclament; une foi notoire, & quine peut être igno- rée de perfonne, parce qu’elle tient aux fonétions les plus diftinguées du miniftè- re ; à des fêtes folemnelles dont le retour eftinvariable ; à des devoirs & à des régles qui embraffant tous les écats , ne laiflent perfonne dans l'ignorance à cet égard. Ce ne fera pas une differtation philofophi- que du neuvième fiécle ; abandonnée dans le fond d’une bibliothéque poudreufe qui viendra informer l'Eglife qu’elle trompe fes enfans en exagérantles préfens qu’elle leur fair. Ce ne fera pas l’onzième ou le feizième fiécie qui nous apprendra ce qu'il en faut croire. Nous répétons au- jourd’hui la même œuvre & la même con- feflion que nos peres ont reçue avec Îles livres faints des fucceffeurs des Apôtres, & qui leur a été certifiée comme ces li- vres par les témoignages unanimes de toutes les Eglifes. Nous célébrons cette L ïüj | 164 Le SprECTACLE | La DE- Pique folemnelle, & nous réitérons ce MONSTR. repas falutaire dans des temples de fept | EVANGEL, - 4 cens ans, de mille ans , de douze censans; k dans des fociétés de quinze & feize fiécles. Ce font toûjours les mêmes autels, les mêmes inftrumens, la même liturgie, la | même préfidence, une œuvre & un fens qui ne peuvent changer. Et commeil n’y | a point fur la terre de pratiques plus uni- verfelles ni plus folemnelles que celles qui ! ont tranfmis jufqu’à nous ces trois parties effentielles à nos affemblées, favoir, le | banquèt Euchariftique , la publication des faintes Ecritures, & le Miniftère qui préfide à l’un & à l’autre ; il n’y a point non plus de certitude qui puiffe être por- tée à un plus haut dégré que celle de la ! perpétuité indivifible de l’Euchariftie, de l’'Ecriture fainte, & du Miniftère. Dans tout l'extérieur du Chriftianifme nous n’avons jufqu'ici fait ufage que de la fête de Pâque ; & dans cette fêre nous avons choifi uniquement la réception que VEglife faifoit à fes nouveaux enfans. Si une feule partie du rituel des fêtes Chré- tiennes, même avant que le Pafteur eût commencé à inftruire par lui-même, con- tenoit déja tant de lumières & de fenti- mens ; que fera-ce de la toralité des autres fêtes, des cérémonies , & des lecons qui DE LA NATURE. 167 leur étoient propres; des prières auxquel- les tous les fidéles s’unifloient au moins par l’acclamation d’Æmen ; en un mot des fecours fans nombre qui étoient dans le Miniftère & dans coute la Lirurgie ? Je ne dirai plus: quelle publicité ! mais LA De- MONSTR. EVANGEL, je dirai: quelle infaillibiliré & quelle éten-. due d’inftruétions ! Je vois des milliers d’affemblées Chrétiennes: mais je ne vois qu’une école : c’eft par-tout le même ca- téchifme. Voilà le livre de tous les états & de rous les âges. On y lifoic, & on lPentendoit au dixième fiécle comme au quatrième & dans le nôtre. Les favans accoûtumés à recueillir les lumières que les livres fourniffent, con- poiflent le mérite des livres, & y atta- chent avec raifon leur eftime. Mais cette éftime peut quelquefois être accompa- gnée d’injuftice & d’inattention, quand ils ne fentent pas affez le mérite fouvenc fapérieur des autres fecours par lefquels Dieu nous tranfmèr la vérité. Nous cher- chons les témoignages de la foi dans Ter- tullien, dans Origène , dans Eufebe, dans Théodorèt, & dans ceux qui ont fuivi: c'eft une méthode qu’il n’eft pas permis de négliger , & qui eft fingulièrement en recommandation dans l’Eglife Cacholi- que: mais quelquefois à côté de l’expofi- | L üi La De- MONSTR. EVANGEL. — 168: : LE) SPECTACLE tion de la foi Catholique, il fe trouvera dans les livres de ces Doéteurs une expli- cation qui fe reffent de la philofophie & des recherches de la raifon ; parce qu'il arrive affez fouvent que plus elle eft cul- tivée, moins renonce-r’elle à fes penfées propres; moins veut-elle s’en tenir mo- deftement à la fimplicité de la révélation. Il faut alors des difcuffions : c’eft une né- ceffité de difcerner ce qui eft la foi com- mune de l’Eglife, d'avec les penfées des Philofophes, & d'avec les méthodes hu- maines. L’Eglife profite des fecours qui fe tirent de la conformité des témoigna- ges de tous les fiécles. Mais elle diftingue toûjours le docteur d’avec le témoin , & ne fouffre en rien de fes imperfeétions, puifqu'’elle a d’autres moyens d’une cer- titude entière & d’une précifion parfaite pour connoître la doctrine révélée , & pour l’éclaircir quand il faudra. Ces moyens sûrs & toûjours préfens, fonc les obijèts très-diftinéts de fes fêtes, de fes pratiques, & de fes prières univerfelles. Elle trouve la régle & la preuve de fa doctrine dans la conformité très-publi- que de la croyance de ‘tant d'Eglifes par- ticulières toùjours en état d’actefter les dogmes & les Ecritures qu’elles ont re- çûs dès le commencement. l | DE LA NATURE. 169 __ Ceux qui veulent favoir à fond les droits & lesufages du Parlement de Lon- dres, ou de l’Eglife Catholique, ont re- cours aux livres qui en ont parlé dans la durée des différens âges. Ils peuvent eux-mêmes en faire de nouveaux. Mais ces grands établiffemens n’ont eu befoin delivres, ni pour fe former , ni pour exer- cer leurs droits , ni pour les faire con- noître. Ils devancent les livres : ils font difparoître par l'éclat de leur notoriété les petites objections qu’on peut tirer de tel ou cel Ecrivain, contre des maximes univerfeilement reconnues. Ni le Parle- ment, ni l’Eglife ne dépend des hiftoires ou des diflertations qu’on en fait. Les livres ne peuvent ni leur rien acquérir par leur jufteffe , ni leur faire rien per- dre par des expofés faux ou imparfaits. Les fidéles peuvent devoir des lumières ou des fecours aux bons livres : mais les bons livres, & la faince Théologie doi- vent tout à l’Eglife, & à fon immortelle prédication. Suivons les effèts qui ont naturelle- ment découlé de la première confticution de l’Eglife. Un feul & même Miniftère l’a d’abord formée par-tout, & lui a donné par-tout la même doctrine , la même hiérarchie, les mêmes fêtes, & les mé- La DE- MONSTR. EVANGEL» 170, LE: ISPECTACLE La De- mes pratiques. D'où il fuit que le culte MONSTR. extérieur n’eft pas feulement une inftruc- EVANGEL. . À k f tion perpétuelle , mais un dépôt de té- Lex Moignages immortels, & un chartrier de ee piéces incorruptibles qui fixent la foi de ment une COUS les fiécles. Les moyens de connoi- école, tre coute vérité dans l'Eglife Catholique, artrier. à qui toute vérité a d’abord été confiée , font inaltérables. Les Pafteurs pour inf- truire les fidéles, n’attendent ni n’ofent annoncer aucune nouvelle révélation. On ne les écoureroit pas. La révélation de toute vérité a été faite par la première prédication. Les fucceffeurs des Apôtres n'ont fait que répéter ce qu'ils tenoient des Apôtres qui le renoient de Jefus- Chrift. Les actes des uns & des autres fe font diverfifiés fans fin :mais ce font les mêmes intentions, & les mêmes vérités. Ceux qui viennent après eux font dans la néceflité de conformer leurs enfeigne- mens aux piéces du dépôt, & au langage univerfel. Quand les Pafteurs fe laiffèrent furprendre au tems de l’Arrianifme par des formules équivoques, & qui n’expri- moient rien diftinétement ; la prédication commune , & la leur propre, ramenè- rent au grand jour le dogme qu’on avoit en quelques lieux laiffé obfcurcir. Si les Pafteurs venoient à fe aire , com- | | DE LA NATURE 171 | me dans les fiécles d’ignorance; les pier- | res & tous les inftrumens du fervice public | fe feroient entendre en leur place. Si quel- qu’un d’entr'eux avoit dit : Jefus-Chrift n’eft pas Dieu comme fon Pere ; on lui au- roit montré la forme du baptême, où il eft invoqué comme le Pere. Si un Pafteur ofoit dire : Uniffez-vous par la penfée à ce- Jui qui a été immolé : mais le pain que vous avez offert fur cette cable eft toüjours te même pain : l’Euchariftie n’eft point la vitime ; on lui diroit, & on eût dit dans les premiers fiécles comme aujourd’hui: Nous avons un facrifice : nous avons un aucel : & l’autel eft fait pour la viétime, Ceci feroit la matière d’un article vrai- ment utile ; mais d’une trop grande éten- due pour avoir place ici. On y verroit, & chacun voic fans que j’en entreprenne le détail, que cour eft lié dans la forma- tion & dans la propagation de l’Eglife ; que le corps des pratiques extérieures, en perpétuant les témoignages des inten- tions Apoftoliques a rendu la foi de l’'E- glife fenfible à tous les efprits, & nécef- fairement invariable : parce que comme le miniftère & les pratiques s’entr’aident & reviennent aux mêmes vérités, quand on fuit ce qui a été cru d’abord & par- tout ; l’inftruction & les pratiques s’entre- La D£- MONSTR. EVANGEL, 170. De SPECTACLE La De- condamneroient au contraire à la moin- RES dre innovation , à la moindre altération. " Le Miniftre peut héfiter ; mais le dépôt eft fans paflion & fans héfitation. Perpétuité Les établiffemens Apoftoliques ne font dutémoi- pas feulement la répétition journalière des guise lettres de créance qui ont d’abord auto- rifé le miniftère:ilsne font pas feulement la confeflion publique & immortelle de l’incarnation, de la réfurreétion , des dons du Paraclèr accordés felon la promeffe du Sauveur à fon Eglife ; & de toutes les œu- vres par lefquelles l’Efprit faint a prouvé au genre humain la réalité de la Bonne nouvelle , & la réalité de fon Ambaffa- de. On y retrouve aufli le témoignage de l’eau, ou la preuve qui réfulte de la con- verfion furprenante des Juifs, des Idolä- tres, & des Barbares. La perpétuité mê- me de l’Eglife , eft la perpétuité de ce témoignage. On ne nous débite point des hiftoires brillantes, ou devenu incertaines par la diftance des tems, quand on nous dit que les Juifs, les Samaritains, & les Gentils, malgré les préventions les plus fortes, malgré la féduétion de la coûtume , mal- gré la perte de leur repos & de leur vie, fe foumirent à l'Evangile par le fimple effèt de la conviétion des évènemens dont DE LA NATURE. 173 ils furent les témoins. Trois cens ans de perfévérance dans la profeflion de cette foi, concourant avec trois cens ans d’une haine dénaturée contre ceux qui s’y ran- geoient ; il en fortit un témoignage plus touchant fous Dioclétien , qu'il ne l’avoit été fous Néron. Et ce témoignage fi fort fe fait encore entendre: puifqu'il eft bien plus notoire que c’eft ce témoignage qui a rendu la Gréce, l'Italie, la Gaule, & l'Efpagne Chrétiennes ; qu’il ne l’eft que les Grecs, les Italiens , les Gaulois, &les Efpagnols ont acquis avec plus ou moins de réferve le droit de Bourgeoifie Ro- maine. Or n’héfire pas fur la vérité de ce droit de nos peres quoiqu'il ne foit plus rien. Bien moins peut-on héfiter fur la réalité de cette étonnante converfon dont notre Chriftianifme eft la fuite & la preuve encore fubfiftante. On ne nous débite point des faits dou- teux, quand on nous dit qu’il y a deux religions qui ont fait par-tout des proféli- tes; la Mahométane & la Chrétienne; mais, que la Mahométane n’a profpéré que parmi les nombreufes tribus d'Ifmaël, & parmi quelques autres peuples qui leur étoient unis par de grands intérêts ; que le Mahométifme n’arien changé aux pra- tiques des Ifmaëlites , & n’y à introduit LA DE- MONSTR. EVANGEL, La DE- MONSTR. EVANGEL. 174 LE SPECTACLE d’autre nouveauté que de leur affurer l'indépendance & la protection; ou de les écrafer en cas de refus: au lieu que les autres Barbares tour-à-tour ont volontai- rement abjuré les leçons de leurs peres pour embraffer le Chriftianifme, & con- féquemment les loix de l’humanité. Je conviens que les converfions des tems poftérieurs n’ont pas dans le même dégré le mérite du témoignage rendu par les Chrétiens des premiers fiécles qui avoient tout contr'eux. Mais il n’ya point de Pays où le Baptême & le Miniftère Chrétien ne fe foient introduits. Le té- moignage eft donc rendu à la vérité par route terre & en touttems, foit parce que les dernières converfons font craverfées comme les premières par toutes les oppo- fitions de la nature, & de la coûrume: foit parce que Jefus-Chrift & les Apôtres ont prédit la propagation du Chriftianifine jufqu’aux derniers climats, & jufqu’aux derniers âges. | N'omettons pas ici que la réalité des faits Evangeliques fi fingulièrement at- teftés de toute part, étant le fondement de toute converfion folide , la perpétuité de la foi eft la continuation d’une obéif- fance éclairée. Mais quoique tous les premiers témoi- DE LA NATURE 175 gnages tiennent à des fêtes immortelles , à des monumens durables, & à des effèts permanens , ileft jufte de faire valoir un nouveau moyen d’illuftration que la Pro- vidence a encore accordé à fon Egjlife. Nous allons voir fortir du quatrième fié- cle une nouvelle lumière qui éclaire tous les fiécles Chrétiens & qui répand juf- ques fur les derniers jours cout l'éclat des. preuves dont les premiers fidéles ont été touchés. On a quelquefois effayé non pas d’a- néantir, car ileft impoffible ; mais d’obf- curcir les preuves précédentes , en allé- guant la liberté rendue aux Chrétiens en ce fiécle par la politique de Conftantin. Voilà, dit-on, ce qui a ruiné l’idolâtrie, & étendu le Chriftianifime de façon à nous ôter ledroic de trouver du furnaturel dans ces deux évènemens. C’eftun peu dommage pour l'honneur de certe obicétion qu’elle vienne trop tard. Il y a crois cens ans que le Chrif- tianifme dure malgré les oppoñitions de tout ce que le monde a de fort, & que l’idolätrie s’ébranle detous côtés, parles attaques de ce que le monde a de plus foible : cet évènement eft incroyable , & il a été prédit. Le Chriftianifme a donc fait fes preuves avant Conftantin ; & l’en- 2 La DE- MONSTR, EVANGEL, Réponfe à l’objec- tion qui fe tire de la faveur ac- cordée par Conftantin au Chrif- tianifme, 176 LE SPECTACLE La De- tière décadence de l’idolâtrie loin d’y dé- MONSTR. EVANGEL, roger y ajoûte une force nouvelle , puifs qu'entre tant d’évènemens prophétifés à accomplis celui-là manquoit encore. Quand on croit pouvoir donner quel- que couleur à cette objection, il faut fe réfoudre à avoir deux poids & deux me- fures. Tout eft politique dans Conitantin. Il ne perfécuta point les Idolâtres: & en favorifant le Chriftianifine , il fe contenta de rendre l’idolâtrie ridicule. C’étoit la vraie façon de s’y prendre. On veut que ç’en foit affez pour devoir très-naturelle- ment anéantir l’idolâtrie, & mettre le Chriftianifme en vogue. Sion ne change point de régle & de méthode de raifon- nement, que doit-il arriver fous Julien ? Il eft cout-puiffant comme Conftantin: mais à fa qualité d’'Empereur viennent fe joindre le favoir & la dexrérité. Son goût pour les connoiffances extraordinaires l’a détaché du Chriftianifme , qui ramène l’homme au fentiment de fes bornes, & le réduit à croire non ce qu'il conçoit, mais ce qui lui eft attefté. Julien s’eftmis en têce que les fublimes conceptions & les auftérirés extraordinaires d'Eunapius, de Porphyre, & d’une troupe de Philo- fophes qui l’obfédent , le conduiront à routes les fciences occultes, & l’uniront in- DEPLASINATURE 177 intimement avec les Dieux. Il eft devenu fiftémariquement Idolâtre , & n’en eft que plus ardent à établir ce qu'il croit en- tendre : même il attaque la religion Chré- tienne avec les armes qu’elle lui a four- nies, confervant roûjours les grands fen- timens & l’eftime de la vertu que fon édu- cation lui avoit infpirée. Il fe garde bien d'employer la violence ouverte : mais après avoir Ôté aux Chrétiens leurs tem- ples, leurs livres, & leurs écoles, il em- ploie fon éloquence & celle des plus grands maîtres, pour fpiritualifer le plus qu'il fe pourra le culte des Dieux, en at- taquant en toute rencontre la religion Chrétienne par le côté qui y paroît defa- vantageux. La folie de la Croix devient, en un mot, la matière d’une fatire univer- felle. Pour le coup c’en eft fait du Chrif- tianifme : qui pourra le maintenir contre ce nouveau genre de perfécution ? La main de Dieu qui a promis de le maintenir jufqu’aux derniers jours mal- gré routes les Puiffances réunies pour le perdre; fait rourner ces attaques à fon avantage. Les efforts de l'Empereur de- meureront impuiffans. Sa faveur qui en- hardit les excès des Philofophes, achè- vera, en les produifant au grand jour , de les accabler d’un ridicule dont ils ne fe Tom, VIIL. Part. IL. M LA De- MONSTR. EVANGEL» La DE- MONSTR, EVANGEL, 170. Le SPACTACLE releveront jamais. Leur grand malheur eft d’avoir écrit & conftaté leurs vifions. Pauvre philofophie!que ne demeuriez- vous dans votre ancienne obfcurité? Les ténèbres de vos miftères faifoient révérer de loin ce qu’on n’entendoit pas. Mais vos partifans vous ont trahie, & ont defabufé le Public en lui préfentant par écrit vos prétentions & vos preuves. Ces hommes avides de merveilleux avoient , en courant le monde, aflem- blé quelques reftes des vérités révélées dès lé commencement à tout le genre humain, & outré les plus anciennes pra- tiques de fobriété. Ils y avoient ajoûté les imaginations de tous les Prêtres Ido- lâtres, & leurs propres égaremens. C’eft ainfi qu'on vicun Apollonius & bien d’au- tres Philofophes errans, chercher depuis Cadix jufqu’a Babylone les difputes les plus animées , les interprétes les plus fuffifans de la pofition des aftres & de la route des influences planétaires, les plus favantes leçons de magie; mais fur-tout les plus beaux faits de Théurgie, & de Nécromance. Ils couroïient par-tout de cave en cave , & d’antreenantre. Ils par- venoient enfin à voir quelque fpeétre, quelqu'’illufion nocturne préparée par un impofteur , ou par le Pere du menfonge. ST —————————————————_ ART ANATURE 170 A la vûüe de ces prétendues merveilles toute la doétrine de Platon fur les Dieux & fur les Génies, devenoit indubirable. He ! qui pouvoit raifonnablement héfirer fur leur exiftence & fur leurs facultés? Socrate même, le fage Socrate, en avoit un qui étoic à fon commandement. Il né falloit qu'un certain régime, certai- nes abftinences, certains facrifices pour plaire à l’un, pour fe délivrer de l’autre. On comptoit parvenir aux extafes, & al- ler de plein pied dans route vérité. Tout ce favoir emphatique tomba en pouffière avec Julien : & le Chriftianifme fubfifta. Ce Prince avoit prêté l’oreille à la philofophie, & il fit honneur à celle- ci des lumières & des fentimens qu’il ne devoir qu’à fon éducation Chrétienne. Cette ingratitude n’eft point rare. On lui fit des promefles comme on en fait au- jourd’hui à ceux qui fe laiffent infatuer de la profondeur dés connoiflances de l'homme. Voyez, lui difoit-on, jufqu’où la raifon feule peut parvenir. La vôtre eft faire pour atteindre à tout ce qu'il y a de plus fublime. 11 fecoua le joug de la foi, qui le renfermoit dans des vérités de pra- tique, fans rien offrir à fa vanité: & cher- chant en lui-même fa fagefle, il alla dé délire en délire, parce que 1 ne fuit pas 1] LA De- MONSTR, ÉVANGEL La De. MONSTR. EVANGEL. Le qua- trième fié- cle; lu- mière de VEglife, 186, LrSreCTAcLE l'unique Maître, que Dieu nous a don- né, marche dans les ténèbres. La chute des vifions de Julien & de toute cette extravagante érudition, eft le moindre des divers avantages que le Chriftianifme remporta dans ce fiécle. Avec la liberté l'Eglife acquit routes les facilités de faire valoir fes preuves aux yeux de tout l'Univers, & de les rendre plus durables que le marbre & le bronze. Durant trois cens ans l’Eglife avoir eu peine à conferver quelques bâtimens en propre. Îls étoient communément faifis pour d’autres ufages , ou abattus pref- qu'’auffi-tôt que conftruits. Si on péné- troit dans fes affemblées ; on y trouvoit plus l’apparence d’un Sénat que d’un temple. Son autel étroit une cable : fon facrifice ne montroïit aucune trace de la moindre effufion de fang : on ne connoif- foit point fes Miniftres : on ne compre- noit rien à fes fêtes : & on ne connoifloit guère l'Eglife que par fes fouffrances. Elle fortit enfin des cimetières & des diverfes retraites où elle cachoit fes fo- Jlemnités, & où elle encourageoit fes en- fans à la perfévérance , en leur montrant les urnes qui contenoient le fang & les cendres de fes témoins. Elle n’oublioit rien de ce qui lui étoit cher. Ses fonda- : | DE LA NATURE. 181 | teurs, fes maîtres, fes martirs, leurs le- La De- _ çons, leurs lettres , leurs fouffrances, Ar les actes de leur miniftère & de leur con- + feffion , tour lui étoit préfent : cout étoit recueilli & écrit : la mémoire qui s’en re- nouvelloit d'année en année dans fes fé- tes, fe renouvelloit d’un jour à l’autre dans les converfations de fes enfans. Quand il lui fut libre , non-feulement de célébrer fes folemnités , mais de publier & de pré- cher par-tout fa foi ; au lieu de s’occuper à réfuter l’idolâtrie & la philofophie, comme il étoit raifonnable & d’un ufage très-ordinaire auparavant, (z) l’Eglife produifit toute fa doctrine au grand jour. L’Eglife montra par-rout fon ancienne hiérarchie , la fucceflion de fes Evêques, fes anciennes inftitutions , & la confef- fion des vérités qui étoient inféparable- ment unies à fes pratiques. Ainfi s’ouvric au quatrième fiécle le Chartrier du Chrif- tianifme. Les actes qui le compofoient étoient la plüpart aufi familiers aux Chrétiens du commun, qu’à ceux qui inftruifoient les autres. Les inftrumens & les érabliffemens Apoftoliques, quoique mulripliés comme les Egjlifes, fe retrou- vèrent par-tout les mêmes. La croyance (a) Voyez Laétance , Arnobe, Clement d’Alexan- drie, &c. M iij La DE- MONSTR. EVANGEL. 1804, Er SBRETACLE des Eglifes d’Afie mife auprès de celle des Eglifes d'Afrique & d'Europe, ne fe trouva en rien différente. Quand on la fentit incompatible avec la métaphyfique d'Origène ou d’'Eufebe de Céfarée , ou de quelqu’autre nom célèbre, on profita de ce qu’ils avoient de bon. Mais toutes leurs penfées fur les Anges, fur la Ré- furreétion, fur la génération du Verbe, & fur d’autres points quine fe trouvèrent pas d'accord avec la commune foi des Eglifes, furent profcrites comme des doc- - trines étrangères & pernicieufes. Cette régle fi fimple de se dire que ce qui avoit totjours été dit, fidélement obfervée à Nicée par les témoins de cette foi qui s’y étoient raffemblés de toute part, tranf- mit aux fiécles fuivans le Chriftianifme des premiers avec la preuve de fa pureté. Il eft vrai que chaque fiécle Chrétien an- nonce au fuivant ce que le précédent lui a appris: mais c’eft d’une façon très-fpé- ciale que le quatrième fiécle devint la publication & la répétition du Chriftia- nifme des trois premiers. Ïl y eut en celui-ci des difputes très- vives : mais par leur nature elles font la gloire de l’Eglife, & notre füreté. Les uns plaidoient pour leurs penfées , ou pour la doûtrine d’un Maïtre célèbre: EEE ntm DE LA NATURE 183 ce qui a coûjours été & fera toûjours la maladie de l’efprit humain. Les autres plaidoient pour ce qui avoit été prêché & recu ; pour ce qui étoit cru par-tout , & atcelté foit par les prières publiques & par la commune prédication ; foi par les pratiques conftantes ; foic par les au- tres inftrumens de la foi des Apôtres. Ce qui a toùjours été, & fera à jamais le fa - luc de l'Eglife. Cette extrême fermeté des Peres de ce fiécle à énoncer nettement & unifor- mément non ce qu’avoient penfé Origè- ne, Philon, ou Platon; mais ce que con- fefloient les Pafteurs & les Fidéles de l’âge précédent, qui couchoient à la fource de toute vérité , fe trouve accompagné d'un autre caractère de droiture qui appartient en propre à leur fiécle , & qui en fait pour nous, après ie tems du Sauveur , le fiécle le plus refpeétable , & le plus lu- mineux. On venoit de paffer fubitement d’une longue & cruelle oppreflion , à la liberté la plus entière. Ce moment n'étoit pas fort propre à donner naïiffance à aucune innovation. La plüpart des Prélats & des La DE- MONSTR. EVANGEL: Prêtres menoient depuis long-tems une. vieerrante & pleine de dangers. Un grand nombre de ceux qui furvivoient à la per- T üij La DeE- MONSTR. EVANGEL. Epiphan. än bæref. Weletia- nor, 184: LE SPECTACLE fécution portoient les cicatrices & les marques d’une confeflion généreufe, ou écoient exténués par les rudes travaux des mines & des carrières. De tels hommes connoifloient le prix de leur foi, & n’é- toient pas de caractère à annoncer, ou à fouffrir des fables, ni des fiftêmes frivo- les, quand la liberté fut rendue. On les trouve fimples & entiers. Ils font fur le langage de la foi d’une délicateffe extré- me : ils fe déclarent hautement contre ceux qui veulent allier les penfées de l’E- cole avec la Philofophie du Sauveur : & la même uniformité qu'ils veulent dans la foi, ils la demandent dans la conduite: ils veulent en tout la même droiture. Qu'il vous fied mal, difoir Potamon Evêque d’Eracléople à Eufebe de Céfa- rée, qui malgré fa doétrine plus qu’équi- voque fur la divinité du Verbe, fiégeoit à Tyr dans le Concile affemblé contre le grand Athanafe ; ‘ Qu'il vous fied mal » de vous affeoir ici en qualité de Juge! » & peut-on fouffrir qu’un Achanafe foit , accufé, paroiffe ici debout, & attende » {on Jugement d’un homme tel que Vous ? Je vous connoïs parfaitement: nous nous fommes trouvés enfemble , dans les fers au tems de la perfécution. » J'ai perdu cet œil pour la vérité : mais, DAULAUYNATURE., 188 » Vous , quelle perte avez-vous faire ? » Quel eft le martire qu'on vous aic fait » endurer? Il ne vous refte aucune mar- » que de votre confeflion : parlez : quel » autre moyen trouvâtes-Vous pour vous » faire ouvrir les prifons, que celui de » Promettre à nos perfécuteurs que vous » facrifieriez ? & peut-être n’eft-il que » trop vrai que vous avez tenu parole. Eufebe ne purtenir contre ce reproche, & quitta le Concile, fous prétexte d’aller aflifter à la dédicace de la nouvelle Eglife de Jerufalem. Qu'on a droit de fe faire écouter avec de pareilles preuves de conftance & de fincérité! La plüpart de ceux qui illuftrè- rent pour lors la foi de l’Eglife, ou par leurs écrits ou par leurs atteftations por- tées au Concile général, ou par d’autres fervices, étoient autant de Confeffeurs. Quelques-uns étoient favans. Plufeurs s’en tenoient à la fimplicité de la doétrine Chrétienne : ils redifoient avec candeur ce que leurs prédéceffeurs leur avoient appris. L’Eglife étoit leur école ; fes écritures & {a licurgie leur bibliothéque. Voilà les hommes qui perpétuèrent le Chriftianifme , & qui en attachèrent les témoignages à des folemnités publiques, à des bâtimens, & à des inftrumens aufli La DE- MONSTR. EVANGEL, La De- MONSTR. EVANGEL. La per- péruité du témoignha- ge du Sang. 186. LE SPECTACLE durables que tout l’avenir. Voilà les maî- tres quien ont formé d’autres, celsqu’Hli- Jaire , Jérôme , Ambroife, Auguftin, Chryfoftome, Leon , & tous les Doc- teurs du premier ordre. L’Eglife s’étoit montré jufques-là par fes miracles, par la fainteté vraiment prodigieufe des hom- mes les plus pervers devenu fesenfans ,& par les fouffrances de fes témoins. Mais fa beauté étoit défigurée aux yeux du genre humain par les opprobres, & une vaine philofophie prévaloit. C’eft le qua- trième fiécle qui plaça l’Eglife dans une fituation avantageufe pour être vüe. La Croix fut exaltée par-tout, & c’eft prin- cipalement de ce fiécle fi éclairé, puis du fuivant, que nous viennent les premiers recueils de L Hiftoire Eccléfaftique, les liturgies célèbres, les collectes de nos fé- tes , les inftrudtions de toute efpéce, le rétabliffement des Bafiliques, les dédica- ces & la forme de toutleculce extérieur ; en un mot, le parfait modéle de tout ce qu'il falloit croire & pratiquer d’après l'inffitution des hommes apoftoliques. Îls couronnèrent cet ouvrage fi impor- tant pour nous par la perpétuité du té- moignage qui renfermoit généralement tous les autres, & qui en tenoit lieu. Ils renouvellèrent par-tout les bâtimens & DE LA NATURE. 187 les autels confacrés à Dieu, fous le nom des Témoins, ou fous le nom de Mémoi- res de teloutel Martir. On y indiqua les affemblées des Fidéles, & ces folemnités qu'on ne fréquentoit auparavant qu'avec inquiétude & qu'avec beaucoup de pré- caution , fe célébrèrent par-tout en grand concours. Ce témoignage qui intérefToit le cœur des Fidéles par les impreflions les plus touchantes , commença par toute terre, comme toutes les vérités précé- dentes, à tenir à des fêtes qui le vont ren- La DE- MONSTR. EVANGEL, dre préfent à tous les fiécles. 44 lieu donc . de nous faire aujourd'hui à nous-mêmes des inftitutions & des idées du Chrifliani[- me qui nous autorifent à condamner ; mé- me dans les premiers fiécles, ce qui nes'a- jultera pas avec ces idées ; notre [age]] e ef? uniquement d'oberver les témoignages des trois premiers fiécles, & de prendre nos idées dans la lumière du quatrième, pour y conformer foigneufement notre créance. Ce n’étoit pas une coûtume qui fût particulière aux Chrétiens, d’enfévelir les morts avec honneur, de célébrer des fé- tes anniverfaires aux tombeaux des per- fonnes d’une grande confidération ; d’y chanter des himnes, ou d’y faire l'éloge du défunt, & de defcendre proceflionel- lement dans les Cryptes fouterraines avec La De- MONSTR. EVANGEL,. 188 LE SPECTACLE un cicrge ou une lampe à la main, On voit par les Hiftoriens, par les Poëtes, par les infcriptions qui nous reftent, que les anniverfaires & tous les honneurs rendus aux morts font auffi anciens que le monde. On peut lire dans la Thébaïde de Srace les fêtes célébrées fur la fépui- ture d’Archémore ; dans le cinquième li- vre de l’Enéïde l’anniverfaire d’Anchife ; & dans l’ancien Teftamenr les honneurs annuels qui ont été rendus à la fille de Jephté , aux Patriarches , aux Prophé- tes aufi-tôt après leur mort & long-tems après leur mort. L’Ecriture ne blâme ni les monumens, ni les fêtes funèbres ,ni les éloges des morts ; mais la déteftable coûtume de leur facrifier, d'évoquer les efprits, & de prétendre les interroger fur l'avenir , en s’affeyant familièrement avec eux autour du fang des victimes mortuai- res dont on les croyoit fort avides. L’Ecriture parle de cette pratique dans le livre du Lévitique , (a) dans Ezé- chiel, (2) & bien ailleurs. L’Odyfée nous en fournit le détail le plus conforme à celui d'Ezéchiel, dans le facrifice que fair Uliffe à l'ombre de Tiréfias. C’eft un abus infigne d’uneancienne pratique très- (a) Levit. 19. 26. Hebr, C) Ezech, 43, 05. a DE LA NATURE. 189 innocente , & c’étoit en même-tems une preuve parlante de l’ancienne & univer- felle perfuafon où l’on étoit de l’immor- talité de l'ame. Les Poëtes font preuve en ce point; parce que leurs fiétions fup- pofent & imitent ce qui évoit d'ufage. Ce qui éroit particulier aux Chrétiens à cet égard, & qui ne pouvoit être d'ufage ailleurs, c’étoit de pofer au jour de l’an- piverfaire d’un Martir la table Eucharif- tique & le corps du Seigneur fur les reftes qu'on avoit fauvés du corps de fon té- moin ; ou de pofer ces reftes fous un autel à demeure. L'Eglife mettoit ainfi auprès de l’Euchariftie , non un fecond objèt d’adoration , mais la preuve la plus tou- chante , foit de la réalité des biens que les Fidéles y venoient recevoir, foit de la fainceré du Miniftère qui les leur dif- penfoit. Le mot de Reliques déja introduit par l'ufage où on étoit en bien des lieux de mettre les corps fur le bucher & d’en con- ferver les cendres dans la famille, devint encore plus commun dans les fêres Chré- tiennes, où l’on ne plaçoit fous l’autel que les reftes informes d’un corps à demi brûlé, d’un corps mis en piéces par la violence des bourreaux ou des bêtes. Gardons-nous toûjours de prendre La DeE- MONSTR. EVANGEL, Les Mé- moires des Témoins, moyen in- faillible de perpétui- té. La De- MONSTR, EVANGEL. 100 : J'ÉRCSPECTACLE quoi que ce foit dans nos propres penñ- fées pour l’attribuer à l’Eglife; &*con- noiffons les intentions des premiers Chré- tiens dans cet ufage par le rapport des Docteurs les plus refpeétables que le quatrième fiécle ait produits, puifque le premier fruit de la liberté que l'Eglife y obtint , fut de célébrer à découvert les fêres du Seigneur & les anniverfaires de fes Témoins. Mais on y trouve en même- tems la preuve de leur délicareffe fur l’u- niformité. Ils avertiffent de ne faire que ce qui fe faifoit dans les tems de con- trainte, & fe plaignent amèrement de la nouveauté des grands repas, qui depuis la liberté de l’Eglife devenoient communs auprès de ces combeaux. Ce défordre & leurs plaintes fervent à conftater la crès- ancienne célébrité de ces fêtes, la perfé- vérance. des témoignages , l’uniformité de la doctrine, & l’oppofition du Minif- tère à toute nouveauté. Saint Ambroife, dans le difcours qu’il adreffe à l’Eglife de Milan, pour la féli- citer d’avoir recouvré les corps de fes deux martirs Gervais & Protais, nous inftruit tout à la fois de l’ancien ufage où éroit l’Eglife d’ériger fes autels fur les cendres des Martirs, & de la différence infinie qu’elle metroitentrele culre rendu DANLAUNATURE, 101 à Jefus-Chrift &-le fouvenir honorable de fes Saints. “ Honorons, dit-il, le » triomphe de Jefus-Chrift en lui ame- » hant ces viétimes dans le lieu où il » eft victime lui-même. Mais il appar- tient à celui qui eft mort pour tous d’é- tre fur l’aucel : au lieu que ceux qui » Ont été rachetés par fa mort font fous , l'autel. Saint Auguftin parle de cer ufage avec la même jufteffe & avec le même feu: » Le peuple Chrétien, dit-il, (4) fré- » quente les Mémoires (2) des Martirs » & les honore par de faintes folemnités, » pour s’animer à fuivre leur perfévéran- » ce; pour être aflocié à leurs mérites; » pour être aidé par leurs prières : avec Cette réferve cependant que nous n’é- levons point d’autels aux Martirs, mais , au feul Dieu des Martirs, même dans » les temples qui portent leurs noms. » Car quel eft le Prêtre qui en célébrant » à l'autel fur /e lieu où repofent les corps »» Jaints, ait jamais dic: C’eft à vousPierre » Où Paul ; c’eft à vous Cyprien que nous » faifons l’oblation? Mais ce qui eft of- » fert, eft offert à Dieu qui a couronnéfes (a) Libr. 20. Contr. Fauff. cap. 21. (») On donnoit ce nom aux bâtimens aufii-bien qu'aux fêtes. LA DE- MONSTR. EVANGEL: 192 : LeNSrEcCTACLE La DE-,, témoins, & lui eft offert dans les mé- ONSTR. moires de ceux qu'il a couronnés.… EVANGEL, . » Nous honorons donc les Martirs de ce culte de dileétion & d’affociation » par lequel nous honorons même les » faints hommes de Dieu qui font encore » en vie, avec cette différence que nos » fentimens pour ceux qui ont confeflé » la foi, font plus animés, parce que les » Martirs n’ont plus de chute à craindre » après les combats dont ils font forti » victorieux. Mais nous n’honorons ni n’enfeignons à honorer que Dieu feul …» de ce culte, que les Grecs appellent de » Latrie. C’eft à fon culte feul qu’appar- tient l’oblation du facrifice. Delà vient » qu’on donne le nom d’Idolitres à ceux » qui offrent le facrifice aux idoles. Nous » fommes fort éloignés de le faire : nous » n’en offrons pas même ni n’enfeignons » à en offrir à aucun Martir, ou à au- » Cune ame fainte, ou àaucun Ange. , Après avoir nettement expliqué ceque l’'Eglife fe propofe dans les anciennes fo- lemnités de fes Martirs S. Auguftin fe plaint des défordres qu’une joie peu me- furée y introduifoit, & que l’Eglife ne fouffroit qu'avec un déplaifir extrême , en attendant qu'il lui fût poflible de les ar- rêter. Cette expofition de la créance des Peres DE LA NATURE 19 Peres du quatrième fiécle, eit celle de la La Des foi Carholique aétuelle ; en forte que fr quelqu'un ofe rejetter celle-ci, c’eft une """""" nécefité qu'il rejette aufli la doétrine des Peres du quatrième fiécle. Mais leur doc- trine n’eft que la propagation de celle des trois premiers fiécles précédens : & elle eft d'autant moins fufpeéte, que te- nant à des ufages & à des fêres d’une no- toriété univerfelle, elle n’a pù être in- ventée par aucun Docteur du quatrième fiécle. C’eft une ateftation très-folem- nellement rendue aux pratiques de l’'E- glife qui avoient été par-touc pour les premiers Chrétiens de puiffantes leçons & de grandes confolations dans leurs fouffrances. On conçoit avec quelle affection les Chrétiens qui avoient perdu ce qu'ils avoient de plus cher fous les quatre pré- décefleurs de Conftantin , fe portèrent à immortalifer les derniers témoignages, & à les affocier aux précédens. C’eft ainf que le quatrième fiecle eft le lien de la foi des premiers Chrétiens & de la nôtre, Car comme la nôtre fe retrouve à chaque page dans les Ecrivains de ce fiécle , qui ne firent que publier fur les toits ce qu'on étoit contraint auparavant de fe dire à l'oreille ; il s’enfuir que l'Eglife Caihe- Tom, VIII, Part. IE N { LA DE- MONSTR. EVANGEL, La forme de nos Egliles, moyen de perpétuer le témoi- gnage. 194 LE SPECTACLE lique a dans tous les cems la même foi, les mêmes fêtes , & les mêmes témoi- gnages. Après quoi il devient peu néceffaire d’accumuler ici les atteftations rendues à l’antiquité des Mémoires par S. Cy- prien , par Tertullien, par les aétes du martire de S. Ignace, & d’autres aufli an- ciens ; par la lettre de l’Eglife de Smyrne à celle du Pont; & par tant d’autres mo- numens qui fe trouvent dans l’hiftoire d'Eufebe & ailleurs. Il étoit naturel que les monumens de cette pratique fe trouvaflent par-tout. Elle étroit en effèt des tems Apoftoliques , & faifoit une partie de la forme qui fut donnée dès le commencement aux affem- blées des Chrétiens. Certe forme confif- toit dès le premier fiécle en quatre ou cinq parties principales , toüjours réu- nies : une chaire diftinguée & placée der- rière l’autel, mais à quelque diftance & au fond du bâtiment où la vûe fe termi- noit; c'étoit le fiége de l’Evêque : à côté de lui à droite & à gauche, d’autres fié- ges pour les Prêtres: au milieu de l’affem- blée un autel {ur lequel on célébroit l’'Eu- chariftie : fous l’autel une ou plufieurs ur- nes où l’on confervoit ce qu’on avoit pû recucillir ou fauver foit du fang, foit des DE LA NATURE. 196 cendres , ou des autres dépouilles des Martirs : enfin un ou plufieurs candéla- bres pour foutenir les cierges ou les lam- pes qui éclairoient les Miniftres & les Fidéles. Cette forme fe trouve encore dans l’Eglife de S. Pierre de Rome , dans plufieurs anciennes Cachédrales , dans quelques Eglifes Abbatiales, & autres ; fur-tout felon que les Décorateurs ont pris l'antiquité pour leur régle. S. Jean dans fa révélation voit la gloire célefte , felon des idées conformes à l’ordre des affemblées Chrériennes : un chrône dans le fond : des fiéges de part & d'autre pour les vingt-quatre Prêtres rangés à côté de celui qui eft affis fur le thrône : un autel fur lequel eft l’Agneau comme we viéht- me égorgée : fous l’autel les Martirs revê- tus d’habits blancs : enfin plufieurs candé- labres pour éclairer l’autel & l’affemblée. Le fruit comme l'intention de cet éta- bliflement Apoftolique, a été de rendre la mémoire des Martirs toûjours pré- fente & chère à la poftérité, & de cer- tifier leur confeflion à tous les âges par la plus grande publicité qui fe puiffe con- cevoir. De la forte les fidéles ne parti- cipèrent jamais au mémorial de la mort, de la réfurrection , & de l’afcenfion du Sauveur, fans en avoir see eux le té- N i La De MONSTR: EVANGEL» Tanquats occifum. Le fruit de cette pra- tique. La DE- MONSTR: EVANGEL, 196 LE SPECTACLE moignage le plus fort que des hommes aient pû rendre ; qui eft de mourir pour ce qu'ils ont vü eux-mêmes , & appris de toute part par d’autres témoins oculaires. Ces monumens très-couchans par eux- mêmes , devinrent avec cela très-célèbres par le concours. Dans une infinité de lieux ils fe convertirent en de grandes ba- filiques , ou même en des villes très-peu- plées, qui en prirent leur nom. Et c’eft parce que le fang des Martirs a coulé par-tout, que ce témoignage eft devenu univerfel, On ne folemnife nulle part ni les ravages d'Alexandre en Afie, ni ceux des Scipions en Afrique. Quelle part en effèc le genre humain y prendroit-il ? mais où ne célèbre-t’on pas depuis feize cens ans les expéditions entreprifes par Pierre & par Paul, pour gagner des cœurs à Jefus-Chrift ? connoît-on des conquérans plus aimables? en eft-il de plus utiles ? avec cela connoït-on des conquêtes mieux avérées ? eft-il un con- tinent, un Royaume, une Île, où l’on ne montre les monumens du paffage de quelqu'un de ces Miniftres de paix, & où l’on ne dife, que par eux nos Peres ont connu la vérité, & font entrés dans ja voie du vrai bonheur ? Nous ne l’attachons pas ce bonheur à DE LA NATURE. 197 lapompe des cérémonies, ou à la magni- ficence des bâtimens. Mais Dieu a permis qu’en vificant le plus beau temple qui lui foit élevé fur la terre, on puiffe dire: Voilà où eft la chaire & le tombeau du premier des Envoyés Evangeliques. Le Vatican où il eft venu terminer fa car- rière , eft cout enfemble le mémorial d’un autre héros qui a fait la conquête des Gentils. Quel témoignage que le mau- folée commun de ces deux Vainqueurs placé fur les débris de l’idolätrie ? Les autres Cathédrales montrent par- tout fous leur autel, ou à côté, les mo- numens de leurs premiers Evangéliftes. Il a été dit à ces illuftres Témoins, d’at- tendre le rétabliffement du corps qu'ils ont généreufement quitté : mais fembla- bles aux os de Jofeph, iis ont continuelle- ment annoncé à l’Eglife de Dieu fa voca- tion, & fes efpérances. La mort n’a pas mis fin à leur prédication. Ces urnes con- fervées par-rout, cesphioles de fang , ces débris échappés à la dent des bêtes ,ces os noircis par le feu , les baifers des Fidé- les , leurs magnifiques préfens qui ont converti les Mémoires des Témoins en autant de monumens immortels, & les ont en plufieurs lieux accompagnées d’u- ne chaire Epifcopale ; ici tour eft parlant, N ii La De- MONSTR. EVANGEL, La DE- MONSTR. EVANGEL. 194. Les Srælé Ta cLEe Après tant de fiécles nous retrouvons les fêtes des premiers Ambañladeurs, leurs tombeaux, leur œuvre, & leurs fuccef- feurs. Cer affemblage de monumens pu- blics & confpirans, eft particulier à l’E- glife Catholique. Les pierres , le bron- “ze, &les livres, fur le concours defquels Les aûtes & les mo- numens du moyen âge xépétent & conftarent on fait tant de fonds pour s’aflurer des évènemens de l’Hiftoire profane, font, quoiqu'ils fe trouvent ici par milie, les moindres inftrumens de la gloire des Martirs. L'Egjlife par fes fêtes leur a ac- quis une célébrité infiniment fupérieure. Il y a donc perpétuité, & les preuves du Miniftère Catholique font en tout tems à côté de lui. Comme nous avons vû les monumens des promeffes difperfés fur coute la ter- re ; nous voyons les témoignages de l’ac- compliffement , & les preuves de l’al- liance également répandues. Mais quoi- que le concours de tant de voix foic d’une force invincible; chacun de ces monu- mens pris à part porte encore avec lui la célébrité d’un témoignage aufli durable que les fiécles. Comme le premier effèt de la liberté du quatrième fiécle avoir été de rétablir avec fplendeur les Mémoires des Mar- tirs que la perfécution avoit abattues ou DE LA NATURE. 199 profanées ; les mêmes bârimens venant par la fuice à périr de vétufté ; le moyen âge les renouvella, & nous communiqua tous les mêmes témoignages par des Dé- dicaces nouvelles , & par des Tranflations qui atteftent d'année en année , non les inventions du neuvième ou du onzième fiécle ; mais le rérabliffement des fêtes & des bâtimens qui avoient précédé. Quelle précaution falloic-il prendre qui n’ait pas été prife, pour certifier les faits, & pour continuer la chaîne des témoignages ? La certicude fort avec naïveté des dé- fordres même. On la retrouve dans les excès & dans les tumultes inféparables du grand abord des peuples. On la retrouve dans l’indifcrétion même des Légendaires du moyen âge. N'ayant point par-tout les Actes des Martirs recueillis felon la pratique de bien des lieux, & commu- niqués par les Notaires (4) même, plu- fieurs enchérirent par des traits d’inven- tion fur l’ancienne renommée pour four- hir dans ces fêtes les éloges qui étoient d’ufage , & donnèrent lieu tant aux fain- (a) Les Greffiers fe nommoient Notaires, parce qu'avec le fecours des notes abrégées ils écrivoient dans les tribunaux les demandes des Juges , & les réponfes des accufés , d’une facon très-expéditive. La main alloit comme ja langue. N iii La DE- MONSTR:, EVANGELe ceux du premier, Les défor- dresrepro- chés à l’E- glife Ca- tholique prouvent la vérité de fes monu- mens, & de fon mi- niftère, La De- MONSTR. EVANGEL. 260 LE SrecTraczre es régles de l’Eglife , qu’au difcernement d'une faine critique. La faufle monoie fe difcerne & fe rejette fans préjudice de la vraie : elle la fuppofe. La certitude de la vérité fe retrouve dans les débats des peuples pour ces mo- numens de leurs premiers Prédicateurs, & juiques dans l’indécence avec laquelle ils fe les font quelquefois arrachés. Cette vénération pour les tombeaux des Martirs devenu les autels du Sei- gneur, fit accorder de très-bonne-heure ou la même fépulture ,ou une place ho- norable à côté de l'autel, à ceux qui fans verfer leur fang avoient édifié l Eglife par une éminente piété, & par des fervices perfévérans. Le même refpeét pour tous ces vafes d'élection, fit cefler l'horreur qu'on avoit auparavant pour les corps morts : & l’habitude de réferver cette dif- tinétion à la vertu, fit fouhaiter, puis ac- corder peut-être trop aifément la fépul- ture au commun des fidéles dans les Egli- fes. Mais ni cer abus, fi c’en eft un, ni les autres, même les plus réels, n’infir- ment en rien la fuite de la perpétuité ; & le Miniftère Catholique fe trouve Apof- tolique, par la confervation de tous fes témoignages : ils font inféparables de fa fuccellion, de fes fêtes, de fes établiffe- DE LA NATURE. sol mens, de fes bâtiméns, de fon exercice public & uniforme, de fes affemblées annuelles |, & des monumens de toutes les infignes vertus que le Chriftianifme a enfantées de fiécle en fiécle. C’eft un tout indivifible. Mais il y a une forte d’Aëtes qui fait la plus grande publicité des Compagnies de judicature, ou d’autres, & qu’ileft bien néceffaire d’obferver féparément. C’eft le perpétuel & principal exercice de leurs fonétions. Leurs anciens actes fe confer- vent par écrit. L’exercice actuel en eft la continuation. Îl.en réfulte un tout qui an- nonce nettement les mêmes pouvoirs, & la première intention. Rien ne montre mieux un Parlement à cout fon reffort que cette fuite de Réglemens & d’Arrêts qui décident les cas furvenus, qui préju- gent les femblables, & que les peuples alléguent pour la régle de leur police, & de leurs poffeffions. Jamais on ne s’eftavifé de troubler les peuples dans la certitude où ils font d’a- voir des traités de commerce & des Com- pagnies de judicature, qui les réglent. Jamais on ne s’eft avifé de crouver dans leur perfuafon un cercle vicieux , qui fe- roit de montrer l’érabliflement & le dé- partement d’une Compagnie par les actes La DE- MONSTR. EVANGEL. 202 LE SPECTACLE La De- qu’elle a toüjours exercés ; puis de prou- MONSTR. EVANGEL. ver l’autorité de fes actes par fon éta- bliffement & les pouvoirs qu’elle a reçus de la puiffance légiflative. Ce qui fair que ces deux procédés font bons fans fe nuire l’un à l’autre, c’eft qu’à côté de l’établifle- ment de la Compagnie , & à côté de l’exercice de fes pouvoirs, fe trouve la fociété entière qui a pris connoiffance de l’un & de l’autre ; & qui par fon acquief- cement nous garantit que l’un eff la fuire de l’autre. Alors pour prouver les pou- voirs & la nature du département d’une Compagnie , il devient indifférent, ou de recourir aux lettres de fon établiffe- ment, ou de juger de la teneur des let- tres par les actes qui foncémanés & éma- nent de fon pouvoir; parce que le Pu- blic a une autorité fufhfante , difons mé- me , une infaillibilité naturelle pour nous répondre de la réalité de l’établiffement, & du droit conféquent de l'exercice. Il en eft de même de la poffeffion où eft le Miniftère Catholique d’enfeigner route vérité, de l’éclaircir, & de la dé- finir. La Dialettique nous accufe d’actri- buer à ce Miniftère un pouvoir qu’il nous eft impoffible de juftifier : parce que tan- tôt nous prouvons l’autorité de l’Apofto- lac & du Miniftère immortel var les pa- DE LA NATURE. 203 roles des Ecritures qui en font émanées, & par la poffeffion où il a été d’âge en âge de prêcher & de définir la vérité; tantôt nous prouvons l’autorité des Ecri- tures , & des actes poftérieurement éma- nés du Miniftère Catholique, par la cer- citude de la miflion Apoftolique. Ce procédé pourroit paroïtre défec- tueux, fi l’excellence de l’Apoitolat, & l'excellence de fes actes, ne nous étoient également démontrées par un moyen in- faillible. C’eft l’atteftarion & l’acquiefce- ment d’une fociété vraiment immenfe, répandue par-tout, incapable de collu- fion , incapable de méprife {ur l’objèt de fon atteftation. Telle eft l’Eglife Catho- lique:elle a vû , couché, & attefté par toute terre les œuvres de l’Apoftolar:elle a femblablement attefté & garanti la réa- lité des écrits provenus des hommes Apof- toliques. Elle nous a inftruits des droits du Miniftère qui a fuccédé aux Apôtres en recevant fa prédication , fes régles, les décifions de fes Conciles, fes profeflions de foi, les prières de fa Liturgie, enfin les écrits même des Doéteurs particuliers à proportion de l’analogie que le Minif- tère y a reconnue avec la prédication précédente. Tous ces aétes recueillis, at- teltés , & employés tous les jours par une La DE- MONSTR. EVANGEL: / so4 Lr Specracre La De- Société qui ne meurt point , forment un MONSTR. RVANGEL, dépôtauffi public &aufliindéfectible que la fociérté même, Nous honorons avec une jufte recon- noiflance la faine critique & l’érudition qui éclaircir les doutes, & qui redreile les méprifes. Mais il y a une nororiété fort fupérieure à l’érudition. La plus fa- vante hiftoire de notre Magiftrature , & de nos traités de Paix, n’eft pas ce qui nous aflure nos poffeffions, nos limites, & nos priviléges. Nous en fommes rede- vables à la réalité du Miniftère qui les a réglés ; & cette réalité nous eft garantie, non par la plume des Hiftoriens, mais par le témoignage très-public & crès- perfévérant de la Société qui en a pris connoiffance. Nous n'avons pas befoin de montrer ici en détail combien la fimplicité de ces moyens , & la concorde de tous ces ac- tes fuccefifs du Miniftère joints au lan- gage uniforme des pratiques univerfel- lement les mêmes, donnent de facilité aux Pafteurs pour former leur prédica- tion; ni combien les Fidéles y trouvent d’abondantes reffources pour être inva- riablemenc inftruits de la foi des fiécles précédens, même dans les tems d’héré- fies , de fchifimes, de perfécutions, de DE LA NATURE 205 nuages , de fcandales. Ce que nous avons néceflairement à faire voir, c’eft la cer- titude parfaite où nous fommes dans l’E- glife Catholique d’avoir le vrai Minif- tère & la confervation régulière du dé- pôt de la foi. Or on ne peut non plus contefter ni l’un , ni l’autre à l’'Eglife Carholique, qu'on ne peut contefter à la France la réalité de fes Parlemens, ou à Venife la connoiffance de fon Sénat, & de fes actes. Ce qui fait qu'une grande Société ne peut fe méprendre fur l’érabliffementc d’une Cour fouveraine, c’eft que le fait eft très-public, & que la Société y a ap- plaudi comme à un établifflement très- avantageux. Cette connoiffance une fois prife fe perpétue dans la même Société: on ne réitère plus les premières preuves des pouvoirs accordés aux Juges. Leur fucceflion, leurs Jugemens, leurs régle- mens, & l'exercice actuel, montrent ce qu'ils font. Seulement fi l’un d’eux excé- doit fes pouvoirs, ou fi rous enfemble ils entreprenoient de régler ce qui n’eft pas de leur département, par exemple, les opérations militaires ; la Société, fans rompre avec eux, les renfermeroiït dans leurs bornes. - Comme il n’y a jamais eu de publicité La Dr- MONSTR: EVANGEL« 206 Le SPECTACLE La De- comparable à celle de l’ambaflade Evan- MONSTR. EVANGEL. gelique , puifque la voix des Ambaffa- deurs, & les preuves de leur miflion, ont été portées par-tout : il n'y a point eù non plus de confentement ni plus rou- chant, ni plus foutenu, que celui qui a été donné au Miniftère Chrétien par l’E- glife univerfelle ; puifque c’eft dans le fort de la durée des preuves qui ont mis au jour la vérité de l’Apoñtolat , que cette Eglife s’eft formée de Juifs, de Sama- ritains, de Grecs, de Romains, d’Afri- cains, d’Afiariques & d’Européens , mal- gré le favoir & la politeffe des uns, mal- gré la barbarie des autres, malgré les dedains & les préventions réciproques , malgré des oppofitions terribles, malgré desintérêts très-vifs qui tendoient & ren- denc plus à les féparer qu’à les unir. Cette conviction dans une multitude d'hommes fi divifés, fi innombrables, fi inébran!a- bles dans une même foi , ne pouvant être en matière de faits publics & fou- mis au rapport des fens, que l’effèt des preuves les plus palpables & les plus vic- torieufes , la fimple perfévérance de cetre grande fociété dans fon attachement au Miniftère Evangelique le difpenfe de réi- térer fes preuves. La Société perpétue elle-même les témoignages de l’établif- DE LA NATURE 207” fement, & la notoriété des droits du Mi- niftère. Delà vient d’abord , que comme le Magiftrat rend la juftice fans avoir be- foin de prouver fes pouvoirs, le Pafteur Catholique adminiftre la parole & les Sacremens fans fe mettre en peine de montrer le droit qu'il a de le faire. Sa fociété , les bârimens , les monumens, l’œuvre qu’il perpétue , tout parle pour lui. L’inquiétude & les efforts ne con- viennent qu’à ceux à qui tout l’univers reproche leur nouveauté, & la témérité de leur féparation. Ileft vrai que divers accidens ont dé- truit plufieurs Eglifes célèbres, & que le fchifme a détaché plufieurs fociétés d’a- vec l’ancien corps de l’Eglife Catholique. Mais leur témoignage n'eft pas détruit pour cela. Celui que l'Eglife d’ Egypte a rendu au Difciple Marc d' avoir été le pre- mier Evéque de fa capitale, & d’avoir écrit une Hiftoire Evangelique, fubfifte toüjours. Toutes les hiftoires nous ont confervé ce témoignage ; & il eft aufli certain que celui qui a été rendu par les Eglifes d’Afie à l’Apôtre S. Jean d’avoir L 2 La De- MONSTR. EVANGEL. réfidé à Ephèfe, d’avoir été exilé à Pat- mos , d’avoir écrit l'Evangile & l’Apo- calypfe qui portent fon nom. Le témoi- La DE- MONSTR. AVANGEL. 208 LE SPECTACLE gnage rendu à S. Paul par les habitans de Theflalonique & de Corinche, de leur avoir adreflé les quatre lettres qui portent fon nom & le leur, n’a jamais été obfcurci par le moindre nuage, non plus que celui par lequel les Romains nous ont conftaté la lettre qui les regar- de. Toutes ces Eglifes s’entre-commu- niquoient ainfi leurs richeffes : elles ont revû leurs Fondateurs & leurs Maîtres depuis la réception des réglemens , & des écrits qu’ils leur avoient adreflés. Ils font morts au milieu d'elles, en leur don- nant tout leur fang pour dernière preuve de la vérité de leur miflion. \Sous la garantie de tant d’Eglifes té- moins de la réalité des miracles, de la réalité des écritures, & des établiffemens Apoftoliques , le miniftère n’a plus eu be- foin dans les fiécles poltérieurs que de fe montrer avec le dépôt de fes actes, & avec le corps de fes pratiques univerfel- les, double moyen de rendre à jamais fa prédication invariable. | Sous la garantie de tant d'Eglifes qui n’en font qu’une, il eft également sûr ou d'écouter le Miniftère pour connoître le fens des écritures & des inftitutions pri- mitives, ou de prendre dans lesécritures & dans le dépôt des autres actes du Minif- tère, pe . DE LA NATURE. 9209 tère, la connoiflance des légitimes pou- voirs des Pafteurs,& de leur jufte étendue. Tel eft l'avantage de celui qui fait par- tie d’une grande fociété; par exemple, de la nation Françoife, qu'il eft sûr de fon propre érat, fans être obligé de faire de longues recherches ; & que s’il les veut’ faire il importe peu qu’il commence par examiner fes propres titres, ou qu'il dé- bute par s’aflurer de la réalité du No- tariac qui les garde, ou du Parlement qui les a réglés. Ses démarches le mènent toû- jours à la certitude, & la nation abrége tout en fa faveur. Delà vient encore que fi un efprit féditieux atraquoic les droits du Parlement , cette Compagnie le condamneroit & le puniroit, fans crain- dre le reproche d’avoir jugé dans fà pro- pre caule. La République applaudit à cette con- duite, & attefte les pouvoirs que cette Cour fouveraine a reçus pour tenir tout dans l’ordre. Tel eft le repos dont jouit: le citoyen dans un état policé : telle eft la fécurité du Catholique : elle eft même fort fupérieure. Pour le faire voir d’une autre forte, analifons l'Eglife & la Foi : ne voyons dans l’Eglife que ce qu’elle a d'extérieur. N'’envifageons dans la foi du particulier Tom. VIII, Part, IL, [e) La DE- MONSTR, EVANGEL. L’enrre- prie d’at- taquer les droits du Miniftère ne les jin- firme point : la fociété les maintient. 910, LE SPECTACLE La De- que le procédé de l’efprit de l’homme. MONSTR- Laiflons à part l'opération de l’Efpric EVANGEL, à à faint, qui eft avec fon Eglife, qui forme un cœur fidéle, & qui perfectionne la condition de l’un & de l’autre. . La foi du Catholique prife humaine- ment eft la perfuafion d’avoir part à l’al- liance éternelle par le Miniftère qui n’a cefé , lui dit-on, d’en faire l’annonce de la, part de Dieu par-tout,où il eft pofli- ble de pénétrer. Cette foine feroit qu’une crédulité lé- gère fi le Miniftère n’étoit garanti : mais la prédication du Clergé Catholique in- clinant l’efprit par la plus grande auto- rité qui foic fur la terre, & par la plus grande sûreté que l’homme puiffe défi- rer , notre acquiefcement ne peut être © pour lors qu’une conduite très-fage, & nocre refus ne peut être qu'inexcufable. . Les Miniftres des Rois obtiennent des pouvoirs pour former un établiffement : mais le particulier qui veut y prendre part n’eft sûr de rien que par le témoi- | gnage public & foutenu que la fociété rend à cette commiflion. L’Apoftolat qui s’eft. dit immortel & univerfel eft digne | de notre foumiffion , s’il eft divin : mais: | comment ferons-nous certains que cette condition eft remplie? Pournousencon- pe LA NATURE. 11 vaincre pleinement , il eft jufte que ce Miniftère aic d’abord fait fes preuves, & ‘qu'une fociété digne d’être crue ne cefle point de nousles perpétuer. C’eft le cas où nous fommes , & il ne femontre nulle part plus avantageufement. Nous rece- vons le Miniftère Cacholique fousla cau- tion d’une fociéré immenfe, & difperfée par-tout ; fociété originairement rémoin des mêmes faits: & des mêmes preuves dans {a difperfion ; incapable à cer égard d'illufion & de collufion ; rendant témoi- gnage aux mêmes vérités de fait contre fon intérêt capital, & donnancpour roû- jours à fon témoignage la plus extraor- dinaire notoriété ; d’abord par trois cens ans de fouffrances, puis par une foule de monumens indeftruétibles, & placés de toute part fous nos yeux. Tous ces articles ont été prouvés pré- cédemment. Le concours & l’éclat de ces preuves ne fe trouvent nulle part dans un dégré comparable à ce que nous voyons dans l'Eglife Cacholique. Elle a roüjours porté ce nom, parce que ceux qui lacom- pofenc n'ont par touce terre-& dans tous les fiécles , qu’une même prédication, & qu'un même culte extérieur. Ilsne fe fonç point d'abord affemblés ou unis pour rendre témoignage à ce re avoient vû l La De MONSTR, EVANGELe Ex DE- RIONSTR. EVANGEL. 2129 LE SPECTACLE & appris : mais l’uniformité du témoi- gnage qu’ils ont rendu dans leur difper- fion au miniftère Apoftolique , eft ce qui les a mis en un corps de fociété. Ni l’hif- toire du genre humain, ni les communs moyens de garantie ne nous offrent rien qui approche de l’autorité de ce magni- fique témoignage rendu par les premiers fidéles ; & c’eft parce qu’ils ont compris l'avantage qui en revenoit à leurs enfans, aux autres peuples encore égarés, & à routes les générations à venir, qu’ils ont pris foin d’attacher leur témoignage, leur créance , & rous les actes fucceffifs du mi- niftère, à des moyens de publicité & de confervation que rien ne püc détruire, ni même obfcurcir. Rien de plus lumineux ni de plus sûr que la régle de la foi Catholique : “ Ne , pratiquer , ne dire que ce qui fe prêche » par-tout , que ce qui fe trouve dans les actes de la prédication univerfelle. Quod femper , quod ubique. Rien de plus fenfible, ni de plus ef- cace que les moyens d’uniformité parmi les Catholiques. Leurs fêtes, leur litur- gie, les Mémoires des Témoins, tout l’ex- térieur , voilà l’ancienne & immortelle expofirion de la foi Catholique, avec fes preuves toüjours vifibles. Que fera-ce DE LA NATURE 913 quand on y joindra les témoignages Re écrits ? . 1” Ep Vienne fe préfenter , qui l’ofera, pour livrer l’attaque à un point de la créan- ce, ou des pratiques univerfelles. Arius ofe-r'il ouvrir la bouche contre la divi- nité du Verbe qui s’eft incarné , & qui eft notre Emmanuel, Dieu avec nous? Vigilantius ofe-r'il blâmer l'Eglife de placer honorablement fous la table de fon facrifice les cendres de fes Témoins ? Tout eft réfuté par avance. La feule dif- fonance , la nouveauté fuflit pour con- fondre toutes les fetes. L’Eglife Carho- lique le voit naître à gauche, à droite, & rentrer l’une après l’autre dans leur néant. Seule elle fubfifte & enfeigne avec autorité, parce qu'elle ne fe montre qu’a- vec un Miniftère immortel & divin dont elle a perpétué les preuves & tous les actes. . Ce n’eft pas ici une tradition du ca- ractère de l’hiftoire Chinoife ou Egyp- tienne. Ce n’eft pas une renommée com- me celle qui fait honneur à Fohy & à Mercure d’avoir inventé & communiqué à leurs peuples des fecrèts très-importans après lefquels on court encore. Ce ne font point de vieux oi-dire , qui prennent des formes différentes d’un pays à l’autre, O ii] L La DE. MONSTR, EVANGEL, 214 LE SPECTACLE d’un jour à l’autre , d’une bouche à l’au- re. Tout eft prédication dans l’Eglife Catholique , & elle eft hors d'état de rien changer à la créance quitient à des moyens de notoriété auffi ftables que ceux qui caractérifent les érabliffemens hu- mains ; avec cette différence , que les bâti- mens & les aétes qui montrent le Parle- ment d'Angleterre font uniquement dans cette île, au lieu que les diverfes prati- ques, tout l'extérieur de la Religion Ca- tholique fe perpétuent fans fin & font les mêmes par-tout. La condition de l’Eglife Catholique eft donc bien éloignée de fe trouver infé- rieure à celle des Républiques qui certi- fient, & même s’approprient les aétes de leur magiftrature ,en forte que le Public y puifle déférer avec fécurité. Dans l’Eglife Catholique c’eft exaétement parlant le Miniftère feul qui prêche, qui offre le fa- crifice, qui s’afflemble en Concile, qui fafle des réglemens & des définitions, qui inftruife & qui engendre des enfans à Jefus-Chrift. Mais l’Eglife Catholique, qui fait que le Mliniftère eft inftirué pour fon avantage & pour l'édification de tout le corps, s’en approprie les actes fans injuftice , en s’y foumerrant & en s’y con- formant, La doétrine qu'elle reçoit , elle DE LA NATURE. o1 l'appelle fa doétrine. Le facrifice qui s’of- fre en elle & pourelle, elle l’appelle fon facrifice. Elle renouvelle dans fes fêtes la publication de fes écritures, de fes fim- boles, & de toute fa créance : elle mèt le tout à l’ufage de tous fes enfans, & ne craint rien tant que de voir fes richeffes demeurer inutiles faute d’être connues. Où trouveroit-on une plus parfaite noto- riété & une plus conftante publicité. De même donc que les pouvoirs & les opé- rations de la magiftrature , toûjours at- teftés par le même extérieur & toûüjoufs maintenus par la République pour qui le tout eft familier & ufuel ; ne font ni uné tradition obfcure , ni un établiffementin- certain : le Catholique trouve un repos auffi parfait dans la garantie de l’Eglife univer{elle , qui ne peut s'approprier & perpétuer les actes de l’ancien Minif- tère fans être vraiment pour nous /4 co- donne de la vérité. Cherchons un autre moyen de vérité & de sûreté, s'il s’en peut trouver un. Voyons celui auquel ont eu recours en divers tems des hommes décififs, qui of- fenfés d’appercevoir des défaurs dans les Miniftres de l’Eglife , ou bleffés de fe voir affüujettis à croire des miftères au- deffus de leur intelligence, crurent de- O iüii La Dr- MONSTR. EVANGEL, 216 LE SPECTACLE La De- voir fe rendreindépendans. Plufeursef- MONSTR, ZVANGEL, fayèrent dans cette vüe de détruire le Miniftère qu'ils regardoient comme un poifon dans la fociété ; c’eft ce qu’ont fait les Donatiftes ; d’autres d’extirper la doc- trine commune, qui leur paroïifloit une cangrène : c’eft ce qu'ontfait les Arriens. Les uns & les autresonteu desimitateurs. Suppofons qu'il ait été donné aux der- niers venus d’abattre par-tout les chaires Epifcopales, d’exterminer le Clergé , de difliper toutes les affembléesChrétiennes, & de mettre à néant tous les aétes du Mi- niftère, à l’exceprion des Livres faints. Comme la chofe a été tentée, on peut de- mander en cas d’une réufiteentière, s’il n’eût pas été poflible d'introduire dans la fociéré un Chriftianifime plus pur. Laiflons à part l’exceffive abfurdité d’une fuppofition où le Miniftère fe trou- ve abandonné de Jefus-Chrift contre fa promefle, & où les hommes entrepren- nent de faire quelque chofe de plus beau que ce qu'a fait Jefus-Chrift lui-même. Je réponds direétement à la fuppofition de l’entier anéantifflement du Miniftère Chrétien; qu’en ce cas, il n’y a plus de Chriftianifme fur la terre, & qu’on ne pourra l’y faire revivre. La preuve en eft fimple. EEE DE LA NATURE. 917 Quoique l'Eglife univerfelle ait perpé- tué fon Miniftère & fon dépôc par des moyens de confervation aufli fenfibles que ceux des fociétés humaines , il s’y trouve une différence effencielle. Le té- moignage rendu publiquement & perpé- cuellement par des hommes qui fe fuccé- dent, eft le même dans l'Eglife & dans l'Etat. Voilà l’exaéte refflemblance exté- rieure. Mais les pouvoirs auxquels le té- moignage eft rendu , font fort différens. Les pouvoirs des Miniftères civils vien- nent des hommes: la miflion Apoftolique vient de Dieu. Des mécontens peuvent entreprendre de ruiner les bâtimens & les actes du Sénat de Venife , ou de la Compagnie des Indes. Mais la Républi- que & la Couronne font invulnérables. La République peut fe rendre un autre Sénat, fi on avoittuéfes Sénateurs ; & fi des féditieux avoienc fait main-baffe fur Ja Compagnie des Indes, le Roi peut en former une autre. Mais fi le Miniftère périt dans l'Eglife , tout eft perdu pour elle. On difoit d’elle qu’elle batifoic, qu'elle offroit , qu’elle ordonnoit , qu’elle enfeignoit ; parce que le Miniftère qui a reçu la propriété des pouvoirs les exerce pourelle, Mais fi l’homme qui voit, parce qu'il a des yeux , vient à les perdre , il fera La Dz- MONSTR. EVANGEL, La DE- MONSTR. EVANGEL. 218 Le SpEcTaAcLEe pour toûjours dans les ténèbres. Qui lui rendra des yeux ? Dieu feul peut conf- truire l’œil : Dieu feul peur faire revivre l'œil pour le fervice de l’homme. Dieu eft auffi le feul qui puiffe donner des pou- voirs à fes Envoyés , & par eux vivifier le corps de l’Eglife. Mais dans l’anéan- tiffement du Miniftère de falut , la fource des dons falutaires eft carie pour l’Eglife : elle ne peut plus donner d’enfans à Jefus- Chrift : elle n’eft plus que le fquélette d'un corps qui a vécu. On 2, dices-vous , fauvé les Livres faints de la déroute univerfelle. Le texte Evangelique nous demeure en entier. Mais qu’en penfez-vous faire? Appro- chez celivre de votre fquélette d'Eglife, & effavez de lui rendre la vie. Vos ef- forts feront vains. L’Ecricure Evangeli- que eft un des premiers actes du Minif- tère : mais cet acte eft fans utilité, depuis que le Miniftère qui le faifoit valoir, n’eft plus. C’efft la plus belle partie de la prédication : maisil n’y aplusdeprédi: | cation , puifque tous les Envoyés font | exterminés, C’eft encore dans (ei idées univer- fellement reçues que nous allons pren- | dre la vraie notion de l’eftime qui eft | dûe à l’Ecriture fainte, au plus ancien | DE LA NATURE. 219 atte que le Miniftère nous ait laiffé par écrit. En général toutes les Ecritures foit fa- crées, foit civiles , font par elles-mêmes fans activité, & fans autenticité. Elles font fans a@tivité. Un livre ne vient pas à nous : il faut que quelqu'un nous le mette en mains. Le traité de Munfter, ni aucun autre , ne s’eft mis en marche vers nous: & ce qui pafle pour un traité de paix, de limites, ou de commerce, ne le feroit pas, ou demeureroit fans effèc, fi quelqu'un n'étoit chargé de le produire. L'activité d’un inftrument devient en- faite la même que celle du Dépoñiraire. Si celui-ci n’eft que garde-note & confer- vateur,, l’aéte demeure chez lui, & eft fédentaire comme lui. Il faut aller trou- ver le Notaire pour avoir l’aéte. Mais fi le Dépoñitaire eft Ambaffadeur, & encore plus fi c’eft une Compagnie , un corps permanent qui fe montre à tout le public, & qui foit chargé d’inftruire les autres de ce que ces aétes contiennent, d’en re- nouveller la publication , de faciliter à tous le moyen d’en prendre connoiffan- ce, fans jamais refter dans l’inaétion ; alors quoiqu'on puiffe & qu’on doive s’adreffer à ce corps pour être inftruits, le grand La De- MONSTR, EVANGEL. L’activi- té de l’E- criture. La DE. MONSTR. EVANGEL, L’auten- ticité de l'Écriture 220 LE SPECTACLE mérite des actes de certe efpéce , leur vraie activité, n’eft pas feulement d'’inf- truire quiconque cherche la lumière; c’eft fur-tout de nous prévenir, & de ne laiffer perfonne dans l'indifférence. Telle eft l’immortelle activité des Ecritures dans l’'Eglife Cacholique. Son Miniftère les porte par-tout, les publie par-tout, ileft le feul qui le fafle. Par-tout de fêre en fête, & de jour ensjour , ilannonce par un fignal clair, le momentoüilrenouvelle par par- tie la même publication. Par-cout dans nos Eglifes le premier objèt, qui s'offre aux yeux des affiftans, eft la tribune qui fépare le peuple d'avec le Clergé, & d’où fe fait l’annonce de l’Ecriture Apoftoli- que aux fidéles ; & les infidéles n’en font pas exclus. Cette letture, l’exhortation du Pafteur, & l’offrande du facrifice, voila le fond de toutes les Liturgies, & de ce qui fe pratiquoit dans les affemblées des Chré- tiens du premier âge. (4) L’affemblage de ces trois parties fe retrouve dans les folemnités Cacholiques des quatre conti- nents. C’eft donc chez les Catholiques que l’Ecriture eft vivante ; c’eft par eux qu’elle eft annoncée univerfellement. Comme une écriture eft d'elle-même (a) Voyez l'Apologie de $, Juftin. DE LA NATURE oot uninftrument mort, ou fans activité, elle eft encore par elle-même fans aurenticité. Ilne fuffit donc pas qu’une main en nous l’apportant , ou une bouche en nous la lifant, lui donne une forte de vie. Onne fait pas pour cela d’où elle vient, ni par quelles mains elle a paffé, Il faut pour être reçue & reconnue comme vraie , que l'E- criture & le Porteur, aient une garantie, Il n’y a perfonne qui ne fache qu’une lettre, un teftament, une fentence, une patente, un traité, ont befoin pour être reçus , qu'on en connoifle la main, le Notaire, le Tribunal, le fceau, l’'Ambaf- fadeur. Maïs enfuite quand ces piéces ont été vérifiées, qu’elles ont été avouées par le Public, & fur-tout par une fociété très- nombreufe qui en devient le témoin &le répondant, l’aéte ne fe montre plus fans ‘la parfaire notoriété de fa valeur: & l’on y trouve à jamais de lumières füres. La fociété conferve en même-tems les autres inftrumens écrits ou non écrits, les monumens, les pratiques, & toutes les circonftances rélatives , foit à la réa- lité, foit à l’éclairciflement de l’objèt de cette Ecriture. Maïs ce qui achéve de faire la fûreté des aétes confervés par écrit ; ce qui forme en leur faveur une évidence d'expérience LA DE- MONSTR, EVANGEL, Evangeli- que. La De. MONSTR. EVANGEL, 202 LE SpEecTacze à laquelle on ne réfifte que par entête- ment; c’eft que le Corps oule Miniftère de qui ces actes fonc émanés, foit fubfi[- tant, & [es maintienne. On fenc la diffé- rence qui fe trouve entre le recueil tant des communes loix Françoifes, que des réglemens de nos Cours Souveraines, dont la manutention demeure confiée à des Compagnies permanentes; & les loix d’Achènes ou de Lacédémone, qu’on ne trouve plus que dans les Livres. On peur bien douter que celles-ci foientde Lycur- gue ou de Solon, parce qu'aucun Sénat n'a plus la commiflion d’eniconferver le texte :aucune Compagnie de judicarure n’eft avouée & autorifée à les interpré- ter, ou à les appliquer. Elles n’ont plus d’effèt. Ainfi les loix, les traités, les attes, & toutes les écricures civiles & faintes ,tom- bent par terre fans validité , quand on les fépare des Dépofitaires qui en ontreçu la garde, & qui font autorifés à en main- tenir l'exécution. Mais de même que les loix humaines méritent tout le refpect qui‘eft dû à la Puiffance légiflative , quand elles font préfentées & maintenues par le Miniftère public chargé d’en faire l'application ; à plus forte raifon recevrons-nous comme: DE LA NATURE 999 divines les Ecritures que nous appellons faintes , quandnousen entendons faire la publication & l'interprétation par le Mi- niftère notoirement chargé de cette dou- ble commiflion. Si un Quaker, ou quelqu'un. qui fait profeflion de l’Arrianifme, fe préfente pour nous expliquer l’Ecriture Sainte, cerre parole, luidirons-nous , eft fans au- torité dans votre bouche. Il eft vrai que le texte en vient des Apôtres, & que la fucceflion Apoftolique continue à la pu- blier. Mais du moment que vous avez rompu avec ce Sénat, on ne vous con- noît plus de fonction. Vous n'êtes plus maître de la parole : & écrite ou non écrite, elle n’eft dans votre bouche que la parole d’un homme qui la tourne com- meil veut. C’eft le fens de ce texte, & non la lettre qui en fait le mérite. Mais le Viniftère ancien &univerfel , notoire- ment chargé de publier ce texte & de nous en tran{mettre le fens, eft touren- femble aidé & gouverné dans fon inter- prétation par les lumières du-dépôr pu- blic, & de la prédication univerfelle. Ce texte peutavoir été copié avec des: variantes. Il peut avoir été bien & mal traduit, Mais ces imperfections n’allar- ment point l'Eglife Cacholique : elles y La De. MONSTR, EVANGELe La DE- MONSTR. EVANGEL, 224 LE SPECTACLE font compenfées par des inftrumens cor- rélatits qui fe trouvent fans nombre dans le dépôt. Elles y font pleinement répa- rées par le Miniftère qui a prêché toute vérité avant la publication des Ecritures Evangeliques , & qui depuis cette pu- plicarion n’a perdu ni fes droits, ni {es connoiffances. Mettez les loix Françoifes auprès d’un homime qui fache lire : vous ne formerez pas un tribunal. Mais qu’un Roi ou une République autorife un Miniftère per- manent à publier, à interprêter, à appli- quer fes loix : pour lors on connoît la validité des loix & de tous les aétes con- féquens , parce qu’on connoît le Minif- tère que l'Etat autorife. L’Ecriture Sainte n ‘a donc pas f° unique avantage de nous prévenir par l’aétivité du Miniftère qui nous l’annonce : elle a de plus le double mérite d’une autenti- cité qui lui eft aflurée par l’Ambaffade que l’'Eglife Catholique honore, & d’un fens que tout concourt à fixer. Correfpon- dance des actes de toute efpéce, corref- pondances du Miniftère qui tient par-tout le même langage, aveu dela fociété qui connoît de tout tems les pouvoirs de fon | Miniftère ; voilà les fecours publics & confpirans qui aflurent l'Ecat du citoyen. Les D£ LA NATURE 998 Les mêmes fecours affurent l’écat du Ca- tholique. Tel eft de part & d’autre le progrès de notre certitude. Nous fom- mes sûrs des aétes par le Miniftère : & nous avons la notoriété du Miniftère par l’aveu de la fociété. Quoique les promeffes de Jefus-Chrift fi perfévéramment accomplies jufqu’à nos jours, forment un témoignage fupérieur à tous les autres, continuons à voir com- bien il y a de certitude dans les moyens humains que l’Eglife Catholique nous préfente comme toute autre fociété, Cet aveu d’un feul Miniftère auquel il faut s’adreffer , eft auffi clair & auf conf- tanc dans l’état civil, que les établifle- mens publics & les revenus qui y fonc attachés. Cet aveu eft aufli ancien & aufi perfévérant dans l’Eglife Cacholique que les chaires Epifcopales, que les remples où nous nous afflemblons, que les reve- pus qu'on y à très-anciennement atta- chés pour le maintien du même Minif- tère & de la même œuvre. L'’extérieur eft le même, dit la Méra- phyfique. Mais qui empêche que l’ef- prit & la doctrine ne changent? Il faut alors revenir à l’Écriture. Ce changement peut arriver dans les fociétés qui ont ruiné le Miniftère: elles Tom. VIII. Part. IT, P La Dés MONSTR, EVANGELs 206 Le SPECTACLE La DE- ont en même-tems ruiné l'extérieur, & MONSTR. EVANGEL. les actes qui les incommodoient, mais qui nous fixent. Chez elles rout eft pure intelle@tion , pure métaphyfique, & l’E- criture y tourne comme l’efpric qui la mène : en vain y revient-on. [Mlais dans l'Eglife Cacholique la foi & le fens des Ecritures font invariables. La réalité de cette perfévérance du Mliniftère dans la faine prédication, eft le fruit de la célè- bre promefle : & l’un des plus parfaits , moyens de crédibilité qui nous puiffent faire fentir notre avantage , fe trouve dans la ftabilité du dépôt public. Il y a de la forte deux prédications immortel- les : l’une muette , l’autre très-fonore. Elles fe maintiennent:elless’entre-éclai- rent : elles s’entre-juftifient. On comprend après cela combien il y a de jufteffe dans ce mot que nous répé- tons d’après un grand homme. “* Je n’a- » joûterois point foi à l’Ecriture Evan- gelique, fi je n’y étois déterminé par l'autorité de l’Eglife. Comme nous avons diftingué dans la foi ce qui vient de Dieu lorfqu'’il touche un cœur, d'avec la conviction de l’hom- me, qui croit fur de bons témoignages ce qu'il n’a point vû ; nous laiffons ici à part l'autorité fpirituelle que l'Eglife reçoit LA DE LA NATURE. 997 du Chef qui la fanctifie, & qui remplirle La De- cœur de fes enfans d’une fécurité ineffa- MONSTR. ble. Nous n’envifageons point le préfene *Y*"SF?" que cetreinfaillibilité naturellement infé- parable d’une grande fociété , lorfqu’elle attefte des faits très-publics. Les Eglifes comme les Etats en fe perpétuant per- pétuent les témoignages. Cette voie auffi sûre qu'abrégée, & à laquelle l'homme étoit fair, eft celle dont Dieu a fait choix pour lui montrer clairement l’Ambaffade de la grande Alliance. La fociété la plus croyable en matière de fait nous a tranf- mis, fans incertitude, cette Ambaffade & fes Actes, dont l’Ecriture du Nouveau Teftament eft le plus ancien, Ce livre ne nous procure pas feule- L'Ecritu- ment le bonheur d'entendre ceux qui ont ES ou Ne été immédiatement éclairés de l’efprit de tament Dieu : il nous eft encore fingulièrement Ru M. avantageux en nous avertiffant de ce qu'il niftère. ne nous livre pas, & en réglant la me- fure du refpect qui lui eft dû, Quoi donc fe peut-il faire qu’on ex- céde dans le refpeét qu’on porte à l’E- criture de la nouvelle alliance? Ce mot a befoin d’une prompte explication , & elle fe préfente. L’Ecricure fans le Miniftère eftune let- tre morte : & quoiqu’en elle-même elle P ï LA DE- MONSTR. EVANGEL. 228 LE SPECTACLE foit une philofophie admirable, une phi- lofophie vraiment divine, on ne peut pas cependant la regarder comme un inftru- ment qui fuffife pour livrer les effèts de l'alliance. On ne peut pas même mon- trer qu'elle contienne toute la doétrine néceffaire au falut. La preuve s’en grouve dans la nature & dans le caractère de chacune des piéces qui compofent le recueil de cette Ecri- ture. Ce font diverfes parties de la prédi- cation Apoïitolique mifes par écrit. Mais la prédication & le Miniftère fruétifioient ‘précédemment. L’Eglife étoit formée. Ce n’eft donc pas l'Ecriture qui forme l'Eglife. Pour la former dans tous les fié- cles, il faut que l’Ecriture Evangelique, & tout le dépôt fubféquent, foient accom- pagnés & appuyés du Miniftère qui les a devancés. Trois ou quatre faits peuvent le faire voir : & ils fe trouvent dans les évènemens qui donnèrent lieu aux diffé- rentes parties du Nouveau Teftament. La connoiffance exacte que$. Luc prit de toute la vie publique de Jefus-Chrift, en fréquentant affidûmenc les Apôtres, lui donna lieu d'écrire un Evangile plus détaillé que les hiftoires qui en avoient été recueillies par plufieurs Particuliers. Les blafphêmes de ceux qui nioient, les DELA NATURE ‘25 uns la réalité du corps de Jefus-Chrift ; les autres la divinité du Verbe; donnè- rent lieu à S. Jean d'écrire une hiftoire Evangelique où il infifte beaucoup fur ces deux points & fur les derniers dif- cours du Sauveur pour recommander à fes Difciples la perfévérance dans l'unité. Les actes des Apôtres font la feconde partie de l'Evangile de S. Luc, & con- tiennent non les aétions ou les difcours de Jefus-Chrift ; mais l’érabliffement de fon Eglife. La difpute furvenue à Rome entre les Juifs & les Gentils convertis, fur la pré- férence que les uns croyoient avoir à bon tire fur les autres dans la nouvelle al- liance, fut l’occafion & le fujèc de l’E- pire aux Romains qui les réduit tous à un égal befoin de la grace du Sauveur. Les queftions propofées par les Co- rinchiens, & les défordres qui s’éroient gliffés dans leur Eglife, donnèrent lieu aux deux Epîtres que $. Paul leur adreffe. L’entreprife faite par plufieurs Doc- teurs Juifs de foumettre les Gentils, quoi- que barifés comme eux , à la réception des ufages de la loi de Moiïfe , fut l’occa- fion de l’Epitre aux Eglifes de Galatie. La vénération bien fondée mais peu éclairée , que les Hébreux de Ë difperfon ii La DE- MONSTR. EVANGELe 30 LE SPECTACLE - La DE- confervoient pour les facrifices & pour siens les autres obfervances de la loi, eft ce ” qui engagea S. Paul à lesinftruire, fans fe nommer lui-même, fur l'excellence du facerdoce éternel de Jefus-Chrift, & fur l’uvité de fon facrifice qui fupprimoit les autres en accompliffant tout ce qui avoit été promis. Par ce court expofé, il eft fenfible que les piéces qui compofent le recueil du Nouveau Teftamenc font infpirées com- me les Ecrivains qui lesont données. Ce fonc différens actes de la première prédi- cation. Leslire & en entendre la publica- tion, c’eft entendre les paroles des Apô- tres, & de celui qui les inftruifoit. Mais cette haute idée que nous avons des Ecri- tures , & qui eft en connoiffance de cau- fe, ne nous mène point à négliger les au- tres moyens de falut, pour nous renfer- mer dans celui-ci. Ce refpec fi nécef- faire & fi jufte, a donc fa mefure, Il eft fenfible que ces différens aétes de la première prédication , ont d’abord été des inftruétions locales & fur des fujèts particuliers : on n’en peut pas conclure que ces différens écrits foient, ni chacun à part, ni tous enfemble, coute la pré- dicarion, tout le Traité qui a été livré au . Minifière, Les Apôtres avoient reçu leurs LL ! DE LA NATURE, 981 inftruétions précédemment, & la parole a été féconde avant que d'être écrite. Mais quand il feroit réel que les Ecritures Evangeliques renferment le germe de toute vérité, comme elles le renferment fans doute , elles n’ont pas également dé- veloppé tout. L'interprétation n’en eft pas abandonnée à l’efprit particulier ,mais confiée au Miniftère dépoficaire du texte, & du fens. Elles nous avertiffent elles- mêmes dans les termes les plus précis ; » Que la foi vient de l’ouïe , que l’ouie » Cft fondée fur la prédication, comme » la prédication vient des Envoyés; ,, qu'il faut doncrecevoir l’Ambafñlade ; que le Miniftère a reçu de l’Efpric toute véri- té, & l’a communiquée à l'Eglife; que 'E- glife qui nous montre à jamais le vrai Mi- niftère , eft ainfi /e maintien de la vérité. D'où il fuir que le refpeét fi juftement dû à la doctrine du Nouveau Teftament, n'autorifa jamais perfonne à rejetter le Miniftère , ni à rejetter l'Eglife ; mais au contraire mettra toüjours à la tête de nos devoirs celui de recevoir tous les dogmes qu’elle enfeigne unanimement; parce que fachant toute vérité néceflüire, elle nous enfeigne à jamais ; qu’au befoin elle peut la décider quand elle eft obfcur- cie ; & que le confentement des Eglifes P ii La De- MONSTR, EVANGEL. 292 7 LETMFECTÉCLE La DE- fur un dogme, ne peut être que l’expref- MONSTR, EVANGEL. fion d’une vérité révélée aux Apôtres pour faire partie du dépôt. Ainfi quoique Jefus-Chrift n'ait pas voulu que la foi fût jamais pareffeufe, puifqu’il avertit fes Difciples de deman- der , de chercher, de frapper à la porte, de fe précautionner contre les dangers, & contre les mauvais Maîtres, de croître dans la fcience du faluc, & de favoir ia vérité pour la pouvoir confeffer; on ne peut qu’admirer les moyens fi ffmples, fi publics, fi indivifibles, qui forment & affermiflent la foi dans l’Eglife Carho- lique. C’eft là que nous trouvons tout, de même que le citoyen trouve tous les fup- ports dont il a befoin dans le concours des loix & de l’autorité, qui enfemble maintiennent tout le corps de la Répu- blique, & l'Etat des particuliers. Tci figurez-vousun particulier, puisun autre, & à leur exemple un troifième, qui difent chacun à part: Ne me parlez | plus du Miniftère public. La Magiftra- ture a perdu tous fes droits : elle ne 4 mérite que nos mépris & j'y renonce. | » Eft-ce ainfiqu'on rend la juftice? Jela : » rendrai moi, & je la rendrai bien. Il # ne fauc que me laiffer faire : j'ai une { | | DAPLAMN'ATURE.. 24 » bonne copie des Loïix. Je les applique- raijufte, & les interpréterai conformé- ment à la droite raifon, qui en dernière analife eft le fouverain Juge , & qui » Conféquemment doit juger de tout. Il » €ft vrai que d’autres pourront les inter- _» préterautrement que moi:mais iln’im- » porte : les gens choïfiront : on s’adref- » fera à celui qu’on trouvera le meilleur » Juge, & l’Erat fera réformé. Certes ce n’eft point là la réformation de l'Etat: c’en eft la confufion & la ruine: ou plûcôt foit dans l'Etat, foic dans l'Egli- fe, le particulier ne régle rien. Les loix elles-mêmes, ni les réglemens écrits n’o- pèrentrien; c’eft le Miniftère qui conduit les particuliers ; qui applique les loix ; qui enfin opère des effèts folides & durables. Mais n’eft-ce pas mettre dans la fociété un pouvoir qui peut y devenir exorbitant, La Deg- MONSTR, EVANGEL & y porter le trouble, parce qu'il paroït illimité ? Iln’yaau contraire rien de plus limité ou de moins arbitraire que le pouvoir Ec- cléfiaftique. Les Miniftres de l’Eglife Ca- tholique font porteurs de la parole & des Sacremens : mais ils ne dominent pour cela ni fur les nations , ce qui n'appartient qu'aux Souverains ; ni fur la foi, ce qui n'appartient qu’à celuiquieneft l’auteur, Conduite néceffaire dans l’abus des deux Puifflances. 234 LE SPECTACLE LaDr- Dès le commencement, le Médiateur HONSTR. de Ja nouvelle & éternelle Alliance inf- BVANGEL. . , è truifit nettement les Envoyés de fes inten- tions, & leur ordonna de les communi- quer à tous les peuples fans y rien retran- cher, fans y mettre du leur: Docentes eos fervare omnia quecumque mandavivobis. La régle des premiers Envoyés fut de confulter fidélement leurs initruétions avant que d’adreffer la parole à leurs au- Régle . diteurs, Orria quecumque mardavi vo- Palers. Vis La régle de leurs fucceffeurs dans le Chrit. Miniftère qui devoit durer comme le monde, fut de garder le dépôt qui leur Régle de avoit été confié, Depofitum cuftodi. is Le corps Epifcopal n’avoit point d’au- tre régle dans les fiécles fuivans.‘ Qu’ilne Régle du ,, foit rien changé : #4bil innovetur. N’an- Re int, Nonçons,ne pratiquons que ce quinous » à été tranfinis : #i/; quod traditum eff. Réglede ,, Ce que les faints Peres nous ont ap- #Bañle. pris, difoit-on au quatrième fiécle, nous l’annonçons à ceux que nous » avons à inftruire. ,, L’avertiflement de Vincent de Lérins n’eft qu’une applica- tion perpétuelle de cette maxime aux plus célèbres queftions de foi. Tous les fiécles ont répété & fuivi la même loi : il eft même impoflible à qui que ce foit des’y fouftraire impunément, | DEVLA NATURE. ,295 | parce que certe loi n’eft pas feulemenc La De- dans des livres : elle eft vivante : elle eft MATE arlante & intelligible à tous, puifqu’elle *"""" ” - m’eft point différente de l’immanquable conformité qui fe trouve dans la prédica- tion univerfelle. Si on l’alcère en un lieu, elle crie & réclame dans dix mille autres. Ajoûtonsqu'elle eft coüjoursdevantnous, & qu’elle eft auffi publique que l’œuvre la plus publique qui foicau monde. Les offices de l’Eglife ne fe célèbrent pas à huis clos. De quoi font compofées ces homélies, ces collectes, & ces liturgies que nos Prélats font réimprimer & tra- “duire avec un zèle fi édifiant? Que con- tiennent-elles avec l'Evangile finon les écrits, les prières, & lesexemples,enun mot , la foi des premiers Fidéles? Quand Je Clergé voudra changer ou déguifer la foi des premiers fiécles , c’eft une néceffité qu'il commence par fupprimer la prière publique, & le fignal qui en annonce l’ouverture., Si des Miniftres de l’Eglife font quel- quefois fortis de leurs bornes auffi con- nues que l'Evangile, & fe font portés à des procédésqui excédoienrou leurspouvoirs ou la prudence de leur Miniftère ; quelle devoic être alors la conduite des Fidéles? La conduite qu’on a dû tenir, & qu’on La DE- MONSTR. EVANGEL. 296 LE’ SPECTACLE a tenue en effèt par-rout où l’on fuit les régles de l'Evangile & les exemples des premiers Chrétiens; a été de fe comporter dans les entreprifes du Clergé fur le tem- porel, comme les vrais Fidéles fe com- portent à l'égard des Princes qui empié- tent fur la Religion. Ces deux maux nefe guériffent ni par la rebellion, ni par le fchifme. Le parfait Catholique demeure foumis à Conftance ; mais fans abandon- ner la foi de Nicée : & il demeure uni à Sixte-Quint ; mais fans méconnoître le droic inaliénable de la famille des Bour- bons. Il remplit route juftice, & concilie tous les devoirs.Là uniquementeft lavraie patience & la fage rolérance , où l’on ne bleffe ni l'intégrité du dépôt, ni l’autori- té, foic temporelle, foit fpirituelle. Quand on procéde avec droirure, di- ra-t’on, l’on ne peut difconvenir que les fcandales ne foient compenfés dans l’E- glife Catholique par la prédiction que le Seigneur en a faice , & par certe multitude de voix toüjours parlantes qui y tiennent le même langage jufqu’à la fin des tems, & ne ceffent d’y publier la même foi & les mêmes régles. Mais fi les aétes que nous ont laiflés par écrit les hommes Apofto- liques, fi leurs établiffemens, & rous les témoignages des premiers fiécles fe font perpétués de compagnie avec le Minit- tère fous les yeux d’un grand nombre de nations toûjours fubfiftantes ; ce Minif- tère fi bien avéré ne fera-v’il pas aufli apof- ! colique à Corinthe qu’à Rome? à la bori- | ne-heure qu’on fe détourne de toutes ces Eglifes de nouvelle infticution , dont les architectes s'entendent aufli peu que les ouvriers de Babel. Mais le Miniftère qui nous prévient fans interruption avec fa foi, avec fes autels, & fes monumens, avec l’immortel aveu de fes Eglifes ,n’eft- il pas auffi digne d’être écouté dans les fociétés Orientales que dans l’Eglife La- tine? Cela étoit véritable tant que les Egli- fes Orientales, & l’Eglife Latine , ne fu- rent qu’un corps. Mais le Miniftère de Corinthe & celui d'Alexandrie, ne font plus le Miniftère Catholique , depuis qu'ils ne fonc plus partie de la Légation, qui de droit & de fait porte la parole Evangelique à tout l’univers, en confer- vantencore la première forme qui a toù- jours fervi à montrer fes pouvoirs. Ces fociétés comme leurs Miniftères, fe font détachées les unes des autres, & d'avec la première Chaire qui en étant auparavant le lien commun, étoit auffila marque de l'unité du tout. Ce n’eft pas | | | | | DE LA NATURE. 237 | | La De- MONSTRe EVANGEL, / dis La De- MONSTR, EVANGEL. 238 LE SPECTACLE affez qu’elles confervent un Miniftère qui foit originairement Apoftolique. Il eft volontairement vitié & fouftraic à la régle de l'Ambaffade, puifqu'il eft exercé à l’é- cart, & fans liaifon avec le corps très- connu des Ambaffadeurs. Ces fociérés font ainfi retombées dans l'incertitude de la philofophie , & dans les défordres de l'efprit particulier. Ceci nous conduit au principe de l’unité , qui eft la feconde qualité effentielle à un Miniftère pour le rendre légitime & reconnoiffable. BE L'unité du Minifière Catholique , & de l'Eglife Catholique. La Sageffe éternelle , en affüjettiffant notre raifon à la croyance de fes Miftè- res, lui laiffe toutle mérire d’un acquief- cement jufte , & y joint le repos de la certitude : puifque pour nous mettre en état de difcerner fans méprife les Envoyés qu’elle a chargés de traiter de fa part avec nous , elle a fait connoître leurs pouvoirs par les deux moyens également fürs & fimples qui montrent toutes les Compagnies aurorifées, & qui diftin- guent fans difcuffion les Légations per- DE LA NATURE, 99 manentes d’avec les pouvoirs irréguliers &ufurpés. L'un de ces deux moyens eft la publicité de l’exercice aétuel du Minif- tère, & la publicité des Actes de l’exer- cice précédent; c’eft ce que nous venons de voir : l’autre eft l’unité du corps, quoi- que difperfé en différens lieux. C’eft encore dans les procédés très- communs de la fociété que fe trouve la jufte notion de unité. Un enfant en eff capable : & elle épargne toute recherche au favant , que la mulcitude de fes vûes expofe fouvent à fe méprendre. Auffi le Chriftianifme qui eft pour tous a-t’il été réglé fur le pied des érabliffemens fenfi- bles qui fe difcernent du premier afpeét. Dans le reffort d’une Cour fouveraine quieftune Légation perpétuelle , l’Appa- riteur a fon pouvoir particulier. Le Juge commiffaire ,en exerce un autre. Le Pro- cureur général & fes Subftituts, oncleurs . fonétions. Les Tribunaux fubordonnés & les différentes Chambres , ont leur dépar- tement propre. Mais toutes ces actions, quoiqu’exercées par différentes perfon- nes & en différens lieux, reviennent à l’u- nité. Chaque Tribunal fe montre par le concert de fes membres fous la préfidence d’un chef, Chaque Chambre a le fien. Le premier Préfident eft à la tête de la LA DE- MONSTR. EVANGEL, Notion commune de l'unité, LA DE- MONSTR. EVANGEL, * Yoan. BI. 51. 52. J'adorer du cœur & en vériré. Le Verbe Epbef. 4. 12. °40 LE SPECTACLE première Chambre , &' de routes Îles Chambres. Il eftle chef de rour le corps. Tout y eft ainfi dans une correfpondance connue : en forte que les actions particu lières étant faires au nom & de l’aveu de la Compagnie, portent le nom & font les actions du corps, comme les aétions de l'œil, du pied , & de la main , font les aétions de l’homme. Telle eft l'unité que Jefus-Chrift a mife dans le Miniftère, qui conféquemment la communique à l’Eglife univerfelle, dont il eft extérieurement le principe fan@tifi- cateur, l'agent néceflaire & le lien vifible. La fin de la miflion du Sauveur, & de l’œuvre Evangelique, cit Non-feule- ment de procurer le falut promis à la , nation Juive, mais auffi de raflembler les autres enfans de Dieu malgré leur ., difperfion * fur toute laterre; ,, c'eft de former de ces différentes Eglifes une feule Eglife, dans laquelle les vrais adorareurs, unis à leur chef, rendront à jamais au Pere le culte qu'il demande , qui et de divin a daigné devenir l’un d’entr'eux , les appeller fes freres, & ne faire qu'un corps avec eux. L'Incarnarion & l’Apoftolar ne tendent qu’à former ce corps. /n ædifica- tionem corporis Chrifi. Ceux DE LA NATURE. 941 Ceux, qui d'âge en âge fonc malgré leurs imperfedtions admis dans ce corps d’adorateurs , font profeflion de n'être qu'un entre eux, comme ils ne veulent être qu’un avec leur Chef & avec le Pere, par la charité. Quoique difperfés par-tout , ils doivent s’unir par les fen- timens intérieurs , croire les mêmes vé- rités, attendre les mêmes biens , embraf- fer dans leurs prières, dans leurs fervi- ces, & dans leur tendre dilection , toute la fraternité. Cette communion des Fidéles qui nous eft donnée * comme la marque à laquelle on reconnoitra à jamais les Difciples du Sauveur, a toùjours été conféquemment caractérifée au dehors par des liens re- connoiffables , toüjours guidée , facili- tée, & foutenue par l’union extérieure de plufieurs familles avec un Pafteur du fecond ordre , de plufeurs Paroiffes avec un Evêque, de pluficurs Pafteurs du pre- mier ordre, & de plufieurs Eglifes na- tionales avec le premier Siége , avec le Chef du Miniftère Apoftolique. L’amour de l’ordre & de la paix, ne fuffit pas dans la fociété pour y établir la paix & l’ordre. Il faut des loix, des trai- tés de partage , un Mliniftère, une pro- mulgation , une magiftrature , une police Tom. VIII. Part, IL, La De- MONSTR, EVANGEL, # Yoan, 13 35» La Dc- MONSTR. EVANGEL. * Epbef. 4. 12: *Luc.9.16, b4o LÉSPECTACEE églée. L'amour de l’union ne fufft pas non plus pour faire des Chrétiens : mais c’eft pour opérer , régler, & montrer cette union que Jefus-Chrift a inftitué un Miniftère, * & une affociation connue, ‘comme la réceprion de ce Miniftère. * Ceux qui s’en féparent portent du jour de leur rupture le caraétère de lefprit particulier qui fort de la régle, & à qui il n’a rien été promis.“ Ne fuffiez-vous, , dicle Sauveur , que deux ou trois Dif- » Ciples; affemblez-vous en mon nom, » & je ferai au milieu de vous. ,, Li- * vre-t’il enfuite toutes ces petites fociérés ÆEpbhef. 4.4: Th. 11.12, 18. de Chrétiens attroupés en différens lieux, à l'incertitude de leurs penfées , & à l’in- dépendance inféparable d’une telle foli- tude? C’eft au contraire pour prévenir la diverfité de conduite, & la diverfité de doctrines qui eft le fruit de l’indépen- dance, qu’il a donné au genre humain un Miniftère compofé de différens ordres de Pafteurs, d’Evangéliftes, & d’Ou- vriers fubordonnés, travaillant de con- cert & dans un même efprit, à former un feul corps & un même cœur. Urum corpus € unus [hiritus. Réunir des hommes difperfés fur toute la terre & dans des fiécles différens, en une même foi & en un même efprit, DE LA NATURE. 9242 voilà la fin de l’Incarnation. Rien de moins compatible avec cette intention que des Prédicateursifolés, & fans fubor- dination. Riende plus efficace pour y par- venir que la concorde des actions d’une Compagnie, dontles différens Ordres tra- vaillent conjointement à la même œuvre. Per omnem jun£luram f[ubminiftrationis. Cette unité d'un Miniftère répandu en différens lieux , eft, felon les idées hu- maines, la marque la plus vifible de la fociété, dont il eft le mobile & le lien. Mais eft-il sûr que ce foic là réelle- ment la conftitution de l’Eglife, & qu’elle foic une par l’unité de fa foi opérée par l’u- nité de fon Miniftère ? N’attribuons point d'intentions à Jefus-Chrift : mais appre- nons celles qu’il a eues, par les difcours & par les établiffemens que toutes les Eglifes ont reçus des Apôtres, & nous ont tranfimis. Le Sauveur en expliquant fes intentions à fes Envoyés , leur avoit expreffément recommandé “ d’enfeigner » & de faire obferver routes les chofes qu'il leur avoit ordonnées. ,, Il y avoit ajoûté la promeffe de leur envoyer l'Ef- prit qui leur donneroit l'intelligence de tout ce qu'il leur avoit précédemment enfeigné, & qu'il leur fuggéreroit toute La De- MONSTR, EVANGEL, Ibid. 16. Matth, 28. 20. Foan. 14. vérité. Ce que les Envoyés après ces af= °£. Qi 044 LE SPréTACLE La Dr- fürances vontdire, faire, & établir pour MONSTR: EVANGEL, Epbef. 4. Ibid. 8. 16.€ Colof. 2. 19. roûjours, c’eft Jefus-Chrift qui l'aura inf- piré. Commençons par leurs difcours. Saint Pauleft fi plein de la communi- cation de tous les fecours que Jefus-Chrift a mis dans l’unité, qu'il n’eft point d'ima- ge qu’il n'emploie pour inculquer cette vérité importante. [l mèt en oppoñition l'incertitude des Philofophes livrés , cha- cun à part, à la vanité de leurs penfées, avec le bonheur des Fidéles qui ne font plus emportés à tous les vents des opi- nions humaines, mais qui font guidés & fixés dans l’unité de la même foi par dif- férens Miniftères fubordonnés entr’eux, pour travailler de concert à la même œuvre. Il va jufqu’à comparer l’Eglife entière avec le corps de l’homme ; jufqu'à compa- rer les fonctions du Mliniftère, qui com- muniquent à l’Eglife entière les lumières & les graces , avec les liaifons des vaif- feaux miniftériels & fubordonnés , qui malgré leur difperfion & la multiplicité de leurs opérations, ne laïifflenc pas de diftribuer conjointement la vie & la fanté au corps humain. Tout membre qui eft détaché du corps, ou des vaifleaux nu- tritifs , n’a plus en lui l'influence , ni J'aétion qui vivifie. EE ET; DE LA NATURE. 945 C’eft de cette comparaifon, qui eftfa- La De- milière au fainc Apôtre, qu’il tire les avis MONSTR. les plus néceffaires aux Fidéles pour les "5°" tenir dans une étroite union avec leurs Pafteurs; & les plus falutaires aux Paf- teurs eux-mêmes, pour empêcher, par . exemple , que l’œil trop fièrde fa fonétion ne dife au pied :je n’ai pas befoin de vous. Cette unité n’eft pas un trait d’élo- quence, ou une peinture ingénieufe des avantages de la concorde. C’eft la forme effenticlle que Jefus-Chrift avoit donnée à fon Eglife pour être perpétuée, & fa- cile à diftinguer jufqu’aux derniers jours. Jugeons-en préfentement par les faits, par les érabliffemens Apoftoliques. S'il fuffifoit à chaque Eglife pour être L’Apotte- inftruite, & guidée dans les voies du fa- As luc, de fe donner à elle-même un Minif- partvitou- tre fans avoir rien reçu d'aucune autre fSlesEsl Eglit , alors ni les Miniftres ne feroient font qu’u- fubordonnés entr’eux, ni les Eglifes ne ®*- feroient un corps. Quelle unité pourroit- il y avoir entre différens Miniftres qui ne forment point une Compagnie? Ilne peut conféquemment y avoir ni place vacante, ni aggrégarion néceflaire dans une Com- pagnie qui n’eft point : & n'ayant point d'unité entr’eux , ces Miniftres n’en pour- ront mettre dans les sé qu’ils con- ii] 246 LE SPECTACLE La De- duifent. L’efprit , les principes, & les svanges, noms en feront différens. Ce n’eft point là l'Eglife de Jefus-Chrift. L’Eglife éter- nelle eft une par l’unité très-vifible de fon Miniftère , & par la profeflion qu’elle fait en le recevant d’être unie à tous ceux qui le reçoivent. Ce Miniftère renfermé dans Jerufalem ne fut d’abord qu'un : difperfé & accru par la fuite, ilne fur coûjours qu’un. C’eft parce que l’Apoftolac eft un corps , que la place qui y vaque eft remplie par un Difciple qui n’eft pas feulemenc choifi, mais agorégé publiquement. (&) Avec le Collége Apoftolique , nous voyons dès le commencement, deux au- tres Colléges, celui des Prêtres, & ce- lui des Diacres fubordonnés au premier, Mais le même objèt, le même efprir, les réunit tous : & quoique l’excellence de leurs fervices ait différens dégrés ; quoi- que leurs aétions ne foient pas les mê- mes, aucun n’a fon action à part : tout fe fair conjointement, & il n’y a qu’une hiérarchie : d’où il fuit qu’il n’y a qu’une Eglife. Concert Le tréfor commun des Fidéles eft la qu Mi même foi. I1n°y fauroit être porté atteinte rc, preu- J ie lu- dans une Eglife, que les Recteurs des nité. / a) Annumeratus eff cum undecim. A, 1, 26, DE LA NATURE. 9247 autres Eglifes, que tout le Miniftère ne s’allarme & ne vienne au fecours. On héfite , on fe partage à Antioche fur une queftion importante. Les Apôtres pour en connoître & pour rendre le calme à certe Eglile, interrompent leurs différens travaux : ils fe rendent à une affemblée commune Convenerunt Apoftoli. Le premier Ordre honore & confulte le fecond, Convenerunt Apoftoli & [enio- res videre de verbo hoc. Selon la lettre du texte grec ; “ les Apôtres & les Prêtres » S'affemblèrent pour difcuter ce point: » & après qu’ils en eurent beaucoup con- » féré enfemble, Pierre fe leva & pro- » nonça fon jugement. Barnabé & Paul y joignirent le leur. Jacque Evêque de Jerufalem , où fe renoir l’affemblée , ter- mina la féance par le fien. Æ7 ego judico. La pluralité de tous ces jugemens qui concourent à n’en faire qu’un pour fixer l’'Eglife entière fur un dogme précis, ca- ractérife parfaicement l’unité du Minif- ière qui la gouverne. Cette Eglife étendue en très-peu de tems hors de la Judée, & au delà même des limires de l’Empire Romain, ne chan- gea point de forme. La hiérarchie s’y re- trouve la même, & les trois Miniftères fubordonnés reparoiflenc par-tout. Ce Q üh La De- MONSTR. EVANGEL, A8. 15. Forme de l'unité dans tou- tes les Compa- gnies. 048 LE SPECTACLE La De- font en tout tems les mêmes fonétions: svances, & quoique les Miniftres fe multiplient, cous leurs fervices ne font qu’une même œuvre. [ls s’entre-donnent avis de tout: ils blâment ce qu’ils trouvent de repré- henfible dans le travail de leurs collégues: ils confirment le bien par l’approbation qu’ils y donnent : & le concerécontinue à manifefter l’unité. Le Collége Apoftolique s’augmente comme les befoins de l'Eglife. Barnabé, L'acgréga- Silas, & d’autres, y font cooptés. Mais ecne cef l’affociation même qui continue à Apoftoli- montrer l’effentielle & indivifible unité dedrpa. de l’Apoftolat. Il ne faut point de coop- nité. tation , Où il n’y a ni Corps, ni Compa- gnie. La con. Paul inftruit par l’Efprit de Dieu, an- die é s. nonce l'Évangile en Arabie & dans l’Afie, pofe la loi fans en avoir * conféré avec aucun hom- Se nt me. Quelque tems après pour prendre fa 1,817, doétrine, non pas plus certaine, puif- qu'elle étoit autorifée des dons du faint Efprit ; mais plus profitable à tous par la vifibilité de fon parfait accord avec tout car. 1.18. le Mliniftère ; il alla vifiter Pierre , puis Ég2. parun ordre exprès de Dieu, le Collége recu. Apoftolique ,‘ de qui il reçut les témoi- CES gnages de l’unité de fon œuvre avec la » leur, ;, & Le département fpécial de fa DE LA NATURE. 249 prédication.* Dextras dederunt mibi & Barnabe focietatis. La correfpondance entre les ouvriers s'étend comme l'Eglife , & ne fauroit être plus publique. Si donc celui d’entre eux qui n’avoit rien reçu f des hommes, qui tenoit fa doétrine immédiatement de Jefus-Chrift , évite par une révélation fpéciale de travailler à part, & “ crain- » droit , dit-il lui-même, de courir en Vain, ,, ou d’avoir rendu fontravaikin- fruétueux , faute d’avoir par un concert marqué reconnu & honoré la fraternité Apoftclique ; eft-il après cela au pou- voir de quelqu'un de féparer fon œuvre propre de celle du corps facerdotal? Il eft clair que le repos de l'Eglife eft le fruit de l’unanimité, comme l’unanimité eft le fruit de l’obfervation de la régle. * Or la réglesft connue dans toutes les fo- ciétés humaines, & elle fe montre à dé- couvert dans les progrès du Miniftère Evangelique. Ceux qui l’exercent fe mul- tiplient de jour en jour , à proportion du nombre des Fidéles. Mais comme il n’y a qu'une alliance, & qu'une même foi qui doit les fanétifier tous, il n’y a toüjours qu’un Apoftolat. Deux ambaffa- des indépendantes feroient un monftre, ou une fource de confufion ; & quoique LA DE- MONSTR, EVANGEL, * Ibid, 2. 7. 8.9. ï; Galat. 1. Te La Dr- MONSTR. EVANGEL. 250 LE SPECTACLE la miffion prit de jour en jour des ac- croifflemens nouveaux d'un continent à l’autre, l’unité y fubfifta : l'unité embraffa toute la terre. Les fuccefleurs des Apôtres continuë- rent à tenir le premier rang , à ordon- ner les différens Miniftres, qui devoienc perpétuer les trois Ordres ; à confirmer les Néophytes ; à s’affembler au befoin ; à juger définitivement de la doétrine ; & à faire tous les réglemens convenables dans leurs Sinodes ; enfin à exercer conjointe- ment la plénitude du pouvoir. Quoiqu'ils euflenc chacun à part l’infpettion d’une Eglife, ils travailloient en commun pour toutes les Eglifes, en leur communi- quant les mêmes profeflions de foi; en rendant générales les décifions formées dans des affemblées particulières felon l’a- nalogie de la commune prédigation ; en- fin en s’affemblanten commun de routes les parties de l’univers , quand la chofe devint poflible & néceffaire. L’Eglife devenu libre au quatrième fié- cle avoit déja produit au grand jour fa doétrine , fes fêtes, & tous fes anciens ufages. Les difputes fufcitées par la Philo- fophie fur le poiar fondamental dela Re- ligion Chrétienne, achevèrent de mon- trer la forme primitive & effentielle de DE LA NATURE. 951 l'Eglife , en illuftranc par une affembiée écuménique fon gouvernement & fon unité. Cette unité qui avoit toûjours été, & qui devoit toûjours être la régle vifi- ble des efprics, & le caraétère précis de la vraie miflion ; parut à Nicée dans le plus grand éclat. Le modéle en avoit été dans le premier Concile de Jerufalem, tenu par les Apôtres même : & le pre- mier fruit de la liberté de l'Eglite fut de confondre une erreur capitale, en oppofant à la philofophie d’Arius la créance ancienne & générale, lestémoi- gnages des Députés de toutes les Egli- fes, les Ecritures Apoftoliques , les an- ciennes profeflions de foi , les prières communes ; enfin la décifion infiniment régulière du premier Ordre , prononçant avec une autorité divinement & naturel- Jlementrinfaillible. Elle l’étoit divinement, puifque c’eft avec les Apôtres, & confé- quemment avec leurs fuccefleurs , répé- tant ce qu'ils ont recu; que Jefus-Chrift a promis d’être jufqu’à la confommation des rtems. Elle l’étoit naturellement, com- me le font routes les Compagnies qui ne peuvent ignorer leurs propres loix , fur- tout en confulrant juridiquement la pof- feffion & les actes publics, où ces loit font énoncées. LA DE- MONSTR. EVANGEL, 252 LE SPECTACLE La DE- Mais l’Eglife Catholique dont ! ‘unité Fvances. Cf rendu vifible par la réunion des Pré _ fidens des Eglifes particulières avec leur! ours Docteurs en un Concile général , ne perd vifible, rien de fes droits , ni de fa vifbilit meer. dans fa difperfion. Elle n'a pas tous le ion des jours befoin de faire des décifions : mai EVE. elle a tous les jours befoin de faire voil fon unité , afin qu’on ne fe méprennd point dans le choix d’une Eglife. La mar! que de cette unité doit donc toñjours fub: or rm fifter. 1apri- La place qui étoit la première dès [ mauté du tems des Apôtres , left encore aujour Siége de 1 de sa , S. Pierre, d'hui:ceux qui l’occupent ont la Préfi dence & la prérogative dans les Conciles ils l’ont dans l’Eglife difperfée. De mêm que Pierre avoit eu la primauté parmi le Apôtres , étant nommé /e premier , agi fant, parlant, & jugeant le premier , 2 Jerufalem , à Antioche, & à Rome, où il termina fon Apoftolat par le martire que Jefus-Chrift lui avoit prédit ; fes fuc4 ceffeurs dans ce dernier Siége eurent le même rang parmi les Evêques , & danf route l'Eglife. Le Siégede Pierre de fon vivant, &après fa mort, fut toûjours re: gardé comme le centre commun de la prédication Evangelique. Toüjours o regarda comme travaillans hors de ia DE LA NATURE 953 nité, & fans régle, ceux qui écoient fans rapport à ce centre. Cerre primauté du fucceffeur de Pier- re, n’eft ni un honneur frivole, ni une domination arrogante , qui dégrade fes collégues, ou qui anéantiffé leurs pou- voirs. C’eft une Préfidence qui les mon- tre:c’eft un lien qui aflocie leurs fonc- tions à l’œuvre univerfelle , & qui en prouve la valeur. C’eft une forme non de bienféance , mais de néceflité. Cetre forme étoit connue par-tout dans les fo- ciétés humaines : & de même que l’A- poltolat, elle eft de l'inftitution de Je- fus-Chrift. Celui qui a fait choix d’une Ambaffade pour inftruire à jamais les na- tions, a pris foin de la diftinguer de tou- tes les millions qu'il plairoit à des avan- turiers de fe donner. Il n'a fait de tousles Envoyés qu’un corps unique. Tous les membres de ce corps ont un Chef. Par cette union le Corps entier, le Chef, & les Membres, font à jamais reconnoiffa- bles. Les Clergés , les Chaires ; & les Evêques, font difperfés par-tout. Mais V'Epifcopat n’eftqu’un. Toutes les Chai- res n'en font qu’une: & comme nous n’a- vons qu'un Maître qui eft Jefus-Chrift, il n’y a qu’une école fur la terre qui eft l'Eglife Catholique. La DE- MONSTR, EVANGEL, La pri- mauté d'inftitu- tion divi= ne. La DE- MONSTR. EVANGEL. 554 LE SPECTACLE Rien de plus vifible , comme rien de plus néceflaire , que l’unité des Ambaffà- deurs:rien conféquemment de plus vifi- ble ni de moins fujèt à méprife, que la fociété qui a reçu l'alliance avec la vraie Ambaflade infailliblement reconnoiffa- M ble à fonunité. C’eft ainfi qu'ont parlé de L l'Eglife rendu vraiment une par l’unitéde L l'Epifcopat, tous les Peres les plus ref 1 pectables, Irénée, Tertullien, Cyprien, Athanale , les Peres de Nicée, Auguftin, M Optac & tant d’autres, dont les témoi- gnages expriment bien moins leurs pen- fées particulières que la commune con- fefion des Eglifes, & la réalité de leur union indifloluble avec le Siége Apof- tolique. C’eft cette invariable & très-fenfible unité du Miniftère, qui en rendant au de- hors l’Eglife de Dieu auf vifible qu’une ville fituée fur une montagne , y opère in- térieurement les plus heureux effèts. 1°, Certe unité affure l’érar du parti- culier que la nécefité de fon travail diff | penfe d’une étude approfondie. so, Cette unité éclaire & dirige le choix du particulier qui veut s'inftruire &tfe mettre en état de défendre la caufe | de l'Eglife. | 3°. Elle opère l’infaïllibilicé de la com- ! De-r'A NATURE ‘98 mune prédication. Où fubfifte l'unité de lJ’'Ambaflade , là eft le même langage, & l'effèc du traité. 4°. Cette unité en même-tems oblige de toute néceflité les Miniftres de la pa- role à faire une étude exaéte de la doc- trine Chrétienne , bien loin de les en dif- penfer. Les trois premiers articles ont été éclaircis : le dernier n’eft pas moins évi- dent. L'unité du Miniftère oblige les Mi- niftres à une étude affidue , parce que l'unité de l’Ambaffade étant deftinée à in- troduire par-tout Ja même foi, & les mêmes efpérances, c’eft une néceflité que tous les Ambaffadeurs aient reçu les mé- mes inftructions , & publient le même traité. Or ils n’ont que deux moyens pour y parvenir : c’eft ou d'apprendre le tout par une révélation nouvelle, que Dieu ni ne promèt nulle part, ni n’accorde à per- fonne ; ou de prendre leurs inftruétions dans le dépôt comme S. Paul l’ordonne, & comme il fe pratique dans coures les Légations permanentes. Ils font donc obligés pour n’avoir qu'un langage ,com- me ils ne font qu'un corps, de former leur favoir fur les actes du dépôt que leurs de- vanciers dans la Légation leur ont laiffé. Mhis tel eft l'avantage des Miniftres Ca- tholiques , que leurs fonétions même (#21 La Dr- MONSTR. EVANGEL, L'unité du Minif- tère rend la foi une, & infailli- ble, 256 LE, SPECTACLE La Dr- font des leçons poureux, que la liturgie sance. Cft Pour eux une Théologie excellente, * & qu'ils ne peuvent prier beaucoup , fans commencer à favoir beaucoup. La conformité de leurs inftruétions, néceffairement puifées dans les archives de l’Ambaffade, la folidité de l’œuvre qu’ilsaccompliffent en commun , & l'inf- pection de tout le corps fur le travail de chaque ouvrier, affurentconféquemment à l’Eglife une Doctrine invariable. Cette infaillibilité, naturellement di- gne de notre confiance, fe trouve relevée & vraiment divine par la promefle que fait Jefus-Chrift à l’Ambaffade de la main- cenir tous les jours jufqu’à la fin des tems. L’effèc eft conforme à la promelfle : la million non-interrompue fe fair encore entendre jufqu’aux derniers climats, & n’y annoncerien qu’elle ne lejuftifie par les actes de l’ancienne prédication. Mais la condition du fidéle Cacholi- que eft-elle aufli avantageufe qu’on le dit? fon Pafteur, & cout autre Pafteur, ne peut-il pas abufer plus ou moins de fon Miniftère ? parmi les Pafteurs, même du premier Ordre , S. Pierre ne fut-il pas répréhenfible ? Viétor ne fut-il pas blâmé par les Evêques d'Occident ou de dureté, ou d’imprudence ? ne compte-t’on pas les chutes | | + 4 De ua NADURE, 952 chutes ou les égaremens du Pape Libe- re, d'Honorius, de Jean XXII? quelle conduite que celle d'Alexandre VI? Si les conducteurs font aveugles , ils condui- ront d’autres aveugles dans le même pré- cipice : ou s’il faut que les peuples réfor- ment leurs Pafteurs ; de quoi leur fert-il d’être gouvernés ? Cette objeétion qui a été tournée en cent façons combe à plomb fur les fociétés defunies : elle en découvre l'incertitude & l’extrême misère. Mais bien loin de deshonorer l’Eglife Catholique, elle en reléve les avantages : elle en montre les richefles , qui font faciles à acquérir ; fa- ciles à recouvrer quand on a eu le mal- heur de les perdre ; communes à tous; toûjours abondantes & indeftru@tibles. Les défauts des Pafteurs feroient dé- plorables dans l’Eglife Catholique, s'ils devenoient les défauts de l'Eglife même. Mais la perpétuité & l’unité de fa prédica- tion remédient fuffifammenc à cour. Dans les fociérés qui fe fonc donné de nou- veaux maitres & de nouveaux noms, l’er- reur du maître devient celle de la fociété. Trois Eglifes modernes en préfence, fe reprochent néceflairemenc l'incertitude . de leurs voies, par leur propre variété: & comme elles fe réfervent le droit de fe Tom. VIIT. Part. IT. R La DE- MONSTR. EVANGEL» La DE- MONSTR. £ZVANGEL, 258 LE SPECTACLE réformer, fouvent elles corrigent une doétrine faufle par une autre aufli peu sûre. Hors de l’unité, l'erreur de celui qu’on écoute eft néceffairement contagieufe, & la vérité qu'il enfeigne eft dans fes mains un tréfor périflable. L'unité feule remé- die à route erreur : & non-feulemenr elle enfeigne, mais elle garantit touce vérité, parce que l’unité eft vifible, & qu’elle rend les pouvoirs, l'alliance & toute vé- rité aufli vifibles qu'elle. Saint Cyprien fe trompa fur la rébaptifation : mais en fe gardant de rompre l'unité facerdorale, & en fuppofant pour régie de foi de s’en tenir à la décifion & à l’unanimité du Corps des fucceffeurs des Apôtres ; il nous montra lui-même le reméde de fa méprife. Son attachement à l'unité empé- cha les fuites de fa faute qui fut ainfi cou- verte par une grande charité. La préci- pication, les foiblefles inféparables des penfées humaines, l'erreur même peu- vent paroîre dans l’unité : mais ce font les défauts de tel & de tel. Jamais ils ne deviendront ceux de l'Eglife, parce que Funité redreffe ce quieft déréglé ; qu’elle réfute fuffifamment route erreur ; qu’elle conferve & publie à jamais toute vérité. Cette infaillibilité qui eft affurée à l'E- DE LA NATURE. 259 glife Catholique, & qui l’eftaelle feule, La De- eft le fruit de fon unité, & l'unité de ce Fer Corps eff l'effèt de l'unité de fon Miniftè- “"°"" re. Pilufieurs Provinces qui auparavant n’avoient aucun autre lien que celui d’é- tre limitrophes, viennent-elles à être fou- mifes à une même Magiftrature & aux mêmes loix? ces provinces forment en- femble un Reffort. L'unité de leur Magif-- tracure & la perpétuelle application qui leur eft faire des mêmes loix leur commu- niquent non-feulement l'unité, mais la connoiflance certaine de leur état com- mun, & des procédés qu'il faut fuivre pour s’y maintenir. Le tems fortifie les liens & la certitude: Il n’y a qu'égarement & qu'aflliétion pour toute famille qui vou- dra fe fouftraire à l'unité de ce gouver- nement. Cette unité des Miniftères humains, fi propre à lever route incertitude , eft vifiblement ce que le Sauveur a eu en vûe dans les promefles qu'il fit à S. Pierre. Pour favoir tout ce qu’elles fignifienc, voyons-en l'exécution. Auffi-tôt après l’effufion de l’efprit qui Exécution devoit montrer les effèts de l’œuvre de nome sa. Jefas-Chrift, & confoler les difciples de tes à fain la retraite de leur Maître; Pierre com- "7° mence à exercer publiquement la com- R ji La DE- MONSTR, EVANGEL, NTatt. 16. 20. 260 LE SPECTACLE miflion d’inftruire au nom du Seigneur, & de dire qui eft Jefus-Chrift. Il faitufage du pouvoir de lier & de délier:il accorde le baptême aux cœurs pénitens, & refufe la rémiflion des péchés aux converfions fauffes ou équivoques. Il fair ufage des clefs que Jefus-Chrift lui avoit promifes, comme la future récompenfe de fon ex- cellente confeflion : 75hi dabo claves re- gni. Au moment même de cette promef- fe, le Sauveur lui avoit défendu & aux autres difciples de dire à perfonne qu'il éroit Jefus le Meffie. Enfin la défenfe eft levée. Le moment d’exercer le Miniftère eft arrivé : & par ce pouvoir comme par la parole de vie, Pierre forme & fonde l'Eglife, il lui communique les effèts de l'infaillibilité & de l’indéfectibilité pro- mifes pour elle à l’Apoftolac : Porte in- feri non prevalebunt adversus eam. Pierre eft relevé de fa chute. Il eft af- fermi : & par les prières du fouverain Mé- diateur il eft inébranlable dans fa foi: Rogavi ut non deficeret fides tua. C’eft alors que toutes fes fonctions & toutes fes qualités fe déclarent. Il eft Pierre & fondement de l’édifice où Dieu fera à ja- mais honoré par une foi pure & par de faintes mœurs. Mais cer Apoitolat qui fonde & for- DE LA NATURE. 961 me l’Eglife lui eft commun avec d’autres La De- Envoyés, puifqu’ileftle premier de tous.* MONTE: » Recevez l’Efprit faint, leur a-r'il été " ” » dit en commun. Ceux dont vous re- » mettrez les péchés, ils leur feront re- » mis. f ,, Par ces pouvoirs communs, pe 24. & par leur Légation commune ils for- 7 ment l’Eglife conjointement avec Pierre. Leur Apoftolar ne fe divife point. Pierre eft le fondement &ils font le fondement: Fundamentum Apoltolorum. Dans la révélation faire à S. Jean, les noms des Apôtres font écrits fur autant de pierres qui font les fondemens de la Cité fainte , & qui ne forment qu’un édi- fice dont Jefus-Chrift eft lappui commun: 1p{o fummo angulari lapide Chrifto Fefu. Voila donc deux importantes vérités que l'Eglife n’a jamais defunies ; l’une que le Miniftère qui la forme & qui la gouverne fera jufqu’aux derniers jours fous la protection de celui qui en a fait envoi ,en forte que le corps des Envoyés prêchera toûjours vérité : Allez, leur dit-il, enféignez ,,& aflurez-vous que je fui js avec vous tous ki; jougs jufqu'à la con- fommation des tes ; labre que tous les. Envoyés enfemble ne feront qu’un avec le premier de tous, & que le premier de tous étant par excellence la pierre, la R ii Matt. 10. La DE. MONSTR. EVANGEL, 262 LE SPECTACLE première pierre du fondement , tout édi- fice qui ne tient pas à cette pierre eft hors du fondement , hors de l'unité , hors de la fracture de l’Eglife : au lieu que l'édifice bâti fur cet appui fera l’Eglife de Jefus-Chrift, & en recevra l’immobi- lité qui doit rendre toutes les attaques de l’enfer inutiles. Si les promeffes du Sauveur fur l’im- mobilité & fur la vifibilité que la vraie Eglife tirera de la forme même extérieure de fon Miniftère avoient befoin d’être ex- pliquées, où faudroit-il raifonnablement en prendre l'interprétation ? Par quel pri- vilége les derniers fiécles pourront-ils mieux entendre les paroles du Sauveur. que les âges précédens ? Il eft prudent & néceffaire de n'en chercher le fens que dans l’exécurion même des promeffes. Le vrai, le grand éclairciffement des paroles du Sauveur fur fon Eglife fe trouvera fans doute dans la forme de l’Eglife des pre- miers âges, dans le langage conftant des anciens Docteurs de rousles continens, & fur-rout des Docteurs du quatrième fiécle, qui forcantavec toute l’Eglife de l’oppref- fion & des ténèbres où elle étoic forcée de fe tenir, commencèrent à montrer aux fidéles ,aux fchifmatiques, & à routl’uni- vers, l’unité de leur fociété , quoique ré- DE LA NATURE. 263 pandue par-tout , quoique foumife à di- vers Pafteurs qui n’éroient tous enfemble qu'un feul & même Miniftère par leur communion entr'eux,&avec le fucceffeur de Pierre. Tel eft leur principe & leur ftile. L'effèc naturel de cette forme exté- rieure n’eft nullement obfcur. Le Sau- veur en protégeant invifiblement fa Lé- gation , cache fon opération fous le voile des procédés ordinaires de la prudence humaine. Ces liens publics, cette com- munion marquée de tous les Pafteurs en- tr’eux & avec un Chef connu, voilà ce qui rend le corps facerdotal fenfiblement femblable à tous les corps infticués par des Légiflateurs. Il en réfulte un double effet, qui eît de rendre le gouvernement vifible à tous, & de perpétuer à jamais l’exécution des volontés du Légiflateur. L'unité feule opère les mêmes prati- ques , le même langage, le même dépôt. Otez l'unité extérieure , il n’y a plus de perpétuité ni d’unanimité. S'il furvient donc , comme il furviendra fans doute, quelque partage d’avis fur un point; tout alors fera éclairci fuivant les témoignages de la doétrine que cha- que Eglife a reçue & toûjours profeffée. Tout fera au befoin réglé & défini par le concours du Chef& des premiers Pafteurs R iii La DEr- MONSTR. EVANGEL. La DE- MONSTR. EVANGEL. Modéra- tion nécef- faire aux Fidéles. 264 |: LE SPECTACLE dans l’expoñition des mêmes dogmes. Quelque autorifés que foient les fidéles à chérir & à prariquer les vérités qui fe trouvent énoncées dans le dépôt, ilsn’ont point d'autorité pour condamner ceux qui les conteftent : c’eft au corps Pafto- ral qu’il a été dit d’enfeigner , & qu’il ap- partient de placer à tems fa définition. Si le Sauveur n’a pas d’abord tout dit ni dévelopé ces régles à fes Apôtres dans le tems où ils lui faifoient fur la primauté & fur la nécefliré de leur être affociés, des queftions qui décéloient leur orgueil ; c’eft parce qu’il réfervoic à l’Efpric faint qu’il devoit répandre fur eux, de les guérir de l'amour des diftinétions & de la jaloufie des avantages perfonnels ; de leur apprendre à cems la forme du gouverne- ment de fon Eglife ; & de leur révéler toute vérité néceflaire. Il la leur apprit de bouche dans tous les entretiens qu’il eut avec eux depuis fa réfurrection. Il leur en donna l'intelligence & leur en fit fencir la force & l’étendue par la com- munication de fon Efprit. Ce qu'ils ont pratiqué vient donc de Dieu: c’eft là, & non dans les penfées d’aucun homme que nous trouverons notre régle. Le commentaire de rout l'Evangile & le modéle de tout l’avenir doivent confé- Dr LA NATURE. , 968 quemment fe trouver dans la conduite des Apôtres. Deux traits que nous y pou- vons choifir, embraffent tout. Hymenée & Philèt, trop accoutumés aux difputes des écoles Gréques, & ne pouvant fe réfoudre à admettre comme révélé ce qu'ils ne pouvoient concevoir , fe mélèrent de dogmatifer dans l'Eglife de Corinthe fur la réfurreétion des corps, & d’en nier la poffibilité. Les fidéles in- dignés en avertirent S. Paul leur premier Prédicateur. Il réfuta les penfées de ces difcoureurs, & raffermit la foi de ceux qu'ils avoient ébranlés. Bientôt le foulé- vement général des fidéles très-bien inf- truits même dès auparavant de cette vé- rité capitale ; & la très-explicite confef- fion qu’en faifoient toutes les Eglifes en célébrant annuellement la réfurreétion du Sauveur, fermèrent la bouche dans Co- rinche à ces Philofophes, & décrédicè- rent leur favoir par-tout où ils osèrent oppofer leurs raifonnemens à la révéla- tion. Le fcandale ceffa. Chacun apprit la néceffiré de captiver fon intelligence fous l'obéiffance de la foi : & il ne fut point affemblé de Concile, parce qu’on avoit le confentement des efprits & l’unani- mité dans la doctrine. On avoit par avance ce qui auroit été le fruit du Concile. La De- MONSTR. EVANGEL. La con- duite des Apôtres, modéle de tout l’ave- nir. La Dr- MONSTR, EVANGEL. 266 LE SPECTACLE Il n’en fut pas de même d’une autre vérité très-importante & très-connue, mais obfcurcie dans quelques Eglifes par une grande diverfité de fentimens. Le juite refpeét qu’on ne manquoit pas de conferver pour la loi de Moïfe , & le zèle mal réglé avec lequel plufieurs Hé- breux convertis entreprenoient d’aflujet- tir les Gentils aux pratiques de cette loi, jettèrent plufieurs fidéles & des Eglifes entières dans de grandes perplexités. Saint Pierre de retour de chez Cor- neille le Centurion avoit déja informé l’'Eglife tant de la defcente du fainc Efprit fur les Gentils, comme fur les Juifs bap- tifés, que de la défenfe expreffe que Dieu lui avoit faite de regarder davantage comme impurs ceux que fa grace avoit fanctifiés. Dès auparavant le faint Précurfeur & Etienne le premier Martir avoient net- tement annoncé la fin de la loi. & la cef- fation des facrifices , pour faire place au feul facrifice de Jefus-Chrift. La doctrine de faint Paul étoit très- publique & très-précife fur cette matière. La vérité étroit connue :elle faifoir partie de la prédication univerfelle. Mais elle étoit traverfée par les vûes particulières de plufieurs Miniftres de la parole qui DE LA NATURE. 267 avoient des talens, du crédit, & un délir excrême de fe rendre importans. Comme la jaloufie &*non l'amour de la vérité étroit l’ame de leur conduite , ils s’appli- quèrent à exténuer les fervices de S. Paul & des bons ouvriers ; d’une autre part à égaler , par des fophiftiqueries étudiées, la loi préparatoire à la loi Evangelique: en forte que bien des Fidéles du nombre des Gentils fe croyoient tenus à la pro- feffion de l’une & de l’autre. I! fut donc accordé au befoin des Egli- fes, & à l'agitation que cette querelle y caufoit, d’aflembler le corps des En- voyés. Tout fut difcuté par les témoigna- ges confbirans de ce que l’Efpric faint avoit opéré & déclaré par-tout, tant fur l'adoption des Gentils , que fur la ceffa- tion des effèts de la loi depuis les jours de Jean-Baptifte. Le principal fruit de la difcuffion ne fut pas d'apprendre à l'Eglife un dogme nouveau, puifque l'Eglife décida la vérité qu’elle préchoit dèsauparavant ; mais ce fut de réunir les jugemens fur ce point, & de rendre plus fenfible l’unanimité qui étoit déja très-réelle. Après quoi le do- gme fur lequel on avoit fupporté l’héfi- tation de quelques-uns, étant mis dans un nouveau jour & précifément défini, La DE- MONSTR, EVANGEL, 268 Le’ SPEcTAcCLE+E La De- ce point acquitle droit de foumettre tous ne pr Lot Telle va être à jamais l'autorité de l’E- glife ou difperfée , ou repréfentée dans un Concile par fes Députés. Toutes fes démarches découlent de l'unité, & y re- viennent. Ses procédés déformais font connus: fa forme eft conftante, & il n’y fera point fait de changement. Cette forme qui eft l’interprére des vo- lontés de Jefus-Chrift , fera à jamais la füreté de l'Eglife. La Primauté n’y anéan- tit pas les autres pouvoirs:au contraire elle les fuppofe. L’Eglife eft fervie par le concours de tous les témoignages, par l'exercice de tous les droits , & par l’ufage d’une jufte liberté : mais routes ces actions n'en deviennent qu’une, parce que la Primauté en faic ialiaifon, & en montre l'unité. Voici cependantaufli-tôt après la mort des Apôtres une nouveauté qui femble L'Estife être un affoibliffement dans l’Eglife, & n’eft point À à : F < A de pire donne lieu à dejuftes défiances. Les Apô- condition tres pouvoient enfeigner fürement & dé- fuccer. finir avec autorité, parce qu'ils avoient as notoirement l’efprit de Dieu. Mais lorf- awelle le. que les fucceffeurs de leurs places vou- mia dront de même faire des décifions, le cement, Pourront-ils avec la même certitude? Il a DE LA NATURE. 269 leur eft nettement commandé de garder La De- le dépôt de la foi. Depofitum cuflodi. Hs Peer font obligés de la forte, & s'engagent confulter toùjours le dépôt. C’eft là qu'ils prendront leur prédication : c’eft là qu’ils prendront au befoin la décifion d’un dogme connu, mais obfcurci par des dif- putes. Ne peut-on pas dire qu'il y a en ceci un grand affoibliffement dans le Mi- niftère , puifque les Miniftres précédens pouvoient prendre leurs connoiffances dans l’immédiate révélation de l’efprit de Dieu; au lieu que ceux qui vont fuivre ne s’attendent point à une pareille infpi- ration ? Ils ne doivent dire que ce qui aura été cru & toûjours, & par-tout. Quod Jemper , quod ubique. Leur condi- tion fe trouve donc fort inférieure à celle du premier Miniftère, & la nôtre con- féquemment moins avantageufe que celle des premiers Chrétiens. Mais en cela il ne fe trouve ni defa- vantage , ni changement réel. C’eft au contraire un moyen sûr, commun, & efficace pour perpétuer fans équivoque les intentions du Légiflateur. Comme il n'y a qu'un feul Seigneur qui a une fois notifié fes volontés à fon Ambaflade, il n'y aura qu'un traité & une même doc- crine pour tous , & par-tout. Ceux qui La De- MONSTR. EVANGEL. 270 Le SPECTACLE compofent l’Ambaffade enfeignent con- jointement, & s’entr'éclairent folidaire- ment. L’arbicraire ne s’y peut préfenter que tous les autres ne fe récrient : & comme l’Ambaffade avec fes actes dure autantque les fiécles ; la foi eft une dans tous les tems. Si la condition de l’Eglife Catholique eft heureufe, ce n’eft pas feulement par- ce que les mêmes dogmes ne peuvent être unanimement reçus par tant de nations qui la compofent, qu'iis ne foient Apof- toliques & uniformémenttranfimis ; mais parce que les Miniftres de l’Ambaflade Catholique ayant encore les mêmes fonc- tions , les mêmes places , le même Chef, la mêmeuniverfalité, & la même unité; en recevant ce Miniftère , nous fommes sûrs de recevoir l’Apoftolat qui devoit toüjours durer. On peut bien par des accufations af- fetées ou étrangères au fujèt, rendre l’'Eglife Catholique odieufe , comme fi elle pouvoit quand elle voudra , faire paffer des erreurs en dogmes. Mais cet inconvénient n’eft à craindre que dans les fociétés où l’on fe donne un maître, où l’on écoute un homme. Pour nous c’eft le Miniftère de tous les fiécles que nous écoutons. Ce qui vient uniquement DE LA NATURE. 971 des écoles , non du dépôt public, nous en portons le jugement d’eftime , ou de tolérance que l’Eglife en porte elle-mé- me. Nous n’en faïfons point la régle de notre créance , & le laiffons pour ce qu'il peut valoir. Maïs notre commune foi, la doctrine qui nous fauve tous, eft précife & annoncée par-tout. Jamais il n’y fera retranché un iota. Quand une vérité n’eft pasencore dé- cidée par un jugement fpécial , elle eft ce- pendant déja connue, puifqu’elle ne pou- roit être définie, fi elle n’éroit déja dans le dépôt public où l’Eglife prend tout ce qu’elle annonce. La publication d’au- jourd'hui ne peut doncimpunément être différente de celle d'hier, &les décifions qui fe pourront faire dans cent ans font des vérités publiées dans les Livres faints, & dans les monumens des premiers âges, quoiqu’elles n'aient pas été l’objet d’une définition fpéciale. L'Evêque de Samofa- te, un Prêtre d'Alexandrie, un Archidia- cre d'Angers, peuvent annoncer de nou- veaux dogmes. Mais tout le Miniftère veille folidairement pour les réprimer. Ce qu’un Miniftre avance de faux, les autres le réfutent. S'ils fe taifoient durant un tems, le dépôt parleroit toùjours en leur place. Au contraire ce que l’un d’entre La Des- MONSTR, EVANGEL, LA DE- MONSTR. EVANGEL. L'erreur. 272 LE SPECTACLE eux dit de bon, les autres en avouent, en louent la conformité avec la prédication univerfelle : & en lifant l’expoficion dela foi par M. de Meaux, ce n’eft pas Boflüuèt qu'on écoute : on écoute tout le Minif- tère qui y a reconnu la doétrine de tous les tems. Par la forme même que le Sau- veur a donnée à l’Apoftolar, la vérité eft inexterminable dans l'Eglife Cacholique, & jamais l’erreur n’y peut être érigée en article de foi. L’efprit particulier peut fans doute caufer de grands maux, même dans l’E- glife Catholique: mais nous fommes mu- nis contre fes entreprifes , & il ne peut empêcher ni l’indéfe@ibilité de l’'Eglife , ni l’indéfectibilité de la prédication qui fandifie l'Eglife. Quelqu'un ofe-r'il ajoëter au dépôt, ou en retrancher ? Voilà l'erreur. Mais cette erreur , quoique haïffable à propor- tion fur-tout qu'on eff inftrui: , ne reçoit pas d’abord les qualifications qu'elle peut “mériter. C’eft même un devoir d’en fup- L'héréfie. porter les défenfeurs avec autant de pa- tience que l'Eglife en montre, fi elle dif- fère à condamner cette opinion erronée. On ne lui donne le nom d’héréfie qu’après la condamnation. De la forte, la rébapti- fation étoit dans S. Cyprien, Firmilien, & D£ LA NATURE 973 & leurs adhérans, une erreur : mais de- puis la définition de Nicée, c’eft une hé- réfie. | Quelqu'un ofe-v’il toucher à l'unité du Miniftère foit d’abord en fe fouftrayant à l’ancienne hiérarchie Cacholique comme tombée en ruines; foit en fecond lieu en s’arrogeant une million nouvelle & ex- traordinaire, pour faire revivre l'Eglife; foit enfin en exerçant dans l’indépendan- ce & fans fubordination un Miniftère ré- gulièrement acquis dans fon origine ? Voilà le fchifme, pire encore que l'erreur. Î! ruine dans l’exaéte vérité les effèts de l'alliance, en ruinant la charité qui eft l’ame du Chriftianifme ; & il eff tour à la fois la fuite de l’erreur qu’on s’obftine à défendre , & l’occafion des nouveaux égaremens qu’amène l'indépendance. On dit aux Partifans de la première & de la feconde féparation : Où eft la révo- cation de l’ancienne Ambaflade ? où efk la vraifemblance de fon extinétion après les promeffes précifes que Jefus-Chrift lui a faites, d'être avec elle jufqu’aux der- niers jours ? & quand il feroit poflible que Jefus-Chrift, contre fa parole formelle, eût laiffé fon ancienne Ambaflade à l’a- bandon & fans fupport; où fonc les mar- ques de la vôtre? qui êtes-vous pour ré» Tom. VIII. Part. IL S La Dé: MONSTR: EVANGEL, Le fchifs ine, | La D E- MONSTR. EVANGEL, 974 , LE SPECTACLE prouver le Miniftère précédent, & pour vousintroduire en fa place? & quand vos plaintes feroient juftes, lui ôtent-elles fa mifion, & vous l’attribuent-elles ? pour- quoi voulez-vous qu'on vous écoute par référence à Ebion, à Manès, à Arius ,à Did & à tanc d’autres qui prennent comme vous, la qualité d'Envoyés? Vous les réprouvez &ils vous réprouvent.Vous vous rendez mutuellementjuftice , & fans délibérer , nous vous la rendons à cous, parce que vous êtes fans titres. Tous tant que vous êtes, vous vous préfentez l’Ecriture fainte à la main. Vous ne voulez point d’autre régle : mais loin de vous donner quelque droit, elie vous couvre d’opprobre, Le traité d'alliance, felon cette Ecriture , a été confié à une Ambaffade immortelle qu'il faur écouter : & l’on connoît les différentes dattes de vos prétendues miflions. Cette Ecriture facilite la connoiffance & la méditation des principaux articles du traité : mais on ne peut pas dire qu’elle foit cout le traité: le fupplément en eft donc dans le Minif- tère qui a publié les intentions du Lé- giflateur avant que d'écrire, & qui con- tinue à faire l'annonce verbale du traité entier , depuis la colleétion des écrits Apoftoliques comme auparavant. DE LA NATURE. 978 Mais quandil feroit vrai que l'écriture du Nouveau Teftament feroit tout le traité , eft-ce affez que vous en ayez une copie pour vous dire Ambaffadeurs ? La confufion feule eft le fruit de cette multiplicité d’'Ambaflades : & comme vous n’avez chacun à partaucun titre qui attire la confiance , vous n’avez chacun à parc aucune régle qui vous fixe, Vous prenez tous l’Ecriture pour régle. Mais elle n’en eft plus une pour vous. Puif- que le fens en eft fous le gouvernement de votre efprit, au lieu d’être comme eft l’Ecriture dans l'unité Cacholique fous l'interprétation du Mliniftère qui en eft porteur, & tout enfemble fous l’éclair- cifflement du dépôt univerfel. Dépôc in- finiment public, dépôt qui fixe l’inter- prétarion & maïñrife autant les Ambaf- fadeurs qu'il les aide. Dans l'Eglife Ca- tholique tout fe prête des fecours mu: tuels : chez vous tout s’entre-détruit. Loin de pouvoir juftement prétendre à la qualité d'Envoyés qu’on ne fe donne point; vous ne pouvez pas même rai- fonnablement vous flatter de la qualité d’enfans de l’Eglife. Car fi celle qui vous a enfantés éroit l’Eglife, vous n'avez pas dû la quitter? Sila vraie Eglife étoit quel- que part ailleurs, par Vo en Abiffi- 1] La Dr- MONSTR, EVANGE, Perron; Boffrèr, Iicole, 276 LE SPECTACLE La De- nie, ou en Gréce; pourquoi ne vous y MONSTR, EVANGEL. êtes-vous pas unis? & fi l’Eglife n’éroit plus , qui vous a engendrés à Jefus- Chrift ? vous avez tout perdu pour vous- même, & égaré vos Difciples en enfei- gnant hors de l'unité. Quant à ceux qui croient avoir con- fervé le Miniftère Apoftolique, mais qui l'ont démembré du total, qui ont ré- prouvé lerefte, & concentré lEglife dans leur fociété particulière, on leur dit: Vous avez une apparence de fucceffion dans le Miniftère. Mais vous en avez per- du le fruit en l’exerçant à votre gré, &en vous fouftrayant à la foi de toutes les lé- ations permanentes, qui eft d’être uni au Chef. & de travailler fous l’infpection du corps de l’Ambañfade entière. Celle-ci n’écoit néceflairement qu’une, foit pour annoncer les mêmes vérités & la même alliance à tout le genre humain ; foic pour rendre l’Eglife de Dieu reconnoiffäble en la diftinguant des fociétés irrégulières par l'unité vilble du facerdoceuniverfel. [ne tient pas à vous que la foi ne foit devenu équivoque, & le choix d’une Eglife in- certain. Vous avez à jamais perpétué les haines & le trouble en multipliant les Egjlifes. À queltitreavez-vous pü chaque Canton à part, vous approprier la léga- DE LA NATURE. 9277 tion ? une parcelle détachée du corps de l’Ambaffade devient-elle toute l’Ambaf- fade ? après cette rupture quelle certitude aurons-nous de l'intégrité de votre com- million, & de la confervation du dépôt dans vos mains ? en rompant avec le Corps facerdotal vous n’avez plus de ga- rants qui répondent de la bonté de votre œuvre ? fi l'erreur s’eft gliflée parmi vous, où avez-vous trouvé une lumière fidéle? & fi vous êtes tombés , qui a pris foin de vous relever ? Ne voyez-vous pas qu'aucune Eglife particulière ne fe fuffit à elle-même, & qu'il n’y en a aucune qui ne publie qu’elle croit la Communion des Saints? mais en vain le dites-vous comme les autres, fi vous vous privez de cette communion & de fes effèts, fi vous rompez le lien exté- rieur qui les communique. En vain ces faintes Sociétés répandues par-tout en- voyeront-elles leurs témoignages ou leurs Députés, pour procurer aux Particuliers & au Corps entier des avertiflemens, des réglemens, des décifions. Ces précieux effèts de la Communion des Saints font perdus pour vous. Toute Eglife qui s’ar- roge l'indépendance en ruinant les liens de cette Communion univerfellement ho- norée , introduit une forme d’Eglife que S ii La De- MONSTRe EVANGEL, La Com- munio1 des Saints perdue pour les Schifmati- ques. 978 LE SPECTACLE La De- les Hommes Apoftoliques n’ont pas éta- evances Dlie. Elle perd fa propre autorité, & fe VANGEL, ; ne refufe le profit de l’autorité que les autres confervent, en demeurant inféparables. Vous aviez, dites-vous, des griefs qui demandoient votre féparation d'avec le Siége de Rome & d'avec les Occidentaux. Ils fe rendoient indignes d’être plus long- tems dans la communion de vos Eglifes, en continuant malgré vos plaintes à in- férer dans le fimbole que l’Efprit faint procéde du Fils comme du Pere; à cé- lébrer l’Euchariftie avec du pain azyme ; & à interrompre pendant le Carême le chant de l’el/eluia. Quand vos reproches feroient plus fondés & plus graves , votre féparation n’en feroit ni plus prudente , ni plus légi- time. Vous tous qui avec les Pafteurs d'Occident partagiez le Miniftère Catho- lique, & ne faifñez qu’un avec nous, vous aviez dans vos mains, aufli-bien que nous, les Ecritures , la prédication univerfelle, les maximes des faints Docteurs, & rout le dépôc qui contient avec les principes de tout bien , la réforme régulière des abus, l’avertiflement des fcandales à ve- nir, & les moyens de vous en défendre, Parmi çes moyens vous n’avez point trou- vé celui de la rupture, Vous y avez ap DE LA NATURE 9279 pris au contraire que les Envoyés même courroient en vain s'ils précendoient exer- cer leur légation indépendamment du corps de l’Apoftolat. * Tout l'Univers a condamnéles Dona- tiftes qui concentroient chezeux l’Eglife. Tout l'univers a applaudi à la maxime d’Auguftin, qu'il ne peut y avoir de jufte caufe pour faire une Eglife à part en rompant avec les autres. Si vous pouviez vous éloigner des Oc- cidentaux, c’écoic au cas que l’Eglife uni- verfelle les eût convaincus de quelques faux dogmes , & les eût manifeftement retranchés {ur le refus opiniâtre d’aban- donner telle &telle erreur. Mais la chofe implique dans les termes, & ne peur être arrivée. Comment voulez-vous que la moitié de l’Eglife , & le Chefcommun fe retranchent eux-mêmes, ou puiffentêtre retranchés par l’autre moitié? Quand les fcandales & les erreurs auroient été réels, c’éroit le cas de fe fupporter en paix. L’u- nique parti légitime étoit d’aider modef- tement la vérité à prendre par-tout le deffus , & d’attendre fans amertume l’é- clairciffemenc de vos prétendus griefs, On ne remédie à rien par l’impatien- ce , & quand il feroit vrai que routes nos Eglifes- étoient pleines d'ivraie , nous | S ii] LA DE- MONSTRe EVANGEL. # Gal. 2.2. La DE. MONSTR. EVANGEL. 280 \ LE SPECTACLE étions avec vous la commune moiflon du Seigneur. Nous étions dans le même champ. Or il avoit expreffément défendu à fes ouvriers d’arracher tout d’un coup l'ivraie avant la moiflon, & de la jeter dehors. Il falloit dans la fuppofition de fon mélange général avec le bon grain, la fouffrir avec le bon grain, de peur d'emporter le bon grain, en voulant ex- tirper l’ivraie par trop multipliée. Une telle réforme ne pourroit être qu'un vrai ravage, Ce n’eft pas feulement par cette infi- gne defobéiffance que vous êtes convain- cus d’être de mauvais ouvriers. Vous ne l’êtes pas moins par la petiteffe avec Îa- quelle vous exercez votre Miniftère. L’E- glife Catholique feule fe fouvienc à jamais que le fien n’a point de bornes, & il fe montre par-tout , parce qu'il eft pour tous, Sa prédication & fon zèle s’éten- dent comme fes obligations. Jufques dans les derniers jours il illuftre fa prédication par le Martire. (4) On vousentend faire des plaintes amè- res de fon activité. Nos Miffionnaires s'infinuent , dites-vous , dans tous vos . a) Voyez le difcours de Benoît XIV. fur le Mar- tre de l’'Evêque de Mauricaftre , déçapité à la Chine le 26 Mai 1747. DE LA NATURE. 981 Etats, & dans vos familles. C’eft une ar- deur , une inquiétude , qui vous bleffe : & vous la réprimez par des loix févères. Mais jugez mieux de la faveur de leur prédication , & de la froideur de la vôtre. Vous confeffez par vos plaintes que le Miniftère Catholique s’adreffe au genre humain. Hé, n’eft-ce pas là fa vocation ? Il ne ceffe ou de tirer les hommes de l’infidélité, ou de les ramener de l’égare- ment du fchifme dans l’unité. C’eft une œuvre à laquelle les Princes & les peu- ples Catholiques contribuent noblement. On cultive à Rome , à Lisbonne, & à Paris , des Pépinières Eccléfiaftiques pour introduire ou pour rétablir la foi par-tout où il eft poffible : & telle eft l'intention d'une grande partie des fecours vraiment édifians , qui font envoyés de tous les Etats Catholiques au Clergé de Rome. Au lieu que vous autres foit inftituteurs, foit fauteurs de communions féparées, vous renfermez votre follicitude dans cette petite troupe qui condamne avec vous tout le refte de l’univers. Contens d’être écoutés en Abiflinie , en Gréce, dans telle Ifle, ou danstel Canton, vous demeurez muèts pour le refte de la terre, & vous avouez votre infufifance par vo- tre taciturnité. La De- MONSTR. EVANGEL, LA DE- MONSTR. EVANGEL. 289-. L'EMSPEHECTAIU LE Nous ne voulons pas dire, en adref- fant ces paroles aux Sociétés Schifmati- ques, que les Eglifes célèbres d’'Ephèfe, de Corinche, & de Theffalonique, ou les fociétés Arméniennes , Mofcovites, & autres qui fe mettent fi peu en peine de la propagation de leur foi, ni du falut des autres ; foient abfolument fans juftice & fans vie. Plufieurs Sociétés Orientales récla- ment ouvertement contre cette defunion. Bien loin que le fchifme foit confommé dans tout l'Orient, plufieurs Particuliers fe joignent à nous, tant qu’il leur eft poffi- ble : des Monaftères & de plus grandes fociétés font profeflion de nous étre unies. On en trouve de plus ou moins nom- breufes, en Macédoine au Mont Athos, en Syrie au Mont Liban, en Arménie dans un très-grande nombre de Paroiffes, & ailleurs. Les Sociétés qui ont fait fchif- me après avoir régulièrement reçu l’an- cien Miniftère, ont l’Ordination Apofto- lique, en forte que l’Eglife ne réordonne pas leurs Mfiniftres quand ils reviennent à l'unité. Elles ont la fucceflion, finon des légitimespouvoirs, au moins des pla- ces Epifcopales. Elles ont la réalité des Sacremens , & la perpétuité du dépôt plus ou moins pur , parce qu’il n’a pas DE LA NATURE. 9283 été aifé, même chez elles, de toucher à ce qui fe tranfmèt dans des fociétés na- tionales ,par la commune prédication des Pafteurs unis entr’eux, & fubordonnés à un Patriarche , ce qui avec la liturgie, eft un moyen d’une grande publicité & d’une grande sûreté. C'eft en petit l’imitation des liens & de la conftitution de l’Eglife univerfelle.Plu- fieurs Néophytes reçoivent dans ces fo- ciétés le batême, la créance du fimbole, & plufieurs prières qui nous font com- munes. [ls reçoivent les Sacremens, & un commencement de vie fpirituelle. Nous ne connoiflons ni leurs défirs, niles vœux qu’ils peuvent faire pour la réunion. Per- fonne n’ignore qu’ils l’ont plus d’une fois demandée par des Députations que les Princes mal-intentionnés ont rendu inu- tiles. I ne m’appartient pas d’ofer dire ce qui fufit ou ne fuflit pas , pour rendre leur ignorance excufable ou inexcufable, niju{qu’à quel dégré les peuples fchifina- tiques participent à l’aigreur de la rup- ture, & à la haine qui divife leurs Paf- teurs d'avec nous. La première penfée, quinous vient, à propos des Eglifes fé- parées, eft de nous attendrir fur le fort de nos freres, & de défirer qu’il y eùc, s’il étoit poffible, en leur faveur des ex- La DE- MONSTR, EVANGEL. La DE- MONSTR. EVANGEL. < Tim, 4e 8.0, 284 LE SPECTACLE ceptions à la rigueur de la loi qui attache la fainteté à l’unité de l’Eglife, & au feul Miniftère qui forme le Corps des Saints. Mais cette compañlion toute humaine doit céder aux vües adorables de la Sa- gefTe fuprême, qui n’a établi la loiinvio- lable de l’unité dans fon Eglife, la com- mune profeflion, credo unam ..….. Ec- clefiam ; que pour rendre la vraie Eglife & le vrai Miniftère à jamais reconnoif- fables par des liens fenfibles, & par un caractère qui füt à la portée de tous. Nous ne pouvons donc que plaindre ces Egli- fes fchifmatiques non-feulement des dan- gers, mais des malheurs inféparables de leurs démembremens. La Providence qui a permis les infi- nuations de la philofophie parmi les Paf- teurs, & les féparations que la jaloufie ou la manie des opinions a tant multi- pliées, en a d’abord prévenu le fcandale par la prédiction. * Elle en a tiré de plus un avantage très-réel , qui eft de ménager à fon Eglife des atteftations convainquan- tes, foit de l’antiquité de fes dogmes, foit de l'intégrité de fon dépôr. Ces attefta- tions, fans être néceffaires à fes enfans, ferment la bouche à fes contradiéteurs. Affürément la forme de foninftitution empéchoit par des précautions eflicaces DE LA NATURE. 9285 & durables l’altération de fon Miniftère & de fa foi : mais rien n'empéchoir qu’elle ne püût être calomniée ou accufée de changement : & voici des Sociétés depuis huit, onze, & douze cens ans féparées d'avec nous, & defunies entr’elles, qui atteftent par leur commune créance la même en tout que lanôcre, horsle point qui les fépare ; l'intégrité & l’Apoftolicicé de celle-ci. (a) Nous avons de plus contre toutes ces Eglifes, & pour nous, l’aveu unanime qu'elles firent autrefois de PApoftolicité de notre hiérarchie, comme de celle de notre foi. Lorfque routes enfemble elles n’étoient qu’un même corps avec nous, elles confeffèrent par une Dépuration gé- nérale à Nicée, & par les réglemens de cette Affemblée, l’unité de l'Eglife , la primauté de S. Pierre , celle de fes fuc- ceffeurs dans le Siége de Rome , en un mot la forme de gouvernement qui du- roit depuis trois fiécles , & à laquelle nous fommes encore fidéles. (2) Voyez les témoignages de la commune créance des Sociétés Orientales , rapportés par M. de Nointe} Ambañadeur à la Porte. L'Auteur fe fouvient d’avoir vû en 1717.le Czar Pierre s’abaiffer profondément & avec génuflexion, devant le grand Autel d’une Cathédrale Catholique : action parlante & témoignage public de la perfuafion de ce Prince éclairé, La DE- MONSTR, EVANGEL, 286 LE SPecTaAcLE La De- Les Evêques des différentes parties du mA he monde Chrétien , affemblés dans le voi- s ‘ finage de la nouvelle ville Impériale , au- roient pü, femble-v'il, faire une démarche très-agréable à l’E mpereur & au Clergé de Conftantinople, s'ils avoient voulu y transférer la premièreChaire Apoftolique avec laquelle tout l'Épifcopat & toutes les Eglifes entrecenoient une communion conftante. Les politiques s’entredifoient alors à Nicée: Nous avons l’occafion la plus heureufe d’illuftrer à jamais le Clergé de Conftantinople par la Primauté. Ni l'unité de l’Eglife Catholique, ni la vifi- bilité qui eft l’effèt néceffaire de l’unité, ne fouffriront de ce tranfport., On peut faire par choix ce qui pourroit arriver par une néceflité inévirable. Des peuples Barbares peuvent fe rendre maîtres de Rome , & y éteindre le Chriftianifme. L’idolâtrie dont Rome eft encore pleine , peut reprendre le deffus , & en interdire l'entrée aux Chrétiens. Un tremblement de terre peut ruiner Rome comme il arriva à certe ville de Nicée le jour de la mort du Sauveur ; ou même engloutir Rome comme il arriva à la célèbre Her- culane fous l'Empereur Titus. Ce n’eft ni à Jerufalem, ni au mont de Samarie, ni aux fepr montagnes de Rome que le DE LA NATURE. 928» Chriftianifine eft attaché. L’Eglife Cacho- lique peut perdre une ville ou une pro- vince : mais elle ne peut perdre ni la Chaire Apoftolique ni la Primauté qui montre à tout l’univers un feul Clergé, compofé de cous les Clergés, & une féule Eglife compofée de toutes les Eglifes. Rome va s’obfeurcir : & cette Chaire émi- nente , tranfplantée dans la première vil- le, dans la nouvelle Rome, n’en feroit, comme elle l’étoit ci-devant, que plusen place pour être vûe , & pour entretenir toutes les correfpondances. Les Peres du Concile n’en font-ils pas les maîtres, & une fage policique ne le leur confeïlle- t'elle pas ? Les Evêques de cette augufte Affem- blée penfèrent bien autrement:ils ne cru- rentlachofeniutile, nijufte,niabandon- née à leur pouvoir. Ils favoient que l’Or- dre primitifde la Hiérarchie étoit l’œuvre de l’efpric qui avoit conftituél’Eglife , & que certe prééminence fans laquelle il n’y auroit ni fubordination ni unité, ne pou- voit fans doute être anéantie , ni par la ca- ducité des bâtimens , ni par l’invafion d'aucune puiffance ennemie : cependant ils ne déplacèrent point ce Siége princi- pal, & le laiffèrent toûjours uni à la même ville qui avoit étéilluftrée par la prédica- La De- MONSTR, EVANGEL, La DE- MONSTR, EVANGEL. 288 LE SPECTACLE tion & par le fang du premier Apôtre, puis par la longue fucceffion de tant de Docteurs prefque tous Martirs comme lui. Ilsne voulurent point féparer la pre- mière Chaire d’avec le plus grand témoi- gnage qu'il y eût fur la terre, & ne connu- rent point d'’illuftration préférable à celle- à. Les Peres de Nicée nefe laiffèrent pas ébranler par l’obftination de la plus gran- de partie du Sénat & du peuple Romain, qui en perfiftant dans l’idolâtrie ou dans la haine du Chriftianifme fe rendoient indi- gnes d’avoir chez eux le Chef &le centre du Miniftère Chrétien. Ils ne touchèrent en rien à cette difpofition quiremontoit à la naïffance de l’Eglife. C'eût étéexpofer à l’obfcurciflement la fucceflion des chefs de l’Orüre Sacerdotal , dont la ligne & l'autorité avoit fervi depuis trois censans à réprouver toutes les fociérés irréguliè- res par la fimple connoïffance de ce cen- tre d'unité qu’elles rejettoient. Le Concile de Nicée ne donna rien à Rome:il refpecta feulement & fit à ja- mais refpecter ce qu’elle avoit recu. An- tioche & Alexandrie avoient les feconds rangs : mais rien he s’oppofa à ce que Conftantinople l’emportât fur ces deux Siéges. Pourquoi donc n’en fut-il pas de même de celui de Rome? Le Concile fic VOIr DENLA NATURE, 289 voir que la Primauté du Siège de S, Pierre avoit un autre fondement que la préé- minence paflagère de la ville où il étoit placé. I comprit qu'on répandroir un nuage fur les droits de cette Chaire ,en J'introduifant dans la nouvelle Capitale de l'Empire, & qu'il paroïtroir à l'avenir qu'où il n'y auroit plusde première ville, il n’y auroit plus de premier Siége. On n'ignoroit pas dans | Eglie, non plus que dans la fociéré civile , Que l” infti- tution d’un Chef perpétuel éroit infépa- rable d'une Compagnie perpétuelle; d'où il fuivoirt que comme le Sauveur avoit inftirué le Collége Apoftolique, en l’im- mortalifant par une fucceflion régulière ; il en avoit de même inftirué le Chef, & que certe Primauté toûjours néceffaire au corps devoit comme le corps de l’Am- balade , être perpétuée par la fucceffion. Les Peres du Concile ne maintinrent que mieux cet ordre effentiel par la précau- tion de ne pas déplacer la ligne de cette fuçceflion , & d’en conferver à Rome le privilége. L'Eglife ne peut perdre ni fon gou- vernement, ni la Primauté qui fait le lien de fon Apoftolar. Mais quoiqu'’elle puiffe perdre Rome , elle ne regarde pas avec indifférence le lieu où réfide cette Chaire Tom. VIII. Part. IL. 4 0 La De- MONSTR. EVANGEL, La DE- MONSTR. AVANGEL, 206 « LENSPECTACLE refpeétée de tous les fiécles. Ici, comme en tout, l'extérieur attefte & maintiene la vérité, par fon invariable uniformité. La confervation du privilége accordé à Rome a toûjours montré & maintenu l’ordre primitif, l’ordre néceffaire , la première place, le centre du Miniftère & de toutes les Eglifes. Le Concile Ecuménique laiffa donc à tous les fiécles fuivans le modéle de con- duite , & la régle qui les devoit fixer. Quelle main téméraire ofera déformais toucher à des bornes fi facrées ? qui pourra fe flatter en quittant Rome de trouver ailleurs cette Chaire principale, & la Primauté néceffaire à l’unité? Quel fera le Clergé, quel le Particulier qu'on doive fuivre, quand on voudra bâtir en rejettant cette pierre fondamentale, à la- quelle font jointes toutes les autres pier- res du fondement. On ne manquera pas de fe récrier que ceux qui fe font aflis fur cette Chaire n'ont pas, en plus d’une réncontre, montré la modeftie & la régularité de faint Pierre , ni du très-grañd nombre de fes fucceffeurs. Objeétion vaine & qu’on laiffera fans réponfe. A quelles illufions & à quelles extrémités ne s’eft-on pas porté dans la DE LA NATURE 991 fauffe méthode d'attribuer à l'Eglife, malgré les promefles qui la rendoient indéfectible ; des défauts humains & des prétentions perfonnelles ? Si depuis l’ancienne idolâtrie il eft monté dans l’efprit de l’homme une idée déraifonnable, & pourtant féduifante par fes rapports fecrèts avec l’amour pro- pre, c’eft la liberté que fe donna un par- ticulier, puis un fecond , & enfuice plu- fieurs autres de réformer l’'Eglife , randis qu’elle avoit fon gouvernement ; & de régler les articles de la foi tandis que depuis quinze fiécles il y avoit d’une part un Apoftolat immortel qui ne cefloit de la publier, & d’une autre part un Char- trier indeftruétible qui juftifioit la prédi- cation. Les fociétés humaines fe gardent bien d'abandonner la légiflation & l’ordre pu- blic aux vües des particuliers. Jefus- Chrift avoit fait plus que d'établir l’ordre commun dans fon Eglife par l'inftitution d’un Corps de Miniftres autorifé, uni- que, & fucceflif. À ce moyen qui opère naturellement l’indéfe@ibilité de l’ordre, & la notification immanquable des in- tentions du Légiflateur , il avoir ajoûté la promeffe de ne les abandonner jamais, & d'empêcher l'erreur de prévaloir dans Ti La De- MONSTR. EVANGEL. °02 LE SPECTACLE La De- l'Eglife. Affurez-vous, leur dit-il, que Fvancr. »4e ferai avec vous tous les jours jufqu’à VYANGEL. _ Lee » la fin des tems. Et voici des hommes | qui viennent dire en face à Jefus-Chrift: Vous n’êtes plus avec vos Envoyés : & c'eft nous qui allons apprendre aux hom- mes vos intentions. | Le principe de la Réforme aétécom- # munément énoncé dans ces termes: 57 07 ne réforme pas nos Egliles, nousfommes 4 en droit & dans l'obligation de les réfor- mer nous-mêmes. Or i ne faut pas de moindres pouvoirs pour réformer l’Eglife que pour l'établir. Nous avons donc le difcernement des doûtrines , le pouvoir des clefs, & l’Apojiolat. Pour juger de la valeur d’un pareil principe, il eft peu néceflaire de recourir à l'évènement : fuivons cependant la ré- gle que Jefus-Chrift nous a donnée pour faire le difcernement des mauvais maî- tres. On doicenfin les reconnoître à leurs * fruits. S’il y a donc une réflexion capa- ble de ramener à l’unité ceux qui ont pris part aux fuites énormes de cer énorme principe, c’eft de remarquer qu'on ne s’eft fi diverfement égaré en quittant l’u- nité , que parce qu’au fortir de l’unité on ne trouve non plus de régle que d’au- torité. Le Chriftianifme alors eft d’une DE LA NATURE. 293 condition fort inférieure à celle des fo- ciétés humaines: il n’eft plus qu’une phi- lofophie contentieufe : au lieu que les fociétés humaines ont un ordre conftant & un Miniftère immortel, qui arrête l'inquiétude des particuliers. Les fcandales qui fe trouvent dans l’u- nité , ont été prédits. Il eft néceffaire qu'il y en aic pour l’exercice des Juftes : mais il n’eft pas moins néceffaire de de- meurer dans l’unité malgré les fcandales. Ils font utiles pour rendre la vérité plus manifefte , & les bonnes mœurs plus pré- cieufes : ils font donc compenfés par de grands profits, & redreflés par. les ref- fources , ou les fupports fans nombre qui font dans l'unité , & qui ne font que R. Les fcandales ne deviennent donc ja- mais un ticre pour la quitter. Les dépits & la fatire ne nous acquièrent point de droit. Où eft l’unicé & la patience, là eft l’efprit de Jefus-Chrift. Au contraire là eft l’efprit de l’homme & le principe de route confufion, où régne l'indépendance & la rejeétion du Miniftère autorifé pour toüjours. Au lieu de nous occuper plus long- tems de la bigarrure déplorable de ces réformes contradictoires qui ne fonc ni la miflion ni l'alliance Chrétienne , puif T ii LA DE- MONSTR. EVANGEL. La DE- MONSTR, EVANGEL, 294 LE SPEcTacLE qu’elles font fans fucceflion & fansunité; arrêrons nos yeux fur la perfévérance de tant de grands royaumes dans la com- munion des Mlartirs, des fondateurs de nos Eglifes, & de la ligne de leurs fuc- ceffeurs. Rappellons-nous l'exemple d’u- ne conftante & infigne modération :j'en- tends celle du Clergé de France & de nos Rois dans la difcuflion des intérêts les plus vifs avec la Cour de Rome.Lesa-t’on vû délibérer un inftant s'ils renonceroient au faint Siége? Ils n’ont jamais mis de différence entre renoncer à l’unité Catho- lique, & renoncer à l’Eglife Chrétienne. Qu'on dife tant qu’on voudra que nos Rois ont eu plus que bien d’autres des fujèts de fe plaindre. Mais ils ont fait connoitre mieux que les autres, qu'il n'y en a point de fe féparer. Il y a des régles & ils les ont füuivies, en rejectant des Décrétales non autorifées & d’autres notoirement fuppofées ; en réclamant au befoin la doétrine de l’E- vangile, les Canons dos faints Conciles, les exemples des premiers Fidéles , & des faints Hommes de tous les fiécles , les ufages & la poffeffion ; ils ont adouci, fouvent terminé de grands maux. Ils ont ainfi avec leur Clergé maintenu l'inté- grité des droiës de l’EpifRopat , l’indépen- DE LA NATURE. 095 dance de leur Couronne, & l’ancienne régle qui fait le repos des Eglifes, & la füreté des Etats. Mais ils n’ont pas ac- quitté un devoir aux dépens d’un autre devoir : & comme ils ont confervé une liberté régulière , ils n’ont donné aucune atteinte ni à l'autorité de la première Chaire , ni aux liens des Eglifes. Auf le refpeét que nous portons à nos Rois eft-il animé par la plus vive reconnoiflance. Ils nous ont appris la conduite qu’il faut tenir dans la défenfe d’un droit légitime, & ils nous ont con- fervé la réalité du Chriftianifme , en nous confervant l'unité. Toutes ces fectes qui ont mis la fo- ciété Chrétienne en piéces pour la per- feétionner , fe font promptement apper- çues que l’une renverferoit avec chaleur, ce que l’autre s’appliquoit à établir. Elles fentoient qu'il ne falloit point de miflion pour une œuvre où tout s’entre-détruit : & la conviction fecréte d’un égal dé- faut d'autorité les difpofa prefque toutes à n'ofer s’attribuer à part ni une miflion fpéciale, ni le falut par exclufion. Elles n'étoient hardies que contre l’Eglife Ca- tholique , parce qu’une même impatience les avoit armées contre fa régle de foi, qu'elles traitoienc de Tirannie. Mais elles T ii La Dr- MONSTR, EVANGEL, Origine du Toléran- tifime, LA DE- MONSTR. EVANGEL. ON LRMBDECEACLE fe crouvoient timides & déconcertées les unes vis-à-vis des autres. On fe voyoic fans conformité comme fans régle. Les confeffions éroient incompatibles, & l’on s’entr'excommunioit. Nous nous y prenons mal, pour nous faire écoater , ont dit plufieurs d’entre les défenfeurs des Prétendues Réformes. Nous entr’excommunier, c’eft nous re- procher publiquement les unsaux autres de détruire une partie effentielle de la foi. Mais pouvons-nous tout enfemble être les réformateurs de l’Eglife & les deftruc- teurs de fa foi ? Si nous fommes fi chance- lans ou fi divifés dans la do&riñe, avec quelle vraifemblance nous dirons-naus Envoyés pour redreffer la créance du Geure humain? Nos querelles nous dé- mentent : & ne pas favoir nosinftruétions, c’eft n’en avoir pas recu. Baiffons donc le ton: ne parlons plus de miflion extraordi- paire, & tenons-nous-en à une méthode plus prudente , à une façon plus modefte de tourner le principe qui a donné naif- fance à nos Eglifes. Cette méthode con- fifte à laiffer à chacun la liberté d'exami- per la doctrine , afin qu'il puiffe fe réfor- mer lui-même en fe déterminant en faveur de l’Eglife où il trouvera la doétrine la plus pure & la meilleure facon d’enfei- DE LA NATURE. 29 gner. Du principe de notre réforme, in n'ya plus qu’un pasau Tolérantifmeuni- verfel, fi ce n’eft la même chofe. Car ac- corder à autrui la liberté de difcerner & de choïifir une doctrine, c’eft lui laiffer la liberté de la fuivre, ou c’eft ne lui rien ac- corder. Peut-on l’excommunier enfuite fans décider qu’il ruine la foi ; & décider n’eft-ce pas dominer ? Notre conduite n’eft point d'accord avec notre principe ; il nous incline à la modération, & notre conduire eft pleine de hauceur & d’ai- greur. Nos divifions ne font réparées par aucun air de bienféance, ni par aucune régle qui nous rapproche. Ïl régne plus de conféquence dans l’'E- glife Catholique. Elle a fes opinions, dont on ne parle pas aux Fidéles, & qui n’exercent que fes écoles : mais elle a une régle qui prévient les divifions, & qui fixe la conduite comme la foi. L’objèt de la créance univerfelle fe préfente par-tout avec dignité & avec conformité. Quand on fonné l’annonce du Sermon & dela Prière publique à Marfeille, à Québec, ou à Ponricheri ; dans trous les continens les Fidéles Catholiques favent comme le Pafteur de quel dogme & de quelle vé- rité on les occupera. C’eft par-tout le même langage & la même miflion. Il y Fes DE- ONSTR. RLERES La DE- MONSTR. EVANGEL, 298 Le SPECTACLE a une forme de doctrine univerfellement connue, qui mètle Pafteur en régle auffi- bien que le peuple. Le Pafteur renouvelle & perpétue la publication d'une partie de la do&trine commune. Il en tire dequoi faire naîtredes fentimens & animer les bonnes mœurs. Ses talens peuvent éclairer & toucher: mais C’eft d’abord la connoïiffance de la réalité de fa miffion qui perfuade. On eft convaincu que la parole de vérité eft fur les lévres du Pafteur, parce qu’il ne fe pré- fente qu'avec les témoignages notoires de l’envoi Apoftolique : & d’une autre part, la même régle qui prévient les éga- ‘remens du Pafteur, en l’affüujettiffant à l'étude du dépôt, fait en même-tems la füreté des Fidéles. Ceux-cine demandent non plus les preuves des dogmes, ou de l'Evangile, ou du Miniftère, qu’ils ne demandent les preuves de l’acquifition de leur patrimoine ou de l’établiffement de leur magiftrature. La preuveen feroit aifée : mais à quoi bon prouver ce qu'on ne contefte pas? À quoi bon faire par des paroles une démonftration qui eff, difent- ils, toùjours fubfiftante , & qui parle à cous les yeux? 11 y a une poffeflion pu- blique. Il y a une perpétuité d’actes & de fucceflion. Il y a enfin une régle, qui ef pE LA NATURE, 299 d’être für desintentions d’un Légiflateur & de l’effèt de fes loix , quand ceux à quiil en a donné la difpenfation ne font point révoqués. Il faut avouer que cette confian- ce fied bien au Miniftère qui montre une facceffion de dix-fept cens ans, & qui faic profeflion de ne rien dire de lui-même, mais de tranfmettre ce qu’il a reçu. Quanc à nous autres qui fuivons plus nos lumières naturelles que l’autoriré, & qui fixons la révélation par la raifon, nous ne croyons avoir de droit d'être écoutés qu'autant que l’argumentation nous en donne : & cette autorité que nous fentons bien qui manque à notre Minif- tère , nous tâchons de la retrouver dans la force de nos fillogifmes. Nos Ser- mons de la forte deviennent des contro- verfes par l’éternelle difcuflion du pour & du contre. Nos dogmes conféquem- ment fe diverfifient comme nos penfées. Nous ne connoiffons aucun frein. Ni les Théologiens qui vivent, ni ceux qui ont vêcu , niles Peres des premiers fié- cles , ni les aflemblées des Eglifes, niles formules univerfelles; rien ne nous fub- jugue , parce qu’un feul efprit, difons- nous , peut quelquefois mieux voir que sous les efprits. Cette maxime, qui foumèt tout à notre La De- MONSER. EVANGELe LA DE- MONSTE, EVANGEL, . 300 LE SPECTACLE jugement, nous conduit par elle-même, quand elle eft feule, à des divifions aufli interminables qu’indécentes. Maïs cette liberté deviendra profitable quand elle fera accompagnée d’une régle qui mette la paix parmi nous. Il ya long-tems qu’on | en a fenti la néceffité. Le defavantage que nous éprouvons du côté des lumières, nous pouvons le il réparer par une condefcendance fans bor- nes pour ceux qui penfent autrement que | nous : cette douceur découle naturelle- ment de la liberté que nous laiflons à cha: || cun d'examiner & de choifir. Faifons- nous-en un devoir, une maxime de con- duite qui nous caractérife. Tolérons ce que nous n'avons pas le pouvoir de con- damner ; & n'ayant que celui de nous réformer nous-mêmes, felon nos lumiè- res, gardons-nous, foit de noter les fen- timens d'autrui, foit d’excommunier les perfonnes. Nous ne ferons pas , il eft vrai, un même corps par l’uniformité des dogmes confentis : mais nous montrerons la dif- pofition la plus néceffiire pour entrer en fociété, qui eft de ne pas époufer nos propres fentimens avec chaleur. Le nom de Tolérans que nous prendrons, fera entre-nous une annonce de paix, & ne | DE LA NATURE. 5ot nous diftinguera au dehors que par une modération propre à nous faire aimer. Sans troubler perfonne dans le choix de fes opinions, il ne faut que nous ré- foudre à ne pas établir les nôtres comme néceffaires. Voilà le für moyen d'amener toutes les Eglifes Réformées à une con- corde univerfelle. Permisde croire Jefus- Chrift préfent fur l’Autel : permis de ne le pas croire. Permis de le confeffer pré- fenc dans le Sacrement, & de ne l’y pas adorer. Permis à plus forte raifon de l’y croire préfent & de l’y adorer. Liberté de le croire Dieu & co-éternel au Pere:liberté de ne le croire Dieu que par une dénomination d'économie : li- berté deconfeffer fa divinité, fa fatisfac- tion, tous fes miftères, comme vrais & ré- vélés, fans croire tous les efprits obligés à plier leur raifon aux mêmes vérités. En un moræn ne refufera le falut à au- cun de ceux qui fe difenc Chrétiens. Une telle conduite eft digne de la charité que le Chriftianifme infpire : & ce moyen fi dégagé des petitefles de l’amour propre n’eft-il pas fait pour opérer l’unité ? Cette invention que l’infticuteur du Chriftianifme n’avoit pas mife en œuvre, n’a pas laiffé par une apparence de séné- rofité , & par fa trop grande commodité, La DE- MONSTR. EVANGEL. Effèts de ce fiftême, 302 : LE SPECTACLE La DE- d’en impofer à bien des efprits. Le Tolé- MONSTR. EVANGEL, Progrès du Toléran- fine. rantifmeau premierafpeét femble né pour rallentirles haines. Il tourne les fectes bel- ligérantes, finon à la concorde des fenti- mens, du moins à la ceffation de toute hof- tilité. Si c’eft une erreur , elle eft d’autant plus dangereufe qu’elle plaît: en prenant les couleurs de la retenue & de la politefle. Avant que d’en faire l’analife, difons un mot de fes progrès. Les Sociétés qui fe prétendent réformées font aujourd’hui Tolérantes. La plüpart de ceux qui fe font féparés par choix, ou qui perfévè- rent avec leurs familles dans la féparation d'avec l’'Eglife Catholique , ne haïffènt plus qu’elle : & comme c’eft d’elle qu'ils ont reçu ce qu'ils ont de bon, que c’eft dans cette Eglife que leurs Peres avoient trouvé la vie, ils la toléreroient elle-mé- me, fi elle n’étoit intolérante. C’eft là fon crime. Ils ne parlent point d'elle tranquilement, parce qu’à leur gré la dé- fenfe de la foi y eft trop entière. Mais ilsen ufent honorablement avec la multi- tude des fectes, fi divifées & foudivifées qu’elles puiffent être, parce qu'ils y trou- vent une condefcendance réciproque. Ils embraffent très-communément dans la généralité de leur patience, j'ai pref- que dit, de leur eftime, le Socinianifme | | | | DÉ LA NATURE. 509 même pour qui Jefus-Chrift n’eft Dieu qu’en figure. Plufieurs ne trouvent rien d’effentiellement mauvais dans le Maho- métifme , où Jefus-Chrift eft honoré avec une réferve encore plus grande. Ce qui furprend le plus c’eft de les voir en bonne intelligence avec le Déïfme pour qui l’alliance Chrétienne eft une impof- ture, & qui n’honore la philofophie de Jefus-Chrift que jufqu’à la Croix exclu- fivement. Cette double difpofition de haine en- vers l’Eglife Catholique, & de ménage- ment pour toutes les fectes qui l’ont quit- tée, fe déclare très-particulièrement par lé choix des citations qui décorent les écrits des P. Réformés. D'une part ils évirent avec foin de citer les faints Peres, & fur-tout les Peres des quatrième & cin- quième fiécles : ou ils ne les cicent que pour les critiquer. C’eft une réfolution prife de ne pas infpirer aux Leéteurs une vénération indifcréte pour des écrits dans lefquels la foi actuelle de l’Eglife Catho- lique fe trouve énoncée à chaque page. D'une autre part ils citént , ilscompilent avec complaifance les écrits de Pope, de Bayle , & de Montagne ; dont la reli- gion ne les incommode point, & dont ils ne craignent point de faire goûter les La DE- MONSTR. EVANGEL, FT La DE- MONSTR. EVANGEL. Nature du Toléran- tifme. IL ruine ce que Jefus- Chrift a établi. 904 LE SPECTACLE principes. Je ne voudrois pas répondre que le Tolérantifme n’ait fait des profé- lites jufques dans l’Eglife Cacholique. Comment fe défendre d’un fiftême qui remèt la raifon dans fes droits, & qui femble concilier rous les partis? J'avoue que fi je n’érois pas Chrétien, je ferois Tolérant. Je le ferois même étant Chrétien , fi le Chriftianifme étoit fans régle, fi l'on devenoit Chrétien comme on devient Philofophe, & fi l’Auteur de la foi n’avoit établi pour la fixer, une Légiflation régulièrement aucorifée felon les formes ufitées par-tout, ce qui ne laiffe lieu à aucune difcuflion. Mais le Tolérantifme a un défaur : c’eft de ren- verfer ce que Jefus-Chrift a-écabli. Le Sauveur régle & caprive le raifon- nement humain par la foi. Le Toléran- tifme abandonne la foi au raifonnement. Jefus-Chrift établit la foi par un Minif- ère immortel , qu’on ne peut rejeter fans rejetter le Sauveur lui-même. Le To- léranc fe pafle du Miniftère, & du culte extérieur. Il fait plus : il vous permèt de vous paffer du Miniftère , ou de vous en donner un à votre gré. Jefus-Chrift avoit tiré les nations des égaremens de l’efprit humain, en les amenant à la confeffion diftinéte des mêmes vérités, par la pré- dication DE LA NATURE 305 dication univerfelle de la même foi, par l'annonce d’une doétrine à fuivre non d’une doctrine à examiner. Sans livrer à la difpute fa divinité, fon incarnation, fa réfurrection, fa médiation , il s’eft con- tenté de produire & de perpétuer les té- moignages qui doivent garantir l’Apof- tolat & la prédication jufqu'à la fin. La foi conduit ainfi la raifon par des moyens conformes à fon état, & lui épargne les fuices de fa fragilité. La Réforme au con- traire & le Tolérantifme rejettent la rai- fon dans fon ancienne incertitude, en la remettant fous fa propre conduite. Au- tant valoit-il être fans révélation. Jefus-Chrift après avoir fixé pour toù- jours l’unité de la foi par l’unité du Mli- niftère, vouloit qu’on s’attendit à con- fefler hautement cette foi , au péril même de fa vie. (4) Le Tolérantifme n’oblige à rien : il ne blâme l'ignorance d’aucunes vérités : bien moins en demande-c'il l’u- niforme confeflion. Il ne s’expofe à rien & trouve chacun ortodoxe, à proportion qu'on faicraire fes fentimens , ou les mon- trer avec indifférence. Les vûes du To- lérantifme ne font donc point celles de Jefus-Chrift. (a) Qui-me confeffus fuerit coram bominibus, confi= tebor © ego eum coram patre. Tom. VIII, Part, IL, V La DE- MONSTR. EVANGEL. 906 LE SPECTACLE La De- Mais la célébriré & le nombre de ceux Manon. Qui S'y rangent, ne font-ils pas capables de compenfer ce defavantage ? Ce font Len Pr fouvent de très-beaux efprits. révéla Les plus grands génies deviendroient Fe 2. Ja rifée de l'univers, s’ils vouloient re- homme faire ou interpréter à leur gré les traités weftrien. ge Rifwick & de Munfter , même en laif- fant aux autres la liberté de les entendre à l’ancienne façon ; ou s'ils quitroient le Parlement pour fe donner à eux-mêmes une petite Magiftracure à part, faite ex- près pour eux, mais fans ôter aux autres la liberté d’aller à la vieille Juftice. Les hommes les plus célèbres tom- bent dans un ridicule encore plus grand, quand ils s’ingèrent de nous arranger un autre Chriftianifme plus raifonnable que le précédent; fans toucher néanmoins à la liberté d'autrui, & en approuvant gra- cieufement tous les différens Chriftianif- mes nés & à naître. Cesinfticutions , concefions, & trans- ations , fur un traité dont la Puiffance légiflative s’eft vifiblement réfervé la ce- neur & la promulgation, font-elles des démarches qui faffent honneur à l’efprit humain ? Elles fonc à-peu-près aufli fé- rieufes & auffi importantes que la Théo- logie de fainc Evremond, qui décide quel- DE LA NATURE 307 que part avec plus de gravité que le vin d’Aï n’en infpire, qu’on réfervera la vi- gueur du gouvernement Épifcopal pour les Etats Monarchiques , & la modeitie du gouvernement Presbitérien pour les Etats Populaires. Le Chriftianifme eft-il donc un pays nouvellement découvert, abandonné au premier occupant, & où il foit libre à chaque nouveau débarqué de s’arranger , comme il le jugera convenable ? Rien ne décéle mieux l’extrême petiteffe de ceux qui fe donnent pour de grands efprits, que de vouloir être écoutés, quand il eft notoire que Dieu nous parle, & de fe préfenter avec leurs fiftêmes, quand le fouverain légiflateur nous adreffe le fien par une publication régulière. La petitefle n’eft pas l’unique défaut de leur conduire. En fe difant Chrétiens, ils font profeflion de recevoir la loi & la parole de Dieu : mais en grands raifon- neufs ils fe réfervent la liberté d’en fixer le fens. Ce qui eft une vraie dérifion. I! faut opter. S’il n’y a point de Minif- tère , il n’y a point de Chriftianifme : & c’eftune baffeffe de fe dire Chrétien. Mais fi le Miniftère & fes témoignages fe fonc perpétués, nous favons les intentions du Légiflaceur , puifque c’eft Ke nous les 1] La De- MONSTR, EVANGEL, La DE- MONSTR. EVANGEL. Le Tolé- rantifme n’eft point la toléran- ce Chré- tienne. 908 LE SPECTACLE apprendre qu’il ya un Miniftère. Qu'’eft- ce donc au jufte que cette liberté d’incer- préter l'Evangile par la raifon? qu’eft-ce que la proteftation que font les Tolérans en ramenant la révélation à leur fens, de laiffer aux autres la liberté d’une fembla- ble interprétation, finon un aveu très- intelligible d’une commune infidélité ? C’eft une convention de pur intérêt en- tre gens qui n’ont rien de commun que le mépris de la régle , & qui ménagent les termes par confidération pour eux- mêmes. C’eft une contenance telle quelle qui fert à cacher le défordre de leurs pen- fées, & la pitié qu’ils fe font les uns aux autres. Le Tolérantifme que nous venons de voir fi plein de foibleffe & de déguife- ment, commèt une dernière injuftice en fe donnant les couleurs & le nom de la Tolérance Chrétienne, qui eft une vertu très-aimable & très-néceffaire, mais que le Tolérantifme détruit par une cruauté crès-réelle. Nous ne parlerons pas ici de la poli- tique des Souverains qui étendent ou qui refferrent la liberté de profeffer différen- res religions dans leurs Etats. Il s’agit de régler notre propre conduite & nos fen- timens perfonnels à l'égard de ceux qui DE LA NATURE. 309 fe font retirés des Affemblées de l’Eglife Cacholique. N’y auroic-il pas un mérite réel à les colérer tous, même à conce- voir qu’ils peuvent demeurer tranquiles dans la voie qu’ils ont choifie, & qu'ils croient bonne? Pourquoi vouloir les al- larmer fur leur état? Nous ne voudrions pas toucher à leurs biens. Mais la liberté de leurs penfées ne leur eft-elle pas auffi chère? Nous devrions les laifler en paix en faifant comme eux profeflion d’une La De- MONSTR, EVANGEL. tolérance univerfelle. N’eft-ce pas là où, nous conduit la douceur Chrétienne qui eft bien-faifante envers tous ? La douceur Chrétienne & la tolérance Chrétienne , ont également leur principe dans la charité : mais la charité agit fort différemment, & acquicte des devoirs qui fe diverfifient felon les lieux & les per- fonnes. Nous devons la douceur Chré- tienne à tous les hommes, en quelque fituarion qu'ils fe trouvent, & de quel- que religion qu’ils foient. Mais nous ne leur devons pas indiftinétement la Tolé- rance. L’une n’eft point l’autre : & il eft de la dernière conféquence de prendre à cet égard les vraies idées de l'Evangile. Commençons par la douceur Chrétien- ne. Une des intentions de l’ancienne loi, & de la févérité Judaïque étoir de confer- Vi “ La dou- ceur Chré- tienne. La De- MONSTR, EVANGEL. 319 LE SPECTACLE ver à part le peuple dépofitaire des pro- mefles malgré fon éloignement pour la vraie juftice. C’étoit de le préferver de l’idolâtrie , de l'empêcher de fe confon- dre avec les Gentils par des alliances qui auroient rendu la poftérité d’Ifaac, & la ligne de Juda méconnoiffables. Delà les expulfions , les exhérédations , l’exaéte tenue des regitres , les châtimens rigou- reux contre lesinfracteurs de la loi; mais fpécialement contre les Ifraëlires con- vaincus d’idolâtrie. Ceux qui crient contre la dureté de ces traitemens ne voient ni la profonde ingraticude de ce peuple indomptable ; ni la fagefle des moyens qui confervoient efficacement le dépôt des promefles, & en empêchoit la difiipation comme celle du peuple même, malgré fon emporte- ment pour les licences & pour les fuperf- ütions Payennes. On a vàû le châtiment final de leur obf- tination dans la ruine des dix Tribus per= févéramment infidéles ; & la juiteffe des vües qui régloient le tout, par la confer- vation fpéciale de la tribu de Juda qui avoit les promefles. Rappellons-nous de plus que dans l'inftitution de la République des Hé- breux , le gouvernement en étoit une DE LA NATURE. 311 vraie Théocratie. (4) L’Arche portative n’étoit pas feulement le dépôt des loix de la nation : mais par la pofture d’adora- teurs qu'on avoit donnée aux deux fim- boles qui accompagnoient les deux côtés du propitiatoire , ou du couvercle de l’Ar- che, elle étroit le trône du grand Roi, le trône de l’invifible qui y recevoit les hommages de fon peuple & lui faifoit connoître fes volontés. Les Hébreux pen- dant quatre cens ansn’eurent point d’au- tre Roi que Dieu même : & l’aéte d'i- dolâtrie écoit une véritable rebellion, qui ruinoit l’ordre public , donnoit confé- quemment lieu à une juite rigueur, & failoit craicer un Idolâtre comme un en- nemi déclaré. Le zèle de Phinéès reçut deséloges , & fembloitmême donner des armes aux particuliers contre ceux qui étoient publiquement Idolâtres. Mais ni cette féparation d’avec le refte du genre humain , ni cette manière de punir de mort les contraventions à la loi, ne font plus l’efpric du Chriftianifme qui fait des adorateurs par l’amour du de- voir, non par la crainte des mauvais trai- temens. Les Chrétiens ont à vivre avec tous les hommes ; * & fuflent-ils au mi- lieu des loups , leur douceur doit être (a) Le gouvernement de Dieu, V üï La DE- MONSTR:, EVANGEL. 212 Cor.S. 10. 312 LE SPECTACLE La De: invincible : ils font une profeflion ex- MONSTR. ÆEVANGEL. preffe d’aimer les hommes, & leurs en- nemis même. Cec efpric eft l’ame & le grand objèt de la nouvelle alliance. On ne tue point; on ne maltraite point ceux qu’on aime & qu’on eft obligé d’aimer. C’eft fans déroger au principe de cette bienveillance invariable ; c’eft fans fe fouftraire aux fupports de la fociété; qu'ils évicent avec prudence le commer- ce de ceux de leurs freres dont les mœurs font fcandaleufes, ou les liaifons nuifi- bles. L'activité des fervices ne fouffre aucune interruption par cette réferve : & ce fond de bonne volonté qui les rend refpectables à leurs ennemis même, ne les abandonne pas quand ils ont à vivre avec des freres ou avec des fupérieurs d'une conduite injufte ou irrégulière. Les bons offices ne font pas toûjours en leur pouvoir : maisils ne feroient plus Chré- tiens que de nom; ils feroient devenu Pharifiens, ou faux zélateurs, fi leur zèle étoit meurtrier. On vit defcendre fur Jefus-Chrift le fimbole de cet efprit de la nouvelle al- Hiance au moment qu'ilen fit l'ouverture, c'eft-à-dire, à la prédication de fon Pré- curfeur. Depuis les jours de Jean-Baptifte les prophéties & la loi ont leur accom- DE LA NATURE 413 pliffement , puifque le Sauveur promis eft l’auteur de la grace & de la vérité : il apporte au genre humain non l'efprit de terreur , qui feul n’établic qu’une juftice extérieure ; mais l’efprit de charité qui établit la douceur , la bienveillance , la _ paix, le régne de Dieu dans les cœurs. Jl ne nous fera plus ordonné d’autre vio- lence que celle que nous nous ferons à nous-mêmes pour ravir les vrais biens. Tout ce qui vient enfuite, foit dans les lecons du Sauveur, foic dans les exem- ples de fes Difciples, inculque d’une fa- çon conftantce au Chrétien de ne fe por- ter à aucune violence à la vûe des plus grands fcandales : de ne point invoquer le feu du Ciel fur ceux même (z) qui traverfenc l’œuvre de Jefus-Chrift ; & fur-rout de ne point tirer l’épée pour la défenfe de la foi contre le Miniftère pu- blic, (2) contre le gouvernement de l’E- cat; mais de regarder comme indiffolu- bles les fermens qui attacheront les Chré- tiens, ou à Tibère, quoique payen; ou à Néron, quoique perfécuteur ; ou à Ju- lien , quoiqu’apoftat. Ni la fauffe religion ni l’irréligion ne peut fervir de titre à un particulier qu’elle (a) Luc. 9. 54. & fuir, C5) Joan. 18. 11, La DE- MONSTR. EVANGEL, | | 314 LE SPECTACLE La DE- afllige ; pour attenter à la vie d’un autre MONSTR, EVANGEL. particulier, moins encore à la vie d’un fupérieur. Quand les premiers Chrétiens fe virent pourfuivis par des loix injuftes & inhumaines, leurs reflources furent la prière , la patience , la fuite; jamais le fchifme, jamais la rebellion, ni les poi- gnards. Mais cette douceur qui fe laiffe mal- traiter plütôt que de maltraiter perfonne ; cette douceur qui a rendu le Chriftianif- me vraiment grand aux yeux de toute la terre, & qui doit rendre les vrais Chré- tiens aimables à cout ce qui les environ- ne; n’emporte point avec elle l’obliga- tion de penfer que chacun pourra fe fau- ver dans fa fecte, & de négliger la régle de la vériré pour avoir la paix. On doit tout facrifier à la paix hors la vérité, & la régle qui nous affure la véri- té. Mais la régle de la vérité & de lallian- ce Chrétienne ; régle à jamais juftifiée par la fage pratique de routes les fociétés ; eft de reconnoître la légiflation par les pouvoirs des Envoyés, & de s’aflurer de la réalité de l’alliance par la perpétuité d’un feul & même Miniftère. Sans cette régle, la feule propre à maintenir la cer- titude dans un Corps, l’Apoftolat étoit inutile; & fans l’Apoftolar, l'annonce de DELA! NATURE 315 l’Incarnation étoit une tentative fuper- flue, puifqu’on annonceroit en vain ce qui ne pourroit être certifié. Il paroît cependant, difent les Tolé- rantiftes, que S. Paul a propofé fur ce fu- jèt des idées fort différentes de celles des Catholiques, Il ne veut pas qu’on trouve mauvais que chacun abonde en fon fens: c'eft déja nous accorder une grande li- berté, & nous prefcrire la loi de la con- defcendance : mais il va beaucoup plus loin. Il n’exige qu’une chofe comme ab- folument néceffaire de la part de ceux quienfeignenc: c’eft qu'ils fuppofent tous l’Incarnation du Verbe divin, ou du moins la Médiation du Sauveur Jefus - Chrifr. Voilà le fondement fur lequel il faut que chacun bâtifle. Il fouhaite enfuire qu’au lieu de pailles , de bois, de matériaux foibles & combuftibles, on n’en ajoûte que de bons à l'édifice commencé. Il avoue que Dieu fera la recherche & le difcernement de tout ce que les Miniftres de la parole auront enfeigné ; que tout ce qu'il y aura de foible dans leur Mi- niftère fera perdu & mis à néant. Mais il n’en fera pas de même des auteurs de ces opinions. Leur perfonne fera fauvée, falvabitur. Er fi Dieu les colère jufqu’à les fauver , fa conduite ne devient-elle pas la La Dt- MONSTR. EVANGEL, La De- MONSTR. EVANGEL,. La Tolé- rance Chrétien- ne. 316 LE SPECTACLE régle de la nôtre ? Nous fommes donc tenus les uns envers les autres à la loi d’une exaéte tolérance. J'avoue que S. Paul prefcrit ici la ré- gle de la tolérance Chrétienne : mais en- vers qui veut-il qu’on l’exerce? affuré- ment c’eft envers ceux qui honorent l’u- nité, non envers Ceux qui la rompent, en rejettant le Miniftère & en multipliant les feétes. Il parle de ceux qui enfei- gnoient dans l’Eglife de Corinthe, & qui à la prédication de l'Evangile ajoûtoient déja quelques opinions ou explications différentes. Il leur avoue que Dieu en éprouvant les imperfections de leurs fer- vices pourra épargner leur perfonne, & leur accorder le faluc, parce qu'ils n’ont ni quitté l’Eglife ni rejetté fon Miniftère. Mais il intimide tous les ouvriers négli- gens ou amis de leurs propres penfées, en leur faifantbien comprendre que l'œu- vre & l’ouvrier même feront mis à l’é- preuve, & à une épreuve aufli terrible qu'eft celle du feu. De mauvais maté- riaux tels que le bois , ou le chaume ,em- ployés au lieu de pierres, employés pour des matières falides , feront éprouvés & emportés : l'ouvrier lui-même loin d'en recevoir la récompenfe, courra un très- grand rifque de ne pouvoir échapper. DE LA NATURE. 317 L'intention , l'intérêt, l'amour propre, le défaut de charité, tout fera jugé, & évalué. S’il fe fauve , c’eft comme on fe fauve en paffant au travers du feu. Saint Paul ef fi éloigné d’autorifer ces bâtifleurs d'Eglifes indépendantes , où chacun eft fa régle à lui-même, qu’il fait trembler les ouvriers même qui travail- lent dans l’unité, en infiftant fortement fur la néceffité de travailler de concert fur un feul fondement, & à un même bâ- timent : en infiftant avec chaleur fur le choix des matériaux les plus folides, & fur la conformité du fecond travail avec le précédent, tout autre affortiment ne pouvant manquer d’être réprouvé & anéanti. L'Apôtre en ce même lieu foudroid également & les attachemens trop vifs, par lefquels les Difciples donnoient la préférence à certains maîtres, & la faufle fageffe avec laquelle certains maîtres commençoient à joindre des penfées hu- maines à la doétrine révélée. Cette phi- lofophie l’allarmoit, & les partialités des fidéles, comme la diverfité des opinions, lui paroïifloient des commencemens de fchifme. Il ramène tout à l'unité, & par l'unité à l'union. Bien loin donc d’abandonner l'édifice La DE- MONSTRe. EVANGEL, La DE- MONSTR. EVANGEL. 918 LE SPECTACLE comme font les Tolérans, à la multipli- cité des conduéteurs & à la difcrétion des travailleurs , ils les rappelle févèrement à la loi d’une feule architecture. * Si quelqu'un, dit-il, détruit le temple de » Dieu, Dieu le détruira. Nous devons fans doute à tous ceux de nos Freres qui fe font retirés de nos affemblées , ou qui perfiftent dans le fchif- me de leurs peres ; la douceur & la bien- veillance que nous ne refufons pas mé- me aux Infidéles , ni aux Juifs, ni aux grands pécheurs. Mais quoique nous ne maltraitions ni les Infidéles, ni les Juifs, ni les mauvais Chrétiens ; quoique nous honorions dans le fchifme le plus con- fommé les talens , la probité, & für-rout le refpeét que plufieurs y confervent pour les premiers Conciles ; nous ne tolérons pas pour cela le renverfement de la ré- gle : & en eft-il un plus grand que d’ad- mettre la prédication d’un Apoftolat im- mortel fans croire les efprits obligés de s’y foumettre? eft-il un renverfement pa- reil à celui d'abandonner la révélation à la difcrétion des particuliers, & de re- prouver l’ancien Miniftère dont la defti- nation connue eft d’amener tous les ef- Æplef. 4 prits à une même foi ; i# unitatem fidei ? 153. On ne tolère ni dans un édifice la liberté DE LA NATURE. 319 de bâtir fur deux defleins, ni dans une Légarion la liberté de publier des traités qui fe contredifent. La douceur Chrétienne s’exerce en- vers ceux qui font avec nous dans l’Egli- fe, & envers ceux qui font fortis d'avec nous. Cette douceur n’excepte perfonne. Mais la tolérance Chrétienne, que faint Paul aucorife & que l’efprit de Dieu com- mande, ne peut raifonnablement avoir lieu qu’envers ceux qui font dans la com- munion du Miniftère Apoftolique. Elle n’opère point l'unité : mais elle l’entre- tient & la fuppofe. Comme la douceur eft l'exercice de la bienveillance que le Chrétien porte au genre humain , la tolérance eft l’exercice de la modération avec laquelle nous de- vons fouffrir les défauts de la fraternité, Nous efbérons le falut des Prédicateurs & des Fidéles qui ne font qu'un feul corps, qui honorent l'unité, qui hono- rent le commun Mliniftère & la prédica- tion univerfelle. Mais quoique dans la même voie que celle où nous marchons tous enfemble , ce font des hommes pleins d’infirmités, qui peuventavoir leurs {cru- pules, leurs ténèbres , même des opinions erronées. Nous pouvons être plus ou moins allarmés fur les fuites de leurs dé- La De- MONSTR. EVANGEL, 920 LE SPECTACLE M 0 fauts : mais nous avons la paix avec tous evanges, Ceux que l'Eglife laiffe dans fa commu- nion Elle a le pouvoir de condamner toute erreur, & de fupprimer toute diverfité d'opinions dans la doétrine de la foi & des mœurs. Mais nous ne fommes les ju- ges ni de fes raifons , ni de fes délais. Sa patience eft le modéle & la mefure de la nôtre : & c’eft en elle une prudencepleine de charité de fe contenter pendant un tems de montrer à ceux qui fe trompent le dépôt de toute vérité , pour les rame- ner à l’uniformité de l’ancienne doétri- ne , fans les condamner d’abord avec éclat. De notre part quelle prudence & quelle autorité y auroit-il dans des par- ticuliers à vouloir aller plus vite, ou plus loin qu’elle? Tels font les fondemens de la vraie & néceffaire tolérance. Elle eft effentiel- lement compofée des deux vertus dont l’'Eglife nous montre l'exemple : je veux dire , d’une grande patience, & d’une grande prudence. Mais quelle patience & quelle réferve montrerons-nous en- vers ceux qui ne veulent plus être avec nous ? & quelle prudence y auroit-il à tranquilifer ceux qui étant hors de l’unité marchent à l’avanture fous la conduite de DE LA NATURE 391 de leur propre efprit ? Rejerter l'annonce du Miniftère que Jefus-Chrift a adreffé à cous les peuples & à tous les fiécles, c’eft le rejetter lui-même : & ne pas fui- vre Jefus-Chrift c’eft marcher dans les ténèbres. La tolérance eft la vertu de ceux qui marchent enfemble dans la voie lumi- neufe & connue de tout tems. Ils fouf- frenc mutuellement leurs défauts & leurs légers écarts, parce qu'’enfin ils ne quit- tent point la voie. Mais le Tolérantif- me eft uneillufion pleine d’inhumanité, . puifqu’au lieu de troubler ceux qui ne peuvent manquer de s’égarer en prenant La De- MONSTR. EVANGEL. des routes différentes ; il les raffure en° leur perfuadant que coutes routes fonc bonnes, & aboutiflent au terme du falut., Les efprits les plus fenfés & les plus -cultivés par l’ufage des précautions qui fe prennent dans la Société ; peuvent voir , indépendamment des fecours fans nombre qu’ils crouvent dans les livres & dans les autres monumens , que la grande certitude de l’œuvre de notre falut a été attachée parune fingulière providence à des moyens immanquables. Ces moyens font la perpétuité d’un Apoftolat roûjours vifible , & la forme extérieure de l’ancien gouvernement , qui dans l’Eglife comme Tom. VIII. Part. IL. X La DE- MONSTR. EVANGEL, vod LUE, MÉPELC TA C L-E dans toute autre Société, fert à montrer les vrais pouvoirs & réprouve nettement tout ce qui s’en démembre pour fe gou- verner à part. De même aufli que le bon ufage de la raifon n’eft pas d'ébranler par des doutes la réalité des érabliflemens notoires, mais d’y acquiefcer & de nous en fervir ; ce ne peut être que par le plus grand abus de la raifon humaine, qu'on a ofé dire que l’Eglife n’éroit plus, tandis que nulle puiffance ne pouvoir prévaloir contre elle. C’eft un égal travers d’avoir cru qu’on pouvoit écouter diflérens Mli- niftères, ou abfolument fe pafler de tout Miniftère, tandis que le Sauveur en avoit envoyé un pour tous les lieux, & pour tous les cems; n’en avoit envoyé qu'un & en avoit rendu l'unité toüjours recon- noiflable par la fubordination, par l’ag- grégation, & par la fucceflion. Mais certe vifbilité que l’Eglife Ca- tholique reçoit de fon Miniftère eft-elle une vérité auf acceflible pour les efprits bornés, ou peu cultivés, qui fout la mul- titude ? EE ED LD DE LA NATURE. -998 CHAPITRE IV. LA DÉMONSTRATION ÉVANGELIQUE, Proportionnée à la capacité du Peuple. Es grands efprits peuvent envifager la religion Chrétienne fous fes diffé- rentes faces, & en tirer des preuves dont l’une fera plus d'impreffion fur un carac- ière , l’autre fera plus touchante pour un autre. Par-l ils fervent la religion & le prochain. Mais quelque reconnoiffans que nous devions être de leur travail, nous pourrions excéder en le mettant au-deffus de fa jufte valeur. Gardons: nous de perdre de vüe le principe im- portant que /es preuves de la religion ne font point la communication de l'alliance, & que ni les favans, ni les fimples , ni les petits, niles grands , ne peuvent dans l'ordre commun avoir part aux biens révélés , que par le Miniftère porteur de la parole & des Sacremens : parce que X i La Dr- MONSTR, EVANSGEL,. La DE- MONSTR. EVANGEL. A. Cor. 5. 20. 824 LE SPECTACLÉ le Chriftianifme n’eft pas feulement une Doétrine qui puiffe être enfeignée dans des livres ; mais une Alliance qui doit être reçue de la bouche & des mains que Dieu en a rendu dépofitaires. Cette économie tient tous les efprits fur une même ligne. Nul d'eux, dans l’ordre de la révélation, ne fera lui-mé- me fa lumière. Nul d’eux n'entrepren- dra de fe donner pour la lumière des autres. Tous puiferont la vérité & les biens de l’alliance dans les moyens éta- blis pour la communiquer : & quiconque ofera conduire autrui dans les voies du faluc, doit avoir reçu fon ordre & mon- trer fa miflion. Si fa miffion eft arbi- traire , il égare au lieu de conduire, parce que celui qui ne peut pas juftifier fon Ambaffade , n’a point de traité valide à préfenter. Cette première régle dont chacun fent la folidité à proportion de fa droiture d’efprit, a un autre avantage : c'eft de pouvoir devenir palpable & acceffible au plus petit peuple. Éffäyons de faire voir combien ileft aifé aux plus fimples, en fui- vantles ufages univerfellement reçusdans la fociété ; de connoître nettement les pouvoirs & la perpétuité du Corps d'En- voyés qui nous reconcilie * avec Dieu. DE: LA: NATURE, 32 A la première maxime, qui eft de juger d'unelégiflation par les témoignages ren- dus aux Envoyés, la Société joint une feconde régle intelligible aux fimples, comme aux plus favans, qui eft que Député d'une Compagnie connue , mèt au- tant de certitude dans les afair es qu ÿA tranfige, que fi le Corps entier s’étoit iranfporté fur les lieux. L'ordre de la Providence a été vifible- ment de mettre la démonftracion de fon Evangile à la portée de tous, en l’atra- chant à des moyens.d’ufage, & à l’exté- rieur même de la religion : mais n’ap- préhendons-nous point que cette preuve ne s’affoiblifle comme l’extérieur ? Nous fommes accoutumés à voir trai- ter lareligion avec un air de grandeur. La magnificence des Temples , l’éloquence des Prédicateurs , un Clergé nombreux & éclairé , la contenance refpeétueufe des affemblées Chrétiennes, tout fait fur nous des impreflions touchantes. Dé- pouillons la religion de cette majefté ex- térieure , & réduifons-la, fi l’on veut, à ce qu'elle a de plus fimple. Allons la cher- cher dans les lieux les plus pauvres. C’eft pour nous une néceflité de favoir com- ment elle y fait fes preuves. Ne rougif- fons ni de l'extérieur, ni des motifs qui X ii La DE- MONSTR. EVANGEL. La DE- MONSTR. EVANGEL, 32 LE SPECTACLE fufhfent dans les voies de Dieu pour amener à la fainceté les ames qui lui font chères. Il n’eft plus queftion de livres, parce que nous avons affaire à des gens qui ne lifenc tout au plus que leurs prières. Mais ils écoutent comme nous la parole de Dicu, puifque /4 oi, qui eft pour eux comme pour nous, leur vient de la pré- dication. Faïfons donc voir ici que les droits du Miniftère qui leur parle leur font aufli connus, que les établiffemens humains dont ils font le mieux inftruirs, - Un Prêtre Catholique fe préfente dans une Paroiffe de campagne compofée de plufieurs hameaux :il en a raffemblé les habitans pour être mis en poffeffion du gouvernement de cette Eglife peu diftin- guée , & où tout fe reflenc de l’éloigne- ment des villes. I] adreffe la parole à ceux que fon Evêque lui a confiés, & entre- prend de les convaincre que fa miflion eft pour eux auffi falutaire & aufli cer- taine que s’ils recévoient immédiatement les premiers Envoyés , & Jefus-Chrift lui-même. Puifque c’eft là notre objèt actuel, & qu'il refte à nous montrer, de même qu’on va le faire voir à ces bonnes gens, que les petits peuvent être aufli claire- ’ DE LA NATURE. 92 ment inftruits de la réalité du Miniftère qui les fauve , que les habitans des villes les plus opulentes ; jettons-nous dans la foule des Auditeurs de cet homme qui fe dit Envoyé, & fpécialement adreffé à eux. Ecoutons comment il pourra leur perfuader que leur condition fe trouve préférable à celle des Sociétés féparées. Entreprendra-r'il de les inftruire par des citations de livres? Ils les entendent peu, ni n’en connoiflent le mérite ou l’auto- rité, Employera-t'il une fuite de raifon- nemens ? Elle n’a point de prife fur ces fortes d’éfprits. Leur traitera-t'il le tout hiftoriquement? Mais fon récit ne por- tera pas fes preuves avec lui. Je le vois feul. Il n’a rien à leur faire coucher au doigt & à l'œil. Il n’a autour de lui ni témoins , ni répondans , ni monumens. : Je tremble pour le troupeau dont le Pafteur eft fi dénué de tout fupport. Mais plus les circonftances, où nous le voyons, font defavantageufes , plus fon Difcours devient intéreffant pour nous. Sachons en l’écourant, fi la religion Ca- tholique lui fournit'des témoignages que les plus fimples puiffent comprenüre, & qui doivent raifonnablement les per- fuader. X iii La De- MONSTR, EVANGELe La DE- MONSTR. EVANGEL. 328 LreSPECTTACLE DL SEC 0. Urkes D'UN CURÉ DE CAMPAGNE Au jour de [a prile de po{éfféon. MEsssreurs, Il eft aifé de vous dire : Ÿe fuis lAm- baladeur de Fefus-Chrif? auprès de vous. Bien des gens font venus qui ont tenu ce langage. Mais on les a rejetés: & fi plu- fieurs venoient à vous, vous ne les rece- vriez pas indiftinétement. Pourquoi donc me recevez-vous aujourd'hui fans oppo- fition comme votre Pafteur, comme l’En- voyé qui a droit de vous conduire dans les voies du falut? Vous en favez les raifons. Mais il y a pour vous un grand profit à vous les rap- peller dans un certain ordre, & à vous entretenir du bonheur de votre condi- tion. Car fi vous êtes fürs d’avoir un En- voyé de Dieu qui foit expreffément dé- puté pour vous, vous êtes fürs d’avoir part à l’alliance des vrais biens : & com- me la füreté de votre état eft la penfée la plus confolante que vous puifiez avoir DE LA NATURE. 329 dans vos peines, c’eft aufli le plusgrand LA De- tréfor que vous puifliez laiffer à vos en- PNR fans. Vous avez même un juite befoin d’'en- tendre quelquefois parler des vrais avan- tages de l'Eglife Carholique où Dieu vous à faic naître. Il ne fe trouve que trop fouvent des langues ennemies de votre paix & de cout bien, qui femblent pren- dre à tâche de vous jetter dans le décou- ragement. Qu’avez-vous , difent-elles , qui vous reléve au-deffus des autres fo- ciétés Chrétiennes? Y a-r'il même aucune certitude quelque part que ce puifle être à l'égard de la vie à venir? Le Pafteur qui vient à vous dans vos folitudes eft prefque toàjours fans talent ou fans zèle, & vous n'êtes pas inftruits : ou enfin s’il acquitte les bienféances de fon état, ce n'eft coûjours qu’un homme. Où a-r'il pris ce qu'il vous débite ? Vous êtes Chrétiens fur fa parole : & ne peut-il pas fe tromper comme un autre? Ca- tholique ou Mahométan, c’eft toûjours même incertitude. Non, mes FRERES, votre foi n’eft pas incertaine. Vos efpérances ne font point fondées fur les promeffes d’un homme. Le Pafteur qui vous annonce la nouvelle du falut, & les récompenfes promifes à 9330 Le SSrEtTACLE A La De- Ja piété ne fe préfente pas à vous fans MONSTR,. EVANGEL, pouvoir juftifier fes titres. Ce n’eft point fon favoir qui vous répond de ce qu'il vous annonce, comme ce n’eft point fon ignorance qui rendra votre état incer- rain : c’eft fa million qui vous fauve, & vous êtes für que fa miflion vient de Dieu. Il en a les marques dans tout ce qui l’environne , & dans tout ce qui s’eft prélenté ailleurs à vos yeux. Il fait partie de l’Ambaffade que Jefus-Chrift a adref- fée au genre humain. Par ce Pafteur dé- légué pour votre Paroifle , vous avez part à l’alliance. Par lui vous êtes vrai- ment unis à ceux qui vous l’onc envoyé: par eux vous êtes vraiment unis à Dieu même de qui ils ont reçu leurs pouvoirs & l'alliance qu’ils vous apportent. Bien des gens fe perfuadent que ces chofes font bien éloignées de leurs fens : elles font très-réellement fous vos yeux & fous vos mains. Il eft vrai que les biens qui vous font annoncés ne fe montrent pas encore. Dieu a créé des biens de différente na- ture. Il acréé le blé, l'or, & les perles: mais il n’a établi perfonne pour faire la _diftribution du blé, de l’or & des perles à qui en voudroirc recevoir. Le travail les peur obtenir : fouvent la cupidicé les en- DMCUA NATURE. , 991 léve. Dieu nous dérourne d’y attacher notre cœur , parce que ces biens font paffagers : & il nous avertit qu'il nous ‘en réferve de plus parfaits. C’ett de ces biens durables qu'il a éta- bli l’annonce la plus publique, & l’ac- quifition la plus fûre. Ces biens font offerts à tous par une Ambaffade répan- due d’un bout de la terre à l’autre , & reconnoiffables aux Petits comme aux Grands. Mais peut-être les marques de cette commiffion font-elles trop fpiri- tuelles : elles font au contraire parfaite- ment fenfibles : elles vous font auffi fa- milières que les liaifons les plus ordi- naires de votre vie. = Je fuppofe qu’un Prince Etranger, par exemple, un Electeur d'Allemagne ; ou fi vous voulez un riche Marchand de Londres , fafle une eftime particulière du vin qu'on recueille fur vos côteaux; ou du fafran que vos plaines produifent ; où de la liqueur qu’on tire de vos oliviers. Vous apprenez que cet homme puiffant veut vous engager par un commifion- naire à Jui réferver trous les ans ce que vous avez de meilleur. Ce commiflion- naire arrive & vous promèt un prix toù- jours fupérieur à celui qui vous fera of- fert par d’autres. La De- MONSTR. EVANGELe La De- MONSTR. EVANGEL. 33 Le SPECTACLE. Si fon payement n’eft point prêt, vous demanderez des répondans ; & lorfque vous ferez convaincus de l’arrangement qui régne dans les affaires de l'Etranger , comme de la réalité de la commifffon & des garans ; vous vous porterez avec plaifir à faire fa provifion par préférence. Vous ferez flattés d’un dépic sûr & du- rable. Mais s’il n’y avoit point de témoigna- gesrendus à l'envoi du commiflionnaire ; fi au lieu d’un, il s’en préfentoir deux ou trois , qui en s’attribuant également ia commiflion , vouluflent étre livrés fans argent & fans répondans ; vous ne feriez pas difpofés à écouter derels avanturiers, moins encore à leur avancer vos mar- chandifes à crédit. Vous commencez à voir comment, vous favezraifonner très-jufte, & vouspré- cautionner à l’égard des abfens qui veu- lent être en correfpondance avec vous. Choififlons des liens qui vous foient plus chers. Vous n’avez probablement jamais vü le Roi. Plufeurs de vos dé- marches ont cependant rapport à lui. Vous vous réjouiffez de fes profpérités que vous regardez comme les vôtres. Vous priez pour lui : vous êtes fidéles à acquitter les impôts, à obéir à fes ordon- DE LA NATURE. 93 nances. Vous refpectez tout ce qui porte les marques de fon pouvoir , l’Elu, le Bailli, l’Incendanc, le premier Préfidenr. Vous favez que c’eft le nom du Roi qui rend leurs commiflions ou leurs jugemens valides. Pourquoi , je vous prie, les habitans de Normandie dans leurs procès appellent- ils à Rouen, non à Paris? Et pourquoi ceux du Forès ou du Berry portent-ils leurs caufes à Paris, non à Grenoble? Ils n’ont point vü les lettres patentes qui éta- bliflentles Tribunaux de Rouen, de Gre- noble, & de Paris : cependant ils en dif- tinguent les déparcemens fans méprife, & n’en ont jamais regardé les pouvoirs comme douteux. Ces pouvoirs ne fe voient point. La volonté de nos Rois qui ont établi & maintenu ces Compa- gnies ne fe voit poinc : mais leurs lettres d’établiflementontété vûües, & enfuireau lieu de ces lettres, leur fucceffion , leurs bâtimens , leurs actes & les atteftations de la Province : voilà des chofes qui fe voient : celles qui fe voient tiennent pour vous la place de celles qui ne fe peuvent voir : & comme ôn ne peut s’y mépren- dre, elles font votre füreté. Allons plus loin. Tous les jours on voit vos attentions & vos liaifons s’éten- La DE- MONSTR, EVANGELe 204. (LE MABEC TAC LE La DE- dre à des évènemens crès-éloignés de MONSTR. EVANGEL, vous , à des hommes morts il y a plu- fieurs années, peut-être plufeurs fiécles, Leurs noms vous font connus: vous exé- cutez avec connoiflance leurs volontés : & vous intenteriez procès à qui ne les exécuteroit pas. Si quelqu'un vous contefte un bien de famille , ou un droit de pâcage, ou vos ufages dans la forêt, n'avez-vous pas foin de rappeller aufli-tôt les noms des au- teurs & des confervateurs de vos titres? Vous connoiflez le Notaire qui en garde la minute : les armes du Roi qui font fur fa porte vous font affez entendre qu’on peut lui confier route forte d'actes. Vous avez recours dans le befoin au Greffe où eft la copie de la tranfaétion paflée entre vos anciens Seigneurs & les habitans du lieu. Vous n'ignorez point que c’eft Charles le Sage, ou faint Louis, qui en affurant à vos Seigneurs leur jufte poffef- fion , y a mis une réferve en faveur de votre communauté. Vous tenez donc par des liens très- réels à des hommes que vous voyez ra- rement : VOUS tenez à d’autres que vous ne verrez jamais; & favez.ce qui vous attache à des bienfaiteurs morts il y a plufieurs centaines d'années. DE LA NATURE 935 Vous ne vous plaignez pas de ces moyens d’arranger vos affaires. Ils vous fonc connus : ils font très-commodes & très-capables de vous tranquilifer. Or ces moyens fi fimples font ceux dont Dieu à fait choix pour vous inftruire de votre falut, & pour vous en faciliter l’ac- quifition. Ils font de la même notoriété. Il font encore plus à votre portée : ils font plus nombreux & plus vivans, plus touchans, plus immanquabies. Les actes qu’on mèt dans le Greffe d’une Juftice, & les piéces qui compo- fent le Sécrétariar d’une Ambaflade, cou- rent bien des rifques. L’eau, le feu, les voleurs, les vers, & la pouflière y peu- vent caufer bien du dégât. Si les papiers de l’ambaffade de Hollande viennent à périr , l’Ambafladeur de Suéde ne les remplacera pas. Si les Chartriers de Flan- dres avoient été pillés ou brûlés, la Pro- vence & le Languedoc ne les rétabli- _roient pas en y envoyant des copies de leurs propres Chartriers. D'ailleurs ceux qui font chargés de la garde de ces actes exercent un miniftère peu animé. Ils fe contentent d'en mettre le recueil en ordre & hors d’infujte, puis de les montrer quand ils en fonc requis : mais ils n’avertiflenc perfonne de LA DE- MONSTR, EVANGEL, Inconvé- niens des actes qui fontle fon- dement de nos affai- res. La De- MONSTR. EYANGEL,. Nuls in- convé- niens dans lesmovens du falut. Les actes de l’allian- ce font par-tout, 6 Mr "SPECTACLE ce qu'ils contiennent , ni de l’intéréc qu'on y peut prendre; & quoique ce foic en eux une fage difcrétion de s’en taire, combien fe trouve-t'il de chofes dans ces actes dont on eft fouvent à plaindre de n'avoir pas été inftruits ? Enfin il eft arrivé plus d’une fois que des actes qui paroifloient en bonne for- me , fe foient trouvé faux ou altérés. Voilà les inconvéniens quiaccompagnent nos titres & nos différens moyens de con- fervation. Dans l'affaire de votre falut, ce n’eft pas de même : vous y trouvez tout ce qui fe trouve de commode & de certain dans les précautions que les hommes prennent enfemble. Mais les dangers qu’on peut courir dans les affaires hu- maines , ne fe rencontrent pas dans les moyens préparés pour affurer votre falur. Si vous avez à craindre , c’eft de votre part: vos rifques font dans vos réfiftan- ces & dans votre mauvaife volonté. Les porteurs & les aétes de l'alliance que Dieu a faite avec vous, ne peuvent ni vous manquer , ni vous dire faux. D'abord les aétes de l'héritage qui vous eft réfervé , font difperfés par-tout: ils font fi autentiques & fi mulripliés, qu'ils ne peuvent pas fe perdre ou ee ans DE LA NATURE 9337 datis l'oubli. Vous entendrez par-tout pu- blier le même Evangile. Ce font les mé- mes fimboles, les mêmes prières, les mê- mes facremens , les mêmes fêtes, les mé- mes leçons , les mêmes efpérances. Voilà vos titres , & ils ne peuvent s'égarer: c’eft l'Eglife univerfelle qui en a le dépôt. Ajoûtons que lesarticles de l'alliance, & tous les aétes qui y ont rapport, n’ont pas été confiés à des Gardiens muèts, ou uniquement chargés de la commiffion de les conferver. L'affaire de votte falut a été au contraire recommandée à des Mef- fagers dont le premier devoir eft de vous l’annoncer , & dont les fonctions font perpétuellement cette annonce , quand ils ne parleroïent pas eux-mêmes. Leur miniftère eft coûjours aétif & parlant. Les lieux où ils vous affémblent, la prière commune, & les cérémonies auxquelles is préfident , ne laiffent perfonne dans l'ignorance de la vérité. Les premiers d’entr’eux veillent de plus fur le travail des fubalternes : & ceux-ci, quoique tra- vaillant dans un efpace plus borné, ne laiffent rien échapper à leur activité. Les détails font leur département : ils vont porter la lumière & gagner des cœurs, jufque dans les retraites les plus fau- vages. T om. VIII. Part. II, Y LA De- NMONSTR, EVANGEL» Les Dépo- fitaires des aétes ne peuvent Y toucher, ni les laif- fer igne- rêre La De- MONSTR. EVANGEL, 998 LE SPECTACLE Ils y annoncent l’heureufe nouvelle , & les voies du falut dans l'enfance, dans les principales circonftances de la vie, & dans la maladie. Que deviendroit, fur- tout, la raifon de vos enfans fans les foins du Pafteur ? Elle feroit brute, revêche, intraitable. Seroit-ce une raifon ? Vous trouvez au contraire la docilité, la douceur des fervices , & de nouveaux progrès d'intelligence à mefure que vos famiiles & vos domeftiques apprennent la loi de Dieu, les articles de notre foi, les prières de l’Eglife , le fermon de Jefus- Chrift fur la montagne , fes autres dif- cours , & les plus beaux traits de la con- duite de fes Saints. Quelquefois de jeu- nes enfans deviennent votre lumière. En paroiffant vous réjouir, cantôt par la lec- ture & cantôc par le chant, ils deviennent nos vicaires. Ils vous inftruifent : & ce qu'ils ont appris de leur Pafteur, devient en eux un frein qui régle l'œil, la main, & tous les défirs. C’eft rout enfemble un continuel encouragement à tout bien. Ces fecours ne font point paflagers, & cependant on ne s’y borne pas. Les fêtes du Seigneur que le Miniftère an- nonce , fonc autant d’inftruétions réité- rées d'année en année, & de femaine en femaine , de manière à perfécuter par- | MELL'AT NATURE 140 tout l'oubli & l'indifférence. Chaque fête appelle les pauvres comme les riches. Ceux qui ne jugent pas à propos de s’y rendre , en ont du moins entendu le fignal. Ils en ont déja compris le fens: & fi les cœurs déréglés ont pris nos Af- femblées en haine, c’eft parce qu'ils fa- vent qu'elles font une école de vertu. Mais ce que nous venons de voir, quoiqu’excellent , ne fuflit pas. Les Paf- teurs rendent la Société douce & bien- faifante par la prédicarion des bonnes mœurs, & par tous les motifs de l’efpé- rance Chrétienne. C’eft un grand bien: mais il faut beaucoup plus. Il faut qu'ils foient porteurs d’une Alliance vraiment fainte & divine. Il faut qu’ils foient En- voyés & que vous en puifliez être con- vaincus. Leur annonce eft magnifique: mais. eft-elle certaine dans fon origine, & votre Pafteur propre peut ik montrer qu'il air été chargé par le Corps de l’an- cienne Ambaffade d’une commiffion fpé- ciale qui vous l’adreffe eñ particulier ? De cette forte recevoir votre Pafteur, fera pour vous la même chofe que fi vous receviez les Chefs de l’Ambaffade ; li même chofe que fi vous écoutiez les Apôtres & Jefus-Chrift lui-même. Vous La De- MONSTR. EVANGEL: ne vous offenferez plus alors que les plus Yi 940 LE SPECTACLE La De- éminens en favoir , que ceux qui ont de avances, Peaux talens, & de grandes qualités per- fonnelles , tiennent les premiers rangs dans le corps des Ambaffadeurs, & qu'ils exercent leurs fonctions dans les habita- tions les plus peuplées. La chofe eft dans l’ordre : & fi de ce corpsil a été détaché un Député revêtu de pouvoirs pour ve- nir dans votre folitude vous faire part de l'Alliance Chrétienne , votre condition eft la même que celle des Paroiffes les plus diftinguées, & les plus inftruites. Votre falutr de la forte ne dépend ni des bonnes, ni des mauvaifes qualités du Pafteur , mais de la réalité de fa miflion. Commencez feulement par voir d’où il vient , & de quel Corps il fait partie. Nous verrons enfuite fi ceux qui l’ont détaché d’entr’eux , font eux-mêmes l’Ambaffade unique & falutaire. Lesufases Jufqu'ici, Mes FRERES , je n’ai eu avec de léeie vous d'autres liaifons que celles qui unif- que fonc fent les cœurs Catholiques difperfés dans ren tout l'univers. Mais en ce jour , des hom- perpémuiré mes dont vous refpectez le mérite & le denam rang, Vous ont fait connoître & vous lunaire Ont régulièrement préfenté votre nou- veau Pafteur, pour être mis en poffeflion de cette Eglife. La cérémonie ne tend pas feulement à le faire jouir de ce modique DE LA NATURE. 941 revenu qui doit faire fa fubfiftance. Cette réception eft pour vous-même, Cec acte public, en inftallant le nouvel Envoyé, fait da liaifon de fon œuvre, avec celle defes prédéceffeurs. Elle le conftitue dans l'exercice de la même miffion. J'ai touché fucceflivement les divers inftrumens du Miniftère public. J'ai reconnu les Livres faints, les Prières communes, le Rituel des Sacremens & des Fêtes, les prati- ques & la créance de la Cathédrale de ce diocèfe , les pratiques & la créance de tous les diocèfes Carholiques. Je me fuis engagé en préfentant les marques de mon envoi, à perpétuer le même culte & la même foi dont mon Evéque, fon Ciergé , & fon peuple font avec vous une commune & immortelle profeflion. De votre part, en recevant le nouvel Envoyé, vousrefferrez les liens qui vous atrachent à l’'Evêque de qui vous l'avez reçu. Mais vous ne pouvez être unis à votre Prélat, que par lui vous ne foyez unis à tout le Clergé de France de qui il tient fon Ordination. Par l’Eglife de France dont vous faites partie, vous êtes unis à toutes les Eglifes Catholiques dif- perfées dans tous les continens. Avec tous ces Clergés & ces Eglifes vous êtes unis au premier de tous les Pafteurs, à celui Y ii La Dr- MONSTR: EVANGEL, La DE MONSIR. EVANGEL. 842 Le SPECTACLE qui fait le lien commun des Eglifes , & dont le fiége montre avec la Primauté la fucceflion du Miniftère Apoftolique. Vous êtes dans l’unicé, & vous connoif- {ez crès-bien cette unité. Qu'il fe préfente ici quatre hommes dont chacun fe dife Juge-Commiffaire nommé pour régler avec des Adjoints les débats de votre Communauté, & qui tous les quatre s’entrecondamnent. Vous demanderez à voir leur commiflion : & celui qui produira la fienne fcellée du fceau du Parlement, vous Île recevrez. Les trois autres auront beau dire : 4 #’y a plus de Parlement : c'ef} une Compa- gnie fans régle: c'ef? un bétiment tombé en ruines. Il bit que votre Cominunauié m'autorile, © j'arrangerai vos affaires dans la plus parfaite équité. Ces difcours ne peuvent contenter que des imprudens. Il n’y a de füreté qu’à recevoir celui qui a des pouvoirs régu- liers, & qui eft avoué du Miniftère pu- blic. Il eft le feul des quatre dont les ac- tes fubfifteront , & auront leur effet. Il vous eft facile de faire cout d’un coup le difcernement de rous ceux qui fe font féparés de l’Eglife Catholique, & qui voudroient vous foumettre à un autre Miniftère, foiren fe donnant eux-mêmes DE LA NATURE. 343 leur miflion ; foic en la recevanc de vous. Ils n’ont point de pouvoirs, & vous n’en avez point à leur donner. Vous favez crès-bien que ce n’eft pas à vous à inftituer vos Juges & vos Ma- giftrats. Ce n’eft pas non plus à des par- ticuliers , ce n’eft pas même au Roi de France qu'il appartient de créer des Plé- nipotentiaires qui viennent traiter avec nous de la part de l'Empereur ou du Roï de Pruffe. Que fi ce procédé vous paroît dépourvû de fens dans le réglement des affaires temporelles entre perfonnes ab- fentes; à plus forte raifon ne recevrez- vous la Parole de vie, les Sacremens, l'Alliance Chrétienne, que de ceux qui produifent les marques reconnoiffables d’une feule & même miffion qui vienne de Dieu. Je dis fur-rout d’une feule:car comment foucenir la penfée qu’il puiffe y avoir quatre miflions ou plus, quand il eft certain qu’il ne peut même y en avoir deux ? Vous confeflez de bouche l’unité de ce Miniftère répandu par-rout. Vous la confeffez encore par votre conduite, lorfque dans vos voyages vous évirez d’aflifter aux Affemblées qui rejettent le Miniftère Catholique, & qui fe tiennent féparées. Vous croiriez-vous être féparés Y iii La DE- MONSTR. EVANGEL, 344 LE SPECTACLE La De- vous-même en y prenant féance. Vous MONSTR, EVANGEL, les regardez comme autant de branches détachées de l’arbre, & qui ne partici- pant plus à la féve fe fonc defféchées. Ces Sociétés connoiffent leur fchifme: il les inquiéte. Elles ne parlent d'autre chofe; & croient à force de nous attri- buer divers affoibliffemens , pouvoir fe tranquilifer dans leurs féparations. Pour vous il n’en eft pas de même : vous n’a- vez pas à vous défendre de perfévérer dans l’ancienne unité. Auffi n’arrive-r'il guère dans l’Eglife Catholique d’entre- tenir les Fidéles de la doétrine & de la conduite de ceux qui ont renoncé à l'E glife. C’eft à ceux-ci à favoir pourquoi ils fe font jettés dans des routes fi diffé- rentes. Ceux qui fuivent le chemin qui a toûjours été pratiqué ne font point en peine de juftifier leur choix : & il ne leur faut point d' exhortation pour les engager à y perfévérer. Quel repos pour vous d’être dans la route qui a conduit vos peres au falut, d'être dans la Société uni- verfellement répandue par-tout , & où l’on n’a jamais ceflé de dire : ‘< Je crois # la fainte Eglife univerfelle. Je crois 5 l'Eglife qui eft une, fainte, Cathohs 5 que & Apoftolique. La vraie Eglife & votre Eglife font la DE LA NATURE. 345 même , puifque la vôtre s'étend à tousles lieux, n'ayant par toute terre qu’un mé- me Clergé, un même centre de réunion, un même Chef, lien de tous les divers membres de ce grand Corps, & marque toûjours vifible d’une unité qui n’eft in- terrompue ni par les trajèts de mer, ni par la diverfité des langues, j'ajoûte , ni par la durée des tems. La vraie Eglife & votre Eglife , font encore la même par une durée non in- terrompue, puifque la vôtre, avec tous les avantages précédens, a celui de re- monter jufqu'aux premiers fucceffeurs des Apôtres, jufqu’à Jefus-Chrift , juf- qu’à Dieu lui-hême, auteur de la bonne nouvelle. Tout concourt en effèr à’ vous con- vaincre que les Pafteurs Carholiques qui n'ont jamais ceflé de travailler à l’édifice de votre Eglife, fonc les fucceffeurs des Apôtres, que Jefus-Chrift qui a envoyé les Apôtres eft l'héritier de tout, & que vous êtes appellés à être fes co-héritiers. Ne vous figurez point que je vous in- vice à feuilleter des livres, & à faire des recherches diflciles. Ilne vous fautpoint d’études nidelivres, pour connoitre l’u- nité, ou la correfpondance des Baillages des environs avec le Parlement, ni pour La DE- MONSTR, EVANGEËL: 546 LE SPECTACLE La De- favoir que le Parlement d’avjourd pui, MONSTR. EVANGEL, eit celui qui fiégeoic les années précé- dentes ; celui-là même que nos Rois ont établi. Il ne vous faut ni livres ni efforts, pour difcerner les Jurifdiétions , & les Juges en qui réfident les vrais pouvoirs. Si de faux Juges, de faux Notaires, ont quelquefois trompé le Public , ou les Particuliers, ç’a été en contrefaifanc quelques-unes des formalités d’ufage. Mais ces faux actes, ces entreprifes illé- gitimes , font promptement démenties, parce que ceux qui en fonc les auteurs ne fonc point connus. [ls n’ont pas été reçus dans l’ancien Corps qui a les pou- voirs. Ils n’ont pas l’aveu des autres per- fonnes en charge : ils ne jouiffent pas de lufage desrmêmes lieux, & des mêmes procédés. Tout eft contre eux. N’eft-ce pas pour prévenir l’illufion & les méprifes, que tout cer extérieur a été prefcrit? C’eft donc cet extérieur même qui fait votre füreté. C’eft ainfi que ce qui eft fpirituel, & qui ne fe voit point a été rendu vifible & certain pour vous manifefter les volontés des Rois de la terre , & les volontés de Dieu ; pour vous aflurer, foit les biens de cette vie, foit ceux de l’autre. Vous fentez promptement & nettement DELA NATURE 347 ce qui s'éloigne de cet extérieur connu. Celui qui contreferoit les actes de la Ma- giftrarure , pafleroit aufli-tôt dans votre efprit pour un fauffaire ou pour un fé- duéteur., Celui qui condamneroit la forme de la Juftice , la Magiftrature établie, & l’autorité publique , vous le regarderiez comme un rebelle : parce que s’il ÿ avoit des plaintes à faire contre les Juges, ce n’eft pas à ce Particulier qu'il appartient de les deftituer , ni de fe mettre en leut place. L'application de cette régle eft fa- cile à faire au Miniftère de l’Eglife uni- verfelle. Rien n’y eft livré aux réformes de celui-ci, ou de celui-là : & tout l’exté- rieur de l’'Eglife Carholique doit faire fur vous des impreflions encore plus touchantes ; des impreflions mille fois plus propres que les érabliffemens civils à vous procurer le repos d’une conduite prudente , quoique fans livres & fans fcience. Dites-moi, je vous prie, des Peuples qui n'ont ni la même langue, ni les mê- mes coûtumes, ni le même intérêt , des Peuples qui font diftans les uns des au- tres detrois & quatre çens lieues, de mil- le lieues , de plufeurs milliers de lieues, fe font-ils donné le mot pour avoir la mé- me foi, les mêmes Sacremens , le même La DE- MONSTR, EVANGEL, La DE- MONSTR. EVANGEL. 948 LE SPECTACLE gouvernement ? Il faut donc qu’il fe foit autrefois répandu parmi eux une Coin- pagnie d'hommes qui leur aient porté la même Doctrine, & qui aient amené ces peuples à penfer comme eux. Le Mi- niftère de ces Prédicateurs n’a en effèt cefTé en aucun tems d’être préfenc à la mémoire de routes les Eglifes qu’ils ont réunies. Elles les nomment les Apôtres, ou les Envoyés par excellence. Toutes ont continué à célébrer leurs fêtes & leurs travaux , à rendre témoignage aux écrits qu'elles avoient reçus d’eux, & à les lire de femaine en femaine dans leurs Affem- blées. Avant de vous montrer que ces hom- mes ont été autorifés de Dieu même à faire ces établiffemens qui fe retrouvent par-tout; affurez-vous encore mieux de l'origine commune de toutes vos Eglifes , en vous rappellant non ce que vous avez là, mais ce que vous avez pà voir. Commencez parcomparer cette Eglife Paroifliale avec les Paroifles voifines , & toutes ces Eglifes avec les plus éloignées. Rappellez-vous les objèts les plus com- muns qui fe voient dans les vôtres , & dans toutes celles dont vous avez con- noiflance. Le premier objèt qui fe mon- tre dans les dehors d’une Paroiffe Cacho- DE LA NATURE. g49 lique, c’eft la Tour & la Croix. Cette Croix qui eft élevée au lieu le plus émi- nent eft l’abrégé de votre foi. C’eft la pro- feffion très-publique de n’attendre de fa- lut que par le facrifice de Jefus-Chrift. Le fignal de la prière qui fe fait fré- quemment entendre dans la Tour, eft tout enfemble la convocation de toute la famille pour louer le Pere commun , & la confeflion du befoin continuel où nous fommes tous de la grace du Sauveur. Les annonces & les marques que l’Eglife Cacholique donne de fa foi , font les mêmes dans les dehors de fes bâtimens, par-tout où elle eft en liberté d'exercer fes ufages : même uniformité dans l’inté- rieur. Entrez dans vos Eglifes Paroiffia- les :entrez dans les Abbaïes anciennes, dans la première Eglife du diocèfe, ou dans d’autres Cathédrales : vous y trou- verez les mêmes objèts & les mêmes inf- trumens, ici en petit, ailleurs avec un air d'appareil & de grandeur. Sous les tours & fous les portiques fe voient très-communément d'anciennes fculptures qui repréfentent des Rois, des Seigneurs du lieu , des Princes bienfai- teurs ; d'anciens Evêques reconnoiffables à leur bonnèc & à leur bâton paftoral, marque uniforme de leur autorité & d’un LA DE- MONSTR, EVANGELs 359 Le SrecTaczre La DE- gouvernement toûjours le même pat- MONSTR, EVANGEL. tout. Plufieurs de ces fculptures & de ces tours remontent jufqu'aux premiers fié- cles de notre Monarchie, & font preuve d’onze & de douze cens ans. On y mon- tre les fculptures de nos premiers Rois à côté des tombeaux où repañfoient les Saints du premier âge. Quand ces bâ- timens auroient été relevés , on fait l’an- née de leurs différentes dédicaces : on en célèbre la mémoire , & l’on voit par la reffemblance générale de tous ces bâti- mens qu'ils n’étoient que des imitations des temples précédens qui périfloient de vieilleffe, & qui approchoient des pre- miers fiécles, La même reffemblance & les marques de la même foi fe voient dans toutes les parties qui les compofent. Touce la Re- ligion Carholique fe trouve nettement exprimée dans tous les inftrumens qui fervent aux fonctions du même Miniftère, & à l’adminiftration des mêmes Sacre- mens. Vous en comprenez l'intention, vous en avez été fréquemment inftruits, auffi-bien que des noms des fêtes. Ces inftrumens & ces noms vous rappellent Ja vie de Jefus-Chrift, fes miftères , fa doctrine , fa mort , fa réfurreétion , fa médiation, DE LA NATURE. 451 En fortant des temples, où toute la Religion fe retrace à vos yeux, même fans livres & fans peintures , vous trou- vez une dernière lecon dans le lieu con- facré à la fépulture de vos familles: c’eft le cimetière, c’eft le dortoir: Voilà, di- tes-vous, où nos Peres fe font endormis. Leurs corps font là fans mouvement, mais leurs ames font vivantes : eHes at- tendent en Dieu le grand jour de leur réunion avec un corps glorieux & dé- gagé de fes-foibleffes. C'eft ainfi que tous les ufages de l’E- glife Cacholique fonc pour vous avec les figures peintes un livre toüjours ouvert, & dont le langage eft le même en Por- tugal, en Hongrie, en Allemagne , en Pologne, en Amérique, & par-tout. Même reffemblance des trois Ordres du Minifière, On ne dit point dans les Monarchies Cacholiques : Nous avons befoin de conferver le gouvernement Epifcopal, parce qu’il a plus de vigueur & de dignité. On ne dit point dans les Républiques Catholiques : Supprimons le gouvernement des Evêques, & confer- vons celui des Prêtres, parce que ce der- nier eft plus modefte. On ne délibère point dans l'Eglife Catholique fur l’ar- La De- MONSTR: EVANGEL, rangement de ce qui a été réglé il ya . 52 ee SPECTACLE La De. dix-fept fiécles. La haure eftime qu'on MONSTR. EVANGEL. faifoit dans toutes les Eglifes du Miniftère Evangelique, a par-rout difpofé le peu- ple & les Seigneurs à fixer des aumônes perpétuelles pour l’entretien des mêmes bâtimens & de la même œuvre. Tour fubfifte : tout fe recrouve. Ainfi tout ce que vous voyez dans l'Eglife Catholique vous annonce la même origine, la même foi, & le même efprit. Telle eft la première prédication qui vous a inftruits dès l’enfance. Elle a été entendue par les peres de vos peres & par leurs devanciers. Cette prédication a précédé la mienne, & je ne pourrai vous dire que ce que vous avez déja en- tendu. Vous comprenez à préfent que ce n’eft point fur la parole d’un homme que vous êtes Chrétiens. Cette prédication univer- felle de tout l’extérieur de l’'Eglife, vous inftruic indépendamment de moi, & me fait la loi. Je pourrai par mes difcours, en vous remettant chaque vérité, chaque miftère devant les yeux, animer les bons fentimens & les bonnes mœurs. Mais je ne pourrai ni rien fupprimer , ni rien changer dans ce qui vous a été appris par le fimple extérieur de nos Eglifes. Sij'ofois vous dire que la réfurrection des DE LA NATURE 953 dés morts n’eft ni concevable ni poffible; fi j'ofois ne pas vous annoncer l’affem- blée du faint jour de Pâques ; vous me diriez que je fuis contraire à moi-même, puifque je me fuis engagé envers vous à perpétuer dans cette Paroiffe les ufages de l’Eglife Catholique, & conféquem- ment à y célébrer la première de toutes fes fêtes, la Réfurrection du Sauveur. Si j'ofois dans mes inftructions vous difpenfer de l'obligation d'aimer Dieu, de l’obligation d'employer tout votre être à lui plaire ; je ferois fur le champ ré- futé par le premier des Commandemens que vous avez appris. Je ferois réfuté par la voix du petit Enfant qui vient à la porte de ce chœur publier à haute voix ces paroles : “* Ecoute, Ô mon peuple: »je fuis le Seigneur ton Dieu, qui ra » affranchi de la fervitude. Tu n'auras *,, point d’autre Dieu que moi. Tu aime- ras le Seigneur ton Dieu dé toute ton » ame, de tout ton cœur , & de toutes » tes facultés. Il en fera de même en tout. Je vous inftruirai: mais tout m'inftruit moi-mé- me. Mon langage a été réglé avant que je fufle avec vous, & mes fuccefleurs l’adrefferont à vos petits enfans. Les mêmes vérités que j'ai trouvé ex- Tom. VIIT, Part. IL. Z La DE- MONSTRs EVANGELe La DE- MONSTR. EVANGEL, LE SPECTACLE primées dans le fervice univerfel de l'E- glife , je les ai trouvé peintes ou gravées fur les murailles & fur les inftrumens du fervice. Tout ce que j'ai à vous appren- dre ou à vous remettre devant les yeux, je lai crouvé dans les collectes ou priè- res communes que nous récitons tous les Dimanches avec toutes les Eglifes, & que les faints Conciles nous enjoi- gnent de vous expliquer pour exciter en vous de faintes affetions, & pour laiffer dans votre intelligence des mouifs puif- fans de vous bien conduire. On peur dans les grandes villes enten- dre des difcours plus arrangés : mais on n'y enfeigne rien qui puifle mieux que l'Evangile & l'Office de l’Eglife, donner de la droiture à l’efprit & infpirer l’a- mour du bien. Arrêtons-nous d’une façon plus par- ticulière fur l’annonce de l'Evangile, parce qu'il égale votre condition à celle des Chrétiens les mieux inftruits, & qu'il n’eft publié nulle part dans l’'Eglife Carholique fans porter avec lui la preuve de fa divinité. Après que les Apôtres eurent converti les premiers Fidéles parmi des nations inconnues les unes aux autres, ils laiffè- rent des hommes choifis pour continuer DE LA NATURE. 955 après eux la même prédication. Depuis ce tems elle n’a jamais été interrompue, & la parole de vie qui a d'abord formé lE- glife, continue à la former. Mais quoi- que toute vérité néceflaire fe trouvâc & fe répérât dans cette prédication générale qui annonce le Chriftianifme & qui faic des Chrétiens ; les premiers Fidéles re- cueillirent avec foin tout ce qui avoit été écrit par les Evangéliftes & par les faints Apôtres. Les Egiifes qui avoient recu, & qui montroient ces écrits, fubfiftenc encore la plûüpart. Elles atteftèrent aux autres qu’elles avoient recu telle & telle inftru@tion fur leurs différens befoins. Les Apôtres érancencore en vie, & par- courant les Eglifes qui avoient reçu leurs écrits , elles ne pouvoient s’y mépren- dre. Lire ces Lettres. c'étoitentendre les Apôtres même : aufli toutes les Eglifes furent-elles attentives à recueillir tout ce qui étroit fürement d’eux , & en faifoienc publiquement la lecture. Delà eft venue la coûtrume qui fe retrouve par-tout de lire dans l’affemblée des Fidélesune par- tie des Epîtres & des Evangiles, afin que certe leéture venue des hommes Apofto- liques fervît à jamais non-feulement d’inf- truétion à tous les Fidéles , mais de régle à la prédication des Pafteurs. FE la forte y La De- MONSTR. EVANGEL, 356 Le SrEecTAcLr La De- il ne leur a jamais été permis de s’en MONSTR, EVANGEL, éloigner, ni poffible de le faire impuné- ment. Quand des Doéteurs trop livrés aux vains raifonnemens de l’efprit humain, ofèrent dire que Jefus-Chrift avoit la ref- femblance de Dieu , mais qu’il n’étoit qu’une excellente Créature, routes les Eglifes oppofèrent à ce blafphême leur créance commune. Leurs députés affem- blés par les foins de l'Empereur Conftan- tin, réfutèrenr certe vaine philofophie par deux moyens également fimples & éga- lement fürs. L’un étoit la prédication de leurs Eglifes où Jefus-Chrift éroir appellé Dieu . honoré, adoré & invoqué comme le Pere. L’autre moyen étoit la lumière des Ecritures Apoftoliques qui fe lifoienc par-tour. Ils y trouvèrent que l’Apôtre faint Thomas avoit appellé Jefus-Chrift fon Seigneur & fon Dieu. L'Evangélifte faint Jean leur avoit appris que la Sagef- fe, le Verbe qui s’eft fait Homme, & qui avoit fait le monde, étoit avant toutes les chofes créées; que le Verbe étoiten Dieu, & qu'il étoit Dieu. Ainfi de la parole préchée dans toutes les Eglifes, & de la même parole confervée dans les Ecrits Apoftoliques, fut formé le fimbole que vous récicez tous les Dimanches. DE LA NATURE ‘957 Les Eglifes difperfées ont toûjours eu de la forte une voie infaillible pour con- noître une vérité conteftée : c’étoit de rapprocher ce qui étoit cru & publié à cet égard dans chaque Eglife. Voilà la Tradition Apoftolique, & celle-ci acqué- roit une force invincible en fe trouvant d'accord avec les Ecritures Apoftoliques. Voyez à préfent la fimplicité du moyen qui a été pris pour conferver cette Ecri- ture qui devoit rendre à jamais notre pré- dication régulière & invariable. C’eft pour opérer ce grand bien ; c’eft pour rendre cette divine Ecriture fami- lière aux Pafteurs , que les affemblées chrétiennes ont toüjours commencé & commencent toûjours par en faire enten- dre la lecture. La preuve s’en trouve dans route l'étendue de la Société Catholique. Elle ne vous ouvrira aucune Eglife diftin- guée où vous ne trouviez une ou plufieurs tribunes élevées pour y faire à haute voix, vers le public, la publication des Epîtres Apoftoliques, & d’une partie de l’'Evan- gile. Ce font fur-tout les Eglifes les plus anciennes où l’on a été le plus fidéle à conferver la tribune d’où fe doit faire au peuple l’annonce qui éroit inféparable des affemblées des premiers fiécles. Cette partie des Fêtes Chrétiennes pa- Z ii La DE- MONSTRe EVANGELe 358 LE SPECTACLE La De- roifloit auffi néceffaire que la réception sance, Même des Sacremens de l’Eglife, parce que c’eft dans l’annonce de la parole qu'eft le germe & l’accroifflement de la foi. Delà eft provenue par-tout la folem- nité de cette annonce. Ceux d’entre vous qui voyagent l'ont quelquefois vû faire dans la première Eglife de la ville Epifcopale ou ailleurs. Je la retracerai aux autres qui ne l’ont point vûe ; & par une feule cérémonie, vous jugerez de l'utilité de toutes les autres. Dirnié& Le Diacre fe détache du Clergé qui nos cere. environne l’Autel ; & ayant prisun livre, monies. diftingué parmi ceux qui font de fervice, il demande au Préfident de l’affemblée fa miffion ou l’ordre d'annoncer au Peu- pie la parole de vie. Demande vraiment inftruétive pour vous ! Cérémonie auguf- te, qui vous caraétérife en petit la vigi- lance des Pafteurs fur le dépôt de la foi ! En permettant au Diacre de faire la pu- blication de la parole Evangelique ; le Pafteur ou l’Officiant lui rappelle l’inten- tion de l’Egiife & du Corps des Pafteurs dont il devient le député. L’Officiant fait la même chofe que s’il lui difoit de leur part : L'Eglife ne confe fa prédication qu'à un homme für & choifi. Servez-la DE LA NATURE. 559 dignement & fidélement. Parcez : & en ouvrant la bouche pour porter aux fidé- les & aux infidéles les paroles de l’AI- liance , puifle votre cœur être plein de l’efprit de Dieu : Puifle votre annonce répandre la joie & animer le goùc de la vertu dans tous vos Auditeurs. Le Diacre fe mèt en marche vers la tribune, précédé d’un nombreux corté- ge. Il porte le livre élevé, & tous les Affiftans s’inclinent profondément fur fon paflige. Ce livre ne recoit pas les feuls témoi- gnages du refpeét des vivans : il eft cout couvert des préfens de ceux qui nous ont devancés. De riches bienfaireurs l’onc orné de lames d’or. Des Reïines ont dé- caché de leur tête les rubis & les diamans dont nous les voyons briller, Cette mar- che eft annoncée en dehors par la mufi- que de la tour. La mufique guerrière s’y joint dans les grandes cérémonies. C'efE ainfi qu’on annonce les Traités de paix : & le peuple Fidéle fait que ce qu’on lui apporte eft l’heureufe nouvelle. Au moment où le Diacre fait l’ouver- ture du livre , toute l’Affemblée fe tient debout, & lui prête un religieux filence, Quand la publication eft faite , foit que le Diacre doive expliquer l'Evangile, Z ï La DE- MONSTR. EVANGEL, 260 LE SPECTACLE La De- foit qu’il le laiffe expliquer à un autre, MONSTR, EVANGEL. Intention de nos cé- rémonies. alors le Préfident de l’Affemblée, rout le Clergé, & quelques Laïcs repréfen- tant le corps du peuple, baifent le livre tour-à-tour. [ls applaudiffent à ce qui vient d’être là, en difanc : “ J’y crois de » cœur , & je le confeffe de bouche. A quoi ce cérémonial & ces refpeéts fe rapportent-ils? S'il éroit accordé à cha- que Fidéle d'exprimer dans Ja prière pu- blique les divers mouvemens de fon cœur , & de faire entendre fes penfées par autant de paroles , nos Affemblées dégénéreroient en une horrible coniu- fion. L'’Eglife s’y prend avec plus de prudence. Loin d'étouffer les fentimens de la piété, elle les excite tant qu’elle peut. Elle fouhaite même qu'ils fe pro- duifent au-dehors. [Mais elle le fair avec ordre & avec dignité. Elle parle peu elle-même , & nous fait entendre beaucoup plus de chofes qu’elle n’en dit chaque jour. Elle nous fait con- cevoir & méditer un grand nombre de vérités par les différentes parties de fon extérieur , où tout a un fens clair, &un rapport nèt à fa foi. De même elle fe contente de la part des Fidéles d’un fimple figne de leur con- {elfion , & d’un gefte expreflif. Qui eft-ce DE LA NATURE. 961 qui n'entend pas ce que les Fidéles dé- clarent par le baifer de Paix qui précéde la Communion ? Qui eft-ce qui n’entend pas l’aveu de leur confiance au facrifice unique du Sauveur, quand ils s’abaiffent devant une Croix? Ont-ils une autre in- tention quand ils expriment la penfée de la Croix, par le mouvement de la main qui la figure? On parle à tout propos, même en fe taifant: & comme on falue de la bouche , on falue du chapeau : on falue de la main. On ne blâma jamais les Hébreux d’a- voir orné de lames d’or l’Arche d’allian- ce. Les accufa-t’on jamais de fuperftition pour avoir été dans l’ufage, en quelque pays qu'ils fuffent , de fe tourner en priant vers le lieu où étoit l'Arche? Ce gefte les rappelloit à leurs obligations , en lesoc- cupant de l’Arche & du Livre de la loi qu’elle contenoit. Nos cérémonies de même ne donnent pas la fainreté : mais elles font tour-à-tour l’avis & l’expreflion des fentimens quinous fanctifient. La vé- nération des Cacholiques ne va ni à l'or, ni aux pierreries qui couvrent la Croix ou le livre des Evangiles. Ils favent très- bien que ce qui eft contenu dans celivre eft plus précieux que toutes les richeffes de la terre. La DE- MONSTR, EVANGEL, LA DE.- MONSTR. EVANGEL. 362 ‘LE SPECTACLE Ainfi dès avant que vos Pafteurs vous aient fait aucune inftruétion , l'extérieur de l'Eglife Cacholique vous a déja ap- pris très-uniformément les principales vé- rités. Ce que les livres difent, le céré- monial le redit en cent façons, & plus le tout fe répéte, plus le fens en eft arrêté. Il n’y peut étre couché par qui que ce foit, qu’on n’entende le cri de la foi qui oppofe l’ancienne prédication à la nou- veauté. Mais ce cérémonial fi bien entendu, ne vous donne pas feulement d’utiles le- çons : il vous offre par-tout preuve {ur preuve de la vérité de votre créance. Ces livres des Epiîtres, des Aétes des Apôtres, & des Evangiles, ont été en tout tems très-proprement écrits, & con- fervés avec foin dans les anciennes biblio- théques, ou dans le tréfor des grandes Eglifes. L’Ecriture s’en trouve fouvent d’un caractère plus ancien que l’Eglife même où on les mèt en œuvre. Cepen- dant en quelque pays qu’on trouve certe Ecriture, en quelque langue qu’elle ait été mife , c’eft toüjours exactement le même livre. Il fe retrouve jufques dans ces Sociétés qui fe font très-anciennement détachées de l’Eglife univerfelle pour fe gouverner à leur mode, & qui ont ofé DE LA NATURE 263 renoncer à la forme d'union dont leurs Peres confeffoient la néceflité , à cette union par laquelle les difciples de Jefus- Chrift avoient fait de tous les Pafteurs un feul corps de Pafteurs, & de tous les troupeaux un feul & même troupeau. Ce troupeau avec fes Pafteurs fe per- pétue jufqu’à la confommation des fié- cles. Vous êtes fürs d'être de cet ancien troupeau. Vous en avez la preuve dans la fucceflion & dans l’unité de vos Paf- teurs qui n'ont ceflé de venir à vous avec la même Ecriture, avec les mêmes Sacremens , les mêmes inftrumens , les mêmes fimboles, & les mêmes prati- ques. Votre Pafteur vous prête fon Mi- niftère; & ce font réellement les Apô- tres dont vous entendez la prédication. Mais leur parole eft-elle la parole de Jefus-Chrift & de Dieu même ? Il me refte donc à vous montrer que qui écoute les Apôtres & Jefus-Chrift écoute le Pere qui a envoyé Jefus-Chrift & les Apô- tres. La preuve en eft devant vous. Trois fiécles de perfécution fervirent à rendre le témoignage le plus unanime & le plus extraordinaire aux merveilles de Jefus-Chrift , & aux œuvres de fes Apôtres, puis de leurs fucceffeurs. Dieu rendoit témoignage à fon Fils par des La D E- MONSTR, EVANGEL, La mifion de Jefus- Chrift eft divine, & la preuve en eft fen- fible dans. l'Eglife Catholi- que, La DE- MONSTR. EVANGEL,. 364 LE SPECTACLE miracles que toute la terre a vûs , & par des évènements auffi notoirement prédits que fidélement exécutés. Les hommes ont enfuite attefté le tout, jufqu’à la perte de leur liberté , de leur patrie, & de leur vie. Mais le tems a-t’il rendu pour vous ce témoignage incertain ? & votre reli- gion qui eft fondée fur ce témoignage de Dieu feroit-elle devenu incertaine ? Non , affurément , ni le témoignage que Dieu a rendu à fes Envoyés, ni les témoignages que les premiers fiécles ont rendus à l'Evangile , ne font perdus pour vous: ces témoignages fubfiftent:ils font fous vos yeux , & l’Eglife Catholique vous les conferve. Si vous aviez vêcu dans les premiers tems du Chriftianifme, vous auriez pù fans doute être témoins par vous-même, ou inftruits par le rapport des autres, de plufieurs faits capables de vous conver- tir, ou de vous affermir. Mais la con- trainte des tems , & la vie cachée des Chrétiens, auroit dérobé la plüpart des évènemens à votre connoiffance. Vous auriez peut-être évité d’en être inftruits, pour ne pas courir le rifque de devenir Chrétiens. Au lieu qu'aujourd'hui la con- feffion , & la mort courageufe de tous ces témoins fe trouvent expofés fous les DE LA NATURE 365 yeux du genre humain. C’eft un corps de témoignages qui fe trouvent par-tout, & qui ne peuvent ni fe détruire, ni s’obfcurcir. On fit alors pour vous con- ferver l'Evangile & fes preuves, ce qui n’a été fait pour conferver aucune hif- toire ,; ni pour faire durer le fouvenir d'aucun homme quelque célèbre qu'il füt. Les Fidéles qui virent mourir fous le glaive les faints Apôtres, puis leurs Dif- ciples, & des Martirs de toute condi- tion, de tout âge , & de tout pays ; re- cueillirent avec refpe&t leur fang, & les débris de leur corps : puis fur le lieu même où ils les avoient enterrés, ils po- foient la table du Seigneur. Ils y célé- broient au moins une fois dans l’année les faints miftères ; & s’y affembloienc quelquefois dans le filence de la nuit pour annoncer la mort du Seigneur, & celle des témoins de la vérité. Ils glo- rifioient Dieu de la force qu’il donnoit à la parole de l'Evangile, &ils atteftoient par certe folemniré à cout l'avenir la conf- tance & la conviction des Témoins. Les Fidéles n’érigeoient point d’autels aux Martirs. Vous le favez très-bien. Mais le tombeau d’un Confefleur du Chrift leur paroifloit l’autel qui lui dûc La De- MONSTR. EVANGE Le Les Mé- moires des Martirs font la preuve fubfftante de la divi- nité de la religion. La DeE- MONSTR. EVANGEL, 366 LE SPECTACLE être le plus agréable, comme il étoit auffi le plus propre àanimer leur foi. [lsconti- nuèrent à s’y affembler d'année en année au jour de leur féparation. Quand ils en avoient la liberté ils bâtifloient à cette intention une Chapelle ou une falle d’af- femblée, fur le combeau même, ou ail- leurs s'ils ne pouvoient faire autrement. Un mouchoir teint du fang des Martirs, un os furtivement fouftrait à la vigilance des perfécureurs , devenoit un mémorial confolant pour les Fidéles. Quelquefois dans les rues fouterraines oùilsavoient, comme le petit peuple, la liberté d’en- terrer leurs morts, ils élargifloient en manière de falle les caveaux de leurs Martirs. Tous ces lieux & les fêres qu’on y célébroit, prirent par-rour le nom célè- bre de Mémoire des Mariirs. L’Evêque indiquoit chaque fête du Sau- veur au tombeau d’un tel, ou d’unetelle Martire. Les Fidéles y pafloient une par- tie de la nuicenprières, pour s'entr'édi- fier par de grands exemples, ou s’y ca- choient pour fe dérober à la perfécution. Ces Mémoires & ces Veilles fe muiripliè- rent comme les violences des perfécu- teurs : elles fervirent à faire connoître la vérité en tous lieux , & dans tous les fiécles. DE LA NATURE. 367 Nous ne connoifflons pas à beaucoup La Dr- près rous les noms de ces illuftres Con- FONTE* fefleurs, parce que les perfécuteurs pre- ” noient quelquefois la précaution de fup- primer les Aétes juridiques de leur mort, & empêchoient qu’on ne les communi- quâr aux Chrétiens qui les lifoient dans leurs Affemblées. Mais comme le fang des Martirs a coulé par-tour, il eft de- venu par-tout une femence de nouveaux Chrétiens. Le Chriftianifme s’eft ainfi étendu & perpétué par-tout avec fes preuves. Les Fidéles de la grande ville d’An- tioche s’affembloient au rombeau de leur Pafteur Ignace; ceux de Smyrne fur les cendres du vénérable Polycarpe qui avoit fouvententendu raconter les œuvres du Seigneur de la bouche de S. Jean & des autres Difciples. On s’affembloit dans les dehors de Rome fur les tombeaux de Pierre & Paul, de Clément , de Sixte, de Laurent, & d’une infinité d’autres de rout âge & de tour état. La ville la plus illuftre a eû les témoignages les plus nombreux. Rien de fi célèbre que les mémoires de Cyprien à Carthage, de Gervais & de Protais à Milan , de Potin, de Blandine, d’Irenée, & de tant d’autres à Vienne & 268 Le, SpemTacre La De- à Lyon:par-tout nous continuons à nous EU affembler auprès des fondateurs de nos Eglifes. I n’y a rien fur la terre ni de fi univerfel que ces Mémoires , ni de fi fin- gulièrementilluftré que ce Témoignage : & tour ce qui fe fait dans l’Eglife Cacho- lique en eft la fuite : c'en eft la parfaite perpétuité. Tout l'ex- L’autel en bien des lieux a la forme trieut d’un tombeau. Par-tout où l’on copie fait preu- - ve du Mar. fidélement la fimple antiquité, le corps de. de cet autel cft couvert d’un rideau par tire fait devant , ou d’un orñement auquel on pruvedts conferve coûjours la forme d’un rideau. lEfprit On l’ouvroit au jour de la fête pour met- int tre à découvert l’urne du faint Martir qui étoit placée fous l’autel, & qu’on y retrouve encore. Cette coûtumefi propre à encourager les Fidéles à la conftance dans les appro- ches de la perfécurtion, & à foutenir la piété dans tous les fiécles , a introduit une autre pratique; favoir, de ne plus ériger d’autels fans y placer lesreftes d’un L faint Martir, ou de quelque perfonnage diftingué par une éminente vertu. Lorf- que l’autel étoic pofé & fervoit aux affem- blées du peuple fidéle, les corps de ceux qu'on honoroïit comme les vafes de l'Ef- prit fainc, n'étoient plus rangés fous l'autel, DE LA NATURE 369 l'autel, parce qu’il éroit occupé. On les plaçoit dans les environs & à côté , ou dans le fond de l’abfide qui terminoit le bâtiment. Ils venoient , quoique morts, publier leur confiance en celui qui les reffufcitera. C’eft ainfi que l’humble Ge- neviéve eft placée derrière l’autel. C’eft la fituation du Prélat qui a baptifé Clo- vis & les François. La plüpart des Fon- dateurs de toutes les Eglifes fe retrou- vent de même auprès de la table où ils ont rompu le pain de vie. La plûüpart des noms diftingués dans chaque diocèfe couronnent l'autel, & attirent tous les yeux dans le fond des anciennes Cathé- drales. Autour de ces autels & de ces tom- beaux fe voient encore les lampes & les cierges qui éclairoient les veilles des pre- miers Chrétiens. Quand vous entrez dans nos Cours de Juftice, vous trouvez des habits, des procédés, des manières de faluer , des tours de langage qui vous rappellent aux tems éloignés où ces éta- bliflemens ont été faits. De même quand nous entrons dans les Eglifes Cachédrales de Paris, de Lyon, de Milan, de Rome, & généralement dans nos Eglifes, il fem- ble, eu égard à nos mœurs , que nous paflions dans un nouveau monde. Nous Tow. VIII, Part. IT. Aa La De- MONSTR, EVANGELe Origine des lam- pes & des cierges dans les Eglifes Catholi- ques. La DE- MONSTR. EVANGEL. 070 LL E MPEG ITA CCE voyons en effèt les habits, & nous en- tendons le langage de ceux dont les cen- dres repofent fous l'autel. Les formules de leurs prières, les inftrumens de leur liturgie, les reftes & les marques de leur fupplice , conjointement avec l’œuvre publique où ils furent d’abord montrés aux fidéles, & placés à demeure pour les édifier à jamais , tout eft venu jufqu’à nous de compagnie. Rien n’a été defu- ni: & la vérité qu'ils atteftoient fi haute- ment, vous fentez qu'ils l’atteftent dans les derniers jours comme dans les pre- miers tems. Continuez à fuivre avec une légère attention le caraétère de la plüpart de vos cérémonies : vous continuerez à y appercevoir que l’Eglife eft née en quel- que forte, ou a pris fes premiers accroif- femens dans les cimetières des Martirs, & que tout ce qui frappe vos fens eft un monument de la vérité. C’eft en fréquentant les Mémoires des Témoins que l'extérieur de l’Eglife s’eft arrangé. C’eft là qu’elle trouvoit fes ri- cheffes en s’y uniffant au Chef des fidé- les morts, & des fidéles vivans. Elle y fortifioit la foi de fes enfans par de grands modéles pour les rendre invincibles. Elle leur offroit les marques de leur confef- DE LA NATURE. ,371 fion , & le puiflant fecours de la com- munion des Saints dont la mort n’a pû éteindre la charité , ni difcontinuer les prières. L’Eglife a tranfmis à la poftérité avec leurs cendres & avec leurs fêtes , le té- moignage qu’ils ont rendu par l’effufion de leur fang , Aux évènemens qu'ils avoient vûs. Le témoignage que l’Efprit faint a rendu à Jefus-Chrift, a donc été perpétué à jamais par le témoignage des hommes, & ce témoignage fi courageux & fi univerfel a été confervé par tout l'extérieur de l’'Eglife. Leshommesles plus fameux dans l’hif- toire & dans la conduite des affaires rem- porelles, font pour vous comme s’ils n’a- voient jamais été. Que je vous parle des penfées de Platon & de Confutius, ou des viétoires d’Annibal & de Tamerlan, vous ne connoiffez point ces gens-là, & c’eft pour vous une très- petite perte. Mais vous vous réjouiffez à la naïffance du faint Précurfeur : vous quittez votre travail pour venir chanter les viétoires du Diacre Eftienne, des faints Apôtres, & de ceux qui ont confeffé dans les tour- mens les merveilles de la Prédication Apoftolique. C’eft à quoi fe réduit le fa- voir des Campagnes, & c'eft dans la vé- Aa ji La DE- MONSTR. EVANGELe 3 La DE- MONSTR, EVANGEL, Les Pro- ceflions. Les Eten- darts. Les Ky- rielles. 7e. Le, SPECTACLE ricé le feul qui vous foic néceffaire, puif- qu'il fait la füreté de votre état. Plus vous étendez vos voyages dans les pays Catholiques, plus vous trouvez de -monumens de la première Prédication, & de la conftance des Témoins. Ceux qui ne voyagenc pas les retrouvent fufi- famment dans les cérémonies de l’Egli- fe, qui font les mêmes à la campagne que dans les villes. Comme l’Eglife ancienne célébroit la plüpart de fes fêtes au tombeau de quel- que Martir, les Paroifles s’y tranfpor- toient proceflionnellement fur l’indica- tion que l’Evêque leur en avoit donnée. Cette inclination de l’Affemblée à telle, _ou à telle Mémoire, a fixé les noms des _bâtimens, qui portèrentainfi le nomd’un Saint, quoiqu'on n’y adore que Dieu, & cette marche des Paroifles convoquées fe retrouve dans la Proceffion qui précéde encore la célébration de l’Euchariftie. Le befoin de diftinguer les troupeaux dans ces lieux qui avec le rems devinrent d’un grand abord , introduifit les éten- darts qui marchent encore à votre cête. Le récit & le chant des Kyrielles étoic un exercice aifé dans la longueur de la route, vers des cimetières, toüjours pla- cés hors des villes. L’ufage qui.en ef DEULA NATURE . 373 venu d'Orient a retenu parmi nous les premiers mots de la formule Gréque, qui eft, vous le favez, l'invocation réi- térée du fecours Divin & la demande des prières des hommes de Dieu. L’Eglife n’ignore pas l'avantage que les Fidéles tirent de l'intelligence de fes prières. Elle vous les fait entendre com- me l'Evangile, en vous les expliquant par des traductions imprimées & par la bou- che de fes Pafteurs, à qui elle recom- mande cet important devoir dans fes Conciles. Elle vous exhorte à croître tous en fcience, & elle vous y aide : mais elle ne fe détermine pas à changer fon lan- gage, ni fes coûtumes à la première cla- meur de quelque critique, non pas mé- me à la première apparence d’un bien qui pourroit réfulrer de fon changement. Ce bien feroit d'éclairer plus aifément les Fi- déles : mais elle y fupplée. C’eft la fonc- tion perpétuelle de fes Pafteurs ; & l’a- vantage de parler le langage vulgaire, feroit comber un autre bien dont elle ne veut pas vous priver. Votre très-grand bien eft que vous foyez fürs de la fainteré & de l’Apofto- licité de votre Eglife. Le très-grand bien que l’Eglife fe propofe , eft de vous con- vaincre que votre foi n’eft point fortie Aa ii La D Ee MONSTR., EVANCE Le La De- MONSTR. EVANGEL. Le SPECcTACL= de la tête de quelque nouveau venu, mais que vous avez part à l’Alliance promife & apportée fur la terre. Orc’eftle bien, c’eft l’affüurance que l'Eglife Catholique vous procure par la ftabilité & par l’uni- formité de fes ufages. En vous tranfmetrant de cette forte le langage des premiers Chrétiens, leurs habits, leurs monumens , leurs fêtes, leurs prières , & leurs pratiques , elle vous a confervé toute l'antiquité, tout le dépôt, la créance & les témoignages. Ce n’étoit pas aflez que les preuves de la foi Cacholique fuflenc dans des li- vres où les favans les peuvent trouver. Il falloit des preuves populaires. Vous venez de les voir. L'Eglife vous les a con- fervées dans tout fon extérieur : & elles ne convainquent pas feulement les pe- tits ; elles éclairent les favans même. Tel ef le fruit ineftimable de la perfévérance de l’Eglife Catholique dans tous fes ufa- ges. Ses pratiques font roûjours les mé- mes. Quand elle s’eft relachée de la ri- gueur ou de l’uniformité de certains ré- glemens, ç’a été pour un befoin pref- fant : Ç’a été par une indulgence pru- dente. Mais fes dogmes, fesinftruétions, fon efpric font invariables. Si l'extérieur de l'Eglife Catholique ne change pas, DELLA NATURE, 975 vous comprenez que la foi qui eft expri- mée par tout cet extérieur , & qui eft pu- bliquement profeflée chez tant de peu- ples , change encore moins. Vous avez donc le bonheur d’être dans l’unité des Eglifes , d’avoir la fuccefion des Paf- teurs Apoftoliques , & par eux de tenir à Dieu qui les a chargés de fon Alliance avec les hommes. Ces avantages reconnoïffables dans toute l'Eglife Catholique, & dans cette petite Paroifle comme dans les plus gran- des, font pour vous le plus précieux de tous les biens, & le plus grand fujèt d’une vive reconnoiffance. Ce n'eft pas, il eft vrai, cet extérieur qui vous fau- ve : mais il vous attefte la certitude des moyens de faire votre falut. Le Pafteur qui a été envoyé pour vous fervir à cette fin, ne baptife, ni ne re- mèt les péchés en fon nom. Les Martirs qui repofent fous l’autel , ne font point morts pour vous. Jefus-Chrift feul eft votre Sauveur : & fi vous mourez fans tenir à lui par l’amour , les avantages extérieurs , que vous avez dans l’'Eglife Catholique , feront perdus pour vous. Mais ces liens qui vous uniffent fenfible- ment aux Fidéles de tous les fiécles, font par eux-mêmes d’un grand mérite. Aa iii La De- MONSTR. EVANGEL, 970 HL:E ASPECT ACLE La De: Ils font les marques de la vraie Eglife. MONSTR, EVANGEL, Les autres Sociétés qui ont rompu ces liens, ont perdu le droit de fe faire écou- ter. Il y auroit une extrême imprudence à écouter des Pafteurs qui n’ontrecu pour vous aucune commiflion , & c’eit une conduite pleine de bon fens de recevoir ceux qui viennent à vous avec les preu- ves toûjours fubfftantes d’une miflion qui ne devoit jamais être révoquée. Vous plaindrez-vous à préfent, MES FRERES, d’avoir été délaiffés à l'écart, & de n'avoir ni connoiflance, ni certi- tude de rien. Vous favez vraiment, ou vous pouvez fans eflorts favoir tout le néceffaire, Il s’offre à vous de coute part avant même que j'aie ouvert la bouche pour acquitter mon Miniftère. Avec la vérité vous trouvez la certitude dans tout ce qui vous environne, & cerre certitude y cft plus éclatante que dans les établiffe- mens humains, & dans les alliances cem- porelles. Pour paffer une grande partie de vos jours dans la folitude, vous n’en êtes ni plus méprifables , ni réellement plus mé- prifés. Peu vous importe au refte l’efti- me des hommes. Vous êtes chers à Dieu: que vous faut-il de plus? Vous êtes fürs de n'être ni deftitués du droit de bour- DE LA NATURE 377 geoifie dans la cité célefte, ni étrangers La De- à l'Alliance? Mais vous êtes les conci- MONTR- royens des Saints, & les enfans de la SORT maifon de Dieu. Vous êtes fürs de faire partie de l'édifice bâti, non fur les fon- demens chancellans de l’efprit particu+ lier ; mais fur le fondement des Prophé- tes & des Apôtres, pàrce que vous ne faites qu’un corps avec leurs fuccefleurs. Vous êtes fürs conféquemment d'être ap- puyés fur la maîtrefle pierre de l'angle qui eft Jefus-Chrift. 928. Les SPEQTACLE La DE- LD D D ed TS TS TS D A CS I monsre. RP RE D BP OEDANE EVANGEL, C'OGN;C LE US FON DUT RATE DE L'HOMME. N voit par ce difcours , comme par cout ce qui a précédé , qu’à l’égard | du falut & des moyens d'y parvenir, Dieu n’a rien laiffé à la détermination de l'efpric particulier. Dans cette fociéré qu’il daigne faire avec nous, & dans laquelle tous font invités d’entrer , ila voulu que la certitude du gouvernement , & des biens offerts à la foi , comme la certi- tude de l’ordre établi dans toute autre fociété, füt fondée fur des preuves fen- fibles, fubfiftantes , & proportionnées à la capacité de tous. Il ne s’en eft point remis à la fupériorité du favoir de l’hom- me. Les talens peuvent fervir à l’annonce du falut , & à la propagation de la foi; mais ils n’en feront point l’examen. Soit en matière de fcience, foit en ma- tière de fait, notre favoir n’eft utile que quand ileft en régle, & larégle eftuni- verfellement connue. Vous prenons dans nos r'ai[onnemens ce que Dieu a mis fous le DE LA NATURE. 379 gouvernement de laraifon, € à notre por- tée:mais ce qui dépend de la volonté d'au- trui, ce qui dépend de la volonté des Lé- giflateurs ,& [ur-tout du [upréime Légi[- lateur | nous l'apprendrons par des Té- moins, par des Envoyés, par un Miniftère chargé de nous en infiruire. » Qui des hommes, en effèt, peut fa- »Voir ce qui eft dans l’homme , fi ce »n'eft l’efprit de l’homme qui eft en lui; ou celui à quiil confiera fa penfée? “ Nul ne connoît de même ce qui eft en Dieu, fi ce n’eft l’efprit de Dieu; ,, ou celui à qui Dieu révélera fes intentions. Aucant ce principe eftfimple & confor- me au fens commun , autant l'application en eft fimple & intelligible à cous dans la caufe préfente. Les monumens des diffé- rens préparatifs de l'Evangile couvrent la cerre ; & touce la Société eft régulière- mentinftruite , ou du moinsavertie de la commiflion -du Mliniftère qui nous an- nonce la bonne Nouvelle : nous n’avons plus à délibérer fur le procédé qui nous convient. La part que la raifon humaine peut & doit prendre à l’Alliance qu’on nous apporte eft de voir les preuves écla- tantes qui environnent le Miniftère, & d'entrer dans l’Alliance, non de la fou- mettre à fon jugement. La De- MONSTR. EVANGEL, I. Cor. 2, La DE- MONSTR. EVANGEL. 380 Le ISPECTACLE Ici ce n’eft plus comme en Géométrie, comme dans les Méchaniques , & dans les beaux Arts : il n’eft plus queftion d'examiner , de décider , de réformer : nous n'avons plus de tribunal. Tous tant que nous fommes nous avons éprouvé les ténèbres de notre raifon & les bornes qui lui font prefcrites. C’eft fon bonheur d’avoir un fupplément à fa foibleffe, & de trouver une régle füre pour s'inftruire, fur-tout de ce qui dé- pend , non de fa volonté , mais d’une décifion étrangère. C’eft donc fon très- grand bonheur d’avoir à fuivre la même régle pour apprendre les dogmes révélés ; bien loin d’en vouloir faire le difcerne- ment par elle-même, & de s’en arroger la vérification. L’Apoftolat ne prévient la raifon en lui annonçant tous les jours les intentions de Dieu dans la forme ufuelle de toutes les légiflations , que pour lui épargner des efforts fuperflus , & de nou- veaux égaremens. S'il eft donc forti de la bouche & du cœur de l'homme, des paroles dépour- : vües de fens , ce font celles-ci. (z)‘** Tout » dogme qui n’a pas été homologué , » Pour ainfidire, vérifié & enregiftré au » Parlement fuprême de laraifon & de Ça) Baÿyle ; Coument. Philefoph. pe LA NATURE 381 la lumière naturelle, ne peut qu'être d'une autorité chancellante & fragile comme le verre. Cette maxime eft commune aux Réfor- mateurs &aux Incrédules. Ils fe donnent rous , & leurs difciples comme eux, pour autant de Juges fouverains. Ilsonttousun tribunal {ans appel: tous y montent tour- à-tour pour délibérer en régle, fi, la rai- fon ouïe , ils coléreront ou fupprimeront l'Apoftolat de J.C.; s'ils feront ou ne fe- ront pas l’'homologation de l'Evangile. Quand nous marchons à la lumière des témoignages de la foi, & que nous con- formons nos fentimens àla parole de vie qui nous eft régulièrement annoncée ; nous honorons Dieu par une confiance éclairée : rien de plus fenfé que de nous abandonner à fa conduite & à fon plan, qui eft de nous exercer par la foi, dans latente de la pleine manifeftation. Mais quand on nous voit fortir de notre peti- telle, & procéder à la révifion de la Foi Chrétienne , ou à la fuppreflion du Minif- ère Catholique , nous montrons plus de fufifance & de ridicule que des avortons de Juges qui feroient un code de loix à leur gré, & cafferoient l’ancienne Ma- giftrature. Si nous pouvons nous avilir encore La De- MONSTR: ÉVANGELe LA DE- MONSTR, EVANGEL, 382 LE SPECTACLE plus, c’eft de quitter les lumières des té- moignages qui nous éclairent de route part, pour fuivre les bluertes de Pope, de Bayle, & de Montagne. Ces difficul- tueux difcoureurs avouent qu'ils ne favent eux-mêmes où ils nous mènent : & nous les prenons pour guides. Non , ce ne fonc pas des guides que nous cherchons: nous fuyons la lumière : nous nous plai- fons dans la liberté des voies détournées, & nous nous croyons autorifés en nous rencontrant dans la même route avec des gens d’efprit. Mais que vient faire là leur efprit? il eft hors de fa fphère. Ont-ils droit de parler fur ce qu’ils ne favent pas? L’Incarnation devient-elle impoffible, parce qu'ils n’y peuvent atteindre? Ertle Soleil eft-il éceint,parcequ'ils ne peuvent comprendre ni laftruéture de cetaftre, ni la marche de la lumière? Leurs ténèbres nous rendront -elles clair-voyans ? Et quand nous fommes déconcertés par leurs doutes jufqu’à ne plus favoir où nous en fommes, n’eft-ce pas en nous le comble de l’imprudence de nous laiffer dire:avan- cez hardiment, vous n’avezrienàcraindre. Hors de l’Eglife , & dans l’Eglife mé- me, nous nous appauvriflons à mefure que nous mettons notre confiance dans les penfées d’un belefprit,que nous épou- DE LA NATURE. 983 fons les vûes de l’homme qui en impofe par quelque brillant , ou par des fifté- mes hardis, Nul n’eft eftimable ou digne d’être écouté en fait de traité public & de dogmes révélés , qu'autant qu'il s’abftient de prendre fà lumière en lui-même. Pre- nons-la donc avec lui dans les archives de la foi, dans la prédication des Paf- teurs, & de tout le culte extérieur; pré- dication aufli perfévérante que les chaires Epifcopales ,aufliintelligible que les pra- tiques, & aufli-bien juftifiée que la fuc- ceffion des Miniftres ; prédication auffi unique que ce Corps d'Eglifes qui n’ont ceffé d’être unies pour l'entendre. Jefus-Chrift n’a jamais rien cant incul- qué que le concert de fes difciples , & que la ftabiliré de l'unité. Toutes fes ex- hortations & ous fes établifflemens nous ramènentlà, parce que c’eft dans l’unité qu'il a mis nos fupports & notre füreté. Les faints Apôtres fes confidens & fes interprètes n'ont rien tant condamné que les vües perfonnelles, que les interpré- tations de l’efprit particulier, * Ils ont attaqué & pourfuivi cer efprit comme le principe des erreurs * & des fépara- tions. * Ils l’ont trouvé dangereux dans ceux même qui en recevant & préchant l'Evangile , l’altéroïent par le mélange d’une vaine philofophie. LA DE- MONSTR. EVANGEL. * II. Pes, 1.206. * Coloff. 2.8. * Fud, 19e La DE- MONSTR. EVANGEL. I. Cor.3. I. Cor. 4. 294%! Le. SRELTA,C LE Cet efpric dès le commencement * de l'Eglife introduifoit des partialités parmi les Fidéles , & flattoit quelques Minif- tres de la parole par la fatisfaétion de voir applaudir à leur méthode, & à leurs penfées. $. Paul travailla promptement à étouffer ces premières femences de divi- fion. ** Il y a parmi vous desjaloufies & des » difputes , dit-il aux Fidéles de Corinthe : L'un dic: Je fuis à Paul. L'autre: Je fuis à » Apollo. Mais qui eft Paul pour vousau- torifer à dire, je füuis à lui? QuieftApollo, > pour dire je m’actache à fes fenrimens ? L’Apôtre choific ainfi les noms les plus refpectés dans cette Eglife, pour ne point nommer ceux qui étoient devenu l’objèt d’une affetion peu prudente : par-là il acquiert & adoucit le droit de réprouver toutes ces préventions humaines pour les perfonnes, pour les méthodes , pour les opinions. Nul efprit particulier ne fera le bonheur des Chrétiens. Il n’yaqu'un langage & qu une conduite proficables ; c’eft d’être à celui qui nous a acquis , & de tenir à lui, non par tel ou par cel, mais par la commune prédication du Miniftère qu'il adreffe à tous, qui a tout recu, & qui nous livre tout. Bien loin donc de nous partialifer pour quelque homme que ce foit, nous n'at- tacherons \ DE LA NATURE, 385 tacherons pas notre falut à l’un des moyens choifis de Dieu même, par ex- clufion aux autres. C’eft la totalité de ces moyens qui fait notre tréfor. Ce n'eft point Paul, ni même tous les Ecrivains facrés mis enfemble qui font notre uni- que régle , puifque la prédication du Mi- niftère qui a devancé ces faints Ecrits, n’a pas difcontinué. Ce n’eft point pro- prement la doûtrine d’Apollo, ni la doc- trine des Peres qui nous fuflit. Ce n’eft point Céphas ni fes fucceffeurs qui opè- rent en nous la juftice. Ils font rous, felon les différens dégrés de leurs départemens, les architectes de cet unique édifice que Dieu chérit. Tous leursécrirs, tous leurs travaux, rous leurs miniftères exercés & tranfmis, toutes les graces perfonnelles foncenfemble devenunosbienscommuns. Ce qui affure notre état, c’eft comme dans les Sociétés Civiles, le concours très-public & très-indifloluble de tous ces moyens qui s’entr’aident à jamais, & fe juftifient mutuellement aux yeux de tout l’univers : nous les trouvons tout d'un coup & uniquement dans l’Eglife Carholique , dans la Communion des Saints, dans l’unité. C’eft cette immortelle Communion des Saints rendu fenfible pour nous fixer , Tom. VIII. Part. IT. Bb La DE- MONSTR. EYANGEL. 986 LE SPECTACLE La DE- roûjours vifible par les liens des Eglifes; MONSTR, EVANGEL, & anéantie pour ceux qui les rompent; c’eft certe unité qui embrafle & nous montre tous nos avantages, en nous don- nant en propre la prédication Apoftoli- que qu’elle immortalife par l’Ordination ; les Ecritures qu’elle a garanties depuis le premier fiécle par une publication jour- nalière ; les Témoignages des Eglifes qu’elle conjoint malgré leur difperfion ; la Primauté par laquelle dans toute la du- rée des âges elle montre le corps de l'E- glife & en unit les membres. C’eft en un mot l'unité qui nous mèêt en mains l'Alliance avec les preuves qui la noti- fient & avec tous les profits qui en dé- coulent : il ne s’en perd aucun, parce que l’unité les recueille tous. Les leçons d’Apollo n’ont pas été pour la feule Eglife de Corinthe, ni celles de Cyprien pour la feule Eglife de Carthas ge, ni celles de Boffüèt pour la feule Eglife de Meaux. C’eft'pour l'unité que font les Prédicateurs de Jefus-Chrift & le Chefde la prédication. L'unité a tout dif- cerné, tout acquis, & tout perpétué. C’eft donc par cette unité que tout nous ap- partient en commun : Omiaveltra funt , five Paulus, five Apollo, five Cephas. Hors de cette unité cout nous échappe, TT, \ DE LA NATURE, 487 ou ce qui nous demeure eft fans profit. Hors de la communion des Saitis le Chriftianifme n’eft plus que la religion de celui-ci ou de celui-là. C’eft une ap- parence de fageffe : c’eft une préfomption fans réalité: c’eft l’introduétion d’une voie nouvelle : c’eft la condamnation de celle que Dieu avoit choïifie pour toùjouts. Dans l'unité au contraire nous ne nous attachons avec chaleur à aucun homme, himême à aucune école, parce que nous avons beaucoup mieux. Tout eft à noüs: nous avons l'Eglife entière pour notre école, & pour Maître celui qui a établi limmortelle tranfmiflion de fes volontés une fois notifiées à un collége de Minif- tres. Nul établiffement plus fimple , plus für, & plus humain. Ce collége s’eft ac< cru comme les befoins de l’Eglife : il fub- fifte, & par lui l’Eglife eft toûjours unes Dans cet unique Temple du Seigneur ; avec des imperfections paffagères & pré: dites , fe trouvera à jamais la parole de vie, la fainteté, & l’immobilité égale: ment prédites. s C’eft donc là que la piété fait ün profit 5 durable du monde & de la vie ; des 3, fcandales & des épreuves ; des maladies 35 & de la mort : c’eft là que la piété ap= prend à ufer de ce qui pale, & à s’ap: Bb ïi La De- MONSTR: EVANGEL: I. Cor. ÿ: 12 388 Le SPEecTAcLE, &c. La DE-,, proprier le faluc à venir: Sive mundus, MONSTR, EVANGEL. ® Ibid. five vita, five mors, five prefentia, five futura, omnia vefira funt. Vous tous qui fentez vivement l’extré- me infuflifance des noms les plus célè- bres, vous ne comprenez pas moins la folidité des avantages de l’unité : pauvres par-tout ailleurs, ici vous devenez hé- ritiers de tout. L'unité vous fait part & des lumières précédentes, & des fervi- ces actuels, & des profits de tous lespou- voirs fpirituels. Par votre tendre atta- chement à l’unité du Miniftère & du dé- pôt, vous acquérez tout ce que l’'Eglife pofféde.‘* Vous ne mettez plus votre gloi- , re dans les hommes. *,, Par leursraifon- nemens ils ne font devenus ni les conf- dens du Très-haut, ni les difpenfateurs des vrais biens. Ni eux, ni vous à l’é- gard du falut , vous ne découvrez en vous-même que le befoin d’être aidés: mais dans cette unité, fource de toute vérité & de toute certitude, “ Tout eft |» vraiment à vous, comme Vous y êtes :» vous-même à Jefus-Chrift, & Jefus- » Chrift à Dieu. Omnia enimueftra [unt : vos autem Chrifii, Chriflus autem Der. FIN. : +” 7 7 204-012-0225 02-00: =. 0 + -0. : s se 3 Va SP Se 3e 3 A 7 0 PP A 2 PR PR PS AR 0 AN A FABLE DES MATIÈRES. Sue DE LA DEMONS- TRATION ÉEVANGELIQUE. CHAPITRE I. Examen de lAI- liance Chrétienne par la preuve commune de tous les traités, pag. X CHapr. Il. Les Témoignages ren- dus au Minifière Evasgeliques I ÏI. Le Témoignage de PEfprit, . IL. Le Témoignage du Baptème, 92 III. Le Témoignage du Sang, 106 OBJECTION, 112 Cuap». II. La perpétuité des Té- moicnages rendus a Minifière Evangelique, 118 I. La publicité du Minifière Catholi- que , G° de l'Eglife Catholique; | 123 TABLE DES MATIERES. ÏL L'unité du Minifière Catholique ; @ de l'Eglife Catholique, 238 De la Tolérance Chrétienne, 316 CHaApr. IV. La Démonffration | Evangelique, proportionnée à la | capacité du Penple , 10924 Discours D'un Cun E’ de campagne au jour de fa prifé de pofleffion, 328 Coxciusion pu TRAïTE’ de l'Homme, 378 FIN. petetttetsstttt: APPROBATION. ’Ai Ià par Ordre de Monfeigneur le Jose le huitième Tome du : Spectacle de la Nature, qui traite de l'Homme en fociété avec Dieu. I m'a paru que la le@ture en feroit utile & agréable au Public. A Paris ce 14 Juin. 1749: MILLET. 501910 91 : mébiottet" (ist CSI RC) TD EE Leg n QE MASoms Lino) Ws 8 halte osier m2 sutBolsal 98 RUE 02h LÀ 9idu 4 à TÉNLTM À d'in 1! EE het . x +» = k 2e œ Et | cPluche, Noël Antoine. Le spectacle de la nature BiolMed PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY